9 II à un sur Phi s ticulierî/ête Noufâle menquain , 'le , générale & par- Buffon. wj^{é§!mç j*t jfdrrîgée à haiTsboiiro" : Et fe trouve à Paris chez Duôhesne, Libraire , rue S. Jacques. I. 7- 5- 6. Sur l'Histoire naturelle générale et particu- lière de monsieur ^Buffon. ous attendez avec impatience, mon- sieur, l'histoire du cabinet du roi ; vous comptiez y voir un catalogue raisonné de tou- tes les richesses que la nature était avec profusion dans tout l'univers. Ce cabinet est effectivement une histoire naturelle de votre goût. Vous n'en aurez pas la description, parce qu'elle ne paroît point en- core : on n'en a que la Préface en 3- volumes in-4*. & cette préface consent les songes philosophi- ques /* Partie. a % eues de m<. de Buffon , aiaque* lv d'Aubenton a ajoute quelques pièces anatomiques pour complé- tée le troisième volume. . M', de Buffon n'est pas dans le cas de ces auteurs dont vous me parliez dans votre dernière lettre. , Ces gcBS-là , me disiez-vous, .sentent fort bien, que la raison j. conduit à la religion f ret-n- .ne;c'eft pour cela quUsseffor „ cent d'ébranler tous les fonde- » mens du raisonnement humain, „ dans l'espérance que l'homme „ cessant d'en faire usage ne trou- vera plus devoyequilemeneala .religion. On ne peut prêter les mêmes vues à m^. de Buffon puisqu'il faithautement profession de recorinoître la divinité des U| vtesdeMoyse. Mais on ne peut nier qu'il ne travaille ouverte- mentà anéantir tous les pnnapes des sciences, aussi bien que les auteurs dont vous me parliez ; mê- , me mépris pour les modernes- les plus acredités , même zèle pour le rétablissement de l'ancienne phi- losophie 5 même goût pour le pa- radoxe et pour l'obscurité. Il n'a certainement pas senti toutes les conséquences que les incrédules , ou,commeilss'appellent,lesincon- va?ncus9pourroient tiret de fon ou- vrage. Comme ils professent ex- térieurement le christianisme , les plus sages d'entre eux parlent avec reserve de la révélation- : ils- ont , dis- sent-ils 5 la foi du charbonnier. A. la faveur de cet aveu 9 ils répandent ce qu'ils appellent leurs doutes avec toute la confiance imagina- ble, et croyent même pouvoir con- tredire impunément la révélation > et comme il n'arrive que trop sou- vent que mr. de Buffon la contredit aussi assez ouvertement f ils juge- relent a 5 ront de lui par leurs dispositions $ecrettes,ilslerevendiquerontmal- gré nous : nous aurons beau dire qu'on doit croireunhonnête.hom- me sur sa parole, lorsqu'il expose «es sentimens; que s'il faut soncer les cœurs pour y démêler d'autres dispositions que celles que la lan- gue exprime, il n'y a plus de con- fiance dans la société. M' de Buffonneserok.il pas aus- si choqué que moi de leurs préju- *éssur ce point? llserok bien au- trement offensé.s'il s çavoit que te materialistesregardentsonenorme préface comme l'anti-pobgnac et comme le rétablissement del'epi- curisme. Ils ont tort assurément : n^deBuffondonnedetres-bon- nes preuves de la distinction de la- meetducorps,& ceci décide con- tre leurs soupçons. Mais, disent- ils,sans ces dehors du christianisme on n'auroit pu obtenir la permis- sion d'imprimer. Cette raison n'est pas trop recevable 5 m*, de Buffofr ne me paroît pas homme à garder tant de mesures, il y va honne- ment,on voit bien quil s'est cru au dessus de toute censure. SU a voit craint de ce côré«là , il auroit assu- rément supprimé bien des choses. On ne peut néanmoins se dissimu- ler que ces mrs. les inconvaincus n'aient quelques raisons de le pré- coniser comme un des leurs. Dans son ouvrage tout s'opère fortuitement , les animaux même se composent d'élemens qu'il ap- pelle vi vans, et également propres à entrer dans la construction des animaux et des végétaux. Il est vrai qu'il met l'efficace de l'attrac- tion à la place du hazard d'Epicure? mais les matérialistes ne trouvent pas mauvais qu'il ait apporté cette modification au système de leur maître* <«4 maître. La merveille de la natu- re dans son sistême, c'est qu'on ne voye pas de grands animaux sortir d'une motte de terre, ou du bou- ton d'un arbre fruitier. Pour les insectes, rien n'est moins rare que leur formation fortuite. Et quant aurestedel'univers,laconstruction en est si simple , qu'on dirott qu'il n'est point nécessaire que Dieu y intervienne. Une cornette heur- te contre le Soleil, en enlevé la écomc. partie, et tout est fait, mê- me d'ici aux étoiles 5 car il n'est gueres probable qu'une éclaboussure de cette espèce, n'ait pas poussé de tous côtés des jets de la matière du soleil que l'auteur dit être dans la plus grande fusion > et je ne sça? pourquoi, ni par quelle modeste retenue il n'a pas voulu rapporter la formation des étoiles, aussi- bien que celle des planètes , au choc de sa cerné*. Enfin tandis que d'au- très au- f res auteurs sçavent nous éle?er m créateur en nous amusant de l'his- toire d'un insecte, nv\ de Buffon nous le laisse à peine appercevoir en nous expliquant la fabrique de l'univers. On ne peut nier qu'on ne pren- ne naturellement ces funestes im- pressions en lisant le livre de mr. de Buffon, pour peu qu'on se laisse entraîner à la manière adroite et hardie dont L'auteur débite ses pa- radoxes assez- souvent, contradic- toires. Car il faut lui rendre justi- ce , Il écrit très-bien , & donne un air spécieux à: tout ce qu'il présen- te, et prend, quand il le faut, un ton d'entousiasme qui fait respec- ter tout ce qu'il propose, quelque incroiabîe qu'il soit 5 ce n'est point pédanterie chez lui , c'est un vrai ton décisif , qui ne permet ni d'e- xaminer , ni même de penser à exi- ger des a $ ger des preuves de ce qu'il avance. Il est à craindre que les matéria- listes ne prétendent encore tirer de grands avantages du peu de morale qoe nv. de Buffon débite, et sur- tout des caractères qu'il donne aux vérités que comprend la science des mœurs. Elles sont , à son avis,«en partie réelles,et en partie .arbitraires, elles n'ont pourob- „ jet & pour fin que des convenan- tes et des probabilités. L'evt- * dence mathématique , ajoute- nt-il , et la certitude physique sont de pareilles maximes? hîst. nat» de l'homme flattés , c'est la maniéré dont fau- teur nous représente le premier homme dans les premiers mo- ments de son existence $ il vient de je ne sçai où , peut-être de quelques élemens vivans , auxquels il aura plu de s'arranger de façon à cons- truire un corps humain, Adam ne s'occupe en aucune sorte dé son origine» Vous vous imagineriez mr. que dans ce premier instant , il auroit dû être étonné d'exister $ se demander à qui il devait le jour $ sentir liffipression efficace du créateur des mains duquel il venoit de sortir 5 remercier son auteur , l'admirer , l'aimer, l'adorer. Dans la narration de m', de Buffon rien de tout cela n'occupe Adam : son premier sentiment n'est, ni la joie d'exister, ni la reconnoissance d'a- voir été créé : il a peur y et dequoi î de tout ce qu'il voir. Et d'où lui Vient un sentiment si bas f je n'en syrien. Ce qu'on en peut cotv dure c'est que le premier homme pas celui dont nous parle Iccruu „ Celui-ci forme innocent et tate ne connoissoit point de pe- rih 5 l'immortalité dont il se sen- S revêru,lemettoita.dessusdes ft;eursdelamortetde,acaaenS cui peuvent la procurer. H se voyoit entouré des bienfaits de son créateur. L'aménité riante du paradis terrestre, loin de luunsp - rer de la terreur, l'eût ravi oadmi- ra«on,si celui qui le luiavoit pré- paré n'eût rempli son cœur. Les Limauxétoientdesdomesaques naturels, destinés à le servir et - l'amuser. Roi de la nature, quau- jets qui l'environnoient e dont il et la honte n'entrèrent che ta. queparlePéché. Mais c est a b. ble qui nous apprend ces vérités^', eî Ton peut reprocher à mT. de Buf- fon de les avoir perdues de vue : II fait le premier homme poltron , et voilà tout. Après ces premières frayeurs et un fort beau monologue , où il n'entre pas le moindre retour vers Dieu, l'homme de mr. de Buffon s'endort y de lassitude apparent ment. A. son réveil, ( on fait peut- être une allusion à celui de récriture) ; nouvelle peine % nouvelle frayeur y il voit une personne semblable à lui. Mais une autre passion suc- cède bientôt à la peur : la scène est digne d'un roman moderne , tant elle est bien assortie aux bonnes mœurs. Après tout cela , je ne vois pas qu'on doive erre surpris que les matérialistes prétendent avoir des droits sur la nouvelle his* toire naturelle. Que pouvons* nom nous répondre à ces m" ? un seul mot , mais qui dit tout ce me sem- ble, c'est qu'un honnête- homme est encore moins capable de se dé- guiser sur ce qui regarde la religion que sur toute autre chose ; que mr. de Buffon fait profession de croire la révélation , mais qu'il l'oublie souvent dans ses médita- tions physiques. C'est à quoi se réduit toute l'apologie que je puis faire en sa faveur , et c'est sui- vant toutes les apparences ce qu'il diroit lui-même pour sa justifica- tion: Je vous en dis trop , mr. et je m'apperçois trop tard qu'en voulant éteindre votre curiosité, je ne fais que l'irriter. Vous allez vous plaindre de çe que je ne vous envoie pas d'abord un livre si sin- gulier , & par- là même si amusant. Mais consolez vous ,1» amples ex- traits que je me propose de vous en faire,et que j'accompagnerai des réflexions réflexions qu'ils m'ont fait naître 9 vous dédommageront amplement. Ce sera la matière de plusieurs let- tres que je vous envoyerai à mesu- re que je trouverai dans nos porte des occasions pour votre isle. Si ce que je vous dirai du li vre vous prévient en sa faveur, je ne man- querai pas de vous le procurer au premier ordre de votre part» Je suis avec rattachement le plus tendre et le plus respe&ueux, Vo- tre y etc. €e 14, aoust 1749* % lettre Idée de la construction et de la caufe du mouvement des planettes selon m\ ^Buffon. e vaisseau par lequel je devols faire partir ma lettre précédente , n'étant pas prêt à met- tre à la voile, j'espère^ qae j'aurai le tems de remplir mes engagemeos en grande partie , avant qu'ils vous soient connus. Suivant toutes les apparences vous recevrez, mes deux lettres par la mê- me voye. Je ne vous développe point les principes de métaphysique de la nouvelle histoire naturelle, ils sont tels que les pyrrhoniens les donne- raient roient,s'il leur étoit permis d avoir de, principes. Je me propose de rassembler dans une lettre parti- culière tout ce que tuteur nous a donné de nouvelles maximes sur l,s sciences abstraites, et qa il a se- mé dans ses trois volumes. Je viens tout d'un coup à sa phynque le vrai objet de la grande prefacede l'histoire du cabinet du roi. , M. de Buffon débute par une ïn- tettogation très-sensée. «Toute .physique où l'on n'admet point Je système, n'est-elle pas 1 his- toire de la naturel vous n hé- siterez, pas m1, à en convenir. U pour prendre ce partie mais il f.mt Lvoir lû pour être en- droit de lw demander: siun livre tissu de syste- mes qui se détruisent mutuelle- ment est l'histoire de là nature C'estpositivementUudemand^rsi ces trois gros volumes répondent à leur titre > je ne vous laisserai pas long-tems en suspens mi cette question , vous trouverez abon- damment de quoi vous décider^ dans l'exposé raisonné que je vais vous faire de son troisième mé- moire. On sçait que mF. Newton expli- que le mouvement des pîarettes- par un mouvement d'impulsion ; lequel de sa nature porterait les as- tres sur des lignes droites, et d'un mouvement d'attraction , qti re- tient les planer r es dans leurs orbi- tes y en changeant continuellement la direction que la première impul- sion leur a donnée. M*. Newton ne dit point qu'elle est la cause de'cet- te impulsion 5 et il r/étoît pas né- cessaire qu'il la désignât. On est assez convaincu que Dieu a déter- miné très - librement le mouve- ment ffi*nt des pianettes , et mr. de Bufîon veut bien en convenir. , „ L'impulsion, dit-il,. ( qm con- toi. r , » u»F ' nlane^es dans »u „ court à retenir les Plane'.lC 33 leurs orbites ) a certainement l été communiquée aux astres en , mr la main de Dieu,lors- veneral , par ia ui* » \\L A^nni le branle a lu- ^ TZis selon lui ^eTesuffitpasàunpbysiaen otf sait l'histoire de la nature. Pourquoi? « Comme on dGi , fautlnt qu'on peu, en phoque „ Abstenir d'avoir recours aux » me parcît C c'est lui qui repond) oue dans le système solaire on I peut rendre raison de cette for- „ te d'impulsion. » Il est singulier qu'il paroisse à fauteur qu'on peut rendre raifon de la force d'impulsion des planet- tes , parce qu'autant qu'où peat en physique , il faut s'abîenlr de- voir recours aux causes qui sont hors de la nature* Mais voyons comment la cau- se première, étant mise à l'écart, les causes renfermées dans la na- ture vont faire mouvoir les pla- nettes. L'auteur l'explique d'a- bord fort modestement. 3» Ne *> peut-on pas imaginer avec quel- *> que sorte de vraisemblance qu'u- sa ne cornette tombant sur la sur- 1 » face du soleil, aura déplacé cet p » astre, et qu'elle en aura séparé 35 quelques petites parties 9 aux- » quelles elle aura communiqué » un mouvement d'impulsion » dans le même sens et far un même choc ; » ensorte que les planettes au- » roient autrefois apartenu au » corps du soleil , & qu'elles en » auraient été détachées par une » force impulsive commune à toutes, p qu'elles conservent encore au- » jourdhui. » .Cela me paroît au moins aus- , si probable que l'opinion de m . s,de Leibnkz,qui pretenc que .les planetteset la terre ont ete .des soleils, et je crois que son «système T"^' Ap Dans le tems que cette cornette heurta con- tre le soleil , et qu'elle en détacha une partie ; c'est ce que mr. de Buf- fon prétend comme vous venez de le voir. Mais est- il fondé dans ses prétentions ? car la partie dé- tachée étoit encore flambante et lumineuse, et elle le fut probable- ment un certain tems; elle nemé- ritoit donc pas le nom de ténèbres? Cette séparation ne peut donc être rapportée qu'au moment où les planettes s'éteignirent ? Mais est-il bien naturel d'appeller extinction d'un astre, la séparation de la lu- mière d'avec les ténèbres? Et d'ail- leurs c'est renvoyer bien loin le premier événement du monde se- lon le b z Ion le récit de l'écriture sainte. Car l'époque de l'extinction des planet- tes de la façon de mr. de Buffon , peut fort bien être reculée de plu- sieurs miliers d'années , après le choc terrible de la cornette. On pardonnera peut-être à mr. de Buffon, le peu de foin qu'il a de dé- brouiller fon système. Il pourroit même y avoir en cela plus d?art qu'on ne pense:mais tout le monde ne lui passera pas fon peu d'atten- tion à suivre le texte sacré dans les endroits de son ouvrage où il le ci- te. Il le contredit visiblement dans l'endroit que je viens d'extraire de son livre. Dans la genèse la lumiè- re fut séparée des ténèbres , le pre- mier jour de la création 5 le troisiè- me la terre fut séparée des eaux et revêtue d'herbes h et ce ne fut que le quatrième que le soleil et la lune fu- rent créés. Ainsi dans l'hiftoire de JVIoysQ Moyse, îa lumière fut créée et sépa- rée des ténèbres, ayant que le soleil fut produit ? et dans le syftême de mr. de Buffon , l'existence du soleil précède la séparation de la lumière d'avec les ténèbres. Selon le texte sacré , la terre fut créée et revêtue d'herbes avant la création du soleil, et la lune fut formée en même-tems que l'astre du jour. Selon mr. de Buffon , le soleil est le premier en datte : la terre , la lune et les au- tres planettes n'en sont que des portions détachées par violence* Comment pourroit-on s'y prendre pour contredire plus ouvertement Histoire de la création? Vous me demanderez sans doufe,mr. par le- quel motifrauteurasi peu ménagé récriture sainte qu'il se fait hon- neur de révérer ï Il n'est pas trop facile de vous répondre pofîtivement. Ce ne sont sont pas sûrement les preuves sur lesquelles il bâtit son système 5 car quel genre de preuves peut-on rai- sonnablement oppoier à la révéla- tion dont Dieu même eft l'auteur , comme il Tesr de tout ce qui est physique? Et d'ailleurs quelles sont ces preuves ? Vous allez juger vous- même , mr. si elles ont d'autre mé- rite que celui de la singularité* Voici la première. 534» 3> Cette idée sur la cause du & mouvement d'impulsion des 35 planettes , paroîtra moins hazar- 3> dée , lorsqu'on rassemblera tou- tes les analogies qui y ont rap- » port, et qu'on voudra se donner si la peine d'en estimer les proba- » bilités. La première est cette d> direction commune de leurs » mouvemens d'impulsion qui fait 53 que les six planettes vont toutes » d'occident en orient. Il y a déjà » 6 4 à parier contre i qu'elles n*au* ^ roieot pas eu ce même mouve- & ment dans le même sens , si la » même cause ne Ta voit pas pro- » doit , ce qu'il eft aisé de prouver par la doctrine des hazards. » La première réflexion que fait naître cette curieuse analogie,, c'est que la doctrine des hazards est em- ployée fort à propos quand il s'a- git d'expliquer la formation du monde : Epicure eut-il parlé autre- ment? Mais venons au fond. Ii y a cer- tainement bien plus de 6% à parier contre i que le mouvement des pla- nettes en même sens , vient d'une même cause , mais combien y a-t-iî à parier contre i qu'un corps sphé- riqueet énorme tel qu'une cornette dirigée par un mouvement violent contre un autre plus grand et d'une matière embrasée, dont les parties étant h 4 • étant dans la fusion la plus complet- te, sont vivement agitées, sont poussées violemment du centre à la circonférence, et ramenées de la cir- conférence au centreront capables delà plus forteexplosion^combien, dis- je j y a-t-ii à parier que ce corps sphérique écartera par des chocs successifs en divers jets et vers dif- ferens côtés,le fluide qu'il contrain- dra de céder , et qu'il ne fera pas prendre la même direction à toutes les parties du fluide? Ceseroità l'auteur qui est si versé dans la doc- trine des hazards , à balancer les avantages et les désavantages de ce pari, lequel renferme plus d'objets qu'il ne pense. Je vais tâcher de vous les présenter en gros. i°. La Cornette n'a pu entamer SI par un feul ccup. Je me fonde fer ta figure de la cornette et du soleil. Ce sont deux corps spheri^ues sphér iques ; or une sphère qui en atteint une autre, la choque d'a- bord par un point physique. Ain- si la première impression du choc de la cornette a été reçu par un point physyque A du soleil , cette partie cédant et s'applaiissant , a fait par- tir une colomne de verre fondu sui- vant la direction de la cornette : pre- mier jet. ( Appelions B la partie de la cornette qui a produit ce premier effet. ) Cette partie B aiant un peu pénétré dans le soleil ses voi- sines , celles qui font un anneau, et le premier anneau autour d elles y atteignent les parties correspon- dantes du soleil; chacune d'elles lance sa colomne. Le cercle sui- vant de la cornette se présente-, et les points dont il est composé lan- cent chacun un nouveau jet, Et ainsi de suite, jusqu'à ce qu un grand cercle de la cornette se présente à son tour. Ce peu de détail suffit pour if pour prouver physiquement que h cornette adûpoussernon unseuljet d'un seul coup , mais divers ordres de jets par des percussions successi- ves, et c'est une des parties du pari dont il s'agit d'évaluer le risque. 20. 11 faut sçavoir si ces jets poussés successivement , ont dû prendre des directions différentes. de Buffon ne peut tirer de la doctrine des hazards la solution de cette partie du problême : il faut qu'il étudie celle des ricochets que les enfans font en se jouant, sur la rivière, ou si cette étude est au-des- sous de la gravité d'un grand phi- losophe , je lui proposerai une ex- périence plus scientifique. Qu'il se donne la peine de faire diriger un comminge obliquement vers une cascade, ou vers le lit d'une ri- vière , il se convaincra bientôt que la bombe lancera le liquide , et li Je distribuera en même tems en nné infinité de goûtes , lesquelles sui- vront une infinité de routes diffé- rentes. Je lui présenterai encore une autre vue , s'il me permet de substituer une supposition à la si- enne. Au lieu d'un corps sphéri- que , supposons qu'un plan circu- laire et incapable de plier , heurte contre le soleil. Nous concevons aisément qu'il chassera la matière de l'astre par un seul coup9 et en un seul jet ? et si! pénétre tout entier dans le soleil , il en chassera un jet à peu près cylindrique. Or je de- mande si le choc d'an corps sphe- rique doit produire le même effet s si tous les points de la demie sphè- re donneront aux jets de liquide qulls pousseront respectivement des directions paralleies^eomme fe- raient tous les points du plan cir- culaire. if« Est iï i 3*. Est-il bien constant que la cornette pousseroit une partie du li- quide hors du soleil 5 Pourquoi ne contrain droit- elle pas celle qu'elle rencontre, à passer derrière elle, comme fait tout corps que Ton i, voi. pousse dans l'eau. Mr. de Buffon F* ï35' convient lui-même , que si les co- rnettes « tombent à plomb ou » même dans une direction qui ne » soit pas fort oblique , elles de- meureront dans le soleil et ser- ^ viront d'aliment au feu qui con- *> sume cet astre. Et le mouve- 35 ment d'impulsion qu'elles au- -» ront perdu et communiqué au ^ soleil ne produira d'autre effet 3> que celui de le déplacer plus ou » moins selon que la masse de la cornet re sera plus ou moins con- ^ sidérable. » Dans ce cas là mr. de Buffon suppose évidemment que la cornette tombant à plomb dans le soleil , chasseroit derrière elle la ma* îa matière liquide qu'elle pousse^ roit. Conséquemment il doit avouer que cette matière fluide est susceptible dïm degré de vites- se suffisant pour céder ausstpromp- tement que l'exige le mouvement de la cornette. Pourquoi ne céde- rait-elle donc pas de la même ma- nierejorsque la chute de la cornette se fait dans une direction fort obli- que ? Est-ce que dans ce cas elle a perdu la facilité de se mouvoir pour refluer derrière la cornette ? Est-ce que la cornette a plus de for- ce dans le choq oblique ? On ne peut dire ni l'un ni l'autre*. De quel principe part donc mr. de Buf- fon , lorsqu'il prononce que : « Si 3d la chute de la cornette se tait dans une direction fort oblique y ce qui doit arriver plus souvent de » cette façon que de l'autre , » (Quand cela est-il arrivé ? ) « alors la 5 cornette ne fera que raser la surfa- 33 ce du. i ce du soleil , ou la sillonner à une * Pet^e profondeur » ( Voilà bien le ricochet)* er dans ce cas elle pour- 20 ra en sordr er en chasser quelques * parties de madère auxquelles elle *> communiquera un mouvement * commun d'impulsion, et ces par- * ties poussées hors du corps du so- *> leil,erlacomerteelle même,pour * xont devenir alors des planettes » qui tourneront autour de cet astre » dans le même sens et dans le mê- » me plan. »» Voilà par parenthèse non- feulement ce qui n'arrive pas 9 mais ce qui ne peut jamais arriver. Tout ce que je viens de vous dire, mr. demande quelque attenrion : mais pour peu que vous vous don- nas la peine d y réfléchir , vous se- rez con vaincu , comme je l'espère 0 qu'il est impossible physiquement parlant , que la cornette air donné une dixe&ion en même sens à la partie partie qu'elle aura détachée du soleil Si mr. de Buffon veut que ce soit un miracle , il n'y a rien à répliquer. Ces réflexions seront encore for- tifiées par des considérations déci- sives, qui viendront dans la suite : mais je n'imagine pas que vous exi- giez d'autres observations pour vous décider. Vous coneluerez in- failliblement de celles que j'ai faites que si la cornette a attaqué oblique- ment par son hémisphère orientât la partie occidentale du soleil , elle aura poussé des jets vers l'occident, vers le midi, vers le septentrion, ver& tous les points intermédiaires $ et qu'en considérant le total de tous ces jets ils formeront une gerbe en mi» cône, dont tons les jets seront divergens. Si au contraire , comme on i'infere des raisonnemens de m*, de Buffon,la cornette attaque le so- leil par l'hémisphère total qu'el ! e lui préfentoit présentoir 3 la gerbe entière qu'elle aura lancée, aura une superficie co- nique entiere,et il y aura des rayons divergens vers toute la plage orien- tale du soleih Voilà donc le premier degré de probabilité enlevé au système de mf. de Buffon. Il est prouvé que la partie poussée hors du soleil , n'a pu 1 être dans le même sens, Mais de plus, le second dégré de probabilité est totalement détruit par îes mêmes réflexions que nous avons faites sur le premier 5 ce- pendant ce second degré de pro- babilité est tout autrement impor- tant. La faveur du pari n'est plus comme de 6^ à 1 . 9 c'est positive- ment 7692 624, contre 1 :et qui peut résister à une si grande probabili- té ? L'auteur tire ce beau dégré de probabilité de ce que l'inclinai- son des orbites des planettes n'ex. cède cède pas 7 degrés ±. 3> En coîîî- » parant les espaces , dit-il 5 on * trouve qu'il y a 2.^ contre 1 pour o? que deux planettes se trouvent 33 dans des plans plus éloignés , et par conséquent 124 élevé à la 5m* 33 puissance ou 7692. 624 à parier 33 contre 1 , que ce n'est pas par ha- » zard qu'elles se trouvent toutes six » ainsi placées et renfermées dans ^ l'espace de 7 dégrés et demi.... on 33 peut donc conclure , poursuit- il > 33 avec une très-grande vraisemblan- 33 ce que les planettes ont reçu leur 33 mouvement d'impulsion par un » seul coup. Cette probabilité qui » équivaut presque à une cerritu- » de, ( on s'en contentercit effèc*' 33 tivement, ou l'on seroit bien dé- 33 licat , ) étant acquise f je cher- 33 che quel corps en mouvement 33 a pu faire ce choc et produire 33 cet effet, et je ne vois que les » cornettes capables de communia -4^ 3r qner un aussi grand mouvement » à d'aussi vastes corps. » Je ne sçai s! la pièce de m*. Da- niel Bernoulli qui partagea le prix de l'académie royale des sciences en 173^, où Ton trouve un calcul semblable , auroit donné à mr. de Buffon ridée du nen. Mais quoi qu'il en soir, il y a à parier non 7 69 2 62^ contre 1 , mais Y éternité contre rien , que ce n'est point par hazard que les orbites des pla- nettes ont les inclinaisons que nous leur connoissons. D'ailleurs tout ce que nous avons acquis de con- noissances physiques , sont autant de chimères si l'on soutient avec Mr, de Birffon qu^un corps solide et sphériqoe communique un mouve- ment d'impulsion par un seul coup à un globe liquide-, et pousse des jets du liquide dans des directions parallèles. Mais puisque les paris font sont du goût de Mr. de Buffon7 ne pourrions- nous pas lui en pro- poser un ? Que veut-il bazarder contre quelqu'un qui oseroit pa- rier qu'une cornette qui trouverait le soleil dans son chemin, qui en détacheroit 6 globes , donnerait à ces nouveaux corps des directions suivant des angles plus grands que y d. Il serait bon qu'on lui fît un pareil défi > il comprendrait que, quelque avantage qu'il y ait à parier , ce n'est point par ha- zard que les planeties se trouvent renferme'es dans l'espace de 7 d. {. il ne peut s'en servir pour prou- ver que les orbites des planer: es se- raient nécessairement disposées comme elles le sont dans la sup- position qu'elles eussent été lan- cées par le choc d'une cornette. Mr. de Buffon veut encore don- ner de la probabilité à son système par par les dégrés de densité des pla* nettes. On ne sçait trop com- ment : il s'enveloppe ici un peu 5 cependant on entrevoit qu'il ne Ta imaginée que pour s'autoriser à donner à sa cornette une densité telle qu'on la juge très- capable de produire dans le soleil tout le ra- vage qu'il veut qu'elle y fasse, Pour nous mener là insensible- ment, il dit d'après Newton que toutes les planettes avec les satelli- tes sont un peu moins que la 6 50e partie de la masse du soleil. Voiià donc au juste le tort que la cornette a fait au soleil. Sur 6 50 s. voi. parties % elle lui en a enlevé une» Comme on est étonné que tous ces vastes corps pris ensemble soient peu de chose en comparais- son du soleil , il nous dit que la densité des grosses planettes , Satur- ne et Jupiter > est moiadre que celle du du soleil 5 et que si la terre est qua- tre fois , et la lune cinq fois plus dense que le soleil , elles ne sont cependant que des atomes en com- paraison de la masse de cet astre, » On croit, ajoute- t-il , que p. 137* » la densité des planettes est d'au- » tant moindre que les planettes » sont plus éloignées du soleil, et » qu'elles ont moins de chaleur à « supporter *, et en effet si la den- » site des planettes étoit , comme le » prétend Newton , proportion- » nelîe à la quantité de chaleur * qu'elles ont à supporter , mer* » cure seroit sept fois plus dense * que la terre, et vingt- huit fois 3» plus dense que le soleil. La » cornette de 1 680. ( voilà où il en *> vouloit venir pour se procurer & un troisième degré de probable a» lité,) seroit 28000 fois plus dense * que la terre, ou 1 12000 fois plus n dense que le soleil *, et en la sup- posant grosse comme la terre, i, elle contiendroit sous ce volume t> une quantité de matière égale à » peu près à la § partie de la masse *> du soleil d'où il est aisé de » conclure qu'une telle masse qui *> ne f iit qu'une petite cornette , s> po irroit séparer et pousser hors » du soleil une .900™* ou une 6 50^ ■ *> partie de sa masse, sur- tout si * Ton fait attention à l'immense *> vitesse acquise avec laquelle îes » cornettes se meuvent , lorsquel- » les passent dans le voisinage de cet astre, m N'êtes-vous pas bien satisfait, îïir. de tous les avantages que mx. de * Mr. de Buffon, p. 14 c. renonce à ce beau .Calcul : » Malgré la confiance que méritent les conjectures de Newton>( dit il ), je croîs as que la d ns.té des planettes a plus de rap- o> p ;rt avec leur vite.se qn'àvèc le dégré de $> chaleur qu'elles ont à supporter. » de Buffon tire de ses calculs >Un sys- tème peut-il être mieux étayé que le sien ? Il ne cite la cornette de 1680 que pour fixer son calcul 5 car il ne la soupçonne pas d'avoir au- trefois tiré les planettes du soleil. Elle ne s'approche du soleil qu'à la distance de 3 3200 lieues. C'est à proportion de cette distance qu'il évalue la densité de la cornette , et qxxil la suppose seulement 1 1 2000. fois plus dense que le soleil. Or dans cette prodigieuse densité elle étoit 2000. fols plus échauffée qu'un fer rouge. Jugez , je vous prie, de sa densité , lorsqu'elle fut refroidie , et lorsqu'elle fut parve- nue à une distance 400000000, fois plus grande que celle sur laquelle m*, de Buffon a évalué sa densité. Il n'est pas nécessaire que j'ob- serve que ces calculs de densité qui ne portent que sur une opinion , fussent-ils fossent-ils incontestables , ne réta- blirolent point les probabilités que j'ai détruites; & qu'alors je n'ai au- cun intérêt à les contester. Mais ce que je ne dois pas laisser passer , c est que le système de m1, de Buf- fon sur la densité des planettes ne s'accorde point avec celui de mr. Newton. Celui-ci veut que les planettes , ayent été faites avec la densité convenable au degré de cha- leur qu'elles avoient à essuyer à cause de leur proximité du soleil, îl n écarte point de l'esprit de ceux auxquels il explique l'harmonie du monde , l'idée du créateur : il les y ramené au -contraire , en faisant observer une précaution admira- ble dans le choix des matières dont les planettes sont composées. Mais le système de mr. de Buffon ne conduit point là. Les planet- tes selon lui, sont du verre fondu et allumé 5 si je puis m'exprimer ainsi amsi 5 le feu dont elles étoient pé- nétrées s'en est éteint peu à peu. Ce verre étant refroidi , devoit a« voir moins de volume à propor- tion qu'il Tétoit davantage, qu'il y restoit moins de chaleur 5 les pla- nettes devraient donc être plus denses dans le système de mr. de Buffon , à mesure qu'elles sont plus éloignées du soleil , puis- qu'elles ont moins de chaleur > et c'est un paradoxe insoutenable dans le système de l'auteur , que mercure foit 7*fois plus dense que la terre, et 28. fois au moins plus dense que saturne. Mr. de Buffon deyroit donc, puisqu'il suit si peu l'histoire naturelle , renoncer aussi à mr, Newton, Après avoir prouvé , comme vous voyez, mr, que le choc de la cornette contre le soleil étoit pro- portionné à l'effet quil veut lui faire /, partie çj faire produire , il cherche dans la conformité qu'il prétend trouver entre la densité des planettes et cel* le du soleil , un quatrième degré de probabilité. Il s'agit ici d'établir qu'il est très-probable que la ma- tière dont les planettes ont été for- mées , a été tirée du corps du soleil, puisqu'elle est à peu près de la mcl- me densité que celle du soleil. ï. voi. Voici comment il débute pour 13 ' prouver cette conformité, k Nous connoïssons 9 dit-îl 9 sur la sur- aï» face de la terre des matières 14. 35 ou 15 000. fois plus denses les u- ^ nés que les autres. Les densités s» de l'or et de l'air , sont à peu » près dans ce rapport 5 mais l'inté- ^ rieur de la terre , ( pour estimer au juste cette analogie , il faut ra- procher du texte cité , ce que ■dit l'auteur p. 70. ) » on sçait que *> ce volume et le corps des pla- nettes , #> nettes , sont composés de parties » plus similaires, et dont la densi- >m té comparée , varie beaucoup s» moins. Et la conformité de la » densité de la matière des planettes 5> et de la densité de la matière du so- » leil est telle que sur 6 5 a. parties. .. d> il y en a plus de £40. qui sont 3> presque de la même densité que 53 la matière du soleil5et qu'il n'y a ^ pas 10. parties sur les 650. qui ^ soyent d'une plus grande densité, 39 Car ( remarquez , s'il vous plaît , la force de ce car)» sampie et ju« 3> pirer sont à peu près "de même 33 densité que le soleil 5 & la quanti- 3> té de matière que ces deux pla- 33 nettes contiennent 9 est au moins. 33 64. fois plus grande que la quan- 3> tité de matière des 4. planettes » inférieures , mars, la terre 5 venus 33 et mercure. On doit donc dire 33 que la matière dont sont corn- * posées les planettes en général m £ X W est à peu près la même que celle du soleil , & que par conféquent » cette matière peut en avoir été ?3 séparée. » Ceci a grand besoin d'être expli- pliqué. Veut-il dire que la matière dont les planettes font formées a les trois dimensions 5 tout aussi bien que celle du soleil ? non 5 pour une vérité si commune , il n'auroit pas employé un si grand apareil de ^raisonnement. Supposerons-nous qu'il entend par la densité , la ma- nière dont les parties élémentaires sont situées les unes à l'égard des autres , la grandeur ou la petitesse des vuides qu'elles laissent entr'el- les ? non 5 nous le ferions tomber dans une autre sorte de ridicule. On peut imaginer un corps formé de globes d'or creux , lesquels n'au- roient de solidité qu'une surface sphérique d'or de l'épaisseur des la- mes nies dont notre fil de trait est cot> vert; on pourrait dire que ce glo- be est peu dense 3 qu'il le serait même beaucoup moins que l'air 9 si on supposoit un très- grand dia- mètre aux globes creux dont il fe- rait composé. Mais pourrait» on dire que la matière qui compofe- roit ce corps , ferait moins dense que celie de For ? Or nous ferions dire quelque chose d'approchant à l'auteur y si nous supposions qu'il raisonne ainsi. Les parties- élé- mentaires du soleil laissent entr'el- les dés vuides aussi grands que ceux que laissent les parties élémentai- res de saturne > ou du moins il s'en faut peu 5 donc les parties élémen- taires de saturne 9 peuvent a- voir été tirées du soleil. Je ne fe* rai jamais raisonner ainsi un hom- me du mérite de mr. de Buffon. Nous ne pouvons donc concevoir cette conformité de densité qu'il établit établit entra les planettes et le so- leil , qu'en pensant qu'il en com- pare les élemens. Mais ma délicatesse, quoique bien fondée en ce point, me jette dans un autre embarras. *> Il y a dit-il, » sur 650. parties moins de 10. » parties qui soyent d'une plus 3> grande densité que la matière du f soIeil- » D'abord , combien y en a-t-il de moins denses ? on n'en dit rien. Mais ces i o. parties plus denses , et ce que mr. de Buffon voudront nous accorder de parties moins denses que la matière du so- leil, d'où viennent- elles ? ce n'est certainement pas du soleil. Car s'il est prouvé que les 640. parties que l'on a suppofées d'une presque égale densité à celle de cet astre, peuvent en avoir été tirées précisé- ment à cause de cette égalité de densité i celles d'une plus grande densité, ■densité, ne peuvent donc pat h raison contraire en avoir été tirées. Ainsi notre terre étant 4. fois plus dense, il faut en conclure que ce qui quadruple sa densité , n'est point venu du soleil On en dira autant de la lune et de mercure, puisque la densité de la première 9 est à celle du soleil comme 5 . à ir et celle du z. comme ^4. à if En vérité je suis assés embarassé pour donner un sens au passage que je vous aï cité. Il me vient encore une vue qui me paroit en quelque sorte propre à jetter du jour sur la pensée de mr. de Buffon, Pour vous la bien développer , il faut que je prévienne ce qui! en- seigne dans la suite. Selon ses prin- cipes le torrent émané du soleil, é- toït composé dé parties de 7. ordres de densités différentes : et celles quiétoient du même ordre, se sont sont réunies pour former une planette particulière. Cet éclaircissement nous conduit à penser que l'auteur, dans le passage qui nous donne tant de peine , entend que le soleil est de même densité que le torrent 5 c'est- à-dire qu'il est fait du mélange de 7. matières diversement denses. 11 faut certainement que ce soit là son idée 5 mais peut-elle se soutenir ? 10. Supposé que ce soit là sa pensée , il faut convenir que son quatrième degré de probabilité, n'est appuyé que sur un raisonne- ment qu'on appelle dans l'école pétition de principe , le plus pito- yable des raisonnemens. Pour- quoi juge- 1- il que les pîanettes ont été tirées du soleil ? c'est que le soleil est composé de 6. ordres de parties diversement denses 5 & que chaque planette a en particulier un de ces ordres de densité. Et pourquoi juge-t-îi juge-t-il que le soleil a des parties de 6. ordres de densités différentes? c'est que chaque planette a en par- ticulier un de ces ordres de densité. 2?. D'où vient donc aux planet- tes un 7e. ordre de densité, ces io. parties sur 650. plus denses que n'est la matière du soleil ? Le rai- sonnement que je viens de faire re« vient donc encore. 30. Puisque saturne est à peu près de même densité que le soleil • saturne est donc fait du mélange des parties des 6. ordres de densité dont le soleil est composé > il n'est donc pas formé d'un ordre particu- lier de parties des plus légères r ain- si que le prétend mr. de Buffon. 4°. Mr. Newton veut deux cho- phiï. ses pour juger des densités de deux ™;.F9 planettes 5 qu'on compare les dia- ^ mètres et les pesanteurs des deux 37*«*-' corps, Il eut donc fallu que mr. de c 5 tîe Buffon eût réduit en un feui globe les 6. planettes 5 qu'il eût dé- terminé le diamètre de ce globe et sa pesanteur ; qu'il eût ensuite comparé le réfulrat de cette opéra- tion avec la densité du soleil déter- minée par les mêmes procédés. Or l a-t-il fait ? et par rapport au soleil, point commun de compa- raison, l'a- 1- il pu faire d'une ma- nière sure? Dans le fond, évaluer la densité d'un corps , c'est estimer tout ce qu'il a de vuide, soit dans les interstices de ses élemèns, soit dans les pores de ces éiemens mê- mes. M', de Buffon a-t-il fait cet- te évalution > jusqu'à ce qu'il l'ait produite , le degré de probabilité qu'il voudroit tirer du rapport de densité des planettes avec celle du soleil, demeurera parmi les choses les plus douteuses. 5°. L'auteur eût-ilmontré par un calcul calcul incontestable que les pîa^ nettes telles qu'elles sont mainte- nant , étant réduites eri un seul globe , seroient d'une densité à peu près égale à celle du soleil 5 je soutiendrais qu'il auroit démontré le contraire de ce qu'il avoir à prouver 5 qu'il auroit démontré que la matière dont les sept pla- nettes sont composées, n'a point été tirée du soleil > car en bonne physique tout corps échauffé a plus de volume qull n'en a lorsqu'il est refroidi 5 il est moins dense par- conséquent. ( 11 y a une exception unique à faire pour le fer. C'est une découverte de mr. de Reau- mur y mais il n'en est pas ici ques- tion. ) Donc le verre étant pous- sé au dernier degré de fusion dans le soleil doit être beaucoup moins dense que la même .espèce de verre' refroidi dans une planette > et cela à proportion que la pknette est € & plus froide. Donc, si au contrai- re la matière employée dans les planettes , se trouve actuellement , prise en total,d'une densité pareille à la densité actuelle du soleil , cette même matière éprouvant la cha- leur telle qu'elle est dans le soleil , prendrait beaucoup plus de volai me que' n'en a le soleil, seroit beau- coup moins dense qu'il ne l'est. Donc suivant la bonne physique cette matière n'a point été tirée du soleil , puisque mise dans un point exact de comparaison avec celle de cet astre , elle diffère nécessaire- ment en densité. Je suis bien ai- se d'éviter à mr. de Buffon la fati- gue du calcul que je viens de lui proposer ; ce cinquième raisonne- ment l'en dispense. Mr. de Buffon après avoir tâché de donner à son système tous les degtés de probabilité possible , se propose propose une objection il en pa- roît très-embarassé, et je trouve son embarras trés-raisonnable. Il dit donc qu'on peut lui objecter qu'en supposant que les planettes ont été détachées du soleil , ainsi qu'il le prétend, au lieu de décrire des cercles dont le soleil est le cen- tre» elles seraient au - contraire i*von » revenus au point d'où elles » étoient parties , comme ferok é tout projectile qu'on lanceroit y> avec assés de force d'un point de » la surface de la terre pour l'obli- » ger à tourner perpétuellement ». Il répond que la matière a été chassée du soleil comme un tor- rent dont le mouvement des par- ties antérieures a été accéléré pat les parties postérieures. Comme un torrent , à la bonne- heure i mais dans un torrent, quoique les parties antérieures soient accélé- rées = 62 = rées pat les parties qui les suivent; elles sont accélérées en lignes droi- tes , à moins qu'elles ne trouvent des obstacles. Il en seroit de mê- me dans le torrent émané du soleil: les parties postérieures accélére- ront les parties antérieures , si l'on veut : mais elles n'en changeront point la direction 5 ainsi une ba- ie de plomb tombant librement d'une tour , reçoit des degrés d'ac- célération dont la direction ne souffre point. Je dis , si l'on veut , parce que je ne conçois pas trop comment un coup sec ayant lancé la matière solaire et commu- niqué tout à la fois son mouve- ment à cette matière , les parties postérieures pourroient pousser les parties antérieures : à mon avis tout doit aller ensemble. La par- tie postérieure B. suivant immé- diatement la partie A. n'a reçu de mouvement que pour la suivre et noa pour la devancer* Oui, dira l'auteur, si toutes rece- voient le même degré de mouve- ment, mais les plus légères vont plus loin î par conséquent une mo- lécule destinée à aller jusqu'à Sa- turne , parce qu'elle est de l'ordre de celles dont cette planette doit être composée y poussera en avant une molécule plus dense et plus petite laquelle doit entrer dans la planette de mercure qu'elle ren- contrera dans son chemin. Cette réponse cause un nouvel em- barras ; car alors la partie destinée à mercure , sera poussée au-delà du terme où elle devoir faire sa ré- volution ; elle dévancera constant ment celle qui Ta poussée , encore en supposant que la molécule pro- pre à saturne aura frappé directe- ment la molécule destinée à mer- cure -, car si l'on suppose que ces chocs chocs sont faits par des coups oblj. q«es, je craindrai que le torrent ne s'éparpille. p. fio. Mr- de Buffon apporteun exem- pie pour faire valoir sa réponse. - Une fusée volante , dit-il , où •* l'action du feu seroit durable et » accélérerait beaucoup le mou- * vement d'impulsion décri- » roit un orbe dont le périgée se- » roit d'autant plus éloigné de la - terre que la force d'accélération x auroit été plus grande et auroit «changé davantage la première ■ direction. » Prenons cet exem- ple pour ce qu'il vaut , mais pri- ons mr. de Buffon de nous faire voir dans son torrent une cause d'accélération semblable à celle qu'il met dans sa fusée. Où la trouvera-t.il pour saturne ? la ma- tière dont il a été formé , n'a pu al- to une minute avec celle de Ju- piter , pîter , ni avec celle de mercûre ^ parce qu'en prenant l'essor , elle avôit une vitesse fort supérieure à celle de jupiter , et immense par rapport à celle de mercure. Com- ment peut-elle donc avoir reçu de l'accélération des molécules desti- nées à la formation de ces deux planettes ? Cette même matière dégagée de toutes les autres 9 n'a pu recevoir non plus d'accéléra- tion 5 car ces molécules étant si- milaires et ayant le même degré de mouvement , ont dû sans trouble aller les unes à la file des autres , sans qu'aucune ait eu une raison suffisante de tenter de devancer celle qui la précédoit,ou de la heur- ter. Où est donc le principe de cette accélération si nécessaire, et qui pourroit néanmoins fatiguer l'auteur , si l'ayant trouvée réelle- ment , il étoit obligé d'en soumet- tre l'effet au calcul i Aussi Aussi renonce. t- il bientôt à cet- te solution pour en donner une toute différente, tant il est sûr dans 1 s°n système. » Il se peut, dit-il, » qu'en conséquence de ce choc » ( de la cornette ) le soleil décrive * une courbe autour du centre de » gravité de tout ce système; et * si cela est, comme je le présume , 39 on voit bien que les planettes , » au lieu de revenir auprès du so- » leil à chaque révolution, auront » au - contraire décrit des orbites - dont les points de parhelies se- » roient d'autant plus éloignés de m cet astre , qu'il s'est plus éloigné * toi-même du centre de gravité » qu'il occupoit anciennement.» On peut passer ce raisonnement à mr de Buffon; et la conséquence qii'il en tire est légitime. ' Mais comme ce mouvement du soleil autour du centre du système , n'est pas I pas encore constaté par les astro- nomes, et que par conséquent , s'il est réel , il est insensible , il s'en- suit simplement que les planettes au lieu de revenir auprès du soleil , auroient décrit des orbites dont les point de parhelies ne seraient pas sensiblement éloignés de cet astre* Enfin on a recours à une troi- sième réponse. Dans le choc de *> la cornette contre le soleil , il; y » aura eu une force élastique qui *> aura élevé le torrent au»dessus » de la surface du soleil , au lieu de » la pousser directement. » On ne sçait pas trop si une force élas- tique , soit dans le soleil , soit dans la cornette, viendroit bien- au système de mr. de Buffon ; quoi- qu'il en soit, je trouve dans cette- réponse trois grands inconvé- niens. Le premier , c'est que la matière étant élevée au-dessus du< soieit soleil y et ne suivant pas le mouve- ment de la cornette d'occident en orient , le torrent n'aura pu pren- dre cette direction commune de l'occident vers l'orient dont on a fait trophée avec le succès que vous avez vû. Le second , c'est que dans ce même cas , où le tor- rent seroit élevé au-dessus du so- leil , iî ne pouvoit plus décrire une courbe ; l'attraction du soleil ne pouvant plus servir qu'à retarder son mouvement , et non à en changer la direction. Pour enten- dre bien ceci,ii faut suppléer quel- que chose à ce que mr. de Buffon nous apprend du choc de la co- rnette. Ce choc a dû se faire lors- que la cornette atteignok le som- met de la courbe qu elle décrivoit ; elle alloit d'occident en orient, elle aurait donc dû pousser la ma- tière qu'elle chassoit du soleil et lui faire décrire une tangente au j somme* sommet de la courbe de sa révo- lution. Mais une force élastique 'a élevée, cette même matière, iu-dessus du soleil 5 elle doit donc suivre un rayon de cet astre. L'at- traction tendante à la faire tomber sur le même rayon , il est évident qu'elle ne peut que retarder le cours du torrent , et non le modi- fier. Enfin le troisième inconvé- nient, c'est que le torrent ayant re- çu une direction mitoyenne entre celle que la cornette eût donné et celle que l'élasticité toute seule auroit produit sur un rayon du so- leil , il s'en-suit que la révolution du torrent étant finie où elle a commencé, la seconde sera repri- se dans le même endroit. Ainsi après trois réponses , toutes trois différentes , l'objection revient dans toute sa force, En effet , m', nous allons la fai- re =7° = re revivre en examinant un peu en détail quel a dû être l'effet du choc de la cornette. Si le tor- rent prenoit toute la vitesse de la cornette , et suivoit aussi préci- sément la même direction , il dé- criroit la seconde partie de la lig- ne courbe, sçavoir de la parabole ou de l'ellipse dont la cornette auroit déjà décrit la première moi- tlé » et ©a pouroit bien alors le prendre pour une cornette. Mais comme dans l'idée de m', de Buf- fon , la cornette n'agit par son choc que comme une efpece de piston , le torrent ne prendra ja- mais ni toute la vitesse de la co- rnette, ni sa direction :il ne pren- dra peut-être pas la millième partie de sa vitesse : et dans ce cas il ne s'éloigneroit que très-peu du so- leil : il lui arriverait la même cho- se qu'à une pierre que nous jettons xians l'air avec un peu de force et qui retombe promptexnent à terre: selon que la vitesse que recevra le torrent, sera plus ou moins gran- de , il parcourra un plus grand ou un moindre chemin 5 avant que de retomber dans le soleil ? il décrira une portion de l'ellipse ep mon- tant, et descendra par une autre portion égale de la même ellipse. Mais il arrivera toujours une de ces deux choses qui sont contraires à la pensée de mr, de Buffon. Ou le torrent ira continuellement en «'éloignant du soleil 5 ou bien après avoir fait un certain contour,il re- tombera dans cet astre. On n'évite point ce retour en -supposant que le soleil change de place ? car quand même ce dépla- cement produirait le même effet qu'un changement, de loy dans la pesanteur , si les parties détachées s'éloignent du soieii en suivant uns. une espèce de spirale , elles conti- nueront leur mouvement de suite, et elles ne pourront jamais s'arrê- ter pour décrire à une certaine dis- tance un cercle ou une ellipse. Le cercle ou l'ovale n'est portion d'aucune spirale , dans le physique non plus que dans le géométrique l'ovale est une courbe rentrante et dont les parties sont symétriques ; chaque pianette dans l'état actuel des choses s'éloigne et s'approche alternativement du soleil qui occu- pe un des foyers de l'ellipse. Or cette ligne courbe est complette et finie, et on ne peut pas regarder comme son appendice , ou com- me une de ses parties , une ligne courbe qui commencerait au so- leil et qui seroit une spirale, ou la portion d'une autre ellipse. .11 est tout aussi inutile de sup- poser que, lorsque letorrent s'est . détaché détaché du soleil, l'élasticité du li- quide a contribué à augmenter la vitesse de l'écart : l'élasticité doit y avoir effectivement contribué , s'il est vrai que la cornette agisse contre le fluide du soleil , comme une pierre agit contre l'eau dans laquelle elle tombe. Mais si le corps du soleil a reçu quelque mou- vement par le choc de la cornette , et si cet astre , et le torrent qui s'en détache, s'éloignent l'un de l'au- tre avec une plus grande vitesse , nous ne devons toujours considé- rer que leur mouvement respectif, et nous pouvons par conséquent charger le torrent de tout le mou- vement , on nous pouvons le lui attribuer en entier , en considérant le soleil comme en repos. Lors- qu'il s'agit de balistique , nous fai- sons abstraction du mouvement de la terre, quoique nous soyons coperaiciens : nous n'avons point d'égard L partie. d d'égard au mouvement commun de la terre et de la bombe. Quel* quefols la bombe reste en l'air plus d'une demie minute 9 la terre tourne pendant la durée du jet s mais la bombe tombe néanmoins dans le même endroit que si la ter- re ne tournoie pas. Il faut de mê- me faire abstraction de tout ce qu'il y a de commun dans le mou- vement du soleil et dans celui du torrent. Si le soleil fuit , c'est comme si le torrent aîloit plus vite, puisqu'il ne s'agit que de leur mou- vement respectif. La partie déta- chée du soleil décrit une ligne courbe en s'éloïgnant, et son mou- vement est altéré à chaque instant par la pesanteur, quelle qu'elle soir, qu'elle a vers le soleil. Si la ligne courbe , après avoir reçu successi- vement un grand nombre de pe- tites flexions, devient perpendi- culaire , à la fin , à la direction de ^a pesanteur , il y aura un retour vers le soleil : le cours du mobile ou du torrent ne sera pas infini : le mobile sera parvenu à son aphélie , au terme de son plus grand éloi- gnement , ou au sommet de sa li- gne courbe 5 il commencera à se rapprocher du soleil ou à descendre, et il tracera une seconde moitié de ligne courbe , égale à la première ; parce qu'il sera sujet dans sa chute précisément à la même action de la part du soleil que lorsqu'il mon- toit. La flexion de la courbe , le changement de vitesse du projec- tile, tout se fera dans le même or- dre quoique contraire 5 ainsi puis- que le mobile écoit parti du soleil, il doit y revenir. Il ne fera , pour ainsi dire , que suivre un fil dont les deux extrémités étoient attachées à cet astre. Un seul accident pou voit em- pêches â 2. pêcher le retour au soleil 5 et com- me mr. de Buffon dispose despoti- quement des cornettes , il peut y avoir recours au moins pour la formation d'une planette. Si, lors- que la parcelle détache'e est parve- nue à son aphélie , ou même à tout autre point de sa course , on fait survenir une seconde cornette qui frappe brusquement le soleil , et qui lui imprime un nouveau mou- vement , il faut avouer que tout fe- ra troublée II arrivera presque la même chose que si,pendant qu'une bombe est en l'air^Pauteur de la na- tui e imprimait tout à coupon mou- vement à la terre,qui ne se commii- quât pas à la bombe , les mesures du bombardier se trouveroient cer- tainement manquées. Four mr. d Buffon il ne fera venir la secon- de cornette qu'à propos jil lui pres- crira la vitesse qu'elle doit prendre, et lui assignera la route qu'elle doit suivrç» suivre. Mais cet expédient est iritf- file, lorsqu'il s'agit du système pla- nétaire entier. Six parcelles prin- cipales du soleil se sont détachées de cet astre, et elles sont déjà par- venues à différentes distances, el- les ont chacune leur vitesse et leur direction. Le degré précis de mou- vement qu'il faudra donner au so- leil pour convertir en ellipse abso- lument détachée du soleil la ligne courbe que décrit une de ces pis- nettes , ne conviendroït pas aux cinq autres 5 ainsi il faudrait faire venir encore d'autres cornettes , et ce qui seroit très-embarrassant poui? mr. de Buffon 5 il faudrait qu'il éloi- gnât toutes celles qui seraient nui- sibles , ou celles qui ne produisant qu'une partie de l'effet attendu, dé- rangeraient tout le reste du systè- me. i' Ce torrent vous fatigue , mr. il faut faut cependant que je vous en en- tretienne encore. J'imagine que vous ne comprenez gueres com- ment il en sortit six planettes prin- cipales, Mr. de Bufïon va parler , et cela sera fait. Jusqu'ici il a siml piement jette les premiers traits de son système , il va le déployer en grand. » La cornette ayant par un » seul coup, , communiqué un mou- » vement de projectile à une quan- tité de matière égale à la 650e. » partie de la masse du soleil , les » particules les moins denses se se- => ront séparées des plus denses, et *> auront formé par leur attraction m mutuelle des globes de différen- « tes densités. Saturne composé » des parties les plus grosses et les * plus légères, se sera le plus éloi- » gnédu soleil , ensuite jupiter qui » est plus dense, etc ,. La force » d'impulsion se communiquant » par les surfaces , le même coup => aura =^73 — aurâ fait mouvoir les parties les » plus grosses et les plus légères ^ de la matière du soleil, avec » plus de vitesse que les parties les » plus petites et les plus massives. # Cela n'esi>il pas bientôt fait > Que de miracles , ou plutôt que de suppositions contraires à l'his- toire naturelle sont entassées dans ce peu de mots ! Arrêtons-nous à deux circonstances principales : i°. à la séparation des matières plus denses d'avec celles qui le sont moins-: z°. à la formation de cha- que planette par l'attraction mu- tuelle des parties du même ordre de - densité. Sur le premier article , je pour- rois observer d'aboi'd que la sépara- tion des parties de dif férentes espè- ces ds densités , ne nous paroîtroit pas fcrt à 4 = 8o = pas fort bien exécutée dans ce que nousconnoissons de notre propre globe. Car nous y trouvons des madères i^ou 1 5000 fois plus den- ses les unes que les autres. Com- ment seroit-il donc arrivé, pour- roit-on dire, qu'en vertu d'un coup unique , lequel communique pro- digieusement plus de vitesse aux matières les plus légères qu'à celles qui sont très-denses, la matière dont mars est composé,moias den- .se du double que celle de la terre , ait été contrainte de s'éloigner si fort du lieu que nous habitons ; et que ce même coup ait pourtant laissé subsister ensemble dans la matière dont notre terre est for- mée, des parties qui différent au-, tant en densité que 1 3.000 diffère de l'unité 5 En un mot si mars, dont la densité est sous-double de celle de la terre, a dû être jetté si loin de notre planette, quel intervalle ce coup coup si efficace et dont l'impres- sion est si diversement reçue par les molécules de différentes densi- tés ; quel intervalle doit-il avoir mis entre des corps dont les densités sont entr'elles, comme 14000 est à l'unité? Mais je m'en tiens à une obser- vation décisive prise non de l'his- toire des songes philosophiques de mr. de Buffon, mais de l'histoire de la nature : prise en un mot des loix du mouvement,et totalement con- traire à la maxime , selon laquelle il distribue aux planètes des parties constituantes de différentes densi- . tés. Voici sa maxime : » La force I# voî# * d'impulsion , dit- il , se commué l^ & niquant par les surfaces , le mê- ^ me coup aura fait mouvoir les » parties les plus grosses et les plus ^ légères de la matière du soleil , » avec plus de vitesse que les parties 3> les plus 4 s »les plus petites et les plus massi- » ves. * J 'en conclus qu'une baie de liège , dont la fupetfïcie ferait double de celle d'une baie de plomb, seroit portée au double plus loin que la baie de plomb par le même fusil chargé également. Ce qui est très-contraire à l'expérience et aux loix de la communication des mou- vemens. Quelle comparaison, s'écriera l'auteur ! Des deux baies , Tune de liège, l'autre de plomb poussées dans l'air , la première étant obli- gée de chasser de devant elle un vo- lume d'air beaucoup plus considé- ra b'e que celui que la seconde doit faire passer derrière elle, perd né- cessairement plus de son mouve- ment. Cet inconvénient, ajou- tera-t-il , ne peut nuire à mon tor- rent ; en partant du soleil , il passe dans le vuide , où il ne rencontre point point d'obstacle. Si c'est là , mr. tout ce qu'bn- peut me répondre ? on ne me fera pas abandonner mon objection. Je conviens que la baie de liège a plus d'air à déplacer que n'en a la baie de plomb. Mais je foutiens qu'en bonne physique la baie de liège doit recevoir moins de mouvement que n'en reçoit celle de plomb. Car quoique la première ait plus de su- perficie ? le mouvement n'est com- muniqué qu'à ce qu'elle présente de solide.