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THE UNIVERSITY OF BRITISH COLUMBIA

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LE SPINOZISME

DE

MONTESQUIEU

ÉTUDE CRITIQUE

J'AR

CH. OUDIN

LICENCIE ES LETTRES

ANCIEN ÉLÈVE DE LA FACULTÉ DES LETTRES

DE l'université DE PARIS

PARTS

LIBRAIRIE GÉNÉRALE DE DROIT & DE JURISPRUDENCE

Ancienne Librairie Clievalier-Murescti ff C" et ancienne Librairie F. Pic)ion réunies

F. PIGHON ET DURAND-AUZIAS, admimstratkurs

Librairie du Conseil d'Etat et de la Société de LégislatioD comparée

:20, HUE SOUKKLOT (.')« ARR')

1911

LA MONARCHIE ET LA LIBERTÉ

D'APRÈS MONTESQUIEU

Daus un précédent travail, nous avons essayé de dégager les parties essentielles de ï Esprit des Lois et de montrer leur enchaînement étroit suivant un plan d'ensemble nettement tracé. D'après le « dessein » même de cet ouvrage, il ne semble pas que l'on puisse, sans dommage, en détacher, comme on le fait trop souvent, pour les étudier à part, les considérations politiques qui forment les onze premiers livres. L'objet principal de l Esprit des Lois, en ellét, est moins de donner le modèle du meilleur gouvernement que de fonder une méthode générale capable d'aider à créer et à interpréter le droit en établissant sur des l)as('s certaines la science jui'idi(|ii(' jusqu'alors perdue dans une extrême confusion de principetj, aussi bien dans l'ordre politique que dans l'ordre civil.

La multiplicité des législations en vigueur et leur diversité, ne le cédaient qu'à la variété des principes sur lescpiels elles s'appuyaient. Le droit couluiuiei-, l»> Oudin 1

_ ç)

(h'oil IV'.mI.iI. !•• (Iniit idiii.iiii. !'• droit ciikiii, \r droit issu drs oi'doiiii.iiicrs royalrs iiuii sculciiKMif cocxis- Liinit. iii.iis niforc se sii|i('r|)iis,iiriit i-t •'•tnidaiciif sur les socit'tfS nccidcilt.lN'S 1111 ilH'Xtricdldc l'rsc.lll de lois soinnit coiitradictoii'CïS dans leurs |)i-<'sti'ipti(jiis et tou- jouis iiispiivcs iMi tous cas d'un esprit diU'éi'ent ])arcc (|n aiirunc des aiitorit('-s dont (dles émanaient n en\is<i- i;eait le monde et la société ave<' le même esprit.

S'il saisissait de rorgaiiisatiou politique, les théories les plus diverses étaient mises au service de toutes les passions, et le L:(tril de lautorité sans limites comme <<dui de la lil»erl(' sans IVein trouvaient également des raisons jiour jnstilier leiii's aj>|H'-tits.

l'oiir un étudiant oldii:é de s'assiniilei' tant de matières diverses et incoJM'rentes. pour un maiiistrat cliari;é de comprendi-e et d'aj)})li(pier s(doii la l'aison et l'écjuité des lois de tout ordre, émanées de sources si ditiéreiites, jtour un jurisconsulte soucieux de pénétrer au fond des clntses, coinl»i(Mi ne de\ait pas paraître n(''cessaire 1 «'nonct'' de princij)es assez «MM'tains poui' que Irin put résoudre par leur moyen toutes les hésitations et tous les doutes, et assez uéïK'raiix cependant j)our simplitier sans la di-iiaturer la complexité d'un aussi vaste enseudde.

hepnis Hodin. eu passant par le [irésich-nt l'ahre, iirotins, l.eihnitz et honiat. les esjnijs; les plus l'uiinents avaient déjà essayé de mettre de Tordre <lans ce chaos, et de .lé^aiicr les piiiuipes universels aux(]uels ju'uvent

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se rattacher les lois positives. Mais aucun deux ne réalise aussi complètement ce dessein que .Montesquieu Bodin avait bien tenté, il est vrai, dans sa République' d'envisager la question dans toute son étendue en ne séparant pas l'organisation civile de l'organisation jxjli- tique ; le droit civil domine trop exclusivement les préoccupations de Domat ou du président r\ii)re.

Montesquieu, le premier, sut coordonner les élé- ments de toutes les lois et mettre en lumière lunité réelle des principes dont elles s'ins])irent, en montrant que toutes les lois politiques aussi bi(!n que les lois civiles dépendent des conditions naturelles de la vie sociale.

Ce principe n'était pas nouveau et l!om;it lavait déjà exprimé avec force : « La justice univers(dl»' de toutes les lois consiste dans leur ra]»port à Toi-di-c de l.i sori(''t('' dont elles sont les règles ».

Cependant, tandis (jue Douiat loiidc Idrdre des sociétés sur le j)lan divin, ce (jui exige de son Icclrtir un acte Ac foi préalable, .M()ut(\s([ui('U s attaipic ;in corps entiei' des lois jjositives et ue veut connailrr (|nc la réalité sensi])le. Dans cette \()lonté réside loiilc lori- ginalité (]ui a fait le succès de Y Esprit des Lois.

Par le fait même de son existence, la société lait partie des j)li(''nomènes de ruiiiNcrs. A ce litre l(>s lois <[ui la régissent sont de l.i iiK'iiie iialmc (|ii(' les lois de tous les phénomènes : si les lois (jui l'èglent les actions et les réactions de bi malière e\])i'imenl l(>s eondilions

(|U Vlli- doit if.ili^ri' |)(Hir r(iiisrr\r|- n.i ii.illirr cl >os [)l(i|ilit'l('s : si It's Itiis ;iu\t|lH'll(*s olM'issciil les (•Ires \i\;ilils l\o sont ([lir 1 cxpiTssioii des Itcsniiis ((u ils il(»i\»'iit siilislaiic j)<»Ul' jx'l'NCN l'i'ci' dans leur r\l<\ les luis i|iii i'('_ul('iit I (U'naiiisatioii sociale et les i-apports des li<iiiiiiies (>iili-e eiiv t radiiironl à ii <'M pas douter les exigences aiixtuicllcs sont liées la jU'ospérit»'' «'t la durée de la ^ociete.

.\l(>iitcs([iiicii iliusli'c ainsi à sa jnanièi-c le mut de Lcilinit/. : Fiat justi lia ne pereat miindus. Mais si i»oui- Leilinity. les lois maintiennent l'harmonie nnivei'selle en ratta<diant 1 liumanit*' a son oriuine di\ine. .M(»ntes- <|nien, pins simplement, n enf dcmonti'cr (|ne pour eta- Idir ! nni\ ci'salitc <'t 1 unitt' des j»i-incipes dn dritit cl dissiper leur icm-cîtaldc conliisi(»n. il sutlit de les r.ip- porter à la nature des cliosos de la vio social»' en tenant toujonis compte des (•ii'c<)nstane<'s parti«'uliéres <pii oldiuent la raison Inimaine à réaliser son\eiil par des moNcns diUci-cnts l'ctpiilihre et 1 liai-nionic tpii sont le jiiit commnn Ar Ions les cU'orts sociaux.

Si Ion peut se li'om])ercn xonlanl assiunei' an\ lois mi fondement tlieolo_i;i(pn' et méta[)liN siipie parce <pie 1 on rais(jnne dans ce cas a priori et sui" îles liypolhèsi^s incertaines, (pioi(pn' j)arfaitement lof^icpies, rien n'est pins lacilemcnt cunlii^lahlc (pic les l»esoins aii\tpi(d> doit satislaii'c tftute société liuniaiiic jiar le lait de sa nature nuMuc: l'icn ne peut tfiinlier pins Mircmcnt sons le Nciis (|uc lc> nccchsit^'s ipji dcj'i\enl de> conditions

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d'existenco propres à chacune d'elles. L'observation directe et l'histoire nous renseignent lareenient sur ce dernier point. Par elles, on saisit les intluences ])h\si- ques et économiques, on se rend compte des l)esoins particuliers, on pénètre les mœurs dont les lois reflè- tent les habitudes ou les exigences. D'un autre côté, les lois révèlent à qui sait les interpréter bien des états d'esprit et bien des faits dont l'histoire proprement dite n'a point gardé la trace. Aussi Montesquieu n'a jamais mieux défini sa méthode qu'en nous affirmant « (pi'il éclaire les lois par l'histoire et l'histoire par les lois ».

Cela est encore plus vrai lorsqu'il s'agit de l'organi- sation politique des sociétés ; car, dans sa recherche de l'équilibre et de l'harmonie des forces sociales, l'homme n'est pas arrivé du premier coup à la perfection.

Les ditï'érentes sortes d'état politique qu'il a mises en pratique ont présenté bien des modalités. Si on peut ramener la diversité de ces formes à trois grandes espè- ces : la monarchie, l'aristocratie et la démocratie, il n'en est pas moins évident que chaque peuple, suivant son caractère et suivant les circonstances. <mi a orga- nisé les rouages à sa façon, ou plutôt, que (hacjue peu- ple a réalisé en elles, d'après son caractère particidier. fl après les exigences aux(juelles il devait faii'e tare, l'accord stable entre l'individu et le corps social ([ui est à proprement parler l'olijet de toute organisation poli- ti({ue. L étude, dans l'histoire ancienin^ et conteni|>o- raine, de ces etl'orts réitérés j)eut doiie i-évéler au jui'is-

l'iili^llllf li's (lillV'l't'iils lirsdilis (|||(' liiillc socirlt- doit sfHiirtci- Ai- s.itisr.iiii' |> iir \i\n' srlmi l'oidi-c jxiliti (|ll(> l'I ii\ il. ( ;"<'st lin ciisriuiiriiiriil dr ce ucilir <|ll(' M<»lll('s(|uir|| lilr lie 1,1 11,1 1\ se (les r( mst itilt ioilS nilll.lim'

cl .iiml.iiM'. |»,ii- t'\('iiii>li\ «'} ("est hicii l.'i liiitc'Trt (juat- tiich.iiciil ;iii\ t'-liKlrs (le (Iroif roiiiji.irt' iins i:ran(ls jiii"isc»)iisiilf('s ilii wi'" siècle.

(',ej)eii(|,iiit ces études, poiii' tMre \r;iiiiieiif IV'Cdiides, ne d<>i\cid point l'tre l'.iites au li,is,ird et par siin|de eiii-idsil*' do<iinieiif,iii'e : il ne s,iL:it j»(»iiit d.in.ihseï" siicccssiveiiKMit des CM^iistitutious. (^e ti'avail a\ail d ail- liMii-s ét('' fait, et c'est ainsi ([iiuii «(Hiteiiipoi'aiii de Moii- test|llieM. ( iasp.ird de {{('-aide (iuritail. S(''néclial de |''(»|'- c;il(|nii'r. cnteiid.iit la science du i:oii\ eiiKMiieiit. ( !e (|iii importe, c Cst de pt-iiétrer Tcspiit de toutes les «truani- s.itioiis |ioliti(|lles et de les |-appol'te|- toujours ;i la ll,lluredes (lioses dont <dles di''ri\('llt. I*,ir suite, poul- ies r\poscr et les ap|ir(''cier ,1 pies |esa\oir connues, il raiidr.i preiiifre coiniue iriiidc l,i nature des choses de 1,1 \ ie soci;ile, tidie (pielle se r(''\ è|e ;"l lions, ;i |;i fois p.ir sa di'liiiition iiième et p,ir les .ispirations des Inmi- llies dont les lois liousollt laisse le t/'Illoii: iiaiic

<tr. |;i \ic soci.ilc. coiisidc'ri'e d.iiis les /di'inenls (|ui constituent s,i (h'-linitioii nn'ine. rej)reseii te I iiiiioii d'in- dividus d.ins un liiit d action coniniuiie et de protection iniitindle. M.'iis. ipn dit union en vue d'une action coiii- niiiiii- |»osc p;ir l;i-iiiènie une ,iiitorit<'' cpii in,iiiitieiit r.'iccord, diriLic les cITorts de |..iis d en ;i<sure |;i coiiti-

nuit/'. En dehors de cette autorité, il n'y a j)as de société, il n'y a qu'une collection (Tindividus (ju'iiii hasard réunit, qu'un autre hasard disperse. La i)i'e- niière et la plus impérieuse des exigences de la \ie sociale par suite de sa nature même est donc l'établis- sement d'une autorité qui maintienne l'accord des for- ces et des volontés particulières. Cette autorité nous l'appelons le gouvernement. Kii ])riiicipe. la tonne de ce gouvernement inqiorte peu : ici, roji l'ait aj)pel à l'autorité d'un seul, s'appuie sur la collaboration et la bonne volonté de tous les individus (hi gToui)e ; ailleurs, ces deux formes extrêmes admettent des tem- péraments divers. Mais toujours et partout, le gouver- nement, quel qu'il soit, doit répondre à son oljjet cpii est de maintenir l'union du corps social. Pour cela, deux conditions sont nécessaires : il faut tout d'aliord que le détail des dispositions organiques (pie pi'éseide chaque forme de gouvernement résulte do sa nature propre, c'est-à-dire du caractère <pii détermine sa défi- nition môme. Ainsi, par exemple, dans la nionari lii(\ les lois constitutionnelles devront assurer l'exercice (hi pouvoir unique et saconmmnication aux divers degrés ; dans la démocratie, elles devront organiser, au con- traire, la participation de tous au j)ouvoir en établis- sant un système d'élection et de re]>rés(Mdation appro- priée. De cette manièi'<>, b* r(>nclionn<Mnenl normal de l'autorité sera assuré conformiMnent aux exigence-s pi'(»- pres de chacune des formes (ju"(db' revèl. (l'est b* gai:('

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priurip.il «lo Intilitô rt do la dui'cV do son arfion. Ce ii'fst |(.is cf'pcnd.-mf lo seul, l/.iiitoritô <lii iionvrr- llflliciil s'('\(M'c('l-.'l (lune lliailioi'c st.lhlc si Inill dans snii oi'uaiiisatiiiii osf disposr do fa<^'oii à lui t'oiiniir pi-ô- cisriiK'iit los iiioyiMis j)ai-fi<'uli('rs ((n'il lôclamo ; ollo s'oxercri'a d une manirro <Micorp plus suit rt plus dura- 1)1»' si les individus (pii s'y sounu'ttont ont des senti- ments et un esprit conformes à. celui du gouvernement (pii les i-éiiit. l'ji d autres termes, le traire essentiel de la j»rrnianence d'une l'orme ([uelcoufpio de gouverne- ment de|iend de la force du principe psychologique ([ui en assuie I intlnence et raiitoi'ité sur les masses. Il suit de <ju un gouvernement une fois établi, })ar le fait même de son existence et par la lU'cessité oii il se trouve de persévérer dans son être, organise <l une part ses lois constitutionnelles de telle sorte qu'il puisse dévelo})j)er harmonieusement par leur moyen toutes les puissances de sa nature, et ([uil s'eilorce d'autre part de modeler l'organisation sociale de manière à assurer sans peine chez tous les individus du grouj)e les sentiments capables de maintenir toujours vivant \o principe dont il tire sa f<trce. Ainsi, avant toutes choses, et pai<(' t\w lantorité nécessaire jtoui' maintenir 1 union et la cohésion du corps social revêt diverses hirmes (pii ont chacune leur manière d'être et leurs ]>rincipes jjarticuliers. les ra])ports des individus entre eu\ et des indi\ idus avec Ij^tat se trouvent «léjà déter-

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^lincs dans un certain sens dont il est nécessaire de> tenir compte.

(lest poiinjuoi, avant dT-tudiei- les diverses espèces de lois qui rèalent les rapports individuels, il faut de toute nécessité bien connaître les formes que peut revêtir Fautorité organisatrice de la société, ainsi que les conditions les plus favorables à son établissement, à son exercice et à son influence. L'étude des lois de l'organisation politique des sociétés, dès lors que Ton ne veut s'en tenir (juà la réalité des faits, doit donc dominer celle de toutes les autres lois.

C'est ce que l'on n'avait pas aperçu ou ce cjue l'on n'avait entrevu que confusément avant Montesquieu, (^t c'est pourquoi son ouvrage, qui ne néglige aucun des rajjports sociaux qui sont appelés à régler les lois, est par certains côtés un ouvrage de politique. Avant lui, le domaine des lois politiques et celui des lois civiles étaient complètement séparés : ces deux ordres de lois puisaient leurs principes à deux sources diflerentes et formaient l'oljjet de deux sciences distinctes. Aussi, après lui, il n'est plus permis de négliger le facteur politique dans It-tude des lois civiles, et c est une des nouveautés les plus oi'iginales de VEspril des Lois.

Ce n'est pas la seule, et nous avons montré tout l'in- térêt que fait prendre la science juridique à l'exposé des relations que les lois d'un peuple ont avec la nature des conditiftns physiques, morales et économiques dans

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ïcsfpioUrs îl pouf sp trouver. 1>(^ iiirin(\ Montosquîoii a mis 1<' ])i'«MiiiiT <'ii lumicrr ■• la (It-pciidaiicc » des lois vis-à-vis les unes des auli('><, de «ii'tc (|il(' les l(»is Jiiv- sfutcs lioiiiK'iit toujours par certains (■('•tes à dos lois plus anciennos <|u'(dlos élarcissont ou ([u'ellcs rcstroi- _L;ncnt. (pi (dlcs rcniplaccnt ou dont idlcs r(''pai'riit les oMiissions.

Ainsi s'introduit dans la sciouco du droit, jus({u*alors toute sul>jecti\(' et l'ondt'c tantôt sui- l(^s oxciuplcs do la <li\iuit('', lanfiM sur l'idoc nioralo dr ["('([uitr. uiu» luctliodc ol)j('cti\(' ccrtaini' l'oiuli-c sur lanalysf dos faits sociaux et sin- l'ôtu^jc do lliistoiro. Dans rt^ vasto onsoud)l<'. {l'Iudo des plirnoniôuos j)oliti(juos tient une très uraudo place, et cette place est justifiée non soule- luoiit pai' liniportance de l'oriiauisatiou politi(|ue dans la \io sociale, lu'iis encore ])ar les pr(»l)l«'Uies l'ouda- uientaux (|ui se pos<'nl à leur occasion.

Si Ton \a en ell'et au l'ond des ( Intses, !<■ |tl'.ddènie Af rori:anisation ]toliti(|ue souiè\e je proldènie de la

lilierté du ciloNt'U.

Il ne l'aiit pas ouldier en ellel ipu' lautorih' du ■j.nw- \erneiiienl s'exeive SUI' des indi\idus. el (|Ue si la socit'-lt- (pi iU l'onnenl ncuI diu'ei-, ils onl enx-int'-nies I appétit de persexci'or dans leur (dre et d être lèses le moins possible dans leiii-s iiit(''r<''ts pai-liculieis |»ai l'oi'- ,i:ailisuie ((dleclir. Si le lait de \ i\ fe eil socii'te leur crée des de\<>irs, la nécessite de satisfaire aux o\ii:('nces {\c leurs hesoius persouiuds leur donne des droits <pio

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l'Etat ne peut manquer de prendre en considération et qu'ils doivent pouvoir veiller sans cesse à ne p;is laisser entamer.

Or, la conception de la liberté politique et des droits individuels dépend essentiellement de l'idée que l'on se fait de la loi et du droit naturel.

L'étude attentive de VEsprit des Lois nous conduit donc à des spéculations philosophi(pies ({ui send)lent dépasser son objet, spécialenn^nt juridique, ou ses préoccupations praticpies, mais (jui cependant ne leur sont pas contraires.

Ces questions, Montescpiieu ne les traite pas dans VEsprit des Lois d'une manière expresse, car elles n'entrent pas dans le cadre qu'il s'est tracé et que nous avons suivre pas à pas dans notre précédent travail, (cependant, elles sont essentielles jxmr bien couqtren- (Ire la pensée de Montes(|ni(Mi et (bdci-niiner les prin- ci])(*s directeurs sur les((U(ds il s'appuie.

C'est ce conqilémeid indispeusaitlc (|U(' nous allons tenter de donner dans les pau<'s (|ni vont suivi'e.

Si 1 (III constate rc ])i'(Mni('r fait d exp/'iiciicc <|ii(' l<'s lois sont les l'èulcs t'taltlit's |»ar la raison liiiiiiaiiic jtoiii' ordoimci' los r;ip])orts des lioimin-s rntr'c eux <lr inanièrr ;'i niaiutonii' les ('oiiditioiis les plus favorables à la eoiitiiiuité et à la ])rosj)(''iite de leurs soei(''t('>s. le seul iiioveii de détei'iiiilier 1 « esprit <> des lois est de coiiinieiifer |)ar exaiiiiiier ces ia|»|»o|'ts t(ds (juc les êoiistitiic la nature des (dioses de la \ie sociale.

Mais ([ne l'anl-il eideinlre |»ar \ ie s((ciale. vie d(^s hommes en société ou |dns siniplcnn-nt société loid court ?

C.ei-tains j)liiloso|)lies. j>ar excès de scnijude. ne \cnlent considérer (|ne ce (|ni loud»e niaterifdlement sous le sens. Mans ces conditions, 1 indi\idu seul existe |)oni' eux : et la soci(''t('' leui' parait une consti'uction abstraite, sans r(''alit('' objective dont il ne l'ant pas tenir- eomjite dans une discussion siM'ieuse.

Montescpiien n est pas de ceux-là. l'our lui. la societt'' est un l'ait conci'et dont on peut fort bien (dnti'('der la réalité \i\ante. \']\\ (dl'et. (.-ntre une c(dlectioii (pnd^

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conque cViiidividus et les mêmes individus groupés de manière à former une société, il se rencontre une dillé- rence essentielle. Dans la collection d'individus, cha- que unité reste parfaitement indépendante de toutes les autres. Cette collection d'individus ne forme une société ({ue du jour la réciprocité des services étaldit entre tous les membres du groupe un état de dépendance tel que chacun deux, non seulement se sente solidaire de son voisin, mais encore se rende compte de la nécessité de maintenir cette dépendance par un organisme qni «Dordonne toutes les volontés particulières, (jui en régularise l'exercice et qui leur fixe des limites.

Cet organisme c est le gou\ ernement ou ce que .Mon- tesquieu appelle l'Etat politicpie.

Il convient par conséquent d'étudier en premier lieu le gouvernement ipii donne à la société sa hn-me con- crète et tangible et (jui crée le premier fait social sensible.

Alors on s'apereoit (pie si l'objet partienber <bi gou- vernement est toujours d'établir l'unité (hi corps social et la cohésion de toutes ses parties, sa l'oi-me est loin d'être toujours identique : ici l'on fait appel à l'auto- rité d'un seul ; on s'appuie sur la bonne volonté de tous; ailleurs ces deux formes extrêmes admettent des tempéraments divers. Par délinition, cliacune de ces formes de gouvernement reconnue p.ir l expérience bumaine : desj)otisme ou républiipie monarcbie on

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nrisliii Tiilic - - nii lnulr .iiilir (l<tnl <iii jMniira fdiisl.ilcr l'e.vistcMicr se Iroiivc ;iv(»ir une ii.iliiif |t;iiti(iiliri'r Wicii priMiso ;i [H'ojios dr l;i(|n('ll<' il in' |»t'nl y .iNoir d <''(nii- \(M|ii('. nif'ii (!♦' [lins ii'cl (|nr rc> loiinrs. <• Sn|t|><>S(tns trciis (It'linilions on |tlnt<it trois f.iits ■> dit .\Jonl('s«|ni<Mi .'in nionnMil on il \ ;i 1rs ctndiiM-. délit' )»;ii'ole esl cai'ae- lei'islitjne, el eCsl snrelle ([ne re|)((Se lonle I ;iru: nUM'n- lidion p()liti(|ne «le mdie .inleni'. Il ne coiislniif pas drs coiistitiilions ; il anahse d a]H'ès les données de 1 exj>é- rience Iiimiaine relies (|ni ont existé juscjnà Ini. Il s'elloite d"en r(M(iniiaiti-e la uatnre paitienliere et il les elasse d a[)rès cette natin-e sons l un«' «les trois rnltiiipn's an\(pi(dles tontes leiiis \ai'i(''l(''s penveni se ranienei'. Ola l'ail, il l'echeirhe 1 intlnein-e (pn* rette nainre pai-tienlière peni avoii- snr les ditlV'renls i-ona^cs dont eliatpie i;i»n\('i'nenH'nt à l»esoin pour assni-ei' à la l'ois s<tn loMclionnenient et sa dni-ee. Il met ainsi en Inniiere [es besoins an\<pnds r<'pondent les lois eonsli- Intionnelles an point de \nede lappliration iln prin- cipe d aiilorite.

\ oici donc la iiia<diiiie ponr\nc de ^es oi'Lianes el

Jtl'ète à l'oliclioniier. A (|n(dle ioice eiiipriMltera-t-tdle

son acti\ il)' mol ricc ?

Ici illtec\ient ce (pie M ( )|| les( pi ic 11 ap|i(dle le principe de clwnpie uoliv enicinelil . c Cst-à-dii-c lidee sn|ieiieill'e (pii maintient et diriiic son acti\ile en donnant à la niasse coiil'nse des citoyens niie inaniere de |teiiser commune et niie raison commune d ai:ir.

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La connaissance de ces principes divers, l'étude des conséquences qu'engendre leur corruption, nous ren- dront compte aisément d'une multitude de lois diffici- lement cataloiial)les et appartenant tantôt au droit public comme les lois de l'éducation ou celles (pii règlent la part (pie doivent prendre les citoyens aux' fonctions pul)li({ues, tantôt au droit civil comme les lois qui déterminent les statuts personnels ou mobilier, tantôt enfin au droit pénal comme celles qui veillent à la sûreté de l'Etat.

Quelle que soit leur origine, ces lois pourraient bien plus justement être ap[)elées lois d'organisation sociale, parce qu'elles tendent toutes à faronner l'esprit des individus de telle numière que suivant eux-mêmes, comme par une jientc n.iturelle, l'ordre établi dans le groupe, ils en conseivent sans ell'ort l'harmonie et en perpétuent l'équilibre .

Quand nous aui'oiis recoiiiiii mjiiiitciiant les i';i|)]>ui(s que ce groupe liiniiaiii. reinhi ])ai' ces moyens foi-lr- nicut homogène, jxnit aAoir avec les grouj)es voisins, soit (piil éprouve le besoin i\o se df^'cndre contre leurs dangereuses aggressions, soit (ju il se trouve dans la nécessité vitale de s'agrandir à leurs dépens; quand nous aurons remarqué (pu' la. nature particulière de chaque gouvernement et des dill'éreuts principes (pii animent chacun d'eux exige une numière spéciale d'agir, nous pourrons éta]>lir le cb'oit des gens sur des

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]tiiii»i|»('N rcrtaiiis. fx.iclrmfiil iiiJprdiMirs ;iii\ laits <le 1.1 \ ic fi'cllc.

(les ])riiu'i|)«'s fondes sur 1 iiilt'rèt rt la lutte ne sei-out peut-èti'e pas toujours aussi n<»l»les (|ue le voudrait lu morale ])liilosoj)lii<|ue. dépendant. ( onmie linti-rèt de 1 luinianité est d assurer et de eonser\er la vie avant toutes clioses, on peut être certain <pn' la modération j)re\au(lra toujours. j»ar intérêt sinon par vertu, (j est en j)artieulier sur cette considération (jue Montes([uieu s apj)uie pour e\j)oser les conditions <lans les<]uelles di>it s exercer le droit de complète. Il relait ainsi, à sa façon, il' traite de la uuerre et de la paix (!<■ (il'otius (pii. en etaldissant son argumentation sur les données de la conscience morale, laissait bien s(»u\ent les laits déjjoi'der ses j)rim'i])es.

dette t'tude j»i'('limiiuure aclie\c(\ Ion possède une claire notion du pi-emier des besoins essentiels, innés |tourrail-on dire, de la soci(-t('' : le besoin ipii' les individus ont de se urouper sons uni- anlocite. de la soutenir et de se coiiser\i'r cux-nH'un's en la déten- dant «•outre toute corruption à 1 inti'i'ieur. contre toute allacpn' au dehors et en ui-neral contre toute dinnnu- tion de |or<e ou de puissance. |]n nn-nie temps. Ton a \n a (pielles consi^pn-nces entraine la satisfaction de ce besoin, soit dans 1 (daboration de^ lois constitntitni- nelles. xdit d.ins le droit public, le droit |iri\e ou le droit des ;^ens.

■ependant. si la Socit-t»: est par essence mie colb'C-

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tivité organisée, il n'en est [)as moins vrai que l'indi- vidu en est le substratum. De même cfue la collectivité a ses besoins, de même l'individu ;i les siens. Leur satisfaction est essentielle à sa nature et c'est en la réalisant qu'il j)eut seulement espérer vivre. Dans l'état actuel des sociétés humaines la condition pri- mordiale d'où découle toute la vie de chaque individu est (|u il j)uisse posséder en toute liberté le minimum de ce qui est nécessaire à l'entretien de son existence. On pourrait concevoir un état social dans lequel le soin de pourvoir à la vie de chacun serait abandonné à la collectivité. C'est ce qui se passe dans les sociétés des insectes. Mais cet état social après avoir été réalisé dans quelques sociétés humaines primitives a été abandonne dès que les honmies parvinrent à une conscience j)lus précise d'eux-mêmes et de leurs facultés propi-es. Il en résulte que l'on trouve à la base de toutes les sociétés civilisées, comme le fondement in(''branlal)le suj' le({uel tout rep()S<'. le pi-iiiripe de la piopi-iété 'individuelle. Pourfjuoi en fut-il ainsi? .M()iites(|iiien n'avait pas à le rechercher. 11 constate simplement les faits sociaux et en étudie les conséquences. La propriété individuelle est un de ces faits et il est facile de voir que dans l'état de nos sociétés c'est sur elle que repose toute l'existence des individus. C'est ce que Montes- quieu résunn' d uih' manière saisissante en disant (jue la propriété est a mère de tout ». Il faut donc, Jusqu'à

nouvel ordre et tant que l'on n'aura pas m<)difi('' les UudiQ i

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iiiii(llli(iii> d'- 1.1 \ ir (•.(.ILi'ttiv 4' ((nniiir «If la \ i4' iii<li\ i- <liic||r. (|iif cillr |)r()|>j-i<'U'' s )it abstjlimji'iil .garantie à riii<li\i(lii jjar 1rs luis jim"'Iih' «jui «'tablisscnt son iusso- i-iafi(iii a\«*c s<'s sfinhlablcs. L Imhiiiiu' sociiil .que uoiUi nmiiaissuiis. tii t'ilcJ, " n aiiit a\rc dcfisioJi, avt'/C forer, avfc siiiir (|ur s il s»- sait uaraiiti <luns la lLl>r<' dispui»i- ti<ni «If s<jii («tips ««jimiit' «laiis le 1lI>i'«' usuiic cU^ se*» l»i«'iis » (i).

(les l)«>soiiis imii''s Jf riii<li\ i«ln \ ifiuicut d<>iic is'ajouter aux besoins j)ai'ticulier.s de la C/oUectivilc pour ai'JvUT chez cett»' «lei'iiii'i'e t«)ut<> tentative deiiipiè.tiîiueutK l't d a])us. Ici. coiiiiuf dans la natnr«' «Mitiore. couiuw dicuK i'cH'fianisalidn nn-nic des pouvoirs ]>ul)lics, des forces anlauonistcs se «ontraricnt pour jinii- par s'équilii)ro4' rt s'liarnionis«'r.

Ainsi l«'s lois ««Histitutionnelles <levi'ont Jion iseule- incnt t«'nir compte de la ncecssiti* d«' i'oudcr s«jlitU'ni(.'nt 1 aut<»i-it«'', tout en répondant aux exifienres de la nature de clnnpn' ^«»u\ t'rnennvnt. mais «-nidre elles sermit iddiiices de uaraidir au\ indixidus un minimum tl(î sécurité au rei:ard des app«'lils de la coUectivLlé. t^es a|»pt''tits hc .satisfaisant par I intiM-UK-diaire du KoUNcrain <pi«d <pi il soit, [)«;uple ou iuouar«(u«', déposi- taire de I autoi'itc', c'est contre les al)us de c«4te auloriU'* «pu- l<'s lois constilutionn«dles devront d<'fcndre le citoyen en lui accordaut la lil»«'rf«' politique, c'est-à-

i. Montmy. P.tycholof/ic r/u peuple anglaig.

(lire le (li'oil de cftiiln^lci- les iictcs du ,i:ouvcriirnieiil pour en arrêter 1 ai-hitraire.

(^jiiijuc exeii]j)le du jiniut exfrèiuc «m ces i;araiities ])<»uri'aient être poussiM-s. dans un l»a\s dont l or^^anisa- tiou a ])<)ur (il)jet direct ia constitution de Ja lilierlé politi(]ne, Montescfiiieii analyse avec soin la constitution de FAniileterre et celle de la Rome i'é])ul)licaine dans lesquelles, (|U(nque réalisée par des moyens diti'érents, la séparation des pouvoirs sut mettre des l)ornes effi- caces à rar])itraire des iiouvernements.

Pareillement, s'il s'aait de la jjersonne nuMue des citoyens, les lois pénales, tout en veillant à la sûreté collective, auront soin de ne pas livrer Findividu sans défense aux vengeances publiques ou ])rivées. Est-il reconnu cou])aJ»le, les jx'ines, loin de fondei- leui' sévérité sur l'opinion <jue l'on peut avoir- du donnuage causé à la société, devr(jnt uniquement tenir coiupt*^ de la réalité tangilile des consé({uences du crime ou du délit. Par suite tout procès de tendance (Miuai:!' pour des paroles ou des ]»ens('M>s ne saurait être l«''i:itiuie- meiit soutenu dans un h]fat soucieux de nn-naLicr la liberté de ses citcnens.

Fe droit public enlin se tiou\e aussi diiritenn'ut intéressé ])ar ces vues nouvelles sur les ra|)j)orls (piOid entre eux les éléments jiriniitil's de la société. 11 lu^ suffit ])as eu effet cpu' liiulixiilu soit assui"('' que le gouvern<'in<'nt n'abusera pas de son autoritt' en ('lablis- sant conti'c lui des lois arbitraii-es, ou ne nu'ttra pas

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Sii Idifc .111 ^ci'Ni»»' (le SCS l'aiicuiios ou (1<> orllrs (\o ses .unis, suit (Il 1 fiiij)i-is()iiii.iiit sans jupMiHMit, soit ni Ir r<iM(l.iIlill,ill( à (1rs |»cilirs liois de |il'i i|iMrti<ill iiwr s.l laul»' : il r.iiil (Micorc (|iic crltc liln-r disjjositimi de v.i jn'rsoiiiic cl (le SCS hiciis ne lui soit jxiinl rclin-c par* (les Mi<>\eiiv (Ictoiirncs. et (juCn j)ai'lH iilicr. .iccaMc sons le poids de liMijxM. il lie jtci'dc j>.is. en iteid.nit le IVuit de son ti;i\.iil, tous les bienfaits (|ne l.i liberté

|io|ili(|iie et nue cx.iete disf ri 1 lUt ioll de 1.1 jnsliec lui ;i\;iienl coliserNcs. Il est doilc nécessaire (|Uc les lois oi'i:anisenf 1 .issictte et l.i |»eirej»tion de 1 iiii|)('tt de ni.iniei'e a léser le moins j)ossiMe rindi\idii dans l.i lilice (lis|)(isition de ses biens. t(»ut en s.itislais.inf ;in\ bes(»ins n.itnnds du corps social.

(►il \(iit |»;ircet c\[)oS('' r.i])ide. e\|iosc des treize pre- niiers li\rcs. .i\ec (pndle snrete et (pndle noii\eaiit('' de inetliode Montesquieu j)oursuit sou analyse.

(icpcnd.int il n"a encoi'e fait (jue reconnaîtr<' I lior'izoïi s<3cial et les dciix priiicipaiix soniniets (|iii le bornent : la e<dlecli\ ite. Imdixidii. Mais il \ .i bien d.iiifrcs .ispecls ;"i cx.iinincr. L.l soci(''l('' prise en (dle-ineine doit salislaire a des besoins essentiels (|ni depeiideiif des (dellienis de s,i nature et (pii sont simples. Mais cette simplicité n est (pi ajtparcnte. |)cs (dcnicnls iioii\e;iii\ inter\ icnneiit ])oiir (li\«.M'sifier cet ('-tat seh<''niali(pic .lu point ni('ine d \ introduire parfois des traits contr.idic- toircs.

Ces (déments iioiINCiUX ce sont ccilX (pii dcliNcnt des

51

a>])ii;ilions ])ai-tiriilioi'os des hommes influencés diiiis lêiir caractère ]y,iv le milieu physique et UKtrai dans lecjuel ils vivent.

La nature du climat, celle du sol sont les causes ])rincipales de ces spécifications.

« Ces forces naturelles qui façonnent un j)eu|tl('. dit u M. Boutniy ! 1), sont celles qui ont le plus de poids et (' defficacité... lenr influence est aussi ancienne (pie « Thomnie ; on m- peut, en remontant les siècles, <c découvrir une période elles n'aient ])as existé ; « elles n'ont pas varié notablement, et si un chanue- « ment s'est fait, c'est dans l'homme, qui est d('\«'nii <■ sensible à une infinité d'autres causes. Au cnmmen- « cément, (dles agissaient ])resque seules sni' nn i~'tf(' <( souple et neuf aux imjjressions ; elles ont prodnit u alors des effets que nous jugeons invraiseml)lables. » (^e sont elles dit-il encore, <[ui ont produit la race « à » une époque les prennères idées et les premiers (( sentiments d'mi peuple ne s'étaient pas encore fixés « et extériorisés dans aucun monument diune de « mémoire. (]es monuments, coutnnu's. lois i:ravées (( sur la ])iei'i'e. rites r(di,i:ienx, [)oèmes ('pitinc^. ont " luf^nc r\r (Ml pi-emiei' lieu les jtrodiiits Jn milicn « j)hysique et ce ncst (\u'i\ la lon,i:nf, (pi'axant acquis (( une consistance et une \ ie proj)res, ils sont dcxcnns « ca])ables d'ent:'endi'er eux-mêmes des imjjressions et

1. Psi/r/io/ogip (lu peuple anf//ois, I, 1.

Q^l

<• (1 ilili-rccplcl- 1rs cllcls (les ;^ l'.i lidi'S ciliscs ll.ltlM'cI- Ics ... Al'iis il s est Idniic lin milieu nuirai, un rspril uciiér.il t'I (1rs iiHiuis. (■iiiiinn- dit .Muiif('S(jui«Mi, ddiit il r(»n\ init d a|i|»n'riiT les niaiiilVstations dans le s<'ns dii fllrs jxiiiiiairiil iiiitdilicr I i>rt;"aiiisali<»n de Ja Nie sociale piise i/i ali-^lrttcto.

