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A. PERSI FLACCI SATVRAE

LES SATIRES

DE PERSE

TEXTE LATIN

PUBLIÉ AVEC UN COMMENTAIRE CRITIQUE ET EXPLICATIF ET UNE INTRODUCTION

PAR

FRANÇOIS VILLENEUVE

Professeur au Lycée Charge de conférences à la Faculté des Lettres de l'Université de Montpellier

PARIS

LIBRAIRIE HACHETTE ET C^

79, BOULEVARD S A I N T- G E R M A I N , 79 ..OI^DRCS, 18, KWO W1I.UAM STREET, STRAND

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LES SATIRES

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Poitiers. - Société française d'Iwipnnierie et de Librairie.

A. PERSI FLACCI SATVnAE

LES SATIRES

DE PERSE

TEXTE LArlN

PUBLIÉ AVEC UN COMMi:?iTAIRE CRITIQUE ET EXPLICATIF ET UxNE. LNTRODrjCTION

FRANÇOIS VILLENEUVE

Professeur au Lycée Chargp de couférejices à la Faculté des Lettres de l'Université de Monipellie»

PARIS

LIBRAIRIE HACHETTE ET C*

79, BOULEVARD SAINT-GEBMAIX. 79 LONDRES, tS, KIKfi ^^1LIJ[A.III STREET, STRA;«D

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A LA MÉMOIRE

DE

GEORGES EDET

AVERTISSEMENT

Je dois quelques mots au lecteur pour qu'il ne cherche pas dans cette édition des satires de Perse ce que je n'ai pas voulu y mettre.

Je ne me suis proposé que d'être pour lui un guide perpétuel à travers les obscurités d'un texte malaisé. Je n'ai donc point prétendu épuiser la liste des rapprochements que peut fournir l'étude des modèles et des imitateurs de Perse. De ce côté, j'ai allégé mon commentaire de tout ce qui n'était pas de nature à éclairer la pensée et les intentions du poète, ou à justifier les particularités de sa langue et de son style. Je n'ai pas songé davantage à donner, vers par vers, l'histoire, qui serait longue, de l'interprétation : mais, dans les passages obscurs, lorsque la solution de mon choix n'avait pas à mes propres yeux le caractère de l'évidence, j'ai indiqué, entre celles que d'autres ont préférées, les plus vraisem- blables.

Je ne dis rien des principes que j'ai suivis pour établir le texte et rédiger les notes critiques. Je les ai exposés plus loin, au cours d'une étude sur les manuscrits les plus anciens, dans une introduction l'on trouvera, de plus, une biographie sommaire, accompagnée d'une discus- sion sur l'origine de la Vita Persi, un examen critique de 1 âge et de l'autorité des scolies, une notice sur les principales éditions, enfin quelques remarques sur la métrique des satires. On s'étonnera peut-être du caractère purement philologique de ce morceau. Mais une étude littéraire sur Perse eût exigé des développements que ne comportait pas le plan de la présente édition et qui m'ont fourni la matière d'un autre \o\ume (Essai sur Perse, Paris, 1917). Les deux ouvrages ont été pré- parés simultanément, mais la rédaction de mon commentaire a suivi celle de mon Essai, auquel j'ai fait ici plus d'un emprunt. Sur plus d'un point, en revanche, mon opinion s'est modifiée, à la suite d'un nouvel examen des difficultés encore pendantes, et nul de ceux qui se sont occupés de Perse ne songera, je pense, à me le reprocher.

II AVERTISSEMENT

Un philologue n'a pas à s'excuser d'avoir pu, au milieu des événe- ments grands et terribles que traverse son pays, poursuivre Tachève- ment d'un travail philologique : la guerre n'a suspendu aucune des formes de l'activité nationiile, et 1 étude de l'antiquité classique ne pas- sera jamais chez nous pour jeu de mandarin. Si mon effort ne semble pas tout à fait inutile, je voudrais qu'on en fît honneur aux latinistes dont j'ai été l'élève, Georges Edet, Gaston Boissier, M. Frédéric Plessis, M. Henri Gœlzer, et je me féliciterais que cet ouvrage pût, en quelque mesure, faire revivre les droits de l'érudition française sur un auteur dont 1 illustre Casaubon a. le premier, démêlé l'écheveau et éclairé les ténèbres. Je n'ai pas négligé les travaux des érudits allemands, bien qu il me fût pénible d'emprunter quelque chose à ceux qui nous ont enseigné la haine, et j'en ai parlé sans parti pris : mais on reconnaîtra, je l'espère, que je ne me suis point asservi aux méthodes germaniques.

14 septembre 1916.

INTRODUCTION

BIOGRAPHIE DE PERSE.

Aulus ' Persius Flaccus naquit, le 4 décembre de l'année 34 après J.-C, à Volaterrae, aujourd'hui Volterra, vieille ville d'Etrurie. Il était chevalier romain et tenait par des liens de parenté et d'alliance à de grandes familles, notamment à celle d'Arria, femme de Paetus Thrasea. A l'âge de 6 ans environ, il perdit son père. Sa mère, Fulvia Sisennia, se remaria avec un chevalier nommé Fusius, de Luna (aujourd'hui La Spezia). Mais elle devint bientôt veuve une seconde fois.

L'enfant fit ses premières études dans sa ville natale. Quand il eut 12 ans. on l'envoya suivre, à Rome, les leçons du célèbre grammai- rien Reraraius Paléraon -, puis celles du rhéteur Verginius Flavus. A 16 ans, au moment il venait de prendre la toge virile ^, il passa sous la direction du philosophe stoïcien Annaeus Cornutus, auquel l'unit bientôt une amitié profonde et qu'il ne quitta plus. Chez celui-ci, il connut deux Grecs passionnés pour l'étude, le médecin lacédémonien Claudius Agathurnus et Pétronius Aristocrates de Magnésie ^, avec lesquels il rivalisait d ardeur. Il y rencontra Lucain, élève, lui aussi, de Cornutus, mais de cinq ans plus jeune que notre poète. Il n'approcha de Sénèque que plus tard, et sans être jamais conquis par le charme intellectuel du philosophe. Mais il fut l'ami de plusieurs personnages connus de ce temps-là : du consulaire M. Servilius Nonianus, historien

1. Ou Aules : voy. ci-après, p. 3, le texte 3. Voy. Sat., 5, 30.

et les notes de la VitaPersi. 4. Les surnoms sont hypothétiques :

2. Sur ce personnage et ceux qui sont nom- voy. les NC. delà Yita Pevsi. mes ensuite, voj-. les notes de la Vita Persi.

IV INTRODUCTION

de talent et honnête homme, qu'il honorait comme un père ; de Plotius Macrinus, homme très cultivé qu'il avait connu chez Nonianus et à qui sa deuxième satire est adressée ; de Paetus Thrasea, qui lui témoigna pendant dix ans l'affection la plus vive et fit avec lui un voyage ; du poète 13'rique Caesius Bassus. Nous ne savons rien de précis sur un autre de ses amis, Calpurnius Statura, sinon qu'il mourut jeune.

Perse, jeune homme du caractère le plus doux et le plus réservé, conserva toujours beaucoup d'affection pour sa mère, sa sœur et sa tante maternelle. Atteint d'une maladie d'estomac, il mourut le 24 no- vembre 62, à Tàge de 28 ans, dans un domaine qu'il possédait à huit milles de Rome, sur la voie Appienne. Il léguait sa fortune, soit deux millions de sesterces environ (490.000 fr.), à sa mère et à sa sœur. Mais il demandait à sa mère, par un codicille, de donner à Cornutus cent mille sesterces (24.500 fr.), ou, selon d'autres, vingt livres d'argenterie et toute sa bibliothèque. Le philosophe accepta la bibliothèque, mais ne voulut pas de l'argent.

Perse n'avait rien publié. Tout au plus avait-il lu, devant un cercle, sans doute restreint, d'auditeurs, une partie de son œuvre satirique, qui avait arrachée Lucain des cris d'admiration. Il laissait des vers de jeu- nesse, composés au sortir de Tentance et que sa mère supprima sur le conseil de Cornutus : une tragédie prétexte, un livre dont les manuscrits de la Vita Persi ont altéré le titre au point de le rendre méconnaissable, une courte pièce sur l'héroïsme de la première Arria, belle-mère de Thrasea. Mais, après ces premiers essais, la lecture de Lucilius l'avait bientôt porté à composer des satires dont le recueil restait inachevé : car le poète écrivait peu et lentement. Cornutus fit quelques retouches légères et, en particulier, supprima quelques vers à la fin de la sixième et dernière satire pour lui donner l'apparence d être terminée. Mais, sur la demande de Caesius Bassus, il s'en remit à ce dernier du soin d'éditer l'ouvrage, dont le succès fut tout de suite très grand.

II

La Vila Persi.

Les détails qui précèdent sont tirés de la vieille biographie du poète que nous possédons sous le titre de Vila A. Persi Flacci de commentario

INTRODUCTION v

Probi Valeri siiblala '. J'en donne plus loin le texte. Elle ofTre la dispo- sition suivante : noms ; dates de la naissance et de la mort ; lieu de la naissance ; rang social ; lieu de la mort ; père et mère ; maîtres ; 5" amis ; caractère - ; testament et succession ; manière de tra- vailler ; publication posthume des satires ; autres ouvrages ; succès des satires ; dernière maladie ; âge au moment de la mort. Un paragraphe additionnel est consacré à la première satire de Perse, imitée du dixième livre de Lucilius et dirigée contre les poètes et les orateurs du temps : Néron, lui-même, nous dit-on, n'j' était pas épargné, et Cornutus en corrigea un vers que le prince aurait pu considérer comme une injure personnelle.

Cette disposition rappelle, par des analogies frappantes, celle des biographies de poètes qui nous restent du De iiiris illiistribiis de Suétone. Les Vies de Térence, d'Horace et de Virgile ^ ne sont pas autre chose en efifet que des séries de notes nous renseignant sur le nom et la patrie de chacun de ces écrivains, son origine, sa jeunesse, ses relations avec les grands personnages du temps, son extérieur et son caractère, la nature de ses œuvres et le succès qu'elles ont eu, sa mort, l'âge qu'il a atteint, les biens qu'il a laissés,' etc. *. C'est aussi une habitude chez Suétone d'introduire les différentes parties de ses biographies par un des mots essentiels ; nous retrouvons le même procédé dans la Vie de Perse, chaque paragraphe a, pour ainsi dire, sa rubrique : § 2 Natiis est... ; decessil. . .' § 3 Pater. ..: ^ 4 Stiidiiit. . .; § 5 Amicos habiiit. . .; § 6 Fuit morum. .. ; § 7 Reliquit... ; 5; 8 Scriptilauit. . . ; scripserat... ; edi- tum lihriim.. .; § 9 Decessit aiitem ^...

Seul le supplément consacré à la première satire sort du cadre ordi- naire des biographies de Suétone. 11 n'y a rien d'analogue, quoi qu'on en ait dit ^, ni dans la Vie de Virgile, ni dans celle d'Auguste : dans la première, le développement final sur les détracteurs est mis pour compléter ce que Suétone vient de nous apprendre touchant la publica- tion de l'Enéide, et, dans la seconde, le dernier chapitre roule tout entier sur les dispositions testamentaires d'Auguste. Ici, on nous parle de la vocation satirique de Perse, éveillée, dès sa sortie de l'école, par la lecture du dixième livre de Lucilius, puis d'une correction apjjortée

1. Dans certains manuscrils, cette bio- 4. Voy. Fr. Lco : Die r/riechisch-rdmische graphie est anonj-me. Biographie nach ihrer litterarischen Forni

2. Et « extérieur », si la leçon formae (Leipzig, 1901), p. 11 et suiv.

pulchrae est la bonne. 5. Voy. F. Glaeser : Qiiaestioues sucto-

3. Celle qui est jointe au conimeiilaire niaiiae (Breslau, 1911, j). 10). deDonat. 6. Comme fait M. Glaeser, ibicL, p. '28.

▼I INTRODUCTION

par CornuUis à un des vers de la satire 1. Le premier de ces renseigne- ments avait sa place marquée à la suite du paragraphe sur les études du poète, le second aurait venir dans le paragraphe consacré aux œuvres, comme un exemple de ces retouches légères que Cornutus Gt subir aux satires de son élève avant de les remettre à Caesius Bassus : « Leiiiler correxil Cornuliis et Caesio Basso, petenti ut ipse ederet tra- didil edendum. » Il est. d'autre part, inadmissible qu'on lût, dans le texte primitif de notre biographie : « Decessit. . anno aetatis XXX; sed mox ut a schola... deiicrlit... saturas componere insliluit » : au moins l'auteur eût-il écrit : deuerlerat, instituerai. K On peut considérer comme certain que la dernière partie de la Vie de Perse est un supplément ajouté après coup.

Mais cela n'est pas une raison pour admettre que le reste du morceau ne soit qu'une collection de phrases prises, plus ou moins littéralement, dans un commentaire -. Il faudrait, en ce cas. attribuer la même origine aux Vies de Térence, de Virgile et dHorace, dont la composition n'a pas plus d'unité intérieure. Or, bien que nous n'ayons pas la Vie de Virgile ni peut-être celle d Horace sous leur forme primitive, la Vie de Térence est un échantillon authentique de la manière dont Suétone construisait ses biographies d'écrivains •'.

Devons-nous donc lui attribuer, comme on l'a fait longtemps, la Vie de Perse * V ou vaut-il mieux, suivant l'indication des manuscrits, en conserver la paternité à Valerius Probus, eest-à-dire à un grammairien plus ancien que Suétone ? M. Léo a montré •'• que ce dernier ne s'écarte point, dans la composition de ses biographies, du type créé ou adopté, dès le 11^ siècle avant notre ère, par les grammairiens d'Alexandrie Or, Probus, dans ses éditions de textes latins, semble avoir suivi une méthode qui remontait à Aristarque : « Multaque exemplaria contracta, nous dit Suétone (De Gramm., 24), emendare ac distinguere et adnotare curauit, soli huic nec ulli praeterea grammaticae parti deditus » ; et ailleurs: « Probus... illas (se. adnotationes) in Vergilio et Horalio et Lucrelio apposuit ut in Homero Aristarchus » (Anecdoloii Parisiinim; voy. Gromm. lai., VII, p. 534, 4 Kcil, et cf. A. Reifferscheid ; Suclonii

1. Cf. A. Klolz, dans \c compte rendu Doiiat à la fin de la Vie de Térence. de la thèse de F. Glacser (Berlin, phil. 4. C'était l'opinion générale avant que Wochenschrift. 32 (1912), p. 781). Jahn eût donné sa grande éd. de Perse

2. Comme O. Jahn inclinait à le penser (184;{).

Cvoy. Proleg. de sa grande éd. de Perse, 5. F. Léo : Die griech.-rom. Biographie,

p, eu). p. 19 et sulv.; cf. p. 139 et suiv. ; p. 315

3. Haec SuelOÊiiua Tranquillus . dit et suiv.

INTRODUCTION vu

reliqiiiae, p. 138). Les mots adnotare et adnotationes doivent s'entendre tout d'abord des signes employés par les Alexandrins '. A ces signes, Probus avait peut être ajouté des notes proprement dites relatives à l'établissement du texte et aussi à diverses questions de logique, d'es- thétique, de langue-. Enfin, selon M. Léo, il avait dû, à l'exemple de ses modèles grecs, faire précéder ou suivre chacune de ses éditions d'une Vie de l'auteur. Le silence de Suétone à cet égard ne doit pas nous surprendre : ayant indiqué, en termes précis, que Probus avait donné des éditions critiques, il n'a pas cru nécessaire d'ajouter que ces éditions étaient accompagnées, selon lusage, d'une notice biographique ^ Il est vraisemblable que Probus, dans cette partie de son travail comme dans les autres, avait imité les procédés de l'école d'Alexandrie : on s'explique dès lors que la Vie de Perse présente une disposition qui l'apparente, sans doute, aux biographies de Suétone, mais aussi aux Y^vY) et aux ^liot. dérivés d'Aristarque, de Didyme Chalcentère et de leurs disciples.

Cependant, l'existence d'une édition de Perse publiée par Valerius Probus ou donnée, sous son nom et d'après ses leçons, par un de ses élèves, demeure douteuse. Suétone, dans la notice qu'il consacre à ce grammairien, semble dire que celui ci s'est occupé uniquement des anciens auteurs. Mais, sur ce point, le fragment de V Anecdoton Parisi- niim cité plus haut doit nous mettre en garde contre une interprétation trop étroite, puisque le même Suétone y parle d'annotations de Probus sur les œuvres de Virgile et d'Horace. Il est vrai qu'on ne lit point le nom de Perse dans ce passage. Mais on n'y trouve pas non plus celui de Térence, dont Probus, pourtant, s'était occupé*. On peut s'étonner qu'il ait paru une nouvelle édition de Perse si peu de temps après celle qu'avaient publiée Cornutus et Caesius Bassus. Mais, outre que les limites de la vie de Probus sont mal connues, et que sa mort est peut- être postérieure à l'année 100 après J -C. ^, le grand succès de l'œuvre et son obscurité expliquent suffisamment qu'elle ait éveillé de bonne heure l'intérêt des grammairiens. Et, de fait, nous lisons chez saint

l.Voy. F. heo: Plautinische Forschungen même : Plautin. Forschiinqen, p. 56.

(Berlin, 1895, p. 27 et suiv.). 4. Voy. Aistermann, op. cit., p. 33 et

2. Voy. J Aistermann : De M. Valerii suiv.; cf Schauz, o;). cit., p. 440.

Probi Berylii uita et scriptis, Bonn, 1909, 5. Voy. Aistermann, ibid., p. 31 et suiv.

p. 14; cf. Sctianz : Gesch. d. rôni. Lit., M. Aistermann suppose (p. 47) que Probus

II, 2 (3'-' éd.), § 477 (p. 439). s'est occupé de Perse vers la fin de sa vie

3. Voy Léo : Griech.-rom. Biogr., et que le Fragment de V Anecdoton Pnrisi- p. 18, n. 2 ; cf. ibid., p. 20 et du num est antérieur à sa mort.

VIII INTRODUCTION

Jérôme [Apol. adu. Rnfin., 1, 16) : « Puto quod puer legeris Aspri in Vergiliuni et Salluslium commentarios, Vulcacii in orationes Ciceronis, Viclorini in dialogos eius et in Tercntii comoedias, praeceptoris niei Donati aeque in Vergiiiuni et aHoriim in alios. Plaututn uidelicet, Lucrelium, Flaccum, Persium atque Lucanum. » Si nous rapprochons ce texte du titre donné par les manuscrits à la Vie de Perse : « Vita A. Persi Flacci de commenlario Probi ra/rrz sublata », nous sommes tentés d'admettre que saint Jérôme songe précisément à un commentaire qui portait le nom de Probus. On a soutenu qu'un passage de Diomède, combiné avec un passage de Priscien, en confirmait l'existence. Diomède dit en effet : « Piso, pisas, et est apud Persium (1, 58) ambiguum a tergo ciconia pisat an /jzs// legendum sit. Sed apud ueteres reperimus etiam n liltera addila pinso, quod est tiindo. et pinsit. secundum tertium ordinem, ut Ennius decimo Annalium (351 Vahlen) : Pinsiint lerram (jenibus. Huius perfectum pinsui, ut apud Pomponium (188 Ribbeck) : Ciim inté- rim neqiic malismolui neque palalis pinsiii ^ » ; et, d'autre part, nous trou- vons chez Priscien l'indication suivante : i< Pinso /jz/jsu/ facit perfectum, quod Probus usu Pomponii comprobat ; Neque malis molui neque palalis pinsui - » : ce qui nous invite à supposer que Diomède a tiré sa remarque d un commentaire de Probus sur Perse 3. Mais la conclusion est un peu précipitée, je crois : car, au témoignage même de Suétone, l'activité grammaticale de Probus ne s'était pas bornée à éditer des textes : « Nimis pauca, lisons-nous dans le De Grammalicis(24, p. 119 Reiiïersch.) et exigua de quibusdam minulis- quaestiunculis edidit. Reliquit autem non mediocrem siluam obserualionum serraonis anliqui. » La remarque sur pinso pouvait fort bien avoir sa place parmi des notes philologiques de ce genre.

En somme, hors le litre de Vila Persi de commenlario Valeri Probi sublala, rien ne prouve qu'il ait existé un commentaire de Probus sitr Perse. Et la prudence s'impose d'autant plus en pareille matière que le nom de Probus servit d assez bonne heure à couvrir des productions grammaticales manifestement apocryphes '. Retrouve-t-on au moins dans le style de la Vila Persi la marque de Probus ? M. Aisterraann l'a

1. Voy. Grainni. lai-, I. p. 37;i, 1 4. Par exemple les Catholica Probi, les Keil. Institiila artiuw, V Appendix Probi, les De

2. Voj'. ibid., II, p. 535. 21. iiomim- e.rcerpta.Cf Schaiiz. op. cj/.,p.443

3. Voj'. Aistermann, op. cit., p. 56. et suiv. Dans les Catholica Probi, Perse L'expression même de tertius ordo au sens est cité plusieurs fois (Voy. Consoli : A. de tertia conitigatio semble empruntée à Persii Flacci saturaruni liber (2' éd., Rome. la terminologie de Probus. 1911, p. 156).

INTRODUCTION ix

cru', mais les fragments authentiques de Probus sunl en trop petit nombre pour que sa manière puisse se définir avec précision. Si l'on porte la discussion sur ce terrain, on est tenlé de se prononcer bien plutôt en faveur de Suétone : M. Glaeser, qui a étudié minutieusement la forme de notre biographie, y trouve bien peu de mots, d'expressions, de tours de phrase et même de clausulcs qui ne se rencontrent chez l'auteur du De iiita Coesarum et du De iiiris illiislribus - La couleur générale aussi, le latin familier s'allie à des élégances oratoires, répond parfaitement aux habitudes de cet écrivain. On tire argument de la phrase Hune ipsiim libriiin imperfectiim reZ/gin'/ pour affirmer que la VitaPersi accompagnait une édition des Satires, et on ajoute que Sué- tone n'a pas édité de textes ; mais ne peut-il y avoir, avant ces mots, une lacune ? Ou bien Hune n'a-t-il pu être substitué à Salirorum lorsque la VitaPersi a été extraite du De uiris illustribus pour être jointe à l'œuvre du poète ? Se fondant toujours sur des considérations de style et de langue. M Glaeser attribue encore à Suétone le paragraphe supplémen- taire '■'. Mais il est difficile de le suivre lorqu'il affirme que ce paragraphe est bien à sa place *. Il eût pu, sans affaiblir sa thèse, admettre que la Vita Persi ne reproduisait pas intégralement le chapitre consacré au satirique par Suétone, et que le supplément a été tiré après coup du texte complet. L'hypothèse que nous pouvons avoir affaire à une rédaction abrégée expliquerait aussi l'omission du mot mater à côté du nom de Fulvia Sisennia, mère de Perse : « Pater eum Flaccus, lisons- nous au troisième paragraphe, pupillum reliquit moriens annorum fere sex Fuluia Sisennia nupsit postea Fusio » Peut-être l'auteur de la biographie avait-il d'abord indiqué le nom des parents de Perse, pour écrire ensuite : « Paler eum pupillum reliquit... Fuluia Sisennia nupsit, etc. » En ce cas, l'abréviateur a retenu le nom de Flaccus pour l'ajouter à Pater et, en revanche, il a oublié de mettre nxaler devant les mots Fuluia Sisennia. Au reste, si des coupures ont été pratiquées dans le texte primitif, on peut reconnaître aussi, dans la forme actuelle du morceau, des phrases interpolées. Annaeus Cornutus apparaît une pre- mière fois 4) parmi les maîtres de Perse sans que l'auteur juge utile de nous donner sur lui plus de détails que sur les autres personnages mentionnés dans la biographie. Mais le nom du philosophe se rencontre de nouveau un peu plus bas 5), et, cette fois, le développement est

1. Voy. A!stermann,op. (•it.,p.49et suiv. 3. Voy. ifoid.,p. 24 et suiv,

2. Voy. Glaeser, op. cit., p. 7 et suiv. 4. Cf. supra, p. v et n. 6.

X INTRODUCTION

interrompu par une sorte de parenthèse qui prétend nous renseigner sur l'activité littéraire de Cornutus : « Cognouit per Cornutum etiam Annaeum Lucanum aeguaeuum, auditorein Cornuli. Nam Cornutus illo iempore tragicus fuit sectae poeticae qui libros philosophiae reUquit. » Plus loin 6 , les mots fuit frugi, pudicus font double emploi avec l'in- dication fuit morurn lenissimorum, uerecundioe uirginalis.

Ces réserves faites, conclurons-nous que la Vita Persi est bien, dans son ensemble, l'œuvre de Suétone ? Le doute demeure permis. Les ressemblances de langue et de style n'ont, en pareille matière, qu'une valeur démonstrative assez faible. J'ai rappelé que le plan de ces bio- graphies était, pour les grammairiens, une sorte de domaine banal : ne peut-on admettre que, dans l'expression aussi, elles mettaient en œuvre tout un fonds commun de locutions et de tours ? En somme, la person- nalité de l'auteur n'est pas ici plus marquée qu elle ne l'est chez nous dans un article quelconque de dictionnaire biographique.

Il me semble que cette discussion doit se terminer sur un aveu d'igno- rance. Du moins faut-il noter que la seule indication formelle qui se lise dans les manuscrits est en faveur de Probus. Au demeurant, il est fort possible qu'une biographie de Perse contenue dans le De uiris illustribus de Suétone ait été placée, à une époque plus ou moins tardive, en tête d'un commentaire portant le nom de Probus '.

Quoi qu'il en soit, on peut tenir pour acquis que la Vita Persi présente une valeur documentaire considérable. Elle est faite presque tout entière de détails précis qui n'ont pu être inventés, et presque tous les personnages qu'elle nomme nous sont connus d'autre part. Seul, le der- nier paragraphe, déjà suspect parce qu'il a toute l'apparence d'une addi- tion faite après coup, n'offre pas, dans son fond même, de garanties sérieuses d'authenticité. Il est peu vraisemblable que Perse n'eût pas écrit lui-même, au vers 121 de sa première satire ; auriculas asini quis non hahet - ? Quelque grammairien a pu s'emparer tardivement d'une indication donnée plus haut (leuiter correxit Cornutus) pour imaginer que ce texte était une correction de Cornutus. Au sur[)lus, la même anecdote se retrouve dans une scolie, et, nous le verrons, les scolies de Perse sont de valeur fort inégale.

Divers manuscrits de Perse contiennent des biographies de notre poète qui abrègent ou amplifient la \'ila A. Persi Flacci de conimenlario

1. (^f. Klolz : Compte re'idii cité (îierl. 2. Cf. mon Exsai sur Pcr.se (Paris, 1917),

phil. Woch., 32(1912) p. 781). p. 218 el suiv.

INTRODUCTION ^^

Probi Valeri sublata. Œuvres de grammairiens de basse époque, ou même d'humanistes, elles ne mcritcnl aucun crédit elles offrent autre chose qu'une reproduction ou une paraphrase de leur commun modèle '.

III

Les SOURCES du texte de Perse.

Nous savons par la Vita Persi que le poète n'a pas édité lui-même son œuvre : « Hune ipsum librum imperfectum reliquit. Versus aliqui dempti sunt ultimolibro, ut quasi finitus esset. Leuiter correxit ('Var. : contraxit) Cornutus et Caesio Basso, petenti ut ipse ederct, tradidit edendum. » Ce texte ne nous dit pas d'une façon précise comment Cor- nutus et Bassus avaient compris leur tâche d'éditeurs. De l'indication concernant les vers retranchés à la fin du livre, on peut inférer qu'ils ne s'étaient permis aucune autre suppression. Mais comment faut-il entendre leuiter correxit ? Pour ceux qui admettent l'authenticité du dernier paragraphe, la substitution de auriculas asini qnis non habel à anriculas asini Mida rex hahet est un exemple de ces corrections légères. Peut-être même, si la leçon '«.. uersus in Neronem .. zpse tan- tnmmodo, est emendatus » est la bonne 2. doivent ils comprendre que Cornutus n'avait pas modifié d'autre vers Au demeurant, on peut se demander si l'expression leuiter correxit a bien ici sa valeur propre et ne s'applique pas au travail de Vemendatio, qui était le premier devoir de tout éditeur ^ : il fallait avant tout donner un texte correct ; or, le livre inachevé de Perse ne devait pas être exempt de ces fautes qu'un auteur fait disparaître seulement dans une dernière revision de son œuvre .

l.Voy. par ex. les biographies repro- humaniste sicilien du xv« siècle, etc ) ;

duitesparJahn(éd.del843.p 238etsuiv.. Marchesi (Gli scoliasli di Persio. Rwista

d'après le Laurenlianus 37,20) ; Hamorino di Filologia, 40 (1912), p. 3. d'après Remi

(De duobus Pcrsii codicibus qui inler cete- d'Auxerre, et p. 6, d'après le Laurent,

ros Laurentianae bibliothecae seruantur, 37, 20).

StudiiUilianidiFilolog{aclass{ca,12{im4:), 2. Voy. Léo : Zuni Text des Persius

p. 230. 231. 232, d après le Laurcntia- (Hernies. 45(1910), p. 46).

nus37.19)-. Consoli(2-èd..p. 144. d'après 3. - Edidit... auctore Augusto Varius,

le ms. de Trêves, le Laurenlianus 37,19, sed summalim enienda^a )>(Suél. Donat :

Vinterpretatiode François de Bull, de Pise Vie de Virgile, 41 ; cf. 37 : « ...L Varium

(cod. bibl. S.-Geminiani 13 K). un ms. de et Plotium Tuccam, qui eius Aeneida

Pise (Roncionianus n. IV. un ms. de post obitum iussu Caesaris emendauc-

Dresde, D 155, Thomas Schiphaldus, runt. »

Quel fut ensuite le sort du le\ Tai dit, que Prvibus en ail dunti'

pas douteux que s ; auteur des correct que robscuritè ra^me de IVr>> entreprises des critiqiu nïonJe. et on devait et de corriger de parti pi ^ supposition est inj{énieuse ' teurs n'avaient p«s rep on le savait, et n y f turale ? Certains j^ une correction de Cornuti;^ respectueuse. ;\ leur» yrui s'est passé quelque chose d tendit que Varius et Tucca y fit des interpolations arl son édition * D'autre part. «.>; toujours reproduit docilemr"- même dans les manuscrits . qui ont pu parfois défigurer la d'autre ressource que I.i o' absolue dans la tr.ulition (> deux recensions difl'erenteN 212 ' et le WUutintts tat^ par le célèbre .Vofi'c aussi Juvènal ' L.i l'ivuvre d'un certain Sabini)> Ces détails se tireut de la so de la manière suivante ; - I prolector domesticus ' tem

On »• Murait affinaer, if

S il le 6t. il a'est

o>or\er notre

* -'ihn [tensait

N rc contre les

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1 manu!«crit unique.

J.ihn(èil.deKS68)*

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l. O .i:,lM.

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'5. Cf. la ao(k-« «!«■ S

«?t suJv. J'ai i-vii,uion,.,. ,, .,, ,,,,,_

pla^f . K-s deux «uw. de MoiUfH-ll.er.

4. C:r. u nytktr de NV, Kubitxchok I IVrsîushaïKlH-hrm du IVl^rNkirvh^

S(KV»>, p. l'A»»

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KfL' ui\ Ui crj^. jfCTT

XII INTF^ODUCTION

Quel fut ensuite le sort du texte de Perse ? On ne saurait affirmer, je l'ai dit, que Prohus en ait donné une nouvelle édition S'il le fit, il n'est pas douteux que sa grande autorité n'ait contribué à préserver notre auteur des corrections arbitraires et des interpolations. O. Jahn pensait que l'obscurité même de Perse avait protégé son œuvre contre les entreprises des critiques : on savait qu'il n'écrivait pas comme tout le monde, et on devait être tenté plutôt de respecter les fautes du texte que de corriger de parti pris ce qu'on ne saisissait pas tout d'abord ^. La supposition est ingénieuse. Mais n'oublions pas que les premiers édi- teurs n'avaient pas reproduit partout la lettre du manuscrit original ; on le savait, et n'y avait-il pas un prétexte fourni à la critique conjec- turale ? Certains grammairiens ont pu tenir telle ou telle leçon pour une correction de Cornutus et y substituer une leçon différente, plus respectueuse, à leurs yeux, des intentions ou de la manière du poète. Il s'est passé quelque chose d'analogue pour le texte de YEnéidc : on pré- tendit que Varius et Tucca en avaient supprimé certains passages, et on y fit des interpolations arbitraires, jusqu à ce que Probus eût donné son édition D'autre part, est-il sûr que copistes et reviseurs aient toujours reproduit docilement des fautes que devait rendre fréquentes, même dans les manuscrits anciens, la difficulté du texte de Perse, et qui ont pu parfois défigurer la leçon primitive au point de ne laisser d'autre ressource que la conjecture? Le fait est qu'il n'y a pas unité absolue dans la tradition O. Jahn et Bûcheler ont établi l'existence de deux recensions ditférentes, représentées, l'une par le Montepessiilaniis 212 -^ et le Vaticaniis labiiloriibasilicae H 36 ^ (tous deux du ix'^s.), l'autre parle célèbre Moiilepessulanus 125, ou Pilhoeanus (i\^ s.), qui contient aussi Juvénal ■'. La première date de l'année 402 après J.-C. ; elle est l'œuvre d'un certain Sabinus, et a été faite sur un manuscrit unique. Ces détails se tirent de la souscription, restituée par Jahn (éd. de 1868) " de la manière suivante : « Flauius Iulius Tryfonianus Sabinus u. c. protector domesticus '' templaui emendare sine antigrapho meum et

1. O. .IhIiii : Proleg., p. cxr.ii. Hoiii. Wiener Stiidien, 8(1886), p. 125 et

2. CI". Ia-o Planlin. Forschiinqen. suiv.

p. 38-40. ,"). Cf S. G. Oweii : nolicc citée.

'.i. Cf. la notice de S. G. Oweii : On thc (î. Vo\ . la éd. (1910). revue par Léo,

Montpellier Maïuiscripls of Persius and p iv.

Juvenal, C/((.s.si<n/ /{pixfio, 19 (1905). p 218 7. Sur le titre de protector domesticus.

et suiv. J'ai collationné à mon tour, sur cf. E.-Ch.Babut: Recherches sur la garde

place, les deux mss. de Montpellier. iin])ériale et sur le corps d'officiers de

4. Cf. la notice de W. Kubitschck : Die 1 armée romaine aux iv* et V siècles,

Persiushandschrift dcr Pclerskirche in fleyue /ii.s^oriçue, 114 (1913), p. 225 et suiv.,

INTRODUCTION xiii

adnotaui Barcellone coss. dd. nn. Arcadio et Honorio V. » Nous n'avons aucun renseignement sur l'âge et l'auteur de la seconde recen- sion. Le manuscrit qui nons l'a conservée a été corrigé d'un bout à l'autre au xi^ siècle par la main qui a transcrit les choliambes, laissés de côté dans la copie primitive '. Il offre, en outre, des corrections postérieures, d'une ou même de plusieurs autres mains -.

Avec les plus récents éditeurs, je désignerai la première de ces recensions, ou, pour mieux dire, l'accord du Montepessulanus 212 et du Vaticanus H 36 3, par a, la seconde, ou, plus exactement, le Pithoeanus, qui la représente pour nous, par P *. Elles offrent un certain nombre de rencontres dans l'erreur. Je citerai les exemples suivants '' :

[Prol., 3] : Memini /ne ut...

Sat., 1, 95 : Si costam...

1, 111 : Euge oinnes bene.

2, 19 : Hune... « cuinam ? » uis Staio ?

2, 23 : Ad sese...

2, 55 : Hinc illud subit.

3, 20 : el fluis.

3, 23 : lutum est.

3, 56 : deduxil.

3, 57 : collem (corrigé dans A et dans P; mais, sur cette

leçon, voy. Not. crit.).

4, 13 : potis est.

4, 19 : zn/zunc (selon Léo, B donne la leçon correcte / mine).

4, 22 : ocz/ma.

5, 36 : seposui.

5, 62 : carthis.

5, 136 : e/sitientecaraelo (mais, sur cette leçon, voy. Not. crit.).

5, 191 : ligetur (ou seligetur) a ; eligelur P.

6, 6 : Aegregiiis a ; Aegrecius P.

6, 11 : pauoaem.

6, 15 : Aorti.

et 116(1914), p. 225 et suiv. Sur la recen- 3. il y a divergence, on a 1 habi-

sion de Tryfonianus, cf. Havet ; Manuel de tude de désigner le premier de ces rnss.

critique verbale, § 108 (Paris, 1911). par A, le second par B (Mp et Rom. dans

1. Vo}- Consoli, p. 19 de son éd Mais Jahn (1843).

la découverte est due à M. Nougaret (Aie- 4. tt dans Jahn (1843), C dans Jahn

langes Châtelain, p. 262). (1868) et Jahn-Bùcheler (1886 et 1893).

2. Gomme l'a vu M. Nougaret (cf. Havet, 5. Cf. F. Bùcheler : Der Text des Per- Manuel de crit. verb. p. xiv). sius, fi/iei/iisc/ies Muséum, 41 (1886), p. 454.

x,v INTKODUCTION

Sat., 6, IG : ohit.

6, 39 : cum p/per et palmis.

G, 40 : crassa.

6, oG : mannius.

G, 80 : àmentus.

11 faut mettre à part deux leçons qui, pour inconciliables qu'elles paraissent au premier abord avec les règles de la métrique ou de la prosodie, sont peut-être conformes au texte original-: Sat., 3, GG : « Disci/e o miseri et... », et Sat., 5, 134 : «< Et quid agam ? liofias ? en saperdas aduehe Ponto ^ »

La plupart des fautes énumérées ci-dessus sont de celles qui se pro duisent d'une manière pour ainsi dire mécanique : confusions de lettres ou de mots à peu près semblables, omissions de lettres ou de mots redoublés. D'autres peuvent s'expliquer par l'état de la langue dans les derniers siècles de la latinité. Mais les deux recensions offriraient sans doute moins d'erreurs communes si elles ne remontaient à un même archétype .

Malgré tout, elles s'écartent l'une de l'autre en bien des endroits. Et d'abord, elles ont leurs erreurs propres, dont la plupart, imputables à l'ignorance ou à l'inintelligence des copistes et nombreuses surtout dans X -, se corrigent immédiatement : en ce cas, elles sont sansintéi-ct pour nous. Je citerai seulement quelques-uns des passages des fautes de ce genre ont, dans x et dans P. défiguré le même mot ou la même expression, mais de manières ditîérentes :

P

1, 31 : satuli satyri

93 : Cluderesi uersuni dcdicit Claudere sic uersum didici

101 : licet lyncae

2, 6 : murmur humilisque su- murmurque humilesque (susurros

surros oin.)

7 : aperte aperito

3, 93 : locupo luturo

97 : sepeliit urestas sepellitur istas 5, 92 : ueteresse abias ueteres aulas

1. Cf. inf'ra mou commentaire.

2. Exarainanl quelques-unes de ces fautes. M. Ramorino est conduit à supposer que nos mss A et B ont été copiés sur un archétjpe d'écriture wisigothique (Voy. Studi ital. di Fil. dass., 12 (1904). p. 253-254).

INTRODUCTION

5, 102 :

; perocintus

perornatus

131 :

: scutita

scylice

- 174 :

nunc nunc

ne nunc (mais voy. Not. crit )

6, 48 :

: patria

om. de paria

68

\ inperisius ( inperi sui

angue sangue

A li

inpensius surge

71 : tuus hic

tusista

Au demeurant, il est quelquefois difficile de décider si nous devons rejeter la faute sur un copiste ou en accuser les auteurs mêmes des recensions. Je citerai les exemples suivants :

Prolog., 4

: Aeliconiadas

14 :

: pegaseum

2, 10 :

: EbuUit patrui

4, 51

5, 130

6, 59

[Eliconiadasq.J

[perpegaseumj

ebulliat patru.. (la syllabe grattée

est peut-être um ; une deuxième

main a écrit patruo)

Respuat quod non est Respue quod non est (ici, simple

(Respuat est une con- erreur d'un copiste qui aura écrit

jecture inspirée par la deux fois le / initial de tollat).

leçon erronée est)

quid quin

tecum ritum (erreur du copiste)

Cela dit, il me reste à signaler un certain nombre de passages oià a et P nous ont conservé des leçons différentes, au sens propre de l'expres- sion :

Prol., 3 : prodirem

4 : sirenen

5 : ambiunt(avecsynizèse)

8 : cere supine (= peut-

être x^'-P^ ''''■' '^^■^'•) \^ Picamque ' nostra uerba

12 : refulgeat

14 : nectar

[prodierim] [pyrenenj llambuntj [kere]

[Picasquej [uerba nostra] [refulserit] [melosj

âKH.

Sat.. 6. 16

6, 39

6, 40

6, 56

6, 80

ohit.

eu m pip^r et p

cras.<cî.

ma/inius.

jiiuentus.

Il faut mettre à part de paraissent au premier abor prosodie, sont peut-être c « Discife o raiseri et., en saperdas aduehe Ponio

La plupart des fautes en.

qui, pour inconciliables qu'elles

rigles de la métrique ou de la

u! texte original*: Sal., 3, 66 :

4 Et quid agam ? Hogas?

ci-dessus sont de celles qui se pro duisent d'une manière pour ain-ii de mécanique confusions de lettres ou de mots à peu près se n omissions de lettres ou de mots

redoublés D'autres peu ar l'état de la langue dans les

derniers siècles delà lai - t^^x recensions offriraient sans

doute moins d'erreurs communes elles ne remontaient à un même archétype

Malgré tout, eues s i i i autre en bien des endroits. Et

d'abord, elles ont leur^ e^. dont la plupart, imputables à

l'ianoranceou à Tinintc >pistes et nombreuses surtout dans

1 -, se corrigent imméii ce cas, elles sont sans intérêt pour

nous. Je citerai seule[ "~^ des passages des fautes de

ce genre ont, dans i et _ c le même mot ou la même

expression, mais de manières ditlerites :

1, 31

93

- 101

2. 6

saluli satyri

Cluderesi uersu: (^laudere sic uersum didici

licet I \ ncae

murmur humilisque su- murmurque humilesque isusurros

surros om.)

7 : aperte aperito 3, 93 : locupo luturo

97 : sepeliit urestas sepellitur istas 5, 92 : ueteresse abias ueteres aulas

1. Cf. infra mon commentaire

2. Examinant quelques-anes c nos mss A et B ont été copiés ùal. di Fil. das6., 12 (.19Q4>. p. _>

M. Ramorino est conduit à supposer que type d'écriture wisigothique (Voy. Studi

hL:

'ï*^

iDUCTION

5, 102

perocintus

peroraatus

-131

scutita

scylice

- 174

nunc nunc

ne nunc (mais voy. Not. crit )

6. 48

patria

om. de paria

- 68

^ inperisius angue ' inperi sui sangue

inpensius surge

71 : luus hic

tusista

Au demeurant, il est que, rejeter la faute sur un copisi recensions Je citerai les exe

ts difficile de décider si nous devons en accuser les auteurs mêmes des > suivants :

Prolog., 4 : Aeliconiadas 14 : pegaseum 2. 10 : EbuUit patrui

4.

51

Respuat quod non (Respuat est une c jecture inspirée pa: leçon erronée esti

ô,

130

: quid

6.

59

tecum

[Eliconiadasq. I

[perpegaseum]

ebulliat patru.. (la syllabe grattée

est peut-être um : une deuxième

main a écrit patruo)

Respue quod non est (ici. simple erreur d'un copiste qui aura écrit deux fois le / initial de tollat).

quin

ritum (erreur du copiste i

Cela dit, il me reste à signale P nous ont conservé des leçons

SIOD

certain nombre de passages a et entes, au sens propre de lexpres-

"ol., 3

: prodirem

prodierim

4

sirenen

pyrenen

5

ambiunt(avecsynizci

lambunt]

8 :

cere supine (= pet être x^'^p^ ^^ ^'^-)

kere

9

^ Picamque

Picasque^

' nostra uerba

uerba nostra)

12

refulgeat

refulserit

14

nectar

melos"

XVI

Sat.

INTRODUCTION

Sat.

1, (3

9

14

19

22

30

:^i

;52

34

36

44

46

57

58 :

59

61 :

69

74 :

87 :

92 :

107 :

123 :

129 : 2, 2 :

5 : 11 :

examenque tum cum

13

15 :

16 :

18 :

19 et

21 :

37 :

39 :

40 :

41 :

: quo : Hic : Tune : pendas

: quisdia poemalanarret

circa

^ uatum

' si quid ; illi ; fas est

haec rara auis est : protenso

pincsit (i. e. pinxit)

imitata est

fas est

uidemus

quem

laudatis

cruris

uero

afïlante

sese

apponit

libabil

crepat

^ expungas

{ nam et est I poscat \ ' mergit purgat ) est ut 22 : Staio quod optet

nutrici non rogabit Poscit

examenue

tune cum

quod

Tune

Tun

pendes

quid dia poemata narrent

circum

uanum

siquis

ille

feci

hoc rara auis est

propenso

pinsit

imitari

ius est

doeemus

cum

laudatu(r)

crudis

uerbo

adflate

seque

apponet

libauit

crepet

expungam

nam est

poscas \

mergis

purgas

estne ut

iaio

quo

optent

non nutrici

rogarit

Poscis

IXTUODl'CTION

XVII

Sat.2,42:

pingens [erreur

de co-

grandes

pisie pour pingues)

47 :

llaiiiinas

flamniis

48

V Allanien / feslo

Et tamen ferto

53 :

laeuo

laeto

54 ;

: praetepidum

praetrepidum

- 65 :

Haec (i. e. pulp

a)

Et

74 :

: honestum i Sepe A

honesto

Sat. 3, 1

( Seppe B.

nempe

9 :

dicas

oridas (i. e. credas)

- 13 :

uanescat

uanescit

16

( a (exclamatif) l palumbo

aut columbo

26 :

: patella

patella est

29 :

censoremque

censoreraue

37 :

: iiiouerat

mouerit

45 :

moriluri uerba (

Catonis

morituro uerba Catoni

- 46 :

: discere et insano

dicere non sano

48

: summo

summum

51

: torqueret

torquere

- 60

: in quo

in quod

68 :

: qua

quam

- 71

: largiri

élargi ri

- 78

: quod satis est sapio

quod sapio satis est

- 93

\ tibi

^ sibi / rogauit

1 rogabis

- 94

: istud

istuc

100

: in terra subiit

inter uina subit

116

: ira

ira (i. e. iram)

Sat. 4, 2 ;

: dura

dira

3 :

Periclis

Pericli

5 :

: tacendaque

tacendaue

10

: gemina

geminae (se. librae), peut-être par une 2^ gemina.

substitué, main, à

- 25

: quaesiorit

quaesieri, corr par une quaesieris

2^ main en b

INTRODUCTION

Sal.4,2y

31

33

40

52 Sat. 5, 8

9

10

15

2G

59

61

63

69

78

82

84

87

93

103

105

108

109

112

123

124

129

137

145

150

; ueleris

y laiiralam (i. e. faira-

( tam) oUani : frigas : foriice : ut noris : procnes

( insulso

/ Glyconi : camino

^ terens (se. uerba)

/ radere

V hic

( uoces : fecerit

: uitam... relictara : enini : ho s : temporis

^ hec nobis

l donant

^ libuit

{ non sum : haec reliqua : erit : exclamet

V ueri

( spécimen : notasse (se. ealles no- tasse) : es

: glutto : satyrum : sentis : iecore : audiet : quod,

\ pergant

f sudore

uetereni

(^ tarrata

' olla

ligas

forci pe

noris

progenes (i. e. Frognes)

^ inuiso

( cycloni

camini

teres

rodere

His

tances

fregerit

uita. . . relicta

enim es (suivi d'un grattage)

hoc (constr. hoc cras)

turbinis

hoc nobis

donat

uoluit

non sim

hoc reliqum

erat

exclamât

ueris

speciem

notasti

et

gluttu

satyri

sumis

pectore

audiat

quam

peragant

suadare(i. e. sudare)

INTRODUCTION

Sat 5, 159 :

- 172 :

- 176 : 186 :

- 190 : Sat. 6. 3 :

- 9 :

- 23 :

- 24 :

- 26 :

- 35 :

- 46 :

- 51 :

- 55 :

- 60 :

- 61 :

- 61 :

- 63 :

- 69 :

- 76 :

- 77 :

^ abripit

( et tamen

accessor

ducit

tum

Fiiltenius

Il oc II m

\, portum

( cognoscite

scombros

turdorum

metuis

inhonora

^ clamides

{ uictis

^ largiar

( adeo

accède

exit

est

\^ decursu

{ poscis

uin

coquetur

nec

pauisse

arrunipit (corrigé par p en arripit)

allamen

arccssat

tollit

hinc

PuHenius

reruoi

praetium

cognoscere

rhombos

turdarum

metuas

inodora

clamidas

captis

largior

audeo

accedo

exstat

es

decursum

poscas

uis

coquatur

ne

piausisse

Il est visible qu'en plusieurs endroits on ne saurait hésiter entre les deux leçons. Nous écrirons avec ce. :

Prol., 3 : prodirem

14 : nectar.

Sat. 1,34 : uatum. .. si quid

107 : uero

2, 13 : nam et est

19 et 22 : Staio

39 : nutrici non (non niitrici fait un vers mal césure

53 : laeuo

4, 10 : gemina

Sal. 5. y : insulsobJyconi

10 : camino

15 : radere

82 : donant

129 : iécore

159 : abripit

6. 9 : portum

51 : âdeo

.;.t*

Pins d'une fois, aussi, P 'ou. dai a raison contre a. Il faut, de toule

^^ue. p. c. à d. la 2* main

Prol.. 4 :

Pyrenen

- 8 :

chaere

Sat.1,22

Tun

44

feci

- 58 :

pinsit

92 :

crudis

- 123

adflate

2. 13

expungam

- 48

. ferto

3. 1

: nempe

37

: mouerit

51

: Torqueré flagello

100

: inter uina subit

-4.52

: noris

-5,93

: erat

6, 55

: accedo

ei

: es

Mais les passages, on le voit, demeurentnombreux Ihés reste permise. Avons-nous, en ce cas. un citerium pour guider choix ?

On peut se demander, sans doute ^ ^ues-unes de leçons ne remontent pas à l'édition même è Cornutus que, parfois, a et F les connaissent et les dnnent IcMite dans le texte, l'autre entre les lignes ou en nirge. Man^ nombreuses pour que cette explication puiss valoir parte

Les scolies, dont je ne veux rechercliei pur le n^tni

{QDl'CTION

l'autorité, ne sauraiciil ii elles présenlent sur la iiir:

Prol., 1-^

M

Sat. (•).;;

er d'embarras, lui quclcjucs passa^i-s, ne la leçon d'x et celle de P. Je citerai :

iilfjCdl et rcfalsoiil •tar et melos 'loiiora et inodora

Ailleurs, le scoliasle s( tantôt celle il' X ([)ar ex . 107 : liera; 2, T) : lilndni 3. 2() : pale lia (sans est) : 4 insitlso (îlijconi : 15 : radci ueri), tantôt celle de F (pi chaeie : Sat. 1.22 ; Uni: .> ebiiliuil : : poscaa : iiit praetrepidiini ; 3, 9 : < /( torqiiere : 4. 3 : Pericli Balhijlli : 6, 9 : cognosi > tantôt une troisième leci manuscrits secondaires ( | 13 : namqiie ; —3, 1U(» .• // piillatis) ,30 : supposui ; r)S 73 : qiia qnisqiie ; 97 : /;//; mettre à part la variante qui ne nous a été Iranstii: je pense, la leçon seiiiuui phrase : « Nec si liumiliji comininiii senecliilem des! Pas plus que les scoii Perse, qui ne sont pas i niers siècles de rempiri semble qu'elles aient éU' Sat 1, 28: Sed bôitiim est iwcleiii... piirfiant (Si Jéi ô, 35 : Tradncit... ramus

e connaître cpi'une leçon : mais c'est 34 ; si qnid ; (il : [as est ; (59 : iddeimis :

au V. ÔO) ; 53 : laeiiu ; ()5 : luiec ; luiiis : 4(j : iiisaiw ; 60 : iii qito: - 5, 9 : : nuées: (S2 : doiuml . 84 : siiin ; 105 :

: Prol., 4 : Pirencii; 5 : Idiubiuil : 8 : dl : 74 : ciim ; 123 : afjUaliis ; 2, 10 : ) : rogaril ,• 41 : poscis ; 48 : ferla ; 54 : 16 : aiil : ealiimbo ; 4() : dicere ; 51 : H : Prognes ; 69 : hoc; 123 : sa/////... 1 : liirdaruni ; 51 : aiidea ; 77 : plausisse), t retrouve |)res(|ue toujours dans des l^rol., 14: Pegaseiuin : -2, 10 : pulnius ; 5, 13 : slloppa ; 19 : biillatis à côté de iierein piilril iindi(|ué comme variante) ; 34 : ragal : I), 40 : erasso] ; il faut ( (Prol.. .9 : canari: et bUmdiri\e\<^\\.uv), nble-l-il ', ipic par les scolics, et aussi, :)pose, au veis Ki delà satire (), la [)ara-

ixliterint locupietiores, idcirco damno I) .

Itations et les imitations directes - de iiis (■[ les érudits des der-

!■ attendue xioire(par e\.

Il

im es

/.•-2, 16:

'/ .■

1 . Celte réserve est nécc nortibre des manuscrits de it'oiit jamais été collalioanés < rable.

2. Voy. dans l'édition de Cd

tx

IN

Sat.

5. 9 :

insulso Gljxoni

10 :

camino

15 :

la (1ère

82 :

donant

129

: iécore

159

: abrïpit

6. 9 :

: portum

51

: îideo

INTRODUCTION

Plus d'iine lois, aussi, P ou. dans le prologue, p. c. à d. la 2" main] a raison contre a. Il faut, de toute évidence, lire

Prol., 4 :

Pyrenen

- 8 :

chaere

Sat.l, 22

: Tun

- 44

: feci

- 58 :

: pinsit

92 :

crudis

123 :

: adflate

2, 13 :

; expungam

- 48

: ferto

- 3, 1

: nempe

37 :

; moue rit

51

: Torquerë flagello

100 :

inter uina subit

4, 52

: noris

- 5, 93

: erat

6, 55

: accède

ei

: es

Mais les passages, on le voit, demeurent nombreux l'hésitation reste permise. Avons-nous, en ce cas. un critérium pour guider notre choix ?

On peut se demander, sans doute, si quelques-unes de ces doubles leçons ne remontent pas à l'édition même de Cornutus, d'autant plus que, parfois, y. et P les connaissent et les donnent toutes deux, l'une dans le texte, l'autre entre les lignes ou en marge. Mais elles sont trop nombreuses pour que cette explication puisse valoir partout.

Les scolies, dont je ne veux rechercher, pour le moment, ni 1 âge ni

INTJ^ODUCTION xx.

l'autorité, ne saurnienl nous tirer deinbarras. En quelques passages, elles préscnleul surin même ligue la leçon d'x et celle tle P. Je citerai :

Prol., 12 : refnUjt'al ci refiihevit

14 : neciar et melos Sat.f), 35 : inhoiwra et inodora

Ailleurs, le scoliasle semble ne connaître (|u'une leçon : mais c'est tantôt celle d'à (par ex. : Sat. 1, 'M : si qiùd ; (il : fas est ; (39 : nideimis : 107 : liera; 2, .") : libahil (scol. au v. 50) ; 53 : lueiio ; ()5 : luiec ; 3, 2() ; patelin (sans est) ; 45 : Calunis ; 46 : iiisaiio ; 60 : in qiio: - 5, 9 : insiilso Glyconi ; 15 : radere ; 26 : iioees : 82 : douant ; <S4 : sain ; 105 : ueri), tantôt celle de P (par ex. : Prol.. 4 : Pirenen; 5 : lanihiuit ; 8 : chaeie: Sat. 1,22 : liux : 58 : pinsit ; 74 : ciim ; 123 : afjllatiis ; 2, 10 : ebullial ; 15 : poscas ; mergis ; 40 : rogarii ; 41 : poscis : 48 : fertu ; 54 : praetrepidiini ; 3, 9 : credas ; 16 : aut : coliimbo ; 4() : dicere ; 51 : torque re ; 4, 3 : Pericli ; 5, 8 : Prognes ; 69 : Iioc ; 123 : satgri... Bathglli ; 6, 9 : cognoscere ; 24 : turdnrnni ; 51 : aiideo ; 77 : plaiisisse), tantôt une troisième leçon qui se retrouve presque toujours dans des manuscrits secondaires(parex. : Prol., 14; Pegaseiiim ; 2, 10 : patrniis ; 13 : naniquc : 3, lOO ; triental 5, 13 : stloppo ; 19 : bnllatis à côté de piillatis) , 3() : supposai ; 58 : inuenerein piitrit (indiqué comme variante); 73 : qua qaisqae ; 97 : niliabit ; 134 : rogat ; (>, 40 : crasso] ; il faut mettre à part la variante blandiri (Prol . .,9 : conari : et blnndiri legitur), qui ne nous a été transmise, semble-t-il ', que par les scolies, et aussi, je pense, la leçon senium que suppose, au vers 16 delà satire 6, la para- phrase : K Nec si humilibus nati extiterint locupletiorcs, idcirco damno comininai scnectutem desideiem ».

Pas plus que les scolies, les citations et les imitations directes - de Perse, (}ui ne sont pas rares chez les écrivains et les érudils des der- niers siècles de l'empire, ne nous apportent la lumière attendue. Il semble qu'elles aient été, plus d'une fois, faites de mémoire (par ex. : Sat 1 , 28 : Sed bônum est ( Priscien ), au lieu de At pulchrum est ; - 2, 16 : nuctem... piirgiinl (St Jérôme) au lieu de noctem pargas ou pnrgat : 5, 35: Tradiicit.., raniusa in cotnpita{Sevv\u^)i\\.i\\cu de diducil. .. rainosa

1. CeUe réserve est nécessaire : le briques Teslimonia et Imitalores, <|ui sui- nombre des manusci'its de I^erse (|iii vent, pour chaque satire, la liste des va- ii'ont jamais été collalionnés est considé- riantes (la séparation entre les témoignages rable. et les imitations n'a pas toujours été faite

2. Voj'. dans l'édition de Consoli les ru- d après des principes très rigoureux).

lOTF

XXII

INTHODI

nino Porphyrion ; lOô.nm

: Leçons conformes à P :

Ciim (Sidoine Apoll.);

..i e.rpungam (cerla'ins mss.

I ; 'M : optent (Si Jérôme) ; njw (Priscien); 9 : crcdas

in compila ; 191 : uno centnsse (Pri-^. ! au lieu de curto centusse D'autre part, elles sonl, comme 1- favorables tour à tour à

l'une ou à l'autre des deux recensions, a loins qu'elles ne présentent une leçon particulière, dont la supéridi i n est pas toujours évidente Je citerai : Leçons conformes à ' S < ], ;u ; uainm .. si quid (Piia- cien) ; 57 : protenso (St Jérôme) ; noctem... pnrgat (Servius)

- 3, 9 : rudere clicas (Servius ; et Aus.m,. , GS ; qna mollis (Si Augus- tin); 71 : largiri (St Augustin) ; "^ lu (Priscien) ; 6, 46 : clamides (Pn Sat. 1, 58 : pinsit (Servius et Euty( 2, 10 : ebnlliat (certains mss de Sers u de Porphyrion) ; 16 : purçias (Ps .\> 54 : praetrepidum (Priscien) ; .';

(Eutyches) ; 16 : columho (Servius; ; 2W : >morcnmc (Serv el Prise, i ; 48 :5um/77«m (Priscien); - 5. lO") : spcmi (Priscien); 108 : /,o/r,'s// (Ps.Acron);123:5«///r/iPs. Acron); - . 2A . turdarum (Sergius et Pompeius) ; 46 : c«/)//s (Priscien) ; 51 : lar^r (Priscien) ; Leçons particulières : Prol.. 3 : mcmini. ut rcpenlc. (scol. de Stace) ; - Sat. 1, 22 : escam (Priscien) ; 57 : protenlu i Pnsr n) ; 58 : pisat el pisit ( Dio- mède) ; 74 : Gui trépida ante honea dictai,,- -^ induit uxnr (scol. deClau- dien); 97 ://^(;/am// (Porphyrion et Se, -MO : /.«/rm/5 (Servius);

14: c/»c,/u/- (Servius, peut-être par en eu, c niémoire); 61 : in terras (Lactance, sauf dans un ms. : mèn,.. ,. ,„.„,e): 60 : in sanctis (Lam- pnde); 73 : animi (sco\. de Stace 4. 37 : pectes (Priscien) : - 5, 73 : qw, natus(Ps. Acron); - 6, 5 : Tum iuum, (Charisius)

On pourrait être tenté de recourir feuillet palimpseste de Bohbiodii- ou i plus ancien manuscrit connu qui nous ;.

sans doute, il ne nous en donne plusq., .^.. __„.,„ ,„, „^ .^

satire 1 ; mais, par un hasard heureux, ce framenlVst un"Tceurorirs deux recensions présentent, en plusieurs eriroils. des leçons sensible- ment d.vergentes : v. 57 : protenso.., proenso P; - .58 ,.W/ x ; pn.s,t P ; _ 59 : unitata est a ; inUtari P ; f : fas est x ; ius est P ; -

1. Il contient aussi quelques vers de ^i , ,.

.I.vénal (14. 324-15. 43).'ll a' é.é Tdi^é e t ^T^ ' ''"''^r .'V'

etud.e par G Goetz : /«uena/,-s et Persii 1909 o .,' •^'. '''*"«" "«^«^'- P»^"*-

fragmenta bobiensia (Progr. d'Iéna, tSw! '

nr7rn// (Si Augustin);

l's .Acron) ; 102 : pcro-

vins) 11 quint o panone

ni luT la (jucslion. au on \ alicanus 5750. U- r (les vers de Perse ' : I les vers 53 à 104 de la

I

tr^

N'TRODUCTION xxm

74 : qiiem a ; cum P ; 81 : istnc a : a(lalii(r)P[ même vers : helhimhoc bellum ent bellum hoc bellum est) x ; bellum hoc hoc rudis P ; 93 : Cluciere si uersum dedicit a ; ; 96 : uertice a ; cortice P. Seulement, t que les grammairiens ou les Pères de iirmc tantôt a, tantôt P : avec x, il donne , avec P, propeuso ', pinsil, imitari, doce- ', climdere sic uersum (mais didicit et non ire cependant que les leçons pinsil, imitari, lis caractéristiques de la recension représen- tée pour nous par le / '(mus, il est assez remarquable qu'elles se

69 : uidemus ■>. ; docenit islul P ; - 87 : Laudulis (d'où certains manusc i beUum P : - 92 crur< Claudere sic uersum (// aussi bien que les stu l'Eglise. If palinipscsi [as est. fjutm, istur, mus, bellum hoc hoc didici), cortice. On [x docemus étant parmi h

retrouvent toutes les h de valeur incertaine ? . qu on y peut relever ; . (î5 : tendere uaesis 7' casque : 78 : Autiopc r. 88 : mobeat ; 100 : ratu leçon propre (63 : po; une simple faute de i 103 : uenulld. mis probablement, erreui i saut" au vers la s' de Hobbio ne saurait doute l'unique débris dont il ne nous est pu faire une idée précise Renoncerons- no lis sions et. chaque i s'inspirera-t-il unicj; ne le pense pas. M )' Flacci codice Pili.

ans le palimpseste. Mais celui-ci n'est-il pas

parle pas des nombreuses erreurs de copie

lujares - ; 57 : exitet ; 60 : lincpiae ou liuquat ,

nieci, selon Goetz ■'* ; 72 : fumusa ; 73 : sul-

iiiisi ; 84 : os hoc ; 85 : fure satis; 87 : cebes ;

10.) ; mais il offre, en divers endroits, sa

■rmo est, si on admet que populis n'est pas

S5 : Pedius qui ; 87 : laudutus : 95 ; sic coshun :

inière tout à fait insolite pour ueiuihi et,

i opiste ') : or. dans aucun de ces passages,

orilé de la leçon sic paraît évidente, le feuillet

lir la préférence sur a ou sur P. C'est sans

le recension dilTérenle des deux autres, mais

sible, sur un échantillon si court, de nous

"rmincr la valeur relative de nos deux rccen- c's s'éloignent l'une de l'autre, notre choix i de raisons, comme on dit, subjectives ? Je , dans la dissertation intitulée : De Auli Persii crie arslinuiudo (Berlin, 1890), me semble avoir établi que les lcs«ja propi es à a sont, en bien des cas, de simples conjectures, tandis -^ns P, le texte de Perse, altéré parfois, n'a été

N

1. Suivant M. Noui; la traiiscriplion de 1. (ioctz.

2. Simplement prol garet : ntigaris est po

•uso, dans 3. Selon M. Nougaret. graece paraît cer-

liiite jiar tain.

4. Quoi qu en ait dit Mai (cité par M. Non- Dûbner, p. liTl du I^(m-s« de (lasaubon, éd. de 1839).

^E

Mil INTRODUCTION

in coijipita ; \\)\ : iino ceiitiisse (Priscien) au lieu de ciirlo ceiitusse. D'autre part, elles sont, comme les scolies, favorables tour à tour à l'une ou à l'autre des deux recensions, à moins qu'elles ne présentent une leçon particulière, dont la supériorité n'est pas toujours évidente Je citerai : 1" Leçons conformes à a : Sat., 1, 34 : ualiun .. si qiiid (Pris- cien) ; 57 : prolenso (St Jérôme) ; 2, 16 : noclem... purgal (Servius) ; 3, 9 : rudcre dicas (Servius ; cf. Ausone) ; 68 : qiia mollis (St Augus- tin); 71 : largiri (St Augustin) ;— 5, 10 : camino [Porphyrion); 105: iieri (Priscien) ; 6, 46 : clamides (Priscien) ; : Leçons conformes à P : Sat. 1, 58 : p/'/is// (Servius et Eutyches) ; 74: Ca/n (Sidoine ApoU.) ; 2. 10 : ebidlial (certains mss. de Servius) ; 13 : expungam (certains mss. de Porphyrion) ; 16 : piirfjas (Ps. Acron) : 37 : optent (St Jérôme) ; 54 : praetrepidum (Priscien) ; 3, 1 : Aenipe (Priscien) ; 9 : crcdas (Kutyches ; 16 : coliimbo (Servius); 29 : censorenwe (Serv et Prise. i ; 48 : summum (Priscien); 5, 105 : speciem (Priscien); 108 : notasti (Ps. Acron); 123 : sutijri iPs. Acron) ; 6, 24 : turdarum (Sergius et Pompeius) ; 46 : captis (Priscien | ; 51 : largior (Priscien) ; Leçons particulières : Prol., 3 : memini, ut repente... (scol. de Stace) ; Sat. 1, 22 : escam (Priscien) ; 57 : protento (Priscien) ; 58 : pisat et pisit (Dio- niède ; 74 : Gui trépida ante houes diclaturam induit uxor (scol. de Clau- dien);97: »^(//v//k// (Porphyrion et Servius) : 2, 10 : pa//'niis(Servius); 14 : c///c///J/' (Servius. peut-être par erreur de mémoire); 61 : in terras (Lactance, sauf dans un nis. : même remarque); 69 : in sanctis (Lam- pride) ; 73 : animi (scol. de Stace) ; 3, 69 : argenti (St Augustin); 4. 37 : pectes (Priscien) : 5, 73 : qua quisque (Ps Acron) ; 102 : pero- natusiPs. Acron); 6, 5 : Tum iuuenes (Servius). 11 : quinto panone (Charisius)

On pourrait être tenté de recourir, pour trancher la question, au feuillet palimpseste de Boi)bi() dir' ou iv^ siècle), ou T f///can/;.s 5750, le plus ancien manuscrit connu qui nous ait conservé des vers de Perse ' ; sans doute, il ne nous en donne plus que 51, soit les vers 53 à 104 de la satire 1 ; mais, par un hasard heureux, ce fragment est un de ceux les deux recensions présentent, en plusieurs endroits, des leçons sensible- ment divergentes : v. 57 : prolenso y. ; propenso P ; 58 pincsit a ; pin.sit P ; 59 : imilata est a ; i mi tari P ; 61 : fas est y. ; ius est P ;

1. Il contient aussi quelques vers de et par F. Nougaret : Vaticanus Ms 5750

Juvénal (14. 324-15, 43). Il a été édile et Perse-Juvénal (Mélanges Havet, Paris,

étudié p:ir G (îoctz : luuenalis et Persil 1909, p. 313 et suiv.). fragmenta bobiensia (Progr. d'Iéna, 1884)

INTRODUCTION «ni

69 : uidenius y. ; dncenuis P ; 74 : qiiem a; ciin) P ; <S1 : istnc ^ : isliit P ; (S7 : Laiidalis a ; Laiulalii(r)P\ môme vers : belhimhoc belluin (d'où certains manuscrits tirent lycllnm hoc bclliim est) x ; hélium hoc hoc hélium P : 92 : cruris i. : crudis P ; 98 : Cludere si uersum dedicit a ; Claudere sic uersum didici P ; 9() : ucrtice a ; cortice P. Seulement, aussi bien que les scolies et que les grammairiens ou les Pères de l'Eglise, le palimpseste confirme tantôt a, tantôt P : avec a, il donne [as est, quciu, istuc, cruris : avec P, jtropeiiso ', pinsit, imitari, doce- mus, hélium hoc hoc bellum, claudere sic uersum (mais didicil et non didici), corlice. On peut dire cependant que les leçons pinsit, imitari, docemus étant p;irnii les plus caractéristiques de la recension représen- tée pour nous par le Pithoeauus, il est assez remarquable qu'elles se retrouvent toutes les trois dans le palimpseste. Mais celui-ci n"est-il pas de valeur incertaine ? Je ne parle pas des nombreuses erreurs de copie qu'on y peut relever ; 5(3 : nugares '^ ; 57 : exitet ; 60 : linquae ou liuquut , 65 : tendere uaesis : 70 : graeci, selon Goetz -^ ; 72 : fumusa ; 73 : sul- cosqne ; 78 : Antiope oerumnisi ; 84 : os hoc ; 85 : fure satis; 87 : cebes ; S8 : mobeat ; 100 : ratum,, eic.) \ mais il offre, en divers endroits, sa leçon propre (68 : populis sermo est, si on admet que populis n'est pas une simple faute de copie ; 85 : Pedius qui ; 87 : laudatus ; 95 : sic coslam ; 103 : ueuulla, mis d'une manière tout à fait insolite pour uenûla et, probablement, erreur du copiste ') : or, dans aucun de ces passages, sauf au vers 95 la supériorité de la leçon sic paraît évidente, le feuillet de Bobbio ne saurait obtenir la préférence sur a ou sur P. C'est sans doute l'unique débris d'une recension différente des deux autres, mais dont il ne nous est pas possible, sur un échantillon si court, de nous faire une idée précise.

Renoncerons-nous à déterminer la valeur relative de nos deux recen- sions et, chaque fois qu'elles s'éloignent l'une de l'autre, notre choix s'inspirera-t-il uniquement de raisons, comme on dit, subjectives ? .le ne le pense pas. M. Bieger, dans la dissertation intitulée : De Auli Persil Flacci codice Pithoeano C recle (wstimaudo (Berlin, 1890), me semble avoir établi que les leçons propres à a sont, en bien des cas, desimpies conjectures, tandis que, dans P, le texte de Perse, altéré parfois, n'a été

1. Suivant M. Nougaret : protenso, dans 11 Selon M. Nougarcl. graece paraît cer- la transcription de Loewe reproduite par tain.

(îoclz. 4. Quoi qu'en ait dit Mai (cité par

2. Simplement probable, selon M. Nou- Dûbner, p. ;{71 dn F*erse de (^asHubon, garet : nugaris est possible. éd. de 1839).

XXIV INTRODUCTION

que fort rarement corrigé. Je donnerai quelques exemples de ces cor- rections arbitraires qu'on peut relever dans a ' :

Frol . , 4 : Sircnen a été substitué à Pirenen, nom moins connu ;

Sat. 1, 08 : si la leçon pincsit n'est pas une erreur de copiste, c'est la correction malheureuse d'un réviseur qui ne connaissait point le verbe rare et archaïque p/nsere ;

1, 59 : imilari-délé remplacé par imitataest; l'auteur de la recension a été déconcerté par la hardiesse du tour imilari mobilis et parle zeugma « quem nulla ciconia/>//is/7 nec manjzs.. . nec liiigiiae n ;

1. 87 : le tour posu/sse... laiulalis(eni. : vous le louez d'avoir, etc.) a été substitué à la construction posuisse... laiidatur, qui est anormale ;

1, 123 : afflalc, vocatif employé au lieu du nominatif, n'a pas été compris : d'où la leçon afflante :

2, 54 : praelcpidiim a pu être suggéré parsucfes, qui semblait appeler un mot indiquant une chaleur excessive ;

3, 1 : neivpe n'a pas été compris; saepe^ rapproché de assidue, aura séduit, comme faisant une gradation saepe haec, assidue ») ;

3, 45 : morituri uerba Calonis a toute l'apparence d'une conjecture amenée par la substitution, qui peut venir d'un copiste, de discere à dicere ;

3, 48 : summo (constr. : id eral summo inuoto scire, etc.) esi une cor- rection provenant dune erreur d'interprétation ; j'en dirais autant de torqnerel qui remplace, au vers 51, torquere si la faute métrique qui résulte de la substitution ne trahissait ici l'erreur d'un copiste ;

3, 100 : la leçon étrange sedtremor in terra subiil dérive d'une mau- vaise lecture de inleruina : uina devait être écrit d'une manière incom- plète, ou même à demi effacé; in terra a été tiré de lauatnr : le malade, sorti du bain, se retrouve pour ainsi dire sur la terre ferme ; subiit, au lieu de subit, rétablit le vers ;

4, 33 : friçjas, au lieu de figas, a été suggéré par solem, ce mot appe- lant naturellement l'idée de faire frire, de griller ; le correcteur ne s'est pas avisé que Perse eût écrit frigas in sole cutem :

4, 40 : forfice, substitué à forcipe, est un souvenir de Martial i7, 95, 12 : «... barba Qualem forficibus melit supinis Tonsor Ginyphio Cilix marito »);

4, 52 : dans la leçon tecnin habitant noris, nt a été ajouté parce qu'on n'a pas tenu compte du goût de Perse pour la parataxe ;

1. Empruntés, pour la plupart, au travail de M. Bieger.

INTRODUCTION xxv

Sat. 5. 15 : lerens a remplacé teres qui n'avail pas éié compris (cf., dans d'autres mss, la correction teris) ;

5, 26 : noces est une correction arbitraire : on ne voit pas comment un copiste aurait eu l'idée de changer ce mot en fances, tandis que la substitution inverse s'explique aisément par un souvenir du premier vers : le copiste ou le correcteur a oublié combien Perse aime à ren- chérir même sur ses propres expressions ;

5, 78 : l'expression momento tnrbinis renchérit, elle aussi, sur iina iiertigo comme tresis agaso sur Velina Publias : elle porte la marque de Perse, tandis que la leçon d'y., momento temporis, était à la portée du premier correcteur venu ;

5, 87 : hoc reliqnnm a été remplacé par haec reliqna, parce qu'on n'a pas su voir qu'il s'agit de la majeure seulement, et non pas de la majeure et de la conclusion ;

5, 105 : la leçon spécimen, qui rend inintelligible le ne qnà du vers suivant, n'est qu'une correction malheureuse ; la source peut en être dans une mauvaise lecture ; mais il n'est pas impossible que le correc-. teur ait cru la notion de « modèle idéal » réclamée par le contexte ; à défaut de ne qna, l'idée de distinction marquée par dinoscere aurait l'avertir de sa méprise : le modèle idéal s'impose à la vue ;

5, 124: ,sen//sest une correction tirée d'Horace (Sat 2, 2, 31); sumis convient beaucoup mieux pour le sens (Voy. infra mon commentaire) ;

5, 172 : arcessat, construit absolument, aura paru choquant ; la cor- rection occessor était d'autant plus facile qu'on lit chez Terence (Enn., 47) : « Cum arcessor ultro » ;

^ 6, 23 : scombros est un souvenir de la satire 1 (v. 43) ; mais là, le contexte appelle le nom d'un poisson sans valeur, tandis qu'il réclame, ici, celui d'un poisson de prix ; rhombos est donc bien la leçon pri- mitive :

fi, 24 : /j/rc/arn/n. féminin insolite, dont l'emploi, dans ce passage de Perse, est confirmé par le Commenlarins in artem Donati au soi-disant Servius ou Sergius, par Pompeius, grammairien du siècle, et par une vieille scolie, a été remplacé arbitrairement par la forme normale du mot, turdorum ;

6, 56 : la construction ritu generis n'a pas été vue; d'où la con- jecture tecum ;

6, 77 : la valeur pittoresque de plansisse n'a pas été compi'ise : ^^le correcteur y a gauchement substitué panisse qui, signifiant « faire ^' l'élève » des esclaves, se combine naal avec rigida catasta.

xxvt INTRODUCTION

En dix-sepl endroils, nous lavons vu fcf. siipra. p. xik), le texte de P est évidemment incorrect, tandis que a donne la bonne leçon; mais, quatre fois, la faute peut s'expliquer par l'introduclion d'une glose dans le texte : Prol., 14: melos] ,ô, 120 : pectore (cf. scol. : f< quo pacto te ergo seruum negas. cuius pecliis animumque tôt dominationes obsederunt ») ; 5, ir)9 : arrumpil ; fi, 9 : prelinm : sept fois, l'erreur paraît imputable aux copistes : Prol., 3 : prodieriin] ; Sat. 2, 13 : nam est ; 2, 19 et 22 : iaio : 2, .39 : non nntrici ; 5. 10 : caniini le copiste avait encore dans l'œil et dons l'oreille la syllabe finale du vers précédent) ; 5, 15 : rodere ^ ; 5, 82 : donat (amené par hoc, qu'un copiste ignorant a pris pour le sujet du verbe); il faut peut-être en dire autant de inuiso (ô, 9 : iniiiso... cijcloni), substitué à insnlso : en effet, la confusion de Ti et de VI est assez fré- quente dans P (cf. 5, 92 : anias pour anias ; 6, .'50 : deliamque pour dci iamqne : 6, 7.3 : immelnt pour immeiat). Restent cin(| passages il semble y avoir eu correction, et correction malheureuse : Sat. 1 , 34 : nnnum... si quis on n'aura pas compris natnm, faute d'avoir vu c[u'ii y avait anastropbe de et ; quis peut n'être que l'erreur d'un copiste qui aura fait de ce pronom le sujet de eliqiiat) ; 1, 107 : uerbo (le correcteur avait oublié que Perse donne plus d'une fois une épithète à un adjectif pris substantivement; ; 2, ô3 : laeto (lacuo, qui n'a pas été compris, a été remplacé par une platitude) ; 4, 10 : çjcminae (mais ici la leçon primitive de P semble bien être gemina) : 6, .51 : audeo (adco n'a pas été compris ; audeo a été tiré du vers 49, en dépit de l'impossibilité métrique qui en résulte ; il peut y avoir ici l'erreur d'un copiiste). Rien, on le voit, ne saurait être plus pauvre au point de vue de l'invention conjecturale.

Enfin, dans cinq passages a et P ont l'un et l'autre altéré le texte primitif par des corrections ou des erreurs différentes (cf. supra, p. xv), c'est P qui, trois fois, suggère la rectification nécessaire plus aisément que ne fait a: 1" Prol., 4 : Helicoiiidasque se lire sans peine de Elico- niadasque ; 2, 10 : ehuUial patru.. nous conduit à ehulliat patruus. dont ebullit pnirui nous éloigne; 3" 4, 51 : Respue quod non est n'est vraisemblablement qu'une erreur de copiste, d'autant plus facile à cor- riger que « es/ » est suivi de « /ollat », tandis que Rcspuat quod non est (Respuat dissyllabique : cf. 5, 93 : teiniia) est une conjecture aventu- reuse : es étant sans doute déjà altéré en est et le rapport entre respne et lollat... cerdo n'ayant pas été compris, le correcteur aura cru devoir

1. Rndere est peut-être une mauvaise qui se sera souvenu mal à propos de 3, 81 lecture ou une correction maladioite im- siienlia rodunt ») et de 5, 170 rodere putable à l'auteur même de la recension casses ».

INTRODUCTION xxvii

rétablir le sens de la manière suivante : « Qu'un savetier, un lionmie de rien, méprise ce qu'il n est pas et se contente de ce qui lui appartient en propre ». En revanche, le pegaseuin d"x est plus près de pegoseiiim que le perpegaseiiin de p, mauvaise conjecture pour rétablir le mèlrefProl., 14), et, au vers 130 de la satire 5, celui, correcteur ou copiste, qui a écrit qiiid, leçon d'à, avait au moins compris le sens général du membre de phrase, tandis que le qiiin de P y est directement contraire.

De l'ensemble de ces remarques, il résulte, si je ne me trompe, que P est. pour le texte de Perse, le meilleur témoin que nous ayons conservé de la bonne tradition, et j'estime qu'il ne faut s'en écarter que dans les cas, rares, des raisons de métrique, de langue, ou de bon sens en rendent la leçon absolument inadmissible. En ces endroits, nous aurons tout d'abord recours à x. Mais il peut arriver que ce recours soit inef- ficace, puisque P et a offrent un certain nombre de fautes communes ou d'erreurs différentes altérant un même passage: nous ferons alors appel aux témoignages anciens, qui, au surplus, ne doivent jamais être rejetés sans examen, même quand ils s'écartent des leçons satisfai- santes de P. Si des témoignages de ce genre nous font défaut, nous consulterons les scolies, subsistent, nous le verrons, quelques débris précieux des vieux commentaires. Les manuscrits inférieurs seront notre dernière ressource. C'est une question encore débattue de savoir s'ils n'offrent qu'un mélange de leçons prises dans a et dans P , avec un certain nombre de conjectures dues à des érudits du moyen âge ou à des humanistes, ou bien si quelques-uns d'entre eux ne nous per- mettent pas de remonter à des recensions indépendantes de a et de P.

Il faut reconnaître cjue, dans presque tous les endroits ces manus- crits corrigent heureusement a et P, la correction peut s'expliquer sans peine par une conjecture. Tout d'abord, dans onze passages des erreurs différentes, imputables aux copistes, ont défiguré parallèlement a et P (cf supra, p. xiv), il suffisait de rapprocher les deux textes pour trouver, à la lumière du sens général, les leçons correctes saliiri (1, 31), Claiulere ou Cludere sic iiersum didicit (1, 93). Igncem (1, 101), miirnmrque hiimilesqiie susurras (2, 6), aperto (2, 7), loliiro (3, 93), sepeli : lu restas (3, 97), ueleres auias (5, 92) ^. sciitica (5, 131), impensiiis ungiie (6, 68), linis iste (6, 71) ^. Au vers 174 de la satire 5, la leçon nec iinnc se tire de Térence. Ailleurs (6, 48). et dans dix passages l'erreur est

1. Cf. d'ailleurs la scolie « aniles fabulas. conjecture scabies, tirée du se abias d'à quas iiutris » ; certains rass offrent la 2. Cf. scolies : « tuus nepos ».

xxviri IXTUOinCTION

conimiinc à r ci ;i P (cf. supra, p xiii et xiv), il n'était besoin de possé- der ni une i^rande connaissance du latin ni beaucoup de perspicacité pour rétablir paria (6, 48), lutiim es (3, 23 cf., d'ailleurs, !es scolics), polis es (4, 13 ; cf. scol), cbartis (5. 62), licelar (5, 191), egregius (6, 6), pouone (6, 11), orti fi. 15 ; cf. scol.), cum pipere (6, 39), crasso (6, 40). iniienlus (6, SO). Mais, en d'autres endroits la solution était moins simple, nous relevons des divergences:

Prol., 3 : memini me : le mètre commande la suppression de me : la plupart des manuscrits maintiennent ce mot. la connaissance précise du vers clioliambique s'étant perdue de bonne heure. Quel(|ues-iins cepen- dant oiïrent la conjecture sic repente (au lieu de repente sic), qui n'est pas heureuse, puisqu'elle entraîne la présence insolite d'un spondée au second pied et d'un anapeste au quatrième On n'en cite qu'un une deuxième main, en effaçant me, a rencontré la bonne leçon, conservée par un vieux scoliasle de Stace (Thébaïde, 1, 62) ;

Sat. 1,111: il fallait trouver deux syllabes ; le caractè'e conjectural de la restitution, dans les manuscrits inférieurs, semble attesté par l'existence de deux leçons : onines omnes et omnes elenim :

2, 19 : ici encore, les deux syllabes qui manquent ont été rétablies de manières différentes : « cuinam cuinam » ,' a cuiquam cuinam » ; « cj//g//e cuinam » {a\ec cuiquam ou cuique. lire: «... praeponere cures Hune c/;/ç/;am (ou cuique) ? Cuinam ? "ou cuinam iiis ?) ;

2, 55 : le mètre réclamait une correction ; la plus simple était de rem- placer .s/j/?/7 par subiil : mais le sens pouvait admettre aussi sj;i//o ;et, de fait, nous trouvons, dans les manuscrits secondaires, l'une et l'autre leçon ;

4, 19 : il suflisail, pour trouver la bonne leçon / nunc. de se ra[)- peler Horace (Epi t.. 1, 6. 17) : « Inunc,.. suscipe » (cf. Epil , 2, 2, 76: (( I nunc et... meditare ») ; mais il s'en faut que cette correction facile ait été faite dans tous les manuscrits secondaires ; sans parler de ceux qui reproduisent purement et simplement l'erreur commune d'à et de P, in hune, on relève les conjectures et nunc (voy. O. Jabn, éd. de 1843), inquit (voy. ihid ), inquis (vo}' ibid. et l'éd. de Consoli) ;

4, 51 : la bonne leçon n'est que très légèrement altérée dans P (<< Respue quod non est >) ; la correction de « es/ », suivi de « /ollat », en es n'exigeait pas un grand effort de critique ; on signale, dans deux manuscrits (cf. infra, p. xxxv) la leçon Respice : il ne faut pas y voir une conjecture, mais l'erreur de copistes qui n'auront pas su lire respue.

Reste un certain nombre de passages le caractère erroné de la leçon d'x et de P était plus difficile à découvrir, parce que cette leçon,

INTRODUCTION xxix

prise en elle-mèine, offrait un sens ; mais, en pareil cas, les scolies ont presque toujours fourni le remède :

Sat. 2, 10 : la scolic « pracclarum tunus si palruus ebulliul » suppose le texte « si ebulliat palruus » ;

2, 23 : la paraphrase du scoliaste est faite sur la leçon « at sese non clamet luppiter » ; nous y lisons en effet : « At se lupiter non cla- met, non obtestetur maiestatem nuniinis sui, dicendo : 0 lupiter » ' ;

3, 20 : la leçon efjluis se tire du vers de Térence cité par le sco- liaste : u Plenus rimarum sum, hac atque illac effhio » ;

3, 56 : la correction de deduxit en diduxil a pu être aisément sug- gérée par les termes delà scolie : a... Pythagoras... Y lilteram ad moduîu hunianae uitae figurauit. Quae in infantia uel initio monilione paedagogi et paterno metu insecta es^ at postquam in adulescentiam uenerit, diuiditur » /j'en dirai autant de diducil, donné par un ou deux manuscrits, sans doute sous lintluence du présent diuiditur ;

3, 57 ; collein peut s'expliquer, mais la paraphrase du scoliaste sug- gère plutôt callem : « altéra (pars), dit-il. est dextera, in qua uirlutis opéra celebrantur, arduutn ac diffîcilem limitem pandens » ; c est d ail- leurs callem que les érudits du moyen âge lisaient chez Isidore de Séville, qui cite les vers 5G et 57 dans ses Origines, 1, 3, 7 ;

5, yO : la leçon supposui est indiquée expressément par le sco- liaste : « bene ait hic suscipis, propter quod ait supposui » ;

5, 130 : la scolie est faite d'après le texte « qui tu impunitior, etc. », puisqu'on y lit : » Quo paclo te ergo seruum negas... ? » ;

5, 136 : la leçon et sitiente camelo^ d'où il est facile de tirer un sens, se retrouve dans la plupart des manuscrits ; mais on en cite au moins un qui écrit, d une manière plus satisfaisante, e sitiente camelo, sans doute d'après la scolie : « nuper de camelo depositum » ;

6, 16 : pour corriger obil en ob id, il suffisait de se reporter à la scolie ' nec si humilibus nati extiterint locupletiores, idcirco damno comminui senectutem desiderem, (cf. d'ailleurs la note ci-dessous) » ;

6,59 : la rectification de ritum (P) en ritu s'impose quand on a lu la paraphrase : u Hic Manius tam grandis natu est, ut si uere proximus parens fit, secundum generis ritum, auunculus esset mihi maior ».

1. On sait d'ailleurs que la prononcia- at (2,5,68; 3,96), adque pour atque (2,32;

tion du d final était très dure (voy. 3,98 ; 5,94, 131 ; 6 75), inquid pour inquit

Quint., 12,10,32) et se confondait avec (5,85), et, inversement, qiiit pour quid

celle du t. L'échange entre les deux lettres (5,90), aliquit (3,60 , 5,137 . illut (2,55 ;

était très fréquent à la fin des mots. 4,9 ; 5,87), istut (1,81), cf. Havet : dit.

Dans ' 1' notamment, je relève: ad pour verb., i;923-

XXX INTRODUCTION

Je tiiels à n;iit le dci-nier vers du proloque, les scolies seules '. avec le codex Rcginae ?02.9 (|ui ne contient, après les satires de .luvé- nal, que les choliambcs de Perse, nous donnent la leçon correcte Pecfaseium, et le vers 95 de la satire 1. dans lequel la leçon « Sic cos- tam .. », qui est celle du palimpseste de Bobbio, provient sans doute d'une recension indépendante d'à et de P. On l'a relevée dans deux autres manuscrits ; mais elle a pu être retrouvée par une conjecture que le sic du vers 93 rendait Facile, ou même restituée d'une manière méca- nicjue, par le redoublement du c initial âe coslani. Quant au moi pero- luUiis, qu'x défigure en perocinliis et P en peroinatus, les érudits du moyen âge pouvaient le lire dans les scolies du pseudo Acron sur Ho- race (/?/)//., 2, 1, 114), les vers 102-104 de la satire 5 se trouvent cités (jusqu'à périsse frontem de rébus).

En somme, les divergences que présentent nos manuscrits secon- daires - dans la manière dont ils redressent les erreurs d'à et de P, cbaque fois que le sens, le mètre, le témoignage des scoliastes ou des grammairiens ne conduisaient pas nécessairement à une correction unique, nous invitent à penser qu'ils ne dérivent pas d'un archétj'^pe aujourd bui perdu, indépendant de ces deux manuscrits, mais bien de l'un ou de l'autre, ou des deux ensemble. Sans doute, ils ont parfois, en des passages a et P oilrent un texte satisfaisant, leurs leçons propres. Mais il serait difficile de citer une seule de ces leçons -^ qui ne puisse s'expliquer par l'ignorance ou l'inintelligence des mots, des formes, des acceptions plus ou moins rares, des tournures plus ou moins exception- nelles ou obscures, par l'influence d'un mot du contexte, parla substi- tution d'une glose au terme que cette glose expliquait, enfin par une conjecture proprement dite sur un membre de phrase qui a semblé, à tort ou à raison, inintelligible ou mal écrit. Voici, pour chacun de ces quatre genres de corrections, quelques exemples :

Ignorance des mots, des formes, etc. : Prol., 13 : poelrias la forme poetridiis est tout à fait exceptionnelle) ; Sat. 1, 24 : qnid didicisse(\gno- rance de la tournure qiiu suivi de l'infinitif) ; 69 : heroos sensus (on n'a pas vu qu héros était employé ici comme adjectif) ; 114 : mingite (min- gere est une forme plus courante que meiere) ; 2, 59 : expulil (le cor-

1. Voy. pourtant la réserve formulée traire aux lois générales de la prosodie ; supra, p. XXI et n. 1. rogat, rogilas. {saperdam remplaçant alors

2. Aux exemples cités plus haut, je veux saperdas), en cogitas.

ajouter celui des corrections provoquées 3. Je ne dis rien des erreurs de

par la leçon rogas (5, 134), qui est con- copie.

INTHOnrCTION XXXI

recteur ne connaissait pas cette acception de inipellere) ; 3, 12 et 14 : querilur (l'emploi figuré de la preinière personne du pluriel n'a pas été compris) ; 89 : exiiberat (le correcteur avait oublié Virgile, En., 2, 759: exsuperanl flammae ; 4, 9 : pulo (ignorance de l'emploi adverbial de pula) ; 21 : duin non (ignorance du tour très classique dum ne) ; 20 : obéirai (le correcteur n'a pas vu la diérèse milans) ; 35 : despnal in mo- res : hi mores n'a pas été compris ; 45 : prolegil (mot plus fréquent que praelegil) ; 5, 15 : leres, pris pour le futur de terere, a été corrigé en /er/s (cf. a : lerens) ; 51 : nescio qiiid (substitution d'une expression toute faite cf. v. 12 : nescio qnid. . cjrmie à celle que la syntaxe exigeait ici) ; 138 : praeguslalum (le verbe praegustare est plus usité que regus- tare ; on n a pas vu qu'il faisait ici une impropriété) ; 161 : ni credas iubeo (ignorance de la construction de iubere avec le subjonctif sans ut) ;

6, 10 : destituil ou deseruit, substitué au mot rare destertuit ; 35 ; balsama (mot plus connu que cinnama) ,66 : dicta oppone (ou repone) paterna (le correcteur ne s est pas avisé que dicta est l'impératif de dictare) ; 79 : depinge (mot dusage courant substitué à un mot rare) ;

Influence d'un mot du contexte : 1, 60 : lantum^ substitué à tantae sous l'influence de quantum ; 64 : effluere, mis, volontairement ou non, à la place de fluere sous l'influence d'Effundal (v. 65) ; 2, 54 : Excu- tias^ amené par sudes, laetari praetrepidum cor devenant alors une appo- sition au sujet de ces deux verbes ; 73 : animi : on a établi un parallé- lisme entre les membres de phrase fasque animo et sanctosque recessus mentis, et mentis a entraîné animi ; 5, 47 : suspendi, amené par le duci du vers précèdent ; 58 : putril ou putret, amené par decoquit ; 64 : imienes, qui fait avec senes une antithèse consacrée ; 82 : hanc nobis pillea donanl : « haec mera libertas » a entraîné hanc ; on n'a pas vu que le féminin haec résultait d'une attraction usuelle ; 6, 6 : senes, amené par le iuuenes du vers 5 (cf. supra, 5, 64) ;

Gloses substituées à un mot du texte : Prol., 5 : relinquo, pour remitto ; 1, 74 ; cui.., dictaturam induit uxor, glose, je pense, de quem... dictatorem induit uxor ; 102 : resonabilis, pour reparabilis : une scolie in- terlinèaire ou marginale devait citer le resonabilis écho d'Ovide (Métani., 3,358) , 2, 9 : immurmurat ; 69 : in sacra et in templo, pour in sancto ;

3, 13 ; rarescat ^oxxT uanescat (mais il peut n'y avoir ici qu'une mau- vaise lecture imputable à un copiste) 5, 118 : repeto pour relego ;

4" Conjectures proprement dites : 1, 8 : Romae quis non... : on a sup- primé est, en supposant que la réticence dissimulait auriculas asini (cf. V. 121) ; même vers : a (ou ah) et aussi at : ac est difficile à expliquer

xxxii INTRODUCTION

si l'on adiiiel que le iiieiiibre de plirase précédent est suspendu par une réticence ; 15 : « scilicet iil » : conjecture née de celle qui va être indi- quée ; 17 : legcs ; il a paru difficile de construire la phrase en mainte- nant legens ; 18 : collucril, amené par illc, hic (mais la conjecture réta- blit peut-être ici le texte primitif ; voy. mes notes critiques) ; 21 : ibi ; iibi, qui n'est en somme qu'une reprise de ciim, a paru gauche ; 119 : Meii : conjecture tirée du vers 88 : Men moiieat, etc ; 2, 47 : in flam- ma, correction du texte d'à, in flammas ; 61 : in terris, conjecture qui parait ancienne, puisqu'elle est donnée par la plupart des manuscrits de Lactance mais peut-être citait-il de mémoire ') ; ()2 : lias au lieu de hoc : l'auteur de la conjecture a pensé que Perse avait employé ici le tour hic noster (cf. 1,9: « nostrum isliid uiuere » et 6, 39 : « sapere... nostrnni hoc ») ; 3, 16 : a/, substitué à aul, leçon de P , qui a paru dif- ficile à expliquer ; 29 : quod tu, au lieu de iiel quod, manière simple, trop simple peut-être, de faire disparaître la difficulté résultant de la présence de iiel après ue ; 4, 3 : dicy a... pupille Pericli : die hoc a paru gauche ; 37 : tu cum... peclas : le correcteur s'est rappelé deux autres passages : 5, 115: « sin tu, cum fueris.. » et 157 : « nec tu cum obstileris... », et il avait peut-être remarqué que, dans les deux autres endroits Perse emploie tune cum, il construit cette expression avec l'indicatif (^cf. 1,9-10 ; 17-20) ; 48 : auarum {se. puteal) : amarum parais- sait, et n'a pas cessé de paraître, embarrassant ; 52 : e/ noris : le correc- teur a pu se rappeler 2,75 : « Haec cedo... et farre litabo » ; 6, 26 : « occa et seges altéra in herba est » ; 5, 19 : bullatis, qui a paru plus clair quepullatis et qui a pu être suggéré par turgescat ; 26: hinc (ailleurs hue), substitué à his (leçon de P) par un correcteur qui, comme Sabi- nus ■, avait oublié des expressions telles que le « Causa fuit pater his » d'Horace ; 73 : non hac qua (ou quam) : conjecture amenée par la difficulté d'expliquer non hac ut d une manière satisfaisante ; 96 : gan- nit : on a estimé que garrit n'était pas le mot propre ; 97 : uitiabit a paru plus naturel que uitiauit ; 117 : sub pectore : en admettant qu'il n'y ait pas ici l'erreur de lecture d'un copiste (seruasin ayant pu être mal dé- chitî"ré),snè pectore a paru s'opposer plus fortement que ne fait in pectore à « fronte politus » ; 139 : contemptus peruges : sous l'influence de la leçon peragant... sudare qui, au vers 150, se tire de P, terebrare a été

1. Peul-èlre aussi la correction t3ologiie, donne la leçon in terris.

a-t-elle été faite sur le texte même 2. Si c'est lui qui a introduit dans a la

de Lactance, puisque le plus ancien leçon hic. nis, des Intlitutionet diuinae, celui de

INTRODUCTION xxxm

construit avec perages, et contemptus a paru dès lors plus expressif que conlentiis ; 146 : tun : cï. 1, 22, et 6, 37 ; 174 : hic qiiem quaerimus, hic est: il a paru plus intéressant de Faire de hic un pronom que d'y voir un adverbe comme la leçon hic qiiod, etc., nous y oblige ; 6, 51 : haud aiideo : tentative pour concilier le sens de la leçon non audeo avec les exigences du mètre.

Seules, il me semble, les scolies et les citations des grammairiens nous ont conservé des leçons dont on ne saurait chercher l'origine ni dans a ni dans P. Je citerai : Prol., 9 : blandiri, au lieu de conari (scol.) ; Sat. 1. 58 : pisal (Diomède) , 1, 97 : iiegrandi (Porphyrion et Servius) ; 2, 14 : diicitur (Servius ; mais cf. sapra^ p. xxii) ; 2, 23 : at sese (scol. : l'altération ad sese, leçon commune d'à et de P, n'a guère pu être rectifiée par conjecture, puisque claniare ad sese s'interprétait sans peine) ; 2, 09 : in sanctis (Lampride : mais peut être citait-il de mé- moire ; - 3,100 : triental (scol.) ; 5, 102 : peronatiis (Ps. Acron ; cf. siipra^ p. xxii) ; 6.11: qiiinlo pauone ex P y th. (Charis'ms, peut être par erreur de mémoire) ; 6, 16 : seniiun (leçon qui se tire des scolies : cf. supra, p. xxi).

Malgré tout, il est impossible de tenir pour résolue la question de la valeur et de l'origine des manuscrits secondaires de Perse tant qu'on n'aura pas collationné entièrement tous ceux qui ne sont pas de simples copies tardives de manuscrits connus K Or, il n'en existe même point, à l'heure actuelle, d'inventaire complet. Jahn, dans son édition de 1843, nénumère que ceux dont il a eu entre les mains des collations plus ou moins complètes (53 mss , avec ceux dont les variantes ne lui étaient fournies que par les éditions antérieures à la sienne (14 mssj, soit, en tout, 67 manuscrits. Les collations utilisées par M. Consoli, pour son édition de 1911, permettent d'ajouter à cette liste 7 numéros, sans parler de 8 manuscrits l'on ne trouve que des extraits de notre poète ^ ; mais, de 1 appendice III, « De saturarum Persianarum libris scriptis », qui ne prétend point épuiser la matière •*, nous pouvons conclure qu'il existe au moins 80 manuscrits de Perse qui n'ont pas encore fait l'objet

1. Cf. F. Léo, p XVII de la 4* éd. des St-Gallener Handschr Nr 870 {ibid., 40 Satiriques latins de Jahn-Bûcheler. (1885), p. 263.)

2. Surces" Florilèges », cf. G. Meyncke, 3 En particulier, M Consoli, à l'exemple dans le Rhein. Mus., 25 (1870), p. 369 et de Jahn, a laissé entièrement de côté les suiv. ; C. Wotke et C Hosius : Persius- mss de Vienue(9 mss,dont 7 du xv^ siècle, excerpte (Rh. M., 43 (1888), p. 501) ; Ste- mais 2, le CCXIX et le CCCXXXIX, des phan : Dus prosodische Florilegium der x' et Xi« siècles, selon A. Goebel (IJeber

Hx.v INTRODUCTION

d un examen délaillé. Parmi les plus utiles et les mieux étudiés de ceux qui ont, au contraire, retenu l'attention des philologues, je signalerai :

Le groupe des manuscrits d'Angleterre, en particulier un manus- ciit d'Oxford (Bibliothèque Bodléienne) du x" siècle (Oxoniensis bibl. Bodleianae auct. F. 1. 15 ; [i dans Jahn), et un manuscrit du collège de la Trinité à Cambridge (Cantabriyiensis collegii SS. Trinitatis O. IV. 10, x^ siècle ; c'est le Galeanus de Bentle^^ ; y dans Jahn). Sur ces deux manuscrits, voy. G. R. Scott (dans la Classical Revieiv, -l (1890), p. 17 et p. 241) et 1 éd. de Perse et Juvénal par S. G. Owen (Oxford, 1903);

Le groupe des manuscrits de Berne, en particulier le Bernensis2bl , du x" siècle (cf. Consoli, p. x-xi) ;

Le groupe des manuscrits de Paris, en particulier les n°^ 8048, 8049. 8055. 8070. 8272, tous du xi^ s. (cf. Cons., p. xi) ' ;

Le groupe des manuscrits de Florence, en particulier le Laiiren- tianiis XXXVII, 19 (fin du x'' siècle ou commencement du xi*^) : sur ce ma- nuscrit, voy. F. Kamorino ; De duobiis Persil codicibus qui inler ceteros Laarenlianae bibliolhecae seruantur (Sludi italiani di Filologia classica, 12 (1904), p. 229) ; cf. les éd. de Consoli et de Léo ;

5" Le groupe des manuscrits de Munich, en particulier le Monacensis 330 (xi'^-xii' s.) et le Monacensis 14498 ou Emmerami F ', xi^ siècle ; cf. Cons., p. XI ; M^ et M, chez Jahn; ;

6" Le groupe des manuscrits de Copenhague, en particulier VHau- niensis 2028 (cf. Cons , p. xii), du xi^ siècle (a, chez Jahn) ;

7" Un manuscrit de Wolfenbuttel (Giielferbytanus Gudianus 79), du xi^ siècle (cf. Cons., p. xii ; c est le W, de Jahn) ;

Un manuscrit de Nuremberg (bibl. Meyer), du xi^ ou du xii^ siècle (Ebnerianus ou Noiinibei gensis ; i. chez Jahn ; voy. C. F. Hermann : Lectiones Persianae, II (Marburg, 1842), p. 4 et suiv. ; cf. Cons., p. xii) ;

Un manuscrit de Leyde, du x*^ ou du xii^ siècle {Leidensis 78 ; voy.

eine Wiener Persius Handschrift s. A' mit des lettres anciennes (57 numéros). glossen u. schol. et Die ziveite Wiener Fer- 1- Ce sont les P,, P^, P.., P^, P^ de Jahn ;

sius Handsch. (Philologus, 14 (1859), il faudrait y ajouter, pour compléter la

p. 170 et 379 ; 15 (1860), p. 128.) Sur les liste, les n'"8246et 8050 (P^ etP^, de Jahn),

manuscrits de Paris, cf. la note sui- et les n»= 3110, 7984, 8072, 8290, 8291,

vante. Voy., p. 175 et suiv. de 8293, qui ont été, avec les autres, colla-

J'éd. de M. Consoli, 1 énumération des tiennes, d'une manière tout à fait insuffi-

mss mentionnés dans les catalogues et santé, par N.-L. Achaintre pour son éd. des

inventaires des bibliothèques et dans Satires de Perse (Paris, Didot, 1812).

INTRODUCTION xxxv

A. Kissel : Spécimen criticum continens A. Persii Flacci cod. mss. Leidensiuni collationeni, cuiii animaduersionibus in satiram priinam (diss. Utrecht. 1848 : cf. Cons., p. xi) ;

10° Un manuscrit du monastère d'Ottobeuren en Bavière, du xii'^ siècle {Ottoburanns : voy. Matth. Zillober : Eiiie neiie Handschr. der 6 Sat. des A. Persius Flaccus (Progr. d'Augsbourg, 1862), et cf. Cons., p. xii) ;

11° Un manuscrit de Trêves (Staedt. Bibl. : Ti'euirensis 1089), du x^ siècle ; Tr chez Jahn ; cf. Cons., p. xii) ;

12° Un manuscrit de la bibliothèque capitulaire de Vérone (Vero- nensis bibl. Capitularis 264, du xiii^ siècle ; voy. C. Marchesi (dans les Studi ital. di filol. class., 12 (1904), p. 134 ; cf. Cons., p. xii).

Après ces manuscrits, dont on trouvera dans l'édition de Consoli (1911) les variantes essentielles, il faut en mentionner deux autres dont la collation est postérieure à cet ouvrage :

Un manuscrit de la bibliothèque du Vatican (Vaticaniis Reginensis 1560) qui contient, en écriture Caroline du début du x^ siècle, les satires de Perse depuis le vers 99 de la satire 3 jusqu'à la fin ; il est proche parent du Laiirentianiis XXXVII, 19 (cf. supra) et, quand il s'en écarte, c'est, eu général, pour se rapprocher de a. Il a été récemment étudié par Michel Cerrati. dans la Rivista di Filologia {Per la classificazione dei codici di Persio, K. di F., 40 (1912), p. 113 et suiv.) ;

2* Un manuscrit de la bibliotlièque municipale de Valenciennes, 410 ; il a été décrit et collationné sommairement par M. Owen dans The classical Quaiierly 6 (1912), p. 21 et suiv. Il provient du monastère de Saint-Amand. Il est formé de 70 feuilles de parchemin et contient, écrites en minuscules carolines du \i' siècle, les satires de Juvénal et celles de Perse. Il offre des gloses interlinéaires, mais pas de scolies. On trouvera, dans l'apparat critique de la présente édition, les variantes fournies par ce manuscrit, en ce qui concerne Perse, telles qu'elles ont été relevées par M. Owen. Quelques-unes sont intéressantes, mais trois d'entre elles au moins n'ont pas le caractère de leçons uniques que M. Owen leur attribue : je veux parler des deux corrections ingénieuses quod tu ['S, 29) et diducit (3, 56), et de l'erreur respice (4, 51) : la pre- mière est donnée par le co<i. Veronensis2G4:{cï. Consoli, p. 73), la seconde, par le Laurentianus LXVIII, 24 (cf. ibid , p. 74) ; la troisième, par le manuscrit de Hambourg n. IV B, 198 (cf. Jahn, éd. de 1843, p. 42). D'autre part, je suis moins frappé que M. Owen de la parenté de ce manuscrit avec le Pithoeanus : sans doute, on y lit, comme dans F:

xxsvi INTRODUCTION

Prol., 5 : lanibiint ; 12 : refnlseril ; 14 : melos; Sal. 1, 14 : quod : 31 : qnid... narrent ; 44 : feci ; 2, 10 : ebullial ; 13 : nam est ; 40 : rogarit ; 42 : grandes ; 74 : honeslo ; 3, 1 : Nempe ; 29 : censoremue ; 100 : inter uina ; 4, 2 : dira ; 33 : figas ; 46 : dicat ; 5, 59 : fregerit ; 108 : notasti : 123 : satiri ; 145 : qiiani ; 150 : peraganl. Mais il offre en même Icinps quelques-unes des leçons les plus caractéristiques d'à. par exemple : 1 , 59 : imitata est ; 69 : uidemus ; 2, 48 : /esto ; 3,9: dicas ; 45-46 : nioritiiri... Catonis discere ; 78 : quod satis est sapio ; 5, 26 : noces : 78 : temporis ; 84 : ut libuit ; 105 : ueri spécimen.

Il semble que l'effort de la critique devrait être maintenant de classer les manuscrits secondaires de Perse, afin de remonter à l'archétype de cette recension poui- ainsi dire moyenne dont un bon nombre d'entre eux paraissent être les représentants, et d'en séparer les diverses branches. Les articles, cités plus haut, de MM. Ramorino et Cerrati, constituent une tentative intéressante dans cet ordre d idées. Mais, d'ailleurs, 1 exa- men de manuscrits jusqu'ici négligés pourrait nous mettre un jour sur la voie d une recension indépendante d'à et de P : l'étude de M. Owen, signalée ci-dessus, nous apporte, à défaut d'une découverte de ce genre, la preuve que certains de ces manuscrits méritent d être tirés de l'ombre ils sont restés jusqu'ici et de prendre rang parmi ceux que la critique utilise pour rectifier a et P ou choisir, le cas échéant, entre les leçons divergentes de ces deux textes.

IV

Les Scolies ^

Nous possédons, sur les vers de Perse, beaucoup de scolies, qui nous sont parvenues de deux manières : dans un grand nombre de manus- crits, le texte est accompagné de notes et de gloses marginales ou inter- linéaires; mais, plus d'une fois aussi, notes et gloses ont été copiées à part, de manière à former une sorte de commentaire continu. De ces scolies diverses, nous n'avons encore ni une édition définitive ni même un inventaire méthodique. Il est possible cependant, grâce à des col- lections partielles et à différentes monographies, d'en déterminer, jus- qu'à un certain point, l'âge et la valeur.

1. Je dois beaucoup, pour ceUe partie /?it;isfa di FiVa/ogia (Gli scoliasti di Persio, de mon iii'roduclion, à trois articles récem- /i. di F. 39 (1911), p. 564 et suiv. ; 40 nient publiés par M. Marchcsi dans la (1912) p. 1 et suiv. ; p. 190 et suiv.

INTRODUCTION xxxvii

Qu'il existât, dès le iv* siècle de noire ère, un commentaire, ou des commentaires, sur Perse, c'est un fait certain. Nous lisons, dans un passage de saint Jérôme que j'ai déjà eu l'occasion de citer (cf. supra, p. viii) ; « Puloquod puer legeris Aspri in Vergilium... commentarios... aliorum in alios, Plautum uidelicel,... Persiiim ». Le titre donné par les manuscrits à !a biographie de Perse, Vita Persi de commentario Valeri Probi sublala, semble attester, je l'ai dit, que ce commentaire, ou un de ces commentaires, portait le nom de l'illustre grammairien Valerius Probus. O. Jahn {Proleg., clvii et suiv.) inclinait d'abord à penser qu'Helenius Acro s'était occupé, lui aussi, d'interpréter les satires de notre poète. L'humaniste Jean Parrasio ou Parisio (Parrhasius, 1470- 1533 ; voy. De rébus per epistolam quaesilis, lettre 5, au tome I, p. 735, de la Lampas de Gruter, Francfort, 1602) assure avoir eu entre les mains un commentaire de Probus sur la première satire de Perse ', distinct de celui qui circulait sous le nom de Cornutus, et ajoute qu'on y lisait ces mots : « Curas Acroni proprie dicere uidetur. quae si utiliter exercenlur, uirtulis locum obtinent, si in superuacuum, desidiae ». Vale- rius Probus vivait avant Acron et cette note ne saurait venir de lui ; mais le fond même peut en être exact. D'autre part, Henri Ernst (Erns- tius, 1603-1665 , voy. Variae obsernationes, 1, 7) écrit ceci ; « Reperi Mediolani in bibliotheca Ambrosiana cod. antiquissimura... in quo ita scriptum erat : Acron in Persium pro Cornutus in Persium. Idem erat liber qui Gornuto alias adscribitur ». Cette attribution, certainement erronée, peut s'expliquer par le souvenir qu'on aurait gardé de l'existence d'un commentaire d'Acron sur Perse; et, de ce commen- taire, Jailli admettrait volontiers que nous avons un débris dans les scolies sur le vers 56 de la satire 2, nous lisons : « Acron tradit quod in porticu quodani Apollinis Palatini fuerint L Danai- dum effigies, et contra eas sub diuo totidem équestres filiorum Aegypti2 ».

Je laisse de côté le témoignage de Parrasio, duquel il n'y a évidem- ment rien à conclure touchant la question qui nous occupe. Reste celui d'Ernstius. Or, s'il est vrai que ['Ambrosianus J 38 contient un com- mentaire sur Perse suivi de cette mention : « Acronis comenlum super

1. On peut rapprocher de ce témoignage op. cit., l""" article, p. 567, n. 2 delà p. 5(5(5.

celui de (Jurio Laiicilloto J-'asi qui, au 2. M. Marchesi (l'^'' art., ]j. 580) signale

commencenient du \\i' siècle, assure une autre citation d'Acron daus les scolies

avoir vu une collection de scolies sur Perse du Laurentianus 37, 20, sur Sat. 5, 117. Il

portant le nom Je Probus : cf. Marctiesi : n'en donne pas le texte.

xixvni INTRODUCTION

salyras peisii féliciter Explicil ' », ce manuscrit, loin d'être anliquissi- mus, ne remonte pas au delà du xv*" siècle. On ne saurait donc retenir, à aucun litre, une indication il ne faut voir, je pense, que la conjec- ture arbitraire de quelque humaniste. Quant à la scolie citée ci-dessus, elle peut provenir d'une note d'Acron sur les Odes d Horace (1, 31, 1, ou 8. 11, 2.'}). Je sais bien qu'on ne la trouve pas dans les scolies sur Horace attribuées depuis le xv" siècle au grammairien Acron, mais personne aujourd'hui ne tient cette attribution pour exacte. Rien, en somme, ne nous autorise à supposer qu'Acron eût jamais commenté les satires de Perse-. Et c'est un fait trop certain qu'il nous est impos- sible de reconnaître, dans la masse des scolies anonymes parvenues jusqu'à nous, celles qui remontent, pour le fond, à Probus ou à tel autre grammairien de l'antiquité.

Avons-nous du moins quelque indice qui nous permette de dater, d'une manière approximative, les renseignements de bonne source que l'érudition moderne a pu dégager de ce fatras ? M. Stephan (De Pi- thoeanis in Iiuienalem scholiis, Bonn, 1882, p. 23. note ; cf. Marchesi, 3- art., p. 208) se fonde sur un passage de Jean Lydus (De magistratibus Romanis, 1, 32) pour affirmer que nos scolies sont antérieures au vi*^ siècle : Lydus cite un Seranus passé de la cLarrue à la dictature « IIsp'Ti.oç ô 7'wLi.atos nx-upv/.oq ï'yf\ », erreur ^ qui provient sans doute de la scolie sur le vers 74 de la satire 1 Quintius Cincinnatus... qui a serendo Serranus appellatus est •>■>), dérivée en partie de Servius (Au Aen., 6, 844 : « Atilius quidam senator fuit qui, cum agrum sérum co- leret, euocatus propter uirtulem meruit dictaturam. Serranus autem a serendo dictus est »). Or, Jean Lauren»ius* le Lydien, communément appelé Lydus, exerça de hautes fonctions officielles dès le règne d'A- nastase et jusque sous celui de Justinien ; il fut disgracié en 552 et dut

1. Cf. H. Langenliort : De scholiis hora- tianis quae Acronis nomine feruntur quaes- tiones selectae Bonn, ]908j, p. 16.

2. Jahn lui-même abandonne sa pre- mière liypothèse dans la préface de l'édi- tion de 1868 (p. m) Il se rallie sur ce point aux conclusions d'Hauthal (Rliein. Mus., Neue Folge, 5, p. 523) : celui-ci indique avec raison que l'Amhr. J 38 n'est nullement un vieux ms. ; l'eireur d'attri- bution du commentaire vient, pense t-il, de ce qu'on lisait à la suite un autre com- mentaire sur VArt poétique, qui aura été pris pour l'œuvre d'Acron, bien qu'il provienne visiblement de quelque huma-

niste du xv« siècle: mais voy. Langenhor op. ait , qui lient les deux parties pou tout à fait distinctes et réunies après coup.

3. Même erreur, el cette fois la scolie sur Perse est sûrement la source, chez Heri- ger, abbé de Lambach (x' siècle), qui écrit, dans ses Gesta episcoporum Leodiensium (ch 29, de sancto Johanne) « Et ut mi- rabilior praedicarelur dispositio Omnipo- tenlis eliam in gentibus discolis, sulco terentem denlalia Quintium Seranum Tré- pida an te boues dictatorem induit uxor, etc. <'

4 Ou, peut-être, fils de Laurent : cf. Macé : Essai sur Suétoue, p. 199, n. 2.

INTRODUCTION xxxix

mourir vers 565 (cf. Croiset : Littér. gr., V, p. 1022 1023). Puisqu'il avait nos scolies sous les yeux, c'est donc que celles-ci existaient déjà au vi^ siècle.

M. Stephan aurait pu ajouter qu'une autie remarque de Lydus sur les nobles romains auxquels on donne le nom de 7"///, « 'yqai IlÉpa'.oç ô 'Pwaaïoç » (1, 19) paraît encore avoir pour source une de nos scolies (Ad Sat. i, 20) : « Ingentes Titos dicit... Romanos senalores a Tito Tatio Sabinorum rege ». Mais ces deux passages de l'érudit byzantin prouvent tout au plus qu'il existait déjà au vi*" siècle des noies sur Perse dont la substance se retrouve dans nos scolies ; et, de cela, personne n'a jamais douté. On n'en saurait conclure que le recueil des scolies de Perse soit antérieur au vi*^ siècle.

Dirons-nous, avec C.-Fr. Hermann [De aelale el usa schol. Persian.. Progr. de Goetlingue, 1846), qu'il ne peut pas être postérieur à la pre- mière moitié du vii*" siècle, parce que nous devons le compter parmi les sources d'Isidore de Séville, qui écrivait vers l'année 636? Le fait est que les rencontres ne sont pas rares entre nos scolies et Isidore. Hermann a cru sentir que, en pareil cas, la forme même des re- marques du lexicographe nous laisse voir plus d une fois qu'elles ont été écrites primitivement sur un cas particulier et qu'Isidore, par consé- quent, les a tirées d'un commentaire. Il cite, entre autres exemples, Isidore, Orig., XII, 7, 24 : « < P> si < t > tacus... articulata uerba exprimit, ita ut si eam <^ non > perspexeris, pûtes hominem loqui. Ex natura autem salutat, dicens aiie et kere ». Isidore, dit-il, n'avait aucune raison de rappeler ici x^ctos. De même, lorsque ce grammairien écrit (XI, 1, 136) : « Aqiialiculus proprie uenter porci, hincad uentrem translatio » (= schol. ad Pers., 1, 56), il donne du mot aqucdicuhis une définition qui est inexacte, ou du moins trop restreinte, puisque Végèce applique le mot à un cheval, mais qui paraît bien répondre à la pensée de Perse.

On ne saurait, il n;e semble, accorder grande valeur aux inductions de C. Fr. Hermann. Isidore ne peut il avoir emprunté les remarques sur lesquelles ces inductions se fondent aux grammairiens et aux lexi- cographes antérieurs, qui, sans doute, en avaient pris un certain nombre chez le commentateur ou les commentateurs de Perse ? Les scoliastes du moyen âge seront venus à leur tour les prendre chez lui : on sait qu'il était une des sources ordinaires de l'érudition médiévale '.

1. Cf. Marchesi. 3' art., p. '210 et 213.

XL INTRODUCTION

Est-il au moins possible, en s'appuyant sur la nature même des ren- seignements donnés, de dater avec certitude quelques-unes de nos sco- lics ? La citation d'Acron signalée plus haut ne peut remonter au delà du second siècle de notre ère, puisque la vie de ce grammairien doit se placer entre 150 et 200 environ. D'autre part, la scolie sur le vers 14 de la satire 2 n'est certainement pas postérieure au premier quart du v*^ siècle : il y est question, en clTet. de la dos dicta : « Dos. . a ciue Romanodata, non ex patrio dicta nomine, si repudium non inleruencrit post mortem uxoris ad maritum pcrtinet ». Or. la promesse dite dotis diclio cessa d'être en usage à partir de l'année 428, date d'une consti- tution des empereurs Théodose II et Valentinien III. décidant que toute promesse de dot, ne fût-elle pas faite dans les formes, serait pleine- ment valable : « Ad exactionem dolis quam semel praestari placuit, qualiacumque sufficere uerba censemus, etiamsi dictio uel stipulatio in pollicitatione rerum dotalium minime fuerit subsecuta » (Codex Théo- dosinniis III, 18, 4 ; cf. cod. Iiislin., V, 11, 6). Notre scolie a été vrai- semblablement rédigée au lu'^ ou au iv^ siècle, c'est-à-dire à une époque l'usage de la dotis dictio était dans toute sa force ^. Mais il me semble qu'elle a pu passer dans une compilation de basse époque dont l'auteur n'en comprenait pas, ou en comprenait mal le sens. De fait, elle semble avoir été rédigée par un homme peu versé dans la terminologie juri- dique : celui-ci a voulu indiquer la différence entre la dos adnenliria et la dos profecticia{\oy. Ulpien : Reg., 6,4 : « Mortua in matrimonio mu- liere dos a pâtre profecta ad patrem reuertitur « ; ibid., 5 : « Aduenticia autem dos semper pênes maritum remanel ») ; mais il a mélangé les notions de dotis dalio et de dotis dictio.

On voit que ces conclusions de détail, et d'autres du même genre auxquelles on pourrait arriver, sont intéressantes, mais ne sauraient nous permettre de déterminer à c|uelle époque s'est constitué le recueil des scolies de Perse tel que le donnent, avec une multiplicité consi- dérable de variantes mais un même fond, un grand nombre de manus- crits, dans lesquels il accompagne le texte de notre auteur ou se trouve transcrit seul. Il est infiniment probable, en tout cas, que ce recueil, dans sa forme actuelle, est œuvre toute médiévale. Fr. Bûcheler (Satir. lat., praef. , p. xiii) croit qu'il contient quelques notes à peu près contem- poraines du poète et d'autres, jjeaucoup plus nombreuses, qui ont été

1. V. Adoir Berger : Zum Soge- Studien, 32 (1910), p. 157 el suiv. maiinlen (^ormiti comiiicnlum IWencr

INTRODUCTION xli

édiles, récrites, modifiées, groupées depuis Constantin jusqu'à l'époque carolingienne. Mais une compilation de ce genre ne peut guère remonter jusqu'à Constantin. C'est au moyen âge que s'est développée l'habitude, qui devait amener la perte d'un grand nombre de commentaires, de transcrire les remarques, explications, gloses de toute sorte, sur les marges des textes et dans les interlignes. On les reportait ensuite, plus ou moins exactement, d'un manuscrit sur un autre en les mêlant à des scolies de provenance différente. Le commentaire original était laissé de côté et, bien souvent, il a disparu. En revanche, les notes marginales et interlinéaires, transcrites à part avec des lemmes, et tantôt para- phrasées ou amplifiées, tantôt réduites, ont servi plus dune fois à former des commentaires nouveaux, image défigurée, sinon méconnais- sable, des travaux de l'érudition antique.

Qu'il se fût ainsi constitué, dès le ix^ siècle, une collection de scolies sur les satires de Perse, c'est ce que permet de supposer le fragment retrouvé par Manitius ^ dans le Vaticaniis lat. Reg. 1560, d'un com- mentaire de Rémi d'Auxerre sur les satires de notre poète. Ce Rémi (Remigius Autissiodorensis) était un religieux de Saint-Germain d'Au- xerre, mort vers l'an 908, qui eut pour maître le moine Héric (Hericus ou Heiricus), élève lui-même de Loup de Perrière 2. H enseigna à Auxerre, à Reims, à Paris. Il avait écrit bon nombre de sermones et de traités, un commentaire sur les psaumes (édité à Cologne en 1586, et dans la Palrologie de Migne, 131, 133-824), des commentaires sur la grammaire de Donat (In artem Donati minorem commentiim. éd. par Fox, Leipzig. 1902 , sur deux traités de Priscien (Vlnstiliilio de nomine et pronomine et iierbo et le De XII uersibus Virgilii), sur le De Nuptiis Philologiae et Mercurii de Martianus Capella, sur les hymnes de Sedu- lius ^. On soupçonnait déjà qu'il s'était occupé de notre poète, un des auteurs, semble-t-il. qu'expliquait son maître Héric* : le Laiirentianus 37, 20 cite son nom à propos du v. 71 de la sixième satire de Perse, dans une scolie reproduite par Jahn (Proleg., p. clxii : « Vt dicit Re- migius nepa est quidam serpens, qui fétus suos deuorat, cum tamescit,

1. Voy. Manitius: Zur Ueberlieferungs- dans VHist. litl. de la France, 6, gcschichte Miltelalllicher Schulautorcn, p. 911

Mitteilungen der Gesellsch. f. deutsche 3. Cf. Manitius ; Geschichte des latein.

Erziehungs-u. Schulgeschichte, 16 (1906), Literatur des Mittelalters, l CSlunich, 1911),

p. 245 Mais M. Manitius se contente p. 506 et suiv. M. Manitius, chose cu-

d'uue vague indication. C'est M. Mai- rieuse, ne dit rien du fragment dont

chesi qui a vu l'intérêt de celte petite M. Marchesi doit la connaissance à 1 ar-

découverte. ticle de lui cité ci-dessus.

2. Sur Rémi d'Auxerre, voj-. Hauréau, 4. Cf. ibid., p. 502.

xL.i INTRODUCTION

indc nepos dicilur, quasi patrimonium consumens et deuorans, siue dissipans »>. Nous savons aujourd hui qu'il avait composé une vie de Perse et un commentaire sur les satires : le \'uticanus Reg. 1560, nous a conservé la première {Vila Aiilii (sic) Flacci Persil satyrici secundum Renugiiim '. et, du second, la partie relative aux 72 premiers vers de la satire 1 : nous n'avons guère qu'une compilation de scolies connues d'autre part, sauf quelques notes qu'on retrouve seulement dans les commentaires humanistiques du xv^ siècle. Rémi montre peu de cri- tique dans le choix et le groupement des matériaux qu'il utilise. Sa part personnelle se réduit à expliquer certains mots des anciens scoliastes par d'autres mots ; il fait le commentaire d'un commentaire. Je citerai l'exemple suivant : on lit, dans les scolies éditées par Jahn (éd. de 1843, p. 248): « Qiiare? ne mihi Poly damas (sat. 1, 4) : i. e. multi- nuba. Polydamas autem Nero, quod multis nupsit, aut quod timidus et imbellis fuit ». et chez Rémi : « Polidamas... ponitur hic pro Nerone qui imbellis fuit, i. non fuit ausus bellare. Et multinuba quia multas feminas stuprauit, etiam et matrem suam ».

Le recueil de scolies d'où Rémi a tiré le fond de ses remarques était- il anonyme? Nous n'en savons rien. En tout cas, le moine d'Auxerre ne nomme pas ses autorités. Mais dans deux catalogues, l'un de Corbie, l'autre de Prûfening, remontant au xii« siècle, on lit Cornulus in Persio et Corniitus super Persiuni. Nous avons, du siècle suivant, un Laiiren- tianus 37, 20, dont Jahn (cf. Proleg., clxi-clxii) n'a eu qu'une con- naissance rapide et imparfaite et qui présente, avec le texte des satires et des gloses marginales couvrant le recto, un commentaire suivi écrit au verso et contenant de nombreuses citations d'un certain Cornutus, sur lequel aucun détail ne nous est fourni. Ce commentaire a été soi- gneusement étudié et publié en partie par M. Marchesi (2* art. , p. 5 et suiv.). C'est en somme une simple compilation, mais il a, dans la forme, un certain caractère personnel : l'auteur se réfère plus d'une fois, par la formule ut supra diximus, à ce qu'il a dit précédemment ; il lui arrive, en citant Cornutus, de combattre, et même de railler, l'opinion de ce dernier (1,76; 1,V)5; 2,64; 6,60). Certains indices permettent de croire que le scoliaste du Laurentianns 37, 20 était Français : Crepidae

1, On en Irwiivcra le texte dans le ar- dans le morceau sur la satire, dont elle

ticle de M. Marchesi, p. 3. .J'y note des res- est suivie comme plusieurs autres biogra-

semblances frappantes, pour le fond et phies de notre poète, soni mêlées les

la disposition, avec la Vita donnée par le deux gloses que Kemi consacre au pro-

Laurentianus'Sl, 19 (cf. suprap. xi, n. 1); logue.

INTRODUCTION xliii

(1, 127) expliqué par holoe{= bottes) ; scalpere(\, 21) expliqué par <;ra/- tare {=^ gratter; et". Du Cange); iiel transalpinos ajouté (2, 42)à l'indica- tion apiid Gallos cisalpinos, etc. Du reste, les usages contemporains qui pouvaient se comparer à ceux de l'antiquité n'apparaissent que dans des mentions rares et brèves ; on relève, ici comme ailleurs, cette absence presque complète d'allusions au culte et aux croyances catholiques qui est singulière dans toute la rédaction médiévale des scolies de Perse.

