SMITHSONIAN LIBRARIES Der Ÿ SMITHSONIAI SMITHSONIAI NVYINOSHLIN NVINOSHLIN: SMITHSONIAR 1 ! 1 à S SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINILILSNI NVINOSHLINS S314vug un z en > : un ta us | «0 ul n ui LS HN œ ii œ < 4/4 à < = < œ 4 < = œ E œ 9 à 2 æ Z Ari | 1 NVINOSHLINS S31Y4VY4917 LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTIOR BU ve Æ ne = à œ : œ 2 œ 9 Ly, : 7 = 2 5 LMD. À > + > res FL" > 2 F Ge F- NA Le | Gé un = + j Z 5 Z ; 1 ù INSTITUTION NVINOSHIINS S314Va4 aie n = « (2e) (22) £ “10e Eee £ = 2 VE 7% = un nm NN Ÿ 2 PE 7} O um FAN Nà N [e] / #. F2 [e] Z INK 2077 _ = He = 1_NYINOSHIINS S31#V44171 LIBRARIES SMITHSONIAN LIBRARIES, SMITHSONIAN : ui ; ë = œ = à E à Le = ‘E = NX : œŒ =) =) R SAME À = O o | Z Ç # 2 FA | S SMITHSONIAN INSTITUTION NOILNLILSNI NVINOSHLINS S31YVH@N LA :& Z O = O LS = 9 = = = Es = ns > = > : = E ‘ Ê E Eu = - m _ m un Z ï un Z un , Z il NVINOSHLINS, S31HVU 811 LIBRARIES, SMITHSONIAN £ he < A ACTE SNS NT ô = HP 4 H NS . 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CALMETTE ve DIRECTEUR DE L'INSTITUT PASTEUR DE LILLE MÉDECIN PRINCIPAL DU CORPS DE SANTÉ DES COLONIES ANCIEN DIRECTEUR DE L'INSTITUT BACTÉRIOLOGIQUE DE SAÏGON Ép. — HÆ'fructumiis PRÉ Le 4 + PARIS SOCIÉTÉ D'ÉDITIONS SCIENTIFIQUES PLACE DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE 4, RUE ANTOINE-DUBOIS, 4 1896 D gp À L' ssl ser LR LE VENIN DES SERPENTS A LA MÊME SOCIÉTÉ D’'ÉDITIONS LETULLE (D'). — Guide pratique des Sciences médicales, publié sous la direction scientifique du D LETULLE, professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, médecin des Hôpitaux. Encyclopédie de poche pour le praticien. Ouvrage in-18 de 1500 pages, cartonné à PANTIAISOR LE 2 MR entiere ur Disc ie CCE LS RIT Nous ne saurions mieux faire pour éclairer le praticien sur la valeur de notre Guide pratique que de reproduire textuellement l'article paru dans le Bulletin général de thérapeutique. Voici ce qui a été dit de notre encyclopédie de poche: C'est un véritable chef-d'œuvre que ce Guide pratique des sciences médicales qui vient de paraître, car on trouve réuni dans ce petit volume tout ce qui a trait à la medecine, à la chirurgie, à l'obstétrique. Rien n'est omis : maladies cutanées, électricité médicale, odontalgie, analyse des urines, toxicologie, tout est traité et c'est un véritable tour de force de la part des au‘'eurs, d’avoir réussi à condenser ainsi les connaissances indispensables de l'art médical. On est surpris en lisant cet ouvrage, de voir résumés en quelques lignes les symptômes. les complications, le diagnostic et le traitement de chaque maladie ; les détails les plus minutieux y ont trouvé place. La pa’tie thérapeutique est des plus soignées, et. en outre des paragraphes spéciaux corsacrés au traitement à la fin de la description de toutes les affections, il existe quatre formulaires : 1° un formulaire géneral extrêmement bien fait ; un formulaire spécial pour les maladies de la peau, renfermant les principales tormules des maîtres en dermatoogie ; 3° un fermulaire spécial pour les maladies des nouveau-nés et des enfants ; 4° un formulaire spécial d'odontologie. Ce qui caractérise essentiellement ce manuel, c’est que, conçu et exécuté par des jeunes, il est absolument pratique et tout à fait au courant des idées les plus modernes. Aussi est-il appelé, à notre avis. à un grand et légitime succès ; en effet, tout médecin voudra le posséder et sera, comme nous, charmé de trouver réunis dans le même volume tant de documents. Il nous reste, en terminant, à féliciter chaudement les auteurs et la Société d’Editions scientifiques d'avoir si heureusement mené à bien la tâche difficile qu'ils s'étaient tracée ; ils ont voulu faire œuvre utile, et ils ont grandement réussi. N.-B. — Le Guide pratique des Sciences médicales, formant un beau volume cartonné de 1.500 pages, est expédié franco contre un mandat-poste de 12 francs adressé à M. le Directeur de la Société d'Editions scientifiques, 4, rue Antoine- Dubois. MM. les médecins qui ont acheté le volume de 1891 sont priés de nous demander le supplément de 1892, dont le prix est de cinq francs. Ceux qui, au contraire, n'ont encore acheté aucun volume, ont à adresser dix-sept francs pour recevoir les deux au complet, c’est-à-dire l'année 1892 et son supplément. Ce livre remplace avantageusement tous les vade-mecum ow bibliothèques médicales qui dispersent en plusieurs volumes des connaissances parfaitement condensées en lui seul. Le supplément pour 1892, in-18 de 420 p., cart.. . . . 5 fr. Le supplément pour 1893, in-18 de 440 p., cart.. . . . 5 fr. NOTA. — Le dernier supplément, digne de ses devanciers et restant d'une façon absolue sur le terrain exclusivement pratique, contient : la Bactériologie pratique. par le Dr NICOLLE, chef au laboratoire Pasteur — le Choléra, par le Dr LESAGE, chef de clinique chargé de di- verses missions contre les épidémies par le gouvernement français, — les Accouchements, par le D DEMELI\, chef de clinique à la Maternité, — les Maladies de l'Estomac, les Maladies du Foie, par le D° NICOLLE (Charles). Adresser par conséquent 22 fr. pour recevoir tout ce qui est paru du GUIDE PRATIQUE DES SCIENCES MÉDICALES depuis sa publication première. LE VENIN DES SERPENTS PHYSIOLOGIE DE L'ENVENIMATION TRAITEMENT DES MORSURES VENIMEUSES PAR LE SÉRUM DES ANIMAUX VACCINES par le D' A. CALMETTE DIRECTEUR DE L'INSTITUT PASTEUR DE LILLE MÉDECIN PRINCIPAL DU CORPS DE SANTÉ DES COLONIES ANCIEN DIRECTEUR DE L'INSTITUT BACTÉRIOLOGIQUE DE SAÏGON PARIS SOCIÉTÉ D'ÉDITIONS SCIENTIFIQUES PLACE DE L ÉCOLE DE MÉDECINE 4, RUE ANTOINE-DUBOIS, 4 1896 A MonsIEUR LE DocTEUR E. ROUX Sous-directeur de l'Institut Pasteur Hommage de reconnaissance. TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION . Che: 2 IE : CHAPITRE I. — Répartition géographique des Scrnents veni- meux, et mortalité par suite des morsures de reptiles. CHapiTRE IL. — Organes de sécrétion et d’inoculation du venin — Toxicité comparée du venin des diverses espèces de SEDDEDIS TE Ve CaaPiTRE III, — PA siclogte de Led caimation : CaapiTREe IV. — Voies d'introduction du venin.— Doses mor- Celle SRE EE RE RER 1, Ov CuapirRE V. — Action de la chaleur et de diverses substances chimiques SUR IS VERINS CuapiTRe VI. — Nature chimique des venins. nr CHapitTRE VII — Action neutralisante des hypochlorites TT. lins et du chlorure d'or sur le venin des Serpents. . CuapirRe VIIL — Immunité des Serpents contre le venin. — Toxicité du sang des Serpents venimeux et des Anguilles. CHapirTRE IX. — Immunité naturelle de certains animaux à NGPATIIAUBVENNE EM CuapiTRe X. —- Immunité acquise des honte de Seriènts et des chasseurs de Vipères . AN OR CaariTRe XI. — Vaccination des animaux contre le venin des Serpents. — Propriétés du sérum des animaux vaccinés. CuapirRe XII.— Le sérum anti venimeux de Cheval.— Sa pré- paration, sa valeur antitoxique et CE a NE —- Son mode d'emploi... : EE APPENDICE Ï. — Le venin du Scorpion. — Aion des hypo- chlorites et du sérum antivenimeux sur ce venin, . . APPENDICE II. — Communication du 6 février 1896 à lAca- démie des Sciences Pages 11 On trouvera réunis dans ce petit livre, après quelques considérations générales sur la répartition géographique des Serpents venimeux, les principaux résultats des recher- ches que je poursuis depuis cinq ans sur le venin et sur le traitement des morsures venimeuses par le sérum des ani- maux vaccinés. Ces recherches ont été effectuées en grande partie dans le laboratoire et sous la direction de M. le Docteur E. Roux, à l’Institut Pasteur. Je dois à mon affectionné maître de les avoir rendues fécondes, et c’est sur lui, beaucoup plus que sur moi, que devra se reporter la reconnaissance des personnes aurquelles le sérum antivenimeux aura sauvé la vie. Les mémoires que j'ai publiés sur les venins se trouvent disséminés dans les Annales de l’Institut Pasteur (années 1892, 1894 et 1895), les comptes-rendus de la Société de Biologie (1894) et les comptes-rendus de l’Académie des Sciences (1894, 1895 et 1896). Une synthèse de ces divers travaux n'était réclamée par beaucoup de savants français et étrangers, que cette ques- lion des venins intéresse. J’ai cru que le moment était venu de leur donner satisfaction, puisque l’ensemble des faits accumulés depuis deux ans surtout nous a permis de firer les bases d’une méthode thérapeutique précise, dont l’appli- cation à l’homme s'impose désormais. Lille, le 6 mars 1896. Dr A. CALMETTE. CHAPITRE I Répartition géographique des Serpents veni- meux et mortalité par suite des morsures de reptiles. Il existe des Serpents venimeux dans presque toutes les régions chaudes et tempérées du globe, maïs ils sont surtout répandus dans la zone tropicale de l’ancien et du nouveau monde. Asie L'Inde et l'Australie se disputent le triste privilège d’abriter les espèces les plus redoutables pour l’homme et les animaux domestiques. D’après les statistiques officielles du gouvernement anglais, dans l’Inde seule, plus de 22,000 per- sonnes succombent chaque année aux morsures du Cobra capel ou Serpent à lunettes (Naja Tripudians), du Bungare ou de la Vipera elegans (Echidna Russelii ou Dabnia). La Birmanie et toute la péninsule Indo-chinoise sont à peine plus épargnées. Le Cobra capel y est moins abondant, mais le Bungare, l'Ophiophaqus elaps, le Trimeresurus et le Bothrops viridis s'y rencontrent communément. Dans cer- tains districts de l’Indo-Chine et du Siam, les ophiophages et les cobras font chaque année de nombreuses victimes à l’époque des inondations. 12 LE VENIN DES SERPENTS Les régions montagneuses de l'Himalaya elles-mêmes ne sont pas épargnées : la Vipère Daboïa s’y rencontre jusqu'à 1.600 mètres d'altitude. Plus au nord, dans les plaines de la Sibérie méridionale et jusque dans les steppes riveraines du Volga et du fleuve Oural, s'étend le domaine du Trigonoce- phalus halys. Certaines îles du Japon sont infestées par le Trigonocephalus Blomhofjii. Afrique L'Afrique n'est guère moins riche en ophidiens dangereux, et les accidents mortels pour l’homme ne sont pas rares dans les régions de ce continent où la population est dense. L'Egypte possède trois espèces particulièrement redou- tables : le Naja haje (aspic de Cléopâtre), la Vipère à cornes (cerastes) et l'Efa ou Vipère des pyramides (Echis carinata). Le Naja haje et la Vipère à cornes sont répandus partout, du Nil au Cap et du Zambèze au Congo. La Vipère heurtante (Vipera arietans) se rencontre commu- nément dans les vallées du Zambèze, du Congo, de l’'Ogooué, du Niger et des Rivières du Sud. Elle habite aussi le Trans- waal, où les Boers la craignent beaucoup pour eux-mêmes et pour leurs troupeaux. Son venin est utilisé par les Hottentots et les Boschimans pour empoisonner leurs flèches. Une autre Vipère très dangereuse, la Vipère rhinoceros (Vipera gabonica) reste cantonnée au Gabon, au Cameroun et sur les rives de l’Ogooué. Europe De tout l’ancien monde, c’est l'Europe qui est le plus épargnée par les reptiles venimeux. On n’y trouve que des Vipères de petite taille, la Péliade (Pelias berus), qui habite la LE VENIN DES SERPENTS 13 Scandinavie, la Hollande, la Belgique, l'Angleterre et la France. La Vipère ammodyte (Vipère à museau cornu), qu'on ren- contre dans le Dauphiné, les Alpes, la Suisse, l'Italie, l'Illyrie et la Grèce. Enfin la Vipère aspic, Vipera aspis, qui est répandue à peu près dans toute la France et l’Europe centrale. Quoique peu dangereuses, si on les compare aux Serpents des pays chauds, ces Vipères d'Europe occasionnent néan- moins un nombre assez considérable d'accidents mortels. M. Viaud Grand-Marais a relevé, pour les départements de la Vendée et de la Loire-Inférieure seuls, en France, pendant une période de six années, 32/ cas de morsures, dont 62 ont élé suivis de mort. En Auvergne, le D° Fredet, de Royat (Acad. de Médecine, 19 mars 1889), en a relaté /4 observations qui ont amené 6 morts. Pour n'être pas très fréquentes ni ordinairement très graves, les morsures des Vipères de nos régions n’en Cons- tituent donc pas moins un réel danger dans beaucoup de cas, surtout pour les enfants. Amérique L'Amérique est la patrie du fameux Serpent à sonnettes {Crotalus durissus, C. adamanteus, C. horridus), dont le domaine s’étend depuis les rives de La Plata jusqu'à 40 de latitude Nord. Ce reptile et d’autres espèces aussi terribles, telles que le Bothrops atrox, Trigonocephalus contortrix (appelé par les Américains Copperhead), font chaque année un nombre con- sidérable de victimes, surtout parmi les nègres qui travaillent aux rizières ou aux champs de canne à sucre, dans les Caro- lines, l'Illinois, l’Arkansas, le Texas, le Mexique, l’Equateur, la Colombie, le Vénézuela, les Guyanes et le Brésil. 