© CA LACWCRA [CROATIE MAT ON RENE UC OC A CC QAX eur DANCE NA | 4 LEUFUR (Ur LA ane AU (Wet ‘ S state (RMC LEONE LUE (A TUE CA LHPUNTES dates tr AUS (ÉCHCEN EE no LL (AQU 4 4 h * Ne tee Cet A! { AN À at NE At } KE A4 At RAIN T UN ARE RAR Ÿ FN MUC HE ONE LW “ V « e D r. y M e ni = —… @ " mm oh ge A PO D CROP OR EC PDP EE] ‘à Sepiembre, er ns “epesilot, An xurr. Ë MAGASIN ENCXCLOPÉDIQUE, ou Di] Ê CPC L: ne E K JOURNAL DES SCIENCES, L: Ë DES LETTRES ET DES nr s Les RÉDIGÉ SRE PAR À. L MILLIN, Membre de l'Ixsrirur, Conservateur des Médailles, des Pierres gravées et des Antiques de la Bibliothèque die , Pro- fesseur d’Archæologie, Membre de l'Académie de Goettin- pue, etc.” etc. . Prix. de ce Journal, tant pour Paris que pour les Départemens , franc de port: pour trois MOIS, +... vesese 9 francs. pour six MOIS ,,...-.ses.sr.ives 18 francs. _pour UH/AD said dard peebe.s née «> JD: MATCH, LT en 6 0 SAS 0 A 6 8 Sd ee es A Les hômmes les plus célèbres dans chaque partie des Sciences ei de la Littérature , se sont plû à coopérer à cette entreprise utile, et la collection FA es neuf années du Magasin Encyclopédique est devenue précieuse, en ce qu'elle présente une réunion de Mémoires intéressans, -quine se trouvent point ailleurs, et dont les Auteurs jouissent d’ une grande réputation. On -y trouve,en efet, des Dissertations , des Mémoires, ou des Opuscules de MM. Arrperr, Bareirr, Burns pu Boccacr , Bar- THELEMY , BAST, Bicar, CaïrLanD, CAVANIELES F | CHAR DON : LA Rocuerrs, Covrer, Dausenros, Dezize, _ Table des Articles contenus dans ce Numéro. ï Maœuns £Tr Usaces. Recherches historiques sur l'emploi des fiux Cheteux et des Apte 50 duus les temps anciens et moder- nes , extraites d'un ouvrage alle- and de M. Frédéric Nicolai; par M. Winkler. \ 5 B10GRAPHIE. Essai sr la Vie de Jean Rotrou, ’aureur du Penceslas ; par M. Blin de Sainmore. ; 63 JuUunRnISPAUDENCE. Observations sur les citations des au- teurs profanes, et surtout d'Ho- mère, dans les lois romaines ; par Berriat (Saint-Priz ). 78 “MÉéLANGeSs. Fin des Remarques envoyées à M. B...., à l'occasion de quelques notes mannscrites qui Se trouvent éur son exemplaire de la première éduin du Menagiana. 103 Mébpecimer. Discours sur les progrès futurs de la * science de l'homme, prononcé dans PEcole de médecine de Montpel- bec, par M. Dumas. 19 HisTornzs LITTÉNAIRE. Joannis Willemet oxatio de retinendà - äntiquà Batavorum in litteris orien- talibus glorià. 129 EnxromoLoc:1:er. Lettre de M. Walckeuaer à M. Mil- * Tin, membre de l'Institut, 135 BreLioonaPH:e. Bétire de M. Van-Thol 4 M. Millin membre de l'Institut. 137 Poxsur. de lue à la séance publique extraor- diuaire de Ja Classe de la langue et de là littérature française de l'ins- w w titut national, tenue au Louvre, le *12 thermidor an 18, : : 13% VantéTés, NOuvELLES FT | CORRESPONDANCES LITTÉRAIRES « NouveLres ÉTRANGÈRES. Nouvelles d'Angleterre. 142 — d'Allemagne. ibid, — de Prusse, : 177 — de Russie, 180 — de Dannemarck. ARTS — d'Autriche. É 182 — d'Italie. 184 — du Portugal. 191 — d'Afrique. 192 — d'Amérique. did, — de France. 193) — dé Paris. 194 TluHéArres x] Les Travestisseméns. | 197 Dubelloy, ou les Templiers. F4 4 LivRES DIVERS Géométrie, Memoria sul Regolameñto dell’ Oro- logio italiano colla meridiana , di Filippo Luigi Gil. 119 Sciences physiques et mathematiques. Journal de Physique , dé Chymie , d'Histoire naturelle et des Artsé par J. C. de Laméthérie. Messidor an 15, + EUR Histoire naturelle, . Annales du Muséum d'Histoire na- turelle, 33°. cahier. : 209 Botanique. Mémoires sur la Métateuque , remar- quable par la singularité et la beauté de ses fleurs, eic.; par J.P, Buc'- oz. ur 264] Agriculture, 4 Manuel de la Ménagerie, à la ville e à la campagne, et de la Femme d basse-cour ; par madame Gacor- Dufour. 2 MAGASIN ENCYCLOPÉDIQUE. ANNÉE 180. TOME . MAC ASIN ENCYCLOPÉDIQUE, OU JOURNAL DES SCIENCES. DES LETTRES ET DES ARTS; RÉDIGE PAR A. L MILLIN, Membre de l’Ixsrirur, Conservateur des Médailles, des Pierres : gravées et des Antiques de la Bibliothéque impériale, Pro- fesseur d’Archæologie, Membre de la Société royale des sciences de Goettingue, de celle de Turin, de celles des Curieux de la Nature à Erlang, des Sciences physiques de Zurich, d’His- toire naturelle et de Minéralogie d’Iéna , de l'Académie royale de Dublin, de la Société linéenne de Londres; des Sociétés d'Histoire naturelle, philomathique, galvanique, de statistique, médicale d’émulation, de l’Athénée des arts de Paris, de l'Athénée de Lyon; des Sociétés des Sciences de Rouer , - d'Abbeville, de Boulogne, de Poitiers, de Niort, de indien. de Marsille, d'Alençon, de Caen, a Grenoble, de Colmar , de Nancy, de Gap, de Strasbourg, de Mayence, etc. etc. ANNEE 180. TOME V. Sn PE ARTS: DE L'IMPRIMERIE DE DELANCE, rue des Mathurins ; hôtel Cluny. DL. ; 1 0e, “#0 1e en. is x re Ki 7 pe à du 6. # ‘E dE 85 à x 15 Le ue ge ru a 161 YA LA Et A foie” st A ieté ss QE MAGASIN ENCYCLOPÉDIQUE. MOŒURS ET USAGES. RecHERCHES historiques sur l’emploi des Jaux Cheveux et des Perru ques dans les temps anciens et modernes, extraites d’un ouvrage allemand de M. Frédéric NrcozaAï (1); par M. WINCKLER. L'osacr de se couvrir la tête de cheveux étran- gers fixés de quelque manière que ce soit, re- monte à une très-haute antiquité; cet usage se trouve surtout parmi les Grecs et les Romains ; il est dû autant au besoin qu'au luxe et au dé- sir de la parure. C’est ce qu’on sait fort bien en général, et un grand nombre de passages d'au- teurs anciens , ainsi que les différens noms grecs et latins qu'on a donnés aux perruques, dis- sipent toute espèce de doute et d'incertitude à cet égard ; mais les personnes qui ne font pas une étude particulière des antiquités, ne pour- ront guère s'imaginer que dès les temps les plus reculés l'usage de se couvrir la tête de faux che- veux ait été aussi commun. Elles ignorent en- core peut-être que depuis le temps des Grecs (1) Les notes sont pag. 41 et suiv. 6 Moœurs et Usages. - et des Romains, l'usage des perruques s'est con- servé pendant tout le moyen âge jusqu'à nos jours, et que les femmes , surtout, en ont plus fréquemment fait usage que les hommes. Il s'en faut de beaucoup qu'on ait compléte- ment recueilli, et encore moins suffisamment éclairci tout ce qu'on trouve sur cette matière dans les auteurs anciens et dans les écrivains du moyen âge. Dans les derniers siècles, les com- mentateurs des anciens songeoient plutôt à ras- sembler les passages des auteurs, qu'à en tirer des résultats clairs et précis; et comme ils avoient peu de connoissances techniques, ils ont ordinairement mal compris comment pouvoient être faites ces coiffures postiches dont les au- teurs parlent si souvent. Quelquefois ils ont con- fondu , avec les faux cheveux, la chevelure na- turelle , ainsi que différentes espèces de bonnets; et en général ils ont mal interprété beaucoup de passages. C'est ce qu'on peut dire des ZLectiones antiquæ de Lud. Cœlius Rnonocinus , et des Ad- versaria d'Adrien Turnéee et de Gaspard Bar- THIUS, Ouvrages qui sont de véritables magasins de citations et de passages extraits des ouvrages des anciens ; ils sont fort utiles, parce qu'ils contiennent un grand nombre de matériaux; mais ils ne dispensent point de recourir aux sources mêmes , et de lire ce qui précède et ce qui suit ces passages. Ces recherches font voir que les auteurs de ces recueils ont encore laissé beau- coup de détails dont ils n’ont pas tiré parti. Beaucoup de nos lecteurs auront déjà été éton- $ Perruques. "y nés d'entendre que l'usage des faux cheveux re- monte à un temps aussi reculé, et que chez les peuples civilisés de l’Europe et de l’Asie on ait depuis plus de 2,000 ans connu les perruques et les tours de cheveux. Ils seront peut-être plus étonnés encore d'apprendre que du temps d'Au- guste, dans le siècle qui a vu fleurir Virgile et. Horace , les Romains ont eu l'opinion que par la constellation qui avoit présidé à leur naïs- sance , certaines personnes étoient destinées à porter perruque. Le poëte Manirrus , qui a vécu à cette époque , dit expressément dans son 4s- tronomicon (2), que ceux que le destin fait naître dans le signe du Taureau , et sous l’influente des Pléiades , sont condamnés par cette constellation à mener une vie peu régulière, à faire friser leurs cheveux, et même à en emprunter de faux (3). Selon ce poëte , ces élégans bien frisés ont même dès le moment de leur naissance un penchant irrésistible de faire connoître leur amour et de di- vulguer les faveurs qu'ils ont obtenues des fem- mes (4); ce qui doit engager celles-ci à se te- nir en garde contre les amans nés sous l'influence des Pléiades. Cette opinion pourroit même être bien plus ancienne que le siècle d'Auguste , dans lequel Manilius a vécu, car il est constant que ce poëte a inséré dans son poëme astrologique beaucoup de morceaux de poëtes grecs qui ont écrit long-temps avant lui (5). Cette opinion s’est du moins conservée pendant plusieurs siècles ; car le mathématicien, ou plutôt l'astrologue Ju- nus Framicus (6), qui a vécu au 4°. siècle, la 8 Mœurs et Usages. répète presqu'avec les mêmes paroles employées par Manilius. On est étonné de ne trouver aucune disser- tation sur les perruques , les cheveux postiches et la coiffure, dans les volumineuses collections connues sous le nom de Trésor d’antiquités , publiées par Graevius, GRonovius, SALLENGRE et Porenus; c’est en vain qu’on y cherche le Commentarius de Coma par Hadr. Juwrus (7), et l’Epistola ad A. Colvium de capillo virorum , et mulierum coma, par Salmasius (8) ou Sau- MAISE ; Ce dernier ouvrage contient beaucoup de bonnes observations et de passages des an- ciens sur la manière dont les Grecs et les Ro- mains se coiffoient, arrangeoient et coupoient leurs cheveux ; il donne aussi des détails in- téressans sur l'origine de la tonsure des prêtres de l’église catholique , mais il ne parle presque point des cheveux postiches en usage chez les Grecs, les Romains et d’autres peuples de l’an- tiquité ; il en parle davantage dans ses notes sur le traité de TErTuLLIEN , de Pallio (9). Junius n'avoit aussi dit que quelques mots des che- veux postiches. Cela tient sans doute à ce qu'a- lors on en faisoit peu usage. On ne vit paroître des traités sur les perruques, qu'a l'époque où leur usage commença à être très-commun, et où elles devinrent même l'objet de beaucoup de disputes, et un sujet de scrupule pour les con- sciences timorées, Conrad Tiburtius Ranco, recteur d’un des gym- nases de Berlin , fut le premier qui, en 1663, pu- Perruques. 9 blia sur les perruques un pétit traité devenu au- jourd’hui assez rare (10). Il est le premier qui a recueilli plusieurs passages des anciens et de leurs commentateurs sur cette matière. Son ou- vrage a souvent été copié par ceux qui, après lui, ont traité le même sujet. Selon l'usage des écrivains de son siècle, Rango divague et parle d'une infinité d'objets accessoires ; cependant il ne condamne pas les perruques, qui alors, comme une innovation des usages reçus, trou- vèrent beaucoup d’antagonistes , surtout parmi le clergé : il fait, à ce sujet, des plaisanteries un peu fortes pour un recteur de gymnase, ainsi qu'on peut le voir à la note (11). La modération de Rango n’est pas un petit mérite aux yeux de ceux qui connoissent l'esprit de polémique qui régnoitalors. Comme l'usage des perruques devint de jour en jour plus commun dans toutes les classes de la société, cette inno- vation excita dans les pays protestans de l'Al- lemagne, non-seulement l'attention générale, mais fit naître beaucoup d'observations de la part des Ecclésiastiques , et des scrupules dans less prit des Laïcs. Vers 1673 , et pendant les années suivantes, cette dispute devint assez vive, et comme c’étoit alors la mode de ne traiter aucune question sans citer un grand nombre de passages d'auteurs anciens, tous ceux qui ont publié à cette époque quelqu'écrit sur la chevelure natu- relle ou postiche n'ont pas manqué de suivre cet usage, quoique la dissertation de Rango leur four- nit presque toujours les principaux matériaux. 