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LES

PLAINTES

DES

PROTESTANS.

CRUELLEMENT OPPRIMEZ

DANS LE

ROYAUME DE FRANCE.

., /.; c'

A COLOGNE,

Chez PIERRE MARTEAU.

MD, C. Lxxxyi.

^Oj7-.t.' X'

■i

3

LES

PLAINTES

DES

PROTESTANS,

Cruellement opprimez^ dans le Royaume de France.

E S tyictz qu'on a commis depuis quelque tems con- tre les Reformés de France, font de fi terribles prodi- ges de fureur, & d'iniquité 5 qu'il neft pas étrange que ceux qui en font les Auteurs employent toute forte de moyens pour les exté- nuer autant qu'ils peuvent , & pour en dérober lajufte connoif-

A 2 fance

l

^ Les plaintes des

fanceauMonde. Si on nefavoit pas que c'eft icy un projet qu'ils ont concerté depuis long temps , & ils ont fait entrer de propos délibéré toutes les injuftes paf- fionsquiyontparu, on pourroit dire que cela même qu'ils les ex- ténuent eft une marque qu'ils les condamnent, & qu'ils en ont du déplaifir. Mais quand les hom- mes asiifTent de fens froid , 6c que leurs tranfports font préméditez , quelque dérèglement qu'il y ait dans leurs aftions , il ne leur eft pas ordinaire de s'tn repentir. Il vaut donc mieux dire, que fi ce n'eftpasunreftede pudeur, &de confcience , c'en eft un au moins de refpeft & de confideration pour le public , de ne pas ofer pro- duire devant luy ces violences , dans leur véritable, & naturelle forme, &de tâcher delesdégui^ fer pour en diminuer l'horreur. Cependant quelque favorable

tour

Trotejîans France. 5 tour qu'on puilîe donner à Qç,tx^ conduitte , il faut demeurer d'ac- cord que c'eft une hardielïe incon- cevable que de vouloir impofer à toute la terre , fur des faits auilî conftans, & d'un auflî grand éclat quele^font ceux-cy, & d'entre- prendre de faire illufion à toute l'Europe fur des é vénemens qu'el- le apprend, non par des Gazet- tes, ou par des Lettres 5 mais, ce qui eft bien plus authentique, par un nombre prés- qu'infini de fugi- tifs, & de réchappez qui vont por- tes leurs larmes, &: leurs miferes 5 aux yeux des nations les plus éloignées. Il faut même demeu- rer d'accord, qu'après avoir acca- blé des innocens dans leur patrie , c'eft poufler l'oppreffion trop loin que de vouloir encore étouffer leurs plaintes dans les païs étran- gers, & leur ravir une compallîon quelesfeuls inftinctsdela Natu- re nerefufent jamaisàdes mifera-

A 3 blés.

6 Les Plaintes des

bles. C'efl: pourtant ce que font aujourduy nos Perfecuteurs de France, ils font marcher Timpo- fture après la cruauté 5 non feule- ment afin que le mal que la cruau- té à fait 5 Vimpofture le couvre > mais encore afin qu'elle l'aggrave, & qu'elle en éloigne jufqu'aux plus foibles remèdes.

Il ne feroit pas raifbnnable de les laiflèr reùlîîr dans ce fécond deffein comme ils ont fait dans le premier , &: c'eft pourquoy en at- tendant une relation exade , & particulière des chofes qui fe font paflees dans les divers A6tes de cette Tragédie , nous nous propo- fons d'en marquer icy en général les principales , après quoy nous y ferons des Réflexions qui don- neront lieu d'en juger plus folide- ment , & plus équitablement. Comme nous ne dirons rien à l'é- gard des faits qui ne foit d'une vérité certaine 3 ôcpublique^nous

n'a-

Trotejians de France, j n'avancerons rien auffi dans les Reflexions qui ne foit du fens , & de la portée de tout le monde.

Pour commencer par les faits , iln'yaperfonnequinefache que peu de temps après que le Roi à préfent régnant en France fut parvenu à la Couronne, il s'émeut dans le Royaume une guerre civi- le fort âpre , & fort animée qui mit TEtat à deux doigts de fa per- te. On fait auflî qu'au milieu de tous ces troubles 5 ceux de la Re- ligion Reformée confervercnt leur fidélité d'une manière fi in- violable, & qu'ils Raccompagnè- rent d'un zélé 5 & d'une ferveur fi extraordinaire , & fi heureufe , que le Roy fe fentir obligé d'en donner des marques publiques par une Déclaration expédiée à St. Germain l'an 16^2. C'étoit alors tant dans la Cour que dans les armées à qui chanteroit le plus haut les louanges des Réformés,

A4 &

8 LesTlaintesdes

6c la Reine Mère elle même fut la première à en donner l'exemple , & à reconnoitre qu'ils avoient fauve l'Etat. Chacun fait cela . Mais on aura peut-être de la peine à croire ce que nos ennemis même nous ont dit cent fois 3 &:que les fuites ne nous ont que trop con- firmé, que ce fut précifement la principale , & la plus eflènciélle caufe de nôtre ruine 6c de tous les maux que nous avons depuis foufFerts. On tacha d'empoifon- ner dans l'efprit du Roy , 6c de Ces Miniftres ces fer vices importans, en leur perfuadant que fi dans cet- te occafion ce parti avoit pu con- ferver l'Etat , cela vouloit dire qu'il euft bien pu le renverfer y s'il fe fuft rangé de l'autre coté y 6c qu'il le pourroitbien encore lors qu'une pareille occafion feprefen- teroit. Qu'il falloit donc^fonger à l'abatre , &c ne plus regarder le bien qu'il avoit fait , que comme

une

Trotejîans de France. 9 une indication du mal qu'il feroit capable de faire un jour. Sicerai- fonnement qui rafine fur tout ce qu'il-y-a de plus malin , & qui va jufqu'à empêcher les Sujets de fervir leurs Princes, pour ne pas s'attirer des chatimens 5 en cro- yant mériter des recompenfes^fût goûté comme unePolitique excel- lente^c'eft ce que nous ne pouvons favoir que par les effets. Dés que la paix fut rétablie dans le Royau- me, onréglaledeflein delà de- ftruftion des Réformez 5 &: pour leur faire mieux comprendre que c'étoit leur zélé qui les avoit per- dus, on voulut commencer par les Villes qui en avoient le plus témoigné. On foudroia d'abord fur des prétextes afiez légers la Rochelle, Montauban, & Mil- lau 3 trois Villes ceux de la Re- ligion s'étoient le mieux fignalez pour les intérêts de la Cour, la t Rochelle fouffrit un grand nom-

A 5 brc

10 LesTPlamtesdes

bre de profcriptions , Montau- ban 5 & Millau furent saccagez par des gens de guerre.

Mais comme ce n'étoit que des coups particuliers, & des prélu- des qui ne decidoient rien 5 on ne tarda pas long temps à faire paroî- tre les grandes, & générales ma- chines dont on vouloitfe fervir pour avancer l'ouvrage qu'on mé- ditoit, &: pour conduire lescho- ks à une extrémité. Il feroit dif- ficile de marquer au jufte toutes cts machines , tant le nombre ^eneft multiplié: car jamais Tef- prit humain ne fit voir une pareil- le fécondité, chaque jour en pro- duifoit de nouvelles , & durant plus de vint ans le fond ne s'en eft point épuifé. Ane conter que les principales , & les plus éclatantes , nous pouvons les réduire à fix or- dres , I Celles des Procez , & des chicannes dans ce qu'on ap- pelle le cours ordinaire de lajufti-

ce.

Trotejians de France. î i ce. 2 Celles de la privation de toute forte de charges > & d'em- plois , 6c en gênerai de tous les moyens de gaigner fa vie. 3. Cel- les des infraftions de l'Edit, fous le titre d'explications. 4 Celles des nouvelles Loix> ou des nou- veaux Reglcmens. f Celles des fourberieSjôc des illufions amufan*- t^s. 6 Et enfin celles qui ont eu pour but d'animer les peuples 5 & de leur infpirer de la haine 5 ^ de l'animofité contre nous. Ce font à peu prés les plus confidera- bles moyens que les Perfecuteurs ont emploiez pour parvenir à leurs fins , & les grandes voyes fur lefquelles ils ont marché curant plufieurs années. Je dis durant plufieurs années , car comme ce qu'ils avoient en veuë n'étoit pas une chofe fi facile , il falloit du temps pour y difpoferla matière 5 fans conter qu'ils ont eu des tra- verses . & des interruptions par

A 6 quel-

Ircmie-

1 1 Les Plaintes des

ques guerres étrangères , dont pourtant les fuccez n'ont pas peu contribué à leur enjfter le couragej & à les confirmer dans le deflein qu'ils avoient.

Le premier de ces moyens a eu re Voye unc ctcnduc prefque infinie. Il ^ePer- y fj^^f d'abord rapporter toutes eu ion. j^^ condamnations d'Eglifes y ou fuppreflîons d'Exercices , & toutes les autres vexations qui font arrivées en confequence de l'etabliiîement des Commiflaires Mipartis.

Ce fut un piège fort adroite- mentten du que celuy de cesCom- miflaires. Immédiatement après le Traitté des Pirenées 5 le Roy ^ fous prétexte de vouloir r€parer les contraventions à l'Edit de Nantes, les envoya dans les Pro- vinces. Le Commifîaire Catho- lique Romain fut partout, l'In- tendant de fa Majeftè^c'eft- à-dire un homme habile , armé de tou- te

^rotejians de France. 1 3 te Tautorité Royale , & qui avoit lefecret. L'autre futjou quelque Officier affamé vendu à la Cour , ou quelque pauvre Gentilhomme, qui n'avoit pour l'ordinaire , ni l'intelligence requife dans ces fortes d'affaires ni la liberté même dédire fes fentimens. Le Cler- gé lesavoit fait établir, il étoit leur efprit mouvant qui les faifoit marcher, ou fe repofer comme il le trou voit à propos. Cependant ks Sindics ne lailïbient pas d'éftre receus devant euK comme parties formelles dans toutes nos affaires , les aillgnations fe donnaient en leur nom, les pourfuites s'yfai- foient auffi, & tant les partages des Commiflaires que les appels de leui*s ordonnancesjfe dévoient vuider en dernier reiîbrt dans le Confeil du Roy.

De cette forte tous les droits généralement des Eglifes, pour l'exercice de la Religion , pour

A 7 les

î 4, Les ^Plaintes de

les Temples , pour les Cimetières, 6c telles autres dépendances , é- toient mis en revifion , 6c par con- fequent expofez aux nouvelles chicannes du Clergé , & à la mau- vaife intention des Juges. En quoyil-n*y-avoit pas une étincel- le d'équité , car TEdit ayant été une fois exécuté , feloç Tinten- tion de celuy qui Tavoit donné ^ il n'y avoit rien à retoucher, outre qu'il étoit hors d'apparence que ceux de la Religion qui avoient toujours été dans le Royaume la partie fouffrante y eullent rien ufurpé, ni qu'ils euflènt étendu leurs limites au delà de ce qui leur appartenoit. Mais onavoitbien d'autres penfées que de pourvoir aux contraventions. Aullîj fut-ce par cet ordre que la plufpart desE- glifes tirées en caufe pour la jufti- fication de leurs droits , fe virent bientôt après condamnées l'une après l'autre par des Arrêts du

Con-

T rote/fans de France. i f Confeil. quelque bons, Scfuffi- fants que fuffent leurs titres 5 & quelque fortes qu^eufient été leur defFences. Il fe pafFoit peu de femaines , qu'on ne vift paroî- tre de tels Arrêts en quantité, & fila pudeur des Juges en fauvoit quelques unes par la grande évi- dence de leur droit comme cela eft quelquefois arrivé , outre que le nombre en eroit petit en corn- paraifon des condamnées 5 les Ju- ges recevoient fouvent des or- dres exprézde condamner, lors- qu'il temoignoient ne le pouvoir faire en bonne confcience.

Mais les oppreilîons de cette efpece ne fe bornoient pas à la fimple condamnation desEglifès , les particuliers y avoient auffi leur part. Dans les affaires ordinai- res5&: civiles il ne s'agifibit que du champ , 6c de la vigne , ou de quelqu'intereft pécuniaire 5 en- tre un Catholique Romain 5 & un

hom-

i6 Les "Plaintes des

homme de la Religion , la Reli- gion étoit toujours une des plus fortes pièces du procéz. Les Moi- nesjles Miflîonaires y les Confef- feurs 5 & toute l'Engeance des dé- vots, &: des devottes 5 fe déchai- noient pour la folicitation , les Congrégations ne manquoient pas de s*en mêler , &: Ton n'enten- doit dans les Barreaux que ces fortes de difcours. Je plaide contre un heretique-ifay affaire contre un homme dune Religion odieufe à lŒtat^que le Roy veut exterminer. Par ce moyen , il n'y avoit pres- que plus de jujftice à efperer, peu déjuges eftoient à l'épreuve du faux zélé 5 ou de la crainte de s'at- tirer la cabale fur les bras , ou de paflèr pour des fauteurs d'Hereti- ques. On ne fauroit croire com- bien ces fortes îde préjugez ont fait donner de Sentences , & d'Ar- rêts injuftes dans toutes les Cours du Royaume 3 ni combien de for- tunes

Trotejians de France. 17 tunesenontétérenverféesj &de familles ruinées. Lors qu'on vouloit s'en plaindre 5 la réponfe étoit prête 3 Vous avez, le remède en vos mains , o[ue ne vous faittez- vous Catholiques ?

Tout cela pourtant n'euft rien été fi la perfecution euft bien vou- lu s'en tenir la 3 & qu'elle ne fuft pas allée jufqu'à attaquer l'hon- neur 5 le repos, la liberté, & la vie même des perfonnespar une inondation générale, pour ainli dire, de procezcriminels,& d'af- faires accablantes. On vit des Ecrits imprimez à Paris, envoyez par toutes les Villes, &: par tou- tes les ParoifTes du Royaume juf- qu'aux plus petites, qui portoient ordre aux Curez, Marguilliers , &: autres de faire une exafte re- cherche de tout ce que les Préten- dus Reformez pouvoient avoir fait, ou dit depuis vingt ans , tant furie fujet delà Religion qu'au- trement^

1 8 Les Plaintes des

tremcnt>d'en faire faire'des Infor- mations devant les Juges des lieux , & de les poufler fans aucu- ne rémiffion.

Auflî a-t-on vu durant plufieurs années en exécution de c^s or- dres les Conciergeries , & les au- tres prifons remplies partout de ces prétendus Criminels. Les faux témoins, n'y etôient pasé- pargnez , & ce qu'il y avoit de plus horrible 5 c'eftque les Juges quoy que convaincus que c'é- loient des faux-temoins ^ les fou- tenoient pourtant 5 ôclesprote* goient.

Souvent fur des faux-témoi- gnages bien avérez & reconnus pour tels 5 ils condamnoient des innocens , &: des gens de bien , au fouet 5 aux galères 5 au bannifïè- ment, à l'amande honorable, 6c fi quelquesfois un refte d'hon- neur &de confcience lesenem- péchoit, il y avoit au moins tou- jours

Trotejlans de France, i p jours une impunité fort aflùrèe pour les faux témoins.

Cette forte de perfecution eft tombée principalement fur les Miniftres, parceque depuis long- temps ils ne prechoient plus fans avoir pour auditeurs , ou pour mieux dire 5 pour obiervateurs une troupe de Prêtres, de Moines, deMiflîonaires, &: de gens de cet ordre , qui ne fe faifoient pas une affaire de leur imputer des chofes qu*ils n*avoient point dictes, & d*en détourner d'autres en un kns contraire. Ils'alloient mê- me jufqu'à vouloir deviner les penfées pour en faire des crimes. Car des qu'un Miniftre avoir par- lé d'Egypte , de Pharaon , d'Ifraë- lites, demechans, & de gens de bien, comme il eft bien difficile de n'en pas parler quand on expli- que l'Ecriture , ces efpions ne manquoientpas de dire que par l'Egypte, & les mechans , ils

avoient

\

20 Les Plaintes des

avoient entendu les Catholiques, par Pharaon, le Roy , & par les If- raelîtesjles Prétendus Reformez. Les Juges donnoient dedans, & ce qu'il y avoit de plus admirable, c'eft que les Miniftres d'Etat eux mêmes vouloient bien regarder CCS interprétations de penfées comme de fort excellentes preu- ves. Sur de femblables princi- pes les Prefidiaux 5 & lesParle- mens rempliflbient leurs prifons de ces pauvres gens 5 il les y gar- doient des années entières , & fouvent ils les condamnoient à de dures peines. Seconde On voit déjà par cette prémie- voyede re cfpécc de perfecution quels etoient les traitemens qu'on fai- foit en France aux Réformez avant que d'en venir aux derniè- res violences, mais on les verra paroître encor plus dans ce que nous avons à ajouter touchant la privation des charges , des em- -^. plois,

cution.

^ rote flans de France, 2 1 plois 5 Se en gênerai des moyens degaignerleurvie, qui eft la fé- conde voye dont nos avons dit qu'on s'eft fervi pour parvenir à leur ruine. Il n'ell pas difficile de comprendre que dans un grand Royaume comme eft la FrancCjOii ceux de la Religion étoient ré- pandus par tout, il y en euft une infinité qui n'ypouvoientfubfi- fter, ni entretenir leurs familles que par la liberté de fervir le Pu- blic 5 ou dans les charges j, & dans les employs 5 ou dans les Arts , & Métiers , ou dans les Facultez, chacun félon fa vocation. Hen- ri le Grand en avoit fi bien recon- nu la neceflîté & la juftice qu'il en avoit fait un Article exprez, le plus formel 5 peut-être, & le plus diftin6bement énoncé de tous ceux de fon Edit. Auflî fut-ce par que les Perfecuteurs crû- rent qu'ils pou voient faire le plus de ravage , Se ils n'épargnèrent rien pour y reuflîr. Dan»

2% LesTlaintesdes

Dans cette veuë ils commencè- rent par les Arts , & Metiers.Sous divers prétextes ils les rendirent d'abord prefque inacceilîbles à ceux de la Religion par les diffi- cultez de parvenir aux Maitrifes^ & par les depences exccffives qu'il falloit faire pour y être receu , n'y ayant aucun afpirant quin'euft à foutenir pour cela de longs, &:de gros procès 5 dans lefquels le plus fouventils fuccomboient. Mais cela ne fuffifant pas , par la Dé- claration de 1669, ils les firent ré- duire au tiers , dansles Villes ceux de la Religion etoient en beaucoup plus grand nombre que les autres , & il^ défendi- rent d'en recevoir, jufqu'àce que cç^xx^ diminution fuft raitte , ce qui tout d'un coup ferma la porte à tous les pretendans.

Quelques temps après y ils chaflerent abfblument tous les Reformez des Confulats # & de

tou-

T^rotejians de France, 2 5 toutes les autres charges Munici- pales des Villes , ce qui étoit leur oterlaconnoiflàncede leurs pro- pres affaires , & de leurs intérêts, pour en inveftir entièrement les Catholiques.

En 1680. le Roy fît un Règle- ment qui les priva généralement de toute forte d'emplois dans les Fermes , & dans les Finances 5 de- puis les plus grands jufqu'aux plus petits , & aux plus vils, com- me eftoient ceux de Commis j d'Archers, ou des Gardes.

On les priva même de toute forte de fondions dans les Poftes , Carofleç publics , Meflageries, & autres chofes de cette nature.

En 168 1. par Arreftdu Confeil, on deftitua dans toute l'étendue du Royaume , tous les Notaires , Procureurs , Poftulans , Huiffiers, & Sçrgens faifant profeffion de 1^ Religion. Un an après on deftitua; tous les Officiers des Seigneurs,

Gen-

a4 Les^laintesdes

Gentilshommes 5 & Haut-Jufti- ciers avec defFence de s'en fervir >' & de les appeller même pour Af- feffèurs, & Opinans aux jugemens des procès 5 fans autre raifon que celle de leur Religion.

En 1683 on deftitua de même tous les Officiers de làMaifondu Roy 5 & des Maifons des Princes de fon fang, qui jouiflbient des privilèges des Commenfaux.

On en fit autant des Confeil- 1ers 5 & autres Officiers des Cours des Aides, & des Chambres des Comptes, de ceux des Sénechauf- ïéQs-, &des Prefidiaux, de ceux des Balliages , & des Judicatures Royales , de ceux des Amirali* tQz , des Prevôtez , & des Mare- chauflees , des ThréforierSjRecé- veursj&autresayans charge dans les Gabelles 5 ou dans les Finan- ces, avec ordre de fe deffaire de leurs Offices en faveur de Catha-- liques. \^>i.^\

,i* v-/-

En

^rotejians de France. 2 y

En 1684. on deftitua tous les Secrétaires du Roy Maifon , & Couronne de France, tant Titu- laires qu'Honoraires5& leurs veu- ves avec revocation de leurs Pri- vilèges de quelque nature qu'ils fuflent.

On deftitua auflî tous ceux qui avoient acheté des privilèges pour exercer quelque profeffion, commeMarchands 5 Chirurgiens , Apotiquaires, Vendeurs de vin^ôc tous autres fans exception.

On alla même jufqu'àcetexcez que de ne vouloir plus foufFrir de lages femmes de la Religion pour accoucher , 6c d'ordonner par une Déclaration exprefle que dé- formais nos femmes ne pour- roient être aidées dans leurs ac- couchémens que par des perfon- nes Catholiques.

Il ne fe peut dire combien par

tous ces moyens étranges , .&

inouïs 3 ils avoient réduit de per-

' B fon.

1î6 LesTlaintesides

fonnesjôc de familles à la dernière înendicité.

Mais parcequ^il y en avoit en- core qui fe foutenoient, il fallut inventer d'autres voyes d'acca- blement. Pour cet effet ils fi- rent donner un Arreft au Confeilj par lequel les Nouveaux Con- vertis, comme ils les appelloient, étoient déchargez pour trois ans du payement de leurs dettes. Ce- la tomboit pour la pluspart lur ceux de la Religion , qui ayant eu une plus particulière liaifon d'affaires , & d'intérêts avec ces prétendus convertis , à caufe de la commoiinion de Religion , ils avaient été avec eux, étoient comptez entre leurs principaux Créanciers. Par cet ordre on avoir trouvé le fecret de recom- penfer ceux qui changoient aux dépens de ceux qui ne chan- goient pas, &: c'eft ce qu'on fai- ïbit encore par une autre voye ,

car

Troteftans de France. 27 car ils decliargoient les convertis de toutes les dettes que ceux de la Religion avoient contraftées en rommnn lesquelles par confe- quenttomboientfur les autres.