Le compilateur a puisé largement dans les scolies anonymes, dont certains manuscrits du xi^ siècle (par ex. les Parisini 8272 et 8049 : cf. Jahn : Prolcg., p. clxiii et ccviii) contiennent déjà une abondante collection. Mais il a connu aussi deux commentaires personnels : celui de Rémi, qu'il cite une fois (6, 29' et celui de Cornutus, d'où il a extrait un nombre considérable de notes, au moins pour les quatre premières satires, car, pour les deux dernières, il cesse presque entièrement de s'en servir. Dans le choix de scolies tiré par M. Marchesi du Laiiren- tianiis 37, 20, je relève 1 renvoi à Cornutus pour le Prologue, 16 pour la satire 1, 18 pour la satire 2, 9 pour la satire 3, 7 pour la satire 4, 1 pour la satire 5, 2 pour la satire 6. Ces renvois sont introduits par les formules suivantes : « Cornutus : ... » ; «Cornutus aliter legit » ; « Secundum Cornutum... » ; « Cornutus legit sic : ... » ; « Hanc salis ridiculose exponit Cornutus » ; « Dicit Cornutus : ... » ; « uel, ut dicit Cornutus... » ; « Cornutus dicit quod... ».

On trouve des citations de Cornutus, en petit nombre, dans d'autres manuscrits : un Blesensis (4 citations), connu seulement par une édition de l'année 1500 ', le Monacensis 14482 (xn'" s.), le Leidensis 78 (même siècle '2), le Noriinbergensis Ebiierionus (xi^-xii^ s.) ''\ VErlagtnsis 264 * (xiv^ s.). Il ne semble pas qu'on rencontre avant le xii^ siècle la collection complète des scolies de Perse mise sous le nom de Cornutus, telle qu'elle se présente dans le Monacensis 14482, dans le Leidensis 18^ et dans plusieurs manuscrits du xv^ siècle, notamment le Bernensis 223 et le premier des- deux recueils de scolies sur Perse étudiés par M. Zin-

1. Voy. Marchesi (l^r art , p. 583): cette 2 Selon Hermann ; x"" siècle, selon

édition se trouve annexée à VAmbrosianus Kissel (cl" supra p. xxxvi).

N. 160 (w s.) ; on lit sur la première S.Cinq cilationsen tout pour ces trois mss:

page : Emendatum ex aiitiquo codice Ble- cf Liebl : Die Disticha Corniiti und der

sis In gallia In ahbatia de Launomari hle- Sc/io/(a.s?Cor;ui<u.«(Straul}ingi, 1883, p. 44-40.

SIS 1500 per me petruni alinndrum, et à la 4. Cf .Jahn ; Pruhg , p. rxxi.

fin : Exaralum parhisiis per michcielent 5. Ce dernier ms ne nomme Cornutus

thouluze in uico amigdaloruni commoran- que dans Vexplicit : cette mention aurait-

tem diui Joannis euangeliste effigie ipsius elle été ajoutée après coup, comme dans

edes indicante le Bernensis 665 (xii" s.) ?

xLiv INTRODUCTION

gc\-\e (Sil:iin(jsher. der Wien. Akad, 97 {\SHO) (p. 731) ^. La formule est alors tanlùl Commentum Cormiti in Persium ou simplement Commen- tum Cormili, tantôt, par exemple clans le Bernensis 223, Annaei Cornuti commenlum in Auli Flacci Persii saliras. Ce dernier titre, qui trahit clairement une confusion entre l'obscur scoliaste et le maître de Perse, fut adopté par les premiers éditeurs des scolies"-, ce qui lui assura une certaine fortune. Mais il s'en faut qu'il ait rencontré, même au xvi^ siècle, un succès universel Dans une note (Sat. 5, 23) de son commentaire sur Perse, publié à Venise en 1516, Jean-Baptiste Plautius s'exprimait ainsi : « Hune (se. Cornutum) Per.sii satyras interpretatum fuisse tra- diderunt scriptores, cuius commentaria temporum calamitate deside- rantur. Nam quae nunc chalcographi spe lucri sub nomine eiiis tradide- runt. ut essent uendibiliora (quod saepe fit) non esse Cornuti conten- derim, tum qiiin reconditam non redolent tanti uiri erudilionem, tum quia nonnulla Cornuti operis fragmenta, quae prolixiori et magis luculenta oratione hoc opus interpretabantur, se uidisse aflirmat Simon de Pasca- libus ladertinus uir lileris apprime eruditus. » Nous ne savons rien des fragments dont ce Simon di Pasquale affirmait l'existence, mais, d'ailleurs, l'attribution à Annaeus Cornutus de nos scolies sur Perse est, depuis longtemps, abandonnée de tous.

En revanche, les philologues du xix^ siècle ont essayé de déterminer la personnalité du Cornutus qui aurait interprété Perse. Jahn l'identi- fiait avec le compilateur auquel nombre de manuscrits attribuent les scolies médiévales sur Juvénal : ce compilateur, comme le prouve la scolie sur le vers 33 de la satire 3 3, était chrétien et de basse époque. Ailleurs (9, 27), on lit : « Hoc graecum corruptum est uno pede, quem magisler Hircus, ut Cornutus dicit, diu exquisiuit, inuenire non potuit, sed hoc significat : Dulces mores uiri mollis ». Dans ce magister Hircus, Jahn n'hésite pas à reconnaître Hericus ou Heiiicus Autissiodorensis,

1 . l'ieranlonio da Fossano, Milanais, à 2. Les scolies furent publiées pour la

la fin du xv« siècle, trouve dans un nis de première fois dans l'édition de Venise de

Poitiers : (Cornuti super Persium. M. Mar- 149!), qui les désigne sous le titre suivant:

chesi (1"' art., p. 5()6, n. 2) indique que Cornuti phylosophi eius (se. Persii) prae-

les mss italiens, même ceux qui donnent ceploris coiitmentarii. Et Elie Vinel, qui

le nom de Cornutus pour le commentaire en donna, quelque soixante ans plus

sur Juvénal, n'ont pas trace, pour les tard, une édition particulière (Poitiers,

scolies de Perse, d'une semblable attri- 15G3), les intitule : « Lucii Annaei Cornuli

bation ; pas davantage les compilations grammatici antiquissinii Commenlum in

faites en Italie au xv« siècle et dont l'es- Auli Persii Flacci satyras. »

sentiel est tiré des scolies dites aujour- 3 •• Apud Cornulum est : signuni uen-

d'hui de Cornutus, non plus que les com- ditionis. Hinc canimus in cantico de cruore

menlaires de Lundino et de délia Fonte. occisorum el de capitis nudi i rasi. >>

INTRODUCTION xlv

le maître He Uemi d'Auxerre (cf. supra, p. xli). Notre Cornutus serait, lui aussi, un élève de cet Héric. et, par conséquent, contemporain de Charles le Chauve. Sans doute, le commentaire sur Juvénal est sans aucune valeur, tandis qu'on n'a point de peine à reconnaître dans les scolies sur Perse, parmi beaucoup de fatras, des vestiges de l'ancienne érudition : Jahn pensait résoudre la difficulté en supposant que, pour Juvénal, Cornutus a presque tout tiré de son propre fonds, tandis que, pour Perse, il a eu sous les yeux les scolies d'un vieux commentateur.

Les conclusions de Jahn ont été fort discutées. C -Fr. Hermann les combattait parce qu'il plaçait, à tort nous l'avons vu (cf. supra, p. xxxixi, la rédaction des scolies avant l'époque d'Isidore de Séville. M. Liebl {Die Dislicha Cornuti, p. 46 et suiv., cf. supra, p. xuii, n. 8) soutient que les lecteurs de l'époque carolingienne avaient désigné sous le nom de Commentum Cornuti un groupe de scolies anciennes, pour le distinguer des scolies de Remigius, bien que les deux commentaires aient été, dans la suite, entremêlés de bien des manières. Finalement, au xiii^ siècle, un magister Cornulus, auteur des distiques moraux attribués depuis à John Garland ', aurait redonné un commentaire de Perse et Juvénal, conforme au goût et aux connaissances de l'époque, avec l'abondance d'explications allégoriques, d'étymologies, de petites anecdotes qu'on rencontre dans le commentaire joint aux distiques.

Comme le fait remarquer M Marchesi {V art., p. 570), la conjecture de Liebl est inacceptable ; la prétendue parenté entre le commentaire sur les distiques et les scolies sur Perse dites de Cornulus s'efface si l'on considère les différences dans la méthode, le genre d'érudition, la forme qui séparent le premier des secondes. Au demeurant, il est certain que le nom de Cornutus n'avait rien d'extraordinaire au moyen âge 2, Mais il paraît impossible de décider aujourd'hui si les scolies mises sous ce nom datent des temps carolingiens ou bien de l'époque il en est fait pour la première fois mention, c'est-à-dire du xii^ siècle. Disons-le : la question n'a pas toute l'importance que Jahn lui attribuait. Le recueil des scolies sur Perse n'est pas, comme il inclinait à le croire, l'œuvre

1. Poète et grammairien anglais du niques, porté par des hommes de guerre xiii*^ siècle. L'ouvrage dont il est question et des hommes d'église. Je citerai le pas- ici est intitulé : Cornutus siue Disticha sage suivant des Chronica de Sigebert hexametra moralia. Il a été imprimé à (année 1211). Voj'. Monuin. Germ. Hist , Zwolle (1481 : éd. aujourd'hui inlrou- tom. 6, p. 440 : « Domnus Petrus de Cor- vable) et à Haguenau (1489). Ducange, buel, Senonensisarchiepiscopus.litterarum sous le mot hippocoereium, cite Disticha scientia non mediocriter imbutus huic magistri Cornuti. saeculo uale dixit ; cui successit magister

2. On le trouve, dans diverses chro- Walterus cognomine Cornutus. »

XLVi INTRODUCTION

d'un conipilaleur unique : les études de détail publiées depuis ' en ont fait apparaître de plus en plus le caractère impersonnel et changeant ; il se présente partout comme un amas de gloses discordantes, reliées par uel. (iiil, ailler. Les divers compilateurs n'ajoutent rien, ou presque rien, de leur cru. Ce qui peut sembler nouveau, dans telle ou telle rédaction, est emprunté aux lexicographes, à Isidore surtout et à P;ipias. D'autre part, le Laiirenliuniis 'M, 20. étudié par M. Marches!, prouve que le commentaire de Cornutus ne contenait qu'une partie des scolies aux- quelles ce nom l'ut plus tard attaché. Nous avons le droit, en efTet. de refuser au Cornutus médiéval la paternité de toutes les notes qui ne sont pas présentées, dans les scolies laurentiennes, comme venant de lui : car le compilateur, chaque fois qu'il lui fait un emprunt, est visiblement préoccupé d'indiquer sa source. Il est vrai que ce compilateur a laissé de côté un bon nombre des scolies que nous trouvons ailleurs, et, pour celles-là, nous n'avons aucun signe nous permettant de les donner ou de les retirer à Cornutus.

Une chose incontestable, c'est que les scolies de Perse, telles que nous les avons, ont été groupées au moyen âge. Mais elles dérivent en partie de bonnes sources et nous ont conservé, avec des détails précis, qui ne peuvent guère avoir été inventés, sur la vie de Perse et sur ses amis, de précieuses citations, prises surtout dans les auteurs suivants : Virgile {['Enéide en première ligne, puis les Géorgiqiies eiles Bucoliques) ; Horace (les Satires, les Odes, beaucoup plus rarement les Epilrcs, y compris VArt poétique, les Epodes) ; Juvénal ; Térence {Adelphes, Eunu- que, Phormion) ; Lucain ; Lucilius ; Ovide {Métamorphoses) ; Cicéron (Catilin., 2 ; Pro Caelio, et, au moins dans des manuscrits florentins du xv*^ siècle, De Oratore). On relève encore des citations isolées de Plante {Aululaire, v. ITOj, de Salluste (Catilina, 1), de Varron. de Cornélius Severus, de Varron d'Atax, d'Attius Labeo. de Martial (14, 73), d'Acron, et, dans les scolies florentines du xv*^ siècle, des distiques dits de Caton -, Parmi les grammairiens de la décadence qui ont été mis à contribution, il faut signaler, à côté d'Isidore et de Papias, Servius Quelques rares scolies dérivent de Macrobe, de Nonius, de Festus, de Suidas.

Mais en somme, pour l'interprétation, ce sont les efforts directs de la

1. Je signalerai, à coté des trois arlicles 7Vr.siiJsSco/ie/((ct". supra, p. xi.iii), H. Liebl :

de M. Marchesi : J. Kvièala Scholio- Beitrdge zu den Persius Scholien (Strau-

rum Pragensium in Persil saliras deleclus biiig, 1883 : collation de 4 niss de Mu-

(Prague, .187.S) ; E. Kurz : Die Persius- nich),

Scholien nach den Bernerbundschriflen 2. « Cuin te aliquis laudat, iudex luus

(Burgdorf, 1889) ; A. Zingerle : Zu den esse mémento " (1,14 ; scol. sur Snf 1, 4 .

INTRODUCTION xlvh

philologie moderne sur le texte même du poète qui nous permettent de faire, dans les scolies de Perse, la part du bon et du mauvais, loin que les philologues puissent y chercher des directions sûres. Et, pour rétablissement du texte, il est certain que. en dépit de la thèse de G. -F. Herraann, elles ne peuvent venir qu'après le témoignage des deux recensions dont l'origine ancienne n'est pas douteuse. Néanmoins, une bonne édition de ces scolies rendrait des services : tout le monde est d'accord pour reconnaître l'insuflisance de celle que Jahn en a donnée, en 1843, à la suite des satires (p. 245-350).

V

Les éditions •.

Le texte de Perse l'ut imprimé pour la première lois vers 1470. Il est difficile de préciser davantage, un certain nombre des premières édi- tions de notre poète, généralement réuni à Juvénal, ne portant aucune indication d'année ni de lieu. La plus ancienne paraît être celle qui iul publiée à Rome vers 1470 {liiuenalis satyrae et Flacci Persii Volalerrani] par l'imprimeur Ulrich Hahn ( Fda/ncHs Gallus). Toutes, bien entendu, reproduisent, plus ou moins exactement, les manuscrits que chaque éditeur avait sous la main et dont il n'a cru nécessaire ni de déterminer l'âge ni de discuter la valeur. On ne procéda pas d'une manière diffé- rente au siècle suivant. Et pourtant, la supériorité du Pj7/ioeanus aurait pu s'imposer dès l'année 1585, lorsque Pierre Pithou fit paraître l'édi- tion de Perse et Juvénal dont ce manuscrit a fourni la base -. Il n'en tut rien. Les manuscrits étaient nombreux, assez anciens pour une bonne

1. On ue doit pas en chercher ici l'éuu- l'Ecole de Médecine). La fidélité de Fithou mération complète. On la trouvera chez à son manuscrit n'est pas absolue. 11 en iMorris H. Morgan : A bibliographe of Per- laisse entièrement de côté quelques leçons sius ^Ca^lb^idge, Massacbussets, l'<^ éd. parmi les plus caractéristiques (1, 59 : 1893, 2" éd. 1909 . imilari ; Pithou: imitata est , 1, 74 : ciim ;

2. A. Persii satyraruin liber I, D. lunii Pithou : quem ; 4, 5 : tacendaue ; Pithou : luuenalis satyrarum lib. V, Sulpiciae sa- tacendaque ; 5, 15 : teres ; Pithou: teris ; tyra I, cuni ueteribus coinmentariis nunc 5, 58 : In Venerem putris : Pithou : In primum editis, ex bibliotheca P. l'ithoei Venerem putret ; 5, 61 : iiita relicta ; Pi- /. C , cuius etiam Notae quaedam adiectae thou : uitam relictam). 11 relègue parmi sunt, Lutetiae, apud \lamertuni Patisso- les variantes ebulliat (2, 10), figas (4, 33 ; nitini Typographum regiunt, in officina il est vrai qu'il ajoute : » non maie "), Hoberti Stephani. M.D LXXXV, cum pri- pullalis (5, 19) fauces (5, 26 : « non uilegio. L'exemplaire que j'ai eu entre les inepte ••, dit il), Vappa lippus (5, 77), et il mains appartient à la bibliothèque univer- écrit ebullit, frigas, buliatis, uoces, nappa sitaire de Montpellier (ancien fonds de et lippus.

XLviii INTHOnrCTIOX

part, ollrnnt, en générnl, un texte sans lacunes et sans altérations irré- médiables : il y avait une excellente occasion d'exercer cet éclectisme dont la philologie s'est longtemps contentée en pareil cas S'il existait un désaccord entre les manuscrits, on choisissait telle ou telle leçon pour des raisons toutes subjectives. Ainsi a procédé Casaubon. Ainsi procède encore Jahn dans l'édition de 1843, quand il n'avait qu'une connaissance indirecte et imparfaite du Pithoeanus ; mais il lui était réservé de publier, en 1868 ', la première édition vraiment critique de notre auteur en établissant l'existence des deux recensions représentées |)()ur nous d'un côté par le Pilhoeanus, de l'autre par le Montepessulanus 212 et le laticanus lubiilarii basilicae H 36(^4. Persii Flocci. D Iiinii Iiiuenalis, Siilpiciae satiriie, recogiiouil 0. Jahn, Berlin, 1868;. Seulement Jahn a une préférence marquée pour les leçons de ces deux derniers manuscrits. Biicheler l'avait d'abord suivi sur ce point (dans la nouvelle édition, revue par lui, des Sa/j;-/gj/es /a//ns de Jahn, Berlin, 1886;. Il s'est rallié plus tard (3^ éd. des Satiriques de Jahn, 1893) aux conclusions de M. Bieger en faveur du Pithoeanus {cï. supra p. xxiii). MM Owen Persi Flacci et D. luni Juuenalis Salurae, Oxford, 1903 ; 2^ éd., 1908) : Léo (4' éd. des Satiriques de Jahn, Berlin, 1910) ; Consoli(A. Persii Flacci Saturaruin liber, 2^ éd., Rome. 1911), sont allés plus loin que lui dans la même voie. J'ai indiqué déjà (p. xxiii et suiv ) pour quelles raisonsj'ai cru devoir à mon tour, et plus fidèlement encore, reproduire la leçon du Pithoeanus de préférence à toute autre, sauf dans le petit nombre de passages elle est manifestement erronée.

Si l'on met à part Virgile, Horace et Juvénal, je ne pense pas qu'il y ait eu de poète latin plus fréquemment commenté que Perse. Nous avons, de la première moitié du xv^ siècle, une compilation anonyme qui tient le milieu entre les recueils de scolies du moyen âge et les tra- vaux de l'humanisine. Elle nous a été conservée par trois manuscrits de Florence ', et il semble qu'elle n'ait pas été ignorée des érudits de la seconde moitié du même siècle, notamment des Florentins Cristoforo Landino et Bartolomeo délia Fonte (Fontius). Le premier avait expliqué publiquement Perse et Juvénal vers 1458, et on peut lire, dans l'Am- brosianus J. 26, une rédaction manuscrite de ses leçons qui date de 1462 3. Le commentaire du second fut imprimé pour la première fois en

1. Entre temps (1854) avait paru, dans la 2 Le Riccardianus 664elies Laurentiani

collection Teubner, le texte de C.-Fr. Her- 52, 4 et 53, 23. Voy. Marchesi,3" art., p. 190

mann. fondé principalement sur l'autorité et suiv.

des scolies mais cf. supra, p. xxxix et suiv. 3. Voy. ibid. p. 195 et suiv.

INTRODUCTION' xlix

1477, el on le retrouve dans la série des éditions données à Venise de 1480 à 1516. Celui que Jean Britannico (Britannicus) fit paraître à Brescia en 1481 eut un succès plus considérable encore, qui se soutint pendant toute la durée du xvi'' siècle et jusque dans les premières années du xvii'' '. Mais, à vrai dire, les notes que les humanistes ont accumulées autour du texte de Perse font voir, généralement, une éru- dition plus étendue que pénétrante. Il laut faire une exception en faveur des remarques qu'Adrien Turnèbe, dans ses Aduersaria (Paris, t. I et II, 1580 ; t. III, 1573), consacre à de nombreux passages de notre auteur '^ et je veux signaler aussi le commentaire de Théodore Marcile (Marci- lius ; imprimé en 1601, avec plusieurs autres, à Paris, chez Cl. Morelle), que Jahn a mis à profit plus d'une fois ^. Malgré tout, l'œuvre capitale, celle qui, la première, a rendu le texte de Perse vraiment intelligible, c'est l'édition d'Isaac Casaubon (Paris, 1605 ; 2*^ éd., Paris, 1615 ; 3*^ éd., posthume, publiée à Londres par Méric Casaubon, 1647'^). Servi par un esprit vigoureux et par une connaissance approfondie du stoïcisme, Casaubon a débrouillé, pour l'ensemble de chaque satire, le lien des idées que ses prédécesseurs, trop souvent, n'avaient pu saisir ou qu'ils n'avaient su qu'emmêler davantage. En même temps, la richesse de sa mémoire lui a fourni une foule de rapprochements, et son érudition a multiplié les parenthèses sur les particularités de la vie antique. Cela ne va pas sans quelque encombrement ; mais, en bien des passages obscurs, Casaubon a su tirer de ces matériaux les éléments d'explica- tions neuves et ingénieuses. C'est, néanmoins, dans cette interprétation

1. On le trouve encore, avec la préface el les notes d'Elie V'^inet (publiées à Poi- tiers en 1560}, les discours préliminaires de Fh. Beroaldo et d'Ange Politien (1507;, les variantes et notes de P. Pithou, le commentaire de Théod. Marcile, dans l'édition publiée à Paris, en 1613, chez J. Orry. J'ai eu entre les mains un exem- plaire, appartenant à la bibliothèque uni- versitaire de Montpellier, de l'édition de Juvénal et Perse donnée à Bàle, chez Froben, en 1551, par Celio Secondo Cu- rione. Le commentaire de Britannicus y est reproduit avec ceux de Jean-Baptiste Plautius (publié pour la première fois à Venise, en 1516), de Jean Murmellius, de Ruremonde (Deventer. 1516), de Josse Bade, d'Asch (Jodocus Badius Ascensius; Lyon, 1500 et 1523). d'Antoine de Né- brissa (Aelius Antouius Nebrissensis ;

Ljon, 1523, dans l'éd. d'Ascensius).

2. \'oy. l'Index locorum mis, au début du premier volume, à la suite de l'Index reriun et uerborum latinorum et de l'Index uerbonuu graecorum.

3. X'oici ce qu il en dit dans la lettre à Lachniann qui sert de préface à son édition de 1843 (sixième page) : » Neque .. silen- tio praeterire possum Th. Marcilium, quem oppvessit inimicitiae, quam cura Casaubono et Scaligero exercuit, inuidia. Is uero in comnaentario, quamquam niulta inepta et inutili doctrina congessit, haud pauca lamen docte et utiliter monuit, et mihi sacpe usui fuit. »

4. J'ai eu sous les yeux la réimpression qui accompagne le Juvénal d'Henninius (Leyde, 1695; et celle qui a été donnée à Leipzig, en 1839, parFr. Dûbiier(éd. iiilio- ris pretii ; un>- l''' éd. avait paiu en 1833),

L INTRODUCTION

de détail qu'il a laissé le plus à faire après lui. Et pourtant, même à ce point de vue, aucune édition, jusqu'à l'année 1843, ne marque un pro- grès sensible sur la sienne. Je me bornerai à citer, pour le xvii^siècle ', celle de l'Anglais Bond (Londres, 1614), plusieurs fois réimprimée -, et celle de Desprez (Prateus), à la suite du Juvénal in usum Delphini (Paris, 1084)^ : destinées l'une et l'autre à l'enseignement, elles con- tiennent une paraphrase du texte en prose latine, verbeuse chez Bond, plus serrée chez Desprez, et des notes explicatives qui ont de la netteté *.

Les grands philologues du xviii*' siècle, Bentley par exemple, ne se sont occupés de Perse qu'incidemment. Je ne connais que par les bibliographies 1 édition publiée à Berne, en 1765, chez B.-L. Walthard, par J.-Rud. Sinner, avec traduction française et notes en français.

Le XIX* siècle a fait davantage pour notre poète. Toutefois, Fr. Dûbner, qui fit paraître à Leipzig, en 1833, une réimpression du Perse de Casau- bon, augmenté d'un choix de notes empruntées aux éditions posté- rieures, trouva seulement à glaner chez Kônig (Goettingue, 1803), Passow (Leipzig, 1809 ; la première satire seule est annotée), Achaintre (Paris, 1812), Weber (Leipzig. 1826), Plum ^Copenhague, 1827), Orelli (dans les fic/o^ae poetaruni lalinoram, Zurich, 1833), et dans les disser- tations de Meister [Letzte Sludien iiber Persius, Leipzig, 1812). Il ne mentionne pas le Perse de la collection Lemaire, donné en 1830 par A. Perreau, et qui, de fait, n'est guère qu'une compilation dont les éléments appartiennent surtout à Casaubon, Desprez et Kônig '".

1. Il existe à la bibliothèque de l'Uni- 3 J'ai consulté l'édition originale, dont versité de Montpellier un exemplaire de un exemplaire se trouve à la bibliothèque l'édition de Juvénai et Perse, avec des de l'Université de Montpellier.

notes de Bernard Automne, suivie du 4. Guyet s'était intéressé au texte de notre

commentaire sur Perse d Etienne de Cla- poète. Ses remarques el conjectures, com-

vière (Claveriuï) (Paris, l(i07 « apud Ro- muniquées par Ménage, se trouvent dans la

bertum Fouet, uia Jacobaea, sub occasio- traduction de Michel de Marolles (Paris,

nis signo ") : les premières nont pas 1658). Elles ont été données, avec celles de

grande valeur ; il y a dans le second quel- Huet, par Dûbner, dans l'Appendice de sa

ques remarques intéressantes. réimpression du Perse de Casaubon II les

2. Je possède, grâce à 1 amitié de M. Eu- a revues sur la rédaction même de Guyet, gène Riga), professeur honoraire à l'Uni- conservée à la Bibliothèque Nationale, versité de Monipellier. qui m'en a fait don, 5. Ferdinand Haulhal, qui avait publié la réimpression publiée à Paris en 1644, en 1833, à Leipzig, la 1" satire de Perse, chez Cramoisy (A. Persii Flacci Satyrae avec les variantes de 30 éditions du sex.cum posihumis commenlariis Joannis xv^ siècle, donna, en 1837 (également à Hond. quibus recens accessit Index uer- Leipzig), la première partie d'un travail borum, nunc primum excusae Parisiis, considérable (lieilraeye :ur Geschiclile, apud .Sebastianum Cramoisy, archilypo- Verbesserutig, Feststellung iind Erklaeruitg graphum regiuni, et Gabrielem Cramoisy, des Textes der Satiren des Fersius ; erster uia Jacobaea). Theil), qui ne fut jamais achevé.

INTRODUCTION u

Cependant, un professeur de l'Université de Bonn, C.-Fr. Heinrich, commentateur estimé de Juvcnal, avait expliqué plusieurs fois devant ses élèves les satires de Perse. Le texte, tel qu'il l'avait établi sur un exemplaire de l'édition des Deux-Ponts (1785), et ses remarques, recon- stituées d après des notes diverses, furent publiés après sa mort par O. Jahn (Leipzig, 1844 ; Des Aidas l'ersiiis Flacciis Satiren berichligt underkldrt uun Cari Friederich Heinrich). Heinrich a, pour la conjecture, un goùl qu'on peut trouver excessif; mais, dans l'interprétation du texte, il apporte, avec une connaissance très sérieuse du latin, une finesse réelle, et on aurait pu louer dans ce travail le commentaire le plus personnel qui eût paru sur Perse depuis Casaubon, si Otto Jahn lui-même n'avait donné un an auparavant (Leipzig, 1843) sa grande édition K II ne doit rien à Heinrich 2, dont il s'était interdit de con- sulter les notes avant d'avoir achevé son propre ouvrage. Elève de Godefroi Hermann, Boeckh et Lachmann, il procède, par l'élégance de son latin, qualité rare chez ses compatriotes, et par la variété de son érudition, des humanistes du xvi^ siècle. Comme Casaubon, qu'il mettait hors de pair, il s'est attaché à retrouver la marche de la pensée du poète, et les argumenta il démonte, pour ainsi dire, chaque satire, demeurent une des parties les plus utiles de son commentaire. Comme Casaubon encore, il tire grand parti des rapprochements et multiplie, parfois à l'excès, les détails archéologiques. Ses interprétations, même elles peuvent paraître contestables ou hasardées, sont toujours intéressantes ; mais on a le droit de regretter que, trop soucieux sans doute de ne pas donner à son travail le caractère d'une de ces éditions Variorum dont il existait un si grand nombre, il ait volontairement ignoré, dans les passages difficiles, certaines solutions proposées avant lui, qui méritaient mieux que ce silence. On peut préférer, à ce point de vue, le Perse latin-anglais de John Conington, revu par Nettleship (^Oxlord, 1874 et 1893), ouvrage d'ailleurs excellent, dont les auteurs ne se sont pas contentés de résumer ce qu'on avait dit avant eux et de prendre parti entre des opinions divergentes : même s'ils avaient borné

1. Oulrc le commentaire, qui occupe les (p. 2-68) ; les scolies (p. 244-350 ; cf.

pages 71 à 242, cette édition comprend des supra, p. xlvii) ; différentes tables très

Prolégomènes très dés'eloppés p. ii-ccxvi) utiles.

l'auteur fait une étude minutieuse 2; Sauf dans les Prolégonténes (rédigés

des principales questions relatives à la api es les notes critiques et le commentaire),

vie de Perse, à ses amis, à la nature Jahn a utilisé les collations faites par

et au succès de son œuvre, à l'his- Heinrich, notamment celle du Vaticanus

toire des scolies et du texte; les satires lahul. basil. H. 3(3 (Rom.), frère du HJon-

avec des notes critiques abondantes tepessulanus 212.

Ml INTRODUCTION

leur lâche, la netteté de leurs notes en rendrait la lecture fort utile, mais les interprétations personnelles, toujours dignes d'examen, n'y manquent pas, non plus que dans la traduction mise en regard du texte ; et les deux auteurs, M. Nettleship surtout, ont consacré à la langue, dont Jahn avait un peu négligé l'étude, des remarques instructives K

Ce n'est point par 1 étendue de l'information que se recommande le Perse publié à Budapest (1903), avec d'abondantes notes en latin, par M. Némethy . Hors Jahn dont il suit, en général, les analyses, reproduit presque tous les rapprochements et emprunte en plusieurs endroits les expressions mêmes, l'éditeur hongrois ne paraît guère connaître, sur Perse, que les études et notes insérées dans diverses revues allemandes, notamment celles de Biicheler dans le Rheinisches Muséum. Mais il a soigneusement contrôlé et interrogé les textes cités par Jahn, il a su y voir plus d une fois, avec les expressions de notre poète, des rapports qui n'avaient pas encore été aperçus, et pénétrer par là, mieux qu'aucun autre avant lui, dans l'intelligence de certains passages; enfin, mérite précieux chez qui commente un auteur obscur, il est clair, s'il n'est pas toujours sobre.

La renaissance des études latines qui se manifeste, depuis une tren- taine d'années, dans l'Italie nouvelle, semble avoir fait de Perse un de ses auteurs de prédilection. J'ai déjà parlé de l'édition critique de M. Consoli 2 . elle a paru, sous sa première forme, en 1904, et une seconde fois, considérablement remaniée, en 1911 (Rome). Mais, dès l'année 1890, M. Albini avait publié les satires de Perse avec des notes explicatives en italien, qui témoignent d'une étude très personnelle du texte et dune véritable indépendance d'esprit 3. L'auteur a donné, en 1907 Turin), une refonte de ce travail. On peut lui reprocher d'avoir distribué parfois le dialogue d'une manière plus ingénieuse que vraisem- blable, et, aussi, d'être passé trop vite sur certains passages il ne trouvait pas matière à des remarques neuves ; mais il nous est loisible, en ce dernier cas, de recourir à la traduction qui forme la dernière partie du volume. Au contraire, M. Ramorino semble ne s'être proposé

1. On peullaisserdecôtél'édilioiideMac- tatores (cf. supra, p. xxi) pour servir de

leaue luvenalis et Persil satirae : éd., matériaux à la critique verbale peuvent

revue par Long, Londres, 1867 : j'indique rendre des services, même pour l'interpré-

seulement que, pour l'interprétation, lau- tation.

leur donne à Heinrich le pas sur Jahn. 3. L'introduction (p v-xxxvi) est très

2. Cf. supra, p. VIII, xr, XXI, xxxni et suiv. ; nourrie, dans sa brièveté, et contient, sur

XLViii. Les citations réunies par M. Con- Perse et ses interprètes, des jugements

soli sous les rubriques Testimonia et Imi- intéressants.

INTRODUCTION un

que de résumer les résultats acquis ou les solutions les plus acceptables, dans des notes brèves, claires, allégées de tout appareil d'érudition, mais l'essentiel est presque toujours dit (Turin, 1905) *. Je ne con- nais que par les bibliographies les travaux de MM. Milio (texte, tra- duction et commentaire, Messine, 1905j, Notarantonio (texte et com- mentaire, Rome, 1905), Tosi (texte, commentaire et traduction en vers, Florence, 1911).

Récemment, un philologue hollandais connu, M. van Wageningen, a fait paraître à Groningue (1911) une édition des satires en deux fasci- cules, ouvrage estimable et bien au courant des derniers travaux de la critique et de l'exégèse -'. La Vita Persi, annotée (p iii-v), des Prolégo- mènes en latin (p. vi-lxiii), et le texte, avec une traduction hollandaise en regard, remplissent le premier fascicule. Le commentaire, en latin, avec un index de tous les mots, occupe les 129 pages du second fascicule. Les notes de M. van Wageningen, érudites sans surcharge et souvent pénétrantes dans l'étude du détail, font voir, il me semble, plus d'in- géniosité que de vigueur logique ; et, trop fidèle aux traditions de l'école néerlandaise, il a introduit à plusieurs leprises, dans son texte, des corrections dont aucune ne s'impose 3. D'un autre côté, l'introduction promet parfois plus qu'elle ne tient : lesn°'5 et 6 notamment. De Persii satnrariim indole alqiie nalura et De Persii doctrinn stoica, l'un avec ses trois pages, l'autre avec ses deux pages, ne sont que des sommaires. En revanche, on y trouve, sous les n°^ 2 et suivants, un tableau commode des passages d'Horace, de Virgile, d'Ovide, etc., imités par Perse, ainsi qu'une étude précise et utile sur la langue de notre poète et sa versi- fication.

Il faut signaler enfin, comme un secours qui n'est pas à négliger, les notes fréquemment publiées, surtout en Angleterre et en Italie "*, dans les revues philologiques, sur les passages controversés de Perse.

Perse, qui est intraduisible en français ^, doit au peu d'étendue de

1. M- Ramorino, qui a directement élu- 4. Voj'. notamment P. Rasi : Nota a Per- dié certains manuscrits de Perse (cf. supra. sio, 1,58 et suiv. Riuista di Filologia, xxsv p. xxxiv), a donné un soin particulier à la (1907), p 48,5 et suiv., et A.-E. Housman : constitution du texte. Notes on Persius(77ie Classical Quarlerly

2. Il na pu utiliser la édition VII (1913), p. 12 et suiv.). Consultez de M. Consoli, publiée très peu de d'ailleurs, au mot Perse, les tables de la temps avant la sienne (voy. p. ui du Revue des Revues, supplément annuel de premier fascicule) ; d'autre part, il a la Revue de Philologie.

ignoré ou négligé le commentaire de 5. J"ai eu l'occasion de signaler, dans

M. Albini. les lignes qui précèdent, quelques traduc-

3. Il en avait proposé plusieurs autres tions en langues étrangères. J'ajoute ici dans ses Persiana (Groningue, 1891). que Perse a été traduit en allemand par

Liv INTRODUCTION

son œuvre, à l'insuffisance évidente de tentatives qui ne décourageaient personne, à l'abondance des commentaires, qui donnait aux moins habiles l'illusion de pouvoir pénétrer les obscurités du texte, d'avoir été très souvent traduit en vers et en prose. Je n'ai qu'un mot à dire de ces travaux : ils ne sont pas d'une grande utilité pour 1 intelligence des pas- sages difficiles. Mais il est arrivé à certains traducteurs de rencontrer parfois d'heureux équivalents. A ce point de vue, l'essai de Despois, dans ses Satiriques latins (Paris, 1864), mérite une mention particulière.

VI

Notes sur l'hexamètre de Perse '.

Perse a montré plus d'une fois qu'il était capable de composer des vers d'un rythme coulant. Qu'on lise, pour s'en convaincre, les passages descriptifs des satires 2, 3 et 5 (2, 24-28 ; 31-38 : 62-69 ; -3, 1-18 ; 44-60 ; 5, 5-13 ; 30-61, etc.) ou, dans la satire3, la prière à Jupiter (3, 35-43). Ceux qui l'ont accusé de mal connaître le métier - ont oublié que l'hexamètre satirique jouissait d'immunités spéciales et devait, en vertu des lois mêmes du genre, se rapprocher de la prose. Si, dans les apos- trophes et dans les parties dialoguées de son œuvre, notre poète a multiplié les élisions, et parfois les élisions dures, prodigué les coupes, admis des fins de vers peu régulières, il n'a fait en cela que suivre l'exemple d'Horace. Loin de l'en blâmer, il faudrait plutôt le louer d'avoir su éviter celte élégance trop uniforme des versificateurs de son temps qu'il a raillée dans sa première satire (v. 63 et suiv. ; v. 92 et suiv.) et dont le Panégijriqiie de Pison demeure pour nous, avec les Eglogues de Calpurnius et celles du manuscrit d'Einsiedeln •', le meilleur échantillon.

A. Prosodie.

l.^Synérèse, synizèse, diérèse. Les synérèses deinde (4, 8 ; 5, 143) et deest(&, 64) sont conformes au meilleur usage classique. Lessynizèses

un philologue de mérite, W. S. Teiiffel tions. .lai tiré parti, également, du cha-

(Stultgart, 1857) et que la traduction du pitre de M. Plésent sur la versification du

chevalier V. Monti (Milan, 182«) a été Culcx yoy. Le Ciilex, Essai sur l' Alexundri-

longtcnips célèbre .n Italie. nisine latin, Paris. 1910, p. 891 et suiv.).

1 Les remarques de M. van Wagenin- 2. Par ex. Christ U/e/ri'A- c/er Gr. imd. /?.,

gen de hexameiri Persiani natiira Ip \x.xvu p. 713 et 171) et Bieger (De A. Pcrsi Flacci

et suiv. de son édition des satires de Perse) codice Pilhoeano C recte aestimando, p. 2 ).

m'ont été fort utiles pour une partie des 3. Cf. mon Essai sur Perse, p. 198 et

notes qui suivent, bien que les chiflVes et suiv. Et, sur les origines du purisme mé-

dépouillements en soient, comme il arrive triquecn honneur aupremier siècle del'em-

toujours en pareil cas, sujets à rectifica- pire, voy. Plésent. oui;/-, ci/c, p. 478 et suiv.

INTRODUCTION lv

. '*^. ^^

pitiiita (2, 57) et /f nn/a (5, 93) peuvent s'autoriser, la première d'Horace

(Episl. 1, 1, 108), la seconde de Virgile {Géorg , 1. 397, etc.). La

diérèse milniis (4, 26) se trouve deux fois chez Horace (Episl 1, 16, 51

etEpod. 16, 32). Seule la synizèse ebiilliat (2. 10) paraît sans exemple.

On peut la rapprocher des synizèses abiete (Virg. : En., 2, 16, etc.),

iiindemialor Hor, : Sat. 1, 7, 30 , Nasidieni (ibid., 2, 8, 1) et surtout

consiliiim (Hor. : Od , 3, 4, 41). J'indique enfin que reliquum n'est

compté par Perse que pour trois syllabes (5, 87. etc.) : ce mot faisait

quatre syllabes chez les comiques (Plaute : Truc, 15 ; Cist., 188 ;

Térence : Andr., 25), chez Lucrèce (4, 977), chez Phèdre (3, 4, 2) ;

Virgile, Horace, Ovide se sont abstenus de l'employer.

2. Syllabes allongées ou abrégées. Contrairement à l'usage géné- ral. Perse allonge la première syllabe du verbe ruc/ere (3, 9). Il abrège la finale de rogas (5, 134) et celle de aide dans la locution uide sis (1, 108) : il y a certainement dans la seconde de ces deux licences, et peut-être aussi dans la première, imitation du langage vulgaire et de la prosodie des comiques. Siibiit (2, 55) est tout à fait régulier (cf. Horace : Sat., 1,9, 21, et adiit, Ovid., Met., 9, 610), la finale it ayant toujours été traitée comme longue, jusqu'à Sénèque, au parfait des composés de eo et dans petiit.

Comme allongement de la finale en consonne à la césure penthémi- mère, nous trouvons indiilgët (5, 57) : mais c'est d'ailleurs la quantité primitive et archaïque de la syllabe ; Perse est donc ici moins hardi qu'Horace chez qui nous lisons (Sat.., 1,4. 82) : « Qui non défendît alio culpante, solutos... »

Perse abrège parfois la finale en o :

a) A l'exemple de tous les poètes antérieurs, dans certains mots ïam- biques : uelo (1, 112), iwli (5, 84 et 87), queo (5, 133) ;

h) A l'exemple d'Horace, chez qui nous trouvons menlio (Soi., 1, 4, 93), dixerô [ibid., 104), dans certains mots crétiques : senio (3, 48), nescio (3, 88 ; 5, 12 et 51 ; cf. Hor. : Sat., 1, 9, 2, etc. : mais d'ailleurs ce composé, aussi bien que quomodo, est, au point de vue qui nous occupe, assimilable à un mot ïambique) ;

c) Enfin, selon l'usage des poètes de son temps, dans des nominatifs quelconques de la 3*^ déclinaison : bavo (5, 138), sartago (1, 80: cf. Lucain, 5, 363 : « Tiro rudis » et Stace : Theb., 1, 680 : <• Cadnuis orign patrum ») et, une fois, à la première personne d'un verbe dont les deux dernières syllabes ne forment pas un groupe ïambique : accédé (6, 55).

3. Position. Devant le groupe formé dans l'intérieur d'un mot par

Lvi INTRODUCTION

une occlusive suivie d'une liquide, tantôt Perse allonge la syllabe, tantôt il lui conserve sa quantité naturelle: pâlvanti (1, 18), cèdro (1,42). p. très (\, 79). pâlriciiis (1. 61 ; cf. 6, 73), Mâcrine (2, 1), sUcro i2, 25^ et sacras (2, 55), mâcram (2, 35), nigra (3, 13 ; cf. 4, 13 et 5, 185), pûtris (5,58). Perlcli (4, 3), supra (5, 118), lùcro (6.75), triplex (6, 78)»; mais : pàtruos (1, 11 ; cf. 2, 10 et 6, 54 , c'ireis (1, 53], potriae (3. 70), flâpiici (5, 154) et duplica (6, 78), patriam rem (5, 164;, sacrum (6, 21), pntrudis f6, 53). Cela est tout à fait conforme aux traditions. Si le groupe commence un mot, Perse n'allonge nulle part la voyelle finale du mot précédent (Ex. : 2, 72 : lippa propago ; 5, 64 : fruge Cleanthea). On ne relève jamais chez lui la rencontre d'une finale brève avec les groupes initiaux se, st, sp : Horace se l'était permise assez fréquemment dans les Satires (1, 2, 30 et 71 ; 3, 44 ; 5, 35 ; 10, 72 ; 2, 2, 36 ; 3, 43 et 296).

4. Hiatus. Perse nous fournit un exemple de l'hiatus, tout à fait exceptionnel dans la poésie dactylique, d'une brève : « Discitë, o miseri » (3, 66). Peut-être a-t-il voulu, par cette hardiesse prosodique, détacher plus fortement le mot discite (cf. Virg. : En., 1,405 : « Et uera incessu patuit deâ. Ille, etc. » ; cf. Bue, 2, 53).

5. Elision. J'ai compté dans les satires de Perse 332 élisions, au sens large du mot. Cela donne une élision environ par deux vers (exac- tement 1 par 1,95), ce qui est à peu prés la proportion de Virgile et, par conséquent, une des plus fortes de la poésie latine : Horace n'a qu'une élision environ par 3 vers 1/2. La proportion, il est vrai, n'est pas aussi considérable si Ion ne retient que les élisions proprement dites, en laissant de côté 40 apocopes et 36 aphérèses. Et il faut noter qu'on relève, d'une satire à l'autre, des inégalités au premier abord surprenantes :

l""^ Satire : 92 élisions pour 134 vers, soitlélisionaumoinsparlversl/2

1—3/4

3-1/4

3

2 - 1/4

1-1/4

Mais, si les satires 3 et 4 offrent un nombre relativement peu consi-

1. Il n'y a pas lieu d'ajouter à celle liste (5, 47), l'ibrica (."), 135), fibra (1, 47 ; cf. n'ibricani (1 , 66 ; cf. 5,90), rûhruin (5, 182 ; 2. 45 ; 3, 32 ; 5, 29), mus mots l'usage cf. 169 , l'brat (l, 86), lihrae (4, 11), lAhra ne laissait pas au poète le droit de choisir.

-

- 41

3* -

- 34

-

- 18

5"= -

- 86

6^ -

- 61

75

1

118

1

52

1

191

1

80

1

INTRODUCTION lvii

dérable d'cMisions, cela peut s'expliquer pour la première par la solen- nité du Ion et, pour la seconde, par la facture particulièrement labo- rieuse du morceau. En revanche, les satires 1 et G, Perse s'est visiblement plu à multiplier les élisions, sont aussi les plus voisines de la conversation familière.

Si nous considérons la place des élisions, nous trouvons :

Sur le 1" temps fort : 2 élisions (5, 127 et 5, 159) ;

Sur le 2'^ 69 dont 3 apocopes et 6 aphérèses ;

Sur le 3' i2 14

Sur le _ 41 _ 6 7

Surle5« _ 18 - 6

Sur le 6' 17 -

Sur le 1^*^ temps, faible : 45 élisions, dont 6 apocopes ;

Sur le 2^ - 8 - 2

Sur le S-^ 18 8

Sur le 4* 48 9 apocopes et 1 aphérèse ;

Sur le 5' 16

Sur le 6^ 8 aphérèses.

Ces tableaux donnent, par ordre de fréquence :

69 élisions sur le 2^ temps fort;

48 sur le 4^ temps faible ;

45 sur le 1" temps faible ;

42 sur le 3' temps fort ;

41 sur le 4*^ temps fort ;

18 sur le 3^ temps faible;

18 sur le 5^ temps fort;

17 sur le 6^ temps fort ;

16 sur le 5^ temps faible ;

8 sur le 2^ temps faible ;

8 aphérèses sur le 6^ temps faible ;

2 élisions sur le 1^'' temps fort.

A ce point de vue, on peut dire que Perse n'a fait que se conformer aux meilleures traditions. Mais, ici encore, il est intéressant de faire un relevé distinct pour chaque satire. Nous avons alors :

ni INTRODUCTION

Satire 1:16 élisions, dont 3 aphérèses, sur le 2^ temps fort ;

12 dont 1 apocope et 1 aphérèse, sur le 4'' temps faible;

12 dont 1 aphérèse, sur le 3^ temps fort ;

11 dont 2 apocopes, sur le 5^^ temps fort ; 10 dont 5 apocopes, sur le 3^ temps faible ;

9 dont 1 apocope, sur le l"" temps faible ;

9 dont 1 aphérèse, sur le 4^ temps fort ;

5 dont 1 apocope, sur le 5^ temps faible ;

4 sur le 2^ temps faible ; 2 sur le 6^ temps fort ;

2 aphérèses sur le 6* temps faible.

Satire 2: 12 élisions, dont 1 apocope, sur le 4^ temps faible ; 9 sur le 2^ temps fort ;

5 dont 3 apocopes et 1 aphérèse, sur le 4^ temps fort ; 4 sur le l"" temps faible ;

4 dont 2 aphérèses, sur le 3^ temps fort ;

3 apocopes, sur le 3'' temps faible ; 2 apocopes sur le 5^ temps fort ;

1 élision sur le 5^ temps faible ;

1 apocope sur le 2^ temps faible ;

Satire 3 : 9 élisions, dont 1 apocope, sur le 1" temps faible ; 8 dont 2 aphérèses, sur le 3^ temps fort ;

5 dont 1 apocope et 1 aphérèse, sur le 4^ temps fort ;

4 sur le 1^ temps fort ; 4 dont 2 apocopes, sur le 4^ temps faible ;

2 aphérèses sur le 6^ temps faible.

1 élision sur le 2^ temps faible ;

1 sur le 3^ temps faible ;

Satire 4 : 5 élisions sur le 1" temps faible ;

4 dont 1 apocope, sur le 4^ temps faible ;

3 sur le 2^ temps fort ; 3 dont 2 aphérèses sur le 3* temps fort ;

2 élisions sur le 6^ temps fort ;

1 élision sur le temps faible.

Satire 5: 20 élisions, dont 1 apocope et 2 aphérèses, sur le2*tempsfort ;

13 dont 4 apocopes, sur le 4* temps faible ;

12 dont 3 apocopes, sur le P' temps faible ;

INTRODUCTION lix

Satire 5 : 12 élisions dont 1 apocope et 1 aphérèse, sur le 4*^ temps fort ; 11 dont 5 aphérèses, sur le 3*^ temps fort ;

5 sur le 6^ temps fort ;

3 sur le 3*^ temps faible; 2 sur le 5^ temps fort ;

2 sur le 5'' temps faible :

2 sur le l^"" temps fort ;

2 élisions dont 1 apocope sur le 2^ temps faible.

2 aphérèses sur le 6^ temps faible ;

SatireG: 17 élisions, dont 2apocopeset 1 aphérèse, surle 2^ temps fort; 10 dont 1 apocope et 3 aphérèses surle 4^ temps fort ; 8 sur le 6^ temps fort ;

7 sur le temps faible ;

6 dont 1 apocope, sur le l*^"" temps faible ;

4 dont 2 aphérèses, sur le 3^ temps fort ;

3 dont 2 apocopes, sur le 5= temps fort ;

3 sur le 4^ temps faible ;

2 aphérèses sur le 6^ temps faible ;

1 élision sur le 3^ temps faible ;

Ainsi, au point de vue qui nous occupe, la versification de la satire 5 est, avec celle des satires 2 et 3, la plus élégante : en particulier, la fréquence de l'aphérèse au 3*^ temps fort y rappelle Ovide. Quant aux deux élisions, de caractère exceptionnel, sur le P"" temps fort, elles sont, je pense, une recherche imitée d Horace (Sat., 1, 1, 52 ; 3, 120; 6, 27) et de Virgile (Bue 3, 48). La satire 6 se fait remarquer par le nombre des élisions sur le temps faible (7) et sur le 6^ temps fort (8) ; la première, par celui des élisions sur le 5" temps fort (11) et sur le 2Memps faible (4).

Comme Horace qui, dans ses satires, fournit 99 exemples de ce genre délision, 8 fois devant une brève. Perse se permet assez souvent d'élider des monosyllabes, et même, comme Horace encore, des mono- syllabes longs ; non seulement, en efifet, on ti'ouve chez lui nam et (2, 13 ; cf. 5, 159), num ignoras (6, 43), ciim ad canitiem (1, 9: cf. 2, 47 : 3, 115 ; 5, 172), qiiem ex (1,44; cf. 5, 131), qiia clcgidia{\, 51), mais encore tu istud (1,2), s/och/o (1,66), te in trabeil, 89), per me equidem (\, 110), qui in crepidas (1, 127), nec qui abaco (1, 131) ; - te albata (2, 40) ; te intns (3, 30) ; tu igitur (4, 14), si unctus (4, 33) ; si increpuit (5, 127), si intus (5, 129), lu impunitior (5, 130) ; si adeo (6, 14) ; me

Lx INTRODUCTION

in decursum (0, 61). On aura remarqué, comme particulièrement dures, les élisions si ociilo, si îyïtiir, si àdeo (Cf. Horace ; Sal., 2, 7, 24: le àgàt). Mais on voit aussi que Perse n'élide, en fait de monosyllabes, que des pronoms ou des conjonctions. Horace était plus hardi : on trouve chez lui {Sal.^ 2, 6. 54) : di exagitent et {Sal., 2, 7, 67) rem omnem.

Outre les 15 élisions de monosyllabes longs relevées ci-dessus, nous trouvons chez Perse 45 exemples de lélision d'une finale longue : belle hoc '1, 49) aspexi ac niicibus (1 , 10), pulmo animae (1, 14), poslicae occur- rile (1, 62), porci el fumosa (1, 72), mirae erilis res (1, 111), Muci el ge~ nuinum (1, 115), uidi ipse (1, 120), Arreli aedilis (1, 130 , seclo in piiliiere (1, 131) ; clare el ul oiidial (2, 8), sancle iil poscas ^2, 15), Tiberino in giirgile(2, 15), Staio an scilicel (2, 19), digilo et luslralibus(2, 33;, Licini in campos (2, 36), esto âge (2, 42), aryenti incusaque (2, 52), curnae in lerris (2, 61), animae el caeleslinm (2, 61), donatae a uirgine (2, 70) ; uilio el fibris (3, 32), uenienti occnrrile (3, 64), miseri el causas (3, 66), lenle exhalanle (3, 99), sani esse (3, 118) ; ergo ubi (4, 6), exspecla haud (4, 19) : sinuoso in peclore (5, 27), campo indulgel ''5, 57), uita ingemiiere (5, 61), caloni aplaueris (5, 95), ralio el secretam (5, 96), paulo anle (5, 115), Crispini ad balnea (5, 126), duplici in diuersum (5, 154), ancipili obseqnio (5, 156), uigila elcicer '5, 177), galli el cum (5, 186) ; scopuli el mulla (6, 8), milgi et quid ;6, 12), senio aut (6, 16), occa et seges (6. 26), caerulea in tabula (6, 33), palriciae immeial (6, 73). On pourrait retrancher de cette liste pulmo (1, 14), esto (2, 42), ergo (4, 6), ralio (5, 96), dont la finale était, dès cette époque, tenue pour commune. Mais il faut relever comme particulièrement dure l'élision de la finale des mots spondaïques mirae et clare sur une brève (1, 111 : mirae erîlis ; 2, 8 : clare et ut). On remarquera, en revanche, que, nulle part, Perse n'a élidé la finale d'un mot ïambique ou d'un mot crétique.

Je signale encore l'élision caeleslinm inanes (2, 61), qui, par une licence assez rare, fait entrer dans l'hexamètre un mot qui ne pourrait, sans cet expédient, y trouver place.

Je relève, dans toute l'œuvre, six vers contenant trois élisions :

1, 9 : Tune cum ad canitiem et nostrum istud uiuere triste

2, 61 : O curuae in terris animae et caelestium inanes ! 5, 2: Centum ora et linguas optare in carmina centum

5, 131 : Atque hic quem ad strigiles scutica et metus egit erilis

6, 26 : Emole : quid metuas ? occa, et seges altéra in herba est. 6, 75 : Vende animam lucro, mercare atque excute sollers

INTRODUCTION ,.xi

On aura remarqué le vers 2, 61 : le poète accumule, dans cette rude apostrophe, trois élisions dures. En revanche, la troisième élision du vers 6, 26 n'est qu'une aphérèse des plus normales.

J'ai compté 51 vers renfermant 2 élisions : 28 dans la satire 1 ; 8 dans la satire 2 ; 4 dans la satire 3 ; 7 dans la satire 5 ; 9 dans la satire 6 (qui présente, en outre, 2 vers à 3 élisions: ces chiffres confirment les remarques déjà faites sur la versification des satires 1 et 6, volontaire- ment rapprochée du langage familier.

De ces 51 vers, 33 ont deux élisions proprement dites (1,1,2, 14, 24. 46, 49, 67, 74, 87, 96, 98, 111, 123, 125, 131 ; - 2, 9, 13, 15, 31, 47, 70 ; 3. 48. 118 ; - 5, 124, 129, 159, 172 ; 6, 14, 16, 29, 32, 39, 58) ; 4. une élision et une apocope (1, 6, 80 ; 5, 94 ; 6, 56) ; 3, deux apo- copes (1, 26, 48 ; 2, 32) ; 8, une élision et une aphérèse (1, 25, 28, 32 ; 3, 6, 23 ; 5, 153 ; 6, 43, 59) ; 3, une apocope et une aphérèse (1,47; -5, 34 ; - 2, 6).

B. Métrique. 6. Structure des quatre premiers pieds. Nous trouvons chez Perse, pour les quatre premiers pieds de l'hexamètre, 16 combinaisons différentes des dactyles et des spondées, et pour chacune d'elles, les chiffres indiqués dans le tableau suivant :

Proportion de dactyles Modèle. Nombre des vers Totaux,

et de spondées. par satire.

4contre0 ^^'''- ^+ ^+ ^+ 5 + 8 -f 3 = 33

I dddd 1+1+4+0+3+4 = 13

sssd. 3+2+2+0+2H-2 = 11

dsss. 23-1-17 + 24+ 10 i- 29 + 15 =118

sdss. 19+6+8+3+24+3 = 63

ssds. 1+3+ 3+3+12+5 =. 27

ddds. 6+1+6+3 + 11 + 14 = 41

sddd 1+2+3+0+3+0= 9

dsdd. 5+3+6+0+9t-6 = 29

ddsd. 9+ 3+ 6+ 2 + 12+3 =. 35

ssdd. 2+0+1+0+1+1 = 5

iddss. 22+8 + 20+8 + 28+10 = 96

rdsds. 19+14+9+3+16+6 = 67

i sdsd. 3+4+7+2+9+4 = 29

' sdds. 5+ If 4+3+ 9+0 = 22

dssd. 7+3 + 12+10+16+4 = 52

65Ô

3 contre 1

2 contre 2

t.xri INTRODUCTION

Ainsi, à ne considérer que les quatre premiers pieds, 271 vers offrent un nombre égal de dactyles et de spondées ; 219 vers ont 8 spondées pour un dactyle et 114. inversement, 8 dactyles pour un spondée ; enfin, 33 vers nOnI que des spondées, 13 n'ont que des dactyles. Cela donne un excédent de 290 spondées, soit une proportion générale de 55,5 spondées °;„ : Horace en avait 55, Juvénal en aura 55,6.

Si nous classons par ordre de fréquence les combinaisons énumérées ci-dessus, nous avons :

dsss 118

ddss 96

dsds 67

sdss 63

dssd 52

ddds 41

ddsd 35

ssss 33

dsdd j

[ 29

sdsd ^

ssds 27

sdds 22

dddd 13

sssd 11

sddd . 9

ssdd 5

C'est donc le type dsss qui prédomine chez Perse comme chez Virgile et chez la plupart des poètes latins. Les types qui viennent ensuite, ddss. dsds, sdss, dssd. comptent aussi parmi les combinaisons favorites de la versification classique, les types sddd, ssdd sont également les plus rares On remarquera que la satire 6 offre en proportion inusitée la combinaison ddds (14 fois pour 80 vers, alors que, pour 570 vers, les 5 autres satires réunies n'en fournissent que 27 exemples), et que, d'autre part, la combinaison sdss se rencontre surtout dans les satires 1 et 5 (19 fois et 24 fois, soit 43 fois pour .'325 vers, tandis que les 4 autres satires réunies soit également 325 vers, ne fournissent que 20 exemples).

On peut dire, en soinme, que, chez Perse, la structure des quatre premiers pieds de l'hexamètre est, pour l'emploi des dactyles et des spondées, tout à fait normale.

INTRODUCTION lxfiî

7. Structure des deux derniers pieds. Une grande liberté dans la structure des deux derniers pieds de Ihexamètre est un des traits mar- quants de la versification d'Horace dans ses satires. Perse l'a imité sur ce point, mais avec discrétion : si, en effet, nous laissons de côté l'hexamètre spondaïque qu'il emprunte à un poète contemporain ou s'amuse à fabriquer (1, 95), nous trouvons, pour les 649 vers restants, 572 fins normales, chiffre qui se décompose de la manière suivante :

Type tiirbida Roma (1, 5) 201

in trcibe pictiim (1, 89) 37

ciconia pinsil (1,58). \

mâlerlera cunis (2, 31) j

misërabile qnare (1, 3) / . . . 103

pùrgàtissima mittunt [2, 57j \

liiclifîcabile fulla (1, 78) j

uoce serena (1, 19) 87

miail in aedis (2, 36) 13

honore supiniis (1, 129)

dônare lacerna (1, 54)

hâmilesque susurros {2,Q) \ . . . 124

uérrûcosa moretur (] , 77) ^

euitandumque bidental [2,21] j

decepUis et exspes (2, 50)

scabiosus et acri (2, 13)

\

572

Je mets à part 13 vers qui présentent, d'une manière peu conforme à l'usage, une élision sur le 6'^ temps fort, suivant les types :

sardonychfalbus. 9 (1, 16, 57 ; 4, 38 ; 5, 127, 132, 140, 142)

in iecore aegro. . 1 (5, 129 ; 6, 20, 51)

utar ego ntar . . 1 (6, 22)

discernis ubi inter. 2 (4, 11 ; 6, 16)

13

et 8 vers qui, par un artifice rare, mais non sans exemple chez les versi- ficateurs scrupuleux, ont une élision au 5* pied, entre les deux brèves du dactyle, suivant les types :

Lxiv INTRODUCTION

forcipe adunrn 2 (4, 40 ; 6, 5)

improbiim^in illa 2 (1,6; 6, 29)

hoc ego opertiim 1 (1, 121)

caeleslium inanis 1 (2, 61)

allera in herba est ... ' 1 (6, 26)

hue ecfo^iit ille 1 (6, 62)

Plus anormales sont les 5 clausules suivantes :

paulum erit ultra 1 (5, 69)

laudarrubicorbes ) 2(1,71 et 6, 79)

depunge ubi sistam ;

eisi ade^jjmes ) 2 (6, 14 et 6, 58)

adde eliam unum ) 14 vers se terminent par 2 dissyllabes non précédés d un procli- tique, et, par conséquent, offrent, contrairement aux exigences d'une versification rigoureuse, une césuie masculine au 5* pied : Type uenosus \\ liber Acci. ... 6 (1. 76, 106, 108, 122 ; 3, 94 ;

6,74) quid ? Il quasi magnum^ . 8 (1, 113 ; 2, 38 ; 3, 96 ; 5, 66;

6,6,39, 41, 78)

12

Ont également une césure masculine au 5' pied 2 vers terminés par un mot de 4 syllabes :

Troindes \\ Labeonem (1 ., 4) exierit \\ caprificus (1,25)

Mais la première de ces deux fins de vers est faite de deux noms propres, et l'on sait que, en pareil cas, les poètes jouissaient de libertés spéciales. Je note à part, comme offrant une physionomie particulière, les trois fins de vers suivantes :

sacras \\ quod ouato (2, 55). ... 1 postquam || sapere urbi (6, 38), ... 1 usque adeone (1, 26). ... 1

3

5 vers se terminent par un mot de 5 syllabes ; mais on remar- quera que, trois fois, ce mot est un nom propre ou un adjectif tiré d'un nom propre :

INTHODUCTIOX

centuriomim (3, ll)elcentiiriones{iS,]^'ùi. . . 2

Mercnnumque(2, 44) 1

Mercnrialem (5, 112) 1

Pylhagoreo ,*>, 11) 1

Parmi les vers, assez nombreux (27), qui finissent par un monosyl- labe, il y a une distinction à faire ; si le dernier pied est formé de deux monosyllabes, et si le premier de ces deux monosyllabes est un procli- tique, ou le second, la forme est, nous avons une tin de vers que les versificateurs les plus rigoureux ont admise. Or, c'est le cas de beau- coup le plus fréquent chez Perse :

Type </îcer€ sed fas (1, 8) 9

(licier hic est (1,28) 5

{)lorabilc si quid {l, 'SA; cï.5i, 119). . . 2

locatiis es in re (3, 72)

.... 1 17

Il faut mettre à part centiiin || paria oh res ^(i, 48), à cause de la césure masculine au 5^ pied et de l'élision sur le (V temps fort.

Nous sommes au contraire en présence d'une fin de vers irrégulière chaque fois que le 6^ pied présente nettement une césure ou est formé de deux monosyllabes dont chacun a son accent propre :

praetrepidiim \\ cor (2, 54 ; cf. 5, 74 et 1, 134 ; mais, dans ce dernier vers, la présence d'un nom propre grec devant le mono- syllabe atténue la licence).

iiisane mis, \\ qiio (5, 14;'>).

mirac eritis || res (1, 111) ; cf. 5. ()8).

murmurât : » o i| si (2, 9,. . .

fumiset . « o II si (2, 10). . .

haec amis : i \\ nunc (4, 19).

Mais, en somme, Perse ne s'est permis, dans la structure des deux derniers pieds, aucune licence dont on ne puisse trouver des exemples chez Horace. Et même il n'a jamais placé, comme ce dernier l'a fait cinq fois dans le second livre de ses satires, une coupe masculine au

I<X.VI

IN 1 hUiHit.l ION

5' pied el une au (i* (Hor. : Sot., 2, A, 135 : « Ac non anle nialis demen- tem actuni ii Furiis <\ quam » ; cf. ibid. 177 el Sà'2 ; 2, 4, 6 el 7, 78). Sur ce point, pas plus que sur les autres, il n'a développé les libertés du genre ; et c'est naturel, puisque son œuvre est de ton moins familier cjue celle de ses deux grands prédécesseurs.

8. Césure. La même remarque peut s'appliquer à la manière dont l'erse règle l'emploi de la césure. Si son hexamètre, sur ce point, se rappioche plus d'une fois de la prose, c'est moins par le caractère exceptionnel de la coupe principale que par le nombre et la variété des coupes secondaires.

a. - 600 vers, environ, présentent comme césure principale la pen~ thémimère, tantôt seule :

Eleuet, accédas II examenue improbum in iila (1,6) tantôt précédée d'une trihémimére :

Omne uafer \ uitium ||ridenti Flaccus amico 1, 116) tantôt suivie d'une hephthémimère :

Et natalicia il tandem | cum sardonyehe albus ^1, 16) tantôt encadrée entre une trihémimére et une hephthémimère :

Sede legens ; celsa, ,| liquido | cum plasmate guttur 1. 17).

b. 19 vers ont pour césure principale une hephthémimère, que précède une trihémimére (1, 14, 32, (J5, 80, 98, 103, 125; 2 11, 73; 3, 100 ; 4, 27 ; 5, 9, 23. 33, 39, 103 ; 0, 32, 42, 79) :

Effundat I iunctura ungues ? || Scit tendere uersum ^1, 65). Il faut sans doute faire rentrer dans celle calègorie les vers 2, iOiDa pecus el gregibus felum ! quo, pessime, paclo) el 3. 19 (An tali studeam calarao '? Cui uerba ? quid istas), car il n'est pas vraisemblable que la coupe princ ipale soit, dans le premier, après gregibus el, dans le second, après sliideam. La question semble plus difficile à trancher pour le veis 3, 12 : X Tune querimur, crassus calamo quod pendeat umor » : mais je crois qu'ici, contrairement à 1 opinion de M. van Wageningen, c'est la penlhémimère qui est principale, de manière à détacher, par un procédé bien connu, l'épithèle c/assus ; la trihémimére et riiephlbémimére ne font que l'encadrer.

c. 20 vers ont pour césure principale une hephthémimère précé- dée d'une trihémimére el d'une troisième trochaïque :

Ingénies trepidare | ïitos. ||cum carmiua lumbum (1, 20) On voit que Perse ne fournit guère plus de 3 exemples 0/0 de ce genre de vers qui était, dés lors, fort à la mode : on en trouve 11 0/0 chez Ovide, Silius Italiens en aura 15 0/0, Locain IG 0/0.

INThODL'CTION i.xvii

d. 3 vers n'ont pour césure qu'une hephlhéniimère précédée d une S" trochaïque (3, 100 ; (), 7, 47) :

Inte pet hibernatque | meum mare || qiia latus ingens (6, 7).

e. 2 vers seulement ont pour césure principale une 3^ trochaïque précédée d'une trihéminière :

Est aliquid quo tendis || et in quod dirigis arcum (3, GO^. Horace s'était permis o fois dans les Satires, 16 fois dans les Epilres, de ne donner à son vers d'autre césure qu'une 3^ trochaïque (Ex. : Sal., 1, 3 38 : Illuc praeuertamur, || amatorem quod amicae). Perse n"a, nulle part, suivi cet exemple.

f. - 2 vers n'ont d'autre césure qu'une penthéinimère en concours avec une élision :

Sunt quos Pacuuiusque || et uerrucosa moretin- (1, 77 ; cf. 2, 12) Ce concours se retrouve dans 7 autres vers (1, 2(i. 42, 44, 48; 2, Ki; 3, 77 ; 6, 61) qui ont, en outre, une trihémimère :

En pallor | seniumque ! || O more ! usqiie adeoiie tl , 2(5). Mais peut être faut il mettre à part les vers 3, 77, 1,48 et 6, 61, la trihémimère semble bien être la césure principale :

Hic aliquis || de gente | hircosa centurioniim (3, 77)

Sed recti |j finemque I extremumque esse recuso (1, 48).

Qui prior es, || cur me | in decursum lampada poscis (6, 61 . En étudiant ci-dessus les fins de vers, j'ai relevé : Celles qui ont une césure masculine au 5*^ pied ; il y en a 18 (1, 4, 25, 76, 106, 108, IK!, 122 ; - 2, 38, 55 ; 3, 94, 96 ; - 5, ()6 ; 0, 6, 38, 39, 41, 74. 78) : on voit que la plupart des exemples de cette licence sont fournis par les satires 1 et 6 dont nous avons eu déjà plusieurs occasions de signaler la versification plus libre ; Celles qui ont une césure masculine au 6^ pied ; il y en a 9 (1, 111, 134 ; 2, 9, 10, 54 ; 4, 19 ; 5, 08, 74, 143).

A l'exemple d'Horace, Perse n'a pas toujours évité la 4' trochaïque, même quand la fin de vers est du type lenebal amore, c'est-à-dire pré- sente une coupe après le 5* trochée :

Scillicet haec populo pexusque | togaque j recenti (1. 15) Mais il n'a risqué nulle part de vers semblable à cet hexamètre des Epitres :

Dignum mente j domoque || legentis | honesta | Neronis(Hor. : Ep. 1,9, 4). ni même à celui-ci :

Flore, 1 bono claroque || fîdelis ' amice | Neroiii {Ep., 2, 2, 1).

Lxviii INTRODUCTION

Il n'a point, pour la césure bucolique, la prédilection que Juvénal manifestera plus tard. J'en ai pourtant relevé !;"> exemples bien mar- qués, dont 5 dans la seule satire 3 (1, 75, 121 ; 2. 22 ; 3, 7, 20, 78, 89, 97 ; 4. 43 ; 5, 68, 159 ; 6. 21. 22, .58, 64). Ex. :

Auriculas asini quis non liabet? Hoc ego opertum (1, 121).

Dans 7 vers, tous du caractère le plus familier, je note une forte ponctuation après un spondée 4*^ (1,26, 85 ; 5,<)(). 127, 133; 6,49,51). Ex.:

Fur es, ait Pedio : Pedius quid ? erimina rasis (1. 85). Horace aimait celte coupe jusqu'à l'employer, dans certains passages, plusieurs fois de suite (voy. par ex. Sal., 1, 9, 57-59 ; et les vers 56 et ()() ont une césure bucolique).

9. Rejet. Perse use du rejet avec une certaine habileté. Très fré- quemment, c est tout un hémistiche qu'il rejette (1, 30. 40, 49, 51. 52, 53 81, 104 ; 2, 10, :{2, 56 ; 3. 20, 43, 59, 64, 70, 117 ; 4. 5, 8. 11, 12 ; - 5, 24. 59, 64, 80, 85, 101, 104, 173, 177, 178; 6. 19, 29, 33, 38, ^S, etc.); plus rarement un pied et demi, formé de deux mots, ou d'un seul mot de 3 ou de 4 syllabes (1 , 5, 87, 89, 91 , 108 ; 2. 14, 38 ; 3, 4 8, 55 ; - 4, 47 ; - 5, 9. 127. 145, 152, 164 ; 6, 11, etc.) ; fré- quemment, un dactyle (1, 6, 35. 68, 84, tll, 114, 123, 128 ; —2, 12, 23, 29, 34, 49; - 3, 16, 50, 54, 68 ; - 4, 2, 16, 35 ; 5, 6, 75, 168 ; - 6, 26,34, 51,58,63, etc.).

On ne trouve que d'une manière tout exceptionnelle les rejets sui- vants : les deux premiers pieds : Vertigo facit ! hic... (5, 76) ; le premier pied et un trochée 2*^ : Marciis Dama : papae... (5, 79) ; un mot spondaïque : Intranl (1, 21), Félix (1, 37), Dicat (3, 78) ; un mot trochaique : Menlis, et iiuoclum... (2, 74), Pingue (3, 33), Iiissit, et hiunana... (3, 72), Piilre{3, 114); —5° un monosyllabe : Hune (2, 19).

En somme, on peut dire que, dans l'emploi du rejet. Perse ne s'écarte guère de l'usage des bons poètes latins K

Des remarques qui précèdent, on a le droit, il me semble, de tirer cette conclusion que Perse, s'il s'est montré versificateur moins souple, moins hardi, moins varié qu'Horace, connaissait bien, malgré tout, les ressources d'un métier dont le célèbre Palémon lui avait, de bonne heure, enseigné les règles, et que, en un temps nombre de poètes faisaient d'une élégance molle et uniforme leur idéal, il a su s'attacher à la tradition des grands classiques de Rome.

1. Sur cet usage, voir noUinimeiil L. p. 171 et suiv. Quicherat : Traité de uersiflcatioii latine.

VITA PERSI

VITV ALLIS PERSI FLACCI

DE GOMMENTARIO PROBl VALERI SUBLATA

1. Aules Persius Flaccus ' natus est priclie nonas Decenibris Fabio Persico L. Vitellio coss. -, decessit VllI kalendas Decembris Rubrio Mario Asinio Gallo coss. 3.

2. Natus in Elruria Volterris *, eques Romanus, sanguine et affinitate

\'ariantes et noies critiques. Abréviations : L := Leidensis 78 ; G =r Guelferbytanus Gudianus 79 ; M Monacensis 14498; P -~ Parisinus 8272 (sur l'âge de ces divers mss. cf. Introduction, p. xxxiv-xxkv). Titre : Aulis L ; Aules M ; A. G P ; Persi et Valeri L ; 1 Vitellio Pithou : Vitellioque mss ; Rubrio L G : lîubio M P ; J. Lipse lisait ici /•'. Mario, d'après Tacite (Ann., 14, 48. li ; mais ce personnage s'ap- pelait peut-être P. Rubrius Marins Celsus : cf. Scaliger : Animaduers. ad Euseb., p. 195 ; Asinio : mss de la Vila Persi {A. Gallo G) et de Tacite, 1. 1. : Afmio Bùcheler, d'après les inscriptions vCf. Borghesi : Œuvres, III, p. 350 et Klein : Fasli consulares, p. 39) ; 2 Volterris mss anciens : Volaterris mss récents, Pithou.

1. Aules parait ctro une fornie étrusque, ou à demi étrusque, du prénom d'.4uZu.s, soit que ce prénom se prononçât en étrusque Aute cf. Jahn, Proleg., p. iv-v; O. MûUer, Die Etrusker. I, p. 410). soit que nous ayons dans Aules une autre forme du nom d'Aulcsles, le héros étrusque mentionné par Virgile 'En , 10, 207 et 12. 290 ; voy. Servius, Ad Aen., 10, 198, qui donne la forme Aules, etis) ; cf. \V. Schulze, La/ei/i. Eigennamcn in Abhandl. derGotting. Gesoll- sch. der Wisse;isc/i., \', 5(1904), p. 134. n. 6. Le gentilice i-'ersins est connu d'ailleurs il avait appartenu à un \ aillant officier qui commanda, l'an 210 av. J -C.. une sortie faite par la garnison romaine de la citadelle de Tarente(Live, 26,39, 25) et à un contem- porain de Laelius et de Scipion Emilien, à ce C Persius dont Luciiius redoutait le goût difficile et qui fut, au témoignage de Cicéron, un des hommes les plus instruits de sontemps(\'oy. De Orat., 2,6, 25 ; Brut., 26. 99 ; De fin., 1, 3, 7). Sur l'étymologie du nom de Persius, cf. J. van Wagenin- gen, Afne/nosyne 35 (1907), p. 114 et suiv. :

ce nom se rattacherait selon le jihilologue hollandais, non point à Persa ni à UïOTej; ou à Ilîpsatoî, comme le voulait Casaubon. mais à la racine contenue dans persona et dansper.si//um, dérivés, pense- t-il, d'un vieux mot persum qui aurait désigné la tête et ne serait autre que por- rum [r= porsuni ; cf. grec TipiiTOV!. devenu, par une métaphore loute'naturello, le nom du poireau. Persius serait donc un équi- valent de Capito .

2. C'est-à-dire le 4 décembre de l'année 34 après J.-C. 787 de la fondation de Rome : cf. Si .Jérôme (année d Abraham 2050 = Olymp. 203, 2 = 34 du Christ) : « Persius Flaccus satiricus poeta Volaterris nascitur. »

3. C'est-à-dire le 24 novembre de Tannée 62 après J.-C. = 815 de Rome cf. Si Jérôme 2078 = 210, 2 = 62i : « Persius raoritur anno aetatis XXVUII : »

4. Vulterrae ou niieu.v Volaterrae, aujour- d hui Volterra. dans la province de Pise, au bord d'un plateau qui domine au N. la vallée du (^ecina. Ville très ancienne

4 VITA PEHSI

priuli ortlinis uiris coniunctus. Decessit ad octauum miliarium uia Appia in praediis suis.

à Pater euiu Flaccus pupillum reliquit moriens annorum tere sex. Mater Fuluia Sisennia * nupsit postea - Fusio ^ equiti Romano et euni quoque extulit * intra paucos annos.

4 Studuit Flaccus usque ad aunum XII aetatis suae Volterris, inde Homae apud grammaticuni Remmium Palaemonem '' et apud rhetorem Verginium Fiauum '^. Cum esset annorum XVI, amicitia coepit uti

NC 3 eum L M : eius P G ; mater manque dans les mss les plus anciens; des mss réceals donnent Fuluia Hisennia mater eius, mais voy. Introduction, p. jx ; Sisennia G : Sisenna L M ; Sinenna P ; fusio G M : fusico L ; fuscio P ; Fujio Ernesti ; - extulit I. e. nutriuit et aluit P ; mais, sur le sens de extulit, cf., ci-dessous, le commen- laire explicatif ; 4 aetatis suae : omis dans P.

(cf. Live, 10, 12, 4;, qui avait été, selon toute vraisemblance, la capitale d une des douze lucumonies de la confédération étrusque (cf. .J. Martha, art. Etrusci, dans le dici. de Darembcrg et Sagiio, 11, 1, p. 626 . Deux inscriptions trouvées à Vol- terra nous ont conservé le nom de deux A. Persius Severus {C. I. L. XI, 1, 1784 : A. PEHSIVS A. F. SEVi:H\ S | V[ixit] ANN os] I Vlli. M.ExsEsj 111 , U[iesJ XiX. ibid. XI, 1, 17a5 : D. M. | VEHlil- LIAE SATVUNINAE | A. PEHSIVS. SE I VEHVS. VXOIU I OPTIMAE.

1. Sisennia parait être un nom étrusque (voy. U. Millier, Die Etrusk., p. i-Hi ; cf. Schulze, op. cit., p. 94^.

2. Cf. scolie sur Perse, 6, G : « Se ipsum Persius siguitical secessisse in Liguriae fines propter Fuluiam Siseiiniam inatrem suain, quae posl morlem prioris uiri ibi nupla erat. » Perse indique, dans le pas- sage vise, qu il passe l'hiver à Luna (au- jourd hui La Spezia), sur la mer tyrrhé- nieiiiic ; il est aouc ,jiotjabie que Fusius était originaire de cette ville (elle faisait partie du territoire de Volaterrae, selon Ernest Curtius : De A. Persii l'iucci pairia, in Satura philologa H. Sauppio vblata, p. 1 et suiv., lierliu, 1879).

3. Fusius est une vieille forme de Fu- lius (voy. Live, 3, 4, 1 ; Quint., 1,4, 13 ; Dig., 1, 2, 2, 3, (i), qui, sans doute, s'était conservée dans certains inunicipes. Mais, d'ailleurs, lu variante Fuscius et la con- jecture l'ulius (\oy. NC.) peuvent tirer des inscriptions une certaine autorite : ces deux noms, en effet, s'y lisent plus d'une fois.

4. extulit « enterra « : eut. qu'elle de-

vint, au bout de peu d années, veuve une seconde fois.

5. Q. Remniius Palaemon, de Vicence, d'abord esclave, s instruisit en accompa- gnant à l'école le fils de sa maîtresse. AUranchi, il vint enseigner à Home et y tint, sous les principals de 'libère, de Ca- liguia et de Clauae, le premier rang par- mi les grammairiens , mais il était aussi décrié pour le relâchement de ses mœurs, sa prodigalité et sa vanité ridicule que célèbre par l'étendue de sa science, la facilité de sa parole, l'aisance avec laquelle il improvisait des vers et en composait dans les mètres les plus rares. Les érudits postérieurs, notamment Charisius, nous ont conservé des fragments de son traité de grammaire latine ^Ars Palaemonis]. Sur Palémon, voy. Suétone ; De granim. et rhet., 23; Pline ; I\'at. hist., 14, 50; guint., 1, 4, 20; Juvénal, (i, 4ô2 ; 7, 215 et suiv. On peut consulter Marschail : De y. hemiiiii l-'aiaemunis libris yramma- ticis (,diss. Leipzig, 1687), et, sur le rôle probable de Palemou dans l'éducation de Perse, mon Easai sur Perse, p. 8-12.

6. Vergiuius Fiavus, auteur d'un traité de rhétorique plusieurs fois cité par Quin- tilien (3, 1, 21 ; 3, G. 45 ; 4, 1, 23 ; 7, 4, 24 ; 7, 4, 40j ; impliqué dans la conjura- tion de Pison et banni, en 65 ap. J.-C, en même temps que le stoïcien Musonius Rufus. « Verginium Fiauum, nous dit Tacite {Ann., 15, 71), et Musonium Ru- fum claritudo nominis expulit : nani \'er- ginius studia iuuenum eloquentia, Muso- nius praeceptis sapientiae fouebat. » Voy. mon Essai sur Perse, p. 12 et suiv.

VITA PERST 5

Annaei Cornutî ', ita ut nusquam ab eo discederet. Inductus aliqua- tenus 2 in philosophiam est.

5 Amicos habuit a prima adulescentia Caesium Bassum ^ poetam et Calpurnium Staturam *, qui uiuo eo iuuenis decessit. Coluit ut patrem Seruilium Nonianum •^. Cognouit per Cornutum etiam Annaeutn Luca-

NC. Inductus mss : a quo introductus Pifhou (avec certains mss récents) : a quo in- ductus Jahn (éd. de 18431 ; <'et'> inductus Jahn (éd. minor) ; 5 Calphurnium L; C. G ', «/ P : manque dans LGM ; Annaeum etiam P

1. L, Annaeus Cornutus, philosophe et grammairien stoïcien, à Leptis, en Libye. Le nom d'Annaeus a fait supposer que c'était un aflFranchi de Sénèque ou d'un parent de Sénèque, et, de fait, notre biographe nous dit que Cornutus compta Lucain parmi ses élèves. Il fut exilé dans les dernières années du principat de Néron, pour avoir laissé entendre trop clairement qu'il n'accordait aucune valeur aux œuvres poétiques du prince ^vo}'. Dion Cassius, 62, 29. 21. Il avait écrit, en grec, des ouvrages de philosophie et de rhétorique mention- nés par les scoliastes d'Aristofe, et com- posé en latin, outre un traité de l'ortho- graphe latine mis à profit par Cassiodore, un commentaire sur Virgile cilé par Aulu- Gelle, Macrobe, Servius, etc II est généra- lement considéré comme l'auteur d'un opuscule qui résume, en grec, les inter- orétations étymologiques et symboliques don'-pes par les stoïciens à la mvthologie traditioi.iîelle, »ien que certains mss attri- buent le livre à <ï>opvo'jTrjt;ou «iïo'JOvo'JTOr ou cf>oo'jvo'JTOî(Voy.réd.deLang : Cornuti theologiae Graecae compendium. Leipzig 1881. dans la collection Teubner). On trouvera les fragments des autres ouvrages dans la thèse de R Reppe : De L. Annnen Cornutrt ("Leipzig, 1906). Sur la vie et les œuvres de Cornutus et son rôle dans la formation intellectuelle et morale de Perse, vov Jahn : Proleq.. p vin-xxvii et mon Essai sur Perse, p 47-102.

2. Aliquatenas : « jusqu'à un certain point ». mais il ne faut pas prendre l'expression dans un sens resirictif : l'au- teur veut dire que Perse poussa assez loin l'étude de la philosojjhie ; cf. aliquantum qui indique une quantité appréciable.

3. Caesius Bassus était un lyrique, le seul, d'après Quintilien, qui pût supporter la lecture entre Horace et les bons poètes du temps des Flaviens (Instit. orat., 10, 1, 96 : « Lyricorum Horatius fere solus legi

dignus .. Si quem adicere uelis, is erit Caesius Bassus. quem nuper uidimus : sed eum longe praeceduni ingénia uiuen- tium. » Priscien nous a conservé un vers de lui (voy. Keil : Grammat. lat.2, p. 527, 16 : <■ Bassus in II lyricorum : Calliope princeps sapienti psallerat ore. » Enfin Perse a fait diverses allusions, très obscures pour nous, aux œuvres de Bassus dans le préambule de la satire qu il lui a dédiée (voy. Sat. 6, 1-6 et les notes) Nous lisons dans les scolies (ihid.. v. 1) : « Hanc satiram scribit ad Caesium Bas- sum lyricum poetam : quem fama est in praediis suis positum ardente Vesiiuio monte Campaniae et late ignibus abun- dante cumuilla sua uslum. » Bassus mou- rut donc en 79 ap. J.-C. Nous ignorons la date de sa naissance : si la leçon senex, dans la satire 6, v. 6, n'est pas une correc- tion ancienne (voj'.les notes à ce passage), il était beaucoup plus àsé que Perse. Les grammairiens Marins Victoriuus (Gr. lat., 6, p. 209, 10) Terenlianus(i7./r/., 6. p. 395, 2358 et 396. 2369), Dioméde (ibid., 1, p. 513. 1.5) et Rufin (ibid.. 6, p. 555. 22) citent un métricien du même nom. con- temporain de Néron 'Bufin, 1. I .«Bassins (au lieu de Bassns)fl(i Neroneni de iambico sic dicit, etc. »^ : c'est, selon toute vrai- semblance, notre poète lui-même, et on lui attribue aujourd'hui, au moins jjour le fond, le premier des deux traités de mé- trique qui nous sont parvenus sous le nom d'.Vtilius Fortunatianus, grammairien du iv« siècle (Keil : Gramm. lut . 6. p. 255- 272). En revanche r.4rs Caesii Bassi de metris (ibid., p. 305 et suiv.) est certaine- ment apocryphe.

4. Personnage inconnu. Au lieu du sur- nom insolite Staturam. Casaubon propo- sait de lire Suram.

5. M. Servilius Nonianus, cos. en 35 ap. .I.-C. (Tac. : Ann. 6 31), mort en 59 (ibid., 14, 19) ; avocat (l'fcid.,), et historien

6 \ HA PHHSI

nuin ncqiiacuum ', auditoreni Cornuti 'Nam Cornutus illo tempore tragicus fuit sectac poelicae, qui libres philosophiae reliquit. Sed] Lu- canus mirabatur Jideo scripta Flacci, ut uix se retineret, recitante eo, a clamore - quin illa esse uei a poemata diceret].Scro cognouit el Senecam, sed non ut caiieretur eius ingenio. Vsus est apud Cornutum duorum conuiclu doclissimorum et sanctissimorum uirorum acriter tune philo-

NC. aequafinim G M P : eqiiitum L : equitem Bouhif-r ; tragicus niss : grammaticui de. Martini ; pneticae niss. : sloicae Pithou. La phrase est ainsi refaite par Geel : « Nam Cornuto illo tempore traditus fuit (se. Lucanus) a Seneca stoico, qui libros, etc. » et par Néincthy (préface de son éd. de Perse, p. 6) : •• Nam Cornuto illo tempore traditus fuit (se. Persius\ sectae stoicae philosophe, oui libros, etc. » Toutes ces conjectures sont inutiles si, comme je le pense avec Bergk et la plupart des éditeurs modernes, ceci n'est qu'une interpolation de basse époque: cf. Introduction, p. ix-x; ntirabatur adeo L : adeo mirabatur les autres mss ; se retineret L M : retineret se G P ; recitante eo Jahn {illo recitante Pithou) ; recitantem les mss, Preller. Consoli : mais il paraît peu vraisemblabh; que Lucain ait loué les vers de son condisciple en faisant une lecture de ses propres œuvres : d'autre part, il n'est guère possible d'en- tendre « en débitant des vers de Perse », sans attribuer au biographe une gaucherie d'expression singulière : a clamore Pithou : clcimore les mss (cum clamore .Jahn ; de more liiicheler, qui a proposé aussi Mêla pâtre: clamare Léo) ; quin illa esse uera poemata diceret est la leçon de P : celte leçon a tout le caractère d'une interpolation destinée à remplacer le texte original que les autres mss anciens de la Vita ont altéré de manières diverses, mais également inintelligibles : quae illa esse uera ipsa poemata ipse luto facere L ; quae illa ipsa uera esse poemata suo ludo faceret G ; quae illeesse uera poemata suo ludo faceret M. Il semble, pourtant, se dégager de tout ce galimatias l'idée suivante : Lucain se serait écrié que les vers de Perse étaient de la vraie poésie et que ses propres œuvres n'étaient, en comparaison, que bagatelles. Mais aucune des restitu- tions qu'on a proposées n'a le caractère de l'évidence. La plus simple est celle de Léo : quae ille faceret esse uera poemata, sua ludos (ou quae ipse. ludos). Je me demande s'il ne serait pas possible de lire : quae ille (se. faceret), esse uera poemata, se ludos facere La plupart des critiques ont mélangé la leçon de P et celle des autres mss : quin illa esse uera poemata diceret, sua ipse ludificaret ou suos (se versus) ludos faceret Preller ; quin illa esse uera poemata diceret, sua ipse ludos faceret ReifiFerscheid ; quin illa esse uera poemata. sua ludos diceret Bùcheler. Jahn rapportait le membre de phrase au prologue Perse se donne pour un demi- poète : Lucain aurait proclamé qu'il était au contraire un maître de la vraie poésie. Jahn proposait donc (éd. de 1843) : illa esse uera poemata, quae ipse suo ludo faceret et (éd. de 1868 illa esse uera poemata diceret, etsi ipse sua ludos faceret ; Senecam (sans et) P.

de talent .Dial. des orat., 2[\ et Quint. : 10, comparauerat indulto sibi pretio aliquan-

1, 102 . C'était, au témoignage de Tacite, to » scol.\ Sur Nonianus, cf. Jahn /Vo/cg.,

lin fort honnête homme 'i4;i/i . 14, 19 : p. xxxvii, et mon Essai sur Perse, p.

« Ille (se Domilius Afer orando causas, 43-45.

Seruiiiiis diu foro, mox tradcndis rébus 1. Aequapuum ne doit pas être pris à

Romanis celebris et elegantia uitae, quam la lettre : Lucain, en 39 ap. J.-C,

clariorem efl'ecit, ut par ingenio, ita mo- était de cinq ans plus jeune que Perse, rum diuersus. »^ Perse se lia chez lui avec 2. A clamore : » de pousser des crisd'ad-

Plotius Macrinus, homme très cultivé, à niiration ». Si l'on maintient le membre de

qui il a dédié sa deuxième satire Allô- phrase suivant il faut plutôt lire récitante

quilur Macrinum, hominem sane erudi- eo eu/» c/(iHiore un jour que Perse faisait

tum et paterno se aflfectu diligentem, qui une 'ecture au milieu des acclamations ».

in domo Seruilii didicerat, a quo agellum Mais cf. NC.

VITA PERSl 7

sophantium Claudi Agathurni ' niedici Lacedaemonii et Pctroni Aris- tocratis - Magnetis. quos unice niiralus est et aemulatus, cum aequales essent Cornuti, minor eis ipse. Idem deceni fere annis summe dilectus a Paeto Thrasea ^ est, ita ut peregrinaretiir quoque cum eo aliquando. cognalam eius Arriam uxorem habente.

6 Fuit morum lenissimorum, uerecundiae uirginalis, faraae ^ pul- chrae. pietatis erga niatrem et sororem et amilam-'' exemple sufficientis. Fuit frugi, pudicus.

7 Reliquit circa sestertium uicies *'• matri et sorori : scriptis tantum

NC. Agathurni Bûcheler : Agaturrhini L ; Agaturrini PG : Agaluiini M (Agaterni Pithou ; Agathemeri Reinesius (cf. Corp. Inscript. Italiae et Siciliac 1750 =: Kaibel : Epigr. gr. 554 : K/x'jO'.O^ -^("^p "AvaOrîuspo^ ÈvOàoî xîTaai^ ; Agalhini Osann cf. C. /. It 20641 = K. 558 .. KXajOtoî '.r,-:T,p 'AyaOelvo;) : Aristocratis Pithou: aris- totegratis L GM Aristotelici P ; minor eis ipse Albini minores ip^e les rass. {Cornulo minores ipse dans quelques mss récents et dans Pithou) dont on peut conserver le texte en lisant : « Cornuti minores ( - discipuli ; cf. Oudendorp dans son éd. de Suétone). Ipse idem : etiam I-'ithouj decem fere, etc. » minores et ipsi Jahn ; minor ipse Bûcheler; minor esset ipse Owen ; a Paeto Thrasea Juste Lipse : apeti L; apete M ; ap. G : thrasea L ; thraseam M G ; apud Thraseam V (et Pithou) ; 6. formae P ; cf. commentaire; Léo met entre crochets les mois fuit frugi, pudicus : cf. Introd., p. X. 7. ses'ertium les éd. : seslercias les mss : tantum les mss : lamen \'inei suivi par .lahn (éd. de 1843). Certains éditeurs rattachent scriptis. . codicillis à ce qui précède.

1. Personnage inconnu d ailleurs : cf. NC.

2. Si la restitution de Pithou est exacte (cf. \C ), il s agit peut-être ici du gram- mairien Aristocrates, dont Galien faitmen- lioii (De composit. médicament., 12, p. 878- 879 Kûhn) et qui s'était, lui aussi, occupé de médecine.

3. P. Clodius Thrasea Puetus, stoïcien illuslrc. à Padoue (Tac, Ann. 16,21) ; gendre de Caecina Paetus. il entra dans la carrière des honneurs, devint quinde- cimuir sacris faciundis Tac, Ann ,16,22) et fut, en 56 apr. J.-C., consul suffectus. L'austérité de ses mœurs et la dignité de sa vie, unies à une grande douceur de caractère fcf. Pline le J., Epist.. 8. 22. 3). firent de lui un des sénateurs les plus écoutés (Tac . Ann., 13. 49 ; 14. 48-49 ;

15, 20 : 16. 21). jusqu'au .jour il devint impossible à une voix indépendante de se faire entendre. Dès lors, il s'enferma dans une opposition silencieuse (Tac , Ann.,

16, 21-22) qui exaspéra la haine de Néron contre lui. Dénoncé par Cossulianus Ca- pito et Eprius Marcellus comme chef du parti des mécontents iTac, ibid.), il se donna la mort (Tac, Ann., 16, 35), en 66

ap. J.-C. Sur sa femme Arria et sur sa fille Fannia, femme d'Helvidius Priscus, voy. Pline le J.. Epist.. 7, 19 ; Vt peregrinaretur .. cum eo aliquando signifie sans doute que Perse voyagea une fois, en d'autres termes fit un voyage avec Thra- sea. (Sur Thrasea, voy. Jahn, Proleg., p. XXXVIII, et suiv. ; C. Martha, les Mora- listes sous l'empire romain, p. 116-119, et mon Essai sur Perse, p. 33-43.^

4. Si l'on préfère la leçon formae (voy. NC), il ne faut point tirer argument en sa faveurdes prétendus portraits de Perse: rien ne nous autorise à reconnaître le poète dans les bustes antiques auxquels la fantaisie de certains modernes avaient attaché son nom : voy. Jahn. Proleg.,

p, XLIV-XLV.

5. Cette tante paternelle s'était peut-être occupée de l'enfance du poète. (Cf. Dial. des orat.. 28 : « Eligebatur autem maior aliqua natu propinqua. cuius probatis spectatisque moribus omnis eiusdem fa- miliae suboles committeretur ».)

6. 2 millions de sesterces . environ 490.000 francs ; on sait que le cens équestre était de 400.000 sesterces, environ 98.000 fr.

8 VITA PERSI

ad raatreni codicillis ', Cernuto rogauit ut daret sestertia, ut quidam, cenlum, ut alii uolunt et argenti facti pondo uiginti - et libros circa septingentos Chrysippi siue bibliothecani suani omnem •''. Verum, a Cornuto sublatis libris, pecuniam sorori bus, quas heredes frater fecerat,] reHquit.

8 Scriptitauit et raro et tarde i.Hunc ipsum libruni ^ imperfectum reli- quit. Versus aliqui dempti sunt ultimo libro t', ut quasi finitus esset ". Leuiter conrexit « Cornutus et Caesio Basso, petenti ut ipse ederet,

NC. sestertia... cenlum Gronove : sestertias (ou sestercias) . . . centies les mss ; Reifferscheid et Jahn léd. de 1868) marquent, avec beaucoup de vraisemblance, une lacune après ut alii uolunt ; Bûcheler écrit : sestertia, ut quidam dicunt, C, Mt alii, L; pondo L : pondéra G M P; Chrysippi est omis par Casaubon, mis entre crochets par Jahn ; a Cornuto les mss : Cornutus Pithou ; Bûcheler refait ainsi la phrase : Verum a Cornuto sublatis libris pecunia sororibus... relicta est. (Notez que, dans certains mss, la phrase suivante commence par un et surabondant.) A'vec Consoli, j'ai mis entre crochets-tus quas heredes frater fecerat, le pluriel sororibus et l'indication quas heredes frater fecerat, qui a, au demeurant, tout le caractère d'une glose, ne pouvant se concilier avec pietatis erga... sororem ni avec reliquit... niatri et sorori ; 8. Scripti'auit Bûcheler : et scriptitauit {scriptauit M) G M ; L ne donne que et raro et tarde sans verbe ; et raro et tarde scripsit P, et c'est ainsi que lisent la plupart des éditeurs, mais il est peu vraisemblable que le verbe, (|ui est ici comme la rubrique d'un nouveau paragraphe (cf. Introd., p. v), ne fut pas en tète de la phrase ; additi au lieu de dempti Owen, qui applique ceci aux choliambes ; ultimo L G M : in ultimo P ; libro M : ibri (se. libri) G ; ibi LP ; - ut L V : et G M ; finitus M P . finitum L G (finiturus Jahn, éd. de 1843, d'après le Laurent. 37, 20 ; connxit d'après la leçon du Laurent. 37, 20, corre.vit : contraxit G. leçon qui peut venir d'une mauvaise lecture de conrexit, mais donne un sens satisfaisant si on écrit : « Versus aliqui dempti sunt... et, quasi finitus esset, leuiter contraxit (le raccourcit un peu) Cornutus » ; con-

1. « Par un codicille qui n'était adressé qu'à sa mère »; faut-il entendre que Perse prélevait la valeur du legs ou des legs faits à Cornutus exclusivement sur la part de sa mère ?

2. Constr. ; rogauit ut (mater) daret Cornuto, ut quidam uolunt, centunt sester- tia (100.000 sesterces, environ 24.500 fr.), ut alii uolunt et uiginti (libras) pondo argenti facti et... (c'est-à-dire : « selon d'autres vingt livres pesant soit envi- ron 6 kg. 540 d'argent travaillé et en même temps, etc. »)

3. On peut entendre : « les livres de Chrysippc, au nombre de sept cents environ, en d'autres termes, toute sa bi- bliothèque », ou bien « les livres de Chry- sippe ou, selon d'autres, toute sa biblio- thèque. » Cette dernière interprétation est la plus naturelle : il est peu vraisem- blable, en effet, que Perse n'eût pas en sa possession d'autres ouvrages que ceux de Chrysippe. Mais un grammairien de basse

époque, se rappelant que, selon Diogène Laërce (7. 180), le nombre des livres du phi- losophe s'élevait à 700, a pu ajouter arbi^ trairement Chrysippi. La construction de la phrase suivante est bizarre, puisque reliquit a pour sujet non point mater, mais Cornutus : cf. NC.

4. Eut « peu et lentement ».

5. Hune. . librum. •• le présent livre », c'est-à-dire les Satires, que cetle bio- graphie accompagne : voy. Introd.,

p IX.

6. Ent. « furent retranchés à la fin du livre >', et il semble, en effet, que la satire fi soit inachevée : voy. infra les noies sur les derniers vers de celle satire.

7. « Pour qu'il fût comme achevé ». c'est-à-dire t pour qu'il eût l'air d'être achevé ».

8. L'expression leuiter conrexit s'ap- plique sans doute, si c'est bien la vraie leçon (voy. NC ). au travail de l'emen- dalio : cf. Introd., p. xi.

VITA PERSl î)

tradidit edenduni. Scripserat in pucrilia Flaccus eliam praelexfam^ Vescio el /iO(/oeporicon librum unum et paucos in socnini Thraseae [in] Arriain inatrem uersus, quae se ante uiiuiii occiderat 2. Omnia ea auctor fuit Cornulus nialri eiiis ut aboleict. Ediluni librum continuo mirari homines et diripere coeperunl •''. 9 Decessil autem uitio stomachi aniio aetatis XXX *.

tractauit L ; contra et sur un grattage) M; recitniiit (c'est-à-dire récit. Persiiis) Cornulo P (leçon admise par Pilhou, qui lit d'autre part " et quasi J> : texte inadmissible, puis- qu'il est question de la destinée des satires après la mort du poète, mais qui, rapproché de contractaiiit, a suggéré à Houhier la conjecture retractauit, admise par un certain nombre d'éditeurs) ; ipse edcret L M : ipse cederet G I' {ipsi cederet Jahn, éd. de 1843j ; etiani Flaccus P; Vescio les mss (surnom analogue à Rufio ou Riiscio (Cic , Pro Mil , 22,60), Luscio (Suet., Dom. 1), Grandio (Sén. le Père : Suas, 2, 17) ; pour l'em- ploi du nominatif, cf. Ov., Met . 15, 96 : >( Aelas, cui fecimus aiirea uomen » (cf. aussi ibid.. 1, 169) et Suét., C/aud. , 24 ; <• Gahinio... cognomen Cauchius usurpare concessit »). On a proposé : Restio iHeinrich, qui renvoie à Macrobe. Saturn., 1, 11, 19, il est question dun certain Aniius Hestio, proscrit par les triumvirs et sauvé par un esclave généreux) ; Decius iDûntzer), Nasica (Preller), Vescia (Hertz, qui renvoie à Liv.,9, 25, i, est racontée la prise de Vescia, ville du Lalium) ; nescio qiiam (Hibbeck : cf. nescio cui isc. dicatam, dans les scolies du Laurent, 37, 20) ; hodoeporicon Jahn (éd. de 1868) d'après Piîhou (qui écrit ôootTTopi/.wv) : opericon les mss ; o—iop'.xtov (vers sur l'automne), vieille conjecture citée par Jahn (éd. de 1843); oschophoricon (vers sur les oschophories, fête athénienne) Bùcheler ; in (devant socrum). omis dans M ; socruni Casaubon : sororum les mss ; Jahn mettait entre crochets tout le membre de phrase in Arriam niatrem, le tenant pour une glose ; mais la glose pourrait bien être au contraire dans les mots in socrum Thraseae (socruni Traseae dans Ml ; abo- leret éd princeps : aborteret L : abhorreret G M P. 9. aetatis suae P. Heinrich consi-

1. « Une tragédie prétexte ».0n sait que plum Arriae matris sequi ») : son mari la tragédie destinée aux lectures publiques Caecina Paetus s'était associé sous Claude fut en vogue au i'^'' siècle de l'empire. Il (en 42 ap. J.-C ) à la tentative malheu- sutfit de rappeler les noms de Pomponius, reuse de M. Furius Scribonianus, légal de de Sénèque, de Maternus : ce dernier Dalmatie, pour s'emparer du pouvoir avait composé au moins deux tragédies impérial (voy Suét., Claude, 13, el Dion prétextes, un Domitius et un Caton {Dial. Cass., 60, 15) ; il fut amené à Rome pour des oral , 3) ; et VOctauia. jointe dans les y être jugé ; Arria, à qui l'on n'avait pas mss aux tragédies de Sénèque, est vi-ai- permis de s'embarquer avec lui, loua une semblablement de la même é|ioque. barque de pécheur et le suivit ; puis, pour

2. Hodoeporicon r^ ooomcip'.xùjv : nous l'encourager à mourir sans défaillance, dirions « d'impressions de voyage ». Si la elle se frappa la première et lui tendit le restitution est exacte ivoy. NC), il s'agit poignard en disant « Pacte, non dolet », peut-être ici d'une œuvre analogue au (voy. Pline le J., Epist., 3 16).

livre 111 de Lucilius et à la satire 1, 5 d'Ho- 3 Ceci se trouve confirmé par Quint,

race, et qui aurait eu pour sujet le voyage (10, 1, 94 : « Multum et uerae gloriae

que Perse avait fait en la compagnie de quanmis uno libro Persius meruit ») et

Thrasea (voy. supra. § 5) ; in socruni par Martial (4 29, 7 : « Saepius in libro

Thraseae, « en l'honneur de la belle-mère niemoratur Persius uno (Juam leuis in

de Thrasea » ; cf. Cic, De Orat., 2, 86, Iota Marsus Aniazonide »)

352 : «... cum cenaret... Simonides apud 4 le 4 décembre 34 ap J.-C,

Scopam... cecinissetque idcarnien quod in Perse n'avait pas tout à fait 28 ans lors-

eum scripsissel... » On connaît la mort qu'il mourut, le 24 nov. 62 (v. supra, § 1).

héroïque d'Arria la mère (cf. Tac, Ann.. Faut-il admettre que le biograplie s'est

16, 34 : « Arriam... tentantem... exem- contenté ici du chiffre rond ? ou qu'il a

10

\ ITA PKHSl

10 [Sed mox ul ' a schola iiiagistrisque deuerlit, Iccto Lucili libro decimo - uehemcnter saturas componere iilsliluit. Cuius libri princi- piuni iiiiitatus est. sibi primo, mox omnibus delracturus 3 cum tanta

dorait toute la phi-ase comme rinterpolalion d un grammairien qui aurait imaginé pour Perse une fin digne d'un satirique, c'est à-dire un accès de colère (c'est ainsi qu'il entendait iiitio stnmacbi) : mais les mots iiitio stomachi peuvent parfai- tement s'appliquer à une maladie d'estomac, et il est naturel que le biographe d un poète mort jeune nous dise quel mal a enlevé celui-ci. Pour le chifl'rc XXX, qui est en contradiction avec les dates données plus haut, ,S l''^ et que Reiz remplaçait par XXIIX, voj'. le commentaire explic. ; 10. Heinrich met entre crochets tout ce dernier paragraphe, avec raison, je crois : cf. Iiitrod., p. v, ix. x ; diiterterat P ; inutitnil L M stiidiiit G P ; - [Cuius... imitalus est] Marx (f.ucil. reliq., 1, p 27, 383) ; delracluriis G : defrartalus L detrectatis M P (leçon suivie par Pithou ; mais que faisait-il de sihi ?) ; detrectatunis Elias \'inet (leçon admise par Léo).

compté enlièrci, à la manière romaine, l'année 34 et l'année 62 ? Mais ce dernier mode de calcul ne donnerait que XXIX, et c'est peut être le chifi're qu'il f:iut rétablir (cf. St Jérôme cité .supra: n. 3 sur le S \").

1. Mox ut : « aussitôt que », est devenu dans la basse latinité, en particulier chez Grégoire de Tours (cf. Max Bonnet, le Latin de Grégoire de Tours, p. 320) « comme une nouvelle conjonction » (chez Titc-Live, 3, 52, 7 : « Quid si plcbs mox, ubi parum secessione moueamur. armata ueniat? » nio.x- garde, au contraire, toute sa valeur et, chezFIorus, 2, 4, 2 : « nio.r ut caluerc pugna, statim in sudorem eunt Ji, tout le passage est suspect) : l'emploi de cette locution n'a rien de surprenant si nous avons affaire ici à une addition de basse époque.

2 II ne nous reste, de la satire X de Lucilius, que 8 fragments, dont le plus long n'a que deux vers (voy. Marx, Lucil. reliq I, p 27. v. 385-393) : dans un de ces fragments (386-387), le satirique semble railler un orateur et, dans un autre (388), un poète. D'après Porphyrion (Ad Horat., Sat. 1, 10, 53 , ce livre était un de ceux Lucilius se moquait d'Accius Facit autem haec Lucilius cum alias, tum maxime in III lihro : meminit (') VIII et X 1)1. Le membre de phrase Cuius libri principiun\ iiuiutlus est s'explique peut- être par une confusion née de la scolie citée plus bas (Sat. 1, 1), il est dit que Perse a pris le 2' ou plutôt le 1" vers) de sa 1'* satire au 1. I de Lucilius (voy. Marx, Lucil. reliq. IL p. 145).

3. Detracturus : eut. qu'il commence par se dénigrer lui-même : mais ce n'est qu'une manière de faire accepter les attaques qu'il va lancer contre d'autres écrivains. Sur l'emploi de ce procédé par Lucilius, cf. Hor., Sat., 1, 10, 53-55 : « Nil comis tragici mutât Lucilius Acci, Non ridet uersus Enni grauitate minores, Cum de se loquitur non ut maiore repren- sis ■' " : mais ces derniers mots indiquent de la modestie, réelle ou affectée, plutôt que le dénigrement de soi, et, d'autre part, lorsque Perse écrit, au second vers de sa l" Sat. ■> Quis leget haec ? ". il n'entend point du tout se rabaisser. Peut-être le grammairien qui a rédigé ce supplément à la Vita considérait-il 'es choliambcs, auxquels l'expression sibi detrahere peut s'appliquer parfaitement, comme le pro- logue de la Sat. I Il faudrait logique- ment • Sibi primo detrahens, mox omni- bus detracturus » moins qu'on ne tienne les mots cuius... imitatus est pour une interpolation). La construction clas- sique de detrahere, dans le sens de déni- grer, rabaisser, est aliquid detrahere de aliquo ou de. aliqua re (cf. Cic. in Pis., 29. 71) ou. absolument detrahere de aliquo ou de aliqua re (De Orat , 1. 9, 35) ; le tour detrahere alicui rei apparaît chez Quintilien (12, 9, 7) et chez Martial (11. 94, 1) ; detrahere alicui ne semble pas se rencontrer .nvnnt le commencement du iii« siècle Porphyrion, Ad Horat . Sut. 2, 1 30 : « Dicit sua scripta quod nnlli nisi merito detrahat »). Il est fréquent chez saint Jérôme.

VITA PKRSI

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reccnliiim poetarum et oratorum insectalione, ut etiani Neronein prin- cipem illius lemporis inciilpauerit ' : Cuius uersus in Neronem cum ita se haberet : « Auriculas asini Mida rex habet », in enm modnm a Cornuto, ipse tantunimodo -*, est emendatns : « Auriculas asini quis non habet ? > . ne hoc in se Nero dictum arbitraretur •'.

NC. Les mots principem illiits ienii oris sont omis par Pithon et par plusieurs autres éditeurs : et, de fait, si l'on attribue cette dernière partie de la Vita à Probus ou à Sué- tone, on ne peut voir dans celte indication qu'une glose: culpaiierit G iciilparii P; hnhereut I> P ; hune (au lieu de eum) P : ipse lanliimmodo les mss : ipao tnntiimmodo Pithou ; ipso noiidunt morluo Barth ; ipso tune iam mortuo Heinrich {ipso iam tunt m. Preller) ; ipso tantum nomine niutato Biuheler ; Nero in se G P ; - ductuni L M.

1. La Satire I de Perse est dirigée en effet contre la poésie à la mode et contient, incidemment, un trait contre les orateurs (\. 83 et suiv.) ; d'autre part, des scolies, de valeur très douteuse (voy mon Essai sur Perse, p. 221 et suiv.), signalent dans cette satire toute une série d'allusions à Néron : V. 4 : « Polydamas, i. e. multi- nuba. Polydamas autem Nero, quod mul- tis nupsit, aut quod timidus et inibellis fuit, ut apud Homerum inducitur Poly- damas » ; V. 29 : « Occulte autem tan- git Neronem, cuius carmina, quia impe- rabat, per scholas celebrabantur » : V. 99 et suiv. : « Hi uersus Neronis sunt » ; V. 120 : « Et dicitur Neronem et Claudium tetigisse sub allogoiia Midae, qui aures maximas habuerunt » ; v. 121 : « Non tibi illud dem, si mihi Iliada Labeo- nis aut Neronis '1 roicon tradas ; scripsit enim Nero Troicon » : v. 128 : « Hoc

de Nerone, qui invehitur contra tragoe- diographos. »

2. Ipse tantummodo : « lui seulement », cest-à dire qu'il ne modifia aucun autre vers. On sait que le latin de la décadence fait un emploi très étendu de ip^e (dans les traductions de la Bible antérieures à la \^ulgate, on trouve ce mot à la place de hic ou de ille, ou bien avec la valeur de l'article) : ici, il signifie à peu près lui précisément, ce qui n'est pas incorrect.

3. Le même fait (ou la même légende) est rapporté dans les scolies Sat. 1. 121) : « Persius sic scripsit : « Auriculas asini Mida rex habet », sed Cornutus hoc mu- tauit ita ponens : « Auriculas asini quis non habet ? » ueritus ne Nero in se dic- tum putaret » Sur la valeur de ces témoignages, voy. Haguenin, Revue de Philol..23 a899) p. 301 et suiv., et mon Essai sur Perse, p. 218 et suiv.

A. PERSI FLACCT

SATVRARVM

LIBER

LISTE DES ABRÉVIATIONS

P =; Montepessulanus 125 (Pithoeaaus).

p := le correcteur le plus ancien de ce manuscrit (cf. Introd., p. xiii).

A =■ Montepessulanus 212.

B =: Vaticanus tabularii basilicae H 36.

7. =: l'accord de A B.

Bob. = Vaticanus 5750 ou feuillet palimpseste de Bobbio [Sat., 1, 53-104)

\&\. = manuscrit de Valenciennes n" 410.

f =; accord de deux manuscrits au moins des x«-xiii« siècles.

Sch. =r scolies.

PROLOGUS

Perse n'est pas un de ces poètes qui se croient ou se disent inspirés par les Muses (v. 1-3) ; il ne prétend point rivaliser avec ceux dont le portrait orne les bibliothèques ; par le caractère de ses œuvres, il n'est de la corporation qu'à moitié ^v. 4-7). Mais est-il, après tout, si difficile d'en être tout à tait ! La faim, qui rend les perroquets et les pies habiles à imiter la parole humaine, n'est-elle pas l'unique inspiratrice de maint poète (v. 8-14; 'l

Ce morceau, écrit en choliambes, était-il vraiment destiné à servir de pro- logue ? ou bien Perse, avant de se consacrer à la satire, avait-il composé de courtes pièces à limitation des poètes grecs, disciples, plus ou moins, du cynisme, comme Phoenix de Colophon, qui avaient fait revivre, à l'époque alexandrine, le vieux mètre d'Hipponax ? Et avons-nous, ici, un échantillon de ces œuvres de jeunesse, ou même deux, si l'on admet qu'une seconde épigramme commence avec les mots : Qiiis expédiait psiltaco suiiiii « chaere » ? La question est très débattue (voy. mon Essai sur Perse, p. 155 et suiv. ; p. 175 et suiv. ; p. 353 et suiv.)

Nec fonte labra prolui caballino, Nec in bicipiti somniasse Parnaso

NC. a rejette les cholianibes à la fin du livre ; P les place en tête ; mais en réalité

« P ouvre par 2 l'euillels blancs dont le premier a été négligé au l'oliotage. Le second

(dit f. 1) contient au verso les choliambes, mais ils ne sont pas de P (ent. qu'ils ne sont pas de la main du copiste). Ils sont bel et bien de p (ent. du correcteur le plus ancien du Pithoeanus) ». (F. Nougaret : Juvénal, omission du fragm. Winstedt, dans les Mé- langes Châtelain, Paris (1910), p. 2(52. On trouve les choliambes désignés, dans quel- ques mss, sous le nom de prooemiuni ou pruheniium, dans d'autres mss et dans les scolies sous le nom de prologus. 3. Memini me ut p a, leçon inconciliable avec le mètre (cf. Introd., p. xxvni). La bonne leçon est donnée par les scolies sur la Thébaïde de Stace (1, 62,i, qui citent le début de ce prologue. Me est sans doute une glose qui a pénétré dans le texte : cf. 5, 41.

1. Fonte... caballino, « la source cheva- le sens de (f mouiller en buvant » n'est

line », c'est-à-dire « la source d'Hippo- pas rare chez les poètes (cf. V'irg. : En.,

crène »; traduction plaisante d' Itt-itciu 1.739; Hor. : Sat., 1, 5,16; 2,4,26-

XOt/;Tj. L'emploi du mot vulgaire cabal- 27). Nous disons: « humecter ».

linus pour equinus rend la parodie plus 2. In bicipiti... Parnaso : de l'Hélicon,

sensible. " Ennius se vaulait d'avoir bu à coule la source d'Hippocrène, Perse

la source d'Hippocrène : cf. Prop., 3, 3, nous transporte sur le Parnasse. Ce mas-

5-6 : sif a plusieurs sommets, mais les poètes

Paruaque tam magnis admoram fontibus ora l'appelaient biceps, par allusion à la lon-

Vnde pater sitiens Knnius ante bibit taine de Castalie qui jaillissait entre les

~ labra prolui l'emploi de proluere dans deux cimes principales, leNisa et leCyrrhu.

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A. FEHM FLACCI SATVKAKVM LIBER

Meniini, ut repente sic poeta prodireni ; Heliconidasque pallidamque Pirenen Illi.s remitto, quorum imagines lainbunt Hederae sequaces : ipse semipaganus

NC. 3. prodirent a : prodierini p, leçon condainuée parla sj'ntaxe et par le mètre, et d'ailleurs accompagnée de la glose i'. apparerein qui rectifie le temps ; peut-être pro- vient-elle d'une correction mal comprise de prudirim : voy. Havet : Manuel de critique verbale, § IIO'J;. 4. Heliconidasque ■■i : Eliconiadasq. p ; Aeliconiadas a. Pour conserver la le<;on de p, il faudrait admettre l'emploi sans exemple d'un anapeste au second pied du clioliambe ou, par une synizèse très dure, compter ia pour une seule syllabe : il est plus simple d'y voir une correction malheureuse de la forme rare Heliconidas ; Pyrenen p : sirenen a. 5. remitto p a Val. : relinquo -i ; lanibunt p \'a!. : ambiant (dissyll.) a.

2-3. Somniasse... memini : allusion railleuse au songe dont Knnius avait placé le récit au début de ses Annales : cf. 6, 9. Sur l'emploi de i'inf. pf. avec memini. cf. Ricmann : Synt. lat., S 154, rem. 5, et Riemann-Goelzer : Gramm. comp. du grec et du latin, Synt , § 283, rem. 1 et la note On peut comparer le tour français : " Ai- je rêvé ? Je ne m'en souviens pas .

3. Sic ; « comme cela, sans autre eiï'ort » : cf. l'emploi de O'jTO)^ en grec après un participe, après une propos, temporelle ou conditionnelle, daus le sens de « alors » (parex. Xén.: //e//€/i.,6,4,24: ooujio'jXEJd) àvaTTvcjjavTas... oCixuiî aîç ^ii.ff^-i '..ivai ; poeta prodirem . plus expressif que poeta euaderem qui signifierait simple- ment « devenir poète ». Nous dirions ; « me révéler poète ».

4. Perse nous ramène sur l'Hélicon en nous parlant des déesses de cette nion- lagne, c'est-à-dire des Muses, invoquées par Hésiode et les poètes de Béotie comme des divinités autochtones, adorées pour la première fois sur l'Hélicon par les Aloides Ephialtes et Otos, géants fils de Poséidon, une des divinités béotiennes primitives. La forme ordinaire est Heli- coniadae : cf. NC Pallidam... Pirenen: Pirene était le nom d'une fontaine de l'Acro-Corinlhe ; elle avait jailli, selon la légende, à l'endroit Pégase, sorti de la léte de la Gorgone, était venu prendre terre après sou premier vol. Elle était consacrée aux Muses (cf. Stace : Silv., 1, 4, 27, et Theb. : 4, 60 et suiv.). Pallida est pris au sens actif : qui fait pâlir (cf. Ho- race : Od., 1, 4, 13 : pallida mors ; Prop., 4, 7, 36 : pallida uina). Sur la pâleur stu- dieuse des poètes, cf. Sat. : 1, 26.

5. Remitto : « je laisse, je cède ». Ce verbe est emploj-é par Cic. {Verr., 2, ô, 9, 22, et Pro Plane, 30, 73 1 comme syno- nyme de concedo.

5-6. Quorum imagines lambunt hederae sequaces : c'était l'usage, à 1 époque impé- riale, de placer, dans les bibliothèques publiques et privées, le buste des grands écrivains (voj'. Pline : N. H., 35, 9). Les mots lambunt hederae sequaces désignent une couronne de lierre. Le lierre, con- sacré à Bacchus, était un des emblèmes de la poésie {Doctarum hederae praemia frontium, Hor. : Od , 1, 1, 29). Lanibunt est un équivalent, peut-être ironique, de cingunt. Sequaces ne signifie pas seulement flexible, mais gfimpant (cf. \'irg. r Bucol., 4, 19 : errantes hederas).

6. Ipse fait antithèse avec illis- Se- mipaganus : nous dirions « je ne suis qu'à moitié de la confrérie ». Perse assimile le culte des Muses (conmiunia poefarum sacra, comme dit Ov. : Pont., 2, 10, 17 ; 3, 4, 67, etc.) à celui qui unissait pour les Pa- ganalia tous les habitants d'un même bourg, et il déclare qu'il n'est du bourg qu'à moitié. Horace avait dit avant lui que le satirique ne mérite pas \éritable- ment le nom de poète [Sat., 1, 4, 39 : (1 Primum ego me illorum, dederim qui- bus esse poetis, Excerpam numéro »). D'une manière plus subtile, Casaubon tirait un sens analogue de l'opposition consacrée entre paganus et miles dans le corps {militia) des poètes, Perse ne mérite qu'à demi le nom de miles (soit par la nature de ses œuvres, soit par 1 insuffi- sance de son inspiration : car il peut y avoir ici un trait de modestie personnelle, sincère ou ironique), J.-J. Hartmann a

PROLOG us

Ad sacra ualum carmen adfero iiostrum. Quis expediuit psittaco suum « chaere » Picasque docuit uerba nostra conari ? Magister artis ingeiiique largitor Venter, negatas artifex sequi uoces.

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NC. 8. expediuit p A- Val. : expediit a ; Kere p : cere supine a ; M. Léo croit que supine est uue mauvaise lecture de suum ~'.v£, que l'original devait porter en marge comme indication de variante ; mais il y a eu peut-être ici insertion d une remarque grammaticale sur le possessif suum emploj'é d'une manière ambiguë {supine), puisqu'il porte sur^ psittaco et pourrait porter sur quis (pour le sens de l'adv. supine, cf. supina, noms verbaux, formes ambiguës, capables à la fois des sens actif et passif ; supina uerba, verbes à voix ambiguë, comme uapulo ou comme audeo, ausus sum). M. Havet, à qui appartient cette hypothèse voj'. Man. de crit. verb., i. 1184; ajoute ; << Supine a chance d être une des gloses visées par le et adnotaui de Tryfoiiianus (cf. Introd.,p. xin). u Mais les exemples font défaut pour confirmer l'emploi de l'adv. supine dans la termi- nologie grammaticale. y Picasque p A- : picamque a ; uerba nostra p . nostra uerba 3. Val. ; conari p a Val. : blandiri sch. 10. ingenique a été substitué par les éd. à ingeniique, leçon des mss, qui donnerait un anapeste au pied ; l'emploi du gén- en ii est d ailleurs contraire à l'usage de Perse aussi bien qu'à celui d'Horace (cf. Atti, 1, 50 et 76 ; Arreti. 1, 130 ; Enni, 6, 10). 11. artifex p \'al. : artissex a.

repris récemment Mnemosyne XLI (1913) une vieille interprétation, simple, mais peu vraisemblable : pour lui semipaganus ■==■ semirusticus, et il entend : « J'apporte ici des vers tels que nous, paysans et de" mi-paysans, avons coutume d'en faire. »

7. Vatum : uates, vieux nom des poètes (cf Varron : L. L, 7, 36), est sans doute employé ici avec une nuance d'ironie. Carmen nostrum : « mes vers ", c'esl-à-dire " mes satires », si les choliambes étaient réellement le prologue du recueil, ou « mes épigrammes », si nous devons y voir des essais sans rapport avec le reste du livre. Nostrum au lieu de meum, sans doute par nécessité métrique. Mais le rap- prochement du sing. adfero et du possessif pluriel nostrum n'a rien d'extraordinaire: Catulle (68, 37-38) avait dit : « Nolim statuas nos mente maligna id facere »

8. Expediuit psittaco suum chaçre : on peut voir dans psittaco un datif et enten- dre « qui a débrouillé (c'est-à-dire a fait articuler nettement) au perroquet son sa- lut : » ou un ablatif, et, en ce cas, le sens serait : " qui a tiré du perroquet son salut f « (cf. Virg., En., 1. 701702 : « ,.. famuli... Cererem... canistris expé- diant»).— Suum chaere. aïechaere qui lui est propre, le « salut ! )i que, seul parmi les oiseaux, il est capable de prononcer ».

9. Verba nostra : « des paroles hu- maines ». Je ne crois pas que l'expression

signifie uerba Romana, « des paroles la- tines ». par opposition au chaere du per- roquet, qui est un mot grec. Les deux vers ne sont qu'une périphrase pour dire : « qui a rendu le perroquet et la pie ca- pables de parler? » Verba... conari : « prononcer avec effort, articuler labo- rieusement les paroles... » : nous avons ici un développement du tour magnum opus... conari (Cic. : Orat., 10, 33).

10-11. L'idée que le besoin rend ingé- nieux était un lieu commun de la poésie (Théocrite, 21, 1 : 'A Ttsvôa... [jlv/(Z xà; -î/vaç £-;£t3£'. ; Plaute : Stichus, 178 : « Paupertas . . omnes artes perdocet » ; Phèdre: Append.. 20,7 : «... etiam stultis acuit ingenium famés » Largitor, « dis- pensateur », forme avec uenter une al- liance de mots plaisante, l'estomac étant fait pour recevoir, non pour donner

11. Negatas : ent « refusées par la na- ture » ; cf Manilius. 5, 378-380 : «,.. lin- guashominum sensusque docebit (l'homme sous la constellation du cj-gne Aerias uolucres .. Fertaque praecipiet naturae lege negata n Ar/j'/'ea;, emplo3'éici comme adj., dans le sens de « habile » (cf. (^ic. : brut., 25, 96 « artifex... stilus » ; Prop. : 4. 2. 62, et Ovide., Met., 15. 218 : " arti- fices... manus »), est construit avec l'infi- nitif, par un tour fréquent chez les poètes et dont Perse use volontiers : cf. 1, 59, (mobilis), 70 (artifex) : 118 (callidus) ;

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A. PERSI FLACCI SATVRARVM LIBER

Quod si dolosi spes refulseril nurami, Coruos poêlas et poetridas picas Cantare credas Pegaseium nectar.

NC. 12. refiilserit p Val. : refulgeat a p* (les scolies connaissent les deux leçons). 13. poelridas p a i : poetrias '«. 14. pegaseium sch. : per pegaseum p (perpegaseum c;) ; pegaseiim a ; la leçon pegaseium est celle qu'impose le mètre ; nectar ot sch. : melos p \'al sch icantare Pegaseium melos credas Antoine deNébrissa. Melos détruit lo rythme choliambique ; (^asaubon le conservait, en admettant, dans ce mot grec, l'allongement arbitraire de l'c, à la manière homérique. Mais il est plus naturel d'y voir une glose qui, dans p et plusieurs autres mss, s'est substituée à nectar, parce que cantare nectar faisait une expression assez surprenante : cf. L. Quicherat, Mélanges de Philol., p. 79 et suiv.

2, 34 (peritus), 5, 15-16 (doctus), 24 (cautus) ; 6, 3 (opifex), 6 (egregius), 24 (soUers). Sequi : il me semble que sequi, rapproché de negatas, prend la valeur de assequi. « atteindre », c'est-à- dire « reproduire », et ne signifie pas seu- lement « suivre, imiter ».

12. Dolosi: « séducteur, corrupteur » ; ce n'est pas ici, avec nummi, une simple épi- thèle de nature : l'or tente des hommes sans talent et les pousse à se donner, d'une manière en quelque sorte frauduleuse, pour des poètes inspirés Refulserit : nous disons, par la même métaphore : ■< l'es- poir a lui ». Mais le voisinage de nummi rend ici au verbe refulgere toute sa force première : nous voj-ons l'éclat de la jdèce d'or.

