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THÉOLOGIE
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"LETTRES
D E
QUELQUES JUIFS
ALLEMANDS ET POLONOIS,
A M. DE VOLTAIRE.
Avec un périt Commentaire extrait d'un plus grand.
QUATRIE ME E DIT ION ,
Rtvue , corrigée & confidérablement augmentée.
TOME TROISIEME. <j aa — r. ■ cas»
<vV
A PARIS,
CWl Moutarc , Libraire de la R ï I N t , de Madame , & de Madame la Comtefle d'ArtOi»» tue du Hurepoix, à S. Ambroife.
M. DCC. LXXVI,
Avtc Approbation , & Privileg* du R&i,
BM
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Il «a— — — — M i in III il M il 13
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J 'ai lu par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux t un Livre intitulé : Lettres de quel- ques Juifs , h M. de Voltaire. Une érudition profonde & variée ; des vues neuves j une cri- tique toujours décente ; un développement heu- reux des Loix de Moyfe , ont aiîuré le fucccs & la réputation de cet Ouvrage. En Sorbonne, ce 3 Juin 1776. Duvoisin.
————— ' ' — — — >
PRIVILEGE DU ROJ.
I' jQUIS , par la grâce de Dieu , Roi de France & de Navarre : A nos amés & féaux Confeillers , les Gens te- nans nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, grand Confeil, Prévôt de Paris, Baillis, Sénéchaux, leur* Lieutenans Civils , Se autres nos Julliciers qu'il appartiendra: SALUT. Notre amé le fieur MOUTARD , Libraire , No.is a fait expofer qu'il défir-?roit faire réimprimer & donner au P iblic , Moyfe vengé , ou Lettres de quelques Juifs Portugais é» Allemands , s'il Nous plaifonim accorder nos Lettres de renouvellement-de Privilège pour ce nécelTaires. A CES CAUSES , voulant favorablement traiter l'Expofant , Nous lui avons permis & permettons par ces PréCentes , de faire imprimer ledit Ouvrage autant de fois que bon lui femblera , & de le vendre, faire vendre & débiter par tout notre Royaume , pendant le temps de fix années confécu- tives, à compter au jour delà dite des Préfentes. Faifons défenfes à tous Imprimeurs , Libraires & autres perfon- ses , de quelque qualité & condition qu'elles foient , d'en kurpduire d'imprefTion étrangère , dans aucun lieu de notre obéiflance : comme auflî d'imprimer , ou faire im- primer , vendre , faire vendre, débiter, ni contrefaire ledit Ouvrage , ni d'en faire aucuns extraits, fous quelque prétexte que ce puille être , fans la permiiïion expreffe Se par écrit dudic JSxpofan; ? ou de csux qwi auront droit de
lu* , a peine Je conrîfcâtîon de» Exemplaires contrefaits» ce trois raille livres d'amende contre chacun des contre- venons, dont un tiers à Nous , un tiers à l'Hôtel-Oieu de Paris, & l'autre tiers audit Expofant, ou à celui qui aura droit de lui , & de tous dépens , dommages & inté- rêts, A la charge que ces Préfentes feront enregistrée» tout au long fur le Regiftre de la Communauté des lm- prim:urs & Libraires de Paris, dans trois mois de la date d'icelles; que l'impreffion dudit Ouvrage fera faite dut nocre Royaume & non ailleurs , en beau papier & beaux caraderes, conformément aux Réglcmeiude la Librsirie, & notamment à celui du 10 Avril 1725 • à peine de dé- chéance du préfent Privilège; qu'avant de l'expofer en vente , le Manufcric qui aura fervi de copie à l'imprefïïon dtid.t Ouvrage , fera r. mis dans le même état où l'appro- bation y a jra été donnée , es mains de notre très-cher & féal Chevalier , Chancelier , Garde des Sceaux de France, le Sieur de MaupeûU; qu'il en fera enfuies remis deux exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un dans celle de notre Château du Louvre , & un dans celle dudit Sieur DE Meatjpiou; le tout à peine de nullité des Préfentes: du contenu defquelles vous mandons & enjoi- gnons de faire jouir led. Expofant, & Ces ayans caufe , pleinement 3c pailiblcment , fans fouffrir qu'il leur foit /ait aucun trouble ou empêchement. Voulons que la copie des Préfentes qui fera imprimée tout au long , au com- mencement ou a la fin dudit Ouvrage, foit tenue pour duement fignifi e , cV qu'aux copies collationnées par l'un de nos amés & féaux Confeillers- Secrétaires , foi foit ajoutée comme à l'original. Commandons au pre- mier notre Huiflîer ou Sergent fur ce requis , de faire pouf l'exécution d'icelles , teus actes requis & ncceilaircs , fans demander autre perniifîion , & nonobftant clameur de karo, charte normande, & lettres à ce contraiies: Cartel eft notre plailir. Donné à Paris , le vingtième jour du mois de Novembre, l'an de grâce mil fept cent foixante- onïc, & de notre règne le cinquante-ieptieme. Par 1« Roi en fon Conleil. LE Bec LE,
Regiftre fur le Regiftre XVUl de la Chambre Royale 6" Syndicale des Libraires & Imprimeurs de Paris, N». 1780,/j/. i(>\ ,coiformèmcnt au Règlement de 1713. A Paris , ce 6 Décembre I77;l, L, F, L E C L £ R C , Adjoint.
ERRATA.
Quelques fautes effentielles s'étant glif- fées dans l'imprefîîon de cet Ouvrage, on prie le Lecteur de jetter les yeux fur l'Errata avant de palier à l'Ou- vrage même.
JL a g i i , lig. i© , Loix ofaïques , /// Loix
Mofaïques. Page 19, lig. 1 , tous Tenoient, lif Tous te»
noient. Page 11 , lig. % , les calamités & les infamies,"
lif les calamités & l'infamie Page X3 , lig. n , qu'ils s'étendiffent de ces
deux côtés , lif qu'ils s'étendilîent plus loin
de ces deux côtés. Page 15, lig. 14, leur devifant ces terres,
lif leur divifant ces terres. Page 37, lig. 14 j 5c là vraie des Gouverne»
mens , lif & la vraie gloire des Couver»
nemens. Page 38 , lig. z , Des Loi Militaires , lif Des
Loix Militaires de Meyfe. Page 49 , lig. t$ , flirpis Achillae , lif ftirpis
Achillxse. Page 44 , lig. 5 , comm ils le font , lif comme
ils le font. Tage 73 , lig. n , des hommes faits; elle af-
fure, lif des homme» faits & des enfanS
nouveaux nés; elle affure. Page 77 , lig. io,d'hygienrie, ///, d hygiène,
Pa<5fi 79 , lig. 16 , boue, lif. bourbe.'
Page 80 , lig. 9 , les faines , ///. les plus faines.
Page 88 3 lig. 7 , qu'ils avoient , UJ. qu'avoient nos pères.
Page 140, lig 4 , par fa diftribution fage des terres & la ftabilhé , lif par la fage diftri- bution des terres & par la Habilité.
Page 1 s 7 , lig. ij , en comparant ces ioix avec les vôtres , lif. avec les nôtres.
LETTRES
D E
QUELQUES JUIFS
Allemands & Polo n ois , A M. DE VOLTAIRE,
QUATRIEME PARTIE.
Considérations sur la Législation Mosaïque.
LETTRE PREMIERE.
Loix ofàiques 3 rellgïeufes & morales , comparées à celles des autres peuples anciens.
MONS IEUR,
JlN o s loix rituelles ne font pas les feules que vous ayez attaquées dans vos Tome III A
.
•
i Lettres
Ouvrages ; vos reproches s'étendent fur le corps entier de la léçifiation Mofaïque. Portons donc nos regards- fur les autres parties de cette légiilation , devenue fï mal-à-propos l'objet de vos cenfures. Un coup d'oeil rapide fuffira pour vous con- vaincre , que c'eft ne l'avoir jamais con- nue , ou mettre le comble à l'injuftice , que de l'accufer , comme vous faites , d' ah fur dite & de barbarie. Vous recon- noîtrez, que , fait qu'on en confidere les loix religieufes & morales , ou les Ordonnances civiles , militaires &z po- litiques , l'équité, l'humanité , la fagelTe s'y montre par-tout avec éclat *, de peut- être aurez-vous quelque regret de vous être porté fi légèrement à de fi injuftes reproches. C'eft l'effet que doit naturel- lement produire , dans un ame hon- nête , comme la vôtre , la comparaifon que nous allons faire de nos loix avec celles des peuples les plus vantes.
Commençons par nos loix religieufes Se morales (i).
(i) Religieufes & morales. Les loix rituelles font aulTi des loix religieufes , mais ces loix Croient comme le corps de la Religion : celles dont on va parler en font l'ame. Edit.
de quelques Juifs. 3
§• 1.
Loix Juives religieufes & morales.
Il y a un Dieu , dit le code Hébreu » 8c il n'y en a qu'un. Ce Dieu mérite feul d'ctre adoré. Etre fuprême , fource néceflTaire de tous les êtres , nul autre ne lui eft comparable. Efprit pur , immenfe , infini , nulle forme corporelle ne peut le repréfenter (1). Il a créé l'Univers par fa
I I I I I !
(1) Ne peut le repréfenter. Les Pajrens mêmes n'igrioroient pas , que les Juifs tenoient cette croyance. Tacite , quoique d'ailleurs déclaré contr'eux , leur rend cette Jultice. « Les Juifs » dit-il , n'adorent qu'un Dieu qu'ils conçoivent » feulement par la penfée : Dieu fouverain , » éternel , immuable. Ils efliment profanes ceux « qui emploient des matières périflables , pour » repréfenter la Divinité fous une forme liu- *> maine. Auffi n'ont-ils point de ftatues dans » leufs Temples , ni même dans leurs Villes : ils »> ne connoiifent point cette manière de flatter " leurs Rois , & ne font pas cet honneur même »» à bos Céfars «. Judxi mente folâ unumque numen intellïgunt : profanos,qui Deûm imagines mortalibus materiis in fpecies hominum effin- gunt : fummum illud & Aternum , neque mutabile , neque interiturum. Igitur nulle jimulacra Urbibus fuis , nedum Templis funt : non Regibus hs.c étdulatio , non Cœfaribus honor. ( Hilt. lib. V. cap. j. ) Dion en parle dans les mêmes termes.
Aij
4 Lettres
puiflance , il le gouverne par fa fageiTe , jl en règle tous les événement par fa Pro- vidence. Rien n'échappe à fon œil vigi- tanc j tous les biens & les maux partent de fa main équitabie, & comme c'efl: de lui que tout vient , c'eft à lui qu'il faut tout rapporter.
Des Miniftres de fon culte font inf- titués , des oblations & des facrihees établis y mais toute cette pompe n'eft rien à fes yeux , fi les fentimens du cœur ne l'animent. Le culte qu'il demande avant tout & par-delîus tout , c'eft l'aveu de notre dépendance abfolue & de fon domaine fuprême , la reconnoilfance de fes bienfaits , la confiance en fes mifé- ricordes , la crainte & l'amour. Je fuis telui qui eft : tu n'auras point d'autre Dieu que moi : tu ne te feras point de
» Ils n'ont, dit-il, aucune ftatue: ils regardent 3> Dieu comme ineffable & invilible , & ils le j> révèrent plus qu'aucun autre peuple du *> monde « ( Hift. .vxxvn. )
Que peu fer donc , qiandon voit M. de Vol- taire , abufant de quelques exprelVions méta- phoriques de nos Ecritures , avancer froidement, que les Juifs croyoient Dieu corporel ? Ce grand liomme coffnoît-il moins les Juifs, ou a-t il moins d'équité pour eux, que les Payens mcm.es î dut.
DE QUELQUES J U I F S. f
fimuïacres pour les adorer : tu adoreras le Seigneur & tu ne ferviras que lui : tu aimeras l1 Eternel ton Dieu de tout ton cœur , de toute ton ame & de toutes tes forces (i). Idées vraies , fublimes 8c qui diftinguent éminemment le Législateur Juif de tous les Législateurs anciens.
Quelle pureté , quelle beauté dans fa morale ! Eft-il un vice qui n'y foit pas févérenient condamné ? Ce n'eft point affez que les actions foicnt défendues , les defirs même font interdits. Tu ne convoiteras point (2). Non- feulement il exige une équité parfaite , une probité fans reproche , la fidélité , la droiture , l'honnêteté la plus exacte j il veut que nous foyons humains , compatHTans , charitables , prêts à faire aux autres roue le bien que nous voudrions qu'ils nous fiiTent : Tu aimeras ton prochain comme toi-même ( 3 ). En un mot , tout ce qui peut rendre l'homme eftimable à fes propres yeux , &: cher à (es femblables , tout ce qui peur alîurer le repos ik le
(1) De toutes tes forces. Voy. Exod. XX. Deut. V. Aut.
(i) Tu ne convoiteras point. Voy. Exod. XX. Aut.
(}) Comme toi-même. Lévit. XIX. Aut. A iij
* Lettres
bonheur de la fociété y eft mis au rang des devoirs.
Faur-il donc s'étonner fi Moyfe lui- même , frappé d'admiration en confidé- xant l'excellence de ces loix , s'écrioit avec tranfport : O îfraïl , quelle ejl la nation Ji jage & Ji éclairée , qui ait des Ordonnances aujji belles & des Statuts auFl JHflfi* q?te ceux que je t'ai propojés en ce jour (i) ?
§. IL
Comparai/on de ces loix avec cc.'Ics des anciens peuples.
Où trouveiïez-vous , Moniteur , dans loute l'antiquité , des iùiHtutions reli- gieufes plus pures , & des préceptes mo- raux plus conformes aux fentimens de la nature , aux lumières de la raifon , ôc aux règles facrées de la décence Se de la
vercu ?
Rappeliez- vous les loix des Nations les plus célèbres : quelles faulTes & bifarres idées de la Divinité ! quels objets d'ado- ration ! Que de rites extravagans , impurs , cruels î Que d'opinions impies , de dé- fordres honteux , d'ufages atroces au-
(i) Propofcsen ce jour. Voy. Deur. IY- Aut.
DE QUELQUES JuiFS. f
torifés ou tolérés par ces législations fi vantées! Depuis les aftres qui nous éclai^ renr , jufqu'aux plantes de nos jardins , depuis l'homme célèbre par fes talens ou par fes crimes , jufqu'au reptile veni- meux qui rampe fous l'herbe ( i ) , tout a des adorateurs. Ici la pudeur eft facrifiée
(i) Qui rampe fous l'herbe. Plufieurs Ecri- vains , même Payens 3 ont reproché aux Egyp- tiens d'avoir adoré les plantes te les animaux. Quis nefeït, dit Juvenal , qualia démens JEgyp- tus port enta colat ? &c.
D'autres efTayent de les juftifîer : ils pré- tendent que c'etoit moins un culte religieux , qu'un culte civil & politique, tel à-peu-près •que l'attention des Hollandois à conferver les cigognes , qu'il eft défendu de tuer en Hollande fous des peines féveres. On pourroit peut-être Je croire des animaux utiles ; mais quelle raifon .politique put engager les Egyptiens à rendre un culte aux animaux maîraifans 3 aux cro- codiles , &c.
Il nout paroît que ce culte approche trop de .celai , que quelques Africains rendent encore aujour-d'hui a leurs Fétrcises , pour qu'on n'y reconnoirîè pas la même fuperftition & la même démence. Au refte , quand on n'en pourroit ac- eufer les Egyptiens , il n'eft pas douteux , que divers peuples anciens n'aient eu des cultes aulli infenfés que les nègres d'Afrique. Nous en avons pour garant l'autorité même de M, de Voltaire. Au t.
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5 Lettres
dans les Temples , là le fang humain roule fur les Autels , & les plus chères victimes expirent dans les flammes que "a fuperftition allume ( i ). Plus loin la nature eft outragée par de brutales amours , &c l'humanité avilie par d'in- dignes 6c barbares traitemens : par-tout , Je peuple dans une afFreufe ignorance ,
6 les Philofcphes dans l'erreur ou dans ie doute ( i ). Tirons le rideau fur cet
/ : ) Que la fu^erflitior^ allume. Nous nous propofons de donner dans la fuite des preuves de tous ces faits. Aut.
(i) Dans l'erreur ou dans le doute. Nous ne difcônVenonS point , qu'en raifemb'ant tout ce qu'ont dit de mieux les Légif^rt-urs & les Phi- lofophes pnyens , on en pouiroit former un corps de fages maximes &: d'excellens ptéceptes de morale: mais on ne peut nier aufli, que dans* leurs écrits ces maximes & ces préceptes fe trouvent accompagnés d'incertitudes & d'erreurs, non-feulement fur les grandes vérités, qui font feules le fondement folide de la vertu , l'exif- tence de Dieu , fa juftice , (à providence , la liberté de 1 homme , Sec. mais même fjr les devoirs les plus eiréntiels de la morale. Et l'on ne doit point êtte firpris, que ks anciens Phi- lofophes , au milieu des ténèbres du Pagaoifme, aient donné dans ces égaremens , quand on voie les modernes, quoique éclairés par le flambeau de la révélation , révoquer en doute , combattre ces vérités , & même en parlant fflW celle de
DE QUELQUES J U î F S. t)
humiliant tableau de l'aveuglement des hommes , qu'affez d'autres ont tracé avant nous.
Mais , en détournant nos yeux de ces affligeans objets, qu'il nous foit permis de vous demander poutquoi tant d'éga- remens chez des peuples u fages , & tanç de fagelîe chez les ignorans & barbares Hébreux ? N^eft-ce point que toutes les autres Nations n'avoient pour guide , que la faible & tremblante lumière de la raiion humaine , 8c que , chez les Hébreux , une raifon fupérieure en avoit éclairé les té- nèbres , & fixé les incertitudes ?
Nous n'iniîfterons pas davantage , Monfieur , fur nos loix religieufes &c morales : elles font trop connues , Se leur fupériorité fur toutes les législations an- ciennes trop marquée , pour qu'il foie befoin d'entrer dans de plus grands détails» Nous fommes avec refpec^ , fkc.
mœurs S: de vertu , en ébranler tous les fon- demens. Les opinions pernicieufes , les fyfrêmes' funeftes par lefquels ils ont ébloui & déshonoré leur fiecle , font la preuve la plus complette , qu'il faut à l'homme un autre guide que la Philofophie, pour le conduite à la vertu. Aut.
Av
io Lettres
LETTRE II.
Des loix politiques de Moyfe.
\^j e s Loix , Monsieur , ne nous font poinc parfaitement connues % nous en fai- lons l'aveu ; mais ce qu'on en découvre dans le récit abrégé de notre Hiftoire , furht pour donner une haute idée du Lé- gislateur & du plan de Gouvernement qu'il avoir conçu.
§. i.
Plan de Gouvernement tracé par Moyfe.
A la tête de ce Gouv;rnement, je vois le Souverain le plus digne Ane obéif- fance eutieie : c'eft le Dieu même qu'on y adore.
Ce Dieu, maître de l'Univers, mais élu Roi d'ifracl par le choix unanime cv volontaire d'un peuple , qui lui devoir fa liberté Se (es biens , tient fa Cour au milieu d'eux. Les eut /m s de Lévi font fes Officiers 6V: ùs Gardes , le Tabernacle (on palais. Là il explique fes loix , donne
DE QUELQUES JuiîS. ïï
fes ordres , &: décide de la paix ôc de la guerre.
Monarque fuprême , en même .temps qu'objet du culte , il réunit tout à la fois l'autorité civile & l'autorité religieufe. Ain(i l'Etat de la Religion , Il distingués ailleurs , ici ne font qu'un : les deux PuiiTances , loin de s'entrechoquer , fe prêtent un mutuel appui j 6c l'autorité divine imprime même aux loix civiles un caractère facré , ôc par conséquent une force , qu'elles n'eurent en aucune autre législation ( i ).
Sous Jchovah , un Chef, (on Lieute- nant &c fon Viceroi , gouverne la nation conformément à fes loix. il la commande dans la guerre, il la juge pendant la paix ", la mort eu: la peine de la défobénTance à
(i) Légi/lation. La plupart dts anciens Lé- giflareurs fentirent , combien la Religion eil utile ou plutôt nécelfaire au gouvernement, Se ils unirent l'une à l'autre. Moyfe va plus loin : il les identifie en quelque forte ; les loix reliv. gieufes Si les loix civiles partent de la même autorité divine ; Se les deux codes n'en fonc qu'un. L'adroit Légiflareur des Mufulmans eflay? d'imiter cette conduire.
Les légiférions modernes ont trop féparé la Religion de la Politique : c'eft ôter au Gouvernement un de Tes plus puiiTans & de fes meilleurs refîbrrs. Voy. Y Union de la Religion & de la Politique du [avant Warhurton. Aut,
À vj
il Lettres
fcs ordres ( i ) , mais fon r.utorité n'eft m defpotique ni arbitraire. Un Sénat formé des membres les plus diftingriés de toutes les Tribus lui fert de Confeil (z): il en prend les avis dans les affaires importan- tes ; 8c s'il s'en trouve qui intérelfent la nation entière , route t'a Congrégation , c'eft-à-d;r;' , VAjÇcmbbée du peuple ( 3 ) ou pour parier félon vos ufages , les Etats font convoqués \ on propofe , ih déci- dent Ôc le Chef exécute.
Le même ordre règne dans les diffe-
( 1 ) J fes ordres. Voy. Jof. I. 16, 17, &c.
( \ ) Lui fert de Confeil. Voy Norab. XI. n. 1^, &c. XXXH. r , 1. JoHic XIX. 1 ;. XVTÏ 7. XXII. 1; , 14. L'anorté du Juge chez les Kcbr-ux ccoit à peu près celle des Confuls à Rome , des Rois à Laccdcinone , des S irfetfS à Cirrhage , &c. gouvernemens qui a'ccoitnr point bar/tares. An:.
( } ) L'jjjemblce du pcup'e Ces auemblces fous Moyfe , lo.fq.ie les Hébreux Ça moient un corps d"nrmce , retTembloient a'fcz aux aflemblces dts Grecs décrites dans l'Iiiade , fie aux alfem'olces du peuple à Athènes, a I.. démone , à Rome, fi>c Il y a quelque appa- rence que , dans la fuite, elles ne furent com- pofées fouvenr/^ue tles Députés «Sc^ReprclViuans du peuple, à peu pics comme les P.:rUrr.cr.s d'Anduttie , les Etats de Hollande, &c. Euit.
DE QUELQUES JuiFS. 1$
rentes tribus. Chacune a fon Prince , fon Sénat , fes chefs de famille ; fous ces chefs de famille , les chefs des branches qui en étoient ilïues , de fous eux des Commandons de mille, de cent, de cin- quante , de dix hommes ( i ) , ôzc. revê- tus , chacun félon fa place, de l'autorité civile ôc militaire.
Par ces fages difpofitions , une Mi- lice nombreufe promptement raiïemblée, marche fous fon Chef comme un feul homme : la juftice fe rend : le bon ordre fe maintient : les fujets font contenus , l'autorité des fupérieurs renfermée dans {qs bornes légitimes ; & une heureufe har- monie reene dans tout l'Etat. Eft-ce là , Moniteur, un plan d'adminiitration digne feule rient d'un Légiflateur abfurde & baroare ?
§. IL
.ildité de ce gouvernement, o
Et remarquez, comme toutes les parties de ce Gouvernement s'appuient & fe ba- lancent. Le fage équilibre établi dans l'Etat, ne lai(Te à aucun des citoyens alTez
(1) De cinquante, de dix hommes , 6'c. Yoy» Peu:. XY1. ii. Aux.
14 LETTRES
de puiftance , pour envahir l'autorité ab- solue , & attenter à la liberté publique. Dans une pareille entrepriie , le Juge auroit été arrêté par les Princes des Tri- bus , &c ceux-ci, par le Juge & par les chefs des familles. Riches, favans & re-ipectés , les Prêtres &c les Lévites auroient pu fe livrer à" des projets d'ambition : mais éle- vés au-detTus des autres par la dignité de leur miniftere , 6c par la fupériorité de leurs lumières , ils en font rendus en quelque forte dépendans. Par une loi ex- prefTe ( i ) , ils font abfolument 8c pour
(i) Par une loi expre/fe. Tu n'auras point d'héritage en leur pays , di: le Seigneur à Aaron ;
je fuis ta portion Quant aux en/ans de
Lévi , je leur ai donné pour héritage toutes les dixmes d'Ifra'èl. ( Nomb. xvlll. ) Cette loi efl: fonvent répétée dans les livres de Moyfe.
Ainfï les revenus des Lcvites étoientles dixmes, que leu« payoient les Ifraélites ', & les revenus des Prêtres les dixmes , que les Lévites eux- mêmes leur donnoient de tout ce qu'ils avoient reçu. La Tribu de Lévi , & fur-tout les familles facerdotales , étoient donc riches. Mais leur richefTe tenant à la Religion & à la conftitucion de l'Erat , ils croient plus intérefTés que peifonne à conferver l'une 8c l'autre. Or avoit fu tout-à- la- fois tenii dans la dépendance Se attacher, par leur intérêt même , à la conservation de l'Etat les Citoyens les plus iafkttks & les
DE QUELQUES J U I F S. 15
toujours exclus du partage des terres. Ex- clulion d'autant plus remarquable , que le Légiflateur étoit de cette Tribu , & qu'il fortoit de l'Egypte , où fon peuple avok vu 11 long-temps les Prêtres polîeder des fonds immenfes , exempts de toutes char- ges. Plus on réfléchit fur ce plan du Gou- vernement , plus on fent , que tout y étoit admirablement calculé , pour le maintien de la liberté publique.
§. III.
Précautions prifes pour maintenir l'union entre les Tribus.
La défunion des Tribus pouvoir feule troubler cet heureux accord } auffi les précautions les plus fages font-elles prifes par le Légiflateur, pour les tenir toujours étroitement liées.
Déjà une commune origine & le même fang les unifiaient : ces nœuds font encore reflerrés par la Religion ; même Dieu , même culte , mêmes Miniftres de ce
plus retpe&és , ce n'eft pas , ce nous femble , un tratr d'une médiocre fageife. Moyfe ne le dut point à l'Egypte , Quoique M. de A^ol- taire veuille qu'il ait tout emprunté de l'E- gypte. Au't.
id Lettres
culte ; un feul Autel , un feul Temple î & l'obligation de s'y rendre de toutes parts trois fois chaque année. Là ralîem- blés de tous les cantons, de toutes les Tri- bus , les Ifraclites , après avoir rendu grâ- ces au Seigneur , mangeoient en fa pré- fence la dixme de leurs grains &c de leurs fruits , & les premiers nés de leurs trou- peaux : ces feitins folemnels , dont la joie confacrée par la Religion les attachoit a la Religion , leur donnoient occafion de fe voir, de fe connoîcre, d'entretenir leurs anciennes liaifons , cv d'en tormer de nouvelles.
Ce ifeft point alTez : la Tribu de Lévi répandue dans toutes les autres , ians être attachée particulièrement à aucune , an- non :e par - tout la même doctrine, cv enfeigne la même loi. Etiî, pour abréger la longueur & diminuer les irais des pro- cédures, chaque Tribu , chaque Ville a fes Juges ( i ) , qui expédient les affaires particulières, où lefensde la loi ne préfente aucune difficulté \ un Tribunal luprème eft établi pour juger les queftions épineu-
(0 Chaque Ville a fes Juges. Voy. Deur. XVI. i 8. Tu établiras des Ofltcien & (fa
aux porte i des Vilies , que le Seigneur te a m- nera , 6v. Aut.
DE QUELQUES J U I F S. . 17
fes ( 1 ) & les difluflicns de Tribu à Tri- bu. Cette Cour nationale décide fans ap* pel ; ôc fa jurifdiction s'écendant fur toutes les parties de l'Etat , y maintient l'union en même temps que la juftice Se le bon ordre.
C'eft encore à quoi rendoient ces loix féveres portées contre les cultes étrangers 3 contre les Villes & les Tribus rebelles ou féparées : loix dont vous n'avez blâmé la rigueur , que parce que vous n'en aviez pas fenti les raifons politiques ( z ).
(1) Quefiions épineufes. Voy. Deut. XVII. 8 , 9. S'il Je pré fente quelque matière trop difficile a juger , tu te lèveras & tu te rendras au lieu que le Seigneur aura choifi , devant les Prêtres & les Lévites, & le Juge qui fea pour lors en place ; 6" tu te conformeras a leur décifion : fi quelqu'un refufe de leur obéir , il fera mis à mort, 6'f. Aut.
( i ) Raifons politiques. On ne peut nier , qu'outre le zèle de Religion & de Juftice , cette confideration politique n'ai: été un des motifs de la févérité , dont on étoit prêt d'ufer envers les Tribus d'au-delà du Jourdain , & dont on ufa réellement contre les Benjamites , les Ephraïmites , &c. La paffion put entrer dans l'exécution, mais la difpofition de la loi n'en étoit pas moins fage. Plus l'union éroir né- cefTaire entre les Tribus, plus la rupture dévoie çtre féveremem punie. Edit.
iS Lettres
Nous vous le demandons , Moniteur ; ceux de vos Gouvernemens , qui appro- chent le plus de celui de Moyfe , ont-ils fu mettre entre les parties, qui les com- pofent , des liens d'union auili puitlans?
§. iv.
Combien ce Gouvernement devoit etrccLcr au peuple.
Si l'art du Législateur eft de faire aimer aux fujets le Gouvernement qu'il établie-, quelle forme d'adminiftration devoit être plus chère aux Hébreux r Nulle autre n'approdia plus de l'infcitution de la na- ture. C'ctoit l'autorité du père de famille fur (es enfins _, des fils fur les petits-fils, des petits -fils fur les arriere-petits-hls.
Cette obfervation feule fait fentir combien font vaines & déplacées les déclamations de J'illufhe Auteur contre ces deux faits , conne l'intolérance des cultes étrangers } &c. Connoît- il donc fi peu notre Hiftoire , qu'il n'ait jamais fait cette réflexion ; & croira-t-il encoie fort jufte fa plaifanterie , que les Ephraimitcs furent égorgés pour n'avoir pas fu prononcer fcliibolet ? Aut.
(i) De celui de Moyfe. Nous pouvons nom- mer entre autres , ceux de la Sujfle . de la Hol- lande <Sc de l'Angleterre. Aut.
DE QUELQUES JuiES. If
&c. tous Tenoient en quelque force leurs droits de la nature ; 6c ces droits refpec- tables 6c chers paiToient d'aînés en aînés aux defeendans les plus éloignés.
Dans ce Gouvernement, Il l'on peut s'exprimer de la forte , domeftique 6c de famille, les titres de commandement 6c d'autorité n'étoient pas des titres d'exac- tion ni des places de finances : tout étoit gratuit. Aufli n'y pavoit-on que des tributs légers fixés par la loi , & dont l'emploi même adouciiïoit l'obligation de hs payer. Les uns étaient confacrés au foulaeement des Pauvres 6c à la dépenfe des reitins re- ligieux ( i ) dont ils dévoient partager la
( i ) Fefiins religieux. C 'étoit a quoi étoit deftinée la féconde dixme. Tu ne manqueras pas , die la loi , de mettre a part la dixme de tout le -produit de ce que tu auras femé chaque année , & tu mangeras devant l'Eternel ton Dieu 3 au lieu qu'il aura choifi pour y faire habiter fon nom , les dixmes de ton froment , de ton vin & de ton huile , & de ton gros & menu bétail , afin que tu apprennes à craindre toujours l'Eternel ton- Dieu. ( Deut. XIV. 12 » 3.3 , &c. ) La féconde dixme de la tioifieme année étoit particulièrement deftinée aux pau- vres. Quand tu auras achevé de lever toutes les dixmes de ton revenu en la troifieme année , tu les donneras au Lévite , a l'étranger , a l'or- phelin & à la veuve , 6' Us mangeront dûns les
20 Lettres
joie : les autres, "deftinés à l'entretien du Culte public j 6c aux Miniftres de ce
Culte ( i ) , comme une réconïpenfe de leurs fervices, &c comme undédomm ment néceiïaire , de ce que , pour le bien de l'Etat, ils n'avoient point oli part à la diftribution des terres.
Ici point de ces profeiîions héréditaires , de ces flétrilTantes diftincHons de Caf- tes ( i ) établies chez les Egyptiens & les Bracmane» , ni de ces outrageans mépris d'un Ordre pour l'autre, qui agitèrent fi long-temps la République Romaine « On » n'avoit point à gémir de ces réglemens » barbares , qui réuni tfoient ailleurs dans
lieux de ta demeure , &c. ( Deut. XXVI. n. ) Aut,
(i) Aux Miniftres de ce cu.'fe Voy. plus liant pag. 14. La premieie dixme étoit proptemenc îeui revenu : ils n'avoient paît à la féconde qu'en qualité de pauvres. Aut.
(1) Dijliaiiior.s de Caftes. On ne peut gueres difeonvenir } que ces profilions héréditaires, ces difiinctions de Caftes, &c. ne fideiit d'une roauvaife politique. JF.Iles ne pouvoient qu'é- teindre l'crmihnon & le génie, & entretenir filtre tous les membres de l'Etat des jalouues le des haînts funeftes. Audi a t-on remarqué 3-, que les Grecs t'empottereni de beaucoup lue :' Its Egyptiens , chez oui le s profcflftons » étoieut héréditaires ». Edic.
DE QUELQUES J U I F S. 21
i) une partie de la nation les privilèges èc J5 l'autorité , 8c ralfembloient fur le refte >j des habitans les calamités & les inra- » mies. » Tout y rapppellcit les Hébreux à l'égalité naturelle &c aux fentimens de fraternité , que devoit leur infpirer leur commune origine.
§. v.
Vues de Moyfe fur les Hébreux. Qu'il n'en voulut point faire un peuple con- quérant. Frontières du pays : fagejfe dans la fixation de fes limites.
Divers Peuples de l'antiquité , féduits par de faux oracles , fe flattèrent de con- quérir l'Univers. Trompés de même , nos Pères , à vous en croire , fe promirent aulli , qu'ils fournertroient un jour par la force des armes toute la terre à leur Em- pire.
Peut-être que, dans les délires d'une imagination échauffée par l'amour - pro- pre, quelques-uns de nos Maîtres fe font bercés de ce fol efppir. Il fe peut même , que quelques expreiîions orientales de nos
(i) A vous en croire. Voy. PjuL Je l'Hift, art. oracles, &c. Aut.
22 Lettres
Poètes facrés , mal entendues , leur aient fait naître , comme à vous , ces idées.
Mais certainement , Monfieur , ces idées ne furent point celles de notre Lé- gislateur. Ce grand homme favoit trop bien que la domination la plus étendue , n'eft pas la plus folide; &c que l'heureufe foliation d'un Etat & la nature de fei frontières contribuent beaucoup plus à fa durée, que de vaftes conquêtes.
Outre la Paleftine proprement dite, il promet à fes Hébreux, s'ils font fidèles à fesloix , nn pays plus étendu : mais il en fixe fagement les limites. Ces limites font des bornes naturelles , par conféquent moins fujettes aux conteftations Se aux guerres avec les Nations voifïnes. Au Couchant , c'eft la grande mer ( i ) : au Midi ôc au Levant , la rivière d'Egypte, le golphe Elanitique Se l'Euphrate , des montagnes 3c des déferts : au Nord , les vallées profondes & les rocs efearpés du Liban jufqu'au pays d'Emath. Ces fron- tières , r.ulîi difficiles à franchir qu'aifées à défendre , formoient une barrière puif- fante contre les incurfîons étrangères.
(1) Grande mer, &c. C'efr aitin" que les Juifs <k!!Σnoien: la mer méditerranée , par oppofition à la mer morte , au lac de Tibériade , &c. Eclit.
DI QUEEQUÉS JuiFS. 2?
Elles renfermoient d'ailleurs un pays aiïez fpacieux,pour y élever un grand & puiffant Etat: un Peuple raifonnable pouvoir donc s^m contenter; Se il parole, que le vœu du Légillateur , éroit que nos Pères s'y bornarTent.
Les défenfes exprefTes, qu'il leur réitère Ci fouvenr de rentrer en Egypte , & la ma- nière dont il leur donne l'Euphrate pouf borne , annoncent clairement qu'il ne vouloit pas qu'ils s'étendifTent de ces deux côtés. Pour le faire d'un autre , il eût fallu paiTer les mers,ou traverfer les déferts immenfes de 1 Arabie. Si , à ces obftades qu'il leur oppofe , on joint le deiir mar- qué dans toutes fes loix de tenir les Hé- breux réunis enfemble , féparés des autres Peuples, Se peu éloignés du iîége principal du Culte , on ne pourra gueres s'empêcher d'en conclure, que I'efprit de conquêtes n'étoit point du tout I'efprit de fa législa- tion ; Se que , loin de vouloir raire de nos pères un de ces Peuples ambitieux , fléaux des autres Nations, il ne cherchoitqu'à leur afifurer , par de bonnes frontières, la jouif- fance tranquille du pays où, ils alloient s'établir. Voyons comme il le leur dis- tribue.
Z4 Lettres
§. VI.
- Sageffe de ces lolx dans le partage des terres : propriété^ ajjurées : à quelle condition ces fonds font donnes.
Le parcage des terres a été regardé, avec raifon , par tous les anciens peuples , comme le chef-d'œuvre de la politique. Oeil en effet fur ce fondement que tout porte dans un Etat.
Or, où les terres furent-elles plus fage- ment diftribuées que dans notre légifla- tion ? Les institutions des Romulus , des Lycurgue , des Solon , ckc. ii* vantées par les Ecrivains profanes , le cèdent fur ce point aux vues du Légiflateur Hébreu.
Dans le partage ordonné par ce grand homme, chacun des fix cent mille com-
( i ) Lycurgue. Ifocrate , dans Ton Panathenée , aceufe Lycurgue d'infidélité & de fupercherie dans la diftribution des terres. Le terroir fut divifé par portions égales, mais, dit-il, les bonnes terres furent données aux riches , Se les inau- vaifes aux pauvres. Aufli cent quarante ou cent cinquante ans après, on vit les Soldats Lacé- dérnoniens fe révolter &: demander un nouveau partage. Toute l'Hiftoire Romaine retentit de femblables cris, Edit,
battans
DE QUELQUES J U I F S. 25
battans dévoie avoir un fonds de terre d'une étendue médiocre, il eft vrai , mais fnfhfant pour l'entretenir avec fa famille dans une honnête abondance.
L'impartialité la plus fcrupuleufe de- voir préfider à cette diftribution : Fous partagerez , dit-il , la terre au fort 3 félon vos familles : à ceux qui font en plus grand, nombre > vous donnerez un plus grand héri- tage , & un moindre à ceux qui font en moindre nombre : chacun aura ce qui lui fera échu(Nomb. xxxm ). Et une preuve que ce partage fut équitable , 6c fait à l'avantage Se à la fatisfaclïon de toute la Nation , c'eft qu'au lieu qu'à Lacédé- mone , à Athènes , à Rome , le peuple ne cetfa de fe croire léfé, defe plaindre, de demander une nouvelle diftribution , vous ne voyez rien de femblable dans l'Hiftoire de nos Pères. Le partage fub- iifta tel qu'il avoir été fait d'abord , fans qu'il y ait jamais eu fur ce fujet de mé- contentemens ni de murmures.
En leur devifant ces terres , il ne fe contente pas , de leur en allurer la poiref- lion par les loix civiles , comme les autres Législateurs , il la confacre par la Reli- gion. Dans fes principes , Jehovah cf. fui Seigneur dans le pays qu'il donne aux Tome III. B
i6 Lettres
Hébreux ( i ). Ils font tous fes vaiTaux ; de leurs terres autant de hefs , qu'ils tiennent immédiatement de Dieu même & qui ne relèvent que de lui. Les en dé- polïécler, les leur ravir, c'eût été attenter à fes droits fouverains.
Mais ces fiefs ne leur font point donnés fans redevances : une des principales eft le fervice militaire : ce n'eft qu'à cette condition qu'ils les pofledent ( 2 ). Par-là l'Etat fe voit , en tout temps , une mi- lice de îîx cent mille hommes , compofée non d'aventuriers , de gens fans aveu , entoilés par force , ou jettes dans le fer- vice par l'indigence ou par le libertinage, mais de citoyens , qui outre leur liberté & leur vie , avoient un bien honnête à défendre ( 3 ) j forces fuffifantes pour ré-
m ' ■
(1) Qu'il donne aux Htbreux. La terre eft a moi , dit le Seigneur ; vous ères des étrangers que je reçois c«<{ moi : c'eft-à-dirc , des vaf- faux , des francs ttr.anciers , à qui je confie une partie de mes domaines. Voy. Lévit. XXV. Au:.
(1) Qu'ils let pojfedcnt. Voy. LoMrnan. Aut.
(}) Bien - dijendre. Si le plan de
Movfe eût été exécuté , chacun des ïix cent
mille Ifraélires, portant les armes, anioit pu
avoir, du le lavant Lowman , félon la fuppu-
DE QUELQUES JuiFS. 17
fifter , non-feulement aux petits peuples du voilïnige 3 mais , même aux puiiians Empires de l'Egypte , de TAiTyrie , de Babyione , &c. fur-tout dans un pays, dont tous les abords étoient difficiles.
Si ce plan d'adminiftration vous paroit abfwde j Monde ur , le favant & fage Chancelier Bacon , dont les vues poli- tiques apparemment valoient bien les vôtres, le trouvoit admirable ( i ).
§. VII.
Inaliénabilité des terres. Sagejfe de cette loi. Heureux effets de la réunion de cette loi avec la précédente.
Ce n'eft point allez d'avoir formé un fi beau plan; pour le rendre durable, le Législateur déclare ces terres de les fer- mes néceiTaires à leur exploitation abfolu-
tation moyenne., environ vingt-deux acres de terre, fans compter plus de trois millions neuf cent mille acres réfervés pour les ufages pnbiics; car dans cette fupputation même , la terre pro- mife aux Ifraélites devoit contenir quatorze millions neuf cent foixante mille acres. Voyez fa DifTertation fur ie Gouvernement civil des Hébreux. Aut.
( 1 ) Trouvoit admirable. Voy. fon Hifr, d'Henri VII. Aut.
Bij
2$ Lettres
ment inaliénables (i). Données aux pères, elles doivent palier aux enfans , 6c refter à. perpétuité dans les mêmes Tribus 6c dans les mêmes familles. Inaliénabilité , trait dune iage & profonde politique , qui perpétuoit tous les avantages de la première distribution , & qui en bornant chaque citoyen à fes fonds , entretenoit dans tous 1 amour du travail 6c de la fru- galité. Dcs-lors , plus de grands proprié- taires opprelfeurs, ni de petits proprié- taires opprimés ; plus de cet odieux cen- trale d'un faile ii'ifolent 6v d'une milere extrême , qui choque en tant d'Etats : la cupidité des hommes avides eft réprimée : les jalouftes 6c les mécontentemens lont prévenus , 6c tous les maux auxquels d'au- tres Républiques tachèrent envain de re- médier par leurs loix agraires , éloignés pour toujours.
La plus fage diitribution n'eût été qu'un bien de peu de durée fans l'inaliénabilité ; 6c 1 inaliénabilité, fans la facrelfe de la diitribution , n'eût fait que perpétuer le deibrdre. La réunion de ces deux loix
(il ' - '.'. io , i'. L.i
: vendue pour toujours , car U t>. ic le Si . itur, Aut.
DE QUELQUES J Û I F S. X?
fut le coup de génie , qui devoir aflurer pour toujours le bonheur de notre Répu- blique. Quand Le Légiûateur Juifn'auroit fait que ce bien à fo:i peuple , il mcrite- roit d'être mis à la tête des plus habiles Politiques.
Quiconque prendra la peine-de réfléchir fur ces deux loix, verra d'abord combien elles dévoient être fécondes en confé- quenees heureufes, pour le maintien de la liberté , laconfervation des moeurs , de les progrès de l'agriculture & de la popu- lation.
§. vin.
Loi de l'année jubilaire : fageffe & utilité de cette loi.
Quelques Légiilateurs anciens, en par- tageant les terres à leurs concitoyens ,. leur avoient aufli défendu de les aliéner. Ils vouloient, comme Movfe , en perpé- tuant les fonds dans les familles , procu- rer à chaque citoyen une fublîitance af- furée , ck maintenir , autant qu'il fe pou- voir , l'égalité entre tous.
Mais la cupidité renverfa bientôt les foibles barrières qu'ils lui avoient oppo- fées. L'infortune ou l'inconduite dans les uns j l'avarice Se l'ufure dans les autres.,,
B iij
jo Lettres
accumulèrent les dettes; 6c les intérêts furpaflant en peu de tems les capitaux , les ronds de l'indigent furent envahis par le riche.
Dans la législation Mofaïque , le fuc- cès fut plus durable , parce que les me- fures avoient été plus juftes. D'abord, ces ufures exorbitantes , qui cauferent tant de troubles dans Rome & dans Athènes , avoient été bannies de l'Etat Hébreu. Une Joi exprefle y dérendoit de prêter à inté- rêt (i) : loi gênante, peut-être, chez un peuple commerçant, mais utile dans un Etat agricole , dont les membres fe dévoient d'ailleurs mutuellement des fèntimens fra- te rnels.
Que fi , malgré cette précaution (î fa- vorable à l'indigence , un citoyen fe trou- vait dans un beioin prelTant , le Législateur lui permet d'aliéner pour un temps l'ufu- fruit, ou, comme il s'exprime (î) , Us récoltes de [es terres. Mais dans ce cas même, il lui laille, ainfî qu'à fon plus
( î ) Une loi exprejfe défend de prêter à ufurt. Voy. Deur. XXIII. 19. Tu ne prêteras point à ufure y folt argent , fuit vivres 3 ou quoi que ce foit qui fc prête à ujure. Auc.
(z) S'exprime lui-même. Yoy Le vit. XXY. ht. Aut.
DE QUELQUES JUIFS. 31
proche héritier, le droit de retrait (i) }& ce droit , il ne le borne pas , comme d'autres Législateurs , à une ou deux an- nées , il ne lui donne d'autre terme que la durée de l'aliénation.
En.in , par une loi que la Religion con- facroit (2) , & qu'on peut regarder comme fondamentale dans fa législation , toutes ces aliénations, même d'ufufruit, expi- roient de cinquante en cinquante ans , aa
Ci) Le droit de retrait. Voy. Lévit. XXV. 16. Si ton frère , étant devenu -pauvre , vend quel- qu'un des fonds ,fion plus proche parent viendra & rachètera le fonds vendu parfon frère. Qu:fi le Vendeur a trouvé par fioi mime de quoi faire le rachat , il déduira le profit du temps que l'Ache- teur l'apoffedé, d* il restituera le furplus , &' il rentrera dans la pojfejfion. Mais s'il n'a pas de quoi rendre , le fonds qu'il a vendu refiera a l Acheteur jufiqua l'année du Jubilé. Aut.
(O Une loi que la Religion confia croit. Voy. Lévit. XXV. 16. Tu compteras fept femaines d'années , c'eft-h-dire fept fois fept années , ou quarante-neuf ans , & tu feras fenner dt la trompette jubilaire le dix du fieptieme mois : Is jour des propitiations tu en feras fonner dans tout le pays. Et vous far.clifiere^ la cinquantième année , & vous proclamerez la liberté dans le pays pour tous fies Habitans , & vous retournerez chacun en fia pojfejfton , & chacun en fia famille* Aut.
Biv
)% Lettres
retour de l'année jubilaire (i). Non- feule- ment cette cinquantième année rendoit la liberté à tous les Ifraclites , que la mifere- avoit jettes dans l'efclavage , elleaboliiioit encore toutes leurs dettes, 0?: les remettoit en poiïellion de leurs fonds aliénés. Dès ce moment , tout propriétaire rentroit de plein droit dans {on patrimoine , défor- mais franc £■: quitte de toute hypothèque. Ainh , par une feule loi , de cîemi-fiecle en demi-fiecle , tout rentroit dans l'ordre primitif. Sans ces demandes féditieufes , de nouveaux registres (i) & de nouveaux partages , 11 fréquentes dans la Grèce Cv dans Rome , tous les cinquante ans , l'ancienne distribution étoit rappellée : la République recouvroit <\a Membres perdus pour elle dans l'efclavage j ôa.' ces infortunés , rendus A la Patrie Se ré- tablis dans leurs pofleiïions , en reprenant le titre de Citoyen , fe trouvoient à portée d'en remplir les fondions «S: d'en fup- porter les charges. Loi finguliere , Se dont
(i) Année jubilaire. On l'appcllcit ainfi } du tnot joie/, nom de l'inftrument de nvjfîque au fon duquel die étoit annoncée folemnellemenc , ou dr l'air fur lequel on l'annonçoit. A..:.
(2.) De rouve.iux regijfres. C'eft ainiî qu'on appelloit l'abolition des dettes. Edi:.
DI QUELQUES JuiFS. 3 3
en ne trouve du moins de veftige mar- qué (i) dans aucune autre légiflarion, qui réalifoit dans l'Etat Hébreu le fyftême focial le plus digne d'envie , cherché en- vain par tant de Légiflateurs , & regardé par la plupart des Politiques comme une belle chimère. Eft-elle cette loi d'un Lé~ giflateur barbare ?
§• IX.
Vues de Moyfc fur les vraies richeffes des Nations , fur le commerce , fur les Arts , fur l'agriculture & la popu- lation.
Commerce, Commerce! c'eft le pre- mier cri de quelques politiques : or &c argent ! c'eft le fécond. Nous ne condam- nons point ces refiources -, il eft des temps &: des Etats , où elles peuvent être utiles.
Mais, nous l'avons déjà dit, les anciens Légiflateurs n'y mettoient x>int leur ^. - fiance. De la religion , cLfoieut-ils , des mœurs, une ?.^ri:ulmre vigoureule , un peuple nombreux Se courent ; liberté , fureté , fanté j aifance par-tout , excès
(l) Vïftige bien marqua. ' ' . " ; h xfiis foup- çonne pourtant qu'elle poaircic cire venue cl'E2;yp.r. Mais c'eft u.i fu:ipie foupçcn. Edu,-
Bv
34 Lettres
de fuperflu nulle part : tels étoienr les ren- forts ôc le but de leur administration : telles furent autîi les vues de Moyfe fur fes Hébreux.
Voulez-vous favoir quelle étoit à fes yeux la véritable opulence des Nations ? C'étoient les fubiiitances , le bled , le vin , les fruits , les beitiaux , tout ce qui fert à nourrir de à vêtir l'homme j voilà les richetïes qu'il ambitionne pour fon peu- ple , les biens qu'il lui annonce , & qu'il veut lui procurer.
L'or & l'argent que tant de Politiques défirent pour les Etats , il ne les bannit pas de la République , comme tirent quel- ques Législateurs Grecs : mais content d'en avoir alfezpour la commodité des échanges , il ne crut pas devoir s'occuper beaucoup du foin de les y attirer. Les deux métaux , qu'il promet à fon peuple , c'eft le fer & le cuivre. Heureufe cen- trée , dit-il, où les pierres font de fer y & Us montagnes d'airain ; ceft-a-dire , où abondent les deux métaux les plus utiles a l'Agriculture & aux Arts qui la fervent.
Cette contrée touchoit d'un coté A l'o- pulente Aflyrie , de l'autre à la fertile Egypte \ une mer lui ouvrait l'Elire une autre les côtes orientales de l'A-
CE QUELQUES J U I F S. $$
frique : l'Arabie méridionale 8c les In- des. Elle pouvoit donc aifément devenir le centre d'un commerce extérieur im- menfe. Moyfe ne le défend point : con- duit avec prudence , il pouvoit être un jour utile à la Nation. Mais parce que trop fouvent dans ce commerce les Ci- toyens périfTent , les mœurs s'altèrent, l'amour de la Patrie s'éteint , il devoin le craindre pour fa colonie naiifante. Les plus fages Nations du monde , Egyptiens , Indiens , Chinois , le craignirent de même.
Le commerce intérieur n'a point ces in- convéniens j c'eft l'ame des grands Etats ; il leur eft néceffaire , Se prefque toujours , ou du moins très-long-temps il leur fuftït. Ce fage Légiflateur le favorife , l'anime & par l'entière liberté qu'il lui lai'Xe , Se par les routes commo 'es qu'il lui ouvre, Se en ralfemblant trois fois par an ( i ) , fous les yeux de toute la Nation, des montres au moins Se des elTais des différentes pro- ductions du pays.
(i) Trois fois par an , &c. Aux trois Fêtes folemnelles : les Ifiaélires fe rendoien: alors de toutes parts au ftege principal r!u culte , & y apportoient les prémices de leur? fruits & de leurs beftiaux. Edit.
Bvj
$6 L r T T R E f
Moyfe n'interdit pas non plus les Arts à. {ts concitoyens , comme firent quelques Légiflateurs (1). Mais il paroît que dans l'efprit de fa légiflation, ils ne dévoient être exercés par les Ifraélites , que dans les momens de relâche, que leur laiiîoient les travaux champêtres , cv que ce de- voir être plutôt l'occupation des étrangers 3c des efciaves : il leur laiiïè ces pro-- feflions, qui attachent l'homme fur la fel- lette , ou le renferment dans l'air infa- hibre des atteliers de d^s fabriques. L'A- griculture eft l'art auquel il veut que les Hébreux s'appliquent. C'efl: à l'air libre de pur , aux travaux fortihans , à la vie faine de la campagne qu'il les appelle. Les Légiflateurs de Rome cv de la C îrece penferent de même : dans ces Républi- ques , l'Artifan croit l'homme obfcur, & le propriétaire Cultivateur le citoyen diftingué. Les Tribus urbaines le eédoient aux Tribus ruftiques : c'étoit de celles-ci qu'on tiroit les Généraux & les Magif- trats j cv leurs fuifrages décidoienr de toutes les affaires.
Comment Moyfe n'auroit-il pas donné à fon Gouvernement l'agriculture pour
(1) Quelques Légiflateurs. Eutre autres celei •A Sparte, Au:.
Dfi QUELQUES j U I F S. 37
baie ? C'eft la première fource de la population , ôc la population étoir le grand objet de ce Légiilateur. Que d'au- tres Politiques croient &c qu'ils ofent écrire , que la multitude du peuple eft à charge , & qu'il importe peu que les Citoyens foient nombreux, pourvu qu'ils foient à l'aife : qu'ils mènent la puiflance des Etats dans la richefïe qui foudcye les armées mercenaires , dans Je petit art de femer la divifion parmi les voifîns fk. de jetter au loin les tempêtes. Perfuadé que la population fait feule la force réelle des Empires , Se la vraie gloire des Gouverne- mens, c'eft à conferver , à augmenter le nombre de (es Concitoyens , que le Lé- giilateur Hébreu s'attache. C'eft le but où tendent toutes fes loix.
Voilà , Monfieur , une légère efquifle du fyftéme général de gouvernement conçu par ce grand homme. D'après ces foibles traits , jugez fi vous avez eu raifon de traiter d'abfurdes nos loix politiques j 8c Ci c'eft à leur abfurdité prétendue , plutôt qu'à leur inobfervation , que vous auriez du attribuer nos malheurs.
Avec un peu d'équité , loin de cen- surer ces loix , vous auriez admiré une adminiftration fi fage dans une antiquité fi reculée.
Nous fommes , Monfieur , &c.
38 Lettres
LETTRE III.
Des Loix m Hic a ires de Moyfe.
V^'est fur-tout contre nos Loix mili- taires qu'il vous plaît d'invectiver-, elles vous paroilTent inhumaines , barbares. Nous n'en iomm es point furpris,Moniieur, vous n'en jugez que par vos préventions & par vos ufages. Mais regardez-les avec l'œil de l'impartialité , vous y remarque- rez une humanité, envers le Citoyen 8c même envers l'ennemi , que les autres Nations ne connoilfoient gueres dans ces temps reculés , &: que les peuples mo- dernes n'ont pas toujours imitée.
§• I.
Sagejfe & douceur des Loix militaires envers le Citoyen
Par ces Loix , comme par celles de tous les peuples d'alors , tout Citoyen en âge de porter les armes , étoit Soldat. Mais , au lieu que les Loix de tant de peuples an- ciens «Se modernes obligent les jeunes gens au fervice militaire , des qu'ils ont atteint
DU QUELQUES JuiFS. % $
l'âge de puberté } plus indulgente 8c plus douce , la législation Juive défendok d'enroller la jeunelfe au-dejjous de vingt ans [i)\ âge, où l'homme formé a Famé plus ferme 8c le corps plus robufte.
Ce n'eft point affez de n'enroller les Citoyens que dans la force 8c la vigueur de l'âge ; ménageant . avec autant de douceur que de fagefle , leur attache- ment pour des objets naturellement chers à tous les hommes , elle ordonne que , quand les troupes font raffemblées , les chefs déclarent que » quiconque ayant >j bâti une maifon, ne l'a point habitée , » ou ayant planté une vigne , n'en a point » recueilli le fruit , ou ayant pris une » époufe , n'a point habité avec elle , foit » libre de s'en retourner dans fa maifon >5 8c difpenfé du fervice pendant cette » année (2) «.
Attentive à conferver la fanté des trou- pes , elle veut que la propreté règne dans leurs camps ; 8c elle ne dédaigne pas d'entrer , fur cet objet , dans dos détails qui vous ont paru bas 3 mais qui n'en font pas moins dignes d'une légiflation
(1) De vingt ans. Yoy. Nomb. 1, 3. XXVI" x. Aut.
(1) Pour cette année. Yoy. Deur. XX. 5. Aut,
*
49 L E T T R E S
fage,fur-tout dans des climats fi chauds (ij.
Et comme en vain l'air feroit pur dans un camp , fi la licence &: le dé- réglemenc des mœurs y appelloienc les maladies, elle n'y foufFre aucun détor- dre ; toute impureté, même involontaire, en eft bannie (z). „ Garde-toi, dit-elle, de 3> toute mauvaife chofe*, car l'Eternel ton » Dieu marche dans ton camp , pour te >3 délivrer de tes ennemis : que ton camp « foit donc faint , de peur que l'Eternel » n'y voie quelque impureté qui blefie « (es yeux , & l'oblige de t'abandon- î> ner «. ( Deuter. xxiïj. 9 , 14 ).
Que fi l'armée eft obligée , dans (a marche, de paifer fur les terres des Ci- toyens ou des Alliés , la loi défend d'y faire aucun dégât. » Tu fuivras le che- ?» min , dit- elle , <Sc ta ne palferas point
Cl) Climats fi chauds. Elle obligeoit ItS Ifraélitesà faire leurs ndcefllrés hors du camp, U à couvrir de terre leurs excrémens. Le* Mu« fulmans obfctvent encore cette loi de Moyfe : ils forcent de leur camp pour Gunfsite aux bcfoins naturels Edit.
(2) En eft bannie. « S'il y a quelqu'un qui ne a foit point net pour quelqu'accident qui fui » (oit arrivé de nuit , il fouira du camp & n'y « rentrera que le foir après s'etre purifié u^ Peut. XXIII. *», £4;';,
DE QUELQUES JuiFS. 41
v à travers leurs champs & leurs vignes y » tu achèteras de ton accent les vivres •>■> qui te feront néceilaires , 6v Eu payeras >s tout jufqu'a l'eau que tu boiras <■<■.
Faut-il entrer dans le pays ennemi ? Toujours occupée cle la confervation des troupes, elle ne permet pas aux Généraux de s'y engager fans inftruction & fans guide: çlle veut qu'ils s'informent du caractère de l'ennemi , de la nature du fol & des reflfources qu'on en peut tirer \ fi les Villes font fortifiées , l^s Habitans nom- breux , &ic.
Quand le moment du combat approche ," fi , malgré les précautions prifes pour n'a- voir que des Soldats pleins de vigueur 8c de courage, il s'en trouvoit quelques- uns , qui fe fentilîent cVun cœur timide & lâche , elle leur permettoit de fe re- tirer avant le choc ( i ). Sage règlement par lequel, en ufant de condefcendance pour ces hommes foibles , elle empêchoit qu'ils ne décour ageaiTent leurs frères \ 6v apprenoit aux combattans à compter moins fur le nombre , que fur la valeur, ôc fur
(1) Avant le choc. Voy. Deut. XX. Ceux qui fe reciroienr ainfî étoient employés au fervice des combattans. On les occupoit à réparer les chemins , à tranfporcer les bagages , &c. Edit.
41 Lettres
la protection du Dieu des armées , qui leur étoit promife, & dont ils avoient fait tant de fois l'heureufe épreuve
Et pour leur rappeller ces promelTes , &C animer leur ardeur , elle veut qu'avant la charge les Prêtres s'avancent vers le peuple, & qu'ils lui difent : » Ecoutez, » ô Enfans d'Ifraël ; vous allez attaquer » vos ennemis j marchez contre eux avac j> confiance ; ne les craignez point, & que « leur nombre ne vous épouvante pas, » car l'Eternel, votre Dieu, marche avec » vous, pour les combattre «. Deut. XX.
Revenoient - ils victorieux? Pour les ramener à des fentimens plus doux, après la fureur du combat, elle vouloit que, fe regardant comme fouillés par ces meur- tres quoique nécç , & comme in- dignes de paro::re en cet état dans le camp de i' 'Eternel , ils millent une journée en- tière à fe purirler , avant d'y rentrer (i).
Telles turent, Monfieut, à PégarfLdù Citoyen & des AIRés , les difpolitions de cette législation barbare.
(i ) Avant d'y rer.tr<.r. Dans les premiers temps, c'éroit aullî l'ufage a Arheues de le purifier ap:cs les combars , quoiqu'on n'v eût tué que les ennemis de l'Etat. Ces purifications étoient ordonnées dans la vue d'infpirer aux Citoyens l'horreur du meuitre. Ce lut aulli l'intention de Moyfe. Eàit.
DE QUELQUES J U I F S. 45
§. IL
Loix militaires des Juifs concernant les ennemis. Ordre de demander des répa- rations avant de déclarer la guerre : défenfe de faire des ravages inutiles.
Confidérons maintenant comment elle ordonnait d'en ufer envers l'ennemi.
Nous ne parlons point ici des guerres du Seigneur, contre les peuples prof- crits j c'étoit une exception à nos Loix militaires , dont nous aurons peut-être occafion de dire quelque chofe dans la fuite. Nous nous bornons , pour le pré- fent , aux guerres de la Nation contre les autres peuples. Dans celles-ci , notre lé- giflation nous preferivoit une modération, qui vous auroit furement frappé , fi , avant de critiquer nos loix , vous euiîiez pris la peine de les lire avec foin.
D'abord, elle ne nous permettoit d'en- treprendre aucune guerre par caprice , par ambition , par efprit de conquête , comme rirent tant de Rois & tant de peuples , brigands admirés dans vos Hif- toires. Nous ne pouvions prendre les ar- mes, que pour nous défendre contre d'in- juftes invaiions , ou pour tirer fatisfac-
44 Lettres
tion des torts , qui nous avoient été faits ;' 6c ce n'étoit que iur le refus de répa- ration , qu'il nous étôit permis d'entrer dans le pays ennemi.
Mais la loi , même alors , ne vouloit pas qu'on y fît de ces dégâts inutiles , autorifés par le droit de la guerre chez les autres peuples ( i ) j elle nous dé- fendoit d'en couper les "arbres fruitiers 3c d'abattre de ceux mêmes qui ne portent point de fruit , au-delà de ce qui pouvoir, nous être nécelTaire. Les arbres , nous dit- elle , font -ils des ennemis 3 combattre contre toi , pour t _ ru Us coupes ? Penfez-vous, Monfie^r , que ce foient là des idées & des réglemens bar- bares ? 11 nous femble au contraire qu'ils pourroient faire honte , même à des peu- ples , dont on vante l'humanité & la po- lireflè. Deue. XX.
§. I II.
Traitement des Villes ajjiégées\
La législation Mofaïque ne fe bornoit
( t) Che\ les autres peuples. Ceux mèmt i qui
fourTioient ces ravages , les regardoient plutôt comme des malheurs cjue coi ices.
Uri fegetes y dirui teîia , &c. die Tite - Live , mifera magis quarn indigna. Auc.
DE QUELQUES J U I F S. 45
point à <*e premier traie d'humanité. Lors même qu'après avoir défait l'ennemi, nous mettions le liège devant une de Tes villes, elle nous obligeoit de faire aux habitans des offres de paix ( 1 ). S'ils les acceptoient avant l'afTaut , Se qu'ils nous ouvriiîent leurs portes , tout le bornoit pour eux à devenir nos tributaires &c nos fujets (2).
Mais h , refufant tout accommode- ment , & periiftant à fe défendre , ils laifloient prendre la place de vive force ; alors , pour les punir de leur réliftance opiniâtre , au rifque d'éprouver toutes les horreurs de la- guerre , &: pour faire un exemple , qui pût intimider les autres , la loi nous les abandonnoït à diferécion. Tu pafjeras , dit-elle , au fil de l'épie^ tous les hommes qui s'y trouveront (3). Prenez garde à cette expreilion, Monlieur , tous les hommes qui s'y trouveront ;c'eu>à-dire, tous ceux qui portoient les armes j puif- qu'alors tout homme étoit foldat : tel eft le fens du texte original (4). Et remar-
( 1) Offres de paix. Deur. Chap. XX. Aut. (z) Et nos fujets. Ibid. Aut.
(3) Qui s'y trouveront. Voy. Ibid. Aut.
(4) Texte original. Jofephe l'entend de même de ceux qui portoient les armes , & raifoienc téfiftance, tvs ait.**.: arxça.fiitVi.
4fC LlTTRÏS
quez-le encore , c'eiï une permiflîon qu'elle nous accorde , &: non point un ordre qu'elle nous donne , car nous pou- vions faire des Prifonniers.
Le bat de cetce Ordonnance étoic donc , non de nous obliger à tuer tous ceux qui portoient les armes , mais de nous dé- fendre d'en tuer d'autres. Au lieu qu'alors la plupart des peuples, dans la fureur de Faflàut,, & quelquefois même après , malTacroient tout ce qui fe préfentoit à eux , fans diftinction d'âge ni de fexe , la loi ne nous permettoit de tuer que ceux qui portoient les armes : elle nous pref- crivoit d'épargner , même dans ces mo- mens de tumulte & de carnage , les femmes &z les enfans , parce que , n'ayant pu ni faire ni confeiller la guerre , elle les jugeoit dignes d'être traités avec moins de rigueur.
Les anciens peuples tuoienc d'ordinaire dans ces cccafions tous les mâles en â^e de puberté , & les Romains en particulier uloient de cette fl' vérité contre la plupart des Villes qui faifoient une réfiftance opiniâtre. Coedes , dit Tite-Live , en parlant de Tarente , torJ urbe paflîm faclx ; nec ulli puberum , qui obvius fuît , parccbatur.
Mais ils portèrent fouvent la rigueur plus loin. Nous en rapporterons quelques exemples. Aux,
de quelques Juifs. 47
Ainfl ce règlement , qui vous a paru fi barbare 3 n'avoir pour objet que de ré- primer des barbaries communes alors , de de nous renfermer dans les bornes de la févérité malheureufement nécelïaire en ces occafions j févérité exercée chez les peuples les plus humains.
§• IV.
Traitement des Prifonnieres de guerre.
Ce n'eft pas tout , Monlîeur : voyez avec quelle retenue elle veut que le Soldat Hébreu traite fes Prifonnieres de guerre. Elle ne les abandonne point à l 'infolence & à la brutalité du Vainqueur. Si parmi tes Prifonnieres de guerre , dit-elle , tu rois une Captive qui plaife à ton cœur , & que tu veuilles Pépoufer, tu l'emmèneras dans ta mai/on : là > vêtue de deuil , & les cheveux couvés 3 elle pleurera pendant un mois fon père & fa mère ; alors tu viendras vers elle , & tu feras fon mari & elle fera ta femme. » Admirable Or- )5 donnance, s'écrie Pkilonl D'un côté , « loin de tolérer la licence , que l'ufage » &: hs législations des autres peuples » aurorifoient , elle tient le Soldat , pen- }> dant trente jours dans la contrainte y Se
48 Lettres
« en lui montrant, durant cetinterva. » fa Prifonnière fans parure ,& dépouillée
» de tous les ornemens qui auroient pu >■> relever l'éclat de {es charmes , elle lui » donne le temps & les moyens de mo- » dérer la violence de fa pailion. De 3> l'autre , elle ménage avec humanité la » douleur de la Captive , qui fille , devoit 3) être défolée, de ce qu'elle n'étoit point » mariée , félon fon cœur , de la main 35 de fes parens ; ou veuve , ne pouvoir 33 que gémir en çonfidérant , que privée 33 de fon premier époux , elle alloit trou- 33 ver un maître impérieux dans la per- 33 (onne de fon nouveau mari «. (1)
Mais , continue la loi , s'il arrive que ta Captive ne te plaîje plus j tu la ren- verras f don fa volonté , & tu ne pourras la vendre ni en faire trafic 3 parce que tu l'auras humiliée ( 1 ). Juite punition de
(1) De fon nouveau mari. Selon le favant Juif d'Alexandrie , la loi ne permettoic pas même les premières familiarités du Soîdr.c avec (à Captive ; il falloir, qu'il l'épousât. Ceft autfî le fentiment des Talmudiftes , de Jérufalem , de Jofephe , d'Abravanel, de R. Bêchai, Sec. Aut,
{%) Tu /'auras humiliée. Voy. Dcur. XXI. if. 10, Sec. C'eft-à-dire, félon Ahraranel , re- butée après l'avoir foumife pendant un mois à de gênantes épreuves.
rincouflance
bE QUELQUES Juif 5.' 49
rînconftance du vainqueur , 8c confolant dédommagement pour l'infortunée , des humiliations qu'elle auroit fouffertes dans la maifon d'un étranger , 8c de l'affront de s'en voir rejettée , au moment où elle pouvoit efpérer d^en devenir l'époufe. Nous le favons j quelques Généraux Payens fe font immortalilés par leur con- tinence dans de femblables rencontres: mais Monfieur , nommez-nous un peuple ancien , dont la législation ait traité les Prifonnieres de guerre avec autant de douceur 8c d'égards.
Mais , qnand il faudroit entendre par cette exprefllon le commerce du vainqueur avec fa. prifonniere , cette loi feroit plus douce encore que celles de la plupart des autres peuples : ils fe permettoient tout avec leurs captives, & ils les vendoient enfuite , ou les don noient pour femmes à leurs efclaves. Voyez les plaintes de Polixene dans Euripide .,& celles d'Andromaque dans Virgile.
Stirpis Achilla faflus juvenemque fupcrbum Servitio enixA tulimus , qui , delnde fecutus L&d&am Hermionem Lacedxmoniofque hyme»
neus , fAe famulam famuloque Heleno tranfmifit ka-
icndam.
Edit,
Tome III,
$4 Lettre?
§. V.
Droit de la guerre plus doux cheç les Hébreux que che% tous les autres peu- ples anciens.
Les voilà , ces Loix militaires que vous trouvez d'une cruauté détejlable. Ce font précifément autant de leçons d'humanité convenables dans ces temps barbares ; autant d'injonctions faites à nos pères d'é- viter les atrocités , que fe permettoient alors tous les peuples , «Se que fe per- mirent , dans des temps plus récens , les nations les plus polies, Perfes., Grecs , Romains, <3cc. même fous les Rois &c les Généraux les plus renommés par leur dou- ceur £c par leur bienfaifance.