A cela ils ajoutèrent des déf- fences de vendre le bi^n 5 ni de Palliéner fous quelque prétexte que ce fuft i, le BLoy invalidant , & calïànt tous les Contrats , & iiutres a£tes qui en feroient faits , s'ils ne paroifibit qu'aprez ces a£bes 5 ils avoient demeuré un an entier dans le Royaume > de for- te que la refource de s'aider de leurs propres fons dans l'extrême ^ç,cç&xé^ leur fut encore ôtée. On 4eur en 6ta anflî une autre qui fem- bloit être la dernière qui leur re- ftoit, quietoit de pouvoir aller chercher du pain ailleurs , en fe retirant dans les pays étrangers pour y travailler 5 & y gaigner leur vie 5 ne le pouvant plus en France. Par des Arrêts réitérer:

B 2 le

'28 LesTlaintes des

le Roy leurs fit deffence de fortir de fon Royaume fous de grieves peines, cequilesjettoit dans un dernier delefpoir, puisqu'ils fe voyoient réduits à cette horrible neceffité de mourir de faim dans leur patrie 5 fans ofer aller vivre ailleurs. La cruauté des Adver- faires ne s'arrefta pas même , car comme il y reftoit encore dans les Provinces quelques epics à glaner, quoy qu'ils fuflent aflèz rares,& auflî minces pour le moins que ceux du fonge de Pharaon , les Intendans eurent ordre, cha- cun dans fonDépartement,d acca- bler de Tailles ceux de la Reli- gion , ce qui fe faifoit , ou en re- mettant fur eux la Taille des nou- nouveaux Catholiques , qui en etoient déchargez en faveur de leur converfion , ou en faifant d'autorité des taxes exorbitantes, qu'on appelloit des taxes d'Offi- ce , c'eft-a-dire que celuy qui fur

le

^roteflans de France. 39 le Rôle de la Taille ordinaire fe trouvoit, par exemple à quaran- te ou cinquante livres 5 par cette taxe etoit mis à fept ou huift c^ns. Ainfî il n'y avoit plus de quoy tenir^car tout étoit enproye à la rigueur des Intendans. Ils exi- goient leurs taxes par des loge- mens effectifs de gens de guer- re^'oupar des emprifonnemens, dont on n'étoit' délivré qu'après avoir payé le dernier quadrin.

Ce furent les deux premières Troi/îé- machines dont le Clergé fe fervit ^^- ^^ve contre nous. Ils en ajoutèrent ^ une troifiême que nous avons ap - pelléelesinfradionsdel'Edit de Nantes fous prétexte d'explica- tions. Ceux qui en voudront bien connoître le nombre & la qualité, n'auront qu'à lire les li- vres qui furent compofez , & pu- bliez fur ce fujet, tant par le Je- fuite Meynier 5 auteur célèbre par fes chicanes, que paruacer-

B 3 tain

;utioiî.

50 Les^laintesdes

tain Fillau de la ville de Poitiers ^ & par un Bernard Officier au Pre- fîdial de Befiers en Languedoc. On y trouvera tout ce que Ix plus bafle , & plus indigne fophif^ terie peut inventer de tours pour éluder les textes les plus clairs de FEdit, & pour en corrompre la bonne foy. Comme nous ne fai- fons icy qu*un abrégé de nos. vexations, nous nous contente- rons d'en marquer quelques prin- cipal es qui nous font venues de cç^ttç, fource.

Qu/y avoit-il par exemple de plus clair, & de plus incontefta- ble dans l'Edit que cecy > ikvoir qu'il avoit été donné dans l'inten- tion de maintenir ceux de la Re- ligion en tous les droits que la nature, ôc la focieté civile don- nent aux hommes ? Dilputer deflùs ceferoit évidemment chi- canner. Cependant fouspretex- te que t'Edit ne portoit pa^ for- mel-

Trûtejians déFrance, 5 1 mellement que les enfans Bâ- tards feroientlaiflez en la puifr fance de leurs Pères , & Mères pour être élevez dans leur Reli- gion, le Roy^fans avoir égard que c'eft un des premiers , & des plus inviolables droits de la Naaire , & comme fi l'Edit n'en contenoit rien , par fa Déclaration du mois de Janvier 1682, ordonna que tous les Bâtards de l'un, & de l'autre fexe , de quelqu'âge & condition qu'ils fuflen t , feroient inftruits 5 & élevez en la Religion Catholique. Il eft important de remarquer ces termes de quelqu'â- ge qu'ilsfujjent , car delàfortirent une infinité de perfecution«5 On ne fe contenta pas défaire valoii: ce Règlement pour l'avenir 5 on rechercha tous les Bâtards juf- qu'à des perfiDnnes de quatre vingts ans qui avoientpafle toute leur vie dans la Religion Refor- mée, on ks emprifonnaj & on

B 4 les

32 Les Plaintes des

les violenta fur cette fuppofirion que leur naiflance les forçoit à être Catholiques.

Il faut dire la même chofe d'u^ ne autre Déclaration du mois de Juin 1 68 1 . qui portoit que les en- fans pourroient à l'âge de fept ans abjurer la Religion Reformée , ôcembrafTer la Catholique, fous prétexte que TEdit ne marquoit pas precifement qu'à cet âge ils fe- roient en la puiffance de leurs Pè- res. Qui ne voit que c^'eft la der- nière de toutes les chicanes , puiP que d'un coté PEdit deffendoit de tirer les enfans des mains de leurs Pères par force, ou par induftion, ce qui vouloit dire fans doute juf- qu'à ce qu'un âge de raifon , & de maturité les en tiraft , &: que d'au- tre toté l'Edit fuppofoit, & con- iîrmoit tous les droits naturels , dont celuy-cy eft fans contredit un des plus facrez.

Y-eut-il jamais une infraction

de

T^rotejians de Fra nce, 5 5 dePEditplusvifîble, & plus ma- nifefte que celle quideffendoità ceux de la Religion Proteftante, qui avoient pafle dans la Romai- ne, de revenir à celle qu'ils avo- iç^nt quittée 5 fous prétexte que PEdit ne leur donnoit pas for- mellement, & en termes exprez cette liberté ? Car quand TEdit donne généralement à tous les fujets du Roy la liberté de con- fcience , & qu'il deffend de les vexer, molefter, niaftreindre à rien faire qui foit contraire à cet- te liberté, qui ne voit que cette exception des prétendus Relaps loin d'être une explication de l'Edit, en eft uneinfigne viola- tion?

C'efl: à ce même ordre qu'il faut rapporter la deffence faitte aujc Catholiques Romains de chan- ger de Religion , & d'embrafler la Reformée. Car quand TEdit donne liberté de confcience , il

B y le

j4 ^^^ Plaintes des

le fait en propres termes pour tous ceux qui font 5 & fer ont de la ditte Religion. Cependant iîon en veut croire le Clergé, l'inten- tion de Henri le Grand n'etoit point telle, & il n'a voit préten- du que Paccorder à ceux qui en faifoient profefîion du temps de fon Edit.

L'Edit de Nantes donnoit aux Reformez le droit d'avoir des des petites Echoles dans tous les lieux ils avoient l'exercice de leur Religion , ôcpar ces termes- àç. petites Echoles ^ félon l'expli- cation commune on avoit tou- jours entendu celles l'on pou- voit enfeigner le Latin, & les Let- tres humaines.

C'eft le fens qu'on avoit tou* jours donné dans tout le Royau- me à cette expreiîîon, & qu'on luy donne encore aujourduy- lorfqu'il s'agit des Catholiques Romains. Cependant par une

inter-

Trotejians de France] 5 f interprétation toute nouvelle on reftreignit cette permiflîon à la feule liberté d'enfeigner à lire^à écrire 5 & l'Aritmetique , coni» me fi les Reformez eullènt été in- dignes d'en apprendre davanta- ge, & cela dans la veuë de fatiguer les Pères , & Mères , & de les jet- ter dans cette dure extrémité, ou denefavoirquefairede leurs en- fans, ou de les faire élever par des Catholiques.

L'Edit leur donnoit la liberté dans tous les lieux d'Exercice d'inftruire publiquement leurs enfans, ô' autres en ce qui concer* fielaJReligiony cequivifiblement etabliflbit le droit d'enfeigner leur Théologie > puifque leur Théologie n'eft autre chofe que leur Religion. Et pour les Col- lèges , l'on puft enfeigner les Arts libéraux , & les fciences Phi- lofophiques , car c'eft propre- ment ce qu'on appelle Collège >

B 6 l'E-

5 6 LesTlaintesdes

TEdit en prometoit des lettres patentes en bonne forme.

Mais quoyque cela fuft ainfi, on ne laifla pas de fuppofer que FEdit ne donnoit aucun droit aux Reformés d'enfeigner leur Théo- logie, ni d'avoir des Collèges, & fur cette fuppofition on condam- na trois Académies qui leur re- ftoient encore 5 àSaumur, àPuiC. laurens, &àDie. Celle de Se- dan même, quoyque fondée dans un Edit particulierjfut fupprimée comme les autres , 6c avant les au- tres.

Entre les infractions de PEdit de cette efpéce, il n^ en a point çu de plus éclatante, ny de plus folemnelle que la revocation , ou lacaflation des Chambres. Hen- ry le Grand les avoit établies comme perpétuelles pour faire rendre la juftice à fes fujets lans prévention ni partialité , & pour faire religieufement obferver fon

Edit,

Troteftans de France, 3 7 Edit. Cependant fous prétexte qu'il etoit dit que celles de Ca- ftres, & de Bourdeaux pourroient être incorporées dans leurs Par-' lemens , lorfque les caufes qui avoient meu fa Majefté à les en^ feparer cefferoient , le Roy d'au- jourdhuy par fonEdit fupprima celles de Paris^ & de Rouan, &: & par un autre Edit il cafla , 6c fupprima quelque temps aprez celles de Grenoble, deToulou- fe & de Bourdeaux , laiffant par ce moyen {^s Sujets de la Reli- gion expofez à la paflîon, & à l'injufticedesParlemens, & des Juges inférieurs. Auffi ne fe peut- il concevoir combien de vexa- tions ils en ont depuis foufFerr foit en commun foit en particu- lier.

Mais il faut aller plus avant , & Qiia- puifque nous nous fommes pro- voy^le pofez de montrer dans cetabre- ^crfeca- gèles principales chofes qu'on a ^''''''

P 7 fait

3 8 Les Tlaintesdes

raitpour exercer nôtre patience > avant que d'en venir aux derniè- res fureurs , il ne faut pas oublier les nouveaux Reglemens . ou les nouvelles Loix qui n'ont été qu'autant de nouvelles inven- tions pour nous tourmenter. Le premier de ces Reglemens qui parut fut fur la forme des enterre- mens, ou des convois des morts , on en reduifit le nombre à trente perfonnes pour les lieux dii l'Ex- ercice etoit actuellement établi. & à dix pour ceux ilnel'etoit pas. On en fit en fuitte prefque fur toutes chofes 5 dans la vue de nous faire des affaires.

On en fit pour empêcher la communication des Provinces les unes avec les autres par des lettres circulaires , ou autrenient, non pas même pour caufe d^u- mènes ,& de c haritez. On en fit pour deffendre la tenue des Col- loques dans l'intervalle desSyno-

des

'^ rate lions de France, j^ à^s à la referre de deux cas , la. provifion des Egiiies deftituées parledecezdeleursMiniftres, & la corredrion de quelques fcanda- les. On en fit pour ôter aux Exer- cices qu^'on appelloit^^ Fieftom- tç^s les marques d'Exercice pu- blic, comme la cloche, lâchai- re, & autres chofes de cette na- ture. Ondefïendirauffi d'en re- cevoir les Miniflres dans les Sy-^ nodes pour y avoir voix delibe-^ rative, & de les mettre dans le Catalogue des Eglifes.

On en fit pour interdire aux Miniftres de prendre le titre de Pafteursj ni aucun au trc que ftr- luy de Mmiftres de la Religion Prétendue Reformée. On en fit pour deffendre le chant des Pfeaumes dans les maifons des particuliers. On en fit pour le faire cefer dans les Temples mê-t mcsjlorfque le Sacrement pafle- roitj ou lorfqu'on fair oit quelque

pro-

40 LesT^laintesdes

proccffion. On en fit pour em- pêcher la célébration des maria- ges dans les temps interdits par FEglife Romaine. On en fit pour défendre aux Miniftres de prê- cher hors des lieux de leur reiî- dence ordinaire. On en fit pour leur defFendre de s'établir dans des lieux fans y être envoyez par les Synodes , encore que les Con- fiftoiresles appellaflent dans les formes. On en fit pour empê- cher les Synodes d'envoyer dans les Eglifes, plus de Miniftres qu'il n'y en avoir lors du Synode pré- cèdent. On en fit pour empe- cliferlespretendans au Miniftére d'aller étudier dans les Acadé- mies étrangères. On en fit pour chafîer tous les Miniftres étran- gers, quoy qu'ils euflent été re- ceus au Miniftére dans le Royau- me 5 & qu'ils y euflent paflé la plus grande partie de leur vie.On en fit pour interdire aux Mini- ftres

Troteftans de France. 41 ftres & aux Propofans la refidencei dans les lieux l'Exercice feroit interdit, ni plus près que de fix lieux. On en fît pour defFendre au peuple de s'afîembler dans les Temples fous prétexte de priè- res, deleftures, ou de chants de Pfeaumes 5 qu'en prefence d'un Miniftre envoyé par le Synode. On en fit un ridicule pour ôter tous les doffiers des bancs des Temples, & pour les réduire tous à une uniformité. On en fit un autre pour empêcher les Eglifes un peu plus fortes d'affifter les foibles pour l'entretien de leurs Miniftres , &: pour leurs autres neceffitez.

\Jn autre pour obliger les Pè- res, & Mères à donner de groffes penfionsàleurs enfansqui chan- geroient de Religion^ Un autre pour interdire les mariages entre des parties de différentes Reli- gion, mêmedans le cas de coha- bita-

4,^ Les 'Plaintes des

bitation fcandaleufe. Un autre portant inhibition à ceux de la Keligion d'avoir déformais chez eux aucuns Domeftiques, ou fer- viteurs Catholiques Romains. Un autre qui les privoit d'être nommez Tuteurs 5 ou Curateurs, & qui par confequent mettoic tous les enfans Mineurs dont les Pères etoient morts dans la pro- feflîon de laReligion fous la puif- fance 5 & fous l'éducation des Catholiques. Un autre deffen- dant aux Miniftres, & Anciens d'empêcher direftement ni indi- reftementlesperfonnes de leurs Troupeaux d'embrafler la Reli- gion Romaine 5 & de les en dif- ftiaden Un autre deffendant aux Juifs 5 & aux Mahometans d'embraflèr la profeflîon de laRe- ligion Reformée 5 & aux Mini- ftres de les y inftruire , & de les y recevoir. Un autre foumettant les Synodes à recevoir des Com- mit-

T rote flans de France, 45 miflaires Cadioliques Romains qui leur feroient envoyez de la part du Roy avec deftences ex- prefîès de rieiï faire qu'en leur prefence. Un autre deffendant aux Confiiioires de s'aflèmbler que de quinze en quinze jours , & en prefence d'un Comiflàire Ca- tholique. Un autre defendan;t aux Confîftoires d^affifter fou5; prétexte de charité les pauvres malades de leur Religion , 6c or- donant que les malades feroient tranJ^ortez dans lies Hôpitaux avec inhibition à toute forte de perfbni^s de les retirer dans; leurs maifons. Un autre portant confifcation en faveur des ho*- pitaux de tous les fonds , rentesj; & autres biens de quelque nature: qu'ils fuflent qui pourroient avoir appartenu aux Eglifes con- damnées. Un autre portant def- fence aux Miniftres d'approcher plus prez de trois lieucs^des lieux

dont

ÀjL Les^laintesdes

dont l'Exercice feroit feulement contefté , ou attaqué de quelque manière que ce fuft. Un autre portant confîfcation aux hôpi- taux de tous les fonds 5 6c rentes deftinés pour l'entretien des pau- vres dans les lieux même dont l'Exercice fubfiftoit encore. Un autre foumettant les malades, & les mourans à la necefîlté de rece- voir les vifitestantoftdesjuges, Commiflaires 5 ou Marguilliers , & tantoft des Curez , Vicaires , Moines, Miffionaires , ou autres Ecclefiaftiques , afin de les indui- re à changer de Religion 5 ou exi- ger d'eux fur ce fujet des Déclara- tions expreffes. Un autre por- tant deffences aux Pères, ôcMe-, res , d'envoyer fous quelque pre-'j texte que ce fuft v leurs enfans^ voyager dans les pays étrangers avant l'âge de feize ans. Un au- tre défendant aux Gentilshom-, mes , &: Seigneurs de conti-*

nuer'

Trotejlans de France, 45^ nuer l'exercice de la Religion dans leurs Maifons, que premiè- rement ils n'euffent produit leurs Titres devant lesCommifîàires3&: obtenu d'eux une permiilion de faire prêcher. Un autre qui re- ..ftraignoit le droit d'Exercice de Fief à ceux feulement qutfe trou- veroient en pofleffion de leurs terres depuis TEdit de Nantes en ligne direfte , ou collatérale. Un autre qui deffendoit aux Eglifes appellées de Bailliage de rece- voir dans leurs Temples des gens d'un autre Bailliage. Un autre qui enjoignoit aux Médecins , Apoticaires , & Chirurgiens d'a- vertir les Curez ou les Magiftrats de Petat des malades de la Reli- .gion, afin que les Magiftrats ou les Curez y puflent faire leurs vi- iîtes.

Mais entre toutes ces nou- velles Loix 5 celles qui ont le plus fervi au deilein , & à

l'in-

4^1^ Les Tlaintes des

rintention du Clergé , ont été d'un côté la defFence de rece- voir dans les Temples aucun de ceux qui avoient changé de Re- ligion ) ni même leurs enfans , ni aucun Catholique Romain de quelqu'age^ decpieiq^efexe, & de quelque condition qu'il fuflent 5 fous peine de-privation d'Exercice , d'amande honorable pour les Miniftres , avec ban- iiiffement , 6c confifcation de biens, & d'autre côté 5 l'ordre de drefler dans tous les Tem- ples un banc particulier pour y mettre les Catholiques. Cac par ce moyen des qu'un hom- îne avoit refolu de changer de Religion , on n'avoit qu'àluy fai- re faire fon abjuration en fecret , ^ à le faire trouver des le lende- main au Temple pour y être re- marqué pas les Catholiques qui etoient dans leur banc. Incon- tinentcon avoit des Informations,

^rotejians de France, 47 & bientôt aprez des condamna- tions dans toute la rigueur de la Loy. Les Catholiques Romains n'avoient auffi qu'à entrer dans les Temples fous prétexte qu'ils avoientunbanc, puis ils feglif- foient dans la foule , & d'abord c'étoit une contravention à la Déclaration , & une condamna- tion sûre. C'eft par cette voye qu'ils ont détruit une infinité de TempleSj&d'EglifeSj & mis aux fers je ne fay combien de Pafteurs innocens, car les fripons & les faux-temoins nemanquoientpas dans ces occafions.

Toutes CCS démarches etoient cin- violentes, qu'il ne fe povuoit ^o^e^de qu'elles ne fillènt une forte im- Perfecu-j preflîon dans l'elprit des Refor- mez. Il ne falloit ni beaucoup de lumières ni beaucoup de pénétration pour comprendre cela tendoit. Il-y-en-eut auffi plufficurs qui ouvrir

rent

non.

48 Les "Tlaintes des

rent les yeux > & qui fongerent ferieufement à leur sûreté, enfe retirant des lors hors du Royau- me, les uns dans un pays, &: les autres dans un autre félon les ha- bitudes qu'ils pouvoient avoir. C'etoit pourtant ce qu'on ne vouloit pas à la Cour par plus d'u- ne raifon, & pour l'empêcher ils renouvelloient de tems en tems ces Arrcfts dont nous avons parlé qui faifoient defFence de fortir fans congé , fous de rigoureufes . peines , & pour cela même , ils prenoient beaucoup de précau- tions fur les frontières. Mais ces précautions etoient allez inuti- les, oc il valloit mieux jetter de la poudre aux yeux du peuple, & faire de fois à autre des chofes qui pùfîent nous donner quelqu'ef- perance d'adouciffementjou nous dérober au moins en quelque ma- nière la veuë du grand defîein qu'onavoit. Ce fut donc dans

cette

T rote flans de France, 49 cette intention que par la Décla- ration de 1669. on fit révoquer au Roy plufieurs Arrêts violens quiavoient été déjà donnés dans fonConfeil. Cequiproduifitfon effet 5 car quoy que les plus éclai- rez connuflènt bien que ce petit tempérament ne venoit pas d'un bon principe 5 &quedanslaiuit- te on ne laillaft pas d'exécuter ces mêmes Arrêts , la plufpart du monde neantmoins s'imagina qu'on vouloir encore garder des mefures à nôtre égard ^ 6c qu'on ne fongeoit point à une deftruc- tion totale.

Nous avons fouvent tiré les mêmes conclufions de diverfes Déclarations verbales qui font forties plufieurs fois de la bouche même du Roy qu'il ne preten- doit pas nous faire de grâce 5 mais qu'il vouloir nous faire un entiè- re juftice 5 ôc nous faire jouir des Edits dans toute leur étendue ,

C qu'il

50 Les Plaintes des

qu'il feroit bien aife de voir tous fes fujets réunis à la Religion Ca- tholique 3 & qu'il y contribueroit de tout fon pouvoir , mais que de fon Règne on ne verroit point de fang répandu pour cela ni de violence exercée. Ces Déclara- tions précifes, 6c fouvent réité- rées faifoient efperer que le Roy ne les oublieroit point, & qu'au moins pour les chofes les plus ef- fencielles , il nous feroit fentir les effets de fon équité. On Tef- peroit d^autant plus que dans une lettre qu'il écrivit à fa Sérénité Eleftorale de Brandebourg, dont les Miniftres d'Etat prirent foin de faire répandre dans le monde plufieurs copies, faMajeftéluy temoignoit qu'elle etoit tres-fa- tiffaite de la conduitte de fes fu- jets de la Religion. Et qu'eftaat engagée par parole Royale à les maintenir dans leurs Privile- gesjfon intention eftoit de les en

faire

^roteftans de France. f i faire pleinement jouir. De nous tirions aflèz naturellement cette conrequence qu'elle ne foiîgeoit donc pas à: nous préci- piter dans une dernière dçfola- tion.