13. « Des poètes corbeaux et des poétesses pies M : coruos et picas ont la valeur de deux épithètes : cf. 1, 69 ( heroas sensus et 6, 74 : popa uenter. Ent . « On verra des gens aussi mal doués pour la poésie que le corbeau et la pie peuvent l'èlre pour le chant se mettre à faire des vers. » On arrive, d'ailleurs, au même sens si l'on entend : « des corbeaux devenusj poètes et des pies (devenues) poétesses ». Le fé- minin poetridas a pu être amené par picas, pris comme synonyme de coruos pour dé-

signer les mauvais poètes. Mais l'expres- sion est plus piquante si elle vise des femmes faisant profession de poésie. Au lieu de poetridas, on attendrait poetrias, d'après le grec Tioty^'cp'.a cf. Cic. : Pro Caelio, 27, 64 : «... haec tota fabella uele- ris... poetriae ; mais poetridas, attesté par l'accord des bons mss, semble souligner le caractère professionnel d'un art sollicité par le gain : ~oiT,-pi(;, '.ooi est, en effet, formé comme opy^r^TzpiQ, (ooç, « dan- seuse », a'jATjTp'.;. '.ooç, « joueuse de flûte », etc. 11 existe d'ailleurs un ex. de 7:o'T,-p'i; (Scolies d'Héphestion. 2, 10 : "OijLTjpoç... uloç ô Al'jpo'j; -y,; B'oî^avT'.àç KOtTjtptOo^ ; voj*. Hephaest. enchirid., p. 279, 9, de l'éd. Consbruch Leipzig, 1906. 14. Cantare... Pegaseium nectar : ent. : « composer des vers qui coulent comme les flots divins delà source d'Hippocréne ». Pegaseium nectar rappelle le poetica mella d'Horace (Epist., 1, 19, 44) ; D'autre part, Findare {Olymp., 7, 7) et Théocrite (7, '82) s'étaient servis du mot -ity.^^~t.z pour dési- gner des poèines harmonieux ; mais la combinaison du mot propre cantare avec le mot nectar employé métaphoriquement dans le sens de carmen nectareum est une hardiesse qui semble n'appartenir qu'à Perse.

SATIRE I

Un satirique ne doit pas s'attendre à être goûté du public romain ; mais la valeur d une œuvre n'a point pour mesure le jugement de la foule ; et d ailleurs, on ne peut s'empêcher de rire eu voyant la manière dont les hommes d'aujour- d'hui emploient leur temps (v. 1-12). Chacun s'enferme pour écrire, prose ou vers, quelque œuvre du genre sublime ; puis il revêt ses plus beaux habits et, lisant de sa voix la plus ouctueuse, il jette ses auditeurs dans des transports de volupté ^13-23). C'est pour de pareils succès qu'on pâlit sur les livres : on ne conçoit rien de plus beau que d être montré du doigt dans la rue et de servir de texte de leçon pour les écoliers (^24-30) ; faut-il croire qu'on envie la gloire posthume de laisser des œuvres débitées et acclamées dans les banquets par des convives qui n'ont plus leur sang-froid (30-40) ? Sans doute il n'est pas un écri- vain qui ne souhaite d'être loué et de survivre dans son œuvre (40-47j. Mais que valent les cris d'admiration dont on se grise aujourd hui ? Prodigués aux œuvres les plus insipides, ils ne sont souvent qu'un moyen commode, pour des parasites et des flatteurs, de s'acquitter à peu de Irais envers un amateur riche et généreux dont ils se moqueront par derrière (^48-62j Mais ce que le public se plait surtout à louer chez les poètes contemporains, c est l'élégance d'une versification coulante et l'éclat des lieux communs moraux (63-68). Aussi, que voit-on ? Les adoles- cents même, encouragés par leurs pères, s'essaient à des ouvrages qui dépassent leurs lorces : avant de s être exercés à développer en vers latins les thèmes des- criptifs les plus rebattus, ils entreprennent hardiment de faire parler les héros et de composer des tragédies ; et on les mettra bien au-dessus de Pacuvius et d'Accius, dont il est facile de railler le style suranné (69-78). Ainsi le goût des jeunes gens s'altère pour toujours : ils se complairont jusqu'à la vieillesse en un vain cliquetis de mots, propre à ravir un auditoire de petits maîtres. Devant les tribunaux même, eussent-ils à défendre leur propre honneur et leur propre vie, ils ne chercheront que les applaudissements, ils ne songeront qu à parer leur style de figures savantes, quand il faudrait émouvoir les juges par les accents sincères d un pathétique vrai (79-91^. Et que dire de cette élégance, si vantée, de la versification nouvelle '! 11 n'y a que petites habiletés de facture et que molles cadences : c est de la littérature de mignons et d eunuques (92-i06j. On dira peut-être à Perse qu il n est point, pour autant, nécessaire d écorcher par des vérités trop rudes les oreilles des grands et de se faire des ennemis : mais il réclame, pour sa part, le droit, qu'on n'a refusé ni à Lucilius ni à Horace, de critiquer et dérailler les vices et les défauts contemporains (107-123). Seulement, il n'attend et ne souhaite que l'approbation des hommes de goût, de ceux qui lisent et admirent les vieux comiques d'Athènes ; peu lui importe la louange ou le blâme des gens vulgaires ou grossiers qui se tout gloire de mépriser la Grèce, la science et la philosophie (^123-1341.

On peut tirer une indication chronologique des vers 85-87 : le personnage mis en scène dans ce passage, Pédius, est apparemment le concussionnaire Pédius

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A. PKRSI FLACCI SATVKAHVM LIBER

Blésus, accusé en 59 ap. J.-C. par les habitants de Cyrène (Tac. : Ann-, 14, 18). En conclurons-nous que la satire 1 tout entière n'est pas antérieure à cette date ? D'après les indications contenues dans le dernier paragraphe de la Yita Persi 10), elle serait la première dans l'ordre du temps comme elle est la première dans le recueil ; si nous devons en placer la rédaction en l'année 59, au plus tôt, les six satires de Perse ne représenteraient qu'un travail de trois années, puisque le poète est mort en G2 . et, comme elles ne font, après tout, qu'un total de 650 vers, on pourrait encore parier de cette lenteur de composition attestée par le biographe 8 : Scriplifauit tarde), à moins qu'on ne préfère considérer les vers sur Pédius, qui forment une sorte de parenthèse, comme une addition faite après coup. Au surpins, le dernier paragraphe de la Vita Persi est d'une valeur incertaine, et plusieurs critiques, refusant d'en tenir compte, ont soutenu que la satire 1 était, selon toute vraisemblance, la dernière œuvre du poète (voy. mon Kssai sur Perse, p. 175) : opinion peu admissible si, comme je le pense, la satire 6 est restée inachevée.

O curas hominum, o quantum est in rébus inane !

NC. P a, comme litre courant, Thebaidorum Persi satura : il est probable que, dans le ms. qui a servi d'original au copiste de P, les satires de Perse étaient immédi.Tteinent précédées de la Thébuïde de Stace, comme elles le sont encore dans le Parisinus 8055; a porte un incipit ainsi libellé : persil flacci salirarurn incipit, et Val. : incipit Persius.

1-3. Perse, voyant les vains soucis et les futilités qui occupent les hommes, se demande qui lira ses vers. Le ton n'est pas celui de Lucrèce s'cciianl (2, 14) : « O miseras hominum mentes, o pectora caeca 1 » Le préambule finit par un éclat de rire (v. 12 ; cachinno), et nous devons bien plutôt songer ici à Démocrite, de qui Juvénal a dit^lO, 51-52,- : ridebat curas nec non et gaudia uulgi, Interdum et la- crimas. >■ On attribue d'ordinaire la ques- tion quis leget haec à l'inlerlociiteur que Perse s'est donné dans ce préambule, et l'on établit de la manièrt; suivante l'en- cbainement des questions et des réponses : les exclamations O curas hominum, o, etc. faisant prévoir une satire. " l'ne satire ? » dit quelqu'un, « crois-tu avoir beaucoup de lecteurs/ C'est à moi que tu parles?» réplique le poète ; "aucun, assurément. » « Aucun/ " reprend l'autre, surpris de tant de clairvoyance. « Rien peu, en tout cas. » « 11 est vraiment lamentable », conclut l'interlocuteur. « d'écrire pour ne pas être lu ». Mais, en ce cas, la question min tu istud ais ': parait gauche il faut, pour la rendre acceptable, interpréter ; « C'est à moi que tu demandes cela .' Je sais mieux que toi ce qu'il faut répondre. » Au contraire, dans la bouche d'un interlocu- teur, elle est une manière toute naturelle de se présenter : le poète se parlait à lui-

même, mais quelqu'un l'a entendu et a cru, ou feint de croire, que la question, quis leget haec ? s'adressait à lui. D'un autre côté, la réplique nemo '.' se comprend mal de la part du personnage qui vient de l'aire entendre à Perse que ses œuvres n'au- ront pas de lecteur, tandis que le poète, à ces paroles brutales d Personne à coup sûr», peut répondre, avec une nuance d'iro- nie « Personne, vraiment ? » L'autre lui fait une concessiou : « Bien peu de gens, en tout cas >■, et il ajoute : •< Il est vraiment lamentable d'écrire pour ne pas être lu. » 1. In rébus : faut-il entendre : « in rébus bumanis » ? Je crois plutôt que l'expression est synonyme de in mundo : cf. dulcissime rerum (.Hor. : Sat., 1, 9 4). Lucrèce a dit, en parlant du vide : « nam- que est in rébus inane » 1, 330) c'est la même fin de vers, mais inane, chez Perse, doit s'interpréter dans son acception mo- rale. Le vers tout entier est pris sans doute à Lucilius " Hune uersum, disent les scolies, de Lucili primo transtulit, et hu- manae uitae uitia increpans ab admira- tione incipit. -> Certains mss rapportent cette noieau vers 2, mais les termes ne s'en appliquent bien qu'au vers 1. D'ailleurs, la double exclamation 0 curas .. o quan- tum... est dans la manière du vieu.x sati- rique : cf. 0 Publi, o gurges Galloni... (v. 1238 Marx).

SATIRE I

Quis leget haec ? « Min tu istud ais ? nemo hercule ! » « Vel duo, uel neino : turpe et miserabile ! » Qiiare ? Ne mihi Poljdamas et Troiades Labeonem Praetulerint ? nugae. Non, si quid turbida Roina Eleuet, accédas examenue improbum in illa

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Nemo ?

NC. 5. pretulerunt i (corr. A-). 6. examenue P \'^al. : examenque a.

2. Haec : i. e. mea scripta : cf. infra, V. 125 : « aspice et haec », et, pour la pen- sée, Horace : Sat., 1, 4, 22 : « cum mea nemo scripta légat ». Min ^= mihine : cf. V. 22: lun ; tu... ais : pour l'emploi redondant du pronom personnel, particu- larité de la langue familière, cf. infra, 22, 45, 121 ; 2, 21; 3, 78 et 94; 4, 14 : 5, 26, 36, 80, 115, 157 ;6, 22, 37, 63

3. Vel duo uel nemo : c'est le grec -f^ -;; r] 0J0£[^, Y^ oX'YO'. t) o'jos'^ ; cf. le français peu ou point ; mais nous dirions ici : « Un ou deux tout au plus ». Quare ? ent. : « Pourquoi cela serait-il lamentable ? »

4-5. Ne... praetulerint : le tour est ellip- tique ; il faut entendre : « uereris ne .. ? » c'est-à-dire : « Tu crains que Polydamas et nos Troj'ennes n'aillent me préférer Labéon ? » Certains éditeurs suppriment l'interrogation après praetulerint et voient dans ne la particule afTirnialive ; le sens est alors : « Assurément Polydamas et nos Troycnnes pourraient bien me préférer Labéon : que m'importe (nugac) ! » Mais le tour ne serait guère moins forcé et ne s'accorderait pas aussi bien avec le mou- vement général de la phrase. Pour l'em- ploi du subj. pf. après ne, cf. le tour 1res usité à l'époque impériale « ut sic dixe- rim ».

4. Polydamas et Troiades « Polydamas et nos Troj'ennes •> ; cf. Iliade, 22, 100 : [lojXuoàfiac fjLOt TrpwTO; Hzy/^eiri-^ àva6r]- (T£i et 105 : A'.OîôjJLXi Tpwaç xxi Tpcoioaç kX"/.ET(T:£7:Xo'Jç. Ces deux vers étaient pas- sés en proverbe pour désigner les grands personnages de Rome : Cicéron les cite trois fois plus ou moins complètement dans ses lettres à Atticus (2, 5, 1 ; 7, 1, 4 : 8, 16, 2;. Perse ne parle pas des Troyens, mais seulement des Troyennes. Il s'est rappelé sans doute Virg. : En., 9, 617 : ■• O uere Phrygiae neque enim Phrj-ges » (cf. Iliade, 2, 235 : 'A/a'.lo£;, oûxiT' 'A/aio!). Il n'y a plus d'hommes dans l'aristocratie romaine, il n'y a plus que des femmes : cf infra, 87 : <■ an, Romule, ceues ? » et

103-104 : « Haec fièrent, si testiculi uena ulla paterni Viueret in nobis 'i » Troiades : la forme ordinaire est Troas, dis ; mais, en grec, la forme Totoi^ç, âSoç est cou- ramment emploj'ée par Homère et par les tragiques à côté de Tptoà^, xooç. Labeo- nem : c'est, d'après les scolies, le poète Attius Labeo, contemporain de Perse, dé- signé plus loin (v. 50) sous son nom d'Attius, et qui avait donné, de l'Iliade et de l'Odyssée, une traduction littérale, sou- vent ridicule. Par exemple, il avait rendu le vers « tujjLOV jiî^piôOotç Hptaijiov Iloriuoiô zi TiaTSa;; » de la manière sui- vante : « Crudum manduces Priamum Priamique pisinnos. »

5. Nugae : « bagatelles », c'est-à-dire : « Cela m'est bien égal ». Plante dit nugas (cf. Most. 1088 ; Pers. 718 ; Trinumm. 396).

5-7. Non... te quacsiueris extra : on reconnaît ici des idées sto'iciennes : les jugements de la foule sont sans valeur ; la raison seule, que nous portons en nous, peut nous donner la mesure de noire mé- rite.

5-6. Aon... accédas : ent. : « Tu ne dois pas donner ton adhésion. » L'emploi de ;ion pour ne est fréquent en poésie ; mais, ici. la substitution de la tournure poten- tielle à la tournure prohibitive est d'autant plus naturelle que nous avons affaire à une phrase conditionnelle cf. Hor. : Od , 1, 13, 13 : « Non, si me satis audias, speres. » Turbida : faut-il entendre : « trouble comme une eau bourbeuse » ? Je crois plutôt que le poète songe à la foule confuse (fur^a) qui peuple Rome (cf. infra 8 : « Romae est quis non ? »)

6. Eleuet : « déprécie » ; le mot prépare la métaphore e.ramen . in illa trutina cas- tiges : l'œuvre jugée inférieure remonte avec le plateau dans lequel on l'a placée. Examenue : ue, parce que ceci n'est en somme qu une autre expression de la pen- sée précédente ; il faut entendre en cff'et : « Nous ne devons pas adhérer [accedere] au jugement du vulgaire ; en d'autres

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A. PERSI FLACCI SATVRARVM LIBKR

Casliges trutina, nec te quaesiueris extra.

Nani Romae est quis non ? ac si fas dicere.. . sed fas :

Tune cum ad canitiem et nostrum istud uiuere triste

NC. 7. quaesiueris PA'Val. : quaesiueril t.. 8. romae estP et romaest a : la leçon nam Romar quis non... '' préférée par certains critiques, parmi lesquels M. Léo, est celle du Bernensis 398 (x" s.), du ms. de Valonciennes (xi« s.), et de quelques autres mss plus récetils : c'est, sans doute, une conjecture 'voy. Introd. p. xxxil. ac P a Val. et la plu- part des mss; la leçon ah ou a, admise par beaucoup d'éditeurs, ne paraît êli-e qu'une vieille conjecture (v. Introd., ibid.) : on la signale dans un petit nombre de mss dont le plus ancien est le Monaceusis 330 (xi« ou xii' s.) ; plusieurs mss récents donnent at ; 9. tune P : tum a.

ternies, nous ne devons pas chercher à peser nos œuvres dans la balance faussée du vulgaire, car, quoi qu'on fasse une balance faussée ne donnera jamais le juste poids. »

6-7. Examen castigare signifie : « frap- per la languette avec le doigt ». Perse veut dire que c'est peine perdue de chercher, en frappant la languette avec le doigt, à corriger une balance faussée. Improhus sert, aussi bien que iniqiius (cf. infra, 130), à qualifier les falsifications de toute na- ture. — Trutina désigne toute espèce de balance.

7. Nec te quaesiueris extra : « Ne te cherche pas toi même au dehors », c'est-à- dire : « ne consulte sur la valeur de tes œuvres, comme de tes actes et de tes biens, que ta propre raison ». Nec, et non plus ne, parce que nous passons à une expression toute différente de l'idée. Je remarque aussi que Perse a d'abord em- ployé, comme il est d'usage dans les dé- fenses présentées sous forme de maximes, le subj. présent (accédas, casliges): il lui substitue ici le subj. pf., peut-être pour donner au conseil un caractère plus di- rect.

8. Nam Romar est quis non ? « En effet, qui n'j' a-t-il pas à Rome '.' n c'est-à-dire : « Il y a à Rome des gens de toute espèce. » Ceci est une sorte de commentaire de turhida Romn (selon d'autres, « Romae est quis non... ? », avec une réticence cachant un mot comme stullus ; mais, en ce cas, le ar qui suit ne se comprend guère .

Ac si fas dicere... « Et, s'il est permis de le dire... » Le poète s'arrête : il craint que ce qu'il allait écrire ne soit trop violent. On peut admettre que ceci prépare les vers 119-121 : « Me muttire nefas ?... Auriculas asini quis non habct ? » En ce cas, le

membre de phrase supprimé par la réti- cence serait auricuias asini quis non habel ? Ce sont ces mots, à plus forte raison, que Perse avait dans l'esprit, si la leçon Nam Romae quis non... :' est la bonne (voy. NC.) mais elle nous oblige, il me semble, à lire ensuite « a (ou ah) si fas dicere ! ••, leçon moins autorisée encore que la pré- cédente. — Sed fas : « Mais 'après lout^ ce n'est pas défendu » : le poète se décide à parler. (D'autres ponctuent : « Sed fas ? » c'est-à dire : « Mais cela est-il permis '? » et pensent que le poète indique par cette question qu'il préfère s'abstenir, pour le moment tout au moins. Mais, alors, com- ment la phrase suivante est-elle amenée?)

9-12. Le poète, voyant quelle est la vie de ses contemporains, allait livrer le fond de sa pensée ; mais, comme son interlocu- teur l'en empêche, il se borne à soulager sa rate par un éclat de rire.

9. Canitiem : « nos cheveux blancs, la vieillesse prématurée qui est le résultat de nos excès. Nostrum istud uiuere triste : « notre affectation d'austérité » ; pour le sens de tristis, cf. Tac. : (Ann-, 16, 22) : « rigidi el tristes », et, pour l'emploi de l'inf comme substantif, cf. Plaute : (Cur- cuL, 28) : « tuom amare » cl Cic. : (De fin., 2, 27,86) : «béate uiuere ucstrum >i; Tusc, 5, 11, 33: « lotiim hoc bcatc uiuere » ; Ad Att., 7, 11, 2 : « hoc ipsum uelle ». Mais il semble que personne avant Perse n'eut employé l'inf. joint à un adj. qualificatif (cf. 3, 17 et 6, 39) ; ce tour se retrouve chez Pline le jeune (Epist., 8, 9, 1) : « illud iners quidem, iucundum tamen nihil agere ».

9-10. Ad... aspexi : le tour aspicere ad est un archaïsme iPlaut. : Capt., 570 ; Cist., 693, etc.). qui s'était peut être conservé dans le laliu familier.

SATIRE I

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Aspexi ac nucibus facimus quaecumque relictîs, Cum sapimus patriios, tune tune... ignoscite a Nolo ». Quid faciam ? sed sum pelulanti splene : eachinno. Seribimus inclusi, numéros ille, hic pede liber,

NC. 12 petiilanti spleiie x : petulantis plenae P, faute provcnanl d'une mauvaise coupure de petulantisplene. 13. Je signale la conjeclure de Markland (Ad Stat Silu., 4, 4, 67), adoptée par M. van Watreningen, incliisus imineris l'Z/i;, « celui-là enfermé dans les entraves du mètre », incliisus s'opposant à liber. Mais on s'explique difficile- ment qu'une leçon aussi simple ait pu s'altérer ainsi. On peut se demander si le texte primitif n'était point inclusi nuincris illi : le voisinage du singulier hic avant alors entraîné la substitution de ille à illi, il fallait, pour que la phrase pût se construire grammaticalement, remplacer inclusi par inclusus ou numeris par numéros, et c'est la seconde de ces correclions qui aurait été faite. Mais voyez le commentaire explicatif.

10. Nucihus... relictis : « quand nous avons laissé les noix », c'est-à dire « quand nous ne sommes plus des enfants ». Les noix étaient comme le symbole des jeux de l'enfance : cf Catulle, 61, 131 : « Da niices pueris, iners Concubine : salis diu Lusisti nucibus : lubet iam seruire Talas- sio », et Sén- : De ira, 1, 12, 4.

11. Sapimus patruos ." « Nous nous don- nons des airs d'oncle», litt. : « Nous avons une saveur, une odeur d'oncle » (cf. sapere hircum, chez Plaute : Pseud. 737) ; mais il semble que Perse joue sur le double sens de sapere, car il nous suggère ici la para- phrase sapimus sapientiam patruoruni : « Nous sommes sages (en apparence) d'une vraie sagesse d oncle. » L'oncle pa- ternel, le palruus, était, depuis longtemjis, le tj'pe de la sévérité (voj'. par ex., Hor. : Sat , 2, 3, 88;. L'expression est une sorte de commentaire de nostrum istud iiine-e triste : Perse veut dire que nous cachons les vices qui nous conduisent à une vieil- lesse précoce (caniiies) sous une gravité d'emprunt Tune tune reprend le tiinc du V. 9 et forme le redoublement appelé geminatio, figure assez fréquente chez Perse (cf. infra, 120 : uidi uidi : 2, 50 : iam iam ; 3, 23 : nunc nunc ; 41-42 : imus imus : 5, ;74 . hic hic: 6, 68 : nunc nunc : Ljnoscite : ce pluriel s'adresse, comme nous dirions, à la galerie : i< Pardonnez- moi (je vais dire quelque chose d'un peu vif) ». « Nolo » : le poète allait termi- ner la phrase laissée en suspens au vers 8 (ac si fas dicere), quand son interlocuteur de tout à l'heure, jouant ici le rôle du Trébatius d'Horace (Sat., 2. 1, 5 : « Quid faciam praescribe » « Quiesras )i), inter- vient et lui refuse la permission qu'il de- mandait 'ent. nolotibi ignoscere.)

12. Quid faciam ? sed, etc. : « Que faire ? (m'abstenir de toute réflexion ?) Mais ma rate a besoin de s'épanouir : j'éclate de rire (faute de mieux). » Il me semble inu- tile de considérer sum petulanti splenr comme une parenthèse, et de faire porter sed directement sur eachinno : ainsi que le voudrait M. Housman, Class. Quarlerly, Vn, p. 12 . Si l'on a écrit au v. 8 sed fas ? il faut admettre que le poète, en disant tune tune, cherche à retenir un éclat de rire : « Pardonnez-moi, » reprend- il, « je ne veux pas frire) » {nolo cachin- nare] : et il continue : « Que faire ? (ne pas rire ? je le voudrais) ; mais ma rate a besoin de s'épanouir : décidément, j'é- clate " ; à moins qu'on ne fasse de nolo. quid ''aciam une parenthèse expliquant içinoscile : « pardonnez-moi si je m'arrête (je ne veux pas parler : à quoi bon '?) : voir Housman, art. cité. Sans s'écarter de l'in- terprétation que j'ai adoptée pour sed fas et pour nalo, on peut, avec un grand nombre d interprètes, voir dans eachinno non pas l'indicatif présent de cnchinnare, mais un de ces mots en o, onis qui ne sont pas rares chez Lucilius et dont Perse nous fournit au moins deux exemples (5, 70 : agaso et 5, 138 : baro). Entendez alors : " que faire ? (ne rien dire '?) Mais je suis im grand rieur dont la rate a besoin de s épanouir. » Mais il me semble que le verbe eachinno. détaché à la fin du vers, a la valeur d'un « trait », tandis que le substantif eachinno, traînant avec lui l'ablatif de qualification petulanti splcnc. serait lourd.

13 Seribimus : cf. supra 10 ' facimus : Perse, par une figure courante chez les satiriques, feint, dans la critique d'ini dé- faut général, de ne pas s'épargner lui-

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A. PERSI FLACCI SATVRARVM IIBFR

Grande aliquid, quod pulmoanimae praelargus anhelet. Scilicet haec populo pexusque togaque recenli Et nalalicia tandem cum sardonyche albus

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NC. 14 quod P Val : quo i (leçon explicable, qiio étant un abl. de cause - quo reci- tato ou quo in recitando, mais quod est plus conforme à l'usage de Perse cf., 3, 59 et 85, la construction des verbes oscitare et pallere et à celui des autres écrivains qui emploient anhelure (cî. Cic. : De nal. deor., 2, 44, 112; Luc, 6, 92 ; Mart., 6, 42,14). 15. pexusque P A- Val. : pexus a. 16. natalicia tandem P a : tandem nata- licia Val. -.

même. Inclusi : « enfermés chez nous (en attendant que nous nous produisions devant un auditoire) ». Numéros illc, hic pede liber fait une sorte de parenthèse ; ent. : (scrihit ou scribens) numéros ille, hic {scribit ou scribens) pede liber, c'est-à-dire : « l'un écrit des vers, l'autre écrit en s'af- franchissanl du mètre » ou peut-être « dans un rythme libre », pede liber pou- vant être l'équivalent de pede libero, autre- ment dit de soluta oratione). V'oj'. NC.

14. (îrande aliquid : complément immé- diat de scribimus. Grande était l'épilhète consacrée du genre sublime, grande geniis dicendi (cî. grandiloqui chez Cic. : Orat., 5, 20, parlant des orateurs qui ont cultivé ce genre). Nous la retrouverons infra 68 et 5, 7. Quod anhelet : « Que ton pou- mon, mettant en jeu une grande quantité d'air, ne puisse exhaler sans effort. » Perse a dans l'esprit la comparaison bien connue du poumon avec un soufflet de forge (cf. 5, 10-11). Animae praelargus = uento abandons (scol.l. Le mot anima, appliqué au vent, appartient au vocabu- laire de la haute poésie (cf. Hor. : Od., 4, 12, 2 : Virg. : En., 8, 403, etc.) et convient parfaitement ici, à côté de grande aliquid. Le composé praelargus ne semble pas .se rencontrer avant Perse, qui le construit comme le simple largus largus opum » chez Virg. .En., 11, 338j.

15-21. Ceci explique quod pulmo, etc. Perse s'adresse à l'un de ces écrivains ama- teurs dont il vient de parler en termes généraux : « Et il est bien vrai (scilicel), lui dit-il, qu'un jour enfin tandem), lisant ton oeuvre au public après t'être paré soi- gneusement et avoir pris place sur un siège élevé, tu pourrais voir ( v. 19 : uideas). lorsque tu te seras gargarisé avec d'onctueuses modulations en lançant des regards pâmés, nos illustres Romains se trémousser de façon indécente et l'accla- mer d'une voix qui tremble, lorsque tes

vers les chatouillent dune manière las- cive. M En d'autres termes, le poète ama- teur n'était, en écrivant, préoccupé que des effets, en particulier des effets vocaux (" qUod pulmo... anhelet ))l, qu'il pourrait produire dans sa lecture, et cette longue phrase nous montre quel genre de succès il obtient. Pour le tour cum... conlueris, tune .., cf. 5, 58 : « Cum lapidosa chera- gra fregerit articulos, ... tune... », et pour l'emploi dans une même période de deux propositions introduites par cum. l'une se rattachant au verbe principal, l'autre dé- pendant d'une proposition elle-même su- bordonnée (« cum... conlueris..., lune... uideas... trepidare Titos, cum... »), cf. su/)ra, 9 11 :" Tune cum ad canitiem aspexi ac nucibus facimus quaecumque relictis cum... r)

15. Haec, ainsi placé, prend une valeur emphatique : cf. 2. 15 : « Haec sancte ut poscas... ». Populo : « au public », acception bien connue du mot populus. Pe.rus : nous savons par Sénèque voy. notamment De breuit. uit , 12, 3 : « Hos lu otiosos uocas inter peclinem speculumque occupatos » et les lignes qui précèdent) quel soin les élégants de Rome donnaient à leur chevelure.

15-16. Togaque recenti... albus : « Tout blanc dans une toge fraîche (c'est-à-dire récemment ])assée à la craie ». Cf. Horace : Sat-, 2, 2 60 ; « Ille repotia, natales aliosue dierum Festos albatus cile- bret. » L'adj. albus est rejeté après nata- licia... cum sardonijche jjour nous montrer le personnage dans tout l'éclat du costume de fête qu'il a revêtu comme s'il célébrait le jour de sa naissance.

16. Natalicia.. . cum sardonyche : il ne s'agit pas d'un cadeau, mais d'une bague particulièrement précieuse que le person- nage ne porte d'ordinaire qu'en l'honneur de son jour natal. Selon Pline (//. A" , 37, 85), c'était Scipion qui avait, le premier à

SATIRE I

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Sede legens celsa, liquide cum plasmate guttur Mobile conlucris, patranti fraclus ocello, Tune neque more probo uideas nec uoce serena Ingentis trepidareTitos, cum carmina lumbum

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NC. 17. La leçon legens est attestée p:ir P a Val , par Porphyrion iConun. in Horat. serm.. 2, 2, 21, p. 247, 7 Mej-er , et par le plus grand nombre des inss ; néanmoins beaucoup d éditeurs ont accueilli la leçon leges, qui est celle du Parisinus 8055 (xi« s.) et ils ont mis un point après ocello (v. 18). Je trouve que legens donne un sens excellent (voy. comment, explic.) ; mais j'écrirais volontiers, avec plusieurs mss anciens, colluerit (dont le sujet se tire sans peine de numéros ille, hic pede liber), donnant à uideas le sens de « on pourrait voir » ; l'apostrophe ne commencerait qu'à Tiin, uetitle, d'une façon plus naturelle ; conhieris a fort bien pu élre écrit sous l'influence de la 2'^ personne uideas: Heinrich écrit, avec quelques vieux éd. : leget . 18. fraclus P: fraetus a. 19. Tune P : Aie p a Val.

Rome, porté des bagues en sardoine- onyx. Tandem : à rapprocher de legens : le grand jour de la lecture publique est enfin venu.

17-18. Sede... celsa : on déclamait debout (Juv., 7, 151 sqq , mais on lisait assis (Pline le J- : Epist., 6, 6, 6). Celsa : le siège de celui qui lisait dominait les sièges des auditeurs. Liquida cum plasmate : le mot plasma désignait, dans le langage technique des rhéteurs, une modulation trop musicale (voy. Quint., 1, 8, 2) ; l'épi- thète liquidas, appliquée à des sons vo- caux, fait une métaphore toute naturelle (cf. Virg ; Géorg , 1, 410 : « Tum liquidas corui presso ter gulture uoces... ingeini- nant »', et suggère immédiatement la comparaison de ce qu'on appelle, en lan- gage musical, les vocalises avec un gar- garisme : d'où l'emploi du vcibe colluerc. Quant à l'adjectif HiofciVc, il précise l'image en nous montrant pour ainsi dire les mou- vements du gosier pendant l'opération. Nous dirions : <.<■ Lorsque tou gosier se sera agité sous le gargarisme des modulations. » Patranti fraetus ocello : ent. fracto pa- trantis ocello, c'est-à-dire : avec le regard alangui d un homme qui accomplit 1 acte d'amour » : tel était, en effet, le sens de patrare dans le latin vulgaire ;cf. Quint., 8, 3, 44 . Ceux qui adoptent la leçon leges (c{. NC.) mettent générale nent un point après ocello : la phrase se trouve ainsi allégée, et scilicet haec... tandem... leges est très satisfaisant comme mouve- ment et comme sens. En revanche, on compicnd mal en ce cas le futur antérieur conlueris, à moins de l'appliquer à des exercices préparatoires, à une répétition

préalable de la lecture, ou, comme le veut le scoliaste, à un gargarisme véritable (c( Plasma est polio qua utuntur musici et qui uocis affectant habere dulcedinem ; solet enim uocem bene sonantem facere »).

19-20. Constr. : « Videas ingentis Titos trepidare et more non probo et uoce non serena », c'est-à-dire : « Tu pourrais voir les gigantesques descendants de Titus Tatius s agiter d'une manière indécente et avec des acclamations rauques ». Neque... probo impudico Nec serena : j'entends non clara : « rauque, voilée » ; on peut entendre aussi non composita : « mal assurée ».

20 Ingentis : pour indiquer qu'ils ne sont préoccupés que de leur développe- ment physique : cf. " Pulfenius ingens » (5, 190) et M Torosa iuuentus » 3, 86 . Titos : voy. Introd.. p. xxxix et cf. infra,31 : « Romulidae » et 87 : « Romule, ceues ? » ; d'ailleurs le mot est mis sans doute pour Titienses, nom de la tribu dont on faisait remonter la fondation au Sabin Titus Ta- tius ; Perse se souvient probablement du celsi... Ramnes d Horace (Art. poét.. 342 1; mais il veut indiquer, en rappelant l'ori- gine Sabine d'une des tribus de Rome, combien les Romains ont dégénéré : car le nom des vieux Sabins sj-mbolisait les antiques vertus leurs descendants dit-il, ne leur ressemblent que par la taille, eux dont l'attitude révèle les mœurs les plus relâchées. On peut admettre aussi qu'i'n- gentis est employé d'une manière ironique : car l'épopée faisait du mol un fréquent usage (voy. Virg. En., 6, 413 : " Ingentem Aenean »). Il n'est pas impossible, d'autre part, que le mot Titus eût pris dans le

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A. PERDI FLACCI SATVRARVM LIRER

Intrant et tremulo scaipuntur ubi intima uersu. Tun, uetule, auriculis alienis colligis escas, Auriculis, quibus et dicas cute perditus : « Ohe >>

NC. 21. uhi P a : ifct Val. (seul, semble-t-il) ; cf. Introd., p. xxxii;uf Heinrich. avec de vieilles éd. 22. Tun PA- Val. Tune a ; tune Priscien : Tnst. gr., III, 6. 34 (Gr. lat., II. p, 107. 19 Keil) ; - escas P a Val. escaw Priscien, 1 I. (dans certains mss seulement). 23. Auriculis tous les mss ; je signale deux conjectures : celle de Madvig (Aduers. crit., 2, p. 128), adoptée par Némethj' : articulis, la construction étant " escas (= uoluptates) quibus, perditus articulis et cute, dicas : « ohe » : le poète ama- teur, perdu de goutte et d'hydropisie. verse à ses auditeurs les voluptés auxquelles il doit, pour sou propre compte, dire adieu ; 2" celle de.I. van Wageningen « uersiculis quibus edicas .. « Ohe », ainsi expliquée par son auleiu- : « Recitator dicitur ipse de- bere ualedicere eius modi uersibus, qui uelulum poetani minime décent » ; en d'autres termes : « avec ces petits vers auxquels un vieillard malade, comme toi, devrait dire adieu »; mais voy. le comment, explic. perditus ohe P: perditosoae a (perditusoae A^).

langage populaire la valeur d'une espèce de sobriquet dont le sens s'accorderait bien avec la crudité du présent passage : « A niembri uirilis magnitudine dicti titl », dit une scolie. Une autre scolie prétend que le mol désigne ceux qui fréquentent les écoles : « Titos scholasticos, quod sint uagi neque uno magistro contenti et in libiditicni proni. sicut aues quibus compa- rantur. nam titi columbae sunt agrestes. » (Cf Papias : « Titos palunibes » et Isidore : Orig., 12, 7) : mais nous ne pouvons nous prononcer sur la valeur de ces deux té- moignages dont nous ne trouvons pas la confirmation chez les grammairiens des trois premiers siècles de l'empire. Tre- pidare : nous dirions : « se trémousser. » Carmina : il est inutile de supposer qu'il est question ici de poésies licencieuses ' les modulations efféminées du poète ama- teur agissent sur les sens comme une mu- sique voluptueuse ou le spectacle d une danse lascive : cf. .luv. : Sat.,G. 196-197 : « Quod enini non excitet inguen Vox blan- da et nequain ? digitos habet. »

20-21. Lumbum Intrant : ent. : « pé- nètrent jusqu'au siège des sensations voluptueuses ; cf. Juv,,6, 314 : « Cum ti- bia lumbos Incitât. »

21. Trenuiloscalpuntnr vbi intima ucrsu : ent. : « lorsque la diction chantante du poète (cf. Hor. : Od., 4, 13, 5 : « cantu tremulo ») chatouille (litt. gratte) l'audi leur aux organes les plus sensibles (cf. .luv., cité supra, 20).

22. Tun : cf. supra 2 : min. Vetule : Perse interpelle le poète amateur : c'est un de ces précoces vieillards dont il se moquait tout à l'heure (v. 9-10 : « cum ad

canitiem .. aspexi » et la note) Auri- culis alienis colligis escas : ent. : « Tu ne travailles donc que pour régaler les oreilles d'autrul •> ; auriculae. chez les satiriques, est à peu près synonyme de atires(cf. infra, 59, 108. 121 et 2, 30) Pour la métaphore, cf. Plautc : Poen., 1175 : <■ oculis epulas dare ».

23. Auriculis : la répétition est lourde, mais supprime l'équivoque qui résulterait du rapprochement de escas et de quibus. Quibus et dicas cute perditus : « Ohe » : ent. : « des oreilles auxquelles, sentant ta peau éclater, tu aies encore à dire (tu dois encore prendre la peine de dire) : « Assez ! •• : ch(c perditus équivaut à cute perdita : le personnage mis en scène est tellement gonflé des éloges de l'auditoire que sa peau est près d éclater, comme celle d'un hjdropique 'cf. 3, 63^ ; n'en pou- vant plus, il impose silence au public. Et = etiam et porte sur dicas ; d'autres le font porter sur cute perditus : « malgré l'orgueil qui te gor^fle » : mais « Ohe » paraît alors moins bien amené. En tout cas, le sens de cute perditus semble bien précisé par le passage d'Horace dont Perse se souvient dans tout ce morceau (Sat. 2, 5, 96, et suiv ) ; n Importunus amal lau- dari : doncc « Ohe iam » Ad caelum ma- nibus sublatis dixerit, urge : Crescentem tumidis infla sernionibus utrem » : je' ne crois donc pas qu'on puisse faire de cute un synonyme de fronte (cf 5, 104) et en- tendre : « bien que tu ne saches plus rou- gir », ou voir dans cute perditus le déve- loppement de uetule : « Même perdu de débauche comme tu l'es, lu finis par en avoir assez de ce spectacle » ; le sens

SATIRE I

27

« Quo didicisse, nisi hoc fermenlutn et quae semel intus

Innata est rupto iecore exierit caprificus ? » 25

En pallor seniumque. O mores ! usque adeone

Scire tuum nihil est, nisi te scire hoc sciât alter ?

« At pulchium est digito monstrari et dicier : « Hic est » ;

Ten cirratorum centum diclala fuisse

NC. 24. QiioPA- : quod oi ; qttid p Val. z. 26. //i;ic(nu lieu de /s;i) Béroalde. - 27. Scire tutim P A- sicire tuum a 28. Al P : ad a ; scd honnm Priscien : Inst. gramm., 18, 2.5, 260 (cf. 18, 4, 43 : voy. Gr. lat. III, p. 226, 10 et 342, 5), corrigé dans cer- tains niss.

de o/ie est bien expliqué par Donat (in Ter. Heaut., 879) : « Interiectio est satie- tateni usque ad fastidium designans. » La critique a tourmenté inutilement le texte de ce passage : voj*. NC. Housman (l. I.) entend, perditus auriciilis et cute : " sourd et hydropique » : mais l'emploi double de auriculis est peu vraisemblable.

24-25. Réplique du poète interpellé, ou du premier interlocuteur |v. 2 et suiv.^ qui prend sa défense.

24. Quo didicisse, au lieu du tour ordi- naire quo tibi didicisse (cf. Hor. : Sat., 1, 6, 24) : « A quoi bon avoir appris ? »

24-25. Nisi hoc fermentuni, etc. : litt. : « si ce levain et le figuier sauvage qui a pris une fois naissance au dedans de nous ne font pas éclater notre foie pour s'échap- per au dehors )>. Perse veut dire que le savoir impatient de se produire travaille l'âme avec autant de force qu'un levain dans une pâte ou qu'un figuier sauvage dans les fentes d'un rocher. Tecur, qui désigne en général le siège des passions violentes, n'est ici qu'un sj-iionyme poé- tique d^aniinus

26. En pallor seniumque : ent. : « Voilà pourquoi l'on pâlit, pourquoi l'on dépé- rit. 1) Sur la pâleur des poêles, cf. Pro- log., 4 et la note. En avec le nominatif est très classique : cf. Cic. : Pro Deiolaro, 6, 17 : « En crimen, en causa. » ; 0 mores : cette exclamation, empruntée à la 1"= Catilinaire (1, 1, 2, cf. Verr., 2, 4, 25, 56 et Pro Dei., 11, 31) était consacrée dans les écoles (cf. Sén. le Père : Suas., 6, 3).

26-27. Viv/ue adeone (cf. Virg. : En., 12, 646) ... aller litt. : « La valeur de ton savoir est-elle donc à ce point nulle, si un autre ne sait pas que lu le possèdes? » Le jeu de mots scjre... sci'a^ est tout à fait dans le goiït des comiques et de Luci- lius (Plante : Most., 1156 : « Quia fecit quae te scire scit » ; Lucilius, cité dans

les scolies sur le présent vers de Perse, mais altéré de manière, semble-t-il, irré- médiable : « Haec periodos apud Luci- lium posila est : « Vt me scire uolo dici- mus. Mimi conscius sum ; ne damnum faciam scire hoc se nescit, nisi alios id scire scierit » : voy. Marx : Lucil. reliq. II, p. 428). Scj're tuum : cf. supra, 9, la noie sur nostrum uiuere.

28. Digito monstrari : c'était une habi- tude des Romains, du moins à l'époque impériale, de désigner du doigt, en les nommant, les hommes connus que l'on voyait passer : cf. Dial. des Oral., 7 : (I Quos saepius (se. quam oratores)uulgus quoque imperitum.. transeuntes nomine uocat et digito demonstrat ? ». Dicier : cf. 3, 50 fallier Horace s était servi plu- sieurs fois de celte forme archaïque de l'infin. passif, surtout dans les Satires (1, 2, 35, etc.) ; notez le passage de la tour- nure personnelle « monstrari (nos ou te) » à la tournure impersonnelle « (hoc) di- cier '■ Hic est » : il me paraît difîicile en effet de voir dans dicier un passif person- nel, « Hic est » jouant alors le rôle non plus de sujet, mais d'attribut ; « Hic est » : Démosthène, dit-on, n'avait pas été insensible à ce petit côté de la gloire : voy. Cic. : T'use , 5, 36 103 : « Leuiculus sane noster Demosthenes, qui illo susurro delectari se dicebat aquam ferenlis mu- lierculae, ut mos in Graecia est, insusur- rantisque alteri : « Hic est ille Demos- thenes. »

29-30. Ten... pro nihilo pendes: « Comp- teras-tu pour rien d'avoir été un texte de récitation pour cent petits frisés ? » Cf. Hor. : Sat., 1. 10, 74-75 : « An tua dé- mens Vilibus in ludis dictari carmina malis ? •! Nous savons par Suétone (De gramm., 16) que l'habitude s'introduisit de bonne heure (avec Caecilius Epirota) de faire étudier, dans les écoles, des

28

A. PERSI FLACCI SATVRARVM LIBER

Pro nihilo pendes? » Ecce inter pocula quaerunt Romulidae saturi, quid dia poemata narrent ; Hic aliquis, cui circum umeros hyacinlhina laena est, Rancidulum quiddam balba de nare locutiis,

?0

XC. 30. pendes P : pendas p u Vai. 31. saturi A- ~ : salyri P; satuli a ; quid-. narrent PA- Val. quis.-. narret ■x. 32. circum P : circa p a Val. ; super St Jérôme : Epist-, 22, 13 (97j ; umeros P : bumeros p a ; yacintina P : iacinctina a.

poètes vivants. Cirrati. de cirrus, mèche bouclée ; les enfants portaient les cheveux longs.

.30-40. Perse ne répond pas directement à la dernière question : mais il rend sen- sible par un exemple la vanité des succès littéraires, même quand ceux-ci survivent au poète.

30. Inter pocula : l'usage de faire lire des vers pendant le repas par un lecteur (àv3!-'V(ô(TXT|î) est bien connu : voy. Pé- trone : Satir.. 59, 2 et suiv. ; 68. 4 et suiv. ; Pline de J. : Epist., 1, 15.2 ; 9, 17 3 : mais, ici, le personnage richement vêtu (v. 32i qui se charge de l'intermède n'est pas un des esclaves ou des affranchis qui tenaient d'ordinaire cet emploi : c'est un des convives, et ce pourrait être l'am- phitryon en personne : Pétrone (Sat., 55, 5) nous montre Trimalchion débitant à sa table des vers de Publiiius Syrus.

31. Romulidae . « les fils de Romu- lus » ; le mot est ironique : cf. supra, 4 : Troiades et 20 : Titos. Saturi : « le ventre plein •• : leur premier soin a été de boire abondamment. Dia : « divins », parodie du stj'le épique, comme chez Lu- cilius (1316 Marx) : « Valeri sententia dia » et Horace (Sat., 1, 2. 32) : « Sententia dia Catonis d. Narrent : narrare est fré- quent dans le latin familier avec le sens de dicere : cf. Ter. : Andr.,4'ÎS : « Quid narres, nescio » ; Cic. Ad Att , 2, 11, 1 : « Narro, tibi ■> ; cf. Prop. 2, 1, 43. Il n'y a donc pas lieu d'appliquer ceci à des œuvres d'un caractère épique ou nar- ratif.

32. Hic aliquis « Là-dessus quel- qu'un » ; l'expression se retrouve 3, 77. Hyacinlhina laena : les élégants, à l'é- poque impériale, ne portaient pas la toge, vêtement disgracieux et incommode, mais divers manteaux (Idcernae, aholtae, paenu- lae, l'ienae), teints le plus souvent des dif- férentes nuances de la pourpre, en particu- lier du violet sombre appelé couleur d'a- méthyste (cf. Martial, 1, 96, 6-7 ; 2, 57. 2.

etc. ; Juv., 7, 136: Pline : N. H , 37. 122: « liîdica (amethystus) ahsolutum felicis purpurae colorem habet : ad banc lin- guentium offîcinae dirigunt nota ») ou d'hyacinthe (une variété d'améthyste por- tait en grecle nom d''J2y.iv8oç : voj'. Hélio- dore, 2, .30 ; Josèphe Ant. jud., 3, 7, 7, etc. ; la laena (/Xa'iva : cf. Plut. : Xuma. 7), d'origine étrusque ("voy. Festus, s. u., p. 104, 18 Lindsay), était un manteau de laine à long poil qui se portait plié en double, ou peut être qui avait deux fois l'épaisseur de la toge (\'arr. : Ling. lat., 5, 133 : « Laena, quod de lana multa, duarum etiam togarum instar. Vt anli- quissimum mulierum ricinium, sic hoc duplex uirorum ») ; ce manteau faisait partie du costume officiel des flamines (Cic , Brut., M. 56 : " (Popilius) .. cum... sacrificium publicum cum laena faceret, quod erat flamen Carmentalis... ») ; à l'époque impériale, l'usage s'en était répandu dans les hautes classes de la société, particulièrement semble-t-il, pour les banquets (M art., 8, 59, 10 ; .Juv., 3, 283 ; cf. Spart : Hadrien, 22).

33. Rancidulum... Incutus : « s'étant mis à parler d'une certaine manière affectée (qui tombe) d'un nez bègue », c est-à-dire « avec une prononciation affectée, d'une voix bégaj-ante et nasillarde » ; le dimi- nutif r«;ici(fH/i(.s est tiré de rancidus. comme paruulus de paruus (cf. supra. 22 : uetu- lus : infra, 54 : hurridulus 3, 103 : beatu- lus : 5, 147 ruhellus). On ne le trouve pas avant Perse. C'est un synonyme de pulidus. pédantescjue, affecté » ; il ne faut pas entendre : « débitant quelque œuvre surannée », Locutus : « s'étant mis à parler " extension au verbe loqui de 1 emploi inchoatif des participes passés de verbes déponents ratus, usus, ueritus, fisus et diffisus, solitus. etc. cf. Riemann Goelzer : Syntaxe, S 287, rem. 5. p. 295. Il n'}' a pas lieu d'interpréter : <( après avoir débité un petit discours (d'introduction) pédantosque ».

SATIHE I

29

Phyllidas, Hypsipylas, uatum et plorabile siquid Eliquat ac tencro subplaulal uerba palato. Adsensere uiri : nunc non cinis ille poetae Félix ? non leuior cippus nunc inprimit ossa ? Laudant conuiuae : nunc non e manibus illis, Nunc non e tumulo fortunataque fauilla Nascenlur uiolae ? « Rides, ait, et nimis uncis

35

40

NC 34 imtum a Prlsclen {Inst. gr , 8,6, 30 ^ Gr. lat ,2, p. 398, 4 Keil), Eutych. - [Art. de uerbo, 5, p. 480 des Gr. lat de Keil) : uanuni P (voy. Introd., p. xxvi) : ./ . tous les mss : aut Eutyches, 1.1. ; plorabile P : prorabile a ; siquid p a : siqiiis P (voy. Introd , ibid. ; - 36. nunc non P a : nunc nunc A ^ .i ; ille P A^ : i7/z a. 38 et 39. non nunc Val. 39. et (au lieu de ej a. 40. ast (au lieu de ait) a (corrigé par A'^)

34-35. Phyllidas... eliquat : « filtre travers sa bouche) des Phyllis, des Hyp- sip5'les, et tout ce que les maîtres inspirés ont écrit de larmoyant ». Le verbe eliquare s'applique proprement à un liquide qu'on filtre ; il indique ici que les mots ne sortent pas naturellement de la bouche de ce diseur prétentieux. Phyllidas. Hyp- sipylas : ces amantes abandonnées avaient inspiré des poèmes de diverse nature : des tragédies (voy. les fragm. d'une Hyp- sipyle d'Euripide dans Grenfell et Huiit : « TheOxyrj'nchus Papyri »,vol.6,j). 19 et suiv.), des élégies(Oy Héroïd.,2: Phyllis à Démophoon, et 6 : Hj'psipyle à Jason), peut être des épyliia (si la Phyllis de 'i'u- scus, mentionnée par Ov. : Ex Ponlo, 4, 16, 20 est un épyllion) ; l'adjectif plora- bile me fait croire que Perse songe ici à des élégies : c'est une parodie de flebile, épithète consacrée du genre (Ov. ; Am , 3, 9, 3 ; cf Her., lô, 1). Vatum, sur le caractère ironique du mot, cf. Prol., 7, et la note. Vatum et... siquid et siquid uatum (est), etc : l'anaslrophe de et, si fréquente chez Horace, est exceptionnelle chez Perse ; nous en avons ici le seul exemple certain (cf. 6, 13, et la note).

35 Subplantat : ce verbe signifie pro- prement « mettre son pied devant quel- qu'un pour le faire trébucher » (^pedem subponere : voj'. Nonius,,p. 36, 5, expli- quant Lucilius, 915 Marx) Palato in- dique que le personnage îiU'ecle une pro- nonciation palatale ; il articule comme un vieillard qui n'a plus ses dents ; par suite, les mots perdent, pour ainsi dire, leur aplomb. Tenero ajoute un trait : la mollesse de celte prononciation. On peut traduire : » délicatement son palais estro-

pie les mots •'. Cela s'accorde parfaite- ment avec « balba de nare ».

36. Adsensere uiri : expression épique (Virg. : En., 2, 130 : Adsensere onines), employée ici par ironie : cf. supra, 31 : Roniulidae Nous diiions, en un style plus familier ; nos gens ont applaudi.

36-39. Nunc non..., non., nunc.., nunc non..., nunc non...: ces reprises accentuent le caractère volontairement emphatique du morceau ; de même Laudant après Adsensere.

36. Cinis ille poetae : « cette cendre de poète » ; ent : " la cendre du poète dont on récite l'œuvre ». La variante illi (voy. NC.) ne modifie pas le sens.

37. Non leuior, etc. : « Est-ce que le cippe, maintenant, ne pèse pas sur ses os d'un poids moins lourd f » Le cippus était un pilier, ordinairement rectangulaire, élevé comme pierre tumulaire sur la place une personne était ensevelie.

39. Tuniulus désigne l'amas de terre ou l'amoncellement de blocs mis au-dessus d'une tombe et dominé par un cippe ou une stèle. Fortunataque fauilla: fauilla, c'est proprement une poussière légère et ardente (Virg. : En , 3, 573), comme la cendre de charbon, quand elle est mal éteinte ; Virgile applique le mot [En., 6, 227) à la cendre encore chaude du bûcher: « Heliquias uino et bibulam lauere fauil- lam >> ; il est pris ici comme synonj'me épique de cinis, et l'allitération « fortu- nataque fauilla » rend la pompe de l'ex- pression plus sensible encore.

40. Rides, ait : la formule est prise à Horace (Ep., 1, 19,43). Ait, comme inquit, en pareil cas, n'a pas nécessairement de sujet déterminé ; a Me dit-on, me dit quel-

30

A. PEHSI FLACCI SATVRARVM LIBER

Naribus intlulges. An erit qui uelle recuset Os populi meruisse et, cedro digna locutus, Linquere nec scombros metuentia carmina nec tus ? »

Quisquis es, o modo quem ex aduerso dicere feci, Non ego cum scribo, si forte quid aptius exit, Quando hoc rara auis est, si quid tanien aptius exit,

45

NC. 42. Hos (au lieu de os] a. 43. thus P. 44. feci P : fas est a p. 45. conscribo (au lieu de ciini scribo) a ; exsit (au lieu exil; a. 4()-47, inlerverlis dans a ; le vers 46, finissant comme le vers 45, avait être d'abord confondu avec ce dernier et omis : le copiste, s'étant presque aussitôt aperçu de son erreur, a inscrit 46 après 47, sans doute avec des signes d'ordi-c dont le copiste de l'archétype d'A et de B n'aura pas tenu compte (cf. Havct : Manuel de crit. vcrb , § 1485 . 46. quaniquam (au^lieu de quando) Scoppa ; hoc P : haec a -^ (c'est sans doute une conjecture : hoc aura semblé incorrect ; voy. Comment, explic).

qu'un » ; mais, ici, l^erse rend peut-être la parole à 1 interlocuteur introduit dès le second vers de la satire.

40-41. Niniis uncis naribus indulges : « Tu te plais trop à froncer les narines (c'esl-à-dire à railler) » : cf. Hor. : Sat.,

1, 6, 5-6 : « Naso suspendis adunco Igno- tos. ))

41. An : eut. : « Ou bien penses-tu par hasard que... », emploi très classique du mot, lorsque la question appelle nécessai- rement, comme ici, une réponse négative (cf. Cic. ; De fin., 2, 3, 7 : « An haec ab eo non dicuntur ? »). FeZ/e récuse/ équi- vaut à un nolit renforcé ; mais, d'ailleurs, la construction de recusare, comme celle d'abnuere, avec l'inf. , dans le sens de « refuser » est rare (voy Riemann-Goelzer, Synlaxe, g 563, 4" ^, p. 623).

42. Os populi meruisse : expression con- cise ; eut. : « mériter (d'être sur) les lèvres du public » ; on disait couramment in ore esse (Cic. : Lael., 1, 2 ; Sén ; De ira, 3, 23. 4), in ora uenire (Hor. : Epist .1,3, y ; Prop , 3 9, 32). Meruisse : pour l'emploi de l'inf. pf. après uelle. cf. Riemann-Goelzer, Synt , § 284, p. 290 ; même construction 1, 91 ; mais, d'ailleurs, Perse fait, comme tous les poètes, un usage fréquent et fort libre de cet infi- nitif : voy. 1, 132, 2 66 ; 4. 7 ; 5, 24, 33; 6, 4, 6, 17, 77. Cedro digna locutus : « Ayant produit des œuvres dignes de l'huile de cèdre » (cf. Hor. : Art poét , 331- 332 : « carmina... linenda cedro >j) : l'huile de cèdre, ou cedrium, était employée pour préserver les rouleaux de papyrus contre les mites et la moisissure (N'itruve,

2, 9, 13).

43. Linquere, etc. : » laisser des poèmes qui ne craignent ni les maquereaux ni l'encens », c'est-à-dire des poèmes dout les exemplaires n'aillent point, méprisés du public, envelopper, chez les marchands, des denrées de toute espèce (cf. Cat . , 95, 7-8 et Hor., : Ep. 2, 1, 269).— Linquere : le mot est rare chez les comiques (on l'a relevé en 4 endroits chez Plante, nulle part chez Térence . Cicéron, s'en sert exceptionnellement, De Orat., 3, 10, 38 et 46, 180, au sens de praeterire, et ProPlan- cio, 10, 26, dans un morceau pathétique. Horace, qui l'a sept fois dans les Odes, n'en fournit que deux exemples dans les Satires et un dans VArt poétique, et, deux fois au moins, l'expression a une couleur poétique accentuée ou de lasolennité(Sa<., 1, 9. 74 : Sub cultro linquit ; A. P., 285 : « Nil intemptatum noslris /içuere poetae »). l.,e mot s'accorde fort bien ici avec l'allure pompeuse de la phrase.

44. Constr. : » Quisquis es, o (tu) quem modo feci dicere ex aduerso i), c'est-à-dire <• Qui que tu sois, ô toi dont je viens de faire mon interlocuteur. »

45. Exit : il ne faut pas entendre exit ex officina niea scriptoria : le verbe, ici, est synonyme de euadit. prodit : cf. Hor. : Art poét., 22 : « Currente rota, cur urceus exit '.' » Nous disons qu'une chose est, ou n'est pas, bien venue. Quint, écrit ;12, 10, 26), se souvenant sans doute de notre poète : « Si quid exierit numeris aptius (fortasse non possit, sed tamen siquid exie- rit), .non erit Atticum '.' »

46. Quando, dans le sens de quando- quidem << car » ; l'explication porte sur forte : '• Si un vers vient avec plus d'har-

SATIRE I

31

Laudari metuani , neque enim mihi cornea fibra est. Setlrecti finemque extreniumque esse recuso « Euge ' tuum et « Belle ». Nam « Belle » hoc excute totum : Quid non inlus habet ? non hic est Ilias Atti 50

Ebria ueratro ? non siqua elegidia crudi

NC 47. mihi omis dans a. 50. qui a (corr. A"^) ; ilias A : illias P; illas B. 51. si (jua elegidia P, mais -i qua e- a été écrit, peut-être par p, sur un grattage : sique legedia a.

nionie que les autres, par hasard, car c'est l'oiseau rare. » Tamen : « malgré tout (c'est-à-dire bien que ce soit l'oiseau rare) ». Hoc (voj'. NC.) : à l'exemple des Grecs, les poètes latins et même à l'époque impériale, certains prosateurs, négligent parfois l'attraction des démons- tratifs ou des relatifs. (,Virg. : En., 3, 173 : « Nec sopor illud erat » ; cf. Sén. : De tranq. an., 9,4 ; Q. Curt., 9, 10,24; Tac: Ann., 1, 49 ; 2, 38, etc.) D'ailleurs hoc, qui équivaut à illud apte exire, donne plus de netteté à l'expression ; Rara auis : expression proverbiale bien connue (cf. Sén. : Matrim , fragm., t. 111, p. 430 de l'éd. Haase «... suauis uxor. quae tamen rara auis est » et Juv., 6, 165 : <• Raraauis in terris nigroque siniillima cycno »).

47. Laudari metuani : metuam est cons- truit très correctement avec l'inf. : c'est le tour uereor loqui : voj'. Riemann : Synt. lat , § 182, et Riemann-Goelzer : Synt., § 563, 7", p. 627. Cornea fibra est: fibra (cf. 5, 29) désigne les libres des dift'érents organes du corps, en particulier du foie. Le mot est, ici, synonyme de pectus : mais nous dirions bien « Je n'ai pas la fibre tout à fait durcie » ; l'adj. corneus désignait vulgairement un homme physiquement insensible (Plin. : .\. H., 31, 103 : « Cor- nea .. corpora piscatorum » ; cf. 7, 80 : « Quibus natura concreta sunt ossa ...cor- nei uocantur » i : Perse applique le mot à l'insensibilité morale, cai'actérisee d'ordi- naire par ferreus et dur us (cf. Tib., 1, 2, 67 ; 2, 3, 2).

48. Recti finem extremumque : « la fin et le plus haut degré du bien », expression philosophique : Cicéron emploie les deux mots pour traduire "éXo.; ; De fin., 3, 7, 26 : « Licebit etiam finem pro extremo aut ultimo dicere ». Recuso, avec le sens de non concedo, nego : emploi très rare, qui se retrouve dans le Digeste (17, 1, 48 : «... reus... cum recusare uellet sub usu- ris créditant esse pecuniam ») : il ne faut

point citer ici Tacite (Ann., 1, 79): << Ri a tini... Velinum lacum... obstrui récu- santes " {'• les gens de Réate, se refusant à laisser fermer l'issue du lac Velin ») ; dans cette dernière phrase, recusare con- serve son sens propre de refuser, et il est traité au point de vue de la syntaxe comme prohibere ,Cés. : Bell. galL, 6, 29, 5 : <i Monet ut ignés in castris fieri prohi- be a t »).

49. « Euge •> tuum et « Belle » ; » Ton Bravo .' et ton Parfait I », c'est-à-dire les exclamations adiniralives dont les audi- teurs, dans les lectures publiques, sa- luaient les passages brillants.

49-50. « Belle » hoc excute totum : quid non intus habet 'f Le verbe excutere, dans le sens de scruter, examiner, est fréquent chez Sénèque (Epist-, 13, 8 ; 16, 7, etc.\ En le développant par la question quid non intus habet, c'est-à-dire: « que ne re- couvre-t-il point ! », Perse lui rend sa valeur première qui apparaît bien dans l'expression excutere pallium, " secouer un manteau pour voir si rien n'y est caché », dans le sens nous disons : « fouiller un voleur » \Plaute : Aul , 646j : les excla- mations admiratives du public abritent, pour ainsi dire, sous leur manteau et laissent tomber, si on les secoue, les œuvres les plus ridicules et les plus insigni- fiantes.

50. Non a, dans ce vers et dans les deux suivants, la valeur de nonne, ce qui n'est pas rare : cf. par ex. T.-Liv., 4, 4, 5 : « Hoc ipsum, ne connubium patribus cum plèbe esset, non decemuiri tulerunt .. ? » Non hic est : « N'j' a-t-il pas », c est- à-dire : « N'y a-t-il pas sous ton « parfait ! » l Iliade d'Attius » ; ent. : « Une œuvre comme l'Iliade d'Attius a eu des admi- rateurs ». Sur Attius Labeo et sa ridicule traduction de Vlliade, cf. supra, 4 et la note.

51. Ebria ueratro : « ivre d'ellébore ». Veratrum (cf. Lucrèce, 4, 638 ou 640) est

32 A. PKRSI FI.ACCI SATVI^AIU'M LIBER

Dictarunt proccres ? non quidquifl denique lectis Scribitur in citreis ? Calidum scis ponere sumen, Scis comitem horridulum trita donare lacerna. Et « Vcrum, inquis, amo, uerum raihi dicite de me ».

55

NC. 53. citreis P Bob. \'al. : cereis a (culreis A-) \'al. : trito... laconiia 3.. 55. dicito '-.

54. trita... lacerna P Bob. A'

le nom lalin de l'ellébore. Le nom, d'ori- gine grecque, elleborum. avait prévalu, mais le Intin familier avait peut-être oon- servé uerairuni, dont Celse nous fournit un exemple '2, j2, 1'. Les anciens pre- naient de l'ellébore comme nous prenons du café, pour s'exciter le cerveau (Pline : iV. H.. 25, 51 : « Nigrum felleborum) ... quoiidam terribile, postea tam promis- cuum. ut plerique sludioruni gratin ad peruidenda acrius quae cotnmentabantur, saepias suniptitaiierint »). Perse veut dire que l'Iliade de Labéon a été écrite à grand renfort d'ellébore, en d'autres termes, que l'auteur est poète en dépit d'Apollon.

51. Non siqua, etc. : ent.: Non(hic sunt) siqua. Siqua est l'équivalent de qiuie- quae ou quaecunique, de même que siquid {supra, 34^ était l'équivalent de quidquid. Elegidia: ce diminutif, transcription du grec t/~t^(S.iO'.0'/, ne se trouve que chez Per.'-e. .le pense qu'il désigne des épi- grammes en distiques élégiaques, ana- logues à Velegidarion, formé de la juxta- position de trois distiques élégiaques et de sept hendécas5'llabes phaléciens. qu'Eu- molpe débite dans le Satiricon de Pétrone (109, 9). Criidi : ent : « Quand ils viennent de manger, pendant le travail de la digestion. »

02. Dictarunt : « ontdicté(à leurs secré- taires, librarii) ».

52-53. Quidquid... lectis scribitur in ci- treis : " Tout ce qui est écrit sur des lits de cédratier ». c'est-à dire « tout ce qui est écrit par des amateurs riches j>. 11 est ici question du lectus lucubratorius sur lequel les Romains se couchaient pour lire et pour écrire. Le citriis (ihiiia orientalis de Linné), que nous appelons cédratier, était un arbre odoriférant de l'Afrique, employé à la fabrication des meubles de luxe.

53. Scis: nous disons : « tu possèdes l'art de... » ; pour la construction de scio avec l'inf. , qui est très correcte, cf. Riemann- Goelzer : Synt., § 563, 7». p. 627.

Ponere, dans le sens de apponere : « servir des convives^ " ; cf. 3. 111 et Hor. : Art. poét., 422 Calidum... sumen : « une tétine de truie bien chaude ». C'était un mets très apprécié : voy. Pline: N. H. 8. 209: Hinc censoriarum legum paginae interdictaque cenis ahdomina... uerrina, ut tamen Publi mimorum poetae cena, postquam seruilutem exuerat. nulla memoretur sine abdomine, etiam uocabulo suminis ab eo imposito. »

54 Coiniteut horridulum : n un client qui grelotte » ; c'était un des devoirs du client de faire cortège à son patron dans la rue et de l'accompagner dans ses voyages cf. Hor. : Ep., 1. 7, 75 76 « lu- betur Rura suburbana .. cornes ire ») ; d'où l'emploi de cornes comme synonyme de cliens U-f. Juv., 1 . 46 et 119': 6, 353, etc ) ; le diminutif horridulus appartient au vocabulaire de Lucilius 524 Marx) ; sur la manière dont il est formé, cf. supra 33 la note sur rancidulum. Trita... la- cerna : « une lacerne usée » ; ent. : « une lacsrne dont le riche patron ne se sert plus •' ; la lacerne était un manteau ample, sans manches, orné de franges (fimbriae), attaché, en haut, par une agrafe, sou- vent pourvu d'un capuchon (cf Hor. Sut,. 2, 7, 55 ; Juv., 8, 144), et réservé d'abord aux soldats (cf. scolie sur le pré sent passage : « pallium Smbriatum quo olini soli milites uelabantur .m. Dans les dernières années de la république (voj'. Cic. : Phil , 2, 30, 76) et sous Auguste, en dépit des règlements de ce dernier (.Suét . Ocf, 40, 5 1, les élégants le portaient, teint de couleurs variées, en particulier de pourpre, comme la laena (c. supra. 32 ; voy. Juv., 1. 27 : 12. 39 : 10, 212 ; Mart., 14. 131 : 1, 96, 4) ; on le mettait surtout pour aller à l'amphithéâtre (Mart., 14, 137) ou au cirtjue Suét , 1. 1.).

55. Et « uerum, inquis. amo », « Et après cela, tu, viens dire : « J'aime la vé- rité •>. Verum..., uerum : il y a de l'emphase dans celte reprise : le riche

SATIRE I

33

Qui pôle V Vis dicani ?Nugaris, cum libi, calue, Pinguis aqualiculus propenso sesquipede extet. O lane, a tergo quem niilla ciconia pinsit Nec manus auriculas imitari mobilis albas

NC. 56 II semble que Bob ait nugares au lieu de nugaris. 57. propenso P Bob. (voy. [ntrod., p. xxiii A '^ Val. : protenso a (cf St Jérôme : Aduers. Toiiin , 2 21 ; protcnto Priscien : Inst. gr.. 6, 12, 67 Gr. lat., 2, p 251 Keil [proponto dans quelques nissi. extet l' ol : exitet Bob. ; exstat (ou exiat ». 58. pinsit P Bob. A'- Sch. Hutyches {Gr. lot , 5. p. 483, 7 Keil) Servius (in Aen., 1, 179) : pinxit p o ; pincsit a ; pisat et pisit Diomède voy supra, Introd. p. viii et xxu). 59. imitari Bob P i changé par p en imitata ; e.s( a été suscrit, mais, senible-t-il, postérieurement ; imitata est t. Val.

amateur se remplit la bouche du mot ue- ruw Mais cf. PI. Most , 181 : « Ego uerum amo : uerum uolo dici mihi. »

56. Qui pote : " Comment est-ce pos- sible » ; ent. : « Comment le riche patron espère t-il que les hôtes qu'il vient de régaler ou le client pauvre dont il a sou- lagé la misère lui diront la vérité sur son œuvre ?■ Cf. Hor : Art poét , 422 et suiv. ; £/;., 1, 19, 37-38. Visdicam se. uerum): ent. : < Tu veux que je te la dise, moi, la vérité ? »

56-57. Nugaris, etc J'entends : « Tu veux écrire des gentillesses, faire le bel esprit, alors que ton gros ventre laisse assez deviner que lu es un lourdaud. » Pour le sens que je donne à nugaris, cf. infra, v 70 ; Catude, 1,4: « Namque tu solebas Meas esse aliquid putare nugas », et Hor. Ep., 1, 19, 42 : « nugis addere pondus » D'autres expliquent : « Tu n'écris que des sottises, car on ne peut avoir d'esprit avec un ventre comme le tien. » C était, en tout cas, une opinion courante que les gens obèses étaient peu intelligents, et le scoliaste a raison de citer ici le proverbe grec : FaTtr, p —ayj.'iot XîTTTOv o'j -zrAZZ'. voov : . ex uentre crasso tenuem sensum non nasci ». Calue : « tête chauve » ; le mot a la même va- leur que le uetule du v. 22.

57. Aqualiculus, etc. : on peut traduire: « avec une panse dont la saillie incline en avant d'un pied et demi ». I,e mot aquali- culus ne se trouve pas avant Perse dans la langue littéraire Isidore de Séville {Elym ,11 1, 136) le definii de la manière suivante : « Proprie ueuter porci est, hinc ad uentrem iranslatio »; n)ais on le trouve chez Végèce (Mulomedicina, 40, appliqué au cheval.

58. O lane ; « Heureux Janus » . la formule complète est chez Horace [Sat.,

1. 9, 11): « 0 le Bolane,cerebri j'elicem. » Perse félicite Janus de voir, grâce à son double visage, ce qui se passe derrière son dos. ~ A tergo quem, etc. : « Que jamais cigogne na frappé (ou ne frappe, car pin- sit peut être le présetit aussi bien que le paif. de pinsere) par derrière » : allusion au geste nio((ueur par lequel on courbait l'index comme un cou de cigogne, de manière à le diriger vers la personne dont on se moquait, en abaissant et en relevant par un mou\ement rapide les deux arti- culaiions supérieures (" ciconiariim depre- hendes post te colla curuari ■■ St Jér. : Episl. 125, 18 ad Rust mon. ; le verbe pinsere (pisere, pisare) signifie propre- ment ' broj'er avec un pilon » pistor, « le boulanger », c'est primitivement celui qui pile le grain). Plaute et Ennius l'emploient par métaphore dans le sens de frapper à coups redoublés (PI. : Merc, 416 : '< flagro pinsetur » ; Enn. : Ann., 351 Vahlen : « pinsunt terram genibus ») ; il peint ici les mouvements répétés du doigt courbé en cou de cigogne qui s'agite comme pour frapper le poêle ridicule Sulla ciconia : nulla équivaut à un non renforcé : cf. infra, 122 et 5, 120.

59 60. Dans ces deux vers, l'idée de coup s'applique, d'une manière purement figurée, à la raillerie elle-même : nec (pinsit) manus nec (pinsunt ou pinserunt) linguae .. : il j' a donc zeugma, à moins qu'on ne préfère admettre, avec M. Rasi, c\ue. pinsit a, au vers 58, une valeur pré- gnante pmsendo ou pinsens. irrisit, et suppléer irrisit avec nia/iiis, irriserunt avec linguae; cf. Riu di Fil., 35 p. 487,. Nous traduirons . « et qu'épargne une main... »

59. Imitari mobilis : « mobile à (ou pour) imiter », c'est-à-dire « dont les mouvements imitent ». Pour le tour, cf. Prol , 11 : artifex sequi. et la note. La

34

A PERSl FLACCI SATVRARVM LIBER

Ncc linguae quantum sitiat canis Apula tantae. 60

Vos, o patricius sanguis, quos uiuere ius est Occipiti caeco, posticae occurrite sannae.

« Quis populi sermo est ? » Quis enini, nisi cartnina molli Nunc deiuum numéro fluere, ut per leue seueros Etlundat iunclura ungues ? « Scit tendere uersum 65

NC. 60. linguae ou linquat (au lieu de linguae) Bob. tante P Bob. a : tantum 9 (parfois avec interversion de quantum et de tantum) ; Jahn éd. de 1843) signale une conjecture de C. Barlh : tentae. - 61. ius est P : fas est Bob 2 L'une des deux leçons doit provenir d'une glose ; mais laquelle ? Les éd. récents s'en rapportent à l'autorité (lu fragment de Bobbio et écrivent fas est. J'aurais fait comme eux si je n'avais pour principe de ne jamais m'écarter de P, hors le cas de faute évidente cf. Introd , p. xxvn . 63 populii au lieu de populi] Bob , par redoublement de l's initial de sermo. - 64. ej'fluere Val. f . 65. elj'undat (au lieu de effundat) Bob., faute qui laisse soupçonner la leçon ecfundat : cf. 3. 20 : ecfluis, avec laNC. - uaesis (au lieu de uersum) Bob., qui conduit à la leçon uersus 'f.

leçon imitata est (v. NC.) fait une cons- truction très gauche : » nec(cui, qu'on tire de queiii) manus... imitata est... nec (tui) linguae (fuerunt) tantae . » Auriculas albas : équivalent descriptif de aures asi- ni : cf Ov. : Met., 11, 176 « Aures... Trahit in spatiuni uillisque albentibus im- plet » : pour l'emploi du diminutif, cf. supra 22 et infra, 121.

60. Linguae, etc. . constr. : linguae tan- tae quantum canis Ap. sitiat: litl. : «des langues aussi longues qu'une chienne d'A- pulie a de soif » ; sitiat est, comme on dit, prégnant - sitiens promat ou exserat. Apula : il y avait très peu d'eau en Apulie. Pour le tour quantum... tantae, cf. Luc. : l'hars , 1, 259.: « quantum Rura silenl... tan ta quies » Le scoliaste semble faire de linguae tantae un gén. sing. dépendant de //laniis . '• une main de langue aussi longue ». cest-à-dirc « une main représentant une langue aussi longue, etc. » ; il dit en effet : ( Tria sunt gênera sannarum, ut manu signiticet ciconiam aut auriculas asini, aut linguam canis » ; voj'. Rasi, art. cité

61. Vos, o patricius sanguis : parodie d'Horace (Art poét , 292) : « Vos, o Pom- pilius sanguis » ; et, comme chez Horace, o est suividu nom. au lieu du vocatif. Quos uiuere, etc. '• dont la loi est de vivre avec l'occiput aveugle », c'est-à-dire : « vous qui n'avez point deux visages, comme .lanus Posticae, etc. : litt. « allez au devant de la grimace de derrière x, c'est-à- dire : « prenez garde à la grimace qu'on fait derrière vous » : « Occurrite » fait

avec « posticae » une alliance de mots. 63. Quis populi sermo est : quelqu'un, peut-être le poète amateur lui-même, ré- pond à Perse : « Tout cela est bel et bon, mais que dit le public ? » Quis enim, etc. « Que peut-il dire, répond Perse, ce public qui ne se plaît qu'aux harmonies molles (cf. supra, v. 19 et suiv.). sinon qu'on n'a jamais fait de vers aussi cou- lants ? » (On peut admettre aussi que la phrase est prononcée sur le ton de l'éloge et y voir la réponse empressée d'un flatteur à la question Quis populi sermo est posée par l'amateur riche ; mais le vers 69 {licce modo... docemus) me semble alors moins bien amené. Quis enim a ici la valeur de quisnam

63-64. Molli numéro fluere : nous di- rions : M ont un rythme doux et coulant »; nunc demum : <• maintenant enGn )j. Pen- dant longtemps, les délicats ont reproché à la versification latine sa rudesse, et non pas seulement les faux délicats : cf. Ho- race : Sat., 1, 4, 8 ; 10, 58-59 : Ep., 2, 1, 66 et 160 ; .4rt poét.. 263 et 274.

64-65. Vt per leue, etc. : litt. ; « de sorte que le joint rejette les ongles promenés sévèrement sur le poli » ; les marbriers, lorsqu'ils exécutaient un morceau de seulp ture ou d'architecture qui n'était pas d'une seule pièce, promenaient leur ongle sur les joints pour voir s'il n'y restait aucune inégalité ; d'où la métaphore ad unguem factus pour exprimer la perfection (Porphyrion : In Hor. Sut. 1, 5, 32). Perse veut dire que le public loue dans la ver- sification coutempoiaioe uue harmonie si

SATIRE I

3S

Non secus ac si oculo rubricani derigal uno, Siueopus in mores, in luxum, in prandia regum Dicere, res grandes nostro dat Musa poetae. » Ecce modo heroas sensus adferre docemus

NC. 6G. derigat P a : dirigat Bob. p ; Non secus atqiie oculo ruhricam dirigis unoGuyei. 67. Situe fan lieu de siue) Van Wageningen qui avait d'abord proposé elsi), con- jecture séduisante ; et prandia (au lieu de in prandia) z ; an prandia Passow, d après une leçon, d'ailleurs douteuse, d'un ms. de Heidelberg du xV siècle ; seu luxum et prandia Pinzger ; mais voj'. comment, explic. 69. heroos (au lieu de heroas Hau- niensis 2028 (xi" s.). docemus P Bob. : uidemus a p Val. sch.

parfaite que la critique la plus sévère ne saurait y relever aucune rencontre désa- gréable de sons, aucune dureté. La méta- phore e^unda/ s'appliquait bien à un che- val qui jette son cavalier à terre (T.-Liv., 22, 3, 11) ; elle indique ici fortement que l'ongle ne peut pas mordre le moins du monde sur le joint, tant le raccord est parfait.

65-60. Scit tendere, etc. Perse rapporte ici sous une forme directe, la louange que le public adresse au poète qui vient de lire une de ses œuvres.

66 Son secus ac, etc : « tout comme s'il dirigeait le cordeau avec un seul œil (c'est-à-dire en fermant un œil ») ; ent. que ses vers sont pour ainsi dire tirés au cordeau, autrement dit d'une régularité parfaite ; cf. la locution ad amussim et l'adv. examussim. Le cordeau du char- pentier, linea, était généralement frotté de craie rouge, d'où le nom de rubrica (pro- prement craie rouge) que Perse lui donne.

67-68. Siiie opus, etc. : on met d'ordi- naire un point après derigat uno. et l'on donne à siue la valeur de etiamsi (comme chez Tibulle, 1, 6, 21 : « Exibit quam saepe, time. seu uisere dicet sacra bonae maribus non adeunda Deae » ; cf. Prop , 2. 26. 29) : « Même s'il s'agit de s'attaquer aux mœurs, au luxe, aux repas des grands (c'est-à-dire de composer des satires), la Muse inspire à notre poète des choses su- blimes (dans un genre qui est, cependant, tout voisin de la prose »). Je crois, pour ma part, que siue est mis pour uel si, « ou bien si », ot qu'il faut entendre comme si Perse avait écrit . « Scit noster poeta ten- dere uersum. ., uel, si opus (est) in mores... dicere, (scit) res grandes excogitare » (cf. Térence : Andr., 190 : « Postule, siue aequum est, oro » ^ « Postulo, uel, si aequum est, oro »). Le public vient de louer la versification : il passe maintenant au

fond et félicite le poète de mettre dans ses lieux communs ce sublime dont nous avons déjà rencontré la mention ironique au V. 14 (grande aliquid). Les invectives contre les mœurs du temps et le luxe étaient un des thèmes favoris de l'école, celui peut-être qui revient alors le plus souvent dans les œuvres de toute nature ; il est pris ici comme type. Je traduirais : « Ou, s'il s'agit d'écrire un morceau contre les mieurs du temps, le luxe, les festins des grands, la Muse inspire à notre poète des choses sublimes. » (Je n'indique que pour mémoire l'interprétatiqn tirée des scolies : « Dans quelque genre qu'il s'exerce, comédie, satire ou tragédie, notre poète trouve du sublime » : elle force le sens de siue(voy. dans les NC. les corrections pro- posées pour écarter cette difficulté), celui de in, celui de mores, et même celui de prandia regum, appliqué bien arbitraire- ment au festin de Thj'este ou de Térée : reg^s, ici, ce sont les grands en général, et toute l'expression est un souvenir de Vepulis regum d'Horace (Sa/., 2, 2, 45); il faut y voir, en somme, un équivalent plus concret de luxum).

69 et suiv. Perse reprend la parole pour montrer à quel point le goût des admira- teurs de la poésie à la mode est corrompu. Il raille d'abord ces res grandes devant les- quelles on se pâme . « Du sublime '. je crois bien. Voici que nous encourageons aujourd'hui de simples écoliers à s'exercer dans les genres héroïques » (v. 69-78).

69. Modo = nunc : cf. Ter. : Adetph , 289 : « Modo dolores, mea tu, occipiunt primulum » et Cl Mamertin : Grat. actio Iuliano (dans les Panégyriques latins 31 : « Modo cnitendum est ut praemio dignus existimer ». Heroas sensus : « des pen - sers héroïques ». Pour le tour, cf. Prol., 13 : coruos poêlas, et comparez, chez nous, Molière : Misanth., v. 97 : « Ce chagrin

38

A. PKRSI FLACCI SATVRAKVM LIBEH

Nugari sulitos graece. nec ponere lucutu Artifices nec rus salurum laudare, iibi corbes Et locusetporci et fumosa Palilia faeno,

70

NC. 70. Sur la prétendue leçon de Bob., graeci voy. Inirod , p. xxiii. 72. fumusa Bob. Dans P. le premier li de Palilia a élé écrit (et, senible-t-il, par p) sur un grattage.

philosophe » (dans Vhcroas maints de Pro- perce. 2, 1, 18, heioas peut fort bien être le féminin de l'adj. heious) Perse songe- t-il à l'épopée seulement, ou bien à répoj)ée et à la tragédie '.' Les deux genres se sont présentés ensemble à l'espritdu poète dans la satire 5, 3-4. Je pense qu'il en est de même ici (cf. d'ailleurs v. 75 et suiv.). Adferre : « présenter (au public) » ; cf. Prol., 7 : « Ad sacra uatum carmen ad- fero ». Je ne crois pas qu'on doive cher- cher ici une métaphore tirée de la langue des agronomes, dans laquelle adjerrs signifie « produire » V'arron : R. R., 1, 8, G : « \'itis quae ostendit se ad/'irre uuam » : cf. Colum., 2, 17, 3 ; 4, 11, 3 ; 5, 6, 29. 11, 2. 91, etc ). Docemus : enl. : « on enseigne » : Perse d.l ici : « nous enseignons, comme il a dit, au V. 13, scribiriius, « nous écrivons », en par- lant des poètes qu'il raille ; ce n'est qu'une figure de style.

70-71. Sugari solitos graece, etc. : « des adolescents qui n'en sont qu'à composer de petites pièces de vers en grec et qu'on n'a encore exercés ni à décrire (en vers latins) un bois sacré ni à faire l'éloge de la cam- pagne ». Si, au vers précédent, on lit uideiinis au lieu de docemus (v NC.j, ceci peut s'appliquer à d,es amateurs de tout âge qui, pendant longtemps, se sont bor- nés à composer de courtes pièces en grec, sans mémo essayer de traiter en vers latins les théines descriptifs les plus élémentaires,' et qu'on voit aujourd'hui s'improviser poètes épiques et poètes tiagiques. Mais le Hos pueris monitus putriiS infundere du V. 79 est alors moins bien préparé. Nugari graece =■ graecos facere uersuulos Hor. : itat , 1, 10, 31 ; sur l'emploi de iiugari. cf. supra, 56, et la noie. Po- nere... artifices : pour le lour, cf Prol., 11 : ariifex sequi, et la note. Ponere, « mettre sur pted, camper », sedisait proprement des sculpteurs et des peintres (voy Hor. Od., 4, 8, ()-8 : {I Quas aut Parrhasms prolulit aut Scopas.. sollcrs nunc hominem ponere uunc deum » : cl". Art poél., 34 et Ov. :

Ars amal., 3, 401); mais on l'appliqua en- suite, par métaphore, aux écrivains Juv., 1, 155 : « Pone Tigellinum ;. Lucum : sur ce lieu coninuin, cf. Horace : Art poél., 15-18 : « Purpureus, late qui splen- deal, unus et aller Adsuilur pannus, cum lucus... Dianae... describitur », et Juv., 1. 7-8 : " Nota magis nulli domus est sua, quam mihi lucus Martis ».

71-72. Rus saturum : sàtur est pris ici dans le sens de fertile, comme chez Vir- gile : Géorg., 2, 197 : satnn. Tarenti. Cf. nos expressions « une gla^se cam()agne,de gras pâturages ». L'éloge de la campagne était peut-être le thème descriptif le plus souvent traité, en vers ou en prose Horace le signalait déjà comme un des ornements ordinaires de l'épopée sans inspiration (voy. Art poél., 17-18: properantis aquae per amoenos ambiius agros... describi- tur »). Perse veut dire, je pense, qu'on pousse es écoliers vers la haute poésie avant même (ju'ils soient préparés à traiter les lieux communs dont les poètes mé- diocres se font une ressource.

71-75. Vbi corbes, etc. Le lieu commun sur la vie rurale, lorsqu'il était traité en latin ramenait mécaniquement l'éloge des mœurs antiques et des vieux Romains. Perse le tourne en ridicule en énumérant quelques-uns des détails qu'on y retrouvait sans cesse.

71. V'n : se. rus ubi sunt, etc . Cor- bes : peut-être les co beiUes des moisson ntuis. corbes nn'ssoriae.

72 Fociis : le foyer près duquel le paj'- .■■an se chaull'e en hiver (cf. Virg. : Hue 7. 49 et suiv. : « Hic /'ocus..., hic plurimus ignis semper..., Hic lantum Lloreae cura- mus t'rigora, quantum... numerum lu- pus »). Porci : les vieux Romains éle- vaient beaucoup de porcs. Le jambon et le lard étaient pour eux la nourriture des jours de fête : cf. Juv , 11, 82-85. Fu- mosa Palilia faeno : « les Palilies qu'enfume le foin enflammé ». On sait que les bergers célébraient la fête delà déesse Paies, leur patronne cf. Ov. : Fusl,, 4, 721 et suiv.;

SATIRE I

37

Vnde Remus sulcoque terens dentalia, Quinti, Cum trépida ante boues dictatorem induit uxor

NC. 73. Sulcosque (au lieu de sulcoque' Bob. dentalia Bob. x : dentialia P ; dentilia p. 74. Cum P sch. (cf. Sidoine Apollinaire : Carm 7 382-384 : « Sic..., Cincinnate, uenis, ueterem cum le induit uxor Ante boues trabeam ») : quem Bob. a p Val. Il est possible, au demeurant, que cum soit une vieille correction amenée par I anacoluthe « Qiiem... induit uxor Et tua aratra .. lictor tulit » ; mais il me paraît plus vraisem- blable que quem ait été substitué à cum, parce que la construction cum... dictatorem induit aura semblé gauche ou dure. dictatorem Bob. P a : dictaturam p Val. (=r uestem dictatoriam) : mais on ne cite pas d'exemple avapt Stace, Silu.. 2, 7, 124, d'int/uei'e construit avec deux accusatifs ; il est vrai qu'on peut voir un développe- ment de remploi, très classique en poésie, du passif moyen induor avec l'ace. (Virg., En., 2, 393 ; 7, 640, etc ) ou une imitation directe du tour grec èvO'jE'.v zvii z'.. Le Patisinus 8048 et les scolics sur Claudien (In Ruf., 1, 202) donnent la le(;on << cui .. dictaturam ind. ux. » dans laquelle cui est évidemment une correction.

en sautant par-dessus des tas de paille enflammée (voj'. Tib , 2, 5. 87-90 ; Ov : Fast.. 4, 781-782 : Prop , 4, 4, 77-78 et 4. 1, 19 : « Annuaque accenso celebrare Palilia faeno ))).

73. Vnde, se uenit. Le jour se célé- braient les Palilies (21 avril) était, disait- on, celui de la fondation de Home (cf. Ov. : Fast., 4, 801 et suiv. ; de fait, le Pa- latin tirait peut-être son nom d'un vieux sanctuaire de Paies) De la description de cette fête, le passage était donc facile, dans le lieu commun sur la campagne, à Ro- mulus, à Remus et aux grands hommes des premiers siècles (cf. d'ailleurs Virg. : Géorg., 2, 533 : « Hanc olim uetercs uitam coluere Sabini. Hanc Remus et frater », à la fin de son tableau de la vie champêtre Sulcoque, etc. : ent. : « et unde uenisti tu, Quinti, terens dentalia sulco cum, etc. » : l'apostrophe était une figure faini- lièrc aux poètes du temps ; pour le change- ment de tournure, cf. ^'irg. : En., 7, 684 : « Quos diues Anagnia pascit, Quos, Ama- sene pater ». Dentale désigne propre- ment la pièce de bois à laquelle le soc (uomer était fixé Ici le mot s'applique par métonyniie au soc lui-même ; sulco terens denlulia signifie donc « ijolissant le soc par le ^frottement du sillon " (cf. Virg. : Géorg., 1, 46 : « Su/coque attritus splen. descere uomer ») : c'est une périphrase pour dire arans. Quinti ': L. Quintius (ou, mieux. Quinctius) Cincinnatus, consul en 460 av. J -C, dictateur en 458, vain- queur des Eques dictateur une seconde fois en 439, à l'âge de 80 ans. Il ne possédait, selon Tite-Live (3, 26, 8) que quatre arpents au delà du Tibre, s'é- tant ruiné en 461 pour payer la caution

de son fils Caeso Quinctius, un des chefs de la jeunesse patricienne, qui s'était sous- trait par un exil volontaire au jugement des comices tributes convoqués par le tri- bun A. Verginius (Liv. 3, 13 9-10). Cin- cinnatus était avec Atilius Serranus (\'al. Max., 4, 4.5; Pline. N.H , 18. 20) le type de ces grands hommes d'autrefois, « pris à la charrue », dont l'éloge avait sa place dans tous les lieux communs sur la \ieille Rome et dans le thème célèbre de la pau- vreté (Val. Max., 4, 4, 4 : « Illi etiam praediuiles, qui ab aratro arcessebantur ut consules fièrent ? » Cincinnatus est nom- mé ibid. 7 ; cf. Sén. le Père : Con/r. , 1, 6, 4 : « Quid tibi uidenlur i7/i ab aratro, qui paupertate sua beatam fccere rem pu- blicam / »)

74. Cum se rattache directement à den- talia terens : Cincinnatus était en train de travailler son champ lorsqu'on vint lui annoncer qu'il était nommé dicfaleur. Voy. Liv.. 3. 26,9-10: " Ibi (se. in agro) ab legatis, scu fossam fodiens palae innixus seu cum araret .., sainte data inuicem reddilaque rogatus, ut, quod bene uerte- ret ipsi reique publicae, togatus mandata senatus audirel, admiratus . togam pro- père e tugurio proferre uxorem Raciliam iubet. Qua simul. . uelatus processit, (iiV- tatorem eum legati gratulanles consalu- tant. » Trépida : « qui s'empresse » cf. propere, dans le texte de Titc-Live cité ci- dessus . Dictatorem induit ': ent. : te .induit dictatorem. « te revêt de la toge , toi qui viens d'être fait dictateur » : le récit de Tite-Live éclaire tout à fait le sens ; il n'y a pas lieu de donner à dictatorem une valeur proleptique et d'interpréter « te re\ê\. (de manière à te faire) dicta-

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A. PERSI FLACCI SATVRARVM LIBER

Et tua aratra domuni lictor tulit. « Euge, poeta Est nunc Brisaei quem uenosus liber Acci,

75

NC. 76. Brisaei est écrit brisei i=z Bpuctoj) dans plusieurs inss (Bob. P et A entre autres) ; d"où la conjecture Briseis, proposée par L.-Io. Scoppa (qui lit aussi quem et : un humaniste l'avait déjà introduite dans le Vaticaniis n' 5390 (xv« ou xvi' s.). Mais l'cxislenci" d'une Briseis d'Accius n'est confirmée par aucun texte. Il avait, il est vrai, composé un Achille. Quam A^. Acci Bob. P a; accii p.

teur », c'est-à-dire « te revêt du costume dictatorial, de la trabée » ; Sidoine Apol- linaire (v. NC.) s j- est mépris. Par consé- quent, la leçon dictaluram =- uesteni dicta- tortam (v NC) est à rejeter. D'autre part, l'ellipse de te est adoucie par le vocatif Quinti et l'adj. possessif /ua. Elle a cepen- dant paru trop dure à certains éditeurs qui ont accueilli la leçon quem (v. NC ) : mais cum, nous l'avons vu, se lie très bien avec terens. On pourrait, d'ailleurs, sans rien sous-entendre, interpréter : « lorsque ta femme, qui s'empresse, revêt (de la toge> le (nouveau) dictateur » ; mais la première explication répond mieux, il me semble, au mouvement général de la phrase.

75. Et tua aratra domum lictor tnlit : d'ordinaire, c'était Cincinnatus lui-même qui rapportait sa charrue chez lui. Euge, poeta : « Bravo, poète 1 <• Cette excla- mation est préparée par le docemus du v. 69 : Perse nous fait entendre les louanges qui encouragent les écoliers dans leurs essais puérils de haute poésie. Pour euge, cf. supra. 49.

76-78. Est nunc, etc. : l'œuvre acclamée est une tragédie : les admirateurs du jeune poète se demandent si, maintenant qu'un pareil chef-d'œuvre existe, Accius et Pa- cuvius trouveront encore des lecteurs. Beaucoup d'éditeurs pensent que la phrase est non pas interrogative, mais aflirmative (cf. Hor. : Ep., 2, 2, 181-182 : . Vestes Gaetulo murice tinctas, sunt qui non ha- beant, est qui non curât habere » : mais il y a une antithèse entre .sunt qui et est qui). En ce cas, c'est Perse lui-même qui acclame ironi(|uen)cnt le poète ridicule et s'attaque ensuite, sans transition, à celte manie de l'archaïsme dont Tibère et Cali- gula avaient donné l'exemple (Suét. : Aug., 86 ; Quint., 1 , 5, 63) et que Sénèque a raillée (Epist . 114, 10 et 13). Il me sem- ble que cette sortie contre les orchaïsants, outre qu'elle serait très mal amenée, ne s'accorderait pas avec l'esprit d une satire

dirigée contre lélégance factice et énervée de la poésie contemporaine ; pour les amateurs d'archaïsmes, l'emploi des vieux mots n'était qu'un artifice de plus : mais cet artifice s'inspirait d un art qui, dans son emphase naïve, avait de la virilité , on ne voit pas comment il pourrait devenir tout à coup, aux yeux de Perse, le vice dominant et le plus aimé, celui qui jette les petits maîtres dans des transports de joie (v. 80-82).

76. Brisaei... Acci : « de ce Bacchus barbu d'Accius » ; à côté du type asiatique de Bacchus éphèbe existait le type ar- chaïque de Dionysos barbu, auquel s'ap- pliquait, selon Macrobe (Saturn., 1, 18, 9), le surnom de Bs'.TîJç Brisaei suppose l'existence, à côté de Bo'. JîJc de la forme Bo'.TaTo;; attestée, d'ailleurs, par Etienne de Byzance, s. u. HoÎTa ; sil'on maintient la leçon Brisei (v. NC.|, il faut peut-être en- tendre, tout simplement : a que Briseus. c'est-à dire Bacchus, inspire »|. Le mot Bris^aeus est à double sens : il fait allusion à l'origine dionysiaque de la tragédie ; mais il rappelle en même temps l'emploi des adj barbatus et intonsus au sens de » vieilli, suranné » : les vieux Romains portaient toute la barbe (Pline : xV. //., 7, 5, 211. nous dit que selon Varron les premiers barbiers vinrent de Sicile en Italie, l'an 454 do Rome = 300 av. J.-C. ; cf Cic : De fin., 4,23, 62 : « .. quodanti- qui illi, quasi barbati..., crediderinl » et Hor. : Od., 2, 15. 11-12 «... intonsi Cato nis Auspiciis... ». Venosus liber Acci : « la tragédie aux veines saillantes d'Ac- cius ». L'épilhète uenosus s'applique pro- prement au corps desséché d'un vieillard : il faut donc entendre non pas seulement (( vieillie », mais « décharnée » (cf Dialog. des Orat., 21 : v Pacuuium certe et Attium non solum tragoediis, sed etiam oratioui- bus expressit : adeo durus et siccus est. Oratio autem, sicut corpus hominis, ea demum pulchra est, in qua non einiiient uenae, eic »). I.iber = fabula : ii une

SATIRE I

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Sunt quos Pacuuiusque et uerrucosa moretur Antiopa. aerumniscor luctîfîcabile fulta ? » Hos pueris monitus patres infundere lippos Cum uideas, quaerisne unde haec sartago loquendi

NC. 77. pacuuiusque P z : pacuiusq. Bob. 78. antiopa P a : antiope Bob {erumnis a) P : aerumnisi Bob. - 79. patris Bob.

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aerumnis

pièce » (cf. Quint., 1, 10, 18 : « Arislo- phanes quoqiie non uno libro demons- trat »), ou peut-être, collectivement, « les pièces ».

77-78. Verrucosa Antiopa : •< L' Antiope verruqueuse ». L'expression est à double entente : .Antiope. fille de Nycteus, roi de Thèbes. fut aimée de Zeus. Enceinte, elle fut chissée par son père et se relira à Sicj'one, auprès d'Epopeus, qui l'épousa. Nycteus s'était tué de désespoir, mais en mourant, il avait recommandé à son frère Lycos de tirer vengeance d'Aiitiope et d Epopeus. Lycos marche contre Sicyone, s'empare de la ville, fait mourir Epopeus et emmène prisonnière Anliope, qui, en route, met au monde deux jumeaux, Zéthos et Amphion. Ramenée à Thèbes, Antiope y est tenue dans une étroite capti- vité par Lycos et par Diicé, femme de ce dernier. L'n jour, ses liens se défont mer- veilleusement, elle s'enfuit et retrouve ses fils qui la vengent en égorgeant Lycos et en attachant Dircé à un taureau sauvage. La fable d' Antiope avait été mise à la scène par Euripide, dont Pacuvius avait imité la tragédie (voy. Cic : De Fin , 1, 2, 4). La captivité de l'héroïne était, dans l'œuvre du vieux poète lalin, un des épisodes im- portants : il nous montrait Antiope dans sa prison « inluuie corporis Et coma pro- lixa, impexa. conglomerata alque horrida » (fragm. de Pacuvius cité par le scoliaste ; cf. fr. 5 (9) Ribbeck : « perdita inluuie atque insomnia »et Lucilius, 597-600 Marx) Ferrijcosa Antiopa, c'est donc Antiope elle- même dont le corps est abîmé par les mauvais traitements et le manque de soins, mais c'est en même temps la tragédie de Pacuvius, dans sa rudesse archaïque, et surtout dans sa boursouflure. Moretur : H retienne », c'est-à dire « charme » (cf. Hor. : Art poét., 320-321 : « Fabula nul- lius ueneris .. Valdius ohleclat populum meliusque moratur Quam uersus inopes. ») Cor luctificabile est un ace. de relation; on pourrait entendre : - dont le cœur na- vré n'a d'autre appui que ses tourments

(c'est-à-dire ne voit autour de lui que des misères^. Mais il semble que fulla signifie plutôt pressée de tout côté, par une meta phore tirée de l'architecture : les colonnes qui supportent un édifice lui font comme une ceiniure étroite (cf. Prop., 1, 8, 7-8 : " Tu pedibus teneris positas fulcire (= premere) pruinas... potes » ; on rap- proche aussi Eschj'le Agam., 64 :

« '^rj^x-ZO^ XOvia'.T'.V ÈpîtOO|J.ivO-J » et

fragm. 382 : « Oi 3-£va-.'(JL0'. -iôv -novw/ ioîi'jaatx »). On ne peut dire si h s mots aerumnis cor luctificabile fulta sont un emprunt littéral à Pacuvius ou seule ment une parodie. Les grands mois du vieux poète (repandirostrum, incuruicerui- cum, prolixiludo, nizni/ati7i'(er, etc) étaient célèbres. Lucilius les avait déjà raillés (voy. 608 Marx : « mirum ac monstrifica - bile » : ce dernier mot a pu servir de mo- dèle à luctificabile).

79. Monitus est ironique ,ci. supra, 69 : docemus) : ent. : " Quand ce sont les préceptes qu'on voit les pères donner à leurs fils », c'est-à-dire : a Lorsque les pères donnent à leurs fils, en guise de leçons, des encouragements de cette es- pèce. - Pueris woniltis infundere : on disait infundere orationem in aures 'Cic. t De Orat., 2, 87, 355); mais la métaphore rappelle en même temps la locution infun- dere alicui uenenum ,Cic. : Pliil., 11, 6, 13 . Lippos fait un jeu de mots : ils ont les yeux abîmés par la débauche (cf. 2, 72 et 5, 77), et cela entraîne chez eux une sorte de cécité mentale.

80. Quaerisne, etc. : M. Peut on deman- der d est venu, etc. «, c*e,st-à-dire qu'il ne faut pas chercher ailleurs que dan.«: cette éducation déplorable la source du mauvais goût régnant. Haec sartago loquendi : lilt : « cette friture du lan- gage ». Haec, celle qu'on voit présente- ment (Sartago, c'est proprement la poêle à frire : Plin. : X. /i., 16, 55; cf. Juv., 10. 64.) L'expression ne signifie point, comme certains le veulent, » ce confus mélange de mots, ce stj-le bigarré i , mais

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A. PERSI FLACGI SATVRARVM LIBEH

Venerit in linguas, unde istud dedecus, in quo Trossulus exultât tibi per subsellia leuis ? Nilne pudet capiti non posse pericula cano Pellere, quin tepidum hoc optes audire « Decenter » ? « Fur es », ait Pedio. Pedius quid ? crimina rasis

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NC. 81. inguuH (;iu lieu de iingiias) Hob. istud p : istul P ; l's/uc Bob. a. 82. insultai (au lieu de exultât) \'al. 83. Xihilne Bob. 84. os hoc (au lieu de hoc) Bob. 85 fure salis (au lieu de fur es ai/) Bob. qui au lieu de quid Bob. rasis P Bob A^ : rosis a.

bien « ce vaiu cliquetis de mots » ; on en trouve dans les scolies une bonne para- plirase : « Sar/agro meta phora pr.ogarruli- talisardore (siridore?) et argutiaesine sen- su, qualis est strepitus sartar/inis » C'est le grand reproche que Perse fait à ses contem- porains : ils ne se préoccupent que du son.

81. Venerit in linguas : « est venue sur les langues », c'est-à dire s'est introduite dans la manière de parler de chacun ( - uenerit in sermonem omnium . /;i lin- guas, non in stilum : il s'agit d'œuvres composées pour être lues en public. Le tour est analogue à ucnire in mentent : cf. 4, 48 « in penem uenit » ; Istud dedecus : « ce scandale », c est à dire ce langage qui ré- volte à la fois le goût et la morale, étant indigne d'un homme vi aiment homme (cf. infra, 87; 103 et suiv.).

81-82. In quo... exultai : in a ici le sens de à propos de. concernant 'cf. Hor : Od., 1, 17, 19 : « laborantes in uno »). On peut traduire : « qui fait bondir de joie ». cf. supra, 20 « Irepidare... Titos ». Tros- sulus était, d'après les scolies, un vieux nom des chevaliers romains Et Varron dit, en effet (v. Nouius, p 49 = Varr., Menipp , 480 Bûcheler) : <• Nunc emunt trossuli nardo nitidi uulgo Atlico t;;lento ecum. » Mais ce texte montre bien que, dès l'époque de Varron, le mot avait pris une signification défavorable et désignait la jeunesse dorée, les petits maîtres. Sé- nèquc l'emploie en ce sens (Epist , 7G, 1 et 87, 9). Tibi: datif» éthique - : voy. Biem. : Synl. lat., ^ 46, c ; eut : in <iuo iiideas, etc. Per subsellia les auditeurs avaient des sièges ; voy. Dial. des Orat., 9 : (I domum mutuatur et auditorium exstruit et subsellia condueit ■■ , cf .Juv., 7, 86 : 1 Sed cum fregit subsellia uersu » et ibid., 45. Leuis, non pas seulement, comme chez Horace, Od.. 4. 6. 28 : « au

visage lisse » c'est-à-dire sans barbe, mais « épilé » l— leuigatus : cf. Juv., 9, 95 : « pumice leuis ») .' c'est une allusion aux mœurs efféminées des élégants de Home (cf. 4, 39 et les notes).

83. Nilne pudet, etc. : ent. que le désir de faire acclamer des phrases bien balan- cées poursuit les Romains même dans leur âge mûr. même devant les tribunaux, même quand ils ont à défi-ndre leur hon- neur et leur vie et qu'ils devraient rougir d'une pareille folie. Capiti... cano : da- tif d'avantage, qui équivaut ici à l'abl. d'éloignement . cf. ^'irg : Bucol , 7, 47 : n Solstitium pecori defendite » et Géorg., 3, 154: « Hune quoque... arcebis grauido pecori. » Periculum s'employait cou- ramment en parlant du danger couru par un accusé cf. Cic. : Pro Mur., 4, 10 •> Pro ainici /)ericii/o dicere ». Cano : c'est une circonstance aggravante : il devrait y avoir, sous une tête blanche, plus de sagesse. Quin... optes : « que tu ne sou- haites », c'est-à-dire sans souhaiter. Tepidum hoc... « Decenter »,« ce tiède Fort bien ! », ent. : « cette acclamation lancée par un auditoire qui n'est pas vraiment touché » (au lieu de tiède, nous dirions plutôt fade ou banal). Pour le tour. cf. supra 49 : Kuge tuum. Decenter ^= pnlchre (Hor. : A. P., 428 : « clamabit enim : << Pulchre, bene, recte !>.

85. Ait se aliquis ;ent accusator ait . ce n'est pas tout à fait l'emploi rencontré supra. 40. Pedio : datif : ■■ à Pédiiis ». 11 s'agit vraisemblablement de Pédius Blaesus, accusé par les Cyrénéens, en l'an- née 59 a p. J -C. d'avoir pillé le trésor d'Esculape et de s'être laissé corrompre dans les enrôlements par l'argent ou par la faveur (Tac : Ann., 14, 18) : « Fur es » s'applique fort bien au personnage. Pedius quid '.' se. ail ou rrspondit.

SATIHli I

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Librat in antithetis, doctas posuisse figuras

Laudatur : « Bellum hoc I » Hoc hélium ?an, Uoniule. ceues ? Men moueal ? quippe, et, cantcl si nauliagus, assem Prolulcriiu. Canlas, cum Iracla le in liahe picluni

N'C. 86. doctas tous les mss : doctiis Scaliger, dont la conjecture paraît probable à Casiiiibon. Gujet et Bentley ; le mol gouvernerait posuisse et la construction anor- male posuisse laudulur disparaîtrait. - 87. laudalur p : laudaiu V ; laudalus Bob. ; laudatis a (voy. Introd p. xxiv) ; bellum hoc hoc bellum Bob. P . hélium hoc hél- ium a ; bellum hoc bellum est f (correction malheureuse du texte d'x, pour rétablir le mètre) ; ceues P a : cetes Bob. : dues p ; ciisas A- (glose : cf. scol. de Juv., 6 322 : « crisare mulierum, ceuere uiroruni est »). 88. moueat P : mobcat Bob. ; moneat a.

85-86. Crimina rasis librat in antithetis : nous dirions : « Il met les accusations dans la balance d'antithèses bien limées » ; c'est-à-dire que, au lieu de réfuter sim- plement les accusations de son adversaire, il n'j' voit qu'une matière pour des anti- thèses savamment balancées. Rasis est sans doute un équivalent de lima rasis (Ov. Pont, 2. 4, 11) =liniatus, que Cicé- ron emploie couramment au sens figuré.

86 87 Doctas posuisse figuras laudatur ^= laudalur doctas quod posuerit figuras : « on le loue d'avoir mis sur pied des figures savantes ». Dans un passage de l'Enéide (2, après le v. 566), qui manque dans les bons manuscrits, nous lisons [v. 19 et 20 du morceau) : « Extinxisse nefas tamen et sumpsisse nierentis Laudu- bor poenas. » Il \ a une construction analogue à l'emploi bien connu du passif personnel des verbes signifiant accuser ou excuser suivi de l'infinitif (Cic. Pro Rose Amer., 13, 37 : « Occidisse patrem Sex. Roscius arguifur » ; Pro Mil.,\8, 47 : « I.iberatur Milo non eo consilio profectus esse ut insidiaretur Clodio » ; PhiL, 5, 5, 14 : Il Si Lj'siades cilatus index non responderit excuseturque Arcopagiles esse, etc. ». (^omme ces verbes, /auJor contient implicitement un sens déclaratif ( u dicor cum laudibus »). Posuisse : cf. supra, 70. la note suryjonere.

87 " Bellum hoc .' » . c'est ce que dit l'auditoire. Hoc bellum ? a Vraiment '.' vous trouvez cela beau ? " : réplique du poète. .-in ; •• ou bien est-ce que par hasard / •> cf. supra^ 41 et la note. Romule : c'est ici le Romain en général, le Romain de vieille souche cf Catulle. 29, 5 : " Cinaede Romule, haec uidebis et feres '.' ". vers dont Perse s'est souvenu ici. Ceues =^ dunes agitas [Gloss. lat..

5, 616, 40 et cf. NC.) : expression d'une brutalité voulue pour dire cinaedus es : « n'es-tu donc plus qu'un mignon '.' »

88. Men moneat ? quippe. etc. : <• Cela pourrait-il m'émouvoir V Oui, et je don- nerais tout aussi bien un as à un naufragé qui chanterait. » Pour la construction, cf. Cic. De Orat , 2, 54, 218 : « Leue nomen habet utraque res ? Quippe, leue ein'm est, etc. ", et, pour la valeur ironique de quippe. Plant. : Epid.. 618 : <■ Habe bo- num animum Quippe ego, quoi libertas in mundo silast île sens premier du mot paraît être « comment en serait il autre- ment - : voy. Fest., p. 306, 21 Lindsaj' : « Quippe significare quidni testimonio est Ennius Quippe soient rcgcs omnes in rébus secundis. ») 11 paraît moins conforme à l'emploi ordinaire de quippe de lire Men moueat quippe et... protulerim 'f et d'entendre ' « Mais peut-être un naufragé qui chanterait pourrait m'émouvoir et, etc »

89-90. Fracta te, etc. : On sait que les naufragés réduits à la mendicité, ou les mendiants qui se donnaient pour tels, por- taient un tableau représentant leur nau- frage (cf. Hor. -.A. P., 19-21 ; Perse. 6. 32-33; .luv., 14, 301 302). - Fracta... in trabe ptctum : ent. : « représenté sur vaisseau brisé, sur les débris du navire », et non pas « représenté sur un fragment de poutre (auquel tu t'accioches »), moins encore « peint siu- un tableau fait d'un morceau de bois détaché du navire » : trabs est un synonyme poétique de nauis (cf Hor : Od , 1, 1, 13), qu'on retrouve 5, 141 et 6. 27 (trabe rnp/u); et, d'autre part, rien ne prouve, quoi qu'en ait dit Jahii, que l'usMge fût. pour les naufragés, de se faire peindre sur une planche sauvée du naufrage.

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A. PERSI FLACCI SATVRARVM LIBER

Ex umero portes ? uerura nec nocte paratum Plorabit qui me uolet incuruasse querella.

« Sed numeris décor est et iunclura addita crudis. Claudere sic uersum didicit « Berecyntius Attis »,

90

NC. 90. portes Hob. P. (e sur gratlage) a : portas p z (maisvoy. comment, explic ). 91. plorauit et querellas Bob. 92 crudis P A"-* : rruris Bob. a. 93. claudere P Bob. : cludere a. sic P Bob. Val. : si a. didicit Bob p A''^ : didici P ; dedicit % ididicit uersum '.f).

90. Ex umero cf Virg. : En., 6, 301 : « F.r unieris. . dcpendet amiclus.» Cum : « alors que ", avec valeur concessive : d'où le Mibjonclif. Veruni nec iiocle parntum, etc. : ent. : « Il faut que sa plainte soit vraie, et ne soit pas le fruit de ses veilles » ; pour la pensée, cf. Hor. A. P., 102-103 : « Si MIS me flere dolenduni est primuni ipsi tibi » et, pour le tour nerum... plora- bit, Ov. : liem. d'am., 639 : « flens ancil- lula ^cNini »; d'ailleurs, l'emploi de l'ace, adv. est fréquent chez Perse (3, 21 : so;ia< uitium ; 4, 34 : acre despuit : 5. 25 : soli- dum crepare ; ihid., 106 : inendosum tin- niat : 190 : crassum ridet ; 6, 35 : spirare surduni) : Incuruasse = mouisse ou flexisse : cf. Hor : Od.. 3. 10, 13-17 : « O quamuis neque te munera nec preces... Nec uir Pieria paelice saucius Curual. sup- plicibus tuis Parcas »: Sén.: De ira. 3, 5, «S : « Non est magnus animus quem incuruat iniuria » (et aussi Epist.. 71. 26). Pour l'emploi de l'inf. parf , cf 41-42 et la note

92-106. Perse a montré (v 69-91 cequ'il faut penser du sublime des auteurs à la mode. Il a laissé jusqu'ici sans réponse directe les éloges qu'on donne à 1 élégance coulante des vers contemporains (voy. V. 63-66) I' y revient maintenant.

92. Sed : Perse rend la parole à l'admi- rateur de la poésie à la mode. Numeris décor, etc : ent. « décor additus est et iunctura numeris crudis ». Crudis : litt « indigestes » ; ent : « on a mis dans la mesure des vers, qui, jusqu'ici, étaient rehutints (pour l'oreille) de la beauté et un parfait assemblage» : lu/ic/uro comme au V 65 : il n'y a plus de heurt, tous les raccords sont impeccables.

93-95. De mèm<; que l'Enéide est dési- gnée au V. 96 par le début de son premier vers : « Arma uirum », l'interlocuteur de Perse énumère d abord trois poèmes qu'il désigne soit par un fragment du premier

vers, soit par une des expressions les plus saillantes : cf. Cic. De fin., 1, 2, 5 (citant le début de la Médcc d Ennius) : « An Viinam ne in nemore nihilominus legi- mus quam hoc idem graecum ? r Ces poèmes, dit-il, <■ ont appris à remplir le vers de la sorte », c'est-à-dire avec la per- fection métrique qu'il \ ient de louer. La personnification qui substitue, comme su- jet de didicit, les poèmes aux poètes n'est guère plus hardie que celle qui nous montre un peu plus loin 'v. 105-105 la Ménade et Attis frappant le rebord du lit de travail ; et l'analogie est d'autant plus grande que le premier sujet de didicit, c'est « Berecj'nlius Attis ». Claudere... uersum : « fermer le cercle des vers, en remplir la mesure », donc : « arrondir le vers » ; cf. le sens de conclusio, dans le langage de la rhétorique : " la période ». Horace, qui dit Sot.; 1, 4, 40 : concludere uersum, emploie Sat., 2, 1, 28 et 1, 10, 59) claudere dans le sens même que Perse donne ici à ce mot. Berecyntius =^ Phryyius : la légende d'Attis ou Alys se rattachait au culte phrygien de CA'bèle, la déesse du mont Sipyle, du Diiid3'me, du Bérécynle. Cybèle, éprise de ce beau jeune homme et jalouse de lui, l'a obligé à se dépouiller de sa virilité et a voulu qu'il se consacre tout entier à son service. Il est le premier et le chef des Galles, prêtres eunuques de la déesse. Le poème cité ici et les deux autres sont vraisemblablement des œuvres aloi-s en vogue. <■ Dicit hos uersus Xeronis, lisons-nous dans les sco- lies, in baec nomiiia desinentes. » Et Dion (]assius nous dit ('il, 20) que Néron avait déclamé dans une fête, en s'accompagnant sur la cithare, un poème d'Attis ou des Bacchantes. Mais il n'indique pas expres- sément que le morceau fût de la compo- sition du prince, et les seolies nous offrent ici des témoignages conti-adictoires Hi uersus, v trouvons-nous encore..., sunt...

SATIRE I

48

El « qui caeiuleum dirimebat Nerea delphin »,

Sic (I Costani longo subdiixiimis Appennino ».

« Anna uirum », nonne hoc spuniosuni et corlice pingui,

95

NC. 94. delphin P. Bob. A- : delpbi a. 9ô. sic Bob.\'al. et Oxoiiiensis bibl BodI. Auct F. I.IT) : si P a (cf. Introd., p xxiii et xxx appeiiino (au liou de appennino Bob. 96 coriice P Bob. A- Val. : uertice a- 97. uegrundi Porpbyriou (Hor. Sat., 1, 2, 129) et Servius : En., 11, 553: praegrandi P Bob. i Val. ; on ne peiil guère révoquer en doute le témoignage de Porphyrion, qui porte directement sur le mot, rapproché du uepallida d'Horace (I 1.) ; praegrandi, que nous trouverons au vers 124, se sera substi- tué de bonne heure à un mot rare et d'intelligence assez dillicile.

poetae nescio cuius graecissantis » ; cf. d'ailleurs mes notes sur le S 10 de la Vita Persi}. Au demeurant la légende d'Attis semble avoir été uu thème consacré dans la poésie de tradiiion alexandrine Ca- tulle l'avait traité dans le rythme galliam- bique (Carm., 63) et Martial écrit (2, 86, 4-5) : « Nec dictât mihi luculentus Attis Mollem debilitate galliambon. »

Il y a une autre manière de ponctuer et d'interpréter les vers 93 95. Perse nous ferait entendre le public vantant la tech- nique d'un poète contemporain (cf supra, 65 : « sci/tendere uersum) : « Notre poète a appris, etc » ; claudere ne s'appliquerait qu'aux chutes de vers Berecgntius Attis, Xerea delphin, Appennino, les deux pre- mières formées de mots grecs, la troisième spondaïque ; sic, au vers 93 et au vers 95, n'aurait pas la valeur de cum décore et iuncinra, mais servirait à introduire les citations (=. « de la manière suivante »). C'est très acceptable; mais, autant il est facile de suppléer, au vers 65, le sujet de scit, autant l'ellipse, ici, après le long développement formé par les vers 69-91 serait dure D autre part, claudere n'aurait pas le sens que les rhéteurs et les poètes lui donnent ordinairement. Enfin Perse ne retiendrait l'attention que sur la chute des vers, alors qu'il estime tout le reste également affecté.

94. Qui caeruleum, etc. « Le dauphin qui fendait Nérée aux flots d'azur » Nereus est mis pour mare : cf. Tib., 4, 1, 58 et Ov. : Métani., 1, 187).

95 Sic, se. didicit claudere uersum : re- prise du sic qui se lit au vers 93. Cos- tant longo, etc. : on n'a pas d'autre exemple de la métaphore costani suhducere : ainsi isolée elle fait une devinette dont nous devons renoncer à trouver le mol. Les uns proposent d entendre ; « Nous avons parcouru l'Apennin dans sa longueur »,

ou : « nous avons gravi la pente du long Apennin » [subducere = rapere ou subri- pere dans des expressions comme rapere uiam ou subripere(Sén..Epist..b3,1 : « Pu- taui tam pauca milia subripi posse »), et Costa appliqué aux montagnes comme le sont couramment dorsuni, frons, uertex, fauces) : d'autres : « nous avons enlevé litt. soustrait, cf. Ov. : Ars Am., 3, 123) tout un promontoire de marbre à l'Apen- nin » (les promontoires étant assimilés à des côtes dont la chaîne, dorsum, serait l'épine dorsale] ; d'autres enfin : « Nous avons tiré notre navire à terre au pied du long Apennin « [costa = nauis : cf. 6, 31 ; subducere = àviXy.ï'.v, comme chez César : De BelloGal.. 4, 29, 2 ; Appennino, abl. de lieu). Appennino ne fait pas seulement une fin de vers spondnïque (cf. Ov. : Mélani., 2, 226 : « nubifer Appenni- nus ») : Quintilien nous dil 9, 4, 65 que les mots constituant à eux seuls deux pieds ont une harmonie molle, et il cite préci- sément la clausule Appennino à côté de arniamentis (Ov. : Met., 11, 456) et de Orione (Virg. : En.. 3, 517).

96. Arma uirum : l'admirateur de la poésie nouvelle demande triomphalement si la versification de l'Enéide, auprès de ces chefs-d'œuvre d'harmonie, n'est pas sèche et raboteuse. Arma uirum =: Aeneis : cf Ov : Trist., 2, 534; Martial, 8, 56. 19 ; 14. 185 2. et snpra, note 93 95. Nonne hoc : « Est ce que ceci, est-ce qu'un poème comme l Enéide n'est pas, etc. ». Spu- mosum et cortice pingui, ut, etc. : compa- raison entre un style raboteux et l'écorce du chêne liège, qui étouffe les branches si on la laisse se développer à l'excès (cf. Pline : .Y. H., 17, 23t : « (Arbores), cor- tice in orbem detracio, necanlur. excepto subere, qui sic etiam iuuatur : crassescens enim praestringit et strangulat » ; spumo- sum, litt. : « écumeux », s'applique bien à

44

A PEHSI FLACCI SATVRARVM LIBEH

Vt ramale uetiis uegrandi subere coctum ? »

Quidnam igitur lenerum et laxa ceruice legendum ?

« Torua Mimalloneis ini[)leriinl cornua bombis.

NC. 99. torua p A- torba P; torham Bob ; toruani a. Mimalloneis p A- Diomède, qui cite {Ais graiiim.. 3 Gr htl., I, p 499. 23) comme exemple de vers bien tourné : « Torua Mi/iialloneis iiiflatur libia bombis » : ma iiiilloiieis V ; mallonis Bob. a.

la surl'ace du liège brut, rugueuse et per- cée de trous, et cortice pingui e.^t un abl. de qualité ; on dégagerait bien le sens en traduisant « à l'écorce rugueuse et épaisse ».

97. Ramale c'est un rameau qui a perdu sa sève qui n'est plus que du bois mort (cf. 5. 59 ; Ov : Met . 8. 644 : « Rama- lia... arida lecto Delulil »). Veçirandi subire coctum : ent. : « desséché par le développement excessif du liège » ; cactus se disait proprement d un bois durci au feu \ irg. . En., 11, 552-553 : « Telum... solidura nodi^ct robore coc/o ». Vetjran- di : le préfixe ue indique l'excès ou l'in- sufïisancf (Gell.. If5, 5, 5 « !'• particula. sicuti quaedam alia, tum intenlionem si- giiifîcal. tum niiiiutionem » cf ibid , 5, 12, '.-10) : et, de fait, uegrandis signifie tantôt c/i?///", malvenu (Ov. : Fast , 3, 445), tantôt, comme ici. trop grand (cf. Cic. : De leg agr., 2, 34. 93 : « Homiiiem uegrandi maciii torridum », expression que le mot torridum. tout voisin de coctum, contribue à rapprocber de celle-ci

J'ai suivi, pour les vers 96 97, l'inter- prétation très simple et très satisfaisante du scoliaste : ce dédain pour la beauté savante, mais vigoureuse et vraie, de l'Enéide achève bien de caractériser le faux goût du temps. Je ne vois aucune raison de préférer 1 interprétation proposée par Meister et adoptée par Jahn : selon Meisler, Arma nirum est une c.\clamaiion de Perse, prenant \'Enéide à témoin de la recherche ridicule des fragments ou des œuvres qui viennent d'être cités ; la question nonne hoc est posée par lui, et hoc désigne ces mêmes fragments ou œuvres. Spumosum et cor/ice piiigui font deux métaphores dis- tinctes ; spumosum -^ lumidum, cl indique quelque chose qui est enllé et en même temps sans poids, comme l'écume ; cortice pingui s applique à une écorce au dévelop- pement stérile et se précise par la compa- raison ut ramnle... siibere coctum : de même que la force vive d'une branche est arrêtée par le développement excessif du

liège, de même le soin excessif de la forme détruit tonte force poétique et réduit l'œu- vre à un corps sans àme.

98. Quidnam igitur. etc. : « Quels sont donc les vers vraiment délicats, ceux qu'il faut lire en laissant aller la nuque ? » Question ironique de Perse. Tenerum dans le même sens que molli (molli... nu- méro) au vers 63. 7— I.axa ceruice : c'était une affectation, chez les faux délicats, de lire en penchant la tête et en prenant des airs langoureux cf. supra. 18 « palranti fractus ocello »i Quintilien condamne celte habitude 1, 11, 9 : <■ Obseruandum erit ut recta sit faciès dicntis..., ne supi- nus uultus. ., inclinata utrolibet ceruix » ; cf ibid-, 11,3 82. et pour l'expression. Perse, 3. 58 : « laxum .. caput », Mécène, cité par Sén : Episl., 114. 5 : « ceruice lassa ». et Sén. : De uita beaia, 25. 2 : « lassa ceruix ». Ceux qui mettent les vers 96 97 dans la bouche de Perse ne s'accordent pas sur l'attribution du vers 98 : les uns le donnent à l'interlocuteur qui dirait « (Tu n'es pas content ?) Quels sont donc les vers qui pourront te paraître délicats... '/ ;Ceux-ci peut êtreV » Pour les autres, c'est encore Perse qui parle : « (Si les vers que tu viens de citer te plaisent), que te faut il donc en fnit d'har- monie molle et énervée ? (Ceci peut-être . »

99-l(i2 Ces quatre vers sont donnée par Perse, sur le même ton d'ironie, comme un parfait modèle de la versification si dé- licate et si coulante des contemporains. Le mouvement continue le vers 98, et il est interrogatif : " Des vers comme ceux- ci peut-être .' » Celle manière d'interpré- ter me parait plus naturelle que d'attri- buer la citation à l'interlocuteur, dupe de la question ironique du poète, et elle pré- pare mieux le cri de révolte du \ers 103 : <( Hacc fièrent, elc » D'après unescolie, les vers '99-102 sont de Néron ; d'après une autre, c'est un pastiche, à Perse lui- même, de la poésie en vogue. Cette se- conde indication, ou hypothèse, me paraît la plus vraisemblable cf. d'ailleurs, ici

SATIHK I

45

100

Et raptum uitulo caput ablatura superbo Bassaris et h ncem Maenas ilexura corymbis Euhion ingeminat ; reparabilis adsonat écho » ? Haec fièrent, si testiculi uena ulla paterni

NC. 100 ratitw (au lieu de raptum) Bob. ; 101. lincem 9 lincen \^) lyncae', P ; lycem Bob ; licel a. corymbis P : corymbi.ss (d'abord corynibos ; 1 o a été changé en is et l's final exponclué) Bob. ; corimpis a 102. resonabilis (au lieu de repurabilist Val. : cf. Introd. p. XXXI ; atsonat P cf. Introd , p. xxix, n. 1 . - 103. uenulla Bob. voj-. Introd. p. xxin.

comme au vers 93. mes notes sur le J5 10 de la Vita l'ersi . En tout cas, la descrip- tion des Bacchantes en fureur était un des thèmes favoris de l'alexandrinisme latin. (Vov en particulier Catulle, 64, 253- 266.)

99. Torua, etc : ent. : « (Bacchae) implerunt cornua torua bombis Mimal- loneis : cf. Cat., 64, 263 : « Muliis rau- cisonos efflabant cor/i«a bombos n Les cors étaient avec les tambourins, un des ins- Irumetils ordinaires du culte de Bacchus comme du culte de (>bèle (cf. Lucrèce, 2, 618 et suiv.) Toruiis se dit propre- ment d'un visage ou d'un regard farouche: mais Virgile En., 7, 399) l'avait déjà appliqué au son. Mimalloneis... bom- bis : bombus désignait proprement un bruit sourd, comme le bourdonnemtnt des abeilles ; puis, par extension, toute espèce de son voilé et rauque ; les Bacchantes étaient appelées en Macédoine M'.;jLa),AÔv£ç (voy. Plut. : Alex., 2 ; Ov.. Ars cun , 1, 541, dit Mimallonides ; d'oti l'adj. Mimal- loneus dans le sens de dionysiatjue

100-1U3 Et raplum, etc., litt. : a et la Bacchante, au moment d'emporter comme un trophée une tête ai rachée à un veau fougueux, et la Ménade, au moment de conduire un Ij'nx avec des guirlandes de lierre, répètent le nom d'Evios ». Sur les Bacchantes mettant en pièces vaches, tau- reaux, veaux et génisses, cf. Euripide : Bacch . 727 et suiv. ; Cat.. 64. 257 : « Pars e diuolso iactabaiit membra iuuenco ». Vitulo. . superbo : le veau commençait à être taureau : cf. Eur.. ibid., 743 : « Ta'JOO'. o'j^iiSTct; ...» Ablatura : cf. Hor. : Ep.,2, 1,55-56 /f .4 u/'erf Pacuuius docti famam senis » et Suet : Gramm-, 17 : « Auferre praemium. Bassaris (de ^zœt; p a, peau de renard dont se couvraient les bacchantes de Thrace) : un des noms donnés aux bacchantes. Lyncem : ani- mal consacré à Bacchus cf. Virg. ; Géorg.,

3, 264 ,- Ov. : Met., 15. 413 ; Prop.. 3. 17. 7-8), comme le tigre. Maenas (de 'j.a.b/Ofj.n.'.), autre nom des Bacchantes ; chez Virg. {En., 6, 804-805), c'est le dieu lui-même qui conduit, avec des rênes de pamjjre, un attelage de tigres : « pampi- neis uictor iuga flectit habeuis.. agens celso Nysae de uertice tigres ». - Corym- bus esl fréquemment, comme ici, appliqué aux grappes du lierre (cf. Virg. Bue, 3, 38 39; Tib.. 1, 7, 45 ; Prop , 2, 30, 39 et 3. 17, 29 ; Ov. : Met . 3, 66.5). On sait que le lierre était consacré à Bacchus (cf. Prol , 6 et la note, et voy. Ov. : Fast., 3, 767 . Euhion : ace. grec : Ilj'.oç était un des surnoms de Bacchus ; pour le tour, cf. Ov. : Ars am.. 1. 563 : « Pars clamant Euhion ». Repurabilis au sens de qui reparut : « qui renouvelle, qui reproduit (les sons » ; employé par Calpurnius pour dire « qui renaît » (Ed., 5, 19-20 « silua .. reparabilis ». Horace [Od , 1, 3, 22 : « Oceano dissociubili » , \'irgile En., 10, 481 : <' penetrabile telum », Ovide Met., 13, 857 : « penetrabile fulmen », fournis- sent avant Perse des exemples d'adj. en bilis pris au sens actif ; et on lit chez Ovide (.Ué(., 3, 358) « resonabilis ( quae resonat) écho ». modèle avec adsonat écho (Met., 3, 507 j, de la présente fin de vers.