Oui, Monfieur, lors même que les peuples furent devenus plus civilifés &c les mœurs plus douces , dans l'opinion commune , nulle loi n'épargnoit les vain- cus (i). Leurs biens, leur liberté, leur vie, tout étoit au pouvoir du vainqueur. C'ctoit le droit de la guerre reconnu de toutes les nations ; & fou vent le vain- queur irrité ufoit à la rigueur de ce droit
(i) Les vaincus. C'ctoit la maxime générale* Lex nul la x'uio farcir. Sert. Trag. Aut;
t>È quelques Juifs. 51
barbare. Il faccageoit , il égorgeoit tout, fans pitié pour l'âge ni pour le fexe j l'efclavage étoit le fort le plus doux , que pu lient fe promettre les malheureux échappés au Soldat las de carnage. Ainiî furent traités Sidon par Ochus, Tyr par Alexandre, les bourgs des Marfes par Ger- maniais (1) , Jérufalem par Tire , Majo- zamalcha &: Dacires par un Empereur Philofophe (z). Vantez-nous, Monlieur 9
(1) Des Marfes pcrGermanicus. C'eft Tacite qui nous l'apprend. Non Jexus , dit- il , non &tas , miferatiomm attulit. Voy. Ann. Lib. I , Cap. 51. Jofe-phs ufe à peu près des mêmes termes, en parlant de la pnfe de Jérufalem par Tite 33 Ce Général , d'un caractère fi doux, y fit égorger un grand nombre de Juifs qui fe lendoient à difcrétion. Deux mille prifonniers de guerre furent pendus par fes ordres , & deur mille autres expcfés aux bêtes , ou obligés de s'entretuer les uns les aurtes dans les fpeétacles qu'il donna à Céfarée & à Bente. Aut.
( 2 ) Par un Empereur Philofophe. Majoza- Malcha ayant été prife par l'armée de Julien , on y malfacra tout ce qui fe rencontra . fans diftinétion d'âge, ni de fexe. Sine fexûs difcri~ mine vel tlat'is , qaidquid impetus reperit % po- icftas iratorum abfurr.pft. Cette Ville , grande & peuplée , fut entièrement détruite. Ampla c/ populofa civltas in puherem concilie & ruines.
D?cires fut traitée de même. Les fcldats de Julien la trouvant abandonnée par les habuans,
Cij
5* Lettres
le Chrétien Apoftat , & cenfurez le Lé- gislateur Juif. Accufez de cruauté 8c de barbarie fes Loix militaires , tandis qu'elles font inconteftablement plus dou- ces , que toutes celles des peuples anciens ôc même des modernes, que la Révélation n'a point encore éclairés !
Vous direz peut-être, que les Hébreux n'ont pas toujours obfervé cette modéra- tion qui leur étoit prefcrite. Si quelques- uns s'en font écartés , fans des raifons légitimes fk des ordres fupérieurs , nous vous les abandonnons , Monfieur : mais foyez j ufte \ blâmez les excès , & n'accufez point les loix qui les condamnent.
la pillèrent , égorgèrent les femmes qui y avaient été Laijfées , & la détruiftrent de manière , que ceux qui en auroient vu l' emplacement >n' auroicnt jamais penjé qu'il y auroit eu une Ville en cet endroit, Yoy. Arnmien-Marcellin & Zozime. Aut.
C'efr. ainfi que les loix militaires des Perfes , des Grecs , des Romains, &c. étoient douces, & celles des Juifs birbares 1 On a vanté les Chinois, Se M. de Voltaire plus que perfonne. Qu'il life les loix militaires de ce peuple , il y verra des traits révoltans d'injufticc, de per- fidie , d'inhurnanité , &c. Edit.
de quelques Juifs. 55
§. V I.
Faujfe imputation du célcbrc Ecrivain réfutée»
Jugez maintenant , Monfieur , avec quelle équité vous avez pu dire , que notre ufage étoit de tuer tous les mâles dans les villes prifes d'ajfaut ; & encore qu'i/ nous étoit toujours ordonné de tuer tout j ex- cepté les filles nubiles. N'eft-il pas clair y que c'eft calomnier groiîierement nos loix •, ou montrer évidemment à toute la terre , que vous ne les avez jamais lues ?
Une imputation fi faufTe , fWifiblement réfutée par le texte même de ces Loix , foie qu'elle ait été volontaire & réfléchie, ou feulement l'effet de la précipitation & du préjugé , ne peut que taire tort à vos écrits. 11 eft nécefTaire de la fupprimer de votre nouvelle Edition : nous vous le deman- dons , moins pour nous , que pour vous- même. Si , après que nous vous en avons fait voir fi clairement la fauffeté , on la retrouvoit encore dans vos Ouvrages > quelle idée pourroit-on fe former de votre impartialité 8c de votre droiture ?
Nous fommes avec les plus refpe&ueux fentimens, &c.
Ç iij
$4 Lettres
LETTRE IV.
Loix civiles de Moyfe , comparées aux Loix parallèles des anciens peuples. Loix tendantes à ajfurer la vie des Hébreux.
ous comprendrons ici , Monfieur , fous le nom de loix civiles , toutes celles qui ont pour objet d'entretenir le bon ordre dans l'intérieur de l'Etat. Nous ne croyons pas trop dire en avançant, que la législation Mofaïque ne le cède encore , fur ce point , à aucune des anciennes j fk que iî on la compare aux plus vantées , elle peut foucenir avantageufement le parallèle.
§.i.
Idée quil donne de l'homicide.
Le premier bien que toute fociétê politique doit à fes membres , eft d'alïurer leur vie. Ce n'efl: point allez que les armées défendent le corps de la Nation contre les incurfions étrangères , il faut que de bonnes loix mettent chaque Ci- toyen à couvert des violences domef- tiques. Moyfe y avoit excellemment pourvu : nul LégUlaccur ne prit do*
DE QUELQUES JuiFS. 5$
mefures plus fages pour prévenir eu réprimer les crimes en ce genre.
Avant de percer aucune loi contre l'homicide, il commence par en infpirer l'horreur à fes Hébreux. Dès l'entrée du préambule admirable qu'il met à la tète de fes loix ( car c'eftfous ce point de vue qu'il convient aullî de confidérer la Ge- nefe ,) il leur peint le premier meurtrier volontaire déchiré de remords. La voix du iang innocent , qu'il vient de répandre ëc qui crie vengeance contre lui , l'abat ôc le confterne ; fon crime , dont il ne peut plus fe dilïimuler l'énormité , lui paraît trop grand pour mériter aucun pardon : il croit voir la terre couverte d'hommes armés pour le punir 'y de dans fon cléief- poir, il a befoin que Dieu même, touché de fon déplorable état , le raflure par un prodige.
Lamech , meurtrier comme Caïn , craint , comme lui , la peine due à {on crime ; & la feinte confiance de fes dif- cours ne fait que déceler les frayeurs de fon ame. ( G en. IV.)
Après le déluge , Dieu donnant aux Reftaurateurs de la race humaine Se à leur poftérité la chair des animaux pour nourriture, leur défend d'en manger le fang ; & l'un de Cqs motifs eft de leur
Civ
5<> Lettres
apprendre à refpe&er celui de leurs fem- blables. Certainement j leur dit-il , je vengerai votre fan g fur toute bête ; je le vengerai fur l'homme , fur tout homme qui aura verfe le fana de fon frère. Qui- conque aura répandu le fan g de l'homme , fon fang fera répandu : car , ajoute-t-il , Dieu a créé l'homme a la rejfemblance de Dieu. ( Gen. IX. ) Il ne laiifera donc pas détruire impunément fon image.
C'eft ainfi que le Législateur préparoit fon peuple aux loix , qui alloient lui ctra données» j
§. il
Lob: contre l* homicide de deffein pré-* médité. Sage févérité de ces loix.
Enfin les temps arrivent : Dieu daigne parler aux Hébreux : au milieu des ton* dres Se des éclairs , il publie lui-même l'abrégé des loix qu'il leur deftine ; l'homicide eft un des premiers crimes qu'il y défend : Tu ne tueras pas.
Mais parce qu'il eft des impies , que la crainte de déplaire au Seigneur & d'at- tirer fes vengeances , n'arréteroient pas , à ces terreurs religieufes le Légiflateur joint la peine capitale. Tout homme 3 dic-il , qui , de dejjdn prémédité , aura.
DE QUELQUES JuiFS. <J
tué un autre homme ., libre ou efcîave > fera puni de mort irrèmiffiblcment (1).
Point de pitié , point de rançon pour ces coupables. Les principes religieux qu'il avoit pofés , &c le cas qu'il faifoic de la vie des hommes , ne lui permet- toient pas ces indignes compenfations trop communes chez d'autres peuples (z). Tolérées , autorifées par leurs légiilatious , elles ne feront point foufFertes dans la
( 1 ) Sera puni de mort. Voy. Exod. XXL 1 x, lévit. XXIV. 17 Nomb. XXXV. 17.
(1) Chei d'autres peuples. Tels furent entre autres les anciens Arabes , Grecs , &c. mais fur-tout les peuples du Nord , Germains, Francs » Bourguignons-.&c.Lesléeifhuions de ces derniers* peuples fîxoient la tomme qu'on devoir payer pour la mort d'un Comte , d'un Evoque , d'un Payfan. Ces Légillateurs croyoient-ils donc que quelques pièces de monnoie pouvoient équi- valoir à la vie d'un homme 1 Le Légiflateur Hébreu en faifoit plus d'état. . Cet ufage barbare de rançons & de comperr- fations , n'eft point aboli chez- tous les peuples Chrétiens : il en efk encore où , pour une fomme d'argent allez légère , un riche « un grand peut tuer impunément un homme do. peuple. M. de Voltaire s'eft élevé avec rai fan contre ce refte affreux de barbarie ? nous foi •rendons avec ptaifu cette juftice. On ne peut nier que cet ilTuftre Ecrivain n'ait fait quelque- fois de jattes reproches 9 & dorme d'utile» avts î fou ficelé, £dit,
58 Lettres
no:re. Tu ne recevras pas , y eft-il dit* de rançon pour fauver la vie de tho- mïciie : c'ejï un méchant ; il mérite Lz mort ; tu le feras mourir > & tu n'auras aucune compajjionpour lui. (N..XXV. 52..)
La plupart des anciens peuples eurent des afyies religieux, d'où l'on ne pouvoic tirer les pius grands criminels \ » &: ces » afyles , dit le célèbre Auteur de l'Efprit » des Loix 3 fe multiplièrent li tort , iur- » tout dans la Grèce , que les Magiftrats « avoient de la peine à exercer la police ». Moyfe n'en accorde aucun à l'homicide volontaire. Si un homme 3 dit-il, a tué un autre homme volontairement & de propos délibéré , & qu'il s'enfuie dans une des Villes de refuge , les anciens de la Ville ou le meurtre aura été commis y enverront le prendre , & le livreront entre les mains du Gohel ( 1 ) ou Vengeur du fang y & il mourra : ton œil ne l'épargnera pas j mais tu ôteras d'Jfraël le fang in- nocent. ( Deut. XIX, 11. )
Le Tab:rnacb même , malgré la fainteté du lieu , n'auroit pis été pour le coupable un afyle allure. S'il a tué à def- fein , dit le Seigneur , tu V arracheras
4') GohtL C'écoic le nom qu'on donnoir aa plus proche païen: 6c huilier. Aut*
DE QUELQUES JuiFS. $9
même de mon autel. ( Exod. XXI. 14. ) Eft - ce donc honorer Dieu de faire fervir {es Temples à fauver des criminels qu'il condamne ? A combien de Citoyens honnêtes ces afyles ont coûté la vie ! &c que de fangmnocent ils ont fait répandre *
§. III.
Loix fur l'homicide involontaire» Sageffk de ces loix.
Si le Législateur Hébreu punit avec une rigueur inflexible le meurtrier de deflêin prémédité , il ufe des plus fages ménagemens envers l'homicide invo- lontaire.
Un ufage ancien , 6c qui avoir force de loi dans ces contrées , autorifoit , en cas de meurtre , le- plus proche parent: à venger le fang du mort dans le fan? du meurtrier. Cet ufage , utile fans doute dans ces (iecles demi-barbares , auroit pu avoir de funeftes fuites. Le parent , aveuglé par le reffentiment & par le point d'honneur, pouvoir confondre l'ho- micide innocent avec le coupable. Si Moyfe n'entreprend point d'abolir ce droit dangereux , qu'il trouve trop établi , il fait le modérer 6c le reftreindre.
T)os quarante-huit Villes Lévitiques ,
C v j
<f o Lettre*
r> iîx feront choifies , trois au-delà du* 53 Jourdain, &: trois en-deçà pour fervir 35 de relire à l'homicide involontaire. Ces »5 Villes feront limées à des diftances con- 33 venables , les chemins bien entretenus , 33 ôc les abords faciles , de peur , dit-ili, 55 que le Vengeur du fan g ne t 'atteigne & »5 ne le frappe de more , quoiqu'il ne mérite 55 point la mort (î). ( Deut.XlX. i. )
Mais pour ne pas fauver le coupable avec l'innocent, 8c. pour con.erver au pa- rent fes juftes droits, il lui permet de citer l'homicide devant les Juges de l'a Ville où l'accident en: arrivé. Us exami- 53 neront l'affaire ; 8c s'il leur paroît qu'il 33 ait tué de deffein prémédité. , ils le
(i) Quoiqu'il ne mérite point la mort. 33 Les » loix de Moyfe fur les afyles , die M. de =3 Montefquieu _, furent très-fages ; les homi- m cides involontaires croient innocens , mais » ils dévoient être êtes de devant les yeux des j> parens du raoït ; iL établit donc un afyle « {oui eux. Lesgiands criminels ne méritoiene m point d'afyles , & ils n'en eurent point. Les r> juifs n'avoient qu'un Tabernacle , qu'un r> Temple : les homicides qui s'y feroienc » rendus de toutes parts , auroient pu troubler » le fervice divin. Si on les eût chartes du 33 pays, il eue été à craindre qu'ils n adoralTeac » des Dieux étrangers. Ces conjidérations *> firent établir des Villes d'afyle «. Voy. J'Ef- prit des Loix , tome 11. Au:.
DE QITELQITÉS JtJïFS.' Wi
* livreront au Vengeur du fang,qui le fera. v mourir. Si au contraire ils trouvent qu'il » n'avoit aucune inimitié , ni mauvais def- » feiu, & que c'eft feulement par accident » qu'il a tué , ils le renverront en fureté » dans la ville de refuge.
Cependant , en lui ouvrant cet afyle , il » lai enjoint d'y refter jufqu'à la mort du » Grand Prêtre , fans fortir de la ville ou » banlieue. Autrement, il déclare que fi lie s» Vengeur dufang le rencontre hors de ces » limites , & qu'il le tue , il ne lui fera. » rien fait. ( Nomb. XXXV. n,&c. )
Remarquez, Monfieur, cesfages tem» péramens du Légiflateur. En lairTant fub- iîfter un ufage qu'il n'ofe abolir , il en tire un parti avantageux pour la fureté publique. D'un côté,ilfouftraitàIa vue des parens du mort un objet dont la préfence ne pouvoit qu'aigrir leur douleur , réveil- ler en eux des ientimens de vengeance ,1 occafionner peut-être de nouveaux meur- tres , & entretenir des haines héréditaires dans les familles. De l'autre , en même tems qu'il fauve un innocent , il lui ap- prend , par l'efpece d'exil auquel il le condamne , qu'on ne peut trop faire , pour prévenir de pareils malheurs ( i )*.
m •
£i) De pareils malheurs. Les ioù d'Athènes
tt Lettres
Ces tempéramens font-ils d'un Légiilateur barbare ?
§. IV.
Loix fur l'homicide , dont V auteur ejl inconnu.
Malgré toute la fageffe &z la vigilance des loix , il pouvoir arriver des meurtres dont, après toutes les perquisitions conve- nables , on ne pourroit découvrir l'auteur. Dans ce cas , le Légifiateur ordonne, qu'on obferve une cérémonie partie religieufe , partie civile , propre à frapper tous les fpeclateurs. Il veut que les Magiftrats des villes voifines , inftruits de l'alTailinat , fe tranfportent au lieu où le corps aura été trouvée Là , dit-il, ils mefurerontla dif- )■> tance des villes d'alentour jcv les ancien* m de celle, qui aura été jugée la plus proche,
l>armirent aufTi l'homicide involontaire hors du pays , d'abord pour toujours , enfuite feule- ment pendant un an. La loi de Moyfe nous paroît plus douce & plus fage. Il condamne , comme les Athéniens , l'homicide même in- nocent à une forte de banniflemem : mais c'eft un exil doux , dans une Ville nationale t au. milieu des Minières du Culte , qui pouvoienr le défendre , l'inltruire & le confoler. Il n'y avoir à craindre , ni la perte d'un Citoyen pour l'Etat , ni pour le Citoyen la perte de fa Religion :, double objet important aux yeux du Légulattur» Edïc.
DE QUELQUES JuiFS.' è$
% prenant une géniflTe , la mèneront près du » corps mort dans un vallon pierreux qui 5> n'ait été ni labouré , ni femé : ils J'y » immoleront ', Se fe lavant les mains fur j> la victime , ils prononceront à haute voix » ces paroles : Nos mains n'ont point ré- » pandu ce fang , & nosycux ne l'ont point j> vu répandre. O Eternel 3 fois propice à s? ton peuple que tu as délivré ', & pardon- >5 ne-lui ! Ainjl 3 ajoute la loi , le meurtre 35 fera expié y & tu ne feras point coupable >5 de Vejfufion du fang innocent <l ( i )» Impofante cérémonie , dont l'éclat ., le lieu,. la Formule , en un mot toutes les circonf- tances ne pouvoient qu'infpirer l'horreur du meurtre & des meurtriers ( i ).
i%
Zoix contre ceux qui , fans tuer eux-* mîmes y caufent la mort de quelqu'un jpar négligence.
La négligence de ceux qui , fans tuer
(i) Du fang innocent. Voy. Deut. XXI. r„ (i) Des meurtriers. C'écoit dans la même vue que les loix d'Egypte obligeoienc la Ville la. plus voifïne d'embaumer le corps du mort , & de lui faire de magnifiques funérailles. Ces frais pouvoient auflî engager les Villes à veiller avec plus de foin fur leur territoire. Les Athéniens avoient aum" , dans ce cas , des luftxations Qft expiations publiques, Edit,
64 Lettres
eux-mêmes y caufoient la mort de quel- qu'un, faute d'avoir pris des précautions convenables , ne reftoit point impunie» C'étoit i'ufage dans ces pays chauds de faire les toits plats , comme ils le font encore dans tout l'orient : on alloit y prendre le frais , on y mangeoit , on y couchoit même dans la belle faifon. Si ces toits n'avoient été foiçneufement en- toures de balcons ou murs d'appui , il auroit pu en réfulter divers accidens : on pouvoit tomber & fe tuer. Moyfe ordonne qu'on ait cette attention , fous peine d'être regardé comme coupable dhomi- cide , & traité comme tel. » Quand tu bâ- w tiras une maifon, dit-il, tu feras tout au » tour des défenfesou baluftrades, afin que m tu ne te rendes point coupable defang, G » quelqu'un venoit à tomber «. ( Dsut. XXII. 8. )
De même» fi un bœuf furieux avoir tué r> un Citoyen homme ou enfant , l'animal » devoit être lapidé par le peuple , & il r> ctoit défendu d'en manger la chairrperte, « & par conféquent punition pour le Pro- « priétairequi auroit dû connoître & cor\' si tenir l'animal. Mais la peine ne fe bor- j* noit pas Lr , s'il avoit été averti que fon «* bœuf frappoit de la corne, 11 écoit con- * damné à mort j & il ne pouvoit fauve* fa
©i quelques Juifs. 65
h vie , même au moyen d'une rançon , » qu'en appaifant le Gohel ou Vengeur du « fang , & en obtenant de lui y qu'il fe » contentât de cette réparation. ( Exod. XXL 11. )
On fent pour quoi le Légifîatetir , qui avoit fi féverement défendu toute ran- çon pour l'homicide de propos délibéré , en permet une dans le cas en queftion, « Il pcuvoit arriver des circonftances où ti la peine de mort eût été trop rigou- îj reufe. La négligence pouvoit avoir été » plus ou moins coupable : l'animal pou- 3j voit avoir été irrité j il pouvoit avoir x rompu (es liens , & s'être échappé s> malgré ceux à qui le maître en avoit » confié la garde. C'eft donc avec autant sî d'humanité , que de fagefle , que la 35 loi permet aux Juges , dans ce cas ; j> de commuer la peine de mort en une » amende proportionnée (1) « , 8c qu'elle engage le Vengeur du fang à fe contenter d'un dédommagement convenable.
On peut juger par ces deux exemr pies , jufqu'ôù Moyfe vouloir que les îfraélites portaient la vigilance Se l'at- tention à prévenir ces accidens malheureux toujours trop fréquens. Penlez - vous ^
Ci) Proportionnée. Yoy. Eible de Chais. AuK
€6 Lettres
Monsieur, qu'une telle police annonce ua Légiilateur abfurdc ?
§. VI.
Vie des en fans & des femmes ajfure'e : autorité des pères & des mûris ref- trein.te,
L'efpérance des générations futures eft dans les enfans : le Législateur , qui veut multiplier fon peuple , doit donc veiller avec foin à leur confervation. Cependant la plupart des lcgiflations anciennes les abandomioiein abfolument aux caprices , ainfî qu'à la tendrelfe Uca païens, Elles reeardoient les enfans comme un bien tellement propre au père , qu'elles le lailToient maître d'en difpofer à fon gré. A leur nailfance , il étoit libre de les élever ou de les expofer (i). Ce pou- voir ne fe bornoit pas aux premiers momens de la vie & au temps de Ten-
( i ) Expofer , &c. Cette coutume ctoit ré- pandue chez prefque tous les peuples Payens. Philon , Jofephe , &c. la leur ont fouvent re- prochée. Cet horrible ufa^e exilte encore dans plufieurs pays] & u y a tt lie Ville à la Cliine où plus d.- vingt mille tnfans air.fi expofes , périh'enr chaque année , faute de (Vcours , ou mang s p.,r les chiens & les cochons, ou emportes par tombâtes péie-méle avec ks 4uuiioudices. Laie,
DE QUELQUES JuiFS. 67
fance: lors même qu'ils étoient plus âgés, le père nen confervoit pas moins fur eux l'autorité la plus defpotique. 11 pouvoit les châtier , les maltraiter , les vendre comme efclaves , les. tuer même ( i ) , fans que le Magiftrat &c l'Etat s'en mê- laflènt. Tel fut le droit des pères chez la plupart des anciens peuples, même les plus çivilrfés.
Nos premiers Patriarches en eurent un femblable ; & il le falloit bien dans un temps où les familles formant autant de petits Etats indépendans , les pères étoient en même temps les Maîtres , les Juges & les Souverains de la petite Ré- publique. Mais lorfque le peuple fe fut multiplié , &c que les familles réunies ne formèrent plus qu'un feul Etat , Moyfe crut , avec raifon , que les enfans n'apparu tenoienr p^« t^lUmAnr ;mx pères , qu'ils ne fulTent en même temps fujets de la
(i) Les tuer même y &c. Les loix Romaine» accordoient formellement ce droit aux pères» Endo Liberïs jujlls jus vus. , necîs , v enundan- dique poteftas ei ( patri ) efto. Ce pouvoir de vie Se de mort fur les enfans , duroic toute la vie du père : témoin celui , qui , de fon autorité privée , fit expirer fon fils fous les coups , en îbrtant du Confulat , qu'il avoit mal géré a* juge meut du vieillard. Edit,
6S Lettres
République , & des membres qu'elle avoir intérêt de conferver. 11 reftreignit donc le pouvoir illimité qu'ils avoient eu fur leurs enfans.
S'il permet au père de les vendre , comme il pouvoit fe vendre lui-même j pour leur procurer un efclavage plus cloux , pour conferver à la République des fujets qui pourroient lui être nécef- faires ou utiles , il défend de les vendre à d'autres qu'à des Hébreux : & cette vente même n'eft point abfolue &: fans retour : J'efclavage avoir un terme pour eux ,' ainfî que pour les autres Ciroyens (i).
Mais il n'accorde poinr au père , comme firent d'autres Législateurs , le droit abfolu de vie & de mort fur {es enfans. La loi veut , que lors même qu'4
(i) Les autres Citoyens. Les Ioix Romaine» accordoient auffi au père le pouvoir de vendre fes enfans comme efclaves : mais elles n'y met* toient pas les refrric"tions de la loi Mofaïque.
Ce pouvoir, chez les Romains , duroit toute la vie du père, & ne finifloit qu'à la rroilieme vente. 5/ pater fi/ium ter venunduit , filius a pâtre liber ejfo. Sur quoi un Ancien remarque que ces loix accordoienr au père plus de pou- voir tur Ton fils que fur fon efclave. DurJ fatri m.tjori potejiate in filium , qujm domina iu Jcrviua. Ldix.
DE QUELQUES JuiFS. 6j
a les plus j uftes fujets de s'en plaindre , il s'adrelfe aux Juges pour les faire punir. » Lors, dit-elle , qu'un homme aura un fils » pervers & rébelle , qui n'obéira point à y> la voix de Ton père , ni à la voix de fa s? mère , & qui , après ayoir été châtié , ne s> les écoutera point 3 le père Se la mère le » prendront & le mèneront aux anciens de 55 la Ville , Se ils leur expoferont fa mau- 55 vaife conduite. Alors tous les Habitans s? de la Ville le lapideront , & il mourra j a? 8c tuôteras le méchant du milieu de toi , 35 afin que tout Ifraël l'entende & qu'il » craigne. ( Deut. XXL 18. )
Que fi un père , dans la législation
Mofaïque , ne pouvoit , fans fe rendre
coupable de parricide , & s'expofer à la
févérité des loix , ôter la vie à un enfant
incorrigible , il eft clair qu'il n'en avoit
le droit en aucune autre occafion. AufTi
nos Docteurs concluoient-ils de la dif-
pofition de cette loi , qu'il ne nous étoie
pas permis d'abandonner , d'expofer ou
de tuer nos enfans nouveaux nés. Notre
loi , difoit Jofephe , en reprochant cette
inhumanité aux Nations Payennes , notre
loi nous ordonne de les nourrir tous,
Philon l'allure de même ; & Tacite ,
quoique ennemi déclaré des Juifs , re-
fonnoît que c'eût été un crime pour
70 Lettres
eux d'en tuer quelqu'un (i). Comparez, Monfieur , fur cet article , notre législa- tion à celles des autres peuples de l'an- tiquité , «Se prononcez où étoit la fageiïè , la douceur & l'humanité.
Plus le fexe eft foible. plus il lui parut digne de la protection des loix. Chez prefque tous les anciens peuples , les femmes , achetées pour la plupart , n'étoient gueres que les premières en- claves j Se leur vie fe trouvoit fou venu expofée à la violence Se à la brutalité <\qs maris. Dans les anciennes loix Romaines (z) , un homme , pour mettre légalement à mort fa femme , convaincue d'infidélité , ou même d'avoir bu du vin , n'avoit pas befoin de recourir aux Tribunaux : «ne affemblée de quelques parens fuf- fifoit pour l'y autorifer. La furprenoit- il en adultère ? il pouvoir la tuer fans autre forme de procès.
(i) Pour eux. Voy. Hift. Liv. VI. Necare quemauam ex gnatis nef as. Aut.
(t) Anciennes loix Romaines. Cétoient les loix de Romulus. Ces loix , condamnées par Pluratque , femblerent trop dures aux Romains Blême. In adultaio uxorem tuam fit deprehen- dijj'es , impune necdres , difoit Caton ; il! a te , fi adulterares , digito contingere non audutt .' Aut.
DE QUELQUES J U I F S. 7T
Moyfe n'accorde point au mari ce pouvoir abfolu , donc il étoit trop facile d'abufer. Il punit de mort la femme adultère (i); mais c'eft: aux Tribunaux qu'il réferve le droit de l'ordonner.
§. VIL
Loix contre les violences 3 injures atroces^ ou mauvais traitement.
Le plus sûr moyen de prévenir les meurtres , eft de punir les délits qui peu- vent y conduire. Auiiï Moyfe les ré- prime-t-il avec une fage févérité.
>5 Si deux hommes querellant en- « femble , dit-il , l'un frappe l'autre » d'une pierre ou du poing , de manière 53 que , fans qu'il en meure , ou qu'il en 33 refte eftropié , il foit pourtant obligé 33 de garder le lit , ôc qu'enfuite il fe ré- s3 tabliflfe & marche dehors en s'appuyant 33 fur fon bâton , celui qui aura frappe »3 ne fera pas puni comme homicide t 33 mais il fera condamné à payer à l'autre 33 tous les frr.is de guérifo:i , & à le dé- » dommager convenablement pour finter-
(1) La femme adultère. Yoy. Lévit. XX. 10. Deu:. XXII. zi. Aut.
7i Lettres
» ruptîon de fes travaux , & pour toutes » les pertes que la maladie aura pu lui ii occaiionner. ( Exod. XXI. îS. )
s* Mais fi dans une querelle un homme s> en eftropie un autre , s'il lui crevé un »5 œil , ou qu'il lui calle un bras , une » jambe , Sec. il lui fera fait comme il »> aura fait à l'autre. (EU pour œil _, dent >• pour dent , main pour main 3 pied 'pour » pied j fracture pour fracture , plaie » pour plaie , &c. (i) « Loi du Talion , Il équitable , qu'on la retrouve dans la plu- part des légitimations (z).
Cette loi pourtant ne s'exécutoit point à la rigueur. On avoir fenti qu'il pouvoir arriver des cas , où elle auroit été impra- ticable Se quelquefois injufte (3). On eut donc recours à des dédommagerons &: à des compensations , demandées par le
(1) Plaie pour plaie , 6v. Voy. Exod. XXI. ±4. Lévit. XXIV. 19 , &c. Aut.
(i) Des Légiflations. C'dtoir entr'autres une des loix des douze Tables. 67 injuriam alterl faxit XXV cris pœna funto. Si membrum. rupit , ni cum to pacit 3 talio ejio. Edir.
(5) Quelquefois injufte. C'ctoit pour pro- portionner la peine à l'in;ure , que Solon avoit ordonné , que lî quelqu'un crevoit l'oeil à un bojgne , on lui creveroit les deux yeux. Voy. Vioe. Laert. Vie de Solon. Edic.
bleflc,'
DE QUELQUES JuiES. 75
blelfé , &c arbitrées par les Juges. Aufli Moyfe , qui n'en permet aucune pour l' homicide volontaire , ne les défend pas dans le cas préfent. » La loi , dit » Jofephe , permet à l'homme cftropiéde » recevoir des dédommagemens ; & de- » mander l'exécution rigoureufedu talion, » ce feroît montrer trop de dureté. «
§. VIII.
Lolx contre les avortemensl
La légiflation Mofaïque ne fe contente pas de veiller à la conservation des hom- mes Faits ] elle allure la vie de ceux mêmes qui n'ont point encore vu le jour.
» Si çjeux hommes fe battant , dit-elle , » l'un de ces hommes frappe une femme j) enceinte , &c qu'elle accouche avant » terme, il fera condamné à payer des » dédommagemens , tels que le mari les }? demandera &z que les Juges les ré- » gleront. Mais , ajoute la loi, fi mort }> arrive , tu donneras ame pour ame , » vie pour vie , c'eft-à-dire , tu puniras » de mort le coupable , [Exod. xx/. 22 ).
La mort , dont il eft ici queltion , eft fans doute celle de l'enfant ; car celle de la mère étoit allez aifurée par les loix Tome III. D
74 Lettres
précédentes contre l'homicide : aufii eft-ce de cette manière que Philon-, Jofephe &c nos meilleurs Ecrivains l'entendent. On ne trouve point dans Moyfe de lciexprefTe qui dérende aux mères de détruire leur fruit. Une telle loi n'étoit pas nécessaire chez un peuple où ce crime étoit rare & peut-être inconnu. Mais, h* le Législateur condamne à la mort l'homme violent qui , dans un moment d'emportement &c de colère , caufe un avortement mortel pour l'enfant , que n'auroit-il point ordonné contre la mère barbare qui fe le procureroit elle- même de-piopos délibéré ?
C'eft la conféquence que tiroient nos pères. » Notre loi , dit Jofephe , défend aux » femmes de détruire leur fruit : une » femme fe rend roi t coupable !d'homi- » cide ; elle feroit condamnée comme » telle , ti elle ôtoit la vie A l'enfant » qu'elle porte dans fon f;ln , & jùfte- «> ment punie , pour ivo'tt ravi à une ra- » mille un appui , -?: à la patrie un Ci- »> toyen ".
Si ce crime fe trouve défendu dans quelques Içgiflatiens anciennes, il en efl: d'autres où nov i n'eft point
puni , mais où il eft tvl;-: j , cv même au- tonfé. Quand les loix pe iban-
don.ier , de tuer des eni m$ à quel
DE QUELQUES JuiFS. 75
que ce foie , comment défend roient-elles de les faire périr avant leur naiifance ? La Grèce a vu deux Légifiateurs Philofophes (1) craignant une trop grande population dans leurs Républiques imaginaires, con- seiller cet odieux moyen de la diminuer. Regrettez-vous que Moyfe n'ait pas eu ces belles idées , ôc qu'il n'ait pas pro- pofé à fou peuple ces fages rehources ? Oeil ainfî , Moniteur , que le Légif- îateur d'ifracl aifuroit la vie de fon peu- ple. Hommes , femmes , enfans , ceux même qui n'avoient point encore vu le jour , tous étoient l'objet de £gs foins. Quel Législateur ancien pourriez - vous nous citer, à qui la confervation de fes concitoyens ait été plus chère , ou qui l'ait mife à l'abri des violences domef-. tiqnes , par des réglemens plus fages?
( 1 ) Légifiateurs Philofophes. Voy. Platon % livre V de fes Loix. Ariftote , République , livre VIII.
Les loix de l'Ifle de Formofe fixent l'âge ou les femmes peuvent avoir des enfans ; & fi quel- qu'une devient enceinte avant ce temps , les Pré- trèfles , pour prévenir l'accouchement , vonc lui marcher fur le ventre , au rifque de faire périr la mère avec l'enfant. Que d'horreurs en ce genre, on compteroit chaque année dans la Chine , au Japon , &c ! Aut.
Dij
Lettres
LETTRE V.
Loix civiles de Moyfe : fuite. Loix qui avoient pour objet de confcryer la fanté des Hébreux*
Vous avez quelquefois , Moniîeur , des idées fi lingulieres , que vous ferez peut-être furpris , que nous fartions un mente au Législateur Hébreu d'avoir yeilFç à la fanté de fon peuple. Déjà même vous vous hes permis quelques railleries fur les détails dans lefquels il entre à ce fujet.
Mais avant de les faire , ces petites railleries, la plupart allez troides, il eût été à propos ce vous tranfporter dans les fîécles reculés où ilvivoitj &c de vous repréfenter ces hordes fauvàges qui , épar- fes fur La terre qu'elles commençoient à re- peupler , iv. t fans diftinclion les alimens les plus groiîiers Se les plus mal- hiilans, buvoient le fahg c!e> animaux, dévoraient leur chair avec leur fuif , 8c fans fayoi'r prendre aucunes précautions . itre les épidémies les plus commîmes ,' tis une falete aulli dcg'oûcanre que nuifiblc à leur finte.
DE QUELQUES J U I F 3. ff
Telles furent, Monfieur, Li plupart de ces anciennes peuplades \ & l'une des pre- mières obligations qu'eurent ces hommes brutaux aux Légiilaceurs qui les poli- cerent , ce fut qu'après les avoir détour- nés de l'homicide , ces fages les amenèrent a. une manière de vivre plus honnête cv plus falubre. Delà lej éloges donnés par l'antiquité à tant de perfonnages cé- lèbres , aux Triptoleme 5 aux Linus , aux Orphée , &c. ( i )•
Une longue habitude a fait connoîtrfe à vos peuples civilifés les nourritures faines ; mais dans ces fiecles groiliers , l'inexpérience expofoit fouvent la vie , ou du moins h faute de 1 I fauvage
prelTé par la faim* Le régime formoit donc alors un objet de police uitéreûant ; les codes dévoient être en partie des trai- tés d'hygienne , & les Législateurs fages ne pouvoient s'empêcher d'en prefcrire des règles. Ceux de la Caldée , ce la Phénicie, de l'Egypte fur-tout, l'avoienî fait. Moyfe dévoie ce bien à fon peuple j il le lui fit.
d) Aux Orphée , &c G'eft la remarque d'Horace. Cœdibus & vîetu fœdo ceterruit Or- pheus. Aut.
Diij
7* .Lettres
s. i.
Que ta dïflïnciion des animaux purs & impurs étcit fondée en partie fur des vues de régime & de Janté.
Le choix des alimens eft une des cho- fes qui contribuent le plus à la famé. Des viandes dures , pefantes , indigènes , ne peuvent1 que déranger l'économie animale. Le Légiflateur , allez éclairé pour les faire connoître à fon peuple , ôc allez ha- bile pour l'engager à s'en abftenir , mé- ritoit , dans ces anciens temps , la re - connoiiiance publique.
Moyfe eut l'avantage de trouver la diftinction des animaux purs & impurs , c'eft-à-dire, bons ou mauvais à manger (i), établie depuis long-temps parmi les" Hé- breux : ils la tenoient de leurs ancêtres , 8c elle remontoit aux temps antérieurs au déluge : il n'eut qu'à donner à la coutume force de loi , fans y taire d'autres chan- gemens que ceux que l'expérience avoit
(i) A manger, &c. C'eft l'idée qu'il faut attacher à ces mots. Dans ce feus , l'homme éioic l'animal le plus impur ; c'etoit la chair qu'on deyoit le moins manger. Edit.
DE QUELQUES J U I F S. 79
montrés utiles , ou cju'exigeoit le deifein de féparer fon peuple des nations voi- fines.
Mais quelqu'aient été. d'ailleurs fes mo- rifs dans le cfioix qu'il fit , on s'apper- çoit aifemenr qu'il eut aufïî des vues dié- tétiques j que ces vues de régime ôc de fanté entrèrent pour beaucoup dans fes réglemens , 6c que ce fat-là , en grande partie ,. le .fondement de la diftinc'hon entre les animaux qu'il nous permet ou qu'il nous dérend de manger.
-En .effet , quels (ont ceux qu'il nous interdit? les infectes venimeux- ou fans fubftance *, les cifeaux de proie nourris de charognes } les poiîïons fans nageoires ôc fans écailles , oui vivent dans la boue j les quadrupèdes , qui ne ruminent pas ôc qui n'ont pas le pied fendu; tels que l'âne , le cheval, le chien, le chat, ôcc. , c'eft-à- dire , précifément ceux pour lefquels la plupart des peuples policés, fur-tout de l'Orient, le lenteur de la répugnance , ceux dont ils s'abitienneiît encore aujourd'hui, & dont ils croient que la chair peut con- tribuer à caufer ou à entretenir les mala- dies communes dans ces climats chauds.
Si, dans le nombre de ces animaux , il s'en trouve qui vous paroilTear fains , Se que vous mangez avec plaiiîr , penfez j
Div
8o Lettres
MonSeur , que la différence des parages &£ des climats où ils vivent , des herbes donc ils fe nourriiïènn , Sec. peuvent leur donner des goûts & des qualités diffé- rentes ( i ).
§. IL
JDcfenfe de manger des graijfss.
Dans les animaux , même réputés purs , il y a des parties qu'il nous eft défendu de manger : ce ne font aifurément pas les faines.
C'étoient d'abord les graiffes. Vous ne . mangere^ point de graijfc de bœuf, de brebis ni de chèvre. Quiconque mangera de la graine d'une de ces bues qu'on fa- crifze à l'Étemel , fera retranché d'entre fon peuple ; c'ejl une ordonnance perpé- tuelle en vos demeures. ( Levic VII. 1 5 . III; 17).
Nous ne prétendons point qu'en fai- fant ces déf enfes , Moyfe n'ait pas eu quel-
(1) Qualités différentes. Tel poilTon délicat Si. fain lut une cô:e, de vient mauvais & fî'-vreux à deux lieues de là : on pourroit en citer plu- /iturs cxempLs. Il en c/ï de mttoë des au îes animaux , tarir gibier <]ue viandes de boucherie. Au:,
DE QU1LQUE5 J U I F S. Si
quemorifreligieux.il voulut probablement tirer de l'ufage commun ces matières deftinées à entretenir Se animer le feu de l'Autel ( i ) j mais il eft difficile de croire qu'il n'y foit point entré des vues de régime. Toutes les grailles ne nous font point interdites : celles , par exemple, qui le trouvoient entre les chairs, nous étoient permifes \ la prohibition en eût été trop gênante , & prefque impraticable. Les graiifes qu'il nous défend , font celles qui enveloppent ou qui rapilîent les en- trailles j celle qui couvre les rognons j la queue d'une efpece de brebis de ce pays, laquelle queue , prefque toute de graille , pefe d'ordinaire depuis quinze jufqu'à cinquante livres , c'elt à-dire, en deux mots , qu'il nous défend de manger le fuif & la graiiïe des rognons. LJHd. ) Vous conviendrez aifémenr, que le fuif n'eft pas une nourriture faine. Mais , di- rez-vous , pourquoi le défendre ? S'avife- t-on d'en manger? Non , dans votre pays}
(i) Le feu de l'Autel. On en enveîoppoic les chairs des vidimes que l'on brûlot! fur l'Autel , & eles aidoient a les confirmer. Honicre décrit cette pracicj.ie à-peuprès de. la même manière que Moyfe dans le Lévitique. Edit.
Dv
Si Lettris
mais fi le Lapon boit avec délices & avale à grands verres l'huile fétide des baleines, il fe peut bien que les peuples troglo- dytes , & autres nations barbares qui bor- doient la Paleftine , aient trouvé quelque goût dans ces graitfes , que le Légiilateur Hébreu interdit à fon peuple (i). Quant aux rognons , s'ils flattent le goût , ils font indigefles ; &z leur graille eft , comme toutes les autres , une mauvaife nourri- ture , ou plutôt ce n'eu: point une nour- riture. Non, Monfieur, quand vous pren- driez toute la graifle d'un bœuf, vous n'en tireriez pas un acome de parties nu- tritives. Le corps muqueux, ou la partie gélatineufe des animaux , eft la feule qui nourrifle. C'en: un fait: démontré par la chymie. Vous ne devez pas l'ignorer , vous, Moniteur, qui êtes un ii favant Chvmilte.
(i) ■/'j'T7 Fcur-e- I' paroît que rous les an- ciens aimoieni extrêmement les graines. Moyfe li'auroic pas répété 11 fouvent la défcnfe d'en manger , s'il n'eut connu ce goût. C'étoit la mé- raplioie dont on ul'oit pour Signifier quelque chofe d'excellent. On difoit la graifTe du rVo- mtnr, par exemple, pour le meilleur froment, &c. Voye? Homère décrivant les fnenficts : ia manière dent il parle des morceaux gras , fait bien voir qu'il ne les ifgaidoir pas oornmc indiftcrens. i-dtt.
de quemjueiS Juifs. 85 Non - feulement les grahTes-ne nour- tliTent pas , elles nuifent à la digeftipn des autres nourritures : il faut avoir l'eftomac fort, pour n'en être point incommodé % aufli les Zvlédecins les défendent-ils , même dans vos climats, auxenfans, aux convalef- cens , aux gens de lettres j en un mot, à toutes les perfonnes d'une complexion dé- licate. Mais elles ne font nulle part plus mal-faines que dans les pays chauds , où les maladies cutanées font fréquentes. Con- damnerons-nous le Légiflateur, quiaimoit mieux cpnferver la fanté de fon peuple , que de flatter fon goût?
§. III.
Défenfe de manger du fang»
Une autre partie des animaux, même réputés purs , qu'il nous eft défendu de manger, c'efl le fang.
Cette défenfe étoit ancienne : Dieu l'avoit fait à Noë Se à (es enfans au fortir de l'arche. Moyfe la renouvella dans les ter- mes les plus exprès. » Vous ne mangerez » de fang, dit- il , dans aucune de vos de- » meures , foit du fang doifeaux , foit » du fang de quadupecies. Tout homme » qui aura mangé du fang , fera retrancha
Dvj
?4 Lettres
>» de Ton- peuple. Quiconque de la famille >*.d frr-ié'i, ou des EtrAivjers qui font leur » fejour JDarmièûx-', aura man-^édu fan?;, » je' le retrancherai du milieu de- Ion «•peuple } car la vie de la' chair eft dans s> le fang : e'eft pour cela que j'ai ordonné » qu'il ioit teis fur l'autel , afin de faire » prop: dation pour vos vies t c'eft pourquoi * i.;i iit aux enraiis d'Iiracl , que per- » tonne d'entre vous ne mange du fang, » qu_ l'Etranger même qui habite parmi » vous, n'en mange point ; &: quiconque v des enfans d'Ifracl oé des Etrangers qui » font leur féjour parmi eux , aura pris »> à la chalfe une bête fauvage , ou quel- >» que oifeau qi>e l'on mange ( i ) , il ré- >•> pandra leur fang , & le. couvrira de » poudiere. Quiconque mangera du fang , » fera retranché. [Levée, VIL 15. XVII. „ io)«.
Après h le&ure de ces textes, on ne peut gueres difeonvenir, qireces défenféS fl-form Jles , li fouverit répétées, accom-
. ( 1) Q ic l'on mange. C'ctoit l'u face des C liilf^ns Cet ufage le retrouve encore chez des Nauoi s fiuvages de l'Àménque, & nu- me d;ms los montagnes du Daughinc' &, dp la Savoye , ( u s Châ fleurs boivent le iaug Jcs boa tarins «ju'Us tutnt, Euic.
tor quelques Juips. 15$ ©années de peines fi rigoureufes , n'aieue eu pour fondement des motifs religieux & moraux. Le Législateur vouloit , fans douce , que fon peuple apprît à refpe&er le fang des hommes dans le fang des bêtes ; ôc que ce fang , deftiné à l'expia- tion des péchés , ne fût point employé à des ufages profanes. Il vouloit peut-être encore les détourner du culte des Idolâ- tres qui , clans les Traités , avoient la cou- tume barbare (i) de boire du fang ûq$ victimes.
Mais nous ne croyons pas nous écarter
de fes vues, en affurant que cette loi étoit
aufu* en partie diététique. Le fang, en effet,
feroit un aliment peu fain, fur tout pour
ceux qui en feroient une nourriture d'u-
fage. On fait à quelles maladies font fu-
jets les Tartares qui , à l'imitation des
Scyches , leurs ancêtres , boivent le fang
de leurs chevaux. Celui du taureau palfe
pour un poifon. Les Athéniens le don-
noient aux criminels condamnés à la
mort ; & quelques Hiiroriens rapportent
que Thémiftocle , preifé par le Roi de
Perfe de fervir contre les Grecs , s'em-
poifonna, en buvant , dans ce delTein, une
( i • Coutume barbare. Ce fang Ce buyoit chaud ou du moins crad. Aut%
*
S6 . Lettres
coupe pleins du fang du taureau qu'on venoit d'immoler.
Il eft vrai qu'il y a des animaux donc le fang peut être moins dangereux ; mais , quoique vous en prépariez des mets que vous trouvez agréables , vous ne voyez pas que vos Hippocrates les mettent au rang des alimens falubres (1). Que fi cette nourriture ne paroît fupportable , même dans vos climats , que dans les temps froids , & qu'alfa ifonnée d'épices &c de ftimulans ; fi dans les chaleurs elle vous ré- pugne ; fi, fur- tout alors, les plus forts eftomacs ont de la peine à s'en accom- moder,que devoit-ce être dans ces contrées brûlantes , & principalement chez un peu- ple où aucun animai n'étoit coupé ? Se- roit-ce à tort qu'on l'y rangeroit parmi les alimens mal-fains? &c ne devons- nous pas favoir gré à notre Législateur de nous avoir détournés , par des confidérations religieufes , d'une nourriture qui , à une forte de barbarie , joint un danger pour la fanté ? AHurément , Monfieur , fi le fang ctoit une benne nourriture , on nen per- droit pas tant chez tous les peuples policés, lors même que les vivres y font chers. — ^— — — ' *
(i) AUmins falubres. Voy. le Traite de Le* mery fur les alimens , &c, Aut.
f>£ QUELQUES J U I F S. 8}
§. IV.
Défenfe de manger des bêtes fujfoquécs , mortes de maladie , ou déchirées par d'autres bêtes.
De la défenfe de manger du fang , ré- fultoit pour les Hébreux une obligation que vous n'avez peut-être pas remarquée jufqu'ici , &c qui devoit être utile à la fanté ; c'étoit qu'il falloit faigner avec foin les animaux qu'on vouloir manger : ufage que nous confervons avec une exac- titude , que vos peuples policés feroient bien d'imiter. Aulîî ne voyoit-on point chez les Hébreux de ces viandes mal faignées, fi fujettes à fe corrompre , dégoûtantes par leur rougeur, Se auffi peu agréables au goût, qu'elles font nuifibles à la fanté. La Religion rendoit attentif fur ce point , & retenoit également le vendeur & l'ache- teur.
C'étoit encore une conféquence de la dé- fenfe du fang, que nous ne pouvions point manger , même des animaux purs , morts de maladie ; mais le Législateur crut de- voir nous en faire une loi exprefTe. Vous ne ne manger e\ point ., nous dit-il,. <fc bîx.es
$3 Lettres
mortes d'elles-mêmes. Quand quelqu'une des bêtes qui vous/ont données pour viande , fera morte d'elle-même _, celui qui en aura, mangé fera fouille jufquaufoir. (Deut. XIV. il. Lévic. X. 40.
Cette fage loi, en nous défendant un ali- ment dangereux , qu'une économie for- dide pouvoit feule faire trouver fupporta- ble, prévenoit une multitude de maladies ; elle nous tenoit fans ceflfe fur nos gardes. De là ce foin qu'ils avoient , &: nous l'avons encore comme eux, de s'afTurer, par l'infpedHon des entrailles , fi les ani- maux étoient fains , & fï l'on en pouvoit ■manger fans rifque. Faute de ces précau- tions , combien d'épidémies cruelles ont paiïe des animaux aux hommes , & dé- peuplé les villes & les campagnes !
Vous ne douterez pas apparemment que la défenfe de manger des bêtes déchirées par d'autres bêtes , ne fût encore une loi de régime, utile & bienfaifante. Ces nour- ritures , fans être toujours dangereufes , font fouvent nuifibles. Elles pouvoient l'être particulièrement dans la Paleftine , où , comme dans tous les pays chauds , les infectes & les reptiles venimeux , les loups enragés, eVc. font alîez lommuns. \Às bCtes mordues , déchirées par ces ani-
BE QUELQUES J U I F S. S^
maux , pouvoient communiquer leur poi- fon j 6c caufer des maladies mortelles (i). Tous ces réglemens d'une police fage, foutenue par la Religion, prévenoient les dangers des alimens , dangers auxquels on penfe trop peu chez des peuples mêmes qui fe croient fort fupérieurs aux Hébreux.
§• \t
De la lèpre : précautions prlfes pour en empêcher la communication.
Une maladie hideufe & cruelle , la lèpre , ravageoit dès - lors la Paleftine 6c les pays voiims. On ne voit pas que les ancêtres des Hébreux l'aient connue j leurs defcendans la gagnèrent dans l'E- gypte , fon pays natal. Maladie ter- rible , où fuccelllvement 6c par degrés , la peau femée de taches rouges ôc noires fe durcit , fe ride 6c fe cievaiTe avec d'infupportables démangeaifons \ où le nez s'enfle , les oreilles s'épailîiiîent , le vi- fage fe déforme , la bouche exhale une odeur infecte j ou enfin les jointures
( i ) Maladies mortelles. Mahomet déftné aufli le fang , les animaux étouffés , morts d'eux-mêmes, ou déchirés par d'autres bêus, Aut.
<)0 Lettres
des pieds &z des mains tuméfiées fe cou- vrent d'abcès & d'ulceres&incurables , les iigamens fe detruifent , &c les membres tombent les uns après les autres , jufqu'à ce cjue le tronc n'offrant plus, dit un Voyageur, témoin oculaire, (i) que le dernier degré de la corruption humaine , le mourant termine, dans les fouffrances, des jours pafTés dans la ftupeur ou dans rangoiiïe : maladie d'autant plus redou- table , qu'on peut long-temps la cacher, &c que , fe communiquant fourdement par la fréquentation des perfonnes faines avec les malades , elle paffe du père au fils jufqu'à la troifieme 8c quatrième gé- nération.
Un mal de cette nature ne pouvoir manquer d'attirer l'attention du Légifla- teur. Auflî prend-il les plus sûrs moyens, pour arrêter la contagion.
D'abord il recommande les plus gran- des précautions. Garde-toi, dit-il, avec un foin extrême de toute plaie de lèpre , & Jouviens-toi de ce que F Eternel fit à Ma- rie {i)\ c'eft-à-dire, évite tout ce qui peut t'attirer cette cruelle maladie , &
( i Témoin oadairc. Voy. Maiindrell, Voyage d'Alep à J'r' file m. A ut.
(i) A Marie. Voy. Deut. XXIY. 8. Aut.
DE QUELQUES JuiFS. «) I
fépare-toi des lépreux , comme ma fœur même fut féparée du refte du peuple.
Et pour les obliger à cette féparation par des motifs de religion & de coiifcience, toujours pins puiiïans 3 que toutes les menaces des loix purement civiles , il déclare les lépreux lévitiquement impurs: de forte que quiconque les touchoit , de- venoit impur lui-même j par conféquent privé de la participation au culte &c aux repas facrés , Se exclus" de la fociété des autres citoyens, jufqu'à ce qu'il fe fût pu- rifié. La crainte de cette impureté légale , fi gênante dans le commerce de la vie , devoir les tenir fans cefTe fur leurs gar- des , &z parla prévenoit une fréquentation , dont la témérité ou la complaifance au- roit pu négliger le péril.
Moyfe ne borne pas-là {es foins. Cette maladie ne s'annonçant point avec éclat, on auroit fouvent couru rifque , ou de communiquer avec des perfonnes in- fectées , ou d'exclure de la fociété ceux qui ne l'étoient pas. Afin d'ob- vier à ces incertitudes , aulîi inquiétantes pour l'homme foupçonné , que pour les autres citoyens , le Légiflateur détermine les indications ( i ) d'après lefquelles on
(i) Les indications # &ç. C'éîoienr des uckes
51 Lettres
feroit obligé de fe faire vificer juridique- ment. Miniftres du culte , les Prêtres étoient en même temps (es Médecins 'lu pays : en cette qualité, il les établie Juges êc lnfpecteurs de la lèpre: <Sc l'or re • ft donné de leur obéir en tout, lu fefds , dit-il, tout ce que te diront Us Prêtres , en/ans de Lévi _, & tu ohJ(.r\erss jbi- gneufement ce que je Uur ai commande. ( Deut. XXIV. )
L'homme foupçonné étant amené de- vant eux , ils l'examinoient avec foin , &: s'ils n'appercevoient aucun des pronof- tics marqués dans la loi , ils le ren- voyoient en liberté. Lorfqu'il reftoit quelque doute , on le tenoit renrermé durant fept jours : il pendant cet inter- valle les accidens difparoi'Toient , les Prê- tres le rendoient à la fo:iété,après lui avoir fait laver fes vêtemens : fi au contraire les fymptômes continuoient, ils le décla- roient impur. (Le'vit. XIII. 1 , èx.)
Dès lors il ne pouvoir plus reft^r ni
fur la peau, des marques de brûlure , la d:ùre des cheveux , &c. Ces mêmes indications furent
celles auxc|uelles les Médecins .le la Guadeloupe reconnoifioient les perfbnnes attaquées le l'efpece de lèpre qui s y manifefta il y a <i iel- «jues années. Voyez l'Ouvrage de M. Pey::. lut cette maladie. Edit»
DE QUELQUE S Jui F S. 93
dans le camp , ni dans la ville : il étoit obligé de vivre dans le quartier defliné iaux lépreux j & afin qu'on le reconnût d'abord pour tel, il ne paronToit que les habits déchirés , la tête nue, le menton caché &-la bouche couverte j de s'il ap- perçevoit quelqu'un venant à fa rencon- tre , il devoit crier qu'il étoit impur , & qu'on eût à s'éloigner.
Enfin lorfqu'un lépreux recouvroit la fiante , ce qui étoit rare , pour confia ter la guérifon , il falloit que les Prêtres , devant lefquels il étoit obligé de fe pré- fent2r , le déclaraient net , avec les for- malités requifes , de qu'ils ofFrifTent pour lui .les facrifices prefcrits. Ce n'étoit qu'alors qu'il pouvoir rentrer dans la fo- ciété , où fa préfence , après ces décla- rations de ces actes publics , ne pouvoit plus caufer d'aliarmes. \ llïi. )
Par ces réglemens,le LégifLtrur , ôtant à la vue des citoyens un fpectacle hideux, de interrompant toute communication avec les personnes infectées , diffipoit les foupçons, calmoit les défiances, anëtbit les progrès du mal , de aifurpit a Ton peuple deux grands biens , tout à la fois , la fanté de la tranquillité. Convenons-en de bonne foi, Monfieùr, ces riiefiires d'un Lc:i(la- teur abfurde étoient fages : on les prend
94 Lettres
encore en partie dans ces pays ; &: plus d'une fois vos peuples de l'Europe en ont employé de pareilles.
§. VI.
De la lèpre des maifons.
C'eft le nom qu'on dennoit à un vice , dont les murs des bàtimens étoienr atta- qués. Quelques Commentateurs ont cru que cette lèpre étoit réellement les miaf- mes de la lèpre humaine , qui s'atta- choient aux murs des maifons , &c qui , s'y étendant comme les taches dont nous avons parlé,fur le corps des lépreux, y cau- foient une forte de carie. D'autres , perfua- dés que la lèpre humaine n'eft elle-même qu'une multitude de petits vers imper- ceptibles , qui , introduits dans les chairs du lépreux , s'y multiplient & les dé- tiuifent , ont prétendu que la lèpre des maifons n'étoit que ces vers qui s'atta- choient aux murs. Enfin le favant de Gortinguen, que nous avons tant de fois cité, penfe que, dans ces taches verdâtres Se rougeâtres dont parle Moyfe , on doit reconnoître le falpètre.
Quoi qu'il en foit de ces explications, dont nous vous abandonnons volontiers le choix , dans la dernière même , qui
DE QUELQUES J U I F S. 5» }
reduiroit cette lèpre au moindre danger, il enrrefteroit toujours iin digne delà vigi- lance d'une police fage. Car, fans parler de la durée des murs que ce vice abrège, ni des meubles qu'il gâte , les maiions at- taquées nar le falpêtre ne font pas faines. Ceux qui les habitent y font expofés aux catharres , aux affections rhumatifmales, fcorbutiques , <5cc. ; le danger augmente lorfqu'on réfide au rez-de-chauflee , com- me faifoient nos pères , &: que le pays abon- de en nitre , comme la Paleftine.
Pour prévenir tous ces dangers , Moyfe
ordonne , que les maifons attaquées de
cette efpece de lèpre , feront vifitées par
Prctres. Lorfque la lèpre leur paroilîbit
douteufe , ils faifoient fermer la maifon
pendant fept jours. Si après ce temps
d'épreuve , ils trouvoient que les taches
le ruilent étendues , ils donnoient ordre
qu'on ratifsât les murs , qu'on arrachât
les pierres attaquées , &z qu'on en remît
de nouvelles à la place. Si, malgré cette
opération, les taches venoient à reparoître,
on abattoit la maifon, &c les démolitions
étoient jettées dans un lieu impur: le Lé-
giilateur préférant , avec raifon , la fanté
de fes concitoyens , à la confervation de
leurs bâtimens. ( Lévit. XI y. 33 , &c.)
g£ Lettres
§. VIL
De la lèpre des yêcemens.
1
On donnoit encore le nom de lèpre X un certain vice des étoffes, des toiles Se des cuirs. Nous ne prétendons point déci- der quel étoit ce vice ; fi c'étoient les miafmes & les vers de la lèpre humaine, ou plutôt, comme le penfe M. Michaelis, un défaut particulier, qui n'a d'autre rap- port avec la lèpre , que quelque rellem- blance éloignée. » Dans les étoffes de laine , dit-il , ce défaut provient qqs laines mortes employées comme chaîne ou i.omme trame. Or, ces laines font mal-faines } il s'y engendre des vers que la chaleur du corps fait éclorre , & qui , coupant le poil , occafionnent cet appiatulement dont parle Moyfe. Les fabriqjans , qui fe piquent de conf- çiençe tk. d'honnêteté , le font fcrupule de ks employer , fur - tout dans les vêtemens qu'on porte près de l'a peau. « Nioyie avoit donc raifon d'ordonner que les étoffes 1 ulpectes fullent montrées aux Piètres, «S: fournîtes à 1 épreuve d'un blàhchifïàge j que files taches s'étendoient encore , les endroits ras& enfoncés fullent
arrachés y
DE QUELQUES Ju I * S. <;*}
arrachés j &: , s'il en étoit befoin , totùe la pièce détruite : ordonnances plus né- ceflaires encore , fi cette lèpre étoit réel- lement les miafmes de la lèpre humaise. Que convient-il de blâmer ici , Mon- sieur ? L'attention fcrupuleufe du Légif- lateur Hébreu ! ou la négligence impru- dente de tant de polices anciennes de même modernes !
§. VIII,
Autre maladie : précautions prifes pour en arrêter les progrès.
Les Médecins en diftinguent de deux fortes \ l'une qu'ils appellent virulente ; l'autre qu ils nomment fimple ou bénigne, Moyfe , fans faire ces distinctions , dé- clare que » tout homme qui en fera >? attaqué , foit qu'elle Sue , foit qu'elle 55 foit arrêtée , fera impur j le lit fur >5 lequel il aura couché , l'efcabeau 55 qui lui aura fervi pour y monter , » toute chofe fur laquelle il fe fera i5 allis, (es vêtemens, êtes feront fouillés, a5 Tout ce qu'il aura touché , tous ceux »5 qui auront touché à fa chair ou à fes j» vêtemens , ou fur qui fa falive fera 55 tombée , feront impurs jufqu'au foir , »> &' fe laveront dans l'eau } les vafes de Tome Ul. * E
f"B Lettres»
h bois feront lavés , ceux de terre feront » caffés , Sec. « ( Lévitiq. XV. )
Les gens de l'Art ne liront pas ce texte , fans reconnoitre , qu'il y avoir, probablement dans l'efpece , dont parle Moyfe 3 quelque malignité , qui pouvoit la rendre contagieufe ( i ). Mais quand il ne s'agiroit qi;e de la féconde efpece , la loi n'en auroit pns moins eu une uti- lité remarquable. Les bancs , les fieges , &c. n'auroient pas communiqué la ma- ladie , fans doute ; mais l'impureté lé- gale attachée à tous ces objets , devoir infpirer la crainre de cerre incommodité à ceux qui n'en étoient point attaqués , Se engager ceux qui l'étoient à fe pro- curer une prompte guérifon , en recou- rant aux remèdes connus , 8c fur- tout en s'abftenant du crime dont elle n'efl: que trop fouvent la fuite ; crime dont le Lé- gillareur a voit déjà infpiré l'horreur i ion peuple , en le lui montrant févére- ment puni dans Onam. La loi portée au feizieme verfet du même Chapitre (i ) ,
( i ) La rendre contagieufe. On pourroic y foapçonner le virus, que Tournefort foupçonnoit dans la lèpre même. Voyez fon Voyage «a ©lient. Aut.
(i) Chapitre. Vay. Lévic XV. if, Aut.
be quelques Juifs.' 99 l'obligation rigoureufe qu'elle impofe de s'avouer fouillé, ou du moins de le com- porter comme tel jufqu'au foir , dévoie tenir en bride les jeunes gens les plus dépravés > Sz mettre leurs parens plus à portée de veiller à leur conduite. Àinfi le fage Légiflateur éloignoit de fes Hé- breux un vice abominable , également nuilible à la propagation de l'efpece , &C deftru&if de la fanté des malheureux qui s'y livrent , &c après lequel marchent toujours , avec la honte & les remords , l'arrcnblUTèment des facultés de l'efprit , l'épuifement des forces du corps , les langueurs , les douleurs & la mort ( 1 ). î> Les fuites de ce défordre , dit rrès-bien » le favant de Gottingue , font fi ter- » ribles dans la médecine comme dans » la morale , qu'on ne peut s'empêcher « de bjénir au Fond du cœur une législation s? qui l'avoit fu prévenir fi furement.
§ IX.
Loix concernant les cadavres : utilité de ces loix.
Dans la légiflation Mofaïque , les ca-
n ,. —
(1) Et la mort. Voy. T;fTot , Traite de l'O- «auifme. Aut,
Ei)
ioa Lettres
davres des animaux qu'on ne mangeoft point , & ceux même des animaux qu'on mangeoit , lorfqu'ils mouroient de ma- ladie y étoient impurs, & fouilloient ceux qui les couchoient.
Les corps mores humains l'étoient plus que tous les autres. » Se trouver dans la s> chambre d'un malade lorsqu'il mou- sj roit , toucher le cadavre , entrer dans- s> la chambre tandis qu'il y étoit encore , « c'en étoit aiTez pour refter fouillé peu- s5 dant fept jours. Non feulement les » perfonnes étoient fouillées , mais bs s> armoires , les coffres , &c. qui n'étoient s> point fermés & noués , étoient fouillés » de même , &c cette fouillure n'écoit j> effacée que par une afperlio.i de l'eau jj luftrale faite le troifieme & le feptieme » jour fur les perfonnes cv fur ks meu- v t?les. ( Nomb. XIX. 11.)
jj De même quiconque touchent dans » la campagne le corps d'un homme tué » par lépée, ou autrement, foit des ofle-* ,) mens humains , ou un fépuLre , reftoit » fouillé pendant fept jours , &: dévoie jj être puriiïé comme nous venons de le » dire. Et ces purifications font ordonnées » fous les peines les plus féveres. Qui- n conque aura touche un corps mort , & ne „ fe fera point purifie 3 fera retranche ». du milieu cfefonpeuple. ( lbid. )
de Quelques Juifs. loi'
Ces réglemens , Monsieur , pourront vousparoitre de pares cérémonies ,011 des précautions portées à l'excès. Mais Ci ces précautions étoient gênantes , par cette gêne même le Législateur pnxuroit à Ton peuple plulieurs avantages. Bornons-nous à ceux qui pouvoient intéreffer la fanté.
Par la crainte de ces impuretés légales, il empêchoit les Hébreux de garder long- temps leurs morts; ce qu'ils auroient pu faire à l'imitation des Egyptiens d'avec lefquels ils fortoient. Or , de trop longs délais pouvoient avoir de fâche ufes fuites pour les familles 8c pour le voifinage , fur-tout dans un pays chaud où la pour- riture eft p!us prompte, l'odeur des ca- davres plutôt infette , <k les corpufculss morbifiques plus difpofés à fe répandre.
Non - feulement les familles étoien: obligées d'enterrer plus promptement leurs morts; le Public ou la Police , pour ne pas expofef les Citoyens à contracter ces feuillures légales , devoit veiller X l'inhumation prompte des cadavres, après les accidens ou après les batailles ; au lieu que dans ces circonftances , la plupart des peuples Orientaux lailïoient les corps morts porter l'infection & quelquefois les maladies dans les environs , en atten- dant qu'ils fe deifechadent à l'air , ou
E iij
soi' Lettres
qu'ils devinflent la proie des animaux carnailiers (i).
De-là vint que les corps même des malfaiteurs ne reftoient pas pins d'un jour expofcs au gibet. 11 y avoir une loi ex- prelïe à ce fujet Le corps , dit-elle , du criminel exécuta ne demeurera pas la nuit fur le bois ; tu L'enfeveliras le même jour y & tu ne fouilleras point la terre que l'E- temel te donne. ( Deut. XXI. 22 ). Loi qui éparguoit aux patïans le dégoûtant Ipe&acle d'un corps humain en proie à la pourriture , l'infection qui s'en exhale 3 &: les accidens qu'elle peut occafionner.
De-là encore l'attention qu'avoient nos pères d'annoncer les fépulcres par quel- que Ûgoe dans les campagnes , &c de ne point inhumer leurs morts dans les Villes : coutumes , qui les préfervoient de tous ces événemens hmeltes qu'a fouvont caufe l'ouverture des tombeaux.
L'impureté lévicique attachée auili , par une loi expreiïe , à l'attouchement des cadavres des animaux impurs , Se même des animaux purs, morts de mi- ladie (2) , produifoit les mêmes effets
(1) Carnajjlcn. Homère fenl rourniioic plu- sieurs preuves de c:r ttfage. J
(i) Mores de muluJc. Quiconque touc/icr^
DE QUELQUES J U I F S. IOj
falutaires. Elle obligeoir de les enterrer promptement ; &c par-là on évitoit en même-temps la vue ôc l'odeur de ces charognes , & les maladies qui fe com- muniquent quelquefois par cette voie aux hommes &c aux autres animaux (i).
Qu'il y a loin , Monfieur } de cette at- tention 8c de ces foins à la négligence h* commune dans quelques contrées de l'Orient, & même chez les peuples ci- vilifés de l'Europe , où , pour éviter la peine d'enterrer les cadavres des ani- maux , on les laifife pourrir en plein air jufques dans les Villes j & où la Police croit beaucoup faire en reftreignant l'in- fection aux endroits qu'elle deitine à cet ufage !
leur chair morte } fera fouillé jufquau foir ; fe quiconque portera leur ch.air morte , lavent Ces vêtemens cV fera fouillé jufqu 'au foir. Lévit. XL 2-7, 2.8 , 59 , &c. Aut.
(i) Autres animaux. Dnns les pays où des multitudes de reptiles &d'infecres, des nuées de fauterelles , Sec couvrent quelquefois la terre de leurs cadavres , comme dans l'Egypte & dans la Paleftine , ces précautions font encore plus tuiles. Aut.
JE i*
*c>4 Lettre»*
§. X.
Vropreté utile à la fanté , recommandée aux Hébreux,
La plupart des anciens Législateurs , fur-tout de l'Orient , recommandèrent la propreté A leurs peuples. C'étoit un moyen de les garantir des maladies,qu'at- tirent aux hordes Sauvages la faleté dans laquelle elles vivent.
En parcourant les loix de Moyfe , en s'apperçoit d'abord , que l'eJfprit de ce Législateur étoit auiîî d'entretenir parmi les Hébreux une propreté même recher- chée. Nous avons vu avec quel foin il vouloir qu'on l'obfervât dans nos camps. Nos pères en avoient conclu , avec rai- {on , qu'il l'ordonnoit de même pour nos Villes. » Aulîl , dit Maimonide, étoient- a> elles toujours proprement tenues. Non- >■> feulement les tombeaux , mais les cada- » vres des bêtes en étoient bannis , on n'y 55 fouffroit aucune forte d'immondices y ik: » ces tas d'ordures, qui infeûent aujour- » d'hui tant de Villes pplicéesm'y auraient » pas été foufferts <\ Les loix fur la lèpre des maifons nous obligeoieni à en oter les faletés qui l'y attirent. Le cadavre x ou
DE QUELQUES JuiTS.' 10$
Quelque partie du cadavre d'un animal impur venoit-il à tomber fur nos alimens, nos vafes , nos habits , &c. ? il falloit jetter les viandes Se les boiiïbns , laver les vafes de bois , caffer ceux de terre , &c. ( Nomb. XL 31.) Les mêmes attentions font exigées en plufieurs autres occafîons , où la fanté & la propreté paroiflToienr, alors le requérir ( 1 ), Loin de négliger aucun des foins nécelfaires , vous voyez le Législateur en demander fouvent qui Vous femblent fuperflus. De-là tant de luftrations , de purifications , d'ablutions qu'il preferit, pour peu qu'on ait touché quelque chofe d'impur. Ces fréquentes ablutions , qui gèneroient dans les pays fepteritrionaux , n'étoient qu'agréables 8c faines dans ces pays brdlans j &: la laine , dont prefque tous les vêtemens étoient faits ( car l'ufage du linge étoit rare ) de- voit les rendre encore plus nécelTaires.
Or qui ne fait que la propreté con- tribue beaucoup à la fanté (2.) ? Combien
(i) Paroijfoient alors le requérir. Voy. Lé via- tique XII , où il eft queftion des femmes nou- vellement accouchées : Lévit. XV ., où il effc parlé des règles , des pertes de fang , &c. chofes auxquelles toute l'antiquité , fnr-tout en Orienz , attachoit quelque idée d'impureté. Aut.