-.À celai ilifaut ajouter les mena- gemeiis dont: ou ufoit quelques- feis aU: Confeil. On y confer- voit des Egliies 5 àmefure qu'on eja condamnoit d'auaes , pour faire croire qii'ils faiibienr jufîi- ce, & que celles qu'ik condam- noientn'etoient pas fondées en boatitre. Quelquefois ilsadou- ciflbientdes Arrêts trop exceilîfs, ôctrop rigoureux des Parlemens des rroviiices, Quelquesfois auffi ils faiibient femblant de ne pas approuver les violences qui s'exerçoientparleslntendans, 8c par les Magiftrats inférieurs, juP qu^àdonner des ordres pour les: modérer. C'eft amfii qu'ils em-^^ péchèrent l'exécution d'un Arrefl: «j' C X don-

5'2 Les 7laintes4es

donné au Parlement de Rôuiin , qui ordonnoit à ceux de la Reli- gion de fe mettre à genoux lorf- qu'ils rencontreroient le Sacre- ment. C'eft ainfi qu'ils arrefte- rentles pourfuittes d'un petitju- ge de Charenton qui avoit or- donné qu'on rayeroit de nôtre Liturgie une prière qui s'y fait pour les fidelles qui gemiiTent Ibus la tyrannie de l'Antecrift. C'eft encore ainfi qu'ils ne favo- riferent pas extremement.une au- tre perfecution qui commençoit à fe rendre générale dans le Roy- aume contre les Miniftres , fous prétexte de les obligera prêter un ferment de fidélité dans lequel on inferoit d'autres claufes con- traires à ce que les Miniftres de^j voientà leurs charges 3 & à leur Religion. C'eft ainfiqu'ils fuf- pendirent l'exécution de quel- ques Arrêts qu'ils avoient eux: même donnez foit pour mettre^

les"

Troteflans de France. 53 lesMiniftresala Taille, foit pour les obliger à relîder dans le lieu prçcirement ils faifoienc leurs.Exqrcices. Dans cette mê- me veuë les Syndics du Clergé eurent Tadrefie de laifler durant plufieurs années en quelque re- pos les principales Eglifes du Rpyaume,fans les inquiéter pour leurs Exercices 5 pendant qu'ils defoloient toutes celles de la Campagne. Ils fufpendirent auf- file jugement des Académies & les referverent pour la fin. Ce fut encore dans cette veuë qu'à la Cour ils firent d'abord femblant de ne pouvoir pas croire , & enfin de ne pas approuver les excez que commettoit dans fon Dépar- tement un certain Marillaclnten- dant de Poitou, homme affamé, 6c cruel , plus propre à être voleur de grands chemins qu'Intendant de Province , quoy qu'en effet ils l'euffent découplé tout ex-^

C 3 prcz

5*4 Les Plaintes de

prez pour faire ces expédi- tions. ^^ Mais de toutes ces illufions il n'y en a point eu de plus célébrés que cinq ou fix qu'il ne fera pas hors de propos de marquer icy: La première fut que dans le tems même qu'à la Cour ils donnoient tous les Arrêts , Déclarations , Se Edits dont nous avons ey-deflus parlé, & qu'ils les faifbient exé- cuter à toute rigueur^dans le tems même qu'ils interdifoient les E- glifes 3 qu'ils faifoient démolir les Temples , deftituoient les parti- culiers de leurs charges , & de leurs emplois, qu'ils reduifoient les gens à la Faim? les emprifon- noient, les chargeoient d'Amen- des 5 les baniflbient , & en un mot qu'ils ravageoientprefque tout, les ïntcndans , Gouverneurs y Magiftrats , & autres Officiers dans Paris, Se dans tout le Royau- me, difoient froidement, &: avec

gra-

T rot eftans de France. 5-5 gravité , que le Roy n'avoit nul- le intention de toucher à TEdir de Nantes 5 & qu'il le vouloit fort religieufement obferver. La fé- conde fut que dans ce mêmeEdit que le Roy publia pour deffendrc aux Catholiques Romains d'em- brafïèr la Religion Reformée , ce qui ce fit en 1 682. C'eft-à-dire en un tems qu'ils avoient déjà fort avancé l'ouvrage de nôtre aefola- tion, ils y firent inférer une clau- fe formelle en ces termes , qu'il confirmoïtl' Edit de Nantes en tant que befoinetoit 5 ou fer oit . La troi- fîéme que dans les lettres circu- lairesTque le Roy écrivit aux Eve- ques, ^auxIntendans5poiir les obligera fignifier aux Confiftoi- re l-AvertifTement Pailoral du Clergé 5 il leur dit en propres ter- mes ç\i\ç,fon intentions* étoit point qu'on fift rien qui pujl donner at- teinte àce qui avoit été accordé à ceux de la Religion ^retendue Re-

C 4 for-

^6 LesVlaintesdes

formée par les Edits , & "Déclara- tions donnez, en leur faveur. La quatrième que par un Déclara- tion exprefle publiée fur la fin de Tannée 1684. le Roy ordonna que les Miniftrcs ne pourroient demeurer dans une même TEglife que Pefpace de trois ans 5 ni reve- nir à la première que dans douze ans, & qu'ils feroientainfi tranf- portez d'Eglife en Eglife à la di- ftance de vingt lieues l'une de l'autre , fuppofant par une confe- quence manifeile que fon deflein étoit de conferver encore l'Exer- cice de la Religion 5 & les Mini- ftres dans le Royaume, douze an- nées pour les moins, quoy qu'en effet on meditaft dés lors la revo- cation de rEdit,&: qu'elle euft été déjà refoluë dans le Confeil. La cinquième confifta dans une Re- quête qui fut prefentée au Roy par 1 affemblée du Clergé, fur le tems même qu'on travailloit à

dref-

^rotejlans de France. 5-7 4refler TEdit revocatif de celuy de Nantes , & qu'il etoit entre les mains duProcureur Generalpour luy donner la forme , & dans PAr- reft qui fut donné fur cetteRe- quête. Le Clergé fe plaignoit des imputations que les Mini- ftres avoient accoutumé de faire à PEglife Romaine , à qui , di- foient-ils , ils attribuoient des do- (Strines qu'elle n'a pas 3 & ils pri- oient fa Majefté d'y pourvoir. Mais ils declaroient auflî formel- lement qu'ils ne demandoienc f)as pour encore la revocation de 'Edit. Sur quoy le Roy par fon Arreft fait defténces expreflès aux Miniftres de parler de l'Eglife Romaine ni en bien ni en mal , ni direftement , ni indire£l:ement dans leurs prêches , fuppofant comme chacun voit que fa penfée étoit de les lailTer encore prê- cher. Vit- on jamais de pareil- les illufions ? Mais y-en-eut-il ja-

C f . mais

5^8 LesTlaintesdes

mais de plus grande que ttWt qu'ils ont mife dan'^l'Eait même dont nous parlons? Le Roy après avoir cafTé & annulé l'Edit de Nantes, & tout ce qui s'en eft en- fui vi, après avoir interdit pour toujours toute forte d'Exercice , banni à perpétuité de fon Royau- me tous les Miniftres , y déclare formellement que fa volonté eft que fes autres fujets qui ne vou- dront pas changer de Religion,, pourront demeurer dans fes Etats en toute liberté , y jouir de leurs biens, & y vivre dans le commer*^ ce ordinaire, fans être moleftez fous prétexte de leur Religion y jufqu'à ce qu'il plaife àDieu de les illuminer &: de les convertir. A- mufement , & piège pour les Dup- pes, comme il a paru depuis, & comme il paroift encore tous les jours par les horribles traitte-- mens qu'on leur fait dont nous aurons à parler dans la fuitte.

Avant

^rotejtans de France, fp Avant que d^y venir il nous re- sixième fte à dire un mot d'une autre ma- pe^fecL chine préparatoire qire les Perfe- Jion. cuteurs n'ont pas manqué de met- tre en œuvre pour leur deflein , Se que nous avons contée comme la fîxieme en ordre. Elle a confifté àdiipoferinrenfiblement, & peii à peu les Peuples à defîrer nôtre deftru£tion, à la recevoir avec ap~ plaudiÛement quand elle arrive- roi t, & à diminuer dans leur ef- efprit lUiorreur que naturelle-- ment ils auroient eu pour les cruautez , & pour les injuftices^ que les Perfecuteurs meditoient. C'eftàquoyonaemployé divers moyens. Les premiers , & les plus communs ont été les Ser- mons des MiflîonaireS) & autres Prédicateurs Controveriîftes y dont on avoit depuis quelques années couvert le Royaume , Ibus le titre de Miflîons Royales. On. choilit d'ordinaire en France

C 6 poux

dô< Les plaintes des

pour faire un tel métier des Efprits échauffez , on leur don- ne en fliitte une éducation qui loin de les modérer les em- brafe, deforte qu'il eft aifé de comprendre quels Afteurs fe font 5 lorfque non feulement ils fe fentent appuyez , mais qu'ils fe voyent encore ani- mez 5 6c qu'ils ont des ordres ex- prez d'infpirer la colère à leurs auditeurs. Auilîs'enacquitoient- ils fi bien que fouvent il n'a pas tenu à eux qu'on n'ait vu des émotions populaires dans les grandes Villes, &dans Paris mê- Jîie, fi la prudence desMagiftrats n e les euft empêchées. Aux Pré- dicateurs il faut ajouter les Con- feflèurs &Direâ:eurs de confcien- ce, les Moines les Curez, &en gênerai tous les Ecclefialliques depuis les premiers jufqu'auK derniers. Car comme ils n'igno- roient pas quel etoitàcet égard

l'Ef-

Vroteftans deFrance. 61 rEfpritdelaCour, cetoit à qui marqueroitleplusdezele, 6c le plus d'averfion contre la Reli- gionjparce que chacun y trouvoit ion contej&quelavoyeetoitfù- re pour avancer fes affaires. Dans cette même veuë d'animer les peuples ) ilfepafîcitpeudejours qu'on ne fift retentir les rues, tant de la publication des Arrêts , Edits , & Déclarations contre les Prétendus Reformez 5 que de celle de plufieurs de ces libelles Saty riqu es , & feditieux dont on eft fort avide dans les villes de France.

Mais cela n'étoit propre que pour le bas peuple 5 & les Perfe- cuteurs avoient cette mortifica- tion de voir defaprouver leur deflein,^: leur conduite partout cequ'il y avoit degens fages, & élevez au defliis du Commun. C'eft à caufe de cela qu'ils em- ployèrent la plume de quelques

C 7 Au-

6z Les Tlaintes des

Auteurs qui s*ettoient déjà ac- quis de la réputation dans le Monde, Centre autres celle de l'Auteur de l'Hiftoire deTheodo- fêle Grand 5 & celle de Monfîeur Maimbourg an tresfois Jefuite. Celuy-cy publia fonHiftoire du Calvinifme, dont il eut depuis loifir de fe repentir 5 par les Ré^ ponces y\nç.s , & confondantes qu'on y fit. A leur exemple il y en eut plufieurs autres moins fig- nalez qui fe mirent fur les rangs, & Monfieur Arnaud qui veut être de toutes les parties il y a de la bile à répandre , & du mal à faire ne perdit pas cette occa- fion de fatisfaire > fon humeur, &: de tacher en même temps de fe remettre bien à la Cour. Mais quoyquefon Apologie pour les Catholiques fuft un ouvrage auf- plein de feu ^ & d'emportement que les Dévots le pouvoient fou* iaitter, elle ne fut pourtant pas

agréa-

Trot-eflansde France. 6 j agréable, parce que d'dlleursfa perfonne ne Petoit pa^. 11 en fut fi mal payé qu'il s'en plaignit à Monfieur rArcheveqae de Rheims, par une ietti^e dont cm. fit courre des Copies par tout Pa*- ris. Entre autres dhofes il y exa- geroitfon malheur 5 &: fe compa- roit avec lin autre 5 komme-^^-qui pour de beaucoup moindres fer'- vices avoit receu du Roy vingt mille livres de recompenfe. Ge- la fit connoître de plus en plus rhumeurj&lfe ca-raftere du per- fonnage.

Quoy qu'il en foi ton n'avoir que faire deluy, car on ne man- quoit pas d''E<:rivains violens > parmi lefquels il ne faut pas ou- blier un certain Monfieur Sou^ lier, au très fois, difoit -on 5 Tail- leur 5 &:aprefentAuteur'derHi- ftoire des Edits de Pacification > ni Monfieur Nicole autresfois grand Janfenifle , ôc à fHrefcnt

Pro^

(>4 Les Plaintes des

Profelyte de Monfieur TArche- veque de Paris , Auteur du livre intitulé les Proteftants convain- cus de Schifme , ni l'Auteur du Journal des Savans qui dans fes Gazettes ordinaires foutenoit hautement qu'il falloit planter la foy Catholique par le fer 5 &par le feu 5 & en alleguoit pour preu- ve 5 l'exemple d'un Roy de Nor- vège qui convertilToit les Seig- neurs de fonPays.en les menaçant d'égorger à leurs yeux leurs pe- tits enfans, s'ils ne confentoient qu'ils fuflènt baptizez , & s'ils ne fe faifoient baptizer eux mêmes. Durant un aflez long tems on n'a veu dans Paris , & ailleurs que de ces fortes d'Ecrits 5 tantlapaP iion y etoit venue à fon com- ble. Soins des Au rcfte pendant que toutes ^^^®^- ces chofes que nous venons de ^ur marquer icy fe paflbient en Fran- Icurdé- ç€, & qu'on s'avançoit à grands *^'*^^- pas

^roteftans de France, 6^ pas vers la fin,]'! ne faut pas s'ima- giner que les Reformez negli- geaffentleurs intérêts communs , ni qu'ilsjne fiflent tout ce qui pou- voit regarder une juile, & légiti- me defence'. Ils envoyoient fou- vent du fond des Provinces leurs Députez à laCour,ils foutenoient leurs droits au Confeil 5 ilsypor- toient leurs plaintes de toutes parts, ils faifoient agir Monfieur leur Député General, tant en- vers les Juges 3 6c les Miniftres d'Etat qu'envers la perfonne mê- me du Roy, quelques fois auilî ils prefentoient des Requêtes Generales,ou ils expof oient leurs griefs, avec toute l'humilité, Se tout le relpe£t que des Sujet&doi- vent à leur Souverain. Mais loin de les écouter , on aggravoit tou- jours leurs peines, & leur fécon- de condition devenoitpire que la première. La dernière Requê- te qui fut donnée au Roy même

par

66 LesVlaintesdes

par le Député Général , au mois ae Mars de l'année 1684. etoit conçeuë dans les termes du Mon- de les plus foumis , &les plus ca- pables d'émouvoir la pitié, com- me chacun ,en peut juger parce qu'elle a été depuis imprimée. El- le ne produifît pourtant d^autre fruit 5 que de hâter ce qu'on avoit des long tems réfolu , qui fut d'employer la force ouverte pour achever de nous acca- bler. L'Expe- C'eft ce qui fe fit en effet quel- dition quesmoisaprez, &quis'eftexe-

des Dia- ^ r 15 ' / r \. t i a

cuté dune manière fi terrible, & fl eclatantCjque , comme nous l'a- vons dit au commencement, il y a peu deperfonnes dans l'Europe quelque éloignées qu'elles foient des accidens du Monde, qui n'en àvent entendu le bruit. Mais les circonftances apparemment n'en font pas connues de tous , &: c'eft pourquoy nous en toucherons

icy

gons.

^rùtejlans de France. 6j icy quelque choft^n peu de mots, ne fut idequepour fermer laboucheàl'impuden<re d^e ceux qui publient qu'on rï'a fait nulles violences en France , & que les converfions s'y font faittès de plein gré. D'abord on prit des mefures pour couvrir de gens de guerre toutes les Provinces prcf- que en un même t^ms , & on y employa principalement les Dra- gons 5 qui font les troupes les plus determinéies du Royaume, On fit marcher devant eux la ter- reur &refFroy , & comme de con- cert toute la France fut en un in- ftant remplie de cette nouvelle que le Roy ne vouloit plus fouf- frir de Huguenots dans lès Etats , &qu'il falloit qu'ils fe refoluflènt àchanger de Religion, rien ne les en pouvant garentir.

On commença par Bearn -> les Dragons firent leurs pre- mières executions,.Ôn fuivit bi^n

tôt

6S Les Tlaintesdesr

toft après parla haute, &: par k bafleGuieney parlaXaintonge:, TAunix, le Poitou 5 le haut Lan- guedocje Vivareft«5& le Dauphi- né. Apres quoy l'on vint au Lionnois , aux Cevennes , au bas Languedoc, à la Provence, aux Vallées, & aux pays de Gex. De- puis on eft allé par tout le refte du Royaume , 6c la Normandie la Bourgogne , le Nivernois , le Berry, l'Orleanois, la Tourai- ne,rAnjou,la Bretagne, laCham- pagne, la Picardie , & Tlfle de France, en y comprenant Paris même,ont fubi le même deftin. La première chofe que les Intendans avoient ordre de faire 5 etoit de fommer les villes , & les commu- nautez, ilsenfaifoientaflèmbler, leshabitansfaifansprofeflîon de la Religion, & ils leurs expo- foient la volonté du Roy , qui etoit que fans retardement ils fe fiflènt Catholiques , & que s'ils ne

le

^rotejîans de France. 6^ levouloient faire de gré, on le leur feroit faire de force. Les pauvres gens furpris & étonnez d'une telle propofition, repon- doient qu'ils etoient prêts de fa- crifier au Roy leurs biens, & leurs vies 5 mais que leur confcience étant à Dieu ils ne pouvoient pas en difpofer de cette manière.

11 n'en falloit pas davantage pour faire incontinent appro- cher \^s Dragons qui n'etoient pas loin.

D'abord les Troupes fe faifif- foient des avenues , & des portes des Villes , ils mettoient des Gar- des par tous les chemins, & fou- vent ils entroient dans les lieux l'epée à la main , cn^ns^Tu'éTuë ^ ou Catholiques. On les logeoic chez ceux de la Religion pour y vivre à difcretion, avec deifen- ce à toutes perfonnes de fortir hors de leurs maifons , ni de met- tre à couvert aucun de leurs meu- bles

70 hes Tlaintes des

bles 5 ou de leurs Effets', fous de groflès: peines , &. aux Ca- tholiques de les recevoir, ni de leur prêter la main en quelque forte que ce fuft. Les premiers joursfepafîbientà diflîpper tout ce que leurs hates; avoient de provifions , 6c à leur arracher Teuflent ils eu dans les entrailles , tout ce qu'ils pouvoient avoir d'argent, de bagues, de joyaux de femmes, &: en gênerai, tout de qui étoit de quelque prix. Apres cela ils mettoient les fa- milles au pillage , & ils appel- 1 oient non feulement les Catho^ 1 iques des lieux, mais encore tous ceux des Villes , & des Bourgs circonvoifins pour venir achep- ter d'eux les meubles , hardes , & autres chofes dont ils pouvoient faire quelque fomme. En fuite ils. s'attachoient aux perfonnes , & iln*y: a méchanceté ni horreuc qu'ilsnemiflènt en pratique pour

es

Troteftans déFrance, y i les forcer à changer de Reli-

gion.

Parmy mille hurlemens , & & mille blasphèmes, ils pen^ doientlesgensjhommesj & fem- mes par les cheveux ou par les pieds aux planchers des cham- bres, ou aux crochets des che- minées 5 & ils les faifoient fumer avec des bottes de foin mouillé, jufqu'à ce qu'ils n'en pouvoient plus 5 & lorfqu'ils les avoient dé- pendus 5 s'ils ne vouloient pas changer ils les répendoient in- continent.

Ils leurs arrachoient les poils de la barbe , &: les cheveux delà tefte, jufqu'àune entière dépila- tien.

Ils les jettoient dans de grands feux qu'ils avoient allumez ex- prez, & ne les enretiroientquc quand ils etoient à demi rôtis. Ils les attachoient fous les bras avec des cordes, & les plongeoient, &

répion-

ji Les Tlaintescfes

réplongoient dans des puits dont ils ne les ôtoient qu'aprez avoir promis de changer de Religion. Ilslesattachoient comme on fait les criminels à qui on donne la queftion, 6c en cet état avec un entonnoir ils les rempliflbient de vin, jufqu'a ce que la fumée du vin les mettant hors d'état de rai- fon, ils puflent leur faire dire qu'ils confentoient à être Catho- liques. Ils les dépouilloient nuds, ôcapi-es leur avoir fait mille indi- gnitezj & mille infamies 5 ils les iardoient d'eplinges , depuis le haut jufqu'au bas. Ils les dechic- quetoient à coups de ganif , èc quelques fois avec des pincettes rougies au feu ils les prenoient par le nez , & les promenoient dans les chambres jufqu'à ce qu'ils promiflent de fe faire Ca- tholiques, ou que les cris de ces pauvres miferables qui dans cet état invocquoient Dieu àleurfe-

cours

s \

Trotejlans de France. 73 cours les contraignilTènt à les quitter. Ils les battoientàcoups de bâtons , & tous meurtris , & rompus ils les trainoient auxEgli- ks 5 leur fimple prefence for- cée étoit contée pour une abjura- tion. Us les empechoient de dor- mir durant l'efpace defeptou de huit jours > ferele vans les uns les autres pour les garder à vèuè jour 5 & nuit , & pour les tenir réveillez, foitenleurjettant de ayguiairées d'eau fur le vifage foit ' en les tourmentant en mille ma- nières, foit en leur tenant fur la telle des chauderons renverfez fur lefquels ils faifoient un conti- nuel charivari, jufqu'àcequeces malheureux euflènt perdu le fens. S'ils en trouvoient de ma- lades hommes ou femmes atta- chez au lit par de grolles , & ar- dan tes fièvres , ils avoient la cru- auté d'afïembler une douzaine de Tambours, & de faire battre la

D quaif-

^n

744. LesTlaintesdes

quaiflè à Pentour de leurs lits du- rant des femain es entières 5 fans difcontinuer cet exercice qu'ils n'euflent donné parole de chan- ger. Il eft arrivé en quelques; lieux qu'ils ont attache les Pères , & les Maris 5 aux quenouilles des lits, & à leurs yeux, ils ont vou- lu forcer leurs femmes & leuts fil- les , fans qu'il s'en foit fait aucune punition. Ils;arachoientles on^i gles des mains, & des pieds, ceJï qui ne fe pouvoit faire fans desu douleurs inouies. Ils envoient hommes , & femmes avec djes.. fouiflets jufqu'à les faire cre- ver.

Si après ces horribles traitte- mens il y en avoit encore qui ^ refufaflènt de changer , on les^ emprifonnoit , ^ l'on chofif- fbit pour cela des cachots-jioirs, & infefts y rQH exerçait cowixtr eux toutes fortes d'inhumanitez. Cc;peadant on dçmolifîbit leurs

mai-

Trotejlans de France. j^ maifons, on defoloit leurs heri-^ tages, on coupait l^e^ars boi^ > & on fe faiiîfîbit de leurs femmes, . & de leurscnfanç^qHjqpQaiettoit . dans à^s Convins, Quaaii ks* gens de guerre avoient touiEdevo- i , & confiimé dans uiîe xcm- fon, les Fermiers du Domai^ic leur fotirniflbient la fubfîftajnœ , & pour s'^n rembourcer ils fiii- , foient vendre par authoritéde ju- : ftice les fonds des kôtes ^ & s :^i ; mettoient en poflèilBiOiî. Si quel- ques uns pour garenrir Icubîs cpar fciences , & pour échapper à la tyrannie de ces enragez., fe fau- voient à la fuite on les pourfîii- voit dans tes champs , & daa?s ks bois, on tiroir fur eux c<«nme fer des bètes fauvages , les Prévôts battoient pour cela les chemins, & lesMagiftrais des lieux avoient ordre de tes arrefter faosdiftin-. â:io«L.Onles amenoit d'où ils etoi- cnt partis, &on les traittoit en

D 2 pri-

y 6 Les T^laintes des

prifonniers de guerre.