10 Moœurs et Usages. Valentin Enrurra publia en 1693, à Léipsick, une dissertation de Capillamentis , von Bariicken, qui n'est qu'une mauvaise compilation. Samuel Scxezwic donna en 1685 une dissertation sur çe sujet (12), et on lui a fait l'honneur de la réim- Primer en 1701. Elle commence avec beaucoup d'emphase par ces mots : Semper aliquid novi dies ? Pour ce qui regarde les temps anciens , il a Surtout profité de l'ouvrage de Rango; mais il donne plus de détails sur les perruques dans les temps modernes. : L'année suivante, 1684 , Samuel WERNER , professeur de théologie à Kæœnigsberg et prédi- cateur de la Cour, publia un écrit (13) sur le même sujet. Il remonte bien loin, et traite avec beaucoup de détails des têtes chauves ; il exa- mine s'il est honteux ou mal-sain d'avoir la tête chauve , si c'est un signe de prudence ou de sagesse, etc. Cet ouvrage contient plus d’éru- dition que celui de Scnrzwic , et l’auteur y rap- porte plusieurs passages des anciens et des Pères de l’église, qui avoient échappé à ses prédéces- seurs. Schelwig, connu d'ailleurs par la rigidité de ses opinions, n’avoit pas condamné les per- ruques , quoiqu'ilne s'en servit point ; mais Wer- ner ne fut pas aussi tolérant; il regarde l'emploi des perruques comme un grand péché , et il s'efforce, cependant sans véhémence , d'établir son opinion sur toutes sortes.de preuves. Il est assez plaisant aujourd’hui d’observér avec quelle scrupuleuse impartialité il-cherèhe à Ôter toute espèce d'excuse aux personnes qui portent per- ruque. Perruques. 11 On ne trouve pas autant d'érudition classique, mais il y a plus de connoissance des auteurs ec- clésiastiques et canoniques, plus de zèle à con- damner tout ce qui, même de loin, ressemble à des perruques et à des cheveux frisés, dans l'ouvrage de J. B. Tniers, docteur en théolo- gie et curé de Champrond (14), qui est inti- tulé : Histoire des perruques , où l’on fait voir leur origine , leur usage , leur forme, leur abus et l'irrégularité de celles des ecclésiastiques. Paris, 1690. Il en a paru plusieurs éditions; la dernière est celle d'Avignon, 1777, in-12. Thiers publia son livre dans l'intention de condamner l'usage des ecclésiastiques de porter des perruques. Il a profité de l'ouvrage de Rango pour ce qui regarde l'usage des cheveux postiches chez les Grecs et les Romains ; mais il rapporte beaucoup de dé- crets de conciles et de synodes , inconnus jus- qu'alors, et des décisions contraires aux perruques données par des membres distingués du clergé catholique. L'ouvrage de Thiers est très - re- cherché par ceux qui, par dévotion, sont en- nemis des Perruques. Jean-Baptiste PAccicmezzt publia, trois années après Thiers, un ouvrage devenu fort rare, sur les larves, les perruques et les gants (15). I n'a connu celui de Rango que par la citation de Thiers , et il se plaint de ne l’avoir point trouvé dans les meilleures bibliothéques de Naples (16). Il a également recueilli sans choix une grande quantité de passages , de sentences, etc. , an- eiennes et modernes sur les perruques, Cet au- 12 Moœurs et Usages. teur , quoiqu'ecclésiastique et ex-auditeur d’une légation apostolique , est plus tolérant que Thiers à l'égard des perruques, même de celles des ecclésiastiques (17); il convient même que cer- taines personnes peuvent en avoir besoin. Jean- Phil. Grossius publia à Wittemberg, en 1694, une dissertation in-4°. de Capillis et ca- pillamentis. Elle est citée dans le catalogue de la bibliothéque du comte de Bünaw. En 1707, Tob. Horprwer et GS. Scnornurnr soutinrent à Léipsick une dissertation académi- que de Quæstione : num ecclesiastæ liceat ge- rere capillamentum ? Ts sont fortement pour l'affirmative , et ils allèguent quelquefois des raisons qui, aujourd'hui, paroîtront assez plai- santes. M. Decvuerce , sous le nom supposé du doc- teur Akerlio, a publié il y quelques années un Éloge des perruques (18). C’est un éloge à peu près dans le genre de celui de La puce, ou | deléné ou du rien, qu’on trouve dans le theatrum sa- pientiæ jocoseriæ de Casp. Dornavius. M. De- guerle a joint à son ouvrage une liste alphabé- tiquesde pareils éloges, qu’il appelle Éloges dans L> genre gracieux et ladin ; elle remplit 15 pages. » Il y à dans ce livre un grand appareil d'éru- dition , mais malheureusement, dit M. Nicolaï, elle n’est souvent qu'apparente (19). On peut reprocher à M. Deguerle beaucoup de négligences et d’inexactitudes quant aux sources dans les- quelles il a puisé, et d'avoir souvent été très-infi- dèle dans la manière dont il a rapporté certains Perruques. 19 traits d'histoire (20). La vérité et l'erreur sont tou- jours mélées dans ce livre , et le désir de faire de l'esprit n’a que trop souvent engagé l'auteur à dire, non pas ce qui est conforme à la vérité histo- rique, mais ce qui lui a paru plus plaisant. Il ne paroît pas qu'il ait voulu observer ce prin- cipe : que lorsqu'il s’agit de recherches histo- riques, la vérité doit être surtout respectée, quelque peu importante qu’elle paroisse. J'ai essayé de vériher plusieurs de ces assertions ; mais je me suis bientôt convaincu que ce seroit un travail trop ingrat. Dans tout ce qui regarde l'histoire ancienne et même celle du moyen âge, les assertions de M. Deguerle sont rarement exactes. Il mérite moins ce reproche lorsqu'il est question de l’histoire de France, et ce qu'il dit à la page 22 de la Régénération des perruques à Paris, est fort amusant, surtout pour ceux qui connoissent les anecdotes et l’histoire du jour, auxquelles l’auteur se contente souvent de faire allusion , ce qui rend ces détails moins intelli- gibles et moins intéressans pour ceux qui ne sont pas Parisiens. » Outre ces auteurs qui ont fait, des perruques, l'objet particulier de leurs recherches , il y en a quelques-uns qui n’en ont traité qu’occasio- nellement. M. Bortricer , dans plusieurs dis- sertations insérées d’abord dans le Journal du Luxe et des Modes, publié par MM. Berrucu et Kraus (21), et réunies depuis en un volume particulier (22), a décrit avec autant d’esprit que d’érudition la toilette, et en particulier la cçoif- 1410 Moœurs et Usages. fure d'une riche dame romaine; mais il ne donne que peu de détails sur les différentes espèces de perruques dont les dames faisoient usage. M. Sricriz a également inséré dans le même Journal du Luxe et des Modes (23) une disser- tation intéressante sur la coiffure dés dames ro: maines ; il y atjoint deux gravures qui représen- tent plusieurs de ces coiffures , mais il parle peu des perruques et des cheveux postiches des fem- mes grecques et romaines. Îl auroit pu ajouter à ses gravures de coiffures les seize têtes très- jolies et simples de femmes romaines , publiées par Cayius (24) d’après de petits monumens en terre cuite. La simplicité de la coiffure de ces têtes pourroit cependant faire croire qu’elles n'offrent point une mode romaine , mais une coiffure grecque. Un livre remarquable du seizième siècle, in- titulé , Gli ornamenti delle donne , tratti dalle scritture d'una reina Greca, per M. Giovanni ManineLLo , Venise, 1562, in-12 , nous fait voir le soin que les femmes italiennes prenoient alors pour augmenter leurs charmes. Le second livre de cet ouvrage ne traite que des cheveux. On y trouve un grand nombre de remèdes propres à les teindre , à les faire pousser , et à les dé- truire ; mais il n'y est pas question de rem- placer les cheveux naturels par des cheveux étrangers. Le mot perucca n’y est pas employé non plus dans le sens de cheveux naturels. | Dans l'ouvrage de Pascarus, de Inventis nov- antiquis , on ne trouve rien sur les perruques Perruques. 19 et sur les cheveux postiches ; il en est de même de deux petits ouvrages d’ailleurs assez insigni- fians , mais dont le titre pourroit faire penser qu'on y trouveroit quelque chose sur cette ma- tière. Ces deux ouvrages sont : J. Marruaer Lu- NENsis, Libellus de rerum inventoribus , et M. Antonii Sareiricr, Poëma de rerum et artium inventoribus ; ils ont été publiés ensemble à Ham- bourg , 1613, in-8°. Dans le IVe. volume des Mémoires de l'Académie des Belles-Lettres , l'abbé Napaz a donné un Mémoire sur le luxe des dames romaines, mais il ne contient que les choses les plus connues , et sans aucun ordre. Dans l’Æis- coire du luxe des Athéniens (35), par M. Mer- NERS, ainsi que dans la Comparaison historique des mœurs et des constitutions du moyen âge avec celles de notre siècle, par le même (26), on ne trouve rien sur ce sujet. Il n’en dit que quelques mots à la page 153 de son Histoire de la décadence des mœurs parmi les Romains pen- dant les premiers siècles après l'ère vulgaire (27). Ces nombreux auteurs ont-ils réussi à déter- miner l'époque à laquelle on doit fixer l’inven- tion des perruques ? À en croire le docteur Tuiers, l’usage des perruques remonte à l'antiquité la plus reculée. Il assure que les théologiens de Louvain , qui ont toujours joui d’une grande autorité dans l'é- glise catholique , ont retrouvé l'usage des per- ruques dans les prophéties d’Isaïé, chapitre 3, verset 17. Dans la traduction française de la Bible qu'ils ont publiée au 16°. siècle ; ce pas- 16 Moœurs et Usages. sage qui, dans la Vulgate, est conçu en ces termes, « Decalvabit Dominus verticem filiarum » Sion, et Dominus crinem earum nudabit» , est rendu de la manière suivante : « Le Seigneur » déchevelera la tête des filles de Sion, et le » Seigneur découvrira leurs perruques (28). » Cela paroît un peu singulier ; mais on peut aussi croire que, conformément à l'usage de la langue du siècle où ils vivoient , et dont il sera encore question plus bas, les théologiens de Louvain ont pris le mot perruques dans un sens différent de celui que nous lui donnons. Selon un compilateur allemand (29) du com- mencement du 18. siècle, cet usage remonteroit même jusqu’au temps de David. 11 le trouve in- diqué dans le premier livre des Rois, où il est dit que Michol, pour sauver David, plaça dans le lit une image ; dont la tête étoit enveloppée d’une peau de chèvre (30). Cet auteur assure très-sérieusement que c’est la plus ancienne in- dication de l’usage de la perruque, WinckELMANN donne aussi à l'usage des per- ruques une haute antiquité. Dans ses Monumenti inediti , il a publié, au n°. 75, le fragment d'un bas-relief qui représente une Isis dont la coiffure, selon lui, doit être regardée comme une per- ruque. Si l'opinion de Winckelmann est fondée, cette tête d'Isis nous offre la plus ancienne fi- gure d’une perruque. La première indication historique précise que nous trouvions d'une perruque ou du moins d'un tour de cheveux , est dans le 3e. chap. du pre- mier Perruques. 17 mier livre de la Cyropædie de Xewopnox. Cyrus arrive avec sa mère Mandane chez son grand- père Astyages, roi des Mèdes. Ce peuple se distinguoit par un luxe, dans les vétemens, inconnu alors aux Perses. Cyrus aperçoit As- tyages décoré de beaucoup d'ornemens , avec des sourcils peints et une espèce de perruque ou des cheveux ajoutés , (Kogcais Teordérous ), et il s'écrie : Que mon grand-père est 1 , Un passage du second livre de l'Economie, par ArisroTE (31), fait aussi mention de che- veux postiches. Candale, gouverneur du roi Mausole, voulut imposer une nouvelle taxe aux Lyciens, peuple qui faisoit grand cas de sa belle chevelure. Il prétendit avoir l'ordre d'envoyer au roi des cheveux pour en faire des boucles (32), et 1l leur laissa le choix de fournir leur cheve- lure ou de payer une capitation dont le produit seroit employé à faire venir des cheveux de la Grèce. Les Lyciens préférèrent de payer la capitation pour conserver leur chevelure. M. Decuerce, dans son Eloge des perruques , a rap- porté ce trait, mais en le défigurant d'une ma- nière inconcevable (33). D'après un passage de Cléarque, disciple d'A- ristote, qui est rapporté par Athénée (34), les Japyges , peuple qui descendoit des Crétois , se sont éloignés de l'austérité de leurs ancètres dès leur passage en Italie; ils furentles premiers qui se servirent de cheveux postiches ou de perruques. L'origine des perruques n’appartiendroit donc plus à l'Asie, mais à l'Europe. T'. F. Septembre 1805. de” 18 Moœurs et Usages. Dans ces deux passages d'Aristote et d'Athé- née, le mot employé pour désigner les cheveux postiches est rex, qui signifie proprement boucle de devant. Il est probable que dans les premiers temps on se contentoit d’attacher ces boucles au bonnet ou à la coiffe, ou bien on les faisoit entrer dans les tresses naturelles pour les faire paroitre plus fortes, Ce sont là les moyens les plus mturels de porter des cheveux postiches, et ils étoient aussi en usage dans les temps mo- dernes , ayant qu’on eût inventé l'art de fixer. les cheveux à des rubans ou entre des fils de soie. Par la suite, les Grecs désignèrent les che- veux postiches d'une manière plus précise, en joignant au mot boucle ou chevelure l'adjectif ajouté ou étranger , FROM opt oY meoclerov, ou meocber# “our, OÙ 7eplerai ou ; Polien (55) les désigne simplement par le mot rater, en sous-enten+ dant our; Hesychius l'appelle repsxcparais, ce que nous nommerions un tour de téte. On trouve encore plusieurs autres dénominations dans les auteurs pour désigner la chevelure postiche ; telles sont : évrgixos crurunn, rpixoua | xdeuwbos, #5- pueGo, meaevños, cuopmios , op van, xid'apis , vid'æpioy ET midi; mais l'orthographe et la véritable signi- fication de plusieurs de ces mots fourniroient en- core matière à discussion. Selon Suidas, xidwgrs signifie à la fois un couvre-chef de poil et de laine , et une bandelette pour ceindre la tête ; telle est aussi la signification de ndwyie , mot qui, selon la conjecture très - probable de Küster , n'est qu'une fausse leçon ; il faut lui substituer Perruques. de) #idWgroy, une petite ag. Me n'est probable- ment qu'un bonnet de feutre : peut-être aussi que ce mot grec , ainsi que le mot latin galerus, a signifié à la fois un bonnet et une perruque , ce qui reste encore à déterminer. "Eyrgxes signifie peut-être plutôt celui qui porte pérruque, que la perruque elle-même ; car Hesychius explique ÉVTpEGoY PAT ærbevés. La dénomination grecque la plus vulgaire des perruques est Qivaxy ( ou bien THYÉ4Y , CLILETE Tex 5 ren ), mots dérivés de @éret , un trompeur , @eva= * Cu, myuxiGey, tromper. Lies Grecs disoient donc de celui qui mettoit sa perruque , qu'il met- toit une tromperie sur la téte. Il paroît que lorsqu'on commença à se servir de ce mot, on ne se contentoit plus de coudre des boucles de cheveux à un bonnet , mais qu'on savoit déjà former , soit une chevelure entière, soit des bou- cles détachées et composées de cheveux étran- gers. EusraTue dit : « La rey4xy est un couvre-cheË » fait de cheveux, commode pour les femmes » et pour les homines qui ont perdu les che- » veux (36). On porte la x:» pour tromper » celui qui regarde notre chevelure. » Luce, en parlant du fameux charlatan pa- phlagonien Alexandre , le véritable Gagliostro d'alors , dit qu’il avoit une belle chevelure , com- posée de cheveux naturels et de cheveux étran- gers (37), mais arrangés avec tant d'art, qu'on ne pouvoit s’apercevoir que c'étoit une cheve- lure postiche; lorsqu'ensuite , pour le guérir d'un mal de tête , les médecins voulurent y appliquer 20 Moœurs et Usages. 24 un remède, on vit qu'il étoit chauve, et avant de lui mettre l'emplâtre , on lui Ôta sa phenakè ou perruque (38). _ AElien parle d'une femme nommée Aglais , qui portoit une chevelure empruntée, où perru- que avec une toufje de cheveux au-dessus de la tête (39). Cette Aglaïs savoit aussi sonner de la trompette , et elle étoit remarquable par sa vo- racité. Dans un seul repas elle mangeoit, selon AElien , 12 mines de viande , quatre chœnices de pain , et elle bavoit une choa de vin (40), ce qui fait à peu près douze livres de viande, huit livres de pain, et six bonnes pintes de vin. Les perruques paroissent n'avoir pas été in- connües chez les Carthaginois. Annibal en avoit plusieurs, et en changeoïit souvent pour se rendre méconnoissable et pour se soustraire, selon Po- lybe et Tite-Live, aux embüches des Gaulois (41). Les expressions crobylos et corymbos ne dé- sis#noient pas dés perruques, comme quelques commentateurs des anciens (42) l'ont pensé d'a- près un passage de Suidas mal expliqué; mais différentes manières de tresser et de disposer les cheveux en pointe , en forme pyramidale , ou conique (43): C’est ce que Suidas dit expressé- ment dans le passage cité, où il ne parle nul- lement de perruques. Eustathe et le Scholiaste de Thucydide (44) disent, presqu'avec les mêmes mots, que c'étoit un mréyua rexé us obo; et dans le texte de Thucydide, il est évidemment ques- tion de cheveux naturels. Kogvww£os est employé pour désigner toute espèce d'élévation ; celle du Perruques. 21 sommet des montagnes aussi bien que celle du ma: melon du sein. Suidas parle ailleurs (45) expres- sément d’une chevelure corymbée , c'est-à-dire dressée en pointe, et élevée au moyen d’un ruban d’or. Il est naturel de penser qu'on aura appliqué les mêmes noms aux perruques où à la fausse chevelure, lorsqu'on lui donna cette forme pyramidale prescrite par la mode, et c’est dans ce sens que, dans Pétrone, la servante 7 ryphæna met à Giton le corymbium de sa maitresse , et à Encolpe un corymbium blond. Du reste, ces distinctions n'étoient pas même généralement admises. Suidas, peu avant le pas- sage où il donne l'explication du mot xgaêvaos , donne aussi à ce mot la signification d'une boucle de cheveux d’enfans ( 5 marrcs rôy radar ); et à la lettre >, il ne fait pas mention du mot comtes dans la signification d’une coiffure. Hesycnrus cite xgaGvros et xeguwGos comme synonymes. Ju- rius PorLux , dans son Onomasticon (46), dit expressémeut que non-seulement les femmes , mais aussi les hommes, portent le xew£vnes ; et Saint-Astérius, dans une homélie prêchée à la fin du 4e. siècle contre la fête payenne célébrée en l'honneur de Janus le 1°. jour de l'an, dit aussi qu'à cette occasion les hommes prennent dés vêtemens de femmes, et «qu'ils mettent , comme » les femmes , un crobylus sur la tête (47). » Dans Aristophane (48) et Lucien (49), au con- traire, le »gabvass est expressément attribué à un homme ; dans ces deux passages, ilne signifie pas une fausse chevelure , mais des cheveux relevés , 22 Mœurs et Usages retroussés. Suidas, au mot wdges, dit : « ce qui » chez les Athéniens s'appelle xga£vaos, porte chez » les Cypriens le nom de »g9 an. » Ce mot xsedvas signifie tout ce qui est élevé, la bosse qui résulte d’un coup de bâton, et le bâton même avec lequel on fait la bosse ; lorsqu'on l’emploie de la cheve- lure, ce mot doit donc au moins signifier une touffe de cheveux. Kga£vaos désignoit cegtainement une touffe ou un nœud élevé de cheveux, car Xé- nophon (50) nomme mème ainsi la crête qui sur- monte un casque de cuir. Le xew&vros et le xoguméos se ressemblent donc en ce que l'un et l'autre étoient une coiffure élevée et conique. La coiffure de Corcyre, qu’on voit sur une médaille (51), pourroit étre prise, sinon pour un corymbe grec , du moins pour une cordyle de cheveux postiches; plus bas il sera question de plusieurs coiffures romaines de ce genre. Les mOtS eraréan Et oraréaur (52) paroissent aussi avoir désigné une espèce de corymbe ou de crobyle. Les femmes de la Grèce connoissoient aussi l’art de teindre les cheveux noirs en blond et les cheveux blonds en noir (53). Chez les Romains, la coiffure de faux che- veux étoit désignée par les expressions suivantes : Coma adulterina, coma addititia , coma appo- sita , positi capilli, galerus , galericulus, capil- lementum , caliendrum , reticulum ; ils avoient également adopté l'expression grecque corymbus et le diminutifcorymbium, ainsi qu'on l'a vu plus haut d’après Pétrone. Manrraz se sert du mot persona capitis pour désigner une perruque. Le Perruques. 25 même et Ovine l’appellent encore assez naïve- ment crines emti, cheveux achetés (54). Un autre passage d'Ovide (55) a fait commettre une erreur assez bizarre à quelques commenta- tateurs qui se sont trop attachés au mot et trop peu aux choses. Voici le vers en question : Festa corymbiferi celebrabat Græcia Bacchi. À cause du mot corymbus, ils l'ont expliqué par Bacchus portant perruque, au lieu de Bacchus au front ceint de lierre. Rango, à la O page 4 de son traité, a donné la véritable expli- cation de ce vers. Les rêveries de quelques auteurs sur les perru- ques que les Romains peignoient sur la tête, ne paroissent pas plus exactes que le Bacchus coiffé d’une perruque. Il est vrai que dans une épi- gramme de Martial (56), il paroït qu'en effet il est question d’une perruque peinte : Mentiris fictos unguento , Phœbe, capillos, ” Ettegitur picris sordida calva comis. Tonsorem capiti non est adhibere necessum : Radere te melius spongia Phœbe potest. / Mais comment concevoir la possibilité d’une pareïlle perruque ! Turnèbe (57) pense que ceux qui avoient la tête absolument chauve, y versoient (il se sert du mot perfusi) une espèce de pommade, qui, en coulant, imitoit les raies des cheveux. Il est bien superilu de faire voir l’absurdité de cette opinion. Si toutefois on avoiÿ; quelque chose de ce genre, cela ne pouvoit 24 Moœurs et Usages. être ni de la peinture ni une pommade, mais une masse qui avoit plus de consistance et qui restoit sur latête, une espèce de ceroma, comme le mélange de poudre et de pommade usité dans les temps modernes. Mais cela ne pouvoit guères servir à couvrir une tête entièrement chauve, comme Turnèbe a voulu le persuader , mais seu- lement une place chauve, ou bien, lorsqu'un homme avoit peu de cheveux , faire paroître sa chevelure plus volumineuse; c’est à cela même que l'épigramme de Martial semble faire allusion. Rango cependant paroît ne pas vouloir nier ab- solument l'existence des perruques peintes ; et pour rendre ce fait plus vraisemblable , il rap- porte que, de son temps, un pauvre peintre se peignoit les jambes pour faire croire qu'il avoit des bas (58). M. Deguerle a encore commis une grande erreur à cette occasion; car après avoir regardé , sur la parole de Farnabe et de Turnèbe, les perruques peintes comme un fait irrévocable , il ajoute (59) : « Quelques peuplades de sauvages » modernes ont encore une grande vénération » pour cette perruque en peinture ; et ces bonnes « gens l’ont nommée tatouage. » Certainement le tatouage diffère beaucoup de la simple pein- ture !! Quant au reticulum , il n’est pas très-sûr qu'il ait été une espèce de perruque , ainsi que plu- sieurs commentateurs l’ont pensé ; peut-être n'é- toit-ce qu'une rezille, ce que les Espagnols ap- pellent redezilla , pour serrerles cheveux. Juvé- n AL (60) dit expressément d'un homme efféminé : Perruques. 25 « Reticulumque comis auratum ingentibus implet. » VanRon (61) dit: « Quod capillum contineret , » dictum a rete, reticulum » SainT-lsinone (62), qui a vécu au 7°. siècle après l’ère vulgaire, dit aussi : « Reticulum est quod colligit comas. > WainckezMANN (63), dit: « Sur des médeilles » et dans des tableaux , il y a des têtes de: .» femmes et de déesses, coiffées d’un réseau » ou filet, semblable à celui dont les femmes » d'Italie se servent encore aujourd” hui dans » leur maison. Cette sorte de bonnet se nom- » MOit xexgiQares » Dureste, que le xsxgipaños ait été un filet ou quelque autre | M de bonnet, on voit du moins par ce qu’en disent Julius Pol- lux , Hesychius et Suidas, qu'il ne ressembloit Doi du tout à une perruque. Nonius Mar- cELLUS (64), qui a vécu au 4°. siècle, dit en géné- ral : reticulum , tegmen capitis muliebre. Il y a moins d'incertitude sur la signification du mot caliendrum , qui probablement désigne une PeTTuque de femme. Quelques commenta- teurs n’en ont fait qu'une simple coiffure ; d'au- tres un voile; mais le passage d Horace (65): Canidiæ dentes , altum Saganæ caliendrum Excidere........ prouve d'une manière victorieuse l'opinion con- traire. Le mot altum fait voir qu'il ne peut point être question d'un voile, comme Bentley l'a pensé. L'ensemble du passage montre suffisam- ment ce que veut dire le poëte satyrique; pen- 26 Mœurs et Usages. dant que l’une des deux vieilles courtisanes laisse de frayeur tomber ses fausses dents, l'au- tre perd sa fausse chevelure. Les étymologistes dérivent ce mot du grec xænaurrgre, qu'Hesychius explique par tout ce qui tient à la parure. Peut- être qu'il y a aussi quelque rapport entre ce mot et xænmtôupa, des cheveux bien coiffés, bien ornés. La dénomination la plus vulgaire des perru- ques, chez les Romains, étoit galerus , mot qui dans l’origine désignoit un bonnet qui entouroit la tête circulairement , comme le cucullus. Var- ron (66) dérive même de galerus le mot galea , casque , qui, dans l’origine , étoit de cuir, comme le bonnet ne. galerus. À cause de la chaleur on laissoit en dehors les poils et la laine , de sorte que cette coiffure avoit assez l’air d'une per- ruque. Quelques auteurs ont pensé que le nom de galea venoit de ce que les premiers couvre-chefs de ce genre étoient faits de peaux de chats, de yañin Où yaxÿ, le chat. Vinoice (67) dit que les guerriers de Præneste portoient sur la tête des bonnets de peaux de loup ; ——— Fulvosque lupi de pelle galcros Tegmen habent capitz. Cavyrus, dans son Recueil d'antiquités (68), a publié la figure d'un guerrier qui, au lieu de casque, à un pareil bonnet , mais sans poils; on diroit presque que ce gueTTJeT est entièrement vêtu de cuir. Dans le mème Recueïl(69), on voit encore la figure d’un guerrier coiffé d’un casque # Perruques. 