(a) A la fanté. Yoy. la Dilîtrtation du cé-
" Ev
io£ Lettre»
toutes ces attentions , répandues parmi le peuple , & foutenues de la Religion , dévoient épargner de maladies à une Nation ?
§. X I.
Délajfemens ordonnés : galets entretenue parmi les Ifraélites.
Après tout , Monfieur , de toutes les- recettes , la meilleure pour la fanté , celle fans laquelle toutes les autres ont peu d'effet , c'elt la gaieté. Elle efl fur-tout néceiîàire au peuple ; il fuccomberoit à la fatigue Sz à l'ennui d'un travail con- tinuel , fi fes peines n'étoient interrom- pues par quelques dclaHemens : il faut au corps du repos qui répare Tes forces > Se A l'efprit de la gaieté qui le diflipe.
Loin de nous ces Légiflateurs triftes Se fombres , qui croient qu'on ne peut trop accabler les peuples de travail , Se qui
Jebre Platner, fur les maladies que la mal-prc- preté occafionne. Opufcul. tom. I.
Si la perte , fï les épidémies étoient moins communes dans l'ancienne Egypte , qu'elles ne Je font aujourd'hui , c'étoit fans douce à caufe Ac la grande propreté , qu'une hftgt police y entretenolt , & qu'on y néglige maintenant. Auc.
DE QUELQUES JuifS. I«7
leur envient jufqu'aux momens de re- lâche , que la Religion leur procure : loin ces Inftituteurs politiques , précepteurs du crime , qui ne favent amufer leurs Citoyens que par les fpectacles licencieux des théâtres , ou par les jeux barbares du cirque. Le Législateur des Hébreux eut des vues 8c plus fages 8c plus humaines. On s'imagine quelquefois que (es inftitu- tions ne refpiroient que févérité & que tnfteiïe \ on en juge par la vie que mènent la plupart des Juifs , epars fur le globe depuis leur défaftre. Mais il ne Faudroit point attribuer aux loix ce qui n'eft que l'effet de l'oppreiîion 8c des malheurs.
Non , Monfïeur ; au contraire , le Lé- gislateur Juif vouloit entretenir fon peuple dans une gaieté décente , 8c lui procurer les juftes 8c nécelïaires déla(Temens de fes travaux. Les jours de repos qu'il iiif- titua, les fêtes qu'il établit , les.feftins facrés qu'il ordonna , tout annonce cette attention bienfaifante. Il va plus loin , il fait de ces jours de délalfemens autant de préceptes : chaque femaine a fon Sabbat , chaque mois fa Néoménie , chaque année fes trois Fêtes folemnelles. Aux fix jours de travail , fuccéde régu- lièrement un jour de repos : Tu travailleras
E vj
ioS Lettrés
pendant Jix jours j & tu te repôferas te J'eptieme. Et afin que perfonne ne puiiîe , fous aucun prétexte , le refafer au repos qu'il ordonne , tu te repôferas , ajoute- t-il , dans le temps mente des labours & de la moljjon. ( Exoci. XXXIV. 21. )
Si le repos n'étoit ordonné qu'à la fep- tieme Néomcnie ( 1 ) , dans toutes , la trompette facrée annoncoit , avec le re- tour de la nouvelle lune , des facrihees accompagnés des divertilfemens & des feftins (2). Le retour des folemnités ra- menoit de même des repas facrés &: des réjo.uiiTances. Le premier objet de ces fêtes étoit , fans doute , de rendre au Sei- gneur le culte qui lui eft du. Mais ce culte , Moyfe ne veut point qu'il foie
(1) Septième Ncomén:e. Voy. Nomb. XXIX. 1 , &c. Cette feptieme Néomcnie croit , pour les Ifraclites , le commencement de l'année civile. C étoit , par cette raifon , un jout de fctes& de réjouiifances. A-ut.
(1) Fcjîins. Voy. Nomb. X. 1 1 . I. Rois. XX. j, 6, 14 , 29 , &c. Les Athéniens , dont les Joix rellemblent , fur tant de points , à celies des Hébreux , ne chommoient point non plus les Ncomcnies: mais ils avoier.t anffi ces jours- là des facrifices &: des diveitillemens. La lune réglant le calendrier des anciei s , il étoit in- tcrdlant pour eux de remarquer le moment où elle ceniiuençoic à paroître. Aut.
fcE QUELQUES J U I F S. 16$
trille , comme la plupart des folemnités de l'Egypte : il veut , au contraire , que la joie l'accompagne. » Tu feras, dit-iî , « la fête des femaines , &c tu feras dans » la joie : tu feras la fête des Tabernacles , » 6c tu te rejouiras (i). Vous apporterez , » dit-il encore , ou lieu que l'Eternel aura r> choifî , vos facrihees , vos vœux & vos » offrandes volontaires , vos dixmes , » l'oblation élevée de vos mains ; les « premiers nés de votre gros & de votre r> menu bétail ; & vous mangerez devant » l'Eternel votre Dieu ; de vous vous ré- » jouirez , vous ôc vos familles «. Joie d'autant plus vive , qu'elle devoit être plus générale. » Tu te réjouiras , ajoute- t> t-il , toi, ta femme, ton hls & ta fille, » ton ferviteur & ta fervante , le Lévite r> 3c l'Etranger , l'orphelin ce la veuve » qui font dans tes portes (2).
(1) Tu te réjouiras. Voy. Deut. XVI. 10, Il , 13 , 14, &c. La fête des Tabernacles fe célebroit après la vendange. Cecrops , premier Roi d'Athènes , avoir aufli ordonné pour ce temps-là des repas où les Maîtres régaloienc leurs Efclaves & leurs Ouvriers. Il alVuroit que ces feftins étoienr agréables à la D.vii né. Aut. (1) les fortes. Yoy. Deut. XII. 7. XYI. ic , 1} , &c. Auu
xi© Lettres
Tous les Habitans du pays- , oubliant leurs peines & leurs travaux , écoient donc alors dans la joie. Mais ne vous figurez rien de femblable à la joie infenfée , li- cencieufe de criminelle des Orgies & des Bacchanales de tant de peuples. La pré- fence de l'Eternel , fans nuire aux tranf- ports de l'allégreire , contenoit dans les- bornes de l'honnêteté & de la modeftiet
Si , au milieu de l'oppreflion & de la captivité , nos fêtes font encore fi gaies , fi vos Chrétiens font quelquefois étonnés de la joie qui y règne , que devoit-ce être du temps de nos pères , aux jours de leurs profpérités 6v de leur bonheur ? Quel agréable & riant fpedtacle ofFroient leurs alfemblées , leurs facrihees , leurs danfes religieufes , £< ces tables , où la fatisfaction étoit peinte dans les yeux de tous ces convives raiïemblés par la Re- ligion Se la pieufe libéralité des chefs dos familles ?
Ne nous étonnons donc point , n" une des plus heureufes nouvelles qu'on pût annoncer aux Hébreux , étoit le retour de leurs folemnités ^ (Se 11 , triftemenc ailis aux bords des fleuves de Babylone , ils re^rettoient Sion 3c fas fèces. Com- ment oublier une patrie , où ils avoient , dès l'enfance , goiué des plaiùvs h doux.
DH QUELQUES JuiFS. Ht
6c palTé des jours fi heureux (i) ? Et qui h'aimeroit le Légifhteur bon 6c humain , qui vouloir que dans fa République , rous les Habirans , pères 6c enrans , Maîtres 6c Efclaves, riches 6c pauvres , nationaux 6c étrangers , fuirent au moins de temps X autre dans la joie (2) ?
(1) Si heureux. Les fêtes, où règne une joie honnête, font un des moyens que M. Rouffeau de Genève recommande aux Gouvernemens a pour arracher les Citoyens à la Patrie. Voy. ■JDiJcours fur l'économie politique.
C'e'toit , comme nous l'avons déjà remarqué , à ces felHns religieux qu'avoit été confacree la. féconde dixme. On faifoit tous les trois ans le calcul du montaut ; ce qui n'avoir point été dépenfé devant !e lieu faint , étoit employé à ces npas qu'on faifoit à la maifon , & aux-quels , par la loi , dévoient être invités fpécialemenc les pauvres & les Lévites , les veuves , les or- phelins & les étrangers : & pour que l'avarice ne put rien fouftraire à cette deftinition , «haque père de famille étoit obligé de prorefter devant le Seigneur , qu'il n'en avoit rien de- tourné à d'autres ufages: impôt fïn^ulier , donc on ne trouve guère d'exemples dans d'autres Républiques. Edit.
(z Dans la joie. On ne fait pourquoi des hommes aulteres & chagrins fe (ont plu, de tout temps , à prêter à la Religion Juive des couleuts lugubres. C'étoit une police fain- te ; mais elle ne défendoit point les plaifirs honnêtes : lî on devoit y fervir le Seigneur
11 £ Lettres
C'eft ainil , Monileur , que Moyfe ^ foutenant fa police par la Religion, rixoic fes Hébreux à des alimens falubres (i) 'y qu'il les précautionnoit contre les dangers des épidémies régnantes Se des défordres trop communs dans ces climats ; Se qu'il entrecenoit leur famé par la propreté & par une gaieté décente : foins bien- faifans , trop négligés dans d'autres légiilv tions.
Nous fommes , Sec.
avec crainte , il n'en étoit pas moins ordonné de le fervir avec joie. Aut.
( i ) Alimens falubres. Confirmons tout ce qu'on en a dir plus haut , par le témoignage de quelques Médecins. « La graifle , die Lemery , as Traité des alimens , eft diffi:ile à digérer, a» propre à produire un fuc çroiTîer & épais , à 3> exciter des naufées & à abattre l'appétit. Le » fang , de quelque manière qu'on le prenne, a> eft difficile à digérer, Se fournit quantité d'hu- » meurs groffieres.
m Le but des Loix de Moyfe , dit le célèbre m Mead , étoir de prderver Ton peuple de ■n l'idolâtrie & de routes falctés. C'efr, à quoi a> tendoient toutes ces défenfes de minger du m fang, des bêtes morte* , de la chair de norc , Se «antres animaux. Ces alimens fournirent dfs se fucs groffiers t dangereux & nuifîbles dans les y> maladies de la peau «. Voy. fes médita facrs. Voyez auffi TilTbt , de la fanlé des gens du monde , 6'c. Edir.
DE QUELQUES J U I F S.' 11 f
LETTRE VL ^
Loix civiles : fuite. Loix tendantes à procurer aux Hébreux l'abondance. Seins & difpojitions concernant l'a- griculture.
A
la faîubrité des alimens , le î-égif- lareur , dont la population eft le but , doit joindre l'abondance. L'agriculture en eft la mère. Elle feule peut fournir à un peuple nombreux une fubliftance fure : tout autre moyen eft incertain & précaire.
Elle eft en même temps l'école du tra- vail & de la (implicite des mœurs. Dans fon fein fe ferment les temperamens ro- buftes , les âmes fortes ëc les cœurs hon- nêtes , lorfque le Gouvernement ne les avilit pas. Elle eft donc un des plus im- portais objets _, dont l'homme d'Etat puiife s'occuper.
Vous allez voir , Monfieur , que Moyfe ne l'avoit point négligée. Dans fa légiflation , de fages réglemens tendoient à en aflurer le fuccès , & le fuccès , qui fut prodigieux , juftif a la fageile des rc- elemens.
iM Lettres
§. I.
Préférence donnée par Moyfe à l'agri- culture. Il en infpire le goût à Jeu peuple.
Ce grand homme n'avoit interdit ni le commerce , ni les arts : mais , perfciadé que tout vient à la fuite de l'agriculture , ce fut vers ce premier des arts qu'il tourna fes vues , 3c qu'il voulut tourner celles de (on peuple : il y réullit. La cul- ture des terres , dédaignée , regardée comme une occupation fervile par tant de peuples, lut toujours en honneur chez nos pères. Dans les premiers temps de notre République , comme dans Rome vertueufe, ils tiroient de la charrue , 3c de l'aire à battre le grain, leurs Magiftrats &: les Généraux de leurs armées. Leurs premiers Rois furent des Laboureurs 3c des Bergers ; 3c jufqu'à la difperlion , on les voit toujours attachés aux travaux de la campagne.
Ces travaux , (i utiles 3c il nobles , les Légiflateurs de la Crète & de Lacédé- mone les avoient interdits à leurs Ci- toyens. Le Perfe amolli les dédaigna ; ce le Romain dégénéré , livra aux bras d<t
DE QUELQUES JuiFS. II5
Tes efclaves ces champs cultivés par les Confuls & les Dictateurs. Les Hébreux n'eurent point cette fauîTe délicateife : la Nation ne perdit jamais le goût que le Légiflateur leur avoit infpiré pour l'agri- culture ; la diftrihution des terres dut fervir à les conferver.
$; h.
Dlfiribution des terres , favorable à l'agriculture.
Nous l'avons déjà die , Monfieur ; les grandes propriétés font un des grands fléaux de l'agriculture. Qu'on ouvre les yeux fur la plupart des Gouvernemens modernes , ou qu'on les jette fur l'hiftoire des anciens Empires } on en trouvera par- tout la preuve.
Tant que les terres fe trouvèrent par- tagées entre tous les Citoyens de Rome , ôc que chacun y conferva un héritage à* cultiver , on y vit fleurir la population ck l'abondance avec l'agriculture. Mais dès qu'une fois les riches eurent envahi les biens des pauvres ) dès que toutes les terres furent tombées entre les mains d'un petit nombre d'hommes avides , tout changea de face. Surchargé d'édifices fomptueux , couvert de parterres fleuris Se de bofquets "odorans , ce fertile pays
'ii'o Lettres
eur peine à nourrir tes Habitans ; & les fubhitances du peuple n'y furent plus fondées , que fur les reffources étrangères des motiTons de l'Egypte & de la Lybie.
Si , de nos jours encore , cette belle contrée relfemble fi peu à ce qu'elle fut dans des temps plus heureux j li nous y voyons la population fi foibîe Se l'agri- culture h languiuante , n'allons pas en chercher ailleurs la caufe : elle eft. dans ces vaftes domaines qu'y concentrent de iiecle en fiecle , dans un petit nombre de familles, d'éternelles fubftitutions. Et dans combien d'autres Etats la vaine magni- ficence des grands propriétaires , &: leurs plaiiirs de caprice , ne laillent-ils pas inutiles des terreins qui , cultivés avec foin , nourriroient un peuple immenfe ?
La légillation Mof.iïque avoit prévenu tous ces abus (i). Dans la diftribution des terres , établie parmi les Hébreux , nul n'avoit reçu, nul ne pouvoir acquérir
(i) Tous ces abus. Ce fat dans les mêmes vues , & pour procurer des terres à un plus grand nombre de Citoyens , qu'il étoit défen lu ; dans plufieurs Républiques de la Grèce, de polTéder au-delà d'une certaine quantité d'ar- pens. Les Romains eurent une loi pareille , mais encore plus inutile ; foji Auteur même fut- le premier à y contrevenir. Aut%
DE QUELQUES JuiFS. II7
i£zz de terrein , pour en négliger ou pour en confacrer quelque partie à de ftériles embellilîemens. Rien de ce qui pouvoir fe cultiver n'y reftoit fans rap- port, & tout y étoit employé à la pro- duction des fubfiftances.
§. III.
Stabilité des propriétés. Ses avantages pour l'agriculture.
Un autre fléau de l'agriculture , d'au- tant plus funefte qu'il eft moins fenti , c'en: l'inflabilité <k les mutations fré- quentes des Propriétaires &: des Culti- vateurs.
Pour cultiver avec fuccès , il faut ," ayant tout , connoître le terrein qu'on veut exploiter, Les terres ne font pas partout ies mêmes j elhs changent fou- vent d'un terroir , quelquefois même d'une pièce à l'autre. L'expofition , le gifement, les couches inférieures , &c, influent encore fur leurs qualités ; &c toutes ces circonftances obligent l'Agri- culteur de varier dans les inftrumens , les labours , les engrais , dans l'efpece des productions , dans la quantité des fe-
ii$ Lettres
Or , cette ccnnoilfance des terres , iî utile , li nécefiaire même au fuccès de l'agriculture , qui a plus d'intérêt ou plus <ie moyens de l'acquérir , de ces Culti- vateurs à bail cour: , qui voltigent de ferme en ferme ; ou d'un Cultivateur , eu plutôt d'une fuite de Cultivateurs- Propriétaires , qui , attachés immuable- ment au fol , peuvent fe tranfmettre de père en fils leurs obfervaticns «Se leurs expériences ?
Ce n'eft pas tout : l'amélioration 6c l'entretien des terres demandent par- tout des avances conGdcrabJes , Se plus encore dans un pays montueui , tçl que le nôtre. Des Cultivateurs ambulant , des Propriétaires mal allures , ne les auraient point fiâtes , ces avances , eu ne les au- raient laites qu'avec répugnance cv qu'avec épargne. Mais le Cultivateur
breu pouvoit-i! regrettet d'en faire au- cune fur des terres , dont il étoit sûr que ni lui , ni la famille ne pourraient jamais être dépclfédés ?
Non-feulement on 112 pouvoir les lui ravir , niais lui-même 112 peuvoit les aliéner à perpétuité ( 1 ). Telle étoit la
(1) Les aliincr a perpétuité. Cette inalicna- bilicc des tuits chez les Hébreux , a etc rev
BE QUELQUES J U I F S. II9
«Jirrerenee remarquable que le Légiflateur avoit mife entre les biens de campagne ôc ceux de ville. Ceux-ci , aux yeux de la loi , ne font que de (impies rélidences : peu importe à l'Etat qui les polfede : » ils pourront donc être aliénés fans re- « tour , fi le retrait n'effc tait dans l'année y> par le Propriétaire ou par fa famille (i).
marquée par quelques Auteurs même Payens, par Diodjre Je Sicile ( liv. 40 , §. ;. ) &c. Chez plu/leurs peuples de la Grèce, Locriens , Athé- niens, Spartiates , &c. il croit défendu auflî d'aliéner l'héritage de les pères , défendu même d'hypotéquer des dettes fur des terres labourables. ( /Uiftote , Répub. liv. z , ch. 7. ) A Locres Se à Sparte ceux qui étoient obligés de vendre l-urs fonds } étoient réduits à la dernière clalTe des Citoyens d'où ni eux ni leurs enfans ne pouvoient plus forcir: lois dures 5c moins fages affurément que celles de Moyfe. En général les légiflareurs anciens ne regardoient comme vrais Citoyens que les Propriétaires de fonds. Edit.
(1) Par fa famille. Voy. Lévit. XXV. 19. 3> Si quelqu'un a vendu une maifon dans una 95 Ville fermée de murailles , il aura le droit »» de rachat jufqu'à la fin de l'année : mais fi la s» maifon n'eft point rachetée dans l'année , ai elle demeurera abfolume.-.t à l'Acheteur, & » il n'en forrira point au jubilé. Mais les mai- 33 fons des Villages non fermés de murs , fe- 33 ront réputées fonds de terre. Le. Vendeur » aura droit de rachat, Se l'Acheteur fortira au
tao Lettres
Mais les fonds de terre font les vrais biens : de leur bonne culture dépendent les fubfiitances de la Nation : il étoit donc important , qu'ils fuifent toujours entre les mains de Cultivateurs intelligens , ôc intérelïes au fuccès par toutes fortes de laifons. Aulli » ne pouvoient-ils s'aliéner 53 que jufqu'à l'année jubilaire ; & pen- 5> 'dant cet intervalle même , le droit, de » retrait fubiiitoit toujours pour le Ven- » deur ou pour Ces proches (i). Enforte qu? , même après la vente , ils y reftoient toujours attachés , & intérelîés à leur amélioration & à leur entretien , par l'efpérance d'y rentrer bientôt.
.Si dans les autres législations , où les propriétés font fujettes à tant d'inftabilités ik de mutations , on s'attache néanmoins à l'héritage de (es pères ; avec quelle fatis- f action & quel goût l'Hébreu ne devoit- il p.is cultiver ces champs , qui , donnés par Dieu même à f.\ famille , lui avoient été tranfmis de père en hls , depuis l'o- rigine de la République , ck dévoient
» — — _ _^^________ —— — — —
sj jubilé «. Il réfultoit encore dé-là cet avan- tage q.ie les piofélytes qui n 'avoient point de tcir? en Ifracl , pouvoient acquérir des domi- ciles dans les Villes. Aut.
(i) Par jes proches. Voy. plus haut pag } I- /4u:.
palfer
DE QUELQUES JuiFS. 121
paiïer à (es derniers defcenclans ? Faut-il encore s'étonner , que des ronds fî chers aient été cultivés avec tant de foin , ou que, cultivés avec ce foin , ils aient pu nourrir un peuple aufli nombreux ?
§. IV.
Année Sabbatique. Repos des terres.
Si la mal-adrefle ou la négligence des Cultivateurs détériore quelquefois les terres , fouvent aufli leur avidité les effrite. Le Légiflateur avoit prévenu le premier de ces inconvéniens par la fage diftribution qu'il avoit faite des terres : il pare au fécond par la loi de l'année Sabbatique. Cette loi faifoit , aux Hé- breux , un devoir de police &z de Re- ligion , de donner un temps de relâche à leurs terres. Mais comme elles étoient naturellement bonnes Se fertiles , elles ne parurent pas avoir befoin de repofer auflî fouvent que le font la plupart des vôtres. Ce repos fut donc fixe à la feptieme an- née. » Pendant fix ans , dit la loi , tu 3> femeras ton champ , Se ru tailleras ta » vigne y mais à la ieptieme année , il y » aura un Sabbat de repos ( c'eft- à-dire » un repos abfolu ) en l'honneur de l'E- Tome III. F
I2i Lettres
» ternel «. [Lévit. XXV. 5. 4. Deut.
XV. i.
Divers motifs entrèrent dans cette inf- titution (1) j nous l'avouons : mais il n'eft pas douteux , que ce relâche donné à la terre ne tût un des premiers. Comme le jour du Sabbat étoit le jour du repos pour l'homme ôc pour les animaux de fervice , l'année Sabbatique étoit l'année de repos pour les terres. Abandonnées à elles- mêmes pendant cezze feptieme année , elles réparoient l'épuifement , qu'avoient pu caufer lix récoltes confécutives (1) : 8c les troupeaux nombreux, qui, ramenés des déferts , paiiïoient en liberté fur ces ja- chères , en augmentoient encore la fer- tilité , ôc les préparoient à de nouvelles productions par les fels ik les engrais qu'ils y lailfoient.
(1) D'ins cette infiitution. « Pendant fix ans, 3» dit l'Exode , tu fenura» ta terre ; mais en la 35 feptieme année, tu lui donneras du relâche , 3> afin que les pauvres de ton peuple mangent 31 ce qu'elle produira d'elle-mcme , & que les s> bètes de la campagne mangent ce qui ref- » t=ra «. ( Exod. XXII I. 10. ) Aut.
(2) Confùuthvs , &c. L'Auteur des Géo~- riques met auifi ce repos des terres au nombre des moyeûs qui contribuera le plus à leu rer- tilité : Êtfrgntm patten fôu durtfeert campum. Chret.
de QUïLquES Juifs. 113 §. V.
Difpojition remarquable de la loi de Vannée Sabbatique,
Ce qu'il y avoit de fîngulier dans cette loi , c'eft qu'au lieu que chez les autres peuples les terres ne repofent que fuc- ceflivement, celles des Hébreux dévoient repofer toutes enfemble : difpcfition qui paroît d'abord étrange , d'une confé- quence dangereufe pour l'Etat , 6c qui auroit pu l'être en effet dans tout autre Gouvernement.
Nous l'avons déjà confidérée , cette difpofition finguliere , du côté rituel 8c religieux : nous remarquerons ici , qu'elle avoit même divers avantages politiques. L'univerfalité de ce repos , jugé néceilaire ou très-utile à toutes les terres (1) , aiïu-
(1) Nécejfaire ou très-utile a toutes les terres , &c. On a propofé pour prix , dans une Académie d'Allemagne , cette quelrion : fi le repos eft néceifaire aux terres. Les diiîcnations n'ont point encore paru , ou ne nous font point par- venues. Un Agriculteur expérimenté & connu ( M. Vilin, l'un des plus eftimables Curés du Diocefe d'Amiens ) , à qui nous avons ccm-
jniqué cette lettre , & qui nous a fait part da
Fij
ii4 Lettres
roit qu'aucune n'en i croit privée par l'avidité des Propriétaires. Elle laiiloit d'ailleurs à tous les Hébreux le temps , non-feulement d'étudier leurs Ioix , mais de planter , de bâtir , de voiturer , de préparer les inftrumens néceiîaires pour la fuite ; de faire , en un mot , les diiré- rens ouvrages , que la continuité des tra- vaux de la campagne ne leur auroicpas permis.
Enfin , &c cet avantage étoit grand (i) , par la vue de cette feptieme année fans feraailles Se fans récolte , elle obligeoit Ls Hébreux de faire des provifions de
fes vues , eft perfuade , cju'iJ y a peu de terres , qui puillent Ce palier île ce repos ; que les meil- leures y gagnent , Se qu'il eft difficile de le fup- piéer. On pourroit peut-ctre y reuffir à force d'engrais , ou par les prairies artificielles ; mais ces prairies , outre l'incertitude du fuccês , n'e- toient pas connues, & l'on n'a pas par-tout des engrais. Nous remarquons , qu'il n'en eft parlé ni dans Moyfe , ni dans Hé/iode. Ce ne fut que long-temps après , que les loix d'Athènes dé- fendirent , fous peine de mort , le vol des fu- miers. Virgile en recommande exprdlément l'u- fage: Ntc faturarefimo pingui pudeat fat a. Chret. l ) Cet avantage étoit grand , &c. Nous de- vons cette obfervation au favant M. Michaclis. Voyez fes Dillertations dans les Mémoires de l'Académie de Gottingue. Aut.
DE QUELQUES JuiFS. 1 2. 5
s.
grains , Se autres fubfiftances , pour trois ans. Il falloir donc qu'ils euflent des gre- niers , des celliers , Sec. Se qu'ils s'exer- çaient aux difFérens moyens de conferver leurs grains , leurs fruits , les vins , les huiles , Sec. Ainfi , fans contrainte Se prefque fans, s'en appèreevoir , ils s'ac- coutumoient à prendre des précautions , probablement très-négligées alors ( i ) , c'eft-à-dire , à prévenir , par des appro- viiionnemens , faits à propos dans chaque famille , les années de ftérilité , que pou- voit caufer la guerre ou le dérangement des faifons : approvifionnemens domef- tiques , que ne remplaceront jamais , fans de grands défavantages , les emmagafi- nemens faits par les Gouvernemens , ou par des Compagnies marchandes. Dans ces entreprifes , les frais immenfes de la conftruction Se de l'entretien des maga- fins , de l'acquifition Se de la confervatiou des fubfiftances , les détériorations , les
(i) Trop négligées alors. Elles le font même aujourd'hui dans la plupart des hordes fau- vages , & dans les Etats qui manquent d'une bonne poiiee. Elles l'étoient probablement encore davantage dans ces anciens" temps. Les magafins établis en Egypte par Jofephe , furent des magafins royaux. Edit.
F iîj
ii£ Lettres
perces , &c. forceront toujours les Gou- vernemens , quelques bonnes intentions <ju'ils puifïtnt avoir , à gêner le Cultiva- teur (i) , ou à vendre au Citoyen à de hauts prix. Des Compagnies marchandes, que l'avidité forme, que l'avidité feule dirige , ne fe borneront pas à de mé- diocres profits y ils vendront le plus cher qu'ils pourront j 6c le Citoyen rançonné , périra de mifere , ou il ira chercher à vivre hors de fa Patrie , &c portera chez l'Etranger fes bras de fon induftrie fi). Les approvifionnemens domeftiques pcé- venoient ces inconvéniens chez les Hé- breux , habitués à les regarder comme leurs vraies riche/Tes. C'étoit l'idée que Moyfe vouloit qu'ils s'en fiiTent , de qu'ils s'en firent en effet (5).
(:) Gêner le Cultivateur , &c. Dans pluuVurs ïtats d'Italie , le Cultivateur eft oblige de vendre au Gouvernement fes gr.iins , fes vins & fes huiles au prix que le Gouvernement fixe S &c cette fixation ne lui lailTe fouvent qu'un profit modique. De-la le découragement & l'abandon de la culture. Chrct.
(z) Et fon induflrie. C'eft le mal qu'ont fou- vent caufe à l'Allemagne ces Compagnies qu'on y deteife , & dont on n'y fait point fe paifer. Chret.
(î) Qu'ils s'en firent en effet, Voy. Je Riche
DE QUELQUES JuiFS. 117
& VI.
De la loi qui défend de mettre dans un même champ différentes fortes de grains.
Par cette loi ( i ) , Moyfe ne défendoit point aux Hébreux de partager un champ & de femet dans chaque partie une efpece de grains différente \ mais de jetter dans un même champ , confufémcnt de fans triage , différentes fortes de femences.
Or , fans exclure les diverfes raifons religieufes 8c morales , allégoriques Se emblématiques, que quelques Commen- tateurs ont données de cecte défenfe (i) ,
de l'Evangile ; il ne dit point que Ces coffres font remplis d'or & d'argent ; il dit : »= mes >s greniers font pleins de bled , & mes celliers « de vin & dhuile : jouis maintenant , ô mon » ame 1 Chret.
(i) Par cette loi. Eile eft dans le Lévitique, chap. XIX. f. 19. Aut.
(2) De cette défenfe. Les uns prétendent, comme Maimonide, qu'elle eft relative à quel- ques ufages fuperftitieux des anciens Idolâtres , qui mêloient leurs femences en l'honneur *de leurs Dieux. D'autres croient que fous cet em- blème , Moyfe défend le mélange des Juifs avec les Payens , ou ces difordres monftrueux trop communs parmi les peuples de Canaan. Aut.
F iv
12.8 Lettres
nous croyons pouvoir aifurer qu'elle avoit fon utilité même économique.
D'abord , chaque plante tirant du fol des fucs particuliers , quand la terre n'eft enfemencée que d'une efpece de grain, elle fe repofe en partie , &: fe trouve plus en état d'en produire l'année fui- vante une autre efpece. Mais , fi elle eft chargée tout-à-la-fois de différentes fortes de plantes annuelles , plus voraces , en général , que les plantes vivaces , elle fe fatigue & s'épuife bien davantage , en fournifïant à chaque plante l'aliment qui lui eft propre. 11 eft bien peu de terres , qui puiTenE, pendant iix années de fuite, quelque foin qu'on en prît d'ailleurs , produire de pareilles récokes.
Secondement , quiconque connoît la -campagne , fait combien l'ivraie , les nielles, &: autres mauvaifes herbes , nui- fent aux bleds , cv combien il eft im- portant de les femer nets.' Or , c'eft le bien qu'opéroit Moyfe par cette loi (i). Dé- fendre aux Hébreux de jetter dans un même champ différentes fortes de ic-
(i) Qu'opéroit Moyfe par cette loi. C'efl: la remarque du célt'ore Profelîeur de Gottingue , cite tant de fois, Voy. fts Quejlions aux J avais Danois. Aur.
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mences , c'étoit leur défendre de femer l'ivraie avec le froment , & les obliger de trier leurs grains : d'où réfultoit encore cet avantage acceiïoire , que dans le triage on pouvoit choifir les pins gros grains , c'eft-à-dire les grains capables de produire un bled mieux nourri , ôc en plus grande abondance. Ce triage étoit un des foins les plus recommandés par les anciens Agriculteurs (i) : & il paroïc que Moyfe l'avoit fort à cœur } puifque, pour punir ceux qui défobéiroient à fa loi , if ordonne » que leur moilïon fera 5> fanclifiée « , c'eft-à-dire coniifquée au profit du Sanctuaire (i).
(i) Les anciens Agriculteurs. C'eft un des principaux préceptes de Virgile, de le faiie chaque année.
Vidi lecla diu , & mtrfto fpectata labore Dcgenerare tamen , ni vis humana quot annis Maxima qu&que manu legeret.
(i) Au profit du Sanctuaire. Voy, Deur. XXIT. 9. Cette peine , jointe à la loi, obliçeoit les Cultivateurs de féparer l'ivraie d'avec le fro- ment , au temps de la moifTbn , comme en peut le conclure de la parabole rapportée par S. Matthieu, chap. XXIII, ou du moins de trier foigneufement leurs giains avant de les mettre en terre. M. de "Voltaire vante , avec laifon , les avantages du van-ciibleur. Il feroit
ï V
150 Lettres
§. VII.
Soin des arbres & arbujles fruitiers. Loix fur leur confervation & plantation.
Ces arbres ont l'avantage de réunir l'utilité à l'agrément. En même - temps qu'ils décorent de qu'ils embelliiTent un pays , ils procurent à l'Habitant , dans leurs fruits , une nourriture abondante 8c laine ; & dans les liqueurs , qu'on en ex- prime , des boiiïbns , qui le raniment & le fortifient. Moyfe connut , autant qu'au- cun autre Législateur , l 'importance de cette branche de l'agriculture. Sa léçilla- lion nous offre les plus fages rcglemens lur la confervation &: les plantations de ces arbres.
D'abord la défenfe , qu'il avoir faite de les couper , même fur les terres enne- mies (1) , étoit , pour les Hébreux, une leçon &: un ordre d'entretenir les leurs avec foin , & de ne jamais les abattre fans néceflité , tant qu'ils étoient en rap-
à foiihaiter qu'une invention fi utile fut plus 1 un nue dans nos campagnes. Chrct.
(1) Titres ennemies. Vov. Deut. XX. ip.
Au:.
DE QUELQUES JuiFS. I 3 î
port. C'eft la conféquence qu'en avoient tiré nos Maîtres.
Ce fut encore pour leur apprendre à les ménager & à les conferver dans toute leur vigueur , qu'appuyant Tes vues éco- nomiques par des motifs religieux , il déclaroit impurs les fruits des trois pre- mières années , 8c confacroit au Seigneur ceux de la quatrième j d'où il réfuîtoit , que les Propriétaires ne pouvoient com- mencer à recueillir pour eux-mêmes qu'à la cinquième année. Cette difpoiition , Monsieur , aura pu encore vous paroître bifarre ; elle avoit pourtant fa railon & fon utilité (i).
En effet , il eft d'expérience (z) , que ces productions trop promptes annoncent d'ordinaire l'affoibliirement des jeunes
(i) Son utilité. Cette utilité fe trouve ex- primée dans la loi même. » Quand vous aurez »• planté , dit-elle t un arbre fruitier , il vous » fera incirconcis pendant trois ans , & on » n'en mangera point. En la quatrième y tour, 33 fon fruit fera une chofe fainte a l'Eternel. » Mais en la cinquième année , vous mangerez 33 fon fruit , 6' il vous multipliera fon rapport. (Lévit. XIX. ij.) Au:.
(i) D'expérience. Voy. la Théorie & la Pra- tique du jardinage , par M. l'Abbé Roger de Schabol. Chret.
Y vj
152. Lettres
arbres , ou le caufent. Il étoit donc X propos de réprimer la cupidité des Pro- priétaires , qui pouvoient nuire à leurs plants par trop d'emprefTement de jouir. Or , quel Propriétaire eut voulu laifler (es arbres s'épuifer à porter avant le temps , des fruits , qu'il ne pouvoit ap- pliquer à fon ufage ? Mais , fi Moyfe ecne, d'un côté , les Cultivateurs , vous allez voir qu'il iaura bien les dédom- mager de l'autre.
Quelque foin qu'on eût pu prendre de ménager & d'entretenir les arbres frui- tiers , le pays s'en feroit infenfiblement dégarni ' fi le Léçiflueur n'avoit eu l'at- rention d'en encourager les plantations. Pour exciter (es Hébreux à faire les avances qu'elles exigent , il y avoit at- taché le privilège le plus attrayant. Celui , dit la loi , qui aura planté une vigne , ( il en étoit de même de tout plant d'arbres fruitiers de quelque étendue ) fera exempt du fcrvice militaire , & de tous travaux publics j jufqu' après la première récolte. ( Deut. XXII. 6. ) Quoi de mieux conçu pour un pays tel que le nôtre, & de plus capable d'encourager nos pères à mettre en valeur tant de terreins âpres cv pier- reux , peu propres au labourage, mais où les oliviers , les figuiers, les vignes , c\c
BB QUELQUES JuiFS. I 3 5
fe plaifent Singulièrement! Cette exemption cievoit produire d'autant plus efficacement cet heureux effet , qu'importante en elle- même , elle le devenoit encore plus par .fa durée , puifque , comme on l'a vu , elle devoit être de cinq années confé- cutives.
Que vous en femble , Monfîeur ? Ne pourroit-on pas , fans fe faire illufion , reconnoître quelque fagefïe dans ces ré- glemens du Légilîateur Hébreu ? Et n'y a-t-il pas quelque lieu de penfer , que ce fut à fa législation , que nos pères durent ces riches plantations d'oliviers , où , pour ufer de l'expreiîîon poétique de nos Ecrivains facrés , l'huile couloit de la pierre la plus dure ; ces vignobles re- nommés ( 1 ) , & ces palmiers célèbres jufques chez les Grecs , même, avant
(1) Vignobles renommés. La Paleftine êtoic renommée pour fes vins. Pline l'ancien les vante. Les vignobles faifant une partie de la richefle du pays , il falloir les ménager & les conferver avec foin. AufTïce fut fpécialement en parlant des vignes, que Moyfe avoit- défendu de femer différens grains dans le même champ, fous peine de fanétifïcation ou confifcation. Tu ne femeras point dans ta vigne différentes fortes de grains , &c. ( Deut. XXII. 9. ) Aut.
134 Lettres
Alexandre (i) ; ces beaux 8c nombreux figuiers , qui leur fourniiïbient , avec un ombrage épais , il agréable dans ces cli- mats , des fruits délicieux j en un mot , cous ces plants précieux , qui rendirent aulli rians que fertiles , ces coteaux , où , fans d'autres loix , l'œil étonné n'apper- çoit plus que la roche nue , &c les débris de l'ancienne culture ?
§. VIII.
Soin des bejîiaux. Réghmens fur cefujet.
Si l'agriculture eft le premier des arts , c'eft aufli le plus pénible. L'homme ne fuffiroit pas aux travaux qu'elle exige , & tout y languirait fans les beftiaux 6c les animaux de fervice. Ils font la richeile du Cultivateur 3 Se l'une de fes princi- pales refïources. Ceux-ci lèvent (es gue- rets , charrient fes moilïons , 6c le tianf-
(i) Avant Alexandre. Théophrafte parle des dattes de la Paleftine, & les met au-dellus de toutes les autres pour la bonté & l'utilité. Lts dattes font , comme on le fait , les fruits des palmiers : il paroît que les Juifs en faifoiuu alors un grand commerce. Aujourd'hui on au- roit de la peine à trouver quelques palmiers dans tout ce pays. Aut.
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portent lui-même d'un lieu à l'autre. Ceux-là le nourrirent de leur lait &c de leur chair , Se le revêtent de leurs peaux &c de leurs toiions j tous , en lui four- nilfant d'utiles engrais , afîurent l'efpé- rance de {qs récoltes. Il eft donc impor- tant de les multiplier, de les conferver , d'en aflurer la poiTeiîion aux Cultiva- teurs ( 1 ). Ces détails , néceflaires dans la législation d'un peuple agricole , ne manquent point dans la nôtre.
Plus attentive à propager des animaux utiles , qu'à flatter le goût du Citoyen délicat , elle défend d'en couper ou d'en mutiler aucun (i) j & pour l'empêcher
(1) Aux Cultivateurs. On verra dans la Lettre fuivante les mefures que prend pour cela le Législateur. Aut.
(z) Mutiler aucun. Voy. Lévit. XXII. 14 , &c. Le texte porte : vous ne fereç en votre ■pays aucun animal ayant les -parties de la gé- nération , ou comprimées par des liq;amens, ou froijjées, ou arrachées , ou coupées. N os Auteurs entendent ce paiîage comme Jofephe , Maimo- nide , & la foule des Rabins. Quelques Com- mentateurs Chrétietfs doutent pourtant que ce foit là le vrai fens de ce texte : ils croient que le mot faire fignifie ici immoler , facrifier : comme dans le vers de Virgile : Cum faciam vitidà pro frugibus. Ils doutent qu'un peuple puifie faite fa i;ourrituredelachair des taureaux
\y6 Lettres
plus efficacement par une confidération religieufe , tous ceux qui l'auroient été , elle les rejette de l'Autel , comme in- dignes d'être offerts au Seigneur. ( Lévit. XXII. 24.)
C'eft probablement encore dans cette vue (1) , qu'elle défend de les accoupler
& des béliers ; que les Hébreux aient pu fe fervir de taureaux pour le labourage, Sec. Mais la chair de ces animaux , quand le temps de ia chaleur eft palTé , n'effc peut-être pas auûi défagréable qu'on peut le croire , parce qu'on n'eft pas dans l'habitude d'en faire ufage. On mange avec plaifir le gibier & la venaifon , quoiqu'on ne châtre point ces animaux. D'ail- leurs les Ifraélites pouvoient manger les ani- maux mâles encore jeunes. Quant au labour avec des taureaux , nous remarquerons que les Arabes, même aujourd'hui, ne montent guère que des chevaux entiers ; & que les Ifraélites n'étoient pas de jolies poupées , mais des hom- mes vigoureux & robulres. On voit non-feu- lement Samfon , mais David , attaquer les ours & les lions, Se les mettre en pièces. Exercés à dompter les animaux , ces hommes robuiles pouvoient trouver aifé ce qui nous paroît peu pratiquable, Sec. Edit.
(1) Dans cette vue , &£ Selon quelques-uns de nos Docteurs, cette loi eft encore une leçon emblématique d'éviter les défordres communs dans ces paySj& félon Maimonide, unedéfenfe d'imiter les pratiques fupeiftitieufcs des Payent dans ces rencontres. Edit.
DE QUELQUES J U I F S. 137
avec ceux d'une efpece différente. Car , outre que ces accouplemens contre nature ne réulliffent pas toujours , & que c'eft une portée perdue quand ils manquent j outre que quand ils réuffiffent , l'efpece fupérieure perd toujours ce que l'infé- rieure gagne , les individus qui en ré- sultent , ne pouvant fe propager , nuiferrt à la multiplication par leur infécondité.
Il vous femblera peut-être, au premier afpeét. , que cette multitude de victimes qu'on devoit immoler , félon la loi , dé- truifoit nécelfairement le fyftême de la multiplication des beftiaux. Mais , en obfervant de plus près ces ordonnances , vous verrez , au contraire , qu'elles dé- voient la favorifer. Ces victimes , qui , pour la plupart, fervoient de nourriture , étoient la matière d'un commerce sûr &c journalier pour ceux qui les élevoient. Chacun cherchoit à les multiplier , pour n'être pas obligé d'en acheter à d'autres. La défenfe de préfenter à l'Autel des animaux tarés , étoit encore , pour les Ifraélites obligés à ces fortes d'offrandes , un puiffant engagement à les multiplier pour avoir toujours de quoi choifir , &: à veiller de plus près aux moyens de fe les procurer faines , belles , dignes enfin d'être acceptées pour les facrifices.
1 5 S Lettres
La confervation des beftiaux n'eft pas moins l'objet des foins de la légiflation. Voilà pourquoi elle ne permet pas que les bêtes de fervice foient excédées de continuels travaux. Elle leur affure dans la femaine au moins un jour de repos. » Tu bifferas, dit-elle , ton bœuf ôc ton » âne fe repofer le jour du Sabbat. C'eft » pour eux, ajoute-t-elle , comme pour » ton efclave 8c pour toi-même , que ce » jour de repos eft inftitué «. ( Exod. XXIII. il. ) C'eft par la même raifon , feion Aben-Ezra , qu'elle défend d'at- teler à la charrue le bœuf & l'âne , l'iné- galité des forces faifant que l'un eft ex- cédé de travail , quand l'autre eft encore frais. Elle veut même que les Hébreux traitent avec une forte de générodté ces compagnons de leurs travaux ruftiques. Tu ne lieras point , leur dit-elle , la bouche au bœuf ( i ) qui foule le grain. (Deut. XXV. 5. )
Et non-feulement elle leur fait un de- voir de ménager leurs propres beftiaux ,
(t) La houche au bœuf, 6v. On a cherche encore dans ces deux loix des leçons de Re- ligion & de Morale. Sans rejeteer ces explica- tions , nous croyons c]u'on peut , comme nos Auteurs, les entendre économiquement. Edtt.
-
DE QUELQUES JuiFS. I$ç
elle veut qu'ils s'intéreffent à la confer- vation de ceux de leurs frères , fuffent- ils leurs ennemis. Elle ordonne , s'ils font tombés dans une foiïè , qu'on les retire j s'ils fuccombent fous la charge , qu'on les relevé ; ii on les trouve égarés , qu'on les ramené. » Si eu vois , dit-elle , le bœuf de ton frère tombé dans une fofîè , ou fon âne plier fous la charge , quand même ton frère feroit ton ennemi , tu ne pafTeras pas outre , en les regardant d'un œil indifférent ; mais tu relèveras fon bœuf , & tu foulage ras fon âne. Et fi tu trouves quelques-uns de fes bef- tiaux égarés , tu les conduitas chez toi , 3c tu les y nourriras jufqu'à ce que tu puifTes les rendre à leur maître , & il te paiera ta dépenfe «. ( Deuc. XXII. 4. Exod.XXIlL 5.)
C'eft ainfi, Monfieur , que par la con- fervation &. la multiplication des beftiaux , par la fertilité des moifions &"des récoltes, Se par la nécelîité des approvifionnemens domeftiques , le fage Législateur des Hé- breux fut appeller & entretenir parmi eux l'abondance & la population. Tels furent les biens qu'il fit à fa République par fes loix fur l'agriculture.
Si chez d'autres peuples , plutôt pofis que policés , les Gouvernemens avoient
140 Lettres
imité fon exemple ; s'ils avoient encou- ragé , comme lui , les plantations par des exemptions , l'agriculture par la diftri- bution fage des terres , &c la fiabilité des polfellions-, la multiplication des befliaux par d'utiles réglemens , on ne verroit pas tant de terreins fans rapport dans la plu- part de Jeurs Provinces.
Mais , tant que les privilèges feront pour l'oifeux citadin , & les milices , les corvées , les impôts , les vexations de toute efpece pour l'Agriculteur laborieux ; tant que les diflinctions & les honneurs tomberont fur les arts frivoles, Se le mé- pris fur le plus nécefTaire ; que l'état du Cultivateur fera une condition avilie , 5c fon nom une injure ; tant que de varies fermages (1) tk des domaines fans bornes
(1) De vafies fermages. Un riche Particulier, Fermier lai-même d'une très-grande ferme , & environné de grands Fermiers comme lui , nous faifoit dernièrement l'aveu , d'après ce qu'il voit tous les jours , ainfi cjue les Confrères , que ces grande* fermes, qui les enrichillent , font un vrai defoidre politique , également defrrucrifde l'agriculture & de la population; que deja dans leur canton le peuple a diminué , que la main-d'œuvre manque , Sec. Ces obfer- vations de gens de campagne valent bien peut- être les fyfrêmes que font dans Paris , fur l'agi i- cukure , des hommes de cabinet.
DE QUELQUES JuiFS* I4Y
mettront & les terres & les fubfiltances entre les mains d'un petit nombre de Ciroyens , quelle agriculture ou quelle population doit-on attendre ?
Heureufe votre patrie , Monfienr, fous un jeune Roi jufte & ferme ! Que n'a- t-elle pas lieu de fe promettre d'un Monarque qui , à la rieur de l'âge , dé- daigne le fafte &c tourne (es vues vers l'utile? Le premier des arts attirera, fans doute, {qs regards bienfaifans ; & , par les foins d'une adminiftration éclairée , la France verra l'agriculture refleurir , l'a- bondance renaître , &. un peuple content fe multiplier.
Nous fommes avec refpeâ: , dcc.
Divifer les fermes , multiplier les atteliers rufliques , c'eft le feul moyen de peupler les campagnes & racine les villes. C'étoit le prin- cipe de Moyfe : il eft d'une vérité politique in- conteftable. On aura bean s'agiter , calculer , fyfrémacifer , il faudra toujours en revenir là. fjfcrvr.
%*A
-
*4i Lettre
LETTRE VII.
Lois: civiles : fuite. Autres biens que h Lggifldteur affure a fon peuple. Loix contre le vol , la fraude , les dégâts , &c.
Vy utrî la vie , la fanté ôc l'abon- dance , il eft encore d'autres biens , dont un Législateur fage doit , autant qu'il fe peut , a.ïurer Li polTeiïion à fon peuple. Il faut , pour cela , qu'il réprime le yoI , la fraude, en un mot , tous les délits, qui en troublent injuttement la jouiiïance. Par- courons , Moniteur , les réglemens , que fît, fur ces objets , le Légifl.iteur Hébreu 'y nous y retrouverons toujours la même équité ck la même fagelTe.
Du vol d'homme j ou plagiat.
Le premier de ces biens eft la liberté. Nous avons vu , qu'une milice nombreufe &c de fages contre-poids dans l'autorité , défendoientaflezla liberté publique contre lesinvafions étrangères & la tyrannie do-
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meftique. Il ne reftoit plus que d'allure r la liberté des Particuliers contre un dan- ger heureufement inconnu maintenant chez la plupart des peuples de l'Europe. L'efclavage , établi alors dans prefque tous les Etats , donnoit lieu à un com- merce , où l'homme , devenu marchan- dife , fe négocioit comme les bêtes de charge. ; &: fouvent d'audacieux ravif- feurs , fous prétexte de vendre des en- claves , vendoient des hommes libres , qu'ils avoient dérobés. Ce crime , que les Romains nommèrent plagiat 3 fut regardé , avec raifon , par tous les an- ciens peuples , comme un des plus pu- nifïables attentats contre la fociété. En effet , c'étoit enlever tout-à-la-fois à la patrie un Citoyen , & à ce Citoyen le bien le plus précieux : double délit digne d'un châtiment févere.
Moyfe le punit de mort fans diftinc- tion. Si quelqu'un j dit-il, vole un homme d'entre fes frères , les en/ans d'Ifraèï j [oit qu'il l'ait vendu , foit qu'on le trouve encore che% lui j le voleur mourra de mort ; & tu ôteras , ajoute-t-il , le mal d'au milieu de toi {i) : expreflîon qu'il
(1) D'au milieu de toi. Voy. Exod. XXI. 17. Deut. XXIV. 7. Aut.
144 Lettres
n'emploie qu'en parlant des plus grands
criminels.
Les plus fages Légiflateurs , qui fui- virenc Moyfe , uferent de la même fé- vérité. Les loix d'Athènes condamnèrent, comme les nôtres , le plagiaire ou voleur d'homme à la mort ( i ) j 6c celles de Rcme prononçoient la même peine contre quiconque auroit acheté ou vendu , donné ou reçu en don , comme efclave , une perfonne qu'il auroit fu libre (2).
§• IL
Vol des fonds j ou déplacement des bornes.
Une loi fondamentale afïuroit aux Hébreux la polfeflïon de leurs fonds. Mais li la violence ne pouvoir leur en ravir la totalisé , la fraude auroit pu leur en dé- rober quelque partie , en déplaçant les bornes. Plus le partage 6c l'inaliénabilitc des terres les rendoit précieufes , plus il étoit neceifaire de prévenir ces uiurpa-
(1) A la mort. Voy. Xenopkon. Petiti leges Atticcz , &c. A ut.
(1) Qu'il auroit fu libre. Voy. Loi Fabia. Digcfi. lib. XLVlïl. Tit. XV. Auc.
rions.
©E QUELQUES JUIFS. I^f
tîons. Le LégiûVteur les défend exprefTé- ment. Tu ne reculeras point * dit-il , fur le champ voïjln , les bornes plantées par les anciens dans l'héritage que tu poffé- deras au pays ., que l'Eternel ton Dieu te donnera. ( Deut. XIX. 1 4. )
Une fimple défenfe ne lui fuffit pas. Pour réprimer plus efficacement l'injufte avidité , il veut que l'exécration publique foit le partage de quiconque oferoit les déplacer ; & parmi les malédictions fo- lemnelles , qui fe prononcent devant toute la Nation contre les crimes les plus odieux , il y en aura une contre celui-ci. Maudit foie celui qui remue les bornes du champ voifin ; & tout le peuple répondra > amen. ( Deut. XXVII.
Long-temps après Moyfe , le fécond Roi de Rome , Prince pacifique & Lé- gislateur religieux , mit , comme lui , au rang des plus grands crimes celui de dé- placer les bornes. Il ht plus encore : par {on ordre , les bornes furent confacrées : il crut cette confécration capable d'ar- rêter , par les terreurs de la Religion , ceux que la crainte des loix humaines n'auroit pas retenus.
Ainfi les anciens Législateurs tiroient parti même de leurs fauiTes Religions , Tome III, G
146 Lettres
pour le bien des peuples. Aujourd'hui , pour le bien des peuples , de prétendus Sages voudroient abolir la véritable , 3c n'en laiifer fubfifter aucune !
§. III.
Du vol d'effets mobiliers. Du vol noc- turne. Peines de ce vol & des autres.
Dans prefque toutes les fociétés nou- vellement tonnées , Toit defir de confer- ver ce qu'on avoit acquis avec peine, foit néceiîité de contenir des hommes féroces , accoutumés au brigandage , les loix contre le vol furent d'une rigueur extrême. Voyez les Germains , les Scythes , les premiers Romains , é\:c. tous ces peuples commencèrent par condamner le voleur à perdre la vie , ou à d'autres peines corporelles. Le Légifiateur d'A- thènes lui-même , Dracon , n 'avoit fait aucune diftinclion : par fa loi, tout vol , petit ou grand , étoit puni de mort (1).
Mais quand de fages polices eurent donné aux hommes des mœurs plus douces ; lorïque , plus inflruits, ils furent
(1) Puni de mort, ^xtrtç ci «My) >1if t» , x-v vu vrutx?:> v , £wa.rv<&m<ru>. Aut.
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mieux apprécier la vie des Ciroyens , & proportionner les peines aux délits j lors , fur-tout , qu'ils commencèrent à mieux fentir la différence du jufte 8c de lin- jufte , on eut moins befoin de févérité contre un crime , que la honte qui l'ac- compagnoit rendoit alfez odieux. Solor» mitieea les ordonnances de Dracon , & les Romains celles de leurs Rois.
Plufieurs iîecles avant ces loix & leurs réformes , Moyfe avoit fu tempérer fa- gement la févérité par la douceur. Il ne fit point du vol un jeu , un exercice , un tour d'adrefïè , comme à Lacédémone : il n'établit point de chef des voleurs s protégé par la Police , pour retrouver les effets dérobés , en cédant une partie de leur valeur , comme en Egypte. Mais il ne porte pas non plu? la rigueur à l'excès , comme tant d'autres Lëgiflateurs. Il dif- tingue entre le vol nocturne & les autres vols.
Le voleur le plus puniffable eft fans doute celui , qui , profitant des ténèbres de la nuit , & du lommeil de fes Con- citoyens endormis fous la fauve-garde des loix , viole cet afyle, perce leurs murs , force leurs portes , &c, Ce voleur , Moyfe l'abandonne à la mort. Lorfouun hemme ferafurprls > dit-il , volant la nuit avec
Gij
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effraction , fi on le frappe & qu'il en meure , celui qui l'aura tué ne fera point coupable de meurtre. ( Exod. XXII. i.) D'un côté , l'audace de l'agreffeur , fa violence, Ôc la réfolution de tuer qui ac- compagne prefque toujours le vol noc- turne ; de l'autre , la néceflité de fe dé- fendre , & l'impoflibilité , dans les té- nèbres , de difcerner où l'on frappe , exi- geoient cette difpofîtion.
Toutefois la vie des hommes étant , aux yeux du Légiflateur Juif, d'un prix fupérieur à quelque effet que ce puifle être , il ne prétend pas l'abandonner à la difcrétion de qui que ce foit , hors le cas de néceflité. Mais fi le foleil ejl levé , ajoute-t-il , celui qui aura tué fera coupable de meurtre. ( Ibid. ) En effet , celui-ci pouvoit alors fe défendre autrement qu'en tuant \ il pouvoit appeller du fecours , prendre des témoins , citer le voleur en Juftice &z l'y faire condamner. Aufli cette difpofîtion fe retrouve t-elle dans plulieurs autres légiflations , &z fpécialement dans les loix de Solon ( i ) Se dans celles des douze Tables (1).
(i) De Solon , &c. H M 'J* »<» en t xa»«Îo; t tv):» tiufKt *i!**\tiixt , &c. Au:.
Ci) Des dovre Tables. Si nox furtum faxit t 6' in ûliqmU oeelfit , jure ctfus efio. Aut.
DE QUELQUES J U I F S. I49
Quant aux autres vols , Moyfe fe con- tente de les punir par la reftitution du double. Le voleur } dit -il , rendra le double (1) , & s'il n'a pas de quoi rendre , on le vendra comme efclave _, & du prix de la vente on fatisfcra celui qu'il aura volé. (Exod. XXII. z, &c.)
§. IV.
Faux poids & fauffes mefures.
C'eft une efpece de vol de tromper dans les poids & les mefures. Moyfe le défend , comme un crime abominable aux yeux de l'Eternel. Tu ne feras point d'injujllce , dit-il , ni en poids t ni en mefures : tu auras des balances jujles , un epha ( mefure des folides ) jufle , & un hin ( mefure des liquides ) jujle.
Pour être juftes , ces mefures dévoient être conformes aux étalons confervés dans le Tabernacle , & il étoit exprelfé- ment défendu d'en avoir d'autres. Tu n'auras pas , dit-il, deux poids (2) 3 l'un
(1) Le double , kc. Solon n'avoir ordonné non plus que cette peine , & quelques jours de prifon , contre Je vol fimple. ( Voy. Demofth. contre Timocrate. ) Edit.
(i) Deux poids. Ou accufe les Chinois à'en G iij
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plus léger , l'autre plus pefant ; ni deux mefures , l'une plus grande , l'autre plus petite. Quiconque ufe de ces fraudes cft en abomination à Jehovah. ( Lévit. XIX. 35.Deuc. XXV. 13.)
La honte & la reftitution au double étoient la peine du trompeur furpris , &c la vengeance du Ciel dénoncée au cou- pable , donc la fraude échappoit à l'œil des hommes. Le Légilîateur crut ces difpolitions fumTantes pour contenir fon peuple , de fa confiance , nous l'ofons dire , fait l'éloge de ce peuple (1). Qn en
avoir ordinairement tro's , l'un plus léger pour vendre, L'autre plus pefant pour acheter , & le troifième jufte pour montrer dans le befoin. Eait.
(1) De ce peuple. On a reproché plus d'une fois aux Juifs modernes de n'être pas fore fcrupuleux fur cet article, & autres femblabfes, envers les peuples qu'ils nomment Infidèles. Si quelques ins ont mérité ces reproches , c'eft bien aubrément contre l^s dédiions 6c les con- feils de leurs plus célèbres Docteurs. » Vendre 9S ou acheté! , dit l'un d'emr'eux, à un Ifruéiire » ou à in Infidèle à faux poids & à faillis « mefure , c'elt tranfurelTer cette loi ; & l'on * eft ob'i«;é de rrltituer. Il elt auflî contre la « loi de faiffcr un Infidèle fe tromper dans fes » comptes : il faut compter jufte avec lui , » nu- me quand il vous feroit aflujetti , à plus »■> forte raifon C\ vous êtes dans fa dépendance* *f. Yoy. Maimonide, Traité du vol. Çhreu
DE QUELQUES JuiFS. I5I
connaît d'autres,où Iç Boulanger,qui vend à faux poids, eft jette tout vivant dans fon four allumé , & le Marchand, qui vend à fauffe mefure , empalé fur le champ. Malheur au pays , où des cha- ririièns Ci rigoureux font néce flaires î les mœurs y manquent , ou le defpotifme y règne.
§. v.
Depot volé.
Nier qu'on ait reçu , ùc refufer de rendre un dépôt confié , eft encore un vol (1). Mais il pouvoit arriver que le Dépofitaire lui-même eût été volé , ôc qu'on lui eût pris l'argent ou l'effet , qui lui avoir été confié.
Dans le cas où le Dépofitaire al- légueroir cette raifon ou ce prétexte , pour s'exempter de rendre , Moyfe veut que , fi le voleur ne fe trouve pas , le Dépofitaire [oit cité en Jujlïce , & obligé d'y faire ferment , qu'il n a point mis fa. main furie bien d 'autrui. ( Exod. XXII. 7.)
(1) Encore un vol. Les loix Romaines con- darwnoient le, Dépofitaire , convaincu de dol , à reftituer le (k'pôc , & le dédaroienc infâme. Aut.
G iv
r$i Lettres
Le ferment , au défaut de preuves ; terminent la conteftation. Dès-lors le Dé- positaire étoit pleinement déchargé , 6c la partie adverfe ne pouvoii plus lui rien redemander. Ne retirant aucun profit du dépôt qu'il avoit en garde , il n'eût point été j ufte de le rendre refponfable de fa perte , quand il n'y avoit contribué en rien.
Le Droit Romain étoit, fur ce point , d'accord avec le nôtre. Dans cette occa- fion , &: dans cent antres femblables , la religion du ferment parut être , comme elle l'eft en effet , la feule refTource , le feul frein contre l'injuftice : & ce freia étoit puilfant , dans ces temps , où le ref- pett cv la crainte de la Divinité regnoient dans les cœurs.
Mais qu'on y étouffe ces fentimens , qu'on arrache des efprits , avec vos té- méraires Sophiites , ces vraies cV: falu - taires penfées , le ferment n'eft plus rien ; & à fa place , quelle barrière oppofav.- t-on à la fraude ? C'ctoit une des preuves , qu'apportoit l'Orateur Romain , de l'u- tilité de la Religion , pour le maintien de la fociété. » Peut-on nier , dit-il (i), que
m ■
(i) Dit-il, &c. Sit igiturjam hoc à principio ftrfuafupi civibas , dominos ejfe omnium rerur:
DE QU ELQU ES J U I F S. 155
» ce dogme ( de l'exiftence d'un Dieu » fcrutateur des cœurs ) ne foie d'une » grande utilité , lorfqu'on voit en com- » bien d'occafions le ferment eft le fceau » de nos paroles , pour combien la Re- » ligion entre dans la foi de nos alliances, » combien de crimes la crainte d'une » punition divine a prévenus , &c combien » eft fainte une fociété d'hommes per- » fuadés qu'ils ont au milieu d'eux , Se » pour juges Se pour témoins , les Dieux; :j immortels ? . . . Sans Religion , dit-il a encore , quel dérangement , quel trouble s» parmi nous ? Je doute Ci d'éteindre la a? piété envers les Dieux , ce ne feroit pas
«c modérât ores Deos. . . & qualifquifque fit y
quid agat , quid in fe admittat } intueri
Utiles ejfe autem opiniones has , quis neget , ciim intelligat , quàm mu/tu firmentur jureju* rando , quant a falutis fint faderum rel'igiones ; quàrn multos divini fupplicii metus h fee/erg revocarit ; quamque fancta fa focietas civium inter ipfos , Diis immortalisas interpofxtïs , tiint judicibus , tum teftibus ? ( De Legibus. II. 7. >
Cum pietate fimul & fanctitatem & religionem
zolli neceffe eft ! quibus fublatis perturbât io vit a fequilur &' magna confufio. Atque haud fcio y anT pietate adversus Deos fubiatâ , fides etiam & focietas humani generis , & unà excellent! (frr.a.
virtus , jud'uia tolletur.. ( De natuia. Deouioj,
J, 1. ) Ans,
154 Lettres
r> anéantir lu bonne foi , la fociété ci- >■> vile , & la principale des vertus , qui » eft la juftice «. ( Voy. P en fées de Cic. trad. par M. l'Abbé d'Otivec. )
Que vos foi-difant Philofophes font pitié , Monfieur , quand on les compare aux Sages de l'antiquité !
§. VI.
Çhofes trouvées. Obligation de les rendre.
Une chofe égarée ou perdue , eft une forte de dépôt que la fociété confie à ceux qui la trouvent : il fuit la rendre à qui elle appartient. Si vous ave\ trouvé 3 6* que vous n'aye^ pas rendu , vous ave% volé. C'eft la maxime d'un des Pores de votre Eglife. Un Sage Payen avoit dit avant lui dans le même cas : ce que tu n'as pas mis , ne Côte pas.
Mais plufieurs iîecles avant l'un c\: l'autre , Moyfe avoit déjà raie une dé- fenCe exprelîe de s'approprier les chofes égarées ou perdues , qu'on auroit trou- vées. 11 veut qu'on les rende. Sa loi ne fe borne pas aux beftiaux () j il l'étcnd A tout autre erîet. Tu- feras ainji , dit-il ,
»■ - ■■ ■...,-- ■-- ■ ii ■ ■ ■■ —
( i )Aux beftiaux. Voy . Lettre précédente. Aut .
DE QUELQUE S Ju IFS. T 5 5
de fort vêtement j & tu feras a'inji de toute chofe , que ton frère aura perdue , & que tu auras trouvée. ( Deuc. XXII. 3. )
Mais , ajoute le Législateur , fi quel- qu'un prétend quun autre a trouvé quel- que chofe qui lui appartienne , & que celui-ci nie l'avoir trouvée , & refufe de lu rendre j ils parottront tous deux devant les Juges , & celui des deux qui fera con- damné , donnera à l'autre le double de la chofe ou de fa valeur. ( Exod. XXII. 9. )
En effet , l'un des deux méritoit d'être puni \ ou le Défendeur , pour avoir voulu garder ce qui ne lui appartenoit pas j ou le Demandeur , pour avoir inquiété de aceufé injuftement fon frère.
§. VIL
Torts faits au prochain dans fes biens de campagne : abigéat ou vol des bef- tiaux.
Les beftiaux & les récoltes faifoient la
principale partie des biens des Ifraéiites.
-Ce fut celle dont Moyfe paroît avoir eu
particulièrement à cœur de leur ailarer
la jouiilance.
On ne peut toujours garder les bef- tiaux fous la clef, & les tenir fans celle
Gvj
«5* Lettres
renfermés dans les érables. Il faut qu'ils aillent aux pâturages , & qu'ils puiifent y erre en fureté fous la protection de ia bonne foi publique. Plus ils font expofés , plus les loix doivent veiller à leur con- fervation ; le vol de ces animaux , eit on de ceux qu'on doit réprimer avec plus de foin chez un peuple agricole. Movfe le fit avec une modération & une fageile , qui purent fervir de modèle au Légiila- leur d'Athènes.
Il diftingue deux cas. Si les beftiaux font trouvés chez le voleur , la loi ie condamne à rendre deux pour un. >j De- a> puis le bœuf, dit-elle , jufqu'à làne , » Se jufqu'à la pièce de menu bétail , » le voleur rendra le double. Mais , » ajoute-t-elle , s'il les a tués ou vendus , » il rendra quatre pour un «. Et parce que le bœuf eft de tous les animaux le plus utile à l'agriculture , & que le dé- rober a fon maître, c'eft interrompre fes charrois &c fes labours , elle veut , que j> fi quelqu'un dérobe un animal (\ né- » cellaire , Se qu'il le tue ou qu'il le » vende , il foit tenu d'en rendre cinq i3 pour un «. ( Exod. XXII. i , &c. )
Cette augmentation de peine , dans te cas où les belriauxauroientété tués ou ven- «luSjétoit fage. Le voleur , montrant pat-U
DE QUELQUES J U I F S. I57
plus d'audace , plus d'habitude dans le crime, ôc une volonté plus déterminée de ne jamais rendre , il méritoit une punition plus févere.
Ce fut fans doute par ces considérations, qu'après Moyfe, Selon ordonna de même que le voleur rendroit le double , lorsque l'effet volé feroit trouvé chez lui en na- ture, <Sc au décuple s'il étoit dénaturé (i)„
Au contraire , par une bifarrerie fin- guliere , les loix des douze Tables con- damnoient au quadruple le voleur chez lequel l'effet volé étoit trouvé en nature, ôc au double feulement, quand l'effet ne fe trouvoit pas chez lui : difpofition qui révoltoit le célèbre Auteur de i'Efprit des Loix. Il croyoit y reconnoître vifible- ment l'empreinte de la législation de Lacédémone, qui puni (Toit moins le voi que la mai-adreffe.
D'autres- légifiations furent plus fé- veres : elles punilfoient ce délit par la mort , ou par l'amputation de quelque membre. Il nous femble , qu'en com- parant ces loix avec les vôtres , on jugera aifément lefquelles avoient été faites par
(1) Dénaturé. Voy. DemofUi. contre Tirr.o- crate. E«» ftn aito x&~.y , ts,i oixxctr.at khIau
158 Lettres
des Légiflateurs barbares pour des peuples brigands.
§. VIII.
Des dommages caufés aux befliaux d' autrui y àfes bêtes de charge, &c. par ceux à qui ils font confiés. Réparation ordonnée.
De droit naturel , tous ceux qui , à titre de confiance , ont entre les mains les beftiaux d'autrui , les bètes de charge , &c. font particulièrement tenus de veiller avec foin à leur confervation. Le Légifla- teur Hébreu les oblige à reparer tous les dommages, qu'ils auroient pu occafionner, foit par méchanceté , foit par négligence.
># Si quelqu'un , dit-il , donne à garder »> fon bœuf , ou quelque autre grolle ou »» menue bête, & qu'elle fe blelfe , qu'elle 3» fe calle quelque membre , 6c qu'elle » meure , le gardien la reftituera , ou il ?■> fera ferment devant l'Etemel , qu'il n'y » a eu , de fa part , ni négligence , ni » connivence; «Se fur ce ferment, il fera « difpenfé de la rendre, Si elle a été dér » chirée par quelque bete fauvage , il « fera tenu d'en apporter la preuve «. ( Exod. XXI F. 11. ) C'eft-à-.iire , de produire quelque tcmoi.ii de l'accident y
t>e QUitQUE.î Juifs. 159
ou quelque par rie de la bète déchirée. Mais lî elle avoir éré dévorée , faure de précaution , ou d'une réiiftance conve- nable , faure d'avoir appelle au fecours , il étoit tenu de reftituer.
Que fi l' animal avoit été loué 3 & qu'il lui arrivât quelque accident , fans qu'il y eût de la faute de celui qui V avoit pris a. louage , celui-ci n'étoit tenu qu'au louage feul. Le loueur tirant un gain de la bête , il convenoit qu'il fut feul refponfable des malheurs , auxquels celui qui la tenoit à louage n'avoit aucune part.
Mais fi l'animal avoit été prêté ', l'em- prunteur devoit en refituer la valeur ; a moins que le maître n'eût été préfent. Le propriétaire alors étoit cenfé avoir fait & fait faire tour ce qu'il convenoit pour prévenir ou empêcher Faccidenr.
Dans l'abfence du maître , au con- traire , il eft jufte » que l'emprunteur » fouffre tout le dommage , foit parce » qu'il tire tout l'avantage du prêt , foit » parce qu'il eft à préfumer qu'il n'a pas »j apporté autant de foin à conferver ce » qui lui a été confié , qu'en auroit eu le >■> propriétaire (1) «.
(1) Le propriétaire. Voy, Chais, uiut,
i6<* Lettjlis
§ IX.
Dommages caufés par a" 'autres per -formes. Obligation de Us réparer.
Dans la législation Mofaïque , comme dans le droit naturel , l'obligation de ré- parer les dommages s'étend à tous ceux cjui les ont caufés.
Si quelqu'un , dit la loi , foit malice , foit emportement ou imprudence , frappe une bête, & quelle en meure , il la rendra vie pour vie , c'eft-à-dire , il en rendra une pareille. ( Lévit. XXIV. iS. 21. )
Pour accoutumer fon peuple à l'hu- manité Se à la bienfaifance , le Légiflateur avoit permis , qu'en paifant près d'un champ ou d'une vigne, on pût y arracher quelques épis , ou cueillir quelques rai- îins, pour fe rafraîchir. Mais il défend expreïrément d'y faire aucun dommage. 3> Tu en mangeras tant qu'il te plaira , » dit-il , mais tu n'en emporteras point » avec toi , cv tu ne mectras pas la fau- ?j cille dans la moillon d'autrui «. ( Dcuc. XXI II. 15.)