Il ne faut pas au refte fe jfîgurer que cet orage netombaft que fur les peuple , les Nobles, Gentils- îiommesjêc Seigneurs de la plus haute qualité n'en ont pas été exempts y ils ont eu chez eux des logemens cffedtifs de la même ma- nière 5 &: avec les mêmes fureurs que les Bourgeois, ôclesPayfans.

On a ravagé leurs biens > on a pillé leurs maifons 3 on a abbatu leurs Châteaux 5 on a coupé leurs bois, on a enlevé leurs enfans , & leurs perfonnes même ont été ex- pofées à l'infolence , & à la barba- rie des Dragons ne plus ne moins que celles des autres. Onn'a épar- gné ni fexe , ni âge, ni qualité, par tout Pon a trouvé quelque re- fiftence au commandement changer de Religion, on a mis en . ceuvre les mêmes violences.

; 11 y avoit encore de refte quel- . ques Officiers des Parlements qui

ont

Troteftans^e France. 77 ont fubi le même joug5aprez avoir premièrement été deftituez de leurs Offices j Scies Officiers mê- me de guerre qui etoient actuel- lement dans le lervice 5 receurent ordre de quitter leurs portes 3 & leurs quartiers , & de fe rendre in- ceflamment dans leurs maifons pour y eflliyer une pareille tempefte 5 fi pour l'éviter ils ne vouloient fe faire Catholiques. Plufieurs Gentils-hommes , & au- tres perfonnes de qualité 5 & plu- fieurs Dames, d'un âge, 6c d'u- ne naiflTance fort diftinguée V voyant tous ces excez avoientef- péré de trouver quelque retrai tte .dans Paris, ou à la Cour même, ne pouvant pas comprendre que les Dragons les vinîent chercher jufijues fous les yeux du Roy , mais cette efperance ne fut pas moins vaine que toutes les au- tres. Il y eut incontinent un JVrreft du Confeil qui leur fit

D 3 com-

78 Les "Plaintes des^

eommandement de fortir de Pa- ris 5 & de la Cour dans quatre fours 5 & de s'en retourner ince A iSmment chezeux, avecdefFen- cc à toutes perfonnes fous de grofles peines , de les loger ou de les retirer <laits leurs maifons. QgéTques uns ayantj entrepris de ptefenter au Roy même des Pla- €€ts,tent'enàns des plaintes de ces oruelâ tfaiCèmens avec fiipplica- tionàfa Ma^efté d'en vouloir ar- refter le cours, ils n'eurent d'au- tre Reponce que celle de les en- voy-eràla Baftille, depuis ils ont Ibufter t à peu prez les mêmes persécutions. ; iw..

Avant que d'aller plus loin il eft important de faire quelques remarques. La première eft que prefque par toutàlateftede cç;s Légions infernales , outre les Commandans , & les Officiers de guerre, marchoientauffiles In- tendans , & les Eveques chacun

dans

"Protejîans de France. jf dans fon Diocéfe , avec une trou- pe de Miffionaires, de Religieux, & d'Eclefiaftiques.

Les Intendans donnôient les -ordres comme ils le jugeoient à - propos 5 pour prefTer les conver- fions, &: pour reprimer la pitié .:& la commiferation naturelle , ou bien l'équité , fi quelques fois f elle trouvoit place dans le cœur des Dragons , ou dans celuy de leurs Commandans, cequin*ar- .rivoitpasfouvent. Les Miffio- inaires , & les Ecclefiaftiques y {ctoientpour animer de plus en eplus les gens de guerre à une exé- cution fi agréable à TEglife , & fi rglorieufe, difoient-ils, à Dieu, & à fa Majefté. Et pour Noflfei- gneufs les Evêquês ils y etoient pour tenir cable ouverte, pour recevoir les abjurations, &pour avoir une infpeftion générale , &fevere, afin que tout s'y paf- fant conformément aux inten-

D 4 tionsy.

8o Les Plaintes des

tions 5 & aux inclinations du Clergé. La féconde chofe qu'il faut remarquer eft> que quand les Dragons en avoient fait fuccom- ber quelques uns par toutes les horreurs qu'ils pratiquoient, in- continent on changcoit leurs lo- gemens , oc on les envoyoit fur ceux qui perfeveroient encore. Cet ordre s'executoit de cette manière jufqu'à la fin^de forte que les derniers 5 c'eft-a-dire ceux qui avoient témoigné le plus de fer- meté 5 fe trouvoient avoir enfin eux feuls fur les bras tous les Dra- gons qui au commencement avoientétédifperfez fur tous les habitans du lieu , ce qui faifoit un accablement contre lequel il n'é- toit pas poffible de tenir. La troifieme remarque qu'il faut fai- re eft, que prefque dans toutes les villes les plus confiderables , avant que d'y envoyer les troup- gesonavoitpris foin par le Mi~

nifte-

Trotejians de France. ti

niftere deslntendans50u par quel-

qu'autre voy e fourde 5 & fûre 3 de

gaigner un certain nombre de

perfonnes, non feulement pour

* changer eux mêmes de Religion-,

quand il en feroit temps 5 mais

auilî pour aider à en faire changer

les autres. Ainfi lorfque les Dra-^

gons avoient aflez joué leur jeu y

l'Intendant avec PEveque, & le

^Commandant des troupes fai-

ifbient derechef allèmbler cesmi-

férables habitans , déjà ruinez %

^pour les ex or ter à obéir au Roy Se

fe faire Catholiques 3 enyajoû-

:tant les plus terribles menaces

rfont ils pouvoient les intimider ,.

& alors les gagnez ne man-

quoient pas d'exécuter ce qu'ils

avoient promis, ce qu'ils faifoient

avec d'autant plu^ ae fuccéz que

les peuples avoient encore de la

confiance en eux.

Une quatrième remarque eft qiie quand le Maître de la mai-

P 5 foa

^T LesT^iaintesdes

fon penfant fe décharger du loge- mcns des gens de guerre avoit obeiV6ciigfié ce qu'on avoit voulu il n'ea etoit pas quitte pour cela , fi ûjfemme, fes enfans, & jufqu'àu

: moindre de fes domeftiques ne &ifoient k même chofe. Etlorf- qiiefe femme, ou quelqu'un de les eïïfans, ou de {qs Domefti- ques s'ênfuyoit, on Ht ceflbitde

e le tourmenter , juiqu'à ce qu'il leseuft fait revenir, ce qui fou- vent étant impoffible le change- ment de Religion ne luy fervoit de rien , &: ne le tiroitpas de l'a- byfme.Pour un cinquième quand ces nialheureux s'^toient imagi- niez qu'ils pou voient mettre leur coflicienoG àc0uvert ^i fignant quoique foî*m\»laired^abjuration équivoque q^'îMi: leur avoit pre- fente d'abord poUf ks'enilâcer ,. on revenoit à eu^ <jo€Îqiies jours aprei; .^ ^ ils u'^n echapoient point qiî'ilsii'^ii'euflènt figné un

aur

Trotefians de France, 8^ i autre > où] l*on les engageoit à^ route outrance , & ce qu'il y avoit encore de plus impudent, c'efl: qu^on leur faifoit reconnoîtrc

âu'ils embraflbient la Religion .omaine de leur plein gré 5 & fans y aovir été ni induits, ni vio- lentez. Si après cela ilsfaifoient difficulté d'aller à la Meflè , s'ils necommunioientpas, s'ils n'af- fiftoientpasaux Proceflîons , s'ils ne fe confeflbiént pas , s'ils ne di- ^oientpas leur Chapelet, fi par un foûpir échappé ils temoi-

' gnoientde la contrainte, on les chargeoit d'amendes pécuniaires^ .

-ifeles logemensreconiBiençoienr,

uEnfin pour une fixiéme remarques.

^'%. mefure que les troupes rava- geoient de cette forte les Pro- vinxuss , & qu'elles répandoient

v.partoutladefolation, & la fra- yeur, on avoit envoyé des ordres h feveres , ôtfî exprès dans toutes les côtes, dans tous les ports, 6c

D6 lui:

&4 Les 'Tlaintes des

llir toutes les Frontières 5 pourfe faifir des paflages ,& pour arrefter tous ceux qui pretendroicnt Ibr- tir de France>qu'il n'y avoit pref- que plus aucune efperance de pouvoir fe fauver par la fuite. Nul n'avoit liberté de paiîèr s'il neportoitune atteftationde fon Eveque , ou de fbn Curé qui por-^ taft qu'il étoit Catholique. T. Les autres etoient mis en pri-^ fon r & traittez en criminels a E,- tat. De congé onn'ea donnoit abfoîument aucun. On faifoit dQS vilites exa£tes dans les vaif- féaux étrangers, on gardoit les côtes, les ponts, les paflages des rivières, & les grands chemins^ les nuits n'etoient pas plus favo- rables que les joiu-s , 6c à cet égard la perfecution alloitfi loin qu'on voulut obliger quelques Etats voifins à ne plus recevoir de Re- fugie^, & à renvoyer ceux qu'ils ayoientdéjareceus. On entre-^

pritr

Vrotejlans de France. 8 f prit même d'en enlever quel- ques uns dans les Pays étran- gers.

Pendant que tout cela rcpai^CaHi- foitdansle Royaume, on medi-fî^^."^^ toit à la Cour de frapper le der- de Nanï^ nier coup 5 quiconfiflroit à don- ^"• ner un Edit revocatif de celuy de Nantes. On fut quelque temps à confulter y tant fur la matière que fur la forme de ce nouvel E- dit. Les uns vouloient que le Roy retint tous les Minidres^ &: qu'il les forçaft comme les laiV ques à changer de Religion , qu'il les condamnaft à une prifon perpétuelle. Ils alléguoient pour railon que s'il ne le faifoit , ce feroit autant d'ennemis ardails qu'il auroit contre luydans les Nations étrangères.

Les autres au contraire foute- npient que tant que les Miniftres feroient en France ils afFermi- roient toujours les peuples dans

D 7 leur

S6 Les'Tlaintesdes

leur Religion quelque précau- tion qu'on prit pour les empê- cher 5 & que quand même ils ehangeroient, ce feroit autant d'adverfaires couverts que l'Egli- fe Romaine nourriroit dans fon fein 5 & qui feroient d'autant plus dangereux qu'ils etoient habiles > ^ftilezdans lesmatieres contro- verfées. Ce dernier parti l'em^- porta, 6c on refolut debanir les Miniftres , & de ne leur donner que quinze jours à vu ider le Ro- yaume. Pour lerêfte, l'Editfut mis ^ntre les mains du- Procureur General du Parlement de Paris, afin qu'il leretouchaft & qu'il lui liïydonnaft la forme qu'il juge- roit la plus convenable. Mais avantque de k publier on jugea, qu'il étoit neeeflaire de faire deux chofes y i'iine d'obliger l'aflem- bléedùClergë en fe réparant de prefenter au Roy la Requête dont nous avons déjà parlé y dans

Vroîejians de France, g/ laquelle ils difoient àfaMajefté qu'ils ne luy demandoient pas pour le prêtent la revocation de î'Edit de Nantes, & l'autre de faire une fuppreffion générale de tous les livres de la Religion, & de faire donner un Arreft pour cela. Parla première de ces cho- fes le Clergé pretendoitfe mettre à couvert des reproches qu'on pourroitluy faire d'avoir été les Auteurs de tant de malheurs , d'injuftices , ôcd'oppreflîous que cette revocation ailoit encore caufer, & par l'autre ils preten- doient rendre beaucoup plus fa- ciles les converlions , comme ils parloient , qui reftoient enco- re à faire, 5t affermir celles qui etoient déjà faites, en étant des mains du peuple tous les livres qui pouvoient les inflruire^les Jrorrifier , oulesrekver.

Enfin cet Edit revocatif de ce- luy de Nantes fut publié au Sceau;

le

88 Les^laintesde

lejeudy i8.0£tobre idSjTjlaCour étant à Fontainebleau. On dit que Monfieur le Tellier alors Chancelier de France témoigna en le Séelantunejoye extrême, mais cette joye ne dura pas long temps 5 car ce fut laderniere fois qu'il tint le Sceau. Des qu'il fut de retour chez luy il s'allitta, & aprez quelques jours de maladie il mourût, laiflànt , tant aux Rcr? formeZ) qu'aux autres, une matiè- re à longues reflexions fur le fort desPerfecuteurs, entre lef- quels fa politique plustoft que Ion inclination l'avoit jette dans {q,s dernières années.

L'Edit fut regîtré auParîement de Paris dans la Chambre des Va^: cations contre toutes les formes.^ le Lundy fuivant 22 du même mois 5 & il le fut incefîamment: dans tous les autres Parle* mens.

Il contient une Preface^Sc dou,* zearticles. Dans

Trotejlansde France. 89 Dans la Préface leRoyexpofe que Henry le Grand fon Ayeul n'avoir donné TEdit de Nantes , & que Louis treizième fon Père ne Ta voit confirmé par fon autre Edit de Nimes , que dans îa veuë de travailler plus efficacement à la réunion de leurs Sujets de la Religion Prétendue Reformée à TEglife Catholique, & que c'e- toitauffiledeilein qu'il avoit eu luy même dés fon avènement à la Couronne , qu'il en avoit été empêché par les guerres qu'il avoit eu à foutenir contre les en- nemis de fon Etat. Mais qu'à pre- fen t ayant fait la Trêve avec tous ks Princes de l'Europe , il s'etoit entièrement appliqué à travailler avec fuccez à cette réunion. Que Dieu luy ayant fait la grâce d'y reiiffir, puifque la meilleure 5 & la plus grande partie de ïç^s Sujets de la dite Religion avoient em- braflé la Catholique , ces Edits

de

po Les^ldintesdès

de Nantes, &deNimes, & les autrez donnez en confequence demeuroient entièrement mwxx- les. Par le premier Article il les fupprime, &revocquçdans tou- te leur étendue , & il ordonne que tous les Temples qui retrou- veront encore dans fon Royau- me Pays> Terres, & Seigneuries de fon obeiflànce , feront incef- famment démolis. Par le fécond il défend toute forte d'àflèmblées peur l'exercice de la dite Reli- gion Ibus prétexte d'Ëercices réels, oudeBailliag€. Letroi- liême défend auflî l'exercice à tous Seigneurs de quelque con- dition qu'ils foient ibus peine de eonfifeation de corps, & de biens. Le quatrième bannit de fon Royaume , & Terres de fon obeiflànce tous les Miniftres , & leur enjôient d'en fortir dans quinze jours aprez la publication de cet Edit à peine des Galères.

Dans

Trotejîans de France, 9 1 ^Dans les cinquième, & fixieme , il promet des recompenfes , &: à.^s avantages aux Miniftres qui ^voudront fe convertir , & à leurs veuves. Dans les feptiéme, ^& huitième il defFend l'inftru- Êbiôn des enfans dans la Religion Prétendue Reformée, & il or- ^^donne'que ceux qui naitront à Pa- rvenir feront batife^ , & élevez Mans la Religion Catholique , ^yenjoignant aux Pères, & Mères de les envoyer aux Eglifes à pei- gne de cinq cens livres d'amende. Le Neufieme porte un délai de >quatre mois pour ceux qui font déjà fortis du Royaume , afin d'y revenir , paflë lequel temps leurs biens feront confifquez.

Le dixième fait defences ité- ratives à tous îts Sujets de ladi- te Religion de fortir hors du Ro- yaume , eux , leurs femmes , & leurs enfans , & d'y tranfporter leurs Effets? fous peine des Ga- lères

92 L^s Plaintes des ^

- leres pour les hommes, &: de cou- fifcation des corps , & de biens pour les femmes. Le onzième confirme les Déclarations cy-de- vant données contre les Relaps. Le douzième déclare que pour k^ autres fujets de ladite Reli- gion 5 ils pourront, en attendant que Dieu les éclaire, demeurer dans les Villes de fon Royaume, , Pays, &: Terres de Ion obeïnance , y continuer leur commerce, &y jouir de leurs biens, fans pouvoir . être troublez ni empêchez , fous prétexte de ladite Religion , à condition de ne point faire d'ex- ercice, nid'afremblées,fouspre-' texte de prière, ou de culte de quelque nature qu'il foit. Suites de En exécution de cet Edit, &lc dJli de j^^^ même qu'il fut regîtré, &: pu- ru-dit de bliéàPâris , on commença la ae- Nantes, molitioudu Temple de Charan- ton. On fit commandement au' plu» ancien des Miniftres de for- tir

Troteftans de France. 93 tir de Paris dans vingt-quatre heures 5 6c de fe retirer du Royau- me incelîiment. Pour cet effet on ]e mit entre les mains d'un Valet de pied du Roy, avec ordre de ne le pas quitter qu'il ne fufthors des frontières. Ses Collègues tic furent guère mieux traittez que luy 5 on leur donna deux fois vingt-quatre heures pour fortic de Paris 5 & pour le refte on lei laifla fur leur bonne foy. Les au-" très Miniftrès jouirent de leurs quinze jours 5 mais il ne fepeut dire à combien de vexations, & de cruautez ils fe trouvèrent ex- pofez. Premièrement on ne leur permit ni de difpofer de leurs biens ni d'emporter aucuns de leurs meubles, & de leurs effets. On leur contefta même leurs li- vres, 8c les papiers de leur Cabi- net 5 fous prétexte 5 difoit-on, qu'ils dévoient juftifier que ces li- vres , & ces papiers n'avoient

pas

p^ LesTlainUsdes

pas appartenu aux Confiftoircs qu'ils âvoient fervis , ce qui etoit les renvoyer à rimpoflîble puis qu'il n'y avait plus de Confia, ftoires fur pied. D'ailleurs on ne leur voulut accorder , ni Père, ni> Mère , ni Frère , ni Sœur , ni aucun de leurs parens quoy qu'il s'en trouvaft plufieurs ainibecil-4 » lèsV de caducs, de pauvres, qui ne pouvoientfuMfterque par leupl fecours. On alk jufqu'à leur re-o fufer ceux de leurs propres eim fans qui étoient del'agede fept?^ ans, &:audeflùs, on leur en ota mêmes qui etoient au deflbus del feptans, êcquipendoient enco^i reaux mamelles de leurs Mères. ? On leur refufa dosNourrices pour les enfans nouveaux nez que les Mères ne pouvoi-entnourir.

En quelques lieux des frontiè- res, onlesarrefta, & on les em--^ prifonna fous divers prétextes ridicules , tantoft qu il falloit

qu'ils

^rotejians de France, p ^ qu'ils prouvaflènt qu'ils etoicnt effectivement les mêmes perfôn- nes que partoient leurs Certi- ficats 5 tiaatôft qu'il falloit fà- voir s'il n'y avoir point contre eux de procès criminels, ou d'in- formations 5 tantoft qu'il falloit juftifîer qu'ils n'emportoientrien de ce qui avoit appartenu à leurs troupeaux. Quelques fois aprez les avoir ainfi retenus, ôcamufez on leur venoit dire que les quin* ze jours de l'Edit etoit expirez , & qu'ils n'etoient plus en liberté de fe retirer 3 mais qu'il falloit al- ler aux Galleres. Il n'y a forte de chicanne , ni d'iûiquité dont on ne s'avifaft pour les mole- fter.

Pour les autres que la force de la perfecution contraignoit de quitter kurs maifons ;, & leurs biens 5 & de s'çnfuir du Royau- nie 5 ^^ ae iauroit Gon<:evoir à combien de périls ils s'expo- ' foient.

96 Les^laintesdes

foient. Jamais il n'y eut d'ordres plus feveres , & plus exafts que ceux qui furent donnez contre cux.On renouvella les Gardes des ports 5 des villes, des grands che- mins, des paflages de rivières, on couvrit la campagne de gens de guerre, on arma même les Paï- fans pour arreiler ceux qui paflè- roient, ou pour leur courre fus. On defiendit à tous les Bureaux âiÇ.s Douanes de laifler paffèr les liardes , les meubles , les mar- chandifes , &: autres effets. En un mot on n'oublia rien de tout ce qui pou voit empêcher la fuitte des Perfecutez,jufqu'à interrom- pre prefque tout commerce avec les pays Voifins. Par ce moyen ils remplirent bientoft toutes les prifonsdu Royaume, car la fra- yeur des Dragons , l'horreur de te voir forcer en fa confcience, celle de voir enlever fes enfans, &: celle d'avoir à vivre déformais

dans

Trotejlans de France. c^f dans une terre il n'y aiiroit plus poureuxnijiifticeni huma- nité obligêoit tout le Monde à ibnger à la retraite, & à tout a- bandonner pour fauver leurs per^ fonnes. Tous ces pauvres prifon- niers, ont été depuis traitez avec des rigeurs inouïes5enfoncésdans des cachots , chargez de groflès chaines, réduits à la faim , privez de tout commerce hors celuy de leurs Perfecuteurs. Plufieurs ont été jettez dans des Convents , ils n'ont pas efîiiyé de moindres cruautez. Il y en a eu d'afTez heu- reux pout mourir au milieu des tourmentS5d*autres, ont enfin fuc- combé fous le poids de la tenta- tion, 6c quelques autres par un fe* cours extraordinaire de la grâce de Dieu la foutiennent encore a- vecun courage héroïque.

Telles ont été à cet égard les

fuites de ce nouvel Edit.Mais qui

n'euft crû qu'aumoins l'Article

-' V E dou-

5)8 L^s Plaintes des

douzième devoir mettre à cou- vert le refte des Reformez qui voudroient bien encore demeu- rer dans le Royaume , puifque cet Article les aijure formelle- ment qu'ils y pourront demeurer, y continuer leur commerce , & y jouir de leurs biens 5 fans être troublez , ni empêchez fous pré- texte de leur Religion. Cepenr dantvoicycequ'onafait depuis^ & ce qu'on fait encore de ces pau- vres malheureux. On n'a point retiré des Provinces les Dragons, Vautres gens de guerre qu'on y a voit envoyez avant l'Edit , au contraire ils y exercent encore aujourdhuy avec plus de fureur les mêmes ^^c^x ^ & les mêmes in- humanitez que nous avons cy- deflus reprefentées. Outre cela on a couvert les Provinces qui n'en avoicnt pas encore eu , com- iïi€ la Noj-xoandie , la Picardie, h Champagne , le Berri , J e Ni-

ver-

^rotejlans de France, 95 vernois, l'Orleanois, leBlefois, & l'Iile de France , ils y exercent les niémes violences , & y de- ployent les mêmes fureurs que dans les autres Provinces. Paris même il fembloit que cet Arti- cle de TEdit devoit être mieux obfervé , puifqu'on y vit fous les yeux du Ray 3 & prefque imme- aiat émeut fous le Gouvernement de la Cour , Paris dis-je n'a pas été plus ménagé que le refte du Royaume. Le jour même de la publication de l'Edit 5 fans pren- dre de plus long délai , Monfîeur le Procureur General 5 & quel- ques autres Magiftrats commien- cerent a envoyer des Billets aux chefs de familles, pour les faire venir dans leurs hôtels. ils leur declurerent que l'intention du Roy étoit abfolument qu'ils chajageafîènt de Religion , qu'ils n'étJoi'e»t pas de meilleure condi- tion que fesau très fuj ets 5 & que

E 2 s'ils

loo Les plaintes des

s'ils ne le faifoient de gré le Roy fe ferviroit des moyens qu'il a- voit en main pour les y contrain- dre. En même temps on relégua par des lettres de cachet ceux des Anciens du Confiftoire, & quel- ques autres^n qui l'on trouva plus de fermeté 5 & pour les difperfer on choifit les lieux les plus écar- tez du commerce, Ton n'a pas laifle depuis de les traiter avec beaucoup de cruauté. Les uns ont ployé j & les autres font encore dans les foufFrances.