27 ou d'un bonnet tout rond et qui lui serre latète. Martial (70) adresse l’épigramme suivante à un certain Phœbus : Hoœædina tibi pelle contegenti Nudæ tempora verticemque cakæ , Festive tibi, Phœbe, dixit ille, Qui dixit caput esse calceatum. Il se sert de l'expression calceatum , parce que les souliers étoient de cuir comme le couvre- chef. De pareils bonnets velus , de peaux de chèvre, paroïissent avoir été la première origine des véritables perruques, et encore aujourd'hui les poils de chèvre sont employés à la confec- tion des perruques. Ceux qui avoient encore leurs cheveux , lorsqu'ils alloient à la palestre, mettoient cependant de pareils bonnets de peau, au lieu d’oindre leur chevelure. Martial (71), en parlant de l'emploi d'un pareil galericulus , dit : Ne lulet immundum nitidos ceroma capillos , Hac poteris madidas condere pelle comas. Il est vrai que souvent il est difficile de détermi- ner si, dans un passage, le mot galerus doit signi- fier un bonnet ou une perruque, parce que ce mot servoit à désigner plusieurs espèces de cou- vre-chef, même de ceux qui n'entouroient point la tète comme un bonnet. C'est ainsi que le chapeau de Mercure est appelé quelquefois ga- lerus. Les sénateurs romains , lorsqu'ils paroiïse soient au théâtre, avoient la tête couverte du galerus, qui paroït avoir été moins un bonnet 28 Mœurs et Usages. de forme ronde, qu'un chapeau à larges bords pour se garantir contre les rayons du soleil. Dans le concile de Lyon, en 1224, on accorda aux cardinaux le galerus rubeus ; ce mot cependant pourroit ici s'entendre de la calotte rouge que les cardinaux portent encore aujourd'hui, au lieu du chapeau rouge, qui peut-être n'étoit pas encore en usage à cette époque. Les galeri que portoient les pontifices flami- num, et sans lesquels ils n'osoient jamais paroître, étoient sans doute des bonnets pointus et non pas des perruques , comme on peut s'en convaincre par les monumens sur lesquels on les voit figu- rés, etqu’on trouve entre autres dans La Caausse (72). Selon Isidore , ces bonnets étoient faits des peaux des animaux immolés (73), et l'apeæ de leur laine. Dans la même dissertation de La Chausse on trouve encore la figure d’un vase à mettre l’eau | lustrale ; il a la forme d’une tête ouverte par le haut (74), et dont les cheveux sont bouclés avec beaucoup de soin; ce monument nous montre un galerus qui est une perruque. Lorsque les auteurs parlent du galerus dont se couvroient les acteurs dans les représentations de théâtre , il faut sans doute entendre une perruque de faux cheveux de différentes couleurs (75). Quelle qu'’ait été d'ailleurs la forme et la fa- brication de ces perruques, elles ne servoient pas seulement, chez les Romains , pour cou- vrir la tète lorsqu'elle étoit chauve , mais on sen servoit aussi pour se rendre méconnoissa- Perruques. 29 ble ; la perruque ronde ( galerus ) étoit surtout employée dans cette intention par les personnes qui vouloient aller dans des mauvais lieux où elles désiroient ne pas être reconnues. Juvxs- NAL (76) dit expressément de Messaline : « Nigrum flavo crinem abscondente galero , « Intravit calidum veteri centone lupanar. » Dion Cassrus (77) en dit autant de Néron et d E- lagabale, et Suerone (78) de Caligula. D'après cela on peut croire que l'usage des perruques étoit alors commun, et qu’on savoit les faire avec assez d'art pour faire penser que les cheveux étoient naturels. C’est aussi ce que nous prou- vent les monumens. Suétone (79) nous apprend que Domitien étoit entièrement chauve ; sur toutes ses médailles cependant il est représenté avec des cheveux. Le comte de Caylus (80) a proposé à ce sujet une conjecture un peu singulière. Il pense que les anciens artistes l'ont représenté ainsi par amour du beau. Cependant Jules-César est figuré sur plusieurs médailles avec la tête chauve, mais ayant la couronne de laurier sous laquelle il la cachoit. Il est donc plus probable que Domitien couvroit sa tète chauve d’une espèce de per- ruque , qui déjà avant son temps étoit assez com- mune pour qu'on ait pu le représenter sur les médailles tel qu’il étoit ordinairement coiffé. Cela est d'autant plus probable , que Suétone (81) dit qu'il étoit très-fâché d’être chauve , et qu'il n’ai- moit point qu'on lui en parlât. La chevelure de 30 Mœurs et Usages. - Domitien , telle qu’on la voit sur les médailles de cet empereur , a la forme d'un galerus rond, et elle est frisée avec tant de soin et d'art qu'on doit nécessairement penser qu’on l'a figuré telle qu'il la portoit, parce qu'elle n'est pas assez belle pour qu'on puisse la prendre pour une che- velure idéale , et qu'il est notoirement connu que Domitien avoit la tête chauve. Suétone et Plutarque disent que Galba avoit peu de che- veux (82); sur quelques-unes de ses médailles il est chauve, sur d’autres il a des cheveux. Il pa- roit donc probable que quelquefois ce prince aura porté une perruque. L'empereur Othon portoit constamment une perruque, du moins ce que nous appelons un grand tour de eheveux, qui, selon Suétone (83), étoit si bien fait, qu'on ne pouvoit point le distinguer de ses cheveux naturels. Les femmes romaines surtout avoient un grand soin de leur coiffure , elles portoient fréquem- ment de véritables perruques. Otto SPERLINC (84) avancé même une opinion difficile à prouver ; il _ prétend que les dames romaines les plus distin- guées ne se montroient guère avec des cheveux naturels, mais toujours.en perruque. (Ce qui est certain , c'est que du temps d'Ovinr l'usage des faux cheveux étoit tellement reçu, que dans ses Métamorphoses (85), il a pu se permettre de faire prendre à Pallas des cheveux gris, afin de se déguiser en vieille femme pour aller trouver Arachné. Les cheveux qu'on faisoit venir de la Germa- Perruques. OI nie étoient les plus recherchés par les dames romaines, parce qu’ils étoient de couleur blon- de(86). Envoyer aune dame romaine des cheveux de Germanie , étoit un présent très-considérable. Ovine console la jeune fille qui a perdu ses che- veux par suite de’ chagrins ou de maladie, en lui rappelant qu'il y a encore des cheveux de Germanie (87) : Nunc tibi captivos mittet Germania crines , Culta triumphatæ munere gentis eris. O quam sæpe, comas aliquo mirante , rubebis ; Et dices , emtä nunc ego merce probor ! Et Manrrar dit à sa Lesbie (88) : Ârctoà de gente comam tibi, Lesbia, misi ; Ut scires quanto sit tua flava magis. Mais c’est à tort que plusieurs commentateurs des anciens (89), et d’après eux plusieurs auteurs modernes, ont voulu prétendre que les per- ruques blondes n’étoient employées que par les courtisanes , et que les femmes honnêtes por- toient des perruques brunes ou noires. Plusieurs passages des anciens prouvent la fausseté de cette opinion. Les femmes romaines préféroient aussi les jeunes-gens à chevelure blonde , non-seulement parce que cette couleur est plus délicate , nrais encore et peut-être principalement parce qu’à Rome elle étoit plus raré que la couleur brune. Les blondes y passoient par cette raison pour les plus belles. C’est ce qu’on voit par le passage “32 Mœurs ei Usages. de Martial cité plus haut, et par le compliment quil y fait à Lesbie sur sa chevelure ; c’est en- core ainsi qu Horace (90) demande à sa Pyrrha : Cui flavam redigas comam, Simplex munditiis ? et ces deux derniers mots font voir évidemment qu'il n'est pas ici question de cheveux teints, mais d'une chevelure naturelle. Properce (91) reproche aux Romairies de tein- dre leurs cheveux en blond, ou dese servir d'une fausse chevelure blonde : Ut natura dedit, sic omnis recta figura ; Turpis romano belsicus ore color. Hi sub terris fiant mala multa puellæ Quæ mentita suas vertit inepta comas. Leur adresseroit-il des reproches aussi sérieux, si les courtisanes seules avoient porté des cheveux blonds ? Les auteurs ne nous apprennent rien sur la manière dont on travailloit à Rome les perruques. 11 paroît toutefois que dans le 3°. siècle de l'ère vulgaire , on y avoit porté cet art à une grande perfection. Un passage de T'ertullien (92) sem ble même indiquer qu’on connoissoit déjà alors l'art de tresser les cheveux , tel qu’on le pra- tique aujourd'hui, ce qui cependant paroit peu vraisemblable par plusieurs raisons. Par ce même passage de Tertullien nous ap- prenons encore qu'on ne donnoit le nom de ga- lerus qu'aux perruques rondes dont on couvroit le | Perruques. 35 le sommet de la tête, ou qui entouroient latête, et qu’elles différoient du corymbus , qui formoit une pointe ou un cône. Julie, fille de Titus, sur la belle ‘intaille du Cabinet de la Bibliothèque impériale, gravée par Evodus, et sur ses iné- dailles , a un pareil corymbus. Les Médailles des impératrices , les statues , bustes , etc de La ville Pinciana, et des Monumenti Gabini, publiés par M. Viscontr, (93) son Museo Pio-Clemen- tino et les autres ouvrages d’antiquité nous font connoître un grand nombre de manières de tres- ser les cheveux en usage chez les dames romai- nes. Mais il n'est guère possible de déterminer avec précision la chevelure naturelle, et de la distinguer de ce qui représente des faux cheveux. Caylus (94) a publié deux têtes coiffées d’un corymbe pointu, composé probablement de faux cheveux , tel que celui que, dans Pétrone, Tryphæna pouyoit placer à la fois sur la tête de Giton. Dans une dissertation, citée plus haut, sur une médaille de Furia Sabina Tranquillina , épouse de l’empereur Gordien III, qui a vécu dans le mème siècle que Tertullien, Otto SPerrING a traité avec assez de détails des perruques que portoient à cette époque les dames romaines ; mais cet auteur a été trop loin dans ce qu'il a dit sur la manière de distinguer les faux cheveux de la chevelure naturelle (95). Quelques bustes en marbre , de dames ro- maines, dont on peut ôter la perruque entière nous prouvent évidemment l'usage des perruques T. F7. Septembre 1805. Ê _ 54 Mœurs et Usages, parmi les femmes à Rome. Peut - être que les sculpteurs adaptoient à ces statues une coiffure amovible, afin de pouvoir la changer selon que l'exigeoit l'inconstance de la mode. Dans le Mu- sée Capitolin (96), il y a un buste de Lucilla, en marbre de Paros, avec une coiffure amovible en marbre noir. . Dans le Jardin de Sans-Souci il y a un buste antique d'une dame romaïne , venant de la col- lection de Porrenac, et dont la coiffure est éga- lement amovible (97). Orsrerreica, dans sa des- cription et explication des groupes, statues , bustes, etc., appartenant au Roi de Prusse (98), l'a désigné , très-arbitrairement , sous le nom de Julia Mammæa , mère d'Alexandre Sévère. Dans le catalogue imprimé de la collection de Polignac (99), il n'est nulle -part fait mention d'un buste de cette impératrice, et la figure ne res- semble point à celle qu'on voit sur les médailles de Julia Mammæa. On peut présumer que ce buste est celui qui, sous le‘n°. 296 du catalogue de la collection de Polignac, est désigné ainsi : Buste d'une Matrone , ouvrage antique romain du second rang. Mais le catalogue ne fait nulle part mention que la chevelure peut se détacher de la tête d’un de ces monumens ; cependant il est certain que ce buste vient de la collection de Polignac (99 bis). La coiffure de ce buste ressemble assez à celle de Lucilla, telle qu'on la voit dans Strada, au n°. 103; et nous avons vu plus haut que dans le Musée du Capitole il existe un buste de cette princesse , avec une chevelure amovible, Perruques. 39 Le buste de la collection de Potsdam sera tou- jours un monument très-curieux , parce qu'il nous donne une idée très-précise de la conforma- tion d'une perrüque telle que les portoient les an- ciennes romaines ; il seroit, d'après cela , à désirer que ce monument füt Ôté du jardin où il est exposé aux injures de l'air , et placé dans une collection ‘publique. Si un examen plus approfondi de ce buste nous apprenoit que c’est en effet celui de Julia Mammæa, nous pourrions par là nous faire une idée encore plus exacte des perruques telles qu'on les portoit du temps de Tertullien , qui les condamne avec tant de zèle; car eette impératrice a yécu dans le même siècle que ce père de l'église.—A la planche 22 des Monumenti Gabini, M. Visconti a publié un buste dont la coiffure est absolument semblable à la coiffure amovible ou perruque du büste antique de Pots- dam. M. Visconti regarde ce buste comme celui de Plautilla, épouse de l'empereur Caracalla ; d’après cela, ce seroit encore une coiffure du 3e. siècle, du temps auquel ont vécu Tertullien et Julia Mammæa. On n'a qu'à regarder cette coiffure sur le front du buste, et on se con- vaincra aisément que cest une perruque. On peut en dire autant d’un buste antique que M. Lamserri a publié dans le premier volume de la Villa Pinciana , ( troisième chambre, HO EL, } et qu’il appelle Julia Pia. On y remarque éga- lement une chevelure qui , probablement , est fausse, et qui a des boucles serrées très-près l’une de l’autre, se prolongeant depuis le front + 56 Mœurs et Usages. par-dessus le sommet de la tête. — Dans le même ouvrage on voit encore (portique, n°. 