14 LE VENIN DES SERPENTS Les forêts du Brésil et les vallées de l’Orénoque et de l’'Amazone abritent encore d’autres ophidiens particulièrement dangereux : le Jararaca (Bothrops brasiliensis) et le Sururucu (Lachesis mutus). Ce dernier, très répandu jusqu'aux Guyanes, rend les chasses et les voyages fort périlleux dans ces pays. Son venin est si actif qu’il peut tuer une vache en deux heures. Le Bothrops lanceolatus (Fer de Lance de la Martinique), n'existe guère qu'à la Martinique, à Ste-Lucie et dans la petite ile de Bequia, près de St-Vincent. A la Martinique seule, on signale encore chaque année 60 ou 80 morts, cau- sées par la piqûre de ce reptile dans les plantations de l'ile. Océanie On retrouve aux Indes néerlandaises la plupart des espè- ces les plus redoutées qui habitent l’Indo-Chine et l'Inde, sauf le Cobra capel. Le Bungare, le Bothrops viridis, le Tri- meresurus, l'Ophiophagus elaps et la Vipère Daboïa, se ren- contrent communément dans toutes les îles de la Sonde, jusqu’au détroit de Torrès. En Australie enfin, les reptiles sont relativement beaucoup plus abondants que dans toutes les autres parties du monde. Bien que la population y soit peu dense, chaque année une foule de personnes succombent aux morsures du fameux Serpent tigre (Tiger snake), Hoplecephalus curtis et variegatus, du Serpent noir (Black snake), Pseudechis porphyriacus, ou du Death adder, Acanthophis antarcticus, A. cerastina. Aussi est-ce pour ce pays et pour l'Inde anglaise que les recherches expérimentales exposées dans ce petit livre offrent le plus d'intérêt. CHAPITRE Il Organes de sécrétion et d’inoculation du venin. — Toxicité comparée du venin des diverses espèces de Serpents. Les Serpents venimeux se divisent en deux grands groupes: les Protéroglyphes, qui ressemblent aux Couleuvres, et les Solénoglyphes ou vipéridés. Le premier groupe comprend les hydrophides ou Serpents de mer, les Elaps, les Najas, les Bungares. Ils sont caracté- risés par ce fait que les os sus-maxillaires se prolongent en arrière sous la lèvre supérieure et supportent, sur le devant de la màchoire, des dents venimeuses cannelées et non perforées à leur base. En arrière de ces dents se trouve, de chaque côté, une rangée de crochets lisses, sans sillons. Les Solénoglyphes ou vipéridés ont la tête en général triangulaire, la mâchoire très courte et très mobile. Leurs dents venimeuses sont creusées d'un canal complet au lieu d'un sillon comme chez les Serpents du premier groupe. Les uns et les autres possèdent de chaque côté de la mâchoire supérieure une glande à venin enveloppée dans un réseau de muscles. Chaque glande a la forme d’une amande allongée dans le sens de la tête, entre l'œil et la branche montante du maxillaire : elle se termine en avant par un canal qui aboutit à la base de la dent canaliculée. Le venin 16 LE VENIN DES SERPENTS sécrété par la glande s’y accumule et en est expulsé vers les crochets, suivant les besoins, par la pression des muscles. Immédiatement en arrière des dents venimeuses se trou- vent, couchés dans la gencive, toute une série de six crochets d'attente, ou crochets de remplacements, destinés à supplanter ceux qui viendraient à être brisés. Les glandes sécrètent des quantités très variables de venin, et la composition de ce venin n’est pas toujours identique. Elle varie suivant l'état de jeûne plus ou moins prolongé subi par l'animal, suivant l'espèce à laquelle il appartient, suivant son âge et suivant les saisons. Le concours obligeant de beaucoup de médecins et de naturalistes français et étrangers m'a permis de me pro- curer soit des échantillons de venins à l’état sec ou en solu- tion concentrée dans la glycérine, soit des Serpents vivants provenant de toutes les parties du globe où ces reptiles sont réputés le plus dangereux. Les espèces de reptiles vivants que j'ai eues à ma disposi- tion, et dont j'ai pu étudier le venin à l'état frais, sont les suivantes : Naja tripudians (Cobra capel, variété à monocle, de l’Indo- Chine, et Serpent à lunettes, de l'Inde); Crotalus durissus, de l'Amérique du Nord (Serpent à son- nettes) ; Bothrops lanceolatus, de la Martinique (Fer de Lance) ; Naja haje, d'Egypte (Aspic de Cléopâtre) ; Cerastes, d'Egypte (Vipère à cornes). Celles dont le venin m'a été adressé à l’état sec et parfaite- ment conservé sont : Bungarus fasciatus, de l'Inde; Pseudechis porphyriacus (Black snake), d'Australie ; Hoplocephalus curtis (Tiger snake), d'Australie ; Hoplocephalusvariegatus (Broad headed snake),d’Australie. Acanthophis antarctica (Death adder), d'Australie ; Trimeresurus viridis (Serpent bananier), de l’Indo-Chine:; LE VENIN DES SERPENTS 17 Tous ces venins présentent naturellement entre eux des différences de toxicité très marquées et qu'il était intéressant de comparer. Mais, fait plus intéressant encore, j'ai pu cons- tater que la toxicité de la sécrétion venimeuse d'un même Serpent varie dans des proportions considérables, suivant l’état de jeûne plus ou moins long qu'il a subi, et peut-être suivant d’autres conditions malaisées à déterminer. J'ai conservé pendant huit mois, à l’Institut Pasteur, un Naja haje d'Egypte, qui n’a jamais voulu se nourrir, quels que fussent les aliments que je lui ai présentés (Souris, Gre- nouilles, œufs). Lors de son arrivée, je l'ai fait mordre dans un verre de montre; le venin recueilli par ce procédé et aussitôt desséché dans le vide, tuait, en quatre heures, un Lapin de 1700 grammes, à la dose de Omgr7 (poids du venin sec). Deux mois après, la sécrétion de ce mème Serpent était devenue toxique pour le Lapin à la dose de Omgr25, Lors de la mort de l'animal, au bout de huit mois, le venin extrait des glandes et évaporé dans le vide était telle- ment toxique qu'il suffisait de Omsrl pour tuer un Lapin d’en- viron 2 kilogrammes. La toxicité de la sécrétion venimeuse de ce reptile s'était donc beaucoup accrue au fur et à mesure qu'il jeünait depuis plus longtemps. Pour un même Serpent que l’on fait mordre à intervalles rapprochés, huit à quinze jours par exemple, le poids du venin excrété est assez sensiblement constant. Un Cobra de 2 mètres de longueur lance, en moyenne, à chaque morsure; 135 milligrammes de venin liquide donnant, à l’évaporation, de 30 à 45 milligrammes de résidu sec. Un Cobra qui n'a pas mordu depuis deux mois au moins peut fournir jusqu'à 220mgr de salive toxique. La quantité totale maxima du venin que j'ai trouvée contenue dans les deux glandes extirpées après la mort, s'est élevée une seule fois à 12136, ayant donné 0:'480 de résidu sec. J'ai pesé régulièrement le résidu sec de 11 morsures faites Calmette. — 2, 18 LE VENIN DES SERPENTS sur un verre de montre par deux Najus haje arrivés en même temps au laboratoire et placés dans la même cage. Ces deux Najas avaient à peu près 1°70 de longueur. Pendant toute la durée de l’expérience, qui a duré du 20 avril au 1° août 1894, aucun d'eux n’a pris de nourriture, mais ils buvaient de l’eau et se baignaient fréquemment. Voici les résultats que j'ai obtenus : EE DATE DE LA MORSURE. NAJA HAJE No 1. NAJA HAJE No 2. RTE 2 Poids Poids Poids Poids du ND du du venin venin frais.|dansle vide.| venin frais.| desséché. mer. mgr. mgr. mer. 20 avril . | 129 ol 23 avril . 151 43 14 mai. . | 124 30 Alma... | 132 37 28,Mal:3 2 LCR 91 11 Din Eee 127 ST 19 juin . 421 43 1uillet een 78 26 SMuillet Ne 48 25hnillet #0 | | 111 34 26 juillet. 79 | 21 On voit combien est variable la proportion du résidu sec, c’est-à-dire de l’albumine, des sels et de la substance toxique ; elle oscille de 20 à 35 */.. Elle est d'autant plus forte que l'animal n’a pas mordu ou qu'il jeùne depuis plus longtemps. M. Mac Garvie Smith, de Sydney, expérimentant sur les Serpents venimeux d'Australie, a dressé pour M. Roux un tableau semblable, dont les résultats sont tout-à-fait d'accord avec les miens. D’après ce physiologiste, un gros Serpent noir (Pseudechis porphyriacus), donne à chaque morsure une LE VENIN DES SERPENTS 19 quantité de venin variant de 100 à 160 milligrammes, avec 24 à 46 milligrammes de résidu sec. Un Serpent tigre (Hoplocephalus curtis), fournit de 65 à 150 milligrammes de venin, avec 17 à 55 milligr. de résidu sec. Dans toutes les expériences de M. Mac Garvie Smith, la proportion du résidu sec a varié de 9 à 38 p. 100 parties du venin liquide excrété par l'animal. Un Trigonocéphale fer de lance de la Martinique, de moyenne taille, m'a fourni par l'expression de ses deux glandes, 320 milligr. de venin liquide et 127 milligr. d'extrait sec. Deux Vipères à cornes d'Egypte m'ont donné, l’une 423 milligr., l’autre 85 milligr. de venin liquide, dont la dessiccation a laissé respectivement 27 milligr. et 19 milligr. de venin sec. Dans les mêmes conditions, un Crotale de l’Amérique du Nord, que je dois à l’obligeance de M. Rettlie, de New-York, et que j'ai conservé deux mois au laboratoire, m'a fourni 310 milligr. de venin liquide et 105 milligr. d'extrait sec. CHAPITRE TI Physiologie de l'envenimation La morsure des Serpents n’est pas très douloureuse; elle est surtout caractérisée par de l’engourdissement qui survient dans la partie mordue, se propage rapidement dans tout le corps et produit des syncopes, des défaillances. Lorsque la quantité de venin inoculée est assez considérable pour donner la mort, l'anxiété respiratoire ne tarde pas à se manifester, la bouche se contracte, devient baveuse, la langue se gonfle, les dents se resserrent, puis le malheureux blessé tombe dans le coma le plus profond et expire en quelques heures. La mortalité proportionnelle à la suite des morsures de Serpents varie naturellement beaucoup suivant l'espèce à laquelle appartiennent les reptiles. D’après les statistiques de J. Fayrer et celles de Desaint, la moyenne des morts dans l'Inde serait de 25 à 35 */, des individus mordus par les Cobras, les Daboia et les Bungares; d’après Huillet, à Pondi- chéry cette moyenne atteindrait 45 °/.. Si le venin est introduit dans une région très vasculaire, ou directement dans une veine, il tue presque fatalement. Au contraire, si le derme est à peine entamé, ou si les vête- ments ont pu exercer une action protectrice, l'absorption deviendra presque nulle. On se retrouve ici en présence des mêmes facteurs de gravité que pour les morsures faites à l'homme par des animaux atteints de rage. LE VENIN DES SERPENTS 21 L'expérience permet d'éliminer tous ces facteurs, de suivre chez un animal inoculé toute la série des phénomènes de l’envenimation et d'en graduer l'intensité. Nous avons étudié à ce point de vue toutes les espèces d'animaux qu'il est pos- . sible d'utiliser dans un laboratoire. Chez le Singe, le premier signe apparent de l'absorption du poison est une sorte de lassitude générale ; puis les paupières se ferment à demi. L'animal semble chercher un endroit favorable pour se reposer ; il se relève aussitôt, marche avec des saccades : ses membres ont de la peine à le supporter. Bientôt il est pris de nausées, de vomissements, de dyspnée; il appuie sa tête sur le sol, la redresse en cherchant à aspirer l’air, porte ses mains à sa bouche comme pour arracher un corps étranger du pharynx. Il vacille sur ses membres et se couche sur le côté, la face contre le sol. Le ptosis s’accentue et l’asphyxie complète survient bientôt. Le cœur continue à battre cinq minutes au moins après que la respiration à cessé, puis il s'arrête en diastole. La rigidité cadavérique survient très rapidement et persiste longtemps, même après le début de la putréfaction. Pendant les derniers moments de la vie, la pupille reste très impres- sionnable; l'animal conserve intacte la sensibilité à la douleur et l’ouïe. L’excitabilité électrique des muscles de la face persiste, mais celle des membres et du tronc est beaucoup diminuée. L'application de courants volta-faradiques de la nuque au diaphragme ne provoque aucun mouvement respi- ratoire lorsque l'asphyxie commence à se manifester. Les sphincters de la vessie et de l’anus se relàchent après quelques spasmes qui provoquent fréquemment, chez les mâles, l’éjaculation du sperme. L'urine et les fèces s'échappent ensuite. À l’autopsie on trouve de l’æœdème hémorrhagique au point inoculé, de l’hyperhémie et parfois des taches hémorrha- giques sur le foie, l'intestin et les reins. La vessie est géné- ralement pleine d'urine sanguinolente. Les Oiseaux présentent à peu près la même succession de 22 LE VENIN DES SERPENTS phénomènes, mais, chez eux, la période asphyxique est beaucoup plus longue, probablement à cause des réserves d'air accumulées dans leurs sacs aériens et leurs canaux osseux. Ils bâillent comme des Pigeons qu'on étouffe, reposent la pointe de leur bec sur le plancher des cages, et ont fréquemment des spasmes convulsifs du pharynx accompagnés de battements d'ailes. Les petits Oiseaux et même les Pigeons meurent très rapi- dement sous l'influence de doses infinitésimales de venin. La Poule est plus résistante. Les Grenouilles, grâce à leur respiration cutanée, succom- bent très lentement. Nous en avons vu survivre pendant trente heures à l’inoculation de la quantité de venin qui tue le Lapin, par injection sous-cutanée, en dix minutes. Le Crapaud meurt plus vite. Les Lézards et les Caméléons sont très sensibles au venin. Les Couleuvres et les Serpents non venimeux en général, ne succombent qu'avec des doses de venin très élevées relati- vement à leur poids. Ils jouissent d’une immunité partielle, mais non absolue. Seuls les Serpents venimeux sont insen- sibles à des doses énormes de leur propre venin, ainsi que Fontana, Weir Mitchell et Viaud-Grand-Marais l'avaient déjà constaté. Les Poissons ne sont pas réfractaires à l’envenimation : j'ai expérimenté en 1891, à Saïgon, l’action du venin frais de Cobra sur deux spécimens de ces Poissons de combat que les Annamites élèvent dans des aquariums pour assister à leurs luttes et engager sur elles des paris. Ils ont succombé cinq heures seulement après l’inoculation intramusculaire d’une dose mortelle en vingt minutes pour le Pigeon. Les Sangsues sont tuées par l’inoculation d’une très minime quantité de venin. LE VENIN DES SERPENTS 29 rar L'action toxique du venin se manifeste bien nettement par des phénomènes bulbaires. Le ptosis, symptôme de début, surtout apparent chez le Singe, indique l'atteinte de la subs- tance grise du plancher du quatrième ventricule et des noyaux d'origine des nerfs moteurs oculaires communs. La paralysie bulbaire progresse ensuite rapidement, et lors- qu'elle a frappé les noyaux d'origine des nerfs pneumogas- triques, l'animal meurt en état d’asphyxie. Le venin porté directement à l’aide d’une pipette capillaire dans le tissu musculaire ou dans les cavités du cœur ne modifie pas la régularité des contractions de cet organe, jusqu’à ce que l’intoxication bulbo-médullaire ait eu le temps de se produire. Mélangé au sang, il n’altère ni la forme ni la couleur des globules jusqu'après la mort de l'animal. Je n’ai pas vu dans les hématies ces petits corps ovoïdes, brillants, qu'a signalés Lacerda. J'ai examiné