(Test ji(iiii(|ii(ii. au iii<i\eii de ces eonsidf'rafiMUs sni' le milieu |tliysi(|ue, qui inlliie |»ai' le (limât sur la seii- siliilile el par suite sur la xidouti' (sensation. jM'rce|)- tion et imagination et jtar la nature du teri-ain sur la iialure des besoins |diysi(|ues et des eonditioiis d'exis- tence, Moiites(|uieil corrige ce (|uil |)ellt y a\oir de tro|» alisoln et de troj» i^'in-ral dans le mécanisme |)(di- ti<|iie (|ii il \ ieiit d analyser.

l'oiir liieii comju'eiidi'e sa j»eus(''e. il ne laul jias isoler les treize |U'eiuiei's li\ res des si\ li\ l'es sili\aiits destl- iK's a atténuer ce i(ii ils [ieii\eiit aNoir de tro|» tln-ori- <Iiii'. en |)eiieliaiil 111! |»eii jtliis a\aiil dans la r»''alit('' \i\aiile. M.iis d antre pari, ces six li\res ne preiiiieiit toute leur \aleur (pie par rapport aux |n'(''c(''deiits. j.e (diiiiat. le terrain. res|irit i:(''iieral r\ les iineiirs ne

sont pas joui (dllinie on a \itulu Jtretelldre (pie le sou- lell.lil Mollles(pii(.u. ( !e solll seulement des j'actelirs (pii di\ ersilielll I asp(.(| d(. |a \ ie sociale toujours ideiilKpie à (dle-UM'Ilie dans ses iiraiides liL;nes. (ioniliie le reiliai- <pie M. lîoutmy. ils a-isseiit surtout au d(dml de la lormalioll des |ieuples. Leur inllueiice se l'ait sentir aujourd liui eii((U'e. Mais on peut eoiice\(iir un avenir

23 ~

par l'effet de l'effort humain pour approprifc la HâÉtape et grâce à la rapidité de plus eu plus grande des comfmTinications, les eonditioTïs- de vie sV'tant uniliécs par tout le globe, l'homnie n'aupà plus à se préoccu- per que de réaliser le plus pleinement possible iOi-i;:!- nisme de la société aïysfraite et idéale, il se peut (|ue non» soyons entraînés vers cet état nouveau (riiimia- nité. Cependant, eomine nous «nommes loin d'en ètce encore là, même aujourd'hui, Montesquieu a eu raison d'insister sur ces causes fi^econdes et de détepuniïor*, par raj)port ailx nécessités générales de tciute \ ie sociale, dans quelle mesui'e leur iiiflueuce se fait sen- tir sur la vie civile et les mœurs (jui en (h'pendent iiïimédiatemeiit et niènle sur les lois politiques ({ui peuveftt, ait premier abord, t paraître soustraites.

C'est donc parce que, à ses yeux, le clunat est le fac- tetir le plus inq)ortant dans la cottstittition de l'éticrgie individuelle que Montesquieu aborde en prenne i* lieu l'étude de son influence sur l'organisation sociale. Eu gdllidtaiit ou en dépriinant la tendance à une activité forte, décisive et suivie, le (diniat dévelo|)])(> le goût de la liberté ou l'indifférence poui' la servitude. La cause première de la servitude parait être, en effet, un m ni- que d'énergie pour une action consciente et i'(''ll(''cliie. une indifï'érence d'esj)rit ([ni \a jns(jn"à Inulili de la personnalité et à l'abandon de soi-mênu'. Or b's (li- mais trop chauds anéantissent la volonté et laissent à peine à l'individu les forces nécessaires pour subvenir

5'f

.•■| ses Ix'soiiis (le (li.Hlllc j'»!!!'. L.l \ ic l'sl (I .lilIcilfS l'iicilc dans ces r»''i:ioiis <•! 1rs lirsoiiis y sont i-<'(liiits au ^tiirt iiiiiiiiiiiiiii. Ti-oiiNaiil l<iii_i<»ni's de (jiioi sr siifliiT. les Immiiics n'ont iiufic le sent iniciit de la |tr<»j)i'i»''t('' cl 1 rtlui'l ne sci'iMi contrant (|m' iMi'cnirnt : ils n"onf pas da\ antai:<' le scnlinicnt de la \ alrnc indi\ idurljc.

(>r. ^i les lioninirs sont amoui-fiix de la lilx-i't»' cCst |»i'(''cisi''nicnl parer (|u ds sentent en en\ une lorec capalde de les distiiiiiuer- de lenc \oisin et (|ui donne à chacun d t'U\ une valeur propre; c Cst aussi j)aree (ju ils désirent se voir assurée la propriété do ce (pi ils ont si chèrennMit acquis. I

Dans les climats ]dns rii:(»uren\. au contraire, <>t même dans les climats t<Mnpérés, la nature moins lil)é- rale exiuc de rhomnie ])lus dcllorts. Il a la sensation aiguë d être toujours en lutte soit (piil demande sa nourritui'c à la chasse, soit quil remprunte à l'auri- cnltnre. Aussi ari-ive-t-il, déjà ]tar cette seule inllnenee du climat a <''prou\('r plus \i\('ment que nulle |»art ailleurs le iiesoin de la lihertt- «pii satisfait à la fois ses intérêts et son orL:ueil. j) autres causes s ajouteront à celh's-la poni' iciidre j)lus imjx-rieuse encore la satis- laclion (II- ce hesoin. Montes(piieu les eludieia par la suite, l'nur le nioun-nl il se horne à indnpier les inllliences opposées de climats oj)jioses et comme les

peupli-s de 1 |-]urope ont plus facilement la notion de la lilier-t»'. c'est à la ser\ilude qu il s attache de jn'éfé- ri'uce : la ser\ itude j)oliti(jue a\ec ses deux coi'ojlaires

2S

IVsclavjiii'o civil et rosclava.ef tlomostiqiio reprôsoiil r |»ai' la polygamie dont les conséquences se font si vive- ment sentir sur le statut personnel des femmes.

Montesquieu consacre deux livres à létude de ces deux formes extrêmes d(^ servitude extrême. On ])()ur- rait s'en étonner si Ton ne songeait ([uc l'esclavage était la ])lai<' de tout r()rieid et des colonies euro- péennes dans les Indes ; que les Européens eux-mêmes y étaient exposés fréquemment de la part des Musul- mans et que certains esprits eidin, dont Féconomiste Melon, suivi par Fréron et plus tard par Linguet ce qui indique un courant (ro])inion assez général sou- tenaient sérieusement non seulement l'utilité, mais encore la légitimité de l'esclavage dans les nations modernes.

D'autre part, cette exception si fi-appantc an\ i-ésul- tats de l'analyse })rt''liniiiiaii'c des hesoins inui's et essentiels de la vie sociale, nu'ritaif d être f\pli((n(''e aiin ([ue Fon perçut hicn (pi il n y a\ait pas contradic- tion essentielle entre les deux ordres de pln-nomènes. mais bien j)lutùt moditication (]o la règle générale sur un point ])articulier, j)ai' rell'el de causes spéciales.

De son (•(')t(''. la nature dn ler'i'ain, par la nalni'c des subsistances (pi'elle |)ent fournir. d(''ferniine une certaine direction de 1 activité. d(''\elopj)e certaines facultés aux dépens des antr<'s et inqiose en consé- quence au droit ci\il, au di'oit politicpu' et au droit des gens des pratiques que ni l'équité, ni la raison pure ne

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<;miraî(Mit oxpllqticr et dont il faiif ocpoiidanf rfiio \q jurisioiiMilh' sache la \ riifaldc cause |ii.iif ne ]»as ètr^' e\|n»S('' à (les ;^ciieralis;ili()iis li;1li\('S.

(Jliaiit à les^n'it uéin'i'a! et aii\ iini-iiis. c'est le D'SllItat (le (dlltes les causes secdildes (|lli collf l'ihuf'llt à former' le carach'-fe de ( lia([ue t:i'(»iij)e j)arficnH('P d liiiiiianit(''. (Test en Ini et en en\ (|ne se nianit'esleut les tendances pntjtffs de la race, le point de \ ne ail(|ind (die se place JxKir- en\ is;ii;ef la \ie sociale, le sons lîétK'fal de I activité (pii l'epond à sa nature. Le rai-aetère des lois doit leur «'tre e.xacteiueiit snhor-

(loIUK'.

l)e nuMne (pi nn nn'deein oi-donne à ses malades \o foiiièdc s])éci(i(pn- de leni' aHectioii en a\aid soin de 1 appi'()piMer à leiii* temjteiament |taiti(idier' ]>oni' <pi il ])rodiiise son maximum d etfet ou du moins ne soit pas nuisilde ; de même, le l(''i:islateur doit donner. j)ai" la force des ( lioses, ;'i ( Iia(|ne peujde non seulement les lois (pii con\iennent aiix Ix-soins L;(''n(''rau\ de toute s(»ci(''l('', mais enc()i'e c(dles (|iii concordent le mieux avec le caract(''re pl'opl'e de l;i race.

Pour oldenir ce r(''snltat. il lire ])aiti pliis oii moins inconsciemment des ('déments psN( li(doL:i(|nes (pii f(»r- menl ce caractère : il sa|tpuie sur la l'orce de ro|H- nion (|iii en est la icsiillante. tàle se-, résistances, suit ses pen( liants, utilise riinmeiir' sociale, la \anit('', r<>r,i:lieil ; traite le peuple en un mot couime une per- sonne et >;e L'uide totljoUI-s SIM' les pulsations de «tes

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artères. Toiito loi, politicjuo (m civilo, porte Feniprointe (le ce travail et c est I ('volutioii des mœurs (|ui «liriiie révolution de la législation, (loutre cela le législateur ne peut rien ou fort jxmi de chose. Il subit l)ieii plutôt (piil ne dirige.

Cependant il arrive que lorsque los lois sont ainsi appropriées aux mœurs et conformes à l'esprit général, elles agissent à leur tour sur ces mœurs et sur cet esprit général en précisant les tendances de l'un, en développant tout ce cpii peut être contenu dans les autres. (Test alors ([ue Montesquieu analyse iivcc une tinessc jjleinc de jji-ofoudcnr les ctffts de l;i constitu- tion anglaise sur le milieu liniii;iiii (pii \';\ ('IjiI» vrc de sa propre substance. 11 monti-c, par les facilit('s ([uCllc donnait tant à l'intérieur ([u ;'i Texléj-ieur, comment elle contribue à développer tout ce ([u'il y a dans ce peuple d'énergie et de liesoin d"a,i:ir, comment elle accentue son être moi-al et intellectuel poiii- le |),irti- culariser et lui donnei' l;i foiMne l.i plus |);ii'|;iilr (|iii soit com])atible avec sa nature ' /: . L., MX, 27).

Tout(? cette })artie de l'/fs/;/-// des Lois est à l'ctenii' car en a])])(daid l'attention sur l'élénuMit ])s\c|i()l(ii:i(|ne (|ui <'ntre d;iiis l;i \ ie des jx-iipic^. .Montes(|ni('n donne à la science (In droit ini pr(''cien\ inslrunn-nt (rMi\e>^li- gatiou et une nouvelle ujir.intie de certiinde.

Mais lanalvse <'st loin d être encore lecmin/'e. Nous venons de voii* ([uels liesoins, (|inds dc-^irs peiiAcnt

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su>s(if('i' \i'< in''C('ssil»''s (If |;i \ ic en Sdcn'-tc joililfs ;iii\ 1<'ii(|;iii(cs |i,iili(iilicirv (\(-s imli\i(liis.

Si rcs (Ifsii's. si ce licsoiii d ordre ont t;iiit de puis- sance sur toutes les |)ai'ties du droit, (jue ne doit jxtiiit être la j)art des intéi'èts inati-riels uràee à la satisfac- tion des(|uels les |»eu|)les s en ricliisserd et |tI'os|)»"'rent ? Au moment oil e(ri\ait .Montes(|llieil, le de\e|oHj»e-

nu'ul du connuerce et de I industrie, la concurrence <|ue commençaient a se laire les nations occidentales a\ait'ut (N'jà depuis (jU(d(|ue tenijts attiri- I alteiiti(Hi des liouvoruciucuts sur les lois »''conoiui((ues et sur leui-s rapjioi-ts avec lo droit et la jMditicpu'.

he |ten dimijortance cjie/. les |(eUJ>les priuiitd's \i\antd(' la pèche, de la chasse ou de la culture siu- un territoire peu étendu, elles dexienneut dans les jltats civilisés le fond im''Uie de toute la \ ie sociale : ou plutitt, la iomple\ite quelles re\ètent pai'ait leuratti'i- huer ]dus de {\)vro (piautrefois. Kii réalit»' (dles doi\eut a\()ir toujours eu une imj>oifance consideralde. Si aujourdiiui en s'.ijipuvant sui- elles, les socialistes piétendent m dilier non seulement les j:;-ouvei'uenients. mais eju-ori' les statuts ])ersonuels et luohiliers et niodilier louto les règles anciennes du droit puldic et pri\<'. Moulesipiieu n a-l-il pas rais(»n île uioulrer

I intluence ipi fdies oul |MI aVoir slU' les lois |ioliti(pH'S

et ci\iles d un peuple cil tiaiii «le S Organiser soit «piil S adonne a la chasse, soit <pi il se consacre a I auricul-

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tui'o, soit cnliii (jiie faisant le coiiuiier-ce il use de la nioiiiiaie ?

Mais à cô\r (le la question purement inatérielle. à côté (le la trace sensible que laissent dans les lois d un peuple les rapports économiques même les plus rudi- mentaires. la vie économique soulève un ])rol)lème moral (|ue Ton résout dilt'éremment snivant la tin que l'on assigne aux efforts de Ihomme. La richesse signe du travail et de la prospérité doit-elle être recherchée pour elle-iuènie? X"engendre-t-elle pas la dureté et légoïsnH' qui sont des vices anti-sociau\ piiiscpic par détinition la société est fondée sur laccord des forces et des volontés particulières? Est-il juste de s'iMiricliir indéfiniment dans le seul but tlauginenter la somme de ses jouissances personnelles? La ])lnloso])liir anti- que, par la l)ouche de Plat n et des Stoïciens a\ait ré])ondu non. Le christianisnu' à son toui'. en substi- tuant <■ au désir de bien \i^ ri', le souci de !)ien mourir » n"a\ait fait (jue dévelo})j)er ces ])récej)tes de morale ascéti({ue (|ui eondiiniiaient toutes les j»r(''occuj»atious économiques.

Montescpiieu (|ui se place toujoiu's au centre (le la r(''alit('' des choses Ma\ait pas ;i traiter cette (|uestiou d(> principi'. Il ne |i<iu\ail (|ue rcconniiili'e, d accord avec le droit l'omain et sa propre conceptinn des lois fond(''e sur la nécessité j)()ur tcjut être <ree <le se pei- pétuer en satisfaisant à ses besoins essenli(ds, la iégiti-

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mile (les rll'(i|-|s i|llc Inlll IcS | i.l ri ic II I ir l's j)ii|||' s cinirliil'

|»;ir I iiitlii><tiic fl le (••iiiiim-icr.

s il |)l(iMi-it le lll\c rf rccniiiiii.iiKir 1,1 IVlli:.! I il(''. l'Cst

an imiM île 1 iiili-n-l L:cii<-ral cl dans cfrlaincs luniics

srillriiM'lil (le snciclc l'iiiiinir la ( IcilH iira I ic. It'llf

(1 aillfiiis (|n il la coîicoif daitrès les seuls cveinplcs (|n il en a\ait suiis les \eii\ dans |e> re|»nldii|iies anrK|ue>. hans cette foniu" d iltat . en cU'et. le souci de la collectivité romjxti-fe |>ai' déliiiitinn sur I inti-i-èt ])ai'ticMliei'. Ailleurs, au contraire, MoiitestjuicM niai-(jiie l)ieii tout le |tri\ ([u'il faut atfacdier tlaiis les siM-ii-tés modernes à I etloi't ccononii(|iM' lors(|u il loue la nnmar- cliie l'rançaise de permettre à la ltonri:eoisie commer- çante dont la ri( liesse ac(|uisc a |ti'ou\<" leneriiie et la valeur S(»ciale. de |»enetrcr, |tar le seid l'ait de cetti- ricdicsse, dans la (lasse des n(d)les.

Tous ces ellorls. en ell'et, ont leur raison d être dans les besoins de la socif'ti' et les exigences (\u liien piddii'. an même lilri- (|iie les satisfactions d oidre nior-al données aux as|»iralions leiiitimes de 1 indi\idu au rcLiard ilc I l!l,il. Il est nécessaire de les encourager, de les faciliter, de les diriiier dans le sens de 1 utilitt' la plus L:rande et c est ainsi ipie les exii;ences ('•ciuio- mi(|Ues s(»nt relletees n(''cessa ilement dans les lois jndi- 1i(|tn's ou ci\ iles.

I, indust|-ie l'tait encore fm-t |)eil dc\ e|o|i]»ee au teuips de \|ontes<piien . (lest la trace des prcoccujtat ions cojuuM'rciale.s et liuaucicres cpiil .sellorcc surtout tic

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rccouiiaitrc dans le droit j)ul)lic ])ar rurgaaiisation des ])anqiies, des comjjagnies coiimierciales, dey (J.ouaj;i^s, et par la réglemeiitaticm de la circulation monétaire ; dans le droit privé par la législation concernant les créanciers et le prêt à intérêt. Une histoire abrégée du commerce cojnpjète cet exposé de princijjes. Mon- tesquieu y détermiiie da.ns leurs grandes lignes les routes commerciales suivies par riiumanité. Il insiste sur les modifications qu'y apporta la découverte du nouveau monde et sur l'orientation politique nouvelle que peut donner aux uations occidentales l'essof de la colonisaticni qui va dévelojjper dans le droit des gens des principes nouveaux.

Enfin, comme la mise en valeur du sol aussi bien que le commerce et les arts (entendez l'industrie) a besoin de bras pour jprospérer, il n'est pas douteux (jue les Jlois politiques et civiles ne répondent par cer- tains côtés à la satisfaction de ce l^esoin. Montescpiicu est donc ainsi amené ;"i ti-aitcr l;i (|in'stion de la j)oi)U- lation et il le fait en étudiant sous ce poijit de \ ne b' mariage qui organise et réglenuMite la pro])agalioii de l'espèce dans nnr soci('>té policée. U détermine son but. expose ses conditions et «uialyse les mesures de droit politi({ue et de droit civil (ju<' les lioninu-s ont ])n insti- tuer pour lui permettre de ju'oduire tous ses eliets.

Tels sont dans leur ordre logi(jU(% qui est en même temps celui qu'à suivi Montescpiien. tous les éléments

3r>

iilli iH'ini'iil (Irlrniiiiicr 1,1 liallIIT (1rs lois rt inlllH'iircr leur rspril.

( !c|irii(l;ilil. |Millssf ,111 liiilirii décrite e|t,iisse fllliiie, \(ii(i un .irltre «'livnii:»' qui ne resseiiilde |»;is à ses \(>i- siiis et (|iii |i,irait |tiiiser d.nis un snl dillerent une sè\ c |>;i ilicnliere. Il se dresse dnie fort et nien,Me d etoutrci' le leste de la l'ofèl soUS ses r.l Mlilir;i t iniis |iuiss;i ides, (let ,ll'lil'e c'est ('(dlli (|lle |i(illsse l;i cel iuii ni . Il se dresse isolé et (lf'']),i\ si- sur un sol (|iii ii est j»,is |';iit |»oiir lui. .Mais le forestier doit eu tenir eoiuple il faut (|u il rn reeoiinaisse la u.iture, cju il eherc lie ,i concilier sol! existence ;i\('c celle de tous les .lutres arlires et (|u il deteriiiine (|iie|les iiKtdifications son \oisiii;i,u(' peut ;ij»|)oi'ter a ceux (|ui |iousseiit sous son olidu'e.

(Ju on nous jtardonne cette coiiip.iraisou ! Mais .Mon- tes<[uieu. <|ui ne détestait |i,is les iniaties. uoUS coiice- der,iil c(dle-ci (|ui répond assez hien à lidt'e «|u il se fait de 1,1 r<diL:ioii.

h.ills la leli-ioii. en (dlél. .M( Ulles(|uien voit liioius l'esprit r(dii:iell\ et les «roy.iuces ipie 1,1 loiiiie politi- qiK' i|U (die ,1 re\(~'tu dans les j'it.ils iiindernes sous I llllluelice de 1 i'!:^ lise (dl ret ieil lie .

I. i'isprit r(diL:ieu\ a son r(~)le dans la ((nistitiitioii du c;ir,ictere (d d,ins |;i direction des teiid.inces des masses limil.lilies : il intllle sur la l-.ice r\ les nhellls et ,'i ce lill'c, il est un f.icteui' So(d,il. |Mliss;iilt et d ;iut,iiit |dus loll (pi il s.ippllie sur les seiltllliellts les plus ilitiuies

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de 1 lioiume. Montesquieu le recouuait sans cejjendaiit y insister comme Fimijortance du sujet le mériterait. C'est une lacune qu'il faut regretter, mais cjue l'on peut explicfuer par ce fait (|ue le rôle politique joué par l'Eglise dans les sociétés occidentales, avait con- fisqué à son profit les effets naturels de l'esprit reli- gieux. C'est sur ce rôle que s'étend Montesquieu parce que d'alîord c'est un fait ])ien nettement défini et ensuite parce que ses conséquences ont eu les résul- tats les plus graves pour les lois positives. Le rôle politique de la religion, représentée par la constitution des Eglises, légiférant dans les sociétés humaines au nom de principes qui regardent la vie éternelle. ])arait en effet à Montesquieu une véritable anomalie une source de confusion et de désordres sans iioinhi-c. Cependant, comme le fait existe, il faut ({ue le juris- consulte s'en occujje et que le législateur tâche de s'accommoder le mieux possible de ces éléments adventices pour en tirer le meilleur parti social.

Moiit('S(|ui<'u insiste donc a\('c foi-cc sur rv |)(iint. Il montre coninienf tontes les religions et en partie la religion chrétienne inthnMit sur h's mceurs et sin- I état politi(]ue. Dans le premier cas, elles hahitnent l'individu à riiumilit('': dans le second elles le forment à l'obéis- sance. (]Vst un bien ([ui est un mal selon le point de vue au([uel on se place.

Il <-lierclie dans (|U(dle niesnre leurs principes sont utiles ou nuisibles au (l(''\ eloppcMneiit noi'nial Oudia 3

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(le l.'i \it' s(»(ijilc, t't ((iiiiiiiciit les luis iTlii;ifiis('s rt les lois jM>siti\ rs |)t'ii\ fiit sr ((tiiihiiici' ]un\v Ir \nvn iréiiéral. Iji Icriiiiiiiiiil. il pose res (l«'ii\ rrulcs foiiclaiiieiltales, ;i s;i\oii' (|ii(' c'est iiiniiis la \ri-it(' des clofriiies (|iii imjHiilt' t|iu' Iriiis tonsé(|iu'iK-os sociales vi <|Uo les i('lii:i()ii.s doivent toujours l'esjx'ctor les distinctions sociales et les l»esoins sociaux.

Il suit (le la (jue la socii'té a le droit de se protcj^cr contre les lois indigieuses lnrs(|ue les Euiises «pii les édictent étahlissent des j)iali({ues capal>les de porter atteinte aux cfuulitions essenti(dles de sou existence. Parmi ces piati<jues, Moutescpiieu rauj;e par exeni})lc le droit d'asile cpii bat m brèche le droit de contrôle (|ue la société doit a\(»i[' sui' tous ses membres; la vie et les \ (eux UKUiast icpu's (|ui sé[)arent de la vie commune des cito\ens dont lactiN ite [iroductrice serait utile à la masse; 1 accunudation tle richesses (pii sont distraites de la circulatitju ; la levée de tributs i|ui saj utent à ceux ((Ue la («dliM-tivite i-éclame déjà du citoyen ; enliii la reunion du pontilicat spirituel avec 1 aidorite du ,i:(>u\ ernenn-nt ci\ il ce (pii conduit à détruire la lil»erl<'' de penser, la plus impoi-taide et la ])lus inlanuible de toutes.

(le droit de défense, la société le Jtosséde d autant j)lus léuiliiiuMuent (pu- I adNci'saire est plus puissant et mieux arme.Kien néuale en ell'i-t la j)uissance de sé<luc- tiou des Jvi:lises et les artillces de sentiun'ut ou de raison dont elles sa\enf userpour atlacherctro tenirles Ames.

En principe, la religion doit être inditférente à la vie sociale, car elle est par elle-même du domaine indivi- duel, et lEtat ne saurait intervenir soit pour (»l)liiier les citoyens ;'i clian,i:er de i'(dii;i()n. soit pour iinjjoser la prati((ue exclusive duii cidte an moyen de lois pénales. La société, en délinitive, tolérera donc toutes les reli- gions à la condition qu'elles n'entravent pas la i-éalisa- tion des fins ({ui lui sont propres et elle veillera dans l'intérêt du l)on ordre à ce quelles se tolèrent entre elles.

Ces opinions sont Tort li.irdics pour rr'po(pie et, débarrassées par 1 analyse d<'s J'onnes dont .\l<»ides- . quieu leseidoure, elles peuvent paraître brutales, mais, après tont ce cpi'on vient de lire, on se rend aisément compte ipielles tiennent ('troitement au système tout entier de Montesquieu. Si les lois en effet n'ont d'antre ol)jet (jue d'assurer 1(^ développement de hi société conformément aux hescnns de sa nature, il est évident ({ue le rôle social des lois de la religion doit être fort atténué, car ces lois s'ins|)irent d'un idéal de vie con- traire à c(dui ipii S(> inanitesle j)ai' 1 eNpiM'ience coinine étant la lin ordinaii'e des sociétés humaines. On il y ait des sociétés tout soit organisé en fonction des lois divines, Montes(]uieu ne le nie pas, mais ce <{u'il aflirnie, c'est que ces lois ne sauraient asoir dans les états actuels une valeur prédominante. Ouant au mélange des deux tendances, il ne [>cnl, à son sens, (pi être ]»ré- judiciablcà l'élaboration claire du droit pojilicpn' et du

;;«

(iroif cixil. Il fiiiil (loiif (l(\i;;is;rr les lois jxtiitiiiiics de ce ([iiCllcs (l()i\ eut ;iii\ priiicijtcs de l;i i-clii^iuii consi-

(Iflfr ((iiiiiiic Inrrr socijilc, .llili d éviter |;i enlilusioll (le (|en\ i)|(lre> de choses bien <lisliliels.

( !"est d .lilleiirs ;'i ce conseil iiciier.il (|H .1 liotll il , d.ilis le li\re X.WI. le liMN.iil iiiét ln»di(|iie d.iiialyse dans |e(|iie| nous \eiioiis de sili\ I'«' Moiilescjnicii. Aussi, le livie XW I nous |»ai'ail-il rive le pixof de tout lOu- Ni'aue. .\|ontes(|uieu, comme lieaucoujide ses contem- porains, souHrait de la contusion de |(rinci|)es (|ui Iroiddait la science du di'oil : |)our la dissipei- il ,1 entreju'is, a\ec ordre et un-tliode, une e\j)loratiou à travers les ('h'UU'nts constitutils de la société alin de reconnadre a (|uels hesoins répondent les lois (|ui I or- uanisenl et dcddavei' le sol jniidi(pie des hronssailles (MK Ih'\ (Mi-ees ipii lencondtraient ; lloraiscnis ti-op luxu- riantes (In droit r(dii:ien\ et t\[\ droit natur<d : rameaux gourmands issus du jardin voisin, t(ds (jue c<'U\ (piavait pousses le droit romain au ndheii de iioti'e droit politi(pie et civil original.

(In Voit dans le livi-e X.WI. la dill'crence (|U il faut i'ail-e avant tontes ( Inises, enll'c les lois divines et [es lois linmaines, puis c(dle ipi d Tant elaldir entre les |»rincipes de la loi ci\ ile et ceux de la loi naturelle ou de 1,1 loi de la r(dif:ion. (les icllexions pei'inettent à. .\|ontes(pneu de redresser (pndi|ue^ erreurs communi'S aux jurisconsidles de son lem|is «pii. sons | inlUiencc du droit canoni(pn' on du droit romain ((Uisideraient la

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h-ansmissioii de l'hérédité coiuiup une oi iiatiirellc, (|iii rii\ isaaoaiciit lo inariag'c uniqueineiit coiuiiie un saeiM'iiieut et négligeaient son rôle social, qui a])pli- (fnaient enfin couramment aux tribunaux humains les maximes de ceux qui regardent l'autre vie. était, en effet, la source d'innombrables abus et d'innoiiiljiablcs confusions (|ui, de ces points fondamentaux, s'éten- daient sur toutes les parties du droit pour les troublrr et les obscurcir.

C'est avec ce même besoin de clarté et de pi-i'cision que Mon esquieu examine les rapports du droit poli- tique et du droit ci\il.

On a vu dans les jmges précédentes les rapports étroits ([uil y a entre le droit politique et le droit ci\ il lors([u'il s'agit des lois d'organisation sociale destiiK'es à rendre le groupe plus homogène et plus attaché à ses princijDcs. Mais cette dépendance, que Mont<'s(|iii('u a ét('' un des premiers à bien mettre en huniér-c, cxii^e ([ue les limites de ces deuv (h'oits soient ti'és exacte- ment marquées. Autrement, sous le premier [)r«dexte venu, le droit politique, fort de sa prééminence, pour- rait bien faire interveinr d'une manière al)usi\ c ses j)ro- pres principes dans le ih'oit civil. ( Ida s'ctait \ ii son\ ciil pendant les longues aunc'es (bu'ant h's(ju<dles s'élabo- rèrent les sociétés nnxbMMies. I.<' (h'oit civil cependant a un domaine propre qui est la défense de la propriété ])r'.vée dont il doit être le palladium. Les princi]>es du di'oit politique doivent s'arrêter devant cette barrière,

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M.lis 1,1 r('Mi|ti'(i(|llc est \ l'.iic l'ji m.ltirrc de ilolMclilK' |i||l)li(- (ill <|i' Micccssinli .111 tirtiir. |i;il' exclu Jilc. ri in.il-

,i:r(' 1,1 siiiiil tiiilc tli- 1 i>|»jcl. 1rs; |iriii(ij)c^ du di'oil ciNil ne s;mr;ii<'iil en ■iiiciiiic r,i(iiii |ii-('\ .iloir.

Lliistoirr t'iiiiriiil di- iKHidirciix r\i'iii|d<'s <\t' {t-Wr cxleiisinii ,1 liilsiN r. M(»liti's(|iiir|| li'rii cite |i,is. mais ji.iriiii liciiiciiiip d.iiitrcs. il ,iiir,iil pu i-,i|t|Md('i- |,i (|iir- rrllr siir\ ciiiic ciilic UiMliii cf Henri III a |»l'(>|t<)S de r.ili(''li;iti(iii i(lie xoldait faire ce |)riliee d'une p.irtie du doni.iine i(iy,il en .NOriiiaiidie.

Les \ien\ juriseniisultes IV,iin;i i^. polir r(''j>riiii('i' ti)||te ;irn''ll,ltiiiii du di)liiailie. p.irl.lieni <le celte idt'-e ri>llil,'IIIie|il;ile d;iii^ IKiIre ancien dl'oil |)ll I die < | Ile le roi dnil \i\re Illii(pie|lielll di'S pnidllils de soll d<»lli;iilie

(|iii cuiisliliicnl les ressitiirces nrdin.iires de I,i r(i\ .iiili'-. h.ilis leur espril. les iiiip(ils sdill des ressources e\lr,iordiii,iires ,ui\(|indles il ne laiil taire ,-ippe| cpie d.ilis des cas d<''lerillilies e| |e iiloilis soUNCIll possil)ie. Tons les ini[M">|s s.iiil a |»ro|irenienl ]>,irler des c aides ».

Il illl|>orle donc ipie les re\elll|s du dolii.illie lie solll"-

i'reiil |ias de diiiii nul ion . cl l.i prciiiiere condilion est <|Ue le roi ne puisse en l.irir la source eu .ilieiliinl les liielis ipii coiislillieill leur doIlLline.

lietle coiiceplioii ,i\,iil j»ii rf''poiidre ,i neieniieiiieiil ,'i une l'éalile. A I lieiire (•crisail Moiilesipii<'ii il \ ,i\,iil |oiiL:te|llps <pie le doiil,lilie p,l l't icll I ier < les fois s'i'lait l'olidu d,llis le ro\,IUIIie ou pllll('il ipie le loxauiue s'eljlit ajoiile ,111 dolliailie l.iiidis ipie les il||p('its s"i'|,i ieli t r\;[-

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blis solidement ne faisant ({11*1111 avec le trésor ])riv(''. Il on était résulté que le domaine avait jn-is un ( ai-a( - tère politique et que les ])iens de la coui'oiiiie ne j)()ii- vaient plus être séparés de cette couronne. (Ida sim- plifiait les choses et évitait toute discussion. De même que le roi n'est point maitre de sa couronne dont les lois du royaume rèaient la transmission, de même les Ijiens qui y sont attachés ne sanraient être régis par les principes du droit civil.

Par un etfet contraire, n'est-ce pas en se fondant. par une confusion de principes, sur la loi ri\ile des Flandres, que Louis XIV, soutenu dailleni-s j)ar de complaisants jurisconsultes, avait revendi(|né les l'ays- Bas au nom du droit de di'-vdlntion.

11 nnportait donc de mellie le droit à l'ahi'i de ces interprétations fantaisistes, d'autant plus danizereuses que par la confusion même des prhicipes. (dles pou- vaient être de ])onne foi.

Si l'on considère entin le droit des gens, ('tant donné que, en dehors de tout so])liisme sentimental, la seule règle qui préside aux ridations internationales esl la raison du plus fort, temj)érée il est vi-ai ])ai' le souci d un intérêt bien entendu, il est évident (|u"il m' saur.iit admettre les principes du droit civil doid la consei-va- tion de la propriété forme la l>;ise. non |)lus (\\u' ceux du droit politi([ue (jui à côté de la notion d'autorité retient celle de la liberté et reconnaît les droits indivi- duels,

- ;o

Ndiis ;i\ttiis iii.iiiilcii.iiit p.u'cuiini ;i\('c Miirilcs(|iiicii Idiis les i>|<-iiiriiK i|iii ciiln'iil dans la iuiiiiatiuii (le la loi cl ra lactciisciil mmi (ili|rl. Nniis avons Iromc daii'^ <('|lc aiialysr les iii(>\riis (\r li\('i' à cliaciiii (It's droits |iar"licillicrs Iriii' dninaiin- |»i<)|)ir rt de di'tciIllilHT les limites i\i' leur |»i-IH''t l'a t ioli I-rcj-

])I'(MH1<'.

Kestc rai)])ii(ati(iii. Ici nous muis tfoii\-oiis vu juv- scnci' (\'[\\\ ('léiiiciit iiou\<'.iii <|n(' M<»iitcs(jiiicti a\ait du l'orccnicnl n(''L:ii^ci' dans son ctndr d<'s conditions csscnli(dlcs (|ni |»n''sidcnt à la vio s(M'ialc. (Ictfdcnn'id (•"est le temps. Il sera rcpiM-scnti' |»ai- I inllnence (piOid les niH's sur les anti-es h's lois an coiifs de la vie dnn ])OU|)le. Non seulement, en ellet. la loi di-pcnd des capjxn'ls l'ssentiids nécessaires à la conser\ation et à la |»ermanence de la >ie sociale à un instant donne, mais (die est encoi'e solidaii'c du ]>ass<'' (|ni a determin('' les situations, |»r(''|»art'' létal d <'S|)i'it, orient»' les nneurs. ( >n ne |H'ul donc l>i<'n connaître les lois (|u en les rap- |>orfant a leui- histoire. Or cette histoire n est antre »pie riiistoire des nneui's et de la civilisation sous I inllnence des(ph'ls le droit Se crc'e de proi'he en |H'o(dM' par limitations ou par dex eloj»|ienM'nls snccessil's.

Les jinisconsnltes du \\i' siè< le I avaient hieii pres- senli. ( injas, sniv I an' w n'' sié(de parle |n'esideid l'alire dans sa Jinisp/nf/f/K r l'a//inir/nir et dans ses l{<ili<t- ii'i/iii ml I*(iikIc(/(i^ avaient appliipn' la méthode histo- ri(|ne an droit civil romain, lîeaudoin, Hodin et

M

Hôtinan avaient montré toute riiti]it('' de l'histoire pour étaldii' I<'s maximes du droit politique coiifoi-HM'meiit aux cireoustauces partieulières dans lesquelles se sout peu à peu coustitu<''s les Etats modernes.

(Test cette voie (|ue suit .Montesquieu, mais avec plus (le sûreté (|ue ses devanciers, [)réciséuient parce que Fanalyse (|iril \ieiit de faire siii- l'ohjet général des lois lui donne des points de repère pins snrs p(inr l'histoire des lois et de la civilisation.

fVjur mettre en lumière cette (h'penthince naturelle et nécessaire Moutesqui<'U ('tudie tout d'abord ['('volu- tion du droit successoral chez les Romains en s'atta- chant à montrer comment il se modifie, se développe et s'élargit suivant les jjrincipes dont il s'inspire suc- cessivement selon que remportent tantôt les considé- rations politi((ues, tantôt les considérations d'ordre privé et humain. l*armi ces dernières, il l'aiil ranger toutes celles f[u"amenèrent le (1(''\ (dop]).Mnent do la conscience morale sous l'intluence (h- la |tliil(ts()])hie grecque et la conversion du monde romain an diristia- nisme.