- La superficie est plus grande, mais elle a plus de pores > et les pores répandus dans toute sa substance sont la différence de sa densit^et de celle du plomb. Or ces pores ne résistent point à l'ef- fort de la poudre 5 donc le liège eût- il une surface double de celle du plomb , participerait moins au choc que le plomb. La densité de ce métal eft plus que double de cel- le du à <; le du liège : donc aussi la superfi- cie de la première baie présente plus du double de parties solides à frapper. Il en est de même des parties plus denses bu moins den- ses , dont est formé le torrent de mr. de Buffon. Les moins denses ont opposé plus de surface au choe9 parce qu'on leur suppose plus de volume : mais en récompense dans cette surface étoient aussi des vui- des qui ne se trouvoient point dans la surface des molécules plus den- ses ; les vuides ne participent nul- lement au choc : donc l'auteur n'a pû conclure de ce que l'impulsion se communique par les surfaces , que les parties les plus grosses et les plus légères ( il vouloit dire les moins denses ) auront reçu du coup commun plus de vitesse que les par- ties les plus petites et les plus mas- sives. Au fond rien n'est moins intel- ligible ligîble que cette séparation des par- ties de différentes densités, quand on pense au mélange de ces diffé- rentes matières que doit nécessai- rement opérer un feu d'une activi- té pareille à celle que m', de Buf- fon est obligé de reconnoître dans le soleil. H oublie toujours qu'il parle de différentes espèces de ver- res dans la plus grande fusion , et par conséquent dans l'état qui con- duit à la vitrification tout ce qui est fufible. Conçoit- il que du ver- re éprouvant le dégré de chaleur le plus violent qu'on puisse imaginer, que du verre composé , puisqu'il le veut , de différentes espèces dont les unes surpassent 14.000 fois les autres en densité , mais parfaite- ment fondues et mêlées ensemble , conçoit-il, dis- je, que ce verre se décomposera par l'effet d'un choc unique ? Il nous apprend un se- cret bien simple et bien précieux pour la pour la séparation des métaux ; en donnant un coup violent à un vo- lume liquide d'or, de plomb, de cm vre , d'argent , on vanneroit ces J^eraux, l'or tomberoit plus près, le plomb à une plus grande distan- ce, etc. Quoi dans le tems que tout est embrasé, fondu, mêlé dans le soleil , comme dans la compo- sition des métaux dont je viens de parler, les élémens de verre plus denses ne sont pas dans les pores des moins denses, au moins en grande partie 5 un choc survenant n'emportera pas la molécule moins dense imprégnée de molécules plus denses) Celles-ci prendront leur parti , elles se dégageront pour res- ter en arrière, comme ayant moins reçu d'impression du choc que le petit corps où elles résidoient ? Quelle complication de chimères ! Vous en jugerez comme" moi, m*, si ms si vous prenez la peine de cal- culer quelle doit être la chaleur dans le soleil, vous y trouverez même de nouvelles ressources contre les prétentions de mr. de Buffon. Par- tez de la cornette de 1680. A la distance de 3 3200 lieues du soleil, elle étoit 2000 fois plus brûlante qu'un fer rouge. Jugeons sur ce pied* là de combien elle eût été plus ardente à une lieue du soleil. A cette distance, la chaleur de la co- rnette seroit à celle quelle avoit en 1680. comme le quarré de 3 3200 est à l'unité, c'est-à-dire, comme 1 10224-0000 est à 1 , il faut donc multiplier ce nombre par 2000 pour sçavok qu'elle eût été la cha- leur de la cornette à une lieue du so- leil , et sa supériorité sur la cha- leur d'un fer rouge , et on trouve 2204480000000. Quel feu! no- tre imagination en est effrayée. Mais elle y gagne. Ce calcul fait cesser cesser l'étonnement que lui cause la rapidité de la lumière, il la lui rend plus concevable. En com- bien peu de tems la lumière traver- se-t-el!e l'espace immense qui nous sépare du soleil ! Cependant on en entrevoit la possibilité, quand on pense à la force d'explosion que doit donner un feu d'une vivacité si prodigieuse. Mais ce qui fait au sujet que nous traitons maintenant, ce calcul nous conduit à concevoir à quel degré de fusion le verre dont mr. de But fon compose le soleil est porté 5 et combien le mélange de diffé- rentes espèces doit y être entier et parfait* Il nous découvre encore deux faits très-intéressans > l'un, qu'un feu si vif entretient les mo- lécules dont le soleil est formé, dans une agitation continuelle en tous les sens imaginables 5 l'autre, qv.e ce que ce feu darde en ligne droite et de tous côtés les parties qu'il con- traint de s'échapper , et leur donne une prodigieuse vitesse, et tout au- trement grande que celle de quel- que cornette que ce soit. A l'aide de ces deux faits nous pouvons examiner quel effet le choc de la cornette aurait produit sur le globe du soleil. Quel est l'obstacle que la cornette a rencon- tré ? Une fournaise immense , où tout est dans une agitation incon- cevable , où toutes les molécules ont des directions différentes. Il n'est gueres possible de se fai- re une idée de la diversité de ces di- rections , qu'on ne consulte la ma- nière dont le soleil darde la lumiè- re? car nous n'avons pas d'autre moyen de découvrir ce qui se passe dans le corps de cet astre. La lu- mière Ifiler e doit certainement son mou* vement à Faction du feu interne, c'est elle qui la force de partir de tous les points du soleil. Cette distribution toujours successive et si prompte de la lumière fait donc juger que le feu du soleil pousse continuellement ses molécules vers tous les points de sa surface ; qu'el- les sont retenues et probablement repoussées avec une force supérieu- re, comme ces petits atomes qu'on voit dans le bassin qui s'est fait à î3ne bougie allumée, qui partant de la mèche se rendent aux bords du bassin, et reviennent à la mè- che, en décrivant une sorte d'ellip- se dont l'un des diamètres est très- court. On peur encore juger que- plusieurs des molécules solaires é- îant parvenues à la surface du gio- {>e n'y retournent point, et souf- frent uneexplosion qui leur fait dar- der à chacune non un. seul trait a mais mais une abondance extrême de rayons de lumiere,et si je pois m'ex- primer ainsi , une demie- sphère de rayons qui s'élancent vers tous les points de presque la moitié du cielr et sous tous les angles possibles* Or si ces molécules n'étoieoî pas forcées d'éclater, elles suivroient constamment la direction. qu'elles avoient dans le soleil ? et feraient leur route sur des lignes droites. Il en seroit de même de toutes les au- tres molécules. Si parvenues à là surface elles n'étoient pas obligées de rentrer dans l'astre , elles- se dis- perseroient , et leurs directions fe«* roient ensemble tous les angles imaginables. Vous concevez main» tenant quelle est la diversité prodi- gieuse des directions de mouve- ment que les molécules solaires re- çoivent de l'action de son feu : cha- cune d'elles en a une particulière % si elle en reçoit une nouvelle de te cornette y cornette, elle prendra une troisiè- me direction moyenne entre celle quelle tenoit du feu, et celle que le choc de la cornette tendoit à lui faire prendre. Cela est constant par les loix du mouvement* Mais de ces deux mouvemens , de celui que la molécule tient du feu so- laire a de celui qui lui est commu- niqué par le choc de la cornet te, le- quel remporte sur l'autre ? Pour en juger, on n'a besoin que d une lé- gère attention à la cause qui donne le premier mouvement. C'est un feu dont l'activité est inexprima- ble : le calcul que j'ai fait , il y a un moment, le prouve incontesta- blement. Qu'on le compare ce mouvement à celui de la cornette : qu'on estime ce que la cornette donnerait de vitesse à une molé- cule de lumière qui seroit en repos ; et Ton sera convaincu que ce ne seroit 3jJ seroit presque rien en comparaison de la célérité que cette même mo- lécule reçoit du soleil pour parve- nir à notre œil. On peut tirer de là cette induc- tion , qu'il n'est pas possible -d'é- tat) *ir ici aucune comparaison en- tre l'effet du choc de la cornette sur chaque molécule solaire , et l'agita- tion où est cette même molécule dans cette fournaise immense 5 et comme elle n'essuîeroit qu'un coup dans le système de m*, de Buffon, la direction seroit simplement com- me pliée en un point , et son mou- vement seroit un peu haut élevé. M lis cette accélération suffiroit* elle à la molécule pour s'échapper du soleil ? C'est ce qui me paraît as- sez douteux. Cependant accor- dons le à mr. de Buffon. Soutien- dra t- il que la modification des di- rections des molécules du soleil di- rigera figera toutes ces molécules vers la même partie du ciel ? Seroït-il as- sez peu géomètre pour hazarder une prétention de cette espèce ï El- les changeront un peu leur route > elles ne tendront pas vers les mê- mes points où elles alloient : mais cela n'empêchera pas que leurs rou- tes ne soient divergentes, et qu'en sortant du soleil elles ne s'écartent les mies des autres, à peu près com- me si elles étoxen.t chassées par une vive explosion. Ainsi le soleil pou- volt être entamé par le choc de la cornette : mais il n'est pas proba- ble qu'une de ses parties dissipée cédât en masse continue à l'impul- sion. Enfin quand on vîendroit à bout de se persuader que le choc de la co- rnette a pu accélérer tellement le mouvement ordinaire des molécu- les du soleil 9 que la force qui les re- tient auroît été vaincue, qu'en re^ viendrait- il d'avantageux au -.systè- me de mr. de Buffon? 11 s'en soi vroit qu'elles ont reçu quelque modifi- cation dans leur direction : maïs il -serait impossible de juger que cette modification les eût toutes fait .marcher vers la même partie do .ciel 5 elle ne pourroit empêcher qu'elles ne prissent différentes rou- tes , comme s'il s?étoit fait une vio- lente explosion 5 et qu'il n'y eût des jets dirigés vers toutes les parties de la concaviîé du ciel Plus le mou- vement de la cornette sera supposé violent , plus l'explosion sera for- te. Il n'y a donc pas moyen de s'I- maginer que £-0 partie du soleil a été élevée en masse. Non-seule- ment les parties de différente den- sité seront désunies, mais toutes seront portées de manière que plus elles auront fait de chemin, plus elles s'écarteront les unes des au- très. Que les plus légères aillent pli s loin, ( la chose n'est pas croia- ble, n'importe : ). celles du même genre de densité s'écarteront les unes des autres à mesure qu'elles s'éloigneront du lieu d'où elles sont parties , comme deux rayons s'é- cartent d'autant plus l'un de l'autre qu'on les considère dans des points plus éloignés de leur centre. Je viens , mr , au second article , à la formation des planettes. Avec quelle simplicité mr. de Buffon les fabrique ! Les parties de différente densité sont portées plus vite ou plus lentement 5 les voilà partagées en différens ordres. Ensuite tou- tes les petites gouttes du même or- dre de densité s'attirent mutuelle- ment : saturne est créé , jupiter , mars , la terre , vénus, mercure 5 toutes^ fair.Que ce procédé est sim- ple! Voyons s'il est possible. J'a- voue : voiie qu'en considérant l'estampe où ce grand événement est repré- senté , la chose me paroît vraisem- blable. Le graveur cependant n'a pas cru pouvoir se passer de Dieu pour rendre probable l'exécution d'une manœuvre si simple. 11 re- présente le Pere éternel dans la plus grande action , les bras étendus , et dirigeant les différentes parties du torrent pour produire les différen- tes planeues.-sous cette image tout paroît possible. Mais l'au? eur n'a pas profité de !a leçon du graveur, U bonne physique , du moins celle de mr. de Buffon , ne permettant pas qu'on introduise le créateur quand il s'agit de fonder l'harmonie de l'u- nivers. L'attraction, ce mot magique , suffira seule. Mais en bonne foi suffïra-t-elle pour rassembler dans plusieurs globes des parties disper- /. Partie. - sêes dans la moitié du ciel. Noti sans doute , et mr. de Buffon ne le prétend point. Selon lui , ces par- ties se sont échappées comme un torrent. Suivons-le encore dans cette supposition insoutenable , et voyons si l'attraction y a pû for- mer des planettes. Observons d'abord que , suivant mr. de Buffon , la force attractive du soleil , par laquelle cet astre re- tient dans son globe toutes ses par- ties , a été vaincue par la cornette dans la portion de son globe , con- trainte de s'en séparer en forme de torrent. Cette force subsiste pour- tant toujours, s'il faut s'en tenir aux principes des Newtoniens adoptés par mr. de Buffon elle agira cons- tamment sur ces parties fugitives , même lorsqu'elles seront réunies en globes , mais jamais de manière à les contraindre de retomber vers leur source. Elle modifie conti- nuellement la cause d'impulsion des planettes: mais elle ne l'empor- te point sur cette force. Que fait l'attraction du soleil sur la terre ? C'est une force comme infiniment petite par rapport à la force d'im- pulsion qu'a reçu notre planette i elle en fléchit simplement la direc- tion , elle en fait une courbe. Mais elle ne fera pas tomber la terre vers le soleil. De même dans le tor- rent de mr. de Buffon , les petites molécules de matière solaire ont reçu delà cornette un mouvement si violent , que leurs forces mutuel- les d'attraction ne sent presque rien , et ne peuvent les détourner pour s'unir que par un genre de courbe qui ne permettait jamais qu'elles s'unissent. Donnez-vous la peine , mr , de comparer les forces mutuelles cfat- tïactioa e tu L traction de ces molécules avec cel- les de la masse du soleil sur chacu- ne d'elles. Cette dernière est im- mense ; cependant elle ne fait à cha- que instant qu'une impression infi- niment petite sur la direction des molécules. Elle ne les réunit point au globe d'où elles ont été chassées ; et vous voudriez que ces molécules distribuées en jets divergens , et al* lans toujours en s'écartant les uns des autres, fussent vaincues par une force d'attraction incomparable- ment et même infiniment plus pe- tite que celle du soleil, et chan- geassent brusquement leurs direc- tions particulières , directions d'un mouvement prodigieux, pour se réunir ensemble ï Non assuré- ment, vous ne le voudrez point, De plus, comment nous imagi- nerons-nous que la molécule qui lait actuellement le centre d'une planette $ t=±s ïôl {Mariette, comme desaturne, mtà accéléré les parties similaires qui se trouvent au-deff*us d'elles, aura vain- cu le mouvement de celles qui la précéd^yet riui vofit^aussi vite qu'eUft* de Jàçori c|i5è|É'%s aura contraintes de retomber sur elle pour s'y unir f et que de tous les cô- tés elfe aWa Bctourirf ^11# qui é** toîent ^MoïK^^e^piir former une coucn^^^^^T Je oe crois pas que mr. de Buffon pûî nous ofr frir sur cela un détail qui nous saris* fît. Quand même on concevrait que la force d'attraction de cette molécule suffit pour arrêter le mouvement de celles qui la précé- dent, pour détourner celui des mo- lécules qui vont* à ses côtés,pour ac- célérer celui des parties qui la sui- vent , et tout cela de manière à se les attacher , on ne seroit pas plus favorable au système de mr. de Buf- fon *■ car on se croirok en droit de * 3 h= 102 ~ juger qu'avant la séparation des parties suivant leur ordre de densi- té , les plus denses étant supérieu- re.* en force d'attraction ,ont dû at- tirer les plus légères, et s'attirer mutuellement s en sorte que la sé- paration si nécessaire aux viies de fauteur , n'aurok pû se faire. Ainsi supposé que le torrent eût la for- me d'un cylindre $ l'attraction, ( si elle peut erre regardée dans cette occasion comme une cause capa- ble de produire on effet marqué } serrera les parties du cylindre > ou sî l'on veut que le cylindre prenne la forme sphérique , elle n'en pour- ra faire qu'une seule sphère 9 et ne permettra jamais cette séparation des parties de denskés différentes , si nécessaire au système de mr. de Buffon. Rien ne tient 5 comme vous le voyez, m% dans ce système. Qu'on veuille veuille l'étayer d'un côté, il s'écrou- le de l'autre. Cependant il nous propose une espèce de démonstra- tion , pour prouver que les matiè- res les moins denses ont été pous- sées plus loin. Et cette démons- tration est tirée de ce que dans le fait , le mouvement projectile d'une planette , répond au fmême mouvement projectile d'une autre, à peu près dans la raison de leurs densités. Il apporte ;pour exem- fj ^ pie les deux grosses planettes. » El- p. h** » les ont conservé ce rapport entre » leur densité et leur mouvement » d'impulsion dans une proportion 3> si juste, qu'on doit en être frappé: » la densité de saturne est à celle de y> jupiter comme 67 à 9^7 , et leurs » vitesses sont à peu près comme 67 5, à 90 ~f . // est rare que de pures con~ njectures on puisse tirer des rapports ans-' » si exacts. » Dans ces rapports si e* xacts mr. de Buffon confond le mouvement mouvement d'impulsion avec les vitesses des planettes ;ce qui fait un tres-mauvaïs effet. Car dans son système le mouvement d'impul- sion de saturne doit être supérieur au mouvement d'impulsion de Ju- piter , et au contraire la vitesse du premier est moindre que celle du second. Où est donc l'exactitude 5 La réflexion est frappante , mais appliquez la à ce qui suit immédia- tement. » II est vrai qu'en suivant « ce rapport entre la vitesse et la » densité des pianettes, la densité » de la terre ne devroit être que v comme 206 ^ , au lieu qu'elle est « comme 400 $ de- là on peut con- jecturer que notre globe étoit «d'abord une fois moins dense «qu'il ne l'est aujourd'hui. » Disons à mr. de Buffon pour toute réponse, qu'il est fâcheux que des rapports aussi exacts ne puissent être — *°5 = être vérifiés dans toutes les planet- tes que par de pures conjectures. L'auteur se fait ici une forte ob- i vou jection. Les pianettes devroient ■« ^ être dans son système brûlantes et lumineuses comme le soleil. » A » cela on peut répondre , dît - il , que ^dans la séparation qui s'est faite »des particules plus ou moins y> denses , la matière a changé de » forme , et que la lumière ou 1er » feu se sont éteints par cette sépa- 53 ration causée par le mouvement » d'impulsion. On peut répondre. Mais satisfait^ • on à l'objection, et parie-t-on clai- rement ?" Que signifient ces mots t La matière a changé de forme ? D'ail-» leurs si le feu s'est éteint par la sé- paration des molécules de différent ordres de densité , ces molécules n'ont-elles pas dû effectivement e s changer de forme , c'est - à - dire 9 cesser d'être liquides , et se durcir comme font ces petites parties d'a- cier fondues dans le moment où l'on a tiré des étincelles d'une pier- re à fusil Ce seroit - là un incon- vénient qui vaudroit tout au moins l'objection qu'on tente de résou- dre. Aussi a-t-on recours à une autre réponse. Si le soleil , dit - on , ou une x> étoile brûlante et lumineuse par » elle- même se mouvoir avec au- tant de vitesse que se meuvent les planettes , le feu s'éteindroït ap peut • être. C'est par cette raï- D5 son que les étoiles qu'on appelle =P nouvelles , qui ont probable- » ment changé de lieu , se sonfc » éteintes aux yeux même des ob- servateurs. » N'est - ce point aussi parce que leur mouve.nent les met hors de la portée de nos yeux ^ yeur, que ces étoiles paroissént s'é- teindre? Car enfin, l'auteur avan- ce ici un paradoxe contraire à l'ex- périence. Les cornettes dans la partie inférieure de leur orbite se meuvent avec une rapidité toute autre q?ie celle des planettes * ce- pendant elles brûlent selon les Newtoniens , leur queue est la flamme - qu'élis jettent ; et selon les autres philosophes , leur ath- mosphere est enflammée : il n'est donc pas vrai que la célérité des astres puisse éteindre leur feu 5 puisqu'elle ne les empêche pas de s'enflammer» Aussi m*, de Buffon n'est-il pas content de cette réponse > il a re- cours à une autre. » On pourroit y> répondre que le feu ne peut pas y> subsister aussi long - tems dans » les petites que dans les grandes » masses , et qu'au sortir du soleil les ^ les planettes ont dû brûler pen- o> dant quelque tems , et qu'elles se 3>sont éteintes faute de matière combustible 5 comme le soleil ^ s'éteindra probablement par la » même raison. » Fût- il probable que le feu du soleil s'éteignît quelque jour , je ne trouve pas plus de vraisem- blance à la réponse de mr. de Buffon. Car enfin il y a plus de 6000. ans que ce feu du soleil se soutient. Pourquoi celui des pla- nettes ne se seroit-il pas soutenu de même ? Toute la matière dut soleil étoit embrasée, quand cette cornette imaginaire est venue l'at- taquer. La partie détachée avoit apparemment du feu à proportion de ce qu'elle avoit d'alimens , et comme le soleil a conservé son feu , parce qu'il a retenu sa part d'alimens , la matière des planettes ad* â dû aussi conserver le sien. Les 64,9. parties qui restent du soleil ancien brûlent encore , parce qu'elles ont la même proportion d'alimens et de feu ; il en devroit donc être de même , et par la mê- me raison, de celle qui s'en est dé- tachée. H est vrai que si elle s'est séparée en éclatant r en faisant une forte explosion , comme je crois que cela devroit être , le feu se sera dissipé. Et c'est une réponse que je suggère à mr. de Buffon , en l'a- vertissant néanmoins qu'il risque- ra, s'il en fait usage , de ne pou- voir plus rassembler ces débris pour en faire le corps des planet- tes y comme je l'ai déjà observé. Si j'osois, je lui proposerois une meilleure solution. Son torrent en s'échapant du soleil a été dé- brouillé , c'est-à-dire que les par- ties les plus denses ont été pous* séeg sées moins loin que les moins den* ses. Or c'est peut-ê^re dans Je mé- lange de ces différentes matières , que consiste la fermentation con- tinuelle du soleil ; dès qu'e les ont été séparées, la cause de l'efferves- cence a cessé, les molécules de cha- que ordre se sont éteins. Cette idée naît assez naturellement du système de mr. de Buffon* 11 est vrai qu'il a besoin que les molécu- les conservent leur liquidité , parce que malgré l'efficace de l'attrac- tion , elles ne se formeraient pas en globes, si elles étoient dures. Mais comme mf. de Buffon dispo- se de root en souverain , quand il lui semblera bon , il les reunira ; elles pourront être formées à 3?£oo. lieues du soleil, et erre en- core 2000. fois plus échauffées par le soleil nu'un fer rouge. Du verre à ce degré de chaleur feroh dans un état fort voisin de l'état de fu- sion v == i r r =* sïon ; elles seront donc encore li- quides et pourront se former en globes. Mais il nous reste une difficulté d'une autre espèce , et celle-là me paroît insoluble. Mr- de Bufïon a expliqué le mouvement d'impul- sion dans les planer tes. Ces as- tres ont un mouvement de rota- tion, au moins Ta- t'on bien ob- servé dans plusieurs ; d'où leur vient-il ? *> Le mouvement de ro- 5>tation dépend uniquement de » l'obliquité du coup > (c'est mr. de Buffon qui l'explique .....) » Ce i. :» mouvement de rotation sera égal r » et toujours le même , si le corps » qui le reçoit est homogène , et il » sera inégal, si le corps est com- ^ posé de parties hétérogènes on » de différentes densités ; » ( Ceci n'est pas trop développé, ) et de- »là on doit conclure que dans 3> chaque » chaque 'planette, la matière est » homogène, puisque leur mouve- » ment de rotation est égal : autre » preuve de la séparation des par- » tïes denses et moins denses, lors- » qu'elles se sont formées. » On devine à peu près que par matière homogène , m*, de Buffon entend un composé de parties de même densité. Notre terre où il y a des matières qui différent en den- sité comme 14000 diffèrent d une unité , et où il n'y a pas deux espè- ces de corps du même degré de densité, ne sera donc pas un corps homogène; ainsi son mouvement de rotation est inexplicable dans les principes de Fauteur* Mais ne poussons point cette, difficulté , nous en avons bien d'autres à opposer. Rien de ce que nous observons dans la natu- re p ne fe , ne nous familiarise avec l'ex- plication que mr. de Buffon donne du mouvement de rotation. Car avons - nous quelque exemple qu'un corps frappant obliquement et avec violence un liquide , don- ne un mouvement de rotation à la partie qu'il chasse du total? Les coups du plat de la main portés de revers contre l'eau , la font éle- ver en f laquées s mais on ne voit point qu'ils impriment un mou- vement de rotation au total du volume d'eau qu'ils élèvent. Nous concevons fort bien qu'en présen- tant la raquette d'une certaine fa- çon à une balle, celle-ci est con- trainte par le coup que nous lui donnons à tourner sur son centre , en même tems qu'elle suit un mouvement progressif. Mais qu'un coup appliqué dans le même sens sur un volume d'eau , impri- me un mouvement de rotation à l'eau* l'eau qu'il enlevé , et en réunisse toutes les gouttes en un corps sphérique, tournant autour de son centre , c'est un phénomène qu'un philosophe n'attendra ja- mais de l'expérience. Accordons-le néanmoins , tout idéal qu'il est. Qu'il soit arrivé à la partie du soleil chassée par la planette , quoique dans la plus grande fusion, ce dont nous ne pourrions fournir aucun exemple sur la terre , que s'en suivra-t'il ? U n seul coup de lacomette a pris le soleil de revers ; l'effet de ce coup a dû imprimer un mouve- ment commun de rotation au to- tal de la parrie de l'astre obligée de céder. A la bonne-heure , ce n'eft plus un torrent , un unique jet qui s'écoule avec rapidité du soleil : le corps détaché se forme en sphère , et tourne sur son centre > m m ce mouvement mouvement va faire bien du fra- cas dans le nouveau système. Les parties de différentes densités doi- vent s'en séparer, non par une nécessité résultante des loix du choc, mais parce que mr. de Buf- fon le veut ainsi. Or s'en sépare- ront-elles en masse,en sphère ? Ge- la est impossible, parce qu'elles sont étrangement mêlées les unes avec les autres. Pour bien développer cette im- possibilité, figurez- vous, mr. la masse de liquide détachée pas: le choc de la cornette, et tournante par l'impulsion du même choc au- tour de son axe > elle comprend toutes les parties de différen tes den- sités. Que saturne nous repré- sente ce globe. Le choc unique a donné différens degrez de mou- | vement à ces parties % suivant leurs j différens degrez de densité 5. au* contraire contraire le mouvement de rota- tion ne pouvant être distribué en détail aux parties, est communi- qué à la masse en totaf. Les par- ties de la densité propre à faire mercure, doivent être séparées de la sphère commune , et laissées en a rriere. Comment se dégageront- elles > Chacune doit s'échapper par son mouvement propre , puis- qu'elle est isolée et séparée des parties similaires par les moiécu- *es non similaires qui l'envelop- pent ; et elle doit s'échapper par îe plus court chemin. Ces parties similaires, propres à mercure , ne sortiront donc point en masse, et par un mouvement commun. Etant dégagées , elles occuperont d'abord autant de place que Satur- ne ; parce qu'elles garderont entre elles les mêmes distances , qu'elles avoient dans le globe commun. Ensuite , dira m*, de Buffon , elles se réu-. se réuniront en sphère par la force de l'attraction ; mais d'où viendra à cette sphère nouvellement for- mée par la réunion des parties au- paravant séparées le mouvement de rotation ? Je veux bien que chaque élément de mercure , en ait retenu quelque impression , mais comment de l'ensemble de ces im- pressions particulières , résultera* tll un mouvement commun de rotation dans la sphère de mer- cure? Cela n'est pas concevable» Mais on n'est pas assuré que mer- cure ait un mouvement de rota- tion. Non y mais la terre aur^. été laissée en chemin par saturne , et elle a sûrement ce mouvement i et toutes les questions que nous a* vons faites au suiet de mercure , nous les pouvons appliquer à 1$ terre. Enfin, on doit juge* conformé* meut ment aux loix du mouvement , que toute partie qui s'échappera d'un corps qui tourne sur son axe, doit s'en échapper par une tangente. Tout ce que mr. de Buffon peut dire de plus raisonnable, c'est que îe choc de la cornette ayant impri- mé un mouvement inégal en li- gne directe , aux parties de la mas- se détachée du soleil, suivant leurs degrez de densité, a aussi impri- mé par l'obliquité du coup diffé- rons degtez de mouvement circu- laire aux divers ordres de densités : en sorte que saturne n'auroit pas acquis un mouvement de rotation proprement dit ; mais que les parties de mercure, celles de ve- nus , de la terre , de mars , de Jupi- ter, de saturne, feroient chacune un tourbillon particulier autour de Taxe commun , quoique mê- lées les unes avec les autres , et quoique chaque partie d'un mê- me ordre de densité fût séparée de ses parties similaires par des mo- lécules d'un autre genre qui se- raient interposées* Mais le dé- pouillement de toutes ces parties n'en seroit pas plus facile à conce- voir. On auroit la même peine à imaginer, comment de tous les mouvemens particuliers des molé- cules de la terre, par exemple, il résulteroit après leur réunion un mouvement commun de rotation. Et je ne scais si l'on conviendrait aisément que ces différais tourbil- lons , pussent être formés dans la masse commune, avant la sépara- tion , par un seul coup de revers de la cornette. Mr. de Buffon n'a peut-être ja- mais eu d'idée bien précise de l'effet qu'un coup oblique auroic dû pro- duire sur le soleil > et comme il n'est entré ehtré dans aucun détail , il n'en a pas senti les inconvéniens. Mais du moins eût- il dû s'appercevoir que Tunique coup delà corner te n'a pu faire d'impression, que sur le to- tal de la matière qu'elle a détachée* Les planettes n'y étoient pas for- mées ; il a fallu d'abord que les' par- ties hétérogènes se dégageassent les unes des autres , qu'ensuite les par- ties similaires, s'attirant mutuelle- ment, se formassent en globes, afin qu'il en résultât des planettes. Mais étant ainsi construites, elles ont en un mouvement de rotation : peut- il venir du coup de la cornette antérieur à leur formation ? cela im plique. Que la cornette eût im- primé un mouvement de rotation à chaque molécule, on le compren- dront peut-être; mais que les mo- lécules d'un même ordre s'étant réunies en globes, (ne fût- ce que quelques momens après le coup re- çu ) il puisse arriver ensuite que s'é- tant attirées mutuellement, elles perdent leurs mouvemens de rota- tion propres , pour tourner ensuite en masse autour de l'axe de la sphè- re nouvelle qu'elles forment,par un mouvement commun de rotation; et cela en vertu du choc de la co- rnette ; c'est une prétention que personne ne passera. • Mais l'obliquité du coup ( c'est » m', de Buffon qui tire une nouvel- • -le ressource de sa supposidon si «heureusement conçue) a pu être »tel!e>qu'ilseseraséparédu corps »delaplanetteprincipale,de peti- tes Pa"ies de matière qui auront -conservé la même direction de «mouvement, quelaplanettemê- » me ; se seront réunies suivant leur » densité à différentes distances de «laplanetteparlaforce de leur at- traction mutuelle.» £t voilà les /. partie. f îateUit« satellit es des plane; tes tous formés. Combien de merveilles l ec c'est un seui mot de mr. de Buffon qui les opère. Il vous dit que la cornette a frappé obliquement le soleil > dès- lors les planettes sont faites , elles ont leur mouvement de rotation, et des satellites les accompagnent : la terre a le sien, jupiter a les siens , et saturne, outre un plus nom- breux cortège, est encore paré de son magnifique anneau. Où est le grand Milton ? Eût-il jamais une imagination si féconde 5 Il n'est pas besoin de grands ef- forts pour vous faire sentir, mr, tout le foible de cette nouvelle as- sertion. Car enfin, que veulent di- re ces mots , L'obliquité du coup a pu être telle , qu'il se sera séparé du corps de la planctte , etc ? Ce n'est point l'o- bliquité du coup qui a formé le corps de la planette, de l'aveu de m*, de Buffon £ BufFon, c'est l'attraction. Les parties dont il parle , et qu'il veut employer à la formation des satel- lites , étant de densité différente de celle de la planette, ont reçu dans le nouveau système un mouvement qui a dû les porter au-delà du corps de la planette, ou les faire demeu- rer en arrière h elles ne dévoient pas se laisser envelopper par les molé- cules de densité différente de la leur, ni céder à l'attraction de ces molé- cules ? et si après avoir été unies , contre toutes les règles, au corps de la planette , elles s'en sont déta- chées ensuite , c'est assurément par un pur caprice, et non par une né- cessité résultante de l'impression qu'a faite sur elles le choc de la co- rnette* C'est donc très- follement que les parties qui constituent la lune, et qui sont d'un quart plus denses que celles = 124 = celles de la terre , se sont laissé em- porter au-delà du terme où elles dé- voient se placer et se former en pla- nette. Leur nouveau globe auroit dû décrire une orbite particulière autour de celle de venus, et non pas se faire à propos de rien trés-hum- ble esclave de notre terre. 11 est vrai que la lune a quelque obliga- tion à la terre > car étant plus den- se , elle avoit reçu du choc de la co- rnette une force précise d'impul- sion qui combinée avec l'attraction du soleil , auroit dû la retenir dans une orbite plus étroite que celle de la terre; or elle marche avec la terre, le surplus de mouvement d'impul- sion nécessaire pour cela lui doit venir de la planette principale : de plus elle décrit en particulier une orbite autour de la terre , et la for- ce d'impulsion nécessaire pour cet effet ne lui peut venir que de la pla- nette qu'elle accompagne. Mr. de Buffon Buffon n'auroit donc point dû rap- porter au choc de la cornette, corn.» me à sa cause , le mouvement de la lune autour de la terre , ni son mouvement sur l'orbite de la ter- re, ni son mouvement de rotation. Vous appliquerez aisément, mr, cette observation aux satellites des deux grosses planâtes. Mais quelle est donc l'espèce de matière employée à la formation de chaque planette? Mr. de Buf- fon ne nous donne que des vues gé- nérales sur la matière des 6 planet- tes. Il s'explique seulement sur celle dont la terre est formée. Les matières sont de différente densi- té dans les pla nettes, vous l'avez vu. 33 Les planettes "croient.,... t vo] » brûlantes et dans un état de li. ^ » quéfaction totale ; cet état de li- " quéfaction n'a duré qu'autant que >m violence de la chaleur qui l'a- » yoit pro- fi » voit produit. Peu à peu les pîa- 3* nettes se sont refroidies , et c'est & dans le tems de cet état de fluidi- 35 té causée par le feu , qu'elles au- » ront pris leur figure, et que leur 35 mouvement de rotation aura fait 35 élever les parties de l'ëquateur en ^ abaissant les pôles. Cette figu- » re qui s'accorde si bien avec les ^loix de l'hydrostatique suppose 35 nécessairement que la terre et les 35 pîanettes ayent été dans un état 35 de fluidité. Et je suis ici de l'avis >5 de mr. de Leibnitz. Cette fluidité » étoit une liquéfaction causée par a la violence de la chaleur. L'ia* 35 teneur de la terre dont être une 35 matière vitrifiée , dont lessables5 35 les grès, le roc vif5 les granités 7 35 et peut-être les argilles sont des 35 fragrnens et des scories. 55 Il s'explique plus en détail ail- leurs sur la matière dont la terre est composée. composée. » Je conçois, dit- il, » que la terre dans le premier état & étoit un globe ou plutôt un sphè- re roïdede matière vitrifiée, de ver- :»re, si Ton veut, très-compact, :» couvert d'une croûte légère et friable, formé par les scories de » la matière en fusion , d'une vé- ^ ritabîe pierre- ponce. Le mou- » vement et l'agitation des eaux et » de l'air brisèrent bien-tôt , et ré- as duisirent en poussière cette crou- » te de verre spongieuse , cette :» pierre- ponce qui étoit à la surfa- ce. De-là les sables , qui en s'u- » nissant , produisirent ensuite les 33 grès et le roc vif, ou , ce qui est la » même cho seules cailloux en gran- » de masse, qui doivent , aussi- bien » que les cailloux en petite masse , ^ leur dureté, leur couleur ou leur ^ transparence,et la variété de leurs a» accidens , aux différens degrés de 35 pureté et à la finesse du grain des » sables A = r^8 = «sables qui sont entrés dans leur » composition. » Enfin il se décide plus bas à for- mer la terre de verre, et il s'expli- que ainsi * Le verre paroît être *la véritable terre élémentaire; et *> tous les mixtes un verre déguisé." *>Les métaux, les minéraux, les y> sels , etc. ne sont qu'une terre vi- y> triscible. La pierre ordinaire , a>les autres matières qui lui sont a- 30 nalogues et les coquilles des tes- » tacées , des crustacées , etc. sont * les seules substances qu'aucun a- »gent connu n'a pû jusqu'à pré- * sent vitrifier , et les seules qui » semblent faire une classe à part. » Voila un beau détail , mr, mais peut- être ne le trouverez, vous pas encore assez complet. Vous fe- rez des questions sans fin sur la na- ture de l'eau et sur celle de l'air i vous exigerez qu'on vous déclare nettement % nettement, si l'air est aussi de ver- re ; comment il a été formé; s'il é- toit dans le soleil sous la même for- me que nous l'avons dans notre globe. Vous demanderez si l'eau étoit autrefois du verre , ou si elle étoit seulement confondue avec le verre dans le soleil Vous pous- sez trop loin votre curiosité s elle devroit être, ce me semble, satis- faite par les découvertes merveil- leuses, inouïes et vraiment incom- préhensibles dont je vous ai fait part. Je les abandonne à votre étonnement , ou si vous voulez , à vos réflexions. Si le vaisseau qui est en rade , ne met pas si-îôt à la voile , je pourrai joindre une troi- sième lettre à ces deux premières 9 où vous trouverez une théorie de la terre tout aussi neuve et aussi surprenante que celle de la forma- tion des planettes que vous vene& de voir* Je suis , etc. 3 * lettre. Idée de la construction de la surface de la terre selon mr* de Buffon. E vaisseau qui doit % mr, vous porter de mes aouvelks , ne met à la voile qu'à la fin da -iiois , j'aurai encore: probablement le tems de vous dé- velopper la construction de la ter- re telle que mr. de fiuffbn- Fa ima- ginée. Il forme notre planette. avec une facilité qui a dû vous éton- ner. Après avoir mis ordre aui sphères célestes pour n'y plus reve- nir * il s'occupe principalement de la terre , et des moyens de la ren* dre habitable. Notre planette , ce séjour dont nous faisons nos déli- ces , que nous devrions plutôt re- garder comme un exil, est dans son origine ce que nous pouvons ima- giner de plus révoltant et de plus hideux; car voici la description i. voi. qu'il nous en donne. » Le tout é- ZÎU » toit recouvert d'une coache d'eau d> de 5 ou 600 pieds d'épaisseur qui » fut produite par la condensation »des vapeurs, lorsque le globe commença à se refroidir ; cette ^ eau déposa par tout une couche 3> limoneuse mêlée de toutes les » matières qui peuvent se sublimer * et s'exhaler par la violence du feu, i> et l'air fut formé des vapeurs les 33 plus subtiles qui se dégagèrent » des eaux par leur légèreté, et les » surmontèrent. :» Voilà le premier état du globe terrestre expliqué d'une manière far fort simple. Maïs lorsqu'on ap~ profondit cette simplicité , qu'on y trouve de difficultés I On est d'a- bord frappé du ton dont l'auteur a prononcé, comme vous l'avez vu dans la lettre précédente, que la ter- re ne fut dans son origine que du verre et des scories. L'étonnemeot a dû augmenter > quand on s'est vu forcé de conclure du système de mr, de Buffon , que la matière du soleil n'est qu'un verre fondu. On a dû lui demander quel étoit cet aliment qui entretenoit ce feu violent > et qui tenoit cette énorme masse de verre en fusion. On n'aura pu imaginer que le verre seul pût être en même tems et le sujet sur lequel le feu travaille » et l'aliment qui en- tretient ce même feu. Maintenant sur les nouvelles lumières que l'au- teur vient de nous fournir, on est surpris de la quantité d'eau dont notre globe est arrosé. D'où vient- elle* elle , se demande t-on ? Etoit-clle mêlée avec le verre en fusionrCom- ment ces deux matières si différen- tes s'accornmodoient- elles ensem- ble dans la fournaise immense où elles étoient? Comment s'y accom- modent* elles actuellement ? Je fais cette seconde question?parce qu'on doit supposer que les mêmes élé- mens distribués dans les différentes planettes, composent encore le soleil , et y sont dans la même pro- portion qu'elles y étoient dans le tems que la cornette y a fait brèche. Enfin l'admiration se change en vrai étourdissement , quand on en- tend que lair dont l'élasticité,et tant d'autres propriétés annoncent dans les parties élémentaires l'art le plus supérieur à nos connoissances,n'est pourtant que ce qu'il y a voit de plus subtil dans une substance limo- neuse que l'eau déposa , et qui n'é- toit probablement que des débris très- très* minces des scories du verre» Il faut avouer que tout cela , pour être adopté par quiconque deman- de des raisons r auroit besoin d'une autorité équivalente à celle de la révélation. Mais les merveilles ne sont pas épuisées. L'auteur couvre notre globe de verre de 5 ou de 600 pieds d'eau. On juge d'abord qu'il le fait pour accommoder son système à l'histoire de la genèse 9 qui nous re- présente la terre dans sa première forme comme une espèce de cahos- tout enveloppé d'eau ? mais on se trompe* C'est qu'il est frappé de ce qu'on trouve dans presque tous les rochers des coquillages marins fossiles 9 des plantes marines ? in- dices certains que la mer a monté autrefois presque au sommet des plus hautes montagnes r et qu'elle y a laissé ces dépouilles, Et com- me lî me il ne lui plaît pas de reconnoî- tre dans ces fossiles , dans ces plan- tes marines les monumens d'un dé- luge universel , il faut qu'il suppo- se que la mer couvroit les plus hau- tes montagnes long - tems avant que la terre fût habitable. Ce que je n'entens point , et ce qui , je crois , ne sera entendu de personne, c'est que reconnoissant que dans les plus hautes monta- gnes les pierres remplies de coquil- lages sont elles-mêmes à plus de i ooo toises au-dessus du niveau de la mer , l'auteur ne donne néan- moins à la couche d'eau dont il couvre la terre 9 que 5 ou 600 pieds, c'est-à-dire , au plus 100 toises. Vous jugez bien qu'il devoit lui donner dix fois plus de hauteur au- dessus du niveau actuel de la mer > dès qu'il prononçoit décisivement que ces coquilles ont été laissées par la nier la mer dans les lieux où elles sont comme incorporées avec la pierre et avec les cailloux. Car en voyant de ces fossiles iooo .toises au-des- sus du niveau actuel de la mer , on doit conclure du sentiment de l'au- teur que la mer a été autrefois éle- vée jusqu'à cette prodigieuse hau- teur , et qu'elle y a laissé des coquil- lages comme des monumens du sé- jour qu'elle y a fait. On croiroiî que c'est une faute d'impression , et qu'il faudroit lire éooo pieds au lieu de 600 f quand on pense que mr. de Buffon avok besoin de faire monter la mer bien au-delà du terme où l'on trouve,, selon lui, les dernières couches de coquillages fossiles ? et on est très- bien fondé dans ce jugement. Se- lon lui , toutes les montagnes ne sont faites que de sédîmens accu- mulés dans certains endroits par le flux et le reflux, m les autres mou- vemens casuels de la mer. Il fixe les plus hautes de no re continent à i ôoo toises | les cordillères au Pé- rou à 3000 toises > il faut donc qu'il prétende que la mer a été portée jusqu'à près de 3000 toises pour laisser les sédimens, dpnt les som- mets des cordillères ont été formés. Cependant nous verrons dans la suite que mr. de Buffon a eu réelle- ment de fort bonnes raisons pour ne donner que 5 ou 600 pieds à la couche d'eau , dont il veut que la îerre ait été couverte. Il nous jette encore dans un nou- vel embarras par le nombre prodi- gieux de coquillages qull fait venir au secours de son histoire naturelle. Car outre cette grande quantité de coquilles et de dépouilles d'ani- maux marins que nous trouvons p, %ju par-tout dans les rochers , il pré- tend tend que la nature employé les co- quillages pour former la plupart des pierres ; que les craies , les mar- nes et les pierres à chaux ne sont composées que de poussière et de fragmensde coquilles. - Les cou- p- 2"; » ches intérieures de craie , de mar- ine, de pierres à chaux , de mar- *bre , sont composées de coquil- les et d'autres* productions mari- nes mêlées avec des fragmens de » coquilles ou avec des coquilles entières.» Enfin tout ce qui n'est sujet qu'à la calcination , qu'on ne peut conduire à la vitrification y Semblé être , sèîon hû , dans le mê- me cas. Si cela est , il faut con- venir avec lui qu'il a fallu bien des siècles pour accumuler tant d'ani- maux marins. Qui forma donc ces premiers co- quillages dans la mer, au tems où la terre n'avoir pas encore été dé- gagée gagée de l'eau 5 et où fut prise la quantité de cette matière non vitri- fîable nécessairepour servir de mai- sons ou de vêtemens à tant d'ani- maux ? Car enfin nous n'avons jusqu'ici que du verre et des scories de verre dans la description que l'auteur nous a faite de la terre. Ce n'est qu'au trdîsiéme volume que mr de Buffon répond à ces questions. Et je suis obligé de vous en dire un mot par anticipation, ïl nous apprend que les animaux et les plantes ont pour élémens des molécules vivantes,également pro* près à former le cheval et le chien- dent y il les suppose indestructibles de leur nature. Ainsi ils ont pu bouillir des milliers de siècles dans la matière fondue du soleil , sans y être altérés. L'embrasement de la terre étant éteint , ces molécules se sont trouvées dans l'eau , où appa- remment — H1 i remment pour s'accommoder à l'élément qu'elles habitoient , elles se sont formées en coquillages et en poissons. Voilà tout l'éclaircis- sement que nous pouvons tirer de la doctrine de mr. de Buffon tou- chant les animaux. Croyez - vous , mr , que ce dé- nouement plaise beaucoup aux sçavans , et que la parole de l'au- teur soit une raison suffisante pour se persuader que les élémens des a- nimaux et des végétaux soient des corps vivans et indestructibles 5 pour juger que la surface de la ter- re étant toute couverte d'eau , ces molécules vivantes se sont déter- minées sur les circonstances que leur présentoit l'élément où elles vivoient , à se former les unes en huîtres , d'aûtres en cornes d'sm- mon , en oursins , en ces poissons voraces dont on trouve fort com- munément munement les dents? Il ne tire pas directement lui- mê- me ces conséquences , il nous met adroitement à même de les tirer. Mais que gagnerions-nous à sui- vre ces vues? Nous épargnerions à Dieu la création des animaux , mais nous heurterions de front contre la lettre du texte sacré-. Que nous enseigne la genèse ? Que le troisième jour de la créa- G«M. tion Dieu dit : que les eaux de €" , dessous le ciel se rassemblent en » un seul lieu, et que ce ( qu'elles * couvrent ) paroisse à sec 5 et ( ce- la ) fut ainsi. Dieu donna à ce qui métok aride le nom de terre, et il cappella mers les eaux assein- *> blées Dieu dk encore : que m la terre produise de l'herbe verte » qui porte de la graine , et des ar- » bres fruitiers qui portent du fruit (chacun) = 143=* *> ( chacun ) selon son espèce , et qui renferment leur semence en d> eux-mêmes (pour *e reproduire » sur la terre > ) et ( cela ) fut ainsi : » la terre produisit de. l'herbe ver- y> te et 4es arbres frukie s, .