103-104 Haec jierenl : ent : « Ecrirait- on des vers de cette espèce / ». Si testi- culi, etc : ent. : « si quelque chose de la virilité de nos pères vivait en nous ». Perse paraphrase, en l'adoucissant légèrement, la locuiion populaire si coleos haberemus (Pétrone . Satir., 44, 14), mais il veut, en même temps, opposer la vigueur des vieux Bomains à a mollesse de leurs descen- dants indignes. Vena : au sens propre ; cf. 6, 72 : « Cum morosa uago singultiet inguine uena » ; mais, comme le mot avait fini par désigner la force vitale, il fait, du même coup, image avec aiueret.

46 A. PKHSl FLACCI SATVKAHVM LIBER

Viueret in nobis ?Summa delumbe saliua Hoc natat in labris, et in udo est Maenas et Attis, Nec pluteum caedit, nec demorsos sapit unguis. « Sed quid opus teneras mordaci radere uero Auriculas ? Videsis ne maiorum tibi Forte

105

XC. 104. sunima P Bob. A^" : sumnie %. 107. uero i Val. : iicrho P 108 uidesis V (écrit uidesis, avec is sur grattage) : uide a.

104-105. Summa deltinibc, etc. : sumiiia, raltacbé par h\pallage à saliua, se rap- porte logiquement à labris, et il faut en- tendre Hoc delumbe natat saliua in summis labris : « Ce style faible de reins est noyé de salive au bord des lèvres » Delumbe : mot rare on le trouve, au sens propre, chez Pline : N. H., 10, 1031 ; mais Cicéron (Orat., 69, 231) s'était servi de l'expression delambare sentenlias et lui- même était traité par Brutus d'écrivain languissant et sans reins, « fractus atque elumbis ii iDial. des orat., 18). Saliua est un abl. de cause ; cf. Cic. : Phil.,

2, 41, 105 « Nalabant pauimenta uino ». Les expressions . a summis labris, in labris étaient d'usage courant pour carac- tériser les paroles qui ne viennent pas du cœur icf. Sén : Epist., 10,3 ; Quint., 10,

3, 2). In udo est : « est dans l'eau » : Hoc prouerbialtler dicttur, lisons-nous dans les scolies, posita esse in udo, in lingua » ; l'expression était peut-être empruntée du grec Théophrastc, Caract., 7, dit. en par- lant du bavard : « îv Oyoéû Èat'.v f, •'XfoTTOt ») ; c'est, en somme, un équiva- lent de saliua natat : cf. 2, 32 : « uda la- bella ». Maenas rappelle les vers 99-103 et Attis. le Berecyntius Attis du vers 93.

106. Xec plntcum. etc. : lilt. : « ne bri- sent pas force de coups) le dossier (du lit de travail) et n'ont point une saveur d'ongles rongés » ; ent que le poète, en composant ces œuvres sans nerf, n'a pas frappé les rebords de son lit de travail et n'a pas rongé ses ongles. Les deux verbes caedit et sapit ont pour sujet Maenas et Attis (cf. supra, v. 93-95. et la note), mais il y a, de l'un à l'autre, quelque incohé- rence : d un côté, c'est l'auteur des œuvres qui ne frappe pas son lit, de l'autre, ce sont les œuvres elles-mêmes qui ne sentent pas les ongles rongés Pluteus : « pars lecti... interior » (scol. ; cf. Suét. : Cal., 26) ; sur le lectus lucubratorius, cf. supra, 5'2, et la note Caedere est plus fort que

pulsarc : c'est, proprement, briser à force de frapper (cf. Cic. : Verr., 2. 1, 27. 69 : « Caedere ianuam saxis »). Demorsos unguis : cf. Hor : Sut.. 1, 10, 71 : « uiuos et roderet ungues » ; et, pour l'emploi de sapere, voj-. su/ira, 11 et la note. Ou voit nettement, dans les vers 103-106, ce que Perse reproche à la poésie contempo- raine : il n'y trouve qu'harmonie molle et effets faciles.

107-110. Un interlocuteur fictif, celui du début, si l'on veut, demande à Perse quel besoin il a d'éi-orcber par des vérités trop rudes les oreilles délicates des grands : ceux-ci pourraient bien lui fermer leur porte.

107. Teneras... auriculas : « des oreilles délicates », c'est-à-dire susceptibles » : il s'agit des grands, dont la vanité est cha- touilleuse : cf. Hor., Sat.. 2, 5, 32-33 : « Gaudent praenomine molles Auriculae », et Plin. : Panég , 68 : « Scires mollissimis istis auribus parci » Pour l'emploi du dimin. auriculas, cf. supra 59. Mordaci radere uero : métaphore médicale : le verbe radere se disait du médecin qui racle une plaie, qui en coupe la chair gâtée (cf. 3, 1 14 et 5. 15) ; Perse l'applique ici à l'action corrosive que la vérité exerce sur les oreilles, comme le vinaigre dont on usait pour les ncttoj'er (cf. 5, 86 : « Stoicus... auiem mordaci lautus aceto »). Verum est traité comme un véritable substantif et reçoit une épithète : c'est une tournure d'un emploi exceptionnel, en dehors de quelques expressions consacrées, comme summum bonuni (cf. 2, 74 : « generosum honestum » et 3, 32 : « opimuni pingu^»).

108. Videsis Vide, si uis : « Prends garde, s'il te plaît » ; formule fréquente chez les comiques (Plaute : Most., 966 : « Vide sis ne forte » ; Amph , THl . Ter. : Heaut., 212, etc.). Pour la scansion uidi. cf. Intr., p. Lv.

108-109. Ne maiorum tibi, etc : cf. Hor. : Sat., 2, 1. 61-62 : << metuo ., maiorum na- quis amicus Frigore te feriat » ; Perse dit

SATIRE I

47

Limina frigescant : sonat hic de nare canina Littera. » Per rae equidem sint omnia protinus alba ; Nil moror : euge omnes. omnes bene mirae eritis res.

110

NC. 109. canina P A^ Val. ; camoena a. 110. alba P A^ : abba a. 111. NU a : nihil P (changé en nil par grattage); moror P A '^ ; marore a; miror Laurentianus 37, 19. omnes omnes -i : omnes P a ; omnes etenim Val. 'f (cL Inirod.. p xxvin).

que le seuil des grands se glacera pour le poète, parce qu'il prend le seuil comme symbole de 1 amitié des grands recevant, chaque matin, leurs clients et leurs pro- tégés.

109-110. Sonat hic de nare canina Itttera : mot à mot : « ici (c'est-à-dire sur le seuil des grands) gronde la lettre canine tom- bant du nez », c'est-à-dire : « il y a un chien de garde qui te montre les dents avec un grondement de menace » ; canina littera, c'est Vr : « Hic, in domo diuitum. Nam canes lacessiti sic hirriunt ut uideantur rlitteram minitabundi exprimere » scol. ; on racontait que Hémosthène avait appris à pronoucer la lettre o en écoutant le grondement des chiens (voy. St Jérôme : Adu. Ruf.. 1, vol. 2, p. 473 Vallarsi) ; et Lucilius dit, en parlant de la lettre r : « Irritata canes quam homo quam planius dicit » (2 Marx) et « r... canina si lingua dico » (377 Marx). De nare, parce que le nez passait pour être un des sièges de la colère : cf. 5, 91 : « Disce, sed ira ca- dat naso « : Théocr., 1, 18 : «Kat o'i àz\ opifisTa X.o^à Tioxt pivî xâ(i-/]Tat », et Hé- rond , 6, 37 : « Mr, Bij, KopiTTol, -y,v yoXf^v z~\ v.vo;; èy' sùGjç. Certains cri- tiques pensent qu'il n'y a, dans tout ceci, qu'une image : il s'agit pour eux, de la colère des grands eux-mêmes qui montre- ront les dents au poète pour l'éloigner de leur seuil, comme ferait un chien de garde. C'est acceptable, mais moins na- turel. En revanche, il faut, je crois, reje- ter entièrement l'interprétation qui donne à hic la même valeur que ci-après, vers 120 : « ici, dans la présente satire » et traduit : « tout ceci ressenible au grogne- ment d'un chien hargneux » : hic équivaut ici à in his liminibus, comme il équivalait, supra, 50, à in toto hoc « belle ! •> : et le chien de garde fait, avec hminn, une allé- gorie bien conforme au goût de notre poète.

110-114. Réponse ironique du poète : « Soit ; je ne me permettrai plus la moindre critique. »

110. Per me equidem : ent. : « Si cela ne tient qu'à moi » ; cf la locution courante permelicet. Sint omnia, elc. Que, sur- le-champ, il n'y ait partout que blan- cheur )) ; le blanc était le symbole du bien, comme le noir le symbole du mal. Mais, en pareil cas, on se servait d'ordinaire de candidus (cf. Hor. : Sat., 1, 5, 41; Juv.,

3, 30), albus étant pris plutôt dans le sens de heureux, favorable (Hor. : Od., 1, 12, 27-28 : « Alba... stella »)

111. Nil moror : « Je ne m'y oppose pas » ; j'entends, en effet, iVi/ nioror omnia esse protinus alba : cf. Piaule Trin., 337 : « Nil moror eum tibi esse amicum » et Antoine cité par Cic. (Phil., 13, 17,35 : « Nihil moror eos saluos esse. » On peut également, sans sous entendre autre chose que hoc, donner à Nil moror le sens de «je ne m y arrête pas, cela m'est égal : cf. Plante ; Trin., 297 et Hor : Sat., 1. 4, 13). Si l'on se rappelle que l'accusateur se servait de la locution nihil moror lorsqu'il abandonnait la poursuite (cf. Tite-Live,

4, 42, 8 : « C. Sempronium nihil moror »), on a le droit de voir ici une sorte d'allé- gorie : le satirique abandonne son réqui- sitoire contre les vices et les ridicules du temps. Euge omnes, etc. « Bravo, tous ! tous vous serez de pures mer- veilles » : sur l'exclamation euge, cf. supra, 49, et la note ; bene a, devant mirae, la valeur de ualde : cf. Cic : Pro Mur., 33, 69 : « cum bene magna caterua », et fré- quemment dans les lettres ; Hor. : Od , 2, 12. 15-16 : « bene . fidum » ; Sat., 1, 3, 61 « bene sano ». On peut ponctuer ; « Euge ! omnes, omnes bene mirae eritis res », omnes omnes faisant alors la figure appelée gemi'na/io (cf supra, 11). Mais il faut, je crois, rejeter absolument la ponc- tuation euge omnes, omnes bene, mirae eritis res (Bûcheler) : « Bravo, tous ! tous, parfait ! vous serez des merveilles » : séduisante au premier abord, elle a le défaut grave de détacher mirae eritis res de la manière la plus gauche ; de l'expression mirae res, on peut rapprocher

A. 1M-:KSI FLACCI SATVHAHN'M lihkh

Hoc iuiKit : « Hic, inqiiis, ueto quisquam faxit olctum. » Pinge duos anguis : « Pueri, sacer est locus, extra Meite ») : discedo. Secuit Lucilius urbeni, Te, Lupe. te, Muci, et genuinum fregit in illis ;

115

\C 113. pinge duos anguis P A^ : pingiiedo sangiiix a ,• piieris acer P extra P A-* : exila a. 114. mingite \'al. Mei cedis seiiit cedo lucilius a (corr. A^). Le mot secuit avait été omis dans 1 archétype . il a été ajouté entre les lignes puis inséré par un copiste dans le corps du mol discedo. Le c- substitué au / de meite provient sans doute d'un c interli néaire destiné à corriger seuil en secuit ,voy. Havel : (-litique verbale, p. 358 n" 1441). - 115. Muti (au lieu de Muci) o : au lieu de l'n i//i.s. Oousa (Conim. m Hor., c. 9) conjecturait : in Inlis.

\'irg. : Géorg., 4, 441 : « omnia transl'or- mat sese in ntiracula rerum ».

112. Hoc iuuat, eut. : « Je le veux » ; reprise de Nil iiioror D'autres, rappro- chant Hor. : Sat., 1, 1, 78 lisent : « Hoc iuuat '! » et entendent : « Es-tu content» '.' Hic, inquis, ueto, etc. : nous dirions : « Défense de faire ici des ordures )jL"éi)i- graphie a relevé un certain nombre de prohibitions de ce genre, particulièrement sur les tombeaux 'Fabretti : Inscript, an/., 9, p. 604, 43 : « Dis. manibus. ne. quis. hic. urina, faciat » ;2. p 110, 270: « Qui. hic. mixerit. aut cacarit. habeat deos. superos. et. inferos. iratos » ; Diehl : Alllatein. Inschriften, 184 : «... et uti si is slercus in eis locis fecerit terramue in ea loca iecerit, in eum.. manus inieclio pi- gnorisque capio siet. ») etc. : Perse assi- mile plaisamment les grands personnages à des monuments qu'il est interdit de souiller. Veto quisquam faxit au lieu de uelo facere : cf. Tib , 2, fi, 36 : « Sis mihi lenta, ueto » ; Horace a uetare ne {Sat., 2, 3, 187) ; la forme archaïque faxit cf. Hor. : Sat., 2, 3. 38 et 6, 5) souligne la solennité de la formule. Oleium ^= stercus humanam (voy. Paul. F"est., s. u., p 221, 8 Lindsay).

113. Pinge duos anguis : le serpent était l'image traditionnelle du Génie (voj-. Ser- vius ; In Aen., 5, 9.5); or, tout lieu, de même que tout homme, avait son Génie : cf. V'irg : En , 1. 1. propos du serpent qu'Enée voit sur la tombe d'Anchise) : « Incertus geniumne loci famulumne pa- reniis esse putet. » Sur un mur des ther- mes de Titus qui faisait antérieurement partie de la Maison d'or de Néron, on a trouvé l'inscription suivante {C. I. L , 6, 29848 h , sous laquelle sont peints deux serpents ; " Duodecim deos et Deanam et louera optimum maximum habeat iratos,

quisquis hic mixerit aut cacarit ». Pueri, etc. : autre forme de la défense formulée au vers précédent.

114. Meite : c'est également la forme meiere, non mingere, qu'Horace avait em ployée Sat., 2, 7, 52 ; Discedo " Je m écarte car je respecte les lieux sacrés »

114-123 « Mais, continue Perse, si Luci- lius et Horace ont pu exercer leur verve sur les uns et sur les autres, me refusera- t-on le droit de confier à mon livre, en grand secret, ce que je pense des ridi- cules de l'humanité ? » C'est une manière plaisante de reprendre, en partie du moins, la concession qu'il vient de faire.

114. Secuit : l'image est tirée, je pense, de la Qagellation (cf. Tib., 1, 9, 22 : « ïn- torto uerbere terga seca » ; Hor. : Epod., 4 11 : « Scctus flagellis ») ; mais secan- s'emploj'ait aussi en parlant des bêtes qui rongent le bois (Piaule : Most.. 825 : « quia edepol ambo 'sc postes ab infumo larmes secat » ; et il n'est pas impossible que ce soit ici la véritable valeur de la métaphore, qui préparerait alois la suivante, genui- num fregii : en revanche, traduire secuit par « a disséqué » me semble forcé. Vrbem .cf. Hor Sat., 1 10, 3 ; « sale multo urbem defricuit » et 2. 1, 69 : « Pri- niores populi arripuit populumquc tribu- tim. »

115 Te, Lupe : cf. Hor. . Sat,, 2, 1, 68 « Famosisque Lupo cooperlo ucrsibus », et voy. Lucilius, 3, 47, 54, 785. 1261, 1313 Marx. Le livre I du vieux satirique mettait en scène l'assemblée des dieux réunie pour délibérer sur le châtiment de ce person- nage, qui paraît élre L Cornélius Len- tulus Lupus, consul en 156 av. J.-C , cen seur en 147, prince du Sénat en 131 : voy Marx : Lucil reliq . Proleg., p. xxxvi. - Muci : selon les uns, P, Mucius Scaevola consul en 133 av, J.-C . qui avait eu des

SATIRK I 49

Omne uafer uitium ridenti Flaccus amico

Tangit et admissus circuni praecordia ludit,

Callidiis exciisso populum suspendere naso :

Me ir.uttire nefas ? nec clam ? nec cuin scrohe ? nusquam ?

Hic tamen infodiam. Vidi, uidi ipse, libelle : 120

NC. 118. Callidns P A'- : coUiJus 2 ; excusso tous les mss : exterso Erasme. 119. Mfii p. voy. Introd., p. .\xxii ; scrobe P A- : scribe 2.

démêlés a\ec Scipion Emilien, le grand ami (le Lucilius (cf. (^ic. : De re pnbl., \, 19, 31 ; De Or., 2, 70, *28.) ; selon d'autres , Q.iMucius Scaevola Augur, consul en 117 : voj'. Mar\, ihid , p. xi.i et suiv.. Geniii- num fregit in illis : « il a brisé sur eux une molaire >■ ; l'expression geniiinim (dens), iitt. : «denl des joues (geuae) », s'appliquait, semble t-il, à toute molaire (cl' Cic. : De Xat. dcor., 2. 54, 134 ; Juv.. 5, 69). et non pas seulement à la dent de sagesse ("(ijCiOOv'.Tir'p) //n'//i's équivaut à in iUis mordendis. Les images de ce genre ser- vaient d'ordinaii'e à caractériser les eiYorts impuissants de l'envie (cf. Hor. : Sal., 2, 1, 77 : « Inuidia... fragili quaerens illidere denteni. Offendet solido ») ; mais nous n'avons ici qu'une bj'perbole pour dire : « il leur a fait de cruelles morsures ».

116-117. Omne... uitium. . Tangit : il met le doigt sur tous les défauts, il les tâte, comme un médecin tàtant le pouls d'un malade : cf 3, 107 : tange, miser, uenas, et Lucil. (642 Marx) : « Neque prius quam uenas hominis tetigit ac praecor- dia.» — Va/'er; nous dirions sour/io!.sef7it'/i/. Le mot est pris d'ordinaire en mauvaise part !cf. infra, v. 132: ; il est employé ici, par plaisanterie (cf. ini/jrotus, ebez Horace {Sat., 1, 9, 73) : fugil improbus : « il s'en- fuit, le traître ! n) pour peindre la ma- nière adroite dont le satirique marque les défauts d'un ami sans avoir l'air d'y tou- cher. — Ridenti... amico : ent. : « à un ami qu'il fait rire » au moment même il découvre ses imperfections.

117. Admissus: fic. in pectus uel in sinum amici : désarmé par le rire, l'ami le laisse pénétrer au fond de lui-même. Circum praecordia ludit : a il se joue, il s'ébat autour de la région même du cœur », c'est- à-dire que son badinage laisse apparaître la connaissance la plus profonde des fai- blesses qu'il raille doucement.

118. Il s agit dans ce vers du rire plus dédaigneux qui fronce les narines d'Horace

lorsqu il raille les vices de tons, et non plus ceux d'un ami : populum s'oppose à amico Pour toute l'expression, cf. Hor. : Sat., 1, 6, 5-6 (cité supra, n. sur le v. 40l. Sur callidus construit avec 1 inf , cf Prol , 11, et la note. Excusso .■ « emuncto, dit le scoliaste (cf. Hor. : Sat., 1, 4,8 : emunc- tue naris), unde intelligitur prudenti, ut e contrario qui slulti sunt, mucosi dicun- tur »; il faut entendre bien plutôt: « agile de soubresauts », et rapporter l'image aux mouvements railleurs qui secouent et di- latent le nez du poète (cT. Quint., 11, 3, 80 : « Nam et corrugare nares, ut Hora- tius ail, et inflare et digito inquietare et pulso subito spiritu excutere et diducere, etc. »).

119. Me muttire, elc : « Et moi, je n'au- rai pas le droit de souffler mot ? ni en secret ? ni avec une fosse (pour confi- dente) ? nulle part? » Me, placé en tôle de la phrase et souligné par l'asj'ndète, s'op- pose Ibrlenient à « Secuit Lucilius... » et « ... Flaccns... tangit ». - Multire (cf. Ennius ■■ Palam muttire plebcio pia- culum est », chez Feslus p. 128, 24, Linds.) est un équivalent plus relevé de /un faccre (qu'on trouve chez Lucilius, 42() iM:n'x) : « ilii-e ;jiij », c'est-à-dire « articuler la nioindre syllabe ». Nefas : cf. supra, ^ : (1 si fas dieerc ». Nec... nec... continue la négation incluse dans nefas: tour usuel après les verbes negare, nescire. Cum scrobe : nous dirions : « entre une fosse et moi ; allusion à la fable du barbier de Midas confiant à la terre creusée par lui que son maître a des oreilles d'âne : voj'. Ov.:.Mét, 11, 180-193. ~ Nusquam : cer- tains éditeurs donnent le mot, sans inter- rogation, au personnage qui parlait tout à l'heure, v 107-110 (cf. supra, v. 11 : « Nolo »), ce qui répond moins à la vivacité du passage.

120 Hic : c. ici, dans la présente sa- tire » ; expliqué par libelle. Tamen : « malgré tout, en dépit de la défense qu'on

30

A. PERSI n.ACCI SATVRARVM LlfiEK

Auriculas asini quis non habet ? Hoc ego opertuni, Hoc ridcre meuni, tani nil, nulla tibi ueiulo Iliade. Audaci quicunique adflate Cralino

NC. 121. auricula a : faute amenée par la succession de sjllabes identiques « auricu- lasasini ». 122. lam luhil P : le mètre exige, en tout cas, la syiiizèse. uendam -i. 123. adflate P : afflante a (voy. Inirod , p. xxiv). cradina a (corr. A ^).

prétend m'imposer ». Infodiam : « je 1 enfouirai » : rappelle scrobe, et précise l'allusion à la fable de Midas ; cf. Ov., 1, 1. V. 185-186 : « humum... Effodit ». Vidi : c'était le mot des témoins lorsqu'ils déposaient sur un fait : cf. Juv., 7, 13 : « Hoc satius, quam si dicas sub indice uidi », et 16, 29-30. - Libelle : Perse s'adresse à son livre comme à un confi- dent : cf. Hor. : Sat., 2, 1, 30 : « Ille se. Lucilius) uelut fidis arcaiiu sodulibiis olim Cvt'debat libris. » Pour le ditninuiif libel- lus, qui paraît désigner ici celte première satire et non le recueil tout entier, cf. Hor. : Sat., 1, 4, 71 et 10, 92.

121. Auriculas asini quis non habet fait le genre de plaisanterie appelé par les rhéteurs ~apà pojoo/.iav et fréquent chea Aristophane ; au lieu de Mida rex habet. qu'on attendait après Auriculas asini et «ju avaient préparé les mots cum scrobe, infodiam et uidi, uidi ipse. Perse a écrit (juis non habet ? 11 nous donne ainsi une variante du paradoxe stoïcien ~it; y/^pM'^ ax'.vcTa'. : « tous les hommes qui n ont pas la sagesse sont des fous », dont l'idée dominait déjà son préambule (cf. supra, 1-12, parliculièrenienl le vers 8 : « Nam Uomae est quis non », et les notes ; sans doute avons-nous ici la révélation du grand secret annoncé par les mots uc, si fus dicere et réservé, ensuite, comme trop dangereux : le lecteur a été mjstilié). îjur la prétendue leçon Mida rex habet, à laquelle Cornutiis aurait substitué le texte qui se lit aujourd hui, voy. Inirod., p. x, et Vitu J'ersi, ^ 10. Sur le diminutif auriculas, cf. supra, 59 et 108 ; il n'y a pas lieu de croire qu'il soit appliqué ici par plaisanterie aux grandes oreilles de 1 àiie.

121-123. 7/oc eyo. . Iliade : eut. : « Ce secret, ce rire à moi, c'est bien peu de chose, et pourtant je ne te le vendrais pas pour une Iliade ». Hoc... operlum - hoc secretuni : cf. Hor. ; Kp. 1, 5, 16 : « operla recludit » ; Perse s'est peut être souvenu d'Uvide (.lié/., 11, 189) : « scrobibus taci-

lus discedit opertis ». Pour le tour hoc ridcre meum, voy. supra, 9, la note sur nostrum istud uiuere. Tant nil = quod tant nihil est. équivalant à quamuis nihil sit : pour l'emploi de nihil comme adjei - tif, cf. supra, 26 27 . « usque adeone Sciie tuum /u"/ii7 est ». Xulla tibi uendo Iliade : ces mots sont- ils ironiques et recouvrent-ils un nouveau trait contre l'Iliade d'Attius Labeo, « ebria ueralro » (v. 51) ? C'est probable, puisque nous avons all'aire à un pas.sage de ton sati- rique. Cependant, on pourrait entendre aussi : « .le ne le vendrais pas pour ce qu'il y a, aux yeux d'un poète, de plus précieux, pour la gloire d'avoir fait 1'/- liade. n Pour la valeur de nulla, cf. supra, 58 ; mais d'ailleurs ! expression est calquée sur la locution toute faite : nulla pecunia uendcre : cf. Pétrone : Satir., 52, 3 : « Meum enim iiitellegere nulla pecunia uendo. »

123-134. Laissant le ton de la plai- santerie, le poète s'adresse aux hommes dégoût qu il voudrait avoir pour lecteurs et qu'il oppose aux gens vulgaires dont il dcdaigne les applaudissements. Ainsi se trouve repris et complété le développe- ment annoncé par le second vers de la satire {Quis leget haec, etc.), et interrompu presc]ue aussitôt par une attaque, prolon- gée jusqu'au vers 107, contre le mauvais goût régnant.

123. Audaci, elc : eut. : << Qui que lu sois qui, touché du souille de l'audacieux Cra- linus », etc. Perse, à l'exemple d'Horace {Sat., 1, 4, 1 : « Eupolis atque Craiinus Aristophanesque poetae, etc. ») se met pour ainsi dire sous l'invocation des trois plus grands poètes de l'ancienne comédie grecque considérés comme les ancêtres de la satire latine. Adflate est au vocatif par une sorte d'attraction qu on retrouve 3, 28-29 et 5, 124, et dont Horace i^Od.. 1. 2, 35-37 ; ^at., 2, 6, 20 , Ovide Jléroid., 5, 59 ; Met., 12, 531), mais surtout N'iigile {En., 2, 282 ; « Quibus, Hector, ah oris Exspectute iienis » ; 4, 267 , 10, 32/, elc.)

SAT1I\K I

51

Iraluiu Eupolidem praegrandi cum sene pâlies, Aspice et haec, si forte aliquul clecoctius audis. Inde uaporata lector milii ferueat aiire,

12Ô

XC. 12 1 eupolidem a ettpoliden P A^, forme qui supposerait le nominatif £(ipo/(c/es, au lieu d'Eupolis.

fournissent des exemples ; le tour adflaliis Cratino rappelle afjlatiis nuiuine (\'irg. : En., G, 50) ; l'épilhète d'audax convient parfaitement au vieux poète, chez qui, selon Platonios (De Coin., p 27), « la raillerie ne se dissimulait pas, comme chez Aristophane, sons la grâce ; toute simple, sa critique s'avançait, comme on dit, à front découvert contre les coupahles »

^OÙvàtO LOTKfj ô 'AO'.JTOCsiVT,!; £7TtT0îY£lV

■zr^•l /^3fp!v To;; CTXtoijLjJiaji TiO'.E'., ... aAA àirXoj; xa! xa-à -rr,7 apot[i.!av Y'J;Jtvr, XEcpaXï, TÎ6T,(Jt xà; SXaacpTjfjiîaî xxtx Ttov iuLaoTavôvriov).

124. [ratiim Eupolidem, etc. : lilt. : « lu pâlis (de la pâleur d') Eupolis en colère et du vieillard plus grand que tous les autres Aristophane) » ; je vois dans Eu- polidem iratum un accusatif qualifiant l'action verbale (cf. Prop., 1, 15, 39 : « Quis te cogebat multos pallere colo- res ? ») ; et il ne s'agit pas, il me semble, de la pâleur studieuse du poète cf. Prol., 4i et de son lecteur, mais de celle qui accompagne la colère : la métaphore fait suite à Audaci... adjlate Cratino. D'autres entendent, d'une ma- nière plus banale : « qui t'effraies des co- lères d'Elupolis, qui pâlis lorsque tu en- tends les colères d'Eupolis se déchaîner ». (Cf. 5,184, et Hor. : Od, 3, 27, 25 et suiv. : « Europe... pontum.. palluit »), ou encore, en ôlant presque toute valeur à iratum : « qui pâlis de fatigue dans ton ardeur à lire Eupolis, etc. Pâlies legcn- do Arislophanem et Eupolidem », dit le scoliaste ; cf. 3, 85 ; « Hoc 'est quod pâlies ». Iratum : Eupolis, en effet, à l'imitation de (]ratinos, se montrait inju- rieux et rude (.-Vnonym. : De com., p. 29 : Zr,X(Lv KpaTTvov -oÀ'j ■;£ Xoioopov Ir.'.- tpaivSiJ. Praegrandi cum sene ■= et praegr. senem, emploi connu de cum ; il s'agit d'Arislophane le prince de la comé- die ancienne, dont le nom ne se séparait guère de ceux de Cratinos, son prédéces- seur, et d'Eupolis, son contemporain et son rival (voy. Hor. cité supra. 123) ; Perse l'appelle sene.v, soit parce qu'il

mourut vers l'âge de 6G ans, soil plutôt tians le sens nous disons « le vieux poète » ; ce mot a fait supposer que noire satirique voulait parler ici de Luci- lius imitateur de la comédie ancienne, nommé sene.v par Horace (Sat., 2. 1, 34), avec cette signification de « poète d'autre- fois » ; mais le sens généi-al réclame, 1 me seii:ble, un poète grec.

125. Aspice et haec : « jette les j'eux sur mes vers aussi » ; pour la valeur de hnec, cf. supra, V. 2. Si forte, etc. : cf. pour la modestie de la formule, supra, 45 : « Si forte quid aptius exit » ; aliquid de- coctius, c'est proprement « quelque chose de mieux réduit par la cuisson » : ent. : quelque chose de plus substantiel et, par suite, de plus vigoureux que le reste. Pour l'origine de la métaphore, cf. Virg. : Géorg., 1. 295 : « Aut dulcis musti Vulca- no decoquit umorem. »

126. Conslr. : Lector aure uaporata inde ferueat mihi : c'est-à-dire : « Quele lecteur dont l'oreille a été épurée par (par la lecture de ces chefs-d'œuvre de l'ancienne comédie grecque) s'échaufi'e pour moi (sintéresse à mon œuvre) ». Aure ua- porata est un abl. de qualité dépendant directement de lector. Vaporata , au lieu de purgata 5, 63), parce qu'on faisait chauffer les liquides qui servaient à laver l'oreille (Celse. 6, 7, 33 : « In aurem uero infundere aliquod medicamentum oportct, quod semper ante tepcfieri conuenit »;. On rapporte parfois inde à aliquid decoc- tius ; il y aurait alors continuité de decoc- tius à ferueat, en passant par uaporata . ce sont les bons vers de Perse qui, encore chauds de la cuisson qu'ils ont subie, sont versés dans l'oreille du lecteur et lui com- muniquent leur température. Pour ne rien dire du mauvais goût de cette allégorie, je ne la crois pas conciliable avec la suite des idées : Perse veut être apprécié de ceux dont le goût s'est formé ou affiné par la lecture des belles œuvres de la co- médie ancienne, modèles de la satire : et à ces vrais délicats, il oppose les hommes sans esprit, sans jugement, sans culture.

52 A. PERSI FLACCI SATVRARVM LIBER

Non hic, qui in crepidas Graiorum ludere gestit

Sordidus, et liisco (jui possil dicere : (( luscc »,

Seque aliqiieni credens, Italo ([uod honore sii[)inu.s

Fregerit hcniinas Arrcti aedilis iniquas, 130

Nec qui ahaco numéros et secto in puluere nictas

NC. 127. Graioriiin P A - : cvalorum a. ludere P A "■^ : laiidere a. 128 Sordidus es .. (et A-) qui possis a : le vers l'orme ainsi une sorte de parenthèse ; mais es ne peut être qu'une erreur, provoquée sans doute par l'encadrement de et entre deux syllabes en s, et cette première faute a entraîné la correction possis qui tombe à faux ; posait, seconde li-(;on du Parisiainis 8055, admise par Casaubon et plusieurs autres, n'est évidemment qu'une correction pour rétablir la symétrie cnire les deux relatives dont la première est à l'indicatif ((y(i{... geslit). Seque P : Sese a \'al. (c est sans doute une correction pour faire disparaître l'anacoluthe), 131. Le j'/i qui précède puluere est, dans a, placé devant

Fertiea/ ; métaphore tirée di' I ébiiliilion, ce n'est pas seulement commettre une

ne s'applique pas ici à l'empressement ou j^rossièreté, c'est montrer qu'on ignore la

au nombre des lecteurs, mais à la chaleui- nature du vrai mérite, qui est d'essence

de leur admiratinn. Opposezle lepidiiiu du purement morale; ce trait prépare le suL-

vers 84 vaut.

127. Qui in crepidas, etc. : « qui se 129. Seque aliqueni credens . et qui se plaît, qui s'éjouit à lancer des plaisanteries crédit aliqueni : il y a anacoluthe. Pour contre les crépides des Grecs » : la cré- le tour, cf. Cic. : Ad Alt., 3, 15, 8 ; « me- pide ("/.or,":;, '.oô?) était la chaussure que uelis esse altqueni ». La pensée se lie nationale des Grecs, comme le calceus à la précédente : notre homme s'imagine celle des Romains ; elle s'op()Ose à celui- être quelqu'un, parce que, dans son nuini- ci comme le pallium à la toge, et, d'ail- cipe, il est quelque chose ; il montre par leurs, elle est prise dans ce vers comme son ignorance des vrais biens. Ila- le symbole de tout le costume grec (cf. /o... honore supinus . nous dirions : « se Suét. : Tibère, l'd : « redegit .. se, depo- rengorgeant parce qu'il a été revêtu silo patrio habitu, ad pallium et crépi- d'une charge municipale » ; supinus - dus »). Perse veut dire que c'est un signe superbus: cf. Quint. : Inst. Or.. 11, 3, 69 : de sottise de reprocher aux Grecs d'être « Supinu (capite) arrogantia oslenditur » ; vêtus à la mode de leur pays ; mais, de sur la vanité ridicule des magistrats muni- plus, on reconnaît ici sa mauvaise humeur cipau.v, cf. Hor. : Sat , 1, 5, 34-36 ordinaire contre le vieux préjugé romain 13(1. Fregerit... Arreti (locatif aedilis : hostile à tout ce qui est grec : cf. 5. 191 ; « a l'ait détruire en qualité d'édile à Arre- 6, 38 et suiv. Ludere in, au lieu d'illu- tium aujourd'hui Arezzo, ville d'Ktru- dere suivi de l'ace. : cf. Cic. : De Orat., rie; » ; ent. : que c'est un ancien édile 3, 43 171 : « Verum in me quidem lusit municipal. Les édiles avaient, entre autres ille, ut solet. » allribulions, la surveillance des poids et

128. Sordidus : '<■ grossier, vulgaire » ; mesures. Dans les municipes, ils étaient, il fait de l'esprit facile cf Suét. : De rhet., avec le préteur, les principaux magistrats 6 : <i declamare sordide et tantummodo (voj-. \\'illems : Droit public roin., 1' éd., tiiuialibiis uerbis » : interprétation plus p. 536). Heminas : » les demi-setiers ». naturelle ici que d entendre : « négligé sur Iniquas : « faux » ; c'était le terme soi et dans sa mise », pour se donner des ])ropre : cf. Inscript, de Riniini, Hen/en airs de veux Romain en face de l'élégance 7133: >< E\ iniquilatibus mensurarum et grecque. Qui possil : il n'est pas sûr ])onderum... aediles stalerani aeream et que le subj. possit après l'ind. geslit (cf. j)ondera decreto decurionum poiienda cu- 3, 70-73) soit un simple expédient mé- rauerunl » ; cf. supra, 6 : improbun). trique : on peut entendre : « qui pourrait 131132. Qui ahaco... uafer : cnl. : « qui à l'occasion, elc » Iaisco etc : appe- raille l'arithmétique et la géométrie », 1er un borgne " Rorgne ». c'est-à-dire prises ici comme symbole des études ab- repioclicr à un aiilre un défaut pliysi(iue ; sirailes. (In) abaco (descriptos) numéros :

SATIRE I

53

Scit risisse uafer, multum gaudere paralus, Si cynico barl)am pelulans nonaria uellat. His mane ediclum, post prandia Calliroen do.

abaco (écrit abato B et ablalo A) : le mot. d'abord omis a été ensuite mal inséré (voy. Havet : op. cit , p 355, n" 1435). Calliroen f : callir oendo (avec un grattage, de 2 lettres semble-l-il, après callir) P. d'où on a tiré la leçon CalUrlwen mais il semble que le choix soit circonscrit entre Callirrhoen (KaAA'.ppôr;;), peu conciliable avec le mètre et Calliroen ; i;aA),'.oôr,v) ; les mots Calliroen do manquent dans a (corr. A-).

il s'agit probablenuMit de la tabula calcu- latoria (scol de Juvénal. 7, 73), soit que les nombres y fussent tracés, comme les figures, sur du sable dont on recouvrait lu table rectangulaire, ou abacus. en marbre ou en terre cuite, soit qu ils fussent formés avec des pions qu'on fai- sait mouvoir sur cette table. - Secto in puluere : il s'agit de la poussière répandue sur une table ou sur le sol pour permettre au géomètre de tracer ses figures ; cf. Liv., 25, 31, 9 : u Archimedem memoriae proditum est... intentum formis quas in pulnere descripseraf, ab ignaro milite, quis esset, interfectum » ; secto, se radio geomelrico : ■< labourée par le compas ». Metas, propiement : « des figures coni- ques », pour indiquer toute espèce de figure géométrique.

132. Scit : vo}'. V. 53 : scis ponere, et la note; Risisse : pour l'emploi du pf. , cf: : 42, la note sur meruisse. Vafer : cf. v. 116. Paratas : « prompt à... » ; cf. 6. 36 ; Juv., 3, 106 taudarc paratus ;

133 Chez Horace {Sat ,13, 133) ce sont des gamins (lasciui pueri) qui tirent la barbe d'un stoïcien l'ctulans nona- ria : « une courtisane effrontée » ; le mot nunaria qui rappelle qnadrantaria et lu- patria, ne se retrouve tjue dans une scolie sur Juvénal (6, 116) ; il viendrait, d'après le scoliaste de Perse, de ce que, dans la vieille Rome, les courtisanes ne pouvaient exercer leur industrie qu'à parlii- de la

neuvième heure poiu- ne pas détourner les jeunes gens des exercices du Champ de Mars.

134. La pièce, consacrée tout entière aux lettres, se termine sur un dernier trait de satire littéraire : « La seule littérature à la portée de ces hommes grossiers, c'est, le matin, à l'heure ils vont, sur le forum, s'occuper de vaines affaires, l'édit du pré- leur, et, après déjeuner, ce sont des ou- vrages comme Calliroé » ; edictum peut s'appliquer aussi aux affiches faisant con- naître le programme des jeux (cf. Sén. : Epist., 117, 30 «... edictum et ludorum ordinem perlegit >>), surtout si Calliroé est le titre d'une comédie : Hanc comoe- dinm, dit le scoliaste, Atines (faut-il lire Asinius? cf.Bucheler, Rh. Mus.. 34(1879), p. 346) Celer scripsit pueriliter »), ou d'une de ces pantomimes à sujet mjtho- logiquc déjà en vogue (Sén. le Père, Suas., 2, 19 : « (Silo) qui pantomimis fa- bulas scripsit » ; cf. V Agave vendue par Stace au pantomime Paris : voy. Juv 7, 87). L'héroïne de l'œuvre était elle la fille d'Acheloûs ? celle du Scanuuidre ? celle de rOcéan, qui fut aimée du Nil ? celle du roi de Calydon qui dédaigna l'amour de (lorésos ? la femme dont il est question dans la lettre 5 d'Eschine ? la Syracu- saine dont Chariton fit plus tard l'héroïne des Aventures de Chaeréas et de Callirrboé? Nous n'avons aucun moven de le

SATIRE II

Le poète s'adresse à son ami Macrinus qui se prépare à célébier l'anniversaire (le sa naissance par des libations et des prières. Il le félicite de n'être pas de ceux qui cherchent à conclure avec les dieux une sorte de honteux marché et ont besoin, pour les prier, de les prendre, pourrait-on dire, à part (1-4). Beaucoup de grands personnages, en effet, adressent à la divinité des vœux qu'ils auraient honte de formuler à haute voix, des demandes qu'un homme, même de moralité Faible, repousserait avec horreur. Supposent-ils, parce que Jupiter fait rarement tomber sa foudre sur les coupables, qu'il soit indifférent à nos fautes et se laisse acheter par de vaines offrandes (5-30) ? D autres prières, pour n'être pas crimi- nelles, n'en sont pas moins insensées, par exemple celles des femmes, bien inten- tionnées mais ignorantes, qui souhaitent, à 1 enfant qu'elles aiment, un faux bonheur (31-40), ou celles de ces gens qui détruisent eux-mêmes l'effet de leurs vœux, soit en se gorgeant de nourriture au moment ils demandent la santé, soit en massacrant tous leurs bestiaux pour obtenir de Mercure qu'il en accroisse le nombre 41 51) Tout cela vient de ce que les hommes prêtent aux dieux leur propre cupidité, les convoitises de notre chair; qu'ils se les représentent sen- sibles à la richesse des offrandes, des statues, des objets sacrés et au luxe des temples : or, les dieux n'exigent de nous que la pureté du cœur; quanta l'of- frande, il n'importe guère : la plus humble suffit, car l'offrande, en elle-même, leur est indifférente 52-75).

Hune, Macrine, diem numera meliore lapillo,

NC Titre : Il ad plotiiim macriniim de bona mente P : ad wacrinum de uitae hones- tate a.

1. .Uacn'/ie ; selon les scolies (cf supra. une bonne affaire. Hune... diem : il

Vita Persi, noies sur le f; 5), Plolius Ma- s'agit, coinnie rindic|ue le vers suivant

t-rinus était un homme cultive, ((ui avait du jour natal de Macrinus Xumera, au

(■ludié dans la maison de ce Servilius No- lieu dénota ou de .signa. Perse veut indi-

nianus que Perse, d'après sou biographe, quer que son ami compte un anniversaire

aimait comme un père. Macrinus lui-même de plus : cf. Hor. : Episl., 2, 2, 210:

s'était attache au jeune poète comme à un « Xatalis grale mimeras '? » Meliore

(ils, et il lui vendit une propriété (" agel- lapillo est mis par analogie avec la locu-

lus ») au-dessous de sa valeur induite tion connue: meliore nota, de meliore nota:

sibi pretio aliquanto »). M. van W'age- nous dirions : « avec le bon caillou », de

iiiiigen lient ce dernier renseignement pour même que de nie/ùre nota signifie « de la

suspect, parce que Perse était riche : mais bonne marque, de la bonne espèce », par

on peut être riche et accepter un lémoi- opposition à la mauvaise (d'où le conipa-

gnage d'amitié qui est en même temiis ratif meliorei. On lit chez Catulle (fiS.

SATIRE II

55

Qui tibi labentis apponet candidiis annos. Funde merum genio. Non tu prece poscis emaci Quae nisi seductis nequeas committere diuis. At bona pars procerum tacita libauil acerra ;

NC. Qui y A- Val. : qiiid 2. apponet P : apponit 2 il est difficile de savoir laquelle des deux formes est une correction : apponet peut être reproduit servilement du passage d'Horace imité ici (Od., 2, 5, 13-15 : « currit enim ferox Aetas et illi. quos tibi demp- serit. Apponet annos ) ; mais je me demande si apponit n'a pas clé plutôt substitué à apponet comme plus naturel et plus logique après mimera, parce (pi on n'a pas vu que nous avons affaire ici à une lettre écrite, ou supposée écrite, avant le jour de naissance de Macrinus ou bien que Perse songe au moment ce jour sera entièrement écoulé. 3. murum (au lieu de mentm) a (corr A-). 5. At a . ad P. libauit P : libabit a : on sait combien la confusion dut et du m est fréquente dans les mss : cf. Havet ' o/j. fi(., p. 218, 928.

147) « qucm lapide illa diem cnndidiore notât» et (107. 6): « lucem candidiore no- ta ». Perse s'est souvenu de ces deux pas- sages ; mais, tandis que chez Catulle il n'est peut-être question que d'une marque à la craie (cf. Hor. : Od , 1, 36, 10 : « Cressa ne careat pulchra dies nota »], le diminutif lapillus paraît bien être un sy- nonyme de calculas, et je crois que no re poète songe ici à l'expression proverbiale diem notare candido calcula (cf. Pline le J. : Epist-, 6, 11, 3), dont on explique l'origine par la coutume, qui, selon Pline l'Ancien (7, 131) remontait aux Thraccs, de jeter dans une urne un caillou blanc pour les jours heureux, un caillou noir pour les jours malheureux.

2. Qui tibi, etc. : apponet c'est, propre- ment, « mettre à ton actif ». Je pense que Perse conserve au mot toute sa force (cf. Horace cité supra, NC.) : pour qui a bien vécu, toute année écoulée est un gain. Labentis .. annos : le cours des ans, les années écoulées, et non pas seulement la dernière : chaque nouvel anniversaire in- vite l'homme à faire le compte des années de sa vie. Candidus : les poètes (cf. Tib., 1. 7. 64 et Ov. : Trist., 5, 5. 14) appliquaient volontiers cette épithète au jour natal, parce que la couleur blanche était le symbole du bonheur, et aussi, peut-être, parce que 1 usage était de revê- tir, ce jour-là, une toge bien blanchie: cf. supra, 1, 15 et les notes

3. Funde merum genio : un des rites bien connus de la célébration du jour na- tal, qui était, pour chaque homme, la fêle de son génie et excluait tout sacrifice san- glant, p.nrce que le jour 1 on a reçu

l'existence ne doil coûter la vie à aucune ^créature vivante; on n'offrait au génie que du vin, de l'encens, des fleurs (cf. Censo- rinus : De die natali, 2). Prece... ema- ci : « par une prière mercantile » ; emax se dit proprement de l'homme qui a la manie d'acheter (cf. Cat. : jR. rust.,2, 7: Cic. : Parad , 6, 3, 51).

4. Quae nisi, etc. : litt. : « des souhaits que tu ne saurais confier aux dieux sans les tirer à l'écart » c'est-à-dire : « que tu ne saurais formuler qu'en secret » ; pour l'emploi de seductis, cf. infra, 6, 42 : « a turba seduclior audi » et 5, 143

5. At mart|ue ici une forte opposition : « Bien au contraire ». Bona pars .nous disons de même ; « une bonne partie : « Bona nune pro magna dictum. ut saepe Ennius et alii ueteres », dit Porphyrion à propos de bona pars chez Horace (Sut., 1, 1, 61). Procerum : cf. supra, 1, 52. Tacita... acerra : acerra, c'est la boîte à encens. On disait : libare acerra (cf. Ov. : Pont.. 4, 8, 39) parce que l'encens n'était pas brûlé dans l'aeerra, mais pris dans cette boîte et jeté sur l'autel, brûlant ; l'épithète tacita (au lieu de tacita) est transportée de l'agent à l'instrument : la figure est la même que dans l'expression prece emaci du vers 3. Libauit : pf. gno- mi([ue - semper lihanit. Si l'on préfère la leçon libabit (voy. NC), il faut donner à ce futur un sens tout à fait général solct libare (cf. Juv., 8, 182 : ((uae Turpia cer- doni, Volesos Brulumque decebunt ») : Perse, en effet, ne veut pas pai-ler des grands qui célébreront leur anniversaire en même temps que Macrinus : sinon bona pars serait tout à fait étrange.

56

A. PERSI FLACCI SATVRAHVM LIBER

Haut cuiuis promplum est murmurque huiiiilcsquc susuiros

Tollere cieteniplis et apcrto uiuere uoto.

« Mensbona. fama. lides i», liaec claie et ut audiat hospes ;

nia sibi introrsuiii et sul) lingua muiniurat : « O si

Ebulliat patruus, praeclarum funus », et « O si 10

\C. 6. IIiiiil P A-': (uit X, corrcclioii malheureuse d'un copiste déroulé par la forme haut, niais donne un sens si l'on met, avec Heinrich, un poinl d inlerrogalion après iMlo : cf. ^'irg. : En., 10, ()30. - miirniurque P A - : nnirtuiir x. humilesqiie P : hinnilisque a ; susurras, qui manquait dans P, a été ajouté par p. 7. aperto P (où était d'ahoid écrit aperito) A '^ \'al. : alerte, a. 9 Murmurai P a ; immurmurat 'f , variante qui provient peut-être d'une glose. 10. ebullial 'f écrit aussi ebuliat) A'al. sch. : cbullil P (mais d'abord tballiat) et a ; on trouve dans divers mss ebullet et ebullal (formes qui supposent un verbe ebullare). La leçon ebullit est une conjec- ture d'un correcteur qui ne s'«st pas rendu compte de la synizcse. Les éditeurs qui la maintiennent sujjposent généralement, avec Casaubon, un pf. du subj. ebulliin - ebullierim, formé par analogie avec axini, edim, contedini, dedini. etc. pniruus Y sch- : patru suivi d'un grattage (j' avait-il palrus? patruo 1 pairuâ?) P; patrui p 3. Val. : conjecture venant d'une mauvaise intelligence à la fois du rôle gram- matical de praeclarum fuiius et du sens d'ebnlliat qui signifierait : « survenait brus- quement », ou « surgissait (de la maison du défunt) ».

(j. Haut cuiuis promptum est : « 11 n'est |îas à la portée du premier venu » : cf. Ov. : Met., 13, 10 : « sed nec mihi dicerc uromptuni Nec facere est isti ».

(i-7. Murmurque... de teniplis : « d'éle- ver (c'est-à-dire de prononcer à voix haute) des temples les prières qu'il murmure et chuchote tout bas ». Il y a antithèse entre humiles et tollere : humilis, ici, ne veut pas dire « humble », mais « du ton le plus discret », par conséquent : « prononcé de la voix la plus basse ». Aperto ui- uere uoto :' « de vivre à vœu découvert », c'esl-à-dire : « de laisser entendre les vœux qu'il forme à chaque instant de sa vie ». Pour l'expression, cf. 5, 53 : « nec uoto uiuitur uno » et Sén. : Epist.,i'i. 4: « aper- to oslio uiuere ».

8. Meusboua. etc. : il ne faut pas prendre ces mots poui- dcîs noms de vertus di\i- nisées qu'invoquerait le personnage mis en scène ; mais entendre : « Mihi siiil meus boiia, etc. », c'esl-à-dire: « Puissé-jc avoir bon état mental, renommée, crédil. » L'expression boua mens désignait la santé morale par ojiposilion à la folie, mala mens {cï Sén. : Epist., 10, 4 : « Roga bo- nam mentent, bonani ualeludinem ani- mi m). Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de sous -en tendre bona avec fama : nous lisons chez Piaule (Most., 144) : « fides, fama, uirtus ». Ilaec clare : ent. : haec clare dicit ; dicit se tire sans peine de mur-

murât qui est au vers suivant. Hospes : « celui qui ne le connaît pas », comme chez Horace (Od., 2, 5, 22): « Mire sagaces fallei'et hospiles » ; nous disons de même : « les étrangers ».

9. Sibi introrsum : lilt. : « à lui-même ou pourlui-même en dedans » ; ne dit pas autre chose, en somme, que intra se. Sub lingua: « de manière que les paroles restent, pour ainsi dire, sous la langue, ne sortent pas de la bouche » ; nous di- sons, nous : « entre les dents ». O si, avec la valeur de utinam, n'est pas rare chez les poètes (cf. Horace : Sut , 2. 0, 10 ; Virg. : En , 11, 41.'); Ov. : Met., 14, 1921.

10. Ebulliat : « pouvait crever comme une bulle » ; le langage familier disait : ebullire animam an lieu d'efflure animnm (voy. Sén. : Apocol., 4, 2 ; Pétr.. 62. 10 ; cf. Apul. : Met., 1, 13) Il faut scander ebulliat en trois syllabes, par synizèse de ia : cf. la synizèse de ie dans abiete chez Virg. : En., 2, 16 et 8 599. - Praeclarum fnnus est une apposition ; eut : « () si mon oncle pouvait, deuil brillant, rendre l'àme ; il y a un jeu sur le double sens de praeclarum funus, qui signifie à la fois « mort heureuse (pour moi l'héritier) » et « funér.-iilles pompeuses » (l'héritier fera bien les choses, puisque le défunt est riche ; o])poaez 6, 33 et suiv.), et, de plus, l'alliance de mots dite o.vymoron.

SATIRE II

57

Siib rastro crepet argent! mihi séria dextro Hercule. Pupilluniue ulinam, queni proximus hères Inpello, expungam, nam et est scabiosus et acri Bile tumet. Nerio iam tertia conditur uxor. »

IS'C. 11. crepet P A- ; crepat (faute entraînée par elnillit) a. - 12. qitem P A - : quam y. (un copiste aura cru qu'il avait affaire à quam renforçant le superlatif). 13. expun- gam p , sur grattage d'une leçon incertaine : expiingas x (celle deuxième personne, qui ne pourrait s'adresser qu'à la divinité invoquée, n'est préparée par rien) ;i(i;)i et est a : nam est P Val., leçon qui fait un hiatus inadmissible : et a pu facilement cire omis devant est: on trouve dans 9 divers remèdes : namqiie (leçoti (]u'une main récente a écrite dans P), nam hic, mim ille 14. conditur P a ; dncitur Servius : In Georg.,i. 250 (cf. Introd., p. x.\ii), c'est-à-dire : « Nerius épouse une troisième femme (après en avoir enterré deux).

puisque funus évoque naturellement des images sombres. On pourrait, avec Hein- rich. supprimer la virgule après pa/ruus et faire de funus un ace. qualifiant l'action verbale.

10-11. 0 si... Hercule : allusion à l'a- necdote, dont il est question chez Horace (Sat., 2, 6, 10-13), du journalier qui trouve un trésor dans la terre travaillée par lui. Pour le tour .séria argenti, « une cruche d'argent », dans le sens de « pleine d'ar- gent », cf. Horace, i 1., v. 10 : <> uinam argenti ». St-ria. Piaule Capl., 917; Ter. : Heaul . 4(i0 ; Varron ; R. r , 3, 2,8^ c'est un vase d'argile de forme allongée dans lequel on mettait généralement de Ihuile. De.viro Hercule : « par la fa- veur d'Hercule » Hor. : I. 1. v. 12-13, dit: « amico Hercule ») : cf. 5, 114 : « loue dextro » ; Prop , 3, 1, 47 : « Apolline dexlro ». Le dieu des aubaines était Mer- cure, mais Hercule passait pour présider plus particulièreiiienl à !a découverte des trésors cachés (cf scolie au v. 44 : « Illum (se. Herculem) dixit absconditi lucrl esse praesidem, Mercurium autem euidentis lucelli »). On lui offrait le dixième de la trouvaille ; c'était la pars Herculanea.

12-13. Pupilluniue... e.vpungam : enl. : « Plaise aux dieux que je puisse biffer le nom de l'enfant encore en tutelle après lequel je suis inscrit comme second héri- tier. » Il sagil d'un cas de ■< subslitulion pupillaire », comme chez Horace dont le Tirésias' conseille à Ulysse de se faire inscrire sur un leslainent comme substitué {Sat., 2, 5, 45 et suiv. : « Si cui praelerea ualidus maie filins in re Praeclara subla- tus alctur... leniter in spem Adrepe olli- ciosus ut et scribare secondas Hères et. si quis casus puerum egerit Orco In uncuum uenias. ») L'emploi du mot proximus a fait

croire à certains commentateurs que Perse met en scène le plus proche agnal (proxi- mus agnaius) d'un homme mort qui a laissé un iils unique encore mineur, dont il n'a pas réglé la tutelle par testament : en ce cas, le pro.vimus agnatus, en vertu de la loi des XII Tables (5, 3), était tuteur de droit et héritait si l'enfant mourait à son tour. Il faudrait entendre dès lors ; « Puis- sé-je voir disparaître mon pupille, après lequel je viens immédiatement dans l'ordre de succession. » La parenté du présent passage avec les vers d'Horace cités plus haut, parenté confirmée par le membre de phrase : est scabiosus et acri Bile tumet, équi- valent plus concret de ualidus maie, ne favorise pas celle interprétation, qui, aussi bien, ne s'accorde guère avec l'eniploi de expungam.

13-14. Inpello : plus fort que sequor : nous dirions : « que je talonne, que je serre de près ». E.vpungam : e.rpungere, c'est annuler un mot ou des mots sur une tablette de cire (ou sur un écrit quelconque) par une série de points. L'enfant mort, son nom sera pour ainsi dire rayé du tes- tament par l'entrée en ligne du sccundus hères. - A'a;ji explique le \'œu (utinam.. ). On peut entendre : « Je le souhaite, car il est galeux et il a la jaunisse » (donc la mort serait un bienfait pour lui). Mais la pen- sée est peut-être, tout simplement : « Je puis le souhaiter, car, malade comme il l'est, il ne vivra pas longtemps. » Sca- biosus : M galeux »(cf. Hor. : Art poél.,iâi : scahies. gale). Acri bile tumet : enl. :

« II a la jaunisse », en latin : morbus regiiis (Hor. ; Art poét., 453) ou arquatus (Celse, 3, 24], en grec : oO'.fjiElx '/o\r, (St J. Chrys. : Homil. in Math., (53) : c'est celte dernière expression que Perse traduit.

14 Nerio iam, etc. : » \^oilà que Nérius

58

A. PEI^SI F-^LACCI SATVRARVM LIBER

Haec sancte ut poscas, Tiberino in gurgile mergis 15

Mane caput bis lerque et noctem flumine purgas.

Heus âge, respondc (minimum est quod scirelaboro) :

De loue quid sentis ? estne ut praeponere cures

Hune .. cuinam ? cuinam ? uis Staio ? an scilicet haeres ?

Quis potior iudex puerisue quis aptior orbis ? 20

NC. 15-16. poscas... mergis... purqasP A- Val. : poscat.. rverfjit... purgat a troisièmes personnes faisant suite au imirmurat du v. 9 . 16. noctem P : nocle {au lieu de noclê) a. 18. estne nf P : est ut a (ne a pu facilement être omis devant nt) . 19. cuinam cuinam p : cuinam (une seule fois) P a ; cuiquam cuinam Val. : cf. Introd , p. XXVIII ; staio a : l'aio P; slagio p ; slatio f.

enterre sa troisième femme. » Il v a un quatrième souhait : le personnage mis en scène envie, sans formiilerdirectement son vœu, la chance de Nérius qui vient den- lerrer sa troisième femme : en effet la dot, du moins la do.s odi/e/iMcifi, celle qui n'était pas coiisliluie par le père, devenait, après la mort de la femme, la propriété du mari. Il en était de même, d'ailleurs, de la dos a paire profecta, si le père ne vivait plus Ccf. Ulpien : Reg , 6, 4-5, cité supra, In- Irod., p. XL). J'entends donc « Ah 1 si ma femme pouvait mourir ! Voilà que Nérius enterre sa troisième. » Une autre interprétation ne sépare pas les mots Xerio iam, elc , de ce qui les précède im- médiatement ; le sens est alors : « Je vou- drais bien hériter de ce mineur : il y en a d'autres qui ont tant de chance 1 Nérius ne vient-il pas d'enterrer sa troisième femme ? » Mais je crois que Perse a voulu indiquer ici un souhait plus odieux encore que les précédents, si odieux qu'on n'ose pas l'exprimer d'une manière explicite, même à voix basse. Nérius n'est pas connu le nom se trouve chez Horace \Sit .2,. 3. 69 comme celuid'un banquier.

15. Haec sancte ut poscas : « Pour sanc- tifier de pareils vœux » : ironique. Haec pour désigner ce qui vient d'être dit, avec une certaine emphase, comme 1, 15 et 103. Tiberino in gnrgite : expression volontairement pompeuse.

15 16. Mergis mane caput s'explique par noctem.. purgas, ces ablutions matinales étant destinées à faire disparaître les souil- lures de la nuit Bis terque n'est pas ici un simple équivalent de saepe : il faut en- tendre : « trois fois au moins ». On con- nai: l'importance, dans les rites, des nom- bres impairs et, en particulier, du nombre

trois. Xoctcm flumine purgas : lilt. : « Tu purifies la nuit dans l'eau courante. » L'expression est aussi juste qu'elle est con- cise, s'il est vrai que le sommeil à lui seul passât pour une souillure : « Nox dicitnr etiam solo somno polluere » (Serv. : Ad Aen., 8, 69): cf. Prop., 3, 10, 13 : « Ac primum pura somnum tibi discute lym- pha. »

17. Heus (cf. 3, 94 : Heus bone' : « Or ça ». Age. responde (cf. infra, 22 : Die agedum) : même tour chez Horace (Sa/., 2, 7,4-5) ; «Age, libertate Decembri .. utere » et '2, 3, 2241 « Nunc âge, luxuriam... arripe mecum ». Minunum est. elc. : « ce que je suis en peine de savoir est bien peu de chose » ; sci're laboro est une fin de vers prise à Horace (Epist., 1, 3, 2). (^icérnn ne consti-uit laboro avec l'inf. que dans le tour négatif non laboro (T'err., 3. 55, 127), analogue à non euro.

18. De loue quid sentis :' « Quel est ton sentiment sur Jupiter ? » Les stoïciens, on le sait, donnaient le nom de Jupiter à l'âme du monde, la seule divinité qui, pour eux, fût éternelle. Ils la concevaient comme une force consciente, souveraine- ment juste et bonne. Estne ut : est ut signifie : « Il arrive que, la vérité est que » (voj'. Riem. : Siinl. lat., ^ 186, b, n. 1 : il renvoie à Cic. : Dediu., 1, 56, 128 : Pro Cael., 20, 48). On peut traduire : « X'est-il pas vrai que... ? »

18-19 Praeponere cures hune... : « tu as souci, tu as à creur de le mettre au-dessus de... " Pour le tour, cf. Cic. : Pro Flacc, 27, 64 : « Qui res islas scire curauit. »

19-20. Cuinant '.' cuinam ? etc. : On peut donner le premier cuinam à l'interlocuteur, soit que. trouvant la question bizarre, il manifeste de la surprise, soit que, voyant

SATIRE II

59

Hoc igitur, quo tu louis aurem impellere temptas, Die ageduiu Staio : » Pro luppiter ! o hone, clamet, luppiter ! » At sese non clamet luppiter ipse? Ignouisse putas, quia, cum tonat, ocius ilex Sulpure disculilur sacro quam tuque domusque ?

25

NC. 21. quo P : qiiod a \'al., leçon qui fait contresens : le copiste a cru qu'il avait

affaire au tour Hue-., quod... « ce fait que .. ». 22. Staio ■% p : iaio P. 23. At

sch. A- : acf P a (voy. Inirod., p. xxix); clamât (au lieu de chuiiei) p. 25. Stiipure P ; Sulphure a.

le poète hésiter, il le presse d'indiquer un nom. Mais il est plus simple de laisser à Perse les deux interrogatifs, en admettant ici une geminatio (cf. 1, 11) : après hune, le poète s arrête, cherche un instant et répète deux fois, se parlant à lui-même : « Cuinam 7 cuinam ? » Enfin il lui vient lui nom : « Veux-tu (mettre Jupiter) au- dessus de Staius ? » Et il continue « ou bien tu hésites , à le faire . apparemment ? » (ou, en mettant des points de suspension après an et en supposant une rélicence : " ou bien est-ce que (je me trompe! ? appa- remment, tu hésites ? »). Cette hésitation, laisse-t-il entendre, s'explique sans doute par la crainte de faire tort à Staius : « Y a-t-il (en effet juge meilleur (que Staius) ou homme mieux fait pour les orphelins (c'est-à-dire protecteur plus intègre des orphelins) ? » Tout ceci est ironique ; la pensée de Perse est la suivante (v. 18-23) : « Prends un malhonnête homme, un juge aussi peu intègre que Staius; confie-lui les prières que tu adresses à Jupiter, il se récriera avec indignation. Et tu veux que .Jupiter, à qui tu n'oserais tout de même pas prêter l'immoralité de Staius, ne soit pas indigné des souhaits que tu formes ? » On voit qu'il est inutile de donner à qiiis iv. 20 la valeur de iitcr et d'enlendre : « Lequel des deux (de Jupiter et de Staius) est le meilleur juge .' » En revanche, rien ne nous empêche d'admettre que Staius ,soit le nom, passé en proverbe, d'un juge prévaricateur dont quelque orphelin sans <léfen.se avait éprouvé la mallionnêlelé. .Mais, pour reconnaître en lui cet Aelius Staieims Paetus que les scolies désignent ici sous le nom d'Aelius Staius, et que Gicéron a flétri dans son Pro Cîuentio i24, t)5 et suiv. : voj'. particulièrement S 68 : « (sescenta milia nummum cum accepisset a pupillo, suppressit ») et dans sou Brutus (69, 242^, il faudrait supposer, de la part

de Perse, une erreur de mémoire : sans doute les inscriptions attestent l'existence du gentilice Slaius, mais Staienus l'avait- il jamais porté ? C'est peu probable, puis- que nous lisons dans le Brutus (69. 241) : « C. Staienus, qui se ipse adoplauerat et de Stateno (non point de Staio) Aeliuni fecerat. »

21. Hoc igitur quo, etc. : il s'agit d'une prière houleuse comme celles qui sont rap- portées vers 9 et suiv. Tu : cf. 1, 2 et la note. louis aurem impellere : « frap- per, faire vibrer l'oreille de Jupiter » : style épique (cf. Virg. : Gcorg.. 4, 348 : En , 12, 618) ; le mot parait impropre, appliqué au faible murmure d'une prière chucholée ; mais peut-être Perse songe-t-il, plutôt qu'à l'effet physique du son, à l'effet moral de la prière, et devons-nous entendre : « ébranler, séduire » : temptas s'accorde bien avec cette interprétation.

22. Die agedum, au lieu de la locution usuelle die âge (Hor. : Sat., 2, 7, 92) ; agedum précède d'ordinaire l'impératif (Hor. : Sat., 2. 3. 155 : « Agedum, sume, etc. .. ; cf. Lucr., 3, 962 et Prop ,1,1, 21). Die..., clamet... .enl.ia Si tu disais cela à Staius, il s'écrierait, etc » : tournure fa- milière bien connue : cf. 3, 107 ; 4, 19 et 52 ; 5, 84 ; 6, 58. Pro luppiter. etc. : Staius exprimerait son indignation en in- voquant Jupiter.

23. At sese non clamet, etc. : eut. : At luppiter non clamet louem ? Le sens est : « El lu crois que Jupiter, lui, n'éprouve- rait aucune indignation ? » Mais le poète représente plaisamment le dieu se prenant lui-même à témoin de l'horreur qu'il éprouve, et s'écriaut : « Pro luppiter 1 » L'expression : sese elamare est faite sur le modèle du tour : elamare furem (Hor. Kpi.'.t., 1, 16, 36).

24-25. C était un argument bien souvent employé, depuis Anaxagore, par ceux qui

«0

A. PERSI FLACCI SATVUARVM LIBKR

An quia non fibris ouium Ergennaque iubentc Triste iaces lucis euitanduraque bidental, Idcirco stolidam praebet tibi uellere barbam luppiler ?aut quidnani est qiia tu mercetie deorum Emeris auriculas ? puliiione et lactibus unclis?

30

NC. 2G. otiiiiiii p a obuiiini P ; Errjenna p a c'esl la bonne orthographe de ce nom clriisqiie, voy. ci-dessous) ergena P. 27. iaces P x : iacet p, 29. nicrcede deorum P : merce deorum a. 3t). Le copiste de P avait d'abord écrit pidmonem et lacihiis

niaient l'existence des dieux, ou tout au moins celle d'une Providence, de montrer la foudre frappant les lieux consacrés et épargnant les impies (cf. Aristophane : Sitées 401-402; l^ucrècc, fi. 417 et suiv.). Se rappelant cet argument, Perse dit h l'homme qui outrage les dieux par des prières criminelles : « Tu penses que Ju- piter l'a pardonné, parce que sa foudre a plus tôt fait de frapj)er le chêne, arbre consacré au dieu, que de vous anéantir, toi et les tiens ? •>. Ignoiiisse : suj. louem s.-ent. —Tonatesl'û construit impersonnel- lement ? ou bien faut il entendre : a cum tonat luppiler » ? L'emploi de tonans comme épilhète de Jupiter est en faveur de la seconde interprétation. Ilex désigne ici toute espèce de chêne : le nom de les- pèce est substitué à celui du genre. Sulpure... sacro : périphrase épique pour fulmine : cf. Lucain, 7, 100 : « Aetherio .. sulphure ». Discalitur : cf. Lucr., 6, 417-418 : « suas.. Discutil infesto praecla- ras fulmine sedcs. Tuquedomusfiue lu et lui.

26-29. An (juia... uellere barbnni luppi- ler : litt. : « ou bien, parce que tu n'es pas couché dans les bois sacrés (pour èti-e), d'après l'ordre que donnent les entrailles des brebis et l'haruspice. Ergenna, un bidental sinistre et qu'on doit éviter, est- ce une raison pour que Jupiter t'offre à tirer une barbe débonnaire ? » On croyait que la foudre tombait sur les bois sacrés s'ils avaient été souillés (Hor. : Od., 1. 12, .'iO-OO : « Tu paruni cnslis inimica mitles Fulmina Unix » : or. lorsqu'un lieu avait été frappé de la foudre, on le consacrait en immolant des brebis âgées de deux ans (hidenlcs) et on l'entourait d'un reboi-d eir- culaire (putriil) : il formait dès lors ce qu'on appelait un bideutul, et aucun pied profane ne dev;iil pins le fouler. Si le même coup de foudre a\iiit tué un homme, le cadavi-e était enseveli sur place : en pareil cas, on

ne brûlait point le corps (voy. Pline .V. H , 2, 145) Les vers de Perse signi- fient donc : « Tu n'as pas été foudroyé dans un bois sacré souillé par ta présence et on n'a pas eu h t'ensevelir, avec les cé- rémonies consacrées, sous le bidental ; et cela te fait croire que Jupiter autorise les prières criminelles. »

26. Fibris ouium : s.-ent. iubentibns, allusion au sacrifice présidé par les harus- pices qui accompagnait la consécration du bidental Fibris a la valeur d extis : cf. infra, 45. Ergenna : nom étrusque cf. Porsenna, Sisenna. Perpenna), pour dési- gner un haruspice quelconque ; on sait que les haruspices étaient ordinairement d'origine étrusque, Iharuspicine aN-ant pris naissance en F^lrurie (V03'. Cic. : De diui'n., 2, 23, 50 , et que ce genre de divi- nation n'était pas limité aux signes tirés des entrailles des victimes, mais s'étendait à la foudre et aux prodiges.

27 laces : « tu es couché ». c'est-à-dire: « tu es étendu mort ». Pour le tour iaces bidenliil. cf. 5, 72 : « cum rola posterior curras ». Le mot bidental est appliqué, par une figure hardie, à l'homme enseveli sous le bidental. Triste : « sinistre, de fâcheux augure » [triste bidental est chez Hor. : Art p., 471

28. Idcirco : « Fisl-ce une raison poin- (|ue .. ? », tour prosa'ique employé plus d'une fois par les satiriques (cf. Lucil , 6'25, 631, 640 Marx ; Hor., Sal., 1, 4, 4.1 et ail'eurs) - Stolidam... barbam : imitalion du sapientem. . barbam d'Horace {Sut.. 2. 3, 35) : mais, ici stolidam n'a guère que la valeur de ladv. slolide. Praebet libi uellere r:i uellcndam : c est le tour « drde- r«/(pie com.-im diffamlere uentis » ^^'irg. : En., 1, 319 ; pour uellere barbam, cf 1. 133.

29-30 .4i(( quidnam. . auriculas : litt. : « ou bien qu'y a-t-il qui puisse te servir de salaire pour acheter les oreilles des

SATIRE II, fil

Ecce auia aut metuens diuum niatertera cunis Exemit puerum. frontemque atque uda labella Inlami digito et lustralibus anle saliuis Expiai, urentis oculos inhibere perita ;

NC. 31. lualertera P : luattera a (omission tlu premier des deux groupes de lettres tr). 34. expiât P : exspica a (corrigé en exspùtl par A-).

dieux? »C est comme s'il y avait :quidnam est qiio taiiquani mercede. etc. ou : quidnam mercedis est qna, elc.

30 Emeris : cf. supra. 3 : « prece... fiiiaci » - Aitriciilas : et" 1, 22, 59, 108, 121. Piilniouf, etc. : ent. : « les en- trailles des viclinies que lu leur immoles » (apposition à mercede, à moins qu'on ne sous-entende eniis) ; mais il y aune mépri- sante raillerie dans l'emploi des mots pu/ moue et lactibus, substitués à exlis. Nous dirions : « avec du poumon et des tripes grasses » : lactés est, en ell'et, un mot vul- gaire, qui appartient à la langue des eo- niiques(PIaut. : CiirciiL. 311) ; Pseiid., 31iS).

Vnctis p'nujmhas (cf. 4, 17) ; le mot n'est pas rare chez Horace, naais avec le sens de « enduit de graisse, gluant de... ..

31. Kcce : cf. supra, 1, 30. Perse passe à un autre genre de prières : celles qu'ins- pire la méconnaissance des vrais biens

Metuens diuum { = diuorum) « super- stitieuse » ; c'est l'équivalent de OEtJi- oaïutov. On sait que la construction de metuens avec le génitif est classique. Aura... aut... matertera : la présence de la grand'mère ou de la tante maternelle près du nouveau-né est toute naturelle.

32-34. Ces trois vers décrivent les riies destinés à conjurer le mauvais œil. La femme habile dans cet art tçuche le front et les lèvres de l'enfant avec son médius mouillé de salive. Le médius était le sym- bole du phallus, et, comme tel, il ne ser- vait pas seulement à faire des gestes ob- scènes (voj-. Priap., 5(5, 1, et Juv., 10, 53), mais il passait encore pour avoir des pro- priétés magiques: on croj^ail, en effet, que le phallus [f'ascinus) était le préservatif le plus puissant contre la fascinatio mau- vais œil, sort ») ; vov. Pline : A'. H., 28, 39.

32. E.vemit : ce pf. marque l'antériorité par rapport au présent expiât (y. 34) : la femme a commencé par tirer l'enfant de son berceau. Frontem : le front était c insacré au génie (Servius : Ad Verg.

Ed., 6, 3). Atque uda labella : faut-il entendre, en attribuant à uda un sens pro- leptique, que la femme humecte les lèvres de l'enfant? Je ne crois pas ; il j- a ici un Irait de réalisme bien conforme à la manière de Perse : les tout petits enfants bavent sans cesse et leurs lèvres sont tou- jours humides. Pourquoi la femme touche- t-elle les lèvres de l'enfant ? Pétrone, dé- crivant {Sat., 131) une conjuration sem- blable, ne pai'le que du front Mox tur- batum sputo puluerem anus medio ^uslulit diyilo /'ro;i/e;)ique repugiiantis signauit »). Mais ce n'est pas une raison pour entendre ici que la salive est prise sur les lèvres de I enfant et sert à mouiller le fi'ont : « ea*- piat labella », dit Perse : nous devons, il me semble, laisser à l'expression toute sa force, et Casaubon n'a pas tort d'écrire à propos de ce passage : « Hinc... cognos- cimus infantibus die lustrico suo saliuani ad lahra et fruntcm solilam admoueri (qui mos postea in (^hrislianorum Nominali- bus, die sacralissimo, uidetur mansisse). » En effet, huit ou neuf jours après la nais- sance de l'enfant, on lui donnait un nom et on le purifiait : c'était le lustricus dies, analogue au baptême, et il est naturel de supposer que les rites décrits ici par Perse s'accomplissaient ce jour-là (voy. pourtant Wissowa : Reliy. u Kult.d Rom., p. 329, n. 1). - Labella : cf 3, 82.

33. Infami digito : le médius, appelé ailleurs itupudicus digitus{Mavi..i3, 70, 5); poiu' la raison de ces épithèles, voy. su- pra, note aux v. 32-34. Lustralibus... saliuis : « la salive expiatoire ». Pour l'emploi du pluriel, cf. 6, 24, et Prop., 4, 7, 37 : « At Nomas arcanas tollat uersuta saliuas », passage il s'agit, comme ici, de conjurations magiques ; la salive jouait un rôle important dans ces conjurations : voy. Pline : A'. //., 28, 35-40, et cf. Pé- trone. 131, cité supra, n. au v. 32. Ante: <t d'abord » : ceci s'oppose à iuiic quatit,

34. Expiât : nous dirions : « fait des conjurations sur le front et sur les lèvres avec, etc. ». Vrentis oculos = fasci-

62

A l'KHSI KLACCI SATVRAHVM I.lBKR

'riinc nuinibiis quatit et spem macram supplice uoto l^ô

Nunc Liciiii in canipos, iiunc Crassi miltil in aedis :

« Hune optent gencrum rex et regina. puellae

Huncrapiant ; quidquid calcaucrit hic, rosa fiât. »

Astego nutrici non mande uota. Negato,

luppiter, haec illi. quamuis te albata rogarit. 40

NC 35. qualil V A- : quant A : quaril li (inauvnise lecture du /). 3(i. Ucini P : Uni a ; aedis P : hedis y.. 37. optent F : opti't a \'al. : le rapprochcnienl avec le erant... rex et retjina d'Apulée (voj'. ci-dessous) confirme optent. 39. nutrici non p a : non nutrici l' leçon inadmissible, parce qu'elle fait un vers mal césure. 40. /lacc omis 3. (corr. A-); royarit P Val. sch. : rugabit 2 (l;i faute peut remonter à Sabiiuis, puisque l'indic. après qi/a/iiuis domine à partir du 11*= siècle après J.-C).

nantes oculos : expression pittoresque pour d'''signer le « mauvais (t-il >, assimilé à un poison qui brûle et dessèche : cf. N'irgilc parlant de la morsure des chèvres, véné- neuse pour les plantes « urentes culta capellas « (Géoi\f/., 2, l'J()). - ïnhibere : « arrêter; nous dirions ici: « détourner ». Perita, avec l'inf. , comme chez \'irgile (cf. Hiem. : SynI. lut., S 246. rem. I,i : voy. l'roL, 11, la note sur artifex sequi.

3j. Tune, « ensuite », ré|)ond ù ante (v. 33). Quatit : elle balance l'enfant dans ses bras. On ne peut affirmer qu'il y ait l'indication d'un geste rituel.

35-36. Spem inacrani... in aedis litt. : 0 cette maigre espérance, ses vœux sup- pliants l'envoient tantôt dans les domaines immenses de Licinus, tantôt dans le pa- lais de Crnssus » ; spes. c'est l'ciifant, si jeune qu'il n'est encore qu'une espérance (cf. Virg. : En., 1, 556 ; << nec .spes iam restât luli »), espérance bien fragile, exposée comme elle l'est à tant de hasards (ce qu'indique macram). Mittit : parce que les vœu.\ emportent lenfaut vers un avenir lointain . cf. Sén. : Epist., 94, 53 : « Nocent, qui optant ; nam... illorum amor maie docel bene optando : mitlit enim nos ad longinqua bona et incerta. » La richesse de Crassus était proverbiale dès l'époque de Cicéron (voy. De Fin , 1,3.22, 75 ; Ad Att., 1, 4, 3) ; celle de Licinus, affranchi de César, qui fut sous Auguste procurateur de la Gaule, ne fut pas moins célèbre. Les deux noms sont rapprochés chez Sénèque (Epist., 119, 9j : « Ex bis quorum nomina cuni Crasso Licinoque numerantur. » Campos : dans le sens de latifundia.

37-38. Perse reproduit quelques-uns des vœux formulés par la femme : elle de-

mande que l'enfant soit un jour gendre d un roi et d'une reine, comme dans les contes (cf. Apul. : Mtt., 4. 28 : « Krant in quadam ciuitate re.T et regina) , que les jeunes femmes se le disputent (rapiant est mis ici pour diripiant : cf. Juv., 6, 404 ; nous disons familièrement « se l'arra- chent »); que, sous ses pas, tout devienne rose (cf. Claudius, 29 (Laus Serenae), v 89 : a. quacumque per herbam Reptares, fluxere rosae ; candentia nasci Lilia »).

39. Ast ego, etc. : " Mais moi, ce n'est pas une nourrice que je charge de faire des vœux (pour moi, à supposer que je sois encore enfant, ou pour mon fils, à supposer que j'en aie im). » En effet, pour savoir ce que nous devons souhaiter à un enfant, il faut, non des jjréjugés de bonne femme, mais la connaissance des vrais biens. La nounice, substituée ici à la grand'mère et à la tante maternelle du vers 31, était le type de la femme supei- stiti use (cf. Cic : /)e /eg, 1, 17, 47 . Hor. : £pi.s/., 1. 4, 8. Sén. : Epist. ,&0. 1 : « quod tibi oplauit nulrix tua »). Mando était peut-être un terme technique : « \'erbo usus est aruspicum, cum eis dicitur " Mando tibi ut maximum louem audias»,ut qnem- admodum procurationls assertio fit, ita Bat et in sacris et in prece » (scol.) : la prière est faite pom- ainsi dire par procu- ration.

39-40. Negato... rogarit : « .Jupiter, ré- ponds « non » à ces vœux, qu'elle te les adresse vêtue de blanc autant qu'on vou- dra c'est-à-dire de la n>aniére la plus so- lennelle et la plus conforme au rite ». On mettait pour aller dans les temples des vêtements bien blancs : cf. l'ib., 2, 1, 13: " casta placent superis. pura cum ueste ueni'e », et voj-, Cic. : De leg., 2, 18, 45.

SATIRE 11

63

Poscls opem neruis corpusque fulele seneclae. Esto, âge. Set grandes patinae tuccetaque crassa Adnuere liis superos ucluere louenique moranlur. Rem sliuere exoptas caeso boue Mercuriumque Accersis fibra : « Da fortunare penatis,

45

NC. 41. posais P : poscit a Val. : cf. supra, 15-16. 42. grandes P Val. : pingens (c'est-à-dire pingues A ^) a : la leçon pingues paraît n'être qu'une interpolation suggérée par crassa : grandes marque mieux la quantité de nourriture engloutie par ce gros mangeur. 43. nioraiitur p a : mirantiir P. 45. accersis P ; Priscien : Inst. gr., 8, 14, 79 p. 433, 26 des Gr. L. de Keil) : accessis a ; arcessis \'al. fibra p a : fibram P ; -da P A-2 : de a.

41. Posais opem neruis : Perse s'adresse maintenant (v. 41-51) aux hommes qui demandent aux dieux la santé et la ri- chesse et, dnns leur sottise, détruisent par avance 1 effet possible de leurs vœux en se gorgeanl de nourriture et en immolant tout leur béiail. u Tu demandes (aux dieux , dit-il d'abord, aide pour tes muscles », c'est-à-dire « Tu demandes aux dieux de te donner la force phj'- sique ». Je ne crois pas que opem soit, dans ce vers, sj'nonyme de iiim, parce que poscere opem me semble l'équivalent de la locution toute faite peiere opem : « deman- der secours ». Corpusque (poscis) fidèle senectac : a et (tu demandes) pour ta vieil- lesse un corps qui ne la trahisse point » (ou : « un corps qui ne trahisse point ta vieillesse » si l'on fait dépendre seneclae non pas de poscis, comme neruis. mais directement de fidèle}.

42. Esto : « Soit », « Fais le ji, c'est-à- dire : « J'admets les souhaits de ce genre •> Les stoïciens n'interdisaienl nullement de demander aux dieux la santé du corps qu'ils mettaient au nombre, snion des vrais biens, du moins des « choses préfé- rables » (~poTjY;-tîva) : cf. Sén. : Epist , 10, 4.

42-43. Le sens est : « Tu ruines toi- même par tes excès de table cette santé que tu demandes aux dieux. » Grandes patinae indique une table trop abondam- ment servie, le mot patina désignant à lui seul un piat grand et profond Tucceta- que crassa : le tuccetuni était, d'après les scolics, uu saucisson de viande de bœuf fabriqué dans la Gaule cisalpine ; crassa : « épais » : c'est une nourriture massive et lourde. Adnuere, etc. : « ont interdit aux dieux (avant même qu ils aient reçu la prière) d'exaucer ces vœux ». louemque

morantur : « arrêtent Jupiter, l'empêchent d'agir en ta faveur » (îrandes patinae tuc- cetaque crassa peut désigner des excès de table habituels : mais il parait probable, si l'on rapproche ces vers des suivants (44- 51), que Perse songe ici aux banquets qui accompagnaient les sacrifices et reproduii un thème cj-nique connu (voj'. Diog L., 6, 2, 28 —il s'agit de Diogène le Cynique : <( 'K/.îvEi ô'aÛTOv xal Ojîiv jjiôv tôt,; Hzo'i^ •jiizp 'jyiS'-Jî';, iv aÙTï, 8e tt, Ouata xsfcà Tï^î ify.zioiç OcittveTv). »

44. Rem struere : « amasser du bien, t'enrichir » : cf. Pétr. (120, 85) : « quas struxit opes ».

44 45. Mercuriumque accersis : litt. : « et lu fais venir, tu mandes Mercure » : c'est une espèce de sommation adressée au dieu. Mercure n'était pas seulement le dieu du gain , c'était encore celui des troupeaux (voiJLiOi;, ETT'.jxrîÀ'.o;*, et le personnage mis en scène ici demande que son bétail s'ac- croisse. — Fibra (se bonis caesi) : ent. : en lui offrant les entrailles du bœuf im- molé » ; pour I emploi de fibra, cf supia, vers 26 : le mot désigne proprement l'ex- trémité du foie Xo^oç).

45. Da fortunare penatis : l'expression est assez surprenante; on attendrait : For- tuna mihi penatis : « Fais prospérer mes pénates, ma maison. » Je crois qu'il faut entendre : « Da te fortunare pénates », litt. : « Accorde que tu fasses prospérer mes pénates » On explique d'ordinaire « Da pénales fortunare me », c'est-à-dire : « Permets que mes pénates me fassent prospérer. » En tout cas, le verbe fortu- nare paraît consacré dans le langage reli- gieux où il n'a jamais pour sujet que dii ou un nom de divinité (voy. par ex. Afra- nius, cité par Nonius p. 109, et Cic. : Epist. 2,2).

64

A. PEI^SI FLACCI SATVI^ARVM LIBER

Da peciis et grogibus feluni « « Quo, pessinie, pacto, Tôt libi ciim in flanimis iunicum omenla liquescant ? » Et tamcn hic extis et opimo uincere ferto Intendit : « lani crescit ager, iani crescit ouile, lani dabitur, iam iam »... donec deceptus et exspes Nequiquam fundo sus|)iret nunimus in imo.

50

NC 46. et gregihus V a : e gregibiis j. 47. flaiitiiiis V : llainiuaa y. (qui peut s'expli- quer aisément conime une correction) ; flamnia Val. ■■: ; cf. Introd., p. xxxii) ; li<liiescunl P a: liqiiescunt p. 48. Et lumen P : at lainen a ; mais at tamen ne se trouve guère qu'après une propo.sition concessive de forme ou de sens icf. 5, 159 et vov Madvig, dans son éd du De Finihus, p. 286 et 425) ; fcrto P A^ : festo a Val. : substi- tution d'un mol banal à un mot rare. 49. ager V A- : ascr a.

46. Da (mihi) peciis et gregibus fetum : « Donne-moi du bétail; accorde à mes troupeaux de mettre bas » ; jetas a ici toute sa force première de substantif verbal (de 1 inusité /ipo ou feor, produire, mettre bas). Pour toute cette prière à Mercure cf. Horace; Sat , 2, 6, 13 14 : « Ilac prece te oro l'ingue pecus domi- no faeias. »

46 47. (^wo, pessi'/»ic, />ac/o, etc. (cf Hor. : Sut.. 2, 7, 22 : « Quo pacto, pessime ? » Est-ce Mercure qui parle ou le poète ? La sujjslitution brusque, au vers 49, de la W personne {intendil à la 2», et surtout le démonstralif hic (au vers 48) me font ad- mettre, avec les scolies, que c'est .Mercure; mais, d'ailleurs, ce changement de tour- nure pourrait bien ne pas marquer autre chose qu'un changement de ton. Le sens est clair : comment les troupeaux de cet homme pourraient-ils croître et multiplier, alors qu'il immole tant de génisses sous prétexte d'honorer les dieux ' Pessinie : signifie ici « insensé » plutôt que « scélé- rat ».

47. « Alors <juo tu fais fondre dans les flammes lesentrailles de tant de génisses. » In flammis : l'abl., parce que le poète se représente les entrailles déjà déposées sur l'autel. Iunicum, gén. plur. de iunix, forme dont on ne cite pas d'exemple avant Perse : Plante dit : inueni.v (Mil. glor., 304). En immolant des génisses, notre homme compromet tout à fait l'ave- nir de son troupeau. Onienlum, c'est proprement la membrane qui enveloppe l'intestin, autrement dit l'épiploon (voy. Pline : .V. //., 11, 204).

48. Et tamen : « Malgré la folie de ce massacre » ; hic : « l'autre, notre homme » ; extis, etc. ; « s'efforce de triom-

pher (c'est-à-dire d'obtenir ce qu'il de- mande à force d'entrailles de victimes et de somptueux gâteaux ». Le fertuni ou /'erc/uni (de l'inusité /"e/Y/o coquo, torreo), était un gâteau fait d'orge, d'huile et de miel : V03'. Festus, p. 75, 17 Lindsay)

49. Intendit, avecl'inf., se trouve même en prose : cf Liv.,36, 45 1.

49-50. Iam.. , iam..., iam..., iam iam : la répétition de iam est destinée à montrer que notre homme s'imagine à chaque ins- tant que ses vœux vont être comblés, que son domaine va s'agrandir, sa bergerie se jieupler davantage ; pour la geminatio (iam iam), cf. 1, 11 et la note. Dabitur : suppl. comme sujet quod roguui. quod a dis poposci , ou quelque chose d'ana- logue.

50 51. Donec... in imo: « jusqu'à ce qu'un écu (le dernier), désappointé(d'avoir vu partir sans retour ses frères qui de- vaient lui revenir avec des richesses nou- velles et à bout d'i'spoii', gémisse en vain au fond de la bourse ». Cette personnifi- cation de l'écu est bien dans le goût de Perse. Je dois signaler pourtant deux autres interprétations, toutes deux accep- tables 1° c'est le suppliant lui même qui, trompé dans ses espérances, soupire : « C'est en vain que ma monnaie est a\j fond », c'est-à-dire : << (^'est en vain que j'ai épuisé ma bourse ».(Ponct. : ...donec deceplus et exspes : « Nequiquam fundo, suspiret, nummus in imo ».) 2" Le sup pliant soupire, vainement nequiquam se rapportant à suspiret et les guillemets n étant placés que devant Fundo], car il est trop tard : « Je touche au fond de ma bourse. » L'expression in fundo était, semble-t-il, proverbiale (Sén. : Epist..}, 5 : « sera parsimonia in fundo est »}.

SATIRR II

65

Si tibi crateras argent! incusaque pingui Auro doua Teram, sudes et pectore laeuo Excutiat gutlas laetari praetrepidum cor. Hinc illud subiit, auro sacras quod ouato

55

NC. 52. crateras P : cf. Serv. : AdAen., 1, 724 ; Isidore : Orig., 20, 5, 3 : creterras a ; incusaque a : incusasque P (faute mécanique amenée par crateras); incussaque p -i ; inclusa dans trois mss de Servius, 1. 1. 5;i. laeuo x : laeto (en marge, d'une autre main : uel leuo) P ; cf. Introd., p. xxvi. 54. Excutiat P a : excatias (ou excucias) p Val. '-? : voy. Introd., p. xxxi ; excuties -i ; excutiens... laelaris Hauthal. praetrepi- dum P (pertrepidum .f.) praetepidum a (vo}'. Inirod., p. xxiv). 55. subiit A^Val. : subit qui fait un vers faux P a sur la var. subito, voy. Introd., p. xxviii. ouato tous les n)ss : et ouo Léo (Hernies, 45 (1910), p. 44, conjecture inspirée par une erreur du scoiiaste sur ôuatus ouo porfunduntur statuae, ut bratlea melius inhaerescat »), que le latin populaire ne distinguait pas de ôuatus. ainsi que l'atleslent les formes oeuf uef), uovo, tirées d'ouum, non d'ôuuni (cf. Léo, ibid., p. 320).

52-56. Le sens est : « Comme la vue seule de l'argent et de l'or te jette dans des transports d'allégresse, tu attribues aux dieux la même cupidité. »

52 53. Crateras argenti : noter l'emploi (lu gén. de matière (cf. Riem.-Goelzer : Sijnt comparée, § 109. p. 120-121) : l'expres- sion ordinaire est craterax argenteas ou ex argento : crateras. non craleràs, de cralera, non de crater : Servius (1. cit. NG.) dit que la forme latine de ■/.o7.xi\ç) est haec cratera ioucrelerra. attesté par Paul. Fest., p. 53 Millier, 46, 22 Lindsay, et Nonius, p. 457). Incusaque pingui auro dona : " et des présents ornés de reliefs en or massif» : z'ncwJere s'employait comme équi- valent du grec £ij(.TTa'î!V. 11 îa-xtaT'.xr, Tï/vr,, c'était lart d'appliquer des Ggures en bas-relief (crustne) ou en haut-relief (^emblemata) faites d'une autre matière que le corps même de l'objet qu'on décorait (cf. les Dict. d'Antiquités) : par exemple une Ggure en or sur i\n vase d'argent, ou une figure d'argent sur un vase de bronze. Il est donc possible qu'il y ait ici un hen- diadys et que ces donn iucusa auro ne soient pas autre chose que les cratères d'argent dont il vient d'être question. Pingui auro - soUdoauro (cf. Sén. : Epist.. 5, 3 : (I solidi auri caelatura »).

53-54. Sudes : « tu suerais » (par excès de joie : cf. 3. 47 : « pater . sudans »). Pectore laeuo . praetrepidum cor : ces mots sont l'explication de sudes : litt : n et ton cœur, dont la joie précipite à l'excès le mouvement, fait tomber des gouttes (de sueur) delà partie gauche de ta poitrine ». Je vois, en effet, dans pectore un abl. d'éloi-

gnetiieiit (cf. Bentley : Ad Hor. carm.. 2 19, 5, qui pai-aphrase : « Cor... excutijit gultas sudoris pectore laeuo siue sirjistra parti' ubi cor salit ))). D'autres font de pectore laeuo un abl. de la question ubi r= in pectore laeuo et entendent : « Ton cœur, dont la joie précijjite les mouvements dans la partie gauche de ta poitrine, fait lombei- (de Ion front) des gouttes (de sueur) » (ou bien « fait tomber de tes yeux des larmes de joie ») ; mais pectore laeuo ressemble fort, en ce cas, à une pure redondance et à une platitude. Praetrepidum est con- struit avec l'inf. laetari, par un tour que Perse emploie avec plus de hardiesse, peut être, qu'aucun autre poète (cf. en particulier 1, .^)9 : imitari mobilis*.

55. Hinc : « Par suite (de cet amour de l'or) » ; le poète veut dire ceci " « Comme tu es très content qu'on te donne de l'or, tu supposes que les dieux doivent l'aimer comme tu l'aimes, et c'est pour cela que tu dores leurs statues. » Illud subiit... quod.. perducis tibi subiit perducere << l'idée t'est venue de revêtir, etc. » ; scandez subiît : la dernière syllabe est allongée au temps fort (cf. Hor. : Sat , 1, 4. 82 : défendît ; ibid , 2, 1 . 82 : condiderît).

55-56 Auro... perducis = inducis ou obducis auro : « tu revêts (litt. : tu enduis) d'une couche d'or. Auro... ouato. « avec l'or ovationné », est une expression inso- lite et peu claire, faite sur le modèle de terra regnata (V^irg. : En., 3, 14. et 6, 793) : faut-il entendre : « l'or conquis (sur l'en- nemi)» ? (cf. Hor. : Od., 3. 3, 43 : « triuni- phatisque possit Roma ferox dare iura Médis ))\ ou : « 1 or promené dans une

«6 A. PKF\SI FLACCI SATVMARV.M LIBER

Perducis faciès, c Nam fratres inter aenos,

NC. 56. perducis F Val. : perducit z ; cf. supra, lô. 16 et 41 ; fratres les mss : patres Léo.

ovation (par toi, général vainqueur) » ? Le triomphe était, sous l'empire, le privilège du prince, mais Ifs généraux pouvaient encore obtenir l'ovation ; A. Plautius avait eu, en 47 ap. .J.-C, les honneurs de cette cérémonie (Dion. GO, 30). Malgré tout, le cas était alors fort rai-e, et l'on peut trouver étrange, en dépit du goût de Perse pour le trait précis, qu il l'ait envisagé dans un développement de caractère très général : il n'est donc pas impossible, hors l'hypo- thèse d'une allusion mystérieuse pour nous, que aurooualo soit simplement l'équivalent de auro quo ouasii, nu sens bien connu de quo uelut ouaiis gauisus es : l'expression résumerait alors la pensée précédente : H cet or qui te donne de tels transports de joie ». Je m en liens, quant à moi, à l'in- terprétation indiquée en premier lieu 1 or pris à l'ennemi » : elle échappe à l'objection qu'on peut formuler contre la seconde sans s'éloigner trop sensiblement du sens propre d'ouare.

56-58 Xaiu fratres... uureu barba: le mot à mot est-il : « que, parmi les frères de bronze, le premier rang appartienne à ceux qui envoient les songes les plus clairs et qu'ils aient une barbe d or ", ou bien : « que parmi les frères de bronze qui en- voient les songes les plus clairs, ceux-là aient le premier rang, etc. m '.' D'autre part, qui ])rononce ces paroles énigmatiques '! le personnage à qui le poète vient de s'adres- ser ".' le public, ou quelqu'un qui parle au nom. du public comme un cor\phée de tragédie .' Perse lui-même, sur un ton d'ironie '.' Nain, (|ui présente ceci comme l'explication de au/0, .perducis faciès, peut se comprendre dans ces difîérenles hypo- thèses . » C'est que (je veux que .) » ou : « c'est que il veut que ..1 » ou : « c'est que (tu veux que. .) ». Mais l'emploi de la tournure impérative Praecipui sunto donne beaucoup de vraisemblance à la première des trois attribulioiis possibles. Enfin, qui sont ces fratres aeni '.' Les scolies proposent deux explications: 1" il s'agit des cinquante fils d Egyptus dont les statues équestres se dressaient en plein air, suivant Acron, en face des statues des cinquante Danaïdes placées sous le portique d'Apollon Palatin et dont (|uclques-uns possédaient, disait- on, le pouvoir d'envoyer des songes pro-

phétiques ; fratres aenos désigne Cas- tor et Pollux, les Dioscures : ceux-ci avaient donné au peuple romain, par la voie des songes, plus d'un avertissement salutaire, et des devins chargés d'interpréter les rêves étaient attaches à leur temple. Que valent ces explications qui, d'ailleurs, s'excluent? Sans doute, bien que Properce (2, 31, 4) et Ovide (/Irs amat., 1 , 73 ; /Ini., 2. 2. 4 ; Trist., 3, 1, 62) ne fassent allusion, à propos du portique d Apollon Palatin, qu'aux statues des Danaïdes et de leur père, le témoignage d'Acron ne peut être écarté purement •«et simplement : les sta- tues des (ils d'Egjptus avaient pu être éri- gées après l'époque d .Auguste ; et, d'autre part, il n'est nullement invraisemblable qu'on leur attribuât le pouvoir d'envojer des songes (cf Cic. : De diuin., 1, 27. 57; 2. 66. 135'i. Mais rien ne prouve que l'in- dication donnée par Acron se rapportât au présent passage : elle pouvait viser quelques vers des Odes d'Horace (par ex. 1.31, 1, ou 3, 11, 23 ; cf. Iiitrod., p. xxxviii) II n'est donc i)as impossible qu'il soit plu- tôt quesiion de (Castor et de Pollux qu'O- vide (Fast . 1, 707) et Suétone Calig , 22) appellent fratres dei : il faut en ce cas donner à inter fratres aenos le sens de " entre toutes les statues des Dioscures ». M. Xénu'thy se demande s'il n y aurait pas ici une allusion à Tibèie qui, selon Sué- tone Tib , 20 , fit, après ses victoires en (jermanie, la dédicace du temple de la Concorde et du temple de Castor et Pollux en prélevant la dépense sur le butin {de nianubiis, ce qui fait songer à auro ouato): on sait, en outre, combien Tibère était su- ])erstitieux, et, selon le même Suétone {ihid., 74), il aurait eu des songes prophé- tiques. Il faut noter pourtiint qu'on repré- sentait d'ordinaire les Dioscures sans barbe. On a proposé encore de prendre fratres aenos pour une désignation plai- sante des Hermès, si nombreux dans Home : la superstition aurait fait une dif- férence entre eux pour la valeur prophé- tique des songes qu ils étaient censés en- voj'er. Enfin, fratres aeni peut désigner tous les dieux considérés comme frères, au moins par la matière dans laquelle ils sont coulés (interprétation qui rend inutile la conjecture de Léo, paires = deos) ; il

SATIRE II

l'.7

Somnia pituila qui purgatissinia mittunt Praecipui sunlo sitqueillis aurea barba. >^ Aurum uasa Numae Saturniaque impulit aéra Vestalesque urnas elTuscuiu fictile mutât.

60

NC. 57. purgalissima a : piirgantissima P. 58. sit(jue illis P : sit illis a. 59. An ritin P A- \'al. ami a (gén. dépendanl de uasa : faute mécanique ou correction malheureuse d'un copiste qfii n'a pas compris la ptirase et avait dans la tête le craleras argenti du v. 52). inipiilit P i : e.rpiilit Val (cf Inirod., p. xxx). 60. ficlile P A- : facile a (substitution de l'abslrait au concret, genre de faute qui n'est pas rare : voy. Havet : Crit. verb , p. 208, n" 879).

faut dès lors entendre : « que, parmi les frères de bronze (ou, comme le veut Hous- man, The Class. Qiiarterly, \\\, p. 12 et suiv. ; « Que, parmi leurs frères qui ne sont que de bronze), ceux-là aient le pre- mier rang qui envoient les songes les plus clairs, et qu'ils aient une barbe d'or. » Je considère, pour ma part, cette dernière interprétation comme tout à fait satisfai- sante, et je crois que Perse a voulu railler la superstition qui prétend honorer certains dieux plus que les autres, sans comprendre l'unité de !a puissance divine. Quant à la vertu prophétique des songes, prise en elle- même, on sait que les stoïciens, d'ordi- naire, V croyaient <c{. par ex. Cic. Dediu., 2. 63, 129 sq.).

57. Somnia pituita... purgalissima : litt. : « les songes les plus dégagés des humeurs du cerveau », donc les plus clairs et, par- tant, les plus véridiques. Le rhume passait pour brouiller les idées : cf. Hor : Ep., 1, 1, 108 : « Sanus nisi cum pituita mo- lesta est » ; pîtuïtâ. en trois syllabes, par sj'nizèse de ui (cf. Hor. : 1. 1. et Sat.. 2, 2, 76'.

58. Snnto sitque : remarquer la juxtapo- sition de l'impératif futur et du subj. mar- quant la volonté : il y a, dans praecipui sunto imitation du style des textes de loi (voy. Riem : Synt. lat., ^ 150 et rem. II). Aurea barba : il n'était pas rare qu'on dorât une partie seulement des statues et, en paiticulier. la barbe 'cf. Cic. : De Sat. deorum, 3 34, 83 .

59-60. Le sens général est : « L'or et le luxe ont fait disparaître, dans le culte des dieux, l'antique simplicité. » Vasa Su- mae : cf Cic. : Parnd., 1, 2, 11 : « Sumae Pompilii... capedines ac fictiles urnulas » : De Sat. deor., 3, 17, -13. Saturniaque... aéra : « les bronzes de Saturne » ; faut-il

entendre : " les vases de bronze les seuls qui fussent connus à l'époque heureuse Saturne régnait sur l'Italie », ou bien : « la monnaie de bronze, la seule qui filt en usage au temps de Saturne » Illud autenidfs. dit le scoliaste parlant de cette monnaie primitive, una parte capite lani notatum erat, altéra naue qua Snturnius fugiens ad Italiam uectus est ») '/ Le con- texte fait attendre le premier sens, d'au- tant plus qu'il est ici question des objets consacrés au culte ; mais comme l'aera- rium, ou trésor public, était dans le temple de Saturne, il n'est pas impossible que Perse, qui ne dédaigne pas toujours les devinettes, ait songé au second. Impu- lit : « a culbuté, a jeté bas », nous dirions « a détrôné •• ; le mot n'est pas synon\'me d'expulil : cf. Lucain, 1, 149 « impellens quidquid sibi summa pefenti Obstaret » : Plin : .V H., 33. 149 ; Tac. : Hist., 4, 34.

60. Vestalesque urnas : .les urnes de \'esta, celles dont les Vestales se servaient pour arroser le temple de la déesse et la- ver les objets sacrés, et qui étaient primi- tivement en argile : cf. Ov. : Fast., 3, 11- 14 : « Siluia Veslalis... sacra lauaturas mane petebat aquas. N'entum erat ad... ripam : Ponitur e summa fictilis urna manu. » Tuscum fictile : la poterie étrusque, dont le principal centre de fabri- cation était .Arretium (voy. Plin. : .V. H , 35, 160; Martial, 14, 98), et qui fournissait primitivement au culte des objets de di- verse nature, non seulement des vases, des antéfixes, etc., mais aussi des statues (voy. Pline, ibid., 157). Mutât : au sens jjremier de « écarter B (cf. Hor. : Sat., 2, 7, 64) ? ou bien faut-il entendre « trans- forme », c'est-à-dire : « se substitue à... »?

68

A PKRSl FLACCI SATVRARVM LIBKR

O curuae in terris animae et caeiestium inanes, Quid iuiKit hoc, templis nostros imniittere mores Et bona dis ex hac scelerala ducere pulpa ? Haec sibi corrupto casiam dissoluit oliuo EtCalabrum coxituitiato murice uellus, Haec bacam conchae rasisse etstringere uenas

65

NC. (il. terris P ï : terras Lactancc : Iiist. diu., 2, 2, 18-(sauf dans le ms. de Bo- logne) : cf. Inlrod., p. xxii. 62. hoc P a : hos 'f (i. e. hos. . nostros .. mores: c'est probablement une conjecture d'un réviseur qui se sera rappelé le no%truni hoc de 6. 39 et aura vu un parallélisme entre hos.. mores et hac... pulpa.) 63. dis a : diis P ; ex omis dans a (corr. A-'). 65. et P : haec a Val. ;c'est sans doule une correction : la triple anaphorc aura paru plus élégante ; mais il peut y avoir eu aussi répétition mécanique. 66. bacam i : uacam P. Haulhal lisait concha erasisse, et Guyct écrivait baccae concham (i.. e. naracam : « de la nacre »^

61. Ocuruae, etc : pour le mouvement, cf. 3, 15. Curtiae in terris : non pas M coui'bées vers la terre » il y aurait in terras mais c qui se tiennent courbées et comme attachées à la terre » : cf. Hor Sat., 2. 2, 77 et suiv. : «... corpus... ani- muni quoque praegrauat una AU\ue adfigit hunio diuinae particularn aurae ». - Ani- mae pour aninii (cf. 6, 75) ; mais on peut entendre : « existences ». Caeiestium inanes : « vides des choses célestes >> : cf.

5, 75 : « stériles ueri » ; mais d'ailleurs la construction d'inam';; aveclegén est usuelle (voy. Riem. : Synt. lut., g (iO, 1').

62-63. Litt. : « Pourquoi ceci vous plaît- il, d'introduire nos mœursdans les temples et, les (choses qui sont des) biens pour les dieux, de les induire de celle chair crimi- nelle ? » c'est-à-dire : « Pourquoi vous plaisez-vous à p'rêteraux dieux les m<eurs des hommes et à juger ce qui, pour eux, est bon d après les passions coupables de notre chair.' » - l>ucerc, au sens de dedii- cere ou de colligere : cf. Cic. : De fin.. 5,

6. 17 et De \at. deor., 2. 19, 49. Pul- oa : équivalent de 7ZS;, mot dont les néo- stoïciens se servaient volontiers pour dési- gner le corps opposé à l'âme I voy. Kpict. : Entr.. 2, 8, 2), mais qu'Mpicure avait été le premier, semble-t-il, à employer en ce sens 'Cicéron traduit nro^ par corpus, Sé- nèque par euro (cf. Pascal liollelino di filolofjia cluss., 13, p. 83-84)

64. Haec : nous dirions « Cette chair qui... » Sibi corrupto, etc. : «a dissous ic'est-à dire : a poussé l'homme à dis- soudre) pour elle la casie dans l'huile alté- rée, gâtée (c'est-à-dire ; « qu'elle a ainsi

altérée, gâtée » : eorru;j/oest construit d'une manière proleptique) La casie était une sorte de cannelier dont l'écorce, dissoute dans l'huile servait à la fabrication des parfums Cf. Virg. : Géorg., 2, 466 : « Nec casia liquidi corrunipitur usus oliui. » Sibi fait antithèse à dis.

65. Et Calabruni, etc. : litt. : « et a fait cuire la laine de Calabre dans le murex défloré, violenté ». (3n connaît l'expression: uitiure uirgineni : Perse veut dire, je pense, que le murex, dont on se sert pour teindre la laine, n'était pas destiné à cet usage, et que l'y emploj-er. c'est pour ainsi dire lui faire violence (cf Virg. : En.. 12, 67 : '< niolaiierit oslro Si qiiis ebur »). D'autres prél'érent entendre que la couleur na- turelledu murex s'altérait dansl'opération, d autant plus que les laines de Calabi-e, surtout celles de Tarente, avaient une cou- leur brune jvoy Pline : \. //.. 8, 191) : en tout cas, la correction uitiatum, proposée par M. van Wageningen. est inutile Le murex, on le sait, est un peiit coquillage qu'on écrasait pour avoir la pourpre ; in- co(]uere éiah le mot propre pour parler du bain dans lequel on trempait la laine qu on voulait teindre (cf. infra note au v. 74). Pour l'ensemble du vers, cf. ^'irg. : Géorg.. 2, 465 : « Alba neque Assyrio fucatur lana ueneno. »

66. Bacam conchae rasisse : " de delà cher à la lime la perle de la coquille » (cf. Pline, iV. H.. 9. 109 : « Crassescunt (margaritae) etiam in senecta conchis([ue adhaerescunt nec bis auelli (jueunt nisi lima. ») Pour la valeur de rasisse, cf. 1. 85 et la note ; et, pour l'emploi du pf.

SATIRE II

69

Feruentis massae cruilo de puluere iussit.

Peccat et haec, peccat, uitio tamen utitur. At uos

Dicite. pontifiees : in sancto quid facit aurum ?

Nempe hoc quod Veneri donatae a uirgine pupae. 70

Quin damus id superis, de magna quod dare lance

Non possit magni Messalae lippa propago :

NC 67. inissae (au lieu de «lussac a (corr. A-). - 68. peccaet (au lieu de peccat et) a ; ad au lieu de at P. 69. sancto P z : sacro f leçon provenant d'une mauvaise résolution de l'abréviation scô (= sancto), qui se trouve dans plusieurs niss secon- daires : -anclis Lampride (Alex. Sévère, 44, 9). qui citait peut-être de mémoire. - 70. a omis par 2 devant tii/(/('/ie (corr. A-). 72. messala a. 73. aninio : A(animinio B) : animas P (l's initial du sanclosq qui suit a été redoublé par suite d'un mauvais déLhiftVenient de « animosanctosq. »); anini» f . scol de Stace Theh..2, 247. leçon admise par Casaubonqui paraphrase: to ôjTaxTov -r,; 'j/J/r,; -pô; -■x OîiaTi xal àvOpoj-'.va oi/.atDt: mais voy. Inlrod., p. xxxi ; Guyet écrivait conipositi... animi.

rasisse à côté du présent strinçjere. cf. 1, 42-43 ; 6, 5-6 et 16-17.

66-67. Stringere uenas, etc. : ent. ; « extraire, du minerai brut concassé (crudo de puluere). les particules (ue/ias) de métal eu fusion massae feruenlis ». 11 s'agit de l'or extrait des mines (uuru/n canalicium). Nous savons par Pline qu'on le concassait et que, après l'avoir lavé, on le faisait fondre LV. H.. 33, 69). Siringere a ici le même sens que dans la locution strin- gere gladiuni.

68-69. Peccat et haec, peccat, etc. : « La chair pèche, elle aussi (comme l'àme qui, infidèle à sa nature divine, prête aux dieux les passions de la chair) : du moins jouit- elle de sa faute (le luxe est. en effet, une source de joies charnelles). Mais qu'ont à voir- les choses de la chair avec les choses divines '.' » Après « ex hac... pnlpa », 'i Haec... dissoluit . ■, « Haec... iussit », on ne saurait admettre l'explication qui voit ici dans haec un pluriel neutre. et en tend : « dans ces choses aussi, dans ce luxe (comme dans les autres plaisirs) " ; pour la répétition de peccat au commen- cement et à la fin du membre de phrase, figure que les Grecs appelaient cercle, (x>/'.Xoc;)cf. 3, 85 et 88 89 ; 5, 2, 143, 17i.

At uos dicite, etc. : ent. : « Mais vous, pontifes (qui devriez posséder la science des choses divines), comment pouvez-vous croire que l'or est agréable aux dieux ? »

In sancto: « dansce qui est consacréaux dieux » : l'expression sanctuni s'applique particulièrement aux temples et aux sanc- tuaires (cf. sacrum dans le même sens.

Cic. : De kg., 2, 9, 22). Quid facit ? nous disons familièrement : « Qu'a à faire » ; pour le tour, cf. Quint., 6, 4, 8 : a plurimum facit ».

70. Sempe : « à coup sûr » ; le mot est ironique ; ent ; « Il est puéril d'offrir de l'or aux dieux tout autant que de leur offrir des poupées comme font les jeunes vierges. » C'était une habitude générale, lorsqu'on passait dune situation à une autre, de consacrer aux dieux quelque objet symbolisant la position ou l'état que l'on quittait cf. Hor. : Od., 1, 5, 16, il s'agit d'un marin; 3, 26, 3, d'un amant; Ep.i 1. 1, 4-5. d'un gladiateur . Les jeunes gens, en prenant la toge virile, consacraient aux Lares leur bulla (cf. 5, 31) et leurs jouets, les jeunes filles nubiles donnaient leurs poupées à \'énus (le scoliaste confirme ceci par le témoi- gnage de Varron).

71 72, Ent. : « Que n'apportons-nous (plutôt) aux dieux (au lieu de leur donner de l'or) une offrande que la postérité ophtalmique du grand Messala ne saurait prendre pour eux sur son grand plateau ? » La répétition de magnus est ironique (cf. Hor. ; Sat.. 1. 6. 72) ; le Irait vise sans doute L. Aurelins Cotta Messalinus, second fils du célèbre orateur Messala Corvinus, adopté par L. Aurelius Cotta, son oncle maternel ; c'est l'indication du scoliaste, et elle parait confirmée par ce que Tacite {Ann., 6, 7) nous dit du personnage: « no- bilis quidem, sed egens oh luxum, per flugilia infamis » (cf. Ann. ,2. 32; 4, 20; 5, 3 ; 6, 5-7 ; Pline : .\. H , 10, 27) : lippa

70

A. PERSI FLACCI SATVRARVM LIBER

Compositum ius fasque animo sanctosque recessus Mentis et incoctum generoso pectus honesto ? Haec cedo ut admoueam templis, et farre litabo.

75

NC. 74. houesto P A'^ Val. : honeslum ol (faute mécanique entraînée par le voisinage de incoclum cl du neu'ppi pectus). 75. admoueam A- : admoneam a ; admoueaiU F (mauvais déchiffrement de « admoueam/emplis »).

est. en effet, iiiio allusion ('videntc à une vie d»' débauche : car la lippitudo, ou ophtalmie purulente, était généralement considérée comme un effet de l'intempé- rance : cf. 1, 79. 'Perse s'est souvenu ici d Ovide (Pont., 4, 8, 39 : « Xec quae de parua dis pauper libat acerra Tura minus grandi quam data lance ualent » ; pour I emploi dans les sacrifices du vaste plat appelé lanx, cf. encore Virgile ; Géorg., 2, 194 : « lancibus et pandis fu- muntia leddimus exta » ; enfin, pour le tour quin damus .. '.' cf. 4, 14 ; a Quin lu desinis ? »

73. (Compositum iiis fasque animo : faut- il entendre ; « la loi humaine et la loi divine s'aciordant bien dans l'âme » ? ou sinipieinent : <■ occupant dans l'àme la place qu'elles doivent y occuper (litt : bien arraiigées dans l'àme) )i ? .le préfère la deuxième inlerprétation, parce que, aux yeux des stoïciens, il n y avait aucune dif- férence essentielle entre ius et fas : le droit, pour eux, c'était la loi naturelle, commune aux hommes et aux dieux : voy. Cic. : De lin., 3. '2\. 71; De leg.,1, 16,44).

73-74 Sanctos... recessus mentis : ent. : « la pureté des pensées les plus intimes » ; sanctos joue avec recessus, le même rôle que compositum avec ius fasque et que incoclum avec pectus. c'est-à-dire le rôle d'un attribut ; pour l'expression recessus mentis, cf. Cic. : Pro Marc, 7, 22 : « Sed tamen cum in aiiimis homiuum tantae latebrae sint et tanti recessus, etc. »

74. Incoctum generoso etc. : « le cœur imprégné de la noblesse du bien mo- ral » ; la métaphore incoctum est tirée de l'art du teinturier (cf. supra, 65) ; de

même chez Sénéque (Episl., 71, 31) : « Qucmadmodum lana quosdani colores semel ducit, quosdam nisi saepius mace- rata et recocla non perblbit, sic alias dis- ciplinas ingénia, cnin accepere, protinus praestant, haec, nisi aile descendit et diu sedit et animum non colorauit sed infecit, nihil ex bis, quae promiserat, praestat. » Honesto: honeslum était, dans la langue philosophique des Romains, un terme technique pour traduire ~o y.i/.VJ, « le bien moral )) (cf. Cic . De fin.. 2, 14, 45'. A cet adjectif pris subslanlivemenl. Perse donne ici une épithète. generoso: cf. 1,107: mordaci uero, et la note.

75. Haec cedo ut admoueam templis : « Donne-moi de pouvoir apporter, fais que je puisse apporter ces verlus dans les temples. » Pour la valeur de Haec, cf. supra, 15 Ctdo. pluriel celte, vieil im- per, qui signifie donne (de la particule ce et de do =1 da) . le mol est fréquent chez les comiques (voy. par ex PI. : Cure, 654: « cedo ut inspioiani »), et Cicérou l'emploie dans sa correspondance Pour le tour « cedo... et litabo », cf. 6, 26. Ad- mouere était un terme consacré dans les sacrifices: cf. Virg. : £11., 12, 171 : Tib., 3, 5, 11. Templis, au dalif, après un verbe composé de ad : cf. Riem., Sgnt. lai. § 43, h. Farre litabo : ent. : « Si j'ai le coeur pur, la plus humble offrande sullira » ; litt. : ■• Je ferai un sacrifice agréable (c'est le sens de litare, en gi-ec x.otXÀ'.ïSEÏv) avec du blé grillé (c'était la plus humble des offrandes : voy. Pline : X. H. 18. 7, et cf. Hor. Od., 3. 23. 21, et Sén. : De Benef., 1, 6, 3 : " Boni... farre.., rcligiosi sunl »).

SATIRE III

Un précepteur ou peut-être un camarade d'étude) réveille un jeune homme encore plongé, longtemps après le lever du jour, dans le lourd sommeil de l'ivresse (l-7i. L'autre se lève, de fort méchante humeur ; puis il cherche de mauvaises raisons pour retarder le moment de se mettre à écrire (7-14). Le pré- cepteur (ou le poète) commence alors à lui adresser une longue exhortation : que signifient ces faux-fuyants ? Il est jeune encore, il peut se corriger ; une appli- cation soutenue le façonnera peu à peu à la vertu, qui est le seul bien véritable (15-24). Kn elTet, pour être heureux, il ne sufiit pas d'avoir la sécurité relative qu'on trouve dans une honnête aisance, encore moins 1 éclat emprunté qu'on tire d'une noblesse ancienne (25-30). Qu'est cela, si l'on vit comme un débauché vulgaire, comme un Natta ? Et encore Natta est-il si profondément enfoncé dans le vice qu'il n'a pas conscience de son avilissement. Mais le jeune homme qui a déjà la connaissance théorique de la vertu est sans excuse s'il prélère à celle- ci des erreurs que la raison condamne (31 34i. Et quels tourments il se prépare! Avoir contemplé une fois la vertu et l'avoir abandonnée, les tyrans n'ont jamais imaginé supplice plus atroce, et c'est celui-là même qu'on devrait demandera Jupiter pour leur châtiment (35-43). En effet, si l'enfant a une double excuse lorsqu'il se soustrait à l'étude, le peu de valeur des exercices qu'on lui impose, et son âge, qui lui fait voir dans le jeu le souverain bien (43-51), le jeune homme à qui s'est révélée la philosophie stoïcienne est insensé s'il cède à la paresse : car cette philosophie porte en elle le secret de bien vivre (52-G2) Il faut lui demander, avant qu'il soit trop tard, le souverain remède contre les maladies morales. Tous les hommes devraient venir apprendre d'elle ce que nous sommes, quelle est la loi de notre vie, comment il convient d'user de la richesse, quel est notre rôle dans la collectivité humaine 62-72). (J(u"ils étudient donc, sans porter envie à ceux qu'une profession lucrative eniichit de biens extérieurs (73 7G|. Et qu'ils ne se laissent pas détourner de la philosophie par les plaisan- teries faciles des centurions et de leur public ordinaire (77-87) Qu'ils craignent plutôt le sort du malade qui. dédaignant les conseils du médecin, aggrave son mal et y succombe : on peut avoir la santé du corps, mais c'est peu de chose si l'âme reste livrée à toutes ces maladies morales que sont nos passions (88-118).

« Nempe haec adsidue ? lam clarum mane fencslras

NC Titre : /// increpatio desidiae hiiniaiiae V ; satiraruni III loquitur ad desidiosos a.

1. Nempe P A^ Val, Priscien : Iiist. gr., 15, 5, 32 (Gr L., III, p. 85, 8; Keil : sepe A ; seppe B ; voy. Introd., p. xxiv. haec P a : hoc s (mais cf. 1, 103 : « haec fièrent »,

2, 8 : « haec clare », 5, 5 : « Quorsuin haec ».

1. Nempe haec adsidue? « Ainsi donc, est, je crois interrogative : cf. Cîcéron : c'est toujours la même chose La phrase T'use., 5, 5. 12 ' « Newpe negas, etc » Car

72

A PKR^I FLACCI SAIVRAIUM LIBER

Intrat el anguslas cxtendil lumine rimas : Stcrlitiius, inclomiluni quod despumare Falernum Sulïicial, quinta dum linea tangitur umbra. En quid agis ? siccas insana canicula messes laniduduin coquit el palula pecus omnc sub ulmo est, »

NC. 2. extendil P a : ostendil z (mot banal substitué à une expression pittoresque) 6. est omis après ulmo -ç, sans doute sous l'influence de la fin de vers ah ulmo ,Virg. . Bue, 1, 59).

l'analogie n'est pas complète avec le dé- but de la satire 1. tO, d'Horace, dont Perse s'est inspiré ici : « .Veni/)e incomposito dixi pede currere uersus Lucili. " Au demeu- rant, on peut aussi entendre, sans inter- rogation : « Eh bien ! c'est toujours la même chose », ou : « Oui. c'est, etc. ». Haec, i. e. haec facis ou haec fnint : cf. 2, 8 : haec clare haec clare dicit (ou dicun- (ur). Ces paroles, jusqu'au vers 6 inclusi- vement, sont prononcées par le comes que Perse nous présente au vers 7 et s'adressent à un jeune paresseux qui, selon son habitude, n'est pas encore levé.

1-2. lam clarum mane feiiestras inlrat : « Déjà le matin clair (c'est-à-dire la clarté du matin) passe par les fenêtres » ; mane est traité comme un substantif: on connaît les locutions a mane, primo mane, mullo mane ; et Horace avait dit (Sat., 1, 3, 17-18) : (( ad ipsum mane », V'irgile (Géorg., 3,325) : « dum mane nouum »). Fenestras intrat : litt. : « pénètre les fe- nêtres )», c'est-à-dire : « se fait jour par les fenêtres ».

2. Anguslas e.rtendit, etc. : litt. : •< et itlargit par sa lumière les fentes étroites «; entendez que le jour projette une image lumineuse et élargie des fentes étroites par lesquelles il pénètre.

3. Stertimus : sterlcre. c'est proprement « ronfler » : le mot n'est pa-.rare. dans le langage familier, pour dire « dormir pro fondement •• (cf. infra, 58 ; 5, 132, et Hor. : Sat., 1, 3. 18). Au lieu de stertimus. on attendrait stertis : pour cet emploi iro- nique de la première personne du pluriel dans les phrfises de reproche, cf. -i/i/'/'a. 12 et 14 : guerimur. Stert. quod sufficial équivaut à peu près à slerl. tantuni tem- poris quantum sufficlat : « Nous dormons le temps de, etc. •■ Indumitiim : ■• in-

domptable » (on connaît le double sens de inuictus : « invaincu » et » invincible bI. L'estomac et la tête ont difficilement rai- son des vapeurs du Falerne. qualifié de forte par Horace (Sat., 2, 4, 24 . Des- pumare : c'est proprement: enlever l'écume du vin doux lorsqu'on le faisait réduire par la cuisson (Virg. : Géorg.. 1. 295-296 : «... dulcis musti \'ulcano decoqnit umorem Et foliis undam trepidi despumat aeni »). Nous dirions, par une métaphore voisine, « cuver ». L'inf. avec sufficere est une construction analogue à celle de ualere suivi de l'inf., qui est fréquente chez Horace. (Voy. par ex. Sat., 1, 1, 13-14 : « loquacem delassare ualent Fabium ».)

4. Quintâ dum linea... tangitur umbrà : « pendant que la ligne est touchée par la cinquième ombre » ; on attendrait : « quin- ta linea, etc. : « Déjà la cinquième ligne (du cadran solaire) est touchée par l'ombre. >> Il y a une hypallage, qui peut se justifier au point de vue descriptif, puisque l'ombre s'est posée, pour ainsi dire, quatre fois déjà. Le sens est, bien entendu : « Quand on est déjà à la cin- quième heure (onze heures du matin, envi- ron;. »

5. En quid agis : « Voyons, que fais- lu ? » (Cf. : Virg. : En..'4, 534 . « En, quid a go ? »

5-(). Siccas... coquit : ent. : « Voilà longtemps que la canicule fait rage el que ses feux dessèchent les moissons •>, c'est-à- dire : que le soleil est déjà très haut ; insana canicula rappelle le rahiem Canis d'Ho- race (Episl., 1, 10, 16 17). Siccas fait, avec coquit, une pi'olepse; litt. : <■ cuit de manière à les dessécher. »

6. Patttlu pecus, etc. : « tout le bétail est sous la vaste ramure de l'orme », c'est à dire que les troupeaux, à l'approche de miJi, chcrcheul l'ombre.

SATIRE III

Vnus ail comitum. « Veriimne ? ilan ? Ocius adsit Hue aliquis. Nemon ? Turgescil uitrea bilis :

Findor » ut Arcadiae pecuaiia rudere credas.

lam liber et positis bicolor menibrana capillis Inque manus chartae nodosaque uenil harundo ;

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10

NC. 7. itan se tire de idan x (corr. A^), rapproché de itancc P (avec exponctualion de l'e et du c' ; ita nunc p ; itane Val. S. t ig esc 1 1 (aa lieu de tiirgescit) i. 9. findor ut P 3. : finditur (conjecture d un ri-viseur déconcerte par la hardiesse du tour « Findor )>... vl... credas) : findimur Haulhal. M. van Wageningen a proposé de refaire ainsi fout levers: « Fingcrc ul Arcadiae pecuaria gutlure dicas -.parce qu'il a pu v avoir mélange du vers primitif de Perse avec un passage d'Ausone {Epif/r., 5, 3-4) imité de celui-ci : « asinos quoque rudere dicas cum uis Arcadicuni fingere. Marce, pecus. » S'il ne s'agissait que de refaire le vers en rétablissant la quantité normale de rudere, on pourrait lire : « Finditur Arcadiae rudere ul pecuaria credas. » credas ~. Eutyches (Gr. L., V, p. 471 Keil) : ori'das (altération de credas) P ; dicas a qui est peut- être la vraie leçon: credas peut fort bien être une glose provenant de la scolie « rumpor ita clamoribus, ut credas asinos clamare », tandis que dicas peut ditlicilement passer pour une glose de credas: cf. pourtant Prol., 14: cantare credas). 10. Positis hicolor P y. : bicolor positis Val. ç-. 11. chartae x : carthae P.