Ainsi, à mesnre ([ne nous axançons dans I7„"sy//v/ (/cv Lois, nous \()\()ns la \ ie p('-n(''li'er dans loiiles ses pai'lies. Toiijonrs plus soucieux de la realit*'- ondoyante et diverse. .Monles([nien |)rend hien soin de nous l'aii-e sentir cependant le lien (pii en l'attache les unes aux autres toutes les manifestations. Kien n'existe et ne peut durer dans Tordre social (]ue ce (|ui s'est ('tabli

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p;ii- r;i]>port aux rônditioiis; ossontidlc^ (\\\\ jionvrnf (l;iii>< iiiK' (irciiiist.iiirc (IdiiiKM- («Il a^siifcr' la |)('niia- llf'lirc et la cf m tiiiuih'-. l'ar ces rdi'ITclirs et ers limi- tatiniis (If sa jx'lisi'c, M<iiit('S(Hii<Mi cvf luiii de ce l'atalisiiic sciciitiliijiic (|u itii lui a si smunciiI icprnclu'' ot (|ui so jiiaiiifostc iirii(|iiriii('iit dans les jtrciniors livi'cs.

Mi('ll\ nicoi'f ([Mr (l.iiis le li\|'r X \ \' Il . ce sourj

(le la ivaliti'' apparaît, dans Ir li\i<' XW'ill Mcii (Hiil iK^ soit ])as tout à fait du iii(''iiic uviii-f «nn' le ]>i'('C(''d('iil.

h.iiis je li\rt' XWII. cil cHft. Miiiitcscpiicii iiiuntro au uinycu d'un ('\<'uipl(' |»ai'li(idirr cdunucut I'c-ndIu- tidii du dr-iiit suit l'/'X olution des uici-urs. Tnul d'aliiii-d. et dans les t(^Mi|»s la sncit't*' s oruanisc, le S(»uri ]t(»liti(|U(' de roi-uanisation sociale prime tous les antres, ("/est ainsi <pi'an\ ]>reini<M's teni|>s de |{onie le r<\i:inie de la JU'opric'te et celui des successions lient ]ilns de compte des inti'rèts i:cnei'au\ (|Ue des inli'-rèts particidiers. Le testanieni esl alors un \<''rifaldr' acte ]Mditi(|in'. .\\cc le de\ elo|»penn'nt de la securil<'' et l'état de slal(ilit('- (pii r(''sidte à la loni:n<' des lialiiludes imjiosi'cs jKiur ialla(lier •'•troitenn'nl I individu an corps social, il dexieiit possilde d accorder' plus de place aux senlinieids individuels. Les lois s inspirent alors de considi-raf ions jdus jinmaines (pii Iniil ]»r(''- dominer les aU'ections |»articulières sur le senlinn-id de ce (|ni est a la c<d|ecli\ iti'-. Il en est ainsi jus.

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.qu'au jour Foxcès (1(> l'individualismo, nionaçant do l'uiuor le corps social, aiuciic un retour aux idcos diroctricos uui(|U(Mnciit inspii-cos dos uécessitcs jtoli- ti(]Uos. C'est co quo 2)rouvc encore dans riiistoire du droit rouiaiu la suite des lois qui régisseut les suc- cessious.

Encore faut-il (jue l'Etat ])t)liti(|ue jîerinette aux lois d'exister et leur assure une autoriti' sul'iisante pour reuqjlir leur objet ([ui est de uiaintenir l'oidre.

l^ji étudiant dans le livre XXVIII les révolutions (\\\ droit civil chez les iM'ançais, iNIoutesquieu n;i nous exposer de ([uelles cii'constances extérieures à elle- niênie et à ses préoccupations essentielles dt'jx'ud encore la loi j)our ([u'idle ])uisse obtcMiir tout<' sa force et manifester toute Tautoi'ité (pii est en elle.

L"a])plication du droit dépend en (^ffet du deuré (rautoi'it('' des lois en \ii:ueur. l/olx-issance aux lois est facilitf'e. on \ienl de le xoii-, si (dles sont lout dahord l'ondé(>s en i-aison sui' i^'-tal des ino-urs: mais C(da ne suffit ])as. Il faut encore qu'une auloiMlc' c nsciente soit cai)al)le d inq)oser leur i-especl et d'établir, pour les faire aj)})li(pM'r, un système d"en(pn''1e et de jugement assez sur ])our que personne ne puisse espérer pouvoir les éluder.

Or jamais cette vérité n a|)i)arut j)lus ( laircniiMil (pu- lors du grand boule\ crsement |>roduit en occident j)ar les invasions barbares. Pendant plusieurs siècles IV-tat politique, toujours insta1tl<\ ne ])arvint ])as à trouver

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s.i foriiM' |irii|»i<'. Il n'y ;i\;iif jutiiit (r.nitorili' nii. (|iinii(l l'Ile cNist.iit. <'llc se hdiiN.iit i II li II i iiiri 1 1 iimrcclt'f.

ir.illll't' jt.llt tirs |H'll|(|fS (|r (MlMcli'lr l'I <li' liiirill'S

It's jtliis <li\ris sr I loin rrt'iit en picsciicc sans |Miu\<iii" parx ciiir a sr IoikIit. l'airilir xai-irt»' se ict roin ait dans les |tiiini|t<'s iii(iiaii\. Ajni's Ion \it cncxisfci- dans laïKirii iiimikIc les Inis lia rlia rrs, |U'<Kliiil (\r>i invasions h- droit i-oinain de I lifodosr aïKpnd ('•taicnt al<ti"- soiiniiscs toiitrs les rcuioii- de I |-",ni|)i!T le droit <•(•( |('>iasti(|ii<' iirandi au niilirii de la toiir- niciitf a la doiildr Iniiiirii- dr la raison roinaiiir *-t des ]»rf(«'|»ti's d(> rK\aiii:il<'. (ihaciiii de ers ::i'oiijm's de lois i-cj)on(|ait à I rspiil d iiiir |»aitir dr la |io|Milatioii sans |ioii\oii' |)ivtriidr(' 1 (»ldi,::('i" dans son cnscniMr.

I.r dioif de la forer donna la jinM'niiiK'ncc aii\ juiii- ri])rs liarltarrs (|ui ilnirriit |iai- l'ain- doininn- une eoii-

roptioll lie I oldle sorial. du dloit et de la jllstiie dans lai|ne||e les rioyaiices et les lineills d un |ieii|de |tri- niitir>(' niidaieiit à d i'traiii:es sii|ierstitioiis issues diin (diri tianisme ideniontairr sans (|n ainiiiie aiitoiili- fut ea|ialde d inijMiseï" un système Itien lie.

hall-, la dissin-iatioii de l'iJat. en elj'et. daiis la di'i lli-aiiee de la l'ofee |illlilii|l|e i|||i snrcedellt ail\ ili\a-

'ioiis. il ii\a |d Ils III droit, ni lois, thijteiil inr-nie dire

(|ll il II \ a jdlls de soiii'te, mais seulement des suiii'lt's sni\aiit I liaruiie des lois |»a l'Iiculièles.

Ici. les lois jV'odales sont toutes insj>irees du désir et lin liesoin de j»er|»i'tui'r par 1rs modes de li-aiisniis-

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siuu du ti(d' la fortune de la l'aniille et de uiaiuteiiii- parles rapports établis ciiti-e les individus la hiérar- chie des personnes nécessaire à la prospc-rité de la caste.

Là, au contraire, les i-apports sociaux, en rahsence de tout intérêt nécessitant des dis2)()sitions spéciales, sont uniquement refilés par les coutumes locales, (^est ce qui a lieu pour tout ce (pii, dans la socitH*' (hi moyen àue, n"aj)partient i)as à la t'éodalitc'. (les coutu- mes suffisent lariiemcnt à maintenir lOi'ch'c^ parmi des individus vivant sur des teri'itoire^ peu étenchis. Mais elles sont extrêmement variahlcs, et si. dans leurs ])rinci])es, elles présentent assez d"uiiironiiit('. en par- ticulier p<ini" tout ce (pii coiiccnie ril(''I'(''(nte et les successions, domine I esprit (h''mocrali([ne. cepen- dant, les habitudes h)caleset h-s divorgeiices (Tint^'-riM ]>roduites par les diiferences dans forientation (h- hi vie et dans les tradition > de chaipie ])ro\ince. modi- tient très sensiblement les détails d application selon ([ue Ton considei-e 1 llst on M>nest. le Nord <in le Midi.

\i\ï d anti'es endroits, la soci(''t('' ec(d(''siasti(pn' se uou- V(M'ne pai' des lois Ion re<dnnait. a ci')t('' de 1 in- Ihu-nce (lu droit romain, la niai-ipu' de 1 esprit i lirelien. A mesure «pu' croit rautorili- de i'Ktrlise, laultirile de ses bus s'étend aussi. |)i-iiicipalement en ce (jui reii.irde toutes les actions (pii ridèNcnldi- la conscience nior.ile on (pu jH'Uvent iidlncr sni' le Itonlienr «mi sur le mal-

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Iniir (Ir 1,1 \ ir riilmc Ainsi ICspril di- l;i li'uisl.iliitii tir ri\::lisc |»cii('lrc 1,1 l«'L:is|;iti<)ii ciNilr iioii sciilcim'iit .111 siiji't (|c«s iii,iri;ii:t's ft des Icsl,! mmmiIs. iiiiiis cihoi-c |i(iiir tmilcs les sdi'Ics (1 nliliii.iliniis ri (le ci ili I lals cl sili'loiil |miir 1,1 rcprcssidii des IV,iiidcs. didiN <l cl'iiiics.

Sur ce dcniici- |)<iiiil, le senliinriil de 1,1 justice (li\ilie sjijollt.inl ;ill\ \ieilles I r,idil loiis i;enii;illif|lies, coiltl'ilMir à ddllliei- [iliis d .iiitoiile et de iDice ;i l;i sellli' jir;ili(|iie .idiiiise coiiruiiiuienl iilors jMHir |trnii\er le dl'dil. je \eil\ Ji.lller du duel judici.iire sur le(|liel M()lllesi|iiieu insiste dans le livre XW'lll a\ec tant de raison.

pour (|U une S()ci»''l('' se m.iililienne et |)r(is|»ere. en ell'el. il ne Millit jt.is (|n l'Wr |Missede nil sxstéllie de lois réjulanl les rajtjiorfs piildus ou prixcs : il tant enctu-e (|ne (liacun j>uisse l'aire recoiin.iili-e son di-oil. Le (leure d aiiloi'il('' des lois, leur rôle l>ienlais;inl. dejten- (leiit Jiloi's surtout de la ni.iniere dont est .Klniinistrée

la |tl'en\e ,iiissi hieii (|ne de la cl.irle et de la |»ro|)os

(jue la |iiiissaiice jiid)li(|iie ( lui r,L:»''e de 1 ('• l: i te re r aura sn introdiiir»' d.ins leur n''d;ictioii.

I, iidniinislriilioii de l,i |tren\e e»l 1,1 Ha ire d'un tiei's impartial i|ui se |)l;ice entre les individus on liieii entre la société et lin<li\idu jtour accoi"<ler à chacun les réparations .iiixtiindles il prétend.

j'our scflairer le juiie s'.ippiiie d'une p.irt sur l.i lettre du droit, d autn- jtart. sur tout un eiisenildc de

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témoiii liages et de preuves destinés à déterminer d'une manière irréfutable le côté se trouve le bon droit. l>"aduiiuisti'ation de la preuve est donc un des objets les plus essentiels à toute l)onne justice. C'est sur elle que se fonde et se justifie la sanction.

Dans une société très civilisée, oîi les rapports sociaux sont extrêmement divers et les intérêts en jeu sont par conséquent très délicats à apprécier, l'action du tribunal denumde pour s'exercer un méca- nisme subtil et sûr. Au contraire, dans une société encore rudimentaire et dans laquelle, au demeurant, étant donné l'état naturel de violence dans lequel elle vit, on ne saurait ni donner conliance à l'autorité, ni garantir rinipartialit('' des enquêteurs, ni assurei' la sincérité des témoins, il faut que la preuve se j>ré- sente aux yeux de tous d'une manière si frappante «[ue personne ne puisse la récuser.

De là, cliez les peuples primitifs, le système drs ordalies qui, pour suppléer à la faililesse liumaine, fait intervenir la justice inunanente à la divinité. De l'importance (]ue j)rit dans la société du moyen âge, le duel judiciaire aussitôt après la disparition du dernier vestige de l'autorité j)ubli((ue. A cette é])oque à la fois simpliste et supcM'stitieuse, le duel judiciaire devient, en debors des tribuujiux d'Bglise (jui coiisci'vent les anciennes fornu's de |)roeédure, la seule manière de prouver le droit. Tout le monde y a i-ecoui's. mènn- les vilains. Le duel judiciaire ne cédera la place que

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(IcN.iiil 1rs jtiourcs <!•' 1.1 jiM-i»lirti()ii r<»\;ilf inanilcsti's (Ml iMTiiiit'r lieu i>;ir r«'\t(Misi(Mi dos ;i|t|M'ls sans cum- liaf. «'Il sfciunl lii'ii par If (|t\ ('ln|»|iciii«'iif de la j»i-<m-('- diirc f<rit»'.

A snii tiiiir. Il- |)r(ti:frs de la iiirididinii i'ii\al<' favo- i-is('i-a la ci-caliiiii |<'i:islati\(' <'t la lraiis|'(.riiiatiiiii des coiitmiM's locales m \ critaldcs lois.

{. os\ liMiSfinM»' dt' ccttr t'\ (dlltioii des l'ollilrs cxtc- ririii-cs du di'oit m (iaidf. jniis t'ii l'iaiicr, (|iir Moii- t('s(|iiirii a|»|Hdl<' iJf / orKji/ie e/ ih's rt-rohil tons îles /ots civilf^ chez /es hra/irais. il iir faut pas s ctomK'i' du (•(Uitcmi de (•<' cliapitn'. Nous venons d CxplicpnM- pai- l'idr»*! d<' ipudlcs cii'constancos la tonne extéi'ieuie du droit en était \cnne à le repre-enter tout enti<'r si l)ieu «pie .\|ont<"s«piieU. \ttulaiit <'tudiei' les lois ne trouve de\aut lui (pU' des loruudes ou des e\J)»'dients de proci'dul'e. Il laut aussi se rajtp(der le sens ipu" 1 on d(»nuait alor> a ces mots « droit ci\il - loi-, civiles •' dans notre ancienne langue jui-idicpu'. On rangeait alors ^ous |r nom de droit ci\il non srule- UM'ut toutes jcN matières d ordre prive tpu' renlerme anjourdliui noli-e (iode civil, mais encore I ens<-ndde

des toiinides et des movens projues à nietiri' ii's |o|s en O'UV re. tous oLjcIs ipn rep<uident à noire (Iode de procédure. ()n les op|K»se ainsi en liloc au droit juiidio

<pii s occupe milipieiiieiit de i:oU V e riieilienl et dadiui-

iiistratioii. Moiitesipiicii est donc e-idement liien l'ondi- d niie part en donminl a ce liv it |r litre d ••Inde sur

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les révolutions du droit civil ciiez les Français et d'au- tre part en n'y traitant jDoint du tout le sujet que nous attendions et qu'il nous était permis de supposer après le livre XXVII.

Arrivé à ce terme de son analyse, si logiquement poursuivie à travers tant de faits contradictoires, Mon- tesquieu clôt son étude par des conseils pratiques sur la manière de composer les lois qu il désire toujours claires et sans équivoque dans la précision de leur texte .

Le livre de ï Esprit des Lois peut alors être considéré comme complet et elle ctive ment les critiques regret- tent que Montesquieu ne s'en soit j)as tenu et ait ajouté, conmie une sorte d'appendice, deux livres sur les lois féodales qui paraissent au j)renii(M' alMird un liors-d'œuvre inutile. On ])cut (•cj)en(lant essayer de justifier cette étude (|ui an dire de M(;nles(|nien lui-même lui donna plus de mal (|ne tout le reste de son ouvrage.

D'après ce <jue nous xcnons de voir ï f'Jspri/ (1rs Lois nous a montré connnent les lois s'organisent par raji- port à la nature des choses de la \ le sociale considérée dans les éléments constitutifs de sa nature ; com- ment elles tiennent compte de rinfluein-e (]u niili<'u pliysi([ue et du milieu nioi'al : ecnnmeid (dles se rat- tachent aux traditions (hi passé; mais ])ar une appli- cation ininu'diate de la méthode cr(''ée |tar Mindes- quieu, on ]i<'ul se demander si (die > apidiipu' a la

Oudiri . 4

no -

rol'lliiitioll tirs socirtrs liKxlrnics cl si l'ilc peut irlull'C cdinpti' (le 1.1 iiiaiiicrr dont se s(.iit orfzaiiisrrs les sociôtrs Irodiilcs issues des iiivasi«»iis Itai'liarrs et <|ui |)i-<''S('iilciil un ( aractriT si dillV-i'ciit dv tniitcs les lor- liics socialrs dmil riiisloirc aiiciciiiit' a\aif dDiinc les modrlcs. ('.est |>rc(is<'iii('nl |iiiiir it'jiondrr a cette riiriusite hieii leiiiliiiie el iiioUNcr la valeur de 1 iiis- Irunieut ((u'il a Ini-t:»' (|ue .\|nntes(|uieu ((Misaeie les deux derniers livres de ï/'Jsfirit (/es Lois à l'ôtudo des lois IV'odales dans leui- ra|t|Hirt axcc 1 ('taldisseiiient et j|\ec les |i'\ iduliiHls de l;i Mouart llie.

Mais il |)eul \ avoir aussi une autre riiisou. Malgré le earaclère tlie<)ri(jUe d<' ses pl-i'oeeupatioUs, Moutes- (|uieu lie se (l(''siut(''resse |»as de la politi(ju«' active, il a t(iu_inurs eouser\«'' ICspril dlishcck du de liica ceiisuranl les juineipes de u iiveriieuieiit d »»ii snul sortis les luallieurs des dernières années du rétine de j>()uis XI\ et la eorrujttiou du t(>iiips de la HéK;«Mice.

Les flu'oriciens de laKsolutisine, en ellet. enfi'al- naienl la Moiiart liie dans une direelioii e(»nlraire à l;i raison si Ion considère les coiidilions esseiili(dles de loule \ie social*' dans Lupielle le jtrinei|»e de liliel'lé ne doit pas tenii' moins de place tpie le principe d au- torité. Mais, d antre part, les tlit'oriciens de la liln'i'li' exaj:<'iaieiit. surtout au xvi" siècle, le i-ôie cpii lui est dévolu dans 1 oj-^anisation sociale. Los uns rt les aiili'es. par I onidi des données liistor'i(|uca qui ont j)i'ô- »ide a la rorinalioii de la nionart liie IVuDcaise, ue puU'

5i

vaieiit que nuire à. réquililn'c de l'Etat eu i-oiiipant la chaîne de ses traditious.

Ce sont ces traditious <{ue .Moutescjuicu veut rciKtuer eu luoiiti'jiiit (1 alxii'd coiiuiiciit s'est loi'iiK'c la société féodale et counueut ensuite <mi est soili un i-.\uinH' ]uouarclii([ue répondant dans ses prajides ligues à la définition in ahstracto donnée par lui dès le déhnt de son ouvrage, uuiis particularis('' |»ai' certaines nneni-s, par certaines habitudes créées par les eii-constances même de son éta])lissement.

Dans (juelle mesure ces nnenrs et ces lialiifndes venant régler 1 exercice du jiouvoic ont-elles jiermis à la monarchie française de satisfaire à la fois le pi-incipe d'autorité et le j)rinci])e d<^ lihei'té. c'est une ([uestion que Montesquieu n a pas rt'solue e\])ress(''nHMit mais sur la(|uelle il nous a laiss«'' assez de renseiuncnn'nls pour nous permettre de conccNoir sinon iteuf-ètie la solution «pi il lui aurait doiuiéc, tout au moins celle (pii se peut logicpuunent (h'duire de ses ])rincipes.

Lue pareille recherche ue scunlde pas inutile.

On connaît en etl'et l'usage (pii a v\v l'ail des tln-oi-ies de IMontescpiien j)oui' r<''tal»liss(Mnenl de la inonarcliie parlementaire. l*our ipii ne s'en lient i)as aux jtn'niiei-s livres de VEsprit des Lois ou nn'-me au seul clia|)iti'e sur la constitution anglaise il aj)])arait (pu' cet usage a ét('' ])our le moins ahiisil". I-'J puisipu' Ion s est tant réclamé des j)rincipes de Monles(|uieu, il nous a sendtle intéi'essant de voir (pnds ra[>j)orls on i>eul (Maldir

.>-

«Mltfc les |)llIKi|ics (If Mdlitcstjiiicil ri sil llicnric de la iii)iiiar<-lii<-. iir r.iis.'iul ru cria (|ii a|i|)li(|(ici- a un |)iiiiit |)ai-ti('tili<-i' l<°i iii('-tliii(ir iiiriiic (ioiil il .1 doiiiK- 1 (wniiplc.

III

Le libéralismo do Montesquieu est une Nriitt' reconnue. L'Esprit des Lois peut passer en etiet dans sa partie politique comme le Code des libertés du citoyen, car on y trouve exjj rimes pour la première fois sous une forme énergique et précise les principes sur Icsfpiols j)eu\'ent se fonder les droits de 1 lioiuuic. A ce titre, les constituants n'avaient point tort lors- cju'ils se réclamaient de Montesquieu pour reconnaître ces droits et leur assurer des garanties dans les constitutions nouvelles qu'ils élaboraient.

Cependant, l'on se tromperait étrangement si Ton supposait (pi il eut pu les suivre dans leurs aflirnia- tions si absolues. Sa méthode, plus concrète et plus sou})le, n'aurait pu- s'en acconnnoder, et jx'ut-ètre aurait-il trouvé (ju'ils forc^-aient un peu trop la luiture des choses.

Si Montescj[uieu proclame bien évidemment les droits du citoyen à la liberté de penser, à la liberté indivi- duelle, à la liberté de la ])ropriété et à l.i liberté

u

]K(riti(|iir (|iii u.irjiiilil ImiiIcs 1rs ;iiilrcs, il se ::;ir(l(» Idcii (le |in's('iil('r CCS (linils coiiiiiic iiiuNcrscls et .llisoliis |»;ir cil\-lliciiics. ;iii iioili des di'dits sil|ti''fieil l's (le l.'i li.'illir." Iilllii.'illic. Il lciii|)c|'e celle lii(''t.'l|>ll \ si< | Ile en lell.llil c(illl|tlc (li's CMiil iii-cjices de I nl'i:.-! MIS.l I H ill Sdciii le j»;irlic|i||èl'e ,1 cli;i(|ile |)e:i|»|e. cl slirlniil. en ne lieilliLii'.inl |»;is I iiillneiice du r.icteiir |)s\ c|iid(iL:i(|iie l'cprrseiitr' j»,ir le d<'sir (>t l.i ci'()\,iiice. source pl'e- init'i'e de Imites les .ispirat nuis des iiidi\idus cdiiiiiie des ci)llecti\ il(''S.

Nuiis [tuiiNons donc. iii;iiiileii.int (|iie nous ;i\oiis r;i|tj)ele d après nos |»reiiiières coikIiisioiis I ecoiioiuie £;•(' 1 )»'■ la I e de 1 hlsjiril des Lois et le r\lliine de soli d(''\ (do|»|)e||ieilt , préciser le sens (|ue .M< Hltesi |U ie||

;ittac|ie à la lilierti- et aux lilierlt's et di'terininei-

1 illlllleiice (|iie celle (dnce|»lio|| peut axoU' elii' sur ses

théories p ililnpies. en jtarticiilier sur cidle ijii il donne de la iiioiia rcliie.

Tout dajiorl. il con\ieiit de renianpier «pie la lln-orie di' Monte. (piieii sur la lilierl»'- |)o|ili(pie s(> ratlaclie etroitenienl a I idée ipiil se l'ail de la loi et du droit natuiid. Il ne pouvait jias en l'Ire aulrenient s il est \rai <pie tous les theiricielis de la lilierle ont loii|oiirs cherclii" dans ces iiièiiies iiolioiis les principes ca|ialdes d<' l'ondcr <-t de soutenir en droit les reveii- dicalioiis des |ieiip|es ojtpriuM's daiis leur liien-ètre iiiiil(''rie| ou dans leur conscience.

(".<'s| au iioiii du i|i<(il naturel, olisciin-inenl |tres-

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senti à travers les souffrances du ])oupl(', <]iie 2>i^i'l'^i*^"^ aux Etats-Généraux les orateurs du Tieis-Ktat, IHiilippe Pot ou Robert Miron. Saint Tliomas d"A([niii ot les docteurs scolastiques invocjuont aussi le droit naturel lorsqu'ils proclament que les rois sont faits pour los peuples et non les peuples ])()ur les rois.

Mais sur cpioi se fonde ce droit naturel perpétuelle- ment invoqué ? Sur le sentiment de la justice et de l'équité que Dieu dépose dans le cœur des honunes par l'entremise des préceptes de sa loi d'amour et de charité, proclament les théologiens : sui* les données de la conscience éclairée ])ar la lumière di\in<', assurent Grotius et Putfendorf, en reprenant les théories des philosojîhes anciens et les jurisconsultes rinnains.

Cela est bien, et ces efforts vers plus de justice et d'équité attestaient un progrès certain sur le rèi;ne de la force et dans la voie de l'unification du dioil à laid*^ des principes rationels. ('es solutions, cependant, avaient un grave défaut. Les premièr<'s conrondaieul le droit naturel avec la religion ; les s<M'ondes ne le séparaient pas assez de la morale. Les unes et les autres, enfin, malg:ré leur désir de déterniiner les règles de l'équité et de la justice, en laissaient liop encore la connaissance et l'application au senti nu-nl que chacun ])oUNait en axoii'. ()i', (juelie cliose ])lus variable et plus fugitiv(\ j)ius divei'se et moins sûre cl dépendant de plus de facteui-s (|ue le sentiment. \<m'e même le sentiment moral?

rs

(l'ost alors ([n"a]i|»,iinl daii^ Ic^ jucmiri'os annros du

Wlll'' siècle lllie innixelle école de dl'oit naturel lulKli'e SUf I étude des lois tie I lioinuie \i\aiit a ji-tat de liatiU'C. (• ost-à-dife en deliois de toutes les coutiu- ii«Mices s(»cial<'s. Si la iiiultiplicile (\t'<. accidents de la vie peut ohscui'cii' ( liez 1 individu la notion du droit et tlYUlblor sa cnnscieuce. le nn-illeUI' ulo\eii de I (■( laiier n"(»st-il |)as de lui nionlier ce (|iril était dans son état jU'iiuitil" et a I oi-it;'ine nn^ne des socit'tes ?

PoUf ces del'uiei'S théoriciens, la loi naturelle n est |dns celle (|ue dicte la conscience, mais au couti-aii'e celle (|u imposent a I lionnne j>riniitil' ses hesoins inuu»'- (liats. l'allé se conl'oiid alors avec la loi (\o nature. Partant de ces piancipes. ils arri\«'nt à d<'s com lusious (pu- 1 on peut lacileiuent rt-sumer dans les pro|iositions sni\ antes : 1" les hommes naissent tous <''L:au\ et lihi'es ; '1" le coidact de ces forces éiinles euLtcndre la L;iu'rre et I incLialitt' ; 8" le i-»"»|e {\o la soci<''t('' doit èti-e de rf'-tahlir l'oi'di'o, soit eu raintuiant surtei-re la liberté et Teualité jiriuiitivos (I.oeUe;, soit eu niainteuaut j)ai" la force les inc'iralités e«Misarrées (llohhes ; loi'scpu- les hommes i-eclament la liherte et 1 cLialite. ils le l'ont donc, dans le |u-emier cas, ,iii nom dn droit naturel dei'i\e d<' leur état prinutit'. haiis le second cas. au coutrau'e, ce uuMue droit naturel IcLiitinn- tout absolutisme et tout despotisnu'.

Tontes ics constatations sont de la plus haute im]»or- tance. car «dh-s nous j)erniettent de mieux saisir Tetat

?)7

d'esprit dans lequel se trouvaient les contemporains de Montesquieu par suite de la confusion (juils faisaient de ces ternies : nature, droit naturel, lois de nature, lois naturelles qu'enqdoyaient indifiëreninieut lune et Fautre école, en y attachant au fond, comme on vient de le voir, des sens tout à fait différents.

Or, pour Montes(piieu. linterprétation des uns n'est pas plus légitime que celle des autres.

Si l'on peut reju'ocher en effet aux premiei-s de faire appel à des principes ])liilosoj)Iii([iies sans ancnne réalité concrète, de telle sdi-te ([uil y a en somme autant de droits natnrcds ([ne dr principes (litr('r('nts dont on j)réten(l les tirer, on pent Manier les seconds. avec non moins de vérité, d'aller chcrchei- lenis prin- cipes dans une réalité si lointaine que nons ne pou- vons à son sujet former (|ne des hypothèses. (Jui })eut nous dire Torigine des sociétés et comment imaginer avec sûreté 1 état de natui'c: " .h' n ai jam.'is onï jtarlei- du droit public, dit Montesquieu. (piOn n'ait comnn'ncé jiar rechercher soigneusement (|U(dl(> est l'oriuine des sociétés; ce qui me parait ridicule. Si les lioniines n'en formaient ])oint, s'ils se ([uittaient et se fn\aient les uns les aiiti'cs, il fandrait en denian<ler raison et cherchei- j)onr(|noi ils se ti<Minent s('j)ar(''S : mais ils naissent tous liés les uns au.x autres; un lils est auprès de son père et il s'y tient ; voilà In société et la cause de la société » (1). L'homme, par le

4. -^lontesquieu, Lettres persanes, lettre 9i.

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soul fait (]•' la fillati..n <•! «1<' la raiiiillo foi'iiif (Lmo toiif iiatiin-lIciiH'iit ;i\('(" 1rs siens un rniln-\<)M il<* s<ni(''tt'' «jni SI- (l('vr|n]»]»cia |iimi à jirii. I, Imninic isolé, riioninir à 1 «'lut (le naturr di- llolihi-s, nCsf (|u"nn(' m-ation ilr 1 iinauinalinn. ft a mi]>i»iisci' nn-nic (|n un tri lioninic <'ùt ('\is|('', il aurait cIicicIk' a (•<)nsri-\ri' son ('tiT l»ifn |ilutr>t m utilisant 1rs rrssuui'rrs di' sa l'aiMrssr. ([u «ui rssa\ant d ini|tnsri' |iar la l'oivr sa (joniination. << iKins rrt itat. dit .Mi)ntrs(|iiirn. rjiacuii sr sriit inférirur. à j»rinr cliarun sr srnt-il <\L:al ■• 'IV Aussi rrt t'tat (Ir rl'aiutr. ce srntiuM'Ut dr jrur lai- MrSsr dans lrs(|Urls il est |dus laisounaidr Ai' suj)|nt- srr <|u aurairni \i\i'r 1rs lioninirs à ICtat de naturr. loin Ai' 1rs |)r»ussri' à la uurrrr. 1rs devaient eiii:a.î:«'r i)ien j)lutùt à s iinif. s il n y avait eu <l<'jà la laniille. car la société déru|de |tai' I rnti'aidr les forces de rlia-

CUll.

La socirt('' l"ond<''r sui' ! assistance mutuelle, est donc de (|U(d(|ur la(;on ijin' I on i-aisonnr. Ir seul fait |U'inioc- dial l'f'rl. siiil <|Ur I ou partr dr la l'aniillr. soit qur I on \('ui]|r reniontri- jus(ju à 1 état dr ualiiir.

S"rnsuit-ij (|ur 1rs lioiuiurs naissent rL:an\ ainsi (|ue

le |i|i'lrud Loi l\r .' Ou |trlll Ir soulr n 1 C r I Moutrsi|U ir U srnddr \ sousrrii<' h\ i/r\ /^.. \|||, .'{ ,i condition d ad- Uirltlr I clat dr natllic. Mais, s il r\istr. rrt rtat nr diiir pas. il l'ail j)la<r aussitôt a la sorirti' (|ui rsf Létat

1. Esfirit fipx /.ni s. \, ■j.

no

normal de riuimanifr. Or In socirti'' ])i'imitivo cVsf lo pègno (le riii<\i:alit(''.

Si ];i f;i mille est riiiia.iio do cetto socii'tf', <|n y a-f-il do moins compatihlo avor l"(''i:nlit('' ([tic l;i constitutioii do lit famillo ? Lo prw y (h'-ficiit, siii-toiit dans les yo(i(''- trs [)rimitivos, une antoi'itr ])i'os((uo ahsoluo. si hicn ([uo l'on a vonln xoir dans r-otto j)iii->sanc<' jjatcrncllr rorig'ine do raiitoi'it»' jnMnai'cliiqn*' : la tVnnm* y est jjresque esclave ; quant aux oïdants, riii(\L:alit('' de leur aiio et de leui' force leur cvôo en lait des dcNoirs ditiV'- ronts (jui se traduisent pai- des di-oits im\uau.\ a jouir des avantages ([ui ('(diouent au i:rou})e.

(]()nsidère-t-on, au contraii-o. la soci(''t('' (■(•num' nnc réunion d"indi\idus (|ui ont mis en commun leur l'ai- Llosse pour s"eu faire un sontien. le sentiment dinéga- lit('' de leurs forces (|ni a poussi'' les jiommes à se rc'unir, engendrera ponr c()nnnencer ini sentiment dinégalité dans les droits. l{n <'ll"et. on hien les pins faibles tr(»uveront natnrellement .juste (pu' les plus forts soient rt'compen >(''s, jiai' nn traitement meilleur, de la snret('' (piils prncni'ent à la coIlecti\ it(''. bien ([n'en l'ait la honne xolunte de ton^ snil l'-^^ale dan-^ lienxre de s(''cnrite c<>nnnnm', on hien, et c est | opi- nion de .Moides(|nien. " les pa et icid ier^. commençant ])ar l'elfet dn i:ronj)ement à |)erdi-e le sentinn-nt de lenr faiblesse et sentir leni- force. (dH'r(dn'i'onl à tonr- ner en loui- l'avein- les principanx axanlai^es de la

- fîO ^

sitiii-té (\) ». |ji tniis r.is. une ilirprnlitr .ici'f ]»t(''r (Hi silltit' IM' in;ill(|llr|;i |i;is de s (''l.i 1 il i r. cl cil cclii les liniimics lie Idiit (|ll<' Mli\|c |;i lui (le ji.itlll'c «le liMltes les eliosr-s cl tic Idijs les cires. Iclle t|l|c Mi illtesc juicil 1.1 ef.iMic. Lrti (||ii les |((ilissc ;i |»crse\ ('•fer' (l;i Ils Icili' ètl'c et ;i l'.iirc dloil jiMiir se e<tliser\c|- cil (|e\ clitli]);! lit IdiiIcs les |)iiiss;iiic<'s (|iii soiil en cil\. (1 l'st dans ee hiit (|lie les iii(li\i(llis isoles se Siiiil n''llllis en sofii'lc et (•(•si |(,i|- rcll'et (le celle llK'lllc loi (|H a llssil(»t la soeii'tc

('•talilic. I iiicualile s \ inl !•( xlnil .

( !e|»eli(laiit . a iiiesiiic (|iic la |»r(i^|H'|-it(' st-taMit. (|llc la ei\ ilisatidll se (|e\ t'|(i|)|»e. (|Mc I ordre se Inlldc. à cet état on à ce scnliiiiciit |ii-iiiiitir d iiiriiîilit»'. succrde, chez les moins liicn ]iarlaL:<'S. le seiitinicut de {l'iialitr r(''ei|iro(Hle de tolls les iiicilll»res du (•or|)S social, seiiti- iiiciil (|n ils |iiiisciil dans I indcjteiidaiice inutindlc <|iic leur assiiic l'ordre et la stahilitc Ai- la société. l,o(d<c a donc raison de dclinii- Tciialite •• le di-oit eiial (|ii a clia- ciiii a la lilx'rtc et (|ni lait (|ne personne n est assujetti à la \<doiitc ou a lantoiilc d un autre lioiume '2 <>.

Mais, an ic-a rd de Moiiles(niieu. il a toit cil ariimiaiit

<|Ue les liolliines sont lies euaUX, |Mlis(|Uc la (le|teil- daiice. I iiH'ua lile. le rcLiiic de la l'oicc sont a la liase de la \ ic sociale laiit (|llc ne s(nil [loilil iiiler\eiiues les reL:lcs (In droit dont le résultai est |ii'ccis(''iiieiit de

i. Esprit ries Lois, \.'.\.

2. C.'osl la iilierlé fie l'Iiomnio dit >ront<^s(|iiifii i|iii luit la iilicrl*' iJu ciloven [Esprit des Lois, XVIII. 14).

61

déga.ii'ei' la lilx'i'tc' de cliacmi eu mettant tles l)i)i'iies à roxpaiision indéfinie des autres sui' lui 1). Les princi- pes du droit natui'<d, du si l'on \cut du di'oit tout eo'nrt, ainsi (ju<' la j)oi't(''e (piil (■(»n\ient de leur atti'iJ)uei-. nr sauraient donc être recherchés d une manière efficace et sûre que dans l'étude de la société complètement org-anisée.

Au xvni" siècde (2), on a jjeaucoup i'ej)r<)clié à Mon- tesquieu cette manière de voir, et on hii a l'ait nn ui'ief de ce (ju'il sujjposait tout dun coup la société à sa j)er- fectiou au lieu de voir coumient (die a\ait ])n naître. Mais c'est précisément cette façon d en\ isaiii'i- le pro- blème qui fait l'orig-iualité et la suj)ériorité de Montes- (piieu. LVdat de nature est hypothétiipu' ; la socii'té est lui fait (]ue 1 on peut anal\sci-('n toute certitude : cCst un état réel tlout tous les éléments peuvent être con- nus. ()\\ à quel uiomeut ces éléments ])euvent-ils ap])a- raitre le mieu.x si ce n est lorsque la société a ])ris tous le développement qui est conqjatihle avec sa nature 11 ne vient à IVspi'it de |)ersonne de reclicrclicr. jxmr analyser les ori:anes du (•or[)s humain, un cniUrxonou un fœtus. Hit'ii au contraii'e, ou prend tout d ahord l'homme normal et sainement (•()ustitue. < le nCst (pie

1. Dans ['l'Afii lic iiafiu-c. les liommes naissent i)ien dans l\'i.'a_ lit»', mais ils n'y sanraient rester. I.a sociétti la leur fait perrlre e( ils ne redeviennent égaux que par les lois {Esprit fies Lois, Vill, 3).