* ,} » et du ioir et du matin se fit le » troisième jour. ( Ce ne fut que * le cinquième jour que ) Dieu dit » encore : que les eaux produisent » des animaux vivans qui nagent » dans Teau , et des oiseaux qui vo- » lent sur la terre , sous le firma- ^ ment du cieL Voilà l'ordre de la création , il est totalement op- posé aux arrangemens de mr. de Buffon. Dans le texte sacré ïes plantes et les arbres couvrent la ter- re avant que les eaux eussent leurs habitans, Dans le système de mr de Buffon , les poissons sont créés les premiers , et ce n'est qu'après une multitude de générations de poissons que la terre étant décou- verts = i44 = verte en partie, produit les herbes et les plantes. Dans l'histoire de la genèse la mer ne produit rien jus- qu'à ce qu'elle soit resserrée dans de justes bornes : dans le système de mr. de Buffon c'est précisément du- rant que les eaux couvraient toute la surface de la terre , que les pois- sons ont été le plus multipliés. Ces deux oppositions nous suffisent pour nous convaincre que nous ne pouvons recevoir en mêmetems la révélation de Moyse et le système de mr, de Buffon. Et dans ce con- cours l'auteur lui- même nous sçau- ra gré apparemment de ce que nous ne lui donnons pas la préférence. fy Vous ne serez pas fort touché , mr, ni vraisemblablement beau- coup allarmé des défauts essentiels que je trouve dans le système de mr. de Buffon , après que je vous ai fait voir qu'il contredit l'histoire deMoyse$et assurément vous avez raison = 145 = raison de vous en tenir là. Ce- pendant j'ose dire , qu'à considérer ce système isolé de tout rapport à l'écriture sainte , on le jugera in- soutenable- N 'est-il pas bien sin- gulier , par exemple , que pour évi- ter la difficulté qu'on trouve à rap- porter au déluge les coquilles ma- rines , les dents et les os de pois- sons marins renfermés dans des ro- chers fort élevés au-dessus de la mer , on avance l'âge du monde de i ooooo ans , au moins avec une gé- nérosité et une confiance telles qu'elles ne conviennent qu'au seul maître du tems? Le déluge est un prodige auquel les sçavans n'ai- ment pas à rapporter l'état exté- rieur de notre globe : mr. de Buffon lui en substitue un autre qui certai- nement leur plaira encore moins. Il veut que la terre ait été couverte d'eau durant des milliers de siècles. Et pourquoi > Pour produire des coquillages /. partie v = r4^ — coquillages et des poissons. A quel- le intention P Pour les renfermer dans les rocs , pour produire la craie, etc. Eh'.quis'aviseroit de pen- fer que Dieu a conçu le dessein de créer la terre, pour n'y mettre d'au- tres fpectateurs de ses merveilles, durant des milliers de siècles , que des coquillages et des poissons >. Si le texte facré nous eut assuré ce fait, nous le croirions assurément; mais le croirons-nous fur l'autorité de mr. de Buffon ï Il fe mocque , et peut-être avec quelque raison , s'il est permis de se mocquer d'un sçavantqui a bien fait fes preuves , et auquel je ne sçais s'il est trop décent de se com- parer ; il se mocque du docteur Woodward; parce que celui-ci sup- pose que toutes les pierres, tous les rocs , tous les métaux , tous les corps terrestres, en un mot, ont ete pùîraculeufemenî miraculeufement dissous au rems du déluge, excepté les coquillages et les autres dépouilles d'animaux marins , que Dieu destinoit spécia- lement à fournir dans les rochers des monumehs du plus terrible, comme du plus universel des châ- timens qu'il ait exercés contre les hommes. La dépenfe du miracle qu'exige mr. Woodward, paraît puérile à mr. de Baffon. Quels moyens fait- il employer lui même parla sagesse divine, pour placer des huîtres et d'autres coquillages dans des rocs à 1000 toifes au des- sus du niveau de la mer ? La fait-il agir plus raisonnablement lorfqu'il lui fait créer la terre i ooooo ans a- vant qu'elle portât des créatures in- telligentes , capables d'admirer les ouvrages du créateur ? L'eau , dont ia terre ét oit couverte , se sera , à la vérité , remplie de poissons pen- dant ce long âge dumonde, qu'on pourroit = 148 = pourroit appeller l'âge des pois- sons, et qu'on doit ajouter à notre chronologie. Tout ce que mr. de Buffon pourra donc dire de plus supportable, c'est que ces animaux, au défaut des hommes , qui n'exis- toient point encore, auront servi de spectacle aux créatures pure- ment intellectuelles , je veux dire , aux Anges pendant tant de siècles. Mais n'exageré-je point en di- sant que , dans le système de m de Buffon, la terre subsista 100000 ans sous les eaux avant que d'être habitable , et que durant ce tems il n'y avoit d'autres animaux vivans que les poissons ? Pour me justifier sur ce point , je dois vous appren- dre que m', de Buffon prétend que les rochers où nous trouvons des coquillages fossiles ont été formés de la poussière que le mouvement du flux et du reflux , et celui que les vents 8=149 = vents communiquent à la mer,ont détachée de son fond. Vous le ver- rez dans la suite Mais vous jugez d'avance que la formation de ces rochers farcis d'huitres , a dû être lente. Vous n'auriez qu'une idée vague de la lenteur de cet ouvrage de la mer , si m', de Buffon ne vous aidoit à vous le représenter avec plus de précision. » M1. Saulmon p.** p> rapporte , dit-il, qu'un trou de » 16 pieds de profondeur percé di- rectement et horizontalement „ dans la falaise duTréport qui est s, toute de moëlon , a disparu en 30 ans 5 c'est-à-dire, que la mer » a miné dans la falaise cette épais- '?? seur de 1 6 pieds. En supposant * qu'elle avance toujours égale- 2» ment, elle mineroit 1000 toifes a» ou une petite demie - lieuë en 35 12000 ans. » Tenons- nous en là , mr ; l'hypothèse est aussi favo- rable que nous pouvons le souhai- ter; l 3 ter 5 car la mer doit avoir trouvé à miner des rochers de cailloux tout autrement compactes quelemoë- lon , puisque nous voyons des cail- loux des plus durs remplis de co- quillages, et que mr. de Buffon sup- pose formés par les sédlmens que îa mer aura enlevés à des rocs de même nature. Evaluez maintenant, mr, com- bien il a fallu detems à la mer pour détacher assez de poussïere impal- pable pour former les cordillères , toutes les autres montagnes , et ce que les plaines même, ce que les continents ont d'assifes, si je puis; m'exprimer ainsi , de cette pous- sière au-dessus du niveau de la mer > et vous verrez , qu'en supposant qu'il faut 12000 ans à la mer pour miner une demie- lieue de terrain de la hauteur même où elle monte dans les plus hautes marées , ce n'est n'est pas la faire travailler à l'aise que de ne lui donner que 100000 ans pour mettre la terre dans l'état où nous la voyons présentement. En supposant que la mer a porté des coquillages 1 000 toifes au-des- sus de son niveau actuel, et qu'elle a par conséquent été x 00000 ans (a) au moins à cette hauteur , il est tout naturel de demander à mr. de Buf- fon ce qu'est devenu ce volume 1m- menfe d'eau qui ne paroîtpîus > je veux dire cette couche d'eau de mil- le toises de profondeur. Mais ii nous fera la même demande à nous qui voyons dans les coquilles fossi- les des monumens du déluge. Nous (a) îî est naturel de penser, & mr, de Bu£- fon ie fait entendre ailleurs , que les change- mens arrivés à la terre dans les premiers tems de son origine ont dû se faire avec bien moins de lenteur , qu ils ne se font maintenant que tout a pris une certaine consistance ; mais quand de ïooooo ans on en rabattr oit la moi- tié ? pour se prêter àcette considération , no- tre objection auroit encore assez de force. lui l 4 *== 152 = lui répondrons tout simplement, quece volume d'eau est devenu ce que Dieu a voulu. L'histoire du déluge nous apprend que toute la surface de la terre , les montagnes comme les plaines , furent couver- tes d'eau , en sorte que les hommes, les oifeaux , les quadrupèdes , les reptiles y périrent, à l'exception de ce qui en étoit mis en réserve dans l'arche. Dans le fait la quan- tité d'eau nécessaire pour un événe- ment si merveilleux , ne paroît plus. Dieu a renfermé ce surplus dans le lieu d'où il l'avoit tiré , ou dans quelqii'autre endroit ? ou s'il avoir changé quelque portion de matière en eau, il lui a rendu sa première forme : il n'a pas besoin de trouver de l'eau toute formée pour en mettre où il veut. En un mot quand je sçais que Dieu a fait quelque chose ; je n'ai pas besoin de sçavoir comment il Ta faite pour la croire , croire ; je m'en repose sur sa toute- puissance. Mais l'objection que je fais àmr. de Buffon n'est pas susceptible de la même solution : c'est à lui à ré- pondre de son système. Bien loin que son opinion soit garantie par le témoignage de récriture , elle lui est diamétralement opposée. Il prononce^ l'auteur ) qu'il » n'y f . * a aucune cause naturelle qui puis* p* » se produire sur la surface entière » delà terre la quantité d'eau qu'il a » fallu pour couvrir les plus hautes ce montagnes , et quand même , a- » joute- t«il, on pourroit imaginer r» une cause proportionnée à cet » effet , il seroit encore impossible .» de trouver quelque autre cause ^capable de faire disparoître les eaux. » A cela je réponds en fa- veur du déluge et d'après mr. de Buffou l s = r54 = Buffon lui-même : » Rien ne ca-^ ^ractérise mieux un miracle que » l'impossibilité d'en expliquer Tef- fet par les causes naturelles. » Or il est constant que les eaux ont por- té des coquillages et d'autres dé- pouilles d'animaux marins jusqu'à ïooo toises au-dessus du niveau ac- tuel de la mer. Il est constant d'ail- leurs , comme le dit mr. de Buffon, que nulle cause naturel le n'a pu pro- duire , ni faire disparaître ensuite la quantité d'eau nécessaire à ce mer- veilleux effet. Donc il est prouve par les principes de mr. de Buffon que l'inondation,dont nous voyons les preuves sur les plus hautes mon- tagnes , a été produite par un mi- racle , et que ces eaux surabondan- tes ont disparu par un autre mira- cle. Par conséquent ces coquilla- ges sont des monumens d'un délu- ge miraculeux , tel que celui dont Moyse nous adonné l'histoire. Il es* Il est bien vrai que mr. de Buffon nous propose aussi de grands mira- cles dans la manière dont il inonde notre globe. L'eau qui a couvert la terre pendant iooooo ans, é toit originairement mêlée avec le verre fondu dans le soleil : n'est-ce pas là un grand miracle ? Une partie du soleil ayant été détachée de la mas- se commune , a conservé sa cha- leur , et s'est éteinte à propos de rien, Quand le verre s'est consoli- dé , les scories surnageoient , l'air •et l'eau s'en sont élevés , et prenant des places convenables à leurs den- sités , ces scories ont fait une croû- te rqui servoit de lit à la mer uni- verselle : l'eau l'a atténuée peu à peu r en la minant doucement , comme elle sçait faire, et en a formé des masses hautes de 6ooc> pieds. Ne sont- ce pas là tout autant de miracles et de grands miracles ? Je Pavoue 5 puisqu'il g $ est impossible d'expliquer tous ces effets si surprenans p^r des causes naturelles : mais ils sont de l'inven- tion de mr. deBuffon -, qui ne réa- lise pas les merveilles qu'il ima- gine. Fera-t-il aussi quelque miracle pour dégager la terre de cette quan- tité d'eau incommode dont il la couvre i Non, Il a recours à des procédés naturels. D'abord pour se mettre plus à Taise , il ne donne que 5 à 600 pieds d'épaisseur à la couche d'eau dont il enveloppe la te:re : il aura moins d'eau à placer. En creusant des bassins qui auront en plusieurs endroits une lieue ou une demie- lieuë de profondeur tels que sont ceux de nos mers , il lo- gera avec la plus grande facilité tout ce volume d'eau qui doit être à la vérité resserré dans des bornes assez étroites , puisqu'il doit laisser à découvert à découvert une grande partie de la terre; mais les profondeurs des bassins suppléeront à ce qui leur manqueront de largeur pour con- tenir toute cette eau. Est-il rien de plus naturel que cette opération* Et ce n'est pas là une pure sup- position : on a des monumens sub- sïstans qui indiquent que la mer s'est creusé elle même le vaste lit que nous lui connoissons. ( 4 ) L'o- céan doit avoir gagné 500 lieues sur les côtes orientales du continent. On nous fait voir sur la Mappe- monde une suite de montagnes qui P. passe par Tisle des Larrons. Et si on lui contestoit ce chef, on ne pourra, dit- il, s'empêcher de lui accorder au moins que Kamtschat- ka , Yeço , le Japon , les isles Bon- go, Tanaxima, celles de Lequeo grande isle des Rois , celle de For- {a) Mr, de Buffon doit cette belle idée à Tel-; liamd, = 158=: mosa, celie de Vaïf, de Bashé de Babuyanes , la grande isle de Lu- çon , les autres Philippines , Min- danao3 Gilolo , etc. et enfin la nou- velle Guinée qui s'étend jusqu'à la nouvelle Bretagne située sous le même méridien que Kamtschat- Ica , ne fassent une continuité de terre de plus de 2200 lieues. A quoi tend toute cette érudi- tion géographique ? Je présume que c'est pour nous faire compren- dre que la mer s'étant creusé un nouveau bassin, cesisîes nous don- nent des indices de la quantité des terres qui ont été déplacées ; com- me ces espèces de py ramides de ter- re y que les ingénieurs font laisser de distance en distance, leur ser- vent à estimer la quantité et la qua- lité du plein que les travailleurs ont tiré. Si c'est là son dessein , car il ne le développe pas trop , ces es- pèces peces de fouilles que la mer aura faites dans les terres, lui fournissent probablement les matériaux dont sont formés ces rocs et ces monta- gnes où l'on trouve tant de mar- ques du niveau de la mer presque au haut de leurs cimes, Voyons si la chose est possible en faisant les observations qui naissent et de Fétat des choses et da système de mr. de Buffon. Il est très-commode pour lui de supposer la première hauteur de la mer sur la sut&ce de notre globe ; de 5 ou 600 pieds. Je vous aï fait sentir que ce n'étoit point au ha- zard que mr. de Buffon faisoit cet- te supposition : mais dans le fait il ne se peut passer d'une quantité d'eau égale à celle que l'historien sacré employé dans la description du déluge. Car qui est- ce qui en- gage mr. de Buffon à supposer que la mer la mer a couvert autrefois toute la surface de la terre i Deux raisons. Voici la première : les coquilles fos- siles , les dépouilles d'animaux ma- rins n'ont pu être déposées où nous les trouvons que par la mer : ceci n'est pas douteux, er passe pour dé- montré parmi les sçavans qui ont examiné ces sortes de fossiles et les lieux où on les trouve. Voici la seconde raison. Il n'est pas pos- sible de nier que la formation des rochers et la déposition des coquil- les dans leur sein, ne soient de mê- me date : mr. de Buffon le prouve très bien 5 car on ne peut dire que les coquillages ayent été introduits dans les rochers , lorsque ceux-ci étoient déjà formés. Or m', de Buffon , je le répète, avoue qu'on trouve des coquilles fossiles à mille toises au-dessus du niveau actuel de la mer : elles ont donc donc été déposées à cette hauteur par la mer. Les rochers , les pier- res qui les contiennent , ont donc été formés à mesure que les coquil- les ont été déposées par les sédi- mens que la mer a accumulés > la mer a donc dû autrefois monter à mille toises au-dessus du niveau que nous -lui voyons: tout ceci ne peut être contesté par un observa-* teur attentif. Mais de plus , dans le système de l'auteur 9 toutes les montagnes ne sont que des sédi- mens que le flux et le reflux , les flots ont ramassés en certains lieux* Les fameuses cordillères ( m*. Bou- guer écrit cordelières ) sont donc encore l'ouvrage de la mer? et Chimboraço, la plus haute de tou- tes celles que mr. Bouguer y a ob- servées et vûes,n'en doit pas être ex- ceptée. Elle a 3 z 1 7 toises au- des- sus de la mer. La mer a donc pot- té jusqu'à cette hauteur les sédi- fïiens dont la cime de la montagne â été formée 5 donc au lieu de dire que la mer a couvert la surface de la terre à la hauteur de 5 ou 600 pieds , mr. de Buffon lui a dû sup- poser plus de 3000 toises de pro- fondeur 5 et c'est sur cette profon- deur immense qu'il doit s'arranger. En partant de là il est aisé de prouver, que non - seulement ta mer n'a pu se creuser un bassin qui contînt ce volume immense d'eau , mais encore qu'ayant formé de sé- dimens toutes les montagnes que nous coonoissons,son niveau n'eût pas baissé d'une ligne. Je ne m'ar- rête pas au premier point , je n'i- magine pas qu'il soit contesté. Il n'est question que de discuter le se- cond. Pour procéder avec quel- que ordre, fixons-nous à un objet ; feignons que la longue chaîne des cordillères n'est point faite , et que la mer = 1^3 = k mer couvre la surface de la ter<=* re à la hauteur de 3000 toises. Que Dieu creuse au fond de la mer, d'un pied seulement de profondeur, une espace égale à la base sur laquelle les cordilieres sont assises , et qu'il en transporte les matériaux dans le lieu où sont ces prodigieuses mon* tagnes 5 voilà d'une part îa pre- mière couche des cordilieres faite ^ et les eaux sont descendues dans la nouvelle fosse d'un pied de haut* Qu^arri vera-t- il au niveau de la mer? Rien : il sera toujours le même » parce que si un volume d'eau égal à la capacité du canal , est descendu d'un pied , la première assise des cordilieres remplace ce volume. Que la fosse soit creusée de maniè- re qu'elle soit totalement figurée comme si elle étoit le moule des cordilieres prises dans leur hauteur de 5000 toises au dessus de la mer,, telle qu'elle est maintenant 5 le ni- veau'. veau de l'ancienne nier n'aura pas encore baissé , puisque le volume d'eau précipité dans ie bassin est remplacé par la masse des cordillè- res qui lui est égaie. Mais si Dieu creusoit encore cèn e énorme fosse en lui donnant, par exemple, 217 toises de plus de profondeur , et s'il accumuloit ce qu'il en tirerai t sur la cime des cordillères , laquelle nous venons de supposer au niveau de l'eau , j'avoue aiors que la mer baisseroit réellement , parce que le volume d'eau qui occuperait la ca- pacité nouvellement faite, ne se- roit point remplacé. Nous pouvons étendre notre supposition. Que Dieu ait creusé d'un pied la superficie de la terre entièrement couverte d'eau, non pour faire la première assise des cordïlieres , mais pour fonder la première de notre continent , de celui = i£5 = celui de l'Amérique et de celui des terres Australes , les eaux rempli- ront cette vaste fosse d'un pied de profondeur. Le niveau de la mer ne sera point diminué , parce qull est remplacé par la première assise des continens. Que la fosse soit creusée dans toute son étendue à la profondeur de i ooo toises , et tous les continens élevés à la mê- me hauteur , je dis par la même rai- son que la mer n'aura pas baissé d'une ligne. Vous prendrez peut-être ici , mr, le parti de mr. de Buffon. Vous me rappellerez qu'il a prétendu que 500 lieues de pays ont été rongées par la mer sur la cote orientale de notre continent ; qu'il a pû placer ses 600 pieds d'eau au-dessus de la surface que ces terres rongées a- voient d'abord ; que je suppose gra- tuitement que le fond de la mer é- toh toit dans le système de mr. de Buf- fon où est actuellement le niveau de la mer , et que par-là je mets Fauteur, contre son gré, dans la nécessité de donner à l'enveloppe d'eau , dont la surface de la terre étoit couverte , selon lui, iooo toises et même 3 000 de profondeur au-delà de celle qu'il lui donne vé- ritablement, Je vous répondrai, mr, que ce n'est point moi qui contredis mr, de Buffon 5 c'est lui qui se contre- dit lai- même. Ne reconnoît-il pas que les coquilles et les rocs qui les renferment sont les ouvrages de la *• 245. mer ? Or il y en a à j 000 toises au- dessus du niveau de ]a mer , il y en a à 200 pieds au-dessous de la sur- face de la terre dans un pays extrê- mement bas ( la Hollande ), et il m conclut lui-même que la Hol- lande a été élevée de ïoo pieds au- dessus du niveau de la mer. J*aï donc raison de soutenir que la mer, dans le système de mr. de Buffon 9 a été élevée de iooo toises au-des- sus du niveau qu'elle a présente- ment 5 et comme les cordillères sont encore , dans le système de l'auteur , un amas de sédimens dé* posés par la mer , f ai donc été fon- dé à dire qu'elle a dû monter jus* qu'à 3000 toises. Si les 500 lieues de pays ont été rongées sur les côtes orientales de notre continent % mon raisonne- ment n'en souffrira point. La mer s'y sera creusé un nouveau lit 9 elle aura déplacé ce qu'elle aura en* levé sur notre continent. De-là se seront formées les montagnes de l'Asie : à la bonne heure. Elle aura fait de même à nos côtes oc- cidentales, quoiqu'il en reste moins <àe vestiges» Je veux bien tout ce- la? mm — i6§ — la 5 mais elle aura déposé des co- quillages à i ooo toises au-dessus du niveau actuel de la mer : son ni- veau étoit donc là. Donc quelque fouille qu'elle ait faite pour se creu- ser un lit plus profond , toutes les montagnes qu'elle aura élevées à 3000 toises tiendront la place du volume d'eau dont elle aura rem- pli les nouveaux barsins 5 elle n'au- ra rien perdu de son niveau. Et je demande compte à mr. de Buffon d'une espèce de double calotte d'eau couvrant toute la terre à la hauteur de 3000 toises, et égale au volume d'air compris entre toutes ces mon- tagnes à la même hauteur. J'ai même droit de lui demander da- vantage, et de donner à cette en- veloppe liquide 3217 toises d'épais- seur , puisqu'il est si vrai qu'il pré- tend que les cordilieres sont un ou- vrage élevé par la mer , qne , con- tre le témoignage des Académiciens m qui ont été m Pérou,qui y ont cher- ché inutilement des coquilles fos- siles , il veut néanmoins qu'il y en ait dans les rochers que renferment ces énormes montagnes. Si mr. de Buffon prend. le parti de fixer l'ancien niveau de la terreà i ooo toises au- dessus du niveau ac- tuel de la mer > s'il veut que ce que les montagnes ont de plus élevé, ait été formé de matériaux que la mer avoir lancés jusqu'à 2000 toises au-dessus de son niveau, quoique nous ne concevions point dans la mer une force capable d'un si pro- digieux effet, nous lui tiendrons compte de tout ce qui aura été ain- si entassé miraculeusement sur les montagnes, et nous le retranche- rons du volume d'eau qui a dispa- ru, et qu'il ne place nulle part. Je parle ici des pics , de ces rocs énorme* /• partie. h énormes faits en pyramides, qu'on voit s'élever du sommet des plus hautes montagnes : et à cette occa- sion je vous transcrirai l'endroit où mr. de Buffon nous apprend qu'on trouve des coquillages fossiles à iooo toises au-dessus du niveau p. 3J,. présent de la mer. » Les pics où »l'on n'en trouve point, dit- il, y, sont composés de granites.de roc »vif, de grès et d'autres matières „ dures et vitrifiables , et cela sou- » vent jusqu'à 200 ou 300 toises en » descendant. Ensuite, ajoute- „ t.U , on y trouve souvent des car- » rieres de marbre ou de pierre du- „ re qui sont remplies de coquilles , » et dont la matière est calcinable , » comme on le peut remarquer a » la grande chartreuse en Dauphî- „né, et sur le mont Cenis où les » pierres et les marbres qui con- tiennent des coquilles, sont à » quelques centaines de toises au- ^ 35 dessous I, dessous des sommets,des pointes » et "des. pics des plus hautes mon- » tagnes , quoique ces pierres rem- y> plies de coquilles , soient elles- mêmes à plus de i ooo toises au- » dessus du niveau de la mer. » L'aveu est précis , vous le voyez, mr. Il en fait encore un autre qui ne dérange pas moins son système, et il le fait sur l'autorité de m*, de Fontenelles. » Toutes les plantes p, 3oé 33 gravées dans les pierres de Saint »Chaumont sont des plantes é- » trangeres ; non - seulement elles » ne se retrouvent ni dans le Lyon- * nois , ni dans le reste de la Fran- r»ce, mais eiles ne sont que dans 30 les Indes orientales et dans les cli- » mats chauds de l'Amérique, Ce «sont la plupart des plantes ca- » pilîaires et souvent en particulier » des fougères. Leur tissu dur et » serré les a rendu plus propres à 03 se graver h z **se graver et à se conserver dans *>les moules autant de tems qu'il a » fallu. Quelques feuilles des plan- 1 tes des Indes imprimées dans des » pierres d'Allemagne, ont paru é- » tonnantes à mr. de Leibnitz. Vol- » ci la même merveille infiniment » multipliée : il semble même qu'il » y ait à cela une affectation de la flp nature ; dans toutes les pierres de 3>S. Chaumont on ne trouve pas • une plante du pays On peut, pour satisfaire à plusieurs » phénomènes , supposer avec as- » sez de vraisemblance que la mer » a couvert tout le globe de la ter- » re 5 mais alors il n'y avoit point » de plante terrestre. » Vraiment non , mr. Dans Phy- pothese de mr. de Buffon où l'eau a d'abord couvert tout le globe , on ne peut pas dire que l'eau de la mer, en formant le terrein de S. Chau- mont» mont, en Télé vaut au-dessus du ni* veau actuel de la mer, y air porté des plantes et des feuilles des In- des. La terre , sous ce volume immense d'eau dont mr. de Buffon; l'enveloppe, pouvoit-elle produi- re des arbres , des plantes , de ces espèces de végétaux en un mot qui ne viennent qu'autant qu'ils trou^ vent un air libre , où ils puissent s'étendre ï On ne peut prêter une prétention aussi bizarre à un grand physicien. Cependant le fait est vrai , on trouve dans nos contrées des plantes et des feuilles des Indes moulées dans nos pierres. Mr. de Buffon conviendra que la mer les a apportées , et les a enveloppées dans un suc pierreux. D'où je con- clus , que s'il est vrai d'une part que les rochers où l'on trouve des coquillages et d'autres productions marines, prouvent nécessairement qu'ils ont été taits par l'élévation de la met h3 L = 174= la mer jusqu'à i ooo toises au-des* sus du niveau qu'elle a présente- ment, les feuilles d'arbres , les plan- tes dont parle mr. de Fontenelles, prouvent aussiinvinciblement,qu,- avant que la mer s'élevât à ce point, les terres avoient été découvertes , et avoient produit des arbres et des plantes. Ge qui s'accorde parfai- tement avec l'histoire du déluge, et point du tout avec l'histoire na- turelle de mr. de Buffon. Ces vérités si constantes ont é- chappé à mr. de Buffon dans un en- droit où entraîné par le plaisir dé- licat de critiquer deux grands hom- mes, Wiston et Leibnitz5 il ou- blie les intérêts de son propre sys- . vol. tême. » Dire que la mer a autre- I3*' » fois couvert toute la terre , qu'el- le a enveloppé le globe tout en- » tier , et que c'est par cette raison *> qu'on trouve des coquilles par- ^75 — >î tout, c'est ne pas faire attention »à une chose très essentielle qui 5> est l'unité du tems de la création. 3> Car si cela étoit , il faudrait né- » cessairement dire que les coquil- lages et les autres animaux habi- » tans des mers , dont on trouve >3 les dépouilles dans l'intérieur de » la terre , ont existé les premiers, y* et long- tems avant l'homme et :» les animaux terrestres. Or indé- » pendamment du témoignage des » livres sacrés, h'a-t-on pas raison » de croire que toutes les espèces y> d'animaux et de végétaux sont à 3» peu près aussi anciennes les unes »que les autres?» Il est donc prouvé que les ro- chers où Ton trouve des coquilla- ges , que les pierres où se voient des plantes des Indes , sont l'ouvrage d'un déluge, c'est-à-dire, d'une é- tévation des eaux au-dessus des plus hautes hautes montagnes 9 arrivée après que la terre avoit été desséchée , et qu'elle avoit produit des arbres et des plantes. Qu'on rejette celui dont parle Moyse, ou qu'on en suppose un autre antérieur auquel on rapporte la formation de? mon- tagnes , et dont les coquilles fossi- les sont des monumens, on trou- vera toujours les mêmes inconvé- niens. Il est constant d'une part qu'il est impossible de trouver un moyen physique de produire la quantité d'eau dont le globe doit avoir été inoadé, afin que la mec ait porté ses productions où nous les trouvons ; et d'autre part j'ai prouvé, en discutant l'opinion de mr. de Buffon, qu'aucune ressour- ce physique , aucuns travaux de la mer même n'ont pu faire disparaî- tre cette quantité d'eau. 11 n'y a donc qu'un miracle qui ait pu pro- duire cet effet. Le déluge qu'on supposera supposera antérieur à celui de Moy- se, sera donc tout aussi miracu- leux que le déluge de récriture 5 et qu'est-ce qui constate cette vérité! Les coquillages fossiles , les plan- tes dont on trouve les empreintes dans les pierres > des arbres entiers de pays fort éloignés transportés en Irlande , comme le témoigne mr. Woodward, que mr. de Buffoa critique quelquefois assez judicieu- sement , mais dont il devroit re- cueillir précieusement les réf lésions sur une infinité de faits très4ntéres- sans. Qu'il dise avec un air de triomphe et de cette façon libre qui lui est propre : » Woodward 5 p, * Scheuchzer et quelques autres 30 appellent ces coquilles pétrifiées P a> les restes du déluge ; ils les regar- dent comme les médailles et les »monumensque Dieu nous a laissés de ce terrible événement, afin * -qu'il ne s'effaçât jamais de la mé- » moire = i78 = 35 moire du genre humain > enfin 35 ils ont adopté cetre hypothèse y avec tant de respeft , pour ne pas j> dire d'aveuglement, qu'ils ne pa- 35 roissent s'être occupés qu'à cher- 35 cher les moyens de concilier l'é- 35 criture sainte avec leur opinion , :>3-et qu'au lieu de se servir de leurs 35 observations , et d'en tirer des iu- 35 mieres , ils se sont enveloppés 35 dans les nuages d'une théologie 35 physique , dont l'obscurité et la 35 petitesse dérogent à la clarté et 35 à la dignité de la religion , et ne 35 laissent appercevoir aux incrédu- 35 les qu'un mélange ridicule d'idées 35 humaines et de faits divins. 5> J'abandonne volontiers à mr. de Buffon les systèmes que nos phy- siciens ont inventés pour expliquer le déluge , j'avoue qu'il les réfute sohdement. J'aurois pourtant souhaité qu'il eût traité , sinon avec respect, respect , du moins avec quelques égards , des hommes célèbres que le public estime, comme les Wood- ward , les Burnet et quelques au- tres. Je dis, comme mr. de Buf- p. irf fon , » que leurs erreurs de physi- 3> que , au sujet des causes secondes » qu'ils emploient , prouvent la vé- » rité du fait tel qu'il est rapporté » dans l'écriture sainte , et démon- » trenî qu'il n'a pû erre opéré que * par la cause première, par la vo- ^ lonté de Dieu. *> Enfin qu'on doit regarder le déluge comme un moyeu surnaturel dont s'est servi la Tome- puissance pour le châti- ment des hommes. Mais j'ajoute, et je crois que je viens de le prou- ver , que les coquilles fossiles , etc. m'ont pu avoir été distribuées dans les rochers que par un miracle égal à celui du déluge , et qu'on n'a au- cune raison de recourir à une inon- dation antérieure à celle que nous a décrite = lSo = û décrite Moyse. J'espère mettre cette vérité au grand jour, en dis- curant les raisons qui empêchent mr. de Buffon de rapporter les co- quilles fossiles et la formation des lits de pierre au déluge décrit dans la genèse. Je finis là, mr, je veux profiter de l'occasion d'un vaisseau qui part Incessamment pour votre isle. Vous sçavez dans quels sen- îimens j'ai l'honneur d'ê- tre. Votre, etc. Fin de U pemme partie. sur P histoire naturelle > générale & par- ticulière de monsieur de Buffon. Nouvelle Edition revue et corrigée - ^ par P Auteur, féconde partie. 4e lettre. Ou fon expose les raisons pour lesquelles nf . de Bu£~ fon refuse d'attribuer au déluge les coquilla» 'avois été mal informé 9 monsieur , ce n'est qu'à la fin du mois ou au com- mencement de l'autre que le vaisseau mettra à la voiie:j aurai peut-être le tems avant son départ de vous rendre compte de toute la doctrine de m*, de Buf- fon sur la construction de la sur- face de la terre. Ma dernière lettre vous a laissé dans l'embarras 5 l'his- toire de Moyse nous enseigne que les a z T les eaux montèrent au dessus des plus hautes montagnes , les coquil- les fossiles en sont une bonne preu- ve , et qu'auparavant la terre étoit couverte de plantes et d'arbres. Le système de mr. de Buffon ne peut compatir ni avec l'un ni avec l'au- tre de ces faits. Il reste une diffi- culté commune et à ceux qui re- gardent les coquillages comme des titres autentiques du déluge, et à mr. de Buffon qui les rapporte à la mer dont la terre a dû être couver- te entièrement durant mille siè- cles : c'est qu'on ne sçait ni d'où a pu venir un amas d'eau tel qu'on se croit obligé de le supposer dans îe déluge, ni ce qu'il est devenu. Mais nous avons cet avantage, que l'aureur de la révélation a pour moyen physique général de tout ce qu'il opère , l'efficace essentielle à sa volonté absolue. Nous con- cevons çevons donc très- bien que rien n'a pu l'empêcher de fournir cette quantité d'eau , ni de la supprimer 9 dès que nous sçavons qu'il a voulu le faire. Au lieu que mr. de Buf- fon ne peut se servir que des loix de la physique pour submerger la terre sous ce prodigieux volume d'eau, et pour l'en délivrer , et la nature ne lui fournit aucune res* source. Pourquoi donc , me demande- rez-vous, mr. de Buffon ne s'en tient- il pas bonnement au déluge , qu'il fait profession de croireïpour- quoi ne le regarde-t'il que comme un événement qui n'a eu d'autres effets que la destruction des pre- miers hommes,sans qu'il ait appor- té aucun changement à notre glo- be ? Pour des raisons qui méritent quelque considération , et que je * 3 vais peser avec vous : voici la pre- mière. M>. de Buffon a été conduit par ses propres observations , et par celles de mr. Woodward à penser que les rocs où Ton trouve des co- quilles ont été formés parles eaux élevées à plus de iooo toises au- dessus du niveau de la mer. Tout homme qui a vu de ces coquilles sur les lieux mêmes où oh les trou- ve, sera convaincu de la vérité de l'observation. Ceux qui pense- roient que ces coquillages pou- voient bien n'être autre chose que les restes de la friandise des déli- cats des ternis les plus reculés , ou peut-être les débris de quelques ca- binets d'histoire naturelle arrangés par des curieux il y a 4, ou 5 000 ans, ces habiles physiciens , et j'en ai connu de tels , feroient une obser- vation vation qui vous feroït plutôt rire qu'elle [ne vous arrêterait. Des coquilles logées dans les rocs des montagnes et qui font corps avec eux , sont donc l'épo- que certaine de la formation de ces mêmes montagnes. Or mr. de Buffon observe que les montagnes étoient formées avant le déluge , puisque le texte sacré le dit posi- tivement. Donc les coquillei fos- siles sont déposées dans les lieux où nous les trouvons , antérieure- ment au déluge. L'objection est assez pressante , et il est bon de la rapporter dans les termes de l'au- teur. » Est-il dit dans l'écriture t.v>t » sainte que le déluge ait formé les » montagnes ? Il est dit le contrai- » re. » Il y avoit effectivement des montagnes avant le déluge, puisque les eaux montèrent quinze coudées 7 coudées au-dw sus des plus élevées; Quand même l'écriture ne le diroit pas aussi formellement, on seroit obligé de supposer des montagnes avant que la terre fut inondée ; car il y avoit des fleuves , des rivières et des fontaines. Les besoins de l'homme exigeoient qu'il y eût de l'eau douce; sans cela, qu'eue été un séjour fait pour l'homme juste, qu'un sol aride et stérile? Or dès qu'il y avoit des fleuves , des riviè- res, des fontaines, on doit suppo- ser des réservoirs pratiqués dans des lieux élevés, afin que l'eau trouvât une pente pour s'écouler et pour arroser la terre. Il y avoit donc des montagnes avant le déluge ; mais n'est-il rien survenu à ces montagnes? Tous les rocs que nous y trouvons y étoient- ils ? Plusieurs de ces montagnes n'onj h'ont-elles pas été détruites , et au contraire ne s'en est- il pas formé de nouvelles ? Parle- 1- on de rocs , de pierres de marbre, d'édifices de pierres avant le déluge > Etoit- il né- cessaire que les hommes se procu- rassent ces puissans abris sur une terre qui étoit encore le séjour de l'innocence, où l'air étoit salubre, et ne portoit point encore de se- mences de mort , où les hommes vivoient des 7 à 8 siècles ? On n'a- voit point besoin alors de pierres pour élever des bâtimens ; ce n'est que parce que notre désobéissance a mérité d'être punie, qu'elles nous sont devenues nécessaires. Que falloir- il pour retenir les eaux au- dessus de la terre > Des ré- servoirs, dévastes cavernes , dont les parois fussent d'une matière impénétrable à l'eau, telle que l'ar- gile ou d'autres terres grasses. Ces vases couverts de sable ou même d'une matière préparée pour faire la pierre, mais dépourvue d'une liaison propre à la rendre solide et dure ( le tout étant revêtu de bonne terre; eussent fait de très-haures montagnes conformémentauplan que Dieu s'étoit prescrit. Mais comme ces matières n*é- toient point unies, les eaux au- ro'ent pû les dissoudre et les dis- perser dans ce cas il n'eût resté que ce que j'appellerai le noyau de la montagne , cette croûte argileuse qui faisoir le réservoir ; le sable, la matière pierreuse eût été enlevée par les flots. Vous verrez dans la suite, monsieur, qUe les rocs où l'on trouve des coquilles ont dû être formés d'une matière fluide et lai- teuse, à peu près semblable à ce que nos nos maçons appellent du lait de chaux ; que cette matière laiteuse étoit composée de matériaux pro- pres à faire des pierres , des rocs , des cailloux,étant pénétrée par l'eau de la mer î que c'est probablement cette eau qui a fourni la liaison de cette matière ; enfin qu'il n'est pas possible de penser que les rochers ayent été faits de lames de pous- sière impalpable, déposées les unes sur les autres insensiblement par la mer. Suspendez, je vous prie, votre jugement sur ma réponse, jusqu'à ce que j'aye trouvé lieu de la déve- lopper. M1, de Buffoïi ne pourroit point opposer l'écriture aux supposi- tions que je viens de faire ; il ne trouveroit dans la genèse aucun monument sur lequel il pût assu- rer qu'il y avoit des rocs durs , des es de pierre dans les montagnes et dans le reste de la terre- Le très- grand nombre de pierres que nous connoissons étant rempli de co- quilles , de dépouilles d'animaux , de plantes et d'arbres, annonce que ce sont des productions d'une inon- dation survenue à la terre , lors- qu'elle étoit déjà peuplée et cou- verte de végétaux. Mais il faut être de bon compte. S'il est constant que les rocs dont je viens de parler, n'é- toient pas formés avant le déluge , il ne l'est pas moins pour un obser- vateur attentif, qu'il y a eu avant le déluge des rocs , des pierres , des cailloux. Les pics qu'on voit sur les plus hautes montagnes, où l'on ne trouve plus de coquillages , sont de ce nombre. Ce sont ou les com- bles des noyau x de ces montagnes primitives , ou le plus souvent des parties de l'intérieur de ces mêmes noyaux, noyaux , poussées au-dehors par des volcans. Ces pics nous indi- quent que les noyaux étoient à peu près de la même espèce de pierre £t qu'ils sont demeurés tels qu'ils étoient après la création. On trou- ve des masses de cailloux fort gros tsnis par une matière pierreuse , et qui paraissent avoir été formés avant leur union. J'ai vu des pays où Ton trouve des cailloux fort gros et fort blancs , et où les bancs d'une autre espèce de pierre singu- lière, sont posés l'un sur l'autre à peu près comme les feuilles des ar- doises. On n'y trouve point de coquillages. Ces espèces de pier- re pouvoieot être de l'institution primitive. Venons à une seconde objec- tion, qui, certainement ne vaut pas la première : » Est-il dit, de- » xnand* //, partie. h • » mande l'auteur, aue les eaux fus- sent dans une agitation assez »> grande pour enlever du fond des ^ mers des coquilles , et les trans- at porter par toute la terre ? Non, & répond-t-il, l'arche voguoit tran- ?> quillement sur les flots. » Mais mr. de Buffon sçait* il pourquoi ? Il voudra bien l'apprendre de l'Esprit , Saint qui a conduit la plume de Moyse et celle de l'auteur de la sa* gesse. » Lorsque le déluge inonda » la terre , dit ce dernier auteur , *> la sagesse sauva le monde, ayant d> gouverné le juste sur les eaux par S un bois méprisable. » Il dit en- core : » Dès le commencement du » monde, Seigneur, lorsque vous » fîtes mourir les géans superbes , * un vaisseau fut i'asyle et le dépo- i *> sitaire de l'espérance de l'univers ; » il conserva au monde la tige dont »il devoit renaître, car le bois ' 3? cjui » qui sert à la justice est un boïs » béni, » Vous le voyez , mr. l'ar- che étoit gouvernée , l'arche étoit conservée par la main de Dieu. » Rien ne paroissoit plus méprisa- Abrégtf *>ble, ( c'est mr. de Mesangui qui ^art£ » parie , ) parce que rien n'éroit ce ai0-aiv m semble, moins propre à sauver .» les hommes et les animaux qui s'y étoient retirés, La figure de 2» ce vaisseau , qui étoit un quarré » long , semblable à celle d'un cof- 3^fre, le rendoit facile à tomber 5>sur un des côtés, et à eue sub- » mergé 9 le moindre flot étant » alors capable de le renverser* 3> Cette pesante machine n'avoit ï» ni gouvernail , ni rames , ni & voiles j la manière dont elle étoit » construire 'ne laîssoit entrer le y> jour qu'avec peine 9 et Ton ne m pouvoit voir le ciel avec assez m de liberté pour juger par le soleil et h 2, * et par les étoiles , en quel endroit 35 du monde on étoit. Mais la sa- » gesse étemelle étoit son pilote , » l'œil du Tout - paissant ne ces- soit point d'être attentif sur elle. 33 Sa main seule la conduisoit et ^ en régloit tous les mouvemens. » Tout ce qui étoit dans l'arche 33 étoit confié à la vigilance de 33 Noë et de ses enfans et soumis s© à leur autorité ; mais la conser- vation et la conduite du vais- 33 seau et le salut de tout ce qu'il 33 renfermoif , ne venolent ni de leur 33 soin , ni de leur travail, » Je ne sçaïs d'ailleurs pourquoi nw de Boffon s'imagine que le dé- luge fut un événement si paisible et que la mer, pendant qu'il du- ra, fut dans un calme parfait. Moyse ne parle point de ce qui se passa durant les 150 jours que la me? ihér couvrît la terre , maïs il nous apprend qu'ensuite Dieu fit sou- fier un vent sur la terre, et qu'a- près que les sources de l'abîme et que les cataractes du ciel furent fermées, les eaux alioient et ve- noient , ce qui suppose un grand mouvement dans la mer, Mais i'apostre saint Pierre a- s,ru£ Joute encore à l'idée que la Genèse u s", nous donne dubouteversement que causa le déluge. M. Wooward faii grand usage d'un passage de cet apostre. Il remarque, si je m'en souviens^bien , que saint Pierre ap* pelle le monde avant le déloge l'ancien monde , pour faire sentis que notre terre d'à présent est si différente de l'état où elle étoit avant ce terrible événement, qu'on peut l'appeller une terre nouvelle. Mais peut - être ent endroit - on mieux par cette expression, non la terre , mais la génération des hom- mes qui l'habitoient au tems du déluge. Le sens de h phrase au- torise même à le penser. Dans le chapitre suivant, saint Pierre dé- signe la terre même d'une façon plus marquée. Il apostrophe ces' railleurs insolens qui suivront leurs propres paisions, et qui diront : 3.» Qu'est devenue la promesse de * son avènement à la fin du mon- *"4e 5 toutes choses demeurent au -même état qu'elles ctoient au - commencement du monde; mais » c'est par une ignorance volon- taire, répond l'apostre, qu'ils -ne considèrent pas que par la -parole de Dieu , les cieux furent - faits d'abord aussi bien que la «terre qui ( parut hors ) de l'eau, -et qui subsistoit par l'eau, quoi- que le monde d'alors eût péri, » submergé 5, submergé par le déluge des eaux, » Mais les deux et la terre d'à pré- * sent sont gardés par la même pa» „ role , et sont réservés pour être „ brûlés par le feu, au jour de la „ ruine des impies. » S. Pierre propose à l'impie les changemens arrivés à notre terre par l'inondation des eaux et la ca- tastrophe qu'elle doit essuier à la fin des tems. Il caractérise le mon- de ancien en ce qu'il subsistoit par les eaux, et en ce que les eaux ont été la cause de sa destruction. C'est-à-dire que la terre étoit sou- tenue par une certaine distribution des eaux ( dont les commentateurs nous donnent peu d'idées ) de ma- nière qu'au premier signal du Tout- puissant elle devoit trouver sa ruine dans l'élément même qui la souîenoit. Il caractérise la terre après îpresîedelugeencequ'ellen'aprus nenacrainciredel'eau^aisdufeu ^ q^l y a de bien clair dans ce Passage, c'est que l'apostre com- ■ fare le bouleversement que le dé- %e causa à 3a terre, à l'état ou la red,UiraI-fe«àlafindestems. Du mueu de ces ténèbres sacrées nous tuons cette vérité importante, qre nous avons peu d'idées de ce qu'é- toit la terre avant le déluge, et qu'il s'en faut beaucoup que son. état actuel nous représente ce qu'elle étoit avant le changement miraculeux qui y est survetfû. M', de Buffonn'auroitpas dû ob- jecter à ceux qui rapportent les co- quilles fossiles au déluge, que les eaux n'y étoient pas dans une agi- tation assez grande pour élever des coquillages du fond de la mer. Car quelque idée qu'il se forme de 11, • nondation fondation du déluge , il faut qu'il y reconnoisse les deux mêmes agens qu'il emploie lui-même pour for- mer sur la terre les rocs et les mon- tagnes. Quels sont ces agens ? Le flux et le reflux, les agitations cau- sées par les vents et par les courans. Or il se pique trop d'être physicien pour s'imaginer que l'action de la lune a dû être interrompue par l'é- lévation de la mer au- dessus des plus hautes montagnes. Nous lui avons fait voir dans l'écriture que Dieu avoit fait souf 1er un vent impétueux sur la mer > et comme il y avoit des montagnes avant le déluge , il n'au- ra pas de peine à avouer que des vallées étroites auront occasionné des courans 5 au lieu que dans son système les scories ont fait une croû- te unie sous les eaux, laquelle ne pouvoit par conséquent occasion- ner decourans. Si ces trois causes ? w 1 je veux dire, le flux, le reflux, le vent et les courans lui paraissent suffire dans son système, pour ex- pliquer comment des cornes d'Am- mon énormes en volume, et dont l'espèce ne paroît jamais sur nos côtes, ont été tirées du fond de la mer , et portées sur des terrains élevés, de quel droit suppose- 1- il que ces mêmes causes subsistantes dans la mer pendant le déluge n ont pû produire les mêmes effets ? Il y est d'autant moins fondé que le déluge réunit des cirèons- tances très- favorables à ces opé- rations , et qu'il est impossible de les faire valoir, ces circonstances, dans un système où Ton pose pour fondement que la mer a couvert la surface de la terre dès son origi- ne. Je remets à un autre tems à vous développer l'usage de ces dr- cpnstançes » constances : maïs pour ne point vous écarter de l'objet dont nous sommes occupés , je dis que le flux et le reflux, qui expliquent une in- finité de choses , ne peuvent rien expliquer dans le système de mon- sieur de Buffon. Car enfin la pres- sion ou l'attraction de la lune* comme on voudra, auroit opéré sur le volume de trois mille toises d'eau,dont il couvre toute la surface de la terre,îes mêmes choses qu'elle opère en pleine mer. Or il est certain que cette cause ne produit aucun effet sensible en pleine mer. D'où vient donc voudroit-il qu'elle eût occasionné un si grand boule- versement dans ces eaux d'une si prodigieuse profondeur ? D'ailleurs dans l'hypothèse de Fauteur la ter- re étant toute entourée d'eau n'eût point eu d'autre surface que celle de l'eau même : la lune auroit donc attiré b 6 ~24 = attiré successivement l'eau par ira mouvement uni, continu et pério- dlque,en parcourant tous les méri- diens. Or ce mouvement régulier et constant pou voit- il produire des montagnes et des rocs, en un mot des effets fort bisares qui n'auroîent d'autre cause que l'irrégularité de* agitations de l'élément ? La troisième objection que nu. de Buffon proposent celle ci : » Est-iî » dit ( dans récriture sainte ) que 3? la terre souffrit une dissolution » totale ? Point du tout , le dis- cours de l'historien sacré est * simple et vrai, celui de ces na- » turalistes est fabuleux. *> Il en veut ici particulièrement à mr*. Woodward, ce sçavant homme, le- quel,soit dit sans déplaire à l'auteur; avoit plus étudié que lui l'histoire naturelle des fossiles* Ge sçavant homme prétendoit que les rochers avoient été dissous aussi bien que les métaux, et déposés ensuite eut différens endroits avec des coquil- les entières , et que cette disso- lution avoit été opérée par la ces- sation de l'action des causes qui tenoient leurs parties unies. J'ai passé condamnation sur ce point contre cet estimable physicien. Néanmoins ce n'est pas parce qu'il a supposé que l'inondation avoit dissous différentes matières, mais parce qu'il prétendoit que les ro- chers avoient eu dès leur origine la dureté et l'inflexibilité que nous leur trouvons, et qu'ensuite ils a- voient été miraculeusement dis- sous. De l'aveu de m1, de Buffons v ces rochers n'étoient pas formés avant le déluge. Selon lui , ils sont faits des sédimens détachés insen- siblement du fond de la mer. Cela équivaut équivaut bien à la dissolution de m'. Woodward, et vous paraîtra aussi peu intelligible. Car sur quoi se fonde l'auteur de l'histoire du cabinet du roi P N'est-ce pas gra- ttement qu'il fait cette supposi- tion , que j'ai démontrée inutile dans son système ? Concevez , si vous le pouvez, cette opération. J'ai dit qu'elle demandoit au moins cent mille ans, je n'en ai pas dit assez ; elle exigeroit peut-être cent mille siècles. Et où les prend-il ces cent mille siècles ? Avant lesévene- mens que Moyse raconte? Mais il n'y avoit pas de tems > ou Moyse nous trompe. On répond donc tout simplement à m--, de Buffon qu'il ne s'est point fait de disso- lution miraculeuse, comme le veut nv. Woodward ; mais que les pier- res dont il est question n'étoient point formées avant le déluge» qull n'en subsistent que les éié- mens épars , ou si l'on veut , ras- semblés r mais destitués du princi- pe d'union qui en fait maintenant des corps durs , et que les eaux de la mer les prenant dans cet état* elle s'en est imprégnée , comme fait l'eau à l'égard de la chaux qu'elle convertit en une espèce de lait , et les a tenues en dissolu- tion. Représentez- vous , monsieur * que vous nous voyez, tous trois mr* deBuffon, Woodward et moi oc- cupés à considérer un rocher, où nous trouvons des coquillages , de petites pièces de peau de chien marin , des dents de grands pois- sons, tout cela faisant corps avec le rocher. Nous convenons tous trois qu'il est impossible que le roc étant formé , ces coquilles y ayent Réintroduites, non- seulement s'il étoitdur, comme nous le voyons, mais eût- il été' même en consisl tance de pâte. Ensuite mr. Wood- ward rapporte le fait au déluge : je suis de son avis; mr. de Buffon n'en est pas. M'. Woodward pour soutenir son sentiment assure que tous les rochers ayant été for- més avant le déluge, Dieu a mi- raculeusement suspendu l'action de la cause qui les rendoit durs et solides ; que par -là toutes les parties élémentaires ont été dis- soutes et mêlées avec l'eau. Mr. de Buffon saisit une partie de l'idée de l'autre ; il convient qu'il Y avoit des rocs avant qu'il y eût des coquilles fossiles, avant que la terre eût été desséchée ; mais il dit que l'eau en les frottant a usé peu à peu ces anciens rocs, qu'elle en a amoncelé les sédi- rnens y mens ; que des huitres , des débris de coquilles et de poissons se sont mêlés avec ces sédimens, qu'à la vérité ce mélange a demandé du tems, mais qu'on est le maître d'en prendre tant que l'on voudra , cent siècles sll le faut, parce que n'étant point gêné par l'histoire de Moyse, il peut donner à notre terre l'âge qu'il lui plaira. Moi 9 je- ris des deux dénoûeméns > je vais plus simplement : les rochers n'ont été construits , leur dis- je , qu'au même tems que les coquil- les et les débris ont été déposés où nous les trouvons, Vous en convenez tous les deux 3 j'ajoute qu'ils sont faits d'élcmens pier- reux qui n'étoient point unis, et qui ayant été accumulés ont pris de , la consistance, Voilà le résul- tat naturel des faits que nous avons sous les yeux? ils ne nous disent disent point ( ces faits ) ni que ces parties qui se sont comme collées ensemble,appartinsserit autrefois à des rocs semblables à ceux-ci, mais dissous miraculeusement ; ni à des rocs de la même espèce, mais usés insensiblement par îe frotte- ment des eaux. Les frais diin mi- racle pour introduire des huitres dans un rocher, et la liberté de donner à la terre l'âge qu'on juge à propos, mille siècles pour la même fin, ne me paraissent pas exiger de grands efforts d'esprit. Je m'en tiens à ce que me présen- te le fait tout nud. Les rocs que nom voyons sont composés d'élé- mm$ pierreux que les eaux ont chariés et déposés dans certains endroits 5 avec ces élémens ont été enlevés des coquillages , des portions d'autres corps marins, et l'eau en a fourni la liaison 3 lors- qu'ils qu'ils se sont desséches ; tout ce- la est extrêmement simple. Enfin mr« de Buffon propose une quatrième objection s elle s'a- dresse encore à mr. Woodward. » Comment toute la race des premier , , j vol. pas* » poissons, qui n entra pas dans zOÎ; &' ^l'arche, auroit«elle pu être con- x> servée , si la terre eût été dïs- *> soute dans l'eau 5 ou seulement ^ si les eaux eussent été assez *> agitées pour transporter les co- » quilles des Indes en Europe » ? Cette objection a deux parties : la conservation des poissons dans Feau épaissie par la dissolution de la terre > ces mêmes poissons con- servés dans une eau agitée au point où il a fallu qu'elle Fait été pour transporter les coquilles des Indes en Europe. Je trouverai ailleurs l'occasion de répondre à k seconde question ; quant à fi première elle est embarrassante pour m'. Woodward, qui suppo- sait que tout le globe de la terre avoit été mis en dissolution 5 et ce n'est pas mon idée. Le fond de la terre n'a point été dissous * les pierres de l'ancienne terre, ne Font point été. Pour la surface de la terre il n'est pas doureux qu'elle n'ait été dissoute > mais qu'est-ce que cette dissolution sur tm si grand volume d'eau ? L'eau de la seine est souvent très-bour- beuse et les poissons n'y péris- sent point. Or la mer chargée des dépouilles de la terre n'eût pas été peut-être si limoneuse que l'est la seine en certains tems. D'ail- leurs ces matières et sur- tout les terres grasses, les terres légères ont dû s'élever vers la superficie de la mer, et en laisser par-là le fond fond plus clair. Enfin le fray des poissons n'auroit pas péri ; ainsi tous fussent-ils morts , les espé- rances de leur race future restoient encore. Après ces objections dont vous sentez , mr. toute la valeur 9 il est juste de vous présenter un précis de la dQCtrine de mvde Buffbn sur la formation des rocs et des monta- gnes. Je le tire de la conclusion de la troisième partie à la fin de son premier vol. » Il paroît , dit- art. 7. et 8. que les contioens » terrestres ont été autrefois cou- m verts par les eaux. H paroît eer- » tain ( art. 12. ) q e le flux et le .5» reflux, et les aut es mouvemens ' * des eaux détachent continuell- ement des côtes et du fond de la *>mer des matières de tome es- » pece et des coquilles qui se dé- 93 posent » posent ensuite quelque part, et » tombent au fond de l'eau com- »me des sédimens , et que c'est »là l'origine des couches parai- 3. lelles et horizontales qu on trou- » ve par-tout C'est bien abu- ser de la liberté qu'on se donne de tout avancer que d'appeller sé- âimens ces grosses huîtres dont le talon est recourbé en bec de cor- foin, et ces cornes d'ammon de trois à quatre pies de diamètre, ■» C'est- là, continue m1, de Buf- sft fon , l'origine des couches pa- ^ rallelîes et horizontales qu'on » trouve par-tout. Il paroû ( art. ) que les inégalités du globe n'ont pas d'autre cause que celle »>du mouvement des eaux de la 35 mer, et que les montagnes ont » été produites par Tannas succes- » sif et l'entassement des sédimens ^dont nous parlons, qui ont & foimê «formé les dlfférens lits dont «elles sont composées. Il est « évident que les courans qui ont « suivi d'abord la direction de ces «inégalités ( art. 13. ) leur ont « donné cette correspondance des «angles saillans toujours oppo- «sés aux angles rentrans. Il pa- « roit de même, ( art. 8. et 18. ) « que les matières que la mer a dé- « tachées de son fond et de ses cô- « tes , étoient , pour la plus grande « partie , en poussière , lorsqu'elles « se sont précipitées en forme de «sédimens; et que cette pous- «siere a rempli l'intérieur des co- «quilles absolument et parfaite- «ment, lorsque ces matières se «sont trouvées ou de la nature « même des coquilles , ou d'une « autre nature analogue. 