A-t-on caufé du dé^àt dans un champ ou dans une vigne , en y lâchant fort bétail ? il vgut que l'auteuï du delic rtndt
©E QUELQUES J U I F S. léï
du meilleur de fon champ & du meilleur de fa vigne. ( Exod. XXII. 5. )
Que » ii quelqu'un met le feu à des » chaumes , à quelque buiflon , ou autre » matière combuftible , 3c que le feu « vienne à gagner des gerbes entaifées » dans l'aire à la campagne , ou des moif- » fons encore fur pied , celui qui aura » occafionné ce malheur fera tenu de »? réparer le dommage «. ( lbid. )
Et fi , par négligence , on eft caufe , que les beftiaux d'autrui meurent , ou qu'ils fe bleifent , il veut que le Pro- priétaire foit dédommagé. » Si quel- 51 qu'un , dit-il , a creufé une fofTe 3c la » laifle découverte, de qu'un bœuf tombe « dedans, il paiera la valeur, &: le bœur » mort fera à lui «. ( Exod. XXI. 33.) » Et ii le bœuf de quelqu'un bleiïe un » autre bœuf , 3e que ce dernier en » meure , les deux Propriétaires vendront » le bœuf mort «Se le bœuf vivant , 6c ils 5> en partageront la valeur. Mais s'il eft 3> notoire que le bœuf étoit accoutumé » à frapper de la corne , Se que le maître » ne l'ait point gardé , il reftituera bœuf >j pour bœuf, de le bœuf mort lui appar- » tiendra « ( lbid. 33. 35.)
Par ces différais exemples , le Légif- lateur vouloir apprendre au peuple Se aux
i6i Lettres
Magiftrats , que tour dommage dévoie être réparé , & de quelle manière il de- voit 1 erre. Après avoir aifuré aux Hé- breux leurs propriétés perfonnelles &C foncières , par les loix précédentes , il leur afiuroit , par celles-ci , leurs propriétés mobilières, & fur-tout celles de la cam- pagne , leurs beftiaux , leurs moilîons , leurs récokes , &:c.
Puifées dans la fource la plus pure de l'équité naturelle , ces difpolirions ne
Ï louvoient manquer d être communes à a plupart des peuples policés. Aufli les retrouve ton prefque toutes dans les lé- giilations de l'Egypte , de Rome, d'A- thènes , Sec. Vous les y jugez admirables , Monfieur. Par quelle fatalité , li raifonna- bles , iî jiiites , fi belles dans ces législa- tions , feroient-elles barbares Se abfurdcs dans la notre ?
§. X.
Des fraudes & injuflices cachées : motif prejfant de les évicer. Efférjncc & moyen d'en obtenir le pardon.
Mais , c'eft peu de contenir la main par la crainte des peines : il efl: des injuf- tices qui fc* dérobent A ta vigilance des Magiitrats , & qui ne biffent fur elles
DE QUELQUES J U I F S. l6$
aucune prife à la févérité des loix. Pour les réprimer furemenc , ces injuftices , ( ce font fouvent les plus grandes ) il faut defcendre au fond des cœurs , y ré'/eiller les fentimens d'équité naturelle que l'Au- teur de la Nature y a mis , Ôc y étouffer , dès la nailfance , tout deiir injufte , par
J la crainte de ce Dieu vengeur , à l'œil duquel rien n'échappe. Voyez avec quelle
| force Moyfe emploie ce puiffant reifort , ce grand tk unique moyen de fuppléer à l'impuiffance des loix. Ce n'eft plus lui , Législateur mortel , qui va parler j c'eft le Dieu qu'Ifraê'l adore : c'eft ce grand Dieu qui dit à fon peuple , non- feulement tu ne voleras pas , mais tu ne dcfireras rien de ce qui appartient à au- trui. C'eft lui qui leur répète en tant d'endroits '.foye^ jujles ; nufe\ point de menfonge pour tromper vos frères j ne les opprime-^ point par V artifice & par la, fraude j je fuis l* Eternel votre Dieu. Quelle confîdération plus capable d'ar- rêter l'injuftice avant qu'elle fe commette , ou de faire naître le remords après qu'elle a été commife !
Que li cette voix du remords fe fait entendre au cœur de l'homme injufte ; fi ce cri de la confcience le trouble \ s'il s'alarme & fe repent , le Légiflateur lui
1^4 LlTTRIS
offre l'efpérance du pardon ; & la facilité de l'obtenir , fera un attrait à le mériter. « Si quelqu'un , dit-il, ayant reçu de l'ar- » gent , ou quelque autre chofe en dépôt , » l'a nié avec "fer ment; s'il a ravi fecrette- » ment quelque chofe à fon prochain \ » s'il lui a fait quelque tort ; s'il a trouvé j> quelque chofe que fon frère avoit per- « due, & qu'il ait menti & juré fauifement » à ce fujet j h , dis-je , il arrive que » quelqu'un ait ainli péché contre fon » prochain &c contre l'Eternel , & qu'il » le reconnoiiïe coupable dans fa conf- » cience : pour obtenir le pardon de fort j> crime , il reftituera le principal , Se un j-5 cinquième par-deftlis j il ne diftérera »> point la reftitution , mais il la fera le j> jour même qu'il fe fera confefTé cou- » pable. Si l'homme à qui il a fait injuf- » tice , Se fes héritiers , font morts , il y> reftituera à Jehovah &: à fon Prêtre \ n 5c pour l'expiation de fon péché , il » offrira un bélier , cV fon péché lui fera » pardonné «. ( Leva. VI. i , i , êvc. Nomb. V. 5 , 6 , &c. ) Loi pleine de douceur Se de fagelfe , qui , en ouvrant A l'injufte repentant la porte à la récon- ciliation , laiiloit au Citoyen léfé quelque efpérnnce de reftitution , lors même que le RavilTcurnavoit pu être convaincu.
BE QUELQUES JuiFS. I 6"f
Non , Monfieur , ce ne fera jamais qu'en liant ainii les confidences à l'é- quité, par la Religion , que dans cette occafion , &c en mille autres femblables , on pourra maintenir la fureté &c le bon ordre public. Les Sages de l'antiquité l'ont fenti ; 6c vos Sophiftes modernes montrent bien leur peu de fens , lorfque , «'érigeant en Législateurs , ils fe rédui- fent , par les principes qu'ils pofent , à ne pouvoir donner , &c ne donnent en effet d'autre foutien aux loix , que les roues & les potences. Comment ne voient- ils pas , qu'avec ces beaux principes , ils livrent la fociété en proie à tout ce qu'il y a d'hommes injuftes , adroits &c puif- i fans ; ôc que ces heureux coupables , dé- ; formais fans crainte & fans remords , ' bravant avec audace d'impuilTantes loix , I accumuleront tranquillement injuftices i fur injuftices , &c jouiront en paix du | fruit de leurs rapines ? Sages ôc utiles fvftèmes (i) , où l'homme de bien a tout
(r) Sages fi utiles fyfiêmes. On peut mettre à la tète de ces dangereux fyftémes , le Syftéme de la Nature , G folidement & fi agréablement réfute par M. Holland. On vient de donner de ce dcteftable ouvrage un précis 3 dégagé de tout le feientifique \ apparemment pour le mettre à la portée des antichambres.
166 Lettres
à craindre , & le fcélérat feul eft à l'aife ï Quel égarement de raifon î
Nous vous en faifons juge vous-même, Monfieur. Où la vie & les biens des Ci- toyens font-ils plus en fureté ? dans une légiflation, qui n'a d'appui que les gibets, ou dans celle qui , à la crainte des Tri- bunaux <3c des peines portées par les loix , joint encore le fentiment intérieur de l'équité , le cri du remords , & la vue d'un Dieu , à qui rien n'eft caché , qui commande & qui menace , en un mot , toutes les terreurs 6c les efpcrances de la Religion (î) ?
Nous fommes, £cc.
Fort bien , Me/Heurs , continuez ; vous fervez aJmirnbemert la fociété. Quand une fois toutes . les claiîes des Citoyens fetonc initiées à vos myfteres , quelle honnêteté , quelle bonne foi , quelle fureté il y aura par-tout 1 Edit.
(r) De la Religion. Les Lecteurs de M. de Yo'raire peuvent i'e rappeller qu'il a répondu , en plus d'un endroit , à nos queftions , & qu'il penfe comrre nous , que fans Religion , point de fociété. LTne fociéré bien réglée fans Re- ligion , eft un phénomène q'ie le monde n'a point encore vu , & que nos ptétendus Piii- îofophes ne lui feront certainement pas voir. Aut.
DE QUELQUES JuiFS. \6j MXTTrjiinwniiM mi p—— ————■-"'•'--■*"
LETTRE VIII.
Loix civiles : fuite. Loix tendantes à. procurer au peuple Hébreu une popu- lation nombreufe. Des marigaes , & des de/ordres , qui nuifent à leur fé- condité.
i_j a population eft la pierre de touche de la fagefle législative. Où elle aug- mente , le peuple eft heureux , &z l'ad- miniftration éclairée : où elle diminue , le Gouvernement eft mauvais , 3c la lé- gislation vicieufe.
Elle eft en même-temps pour les Etats, . la fource la plus certaine de la force Se de la puiflance. Qu'eit-ce qu'un Souverain, qui ne règne que fur des forêts ôc des défères? Un vafte Empire inhabité, vaut . moins qu'un pavs d'une médiocre éten- due , couvert d'un peuple nombreux.
Auiîi c'etoit le principal objet dont s'o:cupoient les anciens Légillateurs : ce fut fur- tout celui de Moyfe. Nous Talions voir , par une profonde & bienfaifante politique , lever les oblacles qui arrêtent la population chez la plupart des peuples,
i6t Lettres
Se l'accélérer par de fages loix fur les mariages.
§.i.
Objîades à la population. Moyfe les avolt Levés. Mifere & luxe , premiers obf- tacles. Meurtres , maladies , enfans expo/es j ou facrijiés , autres objîades.
La mifere 6v le luxe , fi oppofés dans leur nature , produifent l'une &: l'autre, fur la population , les plus funeftes effets. Le malheureux , que l'indigence accable , n'ofe mettre au monde des malheureux comme lui : <3c quand il céderoit au pen- chant de la Nature , fouvent plus puitfaat que toutes fes craintes , quelle population attendre d'hommes épuifés par les tra- vaux , Se exténués par la difette ? S'il leur naît des enfans , roubles cV malheureufes créatures , ils expirent , pour la plupart , faute de foins , de remèdes , <k même d'alimens, que ne peuvent leur fournir des parens qui en manquent eux-mêmes. De-l.î , que de Citoyens , que de ralens , ou du moins , que de bras qui auroient défriché les terres , ou cultivé les arts , perdus pour la Patrie ?
Le luxe efl encore, Ci nous l'ofons dire, plus dépopulateur. Dès qu'une fois , dans
un
de quelques Juifs. \<j<)
nu Etat la confidération s'attache , non plus au mérite & à la vertu , mais aux habits , aux palais , aux chars dorés , à tout le vain étalage du faite ; les Citoyens fe livrent à l'envi à ces ruineufes dé- penfes. Dans la crainte de partager avec des enfans une opulence , toujours trop bornée aux yeux du luxe, onfe retranche dans un coupable célibat ; ou fi , par dé- cence d'état , plutôt que par goût , on entre dans le mariage , on y vit prefque en Célibataire. Le tempérament le fait-il fentir ? on court après des voluptés illi- cites peu coûteufes , & l'on fuit les plai- iirs légitimes qu'offre le lit conjugal. Le nombre des enfans alarme j c'eft un mal- heur qu'il faut prévenir , fut-ce par le crime. Un feul héritier femble plus que fiiiTifant. Mais fouvent ces enfans uniques,' trop tendrement chéris , périfTent pan l'excès même des ménagemens S< des foins ; ou corrompus par l'exemple &c énervés par la molletfe des parens , ils ne donnent à la Patrie qu'une race dégénérée; Ces deux premières caufes de la dé- population , le Législateur Hébreu les avoir prévenues. Le partage , qu'il rît des. terres , bannilïoit tout-à-la-fois de fa Ré- publique la mifere & le luxe, candis qua Tome III H
170 Lettres
l'agriculture encouragée répandoit par- tout l'abondance.
Par d'autres loix également faces , il avoît prévenu de même les maux , que caufent à la population les meurtres multipliés , les travaux accablans , un ré- gime infalubre , & les maladies endé- miques Combien de Citoyens encore ne conferva-t-il pas à la Patrie , en fuppri- mant le droit barbare laitîe aux pères , par tant de peuples , de tuer , d'expofer , de vendre à l'Etranger leurs enfans nou- veaux nés , ck le fanatique ufage établi dans ces contrées , de les immoler ou de les brûler en foule en l'honneur des Dieux ( 1 ) ?
( 1 ) Des Dieux. Ces horribles facnfices croient très - communs chez 1rs Cananéens , Moabires , Ammonites , &c. Moyfe les avoir défendus fous peine de more. » Quiconque , m dit-il , des enfans d'Ifracl , ou des Etrangers ;a> qui demeurent en Ifiaé'l , aura donné de fa a» lignée à Moloch , mourra de mort, Se le a» peuple l'aflommera de pierres «. Que ii le j> peuple, apure le Seigneur , ferme les yeux fur m ce crime,je mettrai ma face con-re le coupable, » c'eft-à-dire , je lui ferai éprouver ror.re ma « coltre, ninf; qu"à l'es adhétens , 8c je les re- 35 trancherai du milieu de mou peuple. ( Lixit.
XX. 1 . 2. 6'c. ) Aut.
DE QUELQUES JuiFS. J 7 I
§• H.
Autres objlacles : multiplication des Eu* nuques : Ejclavage ; Guerres, ùloyje y obvie.
Chezprefqne tous les peuples, fur-tout de l'Orient, une opération , feuvent mor- telle , ou du moins dangereufe , attaquoit tous les jours la population jufques dans fes fources. Ici par ranatifrnç , là pour ménager aux riches plus d'objets de plai- iirs, & furveiller à leurs ferrails , des mil- liers d'Habitans etoient retranchés du nombre des hommes , &z condamnés à une perpétuelle ftérilité. Le Législateur Hébreu ne défend point exprefiement cet étrange abus. Mais , fi par un fentiment de douceur , ou , comme nous l'avons dit , pour multiplier les efpeces , il ne permet pas cette opération fur les betes •> on peut bien conclure avec nos Maîtres , qu'il la condamnoit encore plus dans les hommes. L'état d'aviliffement , dans lequel il tient ceux qui l'auroient fubie , eft encore une preuve de ce qu'il en penfoit. Il ne les exclut pas feulement du Sacerdoce : L'Eu- nuque j dit il , n'entrera point. dans la Congrégation d'ïfraëL ( Deut. XXIII. 1.) Ceft-à-direjil ne fera point agrégé aivcorps
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de la nation , pour en partager , avec les autres Citoyens , les emplois, les dignités ■ek: les privilèges. 11 eft même une de fes loix , relative au fujet que nous traitons , dans laquelle il paroit porter la févérité jufqu'à une forte de rigueur. » 11 y or- » donne , que il quelques hommes fe « querellant , la femme de l'un d'entre » eux s'approche pour délivrer (on mari »> de la main de celui qui le bat , Se » qu'elle faifiiTe celui-ci par les parties » de la génération « ; pour la punir d'y 'avoir bielle ou couru rifque d'y Méfier un homme , le poing lui fera coupé , fans égard , ni au premier mouvement de U colère , ni à l'emprellement de fecourir un mari maltraité. » Tu lui couperas Ij. •>•> main 3 dit-il (î) , & ton œil i:c l'cpar- » gnera pas «. ( Deut. XXV. i. )
L'efclavage étoit encore , dans li plu- part de ces anciens Etats , une caufe de
(i) Dit-il. Pour un homme , c'eût été la peine du talion ; pour une femme, c'étoit l'amputation du membre qui avoit commis le délit. Nous ne doutons pas qu'il n'y ait eu dans ce cas , comme dins tous les cas du talion , une compensa- tion permife. On fait que les ancipns peupks , Hébrtux , Grecs, Latins , &c. n'avoient rv>s l^age des culottes , comme les Européens.
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la diminution des Citoyens. Tombés une fois dans cet abîme, ils n'en fortoient prefque jamais. Chez les Hébreux , les Gkoyetis réduits à la fervitude n'étoiciit pas perdus pour la Patrie. Une loi ù\\e défendoit de les vendre à l'Etranger j une autre a(Turoit leur vie &: leur perfonne ; enfin la feptieme année venoit brifer leurs fers, ik les rendre à la liberté (i). Ainù , hon-feulement tous les cinquante , mais tous les feptam,îa République recouvrait des membres , qui , ihftruits par l'infor- tune , pouvoient lui devenir plus utiles.
Mais , en vain les Citoyens font con- servés de multipliés pendant la paix , fi de fréquentes guerres les moilfonnent. Dans la législation Mofaïque ( nous l'avons déjà remarqué ) le fige équilibre de l'au- torité , ôc tes châtimens fé'veres décernés
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(i) La liberté. On a mis en <)ueftion , fi cette feptieme année étoit l'année Sabbatique , ou la 7e. année de l'efclavage. Nous n'entrerons point dans ces dif.-ufIions,nous obferverons feuTemejui- que l'année Sabbatique étoic l'année de rémiffion des dettes , & que cette année là , les efclaves', fortant de chez leurs maures avec quelque pièce de bétail pour les aider à v:vre , auroient trouvé une nouvelle reflource dans les fruits , que la tene produifoit d'elle même , & qui reftoient en commun. An.
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contre les Villes & les Tribus rebelles , écutoient les guerres civiles ; 6c les frontières fures dohficeS au pays , les dé- fcnies faites d'attaquer , fans raifon, les peuples voiiîns, 6V' fefprit de conquêtes , réprimé par tout le fyfteme de la Reli- gion , dévoient rendre les guerres étran- gères plus rares. L'Etat Hébreu , ii les vues du Légifiateut eulfent été fuivies , devoir donc être encore préfervé de ce double fléau de la population.
§• III.
Etrangers exclus de divers Etats : ac- cueillis dans V Etat Hébreu : moyen
• d' augmenter la population j & d'en réparer les pertes.
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Quelques mefures que puilfe prendre un Législateur , pour écarter tout ce qui nuit à. la population , elle fourrre quel- quefois des pertes qu'il faut favoir ré- parer. G'éft à quoi Movfe avoit excel- 'lemment pourvu par fes loix fur les Etrangers.
Pluheurs Législateurs les exclurent de leurs Républiques. L'antiquité vit des peuples malTacrer , fans pitié , réduire eu efetavage , ou chafler , fans délai , ceux
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DE QUELQUES JuiFS. I75'
qui abordoient far leurs côtes. L' Egypte elle-même fuivit quelque temps ces bar- bares maximes j (5: les Légiflateurs de la
Crece & de Sparte , loia de permettra aux Etrangers de s'établir dans leur pays, fouffroient avec peine qu'ils y hiient quel- que féjour (1). Aulîî Lacédémone fe trouva-t-elle quelquefois réduite à un û petit nombre de Citoyens , qu'il fallu: recourir aux expédiera pour y fuppléer (z). Le Législateur Juiir eut une politique plus écliirée. Toujours perfuadé , qu'un Etat n'en: puilTant qu'autant qu'il eft peu- plé , il ouvrit aux Etrangers l'entrée du pays. Il veut qu'ils y foient reçus , ac- cueillis , protégés. Pourvu qu'ils n'y faf- {2m aucun acte d'idolâtrie , il leur laiffe la liberté d'y vovager , de s'y fixer même ; êc fi la distribution des terres ne leur
(1) Que/que féjour. C'efb une remarque Je Jofephc 3 en parlant de Lycurgue ( conrre Ap- pion , lf v. 1 1 , n. 2.8. ) Platon fait le même reproche au Lég'flareur de Spare. Aut.
(1) Aux expédient pow y fuppléer. On en, prit un , entre autres , bien barbare. Les Ci- toyens manquart , on arma les Ilotes , en le? leurrant de l'efpérance de la liberté: & après la viifroire, les plus braves , au nombre de deux- mille , furent malfacrés fecrétemen:. Ce fur, la récompenfe de leur courage. Aut.
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permettent pas d'y polîéder des biens de campagne , ils pouvoient acquérir des habitations dans les Villes , y faire le commerce , de y cultiver les arts. C'ctoit déjà un nombre de Sujets acquis à l'Etat ; & les fervices que deux de nos Rois ti- rèrent de ces Etrangers , prouvent aifez qu'ils pouvoient être une relTource utile à la République.
Mais (i , en fe foumettant à la circon- ciiion , ils adoptoient nos dogmes &c nos pratiques, ils pouvoient même être in- corporés à la nation , <Sc jouir du titre ôc des privilèges de Citoyen. La loi y eft exprelfe. » L'Etranger , dit-elle , qui fe » fera circoncire avec tous fes enfans- » mâles , mangera la Pâque avec vous , » Se fera comme l'Ifraélite de naif- s> fance (2) ««.
Le pays étoit donc sûr d'avoir toujours un nombre fuffifant d'Habitans \ de fi les épidémies > ou les guerres enlevoient une
(1) De ces Etrangers. David en avoir dans •fes Troupes , & Salomon en employa un grand Dombre à la conftriidion du Temple. Aut.
(1) De naiffance. Ainfi Acliior , ayant cru à Dieu , & s* étant fait circoncire , fut joint au ftuple d'.lfra'il , & fa pofiêriti , jujqu'ù et j^ur. ( Judith. XIY. 6. ) Aut.
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partie dis Citoyens, les Etrangers, reçus clans l'Etat , pouvoient remédier à ces pertes. Nous trompons-nous , Moniteur , en regardant cette politique comme plus humaine & mieux entendue que celle des Minos & des Lycurgue ?
Auili, dans la fuite, ce fut celle d'À- thenes 3c de R.ome. Athènes ouvroit , comme nous , fes frontières &: (es murs aux Etrangers : ils pouvoient s'y établir , ik y obtenir le droit : de bourgeoise. Rome réparoit les pertes que lui cau- foient les combats & les. victoires , en recevant dans fon fein , de mettant au nombre de fes Citoyens , fes ennemis vaincus. Si elle fourint , pendant long- temps , une fanglante guerre contre les Latins , qui vouloient uftirper ce titre , elle eut , après la défaite , la fage géné- rofité de leur accorder ce qu'elle n'avoit pas voulu leur laiiTer prendre. Avec une telle politique , Rome ne devoir jamais manquer de Citoyens v- fi dans" un court ktervalle , le luxe & la débauche n'y jnt plus nui à la population , que nVoienr fait cinq cens ans de guerres & ck combats.
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§. IV.
Des mariages , faciles che^ Us Hébreux : encourages par les principes religieux du Légi/Iateur..
Après avoir ainfi lève les divers obs- tacles de la population , Se pris le plus sûr moyen d'en réparer les pertes ; que reftoit-il à" faire au Légillateur Hébreu , que de l'accélérer par les mariages ? Nous l'ofons dire , aucun Légillateur ne le rit avec plus de fucecs que Moyfe.
Pour y réuflir , il ne recourt , ni aux petites relîources du pret c\: de la com- munauté des femmes , tolérés , auronfls même dans quelques légillations (1) ; ni aux moyens que quelques Empereurs de Rome (1) empruntèrent de Minos & de Lycurgue , à des fîétrilhires & à des taxes attachées au célibat, à des exemp- tions , des prérogatives, des récompenfes
(1) Quelques légiflations. Le prêt des femmes étoit autorité par les loix de Sparte. Il ne fut point inconnu dans les aunes Républiques de U Grèce, On en vit meme des exemples à Rome. Eair.
(i) Empereurs de Rome , &c. Augufle , entre autres. Voyez la loi Juiïu. Edit.
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accordées aux pères de famille , qui avoient un grand nombre d'enfans. Moyens vantés (i), utiles peut-être après de longues guerres , mais foibles ref- fources contre les ravages du luxe Se de la dépravation des mœurs. Moyfe fut re- monter plus haut (1) , Se prévenir la né- celîîté de tels remèdes (3).
(1) Moyens vantés , &c. Voy. Horace, Ta- cite , Sec. Ces loix valurent plus d'éloges à l'Empereur , qu'elles ne rirent de bien à l'Em- pire : la population n'en continua pas moins d'aller toujours en diminuant. Aut.
(i) Remonter plus haut, La feule exemption de ce genre qu 'on trouve dans la Loi,c*eft celle que Moyfe accorde au nouveau marié. ■>* II » n'ira point à la guerre , dit il , Se on ne lui s> impofera aucune charge; rmis il reliera pen- sa dant un an dans fa maifon , Se fera en joie. » avec la femme qu'il aura prife «. ( Deut. XXIV. j. ) Le fiancé croit aufli renvoyé di combat , ■>■> de peur , dit la loi > qu'il ne meure n. en la bataille , & qu'un aivre n'époufe fa ». fiancée p. ( Deut. XX. 7. ) C'étoit réunir - l'humanité & la politique. S'il ert un temps cù la population loit être encouragée , c'eft quand La guerre l.i détruit. Eait.
( } ) De tels remèdes. Quand ces remeles femblent nécelfaires, il eft déjà trop tard de les employer : les mœurs font perdues, & la popu- lation défefpéiée. Il n'y a plus que des réso- lutions Se de grandes calamités , qui puilfetit i&flrinre Se réforme: les peuples. Mst.j
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11 eut l'avantage , que dans fon peuple tout fecondoit fes delleins. La chaleur du climat excitoit le tempérament ; ck les diftin&ions de rang &c de naiiïance , qui empêchent ailleurs tant de mariages , n'y mettaient point d'obftacles. Chez les hé- breux , comme dans tout le. refte de l'Orient , la condition des femmes, eut- elle même été fervile , n'arrêtoit point les maris. Les dots , autre fource de dif- ficultés , étaient inconnues. Les filles les plus riches , cédées gratuitement à leurs époux , n'emmenoient avec elles de la maifon paternelle , que quelques efclaves affidées , dont elles confervoient le droit de difpofer comme d'un bien propre. Les autres femmes s'achetoient , ôc le prix n'étoit pas fort haut. Rien ne con- tredifoit donc le penchant de la Nature : le- Légiflateur l'anime encore, Se l'en- courage par fes principes religieux.
Dès la préface de fçs loix , il leur montre l'Eternel inftituant & bénilfant l'union de l'homme avec la femme , 6c donnant au premier couple l'ordre de fe multiplier. Ce commandement efi répété à la famille , échappée feule au commun naufrage de h race humaine. Croiffh% j leur dit le Seigneur , propagez-vous j multiplie^ - yous , rcmpîijfe^ U terre»
©E QUELQUES JuiFS. I Si .
Chaque Ifraélite , en lifant ces mots ,, regardoit le précepte comme lui é&ntj particulièrement adreflTé ; Se encore au- jourd'hui , nous ne croyons y avoir plei- nement Satisfait, que quand nous lai lions- après nous des enfans , qui en ont eux- mêmes. Le mariage étoit donc , en quel- que forte, un devoir religieux, oc une obligation de confeience. L'idée ducéii'oat. ne venoit à perfonne j 3c la vie célibataire, que le luxe rendit £ commune , & en. quelque forte honorable aux jours de la décadence de Rome ( i ) , eût été , aux. yeux de nos pères , comme il l'en: encore, aux nôtres , un état de malheur de d'op- probre.
§. V.
Idées du Légijlateur & du peuple hébreu fur la fécondité. Sources de ces idées :- Religion : vie agricole : Tables gé—
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néalogiques^
Un mariage infécond n'étoit pour eux , I ni moins humiliant , ni moins trifte. IIsj
(i) Décadence de Rome. Les Cé.ibataires -y*- écoient alors nès-careflés , fur -tout par ces tferoqueurs de fucceffions , qu'on appelloit^ ha-édijpetes* ( Voy. Houe, Sat, ) Aut,
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croyoient la ftérilité une punition du Ciel , &c la fécondité , une de fes plus précieufes faveurs. C'étoit la bé- nédiction promife aux Patriarches ; 8c le fouhaàt que raifoient les pères mou- rans à leurs rils bien-aimés , éc les mères à leurs enfans chéris, en les envoyant loin d'elles chercher des époufes. C'eft le grand bien , que le Législateur lui-même délire à fon peuple dans fes derniers dif- cours. Vous voila, devenus , leur dit-il , une grande nation : V Eternel vous a mul- tiplics j & votre nombre égale au{ourd hui les étoiles du firmament (i). Puiffe C E- ternel votre Dieu vous faire croître encore mille fois au-delà (2) ! Et par-tout il le leur annonce comme ki récompenle de leur fidélité ou de leur retour au Seigneur. On ne doit plus s'étonner h , avec de tels principes , une femme féconde étoit regardée comme un don que le
(1) Les étoiles du firmament. On a vu plus haut M. de Voltaire objecter, que cette pro- mefTe faite à nos Patriarches , n'avoit poinc encore eu fon accompIilTemenr ; & Moyfe la juç;eoit accomplie même de Ton temps 1 Que penferoic le Lcgiflateur , de l'objection du Poëte ? Edit.
(1) Au-delà. Voy. Deut. I. ic. Aut,
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Seigneur fait à ceux qui lé craignent • & iï une croupe d'enfans, aiîîs autour de la table , faifoit la joie des parens. On con- çoit la douleur profonde d'Anne , l'ardeur de fes prières dans fa ftérilité , &ç les tranfports de fa joie , quand elle eft de- venue mère. Ces fentimens étoient h vifs dans le cœur des femmes de nos Hébreux, qu'elles alloient jufqua céder à leurs propres efclaves une place dans le lit de leurs époux , pour être mères , du moins par fubftitution Se par autorité , lorf- qu'elles ne pouvoient l'être par la nature.
La vie agricole , que menoient nos pères, & à laquelle le Législateur les at- tacha , devoit encore fortifier ces idées. Les enfans étoient non-feulement la con- folation & Th.: ,neur , mais le foutien 3c la richelfe de pères cultivateurs : ils leur tenoient lieu d'efclaves , qu'il eût fallu acheter &c nourrir , ou de mercenaires , qu'il eût fallu payer. Ainii Saiil menoit les ânefTes de Cis , Se le jeune David gardoit les troupeaux d'Ifaï.
Enfin les Ifraélites avoient an motif particulier de délirer un grand nombre d'enfans. Ce motif puifïant , inconnu maintenant chez prefque tous les peuples, c'étoit ces généalogies , dont l'ufage , qui remontoir, aux premiers temps , fe
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confervoit foigneufement parmi les def- cer.dans d'Abraham. La gloire la plus flatteufe pour eux , étoit de voir leurs noms placés à la fuite des noms de leurs ancêtres , dans ces faites d'immortalité.- Or ,.on n'y étoit infcrit , qu'autant qu'on étoit père d'une poftérité fubliftante , &£ la multitude des enfans pouvoit feule aiîurer cet avantage. Chaque liraélite devoit donc fouhaiter d'en avoir autant qu'il pouvoit , pour peu qu'il fut jaloux de biffer après lui , & de conferver à les a y eux un nom dans Ifra'él.
Quels effets , Monfieur , toutes ces idées ne devoient-elles pas produire dans une nation de fix cent mille combartans ? Récriez-vous encore fur cette population jmmenfe , dont vous avez paru h iouvent furpris ; Vous en voyez les fources.
§. VI.
De la Polygamie : rejlriclions utiles à la population.,
La polygamie., inconnue dans vos mœurs , étoit preique universellement adoptée dans l'Orient. La plupart de nos Patriarches fe l'étaient permife , & leurs «defcendan* avoienc fuivi leur exemple.
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Moyfe n'entreprit pas d'en abolir l'u- fage (i) ; mais en la biffant fubfifter , il; fut y mettre des reftrictions utiles à la. population.
» Vous n'êtes point , dites -vous, Mon- 35 fieur , aifez habile Phyiîcien pour dé- » cider fi , après pîafîeurs fîecles , la po- y> lygamie auroit un avantage bien réel » fur la monogamie , par rapport à la » multiplication de l'efpece humaine «..
(i) Abolir l'ufage. Difons clairement ce que nos Auteurs ne laiffent qu'à peine entrevoir. Il paroît que Moyfe n'étoit pas favorable à la' polygamie : il la tolère , plutôt qu'il ne la per- met. Dans fes Ecrits, l'inftitution primitive eft l'union d'un avec une. Dieu ne donne qu'une femme au premier homme , quoiqu'il veuille qu'il peuple la terre. Les enfans de Noé , def- tinés à la repeupler, n'ont aulîî qu'une femme chacun. L'hiftoire de Jacob & de fer s femmes,, eft racontée de manière à infpirer plutôt de l'averfion , que du goût pour la polygamie. Plus on réfléchit fur le fyltcme & l'efpiit de fes loix , plus on fent qu'en la tolérant , il cède , comme malgré lui , à l'ancienneté & prefqne- à l'univerfalité de cet ufage , & au caraiïere d'un peuple peu docile , dont il ne croit pas devoir mettre l'obcillance à de trop rudes épreuves. Le Légiflateur fage ne fait pas tour ce qu'il voudroir. Il craint de compromettre fa légiilation , & n'ofe exiger ce qu'il eftprifque sûr de ne pas obtenir. Chret.
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Nous n'entreprendrons point de décider une queftion , qui vous a paru difficile à réioucire. Mais , fans nous étendre fur une matière que d'autres ont aiTez cii- cutée (i) , nous croyons pouvoir affûter que , li la polygamie , univerfelleftient adoptée par tous les peuples du monde , nuirait à la propagation de Pefpecë, il eft hors de doute que , pratiquée dans certaines circonftances , par quelques na- tions particulières, elle pourroit contribuer à leur multiplication. L'Hiftoire fainte &z THiftoire profane le prouvent également. Combien ne voit-on pas , dans Tune & dans l'autre , 'd'hommes polygames , pères d'un nombre d'enfans , qu ils n'auroient jamais eu d'une leule époufe? Rappeliez' vous Jaïr avec fes trente hls , Abelan avee {es foixante tant hls que Hl les ^ les foixante &c dix fils deGedeon, <5c les cent quinze qu'Artaxerce eut de fes concubines , fans compter ceux que lui donna la Reine, Se jugez où des mariages fi féconds porte- roient la population dans un Etat ?
Mais pour que la polygamie puilfe avoir cette utile influence Éur la multiplication d'un peuple, il faut qu'elle foit reltreinte
Ci) Dîfcutée , &c. Voy. la Monogamie de Frcmomvai. Aut.
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dans des bornes fages. Or, telle fut celle que Moyfe permit aux Hébreux. Ce n'étoit point cette polygamie exceflive 3c voluptueufe , autorifée par tant de légis- lations de l'Orient , où l'ame s'amollit , le corps s'énerve , les forces &c les deïîrs même s'épuifent , 6c où la population s'éteint dans les bras de la volupté. Ces valtes ferrails , ces nombreux harems étoient interdits même à nos Rois. » Ton » Roi , nous dit-il, n'aura pas un grand » nombre de femmes. ( Deut. XVII. 1 7. ) On peut juger par-là ce qu'il attendoit des fimples Ifraélites.
Telle étoit la loi exprelfe. Mais le Lé- giflateur, fans paroître attaquer la poly- gamie , faura la reftreincîre encore. Une de Ces loix oblige le mari de rendre à toutes fes femmes le devoir conjugal , au temps marqué par la coutume ; car il ne le Sxe pas. La femme efclave même avoit droit de l'exiger comme les autres •, 6c (î le mari le lui refufoit quelque temps , le mariage cefïoit , 6c l'eiclave rentroit en liberté. ( Veut. XXIV. 5. ) Par une autre ordonnance , il avoit attaché à l'acte con- jugal l'impureté Lévitique. L'homme , dit-il , lavera fa chair dans l'eau , 6c il fera fouillé jufqu 'au foir ;( Lévit. XV. 1 6.) il étoit par conféquent très-gêné , 6c en
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quelque force , exclus de la fociéré. Ces deux loix combinées , auraient fufti feules pour rendre la polygamie nombreufe, fort - incommode aux lfraélires,les en dégoûter, &c la bannir de leur République.
On ne peut qu'admirer cette adrefle du Légiflateur , quand on penfe aux obf- tacles que la polygamie excefiive met à la population, è°c en réduifant un grand nombre de Citoyens à un célibat rorcé ,• dangereux à eux-mêmes ôc aux autres, ôc en énervant les polygames par une co- habitation trop fréquente. Les anciens avoient obfervé qu'elle nuit à la fécondité :' & c'eft par cette raifon que Lycurgue avoit habilement attaché à la cohabitation une forte de honte j de façon que le Spartiate ne pouvoit voir fa femme que comme à la dérobée. L'impureté Lévitique, dont nous- venons de parler , produifoitle même effet. Mais Moyfe ne fe borne point à réprimer indirectement L'incontinence des maris : il leur marque des temps où il leur détend d'approcher de leurs lemmes. « Tu n'approcheras pas de femme , dit-il , j> durant la féparation de i'x fonillure (i) \
(i) De fa fonillure , &c. C'eft-à-dirs dans le temps des règles , des couches , &c. Il ttoic d'autant plus ncccllauc île réprimée c:s delus
DE QUELQUES JuiFS. 189
»> &c dans le cas de défobéiffance , il veut » que les deux coupables foient retran- » chés du milieu de leur peuple <f. ( Lé~ vit. XV III. 10. XX. 18. ) Defemblables défenfes fe retrouvent dans les législations de divers peuples Orientaux , Arabes, Perfes , Indiens , e\'c. fans doute par les mêmes motifs ; ce qui en prouve l'utilité &: la fiçeife.
§• VII.
Divifions prévenues. Droits des femmes réglés.
Les mariages malheureux font rare- ment féconds \ 3c quel bonheur peut-on s'y promettre , fî l'union &c la concorde n'y régnent ? La polygamie eût été une fource de divifions: Moyfe les prévient , en réglant les droits refpeétifs des tem- mes.
Il veut que la préférence que le mari pourroit donner à l'une de fes époufes , ne lui faffe rien retrancher de ce qu'il
effrénés des maris Orientaux, qu'alors la co- habitation nuiroit d'ordinaiie à la fécondité % & qu'elle. a foùvenr , dans les pays chauds, des fuites fâcheufes pour la fanté des deux époux, Yoy. Aitruc } de morbis venereis t 6\\ Aut.
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doit aux autres , &: il affure ce droit même à la femme efclave. » Si un » homme , dit-il , ayant pour femme une « efclave , prend avec elle une autre » époufe , il continuera de traiter con- 3> venablement la première , ôc il ne lui » retranchera rien fur la nourriture , l'en- j> tretien , ek le devoir conjugal «. ( txod.
Le droit de primogéniture ctoit im- portant chez les Hébreux. Divers pri- vilèges , cv une double portion dans tout l'héritage du père , y étoient attachés. Une époufe hworite auroit pu tenter de ■ l'enlever au hls de la première. Le Lé- gislateur, en fait une défenfe expreiîe*. » Si un homme , dit-il, a deux femmes, j> l'une plus , l'autre moins aimée , Cv jj que toutes les deux lui donnent dus » enfan^ le père , en partageant fa fuc- •>■> ceilïon , ne pourra hure palier le droit » d'ainelle au fils de la femme favorite , « au préjudice du hls de la femme moins » aimée. Il reconnoîtra celui-ci pour fon 33 premier né , 6v le partagera comme 33 tel. Il eft le commencement de fa vi- 33 gueur , & le droit de primogéniture lui 33 appartient «. (tDeut. XXI. 15.)
DE QUELQUES JuiFS. I9I
§. V 1 1 1.
Autre fource de divijîons prévenues. Dé- rangement des femmes > & plaintes injujles des maris , punis par la loi : foupeons calmés : épreuve des eaux amer es.
Une autre fource de troubles , c'etoit , d'une part , l'imprudence ou le dérange- ment des femmes j & de l'autre , les plaintes ik. les foupeons , fouvent in- juries , des maris. Moyfe y obvie avec une fage févérité.
»Si Un homme époufe une femme , de » qu'étant venu vers elle , il la prenne en » averiîon , & répande de mauvais pro- » pos fur fa conduite avant fon mariage , » le père & la mère , que ces bruits in- >' jurieux deshonorent , le citeront en » Juftice. Là , ils expoferont aux yeux des » anciens les preuves de la virginité de » leur fille (i) ; &z les anciens , convaincus
(1) Les preuves de la virginité , é'c. On a douté s'il falloit prendre ces mots figurément , ovi à la lettre. Parce qu'on a jugé des meturs anciennes par les nôtres , & du climat où vivoiem les Hébreux , par celui que nous ha- bitons ; on a trouvé ces fignes , littéralement pris , tres-équivoques. Il eft pourtant certain
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» de {on innocence , prendront le mari ,' » ce le châtieront. Et parce qu'il aura » flétri , par ces calomnies , la réputation » d'une vierge d'Ifracl , ils le condamne- 55 ront , envers le père , à une amende de » cent ticles d'argent , Se ils renverront » chez lui la jeune remme , pour y' vivre , 33 fans qu'il puiiïe déformais la répu- i> cher. Mais , li ce qu'il dit eft vrai , ils la 33 conduiront à la porte de {on père , 8c 33 tout le peuple l'ailommera de pierres , 33 & elle mourra pour avoir fait une infa- 33 mie dans îfrael , & déshonoré par fon s» libertinage la maifon de (on pece ; & tu as ôteras le mal du milieu de toi. » ( Dcuu XXII. 15.)
La féverice de cette loi pouvoit con- tenir les maris injultes \ mais quelle im- prellion ne devoit-elle pas faire fur les jeunes perfonnes , ôc fur les mères g.u-
que ces ufages fubfifrenc encore dans quelques pnvs méridionaux; que les Médecins de l'an- tiquité ne penfoient pas là-dc!ms comme les nôtres ; &: que , parmi les Modernes môme , il s'en trouvequi tiennent aux anciennes idées. On verra ce qu en dit le célèbre Haller, dans Je Droit Mof*ïqtie de M. Michaiilis , que nous nous propofons de donner au Public. On a évité exprès de prendre aucun parti dans la Traduction de ce texte. Chrct,
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BE QUELQUES J U I F S. I 9 ^
tiennes de leur vertu ? Quels foins ôc quelle vigilance elle dévoie mectre dans leur éducation ?
Aux foupçons jaloux des maris , le Lé- giflateur oppofe une épreuve religieufe , la plus propre à effrayer une femme cou- pable , & à tranquillifer l'homme le plus ombrageux, il veut que la femme fe purge par ferment j mais il accompagne ce ferment de circonftances telles , que la conviction intime de fon innocence pouvoir feule les faire foutenir à une époufe foupçonnée.
L'Eteniei parla à Moyfe , Se lui dit : n Si 1 efprit de jaloulie s'empare d'un » mari, ôc que cet homme foupçonne fa »> femme avec quelque fondement, mais j? fans preuve convaincante , de lui avoir s> été inhdelle , cet homme amènera fa »> femme devant le Sacrificateur ; & il 35 apportera pour elle l'oblation de la s? dixième partie d'un épha de farine s» d'orge , mais fans huile & fans ence.is , j> parce que c'eft l'offrande les jakufies , 3) pour remettre en mémoire l'iniquité ».
Le départ de la route , quelq lefois longue , dévoient déjà faire naître bien des réflexions dans l'efprit le la remme qui fe feroit fentie coupable. Mais quelles devo.ent être (qs penfées , à la Tome III. I
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vue du Temple , du Sacrificateur , & de la trifte oblation deftinée à rappeller au Seigneur le fouvenir de fon crime , 3c l'engagement qu'il avoir pris de venger avec éclat fon parjure ?
« Alors , continue la loi , le Sacrifà- >■> cateur fera approcher la femme c5c la » fera tenir debout en préfence de l'E- » ternel : puis il prendra de l'eau famte » dans un vafe de terre , de il y jettera » de la poulîlere qu'il ramaiTera dans le » Tabernacle } il découvrira la tête de la » femme en levant fon voile , 3c il lui » mettra fur les mains l'oblation des » jalouiîes ».
On fent quelle impreliion tout cet ap- pareil devoir faire fur une coupable , 6\: quelle devoit être , dans ce moment , l'agitation de fon efprit , 3c le trouble de ion ame. Le voile levé laiiïoit 1 re Ces fentimens fur fon vifage ; ce qui donnoit lieu aux exhortations 6V' aux mitances , que le Prêtre ne manquoit pas de lui faire , s'il la voyoit intimidée 6V' chan- celante, de ne pas aller plus loin , 6; d'é- viter un parjure inutile «Se funefte (r).
(i) Inutile & funefte. La femme qui s'avouoit coupable , n'e oir pris punie <Je mort comme adultère, paKe qtt'il n'y avoic de preuve contre
T>E QUELQUES JulFS. Ï95
Que fi elle periiftoic , le difcours du Sacrificateur ne pouvoit qu'augmenter encore Tes frayeurs. » Tenant à la main
> les eaux ameres , il lui dira de fe raf-
> furer, &: que, fi ellen'eft pas coupable, 5 elle n'a rien à craindre de ces eaux de 3 malédiction. Mais , ajoutera-t-il , en la » faifant jurer avec imprécation . fi tu ? as été inhdelle à ton époux, que l'JEter- j nel te livre à l'exécration à laquelle tu
> t'es foumife , par ferment , au milieu 3 de ton peuple ; & que ces eaux , qui 3 apportent la malédiction , entrant dans 3 tes entrailles., te faflein: enfler le ventre 3 &c fécher la cuiife : Et la femme ré-, 3 pondra amen , qu'il foit ainfi ».
Conçoit-on qu'une femme , quelque déterminée qu elle pût être , eût eu la hardieiîe , fi la confeience lui eut repro- ché quelque chofe , de pronom er contre elle-même ce formidable arrêt ? Il y aura plus ; il faudra qu'elle le boive , de qu'elle fe l'incorpore , en quelque forte.
>3 En fui te , ajoute la loi , le Sacruica-
elle , que l'aveu que la Religion lui faifoit faire. Elle ctoi: feulement renvoyée de chez fon mari fans douane, & le conirar. de mariage cailc. Edit.
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iç)6 Lettres
n teur écrira ces exécrations , & , après « les avoir écrites , il les effacera avec a les eaux arriéres. Puis ( ce qui lailfoir. s? encore un moment à la réflexion & au j» repentir , ) il prendra des mains de la » femme l'offrande des jalouhes ,' év en » la tournoyant , il la préfentera à l'E- » ternel ; après quoi, il donnera le vafe 3> à la femme , & il lui fera boire ces >5 eaux qui apportent la malédiction ».
Quand une femme coupable auroic foutenu j jufqu'à ce moment , toute cette effrayante fcene , pouvoit-elle , fans frif- fonnér , porter à les lèvres cette redou- table coupe , 6v braver , en la buvant , tous les maux dont elle étoit menacée ?
Ces menaces ne tardoicnt pas d'avoir leur exécution : elle étoit auifi infaillible que prompte. Le Seigneur en avoit donné fa parole. » Quand elle aura bu ces 33 eaux , dit la loi, s'il eit vrai quelle fe 33 (bit fouillée , & qu'elle ait commis le 33 crime contre fon mari, fon ventre s'en- 33 tîera , & fa cuiifc fe féchera ; & la >3 coupable éprouvera toutes les malé- 33 dictions auxquelles elle s'eft foumife. 33 Mais , (i la femme eft pure , elle ne » refTentira aucun mal , & elle aura des » cnfans. Telle eit la loi des jaloulies ». • ' 7 . 12 , cVc. )
DE QUELQUES JUIFS. I97
Qu'on pefe routes ces circonstances , &: qu'on juge s'il fe pouvoir rien defirer de plus capable de contenir les femmes dans les bornes de la fidélité conjugale , d'effrayer les parjures, ex de donner une force irréfiltible aux fermens de l'inno- cence injustement foupçonnée. Que l'in- crédule rie , tant qu'il voudra , de ces épreuves (i) , quand on fait quelles fuites horribles a quelquefois la jaloufîe , fur- rout chez les peuples Méridionaux , a quels noirs forfaits , à quelles barbares vengeances elle peut les porter ; on com- prend quel bienc'étoit pour les Hébreux, que le Législateur eût réfervé au Seigneur le jugement des foupçons inquiets des maris j &c que , comme fuprème Ma-
(1) De ces épreuves. Spencer , Huet , &c. ont ramafTé une multitude d'exemples d'épreuves faites par les eaux ou autrement , auxquelles les peuples Payens foumettoient les femmes adultères. Spencer en concluoit , que Moyfe avoir emprunté d'eux } & fur-tout des Egyptiens , cet ufage ; & que , pour éloigner les Hébreux des pratiques idolâtres } Dieu daigna foutenir, par des punitions miracuieufes , l'épreuve éta- blie par le Légifl?teur. Concluons-en plutôt , que partout on a jugé utile de remettre ces jugemens à la Divinité. L'avantage du peuple Hébreu étoit d'avoir le yrai Dieu pour vengeur àe l'infidélité & du parjure. Edic.
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giftrat politique , Dieu daignât interpofer fa puiiTance , pour allurer l'honneur , la tranquillité & la vie des époufes inno- centes , mai-à-propos foupconnées , 8c faire éclater fes vengeances contre la femme in.i-i.ilj 8c parjure. Que de crimes , 8c par conféquent que de mal- heurs prévenus par-là dans la Nation ?
Auai un des châtimens , dont il menace les Ifraéiites pour leurs défobéiilances à fes loix , c'eft »i qu'il ne punira plus leurs » tilles qmni elles s'abandonneront à la « fornication , ni leurs femmes quand « elles commettront l'adultère ». ( Ofée. IF. 14. )
Qu'on ne croye pas , au reffce , qu'il fût befoin de multiplier ces punirions fumarurelles : deux ou trois exemples dévoient fulfire pour pluheurs fiecles.
Un incrédule a dit ( ds: nous fommes furnris , Monfieur , que vous n'ayez pas répété , d'après lui , cette objection , comme vous avez fait tant d'autres , ) que tout ceci n'étoit qu'une impoiVare de Prêtres , qui cherchoient à gagner ( 1 ). Mais qu'v gagnoient donc les Prêtres ? une ou deux poignées d'orge. En vérité,
(1) A gagner. \oy. T.l Moral Phi/ofofhcr* Aut.
DE QUELQUES J U I F S. ÏO?
c'eût été fe faire impofteurs à bon marché.
Une réflexion n'aura pas échappé , fans doute , à nos bêcheurs ; c'eft qu'il ralloit que le Législateur Juif fut bien perfuadé &: intimement convaincu de la divinité de fa million, puifque, fans nécefiité , il mettoit ainli fa législation à une il dan- gereufe épreuve. Une ou deux coupables, échappées à la peine , auroient fufrl pour élever les cloutes les plus fâcheux , & pour décrier à jamais le Législateur , fa Re- ligion Se fes loix. Si l'on ne resarde Moyfe que comme un Légiflateur hu- main , peut-on fuppofer tant de mal- adrelTe dans un Si habile politique ?
§. IX.
Du divorce : divorce permis : pourquoi & comment.
Quoique le divorce paroiffe con- traire (là l'inftitution primitive du ma-
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(i Paroijfe contraire , &c. Il l'eft réellement, N'aveç-vous pas lu ( dit J. C- aux Pharifiens , qui, pour le tenrer , lui demandoient s'il croie permis de renvoyer fa femme,) que celui qui a fait l'homme au commencement du monde , fit
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riage, 8c qu'il traîne après lui de grands inconvéniens , même politiques , il pou- voit néanmoins être de quelque utilité dans les pays polygames.
Des femmes qui fa voient qu'un mari pouvoir les répudier à tout inl/hnt , lui étoient plus foumifeSj&s'étudioient davan- tage à lui plaire. Elles dévoient craindre de donner lieu à fes mécontentemens & a fes foupçons , foit par une humeur difficile & par leurs conteftations entr'elles , foit par des manières trop libres Se par des liaifons fufpectes.
Reftreint dans de fages limites , il pouvoit encore être urile à la population , en fubftituant une époufe agréable a une femme , dont le mari auroit eu de juftes fujets de plaintes ou de dégoût.
Enfin Moyfe voyoit l'ufage du divorce établi depuis long-temps parmi fon peu- ple , &c fortifié par l'exemple de tous les peuples voiiins. 11 connoifToit d'ailleurs le caractère des hommes qu'il avoit à con-
l'un mâle £>' l'autre femelle. C'efi pourquoi f homme laijfera fon père & fit mère , 6' s'atta- chera à /a femme , 6' Us Jeront deux dans une feule chair ; de forte qu'ils ne feront plus deux , mais une feule chair. Ainfi ce que Dieu a joint t que l'homme ne le fepare pas. Chret.
SE QUELQUES JuiFS. 201
duire. Comment abolir parmi eux un ufage ancien , qui leur étoit cher ? 11 crue donc à propos d'ufer de condefeendance, de de leur permettre ce qu'il eût paru trop dur de leur défendre.
» Si quelqu'un , dit-il , ayant époufé 55 une femme , 8c ayant vécu avec elle , >5 vient à la prendre en averhon pour 55 quelque défaut qu'il lui trouve , il fera 55 par écrit l'acte de divorce , Se l'ayant 55 mis entre les mains de cette femme, il 55 la renverra hors de fa maifon. Que fi , 55 après être fortie de chez lui , cette 55 femme époufe un autre homme ; de 55 que ce fécond mari , la prenant en 55 haine , lui donne aullî la lettre de di- >5 vorce , ou qu'il vienne à mourir , le 55 premier ne pourra la reprendre , après 55 avoir été caufe qu'elle s'eft fouillée. 55 C/eft une abomination devant l'Eter- 55 nel : Tu ne chargeras point de péché le 55 pays que l'Eternel ton Dieu te donne » (rj en héritage. ( Deut. XXIV. i. &c.)
(i) Dieu te donne , Sec. On voit dans cette loi , toléiance, ordre & défenfe. Moyfe tolère le divorce , il en ordonne l'acte , & il défend de reprendre la femme répudiée lorfqu'elle s'eft remariée. Ces trois chofes ne doivent pas être confondues. Lhret.
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loi Lettres
Décidés à blâmer chez les Juifs , même ce qu'ils louent en d'autres peuples , 8c ce qu'ils réclament à grands cris dans leurs ouvrages , de prétendus Philofophes condamnent , & vous-même tout le pre- mier , Monlîeur , vous condamnez le di- vorce permis par Moyfe ( i ). Cétolt 3 dites-vous , te droit du plus fort , & la nature pure & barbare. Mais c'étoit \t droit des Egyptiens , des Phéniciens , des Babyloniens , en un mot , de tous les peuples d'alors. Ce fut le droit de ces Grecs &c de ces Romains , dont vous nous vantez li fouvent les lumières & la politelïe ; ce l'effc encore d'une partie du monde. Pourquoi ne le blâmez- vous que chez les Hébreux ?
Heureux fans doute les peuples , dont
(i) Par Moyfe. Cts Meilleurs font toujours très- rigide s quand -1 s'agir des Juifs. J. C. moins févere ne blâaje ni Moyfe , ni fa loi- il îc- pond feulement aux Phariilens , que , s'il la leur donna relie , ce fut k caufe de lu dureté de leur cœur. Le ù^e Légïlareur politique ne donne pas toujours les loix les plus pa:faites: il cède quelquefois aux circanftances. Mais , en y cédant , Movfe rappelle aux Hébreux la mé- moire de Pinftitution primitive du mariage ; Sz s'il ne les y ramené pas , il tâche du moins de les en rapprocher. Chrtt,
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les mœurs douces & vertueufes leur laif- fent ignorer jufqu'au nom du divorce ! Mais fi c'étoit le droit du plus fort , n'étoit-ce pas auili quelquefois la confo- lation du plus foible ? Et croyez-vous que ce fût un état il defirable , que celui d'une malheureufe époufe , fans ceffe expofée au mépris & aux dédains , peut-être même aux. brutalités d'un mari , qui ne pourroit ni la répudier, ni la fouffrir ?
Quoi qu'il en foit , Monfieur , fi ,- en blâmant la permifîîon laiifée par Moyfe à fon peuple , vous n'avez pas penfé aux circonitancês où ce Légiflateur fe trou- voit , il falioit du moins faire quelque attention aux conditions qu'il prefcrit.
D'abord il ne permet pas que le di- vorce fe falfe , comme il fe faifoit chez tant de peuples , verbalement : il exige un acte par écrit. Cette précaution fer- voit à conflater le nouvel état de la femme , & la liberté où elle étoit de fe remarier. Par - là étoient prévenues les conteftations , que le regret 8c la jaloufie du premier mari pouvoient occafionner. La nécellité de cet acte par écrit avoit encore un autre avantage. Ceux des maris, qui ne fivoient point écrire , étoient obli- gés de recourir à leurs amis ou aux Ecri- vains publics ; &c cette démarche donnoit
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déjà le temps aux premiers mouvemens de Te calmer, & aux réflexions de naître. Les confeils d'un ami fage venoient à l'appui ; & le caractère des Ecrivains publics ( c'étoient des Prêtres &; des Lé- vites ) devoir donner du poids aux re- montrances , qu'ils ne manquoient pro- bablement pas de faire dans ces occafions. Mais quand le mari auroit fu écrire", c'eft toute autre chofe de donner un congé verbal , ou de faire un acte par écrit ; l'un emporte plus de réflexion que l'autre j & iln'eft pas douteux que cette obligation n'ait empêché plus d'un divorce.
2°. Si le Législateur lailfe le mari feul juge du motif qui l'engage à répudier jfa femme , fans qu'on puilïe l'inquiéter ni le pourfuivre judiciairement à ce fujet ; il fuppofe pourtant qu'il en aura un raifonnable , & que ce ne fera ni liber- tinage , ni pur caprice , mais quelque dé- faut qu'il aura trouvé en elle (i).
Nous favons à quel point , dans les
(i) Qu'il aura trouvé en elle. Ce défaut , re- latif à la manière de penfer du mari , pouvait ccre léger en foi Ainiïune femme n'étoit point déshonorée par le divorce ; & elle pouvoit aife- ment trouvei un autre mari, fur-tout dans un pays polygame. Edit,
DE QUELQUES JuiFS. 20)"
derniers temps , nos Cafuiftes portèrent, fur cet objet, le relâchement (i) , & le peuple la licence. Mais c'étoient des abus contre lefquels les fages réclamoient. 55 Vous demandez , difoit Malachie au 35 nom du Seigneur, pourquoi je n'agrée 35 point vos facrihces , c'eft parce que 33 l'Eternel a été témoin entre vous & la 33 femme de votre jeuneffe , que vous 33 avez traitée avec perfidie , quoiqu'elle 35 fût votre compagne &c la femme de 55 votre alliance. Ce n'eft point ainfi qu'on 55 en agit quand on a quelque confeience.
(0 Le relâchement. Deux fentimens parta- geoient alors les Docteurs Juifs & leurs Ecoles. Les uns prétendoiem , que le mari , pour ren- voyer fa femme , devoir avoir des raifons ib- lides , moins forres que l'adultère, mais pour- tant graves. Les autres foutenoient , qu'il pou- voitla renvoyer pour quelque caufe que ce fût t même , difoient-ils , pour avoir trop fait cuire Ja viande , ou pour n'être pas affez jolie. C'étoit le fentiment du fameux Hillel , & des Phari- fiens fes Difciples. C'eft à ceux-ci que J. C. qu'ils vouloient funder , & à qui ils objectoient la loi de Moyfe , répond , qu'il rien étoit point ainfi au commencement. Pour moi , je vous dé~ clare , que quiconque , hors le cjs de fornication > renvoie fa femme , & en époufe une autre , com- met un adultère ; & que quiconque époufe une femme répudiée , commet aufft un adultère, ( Match. XIX. j. Marc. X. 2. ) Ckret, .
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» N'allez donc plus contre votre coni- 33 cieiue , & ne prévariquez plus contre » l'époufe de votre jeunelfe ». ( Matach.
IL + )
Aulîi dans les temps , où la Religion
%k la vertu conferverent quelque empire fur les cœurs , le divorce , quoique per- mis , avoir été très-rare j & il feroit difficile , dans l'intervalle de près de fept cens ans , d'en trouver un feul exemple. Il en fut à-peu-près de même dans Rome : tant qu'elle refta vertueufe , le divorce n'y fut connu que dans les loix (i). Mais , quand les mœurs s'y corrompirent, il y devint commun, & il y fut une nou- velle caufe de corruption. On fe rit un jeu de renvoyer & de reprendre (es époufes •, & l'on en vit plus d'une paffer , dans l'efpace de quelques mois , entre les bras de plufieurs maris , & revenir à celui qui les avoit d'abord répudiées : coupables alternatives , fruit du liber-
té) Drf/7,j Us loix. L'Aureur de YEfpr'u des Loix révoque ce fair en doute. Mais les au- torités de Derys d'HalicarnalIe , de Valere- Maxime, Sic. ne valent-elles pas bien des pro- babilités & des conjectures t D'ailleurs il s'agit de faits conltan$T6c rapportes dans les Hiftoires. Chrct%
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tinage 8c fource de crimes , donc les moindres dévoient être l'indifférence des femmes pour leurs propres enfans , & la haine pour ceux de leurs rivales.
3 . Moyfe avoir prévenu ce défordre. Aux termes de fa loi , une femme ré- pudiée , dès qu'elle a pris un fécond mari , eft fouillée pour le premier j Se la reprendre eft une abomination aux yeux de l'Eternel.
Dès-lors plus d'efpérance de réunion j la fépararion eft fans retour. C'étoit la jufte peine de l'inconftance ou des folles pallions des maris : & cette défenfe put encore en retenir plus d'un par la crainte d'un regret tardif & d'un repentir inutile.
On y voit du moins une forte de dé- licateSfe , qu'on ne remarque point dans les autres législations anciennes , ôz un moyen fage d'obvier aux inconvéniens , qu'avoir pour les mœurs un divorce il- limité.
De quel œil ccnSîdérez-vous donc les objets, Monfieur , il dans ces judicieufes reftrictions du Législateur Hébreu , vous n'appercevez que la nature pure & bar-" bare ?
Voila , Monfieur , de quelle manière le Législateur Hébreu , après avoir banni de fa République la miîere & le luxe ;
lof Lettres
écarté les dangers d'un régime infalubre; ôc des maladies endémiques , & tous les ravages du parricide religieux , de l'eu- nichifme , de l'efclavage perpétuel , & des guerres étrangères &c domestiques , levé , en un mot , tous les obftacles de la propagation , 8c appelle les Etrangers pour en réparer les pertes , il l'accélère encore par fes principes religieux fur la fécondité des mariages, par les rédac- tions utiles qu'il met à la polygamie 3c au divorce , 3c par les figes loix qui dévoient maintenir l'union entre les époux , 3c par- là même alTurer leur bonheur.
Nous verrons , dans la Lettre fuivante, comment il réprime les délits qui , en attaquant l'honnêteté 5c la fécondité des mariages , pouvoient tarir par - là , dans fes fources , cette population nombreufe qu'il avoit en vue.
Nous fomines avec les plus ilnceres fentimens d'un attachement refpe&ueux , &c.
DE QUELQUES J U I F S. Î0«f
. LETTRE IX.
Loix civiles : fuite. Loix concernant les délits contraires à l'honnêteté y au bonheur , & à la fécondité des mariages. Peines prononcées contre ces délits. Sages réglemens pour les prévenir.
V eut-on, Monfieur , multiplier un peuple , il faut lui donner des mœurs. Sans mœurs , point de population : le li- bertinage en eft le tombeau \ c'eft l'abyme où fe perdent les générations futures , ôc tout l'efpoir de la poftérité.
Moyfe fut , fur cet objet , d'une at- tention & d'une févérité , qui peuvent étonner un fiecle corrompu. Toute im- pudicité , 5c tout ce qui peut y conduire , eft condamné par ce Législateur : il n'é- pargne pas même les défordres , qu'on n'eft que trop accoutumé à excufer comme des foiblefies. Mais toujours il proportionne avec fagelfe la peine an délie.
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Adultère,
Quand les hommes fe réunirent en "corps de fociétés , ce tut particulièrement pour s'aflurer la plus chère de leurs pof- ieilions , celle de leurs époufes. Avant ces établiifemens , dans la plupart des pays , les femmes étoient au premier qui pouvoir les enlever , ou les féduire. Dans les fociétés , on réprima , par des loix féveres , les attentats de ce genre : de-là dépendoient ia tranquillité des époux , les progrès de la population , &: le main- tien de l'ordre public. Aullî les anciens Sages en avoient fait un de leurs prin- cipaux foins (i).
Pour apprendre à fon peuple à ref- pecter le lien conjugal , le Législateur des Hébreux leur montre cette union bénie dès le commencement par l'Eter- nel , 6\: la peine du feu, long-temps avant la loi, prononcée contre l'adultère dans la perfonne de Thamar. Ce délit eft mis au rang de ceux que le Seigneur détend
( i ) Prir.ciyaux foins. Fuit htc fapientia prima , concuiitu prohikere xago , dure jura marins. Horat. Epiji, Aut.
DE QUELQUES J U I F S. 2 1 t
dans l'abrégé de fes loix : Tu ne com- mettras point d'adultère ; ôc parce que c'eft dans le cœur que ce crime prend nahTance , les deiirs même font interdits : Tu ne dejireras point la femme de ton prochain.
Ces défenfes font répétées en plus d'un endroit , ik. la peine de mort portée contre ce crime. » Si im homme , dit la « loi , commet un adultère avec la femme 35 d'un autre , les deux coupables mour- » ront de mort , & tu ôteras le mal du » milieu d'Ifraël (i) ».
Si la peine de mort paroît ici trop rigoureufe , qu'on penfe aux maux que l'adultère traîne après lui. Ne parlons , ni de l'outrage qu'il fait au mari ( il eft des temps Se des mœurs où l'on y eft moins fenfible , ) ni des difTenfions tk des haines , ni des noirceurs &c des meurtres qu'il peut oceafionner. Quand il ne fe- roit qu'introduire , dans une maifon , un héritier étranger , qui en partagera les biens avec les enfans légitimes ; ce feroit déjà le plus lâche &c fe plus puniffable des vols : mais il ravit encore des biens plus précieux , à une mère de famille la
Ci) Du milieu d'Ifraël. Voy. Le vit. XX. i». Peut. XXII. iz, Mu
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chafteté , au mari le cœur d'une époufe , Se aux enfans la tendrefTe d'une mère.
Cette févérité étoit d'autant plus né- ceffaire au commencement des fociétés , que les Législateurs avoient à faire à des hommes accoutumés à l'indépendance , & dont les pallions indomptées n'auroient pu être retenues par aucun autre frein. Auilî voit-on que toutes les légillations anciennes punilïoient ce crime très-févere- ment ( i ). C'étoic toujours la peine de
(i) Tres-féverement. Les anciennes loix des Arabes, des Lydiens , Athéniens, 8cc. con- damnoient à la mort les deux coupables. Chez les Egyptiens , l'homme adultère étoit puni pat mille coups de verges, &. la femme avoit le nez coupé. Les premiers Romains , lorfqu'une femme étoit convaincue d'adultère , lailTbienc à fon mari & à Tes parens la liberté de la faire mourir comme ils jugeroient à propos. Con- viciam adulterii , difent les loix des douze Tables , vir & cognati , uti volent , necanto. La loi Julia condamnoit l'homme adultère à périr par le glaive. Lex Julia temeratores alienarum nuptiarum gladio punit. ( Initie. §. item lex Julia. )
Mais dans la fuite des temps , chez la plupart des peuples , les peines fiiient moins rigou- reufes. Solon ne condamna la femme adultère qu'à être exclue des Temples & des cérémonie» religieufes ; & li elle ofoit y paraître , le peup'e pouvoit l'infulter & la maltraiter de toute ma-
BE QUELQUÏS J U I F S. 213
mort , ou des p;incs corporelles très-dou- loureuies j &c la rigueur ne s'adoucit que quand les mœurs furent ou plus formées , ou tout-à-fait corrompues.
§. II.
Viol.
Vous distinguez ordinairement deux fortes de viol , celui de rapt , &: celui de féduction. Le viol de rapt étoit puni de mort par les Loix Romaines ( i ) , foit
niere, la mort feule exceptée. Chez d'autres peuples , on Ce contenta de promener par les rues les .îeux coupables , alfis dos à do- fur un âne , & expofés aux moqueries & aux infultes du peuple. Dans les derniers temps de l'Empire Romain , Jultinicn borna la peine de la femme adultère à être battue de verges , î: renfermée dar.s un Monaftere d'où le mari pouvoit la retiiei au. bout de deux ans, fans quoi elle y reftoit toute fa vie.
(1 Par les Loix Romaines. Ces Loix furent plus rigonreufe? contre le viol de rapt , que contre l'adultérer. D'autres Lcgiflareurs, au con~ traire , punirent le viol de rapt , même avec une femme mariée , moins feveremmt que l'ndu! cre ; parce que , di(oieut-i!s , le viol n'outrage o'tie le corps , au lieu que l'a-lulrere corrompt le cœur. Ces Lcgifiaceurs confidéroicnt
ai4 Le ttrïs
qu'il fût commis avec une femme mariée,
ou avec une perfonne libre , fille ou
veuve.
Le Législateur Kébreu met une diffé- rence entre le viol d'une fille fiancée (i), & le viol d'une fille non fiancée. Dans le premier cas , il ordonne que le coupable fera mis à mort , ainfi que la fiancée elle- même , s'il eft à préfumer qu'elle-ait cédé fans réhitance à (es defîrs. » Si une » fille , dit-il , a été fiancée à un homme , « & qu'un autre l'ayant trouvée dans la » Vilie , ait commerce avec elle , vous » les ferez fortir tous deux à la porte de » la Ville , 6v vous les lapiderez , & ils » mourront, la jeune fille , parce qu'elle » n'a point crié , S: l'homme , parce qu'il j> a violé la femme de fon prochain ; ÔC y> tu ôteras le mal du milieu de roi ». N'avoir crié ni avant, ni après , c'étoit bien la preuve , (mon d\m plein conlen- rement , au moins d'une foioîe rédltaiice.
plurôt le rort que l'adultère fa:t nu mari Se aux enf.inc; les Romains puni'ioitnt dw»a le viol dtt rape , favreniat contre le bon ordre &. la l'urecé publique. Aût.
fi) Fille fiancée. Tl en errir de même par conféquenc du viol d'une femme ayant mari. uiuc.
BI QUELQUES J U I F 3. llf
>» Mais , ajoute- t-il , li quelqu'un , »> trouvant dans les champs une rille » fiancée, lui fait violence, alors l'homme » mourra feul , Se tu ne feras rien à la 5> jeune fille , parce qu'elle n'a point » pé Jié , Se qu'elle ne mérite point la « mort : il en eft Je ce cas , comme fi » quelqu'un s'élevoit contre fon prochain » Se lui ôtoit la vie j cette fille ccoit dans » la campagne j elle a crié , & il ne s'efl: » trouvé perfonne qui vînt la délivrer ». ( Dcut. XX U. 23. )
Que fi la fille n'étoit point fiancée , la peine devenoit moindre. » Si quelqu'un , » dit la loi , trouvant une fille non fian- » cée , la prend Se lui fait violence , ii >» paiera au père cinquante ficles d'argenr, » ôc il époufera la fille fans pouvoir ja- » mai:, la répudier ». ( îbid. 28.) Ainfi la fille avoir un état allure , Se l'homme étoit puni par la double perte & de fort argent, & du droit de divorce : peine qui pouvoir fufiire chez _un psuple où les femmes s'achetoient , Se où l'on ne con- noifToit , pour le mariage , aucune dif- tinct-ion marquée de râtjg Sz de nailTance. Cette loi paroîtra fans doute plus fage que celle de Solon , qui ne puni (Toit le *yiol , même de rapt , que par une amende
f.l6 L E T T iC E S
de cent dragmes (1). Auilï la peine parue bientôt trop légère : on porta l'amende à mille dragrnes , ôc peu de temps après , on obligea le ravilïeur à époufer la tille qu'il avoij: violée (i). C'étoit précifément ie conformer à la loi de Moyfe.