31) le buste d'une dame romaine inconnue , dont la coiffure est- également faite avec beaucoup d'art ; mais au lieu de se prolonger dans le sens de celles du buste précédent ,les boucles de celui- ci en- tourent la tête dans une direction parallèle à l'o- vale du visage, èt à l’occiput ils terminent en une espèce de chignon. Cette coiffure est proba- blement aussi une perruque. Le poëte FlaviusAvianus, qui a vécu vers le milieu du 2°. siècle de l'ère vulgaire (100), rap- porte , dans une de ses fables (101), l'histoire d'un chevalier chauve, à qui le vent du nord enleva sa perruque. ArremipoRes et APurée, qui l'un et l'autre ont vécu dans le 2e. siècle de l’ère vulgaire, font mention des perruques des femmes ,Mlsitées de leur temps. Artemidore fait l'observation qu'une belle et forte chevelure alloit bien aux femmes, et il ajoute que, de son temps, les femmes , à cause de la beauté, employoient aussi de faux cheveux (102). C'étoit donc alors un usage assez généralement reçu parmi les femmes de porter des perruques ou du moins des tours: de cheveux. Apulée , dans le dernier livre de ses métamorphoses , lorsqu'il décrit la proces- sion dans laquelle Lucius, en mangeant les roses, perd la formé d'un âne , met dès le commence- ment un home en scène qui ést habillé tout à fait comme une femme, et qui, conformément à ce costume, a de longs cheveux tressés autour de la tête (103). Perruques. 37 HéropDrEN nous apprend que l'empereur Cara- calla, qui a vécu au 3e. siècle, pour se rendre agréable aux Germains, lorsqu'il séjournoit sur là bords du Danube , adopta le eostume de ces peuples, et se coiffa d'une perruque blonde sem- * blable, pour lacoupe, aux cheveux en usage parmi les Germains(104). Il ne vouloit donc pas qu'à cet égard sôn épouse Plautilla eût sur lui quelque avantage. Dès le second siècle, on regardoit parmi les chrétiens comme indécens et efféminés les hommes qui laissoient croitre leurs cheveux et qui les faisoient friser ; on défendoit même aux femmes de prendre trop de soin de leur cheve- lure. Il paroît cependant que les exhortations des S. Pères, sur ce point, quoique répétées avec zèle pendant plusieurs siècles ; ont été ac- _cueiïllies peu favorablement ; et il y avoit même , parmi les chrétiens, des personnes qui sê ser- voient de faux cheveux , et quelquefois de per- ruques. Saint-Clément d'Alexandrie , qui a vécu vers la fin du 2e. siècle, blâme chez les femmes chrétiennes l'usage de tresser les cheveux, et dit que cela ne convient qu'à des courtisanes (105); il défend, comme un acte d'impiété , de se servir de fausse chevelure (106) , et de placer sur sa tête des cheveux qui ont appartenu à des morts : « Car , ajoute-t-il, à qui le prêtre impose-t-il les mains pour donner la bénédiction ? ce n’est pas à la femme bien parée, mais à des cheveux étrangers, et par conséquent à une autre tête ? » (107) Ter- tullien parle à peu près dans le mème sens et avec 58 Moœurs et Usages. autant de zèle, dans le siècle suivant. Les sixième et septième chapitres de son ouvrage de Culiu fe- iminarum, traitent en entier de la chevelure (108). Il tonne surtout conire les perruques touflues et élevées des femmes de son temps , évidemment contraires; dit-il, à cet oracle divin: que personne re sauroit ajouter la moindre chose à la hau- tœur de sa taille (rog). Saint - CyPRIEN , qui à également vécu dans le 3e. siècle, prouve, par une raison singulière , qu’il est dangereux pour les chrétiennes de teindre leurs cheveux, et encore plus dangereux de porter des perruques. « Il est à craindre; dit-il, qu'au dernier jugement, Dieu ne veuille plus les reconnoïtre et les récompenser selon leurs œuvres, parce qu'il ne verra plus en èlles son ouvrage , ni l'image faite à sa ressem- blance (110). » Martial avoit déjà dit de Lentinus quelque chose de semblable (111). SaT-Grécoine de Naziance (112), et SainT- JERÔME (113), au 4°. siècle; SamT-Pauzin et Sarnr-Asrérius, au 6e., s'élevèrent également avéc beaucoup de zèle contre cette mode. Dans le quatre-vingt-seizième canon (114) du synode que l’empereur , aussi orthodoxe que cruel, Justinien I], surnommé Rhinotmetos, c'est-à- dire , au nez raccourci, fit tenir en 692 dans son palais à Constantinople , on défendit tout orne- ment de cheveux. Le mot emplokè (ixmaox), qui est employé à cette occasion , fait présumer que l'usage de méler des faux cheveux dans les tresses naturelles , s'étoit conservé jusqu'alors. Je ne dois pas passer sous silence que, vers Led Perruques. 59 cette époque et plus tard , les mots camelaucium, carmelaucum, calamaucum , calamaucus , cala- mantus , désignoient une espèce de couvre-chef du pape et des prêtres, au sujet duquel Du- FRESNE , dans ses Glossaria medicæ et infimæ lati- nilatis et græcitatis, rapporte plusieurs passa- ges. Crcëron (115), et plusieurs auteurs posté- rieurs , se servent des mots calantica et calau- lica pour désigner un bonnet de femme. Sainr- Isinore, évêque de Seville, qui a vécu au 7°. siècle , en fait mention , de méme que le moine grec Ceprenus, dans le n1°. siècle. Surnas , qui a vécu dans le 12°, siècle , dit que nagnæixser ES un mot latin , qui Re pourroit aussi être dérivé du LES ; aux mots #/J'agis €t œxuad'er , il Cite encore l'expression veuynauxry comme désignant un couvre-chef. Selon quelques auteurs ce non vient de ce que c’étoit un bonnet fait de poils de chameau. Dans ce cas , ce seroit une espèce de perruque ; car il paroît qu'alors on ne con- noissoit pas encore l’art d'employer les poils de chameau pour en faire des tissus. Un diction- naire manuscrit de la bibliothèque impériale de Paris (116), ditexpressément : » dus; eglieuu xiQa- AGs tuxoomov.… 7 êx reixèr naperavxso. Il y avait donc des camelaucia qui étoient de véritables perru- ques. I]me semble cependant que le plus souvent ce mot a signifié un bonnet qui couvre les oreilles, et qui est garni de fourrure par devant. DuFresnr, dans son glossarium mediæ græcitatis, au mot reçuxtQauie, P. 1151, dit que c’étoit une calotte, par dessus laquelle les moines ont porté le xegnres- 40 Mœurs et Usages.- xi0v3 il Cite aussi des ouvrages où ces deux es- pèces de couvre-chefs sont figurés ; il ne reste plus qu’à prouver que ces couvre -chefs ont en effet porté le nom qui leur a été donné par des écrivains modernes. Beaucoup de portraits du 16e, siècle, avec ou sans barrette , offrent de pareils bonnets qui couvrent toute la tête. Dans les deux derniers siècles, les papes, etentre autres Innocent XI et Benoit XIII , avoient coutume d'en, porter ; voilà pourquoi on les désigne en- core en Italie sous le nom de papalino. Ces bonnets (camelaucio papalino) ont été proba- blement en usage à cause de la chaleur, parceque les papes sont ordinairement des vieillards. Aussi Suidas dit-il que si ce mot étoit d'origine grecque, il faudroit le dériver raga 70 xaëuu thaww , de ce que ces bonnets produisent de la chaleur. ; (La fin dans un des prochains numéros. ) Perruques. 41 #” NOTE S." [Page 5.] (1) L'ouvrage de M. Nicolaï est écrit en allemand, et enrichi de 66 gravures; il est intitulé : Ueber den Gebrauch der falschen Haare und Per- rücken in altèen und neuen Zeiten. Eine lustorische Untersuchung von Friederich Nicozaï ; Berlin et Stettin, xj et 179 pag. in-8°. L'article que nous don- nons ici, contient tout ce qui dans cet ouvrage nous a paru pouvoir intéresser les lecteurs du Magasin Encyclopédique. - [ Page 7.] (2) Manilius annonce le sujet de son ou- vrage dans les vers suivans : Carmine divinas artes , et conscia fati Sidera, diverses hominum variantia casus,, Cœlestis rationis opus, deducere mundo. (3) Maxicur Astronomicon, lib. V , v. 140, p. 129. Ed. Sr&srri, Argent. 1767. * Taurus in aversos præceps cum tollitur artus, Sexta parte sui certantes luce sorores Pleiadas ducit : quibus aspirantibus, almam In lucem eduntur Bacchi Venerisque sequaces : Pèrque dapes, mensamque super petulantia corda ; Et sale mordaci dulces quærentia risus. Illis cura sui cultus , frontisque decora,, Semper erit : tortos in fluctum ponere crines , Aut vinclis revocare comas , et vertice denso Fingere et appositis caput emutare capillis. (4) ——— habitat sub pectore cæca Ambitio et morbum virtutis nomine jactant. Semper amare parum est : cupiunt et amare videri. « 42 Mœurs et Usages. (5) Fasricrr Bibl. lar., vol. 1, p. 506; ed. EnNesri, Lips. 1773, in-8°. . | (6) In Tauri parte sexta oriuntur Pleiades, quibus si quis ortus fuerit, luxuriosis semper et lascivis vo- luptatibus occupabitur, = Erunt enim semper nitida et polita fronte , alque accuratis vestibus promti, gt:0- rum infle. vi crines lorqueantur semper in ostro (si ce mot n'est pas une faute de copiste, il ne peut signifier ici que brillant , blond), et appositis alienis conti ficlam et compositam pulchritudinem mentiantur. — ÆHos tamen sie ambitio sollicitat, quem morbum sic appetunt, w£ hine putent virtutem sibi, et maximum gaudium felicitatis accedere. Ii prœterea sewper amabunt, aut se amare simulabunt. Voy. Ju. Fir- mic Astronom., lib. VILLE, cap. 7. Ce passage seul. fait d’ailleurs déjà voir que Firmicus a eu sous les yeux l'ouvrage de Manilius, dont il a emprunté jusqu'aux expressions. [Page 8.](7) La dissertation de Coma, par Juxivs, parut d’abord à Bâle en 1558 ,avec ses Animadversio- num libri VIT; celles-ci ont été réimprimées à,la page 318 et suiv. du tome IV du Recueil de petits écrits, publié par Grurer, sous le titre de Zampas sive Fax artium liberalium ; Francfort, 1604, in-8°., où l’on ‘trouve aussi, à la page 482, le traité de Coma, qui se trouve encore dans Gasp. Dornavir, Amphithea- trum sapientiæ socraticæ jocoserié ; Hanoviæ, 1616, in-fol., à la page 292 et suiv. Ce recueil contient un grand noinbfé de petites dissertations et de poésies sur des sujets assez singuliers. En 1737 on publia à La Haye une nouvelle édition des Ænimadwersiones , avec des corrections de l’auteur, et un appendix ; le traité de Coma $ y trouve à la page 421. (8) Lugd. Bat. 1644, in-8°, Perruques. 43 (9) Voy. TerTurzrani liber de Pallio ; CI. Sazma- Sius recensuié, explicavit, notis illustravit; Lutet. Par. 1622, in-8°., à la page 316 et suiv. [Page 9.](10) Voici le titre de cet ouvrage: . C. T. Ranconis, Gymnasii Berolinensis Rectoris, de Ca- pillamentis,vuloo Parucquen, Liber singularis ; Mag- deburgi, 1663 , in-12, Le frontispice est partagé en deux. A droite on jit : de Capillamentis libri duo (quoiqu'il n’y ait pas de second livre); au dessous sont deux pyramides; sur l’une on lit : I Medi. IL Persæ. ILE Græci. IV Romani, ; sur l’autre: [ Galli. IL Angli. IT Germani. IV Sarmatæ; ce qui proba- blement doit indiquer que ces peuples anciens et modernes ont porté des perruques. La partie à gauche offre en haut un grand globe sur lequel sont tracées des lignes pour indiquer les degrés : on voit sur ce globe une tête coiffée d’une énorme perruque qui remplit presque le globe entier ; à côté de la tête il reste à peine assez de place pour un petit vase ouvert et une figure ronde, ce sont sans doute la boîte à pommade et la houppe. En bas on voit un homme M ienient c’est le bon Rango lui-même) qui, à travers une longue lunette d'approche sur laquelle on lit Æéstoria , regarde ce globe rempli de la figure a perruque. ; (11) Rango traite des cheveux, des ornemens des cheveux en général, des cheveux teints, et de tont ce qui a le rapport même le plus éloigné aux che- veux, de la parure en général, du fard, etc. El fait _entre autres des recherches sur Ja question de savoir s’il peut y avoir et s’il y aeu des perruques pour les sourcils et la barbe ? et il soutient très-sériensement que les Anciens ont fait de ces deux espèces de per- ruques, À la page 190 il ajoute assez plaisamment : 44 Moœurs et Usages. « /Tæc de supremi ventris capillamentis vel comis ». apposititiis ; in/imo tamen ventri numquam inyeni » aptasse pilos. Fortassis enim glabri magis pla- » cuere. » Rango donne aussi un grand nombre de recettes de toute espèce: depuis la pommade de pomme avec de l’eau de rose jusqu’au remède pour empêcher Certains petits animaux de se loger dans les perr uques ; et il ajoute que, selon le savant Aristote, ces animaux naissent de la sueur trop abondante. Pour prévenir cet inconvénient , il donne le conseil d’avoir deux perruques , afin de pouvoir changer. uw [Page 10.] (12) Dissertatio theologico-philosophica de capillamentis, von Parücken; Præs. Sam. SonEL- WiGio espond. Nathanael Farx, 1683, 9 sept. Un passage de la page 18 fait penser que Falk est le véri- table auteur de la dissertation. (13) Sam. WzrNer1 judicium veterum de capillis pe- regrinis et ascilitiis, maxime clericorum , Regiomonti, 1684. De très-bons dictionnaires de Bibliographie ne font pas mention de cet autetr. [Page 11.] (14) Thiers étoit professeur de philologie au Collége Duplessis à Paris, avant d'avoir la place de curé de Champrond , près de Chartres. Son carac- ère inquiet et son esprit polémique l’engagèrent dans plusieurs querelles avec l’archidiacre de Champ- rond et le chapitre de Chartres, ce qui donna même lieu à la publication de plusieurs écrits. Ces disputes Vobligèrent enfin à quitter sa cure et à prendre celle de Vibrays dansle Bas-Maine, où il est mort en 1708. Thiers est aussi un des écrivains qui ont défendu l’ordre de la Trappe. (5) Abb. Jo. Bapt. Paccicæezzt, J, ac Th. C. Perruques. 