11 est cer» « tain ( art. 17. ) que les couches « horizontales , qui ont été produi- sîtes 5> tes successivement par le sédl- 33 ment des eaux, et qui étoient :» d'abord dans un état de mo- llesse, ont acquis de la dureté à » mesure qu'elles se sont dessé- » chées , et que ce dessèchement »a produit des fentes perpendi- culaires qui traversent les cou- » ches horizontales. » N'êtes - vous pas frappé , m^ de trouver dans ce court exposé du système de mr. de Buffon ce qu'on appelle dans l'école un cer- cle vicieux ? Ce genre de raisonne- ment est insupportable par- tout, mais sur - tout dans la physique. Vous vous souvenez bien que dans son système, l'origine des co- quilles fossiles 9 et des montagnes qui les contiennent , doit être rap- portée aux premiers tems de la terre , où il la supposoit parfei- tement couverte des eaux de la mer. Or il prétend que le flux et lerefluxen détachant des côtes une poussière impalpable et des coquilles, s'en est servi pour for- mer les couches horizontales et pa- rallèles qu'on trouve partout ? et il conclut de ce qu'il a enseigné dans l'article 9. que les inégalités du glo- be (c'est-à-dire, les côtes et les montagnes ) ont été produites par l'amas successifet l'entassement des sédimens dont il a parlé. Ainsi , selon lui, les sédimens donr les cou- ches horizontales sont formées* ont été détachées des montagnes qui servent de côres à la mers et ces mêmes sédimens ainsi détachés ont servi à former les côres et les mon- tagnes. Je n'insisterai point sur cette manière de raisonner, elle se réfute d'elle même yt . Ce II. Partie. ç Ce qu'il ne fait qu'insinuer , qug les pierres ou nous trouvons tant de coquilles sont formées d'une poussière impalpable que la mer a détachée de ses cÔLes , mérite da- vantage d'être remarqué. Il veut que la mer n'ait point réduit en poussière fine les huîtres attachées aux rochers. Il demandoit à mr. Woodward pourquoi tout avoit été dissous dans le déluge , excepté les coquillages : qu'il souffle qu'on lui demande aussi pourquoi la mer n'enlevoit qu'une poussière fine aux rochers qui sont assurément autrement durs que les coquilla- ges , sans qu'elle pût entamer ceux- ci. D'où vient emportoit-elle les huitres toutes entières ou en dé«* bris fort sensibles ? D'ailleurs il s'en faut bien qu'on puisse suppo- ser que les rochers ont été tous feits d'une poussière impalpable, 0% On voit, comme je l'ai dit , des blocs de pierre formés par l'union in-ime d'assez gros cailloux , lies par une matière pierreuse d'une autre espèce. On voit des bancs très-considérables d'une pierre vi- siblement composée de sables gros et menus , de débris de coq ailles et de coquilles entières , sans qu'on y apperçoive aucune sorte de liai- son, on ne donnera certainement pas à tous ces différens composans le nom de poussière impalpable. Si m<\ de Buffon a à cœur de se convaincre de ce; te vérité' , qu'il fasse le voyige de Doué en Anjou : il y verra un très bel amphithéâtre quoiqu'en pe it. Iles; pratiqué dans un banc de pierre où on a creusé un terrain circulaire. Les banquettes faites, pour les spectateurs sont taillées dans le roc même; on voit sous € % p£z 10!= sous ces banquettes de très-belles caves aussi creusées dans le roc » où Ton resserroit apparemment les animaux qu'on réservoit pour lç spectacle : or ce roc est un mélan- ge de grains de sable gros et me- nus , et de coquillages ou de dé* bris de coquillages, et on n'y ap- perçoit aucune liaison. On y trou- ve des échinkes plattes et dont la substance est blanche comme de l'albâtre; des madrépores > de gran- des dents de poissons en trcs- gran- de quantité , que les habitans du pays nomment langues > de petits oursins , de grandes coquilles en volutes , des coquilles telles que celles dont les pèlerins ornent leurs colletins et leurs chapeaux. Je di- rai en passant , à l'occasion de cet amphithéâtre, que je défie tous les physiciens du monde de douter , à l'inspection de ces lieux, que la mer ait couvert ce terrein qui dominé sur la ville , et qui est fort au-des- sus du niveau de la Loire , et à 30 lieues de la mer; et ce terrein n'est pas d'une petite étendue > il est le même jusqu'au-delà de S. Georges Châtehisonàide lieues de Doué et jusqu'à Brossé, éloigné d'un© Heue de l'autre côté. Ces pierres qu'on y trouve Sont" Comme friables au sortir de la car- rière , mais employées à l'air, elles deviennent extrêmement dures; ce qu'on ne peut attribuer ni à la na- ture des cailloux et des grains de sable , ni à celle des coquillages dont elles sont semées , mais à la matière imperceptible qui leur sert de liaison , et qui vient probable-" ment de la mer* Mats un article du système de m'. de * 3 ^Buffon,quiluiestcommunavec piques physiciens, et qu'il im- porte beaucoup de discuter, cVsc quil insinue que les rochers et les bancs horizontaux, qu'on trouve dans Ja terre,ont été formés par des Progrès insensibles. C'est pour cela q^l a besoin de faire séjourner les eaux si long-tems sur toute la surfa- ce de la terre; la bonne physique ne nous permet gueres d'entrer dans de pareilles vues. II est vrai que le mouvement des flots , les courans le flux et le reflux accumulent des sables en quelques endroits j mais leau, le plus inconstant des dé- mens , disperse souvent ce qu'elle a rassemblé, creuse des abîmes, en comble d'autres, élevé des bancs ouiln'yenavoitpoinr. A-t-on quelque exemple qu'elle les ait transformés en pierre? Est-on bien sur qu'elle ait fait naître quelque écueil écueil, je veux dire quelque ro- cher, depuis 4000 ans, ou sur ses côtes , ou dans son lit ? Il faudrait en produire des exemples fréquens-, car ce ne seroit pas assez d'en citer q uelques- uns. On a vu des isles nouvelles , pleines de rochers, se former dans la mer, cela est vrai ; mais on sçait que ce sont des feux souterrains qui ont élevé ces mas- ses du fond des eaux : on a vu quel- ques côtes nouvelles ; mais on sçait que les rocs dont elles sont faites , ont paru , parce que les terres et les sables qui les paroient de l'effort des vagues , ont été minés peu à peu. D'où vient donc que la met qui, selon m', de Buffon , est si habile et si constante dans l'usage qu'elle fait des matériaux qu'elle emprunte , n'a formé nulle part dans son sein des rochers sembla- bles au pic de tenerif? Letems ne C 4 1 lui a pas manqué, 4000 ans depuis ie déluge auroient suffi du moins 3 en construite, d'une hauteur moyenne. M', de Buffonôteàkmerl'in. constance qui en fait le caractère- Jl lui donne un travail suivi et dé la dernière lenteur. Chaque cou- che de pierre doit être composée de petites lames imperceptibles de sedimens, posées les unes sur les autres; tout cela est bien symé- tnsé. Mais si la chose est arrivée ainsi, je m'étonne que les bancs de pierre ne paraissent pas formés de feuilles parallèles; que quelque mafierehérérogene ne soit pas dé- posée entre deux lames pendant le tems nécessaire à faire une nou- velle provision de sédimens de- même espèce pour former une la- me suivante. C'est — 45=^ C'est ce qui est arrivé aux diffc- rens bancs de pierre > leur sépara- tion est marquée par une couche légère de matières hétérogènes mal liées , parce que la première cou- che étant faite, les eaux ont porté dessus différens sédimens , jusqu'à ce qu'elles ayent amené de la ma- tière de la première espèce pour construire une seconde couche. Il a même pû se faire que ces nua- ges laiteux , dont sont formés les bancs de pierre et de cailloux, fussent chargés à leur surface in- férieure , de matières étrangères ^ somme sont les grands glaçons que les rivières charient , dont le dessous est chargé de terre h ce. qui , avec les sédimens étrangers qui auront été déposés sur le pre^ mier banc , marquera suffisam- ment la séparation des deux : quel- quefois même la mer a couvert un premier banc de pierre d'une cou- che épaisse de glaise , de marnes , de sables , ou de pierres d'une au- tre espèce. Ces observations prou- veront infailliblement à un phi- losophe, qui examinera par lui- mê- me la situation de dlf^érens bancs de la terre, que chaque banc a été un ouvrage brusque , qu'il a été formé tout -à -la-fois. Si cela n'é- toit pas , il seroit difficile de com- prendre d'où viendroïent ces fen- tes verticales que mc. de Buffoi* explique très-bien. Je ne sçais , mr , si ces raisons vous persuaderont que les lits de pierre n'ont pas été construits par des progrès insensibles. SU vous restok quelque doute, un aveu de mr. de Bufion, et très-conforme d'ailleurs à l'expérience , rendra la chose — chose évidente. Les coquilles fis- siles sont to ites pleines de la mê- me espèce de manière dont elles sont enveloppées , comme les bi- valves , les cornes d'ammon 5 les nautiles ; je n'ai pas encore trouvé d'exceprion. On connoît avec quel artifice admirable ont été cons- truites les nautiles 5 on sçait que ces coquilles soit partage s en cel- lules, dont chacune comunique à sa voisine par un petit trou. Or supposé que le lit de pierre dans lequel on trouve une de ces co- quilles eût été formé insensible- ment p^r des couches de sédi- ment , le sédiment seroit aussi entri successivement dans ces co- quilles , et s'y seroit arrangé en lames. Par succession de tems* par les nouveaux sédimens qui y viendraient à diverses reprises , il arriveront que cette matière accu- mulée € 6 mulée remplirait les trous , et qu'il ne pourrait y en être introduite de nouvelle , et c'est cependant ce qu'on ne voit pas. Ces nautiles et les cornes dammon sont parfai» tement pleines. Des bivalves comme des huï-r très se trouvent en même tems* pleines et exactement fermées. Dira- 1- on que des sédimens ex- trêmement fins et déliés ont bien pû s'introduire et se filtrer entre les écailles du côré de leur ouver- ture , quoiqu'elles ferment abso- lument tout chemin à l'eau de la mer que les huitres ont respirée? Quand on pourroit le supposer ■ • on voit que l'ouverture seroit bientôt comme soudée par le sé- diment même , surtout lorsque Phuitre seroit dans une situation horizontale ou presque horizon- tale 3 —49 =» taie , et alors le dedans de l'huître se trouveroit vuide. Dira-t-on que l'huitre a été surprise étant ou* verte , et qu'elle a gardé cette si- tuation gênante jusqu'à ce qu'il se soit accumulé assez de sédimens pour la remplir, et qu'elle s'este fermée subitement? Combien fau- droit-il d'années , je pourrois dire de siècles , afin que la mer pous- sant dans l'huitre des sédimens; impalpables , parvînt à la rem- plir ? Il faudroit que l'animal tînt sa coquille ouverte pendant tout ce terro-là. Qui lecroira ? Quand l'huitre a tout le sédiment qui suf- fit pour la remplir, le banc de pierre a acquis la hauteur de l'é- paisseur de l'huitre , elle y est en- châssée, sa chatnierene peut plus jouer. Dira-t-on encore qu'elle s'est ouverte à diverses reprises- , qu'elle a reçu comme différentes «ndes ondes de ce sédiment, et que quand elle a été pleine , elle s'est entière- ment fermée? Cela n'est pas con- cevable, l'a limai seroit mort avant que sa coquille fut pleine. On ne peut donc expliquer ce phénomène, tôm petit qu'il est, i et Je remarque que e sont tou- jours de petites circonstances qui font échouer les grands systèmes) qu'en supposan: deu< choses, Tu- ne que les bancs de p erre ont été formés pir. une opération assez brusque, q û a s irpris l'ïuitre ou- verte; l'autre que U ma ère dont ce banc de pierre ou de cailloux a été formé, é or orijiauremeat un liquide qui a rempli i'hui:re, Fa enveiopp e en u.i ins ant , et lui a laissé la liberté de se re- fermer pour toujours. Mr. de Fontenelle a certaine* ^ ment entrevu ces deux idées , on en '71s* r p. 4.hiSj> le voit dans un passage que mr- ldp caW de Buffon cite, et dont il ne fait f^^ pas grand usage. » 11 est bien y> prouvé , dit l'historien de l'aca- démie, » que les pierres où Ton » trouve des coquillages ont été » une pâte molle 5 et comme il y 3> a des carrières presque par toute » la surface de la terre , la terre a » donc été dans tous ces lieux, du » moins jusqu'à une certaine pro- » fondeur une vase et une bourbe» » Les coquillages qui se trouvent x> dans presque toutes les carrières ^ » prouvent que cette vase érok une » terre détrempée par Teau de la 3> mer , et par conséquent la mer a » couvert tous ces lieax-là, » Ce sentiment n'appuye point du tout celui de m\ de Buffon , et on on ne sçaït pourquoi il le rap- porte. Quoi qu'il en soit , je pen- se que mr. de Fontenelle avoùe- roit lui-même qu'il n'a pas tout- Mai t développé son idée? que ce n'est pas assez pour expliquer les coquilles fossiles, de dire que la matière donr ont été faites les pierres où on les trouve, et oit une vase, une bourbe, une terre détrempée 5 car s'il y a beaucoup de pierres où les sables sont liés arec les coquilles par une terre durcie, mêlée de vase et de bour- be, il y en a beaucoup qui sont formées presque de sable tout pur ? d'autres comme les cailloux sont faites d'une substance homogène où la terre ne se montre point» Mais ce qui décide pleinement, c'est qu'en supposant que les car- rières ont été dans leur origine une vase déposée au fond de la mer mer, où les coquilles ont été en~ veloppées , et que cette vase étant desséchée est devenue pierre , il s'ensuivroit qu'une carrière dans toute sa profondeur ne seroit qu'un seul lit de pierre ; on voit au con- traire que les carrières sont corn* posées de plusieurs lits posés ks uns sur les autres : ce qui montre que la matière qui a été employée a été déposée à différentes repri- ses , et quelle n'étoit pas une boue. J'ajoute une seule réfle- xion qui est décisive f c'est qu'en supposant que les huîtres eussent été jettées dans cette vase , en s'ouvrant elles n'en eussent pom- pé que l'eau 5 car quoiqu'on pê- che de ces coquillages dans un, fond bourbeux , elles ne sont rem- plies que d'eau » ce qui prouve qu'elles ont l'art , en élevant leur coquille supérieure, d'exprimer l'eau l'eau de la vase : les huîtres qu'on trouve fermées seroient ou pleines d'eau, ou vuides, on ne les trou- veroit pas exactement remplies d'une madère semblable à celle qui les environne. Si mr. de Buffon ne réussit pas à rendre ses vues conformes à l'expérience, il ne réussit pas mieux dans l'usage de certains faits qu'il regarde comme des argumens fort victorieux pour lui. Vous avez vu , mr. ce qu'il dit de la corres- pondance des angles saillans et des angles renîrans, formés par les courans , occasionnés par les inégalités du globe. Cette obser- vation de quelques physiciens lui plaît beaucoup, il y revient sou- vent ; cependant elle n'est pas aussi générale qu'il se l'imagine. On en trouve des exemples en pe- tit tit dans les ruisseaux et dans les rivières : toutes les fois que l'eau est obligée de changer de lit , elie creuse une de ses rives et abandon- ne l'autre : mais les exemples de ces angles qui se répondent alter- nativement sont rares dans les au- tres cas. Le détroit de Gibraltar 9 le pas de Calais , le Bosphore de Constantinople nous présentent bien distinctement des angles sail- lans qui sont à l'opposite l'un de l'autre. D'ailleurs que fait à son systè- me cette correspondance préten- due des angles saillans et des an- gles rentrans ? s'il ppwoit suppo- ser que l'immense quantité d'eaux dont il couvre la terre dès son origine , a trouvé un canal tout préparé; qu'elle s'est écoulée vers ce lieu , et qu'ayant trouvé des chaînas chaînes de montagnes , elle a été obligée de se resserrer dans les gor- ges déjà faites , que son mouve- ment accéléré a miné les monta- gnes, mais toujours suivant Tu- Sage de l'eau coulante qui n'atta- que pas ordinairement ses deux ri- ves à la fois , mais augmente Tune aux dépens de l'autre, on conce- vrait qu'il peut employer avec complaisance cette correspondan- ce d'angles saillans et rentrans : mais j'ai prouvé qu'il n'y avoit aucun moyen naturel d'expliquer Comment cette énotme quantité d'eau a pû disparoître ? que les sédimens entassés pour faire les montagnes et le sol de nos conti- nens n'auroit pu diminuer d'une ligne la surface de la mer répan- due , selon mr. de Buffon , sur la terre. C'est donc en vain qu'il at- tribue à l'écoulement des eaux 1& manière manière dont les angles des mon- tagnes sont disposés les uns aie- gard des autres, puisque ces eaux n'ont pû s'écouler. Quel avantage procure-t-ïl en- core à son système, en faisant re. marquer que les lits de pierreoude terre sont tellement correspond dans d'un rivage à l'autre , aux mêmes niveaux en certains en* droits, qu'Us paroissent être dis, posés dans le même ordre , en. sorte qu'il est visible qu'ils ont ete autrefois desparties d'un Ut con- tinu , dans lequel la mer a fatt brèche pour s'y pratiquer un bas- sin > Cette observation fait moins pour que contre lui. Prétendroit- il que la mer distribue ses sedi- mens avec symétrie, de manière qu'élevant une côte à droite et l'autre à gauche, elle y place un nombre égal de lits , et fait ré- pondre exactement ceux d'un ri- vage à ceux du rivage opposé, quelqu'intervalle qu'il y ait entre eux ? Il n'y a pas d'apparence. Il faut donc s'en tenir à ce que nous venons de dire, que les eaux en s'écouiant, en abandonnant le con- tinent , ont forcé des montagnes qu'elles avoient formées dans les endroits foibles , parce que les lits de pierre n'a voient pas eu encore le tems d'acquérir de la dureté- C'est ainsi qu'on peut supposer que la côte d'Afrique , d'abord eontigue à celle d'Espagne, a été forcée à Gibraltar , d'où sont ve- nues la méditerranée et les autres mers auxquelles elle communique entre l'Asie et l'Europe. Mais comme m', de Buffon n'a aucun moyen de faire écouler la quan- tité d'eau dont il couvre notre globe, globe, il lui est fort inutile de ci- ter cette observation qui ne peut faire naître que de nouvelles dif- ficultés contre son système. L'objet qui m'occupe ici n'est pas épuisé. Je remets la suite de mes réflexions à une autre occasion. Le vaisseau n'at- tend qu'un vent favora- ble pour mettre à ia voile , je dois te- nir mes lettres prêtes. Je suis , &&* 5* lettre. Suite de ce qui est traité dans l& précédente. 'Espère, mr. que le pre- mier vaisseau qui partira pour votre isle vous por- tera le reste de mes ob- servations sur le livre de mr. de Buffon. Cependant je con- tinuerai à les partager en différen- tes lettres , afin que s'il se présen- toit une occasion , je fusse plus ea état d'en profiter. Vous ne recevrez cette lettre qm long-tems après avoir lu les précédentes , ainsi vous trouverez bon que je vous fasse une récapi- 11. partie, 4 tulation abrégée des principaux points que je crois avoir prouvés dans mes deux dernières lettres : je vous épargnerai la peine de vous les rappeller ; les voici en peu de mots. i°. J'ai prouvé que dans la sup- position que la terre dès son ori- gine eût été couverte d'eaux jus- qu'à la hauteur à laquelle les co- quilles fossiles nous indiquent que la mer a été élevée , jusqu'à la hauteur même où elle eût dû mon- ter , si comme le prétend m1, de Bufîbn , les eaux eussent formé les plus hautes montagnes ; dans cette supposition , dis- je , j'ai dé- montré que la mer n'auroit pas baissé d'une ligne au-dessous de son ancien niveau, se fût- elle creusé un lit égal en profondeur à l'élévation des plus hautes mon- tagnes > tagnes, et eût -elle employé les matériaux qu'elle en eût tirés, à former ces masses énormes qui s'élèvent sur la terre au-dessus des nuées. 2°. J'ai prouvé que les plan- tes des Indes dont on trouve les empreintes dans des pierres, en France,. en Allemagne et ailleurs, et dont le transport ne sçauroit être attribué qu'à un déborde- ment des mers des Indes, parve- nu jusqaes dans notre climat , in- diquent manifestement que la for- mation des pierres où l'on trouve ces merveilles, est l'ouvrage d'un déluge universel , et supposent évi- demment qne la terre a été dé- couverte ayant cette inondation, *t qu'étant fertile elle produisoit des arbres et des plantes. 3». Il est convenu entre m**, de Buffon et moi que les rochers où l'on trouve des coquilles fossi- les sont des productions de la mer élevée tout au m'eins jusqu'à la hauteur de iooo. toises au-dessus dé son niveau actuel , et qu'aucu- ne cause physique n'a pû fournir la quantité d'eau nécessaire pour porter le niveau de la mer jus- qu'à ce point là. Mais le fait étant certain* il est donc constamment miraculeux. Donc la pétrification des coquillages et des restes d'à* «imaux marins fera remonter tout observateur attentif jusqu'au déli» ge pour en trouver la véritablf origine. Mr. de Buffon n'aura , ce me semble, rien de raisonnable à ob- jecter contre ces trois points que je trouve décisifs contre ceux qui • refusent refusent de rapporter au délugë ks phénomènes des coquilles fos«* siles. Mais peut-être que passant condamnation sur le premier point, et ne s'embarrassant point de chercher les moyens de délivrer la terre de cette quantité d'eau dont il la couvre durant plusieurs siècles , il prétendra au moins jus-* tifier la manière dont il tire de- son système la formation des mon- tagnes > et il est bon ( avant der vous rappeller le quatrième point* que je crois avoir solidement éta- bli y de lui éviter la peine de re- courir à ses ressources ordinaires y incapables d'affoiblir mes trois dé-* monstrations, Quels moyens la mer a> t-elle- employé, selon lui, pour former ces masses énormes ï Les cou- rons l'effort des vents sur la sur- face- 4 $ face de la mer , les marée?. Les courais ? Mais peut-il en suppo- ser avant la formation des mon- tagnes f La mer avoir pour fond la surface de la terre, où il n'y avoir encore aucune inégalité. Les vents ? Mais ignoreroit-il que leur impression ne va pas fort loin au- delà de la surface de la mer ; que lès plongeurs trouvent la mer tou- jours calme à une certaine pro- fondeur , quelqu'agitée qu'elle soit à sa surface ? Or si les vents ne produisent aucun mouvement sensible à quelques brasses de pro- fondeur , autoienî-ils pu faire pas- ser leur action jusqu'à 3000 toi- ses? Est-ce à des physiciens que mr. de Buffon tenteroit de le faire croire ? Le flux et le reflux ? Mais a-t'il appris par quelque expérien- ce que ce phénomène cause au fond de la pleine mer une grande agitation î agitation? Ces effets si étonnan'î au voisinage des côtes sont im- perceptibles en haute mer. Fau- dra-t3il donc croire que , tandis que la surface de la mer ne reçoit aucun mouvement tumultueux de faction comme immédiate de la lune, le fond à demi -lieue de profondeur en souffrira un prodi- gieux ? Que dis- je , à demi lieue t A 3200 toises. D'ailleurs 9 je crois déjà l'avoir observé , le flux et te reflux eût été bien plus paisible sur la mer dans le cas où elle eût cou- vert toute la teste à la hauteur de 3 200 toises > les eaux eussent été élevées successivement à mesure que la lune aurait parcouru tous les méridiens , il n'y auroit eu au- cune interruption , aucun obsta- cle dans cette circulation suivies et il résulterait d'un mouvement si régulier que la forme de la terre auroit 6 8 auroït été plutôt conservée qu'ai* îérée. Le flux et le reflux ne peu- vent donc causer ces ébranle- mens, ces secousses vives, ces tourbillons tels qu'ils sont néces- saires pour occasionner même les plus petites élévations dans la mer. Ainsi, mr. les trois causes aus- quelles rnr. de Buffon attribue la formation des montagnes , n'ont pu élever ces grandes masses que par des miracles multipliés , au- trement elles auraient produit de* effets comme infiniment supérieu- res à leur force. Or un effet por- té au-delà de ce que peuvent les causes naturelles, est un miracle décidé. Mais ces trois causes si peu ef- ficaces dans le système de mr. de Buffon 3 Buffon, le sont beaucoup en con- courant avec le déluge. Mais qu'a- vançé- je ? Mr. de Buffon ne veut pas qu'aucune cause naturelle- se; soit mêlée dans le miracle du dé- luge , tant il appréhende de rien dérober au surnaturel de ce ter- rible événement. » C'est un mira- 1. voi. P; »cle, dit- il, dans sa cause et dans201* ^ses effets. *> Un effet du déluge étoit certainement la mort des hommes , c'étoit même le prin- cipal dans les desseins de Dieu : est-ce une merveille, est-ce un miracle que tous les hommes* ayent été noyés , lorsque lès eaux surmontoient les plus hautes mon- tagnes ? Est-ce un miracle de ce qu'à mesure que les eaux s'éle- voient elles fussent soumises à l'action de la lune et à la marche régulière du flux et du reflux ? Est-» m un miracle qu'une pluie ex- traordinairement abondante qui tombe pendant 40 jours et 40 nuits , non-seulement sur une con- trée , mais sur toute la surface de notre globe, ait humecté, délayé et entraîné cette surface peut-être alors moins affaissée, moins com- pacte qu'elle ne l'est à présent 9 et autrement composée? Enfin faut-il recourir au miracle pour imaginer qu'il a pû se former sur la terre des torrens dont le cours rapide et varié aura submergé les dépouilles qu'il a voit enlevées à la* terre. Les miracles ont souvent des effets naturels : je m'explique. Les yeux d'un aveugle- né n'ont point l'organisation convenable au sens de la viie 5 ou les humeurs ou les nerfs optiques en sont desséchés ; que les unes soient rendues subi- tement îement transparentes , et que fetf esprits commencent à couler dans les autres, cet aveugle apperce- vra aussi- tôt et distinguera tous les objets , c'est sans contredit un grand miracle 5 mais il continuera de les voir, ces objets, et même les plus petits. Ces effets du mi- racle ne sont plus miraculeux. De même Dieu arrêta les eaux du Jourdain dans l'endroit où devoit passer l'armée de Josué : c'est un prodige du premier ordre ; mais les eaux du fleuve au-dessous de l'armée s'écoulèrent par la pente de leur lit vers la mer , celles an contraire qui couloient au-dessus s'accumulèrent 5 ces dieux effets étoient naturels» Que mr. de Buffon souffre donc que nous comparions au déluge fcs trois causes qu'il croit pou- fois d 6 voir suffire naturellement pomr expliquer la formation des mon- tagnes. Elles ne peuvent rien dans son système , parce qu'il suppose que la terre a été couverte d'eaux dès le commencement 5 je crois l'avoir démontré. Mais dès qu'il voudra bien convenir que la mes est parvenue par des accroisse- mens successifs à la hauteur où il vouloit qu'elle fût dans son ori- gine, il verra du premier coup, d'oeil qu'il doit résulter un très- grand nombre d'effets naturels du flux et du reflux, de l'agitation? des eaux causées par les vents , des courans dans la mer, et des tor- ïens mêmes qui se. rendoient dans le vaste océan de toutes les par* ties de la terre 5 et que le déluge, si peu propre, selon lui, à fournir des viies sur les phénomènes que présentent les coquillages fossi- les, est pourtant le moyen unique d'expliquer comment les rochers où on les trouve ont pu être for* mes. Il y sera encore plus porté, slf veut bien observer de nouveau les lits de pierre horizontaux dans le& plaines? la manière dont d'autres, lits sont disposés dans les monta* gnes. Il jugera à la vue de ces mer* veilles que tout cela n*a pu safaire par des progrès insensibles; ( et c'est le quatrième point que j'avois à. vous rappeller , il est essentiel : ) ia dis à la vue de ces merveilles. Cat. quoique j'aye prouvé qu'un lit de pierre n'a pâ être formé pat. lames comme infiniment minces^ Je suis persuadé qu'indépendam- ment de mes preuves, tout homme, exemt de préjugé, conviendra, en, étudiant les différens bancs d'une. sarriere^ car rîete,non-seulemen t que chaque lit de pierre, de cailloux à grande masse, de rerre glaise, etc. a été formé promptement, mais encore qu'il y a eu un très périt intervalle entre la construction d'un lit su- périeur , et celle du lit sur lequel il est assis. S'il fait d'ailleurs atten- tion au peu d'épaisseur de la cou- che de sédimens hétérogènes 5 la- quelle en marque la distinction, il sera encore convaincu que chaque couche de pierre est l'effet d une unique opération de la mer : re- tenez bien , s'il vous plaît, ce qua- trième point, dont voici le précis., Pour expliquer les suites natu- relles du déluge, nous partirons des notions que nous donne l'expé- rience. Les lits de pierre où sont renfermées des coquilles , des dé- pouilles d'animaux, des feuilles de plantes, etc nous prouvent que la figure -=75 — figure de la terre a été totalement changée par l'inondation qoe nous sommes obligés de supposer et* bonne physique. Ce qui tenoit la place des bancs de pierre , des cailloux , des sables 9 de diffé- rentes terres , de toutes les matiè- res en un mot où nous trouvons des coquillages et des plantes ma- rines , a été détruit. Et comme ces matières nouvelles , pour me servir d'une expression de mr. de Buffon f font presque générale- ment toute la surface de la terre * dans toute la profondeur où nos travaux peuvent pénétrer > il s'en- suit que la surface originelle de la terre a été détruite du moins en très- grande partie par le déluge r et que celle que nous voyons , est Fouvrage de ce même déluge. Pre-* miere induction» 3Les rochers, les pierres, îe^ cailloux, les marnes, les terres argilleuses n'auroient pu être dis- soutes par l'inondation-, si les par- les de chacune de ces espèces eus- sent été réunies en corps solides pi en bancs particuliers , comme &ous les voyons maintenant 5 mr. de Buffon en conviendra : elles auront pu être détachées par pie- ces, mais non pas être dissoutes,, ni réduites en une substance lai- teuse , telle que nous sommes obli- gés de supposer qu'a été la ma- tière dont les pierres , les rochers r> les cailloux remplis de coquillages ont été construits, Donc ces ma- tières étoient dispersées en élé- mens, n'ét oient point réunies avant le déluge. Seconde induc- tion. Mr, de Buffon m'arrêtera là , et m'objectera m'objectera que je seroïs fort em- barassé, s'il falloit que j'assignasse l'endroit d'où ont été tirées les particules élémentaires des pier- res, des rocs, des cailloux, des argilles formés nécessairement de- puis une inondation générale. J'en conviendrai bonnement avec lui y mais je le prierai d'observer que tous les lits de différentes matiè- res, dont nous parlons , sont les* effets d?un débordement de la mer ; ( cela a été assez prouvé ) , que la mer n'a pas fait les élémens des pierres, des cailloux, etc. mais qu'elle les a rassemblés ; qu'ils étoient quelque part, ou réunis ou dispersés , mais qu'ils n'étoient liés solidement nulle part > que j'ai prouvé que ce ne pouvoir être des sédimens détachés peu à peu des rocs primitifs 5 qu'il reste donc à juger que Dieu a voit préparé ces matériaux matériaux pour donner à la terré après le déluge et par le moyen du déluge une surface difforme et hérissée, propre à avertir les hom- mes que l'habitation destinée à Tin* nocence avoit eu des beautés qui ne convenoient plus à la demeure de l'homme pécheur. Notre mon- de ne devoit présenter que l'aspect affreux des ruines du premier. Mr. de Buffon prend un parti bien différent ? il s^rige en arbitre souverain et des lieux et des tems : s'il est embarrassé pour expliquer comment les rocs ont été formés et remplis de coquilles , il ajoutera cent mille ans * s'il le faut, à l'â- ge du monde, et plus si son sys- tème l'exige.. Cependant si son imagination étoit servie à souhait, il s'épargneroit toute cette durée si inconcevable. Plein de vivacité comme' comme il le paroît être dans son ouvrage , d'un seul coup de mer il formeroit toutes les montagnes ? mais c'est parce que son imagina- tion n'est pas obéie, qu'il a recours à ces milliers de siècles. Et il veut que la sagesse éternelle, dont les désirs ne peuvent trouver d'obsta- cles , n'eût pu préparer tontes cho- ses en formant notre globe de ma- nière que le déluge survenant au tems qu'elle a marqué, les eaux changeassent la face de la terre , et lui donnassent celle qu'elle a main- tenant. Il veut que le Tout- puis- sant Tait couverte d'une immense quantité d'eaux durant un grand nombre de siècles, afin de rassem- bler dans les rochers tant de co- quillages épars , afin de former les marnes, la glaise, Targille et tous les corps possibles , ou plutôt pour se tirer du labyrinthe où son sys- tème === 8o=3 terne Fa conduit. Dieu est-il donc' tme machine abandonnée au ca- price des physiciens , qui soit à kur commandement pour rendre raison de ses œuvres ? Faut-il corn-* prendre la cause de la route des planettes d'occident en orient? N'ayez point recours, nous dit- on, aux causes qui sont hors de la> nature ; il £aut,auta-nt que l'on peur,: s'en abstenir. Sommes*nous dans l'impossibilité d'expilquex co ni- aient tant de coquilles ont pu en* trer dans la composition des ro- chers ? Nous appellerons Dieu à* notre secours, nous lui ferons créer le monde cent mille ans plutôt : il ne faut que du tems , il est en notre pouvoir, qui nous empêcherait d'en user?.... Qui vous le défend ? La révélation 5 ce que Dieu vous déclare lui-même dans1 ses livres saints, que les poissons n'ont : «'ont point existé avant que la terre fût hors des eaux , et qu'elle fût revêtue d'arbres et de plantes. Qui vous l'interdit, l'usage de ce pouvoir ?. .. . La droite raison , qui vous apprendra que vos concep- tions sont trop foibles et trop bornées pour pénétrer jamais la profondeur des conseils de la sa? gesse de Dieu. Revenons aux faits et aux indue* tiôns qui peuvent donner du jour au sujet que nous traitons. Puis- que la surface de la terre a changé , que le mouvement des eaux lui en a donné une nouvelle , la pre- mière avoit donc été tellement construite qu'elle pouvoit être ai- sément détrempée, qu'une pluie abondante et miraculeuse pouvoit en précipiter les débris dans la mer. Troisième induction, u i La mer grossie tant par les eaux qu'elle recevoir des nouveaux torrens 9 qui comme aurant de fleu- ves s'y précipitaient de tous les contours de nos continents , que par celles qu'elle recevoit d'une au* tre cause (4) que nous ignoronspeut- ctre égakment m*, de Buffon et mois la mer, dis- je, s'élevoit in- sensiblement et gagnoit les côtes , et rejettoit sur les terres dégradées ce qu'elle en avoit reçu à mesure qu'elle s'élevoit et qu'elle étendoit son lit s comme on lui voit re- jetter vers les bords tous les corps étrangers qu'elle a engloutis : elle rouloir en mcme-tems les coquil- lages qui ne trouvent de subsis- (a) Cette cause me paroît clairement in- diquée, dans ce que l'écriture appelle les cataractes du ciel. J'aurai occasion de m'ex- phquer sur ce point , en rend mt compte au public des observations que j'ai faites fur la forme extérieure de la terre, dans le voyage que j'ai fait en Italie, depuis la publication de ces lettres* tance tance qu'autant qu'ils sont au voi- sinage des terres. Quatrième in- duction. Cette quatrième induction mé- rite que nous en détaillions tou- tes les circonstances. Première cir- constance : la manière dont la met étendoit son lit. Elle s'éievoit de tous côtés au-dessus des conti- ens vers les cotes méridionales , septentrionales, orientales, occi- dentales. Les mers orientales et occidentales se sont donc enfin rencontrées > elles ont communi- qué à la fin , ou plutôt ou plus tard, suivant que celle-ci ou celle- là a trouvé des gorges par lesquel- les elle a pu pénétrer plus loin dans les continens, suivant qu'elle a pu être favorisée par les marées , par quelque circonstance casueile 9 m qu'elle aura trouvé des passa- ges aisés à forcer. Et s'il faut re* garder les isles des mers des Indes et au voisinage de la Chine, com- me des restes de terres apparte- nantes autrefois à notre continent, comme il n'y a pas lieu d'en dou- ter > il faut avouer que l'éruption de la mer a été plus vive , plus fou- gueuse vers Forient que n'a été celle de notre mer occidentale 5 celle-ci n'ayant gueres laissé de traces de sa fureur que dans les isles Britanniques, et dans quelques autres au nord qu'elle paroît a- voir détachées de notre continent Il semble même que les dépouil- les des Indes que Ton trouve en Angleterre , au rapport de nr. Woodward, nous annoncent une supériorité de force dans les mers orientales sur les mers occidenta- les. Mais d'où leur viendroit-elle ? $eroû>(£ de ce que l'action de la lune parcourant successivement d'orient en occident ces mers orientales, favorisoit considérable- ment leur criie, ou la cause in- connue qui en augmentoit conti- nuellement le volume; au lieu que l'impression du même astre , lors- qu'il agissoit sur nos mers occi- dentales , alloit toujours en s'éloi- gnant de nos côtes , et tendoic conséquemment à affaiblir les ef- fets de l'accroissement de nos mers. Mr. de Buffon ne méconnoîtra pas cette idée. Quelle que soit la cause de cette supériorité de force des mers des Indes sur les nôtres, cette force est bien constatée par les désor- dres dont on voit les monumens dans les isies détachées de l'Asie et dans les productions des Indes déposées en Allemagne, enfrari- / /. partie - ce et en Angleterre ; tandis qu'on n'a point encore de preuves que nos mers ayent porté leurs pro- ductions et celles de nos terres dans les Indes. J'en conclus que c'est la mer des Indes et celle qui arrose les côtes orientales de l'A- sie qui ont enlevé le plus de dé- pouilles à notte continent , qui dès lors peuvent être soupçonnées d'a- voir étendu plus rapioement les effets de leur débordement , d'a- voir porté plus loin les débris des terres qu'elles ont minées et les productions de ces terres. Seconde circonstance : deux causes ont concouru à reporter sut les terres dégradées les dépouilles que la mer avoit reçues d'une int- imité de torrens ; celle qui faisoit déborder généralement les eaux de la mer, en les élevant continuel- lement j îement 5 et le flux combiné avec cette première cause. Il n'y a pas d'apparence que Fit Bique cause de l'inondation ait été la pluie qui dara 40 jours et 40* nuLs. Ceux qui font des difficul- tés sur le déluge le supposent tou- jours. Or rien n'est moins auto- risé par le texte sacré que cette idée. L'écriture marque claire- ment deux causes du déluge ; la pluie, laquelle détrempa les ter- res, remplit les vallées et acquit asfez de volume pour mettre i'ar- che à flot 5 les eaux sorties de l'a- bîme, comme l'eau sort lorsque le a rompu ses digues. EUe fait men- tion de l'élévation continuelle des eaux long tems après la pluie ce- see- Voilà donc deux causes de l'i- nondation , et bien distinguées pat Moyse. Que! e z Quel est cet abîme, qu'il n'est peut- être pas trop facile de décou- vrir > Il nous suffit que l'écriture nous apprenne que la cause prin- cipale de l'accroissement des eaux dans le déluge venoit de la terre même. Mais comment la mer crcissok-elle ? Nous pourrons être plus heureux par rapport à cette question. H ne faut pas s'en te- nir à ce qui se présente d'abord à l'esprit ; que la mer se répandoit sur la terre par une espèce d'é- coulement continu comme ce- lui d'une rivière ou des eaux d'un étang dont la chaussée a été rom- pue. A l'inspection seule de la figu- re de notre rerre, on s'apperçoit que les d.fférens lits dont elle est composée , ont dû être construits les uns au-dessus des autres par un travail alternatif, par des procédés entremêlée entremêlés de tems de repos 9 âsses courts à la vérité. Le mouvement périodique des marées semblerait remplir notre objet > on attribuè- rent la formation des lits au flux aidé de la cause qui faisoit monter continuellement les eaux 9 et le tems des écoulemens des eaux se- rait celui qui porterait les sédi- mens pour séparer les couches s mais durant le tems du reflux la cause continue de l'accroissement des eaux devoir les faire monter fort au-dessus du point où elles avoient été portées par le pre- mier flux > ainsi la couche des sé- dimens des matières hétérogènes devoir être beaucoup plus consi- dérable qu'elle ne l'est pour l'ordi- naire. . On ne peut donc pas regarder les marées dans la reconstruction de nos * 3 nos conîincns comme une cause principale, mais seulement comme une cause accessoire concourant à l'Oeuvre, sans en être le vrai mo- bile. Néanmoins , comme je le viens de dire, la cause principale doit être analogue au flux et au re- flux dans sa manière de procéder 5 et cette cause étoit certainement celle qui faisoit croître les eaux. Or comment croissoient- elles en- core une fois > Nous devons trou- ver dans la solution de cette ques- tion la manière dont les lits de là superficie de la terre ont été com- posés. Pour résoudre cette ques- tion, souvenons nous que les eaux peuvent être élevées au-dessus de leur niveau sans s épancher. Ainsi une certaine quantité d'eau versée à terre au lieu de s'étendre, y prend une surface convexe. Ainsi dans un verre on peut en quelque sorte iùtte le remplir au comble, de minière que la superficie de l'eau ne soit pas on plan sensible, mais qu'elle soit convexe. C'est un jeu d'enfant * mais la philosophie trou- ve de quoi s'occuper dans ce qui amuse les enfans. Témoins les bulles d'eau de savon fort dignes des études d'un philosophe, et qu'on n'a peut-être pas assez exami- ^ iîée& ' Accommodons cette idée aux ao croissemens de la mer. Ses eaux ont cru jusqu'à un certain point en se bombant insensiblement et sans s'épancher. Cetems n'aura pas été si long que celui du reflux 5 il s'en faudra beaucoup. Cette suspension d'épanchement répond au reflux dans les marées ; parce , que la mer eût paru à l'œil suspendre son' ac- tion j et l'on n'eût pû appercevoir cette cette convexité qu'elle se donnoît; Quand la mer avoît pris une cer- taine convexité, alors les nouvel- les eaux qui survenoient ne pou- volent plus l'augmenter , et for- çoient la mer à s'écouler avec vio- lence et à étendre une ample nap- pe sur le terrein voisin , et c'est ce qui répond au flux dans nos ma- rées. J'appellerai, si vous voulez bien, cet épanchement y l'écoule- ment alternatif des eaux du délu- ge r ou simplement l'écoulement alternatif; et le tems durant lequel la mer croissoit sans s'épancher f son repos alternatif. Durant le repos alternatif, les dépouilles que la mer a voit reçues des terres ; je veux dire les par- ticules élémentaires des pierres , des cailloux , des terres glaises , etc. se formoient en différées nuages immenses. immenses. Ces substances , com- me je crois l'avoir prouvé , étoient imprégnées d'eau , faisoient com- me une espèce de lait de chaux» Quoiqu'elles eussent pu être mê- lées ensemble , lorsqu'elles étoient précipitées par les torrens, elles ont dû se démêler j parce que les plus pesantes et les plus légères n'ont pas dû suivre également le mou- vement du fluide. Les plus légè- res ont dû cesser plûtôt de s'avan- cer dans la mer > les plus pesan- tes ont dû perdre plus loin leur première impression de mouve- ment. Celles-ci auront été plus sensibles à la cause qui repoussoir les corps étrangers vers les nou- velles côtes de la mer ? elles au- ront écarté les plus légères , pour être employées et déposées par préférence lorsqu'elles se seront trouvées en concurrence avec les plus - i t ' plus légères. Ainsi s'est faite h sécrétion de ces parties élémen- taires de différentes espèces. Cel- les de chaque espèce ont été réu- nies , et ont formé différens nua- ges laiteux ou bourbeux , suivant qu'elles étoient propres à for- mer ou des pierres , ou des cail- loux , ou des marnes , ou des ter- res glaises $ et cette réunion dans les unes s'est faite plutôt, dans les autres plus tard , suivant qu'el- les étoient plus ou moins éparses 9 et qu'elles ont trouvé des circons- tances plus ou moins favorables pour se rassembler. Les tems de repos alternatifs ont été propres à ces opérations. Mais l'écoule- ment alternatif survenant, le nua- ge poussé vers les bords de la mer étoit emporté par l'écoulement subit , et étendu sur la terre dont la mer prenoit 9 pour ainsi dire * possession j possession ; la matière dont ce nuage éroit composé aura donc été déposée avec les coquillages et les autres corps que la mer écartoit vers ses rivages? ce qui aura fourni un premier banc. Les eaux de ce banc , dans le tems que la mer entrait dans son repos alternatif, se seront épanchées de tous côtés, en s'étend ant au-de- là de la crème laiteuse déposée ; le banc aura pris une certaine con- sistance , comme le papier en prend aussi tôt que l'eau qui en fenoit les parties séparées a été écoulée 5 mais immédiatement au- près l'écoulement alternatif, ôu même dans ce mouvement , la mer ura pû rejetter sur le banc quelques matières hétérogènes dont ilétoitsuivi? quelques lames d'eau légèrement mêlées de ces matiè- res hétérogènes auront gagné le dessus € 6 dessus du banc quand il s'affaissoit | ce qui aura produit la marque sen- sible de séparation que nous voyons entre deux bancs. Un nou- veau nuage de la même matière, ou d'une autre, selon le concours des circonstances , sera préparé et rejetté vers le nouveau rivage du- rant le repos alternatif ; et ce se- cond écoulement alternatif se sera encore répandu en nappe sur le premier banc avec les coquillages et les dépouilles d'animaux marins que la mer repoussoir ; il se sera fait un second banc ; un troisième se sera fait de la même manière. Il n'est pas besoin que je pousse plus loin ces opérations. f On conçoit que ces bancs doi* vent être horizontaux , lorsqu'ils sont formés sur des terreins unis» On comprend encore que le banc sera sera formé de la matière qu'aura apporté chaque écoulement al- ternatif; qu'il aura pû arriver que tous les écoulemens alternatifs qui se seront succédés , auront poussé des nuages immenses de sucs d'un certain ordre dans certains en- droits ; ce qui aura composé des bancs de la même espèce, tandis que dans d'autres endroits le pre- mier écoulement alternatif ayant apporté du suc pierreux , le se- cond aura porté de la terre glaise ou du sable pur, ou du caillou, ou même de la terre franche. Enfin la mer avançant toujours sur notre continent en répétant les mêmes procédés, il arrivera deux choses > qu'elte surmontera le niveau commun de la terre , et qu'à force d'avoir fait emploi des sucs dont elle étoit chargée , elle a'«0 n'en aura plus la même quantité. Alors la mer couvrant toute la terre, l'action de ses écoulemens alternatifs , telle que nous venons de la décrire , ne lui fera plus dé- poser sur la terre ce qui lui res- tera de sucs ; leurs effets même ne seront plus sensibles qu'autour des noyaux des anciennes mon- tagnes. C'est aussi autour de ces noyaux élevés qu'ils continueront leur opération, qu'ils dirigeront les sucs difféf ens er les coquilles , d'abord sm les racines de ces mon- tagnes anciennes. Mais là leur mouvement sera fort interrompu , il ne sera plus paisible comme lorsqu'ils s'érendoient sur un ter- rein uni : la résistance qu'ils trou- veront les fe a jaillir fort haut. Ainsi les lits qu'ils formeront n'au- ront plus la même régularité s la substance laiteuse ayant jailli, se fixera fixera en retombant sur le pian incliné de la montagne, ce qui fera non des lits horizontaux,, mais des lits diversement et sou- vent bizarrement inclinés autour de la montagne. Les coquilles et les autres substances auront été aussi élevées parmi la substance laiteuse , et seront retombées avec elle. Les premiers lits ajoutés à ces montagnes , par l'opération dont je viens de donner une idée,, serviront de plans inclinés pour faire remonter par l'effort des va- gues tout ce que la mer portera contre , à mesure qu'elle s'élève- ra; un écoulement alternatif sui- vant formera de nouveaux rochers plus hauts, jusqu'à ce que toutes les matières étrangères que la mer avoir à employer ,. soyent épui- sées; et si l'on ne trouve pas des coquilles au-delà de iooo toises au-dessus au-dessus ( j'ai des raisons de ctoU re que ce terme donné par mr, de Buffon , est beaucoup trop bas ? il suffit peut-être pour notre con- tinent : encore s'en est-on bien as- suré ? ) du niveau actuel de la mer ; ce sera le terme qui marquera le îems où la mer a manqué de ma- tériaux pour construire de nou- veaux rochers, ceux qui seront au-dessus appartenant aux monta- gnes de l'ancienne construction, Je ne m engagerai pas dans un plus grand détail pour développer ma quatrième induction ; celui dans lequel je suis entré est plus que suffisant pour un homme comme vous, monsieur. Les torrens formés par les pluies abondantes auront occasionné des courans nouveaux dans la mer : ces nouveaux courans auront pû ébranler ^ ébranler, mettre en mouvement; rouler des corps assez solides, com- me ceux qui occupent le fond des mers 5 et comme ils auront trou-* vé de la résistance en avançant dans la mer , parce que l'eau s'é~ le voit continuellement, ils auront pu prendre des routes en lignes courbes , retourner vers le conti- nent , y amener ce que leur im- pétuosité leur avoir fait détacher du fond de la mer, et le livrer à l'action des flots qui l'auront dis- persé sur les terres. Dans les ter- res même , lorsque la mer les au- ra couvertes , il se sera fait de nou- veaux courans , la met s'étant trouvée resserrée dans des gorges formées par les noyaux des ancien- nes montagnes *y et ces courans auront eu assez de force pour rou- ler et élever des corps assez pe* sans de l'espèce de ceux dont ie ■viens. viens de parler. Car comme l'ef- fort des eaux sera toujours dirigé vers les hauteurs des continens/ îa direction de ces espèces de cou- xans sera de bas en haut , et par conséquent elle élèvera ces corps- ■ Les vents auront encore contri- bué à varier toutes les opérations dont nous venons de parler , en accélérant par exemple ces diver- ses espèces de courans. Cinquiè- me induction. Le flux et le reflux ordinaire causé par un banc , aura apporté différentes modifications à toutes ces opérations. Les grandes ma- rées auront produit des lits plus épais 5 comme il y aura eu aussi des bancs plus élevés, suivant que le nuage qui aura été déposé aura eu plus d'épaisseur, ou qu'il aura eu moins de terrein pour s'éten- dre» dre. Mais , ce qu'il faut bien re- marquer, il paroîr qu'on doit rap- porter uniquement aux marées le transport des productions des In- des dans notre continent» Skie- me induction. Le tems des progrès de linon* dation n'est pas déterminé clai- rement dans récriture > mais on ne peut gueres le fixer à plus de 4 mois au-delà des 40 jours de pluie. Or durant 4 mois % com- bien y a*tll eu de ces mouvemeos alternatifs dont j'ai parlé en ex- pliquant la quatrième induction! En supposant qu'en 4 mois la met a monté jusqu'à 3200 toises ou un peu au-delà , elle seroit criie par jour de 26 toises et un peu plus 9 c'est-à dire , de quelque chose de , plus qu'une toise par heure , et en évaluant les lits l'un portant l'au- tre îre à 5 pieds , le repos alterné tif n'eût été que d'un peu moins d'une demi -heure, pour fournir par l'écoulement un banc de 3 pieds. Au reste cet espace de 4 mois , quelque court qu'il nous pa- roisse d'abord, a suffi certaine- ment aux opérations de la mer dont nous voyons les monumens dans la manière dont l'extérieur de notre globe est construit. Pour vous le faire comprendre, figu- rez-vous, mr. que tous les nua- ges que vous avez vû passer par dessus votre tête durant un mois pluvieux en France, étoieat non une espèce de brouillard , tels qu'ils sont , mais une substance 1 iteuse d'élémens pierreux , et qu'ils ont été déposés les uns sur les autres. Ne croyez- vous pas qu'ils forme- roient une montagne considéra- ble ? Le tems du déluge n'est donc pas pas aussi court que certains sça- vans le pensent, pour fournir à tant de manœuvres. Et nous avons démontré que tous les ou- vrages de la mer ont été faits brus- quement et interrompus seulement par des