7. V/iHS... comitum : le mot comités dési- gnait parfois les paedagogi cf. Virg : En., .-), c46 ; Suét. : Claude. 35 ; Tib., 12 ; Aug., 1)8) : on admet généralement qu'il s'agit d'un maître de philosophie attaché à la personne du jeune noble cf. infra, 27) interpellé ; c est très vraisemblable. Mais on n'a pas grand'chose à répondre à ceux qui préfèrent reconnaître ici un compa- gnon d'étude du paresseux. Vo}'. d'ailleurs la note sur blandi comités (5 32). Ve- runine ? itan '.' « Bien vrai 7 Est-il pos- sible? » Réponse du jeune homme auquel s'adressait l'apostrophe précédente. Il feint la surprise, et. de fort méchante humeur, s'emporte contre ses esclaves qui ne viennent pas assez vite l'aider à faire sa toilette.

7-8. Ocius adsit hue aliquis. Nemon ? Nous disons : « Ici, quelqu'un, vile ! Per- sonne ? " Pour oci'us, cf. 5. 141 ; turgescit i niihi) uitrea bilis : nous disons: « ma bile s'échauffe ». Je ns vois pas la nécessité d'ôler ces mots, comme on le fait d'ordi- naire, au jeune homme, pour les donner au poète jouant le rôle do spectateiu- : il y a une gradation de turgescil. . . bilis à fmdor. L'expression bilis lurgcscit est inalleudue : ce n'est pas la bile qui se gonfle, c'est le l'oie (cf. Hor. : Od , 1. 13, 4 : « difîicili bile tumel iecur »). Sur le foie comme siège de la colère, cf. Pline : X H . 11, 193: « In [elle nigro insaniae causa homini w. Vilrea : cf. Hor. : Sat. 2, 3. 141 splen-

dida bilis : la bile est d'apparence vi- treuse.

9. Findor : « je crève ». Si bien, con- tinue le poète, qui est déjà intervenu par les mois unus ait comiium, qu'on croirait entendre braire les troupeaux de l'Arca- die «.c'est-à-dire que le jeune hommecrie si fort qu'on croirait entendre braire tout un troupeau d'ânes Findor, comme chez Piaule (Bacch., 251) : « Cormeum et cere- bruni.. finditur »), au lieu de rumpor, qui est plus usilé en pareil cas (Hor., Sat., 1, 3, 136 : « Rumperis et lalras r. -- Pecua- ria ■= pecora, comme chez Virgile (Géorg., 3, 64) ; c'est proprement un adjectif Noter rîidere au lieu de rudere. scansion qu'on ne retrouve que chez Ausone (vo^^ supra, NC.\

10 et suiv. Le jeune homme, sa toilette terminée, se met en devoir d'écrire, mais il s'interrompt à chaque instant sous de mauvais prétextes.

10-11. « \'oici qu'on lui a mis sous la main livre, parchemin à deux couleurs dé- barrassé de ses poils, feuilles de papyrus et roseau noueux ». Le mot liber désigne ici un volume de quelque ouvrage néces- saire au lra\ ail du jeiuie homme ; le par- chemin (membrnnii) est celui du carnet (/)ii(ji'//<ire.s) sur lequel il prendra des noies ou fera son brouillon ; chartae, ce sont les feuilles de papyrus sur lesquelles il écrira, ou transcrira, sa rédaction définitive ; harundo. c'est le roseau à écrire. Le par-

li

A PKRSI FLACCI SATVRAHVM LIBER

Tune querimur, crassus calamo quod pendeat umor. Nigra set infusa uanescil sepia lympha : Dilatas querimur geminet quod fistula guttas. « O miser inque dies ultra miser, hucine rerum

15

N'C. 12. querimur f,e tire du rapprochement de quaerimur Pet querimus a : quaeri- lur p ; queritur Val f (cf. Introd., p. xxxiK 13. sel P a : quod f (la constr. n'a pas été comprise . uanescil P : uanescat a entraîné par pendeat c-t geminel ? ou bien subjonctif de concession ?) ; rarescat Val. (cf. Introd.., p xxxi). 14. querimur i : quaerimur P ; (juerimus a; queritur Val.: quod ï : quo P. 15. hucine a : hune inererum P monstre » résultant d'une mauvaise coupure de hucinererum. à la suite de laquelle ererum pris pour un accusatif a entraîné hune): huccinc 'f.

chemin est-il appelé hicolor, parce qu'il présente d'ordinaire un côté plus blanc que l'autre, ou parce qu'on avait l'habi- tude d'enduire d'huile de cèdre le côté sur lequel on n'écrivait pas, ce qui lui donnait une couleur jaune (Ov. : Trisl., 3, 1, 13 : « Quod neque suni cedro flauus nec puniice leuis » ; cf. supra. 1, 42 : " cedro digna ", et .luv., 7, 23-24 : « ideo crocene membrana labellae Impletur) ? Positis .. cnpillis : ent. : « débarrassé de ses poils » ; capillis est mis ici ]iour pilis (cf. Tib., 3, 1, 10 : « Pumex... tondent ante comas ») et ponere pour deponere (cf. Suét. : Cnlig., 5 : « po- nere barbam »). On polissait le parchemin à la jjierre ponce.

12-14. « .Alors, nous nous plaignons que le liquide qui s'attache à la plume soit trop épais : mais a-t-on mêlé de l'eau à l'encre qui perd ainsi sa consistance et sa couleur, nous nous plaignons que le roseau laisse échapi)cr deu.\ à deux les gouttes trop di- luées. » Le jeune homme s'était plaint (|ue l'encre fût trop épaisse ; on l'a étendue d'eau ; maintenant il se plaint qu'elle soit trop diluée et que la plume laisse échapper deux gouttes à la fois nous dirions : qu'elle crache). Querimur : cf. supra, 'i. sterti- nms. Calamo (au datif ? ou à l'abl. d'éloignemenl '.') : Perse emploie successi- vement trois mots pour désigner le roseau à écrire : le mot latin harundo, le mot grec calamus, el fislula, qui n'était pas usité en ce sens : « Fistula, dit justement le sco- liaste, pro cannali calamo posuit exqui- sitc. » Nigra... sepia désigne métapho- riquement la couleur noire de l'encre (cf. Horace parlant de la noirceur des propos

médisants (Saf . 1, 4, 100) « Hic nigrae sucus lolliginis »), plutôt que l'encre elle- même {airamentuni) : car les seiches n'é- taient pas employées, du moins en Italie, à la fabrication de l'encre (le scoliaste. dont les indications se trouvent confirmées par Pline, \. H , 35, 41, 43, dit en effet : « Sepia pro atramento a colore posuit, quam- uis non ex ca, ut Afri, sed ex fuligine ceteri conficiant atramentum. »)

1.^) O miser, etc. ici commence un long sermon qui s'adresse au jeune paresseux, el qui semble se prolonger au moins jus- qu'au vers 03 (voy- v. 58 : « stertis adhuc, etc »), sinon jusqu'à la fin de la satire. On peut l'attribuer au cornes du vers 7, à condition de bien voir que nous n'avons plus all'aire ici qu'à une « diatribe » mo- rale et que. sous le masque de plus en plus transparent du personnage, c'est en réalité le poète qui parle. L'apostrophe miser ou miscri (cf. infra, G6 et 107) était familière aux néo-sto'i'ciens (cf. Sén. : A'a/. quaesf., ."), 18. 9 : « Xliseri, quid quaeritis », et, chez Epictèle, -iXa; (Rntr , 3, 2, 9 ; 16, et.), TaXaÎTrwpo'. (3, 22, 26), oôdxr.ve (2, 13, 23), x'ay.o5a'|Jtov ifragm., 13, 6). Inque dies ultra miser : « el plus malheu- reux de jour en jour » ; ultra est mis ici pour plus, comme dans la locution ultra quam satis est (Hor. : Kp., 1, 6. 16).

15-16. Hucine rerum utînimus : « en som- mes-nous venus ? » (c'est à-dire ; « faut- il que tu descendes à de si mésérables faux-luyants ? » Le tour hue rerum est à rapprocher de quid rerum, fréquent chez les comiques (Plante : Rud . 1068, etc. ; Ter. : Eun., 923).

SATIRE III '5

Venimus ? liut cur non potius tcneroque columbo

Et similis reguni pueris pappare minutum

Poscis et iratus raamniae lallare récusas ? »

« An tali studeam calamo « Cui uerba ? quid istas

\C. 16. aut P sch. : n a ; at A^ Val. ■■: aut s'abrégeait en a et à (voy. Havet : Crit l'crh., p. 181. n" 761) ce qui explique la leçon d"a ; at n'est qu'une conjecture (voy. Introd., p. xwu). ~ Columbo V S>evv'n\s (m Aen. 5, 213) sch : /)a/iHi!fco a leçon qui esl peut ctrc la bonne si. comme je le crois, nous avons ici un nom d'oiseau pris au sens propre, et non pas employé métaphoriquement jionr parler d'un enfant : cf. Bentley : In //or.. OcL, 1, 2. 10; la forme pahiinhus ne se trouve pas chez Horace, mais elle est autorisée par des exemples de Columelle. Pline, Martial . 17 similis t. : similes P. (l'adj. aura été rattaché à Venimus). 18. lallare P a : laxare Val.

16-18. Constr. « aut cur non potius, si- milis et tenero columbo et pueris regum, poscis minutum pappare et, iratus, récu- sas lallare manimae », c'est-à-dire : « ou bien, que ne réclames-tu plutôt, semblable à un petit pigeon et aux enfants des grands personnages, une nourriture toute mâchée, et que ne repousses-tu. dans tes colères, la berceuse de ta nourrice? » ce qui revient à dire : « Ne rougis-tu pas d'invoquer des prétextes puérils ? Autant vaudrait l'aban- donner à tous les caprices d'un enfant gâté. » Pour l'emploi de aut dans une interrog. ironique, cf. 2, 29 et 5, 5.

16. Tenero... columbo : faut-il prendre ces mots au sens propre, et entendre : « Tu es semblable aux enfants des riches à qui on màcbe la nourriture, comme les pigeons donnent la becquée à leurs peiits »'.' ou bien admettre l'interprétation du scoliasle : « semblable à un de ces enfants gâtés à qui l'on donne sans cesse de petits noms tendres » (par ex. : « mon petit pigeon ») : « columbos melius pueros intellegere est, quos quae nutriunt blandieiites columbos et pullos et passeres uocant » '' Je préfère la première explication qui précise bien le sens de pappare minutum et se concilie mieux avec le parallélisme établi par r/iie.. et entre columbo et pueris.

17. Regum pueris : sur le sens de retjum, cf. 1. 67 Pappare minutum ;= pappam minutam : « le manger réduit en petites parcelles », emploi hardi de l'inf. pris substantivement et accompagné d'une épi- thète cf. 1, 9). On pourrait entendre « tu demandes à manger (une nourriture) ré- duite en petites parcelles », mais ce serait détruire la symétrie évidente qui existe enlre pappare minutum et mammae lallare : le verbe pappare dérive de papa ou pappa qui, dans le langage des enfants, désignait

la nourriture (cf. Nonius, p 81, 1 ; on le trouve déjà chez Plante ' Epid , 727;. Minutum esl bien expliqué par le scoliasle : « cur non commanducatos cibos poscis ? » : il s'agit des aliments préalablement mâchés par la nourrice (cf. Cic. : De Orat., 2, 39, 162 : «... qui... omnia minima mansa ut nutrices infantibus pueris in os insérant » ; cela se disait en grec 'i/(oij.'.!lEtv).

18. Iratus mammae lallare récusas Perse veut parler d'un enfant en colère qui re- fuse de se calmer, bien que sa nourrice cherche à l'endormir en chantant le mot Lalla. On doit peut-être reconnaître une vieille berceuse chez le scoliasle de Perse : « Lalla ! lalla I <lalla> ! I aut dormi aut lacta » (d'après Baehrens : Fragni poet. rom., p. 34). Mammae nom enfantin de la nourrice, aussi bien que de la mère

Non., p 81, 1 : « Cum... uocenl... ma- trem mammam »); ce génitif dépend de lallare qui, de même que pappare, a la va- leur d'un substantif; c'est bien ainsi que l'entendait saint Jérôme (Epist-, 5) : « For- sitan et Iaxis uberum pellibus mater, arata rugis froiile. antiquum referens mammae lallare congeminet » ; le tour n'était pas sans exemple : cf. Val. Max., 7. 3. 7 : Cuius non diniicare uincere fuit », et Sén. : Epist., 101, 13. La construction de recusare rappelle le iussa récusât de N'irg. (En , 5, 749). Je dois signaler pourtant rinlerprétalion qui fait de mammae un datif dépendant de iratus et de lallare un inf. construit d'une manière usuelle avec récusas et signifiant dormir ou téter : mais cette interprétation de lallare ne se fonde que sur le texte douteux et peu clair de la scolie citée ci-dessus en lisant : « Lalla, Lalla, i. (— id est) aut dormi aut lacta »).

19. An tali studeam calamo '.' (cf. Hor. : Sat., 2,3, 7 : « Culpanlur frustra calami. »

Tfi

A PEKSI FLACCI SATVRARVM LIBER

Succinis ambages ? Tibi ludilur. Ecfluis amens, Contemnere : sonal uitium, percussa maligne

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NC eifluis P a, au lieu d'ecfluii = effluis A- . il y a eu méconnaissance de la par- ticule ec, qu'on ne trouve déjà plus dans les mss de date byzantine (voy. Havet : Crit. verb., p. 221, 940, cf. 1, 65) ; effluis f.

Le jeune homme s'entèle : « Est ce qu'il est possible, demande-l-il. de travailler avec une pareille plume ? » Cui iierha '.' « Qui trompes-tu ? à qui en donnes-lu à garder? » abréviation inso- lite de l'expression familière cui iierba das '.'

19-20. Quià istas succinis ambages : faut- il entendre : « A quoi bon les faux-fujants, les mauvaises raisons que lu marmottes ? » et voir dans succinere un synonyme de siib- nnirmurarc ? Le sens me parait être : « Pourquoi me chanter, en guise de ré- ponse, de mauvaises raisons ? » Succinere, terme musical, signifiait : « accompagner un air » (\'arron R r 1, 2, 16 : « (agri- cullura succinit pastorali uitae... ut tibia sinistra a dextrae foraminibus » ; ou « chanter à son tour iHor. ; Epist., 1, 17, 48 : « Succinit alter : a K{ mihi ! »), dans les chants alternés » : cf. Calpurn. : Ed., 4. 79!.

20. Tihi ludilur : « C'est pour toi que la partie se joue », ou : « C'est toi qui joue la partie », selon qu'on fait de (ibi un datif d'avantage ou l'équivalent poétique de a te. Nous dirions : « c'est ton intérêt qui est en jeu ». Ecfluis : litt. : « Tu fuis (comme un vas-^ fêlé) » : cf. Pétr., 71, 11 : « ponas .. amphoras... gypsatas ne efflu- anr uinum » ; mais ici ef//upre est construit absolument, comme perfluo l'est chez Té- rcnce (Eun , 105) : « Plenus rimarum sum : bac alqueillac perfluo. w Si la source delà métaphore n'est pas douteuse, quelle en est au juste, dans le présent passage, la signification '.' Perse veut dire, je pense : » Tu n'as pas plus de valeur (ju'un vase fêlé, aucune consistance, aucun fonds. » .4mcn.s ; cf. Hor. : Sal., 2, 'A. 107 : « delirus et amens » : c'est le ijLdjjJ.; d'Epiclèlc (!}, 13,17, et ailleurs).

21 -24 Contemnere... sine flne rota : litt. : « on te méprisera : la jarre dont la cuis- son a été man(|uée et dont l'argile garde delà crudité fait cnlendi e un mauvais son. et, quand on la frapjip, ne répond (pour ainsi dire) que de mauvaise grâce. (Mais

toi), lu n'es (encore) qu'une glaise humide et molle que, sans larder, la roue infati- gable du potier doit faire tourner d'un mouvement rajjide el fa(;onner sans arrêt. " Eut. : « on te mépiiser a (si tu persistes à ne rien faire pour la formation morale : car il n'est pas difficile de distinguer l'homme sans venu de l'homme vertueux. de même qu") il suffit, pour voir si un vase a été bien cuit, de frapper dessus : mais tu es jeune, ton àine n'est pas encore en- durcie, et il est possible de la former au bien, comme le potier façonne l'argile en- core molle. » En somme, les vers 21-24 forment une courte allégorie ((ui continue l'emploi métaphorique d'erfluis et se combinent deux comparaisons connues : 1" celle qui assimilait l'homme vicieux à un vase dont la cuisson a été man(|uée icf. Platon : Théétèle, p 179 D : « ï/.î-réov T/.v oîpoîj.évT,v:ajTT,vo-jT'!av O'.axpoôov-a, l'-.i ■j[:ï^ s"-:ï 7ï9;ôv ciOiy-j'^"^'- "' "^* Philàbe, p. 55 C) ; 2" celle qui repré- sentait le jeune homme comme une argile que la main du potier n'a pas encore fa- çonnée (cf. Slob : Flor.. IV, p. 200 Mei- neke : « AtOYâvr^i; iAzys tt,v t(i)v Trxtotov aycjYV' âotxivat •co'ï; Ttûv y.zpyty.ki<r)

21 Contemnere : cf Hor : Sut.. 2. 3. 14 : « Contemnere, miser ». Sonat uitium : le verbe sonare se construisait couramment avec un adj. neutre à l'accusatif adverbial (Luer., 3, 871 : « sinceruni sonere » ; Cic y^ro .4rc/i.. 10 26: « pingue.. . sonanlibus »). et Virgile développant cette construction, avait dit (En , 1,328) : « nec uox hominent sonat. n Percussa : on frappait sur les vases avant de les acheter ; même iniage chez Hor. : Sat., 1, 3. 34-36 : a Denique te ipsum Concute. numqua tibi uitiorum inseuerit olim Xatura » ; cf. Diog. L., 6, 30 : « OajîJi;!^£'.v zs. ï.,r, Ai .vivr,?) £■ y'jzocL^^ \xz'i xa'. )o~àoa (ôvo'jjjiEvot axo- T.O'juîv àvHocorov .t-iôvr, tr, 'j'bi: àoxîTîrOat. » Maligne indique qu'on fait une chose avec parcimonie, donc : « de mauvaise grâce »,

SATIRE III

n

Respondet uiridi non coda fidelia limo.

\Muni et molle lutuni es, nunc mine propcrandus et acri

Fingendus sine fine rota. Sed rure paterno

Est tibi far modicum, purum et sine labe salinum

(Quid raetuas ?) cultrixque foci secura patella est.

25

NC. 22. coda PA- : cocyla a. 23. es A- Val. sch. : es/ P a faute mécanique en- traînée par les S*" personnes sonat et respondet ; d'ailleurs, dans un texte narratif, la 3e personne tend à supplanter, à l'indicatif, la : cf. Havet : Crit. verh., p. 240, n" 1012 . 24. riipe patiirno a, au lieu de rure paterno (corr. A-) 2fi. foci PA- : fori a. patellaest P : patella a : mais « Est (ibi... patella est » fait une élégance.

22. Viridi non cucla... limo :hn. : « non cuite par l'argile qui a gardé sa verdeur », c'est-à-dire : « dont l'argile, mal cuite, a gardé quelque chose de sa crudité » ; si l'on faisait de uiridi... limo non pas un abl. de manière dépendant de non coda, mais un abl. de qualité dépendant de fidelia, l'expression sen)blerait désigner une, jarre qui n'a subi aucune espèce de cuisson : ce qui s'accorde mal avec la suite des idées. Viridis n'est guère ici qu'un équivalent de recens : cf. Colum., 7. 8 : « Viridis caseus » ; la fidelia (cf. Piaule : AuL, 622 et Cic. : Ad fam.. 7, 29. 2) était une jarre d argile qui servait à divers usages (vase à vin, pot à couleur, etc.).

23. Vdum... lutum : cf. Hor. : Ep..2. 2, 8 : « Argilla quiduis imitaberis uda » ; l'ar- gile est déjà appelée lutum par Tibulle, 1, 1, 40. Nunc nunc : « maintenant, dès à présent » ; plus tard, l'âme du jeune homme n'aura plus la même plasticité. Pour la geminatio, cf. 1, 11 Propcran- dus et .. fingendus : on atlcndrait, après lutum. u properandijn? et. . lingencfiim » ; mais il n'y a pas seulement accord par attraction avec le sujet de es : Perse a vou- lu mieux marquer l'assimilation qu'il fait du jeune homme à une argile molle, ij'expression équivaut, d'autre part, à pro- père fingendus, de même que chez Plaute (Ali/., 270) « Vascula.. propera atque élue » équivaut à " Vascula propere élue». Mais, d'ailleurs, properare se trouve em- ployé transitivement avec le sens de « faire exécuter rapidement )), chez ^ irgilefGe'org., 1, 196). Horace (Epod., 12, 22), Ovide (Am., 3. 1.69 ; Pont., 3. 4, 59). La tra- duction littérale serait : « Tu dois être l'objet d'un travail rapide » Acri... ro- ta : cf. Hor. : Art poét.. 22 : « currente rota ».

24-29. Sens général : « Le jeune homme

dira peut-être qu'il n'a rien à souhaiter, parce qu'il a de l'aisance et qu il est noble. »

24 25. liurc paterno far modicum : en- tendez que son père lui a laissé une terre qui produit une quantité raisonnable de blé. Salinum : la salière d'argent qui se transmettait de génération en génération, était le signe de l'aisance au moins d'une aisance modeste. On l'entretenait avec soin (cf. Hor. : Od., 2,16. 13-14 : « Viuitur paruo bene, cui paternum Splendd in men- sa teniii salinum »). Purum : « bien propre » (cf. splendi t dans la citation ci- dessus) ; cf. C]at. : 23, 19 : « Quod culus tibi purior salillo est » ; sine labe, « sans tache », ajoute probablement à purum une idée morale : l'aisance dont cette salière est le signe peut sembler modeste, mais elle n'a i)as été mal acquise.

26. Quid metiias '? C^ette question porte logiquement sur l'ensemble de la phrase : « (ayant l'existence ainsi assurée), que pour- rais-tu craindre '' » (c'est-à-dire : « Tu me demandes ce que tu aurais à craindre v). Cultrixque foci secura patella : faul-il entendi-e : " Le plat qui est sur ton foyer (litt. : habitant de ton foyer) n'a rien à redouter c'est-à-dire : est toujours bien pourvu de tout ce qu'il faut pour ta nour- riture) » ? ou bien : '< Tu as, pour hono- rer les dieux de ton foyer, un plat à of- frande toujours bien pourvu » (ou : « à l'abri des voleurs », car il ne passe que par les mains des gens de la maison] ? Patella, à côté de foci. me paraît se rap- porter au plat à offrande, fait d'argent comme la salière dont il est souvent rap- proché (Liv. : 26, 36, 6 : « argenti. . libras pondo, ut salinum patellamque deorum cau- sa habere possint »;, et qu'on employait dans les cérémonies du culte domestique, particulièrement du culte des Lares (cf.

78 A PKBSI FLACCI SATVRARVM LIBER

Hoc satis ? an deccat pulmonem rumpere uentis, Stenimale quod Tusco raniuin millésime ducis Censoremue tuum uel quod trabeate salutas ?

XC. 28. tusco lunuim niillesime p a : ius coramuiu ille sime P 29. Censoremue P Val.; Servius : Ad En., 3. :182 ; Priscieii : Inst. gr., 17.27; Gr. L., V, p. 208 et 211 Keil : censorenique a, correclion qui ne rend pas le mot à mol plus facile ; censnremne. dans certains niss de Priscieu (autre correclion, d'où Casauhon tente de tirer un sens en paraphrasant « uel eone tibi places quod) ; censoreni uetuluni ou l'aluum Mciiirich : la première de ces corrections est très séduisante : on a pu avoir tl'abord le n monstre •> censoremue lultim, pur mauvaise coupure de cemorennietulum : puis le barbarisme luluin aura été corrigé en tuum. Quant à l'épithète en elle-même, prise dans le sens qu'elle a supra, 1. 22, elle convient fort bien à Claude (cf. Sén. Avokol., 5, 2 : «... bene canum... assidue caput mout-re » et Suét. : CL. 30 , non moins d'ailleurs que f'atuunt ;cf. Suét. : CL. 3 ; 15 ; 38 , 3!J, et Sérun, 33) ; quod lu, au lieu de uel quod Vi\\. et cod. N'eronensis 2(54 : ce n'est qu'une conjecture (cf. Introd , p. xxxii).

Ov. : Fast., 2, G33-()34 : « Et libate da- pes, ut... Nuti-iat incinclos missa patella Lares »). ALiis je crois que securu a sim- plement le sens de « sûre % c'est-à-dire : « sur hiquelle tu peux compter " (cf. Ho- race Sat. : 2. 7, 30 : « securum olus ») : l'aisance du jeune homme lui garantit que ce plat à offrande ne viendra pas à lui manquer : il l'aura toujouis sous la main.

27. Hoc satis (est) : m Cela te suHit ' » c'est-à-dire : « Tu ne souhaites aucun autre bien que d'être à l'abri du besoin ? » An : u ou bien est-ce que (lu ajouteras que lu n'as pas seulement l'aisance, que tu te glorifies encore d'être noble) ? » Pulmonem rumpere uentis hyperbole comique pour infhiri, au sens de : « être tout gonflé de vanité » La métaphore, sorte de parodie de /jec^ora ru/j»;;ere, appli- qué par Lucrèce au lion (3, 297,, peut avoir poui- origine la comparaison connue du poumon avec un soufllel de l'orge (cf. 1, 14 et 5, 11), mais rappelle en même temps la fable de la gi'enoiiillt? et du bœuf (Hor . Sût., 2, 3, 314 et suiv.) Le mot uentis, ici, rappelle directement spiritus, souvent appliqué à la vanité.

28. J'entends ainsi ce vers, en faisant de stemmale un abl. de la question qua : « parce que tu traces, toi millième. Ion rameau à travers un tableau généalo- gique toscan ». On sait que, dans l'a- trium, des lignes réunissaient entre eux les masques de cire (imaqines) qui étaient les « portraits de famille ", et que le ta- bleau généalogique ainsi formé s'appelait sinnnia (cf. Pline ; N. //., 35, 6 ; Suét., Aer.. 37 ; Juv., 8, 1-3). Ducere ramum

(cf. infra, 56) est une expression analogue à lineiim ducere. On peut faire aussi de stemmale un abl. de la question ubi : « sur un tableau, etc. » ou même de la question unde, en donnant à stenuna la valeur de stirps : « d'un arbre généalo- gique » et à ducere ramum celle de ducere originem : mais c'est moins satisfaisant. Millésime : pour l'emploi du vocatif, cf. 1, 123. Tusco : on sait que plusieurs des plus vieilles familles de Rome avaient, ou s'attribuaient, une origine étrusque.

29. Censoremue, etc. : la censure ne fui, du vivant de l'erse, exercée qu'une l'ois, en 47-48, par l'empereur Claude qui prit pour collègue L Vitellius (vo\\ Suét. ; Claude, 16 et VitelL, 2 : cf. Tacite : Anu., 11, 13 et 12. 4). Et nous savons que Claude procéda, en qualité de censeur, à la revue des chevaliers (recognitio equi- Iniii equo publico) ; nous lisons, en effet, chez Suéloiie (I. I. « Recognitione equitnm iuuenem probri plénum .. sine ignominia dimisit. » Or, l'homme que Perse nous montre venant, revêtu de la trabeu. saluer le censeur, est un chevalier, puisque. ])our la recognitio. les chevaliei-s poitaient la trabea (cf. Stace : Silu., 4, 2, 32 : « tra- beala agmina »). Le vers n offrirait donc aucune difficulté si Perse avait écrit (cf. NC.) : « Censoremue tuum quod lu tra- beate salutas 11, c'est-à-dire : « ou bien (y aurait il lieu de l'enorgueillir; parce que tu portes la trabée pour saluer ton censeur (le censeur des chevaliers) » ; en d'autres termes : « Tu n'as pas à l'enor- gueillir parce que lu es chevalier romain. » Tout au plus pourrait-on trouver tuum un peu surprenant, car rien ne prouve que la

SATIRE III

Ad populum phaleras, ego te intus el in cute noui. Non pudet ad morem discincti uiuere Nattae :

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NC. 31. discincti P A- : districti a, leçon qui fait un contresens : distincti (simple erreur de copiste pour discincti) Val.

recognitio fût réservée d'avance à un des censeurs. Mais que signifie, dans la leçon la mieux attestée, uel après ue ? Faut-il admettre une redondance ? Elle serait sans exemple, et ne pourrait se justifier par aucune raison de sens ou de sl\'le

Vel a-t-il la valeur de etiani et porte-t il sur Irabeate ? Mais ce serait admettre que trabeate dit plus que « stemmate Tusco ramum millésime ducis » On a donc pro- posé de donner à censorem luiim le sens de : « un censeur à toi ■■, c'est-à-dire : « un censeur qui est ton parent >< [el peut- être alors s'agit-il de Claude lui-même, dont ce chevalier serait parent), ou le censeur de ton niunicipe », le chevalier dont il est ici question étant alors un che- valier municipal ; en effet, les premiers magistrats des municipes élus l'année du recensement quinquennal ajoutaient à leur titre ordinaire celui de quinquennales, ou la formule censoriae potestatis, ou bien ils prenaient simplement le nom de censores

cf. Apul. Métam.. 10, 18). Qu'on adopte l'une ou l'autre de ces deux interpré- tations de tuuin, on peut admettre que ue... uel quod équivaut à uel quod... uel quod... : litt. : a ou bien parce que le censeur que tu salues est ton parent (ou le censeur de ton munieipe), ou bien parce que tu le salues sous la trabée ». C'est bien forcé. Je crois, pour ma part, que le texte est altéré, et qu'il faut lire : censorem uetulum, en appliquant ces mots à Claude (cf. XC).

30. Ad populum phaleras : « Au peuple le clinquant ! » c'est-à-dii-e : « Emporte- moi ce clinquant pour en éblouir le peu- ple. » Il faut sous-enlendre avec phaleras un verbe comme au fer ou mitte. Ad s'ex- pliquerait moins naturellement si l'on vou- lait voir dans phaleras un acvusatif excla- matif mis en apposition à la phrase précé- dente : « clinquant bon pour le peuple ! » De plus, l'aniithèse entre les deux parties du vers se présenterait d'une manière moins satisfaisante : Perse veut dire en effet : « Garde pour le peuple (ou pour le public) tous les dehors qui éblouissent, je sais, moi, ce que tu es au fond. » Les

phalèros. plaques rondes d'or, d'argent ou de (juelque ;uitre métal, sur lesquelles étaient gravées ou ciselées des figures en relief, n'étaient pas employées seulement comme décorations militaires : les per- sonnes de dislinelion en portaient sur la poitrine en guise d'ornement (T. Live, 9, 4(5, 12 ; cf. Virg : En , 9. 359). Intus et in cute : « inli:nement » ; il y a une sorte d'hendiadys pour intus in cute (cl. Cic. : De fin., 3, 5, 18 : « intus in cor- pore ») et in cute semble traduire le grec ïv "/p'u (Lucien : C.onscr. hist., 24).

31. \on pudet : « Tu ne rougis pas de... »: il ne faut pas considérer la phrase comme iiilenogative : « Je te connais, dit le maître ; tu vis comme le plus bas dé- bauché, oubliant que lu n'es pas comme lui un inconscient et que lu t'exposes au plus cruel des supplices : garder en toi l'image de la vertu trahie. " Ad mo- rem : au lieu de more : cf. Cic. : Tusc, 2, 4. 10 >i ad hune modum ». Dis- cincti : « Qui ne porte pas de ceinture » ou ■• dont la ceinture n'est pas serrée ». (Cf. 4, 22) ; signe de relâchement dans les mœurs. L'épiihéte était doiuiée couram- ment aux débauchés (cf. Hor. : Epoile, 1, 34 : « Disciuctus... nepos ». Natlae : Casaubon suppose, sans preuves suffi- santes, que c'est un nom commun dési- gnant ceux qui exerçaient les métiers les plus humbles, en particulier les foulons et les corroyeurs. Le mot est d'origine grecque, dit-il. songeant, je pense, au verbe vJ.xt(o (xvàrxw, y^icptu) ^ fouler ». Il est vrai que nous lisons dans les scolies de Porphyrion sur Horace [Sat ,1,6, 124) : « Natta pro uulgari ac sordido ho- mine posuit » ; mais cela veut dire que Natta n'est qu'un type. Aussi bien Horace parle- 1- il d'un avare, tandis qu'il est ici question d'un débauché. Le surnom de Natta, qui parait être d'origine étrusque (cf. Schulze : Zur gesch. lut Eigennamen, 286 ; 363 ; 593), était porté dans la gens Pinaria, et il n'est pas impossible que notre poète vise Pinarius Natta, accu- sateur de Crémulius Cordus, noble, mais déchu, puisqu'il était de la ciieulèle de

80

A F'KHSI FLACCl SATVHARVM LIHP:R

Secl slupet liic uitio et libris increuit opimuni Pingue, caret culpa, iiescit quid perdat, et alto Demersus summa rursus non bullit in unda. Magne pater diuum, saeuos punire tyrannos Haut alla ratione uelis, cum dira libido Moueril ingenium feruenti tincta ueneno :

NC. 34. riirsiis P 2 : nirsuni

37. Muiierit V A^ Val. : inouerat %.

35

Séjan (Tac. : Ann , 4, 34 ; cf. Sén. : Epist., 122, 11) ; le Irait serait ahirs à rapprocher de 2. 72 : « Messalae lippa propage ».

32. Sed slupet hic uitio : mais Natta lui, est abruti par le vice »

32-33. Fibris increuit opiiuum pingue : litt. : « une graisse épaisse s'est dévelop- pée dans son cœur » : nous dirions qu'il a le cœur perdu dans la graisse. Pour le sens de fibrae, cf. 1, 25 et 47 ; 2, 45. Pingue est pris subslanlivenient et accom- pagné d'une épithète, comme chez Virgile fGéorg., 3, 12 i) : « denso distendere pin- gui ». Nous disons de même : « le gras ».

33 Caret culpa : » il est exempt de re- proche ». En ell'et. n'aj'anl jamais été éclairé sur la vraie nature du bien, il est victime, lorsqu'il fait le mal, d'une erreur de jugement (nescit cjuid pevdul) plutôt (juil n'est coupable : cf. .Ménandre {Sen- tences nwnosliques 430 : « 0 ;a.r/jîv î'-Oiu-

33-34 Alto dentersus : entendez que,_ plongé au fond de l'eau, il ne saurait re- monter à la surface. l'erse se souvient d'une comparaison familière aux stoïciens (Cic. : De fui . 3, 14, 48 ; cf. Plut. : Adu. St. re- pugn., 10, lpti3 A) a Deux lionnnes, disaient-ils. sont sous l'eau, l'un à une grande profondeur, l'autre près de la sur- face : ils ne respirent pas plus l'un que l'autre. De même un homme enfoncé dans le mal et un homme moins éloigné du bien mais encore vicieux sont également misérables. » Il n'en est pas moins vrai que le second a moins de chemin à faire soit pour revenir à la surlace, soit pour arriver à la vertu : Natta, lui, est complè- tement noyé, sans aucun espoir de salut,

Alto, ici, c'est le fond de l'eau : cf. « alto emergere » (Cic : De fin., 4, 23, 64).

Summa rursus non bullit in unda : litt. : « il ne revient pas faire une bulle à la surface », c'est-à-dire, par une métaphore plaisante : « il ne remonte pas à la sur- face ». Bullire (cf. 2, 10 s'applique pro-

prement aux bulles qui se forment lors- qu'un liquide bout

35 et suiv La suite logique des idées serait la suivante : « Natta ignore ce qu'il per.l ; mais toi, qui as la connaissance théorique de la vertu et qui préfères le vice, tu te prépares d horribles tourments avoir en soi l'image de la vertu, dont on a déserté le culle, les tyrans n'ont jamais inventé semblable supplice, et c est la tor- ture même qu'on devrait demander à Jupiter de leur infliger pour leur chàli- menl. » Perse, par une figure oratoire imprévue, supprime toutes les idées inter- médiaires, et. s'adressaiit directement à .lupiter, il le prie de déchirer l'âme des tyrans en leur faisant voir sans cesse cette vertu qu'ils ont abandonnée.

35-36. Magne pater diuum : cf. 2, 39-40 : <" Ncgato. luppiter .. » Pour la formule, cf. Lucil., 20 Marx : « Pater optimus diuom ». Saeuos punire tyrannos, etc. : eut. : « Ne cherche pas d'autre supplice pour punir la cruauté îles tj-rans » : haut porte sur alla, el le subj uelis est em- ployé comme l'est sis chez Horace (Sat., 1, 4, 112) : « Scetani dissiinilis sis » ; c'est un suhj. de souhait; il n'y a pas lieu d'adaietlre que Haut... uelis ~ Ne... uelis 5, 170) el lui ait été substitué ici par nécessité métrique ; cf. pourtant 1, 5-6 : " Non . accédas »( - « Se... accédas «)et la note.

30-37. Cum dira libido, etc. : litt. : « lorsqu une concupiscence barbare, trem- pée dans un poison brûlant, a poussé leur esprit », c'esl-à-dire ; << lorsqu'une concupiscence barbare a versé dans leur àme son poison bi-ûlant et les a poussés au crime ». Le mot libido traduit le grec È-'.OjiJLta (cf. Cic. : TuscuL, 4, 6, 11). - Feruenti rappelle que le poison était sou- \eiit assimilé à un feu qui dévore (cf. \'irg. : En., 1, ()88 ; et 7, 354-356). Tincta se rapporte grammaticalement à libido, mais logiquement à inyenium.

SATIRE III

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Virtutem uideant, intabescantque relicta. Anne magis Siculi gemuerunt aéra iuuenci Et magis auratis pendens laquearibus ensis Purpureas subter ceruices terruit, « Imus Imus praecipites » quam si sibi dicat et intus Palleat infelix quod proxima nesciatuxor?

Saepe oculos, memini, tangebam paruus oliuo,

40

38. Virtutem uideant, elc. : ent.: « Qu'ils voient la vertu et sèchent du regret de l'avoir abandonnée. » Le vers explique haut alia ratione. mais l'asyndèle lui donne plus de relief que n'aurait l'ait le tour haut alia ratione quant ut ou quam si Relicta est un abl. absolu: cf. Virg. : En., 4, 692 : « Quaesiuit eaelo luceni in- gemuitque reperta. »

39-43. Conslr. : Anne aéra iuuenci Si- culi yemuerunl magis et ensis pendet.s la- quearibus auratis terruit ceruices purpureas subter magis quam si tyrannus dicat sibi : M Imus, imus praecipites » et infelix palleat intus {id) quod uxor proxima nesciat : litt. : « iN'esl-ce pas un affreux sup- plice), ou bien le bronze du taureau de Sicile a-t-il fait entendre des mugisse- ments plus terribles et l'épée pendant des lambris dorés a-t-elie causé plus d'épou- vante au cou vêtu de pourpre placé au- dessous d'elle que si le tyran se dit ; « Je vais, je vais à 1 abîme », et, au dedans de lui-même, pâlit, le malheureux, d'une terreur que doit ignorer l'épouse qui est auprès de lui », c'est-à-dire : « Le tau- reau de Phalaris et l'épée de Uamoclès étaient-ils des supplices plus terribles que le remords '. » Phalaris, tyran d'Agri- gente (565-549 av. J.-C), avait fait cons- struire, dit-on, par le sculpteur PériUos, un taureau de bronze dans lequel il fai- sait rôtir des victimes humaines (cf. Ov. : Ars am., 1, 653j. On comprend dés lors la substitution de gemuerunt à mugierunl : le mugissement du taureau de bronze, ce sont les cris de douleur qui s'en échap- pent. On sait, d'autre part, que Denys l'Ancien invita un jour le courtisan Damoclès, qui ne cessait de vanter le bonheur de la roj^auté, à prendre sa place ; et comme Damoclès, vêtu de pourpre, mangeait à une table richement servie, il lui fit voir une épée nue suspendue au-dessus de sa tète par un crin de cheval (cf. Cic. : Tusc, 5, 21, 61).

39. Siculi : cf. Hor. : Ep., 1, 2, 58 : Inuidia Siculi non inuenere <t/7'anni Maius tormentum. »

40. Pendens... ensis : cf. Hor. : Od., 3, 1, 17-19 : « Deslrictus ensis cui super impia Ceruice pendet, non Siculae dapes Dulceni elaborabunt saporem. »

41. Purpureas .. ceruices: c'est le coude Damoclès, velu de pourpre dans son per- sonnage de tj'ran. Le pluriel ceruices, avec la valeur d'un singulier, est d un emploi courant, même en prose (cf. Gic. : Tusc, 5, 21, 62 , et Horace (Od , 1, 35, 12j avait dit : « purpurei tyranni». L'adv subter, à côté de ceruicts, a la valeur d'un attribut (voy., pour ce tour, Riem. : Synt. lat., § 5).

41-42. Imus intus praecipites : métaphore courante pour indiquer qu'un homme est perdu sans remède : cf. Cic. ; De amie, 24, 8t) : Cl Peccatis indulgens praecipilent amicum /"errj sinit. » Pour la geminatio de intus, cf. 1, 11 et la note.

42-43. Intus palleat eal hardi, puisque la pâleur est un signe extérieur de l'effroi. Mais le mol, ici, est synonyme de Itorrere. On peut se demander si quod nesciat uxor indique l'objet de la terreur marquée par palleat il voit avec terreur, dans sa conscience, un crime que sa femme doit ignorer ») ou bien si c'est un complément qualifiant 1 action verbale il pâlit d'une pâleur que sa femme, à qui il n'ose se confier, doit ignorer ») ? Je crois que la seconde interprétation est la bonne (cf. 1, 124). Pro.vima signifie : « qui repose à côté de lui » : c'est la nuit, eu effel, que le remords est le plus terrible.

44-51. L'exemple de l'enfant qui préfère le jeu à l'étude fait logiquement suite à l'exemple de Natta l'inconscient (v. 31- 34) : ils n'ont été éclairés ni l'un ni l'autre sur la vraie nature du bien. De plus, l'en- fant est excusable de préférer aux vaines leçons de la rhétorique des jeux tout aussi valus, sans doute, mais mieux faits pour plaire à son âge.

6

82 A l'ERSI FLACCI SATVHAKVM IJBKK

Grandia si nollem morituro uerba Catoni Dicere non sano multum laudanda magistro, Quae pater adductis sudans audiret amicis. lure etenim id summum, quid dextersenio ferret,

45

NC. 44. tingebam au lieu de tangebam : vieilles éd. (avant Casaubon). 45. morituro uerba Catoni P : morituri u. Catonis a Val. sch. (voy. Introd., p. xxiv). 46. dicere P : discere a Val. (voy. Introd., ibid). \on sano P : et insano a Val. sch. insano a pu venir d'une mauvaise transcription de nsano = non sano, et on aura ajouté et pour rétablir la mesure ; mais on ne s'expliquerait guère que non sano fût sorti de et insano : ci", d'ailleurs infru, 118 : non sani .. Orestes) ; ab insano f . 48. summum P Priscien (De fig. numer., 7, 29 = Gr. lat.. V, p. 405 Keil) : summo a (voy. Introd., p. xxiV ; ferret P : feruet a.

44. Tangebam... oliuo : il se mettait de l'huile dans les yeux pour faire croire qu'il les avait malades et se faire dispenser de tout travail. L'huile servait, en effet, de base à certains remèdes contre les maux d'yeux (voy. Pline : .Y. //., 23, 76 : 82, 85, 92). Paruus: « quand j'étais petit » : cf. Hor. : Ep., 2, 1, 70 : « Carmina Liui) memini quae plagosuni mihi paruo Orbi- lium dictare. »

45-46. Grandia... morituro uerba Catoni dicere : « débiter à Caton près de mourir des paroles sublimes » Grandia est iro- nique : cf. 1 , 14 et 68 ; 5, 7). 11 s'agit d'une suasoire les élèves ont à examiner si Caton doit ou ne doit pas se donner la mort (voj-. dans Sénèque le Père Suas., G, une délibération de ce gonre : « Délibérât Cicero an Antonium deprecelur »: il s'agit bien de conseils adressés à Cicéron, puis- que Sénèque dit au g 12 : « Nemo ausus est Ciceronem ad deprecandum Antonium hortari » ; cf d'ailleurs .luv.. 1, 15-17 : « et nos Consilium dedimus Syllae, priua- lus ut altum Dormirel »). Si l'on adopte la leçon morituri... Catonis (voj' NC), la suùsuire a pour sujet les dernières pa- roles de Caton (cf. Quint. : 3, 8, 53 ; « (Suasorias) historicas ut... Sullae dicta- luram depoiienlis in contione «V

46. Dicere : non seulement débiter la suasoiri-, mais la comjjoser préalablement. Si on lit discere(\'oy NC ), le mot est syno- nyme deediscere et veut dire, je pense, que l'enfant doit apprt^ndre par cœur sa com- position pour la déclamer'. (Cf. Quint., 2, 7, 1 : « lllud ex consueludine mutandum prorsus existimo in his de quibus nunc disserimus aelatibus ne omnia quae scrip- serint ediscant et certa, ut moris est, die dicant... quod quidem maxime patres exi-

gunt. » Non sano multum laudanda magistro : <i paroles) à louer beaucoup par un maître peu sage », c'est-à-dire : « destinées à me valoir de grands éloges de la part d'un maître peu sage » 'cf. Quint., 2, 7, 5 : « Aliquando tamen per- mittendum quae ipsi scripserint dicere, ut laboris sui fructum etiani ex illa quw ma- xime pelitur laude plurimum capiant ») : laudanda quae laudaret ; c'est le tour tradere faciendum : " donner à faire ». Non sano : ce maître est étranger à la vraie sagesse ; il fait faire à ses élèves des exercices purement formels, et développe chez eux la vanité par les éloges qu'il donne à leurs compositions puériles. Mais, comme le dit Pétrone (3, 2) : « (magistri) necesse habent cum insanientibns (se. paretitibus) furere ».

47 Quae pater, etc. : litt. : « (paroles) que mon père aj'ant amené des amis écoutât en sueur », c'est-à dire : « desti- nées à être entendues par mon père suivi d'un cortège d'amis et tout suant d'une émotion faite d'anxiété, de joie, de fierté ». Pour l'emploi de sudans, cf. 2, 53. Sur la ijrésence des pères aux décla- mations de leurs Gis, cf. Juv., 7, 166. Ce vers me confirme dans l'opinion que tout ce développement est encore dans la bouche du personnage qui a pris la pa- role au vers 15: Perse, en effet, n'était âgé que de six ans lorsqu'il avait perdu son père ; et on doit supposer qu'il eût, le cas échéant, parlé de lui sur un autre ton.

48. lure etenim, etc. « A bon droit, en effet l'objet suprême de mes vœux était de savoir, etc. » Etenim esta la seconde place, de même que plus bas, 4, 10 et 5, 41. Car je ne crois pas qu'il faille détacher l'iire, en ponctuant : « lure : etenim... », et

SATIKh: III

83

Scire eratin uoto, damnosa canicula quantum Raderet, angustae collo non fallier orcae, Neu quis callidior buxum torquere flagello. Haut tibi inexpertum curuos deprendere mores Quaeque docet sapiens bracatis inlita Médis

50

NC. 50. raderet et P (au lieu de raderet : la dernière syllabe du mot a été transcrite une première fois, puis lue à part et prise pour la conjonction et dans le groupe « rade- re/angustae »). 51. caliduor a (corr. A*) ; torquere PA- : torquaeret a (voy. Introd., p. XXIV : le copiste aura construit : « neu quis lorqueret callidior buxum » sans s'aper- cevoir qu'il faisait un vers faux) Après le vers 51, P marque le commencement d'une nouvelle satire sous ce titre : Ad eosdeni.

entendre : « (J'usais de ce subterfuge) à bon droit : car, etc. » La pensée est que l'enfant qui n'a pas encore reçu les leçons de la sagesse a raison, ou du moins ne mérite aucun blâme, s'il met au-de:;sus de tout les jeux de son âge. Qnid dexter senio ferret : " quel gain apportait (c'est- à-dire ce que gagnait) le six favorable » : amener tous les six était, au jeu de dés, le coup le plus favorable lorsqu'on jouait au plus fort point (rXï-.TiroJîoXivOa Traî^ïtv : cf. Pollu.x, 9, 7, 103).

49-50. Damnosa canicula quantum rade- ret : " Combien raflait la mauvaise chienne ruineuse » : lorsqu'on amenait tous les as, c'était le coup du chien, le plus mauvais de tous (cf. Prop., 4, 8, 46 : « damnosi... canes ») ; le diminutif canicula a ici un sens péjoratif, comme chez Plaute(CurL"ii/. , 598). Angustae collo non fallier orcae (se. id summum erai in uoto) : « (mon vœu suprême était) de n'être pas trompé par le col de l'orque étroite », c'est à-dire: de ne pas manquer le col étroit de l'orque. L'orca (cf. Varr. : R. r , 1, 13, 6 ; Hor : Sat., 2, 4, 66 ; Col., 12, 15, 2) était un vase analogue à l'amphore, qui avait un fond pointu, un corps renllé, un col long et étroit, une embouchure petite. Les en- fants le piquaient dans la terre et, se plaçant à quelque distance, cherchaient à y faire entrer des noix qu'ils lançaient (voy. l'élégie De Nuce, 85) ; ou peut com- parer, chez nous, le jeu de la fossette et le jeu de tonneau ; - pour la forme fallier, cf. 1, 28 : dicier.

51. Neu quis, etc : << ou que personne ne fût plus habile à faire tourner le buis avec le fouet », c'est à dire : « à jouer au sabot », jeu bien connu que Virgile a

décrit (En., 7, 378 et suiv.). Xeu quis se rattache directement à erat in uoto (enl : « neu quis esset callidior »), et fait, après les inf. scire et fallier, une anacoluthe que le changement de sujet rend toute naturelle. Et, d'ailleurs, ne, après erat in uoto. équivalent de optabum, est parfaitement correct (voy, Riem. : Synt lut.. ^ 185, et § 187). - Callidior torquere : pour le tour, cf. Prol., 11 : n ar- tifex sequi », et la note. 52. Haut tibi, etc. : litt. : « Mais pour toi. ce n'est pas chose dont tu n'aies pas l'expérience que de prendre sur le fait les moeurs déviées » ; ent. : « Mais toi, tu n'as plus l'ignorance de l'enfant, tu es déjà exercé à reconnaître les déviations morales. » Curui mores, ce sont propre- ment « les mœurs sans rectitude » : pour l'emploi de curuus au lieu de prauus, qui est, en pareil cas, le mot courant, cf. 4, 12 et Hor. : Epist., 2, 2, 44 : « curuo dinoscere rectum ».

53 54. Quaeque docet... Porticus : ent. : « (Nec tibi iuexperta sunt) quae docet, etc. », c'est-à-dire : « et tu n'es pas sans avoir entendu les sages leçons du Por- tique, etc » Sapiens bracatis inlita Mé- dis Porticus : litt. : « le sage portique sont peints les Mèdes porteurs de braies ». On sait que Zenon, fondateur de l'école stoïcienne, enseignait au Poecile (T^or/AAr^ <jiq::i)., portique décoré, par Polj'gnole et autres artistes, de peintures qui représen- taient, entre autres scènes, la bataille de Marathon (cf. Pausan., 1, 15). Le mot Porticus est pris avec inlita au sens propre, avec sapiens au sens figuré d'école stoï cienne ; mais inlita, surtout rapproché de sapiens, fait une métaphore plaisante.

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A. PKRSl FLACCI SATVHaRVM LIBER

l*oiiicus, insomnis quibus et detonsa iuuentus Inuigilat siliquis et grandi pasta polenta : Et tibi, quae Samios diduxit littera ramos, Surgentem dextro tnonstrauit limite callem : Stertis adhuc, laxumque caput conpage soluta Oscitat hesternum dissutis undique malis.

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NC. 54. insomnis p a : inson is (avec une lettre grattée : il semble qu'il y eût d'abord insontis. par mauvaise lecture ou correction malheureuse) P. 56. diduxit 9 (leçon exigée par le sens) : deduxit P a : confusion fréquente, qui se retrouve 5, 35 ; diducit Val. (voj'. Introd., p. xxix et xxxv); littera a : litora P. 57. callem p A^ Val. ; cf. Anth. lat., 632, 3 : « Nani uia uirtutis dextrum petit ardua callem » : collem P a substitu- tion d'un mot banal à un mot plus rare ? influence de surgentem ? ou bien correction, callem. à côté de limite, ayant été pris pour une tautologie?) cf. Introd., p. xxix.

54-55. Insomnis quibus, etc. : « (leçons) sur lesquelles veille une jeunesse sans som- meil, tondue ras, nourrie de légumes à cosses et de grosse farine d'orge ». Ceci est écrit sur le ton de badiiiage qui con- vient à la satire, mais sans intention railleuse 'cf. 4, 1, Socrate appelé barbutus magister). Detonsa : les stoïciens pres- crivaient de porter la barbe longue, mais les cheveux ras : une chevelure longue, surtout chez un adolescent, semblait trahir des mœurs efféminées (voy. Musonius : Entret , p. 114 etsuiv. dans l'éd. de Hense). Si/iqiiae désigne proprement les cosses de légumes, puis, par métonymie, les légumes à cosses eux-mêmes. Grandi polenta : bouillie faite avec de la farine d'orge grossière, provenant de grains qui n'avaient pas été moulus, mais simple- ment broj'és à la mode grecque (procédé décrit par Pline : iV. II., 18, 72); l'expres- sion se trouve déjà chez Caton De agr., 108): u polentam grandem .. in caliculum nouum indito )),et Pline applique le super- latif grandissima, dans un sens analogue, à Valica ou bouillie d'épeautre (X. H., 18, 115 : cf. 112). Tout ceci s'applique à ces exercices d'ascétisme, familiers aux stoïciens, que nous connaissons bien par Sénèque (vo}'. en particulier Epist., 18, 5 et suiv.)

56-57. Litt. : » Et à toi, la lettre qui a séparé ses branches samiennes a montré, par la voie de droite, le sentier montant ■>, c'est-à dire : « Tu es arrivé, toi, à ce carre- four de la vie dont l'Y est, pour le philo- sophe de Samos (c'est-à-dire pour Pytha- gore) le symbole, et on l'a montré le sentier escarpé de la vertu que ligure la branche

perpendiculaire. » L'Y sous sa vieille forme, ^ , était pour les pythagoriciens une représentation symbolique de la vie humaine : la partie inférieure c'était l'en- fance qui. n'ayant pas encore la notion du bien et du mal, n'a pas d'incertitude sur la route à suivre ; le point de séparation des deux branches, c'était l'adolescence, placée entre la route facile du vice, molle- ment arrondie comme la branche de gauche, et le sentier de la vertu, aussi raide que la branche de droite (cf. Servius : Ad Aen , 6, \36,Anth. lat., 632, et Perse, infra, 5, 35 . Samios diduxit littera ra- mos est une hypallage pour Samia did. lit- tera ramos. Limite n'a guère ici que la valeur de linea ou cursu lineae, tandis que callem a tout son sens.

58-59. Stertis adhuc. etc. : ent. : « Et toi (ainsi initié à la science du bien et du mal , tu ronfles encore, et ta télé bran- lante, dont l'emboîture se défait, bâille l'ivresse d'hier en disloquant de tout côté les mâchoires », c'est-à-dire : « encore sous l'influence du vin que tu as bu hier, ta tête vacille à faire croire qu'elle va se détacher de ton corps, et tu bâilles à te déci'ocher les mâchoires ». Stertis : cf. supra. 3. La.vum... caput : cf. 1, 98 : laxa ceruice ; compages se dit proprement de l'assemblage des diverses parties d'un édiOce, d'un navire, etc. (Cf. Virg ; En., 1, 122 : « Laxis laterum compagibus omnes (se. naues) Accipiunt inimicum im- brem »). Oscitat hesternum .pour le tour, cf. 1, 90 : uerum plorabil. Faut-il entendre hesternum uinum, ou bien interpréter : « la chose faite hier, tes excès d hier » ? Oscitare pour oscitari se trouve aussi chez

SATIRE III 85

Est aliquid quo tendis et in qiiod dirigis arcum, 60

An passim sequeris coruos testaquc lutoque, Securus quo pes ferat, atque ex tempore uiuis ? »

Elleborum frustra, cum iam cutis aegra turaebit, Poscentis uideas : uenienti occurrite morbo, Et quid opus Cratero niagnos promittere montis ? 65

NC. 60. in quod P : in quo a \'al. (cf sch. : «... genus uitae... in quo neruos animi tiii t'xtendas » : mais il y a eu, sans cloute, omission du d final de quod devant le d initial de dirigis ; d'ailleurs la confusion de quo et de quod n'est pas rare, dans P aussi bien que dans a : cf. 1, 14, 24 ; 2, 21 ; 3, 14, etc.) ; dirigis p a : dirigas P ; derigis A"-. 62. uiuis P B- : hihis en. (on sait combien la confusion du ii et du b est fréquente).

Columelle (10, 260) . c'était peut-être une forme vulgaire. Dissuo c'est, propre- ment, « défaire une couture » ; ici : « sé- parer largement » ; undiquc dit plus que utnmque . « de haut en bas, de gauche à droite, et de droite à gauche ».

60-62. Le sens général est : « Connais- tu, oui ou non, la fin morale de la vie ? » Perse se sert, pour exprimer celte idée, d'images familières aux philosophes : Le sage, disaient- ils, est un homme qui sait il va, et y va par le bon chemin (cf. Sén. : De uit. beat., 1,2: « Decernatur... et quo tendamus et qua ») ou un archer qui vise un but déterminé (Sén. : Epist., 71, 3 : « Scire débet quid petat, ille qui sagittam uult mittere »). D'autre part, un proverbe comparait les hommes qui gas- pillent leur temps en vaines entreprises à des enfants qui courent après des oiseaux (Eschyle : Agam., 394 : « ottôxEi Trat'c •îToxavôv opvtv » ; cf. Platon : Euthyd., 4 A). Ce proverbe, Perse le modifie un peu pour en rendre plus exacte lopposition avec les deux images précédentes : chez lui, l'homme qui court après les oiseaux va tout à fait au hasard (passim), et ceci est le contraire de est aliquid quo tendis ; et il emploie tous les projectiles qui lui tombent sous la main, tessons et mottes de terre, et ceci répond à dirigis arcnni.

62. Securus quo pes ferai : eut. : •< quo pes le ferat » ; securus est ici l'équivalent de non aurons : cf. 6, 12. Ex tempore uiuis : >' tu vis selon l'impulsion du mo- ment, tu improvises ton existence » (cf. ex tempore dicere : « improviser » en par- lant d'un orateur).

63-65. Je rends ici la parole au poète : nous n'avons plus affaire, du vers 63 à la

fin, qu'à une exhortation tout à fait géné- rale où rieu ne rappelle le jeune pares- seux à qui s'adressaient les vers 58-59 : uideas, au vers 64, est une 2' personne du sing. à sens indéterminé, immédiatement suivi d'un pluriel : « uenienti occurrite mor- bo ■>. Mais cf. d'ailleurs supra, vers 15 et la note.

63-64. Frustra porte sm- poscentis, et il faut entendre : « On verrait des malades demander en pure perte de l'ellébore, lorsque, etc. » : Perse, usant de la com- paraison que nous retrouverons plus bas (v. 88 et suiv.), et familière aux stoïciens comme aux cyniques, de l'homme vicieux avec un malade, veut dire que nous ne devons pas attendre, pour opposer aux passions et aux vices les leçons de la phi- losophie, que le mal soit invétéré. Elle- borum : cf. Pline (N. IL, 25, 54) : « (Elle- borum) nigrum medetur. . hydropicis n il n'y a donc aucune raison de supposer que les mots cum iam cutis aegra tumebit ne s'appliquent pas à l'hydropisie (cf. 1. 23; 3, 95) Venienti occurrite morbo : cf. Ov. : /{e/ii. am., 91 ; « Principiis obsta : sero niedicina paratur. »

65. Et quid opus, etc., enl. : « Et alors (c'est àdire si l'on attaque le mal à son début), quel besoin de recourir aux méde- cins en renom et de leur faire des promes- ses magnifiques (ou. comme dit Sénèque, De hre.uil. uitae, 8, 2 : d'enibras.ser leurs genoux (genua tangere) ? » Le membre de phrase fait antithèse à Elleborum frustra... poscentes. D'autres, mettant une ponctua- tion forte après morbo, entendent, à tort selon moi : « Et quel besoin, quand il est trop lard, de, etc. ». Cratero : ce per- sonnage, déjà nommé par Horace (Sut,,

86

A. PERSI FLACCI SATVRARVM LIBER

Discilc, o niiseri, et causas cognoscite rerum : Quid siimus et quidnam uicturi gignimur, ordo Quis datus aut metae quarn mollis flexus et unde, Quis modus argento, quid fas oplare, quid asper

NC. 66. discile o niixeri cl P t. Si Augustin [De ciuitatc Dei, 2. 6 : discite et o iniseri dans deux « Florilèges » icf. Introd.. p. xxxiii et n. 2) de Paris {Paris. 7647 et 17903 : XIII' siècle) ; d. at o mis. dans un autre « Florilège », le Valicanus Reg. 1428, du xv« s.; dite nos miscri Giiyet. dise io miseri Barlh et Heinrich. 67. aut, au lieu de et ç. quinam Guj-et ; gignimur P : gignimus i. 68. datur, au lieu de datus A ~. metae P A^ : mecae i ; quam P : qua p a ; les niss de St Aug. (I. 1.' sont partagés : quam peut être une faute mécanique, mais qua a fort bien pu aussi être attiré par unde ; puisque unde et qua est une expression toute faite. - 69. argento P a : argenti St Aug. (1. 1).

2, .3. 161 : « Non est cardiacus » (Craterum dixisse pulato) », est pris ici comme tj'pe du médecin réputé : c'est peut-être celui qu'Atticus avait chez lui (voy. Cic. : Ad Att., 12, 13, 1 et 14 4). Magnos promit- tere montes : cf. Sali. : Cor, 23, 3 : « Ma- ria mon/csque polliceri » : nous disons : X promettre monts et merveilles ».

66. Discite, o miseri, etc. ce vers et les suivants s'adressent à la foule de ceux qui n'ont pas la sagesse, à la foule des stulti, et ils font une sorte d'homélie : cf. Hoi. : Sat., 2, 2, 1-4 : « Quae uirtus et quanta, boni, sit uiuere paruo. . discile. »

.Vliseri : cf. supra, v. 15. L'hiatus discile, o miseri, c'est-à-dire l'hiatus, exceptionnel dans la poésie daclylique, d'une voyelle brève, peut s'expliquer par l'intention de détacher fortement o miseri (cf. Virg. : Bue, 2 .ï3 : n Addam cerea pruna : honos crit huic quoque porno » ; En., 1, 405 : « Et uera incessu patuit deà. Ille, ubi ma- trcm Agnouit, etc. » ; et, en dehors de l'hexamètre, mais la leçon est douteuse,

Hor., Od., 3, 14. 11 : « Malë ominalis Parcite ucrbis ») ; les mots causas... re- rum (cf. Virg : Géorg . 2, 490), dévelop- pés par les interrogations qui suivent, semblent, à première vue, désigner les causes finales de la vie cf. Juv.. 8, 84 : « uiuendi... causas » . Mais la terminolo- gie stoïcienne ne connaît que les causts efficientes (cf. Sén. : Epist., 65, 4 : « Stoicis placet unam causant esse id quod facit «). Je crois que Perse songe ici à la divinité, comme cause du monde, et à ses desseins : et, puisque la divinité nous a faits ce que nous sommes et a fixé les lois de notre vie, il est tout naturel que l'expression serve à introduire les vers suivants.

67. Quid sumus : c'est le thème Txi'Lat Tîî eT, traité par Epielèfe dans un de se» Entretiens (2, 10) cf Sén : Epist., 41, 8 : « Quaeris quid .si'/ (homo; ? animus, et ratio in animo perfecta. Rationale enim animal est homo ». Quidnam uicturi gignimur : <• pour quelle vie nous sommes mis au monde ».

67-68. Ordo quis, etc. : « Quel rang a été assigné, ou combien souple est le tour de la borne (c'est-à-dire avec quelle sou- plesse, avec quelle adresse il faut tourner la borne), et de quel point (il faut partir » ; orcfo répond au grec "zi^:^ ou ydjpx. indi- quant, dans le langage des slo'iciens, le poste Dieu nous a mis Mais -z-rTiiv était également le terme consacré quand on voulait parler de la place que le sort assignait à chaque cocher dans le cirque (cf. Soph. : Electre, 710) : le mol fait donc ici, avec la métaphore consacrée metae flexus (cf. Cic. : Pro Cael., 31, 75), une courte allégorie : la j)hilosophie nous apprendra sur quel point de la carrière, dans le déroulement de la vie universelh', l'homme a été placé, et comment il doit faire pour prendre les tournants avec adresse dans la course (c'est-à-dire pour se bien conduii-e). Si l'on adopte la leçon « qua mollis... », il faut entendre « par 011 le tour de la borne peut se bien prendre ».

69. Quis modut argento : « Quelle est, pour l'argent, la juste mesure » (cf. Lucil., 1331 Muix : « Virtus quaerendae finem re scire modumque »). c'est-à-dire : « quelle est la limite qu'il ne faut pas dépasser dans l'acquisition des richesses » Quid fas oplare : « Ce que nous avons le droit de souhaiter, quels sont les vrais biens

SATIIΠIII

Vtile nummiis habet, patriac carisque propinquis Quantum elargiri deceat, quem te deus esse lussit et humana qua parte locatus es in re ; Disce, necinuideas quod multa fidelia putet In locuplete penu defensis pinguibiis Vmbris,

87 70

NC. 70. Vtile p a : Vt ille P. 71. elargiri P Val. : largiri i. et la plupart des mss de St Aug. ; mais il faut noter que elargiri est un mot très rare ; on ne le retrouve que chez Firniiciis Maternus [Mathesis, 3, 10 . 73. nec P a : neque ç. inuideas PA^ : inuidias %. 74. defensis P : defensus a.

(cf. la satire 2) ». Perse encadre cette ques- tion générale entre deux questions parti- culières portant sur la richesse : c'est que, précisément, la connaissance des vrais biens est indispensable pour apprécier la richesse à sa juste valeur et en faire un bon usage.

69-70. Quid asper utile, etc. : « A quoi est utile une monnaie de bon aloi. " Asper nummus (cf. Suét. : Nér., 44), c'est pro- prement une pièce de monnaie qui a encore tout son relief, par conséquent une pièce qui n'a point perdu, dans une longue cir- culation, une partie de son poids et de sa valeur. C'est le contraire de tritus num- mus.

70-71. Patriae carisque propinquis quan- tum, etc. : « Quelle libéralité il convient que nous montrions à légard de notre pa- trie et de nos proches » : cf. Cic. : De off., 3, 15, 63 : « Neque enim solum nobis diuites esse uolunius, sed liberis, propin- quis, amicis maximeque rei publicae : Lucil , 1337-1338 Marx : « Commode prae- terea patriai prima putare, Deinde paren- tum, tertia iam postremaque nostra » ; Hor. : Sat., 2, 2, 104-105 : « Cur, improbe carae Non aliquid patriae tante emetiris aceruo ? » (carisque propinquis est d'ail- leurs une fin de vers d'Horace Sat., 1, 1, 83) ; sur elargiri, cf. NC. -- Deceat au subj., tandis que fous les autres verbes de cette série d'interrog. indirectes sont à 1 indicatif (cf Prop., 2. 16, 29-30 : « As- pice quid .. Eriphj'la inuenit...Arserit et quantis nupta Creusa malis ))):mQis il y a dans deceat une nuance d'éventualité qui n'est pas dans les autres verbes (cf. 1, 128 : qui possit et la note).

71-72. Quem te deus esse iussit : « Quel rôle Dieu t'a donné ». Il ne s'agit plus, comme au vers 67 quid sumusi, de ce qu'est la nature de l'homme et de la place du genre humain dans l'ensemble de l'uni-

vers, mais de l'individu considéré comme membre de la collectivité humaine. La substitution de te à nos s'explique donc de la manière la plus logique. Deus : par- tout ailleurs. Perse donne à la raison sou- veraine du monde le nom de Jupiter.

72. Et humana qua parte, etc. : ent. : « et à quel poste tu as été placé dans la ré- publique humaine ». Ce membre de phrase précise bien le sens du précédent. L'expres- sion humana res est calquée sur res Roma- mi. Pour le fond, cf. Epictète [Entr., 1, 9, 16, : « 'Avâj^îaOî ïvoixoùvte^ Ta-j-cr// -ct,v '/MO'xv, ôi; r^v i/.s'îvo; 6£Ô;) Oja-à; àiaf^v. »

73. Disce et non plus discite, à cause de « quem te deus esse iussit » ; mais nous avons toujours affaire à une exhortation générale. Necinuideas quod .'j'entends : « et n'éprouve pas de l'envie parce que .. » ; Perse veut dire qu'on ne doit pas envier ceux qui poursuivent les biens extérieurs et ne dédaignent pas les plus médiocres profits. D'autres interprètent, moins sim- plement et, je crois, moins justement : « Necinuideas (discere quod, etc. », c'est- à-dire : " et ne refuse pas d'apprendre à cause des profits que rapporte (ou que te rapporte) un métier lucratif ». Multa fidelia : comme s'il y avait le pluriel mul- tae fideliae : cf. Ov. : Am., 3, 5, 4 : multa auis. Sur la fidelia, cf. supra, vers 22.

73-74. Puiet in locuplete penu : « Sent mauvais (c'est-à-dire : se gâte) dans un garde manger (trop) bien pourvu » : une abondance excessive empêche de consom- mer toutes ces provisions pendant qu'elles sont encore fraîches, cf. Hor., Sat., 2, 4, 66 : « Non alia (se. niuria; quam qua By- zantia putuit orca. » Defensis pinguibus Vn)hris : il s'agit d'un avocat que des paysans paient en nature ; le mol pingui- bus est volontairement équivoque : il peut signifier riches, ou gras, ou épais. Pour ces

88

A. PERSI FLACCl SATVRAHVM LU5KR

Et piper et pernae, Marsi monumenta cluentis, Maenaque quod prima nondum defecerit orca.

Hic aiiquis de génie liircosa cenlurionum Dicat : K Quod sapio, satis est raihi. Non ego euro Ksse quod Arcesilas aeruninosique Solones Obslipo capile et figcntcs lumine terram,

75

80

NC. 75. cluentis se lire de eluentis V : clientis p f ; le vers tout entier manque dans a (il a élé ajouté en marge par A- et B-), omission qui s'explique sans peine, parce que ce vers finit en is comme le précédent (cf. 5, 18 et voy. Havet : Cr.uerh., p. lôO, n" 564) ; au lieu de El piper, W. Vollgraf a conjecturé AUiue uper. 78. Dicat PA- : dicta a. quod sapio satis est P : quod satis est sapio i \'al. : le mot supio et le groupe satis est, commençant par la même syllabe, ont pu facilement être intervertis : mais il n'est pas aisé de savoir de quel côté est l'interversion. 79. Saloncs p. 80. obstipo p A- : ohstippn P ; obsip a.

deux derniers sens, cf. Ov. : Ars amat , 3, 303 : ■• Coniux Vmbri rubicunda mariti » (on cite également Catulle, 39, 11, mais la leçon fartus Vmher est douteuse).

75. El piper et pernae : ent. : « et quod piper et pernae pu/en/ » ; piper, ici, désigne piobablement le faux poivre d'Italie (cf. Pline : N. H., 12. 29; 16. 136). - Pernae, Marsi monumenta cluentis : « des jambons, souvenir diiri client Marse ». Les Marses étaient souvent cités comme ayant conser- vé la simplicité des mœurs antiques (cf. Juv., 3. 169 ; 14, 180). SI la leçon cluentis est la bonne, peut-être faut-il voir une intention dans l'emploi de cette vieille forme appliquée à un campagnard resté fidèle aux vreux usages.

76. Maena, etc. : « et parce que la men- dole ne manque pas encore dans la pre- ftiière jarre (ou : au haut de la jarre) •), soit à cause de la dimension des vases, ou du vase, soit à cause de la surabondance des provisions de toute espèce ; la men- dole (maena), poisson acanthoptère de la Méditerranée, ne dépassant pas 20 centi- mètres de longueur ; on le conservait dans la saumure, et il était peu estimé. Remar- quez defecerit après pulet : est-ce un sub - jonctif ou un futur antérieur? En tout cas, Perse veut dire, d'une part, que les pots, trop nombreux, sentent : de l'autre, que la mendole n'a pas encore manque. Sur orca, cf. supra, vers 50.

77 et suiv. : Perse veut dire que, en enten- dant le conseil d'étudier la philosophie, un centurion se mettrait à railler les philo- sophes. Hic 0 Ici » ou, comme nous disons en pareil cas : « Là-dessus » : cf. 1, 32.

Aiiquis de gente hircosa centurionum : on pourrait, en faisant revivre le vieil adjectif « bouc|uin, bouquine » cf., dans Cotgrave, l'expression une barbe bouquine), traduire : « quelqu'un de la race bouquine des cen- turions » ; mais d'ailleurs le tour « un vieux bouc de centurion « fournit un bon équivalent. L'adj. hircosus (opposé à un- guentatus daim un fragment deSénèquecité par A. (iell., 12, 2, 11) indique que ces rudes soldats, velus et peu soigneux de leur personne, sentent le bouc (cf. Hor. : Sat., 1, 2, 27 ; « olet Gargonius hircum »).

78. Quod sapio satis est niihi : v Ce que j'ai de sagesse me suflit ». Le sens de la leçon quod satis est sapio mihi (voy. NC.) est tout voisin : « .l'ai pour moi de la sagesse autant qu'il en faut », c'est-à-dire : « Je trouve que j'ai assez de sagesse comme cela ».

78-79. A'on ego euro esse quod s. -ent. : fuere Arcesilas aeruninosique Solones : « .le ne me soucie pas, moi, d'être ce que furent Arcesilas et les Solons accablés » ; non ego : cf. 1, 45 ; ciiro esse : cf. 2, 18. Arcesilas : chef de la nouvelle Académie. Perse a eu soin de melti'c dans la bouche du centurion deux noms très connus. Ils sont d'ailleurs mal choisis par cet homme ignorant : Arcesilas n'enseignait que le doute ; Solon n était ni un métaphysicien ni un penseur sombre et renfrogné. L'ex- pression aerumnosi Solones fait songer à •/.axooaîaojv Ït'jxp5.-r,; qui se lit chez Aristophane (.Vuees. 104).

80. Obstipo cnpite : obstipus signifie pro- prement : « oblique, incliné dans un sens ou dans l'aulre : cf. Hor. ; Sat., 2, 5, 91-

SATIRE III

Murmura cum secuni et rabiosa silentia rodunt

Atque exporreclo trutinantur uerba labello,

x\cgroti ueleris méditantes somnia, gigni

De nihilo nihilum, in nihilum nil posse reuerti .

Hoc est quod pâlies ? cur quis non prandeat hoc est ? »

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85

N'C. 83. méditantes sornuia p i : méditantes omnia V. 84. de nihilo P A- : di nihilo 3. ; in nihihun nil p (n'ihil P : cl". 1, 111 et 122) ; in nihilo nil 3. (corr. A^).

92 : « Dauus sis comicus atquc Stes capite obslipo multum similis nietuenti. » La suite montre qu'il faut entendre ici : « la tête penchée en avant, la tête basse ". Figeâtes lumine terram : liit. : « trans- perçant la terre de son regard » (cf. Virg. : En., 6, 802 : " Fixerit aeripedem ceruam licet ») ; c'est une déformation plaisante du tour in terra lumen fîyere (Ov. : Métam., 1.3. 541 et Trist.,i, 2, 29).

S\. Murmura cumsecum, etc. « lorsqu'ils rongent à part eux des murmures et des silences enragés », c'est-à-dire que leurs lèvres remuent sans qu'ils fassent autre chose que murmurer ou se taire, comme s'ils avaient la rage ; en effet, les chiens enragés n'aboient pas (cf Paul d'Egiue, 5, 3). Rabiosa silentia est une sorte de pa- rodie d'arnica silentia Virg.. En., 2, 255).

82. Litt. : « et pèsent des mots sur leur lèvre allongée » ; exporreclo .. labello est préparée par rodunt : leur lèvre inférieure s'allonge comme celle des rongeurs qui font jouer leur mâchoire, et elle forme une sorte de plateau sur lequel le philo- sophe semble peser les mots qu'il mur- mure : d'où le verbe trutinari. \'arron avait dit (Menipp. fragm., 419 Bûcheler) : « unumquodque uerbum stulera auraria pendere » ; labello . cf 2, 32 et, pour l'em- ploi du diminutif, 1, 23 (note sur auricu- lis).

83. .Aegroti ueteris méditantes somnia . faut-il entendre : « méditant les songes, les visions d'un homme depuis longtemps malade, d'un homme que la fièvre tient depuis longtemps u, ou bien : « les visions d'un vieillard malade (ou, comme nous dirions : d'un vieux cerveau malade) •■ '.' Il ne serait pas surprenant que Perse eût voulu indiquer que la philosophie, aux yeux du centurion, unit le radotage de la vieillesse au délire de la fièvre. Mais la première interprétation s'appuie sur une analogie frappante entre aegrotus uetus et

les expressions iie/iJ.s amicus Hor., Sa/., 2, 6. 81 \ uetus hostis (Hor. : Od.. 3, 8. 21) ; et ne trouve-t-on pas chez Juvénal (9, 16). uetus aeger dans le sens de qui diu aegro- tauit :' En tout cas. Perse s'est souvenu d un trait de satire, devenu proverbial, contre les rêveries des philosophes : voy. Varrcn : Menipp fragm , 122 Bùch : « Postremo nemo aegrotus quicquam soinniat Tam infandum, quod non ali- quis dicat philosophus . /legro/us.pour aeger, mot de la vieille langue (Piaule, Térence, Lucilius), s'était peut-être con- servé dans l'usage vulgaire.

83-84. Gigni de nihilo nihilum, etc. : ici encore, le centurion prouve sou igno- rance, le principe que rien ne naît de rien et ne peut retourner à rien étant un des plus simples et un des moins contestés de la philosophie ; la physique stoïcienne (cf. Marc Aur., 4, 4) l'admettait tout comme celle des épicuriens. Notre homme ne voit qu'une chose : la répétition de nihil qui lui semble ridicule. Pour l'expression, cf. Lucr., 1, 150 ; « Xullam rem e nilo gigni diuiuitus unquam ». et 237 : « Haud igitur possunt ad nilum quaeque reuerti". Si- hilum est dans les Sat. d'Hor., 2, 3. 54 et 210 : 8, ,41.

85 Hoc est quod pâlies . « C'est ta pâleur », c est-à-dire : « c'est l'étude sur laquelle tu pâlis ? f> : cf. supra, 1, 124 et 3, 43. Le vulgaire raillait volontiers la pâleur des hommes d élude : cf. Arisl

A'uée.s, 103

COJ^ (o"/puov-o(î.

Cur

quis non prandeat hoc est '■ « C'est pour cela qu'on se passe de déjeuner ? » Une telle sobriété est bien faite pour surprendre e cenlurion ; le prandinm jouait dans la vie militaire un rôle important. Mais, de plus, c'était une sorte de proverbe que les philosophes ne déjeunaient point : cf. Arist. : Nuées, 416 : « jjLr^t' àpuTàv è-tf)jiJ.ï'; » et Hor. ; Sat., 2, 3, 257 : « impransi correptus uoce magislri ».

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A PERSI FLACCI SATVRARVM LIBER

His populus ridet, multumque torosa iuuentus Ingeminal tremulos naso crispante cachinnos.

« Inspice, nescio quid trépidât raihi pectus et aegris Faucibus exsuperat grauis halitus, inspice sodés », Qui dicit medico, iussus requiescerc, postquam

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NC. 86. Au lieu de His, certains mss onl les variantes hic (cf. 5, 26) et hos : Guvct proposait hoc. 89. exsuperat Pa : extiberal Val. -f (voy. Introcl, p. xxxi) : les énidils ont ici, je ne sais pourquoi, multiplié les conjectures ; je ne signale que celle de Marcile : exspirat.

86. His populus ridet « Le public répond à ces propos par des rires ». His est au datif, ritfe/ étant ici l'équivalent de arridet. Le tour est insolite. Il ne l'est guère moins, ce me semble, si l'on fait de his un abl. : « Ces propos font rire le public » ; le tour vraiment correct serait « His auditis popu- lus ridet » ; pour l'emploi de his, pluriel neutre, cf. 2, 43 et 5. 26, et pour le sens de populus, 1, 1,"). -- Multum... torosa iuuentus : •• une jeunesse bien musclée » ; il s'agit des soldats qui écoutent avec complaisance les propos du centurion. L'emploi de multum pour renforcer le positif est un tour fréquent dans le lan- gage familier, chez Plante surtout (et cf. Hor. : Sat., 1, 3, 57 ; 2, 3, 147 etc.) : on en cite deux exemples chez Cic. (De leg. agr.. 3, 3, 13 : multum bonus, et De off., 1, 30, 109 : multum dispares .

87. Ent : « redouble les éclats d'un rire convulsif qui fait trembler les narines ». Inyeminat (cf. 1, 102) est un verbe du style épique (Virg. : Géorg. : 1, 410-411 : " Voces... ingeminant » ,■ cf. En., 5, 457 ; 7, 578), qui convient parfaitement, au début de ce vers d'une emphase voulue. Tremulus n'est pas rare non plus dans la haute poésie (Virg. : Eu., 7. 395 ; Prop.. 1, 5. 15). et Lucrèce en avait déjà fait l'épithète de risus (1, 919 : <• Fiet uti risu /reniii/o concussa cachinnent »); on donne d'ordinaire à crispante le sens de <> se plis- sant » (cf. 5, 91 : « rugosa sanna ») ; mais je crois qu'il faut entendre naso crispante comme naso uibrante : il s'agit du nez qui oibre, secoué par le rire, ou mieux, en construisant ingeminat cachinnos .-, naso (eos) uibrante, du nezqui agiteles secousses (lu rire, c'est-à-dire : qui s'agite des pal- pitations du rire : cf. Virg. : En , 1, 313 : '< Bina manu... crispons ( uibrans^ has- tilia », et un souvenir du présent passage dans le Carmen paschnle, 1, 332 : « aller

amat fletus, alter crispare cachinnum ».

88-118. Perse réplique, sans transition, aux détracteurs de la philosophie par une sorte d'apologue : le malade qui dédaigne les conseils du médecin voit son mal s'ag- graver et j- succombe : craignons de même, si nous n'écoutons pas les leçons de la sa- gesse, d'être envahis par les passions, qui sont les maladies de l'âme.

88-90. Constr. : « qui dicit medico : « Inspice... inspice sodés » (ille), iussus requiescere, etc. » : on trouve la même inversion chez Hor. (Epist., 1, 17, 46-48) : « Indotata mihi soror est... », Qui dicit.. -yi. Inspicere est le terme consacré quand il s'agit d'un examen médical (cf. PI. : Pers., 316 : « inspicere morbum tuom lubct »). Nescio quid trépidât mihi pectus : ■■> ma poitrine a je ne sais quelle palpitation ». Aegris faucibus, etc. : on est tenté d'entendre : « De ma gorge malade s'é- chappe une haleine forte, une haleine qui sent mauvais » : cf. Hor. : Epod., 12, 5 : « Grauis hirsutis cubet hircus in alis », et Perse dit (infra, 99) : « sulpureas exha- lante mefites ». Mais je crois qu'il vaut mieux donner à grauis le sens de pénible et traduire : « Mon souffle monte et sort avec peine » ; en effet, le verbe exsuperare, généralement transitif, signifie « gravir, dépasser » ; Perse l'emploie absolument (comme avait déjà fait Virg., En.. 2. 759 : « Exsuperant flammae »' pour indiquer l'ascension, et l'ascension pénible grauis), du souffle. Sudes : « S'il te plaît », con- traction de siaudes, formule de la langue familière, dans laquelle audeo a son sens étymologique de se plaire à, désirer (cf. aueo, auidus) ; Horace après Térence, s en est servi plus d'une fois (voj'. Sat., 1, 9, 41, etc.).

90. Iussus (ab illo se. a medico) requies- cere doit être rattaché à ce qui suit, non à qui dicit : on pourrait traduire : « Examine-

SATIRE III

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Tertia conpositas uidit nox currere uenas,

De maiore domo niodice sitiente lagoena

Lenia loturo sibi Surrentina rogauit.

« Heus bone, tu pâlies. » « Nihil est. » « Videas tamen îstuc,

Quidquid id est : surgit tacite tibi lutea pellis. -> 95

NC. 91. uidit 2 : uidet P, leçon inconciliable avec le mètre ; faute mécanique entiaîncc, par la série de présents trépidât, exsnperat, dicit. 92. sitiente a : silente V (pour la confusion de l'i et de 17 dans P, cf. Introd., p. xxvr) ; siriente p : lagoena P : lagoaena a ; Guyet lisait modicum aitiente. 93. loturo sibi p Val. : luturos ibi P (qui peut faire supposer la leçon lautnro. d'autant plus que certains mss donnent laturo, par substitution sans doute à Vu de luturo d'un a qui aurait être inséré) ; locupo {loturo A') tibi a ; rogauit P : rogabis a ; rogabit p (cf. 2, 5). 94. tu omis devant pâlies x ; pâlies p a : pallens P ; istuc P : istud 3. 95. id est P : hic est x.

moi, dit quelqu'un à son médecin ; celui- ci ordonne le repos : mais, lorsque, » etc.

90-91 . Postquani tertia, etc. : « lorsque la troisième nuit a vu les veines aller d'un cours apaisé » ; enl. : « lorsque notre homme a passé trois nuits sans fièvre ". Le malade a attendu la troisième nuit, redoutant la fièvre tierce ; mais il ne songe pas au danger de la fièvre quarte : voy. Celse, 3, 5 : « Si ex alto dolor uenit et grauitas uel capitis uel praecordiorum se- cuta est neque apparet quid corpus confu- derit, quamuis unam accessionem secuta integrilas est, tamen quia tertiana tiaieri potest, exspectandus est dies teriius ; et ubi accessionis tenipus praeteriit, cibus dan- dus est, sed exiguus, quia quartana quoque timeri potest " . - Currere peut surprendre : le mot s'appliquerait plus justement à un pouls précipité.

92-93. Le malade, qui se croit guéri, a mangé (v. 98 : turgidus .. epulis) : il veut maintenant se baigner {loturo sibi) et a fait demander (rogauit), dans la maison d'un ami riche, une petite cruche ou un flacon de vin de Sorrente qu'il boira après le bain (sur cette dernière coutume, cf. Sén. : Epist., 122, 6, et PHne : N. //., 14, 13, et, sur l'habitude qu'avaient les gens riches d'envoj-er du vin à leurs amis malades, cf. Juv., 5, 32 Cardigco nunquam cya- thum missurus amico ») Il se croit très sage parce qu'il demande du vin de Sor- rente doux, et seulement en petite quan tité : le vin de Sorrente, qu'on laissait vieillir très longtemps (vingt-cinq ans, se- lon Athénée, 1, p. 2(>1)), était recommandé aux convalescents (cf. Pline, A^. H , 14, (54). La lagoena était un vase au col étroit, fait d'argile ou de verre, et destiné à con-

tenir du vin (cf. Hor. : Sat., 2, 8, 41). Modiee sitiente, lilt. : « Modérément altéré, dont la soif est discrète », indique que le vase est d'une capacité médiocre. D'autres entendent, d'après le scoliaste (" non ualde plena... quod uetustale decoquatur ac per hoc scse tanquam sitiens ebibal »), que le vin se boit lui-même, c'est-à-dire que la quantité en est de plus en plus réduite dans le flacon à mesure qu'il vieillit, et qu'ainsi il manque au vase un peu de son contenu. Mais Perse veut dire bien plutôt que notre homme s'imagine faire une con- cession à la prudence parce qu'il ne de- mande pas beaucoup de vin ; et l'expres- sion, en même temps, transporte au flacon, par une figure pittoresque, la soif du buveur. Grammaticalement, on peut con- sidérer niodice sitiente lagoena comme un abl. abs. : « Il a demandé du vin de Sor- rente, le flacon (où il sera contenu) n'étant pas trop altéré » ; mais le tour équivaut, en somme, à in modiee sitiente lagoena. De maiore domo... Surr. rogauit est une expression analogue à « aquam... de proxumo rogabo " (PI. : Rudens, 404). « Dortio niodice » fait la cacophonie signa- lée par Quint., 9. 4, 41 (cf. 2, 29 ; 5, 61, 65, 96, 151, 179, et Prol., 6). Surren- tina (iii'na), au pluriel, comme chez Ho- race : Sat., 2, 4, 55. Le pf. rogauit (cf NC.) donne un sens excellent : il a déjà de- mandé ce vin, lorsqu'un ami lui fait remar- quer qu'il n'a pas bonne mine : cf. 2, 31 : « Ecce auia... e.reniitpuerum », et la note.

94-97. Ces quatre vers sont un petit dialogue entre le malade et le médecin ou plutôt un ami qui, le voyant pâle encore, lui conseille d'être prudent.

94-95. Heus : cf. 2, 17. Bone : « Mon

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A. PERSI FLACCI SATVRARVM LIBER

« At lu delerius pâlies. Ne sis mihi tutor.

lam pridem hune scpeli : tu restas. » « Perge, tacebo. »

Turgidus hic epulis atque albo uentre laualur,

Gutture sulpureas lente exhalante mefites.

N'C. 96. At 1 : P; pâlies p a : pollens P. 97. sepeli tu restas 9, leçon confirmée par la par.iphrase du scoliaste Ego iam pridem tutorem meiim exttili : tu restas, i. c. lu aller lulor sis quem sepeliani ))) et par le rapprochement de sepellitur istas P {sepellti tu restas pi avec sepeliit urestas t.. 98. bobatur A (corr. A-) et lobatur B. 99. sulpureas P (cf. 2. 25 : sulpure) : pulphereas a ; sulphureas A"^ ; exilante a (corr. A^) ; mefites P a t « IJf est probablcmenl authentique, emprunté à un dialecte italiote » (cf. mefilein R; meifîtim P dans Virg. : En., 7, 84) (Havet : Crit verb., p. 256, n" 1075).

bon » : cf. 6, 43 et Hor. : Sat , 2, 3, 31, etc. Tu pâlies ; cf. 1,2: » tu .. ais », et la note. \ihil est : cf. Hor. : Sat., 2, 3, 116. Videas, cf. supra, 36, la note sur uelis. Quidfjuid id est : " Quoi que ce soil, quoi ((ue cela puisse être (Virg : En., 2, 49 : « quidquid id est, tinieo Da- naos, etc. » Surç/it tacite, etc. : enl. : <( Ta peau, à ton insu, s'enfle ; elle est jaunâtre » ; l'hydropisie envahit sournoi- sement le malade ; lutea : litt. : « Qui a la couleur du lûtiini », c'est-à-dire de la gaude, espèce du genre réséda, dont la décoction donne une teinture jaune ; épi- théte de la pâleur maladive (Hor. : Epod., 10, 16 : " pallor luleus » ; pellis, au lieu de cutis, implique une comparaison entre la peau du malade, dont l'aspect ordinaire est altéré, et celle d'un animal ; le mot était consacré, semhle-t il. quand on décri- vait les ravages de la maladie et de la vieil- lesse : cf PI : Capt., 135 : " Ossa atque pellis sum » ; Hor. : Epod., 17, 21-22 : << Fugit iuuentas, et uerecundus color Reliquil ossa pelle amicta lurida. »

96. At tu, etc. : Le malade, qui ne veut rien entendre, réplique : a Mais toi ta pâleur est pire ». c'est-à-dire : « Je vais bien tu es plus malade que moi. »

96 97. A'e sis mihi tutor. Iam pridem, etc. : Nous dirions : « Ne fais pas revivre mon tuteur ; il y a longtemps que je l'ai enterré » ; c'est le proverbe : « Quid me mones ? et tutorem et paedagogum oiim obrui « (Isid lOria., 10. 5, 264): cf. Hor : Sat., 2. 3 88 : « Ne sis pairuus mihi ». Sepeli : forme anormale pour .sepclii, qu'il faut peut-être attribuer à une prononcia- tion populaire; on connaît les formes 1'/, obit, exit, pour 11/, ohiit, exiit, qui appa- raissent chez les poètes latins à partir d'Ovide (cf. petit chez ce dernier. Fast., 1, 109i. Tu restas, i. e. sepeliendus ou

quem sepeliam : nous dirions ; « (^'est ton tour. » Cette interprétation ne peut être contestée si l'on se rappelle Hor. (Sat., 1, 9, 28) : « Omnes composui. Felices I nu ne ego resta. >■ 11 n'y a pas une gros- sièreté, mais une plaisanterie qui fait suite à tu deterius pâlies : « .le me porte si bien, dit le malade, que c'est encore moi qui t'enterrerai comme j'ai enterré mon tu- teur. i> Il me parait tout à fait inutile de mettre un point d'interrogation après tu restas, comme fait Bûcheler. Perge. i. e. perge facere : « Continue comme tu as commencé. » Ent. : << A ton aise ! je ne dis plus rien. »

98. Turçjidus... epulis : Horace (Ep., 1, 6, 61) fait déjà allusion à l'usage de se baigner en sortant de table Crudi lumi- dique lauemur ») : cf. Pétr., 72, 3 (c'est Trimalchion qui parle à ses convives) : " Sic nos felices uideam, coniicianius nos in balneum, meo periculo, non paenite- bil. Sic calet tanquam furnus » : voy. aussi Juv., qui se souvient à la fois d'Ho- race et de Perse ; « ... deponis amiclus Turgidus et crudum pauonem in balnea portas » (1, 142-143,. Hic : « notre homme » : cf. 2, 48. Albo uentre : nbl. de qualité coordonné à l'adj. turgidus. et, comme celui-ci, se rattachant directement à hic : tour fréquent chez Tacite (par ex. Hist., 1,8 : " uir facundus et pacis arti- bus » ; cf. d'ailleurs 1 15). Je ne crois pas que Perse veuille opposer la blan- cheur excessive de ce débauché au hàlc des corps brunis par les exercices de plein air. Il s agit encore d'un symptôme d'hy- dropisie : cf. Hor. : Od., 2, 2, 13 et suiv. : « (>rescit... dirus hydrops... nisi causa morbi Fugeril uenis et aquosus albo Cor- pore languor » Lauatur : sens moyen : « il .se baigne ».

99. Gutture sulpureas, etc. : ent. : « son

SATIRE .III

Sed tremor inter uina subit calidumque trientem Excutit e manibus, dentés crepuere retecti, Vncta cadunt Iaxis tune pulmentaria labris. Hinc tuba, candelae, tandemque beatulus alto

93 100

NC. 100 inter uina subit P A- \^al. : in terra subiit a (voy. Introcl., p. xxv) ; trientem P a : triental sch. ~ ^voy. Introd., p. xxxiii), mot dont on n'a pas d'autre exemple, formé sur quadrantal, mesure de capacité qui équivaut au contenu de l'amphore. 101. excidit au lieu de excutit a (corr. A-).

gosier exhale avec persistance une odeur empestée de soufre ». Le détail est. en lui-même, répugnant, mais l'expression est, volontairement, empruntée au style épique (Virg : En., 7.84 : a Saeuamque exhalât opaca niefitim »). L'épithète sul- pureas convient particulièrement à mefites, puisque Servius nous dit (Ad Aen ,1. 1.) : » Mefitis proprie est teri-ae putor. qui de aquis nascitur sulpuratis. »

100-101. En sortant du bain, ou même avant den être sorti, notre malade s'est mis à boire le vin de Sorrente qu'il s'est fait apporter ; « mais, dit le poète, un tremblement vient le saisir au milieu deS rasades et fait tomber de ses mains le tiers brûlant » ; triens : la capacité de la coupe pour la coupe elle-même, comme chez Properce, 3, 10, 29 : « Cum fuerit multis exacta trientibus hora. » Le triens était le tiers du selier (sextarius, lequel valait 0 1. 54 environ), soit quatre cyathes (0 1. 045) ou 01. 18. - Calidum ne doit pas s'entendre de la chaleur que la main du malade communique à la coupe : les anciens aimaient à boire très chaud pour provoquer une exsudation abondante ; cf Sén. ; Epist., 122, 6 : « Sudorem quem mouerunt potionibus crcbris et f'eruenti- hus. »

101-102. Dentés crepuere, etc. : « ses dents se sont découvertes (expliqué par Iaxis... labris) et ont claqué : puis (tune) les bons morceaux avec leur sauce s'é- chappent de ses lèvres flasques ». Le par- fait crepuere marque un fait antérieur à celui qu'indique cadunt (cf supra, 93 : rogauit, et 2, 32 : exeinit). Pulmenta- rium, ou pulmentum ou pulpamentum, c'est proprement ce qu'on mange avec le pain pour lui donner eu quelque sorte un assaisonnement Cic. : Tusc, 3, 32, 90 : « mihi... pulpamentum famés » ; Hor. : Sat., 2, 2, 20 : « Tu pulmentaria quaere Sudando » ; Sén. : Epist., 87, 3 ; » Illae

(i. e. caricae , si panem habeo, pro pul- mentario sunt » ; d'où le sens de « bons morceaux )i. Vncta : « bien préparés » cf 4, 17 ; 6, 16 et 68) ; mais je pense que le mot, ici, a une valeur descriptive : les morceaux s'échappent avec la sauce dont ils étaient relevés.

103-105. Le malade intempérant meurt et le poète nous fait une description plai- sante de ses funérailles Hinc : « A la suite de cela » ; nous dirions : « Alors, c'est la trompette, etc. » Tuba : on sait qu'il y avait des joueurs de trompettes dans le cortège funèbre des gens riches (cf. Hor. : Sat., 1, 6. 42 et suiv. : o Si... concurrant... foro tria fanera magna, sonabit Cornua quod uincatque tubas » ; Pétrone, 129. 7 : « licet ad tubicines mit- tas "). Candelae. cierges faits de fibres de papyrus tordues ensemble et revêtues de cire ; on en portait dans les funérailles, surtout, semble-t-il, lorsque la mort avait été, comme celle-ci, prématurée : voj-. Séu. : De tranq. anim., 11,7 : « totiens praeter limeii immaturas exsequias fax ce- j-fusque praecessil » (cf. De breuil. uit., 20,5; Epist., 122, 10). Tandemque, etc. : il semble d'abord qu'il y ail ici la ligure appelée 'j^teoov TCpôtîpov, et que Perse nous ait fait voir le cortège avant de nous montrer le mort étendu sur le lit funèbre. Mais, au fond, les vers 103-105 doivent être entendus de la manière suivante : « Alors (Hinc), il faut commander trom- pettes et cierges ; à la fin {tandem), quand tous les préparatifs de cette pompeuse cé- rémonie sont terminés, on procède à l'en- lèvement du corps exposé dans l'atrium, n Le rapprochement de tuba et de candelae ne permet guère de rapporter tuba à l'ap- pel solennel du mort, ou conclamatio, bien que les trompettes et les cors eussent leur place dans cette cérémonie qui suivait immédiatement le décès : voj'. Serv. : Ad Aen., 6, 218 moins d interpréter :

»4

A PKRSI FLACCI SATVRARVM LIBER

Conposilus lecto crassisque lutatus amoniis In portam rigidas calces extendit. At illum 105

Hesterni capite induto subiere Quirites. Tange, miser, uenas et pone in pectore dextram :

NC. 104. grassisqiie P (faute qui remonte sans doute à un ms en capitales : voy. Havet Crit. verb., n'* 580 et 598). 105 in portam PA- \'al. : in portas a (par mauvais déchif- l'retnenl de porta (= portam) et de l'r initial de rigidas : cf. la note suivante). rigidas P igidas a: rigidos 'f : mais les exemples de calx au masculin sont très rares. 106. Hesterni V Val. : externi ol (hesterni n'ayant pas été compris). 107. dex- tram 2 : dextra P ; 108 attende (au lieu de uttinge) f : correction d'un réviseur qui aura considéré attinge après tange comme une négligence inadmissible.

a Alors, c'est le décès, la conclajnatio ; puis on allume les cierges pour cette mort |)rématurée, et enfin, etc »). D'autre part, les mots alto compositus lecto et les sui- vants, jusqu'à calces extendit s'appliquent très bien à l'exposition du cadavre, préa- lablement embaumé : on l'étendait dans l'alrium de la maison, sur le lectus fune- bris, les pieds tournés vers la porte (cf. Sén. : Epist., 12. 3). L'emploi de porta pour ianua n'est pas une raison suffisante d'admettre que Perse nous peint d'abord, par les mots tuba, candelae, le cortège qui se déroule dans les rues pour arriver au forum, d'où le corps, resté exposé sur un lit de parade pendant le laudatio fiinebris, est enfin emporté hors de la ville les pieds en avant, par la porte qui mène au champ de Mars on peut conclure d'un passage (le Plante {l'ersa, 436) que porta, dans le langage familier, pouvait designer toute espèce de porte : « Ex porta cuni emis- sust lepus. » On peut se demander aussi, jîuisque porta s'applique bien à la porte de toute vaste enceinte, s'il n'est pas em- ployé ici pour parler de la maison d'un simple particulier avec une emphase vou- lue qui serait bien dans le ton du passage. Beatulus : Perse semble jouer sur le double sens de beatiis : « riche » et « dé- funt ») ; le diminutif beatulus, qu'on ne trouve que chez lui, est à rapprocher de ranc!<iu/iis (1, 33). Nous dirions : « le cher petit bienheureux. Alto... lecto: « sur un lit de parade ». Conpositus : litt. : « arrangé », terme consacre pour parler d'un cadavre : cf. Ov. : Met. .9. 502-503 : « peream precor ante loroque Mortua coni- ponar ». Crassis lutatus amomis : « en- duit d'un amome grns » ; lutatus, qui si- gniUe proprement « souillé »(nous dirions " barbouillé »). est mis par plaisanterie uu lieu de illitus ou oblitus, L'amome

(amonion ou amomum) est un parfum ex- trait de la plante du même nom, originaire de l'Inde ; crassis indique qu on ne l'a pas ménagé dans la circonstance. Rigidos calces : « ses talons raidis » (par la mort'.

105-106 At illum hesterni, etc. : « Mais des Quirites d'hier, le bonnet en tête, l'ont chargé sur leurs épaules «/l/est, je pense, ironique : « Mais, comme consolation, il jouit maintenant de 1 honneur d'avoir été porté au bûcher par ses affranchis. » On peut entendre aussi, en donnant au par- fait sijfc/ere une autre valeur : « Mais voilà que déjà ses affranchis l'ont chargé sur leurs épaules. » Hesterni Quirites, ce sont les esclaves dont le testament du défunt vient, en les affranchissant, de faire des citoyens (cf. Pétrone, 42, 6) ; ils ont sur la tête le pi/eiis, signe de leur liberté nou- velle (cf. 5, 82), et, à défaut des fils du défunt (cf. Vell.Paterc, 1 11), mort proba- blement sans postérité, c'est eux qui portent la bière [feretrum dans le cortège funèbre. Pour l'ace avec subiere, cf. V'irg. : En., 4 599 « si/ti'is.se umeriscon/'et'/u/» aetatepa- rentem » et Tac. : Ann., 6,28 (mais le dat. En., 6 222 ; « pars ingenti subiere feretro»),

107-118. L'hommelivré aux passions est, lui aussi, un malade. La conclusion, que Perse n'indique pas, se dégage d'elle- même : si cet homme repousse les leçons de la philosophie, il se condamne à ne jamais guérir de ses affections morales.

1071 11. Tange, miser, etc. : C'est le poète qui, revenant au ton du prédicateur et interpellant un homme pris au hasard dans la foule des insensés, des stulti, lui dit : « Tâte-toi le pouls, malheureux ; mets-toi la main sur la poitrine : rien là, diras-tu. n'est brûlant ; tu n'as pas la fièvre ; touche tes extrémités : il est vrai qu'elles ne sont pas froides. Mais si lu as vu de l'or, si la jolie maîtresse de ton voi-

SATIRE m

95

Nil calet hic. Summosque pedes attinge manusque Non frigent. Visa est si forte pecunia siue Candida uicini subrisit molle puella, Cor tibi rite salit? Positum est algente catino Durum olus et populi cribro decussa farina : Temptemus fauces; tenero latet ulcus in ore Putre, quod haut deceat plebeia radere beta.

110

NC 111. camino au lieu de ca/ino Reize : mais voy. comment, explic. 112 cribro P : cribo a ; decussa p a : decusa P ; discussa sch. 'f. 114. plebeia P : plebia a.

sin t'a adressé un gracieux sourire, ton cœur bat-il comme à l'ordinaire », c'est-à- dire : <■ Tu n'es pas, toi, malade de corps; mais que dire de ton àme ? » Miser rap- pelle trop directement les vers 15 o mi- ser inque dies ultra miser ») et 66 ( >> dis- cite, o miseri y>] pour qu'on puisso sans invraisemblance attribuer les mots Tange, miser, et les suivants jusqu'à non frigent, à un stultus. le centurion des vers 77-87 ou tout autre, qui dii-ait à Perse : » Que signifie ton histoire de malade, parleur déplorable ? Tàte mon pouls, touche mes extrémités : lu verras que je me porte bien » Tout au plus pourrait-on détacher, pour en faire des répliques du personnage anonyme interpellé par le poète, les deux membres de phrase : Nil calet hic et non frigent.

107. Tange est le ternie technique : cf. 1, 117. Pour les sj'mptômes morbides indi- qués ici, cf. Gelse 2, 1), i|ui compte par- mi les signes les plus inquiétants d'avoir la tête, les mains et les pieds froids, alors qu'on a chaud au ventre et à la poitrine caput et pedes manusque frigidas habere, uentre et lateribus calentibus »).

109. Visa est si forte pecunia : cf. 2, 52 ; 4. 47 ; 5, 111-112. Les vers 109-118 peignent les effets de quelques passions, ceux d'abord de trois formes de la concu- piscence (libido : cf. supra, 36) : l'avarice, la luxure (v. 109-111), la gourmandise (v. 111-114), puis ceux de la peur (v. 115) et de la colère (v. 116 118)

110. Candida : « éclatante de bt-auté » (cf. 4, 20), comme chez Catulle (13, 4) : a non sine candida puella » ; molle : ace. adverbial dépendant de subrisit : cf. 5, 190 : « crassum ridet » et Hor. : Od., 1, 22, 23 : « Dulce ridentem Lalagen » ; uici- ni... puella : « la maîtresse du voisin " ;

pour ce sens de puella, cf. Catulle, 2, 1 : « Passer, deliciae meae puellae. >>

111. Rite : nous disons : « normale- ment » : et, pour l'expression cor salit, cf. 2, 54 : 11 praelrepidum cor ». Positum est adpositum est : cf. 1. 53. Algente catino : « dans un plat froid » ; la substi- tution d'algenleà gelido ou frigido suppose une sorte de personnification du plat : cf. Prop. : 4, 5, 68 : u Horruit algenti pergula curla foco. »

112. Durum olus : » des légumes durs », parce qu'ils sont mal cuits ; et populi cri- bro decussa farina : u une farine passée au tamis du peuple ». c'est-à-dire du pain fait avec de la farine de qualité inférieure (pauis secundus, chez Hor. : Epist., 2, 1, 123 ; panis plebeius, chez Sén. : Epist., 119. 3 : « Summa laus (panis , dit Pline (iV. // , 18, 105), siiiginis bonilate et cri- bri tenuitate constat. »

113 Ttniptemus fauces : « éprouvons ton gosier •, c'est-à-dire : « voyons si tu pourras avaler celle nourriture grossière c.

113-114. Tenero latet. etc. : lilt. : « ta bouche délicate recèle un ulcère purulent qu'il ne conviendrait point de racler avec la belle plébéienne, c'est-à-dire : « Tu as le palais aussi délicat que si tu avais un ulcère dans la bouche. » Radere: c'est le contraire de l'expression tergere pala /uni' qu'on a^ipliquait aux mets délicats (Hor. : Sat., 2, 2, 24); le mot convient d'autant mieux à côté d'ulcus qu'il avait dans le langage des médecins un sens spécial (cf. 1, 107) : « Medici, dit le sco- liaste (5, 15), radere dicuntur carnem de uulneribus piUreni, dum ad uiuum perue- niant, quo facilius curent. » Beta : la bette ou poirée, dont les feuilles, encore aujourd'hui, se mangent en salade et les côtes cuites à l'eau.

96

A. PERSI FLACCI SATVRARVM LIBER

Alges, cum excussit membris timor albus aristas Nunc face supposita feruescit sanguis et ira Scintillant oculi, dicisque facisque quod ipse Non sani esse hominis non sanus iurel Orestes.

115

NC. 115. Alges P : alget a (cf. 2. 15-1() et 41). - IKi. ira a : ini {— iram) A- P ; mais il semble que l'apex ait été ajouté par p, P n'abrégeant pas d'ordinaire les finales en ni ; en tout cas, iram pourrait aisément s'expliquer comme un accusatif qualifiant l'action verbale, et si c est une conjecture, on peut lappuyer de plusieurs rapprochements (1, 124 ; 3, 59 ; 5, 12, sans compter les accus adv. de 3, 43 et 85, et de 1, 14, en suivant la leçon de P. 117. dicis PA- : disvi a l's, écrit entre les lignes pour être ajouté, a été inséré : vo}-. Havet : Cril. t>eil>., p. 342, n" 1388) ; facis p a : faces P. - 118. est (au lieu de esse) a.

115. Alyes, etc. : « lu frissonnes quand la pâle fraj-eur a secoué sur ton corps les barbes (de tes poils) ». La comjKiraison entre les poils (/)i7/) et les barbes des épis

aristiiei était courante : cf. \'arron : De l.ing. /., (), 45 : « Treinor diclum a simi- litudine uocis, quae tune, cum ualde tre- munt, apparet, cum etinm in corpore pili, ut arista in spica liordei, horrent » Pline : A'. H., 27. 9U). Timor albus : cf. l'rol., 4, la note sur pullidamqiie Pire- nen.

116. \tinc, etc : <( Une autre fois (eut. : comme s'il y avait: « nunc alges... ; nunc... feruescit »', ton sang bout comme s'il était sur un feu ardent » : la compa-

raison est empruntée à Virgile {En , 7, 461 et suiv. : « Saeuit... Ira... : magno ueluti cum flamma sonore Virgea siigyeri- ttir costis undautis aeni K.vsulttintque aestu latices » ; mais fax rappelle en même temps l'irni fax de Lucrèce (3, 303) : •' Nec nimis irai fax unquam subdila percit. » (Le même Luci-èce emploie feruescit en parlant de la colère, 3. 288.)

117-118. Dicis facisque, etc. : ent. : « Quand tu es en colère, l'homme même qui est, dans la légende, le sj'mbole de la folie. Oreste, ;cf. Hor. :Sut.. 2. 3, 137) jurerait que tes paroles et tes actes sont ceux d un fou » On connaît la définition consacrée de la colère : breuis insaniu.

SATIRE IV

Socrate demandait à Alcihiade comment il pouvait avoir la prétention de con- duire les affaires publiques : la sagesse lui était-elle venue avant l'âge ! allait-il dire aux citoyens : " Oci n'est pas juste, cela est mal ; voici qui serait mieux Il savait donc distinguer le juste de 1 injuste et le bien du mal ? Comment, alors, le voyait-on, uniquement fier de ses avantages extérieurs, beauté et noblesse, faire la roue devant le peuple ? C'est qu'en réalité il jugeait du souverain bien comme fait la populace (l-22i. L'histoire d'Alcil)iade est celle de nous tous, dont le commun défaut est de ne pas nous connaître. Nous ne sommes clairvojanls qu à l'égard d'autrui. Le même homme qui écoute avec complaisance une pein- ture malicieuse de l'avaiice de Veltidius entendra tout à l'heure, au moment il prendra un bain de soleil après s être fait parfumer, la verve d'un inconnu s'exercer contre ses mœurs eflérninées (23-41). Ainsi nous allons, prenant le voi- sin pour cible et cible à notre tour, et nous berçant des louanges que nous donnent les naïfs. Mais il ne sert à rien de dissimuler nos vices sous des dehors brillants : que gagne-ton, en effet, à tromper la foule, si Ion reste, au dedans, livré à toutes les maladies morales ? Mieux vaudrait nous étudier nous-mêmes pour travailler à nous guérir 42-52'.

La première partie de cette satire (1-22) est librement imitée du Picmiev Alcihiade, dialogue attribué à Platon.

« l\oAn popiili tractas ? » bnrbntuiii liacc credo magistriini Dicere, sorbitio tollit quem diraciculae)

NC. Titre : cette satire, dans P, nest pas séparée de la 3'' ; de his qui ainhiiint hono- res 1. 2. dicere V A- : ducere % ; sorbilio tollil queni dira P A- \'al. : sorbili tolli qiirni dura 2.

1. Rem populi tractas '.' paroles de So- crate à Ali'ibiade •: « Tu t'occupes des affaires du peuple ? » Pour le sens de Irac- tare, cf Cic. (Ad famil., 6, 6, 3) : « Magno usu iraclandae rei publiCae ». Res populi équivaut à res publtca (Cic : De re publ., 1, 2Ô. 39 : << Est... res publica res populi ». Crede : « tigure-toi, imagine que... » tpu- tato chez Hor. : Sat.. 2. 3, Kîl). La pa- renthèse s adresse au lecteur.

12. Barbatuni-. ntiiçiistrum... sorbilio tollit quem dira cicutae : périphrase plai santé pour désigner Socrate ; je dis plai- sante, et non railleuse cf 3, 53-5."» . Piaule

appelle les philosophes barbuli [Casin., 4()6); cl". \'arr. : Mciiippées, 419 « Itaque uideas barbato l'oslro illum ccmmentari. » - S rhitio .. dira cicutae : « 1 absorption cruelle de la ciguë » (c est-à-dire : l'absorp- tion de la cruelle cigué) ; sorbitio, qui si- gnifie d ordinaire « breuvage »,-a ici toute sa force de substantif verbal. (Sur le vei-he sorbere, cf infra, IG et 32 ; 5, 112.^ Tollit quem : « Qu'emporte, que fait mou- rir » : emploi hardi du présent historique : cf. Virg. : Eu.. 2, 275 : « Quantum mu- tatus ab illo Hectore qui redit exuuias in- dutus Achilli ... et 8, 294.

98

A. PERSI FLAf.CI SATVIIAHVM MBEi;

" Qiio frctus ? die hoc, raagni pupille Pericli.

Scilicel ingenium et rcrum piudentia uelox

Antcpilos iienit. dicenda tacondaue calles. 5

Ergo iibi coniiuota feruct plebecula bile,

Feitanimus calidae lecisse silenlia lurbae

Maic'Stiile inaniis. Quid deinde loquere ? « Quirites,

Ilof, pula, non iiislnni csl ; illiid inale, rectius illud. »

XC. 3. /»>(■ P y : I) -• ^voy. Inlrod., p. \xmi) ; Pericli I' : periclis x. ô luieiidiuic I' : utendiujue r. N'ai. cf. 1,6) ; calles l' : cales z. 9. putu P 2 Pi-iscieii : Iiist. tjr.. 15, 2, 8(-Gr. lut., m, |). 65, 24 Kcil) : pulo p A^ Val. f (voy. Intiod., p xxxi . istud au lieu dr ilhid 'i.

?>. Qiio fretiis '' suile des remontrances de Socrale à Alcibiade. Litt. : « Fort de quoi'.' » c esl-à-dire : « (ju'est-ce qui t'ins- pire tant de confiance ? » cf. Platon : Aie. /, p. 123 E : « Ti ojv TJrJ ï^-.vi. otoj TT'.TXE 'El 10 ijiE'. oàx'-ov ; » Dïc hoc : oti dit ordinairement die, ou di'c âge (2, 22) ou die sodés. Magni pupille Pericli : Alci- biade. nr vers 450 av. .).-(;., était en bas âge lorsque son père (-linias fut tué à Co- i-onée i447 ; il eut pour luieui- Péi-iclès, qui était son proche parent voy. Plut. Aie , 1 ; cf. Plat. : Aie. I, p 12J \L : So- crate veut fiiire entendre n Alcibiade qu'il n'est encore que le j)upille d'un grand homme : Pericli, au lieu de Periclis : cf. .Veoc/i chez Corn. Xep. : Tliem . 1, et, plus d une fois chez \'irgile, Achilli et Vlixi.

4. Seilicet : « appai'emmeiil », avec iro- nie : cf. 2. li>. Ingenium n'a pas ici le sens d'<( esprit naturel », mais désigne 1 in- telligence développée par la double édu- cation de la science théorique et de la vie réelle. Rcrum pnidentia : « la sagesse pra- licjue » ou. comme nous disons. « l'expé- rience ». Velox a ici la valeur d un adverbe : « précocement »

."). Anie pilos : ■' avant la barbe » ; Pla- ton (,4/r. /. p. 110 C) dit tout simplement : -.7.':^ l'fi ; mais on lit dans les Actes des Apôtres 14, 94 : rpô -f,î vsvî'.àoo; otôà- 7/.Î'; Too; -'éoo-/-a;. L'exprès, ion fait un contraste plaisant avec barbotas mitgistrr. Dicenda taeenduue : « ce qu'il faut diie ou ce qu'il ju" faut pas dire » : l'expression courante est dicenda lucenda, sans aucune particule de liaison Hor. : lipist , 1, 7. 72 : cf. Catulle, 64. 40.') : « fonda nef'an- da ». Calles : « lu as la pratique de, tu sais par la pratique ». Pour l'emploi de callere avec l'ace , cf. Hor. : A. P., '21i ;

« Legilinium... sonum .. callemus », mais le tour n'est pas «•Iranger à la prose clas- sique (Cic. : Pro Bulb., 14, 32 «. . neqiu- P(Bnorum iura calles »).

6. Ergo : « Donc », c'est-à-dire : « en vertu de cette expérience précoce » : iro- nique. Vbi. elc : ent. : « lorsque la colère de la populace est déchaînée >i. Sur la valeur de l'expression commotâ 6i/p,cf. 3,8. Le mot j'rruei qui peint bien les remous de la foule (cf. Lucr.. 2, 41 : « tuas Icgiones. . Fenicre c\\n\ uideas »), s'applique en même temps, comme /"(«rufsci* cf. 3, 116 .au bouil- lonnement de la colère (Hor. : Od., 1, 13,4: « Feruens ditlicili bile tumet iecur »). Plebectiln : cf. Hor. : Epist.. 2. 1, 186.

7. Fert animns avec l'inf. : le tour est pris à Ov. : Met., 1.1 : « In noua fert ani- mus mutatas dicere formas Corpora ". Fieisse : pour l'emploi du pf. . cf 1, 42 . la locution faeere silenlium, dans le latin familier, signifiait « se taire » PI -.Amph., 15 ; Perse, comme après lui Tache {Hist.. 3, 20), la prend au sens d'« imposer si- lence ». Calidae. .. lurbae. au datif; 1 épi- thète calidae répond à feruet et peut se traduire par « en ébullition ».

8. Maieslate manus : nous disons : << Par la majesté du geste » ; tout ceci est d'une emphase ironique. f.oquêre, futur. Quirites : le mot était devenu, dans la poésie latine, \\\\ simple synonyme de CHICS cf N'irg. : Géorg , 4 201 ; Sén. : Thyeste. 3i)ô. Deinde, en deux syllabes, par synizèse de ci.

9. iluc. puta, non iustuni : u Ceci, par exemple n est pas juste » . puta se trouve déjà chez Horace (Sat-. 2, 5, 32) avec ce sens adverbial <> Quinte, puta, aul Publi >j II est inutile de retirer le mot à .\lcibiade pour le donner à Socrale. en

SA11HI-: 1\'

Sc-is t'iL'iiim iustuiii gemina suspenderc Imiicc Ancipilis lihrae, rectum discernis ubi inliT Ciiriia siil)it, uei cuiii fallit pede régula uaro, Et polis es nigrum uilio praetigere thela.

9y

10

NC. 10. gcmina V a : çieminae p. .11-12. inler Cniia siihit (nivel « i. c cum Stylus librae manet reclus inter duo crura libram suslinenlia »i. pede omis a. l.'î. potis es A- \'al. : polis est V t munie faute que 3, 2.'5 .

construisant : « (juid loquere ? puta : « (juirites, etc. », c'est-à-dire : « Que diras- lu '.' Ceci par exemple ".' « Citoj-ens. etc. » lllud niale, rectitis illiui : pour l'emploi de l'adv. comme attril)ut, cl'. 3, 78 {salis est), 4, 30 ^6c/ie sii , 5. G9 (erii u/(;a) et 153 (i;i</eest) 6, 56 {praeslo est).

10-11. Etenim est ironique. Nous dirons : « Oui, lu sais, etc. » Pour la place du mot, cf. ^. 48. Sois... iiistum, etc. : litl. : « Tu sais peser le juste dans les deux pla- teaux d'une balance ambiguë ». c'est-à- dire : « dans les cas douteux, lorsqu'il n'y a, entre les deux plateaux de la balance du juste qu'une difl'érence de niveau à peine appréciable, tu sais voir (lequel côté est le bon droit ". (jcniina.. . lance =z gémi nis laïuihiis. Ancipitis rappelle le itis anceps d Horace (Sat.. 2, ;'), 34). Pour l'ensenible de l'allégorie, cf. 1. ô-7. et les notes.

11-12. Rerliini disceriiif.^ eU'. : lilt. : « tu distingues la ligne droite, elle se glisse entre des ligues dévaes, même si la l'ègle trompe par un pied cagneux ». Ce logogriphe signifie. il me semble : " Lorsque la distinction est dillicile à faire entre l'acte moralement bon {rectum) et ceux qui ne le sont point {ciirud =: praua ; cf. 3. 52), ton jugement ne te trompe point, même si la règle (c'est-à-dire la loi mo- rale) est pour ainsi dire tordue sur le point qui nous intéresse (c'est-à-dire : risque de nous induire en erreur si nous ne suivons que la lettre des principes, comme il arrive, par exemple, dans les conflits entre la justice et l'équité). » On sait que les slo'iciens aimaient à discuter les cas de conscience (cf. Cic. : De of}'., 3, 25, 94 et suiv Je ne crois pas qu'il faille voir dans rexi)ressiou rectum... inter curua f!ubil. malgré l'opposition du singulier rectum et du pluriel ctiriiu, une allusion à la théorie péripatéticienne qui présentait la vertu comme un milieu en're deux vices. Pede : Perse, fidèle à son goût ordinaire pour le trait descriptif, se repré-

sente ici la règle du géomètre ou du char- pentier (y.avd'jv), divisée en pieds le pied étant l'unité de longueur r= 0 ni. 2957 ; un de ces pieds, autrement dit ime des divisions, est faussé entendez que le jirin- ci|)e moral généralement suivi ne s'applique pas exactement, en raison de la nature particulière du cas : ainsi, c est un prin- cipe qu il faut tenir une promesse faite ; mais si l'acconiplissecuent littéral de cette promesse peut nuire à celui-là même qui l'a reçue, le devoir est de ne pas la tenir : voy. Cic. : De of]'., 1. 1.). Varus se dit pro- prement des jambes cagneuses : eu l'em- ployant ici au lieu d inlorlus ou de prauus. Perse rend en quelque sorte à pcs son sens premier, et ceci encore est bien dans sa manière (cf. Prol.. 12; 1. 49 et (54-65). D'autres interprètes, citant Horace (lipist., 1, 7, 98: « Meiiri se quenique suo modulo ac pede ucrum est ») n'attachent à pes au- cune valeur descripiive et n'y voient qu'un équivalent de meitsura ou de modus ; on peut concilier les deux interprétations si l'on admel que Perse songe à une règle d'un pied de longueur. En revanche, je ne sau- rais admettre que pes s'applique à l'extré- mité de la règle, ni qu'on puisse, sous le mot généiique de régula, reconnaître ici UTU> éque re {iiorma) ou un compas (circi- iius) pcs dé.signant alors soit une des branches de linstrument. soit le sommet de l'angle que forment les deux branches, et le rectum du vers 11 ne se rapportant pas a une droite quelcoiK]ue. mais à une perpendiculaire : en réalité, régula, ici aussi bien que dans la satire 5, vers 38, ne peut être que l'équivalent de xavfov.

13. Et potis es. etc. : lilt. : « tu es ca- pable de tracer devant le vice le sinistre H », c est-à-dire : m tu es capable de recon- naître et de condamner le vice ' » Y a-t-il un trait de couleur locale ou bien le B, initiale de '):>.va-o;, avait-il déjà remplacé à Rome, comme signe d'une sentence m pi- tale. le C, initiale de condemno, dont les

mil

A PERSl FLACCI SATVHAKVM LIBER

Quin tu igilur, summa nequiquam pelle decorus. Anledicni blaiido caudani iaclare popello Dcsinis. Anticyras nielior sorbere meracas ? Quac tihi summa boni est? uncta uixisse patella

15

NT.. 14. siimiitci nequiquam a : xunimdiie quicquam P. puclle 'au lieu de pelle a (i Mil . A'-'). H), desinis P : desiiias 2 subj. amené par une mauvaise intelligence de iji.in . - .4n/i<(/n(s p ^ : nn/iq/rcas 1

jiif^c-. iisaii'iil :iii li-nips de Cicéioii (Isid. : O/i'g.. 1, :î. 8) '/En loul i-ns, le () servait au (puslcui-. dJ". le temps ili: .Martial (voy. 7, 37. 2) pour marquer sur les rôles de l'ar- mée le nom des soldats morts, et on le li-omc aussi sur des épilaphes dexanl le nom ihi défunt (^rr Oa/ojv)

14-1(). Quin tu... dtsinis ; « Que ne cesses-tii de..., que ne renonces-tu à... ? » Jijiliir répond au sens réel des 1 hrases ironiques « Scilicet iiigenium. cic » (v. 4) el « Sois cleuim, elc » (v. 10). Ent. : « Donc (puisque.cn réalité, tu n'as ni expérience ni sagesse), lu devrais renoncer à l'occuper prénialurémciit des aflaircs |.iihliqnes. » Siininia... pelle decorus : lill. : « beau à la surface de la peau ». c'est-à-dire : « n'ayant que de beaux dehors » : cf. Hor. : Ep., 1, 16. 45 : « Inlrorsus lurpem, speciosum pelle décora » ; nequiquam : « en vain », parce que Alcibiade ne saurait faire illu- sion aux esjjrits pénétrants (cf. 3. "zO et suiv ). el que sa vanité seu e trouve son compte aux succès qu'il obtient. Anie diem : nous dirions : << avant l'heure » (cf. supra. 5 : anIe pilos). Blando caudani iiictare poi ello : la suite des idées appelle l'interprétation suivante : <■ de te faire va- loir aux yeux d'une populace qui te ca- resse, qui te flatte ». Caudani iaclare appa- raît ainsi comme l équivalent de se iaclare (cf. Juv.. 1, 62 : " cuni se iacloret amicae »). Mais quelle est l'origine de la métapJiore ? J-Iile est tirée, suivant le scoliastc. des cliiens qui remuent la queue quand ils veulent flatter leur maître. Mais il ne s'agit pas de cela : si Alcibiade est réellement comparé à un chien, c'est à un chien qui fait le beau et. quand on le caresse, marque sa ficrlc par des mouvements de queue. Iaclare signiGerait alors : « agiter avec ostentation ». Mais on ne peut aflirmer que cet emploi, quand il s agissait du chien, fût conforme à l'usage. Faut-il songer plu- tôt au cluval .' On se l'est demantlé. Mais il serait bien plus naturel de voir ici une

nieraids I' ' nirrecns 2.

^allusion au paon qui fait la roue, si d'ail- leurs pandere n'était 1 n pareil cas le ternie consacré : cf. Hor. : Sel.. 2. 2. 2;-v2fi : <• quia ueneat auto Hara auis et picla jKiiuluI sjx'ctacuia cauda ». .le ciois pour ma part que Per; e s'est souvenu de ces vers d'Horace, cpi'il songe ici au paon, el que, mélangeant le sens propre de iaclare el l'emploi figuré qu ou faisait de ce verbe dans des locutions telles que : iaclare genus et nonien, il a donné, d'une luanicre insolite, à l'expression iaclare vuudani le sens de « faire valoir la beauté de sa queue ». Popello : cf. Hor. : Episl.. 1. 7. 65.

IC). Anticyi us nielior, etc. : lilt. : " .Mii'ux fait pour avaler des Anticyres toutes pures.», c'est-à-dire : « loi dont la folie est lelle que lu ferais bien, pour la guérir, d absorber, pur, tout 1 ellébore provenant des Anticyres. » Il y avait trois villes por- tant ce nom : une en Phocide, sur le golfe de Corinlhe ; une autre en LocriJe, elle aussi sur le golfe de Corinlhe : une autre enfin près de l'embouchure du Sperchios. sur le golfe maliaque. Ces trois villes étaient voisines des contrées croissait la plante (Hélicon, CEla, Parnasse : cf. Pline : \. H., 25. 49). Mais peut-être faut- il entendre simplement :. toutes les villes vient l'ellébore cf. Hor. : A. P., 300 : « Tribus Anlicyris caput insanabile », passage il n est pas sur que Iribus soit une allusion géographique. Melior soi- here : cette constr. de /«oniis était, depuis N'irgile, classique en poésie (Bue , 5. 1-2 : <' boni... ambo Tu caUnnos in/îare leius, tfgo dicere uersus »).