49 Sereniss. Parmæ de Placentiæ Ducis in Aula ac regno Neapolis Ablegati apud Übios in amplissimis insti- tutis, Orbi pacando , Comitiis apostolicæ Legationis Ex-Auditoris generalis, etc. Schkediasma Juridico- Philologicum tripartitum de Larvis (vuloo Masche- ris), de Capillamentis (pulgo Perruchis), de Chi- rothecis ( vulso Guantis); Neapoli, anno 1693, in-12. Ce livre est rare : on en a donné ici le titre dans toute son étendue, paree qu’il servira à rectifier quelques indications inexactes dans les ouvrages de bibliographie. (16) « Zn cultissimis œrtis Museis. » À la page 132, il dit encore à ce sujet: « Librariæ penus inopia , » maxime aurifodinæ philologicæ , frequens nobis « amitium dolorum ! »° ; « [Page 12.](17) C'est ainsi qu’à la page 162, Paccichelli dit expressément que ce n’est pas ur péché mortel de porter perruque, soit parce que ce genre de coif- fure est nécessaire à plusieurs personnes, soit parce que, parmi la haute noblesse et parmi les riches, il y a plusieurs personnes qui ont pris tellement l'habitude de ce genre de luxe, qu’elles ne pour- roient guère s’en défaire sans inconvénient. Il ajoute ensuite, avec toute la gravité d’un juge , que les per- ruques ont même le privilége des chapeaux. Car, lors- qu’uu débiteur n’a qu’un seul chapeau, on ne peut pas le lui saisis, quelle que soit sa valeur ; dans le cas seulement LA en possède deux, l’un est saisi pour augmenter la masse destinée au paiement des créanciers. Il cite à cette occasion les autorités des grands jurisconsultes Rebuffus et Asinius , ainsi qu’'ÆAlbericus ad L. Rhod. de Jactu : « Quod debitor » non nudandus in corpore, nec in capite, IN quo .» MEMBRORUM EST PRINCIPATUS. » I] en conclut 46 Moœurs et Usages. que , lorsque le débiteur n’a qu'une seule perruque , on ne peut pas len dépouiller, — ne nudetur in capite ! d (18) « Eloge des Perruques , enrichi de notes plus » amples que de texte, par le docteur AgEr110 ». Paris, chez Marädan. An VIL; in-12. « (19) C'est ainsi qu’à la page 163 l’auteur cite la vie d’Annibal par Suidas. [Page 13.] (20) Parmi le grand nombre d'exemples de l’inexactitude des faits rapportés dans l'Æ/oge des Perruques, dit M. Nicolai, je n’en citerai que quelques- uns. À la page 54, M. Deguéfle dit: « Assurément les » Phénieiennes ont porté perruque. Cette assertion, » fondée sur la présomption de leur sagesse, devient » une démonstration par le témoignage de Sainr- » Forx. » Comment peut-on, dans une question pareille, vouloir prouver quelque chose par le témoignage d’un auteur aussi moderne que Saint-Foix? Voici d’ailleurs le passage de cet auteur dont parle M: De- guerle ; il se trouve dans ses Essais historiques sur Paris, tome If, page 298 : « L'invention des per- » ruques est très-ancienne. Les Phéniciens, aux fêtes » des funérailles et de la résurrection d’Adônis, » étoient obligés de faire le sacrifice de leurs che- » veux à la déesse Derceto (Saint-Foix écrit Der- geto), « ou Vénus; cependant les femmes attachées » à leur chevelure, pouvoient latl@onserver, en se » prêlant pendant tout le jour aux galantes ins- » lances des étrangers, quine manquoient pas de » venir en grand nombre à ces fêtes ; l'argent » qu'elles recevoient pour prix de leur complai- » sance, appartenoit et éloit consacré à la déesse ; » un homme énagina les perruques pour celles qui . Perruques. 47 » mauroient pas voulu se proslituer, et qui seroient » en même temps fâchées de la perte de leurs che- » véux ; les prétres crièrent beaucoup contre une in- » vention qui pouvoit nuire à leurs intérêts, et » les perruques furent défindues. » Saint-Foix ne dit pas un mot sur la source dans laquelle il a puisé son récit de la prétendue invention des perruques. Pro- bablement il avoit lu la traduction du traité de Lucien sur la déesse de Syrie. Mais Lucien dit seu- lement qu’à Byblos, en Phénicie, il y avoit un temple de Vénus dans lequel routes les femmes se faisoient couper les cheveux, le jour de la fète d’Adonis, et que celles qui ne vouloient pas faire le sacrifice de leur chevelure, étoient obligées de s’abandonner aux étrangers pendant une journée. Il n’y-est aucune- ment question ni de perruques, ni de prêtres qui doivent avoir crié contre cette invention, mi de la défense des faux cheveux. — A la page 64, M. De- guerle dit : « La perruque la plus fameuse de l’an- » tiquité fut sans doute celle de l’empereur Com- » mode. » Il donne une description détaillée de cet émpereur , « ajustant devant son miroir sa vaste » perruque, V'abreuvant de parfums et d’essences. » Selon lui, « la description que Lampride a faite de » cette perruque, lui assure l’immortalité. » — A la page 171, dans la 163°. note, il fait semblant de savoir avec précision l'endroit où Lampride décrit cette vaste perruque ; et cependant on ne trouve pas un seul mot dans tout l’ouvrage de Lampride, qui puisse indiquer que Commode ait porté une perru- que. Dans le 17°. chapitre de la vie de cet empe- reur , Lampride dit seulement « qu’il avoit coutume » de teindre ses cheveux, et qu'il les parsemoit de » poudre d’or pour les rendre plus brillans. » H£- RODIEN , qui en cela mérite quelque confiance, met 48 Moœurs et Usages. même ce deruier fait en doute ; dans le 7°. chapitre du premier livre, il dit que « la chevelure bien »_ bouclée de Commode étoit naturellement d’un jaune » doré, de sorte qu’elle luisoit quand il se trouvoit au » soleil, ce qui faisoit croire à plusieurs personnes » qu'il la parsemoit de poudre d’or.» — Voilà comme on écrit Phistoire! dit Voltaire, qui plus d’une fois s’est permis des inexactitudes comme celles de Saint- Foix et de M. Deguerle, dont il vient d’être question ; mais il a souvent racheté ces défauts par d’excel- lentes vues sur l’ensemble de l’histoire et.par des ob- servations pleines de sagacité. (21) Journal des Luxus und der Moden. Heraus- gegeben von Berrucn und Kraus. Ces dissertations se trouvent dans les cahiers des mois de juillet, août, septembre et décembre de l’année 1796. (22) Il est intitulé : Sabina oder Morgenscenen im Putzzimmer einer reichen Rœmerin. Ein Beytrag sur richtigen Beurtheilung des Privatlebens der Rœmer und zum bessern F. FILM PER der ræmischen Schrift- steller, von C. À. B@rricer ; c’est-à-dire, Sabina, ou Scènes du matin auprès de la toilette d’une riche dame romaine ; ouvrage qui pourra servir à porter un juge- ment juste de la vie privée des Romains ; et & faci- liter l'intelligence des, auteurs de ce peuple ; par C. A. Bæerricer, avec 13 gravures. Léipsie, chez Gæschen. 1803, in-6°. Les lecteurs du Magasin Encyclopédique connoissent déjà plusieurs de ces dissertations par la traduction que j'y ai insérée. Je me propose de leur faire connoître aussi les trois autres dissertations de cet ouvrage. M. Bœttiger doit publier encore un autre ouvrage qui en fera le pendant; il sera intitulé Sa- binus , et contiendra des détails sur la vie privée des. riches Romains. [Page 14. Perruques. 49 [Page 14] (23) Cahiers des mois d'avril et de mai 1798. (24) Recueil, t. T, pl. 75— 78. s* Y Page 15] (25) Geschichte des Luxus der Athe- nienser ; Lemgo , 1782, in-8°. (36) Historische Vergleichung der Sitten und Ver- Jassungen des Mittelalters mit denen unsers Jahrhun- derts ; Hannovre, 1793, 1794, in-8°. (27) Geschichte des Verfalls der Sitten der Rœmer in den ersten Jahrhunderten nach Christ Geburt ; Wien, 1791, in-8°. [Page 16.] (28) Ce passage d’Isaie, chap. IT, verset 17, fournit un exemple curieux, et fait voir combien les commentateurs et les traducteurs des auteurs an- ciens different quelquefois dans leurs explications. Dans la traduction grecque connue sous le nom de version des Septante (*), ce passage est traduit ainsi: Kai raruvares o Oecos dexsTas Buyurteus DITIDEZT Kvgios dyaxanu Ve ro cxñma aura. ( . e. et humiliabit Deus dominatrices filias Sion; et Dominus nudabit fa- ciem earum ).— Voici la traduction latine de ce pas- sage, d’après la paraphrase chaldaïque insérée dans la Polyglotie de Vitré, Par., 1645, fol. « Prosternet Do- » minus gloriam filiarum Sion, et Dominus g/oriam » earum auferet.» — Dans la Bible traduite par le Maistre de Saci, Par., 1714, fol., ce verset est rendu ainsi : « Le Seigneur rendra chauve la tête des filles (*) Vid. Vetus Testamentum Græcum ex versione Septua- ginta interpretum , juxta exemplar Vaticanum Romæ editum. Amstel. ex officina viduæ Joannis à Someren etc. MDCcLxxxmx LL à . 12 in-12. Dans la trad. des Lxx, insérée dans la Polyglotte de Vitré, Par. 1645 fol. , la dernière partie de ce verset est tra- . . . 1 ,» [/ » f} : duite ainsi : Kaï xugros ayax@nu es ro div gurau a dvray. T, PV. Septembre . D 50 Moœurs et Usages. » de Sion, et il fera tomber tous Zeurs cheveux. » — Luther l’a traduit de la manière suivante : « Der Herr » wird die Scheitel der Tœchter Zions kahl machen, » und der Herr wird ihr Gescmeide wegnehmen; » c’est-à-dire, « le Seigneur rendra chauve la tête des filles de Sion , et il leur ôtera leurs joyaux. » Mais le motque es ZX X onttraduit par cx4u«, la figure ; la Vulgate, et le Maistre de Sacy par cheveux ; le paraphraste chaldéen par gloire ; Luther par joyaux ; et dans lequel Thiers, d’après la traduction des théo- Jogiens de Louvain , a eru trouver l’usage des perru- ques, paroit à la plupart des traducteurs et des com- mentateurs devoir signifier guelqu’autre chose qui n'appartient pas à la tête. Voici comment Castalio a traduit ce verset : « Gla- » brabit Dominus Sionitarum vertices. Jova earum » verenda deteget. » Cassiodoro de Reyna, dans sa Biblia trasladada en español, 1569, in-4°., le tra- duit ainsi: « Portanto pelarà el Señor la mollera de » las hijas de Si6, y Jehoua descubrirà sus verguen- » ças.» — Voici la traduction qu’on en trouve den la Bible anglaise ( Léips., 1764, gr. 8°. ): Therefore » the Lord will smite with a scab the crown of the » head of the daughters of Zion ; and the Lord will » discover £heis secret parts. » — La sacra Biblia tradotta in lingua italiana da Giov. Dionari, Ge- neva, 1641, fol, donne la version suivante : « Il » Signore pelera la sommità del capo delle figliuole » de Sion, e’[ Signore scoprirà le Lor versogne ». — « Le Seigneur pelera le sommet de Ja tête de filles » de ses et l Éternel découvrira Zeur ver yogne, » selon « la ER Bible interprétée par Jean Diodati, Genève, 1644, fol. » — Dans la traduction syriaque et arabe qui se trouve dans la Polyglotie de Vitré, ce passage est également rendu de cette manière ; ef Perruques. - dt Dominus sexum earum nudabit, dit la version latine de ces deux traductions. — Dans la Bible commentée anglaise, avec les remarques de Ditelmair ( Léips., 1758, in-4°.), on lit, à la page 164 du tome VIT, l'observation suivante : «D’autres expliquent ce pas- » sage plus convenablement d’une certaine espèce de » bonnets que le seigneur vouloit leur arracher, pour » que chacun vit leur tête couverte de gale. » — Voici ce qu'on trouve à ce sujet dans le tome LV des Critic. sacror. ( Lond. , 1660, fol.), p. 4659, v. VI: « Et » decalvabit et scabie inficiet vel lepra. Nates earum, » pudenda ; anum earum : g. d. efliciet ut nudæ ab- » ducantur captivæ.» Ibid.,p. 4668, v. 17. « Crinem. » Non etiam sibi constant interpretes in voce Pot : » est autem chald. angulus, vel pro corymbis capil- » lorum accipitur. Denudandam igitur puto notari » eam partem capilis quæ in frontem desinit, et de- » tondendos eos capillos qui supra frontem sunt, » quorum magna esl cura feminis : estque summa » ignominia ipsis nudari.» Et à la page 4673, on lit encore : « Decalvabit Dominus verticem filiarum » Sion, et Dominus crinem earum nudabit. Rectius » nates. Nam vox Poth tupouæ vertitur , et per simi- » litudinem sic appellatur podex. Solebat id feminis » ignominiæ causa fieri.» On seroit tenté de deman- der à ce docte critique où il a trouvé quelqu’indi- cation sur ce prétendu usage des Juifs, et de lui dire ce que Beralde dit à Fleurant dans le Malade Ima- ginaire de Molière : « Allez, monsieur , on voit bien » que vous n'êtes pas accoutumé à parler à des vi- sages ! » (29) Curiæse Nachrichten von Erfindern und Er- findungen, c’est-à-dire, Notices curieuses sur les in- venteurs et les inventions ; Hambourg, 1707, à la pag. 117. 