2. I-ini.'iiel. Thf'dvies dt's Lois civiles, lonic I. |). 3iH.

6-2

|)lll> l.inl. il i|ll.-|||(| Ir IriT.iill scr.l Ilirli lii;iliirr>lrlii('|l ITcctilMll. iHlf 1 on s ;i|i|trK|llrr;i Si»if ;i I cfiulr de lii fol'- llialioii cl illi (l<\ ('|iiii|iriii('lll (i«'S nru.iiics. suit ;'i celles (les (IclMiiii.iliMiis |i,it!i<i|ui:i(|iies ciiisi'cs ji.il' l.i iii.i l.idie. ('.elle etuile seivilii ,i (lelenililiei- les <;i r.iclel'cs J)l"itJ)l"es (le I ;icli\il('' (le cll.ltUle iil'U.lIlc. Ili.iis seilleilielll ji.ll' ciilii|t;il;iis(ili ,i\cc les iiH'ilies ori:.-! lies s.iilis. ,iil lll(»\eM (I une série (le liniil.il ions sinccssiv es.

(le. ;i re[M>(|Me de M()nlesi|llien . le li;i\;iil de recon- ii.'iissîiiHM' j)i*(diniin;iii'e n Claiil encofe lad (|iie IVai:ineii- taii'cMKMd (Ml c»' (\ui coiiccrn.iil les socieli-s liiiniaines. M(»Mles((iiieu S(« j)i'(tj)(>s<« pivcis(''ilient de I acc(»iiij)iil' dans \ Esjitit (/rs f.itis d une iiianiiîrt' coinj»l('te, de façon à donnci' mie \ue d en-end)le de t«ms les oriia- nisnies de ce yraiid coi-ps alin de fonder siii- une Ikisj' solide toutes les discussions et toutes les cr'eatious jui'i- (li(|IM'S.

Si Ton coUsidere donc la société à I état adulte. (Ul la trouNc coinj)os<''e d'individus a\aid une existence

JiI'o|il'e et liieil dellnie. Mais. dlMl atdre ci'ite. |ia|- le

p»u\ criieuient et 1 lltat. la so(iel('' a . cfunnie col|ecli\ it(',

une existence reidie et \i\aide. SoUS ce ]>oinl de \ ue.

(die est une |)ersiinne an nuMuc titi'e (|ue liu(li\idu. Toid rexienl doni a rei liei'c In-r (pndle doit être la loi de natin-c de 1 individu et la loi de natni'e de la S(M-iôt«'', et (|Ue|l(> sera par- suite la loi de leurs rappoils r(''ci- j»ro(|ues.

Ces lois ont-(dl('s lui cnra(d<"M'e dilh-riMit ? Niui. leur

63

caractère se confond dans le caractère commun de toute loi. Nous avons montré ailleurs comment, en par- tant (lu caractère de la loi physique, Montesquieu arrive à concevoir la loi positive. Fin réalité, il n y a pas entré elles de différence. Toutes les deux ne font quex- prilner les rapports essentiels à l'existence et à la per- manence du phénomène qu'elles consacrent : à ce titre, la loi de nature de la société est d'assurer les rapports (pli lui permettent de subsister, et la loi de nature de l'individu est de se ménager dans la société une place telle qu'il puisse satisfaire, sans nuire aux exigences de la collectivité, les besoins particuliers essentiels à la conservation de sa propre vie. Le droit naturel n'est donc pour Montesquieu que l'expression des nécessités vitales les plus impérieuses, soit nu r(\L:;ir(l de la socic'dé, soit au regard de l'individu, et il ICxprimc (pir-hiucfois par le mot de « défense natur(dl(' » ({ui ('xpli(pie bien sUr ce point le caractère de sa pensée.

Ainsi l'idée de droit naturel est loin de se confondre pour Montesquieu avec celle (|Ue les philosophes de son temps appelaient la loi de nafui'P. loi (pii s(> repor- tait à un état jij'iinitir dans l(Mjn(d riidniinc vivait seul eu face de lui-même et en (bdiois de tonli'> les contin- gences sociales. De niénic la ('()nc('ptioii de .Moides- quieu ne s'accorde pas davantage avec celle de (îrotius et de son école ({ui confondaient le droit naturel avec la morale.

Prise au pied de sa lettre et sans correctif, celte doc-

()'♦

liMiM'df .MiiiitcM|iiit'ii |iriit |i;ii'.iiti r clioiiuanlc. cii" cllr ri"ii:«' 1 lllilif»' roimiit' suiix riMiiic in.iitlrssr des .ictioiis lllIIHJlincs i'\ crl.i |i('ut r\riisr|- tous les .i]i|i('lils et tous

los criiiK's. Liiisliiirl scr.iil .iluis la >iij)n'iii(' rxjdrssiuii (le crtfr loi naf iircllt' ainsi (•(»inj)risc. r\ 1 oii poiii-raif souscrira à la (lcliiiiti<»ii <1 I IjtitMi. dans les instituts : <' I.<* di-oit naturol c est «c <|ur la nature a rnsciuiié à liiu> 1rs animaux ■>. ( ! Cst-à-dirc. 1 usaur dr tmis Jcs ni(i\('iis capahlcs de leur assurer ••! de jcui- ioiisci-n cp 1 «'xistcncc. .Montcsijuicu. licunMisrnicnt. n Cst |»as aussi ahsolu (|u<' ers |»i('niiss('S jjourraicid h- l'aire ci'oin' et nous li- \rii-oiis tout à I lu'Uif.

Mais axant d allci- j)lus loin, une iTniar(jur s im- pose : tris ((U ils \ irnnrnt d (Mlc drtrl'miut's, rrs |tiin- cijtrs t\i- la [diilos ijdiic du droit jirrsrntrnt uni' analoi:ir toi't urandr a\ ce la doctrinr dr Spinoza. Jusipià i|u<d point Ir rappr<t( lirnirnt rst-il [)rrniis ? Crsf unr (|U«'stion dr la plus hautr imj)ortanrr. non sndrmrnt |ia r 1 inti'rrt (|U (dlr présente en e||('-mt"nie. luais ruroi'e par los pol(''mi(pn's (pu- sonlr\a au wui' siet |r Ir

' S|)iuozisnH' ■• de Molltrs(piirn.

I.r rapjMU't ipU' Ion |)riil ctaldir, rn rllrt. rlitrr 1rs idrrs ^\^' .Montrs(pnrU rt la doetriur i\f S|tino/,a U a\ait pas rr|iapj»r au\ journalistes (pii. dans les \inirrllcs Ec('l(''siusliiiiirs du \) et du I») octojire \1 \\) . a\aient lance forniellrnirnl «onlrr I l\^ji/if ilr^ Lm^ I arnisatioii

Ar sjtiuo/.lsmr.

lisse t'ondairnt j)riniipairmrnt sur la d»''linition (pu-

6o -—

Montes({uieii donnait des lois : '< Les lois sont les rap- ports nécessaires qui dérivent de' la nature des choses » . Us prétendaient, que dans cette affirmation, Montes- quieu conçoit les choses de l'univers dans un enchahie- ment si nécessaire que le moindre dérangement porte- rait la confusion jusqu'au trône du premier être, et que les choses n'ont pu être autrement quelles ne sont. De là, ils affirmaient que Montesquieu, admettant un principe aveugle et nécessaire })our gouverner l'univers, est suspect d'athéisme et partant de spino- zisme, car ces deux termes avaient pour les contem- porains la même signification.

Montesquieu répond avec iiidigiiaticjii i^l ) à ces accu- lions; il relève les phrases de son livre (I, 1) <iii il repousse la fatalité aveugle, il étahlit Dieu couinie le créateur et le conservateur (h' l'univers, il dis- tingue, contrairement à Spinoza, le monde de la matière et celui de l'intelligence, il démontre enfin que les rapports de justice et d'équité sont antérieurs à toutes les lois positives. Jouant un peu sur les mots, il ajout*' : « Quand l'Auteur a dit ([ue la Création (|ui |);iraissait être vui acte arhitraire, supposait des règles aussi invariahles (pie la fatalité des athées, on n";i pas pu l'entendre connue s'il disait que la création lut un acte nécessaire comme la fatalité des atlié<'s. puisipi il a déjà cond)attu cette fatalité. De plus, les deux ineni-

1. Df'ff'/isr, |ii-omièro partie, I.

Oudii)

I)()

lii'cs (1 iiiK" (•<»m]i.ii';iisoii (loivpiit se r.'ipjxir'tiM' ; aussi il f.iiit .ilisdhiim'iit (jiic 1.1 |>liî"as(* \(Miill»> dire : la crra- fi<»ii (|iii pai-ait d'ahonl dcMiir [irodiiirc des rriiics (\o moiivciin'iif \ariald('S, en a d aussi iuvariahics (|uo la lafaliti' des atli«''(>s «. VA il conclnt rorin<dl<'Uicnt ; <' Il n y a doue jxtiuf dr sjiinnzisuic dans VEsprit des Lois ». Il «'tait ('N idcinuKMd de linN'-irt de Moutcstjuiou de repousSlM' de foutes sc> fol-ces (^rtlf acrusafloii fort dancoreusc pour lui dans 1 ("Ixxiik* il \ i\ait. (Jopcn- daiif . nous ne 1 en (•roir<)ns ])as sui- parole ef les (pudques phrases nithodoves cpiil insinue ca et l.'i ]»<iui' sauvo- jiardei' ses princijx's ne doi\ eut pas nous faire illusion. Il n'était pas dans son naturid de battre ouvertement en hrètdu" les doi:nies reçus: et. s'il se Uiontn' irivdue- tilde et inènie absolu sui- des erreurs de fait (»u de raisonuenienl ;i|»|di(pH'' a des laits certains, il est l»eau- coiip moins lran( liant hn-scpiil sai:if de dounu'^ et de ci'o\,in<es. Sur ce point, il s a])pli(]ue à enxtdoppersa jiensée de détouis uràce au\<pnds il lui soit loisildr, le c.is éeliéant, de tronxcr une retraite facile. «' Tout ce (jui est nouveau, dit-il. n est pas liardi ». Otons la liaixliesx'. il reste la noUNcauté. et c'est eette noUNcanfé. l'etrouxfe sons l<'s mots, «pii nous semlde liien proche de Spiuftza.

Loi'S(pie nou> analysions dans n<»tre précédent travail, rid<''e »pie Montes(piieu eut de la loi, nous montrions comnieid d l'allait enten<lre le mol « nécessaire au sens d " essentiel ... |,;i lui cdiisacre les rapports esseii-

6t -^

tiels qui dérivent de la nature des choses et par suite, elle n'est autre chose que ces rapports. Tout ce qui est en dehors de ces rapports est en dehors de la loi et il n'y a pas de loi sur les matières iiidilférentes. Mais d'autre part, si ces rapports essenti(>ls ne sont pris suffisamment consacrés par la loi, la nature de la chose dont elle s'occupe se trouve faussée et modiliéc dans un de ses termes. Ainsi le gouvernement monar- chique et le gouvernement républicain ont avec eux- mêmes et avec la société de certains rapports (jui doivent être consacrés dans leur orizanisation. sous peine de détruire la nature monarcliicjuc ot répuhli- f-aine du gouvernement.

La loi doit donc repos<>r sur la connaissance exacte des rajjports, cest-à-dire en sinnme sur des déllnitions précises qui fixent la nature exacte Ac ( liaijue chose. Il résulte de cela ({ue les l'ajjports (jui ouf <''té é'tahlis par Dieu entre les choses h)rs (h* la ci'éatiun s iinjxisent à lui s'il veut la conserver dans l'état il la créée. Xe reconnaît-on point la nécessité de Spinoza. Dieu cependant reste toujours libre de nuxlifier ce:; ra})p<tits. Voilà contre la fatalité aveug'le. Mais alors la cr.'-aliou change de nature. C'est toujours Id'uvi-e volont:iii-e de Dieu, mais ce n'est ])lus celle ([ue nous voyons. Cepen- dant l'expérience que nous pouvons prendre des lois du monde physique nous montre, par l'immutabilité de ces lois, à notre connaissance du moins, que Dieu s'ap- plique à conserver l'économie première établie par

C)H -^

1 .icir .irliitiMiiv do sa vciloiit»' : nous pouvons ron- cluif nlnrs ([lie les chosos so ])ass(Mif foiiiinc si hioii (•tait lie iH'(('ssaii'«MM(Mil. et le j»riini|if i\i' ((Hisrrvatioii apparait (•omiii»' l<' j»rimij»«' MijM-iiciir de la \\c do 1 uniM'is.

(Test ainsi quil rsi dans la nature de ( liacjur (Mit vi^a^t de vivre, c'cst-à-dii'c de cuntiiiui'r d ('trc et il ne le jx'ut (|u «Ml satisfaisant aux hcsitins de sa iiatuic c'cst-à-diic en consorvant les ra])])orts «jui l't^lienl entre eux ses oi\i:anes. sil sa.uit de lui-im-nie. ou ceux i|iii

I atta( lient aux autres ('-ti-es. si on le consid(''re non plus isolement, mais dans rensemlde des choses (M'éé«^s. Dans ce sens. S])inoza a pu dire \Ethif/iiP, j)art. I. prop. 21* : Toutes (dioses sans exception smit di'ler- minf'es par des lois univei»(dles de la nature a exister et à ai:ii' d une iiiani(''re donn('M^ ».

I ( jipres ce <pie Uous sa\ uns. <»n \ i)il «pie M<>nteM|uicu

souscri\ait assez \(dontiei's à cotte j)ropositi<in. 11 \ a cependant une ditlVM'ouce. Tandis (pn^ Sj)in(»/.a rel'use à Dieu la possibilité de clianLicr Tordre une l'ois etaldi. (lU jdutiM. alors «pTil n admet jtas de création initiale, le monde existant en Dieu de toute éternité. Montes- f|uieu croit comme Descai'tes et comme I orllii>doxie a cette cr('-ati<Mi premiei'e. maintenue a < lunpu' instant jtarla Nolonli' liltre et essenti(dleiuent indillerenle d'un Dieu ext(''rieur au monde. .Mais cpTimpoi-te au l'oud !

II \ a un lait d t'Xpei'ience. c'est (pu'. autant <pi.' les

lioliimes ont |iU le constalei'. le monde se ((^lUservc cl

- 69

CMjiitinuo ; c'est qu il y ;i dans son développciîKMit sensible nne unité qui relie entre eux tous les })hén(t- mènes dans le temjjs, de la même façon qu'ils sont solidaires les uns des autres dans l'étendue. Les lois physiques manifestent cette réalité et les lois positives de l'organisation sociale la proclament aussi de l«Mir côté. 11 n est pas besoin d aller au dcdà, et cCst ainsi que Montesquieu, qui sépare la matière de liiitelli- gence, qui admet un Dieu créateur doué dune volante arbitraire pour moditier sa création, n'est j)as. il est vrai, Spinoziste. mais qu'il l'est ])ourtant tout d(> inènie si Ion veut, ])arce (pie la r-éalité dans Lupielle il se' place répond aux conséquences mêmes de Ihypothèse de Spinoza ; à savoir, ({ne dans l'état actuel des choses, et tel que nous voyons Innix ers se conq)orter. soit (pie Dieu reste le maitre d en modifier l'oi-donnance, soit qu'il ne le puisse et reste lié éternellement par son premier acte, toute chose créée ne peut assurer la permanence de sa durée qu'en satisfaisant mix i-apj»(»rts ({ui dérivent de sa nature propre.

L'analogie de fait entre la conception de Moiites- ([uieu et celle de Spinoza devient ])lns étroite encore si (le ridée de loi nous passons aux réalités |)liis prali- (pies (le la politi(pie. One nous dit S]»in(»/,M ? ■■ (jiie si ton- les hommes t'taient capables de vi\ re suivant la i-aison, ils formeraient spontanément })ar le seul jeu de leiii's libertés une association profonde et stable ■■ ; mais que, comme « la plupart sont soumis à la pas-

- 70 -

siipii. iiiic iiii:,iiii>';ili<)ii |)iilili(|iir est iiiTcs^.iiic - et (|iU' ccttr nrL:;iliis;ilinii ;i |)<iill' lillt ■■ de ci-r-ri- |i;ii- ri'<|iii- lililT (1rs piissioiis un llliil i|ili |n'i'iin'llr ;'i (liaciiii de se (|c\ rln|>|>rl- ;i\ ce sciiirili' •■.

N <'st-(t' |i(iiii( la jH'iisiT iiii'im' (If .M<»iil('s(|iii(Mi ? Ajtrcs iKiiis ;i\iiir moiiti-c le moiiili- j)li\ si([iic LioiiNcriK' |iar (les luis iii\ arialilc- (|ni iii;iiiiti<Miin'iif les i-a|»|Mii'ts essentiels à la ctinliniiile '.le t.i en-.ilion. il conslate (|ne ce inonde inleiliiienf « liien (ju il ;iif aussi des lois i|ui p.ii- leui' nature sont in\ .iri.iltles ■•. est loin d"(*'ti-e ;iussi hien i:<in\ eim'' (jne le monde jili\si([in' et ■■ (|u il ne suit j);is eoustannnent es lois eouinie le monde j)li\si(|ue suit les siennes .>. « La i-aison I . ajoule-t-il. en (>sl. (|in- les ('ti-es jia l'I icu liei's inlidliuenis sont horiM's jiai- leur nature et par (■ons(''(nn'nt sujets à Terreur ». ce (|u il eom|)l(''te plus loin en ('((ustatant (|lle 1 lioninu-, eoMUne l'tre sensilde. est sujet à mille passi(nis. (! nnne di- plus, i! e^t de la natni'e des t'-lres inltdlii:i'nts d aL:ir pa r env-incMues, « ils ne snivcnl |»as eoustannnent leurs lois primitives; ((dles ummuc (piils se donnent. iU ne les suivent pas toujours ".

Il residte de e(da i\\H' pour .Montes(piieu connue ])om" Spinoza. 1 ollice des lois jiositixcs et de rori:anisatioii ]»o|ili(ph'. est de i-aniener les liomuM-s an\ lois ,\,- leur n.iture. pai; la eoustalatiou de leurs rapports indiNJ- dmds et sociaux, de manière à ce (pn-, ces rapports

I /.'sprif (hs [.ois I W

- 71

étant maintenus dans leur iiitéuTité, les s<K'irh''s .iussi bien que les individus ]niissoiit sul)sist('r cf se jx-r- pétuer.

On peut objecter à res rjiisoimonicnfs;, <■{ M(tll{('^- quieu n"a pas niancpir de Je faire, (juil y a loiil de même une différence essentielb» entre les dnix cmi- ceptions dont nous ncnis occupons. Lune lait de It'la- J)lissement de la société et des lois politi<[U('s. une (•*.!•- rection à létat de guerre primitif et naturel ; 1 .luIrc repousse cet état de guerre. Montescpiieu. eu clfct. affirme qu'il a en vue d'attaquer le système de llol»bes qui, « voulant prouver (jue les lioiiinies naissent tous en état de guerre et ({ue la jireniière loi naturelle est la guerre de tous contre tous », renverse eoninie Spi- noza toute religion et toute morale. Sans (](»ute. mais il n'y a qu'une querelle de mots, r\ il inqxtrle peu (|ue l'on déplace l'épocpie s'établit l'état de :iiierre. puisque dans les deux cas le résultat est toujours le même : l'établissement de lois positises et d'une aiito- l'ité publique destinées à r(''taldir cidre tons les lionnncs la permanence des l'apports nécessaires jtonr assiii-cr la libre existence et la sr-curil»' i\i' < liacini. soit en enqjècbant, comme chez .Montes(|nien, la soci('>ti'' foi-- mée de se dissoudre dans l'anarc Ine. soit en aidant, comme cliez Spinoza, à sa formation. V.w sonnue c'csl toujours l'état de guerre, antérieur ou posh-rieur à la société qui aboutit à la civalioii des lois. Le texte de Montesr[uieu auffuel nous a\ons plusieurs fois d«'jà fait

- 7-2

iilliisioii csf |»ii>itir ; '• Sitf'if ijUr Ifs Iimuiiucs soiil en S<)ci«'*(('', iU |n'nlr||| If srliliiiifllf (le Iciir t'.lildrssc ; r(\u;ilil<' <liii l'Iait ciiln' <'ii\ cossr et 1 ct.'it <l<' i:ii('n'<' cominciKf. (ili.KHU' s()ci»''l('' j);n'ti(iilirit' \iriit .1 sentir sa foi-cc : ce (]ni |)i'(»(lnit un ('f.it tic i:iicri-c de nation à nafi<»n : 1rs |)aili(iili«'is dans (lia(|ii<' Nocich' riiniiiH'n-

ccilt a gentil- IcUC Inicr ; ils clirlc lient a Inllliici' ril IcUl' l'axenr li'^ principaux a\anlai:fs de («'Ile sdcii'li- ; ce i|ui l'ail entre eux nii état de unerre. (les deux sortes dftats de Liiierre l'ont etahlii' les lois painii les hommes 1 1 >. »

Onoi(|n il en soit, dans l'un eomnie dans lauti-e eas. la senl<' morale pour I l'itat est de subsister d aliord. parce (pu-, mie l'ois l'omn'. il existe comme une \(''ri- lal)l<' |»ersoiine morale, dom-e de tons les attriluits des jxTsonnes ré(dles ; ensuite, paice (|u<' son existence ost nécessaire à celle nn^'un» des indi\idus dont il disci- pline les tV>rces et modère les éneriiies.

Par le fjiit mf'nie de son utilité pour maintenir les i-a|)port«> soci.iux. li^tat aura donc un \erital»|e droit de prééminence sur I indi\idu considert'' isolf-nient. I,a loi de sa nature sera de maintenir ce rapport. Il v arri\e. dit Spinoza, |»ar I aiitoritt'' di' ses recomjtenses et de ses cliAtimeilts. Il s \ coid'olllie. dit Monles(piien. en maintenant la coln-sion di' toutes les Nnlontesef de tontes les lurces | ta ri ic u 1 ie res (pii lui ont donne nais-

I l'siiril ili'< l.nis. I. W.

73

sauce, au inoycii «le toutes les lois d Oi-aanisaticju sociale (|ui dérivent de la nature et du principe du gouvernement établi.

Ainsi, pour Spinoza, toute l'autorité de l'Etat réside dans sa force, dans sa puissanc<^ à luaiuteiiir l'ordre, et pour cha(]ue ])eu])le. le meilleur réuinu' est celui « qui a le plus de chance de durer sans ci-ise ni catas- trophe ». Mais le j)hilosophe ne justitie ce dej)loie- nient de force et de puissance <jue par son utilitt' et sa convenance. Montesquieu est bien j)lus complet et bien plus vrai quand il nous montre la force de l'Etat dans l'accord des forces et des volontés particulières et quand il introduit dans chacpu' i:(»u\ (M'uenu'ut un principe psych(tlo,i;ique fondanieiitai <|iii. ser\i et encouragé j)ar les lois et les inirurs, assure de la manière la j)lus ceitnine une ;iutoi'il('' (|ui ne saurait trouver longt(Miq)s <lans la foice seule une garantie de durée et de stabilité, (l'est un des points b's j)lus profonds et les plus vrais des conce])tions polili()ues de Montesquieu et nous m- saui-ions li-op y insisler.

Cependant, ([uel(|ue crédit (jue les volonti's ])ai'ticu- lières assurent à l'Etat. (piel({ue autorité nécessaire qu'il possède légitimement. l'I'ltat, s'il veut se conser- ver lui-mèm(^ doit i-especter les " limites (h' sa ])uis- sance ». Spinoza lui accorde toute juridiction sui- les actes extfMMeui's : mais il le force à sarrètei- ;iu seuil de la ])ensée. L activité libre de l'esjji'it est en etl'el h' propre de Ihomme. c Cst le seul moyen (pi il ait d assu-

vcv son (l(''V('l(i|>j)riii('iit Ir ]>liis coni])!»'!. ï.a mission dr 1 l']t,if (>Nt ])Pt'(is<''mriil (le lui en Mssiirrr les moyens.

Mais fctlr lilx'il*'. |iliil<is(i|(|ii(|iicm<'nl sullisanto, soi'ait à elle seuil' une mince Milisr.iclinn |»<»ur la masses les linmmes. .M( »ntes(|uieu, |»lus ((luseient (le la n'alit»', énonce (|uel(|ues autres llhei-h-s fondamentales dont 1 US.-iue im])ol'te à la Jier'manence et au dé\ eln|»|»enient de 1,1 \ie (je 1 individu. Si la liliel'te de |)enst''e est 1 oi-di'é uni\cfs(d et :;.''nei'.il, les lijierles dont jiaide ici .Montes(|nieii sont absolmuent ndalixes ;i lu nafiire de la situation <|ui est faite .i lindix idii dans la vie soeialc ]«(Ui' assui-ei- son existence mati-i'ielle. (les libertés ont donc leur londement dans des besoins nécossaircs, et (-"est la nf'cessite ini|teiieuse de les satisfjuro j»onr coiilinuer à vi\ le (|ui les tiansfoinie en droits (jui" 1 in- di\idu. selon la loi de sa nature, est tlans lOMiiiation de re\('ndi<|uer. 11 se j)roduit alors entre l'autorité de la collecti\ iti- et la lilierti- de lindividu un i-onilit (|ue les lois doi\cnt relier. (In ne Irouxe jtas trace de ce ctuitlit elle/, Sjiino/.a. 11 lui sul'lit t|ue I lit it se conserNC en se limitant lui-nnMue par oWeissamc à la loi de sa natui'e propre.

l'oiir Montesipiieii. au contraire, aucun être ne sau- i-ail se limiter liii-nM'nie. La loi île sa nature est de tou- joui's de\e|(»pper sa |missance d auir pour s assurer la |denilude i|e \ ie (MMipatilile a\('C ses l'aculti'S. |)e cette eoustatation sort e\idemmenl sa i'orniule fanu'Use « t<ait II OUI me (pii a du |»oii\oir est jiorl<' a en abuser <> ;

75

car liioiiuiio no fait ici ([uc suivre la loi do tons los èti'os, et la ])sycli(»l()i;ic iiidividiicllo est ici daccord avec les lois ,néiiérales de la nature. De nnnne donc- que ri^tat est naturelkMnent porté à au.unienter son autorité, de même lindividu cherche par tous les moyens à développer son indépendance. (Test aux lois de déterniinei- la part ([ue chacun doit ahandoiiner ou conserver. l^^Ues y arriveid ])ar l'analyse des condi- tions essenti(dles à l'existence tle cliacuuc des ])arties, c'est-à-dire ilc celles en dehors (les(pHdles (dlcs ne pourraient ])lus exister ou existeraient antreunnit.

Mais ({ue devient dans tout ceci l'idée de justice?

l']n se défendant d être s])inoziste, Montes(fuieu se prévaut de ce qu'il a reconnu des ra])j)orts de justice antérieurs à. toute vie sociale, tandis (|ne Sj)inoza j)ré- tend cpiil n'y a de juste et d'injuste cpu' ce (pn' les lois permettent ou défend(Mit. « Axant (|u'il y eut des éti-es intelligents, dit Montes(piien, ils étaient jtossihlcs : ils avaient donc des ra])ports possihlcs et ])ar consiMpu'nt des lois possibles, .\\aiit <pi il y eut des lois laites, il y avait des rapports de justice possildes. Dii'c (|u il ny a rien de juste ni d injuste (pn> ce (pi Ordonnent on (l<''l"en- dent les lois positives, c'est dii-e cpi'avant (|n"on eut ii'ac('> le cercle tons les raxons n'étaieid pas égaux ■' I .

Qu'eidend donc Montescpiien par jnst(> on injuste? Supposons comme lui une société d liommes possibles :

i . Esprit (/es f.ois. \, 2.

7B

ci'ltt' siHii'tc cl.iiil un (•(iiii|)(>sf (If |t;iilics dnif siilisislcp |t;ii- I .iccoid (les p.irlirs. Nmis avons ainsi 1 idée de jnslicc |iri\i'(' iï\\ indix idiicl II- ipi ('\|trini(' la maxime (|n il tant rendre à ( liarnn ee (|ui lui est dn : eetto maxime n evjirime pas anli'c ehose (|ne la ((ineordanee des ra|i|>u|'ts (|ni découlent de rlia(|lie acticui d llll |tai"- ticuliei- a\<'c les actions du \nisin. I.e dr(tit prix»' se l'oiideia donc sur la connaissance des dillei-ents cas se |ieu\eid mettre les pa rt iculiers les uns par ra|»|»orl aux antres, dette c(mnaissance aide a d<'ternnner '-e (piil con\ ieid a ( liacun de l'aii-e on de ne pas taire pour <pn' les Itesoius esseuti«ds à 1 existence de 1 un ou de laidre soient assurés.

Supposons maintenant un corps social coustitin- a\ec tous ses (U'uaiies ; il y a entre la collectivité et les individus. <-onime tout a I lieur<' entre les particidiei-s. un idat d ('(inililtre stahlecpii residie de la satisfactiim des liesoins essentiels à la naturi' de la socif'de et à c(d|e des indi\ idus : c(d idat d i'(pn li lil'c sera la justice et l.nde juste sera celui par le(phd on procni-era cet étal. Iji dernh're anaixse. la justice pour \|ontes(piieu est donc la con\enance de 1 acte a\ec les rapjtorts aucpiel il doit satisf.iiie. Il \a sans dii-e ipie cette cou- \enance peid se concevoir en soi, idt'aleuM'nt |»our ainsi dii'c. comme lattrilmt essentiel de lacté app»dé

juste. Les rapjioils de justice scint iloUc jxissildes tou- jours en eux-mêmes, i nd e| te nd a Ul U M'U t de toute l'calitê

et anlerieuremeid a tonte \ie sociale, piiistpi il s auit

_ 77 -

pôur les coniiUMMidro, de concevoir l'idée de conve- iiaiicc (|ni |»('iil s";tj»[)liquei' à tous les rapports pos- sibles et non j)as nnicjncinent aux seuls rapj)oi-ts sociaux.

Appliquée niéiue aux rajjports sociaux, cette eonve- uance ne réside pas toute entière dans les lois positi- ves. Ces lois, (pii sont l'œuvre de la raison luuuainc. s'exeryant sur des cas particuliers, s"(^tïbrcent Kicn de réaliser telle couveiumce (jui est ])roprenicnt la justice, mais sans y atteindre toujours, parce <{u elles ne [)er- eoivent pas, dans tous les cas, les rapports essenti(ds quelles doivent régler, ou que, tout en les ])ercevant, de multiples contingences, tenant au caiactric cl aux passions (l(>s hoinnies, \ icnncnt en niodilicr à tout instant lOrdi-c absolu.

La science du législateur sera de connaître ces rapports essentiels et toutes les causes seconiles (pii peuvent en modifier Tasiject ; son art sera d \ con- former les lois ({uil élaborera. De même, la science du jurisconsulte sera d'ap[)récier ces mêmes ia|»|M>rts et ces mêmes causes secondes pour pouvoir com})arer à cet état normal et réel, c(dui cprétablissent les lois positives, et son art ser.i 1 habileté axcc laquelle il saura faire cette coniiiai'aisoii.

Si donc, nous consid<''rons les i'a|)|)oi'ls de I l.l.it <'t des individus dans une société (pndcon(|ue, la justice idéale et supérieure demande <]u'ils soient régies de manière à ce que le gouvernement réponde aux exigence^

7.S

(le s.i ii.iliiir <|iii l'sl (1 «•taldii- ,i son pinlil iiin- |M'fciiii- iif'iiri' utile ;'i l.i pcrjH-t iiili'- <\i' l;i \ ir soci.ilc cl de iii.iniri'c ;i ce (|ir;iiissi I iiii| ixidii piiissc s;it islaiiT les ln'soiiis i|iii lui sniil |»r.>jir<'>. Mans 1 alisnlii. uii se jdac»' Spinoza, «es licsoins de I individu se r.Mliiisrid à la JXMisrc lihic ditut I rvci'cicc est prvcisénn'ul ce )|ui le (listiii,i;ur <d If d<'siidri:ir jiMui' ainsi din- de la sociétt' (|ui lui assure d auln- pai'l son rxistmcr niatt-i'irlh'.

haris la socit-tc (pic considcrc M(>nlcs(piicu. I individu ne jtent \i\re saîis un domaine lualt'i'iid ahsoluincnt lléeessail'c à son e\isfein-e rfwpondie et c Cst sur la consei'x af ion de ce doniainc ipu' l'cposi-nl tons les droits (pi il jiciit iMM lainer.

Cest un l'ait cerlain. en cll'ct. (|iie les s(»ciét(''S liuinaiiics (pic lions (•onnaissoiis. cl dans IVdat on nous les \(»\diis p.iiN (iiiics, ont pour roildciiieiit la pi'opi'iét('' iiidi\idu(dlc et (pndles sont tontes oruaiiisf-es pour la conscr\cr. M<iiites(piieu ariirnic l'oit jiisfeineni <pic la proprici ' est nicrc de tout. ('.Csl (pie joute la \ic des ili(li\idus est. dans ["('tat actind des (dioses. susjiendue a la |)ropricte coiiimc la \ ic du corps à la circidatioii ou a la respiration, (/est sur (die (pie se l'onde le dcV(doj(|)cinent d(> la fainille : c Csl pour rac(picrir cl la coii>er\cr (pic I lioinnic met en jeu toutes ses «'liei'Uics. (piil loiic son fra\ai! et ses serx ices. ([il il a(dicle, ([Il il Ncnd. (|U il contracte et sOldii:*». .\|»res la liltci'fe de [iciisi'c. la Illicite r\ la sni'clc dan*; la jiosses- sion de la [)ro|irietc est le droit le |»llls esscnli(d (If

79

riiulividii au regard do l'Jitat : tous los autres droits dérivent de celui-là. Sans remonter jusqu'à Aristotc qui aftirnie ([ue Ihonuiie a deux srands inol)iles de sollicitude et d'amour : la propriété et les affections, nous voyons Bodin re2)ousser la communauté au nom de Famour qm attache l'homme à luL-uiênie et à ses l)iens. Au wuf siècle, tous les économistes aftirment avec force limportance sociale de la propriété'. Leur opinion est assez l)ien représentée par ces paroles de Mercier de la Rivière : « Vivre en société c'est con- naître et juvitiquer les lois naturelles et fondanientah^s de la société pour se procurer les avantages attachés à. leur observation... Propriété, sûreté, lil)erté. voilà l'ordre social dans son entier: V(tus poiixcz rei;ar(h'r ce droit (h' ])r«»pi*i<''t('' (■«ymiiie un ai-luv dont toutes les institutions sont les branches cpiil pousse de lui- même, (juil nourrit et (pii j)ériraient (b''s (|u "lies en seraient détachées » ({).

Mais en ])lus des avanta.a'cs mat(''ri(ds de \ir (|ue la ])i'opri('d('' seule [>eut assui'er aux individus dans Vr\;\\ actu(d des choses, rac(]uisition et la conserxation de la, propri('t('' j)roduiseut un ri\o\ moral non moins iuq)or- tant. En assurant à rindi\idu une r(\uioii disliiu-te rt limitée il peut en toute indépendance aHIrnier sans entraves son activité volontaire, la propriété d(\ idoppe

4, Mei'cici' (lo la IViviore, (Jrdrf naturel et essp/itii'l 'les sociétés politiques, (ollection Guilliuiiuiii. |i|'- 007-008.

so

cil»'/ liii(li\i<lii (le f'.niillrs MiiiNciiiH's cl |»(Mi ,1 j)l»' aii\ seules Jdllissaiiccs di- in jhmiscc. le sciifillM'iit d iiii moi j»,i lliillliiT et ili<lejM'ii(I;ilit (|lli ;mssit<»t perçu, teud à se (Ie\ e|o]»|»e|- de tdilfe sa [(llissauee. I>es pliilosojilies se Mietfaul alors de la partie re(dauièrent !a lil»erl('' j)<)li- tiijue et civile au MoMi du dl'oit naturel de I individu, sans soui:<>r (|ue sauf le dmit a la j)eusi'e lilire, i|ui est I essence uiènu' de 1 liounue, aucun des aiiti-es droits ne |»ent se légitimer auti-einenl (jin' pai- des (•(•uveuancos Sociales, (lest seulement aussi eu fonction de ces (•«uivenanees sociales (|ue .Montes(|uieu les <''tal)lit.

jji c(da il est l»eaucou[) moins ahsidn «|u on se j)l;ut à l'iiUciginei-, et si l'on a voulu voir en lui un dos ancêtres de la i1<m la ra t ion des droits de 1 liomiue et du citoven. il me seudde (|ue c est parce (pie 1 oïl s eu est tenu un peu troji aux aj)j»arences exfi-rieuiws. Les

plliloso|)lies (pii ont rédipt' en ell'et cette l'auieUse

déclaration concevaient un t-tre idéal et absti-ait, a la natiiie de (pii étaient inli<'rents les droits tpi ils procla- maient, si |)ien ipi on ne saurait pas pins les Im denier 'pi on ne |)eut lui denier sa nature. Montesipiicu est loin d (Mre aussi catt-i^oricpie.

S il proclame ces droits, en eirel, ce n <'st pas en

cousider'a lion île la nature pro|)re de 1 individu, mais ••n louction des conditions essentielles tl l'xistence •pi il trouve dans la vie sociale telle «pi idle est consti- tuée. lma,i:inons un instant (pu- les conililious j)rimoi-- diales et fondamentales de notre vie sociale viennent

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à changer et que la propriété imlividuelle qui en tonne le substratum vienne à disparaître, un des termes du problème étant changé, tous les autres le seront aussi et certains de ces droits, dont rin(h\idu ]»eut se réclamer légitime nient aujourdliui foiniiic de sa ])lus noble conquête, n'existeront jdus.