§. III.
Séiucllon.
Le Légiflateur Hébreu ne laiflfe pas non plus la réduction , proprement dite , impunie. » Si quelqu'un , dit- il , iéduit 55 une fille non riancée , il fera obligé de » l'époufer &c de lui faire un douaire. 55 Niais il le p^re de la rille refufe ab- 55 folument de la lui donner , le feJu&eur 55 paiera au père la fomme qu'on a cou- 55 came de donner pour Tachât des Vier- i, ^es«. ( Exod. XXII. io. ) C'eft-à-dire, cinquante iicles d'argent.
(i) Cent dragmes. E*tri( a,3-«T« ^►i^tMi-rt- mxa y Hiui'y - ■ r .*-.■•• « ,r
( Plutarch. in Soton. ) Henry Etienne cite un palfn^e , où cette amende n'ell ponce qu'à dfx dragmi s , , mais il
ne dir\>as d'où il l'a tir.'. .
(2) Qu'il avait violet 1 0<x0Be^4trci xoç»; ci.vtk>; ttfUit, ( Petit, leg. Jet.)
Les
DE QUELQUES JuiFS. llj
Les Athéniens avoient une loi fem- blable. Mais les loix Romaines furent , pendant quelque temps , plus féveres. Le îéducteur , s'il étoit de nailïànce , perdoit la moitié de {es biens j ôc l'homme du peuple étoit banni. Car ces loix n'étoient pas , comme celles de Moyfe , d'une fé- vérité uniforme , ôc fans acception de perfonnes : elles avoient deux mefures , ôc traitoient , même pour les peines de? crimes , très-inégalement les Citoyens.
§• IV.
Prqjiiturioiï:
La plupart des légiflations anciennes , loin de défendre la proftitution , l'auto- rifoient hautement. C'étoit même , dans ces fiecles de fuperftition ôc d'impureté , une pratique de Religion pour le fexe. Chez la plupart des peuples de l'Orient , Phéniciens , Syriens , Babyloniens , <Scc. ( i ) les femmes fe proftituoient en l'hon-
' m ■ . «
(i) Babyloniens , &c. Voy. Barnc, Hérodote ,' Strabon , Juftin , Valere-Maxime , &c. Leur» textes fe trouveront dans Spencer , Selden de Dits Syris , &c. M. de Voltaire a beau prendre , en galant Chevalier , les Dames de Babylone
To/rie III, K
xiZ Lettxes
neur de leurs Dieux \ Se des troupes de rilles arrachées aux Temples de Baal- Peor , de Vénus , de Priape , Sec. s'y confacroient à la débauche publique. Les Grecs mêmes n'ignorèrent point ces in- famies religieufes } le feul Temple de Vénus , à Corinthe , eut jufqu'à deux mille de ces confacrées. Le falaire de la profanation s'offroit aux Dieux ; cv c'étoit un des plus riches revenus de leurs Temples.
Moyfe ne ferme pas les yenx fur c&s défordres. Il interdit expreiTément cet in- fâme métier aux rilles de fon peuple : II n'y aura point de confacrées , c'eft-à-dire, de proftituées- entre les filles dlfraèl. ( Deut. XX11I. 17. ) 11 fait défend aux pères d'abufer de l'autorité paternelle , en livrant leurs filles à ces débauciics j & , pour leur ôter ces malheureux pré- textes de Religion a qui égaroient les autres peuples , ii leur déclare » qu'ofer » oftrir dans fon 1 ei.iple le prix ce la » proltitution , ce feroit , au lieu de lui » plaire , L'irriter ce s'attirer les wn- « geances «. ( Deut. XXIII. 18.) Quelle * ■ ■ ' •
£>us \.\ proredion , on en croira plu'ôt les témoignages d.- Barac , d'Hc<odote de Sera- bon , OCc. qu.. les vani* rajlbiuiemeus. Aut.
DE QUELQUES JuiFS. 2. I ^
eft l'ame , h" peu touchée de la vertu &c de l'honnêteté publique , qui ne fente ici l'excellence de la légiilation Mofaïque , 6c fa fupériorité fur celles de tous ces peuples idolâtres ?
Le Législateur ne défend nulle part , en termes exprès , la proftitution des étrangères. Mais l'efprit de fa légiilation eft fi oppofé à l'idolâtrie , 6c ces profti- tutions y tenoient de fi près j elles étoienc fi propres à y conduire , qu'il y a tout lieu de croire , que fes défenfes s'éten- doient jufques-iâ. C'eft le fentiment de Philon , de Jofephe , 6c de la plupart de nos Maîtres. AulH , tant que la Religion 6c les loix furent refpectées parmi nos pères , on n'y vit jamais de ces lieux de débauche , permis ou plutôt autorifés par tant de législations , 6c dont les Répu- bliques même de la Grèce tiroient un honteux revenu (i) ; odieux commerce , que les Jurifconfultes Romains permet- toient a qu'exerçoient les plus honnêtes gens (i) , 6c dont ne rougirent pas même
(i) Honteux revenu, xoçvikc» tiXoc. Voy. Ef- cliine contre Timarque. Aut.
(1) Les plus honnêtes gens. Voy. Aulugelle , Nuits Attires , L. IV , c. 14, Aut.
Kij
aie Lettres
quelques Empereurs (i). Quand on penfe aux querelles , aux vols , aux meurtres que ces lieux occafionnent , aux maladies cruelles qu'ils entretiennent &c qu'ils ré- pandent parmi les peuples , au tort qu'ils- font en toute manière à la propagation : peut-on ne pas louer la législation , qui ne les permettoit point ; 8c ne pas plaindre les;Nations , où la corruption des mœurs- forcoient de les tolérer ?
§. v.
Dejbrdres contre nature.
Un genre d'impudicité , à peine con- cevable dans les individus les plus grof- fiers 8c les plus abrutis de l'efpece hu- maine , s'étoit répandu dans ces climats. Le filence des loix fembloit l'autorifer parmi les peuples Cananéens; & une Re- ligion , ou plutôt un fanatifme aveugle le confacroit , en quelque forte , dans certains cantons de l'Egypte. Le Légif- liiteur avoit prévenu {on peuple contre la contagion de ces exemples. » Ce font des s» abominations , leur avoit-il dit ; ceft
( > ) Quelques Empereurs. Yoy. Dion Caf- iius & Suétone , L. IV , c. 41; Aut.
de quelques Juifs. m » parce que ces peuples fe font aban- » donnés à ces dérégiemens monftrueux , » que cette terre va les vomir hors de » ion fein : n'imitez donc point leurs « crimes déteftables «. A ces exhorta- tions , il joint une loi formelle , 6c la peine capitale. » L'homme , dit-il , fera » puni de mort, Se vous tuerez auflî la » bête : la femme &c l'animal mourront: » de mort', leur fang eft fur eux ( 1 ) «. Non , dit Philon , qu'une bête puiiïe être coupable j » mais afin qu'il ne nailïè j> point de monftres de ces abominables » conjonctions , ôc qu'il ne refte dans le » pays aucun veftige de ces infamies «.
Un autre défordre éroit encore pins commun dans ces contrées. Sodome en avoit donné l'exemple ; 3c la punition de cette Ville exécrable nen avoit point éteint le goût dans les peuples d'alentour. Le faint Législateur , non content d'avoir rappelle à les Hébreux la terrible catas- trophe , qui avoit englouti ces cinq Villes cv leurs coupables habitans , leur fait- une défenfe expreflfe , ôc fous peine de mort , d'imiter ces horribles impudicites. » lis ont fait, dir-il , un crime abomi-
(i) Sur eux. Lcvit. XVIII. 13. Deut. XXI. 18, Aux.
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lii Lettres
» nable : ils mourront l'un & l'autre \ » leur fâng eit fur eux «. ( Lévit. XFllL 22. lbid. XX. 13.)
Cette loi paroîtra fans doute encore d'une rigueur barbare au Philofophe , ( nous ne le nommons point pnr égard , ) qui traite fi légèrement ces abomina,- tions , & qui n'en parle que comme, de bagatelles & de fadaïfcs ( 1 ). Mais , qui penfera férieufement à la turpitude & à l'infamie de ces défordres , Â: combien ils nuifent à la population , ne pourra qu'applaudir aux précautions féveres du Législateur Hébreu , pour en préferver fon peuple. Il le voyoit entouré de Na- tions livrées à ces honteux déréglemens \ il «.rut , avec raifon , qu'il falloit retenir par la crainte d'un châtiment rigoureux , ceux qui feroient portés à fuivre leurs exemples.
En effet, fes loix continrent long-temps fes Hébreux. Mais quand l'idolâtrie pé- nétra dans la Nation tous nos Rois impies,
(1) Fadaifes. Voy. le Di<fh Phil. arr. Amour focratique. Il nous Semble que cer article n'au- roit point dâ paffer du Dictionnaire dans la Raifon par Alphabet , après les vifs & jultts reproches , qu'il a valu à fon Auteur de la part de plufieurs Ecrivains , tant compatriotes quV:tranger$. Chret.
Î>E QUELQUES JûIFS. 11$
avec les cultes faux & fuperftitieux des peuples Payens , leurs mœurs s'intio* duiïirent parmi lious. En vain le Légif* lateur avoir dir : il n'y aura point de confacré d'entre les enjans d'ifracl ; & tu n'offriras point à l'Eternel ton Dieu , le prix du chien ( i ). Dès le temps de Roboam , on vit des hommes abomi- nables fe dévouer à ces débauches. Chaf- {és du pays par Aza , ils reparurent fous fon fils , qui en pourfuivit les reftes. Le défordre croiiTant avec l'impiété , il y en eut d'établis même dans le Temple •, & l'une des. actions que l'Ecriture célèbre dans Jofias , eft de les avoir extermi- nés (i). Après la captivité, on vit renaître encore ces abominations j & entre autres impiétés que le facrilege Jafon introduire
(r) Le prix du chitn. Voy. Deuf. XXII7. 18. Nous croyons que par cette expieffion , le Lé- giflateur entend ces hommes infâmes , qui fe profhtuoienc à prix d'argent , au profit des Temple» où ils étoient entretenus. Aut.
(1) Exterminés. Ainfi toutes les fois que t'idolâtrie rentroit dans la Nation T ces abomi-. nations y rentroient avec elle. Par où l'on peur juger de l'union de l'idolâtrie Se de ces diflo- kitions , & combien les peuples idolâtres , vow fins des Juifs „ étoïenc profondément cotrgm? pus. Eàir,
K i-y
21-4 LlTTR.ES
clans Jérufalem , il y apporta cet infâme «fage des Grecs.
Car ce fut jufques dans cette Grèce iî vantée , qu'on vit régner ces coupables & odieux amours. Loin d'en rougir ,- les Poètes les chantèrent , les Philofophes s en rirent les panés;yriftes , &: les Légif- lateufs n'oferent les profcrire. Minos , dit-on , les utorifa : Sparte vit les deux fexes s'y livrer , & ne punit que la mal- habileté de ceux qui fe laiiïbient fur- prendre. Rome imita ces défordres ; &t les Chefs de la République , fentant les funeftes conféquences d'un tel vice , me- nacèrent inutilement de le punir par le glaive ( i ). On le vit couvert de la pourpre , aflîs fur le trône , placé enfin parmi les Dieux. Quelles mœurs , Mon- fieur, que les mœurs de tous ces peuples idolâtres ! Quelle Religion , que celle qui favorifoit 8c confacroit ces impudi- cités ! Et vous vous récriez fi fouvent Se fi hautement , Monfieur , fur la rigueur avec laquelle le Légiflateur Hébreu prof- crivoit un culte abfurde, qui, aux facrihees de fang humain multipliés , ajoutoit ces
(i) Par le glaive. Lex Julia gladio punit. . 6' eos qui cum mafculis nefaniam Ub'tdinem. exercere fuient. Inftic. $. Item Lex Juli.i. Auc.
DE QUELQUES JùZFS, 2 2 5
abominations 1 Et votre fiecle a vu de prétendus Sages comparer , préférer même à la révélation cet indigne culte, le rap- peller par leurs vœux , & foupirer après {on retour ! Voilà des plainres bien toi> dées y & des defîrs fort honnêtes !
§. VI.
Cccajlons d'impudicité prévenues : bois facrés y & déguifemens du fexe dé- fendus : modejl'n recommandée*
C'étoit pour prévenir routes ces dif- feintions , dont l'idolâtrie fournilïbic " Poccafiôh & le prétexte , que Moyfe rît une dérenfe , qui peut d'abord étonner auelques Lecteurs, lu ne planteras points dit-il , de bocages autour de V Autel de ton Dïeu.{ Deut. XVI. n. )
Abraham en avoit planté dans les lieux où \\ adoroir -, «Se quelques-uns de fes àc(- cendans av oient fuivi fon exemple. La verdure des arbres & la fraîcheur de leur ombre offroient aux Adorateurs une re- traite agréable dans ces climats : le filence & l'obfcurité de ces bois facrés pouvoient contribuer au recueillement.
Les peuples idolâtres en plantèrent: aufïï autour des Autels de leurs faux
zi6 Lettres
Dieux. Mais l'idolâtrie abufa bientôt de tes bocages. Ils devinrent les rendez- vous de la débauche , & le théâtre du crime.
Dans la crainte que (es Hébreux iïen abufalTent de même , le Législateur leur défend d'en planter aucun j & parce que les Payens varioient leurs arbres félon les différentes, Divinités qu'ils adoroient,jt les leur jnterdit tous. Tu n'en planteras 3 dit-il , de quelqu arbre que ce fou. ( lbid. ).
C'eft encore pour prévenir les occasions de ces défordres y qu'il défend à (on peuple l'ufage commun parmi leurs voi- iâns idolâtres , qu'en l'honneur de leurs Dieux , un fexe prît quelquefois les habits de l'autre. La femme ., dit-il , ne portera point Chabit d' un homme , & l'homme ne fe vêtira point de la robe d'une femme. Quiconque le fait ejl en abomination de- vant l'Eternel ton Dieu. ( Deut. XXII. 5.) Indépendamment du delTein de flétrir un ufage confacré par l'idolâtrie , on (mt que ces dcguifemens ne pouvoient que donner lieu aux impudicités qu'il vouloir bannir (1),
(1) Voulait bannir. » De tout temps, dit un •» Commentateur dont nous empruntons toc- » vent les i(îtfes ( Chais ) , les fa£es Cm- >y Hii<ftcursde.< peufks curent les ytoxout««t*
DE QUELQUES ] \J I TS,- H7
Ç'avoit écé de même par des vues de décence , que le Législateur , qui ne crai- gnoit point les détails quand ils pou- voient être utiles aux mceurs , » avoir » ordonné aux Prêtres de porter dans le » temps de leur fervice , des caleçons de j> lin , ÔC de monter à l'Autel par une « rampe douce, &non par des degrés « j afin que les afàftans , places plus bas , n'appercufTent rien qui pût choquer la modeftïe. ( Exod, XXV III. 41. )
Une légiflation fi attentive à la dé- cence , fi amie de l'honnêteté", n'étoit" elle , Monfieur , qu'une légiftation de barbares P Comparez ces fages inftifu- ûons à la nudité des femmes même &: des filles de Lacédémone ( i ) , &c dites-
>j fur ces déguifemens. Platon aifure qu'il eft" si contre l'ordre de la nature , que les nommes >•■ fe revérifient en femme ; Se Charondas con- i> damne ceux qui s'étoient rendus c'ottpabîeî « de ces déguifemens _, à être expofés trois jour* j> de fuite dans les alfemblées publiques avec » leurs habits d'emprunt «. Aut.
( 1 ) Des filles de Lacédémone'. A certains jours de l'année", les jeunes perfonnes d? l'un & de l'autre fexe , combattoient nuds , Se dan-- foient eiîfemble dans cet étar. Quelle lénifia - tion ! Nvn-feu'.ement les loix ce Sparte , dit M, de Montefquieir , étaient aux parens les fen~ rimens natwels , elles oiolcnl la pudeur même «•/.»• chafieté. Auc, K vj
2.2.S Lettres
qui connut mieux les loix de la pudeur ,. le Législateur des Spartiates , ou celui des Hébreux ?
§. VIL
Mariages défendus aux Ifmélhcs avec les Cananéens. Raifons de. ces dé- fenfes*
Les mariages même, files Légiflateurs- n'y veilloient , poutroieut devenir une fource de corruption.
Pour y obvier , Moyfe les défend à (es Hébreux , d'abord avec les Cananéens.. Car c'eft particulièrement fi) de ces fçpt Nations , qu'il leur dit : » Tu ne t'allieras
(i^ C'eft partie ulkrcment , 6'c. On croit com- )nvincmem que Moyfe avoit défendu les ma- riagcs avec toutes les étrangères. C'«ft une tr; >tu , cjue réfutent alfez la loi concernant les pïilonnitres de guerre , & l'exemple de plu- lieurs peifonnages vcrtueax , dont l'Ecriture nppone qu'ils avoient époufé des étrangères , (ans qu'elle leur en falfe aucun reproclie. Quelques Savans même ont cm , que les ma- i ia^fs étount peinùs aux Hébreux avec les C?na:v'ennes converties. Us citent l'exemple rie Rabab-J mais eftil bien sur que Rahab fût dt tscà Cananéenne ? On pourroit le révoquer *r. deutt. Chret.
DE QUELQUES JuiFS. %%^
» point par mariage avec eux \ tu ne don- as neras point tes filles à leurs fils , 8c tu » ne prendras point leurs filles pour tes » fils «. Ces Nations étoient dévouées X l'anathcme.j &c le Légiflateur connoiiïbit leur attachement à l'idolâtrie , ik leur dépravation extrême- Il craignoit , avec raifon , que fon peuple , fécïuit par ces- étrangères , ne prît avec leur culte impie , leurs mœurs corrompues, leurs facrihces barbares , ôc leurs proftirutions reli- gieufes. >■> Certainement , dit -il , elles » détourneront de moi tes fils ■> &c la co~ » 1ère de l'Eternel s'enflammera contre » vous «. ( Deut. FIL 3. Exod. XXXIF.
§. V1IL
Mariages défendus aux Hébreux entre proches païens. Pourquoi ? Degrés ou ces mariages leur étoient interdits.
Un des défordres de ces peuples étoie?jr les mariages entre proches païens. Dans le premier âge du monde , &c quand la famille de Noé fut reftée feule fur la terre ,. ces unions avoient été inévitables. Mais lorfque les hamm.es fe furent mul- tipliés y ck que 4es familles réunies com- menceront à, former les Etats > Lx natuee
23© Lettres
Ôc l'expérience en firent fentir le danger ...
ôc la nécefîité de les prohiber.
Moyfe porta , fur ce point , l'attention plus loin ,. qu'aucun des Législateurs Orientaux , qui l'avoient précédé. Par un Edit folemnel, il interdit ces mariages à fes Hébreux -, ôc cet Edit renferme les motifs les plus capables de leur en inf- pirer de l'éioignement. Ce font des abo- minations que le Seigneur détefte j ôc c'elt de fa part ôc en fon nom , qu'il leur fait ces défenfes.
:> Alors, dit-il, l'Eternel parla à Moyfe, » ôc il lui dit j parle aux enfans d'ifracl , » &c dis leur : je fuis l'Eternel votre Dieu. •»> Vous ne ferez point ce qui fe fait au » pays d'Egypte , où vous avez habité „ » ni ce qui fe fait au pays de Canaan où » je vous mené. Vous n'imiterez point » les mœurs de ces peuples ,. mais vous :> garderez mes ftatuts ôc mes ordon- » nances. Je fuis l'Eternel votre Dieu, j> Que nul de vous ne s'approche de celle » qui eft fa proche parente. Je fuis -.-> l'Eternel «.
Entrant enfuite dans le détail des de- grés de parenté , où il prohibe ces ma- riages , il les leur défend :
i°. Entre afcendins cv defcendans , père ôc fille , fiU ôc mère , aycule <Sc
DE QUELQUES JlflFS. l$t
petite - fille , ôcc. » Tu ne découvriras » point , dit-il , la nudité de ton père , » en découvrant celle de ta mère : c'eft ?» ta mère y tu ne découvriras point fa » nudité (i). Tu ne découvriras point lar » nudité de la fille de ton fils , ni de la » fille de ta fille j c'eft ta propre nu- « dite (2.) «.
(1) Sa nudité. » Le mariage du fils avec la m mère , die l'Auteur de l'Efprit des Loix , con- 33 fond l'état des chofes ; k fils doit un refpect =• fans bornes à fa mère 'y la femme doit un- 3} refpect fans bornes à fon mari. Le mariage » d'une mère avec fon fils renverferoit , dans a» l'un & dans l'autre, leur état naturel. Il y a *> plus : Ci le mariage entre la mère & le fils- » étoït permis,, il arriveroit prefque toujours " crue , lorfque le mari feroit capable d'entrer >j dans les vues de la nature , la femme ne le » feroit plus. Le maîiage entre le père & la »> fille répugne à la nature comme le précédent-»
* quoiqu'il y répugne moins , parce qu'il n'a
* pas ces deux obftacles. Mais des pères , teu- « jours occupés à conferver les mœurs de leurs => enfans, ont dû avoir un éloignement naturel- « pour tout ce qui pouvoir les corrompre «*> Aut.
(1) Ta propre nudité On peur remarquer 9 que le maiiage du. père avec la fille > n'clr. nulle patt défendu en tetmes exprè» , dans les loi* de Moyfe, mais feulement par ir.duftion 3 ap- paremment parce que ce genre d'iuc'efte éi&ïi
2$! Lettres
i°. Entre beau-pere 8c belle-fille (i) ., beau-fils -k belle-mere (i) ; & la more efl la peine qu'il décerne contre ceux qui contreviendroienr à ces défenfes. » Si un » homme , dit-il , a commerce avec fa » bru , ils mourront tous deux : ils ont u fait une horrible confufion ; leur fang » en: iur eux. Et tî un homme s'approche » de fa belle-mere , 6c viole en elle le » refpect qu'il devoit à fon père , ils » mourront i'un ck l'autre : leur fmç ell
plus rare chez les peuples voifins. Mais com- ment l'incefte du fils avec la mère auroit-il été plus commun ? Seroit-ce que la mère payant an fils comme partie de la fuccelTion paternelle , ridée de propriété , ou des idées fanatiques de Religion, auroient rendu ces mariages moins rares , quoique plus oppofés à la nature , & aveuglé ces Nations jufqu'à ce point ? Edit.
(i> Belle- fille. Soit bru ou femme du fîls , foit fille de la femme. Aut.
(i) Belle-mere. Soit femme du père , foie mère de la femme. » Comme les enfans , dit « M. de Montefquieu , habitent ou font cenfés M habiter dans la maifon de leur père , & par »t conféquent le beau-fils avec la belle-mere , 3> le beau-pere avec la belle-fille > ou avec la )> fille de fa femme , le mariage entr'eux efh » défendu par la loi de !a nature. Dans ce cïs , s» l'image a le même effet que la réalité , parce » qn'il a la même caufè. La loi civile ne peut *> ni ne doit permettre ces mariages «■. Aut.
J»E QUELQUES JuiFS. l$$
* fur eux. De même , ajoute-t-il , iî un » homme époufe la fille &c la mère , ils » feront brûles au feu lui & elles ( i ) \ » & une action fî déteftable ne reftera » poinc impunie au milieu de vous ".
3°. Entre frère 6v fœur y beau- frère 5: belle- fœur > Se les deux fœurs à la fois ( i ). >5 Si un homme , dit-il , s'ap- 35 proche de fa fœur de même père & :i de même mère , ou de même mère 55 feulement , ou feulement de même » père , foit qu'ils foieat nés au-dedans » ou au-dehors de la maifon , c'eft une >3 action honteufe ; ils feront exterminés >5 aux yeux des enfans de leur peuple : il » a découvert la nudité de fa fœur , il » portera fon iniquité. Et fi quelqu'un >3 prend la femme de fon frère , c'eft un
(\)Lui & elles.. C'eft- à-dire les deux femmes» fi elles ont confenti à cette conjonction illé- gitime, ou celle des deux qui y auroit confenti. Aut.
(i) Frère & fœur. « L'horreur pour Pinceite 33 du frère avec la fœur , dit encore M. de 31 Montefquieu , a dû fortir de la même fource. *» II fuffit que les peies & les mères aient voulu 33 conferverles mœurs de leurs enfans, & leurs 3j maifons pures , pour avoir infpiré à leurs- 35 enfans de l'horreur pour tout ce qui pouvoic * les porter à l'union des deux fexes. «. Aut.
AJ4 Lettres
» opprobre ( i ■ ) ; il a découvert la nudiri » de ion frère , ils feront fans enfans (1). »? Tu n'affligeras point une femme , en jj époufant la fcetir avec elle , elle le » voyant , & pendant fa vie (3).
4°. Entre neveu & tante paternelle ou maternelle , dont il ne fixe point la peine j 5» beau-neveu ck belle-tante , dont il dit : 53 ils porteront leur iniquité , ils mour- » ront fans enfuis «.
Puis , terminant cet Edit comme il l'a voit commencé , au nom de l'Eternel : n Gardez, leur dit-il de fa part , mes or-
( r ) Un opprobre. Moyfe fait une exception à cette loi , dans le cas on le frète ftroit mort fans avoir eu d'tafans de ia veuve : il tailla fubûiter l'ancienne loi du Lévirat , cju'il Ce contenta de modérer. Nous en parlerons ail- leurs. Aut.
(x) Sans enfans. C'eft-à-dire , que leur? en- fans ne feront pas regardés comme leur appar- tenant , mais comme appartenant au ftete dé- funt. Ainfi, dit M. Michaëlis , le fécond mari perdoit l'héritage. Aut.
(0 Pendant fa vie. On peut conclure de ces expreffions , que s'il n'étoit pas permis d'é- poufer enfemble les deux fccurs , ou pouvoit les époufer fuccefllvement. Ces mariages tout permis de même aux Indes , où les maris aiment mieux donner à leurs enfans pour bclle- mere , leur tante , que toute autre femme. Aut
DE QUELQUES JuiFS. 1$$
» donnances Se mes jagemens , Se ne » fuivez point les jugemens Se les or- » donnances de ces Nations que je vas *> cimier de devant vous , car elles ont » fair tomes ces chofes > c'eft pourquoi j« » les ai en abomination c * ( Lévit. XVIII cS* XX. ) Et parmi les malédictions qui dévoient être lues devant la Nation af- femblée , Tanathême eft prononcé contre la plupart de ces conjonctions incef- tueufes.
Mais , dira t-on peut-être , pourquoi défendre fi folemnellement Se fous des
freines fi féveres ,des abominations, pour efquelles on fent naturellement une forte d'horreur ? 11 eft vrai ; leur idée feule nous révolte maintenant , eile nous fait frémir : mais la teneur même de cet Edit , eft une preuve qu'alors , parmi les Egyp- tiens & les Cananéens > on voyoit encore des exemples de cqs inceftes , même aux premiers degrés. On les a , long-temps encore après , reprochés à plufieurs peu- ples , aux Scythes , aux Caldéens , aux AfTy riens , aux Perfes (1) , Sec. Se quelque
( i ) Perfes , 6>c. M. de Voltaire rejette ces aceufations formées contre les Perfes , quoique appuyées du témoignage d'Hiftotiens con- temporains , & qui avoient yccu dans le pays»
i $ 6" Lettr.es
répugnance qu'on air à le croire , il erl difficile de fe refufer aux témoignagnes de canr d'Ecrivains qui l'attefteftt ( i ).
Les mariages entre frère Se fœur de même père , croient plus communs. Abra- ham même avoir époufé fa fœur de père ( 2. ) ; de fon petit-fils eut tout-à-la- fois les deux fœurs pour femmes. Mais chez les Egyptiens , Cananéens , Baby- loniens , Perfes , Sec. les mariages même
II aime mieux en croire les livres de Zoroajlre , qui , dit-il , défendent les mariages même entre coufns-germains. Cette raifon fera excellente , quand il aura démontré l'authenricité des pré- tendus livres de Zoroaftre , qu'il traite lui- même d'abfurdes rapfodies indignes de Zoroajlre. Edit,
(1) Qui l'attejlent. Citons-en quelques-uns. » Attila , dit Prifcus, s'arrêta pour epoufer fa » fille Elca x chofe permife par les loix des » Scythes". Ces mariages inceftueux font encore en ufage parmi les Tartares defeendans des Scythes. Ptolemée affûte que dans l'A fie méri- dionale , les incefres du fils avec la mère étoient communs. Catulle les reproche aux Mages ; Clément Romain aux Perfes. Joignez y Sextus Empyricus, Agathias , Bardefanes , &c. j4ut.
(a) Sa fœur de père. Ces mariages éroienr permis même aux Athéniens par une loi ex. preffe , qu'ils tenoient t fans doute , comme beaucoup d'autres , des Egyptiens; :^(|'«i^«m
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£>E QUELQUES J U I F S. i$f
yntre frère 3c fœur de même mère , l'étoient pas rares ( i ). £c comment ces :ommerces inceftueux n'auroient-ils pas ké répandus parmi ces peuples ? La Re- ligion les y aueorifoit , de les Dieux qu'on y adoroit , en avoient donné l'exemple (i).
{ i ) N'étoienc pas rares. Voy. Hérodote Philon , Ttolémée , Sextus Empyr. &c. Aut.
(2.) Donné l'exemple. » Si quelques peuples 3» n'ont point rejette les mariages entre les »» père» & les enfans , les ferais Se les frères , « &c. dit M. de Montefquieu , qui le diroit î » des idées religieufes ont fouvent fait tomber s» les hommes dans ces égaremens. Si les Affy- »j riens , fi les Perfes ont époufé leurs mères , » les uns l'ont fait par un refpect religieux pour >s Sémiramis , & les féconds pour Zorosftre. Si b les Egyptiens ont époufé leurs fœurs , ce fut a encore un délire de la Religion Egyptienne , quiconfacra ces mariages en l'honneur d'Ifis«. L'Auteur du Livre de la SagefTe attribue de même à i'idolâcrie- ces mélanges inceftueux. Nous cioyons qiie , r-efté des premiers mps ou apporté dans les fociétés par des amilus demi-barbares , indépendantes & ifo- ées , qui n'avoiént pas pu oh n'avoient pas fuulu aller chercher au loin des époufes pes- ant qu'elles en trouvoient dans leurs cabanes, et uûige , par le défaut des loix , fe conferva ez quelques peuples; & que , quand on com- ença d'en rougir, on en couvrit le vice da oile de la Religion. C'eft , fans doute , cette indolence , ou cette
238 Lettres
C'étoit au milieu de ces Nations cor- rompues , que le Législateur des Hébreux donnoit des loix à fon peuple. Pouvoit-il ne pas défendre , fous les peines les plus féveres , des unions fi nuifibles à la con- fervation de la pudeur naturelle , de la paix & de la fureté dans les familles ? Car, fans parler ici de cette horreur fecrete , -que nous fentons pour ces al- liances , ni du refpect que dans la plu- part de ces cas , l'une des parties doit naturellement à l'autre, & que ces ma- riages détruiroient ; fans infifter fur l'uti- lité phyfique de croifer les races poar obtenir des individus plus vigoureux 6c mieux faits , ni fur l'avantage politique d'étendre les liaifons cv les motirs d'at- tachement entre les différentes familles d'un Etat : à combien de déréglemens & d'impudicités domeftiques n'auroit pas donné lieu la fréquentation indifpenfab'e entre proches, jointe à l'efpérancc d'une union légitime (1) ? Combien de haines , de dilTenfions , Se peut-être d'attentats ,
difficulté d'aller chercher des femmes au loin , qui conferve encore dans quelques hordes Sau- vages ces mariages ineefhieux. Edic.
(1) Légitime. Voyez ce qu'en dit 1 Evêque ïiylor , dan» fon Dutior dubitantium» Aur.
D! QUELQUES J U I F S* 2$$
les rivalités entre |»ere &c fils , fille 8c mère, frère 8c frère , foeur 8c fœur , auroient pu ocçafionner dans les familles ?
Aufli , tandis que divers peuples an- ciens de i'Orient: fe permettoient ces ma- riages , tout l'Occident les avoir en hor- reur. Les Grecs les comptoient parmi les plus grands crimes ; 8c les Romains , par les loix des douze Tables , les punifloient , comme Moyfe, du dernier fupplice. In- ctjlum pontificcs fuprsmo fupplïcio fan- ciunto (i).
Mais , fi le Légiflateur Hébreu défend les mariages entre les parens les plus proches , entre lefquels la fréquentation étoit plus libre , 8c par confcquent le danger de la corruption plus à craindre , il ne donne point a ces prohibitions ces extenfions inutiles 8c quelquefois bi- zarres (i) > qui , dans des temps d'igno- rance , rompirent tant de mariages , Se cauferent tant de troubles.
Nos Maîtres eftiment qu'il ne les dé- fendit point entre oncle 8c nièce , ni entre confins , même germains \ mariages que ,
( i ) Sanciunto. Voy. Henry Etienne. Juris civh'is fontes cV r'tvù Aut.
(î) Bigarres. On attribue la plupart de ces exténuons aux Gotks. Ed'u.
24» Lettres
pendant long-temps , les loix Romaines ne permirent pas ( i ). Sans cloute , parce que dans les premiers temps de la Répu- blique , les on:les 6v hs nièces , les cou- iines &c les coufîns-germains habitant en- femble , 8c pouvant fe voir familièrement, il falloit mettre entr'eux , pour prévenir les défordres , la barrière infurmontable de ces prohibitions. Chez les Hébreux , au contraire , les nièces & les coufines- germaines ne voyoient pas librement leurs oncles & leurs coulins-germains ; elles ne pouvoient fe montrer à eux que voilées.
( i ) Ne permirent pas. L'Empereur Claude fut le premier Romain qui cpoufa la nièce 3 &c malgré la loi qu'il donna pour permettre ces mariages , fon exemple , que fuivit alors , par complaifance , un Chevalier Romain , ne fût imité , quelque temps après , que par un Af- franchi. Lors même qu'il fut permis d'époufcr fa nièce, fille du frère , on ue put épouler la fille de fa focur. Nunc autem ex tertio gradu licet uxorem ducere , ftd tj::tum frutris fiitani , non etuim fororis. Ulpiau.
Les mariages entre coufîns-germains furent défendus dans Rome, jufqu'à ce que Caivilius Ruga , étant aceufé d'avoir époufé , contre les loix , fa coufine-germaine , laquelle étoit fort riche , le peuple , qui aimoit ce Citoyen , l'ab- fout , & à fon occafion , pernait ces mariage* par un« loi exprefie. Aut.
Ainfi ,
DE QUELQUES J tf I PS. I.1I
Àiiifi , la familiarité n'ayant pas lieu , ces mariages pouvoient être permis , fans crainte d'occatîonner , des déréglemens dans les familles.
Il eft probable que ce fut fur i'ufage où étoient les femmes de paroître voi- lées , ou fans voile , que le Législateur fe décida pour permettre ou prohiber les mariages entre proches. Quoi qu'il en foit , (es loix , fur cet objet , fages , dé- centes , avouées de la nature de de la. vertu , comme de la faine politique , pré- venoient par ces prohibitions , des défor- dres domeftiques qui auroient épuifé de jeunes tempéramens , & confervoient , avec lapudicité , la vigueur des Citoyens. C'eft ainfi , Monfieur , qu'après avoir alïiiré à fes Hébreux , la vie , la sûreté , la fanté , l'abondance , ce grand homme leur aiïliroit encore , par l'honnêteté ôc la fécondité des mariages , cette poou- lation nombreufe , qui devoit faire la gloire & la force de l'Etat. Nous fommes &:c.
h*?
Tome III.
142- Lettres
LETTRE X.
Loix civiles : fuite. Loix concernant le gouvernement intérieur des familles.
V^haque famille eft un petit Etat; comme les Etats font eux-mêmes de grandes & nombreufes familles , dont le Souverain eft le père. Ces grandes fa- milles ne peuvent être heureufes 6c fa- gement gouvernées , qu'autant que le bon ordre règne dans les familles parti- culières qui les compofent.
Voyons donc de quelle manière le Législateur Hébreu établit la fubordi- nation dans ceux qui doivent y obéir , & modérer l'autorité dans ceux qui y com- mandent ; & avec quelle fageifè il fixe les droits 6v les devoirs refpect.irs des uns ôc des autres.
Nous venons de voir quels étoient ceux des maris & des femmes : partons à ceux des parens &; des enfans , des maîtres & des efclaves.
DE QUELQUES J U I F S. 243
§.I.
Droits & devoirs des psres & mères.
La législation Mofaïque , comme nous l'avons déjà remarqué plus haut , n'avoir point lailié aux pères le droit inhumain , établi chez tant de peuples , d'expofer ou de tuer , à leur naitiance , ceux de leurs enfans dont ils vouloient fe défaire : elle les obligeoit au contraire de les nourrir &z de les élever tous.
Outre la nourriture , l'entretien 3c les foins néceiTairesàleur cenfervation, le* pères & mères dévoient encore l'infini étion à leurs enfans. Elle conlifroit , cette inf- truétion , à leur en feigne r les grands dogmes de la Religion , l'unité de Dieu créateur 6c confervateur du monde , le choix qu'il avoit fait d'Ifracl pour fon peuple , les peines &: les récompenfes qu'il annonce aux observateurs ou aux infracteurs de fon alliance , &cc. Il fal- loir qu'ils leur appiifTent les merveilles opérées en faveur de leurs ayeux , & l'origine de leurs fêtes deftinées à en perpétuer la mémoire. » Quand tu 35 feras entré , dit-il , dans la terre que » l'Etemel va te donner , tu observeras
Lij
244 Lettres
» ces cérémonies -y ëc lorfque tes enfans » re demanderont pourquoi cette Paque , » pourquoi ce rachat des premiers nés , » ôcc. tu leur répondras , cette Paqiie eft 3> la victime du partage de l'Eternel : car » l'Eternel a patte en frappant les pre- » miers nés de l'Egypte , ce en délivrant 55 nos maifons. Il a déployé pour nous » fon bras puifianc j il a cpérc des (ignés 55 &: de grands prodiges , 8c il nous a 35 tirés de ce pays où nous gémiflions 55 dans l'efclavage «. ( Exod. XII. 25. XIII. 14. £W. *7. îc. )
Us dévoient encore leur apprendre les principaux ftatuts & ordonnances de la législation. C'eft une obligation que le Législateur leur nnpofe dans les termes les plus forts. » Appliquez vos cœurs , 55 leur dit-il , à toutes ces paroles que j5 je vous fomme aujourd'hui de com- 55 mander à vos enfans , afin qu'ils les 55 gardent toutes exactement. Vous les 55 enfeignerez avec loin , ajoute-t-il , à 5» vos enfans & aux enfans de vos enfans «. Et pour les animer par la vue de la ré- compenft à l'obfervation de ce devoir , il y attache unepromefie. » Vous les leur 55 enfeignerez ioigneufement , dit -il, 55 arin que vos jours & les jours de vos 53 enfans foient prolongés fur la terre „ que l'Eternel votre Dieu a juré à vos
DE QUELQUES JuiFS. 245
» pares de leur donner ". ( Deut. IF. 9. VI. 7. XL 19. XXXII. 46. )
Ce n'eft pas tout de les inftruire , il fuie. qu'ils veilleur à leur conduite, qu ils tes reprennent , qu'ils les Corrigent : & û un enfant fe montre indocile &: re- belle j Ci, au mépris des confeils & des corrections , il s'obftine à. continuer dans le libertinage & la débauche , ils dé- voient les dénoncer aux Juges \ &c les Juges , après avoir conftaté l 'încorri- gibilité , les condamnèrent à la mort (1). Ainfi le Législateur réprimoit le vice ôc maintenait l'autorité paternelle , fans abandonner la vie des enfans aux em- portemens d'un père irrité , ou qu'une époufe favorite auroit pu aigrir contre le fils d'une autre époufe ; précaution f.ge dans un Etat polygame.
En otant aux pères le droit de vie ôc de mort fur leurs enfans , Moyfe leur lailfe celui de les confacrer par vœu au fervice du.Tabemacle , ôc même de les vendre comme efclaves , dans le cas d'uue extrême indigence.
Si ce droit de vouer fes enfans au
fervice du Tabernacle vous paroît dur ,
1 ' ' j-i
( 1 ) A la mort. Voyez plus haut , Leurs VIII.
L iij
z+6 Lettres
Monfieur , comparez-le à celui que tant de législations laiiïoient aux pères , non- feulemeiic de les confacrer au fervice des Temples, mais de les immoler aux Dieux qu'on y adoroit. Ce droit d'ailleurs n'étoit que le droit qu'avaient les pères fur le.ir propre perionne , chaque Hé- breu pouvant fe vouer, comme eiclave, au Tabernacle. Au refte, l'exécution ri^oii- reufe de ce vœu étoit adoucie , cV par l'arTcuaiice d'un bon traitement, & hors le cas du chérem , par la liberté du rachat , pour un prix , dont Moyfe n'avoit pas îaiiïe l'arbitrage aux Prêtres , mais qu'il avoit fixé , par une loi expreflè , à uns fomme modique (i).
Quant au droit qu'il lailfe aux pères de Vendre leurs enrans comme efclaves, c'é- toit le droit de tous les peuples d'alors (2) :
p — ■ — - — *
fi' Somme modique. Cinquante fîcles au plus. ( Lévic. XXVII. j. ) Les enfans , dans cecte forte d'cfclavage , confervoi*nt leur droit à l'héritage du père , & autres biens j Us pouvoieut donc fe racheter eux-mêmes, h* leurs pères ne les rachetoient pas. Quand on conhdere de quelle utilité étoient les enfans à leurs parens chez les Hébreux , on juge bien que ces vaux étoient rares , ou que le rachat ne tardoit pas* Aut.
(1) Peuples d'alors. Le droit des pères étoit Ci abfota chez la plupart de ces peuples , qu'A- liftote n'a pas crauu de foutenix, qu'un pere
BE QUELQUES J U I F S. 247
ôc ce droit , Moyfe , cqron^e nous l'avons dit plus haut , fut l'adoucir par des ref- tridtions 3c des précautions, que n'avoient poiat prifes les autres Législateurs. Au moyen de ces précautions , ce droit de- venoit utile , non-feulement aux parens , mais aux enfuis mêmes 3c à l'Etat. Les enfuis étant alors une relïoiiree aifurée pour les parens , fait gar leur fer vice , foir par le prfx de la vente , l'intérêt ns pouvoir qu'engager lés pères 3c mères à en multiplier le nombre 3c à les foigner dans l'entance. Or par-là combien d'enfans fauves pour l'Etat ? Peut-être les Maifons de charité , où font reçus ceux qu'a- bandonnent leurs parens , en confervent moins parmi vous ( i ).
Les filles ainfi vendues , paffoient dans la mailon de leur maître , fous la con- dition , ou du moins fous l'efpérance d'y devenir femmes du premier ou du fécond rang , avec un traitement honnête , en
de famille ne peuc faire d'injuflice à fes ef- claves , ni à fes enfans , de quelque manière qu'il en ufe à leur egard. Belle morale pour le Prince des Philofophes 1 Voy. Grotius. Edit.
(i) Parmi vous. Cefl: la penfée de M- Mi- chaëlis , dans fou Droit Mofaïque. Auc
L iî
248 Lettres
cpoufant le père de famille , ou quel- qu'un de fes enfans ; fans quoi le Légis- lateur "leur accorde la liberté du rachat, ou la manufljon à la feptieme année (1). ( Exod. XXL 7. 8. Deut. XV, 17. )
Avec ces fages modifications , le Législateur fut rendre avantageux & fa- lutaire , un droit qui , dans vos mœurs , paroît d'abord révoltant (2).
§• IL
Droits & devoirs des enfans. Par nos loix , les enfans doivent à leurs
(1) D'avcrd révoltant. C'tft fans Joute cttte dureté apparente qui a fait foutenir à quelques Savans , que Moyfe ne perciettoit aux pères de vendre que leurs filles. Nous ne voyons pas que cette Hiftirxftion foit fondée. Aut.
(i0 Septième année. Solon défendit , par une loi , aux Athéniens de vendre leurs filles & leurs focurs , hors le cas de mauvais commerce.
"M» »~£(>a:i SuyiCTtPM ~>,V/» urr c:
iio iit\~i:Y WetÇ&ro» oo^£i Çby-/'.^ Cette loi
cft une preuve , que jufqu'à lui ks pênes
avoîerit été libres de vendre rhêrneJ.êurs h
La dcfer.fe de Soîon émir ("âge dân.s 1 lie
où les Citoyens ne pouvaient épou:tr qu'une
Citoyeniiè. Des loix Romaines
p« es le droi: 1 - enfant
tard. .
DE QUELQUES J U I F S. 249
père 8c mère , le refpect , l'obéiflance & l'amour. Ce fut un des commandemens que Dieu di&a de vive-voix à fon peuple , 8c qu'il daigna écrire fur la pierre. C'eil le premier de la féconde table , 8c le feul auquel il attache une promena particulière de récompenfe. » Honore , » ton psre 8c ta mère , dit-il , afin que s? tu profperes , 8c que tu vives long- » temps fur la terre que l'Eternel ton » Dieu va te donner. Que chacun de » vous , dit-il ailleurs , craigne fa mère ■>■> 8c fon père «. ( Exod. XX. 12. Deut. F. 16. Lcvit. XIX. 5. )
Cet honneur des parens , prefcrit aux enfans , renferme tous les fentimens qu'ils leur doivent. C'eft l'expreflion dont fe fervent, après Moyfe, les Légifiateurs & hs Sages de lav Grèce ( 1 ) j 8c quel- ques-uns d'entr'eux annoncent de même une vie longue 8c heureufe , comme la récompenfe de l'obfervation de ce pré- cepte , 8c du foin que prendront les en- fans de nourrir leurs père 8c mère dans leur vieillefle ( 1 ).
(r) Les Légiflateurs de la Grèce. Te*»* ~v< yo h . i;.j.i-j<rtt , difoient Triptoléme, Charondas & Zaleucus. Âut.
{x) Lear vhïllejfe. I»*ràs ~<t.a'<-- yÀ°c£ea4r*
L v
150 Lettres
Que fi un fils , oubliant ce qu'il doit aux auteurs de fes jours , s'échappe juf- qu'à les frapper , la mort eft la peine de fon crime. » Quiconque aura frappé » fon père ou fa mère , dit la loi , mourra » de mort «. ( Exod. XXI. )
Des imprécations s des paroles ou- trageufes prononcées contr'eux , étoient punies de même. » Si quelqu'un maudit » fon père ou fa mère , il mourra de « mort : il a maudit fon père ou fa mère , 33 fon fang eft fur lui «. Et le mépris des parens eft mi^au nombre des crimes , qui méritoient , l'anathême dans les malédic- tions publiques. » Maudit foit celui qui 33 a méprifé fon père ou fa mère ; & tout 33 le peuple répondra amen «. ( Exod. XX I. 17. Leva. XX. 9. Dcut. XX F II.
Defemblables chârimensfe trouvoienc dans la législation d'Athènes. L'entant qui avoit ofé frnpp.T fon père , devoir avoir le poing coupé , ou être lapide lur le champ •, & une loi exprefle oMi^eoic ie père , que io\\ fils avoit outragé de
rv? ytin -, Aies parentts fi fcnet , vives dm. Voy. Henry Etienne , Juiïs avilis fontes À1 rtvi, Auc.
DE QUELQUES JuiFS. 25 I
paroles, de le dénoncer aux Juges , fous peine d'être lui même déclaré infâme (i).
Moyfe ne décerne point de peine par- ticulière contre le parricide ( 2 ) , fans doute parce qu'il étoit fans exemple. Ce crime eft fi horrible , il doit naturellement être fi rare , que la plupart des législations anciennes n'en parloient pas. Solon nen avoit rien dit dans fes loix , parce qu'il ne croyoit pas , difoit-il , qu'il put jamais y avoir dans Athènes un homme aifez méchant pour s'en rendre coupable. Les loix Romaines des douze Tables n'en parlent pas non plus;*& l'Hiftorien Hé- rodore alfure , que de fon temps même , ce crime étoit inconnu dans la Perfe. Mais quand les mœurs fe dépravèrent , on fut obligé , chez divers peuples , d'imaginer contre ce crime des fupplices iinguliers & cruels.
Quoiqu'il foit allez dans l'ordre na-
(1) Déclaré infâme. Solon avoit reftieint à l'infamie la pei.ve du fils qui avoit outragé oii frappé frs père & mère , ou qui refufoit de les fecourir dans leurs befoins. O •*.■-."» iv« y->ttç >? «.« :s •' **ut ç ~ ,-, L'infâme étoit exclus de toutes les magiftratufes , du droit de paioîcre aux afTemblées dans les Temples , &c. Aut.
\i) Cancre le parricide. Voy. Chais. Aut.
Lvj-
2^i Lettres
turel , qu'après avoir donné la vie à leurs er.fans , les pères leur laiifent , dans leurs biens , les moyens de la foutenir , la plupart des légiflations anciennes leur accordoient une grande liberté à cet c^ard. Le Léçiflateur Hébreu l'avoir ref— rreinte : il ne permet pas aux pères de ilifpofer a leur gré de leurs biens patri- moniaux. Les fils en étoient les héritiers néceifaires j & ils dévoient Iqs partager entre eux par portions égales. L'aïné feulement avoit une double portion : c'é- toit le droit de primogéniture établi avant Moyfe, & accordé au premier né, à raifon des frais des facrilices , Ôc aunes ■ dc- penfes , qu'il étoit obligé de faite en qualité de chef de la famille après la jnort du père.
Les filles n'héritoient pas des biens patrimoniaux, à moins que le père ne fut mort fans laiffer d'cnlans maies. Dans ce cas , elles partageoient par portions égales : mais alors elles ne pouvoient fe marier hors de leur Tribu , cv d'ordi- naire, elles fe marioient dans leurs fa- milles. Ceux qui les époufoient étoient infcrits dans les tables généalogiques , comme fils du défunt. Ainfi fov. nom fe perpétuqi.t , honneur ambitionné chez les lfcaclites5& Içs biens reftç&nc toujours
DE QUELQUES JuiFS. î 5 5
dans les mêmes familles , ou du moins dans les mêmes Tribus.
Vous trouverez dans la lé^iflation d'Athènes , une difpoiition femhîable , fondée , fins douce , auffi fur les mêmes motifs. Les filles , héritières d'un père mort fans enfans mâles , ne pouvaient fe marier qu'à leurs proches (r), pour em- pêcher auei le bien ne fortit de la fa- .mille ; loi falutaire clans les Etats, où la diftribution des terres avoit été fage.
Quant aux acquêts , il paroît , par l'exemple de Caleb , que les pères pon- voient en difpofer à leur gré, ex en faire part à leurs filles.
§• III.
Droits & devoirs des Maîtres envers leurs Efclavcs,
L'efcia\v,<re eil-il un bien ou un mal politique ? A-t-il plus d'avantages que d'inconveniens ? Ce font des queftions qu'ont agité quelques Modernes" : on s'eft même partagé de ientimens fur cet objet j
(1) Qu a leurs proches. Mi*c|tir«j rs.iç f#l\&f<:f t"a tk; aï'/iTUs.; yhuta. Vid, Petit. leg. Ah. Aur.
254 Lettres
6c depuis l'abolition de l'efciavage, oO.
a vu des Littérateurs en fouhaiter le
retour.
Ces questions , les anciens ne les agi-
toient pas : un ufage univerfel autonfoic
alors l'elclavag-e dans toute fa dureté. o
Moyfe le. voyant établi chez les Hébreux de chez tous les peuples du voilinage , n'entreprit pas de l'abolir (1) j mais- en le JailTant fubfiiïer , il fait y mettre des reftrictions , qui prouvent également de fon humanité ex la façelfe de les vues politiques.
Vous n'ignorez pas , Monheur , avec quelle barbarie les loix traitoient ces malheureux parmi les Nations même , qu'on nous propofe fouvenr comme les modèles d'un Gouvernement fage. C'ctoit peu de condamner les coupables à des châtimens cruels , on n'épargnoit pas toujours les innocens.
» A Laccdémone (i) , de quelque ma-
(i) De l'abolir , Sec. II paroît cjue Moyfe penfoit fur l'efciavage comme fur la polygamie , le divorce , Je poinr d'honneur dans la ven- geance du fang , &c. Il tolère ces ufages 'établis avant lui , mais il les modère au-ant iju'il lui elt poflible. Ckret.
x) A Laccdémone , 6-c. Ceci eft tire d'un
DE QUELQUES JuiFS. 25J
» niere qu'on traitât fes efclaves , iis ne 35 pouvoient réclamer l'autorité des loix ; jî on. les obliçeoit de recevoir tous les 35 ans un certain nombre de coups , quoi- » qu'ils ne les enflent point mérités , » feulement afin qu'ils ne défappriilènt » point à obéir. Si quelqu'un fembloit, » par fa taille avantagea fe &: fa bonne » mine , s'élever au-deifus de fa con- 33 dition , il étoit puni de mort , ôc fon 33 maître mis à l'amende , afin qu'il em- 33 péchât , par {es mauvais traitemens , 33 que ceux qui lui reftoient ne pulTent >j un jour , par leurs avantages extérieurs , 33. blefTer les yeux des Citoyens «.
Autorifé par fa légiflation ( i ) , le Spartiate fondoit fur les Ilotes occupés des travaux de la campagne , tk en maf- facroit impitoyablement les plus vigou-
Mémoire de M. Capperonîer , tome XXIII. des Mémoires de l'Académie des Belles-Lettres. Aut.
(1) Par fa légiflation. Le favant Académicien cité tout à l'heure, fembie douter 3cj ne la cry- ptie ait été autorifée' par les loix. Ce doute nous paroît peu fondé : car plusieurs Auteurs , Platon entr'autres & Ariftote , attribuent for- mellement cette inllitution à Lycmgue lui- même. Quoi cju'il en foit , f\ les loix n'auto- lifoient pas ces maifacres , elles les tolcroienc du moins. Aut,
z$6 Lettres
reux , fans autre raifon que de s'exercef & d'empêcher qu'ils ne fe rnukipliaiTent. C'étoir par cette expédition barbare , que les Ephores ouvroient leur magistrature j 3c les jeunes gens les plus eltimés étoient chargés de l'exécution comme d'une coin- million honorable. Quelle législation , Moniieur !
Celle de Rome fut plus barbare encore. On l'a dit, & rien n'eit plus vrai: lesloix de cette Capitale du monde fur les efclaves, font l'ouvrage de la férocité 5c l'opprobre de la raifon : on ne peut les lire fans frémir. Elles les afiimilent aux bêtes de fomme j elles les livrent aux plus cruelles tortures : fi un maître eft ailaflirié , tous les efckves trouvés fous le même toît , ou feulement à la portée de la voix, iont condamnés à mort fans diltinction. En- core s'ils n'avoient été facririés qu'à des vues réelles ou apparentes d'utilité «Se de fureté ! mais ils l'étoient même aux plai- firs publics. Sous les yeux i.\es Magiltrats &: des loix , des milliers de ces malheu- reux expiroient dans l'arène pour le di- vertiiremcnt d'un peunl • ic-roce j ck tel jour de réjouillance lit couler plus de faiîg dans {Empire , que plulieurs jours et I . !tdl!e.
loix barbares abandonnoient fans
DE QUELQUES JuiES. 257
rcferve , les efclaves de L'un «Se de l'autre fexe , à l'incontinence &c à la brutalité des maîtres ( i ) j & vous favez à quels excès cette licence donna lieu. Iixcës d'impudicité ; ils font atteftés par tous les anciens Écrivains : on y abufok \ on y trahquoit de la pudicité c]es efchves ; &c Caton même , ie fage Caton , ne rougit pas de ce lucre honteux. Excès de cruauté 5 elle étoit ians bornes. Rome vit les femmes même , oubliant leur douceur naturelle 5 déchirer à coups de fouet le dos nucl de leurs efclaves-coe'rTeu- fes , pour une boucle de cheveux mal
(1) De leurs maîtres. » Je ne vois pas, dit i5 M. de Montefquieu , que les Romains aient >j eu à cet égard une bonne police : ils lâchèrent m la bride à l'incontinence des maînes. ( On en peut dire autan: de pref jue tous les peuples «Je l'antiquité. ) » Il faut . ajoute- 1 il , que 33 l'efdavage foi: pour l'utilité & non pour la >■> volupté. Les loix de la puJicité font de droit sa naturel , & doivent être ftntits par toutes » les Nations du monde : que C\ la loi qui con- 3) feive la pudicité des efclaves , eft bonne 33 même dans les Etats où le pouvoir fans 33 bornes fe joue de tout , combien plus dans « les outres « ? Cette licence fut le fléau des merur* chez les anciens peuples. Que pouvoient . de malheureux efclaves contre des maîtres vo- luptueux & brutaux, qui n'étoient retenus p3r aucun frein ? Edic.
258 Lettres
arrangée , 5c faire, de ces barbaries , leur exercice du matin 3c l'arnufemen: de leur toilette. Elle vit des maîtres impitoyables tranfporter leurs efdaves vieux ou in- firmes , dans les iiles defertes du Tibre , ôc ies y abandonner,comme ^es bètes hors de fervice , pour y périt de raim ex de mifere : Se de rjehes gourmands choilîr ceux qui avoient le pins d'enabonpomE , de les égorger, fans aucun fujétde plainte, par la rattciifie feule d'en j .tter les corps dans leurs viviers pour engraiHcr leur noiilon , Si rendre , par cetre nourriture , leurs murènes plus délicates.
Le LégUUteuf Hébreu ne Iailfe point aux maîtres cette autorité defpotique , même fur leurs efclaves étrangers. Il veille à la confervation de leur pudicité cV de leur vie. L'adultère commis avec une efclave mariée ne refte point im- puni (i) ; Se Ci l'on en juge par la pn- fonniere de guerre , quand un Maître avoir pris (on efclave pour femme ou pour concubine , il ne pouvoir la quit:er qu'en lui donnant la liberté.
Il ordonne de même, » que le maître » qui , en frappant quelqu'un de ies
(i) Impuni. Le fouet &: un faciiiîce expia- toire en écoient la peine. Au:.
DE QUELQUES JuiFS. 259
» efclaves , lui aura crevé un œil ou cafTé » une dent, le renvoie libre «. Méritent- ils la mort ? c'eft au Juge à prononcer leur arrct : Se a fi quelqu'un , châtié par » fou maître avec ie bâton, expiroit fous «le--, coups , le maître lui -« même , a » moins qu il ne £k voir clairement qu'il » n'avoir eu aucun deflein rie If tuer , « étoit condamné à [a mort ( 1 ) , il n'é- » cha.Joo:t aux poutfuites de la Juftice , » qu'au cas que l'eickve eut furvécu » de quelques jours (i) «. ( Êxod. XX. 11. 2.6. 17. )
(1) Condawié a la mort Le texte porte: O/i ne manquera point c'en faire punition ; ce que les Docteurs Juifs entendent de la peine de mort. Àut.
(i De quelques jours. Le Lcgiflattur avoit préiumé avec raison , que la double crainte da s'expofer à des pru;échres criminelles , & de perdre leur aident , f ffiroit pour réprimer les empoitemens Se lu violence des maures. C'eft donc mal-à-propos qu'a l'occalion de cette loi y l'Auteur de l'Efprit aes Loix s'écrie : Que/ peuple que celui où il fallait que la loi civile fe relâchât de la loi naturelle ! Il falloit plutôt s'ccrier , quels peuples que ces Spartiates , ces Siciliens , ces Romains 1 Quels peuple- que tous les peuples d'alors , & quelles légiférions que les leurs , fur cet objet , en comparai fon de celles des Hébreux ! Celles-ci donnoient aux maîtres un double frein , les autres ne lem laiilbient que celui de l'intérêt. Edit.
i6o Lettres
11 porte la bonté plus loin : il leur alîure des jours de délalTement & de plai- fîr ; foulagemçnt bien dû dans une vie ri lue Je peines & de fatiguas. Il veut qu'ils jouilïent du repos du fabbat &c des fèces. C'efi pour eux aujfi, dit-il aux maîtres , que ce repos eji infatué. Souve- nez-vous , ajoute-t-il , que vous ave% été yous-memes efclaves en Egypte ; 3c n'en- viez point à ces infortunés un repos , que vous euiîiez trouvé ii agréable & lî né- cellaire. il veut enfin qu'ils aient part , non-feulement aux fruits fpontanés de Tannée fabbatique , mais aux feftins re- ligieux de nos folemnités,. Se à nos repas facriacatoires ; & que, dans ces fêtes au moins, la joie foit commune aux maîtres Se aux efclaves. Tu te réjouiras , toi 3 ta femme ., tes enfans , ton ferviteur & ta ferrante. ( Vid. fup. ) Sage Se -bienrai- fante police , qui , en laitTant refpirer ces malheureux , ranimoit leur vigueur , & confervoit aux maîtres des hommes utiles , qu'ils auroient peut-être épuifes par d'excëflifs & continuels travaux. Telle ctoit la douceur des loix fur l'elclayage. Aufli ne vit-on jamais chez nos percs ces révoltes d'ef. laves , qui mirent tant d'Etats , Sparte , la Sicile, Rome même, Ses. 1 deux doigt; de leur perte. Nous femmes 8cc,
DE QUELQUES JuiFS. l6ï
LETTRE XI.
Loix civiles : fuite. Loix tendantes à infpirer aux Hébreux l'humanité j la douceur & la bienfaifance.
\J u e vous connoiiliez mal notre Lé- gillation , Monfieur , quand vous l'accu- fiez d'inhumanité ôc de barbarie ! Elle n'eft , à vous entendre , qu'un ramas d'or- donnances abfurdes dictées par un Lé- gillateur féroce , pour une horde de Sau- vages : & pour peu qu'on l'étudié , on reconnoît que fan caractère diitinclir eft d'infpirer par-tout les plus tendres fen- timens d'humanité , de douceur Se de bienfaifance. Non; aucune légiflation an- cienne ne lui eft comparable de ce oté. Elle les laifïe toutes loin derrière elle : ôc c'eftici particulièrement fon triomphe.
§. I.
Senthnens de haine & de vengeance in- terdits aux Hébreux. Oubli des injures : obligation de s aimer & de Ce rendre mutuellement fervice.
Elle commence d'abord , cette légif-
tlGï. Lettres
lation prétendue barbare , par interdire tout lenriment de haine , & tout idefir de vengeance : elle defcend au fond des cœurs pour y étouffer tout reflènâment. Tune haïras pas , nous dit-elle , ton frère dans ton cœur t & tu ne chercheras point à t'en venger. ( Lévit. XIX. 17. 18. )
Elle nous ordonne , au contraire , le pardon , l'oubli généreux des offenfes , par le plus noble Se le plus paillant des motifs , par la vue de l'Etre fuprême , &c de l'obéifTance qu'il mérite. Tu ne conserveras point le fouvenir de Cinjuft de tes Concitoyens : je Juis l'Eternel ton Dieu. ( Ibid. )
C'cft peu de ne les point haïr , il faut les aimer & les aimer comme foi-même, les obliger, les fervit , ramener leurs bef- tiaux égarés , ramaflet & leur rendre leurs vête mer, s cv leurs effets perdus. » Tu ne pilleras pas outre , dit-elle , » comme lî tu n étoii pas obligé d'y » prendre intérêt «. Exemples particuliers par lefquels elle nous apprend , qu'en général nous devons faire pour le pio- chain tout ce que nous voudrions qu'il fit pour nous-mêmes. ( Dcut. XXII. 1.
Ces leçons du Lég&atear produiiirent un tel effet fur lo cceoxs de nos Hébreux ,
DE QUELQUES JuiFS. 2.6 3
que leur union , leur amitié , Ôc l'atta- chement tendre qu'ils avoient les uns pour les autres , frappèrent plus d'une fois les peuples idolâtres (i).
Si , par la loi } nous devons de la bien- veillance & de l'affection à tous nos Concitoyens , l'infirme , l'indigent , les malheureux de toute efpece y ont des droits particuliers. Ce font ceux que le Légiflateur nous recommande avec plus vd'inftance , &c auxquels il prend plus vivement intérêt.
§• I I.
Refpeci pour les Vieillards.
Mettrons-nous, Monfieur, la vieillefTe au nombre des infirmités ? ce feroit la plus refpectabie. Si l'on ne voit qu'avec une forte de vénération ces ruines an- tiques , reftes impofans échappés aux ra- vages des liecles , on devroit par-tout re- garder les vieillards du même œil. Epar- gnés fi long- temps , pendant qu'autour d'eux la mort en frappoit tant d'autres , ils mériteroient,à ce titre feul, nos égards.
(1) Les peuples idolâtres. Voyez Tacit. Hift. Liv. Apud ipfos fides obfiinata y mlfericordia promptu. Aut.
iG\ Lettres
De lono-s travaux , une raifoii étendue 8c mûrie parles années, leur affûtent encore plus ces ientimens.
Ce refpect. pour l'âge eft gravé pu la natute dans toutes hs âmes honnêtes. Oui n'aime à voir , dans THiltoite , les Ambafîadènrs de Lacédémone , au théâtre d'Athènes , le leyer pat hon- neur , accueillir 6c placer avec diitindcàon au milieu d'eux un vieillard , que la ieuneflè Athénienne avoit laide palier avec indifférence : Athènes rougir d'abord, du contraire ; puis applaudit avec tranf- port a l'action des Spartiates 9 .& à la loi qui leur prefcrivoit cette vénération pour la vieil le lie ?
Mais long-temps avant Lycurgue , le Législateur des Heureux en av oit donné une femblâble à fou peuple. Tu te tareras , leur dit-il , devant les cheveux blancs: crains ton Dieu ; je fuis VÇttrncl, ( Le- vit. XIX. }z. ) Motif puiflant , principe de toute vraie vertu, ce fur-tout de celle dont il s'agit. Honorer les vieillards , c'eft horiorSr celui dont la Providence nous les corifetve , pour nous aider de leurs conf< ils & de leurs lumières , fruit d'une longue expérience.
§•
CE QUELQUES J U I F S. l6j
§. I IL
Egards pour les Sourds & les Aveugles.
11 eft d'autres infirmités, effets des ac- cïdens ou écarts de la rut u te, qui mentent nos égirds. Toute -ame bien née y com- patit \ mais trop fouvent Ls efprks vo- lages Se les mauvais cœurs en abufent pour nuire. Movfe noHS en fait une dé- fenie expreilè. » lu n^ parieras point » mal du lourd y tu ne mettras rien de- >» vant l'aveugle pour le faire tomber : » tu crainJras ton Dieu : je fuis rJLternel. ( bévit. a IX. 1 4. )
Cet indigne abus de l'infirmité d'au- trui , lui paroît fi inhumain , que , parmi les malédict- tons folemnelles , il veut que l'anathême foit prononcé contre ceux qui violeroient cette défenfe. Maudit foit celui qui égare i aveugle ,* & tout le peuple répondra amen. ( Deut. XXVII. 18. )
§. IV.
Bonté envers les Voyageurs.
Le Voyageur incertain de fa route, eft, pour le moment, dans la même fituation Tome III, M
2.66 Lettres
que l'aveugle, qui ne fait où porter {es pas. Le Légiflateur veut qu'on le traite avec la même bonté. Loin de l'égarer lorfqu'il demande le chemin , c'eft une loi pour nous de le lui enfeigner fidè- lement.
Les Athéniens en eurent , après nous , une femblàble. Ne pas montrer le chemin au Voyageur , ou le lui enfeigner -mal pour l'égarer , c'étoit , à leurs yeux , un procédé fi noir , qu'ils l'avoient aulli jugé digne des exécrations publiques (i).
§. v.
Bonté' envers les Débiteurs : prêt gratuit. Droits & devoirs des Créanciers.
Les pauvres négligés , pour ne pas dire maltraités dans la plupart des légif- érions anciennes . attirent particulière- ment l'attention du Légifiateur Hébreu. 11 auroit defiré qu'il n'y en eût eu aucun parmi (on peuple \ & il y avoir pourvu , autant qu'il étoit en lui , par la diftri-
( i ) Pvbliqucs. Ces exécrations Ce pronon- çoient avec beaucoup d'appareil & de foleninite*. C'ert un nouveau trait de reiVemblance entœ les ufaces d'Athènes & les nôtres. Aut.
DE QUELQUES JuiFS. 267
bution qu'il avoir faite des terres. Mais , realgpe îvjs foins, les intempéries des fai- fons , les ravages de la guerre , cent aucres fléaux auxquels l'humanité eft ex- pofée , pouvoient amener l'indigence. Il exhorte donc les Hébreux à la prévenir , par des fecours donnés à propos à leurs frères dans le befoin.
Le premier de ces fecours , eft ds prê- ter : il nous ordonne de le faire généreu- feraent , ck fans alléguer de vains pré- textes pour s'en difpenfer. » Si un de tes » frère*, dit-il, tombe dans la pauvreté , jj en quelque lieu de ta demeure , au » pays que l'Eternel ton Dieu va te » donner , n'endurcis point ton cœur , 35 de ne reiTerre point ta main : ouvre-la , » au contraire , & prête à ton frère in- » digent ce dont il aura befoin «. ( Lévït. XXV. 45. )
Ce prêt, il veut qu'il foit gratuit. » Si :: tu prêtes , dk7il , de l'argent à mon -> peuple ( il en.eil de même du gr.iin 2c h des vivres), tu ne mettras point d'ufure 5> fur lui. Tu pourras prêter à intérêt à » l'Etranger ( i ) ; mais pour ton frère ,
(i) A l'Etranger. M. de Voltaire s'en-.poite , en plus d'un endroit , contre le Légiflateur Juif, d'avoir peimis l'intérêt à fon peuple vis-à-vis
Mij
2<jS L i t t r. e s
» tu lui prêteras gratuitement ce dont >» il a befoin , afin que le Seigneur te >t bénifJTe en tous tes travaux dans le pays » que tu vas polféder «. ( Exod. XXII. 25. Deut.XXUL 10. )
11 permet de recevoir des gages ; mais il n'entend point qu'on les exige avec violence , ni qu'on entre dans la maifon du débiteur pour les prendre , ou qu'on les retienne , s'ils lui font nécellaires ou d'une grande utilité. » Tu n'entreras v point , dit^il , dans la maifon de ton » prochain, pour en emporter des*gages; » mais tu te tiendras dehors , e\: il t'ap- »» portera lui-même ce qu'il awr-i. Tu ne » recevras point fa meule de dellus ou de « dellcrns , parce qu'en te les donnant , j5 il en^ageroit fa vie. Si tu prends en 5» gage le vêtement de ton prochain , tu 5) le lui rendras avant le coucher du fo- »5 leil : car c'eft fa feule couverture , c'effc
de l'Etranger. Pour lui plaire , il auroit fallu, apparemment , que Moyfe eût permis aux Etrangers de prêter à fon peuple à intérêt , & prefcht à Con peuple de prêter graruirement à ces Nations commerçantes. Ou M. de Voltaire , quoique grand Pocre , t\'eû pas giand Poli- tique ; ou il feroit le premier à inlultcr Moyfe, fi ce Lc'giflateur eût fuivi le b«l arrangement «u'il propofe. Edit.
DE QUELQUES JoiFS. ±6$
» fon vêtement pour couvrir fa peau. )> Dam quoi coucheroit-il ? Rends-la lui » donc , afin que , dormant d\ns fort » vêtement , il te béniiïe , de que tu fois »» trouve jufte devuit l'Eternel ton Dieu. » Si au contraire , il vient a crier vers » moi , je l'entendrai ; car je fuis mifé- » ricor dieux «. ( Exod. XXII. 16. Veut, XXIV. 6. )
Mais auffi équitable que comparifTant , le Législateur , en favorifant l'emprun- teur, ne laifTe pas le créancier fans ref- fource. 11 lui donne pour sûreté , outre fes gages , les terres , les récoltes , & le corps même du débiteur. Si celui-ci tarde trop à payer , le créancier peut le pour- fuivre en Juftice , &c , en cas d'insolva- bilité, le vendre, ou fe le faire adjuger comme efclave.