17. Quae libi summa boni esl : lill. « Quel esl pour loi le point capital du bien » ; le subst. summa, ac est couram- ment employé dans des locutions comme : summa rerum, belli, iudicii ; mais Horace avait dit summum boni {Sat., 2. (i, 76 : « (}uae sit natura boni, summumque (|uid eiKs II).

y^^C*/^^/

SATUU-: IV

101

Semper et fulsiduo curata cuticula sole ?

Expecta, haut aliud respondeat haec anus. I nunc,

« Dinomaches ego sum » suilla, « sum candidus ». Eslo, 20

Dum ne deterius sapiat pannucia Baucis,

Cum bene discincto cantauerit ocima uernae ».

NC 19. I nunc A- : in hune P x (hune, sans ni Val.) : voy. Introd , p. xxviii. La l'aiitc III hnnc s'explique par une mauvaise coupure de inunc, transcrit d abord sous la l'ornic 1/1 une, puis devenu, par une conjecture erronée, l'ii hune (cf. Havet ; Crit. uerb . p. 169, 673) ; on trouve, dans divers mss, les corrections malheureuses et nune, uiquis. inquit : au commencement du vers, Marcile lisait : En specla (cf. 5, 134), 21, duni ne P a : dum non Val, 9 (voy. Introd., p. xxxi) ; pannucia p (corrigé de pannuela P):pannueea x. 22. distlnelo a(cf. 3, 31 ;corr. A-);oci/7ia est la véritable orlho- j^raphe ; le mot oeimunt n'est {|u'une transcription de co/.tuov : ocyuia P x ;, ozinia 9,

17-18. Vneta uLvissc pâte lia senipcr. etc.: constr, : « (summa boni tibi est) uixissc patellû semper uncta et sumnia boni tibi est^ cuticula curatâ adsiduo s<>le '! » c'est- à-dire : « Le souverain bien esl-il pour loi de vivre en faisant toujours bonne chère, est-ce le soin que lu prends de ta peau en lui donnant sans cesse des bains de so- leil? » L'inf. uixisse et le subst. cuticula sont unis par la cotîjonclion et, et sujets, l'iui et l'autre, de estne tibi sunuiia boni soiis- ent. Il est vrai que cuticula curata adstduo sole est l'équivalent de curare cuticulatn adsiduo soie. V'i.ri.sse, au pf. ,peut élre à cause de l'analogie du lour est summa boni avec les verbes signitiant volonté (cf. 1, 42, et la nolei La palella (cf, 3, 26), moins profonde que la patina, est ce que nous appelons un plat V;ic/a s'applique logi- quement aux mets contenus dans ce plat (cf. 3, 102 . Cuticula : ce diminutif in- dique l'attachement du voluptueux à sa ■précieuse personne et, en même temps, marque le dédain du philosophe pour tant de mollesse (cf. Hor. : Sal., 2, 5, 38 : « pelliculam curare iube»). Curare sole, c'est proprement « traiter par le soleil », au sens médical de l'expression (cf Celse, 1, prooem. : « ea quoque, quae uiclu eurat, medicina »). Ce que les Romains appe- laient apricatio, c'cst-à dire l'hahilude de se promener au soleil dans les thermes, le corps frotté d'huile (cf. infra. 33), était recommandé par l'hygiène, mais les volup- tueux en abusaient(« adsiduo... sole » .

19. Expecta : nous disons : « Attends uu peu. » - Haut aliud respondeat haec anus : « Celte vieille femme ne répondrait pas autre chose » ; ent. : « ce bien-èlre matériel, qui est pour toi le souverain

bien, c'est l'idéal du bas peuple. llacc anus : « la vieille femme que voici » : Socrale et Alcibiade sont censés se prome- ner sur l'Agora.

19-20. I nunc... snflla: lour liés employé, presque toujours, comme ici, pour mar- quer une concession ironique (cf. Hor. : Ep., 1, 6, 17-18 : « / rime, argentum... suspiee » ; 2, 2, 76 : « / miiic et ucrsus lecum meditarc » ; Virg. : En., 7, 425- 426 : « / nunc, ingralis offer te, inrise. pcriclls ») ; suffla, employé absolument, comme oj73cv l'est en grec; c'est ici l'équi- valent de die sufflalus (ou die te suf'flans' : (' Tu peux maintenant dire, tout boulli d'orgueil ». ou : « Tu peux màinlenant te gonfler pour crier », etc.

20 Dinomaches ego sum : lour grec pour Dinomaches ego sum filius : " Je suis Gis de Dinomaché », C était surtout par sa mère Dinomaché, une Alcméonide, qu'Al- cibiade appartenait à la plus vieille no- blesse athénienne (cf. Plat. : i4/c. /. p. 123 C'. Dinomaches fj/o sum n'est donc qu'une manière de dire : « Je suis noble » (cf. 3, 28). Siifii candidus : « Je suis beau » (cf. 3. 110) : la beauté d'Alcibiade était célèbre.

20-22. Esto, dum ne, etc. : lill. : « Soit (c'est-à-dire : je veux bien que lu tiennes ce langage), pourvu que (lu m'accordes que) une Baucis eu guenilles n'est pas moins sage que loi, lorsqu'elle a, do la bonne manière, crié ses herbes à un es- clave domestique dont la ceinture est lâche, » Le sens général paraît clair : « Je veux bien que lu sois noble, que lu sois beau ; mais, de la sagesse, tu n'en as pas plus qu'une vieille marchande d'herbes: lu vantes tes dons o\térieui-s, elle vanto

102

A l'KHbl KLACCl SAIN KAi;\.M I IHIl;

\^l nemu in sese leniplal descenderc, ncnio, Sed piaecedenti speclatur mantica lergo ! Quaesieris : « Xoslin Veltidi pracdia ? » " Cuius

Jo

NC. 23 Vt nenio 3 : t iieino V (tune neiiio p,. - 24. praecedenti V r . praecedenlis -■ (par coriecliun inalheiireuse de la mauvaise coupure praecedenlis prclaltir, qui est la leooii Ji- P - 25. (iiKifiiiris p A^ . quaesieri P, quaesierit % 'mais n'y a-l-il pas cor- if^poiidaiR»' ciilie qiiaesierix <.l « le Al si uncUis cesses » du \ ers 33' nostin p y : iti>.\ iii V. - uellidi P : uiclidi A ; ucclidi li ; tietlidis p iiftiili i scli. (if . nilleurs, \'e: liiis, Vi'iiliis, Veliiis . Aicius, Alliiis, Actiiis, Aliiis. etc.)

sa iiicirchandisf. » Mais il subsiste, dans le délail. plus d une obsciu-ité : 1" pannii- cia. d'abord, est bien uu équivalent po- pulaire de pannosa (cf. Pélroiie, 14, 7) ; mais, comme paiinosiis !cf. infra, 32 : piinnosain faeceni),\e mol se prend parfois au figuré dans le sens de « rugueux, ridé » : ou peut donc se demander s'il ne ferait pas ici avec candidus une antilbèse directe ; mais il me semble que le nom de Baucis évoque sufiisammenl l'image d'une vieille femme, et que panmicia, pris au sens propre, s'oppose à Dinomacbes ego suni : celle femme en guenilles appartient à la dernière classe de la poi)ulation ; 2" d'autre part, l'adverbe hene porte-l-il sur discinclo ou sur canlare ? Portant sur discincto (^= ualdc;, il serait plat ; au coniraire, bene canlare donne un sens très satisfai- sant : dans uiw. sorte de mélopée, la vieille femme chante bien haut les louanges de ses herbes (cf. beuc laudare chez Ov. /lw.,3, 8, 7) ; 3" enfin, ociimim, c'est pro- prement la plante appelée basilic : le mot est-il employé ici pour désigner toute herbe propre à servir de condiment ? ou bien Perse songe-t-il au.\ propriétés aphro- disiaques du basilic ;cf. PI. : jY. H., 20, 4S) ? Si telle est son intention, discinclo signilie « débauché » (cf. 3, 31) ; sinon le mot est, avec uernu, une sorte d'épithète de nature, qui rappelle les allures ell'rontées des esclaves nés dans la maison du maître (cf. Hor. : Sal. 2.(5,6(5: « uernusque pro- caces ))1? Je crois, pour ma part qu'ocmia n'est ici que l'espèce pour le genre {" des herbes »), discincins élaiit un souvenir du procax d'Horace. (Casaubon, égaré dans la circonslance par son érudition, pense que canlare ocinia signilie: » tHrc des injures >•, parce que, selon Pline , .V. //. , 29, 7), les anciens, en plantant le basilic, pionoii- çaient contre lui des paroles de malé- diclion, croyanl qu'ainsi il \ iendrail mieuN. l.ttnlarc ocima, c est i>i'in lui " dirm-

quac soient caiilari cutn ocinia serunlur ». Duin ne est l'expression classique pour dire : « pourvu que... ne. . pas. » (\'oy. Riem. : Synl. lai.. § 211, b.)

23-24. Cessant de faire parler Socrale, le poète se récrie sur l'aveuglemenl des hommes, qui n'essaient pas de se connaître eux-mêmes et n'ont d'yeux que pour les vices d'aulrui.

23. Vt nemo .. lemptat : t Comme per- sonne n'essaie de, etc. » : cf. Hor. : Sal., 2, 8, 62 : « Vt scmper gaudes, etc. » et Cic. : l'ro Mil., 24, 64 : « Vt.. pro nihilo pulauit ! » Pour la reprise « en cercle » de nemo. cf. 2, 68. In sese descendere : c'est le français : « descendre en soi-même » : Perse paraphrase ici le célèbre 'l'iCuOi rni'j-.ov cf. Plat. : Aie. I, p. 124, B).

24. Sed praecedenti, etc. : litt : « Mais (comme, au contraire), la besace est re- gardée au dos qui marche devant nous ». c'est-à-dire : " mais, en revanche, combien chacun est clairvoyant à l'égard d'aulrui ! » L'apologue des deux besaces ou de la be sace à deux poches est bien connu (Phèdre, 4, 10 : » Peras imposuit lup- piter nobis duas : Proi)riis replelam uiliis post lergumdcdil, Alienis aille peclus sus- pendit grauem ) : nous le retrouvons ici un peu modifié : chaque homme portant ses défauts derrière son dos, nous voyons les vices du prochain el non pas les nôtres.

L expression praecedenti .. tergo a pu être suggérée par Horace qui dit, parlanl, il esl vrai, du propre dos de chacun : « Hespicere (</;io/odiscet pendenlia Tirgo » [Sal., 2. 3, 299). C'est, je pense, un dalif d'intérêt plutôt qu'un ablatif de la question ubi.

2.'). Qa.iesicris : subj. conccssif : « Sup- posons que tu aies demandé « ; à ce \erbe devrait répondre, après l'interro- gation ctiiii.s, un ail ou un inquil (cf. 1. 40 et la noie), cpii est sous-enlendu. La siiile (li's idées semble, au pieiuier al)ord.

SATIRE \y

103

« Diues arat Curilnis (]u;intuni nofi miluus errât. » « Hune ais, hune dis iratis genioque sinistro, Qui, quandoque iugum perlusa ad compila figil,

NC. 26. miluui, P 2 : inilhus Val.; mulus Paris. 7G47 et 17903 (deu\ florilèges : cf. Introd., p. x.xxiii). errât P A- ; erat a ; oberrat p. Val. (voJ^ Introd., p. xxxi) ;

oberret ■■:.

exiger que .l'homme si prompt à railler l'avarice de Veltidius soit le même dont les mœurs efféminées sont flétries ensuite : « Caedimus, inque uicem pracbemus crura sagiftis », dit le vers 42. Or. le petit dia- logue qui remplit les vers 25 à 32 est dis- tribué de telle sorte que le portrait de N'eltidius est d^uis la bouche du second personnage, de celui qui, à la quesiion Xostin Veltidi praedia, a répondu cuins ? Il faut donc : 1" on bien adopter la leçon (juaesierit, 3" personne ^uns sujet déter- miné, soit en invoquant l'analogie avec inquit ou ail. soit en tirant aliquis de " neiiio... leniplat » ; mais voy. NC. 2'^' ou bien donner hune ais. sous forme de quesiion, au 2"^ personnage, cl hune dis . iratis etc.. au l"^"" ... èrrat » « Huuc ais ' » « Hune dis, etc. »), ce qui Iruit le mouvement vif et naturel « Hune, ais, liune... » ; 3" ou bien supposer que quaesieris a simplement la valeur de qnaerut aliquis, tandis que, au vers 33, eesses s'adresse directement au persoiuiage qui a parlé en dernier lieu : ce serait bien gauche ; ou enfin, et c'est à mes yeux la solution la plus satisfaisante, admettre que le personnage qui a livré, non sans intention peut-être, le nom de Vettidius à la verve d'un médisant, est puni d avoir écouté avec compL.isan"e la satire des vices d'autrui. - .Vos*i/i, cf. , 1,2 : [Min], 22 (tun); 3, 7 (ilan) 8 (nemon) ; ô, 168 censen . Cuius : « duquel ? » c'est-à-dire : « de quel ^'ettidius ? J'en connais plusieurs ».

26. Diues aral : « riche, il laboure, etc. » c'csl-à-dire : « cet homme riche qui fait labourer, etc. » Curibus : à Cures, ville de la Sabine, pairie de Numa. Perse veut- il laisser entendre que ce richard prétend vivre comme les vieux Sabins. mais n'ar- rive, en réalité, qu'à la caricature des mœurs d autrefois ? Qnanlum non mi- luus errât : m une étendue qu'un milan n'arrive poinl à parcourir », c'esl-à dire : » un domaine dont l'étendue fatiguerait le

vol d'un milan. » L'expression : quantum milui uolant était, nous dit le scoliaste, proverbiale. Perse force encore 1 hypcr- pole en ajoutant non ; le iour quantum... errât est d'ailleurs calqué sur quantum uolant, mais errare a ici le même sens que dans les expressions litora errata (Virg. : En., 3. 690) et terrae erralae (Ov. : Fast.. 4, 573). Il faut scander miluus, par diérèse, comme chez Hor (Fpist., 1, 16. 51] : « (meiuit) opertum miluus hamum », et Epod.. 16, 32 : « .Adulteretur et columba miliio ».

27. Ilunc ais, hune, etc : « C'est de celui-là (jup lu parles, de celui qui, etc. » ; hune dis iratis (jtiiioque sinistro : emploi hnidi de labl. de qualité an lieu de : (' hune natum dis, etc. B ou de : « hune habentem deos iratos ». « Dis inimice senex », avait dit Horace en parlant d'un avare (Sa/., 2,. 3, 123\ Genioque sinistro : c'était le génie de chaque homme qui déterminait l'heure de la naissance et par conséquent, l'horoscope, heureux ou mal- heureux : cf. 6, 18 et suiv., et Horace {Einsl.. 2, 2, 187) : « rieniu«. natale comcs qui tempérai astrum » D'autres entendent que Vettidius a son Génie contre lui, parce qu'il ne se donne jamais de bon lemps : on connaît la locution indulgerc genio : mais, comme nous lisons dans la Sal. 6, 18-19 : « geminos. horoseope, uaro producis genio », je crois qu'il faut s'en tenir à la précédente inlerprélation .

28. Quan'doque iugum... ad compila jigit : « toutes les fois qu'il suspend le joug aux chapelles des carrefours ». c'esl-à-dire : '< chaque fois qu'il célèbre les eompitalia. Cette fête en l'honneur des Lares des cai-- i-efours (Lares comjiilales) tombait, à l'époque républicaine, peu de temps après les Saturnales, c'csl-à-dire dans les pre- miers jours de janvier, à une date qu'on annonçait d'année en année Auguste, qui assoct» les conrpilalia au culte de son génie, les fixa an l"^" mai et an l'"'' août : mais lev calendriers de la fin de l'empire les ins

1(14

A PKHSl 1-I.A(:( I SAT\HA1',\.M LlliKU

Seriolae ueterem metuensderadere limum,

Ingemil : « Hoc bene sit », lunicaluni cum sale miui dciis

Caepc, cl larrata pueris plaudcntibus olla

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NC. 2i). wtereni l* : iicteris a Val. cori'uclion. sans doule, faiic d'apiès Horace : Sat.. '2. 4, SO, cl correclion inalhcurtusc, ueterem... limum élanl à la Ibis plus élégant et jjIus pillorcsqiu'). 30, mordens p 'x mardesP (cl' 3.94 la faute inverse : pallcns au lieu de IHillcs). 31. f'uiriila... olla l' A- : fariratam... ollaiii 2 ; farralam.,. oliaio \'al la le(,on o//i( peut provenir d'une transcription incouipléle de alla, mais, en revanche, ollam peut être la correction d'un réviseur qui n'aura pas compris l'abl. : voy. ci-dessous).

crixent à la date des 3, 4 et 5 janviei'. lufjuiii ad conipitalia figil l'ait sans doule allusion à un rite mal connu : « In his (se. compilis), dit le scoliaste, fracta iuga ab agricolis ponuntur uelut enieriti et elnborali operis inlicium » (et, de fait, ri''poque |)rimitive des Compilalia coïnci- dait avec la suspension des travaux rus- tiques . Sans doute l'expi-ession pourrait indiquer seulement d'une manière figurée que le travail s'ari-ête en l'honneur des I. lires compilâtes (cf. Tib ,2,1, 5 et suiv. : << Luce sacra, requiescat humus, requies- cat arator, Etgraue suspenso uomere cessel opus. Soluito uinda iuijis ») : mais figere est bien le verbe usité d'ordinaire pour indiquer la consécration d'un objet (Hor. : Epist.. 1, 1, 5 : « Armis Herculis ad pos- lem fixis » ; cf. Viig. : En., 1, 248). Compila est ici l'équivalent de aedicula Lariim compilalium in compila exslrucla : le mot se trouve en ce sens chez Pline (.V. //. , ',i, 6(5 : « Compila Larum CCLXV »), dans les inscriptions (v. Oruler, 107, 1 ; Fabrelti, 232, (ilO) et chez Festus (s. u.pilae cl effigies, p. 239 MûUer. 273 Lindsay)- Ces chapelles étaient ouvertes sur leurs quatre côtés, d'où l'épitbète de perlusa, litt. : « perforées » : « Compila, dit le scoliaste, sunt loca in quadriuiis quasi lurres, ubi sacrificia, finita agriculluia, rustici cele- brabant. Merito perlu.sa. quia per omnes gualluor parles paleant. » Quandoque = (luaiidocumque, comme chez Horace (Od-. 4, 2. 34 et .4. P., 35;)).

2ît. Seriolae ueterem, etc. : « ciaignanl do racler la vieille couche «le poussière d'une sériole » : notre avare (|ui esl riche, a une cave bien garnie de vin viiux, mais il ne Veut pas y toucher. Meluens a ici la même valeur, à peu prés, que ;io/f(i<' (cf. Hor. : Sal., 2. ô, 65 : « Filia Nasicae, rnctiientis redderc soldum »); mais le mot est ici particulièrement plaisant : l'avare se fait un scrupule de loucher à cette

poussière vénérable. Seriola est un dimi- nutif de séria (voy. 2, lly. - Veterem limiun indique le long séjour que le vase a fait dans le cellier : la poussière l'a recou- vert d'une sorte d'enduit (cf. Hor. : Sal . 2, 4, 80 : " Siue grauis iie(eri rreterrae li- miis adhaesit ». )

30 Ingemit : « Hoc, etc. : « Il dit en gémissant : Puissé-je en avoir du profil ! » Perse se rappelle ici la formule tradition- nelle des buveurs : « Bene nos. bene nos, etc. » (Plante : Slichus, 708) ou « Bene niihi, beneuobis», etc. (PI. : Pers., 773). Ce vœu, que les buveurs lancent joyeuse- ment, notre avare le prononce en soupi- rant (ingemil,. Pourquoi '.' Parce que, si misérable que soit son repas, il le trouve encore trop somptueux ? ou bien, jiarce qu'il regrette, malgré tout, ce bon vin dont il se prive ? Les deux interprétations sont moralement vraisemblables. Hoc est à l'abl : cf. PI., Cas , 255 : « Vbi illi bene sil ligno, aqua calida, etc. » Hor. : Sal., 2, 2, 120 : « bene eral non piscibus... sed pullo ».

30-31. Tunicalum... caepe : « un oignon dans sa tunique », c'est-à-dire : dans son enveloppe : l'avare ne l'épluche pas, sans doule pour ne rien laisser perdre L'em- ploi de lunica pour siliqua se rencontre chez Pline .V. //.. 22, 93 ; mais lépilhète de lunicaluni est appliquée d'ordinaire au menu peuple Hor. : Epist., 1, 7, 65 : « tiinicato... popello » ; elle est transpor- tée ici, d'une manière plaisante, à un ali- ment des plus démocratiques. Cum sale « avec du sel » : c'est le seul assaisonne- ment qu'il se permette : cf. PI. : Rtid., 937 : « cum acelo piansurust Et sale, sine bono pulmenlo.

31. Farrala piicns plaudeiililuis olla lilt. : M pendant que ses esclaves éclatent en applaudissements provoqués par une marmite de larine » : f'arralâ olhi t st un ablatif de cnnse (vd". Hor : Sal., 2 7. !)ô ;

SATIIU-; 1\'

Paiinosam l'accem inorientis sorbet aceli ? » At si unclus cesses et tigas in cute solcm, Est pi'ope te ignotus, cubilo qui tangat et acre

lUJ

XC. 33.-4/ I' A- : .4 ïll'aulc sous laquelle on poun-ail soupi^-oniier la kroii aut : cf. 3, l(j) ; oc ou et ~ : mais le vers 42 nous oblige à admelire une opposition entre les deux groupes de vers 25-32 et 33-41) tigns P : fiiyns 7. voj' IiUrod., p. xxiv ; f'ricus p A- ~ (erreur grossière de copistes et de ré\ iseurs qui ne connaissaient pas le verbe frigëre). - 34. lanyal P A- ; tangit x ; p a ajouté le coêi au-dessus de langui.

« cum Pausluca lorpes. insane. lahella ». Le mot farruta. dont nous avons ici le premier exemple, indique que la marmite est pleine d'une bouillie faite de farine de blé : en toute autre maison, c'était le mets journalier des esclaves ; mais, pour ceux de l'avare, c'est le régal des jours de fête ; ils éclatent en a,)plaudissements, peut-être ironiques, avec la liberté que la tradition leur assurait aux Conipitalia comme aux Saturnales cf. Denys d'Haï., 4, 14 , cou- tume dont l'existence fournit un argument en faveur de la leçon farralain plaudcnti- biis ollam voy. XC. : « frappant sur la marmite pleine de bouillie » ce dernier texte pourrait sigiiilier aussi : « accueillant par des applaudissements la marmite, etc. » : cf. Slace ; Sih>., 5. 3, 140 : » Nec fraliein caestu uirides jilaiist'ie Therap- nae . »)

32. Paimosain faeceiu, etc. : « 11 avale la lie ridée d'un vinaigre expirant. » Cet homme, dont le cellier est bien garni, boit un vieux fond de bouteille le vin. qui achève de s'éventer, n'est plus que de la lie. Pannosam : pour le sens du mot, cf. supra, 21, la note sur pannucia : la lie est comparée à une peau ridée ; nous disons, nous, que le vin est couvert de « peaux». - Morieiilis : il est presque entièrement éva- poré. — .4ce/(, au sens de « vin éventé », comme chez Horace Sat., 2. 3. 117 : « acre Polet iicetum ».

33. .4/ si unclus, etc. : il s'agit deï'apii- caliu (cf. supra, v. 18) : le voluptueux s'est baigné ; il s'est fait frotter d'huile, ce qu'indique unclus; maintenant il s'attarde longuement (cesses) au soleil (cf. Hor. : Episl.. 2, 2, 183 : « ccssarc et ludere et un- gi ». ^ Figas in cule soletn remplace la métaphore courante biberc ou coudnbcre soient lof Juv., 11, 203 el Mart., 10, 12, 7) : les rayons du soleil étaient comparés à des traits, à des flèches : or, on disait figere tela in aliqua re (Sén. : De ail. beat.. 27,3 : « Quaerite .iliquam materiam ni

(]ua tela vestra /iganlur »). Perse, d'une manière plaisante mon lie son personnage enfonçant lui-même les rayons dans sa peau. Les subj. cesses et figas sont des subj. de la répétition, si étant à peu près l'équivalent de quoties.

34. Esl prope te ignotus s'explique par ce fait que la scène se passe dans des thermes publics. Cubilo qui langat =:; « qui le cubito tangat » : le geste était familier à ceux qui voulaient attirer l'attention de quelqu'un avant de lui adresser la parole Hor. : Sat.. 2. ô, 42 : « Nonne uides ? » aliquis cubi o stanleni prope tangens in- quiet ».

34-35. Acre despuat : l'expression a-t-elle son sens propre et faut-il entendre que l'inconnu crache en signe de dégoût et comme s'il avait devant lui un objet de sinistre augure (cf. Théophr. : Caract., 16 (il la fin) : « aaîvojjiîvôv zt locbv r) îTTiXrj-TOv, opil'u^ £'.; <':ôv> xôXttov TTTJcra'. )) ; et, sur les propriétés magiques attribuées à la salive, vo5-. supra, 2, 33 ? Il me semble que acre- qui a ici la valeur de acriter cf 1, 90 et 3, 110 , s'explique mieux si l'on donne à despuat un sens figuré : « il exhale un âpre dégoût », ou, peut-être, en entendant « te despuat » et en donnant à despuere la valeur de res- puere comme a fait (Catulle, qui dit (50, 19) : precesque nostras, Oranius, caue des- puas , « il te repousse avec un violent dé- goût », c'est-à-dire : « il l'adresse des pa- roles violentes d'aversion et de dégoût » : en eflet, si le portrait de X'ettidius était sans bienveillance, il demeurait amusant, tandis que l'inconnu est un censeur rude, dont le langage a une couleur cynique prononcée. Avant Jahn, les éditeurs li- saient généralement (cf. NC.) : « despuat i;i mores, pmemque arcanaque lumbi.., jjandete uuluas : « Tune cum, etc. » et ils explicjuaieiit comme, s'il y avait eu : « des- l)nat in moies et- dical te... pandcre, etc. », c'esl-à-dire : « il se déchaîne contre tes

UlG

A PKKSI ILAflCl SAIN «AIUM LIHKH

Dcspual : « Hi mores, peueiiiqnc aicunaque lumbi Runcanlem populo marcentis pandere uuluas ? Tune cum uiaxillis balanatuni gaiisape pectas. Inguiiiibus quare detonsus gurgulio exlat ? Qiiinque palacstrilae licet haec planlaria uellant.

35

NC 35. hi mores Pa . hi o mores p: in mores 9 (^voy. Introd., p. xx%i). 37. tuncP a; tu Val. ; pectes au Heu de peclas Priscien. 38. deconsus 1 (corr. A"^). 39. palestrn (au lieu de palestntae) et phiiitari (au lieu de plantaria) 1 (corr. A-).

inœuis et te reproche de le prostituer : « Alors, dit-il, que, elc. »

35-36. Hi mores pen^mque: etc. : ent. : Il les belles mœurs, de s'épiler ainsi pour se prost'Iuer ! » (lill : « des mœurs telles, des mœurs pareilles à savoir', etc. », sur un Ion d'inlerrogaliou indignée). Il est tout à fait inutile de délaclicr hi mores, comme s'il y avait o mores, en faisant de pandere un infinitif exclanialif genre de tournure oi'dinairement introduit par la particule inlerrogalive ne Ti't. : Andr.. 253 ou par une première exclamation pré- cédée de o (Cie. : Verr., 2, 5. 38. 100). - Peni'inqiie elc : le personnage interpellé, entièrement nu pour son bain de soleil, laisse voir qu'il est épilé dans les parties les plus intimes de son corps Son voisin tire de là. touchant ses mœurs les plus fâcheuses conclusions. Le verbe runcari signiGe (iroprement « sarcler » ou « fau- cher » ; il est, ici, appliqué à l'épilation. Arcaiia liiiiibi . « les secrets de la région lombaire » : expression d'une emphase amusante (cf. urcaiia fatoriim chez Ov. : Met., 2, 639), pour diic pudenda. Popu- lo... pandere : « ouvrir au public ouvrir à tout venant », c'est-à dire : « prosti- tuer ». Marcentis. . uuluas : la traduc- tion « appas flétris » adoucit beaucoup la brutalité de l'expression ; uuluae est mis ici pour podcx : « Yulua de culo palhici qui mulicbria palitnr » (Némelhy). Marcentis flétris par la débauche, it aussi parce que le mignon n'est plus dans la première fleur de son âge.

37-38. Tune cunt, etc. Le scoliaste para- phrase bien les deux vers : " ("nm pexa barlja delecteris, quam in innxillis luis uelul gausape habeas ungnenlalam et defiicalam balono, cur puliem uulsam habeas ? » La tiaduclioii lillirale en sérail : « Alors que tu peignes sur les mâchoires une luitie poilue iiarfumèe au benjoin.

pourquoi les aines laissenl-e'les apparaître un membre viril épilé ^ » Les jeunes élé- gants de l'époque perlaient la barbe jus- qu'à leur vingl -deuxième année environ, comme à la fin de l'époque républicaine ; ils en prenaient grand soin cf. Cie : Pro CaeUo. 14, 33; Ov. : A A , 1, 518 cl gausafc n'est ici qu'une métaphore plai- sante et dédaigneuse pour dire harha : le mol, qu'on Irouve aussi sous les formes gausapuiii, gausnpa. gansapes. désignait pioprement une éInfTe de laine d'un tissu j)arliculier, ayant d'un côté de longs poils, cl qui servait à faire des nappes, des ser- vielles, des couvertures de lit et certains vètenu nts. Il n'y a pas lieu, je pense, de supposer, avec certains interprètes, qu'il est ici ([ueslion d'une perruque, encore moins d'admettre, avec Casaubon, qu'il s'agit de la chevelure, mo.xillis signifiant alors « avec un peigne », p;ir imitation du grec x"î'.î Ôo'jV'ojtÔ.; maxilUs nienlo genisque. comme chez Martial (8, 47) : Il Pars ma I illarum tonsa est tibi, elc » Balnuus cf. Hor. : Od. 3, 29, 4 ; Pline : X. H., 13, 8^ ou myrohalanum, c'est la noix de ben, fruit de VHyperanihera Mo- ringa VahL, arbrisseau de la Thébaïde et de l'Arabie (voy Plin. : .V. H., 12. 100); on en lirait une huile qui servait à parfu- mer les cheveux et la barbe : balanutus. dont on ne cite pas d'autre exemple, est formé comme farratus (supra. 31). Pec- tas : subj de la répétition cf. supra, 33 . Le sens du mot gurgulio n'est pas dou- teux ; mais l'emploi que nous avons ici venait-il d'une comparaison du membre viril avec le lar\-nx « gurgulioncm nunc pencm dicit, cum proprie in gutiure Ml gurgulio », dit le scoliaste . de même qui chez Cicéron (Pro Caelio, 19. 44) « uitium uenlris et gurgitis » est mis pour « uit. uentr. penisque » '■' ou bien, comme gurgu- lio et currulio ne sont que deux ortho-

SAllliK I\-

Klixasqiip natcs hbefarlenl forcipe adnnca, Non tamen ista felix ullo mansuescit aralro. »

Caedimus inqiie iiiceni praebemns crnra sagittis. Viuiturhoc pacto, sic nouinnis. Ilia subler Caecum uuliuis liabcs, sed lalu ballt'iis auru Piaclcgit. Vl niauis. da uerba et decipe neruos. Si potes. M Egrcgium cum me uicinia dicat,

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40

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,NC. 40. eUxiixquc p x : fliixasque V (cricur d'un topisle qui ne i-oiinaissait pas le mot); forcipe P : forfice r voy Introd , xxiv . 41. felix P : filix p 2 ; file.r A^ ç. 43. uoiiimus au lieu de nuuiimis duvet j. e. sic placet uiuere . 45. balleus P A- : alla reus x. 4â. praetegit P a : protegit cp cf. Introd., p. xxxi . 46. potes P A'^ : potest 3. dicat P A- : dicta a (même faute, 3, 78).

graphes d'un même mot, avons-nous affaire à une de ces nombreuses méta- phores qui assimilaient le membre viril à lui animal, ici à un cha aneon (nous di- rions : « la petite hèle »), ailleurs à un ver uermiciiliis etc. (cf. turtiir, natri.v. aiujtiis siru, sirntheiis ; el, en grec, op':Xo^'i '! Les textes manquent pour tran- cher la question Pour le tour tnnc cum.. cf. 1, 9.

39. « Bien que cinq masseurs travail- lent à arraclier celte ^égétalion. « Pour le sens de palaestritae, cf. Pétrone, 21.4: « Inlrauerunt palaestritae complures el nos legilimo oleo rrf'ecerunt « Cf. aussi Mari., 3, 58, 25 ; qninque est, bien entendu, une hN-perbole. Plnitaria plur. neutre de l'adj. planlaris. e désigne proprement de jeunes plauis des boutures cf. Virg. : Géorg., 2, 27 : cette métaphore agricole continue runcanteni (v. 36) et prépare « non... ista feli.v ullo mansuescil aralro ».

40. Elixasqne. etc : « ',:l cbranlenl avec des pinces crochues tes fesses trempées d'eau chaude » 1/épilation était précédée d'un lavage à l'eau chaude de la partie à épiler. l.ahcfaclent : comme s'il s'agis- sait des mauvaises herbes qu'on arrache en travaillant le sol (cf. Virg : Géorg . 2, 264 " Kl labef'acla mouens robustus iuycni fossor »). Forcef,s était peut-être le mot propre pour indiquer les pinces à épiler, aussi bien que les pinces des den- tistes (cf. Lucil., 401-J03 Marx).

41 Non tamen ista feli.v, etc : « malgré tout, aucun labour ne peut améliorer celle fougère )^ c'e>t-à-dire : « on a beau t'épi 1er, les poi's repoussi nt toujours ». Feli.v (ou trouve les trois formes feli.v, fili.v, fi e.v) a ici le sens de •■ tirre couverte de fou-

gère » nous disons, par une Kgure ana- logue : « une vigne », pour « un terrain planté de vigne ». Man.iuescit comme chez ^'irg. {Géorg. : 2. 239 : « F"rugibus infelix se. salsa lellus), ea nec man- suescil arando ».

42. (^e vers est comme la moralité du petit apologue que forme le morceau pré- cédent (v. 25-41) : l'homme qui se plaisait à voir prendre pour cible l'avarice de \'ettidius a fourni, à son tour, une cible aux tiaits acérés d'un inconnu. Caedi- mus : litt. : « nous portons des coups ». Praebemns crura : l'expression s'expli- que sans doute parce que les archers vi- saient volontiers les jambes, moins proté- gées que le reste du corps. Horace avait dit simplement (Episl., 2, 2. 97) : « Caedi- niur et lolidem plagis consuminius hos- tcm. »

43. Viuilur hoc pacto, sic nouimus .• « Ti-lle est la manière dont on vit, voilà la leçon de l'expérience litt. : ainsi l'ap- prenons-nous (]eci se rapjiorte à ce qui précède poiu' l'emploi de sic en pareil cas, cf. 1,93 le développement (jui vient n'a pas besoin d'èlre annoncé, puisqu'il continue la métaphore })rafbenins crnni sagittis

43-46 Ilia subler caecum uuliuis habes Ilabes subler ilia ciieciim iiulniis , sed tiilo balleus, etc. Le sens général esl le sui- vant ': " Il peut arriver qu'un archer, atteint d'une flèche au bas du flanc, réus- sisse à dissimuler sa blessure sous le large ceinturon doré qui soutient son carquois : mais, si bonne contenance qu'il fasse, il lui esl dillicile de tromper son corps, dont la vigueur est alieinte. » Kniendez que loul homme porte au ded;uis do lui (iuelf(ue

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A. l'KKSl II.ACCl SAlNHAin.M \A\iEl\

Non ciedam ? » Viso si pâlies, inprobe, iiummo, Si facis in penem quidquid tibi uenit, amarutn Si puteal multa cautus uibice tlagellas,

NC. 48 amariim P x cl presque lous les mss : uuaruiit Olloburanus (cf. Introd., p. XXXII) ; anwnini Je lu de Salisbury Pol., '.i, 5 ; Guyet lisait ainsi le vers : « Si facis j;i jjeni (in uoluplatibus Veneris) quicquid l. ii. (iiiialiim qiiicquid libido tibi suaseiil » : la conjecture est particulièrement malheureuse, puisqu'elle lait disparaître la pittoresque expression : in peiiem (juidquid uriiil.

plaie morale et que, même s'il réussit à la dissimuler, son àme n'en est pas moins malade (Àiectim iiiilnus : « une blessure cachée ••. comme chez Lucrèce 4. 1112 : '< Neque... labescuiit uolncre caeco » ; balleus désigne ici comme chez Virg. (En., 5,312-313) le ceinturon aucpiel était suspendu le carquois .. Ittlo c\i\i\iu (i. e. phareiram) circumplectilur auro liulteus »).

Lato... aura : « par sa large bande do- rée ». Praetegit : « fait comme un voile sur... ». Vt mains : « comme lu le préfères, selon la préférence », c'est-à- dire : en somme >< si tu veux » cf. Hor. : Sut , 1. 4, 21 : « ut mauis, imitare ». Da uerbu « donne le change » (cf. 3. 19 : « CÀii uerba ? » et la note . Decipe ne- ruos : " trompe les forces physiques » (cf. 2, 41 : " Poscis oi)em neruis ») : le blessé, qu'il le veuille ou non. est atteint dans sa vigueur, comme le vicieux, (|u'il avoue son vice ou le dissimule, est atteint dans sa santé morale. Je ne crois pas que la suite des idées, pas plus d'ailleurs que le sens ordinaire de nerui. permette d'entendre comme ou le fait quelquefois : « Trompe, si lu peux, tes nerfs, qui le font sentir la souffrance de ta blessure, autrement dit la conscience, qui te reproche ton vice. » Perse veut dire que, en pareille matière, l'apparence n'est rien et que, à s'en con- tenter, on est sa propre dupe, puisqu'on ne travaille pas ii se guérir.

46-47. Egreyium cuni, etc. : le poète sup- pose qu'un interlocuteur anonyme lui l'ail une objection : « Il peut arriver ([ue l'opi- nion nous accorde une haute valeur ; de- vons-nous donc lui refuser tout crédit '? »

Vicinia : « le voisinage », c'est-à-dire : « mes voisins, ceux qui m'entourent » cf. Hor. : Sut., 2 5, 106 : « funus Kgregie factum laudet uicinia K.

47-50. Perse répond : « Si l'on tsl avare, luxurieux cupide, c'est bien en vain qu'on se paie des éloges de la foule. » Viso si pâlies... nuninio . « si la vue d'un écu

te fait pâlir d'émotion ». c'e^t-à-dire : « si lu es avare » (cf. 3, lOSI-111 : « Visa est si forte pecunia... cor tibi rite salit ? ») Inprobe « méchant » au sens de \icieux : cf. lier. : Sat., 2, 2, 1(J4. .Si facis in penew (luidquid libi iicni< . const. : Si facis quidquid ucnit tibi in penem, c'est-à-dire : » si tu cèdes à toutes les fantaisies amou- reuses ». L'expression i;i penem uenit est calquée sur les locution s coui-an les -.quidquid in mentem uenii, in buccam uenit.

■IH-id. Aniarum si puteal. etc. : « Siadroi- lemenl tu cingles de force meurtrissures l'âpre puteal » : périphrase étrange pour dire : « si tu te livres à l'usure ». On con- naît les locution^ o/je.s fluqellare Mart.,5, 13, 6 . annonam floycllare (_P1. : .Y. //.. 33, 11)4) " détenir des richesses, accaparer rannone »,(|ue nous jiourrions rendre par les expressions : « être le lléau des richesses, être le fléau de l'annoiie » de même que notre locution " être un bourrtau d'ar- gent " répond à pecuniam uc.vaie Sali. : Cat.. 20. 12). Perse a donc pu trouver sans eft'ort la métaphore usiiras jlagellarc, dans le sens d'accaparer, pour ainsi dire, les préls usuraires : d'autant plus que la langue des jurisconsultes usait de la locu- tion infligere alicui usuras (Paul : Dig., 22, 1. 11 , Jul. : Dig.. 3, 5 30). Puis, se rappelant que les banquiers et les usuriers exerçaient leur industrie près du puteal de Libon. il a substitué, par une métonymie audacieuse, puteal à usurus ; et, comme le puteal, qui était un mur circulaire (cf. 2, 27) pouvait réellement recevoir des coups, il a rendu au verbe flagellare toute sa va- leur première par le complément multa uibice. dont il l'accompagne : uibices ou f/iuicf.s, c'était, dans la langue des comiques, les stries que le fouet elles verges laissent sur le corps ; l'usurier est si avide que le puteal garde, en quelque soi le, la trace de la violence de ses coups. Cautus est quand il s'agit de l'usure une épithèle cousacrée Hor. : Epist., 2, 1, 105 : « Cau-

SATIRE IV

Xequiqudu) populo bibulas donaueris aures. Respue quod non es, tollal sua munera cerdo ; Tecuin habita : noris quam sil tibi curta supellex.

1(19

50

NC. 51. Respue P ; respuat a (voy. Introd., p.xxvn) ; es A^ ^ : est P ol (voy. liilrod., p. X35ix); limera (au lieu de munera) a (corr. A-) 52. noris P : ut noris a (et. dans P, ut a été ajouté postérieurement) ; el noris •; ("voy. Introd., p xxv.)

?os nominibus redis expeudere nummosu . L'epithète aiuurum. au sens d'âpre, (•oiivient parfaitement à piiteal, équivalent de usuras. La plupart des éditeurs mettent la virgule après amarum et entendent penem amarum =^ penem irritabilem (cf. Hor. : Sut., 1, 2, 71 : « Mea (c'est le membre viril qui parle) cum conferbuit ira »). Mais, malgré des textes comme « antariorem enim me senictus facit : sto- machor omnia » (Cic : Ad Alt , 14, 21, 3), « Amarum nos... dicimus. nec minus fto- ni(Jc/iosun)..., .isperum. quae omnia irarum differentiae sunt » ^Sén. : De ira. 1, 4, 2 , cela me semble moins satisfaisant ; el il n'y a pas lieu d'invoquer l'anaphore si... si... ainsi obtenue, puisque la disposition si..., amarum Si... est exactement celle que nous avons trouvée 2. 87-38 : Hiinc . . puellav Hune...

50. Entendez qu'il sera vain, en pareil cas, d'avoir prêté une oreille complaisante aux éloges de la foule, puisque cela n'améliorera point la maladie morale dont on souffre. Donare est employé à dessein, comme plus fort que praebere Bibulas... aures: '< des orcillesqui boiveiitd'éloge) » : bibuliis se dit propremeni d'un corps spongieux

bibulas lapts, bibula harena, bib. fouilla, chez Virg. : Géorg.. 1, 114 ; 2, 348 ; En.. fi. 227 ; bibulae lanae, chez Ov. : Jfé/.,(),9 .

51. Respue quod non es : « Rejette ce que lu n'es point » ; cela veut-il dire : «Dé- daigne les louanges du peuple, parce que

ce n'est pas toi, véritablement, qu'il loue, mais tes avantages extérieurs (noblesse, richesse, etc.) » ? ou bien ; «Repousse des éloges que tu ne mérites point » n'ayant pas la haute valeur qu'on t'attribue : cl'. supra, 46 : « Eyreyium cum me uicinia dicat »)? La première interprétation se lie mieux avec le sens du vers suivant. Tollal, etc. : « Que le savetier remporte c'est-à-dire : garde pour lui ses présents. » Cerdo. nom pi-opre grec qui, à Athènes, était porté pai- des artis:ins (Euphron 3, p. 322 dans les Comie. atl. de Kock ; Hérondas : Mimiamb., 6. 7) et des esclaves (l)ém. : Contr. }sicostr., 19) et qui était devenu, sembie-t-il, pour les Romains cultivés une sorte de désignation symbo- lique du menu peuple (.luv, 4, 153 : « Pe- riit postqunm cerdonibus esset timendus») ; nous employons le mot « savetier » avec la même nuance de dédain cf. d'ailleurs Martial (3, 59, 1 ) : <■ Su/or Cerdo » et aussi 3, l(i, 1 ; 3,99, 1)

52. « Habite en toi-même : tu sauras combien ton mobilier est mesquin. » Par cette courte allégorie, Perse invite l'homme à rentrer en lui-même (cf. .su/i/a, 23) et à faire pour ainsi dire l'invintaire de ce qui lui appartient véritablement, c'esl-à-dire de ses qualités morales : il trouvera peu de choses, \oris est un fut. ant. à sens de fut. simple, de même que noui est un pf. à sens de près Pour le tour habita : noris, cf. 2,22 : die... -.clamet.

SATIRE V

Ferse, s adressant à (/Oiiuitiis, rappelle que les poètes tragiques ou épiques ont {habitude de souhaiter cent voix, cent bouches et cent langues (1-4). I,e philosophe, l'intenompant, lui demande ce que signiHe ce début pompeux un pareil style peut êti"e de mise, en effet, dans la tragédie, mais il faut, flans la satire, plus de simplicité 5-18| Perse en convient ; seulement le sujet qu'il veut chanter aujourd'hui exigerait la voix la plus puissante : car il va célébrer 1 amitié qui l'unit à son maître, amilié profoude dont Cornutus, habile à aus- culter les consciences, connaît bien la sincérité (19-29!. Et quelles raisons le poète n'a-t-il pas d'aimer le philosophe qui a dirigé vers le bien son adoles- cence encore incertaine au carrelour de la vie ! 11 évoque les longues journées qu ils ont passées ensemble, les repas piis en commun à ime table frugale. L'harmonie est si parfaite entre leurs âmes que celles ci sont, à n'en point douter, nées sous le même astre (30 51) Les hommes se laissent emporter par des goûts difléicnts ; mais tous, quand ils approchent du terme de leur exislencc. s'aper- çoivent qu'ils ont vécu en vain. Cornutus. au contraire, bien éloigné de toute agitation stérile, consacre son temps à enseigner la doctrine du Poi tique (5'i-(i4) Cette doctrine, tous, enfants et vieillards, devraient venir l'étudier, sans remettre à demain ce qu ils pourraient commencer aujourd'hui (64-72). Seule, en effet, la philosophie stoïcienne peut uousassuier la vraie liberté, sans laquelle il n'est point de véritable vie II est vrai c|ue le premier esclave venu, lût-il fripon et menteur, se donne pour un homme libre, aussitôt qu'il a coiffé le bonnet d'af- franchi : mais la vraie liberté n est pas affaire de droit civil. L'homme libre, dit-on, est celui qui peut vivre à ta guise. Assurément , mais ceux qui n'ont pas la sagesse ne savent pas vivre ; et, s'ils sont de condition servile, ce n est point 1 affranchissement dans les formes légales qui pourra leur donner celte science qu ils n'ont pas. le piéteur ne la possédant pas tiavantage 73-95i. Or. la laison indique qu'on ne peut faire légitimement que les choses dont on est capable : pour être médecin ou pilote, il faut avoir appris 1 art médical ou l'art de conduire une embarcation , de même, pour dire : « Il m'est permis de con- duire ma vi» comme je 1 entends », il faut avoir appris lart de vivre (9()-10l). Si nous sommes affranchis des passions, si nous possédons la vertu, nous avons la liberté, non pas celle que donne le préteur, mais celle que reconnaît Jupiter lui-même; si, au contraire, il demeure en nous la moindre parcelle du vieil homme, nous ne sommes pas capables dune seule action libre, pas même de la plus insignifiante '104-123 .\ quoi bon nous vanter de n'être pas soumis à lautoiité légale d'un maître si nous portons au dedans de nous des tyrans impé- rieux (i24-l3n ■.' Et ces tyrans ne s'accordent pas entre eux : ne roit-on pas des hommes tiraillés entre la cupidité, qui les pousse à chercher le gain au bout du

SATIHK V

111

monde, et ranioiir du plaisir, qui leur conseille de vivre au jour le jour, sans se soucier du lendemain (132-150) ? Et nous ne devons pas croire que la chaîne est brisée si nous avons, dans ces luttes intérieureîs, remporté un succès ou deux : 1 amant de la comédie, maltraité par sa maîtresse, est bien résolu à ne plus remettre les pieds chez elle ; mais il cédera au premier appel (157-175;. La vraie liberté, c est d être maître de soi même Voj'ez cet homme que l'am- bition traîne deiricie elle : il se laisse éblouir par 1 espérance qu'on paricia de lui plus tard ; mais le même homme se montrera tout à l'heure docile aux pra- tiques de la plus abjecte super.stilion ; et alors, il ne lui sera plus possible de se taire la moindre illusion sur la misère de son esclavage (176 188). Enseignons ces vérités, et laissons les centurions se moquer des philosophes (189 11)1).

Vatibus hic nios est, centum sihi poscere uoces, Cenlum ora et linguas optare in carmina centum, Fabula seu maesto ponalur hianda tragoedo, Vulnera seu Partlii ducenlis ab inguine terrum. « Quorsuni haec ? aut quanlas rol)usti carminis otîas ô

NC Tilre : V Ad magistrum equitiini Corniilum P (l'aule elraiige pour Ad nutgistriim Conuitum) : pas de titre dansa. 2. rarmiiie (au lieu de carniiiia)'i. A.parlhi A^ 'f parti P; parcbi a 5. carminis P A- : carniiniir A (carmin uni rofjaa H).

1 Valibiis hic mos est : et". Hor. (S U., 1, 2, 8fi' : « Regibus /lie mos est », et sur Vatibns, Prol.. 7 et 1 , 34-. Ceniiim... uoces: Homère (//., 2, 489] ne demandait que dix langues et dix bouches. Mais le nombre cent est déjà chez le poète é|)i(|iie Hostius conteinporaiîi de César ivoy. Macrobe : Satarn , 6, 3, : « Non si niihi linguac (Centum alque ora sienl totidem iioccsqiie liquatae »', el c'est celui que Perse trouvait chez N'irgiie {Gcorg.. 2, 43- 44 ; Kn., 6, H25-62(> : « .Non, mihi si lingucw centum siiit oraqiio centum, F'eriea uox »)

2 /;i carmina : « pour leurs chants » (]ontr « optare centum ora et centum

linguas in carmina »)

3-4. Fabula seu, etc. : nous avons deu.\ périphrases pour dire : « (]ue ces poètes composent des tragédies ou des épopées ». Ponalur fait un jeu de mots : le mol po ne re s'applique bien à la création littéraire cf. 1, 70 : poiure lucum, et la note) ; mais on l'emploie aussi, comme apponere, dans le sens de « servir sur la table » 1, 53 : « scis ponere sumen » : la pièce est servie, pour ainsi dire, au tragé- dien, dont le masque semble s'ouvrir pour la happer (hiare) ; hiare, en effet, c'est bien ici « déclainer en ouvrant la

bouche » icf. Prop. : 2, 31, 6 : « carmen hiare »). mais, en même temps, le mol sert à peindie le masque tragique doul la bouche était très ouverte ; et comme l'expression de ce masque était triste, l'épitlièle mncsio a, elle aussi, une valeur descriptive.

4. Vulnera seu Parlhi enl. : « seu ponantur uuliiera Parlhi » ; il s'agit d'un Parthe blessé à l'aine, retirant de sa plaie la flèche ou le javelot qui vient de l'at- teindre ducere =r educere, comme chez Virg. : En , 12, 378 : « ducto mucrone ». Horace, déjà, en des ternies que Perse se rappelait, fait allusion à des poèmes épiques les Parihes étaient mis en scène (Sut., 2, 1, 13-15 : « Neque eniin quiuis... labeutis equo describit uolnera Parthi. »

5. Ici, un peisonnage, d'abord anonj-me. nous saurons au vers 23 que c'est Cornutus - interrompt le poète pour lui demander il veut en venir Quorsum haec : i e. « Quorsum haec tendant » : cf. Hor. : Sat., 2, 7, 21 : « Non dices hodie ijuorsum haec tam putida tendant V »

5-(). Aut quantas, etc. : litt. : « ou bien quelles bouchées si grosses de poésie nour- rissante veux- tu faire avaler, qu'il y faille le secours d'un centuple gosier ' » Cor-

ll'i

\ IM I'kSI Fl.ACCI SAIAP.AIUM LIBER

Ingeiis, ut par sit centeno gutture niti '^ Grande loculuri nehulas Hclicone legunto. Si quibusaul Progncs aiit si quibus olla Thyestae Feruebit saepe insulso cenanda Glyconi.

N'C. 6. Au lit>u d'mgejis, on a proposé de lire egeris (Diderot) et eggeris i Ano- nyme, dans Ileidelb. Jahrb., 1822, p 804 sq.) : mais voy. commentaire. 8. pro- gnes --i : progenes P ; procnes a. Helicone omis a (ajouté A'^ B'-^). 9. insulso a : inuiso P (voy. Itilrad., p. xxvi). Glyconi -i cgcloni P.

riutus développe l'allégorie suggérée par pomittir , mais il y a dans l'image une confusion sans doute voulue : ingerere, c'est introduire dans la bouche du public : cenleno gutture, ce sont les cent bouches que le poète demande pour lui-même : Perse a voulu indiquer, je pense, qu'un écrivain emphatique se reiiiplll lui-même la bouche des grandes phrases dont il offre à tous le régal. .4ji/ dans une queslioii ironique, comme 3, 16, et 2, 29.

QuanldK, développé par ut par sit, a la valeur de quas tanlas. L'adj. rolyuslus s'appliquait bien à une nourriliii-e substan- tielle ou, comme nous disons lamilière- ment, « solide » (cf. Celse, 2 18, 5 ; ro- bustior.... cibus »). 0//'rt désignait pro- prement une boulette (voy. Festus, s. u. Penitam, p. 242 Mûlier, 282, 13 Lindsay : « Antiqui... off'ant uocabant abscisum globi forma, \\l manu glomeratam pullem »", et,

^par extension, une Z)o(i(7i('c (Calon,dans A. Gell, 13, 17 : « infer os atque oj]'iini >'). Ingerers au sens de in/'orcire. Palladius (1, 30,4) applique le mot au gavage des-^e-i.

Ccnleuo (julturc centiint gultiiribus : cf. Virg. : Kn., 10, 207 cenlena... arbore ».

7. Grande loculuri . « Ceux qui s'ap- prêtent à parler un langage sublime » (pour le sens de grande, cf. 1, 14, et la note) : la construction est : « llli, locu- luri grande, legunto nebulas Helicone, si quibus (= quibuscumque), etc. » A'e- bulas Helicone legunto : « qu'ils recueillent des nuées sur l'Hélicon », c'est-à-dire : <■ qu'ils fuient le terre à terre et cherchent la pompe nuageuse du style » Heli- cone = in Helicone , Perse a dit ailleurs {ProL, 2-4 ( qu'il n'a jamais dormi sur le Parnasse, ni fait société avec les Muses filles de l'Hélicon. Nehulas légère dit à peu près la même chose que le nubes caj)- lare d'Horace A. P., 230).

8-9. Litl. : « si, pour certains, bout la marmite de Progné ou, pour certains.

celle de Thyeste, destinée à être souvent le repas de l'insipide Glycon », e'esl-à- diro : « Si ces poètes s'apprêtent à compo- ser une tragédie de Tcréc ou de Thijesle », sujets traditionnels, depuis le 7"crée et r-4/ree de Sophocle et le Thyeste d'Euri- pide (.Accius avait composé un Alrée, \'a- rius un Thyeste : et nous avons encore le Thyeste de Sénèque): on connaît la légende de Progné, femme de Térée, qui, pour venger sa sœur Philomèle outragée par son mari, servit à ce dernier le corps de son fils Itys, après l'avoir fait cuire (vo}'. Ov. : Met., 6,424-674). ^'ictimc d'une ven- geance semblable, Thyeste mangea ses propres enfants, tués par son frère Atrée, dont il avait séduit la femme. Olla... cenanda : développement du tour cenare cenam PI. : Rudens, 508) ; Horace avait déjà d'il: «patinas ceiiabat ouiasi >> (Epist., 1, 15, 34). Glycon est un acteur qui, dans le rôle de Térée ou de Thyeste, se verra servir, à chaque représentation (d'où saepe}, l'horrible festin ; faul-il donner à insulso le sens de « alî'-idi », c'est-à-dire : « écœuré par la repri.^e continuelle du même rôle » . ou admettre que le rôle même est insipide, par la faute de l'auteur ou par celle de l'acteur '! ou enfin y a-t-il ici une pointe contre le i^ublic, qui ne se lasse pas du jeu d'un acteur fade, ou j)enl- être imbécile '/ On connaît ce dernier sens de insiilsus : » Te ex insulso. dit Plante {Rudens, 517 1, salsum feci. » Je penche pour cette troisième interprétation, parce que le coup double est bien dans la ma- nière de Perse. Mais, d'ailleurs, je tiens pour suspecte une scolie d'après laquelle Glycon aurait été un tragédien du temps de Nèroti, esclave, pour moitié, de \'irgile le tragique ; très aimé du public, il aurait été affranchi par le prince, moyennant 300.000 sesterces donnés à Virgile. 11 avait l'air farouche, la taille haute, le teint brun, la lèvre inférieure pendante ; fort laid par

SATIRE y

Tu neque anhelanti, coquitur duin massa camino, Folle prcniis uentos nec clauso niuniiure raucus Nescio quid tecumgraiic cornicaris inepte, Nec scloppo tuiiiidas intendis rumpere buccas. Verba togae sequeris iuncturâ callidus acri.

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NC. 10. c(i;iiùio () a l'orphyrion [in Hor. serm., 1, 4, 19/ : cumitii P (faute niécauique, le vers précédent élanl UM-miné par la syllabe ni). 11. clauso P A"^ : claso a (sans doute un a iulerliuéairc qui devait être inséré dans cluso aura-l-il été substitué à lu : voy. Havet : dit. uerb., p. 335, n" 1353 , M. van Wageningon, qui avait proposé laxo, semble avoir renoncé à cette conjecture). Raucos P (au lieu de raucus). faute méca- nique amenée par la présence de uentos à la fin du premier hémistiche ; ranci A^ 12 (juid a : qui P (cf. 1, 85 leçon de Bob.). 13. scloppo P a : .itloppo -f sch. : mais scloppus est unej orlhog. populaire (cf. exanclarc chez Piaule [Sticb., 273) et les vieilles formes sclatai-ia - stlataris : ucclux =^ uetulus, mencla =i nienlula, etc.).

conséquent, loi'squ'il n élail pas costumé, il n'avail en outre aucun esprit : d'où l'épilhète de insuhns. Ce grand luxr de détails semble dénoncer l'imagination fertile d'un gi-ammairien de basse époque.

10. Tu : « Mais toi », l'asj'ndète servant ici, par un procédé connu, à marquer l'opposition (cf. 1, 119).

10-11. Neque anhelanti, etc.: litt. : « lu ne comprimes pas le vent dans un soulllet qui halctle pendant que, dans le four neau, cuit le bloc de uicLtI » : le poète bour- souflé est comparé à un soulllet de forge, et non jias (comme l'a cru Nisard : Poêles lat.. ck-., 1, p. 252) à l'homme qui mti- nœuvie le soulllet. C'est, en somme, la même image ([ue chez Horace (Sal . 1, 4, 19 et suiv,j : " Al tu conclusas hircinis follibus auras... imitare. » Le soulllet, en l'espèce, ce sont les poumons du pt)èie (cf. 1, 14 : « Grande aliqnid quod piiliiio nnimae praelargus anhrlcl >>).

11-12. Lill. : « El, avec un murmure voilé, tu ne vas point hors de propos (inepte) faire retentir sans cesse à part toi, avec la voix rauque d'une corneille, je ne sais quel son grave », c'est-à-dire que les poètes qui prétendent au sublime vont partout se récitant à eux-mêmes, d'une voix sourde, mais déjà pleine d'em- phase, les vers pompeux qu'ils viennent de compo-sor ou auxquels ils travaillent encore. Pour les expressions clauso mur- mure et tecum. cf. 3, 81 : « murmura cum secum. . rodiint » Cornicaris : « nouum a poêla uerbum composilum », dit le sco- liaste ; et de fait, on n'a aucun exemple de ce verbe avant Perse , le mot peut sur- prendre à côté de clauso murmure et de

tecum. car le cri tle la corneille est fort bruyant; mais l'épilhète de raucus convient pnrfaitenient à ce cri (Lucr. : 6, 751 : « raucae comices »); et, d'ailleurs, le poète songe surtout au caquet infatigable dont lu corneille était le symbole (Uv. : Met., 5, 678 il s'agit de la corneille : « Ramaque garrulilas studiumqiu; immane loquendi »,. J'applique <jraue au son; mais on pourrait aussi l'entendre de la sublimité du style.

13. « Et lu ne t'appliques pas à faire éclater par une détonation brusque tes joues gonflées " : encore une image des- tinée à ridiculiser l'emphase des poètes tragiques : ils sont comparés à des enfants qui gonflent leurs joues, puis ouvrent brusquement la bouche de manière que l'air s'échappe avec un grand bruit : ce bruit, le poète le désigne par l'onoma- topée .sc/o^ijHJS, dont nous avons ici l'unique exemple et dont la forme atteste une ori- gine populaire (sinon, en eU'et, on aurait stloppus : voy. NC).

14. Verba togae sequeris : eut. : « Tu te sers (les mots qu'emploient les simples ciloyt lis dans la vie de tous les jours. » Verba togae a pu être suggéré par l'expres- sion fabula /oga/a, d'autant plus que celle- ci s'oppose à fabula (tragovdia aussi bien que comoedia) palliata et à fabula praele.vta et que tout ce passage raille prt cisémi nt l'enflure du style tragique.

14. hmctura callidus acri : ont. : « te montrant artiste par le caractère ingé- nieu.t des combinaisons verbales » : les mots sont ceux de tout le monde, mais ils sont combinés d'une manière originale. En somme, Comutus félicite Perse de

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A. PERSl FLACCI SATVHAHVM LIBER

Ore leres modico, pallentis radere mores Dodus et ingenuo culpain defigere ludo. Iliiic Irahc qiwie dicis niensasque relinque Mycenis (^uin capile cl pedibus plebeiaque praiidia noris ».

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N'{^ 1.'). Ifi-i-s I* A ' ; terens a (voy. Introd., p. xxvy ; teris Val. f . radere a : rodere P (voy. Introd . p. xxvi . - 17. divin P a : dicea ■:, cl (Zi'cos A^ : m-nis voy. Comment. .Uyce/irt.s (ail lieu ilo Mycenis) P (faute mécanique analogue à celles que nous avons relevées supra, vers 10 et 11). 18. plebeiaque a ï (le vers 18. daijoiil omis dans a, a été ajouté au bas de la page dans A et B) : plebique P.

mettre en pratique le précepte d'Horace {A. P., 47-48) : <■ Dixeris egregie, noliini si callida uerhiiui Heddideiit iunclnru nouum » (d'. ibid., 242-243).

15 Ore leres modico signifie, en somme, ' « arrondissant modérémciil la bouche » ; ore modico s'oppose directement au iumi- dus /'/icca.s du vers 13 (cl". Hor. : .4. /'., !)4 : « ttnnido ore » cl ibid., 323 : « ore rolundo ») : l'adj. Icn-s désigne à la l'ois la courbe agréable d'une bouche qui n'est pas trop ouverte et la gi àce d'un style qui ne recherche pas Ks i iri:ls ambitieux : car si l'épithèle se rapporte grammaticalement à l'écrivain (cf. Hor. : Sut., 2, 7. 86, - il s'agit du sage - : «... in se ipso tolus, tares atque rotundus »), elle s'applique lo- giquement au style (cf. Cic. : De oral , 3, 52, 19i) : « Est i^oratio et plena quaedam. sed tamen leres »'. - Pallenlis radere mo- res: comme un médecin qui, pour nettoyer une plaie, la racle avec un instrument tranchant cf. 3, 113-114: « ulcus... ;<(- dm- », et la note). Perse est habile à porter le fer de la satire dans les parties malades des mœurs humaines : je ue crois pas, en elVet, que imllenlis ait ici le sens actif : « qui l'ont pàhr » (les mauvîTises mœurs altérant la santé el fatiguant le teint) ; je pense que le mot sigiiiiie « pâles » (les mauvaises mœurs étant comparées à des malades (ju'il faut opérer ou à des chairs rendues livides par un ulcère ; je ne si- gnale que pour mémoire l'interprétation d'ailleurs ingénieuse : « le \ice que tes attaques font pâlir »).

16. Pour la constructi;n de docliis a\ee VinL doclus radere... cl defigere cf. ProL, 9. Inyeniio citlpam dejigcre ludo : litl « el à clouer la faute (au sol) par un jeu [ou par une plaisanterie) d'homme libre ■•. Le poète satirique aux prises avec le vice est comparé, je pense, à un ulhlèie qui terrasse son adversaire et le met hors

d'état de se relexer (il. PI.: /Vrs.. 294 : « N'isi le hodie, si prehendero, dcfuiaut in Icrra colaph-s >') mais il n'est pas, lui, un esclave ou un nu rcenaire au service d'un entrepreneur de specincles ; il lutte pour son plaisir. On peut aussi donner à di-ji- gere le sens de « clouer à tei-re :ivec un épieu » . ce serait alors la chasse véritable opposée aux combats que les gladiateurs appelés uenalores livraient aux bêles dans

1 amphithéâtre : on ne cite pas d'autre exemple d'un pareil emploi de defigere, mais il n'est pas invraisemblable (|u'il exislàl ou que le poète l'ait créé par ana- logie avec des expressions comme figcre ccruani (V'irg. : En., 6, 802) rapjirochées de métaphores telles que figere uliquem nia- /('(/i(7;s (cf. (>ic. : De nat. deor., 1, 34, 93). L'expression : ingenuo ludo est à double sens : 1" jeu d'homme libre, par oppo- sition aux spectacles de raiiiphilhéàlre :

2 |)laisaiiterie à la fois fine et franche On sait d ailleurs que le verbe ludcre s'em- ployait couramment en parlant des» jeux ■■ de la muse, el Horace l'avait applicpié à la satire {Sut., 1, 10, 37 : « Haec ego ludo » ; cf. un fragm. Lucilius. v. 1039- 1040 Marx, applique peut-être le subst. ludus i\ ses satires : « ludo ac serniouibvs nostris. . hune reddebamus honorem »)•

17. Hinc : « De », c'est-à-dire : « De la vie commune », dont les expressions uerba Icgae et mores impliquent l'idée. Qiuw dicis el non quae dicas, parce que la relative n'est ici que l'équivalent de tu<i dicta, tua ucrbu.

17-18. Mensasque relinque .Mycenis luni capile el pedibus : litl. : « laisse à Myeènes ses banquets humains y compris la tête et les pieds », c'est-à-dire : laisse aux poêles tragiques leurs sujets extraordinaires el leurs grands mots. Cornutus reprend l'exemple, déjà cité au veis 8, du festin de Tliyesle, que la légende plaçait à Myeènes ;

SATIHK \'

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Non equidem hoc studeo, pullatis ut mihi nugis Pagina tuigescat dare pondus idonea lumo. Secrele loquimur. Tibi nunc hortante Caniena

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NC. li). jtiiUatis V a : bullatis Vul. -^ ,^'>y. Iiilnid.. p. \x\ii ; uniijiillalis .lalui d'après Hor. : Ep ,1, 15, 14 : correction qui donne un vers bien gaucluMiient césure ; bidlatas ut niihi niigas Scaliger. 21. secrète P a : secreti A- \'al. 9 peut-être avec raison : secrète, au lieu de secrète, est rare ; le tour secreti loquimur est très latin, et la confusion de l'i et de l'c, surtout si elle remonte à la copie d'un ms. écrit en capi- tales rustiques, n'a rien d'extraordinaire .

ciiiu capile et pedibus esl une allusion plai- sante à l'un des détails du récit mytholo- gique : Alrée avait mis de côté la téle.les mains et les pieds des enfants de Thyesle pour les montrer au père et ne lui laisser, après son horrible repas, aucun doute sur la véiiié : voy. Séuèqiie : Thyestc. 764 : « Taiilum ora seruatet datas lidei manus >> cf l'Eschyle : Agam., 1094 . Pour le tour relinque... Mycenis (au datif), Prol.. 5 « mis reniitto ». Plebeiaque praudia noris : « connais les déjeuners des hommes du commun, contente-toi de la table fru- gale de la plèbe » : prandia est mis pour répondre à inensas, mais Cornutus veut dire : « Ne va pas chercher tes sujets dans la légende, prends-les dans l'observation quotidienne. » Noris, subj. d'exhorta- tion, tient lieu ici de l'impératif inexistant de iwui.

iy-20. Perse, répondant à Cornutus, explique pourquoi il demandait tout à l'heure cent bouches et cent voix. .Vo/i... hocstudi.o ul : « Mon but n'est pas que... » : /locesl à l'ace, cf. Ter. : Heaut., '68l-:iS2 : « Edepolte... laudo .. id tu quom s/i/(Zii(.s((', formae ut mores consimiles forent » ; Cic. : Pliil., 6, 7, 18 : c \'num scntilis omnes, ununi studetis. » Pullatis ut nnhi, etc. : « que ma feuille s'enfle de sornettes habillées de deuil » ; eut. : « Je n'ai pas 1 inieulion de composer, en un slj-le enflé, une tragédie sur des légendes rebattues. » Pullatus ne s'appliquait pas seulement au menu peuple habillé d'étoffe brune Quint., fi, 4, 6 ; Pline le J., 7, 17, 9 ; Suét. : Aug., 44 , mais aussi aux gens en deuil qui portaient des vêtements de couleur sombre putla uestis Varr. dans Nonius 549, 33 ; cf. Cic. : In Vatin., 13, 31 : cf Juv., 3, 213 : « Si magna Asturici cecidit domus, horrida mater, Pullati pro- ceres, differt uadimonia praetor » ; c'est ici un synonyme plaisnnl J<- Iruyirw; sur

la pauvreté d'un fond trop connu et d'ail- leurs invraisemblable, les poètes que raille Perse jettent le manteau sombre du slj-le tragique moins justement, je crois, Biiche- 1er entend : « que ma page s'enfle d'une pacotille noire », pullaits étant une allu- sion à la couleur de 1 encre : les mauvais écrivains sont de simples barbouilleurs ; et, au vers suivant, j'unio serait à dout>l(' sens, parce que le noir de fumée servait à la fabrication de 1 encre : cf. 3, 13 et la uote^. - La leçou buUutis ^voy. NC) a été interprétée de manières différentes : 1" puériles parce que la bulla était portée par les enfants ; 2" parées ^la bulla éiaut mise ici pour indiquer un oruemeiit quel- conque ; 3" faites comme des bulles, creuses comme des bulles cf. falcatus qui signifie m armé d'une faux » et « en forme de faux » . Pagina, dans le sens de liber cf. Virg. : Bue, 6, 12 ; Mart., 1. 4, 8; Juv., 7, 100. Dare pondus idonea jiiino : « bonne à donner du poids à de la fumée », c'est-à-dire : « traitant ou expri- inauty de simples fadaises comme des choses sérieuses » : cf. Hor. : Epist., 1,19, 42 : « nugis addere pondus », et l'expres- sion proverbiale uendere funiuiu : << leur- ler de vaines promesses » Apulée : ApoL. 60, p. 69. 5 Helm . Dare... ido- nea . pour le tour, voj'. Prol., 11 et la note ; mais, d'ailleurs, l'expression est chez Horace ,Epist., 1, 16, 12.

21 Secrète loquimur : eut. : « L'emphase tragique est bonne pour la foule : nous parlons, nous, seul à seul. » Ttbi : « c'est à toi, à toi seul. Hortante Came- nu : un élan porte le poète à découvrir tout son cœur devant Cornutus. En faisant lionneur de cet élan à la Muse, Perse laisse entendre que son amitié pour le philosophe n'est pas une source d'inspiration moins haute que celles dont les poètes épiques ou tragiques prétendant tirer leurs accents.

ut.

A PERSI FLACCl SATN'RARVM LIBER

Kxcutienda damus praecordia, quantaque noslrae l-*ars lua sil, Cornule, animae, libi, dulcis amice, (Jstendisse iuual. Puisa dinoscere cauliis Qiiid soliduin crepel cl i)iclae Iccloiia linguae. His ego ccnlenas ausim dcposcere lauces, \'l, (jiiantuni rnilii te sinuoso in peclore fixi.

25

N(i. 'i'i. iiiuiiilaqiie p a : quatidoque V. 'l'-'t. (tiitiioe au lieu de amicf P.

'J4 /lulsii dinoscere p a : pulsuiidinoscere F. 25. tecioria V a ; fdectvrin f. d'où la conjecture plaiictoria c'est-à-diic. je suppose, « la résonance » Hauthal 2(5 /us P : hic a ; hinc et hue 'f : cf. 3, 86. ausim p a : uuxini P. - fauces I' (ajoulé i-n marge dans A) : noces 2 voy.. Introd., p. \.\v .

22. Excutienda dannts pniecordia : le sens est : '< Je te donne à explorer la par- lie la plus intime de moi-même » ; mais, pour la valeur e.xacle delà métaphore, cl".

1, 4S) et la note ; et, pour le sens pi cmier de [jiiiecordid, 1, 117.

22-23- Quantaque noslrae pars . etc. : est- ce quanta, est-ce tua qui est l'attribut 1 En d'autres termes, faut-il entendre : « Com- bien grande est la part de mon àiiie qui est à toi », ou bien : " (luelle grande part de mon âme est à toi » ! Cela revient au même. L'expression /jors a/iiniae était cou- ramment employée par les poètes : elle indique que l'être aimé fait partie inté- grante de la « vie » de son ami, puisque anima, c'est proprement le souffle vital. L'emploi de quanta nous suggère l'idée (jue (^ornulus est, pour Perse, plus que la Mioilié de son àme Hor. : Od.. 1, 3, 8 : " animae diniidium nieac » ; mais ibid..

2, 17, 5 : i< te nieae si parlem animae rapit maturior uis ». Dulcis amice cf. inf'ra, 109 et Hor : Epist., 1,7, 12 : .. te, dulcis amice, reuiset ».

21. Ostendisse a la valeur d'un aoriste grec ou d'un présent cf. 1, 42, avec la note , reniai quez que iuuut est ici l'équiva- lent d'un verbe exprimant une manifesta- tion de la volonté, : de « quanta... sil « au lieu de « quanta... esset ».

24-25. Puisa dinoscere, etc. : on donnait à des cloisons de brique l'apparence de la pierrt; au moyen d'un revèliinent de crépi ou de stuc appelé /ecJoMUHi (voy Exposilio lorniarnni,p ôldesJieiugr.aucl. leçjesqueda Goe,>,)etle langage opposait les murs ainsi l'ails aux murs « pleins » solidi . Perse invite Cornuius à frapper avec le doigt sur son cœur pulsare y.so'.i='.v : cf. 3, 21 ; percussa , comme il frapperait sur un mur. lui qui est attentif à discerner ce qui, dans

le langage de cIkicuii, rend un son plein, el ce qui, n'étant (jiie faux-semblant, sonne creux comme une couche de stuc. Pour le tour dinosrerfi caulus ( qui caute di- noscis , cf. l'rol.. 11. Tecioria aussi bien que solidum, dépend directement de crepet : litt. : « sonne descouchesdestuc » ; pour le tour, cf. 3 21 : sonal uitium. Piclae .. linguae . gén. dépendant de tecioria, « le stuc d'une langue fardée » ; entendez qu'une langue menteu<.e déguise lu pensée, comme le stuc dissimule la vi aie nature de la cloison qui en est revêtue.

2(5. His His rébus ou Ad haec cf. 2, 43 ; 3, Sri, et Hor Sut., 1, 6. 71 : « Cau- sa fuit pater his », expression his est également un datif pluriel neutre^ : le mot rapiJclle ce ([ul précède mais, en même temps, il est développé par ni : Perse achève d'expliquer pourquoi il de- mandait tout à l'heure cent voix. l'oiii- la forme ausim, cf. Hor. : Sal.. 1. 10, 48. ^auces (et non noces, qui ferait avec " uoce... pura » une négligence : cf. NC.) : lilt. : « gosiers » ; ceci est une reprise de cenleno gntture v. 61 ; seulement gullure était ironique, tandis que fauces ne l'est point ; ceittenas. avec his. pourrait avoir sa valeur disiribulive : cent pour chacune de ces choses ; mais il est plus simple d'y voir, comme au vers (>. l'équivalent de centum : cf. d'ailleurs Prop. 3, 22. 16 : i( Sei)tenas tempérât unda nias. »

27 Quantum ^= quanlopere. Sinuoso in prclore =■ « in pectore quod niultos habet recessus cf. 2, 13: rrcessus mentis f> : ent. : « dans les replis les plus profonds de mon cœur ». Eixi au lieu de flxerim : cf. 3, 67 : plus fort que reposui ou que recondidi : Cornutus est enfoncé, pour ainsi dire, dans le cœur de son ami, d'où rien ne saurait l'arracher.

SAllRE V

117

V^oce traham pura, tolumque hoc uerba résignent Quod latct arcana non enarrahile fibra.

Cum piinnini pauido cuslos niihi purpura cessit Bullaque subcinctis Laribus donata pependit, Cuni blandi coniitcs totaque inpune Subura Permisit sparsisse oculos iam candidus umbo,

30

NC. 28. puta au lieu dépurai a (corr. A-). torumque au lieu de tolumque V. 29. quod a : qriio P nous avons trouvé l'inverse 1, 14 et 3, GO ; arcanâ V, mais l'apex a été ajouté postérieurement. 30. cum F : cui a li. e. « te... in pectorc lixi, cui. . pur- pura cessit » ; correction malheureuse venant d'une erreur sur le sens de ccssil 31. .•iubcuictis P : snccinctus. x : succinclis A-. 33. sparsisse P A- : sparsis a.

'iiS. Voce... pura s'oppose à pictae... lin- guae, piira signifiant « sincère, sans fard ». . Truhere a ici la valeur de prolrnlwre, « produire au jour, dévoiler ».

28-'29. Tutumque. etc. : litt. : « et pour que mes paroles descellent en eiîtier ce qui se cache d'iucNprimable dans le secret de mon cœur » Totum... hoc est une expression de Lucilius (i89 Marx : « to- lumque hoc sludiose et sedulo » . Rcsi- ynare, c'est proprement « briser le sceau » ; le mot fait, avec arcana, une pelite allé- gorie, arcanus s'appliquanl fort bien au secret d'une lelire ou d'un testament Ov. : Am., 2, 15, 15 : « Arcanas... siynare tabel- las . Arcana. .. fibra : abl. de lieu ; pour Il sens de /ibra, cf. 1, 47. Xoii enarra- hile : eut : " que ne peut exprimer une voix ordinaire » ; aussi Perse dcmande-l-il Cent voix.

30-51. Perse rappelle ce qu'il doit à Cor- nutus et célèbre l'étroite sj'nipathie qui, toujours, les a unis l'un à l'autre.

30. Cum primum, etc. : eut. : « aussitôt que la prétexte cessa de proléger mon enfance craintive » ; le poète personnifie la pourpre dont la présence sur la loge de l'enfant est, pour celui-ci, la sauvegarde de sa pureté Quinl. ; DécL, 340 : « sa- crum praetexlarum... quo infirmitatem pueriliae sacram et uenerabilem facit » ; et il feint que, au uiomenl l'adolescent a pris la ioga ulrilis qui étaittoute blanche, cette « pourpre gardienne » s'en est allée ^cessit , abandonnant celui qu'elle proté- geait. L'âge ordinaire, pour la prise de la toge virile, était la seizième année, et c'est, en etïet, à seize ans, selon la Vila Persi § 4, que notre poète devint l'élève et l'ami de Cornutus. Pauido . faut-il entendre « craintif jusqu'alors », parce que l'eufanl doit redouter toute sorte de

dangers, ou bien parce que la sévérité des pédagogues le fait trembler ? Cette seconde interprétation s'accorde bien avec h; membre de phrase << cum blandi comités totaque impune Subura permisit, ctc ». Cependant, à cause du rapprochement de pauido et de cuslos, je crois plutôt que le mot fait avec cessit une sorte de prolepse et prépare trépidas menles [v. 35) : « efirayé d'être ainsi livré à moi-même ».

31. Bnlla : l'adolescent qui prenait la toge virile consacrait aux Lares sa prétexte et sa bulle cf. 2, 70). L'enfance, en effet, était sous la protection des Lares domes- tiques ;cf. Tib , 1, 10, 15-16). La bulla était, on le sait, une sorte d'ampoule sphé- rique que les enfants portaient pendue au cou : en or pour les fils d'ingenui, en cuir pour les fils d'affranchis, elle contenait des amulettes. Subcinctis Laribus donata

cf. 2, 70 : « \'encri donalac... pupae » : « donnée en offrande, consacrée aux Lares court-vêtus » : on représentait les Lares sous la forme de jeunes gens vêtus d'une courte tunique (cf. Ov. : Fast.. 2, 634 : Nutriat incinctos missa patella f.ares» . Pependit : on suspendait les offrandes aux statues des dieux ou dans leur chapelle

cf. 2. 70 ; 4, 28 .

32-33 Cum blandi comités, etc. : il est inutile de supposer l'ellipse de fuerunt à côté de comités : ce mot est, aussi bien que umbo. sujet de permisit. mais l'accord n'est fait qu'avec umbo cf Cic. : Tusc. 3, 3, 5 : « Corpora et natura ualet » ; Liv.. 41. 11 1 : « Principes et regulus receperat » ; enl. : « Lorsque mes pédagogues devenus caressants tt ma toge (mainlcnaiil)) toute blanche me laissèrent la liberté de prome- ner mes regards dans Subura tout en- tière. » Pour le sens de comités, cf. 3, 7. L interprétation <i Cum blandi comités

lis

A PKRSI FI.ACCI SATVFUHV.M UliKH

Cumque iler ambiguum est et uitae nescius error Dediicit trépidas ramosa in compila mentes. Me libi supposui. Teneros tu suscipis annos

35

NC. 35. dedutit V i ; traducit Servius En., fi. 136 ; diducit A-, rétabli par beaucoup d'éditeurs d'après 3, 56 et qui signifierait : " entraine en sens divers » : mais deducit donne un sens très satisfaisant. 36. supposai ou svbposiii -^ sch. : aepo- siii P 3. —ad le segregaiii leron moins satisfaisante pour le sens général et qui a pu naître soit dune faute de lecture, soit de l'initiative d'un réviseur à qui le sens de !a vraie leçon échappait . 36 suscipis ï sch. : siispirix pic sur un grattage P : il j' a eu (inasijllabisnie ou renversement de la syllabe cip voy. Havet : Crit. verh., j) 134, 470.

fuerunt », préférée par un certain nombre de commentateurs, suppose une sorte de jeu de mots, dailleui-s très acceptable : " Lorsque je n eus (plus que) d'aimables compagnons lorsque, pour escorte, je n'eus plus que d'aimables jeunes gens ». Subura on désignait sous ce nom une rue située dans la qualrième région, entre le Célius et l'Ksquilin : c'était la partie la plus animée de la ville .luv.. 11, 51 : Ksquilias a feriienti migrare Subura » . et il s'v trouvait des courtisanes en grand nom'bre cf. Mari., 6, 66. 2 : 11. 61, 3 et suiv. : 78, 11 . 1/cnfnnl devenu homme jieut désormais, dans ce quartier des plai- sirs faciles, regarder les choses et les per- sonnes sans craindre ni réprimande ni châtiment inpnne . Spargere oculos esl plus expressif que la locution courante circunifone ocul. ; nous dirions: « jeter de- ci et de-l.à, etc. » ; pour l'eniploi de l'inf. pf . cf. supra. 24 : comme iuuat, permisit est voisin parle sens des verbes marquant pouvoir et volonté. Vm/m désignait pro- ])iemcnl la bosse, la convexité centrale d'un bouclier ; mais il résulte d'un pas- sage d*" Terlullieii De pallio, 5 que le mot s'appliquait p;ir métaphore à l'n amas de plis (jue formait, sur la poitrine sans doute, la toge savamment arrangée : ce n'est ici qu'une métonymie pour toga, car Vuiuho de la prétexte n'était pas moins blanc que celui de la toge virile. lam candidus : « Désormais blanc » : il n'y a pas lieu de rapprocher iam de cii/ii.

34. Cumque iler anibiguunt est : « El à l'âge le chemin ollre deux directions » : allusion à l'ai égorie des deux chemins cf 3. 56 et la note .

34-35. Et uitae nescius error, etc. : litf. : » et lorsqu'une marche incertaine qui ignore la vie amène cf. N(!. les esprits tremblants aux carrefours ramifiés "■ c'est-

à-dire : " lorsque l'âme, qui ne sait encore rien de la vie, arrive, incertaine et anxieuse, au point la route de l'exis- tence, jusqu'alors toute droite, se ramifie ». Pour le sens de error, cf. Hor. Sat., 2. 3, 48 et suiv. : « V'elut siluis. ubi passim Palantes error certo de tramite pellit. » M. Albini p. 106 de sa éd. pro- pose de donner à tiescius le sens passif, comme chez Piaule lindens, 275 cf. Aulu- Gelle. 9. 12, 18-21 , et d'entendre : « la route mal connue et incertaine de la vie »; mais, si l'on donne à nescius le sens actif, on oblient une allusion plus Hirecte à l'ignorance se trouve, touchant la con- duite de la vie, l'adolescent nui n'a pas encore suivi les leçons d'un vrai philo- sophe.

36 Me tibi supposui (cf. NC.) : on pour- rait prendre supponer-" pour un simple é'iuivalent de subicere (cf. Ov : Fast , 1, 306 : « Aetheraque ingenio supposuere suo « : et aussi Hér., 17, 119-1'iO : mais les deux verbes supponere et suscipere, rapprochés l'un de l'autre, semblent bien former une sorte d'allégorie juridique : sibi supponere puerum. dans le langage du droit, c'est faire passer un enfant pour sien (PI : Cislell.. 553 ; TrucuL. 804); d'autre part, dans le inême langage, suscipere in- dique le geste du père élevant son enfant dans ses bras pour le reconnaître. Me tiln supposui apparaît donc comme ré(|ui- valent de ipse nie filium adscilicimn tibi feci : « le me suis fait moi-même ton lils supposé, j'ai fait de toi mon père. »

36-37. Teneros tu, etc. : ent. : n El toi, comme un père qui reconnait son fils tu accueilles mes jeunes années dans ton sein de philosophe 'peur le sens de suscipere, vov note précédente, et cf Cic. : Ad Att., 11 0, 3 : « Haec ad te die nalali meo scripsi : t|Uo ulinam suscepliis non

SATIHK y

Socralico. Conuile, siiui. Tum- fiillere solleis Adposita intortos cxlcndil rcgiila mores, ElpremiUir ralionc aninius uincique laborat Artificemque tuo ducit sub pollice iiulturn. Tecum etenim longos memini consniiiere soles

119

40

NC. 37 tuncP : tum a 40. araficein Cau lieu de artificem) x (corr. A-) : il arrive, en effet, que a soit pris pour (/, el inversement, dans la minuscule Caroline : voy. Havel ; Cri/, verh., p. 164, 648. - 41, memini t. : memini me P (vers faux : cf. Prol., li).

cssem ' ») Teneros... nnnos : l'adj. tener fait ici allusion au caractère malléable de l'adolescent (cf. infra, 39-40, et aussi 3. 23 et suiv.). Mais, comme on l'applique à la première enfance plus souvent encore qu'à la première jeunesse, il va bien avec sitsci ]>is pris au sens juridique. Socratico... sinu : comme, pour le cynisme et le stoï- cisme qui, par Antistbène, tiraient leur originederenseigMenienl moralde ,Socrale, le uoiii de ce deinier était le symbole de la vraie philosophie, Socralico sinu signi- fie à peu près « dans Ion sein de \rai phi- losophe i>, par conséquent : « dans le sein de la sagtîsse ». Mais Perse veut rap- peler en même temps de quelle pure amitié Socrate s'attachait aux jeunes gens (cf. dans Plat. : Banquet, p. 210 B, l'anecdote d'A'cibiade adolescent endormi dans les bras de Soc: ate) : il y a donc ici un éloge de plus à l'adresse de Coi nulus.

37-38. Tune fallere nollers, etc. : litt. : « Alors, ingénieuse à tromper, la règle, mise à côté de mes mœurs déviées, les redresse. » Chez l'adolescent qui n'a pas encore étudié la philosophie, la rectitude de 1 instinct a été faussée pai- les préjugés légnants. Perse nous montre Cornulus tenant, pour ainsi dire, à la main la règle qui sert à redresser ces déviations morales ; et le maître a dans celte orthopédie, la main si légère que le patient se trouve guéri sans avoir rien senti de l'opération (d'où l'expression fallere sollcrs dans laviuelle je ne puis voir une allusion à l'ironie socratique d' iit l'emploi, tout au moins comme procédé habituel, était étranger au stoïcisme). - Sollers avec l'inf. se retrouve 6,24 (cf Hor : Od., 4, 8, 8, et voy., j)our le tour, Prol , 11 et la note). Sur intortos... mores, cf. 3, 52 : curuos mores, et la note, et sur rec/ula, 4. 12, et la note.

39. Premitur ratione : <• est façonnée,

est pétrie par la raison ». Le philosophe est maintenant comparé non plus à un géomètre ou à un charpentier maniant la règle, mais à un sculpteur pétrissant l'ar- gile ou la cire. Ratione : la raison, dont la vraie philosophie est directement inspi- rée. — Vincique lahorat : on ne saurait entendre je crois : k elle a de la peine à être vaincue », comme une matière qui résiste sous le doigt cum studio ac la- bore uincitur » Jahn), ce qui romprait la suite des idées et ne s accorderait pas avec fallere sollers... régula ;mots auxquels .lalin donne, d'une manière inadmissible, le sens de « quae sollertiam adhibet ubi de fallendo agitur. i. e. quae non fallit ») ; il vaut mieux interpréter : « travaille elle- même à être vaincue (tant elle cède docile- ment à la main qui la façonne) ». Pour le tour uinci laborat. cf. 2, 17 et Hor. : Od , 2, 3, 12.

40. Ce vers continue et précise la méta- phore indiquée par premitur : litt. : « et, sous ton pouce, elle prend une figure qui est un produit de lart » ; pour l'emploi de artife.i- dans le sens de arte faclus, cf. Prop. '.'. .'il, 8 : « Quattuor artifices. uiuida signa, boues y. et, pour celui de duccre. ^'il•g. (/i;i , 6, 848) : " Vinos ducent de marmore uullus » et Ov. 'Met,, 1, 402) : ' Saxa .. coopère.. ducere formam. »

41 Etenim répond à une idée intermé- diaire facile à suppléer : « (Ce que je dis, j'en ai fait l'expérience), car... » : pour la place du mot, cf. 3, 48, et 4, 10. Soles, dans le sens de jours, comme dans des vers de Virgile (Buc.A), 51-52) dont celui- ci est imité : « Saepe ego longos Cantando puerum memini me condere soles . » Consumere : le présent, après memini, a la valeur d'un imparfait 'voj'. Riem. : Synî. ht., § 154, rem 5) ; ent. : « .Je passais avec loi, je m'en souviens, etc. »

12")

A. l'hUM ll.ACC.l SAl\HAK\.M LllU.ll

Kl k-eum piiiiuis cpulis dcceipere noctcs. Viiuiii opus el requiem pariter disponimus nmho Alqiie UL'icciinda laxamus scria mensa. Non equideni hoc dubiles, anil^orum loedere ceito Consenlire dies el ab uno sidère duci : Nostra iiel acquali suspendit tetnpora Libra

45

NC 415. au lieu de iinuiit, Casauboii proposait de lire una. -- 4,"). dubitcm (au lieu de dubiles) Gujet : conjecture fondée sur une fausse élyniologie de equidem (cï. 1, 110, fila note); fodere{au lieu de foedere) a. il. eqiialis a (corr. A-) ; suspendu P x : sus- pendi u ("correction erronée ; on aura construit ; « consenlirr dies et ah uno «.idere duci uel nostra tempora si/s/jc/k/i aequali Libra : Parca... seu hora .. diuidit. etc. »;.

42. Enl. : <• Je prélevais pour le repas les premiers moments de la nuit », et non pas : « Je retranchais au repas la pre- mière partie de la nuit. » Ce vers prépare requiem el uerecunda laxamus séria mensa. Perse et Cornutus consacrent à l'élude la journée entière et ne se niellent à table qu'au début de la nuit : après quoi, le maître (cf. infra, 62 : « nocturnis iuuat impallescere chartis Det, peut-être, l'élève (cf. 3, 54 : « insomnis... iuuentus») recom- mencent à travailler. - Pour le mouve ment des vcis 41-42, cf. Tib. (Lygdamus), 3, 6, 53-54 : « Quam uellem tecum loiigas rrquiescere noctes Kt lecum lougos perui- gilare dies. >>

43. Lfs mots ununi el ombo, qui enca- drent le vers, se répondent : « Tous deu.c nous disliihuons pareillement un travail unique el un unique repos », c'est-à-dire : « Pour tous deux, même travail et même repos pareillement distribués » (cf. Virg. : Géorg., 4, 184 : « Omnibus una quies ope- rum, labor omnibus ident •) Parilcr por\c sur disponimus et il faut suppléer unam à coté de requiem : j'estime forcée l'inter- prétation qui, faisant porter, avec une valeur d'attribut, unum sur opus seulement et pariter sur requiem, aboutit à la para- phrase suivante : « Disponimus opus ita ul uiuini sit el requiem ila ut pariter ha- beatur. »

44. Lii.vamus relaxanius, connue chez \'irg. (En , 1), 225) : « laxabant curas « ; eut. : « Nous apportions par un lepns fru- gal une détente aux occupations sé- rieuses »

45-51. En plaçant sous un même asire sa naissance et celle de Corimlus, le poêle se souvient, je pense, que les stoïciens accordaient volontiers une valeur à l'as- trolugic ; mais, plus sûrement encore, il

imite Horace (Od.. 2, 17, 17-24) : « Seu Libra seu me Scorpios adspicit Formidolo- sus, pars uiolentioi' Xatulis horae...\'\rui\\- que nosirum incredibili modo Consentit astrum. Te louis impio Tutela Saturne refulgensEripuit. »

45. Non... dubiles - ne dubitaueris : cf. 1, 5-6 : non... accédas, et la note. Hoc est développé par les propositions infini- tives con.ientire dies et. . duci ; le tour du- bitarc aliquid, « révoquer quelque chose en doute » est classique, au moins lorsque le complément direct est, conime ici, un pro- nom neutre : on connaît l'expression hoc dubilalur (voy. Riem. : Synt lat., S 35 d .

45-46. Amborum, etc. : lill : « que nos jours à tous deux, par une loi invaiiablc, sont en harmonie el tlérivent d une même constellation ». (Selon d'autres : « sont régis par une même constellation i' . Focdcre certo - lege certa : cf ^'irg. (Eu., 1. 62 63) : « regem .. dedil qui foedere certo Et premere et laxas scirtt dare iussus habcnas », el Manilius (Astr., 2, 468) : « lunxit amiciùas horuni sub foedere certo. »

47-49. Constr. : « uel Parca tenax ueri suspendit nostra tempora aequali Libril seu hora nalii fidelibus diuidit in Geminos fata concordia duorum » : lill. : » Ou i)ien la Parque, inébranlable dans la vêrilé, tient nos moments suspendus dans la Ba- lance en équilibre, ou bien l'heure faite pour les (amis) fidèles partage enire les Gémeaux les destinées unies de nous deux », c'est-à-dire : « La Parque qui ne ment jamais a marqué notre horoscope sous le signe de la Dalance, ou bien nous sommi s nés tous deux sous le double signe des Génie.nuN, ce qui est le moment pro- jjice aux amitiés fidèles». - re/....seu .. -^ uel... uel: cf. Virg. : C.nlul.. 5, lUet suiv :

SA I IKK y

V2\

Piitca tenax iieri seii luilu liclelibiis hoia Diuidil in Gcniinos concordia fata duoium, Salurminique graucm nostro loue franginius una : Nescio quod, certe ist cjuod me lihi tempérât astrum.

50

NC. 48. Perça a (cDrr. A-) ; ne/ (au lieu de scii) Guyel ; ont P. 50. ioue P A'^ \'al. : ioueni a (faute mécanique sous 1 iiiflumce de granem); unit P A'', imam a. 51. nescio quod P a: nescio quid A'^ ï (voy. Introd., p. xxxi) ; certum P (par influence de astrum)

(C Seu furta dicunlur lua... uel acla puero cuni uiiis conuiuia » : mais, dans cet exemple, et dans plusieurs autres qu'on pourrait citer (Juv., 11, 28 et suiv. ; Anihol. lat., 1, 725, 10 Riese, etc.), nous trouvons siue... uel... -^- siue... sine ... ce qui est un peu différent ; le rapprochement le plus direct est peut-être fourni par 1 em- ploi que Properce (3, 21, 25-2(i) a fait de uel... aul... « Illie uel sludiis animum emeiidare I-'latonis Incipiam aut horlis. docte Epicure, tuis. » Parca : on sait que les Parques présidaient à la destinée de chaque homme, et, sur certains bas- reliefs, une d'elles est représentée mar- quant sur un globe céleste l'horoscope d'un nouveau-né 'cf. H. Rochette : Mo- nuni. ined , t. 77. 2 ; l'attitude est la même lorsqu'on figure la Parque à côté de Prométhée en train de façonner l'homme: voy. Musée Cupit., 4, t. 25. et Mus. Pio Cl., 4, t. 34). Tenax ueri rappelle les épithètes de ueraces et de non mendax données aux Parques par Horace {Cavm. saec, 25 et Od., 2. 16, 39), et, en même temps, la définition stoïcienne du destin, dont la Parque iMo'.pa) était le symbole (Cic. : De diuin., 1, 55, 125 : « Ea (i. e. £'.;i.ap[a.îvr| j est ex omni aeternitate fluens ueritas sempilerni] » Pour lemploi du gén. avec tenax, cf. Hor. (Od., 3, 3, 1) : tenax propositi : mais, d'ailleurs, Perse s'est ici souvenu de Virgile {En.. 4, 188) : « (Fama) tani ficti prauique tena.v quam nunlia ueri » -- Xostra tempora =^ iios- tros dies nulales ((^asaubon y voit un simple synonyme de dies employé plus haut, vers 46, et croit qu'il s'agit encore de 1 harmonie complète des deux vies). Libra : c'est ici le signe de la Balance, sous lequel, aussi bien que sous les (lé- meaux ou le Verseau, naissaient, disait-on, les amis fidèles: voy. Manilius, 2,629-630: « Quosque dabuiit Chelae autie nom do la Balance) Geminiquc et Aquarius orlus, \ nutn pftiits h:ihciit //(/«'(que immohili-

uinclum » ; remploi du verbe su.spendit rend à Libra son sens premier et forme ainsi une sorte de jeu de mots, accentué encore par l'épithète aequali qui fait songer à la fois à deux plateaux en équilibre et à l'égalité du jour et de la nuit au moment de 1 équinoxe : la Balance est, en effet, le signe de septembre (cf. Virg. : (iéorg., 1, 208 : " Libra die somnique pares ubi fcce- rit horas. >' D'autre part, une des Parques était parfois représentée tenant une balance à la main. iVo/a fidelibus hora : hora au sens d' « horoscope » ; pour le sens de nata, cf. Horace lA. P., 82 : il s'agit de l'ïambe) : « natam rébus agendis » (c'est- à-dire : propre à l'action du drame'. Diuidit in Geminos : in au lieu de inter. comme dans la locution « diuidere num- mos in uiros ■* (1^1.: Aul., 108). Perse sup- pose que 1 lin des Gémeaux a présidé à la naissance de son maître, l'autre à la sienne. de manière à unir leurs destinées aussi étroi- tement que les deux fils de Léda le sont entre eux. Concordia fata : concordia est le pluriel neutre de concors.

50. Saturnumque, etc. : « et ensemble (tina), nous brisons, .Jupiter étant avec nous, 1 influence maligne de Saturne » : on admettait que l'action d'un signe mal- heureux tel que la planète Saturne pou- vait être contrebalancée par celle d'un signe favoiai)le tel que la planète Jupiter (cf. Hor.: 0(/., 2, 17, 17 et suiv.,cité .si(/)ra, 45-51). Graueni : « funeste », comme chez Properce \i, 1, 84/ : « graue Saturni sidus " . xVos/ro loue est un abl. abs. loue nobis propitio (même tour chez N'irg., En., 2, 396 : « \'adimus immixii Danais, haud nunjine nostro. »>

51. Eut. : " Nescio quod (astrum me tibi tempérai), certe est quodmelibi tem- pérai », c'est-à-dire : « Il j' a un astre, lequel, je l'ignore, mais certainement il y en a un, qui nous mêle harmonieusement l'un à l'autre, y (Temperare est conslruit, d'uni' manière insolite, comme niiscere.

12'2

A. l'HHSI l-I.ACCI SAIXl^MUM LIHKR

Mille hoiiiinum species cl rcrum discolnr iistis. Velle suiim cuique est, nec uoto uiuitur uno. Mercibus hic Ilalis mutât sub sole recenti Rugosum piper et pallentis grana cumini,

55

NC. 54. talis (au lieu de Italis) ï (coir. A^) : « les pronominnux, dit M. Havet citant cette faute entre plusieurs autres, sont très envahissants » (Cril. verh., p. 209, n" 883 et 888). ô5. cumitii P x : cymini ( - y. îuivoj' -.

mais conserve son sens propre de « mélan- ger dans une juste proportion ». ^Cic. : De lie pub'., 2, 2'^, 42: « Haie... ita /ii/.r/a fiierunt... ultemperata nullo fuerinl modo » ; chez Hor., Ep., 2, 2, 187, la fin de vers, semblable pour le son, s'éloigne de celle ci à In Ibis par le sr-ns de teniperare et par le rôle grammatical de aslrum : « Scit Genius, natale comes qui tempérai astruni. »

r)2-()5. Laissant là, pour n'y plus reve- nir, les confidences personnelles. Perse met les occupations, diverses mais également vaines, qui séduisent la plupart des liom mes, en contraste avec l'activité féconde de Cornutus, consacrée tout entière à l'étude et à renseignement de la philosophie.

32 .Ui//i" Iwiiiimim species : species parait avoir ici son sens technique : ce sont « les espèces » opposées au « genre » Le genre humain est un, mais il y a mille esjièces d'hommes. Seulement, comme il s'agit dans ce passage de formes de, vie différentes, nous sommes ramenés au sens ordinaire du mot. Au demeurant, nous n'avons ici qu'une variante de l'adage Quoi hominef, tôt sentenliae (Ter. : Phorm., 454), déjà modifié par Hor.ice {Sal., 2. 1, 27-58) : « Quotca[)itum uiuunl. totidem studiomin Milia. n lîirtim... usiix : la manière

d'user des choses, c'csi-à dire : la pra- tique de la \ le Disiolor : ou peut en- tendre: «de diverses natures » ou: « dont la nature diffère (avec chacun) >, : le mot, comme synonv-me de diuersiis, est déjà chez Horace (Epis'., 1, 18, 4 .

53. Velle suum etc. : >• chacun a son vouloir » : pour l'emploi de l'inf comme subst., cf. 1,9 et la note Nec uoto uiui- tur uno : u et il ny a pas, dans la vie (d'un homme à un autre) unité de désir, unité d'aspiration » Pour le tour, cf. 2, 7 : aperto uiuere uoto.

54-55. Mercibus hic Ilalis mulat . piprr: ent : « L'un échange les marchandises de l'Italie contre du poivre » (litt. : « prend du poivi-e en échange des, etc.) » : on sait

que les Latins disaient indifl'éremment niulare palriam e.ri/i'o et mulare exilium pniria : c'est le premier tour que nous avons ici, comme chez Hor : Sat., 2 7. 109 : uuani F"urtiua muiat strigili ». - Sub sole recenti : non p.ns « de grand matin », mais « à l'C^rient ». comme Sole noiio chez Virg (Georg . 1,288); cf. Hor. : Snt.,1. 4, 39 : « Hic mulat merces surgente a sole, etc. » C'est à AleNand)ie principalement qu'on fai'"ail l'échange des denrées de l'Italie contre cellesde l'.Asie liuyosuin : cette épithéte caractérise le poivre de l'Inde par opposition au poivre d'Italie fPlin. : A' H., 12, 26 et suiv. : « ... Indiae. . pas- sim... quae piper gignunt. iuniperis nos- tris simile... semina a iuiii|)ero distant paruulis siliquis... Hae priusquam dehis- canl, decerptae tostaeque sole faciunl quod uocatur piper longum, paulatim uero déhiscentes matuiitate ostendunt candi- dum piper quod deinde lostnm solibus colore rugisque mutniur .. .S 29 : Piperis aiborem iani et Ilalia habel .. Sed deest tosta illa maturitas ideoque et rugarum et colorum similitudo »). Pallentis grnnn cumini : « les grains du cumin qui fait pâlir » : le cumin [cuminum ou cyminum. en grec V-oaivov) est une ombellifère dont la graine donnait une huile odorante vov. Dioscoride, 3. 68 ; Pline: N. H . 20, 159). On la tirait surtout de l'Egypte et de l'F- ihiopie, et on l'emploj-ait comme condi- ment : il passait pour propre à prévenir les nausées et les aigreurs d'estomac (Pline : N. H.. 19, 160 : « fastidiis cn- minum amicissimum «'. Un de ses effets était de provoq er la pâleur 'Pline. 20,159 : « Onine cuminum pnllorem bibentibus gignit ») d'où pallentis, au sens actif de '< qui rend pâle » (cf. Tib , 1, 8, 17 : pal- lentihus Iierbis : Ov. : .4rs am , 2, 105 : paVcnlia philira ; et supra, Prol , 4 : « pa'lidantcuie Pirenen) : Horace avait dit (Epist., 1. 19. 17-18) : « Quod si Pal- lerem casu, biberent exsangue cuminum. »

SATIRK V

r_>;5

Hic vsatur inriguo niaunlt turgesccrc somno, Hic campo indulget, hune aléa decoquit, ille In uenciem pulris ; set cum lapidosa chcrngra Fregerit arliciilos ucteris ranialia fagi,

NC. 58. pulris : sel se lire du r;i])piorhcinf-iit de piitris l'i t et putri set P : départ et d'autre, les copistes ont laissé tnmlier un s. celui *le sel dans t, celui de pulris dans P. pitlril set p sch. ; pulris est set Vnl. -f ; piilret sed mss récents ; de pulris est set, on a tiré la leçon est pulris : sed qui rétablit le mètre (Desprez et d'autres) ; puter il Hanlhal. 59. fregerit P ^^^I : fercril 2 : M. Havet (Cril. rerb., p. 141, 524) con- sidère fregerit comme une correction malheureuse : « avec articulas, fregerit semble former un sens, tandis cjue fecerit n'est intelligible que si on achève le vers » ; je crois que fecerit est bien plutôt la conjecture d'un réviseur qui n'aura pas compris le tour fregerit nrticulos... ranmlia. faci (au lieu de fagi) a 'corr. A-).

56. Satur : « l'estonuic plein » (et" 1, 31): il s'agit d'un homme qui fait la sieste après avoir bien mangé et bien bu luriguo... somno : inriguus est pris ici au sens actif : « qui arrose » (cf. Virg. : Ciéurg . 4, 32 : ■■ irriguumque bibant uio- laria fontem »). L'image a été suggérée

fftr par Lucrèce (4, 90^: « sotrtnus per mem- bra quietem Inrigel ») et Virg. (En., 3, 511 : « fessos sopor inrigat artus ») ; mais elle est bien plus juste chez ces deux poètes, puisqu'ils comparent le sommeil qui repose le corps fatigué à l'eau qui rafraîchit les plantes quand on les arrose, tandis qu'il s'agit chez Perse du sommeil lourd qui suit les excès de table Tur- gesccre : « s'enfler, se boursoufler d'une mauvaise graisse ». Mangeant beaucoup, notre homme devrait, au contraire, se donner du mouvement.

57. Campo indulget : « s'adonne aux exercices du champ de Mars ». Campus pour Campus Martis se rencontre plusieurs fois chez Horace (0(i.. 1, 8, 4 ; Epist , 1, 7, 59-, .4. P , 162) ; imlulgêl : à la césure. Hune aléa decoguit : decoquere, c'est proprement ; « réduire par la cuiss.on » (cf. 1, 125'. Maïs le langage familier em- ploj'ait ce verbe intransitivement dans le sens de « faire banqueroute » Varr. : Mén , 512 Bùch. : « In foro medio luci claro decoquere >> : cf. Cic, :P/iiZ. 2,18,44". Perse combinant ce sens figuré avec l'em- ploi ordinaire du verbe, construit ce der- nier transitivement poui' dire « réduire à la banqueroute, ruiner » fce serait chez nous, par une métaphore un peu difi"»'- rcnte « les dés mettent cet autre à sec » .

57-58. Illc in Vencrem pulris pulris

csl : litl. ; « cet antre se résoud, se fond

en volupté amoureuse », c'est-à-dire " t s'a- bandonne entièrement aux plaisirs de l'amour ». Le tour hardi pulris in a pu être suggéré à Perse par Horace Od., 1. 36. 17) : « Omnes i/i Damalin /;ii/re.s déponent oculos » : mais rien ne nous oblige à croire (avec M. van Wageningen) qu'il ail fait un contresens sur celte phrase : il a pu se rendre compte que in Damalin dé- pend de déponent, mais ramasser toute l'expression putres déponent oculos dans le seul mot pulris : d'autant plus que celui- ci est à peu près l'équivalent de solutus et que \'irgile avait dit Géorg., 4, 198-199) : « ncc cor/)oro segnes In Vencrem soluunt ».

58. Lapidosa cheragra : « La goutte pierreuse, la goutte qui durcit les articu- lations. » Cheragra .(cf. Hor. : Sat.,2, 7, 15 : la forme ordinaire est chlragra ^= yeioàvpa), c'est proprement la goutte aux mains.

59. Lelourproleptique/"rc(/e;7'/ar/icu/os... ramalia est analogue au grec S'.6zcrx£'.v T'.và (Tooov, et ou peut paraphraser, avec M. van Wageningen. « frangendo fecerit ut arliculi quasi ramalia fièrent ueteris fagi », c'est-à-dire : << a brisé leurs articu- lations de manière à les rendre semblables aux branches d'un vieux hêtre ». D'autres, prêtant à Perse une construction bien gauche, voient dans ramalia fagi une simplea])posilion : « qui sont des branches de vieux hêtres », c'est-à-dire : " semblables aux branches d'un vieux hêtre ». Ou a voulu tirerune allégorie du rapjîrochement des mots lapidosa. fregerit et ramalia : la goutte l)risanl les membres serait comparée aux grêlons qui brisent les branches

ramalia n'étant alors qu'une apposition : mais ueteris ramalia fagi ne fait que pré-

\2{

A. l'HUSI FI-ACCl SATN'KAIUM LIIIKK

Tune crassos transisse dies luceniqiie pnlustrem Et sibi iam seri uita ingemucre relicta. At te nocturnis iuuat inpallescere chartis :

60

NC. 61. niiseri au lieu de seri Jean de Salisbury Pol., 7. 19 . uila ing. lelicta P

sch. : uitam ing. relictaiii a \'al. ; lexte li-ès incertain (cf. 4, 31); Claudien lisait sans

duute uituiii... relictam, puisqu'il écrit {In Eulrop., 2. ÔOI) : « et seri trarisacla ge- niunt ". - ()2. chartis - : carihis P a.

oiser le ;io(fo.s(i d'Horace Ej^isl A l,IU".Vo- (losa... cheragra » et f'regeril n est qu'une variante du Contudit qu'un lit chezlt même poète iSa/., 2,7,16 : « poslquani... c/ieragra contudit articulos , suggérée sans doute par X'irgile Bue . 9, 9 : « Veteres, iam fracta facuiiiiiia. fagos ». Le scoliasle applique l'nycrit au vent qui lord les arbres : « le- gilur et <fregeril i. e.]> curuaueiil, sicut et uentus arbores uel earum ramos ». Pour la le(;on fecerit, vo}'. NC. Fregerit, et non f régit : Perse met le subj avec cuiii pour marquer un fait cjui se répète cf. 3, 37. 4, 22 .

60. Tune crassos transisse dies luceinque paluslrein : cette proposition iufinilive dé- pend de ingemucre ; litl. : « alors ces hommes déplorent que leurs jours aient passé épais et que leur vie ail passé ma- récageuse » : enl. qu'ils déplorent d'avoir perdu dans une épaisse sottise tous les jours de leur existence : crassos suivi de palustreni est cerlainemenl une allusion à la lourdeur proverbiale des Béotiens, cau- sée, disait on. par l'almosphère d'un pays marécageux (Hor. : Epist., 2, 1, 244 : « lioeotum in cra.'iso iurares aërc nalum ") ; el, d'ailleurs Perse se rappelle ici Tib., 1, 4, 33 : « Vidi ego iam inuencm, prvme- rel cutii sérier aelas, Maerenlem slultos priieteriisse dies. <> Palustris est ordi- nairement a])pliqiié au sol Sén. : Epist., 73, 16 : <' humus slerilis alque palustris » ." avec lucem, il fait une alliance de mots : « une clarlc obscurcie par l'atmosphère lourde des murais » ; d'où la substitution de luccni à uitam.

61. « Et ils se lamentent, trop lard, à cause de la vie qu'ils ont laissée derrière eux », c'est-à-dire : 1'^ soit « ils dé[)lorenl d avoir délaissé la véritable vie, ils sentent qu'ils ont vécu sans vivre » ; 2" soit : « ils déplorent la vie qu'ils onl menée, leur vie passée ». Dans le premier cas, sibi peut dépendre de relicta, avec la valeur de a se; dans le second, il faut plutôt le rattacher à ingrmuere : •< ils se lamenlenl siu' eux-

mêmes, à cause, etc. » ; pour le dal. avec ingcniisco, cf. Cic. : Tusc, 2.9, 21. La pre- mière interprélalion me semble plus natu- relle : la pensée el l'expression rappellent alors celles du vers 38 de la satire 3 : « V'irtulem uideant intabcscantque relicta»

cf. Sén. : Eijist.. 4"), 12 : « Multos tran- sisse uitam, dum uitac instrumenta cn- quirunt ». La seconde, qui fait de relicta un synoiiymtî de aiitcacla, peut s'autoriser d'un rapprochement avec Horace (Od.. 1, 34, 4-5) : '( ilerare cursus Cogor relicti^s ». Vita relicta fait une anacoluthe : le verbe ingemucre est d'abord construit avec une proposition infinilive dieu liiccmque tran- sisse, etc. , puis avec l'ablatif, abl. de cause ou abl. absolu cf. ^'irg. : Gàorg.. 1, 45-46 : « Depresso inci|jiat iam tum niihi taurus aratro Ingcmere », et En., 4, 369 : « Num fletu ingemuil noslro ». fletu est plutôt un datif, cf. encore Val. Max., 5, 10,2; Q. Curce.9,3.20,et,chezPerse.4, 31 : « /'ar- rata... plaudentibus olla >• et la note). Si la leçon uitam relictam voy. NC. , préfé- rée par uu grand nombre d'éditeurs, esl la bonne, on en lire tout naturellement l'un ou l'autre des sens indiqués ci-dessus, qu'on prenne d'ailleurs uitam rcliclan) pour le complément direct de ingemucre [cî. A'irg. : Bue, 5, 27-'i8 : « tuum... inge- muisse Itones Interitum » ce qui s'im- pose si relictam équivaut à anleactam, ou qu'on y voie, en sous-entendatil esse. une proposition infinitive continuant le tour transisse dies. L'interprétation : « ils se plaignent que la vie dont ils ne peu\enl plus jouir leiw soit encore laissée » Jahn ne peut guèie se concilier avec uun seri : pour celle dernière expression - i'a»»i scro , cf. malutinus et nocturnus chc/ \'irgile

En., (S, 465, el Géorg., 3, 538 ; /(/ni signifie " désormais ». nous dirions : « désormais trop tard ». Ingemnere est un pf. gno- mique cf. libauil, 2, 5 « lorsque la goulle a brisé leurs forces, toujours ils ont déploré, etc. ».

62. Al oppose fortement la noble activité

SATIRE V

125

Cullui enini es iuuenum, purgalas inscris aures

Fruge Cleanlhea. Petite hinc puerique senesque

Fineni aniiiio ceitum miserisque uiatica canis. (iâ

« Gras hoc fiet idem o. Gras fiet '^ « Quid ? quasi magnum

NC. ()3. enim es p : enim est P cf. même faute li, 23 ; 4, 13 et 4, 51, ; enim (suivi immédiatement de iuuenum) a : l'omission de es, qui rend la phrase plus élégante, peut fort bien être une correction, tandis qu'on ne voit point, hois le cas du mélange d'une glose avec le texte, pourquoi un copiste ou un reviseur aurait ajouté es. G4. Clc.iiilhea A- 'f : cliuiitea P ; cleteanthea a. piteriqtie P 7. : iniienesque z (vov. Inirod., p. XXXI). 65. miseriqiie au lieu de miserisque P, faute mécanique " par suggestion de puerique » (Havet : dit. verb., p. 151, n" ôtiX. srrisqiie tu lieu dt- miserisque] Mai'I^land : ()6. cnis fiât (au lieu de cr. fiet) 2 ;

(le ('orimtus aux occupations vulgaires ou basses de la plupart des hommes. Te nocturnis. etc. : >\ ton plaisir est de pâlir la nuit sur les livres » ; sur iiocturuus, cf. supra la note sur iam seri ; sni- la pâleur des gens d"étude cf. 1. 2(i : en jnillor. Chartae au sens de libri, comme chez Cic. Pr. Cael.. 17,40: « chartae... obsoleue- runt )):cf. A(i/l//.,2.20,3 . Chnrtis e.st-il un datif ou un abl ' Stace dit 'Tlieh..6. 805 : " euentu impallescere » ce qui ne tranche pas la question, puisque euentu peut être un datif aussi bien qu'un abl.

63-64. Cuttor enim etc : Courte allégo- rie : « Tu cultives les jeunes gens c'est-à- dire 1 âme des jeunes gens , tu ensemences du grain de Cléanthe les oreilles bien net- t05'ées » c'est-à-dire : après avoir détruit les préjugés, tu sèmes la bonne doctrine . Purgare aurem, c'est proprement « écurer l'oreille » cf. Hor : Epist.. 1.1,7: « pur- gatani. . . qui personet aurem n: mais, d'autre part, purgare, dans la langue de l'agricul- ture, signifie : « ôter les mauvaises herbes « Cic. : Tusc.,b,2'à,G5: falcibus... purgarunl... locum]. Il y a donc un jeu de mots : Cor- nutus, avant de semer ou de planter, net- toie le terrain. Le tour inserere aures fruge. au lieu de inserere auribus fruges est inso- lite : on attendrait co/ist'ri'.s aures cf. pour- tant Cic. : Timée, 12,44 : « Cum aulom animis corpura cum necessitate mseuisset « : chez Virgile (Géorg., 2. 69 : " Inseritur uero et nucis arbutus horrida fétu », inserere signifie « greffer sur » Fruge Clean- lliea : eut. : « la philosophie stoïcienne ». Le Portique n'avait pas eu de travailleur plus énergique et plus patient que Cléanthe, et c'est à dessein, je pense, non pour de simples raisons mctri<]ues, que Perse évoque ici le nom de ce philosophe.

Pour l'asyndéte Cultor... es... inseris... cf. 1. 86-87... librat..., landaïur : 3, 21-22 : sonat . respondet. mais voj'. supra, NC.

64. Petite hinc . eut. : « Venez demander à la philosophie sto'icienne. » Puerique senesque les stoïciens estinuiient qu'il n'était jamais ni trop tôt ni trop tard pour entreprendre l'étude de la philosophie : l'éducation morale devait, d'après eux, commencer dès le berceau voy. Quint., 1, 1, 15-16 ; 1, 1. 4 : 1. 10, 32 e't durer tant qu'on n'était point parvenu à la sagesse, c'est-à-dire autant que la vie cf. Sén. : Epist.. 76, 1 .

65. Finem unimo ccrtum : ent. : « Une fin morale délerminée. » Miseris... uia- tica cants : « un viatique pour l'époque malheureuse de la vieillesse » : canis - canis capillis : le mot est chez Cic. De se- nect., 18.62 Non ca/ii. non rugae repente aucloritatein arripere possunt » et, avec une épithète, chez Ov. (Met., 8. 9 : " cani honorati ». Viatica Èoôoiov), appliqué à la sagesse, est une image traditionnelle qui remontait, dit-on, à Bias voy. Diog. L., 1, 86 ; pour le pluriel, cf. Hor., Epist., 1, 17, 54 et 2. 2, 26.

66. (]ras hoc fitt idem : « Je le ferai tout aussi bien demain. » Perse donne la pa- role à un interlocuteur fictif qui remet au lendemain l'étude de la sagesse. Cras fiel '.' Réplique de Perse : « Tu le feras demain ? pourquoi demain '.' » ou : « Tu le feras demain ? vraiment Quid ? etc. L'autre proteste : « Quoi ? dit-il, ainsi donc nempe tu m'accordes un jour comme si c'était quelque chose de considérable '? » c'est-à-dire : « un jour, est-ce donc un si grand cadeau ? » Pour le sens de nempe, cf. 3, 1 ; il est inutile de supposer que donas est exclainatif et de faire porter

UC, A. ['KHSI FLACICI SAT\ \ K\\I I IHKH

Xempe diem donas ? » Sed cum lux altéra uenit, lam cras hesternum consuiiipsimus, ecce aliiid cras Egeiil lios aniîos et semper paulum erit ultra. Nain (luamuis propete, quainuis temone sub uno 70

XC. 67. diesl au lieu de dieni a (coir. A"^ : die aura été mal lu : en cU'el, ê, isolé =r est voy.Mavfcl, ibid., p. 171), n^ 744. bS. hcslcrniiiit a : externuin P mauvaise lecluie de esterniini cl", ii, ItJG . 69. hos p a : hoc P (i. e. hoc aliud cras ; cf. scli. ; « hoc cras quocl als aiiuob cliquai, consuinit, ne) praeleiirc facit ») ; mais la suite des idées semble exclure celte leçon qui peut s'expliquer aisément comme une erreur mécanique, ou une conjecture erronée. Marcile refaisait ainsi le vers 69 : « Egerit lies aniios, semper pauhun egerit ultra. » lO.quam prope au lieu de quamuis prope a ; se au lieu de ïe a (par suggestion du .se.se qui se lit au v. suivant); it'moiif p u : tenenio P (anasyllabisnir cf supra, v. 36.)

ncntpe sur quasi iiHiijiitnn avec le sens de « appart-nunenl ». .l.iiin complique iuuti- ieujent l'inlerpréialion lorsqu'il pondue éd. de 184;i : « Quid, quasi magnum, Nenipe diem, donas ? » c'est-à-dire : « Qu'est-ce que tu me donnes, comme si tu nie faisais un grand cadeau ? eh bien 1 tu me donnes un Jour. » La plupart des éditeurs ponctuent autrement (jue je ne fais le commencement du vers 66. ils écrivent: « Cras hoc jiet. » Idem cras fiel. « Quid ? etc., et interprètent de la manière sui- vante : « Je le i'erai demain » idil un inter- locuteur lictif . Demain ^dit l^erse, ce sera la inéine chose ,c'est-à-dire que l'autre se doniieia un nouveau délai . «Queveux-tu dire » reprend l'interlocuteur , etc. Mais la ponctuation que j'ai adoptée, avec G. Fr. Hcrmann, me scmbli- donner plus de vivacité au dialogue el trouve une conlir- malion chez Ovide (licni- d'am., 104) : " Dicimus assidue : " Cras quoque jicl idem. »

67-68. Sed . le poêle reprend la parole : " Tu dis cela,, mais.. » Cum ht.c altéra, etc. : lill. : « lorsqu'un nouveau jour est venu, nous avons déjà laissé pas- ser le lendemain d'hier », en d'autres termes : << la venue du jour auquel nous donnons aujourd'hui le nom de deiuuin suppose que s esl écoulé un jour que, hier, nous appelions demain aujourd'hui étant le lendemain d'hier » ; donc, lorsque nous remetlons au lendemain, c'est déjà un len- demain que nous laissons passer : el, comme demain n'existe pas en tant que jouj- présent, mais devient aujourd'hui aussitôt qu'on y arrive, nous trouverons perpétuellement devant nous un nouveau demaiu, Vênil...consumpsiuius : la simili-

tude de temps indique concomitance ; pour l'emploi de consumere, cf supra, 41. Cras est substantif, comme chez. Alla !), dans la 3"^ éd des Comiques laiiiis de Rib- beck, p. 190 : « Cras est comniuiiis dies » et chez Martial (5. 58, 2) : « Die mihi, cras istud, Postume, quando uenit '/ » ; il fait avec l'adj. heslernum l'alliance de mots dite oxyinoroii.

68-69. Ecce aliud cras, elc. : « Voici que perpétuellement, un autre demain épuise peu a peu les années de notre vie. » Le verbe eyerere signilie proprement « ôter, vider », en parlant de choses qu'on enlève morceau par morceau ou les unes après les {lutres par exemple de la terre, des pierres, du butin, l'eau qui est dans la sentine d'un navire : il est ici l'équivalent de paulatim exhaurire. On le retrouve appliqué au temps chez \'alérius Flaccus (Argon., 8, 453-454) : « toia querelis Eije- rilur questuque dies » Jaliu, par méprise, fait de egeril le futur antéiieur de ago, et entend : » aura chassé devant lui » . Hos annos (voy. NC, : « ces années-ci, les annéi s que nous avons devant nous », par conséquent : « les aunées de notre vie ».

69. El semper paulum eril ultra : « et toujours un autre lendemain sera un peu en avant de toi/ », c'est-à-dire toujours tu auras un lendemain devant toi sans pouvoir l'atteindre puisque demain quand on y arrive, n'est plus demain, mais au- jourd'hui ». Ceci prépare la comparaison développée dans les trois vers suivants.

70-71 L'homme qui a toujours devant lui un lendemain qu'il n'atteindra jamais «si comparé à une des roues de derrière d'un char à quatre roues, qui ne rattia- pera jamais la roue correspondante de

SATIRE V

V2:

Verlentein sese Irustra sectabere canlum, Cimi rota poslcrior ciirras et in axe secundo.

Libertate opus est, non bac : ut quisquc Velina Publius emeruit, scabiosum tesserula tar

NC. 71. se (au lieu de sese P. cantiun P 3 ; Quint., 1, 5. 8 : l:i plupnrt des édi- teurs écrivent canthiim : mais du mnineiit que Quintilion voit d;nis ranliis un mol b.irbare et n'j' recouiiaîl pas le grec xavO'-Ç, nous n'avons aucune raison de niodlKtr l'orthographe des niss <i Barbu rismum, dit, en efl'el. Quint., 1. 1., plurihus niodis aceipinius. Vnuin génie, quale fit si quis Afruni uel Hispanuni Lalinae oi-ationi nonien insérât, ut ierriim, quo jotae uinciuntur, dici solet canlus : quanquani eo lanquani recepto utitur Persius ». Heinrich rapproche l'allemand die Kaiile). 715. (yiiu ou qiiaiu au lieu de ut ç ; qiia ut .Juste Lipse ; (/iia//i ut (jujet.

devant, bien qu'elles soient toutes voisines l'une de l'autre el Tassent partie toutes deu.\ d'un même char. 11 f:iut constriiin- : « sectabere frustra canlum quamuis uer- tentem sese prope te. quamuis uertenlem sesC; sub uno icmonc, cuni, elc », c'est-à- dire : « C'est en vain que lu chercheras à atteiiidie la bande de l'er qui pourtant tourne près de loi et sous un seul et même limon, elc. » ; mais, par tenioue, il faut entendre ici le char tout entier, el, par cantus, la roue; sur ce dernier mot, qu'on retrouve chez Martial (14, 168) et qui dési- gnait, dans le langage vulgaire, la bande de fer ou de bronze entourant la roue, cf. NC. Cunt rota, elc. : lilt. : « lorsque tu cours, roue de derrière c est-à-dire : sem- blable à une roue de derrière el au second essieu >>. Pour le tour curras rota, cf. 2, 27 : « quia non iaces bidental » el Horace. Episl. 1, 2, 41-42 : " qui recte uiuendi pro- rogal horam, Riisticus expeetal dum dellual amnis » ; curras au subj.. pour marquer un fait qui se répète : cf. supra, 59.

73 et suiv. Ici commence la seconde partie de la satire, consacrée à définir la vraie liberté. Le lien est facile à trouver : ce qui manque aux hommes qu'on voit remettant de jour en jour l'étude de la sagesse, c'est l'indépendance morale : ils sont esclaves de leurs passions. Tout le morceau est à rapprocher d'Horace : Sat., 2, 7.

73-75. Libertate opus est, elc. :j'enlends, revenant, en somme, à l'interprétation de Casaubon : « On a besoin de la liberté, non pas de celle que je vais dire : selon que chaque homme a reçu son congé sous le nom de Publius do la tribu N'elina c'esl-.i-dire : du niomeni (ju'un boinnie a été, par 1 airranchissement. inscrit sous un

nom romain dans une tribu romaine , il possède, moyennant une pelilc tessére, du blé moisi c'est-à-dire : il reçoit le bon (!<• blé fjui est le privilège des citoyens libres ; en d'autres termes, il est traité comme un homme libre . » A la place de Iiac : ut, on attendrait hac, qua, ut, etc. : Perse a juxtaposé simplement à bac le membre de phrase annoncé par ce'^lénionstratif ; il y a un tour analogue chez Horace [Sat., 1, 2, 120) : « Illam (se. uenerem) : « post paullo », « sed pluris ». « si exierit uir », Gallis ». Emeruit pour du'e emeruit serui- lutis stipendia cf. Cic. : De Sen., 14, 49 : « tanquam emeritis stipendiis libidinis » . Le sens est précisé par Publius Velina ( = Publius Velina tribu , qui a une valeur attributive : il a reçu son congé pour de- venir Publius, de la tribu \'eliua on trouve dans les inscriptions Oppius Veienti- na, L. Memniius Galeria. elc. ; Publius est, d'ailleurs, mis pour indiquer un pré- nom romain quelconque et Velina, une tribu quelconque (celte tribu est nommée chez Horace : Episl., 1, 6, 52) Tesse- rula : la tesserula niimmaria qu'on donnait aux citoyens pauvres et qu'ils devaient produire pour recevoir du blé dans les distributions pul)liques ou frumentationes cf. .luv., 7, 174-i75, et, sur les frumenta- tiones, Suét. : Ces., 41 et Aug., 40 et 42). Svabiosiini : « moisi » par un trop long séjour dans les greniers publics ». Il

faut reconnaître que le tour non hac : ut, elc , est dur el que emeruit est peu net. La leçon qua quisiiue ayant alors le sens de quisquis : V03'. Rieni. : Synt. lut., § 14, rem. 3) et la conjecture qua ut feraient disparaître la première diflicullé ; la con- jeclure (/iw/ji 11/ les lèverait l'une el l'auti'e emeruit signifiant en ce cas : « a obtenu, a

i:?.s

A l'KliSl FI.ACCl SA1\I;AH\M I.IBEI!