Un pourrait se demander, il est \ i-ai, si le droit de. propriété n'est pas comme le droit de penser libre un droit inhérent à la naturr de lincUvidu et que rien par conséquent ne saurait prescrire. 11 ne nous a|tj)aitieiit pas de discuter cette grave question. Keniarquons seulement ([uo la j^pnsée est une partie csseiitirllc de l'être humain, tandis (|ue hi j)i'()])i-iété est une acquisi- tion extérieure, ^hlis. dii'a-t-oii. la xoloiitc- l'ait aussi partie intégrante dv la uatnn- huiuaiiic. et la |»i'iipri<''t('' dune chose dont on peut disposera sa l'aiitaisi*' est le seul moyen d'exercer sans entraves cette volonté (|ui nous est naturelle ; donc, la j)ropi'iét('' nt'cessaire à l'exercice d'une faculté natui<dle et essentielle se trou\e jhir l;'i même. J)areilleuieilt esseutielle à la nature de riioniuie en soi. (lu pourrait n''j)oiidi"e à cela, (pie 1 acte \olontaire peut s"e\ercer sur Itieri d autres uJtjets (|ue sur des objets extérieurs (l(Uit la libre disposition soit re(|uis(>. Xe lui oll'rons-iious pas nous-mêmes une matière suffisante en tf>ut ce ((ui con- cerne noti'e actixite i ii l(d jecl md je et morale, (lomme le remai-(|ue Spinoza, il n y a (|ue lacli' inl(dlectu«d dont la liltert soit essenticdie ;i 1,1 iLiture liumaine. à Ouiliii I)

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(•(Uiiliruui liii'ii i-iilciitlii i|u <'ll»' li-ouvc j);ii- .lillfuis totilcs les (tMidilKiiis iM'ccssaii'f's à sou oxistoiicL' inatr- ricllr.

h.iiis I Clat acfiK'l an iiniins, ces di-oits sont hirii i-rcls car ils smil 1 Cxprcssioii du hrsoiu If j»lus iniuirduil <!»' I individu. (|ni est d (Mit assui'»'- dans la liliic possession di-s hicns nu'nldcs cl iuMncnlilrs d il tir»' sa snlisis- lancc et ((dh- drs siens. Tous les aulri'S droits d»'Ti\ rut de c'(dui-là. (ionnneut serait-il en ell'et assuré dans celte possession, si, pai' ailleurs, lautorité pouvait arlùtrai- renu^ut c(»ulis(|uer sa liberté j)ersouuello, renij)risouu('r sous un ]uéte\te (|uek-ou(jue ou 1 ac'cal)l«'r de peines sans ](ro|)ortion avec ses fautes? (lonuuent, d'autre ]»art. j)onnait-il joiiii' en si'eui'iti- d<' cette liherti' dans la. propriet('' de ses hicns et la disj)osition de sa per- sonne, si le jeu de la constitution ne lui oH're pas contre l arl»iti'aire des i:aranties (pii nn-ttent l exercice de ces droits hors de latteinte du caju-ice <lu souve- rain, (pnd (|n il soit : prince, jteuple ou corjts de inihles.

.\insi se fondent sur la loi:i(ph' in<-ni(> des choses les droits esseidi(ds Ac l'indixidn au rcuai'd de ceux de 1 l']tat. .\insi sclahlissent |tonr rin<livi<iu des lihertc'S correspondant a ces droits, (les liluM-tés sont en j»re- niier lieu la lihcrtt' |)oliti(|ue. ,i:arantie de tontes l(>s autres ou, |»oUi' eniplover le lanuauc ile Nhintes(piieu la liheite du citoNcn dans ses iap|)oi-ts avec la consti-' tiilion : en second lieu, la liheit»'- |»orsounelle (pii se traduit snrtunl dans les rapports dii cito\en a\ec la

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forme Hes accusations, des jugements et des peines ; en troisième et dernier lieu, la li])erté dans la posses- sion des biens à laquelle concourent évidemment les précédentes, mais ({ui se manifeste dune manière plus précise encore dans les i-apports du citoyen aNcc la nécessité de lever les impôts. (Test par rimjx»! en ell'et (pie l'Etat peut avoii' le plus de prise sur la propriété individuelle et il est nuMue des cas ses (exigences exagérées pourraient aller jusqu'à l'anéantir com- plètement.

rie2)endant si ces lil>crt(''s sont ;il)s(dnnient (essen- tielles en di'ojt j)our 1 indi\idn c(»nscicnl de sa per- sonnalité et résolu à la (h'fendre contre toute .itteinte. elles ne le sont en fait, (pu' dans la nn'sure dn i»ri\ qu'il y attache. encore, il n'\ ;i rien d'absolu o\ il y a bien des manières j)oui' lindixidn d'être libre. Montesquieu insiste particulièrement sui' ce j)oint. En politique, en effet, il ne ])ent s'agir de la libeité philosophicpie. La liberté conq)atii)le avec l'ordre social est une lilierté d'(>])ini(»n beaiUMtnp pbis encitre que fie fait. On s<» croit libre bien pins (uTon ne Test réellement : " La liberti- |)liiloso|)lii(|in'. dit-il. consiste dans l'exercice de sa V(dont('' ou du nmins (s il l'aut parler dans tous les systèjues) dans ro|)inion oii l'on est (pie \'<>\\ exerce sa volont*'. La liberté [»oliti(|ue consiste dans la sûreté ou (hi moins dans l'o])inion (pu- W a de sa sûreté » (1). Vu prisonnier peut se dire

1, Esprit des lois, .Vill. 2.

- ,st -

lihiT s il ne roiiii.iil pas le iihhkIc cxtcrifMir rt s'il a (■(nisciriicc (|ii<' dans Icd-dn' iiatiir-cl des choses (|ii"il est acrdutiiiiif a |»(M'(('\ i>ii', ri<Mi iir \i('iidra rcfrccir les limites de I t-lioil espace dans le(|iie| il se ment. ()r lecit^xen ania cette cnnscience si. d'une |)art. la t(tnte-|inissance de la loi le pi(»tèi:e contre 1 arliiti'aire, <'t si. d anti'e part, ses désirs et ses passions ne \ien- nenl |ias troubler I harmonie des rapports naturels de son (>\istence indi\ iduelle et collecti\e.

hans scni discoui's sur 1 histoire uni\ers(dle. Kossiiet disait déjà : " Sous ce nom «le liherte. les liomainsse liiinraienl a\i'c les (îrecs mi Mtat personne ne lut sujet (\\\f de la loi et la loi lut |dus puissante (pn- les hommes ... .Monles(pùeu souscr'i\ait \(dontiers à «M'tte |»ai'ole.

I )e miMue (|ue la liherte de I homme predis|(osea la liln-rte du citoyen K. (1. L. WIN. li d<' nii-nn' c est la puissance de la loi ipu garantit la liherte du citoyen. à condition toutelois cpu- la loi S((it l'ondée suripielqne chose de l'cla ti\ (Muent innniialde et ipii se lr<iu\e en (hdiors de I atteinte un'-me des hoUMUes. cest-i-dire si (die est lexprcssiou îles ra|)ports qui <leri\eut «II- la nature des (dioses : i. (lest le triomphe de la liherte. ilil Montescpiieu. a pro|)os des lois criminelhs A", il. L. Ml. 4 loisipn- les lois criunmdies tirent ihacpie peine de la nature pa rt icidièi-e du crinn'. TonI 1 arbi- traire cesse, la peine ne ilesceild pas du ( a|»rice dll iéuislaleur. mais de la nature de la chose <> . l/lioiiiiue

8n

<|iii siusiiri^e assez fafiloincnt confie ihic autorité iiii|)(''i'ativ(' venant d un auti'(> lioniine. ne se i'é\()lte jjas contre la nature des choses si dures que soient parfois ses lois. Il se contente aisément sur ce 2)oint de l'illusion ; pourvu qu'il s'imagine agir li])rement il est content, et souvent c'est lorsqu'il pi'oclaine les lois naturelles <|ui Tohligcnt, (juil se croit le plus libre. C'est jxnircpioi Montesqui<'u d(''linit la lilieile plus profond(''nient que ses devanciers lorstpiil j»ro- clame que la liberté politique ne consiste ])as à laii-e ce que l'on veut. « mais à pouvoir faire ce (\[\o l'on doit vouloir et à n'être j)as contraint à faiie ce (jtidn ne doit pas vouloir ». bb'e (piil rej)i*end plus loin [E. (I . L. XXVI, 20) ])our distinguer le prince du citoyen : <■ La liberté consiste principalement à ne pouvoir être forcé a faire une chose ((ue la loi ii'or- donne pas et on n'est dans cet état (pu- pai-ce (piOn est gouverné par des lois civiles : nous sommes donc

libres parce ([ue nous vivons sous des l(»is cixiles

les princes (jui ne vivent point entre eux sous les lois civiles ne sont point libres : ils sont gouverin-s par la force, ils peuvent continuellement f(»rcer et être forcés ».

Mais (pu' doit-on souloii"? La r(''])onse est facile : on iH' doit rien \ouloii' en dehors de la satisfaction des rapports essenti(ds nécessaires à la pei-manence et à la conservation de la vie sociale, c'est-à-dire rien en dehors de ce (]ue consa<re la loi, (uii, si on la su|)jios

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]):nr;iif('. cxihiiik' i("^ r;i|»)iMi"ls d iiiic r.icuii ;i(lt''(|iiat('.

I.;i liltri'tc se liiiii\c duiit' icsidri- m «le riiK'iT aii.i- |\S(' (l,iii>> la «(iiisciciiic i|iii- I liiiiiiiiH- a (!<• sa di-jx-li- (laiicc. < hi foiicuit aldis t^uc les droits et li's lilirrt/'s ])ai-ti(iiliri'('s ddid il ]>i'uf ('xiufr la iiar-antir sdirnf <'ii r(dalinii ('Iritifi' a\ri- la ((Hiscirmc pinson moins nrllc (|n il à des ra])|)oits essentiels à sa \ie. à son existence dans nn état social donni'. et c Cst ici ((n intcr\ ient rtdeincnl j)s\clndoi:i((ne (|in inodilie linipiM-lance t|n il penf donner à la rechcridn' et à I acijnisition i\r ces droits et de ces li ImtIi's.

Monlcs(|nien n (>id)li(' pas. et <'est son oriuinalil»', ([n en politiipn' mi a tonjours allaii'c à des in»Minn's, c'est-à-dire à des ètr'es chez li>s(pnds je selitinienf et la ])assion ont soiiNcnt Iteanconp jdns de force (pn- la raison. Les trois libertés roiidainentales ipn- nons venons de passer en re\ ne avec lui sont etaldies en raison d après la constatation de la natnre des choses de la \ ie sociale et des liesoins de I individn dans les conditifins de \ie oi'i il est placi'. Hr. en etndiant les uon\ ei nenuMits. nons axons recoimn la présence d nn piincipe actif ipii dc-teianiiH' à la fois sa manière d'ai^ir el c(dle des ciloNeils ipii | ont adopte. ( .e principe est dordi-e alisolmnent sentimental en ce ipiil fait appel à la passion. ( !e sentiment, assez \if et assez foit pour ser\ il' ctimnn' de cinn-nt an\ paitii-s ipii coni|)osent le c(»rps social, inllm'ra nt-cessairenn-nt snr ro]»inion (pn* les in<li\idns poniiont y aM>ir de lenrs droits et de ja

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nécessite de les satisfaire. Là, tout cédera dcv.int la conviction d'une grande œuvre politique ou ('•(•(. ik.- mique à accomplir, de sorte (ju<' la ,i:raii(l<>ur du l)iil poursuivi fera oublier toutes los entraves à l.i lihcit»' et Lien des atteintes à la propriété ou à l.i foitmic. Ici, on fera bon marché des convenances individuelles pour l'honneur et la gioire que l'on attend de l'Etat, directeur et inspirateur de la collectivité. Ailleurs, dominera au contraire le souci d'établir dans li^tat toute une série de garanties sûres à l'usage de l'indi- vidu. c< Quoique tous les Etats aient en général un même objet, dit Montesquieu [E. <L L. XI. .") qui est de se maintenir, clia(|ue Etat en a pourtant un (jui lui est particulier. L'agrandissement <'daif lObjet de i\ome, la guerre celui de LacédiMuoin', la i-fdiiiion celui des lois judaïques, le conunerce celui de Maiseille. la tranquillit('' ])id)li(pu' ccdui des lois de la ('.lune, la navigation celui des lois des liliddiens, la liberté natn- relle celui de la police des sau\a,i:('s, en iiénéral, les délices du prince, celui des J']tats despoti(|tn's ; la gloire et celle de l'I^tat, (-(dni des nionai-idiies : I indt'- pendance de clia<{ue partieulier est l'objfd des lois de Pologne, et ce qui en résulte est ropi)ressioii de Ions. Il y a aussi une nation dans le momie ([ni a pcuir (d»jet direct de sa constitution, la libelle |»oliti((ue '>.

Cet Etat, c'est l'Angleteri-e, dont Montes(|ui(U an;.- lyse la constitution dans la prennère pai-tie du li\ re XI (ch. VI). Mais après en avoii' monli-(' Ions les ;i\ anlaues

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."i (•<• jMiiiit (Ir Vin- |i;iiliriilii'r. il .liniilc. cii triiniii.iiit |r rli;i|»itic : ■• .!<' IH' | »li't('liii> |»Miiil |i;iil;'i i;i\;il<'l' 1rs .iiitrcs uniiN ('iiii'iiH'iit^. ni «liir <|iH' («•llf lilH-ih- |n»li- ti(jii«' rxtrèinc (liii\<' mndilici- ccmn qui n ru ont »jii iiih* modéréo. (>)iimi('iit (lir;iis-j(' cela, moi «|iii crois (ju«^ l'oxcès inrmo <!<' I;i l'.iisoii ii Csl p.is toujours (Irsir.-iMc et (lUf 1rs Ikhihih's s .icciiiiiiiiodciil jii'cs(|tic toujours mit'iix (1("> iiiiliciix <|iir (1rs r\ti-('niif«'-s ».

Il II)- l.iiit donc |);is prendre dans I n-m !•<• de Moii- tcscjuicu la tliéoi'ic i]^ la constitution anglaise connue l'exprossion de ce (|u il considère coiunie le meilleur iiouvornenient en soi. Il n y eu a pas pour Montos- fuiieu. et ("est un jU'iucipe (ju il pose au (l(dtut UK-ine (!«' VEftprit drs Lois (I, 3) : " Il vaut mieux dii-e ^\\\^' le iLouvei-nement le ])lus courorme a la iiaturr ost c(dui dont la disposition j)articuli("'re se ra])])orte mieux à la dis[)osilion du jx'Uplc pour le(pi(d il est (daldi •■. La rfmstilution anii'laise est donc le meilleur lidUNcrue- Ilient pour le peU|tle (jui met la ci)n(pn"'te des droits indi\idu(ds au-dessus de tout. I >e in("'me. a Konie. dont M(»nteS(piiell. dans ce ni("'me li\ rc NI. étudie la \ ie |»(diti(|iic (11. .\l\ à XlXi la constitution sori:anisa peu ,1 |)eu de mani('M'e a constituer un ('■(jiiilihi'e stalde, non plus cnti'c les droits natur(ds de l'indisidn cl ceux de ri'.lat , mais entre les (lasses composant le pcu|>lc. (pii se dis|iutaient la |ireeminencc dans I lltat. Il faut noter (Tailleurs (|u a lionu', au moins dans la |»eriode primi- li\e et jus(prau temps de ll-jupiic. rin(li\i(lu n'avait

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iM»ui' .liiisi (liiT ]);is (ICxistciicc j)r()])rc en (IcIku-s do In t'aiiiillc (|iii IViitcriiiJiil dniis smi cercle (''troit.

(llu'z les peuples existe un vif sentinicut d'iictioii collective, ce sentiment j)i'iiiie celui de la liherlé. Il suffit que le niécauisnie ])oliti(|ue assure à l'individu un minimum de sécui-ité. I*eu importent alors les moyens employés, pourvu (piils soient en rapj)ort avec le caractère ,2én<''ral du peuple et ses tendances liistori- (jues.

Ainsi. Montes([uieu. lidèle à la méthod<' (|ui est d'arriver à atteindre la réalité par une série d a|)pro ximations successives, sait atténuer par r(''tude des caractères et l'étude de cjiaipie peuple, ce (|u"il |)eMt y avoir de trop absolu dans les tln'ories i^énéi'ales (jne lui suiTgère la seule raison. ()n \oit donc combien Montesquieu est loin des piiilosophes de la ri'voliïfion et comme ce serait mal le com])rendre (|ue de xouloir isol<M' I une (|U(dcon(|ue de ses aflirmations de I eiiseui- Ide de tout son ouvrai:*'. <)u saisit alors aussi pour- (pioi Montes(piieii ])roclame si haut (pi il est I ajxitre de la untdération et ([u'il n'a conq)os('' son li\ re (\\\o pour en j)rouver la nécessih'. Les tli(''ories les j)lus ahsoliu's. en eit'et, doivent loujours. hon i;ré mal ::r('. Unir ]iar se ])lier la nature des (dioses <|ni leur ajijiorle des temj)éi'anients varies, sans poui- c(da lu'iscr I unité l'on- damentale des ra[)])orts sociaux, (les tempéraments variés, au conti'aire, m- font (pi'en maintenir I écono- mie, en étaldissant enti-e eux létjuilihi-e m-cessaire (pie

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fIoninii<lr> rliaquc r.is paificiiliiM'. VA cola f'<^st j^ivcis^- liiciit (le la iiindi-ratidii au spiis t''tymul(»t;i([iH' «lu mot. I.a iiiodt'ralioii i(''siiltr niiiu'i' <l<' 1 action des iiidiicii- ers liistoi'iqin's aii\(|in'll<'s .\|i)iili'V(|uicii iiioiitic (ju'il est iirfcssairt' «li- i-t'iiKUifri- iiis(|iir dans le j)ass»'' lo plus lointain, alin de niiouv »'( laii-cr le jtiM'SPut. <>ii se rond coinj)t(' qu'aucun (dianuomcnt m- se pinduit avoc violence, cpu' les ti'aditions ne se i'onii»ent point sur le coup, mais jxmi à j)eu. à mesure que se modilje l'état (Tes esprits et des mo'urs. Si nn \fut les violenter, on lo j)out sans tlout(\ sous l'eil'et d'un eiitraiiiomeut pas- sager, mais lo clumucmout ainsi j)roduit est do pou de durée et les ra])])orts anciens r«'Ni])])araissont bientôt. Ce nost cpi au hoiil d un assez lom: lemj»s cpie les somonces jeti'os lors du pi'emier (d)ranlemeid \ iennent à ])l'oduil'e leuis IVuits, encore est-ce [oixjUe l't'tat social entrevu j)ar les ])i'emiers théoriciens, vient à passer conq)lètement dans l'ordre des faits. Montes- «piiou ne jterd jamais de \ ne cette inodi'raticui néces- saire, parce (|U elle est dans la uafuie même de la \ir, et cCst pour c(da (|U il se Liarile liiell de dolinei' des modèles ali^olus. Il jiri'teiid seldenieiif fournir di's indications, j)r»q)oser une mai-cdie à suiv r<'. elaldir les fondements d une nK'dliode d'oi-i:anisation sociale, appi-opriée aux circonstances. Même en ce qui con- cerne 1 Ani:le|erre. il insinue que si les lois soid assez bien «'qiulilirees pour assurer jdeiuemcul la lil»ei-t(' Jtolilique, 1 etl'el ne r<'pond Jicul être i)as au liou AoU-

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loir qu'elles témoignent : <( Ce n'est point à njoi à exa- miner si les Anglais jouissent aetuelieuient «le cette lil)ertt"' ou lion : il me suffit de dire f[u elle est rtahlic par leurs lois et je n'en cheiriie ])as davaiitafie ». [E. d. /.., XI, 6, in fine).

Ce qui inqjorte, en efiet, ce n'est point (pie le méca- nisme constitutionnel soit toujours et partout identique à lui-même, c'est surtout (pi'il y en ait de telle façc)u que le salut de l'Etat ne dépende point comme dit Spi- noza {Traité politique, 1, G) de la seule honnêteté d'un individu, mais au contraire « que les affaires publiques y soient ordonnées de telle sorte que ceux qui les manient, soit que la raison, soit (jue la passion les fasse a,s"ir, ne puissent être tentés d'être de mauvaise foi et de mal faire ».

Partant de ce principe, Spinoza a])rès avoir étal)li les fondemeuts du droit de l'individu et du droit de l'Etat, recherche ccnumeiit la monarchie, l'aristocratie et la démocratie ])euvent être organisées confoi*mé- ment aux exisrences de leur nature |»arti(niirrc. <'f de manière à oll'rir le niaxiinum de iiai-antic Mais les constructions politiques (pi'il ima.^im' de tontes pièces et auxc[uelles ressemhlent heaucouj) les projets consti- tutionnels de Siéyès (1) laissenl de c<M('' l<'s denx fac- teurs essentiels' de l'org-anisation politicpie dans la |)en-

\. Parisol : Siéyès cl Spinoza, lievup iIp sijnt/irsf /iis(ori(jiie, juin, 1906.

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s»M' (Ir Moiilcstiiiifil : 1rs Icilil.llicfs | is\ di. ,|< i- i(|||<'S |»;n liciilirifs a <lia(|iir |n'ii|ilr, I <'\ «iliil inii liiNtoiiqiif (lui |Hilir cIlicuii il i'll\ .1 jil'cci'df I clat aifud. \.r srul |iriM(i|ii' (I iiiM- ;i|i|)li(;ilinM iiiii\ <'rsrllc .idiiiis pal* Mon- t('S(|iii«'u. fsl celui (|u <'\priuii'ul les uiols I'.ium'UX « le poUMiir aiir-tr le |»iiu\oir ... Ndiis en ;i\(ius \u la ucucsc cl cdUiMicul il (lcl"i\c (le la couccj)! I( >h (|U a M(Ultcs(|uicU (le la loi lie nature des (•Ices cl des (dis- ses ainsi que de la loi de Icuis rappoïK. l'niir c\ilei' IkuI aihilrail-e et Inul excès de l'iUce. il es| iudi(|Ue |»aP la nature des ( lioscs d airc( ter a dillci-cnles j)ers(Uines (>U à diliei'euts corps les poiixiiirs entre les(puds s»' partau'e rexci-cicc de I autorité alin de les halaucer les uns |)ar les autres. (!e|)endant. Montes(|uieu ne consi- dère pas connue altsoinnieni necessaii"e à la iiai'antii' delà lil»cl"te cl a la sécurité de lindiNidu (pU' ces J>oU- \oiis MtienI toujours el j>ailoid coiu|»lètenM'nl dis- liuids. hu niouieul (pu' le pou\oii' pidiciaire est niis didiliercUKMd a part de nianiei^e a ne |»ou\ oir l'Ire con- Irainl |»ar les autres, il est assez indillerenl ipu- le |»ou\oir |ei;islatir suit cnuroudu a\ec lexcculil. (!<da se coniprend. car le i»ou\(iir judiciaire est cidui «pii

dtdieni 1 exercice des sanctions de la loi : lU', pour

parler' coUMue Montcsipiieii, tout est perdu si cidui i|ui lait la loi ou cidui ipii adnnrusti'c |)cu\ent disposei- lilu'einerd des sanctions de la loi. haiis le prenner' cas. le jui;»' sorail lei:islateui". dans le secmid. il serait oi>i)resseur. La réunion du législatif et de rexccutif

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peut faire craindre, il est vrai, ([u'on ne fasse des lois tyranniques pour les exercer tyranniquenient ; mais si le pouvoir judiciaire est conscient de sa mission ef assez indépendant pour exercer ses droits, il saura arrêter rexécutioii tyranni<pM' des lois, en ne donnant point de sanction aux l'ésistances du citoyen dont il aurait à connaître.

Si donc, en prin<-ipe. on peut concevoir un nn-ca- nisme, réalisé d ailleurs, (pioi<jue j)ar des moyens diliV'- rents dans lAii^^leterre modei'uc et dans la Home antiipu'. nuM'cinismc (|ui garantisse ;'i rimlixidu ICxer- cicc le j)lus lari:<' de sa liliei't('" i\ de ses droits pouc le cas il consi(l(''rei'ait cet exercice coninie le souve- rain bien de la \ie soci,ile. .Montes(|uieu l'tahlit aussi une s(jrte di'clndle de l,i liJ)«M-ti'' suivant 1 intf'rèt <pi y attachent les lionnnes. dette ec Indle s"('tend du ma\i- nunn de iiarantie au miniminn nécessaii-e jiour i\\ir 1 individu sollicité d'auti'e C('>té par d'autres ])assions, puisse tout de nuMiie satisfaii'e aux besoins essentiels de sa condition et denuMii'e el'lic.icement [iroteiic'". Si la c()nstitution aiii;laise rej)ond assez liien ,iu |ireniier t\pe. la moii;i|-(dlie tV.iMcaise I l'adit ion md le représente tout ;i l'ait le secoud .

IV

Aprrs le m'iiiid lnmlcN frsciiM'iil social (•.■ius('' j);u' les iiixiisioiis (les liarharrs cl jM>Mi'sui\i pciidaiit ciii([ slc- clcs a\cc (les allcniaf i\('s d ordi-c et de desdnirc. le droit romain, si iiitiineiiieiit lie à I esprit et aii\ Icii- daiiccs du jx'iijije (|iii Taxait construit. dis|»arMit avec ICtat social même «loiit il lirait sa force et sa cohésion. Il n <'li suhsisie d'iiiie Jiianière ('■j»<(rse (jne (juidcjnes l)i'ati(|iies coiitiimièi'os. soiiviMiir loiiifaiii d un Atrr ancien, ou (|U(d(|iies axiomes uém'i'nux (|u a\aient pré- ser\(''s lid/'c morale sur la(|U(dle ils se roudaienl.

Les lois elles-mr'mes (|ue les liarhares a\aieiil ajipor- li'-es a\ec eux. c(»dili«''es au «iidiul sous I intlm'Mce encore \i\e du urand ordre romain et a\ec le désii- d y atteindre. Unirent aussi jtar' dis|ia rail l'c dans la ruine de I ordre |)oliti(|m> tente |)ar les |U'emier's l'ois

germains (-taldis dans ri'".m|iirc cl i-ealise un instant ])ar ( ;iiarli'ma'_;ne. l'jjes aussi ne sur\ ('curent (|U a I ('■lat de tradition et de coutume locale, pour l'CLiler les

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rapports individuels les plus usuels dérivés des biens de famille ou des obligations contractuelles.

Dans ces conditions, la science du droit se réduisait à la pratique des formules et à la connaissance des coutumes, s'il s'agissait du droit civil ; à l'application des règles grossières du duel judiciaire ou des ordalies, s'il s'agissait du droit criminel, ou mèiuc de reconnaî- tre des torts et de désigner des coupables (ju'on était impuissant à déterminer par raison.

On ne peut donc pas dire que ce fut de la science. Toute science doit remonter à des principes et faire en sorte que l'objet de nos connaissances ne reste pas fragmentaire, mais soit au contraire lié ])ar un enclïaî- nement logi(|uo (|ui satisfasse l'intelligence.

Or, dans ce baut moyen âge, on ne considérait d'une part que des faits et d'autre ])art (pic des règb's, règles transmises par la seub; tradition, dont l'origine demeurait inconnue, que Ton appliquait parce que les ancêtres faisaient ainsi, jnais en réalité issues de tous les points de riiorizon, conservant le souviuiir d'un état social différent et corrigées ])arfois inalbaliilcnient dans certains détails pour mieux s'accordci- axrc l'c'-tat présent (b^s raj)ports sociaux. Il aurait falhi (h-hrouiller ce cbaos, mais qui le pouvait, et qui s'en stuiciail ?

Ce n étaient assurément j)as les seigneui's féddauw plus courageux guerriers que grands jurisconsultes, (le n'étaient pas non plus les hommes libres app<dés dans certaines causes à former l'assenddée des ]taii's.

l)(i

1><'U\ choses icii.iiclit lieu dr 1.1 silirtc «|ll<' dniuie (l.iiis r;ij»j>li<;tf ioii ilr la jii>ti<r |,i cDiiiuiissaiicc de Irsurit (1rs lois cl des piilHi |»cs sii|- lrs(|ind^ elles se lulldeilt : il tllie part. 1 a llli hmIi- de i,i t r.idilioll . d autre naii. I iliucilieu^e >ll I »t 1 lil e que 1 <tll ildl'odllisit dails la procédure. |)es p|esclM|iti(iUS lua teriel les UliuiltieUSes reiHciliaieiit eli ellel au delaul de direetinu cpie ceux (pii appliipieiil le droit puisent ord iiia i renient dans les idées ucnei'ales et dans les principes, quelle i|u en soit d ailleurs leur \aleiir au point de \ ne pliilosopliiijue. ( hl peut se rendre aiseilieilt compte de ee l'ail |tai' reusenihle couijditpie «les re^ili-^ <pii l'cuissaieut le duel judiciaire et dont 1 <dtjel pi'eciscnient «'tait d assu- rer les eoiidiliolls de conihal les plus iiii|)a rtia les et les plus justes. Il en est ainsi dans toute le::islalion qui se dcveloppo sous 1 iiillueiice de la i-outuuie et au ;:r('' (les eireoustaiiccs locales : la loi dispai'ait deiwièi'e la roriiie de pnwéduro uéressaire poiii- <d)teiiir le droit. L WiiLilcIerri' par e\eni|)le «pii est le |ia\s daiisleipud le droit. nK'Ilie écrit, est ri'ste presque coin | deleineii t esclave de l.i I r.iditioii et de |;i coutlinie. est aussi le pas^oii les l'ornies |ti'o<('durieres sont encore les j»|us coiiipli<Jliees et les |dus strictes.

.\u ino\en à-e, c est dans les cours d riLlIlse. seule- llieiil, que s étaient coiisejxees (pnd(|Ues pl'eoccupa- tiolis moins lerie ;i tej-re. La, les lois en etlet. et.iieni

toujours rapportées ;i des principes. .Mais ces jn'ineipes

étaient l'oinli's sm- la tlieolo-ie et sur les lois de 1,1 reli-

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giou ([ui paraissaiont alors iii(UiJ)itableiiient à tout lo monde le modèle des lois humaines et ridéal que les sociétés devaient tendre à réaliser.

Ajjpuyée sur ces principes qui nioiitraieiit. (((Hiiik' émanés de Dieu, toutes les idées, tous les seutirueuts de justice, de liberté, d'égalité entre tous les hoiuiues ; fortitiée ])ar son organisation savante (pii lui ihuinait tant de prise sur les êtres (^t les caractères, conimeiit lEgiise seule force alors couscicnte delle-mème. ru fait et en esprit, ne dexait-ellc j)as ;ii;ii- sur la \ie politicpie et civile 1 Si elle est riiuagc de la s(Hit''l('' de Dieu et des créatures, c'est sur clic (|ii(' doit se mode- ler la société laïque dans sou gouvernement j)oliti(pu', aussi bien (pu? dans sou gouvernement civil. Aussi est-ce à elle que les rois s'adi-essent |)oiir fonder leur puissance sur des princijics au-dessus de toute discussicju.

(lest 1 h]glise aussi (|ui i'aj)p(dle aux j)i'iuees leurs de\(»irs de eliarit('' et de justice en\('l"s leurs sujets, (lest au nom de ces nuMUcs dcNoii-s de justice et de cliai'it('\ cl |»ar-ce qu elle |>i'(q)ar'e la Itouue mort. (|U elle iutci'\ient dans les testaments et établit des l'èules de droits successoral en l'appoi't axcc cet esprit, (lest encore parce (]u elle guide et i)ré])ar<' la vie s(don la loi de Dieu ([u <dle int(M'\ient dans b^ di-oit matrimonial, fondement de la famille dans bupudle doit se pci'])é- tuer le règne de Dieu. Enfui, c'est conune r(qu'cseiilaut un hieu de Itoiitc'^ et ilaniour, (]u elle jiretcndil rciilcr Ouiliii 7

1)K

1rs i;i]»j)<ti-ts «lintri'tMs ruti'»' 1rs hoimnos cf iiih'i'Vniii- dans Icms tiMiisjictions ruiimuTciali's eu inlcidisaut 1»' jH'»"'t ;'i iiiti'i-rt.

Tous ers iaj»|Hiits <|iii tians les sociétés aiiti([uos riaient ivi^lrs sniliMiiciif j»ai' la coiisidrfatiiiM des iiilr- iiMs juu't'iiitMit humains de 1 individu ou dr la société, ( lian^éi'cnl donc de nature sous 1 intluoiu-o do 1 l\irlisc et du i'(Miouv<dl(MiH'nt uKU-al <|u «d!»' ajijxti'tait avec clic.

Ainsi, d un cnïv. r.ihsrncr de toute législatiou écrite, a\ait. au tl(dnd du d«'\ «d<t]»|)('ni(Mit des sociétés occi- dcutales luélc le dioit (|ui les régissait délénïouts hété- i-oiién<'s «juc 1 1)0 tunsfix ait ti'a«litiouncllonicut coninir une surAivan«i' des ancicnucs lois barbares et romai- nes, ou t|ue l<'s nécessités du j)résciit avai<Mit intro- duites, eu coul'ormite avec Telal social actuel. iJans I un ou 1 autre eas. e «dait inie courusiou de i'<'i:les con- Iradieloires. parée (|u"on avait perdu tout souvenir de 1 (U'i,i:iue lointaine de ces lois rt (|ue nul historien du droit ne >e luéoecupail de la ie( her(duM'. Dautre par-t, je ( hiistiani^^uie et surtout l llulise, a\aieiit imprimé, (|Uoi(pi ;i des déniés tr'ès iné,i:au\ et ties mêles, la man|ue profonde de l 1"]\ aiij^ile sur le droit jxditiipn- et sur le droit ei\il dont les ju-ineipes relevaient. \\<ni jdiis de iiiM essilis \ilales ])urement luiiuniues. niais ♦le lidéal dix in tprexpriiuaieut les Kci'ilures et «Inut 1 K^lise avait la i:ardi'.

La l'orme de .es pi-ineij»es. a]>puVé« sui' la rcliuiuii

\)\)

cf sur l;i morale, implantés dans les cceiirs pjii- lin- fluciice 2)ré2)ondérante de IKylise fut longtemps invin- ci])le et domina pendant de loni;s siècles la conc<'})tinii sociale des esprits les plus (''clairc's, jns(pi à fnii'c ])(iur Domat, ({ui écrivait à la lin du xwf siècle. le fond de- tout ordre politique et de toute crèntion jni-idiejnc.

Cependant, il n y <i j)()inf dans ce monde (|ur des sociétés chréti(Mines. Sur quelles id('M>s se fondait donc la léi;islation des nations anti([in's (jni iiaNaicnt j)oint connu la i:)arole divine? A (pnds principes renioiilaieni les sociétés encoi'e paï(Mines? (liiez les nues et les autres, il fallait bien (jue les hommes ensseni tidn\(' dans leurs intérêts ])urenH'nt mati-i-iids et tenq)oi'(ds les él(''ments de l'ordre (pii a\ait jx'rmis à leurs soci(''- tés de vi\re! A côti' de 1 idéal snperieni' propos»' par lEtiiise, il v avait donc une oi-uanisalion s(»(iale pos- sible fondée uni(]uement sur la l'aison humaine.

iJu Jour on la i'ais(m laïcpu' s'essaiei-ail a faire (en\re juridi(jue en dehors de ri\i:lise la coexishnice de ces deux conceptions diann'tralenn'nl oppost'es (le\ail for- cément enu'cndrer la confusion. Tant (|in' les sociidés occidentales resteraient en etl'el soumises à 1 idéal de rj\u;lise. il ne pouvait y a\oir de coid'nsion. tout le monde r-tant daccoi-d poiir recliei'cdu'r et elahlii' dans le mènn^ s<'ns l'ordre social.

Malhenrensenienl . cet accord ne dura |)as |oiii;lenqis ; de Ixtnne heure, l h^lal secoua le j'ni;: de 1 llulis»' cl ,l)ien(ôl l'inti-oduclion vn OccidenI du droil de .lusli-

101)

nicii. 1,1 (Icrolivcrfr <l('s (»ll\ r.iufs (I Ari>lMlc d des plii- ItiMiplics uiTfs. \iiii('iil (humer ;iii\ cspiils ccl.iiiw's I (MCisioii (le sr liltcrcr. (loiiiliir les .imhif iniis du jxtii- Milici\il. rclilli(ilisi;isiiir ;i l,t l'ois cilldit cl iliuciill drs |tiTiiii('i's (•(iiiiiiiriitatcui's des .iiiciciis dc\;iil .iNoir la jiliis dan^ei'ousc l'épcirussioii sur la s(didaiiti' des j>riii(i|>(>s sociaux et la \italit('' drs axiouM-s juridiiiiics dout !"( Iccidcnt (diréticu était redevalde à I l'!i;lise.

Si dans certains l'^tats, 1 l'iulise était denieui-<''e j»re- |»<p|i(lerante. dans d autl-es, à cause des relations conti- nuelles (|ue lui ini|M)sait a\(M- le j»ou\oir ci\il sou exis- tence tenipoielle a ]»art. elle s Ctait de\ el<i|i|iee à c<'tt('' de ! l'itat et (die \i\ait a\('c raut(M'ite sur un |)ie(l de transaction (|ni lui laissait la pleine Jui'idiclion sjiiri- t ndle. tout en se sounn-ttant |ioui' le tenip(n'(d au |iou- \(>ir politi(pn'. Ailleui-s, Ij-ltat lavait entierenn-nt domi- née, se 1 était inc<)i'])oree polir ainsi dir(> et reiixci'saut les rAles primitifs, il la faisait servir à ses pro|)res tins, t. ('pendant, nulle part 1 lvt:lise navait al>a:idonne les |irincipes ipn lui étaient ( liers et la coustMpieuce la |»lns innin'dial(,' de ce coudiat d intluence a l)onlissa;:t a des traitements si divers, lut (|ue les |trincipes directeurs de la société piireUH'nt laKpU' se faisant jour a c ' te de 1 ancienne dis(i|dine de I l'iillise imposée au l'oUi de 1 l'.crilui'c et jtai'l'ois arrivant à les dominer, on ni(dani:('a dans la |uati(pn' au i: r-e des iMti'r("'l^ en jeu. mais au plirs ui'aiid domniaiic de la s.iinc lo;:i(|ue. toutes les notions iuildKpU's et tolls les principes.