des préparations de sang frais de beaucoup d'animaux avant et pendant l’envenimation, sans pouvoir saisir, sous le microscope, le moindre changement dans les hématies : j'ai remarqué seulement qu'elles se gon- flaient un peu et que l’hémoglobine se dissolvait rapidement. Après l'arrêt du cœur la coagulation survient très vite; tout le sang contenu dans les cavités se prend en une masse homogène offrant l'aspect de la gelée de cassis. La rapidité d'absorption du venin chez les petits animaux inoculés est incroyable. Si on introduit sous la peau, au dernier tiers de la queue d’un Rat, une dose mortelle de venin et que, une minute après, on pratique l’amputation de cet organe au tiers supérieur, la marche de l’envenimation suit son cours; la mort est à peine retardée. Le venin est donc très rapidement diffusible. C'est ce qui explique l'ineflicacité presque absolue des traitements locaux les plus énergiques des morsures des Serpents. Ni les larges 24 LE VENIN DES SERPENTS incisions, ni la cautérisation au fer rouge, ni les injections de permanganate de potasse, ni la ligature des membres mordus ne suffisent à enrayer l’absorption du poison; tout au plus ces moyens la retardent-ils un peu. C’est déjà un résultat utile, il est vrai, car il peut permettre d'intervenir, dans certains cas, à temps pour détruire le venin qui n’est pas encore entré dans la circulation générale. CHAPITRE IV Voies d’introduction du venin. Doses mortelles Les différentes voies par lesquelles le venin peut ètre introduit dans l’organisme des animaux ne sont pas toutes également propices à son absorption. La plus dangereuse est l’intraveineuse. On peut tuer un Lapin instantanément en lui introduisant dans la veine marginale de l'oreille un dixième de milligramme de venin de Cobra. L'inoculation sous-cutanée ne produit jamais la mort foudroyante : même chez les petits Oiseaux, qui sont extré- mement sensibles au poison, les phénomènes d'intoxication ne se manifestent qu’au bout d’un temps variable de quelques minutes à plusieurs heures suivant la dose injectée. Voici quelle a été, pour le Lapin et pour le Cobaye, la toxicité comparée des divers échantillons de venin desséché dans le vide que j'ai pu expérimenter. EL 8 Dose mortelle en 3-4|Dose mortelle en 2-3 ‘2 |heures pour le Lapin|heures pour le Cobaye = pesant environ 2 kg.|pesant envir. 500 gr. Naja tripudians. 1 0.5 mgr. 0.05 mgr. » 2 0.6 » 3 0.2 Naja haje. n 0.7 0.07 » 5 0.3 » 6 0.6 Cerastes ï 1.5 0.1 » 8 2 CROIS IQUrISSUS EC LIN) 3.5 0.3 Bothrops lanceolatus . . . . |10 2.5 | 0.2 Hoplocephalus variegatus . . |11 DER | Acanthophis antarctica . . . 1? 1 0.08 26 LE VENIN DES SERPENTS On voit, par les chiffres de ce tableau, que la sensibilité respective du Lapin et du Cobaye à l'égard d’un même venin n'est nullement proportionnelle au poids de ces animaux. Pour tuer 500 grammes de Lapin, il faut à peu près deux fois plus de venin que pour tuer 500 grammes de Cobaye. On peut faire la même observation si l'on expérimente sur des Chiens. Il faut 6 milligr. de venin du Naja n° {1 pour tuer un Chien de 7 kilogr. en 12 heures, alors que la même quantité de venin donne la mort en 3 heures à 12 kilogr. de Lapin. Les séreuses absorbent lentement le venin : l’inoculation intrapéritonéale produit beaucoup plus tardivement l’enveni- mation à quantité égale de substance toxique. Sur les muqueuses, le venin de tous les Serpents amène une inflammation très intense, comparable à celle que provoque le jequirity. J'ai produit chez des Lapins des ophtalmies puru- lentes très graves en déposant sur la conjonctive une goutte d'une solution concentrée de venin de Cobra. Ces ophtalmies guérissent spontanément au bout de quelques jours. Lorsque le venin a été chauflé à S0 degrés pendant au moins dix minutes, ses propriétés phlogogènes disparaissent, sans que son pouvoir toxique soit diminué. Il n’est plus capable alors de provoquer d'ophtalmies, mais si on l’inocule sous la peau, il tue à la même dose minima qu'avant le chauffage. L'ingestion n’est pas mortelle pour les Herbivores ni pour les Singes. Elle l’est quelquefois, mais non cons- tamment, pour les Pigeons et les Poules, probablement parce que ces animaux avalent de nombreuses petites pierres dont les angles provoquent fréquemment des érosions de la muqueuse. La succion d’une morsure venimeuse peut donc n’occasionner aucun dommage si elle est pratiquée par une personne dont la muqueuse bucco-pharyngienne est abso- lument saine, mais s’il existe une lésion elle peut entraîner de graves dangers. CHAPITRE V Action de la chaleur et de diverses substances chimiques sur les venins Le venin fraîchement extrait des glandes du Serpent est parfaitement neutre au papier de tournesoi. Il se dissout facilement dans l'eau et la glycérine. L'alcool, l’éther, l’'ammoniaque, le tannin, l’iode, le préci- pitent, mais le précipité formé se redissout dans l'eau. Ses réactions chimiques sont identiques à celles des échidnines étudiées par Weir Mitchell; il est donc superflu d'en répéter la description. J'ai étudié séparément sur chaque espèce de venin l’action de la chaleur et de diverses substances chimiques. Il n'existe pas entre eux de différences capitales : tous sont détruits ou modifiés par les mêmes réactifs, et tous perdent leur toxicité par le chauffage plus ou moins prolongé aux environs de 100 degrés. Le venin de Cobra capel en solution au millième, perd sa virulence exactement à partir de 98 degrés au bain-marie, après vingt minutes. Le venin d'Hoplocephalus est un peu plus résistant; si on le chauffe, même pendant dix minutes, entre 100 et 102 degrés, il est encore toxique et ne devient inoffensif que lorsque cette température est maintenue pendant quinze minutes au moins. Celui de Pseudechis est détruit entre 99 et 100 degrés, celui de Vipère, entre 95 et 97 degrés. 28 LE VENIN DES SERPENTS La dose de ces venins chauffés, injectée aux animaux, était toujours de 1 milligr. pour ceux de Cobra et d'Hoplocephalus, de 4 milligr. pour celui de Pseudechis et de 10 milligr. pour celui de Vipère. Ces écarts, assez faibles pour des venins en solutions concentrées, deviennent plus considérables si l’on opère le chauffage sur des solutions très diluées. Ainsi, 1 milligr. de venin de Cobra dilué au 1/10.000 et chauffé au bain-marie, en tube scellé, à 90 degrés pendant dix minutes, devient inoffensif pour le Lapin. En dilution à 1/1000, la même dose qui a subi l’action de la chaleur pendant le même temps tue seulement avec un léger retard, mais elle ne produit, au point d’inoculation, ni l'æœdème ni les hémorrhagies capillaires que l’on observe toujours à la suite des injections de venin non chauffé. Le venin de Vipère du Jura, chauffé 15 minutes à 80 degrés, comme l’ont montré MM. Phisalix et Bertrand, ne développe également plus d’œdème, quel que soit son degré de dilution, et pour tuer le Lapin il faut en injecter au moins 6 milligr. en dilution au cinq-millième, ou { milligr. au Cobaye. Le chauffage fait donc perdre aux venins leurs propriétés phlogogènes et une partie de leur pouvoir toxique; mais, pour des doses très peu supérieures à la dose mortelle, ce pouvoir toxique subsiste et il n’est entièrement détruit qu'à des températures voisines de l’ébullition. MM. Phisalix et Bertrand ont attribué au chauffage entre 75 et 80 degrés le pouvoir de modifier le venin de Vipère au point de le transformer en échidno-vaccin. Ces expérimen- tateurs ont observé que les Cobayes pouvaient supporter sans périr 4/10 de milligr. de venin de Vipère chauflé à 75 degrés pendant 15 minutes, tandis que cette dose de 4/10 de milligr. de venin non chauffé est mortelle en 6 heures environ pour les animaux témoins. Au bout de 8 à 10 jours, les animaux qui avaient reçu 4/10 de milligr. de venin chauflé pouvaient LE VENIN DES SERPENTS 29 recevoir impunément jusqu'à 8/10 de milligr. de venin normal. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d'expliquer ce com- mencement de vaccination des Cobayes par la transformation du venin en échidno-vaccin sous l'influence du chauffage. Il est certain que le chauffage a modifié le venin; il lui a fait perdre ses propriétés phlogogènes, comme je l'avais moi- même montré en 1892 à propos de l’action du venin de Cobra sur la conjonctive oculaire (1); il a aussi diminué sa toxicité, de sorte que la dose minima mortelle, 4/10 de milligr. pour le venin de Vipère, ne tue plus le Cobaye. Mais il est facile de constater qu'une dose de 1 milligr. de ce mème venin, chauffé quinze minutes à 75 ou même à 80”, est mortelle, comme 4/10 de milligr. de venin non chauffé, sauf que les symptômes locaux ne se manifestent plus. Il ne s’est donc produit sous l'influence du chauffage qu’une atténuation de la toxicité, tout juste suffisante pour rendre inoffensive la dose minima mortelle. Les mêmes effets de vaccination contre la dose de 8/10 de milligr. de venin normal peuvent être obtenus de la manière suivante : On inocule un Cobaye de 4 à 500 grammes avec une dose de 3/10 de milligr. de venin de Vipère normal, après s'être assuré que cette dose ne tue pas, tandis que 4/10 de milligr. tuent en 6 heures environ. L'animal est légèrement malade pendant 24 heures; il diminue de poids pendant deux ou trois jours, il a une hypothermie de 1° environ pendant quelques heures, puis il se rétablit et reprend son poids primitif. A ce moment, on peut lui injecter 8/10 de milligr. de venin normal sans provoquer autre chose qu'un malaise passager. L'inoculation du venin normal à dose non mortelle vaccine donc comme si l’on avait injecté 4/10 de milligr. de venin chauffé. Dans les deux cas, le mécanisme de l’immunité (1) Calmette, Annales de l'Institut Pasteur, mars 1892. 30 LE VENIN DES SERPENTS s'explique par un commencement d'accoutumance. Nous reviendrons un peu plus loin sur ces faits (1). L'acide phénique à 50 p. 1.000, le bichlorure de mercure à 1/1000 en solution acide, le sulfate de cuivre, l’eau naphtolée, le nitrate d'argent à 1 °/, ne détruisent pas la virulence du venin et ne retardent pas l’apparition des symptômes d’enve- nimation lorsque ces antiseptiques sont mélangés au venin avant l’injection. Il en est de même du chlorure de sodium, du carbonate et du sulfate de soude, de l'iodure de potassium, de l’iode (solution de Gram), du trichlorure d’iode à 1/1000, de l'alcool, du chloroforme, de l’éther et du chlorure d'éthyle. L'ammoniaque mélangée à la dose de ! gramme pour 1 millig. de venin de Cobra, ne modifie pas le venin. Les essences de santal, de romarin, de girofle, de citron, n’exercent également sur lui aucune action favorable. Beaucoup de ces corps, particulièrement l’iode, l'ammo- niaque, les essences, l’éther, l'alcool, le chloroforme, le sulfate de cuivre, le nitrate d'argent et le bichlorure de mercure, forment avec le venin des précipités, mais ceux-ci sont solubles dans l’eau ou dans un excès de réactifs, et aussi toxiques que le venin pur. Le chlorure de sodium et le sulfate de magnésie à saturation sont dans ce cas. La soude et la potasse en solution à 1/10 diminuent beaucoup la virulence des venins. Lorsque le contact est prolongé pendant cinq ou dix minutes, elles les détruisent même tout-à-fait, mais elles n’ont plus aucune action si l’on fait agir ces alcalis en solutions plus étendues, ou si on les mélange à du venin préalablement dilué. (1) Dans un article publié tout récemment par la Revue générale des Sciences, M. Phisalix annonce que le venin des Vipères du Puy-de- Dôme ne peut pas être transformé par le chauffage en échidno-vaccin. Cette propriété n’a été constatée par lui que pour le venin des Vipères du Jura. /Rev. gén. des Sciences, 29 fév. 1896). LE VENIN DES SERPENTS 31 Avec la potasse caustique et une trace de sulfate de cuivre, le venin produit la réaction caractéristique du biuret. Injectée dans les tissus autour du point d’inoculation, une solution de soude à 1/100 n'empêche pas l'intoxication et produit des douleurs extrèmement vives et des escharres. L'eau oxygénée, l'acide phosphorique, l’acide sulfhydrique et l’acide chlorhydrique sont inactifs èn vitro. Il en est de même du carbonate de soude et du carbonate d'ammoniaque en solution à 1/10, lorsqu'on mélange jusqu’à 100 parties de ces sels avec une partie de venin. Le phosphate et le sulfate d'ammoniaque forment un précipité albumineux blanc qui est toxique. Le persulfate d’ammoniaque ne forme pas de précipité, et le mélange de une partie de venin avec 20 parties de ce sel ne tue plus. Mais les injections de persulfate d'ammoniaque dans les tissus sont impuissantes à empêcher labsorption du venin inoculé. Le permanganate de potasse qui, après les travaux de Lacerda, fut regardé pendant quelque temps comme le meilleur antidote du venin d'Ophidiens, forme avec ce venin un coagulum albumineux, noir, insoluble dans l’eau ; avec le même venin chauffé à 80 degrés et dépouillé de son albumine par filtration, le précipité prend un aspect poussiéreux, brunâtre. Je l'ai expérimenté sur des Pigeons, des Poules, des Lapins, des Cobayes et des Rats, en faisant usage d'une solution au centième stérilisée. Les animaux auxquels j'ai injecté une partie de venin mélangée préalablement avec dix parties de la solution de permanganate au centième ont tous résisté, alors que les témoins inoculés avec les mêmes doses de venin pur sont tous morts. Si l’on pratique à un animal un peu résistant, comme le Lapin, une injection intra-musculaire de venin à dose mortelle, et, aussitôt après, une injection de permanganate o2 LE VENIN DES SERPENTS de potasse dans le trajet même de la première inoculation, l'animal ne succombe presque jamais. Cependant si l'on tarde, ne fût-ce qu'un très court instant, à injecter le permanga- nate au point même où le venin à été introduit, l’enveni- mation suit son cours normal. Vulpian avait démontré que le permanganate se décompose immédiatement au contact des tissus