Possidet. Heu stériles ueri. qiiihus iina Quiriteni Verligo facit. Hic Dama est, non tresis agaso.

75

se 75. ueri p x : uiii P. - 76. Dama est P Vol. : damasus u ;selon M. Havet, Ciit verb., p. 147, n^ 554 : « mauvaise correction de Dainast : le correcteur connaissait le pape Damase. et, trompé par le papae du vers 79, il a cru que le / de Damast prove- nait d'une abréviation mal lue n").

{{agné par les soi-\ices rendus à son maître ». et qiii.si/iic portant sur Ptihliiis Veliiia : « clmque Publius de la tribu \'e- lina « : |)oui- dire, tout honime devenu citoyen,. iMai.s comme la leçon non luir ut est seule autorisée, hi plupart des éditeurs modernes Tout maintenue dans leur texte, tout en rinlerprétanl de manières diffé- lenles : les uns Jalin. dont 0 Fr. Her- inaini reproduit la ponetualion , écrivent: ". . Liberlate opus est, non hac, ut, <|uisque... clc », et entendent : « On a lit-soin de la liberté, non pas de celle de la manière dont [ut ita ut, au sens de ainsi que possède, moj'ennant une tessère, du blé moisi tout homme qui quiaquc ^= quisquis a obtenu bi liberté et a été ins- crit emerere nurcie stipendia dans la tribu Velina Velina -- in Vrlina tribu ;ivec le piénom de Pul)lius » ; d'autres

Hùcheler, suivi par Nénielhj', Léo, van W'ageningen écrivent : <' Libcrlale oi)us est. Non hac, ut quisque Velina Publius : emeruil, scabioum. etc. ». e'est-à-dire

est étant sous-entendu à côté de quisque " Non pas de citte liberté, comme est n'importe quel {quisque au sens de quili- htt VOJ-. Riem. : Synt. /a/., 15 fci'.s, rem 2) Publius de la tribu \'elina : il ;i fini son temps d'esclavage , etc. •> ; d'autres en- core (Albini s'inspirant de Krause) font porter ut à la fois sur enwruil et sur pos- sidet en supposant, d'une proposition à l'autre, une asyndèle. Ils paraphrasent : " Non hac tuli libertate qualeni (juisque, etc. », c'est-à-diie : " une liberté telle que chacun peut l'acquérir emerere au sens d' '< obtenir par les services rendus » en devenani d'esclave sans nom un Publius de la ti-ibu Velina et par laquelle il est mis en possession, etc ». Ces trois expli- cations ont ceci de commun (ju 'elles doiuient à ut le sens de comme, de la manière que » : mais la première suppose un emploi de quisque tout à Fait exceptionnel pendant la période classique, et la seconde une ellipse très dure : ce qui pourrait être sous-enten- du après ut. eu bonne syntaxe, ce serait

scnleinont opus est ; la troi.sièine. en revanche, me parait ingénieuse et sédui- sante ; nuiis je crois qu'il vaut mieux con- server au tourna (/iiisfyiie son sens habituel, sans pour cela séparer non hac de opus est et le rattacher à possidet comme fait C.o- nington, qui interprèle : « Ce n'est point par la liberté dont je parle que, du mo- ment que le premier venu a été enrôlé sous' le nom de Publius dans la tribu Velina ( Velina = in Velina et dépendant de cfiieriii/ signifiant non pas » qui a reçu son congé », mais d qui a pris du service dans »). il possède, etc. »

75. Hea rappell<^ o miser 3, 15 ,onuseri (3. C()) : r. postrophe s'adresse ii ceux qui n'ont pas la sagesse, aux sttdli. Stériles ueri : litl. : « inféconds en fait de vérité ». c'esl-à-dire : « vides de toute vérité » : cf. \'ell. Paterc, 1, 18, 3 : >< talium stu- diorum... stériles », et. pour le tour. Perse, 2, 61.

75-76 Quibus elc : ■< pour (jui une pirouette fait à elle, seule c'est à-dire suflit à) faire un cilo5^en libre ». Dans l'affran- chissement {manumissio) dit per uindirtam qui se faisait devant le préteur cf. infra, y 88), le licteur touchait l'esclave avec une baguette aindicla) et le maître lui faisait faire un tour sur lui même [uerte- bat : cf. infra, v 78) ou le promenait im instant (circumducebat) en disant : « Hune hominem liberum esse uolo. » Quiri-

lem : pour rappeler l'expression ius Quiri- lium : la cérémonie de l'affranchissement assure à l'ancien esclave le titre et tous les droits de citoyen libre. Perse n'est pas le premier qui ait employé le sing., d'ail- leurs fort rare, Quiritem (cf. Hor : Od.. 2, 7, 3 : Epist . 1, 6, 7 ; Ov.. Met . 14,823),

76. Hic Dama est : « \'oici Dama (litt : (k't homme-ci est Dama). » Dama, nom d'esclave grec qui se trouve plusieurs fois chez Horace. (] est le mot dorien Ao([jl5;. abiéviaiion de Aau '.TCto; =: Ar,a/-:p'.o-. iVoii tresis agaso : « palefrenier qui ne vaut pas trois as ». Ayaso. onis, c'est pro- pr< ment celui qui mène les bétes {agerr 4

SATIRE V

129

Vappa lippus et in tenui farragine mendax : Verlerit hune dorainus, momento lurbinis exit Marcus Dama : papae ! Marco spondenle récusas Credere tu nummos ? Marco sub iudice pâlies ? Marcus dixit, ita est. Adsigna, Marce, tabellas.

80

NC. 77. On trouve dans les vieilles éditions nappa et lippus : nappa n'a pas été compris ; on lui a donné le sens de « mauvais sujet » (cf. Hor. : Sat., 1, 1. 104 ; 2, 12), et comme alors il fallait scander uappù, on a ajouté et. tenui l'arragine p ot : teiiuit ferragiue P. 78. turbinis 1' : leiiiporis % p (\oy. Inlrod., p. xxv). 80. credere tu nummos p a : crederet ununt iiios P. 81. adsigna P a : assigna '-f (leçon d'où Marcile tirait la correction bas signa).

pour la formation du mot, cf. equito, onis : écuyer), d'où « garçou d'écurie » : m tenui farragine mcnda.v prouve que le mot a bien ici cette signification, et non celle de « lourdaud », conime chez Horace {Sat., 2, 8. 72); l'adj. tresis ne se trouve que chez l'erse, mais il est formé comme SP/"«.'î.'!(.s(Cic. : Ad fnm., 5, 10, 1) et ccntns- sis Lucil., 1172 Marx ; Perse, 5, 191), et rappelle en même temps la locution pro- verbiale non homo trioboli (=r oùx à;to; xp'.wîïoÀo'j ; voy. PI. : Poen., 463, etc.). Il y a ici une sorte de jeu de mots, puis- qu'on peut entendre à la fois : « on ne tire- rait pas trois as de cet esclave sur le mar- ché » et : « c'est un vaurien ■>.

77 Vappa lippus : entendez qu'il s'est donné une maladie d'3^eux (cf 1, 79 et 2, 72) à force de boire ; nappa, c est ici le mau- vais vin, le vin éventé qu on donnait aux esclaves ; le mot est à l'abl. de cause. In tenui farragine mendax : « et menteur pour la misérable pitance de ses bétes, pour une poignée de grains ». Cet esclave voleur ne dédaigne pas le plus mince larcin On appelait farrago le mélange de différents grains qu'on don:iait au bétail ; rpniii' indique la faible valeur de la chose ; 1/1 signifie ici quand il s'agit de, sens qui n'est pas rare vov. Hieni. : Sijnt. lat ^ 107, c).

78. Verterit luinc dominus : « Que son maître lui ait fait faire une pirouette » (cf supra la note sur les v. 75-76) ; pour le subjonctif de supposition uerterit - si uerterit, cf Riem. : Synt. lat., j; 169. Momento turbinis : turbo est ici l'équi- valent de uertigo (v. 76) : il faut entendre, je pense : « le temps de tourner sur les talons », l'expression étant calquée sur momento temporis, momento horae (Hor. : Saf..,l, 1, 7).

78-79. Exit Marcus Dama : « il sort de la Marcus Dama », c'est-à-dire : « il de- vient citoj-en romain ». Marcus, comme plus haut Publius, est mis pour indiquer un prénom romain quelconque. Dama : parce que l'affranchi gardait son nom d'esclave comme cognomen. On trouve dans les inscriptions : M. Fufius M. L.Dania (Gruter,991, 13), Valerius Damas (C I. L., C), 27977). Exit : on peut comparer l'em- ploi de euadere au sens de » devenir » ; mais d'ailleurs Perse s'est souvenu d'Ho- race [A. P . , 22 : « currcnte rota cur ur- ceuse.ri'f » (cf. Perse; 1, 45) et surtout, Sal , 2, 7, 54-55 : « Prodis (;x iudice Dama. Papae : cette exclamation marque un éton- nement mêlé d'admiration ; elle peut se rendre par : « Oh ! oh ! » ou par « Peste ! » Mais faut-il la rattacher à ce qui précède, le poète s'étonnant d'une transformation si rapide Peste ! c'a été vite fait ») ou la faire porter sur récusas et sur pâlies Peste ! avec la garantie d'un passé semblable, tu te méfies de l'honnêteté de ce nouveau citoyen ? ») '? Cette seconde interprétation me paraît la plus naturelle, parce que, ainsi, papae S')uligne l'ironie de récusas. Marco spondcnte . « sous la caution de Marcus, si Marcus répond pour ton débiteur ».

80. Credere... nummos : « prêter de l'ar- gent (à l'homme pour qui Marcus se porte garant). Tu: cf. 1,2 et la note. Marco sub iudice pâlies : « tu pâlis si tu as Mar- cus pour juge », c'est-à-dire : « Tu re- doutes qu'il ne se laisse acheter par la partie adverse. > On sait que les juges, pour les affaires civiles, étaient choisis par le préteur sur une liste permanente de citoyens (voj'. Willems : Droit publ. rom., p. 299, 465).

81. Marcus di.xit, ita est : « Marcus l'a

9

130

A. PERSI FLACCI SATVRARVM LIBER

Haec mera libertas, hoc nobis pillea donant. « An quisquam est alius liber, nisi ducere uitani Cui licel ul uoluit ? licetut uolo iiiuere : non sim Libeiior Bruto? » " Mendose colligis, inquit Stoiciis hic aureni mordaci lotus nccto :

85

XC. 82. hoc P : luiec a (par suggestion de haec... Iiberlas} ; hanc ç. (conjecture erronée, puisque, dnns le tour « haec mera libertns », haec est mis pour hoc par une allraction consanoe. donal iau lieu de douant' P (faute venant d'une crreui- grossière sur le sens). 84. uohiit V : libuil p a \'al « A libendo dicta

putabalur libertas (Justin. : Instit , 1, 3. 1) ». dit Biichelcr, qui écrit lihiiil : mais itelle est le ternie commun de la majeure et de la mineure (cf infra. 89 : « Cur mibi non liceal, iussit quodcumque iioliiiilas ») ; libuil peut venir soit d"un coi-reclcur qui aura pris la l'épélilion ut uoluit... nt uolo pour une négligence, soit d'un copiste, par sug- gestion de >( liber cl de « licel ». sim P : .sii»i p 3. (correction inutile pour le sens: voy. Comment). 85. liberior p y. : liheria P.

dit, donc cela est » : le témoignage de cet homme, qui était hier encore un esclave menteur (v. 77), est maintenant reçu en justice ; Adsigna, Marce. tabellas : ent. : « tu peux maintenant, Marcus, mettre ton sceau sur des lablcltes. » Certains actes (contrats, testann nts) étaient dressés en présence de témoins qui apposaient ensuite leur sceau sur les cachets (sigiialores, obsi- gnatores:.

8'2. Haec mera libertas, etc. : ironique comme ce qui précède : « Oui, voilà la pure liberté » (c'est-à-dire : « tous ces droits, c'est la pure liberté), voilà ce qu'un bonnet nous donne. » Sur le bonnet dont l'es- clave se coiffait le jour de son affranchis- sement, cf. 3, lOG. La forme ordinaire du mot est pileus : miûs pileum ou pillcum est chez Phiute {Aniph., 462).

83 et suiv. : Un interlocuteur fictif, un affrancbi (cf. v 88 1, s'étonne qu'on lui conteste le titre d'homme libre, du mo- ment que, n'aj-ant plus de maître, il peut faire ce qu'il veut

83-84. An quisquam, etc. Les paroles de l'interlocuteur forment un syllogisme dont nous avons ici la majeure; litt. : « Y a-t-il donc un autre homme libre que celui à qui il est loisible de conduire sa vie selon sa volonté » (pour la leçon libuit cf. NC.;. An « ou bien est-ce que... ? » employé ici au sens de « Est-ce que par iiasard .. ? Veux-tu dire que... ? » : voj'. liiem. : Synt. lai , t; 281, rem. 2. Voluit : le pf., parce que la volonté pré- cède l'acte : cl. infra, 89 : iussit quodc. luiliintas.

84. Licet 'se. mihij ut uolo uiuerc : mi- neure du syllogisme.

84-85. Conclusion sous forme interro- gative : « ! El après cela je ne serais pas plus libre que Brutus (c'est-à dire : que le père même de la liberté : il s'agit du premier Brutus) ». On jiourrait entendre " qu'un Brutus, l'un ou 1 autre » : mais le nom du premier Brutus était devenu le symbole proverbial de l'indépendance avant que vécût le second]. Sim: subj. de protestation : cf. infra, 146 et 6, 69, el VOJ-. Biem : Synt. lat., § 168.

85-86. Entendant un syllogisme, un stoïcien dresse l'oreille : on sait que la dialectique stoïcienne faisait un emploi con- tinuel du sjllogisme. Mendose colligis : « Il y a une faute dans Ion argumen- tation » : colligere. c'est ici " faire un syl- logisme, démontrer par un syllogisme : cf. Sén. : Epist., 83, 9 : « Audi ergo quem- admodum colligat (Zeno) uirum bonum non futurum ebrium ». Mendose, adv. couramment emploj'é pour indiquer une faute contre les lois de la logique (cf. Lucr., 4, 501 ; Cic. : De inucnt., 1,6 8 ; Hor. : Sat., 2, 4. 25 . Inquit stoicus hic : j'en- tends : " Dit ici un stoïcien ■> et non : « dit ce stoïcien » : je crois, en effet, que hic est adv. .comme 3, 77 : « Hic aViquis... dicat ».

86. Aurt-m, etc. : « dont l'oreille a été lavée avec un vinaigre caustique »,cest-à- dire : « à l'oreille line » (pour 1 image, cf. 1, 126 et la note): entendez que l'esprit du stoïcien, rompu aux finesses de la dialec- tique, a saisi tout de suite le point faible du syllogisme.

SATIRE \'

131

Hoc reliqum accipio, « licet » illud et « ut uolo » toile » « Vindicta postquam meus a praetore recessi, Cur mihi non liceat, iussit quodcumque uoluntas, Excepte siquid Masuri rubrica uetauit ? » Disce, sed ira cadat naso rugosaque sanna,

90

NC 87. hoc reliquni P : luicc rcliqua i ^'al. (\oy. Inirod., p. xxv). licet illud et ut uolo p a : i7/iii deliio toile P : licet ut uolo uiuerc toile mss récents. 90.e.vpecto (au lieu de excepta) P, par a anasyllabisme » (cf. supra, 36). wasiiri P A^ : mansuri a : « l'éliminalion des noms propres par changement de fonction grammaticale » (Havet : Crit. verb., p. 206. n" 869) est un genre de faute connu. uetauit. P a Val. : uetaril Paris. 8048 : uetahit Heinrich (cf. Juv., 6, 660), peut-être avec raison : le pf. convient pour le sens, aussi bien que le futur, mais la forme uetauit est anormale, alors que Perse se sert ailleurs (2, 43 de la forme usuelle : cf. 2, 5, et 3, 93, il y a flottement dans la tradition manuscrite entre le pf. et le fut., mais surtout infra, 97, uiliauit, donné par presque tous les mss, s'explique diilicilement, et 168 plorauit, leçon de P, est certainement une faute.

87. Hoc reliqum : « le reste de ce quo tu viens de dire » : le stoïcien veut parler de la majeure : il l'accepte d'autant plus vo- lontiers qu'elle reproduit une définition stoïcienne de \n liberté iCic. : Parad., 34 : « Quid est libertas ? potestas uiuendi ut uelis », et Epict. : Entr., 4. 1, 1 : 0 'KÀïjOepôi; tTT'.v 6 Çwv w; [io-jÀstoc. »). Reliqum, en trois syllabes : Virgile, Horace, Ovide s'abstiennent d'employer le mot, que Cicéron prononçait encore reli- CUUU1, en quatre syllabes brèves ; c'est chez Perse qu'il apparaît pour la première fois dans l'hexamètre, ici et 6, 68. « Licet » illud et « ut uolo » toile : « sup- prime ce il est loisible et ce comme je veux », c'est à-dire : les deux affirmations sur lesquelles repose la mineure. Pour le tour, cf. 1, 49 : « Euge » luum et <> belle ».

88-90. L'homme qui a formulé le syllo- gisme demande comment on peut soutenir qu'il ne lui est pas permis do vivre à sa guise.

88 « Après que, par l'effet du coup de baguette (cf supra la note des v. 75-76), je me suis retiré de devant le préteur (cf. ■même noie) n'ayant plus d'autre maiire que moi-même. » Vindicta est un abl. d'instrument. Meus ■= mei iuris : « ne dépendant que de moi » : cf. Ter. : P/ioj7ijj'o/i, 587 : « nam ego meorum solus sum meus » ; même emploi de suas chez Plante (Persa. 472) et de tuus chez Sèn. {Epist., 20, 1).

89 Constr. : « Cur (id) quodcumque uoluntas iussit, non liceat mihi » Ius- sit : « a ordonné » et non pas : « m'a

ordonné » : cf. Juv., 6. 223 ; « Hoc uolo. sic inbeo. >i

90. Excepta, etc. : litt. : « excepté si un titre de loi dans les livres de Masurius a défendu quelque chose », c'est-à-dire : « excepté tout ce qui est défendu par les lois ». Notre homme n'a que la notion de la liberté civile, ainsi définie par les juris- consultes. (Inst., 1, 3, 1 ; Dig., .5, 5, 4) : « Facultas cius. quod cuique facerc libet. nisi quod ui aut iure prohibetur ». Ex- cepta si quid : cf. excepta quod chez Hor. : Episl., 1. 10, 50. Masurius Sabinus, jurisconsulte célèbre du temps de Tibère ; il mourut sous Néron 'voy. Gains 2, 218); il était l'auteur d'un traité de droit civil en trois livres ; ses disciples, rivaux de ceux de Sempronius Proculus qu'on appe- lait Proculiani, prirent le nom de Sabi- niani. Rubrica, le titre, le premier mot de chaque loi, ainsi nommé parce qu'il était écrit eu rouge. Vetnuit, au lieu de uetuit. forme tout à fait insolite ; qu'on ne retrouve que chez Servius cl dans le Pas- teur d'Hermas (cf. explicui et explicaui) ; était-ce une forme vulgaire que Pei-se a mise à dessein dans la bouche de l'affran- chi qu'il fait parler '/ ou faut-il lire ici le futur uetabit (voyez NC, ?

91. Disce : est-ce le stoïcien du vers 8() qui reprend la parole ? C'est plutôt le poète, se faisant 1 interprète de la philo- sophie du Portique. Le sermon philoso- phique introduit par disce (cf. 3, 66 : dis- citc o miseri, et 73 : disce nec inuideas. elc.) se poursuit, sous une forme directe, jus- qu'au vers 131. Sed ira cadat, etc. :

13'i

A. PERSI FLACCI SAT\'RARVM LIBER

Dum ueleres auias tibi de pulmone reuello. Non praeloris erat slultis dare tenuia rcrum Onicia atciue usum rapidae peniiillere uitae; Saml)ucani cilius caloni aptaueris alto. Slat contra ratio et secretam ganit in aiireni,

95

NC. 92. ueteres auias pa : ueleres auIas P (par confusion de l'i et de l'I : cf. 6, 30 el l',i) ; uetercsse abias a ^d'où, dans certains niss récents : ueleres scabiesj. 93. erat P \'al. : eril a (correction inutile : voy. Comment.) . lenuia a : tenua P. 96. garrit P 2 (cf. Martial, 1, 8!), 1 ; 3, 28, 2 ; 5, 61, 3) : gannit f (préféré par un certain

litt. : « que do ton nez tombe la colère et la grimace qui ride, qui fronce (les na- rines) ». Sur les niouvenienls du nez comme signe de la colère, cf. 1, 109, el, sur sanna. ibid., 62

92. Litt : « pendant que je t'extirpe du Ijoumon les vieillis grand'mèi-es », c esl-à- dire : ■< pendant que j'extirpe de ton esprit les préjugés « : auias est peut-être plus qu'une métonj'mie pour fabcllas aniles : « les contes de bonnes femmes ». (Cic. : De Nat. deor., 3, 5, 12) : l'expres- -sion nous fait voir, en quelque sorte, les aïeules elles-mêmes présentes dans l'homme sous la forme des erreurs qu'elles ont dé- posées en lui (cf. 2, 31 : Ecce auia, etc. . Veteres fait un jeu de mots : «vieilles » et (( invétérées ». Pulnio n'est ici, je pense, qu'un sj-nonyme de praecordia ou de pcc/iis mis pour aiiimus icf. fibra, 1, 47 et 5, 29) : on peut se demander pourtant si le poumon n'pst pas indiqué ici comme ins- trument de la parole, les préjugés y étant, pour ainsi dire, eu réserve jusqu'au mo- ment où ils s expriment.

93-94. Xon praeloris erat : erat et non pas est : « 11 n'était pas au pouvoir du pré- teur (comme tu te 1 imaginais pendant qu'il présidait à ton afTranchissemcnt). » Slultis : au sens stoïcien de « ceux qui n'ont pas la sagesse » (el qui, n'aj'ant pas la sagesse, sont des fous, en vertu du paradoxe ràç i'cpowv jjLxtvSTXi) Tenuia rerum officia : officia rerum, ce sont les obligations morales dans les diverses cir- constances de la vie : elles étaient définies dans les moindres détails par l'éthique stoïcienne ; il y a loin des prohibitions formulées par la loi, qui. ne s'nppliquant qu'aux crimes et aux délits, ont, pour ainsi dire, quelque chose de gros, à ces pres- criptions pleines de nuances (tenuia : cf. Sén. : Fpist., 94, 3.") . « Tenues autem ditVerenlias liabent (piaecepta) quas exi-

gunt tcmpora, loca, personae »\ Tenuia, en trois syllabes, synizèse qu'on trouve chez \'irg. (déorg , l", .*Î97 ; 2, 121 ; 4. .38). - Fsii;» rapidae, ctc : litt. : « de remettre entre leurs mains 1 usage d'une vie ra- pide », c'est-à-dire : « de leur jiermetlre de bien employer une vie qui les entraîne dans sa course ». Le tour perniillere usum est à peu près l'équivalent de perniillere ut ntcrenlur. Rapidae : la pensée est- elle que le stultus, qui ne sait pas se con- duire lui-même, est emporté par le cou- rant de la vie, ou bien que la vie est comme une course iinpetueuse il faut conduire son attelage d une main sûre et il n'y a pas de place pour les mala- droits (cf. 3, 67-68)? La seconde inter- prétation me semble la bonne : ne faut-il pas que l'épithète jointe à uitae ait une valeur générale et que 1 application n'en soit pas restreinte aux stulti'/

95. Sanibucam cilius, etc. : « On aurait plus vite fait d'adopter une sambuque aux mains d'un grand goujat » : ent. : « on pourrait appi-endre à un homme grossier et maladroit l'art de bien jouer d un ins- trument de musique plus aisément que le préteur ne pourrait mettre le premier venu en possession de l'art de vivre lorsqu'il lui confère la liberté civile. » Pour le tour cilius aptaueris. cf. Cic : Phil.,2. 11, 25 : « Citius dixerim ». Sambucam : espèce de harpe à quatre cordes. Caloni : on appelait calones les esclaves des soldats ; c était des hommes à qui ou ne demandait que de la force (pour l'origine du mot, cf. I^aul Fest., p. 62, Mùller, 54 Lindsaj' : « Calones militum serui dieti, quia ligneas clauas gerebant, quae Graeci xâXa uo- cant »). Alto, apjjliqué à la taille, comme chez Virgile [En., 10, 737;.

96-131 Tout ce morceau repose sur l'idée, souvent exprimée par les stoïciens, que la jihilosophie est Vart aussi bien que

SATIRE V

133

Ne liceat facere id quod quis uiliauit agendo. Publica lex hominum naturaque continel hoc fas, Vt teneat uetitos inscitia debilis actus.

nombre d'éditeurs qui ont trouvé ganit indigne de la majesté de la raison : gannire, qui se dit proprement des aboiements d'un cbien. s'appliquait par métaphore à une personne en colère (Cat., 83, 4) ; et Lucrèce n'a-t-il pas écrit (3. 14): « Ratio lua coepit uocif'erari •> ? Mais je crois que la leçon gannil ne va pas du tout avec « secre- tam in aurem » : voj-. Connu.). 97. id quod P ; quod r. uitiauit P f : uitiahit {uiciabit) le correcteur du Laiircnl. 37, 19 et Florilcg. Paris. 7()47 ; mais le pf. gnomiquc (cf. supra, 61 et 2, 5), bien qu'il soit ici particulièrement dur et tout à fait inattendu, peut, à la rigueur, s'expliquer (voy. Comm.) : cf., pour d'autres cas douti-iix, N(]. au vers 90. 98. naturainque (au lieu de nuluraque) P (['ni a été à demi gratté par p).

la science de la vie. Or, lorsqu'on ignore Tart médical, on ne dira point : « Il m'est permis d'administrer de l'ellébore à ma guise » ; ou bien, lorstju'on ignore l'art de naviguer : « Il m'est permis de con- duire un navire à ma fantaisie » ; de même, lorsqu'on ignore l'art de vivre, on n'a pas le droit de dire : « II m'est permis de vivre comme je veux » ; et, par consé- quent, si la liberté est le droit de mener sa vie comme on le veut, on n'est pas libre.

96. Stat contra ratio : « La raison (per- sonnifiée) se dresse contre (c'est-î\-dire : proclame que le droit d'agir comme l'on veut ne s'acquiert pas ainsi. Secretani garrit in aurem : ent. : « te prend à l'écart et te parle à l'oreille » ; garrire n'est ])eut- être qu'un synonyme familier de loqui (cf. Cic. : Ad Alt.. 12, 1, 2 : « Cum corani sumus et garrimiis quicquid in buccam ») : « babiller » ou mieux, à cause de in au- rem : « marmotter » ; peut-être Perse, qui se préoccupe de conserver, même dans le sermon moral, la couleur satiriyue (cf 3, 53 et suiv. ; 4, 1 a-t-il voulu évoquer la raison sous laspect d'une vieille femme un peu babillarde. En tout cas. il s'est rappelé Horace (Sat., 2. 8, 77 78): « In lecto quoque uideres Stridere sccreta diui- sos aura susurres et (Episl., 1, 1, 7) : « Est mihi... qui personet aurem. »

97. Ne liceat facere : « pour défendj-e de faire » ; id quod quis uiliauit agendo . litt. : « ce que quelqu'un altère, gâte en agis- sant », c est-à-dire : « ce qu'on fait mal », Vitiauit est un pf. gnomique : « ce qu'un homme a toujours mal fait (s'il n'a- vait pas la compétence nécessaire) » : on attendrait uitiahit i voy. NC) : « ce qu'on fera mal ».

98. Puhlica lex hominum naturaque : " La loi commune des hommes et la na- ture », c'est-à-dire ; « La loi naturelle, connnune à tous les hommes. » A la loi civile (cf. V. 90 : Masuri rubrica). Perso oppose la loi par excellence, i-eine, disait Chrysippe,des choses divines et huuiaines vj|jlo; xvTtov i-jzl BaatAc'jç Oeiwv y.-xl àv0pw-'vojv Trp'jtvfJtiTwv). Cette loi était écrite dans la nature même. On trouve chez Sénèque les expressions cohi- nmne itis generis huiuani {Epist.. 48, 3); ius humanum (De benef., 3, 18, 2); lex na- turae {Vit beat,, 15, 5) ; naturalis le.v (De benef., 4, 17, 3). - Contmet hoc fas (cf. 1, 61) : « comporte, renferme celte règle morale » (litt. : » cette règle sacrée » ; la loi morale est, pour les stoïciens, la loi divine elle-même).

99 Teneat n'est pas synonyme de habeat au sens de « tienne pour ». Il faut entendre : a que l'ignorance iujpuissante s'abstienne des actes qui lui sont défendus », c'est-à- dire : « que l'ignorant s'abstienne de faire ce que son ignorance même lui interdit » : cf. Hor. : A. P.. 5 : « risum teneatis, amici '.' » Acliis : « actes », au sens de actio, acception rare, sauf dans la latinité postérieure. Les vers 98 et 99 no sont pas, aprè.s les deux précédents, une simple redite : il y a, de ratio à publica le.v homi- num naturaque, une sorte de gradation : i( Si nous raisonnons, nous comprenons que pour faire une chose, il faut savoir la faire ; que dis-je, si nous raisonnons ' il suffît d'être homme pour lire en soi la défense de faire ce qu on ignore. »

100 et suiv. Perse rend maintenant sen- sible par des exemples la règle qu'il vient de formuler.

i;u

A l'KHSl 1 LACCl SAIAHAUWM UmiW

Diluis cUeborum certo conpesccre puncto Nescius examen : uclat hoc nalura niedendi. Nauem si poscat sihi peronatus arator Luciferi ruclis, exclamât Melicerla périsse Krontem de rébus. Tibi recto uiuere talo

101)

XC. 100. dilluis au lieu de diluis) P. -■ 102. peronatus A-* 9 Ps. Acron (in Hor. Ki)isl., 2, 1, 114) : perornatus P ; perocinlus a. 103. exc'ainat P : exclamet x (ex cliiiiint peut èlie uno faute inécaaique, par suggestion de « poscat », mais il est également Tort possible qu'cxclainet soit nue correetion, puisque le subj. est ici le mode attendu). 104. rebi (au lieu de rébus) a (par suggestion anticipée de lihi). callo A et tallo B (au lieu de talo : corr. A^).

lOO-lOl . Diluis elleborum « Tu délaies de l'ellébore » pour dire : « Tu prépares un médicament. » (Sur l'emploi de l'ellé- bore dissous dans leau ou un autre li- quide, cf. Celsc, 3, 18, et Varron : R. r.. 3, IG, 14) Certo conpescere, etc. : « sans savoir arrêter à un point déterminé l'ai- guille du peson ». Il s'agit de la slateva (notre romaine], dans laquelle le poids se mouvait le long d'un fléau, d'un levier gradué d'où puncto). F"aut-il entendre : « ne sachant pas arrêter les oscillations de l'aiguille {c'est-à-dire : obtenir l'équilibre) en amenant le poids au point voulu ». autrement dit : « ne sachant même pas faire une pesée » ? ou bien : « ne sachant pas fixer l'équilibre à un point indiqué d'avance », autrement dit « ignorant la dose nécessaire » ? J'aime mieux la pre- mière interprétation : il faut, pour pondre au Luciferi rudis du vers 103, un trait d'ignorance grossière. Pour la construction de nescius av. l'inf. , voy. Riem. : Synt. lat., % 24(i, rem. 1, a)

101. Natura medendi signifie, à peu près, « les conditions sans lesquelles la médecine ne peut exister •■, autrement dit : « ce qui constitue la méJecine ». Ce uest guère qu'un équivalent de ors meden- di cf. Lucr., 1, 321 : nalura uidendi.

102. .Vaue/ii... poscat : eut. : « réclamait la direction d'un navire, demandait à être le commandant ou le pilote d'un navire. Peronatus : « chaussé du pero », sorte de botte. Le mot, dont on n'a pas d'autre exemple, est formé comme ocrea/us (Hor. : Sat.. 2, 3. 234 ; cf. aussi Perse, 4, 31 : farratus). On ne voit pas très bien 1 inié- rél de celte épithètc dans le passage : peut- être indique! elle qiic le laboureur n'est habitué à marcher que sur In lerie feiine.

avec de fortes chaussures qui le gêneront sur le navire.

103. Luciferi rudis « qui ignore l'éloile du matin », c'est-à-dire : « qui ne con- naît même pas la plus connue des étoiles » : on sait quels services la connaissance des constellations rendait aux navigateurs : mais elle n'était pas non plus inutile aux laboureurs (voy. par ex. Virg. : Géorg., 1, 204 et suiv.; : le trait n'est donc pas des plus heureux

103-104. Exclamât, etc. : « Mélicerte s'écrie que la pudeur a disparu de ce monde (puisqu'un pareil maladroit ose prendre le gouvernail d'un navire). » Mélicerte est pris ici comme type des dieux protecteurs des marins et de la navigation. Il était fils d'Ino. Sa mère s'était jetée dans les flots avec lui (voy. Ov. : Met.. 4. 512-542): ou l'apptlait encore Palaenion et Portumis. Exclamât, à lindic, bien que la conditionnelle soit au subj. potentiel : la principale prend ainsi un caractère à la fois plus aflirmatif et plus vivant (voy. Riem. : Synt. lat., i. 206 ; mais cf. NC ). Frontem : le front, considéré comme le siège de la pu- deur (cf. notre mot effronté), est mis ici pour la pudeur elle-même (Hor Epist.. 2. 1, 80 : « clament periisse pudo- rem Cuncli paene patres »). De rehus = de natura rerum. ex orbe terrarum cf. des expressions comme « dulcissime re- rum ». (Hor. : Sat., 1, 9, 4), « pulcherrime rerum » (Ov. : Met . 8, 49 .

104. Tibi recto, etc. : « L'art t'a-t-il donné de vivre ferme sur tes pieds (c'est- à-dii-e : sans faire de faux pas) ? » En d'autres termes : « Possèdes-tu lart de la vie c'est-à-dire : la pliilosophie ? » : cl". Sén. /-"/>r.'i(.. 1 17. 12; " Sapienlia... <i;\s

SAIlliK y

Ars dédit et ueris speciem dinoscere calles, Nequa subaerato mendosura tinniat auro ? Quaeque sequenda forent quacque euitanda uicissini nia prius creta, mox haec carbone notasti ?

135 105

NC. 105 ueris P n<>W a Priscien (Inat. gr.. 8, 14, 79 - Gr. L., 2, p. 433, 8 Keil) : texte douteux, les deux leçous s'expliquaiU bien l'une et l'autre, et le redoublement de Vs initial de speciem ayant pu se produire aussi bien que la chute de l's final de ueris au contact de « spécimen ». speciem P Priscien 1. 1.) : spécimen a Val. (leçon inadmissible : voy. Introd , p. xxv). 106. nequa subaerato x : nequas uberato P. oro (pour auro) x (corr. A-). 107. Quaeque euitanda P x : quaeque uitanda ^ (le vers étant faux avec cette leçon, la mesure a été rétablie dans un certain nombre de mss par des conjectures différentes: quaeque et uitanda ; et quae uitanda ; et quae fuyienda)- 108 notasti P V'al. Ps. Acron, ad Hor. Sat , 2, 3, 246 : notasse ^ (se. calles notasse : pour le mélangedes temi>s de l'inf., cf. 1, 41-43 ; 2, 66; 6, 5-6. et 16-17 : il est diflîcile de savoir laquelle des deux leçons est une conjecture ou plutôt une faute de lecture : cependant il serait bizarre que Perse eût. sans nécessilé métrique, substitué notasse à no/a;-f.

uitae » et supra, la note sur les vers 96- 131). Recto talc : proprement: « le talon restant droit «.c'est-à-dire; « sans tourner le pied » (cf. Hor. : Epist., 2 1, 176 : « recto stet fabula talo »). L'infinitif joue ici, après dare, le rôle d'un véritable com- plément direct (cf. Hor. : Sat., 2, 3. 191 «< Di tibi dent capta classem redducere Troia. »

105-106 : El ueris, etc. Constr, : " et calles dinoscere ueris speciem ne quâ (spe- cies) tinniat mendosum auro subaerato » : lit t. « et lu es habile à discerner du vrai la simple apparence, de manière à éviter qu'aucune apparence rende un mauvais sou (sonne faux) par un or qui recouvre du cuivre (c'est-à-dire : de manière à écarlei' ce qui n'a que des dehors trom- peurs) ». Nous reconnaissons ici la com- paraison, familière aux .stoïciens, du phi- losophe avec un essayeur d'argent, Xj-p- po-;vwtjL'jjv : cf fclpict. : Entr., 1, 20, 7 et 2, 3, 3). Dinoscere ueris ^= dinoscere a ueris, ueris étant à l'abl. (cf. Hor. Episl., 1. 15, 29 : « Non qui ciuem dinoscerel hoste » ,• ibid , 2, 2, 44 ; « curuo dinoscere lectum » : et, pour la pensée, Sat., 2, 3, 208 : « species alias ueris. •>). Si l'on admet l;i leçon ucri' speciem (voy. NC), il faut entendre : « reconnaître ce t[ui n'a que l'apparence du vrai. Calles, avec l'inf., il'ajjrès la construction des \erbes mar- quant pouvoir et capacité (voj'. Uicm. : Sgnt. lat , S; 182'. Siihaeratus, qu'on ne trouve pas ailleurs, traduit le grec Jirô- /a/.x'/;. Mendosum : cet ace neutre qualifie le son (cf. supra, 25 : soliduni

erepet) . lilt. : « ne rende un tintement qui trahisse une faute (/jie/u/d) de fabrication » ; cf. supra, 85 : mendose Tinnire est le mot propre pour indiquer le tintement du métal ; je crois que, dans le tour /rv/iki (species), species s'applique encore à la simple apparence dans l'ordre moi-al, tinniat mendosum ayant une valeur méta- phorique et subaerato auro (abl. de cause) étant mis pour ut ou sicut suhaeralo auro : mais on peut entendre également ne qua species (auri), c'est-à-dire : « de manière à éviter qu'aucune apparence d'or (autre- ment dit : ce qui a l'apparence d'une monnaie d'or) ne sonne faux, la couche d'or dissimulant du cuivre » (subaerato auro étant peut-être en ce cas un abl. absolu).

107-108. Constr. : « Notasti et quae forent sequenda et uicissim quae iforent) euitanda, prius illa creta, mox haec car- bone », c'est-à-dn-e : « As-tu marqué d'une part les choses auxquelles il faut s'attacher et de l'autre, à leur iour, les choses qu'il faut éviter, les prenn'ères, d'abord, à la craie, les autres, ensuite, au charbon "/ » Perse veut dire que celui-là seul sait vivre qui a la science des vrais biens et des vrais maux. Les expressions sequenda et euitanda répondent aux termes x'ipi-zi et oî'jy.Ta que les stoïciens appliquaient aux vertus et aux vices (cf. Son : Epist., 71,2: « quotiens quid fugiendum sit aut quid petendum »). Illa prius : « celles d'abord », {jarce que la position du bien moral comme fin de la \ ie était le principe fondamental de l'éthique stoïcienne. La

130

A. PEHSl FLACCl SATVRAHVM LIBEH

El, niodicus uoli, presse lare, dulcis amicis, lam nunc adstringas, iam nunc granaria laxes, Inque luto fixum possis transcendere nummum, Nec gluttu sorbere saliuani Mercurialem ?

110

NC Kty. El P : es i : la leçon d":*. qui détache le vers lOi) (Es nwdiciis uoli, presso lare, duhis amicis ?) esl plus satisfaisante pour le mouvement général du morceau : mais elle nous oblige, je crois, à admettre au vers suivant, pour éviter un passage trop dur de lindicatif au subj , la correction de M. Léo : ut strinqas. 110. adstringns P a ; aslrinfjas ou asstringas f : ut stringas Léo : correction très séduisante, puisque les vers 110-iri ne font que développer le vers 109 (voy. Comment.) et que Perse, ayant remplacé par le simple la.vare le composé relaxare plus usité en pareil cas (Cic. Ad Att., 10, 6, 2 : « paler enlm nimis indulgens, quidquid ego fc/s/n'n.rt, relaxai ») a bien pu substituer de même stringere à adstringere (comme ont t'ait après lui Val. FI. 5, 579, et Stace : Theb., 11,513 : « sonipes strictae contemplor habcnae ». Mais peut-être est-ce au vers précédent qu'il faut lire « ut modicus, etc. «.comme écrit Schevrel (cf. et sub- stitué à ut dans a, infra, 121. 111. transcendere P : transcedere a. - 112. Gluttu P : <llntto 3. ; (jlutQ Val. : texte incertain : mais, comme on ne trouve pas d'autie exemple de gluttu, il est fort possible que la leçon glutto vienne d'un leviseur

vertu, pour les stoïciens, était quelque chose de positif: « vivre conformément à la nature » ; le vice, étant la violation de cette loi, se définissait après la vertu et par rapport à elle. La formule d'Horace Epist., 1, 1, 41) = « \'irtus est uitium t'ugere » n'est pas stoïcienne. Sur le blanc et le noir comme signes sj'mboliques du bien et du mal, cf. 1, 110 : 2, 1 ; 4, 13 ; mais d'ailleurs nous avons ici un sou- venir d'Horace (Sat , 2, 3, 246) : « sani ut cretu an carbone notati ».

109-112. Et est explicatif : entendez: « Et de la sorte Cc'est-:i-dire aj-ant cette con- naissance théoricjue de la vertu) serais-tu capable, étant modéré dans les vœux, mo- deste dans ton train de maison, bon pour tes amis, de te montrer économe et, quand il le faut, généreux et de passer à côté d'un écu sans le convoiter '■' » La substi- tution du potentiel (adslringtis, laxes pos- sis) à l'indicatif (ars dédit, calles. notasti) s'explique ])arce que, tout à l'heure. Perse demandait au stultus s'il possède, en fait, la science de la vertu, et qu'il s'agit maintenant de savoir .l'il pourrait, à l'occasion, pratiquer le bien. D'autre part, dans les vers 110-112, le poète in- dique simplement des traits par lesquels se manifesteraient, le cas échéant, les vertus énuniérées an vers 109 : à pressa lare répond adstringas (granaria), à dulcis amicis. granarialaxes,îi modicus uoti.pos is transcendere nnmniuiii. \'oy. NC, pour la variante es modicus etc.

109. Modicus uoti : cf. supra, 75 stériles iicri, et la note (Vell. Pat. avait dit. 1, 12, 4 : « modicus uiriuni »). Presso lare : abj. de qualité juxtaposé à deux adj (cf. 1, 15 ; 3, 98) Pressus au sens de « res- treint » par conséquent « modeste » (cf. notre métaphore familière « c'est un homme serré »). Lare: le dieu du foyer est ici le symbole du ménage, du train de maison (res familiaris). Dulcis : le mol était consacre lors([u'on parlait de l'amitié (cf. supra. 23. Cic. DeAm ,24 90: «...eos amicos qui dulces uideantur » : Hor. : Sat., 1, 3, 09-70 : amicus duhis ; ibid.. 139-140: dulcis .. amici. Mais le tour dulcis amicis. « bon pour tes amis », était peut-être nou- veau.

110. « Serais-tu homme tantôt à tenir tes greniers bien serrés, tantôt à les ouvrir largement. » Laxarc (litt. : « desserrer, détendre ») fait directement antithèse à adstringere. Cette double métaphore, qui semble tirée des rênes qu'un cocher lient plus ou moins serrées était usuelle; mais, en général, c'était le composé relaxare qu'on opposait à adstringere (cî. Cic, cité NC. et Sén., Epist . 94, 23 : « Puta enim anariliam rehixatam, puta adstrictam esse luxuriam ») : Perse a mêlé ici un souvenir de Virgile [En., 2. 259) : « laxat claustra Sinon ».

111-112. Lesenfants s'amusaient à clouer entre les pavés un as de plomb pour attraper les passants qui faisaient de vains elfnris pour le ramasser, pendant que les

SATIRK V

137

« Haec mea sunt, leneo » cum uere dixeris, esto Liberque ac sapiens praetoribus ac loue dexlro. Sin lu, cum iueris nostrae paulo ante l'arinae,

115

qui aura voulu corriger un barbarisme : gluito, en effet, existait, qu'on y voie le nomiiialir de gliitto, ou glulo, onis 'Anlhol. lai. : 2, p. 40G : « Crédit ghiloncm se rusti- cus inde uocari » : cf. Fest. s. u. Ingluuies, p. 80, 5 Millier, 99, 21 Lindsay)« glouton », mol l'orme comme liirco, coniedo, iiiando, etc., et que nous rendrions ici, à côté de iorbere, par « gloutonnement », soit qu on en fasse l'abl. de gliitliis, i, équivalent du grec âpOY/oc « déglutition » (voy. glossaire Philoxénien, tome 2, 34, 3(5 des Glons. lai de Loewe et Goetz), ce qui donnerait à peu près le même sens que glutlit. 115. noslro (au lieu de noslrae) 7t, par suggestion de dextro (corr. A^).

jeunes mj-stificateurs criaient « Etiam » (c'est-à-dire : « Encore ! »^ : cf. scol sur ce passage. In... hito: « dans la boue » ; rien ne peut dégoûter Tavare. Horace avait lit simplement in triiiiis. (Epist , 1, 16, ()3-64 : « ... auarus, In triuiis fixant cum se demittit ob ossem. Transcendere, " franchir » au sens de practcrire. « passer' à côté sans s'arrêter ». Aee. . sorbere : eut.' « et (possis* non sorbere, etc. », c'est- à-dire : « et serais-lu capable (alors) de ne pas avaler d'un coup de gosier une salive digne de Mercure (dieu du gain) ». On connaît la locution nwuere saliuam aliciii (cf. Sén. : Epist., 79, 7 : « Aut ego le non noui, aut Aetna tibi saliuan» mouet »). Perse renchérit sur mouere : la convoitise de l'avare lui fait si bien venir l'eau à la bouche qu'il est obligé d'avaler sa salive. A cette salive, le poète donne l'épithète de mercurialem, parce que Mer- cure était le dieu du gain (cf. le surnom de Mercurialis donné au Daniasippe d'Horace. Sat., 2, 3, 25, et le titre de Mercuriales sous lequel les négociants de Rome étaient réunis en corporation : cf. Liv.. 2. 27. 5\ Cic. : Ad Q. fr., 2, 5). Si la leçon gluttu est la bonne 'cf. NC.\ ce mot est l'équivalent de ghililus, subst. \erbal inusité du verbe ghitirc (ou glut- lire) : « avaler ». Perse veut indiquer, je pense, que l'avare avale sa salive avec bruit.

113 Haec mea sunt, leneo: « Ces biens sont à moi ; j'en suis le maître » : termes juridiques ; le premier est la formule par laquelle on affirmait solennellement son droit de propriété : Virgile lavait déjà introduite dans un vers iBuc, 9, 4 : « Haec mea sunt : ueteres migrate colo- ni ») et les jurisconsultes employaient le second comme synonyme de possidere Icf. la formule : « Quod tu meum babes,

tenes, possides ») : il indique donc la pro- priété de fait ou possession, et l'on pour- rait traduire ! « Ces biens sont à moi en droit et en fait. » Mais, en même temps, teneo contient un jeu de mots, puisc|ue ce verbe signifiait aussi « savoir » (cf. nos locutions : « posséder une matière, être maître d'une matière »). Cum uere dixeris : « lorsque tu auras pu dire sans mentir » ; pour la place de cum... dixeris, cf. 3, 42 et 90.

113-114. Eslo liberque ac sapiens : l'im- pér. futur es/0 convient parfaitement après le fut ant. dixeris : « Sois alors », c'est-à- dire : « Je reconnais que, alors tu seras, etc. » Liberque ac sapiens et liber et sapiens : « à la fois libre et sage » (nul n'étant libre s'il n'est sage, en vertu du paradoxe Môvoc ô aocpô; iXî'jOîpoç) Praetoribus ac loue dexlro ^= praetoribus dextris, etc., « par la protection des pré- teurs (cf. supra, 88 et 1)3 et de Jupiter », c'est à-dire : « Tu n'auras pas seulement la liberté civile, mais la liberté morale, celle que reconnaît la raison universelle » : loue dextro (cî. 2, 11-12 : dextro Hercule) est une sorte de jeu de mots 1 expression fait allusion à l'épithète de Liherator don-^ée à Jupiter prolecteur de; la liberlé (cf. Tac : Ann., 15, 04 et 16, 35 : Pind. : Olymp., 12,1 : Zy,vô; 'EXs'jOîoio'j) ; mais elle s'applique en même temps au Jupiter des sto'iciens, dieu suprême, âme et raison souveraine du monde.

115 « Si au contraire, alors que tu étais, un instant avant, de la même farine que nous », c'est-à-dire « Si au contraire, toi qui, avant d'être affranchi, n'étais comme nous tous qu'un homme dépourvu de sa- gesse, un slultus » 11 semble que l'emploi figuré du mot farina pour dire genus fût une manière de parler populaire, tirée, je pense, de la différence de qualité entre les

lus

A. IMK-1 FI.ACCI SAINHAIUM LIliKU

PellicLilam uelerem rétines et fronte politus Aslutam uapido semas in pectore uolpem, Quae dederam supra relego funenique reduco Nil tibi concessit ratio : digitum exere, peccas,

NC. 116. pohtus P : politas a : polita A^ -f (correction de la leçon erronée de a, mais il' , 1, 23. le tour cute perditus). 117. semas a : scruans P (cf. 3, 94) ; :'/i pectore P x : siib pectore z (voy Introd., p. xxxn) ; uoljxtn P : uiilpeni a ; mais l'cpel iio s'est main- lenu jusque sous les Flaviens (Havet : Crit. uerb., p. 215, n" 914). 118. relego P i : repelo f (glose substiluoe : voy. Introd., p. xxxi). jinenuiue (au lieu de funuiique) z.

farines eniplo\'ées par les boulangeis (cf. le trait de Cassius de Parme contre Auguste, rapporte par Suét., Aiig., 4: « Ma- terna libi farina ex crudissimo Ariciae pislrino » et la locution, qui a traversé le moyeu âge: « eiusdem furfuris eiusdemque fariiiae »i. Nous dirions : « Tu n'étais pas fait d'une autre pâle que nous »

110. Pelliculam ucterem rétines : « si lu gardes (après Ion alYranchissenienl) ton ancienne peau, si tu ne fais pas peau neuve (mais si tu demeures, ainsi que lu l'étais et que nous le sommes, un stultus). Perse s'est-il rappelé le proverbe : è/,£'-;

que les Grecs appliquaient aux nouveaux affranchis (voy Plat. : Alcih. I, p. 120 B., avec la scolie d'Oljnipiodore ? Songe-t-il aux serpents qui font peau neuve ? Mais il existait peut-être un pro\erbe sur l'an- tilope (ou l'Ethiopien) et la panthère, qui conservent toujours la couleur particulière de leur robe ou de leur peau (le scoliaste dit en effet « Traclum est ab anlhiopc (antilope ? Aethiope ?! quae (qui .') non inulal pellem suani, nec pardus uarielatem suani, sed in qua pelle nalus est, in ea morilur. »

ll(j-117. Et fronte politus, etc. : <■ et si, brillant par le dehors, tu conserves dans ton cœur gâté un renard fourbe m, c'est-à- dire : « si. en dépit du beau titre de citoyen libre dont tu te pares, lu restes au dedans Ihonime fourbe et vicieux que tu étais jus- (ju'ici )>. On a voulu voir une contra- diction entre pelliculam uelerem rétines et fronte politus : comment Perse peut-il reprocher à son interlocuteur tout à la fois de ne pas changer de peau et de revêtir un extérieur brillant sous lequel ses vices se dissimulent? Mais d abord, on peut garder la même peau et changer de vi- sage : or. s'il psl bien vrai que froiis veut dire ici « le dehors » (cf. Phèdre, 4, 2, 5-6;

Sén. : Consol. à Helu.. 5.6 . le mol, même en pareil cas, conserve quehjue chose de sa valeur première cf. Cic. : Ad fainil., 1, 9. 17 : fronte atque uultu) ; ensuite. Perse, dans le présent passage, n'altache pas à pellicula l'idée d'apparence extérieure ; il entend par ce mol ce qui es! le propre de l'individu : on connaît la locution prover- biale continere se intra pelliculam suam (Porphyrion : In Hor. Sat., 1, 6, 22 : cf. Martial 3, 16, 6 et pellicui. uet. rclines pourrait se rendre par « tu ne dépouilles pas le vieil homme ». 11 peut donc, sans incohérence, représenter ensuite ce " vieil homme m par un renard logé, pour ainsi dire, dans l'jîme. Cet animal était, depuis longtemps, le symbole de la perfidie et de la mécliancclé (cf. Archiloque : Fragni. 89 Bergk ; Arist. : Paix, 1067 . Cheual., 1069; Epict.. 1, 3, 7 : « 01 -/.îIoj; o't.ulwv àXtÔTtEXEî... Ti '[ip saT'.v à'XXo Xotoopoî ■/.a; /.axor^OrjçàvOpwTîo; T^ à)a'j-T,^ ; ») Vapido : « gâté », métaphore tirée d'un vin éventé, uappa (cf. supra, 77).

118 « Je relire ce que je t'avais donné tout à l'heure (lorsque Perse a dit, aux vers 113-114 : eslo liberque ac sapiens) et je ramène la corde ». Belegere, qui se dit bien de ce qu'on reprend partie par partie, un chemin, des traces, un fil, qu'on pelo- tonne après l'avoir déroulé (Ov. : Met., 8, 173 ; filo... releclo) prépare la métaphore funem reduco : celle ci, je pense, puis(iu'il s'agit, dans luul ce passage, de la liberté, est tirée d'une longe ou d'une laisse qu'on lâche ou qu'on tient serrée, selon qu'on veut accorder à l'animal une certaine liberté de mouvements ou. au contraire, l'empêcher de s'ébattre (chez Horace, Sat., 2. 7, 20, et Epist., 1. 10. 48, il n'est pas nécessaire d'assigner n la corde un usage déterminé).

119. Nil tibi concessit ratio : ces mois expli(|tioiil pouiquoi Perse reprend si's

SATIKK \'

El quid IcUii piiruum est ? setl nullo ture lilabis, Haereat in slultis br»îuis ut senuincia recti. Htiec niiscere neFas, nec, cum sis cetera fossor, Tris tantum ad numéros satyri moueare Bathylli

120

N'C. 121. III stnliis AB- : insiiltis PB (par anasyllubisnic : cf supra. JiG) : et seiiiunlial (uu lieu de al seinuiuia) a. 123. tris F a : trcx ou treis ç. - ad intiiieros p y. : ad

ntniiero V (faute amenée par le coiilact des deux .s). saljiri healilli (balilli p -=■ Bathylli) I' : satyruin Inithyllo a ; satiri batilh Val. Ps. Acroii (in Hor. : Episl., 2, 2. 125) : la leçon primitive était vraisei'nblablemcnt salyrum Bathylli A* : l'expression n'a pas été comprise ; mais la correclioii a perlé, dans une des deux recensions, sur satyruin, remplacé par satyri qui donnait un sens facile à saisir ; dans l'autre, sur Bathylli, remplacé par Bathyllo, qui signifiait, je pense, dans l'esprit du cori-ecteur :■ « pour Bathylle, sous la direction de Bathylle ».

dons : c'est la raison elle-même qui refuse le titre d'hommes libres et sages à tous ceux qui démentent esclaves de leurs pas- sions.

119-121. L*h(jnime qui n'a pas la liberté morale ne saurait avoir la sagesse ; or, chez ceux qui n ont pas la sagesse, chez les stulti, il ne saurait y avoir, aux yeux des stoïciens, le plus petit grain de vertu (semitncia recti : lilt. : la moitié d'une once de bien moral) C'est que, dans leur doctrine, le bien et le mal moral ont un caractère absolu : tout ce que l'homme fait est bien fait s'il a la sagesse, mal fait s il ne l'a point. (Plut. : De and. poet.. p. 25) : Mr^zt Ti csctOXov àpîxïi Tipoaelvat [xr^'^t xa/.îa yP'TjJtÔv (àj'.oùatv ol azLoiy.oi). aÀAx TTxvxojç [jLsv £v Tiaaiv a[Jt.apT(oAov îTva'. tÔv àjjLxO'i^, irspl Tràvxa o'œj xaxop- (jo'jv TÔvaa-îIov), nièmeracle en lui-même le plus insignifiant (et quid tant paruuin est .■^), comme de tendre le doigt (l'exemple était classique cf. Epict. : Fragm., 53 Schweigh. = 15 Schenkl : « *iXojocpta cpr|tT'.v ozi o'jÔÈ tÔv oixxuXov èxTcfvsiv tV/.r^ TTpoarî/.ct). En effet, au point de vue moral ils n'admettent pas de milieu entre le bien et le mal (Diog. L., 7, 127 : ijLT|8kv jjL£(Tov E^ai àp£XT|Ç xat xaxîai;). Les choses indifférentes ne sont telles que prises en elles mêmes : c'est une matière dont nous pouvons faire un bou ou un mauvais usage.

119. Exe.re signifie proprement : « tirer hors (d'une enveloppe quelconque) », d'où « mettre à découvert, montrer ». Perse avait sans doute dans l'esprit le grec ixxeîveiv et il aura voulu rendre la force de îx ; mais, d'ailleurs, on exjirimait d'or- dinaire la même idée par les verbes pio-

ferre (Cic. : jPro Caec, 25, 71) et porriyere (Pe fin., 3,17, 57). Peccas : cf. 2, 68, et la note.

120. Et . « Et pourtant ». Tarn par- uuni est, se quain diyilum exerere. Litabis : cf. 2, 75 et la note : mais ici li- tare contient l'idée d'obtenir, par le sacri- fice agréable offert à la divinité, l'objet de la prière : dès lors, il est suivi de ut, par analogie avec impetrare ; pour la force négative du tour ;uj//o turc, cf. 1, 58 et 123.

121. Haereat in : « s'attache à... » (cf. Hor. :Sat., 1, 3, 77 : « stultis haerentia »): le bien ne peut, pour ainsi dire, se fixer dans la personnalité de l'homme qui n'a pas la sagesse ; nous dirions qu'il ne peut s'y agréger. Il y a incompatibilité (Haec inisccrc nefas). - Brenis... semumia : la moitié de l'once faisait la 24« partie de l'as ; breuis = exigua fcf. Hor. : Sat. : 2, 2, 37 : « breue pondus ») Recti = xoû opOou, « de ce qui est conforme à la règle, de ce qui est moralement droit >> : cf. 1, 48 et 4, 11.

122. Haec se. rectum et stultilium. Nefas (est): « il est contraire à la loi natu- relle » (cf. 2, 73, la not<; sur l'ii.s fas- que).

122 123. Nec, cum sis, etc. 1! y a ici une comparaison : un homme qui n'a pas la sagesse est aussi peu capable de la moin- dre action bonne qu'un lourdaud d'exécu- ter trois pas de danse Cum sis cetera fossor : « alors que tu ne serais d'ailleurs qu un terrassier, si tu n'étais d'ailleurs qu'un terrassier » : fossor est pris ici pour le type de l'homme lourd et sans grâce, comme chez Hor. (Od., 3. 18, 15 16) : « Gaudel inuisam pepulisse fossor Ter pedc

140

A FKRSl FLACCl SAT\'RARVM LIBER

« Liber ego. » Vnde datum hoc sumis, tôt subdite rébus ? An dominura ignoras nisi quem uindicta relaxai ? 125

« I puer et strigiles Crispini ad balnea defer », Si increpuit, « cessas, nugator ? » seruitium acre

XC 124. sumis P : sentis x (voy. Introd., p. xxv\ 127. nugator P: nugutœr n : " (0 peut représenter ce { - a) suscril connue correciion de ji, plus 1' o. H semble avoir nugat cor » (Havet : Crit. verb., p. 348, u" 1411).

lerram. » Tris tantuiii, etc. : « Tu no saurais danser trois mesures seulement de Bathylle satyre (c'est-à-dire de Ralhylle mimant le satj-re, de la danse du satyre telle que Bathylle l'exécute) » : moueri ad numéros -- mouere corpus (ou meinbra^ ad numéros, « exécuter des niouvemenls con- formes à un rythme musical » . cf. Sén.De tranq. an-, 17, 4: « Scipio Iriumphale illud ac militare corpus mouit ad numéros » et Tib , 1, 7, 38 : « Mouit et ad cerlos nescia membra modos. » Bathylle, mime célèbre du temps d'Auguste fSén. le P. : Contr. 3, praef . 10 ; Phèdre, 5, 7, 5 : Juv., 6, 63), transforma la danse dans la comédie comme Pylade la transforma dans la tra- gédie. Le satj-re dansant était un motif fréquent du ballet pantomime (cf. Plut. : Sgmp., 7, 8, 3 : ilx-jpou ffjv à'otoTt y.wiJLi'^ovTOî 'jTzôpy^rjixx. Sil'on admet la leçon très séduisante safyrum... Bathylli (voj'. NC), moueri est un passif moyen construit comme chez Horace iEpist., 2, 2, 125): ■• Nunc satyrum, nuncagrestem Cyclopa mouctur »), avec la valeur de saltare (Ov. Ars am . , 1, 501 : « aliquam mimo saltante puellam ») ; le sens est alors : « Tu ne serais pas capable de danser pendant trois mesures seulement le satyre de Bnthylle (c'est-à-dire : la danse du satjre telle que Balh. l'a réglée).

124. Liber ego sum) : « Tu dis : Je suis libre » : il est inutile de supposer que Perse rend réellement la parole à sou interlocuteur pour lui faire prononcer ces deux mots. Vnde datum hoc sumis : litl : « Tu poses, cette affirmation donnée d'où ? » c'est-à-dire : « sur quel principe fondes-tu celte affirmation ? » Les mots dare et sumcre étaient usités l'un et l'autre dans le langage philosophique, le pre- mier avec le sens d'accorder », le second ( = /.a;ji^àvî;v avec le sens de « poser, affirmer » Tôt subdite rébus : constr. : subdile toi rehus : « toi, asservi à tant de choses ».

125 .4/1 ; voy. supra, 83 et la noie. Dominum ignoras, etc. : nous disons : « ne connais-tu d'autre maître que celui, etc. ». Quem uindicta relaxât : tour concis pour cuius imperium uindicta relaxât. Pour le sens de uindicta, cf. supra, vers 88 et 75, et. pour la valeur de la métaphore relaxare, 110 {laxarc) et 118 (funem i e- duco).

126-127. Ent. : « Si (is dominus quem uindicta relaxât) increpuit : 1 puer, nie. », c'est-à-dire : « Si celui qui était Ion maî- tre avant ton affranchissement dit en grondant « Va, garçon, etc " Puer . l'emploi de ce mot lorsqu'on s'adresse à un esclave est bien connu ; l'expression I puer est, du reste, un emprunt littéral à Horace (Saf., 1, 10, 92). Et strigiles. Le maître, qui va se baigner dans les thermes de Crispinus. y fait j^orter par son esclave ses strigiles : le strigile était, on le sait, une sorte détrille de métal ou de corne qui servait à racler la peau lorsque, après le bain, on l'avait enduite d'huile. Les thermes de Crispinus ne sont pas autrement connus. Cessas nugator : " Eh bien ! fainéant, tu ne bouges pas ? d (Cf. Ter. : Eun. 753 : « oliosa cessas ''»);, nugator, c'est proprement un diseur de rien, un homme qui perd son lemps à des riens II me paraît tout à fait naturel de donner au maître les mots cessas nugator: cette apostrophe un peu rudejustifie l'em- ploi de increpuit et amène bien l'épithète acre jointe ensuite à seruitium. Ceitains éditeurs ponctuent cependant : « / puer... defer ». si" increpuit, cessas nugator, serui- tium acre, etc., et entendent : « le maître a beau gronder, tu peu.v faire le paresseux, car de tels ordres ne touctient plus, puis- que tu es affranchi. » On peut invoquer, en faveur de cette ponctuation, un vers de Lucilius (1002 Marx), il semble être question d'un affranchi qui feint de ne pas reconnaître son niailre (<• quam (quom Marx) me hoc tcinpore, nugator, cogno-

SATIRE V

141

Te iiihil inpellil uec quicquiiiu exlriubecus iuUal Quod neruos agitet ; sed si intus et in iecore aegro Nascunlur doniini, qui tu inpunitior exis 130

Atquc hic, quem ad slrigiles scutica et motus egit erilis ?

Mane piger sterlis. « Surge, inquit Auaritia, heia Surge » Surge. » Negas. Instat : « Surge », inquit. « Non queo. »

XC 128. nec quictjuain P : nequicquain a. 129. j/i iecore 3. : in peciore P (glose substituée en dépit du inèlrc : cf Introd., p. xxvi). 130. qui y Val. : quin P. ; qiiid % : \oy. Inlrod., p. xxvri el xxix lu omis a (ajouté A*) exsis P. 131. strigiles -^ : strinqilix P ; strigilis a. scutica f : scgtice P ; scutit a scutita A-.

scere non uisi mais le rapprochement n'est pas, non plus, contraire à l'autre interprétation.

128-130. 7V nihil inpellil : « ne te met pas le moins du monde en mouvement » ; le mot inpcllero un peu vague, est pré- cisé par l'image suivante, tirée des marion- nettes dont on fait mouvoir les flis(ner(io.s ; cf. Hor. : Snt., 2, 7, 81-82 : « Tu mihi qui impcritas, alii seruis miser atque Du- ceris ut nerais alienis mobile lignum » ; Plat. : Loi.s, p fi44 E ; xMarc-Aur., 7, 3 ; 10, 38, etc.). Sec quicquani, etc. : « et rien ne pénè're du dehors » . l'expression indique que rien ne vient du dehors faire mouvoir les ressorts moraux, autrement dit la volonté, du personnage ; mais, s'il a au dedans de lui (intus) des maîtres, en d'autres termes, s'il est asservi à des passions, il n'est pas libre. - Iecore : le mot n'est ici qu'un équivalent poétique de cor (cf. Hor. Epist., 1. 18, 72 ; Od.,], 13. 4): le cœur, en effet, était aux yeux des stoïciens le siège de la vie morale comme de la vie intellectuelle, réunies l'une et l'autredanslu partie maîtresse de l'homme [XO 7|Y£|ji.ov'.y,ôv). Pour la forme iecore, cf. 1. 25. Nascuntur domini : Horace avait, dans la satire 7 du 1. 2. appliqué deux fois v. 66 et 93) le nom. de donnnus à la passion.

130-131. Qui tu inpunitior, etc. « en quoi te tires-tu d'aff .ire plus impunément que cet homme », c'est-à-dire : « com- ment peux-tu dire que tu n'obéis pas comme lui à la tyrannie d'un maître ? » Pour le tour qui inpunitior cf Hor. (Sat , 2, 7, 105) : « Qui tu inpunitior illa... captas ? " ; exis : cf. Vell. Paterc. 2, 82 : « quia uiuus exierat ». Atque = quam, comme chez Horace (Epod., 15, 5) : « Arlius atque hedera... adstringitur ilex»: voy. Riem : Synt. lat.. § 279, h note.

131. Qucnt ad strigiles, etc. : ceci rap- pelle l'ordre formulé au vers 126. ~ Scu- tica fouet à laniérede cuir, dont les coups, dans l'échelle des peines, se plaçaient entre ceux de la ferula et ceux du jlagel- lum. Metus .. erilis metus domini :

erilis a donc ici la valeur d'un gén. « de roi)jc« ». tandis que chez Plante (Rud. 198 : « erile scelus ») et Horace (Sat.. 2, 7, 60 : « peccati conjcia erilis •)■ cet adj. remplace le gén. « du sujet ■>.

y. 132-160. Perse doime un premier exemple de cette tyrannie des passions dont il vient de parler. Il nous montre un homme que se disputent deux de ces maîtres intérieurs : la Cupidité (/l«a/-iiia=: c^tAOTiXo'Jxta) et le Goût du Plaisir (Luxu- ria ~ o'.Xr,oovto(), c'est-à-dire deux for- mes d'une même passion générique, la Concupiscence (Libido = ènO'jar'a Ces plaidojers parallèles entre abstrac- tions personniliées dont on peut donner pour tj'pes l'y.'.'ôr/ du Juste et de l'Injuste dans les Nuées d'Aristophane et le mj'the d'Hérahlès entre le Vice et la Vertu, que Xénophon, dans ses Mémorables (2, 1, 21), emprunte à Prodicos, n'étaient pas seule- ment un procédé familier aux poètes de la comédie ancienne et aux sophistes : les stoïciens en usèrent à 1 occasion : Galien (De Hippocr. et Plat, placit.. 5, fi) nous a conservé des vers Cléanthe met aux prises la Réflexion (XoY'-Juô.;) et la Colère

132. Piger : ladj. a ici une valeur adverbiale paresseusement ■). Stertis: cf. 3, 3 et 58 Surge ." « Debout ! » Heia ou eia : sert à exhorter ou à encourager ; Horace (Sat., 1, 1, 18) avait déjà placé le mot à la fin d'un vers .

133. Negas. Instat : « Tu dis non (c'est- à-dire tu refuses). Elle insiste.

U'J

l'KHSI FI-ACCI SAT\'HAHVM LIBKK

« Et quid agam « Rogas ? en saperdas aduehe Ponto, Castoreura, stuppas, hebenum, tus, lubrica Coa ; 135

Toile recens primus piper ec sitiente c imello ;

NC. 134. El quid P a (cf. 3, 65) : en quid f ; Ecqiiid Guj'el. royas en naperdas P a : celle leçon, qui semble si' heurler à une impossibilité métrique, a été corrigée dans bon nombre de mss, mais de manières diverses : rngal en saperdas (rogal en asperas Val.). roi/ilas en saperdam, rogilas en saperdas uehe, en coç/itas saperdas, rogilas saperdas. On lit dans les scolics : « Excilalus tandem surgit. Cuius uox est ad cxcilanleni « El quid a^ani? » Respondet : ■< Rogal », i. e. : dicit quid agam 135 lubrica P A- : rubrica ot.

136, ec siliente Conington : cette leçon ressort du rapprochement de et sitiente

P a avec la scolie suivante : « nuper de camelo dcposilum » ; [jour la confusion de ec el de et, cf. 3,20 : el fiais P a et 1, fiS : etfundat Bob. Un florilège (le ms. n" 194 de la bibl. capilulaire de (Pologne) donne esitiente. On pourrait tirer un sens, el même deux, de la leçon el sitienle : 1" Prends le poivre le premier cl quand le chameau a encore soif ;en conslr. primus et sitiente camello), c'est-à-dire sans laisser au chameau qui vient de traverser le désert letemps de boire 2" Prends le poivre le premier, même le^ =: etiam) quand le chameau a encore soif (construction moins satisfaisante). Mais l'existence de la faute et fiais (3, 20) à la fois dans P et dans a et la scolie ci-dessus, faite sans doute sur une recension aujourd'hui perdue, puisque la plupart de nos mss donnent, avec P et a. et sitiente, rendent le texte ec (ou e ou ex) sitiente extrèmemeul probable. camello P a : ramelo p f .

134. El quid aqani : agam est au subj. |)ri sent, non à l'indic. fut. : « Et que lerais-je ? », c'esl-à-dirc : « que pourrais- je faire ? » Nous dirions : « Et pour quoi faire ? » Rôgùs : si le texte n'est pas altéré, il faut admettre que Perse abrège ici la finale en as pour imiter, dans ce dialogue familier, la prosodie des vieux comiques (rôgâs étant un mot ïambique) el peut-être la pi-ononcialion vulgaire. .Mais je ne sais s'il ne faut pas, tout en laissant le mot à l'Avarice, lire rognt 1 « Il le demande ! >< cf la scolie citée auxN(^). Par malheur, les exemples me font défaut pour confirmer l'existence, en latin, de ce tour très français . En : « eh bien ! » : cf. 3, 5. Saperdas : les coracins (oraTTÉGcr,; ou y.occty.'vô; : cf Athénée, 3,

■p. 118 B ; 7. p. 308 E), poissons de la mer Noire, el particulièrement du Palus- Méotide, que l'on conservait dans la saumure fcf. Lucil , 54 Marx : Occidunt, Lupe, Saperdae te et iura siluri ») Àduehe, appliqué, comme il arrive fréquem- ment, à un transport par mer. l'onlo : abl. d'origine = e.r Ponto.

135. Castorenm : sorte de musc employé comme narcotique (voy Celse, 3, 20 et 6, 7,8). Le i)lus estimé était celui du Pont (cf. Virg. : Géorg., 1, 58-59: « itiii.. iiirosa. . Pontus Castorea. ») —Stuppas :

« le lin brul » : cf. Festus (p. 317 Mùller, 418. 18 Lindsay) : « Sluppam linum itn- politum appellant Graeci. » L'ébène ve- nait de l'Inde, l'encens de l'Arabie (Virg. : Georg., 2, 116-117 : « Sola India nigrum Fert ebenum, solis est turea uirga Sa- haeis ») : Perse mêle à dessein les denrées de divers pays. Lubrica Coa : « les vins émollients de Cos ». Quoi qu'on en ait dit, le pluriel Coa, qui désigne d'or- dinaire les tissus transparents de Cos (cf. Hor. : Sat.. 1, 2, 101 , -peut parfaite- ment s'appliquer aux vins de cette île (cf. cinz Hor., Sat-, 2, 4, 55, le plur. Sur- renlina pour dire : « les vins de Sorrenle »). Dès lors, l'épithèle de lubrica se comprend bien : « glissants », au sens de: « qui pas- sent facilement el font passer le reste avec eux » : on vantail, en effet, les propriétés laxatives des vins grecs mêlés d'eau de mer (Celse, 3, 24) el particulièrement du vin blanc de Cos (Pline : N. //., 14. 73). L épithète lubrica a été suggérée par Horace (Sat., 2,4, 28-29 : « albo non sine Coo. Lubrica nascenles implcnt conchylia lunae »), sans qu il soit nécessaire de supposer que Perse, commettant une erreur de mémoire contre laquelle la grammaire el la prosodie devaient éga- lement le protéger, ait rattaché lubrica à Coo.

SATIRE V

u:^

N'erte aliquid ;iura. » « Set iuppiter audiat. » « Eheu, Baro, regustalum digito terebrare salinum

NC. 137. aiidiai P : audiet -j. ; texto incertain ; cependant audiet peut provenir soit d'une correction suggéiée par perages (v. 139). soit de la substitution à l'a d'un e suscrit pour être ajouté à hfu P A- donnent, en eflet heu au lieu de eheu, faute qui pouvait se trouver dans l'arciiét\ pe, commun sans doute, de P et d'à, 138. liaro P 3c : iiaro p A- Val. f ; baro est la vraie forme (cf. Havet : Crit- verb , p. 219, n" 930) ; regus- latiim P a : praegiistatiim Val. (voy. Introd-, p. xxxi); recrustatum Guyet.

137. Toile recens... piper : « Enlève, prends le poivre frais » au moment les caravanes viennent de l'apporter dans un port d'Orient par ex. à Alexandrie : cf. fiiprn, note sur le v. 35) pour le char- ger sur ton navire. Ec... camello (voy. NC.) "du chameau (c'est-à-dire de dessus le chameau) », si l'on fait dépendre direc- lemen! ces mois de Toile, ou « provenant du chameau » (c'esl-à-dire des caravanes), si on les rattache immédiatement à piper. La première interprétation force peut-être trop le sens de ex, qui serait mis pour de. Sitiente : le mot renforce-t-il primus, avec le sens de ; « à qui tu ne laisses pas \c. temps de boire » ? ou signifie-t-il, d'une manière moins pittoresque, « qui peut long- temps supporter la soif» (ttoX'JoM'.oç) ? L'épilhète de nature étant rare chez Perse, je ne crois pas qu'il y ait lieu d en admet- tre ici la présence. Le vers 136 et les trois suivants doivent, pour le mouvement et pour la pensée, quelque cho e à Horace Epist , 1, 6, 31 et suiv.) : « Virtutem uerba putas et Lucnm ligna ; cane ne porlus occupet aller. Ni- Cibj-ratica, ne Bilhyna negolia perdas. »

137. Verte aliquid : faut-il entendre : « (en un mot) fais un trafic quelconque », uertere étant alors synonyme de mutare (cf. PI. : CurcuL, 484 : « Vel qui ipsi iior- fanf uelqui aliis,utuorsentur. praebeant»]? ou bien « approprie-loi quelque chose, commets quelque friponnerie », uertere ayant à peu près la valeur de auertere (et. Cic. : Diu. in Caecil., 17. 57 : « uertere pecuniam ad se »)?ou bien enfin : « Fais quelque emprunt » (pour paj'er un pre- mier créancier ou pour prêter toi-même à un taux usuraire ^ uersuram fac : voy Donat : Ad Ter. Phoriii. 5, 2 15 et Fesl. s. u. uersura p. 379 Millier, 520, 3 Lind- saj- ? La première explication prépare mal iiira ,• aussi bien semble-t-elle languis-

sante dans un développement si vif de tour ; la seconde me paraît simple, vrai- semblable et tout à f:>il d'accord avec iara, signifiant « multiplie les serments pour couvrir tes fraudes) ; la troisième attribue peut-èlre à uvrle un sens trop technique, étant donné le ton du passage ; mais d'ailleiu-s elle permet d'interpréter nirtt d'une manière très satisfaisante : « iura te non accepisse pecuniam », à moins qu'on ne préfère appliquer le mot au faux serment en général, considéré comme mo\en d'existence. Set Iuppiter audini voy NC.) : « mais Jupiter m en- tendi-aii » : on sait que ce dieu était, parti- culièrement sous le nom de Diesptter, le gardien de la bonne foi.

137-138. Eheu, haro : eheu marque ici une pitié dédaigneuse : nous dirions : » Pauvre sot ! » Le mot baro. qui se rap- proche, par le sens, de l'adj hardus stt)- lidus, mais qui est peut-être d'origine différente si le sens premier en était « sol- dat merccnaii-e », était employé dans le laiii;age familier pour dire « un imbécile, un lourdaud ■• (cf. Lucil., 1121 Mar.x;Cic. : Ad fam., 9. 26, 3 ; Ad Alt., 5, 11, 6 ; De fin , 2, 23, 76 : De diuin.. 2, 70, 144).

138-139. Regustatum digito, etc. : litt. : « tu passeras toute ta vie coulent de creu- ser avec le doigt une salière goûtée et rcgoûlée », c'est-à-dire : « lu devras te contenter loute ta vie de gratter et de re- gralterta salière ». Regustatum etiam atque etiam gustatum. Digito les pauvres gens n'avaient pas de cuiller à sel (cochlear ou cochleare) Terebrare : litt. : « percer » : l'hj'perbole montre le pauvre homme obligé de gratter très fort et tout au fond de sa salière pour ne pas laisser perdre le moindre grain. Contentus avec l'inf., comme chez Ov. (Met., 1, 461) : « Tu face nescio quos este contentus amo- res indagare tua. »

144

A l'KRSl I LACCI SATVKARVM LIBKB

Conteotus perages, si uiuere cum loue tendis. »

lam pueris pellem succinctus et oenophorum aptas : 140

« Ocius ad naueni ». Nihil obstat quin trabe uasta

Aegaeum rapias, ni sollers Luxuria ante

Scductum moneat : « Quo deinde, insane, ruis, quo ?

Quid tibi uis .' calido sub pectore mascula bilis

Intumuit, quam non extinxerit urna cicutae ? 145

NC. 139. contentas Pa : conlempins ■;, '\'o\. lutrod., p. xxxii). 140. succingis Guyel. 141. ocius P A'-^ : octiiis a. obstat P : ohstet 2. quin P : qui in a. trabe ï : trabea P. uasta P A- : uastra a (par suggoslion de « trahe » et peut-être, déjà, de transtro \ 147). 142. ni P a : ni'.sj f. 144. callido (au lieu de calido P. 145. quant P Y ni. : quod a (peut-être avec raison . le tour intumuit quod, etc., présente une analogie frappante avec stertimus indomitum quod despumnre Falernuin sufficiat (S, 3 4) ci linquae quantum sitiat canis Appula, tantae (1. 60) : et quam pourrait bien n'être que la correction d'un réviseur qui avait oublié ces deux passages.

K59. Perages : employé absolument au sens de peragere uituin (cf. le grec 'j'.y.'^i'-'/ . Si uiuere, etc. ; K Si lu cherches à accor- der ta vie avec Jupiter » ; nous dirions ; « Si tu cherches à vivre en bonne intelli- gence avec Jupiter ». Marc-Aurèle se sert (5, 27), en parlant de l'homme de bien, de l'expression cjCv' O^^^'-Ç. Tendis suivi de l'inf , au sens de studes : cf. 2, 49 (inlendit) et Hor. : Epist., 2, 2, 57 : « ten- dunt extorquere poemata ».

140. lam... succinctus : « Déjà, court vêtu », c'est-à-dire : « dans le costume du voyageur prêt à partir » : succinctus se dit d'un homme qui a relevé, avec une cein- luri', sa robe ou sa tunique, pour avoir une plus grande liberté de mouvement (cf. Hor. : Sat., 2. (j, 107). - Pueris... aptas : « lu mets sur (les épaules de) tes esclaves » : pour pueris, cf. supra, 126, et, pour aptas, 95. Pellem : au sens de « sac de cuir, valise », comme chez Pé- trone, 102, 8. Oenophorum. sorte de panier ou de caisse, qui servait, comme son nom l'indique, à emporter du vin en voj-age (cf. Lucil.,139 Marx et Hor. : Sat., 1, 6, 109 : « Scquuntur te pueri lasanum portantes oenopnorumque >>). 141-142. Ocius ad nauem : ces mois appartiennent-ils à la Cupidité qui s'im- patiente ' au niailrc excitant ses esclaves (cf. 3, 7-8 : (I Ocius adsil Hue aliquis v) ? au poète qui exhorte ironiquement son personnage' ouïe sens est-il, tout simple- ment : « Ocius itur ad nauem 'i » La pre- mière interprétation me semble la plus naturelle : la Cupidité est une maîtresse

Impérieuse et n'entend pas que son esclave perde une minute. Sihil obsiat, etc. : « I\icn n'empêche que tu ne dévores l'é- tendue de la mer Egée » : on trouve chez Virgile corripere campum (En., 5, 145) ou spalium \ibid., 6, 634); trahe : pour trabs, au sens de nauis, cf. 1, 89; Aegaeum, pour Aegaeum mare, comme chez Horace : Od., 2, 16, 2.

142-143. A'i... Lu.vuria, etc. : « à moins que le Goût du plaisir ne vienne auparavant (c'est-à-dire : avant que tu te sois embarqué) te prendre à part et te faire la leçon ». Sollers : faut-il donner à cet adj. une valeur adverbiale : « adroite- ment » ■? ou entendre : « la volupté qui connaît plus d'un tour, qui est fertile en séductions de toute sorte et adroite à trou- ver des prétextes « '.' 11 me paraît évident que cette dernière interprétation est la bonne. - Seductum, se. « te seductum » ; cf. pour seductus 2, 4 et 6, 42.

143. Quo deinde... ruis : expression prise à N'irgile (En., 5, 741), et dans la- quelle deinde est tout voisin de tandem. Pour la reprise « en cercle » quo... quo ? cf. 2. 49 ; 4, 23, et 6, 22.

144 Quid tibi uis : cf. Hor. : Sat., 1, 2, 69 ; 2, 6, 29 ; Prop., 1, 5, 3. Nous di- rions . « Qu'est-ce qui te prend ? »

144 145. Périphrase volontairement dé- clamatoire pour dire « Es-tu atteint de folie furieuse ? » C'est le développement de l'nsane. On considérait la bile noire comme génératrice de la folie (Sén. : Epist., 94, 17 : « Bilis nigra curauda est et ipsu furoris causa remouenda » ; cf. Hnr. :

SATIRE y

145

Tu maie transilias ? tibi torta cannalie fulto Cena sit in transtro Veientanumque rubellum Exhalet uapida laesum pice sessilis obba ?

\C. 146 /il P a : tun z. ; transilias PA'^ : tracilias a. 147. transtro p a : trastro P. ufientanum y. nellentanum P cest-à-diiv : uciientanuiit : pour la confusion de t et de l dans P, cl' supra, 92; ; uegenlanum tp, 148. exaUt P a : exalat p. uapida P : uapidi 2. pic^- p a : picem P ; sessilis P A '^ : cessilis a.

Sar. 2. a, 141 et i?/).-.s/., 2, 2, l.\7). Sut pecture : « au fond de la poitrine » ; mas- cula n est peut-être pas synonyme de ro- husla (comme chez Virg : Bue, 8, 65) ; c est plutôt un équivalent de uirilis : il y a là, je pense, une ironie de la \'olupté, pas- sioi! à qui toute action virile est odieuse : « une bile mâle, nue bile prête à braver n'ollemeni) tous les dangers ». Intu- muit : cf 3 8 : turgpscit. Quant (vo}'. NC.) non extinxerit, etc. ; ceci répond à l'épiihète calido jointe à pectore : l'absorp- tion de la ciguë refroidissait le corps (PI. .Y. H., 25. 151); et Horace men- tionne une fois ce médicament à la place del'ellébore, comme remède contre la folie [Epist., 2, 2, 53i. Vrna est, bien enten- du, une h\'perbole : le mot désigne pro- prement la moitié de l'amphore, soit 24 se- liers (25 1. environi.

146. Tu mare transilias : ce subj. est, comme les suivants, un subj. de « protes- tation » ^cf. supra, V. 84 : non sini et la note . Nous dirions : « Pourrais-tu bien franchir, etc. Pour l'emploi de lu, cf. 1, 2. L'expression mare transilire appartient à la haute poésie (Hor. : Od., 1, 3, 24 : « Non tangenda rates transi- liunt uada. »

146-148. La Volupté indique à clui qu'elle veut retenir combien lui manque- ront, sur le navire, confort et bon vin. Tibi torta, etc. : constr. : « Cena sit in transtro tibi fulto torta cannabe », c'est- à-dire : « tu dînerais sur un banc, t'ap- puyaiit sur du chanvre tordu '/ ». Le mot transtrum désignait les traverses qui allaient d'un bordage à l'autre (Festus, p. 367 Millier. 505, 3. Lindsaj' : « ligna quae ex parietein parietem porriguntur »), en particulier les bancs des rameurs ^ Virg. : En., 4, 573 : considite transtris). Can- nabe : transcription, qu'on ne trouve chez aucun autre écrivain latin, du grec •/.àvvap'.ç. « chanvre ». .Mais l'expression torta cannabe est-elle une périphrase pour dire « une corde, un câble ■•, ou désigne-

t-elle létoupe (|ui garnit les coussins gros- siers sur lesquels s'asseyent les rameurs ? D'autre part, faut-il entendre que le banc sert de table ? ou, au contraire, de siège ou de lit ? que le voyageur est assis sur le chanvre ou couché dessus ? ou qu il y est simplement accoudé ? J'interprète pour ma part : « Tu dînerais i couché; sur un banc, t'accoudant (cf. Lucil. 138 Marx. : « puluino fultus ») sur un paquet de cordes ».

147-148. Constr. ; K Obbaque sessilis exhalet rubellum \'eicntanura laesum pice uapida », c'est à dire : « une jarre large- ment assise exhalerait (pour loi) un vin rosé de W'.ies gâté par une poix éventée ï^. Le vin (le \'éit-s était très peu estimé (cf. Hor. : at., 2, 3. 143 144 il s'agit d un avare : « Qui Veientanum festis potare diebus Campana solitus trulla uappamque profestis. » L'épithète rubellum (cf. Pline .V. //., 14, 23) indique qu'il avait peu de couleur. Exhalet fait une sorte de jeu de mots : il signifie à la fois « te verserait » et « t'enverrait l'odeur de, etc. ». Pice, que certains interprètes entendent de la poix qui servait à fermer la jarre, s'ap- plique bien plutôt à celle qu'on avait l'ha- bitude de mélanger au moût, vers le neu- vième jour de la fermentation, surtout qmind le vin était âpre :vo}'. Pline : iV. //., 14, 120) ; mais il arrivait que le vin ainsi assaisonné {conditus; de poix fermentât de nouveau, ce qui lui ôtail tout arôme tl le réduisait à l'état de vin tourné [uappa) : voy Pline iibid., 124): " nec non aliqua est musli picea natura uitiumque musto quibusdam in locis iteruin sponte feruere, qua calamitate dépérit sapor uappaeque accepit nomen ». On comprend dès lors la valeur de l'épithète uapida donnée à pice ." ce n'est pas la poix qui est éventée, mais elle forme avec le vin un mélange qui a un goût d'évent, un goût de uappa. Obba vieux mot qui, d'après Aulu- Gelle (16, 7, 9), ne s était conservé que dans le latin vulgaire : il désignait un vase, en

10

Ufi

A. PERSI FLACCI SAT\IURV.M LIBEH

Quid pelis ? ulfiumini. quos hic quincunce niodesto iNutiicras, peragant auidos sudore deunces ?

150

NC. 149. nuinmi les mss : nuniinos C. Fi-. Hermann (qui adopte nu vers suivant la leçon aitido sudore et fait de deunces le sujet de peragant = consumcml et en antithèse avec (juincunce... nutrieras : en poursuivant de gros intérêts, on expose le capital qu'un intérêt modeste grossit lentement mais sûrement) lôO. a omet nutrieras . exemple do l'omission, rare ^voy. Havet : Crit. verh., p 149, n" 559), d'un mot au commence- ment d'un vers. peragant ^corrigé de perngas) P Val. : pergant a. auidos P a : aiiido 'f . sudore 3 : suadare (corrigé de suadore ou de suadere} P ; sudare z. L'exem- plaire sur lequel P a été copié portait probablement la leçon peragant... sudore, avec un a suscrit pour être substitué à l'o de sudore : cet a aura été d'abord inséré d'où le barbarisme suadore, ou la mauvaise correction stuidire qui se conciliait avec le mètre sinon avec le sens ; on a rectifié ensuite, mais en oubliant d'(xponcluer le premier a (exponctuation faite postérieurement,. deunces p a : denuges V. Sulon Bùi-hclei- [Archiv. de Woelfllin, 1, 108;, la forme attendue serait rfecunces.

terre ou en jonc tressé {sparlum), employé surtout dans les repas donnés en l'honneur des morts \silicernia : cf. Tertullien : ApoL, 13). Sessilis : « bien assise », c'est-à- dire : quia la base large » (cf. PI.: iV. H., 15, 56 ; « Pira... sessilia »,.

149. Quid pctis ? ut, etc. : « Quel est ton but? que, etc. » : ut introduit ici une pro- position complétive. Hic : « ici, à liome ». Quincunce modesto : « par un 5 '/o modéré » ^quincunx, c'est 5/12 d'as pour cent as et par mois {usura centesnna),

soit r^ d as par an, autrement dit u as par

an pour 100 as. Le taux usuraire était d'un as par mois pour 100 as, soit 12 %

pai- an. JJeunx, c'est y, de l'as) ; le mot

... 11 1- désigne donc un intérêt de tt) tl as par

132 mois pour 100 as, soit y—, c'est-à-dire :

11 "/„ par an.

150. Nutrieras : la métaphore peut pas- ser directement en français : « lu avais nourri » pour « tu avais grossi d'un in- térêt de. etc. », nuniini, au vers précédent, indiquant le capital ou .sor.s (cf. en grec "oxo;, lire de "Ziy.xi'y, pour désigner l'in- térêt). Horace avait dit Kpist., 1, 18,35 : « Nununos alienos /^o.sce/ ». Nutrieras, au p.-q.-pf., parce que la N'olupté se trans- porte par 1 imagination au moment oii celui qu'elle e.xhurte ne se couteiiteiait plus de cet intérêt modeste. Peragant auidos sudore deunces : des leçons dont la pré- sence dans les mss est bien attestée, c est- à-dire : peragant suadare P, pergant su- dore 1 peragant sudare ou audore- ~, la

première :cf NC) est à la fois inintelli- gible et métriquement impossible ; la seconde n'est guère satisfaisante : per- gere... deunces -pour dire « achever, réaliser un intérêt de 11 "/o » ne semble pas latin, et je ne crois pas que peragere sudare, au sens de seniper sudent. le soit davantage (au V. 139, terebrare dépend de contentas. non de perages comme semble 1 a\oir cru relui qui a introduit dans un certain nombre de nos mss la leçon contemplas perages). Au contraire, peragant sudore deunces peut s'expliquer, qu'on donne à peragere le sens de « réaliser », de « con- duire jusqu an bout, qu'on le prenne pour un équivalent de exercere : « fatiguer, tenir toujours en mouvement (cf. Ov Fast . 4, 693 : « ille suam peragebot humum »), eequi s'accorde bien avec sudore, ou qu'on y voie une métaphore faisant suite à nu- trieras : « dévorer, absorber » (ef 0, 22 : « bona dente grandia... peragil » ; Pline : .V. //., 9, 183 : « peragere cibum » signi- fiant digérer). Sudore : « à force de sueur » : l'homme avide de s'enrichii- devra s'imposer un travail assidu ])oiir retirer de son capital un intérêt aussi élevé : ce n'est pas le gain excessif que la \'olupté condamne, mais le travail dont il est acheté. On remarquera que le poète s'ex- prime comme si les écus eux-mêmes avaient à suer dans ce travail excessif ou cette digestion laborieuse. Néanmoins je juge peu vraisemblable l'explication de Biicheler (^lihein. .Mus.. 41 (1881), p. 454), selon qui le capital personnitié est com- paré à un entant qui devient homme ; nourri par l'intérêt perçu, il poursuit son existence d'une manière indépendante et

SATIHK V

147

Indulge genio. carpanius dulcia, nostrum est

Quod uiuis, cinis et raanes et fabula lies ;

Viue memor leti, fugit hora, hoc quod loquor inde est. »

En quid agis ? dupliciin diuersum scinderis hamc

Huncine an hune sequeris ? Subeas alternus oportet 155

NC 153. locor (au lieu de loquor) a. 154. finderis (au lieu de scinderix Val.

gagni' à l:i sueur de son front un intérêt plus que double qui court toujours (lill. : « que lesêcus vivent dans la sueur 11 "/o ». c'est-à-dire : « produisent, par un travail qui jamais ne s'arrête, 11 "/o »). Au demeurant, il est i'ort possible que Perse eût écrit peryant sudare, qui donne un sens excellent : « se mettent à suer » (cf. Lucr., 1, 16 ; 3, 42U) ou « arrivent à suer » (en poursuivant, pour ainsi dire, leur roule au delà du 5 '/a), sudare. ayant nalu- i-ellemenl le sens de « produire au prix d'un travail considérable » (pour la coiistr. de ce verbe avec l'ace, cf. \'irg. : Bue, 4,30; « quercus sudabunt roscida inella »). i4ui'dos s'oppose directement à modeste (cf. Lucain : Phars., 1, 1<S1 : « usura uora.v >'}.

151. Indulge genio : le viveur offrait en quelque sorte une l'été perpétuelle à son génie , d'où des expressions telles que Genio suo multa bona facere (Plaute : Per- so, 2G3), indulgere Genio, pour dire : a se donner du bon temps » et, inverse- ment, cuni geniis suis betligerare (PI. : Truc, 184 , suuni defraudare genium (Ter. : Phorm., 44) poui- dire ; « vivie so- brement ». Carpamus dulcia : « cueillons (heure par heure; les douceurs de l'exis- tence ». Carpere se dit proprement de ce qui se détache moiceau par morceau ou brin à brin.

151-152. Nostrum est quod uiuis : « ce que tu vis est à moi, m'appartient », c'est-à- dire : « le temps de la vie doit être douué au plaisir », car, après, il u'j' a plus rien. Avec l'interprétation ; a la véritable vie (cf. Sén. : Epist., 65, 18 : « hoc quod uiuit, stipendium putat »), c'est le temps que tu uie donnes », la suite des idées apparaît moins nettement {Nostrum pourrait encore s'entendre littéralement : « est à nous (c'est-à-dire à toi et à moi) » : vivre pour soi, n'est-ce pas la même chose que vivre pour son plaisir / Mais l'interprétation de iM. Némethy, « nous n'avons à nous que le temps de cette vie », prèle à Perse une

incohéi-ence inadmissible dans l'emploi des personnes. - Fabula : « vain nom » : pro- prement : chose dont on parle (fari). On a signalé ici une sorte de gradation : « lorsque ton corps ne sera plus que cendre, on te comptera parmi les mânes et il ne restera de toi qu'un nom » (cf. Hor. : Od. 1 , 4, 16 : « lam te premet nox fabulaeiiue mânes »).

153. Viue memor leti renchérit, par l'an- tithèse entre uiue et leti, sur le Viue me- ntor quam sis aeui breuis d'Horace Sut.. '2, 6, 97,. Hoc quod loquor lude est « \r temps pendant lequel je parle est pris lù- dessus, est pris sur l'heure fugitive par- ticula horae estj », autrement dit : « pen- dant que je parlais, il s'est écoulé un peu de ta vie » \lnde est signitie d'ordinaire : " part de là, résulte de », comme chez Juv , G, 6l2 ; mais le latin familier faisait de inde un emploi très libre. Ne trouvc- t-on pas chez Térence : Ad., 47 : « inde maior » pour dire ; « l'aîné des deux » '.' Pour la pensée, cf. Hor. Od , 1, 11, 7) : « dum loquimur, fugerit inuida Actas ».

154. En quid agis : cf. 3, 5. Duplici, etc. : (( tu es partagé en sens opposés par deux hameçons ; tu es, entre l'Avarice < t la Volupté, comme un poisson eutre deux appâts » (cf. Plat. . Tim., p. 69 D : xa/.oj

OEASap I.

155. Jluncme Jiamum an hune sequeris : i> Suis-tu Sequeris celui-ci ou celui-là '.' » Le présent sequeris est la suite naturelle du présent agis (vers précédent), tint. : « que (;as-tu faire ,' Vas-tu suivre, clc. 'i >>

155-156. Subeas alternus, etc. : « il faut que lu te soumettes, par une double obéis- sance, tantôt à l'un de ces maîtres, tantôt à l'autre. » Subire, se dit proprement d'un fardeau qu'on prend sur ses épaules ; peut- être Perse souge-t-il à la fable du cheval s'élant voulu venger du cerf : « dominum uehet improbus atque seruiet aeternum » (Hor. ; Epist. 1, 10, 40-41). Alternus : comme s'il y avait : altcrnis uicihus ou alternos ,se rapportant à dominos).

14S

A PERSI FLACCl SATVRARVM LIBEH

Aiicipiti obsequio dominos, alternus oberres.

Ncc lu cuin ol)sliteris semel instantique negaris Parère imperio, « Rupi iani uincula », dicas; Nam et luctatacanis nodum abripit, at tanicn illi, Cuni fugit, a collo trahitiir pars longa catenae. « Dauc, cito, hoc credas iubeo, finire dolores

1()0

XC. 157. lu iiini l'A- : liiiun a : cuni tu ■i. iiiatanlique p 2 : inslantibusque P. 159. abripil 1 arripil p) : arruinjtit F (glose substituée : voj-. Introd., p. xxvi) ; ahru- pil ■^. 159. al lamen P : et tamen 3. : nous avons \u l'invorsp 2. 48 : mais, ici coinnie là, la syntaxe donne i-;iison à P contre a 'voy. Comment . Kil. hoc P ï : lU z (voy Iiitrud., p. xxxi/

15(). Allerniis oberres signifie en sonune : " que lu te dérobes (c'est-à-dire : que tu désobéisses) lanlôl àl'un. tantôt àl'autre» : mais le verbe d<mt Perse se sert indique bien que l'Iiomme livré aux passions ne l'ail pas acte d'homme libre lorsqu'il se soustrait à l'un de ses maîtres pour aller vers l'autre ; sa liberté, c'est tout au plus celle de l'esclave qui va « courir » ou, en latin, de 1 erro ,Hor. Sat., 2, 7, 113 ; « l'ugitiuus et erro » ; cf. Digest., 21, 1, 17, 14 : Proprie erronem sic definimus : qui <|uidem non fugit, sed fréquenter sine causa uagatur et temporibus in res nnga- torias consumptis serius domum redit »). Oberrare. pris absolument dans le sens d' « aller çà et là, courir » est aussi chez Pline (S. H.. 29\ 60 : « Haec (musteia) autem quae in domibus nostris ober- rat. »

157-158. Xec tu... dicas : « Et ne va pas dire » : pour l'emploi de nec en pareil cas, cf. Hiem. : Sgnl. lat.. S 268, rem. 3. Cuni obsliteris seniel, etc. : il s agit ici d'un acte d'indépendance véritable, d'un refus formel d'obéissance Cum semel : nous dirions : « pour avoir, lUie fois, etc. ». -- Obsliteris... instantique : y a-t-il un jeu de mots voulu ' Notez, d'autre part, que inslanii ne signifie pas seulement pressant, mais menaçant (Hor. : (Jd , 3, 3, 3 : « uultusi'ns/an/is tyranni ». S égare avec l'nif. dans le sens de » refuser de » = nolle comme chez Silius (9, 534) : « exstin- gui primordia tanta negabam ».

159. El .. canis : « le chien aussi ». Luclata : eut. : « après des efforts vio- lents » , nodum : ent : « son attache ». Pour l'image, cf. supra, 125. Abripit : non pas « rompt » mais. « ariache » (des mains qui tenaient la chaîne ou de l'en-

droit où celle-ci était fixée). Al lamen : on estime généralement que at tanien ne peut s'employer que pour introduire la proposition principale après une proposi- tion concessive (Hiem. : Si/nl. lat., Si 274, rem. 1) mais ici. la proposilioti indépen- dante nam... abripit a bien la valeur d'une concession ; il faut entendre : « canis etsi nodum abripuit. a' lamen, etc. ».

160. A collo traliitur : « traîne de son cou » (et non pas : « est traînée par son cou »). Pars longa catenae : c'est le signe de sa servitude, et, par ce long bout de chaîne, on pourra aisément le ressaisir (cf. une image voisine chez Hor Sat., 2, 7 70 et suiv. : " O lotiens seruus ! quae belua ruptis, cum semel effugit, reddit se l)raua catenis. » Chez Sén . De ait beat . 16, 3 : " la.vam catenam trahit nondum liber, iam tamen pro libero ». la pensée est toute différente).

161-175. Second exemple de la tj-rannic des passions, servant à illustrer l'idée exprimée dans les vers 157-1()0 : un amant maltraité par sa maîtresse prend la réso- lution de ne plus mettre les pieds chez elle ; mais il cédera au premier appel : il a encore la chaîne au cou. Perse a pris à l'Eunuque de Ménandre les personnages qu'il introduit ici. ainsi que le point de départ de cette petite scène Hune locum de Menandri Eunucho traxit, in quo Dauum seruum (lliaerestratus adulescens alloquitur tamquam amore Chrysidis me- retricis derelicto, idemque tamen ab ea reuocalus nd illain redit. Apud Terentium personae immutatae sunt » iScolies.) Mais si Térence, dans le passage correspondant de son EH;m<7ue(act. 1, se. 1) a fidèlement reproduit, quant au fond, loriginal grec, nous devons admettre (|Ui' notre poète a

SATIRK \'

149

Praeteritos meditor », crudum Chaerestralus unguem Adrodensait haec ; « An siccis dedecus obsteni Cognatis ? an rcni patriani rumore sinistre Liraen ad obscaenum frangam, duni Chrysidis udas Ebrius ante lores exlincta cuni face canlo ? »

165

XC. 163. adrodcns P A ■■* : atrodens ■x. Kiô. unclas au lieu de udas ■:. ; au lieu de obscaenum, Meineke proposait obscuruHi.

imité fort librement son modèle. Au de- uieurant, l'esclavage de l'amour était un thème classique dans le développement flu paradoxe stoïcien sur la vraie liberté : nous le trouvons chez Cicéron {Parad., 36 , Horace Sat.. 2, 7. 46-94 , Epictète F.ntr., 4. 1, 17 et sui\-. . D'autre pai't, Horace avait, dans une autre satire (2, 3, '262 et suiv.) mis en hexamètres quelques- uns des sénaires ïanibiquesde la scène de Térence rappelée ci-dessus ; mais c'était pour montrer la l'olie des amants.

161-163. Conslr. : « Chaer , adrodens crudum unguem ait haec : « Daiie, iubeo credas hoc, medilor finire cito praeteritos dolores. » Mais ou pourrait traduire, en respectant 1 ordre du texte : « Davus, à l'instant, je te piie de me croire, je mets un terme à mes peines passées : c'est ma résolution » : ainsi parle, etc. Dauns : en grec Aior. Credas iubeo : pour 1 omission de ut, voy. Riem. ; Synt. lai., S 191, 2», b. Crudum : a jusqu'au vif », le tour est proleptique :^ ul cru dus fiat, crudus étant pris dans son sens premier de « saignant » ( r^ cruidus : cf. crueo, cruori." même con- struction chez Hor. Soi., 1, 10, 71) : « Vi- uos et roderet ungues. » Adrodere se disait des rongeurs (Cic. Pro Sest.. 'Sa, 72 : « Vt iila... nitedula rempuhlicam connretur adrodere ».

163-164. An...'/ un... f Le premier an répond à cette question sous-entendue : « N'ai -je pas raison (de rompre une liaison indigne) ? » et le second n'est qu'une reprise du premier. Siccis dedecus. etc. : litt. : « faut il que ceux de mon sang, gens sobres, me trouvent devant eux comme un déshonneur ? ». Siccis est bien expliqué par le scoliaste m frugi et so- briis » (cf. Lucil 238-239 Marx ; Hor. : (M., 1, 18, 3 ; Epist.. 1, 19. 9.) Dedecus = ut dedecus (cf. supra, 72. la note sur rota )

164 165. An rem patriani, etc. : litt. « faut-il que je brise mon patrimoine, au

milieu de murmures réprobateurs, contre un seuil infâme » : en d'autres fermes : « viendrai-je me ruiner et perdre ma ré- putation à la porte d'une courtisane? » La comparaison entre la ruine et un naufrage était courante (voy. par ex. (>ic. : Phil., 12, 8, 19 : « naufraçiium patrimonii ») : le seuil de la courtisane est ici l'écueil contre lequel la fortune du jeune homme ris(jue de périr (cf. Hor. : Sat., 2. 3. 18-19 : « postquam omnis res mea lanum Ad médium fracla est » . Rumore sinistro : le contraire de rumore secundo (Hor. : Epist., 1, 10, 9 : cf rumore nudo, Sat., 1, 4, 125). Il n'est pas impossible que Perse ait songé en même temps à un autre sens de rumore secundo : « avec un bruit favo- rable » (en parlant des cordages : cf. Cic, citant un vieux poète inconnu : Dediuin-, 1, 16, 29) : il y aurait alors un jeu de mots, rumore sinistro à côté de franç/am s'appliquantà la fois à la réprobation pu- blique et au bruit sinistre de la tempête. Limen obscatnum : » un seuil impu- di([ue » pour dire " le seuil d'une femme impudique ».

165-166. L'amant chassé par sa maîtresse se représente lui même venant la nuit, après un banquet olî il s'est grisé, chanter à la porte de la courtisane. La pluie tombe ; elle mouille les battants et n éteint les torches qui éclairaient le jeune homme dans la rue. 11 ne faut pas isoler udas, dont le sens apparaît nettement si l'on rapproche le mot de crlincla cum face et si l'on se rappelle certains passages d'Ho- race et des élégiaques (Hor. : Od., 3, 10, 19-20 « Non hoc semper erit liminis aut a(juae Caelestis paliens latus » ; cf. Tib., 1, 2, 29-30; Ov. : Ars amat., 2, 237). Il faut écarter, je crois, les autres explica- tions proposées pour udas, par exemple unctas unguentis (cf. Lucrèce, 4, 1171) ; 111/10 profusu humidas cf. PI. : Curcul., 80) ; lacriniis iiiadidas (cf. Ov. : .4m., 1, 6. 18; .1/./., U, 708) : aucune ne rend nette-

150

A. PKKSl FLACCI SATVUAUVM LIBEll

«Eugc. puer, sapias, dis depellentibus agnani Percute. » « Set censen, plorabit, Daue, relicta ? » « Nugaris ? Solea, puer, obiurgabere rubra. » Ne trepidare uelis atque artos rodere casses,

170

\C. lliT. depellcntihits V Val. : pellentibus ï de est tombé, ânns]e grnupf' eiiadepellen- libus : faute banale'. 1(i8. censen P A ^ : censem a. plorahit daiie a : plorauit dahcre P (pour la confusion de plorahil et de plorauit, cf. supra, 90, mais il peut y avoir eu ici interversion <ln h de plorabit et du u de Daue'^. 169. obiurgabere a : obiurgauere P (encore la confusion du /' et du u : cf. vers précédent). 170. rodere a : radere P (cf. erreur inverse dans P, supra, 15). casses a : cassas P (peut-être par suggestion anticipée de dicas qui termine le vers suivant).

ment compte de extincta cum face. Ou bien admettrons-nous, avec Casaubon. que l'amant, arrivé à la porte de sa maîtresse, faisait éteindre les flambeaux ? ou encore, ce qui serait plus intéressant, que lejeune liomme, ivre, a laissé, la nuit, les flam- beaux s'éteindre, à l'inverse de celui d'Horace qui se promène en plein jour avec des torches allumées Sut., 1, 4, 51- 52 : « Ebrius et. magnum ([uod dedecus, ambulet ante noctem cum facibus »^ ? Anle fores... cnnto : on trouve, dans la littérature erotique, plusieurs échantillons de ces plaintes r[ue les amants éeonduits \enaienl chanter à l.n porte de leur maî- tresse (voy. pares, Hor. : ()d..'A, 10 ; Ov. : Am.. 1, 6 ; Prop., 1, 16). Le nom grec en était -zox/./xj7i6'jpov (cf. Plut. : Erotic, 8).

167. Euge puer (cf. 1, 75 : euge, poeta) : " Bravo ! enfant. « C'est Dave qui prend la parole pour encourager son jeune maître dans son sage dessein. Puer : appellation familière venant d'un esclave qui a vu grandir son maître. Sapias : faut-il entendre : « tu serais sage (en fai- sant ce que je vais dire) », autrement dit, voir dans sapias l'équivalent de si sapias (cf. Ov. : Am., 1, 4, 29 : « quod tibi mis- cucrit, sapias, bibat ipse iubelo ») ? ou bien admettre que nous avons ici un subj. d'exhortation : « fais un acte de sagesse » (cf. Hor. : Od., 1. 11, 6 : « .sapias, uina liques ») ? sapias étant suivi d'un impé- ratif, comme chez Ovide, et non, comme chez Horace, d'un autre ^ subjonctif, la première explication est sans doute la bonne. De toute manière. Dave, qui feint de prendre au sérieux les belles résolu- tions de son maître, veut dire : « c'est à un véritable fléau que tu te soustrais. Tu ferais preuve de sagesse en offrant un saciifice d'action de grâces aux dieux qui

éloignent le malheur. » Depellentibus : fait songer à l'épilhète de depulsor donnée à Jupiter sur certaines inscriptions (voj-. par ex. C. I. L., 2414) ; on disait géné- ralement, en pareil cas : auerrunci (cf. Varr. : L. l , \, 1, 102), en grec iTzo'.oi- iratOs, ou àXe;'.xotxoi;.

168 Percutere se disait proprement du sacrificateur ipopa' frappant la victime (Ov : Met.. 15, 126 : Fast., 1. 347 : Tri.st.. 4, 2, 5) Set indique une objection du jeune homme' « Oui, mais, etc. » Censen, plorabit '■' ent. : « Censesne, (Chrysis) plo- rabit ? » c'est-à-dire : « qu'en penses-tu ? Est-ce que Chrj'sis ne pleurera pas Pour le tour, cf. Plante : Rud.. 1269 : « Censen, bodie ? .. et Horace : S'at., 2, 5. 76 : « Pu- tasne » : et, pour la forme, censen est à rapprocher de uin, qu'on trouve aussi chez les comiques. Relicta « si je l'abandonne ».

169. Nugaris '.' « Esl-ce que lu plai- santes ? » ; ent. « Tu parles sérieuse- ment ' Il n'y a donc aucune suite dans tes résolutions. » Si l'on ne met pas de point d'interrogation après nugaris, le sens est : « Tu parles à tort et à travers ; tout à l'heure, lu étais plein de belles résolutions, et maintenant tu invoques la douleur de Chrysis pour masquer ta faiblesse. » Solea, puer, etc. : « Tu seras corrigé à coups de sandale rouge », c'est-à-dire : « Tu vas redevenir le jouel de Chrj-sis, qui te battra en le donnant des coups de sandale » (cf. Ter. : Eun., 1028 : « Vtinam tibi cominitigari uideani .sandalio caput ! ») 1.,'expression obiurgari solea est sans doute un tour pris au langage familier: cf obiur- gari colaphis 'Pétrone, 34, 2 . uerberibus (Sén , De ira, 3,12). feruhs (Suét : Gains, 20), flagris (id : Oih.. 2). - Rubra: les courtisanes aimaient les couleurs ^•oyantes.

170. .Vf Irrpidnre. etc. : « Renonce à le

SATIKE V

151

Nunc férus et uiolens, ai si uocet, haut mora, dicas : « Quidnani igitur faciam ? nec nunc, cum arcessat et ultro Supplicet, accedam? » Si totus et integer illinc Exieras, nec nunc. Hic liic quod quaerimus, hic est,

NC. 171. at les mss : tu Guyet. itocct a : noce et P. haut P A^ : aut t ("cf. 2, 6). 172. nec nunc P a : ne nunc f : texte très incertain, pnisque au vers 174, P donne ne nunc, qui est également la leçon d'un des meilleurs mss d'Horace : Sat.. 2, 3, 262 ; ])our cet emploi de ne, cf ne... quidern et l'archaïsme /le. . quoque ({^laudius Quadrig,, dans Aul G., 17,2, 18 arcessat P : accessor a et arcessor (accersor -f) Val. ivoy. Introd . p. xxv). 174. crieras P a : exieris -i. nec nunc .p : ne nunc P ; nunc nunc X ; non nunc Val. il'erreur d a et celle de Val. peuvent venir d'abréviations mal résolues) ; quod P a : quem '~ fcf. Introd., p. xxxiii).

débattre et à ronger les rets étroits (comme un animal pris dans un filet de chasse)»: eut. : « Tu es pris et bien pris ; mieux vaut reconnaître franchement ton escla- vage que de te livrer à de vaines démons- trations d'indépendance suivies de défaites honteuses, i) Le vers- suivant précise bien l'idée : " maintenant, tu n'as plus tes chaîne», mais, au moindre appel, tu vien dras les reprendre. » Les vers 170 et 171 sont étroitement unis, et l'adj. férus (v. 171), qui s'applique proprement à une bête sauvage, rend le lien jjIus sensible encore. .Je ne saurais donc, admettre l'in- terprétation qui fait dépendre ne trepidarc uelis, etc., de obiurgabere : « Tu seras cor- rigé à coups de sandale pour apprendre à ne pas faire le récalcitrant. » Ne .. iielis = simplement noli (cf. 3, 36). Aussi bien je crois qu il faut rendre ici la parole au poète : seul le vers nugaris ? Solea, puer, obiurgabere rubra appartient encore à Dave, et ne peut, il me semble, appartenir qu'à lui, à cause de la reprise de puer et du ton. qui est celui du dialogue comique. Je m'écarte, sur ce point, de M. Albini, qui, le premier si je ne me trompe, a vu qu'on doit retirer à Dave la dernière partie de cette scène.

171. Nunc férus et uiolens : il est tout à fait inutile de mettre un point, ou deux points, après casses et de sous-entendre ex à côté de férus et uiolens. Il y a une sorte d'anacoluthe, nunc appelant un second nunc suivi d'une expression comme remis- sus et huniilis : « toi maintenant farouche et emporté (pour être) tout à l'heure, si Chrj'sis te rappelle, doux et soumis ». Perse a préféré changer de tournure pour marquer avec plus de force le brusque changement d'attitude du jeune homme.

Violens est chez Horace, mais dans les Odes (3. 30. 10). Dans les Satires (2. 1. 39), il se sert de uiolentus, qui était la forme usuelle. At si uocet, haut mora. etc. Mais si elle t'appelait, tu dirais aus- sitôt : « que faire ? » etc. Ceux qui inter- prètent : ■■ Si elle t'appelait, tu dirais : Pas de retard ! » fc'est-à-dire : Allons-y sans retard), mettent les mots quidnam igitur fciciani, et la suite, directement dans la bouche de {^hérestrate, sous prétexte qu'ils y sont chez Térence (Eun., 46 : « Quid igitur faciam '.' Non eam ? Ne nunc quideni), quom arcessor ultro ? i') et chez Horace (.Sa?., 2. 3,262-263) : <> .\ec nunc, cum me uocet ultro, Accedam ») ; mais ils ne s'avisent point que, chez Térence et chez Horace, la courtisane a déjà rappelé son atnant [Ter. : ibid., 49 : « Elxclusil ; rcuocat : redeam ? "), tandis que, chez Perse, ce rappel n'est encore qu'une hypo- thèse. -- Haut mora comme équivalent de sine mora ou nulla mora n'a rien de sur- prenant (cf. N'irg. : Géorg.. 4 547).

172. Nec nunc: nec (cf. NC.i a ici la valeur de ne... quidem (yoy. Riem. : Synt. lat., S 269, rem. 2) ; eut. : « Même main- tenant qu'elle m'appelle je n'irais

point '.' n Arcessat : le subj., comme chez Horace, parce que cum. en même temi)s qu'une valeur temporelle, a un spns concessif : « Alors qu'elle me rap- pelle, bien qu'elle me rappelle « (chez Térence, au contraire : « quem (irres.sor » .• cf. NC).

172-173. Et ultro supplicet : « et qu'elle est la première à me supplier » " sens fré- quent de ultro.

173-174. Si totus, etc. : « Si tu es sorti de (c'est-à-dire de chez (2hrysis) entier et intact. » L'expression totus et integer

l:>-' A l'hHSI ILACCl SAI\IUK\M LIHKH

Non in festuca, liclor quam iactat ineptus. lus habet ille sui, palpo queni tollil hianleiii

175

NC. 175. quam V : ijuem a 17() tollit V : ducil a Val. ; texte incertain ; tollil, selon .M. Bieger, doit venir de quelque glose perdue, ayant, par exemple, la teneur suivante : « tollit ei ambitio sui ipsius ius ». Je crois plutôt que durit qui, surtout avec hiantem, fait une image, plus nette que tollit, a été introduit par un correcteur sous l'influence d'Horace (Sat. 1, 2. 88) : « emptorcm Inducat hiantem ».

est la formule de l'intégrité morale ; elle évoque limage du sage stoïcien, impéné- trable à toutes les influences extérieures et dont la sphère était le symbole i'cf. Hor. : Sat., 2, 7, 86 ; « in se ipso lotus, teres alque rotundus. Externi nequid ualeat per leue morari ». Si... cxieras : Perse veut dire : « Si tu étais urainieni, lorsque tu es sorti, etc. » : d'où l'indicatif (cf. NC ). - iVec nunc : s. ent. : accédas ou accèdes, selon qu'on fait de accedam un futur de l'indic. ou un subj. présent.

174-175. Ilic hic . m Là, », c'est-à-dire : « Dans l'intégrité morale de l'homme sur qui les passions n'ont pas de prise. » Quod quaenmus : ce que nous cherchons », c'est-à-dire « la véritable liberté ». (Pour la leçon hic queiiKiuaerimns, « cet homme libre que nous cherchons », cf. NC.) Le tour quod... hic est est chez Horace (Epist.. 1, 11, 29 : « Quod pui'is, hic est », e\ibid. 17,;î9: « Hic est aut nusquam, quod quaerimus »,. Festuca : le mot, qui signifie proprement «(brin d'herbe, tigelé- gère » (cf. « l'élu » et voy. 'Varr. : L. l.,5, 'M, 38: « qui homo in pratisper faenisecla festucas corradit»), semble n'être ici qu'un équivalent de uindicla cf. v. 125), comme chez Piaule. (.Mil. gl. 961) : « Quid ea ? ingenuan an festuca facla e serua libéra est » ; et, de fait, d'après Gaius [Inst., 4, 16 , une tige légère ou festuca remplaçait parfois le bâton (hasta) comme sj-mbole du droit de propriété : <f festuca autem ulebantur quasi hasiae loco, signo quodain iustidominii ». Philarque (De sera nuniin uindicla, p. 5.")0 B) semble bien dire que les Romains jetaient de la paille sur la tète de l'esclave qu'on aftranchiss.iil U 'P(.>[jta'o'. 8i. 0'j< av i:; àAs-jOepiav ■xo7.:'.,Ci)j-.'X'., /.zpooc X'j-rwv Xeir-rov £7t'.- iiy.Xo'jcî'. TO!ç j(Ô!i.a7iv »), ce qui, à pre- mière \ ue, cadrerait parfaitetnent avec le sens littéial de l'expression « fesiuca liclor quam iactat » Mais 7.7090; peut désigner, aussi bien que festuca, une tige min(C employée en guise de bagnelte, et zt.:.

pâXXîiv s'appliquer, aussi bien que iactare, au geste du licteur brandissant cette tige avant d'en toucher la tête de l'esclave (imponere capiti : cf. Gaius : Inst., 1. 1.), Ineptus . parce qu'il s'ima gine faire un homme libre.

176-188. Nouveaux exemples à:\ la tyrannie des passions : on voit nos pré- tendus citoyens libres esclaves de l'ambi- tion et de la superstition.

176 lus habet ille sui : « Celui-là est- il son maître '? » Perse modifie un peu l'expression technique, qui serait : « Esl- ne sui iuris ' » cf. supra , 88, la note sur iveus - Palpo queni tollit. etc. « que la Brigue à la robe blanchie enlève, béant, par ses caresses, par ses flatteries » : palpo parait être l'abl. de palpus ou pal- pum, mol delà langue de Plante {Amph., 526 : « timidam palpo percutit » ; Mercal., 153 ; Pseud.. 945 : aucune raison ni de grammaire ni de logique ne nous oblige à croire, comme on l'a fait longtemps sur la foi de Priscien (voy. Gr. lut., 2, p. 121, 18 Keil), qu'il faille ponctuer « ius habet ille sui palpo, quem, etc. » et voir dans palpo le nominatif de palpo, onis « homme patelin », ici « courtisan de la popularité » (= ambitor), mot inconnu d'ailleurs, mais qui serait tiré de palpare comme conhibo, onis, deconbibere, comedo, onis. de comedere, etc. 'voy. 1, 12 la note sur cachinno) : cf d'ailleurs Bûcheier : Rhein Mus., 42, p. 472). Tollit : « en- lève avec elle (vers les honneurs) » : cf. les locutions /o//ere 171 c(7uij;n, incurruni. L'image, qui est aussi chez Séncque le Tragique (Hercule fur., 169 et suiv. : « Illum populi fanor atlonitum Fluctu<iue niagis mobile uulgus Aura tumidum /o//j/ inani n), est précisée par palpo et par hiantem : la Brigue multiplie les belles paroles dont elle a le secret, et l'ambitieux, qui en est In première dupe, se laisse enlever par elle, béant d'admiration (cf. Hor. : Sat., 1, 2. 88. chv supra, NC). on bien la bouche nn\ cric pour sni^ii- l'appnl

SATIHK \'

lôa

Crelata Ambitio ? « Vigila et cicer ingère large Rixanli populo, nostra ut F'ioralia possint

N'C. 177. citer (au lieu de cicer) ci ^corr. A-). 178. uestrd dans deux tlorilcges (Paris, n" 7647 et 17903j. possint P A- : ponsint i.

qu'elle lui présente (= inhianteni). Si l'on préi'ère la leçon ducit, il faut se représenter la Brigue traînant l'ambitieux derrière elle, grâce à l'appàl dont elle lui offre la séduction.

177. Cretata Ambilio : combinaison de l'abstrait et du concret ; la Brigue, d'ail- leurs personnifiée, est représentée portant la toge blanchie à la craie, d'où les candi- dats tiraient leur nom. parce qu'ils s'en revêtaient dans leurs démarches auprès des électeurs. Amhitio, c'est proprement la " brigue ». mais je pense que le mot traduit en même temps, dans l'esprit de Perse, le grec caiXoT'jji'a, « ambition » fcf. Hor : jE:pi".s/ , 2, 2^ 206-207 ; « Caret tibi pectus inani Ainhitione ».)

177-179. Vif/ila etc. : il n'j- a pas ici une exhortation ironique du poète : c'est la Brigue, ou l'Ambition, qui parle. Ainsi distribué, le morceau a plus de vivacité, et le possessif nos?ra (no.sfr. Floralia\ est tout naturel : il }• a une sorte d'association entre la Brigue et le candidat. Si l'on donne, malgré tout, ce petit discours au poète, nostra peut encore s'expliquer : Perse, par une figure de style connue (cf. 3, 3 et 12). s'identifierait avec son per- sonnage (cf. Hor : Episl., 1, (5, 5(i : « lucet, eamus, etc. ») Vigila : « Lève- toi de grand matin » (cf. Juv., 10, 162 ; 14. 192), ou, d'une façon générale : "Prends sur ton sommeil (te couchant tard, te levant tôt). » A l'époque républicaine tout au moins, la journée d'un magistrat qui débutait dans la carrière des honneurs et voulait s'assurer une popularité dura- ble pour arriver au consulat, était fort remplie : il laisait vérilabloment «cam- pagne 1 (militia iirhana dit (^icéron'. D'autres entendent, d'une manière uu)lns naturelle et moins pittoresque : « Sois attentif, ne néglige rien » (cf. Cic. : De Faio 6, 2 : «' Vigila, Chrysippe, ne. etc. ") Cicer ingère large ri.vaiiti populo : il s'agit des missilia, c est-à-dire des vivres. en nature ou en « bons » 'tesserae. cf. supra, 74 , jetés au peuple, les jours de fête, par ordre du magistrat qui présidait aux jiHi.\ (cf. Suét. : .Yér., 11 ; Don?.. I : on

sait que les pois chiches jouaient un grand rôle daus l'alimentation des Romains pauvres (cf. Hor : Sal., 1. 6, Uî, ; A. P., 249) , Horace les mentionne avant Perse parmi les missilia Sat., 2, 3, 182-183): « In ticere alque faba bona tu perdasque lupinis. Latus ut in circo spaliere. » Ingère : T. Live (2, 65. 4" dit, d'une ma- nière analogue, ingerere saxa in subcuntes, mais on songe en mémo temps à des expressions comme ingerere alicui calices (Cat. 27, 2) : le poète veut faire entendre qu'on lance pour ainsi dire les pois chi- ches dans la bouche affamée de la plèbe (notez d'ailleurs, à l'appui de cette inter- prétation, que populo est au datif) Rixanli : les gens du peuple s'arrachent entre eux les pois chiches qu'on leur lance. iS^osIra ut Floralia, etc. : « pour que les vieillards, se chauffant au soleil, puissent se rappeler les fêtes de Flore célébrées par nous ». La distribution dé- crite dans le membrt! de phrase précé- dent a donc lieu aux fêtes de F"lore (il y en avait de semblables aux Cereulia, aux Liberalia, elc ). C'étaient, jusqu'à l'année 22 av. J.-C, les édiles qui présidaient à ces fêtes, du 28 avril au 3 mai. Ce furent ensuite les préleuns On s'est demandé (Biicheler, Némclhy)s'il n'est pasquestion ici de la célébration dos Floralia dans les municipescl si le présent passage, comme d'autres (1, 129-130 et peut-être 3, 29) n'est pas une raillerie à l'adresse des ma- gistrats municipaux De fait, on a trouvé à Aibe des Marses l'inscription suivante (C. 1. L., 9, 3947) .. L. Septimio Phi- ladespoto pro suis inei-ilis et Floralibus cippus positus », et l'on sait que le culte de Flore (Flusa) était fort en honneur dans le pays des Samnitos. D'autre part, c'est à un édile ou à un préleur de (>anu- sium, en Apulie. qu'Horace attribue la distribution de pois chiches et de lupins dont il parle : Sat., 2. 3, 181 et suiv. (cf. supra). J'ajoute que, sous l'Kmpire, c'étaient d'ordinaire les empereurs qui ordonnaient, à Home. Iesnii.s-.sj7i'f((cf Suét.: A'ér. 11 et Dam. 4). Au demeurant, il est fort possible fjuc Per";e. r]'ii dr^eloppc.

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A l'KHSl FLACCI SAIA'HAKN'M LIBEK

Aprici iiieiuinisse senes. •■ Quid pulcliiius ? A.t cuni Heiodis uenere dies, unctaque fcneslra Disposilae [)ingueni nebulain uoinuere lucernae

180

NC. 179 nt cum P A- : at tnm a.

dans celte satire, un thème traditionnel au moyen d'exemples pour la plupart consacrés, ail mis en scrne un niagislial de 1 époque républicaine : uiyila, en ce cas, se comprend mieux cf. supra) et voy., 3, 29 la noie sur censorem). - Possint afirici, etc. : entendez que ceux qui auront assisté à des fêles si belles en parleront encore lorsque devenus vieux, ils iront se chauffer au soleil et causer avec des hommes de leur âge. Aprici - apri- canfes ; cf. Virg. (£«., 5, 128 : « apricis statio gratissima mergis » ,' Cic. : De Se- nect , 16, 57 : « Vbi enim potest illa aelas (se. seneclus)... calescere... apricatione melius. »

179. Quid pulchrius : « Quoi de plus beau ? » .le mets ces mots dans la bouche du poète, mais je ne puis y voir qu'une concession feinte. Le raisonnement n'est pas : « 1 ambitieux peut se glorifier de ses actes de libéralité ; mais, lorsqu il cède à des craintes superstitieuses, il fait voir qu'il n'est pas libre » : en réalité, il est égale- ment esclave, qu'il se laisse gouverner par l'ambition (v. 176-179) ou qu'il se livre à des superstitions abjecles. Seule- ment il peut, dans le premier cas, se laisser éblouir par la pensée (ju'on parlera de lui plus lard, tandis qu'il ne lui est même plus possible, dans le second, de se tromper lui-même sur la misère et la bassesse de son esclavage. Quid pulchrius est do ic ironique : « Assurément, il n'j' a rien de plus be^vu. » On pourrait, d'ail- leurs, sans modifier le raisonnement, attribuer la question à l'Ambition elle- même, comme trait final de son petit dis- cours, ou, encore, la donner à l'ambi- tieux (« quoi de plus beau », diras-tu^. At : « Mais (l'esclavage de la passion ne peut même pas toujours invoquer de belles apparences, car). » On remarcpiera que l'erse, ((ui, dans la satire 2, s'en est pris à la superstition en général, raille ici les culles élrangers, judaïsme, culte de Cybèle, cu'le d'isis, fort répandus à Kome depuis les dernières années de la république. On sait que les empereurs avaient déjà pris, plus d'une fois, des

mesures pour en arrêter le progrès (Suét.: Tib.. .S6 : Claud., 25:.