101 -

Il sciiiltU' iiii ])r(Miii('i' Jihofd ([iH' rEîilisc (Mil di'i s(^ ivjoiiii' (If (M^ttc f()nfusi(^ii ([ui, servie [);u' l.i puissance réelle ({uelle conservait encore, semblait lui assurer dans toutes les grandes questions de la vie humaine la prépondc^'rance sjîi rituelle. En réalitc'', le fait même que d'autres principes ([ue les siens aient pu prévaloir en matière politique et civile, était un sympt(jnu^ dan- gereux ])our les principes <[u'elle proclamait, laiit au nom des Ecritui'es que ])our satisfaire son ^oTit par- ticulier de domination.

A nn^sure en effet (jue l'Etat s'organisera daNaiitauc en dehors de l'Eglise, les jurisconsultes connaissant entin un(^ société laï(}ue indépendante s'efforceront de dissi])er (M^tte confusion de jjrincijjcs faxoraldes à lin- tluence de l'Eglise, mais fort dangereuse pour le jjlein développement de la société nouvelle. Eeurs raisonne- ments, d'abord réservés uniquement aux (piestions de politi(|ue, s'étendront bieid(M au\ mati( res d ordre civil. Des deux ])arts, ils s'eiforceronf (r(''faMir la raison à la place du sentinu^nt et d'accorder les deux aspects de la vie sociale en montrant sur la Nie i)oli- t'ique comme sur la vie sociale, l'égale et la seule influence des nécessités matérielles et humaines d'oi-- ganisation sociale, à rex(dusion de toutes causes ('tian- gères à la nature même des choses.

Flntre I(>s d(^n\ tendances, la lutte fut Ionique et acharnée. Menée avec vigueur au xvi' sie( le par de libres esprits comme Bodiu ; reprise a\ ec nuHhode par

102

M<)lltrs(|ui('n ail Wlll'. c Cst à |irilic si de ikis juins iiotis la \()\(>iis IciiiiiiKM' |))ir le I i'i<iiii|t|i(' |»i'(''S(Mit de 1 i'sj)i'it |t()silir.

A I t'|H)(|ii(' (Ml ('criNail M(iiit('s([iii('ti, la juisilioii dr ll'li^lisc (IciiKMirail Irrs l'oflc. Nnii sciili'iiinil. il \ ;i\ail riK'nfc un i:caii(| iiuinlirc de croNaids jerv ciil-^. mais (!<' |)liis. rilulisc r(uis(M'\ ait une jiiridicli<iii |tai'liciiliri'(» dans la(|iir||c iialiind li-iiicid 1 csjirit dt-s lois (-lail 1 cs- |)iil de ri!i:lisc. Ajinitc/ à cida t|Ur li-diicarMUi de la jciiiK'ssr clail loiilr culit'i'c cnlfc SCS iiiaiiis. Si dans la ])i-alii|iir. la siiiiiiiission rtail tiioins !il)S(diii' <|ii aiiti'c- lois, si le levé de lliroci-alic iini\('i'S(dl<' (|U rllr avait un instant can'ssf' s'(''fait d(''liiiiti\ cnn'ut l'-xanoiii dr\;int la rudesse (|ue les ,unu\ ernenieids, et en pa l't ieul ief le t:(in\ erneuM'ul de la h'i'anee. avaient mis ;'i f.iii'e l'cs- ]ieelei' leur droit, en r('a I it(-. ri'tat n'avait |Kdili(|ii('- nienl asM'ivi ri",L;lise f|n en lui prêtant, jimii- laidet- dans son d'uv re morale, tout le secours de sa l'oree, cl jamais les lois de |;i i'(dii:ion cl les prineij)es du droit canonit|ue n avaient pesé plus lourdemeni sur la lihert»' de la science jiiridi(pn- cl sur I espril des lois

pOSltix CV.

A c (Me de la conlusion des coul iiun-s, oii aucun sv sh-iiu' ne pouvait se di'couv rii- : à (ô|(' de la conriision inlr'o- diiilc dau'^ les |tnn(ipes de droit ji(diti(pw cl civil par I inllncncc de I l'i^lisc indiue d un idéal <''trani:cr a la lerre. lions trouvons encore une autre cause de coul'ii- si'Hi dans [e (|('v (doppcnn-id (jiiavail pris |c droit

103

romain sous lïmpressioii do la découvorfo de Justinicn. D'abord, il semble que l'étude de ce droit, surgissant en plein moyen âge comme la raison écrite, alLiit. en détournant les esprits de la grossièreté des coutumes ou de la minutie des procédures, contribuer à ci-écr sur des principes sérieux, une science du droit i'ol)Ust<» et saine, également éloignée de l'opportunisme tci-re à terre du droit coutumier et de l'idéal surhumain de perfection auquel tendaient les principes du droit canonique. Et, en effet, c'est Inen ainsi (|ue le com- prirent les premiers connnentateurs (|ui s'adonnèrent avec enthousiasme à léfude du di-oit rouiain. Ils y reconnaissaient la })uissauce construetiv(> de la raison humaine appliquée à une société constituée unique- ment pour elle-même et vivant pour elle-même, dans laquelle les lois ne regardent })oint auti'e chose (fue h*s intérêts pratiquement mis en Jeu. Ils \ trou\aienl l'organisation d'un gouvernement très fort sei'\i par une administration habilement dév(d(q)pée j)our l'aire tout converger vers lui à. l'exchision de tons les intérêts autres que ceux de l'I'Jat. \-a\ un mot, ils y découvraient un modèb' dont la Ixdle (.rdoiinam-e contrastait heureusement avec l'inccdH-i-ence des cou- tumes, en même teuq)s (|n'nne couceiition Juridi<|ue dont les principes s'a})])li(|naienl plus étroitement et avec moins d'effort aux intérêts politicpu's de la \ie commune des hommes (Mi société. Aussi cette len.ns- sance du droit romain marcpiait pour la science p<di-

loi _

ti(|llc et pniil- I.l sciciicr jll lid ii |llf ] il< i| iitllicil t dite le |ii)iiil lie i|i-|),'ii'l il une (■Ill.'lll('i|).'ltii)ll lie I.l |)('liscr. (Icj.'l m- ]ii)ii\;iil (|iic srixir 1.1 cnisr de l.t |t)i:i(|lir rt Ac l;i l'.iisoii et (• rst liifii .lilisi ([lie IrtiN is.ii:»' 1 lvi:lisc (1rs Ir premier iiinniciil. |tnis<|iir !»• j).i|h' JiuiKtiiiis III lit on

1220 (li-l'cllM' (I riiS(ML:iH'r 1.1 sciciKT liolix cllr (l.llls les

iiiii\ risilt's rt (Ml |).irticiili('r (l.llls 1 I iii\cisitc «le P.ii-is (|lli cl.iil citiisiih-i'cc ((IIIIIIK' lil loltcrt'ssc et le sailc- lii.iirc lie I.l |>iiic (idciriiic ('(•flésiasf i(Hic.

( !c|t('il(l;i lil . 111,1 II: rc ce (|ii il \ .iv.iil en elles «le l'.-iNd- r.llile ;i I essor de I.l peilvcc lilire. les ('■tildes de droit

riiiii.iiii cdiit riltiiereiit .ixcc le temps ,1 ;iiiL:iiieiitei' la (■(iiiriisidii (|iii existait d<'j.i dans les pi'incijtes jiiri- di(|iies. ji.ir le tait de l.t (•(•existence des coutumes de droit l'eod.il et de droit canonique j)our n\i;l<'r les miMiies objets.

{•]ll ellct. d une |»;irt. .'i cilise (\u respect llK-llie ipie Idii ail riliii.lit ;'i ces textes, ils tiiiireiil p.ir |»elrilier l;i science |iiridi(pi(; en 1.1 contin.iiil d.iiis l.i discussion

pUi'rile de siililililes u r.l llim.l I ici les, en I .icc.lld.int solls le poids de coin liiell l.i i l'es ipil der( d >.l ieil I .111 .juris- colislllte I.l n'.lllte \i\.ilile dolll seule il doit si iis| li i-cr.

I.oiiime tout le iiKHide .'iN.'iit iiiii par snltir (ddiu.itoire-

ineill celte l'.IUsse preji.l r.l 1 ioll . oll conçoit I esprit (pif

pon\;iient a|»poi'ter a reliide du droit \i\.iiil les juris-

colisnltes (pi (die ;i\;iil rorilies. l'.l l'on (dni]H('nd I.l r.iisoii des iii\ ecli\ es des liodin, des ISeaudouili et des llollm.iii (diilrc mil' mi-lliodr xi sti-rile cl si d(''s;is-

105

trousc. D'autre part, le succès uième de ces études avait liui j)ar douiiei- à la législation de Justinieu une influence empruntée, mais réelle, sur la direction de la vie publique. On a supérieurement démontré comment les principes tirés du droit romain inspiraient les légistes dans l'aide ((uils prêtèrent à la royauté fran- çaise pour Construire l'état rentralis('' (pii dcxait ahoutii* à Fabsolutisme de Louis XIV.

Otte influence du di'oit de .Instinieii. si (die fut utile au dévelo])])ement de l'autorité de nos rois, le fut incontestablement moins pour le développement de uos institutions politiques dont elle vint contrari<'r l'évolution naturelle en introduisant dans notre droit public, par l'effet d'une adaptatiou artificielle. d<'s principes qui s'appliquaient à un état social difféi-ent et ({ui étaient le résultat dune ionique ('vohition histo- rique sans aucun rap])ort avec ((db^ des nations occi- dentab^s, et en ])articulier de la l'rance.

Malg'ré cela. 1 accej)tation (b' ces pi'incij)es p.ii' b's jurisconsultes fut aisée, car naturellement <'q)i'is doidrc. ils étaient séduits ])ar la force et ])ai' la simj)licil<'- de l'Etat romain. Le succès (pi ils cuicnt au])rès des rois fut naturel car ils \ tron\aient à la fois un ])rcccdcnl pour satisfaire le lioùt d antorité (|ue 1 exercice du pou- voir dévelopjH' naliir(dlcniciit (diez tout (Mrc liuiii.iin. et un a])]iui |)our i-ejetei' la théoci'atie Ncrs la(|n(dlc tendait l'Lulise en tant (\uc corps j)oliti([ne : ainsi (pn- l'esprit libéral, connnuniste nu'me, (|ue i'('pandaient

106

(Inns los mnssr'v; coiix dos hkmhIuos «le rFiiliso fpu rt.iiciit \)\\\^ t''|ti'is (le ridi'.il ('-N ;iiii:rlitnir «jnc (les satis- faclidiis (le la |i(iliti(|ii('.

( !<']>cii(Iailt , tous tt'\l\ ([Ile l<''sai<'||t ces (Idcfl'ilK'S Tioil-

vcllcs : les n(tl)I<'s, (|ui (•l'aiuiiaiciit jMHir Iciiis [»i'i\ ilriirs somcraius ; lo clcrur, ([tii \ oyait ^oii iiitlnciicr jioliti([ii(' l'ôdiiitc : la lioiiraodisic. cnlin (|iii sentait lui rrliappcp IC^lHiii- (riiiic |»;irtici|iatioii ;iu\ .ill'aii'fs i|Ui' son Iraxail, SOS richi'ssos. sa scicinc et nn-nic 1 ajipui intoi'cssô dos l'ois dans le nioniont on ils s Css.iyaiont à fonder loni' autoi'ité, a\aioiit pu lui poianotti'out l(\uitini<'nioiit i{(^ concoNoii' ; toutes oos diiréroiites j)ai-ties de la uatiou. coiisoiN aient los youx fixôs sui'los ti'a<litions ainiennes do la niouai'c Jiie dont <dl<'s in\o(juaient les lois l'ontlanien- tales jionr les o])|»osei' an non\td espcit dalisolutisine (|ue (lé\ (dopjiait dans la nionait liie 1 e\enijde du dr(»it romain.

Ainsi la scienee du droit puldir. jtar 1 elj'et de l'intro- duction et i\\i succès dos priucijx-s romains, oscillait au moment même (die se constituait entre trois ten- dances diilV'ri'nles issues de trois espèces dillV-i'outos de j)rincipes contradictoires : ceux que pri'ni.iil rivi:lise. au nom de la siiperitU'ité des lois dixines sur les |(»is humaines ; ceux ipu" dè\ eIo|»|)aient les romanistes, ;iu nom «le 1.1 force dr- 1 ad mi n isf rat ion impeiiale ; ceux eniin dont se recl.imaienl les esprits hlii'r.inx .lU nom des traditions paiticulières de la inon.irc liie française, lous ces piin<ipes se nndaient s.ms ordre, cl cjiacuii

107

les iii\'n(]iiait tour à t(»ur'. jjliitnt pour los besoins do sa cause ({uo jtjii'uuc \ Uf hion claire de la valeur louitjue des foiideuiciits sur lesf{uels ils s"a])puyaient.

Dans le dcjinaine du dmit pi-i\(\ riiitr<Kluction des- principes du droit romain eut aussi (pioiipià un degré moindre, des conséquences importantes.

Tout dahord, l'exemple de la léirislation romaine contribua à développer la j)roc(''dure dans un sens plus rationnel. Sou^ cette iiitluence. le système (1(> la preu\(' ])ar teiudins et ])ar eiicpiète, sétaMit ])Ius fci-ine- ment et la justice devint plus impersonnelle en nuMue temps (pie plus raisonnable. De plus, en présence du droit féodal dont toutes les règ-les en matière privée n'avaient d'autre but cpu' de soutenir le système j)oli- ti([ue dont (dles sortaient, le di'oit romain, plus p'^ié- ralenient linniaiii. jdus l'i'ellenient \i\ant, \int ])rèter son appui au droit coutumier ([ui régissait la société de tous ceux (pii n l'-taient ])oint uoMes l't ne ]»ou\aient prétendre, pai- (pndcpie expédient (pie ce fut. aux privi- lèges féodaux.

Le droit coutnniier. en ell'et. à rin\ei>e dn droit féodal, et conJ'oi'nK'menl anx pi'inci[)es du droit roniain déjà admis an temps de Th(''oi|ose. pratl(|nait le jiar- taue des liiens pateinels ou malern(ds, nn-uliies on immeuhles. entre tons les <mfants. reconnaissait en général r<''i:alité des frères et des S(eui's. ])i'o< lam.iil 1(^ droit éi:al des ('-poux anx choses acijnises pendant le mai'iaue et i^rand ntimljie d'autres rèi:les concer-

108

Il.llll 1rs iilili::,lti(ilis et 1rs cnlitl-.lls i|||i t l'i dl \ il ic II I li'llf

|iriiiri])<' (|,iii> lin seul di-sir d (''L:;ilil<' l'I dr iiislicc. |t(iiir |i!'c(isi'r li's r;i|t|)(trls sdci.nix ;iii niifiix «les inli'ii'ts cl

ilfs ;ill'r(t|itlis. ( )r. (I.llis les sitilcifs ( »ic h le |il,i les. à ciUsc (1rs |tfi\ ilriics .icrnrdi-s ;iii\ lirl's, il iM'I.iil prp- soiilir d lin |tril ;iisr (|lli lir ( lir [•( li.'it .1 siissurrr Ir liriirlicc d lllir IrlTr l'rud.llr on t\t' son r( | il i \ ,i Ir il t .

An <l<'tniiiriit i\c 1,1 socirlr iiomi.ilr, 1,1 sncirir IV-o- d.'llr ;i\,'iit ;ir(';i|);i rr lolllr 1,'lltrnliMii ri l'.nl | trrdnini nr f d.IllS IdIIs 1rs dimi.lilirs suli ili(]||rlMr spcrLilr, \'.\\r ritiisrrva |i)|ii;t('lll|)S ses dclriisrills. rt. |i;il(r (|nun lir sii\;iit |»;is rrcoiin.'iit rr roiiuiiii' |i;i rtir iilirrr drs lois IV'odalrs. il y a\ait dans la soric'-t*'-. au iiraiid |ir<'JMdirr i\r la loi:ii|nr. un conflit entre les |»riiici|»es nouveaux et les ju'iiieipes aiieieiis de nature a entraiiier, sinon dans la |)rati(|iie. au iiioins dans la tlieorie. une eonru- sioii dont la scie liée du d l'oit était la \ ht une. Il est \ rai de dire (|||e jdlls le tiers i'itat uiraiidil. et (|lle jiliis il |tril uni' [ilace iniportante dans la \ i<' sociale, jdiis le droit roiiiain se ri'|taii<lit cl |dus il sariirnia contre ta rcLlIc idéale de la socii'de cixde, ail point (|ne jiar

|)<niial d alioid cl |iar polluer eiisiiitc. il huit jiar pas- ser re(dlcliieiit dans la loi ci\ile de I ancien reiiiliii' d oii il s est peip('lu('' jus(pic dans le inilre. Mais, ail niollieiil il apparut dans une société toute leodalc et tonte r(dii:ie||se. sa lloll\eailte, ses disseliddanccs, dues a la diUV-rciice des telli|»s et des IlliiMI l's. de\ a ieU t jeter le troultle daiis Iticn des csprils. (Quelle science

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dn (Iroil ]»(»n\ait cxistci- Jiloi's, <ju;ui(l le di-oif sr coni- posjiil (le tant d élcinciits di\(M's. s'apj)uyant chacun, tant au point do vue ])(»liti(pi(' ([u au point de vue civil sur tant de pi'incijics différents.

Ajoutez à cela (pià partir du \V sicclc. le progrès du travail libre, le développement des rapjjorts commer- ciaux \ ini-ent forcer la théologie et la morale à recon- naître la légitimité des ettbrts (jue tirent les particu- liers pour s'enrichir par 1 industrie et le commerce. La vie économicpie prit ainsi par la force des choses place dans les j)réoccupations des lét;islateurs. et par suite elle entra dans le (hunaiiie du droit. .Mais en y eidrant, elle introduisit à son tour un princijx' nonxcau : c'est (jue tous les eit'orts faits dans le sens de iacipiisition des richesses ont leur raison d être dans les I)esoins (h- la société et les exiu-ences du hien j)uldi<-. Les sc(jlas- ticpu's le reconnui-ent les pi-eniiers : mais eiicid-e tout ind)us de leur concejjtion religieuse et juoiah- de 1 oi- dr<' social : il ne se doutaient pas de la foilnne cpii de\ait ('(dioirà ce |»i'incipe dans la créatiou de la science ])ositi\e Au droit.

\]\\ allendaiil. de la coexisieiice de Ions ces droits el de l(»us ces iiiter('ts. naissaient une <''trani:(' ciinlnsion. (Uiacun s ('ll'orcait de taire |»re(lomiiier sa propre con- ception de Tordre : selon le teni|)s et scdon h's aul<-urs, on se réclamait des uns ou d<'s antres.

L'est dans l'oi'dre politicpii- surtout (iiie | on ne savait au({U(d entemlre. Les uns faisaient de I autorité

110

(lu l'ni I im;ii:c dr 1 .lutniil»' (li\im' cl |iit'lrii(l;iiriil la iiiiiilt'i' idiiniic celle (le Dieu, j»ar sa |>i(»j»re justice ef ])ai' sa pi'djii'e |»(»iile. se r'csei'Nanl toutefois je dntit de la dii-iiiei- et de !'('( jaii'er eu leur ((ualité (ruiii(|UCK deteufeui's de la sainte Parole. Les autl'es. ue Soii- ucjint (|u à restaurer' la souvei'aiue |)uissauce de la uiajeste iuijK'riale. ((iud(jiU's-uus eidiii. sentant la forer" (\u j)fni|>l<\ osaient [jrétendre à la soUNcr'aiiielé de l.i nation dont les i-ois ou los ]ua,i:istrats lu* scM'aient fjiie les (l('l(\i;ués.

(lest aux \iv' et w' siècles surtout. (|U a j)|»a ta it cette dernière lhe(»rie lol'S(|Ue les rois eurent Itesoiu de l'aire aj»|)<d a la l>onrse de leurs sujets. Il \\'\ ;i rien de t(d (|Ue de |ia\ei' |>ourse sentir aussit('it des (h'oits : c est un sentiment (|ui durera autant (|in> 1 liuiuanit('-.

h un antre c(Me. les à|ii-es luttes r(diL;ieu>ses du \\l'' si(''( je et la \i(dence (|Ue loi) prétendait l'aire aux consciences, jil aj»|»re(ier /i\cc une s\in])atln<' .Jus- tin alors inconnue les liienfaits de la lil»ert('. .Mais alors, dès (|ne I on raisonna sur' ces besoins fondatuentaiix de la \ie sociale, ajiparirt dans tonte sa force la liitle des |»r'iiici|tes coiitradictoii-es. la confusion (|n (die enL:cn- dr'ait et la m'-cessite d \ |»(U'ler icnhMJe.

pour c(da. il ue sufjisait jias (\\\ sentinteiit. iU\ c'est au nom du sentimerd (|Ue les d(>|)ul(''s des l'itats Lîérré- r-aux. comrtie les jurisconsultes faiseirrs de lilifdles, |>i-o(laiuaierit leurs droits nu liAtiissaienl leurs théories

ill

dans Icsffuellos il faisaient ajjpel aux arguments d'ori- gines les plus diverses.

Les protestants à l'aide de la Bible, les catholiques ap[)uyés sur les Ecritures, les uns et les autres renfor- çant de lautorilé des anciens leurs théories les phis suhversivenient logiques, et les assaisonnant de leurs passions, remettaient en (piestion tous les principes et toutes les traditions qui avaient étayé jusqu'alors l'ordre social. Blessés par le pouvoir qui les 2>ersécutaient ou ne les soutenait pas assez, ils en discutaient l'origine, l'usage et les devoirs, et ils |)roclaniaieiit le droit aI)solu des gouvernés à. dresser contre lui le témoi- gnage de leur conscience et le sentimcMit de h'ur liberté.

Mais jamais le sentiment n a rien pi-ou\é dans la ])rati(pie ; il est aussi varié (jue la nature (b's in(li\i(his (pii le ressentent et r«^xpriment et tous les ai'gumeiits lui sont bons pourvu qu'il se satisfasse. Aussi le déchainement des revendications i[uo l'on voit jiaraitro alors, loin de dissi|)er la confusion ne fît encore (|ue l'accroître en jusliliaiit ])artout la fi'xojte ouverte et le n^épris des usages et des traditions, en poussant nn-me au renversement des l'ôh's jus(|u"al(U-s teinis. il rs\ vrai que la spécieuses logi(jue de la théorie du contrat originel fait de la niasse du peuple le souverain dont le magistrat ne doit être (ju'un délégué obéissant.

Ce qu'il fallait ])oui' sortir de cette inipass<\ tant eu droit public qu'<;n dnùt privé, c'était nn(> méthode

1 1 -J

(1 ;iii.il\sr jilli(lii|ll(' <'\;i<t(' cl prt'cisc sci'N.llit <!•• l)asr à lllif sviitlicsc l',iisiiliii;ili|(' lies cliMiiriiK itcomiiiis. Hodiii (Mit 1 IloiilH'iir il cillirNitir un drs |»|-i'llliris ( rllc issiK".

li'cst <"ll ITiiiuiil.iiil ,iii\ s(>iircr>s liislii|-i(|||fs. <l soi'l.iil I (>ri:;i iiis;ilii)ii ]»(iliti(|iir (lr> |i('ii|»l<'s iiifulrriir^, <|iiil |»r('lcii(l;iil rcsoiiil rc i .ilKiiiiicllfinciil les |trn|ilr- lucs (|iic s(Hil<'\;iit Ir droit puldic c Cst d.iiis iiiic ;iii;i- l\st' dfs coiidilioiis iii;it(''ri(dlcs iiiipoM-cs a la \it' sociale par la iialmc |tli\si(Hif ou |)ar ((dlc il<'S raj»- |iorts sociaux, (|u il ci'o\ait lcou\cr les jti'inci|»i's cci*- taius du di-oil cixil. counuc du dioil ccououiii|uc.

(iepciidant. lualurc loulc la \alcur des écrits de Hodin. ils ue douuaieni (pu* des indications dont les contemporains ne pou\aient saisir- toute la |ioi'tee.

Leur esjiril tlieo|oi;i(|Ue. les lialutudes étroites t\i' colU-

nuMitateiirs du droit i-ouiain. laltsence aussi de docii- nu'ids |)our l<'s ('tudes jutsilahles nét-essaii'es. leurs |)assions eiiliu s"\ opposaient. Hodin. lul-nn"uue. n est dailleurs pas dtdtarrassc conijdetenient des idées anciennes, et. a <(~ite des \ ues les |)|us neuxes et les plus liardies. un trouve (die/, lui hien des sur\i\aiices ou I ou rec(Uinait la niaripu' de lesjuil sc(dasti(pic de ri:^lise, d'.Vristoti' et de IMaloii.

l'ourlant, couinu' I (ui sentait jdns (pie jamais, sur- tout a|»res les luttes et les dt'cliii-ements <||| \ \ i' sièide, le liesoiii d ce la irci r jia r des principes certains. uiii\er-

Sellemeilt accejiles, le sens des lois est de coordonner

113

en une science unique celle de tous les droits divers auxquels la société faisait appel, quelques esprits pen- sèrent trouver la clef en développant les notions de droit naturel sur lesquelles les jurisconsultes romains avaient étayé tous leurs raisonnements juridicjues et qui avaient l'avantag-e d'appartenir, moins à telle ou telle confession cpià l'humanité toute entière.

Ces nouveaux principes entrevus depuis longtemps, mais développés avec ordre au commencement du xvn'' siècle par Grotius et Puffendorf eurent bientôt une vogue extraordinaire.

Dilierent en effet de la morale religieuse qui ne s'adresse qu'à la conscience individuelle, et ne songe qu'aux destinées futures de l'àme, le droit natui'cl avait encore l'avantage de tenir plus de compte ((ue Platon et Aristote des besoins de la société civile et de ses conditions d'existence tout en restant assez géné- ral pour s'appliquer à tous les hommes. D'après les auteurs de cette école, les devoirs extérieurs de riiomnie ue sont point (b'-tei-minés seulement j)ar le souverain de l'I^tat. mais jjar la nature proj)re de l'humanité dans laquelle on peut seulement retrouver le fondement premier et légitime des sociétés bumai- nes. Le droit naturel peut être envisagé sous trois points de vue difterents qui se complètent niuluelle- ment et finissent par embrasser tous les rapports sociaux et l'idée de justice elle-même.

Sous un premier point de vue, le drait naturel ne Oudin s

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commit (}iu' dos i-;ij)j)<»rls (jui s inijioso»! à 1 lioniiuc par le seul l'ait ilo sa naissance et par la place quil tient au milieu des autres honmies. Dans ce sens, il s';ippli([a<' j)airKnliri'(MU»'iit an niariag-e et aux liens de famille, laissant de rCAo tous les rapports ({ui dérivent du dévelop])ement de la civilisation.

Ces dernieî'S i'a]>ports forment comme une seconde couche du droit naturel (jui s'occupe <ie la propriété privée et des contrats usuels, ainsi que des fondements naturels ot léi:itinics de la société.

i'infin, eii dernier lieu, et pni" une oxttMision abusive des mots, le droit naturel est conçu comme la forme supérieure de l;i justice ; il se confond avec l'étjuité naturelle et avec la morale. .Vlors, les confusions (jue l'on prétendait éviter reparaissent, car on réintroduit dans une matièi-e essentiellement positive les spécula- tions philosophiques. La loi naturelle devient Texpres- ston de l'idéal divin déposé par Dieu même dans le caMU- des hommes et c'est ainsi (pie l'entendent (îrotius aussi bien <|ne Domat, lorscju ils assignent aux lois j)our fondenieiil et ])our hase, rhonuctetc morale et la volonté (JiNJne,

Mn résumé, an moment Montes(jni<Mi <''j)r'on\e le hesoin de i'(''tl('<liir sur \ Esjirit des Lois, on se tn^nait an ferme d nn<' e\ohilinn de faits et d'idées foi't com- ]deN(' <|ni rcml.iit ni'-rcss.iiiT une < lassiiicatir»n ration- nelle (Ir, I il.il de stabilité aloCK établi rnjjn «Ml Occident [>;uini les rapports sociaux présentait l'occa-

sion la plus i'avoraljlc pour uiesurer le oheuiin par- couru.

Partout, en effet, les j^ouvernenients avaient actjuis une forme (jue Ion pouvait considf'rer connue di'-ilni- tive. Partout les rapports sociaux s'étaient étendus ])ar un dével<jppenient du coJuuuMxe et de Fiiulnstrie (]ui multipliait les points de contact entre les nations ainsi qu'entre les gouvernants et les gtmvernés. Vu champ plus vaste et par suite plus tÏM-ond s ou\ iviit à 1 analyse.

Le déveloj^pement des classes moyennes en<în gran- dies à travers une lutte opiniâtre contre les difficultés matérielles et sociales de toute espèce, avait rvôô un courant d'esprit plus vpvïs de r('M!it(''s (|U(' de spcrula- tions vides, et cet état d'esjd'it »''tait (Muineinincnt favo- ral)le à l'inti^oductioii dans les sciences jui'idi([U('s dnn esj)rit d analyse p:;siti\(' les faits tiendi'aicnt plus de place que la théorie.

A tous les points de \ ne donc, le moment i'tait fa\(»- i-al)lc pour entreprendi'c un \aste travail de cooi-din.i- tion juridi(pie, c'est-à-dire pour la ciu'atioii <l une méthode capalde de i-(''soudre les contradictions et les confusions accumuh'es de])uis des siè(les ]iai' I etl'et des causes que nous \enons d"ex])oser.

Le moment était favoralile j'oni' d'autres raisons encore. Tout dahord. à moins d'un boulevei-sement complet des fondenu'ids de la soci<'tt'>, on ne pou\ait imaginer pour la science du droit d autres éh^nuMits que ceux que connaissaient déjà les sociétés occideu-

1 m;

talcs : ('Iriiionts puisés aux sources romaines, aux sources Jjarhai'cs, aux sources écononii(|ues, aux souices coutuniières, à l'équité, à la charité, à Tintéréf.

h autre [)art, il venait (i«» se produire sous le i'ét:ii(' de Louis XIV, sous l'influence de (]oll»ert. de Pussoit d de Lamoignoii. un \.iste uiouvemeul Icuislatif (pii n a\ail pas encore j)roduit tous ses fruits et i\ur la inoiiaiM liie se dis]iosaif à continuer.

Au [)<»int de vue politicpie enfin, le xvu'' sièi le avait vu se développer deux formes contradictoires de u<ui- MM'Uenient : en Angleterre, le gouvernement liheral a\<'e le triomphe de la dé(dai'ation des droits accejitee par (liiillaunn^ III ; en l'rance, c était laUsolutisnii' sans contrepoids. inau,i;ui'é par Louis XIW Si Ton peut dire «pie cette déviation était dans l'esprit des rois capétiens, elle était ])our le moins contraire ajix j)ius \ ieiljes traditions nationales.

\'A\ l'ait, il était donc utile de toutes façons de ramener les esprits à une anaKse plus (laire de toutes les notions jm-iditpM's dOù dépend lOrdi-e social.

I!n théorie, la tournui'e des esprits éprise de realité et déraison, les |>rincipes de la \i'aie met hode scienti- li(pu* exposés pal' l)es<-artes et dé\(doppes par ses discij)lcs. pi'éparaient une \<iie sure oh I on |)on\ait s'engager avec confiance à la r<Mliei( lu; de la véi-ité.

C'est dans cette \oie (|ue s'engagea Montesquieu. Nous aNoiif. montre comment les principes de la

1 u

méthode cartésienne peuvent s'appliquer à la méthode suivie par Montesquieu.

Faisant abstraction des théories énoncées jusque-là et ne s'en souvenant que pour leur opposer les résultats de son analyse, Montesquieu se préoccupe selon les précejîtes cartésiens de rechercher les éléments simples de la vie sociale que les lois ont pour objet de régler, de classer les rajjports qu'ils ont entre eux, de manière à bien distinguer les principes qui s'appli- quent à chaque ordre de phénomènes étudiés. Ainsi, il pourra raisonner, sans risque de s'égarer, sur des notions claires et évidentes, parce quelles se rapj)or- tent toutes à la nature des choses. Aussi ne s'einbai- rasse-t-il pas, avec raison, de rechercher l'origine de la société ou du pouvoir, aussi ne se demande-t-il j)iis à qui appartient ou n'appartient pas la souveraineté ; ce sont pour lui des spéculations abstraites et sans aucune utilité pratique.

Deux faits primordiaux sont certains, c'est (jue h's hommes vivent en société et que les lois continuent à maintenir l'ordre de ces sociétés pour leur jjermettre de se conserver.

Pour se rendre compte de Y Esprit des Lois, il sut'tira d'analyser d'une part les besoins ])ermanents et géné- raux de l'homme vivant en société, besoins innés, pourrait-on dire, résultant en tous cas du fait social dans ce qu'il a de plus général ; et d'autre part li's besoins dérivés de certaines causes secondes (jui nioiH-

- IIS

lient. |);ii- le ((tiif.irl (le 1,1 n'-.ilift'', l;i vie sr»ci;il(' al»sfi-;iit(* et lui (loiinciit les diUciTiifs .isjx'cfs (|u Cllr |)(Mit rcvriir.

Les licsnilis ililli'S sont celui (l'.illturiN'' et de liliel't('' :

I ;iiif<>rite jxnir iii;iiiiteiiir uni le cdciis s(ici;il. |;i lilterte ])(>iii' satisf.-iii'e les hesnins j)ai'tienliei's des irnlixidiis

(|ni Ir e<tni]>n>«ent.

Paiini les liesoins (l(''ri\ l'-s. il faut ran;^er tous ceux (|ui rt'snitent des relations niatéi-iellcs et mofalcs entre les dill'erents ur'tujtes dlninianitc' (ni entre les indi- \ idus.

Les lois de tout ordre j>o|ili(|ues, cixiles, »''(t>no- jni(|nes. de droit des u(Mis. de discipline ec<d»''siasti(]nes même, n ont d antre ohjet ([ne de rt-pondre à la satis- l'actioli de ces Itesoins ([ne crée la nature des «dioses, satislaction sans la([U(dle la soci(''ti'' ne sain-ait \i\re. J'olU' connaître res|)rit de ces lois et leurs limites, il >snl'lira de lonjoni's Ic^ ra|i|>orlerà I o|»jet nn^ne ([u (dles (loi\ent r(''L:!er, (dtjet dont laii;d\^e a l'ait c(ninaitre le caract("'i'e [)articnliei'.

lai ces (|U(d([nes mots r(''si(le t«nit 1 /•.%/>/■// ili'-~ l.nia ef toute sa nu'tliode. Si I une [tarait tro[i sinijde et I autre tro]i teia-e-à-terre. il ne laid |»as s en [daindre. c est la conditinii nii^ne de son succ(''S et le -'i-e de la \(''rit('' des [ti'inci[tex ([ni laninnui!. l'nissious-nous les axoir (l(\i:*aLr('S dans toute leiu' imUNcaute. dans toide leur unifi- et dans toute leni- force.

Montesquieu et Spinoza

lout porte à croire que Montesquieu connut par lui-même, au moins dans leur ensemble les doctrines de Spinoza. Dans quelle mesure ont-elles pénétré sa pensée? Les accusations qu'on lui a. adressées sont-elles justifiées ?

Il nous semble qu'il faut tout d'abord distinguer dans cette recherche deux ordres d'idées et comme doux- faces de la cjuestion.

Il y a dans le système de Spinoza toute une partie abstraite et métaphysique dans laquelle le philosophe expose sa conception do Dieu, de rame, de riioimiic, et détermine les rapports de la divinité avecla ciMNiliDii. Ces spéculations constituent l'otijet de l'Ethique <|ni a pour but de fonder les liases (\o la vio morale et dCii établir les règles, (j'est donc en vue dune action con- crète sur les hommes que Spinoza rétlécbit et éci'it. Sa niétaphysique est pour lui un nio)(Mi et non une lin. l'n

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cela. iii,ili:i<' sou isolciin'iil \ oloiitaiir, il |)aiti(i](f à r('S|il'il (Ir son siècle dont loiiies les leil<laiices |iliilo- s<)plii(jiies sont tournées vers la praticjue beaucoup |»lus (jue vers la théorie. Cette praticjue c'est celle de la vi(» intellectuelle et morale. Etablir cette ])rati(|ue sur <les principes solides avait été déjà ramliition <le hescai'tes. ("/('tait celle (le toiis les (trateui's de la cliaii'c clii-etieinie (le}>Mis Hossuel jus(jU à HolirdaloUe. (ie l'ill aussi c(dle des écrivains cpie Wwi a apjxdés moralistes, (les der- niers sajjpuyaient sur 1 expérience journalière. Les sermonnaires puisaient leurs principes dans F Ecriture sans s'interdire toutefois les révélations d'expérience. Les philosophes allaient chercher les leurs dans une réflexion logiquement conduite sur la nature des choses telle (|u*elle apparaissait à la raison. Ainsi le xvu*" siècle qui semble au premier abord si terme et si assuré dans ses principes nous présenti» au contraire une acti\ité de l'ecliei'clies, une in(jui(''tude intellectuelle, nn debaf angoisse'' sur les grandes (jueslions (|n! inl(''ressenl la vie de riinnianit('' dont le sjiecfacle nous tonclie et nous émeut.

Mais à (ot('' (le la vie ni(»rale. tonte indix idiielle, il y a la \ ie sociale, la vie j)oliti((ue coninn' on disait alors (|ni est la manifestation essentielle de la \ ie de I lin- nianile. hescarles na pas en le lenqis d \ soniicr, mais liossuel écrit sa jxditicpie tirée de ri'^critnic sainte et Spinoza, (pii vivait dans la familiarité des Irercs de Witt, dans cette Hollande du xvn'' siècle (jui nous donne

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le spoctaclo d'un peuplo en train d'oruaiiiser son indô- pendanco, Spinoza écrit son traité Theologico-Politicm. Le traité est de 1670, l'Ethique de 1676 et tout son système est déjà construit quand il écrit le premier ouvrage (cf. Brochard, Le Dieu de Spinoza. Rev. de droit et de morale, 1908, p. 129), et son traité politique il s'efïbrce d'appliquer ses j^rincipes directeurs à la constitution des sociétés et à leur organisation poli- ti([ue. De la spéculation, il passe à la réalité et cet etl'ort est des plus intéressants par le souci d'exactitude et d'observation qu'il manifeste. Après avoir écarté les politiques théoriciens et utopistes qui raisonnent dans le vide, aussi bien que les politiques empiriques qui ne cherchent pas les lois profondes de la vie sociale et ne connaissent que la surface des choses, Spinoza s'ex- prime ainsi, et ces termes nous donnent la véritable signification de son effort : « Pour moi, mon dessein n'a pas été de rien découvrir de nouveau ni d'extraor- dinaire, mais seulement de démontrer par des raisons certaines, ou en d'autres termes de déduire de la condi- tion même du genre humain un certain nond)i'(' Av principes parfaitement d'accoi-d avec l'expérience, et pour porter dans cet ordre àe recherches la même liberté d'esprit dont on use en mathématiques, je me suis soigneusement abstenu de tourner en dérision les actions humaines, de les prendre en pitié ou en haine : je n'ai voulu <[ue h's comprendre. » [Trai/'' ihèoloij. polit., I, -4).