Les foins du Procureur Gene- ral , & des Magiftrats ne reùffif- fant pas tout à fait comme ils defi- foient, quoique les menaceS)& les epouvantements n'y fuflent pas épargnez, Mr. de Seignelay Se- crétaire d'Etat lequel a Paris dans fon département, voulut auflî s*en mêler. Pour cet ejffet ilfitaflem- bler dans fon Hôtel environ cent, ou fix vingts Marchands & autres,

&

^roîeftans de France. i o i & aprez en avoir fait fermer le^ portesjil leur prefenta d'abord un Ade d'abjuration 5 & leur ordon- na de la part du Roy de le iîgner fur le champ, leur déclarant qu'ils ne fortiroient point qu'aprez a- voirobeï. Cet Acte portoit non feulement qu'ils renonçoient aux Herefies de Calvin , oc qu'ils fe ^rangeoient à l'EglizeCatholique^ mais encore qu'ils le faifoient de leur bon gré, &: fans y être forcez ni contraints. Cela fe paflbit le bâton haut , & avec un grand'air d'autorité , il y en eut pourtant quelques uns qui oferent ouvrir la bouche , mais on leur répliqua fièrement qu'il ne s'agiflbït point de contefter , & qu'il falloit obéir, de forte qu'avant que de fortir toutfigna. A ces voyes on ena- jouta d'autres plus terribles , qui furent les prifons, la faifie réelle des Effets, & des papiers , l'enlè- vement des enfans, la feparatiort

E j des^

ICI JLesTlaintesdes

des maris , & des femmes , &: enfin Je grand moyen , c'eft- à-dire les gens de guerre 5 & les garnifons. On enroya à la Baftille , & au For4'Eveque les plus fermes 5 en' qui Ton trouvoit plus de refiftaa- ce, on fit féclex dans Iciirs mai- fons 5 & dans celles de ceux qui s'étoient cachez qu'on n:e pou- iroit pas découvrir , on fit fourra- ger celles de plufieurs autres > & on s'tn prit à leurs perfonnes ne plus ne moins qu'on avait fait ail- leurs. Ainfi cet Article douzième de PEdit qui promettoit quelque adoucifïèment , & quelqu'ombre de liberté, n'a été qu'une inligne fourberie pour amufcr les plus crédules , & pour les empêcher de fonger à fe retirer , un piege pour les attraper avec plus de facilité. La fureur a eu toujours fon cours , & elle s'eft échauffée à un tel de- gré que ne fe contentant pas des defolations du Royaume, elle a pafle jufques dans Orange Princi- pauté

^roteftans de France, 105 pauté Souveraine ^ le Roy n'a^ de droit , aucun pouvoir. Il en à fait enlever les Miniftres 5 qu'il a traduits dans fes prifons. Il y a envoyé fes Dragons qui y ont commis toute forte de mechancé- tez> & qui de vive force en ont contraint les habitantsvtant hom- mes que femmes 5 & enfans , & les Officiers même du Prinee à changer de Religion

Voila l'état Tannée dernière •rdSf en finiflant à laifle les cho- fes, &c'eft-là Paccônlplifrement la menace que le Clergé nous fit, il-y-a trois ans fur la fin de fa Prétendue Lettre Paftorale , Vous 'devez vou^ attendre à des mal- 'heurs incomparablement plus épou- vantables &plusfunejies que tous ceux que vous ont attirez juf qu'à frefent vojire révolte , S' voftre fchifme. Ils s'en font aflez bien acquittez. Il-y-a encore dans le Royaume quelques reftes qui

E 4 tien-

Ï04 Les ^Plaintes des

tiennent bon> ôcTon y continue à leur égard les mêmes perfecu- tions. On en invente tous les jours de nouvelles contre ceux la même que la force à fait changer , parce qu'on voit bien qu'ils ge- mifîent 5 &: qu'ils foùpirent fous la dure fervitude ils fe trouvent, & que leur cœur detefte ce que leur bouche a proféré, ou que leur main a figné. Pour les Réchappez qui ne font pas en fi petit nom- bre dans les païs voifins , qu'ils n'aillent déjà au delà de cent cinquante mille perfonnes, on ne tes traite pas avec plus de ména- gement 5 puis qu'on confifque leurs biens 3 qui eft aparemment tout le mal qu'on leur peut faire quantàprefent. Je dis quant à prefent, car il ne faut pas douter que les Perfecuteurs ne fongent à poufîer ces affaires- ci plus loin. Mais il faut efperer de la bonté de Dieu que quelque intention qu'ils

ayent

TroUjians de France. lo f ayent d'anéantir la Religion Pro- teftante en tous lieux v il ne per-^ mettra pas qu'ils reuflîffent dans cedeflèin. On ouvrira enfin les yeux, & ceci-méme qu*ils vien- nent d'exécuter avec tant de hau-- teur, & de barbarie fera connoîtrc non feulement aux Proteftans ,; mais aulîi aux Catholiques fages 5' équitables , & eirconfpe£ts 5 ce qu'ils doivent attendre, les uns,6c les autres , de telles gens. " En effet fi l'on veut fe donner R^flcxi- la peine de raire renexion lur les toutes faits, que nous venons de rappor- c^scm^ ^ ter, & qui font conftans 5 & pu- fecu-^^*^" blics 5 on n'y verra pas feulement tions.. les Proteftans opprimez , mais on ' y verra la dignité du Roy profa- née, fon Etat ofFencé , tous les Princes de l'Univers interefîèz, & le Pape même avec fon Eglizc &fon Clergé honteufement difr famez. .

Car pour comencer par le Roi lui re Re-

E 5 me- flexion.^

io6 Les Plaintes des même 5 que pouvoit-on faire de plus injurieux à fa dignité, (jue de luy perfuader qu'il pouvoit, de droit 5 àc en bonne confcience, violer par mille contraventions, & enfin cafTer , & révoquer un E- dit auflî folemnel , &: auffi invio- lable que celuy de Nantes ? Cet Edit qui fut donné par Henri le Grand Pan If 98 à quatre carafte- res inconteftables , qui fe jufti- lient par le texte même. 1 Celuy d'être une promefle Royale , éc Souveraine, qu'il donne, non Amplement pour luy , & pour le temps de fon Règne, mais auiE pour tous ks defcendans , & fuc- Geilèurs à perpétuité. 2 Celuy d'être un Arreft autenti que, défi- nitif, & irrévocable , prononcé par le Souverain Magiftrat, pour iervir à jamais de Règlement, & de Loy , entre deux partis oppo- fez, les Catholiques, & ceux de la Religion, aprez les avoir deuë-

xnent,

Trotejtans de France. i oy ment , & fuffifamment entendus. 3 Celuy d'être un Traitté accep- té 5 convenu^ Sz confenti par tout l'Etat, en cette qualité de Loy, & de Règlement perpétuel. 4 Ce- luy d'avoir été rendu Sacré , Se comme divin par le ferment réci- proque de tout le Royaume.

Je dis que ces quatre Carafté-- res font inconteftables , Se qu'ils fe juftifient par le texte même de TEdit. Le premier paroiftmani-^ feftement dans la Préface, le Roy aprez avoir exorté ks Su- jets a bien comprendre qu'en Vob- fervation de cette Loy confïjle le principarfondement de leur union y. & concorde , tranquitité & reposer. & du rétablijjement de l^Etat en fa première fplendeur yOj)ulence y ô* dignité 3 il aj ou te ^ Comme de notre part flous promettons de la faire exaiîement obferver yfansfouffrir qu'il y f oit aucunement contrevC" nu. Enfuite de quoy , pourmon-

E 6 trer

loS LesTlainte-sdes trer qu'il entendoit que fa pror mefleengageaftfesdefcendans & fuccefleurs, il déclare qu'il la don- né comme xxnEd'tt perpétuel^ & ir- revocable. Et aprez en avoir ex- pofé les Articles , il le conclut en ces termes déclarons par exprez que nous voulons que cetui notre^ Editf oit ferme 3 & inviolable ^gar^ déi &obfervétantpar nos JuJU- ciers^ QJpciers qu'autres Sujets , fans s'arrefter ni avoir aucun égard à tout ce qui pourroit être contr air Cy eu dérogeant à iceluy,

Aufli Louis 13.1e r egar da-t-il des fon avènement à la Couronne comme une loy à robfervation de la quelle il fe trouvoit engagé, reconnoiflant par fa Déclaration que c'étoit un Edit perpétuel, &, irrévocable , & qui n'avoitpas be- foin détre confirmé. Le Roi à pre- fent régnant en avoit fait de mê- rne en diverfes occafions. C'eft donc une prQnieflcjOu une parole.

Koya-

Troteftans de France. lo^ Royale de Henri le Grand , non fimplenient pour luyjmais encore pour fa pofterité , d'où il s'enfuit que c'eft une condition annexée à fon héritage , & à fa Couronne, & qui ne peut s'en feparer.

Le fécond cara£tére n*efl: pas moins certain 5 ni moins évident que le premier. II paroift par la Préface de l'Edit, le Roi dé- clare qu'il ne donne cette Loy qu'après avoir d'un coté repris les Cay^ers des plaintes defesSujetsCa- îholiques^ ôc avoir de l'autre /^^r- mis àfesfiijets de la Religion ^re^ iiendue Reformée de s^ajfembler par fDeputez-i pour drej[er les leurs , ^ mettre enfemble toutes leur Re- montrances , ^fur ce fait conférer avec eux par diverfes fois. Ajou- tant, qu'ilavoitjugénecejfairede donner maintenant fur le tout à tausfes dits Sujets une Loy gêné- raie claire^ nettCy (^ abfoluëpar la^ qulelle ils foient réglez fur tous^

E 7 les

1 1 o Les Tlaintes dès

lesdiferens qui et oient cy -devant fur ce fur venus entre eux y & qui y pour r oient encore fur venir cy- aprez, C'eft donc un Jugement rendu parties ouïes 5 ScunReg/e- ment tant pour compofer les dif- ferens palTez 5 que pour terminer ceux qui pourroient arriver à l'a- venir, 6c parconfequentc'eftun Edit perpétuel & irrévocable ^ comme il le qualifie luy même,^^ non en titre feulement , & par une manière de s'exprimer ordi- naire aux Roys 5 mais réelement, . &: par la nature de la chofe même. Auflî déclare- t-il qu'il le donne , Aprez avoir^avec l'avis des T rin- ces de fon fang ^ autres Trinces y. à* Officiers de la Couronne , & au- tres grands , & notablèsperfonna- ges de fon Confeil d'Etat etans prez de luy , bien & diligemment pezéy & conjîderê toute cette af- faire.

Pour le troifiéme caraftere on

n'en

^rotejt ans de France. m n'en fauroit demander de meil- leure preuve que remegître- mentquifutfaitdecetEdit dans toutes les Cours de Parlement du: Royaume , dans les Chambres des Comptes 5 dans les Cours des Aides 5 dans les Bailliages , Sene- chaufTées , Prévotez , & autres jurifdiftions , félon qu'il etoit porté par le dernier Article. Le Parlement de Paris, & celuy de Touloufe, y firent d'abord quel- que difficulté 5 mais ces difficul- tez n'eurent nulle fuite, & il n'y eut aucune oppofition ni de la part duClergé, ni de la part du corps des Catholiques.

L'exécution au contraire s'en fit avec un plein, & entier con- fentement de tout l'Etat , comme le reconnoît ce Bernard Confeil- 1er de Béfiers dont nous avons parlé cy-defliis dans fon Explica- tion de l'Edit de Nantes, Aprez lapublîcation de cet Edit^ dit-il,

h

1 1^ Les Tlainfes des le Roy envoya des Commiffaires dans les "Provinces de fon Royau- me pour Texecuter^ & pour réta* blir fa Religion par tout elle a-^ "voit cejfé. Mais nous ne voyons pas^ par les procès verbaux de ces Corn- mifjaires qu'ils ayent rien fait de confidérable ^ ni qu'il y ait eu des conteflations formées par devant eux pour raifon des Exercices <i ér des autres chofes importantes , foit qu'ils l' ayent fait de la forte pour ne pas renouveller les dtjferens qui venoienîd être terminez 'i & pour ne pas rallumer la chaleur qui et oit appaifee^ foit que l'exercice delà ReligionCatholique ayant été em- pêché durant long temps en plu- fîeuTS lieux ils fef oient contentes^ de le rétablir par tout.

Pour ce qui regarde le quatriè- me caractère, il ne faut que lire l'Article pi, le Roy ordonne en propres tctmcs-iSue l'obferva^ t ion de fon Edit fer a jurée par tous

tes.

Troteffans de France. 1 1 3 les Gouverneurs y àt Lieutenants Généraux des Provinces , far les Baillifsy Sénéchaux y & autres Ju- ges ordinaires ^ parles Maires -iE" chevins.X^apitoulsy ConfulS'yir Ju- rât s dessilles-, annuels y <Ùr perpé- tuels-i par les principaux habitans des Ville Sy tant de l'une que de l'au- tre Religion y & enfin par les Cours de Varlementypar les Chambres des Comtes. & par les Cours des Aides, Ce qui fut ponftuellement exé- cuté.

Unfeuldeces caraftéres quand il feroit feparé des autres, fuffiroit pour mette TEdit au defliis du ca- price 5 & de la mobilité du bon plaifir. Car qui doute qu'un Roy ne foit obligé à garder fa parole 5 & fa foy j & la foy de ces Prede^ cefTeursj lors qu'elle eft devenue une condition inféparablement attachée à la Succeiîîon,. comme elle l'eft fans doute fi elle a été donnée fous la qualité de pro- mefTe autentique , perpétuelle ,

&

i 14 Les Plaintes des

& irrévocable: Il ne ferviroit de rien de dire qu'un Roy ne peut s'obliger envers fes Sujets 5 &:que cela refifte à fa Souveraineté. Car fans entrer dans la difcuilîon de ce principe qui nous meneroit trop loin 5 nous voulions l'exa- miner avec application^je dis que il les promefles autentiqués des Roys ne les obligent pas envers leurs Sujets , elles les obligent au moins envers eux mêmes. \J)x Roy n'eft pas de meilleure condi- tion que Dieu, Or quoy que Dieu- foit infiniment élevé au defius de fa Creature^tous les Théologiens conviennent neantmoins que promeiTe l'engage tellement en- vers luy même , qu'elle efl invio- lable, à caufe de quoy l'Ecriture nous parle fi fouvent de ^ifidelité^ &defa vérité dans l'accompliiTe- mens des claufes de fon alliance avec nous. Qui doute qu'un Roy nefoitobligéàobferverj & à fai- re

Trotejlans de France. 1 1 f re obferver inviolablement ce quelajufticeluy afait ftatuer en- tre ks Sujets pour régler leurs différens par la voye de la raifon r & pour les garentir les uns les au- tres d'une mutuelle oppreffion ? Combien plus le doit- il lorfque fes Sujets de part 5 ^d autre, en font tombez d'accord, & que la Loy qu'il a faite entre eux eft de- venue une foy publique de tout fon Etat ? Et combien plus enco- re lors-que cette alliance, ou ce traitté a été juré reciproquement>- & autentiquement par tout un Royaume , & que par ce moyen on en a rendu Dieu luy même le Depofitaire, & le vangeur . Com- ment donc fe peut-il que ces mau- vais Confeillers ayent taché de perfuader au Roy qu'il devoit franchir toutes ces barrières de lajuftice, delà fidélité, & de la confcience . & que fans avoir égard ni à Dieu, nia l'Etat, m à

luy-

116 LesTlaintesdes luymême, il ne devoit tirer les mefures de cette affaire que delà feule force qu'il avoit en main ?

Pour couvrir en quelque ma- nière la violence dece procédé ils iuy font dire dans ce nouvel Edit, Que la meilleure, 5c la plus gran- de partie de ks Sujets de la Reli- gion Prétendue Reformée ont cmbrafTé la Catholique , & qu'au moyen de ce , Texecution de TE- dit de Nantes & de tout ce qui a été ordonné en faveur de ladite Religion demeure inutile. Mais n'eft-cepas une illufion indigne de fa Majeifté , puifque fi ccttcf meilleure, & plus grande pai> tie de ks fujets de la Religion, ont embraffé la Catholique , ils ne l'ont fait que par la force de fes armes , & par la cruelle , & furieufe oppreilîon que fes pro- pres troupes leur ont faite? Peut-être pourroit - on parler ainfi fi fes Sujets avoient chan-

ge

Troteftans de France, 117 de Religion de leur bon gré , quoy qu*encore en ce cas les droits de TEdit fubfifteroient pour ceux qui reftent. Mais aprez les avoir contraints à changer par ks horribles inhumanitez defes Dragons 5 aprez leur avoir ravi la liberté que TEdit leur don- noit , dire froidement qu'il ne rovoque VEdit que parce qu'il de- meure inutile , c'eft une raille- rie qui n'a point de proportion avec la dignité d'un fi grand Roy. Car c'eft autant que s'il difoit qu'à la vérité il etoit obligé de conferver à it^ Sujets de la Re- ligion tous les droits qui leur appartenoient , mais que les ayant luy même détruits , & con- fumez par une force majeure , il fe fent à prefent bien & légiti- mement dégagé de cette obliga- tion. A peu prez comme fi un Père qui auroit égorgé luy mê- me de ï^% mains i^^ propres

en-

1 1 8 Les Tlaintes des

enfans, feglorifioit d'être quitte déformais du foin de les nourrir, ôc de les défendre. Eft-ce ainfi que les Roys ont accoutume de parler dans leurs Edits ?

Ce qu'ils luy font encore dire que Henri le Grand fon Ay eul de glorieufe mémoire , n'avoit don- né TEdit de Nantes à ceux de la Religion Prétendue Reformée qu'afin d'être plus en état de tra- vailler à les réunir à FEglize Ro- maine , que Louis XIII auiTi fon Père de glorieufe mémoire avoit eu le même deffein quand il don- na PEdit de Nimes > & que luy même y ètoit entré dès fon avène- ment à la Couronne , n'eft pas d'une meilleure trempa. Suppo- fons 5 puis-qu'ils le veulent , la vérité de ce difcours, & prenons le Simplement , & à la lettre, dans le fens qu*ils nous le donnent, qu'eft-ce que nous en pourrons concluî:e que les propofitions fui- van-

Trotejîans de France. ï 1 9 vantes ? Que Henri le Grand & Louïs XIII n'ont donné leurs E- dit^ à nos Pères que pour les tromper , & dans la veuë de les ruiner en fuite avec plus de faci- lité à la faveur de cette trompe- rie. Que n'ayant pu pourtant les ruiner à caulé de leurs autres oc- cupations, ils ont confié cet im- portant fecret au Roy d'aujour- dhuy, afin qu'il Texecutaft quand il en trouveroit l'occafion. Que le Roy d'aujourdhuy étant entré dans cette penfée dés qu'il fut ap- pelle à la Couronne, il n'a con- firmé les Edits 5 ni donné fes Dé- clarations 3 de 16435 & de lôfi, avec beaucoup d'autres DiJpofi- tiovis 5 & Arrêts avantageux aux Reformez que pour les abufer plus finement , & pour leur ten- dre des pièges, ou fi vous voulez pour les Couronner comme on couronne les viftimes lors-qu'on les a deftinées au facrifice. Que

tout

Ï20 Les^laïntesàes tout ce qui s'eft fait contre eiBx depuis la Paix des Pirenées juf- qu'àprefent, félon l'Abrégé que nous venons d'en faire, n'a été que l'exécution d'un projet , mais d'un projet beaucoup plus an* cien que nous ne nous Tétions imaginé , puis-qu'il le faut pren- dre des l'Edit de Nantes même , & remonter jufqu à Henri le Grand. Enfin que ce qui avoit été jufqu'a préfent un grand, & profond myftere , ne l'eft plus maintenant , puifque le Roy par ce nouvel Edit en veut faire toute la terre participante , afin gu'on l'en félicite.

Ne faut-il pas avouer que fi les ennemis de la France avoient en- trepris de décrier la conduite de fesRoys,&deles rendre odieux à tout l'Univers, ils n'y pour- roient pas mieux reùllîr .^ Henri le Grand donne aux Reformez fon Edit j avec tout l'appareil que

nous

Trotejians de France. iii nousavonsvû, il le leur donne comme une recompenfe de leurs fervices , il leur en promet folen- nellement robfervation 5 pour une plus grande confiance il-y fait intervenir la foy de PEtatjil ne fe contente pas de cela, il y appelle la Religion du ferment^ il Texecute le plus favorablement pour eux qu'il luy étoit polîî- ble , il les en fait paifiblement jouïr jufqu'à fa fin. Mais tout cela n'eft qu'un leurre pour les attraper, & pour les faire Dra- gonner quand le temps en fe- ra venu 5 & par ce qu'étant furpris par la mort il ne le put faire , il en laifîè la corn- miifion à Louis XIV. fon fils. Louis XliL monté fur le trône fait d'abord fa Déclaration qu'il reconnoift l'Edit de Nantes comme perpétuel , & irrévoca- ble^ n'ayant pas befoin d'être confir- méj &c qu'il le veut religieufement

F obfer-

122 Les Plaintes des

obferver dans tous fes points. 11 envoyé des Commiflàires par tout fon Royaume pour ache- ver de le mettre en exécution. Quand il prend les armes, ilpro- tefte qu'il n'en veut point à la Re- ligion, &cneffetillalaiflè en la pleine liberté dans les villes mê- me qu'il prend d'aiîàut, il donne fonEditde Nimes comme TEdit d'un Roy triomphant, &; neant- moins il y déclare qu'il entend que celuy de Nantes foit entière- ment gardé , & il le fait garder jufqu'à fa mort. Mais tout cela n'a pour but que de les endormir, êc d'attendre une occafion favora-; ble pour les dévorer.