et qu'il ne peut agir sur le venin que par mélange, mais non à distance, comme le pensait Lacerda. Les expé- riences que j'ai faites me conduisent à la même conclusion. L'eau bromée mélangée au venin détruit son pouvoir toxique; injectée dans les tissus, même dix minutes après l’inoculation, elle est encore efficace; au-delà elle ne l’est plus. On peut injecter l’eau bromée diluée au 1/3 sans produire d'abcès ni d'’escharres, mais ces injections sont très douloureuses. L'hypobromite de soude n’a aucune action modificatrice. L'eau chlorée offre les mêmes propriétés et les mêmes incon- vénients que l’eau bromée. Le chlorure de chaux et les hypochlorites alcalins forment avec tous les venins un précipité insoluble et complètement inoffensif. Il en est de même du chlorure d'or. Le chlorure de platine donne également un précipité, mais ce dernier est soluble dans l’eau et il n’altère que lentement la toxicité du venin. Avec l'acide picrique il se forme un précipité que le chauffage fait disparaître, mais qui réapparaît après le refroidissement. L'acide chromique en solution à 4 p. °/, préconisé par Kaufmann en 1889 contre le venin de Vipère, détruit également bien tous les venins par mélange, en donnant un précipité insoluble ; mais il présente au contact des tissus les mêmes inconvénients de décomposition rapide que le permanganate de potasse et, en outre, il produit fréquemment des escharres à cause de sa causticité très grande. CHAPITRE VI Nature chimique des venins Ces diverses réactions chimiques peuvent-elles nous éclairer sur la nature des principes toxiques du venin ? On a longtemps discuté et l’on discute encore la question de savoir si ces principes toxiques sont des albumines et à quelles sortes d’albumines ils appartiennent. Le professeur A. Gautier les avait d'abord considérés comme des ptomaïnes, mais cette conception ne tarda pas à être abandonnée par leur auteur dès qu’il eût constaté que, physiologiquement, ces ptomaïnes, isolées par lui du venin de Cobra capel, n'avaient aucun rapport avec l’envenimation. Weir Mitchell et Reichert admettent que le venin renferme trois corps protéiques distincts, dont deux solubles et un insoluble dans l’eau distillée. Le premier de ces protéides serait une peptone /peptic- venom./, dont l’action, très lente, ne donne lieu qu’à des effets locaux, œdème et ulcération. Le second ressemble aux para-globulines/globulin-venom ; sa virulence est très considérable et il donne lieu à une énorme infiltration de sang dans les tissus environnant le lieu de l’injection. Le troisième est l’albumen-venom; sa toxicité est très douteuse. Le professeur Halford, de Melbourne, et de Lacerda, de Rio, avaient cru constater que le venin était capable de digérer la Calmette, — 3, 34 LE VENIN DES SERPENTS fibrine et l’albumine cuite. Tous les expérimentateurs qui ont voulu vérifier ce fait l’ont reconnu erroné. C. J. Martin et Mac Garvie Smith, de Sydney, ont étudié la composition du venin de Pseudechis porphyriacus d'Australie. Ils trouvent que ce venin renferme une protéide coagulable par la chaleur (albumine ou globuline) et une ou plusieurs protéides non coagulables, qui peuvent être soit des albumi- nates acides, soit des albumoses ou des peptones. J'ai constaté, de mon côté, que toutes les albumines qu'on peut séparer du venin par chauffage discontinu à des tempé- ratures variant entre 70 et 95 degrés, ne possèdent aucun pouvoir toxique. Si on dialyse pendant vingt-quatre heures, dans un courant d’eau stérile, le venin ainsi débarrassé de toute l’albumine qu'il contenait, on en sépare les sels, et on obtient, dans le dialyseur, une substance qui, desséchée rapidement au moyen du vide, présente l’aspect d’une poudre brune, amorphe. Cette substance est quarante fois plus toxique que le venin desséché normal. Elle tue d’ailleurs en reproduisant toute la série des phénomènes classiques de l’envenimation. Elle est soluble dans l’eau et dans l'alcool à vingt degrés, précipitée par l’alcoo! fort, ainsi que par les hypochlorites alcalins, le chlorure d’or, l’eau bromée, le permanganate de potasse, l’acide chromique, la soude et la potasse en solutions concentrées, le sulfate de magnésie à saturation. Les précipités de cette substance avec l'alcool, les alcalis et le sulfate de magnésie peuvent se redissoudre dans l’eau et récupérer leurs propriétés toxiques. Au contraire les préci- pités formés avec le chlorure d’or, les hypochlorites, le permanganate, l’eau bromée et l'acide chromique, ne se redissolvent pas et restent physiologiquement inactifs. Dans un précipité de venin ainsi désalbuminé, puis dialysé et traité par le chlorure d’or, j'ai fait passer un courant d'hydrogène sulfuré pour précipiter tout l'or à l’état de sulfure ; j'ai filtré, neutralisé avec une petite quantité de LE VENIN DES SERPENTS 3) solution de soude faible, puis évaporé dans le vide. Le résidu que j'ai ainsi obtenu, repris par l’eau, n’était pas soluble et restait dépourvu de tout pouvoir toxique. Que conclure de ces faits? — Ils ne nous renseignent évidemment pas sur la nature exacte des venins, mais ils nous indiquent suffisamment quelles affinités étroites présen- tent ces corps avec les diastases et les toxines microbiennes ou végétales, c'est-à-dire avec les enzymes. CHAPITRE VII Action neutralisante des hypochlorites alea- lins et du chlorure d’or sur le venin des Serpents. De toutes les substances chimiques dont j'ai expérimenté l’action, les hypochlorites alcalins et le chlorure d'or sont les seules dont l'efficacité soit certaine et dont l'emploi en injec- tions hypodermiques ne présente aucun danger (1). Il suffit de trois gouttes d’une solution à 1/60 de chlorure de chaux sec ou d’hypochlorite de soude pour détruire im- médiatement, in vitro, l’activité de 1 milligramme de venin de Cobra ou de 10 milligrammes de venin de Vipère dissous dans { cc. d'eau. On peut injecter de grandes quantités de ces hypochlo- rites dilués dans les tissus, dans les séreuses et même dans les veines sans provoquer aucun accident. Ils sont encore très efficaces lorsqu'on les injecte au bout d’un temps relati- vement long après l’inoculation venimeuse, et à une grande distance du point inoculé. Les hypochlorites de soude ou de potasse, toujours forte- ment alcalins, ont l'inconvénient d’occasionner d'assez vives douleurs et de produire des escharres, Surtout si on emploie (1) Calmette. Annales de l’Institut Pasteur, mai 1874. LE VENIN DES SERPENTS 317l des solutions ordinaires du commerce dont la teneur en chlore varie de 11 à 15 litres par 1.000 cent. cubes. Le chlorure de chaux sec, purifié, est d'un emploi plus commode ; grâce à sa faible alcalinité il n'irrite pas les tissus et ne provoque aucune souffrance chez les animaux. Je me suis servi, dans la plupart de mes expériences, de solutions de chlorure de chaux à 1/12, titrant 41.232 de chlore par 1.000 ec., et que je diluais, au moment de l'usage, dans 3 ou 5 parties d’eau; je ramenais ainsi la dilution à injecter au titre de 11. 410 ou 0 1. 846 de chlore par 1.000 cc. On peut, dans ces conditions, en injecter 10 à 30 cc. aux Lapins, sous la peau ou dans le péritoine, sans avoir à redouter aucun accident. L'injection intraveineuse de cette même quantité d'hypo- chlorite est également bien supportée, mais elle ne réussit presque jamais à empêcher l’envenimation, tandis que l'in- jection sous-cutanée se montre toujours très efficace. Chez les animaux inoculés avec une dose de venin mortelle en moins de deux heures, on peut sûrement empêcher la mort en injectant la solution d'hypochlorite de chaux dans les vingt premières minutes après l’inoculation venimeuse. L'injection doit être faite, bien entendu, en piqüres dissé- minées autour du lieu d’'inoculation, et en divers points du corps de l'animal. Au-delà de vingt minutes et jusqu'à une demi-heure, l'intervention est encore très souvent suivie de guérison. Passé ce délai elle est presque toujours inutile. Cette action suspensive de l’hypochlorite de chaux sur les phénomènes de l’'envenimation est due à ce fait que l'hypochlorite détruit d’abord tout le venin non encore absorbé qui reste au niveau de l’inoculation ; ensuite, grâce à sa diffusion rapide à travers les tissus et à sa décomposition lente, il agit à distance sur une partie du poison qui est déjà entré dans la circulation. MM. Roux et Vaillard ont observé les mêmes effets favo- rables des hypochlorites alcalins à l'égard de la toxine 38 LE VENIN DES SERPENTS tétanique, non seulement in vitro, mais même dans l’orga- nisme des animaux inoculés avec des doses mortelles de cette toxine, et qui ont guéri à la suite d’injections répétées d’hypochlorites de soude ou de chaux. Le chlorure d’or en solution à 1/100, que mes expériences de 1891, faites au laboratoire bactériologique de Saïgon, m'avaient conduit à recommander pour le traitement des personnes mordues, agit in vitro avec autant d'énergie que les hypochlorites, mais son action s’épuise beaucoup plus ; vite dans les tissus, et il ne permet d'arrêter l’envenimation que si on l’injecte peu d’instants après l’inoculation du venin. Depuis trois ans, le traitement des morsures de Serpents venimeux chez l’homme au moyen des injections intersti- tielles de chlorure de chaux ou de chlorure d’or a été employé avec un plein succès par beaucoup de médecins. Dans l’Inde on l’applique à peu près partout, et en Australie, depuis les travaux confirmatifs des miens qu'à publiés le docteur Haliord, professeur à l’Université de Melbourne, on la adopté, concurremment aux injections de strychnine que le docteur Mueller, de Victoria, avait préconisées en 1889. La méthode de Mueller repose sur ce fait queles personnes intoxiquées par le venin des Serpents peuvent tolérer des doses considérables de strychnine et que les effets physiolo- giques de cette substance sont opposés à ceux produits par lenvenimation. Il paraît indiscutable que, dans beaucoup de cas, la strychnine à doses faibles agit favorablement chez les personnes mordues par des reptiles; c’est un puissant tonique du système nerveux. Mais elle n’a aucune propriété réellement antidotique à l’égard du venin, et, chez les animaux, elle n’exerce aucune action favorable. Voici comment M. le docteur Mueller dirige le traitement des personnes mordues ; il injecte { centigr. de strychnine et répète la dose si la pàâleur et la faiblesse du pouls persis- LE VENIN DES SERPENTS 39 tent ; puis il donne de l'alcool en grande quantité. On ne doit pas permettre au malade de s'endormir la nuit suivante, et au moindre signe de faiblesse musculaire on lui fait prendre par la bouche une petite quantité de solution de strychnine, puis on renouvelle les injections jusqu'à ce qu'il y ait des symptômes de frémissement musculaire indiquant que la limite de toxicité est atteinte. Les Chinois, depuis des siècles, se servaient de ce même remède, dont ils avaient remarqué l’action bienfaisante, non seulement contre les morsures de Serpents, mais aussi contre la rage : ils administraient aux mordus des pilules de hoang- nan (écorce du strychnos gantheriana). Dans l'Amérique du Sud les indigènes emploient pour combattre la morsure des Bothrops les noix du cedron qui contiennent un alcaloïde (cédrine) dont les effets ressemblent à ceux de la strychnine. MM. Dujardin-Beaumetz et le docteur Restrepo (Acad. de méd. 1881, p. 953) ont essayé l'action alexipharmaque de ces substances et ont reconnu qu'elles ne produisaient aucun résultat utile. Tous les venins que j'ai expérimentés sont rendus inoften- sifs par le mélange avec une très faible proportion d'hypo- chlorite de chaux ou de chlorure d’or. Le traitement local des morsures de Serpents venimeux par les lavages et les injections hypodermiques d'hypochlorite de chaux à 1/60 (titrant environ 0 1. 850 à 0 1. 900 de chlore par 1.000 c. ce.) est parfaitement efficace, quelle que soit l’origine du venin. Il s'ensuit que, dans tous les cas, en présence d'une morsure de Serpent dont on n’a pu reconnaître l’espèce, la première précaution à prendre est de laver la plaie avec une solution d'hypochlorite à 1 p. 60, aussi récente que possible ; de faire une ligature sur le membre mordu pour arrêter, pendant quelques instants, la circulation en retour, et de pra- tiquer, tout autour de la morsure, huit à dix injections dissé- minées d'hypochlorite, de 1 chacune.On peut, aussitôt après, enlever la ligature et frictionner légèrement la région lésée. CHAPITRE VIII Immunité des Serpents contre le venin. Toxicité du sang des Serpents venimeux et des Anguilles. Plusieurs physiologistes, parmi lesquels il convient de citer Fontana, R. Blanchard, Phisalix et Bertrand, S. Jour- dain, ont signalé la présence de glandes venimeuses chez la Couleuvre ou chez d'autres Ophidiens non venimeux, et ont expliqué par l'existence d’une sécrétion interne du venin, l’immunité dont jouissent ces animaux à l’égard de ce poison. On sait également, d’après les travaux des mêmes expé- rimentateurs, que le sang de la Vipère, celui de la Sala- mandre et du Crapaud sont toxiques. J'ai reconnu, de mon côté (Soc. de biologie, 13 janvier 1894), que le sang du Cobra capel possède les mêmes propriétés. Depuis, j'ai pu m'assurer qu’il en est ainsi pour toutes les espèces d'Ophidiens venimeux que j'ai eu l’occasion d'étudier au laboratoire; mais, fait très important et qui n’a pas été signalé, j'ai constaté que le pouvoir toxique du sang d’Ophi- dien est sensiblement le même quelle que soit l'espèce du Serpent qui l’a fourni, tandis que nous savons que les venins présentent, au contraire, entre eux, de grandes différences de toxicité. Le sang de Naja tripudians, celui de Naja haje et celui de Vipère à cornes (Ceraste) tuent le Cobaye à la même dose LE VENIN DES SERPENTS A1 que celui de la Vipère de France (1/2 ce. par voie intrapéri- tonéale). Il en est de même du sang de Crotale. Par voie sous-cutanée, la dose minima mortelle pour les trois premiers est de 2 cc. Le sang de Vipère et celui de Crotale sont un peu moins toxiques : on ne tue sûrement le Cobaye qu'avec 3 cc. injectés sous la peau. J'ai étudié, par comparaison, le sérum d’'Anguille, dont Mosso, de Turin, avait déjà démontré la toxicité, et j'ai trouvé qu'il en fallait 3 cc. pour tuer un Cobaye, et 0 ce. 25 pour tuer une Souris (par injection sous-cutanée). Ou suppose généralement aujourd'hui que le sang des Ophidiens venimeux ou non venimeux, comme celui de la Salamandre et du Crapaud, est toxique parce qu'il contient une certaine quantité de venin en dilution dans la masse du liquide. J'ai pensé que, si cette hypothèse était exacte, il serait facile de la vérifier en profitant de ce fait que le venin n'est pas modifié par le chauffage à 68. En chauffant du sang d’'Ophidien pendant dix minutes à cette température, le venin contenu dans ce sang ne devait pas être altéré, et en l’ino- culant dans le péritoine d’un Cobaye, on obtiendrait les mêmes effets d'intoxication que s’il s'agissait de sang non chauffé. J'ai exécuté cette expérience avec le sang de quatre espèces de Serpents : Naja tripudians, Naja haje, Crotale et Céraste, et j'ai injecté chaque fois le sang chauffé dans le péritoine de deux Cobayes et de deux Souris. Tous mes ani- maux ont survécu, alors que ceux qui recevaient le sang non chauffé, aux mêmes doses, sont tous morts. La même expérience, répétée avec du sang d’Anguille, m'a donné un résultat identique. J'en conclus que le pouvoir toxique du sang des ophi- diens venimeux et des anguilles n’est pas dû à la présence du venin en nature dans ce liquide, mais qu'il faut l’attribuer à d’autres principes diastasiques cellulaires à déterminer. 