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Or nVsf-ro point iHcWisriiu'iit cot osprit qui piîdo M(»ntos(jui('n ilaiis sa l'cclicrchc de VEspril t/rs Lois.

Si nous voulons donc rtuclitT lo sj)inozisni(' de Mon- osffuiou, il faudra faire doux pai-ts dans notro oxainon : la pari de la lln'-oiio et des principes directrnrs. la part de rajipliiatioii ]trati([n<'.

C'est sur ce 2)renii('r ]»(>int (piinsistent avec force les contradicteurs de Moiitesipiieu et ils n'ont point tort îY leur jjoint de vue car le caractère des ])iincipes admis enjiacre toutes les solutions pratiques (pir I <»n jx-nt don- niM" an proldrnic |tiditi(pie et social. I >ans (|nc|(|n(' hypo- thèse (pic I on se j)lacc en ell'ct, cette snhltioii est le résultat dune (h'-duction (h)nl h^s prémisses reposent dans rid('»e ijue l'on S(^ fait connue le dit si nettement Spinoza, de la condition même du i^cnre humain. Il en est de Montescpiieu comme de Spinoza, comme de tous les philosophes [)olitiqu<'S de ce temps (>t des ti'nq>s sni\ants. I >e Locke et de I lohhes coillUie de jlossnet et de Domal ; de llonssean comme de .h" Konald on de Maistre ou même de nos socioloiines uiodernes.

Hr l'idée (|ne Ion se fait de la contlition du ui'Jire linniain. snj)|)ose tonte une philosojihie. tonte nne in<''ta- |>li\si(|ne même : idle enuai:*' non >enlenienl la ipies- tion de sa\(iii qind est 1 t'-tat naturel des hommes sm- la tei-re les uns vis-à-\is des auti'cs, mais celle de leurs rapj»orts avec la |)i\initt' et ])ai- suite l'existence et la nature même de cette hi\init(''; mais celle .mssi dt« sa\oir dans (pielle mesure ils s(»nt soumis pour s'y

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adapter aux lois de la nature ou cajjablos de les moditier quaud l'adaptation pure et simple -est difticile ou impossible.

C'est là-dessus que les Nouvelles EccUsiasùfpifs cbei- clieut cbicane à Montesquieu ; c'est à ce propos qu'elles l'accusent de spinozisme et c'est sur ce terrain que nous allons les suivre d'al^ord.

Pour tout chrétien, pour tous ceux qui connue Dagues- seau par exemple, qui peut nous servir de type, sont attacbés aux principes traditionnels de l'Eslise, si bien appliqués aux sociétés civiles par Domat, Dieu, créateur du monde et des honnnes qu'il a faits à son image, a donné à ces dernières une loi, qui est la loi d'amour conformément à laquelle ils doivent régler toutes leurs actions pour tâcher de réaliser sur la terre la beauté de l'amour divin. C'est vers cette tin qu'ils doi\('iit tendre et c'est à la lumière de cet amour dix in (piil leur faut organiser les rapports individuels qui constituent h' droit civil. C'est encore Dieu (|ui, «"'réateur et ordonna- teur souverain, donne j)ar son exenq)le aux honnnes l'idée d'autorité et la notion d"(d)éissance (|ui doit for- mer la liase (h' ions Jes rap[toi-ls |)olilii|ues. Dans cette cone(q)ti(tn, hieii est consich'ri'' comme extéi-ienr à sa création (piil aninu' de sa vie et de son esprit. l\ien n'arrive que par sa volontc'. l'ji lui réside toute justice et tout gouvernement : les choses n'existent que pour offrir à l'homme l'occasion de sunnonter par sa volonté les ol>stacles qu'elles hii pi'ésentent et toutes h-s solh-

l-i'f

«•itatioiis (le I;i ii.itiin' iiintci'irllf. ddiNcnt rrdci- à l.i supiMMuatic (le l;i notion sjtiiitiK'Ilc fiiiaïKM' (lircclcnn'iil (le l'esprit (le hicu. et j)ar la<jiioll(' est vaincue la uros- sièret('' (les inslinrts et des passions et sont hrisc'-s les liens (jui encdiainenf rimninie ,i l;i matière.

A e(~tté <les or<lres di\ins, les pliilosoplies |)oIitii|ues inil)lis de l'esprit du droit romain l'ont intervi-nii' les révélations de la ciMiscience morale (|ni ile<on\ re en (die par I (dlét d im retoin- sur (dle-niùin(\ les prineijx's (pii fondent au-dessus dos lois arhitraii'cs et («nitin- gentes de la société un droit naturel, applicable à tous les hommes, ]»ar le seul t'ait de leur liunianit('' nièun' comme 1«' droit de hoinal se |(nide sui- la nature divine de 1 iiomme ce droit naturcd sinsjure des princij»es iiénéranx d (''(piiti- et de justice (pii pro(da- ment I t'minente dii:nit('' de la |»ei'sonne humaine et veulent en taire respecter toiijoui's et partout les ;ispi- rations, tant (pu- leur satisfaction ne nuit pas ;i la lilterte du voisin.

(l'est ce droit natur(d dont la prenn('-rc trace se tl'oUNC dans les ecr'its des pliilosojdies de I anti(piite et (pu' (liei'( lient à detinir des philosophes connue (iro- tius et Pull'endorf ou dont ils essaient d étendre «m de linntei' l'action. .Mais d jirovieniu'ut ces .in crtisse- nients de la conscience (pi ils nous donnent ((tmine t:ui(le .'(le sont des idées ium'-es en nous j);ir l (dlét de notre nature dixine. .\invi les pliilosu|ilies du dioit iiatur(d se i'atta( lient aux t lie(doi:iens eu ce (pi ils

ira

admettent comme eux une influence divine extérieure à riîonune, supérieure à toutes les choses créées et direc- trice de toute activité. La seule différence est qu'ils font jDrovenir cette influence de la conscience tandis que les théologiens nous renvoient directement à la parole de Dieu telle qu'elle se trouve exprimée dans les Ecritures.

Alors apparut dans les dernières années du xvn'' siè- cle une nouvelle école philosophique qui voulut envi- sager les rapports des hommes entre eux en dehors de toute influence divine et dans les seules conditions (pu^ leur impose la vie au milieu de la nature. Les lois d'existence qui leur sont faites sont encore des lois naturelles. Mais il no faut pas les confon(h'e avec le droit naturel dont nous parlions tout à llieure : ce (h'oit est la conséquence de la nature idéale que l'on suj)- pose à l'homme, émanation de Dieu. Les h)is naturelles dont il est ici (piestioii ne sont autre chose (pie hi constatation des nécessités naturelles d'existence qu'impose aux hommes ;V la fois la nature (hi monde dans lequel ils sont j(>tés et la nature de leurs appétits et de leurs passions (|ni ont a\ant tonte diosc Icnr con- servation j»oni' Wnt. (]<'s h)is natnrcUcs, te sont ou réa- lité les lois de la luiture.

Partant de ce point de vue, ces nouveaux philoso- phes arrivent à des conclusions que l'on peut facile- ment résumer dans les propositions suivantes :

i" Los hommes naissent tous éuaux et lihi-es ;

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2" lj' (•f)iil;i(l (le CCS forces cigales (.Mi::('inlrc l.i i;(H*ri'ç et coudiiil ;i I im'>i:alit<'' ;

3" Le rolc (le 1,1 s(ici(''t<'' et des lois doit cire de l't'-ta- hlir Tordre, soit en raineiiaiit mit la terre 1.) lilieite et léiialité piiiiiitivcs (Coiniiic le \eiil Locke , soit en niaiiiteiiaiit jiar la force les inégalités consacrées (ainsi que le s(»uliaite ll(d»l»es).

Ces constatations imiis perini'ttent de niienx saisir l'état d'esjirit dans IcMjuei se trouvaient les contempo- rains (le Montesquieu en pr(''s<Mice des iiran<ls prohlè- nies sociaux et la confusion (pu- Ton taisait naturelle- ment des termes : natui'c, di'oit natnrcd. lois de nature, lois naturelles, employ(''s indilleremment pai- l<^s mis ou les auti'es, cliacim y attachant des sens tout à fait ditIV'rents.

Pour Spinoza, les ln»mme> ne sont ni eiiaiix ni lilires par nature. Ils ne le sont j)as davantai:<' ]»our Montes- quieu.

Hien de i r (pii existe n Ctant (pi une mo(Iifjcation des attriluits ,\i' hicn. les hommes ne s(»nt <pi une modili- cation de iMeu eonsidei-e en tant (ju «'tendue, si Ton son.ijc à leur corps, et consid(''r('' (Mi tant (pi'int<dlii:ence et volonté si Ton a en \ ne leur ;lme. Ainsi hieu. cause de soi. est cause (\i' tout et tontes les ( hoses S(»nt fléterniin(''es pai- l.i nccessiti' de la nature «le hieu à existei- et à aiiir «lune façon donnée.

'/est sur cette idée de nécessit»' (pie les n'-dacleurs des Muucellcs ecclé)>iastiques ont entrepris tout d ahord

1-27 -

Montesquieu, pour lui reprocher le spinozisme dont il se défend avec tant de vivacité.

Voyons un peu le fond des choses.

Les lois dit Montesquieu, au dél)ut de livre I de V Esprit des Lois, dans la signification la plus étendue, sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses : et dans ce sens tous les êtres ont leurs lois ; la divinité a ses lois ; le monde matériel a ses lois ; les intelligences supérieures à l'homme ont leurs lois ; les bêtes ont leurs lois ; l'homme a ses lois.

Ceux qui ont dit qu'une fatalité aveugle a produit tous les effets xjué nous voyons dans le monde, ont dit une grande absurdité : car quelle plus grande absur- dité qu'une fatalité aveugle qui aurait produit des êtres intelligents ?

Jl y a donc une raison priuiitive ; et les lois sont les rapports qui se trouvent entre elle et les dilférents êtres, et les rapports de ces divers êtres entre eux.

Dieu a des rapports avec l'univers connue créateur et comme conservateur ; les lois selon lesquelles, il a créé sont celles selon lesciuelles il conserve. Il agit selon ces règles parce qu'il les connaît ; il les connaît parce qu'il les a faites ; ils les a faites parce quelles ont du rapport avec sa sagesse et sa puissance.

Comme nous voyons que le monde, formé par le mouvement de la matière et privé d'intelligence, sulisiste toujours, il faut que ses mouvements aient des lois invariables^ et si l'on pouvait imaginer un autre

Ii'8

moiuk' (jiir coliii-ci, il aid-tiit des ri'tfics conslantfs ou il sf'rai/ (hUndf .

Ainsi la «-iration (jui paraît être un artc .irliiliviifc suppose des règles aussi inNai'ial)I<*s (|iir la f'ataiit»* des éthers. // sérail ahsunlr <lr dire <jur h' Créateur, sans ces rèij/es, pourrait gituvenirr !<• mmidr. jiuisijuc Ir momie ne subsisterait pas sans elles.

Ces rèyles saut un rapport rimstaniinent èlahli (il. </. L., 1, délnit).

De quelle nature est la uécessit<'' dont parle ii i Mon- tesquieu. D'après les passages soulii;n«''!S, il ;ij»p;iiail (|ue c'est poui' tonte chose créée, rol»li,i:iition dr suiNrc dos règles constant<'s ])our conscrNcr l'ctrc. IlOii pi-ti- viennent ces règles : de la nature même des cli<ises, cest-à-dire de ce qui constituf^ leur essence. l'n exem- ple fera mieux comprendre ce cpi'il faut entendre ])ar : la société étant un l.iil donné et réel, malgré '"opinion des philosophes de l'état de nature, son exis tence enti-aine pour elle l'ohlluation d'oheir à eei-taiiies lois sous p(Mne d'être aussitôt <h'trniles on d exister autrement, ce (jui i-evient an um'um-.

(x'S loiîs son! r(dati\<'s à sa nature. e"<'st-à-dire à sa déliniti(»n. Oi', s il est \rai (|in' la société soil une <ol- ledion d indi\i(his niellant en conininn leurs l'orces j>artirnlieres pour l'onner IV-lat jt<dili(|ne. et leurs Volontés [)our l'ormer l'état ci\il ; s il est \rai d anti-e ]>art, coninic le dit Sj)inoza. ipn^ la icalite d Une colloc- tjon se i'('sol\e dans c(dle des «déments i|ni la eoinpo-

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sent, tout revient donc à chercher quelle doit être la loi de nature de l'individu et la loi de nature de la société et quelle sera par suite la loi de leurs rapports réciproques.

Ces lois ont-elles un caractère ditterent ? Non, leur caractère se confond dans le caractère commun à toute loi, que ce soit une loi physique ou une loi d'organi- sation politique et sociale. Toutes deux ne font qu'ex- ])rimer les rapports essentiels à la permanence du phé- nomène quelles consacrent : à ce titre, la loi de nature de la société est d'assurer les rapports qui lui permettent de subsister, et la loi de nature de l'indi- vidu est de se ménager dans la" société une place telle (|u"il puisse satisfaire, sans nuire aux exigences de la collectivité, les besoins particuliers essentiels à la con- servation de sa propre vie. Le droit naturel n'est donc pour Montesquieu que l'expression des nécessités vitales les plus impérieuses, soit au regard de hi société, soit au regard de l'individu, et il l'exprimo quelquefois par le mot de « défense naturelle » <pii explique bien sur ce point le caractère de sa pensée.

La nécessité à la(juelh' les hommes, comme toutes les choses sont soumis, est donc double, (l'est d nbord une véritable contrainte, au sens ordinaire <hi mot, puis(|ue la non-observation des h>is ipii h'ur sont pro- pres entraîne pour eux le plus grave des chAtiments, c'est-à-dire la perte de l'être. Dans ce sens, c est une contrainte à raison des conséquences possibles de

Uudiu t)

r.ict»'. (le 11 est j>;is il est \ rai tout ;"i l'ait la jx'iisiV do Spinoza pour (|iii mir tli(>s«' est iiérrssaii'c siirloiif an siijrt (Ir la cause. Mais pminiis i^ai'de <|Mf S|»iin>za, expliquant If (|u"il faut (Mitt-udir par «liose néoessaire [Et/i. /. Tli. 'V^. sctt. I), coiuniente pai" dii-e (pi'idjo IVst avant tout à rais»ui de sou essence : " On dit qu'une chose est nécessaire, soit à laison de son essence, soit à raison de sa cause. Vax effet IVvistenee dune chose résulte nécessairement soit de son essence et de sa définition, soit d'une cause efticiente donnée ». Sur ce second point, remontant si nous le pouvons de causes en causes suivant leui' oi'dre, nous arrivons à l)ieu " cause efficiente de tontes les choses qui ]>enAent tomber sous un cntend(Mneiit inlini >> (Et/i. /. Tli. 16. Cor. Il, I), ce (]ui à la riuueiir pourrait se rapprocher de l'ariirniation de Montescpiieu " que les lois selon les- (jnelles l)ieu a créé sont celles selon Ies(pi<dles il con- serve ». Sur le premier point, consi(h';rons la manière dont Spinoza détinit l'essence d'une chose (^M. //. Héfi- nit. Il : " .le dis (|ne l'essence dune chose comport(^ ce (jui, étant donne, l'ait nécessairement que la chose existe et qui, si (Ml le supj>i-ime. fait nécessairement que la chose n existe jias ; aulicment dit. ce sans (juoi la chose ne peut ni exister, ni être conçue <'t réciproquement, ce (jiii. sans la (diose, ne peut ni evistei'. ni être con(;U », et ia])p(dous-iMiu's ((ne j»lns liant Fjli. I. Tli. IG, l)<'Mnonstr./ Sjiinoza avait d<'\);'i dit : De la définition d'une < hose fpndconqu(\ rtMitendenuMit déduit un cer-

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taiu nombre de propriétés qui en fait l'ésultciit iiéces- sairomcnt de cette chose (c'est-à-dire de lessence iiiènie de cette chosej, et ces propriétés sont crautaiil plus iiomlueuses que la détiiiition de la chose exprime plus de réalité, c'est-à-dire «fue l'essence de la chose définie enveloppe plus de ivalitt' o : iiu rap[n)i't (''transe nous apparaîtra alors cnti-e la pensée de Ahmlcscpiini et celle de Spinoza.

(vomme nous le démontrions en effet dans notre pre- mier travail, le mot nécessaire doit s'entendre, dans la définition fameuse de Montesquieu, dans le sens d'essen- tiel, de conséquence de l'essence dune chose, sur lequel insiste ici Spinoza. (Jiiaiid M()ntos(jiii<Mi dit (jue les lois sont les rapports néc(;ssaires (]ui d('"ri\('iit (h' hi nature des choses, toute la suite même (hi (h'vcdojjpc- ment de ÏEsprif des lois montre (piil mtcnd ((uc les lois consacrent les rapports essentiels ([ui dérivent de la nature des clioses. L'oi-die social qu'assure la loi n'est que la permanence des rapports nécessaires à la vie sociale comme Tordre physique n'est que la per- manence des rapports nécessaires à la continuation de l'existence du monde créé. Par suite, les lois sont l»ien l'expression de rapports essentiels au niainlicii d un état donné. Tout ce <jui est en (hdioi-s (h' («-s ra^qiorts est en d(diors (h^ la hii et " il n'> a [las (h' hii snr les matières inditîërentes ». Il n") a point d'autre nécessité (pie l'oblipafion de maintenir les i-a|)por(s essentiels à l'ordre c'ftabli : rapports saus lesi]u<ds cet ordre cesse-

!:;:>

rail trcxisici' et uo saiii"ait (*tr<> «'oiicii. (los i-aj)|M»i-ts sont inipliciteiiuMit contenus dans la «Idinifioii nirnic (le la élusse. Ils dérivent. <'n rc (|ni ciincerne les sociétés, de la nature des choses de la vie sociale, comme en droit par exemple, les conditions essen- ti(dles à la validité des contrats dérivent de la nature j»articnliére de la conventi(»n. Si ces rappoi'ts essentiels ne sont pas suffisamment consacrés pai' la loi. la nature d(; la chose dont elle s'occupe se trouNc faussée et modifiée dans un de ses termes.

La loi doit donc reposer sur la connaissance exact»» d(>s rapports, c'est-à-dire en somme sur <les défini- tions pr<''cises (pii fixent la natui'e exacte de cl)a(|iie (diose.

Képoiidaiif au ci-itique «les \ttuve//f's ri< Icsiaslii/ues, Montes(juieu indii;iié sécrie avec ironie : « L auteur a dit (jue les lois étaient un rapport nécessaire : voilà donc du spinozisme, parce (pie Noilà du nécessaire ! » h après ce (pii précède, on j>eut se rendi'c <(iniple (pie ce; critique poussé par son instinct n avait peiil-(-tre j»as si mal jugé.

1 ne autre preuNede ce (jue nous ;i\aii(;oiis [tuurrai encore être li'oii\(''e dans la iiiaiiieic dont [nocèdc MollleS(|uieil dillis ses de\ ('lo|)penieiils.

Si la nécessité, en etlcl. (pii delenuiiie le sens et

rorientation des lois est pour .Montes(pii(>u cou pour

Spinoza la Veconnaissance de ce lail (|iie leur inlinie >ariété n Cst (pie le dév(doppenieiif de 1 esxMice nK'iiie

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des choses, il faut de toute nécessité commencer par déterminer cette essence, c'est-à-dire commencer par des définitions dont on déduira un certain nombre de propriétés qui en fait en résultent nécessairement. C'est ainsi que, voulant traiter des luis (jui régissent l'organisation de viivers gouvernements, Montesquieu commence par les définir : « Je suppose, dit-il, trois détinitions... » et il tirera de cette définition tout le contenu de son développement et il y trouvera les motifs d'exclusions qui peuvent nous paraître étranges à considérer superficiellement les choses.

De la définition même de la monarchie en efiet, c'est-à-dire de sa nature et de son essence dérivent tous les rouages qui en assurent le fonctionnement, on premier lieu l'organisation d'un corj)s des noljles ou des principaux de l'Etat qui forme une sorte d'inter- médiaire entre le monarc|ue et le jîeuple et qui, possé- dant quekjues prérogatives particulières, gage de son indépendance, se trouve intéressé à retenir la monar- chie sur la pente du despotisme ; en second lieu, l'orga- nisation d'un corps politique gardien des lois (pii les jinnonce lorsqu'elles sont f.iites et les rappelle lors- qu'on les oublie.

De même, la démocratie étant, par sa nature, une forme d'Etat dans laquelle le peuple en cor[)s a la souveraine puissance, les lois fondamentales du gou- vernement démocratique, partout oîi on le tiouNc organisé, s'attachent à permettre l'expression (^t à

{?vt

t'.ivol'isci' l.'l r('';ilis;itiMii de l;i Nnlmitt'' li.ilioll.-ilc. h.lIlK it'ttr ililflllinii. nii I;i \(iil p.irtollt. iWcr le llirilir <'S|U-it, (JlloKjiif ]»;il' (les lii<>\<Mis tlillV-lTiifs. r(Hl>lil' le dl'oit <!<' suIIV.'il:*'. (|(''liiiiili'r son iHcihliir. (l/'lcnniiici- les (•;i|);i- citrs iMMCSv.lilTS |»<i|ir rll'i' suil t'Icftriir. snit t'li'-:il)l<'. [\\rv \,' iiKiilr (ri-liM-lioii, n'-ulcr riiliii l.itli'iliiilioii (lu poUMiii' l<''L:isl;ilir.

Ihi \()il |);ii- 1.1, |)(»iir(jnoi ]);irl;mt de la mmiarchic liamaisc, M(tiit('S([ui(Mi, co (lu'oM lui a sijuvciit rcprocli»', ne dit jtas un mol d(^s lofais uAnôraux. C/ost <|u"uno iiislilutifiu (oiiiinc cidlf il<'s |''lafs i:i''m''rau\. issur du jtriiicijti- de la souv craiiirh' naticinalc ne l't'jtdiid [tas à la nature de la inonanliic trllf (|u'ollc ajtparait jiai* sa di'dinition (^t par son csscuco. l ne inonai'cliir aduu't- tant le coutrôlc de la souveraineté nationale i-ppré- sentee pai' des députés de toutes les elasses de la nation ne sei'ait j)lus une nionai'i liie et la nionar(diie parlenii'utaire est un mot vide île sens, (lest |iour(pioi Ioi<(|u il a Uni danaNseï- la constitution de I .\m:le- Iclie dan^ laipiellr l'existence di' la (diaudu-e des comnunies inliodnil rid(''e de sou\ eiainett- nationale s"e\ei-canl par im coniri'de pci'manent sni- les aele«< du i:<»n\ ei'neuH'nl et |>ai' la rcspon^alnlili' des mini^ti'cs du j)oii\oir (l('\ant (die. Monles(|nien est amem'' à i-econ- nadre .pic n' n'est pas une constilidion nionaii lii(pie, mais hieii plufi')t une constitution d<'Mnoci'ati<pM\

Ainsi le i:(»u\ cnM'iuent inonarclu<pu' et le i:ou\erne- nn-id d«''UJoci'atique ont avec eu\-iuéuies et avec la

135

société de certains i'a|jpoi'ts dérivant de leiu' essence propre qui doivent être consacrés dans leur ortianisa- tion sous peine do voir détruite la nature monarchique et républicaine du gouvernement.

Il résulte de que Tessence des choses comprenant toutes les modifications dont elles sont suscepti])les, aucune volonté arbitraire, pas même celle de Dieu ne peut en changer l'ordre ni le cours.

C'est ce que Montesquieu exprime fortement ou disant que « les lois selon lesquelles Dieu a créé sont celles selon lesquelles il conserve ».

Gomme le dit Spinoza (EÛi., 1, Th. 33, Scholie) <> il dépend de la seule décision et de la seule volonté de Dieu que chaque chose soit ce qu'elle est ». Mais ces décisions « ont été arrêtées par lui de tout(> éternité » et il n'y saurait rien changer.

Dans la doctrine orthodoxe qui est celle du critique des Nouvelles ecclésiastiques. Dieu est considéré comme cause libre parce quil pourrait {Etii., I,Th. 17, Scholie) « faire que les choses qui résulte de sa nature, cVst-à- dire les choses qui sont rn sa puissance ne S(^ pro- duisent pas : autrement dit ne soient jioint |»iiMhiites par lui ». Mais « cela, ajoute Spinoza, c'est comme s'ils (lisaient que Dieu peut faire qu'il ne résulte ])as île la nature du triangle que la somme de ses trois ani;les soit égale à deux angles droits ».

Montesquieu admet parlaitement une ]»areiile «nn- clusion :1a nature d'une chose étant donnée, les lois

l.SO

«1p cctto nature s'iinposeiit ."i Dieu inrnio sil \«miI ron- st'i'V(M" la cliosc dans Irtat oii il la < rtM-o « les lois selon l<'S(juell('s il a ci'éô sont (elles selon les(|uelles il »(»nser\ e .•. ( hi ne sauiail li'oji le réprtec.

(iependanl nous \ on ons nialui'»' ICn idence îles textes (|n il se ([('l'end d adnielli-e I i nira nsii:cante lnL;i(|U(' de Sj)inoza. (Jn(dles raisons V\ autorisent ?

La distinction est assez suhtile. " ' H/'/r/isf, picnii»"-!'*' partie, l). Oiiand lauteur, ré|)(»nd-il. a dit <juc la créa- tion (|ni paraissait ('di-e un acte ai-Witrairo, supj)osait des iviiles aussi invariables (pie la fatalité des athées, (»n n'a pas pu l'entendre comme s'il disait que la créa- tion fut un acte nécessaire comme la fatalité des athées, j)uis(ju"il a déjà cond)attu cette fatalit*'. \)o ]»lus. les deux membres dune conipai-aison doixcnt se rapp(»i'ter. Aussi, il faut alis(dunieiit (pie la |tlii"ase veuille dii-e : la création (jui |>arait d'ahoid dexoic [d'oduii-e des relaies de mouvement variahh's, en a d'aussi invariables (pie la fatalit('' des atln'es ... Kf il («MK lut formellement : " Il n y a donc point de s|»ino- /.isme dans YEsprit r/rs Lois ».

Il clail e\ideniinent de I ild(''l(''t de .\lontes(pneil de l'cjtousser de ioiiles ses forces cette accusation fort danii'ci'euse pour lui. (lejK'ndaut nous ne 1 en croirons pas sur pai'ole. Il n était j)as dans son natiir(d de battre ouvertement en brèche les domnes ic( us ; et sil se Mionlre irrednctiide et même absolu sur des erreurs de l'ail ou de lai^oiiiiement ajipli(|uc à des faits ii^v-

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tains, il est beaucoup moins tranchant lorsqu'il s'asit de dogmes et de croyances. Sur ce point il s'applique à envelopper sa pensée de détours dans lesquels il lui soit loisible de tromor le cas échéant une retiviitc facile. Nous en avons i( i un exemple frappant.

Moiitf'^iqniru. en t'tli't. scinlde faire une distinction entre la erration initiale de Dieu et la conservation de cette création.

Pour lui. coiunif pDurson contradicteur, l;i création initiale a été un acte arbitraire de la volonté de |)itMi qui aurait pu créer ou ne pas créer. Or ce n'est évidem- ment pa*; la doctrine de Spinoza. Chez ce dernier, en ellet. Ijirii ji'est considéré comme cause libre que {Eth.. 1. Tli. 17 " parce qu'il asit en vertu des seules lois (Je sa ii.iturr r\ >aii^ vuliii' la rniitr-ainte d'aucune chose ». Mais les choses résultt-nt nécessairement <h' la nature Ac Iheu et i] ne pouvait eu être autrement ; d'ailleurs elles mit i-te créf'es avec la plus grande per- fection Eili.. 1. Th. 33) puisqu'elles résultent néces- sairement d une nature donnée, la plus parfaite pos- sible. Expliquant celte junjii.sitioii. Spinoza ajoute [Eth.. 1. Tli. 33. S(diuliei - <'<tijinie dans Téternité il n existe ni pendant, id avant, ni après, il résidte de et cela de la stidc perfection de Dieu, ({ue Dieu ne peut jamais, ni n a jamais pu prendre une d<'cision diU'érente, autrement dit Dieu n'a pas existé avant ses décisions et ne peut exister sans elles... Si Dieu en avait décidé de la nature et de son ordre autrement

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qu'il n'en a décidf^, c'ost-à-<liro s'il avait autroment convii ot aiitreiiKMit voulu la uatinc il aurait ou nôccs- saii-oiHoiit iiiic aiilrr iiit<'lliL:('in(> ri iiim- aiifi'c volfiutô (|U<' rt'llf (||| il a... lldlic les clinscs ne pcilVOllt otrO aiiln'iiHuI (inCIlcs iit> sont »...

Si l on s'en tient ;iu\ mots, il ny a rien tlicz Montes- quieu (|ui puisse aiiloiiser un lapju-oelienient l'oruiel aussi a-t-il Ix'au Jeu de reponsseï- .. la latalitc' aveu- gle ». Mais lardeui- t\u d/'iuenti ue peut tenir lieu de preuve. Nous pouv(jns ieniai'(|uei-d"ailleuis (pu' Moides (piieu à des accusations précises i'é]>ond par des uéiié- ralités vagues ou poi'te la discussion sur un autre terrain.

Il nest pas spiuoziste parce qu'il a distingué le monde luatériel d'avec les intelliireuees sj)iritu(dles ( Df'fensf, j)reinière partie, Ij, parce qn il a |»ro(danié (pi une l;italit('' aveugle ne saui-ait sans aitsurdil»' jiro- dnire des êtres inlellii:('nls. p.iree iph' les lois du monde ont du rap}»oit avec la sagesse et la puissance de hieu, ]>nree que les rap})orls de justice et d «''([uit»'* sont anté- rieurs à toutes les lois positives, ]iai'ce (pie nous a\(»us rid(''e d'ini ciM'.itenr. parée (pi enlin il ;i Mudn «•ond>;illr(^ e\pi'ess(''menl les idées de Sj)ino/,,i : et l.'i-dessns il se })lainl (pie ! oïl prenne <■ pour des opinions de S|iiii(tza les ohjeclions (piil r.iil eoiilre le spinozisnie •> ' />é/r//sY', ]ireiuière partie, lleponse à la j)reu»ière (dqectioii).

Mais pren(tns garde «pi'au wm" siè(de c'était ju'écisé- iiient Sous l'oi-UK* d'ohjecliou à Spinoza (pi'ou se don-

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nait le plaisir d'exposer sa doctrine et de communier avec sa pensée, et revenons au point précis du dduit, eest-à-dire à la (|uestion de savoir comment il faut envisag-er la création et ses suites.

Montesquieu ne va pas jusqu'à proclamer que la création ait été déterminée dans son essence et dans sa forme par la nature même de Dieu. Il accorde au Oéa- teur une certaine li])erté au s<ms commun du mot et a.ssure qu'il ne conqjare point des causes mais des effets. Admettons-le et proclamons avec Montes([uieu que Dieu ([ui a été lilu'c de créer, reste lil)re de modifier les rapports qui résultent de sa création. Ou'arrivera-t-il alors. Précisément les mêmes consé- ({uences pour Montesquieu que pour Spinoza. Que Dieu vienne à modifier les rapports constamment étaljlis selon lesquels l'existence du monde a été conçue et sa conservation assurée, la création, dans le systènn^ de Montesquieu, changera de nature. Ce sera toujours sans doute l'œuvre volontaire de Dieu, mais ce ne sera pins celle que nous admirons. Cependant, l'expérience (jue nous pouvons prendre des lois dn monde pli\si(|ne nous montre, par riinniul;H)ilité de (m^s lois, à notre connaissance du moins, (|iie Dien s"appli([ne à con- server récononiie première établie par l'acte arhiti'aire de sa volonté, et nous pouvons conclure alors (pie les choses se passent comme si Dieu était lié nécessaire- ment, et le principe de consei-vation apjiarail comme h; principe supérieur qui règle la vie de l'niii\<'rs : « Si

^ l'.n

Ton pouvait iiiae-inor un aiitro niondo i\\n^ ( rlni-<'i, i aurait dos rrizlcs coiistaiitos il scr.iit <l<''ti'uit » {M. E. L.. I. .Ichut).

Sans (IcMitc M(>ntos(|iii<'U nr \a ji.is aussi loin (|uo SpiiKiza (|iii .illiniir ([uc si le luondc t-tail iititi'c (|m il iiCst. il ("aiidrail su|t|»os('i' à hicii une .iiiIit iiitrlli-ciirc cl niir antre Nnloiih- (|iic crllt' (|n il a et (|tii' |)uis(|U(" M»ii iiit(dlii;(Mict' et sa \<di»nt(' ne se distiiii:u<'nt pas de stjii cssiMicc. il l'andi'aif nt-ccssairmiciil «pir cotte essence l'ut (litlV'i-ente de rr (piclle est. ce ipii ;iii sens de notre philosophe est une grande absurdité, (lejn'u- d.int. .M(int(>s([uien ne sendde pas croire (pie l'on puisse imaginer un autre monde (pie (-«dni cpu' nous voyons et il al'linne en tout cas ahsolunuMit connue Spinoza (pr<''tant diuinc la nature de hieu. c est-à-dire sa sai:esse cl sa puissance (Elh.. I. Th. \\\ . les lois (pii r<'i:issent le monde et .issurent sa conservatictn sont les mêmes que celles (pii ont pr«''sidé à sa creatitm jiarce tpi elles dérivent à la l'ois de la nature de hieu et de ressence des choses.

Il ne sendde |)as douteux <pi il \ dit l;i un l'apport ctraULie entre |;i conce|)tion. de Montcs(piieu l'I icllc de Spinoza. Toiiterois Mniitcscpiicu ;i |)lus l'acilcmciit raison ipiand il se détend dadinettre la l'atalitc des athées, in.ii'^ ce 11 »'st p.is contre S[)iiio7.a. Sj)iiio/,a. en etrel, pense comme l'Iaton (]ue 1 athéisme l'st une maladie de 1 àme plutôt qu'une erreur de 1 int<dlii:ence et il est d(''iste 2)uis(}U il soutient (pie hieu existe comme <ause

libre à condition d'entendre par libre ce qui n'est déterminé que par sa propre nature. S'élevant d ail- leurs contre l'opinion de ceux qui décident que Dieu fait tout au point de vue du bieu, il s'écrie {Eth.. I, ïli. 33, Scliolie 2) : « Ceux-ci paraissent admettre (juelque chose en dehors de Dieu qui ne dépend pas de Dieu et à quoi Dieu s'attache en agissant comme à un modèle ou vers quoi il s'efforce comme vers un but déterminé, ce qui relient à soumettre Dieu au destin^ opinion la plus absurde que l'on puisse avoir de Dieu qui, comme nous l'avons montré, est la cause première et la seule cause libre, aussi bien de l'osscncc (jiic de l'existence de toutes les choses ».

La difficulté vient de ce qu il faut cntciKhr soiis ces deux termes atli(''isme et fatalité : les adversaires (hi spinozisme n enveloppaient [)as sous ces tei'ines b'S mêmes idées que Spinoza.

Etre athée pour Spinoza c'est ne pas adnudti'e un Dieu créateur, cause libre du monde par la seule néces- sité de sa nature. Admettre la fatalité, c'est soumettre Dieu à quelque chose d'extérieur à lui (|ui hii impose la n'alisatiou aveugle de desseins (|iril n'a ])as conçus.

A son compte il est loin d'être athée <'t .Montes(|uieu, malgré sa fameuse (b'iinitiou (b's lois, ne 1 est pas n(»n plus. Ce dernier d'ailleurs a soin de le faire renuirquer à son contradicteur : il a attaipié lathi-isme, pid( lame- t-il, parce qu'il a aftirmé l'altsurchté dune t'ataliti- aveugle ({tii aurait j)r()duit «les èti-es intelligents, [)arce

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((llil ;i srji.irr le iiiulidr lii.il(''rifl du iimiKlr spiriliM'l, (■ Cst-.i-dirr l>i<'U (le s;i crc'atioii.

Lil Nt'rilf (• «'St «inil N m cII [H'csciirr (l('ll\ |illll«is(i-

pliirs. I iiiir (|iii loiit cil .'kIiiicII.'iiiI hicu. n-olt à l.'i iilM'l'Ic dixilli' ri ;'i l.i ctinruiiiciicc des «''\ •'•IH'llli'lil> dll lliolidr. cl Ijilllfc ijiii dil <|lic iniil csl pour j;ilii,-|is oi'doiiiK'. r<''i:I«'', fi\('' cl d(-lcniiiin''. h.iiis iiiic Icllc pliili»- sophic, sil n'y ,1 pas de hicii. il ny a tpic la iialiirc iiupassiltlc, i'ci:ulicrc cl in-ccssaii-c, cl s il y a iiii IMcii. 011 doit dii-c de lui cDiiiiuc faisaient les SlMjciciis : Srmf/ jussif. sniipor pnvcl . Ce tpii rc\iciil à i»eu pi'cs à dire «jiie ce l>ieii n est pas un l>i<'ii cl (pi il se coiilniid a\cc la iialurc.

(lest parce (jiie le hicii de S])in<»za est IIM j>iciideee i:-enrc (pie S])in()/,a. cl Ions cenx (pii admettent ses j)i'iiicipcs ont ('te trait(''s {\'n//ii''f's par les j)ai'lisaiis de la jii'cniicrc l'orme de philosophie, c Cst-à-dire non seide- mciil par les ( hr(''lieiis. mais encore jiar Ions les spiri- tnalistcs.