Louis 1 4. à fon avènement à la Couronne confirme TEdit , & déclare qu'il maintiendrais Ré^ formez dans tous leurs privilç^ ges , il témoigne en fuite par une autre decla^-ation la fatisfa£tion g^u'iJ a de leiirs fer^içes , & le de A

fein

Troteftans de France. 123 fcinoùil cftdc les faire jouir de leurs droits. Mais tout cela n'eft encore qu'un jeu , & un artifi- ce , pour les enlacer , & pour mieux couvrir le projet de les rui-? ner quand il le pourra. Qu^elIe idée ces gens4à donnent ils des R.oys de France , aux nations étrangères, & qu'elle confiance veulent-ils qu'on prenne défor- mais, en leurs pTomeflès , &en leurs Traitez ? Car s'ils agiflfent de cette forte avec leurs propres Sujets, s'ils ne les carrellent que pour les étouffer , que doivent efperer d'eux les Etrangers? - Arreftons nous encore un moment fur ce qu'ils font di- re au Roy , que des fon avè- nement à la Couronne il étoit entré dans le deflèin qu'il vient d'exécuter à prefent. Ils veu- lent dire fans doute 9 dés qu'il prit aûuellement les refnes du Goiivernemient du Royaume ^ car avant cela il étoit encore- ' "~ F 2 trop

1 24 ^^^ Tlaintesdes

trop jeune pour entrer perfonnel- Jement dans aucun deflein de cette étendue. II y entra donc précifément dans le tems qu'on fortoit des guerres eiviles de Minorité. Mais qu'eft-ce que cela veut dire , fi ce n'eft qu'il y entra dans le temps même que deux de la Religion venoient de luy rendre le plus important fervice que des Sujets peuvent rendre à leur Roy ? Ils ve- noientde luy garder une fidéli- té inviolable , lorfque la pluf- partdefes autres fijjets s'étoient ibulevez contre luy 5 ilss'étoient oppofez aux progrez de ^t^ en- nemis 5 ils avoient rejette les ofires - avantageufcs qu!on leur faifoit, ils luy avoient confervé des Villes, &des Provinces en- tières 5 receu fes ferviteurs , & fes Ofiiciers dans leur fein , quand ils ne trouvaient defii- f été nulle; part yriacrifié pxDui : '> iii_:;:bvî- :3iî;:vn luy

(jo

Troteftans de France. 1 2 f luy leurs biens^lcurs vies, &leurs fortunes, & en un mot fait avec un zèle exemplaire tout ce que de bonsfujets pouvoient faire dans une rencontre aulîî orageufe que reçoit celle dont il s'agit. Etc'eft, dans ce même tems que le Roy entre dans le deffein de les per- dre 5 & de les exterminer. Cela confirme afièz vifiblement la vé- rité de ce que nous avons dit au commencement de ce difcours , que le projet de leur deftruftion fut fondé fur les fervices qu'ils avoient rendus au Roy. ,M Mais n'eft-ce pas une chofe affez étonnant qu'on ayt bien voulu nous apprendre cet im- portant fecret, & l'apprendre à toute l'Europe 5 car quoyqueles Reformez n'ayent fait dans cet- te occafion que leur devoir, on ne fe fuft pourtant pas imaginé que leur devoir euft été con- verti en crime , 6c que leur ' •;' F 2 ruine

I^6 LesTlaintesdes

niiaeleur fuft v^nu^y d'où leur devoit venir leuar fiireté. Dieu a fait fortir la kimicire écs té- nèbres , mais la Politique de France hit ayt cDfticrairc for- tir les ténèbres de k lumière. Quoy qu'il en foit on ne peut pas dcfavouër que dans ce nou- vel Edit on ne fafle dire au Roy qu'il cft entré dans le def- fein die détruire le parti à^s Re- * formez > dans le temps même qu'ils s'étoient fignalez , & diftin- guez avec beaucoup de fuccez pour les intérêts de faCouron- ne 5 ce qui fournira peut-être de la matière aux réflexions des fa- ges, tant dedans que dcdiors le Royaume , & leur fera voir de quel ufagefont les fiervices,^^ &.ce qu'il en faut attendre.

Mais laiflons les termes du nouvel; Edit , & confiderons la chofe en elle même. Y- eut-il jamais un traitement plus dur

c^ue

Trotefians de France. iif que celuy qu'on nous a fait fouf- rir durant l'efpace de plus de -vingt années , qu'on a employées pour préparer la dernière tempé- fte qui nous a enfin engloutis ? C'a été une grêle continuelle d' Arrefts , d'Edits , de Déclara- tions , de condamnations d*EgU- fes , de démolitions de Temples , ^de Procès Civils , de Procès Cri- minels 5 d'emprifonnemens, de banifièmens > d'amendes honora- bles, d'amendes pécuniaires, de deftitutions dec&arges, de pri- vations d'employs , d'enlevé- mens d'enfans, & de towtQS ces ^^erfecutions que nous avons cy deflîis fommairement expofées, ^On nous difoit d'une part que le Roy nous vouloit garder l'Edit de Nantes , il s'en expliquoit luy- même ainfi en diverfes occafions , *& d'autre part on nous faifoit foufïrir mille, & mille maux en nos biens, en nos honneurs, en

F 4 ^os

Ï28 LesTlaintesdes

nos perfonnes, en nos familles^en nôtre Religion 5 en nos confcien- ces 5 le tout par desvoyesinju- ftes, obliques, chicaneufes, par des inventions inouïes, par des faux témoignages , par des op- preilîonsr & des vexations ouver- tes , quelquesfois par des pra- tiques fourdes , & le tout encore fous le voile de l'autorité du Roy, &c parce que tel étoit fon bon- plaiiîr. Nous n'ignorons pas qu'elle eft l'autorité des Roy s, ni avec quel refpeft, & qu'elle fou- miffion il faut recevoir leurs or- dres. Auffi a-t-on vu pendant tous ces traitemens , une patien- ce, &une obeïflance fi profon- de , qu'elle a été en admiration aux Catholiques mêmes nos Compatriotes. Mais il faut avouer que ceux qui ont poufK ia Majefté à tenir cette con* duite envers nous , ou qui fe font fervis, pour cela de fon - nom.

Troteftans de France. 1 2^ nom 5 & de fon pouvoir , ne pou* voient pas l'outrager plus cruel- lement qu ils ont fait. Car aprez: tout les Roy s qui veulent le faireeftimer parlajuftice, &par Péquité 5 ne gouvernent point de cette manière leurs Sujets. Ils ne fongent point à mettre tout dans Tincertitude , ni à remplir tout de douleur, &d'é- pouvantcment. Ils ne cher- chent point leur joye dans les larmes , & dans les gemifle- mens des innocens 5 ni ne fe plaifent à tenir leurs peuples, dans une perpétuelle agita- tion. 5 & à ne leur laifler qu'u- ne^ vie précaire pour en jouir de jour à jour. Ils n'aiment point à ne faire entendre leur nom quen tremblant , ni ne penfent à des defTeins d'exter- mination contre des Sujets qui vivent fagement , & qui ne

F 5 leur

ijo Les^lainîês des leur ont rien fait que du bien.- Beaucoup moins fe mettent-ils dans Tefprit de fuivre ces defïeins pied à pied durant un longtemps i a la manière des mines, & de les cacher fous de faux femblans, & fous des Déclarations contraires, lors même qu'ils s'avancent le plus s & qu'il s ne font pas loin d'e- clattcr.

Il-y-a eu dans toute la con- duite de cette affaire trois chofès qui font fort dignes d'être re- marquées. La première eft que tant que Ton n'a été que dans les acheminemcns ^ lies véritables Auteurs de la perfecution ne fe font point cachez , mais autant qu'ils Font pu ils çyvit fait ea*^ cher le Roy. Ileftvrayque les Arrêts, Edits, & Déclarations , & telles autres chofes fe faifoient ibttslenom de fe Majefté, mais elles £e faifoient à la Requête des Agens, & des Sindics du Cierge,

&•

Trorejfansdê France, i jt?

& pendant qu*ils faifoient leurs

îpourfuites , le Roy même per-

fbnellement difoit qu*il vouloit

tmain tenir l'Edit, & que ce n'é-

?toit que des contraventions qu'il

corrigeoit.

La Seconde eft que quand ils. font venus aux dernières extre- mitez, &àlaforceouverte,alors: ils fe font cachez autant qu'ils Tont pu, & ils ont fait paroître le Roy dans toute fon étendue. On n'a entendu que ces fortes de difcoursj le Roj le veut y le Roy efk a fait fon affaire , le Roy va plus ioinquele Clergé nefouhaitteroit. Par ces deux moyens ils ont eu Tadrefle de ne s^attribuer de cette perfecution que la partie la moins forte, & la moins violen-* te, & de charger de la plus écla- tante , & de la plus odieufe la per* fonnemême du Roy. Latroilîé- mechofequ*il faut remarquer eft^ que pour mieux parvenir à leurs >: F <$ fins»

i^z Les plaintes des

fins 5 ils ont toujours taché de per« fuader au Roy que cet ouvrage étoit le plus haut degré de fa gloi- re 5 ce qui eft un abus manifefte de inattention qu'il leur a donnée. Abus d*autant plus digne de char timent qu'ils ne vouloient pas eux-mêmes qu'on les crût les Au- teurs de ce confeil, & que quand onleur demande encore aujour- duy à chacun en particulier ce qu'ils en penfent j il-y-en-apeu qui ne le condamnent.

En effet quelle plus fauflè idée pouvoient-ils donner au Roy de fa gloire^que de la faire confifter à furprendre un pauvre peuple ré- pandu par tout fon Royaume^fans defenfe&fans appuy , qui y vit confidemment à l'ombre de ce qui luy refte de l'Edit de Nantes , & qui ne peut s'imaginer qu'on fonge à luy ravir la liberté de çonfcience,à le furprendreadis-je, ôc àl'inonder prefqu'en un inftant d'une puiflàute armée;, à la difcre-

tioxi

Trotejians de France. * 133 tionde laquelle on le livre,& qui luy va dire qu'il faut ou de gré ou de force qu'il fe falïè Catholique, que c'eft Tordre 5 & la volonté du Roy? Quelle plus faufle idée de gloire pouvoient-ils luy donner que celle de fe mettre en la place de Dieu, & même plus haut que Dieu 5 en voulant que la foy , & la Religion des hommes dépen- dent de fon autorité 5 & que dé- formais on dife dans Ton Royau- me 5 non^Je croi parceque je fuis perfliadéjmaisje croi5parceque le Roy le veut, quoy que Dieu me difele contraire, ce qui eft pro- prement dire,Je ne croi rien^ & je ferois Juif, Mahometan, Athée , le Roy me le commandoit? Quel- le plus faufle idée de gloire que de la faire confifter à arracher de la bouche de fes fujets, par la vio- lencejôcpar la longueur des tour- mens , une profeffion que leur cœur abhorre, 6c fur laquelle ils foupirent jour 5 êc nuit ? &: crient

P 7 en

> j4 ^ ^^^ ^ainfeideï^ en eux-mémc5 mifericorrfe a Dieu?QueIIe gloire d'inventer de nouvelles manières de perfecu- rions inconnues aux Siècles prér cedens , perfecutions qui ne font pas mourir , mais qui confervent la vie pour faire plus longtemps foufrir , & pour avoir lieu de vaincre la confiance par des cruautez qui font au deflùs des forces humaines ? Quelle gloire de ne pas fe contenter de forcer ceux qui demeurent dans fon Royaume 5 mais de leur défen- dre d'en fortir , & de les tenir fou* une double fervitude , celle de Tame & celle du corps ? Qu'elle gloire d'avoir fes prifons pleines d'innocens à qui on n'impute d'autre crime que celuy d'avoir voulu préférer leur Dieu & leur falut à la rage des Dragons , & fur cela de les condamner aux Galè- res, ou à des confîfcations de corps, & de biens? Qu^elle idée de gloire que de

U

<*

Trotejlans de France. i j f fa mettre à abufer de fon pouvoir, & à luy faire violer fans raifon , & fans prétexte fa propre parole y &fafoy Royale, qu'il avoitluy^ même fi folemnellement donnée, 6c fi fou vent reconnue, & cela par- ce qu*il le peut faire impunément & qu*il a à faire à de pauvres bre- bis innocentes , qu*il tient fous Î2l main , & qui n*en peuvent échapper ? Cependant c'eft cela même que le Clergé par la bou- che de Monfieur de Valence ap- pelle une grandeur , & une gloire qui él eve Louis XIIII. au deflus de tous les autres Roys , au defliis cts Predecefiièurs , au deflùs même du tems , & qui le •confacre pour l'éternité. C'eft ce que Mr. Varillas appelle, der travaux f lus grands^ & plus in^ croyables fans comparai/on que ceux de l'Hercule de la Fable, C'efb ce que Mr. Maimbourg appelle une aStion héroïque, UAlïton ,.

dit-U

Oirh

156 . LesTlaintes des ^ dit-il 5 héroïque que le Roy '^^^^^ défaire > en defenda7it par f on nou- vel Edit dOEiobre l'exercice pu- blic de lafaujfe Religion desCalvi- nijles 5 & ordonnant que tous leurs Temples foient inceffamment dé- moli s\jï.i:k\!t^ Se indignes flatteurs, faut-il qu'on fe laiffè aveugler de la fumée de vôtre encens ?

Nous ferions bien marris de dire rien d'exagéré, ni qui puft chocquer le relpe£b que nous de- vons avoirpourun fi grand Roy. Mais nous ne croyons pas que ce foit manquer à ce refpeflrquede reprefenter icy fimplement com^ bien ces infidelles confeillers. Se ces odieuK parafites ont interreffé fa véritable gloire5 dans les trille^ malheurs ils nous ont pion» gezjôc de combien de crimes ils fe font rendus coupables envers luir même. . ^

Ils n'en ont pas moins commis contre l'Etat de France > dont ils

font

^rotejlans de France, 137 font les membres, & pour lequel ils dévoient au moins avoir de la confidération. Nous ne parlerons pas icy de ce grand nombre de perfonnes de tout âge^ôc de toute condition, qu'ils en ont retran- chez par leur efprit de feu , quoy- que peut-être la perte n'en eft pas Il peu importante qu'on fêle pour- roit imaginer. Il eft certain que la France eft un Royaume fort peu- plé, mais quand l'accez de cette nevre fera pafle , & qu'elle aura leloifirde fe rçconnoître , elle verra peut-être avec quelque regret les confequenc€S de cet- te diminution. Car il n' eft pas poflibleque tant de gens de bien, tant de familles entières, tant de perfonnes qui fe diftinguoient dans les Arts , dans les Sciences , dans les Armes , &; dans toutes fortes de profeflîons 5 foient for- tis du Royaume fans qu'il y pa- roifleunjour. A prefent qu'on fe

réjouît

13 8 Les^laintesdes

réjouît de leurs dépouilles, qu'on pille leurs maifons, & qu'on fe met en pofîeffion de leurs Terres, onnefentpastout à fait ce dom- mage, il eft recompenfë par le butin 5 & par le foulagement qu'on trouve à faire fubfifter les gen^de guerre par ce pillage 5 mais il n'en fera pas toujours de même.Nous ne parlerons pas aiaf?; il, de cette interruption prefqué générale dm commerce que ces é- cha^ffez Perfécutemrs ontcaufée dans les principales Villes de l'E- tat, quoy que ce ne foir pas un mal médiocre. Les Froteftan^ faifoien t une bonne partie du né- goce , tant dan5 le Royaume qu'a- vec les pays étrangers ,^ & ils étoient en ceîali mêler avec les CatholiquesRomains, que leurs affaires etoient comme infèpara- bles. Ils agiilbient les uns , & les autres en commun lorfque ces oppreffions font venues. Quels

boul-

Troteftans de France. 139 bouleverfemens n'ont elles pas apporté , combien de mefures rompues , de deflems avortez ■^ de Manufadures ruinées,de ban- queroutes arrivées , & de pauvres familles réduites à la mandicite ? C'eft ce dont les opprelTeurs ne le mettent guerre en peine, car ils ont leur pain gaigné , ils vivent gralTement , & pendant que les tutres meurent de faim, leurs re- venus font afliirez. Mais il ne fe peut que le corps de l'Etat n eft fouffre , un ébranlement tel que 'celuycy ne refait point fans un préjudice notable à l'Oeconomie publique, êcl'on peut dire avec vérité que quatre guerres «villes n'auroicnt pas produit tant de knal qu'on en verra naître de cette

perfecution.

Maislaiflbns au tempsamam- feftcr ces fuites, & difons feule- ment icy que l'Edit de Nantes étant devenu une Loy tonaa-

rt mea*

Ï40 LesTla'mtesdes mentale du Royaume , & un con- cordat entre les deux partis , par 1 acceptation réciproque qui eii tut faite fous le règne paifible de Henri leGrand, par la foy publi- que, & par le ferment mutuel, comme nous l'avons vû,il eft d'un tort mauvais exemple pourl'in- tereft de l'Etat; qu'aprez y avoir taitmille contraventions, il foit enfin révoqué, cairé,& annuliez par la pafîîon d'une cabale qui abufe de fon crédit, 8c qui par ce- la même fe rend capable de tout entreprendre , & de tout exécu- ter. Aprez cette caflàtion ^ qu'y aura-t-il , je vous prie, de- ?9™^is de ferme, & d'inviola- ble en France, je ne dis pas feu- lement pour les fortunes Aqs par- ticuliers, & pour celles des rnai- lons, mais encore pour les éta- bliiiemens généraux , pour les autres loix , pour les compagnies louveraines.pour l'ordre de la Ju-

ftice,

Trotejiansde France. 141 ftice 5 6c de la Police , & en un mot pour tout ce qui fert de bafe 5 &: de fondement à la Société, pour les droits mêmes inaliénables de la Couronne 5 & pour la forme du Gouvernement ? Il-y-a dans le Royaume un tres-gra^d nombre de perfonnes éclairées ,' je ne par- ie pas de ces faifeurs de vers , qui pour le prix d'une douzaine de Madrigaux , ou de quelque Pa- négyrique du Roy , emportent les bénéfices > & les penfions , ni de ces compofiteurs de livres à droite^Sc à gauche qui favent tout, hormis ce qu'il feroit bon qu'ils feuflènt, qui eil qu'ils font de fort petites gens 5 je parle decesEf^ prits fagcs , folides , & pénëtrans^ qui voyent deloin les confequen-^ cesdeschofes, & qui en iavent

- Comment n'ont ils pas vu dans, cette aifFaire ce qui n'eft que trop vifible , vque l'Etat fe trouve r par-

142 Les^laintesdes <

percéd'outre en outre par le mê- me coup qui traverfe les Prote- ftans, & qu'une révocation de TEdit faite avec tant de hauteur^ ne laiflè plus rien d'immobile ou de facré ? Il ne ferviroit de rien d'alléguer la difFerence de la ma- tière 5 ni de dire que la Religion PretendueReformée étoit odieu- fe dans l'Etat 5 & que c'eft pour ce- la qu'on l'a entreprife avec plus de liberté. Car fans dire que l'exempk en eft d'autant plus dangereux qu'il eftpl^s finement choifi dans une matière ou le peu- ple ne prenoit pas d'intereft.Sans dire que cela même qu'on a rendu la Religion Reformée odieufe au peuple > aété une préparation mé- ditée, pour en venir à ce qu'on a fait depuis. Sans dire qu'il s'en falloit bien que l'averfion de nôfi tre Religion fuft générale danS: l'efprit des Catholiques,puifqu'il eft certain qu'à la r eferye de la fa-

aion

TtBteftans de France. 145 ftiondesDeyots, 6cde ce qu'on appelle les Propagateurs de la foy 5 le peuple 5 ni les Grands n'av oient nulle animofité contre nous, & qu'ils ont plaint nôtre infartune. Sans toucher à touD cela, quincvoitqu'il-n'y-a rien de plus facile que de décrier quel- que matière que cefoit, 6cde la rendre odieufe, ou indifférente dans Telprit d'un peuple? On ne

manque jamais de raifonst ou de

prétextes , on fouleve un parti

contre l'autre, & on appelle /'iS*^

^^/,ceiuy qui a la force en main

de même que dans la Religion

on appelle l'Eglife , non le parti

le plus jufte, ou le plus faint , mais

le parti le plus puiflànt , & le plus

hardy. Ce n'eft donc point par

la matière qu'il faut juger de cesi

fortes de chofcs , c'eûparla for-i

me. Ors*ily ajam^is eu rien d au-

tentique, 6c d'inviolable , cetoit

l'Edit de Nantes, k revoqucr,& oc ic

144 ^'LesTîaintesdes lecafler, c'eft fe mettre au defîus' de tout 5 c*eft prononcer! haute- ment que tout eft revocable 5 & cafTablc ^^;^^//«;^* Voilà ce que les fages doivent comprendre , &' que jene doute pas qu'ils n'ayenP déjà compris. : ; ' ^ - r -^ v..Onpourrôit faire fur ce Sujet une autre objeftion qu*il fera bon deprévenir. C'eft que comme l'Edit de quelque manière qu'on^ le confMére 5 n'eftant devenu une^ Loy de l'Etat que par rautorité" de Henri le Grand 5 il peut bieh'^ être auflî révoqué -, & annuUé^ par Louis XIIII. fonpetit fils 3 & fon fucceflèur. Il n'y à pas plus de difficulté à l'un qu'à l^autre^ les chofes peuvent finir par les mêmes voyes qu'elles ont commencé; Si Henri le Grand a eu le pouvoir de changer la for*' me de l'Etat en introduifant une loy nouvelle , pourquoy Louis XmL n'aura-t'il pas de même ^^ le

Tfotejlans de France, i 4 ^ ie pouvoir de réchanger ctttt for- me 5 en caflânt ce que fon Ay eul avoit établi?

Mais cette objedion n'eft qu^unefauilè lueur, elle fuppofc un fondement faux , & elle en ti- re une confequence encore plus fauflè. Ce n'eft point la feule autorité de Henri le Grand qui a établi l'Edit, nous avons vu c]^e TEdit cft un Arreft de fa juftice rendu parties ouïes, nous avions vu que c'eft un accord, & com- me une tranfadion paflee entre les Catholiques , & les Refor- mez jautorifée par la foy pu- blique de tout l'Etat, féelléedu fceau du ferment & ratifiée par Texecution. Or c'eft ce qui rend TEdit inviolable, & qui le met hors de l'atteinte des Succeffeurs de Henri. A cet égard ils n'en peu- vent être que les Depofitaires , & IesExecuteurs,&nonles Maitres pour le faire dépendre de leur

G bon*

I4Ô LesTlaintesdes

bon-plaifir. Henri le Grand n*a jamais employé la force des ar- mes pour y faire confentir les Ca- tholiques Romains, &quoy que depuis fa mort 5 fous la Minorité de Louis XIII. il y ait eu desEtats Généraux , l'Edit a rcfté dans fa force. Geft donc comme nous l'avons déjà dit une Loy fonda- mentale du Royaume , à laquel- le les Roys ne peuvent toucheÀ Mais quand ce ne feroit qu'un ouvrage de la fîmple autorité de Henri ce qui eft évidemment faux 5 il ne s'en fui vroit pourtant pas que le Roy aujourduy rég- nant lé puft révoquer. Pour- quoy cela } Parcequ^il y a bien des choies qu'il dépend du bon-plai- lîr de les faire 5 mais qu'ilne dé- pend pas du bon-plaifir de les défaire , & de cette nature eft l'Edit. C*efl: une promelTe Roya- le que Henri le grand a fait aux Rçlonnez dieiba Royaume, tant

-^ pour

Trot efi ans de France. \ çf pour luy que pour fes fucceflèurs à perpétuité , comme nous Pa- vons vu 3 êcparconfequent c'cft une condition, ou Ton veut une charge qu'il a joint à Ton héri- tage, &dontiln'efl:phis libre 4 ks héritiers de fe décharger.