42 LE VENIN DES SERPENTS Peut-être ces principes diastasiques sont-ils eux-mêmes des éléments constituants du venin, car, en l’absence de tout chauffage, on constate que le sang de Serpent et celui d’An- guille, mélangés par parties égales avec du sérum antive- nimeux, ne tue pas. Le sang des Serpents ne produit pas, chez les animaux auxquels on l'inocule, des effets semblables à ceux du venin. Il ne tue jamais dans un délai très court. Mème les Souris, avec de fortes doses de sang, succombent rarement en moins de deux ou trois heures, et les Cobayes en moins de six heures. Lorsqu'on inocule les animaux dans le péritoine, on constate toujours une inflammation énorme des intestins et de la paroi au niveau du point inoculé. L'injection sous- cutanée produit des effets moins intenses, mais elle s'accom- pagne d'un œdème considérable. J'ai pu constater, d'autre part, que les animaux qui ont subi une premiére inoculation de sang de Serpent à dose non mortelle peuvent ensuite supporter une injection de venin équivalente au double de la dose mortelle; ils sont donc partiellement vaccinés. Au contraire les Cobayes vaccinés contre le venin périssent si on leur injecte dans le péritoine ou sous la peau la même quantité de sang de Serpent qui tue les témoins non vaccinés. Tous ces faits montrent bien que, comme je le disais tout-à-l'heure, le sang des Ophidiens venimeux ou non venimeux et celui des Anguilles renferment un principe diastasique particulier, différant du venin par ses effets physiologiques et par sa manière de se comporter vis-à-vis de la chaleur, mais dont les éléments entrent sans doute en jeu pour constituer cette sécrétion spéciale. CHAPITRE IX Immunité naturelle de certains animaux à l’égard du venin On a signalé depuis longtemps ce fait que certains animaux à sang chaud, le Mangouste, le Pore et le Hérisson, par exemple, présentent une immunité naturelle à l'égard des morsures de Serpents. Le Porc dévore très volontiers les Vipères et on le dresse même, dans quelques pays, à détruire ces reptiles. Pendant mon séjour en Indo-Chine, j'ai inoculé à un jeune Pore une dose de venin de Cobra capable de tuer un Chien de forte taille : l'animal a résisté; mais je n'ai pas répété cette expérience. A l’Institut Pasteur, j'ai étudié un échantillon de sérum de Porc provenant de l’abattoir ; 3cc., 5cec.. et S cc., de ce sérum mélangés à une dose mortelle de venin de Cobra, n'ont manifesté aucun effet antitoxique in vitro. Les Lapins qui avaient reçu ces mélanges, et d’autres qui avaient recu 10 cc. de sérum de Porc préven- tivement, sont morts dans le même temps que les témoins inoculés avec la dose mortelle de venin diluée dans 8 ce.d’eau. Grâce à l’obligeance de M. le médecin en chef des colonies Lecorre et de M. Pignet, pharmacien des colonies, j'ai pu me procurer six Mangoustes vivants provenant de la Martinique, et j'ai constaté que le dicton antillien qui attribue à ces petits carnassiers (Viverridés, g. herpestes) une immunité 44 LE VENIN DES SERPENTS réelle à l'égard des morsures de Trigonocéphale fer de lance, est partiellement justifié. Les Mangoustes ont été importés de la Barbade à la Guadeloupe, il y a vingt-cinq ans, en vue de détruire les Rats dans l’île. On cherche aujourd’hui à les répandre à la Martinique parce qu'ils font une guerre acharnée aux Serpents et aux Rats, qui abondent dans les plantations de canne à sucre, pour le plus grand malheur des colons. Les six Mangoustes qui m'ont été envoyés avaient été capturés à la Guadeloupe, où il n'existe pas de Serpents venimeux. Pendant leur séjour à la Martinique, ils étaient restés en captivité : leur immunité à l’égard du venin ne pouvait donc pas provenir d’une accoutumance aux morsures de reptiles venimeux. Dès leur arrivée au laboratoire, j'ai placé l’un de ces Mangoustes dans une cage en verre avec un Cobra capel de forte taille. Le Cobra se dressa aussitôt en dilatant son cou et se jeta avec fureur sur le petit carnassier qui, se dérobant avec agilité, put éviter d'être saisi et se rélugia, un instant effaré, dans un coin de la cage. Mais, très vite revenu de sa stupeur, au moment même où le Cobra s’apprêtait à fondre de nouveau sur lui, le Mangouste se précipita, la gueule ouverte, sur la tête du reptile, lui mordit vigoureusement la mâchoire supérieure et lui brisa le crâne en quelques secondes. Au point de vue expérimental, cette bataille’ aussi émou- vante que rapide ne nous apprenait pas grand chose, si ce n'est qu'un Mangouste de la taille d’un gros Ecureuil peut facilement venir à bout d'un Cobra de deux mètres de lon- gueur. Il était impossible de savoir sûrement si le Man- gouste avait été mordu par le reptile. J'inoculai donc, par comparaison, un second Mangouste avec { milligr. de venin (dose mortelle en trois heures pour LE VENIN DES SERPENTS 45 deux kilogr. de Lapin), l'animal résista parfaitement à cette inoculation et n’éprouva pas le moindre malaise. Je prélevai alors du sang à trois autres Mangoustes en leur liant une carotide, sans les sacrifier. Ce sang, mélangé à du venin ou injecté préventivement à des Lapins, présente un pouvoir antitoxique manifeste, mais insuffisant pour préserver sûrement les animaux de la mort. Tous les Lapins qui ont reçu préventivement une dose variant de 2 à 7 cc. de sérum de Mangouste ont succombé à l'inoculation veni- meuse, mais avec un retard considérable sur les témoins. J'ai cherché à déterminer la limite de tolérance du Mangouste à l'égard du venin. Deux de ces animaux qui n'avaient jamais été imis en contact avec des Serpents au laboratoire, et qui n'avaient jamais été inoculés, ont reçu l’un une dose de venin quatre fois mortelle, l’autre une dose six fois mortelle pour le Lapin. Le premier n'a pas été malade ; le second est resté souffrant pendant deux jours puis il s’est rétabli. Un troisième Mangouste, auquel j'ai injecté une dose huit fois mortelle pour le Lapin, a succombé en douze heures. Le Mangouste des Antilles est donc peu sensible au venin; il est capable de supporter sans malaise des doses très consi- dérables relativement à sa taille, mais son immunité n’est pas absolue. S'il triomphe le plus souvent dans ses luttes avec les Serpents venimeux, c’est surtout grâce à l’agilité extrême dont il est doué. CHAPITRE X Immunité acquise des charmeurs de Serpents et des chasseurs de Vipères On sait que l’Indeest le pays par excellence des charmeurs de Serpents. Il y existe toute une caste d'individus appelés mal qui font le métier de captiver et de vendre des Serpents, mais qui ne jonglent pas avec eux. Les charmeurs ou Psylles se recrutent dans une autre caste, celle des Sangis, ou Tubruvallahs du Bengale. Ces Psylles manient le Cobra capel avec une habileté réellement merveilleuse. Tous les voyageurs qui ont eu l’occasion de relâcher dans un port de la côte indienne ont été témoins de scènes semblables à celle dont Natalis Rondot a fait le récit : « Vers six heures du soir, un jongleur hindou vient à bord. Il est pauvrement vêtu, coiffé d’un turban orné de trois plumes, et porte plusieurs colliers de ces sachets à amulettes qu'on appelle au Sénégal gris-gris. Il a un Cobra capello à lunettes dans une corbeille plate. » Cet homme s'installe sur le pont; nous nous mettons sur le banc de quart, les matelots font cercle. » La corbeille est posée sur le pont et découverte. Le Capel est tapi au fond. Le jongleur s’accroupit à quelques pas de distance et se met à jouer un air lent, plaintif, monotone, avec une espèce de petite clarinette dont les sons rappellent LE VENIN DES SERPENTS 47 ceux du biniou breton. Le Serpent se remue peu à peu, s’allonge, puis se dresse. Il ne quitte pas la corbeille. Il commence par se montrer inquiet, il cherche à reconnaitre le milieu où il est placé, il devient agité, il déploie et tend ses ailerons, S'irrite, souffle fortement plutôt qu'il ne siffle, darde souvent et vivement sa langue effilée et fourchue ; il s'élance violemment plusieurs fois comme pour atteindre le jongleur ; il tressaille fréquemment ou plutôt fait de brusques soubresauts. Le jongleur a les yeux toujours fixés sur le Capel et le regarde avec une fixité singulière, Au bout de quelque temps, dix à douze minutes environ, le Capel devient moins animé, il se calme, puis se balance comme s’il était sensible à la cadence lente et monotone du musicien ; il darde sans cesse sa langue avec une vivacité extrême; peu à peu il est amené à un certain état de somnolence. Les yeux qui, d’abord, guettaient le jongleur comme pour le surprendre, sont en quelque sorte immobilisés et fascinés par le regard de celui-ci. L’Hindou profite de ce moment de stupéfaction du Serpent pour s'approcher lentement de lui sans cesser de jouer, et, sur la tête du Capel, il pose une première fois le nez et une seconde fois la langue. Bien que cela ne dure qu’un instant, le Capel se réveille en sursaut et le jongleur a à peine le temps de se rejeter en arrière pour n'être pas atteint par le Serpent qui s’élance sur lui avec fureur. » Nous doutons que le Capel ait encore ses crochets et que, pour cet Indou il y ait danger réel à l’approcher. Nous promettons à notre hommme une piastre d'Espagne s’il fait mordre deux Poules par le Serpent. On prend une Poule noire, qui se débat très vivement, et on la présente au Capel. Celui-ci se dresse à demi, regarde la Poule, la mord et la lâche. La Poule est laissée libre; elle s'échappe effarée. Six minutes après, montre en main, elle vomit, raidit les pattes et meurt. Une seconde Poule est mise en face 48 LE VENIN DES SERPENTS du Serpent; il la mord deux fois: elle meurt en huit minutes (1). Certains jongleurs exhibent des Serpents auxquels ils ont pris soin d’arracher les crochets ou d’extirper les glandes, mais il est incontestable que beaucoup d’entre eux, — je m'en suis assuré — exécutent leurs exercices avec des Cobras munis de leur appareil venimeux absolument intact. C'est gràce à une connaissance parfaite des habitudes et des mouvements du reptile qu’ils évitent presque toujours d’être mordus. Néanmoins il leur arrive parfois des accidents et chaque année quelques-uns succombent au cours de leurs jongleries. Il ne paraît donc pas qu’ils sachent se donner l’immunité contre le venin par un procédé quelconque. Cependant, dans un travail publié en 1895 (British med. Journal, 17 août), le Professeur Fraser, d’Edim- bourg, cite un certain nombre d'expériences effectuées sur des Rats blancs et sur des jeunes Chats, dans son laboratoire, desquelles il résulterait que l'ingestion du venin, longtemps prolongée, finit par rendre ces ani- maux absolument réfractaires à l’inoculation sous-cutanée de doses plusieurs fois mortelles du même venin. Il en conclut que, probablement, ce procédé de vaccination doit être en usage chez les charmeurs de Serpents. Je dois dire que, à diverses reprises, j'ai cherché sans succès à contrôler ces faits, annoncés par M. Fayrer. J'ai réussi à faire absorber à des Lapins, à des Cobayes et à des Pigeons des doses énormes de venin de Copra capel par la voie gastrique. J'ai administré ainsi jusqu'à des doses mille fois mortelles, et jamais je n'ai pu constater, contrairement à ce qui se produit pour l'abrine et la ricine (Ebrlich), que le sérum de ces animaux fût devenu anti-toxique, même à un faible degré. Il me paraît certain que le (1) A. E. Brehm, les Reptiles, éd. française, p. 430. LE VENIN DES SERPENTS 49 venin n'est ni détruit, ni absorbé dans le tube digestif, comme l'ont montré d’ailleurs les expériences de Répin (Ann. de l’Inst. Pasteur, juin 1895). Cette non absorption tient vraisemblablement à ce fait que le venin ne dialyse à travers les membranes qu'avec une extrème lenteur. Au Mexique, certains Indiens appelés Curados de Culebras savent acquérir le privilège de pouvoir être mordus par les Serpents les plus venimeux sans qu'il en résulte le moindre danger pour leur existence, en S’inoculant plusieurs fois avec des dents de Crotales. Pendant un séjour à Tuxpan, le Docteur Jacolot, médecin de la marine, a fait une enquête sur ces Curados de Culebras et il a pu se convaincre que leur immunité est bien réelle. Voici quel est le procédé de vaccination employé par les indigènes de Tuxpan : Un traitement préparatoire est nécessaire. Le jour même où l’on doit s’inoculer ou se faire inoculer, on prend de cinq à quinze tubercules d’une plante connue sous le nom de mano de sapo (main de Crapaud, dorstenia contrayerva). Il faut, et ceci est bien nécessaire, que ces tubercules soient administrés un vendredi et toujours en nombre impair, cinq, sept, neuf,etc., jusqu’à quinze, suivant la tolérance du sujet. Si la plante est cueillie le premier vendredi du mois de mars, elle jouit de ses propriétés merveilleuses au plus haut degré; alors, même si elle est sèche, elle est encore excellente pour préparer à l’inoculation. Ordinaire- ment, la racine du mano de sapo est prise fraiche. Autre précaution indispensable, il faut s'abstenir, pendant qu'on est soumis à ce traitement, de tout rapprochement sexuel pendant trois jours après la première inoculation, pendant deux jours après la deuxième, et un jour après la troisième. On se sert, pour l’inoculation, d’une grosse dent de Crotale. Il faut que le Serpent soit tué un vendredi et les crochets détachés le même jour. Calmette. — 4. 