intervalles de tems assez courts. Septième induction. Après l'inondation , l'eau en dé- croissant , se sera déchargée peu à peu des matières les plus légè- res qui lui restoïent des dépouil- les de la terre. Çaura été en par- ticulier un limon gras, lequel com- me plus léger aura dû céder aux matières plus propres à recevoir l'action du véhicule, et à en re- tenir une plus grande quantité de mouvement. Ainsi la mer en dé- croissant aura déposé toutes ces matières , en aura revêtu- tout son ouvrage 9 mais à l'aide des seules marées» marées. Elle aura rendu la fécon- dité à la surface de notre globe, en y laissant une bonne terre, une terre capable de se prê er à nos travaux , et de fournir à nos besoins. Huuieme induction. Mais cette diminution de la mer , son retour dans son sein aura pû causer encore de nou- veaux ravages. Ses propres ou- vrages n'auront pû prendre toute la consistance que nous leur voyons. Dans quelques endroits elle aura forcé des rocs qu'elle avoit élevés, elle y aura fait brè- che, et c'est ce que nous indi- que un grand nombre de détroits où les lits de pierre des rivages opposés sont horizontaux e se correspondent 5 c'est qu'effective- ment ces lirs avoient été faits con- tinus, mais la mer les a forcés clans les endroits où sont ces dé- troits. J'en dis de même des fleu- ves et des rivières , lorsque la mer s'est retirée, leurs lits avoient été comblés de différentes matières? les eaux retenues auront attaqué les lits de pierre dans un tems où ils n'avoient pas acquis toute leur .dureté , elles les auront coupés pour se procurer un écoulement» Aussi voit-on une grande corres- pondance entre les lits horizon- taux des terreios pierreux élevés sur les rives opposées des fleuves et des rivières. Enfin si la corres- pondance des angles rentrans et sailîans des montagnes étoit aussi générale et aussi constante que le croit mr. de Buffoo , on conce* vroit que les courans de la mer, lorsqu'elle abandonnoit notre con- tinent , ont produit ces effets ré- guliers. Neuvième induction. Une des circonstances assez communes où l'on trouve des pierres fossiles , c'est qu'elles sont pleines et fermées ; et seule elle déconcerte tous les systèmes de ceux qui croient avoir la liberté de donner le tems qu'il leur plaira à la confection des continens et des montagnes. Je purs leur pro- mettre qu'ils échoueront contre ces coquilles pleines et fermées. J'ai dit que les bivalves s'étant ouvertes avoient reçu la substance laiteuse, et s&oient refermées pour toujours; cette substance laiteuse ne pouvait donc s'égoû- ter comme ont fait les bancs où l'on trouve la coquille. Ainsi elle a conservé 5a liquidité long-tems après que le banc a eu pris la so- lidité. La preuve est, que dans ces coquilles on ne trouve point le corps de l'animal, ni aucunes de de ses parties. Ce corps a donc été dissous 9 séparé en parties in- sensibles , et réparti sur toute la masse du suc pierreux contenu idans la coquille > car si cela n'é- toit pas, on en trouverait quel- ques restes pétrifiés. Ces corps pourris ont dû opérer une fermen- tation 5 et c'est sans doute à l'aide de cette fermentation, que les parties de l'eau et de sel ont été in- troduites dans chaque élément pier- reux qu'elles ont un peu dilaté. Ces parties ne sont pas entrées plu- sieurs ensemble dans un pore de chaque élément,mais une seule dans chaque pore 5 et Ton sçait quelle liaison l'eau faït,lorsqu'elle est dis- tribuée dans un corps en élémçns isolés les uns à l'égard des autres 5 il y a même apparence que c'est ainsi qu'elle est devenue le lien des sucs pierreux, convertis en pierre. Elle aura IL partie. f aura rendu hérissées les pointes de la superficie de chaque élément pierreux , et par-là elle les aura rendues propres à s'engraîner, pour ainsi dire, les unes dans les autres. La fermentation eût dû augmenter le volume du liquide contenu dans la coquilles mais cet accroissement n'ayant pas pûse faire , la pénétration dont je viens de parlera dû s'opérer,et rien de ce qui étoit dans la coquille ne s'étant évaporé, la fermentation tendant à étendre le volume du corps liquide, il n'est pas étonnant que le tout é- tant consolidé ait rempli exacte- ment la coquille , y ait été exacte- ment moulé» Dixième induction. Tous les ouvrages de la mer , quoique faits avec quelque régu- larité , suivant la force des écou- lemens alternatifs et des marées , auront auront pourtant été bien diversi- fiés , selon que différentes matières se seront présentées;selon différens accidens , qu'il ne nous est pas pos- sible de détailler , ni peut-être mê- me d'imaginer: un pays aura pu être couvert d'un banc de sable non lié, et le pays voisin d'un banc de pierre ou de caillouxsaprès qu'une couche d'une certaine matière aura été fai- te, l'écoulement alternatif suivant aura apporté une toute autre espèce de matière, ou des terres glaises, ou même de la bonne terre , lorsqu'il sera arrivé qu'aucune autre matiè- re ne se sera rencontrée pour être employée par préférence. D'au- tres fois différentes espèces de ma- tières auront été mélangées 3 et Ton y verra encore les traces des ondulations que les matières faï- soient en se mêlant imparfaite- ment, comme dans certains mar- bres* bres. Dans d'autres lieux , le suc pierreux aura été comme lancé par jets > au lieu des lits , la mer aura laissé des blocs irréguliers , semés par-ci par-là dans un terrein. Ail- leurs y comme à Doué , elle n'au- ra poussé que des débris de coquil- lages et de sable , et aura produit les bancs singuliers que nous y voyons : peut-être même aura- 1- elle poussé quelque part des sucs pierreux sans y mêler aucune de ces productions. Enfin on doit at- tendre d'un événement aussi terri- ble que le déluge , des effets sin- guliers, bisarres même \ ïrrégu- liers ; et quelque idée que j'aye es- sayé de donner de ces effets , on sent fort bien que je n'ai fait qu'une esquisse très-imparfaite des boule- versemens qu'il a causés dans la terre. Onzième induction. Ce* C'en est assez , m*, pour vous aider à entrevoir les suites natu* relies du déluge > vos réflexions perfectionneront beaucoup les miennes : vous seriez surpris , et avec raison, qu'un événement aussi universel et aussi effrayant , n'eût laissé aucunes marques d'al- tération sur la terre. Mais les in- crédules en trouvent trop à leur avis; il ne leur est pas possible, disent- ils , de les allier avec la bon- ne physique. N'y-a-t-il donc que ce miracle dont ils ne puissent dé- couvrir les causes? Le feu, cet agent universel , si présent par- tout, si essentiel à notre propre vie , ce puissant dissolvant leur est- il fort connu ? Ce feu , l'ame de la nature , si varié , si surprenant dans ses eftets , qu'en pensent- ils ? Ils le reconnotssent dans l'électri- cité; sont-ils fort contens des ex- plications h plications qu'on en a données, tou- tes ingénieuses qu'elles sont , tou- tes dignes qu'elles sont des esprits les plus pénétranss j'en doute fort. Qu'ils apprennent que les faits ne deviennent point douteux précisé- ment à cause qu'on n'en peut devi- ner le principe, et que comme un homme mériteroit au moins d'être sifflé, s'il nioit la vérité des expé- riences de l'électricité par cette rai- son seule , qu'aucun des systèmes qu'il a vus sur cet article ne lui a paru pleinement satisfaisant; de même il y a de la folie à nier qu'il y ait eu un déluge universel , parce qu'on ne sçait d'où auroit pû venir la quantité d'eau néces- saire pour couvrir la terre au-des- sus des plus hautes montagnes > je dis de la folie, car toute la nature dépose le fait, quand il ne nous seroit pas consigné par la révélation , révélation, témoignage plus pré- cieux et plus sûr que toutes les expériences de nos sens. Ainsi je tiens pour un extravagant déses- péré, tout physicien qui ayant étudié dans les carrières et dans les rochers la manière dont les co- quilles fossiles font corps avec les pierres et les cailloux, doutera un moment que la mer ait été éle- vée au- dessus des montagnes, puis resserrée dans les bornes où nous la voyons. Cette conséquence est si légitime et si frappante , qu'il faut un intérêt tout-puissant sur le cœur pour la faire rejetter. Si le déluge n'allarmoit pas les pas- sions , s'il ne déîruisoit pas l'idée de cette espèce de bonté imbé- cille qu'on met en Dieu à la place de l'amour de l'ordre et de la jus- tice, s'il ne décidoit pas en fa- veur de la révélation , on le trou- reroii /4 veroit très-propre à expliquer la dispersion des coquilles fossiles sur nos continens J'avoue néanmoins que la plu- part de ceux qui ont travaillé sur le déluge, quoique avec les meil- leures intentions du monde, quoi- que avec tous les talens nécessai- res, quoique munis des observa- tions les plus décisives, ont don- né lieu à nos physiciens de dou- ter s'ils pouvoient rapporter au déluge les coquilles fossiles. La cause du peu de succès de ces au- teurs qui ont montré beaucoup de génie dans leurs écarts mêmes, c'est qu'ils n'éroient point accou- tumés à ne rien avancer que sur des expériences incontestables. Les sysrêmes étoient à la mode ; ils en ont voulu faire sur le déluge.' Au lieu de prendre l'événement par par le côté lumineux , ils l'ont considéré par l'endroit te plus obs- cur > par - là ils se sont mis dans Timpossibilité de fournir des dé- tails un peu satisfaisans. La pre- mière découverte des coquilles fos- siles avoit d'abord décidé que la cause de leur dispersion étoit le déluge , les explications de ceè mrs ont affoibli cette première im- pression ; et comme il n'est point de foi que les coquilles fossiles soient des monumens du déloge universel , les autres physiciens se sont crus autorisés à discuter le fait sans aucun rapport à la révéla- tion , et à proposer leurs doutes. Mr. de Fontenelles en particu- lier a bien senti les inconvéniens de tous les systèmes , et nous les snet sous les yeux , suivant que les occasions se présentent. 11 a vu fi que le mélange des coquilles fos- siles avec les matières pierreuses , doit ê re rapporté au tems de la formation des bancs de pierre où Ton trouve ces fossiles. Ensuite il a exposé le sen liment de ceux qui ont supposé que la mer avoit couvert d abord route la terre. II faïc sentir l'inconvénient de cette hypothèse par cette conséquence qui en résulte , et sur laquelle il ne prononce pas : » Les poissons^ y> di il , auront été les plus an- 30 ciens habitans du globe 9 qui ne » pouvoir encore avoir eu ni ani* » maux , ni oiseaux » ( ni plantes terrestres. ) Cette conséquence n'est pas assurément assez favora* ble pour imaginer qu'il Tait pro- posée pour soutenir l'opinion dont il rendoit compte ; elle ne pou- voit au contraire que la décréd^er, et c'étoit apparemment son but. C'est Cela est si vrai , que sur les empreintes des plantes des Indes qu'on trouve en Bassigni , il con- clut dans un passage que je vous ai cité , que la terre avoir été dé- gagée de l'eau 9 avoit été couverte dans les Indes des plantes terres- tres avant la formation de ces mê- mes pierres. Ici c'est une consé- quence non daune hypothèse ar- bitraire , mais d'un fait incontes- table. Et il réfute ici solidement la même opinion sur laquelle il n'avoit jette que du ridicule. On a opposé ces deux passa- ges , et je pense qu'on a eu très- grand tort h on a même pris de-là occasion de faire une sortie sue les académies , ce qui étoit d'au- tant plus déplacé , sur-tout dans m article où il s'agit de mr. de Buffoa^ Pofron, que la délica'esse de l'a- cadémie des sciences , et sa juste attention à ne prendre part à rien de ce qui pourroit blesser la reli- gion , esr pleinement justifiée par le iivre même : Fauteur est de l'aca- démie, mais le frontispice de son livre re l'annonce pas > preuve cer- taine , ou qu'il n'a pas osé com- muniquer son ouvrage à l'acadé- mie , ou que s'il Ta présenré , il n'en a pu obtenir les suffrages. C'est un préjugé bien injuste s et j'ose le dire, bien injurieux à la religion , que de regarder un sça- vant comme incrédule par cela même qu'il est sçavant. La cen- sure dont je parle renouvelle ce funeste préjugé qui n'est que trop répandu , et je ne crois pas que ce 5 oit là le but du censeur. Pour moi je ne sçais poini de^enre d'é- tude qui lie si étroitement à la révélation, que celle de la phy- sique. On y est accoutumé à ad- mirer bien des mystères de la na« ture 5 à chaque pas que Ton fait dans ses observations on trouve les bornes de sa raison ? on sent qu'il seroit nécessaire que Dieu même voulût bien développer le secret de son ouvrage 5 on trouve dans Fusai e des sens, que nous ne con- nohsons les corps que par une ré- vélation naturelle qui a aussi ses obscurités. Toutes ces épreuves 9 si souvent repétées et si diversi- fiées , ne dû posent-elles pas natu- rellement Famé à penser que si Dieu prend le soin de nous révé- ler , suivant certaines loix , et l'e- xistence des corps , et leurs rap- ports et leurs usages , il seroit b ien plus à souhaiter qu'il nous eût éclairé sur ce qu'il est lui-même s Sur nos devoirs à son égard, sur les moyens de lui plaire , et sur l'unique manière de remplir ré- tendue immense de notre curio- sité , qui ne peut être satisfaite que par la vue même de l'auteur de tout ce que nous admirons dans la physique. Car nous ne pouvons voir son art qu'en le voyant lui-même , et c'est cet art divin qui nous anime dans toutes nos recherches.Que de motifs pour nous porter à étudier la religion chrétienne , que de ressources pour la trouver vraie ! Ce ne sont pas les vrais sçavans que je soup- çonne d'incrédulité , ce sont ces hommes vains, ces demi sçavans, ce sont eux seuls qu'on doit accu- ser d'arrêter les progrès des scien- ces , et d'en hâter la destruction * ils n'ont d'autre faut que d'en ta- rir toutes les sources , parce qu'ils sentent sentent bien que ce sont autant de voyes qui conduisent au chris- tianisme; ils le sçavent bien, et vous , mr. mieux qu'eux encore 9 puisque vous en avez faiti'épreu?e» Revenons à notre objet. Je suis persuadé que quelque panique les physiciens prennent pour ex- pliquer les coquilles fossiles , ils seront obligés de supposer que la mer a monté à un point si élevé sur nos continens , qu'il est im- possible que toutes les eaux que nous connoissons , étant rassem- blées , ayent pu la grossir autant qu'il est nécessaire de le supposer 9 et par conséquent ils seront obli- gés de reconnoîcre que le déluge auquel on doir les coquilles fossiles^ est un événement miraculeux. Mais en quoi consiste donc le miracle du déluge universel ? Mr, de Buffon trouvera la question ri- dicule ; il dira que Dieu l'a opéré par sa volonté toute - puissante , et sans moyen , je le crois comme lui. Mais enfin cet ordre souve- rain de la volonté de Dieu a chan- gé quelque chose dans le physi- que de la terre > de même que quand un aveugle né fut éclairé subitement à la parole de J. C. le physique des yeux de l'aveugle fut changé , tout ce qui étoit néces- saire aux fonctions de la viie y fut rétabli : nous ne dirons donc pas comme mr . de Buffon que la ques- tion est ridicule > mais nous avoue- rons que nous ne sommes point en état de la résoudre , que peut- être même il y auroit de la témé- rité à se hazarder d'y répondre. Si certaines observations dont mr. Bouguer rend un compte si inîer- ressanî ressant , etoient plus connues , il Bougu* ne seroit pas difficile de soupçon» p^ou, ner, et avec assez de précision , ce qui constitue le miraculeux du déluge ; on seroit tout d'un coup débarrassé de ce volume immense d'eau, dont il faut supposer que la mer a été accrue 3 sans que ce- la préjudiciât à l'universalité du déluge. Ces observations pou- roient même éclaircir plusieurs textes de récriture ; mais il n'y a pas moyen de vous dire ma pen- sée sur tout cela 5 je ne produi- rois qu'un syst ème tant que les faits que je crois être vrais ne seroient pas universellement reconnus pour tels , et il n'est rien au monde où je voulusse moins introduire de systèmes que dan les ob:ers de la révéla* ion. Vous cres à portée de vérifier les faits dont j'ai besoin. Je vous enverrai quelque jour un mémoire mémoire qui pourra vous faciliter ce travail, auquel j'espere que vous vous prêterez volontiers, Adieu f xnr. nous avons assez raisonné sur les écarts où s'est jette mr. de Buffon par son sys- tème sur la construction de la surface de la terre. Demain je commen- cerai à vous tracer Tidée qu'il veut nous donner delà forma- tion des a- nimaux. Je suis , Fin du premier Volume. TABLE DES LETTRES contenues dans ce Ier. Volume. PREMIERE PARTIE. LETTREl. Sur l'Histoire naturel* le , générale & par- ticulière de monsieur, de Buffon ^ page 5 LETTRE IL Idée delà construction & de la caufe du mouvement des pla- nettes, félon mr* de Buffon , page 1 S Lettre III. Idée de la construc** tim TABLE, non de la furface de la terre y félon mr. de Buffon , page 131 SECONDE PARTIE. Lettre IV* Où l'on expose les raisons pour lesquel- les mr. ^Buffon re- fuse d'attribuer au déluge les coquilla- ges fossiles y p. 3 Lettre V. Suite de ce qui est traité dans la précé- dente y page 6*1 Fin delà Table du Ier Volume, à un t^menquain , sur P histoire naturelle ^générale & par- ticulière de monsieur de Buffon. Nouvelle Edition revue et corrigée par l'Auteur. tome second. suite de la seconde partie. à hambourg : Et fe trouve à Paris chez Duchesne, Libraire , rue S. Jacques. Cet ouvrage , trop considérable pour ne faire qu'un volume , ne Vest pas asset, pour être relié en trois, Cest ce qui a engagé le Libraire a rejetter a un second tome la moitié de la seconde partie. £r lettre. Idée de la construction animale > suivant Mr. de Buffon. Oos allez voir , m*. bien d'autres mer- veilles. Mr. de Buf- fon , après avoir formé le globe de la terre et les planettes, du verre qu'une cornette a chassé du corps ûu soleil , après avoir si sçavam- ment et si heureusement prouvé que le déloge universel n'a laissé aucuns vestiges 9 va revêtir et peupler la terre en y plaçant des plantes et des animaux. Il renou- velle des Grecs un système , qui ne sembloit pas être fait pour notre siècle* a % siècle. Afin d'en faire sentir tout le merveilleux , je crois qu'il con- vient de l'analyser, et d'en réunir toutes les parties sous un coup d'œil. h. voî. y> Le premier moyen ( et selon gén.'naeîmr- de Buffon le plus simple de ' p* renouveller les êtres organiques ) ^ c'est de rassembler dans un être p,une infinité d'êtres organisés D> semblables, et de composer tel- lement sa substance qu'il n'y ^ ait pas une partie qui ne con- tienne un germe de la même ^ espèce, et qui par conséquent ^ ne puisse elle-même devenir un „ tout semblable à celui dans le* ^quel elle est contenue. Cet ap- pareil paroît d'abord supposer ^une dépense prodigieuse et en- 3, traîner la profusion. Cependant ^ce n'est qu'une magnificence «assez ordinaire à la nature, et s>qui se manifeste dans des espè- ces communes et inférieures, „ telles que sont lés vers , lés po- =, lipes , les ormes, les saules, les 3,groseliers et plusieurs autres >, plantes et insectes, dont chaque » partie contient un tout , qui par „le seul développement peut de- » venir une plante ou une insecte, „ cela nous conduit à croire p. «qu'il y a dans la nature une in* »linité de parties organiques ac- tuellement existantes, vivantes, » et dont la substance est la mê- 3> me que celle des êtres organi- sés; comme il y a une infini- té de particules brutes sem- blables aux corps brutes que ■«nous connoissons. Et comme „il faut peut-être des milliers de » petits cubes de sel pour faire l'in- ^ dï vida sensible d'un grain de sel x» marin , il faut aussi des millions » de parties organiques semblables :» au tout pour former un seul des germes que contient l'individu d'un orme ou d'un polype. » Voilà effectivement une ma- nière bien simple d'imaginer la structure du corps humain. Les veines sont des tuïaux faits d'une infinité de petits corps humains ; les artères de même, les viscères encore , les nerfs , les tendons , les chairs , les membranes , les os , la peau 7 chacun de ces différens or- ganes résulte de l'assemblage d'une infinité de petits corps humains* t. 47* »Or un corps organisé ( c'est » l'auteur qui continue ) dont tou- »tes les parties seroient s embla- va bles à lui-même , comme ceux y, due nous venons de citer , est *, simples, les espèces les plus im- parfaites sont celles qui se re- produisent le plus aisément et s» le plus abondamment. » Ainsi un homme qui pourroit faire de petites montres insen- sibles , et qui par l'union de ces pe- tites montres en feroit une visible dont le tambour seroit composé de petites montres semblables à la montre visible, dont les roues, la chaîne, les ressorts, les pivots, le ■A. 4 le coq , les goupilles , le balancier , les aiguilles , le cadran etc. seraient chacun un assemblage de petites montres semblables 3 cet homme , selon mr. de Buffon , auroit trouvé le secret de faire la montre la plus simple qu'on puisse imaginer, par- ce que la machine ne seroit que la répétition de la même forme , et une composition de figures toutes organisées de même. Retenez donc bien , monsieur, que chaque partie qui entre dans la composition d'un cheval , d'un homme, étoit un petit cheval ou ii, voi. un petit homme. Mais » ces po- page i4> » tits êtres organisés sont compo- yy sés de parties organiques vivan- d> tes qui sont communes aux ani- ?» maux et aux végétaux. Ces P parties organiques sont des par- ^ ties primitives et incorruptibles ; P3 l'assemblage- «i l'assemblage de ces patries forme » à nos jeux des êtres organisés. » Sous le bon plaisir de mr. de Buffon , je retrancherois de son texte ces mots à nos yeux; son système en seroit plus suivi et mieux lié. Car ces parties orga- niques , ces élémens de tout corps vivant forment chaque petit che- val invisible dont le grand est le composé ? mais assurément ils ne le forment pas à nos yeux. L'au- teur conclut : » la reproduction ou Ibï& ^ la génération n'est qu'un chan« » gement de forme qui se fait et » s'opère par la seule addition de ^ces parties semblables, comme » la destruction de l'être organisé >j se fait par la division de ces nie* » mes parties. » Mr. de Buffon explique ensuite commet ê 5 comment les élémens vivans corn* muns aux animaux et aux végé* taux, se transforment en corps d'animaux, ou de plantes , entrent ' dans les parties d'un cheval, d'un » p- ^ homme , drun ormeau, » Suppo- sons, dit-il, que la nature puis- yy se faire des moules pour les- 35 quels elle donne non seulement la figure extérieure , mais aussi ^la forme intérieure, ne seroit- ?» ce pas un moyen par lequel la 3> reproduction pourrok être opé- » rée ? On a besoin d'une comparaison pour bien saisir cette idée- En voici une. Nous avons l'art de faire un cheval de bronze. Nous préparons des moules , et noirs y faisons couler du métal fondu. Mais ce cheval artificiel n'a que 'es dèhors d'un cheval, l'organisation intérieure intérieure de l'animal n'est point imitée. Mr. de Buffon suppose donc un moule bien autrement façonné. Il faut qu'il rende non seulement l'extérieur du cheval , mais l'admirable tissu de sa peau,' mais les veines , les artères , les nerfs, les muscles, les tendons, les canaux les plus délicats, les os. Et où est-il ce mouîe inimitable? Dans chaque cheval insensible dont un cheval en grand est com- posé. Chacun de ces animalcules invisibles est un moule dans les dif- férens canaux duquel la matière, indifféremment propre aux végé- taux et aux animaux , est comme coulée. Vous ne saisissez pas encce bien sa pensée : je ne l'ai pas en- core assez détaillée, lmaginez* vous, s'il vous plaît, qu'une vei- ne» a 6 ne, par exemple,est une enveloppé tissùe de filets creux ? ce n'est pas dans la veine que la matière vivante se moule , c'est dans les tuyaux qui sont le tissu de l'enveloppe. Il en est de même de tout organe de rani- mai. Représentez- vous un bas tri* cotte > que le fil en est creux , qu'on y a injecté une matière qui s'y est congelée* vous concevez que si elle pénètre depuis le bout du fil par où on a commencé le bas jusqu'à l'extrémité par où on Ta fini, cette matière donnera un bas dans le moule semblable en tout au premier bas? il s'y trouvera au* tant de mailles et dans un pareil arrangement. Vous devez main- tenant concevoir ce moule inté- rieur de mr. de Buffbn. Il prétend faire la même opération dans cha- que tissu du plus petit tuyau orga* nique d'un animal, M je prévois la difficulté que vous m'allez taire. Vous reviendrez a mon bas coulé eu moule, et yous me demanderez, si je pourrois ima- giner un secret pour le tirer tout en- tier de son moule , mais sans bnser ce moule. J'avoue que cela est em- barrassant. 11 n'y a certainement que nu. de Buffon qui puisse nous enseignerunemanœuvresi délicate et si essentielle à son système. Pour moi je n'en ai pas la moindre idée. Je conçois bien comment la matiez re vivante introduite dans tous les petits canaux de chaque partie d'un cheval pourra former un corps construit et comme l'extérieur et comme l'intérieur du cheval : mais pour expliquer la reproduction , il faut tirer cette matière de son mou- le, et conserver le moule 5 c'est ce qui passe toute l'activité de mon imagination. Cependant Cependant quand même nom le concevrions 9 nous n'aurions encore qu'un petit cheval invisi- ble , un élément d'un grand che- val^ nous aurions besoin d'un se- cond moule ( nir, de Buffon mal- heureusement n'y a pas pensé ) où Ton pût faire couler tous ces che- vaux élémentaires , et dont la com- position donnât à la tin un cheval visible. Voyez , monsieur , com- ment vous pourriez vous y pren- dre pour composer avec de petits chevaux imperceptibles l'œil d'un grand cheval, par exemple, une artère , un cœur, un foye. Vous leur entrelaceriez les pieds , le col , les crins > et après les avoir dis- posés dans tous les sens imagina- bles y vous désespéreriez assuré- ment d'en faire un œil de cheval. Avouez- le , on ne pourrait se pas- ser d'un second moule pour for- mer met de ces chevaux invisibles un cheval palpable et sensible. Mais ce second moule seroït encore sujet à un inconvénient qui en est aussi un pour les pre- miers moules destinés à mouler la matière vivante et élémentaire , commune aux animaux et aux vé- gétaux. Eût-on le secret de tirer de son moule le bas moulé , dont je viens de parler, celui-ci diffe- reroit de son moule en ce que le fil dont les mailles seroient faites , ne seroit pas creux comme celui du premier bas. Il seroit solide , et par conséquent ne pourroit pas servir de moule comme le pre- mier. Je ne vois pas que m*, de Buffon ait paré à cet inconvénient, qui ne doit certainement pas être négligé. Sa matière élémentaire sera, s'il le veut, très-bien mou- îée dans un cheval élémentaires maïs eût- on l'adresse de la tirer d@ son moule, je ne comprendrois Jamais qu'elle pût elle-même de- venir un moule propre à former un nouvel élément semblable à elle. Ce qui fait une difficulté très- sérieuse , puisque n'étant point le- vée on conclueroit très légitime- ment que le système de nrc de Buffon se termineroit à fournir tout au plus une seule génération de chevaux. Je vous prie , mon- sieur , de réfléchir sur cette obser- vation , car elle est très-intéres- sante pour la suite du système de mr. de Buffon» Venons au développement de E- 43- Tanimal. » Il ne se fait que par » l'extension de ce moule dans » toutes ses dimensions extérieures d> et intérieures. Cette extension » se ^_ =-17=* » se fait par L'intus-susceptïon d'u- » ne matière accessoire et étrange- „ re , qui pénétre dans l'intérieur , „ qui devient semblable à la for- 5) me et identique avec la matière „ du moule.» Que signifie iden- tique ? C'est ce que je n'entends point du tout: il est là apparem- ment pour rendre la phrase plus nombreuse. »La matière que 1 a- » nimal ou le végétal assimile a sa .substance, est une matière or- ganique qui est de la même na- ture que celle de l'animal oa » du végétal , laquelle par consé- quent peut en augmenter la .masse sans en changer la for- »me, et sans altérer la qualité de * la matière du moule ». L au- teur entend apparemment par cet- te matière organique cellequ'il ap- pelle vivante , et qu'il rend com- mune aux animaux et aux vege- taux, p taux. Il ajoute : » Les parties » brutes sont emportées ( par la 53 transpiration et les sécrétions ) » il n'y a que les parties organiques qui restent dans le corps. » Use demande ensuite quelle peut être la puissance active qui fait que cette matière organisée pénétre le moule intérieur. Il répond que c'est l'attraction : on devoir bien s'y attendre. ?> N'est-ce pas, poursuit- il , » par une puissance semblable que yy lé moule intérieur est reproduit? Vous avez vu, monsieur, qu'il étoit naturellement impossible que la matière organique mou- lée fût tirée du moule , et qu'el- le devînt un nouveau moule. » C'est la même puissance qui » cause le développement et la 73 reproduction «reproduction. Car U suffît que » dans le corps organisé qui se de- » veloppe , il y ait quelque partie * semblable au tout pour quecet- * te partie puisse un jour devenir m un corps organisé tout sembla- » bleà celui dont elle fait actuel- » lement partie. Dans le point >,où nous considérons le deve- » loppement du corps entier, » cette partie dont la forme m- m térieure est semblable à celle >, du corps entier, ne se dévelop- pant que comme partie, dans „ ce premier développement , elle w ne présentera pas à nos yeux une yy figure sensible que nous puis- » sions comparer actuellement « avec le corps entier. Mais st a, on la sépare de ce corps , et » qu'elle trouve de la nourriture , „ elle commencera à se développer y> comme le corps entier. » Pour Pouf nous rendre propre une" doctrine si lumineuse , choisissons quelques exemples. Prenons une partie élémentaire d'un cheval, semblable pour la figure exté* rie are et pour la configuration intérieure à un cheval visible. Si elle se développe , je m'imagine que ce sera comme tous les philo* sophes et tous les médecins le pen- sent par rintus-susception de k nourriture 5 maïs ce nouveau che- val parvenu , si vous le voulez , jusqu'à être un cheval de service , sera encore composé de petits che- vaux. Peut-être, les nourritures qu'il a reçues de sa mère , soit a- vant de naître, soit depuis qu'il est né , par le lait qu'elle lui a four- ni , l'ont- ils farci ( passez- moi ce terme ) de petits chevaux , je le veux bien : j'ajouterai encore que l'animal étant sevré , ces petits chevaux. chevaux tirés du lait de la mere, grossiront en recevant du foin et des herbes la nourriture commu- ne aux animaux et aux végétaux ; dans ce cas- là même je serois por- té à croire que ces petits chevaux augmentent à proportion du grand , et qu'au moins ils auraient dû devenir sensibles, si on eût employé pour les observer un bon microscope. Mr. de Buffon vou- droit-il éprouver au microscope de la chair d'un grand cheval pour vérifier sa conjecture? Je crois que je me ferai mieux entendre en prenant un autre exemple dans le règne végétal. Examinons un gland, il en sort un chêne, c'est un moule déve- loppé? par succession de temsil acquiert jusqu'à trente pieds de tige, ses branches suffisent pour ■ P ' chauffe* chauffer une cuisine pendant un an. Voilà un grand développe- ment. Les parties de ce chêne sont de petits chênes insensibles, suivant mr~ de Buffon. D'où lui sont- ils venus > Apparemment qu'il y en avoit un grand nombre dans le gland , et que le plus pro- pre à se développer a attiré tous les autres par son attraction inté- rieure s car l'attraction extérieure nuiroit ici plus qu'elle ne servi- roi^ Si cela est , ces petits chênes auront cru à mesure que le grand aura grossi , qu'il se sera élevé, qu'il aura étendu ses branches , on plu ôt l'accroissement de l'ar- bre , ne sera que celui de ses par- ties insensibles. Or ne de vroir- on point les appercevoir maintenant, à l'aide d'un microscope, qui gros- sit un million de fols son objet , maintenant, dis* je, qu'elles se sont si fort accrues et si fort dévelop- pées? Tirons de l'homme un troisiè- me exemple, MK de Buffon fait profession de croire l'inspiration de nos livres saints. Il est donc persuadé que tous les hommes sont nés d'un seulhomme et d'une seule femme. Rapprochons de cet ar- ticle de foi la doctrine de mr. de Buffon. Le corps d'Adam , celui d'Eve étoient formés de petits corps humains insensibles. Mais quelque prodigieux que fût le nom- bre de ces petits corps humains que l'auteur voudroit prendre pour composer le corps d'Adam , en peut-il supposer assez pour fournir aux corps de tant de mil- lions d'hommes qui sont sortis de lui , et qui étant à peu près de sa grandeur et de sa grosseur , ont dû chacun être composés d'autant de petits corps humains qu'il en contenoit lui-même , si le systè- me de -mr. de Buffon est véritable ? Combien de corps humains l'au- teur ne suppose-t-il donc pas dans la nature ! Il a tant blâmé le p. Malebranche pour avoir si fort multiplié les germes des animaux et des végétaux ; le croirons-nous plus raisonnable, lui qui en exige autant dans chaque homme qu'il y m avoit dans Adam ? Il s'étonne lui-même de ce nom- bre prodigieux de corps organisés , en parlant du produit des oeufs , ou de celui d'une graine d'orme. F, 39> En réfléchissant, dit-il, surcet- » te espèce de calcul, on se fami- « liarise avec cette idée singulie- » re i que l'organique est l'oïivra- *>ge le plus ordinaire de la nature, et »et apparemment celui qui lui coûte le moins- Mais je vais plus » loin , continue-t-il , il me paroît » que la division générale qu'on « devroit faire de la matière , est 9 » matière vivante et matière mor* » te , au lieu de dire , matière orga- » nisée et matière brute. Le brut =» n'est que le mort ; je pourrois le prouver par cette quantité * énorme de coquilles et d'autres » dépouilles des animaux vivans.» Le brut est le mort. La pen- sée est bien singulière. Au reste mr. de Buffon prévient la deman- de que nous voudrions lui faire. D'où vient à un chêne tous les petits chênes qui le composent ? à un homme tous les petits corps humains qui sont les élémens de son corps ? Voici comment il y répond. » Il reste maintenant à & » examiner T. 77. S. de U II. part, h « examiner si ces parties organî- 33 ques qui lui ressemblent sont * venues dans le corps organisé & par la nourriture , ou bien si * elles y étoient auparavant » : c'est effectivement ce que nous vou- drions apprendre. » Elles arri- v vent au corps par la nourritu- p re. » La réponse est décisive. Ainsi les nègres qui se nourris- sent de cassave , les indiens qui vivent de riz , les autres nations qui vivent de pain et de viande , tirent de leurs alimens différens , de petits hommes , pour augmen- ter le volume de leur corps h et comme il y a des animaux dont la nourriture est la même que cel- le des hommes , tels que sont les chiens et les chats , ces animaux en reçoivent de petites machines de leur espèce. Enfin quoique nos alimçns passent ordinairement par par le feu, les petits hommes 9 les petits chiens , les petits chats dont ils sont semés , ont beau avoir été bouillis, rôtis, grillés, ils ré- sistent à toutes ces terribles épreu- ves, et sont toujours propres â entrer dans la construction de ra- nimai qui en use* Maïs ne prendrais- je pas mal la pensée de Fauteur , n'entendk*il point par ces parties organiques' qui ressemblent à ranimai auquel elles doivent être incorporées, cette matière vivante et égale- ment élémentaire par rapport aux animaux et aux végétaux f Si c'est îà son idée, on m'accordera qu'el- le est exprimée dans des termes qui ont dû me donner le change : mais n'importe; tenons* nous- en à l'explication que je soupçonne être dans son plan. Il faudra donc dire h z dire que la madère vivante étant extraite de la nourriture , est in- troduite dans les petits moules, qu'elle en sort miraculeusement. Ainsi les petits hommes sont mul- tipliés dans un enfant à mesure qu'il croît. Il n'y a rien à dire à celai et l'on comprend fort bien, en suivant ce système, et supposé le miracle, comment tous les hom- mes ne sont que des composés d'u- ne infinité d'hommes élémentaires, comme Adam en étoit un. N'insistons donc plus sur ce point, et poursuivons notre ana- 4>. lyse. » Il est très-naturel d'imagt- „ ner que le superflu de cette ma- » tiere organique , qui ne peut pas „ pénétrer les parties du corps or- „ ganisé , c'est-à-dire , qui ne peut „ pas entrer dans les moules , soit » renvoyé détoures les parties du corps „Corpsdans un ou plusieurs en- » droits communs , où toutes ces >, molécules organiques se trou- „• vent réunies , forment des petits * corps organisés, semblables aux » premiers , et auxquels il ne mari, „que que les moyens de se de- » velopper. » N'y a-cil point de moules dans ces réservoirs • Faudra-t-il supposer que ces molé- cules organiques , indifférentes à former un homme, un chien , un chou , sçauront cependant s'ar. ranger et se former à la ressem- blance du sujet où elles ont été introduites? L'attraction suffira- t-elie pour cela ? Non , ce sont ici des forces d'affinité. A quoi servent donc ces mou- les intérieurs que l'auteur a eu tant de peine à imaginer? £1 les desti- noit à expliquer la reproduction des h X des animaux ; et maintenant il sub<* stitue à ces machines ingénieuses un mot vuide de sens , la force d'affinité , pour nous expliquer le prodige aussi commun qu'admi- rable de la multiplication des ani- maux. Il a senti apparemment la difficulté de tirer du moule la ma- tière moulée , mais sans nous en avertir. Suivons-le donc dans sa nou- velle explication de la reproduc- tion. Les molécules vivantes ex- traites de la nourriture , qui n'ont pu s'introduire dans les parties de Fanirnal , y être moulées , sont toutes portées des différens en- droits du corps dans un réservoir : elles ne sont point moulées, el- les sont de lear nature indifféren- tes à construire tel ou tel animal , telle ou telle partie de ce même animal» animal 5 quelle plante et quelle partie de cette plante on voudra > un cheval, un homme, un insec- te , un polype , de la mousse , de la moisissure ; et dans ce réser- voir , par la force d'affinité, ces habiles molécules formeront un petit cheval , un puceron dans le réservoir du puceron. Mais quel- le affinité peut- il y avoir entre des molécules vivantes , si vous le youiez , mais également propres à faire un organe quelconque ? Car enfin il entend apparemment par la force d'affinité que les par- ties propres à faire le cerveau se réuniront ensemble par sympaue; que celles qui sont propres aux yeux se distribueront par sympatie en deux endroits différens ou doi- vent être placés ces deux organes . que celles qui doivent composer les os se partageront eu autant de petits h 4 petits corps que ranimai a d'os ; et que tout cela s'organisera avec intelligence selon le plan conve- nable à la partie à laquelle il est propre- Mais il y a une difficulté insurmontable dans cette supposi- tion ; c'est que dans l'esprit de mr. de Buffon les molécules vivantes sont indifférentes par elles-mêmes à entrer dans toute composition organique. Elles sont communes au végétal et à ranimai. Donc quelque vague que soit la signifi- cation du mot d'affinité , il est démontré qu'il ne peut être d'usa- ge en parlant de ces molécules vivantes. Accordons-lui cependant que toutes ces molécules sont de dif- férens ordres , les unes propres à faire la membrane extérieure de l'œil 5 les autres à faire la seconde et et la troisième membrane ; un au- tre ordre pour les. nerfs optiques, un autre encore pour la partie du cerveau où ces nerfs aboutissent , etc. Quelle merveille en résulte- ra-t-il ? Toutes ces molécules de dlfférens ordres vont s'arranger d'elles-mêmes dans le réservoir , de manière qu'elles construiront un œil d'un côté et un œil de 1 au- tre ; celles qui sont destinées aux nerfs optiques , se partageront en deuxbandes, iront s'unir à ces deux yeux, et enfin se rapprocheront pour se réunir dans un certain en- droit du cerveau. Si cela est , m', il n'y a plus de difficulté , il faut en re. venir au système d'Epicure , ruine de fond en comble par le cardi- nal de Polignac. Assurément il sera aussi aisé de concevoir com- ment des atomes de différentes fi- gures , de diiférentes densités se $eion$ h seront distribués pour former tes planettes et tous les corps sublu- naires, qu'à imaginer comment des molécules fai es les unes pour les yeux , les autres pour des nerfs ^ des tendons, des veines, des ar- tères, des mus des , des membra- nes , étant vivantes et indestructi- bles , mais n'ayant ni plan , ni idée, ni connoissance de Tordre qu'el'es doivent mettre entre elles^ ni du total , ni du détail de l'animal où elles se trouvent , comment , dis- je , elles se réunissent de ma- nière à former un petit cheval , un? petit homme. En bonne-foi peut- on débiter dans un siècle aussi éclat: ré des contes si surannés ? Il arrive à mr. de Buffon ce qui arrive à tous ceux qui veulent pen« ser singulièrement sur la physi- que. Les résultats de leurs systè- mes mes contredisent toujours les faits les plus constans. Dans son sys- tème chaque animal devroit pro- duire seul son semblable s comme font certains pucerons : les mâles devraient produire des mâles, et les femelles d'autres femelles? et l'union des deux sexes seroit tout à- fait superflue. Cela suit si na- turellement de son système, qu'il se le propose fort gravement com- me une objection. Admirez com- ment il la résout. ^ Je me contenterai de répon- » dre à présent que la chose étant en effet telle qu'on vient de le » dire , les animaux pour la plus ?» grande partie , ne se reprodui- » sent qu'au moyen du concours » du mâle et de la femelle. L'ob- jection devient une question de fait , à laquelle , comme nous 53 l'avons P# 82 » l'avons cïïr dms le chapitre s£- :»eond, il n'y a d'autre solution ni donner qie celle du fait ^mê ne. Pourquoi les animaux ^se produisent - ils par le con- cours des deux sexes? La ré- » ponse est , parce qu'ils se produi- sent en effet ainsi. » Ce' te ma- nière de résoudre une objection n'est- elle pis aussi singulière que tout ce qu'il nous débite. N'est - ce pas répondre comme les enfans* lorsqu'ils sont poussés au-delà de leurs petites lumières ? Pourquoi Faiman attire t-il le fer ? C'est qu'il l'attire, répondroient-ils. Il ne s'agit pas de sçavoir quelle est la manière dont les animaux se per- pétuent y il s'agit d'allier un fait, dont personne ne doute , avec le système de mr. de Buftbn , dont personne ne convient , et que per- sonne ne conçoit. Et il répond, te le fait est parce qu'il est. Qu'il dise donc d'une part : dans cha- que mâle les parties organiques, rejettées dans un réservoir, s'arran- gent si heureusement , qu'elles for- ment un petit mâle; c'est un fait : d'autre part ; pour le développe- ment de ce petit mâle, le con- cours des deux sexes est nécessai- re ; c'est un autre fait. On lui nie- ra le premier fait, et l'objection restera dans toute sa force. yy Mais , insistera-t'on , c'est la p. *iî „ voie de production la plus ccm- » pliquée , même suivant votre 3> explication. Je l'avoue , mais » cette voie la plus compliquée » pour nous , est apparemment la » plus simple pour la nature ; et 3> si , comme nous l'avons remar- qué , il faut regarder comme le » plus simple ce qui arrive le plus wsouyentjj ^ souvent, cette voie sera dès-lors » la plus simple. » N admlrez-vous pas, mr. com- ment mr. de Buffon sçait se tirer d'embarras? Il répond par ce pa- radoxe , que les choses les plus communes sont les plus simples. Il s'ensuit qu'une chenille si admira- ble dans ses petits travaux , enco- re plus admirable lorsqu'elle est transformée en papillon , il s'en- suit, dis- je, qu'étant plus commu- ne qu'une perle ou qu'un diamant, elle est plus simple que ces ma- tières précieuses. Si le système de mr. de Buffon sur la perpétuité de l'espèce des animaux, explique fort mal les ef- fets les plus ordinaires et les plus naturels, on peut dire qu'il expli- que admirablement les faits in- croyables croyables de la fable. Ce systè- me supposé , on comprend aisé- ment comment Jupiter en éter- nuant accoucha de Minerve , com- ment les dents d'un dragon , grand mangeur d'hommes , pouvoient avoir dans leurs pores quelques restes de petits hommes élémen- taires, dont les hommes dévorés n'avoient été qu'un assemblages comment enfin étant plantés dans un terrein favorable, les moules des petits hommes se développè- rent, et produisirent une armée» Il est vrai que mr. de Buf- fon ne nous promet pas de voir quelque jour un homme se for- mer de la matière commune aux animaux et aux végétaux, dans une motte de terre ou dans une pierre , ni de voir un cheval se dé- velopper dans la mer , et en sor* tir , comme nous l'enseigne la &-* ble > mais il nous prépare néan- moins à ces merveilles, qui se- roient des suites très- naturelles de son système, lorsqu'il nous dit p< 310. qu'il a peut-être autant d'êtres ^soit vivans, soit végétaux qui ^se produisent par l'assemblage 5> fortuit des molécules organiques, » qu'il y a d'animaux et de vé- ^gétaux qui peuvent se produire » par une succession constante de a? générations : c'est , continue-t'il, »k la production de ces espèces ^d'êtres, qu'on doit appliquer ^ l'axiome des anciens , corruftio & uni us , gêner atio ait e? tus 35 Quelques-uns , comme ceux de & la laite du Calmar , ne sont que » des espèces de machines v> qui , quoique très- simples , sont ^actives par elles-mêmes;..... » d'autres imitent les végétaux par Jeur ^ =41 = «leur manière de croître et de » s'étendre. Il y en a d'autres com- » me ceux du bled ergoté qu'on »peut alternativement faire vi- „ vre et mourir aussi souvent que „ l'on veut» ( ce sont des anguil- les qui paroissent revivre, lors- qu'on les met dans l'eau ) » et l'on •»ne sçait à quoi les comparer. »I1 y en a d'autres, même en » grande quantité , qui sont d'a- „bord des espèces de végétaux, 3, qui ensuite deviennent des es- pèces d'animaux, lesquels de- 5, viennent à leur tour des végé- *> taux. » Je ne connois point ces espèces d'animaux , sont- ce les po- lypiers ou les polypes ? Quoi qu'il en soit , ne voila- t'il pas une belle collection de faits bien propres à établir qu'il y a un très-grand nom- bre d'animaux qui se produisent par le concours fortuit des molé- cules cules organiques, et que rien n'est pus vrai que 1 axiome infiniment lumineux des anciens , corrupio unius , gêner atio alterius ? Il revient pourtant ailleurs à sa *• 11U prétention. » Les anguilles qui se x> forment dans la colle faite avec »de la farine, n'ont pas d'autre » origine que la réunion des mo- lécules organiques de la partie *>la plus substancielle du grain. » Les premières anguilles qui pa- ^roissent ne sont certainement *> pas produites par d'autres anguli- » les. Cependant quoiqu'elles »n'ayent pas été engendrées , ei- 33 les ne laissent pas d'engendrer » elles-mêmes d'autres anguilles ri* *> vantes. On peut , en les coupant »avec la pointe d'une lancette, * voir les petites anguilles sortir *> de leurs corps , et même en très- as grand » grand nombre. Il semble que le x> corps de l'animal ne soit qu'un » fourreau, ou un sac qui con- » tient une multitude d'autres pe- »tits animaux, qui ne sont peut- s? être que des fourreaux delà me- * me espèce, dans lesquels, à me- a? sure qu'ils grossissent, la matie- » re organique s'assimile et prend # la même forme d'anguilles, » Enfin il tranche le mot. *> Il y p. » a ( dans la classe de ces êtres or- ganisés qui ne sont produits que par la corruption, la fermenta- tion , ou plutôt la décomposition des substances animales ou végé- tales } » des corps organisés qui » sont de vrais animaux , qui peu- y> vent produire leurs semblables % » quoiqu'ils n'ayent pas été pro- » duits eux-mêmes, » Quel Quel triomphe pour lui , si je lui faisois voir de certains sables , de certaines substances farineuses qu'on trouve dans les pierres , que j'anime en les mettant dans de l'esprit de vin, et que je résuscite quand il me plaît par le moyen de la même liqueur ! Je pense bien, monsieur, que vous ne serez pas tenté d'ajouter foi à tant de fairs si merveilleux sans aucun examen , et sur l'auto- rité seule de mr. de Buffon $ mais que répondrez -vous à celle d'A- p. 7> ristote ? * Aussi grand philosophe » que Platon , et bien meilleur » physicien , ce grand homme au ^ lieu de se perdre dans la région » des hypothèses, s'appuyeau con- » traire sur des observations , ras- » semble des faits et parle une lan- h gue plus intelligible. ( Ecoutez bien j — 45 = bien , monsieur , cette langue si intelligible. ) » La matière qui „ n'est qu'une capacité de recevoir * les formes, prend dans la géné- ration une forme semblable a » celle des individus qui les four- nissent.» Quelle clarté, quelle évidence dans ce langage! Ainsi la colle de farine avoit la forme d'anguille pour la donner a cette partie de sa substance , qui , dans l'opinion de m^. de Bufton, devient un fourreau anime et le- cond. M', de Buffon et son maî- tre Aristote me feroient concevoir qu'une boéte remplie de ressorts, de roues, de pignons, de tam- bouts et de fusées, étant trans- portées de Genève à Paris, a ete cahottée et agitée avec tant d in- telligence sur la route que toutes ces différentes pièces se sont as- semblées^ semblées , assimilées par une force d'affinité, et ont formé une dou- zaine de montres admirables ; ils me le feroient croire, comme ils me feroient comprendre qu'un sac de farine en s'aigrissant , ou en se séparant de la masse, se construit en sac vivant, ayant des mouvemens spontanés, cherchant sa nourriture, et engendrant d'au- tres sacs pareils. Toute machine suppose un artiste intelligent, et en réveille l'idée malgré nous. Comment nr. de Buffon, corn- ment Aristote son grand observa- teur, prouve-t'il que la corruption engendre des animaux ? Us n'en apportent aucune preuve ni l'un ni l'autre ; à moins que l'on ne voulût prendre pour une démons- tration le ton dont m<. de Buffon prononce que les premières an- guilles guilles qui partissent dans la colle de farine ne sont certainement pas produites par d'autres anguilles. L'auteur n'avoit pas vû d'anguil- les avant ces premières ; donc il n'y en avoit point. C'est ainsi que conclut un homme crédule , en voyant qu'un joueur de gobelets a mis une pomme sous un gobe- let , et qu'il en a tiré ensuite une souris. Le pauvre spectateur ju- ge que la pomme a été transfor- mée en souris ; et comment ne porteroit-il pas ce jugement ? Car il a bien vû mettre la pomme sous le gobelet , il en jureroit ; il n'a pas vû mettre la souris, il en ju- reroit encore; la pomme a donc été métamorphosée en souris. Or a-t-elle pu l'être sans enchante- ment , sans une opération supé- rieure à la nature ? L'admirable L'admirable observateur, Aris- tote , qui ne se perd point dans la région des hypothèses , en fait une qui ressemble bien à celle de no- tre manant , qui n'hésiteroit pas à parier que la pomme du joueur de gobelet est devenue souris. Je défie Aristote et tous les Péripa- théticiens nés et à naître, de citer une seule observation qui prouve que des animaux sont formés par le concours fortuit des parties d'u- ne matière pourrie : en a-t-il vû comme nous voyons nos végéta- tions artificielles, comme nous voyons les sels se crystaliser ? Il y a deux cens ans qu'on n'a- voit point surpris dans leur opé- ration ces mouches qui déposent leurs œufs dans les fruits > et quand on voyoit un ver dans une pom- me, c'étoit la corruption qui Ta- voit <5 Yoït engendré* Maintenant il est bien prouvé au contraire que le ver est la cause de la corruption du fruit. On trouvoit aussi dans un fruit une nymphe ou une mouche : au- tres espèces de merveilles qu'on mettoit encore sur le compte de la corruption. Or ceux qui tiraient ces belles conséquences ne fai- soient-ils pas un système au lieu de la simple histoire de la na- ture ? Mr. de Buffon fait- il autre chose , quand il conclut de ce qu'il n'a pas vu les mères des premiè- res anguilles qu'ii a trouvées dans la colle de farine, que ces pre- mières anguilles sont des parties substantielles qui se sont assimi- lées par la corruption. Que veut dire assimilées? Ce terme sent bien le péripatétisme. L'auteur T.IItS.delalI.part. c L'auteur nous fait encore re- marquer que ces animaux, venus de la colle aigrie et corrompue, sont fort simples. Ce ne sont que des fourreaux qui contiennent d'autres fourreaux : qu'il ajoute donc que ces fourreaux ont des mouvemens spontanés, qu'ils se nourrissent, qu'ils digèrent , qu'ils croissent et qu'ils se multiplient ; et qu'il compare ces fourreaux à une montre , il décidera laquelle des deux machines de la montre, ou des fourreaux vivans , est la plus simple -> et s'il est plus probable que* les organes des fourreaux se soient formés seuls , qu'ils se soient ensuite arrangés dans Tordre con- venable , qu'il n'est probable que des parties d'une montre étant re- muées dans une boëte, forment une montre parfaite. Est-ce Est-ce à de vrais et de fidèles observateurs de la nature , ou à des physiciens crédules qu'il dit enco- re que la laite de Calmar est une machine fort simple ? Qu'il l'étu- dié avec le soin qu'elle exige ; et il y découvrira avec admiration les muscles, principes de ses mouve- mens , les canaux qui portent la nourriture propre à perfectionner Tanimal , quand il est encore pe- tit, et à l'entretenir quand il a acquis la grandeur qui lui convient. S'il appelle cela des machines sim- ples 5 des pompes qui fourniraient à leur entretien et aux réparations nécessaires , qui joueroient d'elles- mêmes, qui produiraient d'autres pompes de la même espèce? se- raient donc , selon lui, des machi- nes fort simples. Que Que les insectes sont admira* bles , monsieur ! Il