Au refte il n'eft pas vray que Henri le Grand ay t rien changé dans la forme de rÈtat quand il a fait l'Edit , au moins à Tegard des chofes efîençielles.

Il a donné la liberté de con- fcienceàfesSujets, mais cette li- berté cft d'un droit bien plus an- cien, & bien plus inviolable que tous les Edi ts , puis qu'elle efl: du droit de la Nature. 1 1 a don - l'exercice public de la Reli-* gion Reformée , mais cet exerci- ce, étoit établi dans le Royau- me avant fonEdit, & s'il a éten- du les privilèges des Reformez, comme fans doute il l'a fait , il ne l'a fait qu'avec l'approbation, &

Q 2 par

î 48 L es Plaintes des

par le confentement de l'Etat, & il n'a chocqué en cela aucun de fes légitimes engagements. Mais il n'en eft pas de même de Louis !XI!IL , qui de fa pure autorité fait un changement réel, &fon- damenta! , contre les refiftances d'une partie de fon Etat , fans avoir conful l'autre, & qui viole fes propres engagemens , ceux de fa Couronne, ceux de tout fon Royaume , & le droit même de la Nature , & c'eft ce qu'il ne peut faire en aucune maniè- re. ^ Mai^ enfin fi l'on confidere quels moyens on s'eftfervi pour yenir à la revocation dont nouç .parlons, comment (epoura-t-on empêcher d'y reconnoître l'Etat fenfiblement interefle ? On ne le contente pas de fupprimer Vês Exercices , & d'anéantir les privilèges _ dts Proreftans par ûts Arrêts injuftes 5 <ans

ucune

■«» r « '

^ T^rotejlansde France, 149 lùcune formalité^ on leur envoyé par tout des gens de guerre pour les faire changer de Religion , on les met à fac comme des peu^ plesprisd'aflaut, on les force ea leurs confciences , & on épuï^ fe pour cela tout ce que l'Enfer peut avoir de plus cruel , & de plus enragé. N'eft-cepas pour^ en parler fort modeftemçgt ce qu'on apelle un Gouvernement Militaire^ qui n'eft réglé ni de îajuftice, nidelaraifon , ni mê- me de l'humanité. Et crpit-onr gue l'Etat de, France s'en puir-^ le bien accommoder , ou que les Sages conviennent que c'eft ainfi qu'il faut régir les Peu* pies ^ Voila pourtant un pre- mier coup d'eilày qui n'eft pas des moindres , ceux qui l'ont donné marquent qu'ils s'y en- tendent allez bien , & qui fait s'ils leront d'humeur à en demeurer

m

G :t 11

meRe 4,c.tion.

1 50 Lss Plaintes dvs^ '

Il ne faut qu'un aulired^flîbin: ,. ûneautrepaflîonàfatisfaiFe, une autre vangeance à exercer ? & alors malheur à ceux qui s'y vou- dront oppofer , les I^agons n'auront pas . ouWié kar mé- tier. -liJO-

Troifie- A ces dcux premières Re* flexions qui regardent le Roy de France» &fonEtat> on en peut ajouter une troifiémeV qui aura en veuë Tinter eft desRois, des Princes, & des autres Puiilànces de l'Europe tant de l'une 5 que de l'autre Religion, ^ Nous ne nous, tromperons pas fi nous difons qu'ils y en ont un commun , & général, en ce qu'il ne tient pas à ces habilles ouvriers de mal- heurs 3 que la bona:ke intelligence qui eft ejQître eux ,, §c. leurs Sujets ne foit troublée. Nous fommes perfu^iidez que leur fage, & équi- table gouvernem.ejit , les doit i^xettre à cet égard au deflus de

>!. >

tOUr

Vroteftans de France. 151 toute crainte , mais cela n'em- pêche pas que ces fortes d'exem- ples ne foient toujours facheux^ôc que d'eux mêmes naturellement, ils ne tendent à jetterdansTef- prit des peuples j qui d'ordinaire ne jugent que fur des général itez, des foupçons , & des défiances contre leurs Souverains , comme; s'ils ne fongeoient tous qu'à en- gloutir leurs Sujets, & à les li- vrer à la difcretion , ou pour mieux dire, à la fureur de leurs gens de guerre. Plus les Princes pnt de juftice , ôc de modération, moins ont ils d'obligation à ceux qui fournifTent aux peuples la matière de ces dangereufes pen- fees , parce qu'elles ne peuvent que produire de très -méchants effets.

D'ailleurs n'eft-il pas vray que les Princes, & les Etats de l'Eu- rope ne fauroient voir qu'avec beaucoup de deplaifir > que la

G 4 Fran-

ïfi LesVlaintesdes

France qui tient un fi grand rang dans les affaires du Monde , ôc qui leur communique une fi puif- iante influence , fi^foit mife au- jourduy hors d'état qu*on puifle prendreavecellede jufl:e$ mefii- res. Car aprez une violation fi:andaleufe & fi éclatante de la parole de trois Roys , & de la foy publique, quelle confiance aura- t-on défi^rmais , en fiss promefl^es', ou en {es Traitez ? Ce ne feroit pas ailez que de dire que les Trai- tez n'auront de fermeté qu'au- tant que les intérêts, delaFraïï- ce le demanderont, mais il faut dire qu'ils ne dépendront defo^r- mais que de l'intereft ou du capri- ce d'une eipéce de gens empor- tez 5 qui ne donnent rien , ni aux loix de la prudence , ni à celles de l'équité , mais qui traitent tout par la force majeure. S'ils ont eu le crédit de faire dans- le Royaume ce qu'ils viennent

d'y

Trotejlans de France. i f^ d*y exécuter , que ne feront ils pas pour les choies du dehors ? S'ils n'ont pas épargné leurs pro- pres compatriottes avec qui ils étoient tous les jours en commer- ce, & dont ils ne tiroient que des fer vices, épargneront ils des in- connus? Auront ils plus d'égard à des Trêves , ou à des conven- tions de quatre jours , qu'à un Edit de cent ans le plus au^ gufte 5 & le plus folemncl qui fut jamais dont ils ne fe font fervis que pour endormir un peuple 5 & pour l'envelopper plus furement dans une der- nière defolation ? Il femble donc qu'ils ont voulu réduire les choies à ce point , que n'y ayant plus de foy en France , tous les voifins foient fanscef- fe en garde contre elle , &: plus en garde quand elle ..leur promettra que quand elle les menacera ^ plus

G y dans

i^f4< JLesTlaintesdes^ dans^a paix que dans la guerre , de forte qu'il n'y a plus, de lieu; d'enefperer du repos que par la fureté de Çts Otages , ou par la di- minution de (es forcer. * ?

Cela étant ainfi à l'égard de tous les Princes, & de tous les Etats de l'Europe en General , que peuvent conjeftureren parti- culier les Princes & les États Pro- teftans, fîce n'eft que le deflein de la France efl: de les ruiner tous, & de ne s'arrefter point qu'elle ne les ait dévorez? Perfonnen'i-

fnore que les Puiflances Proter antes ne connoiflent allez bien leurs intérêts pour les favoirdif- cernejr au travers même des nua- ges dont on les couvre, & Ton ne doute pas qu'ils ne vpyent que c'eft icy un commencement oi^ une ébauche dont la France pré^ t^wd qu'ils fourniront, bien- toft l^s derniers traits, ; ^

ia Çouj: s'eû laiflee occuper'

d'une;

Trotejfans de France. iff d'une craife bigotterie & d'un faux zèle de Catholicité , c'efl: rEfpritàla mode, chacun y eft devenuconvertifîèur àfeu, & à fang, & il y en a même à qui Ton perfuade que ce fera le contre- poids de la balance. La vainc gloire fe mêle dans cette intrigue, la Politique y ajoute fes veuës , & fes myfteres, ôc comme dans fes veuës elle n'a point de bornes , dans {es myfteres auffi elle ne manque pas derelîbrts impercep- ceptibles, & de moyens furpre- nans y qu'elle joindra quand il luy plaira à la puiflance des armes.On: s'imagine que le tems eft propre. Se qu'il ne faut qu'ofer , la facilité qu'on a trouvée à faire des con- quêtes, &:des converfions enfle le courage, &dêja l'on ne parle plus que de n'en demeurer pas en fi beau chemin. Il fautefperer que les PrinceS)& les Etats Prote- ftans tireront delà leurs juftes. eonclufions*. G 6 Pour

«■s

I î ô . Les T^laintes des^

Pour les Princes & Erats Ca- tholiques ils ont trop de lumière pour ne pas voir la part qu'ils ont dans toute cette affaire. On s^Qti fervira pour rompre la ÎX)nne intelligence qui eft entre eux 5 & les Proteftans, en ber- çant les uns du beau prétexte de la Religion Catholique , & & en faifant naître adroitement dans les autres des foupçons d'u^» ^conjuration générale pour

tes engloutir. Si les Princes, & Etats Catholiques ne dillîpent pas ces foupçons , s'ils fouffrent que la France s'agrandifle toû^ jours à la faveur de fon prétendu zçle pour la Catholicité, qui dans lefondn'eil quun fauxmafque , ^ on peut déjà les aflurer qu'ils font perdus-

Ils auront beau direjNousfbm-

^mts Catholiques comme vous ,

ils n'éviteront pas pour cela l'é'

pée des Dragons. Tout ce qui

Trotejians de France, 157 ne voudra pas fubir le Joug fera hérétique , & pis qu'hérétique, : caraujourduyla plus grandehe- refie c'eft de ne fe pas foumettre. L'Efpagne, rAllemagne , ^ l'I- talie en favent déjà quelque cho- fe.

Mais ne fera-ce pas un para- Quacrié- doxe à tout ce que nous ve- ^^^^' nons de dire nous ajoutons que ^^^^"* le Pape luy-même & tout le xorps de TEglife Romaine fe trouvent fenhblement interref. fez dans la perfecution qu'on iious a faite ? Nous ne dirons pourtant rien en cela qui ne iibit d'une vérité certaine , & :dont l^s plus Sages d'entre les Catholiques ne doivent tom- ber d'accord. Car n'eft-ce pas la plus mauvaife idée qu'on puiflè donner du Clergé Ro- •^main v que de faire conce» 1

:yoir comme un ordre de gens qui

î j 8 Les Plaintes des

non feulement ne peuvent rien fouffrir qui ne leur foit fournis dans la iocieré religieufe , mais encore qui ne le peuvent dans la focieté civile. Comme des gens qui nefe contentent pas d'ana- thematifer tout ce qoii leur de- plaift, mais quinefongent qu'à exterminer , qui n'exterminent pas feulement , mais qui vont juP qu'à forcer les confciencesj & à vouloir infpirer leurs fentimen ts, & faire pratiquer leurs cultes par le bâton y Se par le fâbre. Com- me un ordre de gens qui ne gar- dent ni foy ni juftice 5 qui ne pro- mettent que pour tromper) qui ne fe rappaifent que pour inful^ ter , qui dans la paix comme dans la guerre ne fongent qu'àrenver- fer , èc à détruire ,- qui ne s'al- lient que pour furprendre. Se qui fe trouvant les plus forts ne don* nent pas même la liberté de la fui- te à ceux qu'ils ont furpris. Ce

font

Trotejïans France, 1 5*9 font precifcment les traits, & les couleurs par lefquelles on

f)Ourroit f:icilement reconnoître e Clergé R.omain 5 à en juger fur lepiedaesperfecutions de Fran- ce. Jufqur'icy l'on n*ayoit jamais rien vu de pareil. Les Egyp- tiens 5 &les Aflyriens perfecutc- rent autresfois les Ifraëlitesjmais ilsnelesforcoient pas d'embraf- fer le culte de leurs Idoles , ils fe ^contentoient de les traiter en efclaves fans attenter à leurs con- (ciçncts. Les Payens , & les Juifs perfecuterent les premiers Chrétiens > ils forçoient leurs confciences ^ mais ils ne leur av oient point donné d'Edit, ni ne viol oient en les perfecutant la foy publique, la fuite même ne leur étoit pas interdite.

Les Anciens perfecuterent cruellement les Ortodpxes, mus outre que cela defcendoit prefquepasjufqu au peuple poux

Juy

i6o Le s plaint es des '

luy faire faire des abjurations formelles , il n-y avoir point d'Edit ou de concordat entre les deux communions. Inna- cent troifiéme perfecuta par fes Croifades le« Vaudois > & les Albigeois , mais encore ces pauvres gens n*avoient point d'Edit. Emmanuel Roy de Portugal perfecuta furieufemenfe les Juifs , mais il leur domr' na la liberté de fortir de fon Royaume , & ils n'avoient point d'^Edit. Il en fut de- même de ce refte de Maures qui s'étoient cantonnez dans le Royaume de Grenade ,- on les défit en guerre, & on leur or- donna de fe retirer dans les pays d*où leurs Anceftres étoient venus.

Au Siècle paffé le Duc d'Albe exerça des cruaute2: horribles contre les Proteftans dans les dipi-fept Provinces des Pays- bas >

"Protefians de France. 1 6 1 bas 5 mais il n'empechoit point la fuite 5 ni ne violoit aucun Edit , & on en etoit tout au plus quitte pour mourir. L'Inquifî- tion eft encore aujourduy dans FEfpagne , & dans l'Italie , mais ce font des pays la profeC- fion d'un autre Religion que de la Romaine n'a jamais été permife par des EditSjéc fi on peut accufer les Inquifiteurs de vio- lence^ôc de cruauté on ne peut pas au^moins les convaincre de perfi- die.

Mais dans cette dernière per- fecution de France il-y-a cinq chofes qui font horreur 5 on y fait dépendre fouverainemenc la confcience & la Religion des hommes, de la volonté d'un Roy, on y rompt une foy jurée autenti- quement , on y force les per- fonnesà être des hypocrites, ^ des mechans en faifant femblant

d'em^

i6?^ -Les'Tlaintesdes d'embraflèr une Religion qu'ils abhorrent , on empêche la retrai- tej ou la fuite , on ne fait pas mourir 5 mais on conferve la vie pour exercer de plus longs tour* mens. Si aprez cela la Cour de Rome 5 & fon Clergé répandu danslerefte deTEurope, ne dé- favouoient pas une fi odieufe ? & il criminelle conduite 5 s'il ne la condamnoient pas ce feroit une tâche irréparable à Thon-* neur de leur Religion. Non feule- ment les Proteftans qui font une communion à part 5 mais encore u n nombre infini de leurs propres Catholiques, en recevroient un terrible fcandale , & les Turcs mêmes, les Juifs, Scies Payens s'eleveroient en jugement contre eux. Ils ont déjà pu compren- dre combien leur a fait de tort ce quifepaflà au Concile de Con- fiance touchant Jean Hus , & Jé- rôme de Prague qu'on fit mourir

non-

Trotejlans de France. i ^ j lion-obftant le fauf conduit de rEmpcreur Sigifmond. Mais il y a icy quelque chofe de bien plus fort, il ne s'agiflbit que de deux hommes, Oeil y en a icy plus de quinze cent mille. On fit mourir ceux , & on en euft fait de mê- me de ceux-cy, ils auroient receu mort avec joye 5 & avec confo- lation. Le Concile crût que fon autorité étoit au defluç de celle de Sigifmond, mais icy on n'en fçau- roit marquer une plus ejrande ^^^^^^^

11 ^^ 1 r un J- tiondes

que celle qui a voit etabJi 1 hait, faux ^: Nous n'ignorons pas les diffe- %ans

I " S r\ r desPer-

rens chemins que les rerlecu- fecu- teurs tiennent pour fe mettre à teurs. couvert du blâme public. Les uns prenent le parti de nier le fait, & de perfuader au Monde que la force &: la violence n'ont eu nulle part dans les conver- fions, mais qu'elles ont été dou- ces, tranquiles , & volontaires, & que s'il y a eu des Dragons qui s'eafoient mêlez, c'aétélesPre-

104 jLes^laime^^s tendus Reformez euKmêmes qui les ont demandez poiir avoir uii* bonnette prétexte de changer Religion. Vit-^ jamais une pareille impïident^? Quen'ofè^ lerà-t-on pas deforrnaià nier puil^

au'on nie ce qui s'eft fait à la veuë u Soleil 5 & ce que tout un grand Royaume depuis un bout jufqu*à l'autre a vu 5 &qu'il Voit encore aujourduy ? Car dan ^ ce com- mencement dépannée i686. que; ce trifte Ecrit fe compofe on corf-^ tinue à exercer en France les mé^^^ mes fureurs qui avoient paru fur la fin de l'année précédente. ^^^^^^ Les mêmes Dragons expltii-^^^ tent dans les Villes, & à la cam- pagne 5 contre quelques pitoia-» blés reftes de Proteftans qui ne veulent pas adoref la ftatuë On^ les traite comme des rebelles èa leurs perfbnnesjèn leurs bien??, eit' leurs femmes , en leurs enfans, &: s'il y a quelque différence elle

con-

^ rote fi ans de France, i g j confifte en ce que les cruautcz vont toujours en augmentant , & que chaque jour produit quel^ que nouvelle manière de violen- ce t;& de perfeeution. Cepen- dant fi on en croit le Clergé har- ranguant le Roy par la bouche de Monfieur PEveque de Va- lence , c*eft un miracle du règne HefaMajefté qu'elle convertif- fe tout fans y employer la çon^ trainte, &que de leur plein gré \ç>s peuples viennent à elle de toutes parts pour fe réunir à l'Eglife Catholique. Tout cela , dit-il, s'efi fait fans violences , f^ans armes , ^ bien moins en- core par la force de vos Edits que par votre "Pieté exemplai- re. Si on en croit la plus part des abjurations qu'on fait figner la dague à la gorge à ces pauvres op- primez, elles portent de même qu'ils les ont faites de leur , pro-

i(j6 LésT^lamUsdes

propre mouvement , & fans y être forcez.

Si nous en croyons Monfieur Maimbourg dans la lettre au Roy qu'il a mife à la tefte de fonHiftoi- re du Pape Grégoire , publiée depuis fort peu de temps , il-ny-a eu ni armes , ni violences em- ployées pour ces converfions , Fous devez croire , luy dit-il , qu après avoir déjà vaincu tous les ennemis de Ui France^ par la for-- ce invincible de vos armes , vous aurez feul éternellement la gloire ^ ^ le bonheur d avoir exterminé du Royaume Tre^'Chretiencette en-" nemie de "Dieu , (rherefie comme ill'apelle,} fans employer contre elle pour contraindre les ^ roter fians de rentrer dans l'Eglife , d'autres armes , ni d'autres force à que celles de votre charitable zèle foMT leur converfion , ù* delà Jui fiice toute manifefle de vos Or don- names^ ^devos Edits^ qui ont

etï

^roteftans de France, i 67 eu tout l'heureux fuccés qu'on en pouvoit attendre. Et cians fon Troifiéme Livre , après avoir dit qvi'Ethelrede Roy d'Angleterre ne violenta 5 ni ne contraignit en nulle manière {ç>s fujets à embrat fer le Chriftianifme , ayant ap- pris de resT>o6ieurs que le fervice qu'on rend à Jefus-Chrijl doit être njolonta're , mais qu'il refervoit feulement ks grâces & fç.s fa-* veurs pour ceux qui fe faifoient Chrétiens, fans faire d'injuftice aux autres 5 après cela, disje, il ajoute ces mots. Ceft-lajuftement la Méthode que le Roy Loiiis le Grandjmt aujourduypour conver* tir les T retendus Reformez, qui n'ont nulfujet de fe plaindre. Car enfin on ne violente perfonne^ & ft l'on veut départir à ceux qui fe con- vertijfent des grâces , c^ des fa^ veurs 5 qu'on ne fait pas aux au^ tres-i & qu'on n'eji point obligé de faire a ceux qui s'obfiinent dans

l'he^

i68 Les Plaintes des

l hère fie , on ne leur fait néanmoins nulle mjujlice ^puif qu'on ne leur ^ vtemece quils ont uftirpé, contre les Edits & qu'on a droit de le s pu- nir y quand ils contreviennent aux Ordonnances. Il- y abiendePap^ parence que cette manière fi douce ^ fif^&^ > à'fi efficace aura enfin le même effet en France fous Louis le Grande pour ramener a l'Eglife les Calvimftes qu'elle eut fous le Roj Ethelvert en Jlîigleterre y pour la converfiondefes Anglois y qui dtè tirezpuiffamment par la venoient tous les jour s enfouie demander h S. Baptême , comme nom voyons que nos Vrotefians commencent au ffi maintenant à venir en foule à laMeffe.

C'eftdansce mêmeefprit que Monfieur Varillas dans TEpitrc au Roy , dedicatoire du Livre

Su'il vient tout fraîchement de onner au public fous le titre , d'Hiftoire des Révolutions arri^

vées

^rôteftans de France. ï 69 *vées dans, t Europe en matière de Religiorh ne craint pas de luy par- ler de cette forte, votre Majejié p^ur ruiner le Calvinijme 5 n'a fait 4iutrechofe que d obliger les Frart'^ fais qui le profejfoienî à i'exalïe obfervation de lEdit de Nantes , & den punir les contraventions par les peines qui y étoient marquées. Il n'a falu que cela pour réduire les hérétiques à un fi petit nombre que le même Edit n'étant plus d'ufage il* /•a eu lieu de le révoquer , .. Oeft ainfi qu'on fe joue de la fimplicité du public , on jette au hazard des femences d'impoilure pour les laiflermcpu- rir avec le tems. La Pofteri- qui verra ces pièces croira fconnement qu'elles difentvray, & jugeant fur ce pied la de c^ttQ étonnante HiftoirCj Voi- la 5 dira-t-elle , ce qu'on en a dit au Roy même , à qui Ton

H n'euft

I/o LesTlaîntesdes n'eût pas voulu mentir, voila les propres Aftes, & les Seings de ceux qui fe font convertis. Pour- quoy la Pofterité ne le croiroit-. elle paspuifque dés à prefentil-y a des gens ailez efFrontez j ou pour mieux dire afièz hi^n payez pour le publier ainfî dans les Pays étrangers, & qu'il s'y trouve des perfbnnes aflez crédules pour laifler furprendre à ce piège? 1 Pourquoy ne le croiroit elle pas 5 puifque c'efl: un Evêque & deux Auteurs graves qui le di-. fent ? En faut-il tant pour établir, une opinion probable? La pofte- rité ne fera pas obligée deiavoir qui étoit Mr. de Valence , ni quel métier ila fait toute fa vie. Elle ne fera pas obligée de Te fouvènir de combien de fables on a repro- ché plus d'une ibis àMr.Maim*. bourg, qu'ila enrichi fes Hiftoi- le^, niqn'il fcmble qu'ila fait voeu d^ ne fe. démentir jamais. Elle' ne fera pas obligée de favoir

que

Troteftans de France. 171 que Mr. Varillas ne trouvant pas fon conte à dire la vérité 5 s'eflr enfin avifé fur fes vieux jours de fantifier fa plume par les bien- faits de Mr. l'Archevêque de Pa- ris, félon que luy-même nous l'in- lînuë dans laPreface de ce dernier

ouvrage.