50 LE VENIN DES SERPENTS On commence l’inoculation à la face dorsale du pied gauche; il faut éviter avec soin de tomber sur une veine. La peau est déchirée avec l’extrémité du crochet de manière à ce qu’elle saigne un peu. Du pied gauche on passe au poignet droit, puis au pied droit et au poignet gauche, toujours en alternant d’un côté du corps à l’autre. On continue à la cuisse gauche, puis au bras droit, et réciproquement cuisse droite et bras gauche. Tous les membres sont ainsi inoculés. Au tronc on fait une inoculation au milieu de la hauteur du sternum, sur la ligne médiane ; — une autre à la nuque, enfin une à la tête sur le milieu du front. En tout onze inoculations. Il faut, au minimum, sept séries d’inoculations pareilles pour mettre avec certitude un homme à l'abri des maléfices du Serpent, et en même temps pour lui conférer la faculté de guérir par succion les mor- sures des Serpents les plus venimeux (1). La mystification et les idées superstitieuses jouent, on le voit, un très grand rôle dans ce traitement préventif auquel se soumettent les Curados de Culebras de l'Amérique centrale, mais il n’est pas surprenant que, grâce à ces inoculations successives, ils parviennent à acquérir une immunité suffi- sante pour les préserver des morsures ordinaires des Serpents. Peut-être les charmeurs de Serpents de l'Egypte, de la Tuni- sie et certains peuples de l’Inde possèdent-ils des secrets du même genre ? Le fait me paraît, en tous cas, très vraisem- blable. M. d’Abbadie a communiqué récemment à l’Académie des sciences (24 février 1896) une note du colonel Serpa Pinto, relative à un autre procédé de vaccination utilisé par les indigènes du Mozambique, et que le colonel à voulu subir lui-même : (1) Notes du D: Jacolot (Arch. de méd. navale, 1867, p. 390). LE VENIN DES SERPENTS 51 « C’est à Inhambane (sur la côte orientale d'Afrique), chez les Vatuas, que j'ai été vacciné. » Ils extraient le poison d’un Serpent qui se nomme en portugais Alcatifa (ce mot veut dire : tapis) et on l'appelle ainsi à cause des variétés de couleur de sa peau qui ressemble à un tapis. J'ignore le moyen employé pour obtenir le poison. Ce poison est mêlé à des substances végétales et forme avec elles une pâte gluante très brune. » Ils font à la peau deux incisions parallèles, longues de cinq millimètres en chaque endroit et y introduisent la pâte qui contient le poison. Ces incisions sont faites sur les bras, près de la jonction du radius et du cubitus avec les os du carpe, au revers de la main, au dos, sur les omoplates et aux pieds près du gros orteil. Après l'opération ils exigent un serment que le vacciné ne tuera jamais de Serpent venimeux, parce qu'ils disent que désormais le Serpent est son ami intime, et ils lui jettent dessus un Serpent Alcatifa qui ne le mord pas. Quand j'ai subi cette opération, j'ai été pendant huit jours tout enflé et j'ai eu toutes les souffrances pos- sibles. » Je n’ai jamais été piqué par aucun Serpent, et je ne puis affirmer que ce remède soit infaillible. Les Vatuas affirment que oui et ils ne tuent jamais un Serpent. » Peu après avoir été vacciné, j'ai été piqué, aux îles Sey- chelles, par un Scorpion qui ne m'a fait aucun mal; dix ans plus tard, lors de ma traversée en Afrique, j'ai été piqué par un autre Scorpion qui m'a fait un mal horrible, et j'ai cru pendant huit jours que j'allais mourir ou perdre mon bras ». En France, dans les départements où les Vipères sont très nombreuses, certains individus réputés pour leur adresse à capturer ces reptiles jouissent d’une véritable immunité à l'égard de leurs morsures. L'un de ces chasseurs, qui habite le Jura et auquel je dois une partie du venin dont je mesuis servi pour mes expériences, peut se faire mordre plusieurs fois, dans le même été, impunément. À chaque 52 LE VENIN DES SERPENTS saison, il se fait mordre volontairement une ou deux fois pour conserver son immunité intacte; s’il ne prenait pas cette précaution il s’exposerait, affirme-t-il, à des accidents graves. Ainsi l’homme peut, dans certaines circonstances, acqué- rir la faculté de résister à l’intoxication par le venin des Serpents. Nous allons voir qu'il en est de même pour les animaux. CHAPITRE XI Vaccination des animaux contre le venin des Serpents. — Propriétés du sérum des animaux vaccinés. Déjà, en 1887, Sewall (Journal of physiology) avait montré que l'organisme peut devenir graduellement résistant à l’action du venin de Serpent comme à celle des virus infec- tieux tels que le charbon. En injectant de très petites quan- tités de venin il avait réussi à rendre des animaux réfrac- taires aux effets de doses plus considérables qui tuaient rapi- dement d’autres animaux non préparés. Un peu plus tard, en 1889, Kaufmann obtenait le même résultat au cours de ses études sur le venin de la Vipère. Il était arrivé à faire supporter à des animaux des quantités de poison deux ou trois fois mortelles. Dans une communication à la Société de biologie (10 février 1894) j'ai mentionné les procédés à l’aide desquels j'avais réussi à donner aux Lapins et aux Cobayes une immunité vraiment solide contre des doses considérables de venin, et j'ai montré qu'un animal immunisé contre le venin de Cobra par exemple, l’est aussi contre celui de Vipère ou d'Hoploce- phalus, et réciproquement. De leur côté, MM. Phisalix et Bertrand annoncçaient (Acad. des Sciences, 5 février, et Soc. de Biologie, 10 février 1894) qu'ils avaient pu donner au Cobaye l’immu- 54 LE VENIN DES SERPENTS nité contre le venin de Vipère, au moyen d'inoculations préventives de ce même venin, chauffé à 80° au bain- marie pendant 10 à 15 minutes. On peut donc rendre les animaux réfractaires à l’ino- culation d’une dose mortelle de venin, soit par l’accou- tumance à des doses répétées, soit, comme je l'ai indiqué, par le mélange d’hypochlorites alcalins ou de chlorure d'or avec le venin, soit par le venin modifié par la chaleur. La première méthode réussit à donner une immunité très solide contre des doses considérables de poison, mais elle est lente et d’une application qui demande à être très surveillée. Si on injecte aux animaux des doses croissantes très rapprochées, ils ne tardent pas à maigrir et succombent. Il faut commencer par des doses très faibles, longtemps continuées, et on augmente progressi- vement la quantité de venin injectée, jusqu’à ce que les animaux arrivent, après quatre à cinq mois de traitement, à supporter, sans être malades, une dose capable de donner la mort à 00 animaux neulis. J'ai pu obtenir une accoutumance plus rapide au début, en insérant à demeure, sous la peau, un petit bâton de craie imprégné de 4 ou 5 milligrammes de venin et entouré de collodion : on réalise ainsi une sorte de glande artificielle d'où le venin diffuse lentement et d'une manière continue à travers le collodion formant membrane dialysante. La méthode d’immunisation pour le venin modifié par la chaleur ne présente aucun avantage : elle est tout aussi lente, et comme le chauffage a simplement privé le venin de ses propriétés phlogogènes, les animaux vaccinés contre ce venin chauffé auxquels on injecte ensuite de fortes doses de venin normal éprouvent des accidents graves capables d'entraîner la mort. De plus cette méthode n’est applicable qu'à la vacci- nation des animaux contre le seul venin des Vipères du Jura. Tous les venins des Serpents des pays chauds, et même le LE VENIN DES SERPENTS 55 venin des Vipères du Puy-de-Dôme, comme l'ont constaté MM. Phisalix et Bertrand, ne sont pas transformables en vaccin par le chauffage. Le procédé le plus sûr qu'il convient d'adopter pour vac- ciner des animaux quelconques : Lapins, Cobayes, Chiens ou Chevaux, consiste à injecter d’abord pendant quatre semaines des quantités croissantes de venin mélangé à des quantités décroissantes d’une solution à 1/60 d'hypochlorite de chaux. La dose initiale de venin est, bien entendu, va- riable, suivant la toxicité relative de celui-ci ; elle ne doit pas dépasser la moité de la dose minima mortelle. On observe avec soin les variations de poids des animaux pour espacer les injections suivant l’état de la santé. Peu à peu on arrive ainsi à faire supporter d’abord des doses quatre et cinq fois mortelles de venin normal, puis des doses doubles, triples, etc., enfin centuples et au-delà. Le sérum des animaux immunisés contre les venins par l’une quelconque des méthodes précédentes, possède des propriétés semblables à celles que Behring et Kitasato, Roux et Vaillard ont constatées pour le sérum des animaux immunisés contre le tétanos et la diphtérie. Ce fait que j'ai mentionné à la Société de Biologie (10 février 1894) avait été observé en même temps par MM. Phisalix et Bertrand sur les Cobayes vaccinés contre le venin de Vipère par le procédé que ces expérimentateurs ont décrit. Il a été confirmé un an après (British med. journal, juin 1895) par M. le professeur Fraser, d'Edimbourg, qui a répété avec succès presque toutes les expériences dont j'avais publié les résultats dans les Annales de l’Institut Pasteur (mai 1894, p. 275). Si on mélange in vitro À milligramme de venin de Cobra ou 4 miligr. de venin de Vipère à une petite quantité de sérum de Lapin immunisé, et qu’on inocule ce mélange à un Lapin neuf, celui-ci ne présente, dans la suite, aucun malaise. 56 LE VENIN DES SERPENTS Il n’est pas nécessaire que le sérum provienne d'un animal vacciné contre un venin de même origine que celui qu’on introduit dans le mélange : le sérum d’un Lapin immu- nisé contre le venin de Cobra ou de Vipère agit indifféremment sur tous les venins que j'ai expérimentés. L'action du sérum s'exerce aussi bien dans l'organisme, avant ou après l’envenimation, que in vitro. Injectons, par exemple, dans le péritoine ou sous la peau d'un Lapin neuf, un cent. cube de sérum d’un animal immu- nisé contre une dose cent fois mortelle de venin, et, aussitôt après, inoculons dans les muscles de la patte une dose deux fois mortelle de venin pur. L'animal ne sera même pas malade ; et si, après l'injection de sérum préventif, nous attendons vingt-quatre où quarante-huit heures avant d'introduire le venin, nous constaterons que celui-ci ne produit aucun effet toxique. Notre Lapin est donc immrunisé d'emblée par le sérum qu'il a reçu. D'autre part, inoculons à un second Lapin la dose deux fois mortelle de venin pur, qui tuera un témoin à peu près en trois heures. Une heure, ou même une heure et demie après, alors que les symptômes de l’enve- nimation commenceront à se manifester (régurgitations, accélération du cœur, dyspnée, légère parésie des membres), injectons dans le péritoine et sous la peau en divers points du corps deux ou trois cc. de notre sérum immu- nisant. L'animal reste pendant plus ou moins longtemps dans un état de malaise alarmant, caractérisé d’abord par un peu d’hypothermie, puis par une fièvre véritable. Sa température s'élève de 1 degré 5 à deux degrés pendant quarante-huit heures, puis redescend graduellement à la normale. Tout accident est, dès lors, écarté. Le sérum des animaux immunisés contre les venins est donc non seulement capable d'agir sur ces venins àn vitro, mais il est encore préventif et thérapeutique, exactement LE VENIN DES SERPENTS 57 comme celui des animaux immunisés contre la diphtérie ou le tétanos. Le pouvoir antitoxique in vitro et le pouvoir préventif sont naturellement très variables suivant la dose de venin contre laquelle l’animal qui fournit le sérum est immunisé. Le sérum de Cheval que nous livrons actuellement, à l’Institut Pasteur de Lille, est actif au 20.000, c’est-à-dire qu'un dixième de centimètre cube de ce sérum injecté sous la peau d’un Lapin pesant deux kilogr. suffit à le préserver contre l'injection d’une dose de venin capable de tuer un Lapin de même poids en moins de huit heures. On obtient le maximum d'effet préventif en injectant le venin douze heures après le sérum. L'immunité acquise par l'injection de sérum est très solide, mais elle disparaît dans un délai qui, dans mes expériences, n'excède pas huit jours. Elle n’est donc pas durable, contrai- rement à ce qui arrive pour l’immunité produite par les venins eux-mêmes. Cette dernière subsiste, chez les Lapins hyper- vaccinés pendant au moins dix mois. M. Chatenay, qui a étudié à l’Institut Pasteur, sous la direction de M. Metchinoff, le sang et l’æœdème sur mes Lapins vaccinés et, comparativement, sur des témoins, a montré que, chez les animaux vaccinés, chaque injection de venin s'accom- pagne d'une hyperleucocytose, très marquée, tandis que, chez les animaux non vaccinés, on observe au contraire de l’hypo- leucocytose (1). Il n'entre pas dans le cadre de ce petit volume de discuter les différentes théories proposées pour expliquer le mode d'action du sérum antivenimeux et des sérums antitoxiques en général sur l'organisme. Je dois dire seulement qu'en ce qui concerne du moins le sérum antivenimeux, il parait (1) Les réactions leucocytaires vis-à-vis des toxines végétales et animales ; Thèse de Paris, 1894. 