n'en est point , je dis parmi les plus petits, les plus imperceptibles , les moins composés , qui ne soit fait sur un plan que nous devons trop respecter pour le mettre en pa- rallèle avec le système de l'au- teur , pris dans toute son étendue. Les transformations de ces peti- tes créatures dérangent totâlement ses idées. Il s'en est apperçu , car il en parle d'une manière si embar- rassée, qu'on sent très -bien que si ces merveilles n'étoient point dans la nature, son système n'en Jroit que mieux, » Il me paroît, dit-il , que ce changement , cette » espèce de transformation qui •*> leur arrive n'est qu'une produc- :» tion nouvelle qui leur donne la a? puissance d'engendrer La n chenille devient papillon , parce y» c^ue — 53 — v que n'ayant aucun organe , au- 33 cun viscère capable de contenir 33 le superflu de la nourriture , et 33 ne pouvant par conséquent pro- » duire de petits êtres organisés 33 semblables au grand, cette nour- 33 nuire organique toujours active ^3 prend une autre forme en se foi- 33 gnant au total , selon les corn* *> binaisons qui résultent de la fi- 33 gure de la chenille ; et elle for* 33 me un papillon , dont la figure 33 répond en partie , et même pour 33 la constitution essentielle, à celle 33 de la chenille s mais dans lequel 33 les organes de la génération sont 33 développés ». On s'explique ainsi , quand on a beaucoup d'in- térêt de n'être point entendu. Il peut débiter de pareilles vraisemblances à ces nouveaux initiés dans la physique , qui n'ont jamais c 3 jamais ni observé ni étudié les dif- férentes transformations de la che- nille. Ils pourroienî se contenter de ses réflexions mystérieuses; mais quelle impression pourroienî elles faire sur nous , monsieur , qui avons suivi ces changemens si étonnans avec une si scrupuleuse attention,etqui les avons trouvés si heureusement décrits dans l'histoi- re inimitable des insectes? Compa- rez une crysaîîde avec l'enveloppe d'où elle est sortie , avec la dé- poiiilie de la chenille 5 quelle res- semblance y trouverez- vous ? Ima- ginez- vous beaucoup de rapport entre un papillon plein de viva- cité , usant de ses ailes avec tant d'adresse, et la chenille ? Cette tê- te ornée, armée dîme trompe si admirable , soit qu'elle soit roulée en spirale, soit qu'elle soit déve- loppée y ne ressemble- u elle pas beaucoup beaucoup à la tête delà chenille? Le corps et le eorcelet du papillon nous rappellent^ la forme de la chenille? Les pieds de la chenille ne nous donnent aucune idée de ceux du papillon . Raprochez encore ce ver stu- pide d'où sort l'abeille , de l'abeille elle-même; quicroiroit que c'est le même animal? Que de questions embarrassantes ne pourroit - on point faire à m', de Buffon ? Par exemple , ce ver difforme qui don- ne naissance à l'abeille, a-t-il tou- tes ses parties semblables à son tout ? Est- il composé de moules de vers ou de moules d'abeilles ? L'a- beille elle-même est- elle compo- sée de petites abeilles insensibles ? Par quel caprice la matière vivante et superflue étant déposée dans le réservoir de l'abeille, s'avise-t-elle d« c 4 àe Pendre pour modèle un ver hideux qui n'est plus , plutôt que l'abeille elle-même ? Oùenseroit-il,sijeluifaisoïs de semblables questions sur tous les insectes sujets à la transforma- tion .? Dans quel embarras le jet- terais-je, si je lui citois tant de vers aquatiques, qui passans par trois formes différentes sont actifs, laborieux , voraces même sous la forme intermédiaire qui répond à celle de crysalide et de nymphe dans les chenilles et dans les vers? Les cousins sont les plus corn- muns de ces espèces , le ver en est très- vif et très- joli 5 la nymphe, toute différente du ver , est aussi vive, et paraît avoir plus de faci- lité à monter dans l'eau qu'à des- cendre. Que Que Dieu est grand ! Qu'il est admirable dans les petites choses l L'hîstoire seule des insectes dé- montre son existence et sa sagesse. Rien de réglé , de constant , d'u- niforme ne peut résulter du ha- zard. Quand mr. de Buffon nous dit que ce qu'il y a de plus sub- stantiel dans la colle de farine , se forme en anguille vivante , agis- santé, produisant des petits sem- blables à elle, je suis tout aussi peu disposé à le croire, que s'il me disoit qu'un forgeron ayant jette au hazard en l'air une grande cuil- lerée de fer en fusion , il en est tombé fortuitement un tourne- broche assez passable, auquel il ^e manque que des cordes et des poids. Je laisse aux ânatomistes le soin de discutei les étranges pa- radoxes de l'auteur sur la cause qui différencie les petits animaux dans le sein * S le sein de leur mere , qui distingue les mâles des femelles. Je prévois le jugement qu'en porteront ceux qui parmi eux ont le plus de théo- rie et de pratique. Ces sortes de discussions ne me conviendraient pas , comme elles ne convenoient pas trop à m'. deBuffon, non plus que ses réflexions sur certai- nes observations de Lewenhoek ; ou s'il ne pouvoit obtenir de lui de ne nous pas faire part des nou- veautés dont il croit avoir enrichi ces matières , au moins auroit-il dû, en les traitant, imiter la modestie et la décence des maîtres de l'art, qui par respect et pour le public' et pour les mœurs , n'en avoient parlé jusques-là que dans la langue des sçavans. Je lui devois ce°tte courte réflexion , pour me dédom- mager de la peine que j'ai eu à par- courir ses détails, que les lecteurs les les moins délicats , et qui s'allar- ment le moins aisément,scauroient bien qualifier. Je vous en ai dit assez, monsieur, pour vous mettre au fait des opi- nions insoutenables de mr. de Buf- fon. On peut dire que sur ce qui concerne les animaux, il n'est ni historien ni faiseur de systèmes. Rien de ce qu'il dit n'est confor- me à ce que nous voyons dans la nature ; et il prend des partis si contradictoires , qu'on voit bien qu'il n'a point pensé à faire de sys* terne , et qu'il nous a donné ses idées comme elles lui sont venues s * sans trop les comparer. Ainsi il a regardé comme un dénouement de laLeproiaction des animaux les petits moules parfaitement semblables , selon lui 9 au tout dans chaque individu ; et quand il a fallu s C a fallu expliquer la reproduction; il a abandonné cette idée , et a donné une intelligence presque divine aux molécules vivantes 5 in- différentes à toutes sortes d'orga- nisations , soit animales , soit vé- gétales. Enfin a-t-il été question des insectes qui n'ont de sexe qu'a- près deux transformations , il a abandonné Tune et l'autre idée> et a parlé comme un homme qui se perd , et qui ne sçait plus où il est. Adieu , monsieur , je suis, toujours dans les mêmes senti- mens5 etc. P. S. Je vous avouerai y mon- sieur , que j'ai quelque scrupule sur l'idée que je vous ai donnée des moules intérieurs imaginés par mr. de Buffon. Je doute qu'il leur ait donné un sens aussi raisonna- ble que celui que je leur ai donné. li <5 Il paroît avoir marié au hazard deux mots qui impliquent con- tradiction. Moule ne signifie pas chez lui ce qui détermine la figure du corps moulé 5 c'est pour ex- clure cette idée, qu'il appelle ses moules, intérieurs :i\s ne détermi- nent pas même ce que le p. Maie- branche appelle la configuration des parties. Pour se faire enten- dre, il a recours à la pesanteur , qu'il considère comme une qua- lité dont toutes les parties des corps sont pénétrées. Il fait , com- me vous voyez, de la pesanteur un être métaphysique , auquel U compare ses moules qui ne sont ni physiques ni métaphysiques- S'il pouvoir imaginer quelque cho- se de moins intelligible , il lui don- neroit la préférence. Cependant ces moules incapables de donner une figure et une configuration aux parties qui les pénétrent , sont pourtant ce qui donne une forme constante à tous les animaux, à n voi. tous les végétaux. » Il nous par'oît • » donc certain que le corps de l'a- 35 nimaIou du végétal est un mou- " Ie intérieur qui a une forme » constante, mais dont la masse 35 et Ie volume peuvent augmen- » ter proportionnellement , et que 55 l'accroissement ,ou,si Ion veut, » le développement de l'animal ou » du végétal ne se fait que par i'ex- » tension de ce moule dans tou- » tes ses dimensions extérieures =» et intérieures ; que l'extension se » fait par l'intus-susception d'une » matière accessoire et étrangère « qui pénétre dans l'intérieur, ( dans » des pores apparemment ) qui devient semblable à la forme, » et identique avec la matière du » moule. » Je plaindrais beaucoup un un homme qui croiroit entendre quelque chose dans toute cette belle doctrine. Mr. de Buffon sent bien la con- tradiction que renferment ses mou- les intérieurs y mais il prétend la le- ver par l'usage d'un principe fort obscur. y> Lorsqu'une idée neren- » ferme qu'une comparaison , dit- ^ » il 9 l'on doit la regarder comme y> simple, et dès- lors comme ne yy contenant rien de contradictoi- re 5 telle est lldée du moule in- » térieur. Je connois dans la na- » ture une qualité qu'on appelle » pesanteur , qui pénétre le corps » à l'intérieur > je prends l'idée du * moule intérieur , relativement à » cette qualité : cette Idée n'en- * ferme donc qu'une comparai- » son , et. par conséquent aucune * contradiction. ; Ce seul raison- nement nement excuse mr. de Buffon de tous les paralogisrnes qu'il a faits, et lui assure l'indulgence du pu- blic. Quelle comparaison renfer- me son moule intérieur f Celle de la modification actuelle d une sub- stance avec une qualité' occulte de *' 3*'son aveu. » Nous n'aurons jamais » une idée nette de ces qualités » , dit-il • or peut-on juger avec jus- tesse de la comparaison de deux choses, desquelles on n'a point , desquelles on ne se peut promet- tre d'avoir jamais des idées bien nettes f Au fond , ces moules Intérieurs sont les ingénieuses formes plasti- ques des péripatéticiens, données sous un autre nom : vous en serez convaincu , mr. par la manière dont il explique le développe- p.4i. nient de ranimai » Ce dévelop- pement , pement , si on veut en avoir une » idée nette, comment peut-il se » faire , si ce n'est en considérant le «corps de l'animal, et même cha- » cune de ses parties qui doivent se «développer, comme autant de » moules intérieurs qui ne reçoi- » vent la matière accessoire que «dans l'ordre qui résulte de la » position de toutes leurs parties? » ..... . Or que peut - il y » avoir qui prescrive en effet à la » matière accessoire cette règle , «et qui la contraigne à arriver é- » gaiement et proportionnellement » à tous les points de l'intérieur , si » ce n'est le moule intérieur ? » Mais un moule qui prescrit une règle à la matière accessoire n'est- il pas pénétré des formes plasti- ques t N'est-ce pas encore par le moyen des des formes plastiques que mr. de Buffon explique la production des animaux? La nourriture, laquelle ne peut être employée dans la nu- trition du corps animal , et qui n'est pas moulée par conséquent, est rejettée dans un réservoir; là die devient , je ne sçais comment , moule de nez, ou d œil , ou d'o- reille î et ces nouveaux moules intérieurs s'ajusteraient de manière îî voi ^ comPoser 011 homme , par exem- pt* pie dans l'homme, s'ils n'étoient pas rappelles par un repompe- ment perpétuel dans les vaisseaux du corps humain. Mais ce repom- pement cesse dans les femelles fé- condées. Ainsi tous ces moules se composent de façon à former un animal. Ici le merveilleux n'est pas le systême,c'est la foi de mr.de Buf- t* fon pour son système. » Je n'en ^ doute pas moi-même , dit-il , et j'avoue ^7 = j'avoue qu'il ne me reste aucun » scrupule sur le fond de cette théo- » rie, dont j'ai examiné très-rigou- » reusementles principes, et dont „j'ai combiné très-scrupuleuse- « ment les conséquences et les dé- p tails. » Son examen n'a pourtant pas été aussi scrupuleux qu'il voudroit le faire croire ; j'en juge par ce qu'il dit des insectes. Car il nous dit que dans les insectes » le corps sous cet- » te première forme n'a aucun or- »ganepour la génération, aucun « moyende transformer cette nour- » riture , dont ces animaux ont une „ quantité fort surabondante , en » œufs. » H n'adonc pas lû l'histoire des insectes; et s'il a négligé de la lire , peut-on dire qu'il a examine rigoureusement .les principes, et combiné très-scrupuleusement les détails ^68 = détails et les conséquences de sa théorie f Donnez- vous la peine d'ouvrir le premier volume de l'his- toire des insectes,vous y trouverez, pag. 359. ces paroles M. Malpi- 3* ghi a vû les œufs du papillon dans une crysalide de ver à soye , qui » n'étoit crysalide que depuis deux *ou trois jours. J'ai cherché les *> oeufs du papillon dans la chenille s> même , et je les ai trouvés dans les » chenilles 'du chêne, que j'ai nom- » mées à oreilles , dans un tems où » elles ne paroissent nullement se » disposer à la métamorphose, » sûrement plus de huit à » dix jours avant qu'el- » les dussent per- » dre leur for- *> me, » fin de U deuxième partie. à un c4mériquain , sur P histoire naturelle , générale & par- ticulier*; de monsieur de Buffon. Nouvelle Edition revue et corrigée par l'Auteur. tome second. troisième partie. à Hambourg: Et fe trouve à Paris chez Duchesne, ^Libraire > rue S. Jacques. ï- j. g- 6. ye' lettre. Idée de l'histoire natu- relle de t homme , sui- vant Mr. de Bu£- £on. E ne pousserai par fort oin j monsieur, mes dis- cassions sur l'histoire na- turelle de l'homme créé par mr. de Beffon. On se lasse aisément , quand on tra- vaille avec répugnance; et j'en ai beaucoup à relever des écarts si peu dignes d'un homme qui s'est consacré aux sciences. Il distin- gue d'abord la nature des bêtes de celle de rhomme , en refusant de leur reconnoître une ame. Mais comment le fait-il? L'ordre de leurs a 2 H. vol. , — 4 = » leurs actions, dit-il, est tracé -dans l'espèce entière, et iln'ac 35 pâment point à l'individu. Êr » si l'on vouloir attribuer une ame » aux animaux , on seroit obligé » à n'en faire qu'une pour chaoue -espèce, à laquelle chaque îndivi- >> du participeroit également. » L'observation n'est-elle pas sin- gulière i Ce qui m'étonne, c'est que ne croyant pas que les bêtes ayent desames, m', de Buffon suppose qu'elles éprouvent des sensations. £n parlant des premiers jours de l'enfance des hommes , il nous V.vi. donne lieu de le penser. « Jl pa. » roîr, dit- il , que la douleur que » l'enfant ressent dans les premiers "terns, et qu'il exprime1 par des - gémissemens, n'est qu'une sen- » sation corporelle , semblable à ► celle » celle des animaux qui gémissent 3> aussi dès qu'ils sont nés > et que » les sensations de l'ame ne corn- o> mencent à se manifester qu'au *> bout de 40 jours » qu'il com- mence à rire et à pleurer. Je vous ferai mieux sentir dans un moment , mr. ce que ce pas- sage renferme de singulier. Je ne m'occupe actuellement que de ce qu'il appelle sensation corporelle dans les animaux, et même dans les enfans , pendant le rems où ils ne s ça vent encore ni rire ni pleurer. Qu'entend-il , à votre avis , par une sensation corporelle ? j 'avoué que je l'ignore absolument. Il s'exprime ainsi au commen- cement de son second volume , celui dont il est encore question : Nous ne dirons pas avec quel- p. 5. T. II. fart. III. h 3. ques philosophes que la matle- » re , sous quelque forme quelle soit 9 » connoît son existence et ses fa- ^ cultes relatives. »J?étois fort éton- né de ce que l'auteur sembloit sup- poser qu'il y a^quelques formes sous lesquelles la matière connoît son existence : je n'entendois rien à un discours si nouveau pour moi; mais je le comprends maintenant. La matière sous la forme des bru* tes est apparemment l'exception qu'il indiquoit sourdement 5 elle a des sensations corporelles , c'est* à* dire qu'elle se sent exister heu- reuse ou malheureuse , lorsqu'elle est façonnée en chien ou en quel* qu'autre animal. Le grand point que m»v de Buffon avoit à prouver, c'est que la matière se sent exister. Car pour sentir ses façons d'être,agrca- , bles Mes ou désagréables, il faut d'a- bord qu elle se senîe exister. Or je demanderoïs à mr. de Bûffoo. comment il faudroit qu'un bloc de matière fût façonné, afin qu'il sentît son existence; quel nouveau ressort il faudroit ajouter au Au- teur automate, afin que cette in- génieuse machine sçût profiter du plaisir qu'elle cause à ceux qui l'entendent ? Je ne craindrais point dé réponse de sa part? mais j'ap- préhende fort que les matérialistes ne se sçachent bon gré de trouver en cela l'auteur favorable à leurs prétentions insoutenables* Je passe à celle de m3", de Buf- fon qui ne l'est pas moins : que Famé de l'enfant n'a des sensa- tions qu'au bout de jours qu'il commence à rire et à pleurer. Où prend-t-il cette idée > La ti- re-t-ii re-î-il de l'histoire naturelle de l'homme ? Penseroit-il que le corps d'un enfant sent son existence, et que l'amené sent pas la sienne ? Il reconnoît ailleurs une dou- ble sensation dans l'homme , cel- le de l'ame et celle du corps. C'est dans un endroit où il s'ef- force, avec beaucoup d'humani- té , de nous guérir des frayeurs de p. 5Hî. îa mort. » Quelle raison a-t-on, dit-il , d'un ton propre à inspirer la confiance » pour croire que la * >5 séparation de l'ame et du corps » ne puisse se faire sans une dou- » leur extrême ? Quelle cause peut :» produire cette douleur ou Foc- » casionner ? La fera- 1- on résider s» dans l'ame ou dans le corps ? » La douleur de l'ame ne peut être produite que par la pensée. à Celle du corps est toujours pro- & portionnée » portionnée à sa force et à sa foi* » blesse. Dans l'instant de la mort „ naturelle le corps est plus foi- » ble que jamais; il ne peut donc >, éprouver qu'une très-petite dou- „ leur , si même il en éprouve » aucune. » On ne peut exprimer plus net- tement que dans l'homme il y a deux sortes de douleurs ; une pour l'ame , l'autre pour le corps. Que concluroit-on de cette doctrine péripathéticienne ? Que dans un goûteux celui qui s'afflige de la goûte, et celui qui en ressent la douleur , ce sont deux êtres très- différens. Ce qui s'afflige est l'a- me, ce qui sent la douleur est le pied. Une question se présente ici naturellement. Par quel moyen l'ame apprend - elle la douleur du pied? Si elle ne la sent pas, elle r • la b5 la voit donc? Elle la voit comme «ne façon d'être étrangère à elle- même i et c'est une bonté bien gratuite de sa part, et dont je lui conseillerais fort de se défaire , que de compatir ainsi aux maux d'une petite machine telle que ce Pied, qui peut être retranché du reste du corps, sans qu'elle perde rien de sa substance. Ici, com- me presque par- tout ailleurs, mr. de Buffon érige en dogmes phi- losophiques les préjugés populai- res 5 et il ne pouvoit gueres faire autrement , dès qu'il vouloit recré. Pir la vieille philosophie. Cepen- dant je ne reviens point de mon étcnnement. Est-il possible que mr- às Buffon ignore qu'un hom- me , à qui on a coupé la jambe 9 sent de la douleur à un pied qu'il n'a plus > ce qui prouve invinci- blement que ce n'est point le pied : II pied qui ressent la douleur. Je ne m'arrête point à réfuter des erreurs si souvent confondues depuis m*. Descartes 5 mais puis- je m'empêcher d'insister sur l'avan- tage que les matérialistes tirent de cette doctrine ténébreuse? Qtion leur accorde qu'une petite portion de matière , telle qu'elle soit , peut sentir son existence , ils vous for- ceront de reconnoitre qu'elle peut sentir ses manières d'être , ses rela- tions par conséquent avec ce qui la touche ; qu'elle peut penser ? qu'elle peut raisonner, qu'elle peut même être élevée au point de perfection de délibérer et de choi- sir. Et le principe une fois admis , il sera difficile de se refuser à cet enchaînement de conséquences. Ils se croiront donc autorisés à penser que l'ame n'est qu'une por- tion h 4 tion dematiere, laquelle sent son existence j et comme toute ma- tière est divisible, ils en conclue- nt que cette partie intelligente peut erre tellement dissoute , qu'el- le perdra toute intelligence et tout sentiment. Nous sommes en état de démontrer en toute rigueur que la matière ne peut sentir son existence ; mais ce n'est pas ce dont il est question ici. Il s'agit de sçavoir si les matérialistes n'ont pas droit de s'autoriser de la doc- trine de a*; de Buffon , et si ce physicien pourroit sauver ses prin- cipes, en ruinant leurs assertions frivoles. Ces messieurs rapprochent de cet- te doctrine une sentence de m', de Buffon , dont vous serez frappé, mr- Il la prononce à l'occasion d'une prétention de Lexraihoek, 2ui qui vouloit, dit l'auteur, que les poissons fussent immortels , ou du moins qu'ils ne pussent mourir de vieillesse. » Tout , ce me semble «dit m', de Buffon , doit périr „ avec le tems. Tout ce qui a une i origine, une naissance , un eom- » mencement , doit arriver à un » but , à une mort , à une fin. » On voit bien que la beauté de la figure a distrait mr. de Buffon sur l'étendue du sens de sa senten- ce. Mais il faut chercher à l'excu- ser pour le croire , et ce n'est pas l'intérêt des matérialistes : ils diront que l'ame doit périr avec le tems , parce qu'elle a une origine , une naissance , un commencement , et qu'elle doit avoir un but , une mort et une fin. Que je leur objecte que m*, de Buffon Buffon a fort bien prouvé la dis- tinction de l'ame er du corps, et même son immortalité, ils di- ront qu'il l'a dû faire, qu'ils en au- raient usé tout comme lui, qu'on doit accorder quelque chose à une société dont ou est membre, et qui professe la religion chrétien- ne; mais qu'un homme exempt de préjugés démêlera fort bien les sentimens de l'auteur, de la con- descendance qu'il marque pour la religion établie ; qu'en un mot, pour donner une vraie solidité aux preuves que m", de Buffon apporte de l'immortalité de l'ame, il eût fallu qu'il eût pris pour objections presque tous les principes qu'il a employés dans son livre, et qu'il les eût parfaitement réfutés. 1 1 est impossible, ajouteront- ils , que le dogme de l'immortalité subsiste avec ses principes. Mr. de Buffon a trop ËL_ a trop d'esprit poar ns pis sentie jusqu'à qrel point ils peuvent leur être favorables. Et vous , leur ré- pondrais-je, vous êtes trop fami- liarisés avec la mauvaise foi , pour n'en pas soupçonner les autres î et vous ne voulez pas convenir qu'un très-honnête homme peut fort bien déraisonner, mais qu'il est incapable de trahir ses vérita- bles sentimens. Je ne leur aban- donnerai pas certainement un homme du mérite de mr. de Buf- fon , à moins qu'il ne m'y contrai- gnît lui-même. Non, sur -tout lorsqu'il s'agit de religion, il n'y a que de petits esprits et des ames très-basses qui soient capables de dissimulation. Voilà le vrai mo- tif qui m'obstine à le défendre con- tre leurs imputations. Qu'ils es- sayent de réfuter les preuves qu'il a données de la distinction de l'a- me h 6 me et du corps , et ils verront si la force de ses raisonnemens ne suffit pas pour convaincre de ce dogme un homme de bonne foi, et s'il est possible que celui qui les produit n'en soit pas lui-mê, me frappé, et tienne au parti des matérialistes. Je leur résisterois encore, s'ils vouloient s'autoriser des soins qu'il prend de nous rassurer contre les frayeurs delà mort. Il ne parle, diront-ils , que de la douleur que peut éprouver l'ame en se déga- geant des liens du corps ; il ne àh pas un mot des suites si ef- frayantes , selon vous , de cette séparation. Cela est vrai : il n'en- treprenoit point de traiter cette matière; elle eût été très-mal placée dans un livre de la nature du sien i il n'avoit qu'un objet , qui étok de de tranquillisée sur la crainte de la douleur occasionnée par la sépara- tion de rame et du corps ceux qui appréhendent précisément le coup de la mort , comme certaines fem- mes craignent la saignée. Comme le nombre en est très-petit , il n'a- voit pas encore cru qu'il fût né- cessaire de venir à leur secours; et c'est pour cela même que mr. de Buffon offre obligeamment ses ré- flexions à ceux qui pouvoient en avoir besoin. Je ne sçais pourtant s'il les gué- riroit 5 son argument n'est pas bien fort , et les gens peureux ai- ment tout ce qui les entretient dans leur pusillanimité. Quand il leur demande: Quelle raison a-t-on pour croire que la séparation de Tame et du corps ne puisse se faire sans une douleur extrême ? Ils ils repondront que c'est une raison tirée d'une analogie très- frappan- te. On m'arrache une dent , j'en ai 32 , il semble que cette partie de mon corps soit assez peu intéres- sante 5 cependant le créateur a at- taché à l'extirpation de cette dent une douleur très-vve. N'ai-je pas Heu de penser qu'il en a ordonné une encore plus forte pour le tems ou l'âme est arrachée à un corps qui faisoit toutes ses délices? ^oilà ee qu'ils répondraient, et cela me paroirroh plus que suffisant pour balancer au moins les raisonne- mens de m', de Buffon ; et d'autant plus qu'i sponent sur un paradoxe insoutenable : que lechagrin occa- sionné par la douleur est dans l'a- me 5 mais que la douleur est dans le cort,s. Quoi qu'il en soit , nous avons bien d'autres raisons pour nous affermir contre les terreurs de la mort , et contre des frayeurs» tout autrement intéressantes que celles dont il voudroit nous gué- rir. Les vrais Chrétiens souhai- tenr plus la mort qu'ils ne la crai- gnent 5 et cette disposition est la vraie source de la paix dont ils jouissent. Vous sçavez cela , monsieur. Bevenons aux premiers rems de l'enfance. Il me paroîtquemV de Buf fon ne les a pas étudiés ; c'est un objet peu digne de l'attention d'un philosophe , ou du moins il semble que ceux qui affectent ce titre , pensent ainsi : c'est cepen- dant dans cet âge qu'il faut cher- cher les vraies causes de nos er- reurs et de nos préjugés. Je fon- de mon soupçon , par rapport à m', de Buffon, sur ce qu'il nous^^ enseigne des défauts de la vue. *> Le p. )07." n premieï » premier défaut du sens de la viie » est , dit-il, de représenter tous » les objets renversés. Les enfans " avant de s'être assûrés par le » toucher de la position des cho- * ses , et de celle de leur propre » corps, voyent en bas tout ce qui * est en haut, et en haut tout ce * qui est en bas ; ils prennent donc » par les yeux une fausse idée de la » position des objets. » Il appuie apparemment cette opinion singulière sur cette vérité d'expérience : que les objets sont renversés sur la rétine 5 mais la rétine n'est pas l'occasion immé- diate du sens de la vue 5 c'est dans le nerf optique , ou dans.quel- qu'autre endroit du cerveau que sont ces occasions. Or on n'a point de preuves que les effets de la lumière passant dans le nerf op- tique tique , et s'y combinant, n'y soîent pas disposés dans l'ordre néces- saire pour représenter les objets selon leur véritable position. Mais quand cela ne seroit pas , il est très-constant que nous ne voyons point les objets renversés , et que les objets ne nous paraissent pas peints sur la rétine. C'est pour- tant ce que prétend encore mr- de Buffon , comme vous le ver- rez bien-tôt. Si cela étoit,nous verrions toujours les objets ren- versés , puisque ces images y sont toujours renversées : nous pour- rions apprendre à corriger cette erreur ; mais nous serions forcés de la corriger toutes les fois que nous ferions usage de nos yeux. Ainsi quoique nous sçacMons très- bien qu'un bâton que nous tenons plongé dans l'eau , ne s'y est pas plié, notre œil nous le représente toujours toujours tel. Ainsi quoique nous soyons convaincus que les cou- leurs ne sont pas sur la superficie ^ objets , nos yeux les y fixenC constamment. Si dans le fait, lorsqu'on a mis un enfant en état de se servir de ses mains , lorsqu'on lui a donné la liberté de faire les premières épreuves du toucher, si, dis- je , la mere ayant mis son enfant sur ses genoux dans une situation s peu près horizontale pour l'alai. ter , l'enfant au lieu de tenir sa tête basse, pour saisir la mammelle la levoit et se méprenoit cons- tamment, j'avoue que cette expé- rience seroit décisive pour le sen- timent de, m*, de Buffon ; mai* certainement on n'a jamais rien vu de pareil. On ôte long-tems aux enfàns le libre exercice de urs leurs bras 5 mais ni auparavant ni après leur en avoir donné l'usage, je ne crois pas qu'on se soit jamais apperçû qu'ils ayent levé la tête pourvoir ce qu'on leur présentoir au-dessous des yeux , et qu'ils ayent porté la main en bas pour pren- dre des dragées qu'on leur mon- troit au-dessus de leur tête. L'auteur n'est pas plus heufeur dans un autre prétendu défaut de laviie , qu'il regarde comme na- turel. Voici ce qu'il nous ensei- gne là- dessus : » Un second défaut „qUi doit induire les enfans dans » une espèce d'erreur et de faux » jugement , c'est qu'ils voyent » d'abord tous les objets doubles ï » parce que dans chaque œil il se » forme une image du même ob- • * jet. Ce ne peut être encore que *> par l'expérience du toucher qu'ils » acquièrent J. te acquièrent la ccnnoissance né- * cessaire pour rectifier cette er- reur. » Il suppose encore, et il le dira bientôt, que les enfans voyent les ] images peintes au fond des yeux. Mais s'il en étoit ainsi, nous verrions sans aucune variation les objets doubles. Nous aurions pu , étant parvenus à un âge raison- nable , corriger ce vice de la vue - mais il subsisteroit toujours. Ceux qui louchent voyent souvent les objets doubles 5 mais ils sont dans l'habitude de rectifier ce témoi- gnage de leurs yeux 5 quand ils ne louchent point, ils n'ont rien à réformer : non seulement ils sçavent alors que les objets ne soxit pas doubles, mais qu'ils ne les voyent pas doubles. Si les en- fans voyoient les objets doubles f ils contracteroient l'habitude de • les voir tels 3 pendant que leurs bras bras sont sans action ; et lorsqu'ils en ont le libre usage , sont-ils ca- pables de faire des réflexions sur k différence des épreuves des yeux et de celles du toucher ? de décider qu'ils doivent plutôt s'en rappor- ter à ce témoignage qui leur vient par leurs mains , qu'à celui qui leur vient par leurs yeux ? De corn* bien de réflexions profondes n'a- vons-nous pas eu besoin pour nous convaincre que les couleurs ne sont pas sur les objets ? Il auroit fallu que celles des enfans eussent été à peu près du même ordre pour leur persuader que les yeux leur en imposoient, s'ils voyoient na- turellement les objets doubles. En- fin un fait très- certain , et qui dé- montre la fausseté de la prétention de mr. de Buffon , c'est qu'il y a beaucoup d'enfans qui deviennent louches long - tems avant qu'ils ayent ayent usé de leurs mains, parce que, quand ils étaient au berceau ils ont été placés dans de faux jours. Ceux-là voyent les objets doubles , même quand ils sont de- venus grands , toutes les fois qu'ils se laissent emporter à l'habitude de fixer leurs yeux sur un objet, comme ils faisoient dans l'enfoui ce. D'où il fout conclure , ou que lesenfans qui ne sont pas lou- ches voyent comme nous , ou que si les objets leur paraissent doubles, ils devraient nous paraî- tre ainsi Le troisième défaut qu'il repro- che à la vue des enfans, devrait être le premier , parce que s'il etoit réel , il serait la source des deux autres. Voici comment il l'expose: «Nous ne pouvons a- »Voir par le sens de la vue au- CUtlG „ cune idée des distances. Sans le toucher , tous les objets nous » paraissent être dans nos yeux , „ parce que les images de ces ob- jets y sont en effet , et qu'un „ enfant qui n'a encore rien tou- » ché, doit être affecté comme si » tous ces objets étoient en lui- -même. H les. voit seulement » plus gros ou plus petits , selon >, qu'ils s'approchent ou qu'ils s'é- „ loignent de ses yeux Ainsi »il ne peut avoir par ce sens au- >, cune connoissance de la gran- „ deur relative des objets. » Com- ment en voit-il donc de plus gros et de plus petits ? Et pourquoi n'appercevroit-il pas la différence des volumes situés à la même dis- tance f » Parce qu'il n'a aucune » idée , continue-t-il , de la dis- tance où il les voit Mais „ après avoir acquis par le toucher ces ces idées de distance , le juge- » ment de la grandeur des objets » commence à se rectifier, on ne j> se fie plus à la première appré- ^hension qui nous vient par les » yeux , pour juger de cette gran* & deur. x> Une bonne preuve que les en- fans ne voyent pas les objets sur la rétine, c'est que les hommes faits ne les voyent pas là, et se fient à la première appréhension qui leur vient par les yeux. Une autre preuve : c'est un fair que mr. de Bufion rapporte lui-même pour confirmer les singulières opinions dont je viens de parler; I/aveu- în.^i.gîe 3e Chezeldin » croyoit que »tom les objets touchoient ses » yeux ( ce fut l'expression dont il se servit ) comme les choses qu'il f> palpait touchoient sa peau ». Il ne ne voyoit donc pas les objets comme s'ils eussent été en lui- même , il les voyoit hors de ses yeux y mais contigus à ses yeux* Mais les voyoit-il renversés ? M', de Buffon n'en dit rien. C'eût été pourtant la seule circonstance qui eût pu donner quelque proba- bilité à son système* » On lui fit ^ *>la même opération sur l'autre » œil : l'auteur continue. , . . mais ?» il ne voyoit pas les objets dou- bles. » C'étoit cependant ce qui devoit arriver , si les opinions nou- velles de mr. de Buffon étoient bien fondées 5 et indépendamment de ses opinions , il est très - mer- veilleux que l'homme de Chezel- din n'ait pas vû les objets doubles , et que son œil ténébreux ait acquis l'habitude de se mouvoir de ma- nière à correspondre constam- ment aux mouvemens de l'œil _ y y éclairé» Tdl part. Il h c éclairé. Or cette correspondance admirable dans cet homme l'est aussi dans les enfans > car ce n'est pas en tirant des inductions de ce qu'ils apprennent par le toucher qu'ils s'instruisent à diriger leurs yeux sur le même objet , de la ma- nière qu'il faut qu'ils soient , afin qu'ils ne louchent point* Vous serez peut-être curieux, monsieur , de sçavoir pourquoi l'aveugle de Chezeldin croyoit que les objets îouchoient son œil, ( je n'ai pas oui dire que la même chose soit arrivée à une aveugle de naissance , à laquelle on abaissa deux cataractes «, chez mr. de Reau- mur Tannée dernière. ) Je croi- rois que la cornée étoit un peu blessée en donnant passage pour la première fois à une grande quan- tité de lumière ; que l'ame y sen- tait toit quelque chose, sensation que nous n'éprouvons pas quand nous voyons. Or l'ame de l'aveugle n'é- tant point dans l'usage ni de sen- tir cette partie de son œil , ni d'y recevoir beaucoup de rayons de lumière , confondoit ces deux sen- sations nouvelles , et rappcrtoit la sensation occasionnée par li- mage peinte sur la rétine à celle quelle cproiivoit à la prunelle, comme à la plus forte > parce qu effectivement sa prunelle étoït affectée comme si l'objet l'eût touchée. On pourrait di e que les épreuves des mains démêlèrent cet- te confusion. Mais il y a bien plus d'apparence que la prunelle étant faire à l'usage de rece /oirdes rayons ne sentit plus ce te action analo- gue à celte du tact ; et que lame n'éprouvant plus deux sensations à la fois, perdit heureusement l'occasion € Z l'occasion de se méprendre. Quant à l'aveugle , à laquelle on fit l'opération chez mr. de Reau- mur , on pourroit penser que son aveuglement n'étant point total , et que pouvant distinguer le jour de la nuit , l'introduction de la lu- mière , quoiqu'en grande quantité , ne fut point absolument nouvelle pour elle , et ne put lui occasion- ner la même erreur qu'à l'aveugle de Chezeldin , auquel la sensation de là vue n'étoit connue en au- cun degré. Ce dénouement qui est tiré de l'ordre de la probabilité , me paroît toucher beaucoup à l'é- vidence. Ne seroït-ce point cette expé- rience de Chezeldin qui auroit engagé mf. de Buffon à avancer que la première passion dont A- i. dam éprouva les atteintes 5 fut la peur? Il supposoic que le premier homme se sentant toucher à la prunelle partons les objets offerts à sa vue, e n avoit dû être effrayé l car à quoi attribuerions-nous une idée si singulière ? Je m'en tiens à ces observations sur l'histoire naturelle de l'homme de la pure invention de mr. de Buffon. Celles que j'ai faites sur sa métaphysique les suivront de près , si je ne trouve point un vaisseau disposé à faire voile pour votre isie : cependant quinze jours que j'ai passés à la campagne, me font espérer que j'en trouverai en rade aujourd'hui à mon re- tour 5 dans ce cas cette lettre et les précéden- tes partiraient. Je suis, etc, I Idée de la métaphysique de Mr. de Buffon. 'est sur tout à la mé- taphysique 5 mon- sieur , que nos pyr* rhoniens s'attachent à porter les coups les plus mortels. Il semble que le but de ces conspirateurs soit d'éteindre la raison même. Quand il n'y aura plus rien de vrai 9 que tout sera douteux , il faudra bien que la révélation paroisse aussi douteuse* Au contraire tant que la raison subsistera , elle convaincra l'hom- me de la nécessité de la révéla- tion , et elle le conduira au chris- tianisme , dans ces momeas où le c 4 !e cœur étant tranquille, laisse à i esprit toute son activité'. Je n'accuse pas mr. de Buffoîi detre entré dans cette conspira- tion 5 je fais plus en sa faveur , je soupçonne qu'il n'a jamais lû les hvres de nos pyrrhoniens , et qu'ayant été imbu des principes du péripaîhétisme dès sa jeunesse, « a pris tout naturellement une roure dans laquelle on ne discerne clairement aucun objet. Avec la foi qu'il professe dans son livre , 11 n'esf Pas possible qu'il ait il ceux de ces m", et qu'il n'ait pas apperçu qu'en se liant avec eux par les mêmes principes, il con- courait à leurs desseins criminels. II ne lésa donc point lus , et il a très, bien fait. Si la raison est na- turellement chrétienne , le cœur ne ne l'est pas : les passions qui font sa vie sont mises trop à l'étroit par le christianisme , pour ne lu* être pas opposées. Et quand il s'a- git de décider entre les intérêts du cœur et les spéculations de l'esprit, la vérité ne paroît qu'un fantôme , rien ne paroît réel que ce qui flatte les passions. Il y a donc une différence es- sentielle entre nV.deBuffonet nos pyrrhoniens : ceux-ci nient qu'il y ait aucune vérité naturelle ; et ils en concluent qu'il n'y a rien de plus réel dans le surnaturel. Mr. de Buffon admet le principe ; mais il en tire une conséquence diamé- tralemenr opposée ; c'est, qu'il n'y a rien de plus certain que la révé- lation. Ces éclaircissemens supposés » je C S je nepré-ens pomr attaquer la foi de l'ajteur en vous faisant voir qu'il a donné dans ie plus insou- tenable py rhonisfi e $ qu'il ne re- connoît aucune science • aucune véri'é. Il ense'gne que les maîhé- maiq» es mêmes «ont de pures fictions humaines? » qne les vé i- » tés morales, en part es réelles, en » parties arbitraires , i/ont pour » objet et pour f?n que des couve* » nances et des probabilités. » Quel cahos il me donne à dé- brouiller! Mais ne devoir on pas s'attendre à une aussi mauvaise métaphysique , après avoir vû la manière dont Payeur raisonne sur la physique? Il y a^lus de rap- port entre ces deux sciences qu'on ne l'imagine ordinairement. La métaphysique est l'histoire natu- relie de l'esprit humain. Elle est fondée. fondée sur des expériences Com^ me la physique ; m \is sur des ex- périences que l'homme ne peut chercher à faire qu'en lui-même 5 et qui ne demandent ni instru- ments , ni apprêts , ni dépenses 9 ni de ces événemens heureux que le hazard présente à un homme pour qui tout objet est un sujet d'observation. On a tenté de ré- duire la métaphysique en système* et la raison en a été tellement obscurcie, que l'homme ne con- noissant que par ces nouvelles idées , ne sçait plus ce que c'est qu'idées. Il dispute continuelle- ment sur leur nature , et s'en sert néanmoins avec la même con- fiance. Ainsi l'Indien n'a aucune connoissance de l'optique. Si on lui expliquoit la manière dont se fait la vision , ce seroit pour lui une chose toute nouvelle et sut laquelle C C laquelle il pourrait peut-être bien contester. Mais soit qu'il saisît la manière dont la lumière se distri- bue au fond de nos yeux, soit qu'il ne la comprît paS,ilferoit usage f ses yeux aveç la même con- fiance. Voilà nos métaphysiciens. Qu est-ce qu'idées? Us n'en sca- vent rien ; mais ils ne comptait pas moins fermement sur ce qu'ils voyent clairement dans leurs idées. Après ce court préambule , é- p— -coûtons m- deBuftbn. » Le mot «*. «de vérité ne fait naître qu'une « idée vague , il n'a jamais eu de 5> définition précise ». Eh ! mon- sieur, lui dirois-je , ce qu'on ne Peut définir est souvent ce dont Vidée est en même tems et la plus fixe et la plus présente. Le p4 Malebranche soutenoit à nu. Ar- naud que nous n'avons pas l'idée de ï. vol. de pouvoir, sans doute parce qui! ne sçavoit pas le définir- Maïs quelqu'un a-t-il besoin qu'on lui donne une définition pour enten- dre ce que c'est que vérité on que ■pouvoir ? Ce sont des idées si sim- ples qu'on les obscurcit nécessai- rement, dès qu'on veut les expri- mer par plus d'un mot. Mr. de Buffon poursuit. » Et ina* » la définition elle - même , prise » dans un sens général et absolu, v> n'est qu'une abstraction quin'e- » xiste qu'en vertu de quelque sup- » position ^ Je n'entends pas ce- la : le comprenez- vous, monsieur? Je demanderois un seul éclaircis- sement. Cessuppostions , en ver- tu desquelles existe la définition de la vérité sont - elles vraies on fausses? * An Heu de chercher à faire une » définition de la vériré, cherchons » donc à faire une énumération. «Voyons de près ce qu'on ap- » pelle communément vérités, et » t âchons de nous en former des » id.es nettes. »«. » H y a plusieurs espèces de vé- » rires , et on a coutume de mettre « dans le premier ordre les véri- =» tés mathématiques ; ce ne sont » cependant que des vérités dedé- « finition ». Je fais encore ici l'aveu de mon ignorance. Je ne sçais ce qu'il en- end p ur vérités de défini- tion j à moins q-i'd ne veuille dire des vérités définies Mais jen'oserois le penser , parce qu'il faudroir con- venir qu'il ditruiroit les principes qu'il vient de poser. Ce qu'il ajou- te n'est pas un éclaircissement. m » Ces définitions j-ortent sur des suppositions 4 suppositions simples , mais abs- „ traites ; et toutes les vérités en « ce genre ne sont que des consé- 3> quences composées , mais tou- jours abstraites de ces défini- 3, tions. Allons donc plus loin ; car ni vous , ni moi , monsieur , n'en- tendons rien dans tout ce beau dis- cours. Nous n'y voyons qu'une ombre fiere, point de clair, pas mê- me de clair obscur. » Nous avons 3, fait les suppositions , nous les „ avons combinées de toutes les fa- » çons. Ce corps de combinaisons » est la science mathématique. U ■nji'y a donc rien dans cette science que s> ce que nousj avons mis: et les vérités 3, qu'on en tire ne peuvent être que y> des expressions différentes, sous » lesquelles se présentent les sup- 33 positions que nous avons em- >» ploytes. » , Mm Mais que conçoit-il par ces supJfc positions sur lesquelles toutes les vérite's mathématiques roulent f Sont - ce les axiomes ? Toute gran- deur peut être augmentée ou diminuée. Le tout est plus grand que la partie. Deux choses égales à une troisième font égales emr'elles. Si c'est là ce qu'il appelle des suppositions , il dit sans doute du neuf 5 mais rien de de plus : tout homme sensé en conviendra. Poursuivons : Peut-être à la fin trouverons- nous q ielque lumière, p. Ainsi les vériiés mathématiques » ne sont que les répétitions exac- *> tes de définitions ou de supposî- » fions. La dernière conséquence « n'est vraie que parce qu'elle est «identique avec celle qui la précé- *> de; er que celle-ci l'est avec la pré- cédente j et ainsi de suite en re- BKMuaat = 45 = -, montant jusqu'à la première sup- „ position ». Ce qu'il dit là peut a- voir un sens , pourvu qu'il con- vienneque la première supposition est vraie : car si elle est fausse ou douteuse , les conséquences pour- ront être légitimes , je veux dire, bien déduites , mais elles énonce- ront ou des faussetés ou des choses douteuses. Je ne crains pas qu'il conteste sur ce que je dis là; et nous enconcluerons qu'il doit se dépar- tir de ses principes, et convenir que dans les mathématiques toute sup- position exacte est tirée de la véri- té 5 etqu'au contraire il estfaux que toute conséquence légitimement déduite d'une supposition soit une vérité. I/ Au'eur est bien éloigné de con- venir que les suppositions des ma- thématiques soient évidemment vraies» I vraies. 5 Comme les définitions , =» dit-il, sont les seuls principes sur » lesquels tout est établi, et qu'elles » sont arbitraires et relatives , toutes » les conséquences qu'on en peut ti- » rer sont également arbitraires et » relatives. » En vérité, m-, si ce n'é" toit pas un célèbre académicien qui parle, je serois tenté de croire qu'il n'a pas plus de connoissance des mathématiques que n'en avoit ce pauvre abbé qui osa attaquer la Vérité des mathématiques , il y a J 6 ou i7 ans , et qui fit à ce des- sein un assez gros in-douze. Ces définitions sur lesquelles tout est établi dans les mathéma- tiques, sont-elles vraies ou fausses > Dépendent- elles de notre façon de penser? Peuvent - elles être faus- ses ? L'Ai>teur dont je viens de par- ler l'a soutenu 5 assurément il n'a pas = 47 = pas été bien accueilli par le pu- blic. Si elles sont vraies , les con- séquences indépendantes de no^ jugemens nous nécessitent à y ac- quiescer. Si elles sont fausses, on n'en peut rien déduire que de faux. Comment donc pourroient - elles être arbitraires ? La conséquence que Ton tire de ces principes si nouveaux et si énigmatiques, y répond parfaite- ment. »Ce qu'on appelle , dit-on , im » vérités mathématiques se réduit » donc à des identités d'id es, et •> n'a aucune réalité *• Quoi ! mr. il n'y a point de réalité dans nos idées ? Quand ;e pense qu'il peut y avoir deux quarrés égaux dispo- sés de manie e que deux de leurs côtés y un de chacun y fassent ceux d'un triangle rectangle 9 cette sup- position n'est - elle pas vraie f Quand Quand je découvre que le quarré fait sur l'hypothenuse de ce trian- gle rectangle est double de cha- cun de ces quarrés , ou égal à la somme de ces deux quarrés , est- ce une vérité que je fais ou que je trouve? Ai- je apperçu dans la conséquence une identité d'idées ? L'idée des deux quarrés égaux est -elle celle du triangle rectan- gle > L'idée de l'égalité des deux petits quarrés est - elle identique avec celle du quarré fait sur l'hy- pothenuse i Eh ! comment se- ioient- elles identiques , quand je trouve dans l'idée du quarré de l'hypothenuse , comparée à celle de la somme des deux petits quar- rés , que le côré du premier est incommensurable à la somme des côtés des deux petits quarrés ; qu'aucune aliquote de l'hypothe- nuse ne sçauroit diviser exacte- ment ment la somme des côtés des pe- tits quarrés? Cette incommensu- identité entre ces deux idées? Je cite avec complaisance les mcom- mensurables, parce qui s nou font sentir combien la lumière qui éclaire nos ames est supérieure * toute l'activité de notre libre ar- Htre. Car dans toute la doctrine des incommensurables il semble nue la vérité nous arrache notre consentement , en quoi elle nous fait mieux sentir son empire ab- solu H s'en faut certainement tout que les mathématiciens ne soient créateurs des incommensu- rables J ils voudroient au contrai- re qu'il n'y en eût point : dv j tout > Us voudroient pouvoir les détruire et les anéantir , et être délivres pour jamais des incertitudes tou- jours pénibles des approximations. f ïbii . Maîs Pourquoi m'arrêtai. je au* incommensurables fCen'esrpoin^ parce que je le veux, que les S gies equmngles ont leurs côtés propomonels. Est-ce parce »e plaît que cela soi!? 9 Uli i , Soit ainsi, nue ^^dncili„dreq„Vm1 «ne base et même me « on ne tarimit pas sur' "te mathématiques, nous ne les fixons pas , non plus que n0„" «e sommes pas caus £ £J . ourestquatrée.encequeno"' a voyons quattee. Si m ' de But vraiqu ,Ina,amais étudié fa m», thématiques en philosophe. Ilcontinue.. Nous supposons -■«M .nous en tirons des consé. ï qUences\ nous concluons ; la «conclusion ou dernière consé- » quence esr une proposition vraie «relativement à notre supposi- tion. Mais cette vérité n'est pas «plus réelle que la supposition «elle-même. » Il y a ici un équi- voque : un exemple le dissipera. Quand m', de Buffon suppose qu'une cornette a heurté contre le soleil , c'est une supposition très- fausse. Quand il conclut qu'elle en a dû détacher une portion, dont les parties se dispersant se- lon leurs différens dégrés de den- sités , ont formé les planettes, la conséquence est aussi très-fausse. Moi, )'ai supposé qu'une cornette apû atteindre le soleil. Dès qu'il ne s'agit que de possibilité , la suppostion est vraie. J'en ai con- clu qu'elle n'a pû, par un choc unique , détacher du soleil la 640e, partie s partie , enscrte que par les seules , ioix naturelles que nous connois- sons , les planettes en ayent résul- té , et dans chacune un mouve- ment de rotation. Comme je n'ai pas été le maître de la vérité de ma supposition , que mon bon plaisir n'est pas cause de ce qu'il est possible qu'une cornette ren- contre le soleil , je ne suis pas cause non plus de la vérité de ma conséquence. Si cela étoit , mr. de Buffon auroit une voie fort courte pour réfuter ma seconde lettre 5 il n'auroit qu'à me dire : Vous êtes créateur de votre consé- quence 5 elle est vraie parce que vous le voulez 5 et moi je ne veux pas la tirer cette conséquence , je ne veux pas qu'elle soit vraie. On ne m'accusera pas de lui prêter cette absurdité , elle est une suite naturelle de ses maximes. Mai? Mais , où sont les preuves de tous les paradoxes que mr. de Buf- foa nous a débités ? Ce sont ap- paremment des vérités parce qu'il le veut , et parce qu'il les pronon- ce d'un ton très-affirrnatif et très- absolu : dans tout ce que Je viens de vous citer, mr. vous avez vu diverses façons d'énoncer que les vérités mathématiques sont arbi- traires y et qu'il n'y a que ce que nous y avons mis. De raisons , vous n'en avez apperçû aucune : cependant, il conclut en triom- phant. » ïl nous suffit d'avoir prou- p. s4- ^ vé que les mathématiques ne » sont que des vérités de défini- ^ tion , ou si l'on veut ? des ex- pressions différentes de la même D5 chose ; et qu'elles ne sont vérl- :» tés que relativement à ces mê- ^ îiies définitions que nous avons » faites s T. IL part. III. d faites ; c'est par cette raison , ( admirez cette conséquence ? ) qu'elles ont l'avantage d'être tou- 3a jours exactes et démonstratives , 33 mais abstraites, intellectuelles et » arbitraires. » A-t-on jamais dit ; a-t-on jamais pu penser qu'une mê- me proposition pût être en même tems et démonstrative et arbitraire? Ah ! monsieur , que l'auteur con- noît peu ce que c'est que l'hom- me. C'est parce que nous avons fait les définitions des mathéma- tiques , parce qu'il nous a plu de définir les suppositions dont nous sommes nous-mêmes les auteurs < parce qu'enfin il n'y a rien dans les sciences que nous n'y ayons mis y qu'elles sont exactes et dé- monstratives ! L'orgueil humain a voit-il encore été jusques-là ? La vérité -, l'ouvrage de l'homme ! Qui ne pense au contraire que les véri- tés mathématiques sont démons- tratives, parce qu'elles découlent d'une source qui nous est bien supérieure* Que veut-il dire , m*, lorsquli assure que les mathématiques sont toutes fondées sur des définitions que nous avons faites ? Définir, c'est exprimer par des mots la na- ture ou les propriétés de quelque chose. On peut produire des dé- finitions h mais on ne peut créer les choses définies. Sommes - nous donc créateurs des propriétés et des figures de l'étendue que nous examinons 4ans les mathématiques ? Nous faisons des suppositions dans les mathématiques $ mais où In d z = 5*= Jes prenons - nous ? Dans les dif- férentes manières dent 1 étendue peut erre bornée. Créons - nous la possibilité de nos suppositions ? Comment le pourrions-nous fai- re , nous qui concevons que Dieu même ne crée point les possibi- lités , qu'elles sont nécessaires , éternelles , invariables l Et l'auteur nous dit froidement et d'un ton d'oracle , que nos suppositions étant arbitraires ( elles le sont en un sens, puisqu'il dépend de nous de penser à telle chose possible ou de n'y pas penser ) les vérités qui en résultent sont arbitraires. Parce qu'il dépend de moi de sup- poserque trois lignes forment un triangle rectangle , mon choix est cause , à son avis , que le quatre de l'hypothenuse est égal à la somme des deux quarrés faits sur les deux autres côtés $ et cette proposition esc est aussi arbitraire que la fantaisie que j'ai eu de supposer que trois lignes font un triangle rectangle, Qu'il dise sur l'exhortation de saint Augustin : qu'il n'est point sa lumière à lui-même , que la vé- rité n'est point créée , que lui qui est un être fort contingent 9 qui n'existe que parle bon plaisir du souverain être* ne peut créer ce qui est nécessaire , éternel , indé- pendant, telles que sont les véri- tés intellectuelles. Mais comment penserait -il ainsi ? Il oppose le réel à l'intellectuel : comme si quelque chose étoit plus réel que ce qui ne peut n'être pas. Telle est la 47e. proposition a Euclide , et toutes les propositions mathé- matiques. La cause de tontes ses méprises , est qu'il ignore parfai- tement la nature des idées j j'avoue qu'elle d 3 qu'elle est peu connue, et quro« auroit grand besoin d'une nouvelle métaphysique tirée de l'histoire na- turelle de l'esprit humain. y J'avoue encore que la doctrine de mr. Locke a pu donner occa- sion aux paradoxes de mr. de Buf- fon ; mais je suis assuré que mr« Locke ne les eut pas adoptés ; et tous les métaphysiciens , tout aussi peu éclairés sur la nature des idées » ne diront jamais que l'homme est le créateur de la vérité, et qu'elle est une dépendance des droits de ' son libre arbitre. si* Les vérités indépendantes sont dans la physique , selon mr. de Buffon. » Les vérités physiques » au contraire ne sont nullement 35 arbitraires et ne dépendent point *> de nous. » Mais elles dépen- dent dent des mathématiques en bien des choses. » Au lieu d'être fon- „ dées sur des suppositions que * nous ayons faites , elles ne sont » appuyées que sur des faits : une » suite de faits semblables , ou si » l'on veut , une fréquente répéti- » tion , et une succession non-in- „ terrompûe des mêmes événe- » mens , fait l'essence de la vérité „ physique. Ce qu'on appelle vé- » rite physique n'est donc qu'une 3, probabilité , mais une probabi- „> lité si grande , qu'elle équivaut „ à une certitude. » Il fàudroit dire qu'elle occasionne la certitude. „ En mathématique on suppose , » en physique on pose et on éta- m blit. » Que tout ceci auroir. be- soin de commentaire ! Il eût mieux dit , qu'en physique on observe. M Là , ce sont des définitions , ici 3j ce sont des faits: on va de dé- finitions d 4 » finitions en définitions dans les =» sciences abstraites > on marche » d'observations en observations dans les sciences réelles ; dans les *> premières on arrive à l'évidence, 33 ( ce n'est rien ? ) dans les dernie- x> res à la certitude. » Voici de grands avantages du côté de la physique. C'est la scien- ce réelle. Ne s'en est-on pas bien convaincu en lisant les trois volu- mes de l'histoire du cabinet du Roi? Les mathématiques , la mo- rale 5 la métaphysique sont des sciences qui n'ont aucune réalité. Cependant , comme il l'observe, la physique n'a que des probabi- lités , parce que les faits sur les- quels elle est appuyée , ne sont que probables, quoiqu'ils occasionnent en nous une pleine certitude. *Ni les astronomes , ni personne ne doute doute que les deux éclipses de lune, annoncées pour le 19 Juin et pour le 1 3 Décembre n'arrivent. Quoi- que le tems qui fut couvert ici le 8 Janvier dernier, nous ait em- pêché d'observer celle du soleil, qui devoir arriver ce jour- là, nous sommes persuadés qu'elle est vé- ritablement arrivée. Cependant cela est seulement probable, par- ce que le cours du soleil dépend d'une cause souveraine et infini- ment libre , et que la moindre dé- viation que Dieu eut ordonnée pour le 8 Janvier dernier , dans le cours de la lune , auroit certaine- ment déconcerté tous les calculs des astronomes* Ces principes ne sont pas in- connus à mr. de Buffon : j'ose même dire qu'ils lui sont fami- liers 5 car il dit : >> Nous pouvons croire » croire qu'il y a quelque chose n hors de nous , mais nous n'en » sommes pas sûrs 5 au lieu que » nous sommes assurés de l'exis- » tence réelle de tout ce qui est ea ma. » nous. ( Et plus haut. ) L'exis- 431' » tence de notre corps et des au- très objets extérieurs est don- x> îeuse pour quiconque raisonne sans préjugé. » Il y a pourtant à rabattre de l'énergie de ces ex* pressions ? car nous sommes très- sûrs , nous ne doutons nullement qu'il n'y ait quelque chose hors de nous * mais nous sentons que nous en pouvons douter. Il en est de même de tous les phénomènes de la nature. Je sçais par un grand nombre d'expériences que j'ai fai- tes , que les hommes ont faites dans ious les tems , que l'aiman attire le fer > je suis donc bien as- suré qu'en présentant un aiman à la la limaille d'acier , il y en aura une partie d'attirée ; mais je vois clairement que cela pourrait ne pas arriver, et je le vois dans une science abstraite , parce que bon gré, malgré* je sens toujours inti- mement la présence d'une puis- sance infiniment libre , qui peut vouloir que ce qui arrive constam- ment par son efficace , manque une fois ou plusieurs fois , s'il le Juge à propos. Il est donc prouvé par les prin- cipes même de mr. de Buffon , que non-seulement les vérités phj~ siques ( il entend apparemment les phénomènes constans et con- nus ) ne sont que dans Tordre de la probabilité 5 mais il est encore prouvé contre ses assertions très- expresses , que ces vérités dépen- dent de nous ; qu'elles ne sont certaines à G certaines pour nous, que parce que nous voulons constamment les croire , et que nous ne voulons pas nous livrer aux doutes aux- quels nous porteraient des vérités abstraites que nous sentons ne pouvoir démendr. Car qu'y a-t-il de plus libre que d'accorder une entière et pleine créance à des faits sur des motifs que nous sentons nous- mêmes n'être que probables et non nécesskans ? Au contraire nous sommes nécessités déjuger que les mètres 5ensar.ions que nous éprouvons à l'occasion des objets , pou roient erre imprimées en nous indépendamment de tous objets réels , par la cause supérieure ; et que D;eu peut déroger , quand il lui plaît, aux loix qu'il a établies dans la nature. Voilà une double vérité intellectuel e , de laquelle nous dépendons totalement , et qu'il ne nous e$ pas possible de rejetter. Dès que m*, de Buffon décide que les mathématiques sont notre ouvrase, U doit aussi les juger bornées. 