52 Moœurs et Usages. (30) L Reg. XIX, 13; « Tulit autem Michol sta- tuam , et posuit eam super lectum , et pellem pilo- » sam caprarum posuit ad caput ejus, et operuit eam » veslimentis. » [Page 17] (3 1) Quelques critiques pensent que ce second livre est faussement attribué à Aristote. (32) Kopcas ts meoxouie. Voy. Aristotelis Opera, cura Duval, fol., t. 11, p. 504. (33) Voici le passage où il rapporte ce fait , à la page 55 : « Mausole, roi de Carie, aimoit beaucoup » l’argent, et ses peuples aimoient presqueautant leurs » cheveux. Que fit Mausole? Aristote nous l’apprend. » En vertu d’un ordre secret du roi, les magasins se » remplissent tout-à-coup de perruques achetées au » rabais chez les nations voisines. À peine furent-elles » toutes accaparées , qu'un édit solennel vint condam- » ner les têtes lyciennes, sans distinction d’âge ni de » sexe, à se faire tondre en vingt-quatre heures. La » désolation fut extrême, mais il fallut obéir; un » refus eut attiré plus que la perte des cheveux. Alors » les magasins s’ouvrent, les perruques sont mises & » l'enchère , a concurrence en élève Le prix à un taux » excessif, et voilà le trésor du princeenrichi de plu- » sieurs millions. Ce roi-là savoit spéculer sur le luxe, » et le monopole des perruques ne l’a pas rendu moins » célèbre que le monument superbe où la chaste Ar- » témise le fit loger quand il fut mort. » M. Deguerle ajoute dans une note, à la pag. 154: « C’est au moins » à peu près ve qui résulte du passage d’Aristote; » et il ajoute la traduction latine du passage de cet aute dans laquelle cependant il y a tout autre chose que ce qu’il raconte avec tant de détails. (34) Arxenær Deipnosoph., lib. XI, p. 523, edit. Casauboni, Lugd., 1657. Perrugues. 93 [Page 18.] (35) Porxzæxus, dans son ouvrage des Stratagémes, y. V, chap. 42, rapporte qu’un certain Chariménès, poursuivi par les vaisseaux de guerre de Périclès le Lycien, se coiffa d’une fausse chevelure (aepibépesyos member scil. xoum ),et qu'il traversa à pied le territoire de Péricles. [Page 19.] (36) Ed are. Voy. Eustath., ad Homer: Odyss., Rhaps. À, Rom., 1555, fol., p. 1422, lin. 4. — Les gens à la mode, êbes les Grecs et AC Romains, étoient dans l'usage d’ôter les poils avec des petites pinces, de les couper, de frotter la peau avec de la pierre ponce , afin de la rendre lisse, ou bien de faire tomber le poil au moyen de certaines pommades appe- lées psilothria. Outre la pierre ponce, les personnes riches paroiïssent aussi s’être servi de l’Ostracias , ou de l’Ostracites, qui probablement étoit ce que nous appe- Jlons os deiseiche. Voy.Pris., Hist. Nat., XXXV, 19; XXXVIT, 10. Dioscorides en parle aussi. Rango dit, à la page 214 de son traité , que de son temps, même parmi les hommes, on se servoit de la pierre ponce pour se frotier la peau et ôter les poils: Dans la se- conde moitié du 16° siècle , selon Montaigne ( Essais, Liv. I, ch. 49 ), «les femmes francoïses avoient prins » en usage de se faire pinceter le: poil de.leur front. » Il y a encore dés personnes quiemploient au bain des pâtes dépilatoires. Dans V Art du Perruquier, par de Garsauzr, dans les Descriptions des Arts et M. étiers, t, XIV , p. 41. ( Neufchatel ,:1780, in-4°.) , on trouve la recette d'une de ces pâtes ; elle est composée de quatre onces de chaux vive et d’une once et demie d’orpiment , pétries ensémble avec de l’eau tiède. On ne concoit guère qu'un homme puisse se hair assez pour se faire frotter la peau avec de l’arsénie et dela chaux ; et de laisser la peau couverte d’une pate aussi nuisible, dans Punique intention de faire tow- 54 Mœurs et Usages. ber quelques poils. Le même ouvrage rapporte aussi que le baigneur frotte ensuite la peau, pour la conser- ver bien douce, avec une pâte, dans la composition de laquelle on fait entrer des amandes amères, des pi- gnons , du miel, et le jaune d'œufs durs. (37) Kouen meorberey; LucrANUS in Alexandro, sive Pseudomanti, cap. 3; vid. Luciani Opera, t. If, p. 210, edit. Reiïtzii, Amst., 1743, in-4°. [Page 20.] (38) 1bid, c. 59, p. 263: (39) Hepéberoy À elpe xounv x) AoDov bmi rhs xEPaXÿs; VOY. Æzian. Var. Hist., lib. T, c. 26. (4o) Xoiuë étoit chez les Grecs une mesure de bled , qui pesoit environ deux de nos livres. (41) Porvys., IE, 78. Trr.-Liv., XXIL, 1. Suidas rapporte aussi le passage de Polybe au mot EMNPE- TEI AS. (42) Rango les a cités à la p. 10 de sa dissertation. Selon eux , xga6vaos désignoit une perruque d'homme, xogumbos, une perruque de femme , et rxoprios, une perruque de jeune garçon. (43) Surnas; soce KPOBYAOS. On trouve aussi diffé- rens éclaircissemens: sur ces variétés de coiffures dans SALMASIUS a de Coma, p. 266 et suiv.; p. 279 et suiv. (44) Ad Thucydid.: Bb. T,cap.6, p. 19,4 Baüeri, Lips., 179o*in-4°. [Page 21.] (45) Koueny TPEPay xpura TTpoQpa xEx0puuGo- mi ; Voyez SuInAs, voce LogupS ot. (46) Porrux, Onomasticon, Lib. IE, c. IL, Ç. 30. (47) Tor xeaS0hoy Eririder a Th xEPañÿ, 7 j yoveE vor. Voy.S. Asrertihomilia in festum Calendarum dans la | | Perruques. sp) magna Bibliotheca patrum, 1. XI, pag. 592 D.; Paris, 1654, fol. (48) ArisroPrAN. J’esp. , 1259. ‘ (49) Lucran. Navigium, c. 3, in Operib., t IT, p. 249, edit. Reitzii, Amst., 1743, in-4°. [Page 22.](50) Xenovx. Cyri Anabas., 1. V, c. IV, f: 13. (51) Groxovit Thesaurus Antiq. Græc. ,t. I, fol. Vv Corcyra, la 3°. médaille. - (52) Voyez les passages cités par Sons dans son Æpistola de Coma , p. 286-et #9. (53) Zavtetar rh Loumy vu meræierter; Jur. PorLvx Onomast., hb. IT, ce. HE, (. 35. [Page 23.](54) Marrrau. lib. IU,epigr. 43; lib. XI, epigr. 23. Oviv. de arte amandi, Lib. IE, v. 165. :(55) Ovin. Fast.;L, 393. (56) Manriaz, lib: VE, epigr: 57: (57) Turses. Adièrs. Kb. XXV, cap. laps Basil. 1581 , fol., p. 913. [Page 24.1 (58) Ranco, de Capillamentis , p. 192: : (59) Éloge des perruques , p. 69. (60) Jovénaz, Kat IT, v. 96. [Page 25] CAES RO, de ling. lat, Wb:AV , cap. 20. (62) Isrpori Origines, lb. XIX, c. 31. Quelques commentateurs pensent aussi que le xpaBuAos et le w- duproy ont été de-pareils filets ( V.Junrus de Coma, cap. l, pag. 435 ),.et que c'étoit par'conséquent à peu près la même chose qu'on appeloit ordinaire- ment xexgoQanos. Les deux passages d’Aristophane et de Lucien eités plus haut, notes 48 et: 49; RoAOIenE bien se concilier avec celte opinion; mais il n’en est pas de même de beaucoup d’autres passoges. 56 Moœurs et Usages. (63) Hist. de l'art, Liv. IV, ch. 5, (: 47,t. l, pag. 540 de la trad. de M. Jansen. (64) Nonrus Marcezrvus, cura Merceri; Par., 1613" in-8°., pag. 542. (65) Horarr. Serm., lib.T, sat. 8, v. 48. (66) [Page 26.] Varro de Ling. LAS TENT, a (67) Æneid., VIX, 688. # (68) T. VII, pl. 47, n°*. 5 et6. (Ce monument ; ainsi que le suivant, sont aujourd’hui à la, Bibliothé- que impériale de Fragee ). (69) #T, E phrase L [Page. 27.] (70) Manrraz. lib. XII, epigr. 45. (71) Lib. XIV , epigr. 58. [Page 28.] (72) La Cnavssr, Diss. de insignibus pontificis maximi, pl. 1, à la pag. 313 da 5°. vol. du Trésor de Grævius; la dissertation de GUTHBERLETHUS de Saliis , à la pag. 706 du 5°. vol: du Trésor de Po- Lenus ; et Du Caouz, de La religion des anciens Ro- mains , Lyon; 1556, in-4°. , à da p. 238 et 243. (73) Istrorx Origines, Nb. XIX, cap. 30. Fesrus (lib. 1, voce 4{bogalerus ) nousçrapporte qu'il falloit que la victime fut blanche, et que l’Apex étoit fait ex virgula oleagina. Probablement la laine fut pla- cée autour de cette petite baguette. (74) V. Grævn Thesaurus , 1. V , tab. TV. (75) SAUMAISE, dans son Æpistola de Coma, pag. 170 et suiv., et pag. 308 et suiv., indique les diffé- rentes coiffures ou perruques qu’on donnoit sur les théâtres des anciens, surtout sur ceux des Grecs, aux personnes des différens âges et conditions; mais il ne rapporte pas toujours les passages sur lesquels il fonde Perruques. 57 ses assertions. Juzius Porrux, dans le 19°. chapitre du IV°. livre de son Onomasticon , décrit avec beaucoup de détails les masques tragiques etcomiques des per- sonnages qui paroissoient sur les théâtres des Grecs, et il donne aussi des détails sur leur chevelure. [Page 29.] (76) Sat. VIE, v. 120. (77) Dro Cass., LXI, 9, p. 988; LXXIX,, 13, p. 1361, edit. Reimari. (78) Surron. in Caligul., cap. 12. (79) Suerox. ir Domitian. , cap. 18. (80) Recueil d Antiquités, t. VI, p. 288. (81) Calvitio ita offendebatur ut in contumeliam suam traheret , si cui alii joco vel jurgio objectare- lur. Surron. in Domitiano, c. 18. [Page 30.](82) Lorsque Fabius Fabulus eut coupé la tête à Galba, il ne put pas la tenir par les che- veux; mais il fut obligé de la porter dans un: pan de son habit. Voy. Prurarcu. in Galb., XX VII, t. VI, p- 378, edit. Æutten, Tubing., 1794, in-8°, SUETON in Galb., ce. 20, 21. | (83) Galericulo capiti propter raritatem capillorur adaptato et connexo ut nemo dignosceret. SUETON. 1 Othione , c. 12. (84) A la p. 25 de sa Dissertatio ad nummum Fu- riæ Sabinæ Tranquillinæ, Amst., 1688, in-8°. (85) Ovin., lib. VI, Metam. 1, 26. « Pallas anum simulat , falsosque in tempora canos » Addit et infirmos baculo quoque sustinet artus. » [Page 31.] (86) Les coïfleurs et perruquiers français préfèrent encore les cheveux qui viennent des pays où la bierre est la boisson habituelle; ils achètent les 58 Mœurs et Usages. cheveux blonds surtout dans l'Allemagne et dans la Flandre, Voy. l'Encyclop. à l'art. PERRUQUE. (87) Ovin. Amôrum, Lib. X, eleg. 14, v. 45. (88) Marrraz., lib. V, epigr. 68. (89) Voy. Raxco, p. 12. [Page 32.] (go) Horar. Carm. lib. I , od. V, 4, 5 (91) Prorerr., lib IT, eleg. XIV, v. 25, de l’édit. de Santen, Traj. ad Rhen., 1780, in-4°.; dans ledit. de. Barth , Léips., 1777, in-8°., c’est l'élégie À XVII, Y. 29. (92) Taééuner Ss de Cultu feminar.,; cap. 7 ; Voy. Opera ejus, ed. Semleri, Halæ, 1770, t, LE, p. 59. Voici les paroles que Tertullien adresse aux femmes chrétiennes de son lemps : « Afigitis præterea nescio » quas enormilates sudilium et textilium capillamen- » torum, nunc in galeri formam ; quasi vaginam ca- » pitis et operculumyverticis, nune in ceryicemn retro Sug- gestorum.» L'expression £extilia eapillamenta peut cependant signifier’ aussi des cheveux qu'on fait en- trer A paf nt dans les tresses de cheyeux naturels, pour les faire augmenter de volume. Je rapporterai plus bas uh passage d’Apulée, où il est question de: adtextis capiti crinibus , ce qui ne peut signifier que des cheveux , dont on Re les tresses de che: Yeux naturels. Quant à la coiflureartificielle que Ter- tullien appelle capillamentum in cervicem retro SUg- gestum , il paroit que la figure de Lucilla, épouse de Lucius Verus, noûs en offre un exemple; on la voit entre autres.au n°. 103 de l’ouvrage de SrrADA, in- üiulé: Devitis I mperatorum et Cæsarum fèomanorum , Francof. , 1615, fol. [Page 33.1] (93) Seulture del Palazzo della villa Borghese , detia Pinciana; Parte IL, Rom. , 1796, Perruques. 59 Monumenti Gabinti della villa Pinciana, descritti da ÆEnnio Quirino Visconrr, Rom. , 1797, gr. in-8°. (94) Recueil, 1.1, pl. LXIIT, fig.1; pl LXXXV, fig. 2. (95) 11 prétend même distinguer sur les médailles ce que Tertullien appelle capillamenta sutilia et tex- tilia. Ces distinctions sont non-seulément très-arbi- traires , mais il paroît encore qu'il manquoit des connoissances technologiques nécessaires pour traiter un pareil sujet. C’est ainsi que, selon Sperling, la perruque de Tranquilline, sur la médaille qui fait le sujet de sa dissertation, doit être un galerus su- tilis ; et il vêut que sur une autre médaille, rappor- tée par Strada sous le n°. 163, elle soit coiffée d’un galerus textilis. On pourroit , avec autant de proba- bilité, être de l’opinion contraire, et voir le galerus sutilis sur la médaille de Strada, et le galerus tex- tilis sur celle de Sperling; mais ce seroit disserter sur de vaines conjectures, parce que nous n'avons pas des notions exactes sur la partie technologique du métier des coiffeurs à Rome. Il ést du moins très - probable que la médaille qu’on voit dans Strada sous le n°. 163, nous offre l'impératrice Tranquilline coiffée d’une perruque, par-dessus la- uelle on piaçoit ensuite la vitta ou le bandeau , es- De de diadème pour retenir la perruque. Sur une médaille de CorneliaSalonina, femmede Galien,qu’on voit entre autres dans Strada sous le n°. 