58 LE VENIN DES SERPENTS démontré aujourd'hui que ce sérum mélangé au venin n’exerce sur celui-ci aucune action destructive. M. Roux a communiqué à ce sujet au Congrès de Buda- Pesth, en septembre 1894, les expériences suivantes que j'ai faites sous son inspiration : Si nous mélangeons une dose plusieurs fois mortelle de venin avec une dose suffisante de sérum, le mélange est absolument inoffensif pour l'animal auquel nous l’injectons. Si nous chauffons ce même mélange à 68 degrés au bain- marie pendant cinq minutes, et que nous l’injections à un animal neuf, celui-ci succombe comme s’il avait reçu le venin pur. Par le chauffage à 68 degrés, le sérum a perdu tout son pouvoir antitoxique sur le venin,et ce dernier, qui n’est modifiable qu'à une température beaucoup plus élevée, est resté intact. Le venin mélangé au sérum n'avait donc subi aucun chan- gement dans sa nature et, lorsque nous injectons le mélange en l’absence de tout chauffage, le sérum empêche cependant le venin de produire des effets toxiques ! Par suite, on doit penser que le sérum agit non pas sur le venin lui-même, mais sur les cellules de l'organisme, qu’il rend en quelque sorte insensibles à l’action du venin. CHAPITRE XII Le sérum antivenimeux de Cheval. — Sa valeur antitoxique et thérapeutique. — Son mode d'emploi. Le procédé que j'emploie pour immuniser les Chevaux à l'effet d'obtenir de grandes quantités de sérum antivenimeux ne diffère pas beaucoup de celui qui est utilisé pour la pro- duction du sérum antidiphtérique. On commence par injecter, sous la peau de l’encolure, en arrière de l’épaule, des doses graduellement croissantes de venin mélangé à une quantité très petite et graduellement décroissante d’une solution d’hypochlorite de chaux à 160. Les injections sont répétées tous les quatre ou cinq jours au début, ou espacées davantage si les phénomènes locaux sont trop accentués. En général, au bout de deux mois environ, les Chevaux, dont il faut suivre les variations de poids avec la plus grande attention, peuvent supporter une dose de venin pur capable de tuer {00 kilogrammes de Lapin. A partir de ce moment le pouvoir antitoxique de leur sérum est déjà très manifeste et les phénomènes locaux deviennent moins graves après chaque injection de venin. Un délai d'au moins six mois est nécessaire avant qu’un sérum soit suffisamment actif pour qu'il puisse être employé en thérapeutique. L'immunisation des Chevaux 60 LE VENIN DES SERPENTS dure donc un temps beaucoup plus long que pour la diphtérie : cela tient à ce que le venin est toujours très difficilement toléré par les animaux. Même après un grand nombre d’injections, l'æœdème local persiste plusieurs jours ; il n’est pas accompagné de fièvre, mais le Cheval est inquiet, il ne mange pas, sa respiration est accélérée, haletante, il a des sueurs abondantes, puis au bout de deux ou trois jours tout rentre dans l'ordre. Si on répète les injections trop fréquemment ou si on les fait trop abondantes, l'animal est pris de néphrite, d’hématurie, et succombe. Le choix du venin qui sert aux inoculations des Chevaux n’est pas indifférent : je me suis toujours servi, de préférence, de celui de Cobra capel de l'Inde, parce que c'est l’un des venins les plus actifs, parce qu’il provoque moins d’hémorrha- gies locales et moins d'œdème que les venins de certaines autres espèces telles que les Pseudechis d'Australie par exemple. Il existe certainement dans tous les venins de Serpents, mais plus particulièrement dans le venin des Vipéridés, une substance toxique dont l’action phlogogène, très intense, s'exerce exclusivement autour du point où l'injection a été faite. Cette substance ne paraît pas identique chez toutes les espèces de reptiles, car tantôt elle provoque de véritables hémorrhagies interstitielles, tantôt elle ne produit qu'un peu d'œdème blanc. Elle disparaît facilement par le chauffage aux environs de 73° et par l'addition au venin de très petites quantités d’hypochlorite de chaux. Lorsque l’immunisation de l'animal à l’égard du venin de Cobra est déjà assez avancée, je lui inocule successivement des venins appartenant à plusieurs espèces de Serpents, dans le but d’éprouver sa résistance à ces divers venins et de l’accoutumer aux réactions locales de chacun d'eux. Quand il est capable de supporter sans malaise une dose de venin mortelle pour 500 kilogr. de Lapin, l’immunisation est jugée LE VENIN DES SERPENTS 61 assez complète. On pratique une saignée d’essai et on éprouve le sérum comme pour la diphtérie ou le tétanos. Pour être suffisamment efficace, le sérum antivenimeux doit être préventif au moins à la dose de 0 ce. 1 par kilogr. de Lapin. Il est alors actif au 1 : 10.000. J'ai déjà dit que celui que nous possédons actuellement est préventif à { : 20.000, et il nous sera facile d'augmenter encore considérablement sa puissance. Depuis un an, nous avons envoyé de nombreuses doses de ce sérum dans l'Inde, en Australie et en Indo-Chine. Le Docteur Hankin, directeur du laboratoire bactériologique d'Agra (Inde anglaise) et le Docteur Lépinay, directeur de l'Institut bactériologique de Saïgon, l'ont expérimenté scientifiquement au point de vue de sa conservation et de son efficacité à l’égard des diverses espèces de venin. On trouvera plus loin un document relatif à ces essais. Dès à présent (mars 1896), nous possédons à l'Institut Pasteur de Lille un nombre suffisant de Chevaux immu- nisés ou en cours d'immunisation pour répondre aux besoins de tous les pays où les Serpents venimeux sont le plus à redouter. Le sérum est envoyé par nous en flacons plombés de 10 cc. contenus dans des blocs en bois qui portent la date de la préparation. Le laps de temps pendant lequel la conservation du sérum est assurée est d’un an. Passé ce délai, son pouvoir antitoxique baisse peu à peu: il est donc prudent de ne plus s’en servir. Chaque flacon est enveloppé d’une instruction relative au mode d’em- ploi. Voici le texte de cette instruction : INSTRUCTION POUR L'EMPLOI DU SÉRUM ANTIVENIMEUX Le sérum antivenimeux est du sérum de Cheval immunisé contre le venin des Serpents. Il conserve ses propriétés pendant une année au moins, si on le maintient dans un endroit aussi frais que possible et à l’abri de la lumière, sans sortir le flacon de l’étui qui le 62 LE VENIN DES SERPENTS renferme. À une température supérieure à 509, le sérum devient inactif. Pouvoir préventif. — Le pouvoir préventif de ce sérum est au moins de 10.000, c'est-à-dire qu'il suffit d’injecter à des lapins, préventivement, une quantité de sérum égale à 1/10,000° de leur poids pour leur permettre de supporter douze heures après, sans être malades, une dose de un milligramme de venin sec de Cobra capella d'activité moyenne, dose capable de tuer des Lapins témoins en moins de quatre heures. Action thérapeutique. — Le sérum antivenimeux, injecté en quantité suftisante aux personnes mordues par des Serpents, empêche les effets du venin si l’intoxication n'est pas arrivée à une période trop avancée. Il faut l’injecter le plus tôt possible après la morsure. En général, chez les grandes personnes, qui succombent rarement moins de trois heures après avoir été mordues par les espèces de Serpents les plus dangereuses, l'intervention est encore très efficace une heure est demie après la morsure. Le sérum est actif à l'égard des venins provenant de toutes les espèces de Serpents les plus répandues dans l'Ancien et le Nouveau- Monde. II a été éprouvé avec les venins du Cobra capella et du Trimeresurus de l'Asie, du Naja haje et du Cerastes d'Afrique, du Crotalus de l'Amérique, du Bothrops de la Martinique, des variétés de Pseudechis et d’Hoplocephalus d'Australie, et des Vipères d'Europe. La dose à employer varie suivant l'espèce du Serpent mordeur. suivant l’âge de la personne mordue et le moment de l'intervention, En générai 10 cc. suffisent pour les enfants au-dessous de dix ans, et 20 cc. pour les adultes. Néanmoins, lorsque le Serpent mordeur appartient aux espèces très dangereuses, telles que le Cobra capella, le Naja haje, le Crotale, le Bothrops de la Martinique, il sera prudent d'injecter d'emblée une dose double. Traitement des morsures venimeuses. — La première précaution à prendre est de serrer le membre mordu, à l’aide d’un lien ou d’un mouchoir, le plus près possible de la morsure, entre celle-ci et la racine du membre. On lavera la plaie avec une solution récente d'hypochlorite de chaux diluée à un gramme pour 60 d’eau bouillie environ, et titrant à peu près 0 lit. 800 à O lit. 900 de chlore par 1000 centimètres cubes. On injectera une dose de sérum antivenimeux dans le tissu cellulaire sous-cutané, au niveau du flanc droit ou gauche, avec les précautions antiseptiques usuelles. On injectera ensuite avec la même LE VENIN DES SERPENTS 63 seringue, dans le trajet de la morsure et autour de celle-ci, en trois ou quatre endroits différents, quelques centimètres cubes (8 à 10 cc. environ) de la solution d'hypochlorite de chaux. Ces injections ont pour but de détruire sur place le venin qui n’a pas été absorbé. On pourra, dès ce moment, enlever la ligature du membre, frictionner le malade, lui faire prendre du café ou du thé et le couvrir chaudement pour provoquer une abondante transpiration. On doit éviter d'administrer de l’ammoniaque ou de l'alcool, qui ne pourraient qu'être nuisibles au malade et au traitement par le sérum. Il est inutile de cautériser le membre mordu au fer rouge ou avec des substances chimiques. NOTE IMPORTANTE. — Les médecins qui feront usage du sérum antivenimeux sont instamment priés de vouloir bien communiquer les résultats qu’ils auront obtenus de son application, au Docteur CALMETTE, Directeur de l'Institut Pasteur de Lille (Nord), France. Nous demandons instamment aux personnes qui se trou- vent en mesure de nous procurer du venin de diverses espèces de Serpents, qu’elles veuillent bien nous en adresser la plus grande quantité possible. Leur collaboration nous sera infiniment précieuse, car il est nécessaire que nous pos- sédions toujours une réserve considérable de substance toxique pour entretenir l’état d’immunité de nos Chevaux producteurs de sérum. La récolte du venin sur les Reptiles vivants ou morts ne présente aucune difficulté. Voici, à cet égard, les conseils que nous croyons devoir donner à toutes les personnes de bonne volonté qui voudront bien nous prêter leur concours : INSTRUCTIONS POUR LA RÉCOLTE DU VENIN DES SERPENTS, DESTINÉ A VACCINER LES ANIMAUX QUI FOURNISSENT LE SÉRUM ANTIVENIMEUX À. — Lorsqu'on a à sa disposition des Serpents venimeux vivant en captivité, il est facile de leur faire produire pen- dant plusieurs mois des quantités considérables de venin. 64 LE VENIN DES SERPENTS On doit, à cet effet, les enfermer dans des cages grillagées et vitrées à l’intérieur, afin qu'ils ne se blessent pas la tête contre le grillage. On ménage, sur le panneau supérieur de la cage une trappe assez large pour permettre de saisir for- tement les Reptiles soit avec une canne dont l'extrémité est garnie d’un nœud coulant en cuir plat, soit avec une longue pince à mors rayés. Lorsqu'on veut récolter le venin, on saisit l'animal par le cou avec la canne ou avec la pince, et on l’immobilise solide- ment, sans le blesser, contre une planche ou sur une table. On introduit entre les mâchoires du Serpent un verre de montre ou un petit verre conique à pied. Le Reptile mord aussitôt, à plusieurs reprises, le verre, et y laisse écouler une quantité plus ou moins grande de venin. On porte immédiatement celui-ci sous une cloche à vide, ou, si l’on n’a pas de trompe ni de machine à vide à sa dis- position, on peut se contenter de l’évaporer sous un bocal quelconque à très large ouverture; en plaçant le verre de montre qui contient le venin au-dessus d’un petit récipient rempli d'acide sulfurique ou de chlorure de calcium sec. En quelques heures, le venin est desséché. Il ressemble alors à une petite masse de résine jaune, écailleuse et frag- mentée. On réunit le produit de chaque évaporation dans une petite fiole bien bouchée, ou mieux dans un tube de verre mince qu'on scelle à la lampe à ses deux bouts. En cet état, le venin ne s'’altère plus; il conserve très longtemps son activité et peut être expédié par la poste. B. — S'il s’agit de récolter le venin contenu dans les glandes de Serpents morts, voici comment il convient de procéder : Le reptile étant couché sur une planche étroite en bois, on lui fixe la partie supérieure de la tête et le cou avec des pointes. On détache la mâchoire inférieure avec des ciseaux. A l’aide d’un bistouri, on dissèque soigneusement les deux glandes à venin qui se trouvent situées de chaque côté de la LE VENIN DES SERPENTS 69 machoire supérieure, immédiatement sous la peau, en arrière des yeux.Il faut opérer avec précautions pour ne pas blesser les glandes, qui laisseraient écouler la plus grande partie de leur liquide dans les tissus. On les enlève l’une après l’autre, d'avant en arrière, avec une pince, et on les porte dans un petit verre conique ou dans un verre de montre, où il est facile d'exprimer le venin qu'elles renferment. Les glandes exprimées sont rejetées. Il ne reste plus qu'à évaporer le venin comme nous l'avons dit ci-dessus, soit dans Je vide, soit dans un bocal dont l’orifice repose sur une soucoupe garnie d'acide sulfurique ou de chlorure de calcium. Dans les cas où il ne serait pas possible d'évaporer le venin, on pourra se contenter d'enlever les glandes des Serpents morts et de les immerger dans des flacons contenant une très petite quantité de glycérine pure. Le volume de glycérine