11 se suit ici , et me cette conséquence diamétralement op- posée à l'idée que les plus grands , les plus profonds mathématiciens ont de cette science. « Nous sça- ^ „vons, dit-il, ou nous pouvons 5, scavoir de science évidente tou- tes les propriétés , ou plutôt „tous ks rapports des nombres , 3,des lignes des surfaces , et de 3, toutes les autres quantités abs- traites comme nous som- mes les créateurs de cette scien- „ ce , et qu'elle ne comprend ab- solument rien que ce que nous „ avons nous- mêmes imagine , U 3> ne peut y avoir ni obscurités , » ni paradoxes qui soient réels ou * impossibles ». Apparemment il trouve une égalité parfaite entre l'étendue de son génie , et celle des mathématiques. Mais si cela est , il est absolument unique dans son espèce. Les plus grands hom- mes en ce genre , se sont tous re- gardés comme incapables d'épui- ser les profondeurs de la science de l'étendue, ou des nombres. Par rapport aux nombres , n'est-il pas singulier qu'il décide que nous en sommes créateurs ? Quoi ! c'est moi qui suis cause que chaque nombre quarré renferme une suite de la progression arithmétique des nombres impairs depuis l'unité i En vérité je n'en sçavois rien , et je ne le crois pas encore. Vous attendriez - vous , mon- sieur, qu'après avoir soutenu que les les vérités mathématiques sont ar- bitraires , sont de notre façon , mr. de Buffon prétendît qu'il faut éprouver les phénomènes de la na- ture à la lumière de ces vérités , pour trouver une pleine certitude dans la physique? » C'est ici , dit- i.»* » il , où l'union des deux sciences p* 5 * » mathématique et physique peut 5, donner de grands avantages. » L'une donne le combien , et „ l'autre le comment des choses. » Et comme il s'agit ici de com- „ biner et d'estimer des probabi- „ lités , pour juger si un effet dé- x pend plutôt d'une cause que 3, d'une autre, lorsque vous avez » imaginé par la physique le corn- 3> ment , c'est-à-dire , lorsque vous » avez vu qu'un tel effet pouvoir „ bien dépendre de telle cause, » vous appliquerez ensuite le cal- 3> cul pour vous assurer du com- bles *> bien de cet effet combiné aveç » sa cause 3 er si vous trouvez que » le résultat s'accorde avec les ob- servations, la probabilité que :» vous avez devinée juste , aug- & mente si fort qu'elle en devient » une certitude $ au lieu que sans » ce secours elle seroit demeurée » simple probabilité ». Et voilà , ( il faut bien l'observer ) dans quel sens on nous a dit que les véri- tés physiques ne sont point arbi- traires , et ne dépendent point de nous 5 cependant elles relèvent , comme vous le voyez , mr. de nos imaginations arbitraires, puisqu'el- les tirent leur certitude de l'usage des mathématiques dont nous som, mesles créateurs. Dans ce long passage , tant soit peu vague , que je viens de vous citer, il y a certainement du du vrai. Mais pourquoi yen trou- ve-t-on ? C'est que les mathéma- tiques renferment des vérités éter- nelles et indépendantes de nous, et sur lesquelles tout l'univers a été disposé avec poids et mesure. Car enfin si ce n'étoient que des sup- positions arbitraires , pourroit-on conclure que les causes des phé- nomènes ne peuvent nous être certainement connues , qu'autant que nous les avons trouvées con- formes aux suppositions qu'il nous a p!û de faire? Cette conséquence seroit extravagante. On conclue- roit au contraire que nos imagi- nations sont justes , si en les comparant aux phénomènes de la nature , on les y trou voit confor- mes. Comment arriveroit-il que tout ce qu'enseigne la géométrie, et qui ne séroit fondé que sur des suppositions arbitraires , fut géné- ralement vérifié dans tous les corps , lorsque nous en mesurons les dimensions , et que nous en estimons les rapports par la pra- tique? Comment tous les hom- mes comptent- ils si fort sur les vérités mathématiques , qu'ils pré- fèrent le calcul des lignes par la trigonométrie à l'usage des ins- trumens faits avec le plus de soin , et employés par les mains les plus adroites et les plus exactes ? Com- ment arrive-t-il encore que nous sentons intérieurement , que ces mêmes vérités , dont nous som- mes, dit» on , créateurs , sont re- çues incontestablement par tous les hommes 5 Anglois, Espagnols , Indiens , Africains , Amériquains , lorsqu'elles leur sont exposées clai- rement ; et que dans le fait tou- tes tes les nations conviennent una- nimement de ces vérités , et ont les mêmes vérités arithmétiques f géométriques ? Que mr. de Bill- ion prenne la peine de réfléchir sur son système de la formation des ~ planettes ; il est assurément de pure imagination , ce système est purement arbitraire. Les Atv- glois , les Hollandais , les Fran- çois l'adoptent-i!s?Il en serait de même des mathématiques 5 si elles étoient créées par l'esprit humain s tous les hommes seroient partagés sur l'objet de cette science : ce que run jugerait. vrai, l'autre le déci* deroit faux. On ne voit que dans le second volume de l'histoire naturelle les raisons de la façon de penser de mr. de Buffon sur les mathéma- tiques. C'est dans l'endroit où il nous nous prépare à l'entendre définir que les corps organisés des ani- maux sont plus simples que les vo!.corps bru^s. » Voyons, dit-il, ce » qu'on doit entendre par le sim- :» pîe et le composé ï Nous troti- » verons qu'en cela , comme en » tout , le plan de la nature est ^ bien différent du cannevas de » nos idées. » Nos sens , comme l'on sçaît , ^ ne nous donnent pas des no- ?» tions exactes et complétées des :» choses que nous avons besoin de * connoître. Pour peu que nous *> voulions estimer , juger , com- 33 parer , peser , mesurer , etc. » nous sommes obligés d'avoir re- cours à des secours étrangers , -» à des règles , à des principes , » à des usages » ( tirés des mathé- *» manques)» à des instrumens,etc. » Tous 3> Tous ces adminicules sont des >, ouvrages de l'esprit humain , et „ tiennent plus ou moins à la ré- duction ou à l'abstraction de 5,nos idées. Cette abstraction , „ selon nous, est le simple des >, choses 5 et la difficulté de les » réduire à cette abstraction fait «le composé. L'étendue , par * exemple , étant une propriété „ générale et abstraite de la ma- „ dere , n'est pas un sujet fort „ composé » ( d'autant moins qu'il est divisible à l'infini.) » Cepen- 3> dant pour en juger , nous avons » imagine des étendues sans pro- „ fondeur , d'autres étendues sans „ profondeur et sans largeur, et „ même des points qui sont des „ étendues sans étendue. Toutes 5, ces abstractions sont des échaf- » faudages pour soutenir notre ju- » gement. Et combien n'avons- 35 nous * nous pas brodé sur ce petit » nombre de définitions qu'em- *> ployé la géométrie* » Nous sçavons enfin le vrai mo- tif qui a porté mr. de Buffon à décider que les mathématiques n'étoient qu'un composé de sup- positions arbitraires. Ce sont prin- cipalement les notions que la géo- métrie donne de Térendùe , la dis- tinction abstraite des trois dimen- sions. Sur quoi je demanderois à notre philosophe , si ces trois di- mensions sont réellement dans la matière. Il doit répondre que non. Car il décide que l'étendue ( les trois dimensions ) est une pro- priété générale et abstraite de la matière ; et il entend par abstrac- tion , une imagination de caprice dont les hommes ont bien voulu convenir. Or il sçait bien que nos imaginations imaginations ne mettent aucune réalité dans les choses. Parlons- lui plus nettement. Dans un dé à jouer qui a 8 lignes de côté , les li- gnes qui terminent chaque face ne sont-elles pas réellement de 8 li- gnes ? Chaque face n'est-elle pas de y64 lignes quarrées ? La face de Tas est- elle identique avec celle du six ? Celle du cinq l'est-elle avec celle du deux et avec les deux autres > Ces choses ne sont-elles pas distinctes, indépendamment de toute opéra- tion de notre esprit ? H n'y a pas moyen de dire non. Ce n'est donc pas une abstraction arbitraire , que fait la géométrie en distin- guant dans ce cube trois dimen- sions. La longueur n'y est sûre- ment pas la largeur dans la face du six ; et la perpendiculaire en- tre la face du six et celle de l'as n'est ni la longueur ni la largeur du du quarré marqué du six. Certai- nement mon esprit ni mon imagi- nation ne sont pas cause qu'une de ces trois choses n'est pas l'autre* Que la géométrie considère en particulier un quarré , sans pen- ser qu'il soit partie de la superfi- cie d'aucun corps en particulier , qu'elle en déduise les propriétés, ce sera une abstraction ? elle con- sidérera ce quarré d'une manière générale , et comme n'apparte- nant à aucun corps. Et encore , prenez-y garde , mr. en considé- rant ce quarré détaché de tout corps , elle en déduira des pro- priétés que vous êtes certain de trouver sur celle des six faces que vous voudrez choisir dans le cube dont nous venons de parler. Ju- gez vous - même comment ces propriétés que l'esprit se pro- met met sans hésiter , sans même pou- voir hésiter, de trouver dans tou- tes les surfaces planes quarrées # quand même il n'en auroit jamais fait répreuve , jugez , dis- je , com- ment on peut penser qu'elles puis- sent être arbitraires. Ce n'est pas assez de consta- ter la vérité des abstractions méta- physiques , il faut encore en faire connoître la vraie source à mr„ de Buffon , pour lui prouver qu'elles ne sont point abandonnées à no- tre libre arbitre. Or cette source est la nature de nos sens. Oui, monsieur, tous nos sens nous font connoître les co ps par des abstractions indépendantes de nos caprices. Nos yeux déta- chent en quelque façon des corps , les surfaces-, ou pour parier avec plus T. IL fart. III. e plus de précision, ils ne nous font jamais voir que la surface, eu une partie de la surface des corps? ils ne nous en montrent point la solidité. Le tact même ne s'exerce que sur les surfaces > en sorte que la seule épreuve qui nous fait juger que ce que nous voyons , a une certaine masse, c'est le sentiment obscur que nous avons en portant le poids de quel- que corps. Nos yeux ne nous montrent donc jamais que deux dimensions , puisque toutes surfa- ces planes ou courbes peuvent être regardées comme les deux dimen- sions de la longueur et de la lar- geur combinées 5 et qu'ils ne nous font appercevoir que les plans par lesquels les corps sont terminés 9 et non pas la solidité des corps. Pre- mière sorte d'abstraction de nos sens. Ou I On pourrait objecter que la sur- face convexe de l'hémisphère d'une boule ne nous paroît pas plat à la vue , et que si une boule est d'un crystal pur, on en voit toute la pro- fondeur. Par rapport au premier exemple, je réponds que les surfa- ces planes ou non planes sont les termes d'un corps et n'en sont pas la. solidité. Nos yeux nous repré- sentent la convexité de l'hémisphe- re d'une boule sans nous annoncer si elle est pleine ou si elle est creu- se 5 et dans le cas où ce ne seroit qu'une calotte , ils ne nous appren- nent point quelle en est l'épaisseur» Ils font donc en cela même abs- traction de la solidité du globe qu'ils représentent : qu'ils le voyent ce globe immédiatement, pour ainsi dire , ou qu'ils n'en considèrent que limage dans un miroir, ils n'y re- marquent aucune différence. Or C 2, i dans le miroir limage du globe n'a pas plus d épaisseur réelle que la peinture de ce globe sur une toile. Quant au second exemple , c'est un cas particulier, qui non-seulement n'ôte rien à la vérité de ce que j'a- vance , mais est même réductible au système général de la vision. Dans le premier cas les rayons de lu- mière ne sont réfléchis que par les points de la surface ; ils le sont dans le second de tous ceux dont résulte la profondeur ou la soli- dité. Un autre genre d'abstraction, c'est que nous détachons des corps leurs modifications actuelles, et que nous ne voyons point leur individualité , ou ce qui est ap- pelle dans l'école ratio numc- rica. Je vois un dé à jouer , je lui reconnois la figure d'un cube. L'efprû L'esprit voit bien que ce cube n'est qu'une portion déterminée de ma- tière , une portion numérique de matière , et que la figure cubique n'est que cette même matière ter_ minée par six faces quarrées éga- les ; mais la vue ne nous fait con- noître que la figure, et non 1» portion numérique de matière cu- bique qui y est comprise. Il est aisé de prouver que nos yeux n'en apperçoivent pis davantage. Que j'examine un dé , que je le jette dans un cornet où l'on en a mis un sensiblement semblable 5 je jette les deux dés sur une table , je ne pourrai jamais reconnoîîre ce- lui que j'avois examiné. Je le vois pourtant ce même dé , comme je le voyais auparavant 5 mais parce que mes yeux ne me faisoient pas connoître la différence numérique de ce petit cube, ce qui le distin- gue • * 3 gce de tonte autre portion de ma- tière égale et figurée de la même manière, je ne devine point le- quel de ces deux dés est celui que j'ai d'abord considéré. Mes yeux ne me font donc voir qu'une fi- gure cubique en général , qu'un corps cubique en général, puis- qu'ils ne m'en font pas connoître l'individu. Je puis même faire la même épreuve sur quelque partie de mon être. Si je regarde fixement ma main lorsqu'elle est immobile, si je ne vois pas qu'elle est unie à mon corps , mes yeux ne me di- sent point qu'elle m'appartient; ils me représentent cette partie de mon corps comme si elle lui étoit étrangère? ils ne m'en dé- couvrent point l'individualité. Et lorsque couché pour méditer tran- quillement quillement, mon corps n'est af- fecté d'aucune sensation , je le re- garde , et me demande froidement si cela est à moi; et je ne puis re- pondre que je ne lui fasse faire quelque mouvement : ce qui est une preuve parlante de la distinc- tion de l'ame et du corps , et fon- dée sur une expérience que tout le monde peut faire aisément, mais preuve décisive que nos yeux ne nous manifestent point l'indi- vidualité d'un corps , qu'ils ne nous montrent jamais que des pré- cisions et des abstractions. Cette observation, pour le dire en passant, détruit le très-ridicu- le préjugé de ceux qui tentent de voir leur propre ame par ses de- hors , si je puis m'exprimer ainsi, comme ils voyent leur propre corps; et ne pouvant y réussir, concluent e 4 concluent de l'inutilité de ce bisarre essai , qu'ils n'ont point d'ame : c'est assurément une grande sim- plicité. Messieurs les matérialistes, parmi lesquels il y a des gens qui se piquent d'esprit, et qui en ont, me permettront de leur dire que c'est néanmoins en dernière ana- lyse la raison secrette qui les dé- termine à juger qu'ils ne sont que matière. S'il étoit possible que notre ame se vît en dehors , cette vue la réprésenteroit comme quel- que chose d'étranger à elle-même » elle n'y pourroit voir sa propre individualité. Nos yeux ne se voyant point > il leur faut un mi- roir où ils voyent une image qui n'est pas eux. Enfin une troisième abstraction de nos yeux , c'est qu'ils ne nous représentent aucune grandeur ab- solue solue. Ils ne nous en font voir que des rapports très - peu exacts. Notre corps nous sert à mesurer ces rapports ; mais cette commu- ne mesure ne nous est pas con- nue plus exactement. H faut que nous nous mesurions nous-mêmes pour connoître notre hauteur, nous n'avons point de moyen sûr pour en estimer au juste la super- ficie totale , ni pour connoître même à peu près la solidité de la matière qui nous est propre. Au- tre preuve que l'unité numérique de notre corps ne nous est pas connue, ce qui en distingue en- core parfaitement notre ame , puisqu'elle sent bien qu'elle ne peut ignorer son individualité , et qu'au contraire elle ignore celle de son corps , qui est néanmoins exactement une telle portion nu- mérique de matière, et qui est notre e s ==86 = notre commune mesure de toutes les grandeurs q ie nous voyons , ou que nous touchons. Et com- me ce terme de comparaison nous est inconnu , il n'est pas étonnant que nous ne puissions connoîrre au vrai par son usage les grandeurs relatives des corps , ni leur gran- deur absolue, La vue nous représente donc tout corps d'une grandeur entre desjimites. En voyant deux per- sonnes, notre vue nous représen- te Tune plus grande que l'autre : nous disons bien que la plus grande n'a pas un pied de hauteur plus que l'autre > mais combien de li- gnes ? Nos yeux laissent cette question indécise : il y a donc encore là de l'abstraction. Les yeux détachent de l'objet l'exis- tence numérique de son étendue , sans sans laquelleil n'est rien : on vient de le voir; et de plus ils le repré- sentent comme existant d'une ma- niereindéterminée, d'une mame- redont il est impossible que quel- que chose existe. Cette indétermination dans la manière dont les sens nous font connoître les corps, est une des clefs de la métaphysique: monsieur Locke l'a malheureusement igno. rée-,et c'est par cetteraison qu'ayant formé le dessein de prendre la métaphysique dans son vrai ob- jet, dans les expériences que l'hom- me peut faire en réfléchissant sur ce qui se passe en lui , il s'en est écarté dès le commencement de son ouvrage, a substitué l'indé- fini à l'infini , et a jetté dans la métaphysique une confusion tout autrement dangéreuse que ne sont les e 6 les belles imaginations du p. Maie* branche. Ce n'est pas le lieu de vous développer sur tout cela ma façon de penser $ il faudrait un livre entier , et je ne suis ni dans la disposition ni dans la situation nécessaire pour le faire. Toutes ces abstractions que renferment nos sens , ne sont que ténèbres, e: elles sont en nous malgré nous-mêmes. Celles de l'esprit sont lumineuses , et recti- fient le témoignage de nos sens» Tandis que mes yeux ne peuvent distinguer , entre les deux dés dont j'ai parlé y celui qu'ils avoient exa- miné le premier , l'esprit me dit que les yeux ne voyant point la différence numérique des corps y j'ai tort de vouloir me reposer sur leur témoignage pour découvrir cette différence. Tandis que mes = 89=- yeux ne voyent aucune grandeur ab-olue , l'esprit m'apprend qu'au- cun corps ne peut exister sans une grandeur actuelle et déterminée ; que chaque corps a ses dimen- sions exactement finies. L'esprit n'est ni l'auteur ni le créateur de ces deux vérités. Il juge que cha- que corps a son existence propre , différente de celle de tout autre ; que chaque corps a ses dimen- sions fixes , et non indéterminées comme les sens nous les repré- sentent ; que deux côtés d'un trian- gle pris ensemble sont plus grands que le troisième.. Il juge que cette portion de matière qui est si at- ténuée et si petite que les yeux n'y apperçoivent aucunes parties, et qu'ils représentent comme un point, est divisible à l'infini; et il porte tous ces différens jugemens , non parce qu'il veut que cela soit ainsi $ ainsi, maïs parce qu'il voit que cela est. Il se sent dépendant de la vérité', il la voit éternelle et in- variable , et il sçait très-bien qu'il ne peut donner ni l'éternité ni la stabilité à rien de ce qui est son ouvrage. Il n'est donc pas vrai que l'es- prit tire sa lumière des sens , puis- que c'est au contraire à l'aide de cette lumière qu'il rectifie leurs faux énoncés , si je puis m'expri- mer ainsi. Rien n'est plus per- nicieux et en morale et dans les sciences que le principe des an- ciens , qui vouioient que toute con- naissance vînt des sens. J'avoue pourtant que les sens ont quel- que part à un grand nombre de nos connoissances , aussi bien que nos passions mêmes ; mais dans la part qu'ils y ont, ils y servent moins moins à nous éclairer qtfà nom faire sentir l'éclat de la lumière , en nous forçant de recourir à celle qui éclaire tous les esprits. m., de Buffon ne s'entend gue- res lui-même, lorsqu'il répond a Platon, et dit dans la langue de ce grand philosophe:» Le créa- „ , „teur réalise tout ce quil con-* ™ „ çoit. » ( L'auteur entend , selon les apparences, que le créateur réalise tout ce qu'il veut). Ses * perceptions » ( c'est encore ses volontés qu'il entend) » engen- w drent l'existence : l'être crée n ap- „ perçoit au contraire qu'en retran- chant à la réalité; «(oui par les sens. ) » et le néant est la produc- » tion de ses idées. » Je n'entends ni comment les idées produisent,nicequ'eUes peu- vent produire ; vous ne le conce- vez pas non plus , monsieur, et quant à ce qu'il dit que l'être créé, n'apperçoit qu'en retranchant à la réalité, nous concevons fort bien l'un et l'autre que nos sens font abstraction de la grandeur absolue des corps , de leur différence nu- mérique. Ce sont donc les sens qui retranchent à la réalité de tout ce qu'ils nous représentent > mais l'esprit les redresse, non pas en découvrant ni la grandeur abso- lue, ni la différence numérique, mais en jugeant que les corps ont une quantité fixe et une différence numérique. Suivons encore mr. de Buffon , peut» être le concevrons-nous à la il voi. fin- " J'accorderai, si l'on veut , au 7$% * divin Platon , et au presque divin v> Malebranche ( car Platon l'eût 33 regardé = 93 = » regardé comme son simulacre » en philosophie) que les objets » extérieurs ne sont que des effi- » gies idéales de la faculté créa- tive; que nous voyons tout en » Dieu : en peut-il résulter que nos «idées soient du mêmeotdre que „ celles du créateur , qu'elles puis- „ sent en effet produire des existen- ces : » Tout ce que je conclus de ce peu de mots si pompeux , c'est que l'auteur méprise fort les deux divinités dont il parle : mais les rend-t.il méprisables ? Vous en doutez fort. On les regardera tou- jours comme ces phénomènes ra- res qui excitent notre juste admi- ration , et qui ne reparoissent qu'après plusieurs sie. les. H croit que Platon eût méprisé lep. Male- branche. Sur quoi fonde- 1- il cette conjecture l conjecture? Pour moi ; je crois que chacun d'eux eût regardé l'au- tre comme son maître. Qui ose dédaigner le p. Malebranche,oun'a pas lu ^es ouvrages , ou ne les a pas entendus , ou s'est trouvé su- périeur à ce grand-homme. Dans laquelle de ces trois classes mr. de Buffon se rangeroit-il ? Je devine aisément son choix > il n'y en a qu'une qui lui convienne. Pour moi je ferai toujours gloi- re d'être le disciple du p. Male- branche : je lui dois non» seulement de très-belles connoissances, mais encore son excellente méthode, à l'aide 'de laquelle, avec un esprit très - médiocre , j'ai reconnu les endroits foibles de ses ouvrages,où il s'écartok de cette route lumi- neuse qu'il avoit tracée lui-même pour arriver à la découverte de la vérité. = 95 = vérité. Je dois même beaucoup a ses erreurs. C'en est une assuré- ment que de prétendre que nous voyons tout en Dieu ; mais c'est l'erreur d'un grand génie : car il n'a pas avancé en l'air, et sans des preu- ves très- spécieuses, que les idées de Dieu même ïious sont com- muniquées. H voyoit dans nos idées l'éternité, l'immutabilité, l'in- dépendance , l'immensité , une su- périorité victorieuse sur notre es- prit. A ces traits il a cru recon- noître les exemplaires sur lesquels la sagesse éternelle a produit tout ce qui est. Peut-être sa méprise vient-elle de ce qu'en déférant trop aux préjugés de l'école, il a regardé nos idées comme des ima- ges, comme des types : mais ce qui prouve bien que cette erreur du p. Malebranche mérite des é- eards , c'est que tous ceux qui l'ont D combattue» = 9*= combattue , je n'en excepte pas un des plus grands esprits que la France ait produits , lui ont oppo- sé des paradoxes universellement démentis par l'expérience. Au res- te on impose au p. Malebranche, en lui faisant dire qne les idées de Dieu , qui , selon lui , nous sont communiquées , sont créatrices de ce qu'elles représentent. On ne trouve cela dans aucun de ses écrits. Quelle doctrine mf, de Buffon oppose-t-il à celle du p. Malebran- che ? Vous l'ailez voir dans cette n. voi. déclamation. » Ne sommes-nous >. 78. » pas , dit* il , dépendans de nos » sensations ï Que les objets qui ' 35 les causent soient réels ou non $ » que cette cause de nos sensa- ^ rions existe au - dehors ou au- » dedans de nous ; que ce soit dans » Dieu „ Dieu ou dans la matière que „ nous voyons tout, que nous «importe? En sommes- nous «moins sûrs d'être affectés tou- » jours de la même façon par de „ certaines causes , et toujours » d'une autre façon par d'au- „ très? Les rapports de nos sen- >, sations n'ont - ils pas une suite , „ un ordre d'existence et un fon- „ dément de relation nécessaire „entr'eux> C'est donc cela qui „ doit constituer les principes de >, nosconnoissances. C'esMàl'ob- » jet denotre philosophie ; et tout „ ce qui ne se rapporte point a cet » objet sensible , est vain , mutile „ et faux dans l'application. » » Est-il bien difficile en effet ,> devoir que nos idées ne vien- p> „nent que par nos sens?» Fort difficile , lui répondrai-je. Com- ment ment jugerai, je que je dois à mes sens cette vérité , par exemple , que m<-. de Buffon soutient : que , n'y eût-il que mon ame au monde , je pourrois me croire environné des mêmes objets que je vois pré- sentement 5 ou ces autres vérités également incontestables : que tout corps que j'apperçois a une différence numérique qui m'est in- connue, et une grandeur absolue qu'il m'est impossible de déter- miner dans la dernière précision j que les couleurs ne sont pas dans h. voi, Ies objets. Il poursuit : » Est- il p- 77. » bien difficile de penser « que les choses que nous regar- » dons comme réelles et comme «existantes, sont celles dont nos » sens nous ont toujours rendu le » même témoignage dans toutes » les occasions 5 que celles que » nous prenons pour certaines , » sont 3> sont celles qui arrivent et qui >3 se présentent toujours de la mê- » me façon ; que cette façon dont » elles se présentent m dépend pas *> de nous , non plus que la forme » sous laquelle elles se présentent 5 »que par [conséquent nos^ idées, » bien loin d'être la cause des cho- h ses , » ( et qui le prétend ? ) » n'en » sont que les effets , et des effets s* très-particuliers 5 » ( c'est ce dont je ne conviens point. ) *> des ef- » fets d'autant moins semblables » à la cause particulière , que nous $> les généralisons davantage > » qu'enfin nos abstractions men- ai taies ne sont que des êtres néga- 3> tifs , » { Qu'est-ce qu'un être né- gatif? ) * qui n'existent même in* » tellectuellement que par le re- ^ franchement que nous faisons » des qualités sensibles aux êtres » réels. » Ce sont nos sens , monsieur, qui retranchent tous à la réalité des corps. Je l'ai prouvé , et je ne puis trop insister sur ce point. L'œil ne nous montre à la fois qu'une partie de la superficie d'un corps ? il en retranche ce qui n'est point vu y il en retranche la so- lidité > il en retranche les vraies dimensions actuelles , et il en re- tranche même la vraie figure , puisqu'il faut recourir à des mesu- res pour la déterminer, puisqu'une glace nous paroît parfaitement unie 9 quoiqu'elle ait réellement beaucoup d'inégalités : enfin il re- tranche d'un corps l'existence nu- mérique , en ce qu'il ne le distin- gue d'aucun autre , dont il ne dif- fère pas sensiblement. Vous le voyez , mr. nos propres expérien- ces nous apprennent que toutes le* SBsa-lQïssçs îes qualités sensibles retranchent à la réalité des corps par les abs- tractions qu'elles renferment; puis- que nos yeux les détachent des in- dividus auxquels elles appartien- nent , en nous faisant connoître ces qualités , et nous laissant igno- rer quel est individuellement leur sujet La géométrie , cette science dont mr. de Buffon nous fait créa- teurs, rectifie si bien le témoi- gnage de nos sens et. nos propres expériences , que par son secours nousconnoissons mieux les vraies distances des corps , que nous ne le ferions par aucune façon mé- chanique 5 et cela est si constant f que toutes les erreurs de nos cal- culs viennent communément de ce qu'il faut nécessairement user d'insttumens. Mais T, II. Part. III. f Mais cette science, dira mr. de Buffon, suppose des choses im- possibles, comme des longueurs sans aucune autre dimension , des surfaces sans corps > Qui la guide dans ces sortes d'abstractions , où elle ne suppose pas une dimen- sion seule , mais où elle la consi- dère sans faire attention aux au- tres? Ne sont-ce pas les sens qui détachent , pour ainsi dire , les qualités sensibles de tout corps , et qui ne le font connoître que par elles y qui représentent les modi- fications sans faire connoître l'in- dividu modifié , et qui par - là nous donnent plutôt ridée d'un corps en général que celle de l'in- dividu ? Mais dans ces abstractions mê- mes que nous devons à nos sens , îl y a de la vérité. La distance du soleil à mon œil est réellement une ligne sans largeur et sans pro- fondeur. Le trait de lumière qui la mesure a certainement un dia- mètre , une largeur et une épais- seur : mais dans le vrai , ni la lar- geur , ni Tépaisseur du rayon ne sont les élémens de la distance de mon œil au soleil. De même îa surface d'une glace n'a réelle- ment aucune épaisseur ? cette épaisseur n'est point vue, quoi- que la surface le soit. Ainsi îa lon- gueur d'un corps obérant réelle- ment aucune des deux autres di- mensions , lorsque la géométrie nous applique à considérer la lon- gueur seule , elle ne nous pres- crit point l'impossible , elle nous applique à un objet réel, et nous distrait de ce qui est différent de cet objet. Mais Mais comment justifier l'idée que les géomètres nous donnent du point , qu'ils définissent une partie inétendue de la ligne ; ou une étendue sans étendue , com- me m'. Buffon s'exprime , pour rendre la définition ridicule s'il le pouvoir. Comment ? L'Auteur ne s'y attend pas : par le témoignage de nos yeux. Je pourrois dire qu'ils nous représentent une ligne dans la limite commune de deux faces d'un cube 5 que cette limite commune est exactement une dis- tance sans largeur et sans profon- deur, et que l'extrémité de cette ligne est un point sans étendue : je pourrois ajouter que nos yeux nous font trouver de même un point inétendu dans l'extrémité d'une pointe très- fine, dans un grain de sable presque impercep- ï=2 ro 5 =^ . tîble , dans un insecte si petiï qu'ils l'apperçoivent plutôt qu'ils ne le voyent. Mais je pars d'une expérience qu'ils nous fournissent plus généralement; c'est qu'ils ne nous montrent jamais les trois di- mensions d'un corps tout à la fois > c'est qu'ils font toujours précision de l'épaisseur , et ne nous repré- sentent jamais qu'une partie de la surface , et que l'extrémité d'une ligne est pour eux un point, et non une longueur. Pour entendre bien ceci , con- cevez , monsieur , une tringle pris- matique terminée par quatre pa- rallélogrammes égaux , perpendi- culaires au diamètre de la tringle , et par deux quarrés perpendicu- laires à ces mêmes parallélogram- mes. Consultez vos yeux. Qu'est- ce qu'ils vous désignent pour .l'ex- trémité il trémïté de cette tringle à gauche 5 est-ce une tranche de la tringle, si petite qui! vous plaira , comme/. G. h. Al Non. Car ils vous disent que les lignes C f. et G. h. sont dans le corps , et n'en peuvent être l'extrémité. Que vous dési- gnent-ils donc pour l'extrémité à gauche ? Le quarré A^ la face A. Lui donnent-ils quelqu'épaisseur l \ Maintenant, mr, appliquez vos yeux à l'extrémité D. B. du quarré. Vous disent-ils que cette extrémité est un petit parallé- logramme D. B. L, i ? Non, par- ce que L. u n'est point l'extré- mité mité du quarré. L. i. a D. S. au- delà. Qu'est-ce donc à leur avis ? La largeur sensible du trait noir p. B \ Point du tout. Qu'est-ce donc ? La ligne Z>. B. qui est longue sans largeur. Et le sommet de l'angle solide S. est - ce un petit cube ï Ce n'est pas ce que nous disent les yeux. Sont - ce trois petits triangles concourans à faire l'exté- rieur de l'angle solide ? Ils n'en voyent que deux , l'autre leur est caché par le corps même. Ce sont donc au moins deux triangles pris sur les deux faces qui sont en vue f, Non 5 c'est un point. C'est le con- cours des deux lignes D. B. et B. f. Comme dans la tringle l'extrémi- té n'est point pour eux une sur- face épaisse , de même dans la ligne l'extrémité n'est point une longueur. Je vois une étoile com- ffl'C A S== io8 = me un point au travers d'une bon* ne lunette , mes yeux ne lui don- nent aucune dimension. Voilà donc encore nos sens convaincus d'être les auteurs des abstractions mathématiques , et de fournir à l'esprit ces suppositions que mr. de Buffon appelle arbitrai- res. Et toute la difficulté qu'il op- pose aux géomètres, ne vient que de ce qu'il contredit les sens , en prenant pour l'extrémité d'un corps une dernière partie de ce corps qui a trois dimensions , au lieu que les yeux n'y considèrent , par exemple > dans notre tringle , qu'une surface quarrée sans épais- seur , qu'une extrémité sans lon- gueur. J'aurois bien des choses à vous dire, dire , monsieur , et sur les mathé- matiques et sur les fausses idées qu'on se fait communément , de ce qu'on appelle vérités abstrai- tes. Je vous prierai simplement d'observer que de lamaniere dont les sens nous instruisent de l'état des corps , il est tout naturel de conclure qu'eux- mêmes fournis- sent le fondement des vérités abs- traites concernant les corps ; qu'ils nous conduisent à faire des abs- tractions. Car dès que l'esprit a apperçu ce défaut commun à tous nos sens , cçtte manière , qui leur est commune, de nous montrer un corps comme existant en géné- ral , dès qu'il se trouve forcé de juger que , lorsque les yeux nous représentent un globe, ils ne nous déterminent point la matière in- dividuelle comprise sous la figure sphéri^ue, fs Sphérïque, quelle difficulté trou- ve*t-il à en détacher la figure sphé- rique pour l'examiner en particu- lier? Elle est déjà séparée par les yeux du solide numérique qu'elle termine. Il ne lui reste qu'à s'ap- pliquer à la figure déjà abstraite par les yeux , et dont toute por- tion de matière égale à celle du globe actuel , pourroit être indif- féremment le sujet. Ce qui dans les abstractions blesse le plus mr. de Buffon , c'est qu'elles renferment des idées géné- rales. Il ne voit pas dans l'exemple que je vie ns de proposer i que la figure sphérique d'un globe, telle que les sens la représentent , non appropriée à aucune portion in- dividuelle de matière, est censée dès-lors convenir indifféremment à quelque portion de matière qui puisse. puisse être comprise sous cette figure , et que la moindre atten- tion suffit pour le concevoir , et pour prendre une idée générale de cette figure. Selon m', de Buffon , une idée générale ne peut être ni exacte ni précise ; et pour preuve de ce pa- radoxe si nouveau, il apporte pour exemple l'idée générale de l'ani- mal ; et il fait valoir cet exemple d'une manière très - singulière, » L'idée générale de l'animal , » nous dit-il , sera , si vous svou- j> lez , prise principalement de 11- » dée particulière du chien , du » cheval. .... » ( Pourquoi pas de notre corps ? ) » & y en a qui n'ont; » ni chair ni sang , et qui ne pa- »roissent être qu'une glaire con- » gelée ; il y en a qui ne peuvent s chercher leur nourriture > et qui f 6 » ne la reçoivent que de l'élément » qu'ils habitent ». ( Sçavent-ils la » prendre ? ) » Enfin il y en a qui 33 n'ont point de sens , pas même » celui du toucher , au moins à * un degré qui nous soit sensï- 33 ble ». ( Quels sont ces animaux ? ) 33 II y en a qui n'ont point de 33 sexe , ou qui les ont tous deux , » et il ne reste de commun à l'a- 33 nimal que ce qui lui est com- 33 mun avec le végétal , c'est- à- di- 33 re , la faculté de se reproduire. » 11 confirme ailleurs cette étran- ge doctrine , en nous apprenant qu'il y a des animaux, et même en grande quantité, qui sont d'a- bord des espèces de végétaux. Il aurok bien dû nous les indiquer ; car assurément nous ne les con- noissons point. Ceux-là seront certainement ks plus voisins du régne régne végétal. Tout au — aurok-il dû prendre garde qu il dis- tinguoit parfaitement les deux états de ces espèces d'êtres qui passent successivement du végétal a l ani- mal , et de l'animal au vegetaL Or quellequesoit la différence qu il a apperçûe entre ces deux états , elle tixe certainement des bornes entre l'animal et le végétal. Com- ment vient-il donc de dire qu'il ne reste à l'animal que ce qui lui est commun avec le végétal ? Il distingue même plus que per- sonne ne l'a fait , le régne végétai du régne animal; il met entre deux, pour les séparer, le polype et les corps mouvans observés pat Lewenhoek. » Le polype, selon . lui, n'est peut-être ni animal p »ni plante; et tout ce qu'on en » peut dire, c'est qu'il approche «un peu plus de ranimai. » II parle à peu près de même des ani- maux observés par Lewenhoek. * On ne peut pas dire , selon lui , » que ce soient des animaux ; on » ne peut pas dire que ce soient » des végétaux , et assurément on y> dira encore moins que ce sont » des minéraux. » Sur quoi fonde- t-il toutes ces précisionsfdélicates ? Sur l'idée générale de l'animal ap- paremment , et sur celle du vé- gétal : il ne voit point dans ces corps tous les caractères de l'ani- mal , il n'y voit que les propriétés distinctives du végétal > il pro- nonce qu'ils ne sont ni l'un ni l'autre , et qu'en particulier les po- lypes approchent plus de l'animal. Il a donc des idées précises de l'un et de l'autre ; et quelles seraient ces idées , si ce ne sont les idées générales de l'animal et du végé- tal s ==115 = tal, telles que tous les hommes les ont. La vraie raison pour laquelle il a tant d'éloignement pour les idées générales , c'est qu'étant ar- bitraires^ son avis, elles sont de pures inventions de l'esprit hu- main. Mais puisqu'il est créa- teur, comme nous , des objets intellectuels , qu'il use de son droit de souveraineté à l'égard des vérités mathématiques 5 qu'il ordonne qu'elles soient fausses t et qu'il essaye de les faire re- tourner dans le néant d'où il les a tirées. A la vérité nous sommes quel- quefois créateurs de certaines abs- tractions qu'il nous plaît de gé- néraliser ; lors , par exemple, que nous réunissons des mots dont les idées sont disparates ; que nous donnons des noms à des riens , celui de Pétréité ( qui parmi plu- sieurs autres est une des chimères de l'invention de nos anciens ) à lidée que nous avons d'un tel appelle Pierre. L'esprit part en- core quelquefois de suppositions qu'il ne tire ni de ce qui est , ni de ce qui peut être. J'en fourni- rai quelques exemples qui ne se- ront pas étrangers pour mr. de Buffon. C'est, par exemple, une abstrac- tion chimérique que de réunir le sens d'arbitraire à l'idée de la vé- rité , quoique ces deux mots puis- sent être liés dans une même phrase. C'est une abstraction chiméri- que , quoique devenue fort à la mode 3 = 117 = mode, que de distinguer la ma- tière de ses trois dimensions ; parce qu'en voyant l'idée de l'être identifié avec celle de l'étendue on fait cette précision purement logique, en disant que puisqu'on définit la matière un être étendu , on peut distinguer le sujet de l'at- tribut ; faire précision de l'attri- but et considérer la matière com- me un fonds de substance inconnu- Or les dimensions du cube en étant retranchées par cette opéra- tion , que reste-t.il vis-à-vis de l'esprit? L'idée de l'être en ge- néral. C'est une abstraction chiméri- que, déduite de la précédente > que de prétendre que la matière peut sentir son existence. On s'appuye alors sur ce qu'on ne voit point d'incompatibilité entre existes exister et sentir son existence. Car ayant réduit l'idée de la matière à celle de l'être en général , après en avoir fait un être imaginaire par la soustraction de ses trois di- mensions , l'esprit ne voyant plus de divisibilité de parties dans la matière , la regarde comme un être simple, avec lequel le senti- ment de l'existence peut fort bien s'allier. C'est une abstraction chiméri- que, de détacher le mouvement du corps mû , d'en faire un être à part , lequel transporte les corps , passe de l'un à l'autre , suivant des loix très - sages et très - préci- ses. Comment arrive- t-on là ? On voit que le même corps qui s'est mû , est en repos , qu'il a perdu son mouvement. On se croit donc autorisé à penser que le mouve- ment = ii9= , , ment est un être qui s est sépare du corps. On ne voit pas que les loix du mouvement étant très- exactes ne peuvent être exécutées que par une intelligence î que le mouvement n'est que le change- ment successif de position d'un corps ; qu'un corps en changeant de place ne perd rien de son être 9 ni n'acquiert rien. C'est une abstraction chiméri- que , de supposer que Dieu ayant communiqué en général le mou- ment à la matière , elle a pu connoître les loix de ce mouve- ment, les circonstances conve- nables à chaque loi de communi- cation , se distribuer en planettes , et prendre un cours constant et régulier. Comment est-on parve- nu à ce genre d'abstraction ? C'est ce qu'on ne devine pas aisément. ^ C'est C'est une abstraction chiméri- que de faire de l'attraction une puissance aveugle , et souveraine- ment intelligente dans les corps > au lieu de supposer une loi efficace du créateur par laquelle les corps sont mutuellement poussés l'un vers l'autre , à proportion de leur masse et de leur distance?une loi uni- verselle , si le fait est généralement vérifié. On en fait une propriété des corps 5 une propriété qui agit de dedans en dedans , et non par les surfaces. Ainsi saturne, qui ne sçait point quel est son volume , se trouvant en conjonction avec la terre , qui ne sçait pas plus que lui ni quelle est sa propre masse , ni quelle est celle de saturne, prend pourtant Tunique parti conforme à la loi qu'il ignore. Quel parti ? Que fait-il pour attirer la terre ? On = 121 = On n'en a aucune idée : maïs en- fin il arrive , je ne sçais ni com- ment ni pourquoi, que la terre change sa route de la manière con- venable à la loi. On fait plus, on concentre cette merveilleuse qualité occulte dans un point , comme fait m', de Buffon , lors- qu'il suppose que le soleil tourne autour du centre de tout le sys- tème du monde, par la force de l'attraction de ce point. Et pour- quoi ne le supposeroit-il pas ? On peut attribuer une vertu dont on n'a aucune idée à ce que l'on veut. Mr Newton et ses disciples sup- posent un centre de gravité im- mobile. Ils supposent que le soleil est retenu dans un petit cercle au- tour de ce centre , par l'attraction de ce centre. Mais si l'attraction n'est qu'une loi du créateur , on comprend aisément que cette lot r peut peut dépendre d'un point, au lieu qu'on ne conçoit point qu'une qua- lité distribuée dans les corps sui- vant leur masse , puisse être inhé- rente à un point. Voilà des exemples d'abstrac- tions chimériques. En voulez- vous* m*, de la manière de raisonner sur des vues obscures et généralisées mal* à-propos. En voici un. On voit dans les ouvrages des hom- mes, que les choses les plus com- posées sont les plus rares , parce qu'elles demandent plus de génie et plus de travail , et que les grands génies et les personnes laborieuses sont rares 5 et Ton croit que c'est une conséquence fort naturelle , qu'il en est de même dans la na- ture; que les ouvrages les plus communs sont les plus simples , comme étant faits à moins de fra?s ; frais : or on observe qu'il f a dans le monde plus d'espèces d'animaux et de végétaux , qu'il n'y a de pierres précieuses : il faut donc direque l'animal et le végétal sont les êtres du monde les moins com- posés , et on le dit effectivement. C'en est assez , m-, pour vous donner une idée de la métaphysi- que de mr. de Buffon. 11 falloit que rien ne fût vrai, afin que son système le fut. Vous ne serez plus étonné comment mr. de Buffon a pû en donner un , si décousu et si mal assorti , après avoir vu quelle est sa façon de raisonner. Ordonnez maintenant que je vous envoyé son livre, on l'imprime de nouveau en Hollande , et on le propose par souscription. Que pensez -vous des souscripteurs? Voulez - vous être du nombre ? Vous Vous devez me sçavoir gré de la peine que j'ai prise de vous faire connoître un ouvrage si singulier à tous égards. Afin de m'y détermi- ner et de m'y soutenir , j'ai eu be- soin de me rappeller souvent l'at- tachement que je vous ai voué, et avec lequel je ne cesserai jamais d'être, monsieur, etc. P. S, Je ne vous quitterai point sans vous faire remarquer encore deux erreurs que je me rappelle de l'histoire naturelle de mr. de Buffon ; et je pourrois sans un grand effort d'esprit m'en rappel- ler bien d'autres : car ce livre est inépuisable de ce côté-là. La pre- mière renferme une contradiction manifeste. Il s'agit de son sys- tème sur la formation des mon- î. voutagnes. *> Afin de n'omettre au- t> cune des conjectures qui me pa- ît roissent roïssent raisonnables, ne peut<- on pas dire que comme les mon- tagnes et les inégalités qui sont » à la surface de la terre , ont été •> formées par l'action du flux et dû » reflux , les montagnes et les iné- *> galités que nous remarquons à »la surface de la lune 3 ont été *> produites par une cause sembla- * ble; qu'elles sont beaucoup plus » élevées que celles de la terre , •> parce que le flux et le reflux y est *> beaucoup plus fort , puisqulcl » c'est la lune , et là c'est la terre » qui le cause , dont la masse * étant beaucoup plus considéra- ble que celle de la lune , devroït » produire des effets beaucoup » plus grands , si la lune avoit » comme la terre, un mouve- *> ment de rotation rapide , par * lequel elle nous présenteroit p successivement toutes les par- tiel T. IL f 'm. 111. g » des de sa surface * Mais comme » la lune présente toujours la mê- » me surface à la terre , le flux et *> le reflux ne peuvent s'exercer » da is cette planette qu'en vertu » de son mouvement de libration , » par lequel elle nous découvre y> alternativement un segment de » sa surface ; ce qui doit produire »une espèce de flux et de reflux »fort différent de celui de nos » mers , et dont les effets doivent »être bien moins considérables » qu'ils ne le seroient , si ce mou- » vement avoit pour cause une * révolution de cette planette au- » tour de son axe , aussi promp- » te que l'est la rotation du glo- » be terrestre. » Il ne faut point insister beaucoup avec vous , mon- sieur , sur la contradiction 5 elle saute aux yeux. Les montagnes sont plus hautes dans la lune, parce parce que le flux et le reflux qu'y cause la terre y est beaucoup plus fort. Cependant l'espèce de flux et de reflux dans la lune est fort différent de celui de nos mers, et il devroit produire des effets beau- coup plus considérables que la lune n'en produit > mais il ne le peut y parce que la lune n'a qu'un mouvement de iibration. C'est donc nous dire que la lune a de plus hautes montagnes , à cause que l'effet d'impression de la terre seroit plus fort , si la lune avoît un mouvement de rotation qu'elle n'a point, La seconde erreur venge bien la géométrie des coups que mr. de Buffon a voulu lui porter. Il a fait dresser une carte sous ses jeux ^ pour déterminer les plus grandes longueurs de l'ancien «et du S1 du nouveau continent. La plu* grande longueur de notre conti- nent est de 3600 lieues sur une ligne tirée depuis le 66e de- gré de latitude septentrionale , jus- qu'au 34e degré de latitude méri- dionale , et incliné de 30 degrés sur l'équateur. La plus grande longueur de l'Amérique que vous habitez, est une ligne de "2 500 lieues de longueur , commençant et finissant aux mêmes degrés de latitude > elle est aussi inclinée à l'équateur d'environ 30 degrés, mais en sens opposé ; en sorte que celle de l'ancien continent s'é- tendant du nord-est au sud-ouest , celle du nouveau s'étend du nôrd- ouest au sud- est , c'est-à-dire, qu'elles sont antiparalleles. Ainsi entre deux parallèles dans la géo- métrie de mr. de Buffon on pçut îirer deux lignes également incli- née == in- nées et différentes en longueur comme 3600 est à 2500 s en sorte que l'une soit presqu'un tiers plus longue que l'autre. Ce qu'il y a en- core de plus singulier^c'est que 1 au- teur assure positivement que ces deux lignes aboutissent toutes deux aux mêmes degrés de latitude sep- tentrionale et australe. Cependant dans la carte de votre continent la plus grande longueur finira 35 degrés de latitude méridionale , et non à 34. Le géographe ne .s'est pas entendu ici avec mr. de Buffon : puisque le premier travailloit sous les yeux du second , il étoit natu- rel qu'il déférât aux lumières de celui qui le guidoit. Quoi qu'il en soit , mon observation tombe sur ce que dans l'hypothèse du géographe , il est évident que la ligne qui détermine la plus grande longueur de votre continent , de- yroit £ 3 vroit être plus considérable que celle qui désigne la plus grande longueur du nôtre* $e lettre^ y lettre. Idée de la manière de -traiter lhi>toire na- turelle suivant mr. de Buffon. i I mes cinq premières ; lettres vous ont amusé, . mr , je m'en étonne. El- les renferment des dis* eussions très-épineuses, et la contention qu'elles exigeoient ne rendoit pas mon travail suscep- tible d'agrément. Ainsi le plaisir que vous me dites avoir eu en li- sant ces lettres, doit être imputé à l'amitié tendre que vous avez pour moi. Vous avez regardé comme un effet de la lecture de l'ouvrage , des sentimens qui naissoient de vos dispositions Î4 dispositions en ma faveur. Je vous en fais mille remercimens , et j'en suis plus flatté que je ne le serois, d'avoir mérité vos applaudisse- mens , dont je fais néanmoins un cas infini. Vous devez avoir reçu les trois lettres précédentes. Vous plaindrez bien davantage mr. de Buffon , quand vous connoîtrez sa doctrine sur les animaux , et surtout la mé- taphysique qui lui est propre. Dieu veuille qu'il se plaigne lui-même. C'est bien dommage que son style qui est si bon, soit employé à débi- ter de si mauvaises choses. Je ne connois point ce Telliamed sur le- quel on vous a dit que notre au- teur s'est modelé ; vos nouveaux débarqués de France mettent , di- tes-vous, la copie fort au-dessous de l'original,et vous leur avez trou- vé la tête si étrangement gâtée que yous vous avez compris par leurs dis- cours, que le système deTelliamed étoit encore plus déraisonnable que la doctrine de mr. de Buffon : c'est beaucoup dire. Vous me don- nez grande envie de voir cet origi- nal si supérieur à sa copie > mais s'il est aussi impertinent que vous le soupçonnez , il sera très* rare. Je n'en ferai pas les frais assurément; mais je compte m'adresser à une personne qui me le procurera. Je ne serois pas trop fâché que mr. de Buffon se fût laissé séduire par la lecture de Telliamed.Dans le mauvais, s'il est peut-être plus inex- cusable d'être copie que d'être ori- ginal , au moins a-t-on plus de fa- cilité à revenir de ses erreurs , par- ce qu'on ne se les croit point pro- pres, et qu'on peut lesrejetter sur un autre : cependant j'ai peine à me persuader que mr. de Buffon eût youlut £==134= voulu se rabaisser jusqu'à devenir copiste : il a assez de génie pour oser marcher sans guides c'est-à- dire, à le bien prendre, qu'avec cette noble hardiesse il a tout ce qu'd faut pour courir plus rapide- ment dans des chemins perdus > car la métaphysique qu'il s'est faite , peut mener à tour , aussi bien que la méthode singulière qu'il conseil- le aux autres , dont il a fait appa- remment lui-même l'essai , et qui Fa précipité dans le cahos où il ne voit plus d'issue. On vous a dit quelque bien de sa manière d'étudier l'histoire naturel- le. Ce jugement m'étonne. La seule raison qui m'a empêché de vous en donner quelque idée , c'est qu'elle ne ir e fit que très-peu d'im- pression ; je la trouvai 3ssez origi- nale, mais moins extraordinaire que les autres traits dont je vous ai fait part. Puisque vous souhaites que je vous en parle 5 je vais le faire un peu rapidement,parce que nous avons un vaisseau à la rade, qui doit bientôt partir pour votre pays» Mr. de Buffon commence ainsi son premier discours : » L-histoi- *• » re naturelle prise dans toute son ' p> étendue , est une histoire immen- 2» se , elle embrasse tous les objets 3> que nous présente l'univers. Cet* * te multitude prodigieuse de qua- *>drupedes, d'oiseaux, de pois- *> sons , d'insectes , de plantes , de v minéraux, etc. offre à la curio- sité de l'esprit humain un vaste a» spectacle , dont l'ensemble est si 3> grand , qu'il paroît et qu'il est en â> effetinépuisable dans les détails. » C'est précisément parce que l'objet de cette histoire est immense qu'il feut l'étudier avec méthode, 3> Une s* » Une seule partie de l'histoirë » naturelle, poursuit- il, comme 3> Y histoire des insectes , OU l'histoire des plantes, suffit pour occuper â> plusieurs hommes ? et les plus ha- » biles observateurs n'ont donné, » après un travail de plusieurs an- ^ nées, que des ébauches assez, im« parfaites des objets trop mulîî- d> plies que présentent ces branches » particulières de l'histoire naturel- » le. Cependant on ne sçauroit yj trop louer leur assiduité au travail » et leur patience. » Voyez, par pa- renthèse , mr. comme Fauteur sçait peindre d'une main hardie les grands hommes de notre siècle» C'est m*, de Reaumur dont vous voyez le portrait : vous m'avoue- rez que ce tableau est si ressem- blant que je ne fais pas trop de mal de mettre le nom au bas. » On od ne peut même leur refuser des » qualités plus élevées , car il y a !