Ces pourfuites contre les débiteurs,* ces faifies de leur mobilier ô: de leurs fonds , ces contraintes par corps étoienc d'ufage alors chez la plupart des peu- ples. Elles étoient encore plus néref- iaires chez un peuple, où le prêt étoic gratuit &z en quelque forte de précepte. Cependant , avec quel foin le Législateur Hébreu s'attache à en modérer la ri- gueur ! Ce n'fcft point alTez d'avoir dé- fendu de vendre aux Etrangers le débiteur
M iij
27° Lettres
Hébreu devenu infolvable ; il ordonne que , vendu a {es frères , il foie traité avec douceur. » Si la pauvreté , dit-il , » oblige ton frère de le vendre à toi , » tu ne le traiteras pas comme on traite j> d'ordinaire les efclaves , mais comme 5> un homme de journée. Ce font mes y> efclaves , dit-il encore , traite-les donc s» avec bonté , & fouviens-toi que tu" fus j> toi-même efclave en Egypte , Cv que » tu me dois ta délivrance «. Que de mo- tifs d'ufer envers eux d'humanité «Se de douceur !
Et cet efdavage C\ doux , le Légiflateur avoit eu foin de lui donner un terme. La cinquantième année , nous l'avons déjà vu p'us haut , outre l'entière abolition des dettes , rendait la liberté aux débi- teurs , & les remettait en polTelîion de leurs fonds déchargés dès-lors de toute hypothèque.
Il n'étoit même pas nécefTaire qu'ils attendirent jufques-là : un terme plus prochain , chaque feptieme année brifoic leurs fers ; cv chaque année fabbatique étoit pour eux une année de remife. i> L'homme , dit la loi , à qui il fera dû j> quelque chofe par fon ami , Con proche » ou ion frère , ne pourra le redemander » j> parce que c'elfc l'année de remife : tu
DE QUELQUES JuiFS. 27 I
35 pourras exiger de l'Etranger , mais tu » feras remife à ton frère , a un qu'il n'y » ait point d'indigent au milieu de toi ; » 5c l'Eternel ton Dieu te bénira au pays » que tu vas poileder «. ( Dcut. XV. 1.9.)
Mais ces loix même , fi favorables à l'emprunteur indigent , auroient pu lui nuire. La crainte de cette abolition 8e 6.2 cozzq remife des dettes , pouvoir re- tenir le créancier ik. empêcher le prêt. Le Législateur y obvie par fes touchantes exhortations, n Prends garde , dit-il , de *> te huiler furprendre à cette penfée » impie , 8c que tu ne dife dans ton cœur , '3 la feptieme année approche , que tu » ne détournes tes yeux de ron frère in- >j digent , 3c que tu ne veuilles point lui » prêter ce qu'il te demande à emprun- ts ter ; de peur qu'il ne crie contre toi >■> au Seigneur , de que ce refus ne te foie >■> impure à péché. Donne-lui ce qu'il » denre , & n'ufe point de fubtilité , » lorfqu'il s'agit de le foulager dans fâ » néceiîité , afin que l'Eternel ton Dieu m te béni 'Te en tout temps & dans toutes « les chofes que tu entreprendras «. ( Dent. XI. 9. 10. )
3î Telles étoient , concluoit un de vos » Magiftfats-, telles étoient chez les Hé- » breux les loix refpe&ives errrfâ les
iv
17* Lettres
» créanciers & les débiteurs : loix ref- »> pectables , où Ton reconnoît la fageiTe » du Légi dateur , & où l'on voit une s? égale attention à maintenir les droits •■> légitimes du créancier , Se à fauver de «> l'oppreiTion le débiteur. Qu'on ne s'at- » tende point à trouver chez les autres » peuples des loix (i modérées «.
Comparez , en effet , Monlieur , a: ces fages & douces loix, les ufures crkmtes Se les traitemens indignes permis aux créan- ciers envers leur:, débiteurs , par les lé- giflations des peuples de l'antiquité les plus polis. Voyez dans Athènes l'intérêt de l'argent , n'ayant d'autre taux que celui qu'y mettoient un prêteur avare Se un emprunteur prefle par Itbefoin(i) \ les capitaux doublés , quadruplés, décuplés même en peu de mois (i)>& le débiteur,
(0 Vnffé par le befoin. C'éroit uni- Jec loix de Solon. to ttçyvçt»! ç t ■ ■. «.t
/ivArrct* s fm ■'(' r.-Vid /' ■:• Itfcs Artic. Aur.
(zv En peu de mois. Oit piêtoit à Arlnnes par mois & même par jour. I ordinaire
paroîc avoir été de do :/ poui cent par an ; inni<; fouvent il montoit beaucoup plus haut. Ci toit cjutlqutfbis une , quelquefois deux oboles pal mois pour la dragme cjui ne valoic que il x ». ' fe nouvoir même df s ufurien
qui ponoieut l'intérêt pal jour à une obole Ce
DE QUELQUES JuiFS. tj$
devenu bientôt infolvable , dépouillé de tes biens , «5c vendu comme efclave , non pour un temps & à fes Concitoyens , mais aux Etrangers même & pour tou- jours ( i ). Voyez dans Rome l'horrible loi des douze Tables , qui permettoit aux créanciers d'emmener le débiteur infol- vable , de l'expofer en vente , de , après le délai de quelques jours, de le couper par morceaux , &c de s'en partager les mem- bres fanglans ( i ). Voyez-y , long- temps
demie. Les ufures maritimes Ce payoient aufîî par jour ; elles é:oient énormes : mille dragmes pouvoient rapporter 1 1 f dragmes par jour. Dans tous les cas , au défaut de paiement au terme échu , les intérêts des intérêts avoient lieu. Aufli les Athéniens avoient ils la réputation d'être les plus grands ufuriers de la Grèce. Pour bien faire notre méiier , il faut être Athé- nien , dit un ufurier dans une Comédie d'Arif- tophanes. Ce furent , fans doute , ces ufures exhorbhantes , qui firent mettre , par Ariftote t le commerce d'argent au ran£ des moyens mal- lionnctes de s'enrichir, /sut.
(i) Pour toujours. Solou réforma cet ancien ufage; il fupprima les obIigationsv& conrraintes par corps. Cette Ici croit fage dans fa législa- tion y elle n'étoit pas néceffaire dans celle de Moyfe , cù les débiteurs Hébreux (je pouvoient " être vendus qu'à des Hébreux & pour un tempt ^ourt. Edit.
(i) De s'en partager les membres far.glans*
Mv
274 Lettres
même après les Décemvirs , les intérers énormes furpaflànt , comme dans Athè- nes , en peu de temps le principal (i)j
Voici les termes de la loi , fi notre mémoire ne nous trompe: Ajl fi plures eruni rei , tertiis nundinis , punis fecanto. Si plus minufve fc- cuerunt , fe fraude efio ; fi volent uls Tiberim peregre venumdanto. Aut.
Nos Auteurs entendent cette loi comme Au- lugelle & Quintilien : Tertullien l'entendoit ds même. Deux modernes , M. Binkershoeck , Hollandois, & M. Taylor , Anglois , ont pré- tendu , que cette loi ne permettoit aux ciéan- ciers , de fe partager que les biens & non ks membres des débiteur'. Nous fouhaitons , pour l'bonneur des douze Tables, que ces deux Sa- vans étrangers Se modernes, aient mieux pris le fens de cette loi Romaine , que deitt Ro- mains, qui naturellement dévoient l'entenche. Edir.
(i) Le principal. Les premiers Romains, dit M. de Montefquieu , n'avoient point de loix pour régler le taux de l'ufure ; on s*en tenoit aux conventions particulières. Cette liberté, dans Rome comme dans Athènes , donna lieu à des vexations horribles , ;ufqu'à ce qu'enfin les dé- sordres firent penfer à borner les intérêts. Ils furent fixes , l'an 3 98 de Rome , par les Tribuns Duilius S: Mxnius, à un pour cent par an, fie en fuite abfolumenr défendus : imprudente loi nui- . inteurs me ne., fit Source d'ulures vexatoires Dans tout' Etat , où la Ileiigion n'o- blige pas de prêter , comme parmi nous , il Uj£ oue 1,'argent aie un prix. Au:.
& E QUELQUES JtfttS.
les débiteurs renfermés dans les priions domeftiques des Grands , chargés de chaînes (i) , déchirés de coups (2) , im- plorer en vain la pitié des Magiftrats , &: tout le peuple ioulevé , abandonner 8c fa patrie & les riches qui l'y oppri- moient (3). Grâce à la fagetfe Se à l'hu-
(1) Chargés de chaînes. La loi permettent les chaînes de quinze livres pefant : elle défendoic de palTer ce poids. Vincito au: nervo aut com- pedibus quind«cim pondo nec majore. Et per- sonne ne s'eft écrié , quel peuple que ces /?o- rr.ains , à qui il falloir défendre d'accabler leurs débiteurs fous le poids des chaînes 1 Aut.
Obfervons que cette loi ctoit une de celles des Décemvirs , érablis en partie pour mitiger les anciennes loix contre les débiteurs. On peut jogtt par - là combien cîlrs ctoient atroces. Qu'a ces ioix Romaines , M. de Voltaire oppofs les nôtres, &: qu'il décide où étdient la douceur & I humanité. Edît.
(i) Déchirés de coups Voy. Tite-Live , livra VI. ch.ip. ?6. An placiez feenore circumventam plcbsm corpus in r.ervum ac fupplicia dart ~\ c/ gregatim quotidie de foro addicios duci ? &' tc- p.cr. \\:nàis nobiles domos ? & , ubicumque Pa~ tricius habitet , ibi carcerem privatum e'jc ? Aut.
( 3 :) Qui l'y opprimaient. Voy. Ti:e - Live , EplC. liv. XI. Plèbes propter s.s al:c;:::m , graves & longas feditiones , ad ulùrn^m /• in Janiculwn. Aut.
M vj
2-6 Lettres
manité de notre légiflarion , Monfieur ^ vous ne trouverez rien de pareil dans nos annales,
§. VI.
Bienfaifance & gér.érofité envers les pau- vres , les veuves j les orphelins & les étrangers.
Le Lcgiflatenr ne fe borne point a nous prefcrire de prêter aux Pauvres \ il nous recommande de leur donner. La main fermée lui déplaît : il veut qu'on l'ouvre à l'indigent. » 11 y aura toujours s> des pauvres dans ton pays , dit-il ; c'eft « pourquoi je te commande d'ouvrir ta 5j main à ton pauvre , à ton frère in- 35 digent. Quand ton frère fria devenu 35 pauvre, 8c que fes mains feront tom- 35 bées, tu le foutiendras «. C'eft- à-dire , quand il ne fera plus en état de gagner fa vie & celle de fa funille , tu lui donne- ras de quoi fe fuftenter. {Leva. XXJr. $ 5 .)
Et parce que , parmi les pauvres , la veuve, l'orphelin , L'étranger iont plus deftitués que tout autre de fecoûrs & d'appui , ce font ceux qu'il recommande (pécialement à notre bienfaifance. 11 avoit deja défendu de leur faire aucune injuf- sice. n Tu ne violeras point, avoit-il dit ,
DE QUELQUES JUIFS. I77
« le droit de l'étranger. Si quelque étran- « ger habite parmi vous , vous ne lui y> ferez point de tort ; vous ne le foulerez » point , vous ne l'opprimerez point, n Maudit foit , ajoute-t-il dans les malé- 33 dictions publiques , maudit foit celui » qui viole le droit de la veuve, de l'or- » phelin de de l'étranger ; &" tout le » peuple répondra amen. Vous n'affli- 35 gérez point la veuve ôc l'orphelin. Si j3 vous les affligez en quoi que ce foit, & 33 qu'ils crient vers moi , j'entendrai leurs » cris , & ma colère s'allumera contre 3» vous , & vous périrez par l'épée , 6v 33 vos femmes deviendront veuves & vos 33 enfans orphelins «-. ( Exod. XX IL 21. 22. 24. Veut. XX IF. 17. )
11 veut , au contraire , qu'on les fe- coure , qu'on les aide \ & le temps de la moiflon doit être particulièrement le temps de la générofité. 33 Quand ru feras 33 la récolte , dit-il , tu n'iras pas cher- 33 cher les gerbes oubliées dans tes 33 champs ; tu les abandonneras aux 33 pauvres, à la veuve, à l'orphelin &: à 33 l'étranger , afin que l'Eternel te bénilfe 33 dans toutes les œuvres de tes mains. Tu >3 ne rafnafferàs pas les épis échappés ïj aux moifTbrmeurs , ou les grains de »j raifin tombes pendant la vendange , ni
xy$ Lettres
s? les grappes reliées dans tes vignes , ou » les olives à tes oliviers ; mais tu les » faifleras pour les pauvres , pour la » veuve , l'orphelin Se l'étranger. Je fuis » l'Eternel ton Dieu «. ( Deut, XXI F. 19. Lévit.XIX. )
La bienfaifance doit aller plus loin : il faut qu'en coupant les grains , ou en cueillant les raifins Se les olives , on laifTe aux pauvres quelques coins de la vigne, ou du champ. » Quand tu feras la rhe illon , » dit-il , tu ne moilïonneras pas le bout » de ton champ ; tu l'abandonneras au 33 pauvre , à la veuve , à l'orphelin Se » à l'étranger. Je fuis l'Eternel ton Dieu «. ( Lévit. XXIII. zz. XIX. ç>. )
Ces foins ne fuffifent point à fon zèle : il veut que ces pauvres foient invités aux réjouifTances de nos fêtes , aux reitins religieux des fécondes prémices Se des fécondes dixmes. » Dans ces fêtes , dit- » il, tu feras des feftins Se tu mangeras » devant l'Eternel ton Dieu , toi cV ta » famille , Se le Lévite qui eft dans tes >•> portes , & la veuve , l'orphelin cv l'c- » tranger qui demeurent avec toi «. ( Dcur. XJ'I. 11. 14. ) » Et quand tu )j offriras tes prémices Se tes dixmes A » l'Eternel , tu te réjouiras en la ptéfenec^
BE QUELQUES J U I F S. Ijç
» toi, le Lévite, l'étranger, la veuve & » l'orphelin <■<. ( Deut. XX V 7. 1 1. 13.)
Ainii , pluheurs fois chaque année , les riches 6c les pauvres fe crouvoient aiîis à la même table : unis par les liens des bienfaits &c de la reconnoiifance , ils par- ticipoient tous aux biens,que la Providence avoit accordés au pays ; Ôc dans le tranf- port de leur joie .» ils béniiïoient à l'envi le Dieu auquel ils dévoient leur prof- périté , ou qui confoloit ainfi leur mifere.
Et pour allurer ces bienfaits aux pau- vres & aux étrangers , il déclare que le Seigneur les aime ; il rappelle aux riches, que- leurs pères ont auili été pau- vres, étrangers &c opprimés ; qu'ils doi- vent donc aimer le pauvre cV l'étranger , ik les aimer comme eux-mêmes. 35 L'é- » tranger , dit-il , qui habite parmi vous, » fera comme celui qui en: né parmi » vous : vous l'aimerez comme vous-: 3> mêmes ; car vous avez auiîî été étran- » gers en Egypte. Je fuis l'Eternel votre » Dieu «.( Lévit. XIX. 34. ) » L'Eternel » votre Dieu , efl le Dieu des Dieux , & » le Seigneur des Seigneurs , qui fait » droit à l'orphelin & à h veuve , qui n aime Pé^rangeaBj & qui lui donne de » quoi fe nourrir & fe vêtir : vous ai- » nierez donc l'étranger j car vous avez
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>» été vous - même étrangers au pays
» d'Egypte «. ( Deut. X. 17. 19. )
Dans quelle législation ancienne trou- verez-vous rien de comparable à ces loix en faveur des pauvres , 6c à ces exhor- tations prenantes de fecourir tous les malheureux-? Quand on fe les rappelle, ces exhortations fk ces loix où l'humanité, la bonté du cœur le plus tendre fe rait (1 vivement fentir ; peut-on , fins foufFrir , voir ce grand homme & toute fa légif— Cation taxés de férocité Se de barbarie par un Ecrivain célèbre qui fe dit impar- tial ? Qui penfez-vous , Monfieur , que ces indignes reproches doivent faire rougir déformais ? Eft-ce le Législateur Hébreu? Vous lui imputez de nous infpirer la haine des étrangers ! Nommez un Lé^ii- lateur ancien , qui ait parlé à (on peuple , en faveur des étrangers , avec autant de force que le notre.
§. VII.
Modération dans les peines infligées aux coupables.
C'eft jufqucs fur les cojpablcs que notre Législateur porte des regards de douceur & de bonté.
D2 QUELQUES JuiFS. 28l
Le feu , le glaive , la lapidation font , il eft vrai , des peines féveres qu'il dé- cerne contre les grands criminels. Mais il ne connoît ni ces longs tourmens uiîtés chez tant de peuples polis , ni ces ca- chots, féjour d'horreur , où trop fou- vent , pendant des années entières , l'in- nocence gémit auprès du crime. Hors le cas du talion , qui de voit être rare , il n'ordonne jamais ces mutilations , ces amputations de membres , ces marques de ter chaud, fî fréquentes dans d'autres législations , qui , en laiifant vivre le coupable , ie couvroient à jamais d'igno- minie , &c ne fervoient fouvent qu'à le rendre plus méchant 3c plus incorrigible. Le coupable qui n'avoit pas mériré la mort , n'étoit condamné qu'à des peines , qui ne flétrifloient point , ?,U fouet ou au bâton ; Se dans ce cas même , le Légik lateur prend foin de déterminer le nombre des coups. » Si le méchant , dit-il , mé- » rite d'être battu , on ne lui donnera s> que quarante" coups & non davantage , jj afin que fa plaie ne foit point exceillvej jj &c que ton frère ne foit pas trop in- *> dignement traité à tes yeux «. ( Deut. XXV . i. ) Loi également fage de douce , qui , même en punirTant le coupable , le ménage > & modère la rigueur du Juge
i8i Lettres
que la dureté naturelle du caractère , la haine du délit , la pafTion peut-être Se Toftentation orgueilleufe de l'autorité, pouvoient porter trop loin.
§• VIII.
Douceur ordonnée même envers les animaux.
Loin que le Législateur nous per- mette d'ufer de cruauté envers nos fem- blables , il nous preferit de traiter les animaux même avec douceur. Les bêtes de fervice ne font pas les feules pour lof- quelles il demande du ménagement <k de la pitié; il veut que nous épargnions les douleurs à ceux-mêmes que nous luons pour nous en nourrir. D'où nos pères concluoient que l'efprit de la loi leur défendoit l'ufage barbare ( i ) où -étoient quelques peuples du voilinage , de manger fuccellivement les membres d'un animal qu'on tailloir vivre jufqu'i ce qu'on attaquât le tronc.
(i) Ufdge barbare. Cet ufage fublîfte encore chez quelques peuples. Un Voyageur Anglois, revenu depuis peu d'Ethiopie ( M. Bruce ) l'a retrouvé dans ces pays. Les défeufts de manger lé nombre lie l'anima! vivant , & de tuer cl lui qui fe réfugie auprès dt nous , ne le trouvenc pas expreiremeat dans Moylc Edit,
DE QUELQUES JuiFS. iS}
G'eft dans le même efprit de douceur , qu'il nous défend » de préfenter à l'Autel » la mère Se le petit , & de tuer le petit » fous les yeux de la mère. Tu n'enlèveras » point à la mère , dit-il encore, le petit » qu'elle allaite : tu ne tueras point l'ani- « mal pourfuivi qui fe réfugie comme ta un fuppliant dans ta maifon. Si tù >•> trouves , ajoute t-il , un nid d'oifeau , « & la mère couvant {qs petits ou fes )■> œufs , tu ne prendras point la mère avec » les petits, mais tu prendras les petits , » & tu laiiferas aller la mère j ajfin que 55 tu profperes , 8c que tes jours foient »3 prolongés fur la terre que l'Eternel va 3» te donner «. ( Deut. XXII. 6.7, ôcc. )
S il attache ces récompenfes aux actes de bonté envers les animaux , difent nos Maîtres , que ne peut-on fe promettre de la bienfaifance & de la pitié envers nos frères ou nos femblables ? Non , Monfieur , quoi que vous en puiiîîez dire , une légillation qui infpire cette douceur pour les animaux , cette fenfibilité à leurs douleurs ( 1 ) , n'eft apurement pas une légiflation barbare.
(1) A leurs douleurs. La légiflation Molaïque tenoic un jufte milieu entre les ufages cruels
aS^ Lettres
Oui , plus on l'étudié , Monfî?ur , plus on y voit briller par-tour la fageffe de la douceur : Se plus on la compare aux lé- gislations anciennes , plus on fe convainc
de ion excellence &c de fa fupériorité. Nous fomm^s , &c.
de quelques peuples envers les animaux _, & rimbécille fupeiltitjon de 1 Indien , &.C. qui n'nfrnt écrafer. . qui noiiiiillcnc par pièce lin- ftetc qui les dévore. Lan.
»E QUELQUES J U I F S. l8j
LETTRE XII.
Loix civiles des Juifs , comparées à celles de quelques peuples modernes.
\ t a i s s o n s l'antiquité , Moniteur. Croyez-vous que vos Gouvernemens mo- dernes aient des inftitutions civiles plus fages que les nôtres ? Nous ne prétendons point cenfurer les loix des peuples qui nous tolereut j tant de hardiefTe fieroit ! mil crans une condition fi trift-. C'eft allez devons r lire obfcrv r , en palï'tnt, que la lé iflatiorj Juive, qui n'a pas 1 avantage de Vi;as piair ■- , a cm moins celui d'être Il exempte des vices, que vous avez fi fou- I vent reprochés à yos lé~ifîations mo- |! dénies.
D'abord nous avons un Code : nous t l'avions , il y a plus de trois mille ans; Se Ivous l'avez dit cent fois , vos peuples ■ polis n'en ont point. C'eft un bienfait t qu'ils attendent encore de leurs Souve-» rains. (i).
( i ) Attendent de leurs Souverains. Deu«
x$6 Lettres
Notre Code eft court, il eft clair. Nos Rois pouvoient le lire , &: le peuple l'en- tendre. Vos Corps de droit, nous parlons d'après vous, ne font, après tant d'années de travaux , que d'indigeftes compilations, amas confus de loix étrangères & de cou- tumes barbares j labyrinthe ténébreux où vos Magiftrats s'égarent, & où vos plus fa- vans Jurifconfultes ont de la peine à.fe reconnoître.
La même legiilation , le même droit gouvernoit toutes nos tribus : Juda n'en avoit pas un différent d'Ephraïm , ni Ma- naiïe d'autre que Benjamin. Chez vous, 3) chaque ville , chaque bourg a le lien. » Ce qui eft jufte dans un village, eft: in- » jufte à deux lieues de-là , & l'on change jj de loix en changeant de chevaux de p pofte.
Nos loix étoient uniformes , invaria- bles. » Les vôtres n'ont rien de fixe j elles »? changent comme les habillemens 8c » les coeffures : vous n'avez pas au.
• ! ■
grands Souverains viennent de mériter la re- connoiiïance de leurs peuples , en leur donnant «les codes-, mais la France , fi l'on en croir le Philofopht ignorant y n'en a point encore. àîûKs n'avons point de loix , dit-il , mais nous avons fix a fept mille volumes fur lés loix. Voyez Sup- plément au Philofofhc ignorant. Aut.
DE QUELQUES J U I F S. 287
j> de loix confiantes pour le criminel (i).
Vous blâmez , &z vous avez raifon , la diverfîté des poids &: des mefures ufitées dans vos Provinces. Dans les nôtres , on avoit par-tout les mêmes poids , comme les mêmes loix ; &c l'on ignoroit une âes grandes refîburces de votre commerce , le talent de fpéculer fur les mefures.
Votre Clergé , Ordre utile pourtant 3c refpectable , même à ne parler que politiquement , eft fouvent l'objet de vos déclamations (z) : vous lui reprochez (on célibat & {qs vafles domaines. Le nôtre ne pofTédoit point de terres , &c donnoic des en fans à l'Etat.
Nos Juges étoient les anciens de nos Villes : ils exercoient gratuitement des charges, qui ne leur à voient rien coûté. Et
(1) Pour le criminel. Voyez le Supplément au Philofophe ignorant , &c. Aut.
( i ) De vos déclamations. M. de Voltaire , après d'autres Ecrivains , & d'auires Ecrivains après M. de Voltaire, ont plus d'une fois élevé la voiï contre les grands biens du Clergé Chré- tien. Mais que prétendent ces Meilleurs ? Veu- lent-ils que leur Clergé n'ait pas de biens ? pas même de quoi vivre ? Cela feroit un peu dur. Croient-ils qu'il en a trop ? Nous pouvons affû- ter , que nous avons vu plus d'une fois , & avec peine, dans un état mal aifé, des Eccléfiailiques utiles. Edit.
zSS Lettres
vous nous apprenez que les vôtres, à peine forcis des écoles , îiégait dans le lanc- tuaire de la Juftice , 8c y décident de l'honne tr & de la vie des Citoyens , qu'il faut p iver leur^ arrêts f 8c qu'ils acquiè- rent eux mêmes , à haut prix , le droit de les rendre (i) , ou , comme vous dites ailleurs , de les vendre (2).
Vous vous plaignez des lenteurs de la Juftice &c de la durée interminable des procédures : chez nos pères , la Juftice étoit prompte 8c les procédures courtes.
Un feul appel chez eux terminoit les pro- cès : chez vous , il faut panier par une luite de Tribunaux fubalternes,qui fe difputenc les affaires: vin-^t fenten.es oppofees fout rendues avant l'arrêt définitif; le temps s'écoule , les frais fe multiplient \ 8c le gain d'un procès fuhSt pour ruiner une famille.
(i Droit de les rend e. Voyez fur-rout le Diot. Phil. art. Montesquieu. M. de Voltaire y appelle la \é lalité des Charges dr Judicature , le beau trafic des loix que les François ftuls connoijfent dans le monde entier. » II faut , die— s» il , en parlant de fes Compatriotes , que ces s» gens-la foientles plus grands Commerçons de n l'univers , puifqu'ils vendent & achètent juf- » qu'au droit de juger les hommes «. Aut.
(i) Vendre. « La honte d'acheter le droit de » vendrcl* Juftice afubûfté. H. du Pari. p. n«.
Vous
DE QUELQUES J U I F S. 289
Vocis fouhaiteriez , que dans votre Nation , les Jugemens capitaux fuffent publics [\)\ dans la nôtre , tout le peuple étoit témoin des procédures , &: quelque- fois l'exécuteur des arrêts.
Quand vous penfez que » vos loix in- » fligent à des Citoyens , dont le crime » n'eft pas encore conftaté , un fupplice >5 plus affreux que la mort qu'on leur » donne , lorsqu'on eft certain qu'ils la » méritent « , vous frifïonnez à cette idée , Se votre cœur compatilfant fe ré- volte ( 1 ). Tournez les yeux fur la légis- lation Mofaïque , vous verrez que ces tortures barbares de la queftion , que vous réprouvez , n'y furent jamais con- nues. Jamais femme Juive ( 3 ) , curieufe de tels récits , ne s'avifa de dire à fon mari au retour des Tribunaux : Mon pet'ç coeur , as-tu fait donner la quejlïon ?
( 1 ) Fujfent publics. Voyez le Commentaire fur le Traité des Délits <S* des Peines , & le Dici. Pkil. art. de la meilleure Légijlation. Aut.
(x) Se révolte. Voy. ibid. Se dans le Sup- plément au Philofophe ignorant , &c. &c.
( j ) Jamais femme Juive. Nous prions les Le&eurs de fe fouvenir que toutes ces critiques des légiflations modernes , ne font pas de nous , mais de M. de Voltake. Aut.
Tome III. N
îyo Lettres
Vos legiftations vous piroiflent d'une rigueur cxceflive ( i ) dans les peines qu'elles font fourfrir aux coupables : vous trouvez que ces longues morts , dans des tourmens cruels , fe relfentenç des mœurs atroces de vos aveux. Dans la nôtre , les peines étoient quelquefois fcveres, jamais es fupplices recherchés.
Vous n'approuvez pas que vos loix puni(Tent le vol par la mort j la peine vous paroit au-delïus du crime ( i) : les nôtres ne le punilïoient que par la reftL- rution , Se par l'amende ou l'efclavage.
l'eus ne maltraiterez point l'Etranger, d'il Moyie ; vous ne lui fere^ point de tort. Vous j'ave^ ce que c'ejî que d'être Etran- ger ; vous fave^ été vous - mêmes en Egypte. N'opprime^ donc point /'Etran- ger. Que l'Etranger qui habite parmi vous J'oit comme celui qui ejl né au milieu de vous : vous Veùnieréz comme vous-même : Je fuis l'Eternel j votre Dieu : l'Eternel
(0 D'une rigueur extrêne. Voyez le Com- mentaire \ur les Délits & les Peines. Edir.
( i) Au-dcffus du crime. Voy. ibid. Un jeune & (âge Mwiarque ( 'e Roi de Danemarck ) viwi; de défendre d:ins Ces Etats de ptnir Je mo;t pour vcfl. Lui.:.
SE QUELQUES J U I F S. iOl
aime l'Etranger ( i ). Ces loix , Mon- fîeur , fi remplies d'humanité , établies fur des motifs û refpeétables & fi tou- chans , ne valent-elles pas bien votre droit d'aubaine ( z ) ?
Il dit : Si quehuun , châtiant fon ef- clave , lui crève un œil , ou lui cajfe une dent , il le renverra libre ( 3 ). Vous , peuple doux &c humain, vous dites à vos Nègres , » qu'ils font hommes comme >» vous , rachetés du fang d'un Dieu mort >* pour eux comme pour vous ; 6c enfuite » vous los faites travailler comme dçs » bêtes de fomme ; vous les nourrilfez » plus mal y «Se s'ils veulent s'enfuir, vous » leur coupez une jambe , & vous leur » faites tourner l'arbre des moulins à » fucre , loifque vous leur avez donné » une jambe de bois «.
(1) L'Eternel aime l'Etranger. Voy. Dent. Ch. XXII. Lévit. XIX. Exod. XXII , XXIII , &c. Au:.
(2) Droit d'aubaine. Les Souverains l'abo- lifTent infenfîblement. Une politique plus fage leur a enfin ouvert les yeux fur leurs vrais in- térêts. Edit.
(j) Renverra libre. Voy. Exod. XXI. Nous exhortons l'illuftre Auteur à comparer nos loix fur l'efclavage avec le Code noir , & à d;re où ïl trouve plus d humanité. Aut.
N ij
25>£ Lettrj&s
Il dit: Vous ne froifJere\ point Us tef- t'iculcs des animaux : f Eunuque u entrera point dans la Congrégation d' Jjrael (i). Et Philon nous a.fiure que la peine de mort étoic prononcée contre quiconque auroit ainii mutilé un homme. Vous , vous mutilez vos enfans , pour en. faire Us Mujiciens du Pape (i) , 5c vous an- noncez dans vos Villes , par des affiches publiques , les habiles Opérateurs en ce ^enre(j).
11 dit : 11 n'y aura point de projlituces
(i) Congrégation dljraél. Voy. Lcv. XXIT. Aut.
(iN Mujiciens du Pape. Dans quelle vue le fnvant Chrétien s'en prend-il ici uniquement au Chef de la Religion Chrétienne : Eft - ce donc pour le Pape feul , ou pour tous les Princes , pour tous les Opéra d» l'Europe , qu'on fait des Eunuques en Iralie ? Plus équi- tables que lui , nous dirons qu'on nous a allures à Rome , que plulïeurs l'apes ont prof, rit par leurs Bulles ce barbare ufage , fous peine d'ex- communication. Le làge Pontife , actuellement régnant , a renouvelle les mêmes défenùs. Edit.
( j ) Operateurs en ce genre. » Il n'y a pas j> long-temps, dit M. de Voltaire , qu'on lifoic » à Naples, an gros caractères , au-delTus de la » poire Je certains B.irbiers : Qui\Ji cajirano « maravigliofamerte i putl u. Voy. le Commcn~ taire fur les Délits & les Peines. Aut.
DE QUELQUES J U I F S. 203"
dans Ifraël ( 1 ) , & toutes vos Villes en font pleines \ & Ci l'on en croycit vos Sages , il faudroit leur fonder des éta- bliiïemens publics , & leur profeiîîon deviendroit honorable.
Un délit, dont le nom furanné , banni du bel ufage , eft à peine prononcé par' vos Légiftes , l'adultère eft , à fes yeux , un crime digne de mort : dans vos mœurs, c'eft galanterie , intrigue , la plus petite affaire du monde ; cv vos loix , h* féveres contre les petits vols , font indulgentes fur un défordre, le plus odieux des vols.
Vous connoiflfez les beaux Réglemens , en vertu defquels un malheureux Agricul- teur, pour avoir tue la fauve qui dévorok fon grain ou fes légumes , eft condamné fur la dépofition d'un feul témoin (z) j,
(1) Point de proflituées dans Ifraël. Voyez' Lévit. XIX. Deuc. XXIII. 17. Voyez aufïï Jo- fephe & Fhilon. Aut.
(1) D'un feul témoin. Dans une certaine Ifie , ouand il eit cjueit.ion d'un homme toc , deux témoins font uéceilaires ; ub feul furfit , s'il s'agit d'un lièvre ou d'un chevreuil. II avoir été piopofé an Parlement de la Nation , d'abolir cette ordonnance : mais , à la pluralité des voix , la propofïtion a été rejettée , & cette ordon- nance maintenue dans toute fon étendue. Ai.r.
D2ns uh Royaume voifin , des Payfans us-' N iij
•2^4 L E T T *. E S
jaté clans un cul de balTe-foiTe , envoyé aux Galères (i), ou garrotté (i) furie dos de l'animal , entraîné dans les forêts , 3c déchiré , tout vivant , par les branches d'arbres & les huilions. Sages ôc bien- faifantes ordonnances ! Ce n'eft pas dans le code Hébreu qu'on les lit , Monfieur j c'efr dans les vôtres.
Le Législateur Hébreu encourageoit la culture des terres , les plantations , la multiplication des beftiaux. Vous , vous faites des Traités d'agriculture, vous en tenez des' Académies cycles Bure-auxj de avec tous ces fecouris , vos Ecrivains ne ceffènt de fe plaindre , que chez vous les forêts fe détruifent , que l'éducation des beftiaux languit , &c qu'un tiers de
rmndant à leur nouveau Prélat la deftruction d'une garenne, dont les lapins , depuis long- temps , mangeoient tout aux environs:»» Ils » vous ont mangé , mes enfans , dit le Prélat j » th bien '. mangez-les «. Chrci.
(i) Envoyé aux Galères , 6v. Peines ufitées pour cette forte de délits, chez une des Nations l.s plus polies de l'Europe. Edit.
U) Ou garrotte ,&c. C'eft ce qu'ordonnent les codes de quelques Etats d'Allemagne: il faut avouer , qu'en comparaison de ces loix , celles de Fran.e font douas. ( Année Littéraire 177 1 . ) £dit.
VE QUELQUES Ju'lFS. I95
Vos terres eit inutilement employé , ou totalement inculte (i).
Vous riez des détails dans lefquels if entre , pour entretenir l'a falubnté de l'air dans nos camps 8c dans nos Villes, Ôc la propreté dans nos habitations tk. fur; nos perfonnes ; des ablutions qu'il nous- prefcrit , après avoir touché des corps morts y de l'attention avec laquelle il iic as recommande de couvrir le fang <\es animaux égorgés , &c. Vos loix ne vous impofent pas ces obfervances gênantes. Non, mais vos Villes font des cloaques, (i) & vos jardins publics des latrines ; mais les lieux les plus fréquentés de
(V Totalement inculte. Egalement éloignés de la lâcheté qui craint de déplaire , & du vil intérêt qui cherche à flatter , apprenons - le à l'Etranger qui l'ignore , & aux Cenfeurs qui le diflimulent. Les plantations font encou- rageas en Fiance : on y veille à la multipli- cation & à la conftivation des bêftiaux. Des pépinières publiques ont été formées ei1 diiFé- rens endroits du Royaume. Des établiiîemens utiles ont écé faits, & de fages mefurts prifes' contre L-s épizooties ; les marais fe defTéchcin , Jcs rerreins incultes fe défrichent , àcc. Quand un Gouvernement mérite la reconneifFauce pu-' b'lique, & que I'occafion de le dire fe préfence , il y auroit de Tingraticude à s'en taire. Ch^et.
(il Cloaques. Le reproche eft ancien ; Mai- Rfonide i'avuu fait p;ès de 400 ans ava.u i.oas. Ausr H iv
2.9^ Lettres
vos Capitales offrent le hideux fpec- tacie de cadavres d'animaux dépecés ; le fang y coule de rues en rues ( i ) j 3c les morts infectent les vivans jufques dans vos Temples (z).
Une maladie contagieufe régnoit dans la Paleftine & dans les pays voifms } les précautions fages ordonnées par notre légiflation , en prévenoient la commu- nication ; de vos pères , en Us obfervant , fe garantirent enfin de ce fléau ( 3 ). Une
(1) Coule de rues en rues. Ce fpeclacle ne pouvoir manquer de révolter des étrangers ac- coutumés à la propreté des boucheries de Hol- lande. On ne conçoit pas qu'en certaines Villes on n'ait jamais penfé , fînon à donner au fang des tueries un écoulement par des canaux fou- terrains , du moins à approcher les égouts do« tueries , ou les tueries des égouts. Edit.
(i) Jufques dans vos Temples. On nous afîure que les MagiÛrats ont tenté de réformer cet abus, contre lequel M. de Voltaire s'eft élevé plus d'une fois. Un mort , dans le Temple des Juifs, eût été une profanation. Il n'y avoit que deux tombeaux dans Jérufalera , celui de David & celui d'Olda. Dans l'ancienne Rome , il n'y en eut qu'un , qu'on y voit encore. Les loix Romaines ne permettoient pas qu'on enterrât ou qu'on brûlât les morts dans la Ville. Homincm mortuam in JJrbe nefepelito , neve urito. Aut.
(0 Enfin de ce fléau. Dès l'origine de la Ré- publique des Hébreux , leur Légiflaceur fit des
DR QUÏLQUES J U I F S. I97"
contagion plus meurtrière moilïonne' cruellement votre plus belle JeunefTe , 5éJ vous n'avez trouvé d'autre iecret , pour' vous en guérir , que de vous la donner , Se 5 pour vous en préierver , que tle la répandre ( i ).
Vos Politiques commencent enfin £ comprendre, qu'un peuple nombreirreft k vraie force d'un Etat. Moyfe ravoir' compris mieux qu'eux , trenre lie clés- avant eux. Nul Légillateur n'a fu animer- la population comme lui. Dans l'eTprk
loiz contre la lèpre. Depuis plus de deux fiecles , la petite & la grolfe vérole défolent l'Europe v & Tes peuples n'ont point encore de loi fur des objets fi importans à la confervation des Ci- toyens ! Edit.
( 1 ) Que de U répandre. Ai. de Voltaire Ce flatte d'être le premier qui ait parlé de 1 ino- culation en France. D'autres , qui fe croient inftruits , prétendent qu'un premier Médecin l'avoit faic connaître avant lui.
Quoi qu'il en (oit, nous n'avons point du tout deflein de la condamner : nous penfons au con- traire que , puifqu'on la tolère , on la pratique trop peu & avec trop peu de précaution. Nous lui préférerions pourtant la méthode préier- vative de M. Paulet ; c'tft celle de Moyfe contre la lèpre. Nous apprenons , avec plnifir, qu'un, habile Médecin va l'appu' cr de nouvelles preuves & de nouvelles excellence; Aut.
Y, m
t$8 i £ r T P. F s
de fa Jégifl.itioii , le célibat eft un mil • hiur, b itérilité un opprobre , la multi- tude des enfans la bénédiction du Sei- gneur. Là, tout féconde l'iuftincl; de la nature , le grand commandement du Créateur , l'attente du Meflic , le luxe prévenu , les débauches 8c les oc calions de s'y livrer (i) profcrites , ckc. Oferiez- vous comparée ces relions puiftans, dont l'efficacité agit encore parmi nous ( 2 ) , aux vaines déclamations de vos Politiques, contredites par leurs exemples. Aulîï produifent-elles de grands fruits ! Ref-
(1) De s'y livrer profcrites. C'ePt une cbfer- vation de M. de Moniefquieu , que les con- jonctions illicites contribuent peu à la p;cj >a- cation de refpece humaine , S: que l'inconti- nence publique en eft le fléau. Edit.
(2) Agit encore parmi nous. Tacite avoit re- marqué (a même chofe dans les Juifs de Ton temp^ : augind* mu.'ticudir.i confu/itur , dit cet Hiitorien. C'étoit , félon lui , deux traits de Kiir caractère , que le dtlîr d'avoir des enfans & le mépris de la nior:, Animas ecternas putant : hinc gaurandi amor , & moriendi contemvtus. \ oy. Hift. L. V. Les loix Roma'nes qui , pour enecurager les mariages , propofoient des exemptions Se des prorogatives pour les per- fonnei mariées, & dts peines contre les Céli- btttaites 1 eurent moin', dVffet : c'tft que !a fource de la population eft dan; Us mecurs beaucoup plus que daai 1rs loix. Au:.
I>E QUELQUES JuiFS. !<)<)
pesons votre célibat de Religion , & ne condamnons point ce que votre Eglife approuve. Quels eflaims d'autres Céli- bataires de toute efpece remplirent vos Capitales 8c vos Provinces ! Célibataires de milice (i) 8c de domefticité ; Céliba- taires de littérature 8c de philofophie , de caprice 8c de volupté , de mifere 8c d'indigence j Célibataires , fi l'on peut s'exprimer de la forte , jufques fous le voile du mariage. Et vous prétendez quel- quefois juger de l'ancienne population des Hébreux par la vôtre !
Vous ne parlez que de population , 8c vous ne cefrez de préconifer le luxe ! Le luxe, fléau de l'agriculture 8c des mœurs, deftruéteur des Empires , ou préfage certain de leur ruine , eft par-tout l'objet de vos éloges. Cenfeur de Moyfe , que vos vues d'adminiftration font fages , 8c votre politique éclairée !
(i) De milice. Une Reine , digne de fervir de modèle à tous les Souverains , a ordonné depuis peu à fes Officiers d'engager leurs Soldats à Ce marier , & a pourvu à l'entretien & à l'édu- cation des enfans qui naîtront de ces mariages. Son amour pour fes peuples l'a portée auffi à réformer dans fes Etats le code des chaiTes. Edit.
*Nvj
^oo Lettres
Nous pourrions pouffer plus loin cfi parallèle j vous le favez , Monfieur *, mais nous nous arrêtons : ces traits fuffifenc pour vous convaincre que le Code des Hébreux ne le cède point en équité Se en fagelfe aux Codes de vos peuples mo- dernes , Se que les critiques même que vous faites de vos légiflations Se des ufages qu'elles autorifent ou qu'elles -to- lèrent , font autant d'éloges de la notre.
Nous croyons , Monlieur , que vous n'aurez pas remarqué , fans quelque fa- tisfa&ion , qu'après avoir profondément réfléchi fur la réforme de vos loix , vous n'avez rien propofé que le Légiflateur Juif n'eût prefcritplus de trois mille ans avant vous. C'en eft du moins une bien feniible pour nous , de voir , qu'au fein d'un peuple ignorant & greffier j il aie prévenu, de tant de fledes, les décou- vertes légiflatives du plus brillant Se du plus vafte génie de ce fiecle philofo-. phi que.
Nous fommes , avec les plus parfaits fentimens , Sec.
DI QUELQUES J'UI'FS. JÔÏ
LETTRE XIII.
Réflexions fur l'objet , l'ancienneté j la durée , &c. de la légijlatïon Mofaique*
W troiQuiIa défenfe , que nous avons • entreprife de notre législation , foit déjà devenue beaucoup plus longue que nous ne l'avions compté d'abord j nous ne pou- vons nous empêcher d'ajouter encore ici- quelques considérations fur fon -objet, fon ancienneté, fa durée , ôcc.
Elle fait , cette législation, la gloire d'Ifraël aux yeux de tous les peuples, C'efl le plus cher héritage que nos pères nous aient laide : nous ne devons rien négliger de ce qui peut la faire connoître , & en donner une jufte idée.
1°. » Outre- l'objet ' commun qu'ont « tous les Etats , qui eft de fe maintenir , « chaque Etat , dit l'illuftre Auteur de 35 l'Efprit des Loix , en a un qui lui -eft 3- particulier". Sparte formoitdes Guer- riers , Rome des Conquérans , Carthage des Commerça!-» & des Navigateurs , &c. Un autre objet occupe le Législateur Juif; c'eft de former mi peuple vertueux
3C1 L E T T R. E s
qui , f.de'e adorateur du feuï vrai Dieu , donnât a toiu les peuples de la terre l'exemple d'un culte raifomiable &: pur. Nous trompons-nous , Monfi:-ur, quand nous croyons cet objet plus noble cV plus digne d'un Sa^e ?
11°. Au lieu que les Législateurs les plus vantés fe lîren; un principe de ne rien changer aux anciennes faperftirions , S: de laiiler leurs peuples proftituer in- dignement leurs adorations à d^s Dieux fubakernes , aux aftres Se aux élcmens , aux bois & aux métaux , ivc. Moyfe re- garde comme fa plus importante obli- gation , d'infèruire tous les Hébreux de leurs devoirs envers le grand -Créateur & Gouverneur du monde ; de leur an- noncer fa puilfance , fa juftice 5 fa bonté , fa providence , Ikc. & de leur apprendre à mériter, par leur exactitude à obferver fes loix , de vivre heureux fous fa pro- tection toute puiflante. 11 nous femble , Monfieur , qu'une telle conduite méri- teroit des éloges , même aux yeux de la Philofophie !
1 1 1°. Quel Législateur parla jamais de l'Etre-Supréme à fon peuple , comme Moyfe aux Hébreux ! 11 leur en donne les plus fublimes idées ; il les tient fans :effe fous la main de ce grand D:...
DE QUELQUES J U I F S. $Q:
C'eft par fa. crainte & par ion amour qu'il leur ordonne de régler coures leurs démarches : féliit commerce encre l'homme & la Divinité , qui règle , ennoblir , confacre nos actions > devoir glorieux ,- qu'aucun Législateur ancien - n'a mieux connu , ni recommandé avec autant de foin que le nôcre. 55 Dans les j'j aunes légiilations, dit Jofeplie , la piété « fait partie de la vertu j dans la nôrre , « roures tés vertus ne fonr que des parties » furbordonnées de la pièce ».
IV°. Cette législation fi reiigieufe &: fi fige , eft en même-temps la plus an- cienne qui nous foir parvenue. Les Mînps & les Dracon, les Solon & les Lycurgue , les Zaleucus «Se les Numa , font polté- rieurs de plusieurs fiecles au Légillateur Juif j &• s'il n'eft pas démontré qu'ils lui aient dû leurs lumkr^s (1) , il eft certain qu'il n'a pu profiter des leurs. C'eft: dans cette hauts antiquité , dans ces fiecles reculés, où des mœurs aulîi corrompues que groffieres , «S: d^s fuperfticions àuiïi- wfénfées que honteufes & cruelles 9 régnoient de toutes parts , que ce grand » — .11 —
(1) Dû leurs lumlfcs. Si ce fait n'efl: p.is démontré , cri p-.-ui. croire qu'il ef; au moins» très probâl-!
504 Lettres
homme, s'élevant au-deflits des préjugés des Nations , donne à fon peuple une Religion fainte , une morale pure , une légifiation jufte de fage. Due- il tour à l'élévation de fon génie ?
V°. Le Légiflateur Juif eft , de tous lés anciens Légiflateurs , le plus mftruit ck le plus vertueux. Quel refpect pour la Divinité ! quelle foumillicn à ùs ordres ! La piété , qui fait le caractère propre de fa légiflation , eft la règle confiante de toute fa conduite. Quel ?.mour pour fon peuple 1 Quel déiïnté- rëflement ! Quelle douceur ! 11 fouifre le: murmures avec patience j il avoue {ts fautes avec candeur -y il voit , fans fe plaindre , fon frère &: les enfuis de (on frère élevés au Sacerdoce. 11 les met lui- même en poiïeiïîon de cette dignité , tandis qu'il lailfe (es propres enfans con- fondus avec la foule des Lévites , fans efpérance de pouvoir jamais s'élever plus haut.
Avec tant de vertus , que de lumières ! Orateur touchant , Pocte fublime , Hif- tôrien exact , Politique profond , il réunit les plus belles connoitfances aux plus nobles talens. Veut-on apprendre l'ori- gine du monde , les généalogies des premiers hommes, les érabhiTçrnens des
DE QUELQUES JUIFS. $ 0 5
anciens peuples , la naiifance des arcs , 6Vc . ifantiquité ne nous ofïre point de monu- ment plus précieux ni plus sut que (es- écrits.
Sa Philofophie n'eft point cette Phi- lofophie aride & feche , dont la fubtilité s'évapore en vains raifonnemens , & dont les forces s'épuifent en recherches inu- tiles au bonheur des hommes •, cette Phi- lofophie défaftreufe , qui , la hache à la main & le bandeau fur les yeux , abat , renverfe , détruit tout , & n'élevé rien ^ qui y dans fon délire impie , fait fon Dieu de la matière j ne diftingue l'homme d'avec la brute que par (es doigts , & pour le perfectionner , le renvoie dif- puter aux animaux le gland dans les fo- rêts. C'eft la fage Philofophie de ces hommes bienfaifans , qui ont formé les fociétés , civilisé les peuples , & rendu leurs femblables heureux , en leur appre- nant à fe foumettre au joug des loix. Un homme d'un efprit fi éclairé & d'un caractère fi noble , pouvoit , fans doute , donner à fon peuple une légiflation fage. VI0. Mais ces loix , dit-il , ne font pas les tiennes ; il n'eft que l'interprète du Dieu libérateur de fon peuple ; c'eft au nom de ce grand Dieu , «Se de fa part , qu'elles font données à. nos pères, Elles-
yo6 Lettres
ont pour principe obligatoire la volonté fouveraine, toujours jufte & lage , ieul rondement folirle de la vertu y ex pour ianction , les profpérités mente tempo- relles , qu'il leur promet s'ils les obi'.r- Vent, & les plus terribles fléaux qu'il leur dénonce s'ils les enfreignent : fanction qu'aucun autre Légiilateur n'ofa mettre à (es loix (i) ; mais vérifiée par une fuite d'événemens étonnans.
V 1 1°. D'autres Légiflateurs fe font auilî donnés pour infpircs du Ciel j mais à peine les a-t-on crus de leur temps , 8c cette croyance s'eft bientôt évanouie. 11 nen eft pas ainfl de la divine million de Moyfe. Nos pères l'ont crue , & leurs defeendans la croient encore. D'où vient cette différence ? N'eft-ce pas que l'erreur pafTe , &: que la vérité refte ?
VI11°. De-là cet attachement invio- lable qu'il nous a infpiré pour nos loix ; attachement fans exemple , que la ruine de notre République , la difperiion de nos Tribus , les perfécutions des Rois y
(i) Mettre à fes loix. C'cft une obfeivation du favaitt Evêque de Glocefter ( VTaiburtoii ) & une preuve de la divinité de là* million de Moyfe. Yoy. la divine Légation J<. Altsyfi,
Aat.
Dï QUELQUES Jl'IfS, 307
& le mépris des peuples , n'ont pu ar- racher de nos cœurs. Des milliers de Juifs ont donné leur vie plutôt que de renoncer à ces loix , ou de paroitre les enfreindre. Auffi , tandis" qu'il ne nous refte de tant de législations fameuies , que les noms des Législateurs attachés à cpelques débris de leurs loix , la législa- tion iViofaïque e(t venue jufqu'à nous , à travers tant de révolutions & tant de fiecles , toujours la même 6\r toujours ré- vérée. Et non- feulement les Hébreux, m lis les deux tiers du globe habité, ref- pectent ces loix , de regardent le Légif- îateur comme divinement infpiré. Quelle législation humaine eut jamais un pareil fuccès }
IX°. Cette durée , cette perpétuité de la nôtre , ce refpect dont elle jouit depuis tant de fiecles , ëc en tant de climats , ne peut être l'effet du hazard. L'expliquerez- vous naturellement ? Quand vous l'aurez fait, il vous le pouvez, vous aurez dé- montré que le Législateur Juif fut in- contestablement le plus grand de tous les Législateurs humains, &que foii peuple , félon vous , vidïone de l 'ctteniun de lu politique , mérite plus qu'aucun autre ,. d'en fixer les regards.
3'o8 L E. T T R E S
Xy. Mais non : le doi°i du Seignèut ejl ici : fa puiifance «Se fa fageile y écla- tant d'une manière trop évidente , pour pouvoir être méconnues.
C O H C L V S I O N.
Concluons , Monfieur. Toutes les par- ties de la légiflation Mofaïque annoncent la haute ôv divine fagelfe du Légiflateur, Ses dogmes font raifonnables 6v fublimes j fes préceptes religieux & moraux , faints & purs } fes loix politiques , militaires 8c civiles , fages , équitables , douces j fes loix mêmes rituelles , fondées en rai- fon. Toutes , en un mot , font admira- blement calculées fur les defleins ôc les vues du Légiflateur, fur les circonstances des temps , des lieux, du climat, iur les inclinations à&s Hébreux , & les mœurs des peuples voifms , ôcc. Dans cette lé- giflation , rien qui contredife tes loix de la nature , ou celles de la vertu : tout y refpire la piété , la juftice , i honnêteté" ,• la bienfaisance. Son objet , (on ancien- neté , fon origine , {ù. durée , les tilens tk les vertus du Légiflateur , le refpeâ de tant de peuples , &c. tout concourt à en prouver l'excellence. Vos plu
IÎE QUELQUES J U I F S. 3 OJ
hommes (i) l'ont admirée, l'ont re- gardée comme la première fource du droit divin ôc humain : & vous , Mon- fieur , vous n'y voyez qu: 'abfurdité , Se que barbarie. Quand vous en parliez dans ces termes outrageans , étoit ce l'impar- tialité qui préiîdoit à vos jugemens ?
Voilà , Monfieur , ce que nous avons cru devoir vous dire pour la défenfe de notre légiflation ; foible effai d'apologie , en comparaifon de ce qu'en ont dit tant de doclies Chrétiens , tant de favans Juifs , Abravanel , Jarchi , Maimonide , & avant eux , Jofephe & l'éloquent Phi- Ion. Lifez leurs écrits , Monfieur : faines mieux encore ; lifez le ^texte même de nos loix , & bientôt vos préjugés fe dii- •tiperent j bientôt , frappé de la fageffe
(1) Vos pi us grands hommes , &c. Nous pou- vons citer, entr'autres , le Chancelier qui , de .nos jours, a fait à la France un honneur im- mortel pa: Tes lumières & par Tes vertes. Ce grand homme avoir tant de refpect pour la légiflation Mofaïque , il eltimoit le droit des Juifs (i fages , qu'il s'étoit fait extraire & ré- diger , par ordre de matières , un Corps de Loi:; Juives, Mais les Daguelleau , les l'Hô- pital , les Bacons, Sec. petits Légiftes , foibles génies en comparaifon de nos Philofophes ! Edif,
3 io Lettres
.de ces ordonnances , vous vous direz i Vous-même , peut-être en rougiifant : Cesjiatuts 3 pourtant , font beaux ; & ce peuple , que j'ai tant de fois indignement traité , était une Nation ir.teiîigente & fage ( i ).
Pour nous , Monfieur , quand noue confidérons les juftes reproches laits aux législations anciennes &: modernes j quand nous rcfléchilFons fur les fvftêmes fu- neftes avancés dans les liecles paffés Cv dans celui-ci par les Philofophes j qre nous voyons la providence de Dieu , fa juftice , (on exiftenre même conteftées ; le fatalifme introduit , la liberté dé- truite , les bernes du juite & de Tinjulte arrachées avec audace , ou pofees avec incertitude par ces prétendus Sages ; l'homme dégradé , tous les liens des fo- ciétés rompus, de vaines chimères , c\es dowvis cruels ïublhtués aux plus conf- iantes & aux plus utiles vérités , cVc : touchés de tant d'égaremens , nous ne pouvons que nous eltimer heureux , d'en avoir été préiervés par une légillation h raifonnable cv (î fiinte. O Ifraël 3 ton bonheur eji grand ! V Eternel ta fait
(0 Intelligente 6* fige, Voy. Deur. VI. 6 , 7. Au:.
DE QUELQUES JuiFSt 3 .1 I
connaître ce qui lui ejl agréable j il na. point accorde cette faveur à tous les peuples ( 1 ).
Nous fommes fîneerement ■& refpeo jtueufement , &c
( 1 ) A tous les peuples. Voy. Barucli IV. Pf. .GXLVIII.
PETIT COMMENTAIRE
EXTRAIT DUN PLUS «RAND,
A Fiifage de M. de Voltaire , & de ceux qui lifent [es Œuvres.
S u
I T E.
1\ o u s allons , fi vous le voulez bien s Monfieur , reprendre notre Petit Com- mentaire : il nous tardoit d'y revenir , afin de pouvoir porter nos Extraits aux deux douzaines.
Comme nous n'avons plus gueres que des méprîtes à relever , & de petits fo- phifmes à détruire , nous nous permet- trons de prendre un ton moins férieux : la controverfe ne nous plaît qu'autapi qu'elle eft gaie : «Se elle ne peut être utile , à elle n'eft honnête.
XVII*.
Commentaire. 315
XVIIe. EXTRAIT.
De Salomon : fon élévation au trône : mort de f on frère : étendue defes Etats,
l^ 1 dans votre Philofophie de l'Hiftoire,' -en traitant des divers Etats des Juifs , vous dites à peine un mot de Salomon , quoique ce fût naturellement le lieu d'en parier,vos Lecteurs n'y perdent rien, Mon! iieur : il fe trouve dans votre Diction- naire Philofophiquï un long article fur ce Roi Juif.
Vous y convenez d'abord , s> que Sa- » lomon a toujours été révéré dans l'O- s5 rient ; que les ouvrages qu'on croit de ■jj lui , les annales des Juifs , les fables des Arabes ont porté fa renommée »i jufqu'aux Indes , & que fon règne eft » la grande époque des Hébreux.
Mais l'éclat de ce règne , la haute ré- putation du Monarque, les jugemens des Juifs 8t des Arabes ne vous en impofenc guère. A vous entendre , ce Monarque révéré ne fut qu'un ufurpat:ur fangui- naire ; fon grand Royaume qu'un petit Etat ; & les ouvrages , qu'on croit de Tome III. O
314 Petit
lui , ne font ni de lui, ni dignes de lui (1). Tel eft le précis de ce que vous dires d'un Roi, qui a rempli l'Univers du bruit de Ton nom.
11 feroit trop long d'entrer ici dans tous ces détails ; &c nous apprenons qu'un favant Chrétien (1) va 1 ;, éixrifier : nous nous bornerons à quelques points , qui iwus ont paru plus rr'appans.
Elévation de Salomon au tronc. L'élévation de Salomon au trône fut-
( 1 ) Ni lignes Je lui. On poOrroir avoir quelque peine a comprendre comment des Ou- vrages qui ne font, n. ^c Salomon , ni ;,-.' lui , ont pu porter fi loin ù renommer Le nom d'un grand koi mis a la tête de quelq- es IjvifS , peut leqr donner de la V9SWe.i m^^. qui des livres indignes d'un grand Roi loin l'a gloire , c'cls pour nous 11 p.v Oferoit-on fupplier l'illuftre Ecrivain de l'cx- pliqucr ? Eait.
Un fav ■■■: Chrétien. "M. l'AbW N'on-nore. On noui «dire qu'il ne raid"? pas a donnçi on çorpplecte du D c Phi-
- . e.'k lire crit'q •• irl doit s'at-
Modee qlti cette U I .1 rn s plus folides
Elle vienc de paroiae , H I 1 lie dt:ie luel /
1
Commentaire. 515
elle une ufurpatian ? C'eft l'idée que vous voudriez en donner.
lia.
T
E X T E.
» Bethfabée obtint de David , qu'il fît sj couronner Salomon , fon hls , au lieu de » fon aîné Adonias «. ( Dici. Phd. )
Commentaire.
C'étoit l'opinion de l'iiluftre Bofïiiet (1) , que dans notre Nation , comme dans la votre , les Rois fe fuccédoient de mâles en mâles , & d'aînés en aînés : ordre de fucceflîon, dit-il, fageraent inf- titué (1) , qui prévient dans les Etats les troubles civils Se les dominations étran- gères (3).
( 1 ) L'illufire Bojfuét. Voyez fa politique facrée.
(i) Sagement inflituê. L'Auteur du Diction- naire Philo fophique penfe là-deflus , comme fur beaucoup de chofes , tout autrement que I'ol- fuet. Si les François l'en croyoient, ils auioienc bientôt réformé, fur ce point, la loi Salicjue. Voyez Diér. Phil. air. Loix. A ut.
(5) Dominations étrangères. La loi c^éferdoit aux Hébreux de f- donner un 1- oi d' n. autre Nation. Non poteris alterius semis fiqminem Regem facere, qui non fit frater tuus. H égk mtat fage & néceiTaire chez ce peuple. Ea'it.
Oij
3 16 Petit
Mais vous fuppofez que cet ordre croit tellement établi dès le temps de David , que le trône appartenoit de droit au hls aîné , indépendamment du choix de Dieu &z de la volonté du père. C é- toit , Moniîeur , ce qu'il auroit fallu dé- montrer , avant d'accufer Salomon d'u- furpation &: d'injuftice ; & c'eft c!e quoi nous penfons qu'il ne vous feroit pas -aifé de produire de bonnes preuves.
11 paroît au contraire , que David fon- doit le droit de Salomon , comme le (ien , fur le choix du Seigneur. L'Eternel qui m'a choi/îj difoit ce Prince à fou peuple, pour régner fur ijraél , a choifi Salomon pour régner après moi (i). L'ordre de h fucceflion étoit encore fi peu établi , que Bcthiabée ne craint point de dire à David : Tout Ifrael a les yeux tournés vers vous , 6 Rot mon Seigneur , & attend que vous dejignie\ celui qui doit tin i.Jfis après vous Jur votre trône (i). Et en effet , dés que David eut nommé fon fuccelleur , cv que Salomon eut vté facré par fon ordre , les F.t.us aïïemblés le re- connurent pour leur Roi légitime , <5c !
( i ) Aprh moi. I. Taralip. XXVIII. 4. j, h A ut. i
(2) Sur xotn trône. III. Roi?, I. 10. Aut,
Commentaire. 317
s'engagèrent par ferment à lui obéir (1). Pluiieurs de nos Rois , même après David , choifirent pour leurs fuccefTeurs, parmi leurs enfans , d'autres que leurs aînés (1) , & le peuple les reconnut de même pour {es légitimes Souverains. Vous flattez-vous, Monfieur , d'être plus inftruit des droits de la fuccellion à la couronne dans notre Nation 3 que la Na- tion même ?
Texte.
» Elle eut affez d'artifice pour faire » donner l'héritage au fruit de fon adul- » tere (3) «. ( lkid. )
(1) A lui obéir. I. Paralip. XXIX. 11. 13. Aut.
(1) Que leurs aînés. Sans aller plus loin , Roboam , petit fils de David } nomma pour fon fucceffeur au trône , Abia fon fils, qui n'étoit pas l'aîné. ( Voy. Jofephe. ) Lors donc qu'Ado- nias dit à Bethfabée , c'étoit à moi la couronne , il parle de l'ordre commun des fucceffions , Se non d'un droit abfolg , d'une loi de l'Etat qui ôtât au père le choix de fon fucceffrur. Edit.
(3) De fon adultère. Dans un autre endroit , M. de Voltaire fait Bethfabée complice du meurtre de fon mari. Où a t-il pris cette anec- dote ? L'Ecriture ne die rien qui le puiife faire foupçonner. Edit,
Oiij
3i* Petit
Commentaire.
Nous penlîons que le fruit de l'adul- tère de Eethfabée mourut quelques jours après être ne \ Se que le Seigneur , tou- ché du vif .x fincere repentir de David-, avoir légitimé ce mariage commencé par le crime. Plus inexorable que le Dieu de nos pères, vous juïre-z que les larmes & les regrets ce ce Roi pénitent né méri- toient aucune indulgence. Telle eit la rigueur, ou plutôt 1 inflexibilité de votre juftice.
Texte.
>> Nathan , qui étoit venu reprocher à, » David ion adultère, fut le même qui r> féconda Bethfabée pour mettre Salo- » mon fur L trône. Cette conduite , à ne » raifonner que félon la chair , prou- 33 veroit que ce Nathan avoit , félon les » temps , deux poids & deux melures «. ( lbid. )
Commentaire.
Oui , Monfieui , Nathan avoit deux mefurcs ; une mefure de rigoeur contre le Roi adultère ex lu micice , & une mefure d'indulgence pour le pécbeuf
Commentaire. 3 i £
contrit & pénitent. Qui n'en auroit qu'une pour le crime & pour le repentir de l'avoir commis., en feroit-il plus équitable ?
§. I.
Mort cTAdonlas.
Cette mort vous paroît injufte , Mon- iteur , 3c pour nous prouver qu'elle là fut , vous dites :
Texte.
>» Adonias exclus du trône par Salo- » mon , lui demanda pour toute grâce , » qu'il lui permit d'époufer Abifag , cette » jeune iille qu'on avoir donnée à David » pour le réchauffer dans fa vieillelTe : ÔC » l'Ecriture dit que fur cette feule de- » mande il le fit alfalîiner «. ( Ibid. )
Commentaire.
Exclus du trône par Salomon 3 ôcc. U en étoit exclus par le choix de Dieu , par celui de fon père , ôc par celui des Etats de la Nation.
Lui. demanda pour toute grâce , ôcc. Mais , obferve l'éloquent Evêque de Meaux , » cette grâce étoit d'une con- > féqueace ex:rême dans les mœurs de
Oir
s> ces peuples «. C'étoit , dans ces mœurs,' un nouveau titre, qu'Adonias vouloit ajou- ter à celui qu'il croyoit avoir en qualité d'aîné. Salomon le fentit. » Que ne de- « mandez-vous pour lui le trône , dit-il & à Bethfabée ? déjà il eft l'aîné , <Scc.
Il le fit aj] 'affiner. Le terme eft éner- gique , mais il eft allez mal appliqué. Tout autre que vous auroit dit , qu'il le fît punir de mort ; ce qui n'eft pas la même chofe. Il y a quelque différence entre un afTalUn , & un Souverain qui punit.
Sur cette feule demande ! Non , Mon- fîeur : l'Ecriture avoit déjà fait connoître le caractère altier d'Adonias ; le projet , qu'il avoit formé , de s'emparer de la couronne fans l'aveu , ou plutôt contre le gré & du vivant mcm, du Roi l'on père ; fes liaifons avec Joab , eiprit dangereux , qui , plus d'une fois , avoit donné à David de juftes fujets de mécontentement , &c. Ce ne fut donc point fur t'a Jcule demande qu'il avoit faite d'Abifae , que Salomon le fit mettre à mort : ce Rit fur cette à*e«f mande , jointe à la connoitîance de fes menées , & de fes prétentions , qu'il vou-, loit appuyer de ce nouveau titre.
Commentaire. 311
Texte.
» Apparemment Dieu , qui lui donna » le don de fagefTe , lui refufa alors celui » de juftice & d'humanité «. ( 7/>ic/. )
Commentaire.
Quand vous reprochiez a Salomon de n'avoir pas eu le don de jujlice & d'hu- manité , aviez-vous , Monfîeur , celui de diferétion ?
A Dieu ne plaife que nous cherchions à juftirîer des crimes. Si Salomon fit mourir un frère fans de juftes raifons de fureté perfonnelie ou d'intérêt d'Etat , il fut coupable fans doute ( 1 ). Mais êtes- vous sûr qu'il n'en eut aucune ? Confi- dérez , Monfîeur , que dans les mœurs de ces pays & de ces temps , fl les pro- jets d'Adonias eulfent réufïî , il y avoir tout à craindre pour Salomon 6v pour fa mère (1). Et que favez-vous fi ce facri-
(1) Il fut coupable fans doute. Nous ne dit- fîmulerons point cjue quelques Commentateurs blâment Salomon: mais ils en donnent d'auttes raifons que M. de Voltaite , & ces raifons jnémes nous ont toujours paru bien foibles. Aat.
(z) Pour Salomtn & peur fa mère. Voy. III.
O v
512- Petit
fixe , qui dût coûter il cher à fon cœur,' il ne le ht pas en même temps à la Patrie &c à la tranquillité de fes Sujets ? Le ca- ractère d'Adonias , le nombre de fes par- tifans , fes entreprîtes paflfées , & fa nou- velle démarche , ne pouvoientilspas faire craindre à Salomon , s'il l'eut lai lie vivre , d'expofer {on peuple aux horreurs d'une fan^îante çuierre civile ? C'eft fouvent la jufîice & l'humanité même des Rois , qui les obligent d'ufer de rigueur.
Il nous femble que , fî vous eulïiez fait ces réflexions , vous auriez pu être moins prompt à condamner un grand Se fage Monarque , dont vous ne connoifliez ni toutes les raifons , ni les difpofitions fecrettes.
Etendue des Etats de Salomon.
Vous ajoutez , Monlictir , que nos. Ecritures fe contredifuit en parlant des Etats de Salomon.
Texte. » 11 e(t dit dans le troifieme Livre dei
jfcois. I. II. il. Sûuvt^ votre vie & celle ut Votnjils , die Nathan à Bêthfabt!e , &c. Ant.
Commentaire. 315 » Rois , qu'il' étoit maître d'un grand- » Royaume , qui s'étendoit de l'Euphrate » à la mer Rouge & à la mer Méditer-* » ranée «. ( lbid. )
Commentaire.
Tout cela eft dit , Monfieur , & touc cela eft vrai. Mais , reprenez-vous ,
Texte.
» Malheureufement il eft dit en même » temps que le Roi d'Egypte avoit con- » quis le pays de Gafer dans le Canaan , » & qu'il donna pour dot la Ville de » Gafer à fa fille , qu'on prétend que » Salomon époufa «. ( lbid. )
Commentaire.
Malheureufement pour vous', Mon- fieur , vous voyez quelquefois des con- tradictions où il n'y en a pas , ôz fouvéne vous n'en appercevez pas où il y en a de très-réelles.
Lorfque les Hébreux s'emparèrent de la Paleftine , les Cananéens de Gafer fe maintinrent dans cette Ville, mais en de- venant leurs vaiTaux &: leurs tributaires ; l'Ecriture ie marque exprefTément ; ife
Ovj
514 Petit
l'avoient été de David , & ils f étoient de Salomon. Gafer étoit donc de fa domi- nation, même avant que le Roi d'Egypte , probablement de fon confentement ( 1 ) , aflïégeât cette place & la prît. Après la victoire, Pharaon céda fa conquête au Roi d'Ifracl , qu'il rendit par-là de fuze- rain, propriétaire. Cette ceflion faite par le Roi d'Egypte , fut en effet une partie de la dot de fa fille»
Qu'on prétend que Salomon epoufa. Nous le prétendons d'après nos annales : auriez-vous , Moniieur , quelque preuve du contraire ?
Te x t e.