180. Herodis... dies : s'agil-il du jour anniversaire de l'avènement d'Hérode le Grand, célébré par la secte des Hérodiens pour qui ce roi était le Christ (voy. la noie de Casaubon) ? Il est peu vraisem- blable que Perse connût si exactement les choses de .ludée Dès lors. Herodis dies ne peut désigner que les jours dt- sabbat : le nom d Hérode le Grand, ami d'Auguste, était resté populaire à Rome ; il servait souvent à personnifier la reli- gion et le peuple juifs voj-. Th. Reinach : Textes d'auteurs grecs et romains relatifs au judaïsnte, p 265).

180-182. Constr. : « et (cum) lucernae portantes uiol;>s disposilae uncla fenestra uomuerepinguern nebulam ». c'est-à-dire: « et lorsque les lampes portant des vio- lettes, placées sur une fenêtre huileuse, ont vomi une nuée épaisse y. Il s'agit des lampes ornées de Heurs que les Juifs allumaient le vendredi soir, avant la nuit, à l'heure commence le sabbat. Sénèque (lïpist., 95, 47) parle également de la fumée qui s'en dégageait : « accendere aliquem lucernas sabbatis prohibeamus, quoniam nec lumine di egent et nehomi- nés quidem delectantur fuligine ». Des illuminations de ce genre n'étaient pas étrangères aux païens, mais c'était la porte qu'ils décoraient ainsi (Juv., 12, 91-92 : « ianua .. matutinis operatur festa lu- cernis »); d'ailleurs, comme les Juifs de liome, pauvres pour la plupart ou vivant comme s'ils avaient été pauvres, habi- taient de petits appartements dans des " îles )) et n'avaient pas de porte exté- rieure, fenestra est peut-être, comme rubrum catiuuni, et alba fideliu. un trait de satire : le poète s'amuse à décrire avec «'m phase un appareil de fêle très mesquin ; mais il n'est pas sûr que uncta, joint à fenestra, signifie suie icf. Hor. : Sat., 2, 2, 68 ; 4, 78-79 ; Epist., 1, 16, 23), ou bien salie par rhuile des lampes ; à coté de disposilae et de portantes uiolas, il indique peut-être un détail rituel : on sait le rôle que !'« onction » jouait chez.

SATIRE V

135

Portantes uiolas, rubrumque amplexa catinum Cauda natal thynni, tumet alba fidelia uino, Labra moues tacitiis rccutitaqiie sabhata pâlies. Tumnigri lémures ouoque pericula rupto.

185

NC. 183 natal A- P : nat 2. ihijnnitiiniet x: lyiiinitiint et V. \8i. reciititaque x rectitit atque P. I8.1. pericula P A- : pericnhi x.

les Juifs lorsqu'il s'agissail de consacrer un objet. Vormiere : expression épique ; il y a ici une emphase voulue cf. Virg. : En., 5, 682 : « Stuppa uotnens... fumum »).

182-183 : « et lorsque nage une queue de thon remplissant la circonférence d'un plat rouge ». Ruhrtun... catinum : il s'agit d'un plat en terre rouge comme ceux qui se fabriquaient à Arretium (cf. 2. 60 Tiiscum fictile, et la note) ; c'était de la vaisselle tout à fait ordinaire. Le catinum était profond et propre à con- tenir des sauces. - Cauda. . thynni : le poisson dans l'eau étant le sj'mbole de l'Israélite fidèle, c'est un poisson qui sert de nourriture au croj-ant les jours de fête et de sabbat 'voj'. I. Scheftelowilz : Le symbole du poisson dans le judaïsme et le christianisme, Archiv f. Religionswis- sensch., 14 Leipzig. 1911). Leniot ani/j/e.ra sert à indiquer les dimensions considé- rables du poisson ; mais faut -il entendre que, sur cette table pauvrement servie, on se contente de la partie inférieure de l'a- nimal, qui était la moins estimée cf. PI. : N. H.. 9, 48 : « Vilissima ex bis (se. Jhynnis). qune caudne proxima, quia ])in- gui carent, probatissinia quae faucibus «^'.■' Ce n'est pas sûr ; amplexa indique que l'animal est enroulé dans le plat, de sorte que, de toute manière, c'est la partie inférieure et la queue qui en touchent les parois Natnt : notez le jeu de mots : au lieu de nager dans la mer, il nage dans la sauce : cf. Hor : Sat., 2, 4, 77 : 'I Angustoquc uafios pisces ingère ca- tino "

183. Alba fidelia : il s'agit encore d Un vase en terre fvoy. 3, 22) ; le Juif s'en sert en guise de lagoena 'voy. 3, 92). Tumet. pour dire « est pleine », fait une métaphore à première vue un peu bizarre, du moment qu'il ne s'agit pas d'une outre ou d'un sac (Phèdre : 2.7,3) ; mais Perse fait allusion, je pense, au ventre de la bouteille.

184 ; Hnl. " Pendant que les Juifs accomplissenlces rites, toi, qui es Romam, tu pries, et tu célèbres le sabbat en trem- blant d'une crainte superstitieuse. - Labra moues tacitus indique une prière faite à voix basse (cf. Hor. : Epist., 1, 16, 60 : <( Labra mouet metuens audiri : « Pulchra Lauerna. etc. n\ - Recutita sabbata est un tour hardi pour sabbata recutitorum ; « les sabbats des circoncis » (cf. Martial, 7, 30.5 : « recutiti ludaei »), et pâlies fcf. 3. 43 : " palleat infelix quod. . nesciat uxor » et la note) a ici la valeur de me- tuis : « tu redoutes », c'est-à-dire « reli- gioso metu célébras » (cf. Juv., 14, 96 : <■ metuentem sabbata patrem »). La super- stition était, aux yeux des stoïciens, une forme de la crainte (cf. supra, 2, 31 : metuens diuum et la note). Mais, d'autre part, les prosélytes du judaïsme s'appe- laient en grec oo6o'j;jiîvo'. ou (jz.o6iivjo'. xh'/ fjîov. (cf. Actes des Apôtres, 13, 16 et 26 ; Josèpbe Antiquités jud., 14, 7, 2). Sur les Roniains célébrant le sabbat, cf. Horace: Sat.,1, 9.68-70; Tib., 1.3. 17- 18 ; Ov. : Ars am.. 1, 75-76 ; 415-416, etc. et voy. Renan r les Apôtres, p. 294-295.

185 Tum : « Ensuite » : Perse passe à une autre superstition. Nigri lémures : on appelait lémures ce que nous appelons les revenants (vo}\ Hor. : Epist.. 2, 2, 209: « Xocturnos lémures portentaquc Thessala rides. « ; Apul. : Apolog., 54, p. 69 Rip. : " At tibi duat Deus isle semper nbuias species mortuorum : c[uicquid unibrarum est usquam, quicquid Lemurum, quicquid Manium, quicquid Laruarum oculis luis oggeral » : cf. du même : De deo Socr., ]). 237 Bip.). Nigri : au sens de « si- nistres » cf. ter)f qui apparaissent la nuit (cf chez Hor., 1. 1. : noctnrnos) ' sombres d'aspect ? Je crois que tout cela est plus ou moins contenu dans le mot Lémures et pericula sont grainniaticalemenl sujets de incusserc dcos. mais, logiquement, il faut tirer ici de ce verbe une expression comme tibi terrorem iniciunt : il v a un

15()

A. PKKSl l'I.ACCl SATV1L\U\M I.IHEH

Hinc grandes galli et cum sistro lusca sacerdos Incussere deos inflantis corpora, si non Praedictum ter mane caput gustaueris alli. Dixeris haec inter uaricosos centuriones :

NC 186. hinc P : tum a ; même incertitude, à peu près, que 1, 19 P donne tune et 2 hic: il faut reconnaître que la reprise oratoire de tum Puis..., puis .. » convient fort bien dans ce passage Perse t'numère différentes superstitions ; mais elle peut avoir été introduite par un correcteur. Sur le sens de hinc, voy. le comment. : si ce n'est pas la bonne lei;on, c'est peut-être une mauvaise lecture de Tune, donné par quel- ques mss. grades a (corr. A'-) luscra (au lieu de lusca a (peut-être par suggestion de sislro qui aura évnf|ué liirro ; corr. A''). 188. alli A^ : tilli x ; alil P : allii 9.

/engma. Ouo. . pericula rupto : tour très elliptique -rr pericula quae, ouo rupto, impendent tihi- Ouo rupto sigiiiBe : « quand un œuï a éclaté » il s'agit du mode de divination que les Grecs appelaient l'jOT/.OTzr/.r^ ou (woJXOTtîa. On mettait un œuf sur le feu ; on observait s'il laissait échapper du liquide par en haut ou par côté : s'il se rompait et se vidait d'un coup, c'était un mauvais présage : « sacerdoles qui explorandis periculis sacra faciebant, obseruare solebant ouum igni imposilum, utrum capite an latere desudarel. Si autem ruptum eftluxerat, periculum ei porten- dobal, pro quo faclum fuerat, uel rei fa- miliari eius » (scolicsde Perse).

186. Hinc : « Puis, d'autre part » : tum, au vers 18,S, lie tout ce nouveau déve- loppement à celui qui le précède, tandis que Awic oppose entre eux les deux groupes de sujets de inrusxere. Mais voy N(>. Grandes gain : çialli était le nom des prêtres eunuques de Cybèle : sans doute les choi- sissait-on de grande taille fcf Juv., 6, 512- .")13 : « ingens Semiuir »). Mais, d'antre part. Perse associe volontiers la sottise et une taille élevée (cf. supra, 95 : « caloni... alto » et infra. 190: « Pulfenius infjen."; ». Cum sistrn : instrument dont l'usage était consacré dans le culte d'Isis : c'était un petit cerceau de bronze (Ov. : Met., 9,777-778 : « aéra Sistrorum', traversé de plusieurs baguettes qui rendaient un son lorsqu'on les agitait. Lusca sacerdos : Isis passait pour rendre aveugles ceux qui avaient excité sa colère ; la prêtresse dont il est ici question n'a qu un omI et doit se donner comme ayant elle-même offensé Isis qui l'a punie : cf. Ov Pont., 1. 1. 51-54) : « Vidi ego iinigerae nuMien uiolas^e fatentem Isidis Isiacos ante sedere focos. Aller, oh hnic similem prinafns lamine

culpam, Clamabat média se meruisse uia » ; Juv. 13, 93 ; « Isis et irato feriat mea lumina sistro. » (Je signale, parce qu'elle est amusante, l'interprétation du scoliaste : « lusca... quod omnes débiles aut déformes, cum maritos non inuenerini, ad ministeria deorum se conférant ». Il ajoute, il est vrai : « uel quod Aegyptii tam deos quam sacerdotes de monstris habeant »)

187. Incussere deos ■= incussere tibi u\e- tum (ou timorem) deorum : cf. un emploi analogue de excutio chez Virgile [En., 5, 679) : « Excussaque peclore luno est » et (6. 78i : « magnum si pectore possit Excus- sisse deum ». Incussere : pf. gnomique (cf. supra. 61) : « On a vu les Galles... t'inspirer, etc. ») Inflantis corpora : ent. : « qui corpus tuum inflabunt nisi, etc. ». Les maladies amenant une enflure du corps étaient fréquentes en Orient, et les prêtres les donnaient pour une punition des dieux.

188. Praedictum : s'il faut en croire le scoliaste, l'ail, pris à jeun, était un préser- vatif contre les incantations magiques : « Dicunt, si alium ieiuni gustauerint, con- tra artem magicam remedium esse. » Mais nous n'avons aucun renseignement cer- tain sur cette superstition Ter nianc . cf. 2, 16. Caput... alli : cf. Colam., 6, 34, 1 « caput porri, nlpici » ; nous disons, par une métaphore semblable : « une tête de pavot ».

189-191 (^.es vers font une sorte d'épi- logue satirique : « Si l'on proclame ces vérités au milieu d'hommes vulgaires, comme les centurions, ils éclatent d'un rire -épais et font des plaisanteries faciles sur la philosophie grecque (cf. 3, 77 : le ton, ici encore, me paraît être celui dune raillerie dédaignense) Di.reris... ridet : cf.

SATIRE V

Continue crassuru ridet Pultenius ingens Et centum Graecos curto centusse licetur.

157

iyu

NG. 190. Pulfenius P : fulfenius a (les deux formes sont possibles l'une el l'autre) puf'ennius et utilfennius 'i ; vo\\ Havet (Cri<. verb., p. 160, n" 608) : la confusion du P avec l'F est une faute fréquente. 191 tiir/o P : citreo a ; uno Priscien (De jig. nuiu . 3, 5 = Gr lat., 'â. p. 410, 19 Keil centusse a : centus P licetur A'^ ~ : ligetur a; eligetur P (voy. Iiilrod., p. xxvin).

pour le tour, supra, 78 el 4, 25. Vari- cosos : qui ont des varices (aii\ jambes) », leur métier les obligeant à se tenir long- temps debout Continno : « immédiate- ment )> : c'est le sens ordinaire du mot. Crassum ridet : « rit d'un rire épais » : cf. . pour le tour, 3, 110: « subrzsi/ molle ». - Pulfenius (voy. NC. : personnage in- connu ; sans doute nom quelconque de centurion. On trouve dans les inscriptions L. Polfennius Cerdo (C. I. /... 5. 7814), et Pulfennius {ihid . 10, 4864. 4873 4985; 9, 3354) Ingens : cf. 3. 86 : « lorosa iuuen- tus » et supra, 186, la note sur grandes gain. Centum Graecos .ent. : cent philo- sophes grecs : cf 1. 127 ; 3, 78 et suiv. ;

6. 37. IJcetur : licere se dit d'une chos'! vendue aux enchères (Hor : Sat , 1, 6, 13-14 : « unius assis Non unquam pretio pluris licuisse »', liceri, de celui qui achète dans une vente aux enchères. ^Jiir(oce/i- tusse (cf. supra, 76, tresis et la note) : abi. de prix : faut-il entendre, en donnant au mot la valeur de centum assibus >< pour une somme de cent as écourtée ■>, c'est-.n- dire : " pas même pour un as chacun » ? ou applicjuer l'expression à une pièce de cent as qui a perdu de son poids par un long usage ? De toute façon, la plaisan- terie a bien une couleur populaire (cf. PI. : Capt., 274 : « eugepae, Thalem talento non emam Milesium »).

SATIRE VI

Perse demande au poète Bassus si l'hiver l'a ramené dans la Sahine et s'il y travaille à de nouvelles œuvres lyriques, dignes des précédentes (1-6 . Pour sou compte, il jouit du climat tiède de la Ligurie, dans le charmant port de Luna (6-llj. Il y goûte un contentement parfait, se souciant peu de savoir si son voi- sin est plus riche que lui ou si des gens d'une naissance inférieure à la sienne le dépassent en opulence Quand cela serait, il ue verrait pas une raison de se refuser un bien-éire sagement mesuré ( 12-17 j. Un autre peut avoir dei idées dillerentes sur le bon usage des richesses : tel est d'une avarice sordide, dont le frère jumeau se montre toUement prodigue. Quant à lui, il saura dépenser, sans tomber pour cela dans le faste ou la gourmandise. L'argent n'est qu un instrument, et nous pouvons employer tout notre reveou. Nous ne devons même pas hésitera entamer notre capital s'il s agit de secourir un ami malheu- reux (18-ij.j>. Sans doute nous nous exposonb ainsi à mécontenter notre héritier, qui se vengera peut-être après notre mort en lésinant sur les frais de nos funé- railles, et à provoquer les léfle.xions chagrines des détracteurs de la philosophie. Mais doii-on craindre, par delà ie bûcher, des funérailles modestes et les pro- pos des gens vulgaires 33-41) ! En réalité, notre héritier n oserait lien dire s il nous plaisait de taire les plus folles dépenses pour flatter lafolie d'un empereur, comme d olfrir des jeux en 1 honneur de la victoire imaginaire d un (Jaligula (41-51 . S'il taisait ti d'une succession ainsi réduite, nous ne serions pas en peine pour trouver queiqu un qui voulût 1 accepter, même si, n ayant plus aucun parent, nous devions prendre le premier venu, un mendiant : après tout, les hommes ne sont-ils pas tous parents et n'ont-ils pas une commune origine (51- ()0j '! Au fond, un héritier doit considérer comme un gain tombé du ciel tout ce qui peut lui revenir. Si nous entamons notre capital, si nous dissipons les biens qu'un autre nous a transmis, cela ne le regarde point. Nous n avons pas à taire maigre chère pour qu un jour quelque débauché puisse mener joj'euse vie 61- 74). Vaudrait-il mieux nous donner pour tâche d accroître notre capital partons les moyens.' Ce serait oublier que notre cupidité, une fois déchaînée, n'arrivera jamais à se saiisfaire (75-8U;.

Adraouit iaiii bruina focu te, liasse, Sabino ?

\C. Titre : ad cestum bassum lycurium poclatn (i. e. Ad Césium Bassuin lyricum p.) P ; ode quinta i.

1-11. Dans ce préambule, Perse, pour demande d'abord au poète Caesius Bassus euarri\-«;ra nous décrire son propre séjour, il passe l'hiver; et c est pour lui une

SATIRK VI

159

lamiie lyra cl lelrico iiiuunt libi pectine chordae. Mire opitex niinieris ueteruiu primordia iiocum Atque mareni strepitum tidis intendisse latinae,

NC 2. ianiiie P A '■' : iam nec a. /i/rn et tetrico iiiiiunt a : lyre etiricae uiiint P ; lyra et tricae iiiuunt p (texte qui laisse deviner la leçon tetricae.. chordae ; le scoliaste paraphrase la leçon tetrico... pectine, qui est la plus satisfaisante au point de vue du style et que j'adopte, dans le doute nous laisse le texte altéré de P). chordae omis dans a, rétabli par A- et li-. ;{. uocuiu 2 : reruni P (p a ajouté uocum : il parait certain que primordia tiociiiii est la leçon primitive, la banalité primordia reriim étant l'ern'ur d'un copiste qui aura lu son texte avec peu d'attention). 4. matrem a (corr. A^).

occasion de louer le talent Ij'rique de son ami. Sur Caesius Bassus, cf. la Vita Persi, § 5 et la note.

1. Briima -= breiiima [breuissima dies : proprement, le jour le plus court de l'an- née, le solstice d'hiver. Ce n'était pas seu- lement en été et en automne que les Ho- mains quittaient la ville pour la campagne. Ceux qui aimaient la tranquillité fuyaient, au mois de décembre, 1 agitation des Sa- turnales. iHor. : Sat-, 2, 3, 4 : « At ipsis Saturnalibus hue (se. in Sabinum luum) fugisti sobrius »). Fuco... sabiiio : duiif de but ^ ad focum Sabinum : non pas <«\ers ta demeure de la Sabine >-, mais « vers un foyer sabin ^ , c'est-à-dire : « vers la demeure tu mènes, dans le pays des Sabius, la vie calme et saine des gens du paj's ». On sait que les Sabins passaient pour avoir conserve la simplicité d autrelois (cf. Cic. : l'ro Lig., Il, 32 ; \'irg., Géorg., 2, 167 ; 532 ; Hor. : Ud , 3, 6,37,. et le mot f'ocus convient parfaite- ment pour évoquer des mœurs patriar- cales.

2. lamne : pour le tour, cf. Plaute Trucul , 695) ; Perse suppose que son ami profite du calme des champs pour com- poser des vers [CÏ. Hor.. Sat , 2, 3, 4 et suiv.). Coiistr. ; « lyra et chordae uiuunt tibi tetrico pectine » {lyra et chordae étant d'ailleurs un hendiadyin pour chordae lyrae : eut. : « ammes-tu les cordes de la lyre sous un plectre sévère / » Autrement dit ". « composes-tu des poèmes graves ». L'épithète letrico, rapprochée de « marem strepitum » et de « poliice honesto », in- dique le caractère sérieux et élevé de la poésie de Bassus. Alais d'ailleurs, cet adjectif dérivé de teter, a sombre », est un mot rare ; l'emploi a en être sug- géré ici par foco... aahino, cur on 1 appli- quait à l'austérité des Sabius (Ov. : ..-l;/!.,

3, 8, 61 : « exaequel tetricas licet illa subi- nas » ; cf. Liv , 1, 18, 4) ; et, de plus, uni- montagne de la Sabine portait le nom de Tetricae rupes (Virg. : En , 7, 713). Viinint : il leur rend la vie, mais, en même temps. Perse veut donner à entendre qu'il les fait résonner vigoureusement (^= uiunnt uigentque). Pecten est, ici comme ailleurs (par ex. chez Virg. : En., (). 647), l'équivalent latin du mot grec plectrum.

3. On pourrait entendre min- opifex, mire étant alors le vocatif de miras (cf. Hor. . Sat., 2, 4, 7 : « Siue est naturae hoc, siue artis, miras utroque »), et peut- être, en ce cas, l'iiif. intendisse dépen- drait-il de ce mot comme agiiare et lusisse dépendent de egregius. Mais il semble plutôt que le subst. opife.v soit employé ici comme adj. et construit avec 1 inf., :i

I exemple d'artif'e.v (Prol 1 1 . ,Ie crois donc que mire est adverbe, et qu'il faut lire : « Mire opifex » dans le sens de : « mer- veilleusement habile à ».

3-4. Numéris ueterum, etc. : litt. : « à faire résonner en mesure les éléments des vieux sons et le mâle frémissement de la lyre latine ». Numéris me parait être un ablatif(:=- numeruse, £'jO'jOjjl(i)>;), ici et chez Virgile {En., 6, 646 ; « Obloquitur nu- meris seplem discrimina uocum »). Si l'on en faisait un datif, il faudrait, il me semble, donner à intendisse le sens de

II accorder (litt. : tendre) pour des sons mesurés », qui ne convient pas ici, puis- que le verbe est transporté des cordes de la lyre aux sous mêmes qui retentissent sur l'instrument cf. N'irg. : £11., 9, 776 : « numéros... intendere neruis »). La locution primordia uocum appartient à Lucrèce (4, 529) ; elle est chez lui l'équi- valent de alomi sonttiis, atomi (juibus uox humana constat. Perse, en joignant à uo-

ItiO A. PKKSI KI.ACCI SATViiAl'.VM LIBEh

Moxiuuenes agitare iocos et pollice honesto

NC. 5. nwx Iti. mss de l'erse : tuin Servius ^in Aen., 1, 30(J).

cum l'épithcte ueterum. modifie le sens de l'expression : « les élémenls des vieux sons », cela ne peut guère Signifier que u les éléments sonores delà vieillepoésie ». c'est-à-dire : « les mots ou les rythmes des vieux poètes " . .le pense qu'il s'a}»it des rythmes des anciens lyriques grecs. que Bassus avait repris après Horace. Marein strepiluni indique alors que l'ami du stoïcien l'crse, dédaignant les inoiles cadences chères à ses contemporains (cf. 1, 63 et suiv ; 92 et suiv.). conserve à la lyre latine l'harmonie niàle qui lui con- vient (cf. ibid., 103 et suiv.). Km tout cas, ueterum, à la place que ce mot occupe, ne p"ut être, il me senihle. que l'épithète de iiociim : c'est la construction réclamée à la fois par les habitudes de la langue et par celles de la versification. Je ne saurais donc admettre que l'on construise : « in- tendisse, numeris ueterum, primordia uocum fidis latinae atque marem strepi- luni ■', c'est-à dire : « iaire retentir con- formément aux mètres des anciens poètes (grecs) les notes d'une lyre latine et ses mâles accens >■ cette construction s'ini- ])ose au contraire si l'on adopte la leçon primordia rcrum, voy. NC, expression qui peut s'appliquer à un De naltira rerum. à une cosmogonie, à une théogonie, etc.). Mais il nie paraît plus invraisemblable, encore que fidis lutimic dépende de nume- ris, la construction étant: « intendisse nu- meris fidis latinae ueterum uocum primor- dia atque marem slrepitum » (Hamorino), ce qui voudrait dire : « adapter au rythme de la lyre latine les premiers éléments et le son mâle des vieux mots », autrement dit : « faire entrer les sonorités mâles des vieux mots latins dans des vers lyriques ». Ce membre de phrase cl le suivant seraient plus clairs sans doute si nous étions moins incomplètement renseignés sur la nature des œuvres de liassus. On a même pu se demander si ueterum primor- dia uocum ne s'appliquait pas à quelque poème sur l'élymologie, ueterum primor- dia uocum étant alors l'équivalent de uel. uocabulorum causas, aetia : ne nous a-l-on pas conservé, de Lucilius. des vers sur l'orthographe et la grammaire, et n'avons- nous pas, d'une époque incertaine, tout un poème en hexamètres : De fiyuris ora-

tionis (Riese : Anth. lai., 2, p. 16-26) 7 D'iiutre part, Bassus était grammairien en même temps que poète, s'il ne fait, avec le métricien du même nom, qu'un seul et même personnage (voy. Vita Persi, § 5, note). On peut, il est vrai, reprocher à cette interprétation, non seulement de reposer sur une hypothèse invérifiable, mais de rendre difficile l'intelligence des mots marem strepitum fidis... latinae. Fidis : ce singulier, dans le sens de « Ij're », est poétique : le mot désigne proprement une corde à boyau (Horace avait dit de même. Od., 1, 17, m : a et fide Teia dices laboranles in uno »). Intendisse : pour l'emploi du pf. , cf. 1, 42 ; aussi bien y a-t-il dans opif'ex l'idée de pouvoir.

Ô-6. Mox iuuenes, etc. : constr. : « Mox egregius agitare iuuenes iocos et lusisse, senex, pollice honesto », c'est-à-dire : » remarquable ensuite pour te livrera des ébats déjeune homme et folâtrer, vieillard, d'un pouce bienséant. » Ceci fait évidem- ment allusion à des poésies amoureuses de Bassus. Le tour iuuenes iocos est calqué sur le iuuenes annos d'Ovide \Mct., 7, 295,, et Ovide encore a fourni la périphrase agi- tare iocos ^ iocari Met.. 3 320 . « agitare remissos iocos n). Ludus et ludere étaient des mots consacrés pour désigner la poésie lyrique et, en particulier, les vers erotiques (Hor. : Epist.,2, 2, 142 ; Ov. : Trist., 1. 9, 61, etc.) ; et, pour la construction abso- lue de ludere, on peut comparer Catulle (68, 17) : « mulla salis lusi ». Il y a antithèse entre lusisse et senex (cf. NC), et plus encore entre senex et iuuenes : ce vieillard l'ail des vers pleins de jeunesse ; mais, même dans la poésie légère, il ne s'écarte jamais de la bien- séance et de la morale (" pollice honesto » : cf. pour la valeur de honestus, 2, 74). Pollice . on touchait les cordes de la lyre tantôt avec le pleclre, tantôt avec les doigts (N'irg. : En., 6, 647 : « lamque eadem digilis, iam pectine puisai eburno »). Egreyius est construit avec l'inf. par ana- logie avec bonus. Four l'emploi parallèle du présent de l'inf. agitare) et du pf. {lusisse), cf. 1, 41-43 qui uelle recusel Os populi meruisse et... linquere... car- mina >i).

SATIKK \1

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Egregius lusisse senex ? Mihi nunc Ligus ora Intepet hibernatque meum mare, qua latus ingens Dant scopuli et raulta litus se ualle rcceptat.

NC. (J. egvegius d'après agregius a et ac greciiis P : aegregios p A- ; egregios Val. . lusisse P : iusisse a. senex P a . senes p A- N'ai. : je crois que senes est une faute méca- nique ou une correction arbitraire amenée par le iuiienes du vers 5, de même que. dans la satire â, vers (54 senestjue a provoqué la substitution de iuiienesque à pucrique. Ayant écrit senes au lieu de senex^ on devait, d'une manière presque forcée, écrire egregios au lieu de egregius egregios lusisse senes dépendant encore de opife.v et pouvant signi- fier soit : « chanter les héros et les grands hommes du passé ». soit « chanter les vieil- lards qui emploient noblement leur vieillesse ». La leçon egregius lusisse senes n'est pourtant pas inexplicable, soit qu'on entende « chantre remarquable des vieillards » (c'est-à dire des honnêtes plaisirs de la vieillesse) », soit qu'on fasse de senes une épi- thète, parallèle à iuuenes. de iocos sous entendu (iocosse;ies iocosnm carminuni genus... honeslius... et senibus dignum Jahn). Mais tout cela semble forcé. Au contraire, il ny aurait rien à objecter à la leçon senex, si la Yita Persi, nous lisons : « amicos habuit a prima adulescentia Caesium Hassum poetam et Calpurnium Stnturam, qui uiuo eo iuuenis decessit » ne nous invitait à faire de Bassus un homme du même âge que Perse, ou à peu près. ora P: yora a, y suscrit pour être substitué à Vu de Ligus et qui a été inséré ,Havet : Crit. verb., p. 346, n" 1403. 7. hibernatque meum p A'-' : hiberna quem eum P ; hibetnatque meum a. 8. receplat P a : recepit ;.

(5-11. Pour son compte. Perse jouit, sur les côtes de la mer Tyrrhenienne, de l'air tiède qu'on y respire en hiver. Horace aimait aussi celte douceur marine (Epist., 1, 7, 10-11 : « Quodsi briima niues Albanis illinet agris, Ad mare descendet uales tuus » : cf. Od , 2, 6, 17 ; Epist., 1. 10, 15), et, à ce point de vue, la réputation du golfe de Gênes est aussi grande aujour- d'hui qu'autrefois. Mais, si nous en croyons une scolie. Perse avait, pour choisir Luna comme résidence, une raison particulière : le second mari de sa mère, Fusius, était de cette ville ; voy. Vita Persi § 3 et la note . 6. Ligus ora : " la côte de Ligurie ». Le port de Luna (aujourd'hui La Spezia) était situé dans le Marenine toscan, aux confins de la Ligurie et de l'Htrurie. Pour l'emploi de Ligus, comme adj., cf. Cat., 17, 19 et Tac. : Hist , 2, 13 femina Ligus »).

6-7. Mihi... intepet : litt. ; " tié<lit poui- moi », c'est-à-dire : « m'offre un air doux et tiède ». Cf. Hor. : Episl.. L 10, 15 ; <( Est ubi plus tepeant hienies / » Mihi est détaché par 1 asyndète : cf. 1, 119 et la note.

7. Hibernât : « hiverne » ; entendez que la navigation j- est interrompue par l'hiver. Mais il y a ici une figure de slj'le : en réalité, c'est le poète qui hiverne au bord de la mer, ou, comme l'indique le sco- liasle, les navires qui ont cessé de navi-

guer. Il n'j' a pas lieu d'appliquer hiber- nât aux gros temps de la mauvaise saison et d'y voir un équivalent de hiemare =z hieme saeuire. Meum mare ne me semble pas signifier simplement : « la mer que j'aime, ma mer chérie ». En qualité d Etrusque, Perse a le droit d'appeler la mer Tyrrhenienne « sa mer » : d'autant plus que les X'olterrans paraissent avoir annexé de bonne heure à leur territoire la partie du littoral comprise entre le pro- montoire de Populonia et le port de Luna [\o\. E. Curlius : De A. Persii El. patria, p. 6 de la Satura philologa H. Sauppio oblata. BerHn, 1879).

7-8. Qua latus, etc. : « à l'endioiloù des rochers offrent leur flanc énorme (où la mer vient se briser »). Dare latus se dit d ordinaire d'un navire (^'irg. . En., 1, 105) : mais Perse s'est souvenu que N'irgile avait écrit (i/ii'd., 1, 159-1(50) : « Insula por- tum Efîicit obiectu laterum ».

8. Et multa, etc. : entendez que le rivage se creuse en un vaste enfoncement. Mais uallis a une valeur descriptive : c'est un golfe dominé par de hauts rochers. Multa paraît avoir ici le sens de « consi- dérable ». Cependant, si l'on rapproche le mot du fréquentatif receptare, on peut se demander s il ne signifie pas « multi- ple » (cf. 4, 49) et si Perse ne fait pas allusion aux nombreuses sinuosités par lesquelles le rivage s'enfonce peu à peu.

il

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A. PERSI FLACCI SATVRARVM LIBER

Lunai porturn, est operae, cognoscite, ciues : Cor iuhet lioc Enni, postquani destcrtiiitesse

10

NC. y. lunai PA- : luiii 2, un j suscril pour être inséré après l'a lui aura été substitué (Havel : (Iril. oerb., p. 33Ô, ii^lbôb. porluiit p 3. : i/iactiuin V : glose subsliluce : cf. la soolic ; « o fiues, operae preliinn est porluni in modiini limao fnctum cognoscere ». coynnscitc i : cofinosccre P, Icçou très acceptable en elle iiiofiie, mais qui se concilie moins bien avec iiibet et semble avoir la même origine que pmc/iiini (cf. la scolie citée i-i-iK'ssus^.

!). Par cette citation d'Ennius, Perse indique le nom du porl qu il vient de dé- crire (cf. supra, 6 et la note). 11 est pos- sible, d'ailleurs, que seule In formule est operae, cngnoscile. dues cf. X(]. soit prise au vieux poète, la forme archaïque « Lunâï » étant introduite ici par Perse en manière de pastiche. Est operae forme paren- thèse : « l'occasion est bonne » (cf Plante : Trucul , 883 : « operae mi ubi eril, ad te uenero ))i ou bien : « la chose en vaut la peine » (simple équivalent, en ce cas, de operae prelium est ; cf. Liv., 1, 24, 6 : « non operae est »). Pour ces exhortations d Ennius à ses lecteurs, cf. fr. 16 V'ahlen (3-15 Bahrens) : « audire est operae pre- tium, procedere recte rem Romanam La- tiumque altisceie uoltis ».

10. lubet hoc : « telle est l'invitation que nous adresse, etc. » - Cor Enni .expres- sion imitée du style épique (cf. Furius Bi- baculus, cité par Suét. : De granun., 11 : « En cor Zenodoti : en iecur Oatetis ») ; Horace dit de même Od., 3, '21, 11-12 : « prisci Catonis. uirtus el(Sat.,'2 1, 72): « l'ir/u-s Sripi'ndae et mitis .";n/)ien/in l,aeliy>. Perse s'est rappelé l'adj. cordalus = sa- piens, prudens. dont Ennius se servait (voy. (lie. : l'use., 1, 9, 18), et cor Enni est l'équivalent do Ennius, air cordatus, comme sapientia Enni serait l'équivalent de Ennius, uir sapiens Nous dirions : « Ennius, dans sa sagesse. » Postquam desterluit esse : « lorsqu'il eut cessé d'être, au milieu des ronflements, elc. » expres- sion burlesque qui fait un contraste voulu avec la solennité épique des mots cor iubct hoc Enni. On ne trouve pas ailleurs le verbe destertere (proprement « cesser de ronfler »), composé comme desino, dé- sista, dedisco et, comme eux, construit di- rectement avec l'infinitif. D'autres, voj-ant dans destertere un simple renforcement de stertere, analogue à despondere, desidere. interprètent << postquam somniauit », esse Maconides étant mis alors pour se esse .Mueonidi-ni par imitation du tour ait esse

paratus (Hor. : Epist., 1, 7, 22). Mais la pensée n'est-elle pas que le sage conseil de connaître le port de Luna est donné par Ennius lorsque, sorti du délire poé- tique où Homère s'est montré à lui, il e.st revenu au bon sens ".') Perse l'rol., 2-3 a déjà fait allusion au songe dont Ennius avait placé le récit au début de ses Annales- Du rapprochement de divers textes (Cic : Acad pr , 2, 16. 51 ; Lucr., 1, 117 et suiv. ; Hor., Epist.. 2, 1, 50-51, avec la note de Porphj'rion ; TertuUien ; De ani- ma, 33 ; Sosip. Charisius, 1, p. 75}, il semble résulter qu'Homère apparaissait au poète et lui racontait que son âme, après sa mort, était passée dans un paon : « iMemini, disait-il, me fieri pauonem » (cf fragm. d'Enn., 15 \'ahlen), et, du paon, dans Ennius lui-même. On com- prend dès lors les mots « postquam des- terluit esse Maeonides. Quintus pauone ex Pyth. », qui signifient « une fois sorti du rêve il était le poète de Méonie. devenu Quinlus (Ennius) après avoir été un paon pj'lhagoricien » (expression co- mique pour dire : après avoir été paon, selon la doctrine de Pythagore sur la transmigration des Ames dont Homère, dans le récit du songe, ex|iliquait sans doute les princi))es à Ennius). Le nom de Maeonides donné à Homère vient, on le sait, des légendes qui faisaient naître celui-ci soit à Smyrne soit à Colophon, dans la Lydie, dont la Méonie est une contrée. Le tour Quint, pauone c.v Pyth. équivaut à Quintus foetus ex pauone Pyth. Selon d'autres. Perse a voulu aff'ubler Ennius d'un nom hybride, indiquant qu'il était Homère et Ennius dans la même personne. 11 faut en ce cas supprimer la virgule après Maeonides et entendre « lorsqu'il eut cessé d'être en songe Quin- tus Maeonides sorti d un paon pythago- ricien ». Et il n'est pas impossible, étant donné le tour d'esprit de notre poète, que cette explication, en apparence forcée, soit la bonne. Mais je ne cite que pour mé-

SATIRE VI

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Maeonides, Quintus pauone ex Pytbagoreo. Hic ego securus uolgi et quid praeparet Auster

NC. 11, quinlus P ot Priscien (Inst. gr., 10, 8, 48 = Gr. lat., 2, p. 537, 12 Keil) : iiuinto Charisius (Ai7 gramm., 1, 15:= Gr . lai,. 1, p. 98, 7 Keil). pauone p A"^ : paiionein P a. 12. itolgi P ; inilyi p a ; cf. 5, 117 : uolpem. et In note.

moire, et parce qu'elle trouve encore quelques partisans, celle qui fait de quintus un adj. numéral et entend, avec les scolies, qu'Knnius est la cinquième incarnation de l'ànie de Pythagore (1), passée dans un paon [2j, du paon dans Euphorbe Ci), d'Euphorbe dans Homère ;4 et d'Homère dans Ennius (5). Elle est fort peu satisfai- sante an point de vue de la langue comme de la logique, puisque Perse n'a pas écrit « Quintus a Pylhayoru » (cf. « a loue tertius Aia.\ »), mais « quiiUus pauone e.v P3ih. » D'autre part, le scoliaste, en plaçant le paon au début de la série, n'est d'accord ni avec Tertullien (De resurrect. carnis, 1) qui donne l'ordre suivant : Euphorbe, Pythagore, Homère, le paon, Ennius, ni avec Lactantius Placidus, commentateur de Stace (in Theb., 3, 483 , qui ènumère Euphorbe, Pythagore, le paon, Homère, hnnius. Au contraire, ces deux listes se concilient fort bien, la première avec le texte «... Maeonides, Quintus, etc. », la seconde avec le texte «. . Maeonides Quin- tus, etc. ».

12-16. (]onstr. : « Hic ego 'sum), secu- rus uolgi et quid Auster, infelix pecori, piHieparet, et securus quia ille angulus uicini (est) pinguior nostro angulo ; et, si onmes adeo orli peioribus ditescant, recu- sem usque minui ob id cnruus senio », c est-.à-dire : « C'est (c'est-à-dire à Luna) que je suis, n'ayant souci ni de la foule ni de ce que prépare l'Auster, fu- neste au bétail, n'ayant point de souci parce que ce coin de terre de mon voisin est plus fertile que le mien ; et, si les hommes d'une naissance inférieure la mienne) s'enrichissaient tous jusqu'au der- nier, je refuserais toujours de me casser et de dépérir pour cela Sum est sous- entendu à coté de hic ego : l'ellipse est toute naturelle, étant donné l'accent ora- toire dont hic est frappé. Le premier secu- rus a pour compléments un génitif et une proposition interrogative indirecte, par un tour analogue à celui que nous avons ren- contré 3, 52-53 Haut tibi inexpertuw curuos deprendere mores quaeque docet...

Porticus ») ; le second est suivi de quia, au lieu de quainuis qui semblerait plus logique ; mais securus, formé de se, qui marque séparation, et de cura, contient l'idée de souci, (U la proposition introduite par quia indique la cause du souci dont Perse est exempt. D'autre part securus et offre une inversion de et fréquente chez Horace et dont Perse nous a déjà fourni un exemple uatuni et plorabilesiquid », 1, 34y. On pourrait, il est vrai, construire : « securus uolgi et securus quid... et quia. . » ; il y aurait alors disposition « en cercle » de securus (cf. 2, 68 et ailleurs) : mais l'anacoluthe quid... et quia... serait un peu dure, et, d'un autre côté, une forte coupe après pecori semble plus satisfai- sante pour le rythme. Enfin, et n'a, devant si adeo omnes, etc., qu'une valeur copula- tive (cf. la scolie : « nec si humilibus nati extiterint locupletiores, idcirco damno com- minui senectutem dcsiderem )i). La phrase, telle que je viens de l'analyser en suivant la ponctuation de Bûcheler, semble claire et bien équilibrée ; mais certains commentateurs, se souvenant du tour an quia... idcirco... (2, 26-28), veulent que ob id rappelle quia cl lisent : << Hic ego(sum). seiurus uolgi, et quid... pecori, securus ; et, angulus ille. quia pinguior, etsi (signifiant « quand bien même »)... peioribus, usque recusem curuus o6 id, etc. » C'est bien lourd, .Si l'on veut abso- lument construire ob id avec yiiin, j'aime- rais encore mieux mettre une virgule après le second securus et, considérant les deux propositions et... quia,.,, et si.-, comme parallèles, entendre ; « Là, ne me souciant ni du vulgaire ni des menaces de l'Auster, je ne consentirais jamais, ni sous prétexte que mon voisin a un coin de terre plus fertile que le mien, ni s'il arrivait que tous ceux dont la naissance est inférieure à la mienne s'enrichissent, à admettre que ce soit une raison pour moi de me consu- mer. »

12. Securus uolgi loin de Home, le poète n'a plus sous les yeux la vaine agi- tation de la grande ville, et moins que

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A. PERSI FLACCI SATVRARVM LIBER

Iiifelix pecori, securus et angulus ille Vicini nostro quia pinguior ; el si adeo omnes Uitescant orti peioribus, usque recusem ('uruiis ob id minui senio aul cenare sine uncto ICtsignum in uapida naso tetigisse lagoena.

NC. 1^. pécore A (corr. A"). 15. ortip f : horti P a (peiorihus a-t-i\ été pris pour un datif et horti tiré de angulus ille'!). 16. curuu.i p a : curbus P. ob id p 9 : obit P 2 (voy. Introd., p. xxx) ; unto (au lieu de uncto) a (corr. A''). Au lieu de sente, la scolie citée ci-dessous (note sur les v. 12-16) suppose la leçon senium :ct'. Introd., p. xxi).

jamais il peut s'inquiéter des propos el de l'opinion du vulgaire. Pour le gén. de point de vue uolgi, cf. Virg. (i,'n., 1, 350) : « se- curus amorum » et (7, 304) : « Securi pelagi atque niei ».

12-13. L'Au.sler est personnifié comme chez Virg. (Géorg., 1, 462) : « Quid rogitet humidus Auster. » Infelix est construit avec le datif dans le sens de « tuneste h » (cf. Virg. : Géorg , 2, 238 : « salsa autem tellus... f'riigibus infelix » : 1,444 : « Nolus pecort... sinister ». A Luna, Perse est abrité conlie le souffle malsain des vents humides du sud, si dangereux dans la campagne romaine et à Home même (cf. Hor. : Od., 2, 14. 15-16 et Sut., 2, 6, 18- 19). L'endroit est bon pour la santé du corps comme pour la paix de l'âme .

13-14. Angulus ille uicini : pour le tour, cf 1,36 : cinis ille poetae. Le mot angulus n'est guère ici qu'un équivalent de agellus, comme le montre « nostro pinguior » ; il n'a pas la même valeur descriptive que chez Horace {Sat , 2, 6, 8-9) : « J>i angulus ille Proximus accédât qui nunc denormat agelluin » Od.. 2, 6, 13, : « Ille terrarum mihi praeter omnes Angulus ridet. » l'inguior au sens de " plus productif », comme chez Horace Od., 2, 1, 29) : " pinguior campus ». Pour la valeur de l'expression adeo omnes, cf. très adeo : V'irg. : En.. 7, 629i : lilt. : « jusqu'à ce chiffre («"xacteineui) » ; par conséquent : « tous jusqu'au dernier ».

15. Ortt peioribus : « les hommes nés de gens inférieurs par le rang mes aïeux) » . on sait que Perse était chevalier romain. Pour l'expression et pour la pen- sée, cf. Hor. {Epiat.. 1, 6,20-23): « Nauus mane forum et uespeninus pelc tectuin.Ne plus frumenti dotalibus emetat agris Mu- tus et (indignum, quod sit peioribus ortus) Hic libi sit putius quam tu mirabilis illi. » Vsgue recusem » je refuserais sans

cesse de. je ne cesserais point de me refu- ser à ». Pour la construction de recusare. cf. 5, 79 : Hor. a la fin de vers usque ré- cuses [Sat., 2, 7, 24)

16 Curuus... minui senio ciiruus fieri et minui senio : ciirHu.s signifie proprement <• voûté » (cf. 0\ : Ars «/»., 2, 670 : « curua senecta »). Minui est ici l'équi- valent de macrescere : « maigrir, dépérir » (cf Hor. : Od., 2, 16, 30 : « Longa Titho- iium minuit senectus » et Epist.. 1, 2 57 : « Inuidus alterius macrescit rébus opimis ». Senium (cf. 1, 26). c'est le dépérisse- ment causé par la vieillesse, puis, d'une façon générale, toute espèce de consomption (cf. Hor : Epist. : 1,7, 85 : « amore senescit habendi »). Il s'agit ici moins des tourments de la jalousie que de ceux de l'avare sans cesse préoccupé de grossir son bien et ne s'estimaut pas encore assez riche si un autre l'est plus que lui (cf Hor. : Sat., 1, 1, 108 . Cenare sine

uncto : « dîner sans chère bien assaison- née » : unctum est ici pris substantive- ment (cf. Hor. : A P-, 422 : « unctum recte qui ponere possit »). Pour l'idée et pour le sens de ungere. cf. infru. 69 : Ynge, puer, caules.

17. Eut. : « et examiner soigneusement, jusqu'à le loucher du nez, le cachet mis sur une bouteille de mauvais vin ». On cachetait d'ordinaire les vases l'on conservait les bons vins ; l'avare, lui, a cacheté une bouteille de mauvais vin 'cf. 5, 77, la note sur uappa) ou même une bouteille entamée qui ne contenait plus qu'un vin éventé (cf. 5, 148, la note sur uapida), et il vient souvent véiifier, d'une façon minutieuse, l'état du cachet. Le sens de naso tetigisse est bien dégagé par le scoliaste : « sic diligenter aspicere, ut oculos propius admouendo ea (sc. uasa uinaria) naso tangant ». Vapida est appliqué au contenant {lagoena) pour qua-

SATIRE VI

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Discrepet his alius. Geminos, horoscope, uaro Producis genio : solis nalalibus est qui Tinguat olus siccuni niuria uafer in calice empta, Ipse sacrum inrorans patinae piper ; hic i)ona dente

20

NC 18. uarro au lieu de uaro) %. 19. genio a : ingenio P 'en dépit de la mesure). - est qui p. ï : es qui P. 20. olus P : liolus i. calice p x : calicce P.

jifier le contenu. Sur la lagoena. t-f. l^, 92; sur le pf. tetigisse après les présents minui et cenare, cf supra, 6, lusisse et la note.

8. Discrepet his alius : « Qu'un autre soit différent de ces principes », c'est-à- dire : « Libre aux autres de ne pas être d'accord avec moi sur ces principes » : au groupe de propositions introduit par ce membre de phrase répond le utar ego, utar du vers 22 ego s'opposant à alius aussi bien qu'à qui (v. 19) et à hic {\. 21). His est un datif (cf. Hor. : Epist., 2, 2, 193-194 : a quantum simplex hilarisque nepoti Discrepet » ; Sat., 1, 6, 92-93 : « Longe mea discrepat istis Et nox et ratio »). Pour le pluriel neutre his = his rébus, cf. 2. 43 ; 3, 86 : 5. 2(5.

lS-19 Geminos, horoscope, etc. : brus- que apostrophe : « Horoscope, tu fais naître des jumeau.x avec des génies diver- gents », c'est-à-dire : « les hommes se ressemblent si peu les uns aux autres dans leurs manières de voir et leurs goùls que, parfois, des jumeaux, c'est-à-dire des hommes ayant exactement le même horoscope, pensent et vivent de manières opposées ». L'horoscope est proprement le point du zodiaque qui est au-dessus de l'horizon au moment de la naissance de chacun (cf Manil. Astron., 2, 788 ; 3, 186 ; voy. ihid., 4. 370. comment les astro- logues expliquaient les difl'érences que Perse signale ici). Pour l'astrologie chez Perse, cf. 5 45 et suiv.. avec les noies et, pour l'emploi de l'apostrophe, 1, 58 O lane, etc »). T'aro.. genio: il y a oppo sition entre les deux génies cf. 4, 27 et la note) comme entre les deux jambes d'un cagneux. Aussi bien Horace avait-il déjà employé uarus dans le sens de diuersus (Sat., 2, 3, 56) : « Alterum (se. genus hominum) et huic uarum. >> Producis ne signifie pas ici « tu élèves », mais " lu fais naître, tu produis » (:^ procréas) : cf. PI. : Rud.. 1173 ; Luci"/, 679 Marx : « pro- ducunl... liberos » ; Hor. : Carm. saecuL,

17 : " Diua, producas sobolem » ; et sur- tout Prop., 4, 1, 89 : « cuni geminos pro- ducerel Arria natos ». Sur les frères de goûts différenls. cf. Hor. : Kpisl , 2. 2, 183-189 et Sat., 2, 1. 26.

19-20. Constr. : « est qui solis nafalibus tinguat olus siccum, uafer, muria empta in calice ». Est qui : « il est un de ces jumeaux qui, etc. ». Solis natalibus : « à ses jours de naissance seulement » ; sur la célébration du jour natal, cf. Sa/., 1, 15 et suiv. ; 2, 1 et suiv., avec les notes. Tinguat : « humecte » (cf. 3, 37 : tincta ueneno) Olus siccum : le légume est sec; il n'aura pas d'autre assaisonnement que la petite quantité de saumure dont l'avare le mouille. - Vafer (cf. 1, 116 et 132 : « malin, adroit » ses propres j'eux), parce qu'il a trouvé le moj'en de préparer à peu de frais un repas de fête. -Muria in calice empta : « avec de la saumure achetée dans une coupe » : l'avare fait cet achat pour la circonstance. On mélan- geait d'ordinaire la saumure avec d'autres ingrédients, en particulier de l'huile et du vin (Hor. : Sat., 2, 4, 64-65 : « Sim- plex (se. lus e dulci constat oliuo, quod pingui miscerc mero muriaque dece- bit »).

21. Ipse : « lui-même » : un esclave serait trop prodigue (cf. Hor. : Sat , 2, 2, 62 « (oleum) cornu i/j.se bilibri Caulibus instillât, ueteris non parcus aceli »). Sucruin... piper : « le poivre (qui est pour lui) chose sacrée » (cf. Hor. : Sat.. 1, 1, 71-72 : « (Saccis) tanquani parcei-e sacris Cogeris »; cf. 2, 3, 110 : << me- tuens. . uelut contingere sacrum ». Inrorans patinae (au datif) ; l'avare fait tomber le jioivi-e sur le plat comme une rosée ; il l'j- jette grain à grain (cf. instillât chez Hor , Sat., 2, 2. 62 cilé ci-dessus).

21-22. Hic (oppose à est qui) : « celui- ci. l'autre jumeau ». Bona .. grandia : il est tout à fait classique de traiter bona comme un subst. ordinaire et de lui don- ner une épithète (Cic. : Pro Cael., 14, 34:

16R

A. PERSl FLACCl SATVRARVM LIBER

Grandia magnaniinus peragit puer. Vtar ego, utar,

Nec rhombos ideo libertis ponere lautus

Nec tenuis sollers turdaruin nosse saliuas.

Messe tenus propria uiue et granaria, fas est. 25

\C. 23. rhombos P : scomhros a (voy. Introd., p. xxv). laulus P A- : laiilia ï (|);ir suggestion de liberlis) 24 liirdarum P sch Sergius ( - Gr. lat. ; 4 p. 494, 22 Keil) Pompeius ( - Gr. lat.. 5, p. Ifil, 25 K) : iiirdoriini a p (voj'. Introd., p. xxv). 26. ciiiole P: émule t.. metuas P : mettiis a texte incertain : comme le subj. est le mode attendu cf 3, 26 il a fort bien pu être substitué à l'indicatif, avec allon- genieiit à la césure, qui s'expliquerait fort bien : « tu as peur ? pourquoi ? n)

« bona paterna »). Dente... peragit : a dévore à belles dents » ; peragere, c'est proprement « venir à bout de 'cf. 5, 150). Horace dit comedere bona (Epist.,

1, 15, 40). Magnanimus... puer : « cou- rageux garçon » ; l'expression joue, à côté de peragit, le rôle d'attribut. iMagna- nimusesl, bien entendu, ironique, comme fortiter chez Horace (Episf.. 1, 15, 25-26) : « rébus niaternis atque paternis Fortiter absumptis » ; puer, à côté de magnanimus, a pu être suggéré par des expressions comme « Macte animo, generose puer », n Macte noua uirtute, puer » Virg. : En., 9. 641).

22. Vlarego, utar. £30 s'oppose à est qui (v. 19) et à hic (v. 21) : Perse n'aura ni l'avarice sordide de l'un, ni la prodigalité de l'autre. Il saura, simplement, se servir de ses revenus : eu effet, la valeur de la richesse, que l'avarice met dans l'acqui- sition et la possession, est uniquement dans l'usage (cf. Plut. : De cupid. diu., p. 525 b ; « xxàaOat |jilv àvay^-as^^'. (r, oO.OTzlo-Jziy.), ypr^GfH'. xoAûît ; Hor. : Sat., 1, 1, 73 : « Nescis quo ualeat num- mus ? quem praebeat iisuin ? » ; Epist.,

2, 2, 190-191 : « Vtar et ex modico, quan- tum res poscet, aceruo Tollam » ; Perse,

3, 69-70 : « (Discite) quid asper Vtile nummus habet ».

23. Xec rhombos ideo, etc. : Si Perse, n'imitant point l'avare, sait user de ses biens, il n'ira point pour cela (ideo) tomber dans le faste du prodigue. Libertis : « même aux affranchis » ; il est plus géiiért-ux que l'ampiiitryon dont parle Pline le Jeune (Epist., 2, 6), homme à la fois " fastueux et ladre » (surdidns simul et sumptuosus), qui sert à ses affranchis et à ceux de ses invités des mets de qua- lité inférieure. Ponere lautus : lilt. : '< magnifique à servir » : ce tour hardi (cf. 1, 59 ; imitari mobilis) équivaut, en

somme, à ponens laute, de même que celèrent sequi iHor. : Od., 1, 15, 18) a la valeur de celeriter sequentem, et ludere pertinax (ibid , 3, 29, 50) celle de pertina- citer ludens. Ponere au sens de appo- nere fcf. 1, 53)-

24. Nec tenuis, etc. : « ni expert à re- connaître la saveur subtile des grives fe- melles ''. Certains gourmets se i>!quaient de reconnaître au goût comment les grives avaient été nourries et quel en était le sexe U( soient... quidam gulae dediti tan- tae subtiiitatis habere palatum. ut cognoscant turdos, si acinarius an cel- larius aut uiuarius sit, et si masculus sit anfemina » scolies). C'est à cette finessede palais que Perse fait allusion par l'emploi du féminin insolite (cf. NC.) turdarum, « grives femelles », le nom ordinaire de la grive étant turdus. Ou sait à quel point la chair de cet oiseau était estimée des Romains (cf. Hor. : Epist., 1, 15. 41). Saliua, comme synoinme de sapor, a été employé par Properce ;4, 8, 38) et par Pline l'Ancien [N H , 14, 61 ; 23. 40). qui l'un et l'autre l'appliquent au vin : si le mot est au pluriel, c'est, je pense, parce qu'il s'agit de plus dune grive ; pour l'épithète tenuis, cf. 5, 93-94 tenuia officia, el la note Sollers... nosse : cf. 5, 37 : f'allere sollers.

25. Mes.se tenus, etc. : " Vis jusqu'à la mesure de ta propre moisson » (cf. la locution ucrbo tenus : « jusqu'à la parole, et pas au delà », c'est-à-dire « en parole seulement »), auti-enient dit : « ne dépense pas autre chose que tes revenus, mais dépense- les tout entiers s'il le faut ».

25-26. Granaria, fas est, emole : « Mous entièrement (le blé de) les greniers (sans conserver de réserve) : tu en as (morale- ment) le droit. » Emole est le premier exemple que nous ayons de ce verbe rare ;

SATlRt \l

1(Î7

Emole. Quid raeluas ? Occa, et seges altéra in herba est.

At uocal officium, trabe rupta Brultia saxa

Prendit amicus inops, remque omneni surdaque uota

Condidit lonio. iacet ipse in litore et una

Ingénies de piippe dei iamque obnia niergis 30

Costa ratis lacerae : nunc et de caespite uiuo

NC. 27. At Bucheler : a iiocat P (une lettre, / ou d semble-t-il, a été grattée après l'a ; ast iiocat p a (mais l'erse ne parait pas se servir de la forme ast sans nécessité métrique : cf. 2, 39 el 6, 74. La leçou primitive était-elle â uocal aiit iiocat !cf. 3, 16) ? P. Daniel lisait aduocat, conjecture reprise par Morgan (C/ass. lieu., 3 (1889). p 11^,

Bruttia est écrit hriilia dans P et brucia dans a. - 29. l'ouio (au lieu de lunio) B,

30. deliamque (au lieu de dei iamque) P (pour la confusion de Vi el de 1"/ dans P. cf. 5, 92). mergit au lieu de niergis) A. Konig conjecturait s(iualentes au lieu de ingénies : mais voy. Comment. 31. lacare (au lieu dr lacerae) P.

sur la valeur de fas chez. Perse, cf. 1, Hl (note sur ius est).

26. Quid metuas '■' occa, elc : "int. : « Qu'as-tu à craindre ? tu n'as (ju'à tra- vailler la terre pour obtenir une nouvelle moisson. Pour le tour quid metuas '! (voy. NC), cf. 3, 26. Occare, c'est propre- ment « herser » la terre, briser les mottes quand le sol a été ensemence cf Hor. : Epist., 2, 2, 161 : « cum segetes occat tibi mox frumenta daluras ») ; seges... in herba est indique la « sortie » de la mois- son ; en somme Perse veut dire : « travaille le sol. sème, et tu verras bientôt verdir une moisson nouvelle ». Pour le lour « occu et seges... est >t, cf. 2, 75, est ayant ici la valeur d'un futur prochain.

27-33. On peut donc dé|)enser tout son revenu, el, en principe, il ne faut pas aller au delà. Mais (/!/). si le devoir s'impose à nous de secourir autrui, n'hésitons pas à entamer notre ca])itai (v. 31-32 : « de caespite uiuo Frange aliquid »/ ; « uocat ofUcium... nunc... frange" ^ «cu/ji uocal off.... /iK/ic... frange ».

27. Oj'fuium : cf 5, 9-J. Trubc rnpUi, elc. : au lieu de nous dire : h Tu as le devoir d'aider un ami ruiné par un nau- frage », Perse introduit brusquement le tableau même de ce naufrage : trabe rupta = naue fracta : pour cet emploi de trabe. cf. 1,89.

27-28. Hrnttia saxa prendit : « s'accro- che aux écueils du Brultium (contre les- quels son navire s'est brisé, au retour sans doute d'un voj'age en Grèce : cf. v. 29 : lonio).

28 29. Constr. : « condidit lonio et rem

omneni et surda uota ». Rem... omnem : le navire portait toute la fortune de l'ami ; surda... uota : « ses vœux qui n'ont pas été entendus » ; cf. le double emploi de caecus : « qui ne voit pas et qu'on ne voit pas ». Condidit lonio : " il a englouti dans la mer Ionienne » (lonio lonio mari : cf. 5, 142: Acgaeum) el Virg. : En.. 3.211 : « lonio in magno.

29. Ipse s'oppose à rem. Vna, adv. : « en même temps (que lui), avec lui ». Il s'est sans doute accroché aux débrisde la poupe.

30. Ingentes, etc. : « les dieux immenses détachés de la poupe » : il s'agit de l'image des dieux prolecteurs du navire, peinte ou sculpléeà la poupe (Ov. : Trist.. 1, 4, 8 », et pictos uerberat unda deos » ; \'irg ■■ En,, 10. 171 : « Aurato fulgebat Apolline pup])is » . C^'était ce qu'on appe- lait la tittela (Sén. : Epist., 76, 13 : Lacl.: Diu. Insl., 1, 11, 19) - Ingentes, parce que le navire est de dimensions considé- i-ables.

30-31. lanufue obuia, elc. : le Jlanc du navire mis en pièces est aussi sur le ri- vage, ne s'offrant plus maintenant (iain porte sur abiiinj aux tlots, mais aux plongeons, ((ni y cherchent leur proie (cf. Hor. : Epod^, 10, 21-22 : " Opima quodsi pi-aeda curuo litore Porrecta mcrgos iuueris »). Ovide avait déjà dit lacera ralis pour nauis fracta {Ars ani., 1, 412 et 277-278 ; cf Hér., 2, 45 : laceras... pnp- pes... refeci).

31. Nunc : « maintenant, en présence du malheur de ton ami ».

31-32. De caespite, etc. ; « nlranchc

16R

A. PERSI FLACCI SATVRARVM LIBER

Frange aliquid, largire inopi, ne pictus oberret Caerulea in tabula. Setcenam funeris beres Negleget iratus, quod rem curtaueris : urnac Ossa inodora dabit, seu spirenl cinnama surduni

35

NC. 34. rem omis dans ï 35. hossa (au lieu de ossa) x (pour les aspirations mises à faux dans a, cf. 1, 42 : hos pour os ; 2, 36: hedis pour aedis ; 3, 59 hoscitat pour oscitat ; 3, 112 et (i. 20 holus pour olus). inodora P : inhonora t.

(texte incertain ; le scoliasle connaît les deux leçons. Inodora, seul exemple certain du mot. a pu être tiré par conjecture de spirenl cinnama. etc., mais inhonora peut ptie une correction erronée de inhodora (pour les fausses aspirations, cf. la notr précédente ; inhodora est d'ailleurs la leçon de A-). dabit p x : da P. cinnama P 2 : balsama f cf. Introd., xxxi).

quelque chose même sur le vif de tes terres ». c'est-à-dire: va jusqu'à « aliéner une partie de ton fonds ou de ton capital au lieu de te borner à en dépenser le revenu ». 11 y a un jeu de mots sur caespes uiuiis qui signifie proprement « gason dru et vert » (cf. Hor. : Od.. 1, 19, 13-14) et s'applique, ici, aux œuvres vives, pourrait-on dire, du sol, par oppo- sition à la récolte. Mais Perse, pour trouver cette figure, n'avait pas à remonter jusqu'à des expressions comme ad uiuiiin resecare. « couper jusqu'au vif », puisqu'il rencontrait dans le langage courant la métaphore de uiiio resecare Cic. : Verr., 3. 50, 118) ou detrahere de iiiuo (Cic. : Pro Flacc, 37, 91) : « entamer son capi- tal ».

32. Largire : cf. 3, 71. la note sur elar- giri. Inopi: « à l'indigent ». e'esl-à-dirc : « à ton ami ainsi réduit à l'indigence » ; la répétition de inops (cf. supra, 28, amiciis inops'' est sans doute voulue.

32-33 Ne pictus etc. : litt. : « pour empêcher qu'il n'aille çà et peint sur un tableau azuré », c'est-à-dire : « pour empêcher qu'il n'en soit réduit à men- dier, portant au cou le tableau représen- tant son naufrage ». Sur cet usage, cf 1, 89 et la note ; pour le sens de oberrare, cf. 5, 156. Caerulea in tabula : enl. « un tableau est peint le bleu de la mer ».

33-3(j. Set cenam, etc. Le poète va au- devant d'une objection que pourrait lui faire l'auditeur fictif auquel il \ient d'a- dresser une série de conseils (v 25 et suiv. : Viue... emole... frange, etc.) ; « Mais peut-être me diras-tu que, si tu entames ton capital, ton héritier, mécon- tent, lésiner a sur les frais de les funé- railles. » Il est moins naturel de donner

l'objection à un interlocuteur qui dirait au poète : « mais, si tu suis les principes que tu viens d'exposer, n'as-tu pas à craindre que ton héritier, etc. »

33. Cenam funeris : c'est le silicernium. offert le jour des funérailles aux cohéri- tiers et aux proches, et composé de sel, de lentilles, d'œufs, etc.

34. Xeglegel : faut-il entendre qu'il ne surveillei'ait point les préparatifs du repas ou qu'il supprimera le repas lui-même '.' Cette seconde interprétation est celle qui s'accorde le mieux avec la valeur ordi- naire de neglegere : « laisser de côté, omettre ». Iratus quod : « irrité de voir que».— Rem curtare - bonaminuerc (cf. v. 37 et la note) ; pour la valeur de rem, cf. supra, 28 : rem omnem Horace avait dit (Od., 3, 24, 64) : « Curtae nescio quid semper abest (rei) » et Sat., 2, 3, 124) : 11 quantnlum enim summae ciirfubi^ quisque dierum ».

34-35. Vrnae : « à l'urne (dans laquelle tes restes seront recueillis) ». Inodora (cf NC) : lorsqu'on avait brûlé le corps, l'usage était de jeter des parfums sur la cendre (Ov. : Fasl. : 3, 561 : « Mixta bi- bunt molles lacrimis unguenta fauillae » ; cf. Tib , 1, 3, 5 7 ; 3,2, 23, etc.).

35 36. Seu spircnt, etc. consir. : pa- ratus nescir-e seu, etc. ». c'est-à-dire': « disposé à ne rien savoir, disposé à fermer les yeux si, etc. ». Cinnama et cfl.sifie ; le cinnamum ou cinnamonntm, c'est ici non pas le cannelier lui-même [Laurus Cinnamomum de Llnnce , mais l'écorce odorante de l'arbuste, employée comme parfum ; casia, c'est l'écorce odorante du garou (Daphne Cneorum), qui servait au même usage. Spirent siirdum «n'exha- lent qu'une odeur faible, insensible » ;

SATIRE VI

l(i9

Seu ceraso peccent casiae, nescire paratus :

« Tune bona iucokmiis minuas ? » Et Beslius urguel

NC. 36. ceraso peccent P : ceras opicent a. casiae a ; castac F. 37 lune P x '. tiinc f . et Bestiiis P a (mais, dans P, Vs final de minuas est écrit deux fois) : sed Bestius p : .1. Rud. Sinner (cf. Introd., p. l) transposait les mois tune boita incolumis minuas qu'il mettait au commencement du vers 41 et remphii;ait ici par haec cinere ulteriur metuas. C. Fr. Hermann la suivi. Mais la suite des idées peut parfaitement s établir sans cet expédient : voy. Comment.

pour surdus pris dans le sens d'euanes- cens, cf. Pline N. H., 37, 67 : « ab hoc quibusdam intercurrit umbra surdusque fit color ». Il n'y a qu'une métaphore tirée de l'emploi du mot appliqué à un son surda uox », Quint.. 11. 3, 32 . Le tour spirare snrdum odovem surdum

exhalare est analogue au tour solidum cre- pet (5, 25;.

36 Ceraso peccent : litt. : « sont défec- tueuses par l'effet du cerisier (c'est-à-dire : de l'écorce de cerisier que le marchand y a mêlée par fraude). Les subj. spirent et peccent sont des potentiels . « s'il arri- vait que... ou que... «

37. Tune, etc., litt. ; « tu pourrais en- tamer ton capital étant sain ? •• Ent. : « Un homme dans son boa sens pourrait entamer son capital ! •> Perse met ces paroles dans la bouche d un personnage pris à Horace, Bestius, débauché converti, devenu le censeur impitoj-able du luxe et de la prodigalité (Hor. : Epist.. 1, 15, 36- 37 : « Scilicet ut neutres Inmna candente nepotum Diceret urendos correctus (cor- rector Lambin) Bestius »). Il imagine qu'un pareil homme, voyant quelqu'un prendre sur son fonds pour soulager la misère d'un ami, se répandrait en lamen- tations sur les méfaits de la philosophie grecque Incolumis sanus(cï. Hor. : Sat., 1, 5, 44 : « Nil ego contulerim iucundo sanus amico ») ; il n'est pas impossible cependant que le mot s'oppose au mal- heur de l'ami naufragé et qu'il faille entendre : « quoi ! entamer son bien sans avoir éprouvé de malheur personnel I » Si l'on donne l'objection précédente {Set cenam funeris, etc.) à un interlocuteur fictif, on peut laisser à celui-ci les mois Tune bona incolumis minuas ? qui signi- fieraient : « Pourrais-tu t exposer par tes dépenses au risque d'avoir des funérailles médiocres, si tu es dans ton bon sens '! (ou : si tu es demeuré à l'abri du naufrage ou :

de ton vivant). » Maison attendrait alors: « Et tu bona, etc. « Enfin, qu'on laisse ou non au poète la phrase : Set cenam fu- neris, etc. les mots Tune bona incolumis minuas peuvent être la protestation de l'héritier, brusquement mis en scène : « Tu penses pouvoir entamer ton capital impunément 1 » ou : « Tu entames ton capital ? tu me le paieras. » (Pour ce sens de incolumis, cf. Ces. : B. cia., 3, 28 : " Incolumitatem deditis polliceri »;, ou bien ; « Peux-tu bien entamer Ion capital sans avoir éprouvé, personnellement, aucune catastrophe ? » Cette interpréta- tion, qui est celle de Casaubon (d'après le scoliasle) est séduisante, mais le pré- sent minuas surprend après « hères negleget iratus, quod rem curtaueris ».

37 38. Et Bestius urguet. etc. ; ent. : « et, sur ce propos, Bestius prend à jjarlie les docteurs delà Grèce». Si Ion attribue la question Tune bona incolumis minuas à un interlocuteur fictif ou à l'héritier, on peut admettre que nous avons ici une nouvelle objection présentée par l'un ou l'autre de ces personnages « Et voilà Bes- tius qui prend à partie, etc. », c'est-à-dire: « Voilà une occasion pour Bestius de prendre à partie, etc. » Mais on peut aussi rendre, avec les mots Et Bestius urguet, la parole au poète, imai-'inant, par un tour ironique, que Bestius vient sou- tenir l'objection : « Et Bestius vient à la rescousse avec une sortie contre les docteurs delà Grèce, » Ou encore, ce qui serait très satisfaisant si les mots Tune bona incolumis minuas ! appartiennent à l'héritier, Besd'iis ne jouerait, comme chez Horace (1. 1. supra, n. 37), que le rôle d'attribut, et il faudrait entendre : « Et, comme un autre Bestius (ou : nouveau Bestius). notre homme prend à partie, etc. - Vrguet dans le sens de insectatur : cf. Hor. : Sat., 2, 6. 29 : " improbus nrgct Iratis precibus ».

17(1

A. l'KUSl FI.ACCI SAT\UAK\'M LIBEK

Doctores Graios : « Ita fil ; postquam sapere urbi Cuni pipere et palmis venit, nostrum hoc maris expers, Faenisecae crasso uitiarunl ungiiine pultes ». 40

Haec cinere ulterior raeluas ? Al lu, meus hères

NC. :H9. pipere p A- : piper P a. nostrum hoc P a : hoc noslrurn f ; uestrum hoc Bentley. nostrum mare citra Guyct 40 crasso o : crassa P a (qui est incor- rect). — 41. Haec P : hic 2 (dans le sens de « tum » ?) 41. cinere P : meride a (cineri A-).

38. Ita fit : « Il en est ainsi », c'est-à- dire « voilà comment vont les choses. •>

38-40. Postquam sapere urbi, etf. ; Ent. : « postquam sapere uenit urbi cum pipere et pnlmis (et) nostrum hoc sapere) maris expers fuit, faenisecae. etc. », c'est-à-dire : « Depuis que la sagesse est venue à Rome avec le poivre et les dattes (c'est à-dire : comme un article d'importation), et que notre sagesse à nous, notre s;rgesse natio- nale, est une sagesse qui n a point passé la mer (et qu'on méprise à cause de cela comme une chose sans valeur), les fau- cheurs se sont mis à gâter leur bouillie en y mêlant une graisse épaisse (c'est-à-dire : tout le monde est devenu prodigue). » D'autres, estimant trop dure l'ellipse de fuit à côté de maris expers, mettent une virgule après ita fit, deux points après expers et construisent : « nostrum hoc (sapere) maris expers ita fuit postquam sapere.. uenit : faenisecae, elc », c'est- à-dire : « Voilà ce que devient notre sa- gesse à nous, qui n'a pas navigué (celle que nous avions avant l'invasion de la culture grecque), depuis que, elc. ». Mais un pareil emploi de ita fit n'est-il pas plus suspect que l'ellipse qu'on veut éviter ? D'aut'es encore, considérant que l'expres- sion Chiuni maris expers. chez Horace (Sat.. 2, 8, 15) ne signiBe pas « un vin de (ihio qui n'a point passé la mei-, un vin de (]hio fabriqué en Italie », mais « un vin de (>hio auquel on n'a point mêlé d'eau de mer », suppriment tout signe de ponctuation après uenit et entendent, comme s'il y avait postquam sapere... uenit nostrum hoc insulsum, « depuis qu'est venue cette sagesse sotte (sapere faisant un « oxymoron » avec maris expers, comme si nous disions : « celte sa- veur insipide »,, qui est aujourd'hui la nôtre » ; à quoi on réplique que le vin de Chio auquel on ne mêlait pas d'eau de mer était le meilleur, le plus généreux ; que, dés lors. !sa/)pre... maris e.rprrs. c'est.

ou bien une sagesse trop raffinée, ou bien une sagesse qui se prétend supérieure, qui se donne pour la pure sagesse (nous dirions, du même ton d'ironie : « notre pure sagesse d'aujourd'hui » . L'explica- tion de Turnèbe, que j'ai reprise après M. Léo, me semble encore la plus simple, sinon la plus sûre Je ne cite que pour mémoire celle de Casaubon pour qui maris est le génitif de mas cl qui entend : « notre sagesse sans virilité ». Sapere: pour l'emploi de linf. comme subst., cf. 1, 9, 27 et 122 : 3. 17. - Vrbi = ad urhem (voy. Riem. : Synt. lat., 47, rem. 2). . Pipere et palmis sont mis ici comme échantillons de marchandises importées. Pour l'emploi de palntae dans le sens de « fruits du palmier, dattes », cf. Ov. : Fast., 1, 185 et Met., S, 674. Xostruni hoc : cf. 1, 9 : nostrum istud uiuere triste (et aussi 1, 27 et 122). Faenisecae : les faucheurs (litt, : ceux qui coupent le foin : cf. Colum , 2, 17, 4). - Vitiarunt unguine fait une alliance de mots, puisque, en met- tant de la graisse dans les plats, on se proposait, au contraire, de les rendre meil- leurs. Mais Bestius estime que les mets les plus simples sont aussi les meilleurs, et les plus sains (cf. 2, 64 : vorruplo... oliuo, et la notei. Pultes : la bouillie appelée puis était faite de farine (cf. 4, 31 : « farrala olla ».

41. Haec cinere ulterior nieluas '! « Wc- douterais-tu ces choses-là quand tu seras de l'autre côté de la cendre (c'est-à-dire par delà le bûcher I?» Avec celte question, le poète prend congé de lauditeur ano- nyme auquel s'adresse 1 exhortation com- mencée au vers 25 « messe tenus propria liiue, etc. »), et elle contient, sous forme indirecte, sa réponse à l'objection déve- loppée dans les vers 33-40 : « Des funé- railles modestes et des propos comme ceux de Bestius lou bien : des funérailles mo- destes et les propos de ton héritier jouant an Rcsiiusi sont-ils pour l'effrayer cpiand

SA 11 H K \1

Quisquis eris, pauluni a lurba seduclior audi. O bone, nuni ignoras ? missa est a Caesare laurus Insignem ob cladem Germanae pubis et aris Frigidus excutitur cinis ac iam poslibus arma.

1^1

45

NC iii. o bone niiin P A- : o huiiinii A ; o hentim H. laitdcni p

44. clndiiii X : laiidciii \'

(u auras dépassé le Icrme do la \ ic ? )> 'cf. Hor. : Epist., 2, 2, 190-192: « Vtar .. nrr metuam. quid de me iudicet bcres, quod non plura datis inuenerit «l. Le stoïcien méprise, durant sa vie. l'opinion du vul- gaire : comment pourrait-il s'en inquiéter au delà du tombeau 7 On sait, d'autre part, que le Portique n'attachait aucune importance aux honneurs funèbres (cf. 3, 103 . Si l'on comprend les propos de Bestius dans un développement direct de l'objection set cenani fiineris par un interlocuteur fictif, il faut lire, sans iiiter- rogalion : i/((cc cinei-e ulterior tuetuas et entendre : « Voilà ce que tu aurais à craindre par delà le bûcher: la négligence de ton héritieret les propos des censeurs ». En ce cas. Perse laisserait l'objection sans réponse immédiate, estimant qu'elle trouve une réfutation assez claire dans le mor- ceau suivant. Ceux qui donnent à 1 héri- tier les vers 37-40, y compris les mots Et Bestius iirguet doctores Graios voient naturellement dans le membre de phrase haec cinere ullerior metuas une dernière menace du personnage : « Voilà les pro- pos (ceux de Bestius) que tu aurais à re- douter après ta mort. »

40 41. At tu, etc. l'anonyme que Per^e vientd'exhorter(v. 25-41) peut avoir peur : mais le poète connaît, lui, un moj'en de mettre son héritier à la raison : « Mais loi, qui que tu puisses être qui seras mon héritier, dit-il à ce jjersonnage hypothé- tique, écoute. » Attu marquant que Perse lie s'adresse plus, comme avec le verbe iiieluas, à un auditeur tout à fait indéter- miné, mais en même temps la formule ((uisquis eris suflisanl à nous avertir que l'apostrophe n'a pas un caractère réelle- ment personnel cf. 1, 44 : quisquis es, etc.). Si l'on donne à l'héritier les vers 37- 41, la suite des idées est à peu près la même : Perse nous fait entendre que si son héritier lui adressait, en effet, de pareilles menaces, il aurait de quoi y ré- poudre, et trouverait un moyen de dis- siper sa fortune, récllemenl insensé celui-

là, mais auquel l'autre n'oserait rien objecter. Meus beres est attribut do quisquis : il ne faut pas, avec certains éditeurs, mettre une virgule après hères et croire que meus est ici pour mi.

42. Puuluni ne porte pas sur seductior,

il y aurait paulo. - mais sur audi : « écoute un instant », ou, comme nous di- sons aussi. « écoute un peu ». Seductior exemple unique de ce comparatif; pour l'emploi de seductus. cf. 2, 4, et 5, 143.

43-48. Perse, se servant une fois du procédé dont Juvénal fera un si fréquent usage, lance un trait de satire contre un empereur mort. Tout le passage fait allu- sion au triomphe que Caligula fit célébrer, ou du moins ordonna de préparer à la suite d un simulacre d'expédition contre les Germains lI les Bretons (v. Suél. : Gaius, 43-49). J'ajoute, et ceci est encore un trait de ressemblance avec les passages Juvénal s'en prend à Néron ou à Do- mitien, qu'une attaque i)osthume contre Caligula n'était pas un trait d'audace : il était mort depuis longtemps, sa mémoire était délestée, son successeur avait cassé tous ses actes (Suét. : Claud.,\\) et Séuè- que avait fait de lui, dans son De ira (3, 18, 3 sq.), r incarnation même de la tyrannie.

43. 0 bone : cf. 3, 94 Num ignoras : « Tu le sais, n'est-ce pas ou : « Peux- tu l'ignorer ? » tout le monde en parle;.

Laurus : ce du laurier », pour dire : « une lettre ornée de laurier » {litlerae lau- reatue), envoyée par l'empereur au Sénat (cf. PI. : i\'. H., 15, 133, et Tac. : Ayr., 18). .4 Caesare : Perse n'a\ait pas à préciser davantage, puisqu'il nommait un peu plus bas (v 47) Caesonia. femme de Caligula.

44. Insignem ob cladem, etc. : sur cette bataille truquée, cf. Suét. : Gaius, 43 et Tac : Germ , 37. Pubis ~ iuuentutis. ce qui est fréquent en poésie.

44-45. Et aris frigidus, etc. : entendez que depuis longtemps aucun triomphateur n avait offert de sacrifice au Capitole.

45-47. [am : « déjà, avant le retour de

17*J

A. PERSI FI.ACn SATVRARVM LIBER

lara chlaraydas regum, iam lutea gausapa captis Essedaque ingentesque local Caesonia Rhenos. Dis igitur geuioque ducis centum paria ob res Egregie gestas induco. Quis uelat ? aude.

NC. 4fi chhtmydas d'après clamidas P : clamides ï ; les mss de Priscien (Inst. Gr., 7, 11, 55 cl 15, 74 =1 Gr. /o/., 2, p. 333, fi Pt 350, 23 Keil) écrivent clamides, rhlamidrs, clamydes. captis P Prise. (1. 1.), sch. : uictis ot (leçon tirée sans doute de insigneni ob cladem et qui ne vaut pas captis, puisque les vers 46-47 sont une description anticipée du cortège triomphal). 47. ingentesque P : ingénies a. cesonia rhenos p : resoni arebenos P ; cesonia rhenus ï. 48. paria p : le mot est omis dans P : patria i. 49. egregie est écrit aegregiae dans V : egregia a (egregiae A-).

l'empereur. » Comme il n'y avait eu réel- lement aucune vicloire, le butin manquait. L'impératrice charge un entrepreneur (liicat de préparer tout ce qui est néces- saire pour y suppléer. Postibus arma (dépendant de locafi : « les trophées pour les portes des temples » l'on suspendait les armes prises à l'ennemi . Chlamydus regum : « les manteaux de guerre des rois » vaincus et captifs : ent. : des figu- rants qui en joueront le rôle) » Lutea gausapa (sur le mot gausapum, cf. 4, 37) : s'agit-il de perruques blondes destinées aux figurants déguisés en captifs germains? Le procédé fut employé par Domitien (Tac. : Agr.ySQ : « Incrat (Domitiano) conscientia derisui fuisse nuper falsum e Germania triumphum. emplis per commercia quorum habitus et crines in capliuorum speciem formarentur »). L'explication est tentante, mais peu conciliable avec l'emploi qui était fait de gam^apum pour désigner une sorte de manteau ou de casaque à longs poils (voy. PI. : .V. H., 8. 193 ; « gausapa patris raei memoria coepere » ; cf. Ov. : Ars am., 2, 300, et les Glossaires gréco-latins qui expliquent le mot par iapoap'.xov ~x)j,Wi ou ivopo[ji(;) ; il faut donc en- tendre probablement : « des casaques jaunes (pour habiller de prétendus captifs germains, ». Essedaque : ceci fait sans doute allusion à la vicloire que Caligula prétendait aussi avoir remportée sur les Bretons (Suét. : G. 44) : Vesseda était, en elfel, un char de guerre employé par les Bretons et les Gaulois , voy. Ces. : De B G., 4, 33, et Tac. : Agr., 35). Ingénies... Rhe- nos . «' des Rhins immenses », c'est-à- dire : « des images (tableaux ou statuts) de dimensions gigantesques, représentant la divinité du Hhin » cf. Ov (Trist . 4, 2, 41-42/, décrivant le triomphe de Tibère sui- les Germains : « Cornibus hic fractis.

uiridi niale tectus ab ulua, Decolor ipse suo sanguine lihenus erat » et (Pont.. 3, 4, 107-108 : « Squalidus inimissos fracla sub harundine crines Rhenus et infectas sanguine porgat aquas. » Sur l'usage de promener dans les triomphes des tableaux ou des statues représentant ou symbolisant les montagnes et les fleuves des pays vain- cus, cf. Virg. : Géorg., 3, 28 ; Prop. ; 2. 1, 31-34 ; Ov. : Ars amal , 1. 219-220 et 223- 224. Local : elle donne à l'entreprise, de même que les édiles, lorsqu'ils prépa- raient des jeux, s'adressaient d ordinaire à un entrepreneur de spectacle. Caeso- nia : d'abord maîtresse, puis femme de Caligula (voy. Suét. : Gai.. 25).

48 Dis... genioque : datifs d'avantage := « in honorem deorum geniique ducis ».0n honorait depuis le principal d'Auguste le génie des empereurs (Ov. : Fasl., 5, 145- 146 : « Mille lares geniumque ducis, qui Iradidil illos V'rbs habet, et uici numina trina colunt »), et Caligula, précisément, fil mettre à mort un certain nombre de citoyens sous prétexte qu'ils n'avaient ja- mais juré par son génie |Suét. : Gai., 27). Pour l'emploi de du.v en parlant de l'em- pereur, cf. encore Prop.. 2, 10, 4 et 2, 16, 19 20.

48 49. Centum paria., induco : ent. : « cenlum paria g/adi'a/oruHi induco in are- nam » : cf. Hor. Sal., 2, 3. 85-86 : « Ni sic fecissent, gladiatorum dare cenlum Damnati populo paria. « Pour l'emploi absolu de induco, cf. Cic (De opl. gen. or ,6,17): «A me autem...3JaJia/or(H)i/)or iiobilissimum inducilur. »

49. Quis uelat ? « qui me le défend ." !• Pcise nous a fait entendre tout à l'heure (v. 33 et suiv. les pi-otestations que sou- levait la libéralité d'un homme entamant son capital pour secourir un ami malheu- reux. Il feint maintenant de vouloir s'as-

SATIRE VI

Vae, uisi coniues. Oieuiii arlocieasque popello Largior. An prohibes ? die clare. « Non adeo », inquis ;

173

50

NC. ÔO. couines P l'iiM-ien (Inst. gr.. 5), 8,43= Gr. hit.. '2. p. 479.9, Keil): coniues a (par une confusion de l/el de l'i plus fréquente dans P que dans a) ; conniueg ■£, popello p a : [Hipello P. - 51. hti(]ior P : largiar a. .")1. non adeu a : non aiideo FA-'. leçon condamnée par le mélre et suggéj-ee au copiste par le atule du vers 49 ; haut audeo f (essai de conection de la leçon niétriquenient impossible non audeo : mais il faut encore, pour scander le vers, admettre un hiatus comparable à celui que nous trouvons chez \'irgik- {En., 5, 261) : " N'iclor apud rapidum Simoenla sub Ilio alto » ; mais Ilio est un nom propre il'origine grecque, ce qui atténue la licence. Perse n'aurait pas eu ici la même excuse.

socier, par d'énormes dépenses, aux extra- vagances d'un fou ; et personne ne dit mot, parce que ce fou est empereur ; Aude : i. e. aude netare.

iSO Vae, nisi coniues : » Malheur à toi si tu n'y consens point. " Coniuere. c'est proprement : « fermer les yeux », d'où, comme en français, « faire semblant de ne pas voir, être de couniveuce ». L'idée, ici, n'est pas celle de coniplicité mais de consentement ^cf. Cic. : Pro Cuel., 24, 59, cl Phil., 1, 7, 18). O/enni, etc. : Perse jouit de l'embarras de son héritier, dont le silence se prolonge, et le menace, s'il proteste, d'ajouter à la dépense des cent paires de gladiateurs, celle d une distri- bution de vivres au peuple : cf. Suét. : Ces., 38 . « (Iulius Caesar) populo praeter frumeuti denos modios ac tolidem olei libras... uiritim dédit. » Artucreas : ce mot grec, composé de oc^z et de y.piT.ç, ne se trouve qu'ici et dans une inscription (G. I. L., 9, 5309 ; « artocrea populo Cu- prensi dédit »i . il parait être 1 équivalent du ialin uiaceratio : « distiibutiou de pain et de viande (ci. Gloss.. 2, 209, 48 ; 7, 470 Goelz et Loewe). Popello , cf. 4, 15.

51. An : cf. 1, 41 et 87 ; 2, 19. etc. Die claie : « Parle distinctement » (cf. 2, 8 : haec clare) : l'héritier a nmrmuré une ré- ponse que Perse na pas entendue.

51-52. .Vo/i adeo ... cxossalus, etc.; eut.: « Non adeo hereditaleni... : elenini exos- salus, etc. », c'est-à-dire ; « Je ue me porte pas héritier, je ne prétends pas à la succession ; le domaine voisin (du tien) est épuisé (et je crains que le lien ne soit pas fertile : la terre ne vaut pas grand' chose de ce côté). » Pour l'expression : adiré hereditateni, cl'. Cic. ; ProArcli.,^), 11, et Pline le .1. . Epist., 19, 75 (79;, 2. L'hé- ritier, redoutant la colère de Caligula s'il s'oppose H une dépense faite pour plaire au prince, et ae voulant pas non plus

d'une fortune réduite, aime mieux renon- cer à la succession : mais, pour masquer sa décon^enue, il alfecle de déprécier ce qu'il perd : e.roi,sulus signifie proprement : « désossé », par exemple en parlant d'un poisson dont ou a enlevé l^■.^ arêtes (Ter, : Ad., -dis ; cf. PI, : Ainpli. , 320: Pseud, 382 ; Pétr,, 65^. Nous n'avons pas d'autre exemple de l'emploi métaphorique de ce participe eu dehors d'un passage de Lu créée (4, 12(13) il signifie " flexible », Chez nous, désossé se dit bien d'une chose sans consistance, ce qui nous conduit au sens d'épuisé, à moins que l'image ne soit tirée d'une autre acception de e.vossare qui se rencontre dans la N'ulgale [Jéréni., .50, 17) : « ronger jusqu'à l'os » : et l'on sait que saint Jerô.ue connaissait à fond notre auteur. Ayer luxla ayer uicinus :

pour l'emploi de 1 adverbe comme adj., cf. 3, 41 , " purpureas suZ)/er ceruices », et la note. Si satisfaisante que me paraisse celle iiilerpiélalion de Son adeo, inquis, e.vossatus ayer iuxta est, qui appartient, si je ne me trompe, à M. van VVageningen, je dois indiquer celles que les principaux commentateurs ont proposé» s pour ce pas- sage éiiigmatique, les uns voyant, comme moi, daus adeo l'indic. prés, de adiré, les autres croyant y reconnaître l'adverbe adeo : - 1" « Je renonce à la succession », dit l'héritier ; et Perse répond : u J'ai près d ici (près de Home) un domaine bien cul- tivé {exossatus signifiant alors un domaine d on a enlevé les pierres, considérées comme les os de la terre : cf. Uv. : Met., 1, 393 , « Lapides in corpore terrae ossa reor dici »; ; supposons qu il ne me reste pas autre chose de mes biens , je saurai trouver un héritier » (Casaubon, Léo) ; 2' " l'as précisément, dit l'héritier Non adeo prohibeo «, mot qui se tire de an prohibes '!) » voulant l'aire entendre qu'il n'approuve pas Perse, mais jugeant un

A. PFUSI FLACCI SATVHAHVM LIBEH

<i Exossatus ager iuxta est. » Age, si mihi nulla lam reliqua ex amitis. patruelis nulla, proneplis Nulla manet patrui, sterijis niatertera uixit Deque auia nihilum superest, accedo Rouillas

55

NC 52. ayiT iiixia p a : ageri iista l' piaule résultanl d'une mauvaise coupure de ageriiixta). 54. patrui :i : patruis P (par redoublement de Vs initial de sterilis). 50. arcedo P : accède a. bouillas p a : bobillas P.

relus brutal trop dangereux. « Supposons, reprend Perse, qu'il ne me reste, .npi-ès mes dépenses, qu'un domaine épuisé près de Home, je saurai bien trouver un héri- tier (Weber, Diibner) ; - 3" « Douce- ment ! » non adeo dicam clare ». dit l'héritier, qui ne veut pas répondre ; Perse réplique : « J'ai près d'ici un domaine épuisé : eh bien ! je ne serai pas embar- rassé pour trouver un héritier » (Jahn) ; 4" « .le renonce à la succession, dit l'héritier ; ton domaine est presque épui- sé ", iuxla avant la valeur de paene (Hein- rich) ; 5" L héritier : « Je renonce à la succession. » Perse : « J ai près d'ici un ancien cimelière préparé pour la culture », litt : un terrain d'où on a ôté les osse- ments des morts, genre de terrain qui est généralement fertile Coniugton, qui pro- pose aussi de laisser exossatus açier, etc.. à l'héritier, avec le sens suivant : « C'est comme si (iuxla) tu ruinais ta propriété », autrement dit : « ta propriété est ruinée, ou c'est tout comme « i : 6" « Ton do- maine n'est pas si bien cultivé [adeo adv. et portant sur exo.siulus) qu'il puisse te permettre de semblables dépenses » : les mots non adeo exoxsutus ager, etc., étant alors une timide objection de l'héritier (Németb}', Albini) ; 7" « Je renonce à la succession : c'est maintenant un fonds épuisé » (Hamorino) : 8" Enlin je signale, pour mémoire seulement, l'interprétation du scoliaste qui, donnant à la particule e.t contenue dans exossatus une valeur aug- mentatixe, explique le mot par picnns htpi- dibus... et paraphrase de la maiiiére sui- vante, d'après la le^on impossible non luidco : cf NC. : « Non leaudeo prohibere, quicquid uelis de hereditate tua ut facias, <|uia ager plenus lapidibus non longe est, i|uibus me coutradicentem obruas. » .l'ajoute qu'on peut invoquer, en faveur (le l'interprétation n" 1, le témoignage de la Vita Persi (J 2i sur le domaine que le

poète possédait pré de Home, sur la voie Appienne.

52. Age : « Eh bien ! t> (cf. 2, 17) ou « C'est bon ! » cf. 2, 42 : esto âge . L'ex- clamation semble indiquer une reprise du dialogue ri ne vient naturellement que si les mots exossatus ager iu.via est appar- tiennent à l'héritier.

.'')2-56. Perse déclare qu'il ne sera pas en peine de trouver quelqu un à qui laisser son. héritage. En admettant que sa famille ne lui fournisse aucun héritiei-. il prendra le premier venu. On a remarqué que Perse, dans ce passage, énumère des pa- rentes et non des parents : est-ce parce que, en eft'et, il n'avait plus que des pa- rentes (cf. Vita Persi, g 6 : « pietatis erga matrem et sororem et aniitam exemplo = sufficientis », et § 7 : « reliquit circa H. S. XX matri et sorori[busj y>) '.' ou bien ceci est-il en rapport avec les règles de la suc- cession en Etrurie, contrée le régime utérin avait laissé des traces nombreuses (cf. G. Bloch : La plèbe romaine (Rei>. hist , 106 (1911) p. 263)?

52-54. Nulla ex : aucune « femme née di' », c'est-à-dire : « aucune fille de «. I.'amila était la sœur du père, le pairuus le frèi'c du père ; comme patruelis ^r soror patruelis ou filia patrui, l'expression uulla... ex amitis, patruelis nulla équivaut à « aucune cousine germaine du côté de mon père ». Proneptis.. patrui : » ar- rière-petite-fille de mon oncle paternel » ,dniic : cousine au 3"^ degré .

54. Matertera : c'est la sœur de la mère. Sterilis. . uixit : ent. : « n'a pas eu d'enfant ».

55 Deque auia nihilum supcrest : « S'il ne reste rien de la descendance de ma grand'mère. »

55-56. Bouillae était à on/e milles de Home sur la voie Appienne ; la montée appelée vliuus Virhi ou cliuus Aricinus se trouvait quatre milles plus loin, sur la

SATIRE VI

175

Cliuumque ad V'irbi : piaeslo est iiiilii Manius hères.

« Progenies terrae "^ » Quaere ex me quis mihi quartus

Sil pater: haut prompte, dicam tamen ; adde etiam unum,

Vnum eliam : terrae est iam filius, et mihi i itu

Manius hic generis prope maior auunculus extat. (iO

NC 56. uirbi p a : iicrbi P. manius '-f sch. (cf. Festus, p. 145 Millier, 128, 15 Lindsay : mulli Muni Ariciae) : tnawws {niamius y) P : luannius p A" sel), au v. 60 ici'. C IL, (î, 2870 : M. Maiiuius Finnus) ; inanni x ~ 57. que (milieu de quaere) a. 58. taniun omis dans a. 59. eliam si terrae ^au lieu de etiam terrae) P. ritu cp : rituiii P ; tecum a jVoy. Introd., p. xxv et xxix). 60. e.vstat P (niais, pour l'ortho- graphe du mot, cf. 1, 57 et 4, 38) : exit a (leçon qui a été suscrite postérieurement dans P) ; texte incerlain : il se peut que exstat soit la correction d'un reviseur ou d'un copiste qui avait oulilié l'expression: exit Marcus Dama (5, 78-79)

même route, près d'Aricie et du célèbre bois sacré de Diane Hippolyte, fils de Thésée, était honoré avec la déesse sous le nom de Vir-bius (cf. Virg. En., 1, 761 ; Ov. : .W/., 15, 497). Sur le cliuus Virbi stationnaient de nombreux men- diants qui guettaient les voj-ageurs (cf Juv. : 4, 117-118 : « Dignus Ariciiios qui mendicaret ad axes Hlandaque deuexae iactaret basia raedae » ; Mart. : 2, 19, 3). C'est à coup sûr un de ces mendiants que Perse désigne sous le nom de Maiiitis. Nous connaissons par Festus voy. supra, NC' un proverbe qui disait : Multi Main Ariciae : mais, par lui également, nous savons que les granimairiens n étaient pas d'accord sur l'origine de ce proverbe : quelques-uns y voyaient une allusion à la nombreuse descendance de M. Manius qui avait consacré ^ Diane le bois d'Aricie : mais Sinnius Capito, rappelant qu'on nom- mait Maniae des masques qui servaient d'épouvantail pour les enfants, assurait que Mani voulait dire « des hommes 'aids et difformes » (cf. scolies de Perse sur ce vers : « Manium dicil deformem et igno- tum hominem eo quod maniae dicuntur indecori uultus personae, quibus pueri terrenlur ») Prarslo est milii... hères :

« est à. ma disposition comme héritier ». Nous dirions : c J'ai sous la main, pour faire de lui mon héritier, etc. »

57. Progenies tei rae ? L'héritier de- mande à Perse s'il pourrait vraiment laisser ses biens à un homme sans nais- sance comme Manius. Progenies terrae est l'équivalent de l'expression consacrée filius terrae dont Perse se sert un peu plus bas v. 59 ; cf. Pétrone, 43, 5 ; « nescio

cni terrae filio ; Min l-'eiix : Oct.. 21, 7 : « ut in hodienium inopinale uisos caelo missos, iguobihs et ignotos teriae filios uo- ininamus » ; Serv : In Vcrg Georg., 1,9,. Perse réplique que toute généalogie ren- conli-e bientôt un fils de la terre : on sait que les stoïciens ne faisaient aucun cas de la noblesse de naissance (cf. Sén. : Epist , 44,4

57-60. Quartus .. pater - abauus. La généalogie donnait, en remontant la ligne directe ; ptiter ou mater; auus ; proauus : abauus : atauus : irilatnis ; en ligne colla- léiale, du coté du père : patruus ; niagnus patruus : maior patruus : maximus patruus : en ligne collatérale, du côté de la mère : auiinrulns : magnus auunculus : maior anunculus : maximus auunculus. Perse nous dit qu'il pourrait nommer son tris- aïeul {abauus) et encore lui faudrait-il chercher un instant haut prompte dicam tamen = (dicam) haut prompte, (sed) ta- men dicam] ; il nommerait encore son quadrisaïeul (atauus) : mais il ne saurait dire quel est le père de ce dernier, autre- ment dit son tritauus, qui se trouve ainsi être un fils de la terre, un frère par con- séquent, de Manius. L'exprcssioti de maior auunculus apjjliquée ;\ Manius est donc peu exacte, puis(|iic le maior auunculus est le frère du proauus (en ligne féminine), c'est-à-dire du bisaïeul, non du tritauus, ou père du quadrisaïeul. Aussi le poète a t il ajouté prope : « il est quelque chose comme mon arrière-grand-oiicle, sa pa- renté avec moi n'est guère plus lointaine que celle d'un arrière grand-oncle ». Quant à l'emploi de auunculus, il n'est pas sûr que ce soit une impropriété pour patruus :

I7i, \. rrilSI FLACCI SAT\'I<AI',\M LIBKH

Qui prior es, cur me in decursum lampada poscas ?

NC. (il. e.s P : es/ a (cf. 4, 51). decursum P : decursu a (le lexle est incertain, rien n'étant plus fréquent que la confusion des abl en a, e, u avec les ace. en am, em, uni (écrits souvent à. i". û) : mais il ne m'a pas semblé qu il y eût lieu d'écarter pure- ment et simplement, comme ont fait, si je ne me trompe, tous les éditeurs, la leçon de P : voy. Comment.). poscas P : poscis a p (correction venant de ce que la valeur du tour : » qui prior es ciir » n"a pas été comprise).

Perse a pu établir sa généalogie du côté lie sa mère, et non en ligne masculine, soit pour se conformer aux usages de l'K- Irurie ^cf. supra, note sur le v. 53 , soit |)arce qu'il fait remonter l'origine des hommes non pas à un aïeul, mais à une aïeule, la terre Ritu... generis : « d'a- près les régies do la descendance, de la généalogie » (cf. Pline : A'. H., 7, 46 : rilu naturae, « dans l'ordre de la nature »,. l",onsidérer, avec Jahn, ritu comme un adv (= rite) nous obligerait à faire dé- pendre generis de maior auunculus : « Manius est l'arrière giand-oncle de ma race ; il est, dans ma généalogie, l'arrière- grand-oncle », ctl'expression serait bizarre. Muniiis hic : « ce Manius, le Manius dont nous parlons en ce moment ». Exlat : « se présente comme >■ (pour la leçon exit r= euadil, c est-à-dire : « devient (pour moi; », cf. NC).

61. Qui prior es, etc. ; « En quoi es-tu placé avant (Manius, par rapport à moi, c'est-à-dire : plus près de moi), de manière à me réclamer (plutôt que lui) le Qambeau pour descendre (après moi) la carrière '? » En d'autres termes : « Pourquoi est-ce toi plutôt que .Manius qui me réclame, etc. » La métaphore est tirée des lampado- phories, chaque coureur, après avoir parcouru la distance qui lui était assignée, remettait le flambeau à un nouveau cou- reur qui l'attendait pour parcourir une nouvelle distance [Rhet. ad Her., 4. 46, 59 : « Defaligatus cursor integro... l'acem Ira- dit » ; cf. Varr. : /{. r., 3. 16. 9). Perse assimile la suite des générations à une lanipadophorie, comme, avant lui, Lu- crèce (2, 79; ; mais il fait de l'allégorie une application inattendue et plaisante : le flambeau, ici, c'est sa succession, à laquelle 1 héritier, étranger ou parent éloi- gné, n'a pas plus de droit que Manius considéré comme l'airière-grand-oncle de Perse. Qui est adverbe _ qua re ou quo- modo (cf. 5, 130; qui tu impunitiur axis :); si on eu faisait un relatit, de manière à entendre ; << toi qui es avant Manius (plus

loin de moi sur l'arbi-o généalogique) », il y aurait moins de suite dans les méta- phores; et, d ailleurs, l'expression ne serait pas juste ; l'héritier ne saurait figurer avant Manius sur l'arbre généalogique, mais seulement dans une branche plus éloignée que celle de Manius. Cur, suivi du subj. :=: quani ob causam, comme dans l'expression usuelle : quid est (ou quid est causae^ cur. Si l'on pièfère la leçon cur .. poscis ^cf. NC.J, il faut lire : qui prior es '.' cur... poscis "* : " Kn quoi es-tu placé avant Manius ? Pourquoi viens-tu, etc. » Decursum s'applique bien à une carrière qu il faut parcourir, descendre jusqu'au bout (decuirrere) et, par méta- phore, à la succession des âges. Si on lit in decursu (voy. NC), il faut entendre non plus « pour descendre après moi la car- rière » (in signifiant en vue de: cf Riem. : Synt. lut., § 106, rem.), mais a. dans la course des générations ». Au reste, cer- tains commentateurs interprètent in de- cursu tout autrement : l'expression signifie pour eux : « dans la carrière, pendant que je parcours la carrière 'i. Perse, laissant Manius et revenant au point de départ du développement (v. 33-34 : hères... ira- tus quod rem curtaueris), reprocherait à son héritier de se considérer déjà eomnie le propriétaire de biens qui ne sont pas ù lui, et de prétendre, à ce titre, en contrôler 1 emploi. Ils expliquent alors, ou bien, en faisant de gui le pronom relatif yui ; « Toi qui es placé (dans le stadej en avant de moi let à qui, par conséquent, je dois, le moment venu, remettre le flambeau), pourquoi me demanderais-tu (ou me de- mandes-tu) ce flambeau quand je suis encore en train de courir (ç'est-à-dire : avant que j'aie fini de parcoui'ir la dis- tance qui m est assignée ? « Ou bien, qui étant adv. : « Coniment passes-tu avant moi idans l'emploi de mes biens), de manière à me réclamer les flambeaux, etc. (ou, avec le texte qui prior es ? cur... pos- cis : pourquoi me léclames-tu, etc.) » L'explication que j'ai donnée ci-dessus

SATIRE VI

177

Sum tibi Mercurius, uenio deus hue ego ut ille

Pingitur. An renais ? uis tu gaudere relictis ?

« Deestaliquid sumraae. » Minui niihi, sed tibi totum est

Quidquid id est. Vbi sit fuge quaerere quod mihi quondam 65

Legarat Tadius, neu dicta : « Pone paterna,

Faenoris accédât nierces, bine exinie suniptus. »

NC. 62. hune (au lieu de hue) a. illi (au lieu de ille) x. 63. renais a ; reimuis P. iii's P : uin a (texte incertain : cl". Sulp. ad Cic. (Ad f'ani., 4, 6, 4) : « Visne tu le, Serui, cohibere, etc. «) reliclis P A- : velictus a. 64. deest PA- : des 1 -(ce qui suppose la lc(,'oii desl : un copiste, qui ne connaissait pas cette forme contractée, lui aura substitué des, qui avait l'air de donner un sens. CF. Havet : Cril. verh., p. 221, 9U7. 65. P met quondam au commencement du vers 66 ; le vers 65 étant très long, je suppose que quondam n'avait pu contenir sur la ligne et que le copiste de P, qui avait peu d'oreille (cf. 2, 13 ; 2, 39 ; 5, 129 ; 5, 159; 6, 51) n'aura pas su nieUre le mot à sa vraie place. M. Havet ^ Cri'/, verh., p. 97, n^ 343 pense que, antérieurement, un copiste avait sauté du mihi du vers 64 au mihi du vers 65, et qu'ainsi quondam s'était trouvé « au commencement d'un tronçon de te.xte ». 66. legarat p A B' : legerat P ; legara B. tadius P B- : cadius a (on trouve, dans d'autres mss, les leçons stadius A-, stagius, staius). ;jofi(' P a : repone et oppone z (vo\-. Introd., p. xxxi). neu die ita Housman.

fait, il me semble, mieux apparaître la suite des idées. Perse dit, en sonnne, à son héritier : « Après tout, tu n'as pas plus de droits sur mon héritage que le premier venu. Si tu as la chance de le recueillir, il sera pour toi comme un bien tombé du ciel. » J'ajoute que qui prior es entendu au sens de qui prior es (Maiiio) fait songer aux expressions primus hères, secundus hères.

62-63. Sum tibi Mercurius : « Je suis pour toi Mercure, je t'apporte un gain inespéré comme Mercure lorsqu'il fait dé- couvrir un trésor (cf. 2, 11-12 la noie sur dextro Hercule). Veniudeus. etc. : constr. : (( ego uenio dens (attribut; hue, ut ille (se. Mercurius) pingitur », c'est-à-dire : « Je viens ici connue un dieu, sous la forme que les peintres donnent à Mercure. »

63. An renuis '! uis tu, etc. : « Est-ce que, décidément, tu refuses ma succes- sion ■? Veux-tu, au contraire, le contenter de ce qui restera ? » Ces paroles nous ramènent au refus formulé tout à l'heure par l'héri- tier (v. 51 : « non adeo (hereditalem) ». Pour la valeur de an. cf. supra, même vers) Perse lui demande si ce refus est bien son dernier mot ou s'il est résigné à prendre ce qui restera.

64. Deest aliquid, etc. : réponse de l'hé- ritier : » Il manque quelque chose au ca- pital, le capital n'est pas intact. » Deest ne

fait qu'une sjllabe, selon lusage ordinaire l^il faut peut-être écrire dest : cf. N'C). Minai mihi (summant), réplique de Perse : « La perte a été pour moi. »

64-65. Sed tibi, etc. : « pour toi, l'héri- tage, (|uel qu'il puisse être, est entier (nous dirions ; est tout gainl ».

65-6(5. Constr. : » luge quaerere ubi (id) sit quod Tadius mihi quondam legarat », Fuge quaerere : nous disons : « lu n'ai pas à chercher » ; pour l'emploi de fugere avec l'inf. dans le sens de « éviter de ». cf. Hor. : Od , 1, 9, 13 : « Quid sit futurum cras, fuge quaerere. » Ybi sit : nous disons : « ce (ju'est devenu ». Legarat : on attendrait legauit ; mais le plus-que-pf. est logique : Perse a dépensé ce que lui auait légué Tadius.

66. Neu dicta : « Et ne va pas me faire la le»;on en ces termes » ; dicta est l'ini- pér. de diclare, verbe consacré pour indi- quer qu'un maître prononçait à plusieurs reprises une phrase que les élèves devaient écrire ou répéter après lui (cf. 1, 25 : note sur dictata) ; pour l'emploi de l'impér. après ;ie, voy. Kiem. : Synt. lat., § 165, rem. 3. Pone paterna : « Place à intérêt la fortune que t'a laissée ton père. » Pour ce sens de ponere, cf. Hor. : Sut., 1, 2, 13 : « positis in fenore numniis » ; et Epod.. 2. 69-70;Saf.,2, 3, 23.

67. Faenoris, etc. : « Que le revenu de

12

17»

A. PERSI FLACCI SATVRARVM LIBER

« Quid reliqum est ? » Reliqum ? nunc nunc inpensius ungue,

Vngue, puer, caules. Mihifesta luce coquatur

Vrlica cl fissa fumosum sinciput aure, 70

Vt tuus iste nepos olim satur anseris extis,

Cum morosa uago singultiet inguine uena,

NC. 68. reliqiiw p : relicum P (mais cf. 5, 87) : reliquum a (voj'. la note à 5. 87). inpensius ungue A- : inpensius surge P (mais ungue au vers suivant) ; iniperi sui sangue a (toutes fautes venant de ce qu'on a méconnu la reprise oratoire ungue ungue . G9. coquatur P : coquelur p a (mais cf. v. 74 : « sit reliqua »). 71. tuus iste f : tu sisla P ; tuus hic a (sans doute mauvais déchiffrements d'un texte déjà altéré en tuusie). 72. uago singultiet a : uagos inguUet P.

l'argent placé s'ajoute ton capital. ») Horace emploie niercesdansle même sens : Sfl^, 1, 2, 14 et 1, 3. 88. Ilinc exime sumptus « Prends tes dépenses là-dessus (c'est-à-dire : sur ce revenu, et non sur le capital. »)

tiS. Quid reliqum est ? Réplique de l'hé- ritier : « Qu'est-ce qui me leste ? » ; ent. : « C'est bon, mais il ne me restera rien. » Reliqum ? « Tu parles de reste ? » ; ent. : « C'est trop fort I puisque tu n'es pas encore content, je vais dépenser tout mon argent. » Nunc nunc : « Désormais, oui, désormais, etc. » la répétition marque ici la colère : cf. Hor. ; Epod., 5, 53 : Nunc nunc adeste » ; de même ungue ungue.

68-69. Puer : cf. 5, 140 : le poète feint de s'adresser à l'esclave qui prépare ses aliments, Inpensius ungue... caules : « \'erse l'huile plus libéralement sur les choux » : cf. supra, 16 : cenare sine uncto et la note.

69. Mihi coquatur, et plus bas (v. 73-74) nnhi... sit, ast illi tremat uenicr : ent. « // ;jje faudrait faire préparer », « il me fau- drait avoir, etc. » : subjonctif de protesta- tion (cf 5, 84 : ;ion sim et la note). Fesia luce : cf. supra, 19 ; ent. : « Je devrais vivre en avare et considérer comme un menu de jour de fête de l'ortie et le devant d'une tête de porc. » Luce =■ die : cf. Hor. : Sat., 2, 2, 116 : « luce pro- festa ». Sur l'ortie comme aliment des pauvres gens, cf. Hor. : Epist., 1, 12, 7-8 : « Si. . abstemius herbis Viuis et urtica ». Les paysans mangeaient souvent du porc fumé Hor. : Sat., 2, 2, 116-117 : « Non ego. . tcmere edi luce profesta Quicquam praeter olus fumosae cum pede pernae » ; cf. Pétr., 135 ; Juv., 11, 8'2-8.'î) Fissa... aure : abl. de qualité : « à l'oreille fen-

due ». On a supposé que les porchers, chez les Romains comme chez quelques peuples modernes, avaient l'habitude de distinguer les porcs de leur troupeau par une fente d'une forme particulière fuite sur l'oreille (voj- Némethy).

71. Vt... olim : « afin qu'un jour ». Tuus iste nepos : je ne crqis pas qu'il y ail ici une simple reprise du mot d'Horace [Sat., 1, 4, 48-50, : nepos .. films, « ton mauvais sujet de Gis », et qu'il faille en- tendre : « lilius tuus, nepos iste (= helluo iste ») ; il s'agit réellement du petit-fils de l'héritier, mais le mot nepos ist :"i double sens. Anseris extis il s'agit des foies d'oie, déjà très appréciés des Romains (vov. Hor. : Sut., 2. 8, 88 ; PL : .V. //.. 10, \')2 )

72-73. Cum morosa, etc. : ent. : « aille, lorsqu'il sera blasé et dégoûté par l'abus des plaisirs faciles, faire l'amour avec des patriciennes ». Vena = membrun uirite : cf. 1, 103. Morosus est ici synonyme de fustidiosus (ci Hor. : Sat., 2, 5, 90). Siugulfire, comme X'JÎ^w, a le double sens de sangloter et d'auoir le hoquet, d'où par métaphore, « être dégoûté de » ; l'abl. de cause uago inguine dépend de l'ensemble de l'expression morosa singultiet : pour le sens de inguen. cf. 4, 38. Vago, qui indique l'absence de choix, fait antithèse à palriciae... uuluae. Inmeierc a le même sens que, chez Horace, meiere {Sat.. 2, 7, 52) el permingere {Sat., 1, 2, 44). Palriciae... uuluae : Horace est plus bru- tal encore [Sat., 1, 2, 69-70) : « numquid ego a te Magno prognatum deposco consule cunnum '.' » Certains commentateurs, interprétant autrement la métaphore sin- gultiet, rendent le mot par « palpitera » ; en ce cas, uago inguine peut ne s'appli- quer qu'aux caprices des amours illégi-

SATIRE VI

179

Patriciae inmeiat uuliiae ? mihi trama figurae Sit reliqua, ast illi tremat omento popa uenter ?

Vende animam lucro, mercare atque excute sollers 75

Omne latus mundi, ne sit praestanlior alter

NC. 73. inmeiat x : ininelat P (ef 5, 92 NC sur auias). uulne x (corr. A^) 74. }ire- mat (au lieu de tremat] A- popa uenter P A'^ : paiientur a, 76. lie P : nec x.

times, morosa signifiant alors « dédai- gneux (des femmes d'une conquête trop l'acile »).

73. Trama figurae : trama, dont le sens s'est plus tard altéré, c'est, proprement, la chaîne lorsque les fils en sont séparés par les lisses pour livrer passage à la navette et au fil de trame isubtemen : et". Sén. : Epist., 90, 20 . Pline applique le mot aux parlles à jour d'une toile d'araignée (N. H. , 11. 81). Trama figurae indique dotic un corps qui n'a plus, de la figure huriaine, que la chaîne, semblable à un manteau dont la trame est entièrement Usée. Nous disons, par une métaphore dill'érente : « un squelette ». Peut-être même faut-il donner à figura le sens de « l'antônie » que ce mot a chez Lucrèce (4, 34) et chez Virgile t£n., 10,641); l'équivalent fran- çais serait alors ; « l'ombre d'un fantôme ». Mais, de toute manière, nous dégagerions bien la pensée par l'expression familière : « Devrais-je donc n'avoir plus que la peau sur les os, etc. »

74 Ast illi, elc. : illi := tuo isti nepoti ; ent. : « taiidis qu'il aurait, lui, un ventre, etc. ». Tremat omento : « tremblerait à force d'être gras » oiiien/u;ii aici la valeur de pinguedo ou de adeps : sur le sens propre du mot, cf. 2, 47 Popa uenter : litt. : « un ventre sacrificateur, un ventre qui- est comme un sacrificateur », c'est-à- dire : « un ventre gras comme un sacri- ficateur» (les sacrificateurs se nourrissant copieusement avec les restes des banquets sacrés). Pour l'emploi du subst. popa comme adj.. cf. Prol., 13.

75-80. Ces cinq derniers vers s'adressent- ils encore à 1 héritier, le raisonnement étant : « J'aurais beau te laisser une for- lune énorme, tu ne serais jamais satisfait, car l'avarice est insatiable « ? C'est pos- sible, si l'on admet que la satire est diri- gée contre l'avidité des héritiers : mais le début annonçait tout autre chose. Perse est parti d un trait contre les avares v. 15 et suiv.) ; il a ensuite affirmé qu'il fallait savoir dépenser son revenu et même, dans

certains cas, entamer son capital : il a longuement développé cette idée qu'une économie sordide n'a d'autre résultat que d'enrichir un héritier cupide et ses des- centi'ants débauchés, gens qui, d'ailleurs, n'ont pas de comptes à nous demander. Sa conclusion devrait, semble-t-il, s'adresser à l'avare. Et, de fait, il serait tout à fait conforme aux habitudes de Perse que, après l'épisode de l'héritier, épisode auquel il a donné, par l'emploi du dialogue, une forme dramatique, il se retournât vers l'avare et lui dît : « Non seulement tu travailles pour les autres, mais tu n'arri- veras jamais à satisfaire ton désir d'amas- ser. » Mais, au début, il opposait entre eux le ladre et le prodigue (v. 18-24). Ici, il ferait surgir brusquement un aspect nouveau de l'avaiùce, la cupidité insatiable <'x:7ypoy.zzot'.'i. ; la conclusion répon- drait donc mal au développement dont elle prétendrait dégager l'idée générale. Si nous nous rappelons que Perse selon son biographe, avait laissé son œuvre ina- chevée (voj*. Vita Persi, § 8) et que Cor- nutus retrancha quelques vers à la fin du livre pour lui donner l'apparence d'être complet nous admettrons que, selon toute vraisemblance, ces vers appartenaient à la présente satire et que celle-ci n'a jamais été finie, tout en paraissant l'être. Perse commence (vers 15 et suiv.) par opposer deux défauts ; l'avarice sordide et la pro- digalité. Cela le conduit à faire le portrait de 1 homme vraiment libéral qui dépense tout son revenu et entame même son ca- pital si le devoir l'exige, en dépit des pro- testations de son héritier. En face de ce portrait, il se proposait de dessiner celui de l'homme cupide. 11 n'est pas indispen- sable de supposer qu'il changeait d'inter- locuteur : l'héritier pouvait fort bien incar- ner l'amour insatiable du gain. Mais il se peut aussi que, au vers 75, Perse ait, sans transition, engagé un nouveau dialogue avec un personnage nouveau.

75-76. Fent/e ani'maiii lucro : « Vends ta vie pour le gain, achète le gain au prix de

ISO

A PERSI FLACCI SATVRAIWM LIBER

Cappadocas rigida pinguis plausisse catasla,

Rem duplica : « Feci ; iani triplex, iam mihi quarto,

lam decies redit in rugam, Depunge ubi sistani :

N'C. 77. plausisse P : patilsse a (cf. Inlrod., p. xxv. catasta p a ; catastas P (par suggestion de <■ Cappadocas »). 78. quartum (au lieu de quarto) Guj'et. 79. depunge P x : depinge p ^'al. (cf. Introd., p. xxix) ; sislat (au lieu de sistam) Pinzger,

la vie », c'esl-â-dire : « Dépense la vie loul enlière à gagner de l'argeiil ». C'est j)ptil-êlre la traduction d'un proverbe grec (cf. Uzpl j'Vj'j; 44, 9 : « "zb o'ix. -oj yvTÔ; y.epôaîvc'.v tuvoj[jiî6aTf,ç 'j/j/rj^»; Plut. : De cohib. ira, 9. p. 457 D). Excule, pris au sens métaphorique grec nous avons rencontré, 1. 49 et 5, 22. fait, avec omne lalus mundi. une hyperbole ))laisaiite. - Omne latus mundi : nous disons : « les quatre points cardinaux » (cf. Hor. : Od., 1. 22. 19 : « quod latus ;)i(indi nebulae nialusque luppiter urgel » ; '.\, 24, 38 ; et. chez Animien Marc , les expressions latus occiduum, septentrionale, australe. A'e sit praestantior aller <' qu'aucun autre ne te dépasse pour, etc- >> : ne n'a pas ici le sens final. La tournure non praestantior, avec l'inf. , est prise à Virgile (En., 6. 164-165).

77. Cappadocas 'ace. plur. de Cappadox) pingues « de gros Cappadociens ». Il s'agit d'esclaves originaires de la Cappa- doce hommes robustes qu'on employait en particulier comme porteurs de litière (cf. Cat., 10. 14 et suiv. et Mart., 10, 76,- 3). Rigida... catasta : « sur une estrade dressée » ; le mot catasta était le terme propre pour désigner l'estrade sur laquelle on exposait les esclaves mis en vente. Plaudere (cf. XC.) se dit bien des claques qu'on donne sur l'encolure, les flancs ou la croupe d'un cheval (cf. Virg. ; Géorg., 3, 186 ; En., 12, 85-86.) Le mot est bien ( hoisi pour nous faire voir le marchand d'esclaves palpant son bétail humain. Pour 1 emploi du pf. , cf. supra, 6 : cgre- gius lusisse.

78-79. Feci : réponse de l'homme cu- pide, qui n'a pas senti l'ironie du conseil donné par Perse, ou, plutôt, qui lui ré- pond que ce n'est rien de doubler sa for- tune et que, en fait de richesse, le point n'existe pas l'on peut dire : « C'est assez ». lam triplex, etc. : conslr. : « Ues redit mihi in rugam iam triplex, iain quarto, iam decies », c'est-à-dire : « Voici que mon bien revient dans le pli

de ma toge (nous dirions : dans ma poche) triplé qu'il y revient multiplié quatre fois, mulli|)lié dix fois. » Pour l'emploi de redit. cf. Hor. : A P., 329 : « redit uncia ». Ruga est employé ici dans le même sens que .si'nii.^ désignant le pli de la loge les Romains niellaient d'ordinaire leur bourse (cf. Sén. : Epist.. 74, 6 : « ad haeo, quae a fortuna sparguntur, sinum expandit » ; Tac. : Hist . 2, 92 : « abditis pecuniis per occuitos aut ambitiosos .sinus » Il est inu- tile de supposer que redit in rugam tri- plex, etc., signifie : « revient trois fois, quatre fois, dix fois sur elle-même », comme les pans d'une toge ramenés en une série de plis, ou, en d'autres termes, d'y voir une métaphore pour dire mulii- plicaJur, bien que cette interprétation puisse tirer quelque vraisemblance du sens de plicare, dont la racine est dans le suf- fixe — ple.v. et d'où Perse a pu remonter à ruga allegoricos dixit a uestibus, dit le scoliaste, quod ad rugam plicentur »). Quarto : on attendrait quadruplex ; mais dire que la fortune revient quatre fois, c'est indiquer qu'il en revient quatre fois pour une.

79-80. Depunge ubi sistam : inuentus {est), etc., ent. : « marque-moi un point m'arrêter, et on aura trouvé l'homme ca- pable de fixer la limite de ton sorite, ô Chrysippe. » Le sorite tirait son nom d'un las de blé f JiopîiTT,?) : à quel moment, lorsqu'on en retire les grains un à un, cesse-t-il d'être un tas ? De même, cesse la richesse / commence la pauvreté ? finit la grandeur ? commence la peti- tesse ? etc. (vo}'. Cic. : Acad. pr., 2, 16, 79 ; ibid.,2, 28, 92, et cf. Horace : Epist.. 2, 1, 45-47 : « Vtor permisse caudaeque pilos ut equinae Paulatim uello et démo unum, démo etiam unum, Dum cadat elusus ratione mentis acerui. » Chrysippe, qui professait que le sage ne se trompe jamais, avait trouvé un expédient pour lui permettre de se tirer d aftaire en présence de ce genre de question : arrivé au moment l'on peut douter que le (as soit encore

SATIRE VI Inuentus, Chrysippe, tui finitor acerui ».

181 80

N(^ 80. inuentus p A- : iuucntus V a. On lit à la fin des salires : dans P : « explicuit (explicit p) persius thel)aidorum satura féliciter utere semper felix » : dans A : « persii flacci satyrarum explicit. uila eiusdem y> ; dans B : « persi flacci satyrarum explicit féli- citer uila eiusdem ». (Puis, dans ces deux mss, viennent les choliambes.) Parmi les autres explicit, on remarque celui du Laurentianus 37, 19 : « finit persii liber flacci. explicit intortus per totum persius horcus »,

un tas, il lui permettait de garder le silence un moment, jusqu'à ce qu'il fût visible que le tas n'existait plus (voj-. Cic. : op. /., 2, 28, 93) Depunge est un exemple unique du mot (cf. NC.) : de- punctio se trouve chez le pseudo-Soranus. 245. La plupart des éditeurs ferment les guillemets après sistam et donnent le der- nier vers à Perse qui dirait à l'avare : « Tu me demandes de fixer une limite à ta cu- pidité : c'est me demander de trouver la

limite du sorite » ; mais cette interpréta- tion a 1 inconvénient de couper en deux le tour depunge..., inuentus^ si depunxeris. ., inuentus est (cf. 1. 19 et 52 ; 5, 84 ; 6, 56). et de nous obliger ainsi à admettre k côté de inuentus. une forte ellipse, celle de si depunxerini vhi sis'as. Pour la pensée, dans ces trois derniers vers, cf. Hor. : Epist., 1, (5, 34-35 : « Mille talenta rotun- dentur, totidem altéra, porro et Tertia succédant et quae pars quadrat aceruuni. »

E R K A T A

XIII, ligne 30 : la leçon primitive d'à est agregius et celle de V «<■ greciiis : cf.

NC , p. 161. XV, 1. 5 et 6 : vérification faite, A donne, comme B, imperi siii sangiic : cf. NC,

p. 178. xxii, 1. 26 : lisez : quinto paiione. XXIX, 1. 9 : lisez : hac atque illac perfluo. xLv, l. 24 : lisez : Cornutus. LU, 1. 26-27 : niellez l'appel de la note 3 après les mots : une refonte de ce

travail. 26, vers 23, lisez : « Ohe » ? 33, V. 59-60, 1. 8 de la note : lisez : = pinsendo.

68, NC. 61 : ajoutez : inanes a : inanis V.

69, NC, 1. 3 : lisez : qui se trouve dans A et dans plusieurs mss secondaires. 81, ajoutez : NC. 39, iuuenti a (au lieu de iiiuemi).

94, NC. 105 : lisez : rigidos A- a.

95. NC. 111 : lisez : Reiz.

133, NC. 97 : lisez : uiliaiiit P a.

135, V. 107 : mettez une oirgule après uicissim.

147, y. 153, dernière ligue de la note, lisez : inuida Aetas.

151, V. 171, 1. 26 dc'Ia note : effacez la parenthèse après quidem.

151, V. 172, 1. 10 de la note : lisez : quom arcessor.

155, V. 185, 1. 13 de la note : lisez : ater.

157, NC, 1. 2 : lisez : pulfennius.

161, NC, 1. 16: lisez : ora P A2.

161, V. 6, 1. 3 de la note : lisez : la Marerame toscane.

170, NC. 41, lisez : Haec P A^.

175, NC. 57, ajoutez : (corr. A-).

176, V. 61, 1. 72 de la note : lisez : le flambeau.

180, V. 75-76, 1. 9 de la note : lisez : au sens métaphorique que.

TABLE DES MATIERES

Pages.

Avertissement i

Introduction :

I. Biographie de Perse m

II. La Vita Persi iv

IIÏ. Les sources du texte de Perse xi

IV. Les Scolies xxxvi

V. Les éditions xlvii

VI. Notes sur l'hexamètre de Perse liv

Vita Persi 1

A. Persi Flacci Saturarum liber 13

Liste des abréviations 14

Prologue 15

Satire I. . . 19

Satire II 54

Satire III 71

Satire IV 97

Satire V 110

Satire VI 158

Poilieis. Société française d'Imprimerie.

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