Mais venons au fait dont-il s*a- git, quelle apparence, je vous prie, y-a-t-il qu'un fi grand , & confiderable nombre de perfon- nesfoientdejaforties de France 5 fans que rien les y forçaft, ni qu'ils ayent laifle leurs maifons leurs héritages , & leurs efFefts,5c plufieurs d entre eux leurs fem- mes, & leurs enfans, pour s'en aller errer par le Monde , & y mener une vie miferable , pour leur plaifir. ? Y-a-t-il apparence que des perfonnes de qualité de l'un , & ae l^autre fcxe qui jouïf- foîent de douze , de quinze , de vingt , & de trente mille livres de rente, ayent voulu abandonner

H 2 tout

î/î* Les Plaintes des tout ce bien, non feulement pouf eux 5 mais auffi pour leurs defcen- dans 5 s'expofer aux périls , & ^ux incommoditez d'une longue fuite dansunerudefaifon, & fe réduire prefque à la mendicité c|^ui eft Tétat du Monde le plu§ in- iupportable à des gens d'hon- aieur , le tout fans raifon fans fu- ^tty &:de gayeté de cœur? Y-a- t-il apparence que ce prodigieux nombre de gens de tout ordre , & de toute condition , qui fe font déjà fauvez , les uns en Suifle, les autres en Allemagne 5 les autres en Angleterre , les autres en Hol- lande , d'autres en Danemarc''^ d'autres en Suéde , & quelques uns dans T Amérique , fans se- rre ni vus 5 ni connus , ni concertez , fe foient pourtant accordez tous en femble à mentir d'une même façon 5 & à dire tout d'un VOIX, que les Proteftans font cruellement perfecutez en Fran- ce , & que par des rigueurs inouies

:i H

Trotejlans de France. 175 on les force à changer de Reli* gion , quoyque pourtant il n'en foit rien ? Y-a-t-il apparence que les Ambafïadeurs , & les Envo- yez des Roys , & des Puiflàn- ces étrangères mentent tous de concert à leurs Maîtres en leur mandant cts nouvelles, qui ne font fondées fur aucune veri* té? Mais je vous prie encore, en France on change ainfî de Religion volontairement , &: fans contrainte, &; que les Dra- gons n'y foient appeliez que comme de bons amis , d'où vient cette garde exafte , & fi ge- îlérale qu'on fait fur les frontiè- res pour empêcher le Monde de fe retirer ? D'où vient que les prifons du Royaume , re- gorgent de fugitifs arrêtez ? U'ou vient qu'on obferve a»- vec tant de foins ceux qui ont changé pour les empêcher de s'enfuir, jufqu a les obliger à mettre en depoft des fommes

H 3 d'ar-

JÎ74 Les "Plainte s de s

d'argent pour fe garantir du fôup- çon de la fuite ? Seroit ce une maladie Epidemique qui auroit faifi les Sujets du Roy pour fe vouloir ainn fauver fensraifon , fans caufe ? Mais n'eft-ce pas une imagination plaifante , ae dire que ceux de la Religion ayent eux mêmes appelle les Dfagons pour avoir un prétexte de fe con- vertir? Il-y-a dix ans , &plus qu'on avoitdrelïe en France ou- vertement, & publiquement desf Banques pour y trafiquer les âmes. MonlieurPeliflbn a faità Paris durant un fort long-temps cet infâme métier à la veuë de tout le Monde, il les achetoit à prix d'argent, laconverfionétoit devenue prefque Tunique voye de fe faire applaudir , carefler> recompenfer à la Cour, & en un mot un moyen feur de faire fa fortune, & Ton nous vient dire qu'aulieu de fuivre ces grandes & gyantageufes voyes de change-

^roteftansde France. 1 7 f ment, ils les kiflènt là>pour pren^r dre celles des Dragons 5 c'eft-à- direpoiirft feire faccager. Il eft certain que s*iJs eufïènt eu tant d*envie de fe faire Catholiques r ils'enpouvoient épargner la fa* çon des Drag:ons. Mais au moin^ qu'on nous âife pourquoy depuis ces prétendues converfions vo- lojitaireS) ne voulan&pas aller à la Meflè on a été obli^ de leur renvoyer les troupes^ & des les traiter encore avec les mêmes ri-* geurs qu'auparavant ?

Ce menfonge eft donc fi grof- fier 5 & fîinfi^utenable qu'ily en a d'autres qui prennent le parti de deffendre ce& violences comme étant naturellement du génie 5 & 'de TEfprit de l'Eglife Catholi- que.Pour cet effet ils ont fans cef- tc dans le bouche le paflàhc de l'Evangile Cx^mp^ellé intrare , la lettre de St. Auguftin à Vincent^ & la perfecution que les Ortho- doxes d'Afrique firent aux Dona- tiites. . H 4 ' Si

î 7^ Les T^laintes des^

Si c'ètoit icy le lieu de dïfputer contre GesTheologiens furieux , il ne feroit pas dificile de leur faire voir la vanité de ces alkga-^ tuons. Les Apoftres fçavoieht pour le moins auffi bien qn^eux Ir ïens,&: l'intention de leurMaitre, &ils ne manquoientpasdezete pour Tavancement de fonEvan^ gile, ont ils pourtant jamais em- ployé la force des armes pour converfion des peuples, 6c leur Maître leur a-t-il donné pour ce-" la des Dragons , &: des troupes d^ gens de guerre ? Qui ne fait que dans le Stile de TEcriture lesi termes de Compellere , Cogère ^\^ figniiient une douce force d'eX-j^> ortation, ^deperfiialion, com-è^ me au 19. delaGenefe , il eft dit de Lot qu'il contraignit les Anges d'entrer dans la maifon j. Comfulit illos opfidà,, 6c au 2<?^ du premier de Samuel , il eft dit que les Serviteurs de Saùl le contraignirent à manger > Coe"-^

gerunt

Troteftans de France, vjy gerttnteum^ & au 24. de St. Luc il eft dit que les deux dif- ciples d'Emaiis forcèrent Jefus à demeurer avec eux, Coégertint illtimy &c au 16. des A£tes , oir il eft dit que Lydie contraignit: St. Paul, & fa compagnie à fe retirer chez elle , Co'égit nos,. Pour ce qui regarde la lettre de St. Auguftin , il faut avouer que rien ne nous fauroit mieux mar- quer le caractère de ces gens-cy que cette allégation. Ils n'igno>* rent pas que le fentimcnt com- mun des Pères eft qu^onnedoir jamais violenter les confciences ^ ni planter la Religion par la for- ce. Ils favent que c'eft la voix gé- nérale de TEglife ancienne juf* ques-làque S. Martin retrancha:- de fa communion les Evêques Perfecuteursdes Prifcilianites,6c au préjudice de tout cela ils veu- lent aujourduynous donner pour règle de la conduite des Chré- tiens , la lettre d'un homme tw

^f^ . LesTlatntesdes'^ Golére, qui s'étoit laiffé furpren- dre par quelques autres Evéques emportez, & quiparcefeul en- droit a couvert fa doûrine , & (a vie d'une tache irréparable, 11^ jE^e font pas plus heiu-eux en ce qu'ils mettent en avant de la per- fecution des Donatiftes par Ics: Qrtodoxes.

: Car fans dire que les Orto* .dbxes ne forcèrent jamais les Do-^ natiftes à embrafler des doftrines ou des fervices pour lefquels ils êuflent deThorreur, ni ne les con- traignirent d'en abjurer d'autres qu'ils cruflènt 5 qu'ils ne les for- cèrent qu'à le foumettre exté- rieurement à un jugement per- ipnnel rendu par des Juges légiti-- ipes furuncqjueftiondçfait, qui étoit fi CeciUen éttHt prevarica- svteur, ou^on. Sanstoudier^dis- je, à cela, il eft certain que cette- ^erfeoition fut viûblement iui- vie des chatimens exemplaires de Ji^}i:ftice:divine fur les Peribcu-.

teurs,^

Tfofeft ans de France, ij^ téûrs; qui furent bien-tôt aprez traitez par les Ariens beaucoup- plus eruellement qu'ils n^a voient eux-mêmes traité les Donatiftcs., Dieu per-mit que comme ils avoi- entàbufé-de foibleiîfe d'Hono- rius pour luy faire exécuter ce que le Grand Conftantin n^avoit pas voulu faire 5 les Evêques Ar- iens abufaflfent auflîdelapuiflàn- cèdes Roys Vandales, pour ac- cabler les floriflântcs Églifes de l'Afrique. Mais àquoy bon cet- te difpute 5 puifque tout ce qu'ils mettent en avant eft entièrement hors de propos?Qu'ils nous mon- trent un feul pafîage , ou un fcul exemple donc ils puiflent conclu- re qu'il faut violer la foy publi- que donnée à un peuple par des> Éditsfolemnelsj & par des Trai- tez 5 tels que nous les avions dans» TEdit de Nantes. Les Juifs, & les Payens avoient41s convenu d'un Èdit avec ks Apôtres,quandjelu$ Chrift dit aux Apôtres Compell^

iSa Les'Piaintes des

intrarel St. Auguftin a-t-il jai' mais écrit qu'on dût être perfide envers ceux qu'on regarde com- me hérétiques, lors qu'on leur a: promis de vivre avec eux , en: Bons frères y 3c bons ConcitoiensS Xes Donatiftes a voient-ils d'E-r dîtquilesmift à coiavert des in^ iiiltes des Ortodoxes ? Si on don- ne lieu à cette deteftableTbeQ?- Ipgie , en fommes nous les ufis,, 5c les autres dans l'Europe ? Car enfin le Proteftant ne tient pas moins le Catholique Ro-* main pour Hérétique, que: le Ca* tholique le Proteftant. Cepcn--. dant on vit enfemble en paix y fous la £by des alliances, & dest Xraittez , le commerce demeures- libre, & chacun y fuit lamour* y.ement de fa confcienee en^ ren>

fp^. Mais il ne tiendra pas à ces. _eft€S publiques que toutne foitt «in confufion , & qu'on ne s'é- gorge les, uns les autres,, Ils;

grni^t le. Catholique con tre.

Trotejians de France. i S r Proteftaat , en enfeignant au Ca- tholique que fa Religion robli- ge à trahir le Proteftant, & à le fiirprendre dés qu'il le pourra faire impunément 5 &:a Taflom-* mer s'il ne veut pas changer dei Religion, Ils arment le Prote-^ fiant contre le Catholique, car aprez tout quelle paix , 6c quelle focieté peut-on avoin avec des gens qui noii lèù-^ feulement ne ferons nulle con- fcience de rompre leur foy, mais, qui feroient au contraire con- fcience de ne la pas rompre lorf- qti'ils en trouveront l'occafion ?

C'eft ce que doit produire- naturellement la pernicieufedo- éirinede ces gens-ey> avec leur* Compelle intrare. , ôcleur lettre de S.Auguftin. ^

Le mal eft que ce ne font pas>. de fimples difcours , ou de fim* pies Ecrits de quelques Auteurs^ «iv^poreZj qui n'ont prefque d'or-

,H; 7 dinai-v

dînaire que leur Cabinet pour Sphère d'àiti vite. Ce font des effets, & des réalitez , c'eft un grand Roy qu*ôn a furpris , ce font de puiilànts Miniftres d'État à qui on a mis ces maximesdans tefte , & qui les reduilent en pra- tique, ce font des armées de Dra- gons qui ont défolé tout un Roy- aume, & qui ont mis plu« de cincj cents mille familles à fac. Vivons nous donc dans un fiecleoù l'on feflèconfifter làReligion à n*avoir plus de crainte de Dieu , ou fi Pon s'eft imagine que la crainte de Dieu confifte à inlpirer de grands exeez? Croit-on que ces excez foient agréables à Jefus Chriftj & qu*iî vueille qu'on pro^* vigne fa Religion par des trahi-' fons , & par des crimes ? Il a bien dit qu'il ne permetroit pas que les portes d'Enfer prévalufTent contre fon Eglife, mais il n'a ja- mais dît que pour la propagation^ de fon Eglife il lu j donneroi t les

por-

Troteflans de France, 183 portes d'Enfer. Or s'il-y-a ja- mais eu rien au Monde qui eût Pair des portes d'Enfer, ce font les perfecutions de France.

Quelque antipatie qu'il y aie entre le Siège de Rome & nous y nous aurions de la peine à nous perfuader que le Pape d'âujour- duy y eût aucune part , ou que cet orage nous fut venu perfon- Bellement de luy. Nous favon% que c'eft un Prince doux \ & qu^ fes inclinations font plus fages, & plus modérées que celles de phi- licurs de fes predecc/Teurs. D'ail- nous favons^ que le Clergé France ne le confulte pas tou-^ jours dans ce qu'il entreprend , &t on nous àmême fouveut propofé- pour motif à nous ranger aux vo* Ipntez du Koy ce qu'on faifoit,; contre Rome êc le peu de défé

■-^î

rence, qu'on avoit pour fon auto-?j rite. Ainfi nous efpérons que Ic^ Pape même rxous confiderant en-*^ cîore comme dci hommes 5 Sccom-*

me

184 T LesTlaintesdes me des hommes y & comme des Chrétiens , nous plaindra, & blâ- mera la conduite qu'on a tenue contre nous 5 ne fuft-ce que pouo Tintereft de fa Religion. Peut- être qu'un jour à nôtre tour nousi blâmerons auflî celle qu'on tien-= dra contre luy. >

Quoy qu'il en foit c'eft une vé- rité fort confiante que les Prote- ftans de France font l'objet Iç^ plus digne de la compaflion pu^ blique qu'on ait jamais vu. Le% uns (bupirent, & pleurent fous unv dur éclavage^qu'ils changeroient de bon cœur avec àts fers dans Alger, & dans Tunis^car ils n'y fe^ roient pas au moins opprimez em leurs confciences 5 &ilsauroient encore quelqu'efperance de \x^ berté par la voye de la rançonj Les autres font errans dans des

{)ays étrangers , dépouillez da eurs biens 5 feparez apparem^ ment pour toujours de leurs pa- rens, de leurs alliez, & de leurs^ ^nusjqu'ils ont laiil|z.^ans,le plus,

4 > -î:

Trotejlans de France. i^y malheureux érat du Monde. Les Maris y ont laiile leurs femmes, & les femmes leurs maris^les pères y ont été contraints de quitter leurs enfens , & les cnfans leurs pères. Nous avons vu fondre comme en un inftant nos fortunes, nos établiflemens, nos héritages 5 nos^^ €fperances,nos maifons,nos com» merces , & de ce qu'on appelle les biens temporels ,11 ne nous reftc^ prefque plus rien qu'une vie lan-^ guiflante , & la part que notre mi- fere nous donne dans la charité de nos frères.

Cependant au milieu de tant de douleurs plufieurs chofes nous Gonfolent. Nous fouffrons uni- quement pour la caufe de nôtre Religion, fans que la malice des Perfecuteurs puifiè nous imputer la moindre chofe qui nous ait at- tiré nos fouffrances. Nous avons fervi le Roi,& l'Etat avec ardcur> & fidélité , nous avons été fournis aux Loix , & aux Magiftrats, nous avons été prompts à porter les

^-ffciirt.

chaar-

i86 jy LesT!amUsJes^ charges communes , & pour nos concitoyens ils n'ont pas lieu de fe plaindre de nous. i

Durant plus de vingtans nous avons foùffert avec une patieiice admirable un rude & impétueux orage, & lors même que dans Iç^ Vivarez j & dans les Cevennes quelques uns ont crû qu'ils do-^ voient prêcher fur les mafures d^: leurs Temples injuftementdemo^ lis, leur petit nombre quife re-t duifoitàune poignée deperfon*: nesj n'a fait que relever davan-^ tagelarefignation, & l'obeïfïan- ce de tout nôtre corps. Dans ces derniers accablemens nous avons été comme des brebis in- nocentes, fans defenfe. Se fans refïèntiment. Nous nous confo- Ions donc dans la po(reiIioï|,,dq nôtre juftice. ^ÎM

Mais nous nous confolonsauf- fi dans la tendreiïè Chrétienne avec laquelle les Princes , & les j£jtats étrangers nous ont ouvert

Troteftans de France, ^%j les bras 5 & receus dans les ter- res de leur obeïflance. Ils nous ontfecourus, favorifez, &fou- lagez, &Ies peuples qui vivent fous leur domination ont fecon* , cts foins officieux , & nous avons trouvé en eux tous, non fîmplement de nouveaux Maî- tres, ou de nouveaux amis , mais de véritables Pères , & Frères. Comme ctttt cordiale cônipaf- fin aété un baume fur nos playes3 nous n'en perdrons jamais fou- venir , & nous efperons qu'elle continuera parce que nous tra- vaillerons & nous & nos enfans à ne nous en rendre pas indignes.

La feule afliétion qui nous refte dont nous ne pouvons pas nous confoler , ç'eft de voir nôtre Re- ligion opprimée dans le Royau- me de France, tant de Temples oùDieuétoitfervilelonla pureté de fon Evangile démolis , tant de troupeaux dilperfez, tant de pau- vres CQnlciences gemiflàn tes fous

lit

î88 LesTlaintesdes la fervitude , tant d'enfans fouf- traits à la légitime éducation de leurs Pères. Mais nous efperons qu'enfin ce même Dieu qui en- tendit autrefois lesfoupirs defon

peupledansPefclavage d'Egypte, entendra encore aujourduy les cris defesfideles.Nousneluide- mandons point de vengeance, au contraire nous fouhaitons qu*il luyplaife toucher de repentance les cœurs endurcis de nos enne- mis 5 &: qu'en fuite il leur pardon-' ne. Nous luy demandons un fecours, & une délivrance telle que la fagelle nous la Voudra dif-; penfer. Et comme nois prières' font dans l'ordre de fa providen4 ce 5 nous avons fuj et d'efperer qu'il les exaucera , & qu'il nous^ rétablira dans nôtre premier état." En attendant cet heureux eifet^ defamifericorde, &pournepas^ défaillir à la juftice de nôtre cau- fe , nous voulons bien que cet Ecrit , qui contient nos juftes

plaiU'

Trotejlans de France. i8^ plaintes nous ferve deProtefta- tion devant le Ciel , & devant la terre contre toutes les violences qu'on nous a faites dans le Roy- aume de France , contre tous les Arrêts^ Déclarations , Edits^Re- glemcns , & autres Difpofitions de qu'elque nature qu'elles foient, que nos ennemis ont fait publier au préjudice de TEdit de Nantes^contre toute forte de De-? libérations, Aftes^fignatures, ou^ Déclarations Verbales portant- abjuration de nôtre Religion , & profeffion de la Romaine, quela^ ci^^intç^ les tourmens , & la for-. çé majeure ont extorquées, ou" de nous, ou de nos frères , contre le pillage qui a été déjà fait,ou qui fera fait cy après de nos biens , maifons , effets , dettes aftivesjde-i. pots , rentes, terres , héritages, ou revenus cpmuns , ou particuliers:^^ tant par yoye de confifcation,qu^^ par toute autre quelle qu'elle foit> cpixmie contre des choies iniques,

fai-

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1 po Les Plaintes des

faites en trahifon, par la feule ifor- ce majeure, en pleine paix, con- traires à la Raiibn , aux droits de la Nature , & aux droits de la fo- çieté j & intereflantes générale- ment tous les hommes. En parti- culier nous proteftons contre TE dit du i8. Oftobre 1685. conte- nant la re vocation de celuy de Nantes, comme contre une mani- fefte furprife qui a été faite à la ju- fticedefa Majefté, & un vifible abus de Tautorité & de la puiflàn- ce Royale, TEdit de Nantes étant de fa nature iiîviolable, &irreyol cable , hors de Tatteiutc de toute puiflànce humaine,fait pour être un Traité perpétuel entre les Ca- toliques Romains , & nous , une foy publique , ôc une Loy fonda- mentale de l'Etat que nulle auto-, rite ne peut enfraindre^NousPro^Ç; teftons contre toutes les fuittes de cette Revocation, contre l'extin- Sdon de TExerçicede nôtre Reli- gion dans tout le Royaume de <

Fran-

Troteftans de France. ip i FrancCjContre les infamies & cru- autez qu'on y exerce fur Jes corps en leur refufantlafepulturey en les jettant dans les voyriesj ou en les traînant ignominieufement fur desClayes, contre Tenleve- ment des enfans pour les faire in- ftruire dans la Religion Romai- ne, ôcl'ordre aux Pères 3 & Mères de les faire baptifer par les Prê- tres ,& de leur en laiflèr l'éduca- tion. Nous proteftons fur tout contre cette impie 5 ôcdeteftable pratique qu'on tient à prefent en France défaire dépendre la Reli- gion dé la volonté d'un Roy mor» tel&coruptiblej & de traiter la

f)erfeverancéen la foy de rebel- ion 3 & de crime d'Etat, ce qui eft faire d'un homme un Dieu , & au- torifer l'Ateïfme , ou l'Idolâtrie. NousProteftons contre la violen- te &: inhumaine détention qu'on fait en France de nos frères , foit dans les prifons ou autrement , pour les empêcher de fortir du

Roy au-

î px Les Plaintes des

Royaume, êc d'aller chercher ail- leurs la liberté de leurs confcien» ces, car c'eftle comble delà vio- , lence brutale, & de Tiniquité. En» fin nous proteftons contre tout ce que nous devons & pouvons pro- tefter de droit , declarans que tel- le eft nôtre intention, & que les chofes non exprimées , ibient comprifes dans les exprimées. Nous fupplions tres-humble- mtnt tous Roys, Princes, Sei- gneurs, Etats,* & peuples, & en gênerai tous hommes de quelque condition qu'ils foient de vou- loir bien confen tir que ces Prote- ftations légitimes & indifpenfa- blés que nous fommes obligez de faire & que nous faifonsdans la droiture de nôtre cœur, fervent devant eux , & de van t Dieu de té- moignage , à nous & à nôtre pof- terité , pour la confervation de nos Droits, & pour l'acquit de nosconfciences.

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Les plaintes des protestans, cruellement

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