» H y avoïtun Roi à Damas : les Royau- » mes de Tyr Se de Sidon florùToient «. ( lbid. )
Commentaire. Oui ; mais les Royaumes de Tyr & de
(1) Probablement de fon confentement. Nou$ croyons qu'après la more de David , les habitans de Gafer crurenr pouvoir profiter de la con- joncture , pour fecouer le joug du nouveau Roi , & que ce fur pour l'obliçer , que Pha- raon , fon allié &c fon beau-pere, aflregea cette YjlJe. Aut,
Commentaire. $rf
Sidon , puiflans fur mer , ne poflTédoient qu'une langue de terre dans le continent ; & le Roi de Damas , vaincu par David , avoit été fon tributaire & l'étoit de Sa- lomon. Ces deux Rois Juifs tenoientgar- nifon dans Damas: ils étoient maîtres du pays jufqu'à l'Euphrate , & l'étoient tel- lement , que Salomon y fit bâtir la fa- meufe Ville de Tadmor ou Palmyre. Le Roi de Damas & les Royaumes de Sidon & de Tyr n'empêchoient donc point que les Etats de Salomon ne s'étendilfent de TEuphrate à la mer Rouge, 3c de l'Arabie déferte à la mer Méditerranée. Or, cette étendue de pays n'eft pas , ce nous fem- ble , un fi petit Etat : dès Nations célèbres en polféderent de moins vaftes.
Mais , dites-vous , ces grandes con- quêtes de David font-elles bien croyables? Comment fe perfuader , par exemple , que,
Texte,
« Saiil , qui ne pofTédoit d'abord dans « fes Etats que deux épées , eut bientôt 55 une armée de trois cent trente mille » hommes ? Jamais le Sultan des Turcs »> n'a en de C\ nombreufes armées : il y » avoit là de quoi conquérir la terre ", ( lbïd, )
$2.4 Petit
Commentaire.
Une armée de trois cent trente mille hommes ! On vous a déjà dit bien des fois , Monheiir , que dans ces anciens temps , tout homme en état de porter les armes , étoit foldat : avoir une armée de trois cent trente mille hommes , n'étoit dono pas une chofe aufli impofîible ni aulîi -in- concevable que vous tous l'imaginez ?
Jamais le Sultan des Turcs , &c. Il paroît , Monfieur , qu'il r a long-temps que vous n'avez lu l'Hiftoire des Turcs. Mais ne vous faites-vous pas lire quelque- fois la Gazette ?
De quoi conquérir la terre , &c. La terre ! c'eft beaucoup, Moniteur; la terre çffc bien grande.
Vous vous êtes tant de fois Se fi agréa- blement , fi ingénieufement moqué du projet de Séfoftris ex de l'efpérance , que vous prêtez aux Juifs de conquérir la terre. C'eft, félon vous, un projet &: des efpé- rances de Purocole : & vous vous mettez à parler , comme eux , de conquérir la terre ! Ces idées de Picrocole trouvent auffi à fe placer dans rotxe efprit ! On n$ s'y feioit pas attendu,
Commentaire. 327 Texte.
» Ces contradictions femblent exclure s» tout raifonnement \ mais ceux qui veu- » lent raiionner , trouvent difficile que » David , qui fuccede à Saiil vaincu par n les Philiitins , ait pu , pendant fon admi- » niltration , fonder un vafte Empire «.
( Ibid. )
■■
Commentaire.
Ceux qui veulent raifonner j &c. Mais, Moniîeur , trouver difficile que le fuc- cefTeur d'un Roi défait dans une bataille ait remporté plufieurs victoires &: con- quis pluiieurs Provinces , eft-ce raifon- lier ? Ceft juger incroyable un fait , dont il y a cent exemples dans l'Hiftoire. Combien de peuples aguerris par leurs défaites , ont triomphé de leurs vain- queurs !
Ait pu pendant fon adminijlration , Se. Mais cette administration a été longue j les conquêtes de David furent le fruit de quarante ans de combats & de victoires. Eit-il impoiîible que par tant de travaux & de fuccès , un Roi belliqueux ait ag- grandi fes Etats ?
Ces contradictions fembknt exclure
3 2.S ?ITIT
tout raifonnement. De tels raifonnemen? n'excluront-ils pas enfin toute créance ? Penfez-y, Moniieur : déjà le Public ouvre les yeux , & las d'être la dupe d'un grand nom , il retire peu à peu une confiance trop facilement donnée.
Et comment continueroit-on de l'avoir, en vous trouvant à tout inftant fi peu ins- truit fur les faits dont vous parlez ? A Mû- rement , Monfieur , fuppofer , comme vous le faites , que dès le temps de David la fucceffion au trône d'aînés en aînés ctoit établie chez nos pères , comme elle l'eft chez vous \ & que le Royaume de Damas empêchoit que les Etats de Sa- lomon ne s'étendiffent de la rivière d'E- gypte à l'Euphrate , c'eft bien mal con- noitre notre Hiftoire.
<*^"^*»
Commentaire. 319
XVIIIe. EXTRAIT.
De Salomon : fuite. Si le Livre des Pro~ verbes ejl de ce Prince,
Vous venez, Monfieur, de difputer a Salomon fes Etats ; vous allez lui contefter fes Proverbes.
Nous ne prétendons point que cet Ou- vrage foit de lui tout entier $ le titre même des deux derniers Chapitres annonce le contraire j & nous n'ignorons pas que plufieurs Savans ne le regardent que comme un choix de fentences & de ma- ximes recueillies , pour la plus grande partie , des écrits de ce Prince \ & pour le refte , de divers autres Ecrivains inf- pirés. On croir même pouvoir alTurer que cette collection fut faite par le Prophète Ifaïe, par Hekias, ou, comme vous le dites , par Sobna , Eliacin , Joaké , Sec. fous le règne du pieux Roi Ezéchias. Nous ne voyons en tout cela rien que de vrai ou du moins de vraifemblable j rien que vos Lecteurs ne pufTent ap- prendre , & que vous n'ayez très-pro- bablement appris vous - même dans le Commentaire de Dora Calmée,
359 Petit
Mais vous allez plus loin : vous entre- prenez de prouver , que cet Ouvrage ejl indigne ae Salomon , & qu'il ne fut com- pofe que dans Alexandrie. Voyons , s'il vous plaît , Moniteur , fur quoi vous fon- dez ces deux aliénions.
§. ..
SI le Livre des Proverbes ejî un écrit indigne de Salomon,
Vous débutez en ces termes : Texte.
» Cet Ouvrage eft un recueil de ma- » ximes triviales , baffes , incohérentes , >» fans goût , fans choix , fans delfein «. {Dicl. Phil.)
Commentaire.
C'ejl un recueil de fentences triviales & ba([es ! Mais d'abord , quand deux ou rrois fentences , que vous citez , paroî- rroienr triviales c\r baffes, qu'en pourriez- vous conclure contre tant d'autres ? Jui^e- t-on d'un écrit comme d'une étoffe , par un échantillon ? Si Ton jugeoit de même de vos Ouvrages ; fi l'on en citoit quel- gués mauvais vers , quelques froide
Commentaire. 351
plaifanteries , 8c qu'on en conclût que tout eft indigne d'un grand Poe'te & d un excellent Ecrivain . ce jugement vous fem- bleroit-il équitable ? Nous le trouverions , nous , Monfieur, trcs-injufte.
Secondement , ce qui peut paroître trivial & bas à quelques personnes , en certaines langues, dans certains temps & dans certains pavs , peut très-bien ne l'avoir point paru 8c ne l'avoir point été en d'autres pavs , en d'autres temps , 8c dans une autre langue. Il ne faut pas avoir beaucoup lu pour en être perfuadé : Ho- mère feul en fournit plus d'une preuve. Combien de penfées , d'images , de dé- i rails , qui , élégans 8c nobles de fon temps 8c dans fa langue, paroîtroient bas aujourd'hui dans la votre ! Mais ce n'eft point par votre langue , fur vos mœurs 8c fur vos ufages , c'eft par la langue des anciens Ecrivains , fur les ufages 8c les j mœurs des temps 8c des pays où ils vi- ! voient , qu'il convient de les juger. On j l'a dit tant de fois , 8c vous l'avez vous- | même fi fouvent répété !
Enfin , Monfieur , des hommes de goût , des Ecrivains capables de juger des ftyles , 8c qui avoient l'avantage de pouvoir lire le Livre des Proverbes dans le texte original , n'en ont point parlé
53i Petit
comme vous. Ces maximes , où vous ne voyez que baffe ffe & trivialité , leur ont paru écrites avec une précision piquante , d'un ftyie élégant & pur , & ornées de fentimens, d'images, de comparaifons , &cc. propres à les fixer dans la mémoire des Lecteurs , à l'inftrudtion defquels elles étoient deftinées. C'eft ainfî qu'en ont jugé les Fénelon & les Bolïuet j Se s'il vous faut des autorités étrangères , c'eft ainli qu'en jugent les Louth ôc les Michaè'lis , Savans dont vous ne pouvez révoquer en doute ni l'érudition , ni le goût.
Ces maximes font incohérentes. Belle découverte & jufte fujet de reproche ! Eh ! qui ne fait que dans cet Ouvrage , fur-tout après les neuf premiers Cha- pitres , l'ordre didactique n'eft point ob- fervé \ & qu'on n'y voit ni divilions , ni définitions, ni argumentations ; rien , en un mot, de la méthode des Dialecticiens. Mais y étoit-t-elle néceflaire? Salomon ne pretendoit pas faire un traité philoso- phique fec & froid : il écrivoit pour la jeune flè , à qui la variété plaît ; & pour qui des penféeS/détachées , qui la frap- penc , conviennent mieux que de longs raifonnemens , qui l'ennuient.
Vous trouvez ces maximes ïnçohé-.
Commentaire. 5 5 y
rentes : mais trouvez-vous beaucoup plus de cohérence dans les fentences de Théo- gnis , de Phocylides , de Caton , de Pu- blius Syrus , ôcc ? ôc les eltirnez-vous moins , ou les croyez-vous indignes de leurs Auteurs , parce qu'elles ont été écrites fans méthode , ou recueillies au hazard ?
Maximes fans goût , fans choix , fans
deflein. 11 eft vrai , qu'elles ne font point
écrites dans le goût de certaines penfées
modernes : mais ce goût moderne eft-il
bien le vrai goût ? L'eft-il exclufivement
I à tout autre ? Les penfées de Salomon ne
! font ni épigrammatiques , m alambiquées:
il n'y prend point le ton d'oracle ; il ne
| s'y enveloppe point dans le; ténèbres d'un
ftyle amphigourique. Le dcvoit-il faire ?
Il vouloir inftruire , &c il favoit que l'en-
tortilb.ge .&: l'obfcurité nuifent à l'inf-
truérion,
Quant au manque de dejfein } que vous reprochez à cet Ouvrage , fi toutes (es parties ne font pas liées entr'elles par une ordonnance régulière cV fymmétrique , un but commun les unit j & ce but , digne alTuréinent d'un grand & fage Mo- narque , y eft fi marqué , qu'il ne fauroir être méconnu ; c'étoit de former fes jeunes Le&eurs à la piété , à la prudence , à
334 Petit
l'obfervation exacte de cous les devoirs ; en un mot , de ieur mlpirer la crainte de Dieu, & de les mener au bonheur par la vertu. Et au milieu de ces grandes vues , vous venez chicaner fur le défaut de ré- gularité dans le plan ? comme fi vous ignoriez que cette régularité, li recher- chés; des modernes , hit long-temps ne- ■ pir les anciens Poètes moraliites , mêmes Latins e\: Grecs.
Convenez, Moniteur , qu'il y a bien de la petitelîe & bien peu de iolidice dans tous ces reproches.
Mais en voici de plus férieux.
e x T E.
» On y voit des Chapitres entiers où 3> il n'eft parlé que de gueules qui invitent
»> les palfans à coucher avec elles. Salo- js mon auroit-il tant parlé de la femme 5> impudique ? « ( l'bïd. )
Commentaire.
Pourquoi non ? Parler de la femme impudique ; mais pour prévenir contre les artifices , pour peindre les honteufes $c fiuicllres fuites d'un mauvais commerce , * «Se pour detouruer la jeunelle de fe pion-
Commentaire. 335
ger dans cet abîme , eft-ce une chofe in- digne d'un face ? Mais ,
T
E X T E.
» Peut-on fe perfiiâtlet , qu'un Roi « etlairé ait compdfé un recueii de fen- » tentes clans lesquelles on n'en trouy'fe
>■> pis une feule qui regarde la manière » de gouverner , la politique, les mœurs » des courtifans , les ufe.ges de la Cour «*? ( Ibid. )
Commentaire.
On pourroit d'abord vous répondre , Monsieur , que Salon j on ayant compofé divers Ouvrages , avoit peut-être traité dans quelqu'autre de la politique à du gouvernement , des moeurs des courtifans & des ùfages de la Cour ; qu'ainu" il eut été inutile de répéter les mêmes chofes dans celui-ci : qu'il ne s'y propofoit que de donner à la jeûneuse des leçons géné- rales de vertu oc de fagelfe ; & que, dans ce delTein , il n'étoit pas nécellaire qu'il parlât de politique & de gouvernement. Et nous ne voyons pas , que vous pûlliez oppofer rien de raifonnable à cette ré- ponfe.
Mais eft-il bien certain , que dans ce
^3<> Petit
recueil de fentences y il n'y en ait effec- tivement/m.* une jeule , qui regarde la ma- nière de gouverner , la politique j &c ? Vous l'afiurez j & nous , Moniteur , nous ofons vous affiner le contraire. Qu'eft-ce en effet que ces maximes : qui joule les peuples , excite des J lui ions C-* des ré- voltes j la nui tricot de & la \ ente font la garde des Rois, & lajufice ejl le Joutien du trône ; la juflice iiluflre les peuples j un Roi jufîe rend /es Etats fiorijjanS ? Et cette autre , un peuple nombreux fait la gloire du Souverain : ôc cette autre en:ore , le Roi j qui prête volontiers l'oreille aux paroles du menfonge , n'a que des Minifhes impies ; c'eft-à-dire , injuitjs, inndeles , ennemis du bien pu- blic ? Ne font-ce pas là des maximes qui regardent la manière de gouverner ?
L'éloquent Lvëque de M eaux en avoit fait la remarque dans la btdle pretace qu'il a mile à la tête de fes Notes fur le Livre des Proverbes. » On trouve , dit- » il , dans ce Livre tant & de fi fages ma- »> ximes de politique & de gouvernement, » qu'on y re.onnoît aifément la fagelfe j> d'un Roi contaminé dans l'art de ré- » gner «. Vous le voyez, Monlieur, c'eft précifément tout le contraire de ce que yous dites. D'où vient cette oppolîron
entre
Commentaire. 337
entre vous & ce favant Prélat , finon de ce que Boiïuet ne parloit de cet Ouvrage qu'après l'avoir médité , & que vous en parlez probablement fans l'avoir lu j ou du moins après l'avoir lu avec tant de négligence &c de précipitation , que vous ne favez pas même ce qu'il contient ? Lt c'eft d'après une lecture fi fuperficielle , que vous prétendez décider , s'il eft digne ou indigne de Salomon ! Vous êtes en vérité , Monfîeur, un lîngulier Critique !
§. 1.
■«Si le Livre des Proverbes fut compofé dans Alexandrie.
Vous prouverez peut-être mieux que le Livre des Proverbes fut compofé dans Alexandrie. Ecoutons.
Texte.
» Salomon auroit-il dit : ne regardez 35 point le vin,quand il paroît clair cV que » fa couleur brille dans le verre. Je doute 4> fort qu'on eût des verres à boire du » temps de Salomon : c'eft une invention » fort récente , Se ce pafTage feul indique « que cette rapfodie Juive fut compofee Tome III. P
3 5 S Petit
» dans Alexandrie , ainfi que tant d'autres » Livres Juifs «. ( Ibid. )
C COMMENTAIRE.
Voilà de l'érudition , Monfieur \ mais fouftrez que nous vous le difions , vous n'en faites pas un emploi fort judicieux.
i°. S'il elt. certain que l'invention des verres à boire foit fort récente , & qu'on n'ait commencé à les connoître que dans Alexandrie , ce n'eft pas alfez de douter au on eut des verres à boire du temps de Sa- lomon ; on rien avoit certainement point , vous en êtes sûr.
2°. Que feroit-ce Ci , uniquement pour jouir un moment de votre embarras , nous allions vous foutenir , que vous n'avez nulle certitude , que les verres à boire n'aient commencé d'être connus que dans Alexandrie ? Savez-vous bien , Monfieur , que cette alîertion ne feroit pas tout- à-fait dépourvue de vraifem- blance ? En effet , on pourroit vous op- pofer d'abord les tartes ou coupes tranf- parentes , que les Ambafiadeurs Grecs virent à la Cour de Perfe long -temps avant Alexandre : car fi quelques Savans ont prétendu qu'elles étoient d'ambre , Se d'autres qu'elles étoient de porcelaine ,
Commentaire. 339
plusieurs les ont cru de verre. On pour- ront vous dire encore , que le verre , au rapport de plufieurs Auteurs anciens (1) , de Pline , de Tacite , ôcc. fut inventé ,
(1) Auteurs anciens. La plupart des anciens attribuent l'invention du verre à un heureux hazard : ils rapportent que des Marchands de nitre , étant débarqués fur les bords du Belus , & voulant 7 faire cuire leur nourriture , au dé- faut de pierres, ils fe fervirent de gros morceaux de nitre , pour foutenir leur bois & leurs pots , Se que ce nitre ayant pris feu & s'étant fondu avec le fable , forma le premier verre. C'eft , à quelques circonftances près , ce que Pline ea raconte , Lib. XXXVI. c. 16.
Fama eft , dit-il en parlant du fleuve Belus i appu/sâ navi mtreatorum nitri , cum fparfi per littus epulas parurent , nec effet coninis attol- lendls lapïdum occafio , giebas nitri e navi fub- di-iffe ; quitus accenfis , permixtâ arenâ , tranf- lucentes novi liquoris fiuxijfe rivos , c/ hanc fuiffe originem vitri.
Tacite parle auflî des verreries des Sidoniens & des fables du Belus. Et Belus amnis , dit-il , Judaïco iliabitur mari t circa cujus os conltclM arenat , admixto nitro , in vitrum incoquuntur.... Sidon artifex vitri , vitriariis efficinis nobilis* Hift. Lib. V. &c.
On a cru long-temps qu'on ne pouvoit faire du verre qu'avec les fables du Belus. On alloic en charger des vaiiîeaux , félon Jofephe. Cette faune perfuafion , que les Tyriens & les Sido- niens avoient i»térét d'entretenir, rendit long- temps le verre extrêmement cher. Edit.
pij
3 4P P ï ï i t
non dans Alexandrie , mais dans la Pa- lestine , fur les bords du Belus j 6c que les premières manières , qu'on ait em- ployées pour le faire, furent hs fables de ce fleuve , qui coule au pied du Mont- Carmel , dans une de nos Tribus. On vous diroit, qu'Haïe en parle, qu'Ezéchiel y fait allufion j que dès le temps de Sa- lomon on en faifoit des parquets en mo- faïque ; & , pour remonter encore plus haut , qu'il n'ctoit point inconnu du temps même de Moyfe d: de Job , e\:c. «5c s'il en étoit befoin , Monlieur , on pourroit vous apporter des preuves , au moins très-plaulibles , de ces différens faits (ï).
(ï) De ecs différent faits. Voyez la lavante DitVertation de M. Michaëlis , ( Tome 111 des Mémoires de l'Académie de Gottingue ) fur l'ancienneté du verre chez les Hébreux, Il y remarque qu'Ezéchiel met une mer de glace fous le trône de Dieu , par allufion à la magni- fique mer de verre dont étoit pavé le lieu où Salomon avoir tait placer Ton trône ; qu'Haïe patlant de la Ville de Tyr, & Moyft des Tribus d'Illachar & de Zabulon , vantent les tréfors cachés dans les fables de leurs rivages ; j ai où il entend , avec l'Interprète Caldéen , Jonathan , Salomon Bcn-llaac , le Clerc, &c. les , au edevoîent leur produire les manufac; . %<err ou ils eml .:k'ts au Belus ;
eafin que les mots de Z..j; & Zaehuckit, qui
Commentait*, s. 341 A ces autorités tirées de nos Ecrivains fur l'ancienneté du verre , on ajouteroit celle de Pline , qui , d'une part , prétend qu'on fabriqua dans la Paleftine des verres à boire , dès qu'on y fit ufage du verre ; & de l'autre , fans fixer précifément l'é- poque de cette invention , lui donne d'an- tiquité tant de ficelés , qu'il s'étonne que les fables du Belus aient pu fournir h long-temps la matière nécelfaire pour tant d'ouvrages (1). Et l'on vous deman- deroit , Monfieur , quelle preuve vous avez de votre favante alfertion fi légère- ment avancée & fi facile à combattre.
30. Il n'eft pas nécelfaire d'entrer ici dans ces difcuïïions favantes : pour ren- verfer votre raifonnement , une réflexion fuffit. C'eft que ce raifonnement fuppofe , que dans le Texte original , il eft queftion de verre à boire ., de coupe , de gobelet de verre. Or , quoique vos traductions Françoifes & votre Vulgate aient rendu le
Ce trouvent dans Moyfe & dans Job , font ren- dus, dans toutes les verrions Orientales , pnr le mot , qui , dans ces langues , fignifîe verre , &c. Aut.
(1) Tant d'ouvrages. Quingentorum eft paf- fuum , dit Pline, non ampllus , fpatium lit- teris , idque tantum multa pir jacula gigntndo fuit vitro. Voy. PI in. Liv. XXXVI.
P iij
34^ Petit
terme Hébreu par verre j ce terme ne (ignitie ni verre à boire , ni gobelet de verre > mais un gobelet , une tarte de quelque matière qu'elle puiife être. Voici donc à quoi fe réduit votre prétendue démonstration. r> Les Traductions Fran- « coifes 6c la Vulgate rendent ce partage » par verre : or les verres a boire ne com- j> mencerent à être connus que dans » Alexandrie. Donc le texte Hébreu , » qui ne parle point de verre , n'a été » compofc que dans Alexandrie «. Ainfi des ve riions Latines 6c Françoifes , qui parient de verre , vous concluez contre Je texte Hébreu , qui n'en parle pas. A- t-on jamais raifonné de la forte , Mon- fieur ? Voyez à quoi l'on s'expofe , lorf- qu'on fe mêle de critiquer un Ouvrage , (ans avoir fous les yeux le texte original... ou fans l'entendre.
Nous en étions là , lorfque voulant com- parer le Dictionnaire Philofophique à la Raifon par alphabet j nous avons trouvé dans celle-ci ces mots au bas d'une page :
T E X T £.
y> Un Pédant a cru trouver une erreur » dans ce partage ; il a prétendu , qu'on » a mal traduit par le mot de verre le
Commentaire. 343
5; gobelet qui étoit de bois ou de métal «. ( liai/on par alphabet. )
Commentaire.
Un Pédant ! Nous ne connoiftbns ni F Auteur , ni fon Ouvrage j mais , à en juger feulement par ce que vous en dites , on peut penfer que c'eft un homme inf- truit , qui ne traduit point fur la Vulgate \' m?.is qui confulte 3c entend le Texte.
Un Pédant ! On dit que dans votre langue le mot de Pédant eft une injure : dire des injures , eft un mauvais ton j nous fommes fâchés pour vous , que vous le preniez fi fouvent. Faites ce que vous confeillez , Monfieur -y à la place des in-, jures , mette% enfin des raijons.
Ce Pédant a cru trouver une erreur. Non , Monfieur , il n'a pas cru en trouver une j il Ta trouvée réellement : Se ce n'eft point une fimple erreur , c'eft une bonne grolTe bévue. Il eft un peu fâcheux , qu'a/z Pédant ait raifon , «Se que M. de Voltaire ait tort ! ce petit malheur vous eft arrivé quelquefois.
Il a prétendu qu'on a mal traduit par verre > &c. 11 l'a démontré , & vous n'avez rien de raifonnable à lui répondre. Vous épondez pourtant :
P iv
344 Petit
Texte.
» Le Livre des Proverbes die : ne re- » garde% point le vin quand il parott 35 clair 3 & que fa couleur brille dans le » verre. Comment le vin auroit-il brillé » dans un gobelet de métal on de bois ? » Se puis qu'importe «. ( Ibid. )
Commentaire.
Comment le vin auroit-il brillé > &c. Ne voyez-vous pas que vous condamnez toute l'antiquité à n'avoir jamais fu , ii le vin qu'on buvoit e'toit clair? Et vos Contemporains , Monfïeui , croyez-vous qu'en buvant dans des gobelets d'or ou dans des taffes d'argent , ils ne voient pas , fi leur vin cft clair Se s'il brille ?
Et puis qu'importe ? 11 ne nous im- . porte gueres aifurément : mais il nous I femble , qu'il ne doit pas vous être in- g différent d'avoir bien ou mal traduit le \ mot Hébreu par verre ; car fi ce mot ne lignine point du verre , votre prétendue \ (Icmor.ftration n'eft plus qu'un raifonne- ' ment également faux Se ridicule. C'eft peut-être de quoi vous vous embarrallez peu : Se nous aufîi. En effet, qu'importe ? Non j il ne vous importe gueres. Nous
Commentaire. 545
favons enfin, votre fecrctj vous l'avez die, & il eft venu jufqu'à nous. Abbé. . . . il m importe beaucoup d'être lu. ... & très- peu d'être cru. Oeil Jonc là votre devife , Monfîeur ? Puiife-r-elle être enhn connue de tous ceux, qui vous lifent , & qui ont la bonté de vuus croire i Si nous l'enflions lçu;- plutôt , nous nous ferions difpenfés d'écrire. Elle feroit bonne à mettre pour épigraphe à la tète de vos Ouvrages.
Pv
4<> Petit
X I Xe. EXTRAIT.
De Salomon : fuite. M. de Voltaire le vante : en quoi ?
V o u s ne blâmez pourtant pas toujours Ss^omon. Vous trouvez dans ce Prince quelque chofe de louable 6c digne d'être imité par de grands Rois. Voyons ce que c'eft.
§. i.
Luxe de Salomon loué par M. de Voltaire.
Vous prétendez d'abord vous aurorifer de fon exemple \ «Se, dans vos délires poétiques , vous croyez pouvoir vous en lertir , pour juftifier le luxe. Vous dites ,
Texte.
Je veux ici vous citer un grand homme, Tel que n'en vit Paris , l'ekin , ni Rome, C'eft Salomon , ce Sage fortuné , Roi Philofophe, & Flacon couronné ; Qui connut tout , du cèdre jufqu à l'herbe. Vit-on jamais un luxe plus fuperbe ? II faifoit naître t au gte de les defîrs , L'or Se l'argent, & fur-tout les plaifirs. Mille beautés fervoitnz à fon uj'age. Voy. Mona'j;u,
C o m m: e k t A I R E, 3 4/
Commentaire.
Quelques-uns de nos Lecteurs pourront trouver, que le tel que nen vit Paris , Pékin , &c. n'eft pas fort harmonieux ; *k qu'après B.oi Philofopke 3 le Platon couronné vient un peu pour la rime : d'autres que l'herbe 3 mot générique , ne contraire point avec le cèdre , auili bien que le fait l'hyiope dans l'Lcriture \ èc que ce: mille beautés , qui fervoïent à fon ufage 3 ne font pas des beautés trop poé- tiques.
Pour nous , Etrangers , qui ne nous connoijfons point en vers , nous aban- donnons volontiers les vôtres à la cou- pelle de Meilleurs la Baumelle de Clé- ment. Ce n'eft pas l'élégance des expref- fions , qui nous occupe ici , mais la jufteîTe des raifonnemens.
Quoi ! Monfieur ; vous donnez le règne de Salomon comme une preuve des grandes utilités du luxe ? Mais ce fut précifément ce luxe fuperbe 8c ces mille beautés fervant à /on ufage , qui cauferent fes malheurs. Ce fut là ce qui l'obligea de charger [on peuple de ces impôts ac- i cablans, qui excitèrent tant de plaintes, & qui , en faifant perdre à fon rlls di*
P vj
54^ Petit
des douze Tribus , cauferent , par cette défunion , la ruine de la famille & celle de i'r :il.
Nous avions toujours cru , qu'en ne pouvoir gueres citer d'exemple plus frap- pant contre le luxe. Elt-.e à nous à chan- ger d'idées , ou à vous , Moniieur , à rcrormer les vôtres ?
§• *-
Salomcn propofé pour moiclt aux Seu~ ver a iris : en quoi ?
Il hit un temps où Salomon , jeune <5c vertueux , fidèle à fon Dieu & cher à (on peuple , faifoit le bonheur de fes fujers & l'admiration de fes voifir.s. Il pouvo:t alors , fans doute , fervir d'exemple aux Rois. Eft-ce à cette époque , que vous le leur propofez pour modèle ?
T
E X T E.
Ce Roi , que tant o'cclat ne fur point éblouir , Sur joindre à fes talens l'arc heureux de jouir. Ce fout là les leçons (\u'un Roi prudenr doit fuivre» Epit. au Rvi de Pr.
Commentaire. 349 Commentaire,
Si le grand Prince à qui vous adreflîez ces fages confeils , les eût fuivis , Mon- sieur ; s'il eût imité Salomon clans l'arc heureux de jouir , & qu'il eût eu, comme lui , mille beautés fervarit à fon ufcge \ nous doutons qu'il eût rempli , comme il l'a fait, l'Europe du bruit de (es exploits , &c de l'éclat de fa gloire. Heureufcment pour les peuples , ce Roi prudent s'etoit forme fur d'autres leçons.
O Sages du dix-huitieme fïecle , qui vous dites les amis des Rois , eft-ce ainfi que vous les inftruifez ? Qu'ils vous doi- vent de remerciemens , de les peuples de reconnoilfance ! En vérité, vous travaillez, on ne peut mieux , à la gloire des uns, Se au bonheur des autres.
3$o Petit
X Xe. EXTRAIT.
De Saiomon : fuite. Calculs de fes ri" chejjes , de fes chevaux 3 bc.
l n'eft gaeres de difficultés, Monfîeur,. que \oi\s propofiez avec plus de confiance contre nos Livres faims , que celles que vous tirez de quelques calculs qu'on y trouve. Elles ne font pourtant ni triom- phantes , ni neuves. Il ne vous a pas fallu , pour les trouver, faire de grandes, recherches , ni feuilleter les Woolfton cv les Tolland , les Bolingbroke & les Col- lins , ôcc. Deux ou trois Commentateurs , Calmer feul, votre ancien Maître-, a pu vous les fournir. Les copier , les alïai- fonner de quelques plaifanteries , Se fup- primer les réponfes , c'eft tout ce que vous avez eu à faire , & tout ce que vous faites en effet en parlant des ri- chelfes de Saiomon, de (es chevaux, &C. dans votre Dictionnaire Philofophique &z ailleurs. Nous aurons plus d'impartialité , Monfieur ; nous rapporterons les réponfes fans rien diiftirmler des objections,
Commentaire. 351
§. 1.
Des richejfes laijfées par David à Salomon.
Texte.
>■> David , dont le prcdéceïïeur n'avoir j> pas même de fer , laifîa à Salomon fon » fils , vingt-cinq milliards fix cent qua- » rante-huit millions au cours de ce jour » en argent comptant «. ( Mélang. Tom. FIL Ch. I. )
» Salomon pouvoit-il être aufli riche n qu'on le dit ? Les Paralipomenes ( 1 ) » atTurent que le Melk David fon père , » lui tailla, environ vingt milliards de 35 notre monnoie au cours de ce jour > y félon la fupputation la plus modefte. }■> Il n'y a pas tant d'argent comptant dans « toute la terre ; &: il eft aiTez difficile ;■> que David ait pu amafTer ce tréfor » dans le petit pays de la Paleftine <f. ( Did. Phil. art. Salomon. )
(1) Les Paralipomenes. Voici le texte félon- la Vulgare. Ecce ego in paupertate meà prt~ paravi impenfas ddmûs Domini auri talenta ceiîTum mi '/lia , cV argenîi mille mi/lia lalcn* tcrum. Porai, C;p, Il , V. 14. Aut.
552. Petit
Commentaire.
Obfervons d'abord , Monsieur , que dans ïe tex:e des Paralipomene? , il n'elt parlé ni de millions , ni de milliards au cours de ce jour ; mais de talens d'or &: de talens d'argent. Pour fivoir la Comme que formeroicn: ces talens réduits à notre monnaie , il faudroit en £aîce une éva- luation exacre. Or cette opération ne \ pas auili facile qu'on pqurroit le croire.
Avec toute l'étendue de vos lumières , vous paroitfez vous-même fort incertain dans vos calculs. Si dans vos Mélanges vous portez à vingt - cinq milliards lix cent quarante -huit millions la fomme lailfce par David à Snlomon , dans le Dictionnaire Philofophique , vous la ref- treisinez à environ vingt milliards : c'eft donc déjà cinq milliards lix cent quarante- huit millions rabattus : cette différence eft à remarquer } un cinquième cv par- delà de plus ou de moins fur une fomme fait un objet.
Vous nous avertirez que dans ce der- nier calcul , vous fuivez la fupputation la plus moi elle ; preuve que dans le pré- cédent , vous vous en étiez permis une qui ne l'étoit pas trop. Cependant , dans le Traité de la Tolérance , vous vous
Commentaire. 35 $
arrêtez à une évaluation plus modefte encore. Vous rcduifez à dix-neuf mil- liards foixante Se deux millions toute cette fomme , y compris même celles que Ces principaux Officiers donnèrent aulîi pour la conftruction du Temple. Vos évaluations ne font donc pas d'une évidence telle , qu'on ne puilTe avoir , &: que vous n'ayez vous - même quelques doutes fur leur certitude.
Vous n'êtes pas le feul, Moniteur , que ces évaluations embarrafïènt. Les Savans qui ont le plus étudié ces matières , s'ac- cordent peu entr'eux ; les uns réduifent cette fomme à quinze milliards , d'autres à douze , quelques-uns encore plus bas. Que prouvent toutes ces variations , fïnon qu'on ne peut l'évaluer avec certitude ? L'embarras augmente encore , s'il faut admettre chez les Hébreux , 8c l'on ne peut gueres s'y refufer ( 1 ) , de grands & de petits talens , de talens de poids , & des talens de compte , comme chez plusieurs autres peuples (2).
(1) S'y refufer. On en trouvera les preuves dans le Commentaire de Dom Calmet , & dans les Réponfes critiques de M. l'Abbé Bullet.
(z) Plufieurs autres peuples. Les Grecs eurent leur grands & leur petits talens > les Romains
354 Petit
Mais fuppofons que vos évalutions font juftes , quoi qu'on en puiiTe difcon- venir ; fuppofons que vous connoilTez parfaitement la nature & la vraie valeur des talens , dont parle ici la Vulgate , ce qui n'eft pas certain ; & que la Vulgate a rendu exactement le fens du texte , ce qu'on pourroit peut-être révoquer en doute : fuppofons tout cela , Monlieur ; que s'en fuivra-t-il ? qu'il n'eft pas croyable que David ait pu lailfer une telle fomme à fon fils. Mais , qui vous oblige de le croire ?
Ces vingt-cinq milliards fix cent qua- rante-huit millions vous paroiffent une fomme exorbitante } énorme. Vous avez raifon de la trouver relie : nous en con- venons , Monfieur. Nous croyons même que douze milliards font beaucoup au- deiïus de ce que David put lailTer à fon fils. 11 y auroit eu là de quoi faire un Temple d'argent mallïf , revêtu d'or : c/auroit été , du moins , plus qu'il ne falloir pour en bâtir plulieurs centaines , comme celui de Salomon , cv des mil- liers , fi ce Temple fut tel que vous le
leurs grands & leurs petits fefterces ; les An- glois, les François , les Romains mêmes , leur livre de poids & leur livre de compte. Aut.
Commentaire. 355
repréfentez. Or x comme vous l'obfervez très-bien , la fomme laiiîee par David à Salomon , ne lui fufrit point , &c ce Prince fut obligé d'emprunter de l'or d'Hiram : ce qu'il n'auroit pas fait , apparemment , f\ fon père , en mourant , lui eût lailfé vingt-cinq milliards Jix cent foixante- huit millions.
Mais ne voyez-vous pas , Monsieur , que plus la méprife eft grolliere , & l'abfurdité révoltante , moins elle eft croyable de la part d'un Auteur, à qui vous ne pouvez refufer , linon l'infpi- ration , du moins quelques lumières ? Eft-il vraifemblable qu'un Ecrivain rai- fonnable ait fait dire par David , par un Prince , dont il fa voit auflî-bien que vous , que le prédéceffeur riavoit pas même de fer j qu'il avoit mis à part, félon fa pau- vreté' , vingt-cinq milliards fix cent qua- rante-huit millions en argent comptant , c'eft-à-dire, félon vous-même, plus d'ar- gent comptant qu'il n'y en a dans toute la terre ?
Quand on trouve des méprifes aufîî évidentes fur les nombres dans les Auteurs profanes , on ne prend pas le parti de les leur attribuer , pour peu qu'on les con- noiife d'ailleurs instruits 8c véridiques. Il n'y a point de Critique , qui ne croie
3 5 6 Petit
devoir alors les imputer plutôt à la né- gligence, ou à la diftraction des Copiites , qu'à une ftupide imbécillité de l'Ecri- vain (i). Pourquoi n'ufez-vous pas de la même équité , & ne fuivez-vous pas les mêmes relies à l'égard de nos Auteurs
Lacres i
Vous le devriez d'autant plus , que probablement les Copiftes marquèrent quelquefois les nombres par les lettres , qui nous tenoitn: lieu de chiffres , ik que , de votre aveu , les lettres Hébraïques pouvoient aifément fe confondre (z).
( i ) Stupide imbécillité de l'Ecrivain. On trouve de ces fautes, non- feulement dans les Ecrits des Anciens , qui ont pafl~é tant de fois par les mains des Copiées , mais dans les Ecri- vains même modernes les plus inftruits. Baf- nage en fournit un exemple iii.guiier. Il eft dit , dans (on Hiftoire des Juifs , que ceux d'Ef- pagr.e , lois de leur expiilfion t en emportèrent trente mille millions de ducats ; ce qui eft écrit en toutes lettres , & n'effc point corrigé dans Y errata. S'avi(era-t-o:i d'imputer cette exagé- ration à Bafnage , plutôt qu'à fon Imprimeur Hollandois ? Edit,
(i) Aifcment fe confondre. On pourroit en- core ajouter , pour prouver que cette erreur vient des Copiltts : iQ. que la conftruétion eft trèsirréguliere , ou du moins rrès-exrracnlinaire dans cet endroit du texrc Hcbreu : iu. que
Commentaire. 357
Que prouve donc votre objection ? Rien , finon que quelques Commenta- teurs ont mal évalué ces talens , ou tout au plus , qu'il y auroit quelque faute de Copifte dans ce Texte des Paralipomenes. Mais , qui nie qu'il ne puilfe y en avoir , &: qu'il n'y en ait effet quelques-unes dans nos faintes Ecritures ? Tout le monde en convient (1) , & il étoit très- inutile de vous mettre en frais , pour prouver ce dont perlonne ne doute.
30. Au refte , Monfieur , c'étoit du temps de David , comme encore aujour- d'hui , l'ufage des Rois d'Àlie, d'amaifer des tréfors pour les temps de befoin , ou pour l'exécution des projets qu'ils avoient conçus. Ils icmoroient le nouveau prin-
dans la verfîor; Aiabe , on coTipte mille talens d'or & mille d'argent ; ce qui annonce , dans le mauufcnt du Traducteur Arabe , une leçon différente du manufcric, don: fe lervit l'Auteur de la Vu.'gate; &: donne manifeftement lieu de foupçonnrr de l'altération dans l'un & dans l'autre. Elit.
(1) Tout le monde en convient. M. de Vol- taire lui-même n'a pu s'empêcher d'en convenir dans Ion Traité de la Tolérance. Voy. p. 1 27. Nous efpérons bien qu'il nous reprochera en- core y comme il l'a déjà fait , que nous ne voulons reconnoître dans l'Ecriture aucune faute de Copifte. Ou voie combien ce reproche eft fondé. Aut*
3 5$ -Petit
cipe (i) des gouvernement modernes de l'Europe , qu'il vaut mieux que les Princes n'aient jamais rien dans leurs coffres , 3c laiffent circuler tout l'argent comptant dans leurs Etats. Il n'eft donc pas éton- nant , qu'occupé depuis long-temps du projet de conftruire un ïuperbe Temple au Seigneur , David , pendant plulieurs
( i ) Le nouveau principe , &c. Le principe contraire fur celui de Sisre V & de Henn IV , donr les vues valoient probablement bien celles de nos modernes économiftes politiques. Ce principe étoit encore celui du feu Roi de Pruife. N'eft-il pas vrai qu'il a bien mal réufli au Roi fon fils î
Ce feroit peut-être un fujet digne des re- cherches de quelques Savans , d'examiner s'il n'y avoir pas dans l'antiquité autant ou plus d'or 6k d'argent à propovrion que de notre temps. Il paroît que tant de fables d'où l'on en tiroit des pailleues , tant de rivières qui eu rouloient , tant de mines que les Anciens con- nurent & exploitèrent , pourroient rendre au moins la queltion problématique.
On ne peut lire la Dilfertation de Dom Cal- met , fur les Texres que nous examinons , fans convenir que dans ces anciens temps, les Rois, les Temples , quelques Villes étoient d'une opulence qui éronne. M. de Voltaire remarque lui-même dans fon Traité de la Tolérance , qu'on eft furpris des richelfes qu'Héredote dit avoir vues dans le Temple d'Ephefe : mais cet ctonnemenc doit-il faire nier les faits ? Edit.
Commentaire. 359
années d'un règne glorieux , après les victoires remportées fur tant de peuples , dont il avoir enlevé de riches dépouilles , ait pu amairer 8c laiffer i ion fils des fommes confidérables. Car enfin , Mon- lieur , quoi que vous en puifiiez dire , ce Melk Juif n'étoit pas un Roitelet \ c'étoir, un Monarque puiiïant : 3c quand vous bornez fes Etats au petit pays de la Pa- leftine , vous voulez bien oublier que ce Prince conquérant avoit fournis plufieurs peuples voilins , 5c érendu fa domination del'Euphrate à Efiongaber , & d'Efion- gaber à l'Egypte. C'étoit là un peu plus que le petit pays de la Palejline,
Que fera donc un homme raifonnable, en lifant dans M. de Voltaire , ou ailleurs, que David , dans fa pauvreté , lailTa à Salomon vingt-cinq milliards fix cent qua- rante-huit millions en argent comptant , c'eft-à-dire , plus d'argent comptant qu'il n'y en a dans toute la terre ? Frappé de la facilité avec laquelle les Copiites al- tèrent les nombres , ôc de l'incertitude &c des contradictions qui régnent dans les évaluations de ces anciennes monnoies , il fe donnera de garde d'attribuer à un Ecrivain judicieux une abfurdité révol- tante j &c il conclura feulement , que la fomme laiffée par ce Prince à, fon fils ,
3<jo ~ Petit
étoit très-confidérable en elle-même , &c pour le temps , quoiqu'on ne puifle au- jourd'hui la déterminer sûrement.
I i.
Des chevaux de Salomon. Texte.
» Salomon avoit quarante mille e'cu- n ries & autant de remifes pour f es char- » riots j dou^e mille écuries pour fa cava- » lerie , &c. Les Commentateurs avouent « que ces faits ont befoin d'explication , » &: ont foupçonné quelque erreur de a chiffres dans les Copiftes , qui feuls ?» ont pu fe tromper ». ( Mêlang. Ton:. V , de redit, de Genève , Chap. I. )
» Salomon , félon le troifieme Livre » des Rois , avoit quarante mille écuries » pour les chevaux de ùs charriots. » Quand chaque écurie n'auroit contenu » que dix chevaux , cela n'auroit com- »> polé que le nombre de quatre cent » nulle , qui , joints à fes douze mille »> chevaux de felle , eut fait quatre cent » douze mille chevaux de bataille. C'eft » beaucoup pour un Melk Juir , qui ne » ht jamais la guerre. Cette magnificence m n'a gueres d'exemple dans un pays ,
» qui
Commentaire. 3 6 1
» qui ne nourrit que des ânes , & où il » n'y a pas aujourd'hui d'autre monture; « mais apparemment que les temps font » changés , ôcc ». ( Dict. Phil. art. Salomon. )
Commentaire.
Voilà bien des' plaifanteries , Mon- fieur : mais n'aura-t-on pas lieu de rire un peu du railleur , quand on faura qu'il traduit ce partage du troilieme Livre des Rois fur le Latin de ia Vulgate , & que ce Latin même , il ne l'entend pas , ou ne veut pas l'entendre ; qu'il y met des remifes que perfonne n'y voit ; qu'il prend des écuries pour des chevaux, &c? C'eft exactement ce que vous faites , Monfieur.
Vous traduifez fur la Vulgate ; cela eft clair , & cela eft mal j car, quand 011 critique un Auteur , il ne faut pas le uger d'après une verlion défechieufe. r , telle eft , félon vous , la Vulgate. Mais le Latin même de la Vulgate , onlieur , vous l'entendez mal. On y lit, Livre 111 des Rois , Chap. IV, f. 1. y Et habebat Salomon quadraginta mïllïa. vr&fepia equorum currïlïum , & duodecim aillia equejfrium. Vous direz que ce n'eft Tome III. Q
3<Ji Petit
pas là du Latin de Ciceron , ni de Tite- Live : à la bonne heure. Ce Latin pour- tant n'eft pas tout-à fait inintelligible. On peut y trouver avec vous , en fe trom- pant comme vous , que Salomon avoit quarante mille écuries pour les chevaux de fes charriées. Mais quelque effort qu'on falfe , il eft impoilible d'y apper- cevoir autant de remijes. Ces quarante mille remijes , Monfieur , font de votre façon : il n'y en a pas la plus légère trace dans le Latin , non plus que dans l'Hé- breu: c'eft à vous feul que Salomon les doit.
Quarante mille remijes , Monfieur ! c'eil bien c\qs remifes ! L'Ecriture ne donne nulle part à Salomon plus de quatorze cents charriots : Jofephe n'en compte pas davantage. Loger quatorze cents charriots dans quarante mille re- mifes , c'eft les loger fort à l'aife.
Cela eft alfez plaifant \ mais ce n eft pas tout : vous n'êtes pas plus heureux en traduifant la fuite du pallage , & duo- decim millia equejlrium. Ces mots ligni- fient , félon vous , dans les Mélanges , dou\e mille écuries , cv, félon vous, dans le Dictionnaire Philofophique , dou^e mille chevaux. N'eft-ce pas là prendre les écuries pour les chevaux , ou les chevaux pour les écuries ?
Commentaire. $6$
Que fi Ion fuppofe avec vous ces douze mille écuries des Mélanges de dix chevaux chaque , on aura le nombre de cent vingt mille chevaux de felle , qui joints aux quatre cent mille des charriots, feront cinq cent vingt mille chevaux de bataille ; calcul qui contredit un peu celui du Dictionnaire Philofophique : il n'y a qu'une différence de cent huit mille che- vaux ; c'eft une bagatelle.
Votre libéralité envers Salomon efl: étonnante , Monfieur ; vous venez de lui donner quarante mille remifes , dont l'Ecriture ne dit rien j &c ici vous lui faites préfent de dou\e mille écuries pour fes douze mille chevaux de felle. Vous croyez apparemment que chaque cheval de Salomon avoit fon écurie à part : telle eft l'idée que vous vous faites de l'éco- nomie de ce Prince fage ! Au refte , <juand on a eu l'adreffe de mettre qua- torze cents charriots dans quarante mille remifes , on peut bien placer dcu\e mille chevaux dans dou\e mille écuries.
Vous ne vous en tenez pas là , Mon- fieur. Outre ces douze mille écuries que vous donnez à Salomon pour fes douze mille chevaux de felle, vous lui accordez quarante mille écuries pour les chevaux de (es charriots : c'eft ainfi que vous tra-
364 Petit
duitez la 'Vulgate. Mais eft-ce bien là ce qu'il faut entendre par le prajipia de l'Auteur de la Vulgate ? Tout le monde n on convient pas : encore moins con- Vi ,-n Jra-t-on que ce mot , pris en ce fens , rende bien le terme Hébreu , qui y ré- pond. Ouvrez Bochart ( i ) , Monlieur ; ouvrez Leigii , Koubigant , ikc. vous y verrez que l'expreflion Hébraïque pour- roit bien ne lignifier que ces places ,- ou ces réparations,, qu'on forme dans les grandes écuries avec des poteaux & des perches , év dont chacune fert de loge- ment a un cheval.
Ainli l'obfcurité de ce paflàge , ôv l'in- certitude de la vraie lignification du terme Hébreu , dévoient déj\ vous infpirer quelque défiance fur votre objection. En effet , comment fe prévaloir , ou quel avantage tirer d'un Texte obfcur , qu'on n eft pas sur ce bien entendre ? 'i
(i) Ouvrei Ec\/iJrt , &c. On a reproche a M. de Voltaire , a'avdît mis! quelquefois à con- tribution les Ouvrages de cj Savant , fans le cit;r. \"o':s doutons que ce reproche (bit Fondé. Si cet ilhllre Ecrivain avoic \ùs la peine de reuu tte foi:rce , il y aoroir vu ce qu'où
dit ici j Je probablement il aurait eu la com- plaisance d'en apprendre quelque chofe à Us J.-ftturs. Edk.
C O M M E ?J T A I R E. $ 6"«j
Il y a plus , Meilleur : ce c?.lcul du premier Livre des R.ois , .cUns le Latin comme dans l'Hébreu , cLirere de celui des Paralipomenes. Il eft dit dans he Pa-* ralipomenes , que Saionion avoit , non pas quarante milU écuries pour les che- vaux de [es charriais , comme le porte le Livre des Roi; . mais félon la Vulgate , quarante mille , & félon l'Hébreu , quatre mille chevaux de charriât dans fes écu1- r'us ; & qu'il avoit dou^e mille chevaux de cavalerie dans fes écuries , ôc non pas i comme vous le faites dire au Livre des Rois , dou^e mille écuries pour les che- vaux de fa cavalerie. Et non-feulement les deux Textes différent, mais piufieurs des anciennes ver fions ( i ) ne s'accor- dent ni avec l'Hébreu , ni entre elles. Les différences qui fe trouvent entre ces verfions , l'oppofîtion frappante qu'on remarque entre les deux Textes , & l'irr- vraifemblance du calcul du Livre des Rois , tout cela n'annonce-t-il pas vihble-
(i) Des anciennes verfions. La veriïon des Septante, par exemple, diacre de la .Vulgate ; & toutes les deux différent du Texte Hébreu. D*où ces différences enrre ces verfions ont-elles pu venir , finon des différentes leçons des mi- nuferits que les Traducteurs avoient fous les yeux > Edii.
}66 Petit
ment dans celui-ci , ôc peut-être même dans tous les deux , quelque altération due aux Copiftes ? altération très-aifée , quand même ces calculs auroient été écrits en toutes lettres \ plus aifée encore , s'ils étoient écrits en lettres numérales , comme ils ont pu l'être.
Vous dites en raillant , qaeux feuls ( les Copiftes ) ont pu fe tromper ; mais vous dites vrai , Monfieur , fur-tout ici. Car , à quelle autre caufe qu'à leur né- gligence , à leur précipitation , ou même ," h vous voulez , à leur vanité & à la folle envie d'exalter la gloire de Salomon , pourroit-on attribuer cette énorme diffé- rence de calcul entre deux Ecrivains , qui paroiifent avoir été parfaitement inftruits des matières qu'ils traitent , &c avoir tra- vaillé d'après des mémoires authentiques ? A quelle autre caufe attribuer les diffé- rences des anciennes verlions entre elles? Aufli la plupart des plus favans Critiques , Juifs & Chrétiens , réduifent-ils à douze mille les chevaux de la cavjlerie de Sa- lomon j ik à quarante mille , plulieurs même avec le Texte Hébreu , à quatre mille les chevaux de fes chariior?.
Nous croyons , Monlieur , que vous auriez de la peine i démontrer , qu'il c [ ail impoilibleà ce Princed'entretenir ciu-
Commentaire. 3 6 y quante-deux mille chevaux. Outre la Pa- leftine, la Syrie, ckc. Salomon étoit maître en partie de l'Arabie Pétrée ck de l'Arabie défertej&vous n'ignorez pas , que dans tes pays , les chevaux ne font pas rares, qu'ils y font excellens , qu'ils font un des plus grands objets du commerce j que la ca- valerie faifoit anciennement , & qu'elle fait encore aujourd'hui une grande partie des forces de ces peuples guerriers. Si les chevaux furent moins communs dans la Paleftine , c'eft que la Religion & une fage Politique ( 1 ) n'en permettoient pas
(1) La Religion & une fige Politique. Le favant Evoque de Londres ( Sherlock ) a prouvé qu'un motif de Religion entroit dans la dc- feufe faite aux Hébreux de multiplier leurs che- vaux, c'eft- à-dire , d'en avoir un grand nombre. Le Légiflateur vouloit que les Hébr€i-x , dans les batailles , mifTent leur confiance au Seigneur, & non dans la multitude de leurs chevaux êc de leurs charriots de guerre. Hi in cs.rribus 6» in equis , nos autem in rorr.ine Dcmini. Voyez fou Traité de l'ufcge <S" des fi.:s de la Prophétie.
La raifon politique étoit , que dans un pays comme la Palefrine , une trop grande quantité de chevaux pouvoit nuire à la population , l'un des plus grands objets du LcgiÔateur Cerre po- litique eft enco\e aujourd'hui celle dr îa Chine. .Si on 1 tmitoii dans ouc Iqut s Etats , pins de jcur-
Qiv
3^S Petit
le fréquent ufage j mais il rien eft pas moins vrai que ce pays pouvoir en nour- rir , témoins la cavalerie Se les charriots de guerre des Cananéens , qui apparem- ment n'étoient pas traînés par des bœufs : témoins le commerce de chevaux que faifoit Salomon , fa cavalerie, fes char- riots de guerre &c ceux de ks fucceifeurs , gui , fans doute , n'envoy oient pas leurs chevaux paître chez leurs ennemis , ou chez leurs voifins. Ec fi vous croyez que la Palejlïnc ne nourrit plus que des ânes , ôc qu'i/ n'y a pas aujourd'hui d'autre monture j vous vous abufez encore , Monfieur : les Voyageurs modernes peu- vent vous apprendre , que les chevaux n'y font point une monture inconnue. Il pourroit donc bien n'être pas auili im- pofllble que vous le penfez, que Salomon ait eu cinquante-deux mille chevaux.
Mais a ce nombre vous paroît encore trop grand pour un Melk Juif , rien n'em- pfêche qu'avec les Savans dont nous venons ide parler , vous ne réduiiiez tous ces chevaux à feize mille. Vous pouvez adopter de ces calculs celui qui vous pa-
roliers y trouveroient de l'occupation. On s'y plaint tous les jours que la multitude des clu- >atu enlevé la tubiiltance des hommes. A ut
C O M" M E M T A I R E. $6 9
Foîcra le plus probable ; vous pouvez même } n* bon vous femble, n'en adopter aucun. Vos Théologiens , ni les nôtres ,• ne damnent perfonne pour cela : quand le Texte eft altéré 9 rien n'oblige d'y ajouter roi,
Des richejfes- quapportolt à Salomon fa fiotu d'Ophir.
Texte,
» Ses flottes lui rapporroienr par an ;» foixante-huit millions en or pur , fans j> compter l'argent & les pierreries «,.
Commentaire.
L-Ecriture fait monter le produit de ce commerce au plus à quatre cent cin- quante talens. Mais elle ne dit point que ce fut un profit annuel : c'étoit proba- blement le produit de chaque voyage ; & ces voyages , vous n'êtes pas sûr qu'ils fe hifent en un an par la flotte de Salomon.
2.0. Vous évaluez ces quatre cent cn> qur.nte talens à foixante-huit millions. Mais cet:e évaluation n'a aucune certi-
le. D'om Calmet , qui avok étudié
ïs 0.1e vous ,.Monfieur , cette matière ,
Qv
370 PETIT
ne les évalue qu'à trente millions , & même qu'à dix-huit , fi ces talens étoient , comme il le croit probable , des talens Babyloniens.
Enfin , Monfleur , quelle certitude avez-vous que le commerce d'Ophir ne pouvoit valoir ces fommes à Salomon ? Ophir étoit un pays riche en or : c'étoit pour Salomon, ce que le pays des Ali- îéens fut pendant quelque temps pour les peuples voifins de 1 Arabie ( i ) j ce que le Pérou a été depuis pour les Es- pagnols. 11 eft dit dans nos Livres 3 que Salomon rendit l'or à Jérufalem aujfi commun que Us pierres. Cette figure orientale , que vous ne prendrez pas à la lettre , fans doute , annonce au moins >
(0 &e l'Arable. On lit dans la Bibliothèque de rliotius , un extrait d'un Ouvrage d'Aga- tharchides, où cet Ecrivain rapportoit , que le pays des Alilcens ttoit li abondant en or natif, qu'on y en trouvoit communément des mor- ceaux gros comme des noyaux d'olives & de nèfles, & rneme comme des noix ; que les ha- bicans les entreméloient avec des pierres trans- parentes , pour s'en faire des colliers & des braifelets j & qu'ils le vtndoient à fi vil prix , qu'ils dounoiçut pour l'airain le triple d'or , pour le iVr le double , & pour l'argent dix fois aatent. C'tfl: à-peu-pres ce qu'on a ru depuis au l'éion. Aut.
CôMMEtfTXlKÉ,r 37I
que fous le règne de ce Prince , l'or devint très-commun dans cette capitale ; preuve que le commerce d'Ophir n'étoit pas d'un médiocre produit ( 1 ).
Si , malgré ces confidérations ,. cette fomme fembloit encore exagérée -, s'il étoit nécelTaire de reconnoître ici quelque méprife , feroit-il dans les règles d'une fage critique de l'imputer à des Ecri- vains inftruits -Se véridiques > plutôt qu'à des Copiftss fouvent négligens & dif- traits ? Nos Livres ont paiTé par tant de mains Se tant de (iecles , qu'il ne doit point paroître étonnant qu'il s'y trouve quelques fautes d'écriture. Dieu , fans doute , n'a pas permis qu'il s'y glifsâc des altérations elTentielIes , des erreurs contre la pureté de la doctrine & des mœurs : mais il n' étoit point nécelTaire y qu'il ne s'y trouvât aucune inexactitude de Copiftes fur des objets indifférens à la Religion de à la Morale. Et qu'importe à l'une & à l'autre que David ait laitfê
(1) Médiocre produit. Plufieurs favans Cri- tiques croient que l'Ophir de Salomon éroit la côte orientale de l'Afiique , appel'ée Sofala, ou côte d'or, Si les Européens même oat tiré tant «l'or de cette côte, elle put, fans doute , tn fournis à Salomon. Aat.
Qvf
57* Petit
plus ou moins d'argent à fon fils , qire Salomon air eu plus ou moins de chevaux , plus ou moins d'écuries , Sec ? La Re- ligion annoncée dans nos Ecritures , en fera-t-elle moins belle , & la Morale moins pure ? N'eft-il pas fingulier qu'un Ecrivain , qui patte par-defTus toutes les abfurdités du VeJam , du Cormovedam , &c. en faveur de quelques beaux pré- ceptes , copiés probablement d'après nos faints Livres , veuille faire valoir contfe ces Livres des objections fi minces , 5c jufqu'à des fautes de Copiftes ?
Commentaire. 5-73,
XXIe. EXTRAIT.
Du Livre de la SageJJe. De quelques méprifes de l habile Critique ; & de quelque chofe de plus que des méprifes,
Wuoique le Livre de la Sagefle ,. que votre Eglife met au rang des Ou- vrages infpirés , ne foit point reçu parmi nous dans le canon des Ecritures , nos Maîtres pourtant en font cas > Se le citent avec éloges.
L'Auteur, quel qu'il foit, paroit avoir vécu parmi des Idolâtres ; Se , témoin de leurs i'uperftitions de de leurs déiordres , il ne penfoit pas fur l'Idolâtrie, comme quelques ' Ecrivains modernes foi-difans Philofoplies , qui la vantent , qui en re- grettent les heureux temps, Se qui vou- droient les ramener pour le bonheur du monde. II remonte à l'origine de ce faux culte } il en fait voir la vanité Se la dé- mence , S: marque les cruautés -, les im- puretés, Se tous les crimes , dont il étoir Se dont il- eft encore la funefte fource.
Arcêtons-nous donc un moment fur ce- crue- vous dites de cec Ouvrage Se dew»
374 Petit
§. i.
De l'Auteur du Livre de la SageJJe : ce Livre attribué, félon le /avant Cri' tique , à Philon de Biblos.
Texte.
jj Ce Livre n'eft pas de Salomon : on n l'attribue communément à Jefus , fils r> de Sirach «. ( Di&. PhiLart. Salomon.'),
Commentaire,
Ce Livre n'ejl pas de Salomon , &c. Qui l'ignore , Monlieur? Tous les Com- mentateurs en font la remarque.
Nous ne favons fi parmi les Chrétiens on l'attribue communément à Jefus s fils de Sirach • mais cette opinion n'eft: pas commune parmi nous. Plulîeurs de nos Savans , & même des vôtres , le croient d'un autre Ecrivain, qu'ils eftiment avoir été quelque Juif Hellénifte aflez inftruit de la langue Se des opinions des Grec?, Ils penfent, que ce fut quelqu'un de ceux que Ptolemée employa à la traduction de nos Livres faints. Mais ils conviennent, qu'on n'a rien de certain fur cet Auteur , iur fon nom., ni fur le U'inps où il a vécu*
Commentaire. $jf
Texte.
» D'autres l'attribuent à Philon de » Biblos «. ( /&</. )
Commentaire.
A Philon de Biblos ! Iî y a eu , Mon- iteur , pluheurs Philons connus par leurs écrits y trois entre autres, l'un plus ancien, que Jofephe compte au nombre des Au- teurs Payens y qui ont parlé des Juifs y l'autre plus récent , (avant Juif Philo- fophe , dont il nous refte des Ouvrages- eftimés ck dignes de l'être j enfin un troi- fîeme , -de Biblos , autre Auteur Payen 5. dont on n'a que des fragmens.
11 eft vrai , que quelques Critiques ,. parmi vous , fe ionr avifés de faire notre Philofophe d'Alexandrie , Auteur du Livre de la Sagetïè , 6z l'on fait combien leurs raifons font folides !
Mais , qu'on l'ait jamais attribué au Grammairien de Biblos , c'eft ce que vous n'avez pu dire , ou ce qu'on n'anroit pu faire , que dans un moment de diftrac- tien iînouliere. Quel rapport avez-vous pu concevoir , Moniteur y entre le Livre* de îa Sa?eile , où le Pa^aniime elt COmV-
%yÇ Petit
battu , & Philon de Biblos, Traducteur
Payen du Payén Sanchoniàton ?
§. i.
Idée bigarre du /avant Critique: il fait le Pentateuque poflérieur au Livre de la Sagejfe.
Autre diffraction plus hnguliere encore^ û pourtant ce n'eft qu'une diffraction.
Texte.
» Quel que foit l'Auteur de ce Livre 7 y> il paroît que de (on temps on navok » point encore le Pentateuque «. ( lbïd. )
Commentaire-.
Quoi ! Monfieur , on n'avoit pas It Pentateuque du temps de F Auteur du ■ Livre de la Sagefje , quel qu il foit ! On ne l'avoir pas du temps de Jefus , rils de Sirach , ni même du temps de Philon le Juif, ik de Philon de Biblos !
Jefus , rils de Sirach , écrivoit environ deux cents ans après fcfdras : Philon Juir dans le premier liecle de l'Ere Chré- tienne, & Philon de Biblos dans le fé- cond, Aiiiiî , à vous en croire , on n'auior.
Commentaire. 377
pas eu le Pentateuque deux cents ans après Efdras : on ne l'auroit pas eu dans le pre- mier , ni même dans le fécond fiecle de l'Ere Chrétienne ! N'eft-ce pas là tien le cas de dire , que qui prouve trop ne prouve rien, ou prouve contre foi?
Aiïurément , Monfîeur , quand vous rédigiez cet article , vous aviez perdu de vue toutes ces dates. Un peu plus d'atten- tion , s'il vous plaît. Vous êtes fujet à brouiller les époques.
Raifons alléguées par le Critique , pour prouver que le Pentateuque ejl pojlérieur au Livre de la SageJJe.
Mais non : nous nous trompons , Mon- fieur ; ce n'eft point une diftracrion , c'eft une alfertion réfléchie , dont vous eifayez de donner des preuves.
Texte.
» Cet Auteur dit, Chap. X , qu'Abra- » ham voulut immoler Ifaac du temps » du déluge «. ( Ibid. art. Salomon. )
Commentaire.
i°. Quand cet Auteur auroit fait l'ana- chronifine quevous lui prêtez5s'enfuivrok~
57^ Petit
il , que , quel qu'il foit j on n'avoit pas le Pentateuque de Jon temps ? les bévues d'un Ecrivain peuvent-elles nuire à un autre , ou prouver pour ou contre fon antériorité ?
Rappellez-vous, Monfieur , un de vos meilleurs amis , M. l'Abbé Nonnote , l'homme du monde à qui vous devez le plus de reconnoi (Tance ( i ) , fi la vérité vous eft chère. Il vous a prouvé , dé- montré ( 2) , qu'en cent endroits de votre Hiftoire générale , vous donnez dans de grofîîeres méprifes , & que vous y con- tredites , fans raifon , les Hiftoriens qui vous ont précédé. Ces méprifes prouvent- elles , que de votre temps on n'avoit pas d'Hiftoire de France ?
(1) Le plus de reconno ijfance II nous paroîc que l'illuftre Auteur en doit encore à beaucoup d'autres : nous pourrions bien en nommer au moins une vingtaine. Chrtt.
(1) Prouvé a démontré , &c. Voy. les Erreurs de Voltaire , Ouvrage néceiTaire à tous ceux qui veulent lire l'Hi/ioire générale^ &c. & n'être pas dupes des inadvertences & des petites in- fidélités de l'illuftre Eciivain. Cet Ouvrage a déjà eu (îx éditions, malgré les emportemens , bien peu décens, de M. de Voltaire contre l: Livre & contre l'Auteur. Ne concevra t on ja- mais que la meilleure réponfe qu'on puifle faire à une critique julte, c'elï de Te corriger, 8c noa de dire des injures ? Edit,
Commentaire. $79
i°. Mais , Monfieur , eft-il bien vrai que l'Auteur du Livre de la SagefTe ait raie cette grofliere & ridicule bévue ? Le ton d'alïiirance avec lequel vous la lui imputez , peut en impofer à quel- ques Lecteurs. On a de la peine à fe perïuader qu'un Ecrivain célèbre , qui doit fe refpecter lui-même , quand il ne refpecleroit pas le Public , s'oublie au point d'avancer avec tant de confiance , des faurtètés fi maniteftes. Mais quand on lit l'Auteur même, on refte convaincu qu'il n'y a pas la moindre apparence de fondement à ces reproches.
Voici le paflage où il eft parlé d'Abra- ham. Nous le rapporterons en entier , & d'après votre Vuigate. C'ejl la fageffs y dit l'Auteur , qui> après la chute du pre- mier homme , le retira de fon péché. C'ejl pour l'avoir abandonnée dans fa colère , que linjufle périt malheur eufement lui- même , après avoir tué fon frère dans l'accès de fa fureur. Lorfque le déluge inonda la terre . ce fut elle quifauva encore le monde , en gouvernant le Ju/le fur un frêle bois. Et quand les Nations s'aban- donnèrent au mal comme de concert , elle connut le Jujle 3 le conferva fans reproche devant Dieu , & lui donna la force de vaincre la tendrejfe qu'il reffentoit pour fon fis. ■
380 Petit
Quoi , Monfieiir ! c'eft dans ce Texte que vous trouvez qu1 'Abraham voulut immoler fon fils du temps du déluge ? La meprife , fi elle étoit réelle , feroit im- guliere , & vaudroit bien celle de Philon de Biblos , Auteur du Livre de la Sa- gejfe. Mais de bonne foi , y a-t-il dans ce pafTage un feul mot , qui puirTe faire naître cette idée , ou fournir le plus léger prétexte au reproche d'un fi groiller ana- chronique ? N'eft-il pas évident au con- traire , que l'Auteur place ce facrifice long-temps après cette grande cataftrophe, lorique les Nations , ne confervant plus qu'un foible fouvenir de la vengeance eclefte , fe livrèrent à toute forte de dé- fordres ? Que penfer d'une telle impu- tation ? Vous ajoutez :
e x T E.
» Dans un autre endroit, l'Auteur ( du » Livre de la Sage (Te ) parle de Jofephe » comme d'un Roi d'Egypte «. ( lbid. )
Commentaire.
Voici cet endroit , Monfieur. La fa- gejjc , dit l'Ecrivain, n'abandonna point le Jujic , lorfquil fut vendu. Elle le d livra des mains des pécheurs t & tilt def-
Commentaire. 3 S i
C.endit avec lui dans la foffe. Elle ne le quitta point dans les fers _, jufquà ce quelle lui eût mis en main le fceptre de la Royauté , & la puiffance contre fes opprejjcurs j & elle convainquit de men- fonge ceux qui Vavoicnt noirci par leurs calomnies.
C'eft , fans doute , fur ces mots , le fceptre de la Royauté A que vous tondez votre reproche. Mais qui ne voit , que ces termes n'ont point le fens abfurde , qu'il vous plaît de leur prêter? Perionne que vous n'y ell trompé. On fenr d'abord qu'il feroit déraifonnabie de prendre à la lettre des exprelîions figurées ; qu'il ne s'agit ici que du pouvoir d'un Mini (Ire accrédité , dépolitaire de la confiance 6c de l'autorité de fon Souverain ; «Se que ce feroit fe rendre ridicule d'attribuer , fur un fondement li foible , à un Auteur , qui d'ailleurs paroît inftruit , une igno- rance grofliere , qu'on ne peut fuppofer , je ne dis pas dans le fils de Sirach , ni dans Pnilon , mais dans le dernier des J ui fs.
Si , prenant de même au pied de la lettre quelques expreiîions fortes , dont vous lîfez en parlant du Cardinal de Richelieu , on vous reprochoit d'en faire un Roi de f rance j li l'on en concluoit
381 Petit
que vous connoitfez peu l'Hiftoire de votre pays , ou que votre patrie n'avoir, point d'annales avant Louis XV , de pa- reils raifonnemens vous paroîtroient-ils dignes d'entrer dans un Ouvrage Philo- fophiquc f Se ne croiriez-vous pas faire grâce au raifonneur , de ne le fuppofer que diftrait ? Certes , Monfieur , de tels raifonnemens ne feroient pas de fîmples méprifes ; ce feroit quelque chofe de plus que des méprifes.
Commentaire. $S$
XXIIe. EXTRAIT.
Observations mêlées. Méprifes & dijlrac*. rions du [avant Auteur , fur divers objets.
V^ u a n d on a l'imagination ardente ,~ 5c qu'on écrit à la hâte fur des matières , dont oh n'eft pas parfaitement inftruir > il eft bien difficile de ne pas donner dans quelques méprifes. Aufli , Monfieur , vous en eû-il échappé un alfez grand nombre , lorfque vous vous êtes mêlé de parler de notre Hiftoire , de nos Livres facrés , de nos Loix , Sec.
Nous en avons déjà relevé plufieurs ; nous allons encore en rapporter quelques autres , qui ne paroîtront pas moins lîn- gulieres. Elles font telles , Monfieur , que vous ne pourrez vous empêcher de convenir vous-même , qu'il faut que vous foyiez extrêmement diftrait , ou que vous n'ayiez jamais lu , du moins avec foin , ces Livres divins que vous critiquez.
j$4 Petit
§• i.
Livres de Jofué , &c. mis dans le Pen- tateuque.
Nous ne vous en impofons point , Mon- teur : voici vos propres paroles.
T
E X T E.
» Les Livres de Moyfe , de Jofué , &: » le relte du Pentateuque «. ( Phil. de l'Hift. art. Moyfe , pag. 189. )
Commentaire.