ne doit pas alors dépasser celui des glandes. Dans ces conditions, le venin conserve longtemps ses propriétés toxiques, et on peut aussi, sous cette forme, l’expédier par la poste dans des boîtes en fer blanc. Toutes les personnes qui voudront bien se charger de recueillir ainsi du venin de Serpents, sont priées d'adresser leur récolte à l’Institut Pasteur de Lille (Nord), France. Ce venin doit servir à vacciner les Chevaux qui fournissent le sérum antivenimeux. xx Le sérum antivenimeux est d'autant plus actif et d'autant plus tardivement efficace, que les animaux qui le fournissent sont plus fortement immunisés. Nous avons déterminé de la manière suivante le délai pendant lequel l'injection est encore capable d'empêcher la mort après l’inoculation d’une dose deux fois mortelle de venin à nos animaux d'expériences Inoculons à un certain nombre de Lapins par exemple, sous la peau de la cuisse, une même dose de venin, 66 LE VENIN DES SERPENTS un milligr. de venin de Cobra, et traitons tous ces animaux, sauf quelques témoins, par des injections sous- cutanées de sérum de Cheval actif au 20.000°. Les témoins, non traités, meurent en trois à quatre heures. Les Lapins qui reçoivent un demi cent. cube de sérum thérapeutique une demi-heure, trois quarts d'heure ou une heure après le venin, résistent tous. Ceux qui reçoivent le sérum thérapeutique entre une heure et une heure et demie après le venin, résistent dans la proportion de deux sur trois. En injectant un cent. cube de sérum une heure et demie après le venin, la guérison est encore la règle. Passé ce délai, elle n'est plus possible parce que l'hypo- thermie et les phénomènes bulbaires de lenvenimation ont commencé à se manifester. Chez l'homme, l'intervention à l'aide du sérum antiveni- meux après morsure peut être efficace beaucoup plus tardi- vement, car il est relativement rare que les symptômes bulbaires se manifestent en moins de trois heures. Dans les cas les plus communs, la mort survient entre dix et douze heures après là morsure, et plus tardivement mème lorsque la morsure est produite par le Crotale, les 3othrops et les Serpents d'Australie. Pour le Cobra, le Daboïa et le Bungare, les statistiques de Fayrer, dressées sur un ensemble de 65 cas ayant amené la mort, la durée moyenne de la survie à été la suivante : Moins de deux heures. . . . . proportion 22.96 °/, Entre deuxet'dixtheures : --, NO Entre six et\douze heures: CM C2 Une Entre douze et vingt-quatre heures . . . - 9.36 Au-delà de vingt-quatre heures NAS AT DAS En admettant, pour ce qui concerne l'Inde, qu'il soil impossible de porter secours en temps utile aux personnes classées dans la 1" catégorie ci-dessus, et qui succombent en LE VENIN DES SERPENTS 67 moins de deux heures, on voit que le traitement a les plus grandes chances d’être efficace pour toutes les autres, soit pour 77.04 °/, de celles qui seraient vouées fatalement à la mort. Il convient donc de généraliser immédiatement cette nouvelle application de la sérumthérapie à tous les cas de morsures venimeuses, dans les pays tels que l'Inde. l'Australie, les Iles malaises, le Cap de Bonne- sspérance, le Natal, le Transwaal, l'Egypte, le Brésil, l'Amérique centrale et les Etats-Unis du Sud, où les Serpents font chaque année de trop nombreuses victimes, Dans chacun de ces pays, il conviendrait que les Gouvernements s'appliquent à créer, au moins dans les principaux centres agricoles, et dans les exploitations forestières ou minières, des postes de secours médicaux, où toute personne mordue par un reptile venimeux, pül venir en l’espace de temps le plus court possible, demander des soins. Chacun de ces postes serait muni d'un appro- visionnement de sérum, de seringues à injections hypo- dermiques, d’une solution toujours récente d’hypochlorite de chaux, et des autres médicaments ou ustensiles indis- pensables pour le pansement des plaies. La dépense à effectuer pour cette organisation serail bien minime eu égard aux services immenses qu'elle rendrait ! APPENDICE I Le venin du Scorpion. — Action des hypo- chlorites et du sérum antivenimeux sur ce venin. Grâce à l’obligeance de M. le D' A. Loir, de Tunis, et de M. Piot, du Caire, qui m'ont envoyé plusieurs lots de Scor- pions vivants, j'ai pu étudier le venin de ces arachnides comparativement à celui des Serpents. Ces Scorpions d'Egypte ou de Tunisie appartenaient tous à la variété Scorpio afer. J'ai extrait leur venin en coupant le dernier segment caudal (le telson), le triturant dans un verre conique avec un peu d’eau distillée, filtrant et évaporant dans le vide le liquide filtré (1). J'ai obtenu ainsi 46 milligrammes d'extrait sec pour un total de 28 Scorpions. Cet extrait, repris par de l’eau dis- lillée glycérinée à 20 °/,, tuait la Souris blanche à la dose de 0 milligr. 05, en deux heures environ, avec de l’æœdème san- guinolent au point d’inoculation, des spasmes convulsifs, puis des symptômes de paralysie et d'asphyxie assez sem- blables à ceux qui accompagnent l’inoculation du venin de Serpents. (1) Le venin et l'appareil venimeux du Scorpion ant élé étudiés d'une façon très complète dans une excellente monographie de M. le Docteur Joyeux-Laffuie, de Caen, parue en 1883. LE VENIN DES SERPENTS 69 Une dose de 0°"5 tue un Cobaye de 500 grammes en moins de vingt-quatre heures. Ce venin, mélangé à l'hypochlorite de chaux (4 gouttes de solution à 1/60 pour 0""5), au chlorure d'or et à la solution iodo-iodurée de Gram, perd complète- ment ses propriétés toxiques pour la Souris, Mélangé à la dose de { milligr. avec 3 cc. de sérum anti- venimeux d'un Lapin immunisé contre le venin de Cobra, il ne tue plus le Cobaye, alors que la mème dose, mélangée à la même quantité de sérum normal de Lapin, a tué un Cobaye témoin. Deux Cobayes immunisés contre le venin de Vipère de France, dont ils supportaient sans malaise jusqu'à 3 milli- grammes, dose quinze fois mortelle, ont parfaitement résisté à l'inoculation de 1 à 2 milligr. de venin de Scorpion. L'observation de M. Serpa Pinto, rapportée par M. d'Abbadie à l'Académie des sciences, et dont on a lu plus haut Ile lexte, se trouve donc expérimentalement confirmée. On doit, par suite, admettre que les propriétés physiolo- giques et les réactions du venin de Scorpion, sans être identiques à celles du venin des Serpents, en sont, du moins, très voisines. Il est intéressant de constater ces rapports, et, dans les pays comme l'Afrique septentrionale, où la piqûre du Scorpion produit parfois des accidents graves, il peut être utile de savoir que l'hypochlorite de chaux et le sérum antivenimeux constituent d'excellents remèdes à lui opposer. APPENDICE II Extrait des comptes rendus des séances de l’Académie des Sciences (27 janvier 1896). Physiologie pathologique. — SUR LE SÉRUM ANTIVENI- MEux. — Note de M. A. Calmette (en collaboration avec MM. E.-H. Hankin, d'Agra, et Lépinay, de Saïgon), pré- sentée par M. Duclaux. « Dans une précédente note à l’Académie (25 juin 1895), j'ai expliqué dans quelles conditions le sérum antivenimeux, préparé suivant la méthode dont j'ai donné la description dans les Annales de l’Institut Pasteur (mars 1894 et avril 1895), pouvait être utilisé dans le but d'empêcher la mort à la suite des morsures venimeuses. » Depuis lors, j'ai préparéen grandes quantités ce sérum, à l’aide de Chevaux immunisés, et J'ai envoyé de nombreuses doses dans la plupart des pays où les Serpents dangereux pullulent, particulièrement dans l'Inde et en Australie. » Ce sérum que je possède actuellement est actif au 5; c'est-à-dire qu'il suffit d’injecter préventivement, à un Lapin pesant 2 kilogrammes, 0 gr. 1 de sérum pour l’immuniser contre une dose de venin de Cobra capable de tuer un témoin de même poids en trois à quatre heures. » Ce sérum a été expérimenté par M. Hankin au labora- loire bactériologique d’Agra (Inde anglaise) et par M. le LE VENIN DES SERPENTS 71 D' Lépinay au laboratoire de Saïgon, au point de vue de son efficacité à l'égard de diverses espèces de venins et de la persistance de ses propriétés préventives en pays chauds. » M. Hankin me fait connaître, à la date du 23 décembre 1895, que le sérum que je lui avais adressé le 1% octobre précédent, dont le pouvoir préventif était alors de —— avait encore à Agra, bien qu'il eût voyagé pendant la saison chaude, un pouvoir préventif au moins égal à ;-5, car il préservait très bien les Lapins à la dose de 0 ec. 5 contre une dose mortelle de venin injectée dans le délai d’une heure après le sérum. » M. Hankin à fait un usage pratique très intéressant de mon sérum, dans la circonstance suivante : » Les Indiens de certains districts ont coutume de s'em- poisonner réciproquement leur bétail dans un but de ven- seance, et ils emploient à cet effet soit de l’arsenic, soit une substance qui échappait à toute analyse et que, d'après ses effets physiologiques, M. Hankin pensait devoir être du venin de Serpents. IIS introduisent cette substance étendue sur un chiffon, dans le rectum des animaux. » Pour s'assurer qu'il s'agissait réellement du venin. M. Hankin eut l’idée de préparer, avec ces chiffons, un extrait qu'il divisa en deux portions égales. L'une fut mélangée à une petite quantité de mon sérum antivenimeux. Les deux portions furent injectées à deux Lapins de même poids. Celui de ces Lapins qui avait reçu le mélange d'extrait et de sérum ne fut pas malade. L'autre mourut en moins d’une heure. » M. Hankin se croit, par suite, autorisé à conclure que la substance toxique des chiffons qui servent à empoisonner les bestiaux n'est autre que du venin de Serpents. » Je pense que cette méthode si originale d'analyse indi- recte des toxines par les sérums, imaginée par M. Hankin, sera susceptible d'autres applications. J'ai pu me convaincre, par exemple, qu'on peut employer le sérum des Lapins vac- 12 LE VENIN DES SERPENTS cinés contre l’'abrine pour reconnaître les empoisonnements par le jequirity, dont quelques peuplades de nos colonies font assez fréquemment usage dans un but criminel. » A Saïgon, le D° Lépinay, directeur de l'Institut bacté- riologique colonial, a étudié l’action de mon sérum antive- nimeux sur le venin de Bungarus, de Trimeresurus et de Naja tripudians. Les animaux immunisés par une injection de sérum résistent à ces divers venins. » Un Annamite, mordu par un Naja.qui faisait partie d'un lot de ces reptiles destiné à mon laboratoire, a été guéri par l'emploi du sérum. La morsure, très profonde, siégeait à l'index de la main droite, à la première et à la deuxième pha- lange. Une injection de 12 cc. de sérum put être faite une heure après à l'hôpital militaire par le médecin de garde. Le membre mordu était déjà très enflé, contracturé et doulou- reux. Le lendemain, tous les symptômes d'intoxication et le gonflement avaient disparu. Il restait seulement un peu de raideur de l'articulation atteinte. » Au marché de Bac-Lieu, une femme indigène, mordue par un des Najas faisant partie du même lot, mourut deux heures après sans avoir pu recevoir aucun secours. » On doit, par suite, recommander désormais l'usage du sérum antivenimeux contre l’envenimation produite par les morsures des reptiles. L'efficacité de ce sérum est certaine, s'il est employé dans un délai assez court après la morsure et, dans tous les cas, Son emploi n’entraine aucun inconvé- nient. FIN Lille. — Imp. Le Bigot frères, rue Nicolas-Leblanc, 25. A LA MÊME SOCIÉTÉ D'ÉDITIONS BERTRAND (L.-E.), médecin en chef de la Marine, ancien professeur aux Ecoles de médecine navale, et FONTAN (J.), professeur de chirurgie navale et de chirurgie d'armée à l'Ecole de médecine navale de Toulon. — Traité médico-chirurgical de l’hépatite suppurée des pays chauds, grands abcès du foie. In-8° de 732 p. avec tracés et fig. 16 fr. BILLOT (D'), médecin-major de {< classe. — Détermination pratique | de la Réfraction oculaire par la Kératoscopie ou Skiascopie. Application à l’Examen des Conscrits. — Un vol. de la Petite Encyclopédie médicale, cartonné à l'anglaise, fer spécial. Prix. . 3 fr. 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DUBERGÉ (D: A.-F.), médecin principal de la marine.— Le Paludisme, sa prophylaxie et son traitement. 1 fort vol. in-8° de 500 p. 7 fr. DUBIEF (D° H.). — Morphologie générale des Bactéries, avec 19 figures dans le texte (Sciences biologiques). Prix . . . . . . A fr. 50 HUBLE (Le D: Martial), médecin-major de l’armée, etc. — Précis de la vaccine et de La vaccination moderne. — 29: et 30° volumes de la Petite Encyclopédie médicale (collection à 3 francs). Prix des 2 volumes caftonnés, à l'anplaise dt; LP 0 SRE RE ER 6 fr. MARTIN (Le Dr Émile), ex-médecin-major à l’École polytechnique et à la légation de France à Pékin, lauréat de l'Ecole de médecine. — L’Opium, ses abus, mangeurs et fumeurs d'opium, morphinomanes, In-8& de AH ADABeS PR LS) CUT 2 Ne PAS NA NS ANNE ER ARS 3 fr. 50 MONIN (Dr E.), chevalier de la Légion d'honneur, officier de l'instruction publique. — Formulaire de médecine pratique. Préface du pro- ICSSEUT PETER PTIRS: AE MRTERSSR EN Een AEENNRAUE di NE CMOS NOGUÉ (Dr Raymond). — Formulaire spécial de thérapeutique infantile, avec préface de M. le D' G. VarioT, médecin des hôpitaux. . In=18de 660 pages: cartonné. 12400 M4 IS SAME ER GT PETIT et COLLIN, médecins-majors de l'Armée. — Guide militaire des étudiants, des médecins et pharmaciens de Réserve et - de l’Armée territoriale, deuxième édition. In-12 de 534 p. 6 fr. VILLEDARY (Le major) — Guide sanitare des troupes et du colon aux colonies, 18° volume de la Petite Encyclopédie médicale, cartonné à anglaise "#2 aus Re EME En D le NL do à 50 Lille. — Imprimerie Le Bigot Frères, rue Nicolas-Leblanc, 25. ; L — me . NN a < = TO KK = S s >) | A O — O ” > Z nr) ms SMITHSONIAN INSTITUTION NOILNLILSNI NVINOSHIINS S31 #44 S31YVY911 LIBRAR 5 6 = 6 : 5 É 5 = Le D. F à = E ae: = ph . 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