>une espèce de force de geme et >, de courage d'esprit à pouvoir en- visager , sans s'étonner , la natu- „ re dans la multitude innombra- » ble de ses productions; » ( Sen- tez bien l'énergie de cet éloge. ) „à se croire capable de les com- x prendre et de les comparer ; . . . . » et l'on peut dire que l'amour de s> l'étude de la nature suppose dans » l'esprit deux qualités qui parois- » sent opposées, les grandes vues 5, d'un génie ardent qui embrasse y, tout d'un coup d'oeil , et les pe- „ tites attentions d'un instinct la- yy borieux qui ne s'attache qu'à un » seul point. » Outre la grande multitude des objets , leur variété augmente en- core prodigieusement l'obstacle qui se présente dans l'histoire de la nature. Pour vaincre 'ce double obstacle , par où doit commencer ^i3S = ' Celui qui veut apprendre l'histoire naturelle? Vousm'allez répondre, mr,qu'il faut qu'il acquierre d'abord quelque connoissance des mathé- matiques et des méchaniques $ qu'il lise ensuite tout ce que les plus cé- lèbres d'entre les anciens et les mo- dernes ont écrit de plus exact sur les différentes parties de l'histoire naturelle ; qu'il répète lui-même les observations qu'il aura lues dans leurs ouvrages. Avec votre per- mission, vous n'entrez pas dans le plan de mr. de Buffon. Il faut rassembler des échantil- lons de tout ce qui peuple l'uni- vers , mettre dans un lieu des mo- dèles de tout ce qui se trouve ré- pandu avec profusion sur la terre. 5> En se familiarisant avec ces mê- p> mes objets, en les voyant sou- » vent , et , pour ainsi dire , sans » dessein , ils forment peu à peu 3> des ==139*=* i> des impressions durables , qui » bientôt se lient dans notré es- » prit par des rapports fixes et in- » variables. Et de-là nous nous lb » élevons à des vûès plus générales, » par lesquelles nous pouvons em- » brasser à la fois plusieurs objets » différens ; et c'est alors qu'on est =»en état d'étudier avec ordre , de » réfléchir avec fruit, et de sefrayer » des routes pour arriver à des dé- » couvertes utiles - „On doit commencer par voir : » beaucoup et voir souvent ; quel- que nécessaire que soit l'atten- » tion à tout , ici on peut s'en dis- » penser d'abord : je veux parler de » cette attention scrupuleufe , tou- =>, jours utile, lorsqu'on sçait beau- coup , er souvent nuisible à ceux »qui commencent à s'instruire. » L'esf enriel est de leur meubler la s» tête d'idées et de faits , de les em- 93 pêcher j *> pêcher , s'il est possible , d'en tu D>rer trop tôt des raisonnemens et 23 des rapports » 11 faut aussi voir presque sans » dessein 5 parce que si vous avez >> réfolu de ne considérer les cho- »? ses , que dans une certaine vûë , » dans un certain ordre , dans un » certain système , eussie^vous pis >» le meilleur chemin, vous n'arriverez ^ jamais à la même étendue de y> connoissances à laquelle vous » pouvez prétendre , si vous lais- » sez dans les commencemens vo- 33 tre esprit marcher de lui-même, se reconnoître , s'assurer sans se- ^ cours , et former seul la premie- » re chaîne qui représente l'ordre î» de ses idées. Ceci est vrai sans ex- » ception pour toutes les person- *> nés dont l'esprit est fait , et le P raisonnement formé. » yoïlà une tirade d'extraits un peu longue , longue , mais elle étoit nécessaire pour vous bien mettre sous les yeux les conseils et la méthode de bien conduire son esprit dans les sciences , ressources qui étoient en- eore à trouver, et que nous devons à mr. de Buffon. Elles se réduisent à ce peu de préceptes. i°. Rassem- bler dans un même lieu des modè- les de tout ce que la nature a ré- pandu avec profusion dans l'uni- vers. 20. Voir beaucoup et revoir souvent. 3°. Voir Pres<^ue sanS dessein , et se dispenser d'une at- tention scrupuleuse , toujours uti- le, lorsqu'on sçait beaucoup, et souvent nuisible à ceux qui com- mencent à s'instruire. Vous pressentez sans doute , mr. tous les inconvéniens de cette sin- gulière méthode d'étudier. ^ Par rapport au premier précepte, il n'y aura que des gens , dont les riches- ses seront s— 142 = ses seront fort au-dessus de celles des particuliers , qui pourront le suivre* Encore comment y réus- siront-ils ? Donneront ils un ordre, un arrangement aux échantillons des richesses de la nature qu'ils au- ront rassembles ? Pour cela il fau- drait les examiner avec un dessein très- décidé de les mettre dans la forme la plus convenable à Tordre delà nature; il faudrait, en les exa- minant , leur donner cette atten- tion scrupuleuse qu'on interdit à ceux qui commencent à s'initier dans les sciences. Enfin pour don- ner un arrangement à toutes les productions de la nature , ce ne se- roit pas trop que la connoissance la plus profonde et la plus étendue, jointe au génie le plus vaste , et à ce goût sûr et délicat , plus rare en- core parmi les sçavans que parmi les autres hommes,et dont je pour- rois pourtant indiquer un modèle. Les Les disposeront-ils dans leur cabi- net sans ordre î Dans quel cahos ne se jetterokat-ilspas ? Quel moyen de pouvoir rien retenir , et rien se rapDeller dans cette variété infinie d'objets ; sur - tout si , de dessein formé, ils s'étoient interdit la con- nolssance des rapports et des diffé- rences de ces objets si multiplies ? la tête d'un homme qui se seroit formée sur ce premier précepte de m', de Buffon , ressemb'eroit plu- tôt à un magazin de libraire, qu'à une bibliothéq ;e sensie. Saisissons néanmoins l'idée de m', de Buffon du côté le plus favo- rable. Peut- être a-t-il simplement voulu inviter le public à se procu- rer le grand spectacle du cabinet du Roi. Quand on a des manières ai- sées, nobles, prévenantes, officieu- ses, on représente avec dignité dans un Heu tel que ce riche cabinet ; on y enfeigne — *44— 1 y enseigne le public sans pédante- rie ? on donne aux sciences un air d'élégance , de douceur , de poli- tesse qui fait aimer les sçavans, et désirer de leur ressembler. Quand on a de si heureuses dispositions, il est naturel de chercher les occa- sions de les faire valoir. Mr. de Buffon a bien senti que sur le con- seil qu'il donnoit à ceux qui veu- lent étudier l'histoire naturelle, de rassembler les échantillons de tou- tes les richesses de notre globe , on désespéreroït de faire les premiers pas vers le sanctuaire de la nature , et que sans autres recherches , qui d'ailleurs ne seroient pour la plu- part ni possibles ni pratiquables , on seroit forcé de recourir aux tré- sors du cabinet du Roi pour sup- pléer à une indigence nécessaire: si ce sont là les intentions de l'au- teur , elles sont lloiiables , et le pu- blic doit regarder son conseil com- me un me un bon office. 11 y auroit néanmoins un incon- vénient à craindre pour ceux qui prendroientce parti. On s'est pro- posé dans la distribution que l'on a faite des productions de la nature dans le cabinet du Roi , de suivre au moins quelque arrangement. Ainsi en examinant ces richesses si variées , on pourroit s'accoutumer à les considérer dans un certain ordre ; dans un certain système 5 et mr. de Buf- fon ne niera pas que ce ne fût le parti le plus raisonnable. Mais », eût-on pris le meilleur chemin , ft >, on n'arrivera jamais à la même » étendue de connoissances à ïa- » quelle on pourroit prétendre, si „ on laissoit dans les commence- „ mens son esprit marcher de lui- ,> même , se reconnoître , s'assurer » sans secours , et former seul la ,> première chaîne qui représente * ?» l'ordre A » Tordre des idées. » Ainsi en se trouvant tous les jours pendant z eu 3 ans au cabinet du Roi , et en regardant sans dessein les ir;êmes objets , on rempliroit à la vérité le premier précepte de la méthode de mr. de Buffon, mais on violeroit les deux autres , que nous exami- nerons dans la suite, et qui sont les seuls propres à donner à l'esprit l'étendue que l'on cherche à lui procurer , quand on se destine à l'étude de la nature. Quelle idée mr. de Buffon auroit- ïl d'un homme qu'il verro t assidue- ment au cabinet du Roi , et auquel il daigneroit adresser la parole en ces termes : Vous admirez, mr. l'or- dre qu'on a mis dans une si grande variété d'objets , vous voyez com- me tout y est disposé de manière à en laisser dans le cerveau du spec- tateur des images rangées avec or- dre , et = i47== dre, et dont l'une rappelle à celle qui la suit immédiatement , et à celle qui la précède > quelie idée , dis -je, auroit41 de cet homme , si celui-ci lui répondoit : Mr. jen'ad* mire point , je regarde , je ne re- marque ni rapports , ni convenan- ces , ni disconvenances , ni ordre entre tous ces objets , je vois , je revois sans dessein , sans attention depuis un an , comme vous avez bien voulu me le prescrire dans votre livre ? L'intendant du jardin royal seroit-il fort content de la conduite de ce spectateur ? Quoi qu'il en soit, cet homme me pa- roîtroit un très-digne élevé de mr. de Buffon* Après qu'un homme , dont l'es- prit est fair et le raisonnement for- mé , a entassé dms sa tête, sans or- dre et sans dessein , toutes les ima- ges des diverses productions de la nature ; = 148 == nature : ce qui demande sans doute un tems fort considérable , puis- qu'il en faut beaucoup davantage pour charger sa mémoire d'un nombre prodigieux d'objets,quand ils ne sont présentés sous aucun or- dre, que lorsqu'ils sont rangés se- lon les rapports qu'ils ont entr'eux > en un mot après qu'il a travaillé as- siduëment à mettre dans sa tête le plus de confusion qu'il a pu , mr. de ffc g. Buffon lui conseille de lire les bons auteurs, d'examiner leurs différen- tes méthodes, et d'emprunter des lumières de tous côtés. Hélas ! il est bien tems: ses idées doivent ê- tre si confuses, grâces à sa docilité, que le jour le plus vif n'en pourra percer les épaisses ténèbres. S'il peut prendre quelque méthode , tant mauvaise soit-elle, qu'il la sai- sisse au plus vite : au moins pour- rai-on dire que la lumière com- mence à luire pour lui. 4c Mf. de Buffon annonce d'abord à son élevé que » les premières » causes nous seront à jamais ca~ » chées; que les résultats généraux » de ces causes nous seront aussi » difficiles à conuoîcre que les cau- ses mêmes/Tout ce qui nous est 3» possible, poursuit- il, c'est d'ap- percevoir quelques effets parti- * caliers , de les comparer , de » les combiner , et enfin d'y re- connoître plutôt un ordre rela- » tif à notre propre nature , que » convenable à l'existence des cho- » ses que nous considérons, » La première vérité qui sort de cet examen sérieux de la nature , » est une vérité peut-être humilian- », te pour l'homme 5 c'est qu'il doit se ranger lui-même dans la? classe des animaux, auxquels il ressem- % ble par tout ce qu'il a de matériel, ?» et même leur instinct lui paroîtra 3> peut-être T. II. part. III, h » peut-être plus sûr que sa raison , » et leur industrie plus admirable w que ses arts. » N'êtes - vous pas beaucoup touché , mr, de ce senti- ment si humble de mr. de Buffon > Ne le trouvez-vous pas bien placé ? .Ce qu'il y a de bien certain , c'est que certains hommes seraient peut être heureux d'être réduits à l'instinct 5 ils n'enfanteroient point tant d'erreurs , et n'auroient point assez d'esprit , pour se perdre en tant de vains raisonnemens.et pour y entraîner les autres ; car si les bê- tes n'ont pas l'avantage de raison- ner , elles n'ont pas non plus le mi- sérable talent de déraisonner avec art. » Parcourant ensuite succes- ^ sivement et par ordre et se * mettant à la tête de tous les êtres 35 créés , il verra avec étonnement 3> qu'on peut descendre par degrés » presque insensibles de la créatu- » re la plus parfaite , jusqu'à la ma- so tiers tierelaplus informe ? de l'anima *> le mieux organisé , jusqu'au mi- néral le plus brut ; il reconnoîtra que ces nuances imperceptibles 3» sont le grand œuvre de la natu- *> re > il les trouvera , ces nuances , 3> non-seulement dans les gran- di) deurs et dans les formes , mais 3> dans les mouvemens , dans les 3» générations , dans les successions » de toute espèce. » Je ne sçais trop ce qu'il entend par ces nuances , ces degrés pres- que insensibles de la créature la plus parfaire , jusqu'à la matière la plus informe. Il y a déjà quelque tems que ces expressions font du bruit dans le monde philosophe ; mais peut- être n'en sont-elles pas moins dépourvues de sens. A la vérité nous coanoissons un passage de la matière la mieux organisée et de toute matière organisée à l'état de matière h z ==151 = matière brute ; mais ce passage ; bien loin d'être imperceptible , esc au contraire très- sensible et très- brusque. Je parle de la mort com- mune aux animaux et aux végétaux, par laquelle tout ce qui a vie perd l'organisation , et est réduit à l'état de matière brute ; c'est elle qui met une ligne très- marquée entre le rè- gne de l'animal et du végétal, et de la matière brute. Celle-ci devient aussi organisée, lorsqu'elle sert d'alimens aux animaux , ou de sucs nourrissiers aux plantes ou aux ar- bres; ce second passage est lent et voilé pour nous : voilà le grand œu- vre de la nature , et on l'entend. Mais que veut-on dire, lorsqu'on nous annonce d'un ton d'enthou- siasme, que » la nature marche par » des gradations inconnues *> qu'elle passe d'une espèce à une » autre espèce, et souvent d'un gen- te 153 — 6 re à un autre genre par des nuaii- » ces imperceptibles ; de sorte qu'il i se trouve un grand nombre d'es- » peces moyennes et d'objets ml- » partis qu'on ne sçait où placer? * Veut- on dire que dans le spectacle que la nature nous offre, elle nous présente une suite d'animaux qui diminuent de perfection dans leur organisation, de manière que nous confondons aisément les espèces moins parfaites de ces animaux a- vecles simples végétaux ,et que les dernières classes de ceux-ci ne nous semblent pas différer beaucoup d'une masse brute ? J'entends cela; mais je n'y vois point d'autre mys- tère, sinon que nos yeux ne peu- vent suivre le travail de la nature dans la dernière précision. Car de penser que le polype à bras qui a l'air d'une plante , que le polype à bouquets qui ressemble à une fleur , que le polype à panache = 154 — qui approche d'un vase renfermant deux panaches ; que tous ces po- lypes , dis- je , ayent une < onstruc- tion qui ne diffère que très- peu de celle d'une plante, d'une fleur, d'un p nache : c'est assurément ce qu'on ne me fera pas croire. Tant que je verrai à un corps des mouvemens spontanés , une sorte dindustrîe , une adresse à se dérober à tout ce qui rend à le détruire, un art pour se procurer de la subsistance, la fa- culté de changer de place , je ne verrai qu'un animal; et entre cet animal et une plante quelconque , j'ap percevrai une ligne très-forte et très-sensible. Je parle des polypes, parce que la découverte de ces admirables a- nimaux a paru , dans les premiers mouvemens d'admiration , le pas- sage insensible du règne animal au legne végétal. Mais tant il est vrai 911e le s que les jugemens qui naissent de radmkation sont sujets à révi- sion , on ne pouvoit plus mal choisir pour établir cette suite de nuances imperceptibles , par les- quelles la nature fait , dit-on , pas- ser la matière par une progression comme infinie de différens degrés de perfection. Car je veux bien supposer pour un moment que c'est là le plan de la nature, et que les polypes qui sont , à mon avis , les plus industrieux des animaux connus 5 auxquels je trouve plus de sagacité qu'aux abeilles même , je veux bien , dis- je , supposer que ce sont-là les plus imparfaits des animaux i que ce sont ceux qui n'ont presque rien au-dessus de la végétation commune aux plantes: du moins pour soutenir cette sui- te de nuances insensibles depuis ra- nimai le plus parfait , jusqu'au brut, il h 4 il fâudroit que dans le végétal le terme le plus voisin du polype, fût le plus parfait des végétaux > alors de cet arbre , ou de cette plante la plus finie , la plus admi- rable de son espèce , on descen- drait par tous les ordres de plan- tes , des plus parfaites aux moins parfaites , jusqu'à la truffe, le fruit de tous les végétaux qui paroîr à nos yeux le moins éloigné du brut. Mais c'est tout le contraire* Qu'on compare un polype selon sa figure aux plantes > le polype à bras devra être mis auprès du plus imparfait des végétaux > le polype à bouquets auprès de la plus sim- ple des fleurs : il faudra donc sau- ter par-dessus toute la gradation des végétaux les plus parfaits $ et du dernier animal qui sera le plus voi- sin du règne végétal , passer brus- quement quement à l'ordre des végétaux les plus proches du brut ; remonter ensuite de l'espèce inférieure des végétaux , jusqu'aux plus parfaits , et étant parvenu à ces derniers, reprendre aussi tôt le végétal le plus imparfait , et passer de- là au brut. Que devient donc cette pro- gression descendante comme infi- nie des animaux les plus parfaits au minéral le plus brut? J'insiste un peu sur cette pré- tendue découverte de nos physi- ciens modernes , et dont ils font tant de bruit ( car elle n'est pas par- ticulière à mr. de Buffon , f parce que les matérialistes en abusent , contre les intentions des premiers. Les matérialistes , ces demi-sça- vans , la honte de notre siècle , voudraient faire entendre que tou- tes ces diverses préparations de la h s la nature peuvent avo:r pour der- nier terme une machine intelli- gente et libre. Je n'ai pas besoin de vous avertir que je ne prête point à rnr. de Buffon ce funeste projet ; vous sçavez tro j bien que j'ai autant de zèle pour défendre sa foi , que d'attention à relever les écarts de sa philosophie. Si cette observation de ces nuan- ces insensibles étoit aussi fondée que l'imagine mr. de Buffon * Thomme qu'il initie dans les mys« ter es de 1a nat are ne devroit pas être extrêmement embarrassé dans le choix d'une méthode d'obser- vations. Il n'auroit qu'à suivre ces différentes nuances en parcourant les gradations dont la diminution serok sensible , er placer entre deux degrés bien distingués les êtres intermédiaires dont les ^différen- ces seroient moins marquées , sâns s'inquietter beaucoup des 1 rangs qu'il devoir assigner a ces derniers. La méthode lui seroit tracée de la main même de la nature. Mais mr. de Buffon craint de s'y per- dre ; et sa crainte est fondée sur de prétendus équivoques dans les œuvres de la nature. Les équivo- ques sur ce point viennent des bornes de nos sens, et de ce que notre attention et notre patience se lassent également. Ce n'est pas que deux plantes qu'on nesçait où placer, n'ayent point de caractères distinctifs % c'est que nous n'ap* percevons pas ces caractères. Mais ce n'est pas en cela seul que nous rejettons notre ignorance et nos erreurs sur la nature. Pour faire sentir la difficulté d? trouver une méthode qui nous h C guide dans l'étude de la nature,' mr. de Btiffon nors donne pour exemple les botanistes, et ce qui résulte principalement de ses re- marques et de sa critique , c'est que sll estime la botanique , il n'arme ni n'es ime gueres les bo- tanistes. Il dit pourtant du bien de mr. Tournefort , et ce n'est pas par la raison q fil n'est plus > car Aldo vrande , et par occasion beau- coup de sçavans Allemands ré- veillent sa mauvaise humeur : Linnset s est aussi très-mal traité» La cause du chagrin de l'auteur , p j * c'est la prétention qu'ont , dit- ' I5* » il , les botanistes d'établir des * systèmes généraux , parfaits et * méthodiques ». Il explique ail- leurs en quoi consiste le défaut de tous ces systèmes. » Le grand dé- V. 10. * faUt de tOUt CeCi eSt err€Ui: » de métaphysique dans le prin- scïpe même de ces méthodes; «Cette erreur consiste à mécon- «noître la marche de la nature , *> qui se fait toujours par nuances , »et à vouloir juger d'un tout » par une seule de ses parties : er- » reur bien évidente , et qu'il » est étonnant de retrouver par- tout i car presque tous les » nomenclateurs n'ont employé » qu'une partie, comme les dents, «les ongles ou ergots, pour ran- » ger les animaux ; les feuilles ou a. les fleurs, pour distribuer les plan- âtes: au lieu de se servir de tou- » tes les parties , et de chercher » les différences ou les ressem- » blances dans l'individu tout en- » tier et quand même on » seroit assuré de trouver dans «quelques parties prises séparé- » ment des caractères constans et » invariables j il ne faudrait pas a» pour cela réduire la connoîs^ » sance des productions naturelles 3> à celles de ces parties constan- ces, qui ne donnent que des aidées particulières ettrès-impar- 3> faîtes du tout $ et il me paroît ^ que le seul moyen de faire une » méthode instructive et naturelle^ » c'est de mettre ensemble les #> choses qui se ressemblent , et de s> séparer celles qui différent les y> unes des autres. Si les individus » ont une ressemblance parfaite, 2» ou des différences si petites qu'on 2> ne puisse les appercevoir qu'a- 2» vec peine , ces individus seront de la même espèce ; si les dif- 2» férences commencent à être sensibles , et qu'en même tems 3> il y ait toujours beaucoup plus » de ressemblance que de diffé- s> rence , les individus seront d'une pi autre espèce > mais du même »? genre » genre que les premiers î et s! » ces différences sont encore plus » marquées , sans cependant excé- * der les ressemblances , alors les » individus seront non- seulement D) d'une autre espèce, mais même 07 d'un autre genre que les pre- » miers et les seconds, et cepen- » dant ils seront encore de la mê- 3,me classe, parce qu'ils se res~ ^ semblent plus qu'ils ne différent > » mais si au contraire le nombre » des différences excède celui des ^ ressemblances , alors les indivi- dus ne seront pas de la même :» classe. Voilà l'ordre méthodi* 5> que que Y on doit suivre dans x> l'arrangement des productions » naturelles 5 bien entendu que les a» ressemblances et les différences » seront prises non- seulement d'u* a* ne partie, mais du tout ensemble, » et que cette méthode dlnspeo »> nom y> tion se portera sur la forme , ;» sur la grandeur, sur le port exté- :» rieur , sur les différentes parties , 3> sur leur nombre , sur leur posi- 3» tion, sur la substance même delà » chose > et qu'on se servira de ces ^élémens en petit ou en grand y> nombre, à mesure qu'on en aura » besoin > de sorte que si un indi- ^ vidu, de quelque nature qu'il soit, s> est d'une figure assez singulière :» pour être toujours reconnu au y> premier coup d'œil , on ne lui ^ donnera qu'un nom 5 mais si s» cet individu a de commun avec *> un autre la figure , et qu'il en dif- *> fere constamment par la gran- it deur, la couleur, la substance, » ou par quelque autre qualité y> très-sensible, alors on lui don- v> nera le même nom , en y ajou- »> tant un adjectif, pour marquer » cette différence s et ainsi de p? suite 9 » suite , en mettant autant d'ad- *> jectifs qu'il y a de différences , on » sera sûr d'exprimer tous les at- tributs différens de chaque es- »pece . » . ( Je n'ai pû me dispenser , mon- sieur , de vous transcrire ce long passage , parce qu'il y a certaine- ment du bon. Sur ce plan il faudroit fondre ensemble toutes les diffé- rentes méthodes des botanistes, pour n'en faire qu'une seule > mais la combinaison n'en seroit pas ai- sée. Il faudroit encore entasser plus d'adjectifs qu'on ne fait chez les botanistes , pour définit une plante. Leur nomenclature n'est donc pas encore assez chargée , au désir de la méthode de mr. de Buffonrd'où vient donc se plaint- il si amèrement de ce qu'actuel- lement » la botanique elle-même p. 4i^: & est ^ est plus aisée à apprendre que y> la nomenclature qui n'en est que * la langue ? » J'ai bien compris qu'il repro- choit aux botanistes de n'avoir cherché que dans une partie des plantes leurs distinctifs ; mais je ne l'entends point du tout quand il Fag. 25.dk que les mé: hodes ne sont :» que des rapports arbitraires et des points de vue différens , sous » lesquels on a considéré les ob- jets de la nature 5 et en ne fai- 33 sant usage , poursuit-il , des mé- » thodes que dans cet esprit , on *> peut en tirer quelque utilité: car » quoique cela ne paroisse pas ^ fort nécessaire , cependant il » pourrait être fbon qu'on sçût toutes les espèces de plantes » dont les feuilles se ressemblent, » toutes celles dont les fleurs sont w semblables » semblables , toutes celles qui 3, nourrissent de certaines espèces „ d'insectes , toutes celles qui ont *> un certain nombre d'étamînes , y, toutes celles qui ont de certai- » nés glandes excrétoires ; et de *> même dans les animaux, tous » ceux qui ont un certain nombre 9>de mammelles, tous ceux qui » ont un certain nombre de » doigts. » Comment peut-il dire effecti- vement que les méthodes des bo- tanistes, par exemple, ne sont que des rapports arbitraires ? Ceux qui ont distribué les végétaux , suivant les différentes grandeurs ; ceux qui n'ont employé pour leurs carac- tères distincfîfs que la figure et la nature des feuilles ; ceux qui ont rangé les plantes suivant la diver- sité des fleurs , ou la manière de fructifier , — i6% — fructifier , ou sur le nombre des étamînes , ont-ils eu ea viie des rapports arbitraires entre les vé- gétaux ? Il étoit peut- être arbitraire de s'en tenir à tel ou à tel carac- tère en particulier; de considérer les plantes sous tel ou tel rapport , pour les partager en classes , etc. niais assurément les rapports sont très- réels. Il veut tourner en ri- dicule ceux qui employent les éta- mînes , parce qu'ils ne peuvent se passer d'une loupe pour juger du rang que doit occuper une plante. Mais puisque la nature va , selon lui , par des gradations insensi- bles , le microscope ne fournit-il pas quelque moyen de découvrir ces différences délicates que la na- ture a mises entre des êtres parmi lesquels on ne voit,sans ce secours, qu'une parfaite uniformité, ou que des diversitéséquivoques. Enfïs Enfin en quel sens dit-il qu'il n'est pas fort nécessaite, que ce- pendant il pourrait être bon qu'on «eût toutes les espèces de plantes dont les feuilles se ressemblent, toutes celles dont les fleurs sont semblables , lui qui vient de nous enseigner que le seul moyen de faire une méthode instructive » et P> Hi ,> naturelle, c'est de mettre ensem- ble les choses qui se ressem- „ blent , et de séparer celles qui » différent les unes des autres », et de les distribuer en comparant ensemble leurs différences et leurs ressemblances; lui qui va nous dire que la vraie méthode est la description complette et l'histoire exacte de chaque chose en parti- culier ? „ A l'égard de l'ordre général p. j » et *» et de la méthode de distribution *»de différens sujets de l'histoire a* naturelle « pour le recon- * noître il faut nous défaire un instant de tous nos préjugés , j> et même nous dépouiller de nos & idées. Imaginons un homme qui a en effet tout oublié , ou qui & s'éveille tout neuf pour les ob- ^ jers qui l'environnent 5 plaçons » cet homme dans une campagne » où les animaux , les oiseaux 9 » les poissons , les plantes , les *> pierres se présentent successive- » ment à ses yeux. Dans les pre- 3»miers instans cet homme ne » distinguera rien , et confondra s» tout > mais laissons ses idées » s'affermir peu à peu par des » sensations réitérées des mêmes =» objers , bientôt il se formera une idée générale de la matière animée, il la distinguera aisé- w ment » ment de la matière inanimée 5 et *> peu de tems après il distinguera *> très- bien la matière animée de » la mariere végétative. » Il aura grand tort ; car c'est la même matière dans le système de mr. de Bd^on 5 la matière dont les ani- maux sont formés étant vivante et commune aux végétaux : mais je pense bien qu'un homme tout neuf n'imagineroit pas un pareil mystère, » et naturellement il » arrivera à cette première grande » division , animal , végétal et » minéral ; et comme il aura pris ^ en même tems une idée nette » de ces grands objets si ditférens , y> la terre , l'air et - Veau , il vien- dra en peu de tems à se former » une idée particulière des ani- » maux qui habitent la terre , de » ceux qui demeurent dans l'eau , et de ceux qui s'élèvent dans » l'air , x> Pair, et par conséquent il se fera x» aisément à .lui-même cette se* & conde division , animaux qua« 5> drupedes , oiseaux 3 poissons ; » (et les reptiles où les placera- 1- il ? ) » Il en est de même dans le règne » végétal des arbres et des plan- *>tes, il les distinguera très bien , 3» soit par leur grandeur , soit par » leur substance, soit par leur fi- ^>gure C'est- là ce que nous devons respecter com- ^ me une division donnée par la & nature même. Ensuite mettons- » nous à la place de cet homme, 5> ou supposons qu'il ait acquis ^> autant de connoissances et qu'il 3> ait autant d'expérience que nous ^ en avons , il viendra à juger les 3> objets de l'histoire naturelle par 3* les rapports qu'ils auront avec lui y ceux qui lui seront les plus ^nécessaires, les plus utiles tien- » dront *»dront le premier rang : par ^ exemple , il donnera la préférée* ^ ce dans Tordre des animaux au » cheval , au chien , au bœuf, etc. » et il connoîtra toujours mieux *> ceux qui lui seront les plus fa- it miliers ; ensuite il s'occupera de » ceux qui, sans être familiers, •» ne laissent pas d'habiter les me- 33 mes lieux , les mêmes climats , 3> comme les cerfs , les lièvres et » tous les animaux sauvages ; et » ce ne sera qu'après toutes ces 33 connoissances acquises que sa 2> curiosité le portera à rechercher 33 ce que peuvent être les animaux 3> des climats étrangers , comme 3> les éléphans , les dromadaires f 33 etc. 11 en sera de même pour 33 les poissons , pour les oiseaux , 33 pour les insectes , pour les co- 33 quillages, pour les plantes , pour 3>les minéraux et pour toutes les s* autres T. II, pan. II h i = 174 = » autres productions de la natu- *> re 5 il les étudiera à proportion „ de l'utilité qu'il en pourra tirer ; „ il les considérera à mesure qu'ils » se présenteront plus familiere- „ ment , et il les rangera dans 3>sa tête relativement à cet ordre » de ses connoissances , parce que a, c'est en effet l'ordre selon le- quel il les a acquises , et selon s> lequel il lui importe de les con- » server. „ Cet ordre le plus naturel de 5,tous , est celui que nous avons * cru devoir suivre. Notre mé- „ thode de distribution n'est pas „ plus mystérieuse que ce qu'on » vient de voir. Dans le vrai elle n'est pas fort mystérieuse , et elle doit conso- lée ceux qui auroient été allarmes du premier conseil que lent don- noir l'auteur de rassembler toutes les productions de la nature, de les voir , de les revoir beaucoup sans dessein et sans beaucoup d'at- tention. Us s'en tiendront à la méthode de distribution que nous venons de voir s elle est effective- ment plus naturelle : mais peut- elle conduire à généraliser les idées , à raisonner sur les analogies qui naissent de la comparaison de différens obje s ; à faire en un mot un naturaliste? Je conviens qu'il est bien ordonné que l'homme commence à entrer dans les scien- ces en s'mstruisant de la nature des objets qui l'environnent , et qui ont plus de rapport avec lui § mais s'il commence par les ani- maux les plus voisins de lai, ce seront apparemment les pu es qui tiendront le premier rang ( il faut que vous me permettiez , mr. quelque détail , la conversation le soutiré -, les lettres en doivent être une , et je n'ai dû prendre dans les miennes que le ton et la manière qui lui conviennent. ) H commen- cera donc par observer les puces , elles exigent le premier rang. Les chats pourroient disputer le se- cond aux chiens ; les rats et les souris que nous sommes intéres- sés à détruire , et qui nous ren- dent les chats nécessaires , pour- roient à juste titre disputer la prés- séance. Les araignées , objets dés- agréables dont nos maisons sont infestées , seraient sûrement con- nues avant le cheval ; et par paren- thèse, ces araignées nous fournis- sent une preuve bien complerte de la nouveauté de la méthode de dis- tribution de mr. de Buffon ; car §n se conformant à cette méthode tes Ï77 =œ que l'on dit si naturelle , les hom- mes devraient certainement s'être bien instruits de l'histoire de cet insecte qu'ils ont sous les yeux malgré eux , par préférence aux vers à soye : et cependant l'his- toire de ces derniers est fort con- nue , et il s'en faut bien que celle des araignées le soit autant* Mr. de Buffon dira à la vérité que cette distribution doit être réglée par ce degré d'utilité et de plaisir que nous procurent les ob- jets dont nous sommes environ-* nés. Or, ajoutera- 1- il , et les puces et les araignées , bien loin d'être utiles , nous sont nuisibles , et ces dernières nous font horreur. Cela est vrai > mais pat cette raison même il est avantageux de s'en dé- faire 9 de les empêcher de multi- plier 5 et peut-être l'homme regar- de-t-il i 3 de- 1- il les arts qui peuvent M épar- gner de la douleur ou du désagré- ment , comme beaucoup plus uti- les , que ceux qui servent ou à sa sensualité ou à ses besoins. D'ailleurs , il s'agit de l'utilité de Fhomme , il faut commencer par le nécessaire : la Fontaine le réduit à peu de choses. Le vivre et le couvert, que faut-il davantage? L'homme devroit donc com- mencer sa méthode de distribution par les choses comestibles : car le vivre est le premier nécessaire. II devroit donc hésiter d'abord entre les légumes , nourriture naturelle, et la chair des animaux plus ana- logue à sa propre chair. L'usage commun à toutes les nations de garder le pain, ou ce qui en peut tenir lieu , connue le nécessaire étroit s s-. 179 = étroit, le dérerminerok apparem- ment à observer d'abord les diffé- retires sortes de bled. Les diffé- rens légumes suivroient ; ensuite les animaux que l'on peut manger 5 les animaux domestiques quadru- pèdes, les volailles, le gibier et les animaux qui servent à le prendre. Après eux viendroient les plantes, les fruits et les animaux qui nous donnent des vétemens ; et comme le logement est un abri nécessaire contre les injures de l'air , les pier- res , les terres et les sables qui en- trent dans la construction des mai- sons ; le bois d'ouvrage, les ma- tières nécessaires pour conserves les charpentes , l'ardoise , la tuile dont on forme les toits, devraient être à la suite de ces premières connoissances. Cet ordre, tout asîotti qu'il est à îa nature de nos besoins les plus étroits , devroit être interrompu par diverses connoissances fort étrangères à la nature de ces ob- jets , mais préalables à leur usage. Par exemple, on ne pourra faire aucun usage agréable du bled com- mun , si on ne trouve auparavant le moyen de le réduire en farine , de séparer celle-ci du son , si Ton ne sçait pas paîrrir , ni cuire la pâte de quelque manière que ce soit , etc. C'en est assez , monsieur , pour vous faire voir d un coup d'oeil quelle confusion on met dans l'histoire de la nature, quand on veut régler l'ordre de la connois- sance des objets sur nos besoins s c'est-à-dire, lorsque de l'histoire naturelle qui ne demande que de ia théorie, en en fait une science pratique , et qu'on prend le sys- tème de la maison rustique pour celui celui de l'histoire naturelle. Dans la méthode que je vous propose, mr. et dans celle de mr. de Buffon , vous appercevez sans doute un vice commun 5 c'est que les * animaux , par exemple , qui ont beaucoup de rapport , se trou- vent séparés par tant d'objets dif- férens , qu'on ne sera pas à portée de les comparer $ en sorte qu'un homme qui suivroit l'une ou l'au- tre méthode , ne pourrait voir que confusément les ressemblances et les différences des animaux ou des plantes. Mais rien ne peut mieux faire comprendre combien l'une et l'au- tre méthode est défavorable à son objet , qu'une proposition que j'aurois à faire à mr, de Buffon. Un cabinet d'histoire naturelle com- posé î s pofé dans l'arrangement le pîuS parfait , es*- certainement la vraie ima;e de l'ord- e que les connois- sances naturelles doivent avoir dans notre mémoire. Qui! pren- ne donc la peine d'arranger le ca- binet du roi , s ebn la distribution qu'il propose. Le premier qui y entrera lui fera connokre sûre- rement par sa surprise et par son étonnement le cas qu'il doit faire lui même de sa méthode de distri- bution. Est ce là , dira-t ii , cette P. st. » méthode qui soutient l'ordre » même des choses , qui guide no- * tre raisonnement 3 qui éclaire » nos vues, les étend, et nous em- » pêche de nous égarer ? » Que ne mettiez- vous ensemble les cho- ses qui ont un rapport frappant , ensuite celles qui différent peu de ces premières ; c'est le pian que vous aviez proposé d'abord : il est raisonnable 9 = i8? =* raisonnable , pourquoi le rejettez- vous ? Cet homme anroit raison. Ans- tote a suivi cette méthode. ^ Il dé- p. *r* p crit. ..... l'homme par toutes » ses parties extérieures et inté- » rieures , et cette description est * la seule qui soit entière : au lieu » de décrira chaque animal en par- p ticuiier , il les fait connoître tous * par les rapports que toutes les » parties de leur corps ont avec » celles du corps de l'homme : lors- y> qu'il décrit , pat exemple, la tê- 33 te humaine , il compare avec » elle la tête de différentes espe- » ces d'animaux , il en est de mê- » me de toutes les autres parties i » à la description du poulmon de » l'homme il rapporte historique- => ment tout ce qu'on sçavoit des 2 poulmons des animaux , » (et Von i € 3, vol, S==s T S4 S=s l'on en sçavoit feu iJe choses »et il fait l'histoire de ceux qui * en manquent. .* Cette méthode cPAristôté nres£ certainement pas fort digne de son auteur ? mais enfin c'est une mé- thode , et elle peut réellement mettre un certain ordre dans la mémoire sur 1rs connoissances des animaux , au lieu que celle de mr.de Buffon brouille tout.  l'occasion du métr é des an- ciens pour lesquels mr. de Buffon a uneprévenûon d'autant plus sur- prenante , qu'il semble y avoir moins d'iodé? et à démêler entre nous et des sçavans de siècles sï recules , l'aureur nous fait une promesse q /il aura certainement bien de la peine à tenir. » Nous » aurons , dit-il , dans la suite de » cet ouvrage mille occasions de „ prouver que les anciens étoient » beaucoup plus avancés et plus » instruits que nous ne le som- » mes , je ne dis pas en physique , yy mais dans l'histoire naturelle des 3> animaux et des minéraux , et que «les faits de cette histoire leur yy étoient bien plus familiers qu'à „ nous qui aurions dû profiter de » leurs découvertes et de leurs re- » marques. » Le jugement que nv. de Buffott porte de ses contemporains n'est pas fort honorable pour eux. Car assurément nous avons pû appren- dre des anciens tout ce qu'ils sca- voient des animaux et des miné- raux; et comme il y a peut-être plus d'observateurs dans ce der- nier tems qu'il n'y en avoit au siècle d'Aristote , nous devons avoir avoir ajouté à leurs connoissances ; ou il fondra dire que les anciens a- voieat rout trouvé , et n'ont rien laissé à découvrir après eux. Par exemple , ne sçavoienf-ils pas b5en l'histoire des abeilles , celle de la sahrnan ire , celle des insectes qu'on trouve dans les fruit* , celle des fourmis ? N'é- toîenr-iîs pas bien au fait de la manière dont les o^eaux sont for- més dans les œufsfL/anatonve n'é- toir-eile pas parvenue chez eux à un tel point de per fection , que ceux qui veulent cultiver cette science , n'ont point de meilleur pwi à prendre que de bien méditer leurs oeuvres P Et ne pensez- vous pas, monsieur, qu'Aristore , et tous ceux qui l'ont précédé , s'ils reve- noient au monde , après avoir lu les six volumes de l'hisioire des insectes , Insectes, y avoir vû ces peintures si vraies de leurs arts er de leurs mœurs, pourraient assurer qu'ils n'y ont rien trouvé qu'on ne puisse voir dans leurs écrits et dans un dé- tail encore plus exact ? Je ne multi- plierai pas ces interrogations. Qu'oppose donc nv de Buffets à des preuves si parlantes et si dé- cisives , que je ne présente ici qu'en gros , et qui seraient encore plus fortes, si j'avois le rems d'entrer dans un plus grand détail. Ecoutez et admirez. » La langue grecque t „ est une des plus anciennes, et cel- p' „ le dont on a fait le plus long rems » usage : avant et depuis Homère *> on a écrit er parlé grec jusqu'au „ treizième et quatorzième siècle , „ et actuellement encore le grec „ corrompu par les idiomes étran- gers ne dilfere pas autant du P greG grec ancien, que l'italien diffère >s du latin. » Ne trouvez- vous pas, mr. la preuve bien choisie ? tout le grec qu'on a parlé avant et depuis Arisrote jusqu'au quatorzième siè- cle , prouve que les anciens sça- voient mieux que nous l'histoire des animaux et des minéraux. Il va développer et faire valoir ce genre 4*. de preuve, » Cette langue qu'on » doit regarder comme la plus par- » faite et la plus abondante de tou- P tes , étoit dès le tems d' Homère 3> portée à un grand point de per- ^ fection , ce qui suppose nécessai- ?a rement une ancienneté considé- rable avant le siècle même de ce » grand poète ; car Ton pourroit *> estimer l'ancienneté ou la nou- » veauté d'une langue par la quanti- té plus ou moins grande des » mots , et la variété plus ou moins * nuancée des constructions. » Je Je vous impatiente, monsieur, , vous voudriez voir tout d'un coup en quoi réside cette preuve nou- velle. Je vous avertis que tous ces préliminaires sont essentiels à la prétention de l'auteur. Mais aussi méritent-ils par cela même d'être discutés avec soin. D'abord , on sçait à peu près jusqu'où peut al- ler l'antiquité de la langue grecque, quand on s'en tient à l'histoire sainte , où sont certainement les p-emieres époques de la chronolo- gie. Ainsi nous n'avons pas be- soin d'essayer un calcul nouveau, en nombrant les mots de la lan- gue grecque et les nuances de ses constructions, pour sçavoir à quoi nous en tenir. D'ailleurs ce cal- cul ne serok pas aussi bien éta- bli que rimagineroic l'auteur. 11 y a tel peuple au fond de l'Afrique dont la langue est certainement plus plus ancienne que la Françoise 5 or en suivant ce calcul , en comptant les mots de la langue de ces Afri- quains , en examinant la variété de leurs constructions , et compa- rant le résultat avec le même cal- cul que nous ferions sur la langu e françoise, celle-ci seroit très-an- cienne , et celle des Afriqaains très- moderne ; on trouverait donc bien du mécompte , en suivant l'idée de mr. de Buffon. Quel chan- gement notre langue na-t - elle pas essuyé en peu d'années ! En ne considérant que letems écoulé depuis Philippe de Comines jus- qu'à mr. Pascal , quelle richesse d'expressions , quelle variété de constructions , quelle netteré de style notre langue n'a- 1- elle pas acquise , duranx cet intervalle as- sez court ! Qu'on compare même Joio ville à Philippe de Comines , et l'on verra ce que l'on doit ju- ger du calcul que mr. de Buffon propose pour constater l'antiqui- té des langues. Mais venons à l'usage que mr. de Buffon fait de ces réflexions préliminaires. » Or P. 4M «nous avons dans cette langue »( grecque) les noms d'une très- » grande quantité de choses , qui » n'ont aucun nom en latin ou »en françois : les animaux les » plus rares, certaines espèces » d'oiseaux, ou de poissons , ou » de minéraux qu'on ne rencon- »tre que très-difficilement, très- » rarement, ont des noms et des „ noms constans dans cette lan- » gue î preuve évidente que ces » objets de l'histoire naturelle é- «toient connus, et que les Grecs » non- seulement les connois- » soient , mais même qu'ils en „ avoient une idée précise, qu'ils » ne ^ ne pouvoient avoir acquise quê 33 par une étude de ces mêmes 33 objets , étude qui suppose né- 33 cessairement des observations » et des remarques : ils ont même 33 des noms pour les variétés , et » ce que nous ne pouvons repré- 33 senter que par une phrase, se 33 nomme dans cette langue par 33 un seul substantif. Cette abon- 3> dance de mots , cette richesse >3 d'expressions nettes et précises f 33 ne suppose* t« elle pas la même 33 abondance d'idées et de con- 33 noissances ? Ne voit - on pas 33 que des gens qui a voient nom- 33 mé beaucoup plus de choses que 33 nous , en connoissolent par con* 33 séqaent beaucoup plus ï *> Voilà la prétendue démonstra- tion : afin qu'elle fût vraie , il fau- droit qu'il fût constant que par- mi mi les animaux et les minéraux auxquels les anciens ont donné des noms , il y en a beaucoup que nous ne connoissons point; et que nous n'en avons pas trouvé quelques-uns qui leur ont échappé. Tant que ces deux points ne se- ront pas constatés , les raisonne- mens que m', de Baffon vient de faire ne sont que de vaines déclama- tions, N'auroit-il point encore à prouver que les animaux et les mi- néraux n'ont reçu des noms chez les anciens, que des sçavans ob- servateurs? Comment le prou- veroit-on > Sont- ce donc les natu- ralistes qui ont donné les noms de carpe, de brochet , de solle , de rayej aux poissons que nous dési- gnons par ces noms. Si ce point est douteux ; s'il est même très- vrai- semblable que les premiers hommes, encore grossiers et peu touchés touchés des sciences , ont donné » des noms aux poissons et aux au- I très animaux , à mesure qu'ils en j trouvaient de nouveaux et de dif- 1 férens, au seul coup d'oeil de ceux qu'ils connoissoient auparavant ; on ne concluera point avec évi- dence, de ce que les Grecs ont nommé plus de choses que nous, que non- seulement ils connois- soient tout ce qu'ils ont nommé, ornais même qu'ils en avoient 3> une idée précise , qu'ils ne pou- » voient avoir acquise que par une 2> étude des mêmes objets $ étude » qui suppose nécessairement des 3> observations et des remarques. » Les anciens , dit l'auteur , pen- » soient que la vraie science est la connoissance des faits. » Ils n'en exclaoknt certainement ni la métaphysique , ni la morale , ni ni les mathématiques. Ils croyoient au contraire que la science con- sistent précisément dans ces trois ordres de connoissances , et ils rapportoient à l'histoire et à l'é- rudition la connoissance des faits. Mais pour nous renfermer dans l'objet auquel mr. de Buffon borne la science, sçavoient-ils donc plus de faits que nous ? Ne sçavons- nous pas les leurs? Et n'en sça- vons-nous pas de nouveaux ? S'ils ont nommé plus de choses^ que nous , n'avons-nous pas pris de leur langue les noms qui nous man. quoient ? Et ne les avons-nous pas rapprochés de nos idiomes? N'a- vons-nous pas fait plus? La lan- gue grecque dont le fonds est dans les racines , donnoit aux Grecs la facilité , en réunissant plusieurs de c;s racines en un seul mot , de désigner par un seul substantif plusieurs plusieurs propriétés d'an animal , ou d'un minéral : n'a-t- on jamais pris dans ces derniers tems la li- berté de composer de plusieurs ra- cines grecques un mot pour carac- tériser quelque objet nouveau ? Pour confirmer la preuve, dont vous avez senti toute la valeur , de la supériorité des anciens sur les modernes dans le progrès de l'his- toire naturelle , mr. de Buffon ajoute:» D'ailleurs les anciens , qui » ont écrit sur l'histoire naturelle, & étolent de grands hommes , et ^ qui ne s'étoient pas bornés à 3> cette seule étude ; ils avoient » l'esprit élevé , des connoissan- 3» ces variées , approfondies et 3» des vûes générales. » On en convient > mais à quoi vient ce pompeux éloge f Prouve- 1- il que nous ignorions les acquisitions qu'ils ==i97 — qu'ils avoient faites dans l'étude de la nature , et que nos pères ni nous n'ayons point enrichi le fonds qu'ils nous ont transmis. Au reste mr. de Buffon ne don* ne pas en tout la préférence aux anciens , même dans ce qui con- cerne l'histoire naturelle s il met des bornes aux louanges qu'il leur avoir prodiguées. » Nous avons r.^ » dit que l'histoire fidelle et la des- 33 cription exacte de chaque chose y> étoient les deux seuls objets que & l'on devoit se proposer d'abord s» dans l'étude de l'histoire natu- relie. Les anciens ont bien rem- » pli le premier , et sont peut-être ^ autant au-dessus des modernes 9 & par cette première partie , que »- ceux- ci sont au-dessus d'eux par y> la seconde ? car les anciens ont » très-bien traité l'historique de la T. IL Part. III. k :» vie et des mœurs des animaux; 5> de la culture et des usages des » plantes , des propriétés et de y> l'emploi des mine'raux. » Je suis bien éloigné de vouloir rabaisser le mérite des anciens , et je serois fâché d'affoiblir la reconnoissance qui leur est due à tant de titres j cependant j'ose dire que nos bota- nistes et nos chymistes pourraient leur apprendre bien des choses qui leur paroîtroient nouvelles , et que si Aristpte revenoit parmi nous , il assisteroit avec plaisir aux leçons de physique de m*. l'Abbé Nollet * et iroit très - volontiers étudier l'histoire naturelle dans les très- riches et très -curieux cabinets de mi. de Reaumur* Voilà , monsieur , à quoi se ré- duisent les instructions que mr. de Buffon donne à ceux qui vou- droîent étudier l'histoire naturelle*- il y joint une partie de ces idées* neuves qu'il a sur les sciences abs- traites dont je vous ai rendis compte. Cette lettre partira sur 1& fin de la semaine 5 au moins on me l'a promis. Que j'ai de regret quand je pense combien il faut de tems pour vous faire parve- nir les tendres assu* rances del'atta* chement avec lequel je suis * etc* Im du second Volumfl v^ Ffc'Ffc* FtK Ft% /^5\> i*Cv rf^N, jfàâ TABLE DES LETTRES contenues dans ce IIe Volume. SUITE DE LA IIe PARTIE. Lettre VI. Idée de la construction animale , suivant Mr4 de Buffon^ page 3 TROISIEME PARTIE. Lettre VII. Idée de l'histoire natu^ relie de P homme 9 fui* vant Mr. de Buffony page 5 Lettre VIII. Idée de lamétaphysi* $^^Mr.deBuffony Lettre IX. Idée de la manière de traiter l'histoire naturel* lë^fuivant Mr. de Buf- fon, page 131 lin delà Table du IIe Volume,