Il eft clair , qu'outre les Livres de Moyfe, vous mettez ici celui de Jofué j êc d'autres encore , dans le Pentateuque. Où étoit donc votre attention , Monsieur? Vous aviez , fans doute , oublie dans ce moment , jufqu'à la figoifiçation du mot Pentateuque. Car , pour peu que vous vous la fuiîiez rappellce , vous auriez fenti que ce recueil ne contient que les cinq Livres du Légiflateur j & que ni le Livre de Jofué j ni d'autres nen tirent jamais partie. N'eft-il pas vrai , Moniteur, que, ii la meprile n'eft pas de conféquence, la diffraction eft un peu forte ? En voici d'autres qui le font bien autant.
§ .1-
Commentaire. 3S5
§. t.
Chérubins de Salomon pofés dans l'Arche, & vus par Us Romains.
Ce titre pourra vous étonner , Mon- fieur y vous ne croirez pas avoir rien dit de pareil : mais nous citons j voyez fi c'eft fidèlement.
Texte.
j> Salomon fait fculpter douze bœufs , » qui foutiennent le grand baflin du » Temple; des Chérubins font pofés dans 3> l'Arche \ ils ont une tête d'aigle de une » tête de veau ; ôc c'eft apparemment » cette tête de veau mal faite , trouvée » dans le Temple par les foldats Ro- v mains , qui fit croire long-temps que » les Juifs adoroient un âne «. ( Tolér. art. Si r Intolérance fut de droit divin. )
Commentaire.
Voilà bien des anecdotes qu'on auroit ignorées , fi vous n'eulîiez eu la bonté d'en inftruire le Public.
Des Chérubins font pofés dans l'Arche ! Nous favions , Moniteur , qu'il y en avoit de (Jus , mais nous ignorions qu'il y en Tome III. R
586 Petit
eu: dedans. L'Ecriture ne le dit pas , ou plutôt elle dit précifément tout le con- traire. Voilà l'avantage qu'il y a de vous lire : on apprend toujours quelque chofe de nouveau.
Vous nous permettrez , pourtant , de douter , que les Chérubins de Sa- lornon aient été po/es dans tMreke. S'il y avoit eu des Chérubins dans l'Ar- che , sûrement ce n'auroit pas été ceux de Saiomon. Comment auroit- on fait pour les y mettre ? L'Arche étoit an coîfre de deux coudées de hauteur fur une coudée & cemiz de largeur ; &c les Ché- rubins de Saiomon avoienc dbc coudées de haut fur dix de large , à compter de l'extrémité d'une aile à l'extrémité de l'autre. Vous voyez qu'ils auraient eu quelque peine à tenir dans l'Arche. Ainti c'elt encore une p::ite méprife de votre part.
Cejl apparemment cette tête de veau mal faite , trouvée dans le Temple par les Romains > 9cc. Apparemment ! 11 y avoit Long-temps , Monfîeur, qu'il n croit plus queftion, ni de l'Arche , ni des Ché- rubins de Saiomon à tête de veau mal faite , lorfque les Romains s'emparèrent de la Judée. Ce n'elt pas dans le Ta de Saiomon , qui n'cxiltoit plus , c'eft
S
Commentaire. 3S7
dans le fécond Temple qu'ils entrèrent : mais ils ne vitent apurement dans ce Temple , ni l'Arche , ni les Chérubins de Salomon , qui n'y furent jamais.
Qui fit long temps croire que les Juifs adoraient un âne. Apollonius , réfuté par Jofephe , parloit audî de cette ridicule opinion des Payens fur le culte des Juitrs. Mais il la croyoit plus ancienne que vous ne le dites : il en faifoit remonter l'origine jufqu'au temps d'Antiochus , qui , félon lui , avoit trouvé dans le Temple de Jérufalem une tête d'âne d'or. D'autres Auteurs Payens l'attribuent à des caufes ôc a des temps encore plus reculés. 11 y a donc , Monfieur , quelque apparence qu'elle étoit antérieure à Pinvafion des Romains , & qu'elle ne devoit point fa nauTance à la tête de veau des Chérubins de Salomon , prétendue trouvée dans le Temple par ces conquérans.
Nous ne favons encore par quelle raifon vous changez dans un autre endroit la tête de veau de ces Chérubins en tête de bœuf. Ce changement , il eft vrai , n'eft pas fort important : nous comprenons pourtant qu'on peut confondre une tece de veau mal faite avec une tête d'ànç , au lieu qu'il nous paroît difficile de prendre pour une tête d'âne une tête de bœuf même
Rij
3-88 Petit
mal faite. Les boeufs ont des cornes , &z Jes ânes n&n ont point , ni les veaux non plus.
En un mot, il n'y avoit point de Ché- rubins dans l'Arche , ceux de Salomon n'auroient pu y tenir j ils ne furent pas vus par les Romains j l'opinion , que les Juifs adoroient une tete d'âne , étoit an- térieure à l'invafion de ces conquérans. Toutes ces alertions , qui malheureufe- ment font vraies , contredifent un peu les vôtres.
Convenez , Monfieur , que c'eft pour un moment de didradion , bien des mc-
prifes.
§• 5-
Des Livres , qui , félon le /avant Cri- tique y font la f Lide Loi des J..:js.
Nous venons de relire , Monfieur , votre Lettre d'un Quaker à VEvique, Georges (1). Ce Quaker , qui fe mêle
(1) L'Evcquc Georges. Ceci nous rappelle la Lettre de Jeun-Jacques RouJJ'euu à Lhrijiophc de Seaumont. Ce ton familier» que prennent des Particuliers avec des hommes en place , eft tout-a-fait philosophique; c'e!t braver les pic- juçc's , & rappeler l'égalité primitive. Si cjik 1- flues ç,ens de bon ftns s'en cronneut , c'til qu'ils ne font pas Phiiofophèsl Ldit.
Commentaire. 389
de donner dss leçons à un homme donc il feroir mieux d'en prendre , diiierte à perte de vue , cite les Ecrivains Anglois , rapporte les objections des uns & les té- pontés des autres , &c. C'eft un Savant ; mais vous le laiiïez quelquefois Te mé- prendre. Il dit par exemple :
Texte.
» Dans le Dccalogue , dans le Lévi- j> tique, dans le Deutéronome , qui font j> la feule Loi des Juifs, 6V:c <c. ( Lettre d'un Quaker j &c. )
Commentaire.
Ce Quaker François n'y penfe pas apurement. Quoi ! les Livres qu'il cite font la feule Loi des Juifs ? Eft-ce qu'il ne fait pas , ou qu'il oublie que l'Exode renferme , outre le Dccalogue , la plu- part de nos principales Loix j que le Livre des Nombres en renferme aulîi pluiïeurs , &c ? Avec toute fon érudition , Moniieur, votre Quaker eft alïtz mal inftruit , ou- il eft fort diftrait.
Ce qu'il y a de fingulier , c'eft qu'en parlant en votre nom , vous avez rait fur le même objet à-peu-près la même mé- prife. Vous dites :
5<?o Petit
e x t e.
» Dans les Loix Juives , c'eft-à-dire , » dans le Lévitique Se dans le Deutéro- 35 nome , il n'eft pis fait la moindre men- » tion , Sec «. ( Dicb. Phil. arc. Anges, )
Commentaire.
Vous le voyez , Meilleur , c'eft ce qu'avoit die votre Qu; .;er ; vous allez ne plus loin. Car , fi le Quaker ne compte pas le Livre des Nombres parmi ceux qui contiennent nos Loix , il y met du moins une partie de l'Exode j Se vous , Monfieur , vous en retranchez , Se le Livre des Nombres , &: l'Exode tout en- tier. Cela eft un peu fort !
Vous avez eu ; ncoxe la même diitrac- tion dans le Traité de la Tolérance, &c. &c. Comment , Monfieur ! vous parlez tant de nos Loix , Se vous connoillez li mal les Livres qui les renferment ?
§• 4.
Lot du Uvhrat : beau- frac de chauffe :
fouiier jctie à la tête,
C'ctoit une de nos Loix ( i ) , que la
( i ) Une dt nus Loix. Voy. Dcur. Chap.
Commentaire, 391
femme d'un homme mort fans erifans , pouvoit exiger du frère de fon mari qu'il l'épousât. Cet ufage , plus ancien que Moyfe , comme on le voit par l'exemple d'Onan , & qui fubiïfte encore en quelques endroits de l'Inde &: de la Perle , croit fondé fur de raifonnables & fages motifs. Il avoit pour objet de pro- curer un établilîement à la veuve , de perpétuer le nom du mort , &c de mul- tiplier les familles.
XXV, j-. Cette Loi , qu'on appelle la Loi du Lévirat , tenoicau defîr qu'avoient les Ifraélites de laiifer un nom en Ifra'é/,$c d'être infcrits dans les Tables généalogiques. Un frère , qui rcfufoit de procurer cette gloire à fon frère, étoit cenfé marquer peu d'affection & d'attachement au défunt; Au refus du frère , l'obligation pafîoit au plus proche héritier.
Ainii le gohel , foie frère, foit plus proche héritier , ctoit chargé de fufeiter un nom au défunt,comme de venger fa mort, fi elle avoit été violente. Il témo'gnoit par-là qu'il n'y avoit aucune part ; & qu'il n'avoit defiré , ni la mort 3 ni la fucceffion. N'étoir-ce pas une fage poli- tique d'avoir fait au plus proche héritier un point d'honneur de cette double obligation ? Il nous femble que ce put être auflî par cette
I confédération , que Moyfe conferva ces deux anciennes Loix , quoiqu'elles euflent quelques
I »iconvéuiens , auxquels il tâche d'obvier. Aut.
R iv
39* Petit
Lorfque le frère du mort refufoit de confentir à la demande de fa belle-fœur , elle étoit en droit de le conduire devant les Juges. Là , pour marquer qu'il étoit déchu du droit de fuccéder au mort , &c digne de marcher pieds nuds comme les efclaves , elle lui ôtoit fon foulier j & , félon vous y
T E X T E.
» Elle le lui jettoit à la tête ««.
Commentaire.
Il eft bien vrai que , fur le refus du frère juridiquement conftaté , refus re- gardé comme injufte envers le mort & injurieux à la veuve , celle-ci , en ligne de mépris , lui ôtoit fon foulier j mais il n'eft dit nulle part , quelle le lui jtttoit à la tàe.
Cette çentilleffe eft de votre imagina,- lion , Moniteur. Vous avez cru , fans doute , qu'elle pourroit faire rire quel- ques Lecteurs , & vous y avez peut-être râ.ni: mais quels Lecteurs !
Commenta^!. 593
§. î- ■
Prétendue contradiction entre nos Lolx»
Vous ajoutez , qu'il y a contradiction entre nos Loix.
Texte.
» Cette Loi du Deuréronome , ( la Loi qui ordonne d'époufer la femme du frère mort fans enfans , ) » contredit celle du » Lévitique , qui défend de révéler !a » turpitude de la femme de (on frer^ , » c'eft-à-dire , d'époufer fa belle -fceur, » Lévit. XVIII , 1 5 «* ( Hijî. gen. )
Commentai», e.
Contredit celle , &c. La contradiction que vous croyez appercevoir, & qui vous choque, n'en eft pas une. Ce veffet du Lévitique eft la Loi générale : la Loi Deuréronome,- dont nous venons de p r- ler , en eft une exception : or , exceptron n'eft pas contradiction. Prenez-y ^arde , Aïonneur , vous êtes diftrait , ou vous abnfez des termes.
Avec cette petite obfervation , Mor- fieur, on n'eft pas fort embarraffé de ré- pondre à- un raiionnement par lequel vous
R v
594 Petit
croyez démontrer, que Moyfe n'eft pas
l'Auteur c!u Lévitique. Le voici :
T
E X T E.
» Si Moyfe avoir écrir le Lévitique , » auroit-il pu fe contredire dans le Deu- » téronome ? Le Lévitique défend d'é- » poufer la femme de (on frère , Se le » Deutéronome l'ordonne «. ( Dicl. Phi!. )
Commentaire.
Auroit-il pu fe contredire , &c Dé- fendre dans cerrains cas & ordonner en d'autres , ce n'eft pas fe contredire ; au- trement tous les Légiflateurs fe feroient contredits.
Ce raifonnement , Monfieur , n'elfc donc rien moins qu'une démonftration. 11 s'y trouve , comme vous voyez , un petit défaut d'attention , pour ne pas dire de logique.
C'eft encore à l'occafion de cette con- tradiction prétendue entre le Lévitique »Sc le Deutéronome , que vous faites la ré- flexion fui vaine :
Texte. » Dans ces Livres , ( les Livres du Le-
CoMMENTAiKt. 39}
vitique & du Deutéronome , ) >* Dieu 35 fembie , félon nos foibles lumières , >j commander quelquefois les contraires , » pour exercer l'obéifïance humaine <-. ( Hïji. gén. )
Commentaire.
Foiblcs lumières en effet , que celhs qui font voir des contradictions où il ny en a pas l'ombre.
Non , Mondeur j ce n'eft qu'à travers les nuages de l'inattention & du préjugé , que vous avez pu appercevoir ici de quoi exercer li péniblement Cobéijfance hu- maine.
Vous poflfédez au fuprême degré le talent de l'ironie : mais , vous le voyez , vous ne l'exerce^ pas toujours fort à propos.
§■ 6.
Si , che% les Juifs , c'était la coutume d'époufer fa fœur. 4
Nous avons vu plus haut , que les ma- riages entre frère & feeur , même de père, nous croient exprelfément interdits. Nous avons cité la Loi du Lévitique qui noas ie> défend : elle en: formelle. Cependant , Mouûeur, vous prétendez que ,
R v]
te! i
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CCS Pi:
cruel , cis d'noe khappce boarpcn que b [ de ii Ait
V;
aire. 597
vous rerufera p
C ENTAUE.
urlefque l'un événement , qui le malheu
socs à qui
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-
is éconne , c'ett que
: nent les difcours
: .'arïront
are , aux cermes pre-
jrmelle. Ces paroles ,
.ne- elles
Juifs une coutume
£c donc L'Hîftoire
\\ meun exemple ?
X T E.
;n peu cor. t radio : les zov~ onciliem (bavent <:,
AIR E.
:oic ians- douce - rracr
1,^6 Petit
Texte.
» Cliez les Juifs on pouvoit époufer fa- » fœur «. ( Dïcl. Phi/. )
Commentaire.
Que penfer , Monfieur , quand on vous voie avancer, avec tant de confiance ^ une aiïertion li contraire à une Loi ir précife (i)? On doit croire, fans doute , que vous en avez les plus fortes preuves- Voyons donc.
T
E X T E.
» Lorfqu'Ammon , fils de David, vio!e i> fa fœur Thamar, fille de David , Tha- « mar lui dit : ne me faites pas des fot- » tifes \ car je ne pourrois fupporter cet » affront , & vous palferiez pour un fou : y% mais demandez-moi au Roi mon père ,
(i) Si précife. M. de Voltaire repete la même jfTVition dans fes Quejlîons Encyclop. arr. licite, h II croie permis, dit- il , aux Juifs , )i comme a' x Athéniens , aux Egyptiens , au:: >• Syriens, de fe marier avec leurs faurs <«. On a beau l'averrir de fes rrjéprifes , &: lui f:ii:e ton.her au Joie,t (es eire'irs , il continue de h «t ter , comme <î l'on n'.tvoit lien dit. Et il f» fl.itte d'aimer fa virité\ EJit.
Commentaire. 597
n en mariage , il ne vous refufera pas <■<-, ( ibid. )
C O M M E N T A I R E.
Nous ne dirons rien du ton burlefque dont vous parlez d'un événement , qui fut la fource de tant de malheurs. Peut- être fe trouvera-t-il des Lecteurs à qui ces parodies pourront plaire : il y a des Lecteurs de tant d'efpeces !
Mais ce qui nous étonne , c'eft que vous oppofiez froidement les difcours d'une jeune perfonne troublée de l'affront cruel qu'on lui prépare , aux termes pré- cis d'une Loi formelle. Ces paroles , échappées dans l'effroi , furhfent- elles pour prouver chez les Juifs une coutume que la Loi réprouve , 6c dont l'Hiftoire de la Nation ne fournit aucun exemple ?
Vous ajoutez :
T
EXT E.
» Cette coutume eft un peu contradic- » toire avec le Lévitique : mais les con- » tradidoircs fe concilient fouvent «,
Commentaire.
* .'erre, coutume feroit. fans, doute, noRr
59S P 1 T î T
leulement un peu , mais tout-à-fait gmh tradïcîoïre avec le Lévitique , fi elle étoin prouvée. Mais , puifqu'il eft certain , au contraire , que cette coutume n'a jamais exifté parmi nous , depuis la Loi qui nous défend ces mariages , où eft la con- tradiction ?
Voyez , Monfieur , comme votre ré- flexion ironique eft bien placée !
§•7-
De Benadab
, & des deux femmes de Samarie.
On vient de nous lire , Monfieur , un article de vos Quejîions fur VEncych- pédie : il eft affairement des plus curieux. Vous y revenez aux antropophages , 6k: vous prétendez encore , avec quelques reftricîions pourtant , que nos pères l'ont été : car pour nous , vous nous fûtes la grâce de convenir que nous ne le fommes pas.
Pour appuyer votre affertion , vous re- produifez le paffage d'Fzcchiei cité plus haut : vous infiftez de nouveau fur les mots , vous mangere^ a ma table , 6'c. ck , prenant à la rigueur de la lettre cette exprelîion métaphorique , vous en cou-
Commentaire. 39^
cluez , avec une juftelTe & une force de raifonnemenr étonnantes , que c'étoit à nos pères qii'Ezéchicl prometroit , qu'i/j mangeroient la chair du cheval & celle du cavalier.
Revenir dix fois fur la même chofe , c'eft avoir bien du courage. Faire dire , non une fois en paflant , mais dix fois , à un Ecrivain fâcré, ce qu'il n'a pas dit , ou plutôt évidemment le contraire de ce qu'il a dit , c'eft une fidélité , un amour du vrai , une candeur inimitables.
Mais, Monfieur, li vous avez le cou- rage de redire , penfez-vous que vos Lec- teurs auront la patience de relire dix fois la même chofe ? Encore Ci c'étoit des anecdotes agréables , des vérités intéref- fantes , à la bonne heure: mais des impu- tations groiTîerement faulfes , des inter- prétations auilî éloignées du bon fens que du Texte } à la fin cela rebute.
Vous ne vous bornez pourtant pas tout- à-fait à répéter encore ce que vous aviez déjà répété } vous y ajoutez quelque chofe de nouveau. Vous dites ,
Texte.
» Il eft très-certain que les Rois de » Babylone avoienc de-s Scythes dans
4<SO P E T f ï
»• leurs armées. Ces Scythes buvoient oïl » fang dans les crânes de leurs ennemis » vaincus , & mangeoienc leurs chevaux , n &: quelquefois de la chair humaine <v
Commentaire.
les Scythes buvoient du fang dans les crânes de leurs' ennemis ; ils mangeoiarU leurs chevaux y & quelquefois de la chair humaine : donc les Hébreux en man- geoienc auflî ; donc Ezéchiel leur pro- mettait la chair du cheval 6* celle du ca- valier \ Ce ne font pas là des méprifes,; ce font , comme on le voit, des raifonne- mens victorieux !
Vous citez encore Juvenal , & vous dites d'après lui s qu'
Texte.
n Vn Ombien étant tombé entre ïës- n mains des Tentyrites, ils le firent cuite » 6c le mangèrent jufqu'aux os ".
Commentaire.
Selon Juveaal , Moirfieur , les Ten- tyrites ne fe donnèrent pas la peine de 1er faire cuire 3 ils le mangèrent tout crud Lifez. du moins la belle Traduction de M»
Commentaire. 4s i
Dufuulx. Quoiqu'il en foie , qu'eft-ce que tout cela prouve contre les Juifs ?
Vous vous rapprochez entin de votre fujet ; vous venez aux deux /femmes de Samarie ; & vous faites , fur leur épou- vantable aventure, une réflexion curie ufe : c'eft que ,
Texte.
>* Des Critiques prétendent } que cette ?» aventure ne peut être arrivée , comme » elle eft rapportée dans le quatrième » Livre des Rois, Chap. VI, f. 2.6 ÔC » fuivans 53. ( Ibïd. )
Commentaire.
Des Critiques , &c* Quels Critiques , Monfieur ? En ne les nommant pas , vous laiffez foupçonner que ces Critiques , c'eft vous même.
Quoi qu'il en foit , voyons comment vous allez vous y prendre , vous & vos Critiques , pour trouver en défaut le quatrième Livre des Rois.
Texte.
■ Il eft dit dans ce Livre, que le Roi » d'Ifracl , en partant par le mur ou fur h le mur de Samarie, une femme lui dit :
401 Petit
» fauves-moi , Seigneur Roi ; & le Roi » répliqua _, que veux-tu ? & elle répondit : » ô Roi , voici une femme qui m'a dit , » donnez-moi votre fils j nous le mangerons » aujourd'hui , & demain nous mangerons » le mien , &c. Ces Cenfeurs prétendent , » qu'il n'eft pas vraifemblable , que le » Roi Bénadab aifiégeant Samarie , ait » palTé tranquillement par le mur ou fur » le mur de Samarie , pour y juger des n caufes entre les Samaritains «.
O M M E N T A I R E.
Que vos Critiques , Monfieur , ont fait de nos Ecritures une étude profonde ! &c qu'ils font dignes de la confiance de leurs Lecteurs !
Ces Critiques prétendent , qu'il nefl pas vraifemblable } &c. Non airurjm^.t , cela n'efl point vraifemblable ; cela choque au contraire toute vraifemblartce. Qu'un Roi ennemi , allicgeant une Ville enne- mie , ait pajje tranquillement par le mur oujur le mur de cette Ville , pour j des caufes entre fes habitans , c'ed bien ce qu'on peut imaginer de plus abfurde.
Mais certe abfurditc , Monlieur, n'eft pas dans le quatrième Livre des Rois. le quatrième Livre des Rois marque expref-
Commentaire. 405
fément, que ce fat au Roi d'Ifraé'l que ces deux femmes s'adrefferent. Eil - il jufte de vous en prendre au Livre des Rois , de ce que vos Critiques confon- dent ce qu'il diftingue , le Roi d'Ifracl avec le Roi de Syrie , &c l'affiégé avec l'afliéseant ?
C'eft avec la même exactitude 8c la même jufteflfe d'idées , que ces Ccnfeurs ajoutent ,
Texte.
» 11 efl: encore moins vraifemblable »» que deux femmes ne fe foient pas con- » tentées d'un enfant pour deux jours. 11 » y avoit là de quoi les nourrir quatre » jours au moins «.
Commentaire.
Quatre jours au moins. Ces Ccnfeurs lavent , fans doute , ce que tout le monde ne fait pas , de quel âge & de quelle erandeur étoit cet enfuit : 8c ils ont exac- tement calculé ce que peuvent manger en quatre jours deux femmes dévorées de- puis long-temps d'une faim cruelle. Voilà de belles découvertes !
En vérité , Monfieur , quand on entend ces habiles Critiques raifonner de la forte , n'a-t-on pas quelque droit d'eu haujjer les épaules , ou d'en rire ?
4O4 P E T I T
X X 1 1 Ie. EXTRAIT.
De quelques Sciences & Arts : fuite. De la Logique ; ou de quelques raïfonnemcn3 de M. de Voltaire.
v_j e n'eft pas le tout d'écrire d'une ma- nière agréable Se légère , il faut encore raifonner jufte. Sans cette jufteire de rai- fonnement , le ftyle le plus brillant ne fert qu'à éblouir l'Ecrivain , & à taire illufion aux Lecteurs.
Nous n'avons garde de penfer , Mon- fieur , que vous ayiez négligé une partie fi nécelïaire à tout bon Ecrivain : nous fommes au contraire très-perfuadés , que vous pofTédez ce talent , comme tous les autres , dans un degré fupérieur. Mais , iî nous ne nous trompons, vous vous nu;- tez quelquefois tellement au-delïiis des règles communes de la Logique, que les Lecteurs ordinaires ont peine à fentir toute la force de vos raifonnemens. ( de quoi on a pu remarquer déjà plus d'un exemple ; nous allons en citer encore, quelques autres , que nous prendrons aa hazard, félon qu'ils nous tomberont fous la main.
Commentaire. 40 j
§. ..
Des Livres des Juifs. Raifonnemens du favant Critique ,/ur leur infpiration.
Nous croyons nos Livres faims inf- pirés ; tous les Chrétiens les regardent de même. Vous le fuppofez, Moniteur ', & en conféquence , adreiTant la parole à un pieux & favant Prélat, vous lui ditss du ton des Quakers :
Texte.
5» Tu dois favoir que tous les Livres 1 » de la Nation Juive étoient néceiTaires 1 » au monde; car comment Dieu auroit- » il infpiré des Livres inutiles ? Et fi ces sj Livres étoient néceiTaires , comment y »> en a-t il eu de perdus ? comment y en »> auroit-il eu de rallthés «? ( Lettre d'un. Quaker. )
C O M MENTAIRE,
Ce rajfonnement , Moniteur , a pu vous paroiire admirable \ mais il fe trou- vera peut-être des Leclreurs qui n'en ju- geront pas de même : nous l'avouons , nous femmes un peu du nombre.
i°. Nous ne favions pas , qu'on eft
406 Petit
obligé de /avoir, que tous le* Livres de la Nation Juive étoient nécejjaires au monde : perfonne ne l'avoir dit , perfonne ne l'avoiu penfé avant vous. Qu'il elt utile de vous lire !
i°. Faut- il , Moniteur , que des Livres foient nécejjaires au monde , pour que Dieu puiile les infpirer ? Ne peut-il inf- pirer des Livres utiles en certains temps & à certaines perfonnes ?
j°. Prouveriez-vous bien que tous les Livres perdus de la Nation Juive ont été infpirés, ou qu'ils n'ont pas été utiles dans le temps & aux perfonnes pour qui ils avoient été compoiés ?
4°. Il paroît , qu'il y a quelque diffé- rence entre utile cv être nécejfaire j entre être utile à quelques perfonnes , & être néceffaire au monde : & l'on pourra croire , que confondre ces termes , 6c conclure de l'un a l'autre , ce n'eit pas raifonner tout- à-fait jufre.
Enfin on pourra croire , que vous au- riez bien fait de nommer les Livres facrcs des Juifs , que vous fuppofez avoir été falfifies ; car on n'en connoît aucun , qui , en matière elïentielle & importante , aie été jalfific. Vous attachez peut-être à ce i
terme une acception , qu'il n'a pas d'or-
î , qu u n a pa
, il fer oit b<
tlinaire. En ce cas , il feroit bon d'en
Commentaire. 407
avertir vos Le&eurs dans votre nouvelle Edition.
§. 1.
De quelques Réfurreclions particulières , rapportées dans les Livres /acres des Juifs.
Ces Livres facrés parlent de quelques réfurrections particulières , opérées par nos Prophètes : on en lit de Semblables dans vos Ecritures. Mais tous ces faits , Moniteur , vous paroilfent peu croyables j vous pt-nfez même pouvoir en démontrer l'impollibilité ; & pour y parvenir , voici comme vous raifonncz.
Texte.
» Pour qu'un mort relîufcite , au bout » de quelques jours _, il faut que toutes 5» les parties imperceptibles de (on corps , » qui s'étoient exhalées dans l'air , & que » les vents avoient emportées au loin , » reviennent fe mettre chacune à leur » place } que les vers de les oife-aux ou les » animaux nourris de la fubilance de ce » cadavre , rendent chacun ce qu'ils lui » ont pris. Les vers engraifles des en- » trailles de cet homme , auront été man- ;JU gés par des hirondelles , ces hirondelles
40S P I T 1 T
j» par des pigriéches , ces pigriéches par » des faucons , ces faucons par des vau- » tours ; il faut que chacun reftitue pré- » cifément ce qui avoir appartenu au « morr , fans quoi ce ne ieroit pas U » même pcrfonnc «.
Commentaire.
Quelle rapidité d'imagination , Mon- fieur ! Dans l'intervalle de quelques jours , c'eft-à-dire de deux ou trois jours au plus , vous voyez un homme mort , & les vers engrailTés de fes entrailles , de ces vers mangés par des hirondelles ! cela eft déjà bien prompt ; mais ce n'eft pas tout. Vous voyez encore » ces hirondelles » mangées par des pigriéches , ces pi- » griéches par des faucons , ces faucons >» par des vautours « , tout cela dans un fi court efpace de remps ! En vérité , c'eft mener les chofes un peu vite ! le cours ordinaire de la nature eft plus lent.
Néanmoins , comme il n'y a lien dans ces fuppofitions d'abfolument impoilîble, nous ne voyons point d'inconvéniens à vous les accorder.
Mais , Monlieur , eft-il bien nécellaire , pour que ce mort rcJJ'ufcite 3 & que ce fait la mime perfonne , que toutes Us
parties
c
,
Commentaire. 40 j
parties imperceptibles de fbn corps , qui s'étoient exhalées dans l'air , reviennent fe mettre chacune à leur place j & que tous les animaux nourris de fa fubftance lui reftituent précifément ce qui lui avoit ap- partenu ? Éft-ce qu'un homme ceiïè d'être le même homme dès qu'il lui manque quelqu'une des parties imperceptibles , qu'il avoit auparavant ? Il nous femble , qu'on pourroit perdre quelques parties de Ton corps , même très-perceptibles , Se n'en être pas moins le même homme. Un Officier a le bras ou la cuifTe em- portés d'un coup de canon dans une ba- taille \ ce bras ou cette cuifle font dé- vorés par des animaux carnaflîers , que d'autres dévorent. Cet Officier , Mon- iteur , parce qu'il lui manque un bras ou lune jambe , cette -t- il d'être l'homme ; iqu'il étoit ? & le Miniftere , e» voulant 1 le récompenfer , donne-t-il la Croix de > Saint Louis à un autre ? ie Suppofons ( ce qu'à Dieu ne plaife , :- :ar nous vous fommes fincerement atta- 5 :hés ) que la lecture de quelque méchante •1 :ritique , de la nôtre , par exemple , vous 1 lonne un accès de fièvre , &c qu'on vous ire deux ou trois palettes de fang ; en ■'■■) èriez-vous moins le même M. de Vol- ; À aire ? Et Ci votre fang , jette quelque 'M Tome III. S
4io Petit
parc , étoit » mangé par les. vers , ces 5> vers par des hirondelles , ces hiron- » délies par des pigrié^hes, cespigriéches » par des faucons , ces faucons par des 5> vautours, ôvc «. faudroit-il, pour que vous ruiliez la même perfonne , que tous ces animaux vous reit.ituanrent/,rec://£//2e/2r tout ce qui vous appartenait ? Quoi ! vous avez tant philofophé , Monfieur , &z vous ne favez pas encore que ce qui vous ap- partient n'eft pas vous ?
Mais ne recourons point à des hypo- thèfes. affligeantes. Vous tranfpirez : des parties imperceptibles de votre corps s'ex- halent ccntinuellement dans l'air. Pau cette tranfpiraticn , vous perdrez aujour- d'hui environ deux livres de ces parties imperceptibles. Quand vous vous lèverez demain, ne ferez-vous plus M. de Vol- t-ire? Ck l'Académie Françoiie iera-t-elle réduite à nommer à votre place , en dé- plorant votre perte ?
Ceraifcnnemc-nt, prétendu victorieux, contre la pofllbilicé des réfuLEre&Lops , nveft donc pas des plus jultes \ îk en le faifant , Monlîeur , vous n'aviez pas trop préfeiis à l'efprit les principes de la Mi- t^phyfique fur l'identité des perfonnes : convenez - en.
Commentaire. 411
§• ;•
Intelligence dans les bêtes 3 prouvée par ïexprejjicn , leur fang retombera fur eux.
T
E X T E.
» Il eft dit dans le Lévitique , qu'une » femme , qui aura fervi de fuccube à » une bête , fera punie avec la bête , ôc » leur fang retombera fur eux. Cette ex- » preflîon , leur fang retombera fur eux j » prouve évidemment que les bêtes paf- » foient alors pour avoir de l'intelligence «f. ( Traite' de la Tole'r, )
Commentaire.
On pourra trouver , qu'il y a ici au moins un mot de trop , le mot évidem- ment. En effet , n'eft-ce pas abufer de ce terme , que de l'appliquer à un raifon- nement tel que celui-ci ? Quelle diftance , Monfieur , du principe à la conféquence ! Vous franchilfez d'un faut l'intervalle qui les fépare : mais tous vos Lecteurs n'ap- percevront pas la liaifon que vous voyez entre l'un & l'autre : nous doutons du moins qu'elle leur paroilfe évidente. Ce n'eft pas là un terme à prodiguer : vous
Si)
I
Petit
412. Petit
en faites , Monfieur , un peu trop d'ufage*
Singulière façon de prouver qu'on n écri- vait que fur la pierre , du temps de Moyfc,
Vous voulez donc absolument , Mon- fieur , qu'on n'ait écrit que fur la pierre , du temps de notre Législateur ? Le faux , le ridicule de cette opinion ne vous arrête point : vous y tenez fi fortement , que rien ne peut vous en déprendre. Vous croyez même pouvoir la perfuader à vos Lecteurs j &: pour la leur prouver , vous dites ,
Texte.
»> Il eft 11 vrai qu'on n'écrivoir que fur ga la pierre , que l'Auteur du Livre de » Jofué dit que le Deutéronome fut écrit » fur un autel de pierres brutes enduites m de mortier. Apparemment que Jofuc »> n'avoit pas intention que ce Livre fut ;> durable «. ( Ca loyer. )
Commentaire.
Mauvais raifonnement , Monfieur, Se fnauvaife plaifajuerie.
Commentaire. 415
Mauvais raifonnement; car ne voyez- vous pas à quoi il fe réduit ? C'eft dire en deux mors : » Jofué écrivit fur du- » mortier , donc on îfécrivoit que fur la » pierre : ou Jofué écrivit le Deutéro- >> nome fur des pierres , donc il n avoir » pas intention que ce Livre fût durable «r
Mauvaife plaifamerie j car fi elle a quelque fel , ce n'eft que dans la fuppo- lition , que Jofué auroit écrit fur du mortier , 8c que ce mortier auroit été femblable au vôtre. Mais fi ce mortier étoit une efpece de ftuc capable de ré- futer aux injures de l'air , fur- tout dans un climat tel que celui de la Paleftine , comme Font penfé quelques Savans j ou fi ce mortier ne fervoit qu'à lier les pierres fur lefquelies Jofue fit écrire r comme d'autres le prétendent avec fon- dement ( 1 ) , que devient votre plat- fanterie ?
AlTurément, Monfieur , quand on piaf- fante ou qu'on raifonne de cette ma- nière , il faut avoir d'ailleurs bien de l'efprit pour fe faire lire I
(1) Avec fondement. C'eft Je Cens que le P", Houbi^anc donne à ce texte. Edit.
A1J
414 Petit
§• 5-
De Ninus , fondateur de Ninive , & du Grand-Prêtre Jaddns : comment le [avant Critique prouve que ni l'un ni l'autre n exigèrent.
Vous avez , Monsieur , une autre façon de raifonner fore finguliere : c'eft que vous concluez de la terminaifon d'un nom d'homme , fi cet homme a exifté ou non. Exemple.
Texte.
» Il ny a pas eu plus de Ninus , fon- » dateur de Ninvah , nommée par nous » Ninive , que de Belus , fondateur de » Babylone : nul Prince Allatique ne >» porta un nom en us « ( Dicl. Phil. )
Commentaire.
Ninvah 3 nommée par nous Ninive s eft un trait d'érudition , qu'on admirera fans doute. Mais que penfera-t-on de ce raifonnement ? nul Prince Afiatique ne porta un nom en us 'y donc il n'y a point eu de Ninus , fondateur de Ninive ! N'eft-ce pas exactement comme i\ l'on pretendoit qu'il n'y a point eu de Pom-
Commentaire. 415
pée , parce qu'aucun Général Romain n'a porté de nom en ée. Eh ! non , pour- roic-on répondre , il n'y a point eu de Pompée, mais il y a eu un Pompeïus , que les François ont nommé Pompée. ■ Ce changement de terminaifon empêcbe- t-il que ce Romain n'ait exiité ?
Ce genre d'argument vous plaît tant , vous le trouvez il victorieux , que vous l'employez avec la plus grande confiance en divers endroits de vos Ouvrages.
C'eit ainfi que vous tâchez d'infirmer ce que rapporte l'Hiitorien Jofephe , qu'Alexandre fut reçu par le Grand- Prêtre des Juifs.
Texte.
» Alexandre fut reçu par le Grand- « Prêtre Jaddus , fuppofé qu'il y ait eu « en effet un Prêtre Juir nommé Jaddus «, ( Phil. de l'Hitt. art. d'un menfonge de Fîavlan Jofephe. )
Co
M M E N T A I R E,
Non , Monfieur; ce Prêtre Juif ne (q nommoit point Jaddus ; il fe nommoit Joad ou Joïada. Mais , de ce que le Grand-Prêtre Joad ou Joïada eft appelle Jaddus par les François , &c Jaddous en
S iv
*i6 Petit
Grec par Jofephe , s'enfuit-il qu'il n'ait point reçu Alexandre , 3c que Jofephe foit un menteur ? Cette manière, de ral- fonner nejl pas celle d'Euchide.
§. 6.
Beaux raifonnemens fur la Tour de BabeL
Texte.
» Prefque tous les Commentateurs fe » croient obligés de fuppofer , que la » r.imeufe tour élevée à Babylone, pour » obferver les aftres , étoit un refte de la >■> tour de Babel , que les hommes vou- » lurent élever jufqu'au Ciel. On ne fais » pas trop ce que les Commentateurs « entendent par le Ciel. Eft-ce la Lune ? >» Eft-ce la planète de Vénus ? Il y a » loin d'ici là «. ( Dicl. Phil. )
Commentaire.
Vous direz , Monrîeur , que ceci eft moins un raifonnement qu'une plaifan- terie. Mais quelle plaifanterie ! & qu'elle cft bien placée ! Quoi ! vous ne favez pas qu'élever jufqu'au Ciel , ne fignirie qu'élever très-haut ? C'eft une expreilion
CaMMÎNTAlRl. 4iT
cTufaçe dans toutes les langues , même
1 M
dans la vôtre. On dit tous les jours élever un édifice jufqu'au CieJ , des montagnes" qui s'élèvent jufqu'aux Cieux ( 1 ). Si quelque froid Critique s'avifoit de ré- pondre: Qu'appelle^- vous élever jufqu'au Ciel ? Qu entendez-vous par le Ciel ? Efl-ce la Lune f EJl-ce la planète de Vénus ? Il y a loin d'ici là : on riroie- fans doute ; mais de qui & de quoi?
§•7-
Sur Vétymologie du mot Babel.
Vous ne raifonnez pas mieux fur le mot Babel. Ce mot vous embarralTe,
( 1 ) Jufqu'aux Cieux. Ces mots nous rap~- pellent ces vers d'un grand Poëte :
>> J'ai vu l'impie adoré fur la terre 5 " Pareil au cèdre , il portoit dans les Cieux » Sou front audacieux ;
» Il ferubloit à fou gré gouverner le tonnîrre , 55 Fouloit aux pieds fes ennemis vaincus :
»> Je réai fait que paifèr, il n'éroit déjà plus.
Voilà certainement à'ajfe^beaux vers, quoique - imités de l'Hcbieu. M. de Voltair? croit-il que ces mots , il portoit dans les Cieux [on front audacieux , foient inintelligibles : & auioit-il borvne grâce doppofer à Racine la hune & la plur.-ett de y émis ?
Sv
4i3 Petit
Texte.
» Je ne fais pourquoi il eft dit dans la « Genefe , que Babel lignifie confufion «. ( Dlct. Phil. )
Commentaire,
Votre embarras nous étonne , Mon- sieur. Puifque vous favez le Caldéen , comme il paroîr par tous vos Ouvrages , vous pourriez foupçonner que Babel , par une abréviation , dont il y a mille exemples dans toutes les langues , pour- roit venir de Balbel 3 mot Caldéen, qui , dit-on, fignifie confondre.
A cette étymologie , vous en préférez une autre. Vous tirez le nom de Babel des mots Ba 3c Bel. Vous dites ,
Texte.
» Ba fignifie père dans les Langues r> Orientales , &c Bel lignifie Dieu. Babel » figfoijâq 1a Ville de Dieu «. ( Dicl.
Phil. art. Babel. )
Commentaire
Ba fignifie pzre , Bel fignifie Dieu j donc Babel fiçnirie la FiLe de Dieu.
Commentaire. 4x9
Voilà , Moniteur , votre Logique or- dinaire.
11 nous femble que , pour raifonner jufte , il auroit fallu dire , donc Babel fîgnifte Pere-Dieu ou Pere-Bel.
Ainfi votre étymologie n'eft ni des plus: ■' claires , ni des mieux raifonnées.
C'eft avec la même force de raifonne- ment , que vous dites ailleurs : •
Texte.
» Bab fignifie père , Bel eft le nom du - » 'Seigneur. Babel , la Ville du Seigneur , » la Fille de Dieu , ou , félon d'autres s : » la porte de Dieu «.
Commentaire.
Bab y &c. Ceci diffère un peu de ce que vous venez de dire: mais d'ailleurs , c'ejl puijjamment raifonner l
§. s.
Sur les mots de Pythonijjc & Python.
Texte.
« La PythonifTe d'Endor , qui évoqua :■> l'ombre de Samuel , eft aiTez connue, 1» II eft vrai qu'il eft rc-rt étrange que ce
Sv;-
4*0 Petit
» mot Python , qui eft Grec , fui connu :> des Juifs du temps de Saiil. Plufieurs :> Savans en ont conclu , que cette hif- » toire ne fut écrite que quand les Juifs » furent en commerce avec les Grecs , » après Alexandre «. ( Phil. de VHIJI. )
Commentaire,
Connu des Juifs du temps de S au! , &c. Le mot de Python , qui efi Grec (i) ,,.&.
(i) Le mot de Python , qui eft Grec 3 &c. Le terme Hébreu qui répond au mot Python , eft Ob. Le mot Grec des Septantes & des Pères de l'Eglife Grecque eit Engaftrimuthos. Voy. Sup- plément.
Les Engaftrimuthes ou Ventriloques étoient une forte de Devins , qui prédifoient , ou fti- gnoient de prédire l'avenir , en répondant d'une voix fourde , qui paroilfoit, fortir du creux de- leur ventre , & comme de delfous terre. Bien des gens ont nié qu'on pût parler de la forte : mais divers Savans modernes , entr'autres Eu- gubinui , CaI'ius Rhodiginus , OUafter , Vc. attdtent qu'ils ont vu des hommes & des femmes Engafrrimutlus, 4: que ces perfonnes répon- cioient du ventre avec exactitude aux demandes qu'on leur faifoir. 11 y en a même des exemples plus réçens. L'Auteur du Dictionn. deTrevoux, art. ^r<,^r//Vcç'^f>racon:eJmrila connu un Officier ventriloque , qui , à l'armée . s'amufoic quelque- ibis à donner l'alaïme à l'es caœal
Commentaire. 4-i 1
bas Grec, qui , loin de fe trouver dans le Texte Hébreu , ne fe voit pas même dans la Verfion Grecque des Septantes , qu'on ne lit enfin que dans la Vulgate j ce mot connu des Juifs du temps de Saiïl ! Afîurément rien ne feroit plus étrange.
Mais , d'où favez-vous , Monfieur ,: que ce mot leur ait été connu du. temps, de Saiil ? &c comment une idée fi bizarre vous eft-elle venue à l'efprit ?"
Plujïenrs Savons ! Un feul , Monfieur. Vous ; 8c nul autre..
Concluent , &c. Quoi1 1 de ce que le mot de Python , Grec d'origine , fe trouve dans la Vulgate , ces Savans concluent que le Texte Hébreu , où il ne fe trouve pas , ne fut écrit que quand les Juifs furent en commerce avec les- Grecs ^ après Alexandre. Voilà, Monfieur, d'excellens Dialecticiens, d'admirables raifonneurs !
Vous, répétez le même raifonnement dans le Traité de la Tolérance.
lant de cette manière. M. l'Abbé delà Chapelle vient de donner un Traité fur les Ventriloques a où il raconte en détail ce cju'exccutent le Ven- triioque de Vienne en Autriche , St celui de & Geimain-en-Laye : dvori l'on peut conclure que la plupart des Ventiilocjues anciens rtétoierve que des impoûeius Edit,
^xî. Pi t i t
Texte.
» On peut remarquer encore , qu'il eft » bien étrange que le mot de Python fe s> trouve dans le Deutéronome , long- » temps avant que le mot Grec pût être » retenu, des Hébreux : aufli n'eft-il pas » dans l'Hébreu «.
Commentaire.
Que voulez - vous dire , Monfîeur ? Quoi ! il eft étrange 8c bien étrange j q\iun mot Grec s qui ne pouvoit être connu des Hébreux , ne fe trouve pas dans V Hébreu ! Il eft étrange que ce mot Grec, devenu Latin par l'uiage , fe trouve dans une verfion Latine ! Non , Monfîeur ; il n'y a & étrange ici , que cette étrange façon de raifonner.
Si nous ^ francs ïgno r a ns , nous euflîons fait de pareils raifonnemens , comme vous nous auriez relevés ! Heureufement notre Logique va pied à pied , & n'a
Î>as la marche rapide & tranfeendante de a vôtre.
Vous dites quelque part , que Jean- Jacques nefi pas mûr pour le raisonne- ment y & qu'il n'a jamais fait un bon fyl- logifme, 11 eft vrai , que le Citoyen de
CoM MSNTilRi;. 415 ta petite PUpublique voijine de vos terres ( 1 ) , n'a pas toujours raifonné jufte. -Mais voyez fî vous raifonnez mieux \ & s'il vous convient bien d'entreprendre Jean-Jacques fur fa Logique. Si vous n'eftimez pas beaucoup la fienne , il pa- roît qu'en revanche , il ne fait pas grand cas de la vôtre \ il la juge bien fuper- flcielle : à l'en croire, vous nave% jamais fait un raifonnement d'une demi - ligne de profondeur. .
Les voilà , ces grands Précepteurs du genre humain ! Oh ! qu'il fera bien ins- truit , quand il aura pour Maîtres ces nouveaux Docteurs, qui fe reprochent mutuellement , & , comme ils le pré- tendent , non fans fondement , de n'avoir jamais fu raifonner !
( 1 ) La petite République voifine de mes terres. C'eft ainfi que M. de Voltaire défigne !» République de Genève. Aut.
/
4*4 Petit
ifiii'iwm
XXIVe. EXTRAIT.
Petits menfonges- d'un grand Ecrivain.*
X ersonne n'ignore qu'actuellement , dans la belle Littérature, onmet une grande différence entre les menfonges imprimés , Se les mentantes de vive-voix. Ceux-ci n'échappent jamais à un galant nomme. Pour ceux-là, vous le favez, Monfieur ,. de célèbres Ecrivains ne s'en font pas- fcrupule.
On lit dans vos Mélanges un long cha- pitre fur ces menfonges imprimes. Vous en citez plufieurs. Quand vous voudrez en augmenter le nombre , vous pourrez y ajouter le texte fuivant. C'eft un partage des Que/lions fur l'Encyclopédie , au mot jlcle. Vous y dites , en parlant des Hé» breux à leur départ d'Egypte :
T
E X T E.
■>•> Ils avoient auili volé , fans doute , ■■> beaucoup de ficles j cv nous avons vu » qu'un des plus zélés parrifans de cette h horde Hébraïque , évalue ce qu'ils » avoient volé , feulement en or , à ne ut
LOMMËNTAlkf. 4I5
» millions. Je ne compte pas après lui «. Commentaire.
C'eft ainfi que vous répondez à notre Secrétaire : cela n'eft pas bien , Moniteur. Notre Secrétaire n'a rien dit de ce que vous lui prêtez-là. Il n'a dit nulle part , que nos pères , en quittant l'Egypte , aient volé neuf millions ; encore moins > qu'ils aient volé neuf millions feulement en or. On peut s'en convaincre en re- lifanf nos premières Lettres.
Il eft donc clair que dans ce moment , la Vérité qui , à ce que vous dites , Mon- sieur , quand vous écrive^ , tient la plume y l'avoir hifiee aller.
Ce ne font pas-là y il eft: vrai , de ces menfonges qui déshonorent les gens & qui les damnent. On voit bien que vous y avez mis plus de gaieté que de malice» Ce font de ces petits ftratagêmes , que vous vous permettez quelquefois , quand l'ennemi preiïe.
Vous pourriez encore ajouter à votre chapitre. . . . Mais non ; c'en eft afTez. Nous vous avions promis les deux dou- zaines : nous avons tenu parole. Finiffons.
Nous efpérons , Monfieur. , que vous ferez content de ce dernier Extrait: il eft
426 Petit
court ; ce vous favez mieux que perfonne ,
qu'il ne tenoit qu'à nous de le faire plus
long
Note des Editeurs.
Nous recevons de l'Imprimerie ce billet du Compofiteur. » Votre dernier Extrait , » Meilleurs , eft trop court : il me man- » que deux pages pour finir la feuille. Si "•vous pouviez m'envoyer de quoi les » remplir , vous obligeriez beaucoup votre » très-humble ferviteur Samuel Lebicnd* » Vous voyez , Meilleurs , que j'ai » pour Patron un Saint de l'ancien Tefta- » ment. M. de Voltaire en a parlé quel- ;> quefois indignement : il va jufqu'a le » traiter de Prêtre - boucher. C'elt une » raillerie impie. Ne pourriez-vous pas >* en dire un mot ?
Réponfe. » Votre zèle pour la gloire >•> de votre Patron , eft tout- à-fait édi- y> fiant , Monfieur Leblond. Mais nous s» ne pouvons rien ajoute! à notre Ma- ri nufcrit.
» Quant au mot de Prîtrc-bouchcr , » qui vous fcandalife , ce n'eft qu'une » indécence & mauvaifeplaifanterie, qu'il » fiiut tnéprifer.
Commentaire. 417
» Elle eft indécence. M. de Voltaire » oublie ici , tk trop fouvent ailleurs , » qu'il vit dans une fociété de Chrétiens; » èc que c'eft manquer à l'honnêteté, &c » aux premiers principes d'éducation , » de parler outrageufement , dans une » fociété , de ce que cette fociété révère.
» Elle eft mauvaife ; car elle porte à *> faux. Samuel , vous le favez , Monfieur » Leblond , n'étoit pas Boucher ; & ce » que vous ne favez peut-être pas , ce que « M. d? Voltaire ignore , puifqu'il fup- » pofe le contraire , Samuel n'étoit pas » Prêtre ; il ne pouvoir pas l'être. Les » Prêtres étoienttous de la famille d'Aa- » ron : Samuel n'en étoit pas. On doutemê- » me qu'il ait été de la Tribu de Lévi (1).
» Ainfi , Monfieur Leblond , au lieu ai de vous fâcher du prétendu bon mot , » que M. de Voltaire a cru faire contre >» votre Patron <Sc contre les Prêtres , riez- » en avec nous. N'ayez pas la fimplicité de » prendre une ignorance pour de l'énergie, s> & une bévue pour une épigramme. «■ ■ «
C ! ) De la Tribu de Lévi. Samuc! étoit un de ces enfans que les parens confacroient ou vouoient au Seigneur, non pour être immolés, comme M. de Voltaire feint de le penfer , mais pour fervir dans le Temple ou dans le; Tabernacle. Chrtt.
4^S Petit
Conclusion.
Qu'avons-nous prétendu , Monfîeur ,. par toutes ces obfervations ? Humilier M. de Voltaire , & triompher iiifolemmenc d'un grand-homme ? Loin de nous de relies penfées. Attaqués , outragés dans- nos Patriarches , nos Rois , nos Prophètes, nos loix , nos mœurs , &C. nous avons cru qu'il nous étoit permis de nous dé- fendre , d'éclairer ceux à qui votre ftyle & vos faillies en impofent , ôc de les con- vaincre que , principalement quand il s'agit des Juifs , il faut examiner avant de vous croire ; que tout grand-homme , tout Philofophe que vous êtes , vous avez vos diffractions , vos préjugés & vos erreurs 'y que quelquefois vos citations font fautfes, vos traductions infidelles , vos alTertions hazardées, vos jugemens injuftes j en un mot, que jurer toujours fur votre parole , vous prendre pour un guide sûr de un oracle infaillible , comme font fait tant de Lecteurs crédules,, c'eft s'expofer évi- demment à ctre fouvent trompé.
Du relte , Monfieur , nous nous faifons ua devoir de le publier en riniiTant : cette multitude de méprifes, de contradictions, d'inconféquences , c>:c. que nous avons ïelevées dans vos Ecrits , cv tant d'autres
Commentaire. +i}
•qu'on pourrait y relever encore , ne di- minuent ni notre eftime pour vos qualités perfonnelles , ni notre admiration pour vos talens. Malgré l'amertume de votre Réponje , & les petites vivacités de notre Réplique , nos éloges n'en feront pas moins finceres, &c nos vœux pour vous moins ardens.
Nous le difons avec fatisfa&ion : de tous les Ecrivains de ce ilecle , nul n'a patu avec autant d'éclat dans la carrière. Jouiflez de votre gloire : régnez dans l'empire des Lettres par les talens , dans vos campagnes par les bienfaits. Que vos terres foient un afyle ouvert aux malheu- reux ( i ) ; appellez-y l'induftrie mécon- tente ( i ) ; encouragez la population j animez l'agriculture ( 3 ). Que par vos
( 1 ) Aux malheureux. Mademoifelle Cor- neille, les Calas , les Sirven , beaucoup d'autres. Aut.
(x) Induftric mécontente. Plusieurs Ouvriers de Genève recueillis & établis par M. de Vol- taire. Aut.
(3) L'agriculture. Voy. les Lettres de l'illuftre Ecrivain à M. l'Evêque d'Annecl , &c. On a re- proché à M. de Voltaire d'avoir trop vanté fes actions de bienfaifaace & de générofité. Ce reproche eft injufte : un grand homme qui a des ennemis , a droit de parler du bien qu'il fait. Heureux le fiecle où tous les riches feront du bien & le publieront ! Aut.
4îo Petit
foins ôc à vos frais , les Frégates Fran- çoifes voguent en liberté far le Lac (i) ; élevez des fiâmes à votre Roi , des Tem- ples à l'Eternel. Et puifque par un bon- heur , que peu d'Ecrivains ont eu , les glaces de l'âge n'ont point éteint en vous le feu du génie , confierez utilement &c glorieufement vos derniers travaux , à renverfer les pernicieux 6c infenfés fyf- têmes de vos Sophilîes (2) j & , méprifanc
(1) En liberté fur le Lac. La première frégate Françoife qu'on ait vu fur le Lac de Genève , ctoit faille pour dettes. M. de Voltaire a donné 30,000 liv. pour la délivrer. Voyez les Ep/ié- mérides du Citoyen. Aut.
( i ) Syftcmes de vos Sophiftes. Quoique M. de Voltaire, qui a réfuté le Système de la Nature ( Quelt. Encyclop. ) invite à le lire ( Qucfr. Encyclop. ) nous ne l'avons point lu , & nc.is nous en (avons gré. Des Chrériens très-inll ruits , nous alTurent , que c'eft un ou» vrage aufTi ennuyeux qu'abfurde , où l'Auteur égaie dan? les ténèbres de fa fauiTe métaphy- fique , eft fans celle en contradiction avec lui- même. Et cet ouvrage, desSavans l'ont prôné, des hommes de tout état l'ont dévoré , des femmes l'ont lu i O France ! quel fitcle & quel goût 1 Aut.
L'engouement du public a été court. Cet ou- vrage , dit très bien M. de Voltaire , eft tombé de lui-même y preuve évidente , que fon fucecs éphémère étoic dû , moins à de prétendus
Commentaire. .431 leurs fecrets murmures , effacez malgré eux la cache honteufe qu'ils ont imprimée à la Philofophie. Etabliriez contre ces Ecrivains téméraires , l'exiftence d'ua Dieu , fa Juftice , fa Providence , Sec. vérités gravées dans tous les cœurs , chères à tous les Peuples, feul fondement folide des (1) Sociétés , que leur impru- dente & facrileçe audace s'efforce d'é- branler. Enfeignez aux Citoyens l'obéil- fance aux Loix , aux Législateurs l'hu-
charmes de ilyle, qu'à des intrigues de parti. II n'a donc pu déshonorer ni le fîecle ni la Nation : la honte n'a été que pour l'Auteur qui l'a pro- duit ,& pour le petit parti qui l'a foutenu. Parmi ce petit troupeau mêm-e > aucun ne l'avoue , tous tn rougiifent : Pufille grex ! Chret.
(1 ) Seul fondement folide des Sociétés. C'étoit fur ce fondement , que l'Orateur Romain éta- bliiïbit fa République & fes loix. » Que nos >■> Citoyens , dit-il , commencent donc par croire «fermement qu'il y a des Dieux , maures de '3 tout , & qui gouvernent tour... dont les re- « gards découvrent ce que chacun eft , ce que « chacun fait , &c. Sic igitur jam hoc à prin- y> cipio pe/fuafurn civibus , dominos effe omnium ■» rcrum & moderatores Deos... &qua/is quifque » fit , qu'td agat , quid in fe admittat , intueri. » Ainli penfoient les Socrate , les Platon , les » Zaleucus, tous les Légiflateurs de l'antiquité. 5» Quelle différence entre ces Grands Hommes » & nos petits Encélades « 1 Aut.
43 2- Petit Commentaire. manité , aux Souverains une tolérance fage. Mais , en la prêchant , n'en excluez point des hommes , adorateurs , comme vous , d'un feul Dieu , vos frères par la nature , vos pères dans la foi ; un peuple <ligne de pitié par fes malheurs , ôc , fi nous l'ofons dire , de refpect. par fon an- tiquité , fa Religion & {qs loix.
Nous fommes Se ferons toujours avec la plus haute eûime ik le plus profond refpecl; ,
Monlîeur ,
Vos très-humbles ôc très- obéifTans ferviteurs , Joseph Ben Jonathan, Aaron MathataÏ. David Wincker.
Des environs d'Utrecht , le i Novembre 177I. F l N.
43>
TABLE
DES MATIERES
Contenues dans ce Volume.
QUATRIEME PARTIE.
Considération sur la Législation Mosaïque.
Lettre Première. JLoix Mofàlquesl religieufes & morales , comparées à celles des autres peuples anciens. Page I
§. I. Loix Juives 3 religieufes & morales.
3
§. II. Comparai/on de ces loix avec celles
des anciens peuples. C
Lettre IL Des loix politiques de Moyfe.
10 §. I. Plan de Gouvernement tracé par
Moyfe. lbid.
§. IL Solidité de ce gouvernement. 1 5 §. III. Précautions prifes pour maintenir
l'union entre les Tribus. 1 5
§. IV. Combien ce Gouvernement dcvoit
être cher au peuple. \%
§. V. Vues de Moyfe fur les Hébreux* Xomc UL I
^54 TABLE
Qu'il n'en voulut point faire un peu- ple conquérant. Frontières du pays : fagejje dans la fixation de jes limites.
il
§. VI. Sageffe de ces loix dans le partage des terres : propriétés ajfurées : à quelle condition ces fonds font donnés. 14
§. VII. Inaliénabilité des terres. Sagejjs de cette loi.Heureux effets politiques de la. réunion de cette loi avec la précédente. 1 7
§. VIII. Loi de Vannée jubilaire '.fagejfe & utilité politique de cette loi. 19
§. IX. Vues de Moyfc fur les vraies ri- chejfes des Nations , fur le commerce 9 fur les Arts , fur l'agriculture & la po- pulation. 3 $
Lettre III. Des Loix militaires. 5 S
§. I. Sageffe & douceur des loix militaires envers le Citoyen. ibid.
,§. II. Loix militaires des Juifs concernant les ennemis. Ordres de demander des réparations avant de déclarer la guer- re j défenfe défaire des ravages inutiles.
45 §. III. Traitement des Filles affiégées.
44
§. IV. Traitement des Prifonnieres de
guerre. 47
§. V. Droit de la guerre plus doux che%
les Hébreux que che\ tous Us autres
peuples anciens. 50
DES MATIERES. 455
§. VI. FauJJe imputation du célèbre Ecri- vain ré;utée. 5 3
Lettre IV. Loix civiles de Moyfe, com- parées aux Loix parallèles des anciens peuples Loix tendantes à affurer la vie des Heureux. 54
§. I. Idée qu'il donne de l'homicide, ibici
§, II. Loix contre l'homicide de dejjcin prémédité. Sage févénté de ces loix,
§. III. Loix fur l'homicide involontaire. iSageJfe de ces loix. 59
§. IV. Loix Jur l'homicide dont l'Auteur eft inconnu. 61
§. V. Loix contre ceux qui > fans tuer eux- mêmes y caufent la. mon de quelqu'un par négligence. 6$
§. VI. Vie des enfans & des femmes apu- rée : autorité des percs & des maris ref treinte. 66
§. VU. Loix contre les violences , injures at, oces y ou mauvais traitemens. 7 1
§. VIII. Loix contre les avortemens, 73
Lettre V. Loix civiles de Moyfe : fuite. Loix qui avoient pour objet de conferver la fanté des Hébreux. j6
§. 1. Que la diflinclion des animaux purs & impurs étoit fondée en partie Jur des vues de régime & de fan té. 7&
§. II. Défenfe de manger des graiffes. So
Tij
43<? TABLE
§ \\\. Dêfenfe de manger du fang. S|
§. IV. Défenfe de manger des bêtes fuffo- quées , mortes de maladie j ou déchirées par d'autres bctes. 87
§. V. De la lèpre '.précautions prifes pour en empêcher la communication. 89
§. VI. De la lèpre des ma'fons. 94
§. Vil. De la lèpre des vczcmens. y6
§. VIII. Autre maladie '.précautions prifes pour en arrêter les progrès.. 97
§. IX. Loix concernant les cadavres : uti- lité de ces loix. 99
§. *X. Propreté, utile a la fantéj recomman* dée aux Hébreux* 10 j
§. XI. Delaffemens ordonnés : aaieté en- tfetenue parmi Us Ifraéltiest 106
Lettre VI. Lob: civiles : fuite. Loix tendantes a procurer aux Hébreux l'a- bondance. Soins & dijpofition concer- nant l' agriculture. 1 1 j
§. I. Préférence donnée par Moyfe à l'a- griculture. Il en infpin le goût à fon peuple. 1 14
§. II. Difiribution des terres , favoral\e à l agriculture. \ 1 $
§. III, Stabilité des propriétés. Ses avan- tages pour l'agriculture. 1 1 7
§. IV. Année Sabbatique. Repos des terres.
111
§. V. Difpofuion remarquable de la loi de l'année Sabbatique. 1 1 ,
DES MATIERES. 437
§. Vis De la loi qui défend de mettre dans un même champ différentes fortes de grains. 117
§. VII. Soin des arbres & arbujïes frui- tiers. Loix fur leur confervation & plan- tation. 1 3,0
§. VIII. Soin des bejliaux. Réglemens jur ce fujet. 135
Lettre VII. Loix civiles : fuite. Autres biens que le Légiflateur affure à fon peuple. Loix contre le vol , la fraude , les dégâts , &c. 14Z
§. I. Du vol d'homme , ou plagiat, ibki.
§. II. Vol des fonds } ou déplacement des bornes. 144
§. III. Du vol d'effets mobiliers. Du vol noclurne. Peines de ce vol & des autres.
146
§. IV. Faux poids & ftuffes mefures.
149 §. V. Dépôt volé. 1 5 1
§. VI. Chofes trouvées. Obligation deles rendre. i 54
§. VIII. Des dommages caufés aux bef- tiaux d* autrui , è. fcs bêtes de charge , &c. par ceux à qui ils font confiés. Ré- paration ordonnée. 158
§. IX. Dommages caufés par d 'autres pcr- fonnes. Obligation de les réparer. 1 60
J. X. Des fraudes & injujlices cachées \
'43^ TABLE
motif preffant de les éviter. EfpéranCû & moyen d'en obtenir le pardon. 161 Lettre VIII. Loix civiles \Juite. Loix tendantes à procurer au peuple Hébreu une population nombreuse. Des maria» ges, & des dé/ordres , qui nuifent à leur fécondité'. 1 67
§. 1. Objlacles à la population. Moyft les avoit levés. Mifere & luxe , pre- miers objlacles. Meurtres , maladies , en fans expo f es , ou facrifiés ; autres objlacles. i68
§. II. Autres objlacles : multiplication des Eunuques : Efclavage : Guerres. Moyfe y obvie. 171
§. III. Etrangers exclus de divers Etats : accueillis dans l'Etat Hébreu : moyen a" augmenter la population , & d'en ré- parer les pertes. 1 74 §. IV. Des mariages : faciles che^ les Hébreux : encouragés par les principes religieux du Légijlatcur. 1 7 8" §. V. Idées du Légijlateur & du peuple Hébreu fur la fécondité. Sources de ces idées : Religion : vie agricole : Tables généalogiques. 1 8 1 §. VI. De la Poly garnie '.rejtriclions utiles J
à la population. 1 S 4
§. VIL D:\iJ10ns prévenues. Droits des
femmes , rédés. l S j
i
DES MATIERES. 439
§. VIII. Autre forte de divijïons préve- nues. Dérangement des femmes , W plaintes injufies des maris,punis par la. loi : foupcons calmés : épreuve des eauX ameres. 19 1
§. IX. Du divorce : divorce permis : pour- quoi & comment. 199 Lettre IX. Loix civiles : fuite. Loix con- cernant les délits contraires à l'honnê- teté i au bonheur , & à la fécondité des mariages. Peines prononcées contre ces délits. Sages réglemens pour les pré- venir. 209 §. I. Adultère. 210 %.\\.Viol. 213 §. III. Séduction. 2 1 6 §. IV. Projlitution. 217 §. V. Défordres contre nature» 210 §. VI. Occafions d'impudicité prévenues : bois facrés 3 & déguifemens du fexe défendus : modejîie recommandée. 225 §. VII. Mariages défendus aux Jfraelites avec les Cananéens. Raifons de ces dé- fenjes. 228 §. VIII. Mariages défendus aux Hébreux entre proches parens. Pourquoi ? De- grés ou ces mariages leur étoient in- tredits. 229 J-ettre X. Loix civiles : fuite. Loix con*
44« TABLE
cernant le gouvernement Intérieur des
familles. 242
§. I. Droits & devoirs des pères & mères.
*45
'§. II. Droits & devoirs des en fans. 1 4 S
§. III. Droits & devoirs des Maures en- vers leurs Efclaves. 2 5 ;
Lettre XI. Loix civiles : fuite. Loix tendantes à infpirer aux Hébreux l'hu- manité j la douceur & la bienfaifance*
26 I ï. Sentimens de haine & de vengeance interdits aux Hébreux. Oubli des inju- res : obligation de s'aimer & de fe ren- dre mutuellement fervice. ibid.
§. 11. Refpecl pour les Vieillards. 16$
§. III. Egards pour les Sourds & les Aveu- gles. 1 6 5
§. IV. Bonté envers les Voyageurs, ibid.
§. V. Bonté envers les Débiteurs : prêt gratuit. Droits & devoirs des Créan- ciers. 166
§. VI. Bienfalfance & générof té envers les pauvres , les veuves j les orphelins & les étrangers. ij6
§. VII. Modération dans /es peines infli- gées aux coupables. 280
§. VI II. Douceur ordonnée même envers Us animaux, i$i
DES MATIERES. 441 Lettre XII. Loix civiles des Juifs 3 com- parées à celles de quelques peuples mo- dernes. 285 Lettre XIII. Réflexions fur l'objet* l'an* cïenneté , la durée ^ &c. de la légfla- tion Mofaïque, 3 0 r Petit Commentaire extrait d'un plus grand j à Cufage de M. Voltaire. & de ceux qui lifent fas Œuvres. Suite*.
- M*
XVIIe. Extrait. De Salomon : fon élé- vation au trône : mort de fon frère * étendue defes Etats. 3. 1 3
^. 1. Elévation de Salomon au trône.
315 §. 1. Mort a" A do nias. 319
§. 3. Etendue des Etats de Salomon. 32Z
XVIIIe. Extrait. De Salomon : fuite.
Si le Livre des Proverbes ejl de ce
Prince. 319
§. ï. Si le Livre des Proverbes ejl un écrit
indigne de Salomon. 330
§. 2. Si le Livre des Proverbes fut corn'
pofé dans Alexandrie. 357
XIXe. Extrait. De Salomon: fuite. M.
de Voltaire le vante: en quoi ? 347 §. 1. Luxe de Salomon loué par M. de
Voltaire. 345
§. 2. Salomon propofé pour modèle aux
Souverains : en quoi .<* 34.S
jtfi TABLE
XXe. Extrait. De Salomon: fuite. Cal- culs de fes richejjes j dejes chevaux , &c. 350
§. 1. Des richeffes laiffées par David à Salomon. 351
§. 2. Des chevaux de Salomon. 360
§. 3 . Des richeffes quapportoit à Salo- mon fa flotte d'Ophir. 369
XXIe. Extrait. Du Livre de la Sagtffe, De quelques méprifes de l'habile Criti- que ; & de quelque chofe de plus que des méprifes. ^ 373
§. 1. De l'Auteur du Livre de la Sa- gefje : ce Livre attribué 3 par le fa- yant Critique , à Philon de Biblos,
§. 2. Idée bigarre du J avant Critique: il fait le Pentateuque pojicrieur au Livre de la fagejfe. 376
$.3. Raifons alléguées par le Critique , vour prouver que le Pentateuque ejî pojicrieur au Livre de la Sagefje. 377
XXIIe. Extrait. Obfervations mzlécs* Méprifes & dif raclions du J avant Au- teur , fur divers objets. 3 S $■
§. 1. Livres de Jofué , &c. mis dans le Pentateuque. 3S4
§. z. Chérubins de Salomon pofés dans l'Arche y & vus par les Romains.
3*5
DES MATIERES. 443
§. 3. Des Livres 3 qui , félon le [avant Critique , font la feule Loi des Juifs.
§. 4. Zoi du Lévirat : beau- frère déchauffé ' : foulier jette à la tête. 396
§. 5. Prétendue contradiction entre nos Loix. $cj$
§. 6- Si , c^d^ /c\î J^i/i , c'étoit la coutu- me d'époufer fa fœur. 395
§. 7. De Bcnadab , & é/éj cfcû.v femmes? de Samarie. 3 9 S*
XXIIIe. Extrait. De quelques Scien- ces & Arts : fuite. De la Logique ; ou de quelques raifonnemens de Al. de Vol- taire. 404
§. 1. Des Livres des Juifs. Raifonnemens du f avant Critique 3 fur leur infpiration.
405
§. 1. De quelques Réfurrcftions particu-* itères j rapportées dans les Livres fa- crés des Juifs. 407
§. 3 . Intelligence dans les bêtes , prouvée par l'expreffwn , leur fang retombera fur eux. 4 r 1
§. 4. Singulière façon de prouver qu'on nécrivoit quejur la pierre , du temps de Mo)fe. 4 1 z
§. 5. De Ninus , fondateur de Ninivt , & du Grand-Prêtre Jaddus : comment Iç
444 TABLE DES MATIERES.
[avant Critique prouve que ni l'un ni C autre nexiflerent. 414
§. 6. Beaux raifonnemens fur la Tour de Babel. 41 £
§, 7. Sur Vétymologie du mot Babel.
417 §. 8. Sur les mots de Pythonijfe & Python,
419
XXIVe. Extrait. Petits menfonges d'un
grand Ecrivain. 414
Note des Editeurs* 425.
f iii de la Table du troifieme & derniex Volume,
S
G78 port'
1776
1.3
BM |648
G78 1776 t. 3
Guénée, Antoine
Lettres de quelques juifs portugais
PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY
BM 648 G78 1776 t. 3
Guénée, Antoine
Lettres de quelques juifs portugais
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■ i i » p 3 |
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