Analysant la docti'ine (h Spinoza, lîayle en cll'et insiste sur cette dillnsion de I id('c de hicn dans la nalni'c dont il l'ail nue des (•arac|eristi(pics du s\s|èinc l!a\lc. Uiil. (ir(. SpiiiDza] '. <• Il sii|ii)o>sr (pi il ii"\ a (prune snltslancc dans la nalni'c des (di(»ses.et (|iic cette siilisfancc iini(pic est doin-c d une inlinite il atlrihiits et entre antres de l'ctciKlne et de la |»cnsee. I!n suite de (pioi il assure (pie tous les corps (pn se trouvent dans J unJNcrs sont des modilicalions de cette suhslaïue en

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tant qirt'teiKlue et que par exemple les Ames des hommes sont les modifications de cette substance en tant ([ue pensée : de sorte que Dieu TEtre nik-essaire et intlninicnt parfait, est bien la cause de toutes les choses qui existent, mais il ne diffère point d'elles. 11 n'y a qu'un être et qu'une nature, et cette nature produit en elle-même et par une action immanente tout ce qu'on appelle créatures. Il est tout ensend^le agent et patient, cause efficiente et sujet ; il ne produit rien qui ne soit sa propre modification ».

C'est pour cela que Montesquieu procbinie ])ien haut qu'il distingue le monde matériel d'avec le mon<h' s])i- rituel et que sans tirer toutes les conséquences de sa pensée, il laisse la divinité extérieure à sa création eu ce c]ui concerne le premier acte. Et en ce sens Montes- quieu peut honnêtement se défendre d'être spinoziste et nier être athée au sens orthodoxe du mol.

Cependant, en ce qui concerne les conséquences de cette création, il n'a plus la partie aussi beHe ef la comparaison de sa doctrine avec le système de Spinoza s'impose en elfet à l'esprit.

Si les lois seh)u les(|uelles l>i('u a crée « son! cidles' selon lesquelles il conserve » il se trouve li('' par les rapports établis entre les choses et qui dérivent de leur nature particulière et l'univers se trouve soumis à des lois invariables sous peine d'être détruit. iSest-ce point une conséquence bien proche de celles qui décou- lent du système de Spinoza. Mais qu'importe au fond !

144

11 y ,1 un fait (rt'XJxMicilcr, r"«'sl (|il<'. .illliilil «[ll»' 1rs hoimiies ont pu le constater, le monde se conserve et eoiitinno: c est <ju il y a dans son dév(do|)j)einent sen- silde une uniti' <|ui relie enti'e eux tous les iditMioinènes dans le temps, de la même l'aeon (|u ils sont scdidaires les uns des autres dans l'étendue. Les lois j)li\si(|ues manifestent cette réalitc' et les lois positives de l'oi'iia- nisation sociale la pi'oclament aussi de leui- côté. Il n'est pas besoin d aller au dcdà (^t c est ainsi (pie Montes- <piieu, (jui sépai'e la matière de rint(dlii;ence, qui admet un Dieu créateur doué d une \olout<' arliitraii-e nVst pas, il est vrai, spinoziste, mais cpi il 1 est jioui-laiif tout de même jiai'c*- (pie la r(''alit('' dans hupudle il se pl.u-e rejMtud aux consécjuences même de 1 liyj»otliése de Sj)!- noza : à savoir ({ue dans l'état actuel des choses et tel «pie nous Noyons lunivers se com])orter, soit (pu* hieu reste le maître d en niodilier 1 oi-donnance, soit (pi il ne le puisse et reste Tk' éternellement par sou pieuiier acte, toute chose créée ne |tcut assurer la permanence de sa dur(''e (pi'en iiiainteuant les rapports (pli déri\(Mit de s<n\ essence et en suivant les lois de sa nature.

Toutefois à y rei:ar(ler de jdiis j)i-cs. uieinc sur- la (piesti(Ui de la création un doute suruil dans l'esprit. Le hicll de .\|onlcs(|nieu est-il si exlerieiir (pic cela a sa création .'

Les lois (pii fjouvernent le monde jtourraient-elles être autres «pi (dics ne sont . I )icii p<>uri ait-il les niotlifier

l'io -

à un moment quelconque par un acte arbitraire de sa volonté.

Assurément non. Montesquieu l'a dit dans le premier livre de Y Esprit des Lois, il le répète plusieurs fois dans sa défense et nous-même l'avons cité plus d'une fois après lui : « Les lois selon lesquelles Dieu a créé sont celles selon lesquelles il conserve ». L'acte unique de la création détermine donc une fois pour toutes, toutes les conséquences futures. Mais ces lois d'où dépendent- elles au moment du premier acte? Sont-elles inditl'é- rentes et pourrait-on concevoir que Dieu les eut faites autrement. Il ne le semble pas car si Dieu les a faites c'est « qu'elles ont du rapport avec sa sagesse et sa puissance ».

Or que peut vouloir dire cela ? N'est-ce point que ces lois elles-mêmes déterminées par la nature de Dieu. Les termes sagesse et puissance de Dieu sont couram- ment employés en théologie, et les théologiens leur attachent un sens particulier. Pai- puissance de Dieu, le vulgaire, suivant en cela la théologie, comprend le libre arbitre de Dieu et son pouvoir sur toutes les choses qui existent ; par sa sagesse il entend son intelligence c'est-à-dire sa faculté de comprendre et de comparer au sens huniain des mots, des causes ou des effets (|ii"il voit dans l'avenir pour choisir ce qui concorde le mieux avec la fm qu'il se propose. Mais Spinoza donne à ces termes un sens différent. << La puissance de Dieu est

son essence elle-même » {Età., 1, Th. 34). autî-emcut Oudin lu

<lit son cssmcc ai;is>;iiitr l'jh.. II. Th. 3, Scjiolir)

[E///.. 1. I II. ^{"> et rllc II",! lien de ci (|ll|»;ir;ilil«' ;iNfC l:i puissance liimiaim* (l<'.s rois on leur |»niiv(>ir. Uieii ai;it (Ml Vorlii (le la inèiiic iitTcssilc [lar lacjiiclle il se coin- prend et >< huile (Imse (|iie nous cnnccNous èli'c dans la piiissjiiice (le I lieu existe n(''ce>saii'eniont ». Uiiaiit à sa sagesse, elh' ne pent »~'tie jinlre chose (pn' son intel- ligence, selon 1,1 signilication «un- tous les hommes attri- huent .111 mot saiiesse. (h- <• si I intelligence appai-tieiit à la nattii'e de IHeu. rintidliyciice ne pourra être connue la n('»ti'e, de nattiic postérieure ou de natui'e simultanée ;ni\ ( lios(>s coinprisi's (E(h., I. Th. 17. Scho- lie) ; jMiiMjiie l'ien est antc'i'ienr a toutes les choses comme étant liMir cause : mais la xCrité et lesscuce l'or- nndh' des ( hoses n existent ttdies (piClIes sont «jiu' parce »|U «dles existent ohjecti\ement telles <lans 1 in- telligence de Dieu, (lest j»our([uoi Tintelli^cnce de Dieu, en tant (|n"elle est conçue comnu> constituant Tessence de Dieu est en ic-alitt- la cause (h\s <dioses et tant (h- ItMU' essence (|U<' de jenr existence : MM'ite (|ui iiai'ait avoir et<'> a|)eri;iu' pai- ceux (pii ont al'linne ijue TinteJlig(Mice de Dieu, sa \olouté et sa jiuissauce n'étaient (JU une seule et UMMoe t hose ».

l,ors(jue .Montes(|nieu atlirme donc (jue Dieu a l'ait les lois {\y\ monde ■■ j)arc<' (|n •dlc'^ oïd du ra|»|toil avec sa sagesse et sa puissance ». (>n peu! aussi hien coni- prendi'e cett»* pensiM» au s<'ns ortlntdoxe <pn^ rev(MJ- dique Montes^pneu dans sa di'h'Use. comme au sens

^ 147

spinoziste. Le premier sens a poui' lui la conception ordinaire et naturelle, mais le second a trop de rapport avec la conception générale que Montescpiieu, d'après tout ce que nous venons de dire, se fait du monde et de ses lois pour que malgré les apparences, nous ne soyions })as tentés de nous y arrêter. D'ailleui's (H-outons ce (\\w dit Spinoza sur Torigine de toute discussion [lU/i., II, Th. 47, Scholie) : « Il est bien certain que la plupart des erreurs consistent en ce que nous appliquons aux choses des dénominations inexactes. En effet, lorsqu'un homme dit (]ue les lignes (pii sont menées (hi centi'c (hi cercle à la circonférence ne sont pas égales entre eUes, il comprend sûrement à ce ni!»iiieiit-là du moins, sous le nom de ceride autre chose <pie les matln'maticieiis... (Test de que naissent la plupart (h's (hscussioiis el cela, soit parce (pie les hommes n e\])riment pas hien ce qu'ils veulent dir<', soit parce (|u ils iiilerj)rètent mal le'sentiment dautrui. (lai'eii i'«''alitr', au iiiomeiit oii ils soutiennent a\(M- le j)lus de force lun h> conti'aire de l'autre, ou hien ils sont d accord, on hien ne jtaileiit pas du même sujet: de t(dle sorh' <jue les eiicnis ou les ahsurdités (piils cr(tient exister chez leur contra- dicteur n'existent pas».

Ainsi jMontesquieu ne s'est [leut-étre jamais pins lrouv('' d'accord avec Spinoza (|n(Mi (''cri\anl les phrases jjiémes par lesquelles il entend nionirer (juil le com])at.

Mais après avoir discuté ])ai' rapjxtrt à Sj)inoza ces deux premiei'S points de la ni(''tapliysi(]iu' sj)éciale à

- lis

Mi>iitrs(|mcii : la riolioii dr iMM-cssift' et (!<■ foiililiLiciicr ; le r<"il(' (!<> hini dans la cii-atioii cl dans la coiiscfN atioii i[r 1 iiiii\rr>. il nous icstc a altordcr un IroiNirnic point dont la s(dution dt-jx-nd iinni('Mliatcni<>nt Ar la inaniri'c dont on a résolu les deux jUTuiitTs : je \cu\ |»arl<M" di' 1 id<'<' dr jlisticf.

Si en <'tlVt. ri le consenr dis Sniirflh'^ rrclf^sifistt(/ttrs 1 a liirn (dni|»iis. il n \ a l'icn (juc d»' n('-<-<'ssaiiT, si rcssoiice des clioses détermine leui- manière dr-lre ; si tout acte a une cause efficienle (|ui a elle-nn'me sa cause. la((Ueile n est (jn Un elf'et et ainsi de suite en remontant de proche en pro(lie jus(|u à Ihen, <|ue de\iennent les notions du Ideil t't du mal .' ((lie de\ ieiit 1 idée de justice? Spinoza l'i'polld (pu- le liien est ce

<pii saccorde avec notre natur<'. le mal ce qui lui est contraire. Dans cette conception, le bien concorde donc avec lutilité : le juste et l'injuste sont des «■ notions extrinsè(]iies » (Et/i., \\\ Th. 37, S( h«die 2) residtaiil de la vie de société et « dans le statut natui<d il n arri\e lien ipie l'on puisse dire jnsie (»u injuste ». (!"est la une consé(juence lo,ui(pie de la docti'im' de Spinoza sur hieu «'t sur l'àme et c est c«'tle même conserpu-nce (jne 1 on a repro(diée à Montescpiieii. Si en eti'et les lois n ont d autre esprit cpie de manilester les rapports esseiiti<ds necessaii'cs à l'existence et a la durée des choses, et en particulier si elles nOiit au point de \ ne social (|u à maintenir les rapjtorts harmoni<pies des indivitius entre eux et des individus avec la société, la

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justico qu'elles représentent n'existe qu'en fonction d'un état donné et elle ne vaut que par son utilité à la conserver. La justice n'est donc pas antérieure aux lois positives, comme le veulent les spiritualistes et les théologiens, et elle se confond avec l'utile.

A cette ol)jection fondée, on en conviendra. Montes- ffuieu répond (Espri/ des Lois, 1, 2 et Défense, première partie, I, et réponse à la première objection) : « Avant qu'il y eut des êtres intelligents, ils étaient possible : ils avaient donc des rapports possibles et par consé- quent des lois possibles. Avant qu'il y eut des lois faites, il y avait des rapports de justice possibles. Dire qu'il n'y a rien de juste ni d'injuste que ce qu'ordonnent ou défendent les lois positives, c'est dire qu'avant qu'on eut tracé le cercle tous les rayons n'étaient pas égaux ».

Cette simple affirmation que rien ne développe et que semble contredire l'esprit môme du livre de Montesquieu ne doit pas nous faire illusion.

Que signifie-t-elle d'abord exactement? Sup[)os(»HS comme Montesquieu une société dlionmies possibles : cette société étant \\\\ composé de paitics doit subsister par l'accord des parties. Nous avons ainsi l'idée de justice privée ou individuelle qu'exprime la maxime qu'il faut rendre à chacun ce qui lui est ; cette maxime n'exprime pas autre chose que la concordance des rapports qui découlent de cha({ue action d'un parti- culier, avec les actions du voisin. Le droit piivé se

laO

riiinlcr.i (litiic sur l,i ((Uiii.iiss.niiT des ilillV-i'ciils c.-is se j»<'ii\ciit iiictln- les p.titiciiliri's les uns j);ii- ivipport ;m\ .illlirs. (!cl|c (•(iilll.iis>;iiicc ,ii(I<' ."i (l(''t('rillill('l' ce (jnil idiixiciil ;'i cliactiii di- r.iii-c ou di- ne jt.is laii'c |M)lli' (|||c les lu-soins csscillirls ;"l ICxisIciicr Je I llli nll (le 1 .iiitrc Soient .issuri's.

Supposons maintenu ni un roi|is social tonstilui'' a\('c tous SCS oi'uancs : il y a cuire la coHoctivitc cl les individus, connue tout à 1 heure cnti-e les pai-ticuliei-s, un état d «Mpiililu-e staldc ipii n-sultc de la satisfaction des l)(>soins es>-enti(ds à la naliu'c de la socit-té et à c(dle des indiNiilus : ce! ('lai d cipiilihi'c sei-a la Justice et lacté juste sera cidui par IcMpnd on procurera cet l'-tat. l'n deiaiière analyse, la pistice |)oui- Moutescjuieu sera dnic la convenance de lacté axci- les la j)|ioi-fs au\(pi(ds- il doit satisl'aii'c. Il \a sans dire (|ue celle counc- uance jieid se couccNoir eu soi, id^'aleuM'ut pour ainsi dire, connue 1 allriliiit essenti(d de l'acte a|tp(di'' juste. Les rap|)orls de justice sont donc possildes toiijoiU's eu eu\-nuMues, ind(''|)endannnenl di' toute n''alit('' et anti'- rieui'cuieid à toute \ ie sociale, pniscpi il s aL:il j»our les

(olu|irendre de ctUM-cNoU' I idi'c de coUXeiiaUcc <pii

peut s appli(pici' ,1 Ions les ra|)ports possibles d non |)as uuitpu'uieiil aux senls rapports Sociaux. (]'es| .unsi

ipi en ell'el I (''L:allle des ra\ons est contenue dans rid(''(' du cer( le i ndi'']:endannueii I de toute réalit)' olijei-|i\e de 1,1 li-ure. c est-.'i-dire axaut ipi on I ait ti-ac<-e. car

451 ^

rég-alifé dos rayons i-ôsulfo do l'esscnco niôino du cercle.

Or c'est précisément sur ce point que nous sommes fondés à trouver et jusque dans sa défense un rapport trop particulier avec le spinozisme pour no j)as le signaler.

Tout d'abord l'exemple du cercle est un exemple affectionné par Spinoza. 11 s'en sert {Eth., Il, Th. 7) pour démontrer que l'idée des choses est un mode do la pensée de Dieu, tandis que leur forme particidiére est un mode de sa sul)stance considérée connue étendue; de même [Eth.. II, Tii. 8, Coroll.) c'est au moyen des propriétés du cercle qu'il jDrouve qu'aussi longtemps que les choses particulières n'existent pas sauf en tant qu'elles sont contenues dans les attributs de Dieu, leur être objectif, autrement dit leurs idéos n'existent pas non plus, si ce n'est ([uoii t.iiit (inCxisto l'idée infinie de Dieu. C'est encore au cercle i /•'///., II, Th. -47, Scholie), nous l'avons vu plus haut, (pi'il a recours pour nous faire comprendre eomment les hommes ne s'entendent pas le plus souvent l'.intc d'en- fermer sous les mêmes mots les nnMiies idées.

INIais il est un de ces exemjtlcs dont le sens cl l,i forme sont à retenir en présenc(^ de la comparaison de Montes(piieu {Et/i., II, Tli. 7, Scholie). « Un (-(U'clo existant dans la n;itnre, dit Spinoza et l'idée de ce cercle existant, (pii existe aussi en l>icn, ne sont (|n Une seule et nu^no chose, exprinu'c ])ar des .ittriluits dittc'--

in2

rmits ». Notion qu'il ])rô(iso (l;iiis lo tlx-ortMiio suivjint [lù/i., II. Th. 8 : <. Les idc-rs Ai' rlioscs p.iI'ticllIiriTS

anti'(>m(Mit dit des iiiodos (jui ii Cxistrnt j)as, doivent (Mrr contfMUics dans lidre infinio de Ihru de la luônic niaiiirrc i\[\r sont contcnuos dans les attributs do I)i('U los cssencos i'oriiiolh's dos cliosos pai'ticuliôros

.luticinout dit dos uiodos ({ui oxistont on l'ait ». Oi*. dans le sclndio ((ni o\])li({uo oo thôorriiio rt son ((trol- laii'o. S|)inoza constaliint (|uo le <rnlc t-^t dr sa natiu'o t(d (jnc les rcctaniulos sous 1rs srqnioiifs de toufos los liiiiies droit<'s «jui so coujXMit à 1 intoi'iour du corclo soiont ôiiaux outro ou\ ot roniarquons quo c ost aussi la naturo du cerch' (juo tous ses rayons soient égaux) en conclut qu'on ne peut pas dire qu'aucun d'eux existe si rc n'ost cpi autant que lo («'rclc lui-niTMiio existe et ([uo non j)lns l'idi-e de lim quolcon<[ue de i-es i-ectan- gles existe, si ce n"es4 (ju'autant qu'elle est contenue dans l'idée du corclo. Or cette idée dans le système spinozisle <'sl coexistante à Dieu ({ui eontiont en lui l'essencf' de tontes les choses.

Ainsi donc il l'-iut que Montesqnien \fnille dire (pn- I id<'e de justice existe dans I idée de \;\ societ»' (pli «'niiloho I idée de I lioninie. (•oninio 1 égalité des ra\ons (lu cercle n Cxiste (pi autant <pi elle «^st eontenin' dans l'idée du corclo sans (pi il s(tit hosoin ni (pie la société sftit réalisée, ni (pie le corclo soit tracé.

(!e(piisoiiI peut faire illusion ici. ce sont les mots. l"n ellct, il s"a::it d ('xjdi(pn'i' comment Ton coiuoif celle

- lo.S

iiaturo d'idéo. Pour les spiritualistes, poiii* \o critique des Xoiiv&lles ecclésiastiques l'idée des choses existe bien en Dieu, mais comme manifestation possible de sa volonté et de sa puissance et Dieu a d'abord la connais- sance des choses qui se réaliseront ; l'idée de justice dépend de lui seul et c'est lui (jui la révèh^ à notre ànie. r^our Spinoza cette même idée est une consé- quence des divers attributs qui composent la substance et les choses dont Dieu a l'idée [Eth., 11. Th. 6, de Dieu) « résultent et se déduisent de leurs attributs respectifs ». Or Montesquieu a émis un aphorisme sous une forme générale et vague : il n'a point expliqué le sens qu'il donne aux termes qu'il emploie. On peut les prendre dans le sens usuel, comme tout à l'beure les termes de sagesse et de puissance divines, mais on peut aussi leur donner tiu sens plus spécial cjuautorise la conception particulière qu'il se fait de la loi et des rapports des choses. Cette interprétation est nettement spinoziste et le seul fait qu'elle puisse être j)ossible est une présomption grave du spinozisnie de Montesquieu. Si nous ne pouvons pas le détei-miiiei' phis clairement, la faute en est aux précautions qu il prcMid ])oui* ne pas domier une jirise trop facile contre lui, cai' il sait bien quel sort attend le penseur trop audacieux. Il en résulte que, cpiand après avoii' lu Spinoza, on aborde Montesquieu, on éprouve une s<Misation mal définie de déjà vu ptMiibb^ poui' ICspcit et (|ui autorise toutes les sujîpositions. Nous venons de voir par l'analyse rigou-

o*

reiiso dos passages 1rs jilus s.iill.inls <ln ]»i'oiiii(M' livro et pai- l<Mii- coiiijtar.iisdii ;i\<'r les pdiiifs |iiiii(ipaii\ «le la iii»''f;ij)li\si(|ii(' <!<' Spiimz.i (|in' ers suppositions peuvent ti'oUNer dans les textes une liasc assrz scdide iu)taniinent en ce «|ui eoncei-nc la enii(('|ili(tn des rap- ports nécessaires dont le maintien est lOltjcl de la loi pour ce <|ui louche à la |tuissance et à la \(donte de l)i(Mi coiisidei't' cduinie cri'alcui' et ciiniUM' c(in>cr\ atmir de 1 uiii\ers pour ce (|ui reuardt- mlin I idt'c de justice.

Or, ces trois points sont l'oiulanicnlaux et ils dt'ter- niineid l'anule sous le(pnd on envisagera les rajiports sociaux. Parlant de ces [»rincipes. counnent Montes- quieu et Sj)inoza eoniprcniicid-ils donc l'oriianisalion des soci<''tés liumaines ?

A])rès nous avoir inonti-é le monde pli\si(|ue l:(iu- verni' jtai- des lois inxarialdi-^ <|ui maintiennent les rapports essenti(ds à la continuité de la cr<''ation. Mon- ies(|uieu constate [Esprit t/fs /ois, 1, '^) (|in' le monde des intelligences « liien «pi il ait aussi des lois «jui, par leui' natui-e, sont invarialdes ■> est loin d'être aussi liien i:on\('riic cpu' le monde |tli\si([in' et •■ (|u il ne suit |ias constamnienl ses lois comme le monde |)|i\».i- «im- suit les siennes ■■.

Mais (pw faut-il enl<Midie par le monde des intidli- geiu-es ? I']vi«lennnent celui i|ui comprend llnUMme et les soeji^és <[U il l'olIUi'. l'olU' Montesipiieu . en ellef. riiouune, dès que l'on soi-t de I oliser\ aliou pliiloso-

435

plii({uc pour aborder la réalité, ne peut être conçu en (leliors de la société. Il repousse de toutes ses forces Fétat de nature cher à Hobbes et à Rousseau dans lequel, rbonmie serait en possession de tous les droits (>t de toutes les vertus, serait égal à son send)lable comme formé de la même essence et également libre. Loin de là, dans cet état, à supposer qu'il ait existé, ù cha- cun se sent inférieur, à peine chacun se sent-il égal » {Esprit des Lois\ I, 2V Comment en effet, en présence des forces naturelles écrasantes, rhomme n"cùt-il ])as été pénétré du sentiment i\e sa proj»re faiblesse, (^'est la société de ses semJ)lti])les qui hii fait sentir sa force, cette société qui est apparue dans le monde en même temps que la famille, c'est-à-dire en même temps que l'homme lui-môme : « Je (LeUres pers., 91). n'ai jamais ouï jîarler « de droit puldic qu'on n'ait commencé par rechercher soigneiiscnicnt (pndle est l'origine des sociétés ; ce ([ui me j)arait i-iiliculc. Si les hommes n'en formaient point, s'ils se (jiiittaient <'l se fuyaient les uns les autres, il fauîlrait en demander la raison et cherclier pour([uoi ils se liciinent sé])arés : mais ils naissent tons li<''s les uns an\ antres : nn lils est anj)ri''s de son jx-rc cl il s'y ticnl : xoilà la soci(''t('' et la cansc de la sorii-h' ■>. !•]( si la l'aniillc n'est pas l'origine de la société (|ni coexisterait ainsi avec l'origine nn'Mue de l'homme, la nécessité d'assistance nmtuelle l'aurait aussitôt fait naître, car l'homme isolé, rhomme à l'état de nainre. à snj)poser qu'un t(d

liDinmc (Mif oxistô, aurait clierclu' à conservor son «Mi-o hicii plutôt on utilisant los rossouires do sa laililoss»' qu on ossayant d iiiiposoi' par la forco sa doniinatioii.

Acceptons donc cette idi'e ([lie le monde intelligent ne se conçoit pas en deliois de la societi'. One \a-t-il se passer ! E^^jinf des Jjiis, 1. 8 . •■ Sitcd (|ue 1rs Ininunos sont en société ils perdfMit le sentinieni de lenr faiblesse : l'égalité cpii («tait eiili-e eux cesse et l'elal do liuori'o coniuionce. Cliacpn' société jt.nliculiére vient à sentir sa force, ce qui j)iiidiiit un tdat de iiuorro do nation à nation : les particnliej-s. dans cluujue société, coniinenc<Mit à sentir leur force, ils chercluMit à tonrnor en lenr laveur los principaux avantages do cotto société, ce ([ui lait oidro eux un état {\o auerro. (]os doux soi'tos «l'états {\(^ ii'uorre vont (daalir los lois parmi les liom- nios ». et ailleurs J-^s/iri/ (!(•< Lois. \III, 3 : " hans Tetal de nafni'e, les liommes naissent Wien dans 1 (''i:a- lili-, mais ils n y sauraient rester. La sociétt- la lenr fait jierdre et ils ne rede\ionnont éuaiix «pie ]»ar les lois ••.

Ces lois, ce S(»ut c(dles ((ui, toni comme dans le monde pliysi(|ne, ('daldisseni l'iMpiililire entre les pal- lies dont se com|>ose la société en \ maiiitenani la variété dans I iinile pai' le maintien d un rapport cons- tant entre la collecli\ it('' et lindixidii. La société no sauiait exister sans cola et sans idle I lionnne indivi- duel sei'ait dfdruit. Spinoza nous l'ait compi'ondre ce phiMiomène exccdiemmenf : " La natnre l'orme nue existence jdeine et indépendante, une en soi cl cuve-

I

157

loppant toutefois une diversité infinie. Et il n'y a point Je contradiction. Qu'est-ce, en eti'et, qui constitue l'unité d'un être corporel ? Qu'est-ce qui en constitue la variété ? (Considérons les composés les plus simples, par exemple un minéi'al. Ce minéral n'existe comme individu qu'à une condition, c est qu il y ait un rapport constant entre le mouvement et le repos de ses pai- ties » (Cf. Mont. Esprit des Lois, 1, 1). « Chaque diver- sité est uniforme, cha({ue chaque changement est constance ». Il en est pour la société comme de tout ce qui engiol)e l'existence.

C'est dans ce sens qu'il y a pour la société une loi de nature constante qui dérive des rapports essentiels issus de sa définition même.

Si les hommes qui composent la société n'étaient pas ce qu'ils sont, ces lois seraient naturellement suivies et jamais l'écpiilibre n'sultant de l'essence d<'s choses ne serait troublé. Mais deux raisons s'opposent à ce que les sociétés, c'est-à-dire le monde des intelligences, suive rigoureusement sa loi. La première est que {Esprit des Lois, 1, 3) « les êtres particuliers intelli- gents sont l)(»rnés p.ir h-ur natnre et par cons('Mjucnt sujets à l'erreur n. I*ai- h'i, il faut (Mitcnch'c (|nc h's hommes souli'rent diin ^ mau(|ne (k' connaissance », comme dit Spinoza, provenant d'idées in^nléquates [E/h. //, Th. 3")), autrement dit partielles et confuses (h>nt la cause est l'ignorance ils se ti'ou\cnt th'S causes véritables de leurs <'tats <hi <h' Icujs actes. Si

lo.S

telle H Cl.iit pas ! idi'c ilc Mitiitestjuii'U. jHUli'JjlKii se serail-il doiiiie tant <le mal pour élaMir dans \ ilspril (Ifs Loi^, |»ai' mie analyse ni(''Hi()di<jne <'t claire. le> f (iiidilions e>seii liidles de la \ ie M)riale. les ra]t|t<)i'ts (|n il s ai:il de maintenir <;(iiii°iirmemeiil a la nalnic de eliaillle eliose. et les mnxens d e\itei- de .. de nn'lfle de la eonlusion parmi les principes (jni d(»ivent j^omei'ner les liDinmes » (Esprit des Lois. .X.W'J. 1 i. Ponrcpioi s'écri(M'a-t-il dans sa prélace : <- 11 nCst pas indillV-rent (jne le jM'iiple soil !•( laire. Les [)réjii,::(''s des ma;^islrats ont e(immene<- par être des j»r(''jnL:<''s de la nati(ni -'.

Mai^ il y a nne antre raison meore. c'est (jne 1 lionnne est nn ('-Ir*' sensilde. et comme tel snjet à <( mille passions ... Entre tontes, la pi'incipale est 1 aj»- pétit qui le ponsso à toujours dévolojjper sa ])uissauce (l'aii'iF pour sassnrt'i- la plénitude île \ie compalilde avec ses l'acultc-s. |)e cette constatation sort e\ idem- nuMd la l'ormnle lann-use Espiit drs Lm^. XI. ."» : .. Tout houune (]ui a du pon\oir est porte à en ahuser ", com- ])lét<''e par cette aidre non moins c('lèl»re : « Le pou- Nitirarièle je jtonxoir '< [Esprit ths Ay/s. XI. 'i) : car llKimnii" ne l'ail ici (pie Mli\|-e la loi de nalnre de toutes les créatures «pii est de perscM'rer dans leur <"'tre et la psV( liolouie individuelle est ici d accord a\ec les joj.si ^^('•m'rales de la nalnre.

(ionune d autre part il est de la natui'c des eti'cs iutellii;('nts «< d'ai;ir par r-ux-mèmes ■>. " ils ne siii\ent pas cruistammeiit leius lois primiti\es : celles mèmcH

lo9

qu'ils se donnent, ils ne les suivent pas toujours ».

Il résulte de cela que Toffice des lois positives et de l'organisation politique est de ramener les hommes aux lois de leur nature, par la compréhension, sous forme d'idée adéquate, de leurs véritables rapports indivi- duels et sociaux, de manière à ce que ces rapports, étant maintenus dans leur intégrité, lee sociétés aussi bien que les individus puissent subsister et se per- pétuer.

La science du législateur sera de connaître ces rap- ports essentiels et toutes les causes secon(h»s (|ui peu- vent en modifier Faspect ; son art sera d'y conformer les lois quil élaljorera. De môme, la science du juris- consulte sera d'apprécier ces mêmes rapports et ces mêmes causes secondes pnur pouvoir comparer à cet état normal et réel, celui qu'établissent les lois posi- tives, et son art sera l'habileté avec laquelle il saura faire cette comparaison. Quant à l'autorité de la loi, elle sera fondée d'une part sur la conformité avec la réalité des rapports qu'elle doit maintenir, et c'est la première condition par laquelle elh' siiiqKiscra, mais elle s'appuiera aussi sur la puissance dv ÏKUd, c'est-à- dire sur le droit (|ui hii est dévolu j);ir la nature des choses de maintenir et de faire respecter Idrdrc néces- saire pour assurer la durée de la société.

Que nous dit Spinoza ? Il suffit de le citer p<»ur être saisi d'une analogie presque complète entre sa pensée et celle de Montesquieu que nous venons d'auahscr.

I(»()

« Tout iiii chaciiii. (l('(lai-('-t-il E/h. I\\ Tli. 37, Scholic 2), existe en vertu <lu di-nit si>u\ t'raiii de la nature et eonsé<ju<Munieut c est en \rrtii de ce dmit souveraiu que chacun accomplit les ( lioscs (|ui i-esul- tent de la nécessité de sa nature, et |»ar c<)nsé(|uent c'est <'ii vcriii du droit souNcr-ain de la naliirc t|n<' tout un (diacun juj;e ce qui lui est hou, ce (|ui lui est mau- vais, et prend les mesures qui lui sout utiles, comme il lui convient, et ([u'il se ven^e. et qu il s'efforce de con- server ce qu il aime et de détruire ce ijuil a en liainr.

^'/ les hommes vivaient sous la coinluitt' île la liaison, cliacmi jouirait de ce droit </ui lui est pro/^rp, .sans causer à autrui aucun «laminage. Mais coiunu: 1rs liuninws sont sujets aux affections qui surpassent beaucoup la puis- sance, autrement dit la vertu liumaine, pour cette raison il arrive souvent (juils sont entraînés en sens contraii-e et (|u'ils sont c»tnt!'aires les uns aux autres: alors »|u ils ont besoin de I aide les uns des autres.

Donc, pour ([Ile les jiommes j)uisseid \i\re d accord et saidei- les uns les auties, il est néccss/rirr </u ils uhan- donncnt <lc leurs droits naturels I '. rt t/u'ils s'assurent les uns aux autres i/u'ils ne feront rien ipii puisse tour- ner an domniaiic daiilrui. I>e <|iHdle iiiaiiieic il jteiil se ]»rodnire (pie les hommes (pii sont nul urelInnenL sujets

{. Cf. .Molli. Ksi, rit ites Lot.^, .V.Wl. 15.

« Comme tes fiommes ont renonré à teiir i/idr/if/uto/irr natu- rottc },niir vivre stnis itrs fois potitii/ues, ils ont rtMionrc à la rom- muiiaulé nulureiie "les biens pour vi\rc sous tics lois civiles ».

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aux passions et inconstants et changeants puissent s'as- surer les uns les autres, et avoir confiance les uns dans les autres, cela résulte... de ce fait qu'aucune affliction ne peut être entravée^ si ce nest par une affection plus forte et contraire à l'action à entraver et que tout un chacun s'abstient de porter dommage par la peur d'un dommage plus grand. Donc, c'est sur cette règle que la société pourra se fonder, pourvu qu'elle reprenne par devers elle le droit que chacun a de se venger et de juger ce qui est bien et ce qui est mal. Par suite, la société devra avoir le droit de prescrire les règles de la vie commune et d'édicter des lois en les appuyant, non pas sur la Raison qui ne peut entraver une affection, mais sur la menace. Une telle société établie sur des lois et sur le pouvoir de se conserver elle-même, s'ap- pelle cité, et ceux qui sont défendus par ses lois citoyens ».

Il est impossible de ne pas être frappé de l'analogie qui existe ici entre la pensée de Montesquieu et celle de Spinoza. L'office des lois positives et de l'organi- sation politique n'a-t-il pas pour objet pour l'un comme pour l'autre de ramener les hommes aux lois de leur nature par la constatation de leurs rapports individuels et sociaux de manière à créer par l'équilibre des pas- sions un Etat qui permette à chacun de se dévelopjjcr avec sécurité.

On peut toutefois objecter à ce rapprochement qu'il y a tout de môme une différence essentielle entre les

Oudin 11

- lG-2

(leii\ foiifcjttioMs dont iKUis nous (tcriijKiim. L iiin*. cellt' "le Spiiiozn. (.oiriiic j)ar rct.ildisssiuciit «le l.i socirfi' ri des lois |»oliti<]U("s Irt.it de uiirrir |»l-'mntif r*f iiiiturol. Or Moid('S([iii(Mi ariiiiic (|u d a ru \ur d atta- «|llf'l' le SNstfliic dr I loldir> (|lli •■ \oidaid jH-(>ll\ «T ijllf l(^s lioiiiiiK's naissent t >us en état de i:iieiie et (|ne la premi«'ie loi natiii-elle est la inieiic de Ions contre tous ronvorse coninie Spinoza t nte i(di::ion et toute morale ■>. Sans doute .Montes(|uieu ne parait pas sous- ei'ire à cette ariirniation de Spinoza fjuo cVst on \ei-tu du droit >oii\ l'rain île la nature (|ue fnni un ( liacnii ,iuL:<> ce (|Ue lui e>t lion, ce ([ni lui est nianxais. et |u-end les iiiesurt's ({ui lui sont utiles couiun- il lui con\ ient et (ju il se veni:r> et ([u'il s'elVoi-ce dp conserNcr ce (|U il ainu' et de détruire ce cpi il a en haine ... \ oilà en ell'et i|ui justilie la satisfaction des pii-es instincts. i|ui Jette les lioinnies les mis contre les autres, <jui le ra\al<- au lani; di' !a Itète en ne lui donnant comme lui ([ue son iiitei-r-l imnieilial.

Mais [»cnt-<~'lre M(UlteS(]uieU est-il ici dujie de Ini-iuènie ou ( lier< In^-t-il à nous faii'e illusion.

Adnietloijs nii instant, connue Spinoza, *[\ir I ctal de iiuerre soit I état uatufid aux liommrs. il n en est |»,is moins \i-ai ipir la société y met liien \ite nii terme en ramenaiil pai- I autor-itt' de ses lois les indi\idus à la conscience et au resjiect des iidércts conunmis. (lest cette conception de I IjouMue primitif, loup poiu" son semlilalde ipii lie plait j)as à Montesipiieu il almrd par<e

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qu clic rcpui;Mc à sou sriitiiiicut, ensuite parce qu elli^ hii parait fausse : nous lavons vu, pour lui la société est l'état normal et naturel de Ihuiiiaiiité. Mais il ne paraît pas sapcrcevoir (ju'il ne fait (pic déplacer lépoque sétahlit cet état de guerre contre lequel il s'élève si fort. Pour Spinoza. ]iour Hol)l)es, c'est létat naturel (\r 1 lioninie ^ti'indtif, poui- ^lontesquieu c'est leur premier contact dans la vie sociale. « Sitôt que les lioninies sont en société, ils perdent le sentiment de leur faiblesse : régalité qui était entre eux cesse et l'état de guerre commence ». Dans l'une comme dans l'autre conception il faut toujours en arriver au même résultat à l'étaljlissement de lois positives et d'une auto- rité publi(pie destinées à rétablir entre tous les liommes la permanence des rapports nécessaires pour assurer la libre existence et la sécurité de cbacun, soit en empê- chant comme chez Montesquieu, la société formée de se dissoudre dans l'anarchie, soit en aidant, comme chez Spinoza, à sa formation. En somme c'est toujours l'état de guerre, antérieur ou jxtstérieur à la société qui aboutit à la création des lois.

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