191, eeite im- pératrice paroît avoir une perruque semblable à celle de Tranquilline , à cela près qu’elle n’a pas comme elle la sitta crinalis, mais seulement une crista ou acus ; il en est à peu près de même de la perruque de l’impératrice Domitia, épouse de Domitien, telle qu’on la voit entre autres sur une médaille figurée 6o | Moœurs et Usages. dans le Suétone de Patin, à la page 419; le devant de cette perruque a une ressemblance frappante aveé celui de la perruque d’Othon, que Patin a fait gra- ver à la page 353 de son Suétone; aussi ce biographe dit-il d'Othon qu'il étoit munditiæ fere muliebris. Toutes ces différentes espèces de coiffures sont évi- demment faites in galeri formam, quasi vaginæ capi- lis , pour me servir de l’expression de Tertullien. [Page 34.] (96) Museum Copier, t. IE, pl. 46, pag. 36. (97) Voyez Res AÏ, Description de Berlin et de Potsdam ( en bn ), tn 7201: (98) Œsrrrrricm's, Beschreibung und Erkiærung der Gruppen, Statuen , Bruststüke , etc. sdes Kænigs von Preussen (Berlin , 1776, gr. in-8°:), p. 3. (99) É1at et Descr iption de statues, bustes, etc., assemblés et apportés en France par feu I. le cardi- nal de Polignac, Paris, 1752, gr. in-8°. (99 rs.) M. Nicozaï a fait Brave dans son ou- vrage sur les perruques ; sous Les n°%. 17 et 18,,ce Buste qui étoit encore inédit. [Page 36.] (100) Trrrers, dans son Æistoire des per- ruques, à la page 15, confond le fabuliste Avianus avec le poëte Rufus Festus Avienus, qui a vécu au commencement du 5°. siècle , et qui a traduit en vers iambiques toute l histoire de Pre Avant Canne- gieter ces deux auteurs ont souvent été confondus. Ÿ 0y. Fagnicrr Biblioth. lat., cura Ernesti , * ne P. 154. (101) Avrant Fabulæ, cura Henr. Cannegieter, Amst., 1731, fab. X, p. 73. | « Calvus eques, capiti solitus religare capillos Aïque alias nudo vertice ferre comas , ! campum nitidis venit conspectus in armis, Et facilem frænis flectere cœpit equum. ie ne te le tie te ct titine 2 ti die né Perruques. 61 Hujus ab adverso boreæ spiramina perflant Ridiculum populo conspiciente caput ; Nam mox dejecto nituit frons nuda gabero , Discolor apposita quæ fuit ante coma. Ille sagax , tantis quum risus millibus esset , Distulit admota calliditate jocum : Quid mirum , positos (referens ) fugisse capillos , Quem prius æquævæ deseruere comæ ? » (102) Tate yag tuuopQ'us tort, ré © dXAoTelais Jeréir a yuvaixes xeëvie. ARTEMIDORr Oneirocritica, lib. L, Cap. 19, p. 21, Par., 1603, in-4°. [Page 37.] (103) Alius soccis obauratis, indutus se- rica veste , mundoque pretioso , et adtextis capite crinibus, incessu perfluo , feminam mentiebatur. Arv- Let Metamorph., liv. XI, 224, edit. Oudendorpü, Lugd. Bat., 1766, in-4°., p. 769. (104) Heropran. “Æist., lib. IV, cap. 7. (105) Ai regerhone ray rex @v ds raupixai. (106) Annorplor dE at mpobéress reixèv, TÉAEOY ExGAyTor, obbeles re irivevaleo do rh EP ras xouas ; ébewraroy. [Page 38.] (107) Cremenris ALExANDRINI Opera , recognita per Jo. Porrerum (Oxon., 1715, fol.),t.1, p.290 et 291; ë7 Pædasogo, lib. INT, cap. IL. (108) TerTuzziant Opera, cura SEMLERt, tom. IT, pag. 59. (109) I ajoute ensuite : « Si non pudeat enormita- us, pudeat inquinamenti, ne exuvias alieni capi- tis , forsitan immundi, forsitan nocentis et gehennæ » destinati, supparetis. » : = Ca = = (110) « Non metuis, oro, quæ talises, ne, cum re- » surrectionis dies venerit, artifex tuus te non reco- » gnoscat , et ad sua præmia et promissa venientem 62 Moœurs et Usages. » removeat et excludat? Increpans : Opus hoc meum » non est, nec imago hæc nostra est!» Voy. CYPRIANI Opera , cura BaLuzit et Marant, Paris, 1726, fol., pag. 178. (111) ——— Scit te Proserpina canum , Personam capiti detrahet illa tuo. Manrriau. lib. JT, epigr. 43. (112) S. Grécotre de Naziance dit qu’au dernier jugement on arrachera les faux cheveux aux femmes qui s’en seront parées , comme les plumes étrangères ont été arrachées à la corneille qui s’étoit parée de plumes de paon. (113) S. Hirronv. in epist. ad Demetriaderm : « Quando eras in sæculo, ea quæ sunt in sæculo di- » digebas , — ornare crinem et alienis capillis turri- » tum verticem struere.» Par ce passage, on voit évi- demment qu’au 4°. siècle c'étoit l'usage, parmi les femmes, d'employer pour sa coiffure des faux che- yeux. (114) Zoxarzx in Canones conciliorum commenta- ri, Lut. Par., 1618, fol. , p. 202. [Page 39;] (115) « Calantica est tegmen muliebre » quod capiti innectitur. M. Tullius in Clodium. » Tune cum vincirentur pedes fasciis, calanticam » capiti accommodares. » Voy. Nonrus MarcELLus, cap. XIV. Paris , 1614, in-8°., à la p. 537. (116) Voy. Durresne Glossarium med. et inf. græ- citat. p. 560. Le manuscrit dont il est ici question, porte le n°. 1708. gen ROC ER ALP TI LE, EssA1r sur la Vie de Jean RoOTROU, auteur de Venceslas(1); par M. BLIN DE SA4IN- MORE. Jzan Rotrou naquit à Dreux, le 21 août 1609, de Jean Rotrou , issu d’une des familles les plus anciennes et les plus aisées du païs, et d’Æliza- beth le Factieu , dont le père fort riche étoit établi à Chartres. Il existe encore aujourd'hui des des- cendans de cette famille, qui, par une parti- cularité remarquable , s’est alliée à celle de l'au- teur du Poème de la Déclamation et de la Feinte par amour. Vers le milieu du 18°, siècle, une (1) Ce morceau, qui n'a jamais été imprimé, devoit faire partie d’un recueil de pièces de théâtre sévèrement choisies parmi les auteurs tragiques et comiques du second ordre. Il n'étoit borné qu'à 12 volumes. Il a été proposé en 1796 par souscription ; mais comme alors l'argent commençoit à re- paroître et qu'il étoit encore assez rare , le nombre des abonnés ne fut pas suffisant pour subvenir aux frais d’une pareille en- treprise , dont le travail étoit fort avancé. Il n’y eut que le pros- pectus de publié. Un pareil recueil vient depuis peu d’être exécuté par d'autres mains, beaucoup mieux sans doute que l’auteur ne l’auroit pu faire ; certainement chacun est libre de former un ;-cueil de pièces de théâtre , et ce n’est pas de cela que l’auteur pourroit se plaindre; mais adopter aussi scrupuleusement jusque dans les moindres détails le plan publié en 1796, on me dira peut-être que c'est en faire tacitement l'éloge. C’est donc en cela qu'il devroit des remercimens aux éditeurs du nouveau répertoire. 64 Biographie. petite fille du frère de Rotrou a épousé Dorat de Chameules, proche parent du poëte du même nom. Il y a peut-être peu d’alliances qui ont réuni autant de rapports et de convenances que celle de ces deux familles également distinguées depuis long-temps par des talens poëtiques , des places importantes , des fonctions de magistrature et par l'estime publique. Rotrou , dès l’âge de quinze ans, manifesta une passion irrésistible pour la poésie. Il n’avoit pas dix-neuf ans lorsqu'on représenta sa première production dramatique , l’Æ/ypocondriaque ou le Mort amoureux. Cette pièce, avec tous ses défauts, annonçoit un talent décidé; et les ap- plaudissemens qu'elle reçut, déterminèrent le goût du poëte pour la carrière du théâtre. Sa fécondité étoit prodigieuse ; ses pièces se succé- doient avec une rapidité incroyable. Il ne se passoit pas d'année qu'il n’en publiât deux , trois et même jusqu'à quatre. En moins de dix-neuf ans , il produisit selon les uns , trente-huit, et selon les autres, quarante-une pièces, tant tra- giques que comiques, toutes en cinq actes eten vers. Il paroït que dans ce temps on estimoit un écrivain plutôt par le nombre de ses ouvrages que par leur bonté, Hardi , que Rotrou regardoit comme son maître, a produit six cent pièces , et il a été mis par les beaux esprits du temps au-dessus des Grecs et des Romains ; mais cette fécondité cesse d’étonner lorsqu'on lit ces mêmes pièces. Comme Rotrou. 65 Comme Rotrou étoit naturellement prodigue et dissipateur , il avoit souvent besoin d'argent, Pour s'en procurer , il brochoit quelquefois une pièce en deux nuits. Une telle précipitation, comme on le devine aisément , ne lui permettoit pas d'être fort sévère et dans le choix des sujets , et dans la manière de les traiter. Aussi ses sujets sont mal digérés, ses plans mal conçus ; ses ca- ractères ne sont ni soutenus ni approfondis; la plupart de ses intrigues sont romanesques, et le plus souvent son style est négligé. On ne savoit pas encore, ainsi que Boileau et Racine l'ont enseigné depuis , que la perfection n’est pas moins le fruit d'un travail opiniâtre que celui du génie. Rotrou fut un des cinq auteurs que le car: dinal de Küchelieu choisit pour exécuter les pièces dont il donnoit lui-même les plans et qu'il faisoit représenter dans son palais. Les quatre autres étoient Colletet, Létoile, Boisrobert et le grand Corneille. Ghoim d'eux composoit un acte de ces pièces commandées par le Ministre, On conçoit bien qu'un ouvrage auquel coopéroient tant de mains, quelqu'habiles qu'elles pussent être séparément , ne pouvoit offrir qu’un en- semble informe et disparate. Le génie est na- turellement impérieux et fier, il ne sait point obéir : c’est en vain qu'on lui commande. Lors- qu'il falloit mettre en œuvre les idées qu'un autre avoit conçues , le grand Corneille lui-même ne retrouvoit plus cette âme, cette énergie qui ont créé le Cid , les Horaces et Cinna. Aussi les T', VW. Septembre 1805. E 66 Biographie. pièces exécutées par les cinq auteurs sous les ordres du premier ministre, n'étoient que des productions excessivement froides et décousues. Jependant le crédit du cardinal les faisoit ap- plaudir avec transport ; et c'étoit dans ce temps- là, comme il arrive encore quelquefois aujour- d'hui, ce qu'on appeloit des succès; mais si l'influence du ministre roi pouvoit procurer une réussite passagère à ces monstrueuses rapsodies ; il n’a pu les faire vivre dans la mémoire : elles étoient, déjà même après la représentation , presque autant oubliées qu'elles le sont actuel- lement. Rotrou étoit disciple de Hardy; mais bientôt l'élève fit oublier le maître. Il connoissoit les anciens , et quoiqu'il les ait souvent plutôt copiés qu'imités ; il sentoit leur mérite. La plupart de ses sujets sont tirés d'Euripide , de Sénèque, et de Plaute. Quelques-unes de ses pièces ne sont que des traductions du théâtre espagnol. Il n’avoit ni l'énergie, ni la profondeur , ni l'é- lévation de Corneille, mais son style, quoique suranné , incorrect, et par fois défiguré par ces Concetti, que les Italiens venus à la suite des deux Médicis avoient mis à la mode , et par des expressions triviales , son style, dis-je, a souvent de la chaleur et de la passion, qui font pardonner bien des défauts au théâtre. Il a même une sorte d'élégance pour le temps. Quelques-uns de ses vers sont assez bien tournés. Il auroit plutôt approché du Cid que des Horaces , de Cinna , de Po= Rotrou. 67 tiencte , des belles scènes de Pompée et dusublime cinquième acte de Æodogune. Quoi qu'il en soit, Æotrou laissant derrière lui, à une :rande dis- tauce, Garnier »Jodelle, Hardy, Mairet, mal. gré sa Sophonisbe,.et tous ceux qui l'ont pré- cédé, devoit ètre distingué parmi les auteurs ses contemporains ; et il auroit pu être regardé comme le fondateur du théätre, si Corneille n'eût pas existé avant lui ; mais depuis qu'il fut éclipsé par des modèles qui ont porté l’art dra- matique au plus haut degré de perfection , toutes ses pièces , à l'exception peut-être d’une seule, ne sont plus lues. Elles commencent à devenir rares. Plusieurs mème ne se retrouvent plus dans la bibliothèque des amateurs, et la plupart des gens de lettres en connoissent à peine les titres. Antigone, Cosroës, et surtout #enceslas (2), sont ses chefs-d'œuvres. Il est incontestable que la gloire littéraire de Rotrou a été effacée par les chefs-d'œuvres nom- breux qui ont illustré la scène française ; mais sa modestie, la noblesse de ses procédés , l’élé- vation de ses sentimens , son inaltérable atta- chement pour Corneille , son rival et son ami, son généreux dévouement pour son pays, doi- vent éternellement servir de modèles à ceux qui (2) l’enceslas est la seule pièce de Rornou qui soit restée au théâtre et la seule qu’on auroit mise dans le recueil pro- posé. Elle en auroït été la première, et l’on se seroit borné 4 donner une notice succinte de ses autres pièces qui ont ls plus de mérite, 68 Biographie. cultivent les lettres, aux bons citoyens et à tous les amis de l'humanité. On ne remarque point dans ses préfaces ce ton avantageux et tranchant , cette jactance or- gueilleuse qu’affectoient les Scudery , les d'Au- bignac. I] n’y parle de lui qu'avec une extrême humilité ; il'‘y excusoit la’ foiblesse de ses pre- mières productions sur celle de son âge; il avouoit que ses pièces n'étoient que d'imparfaites tra= ductions des auteurs dont il empruntoit les su- jets , et, en leur laissant la gloire de ce qui avoit pu plaire, il demandoit grâce pour les défauts, qu'il n’imputoit qu’à lui seul. Enfin il n’attribuoit ses succès qu’au talent des comédiens et à l'illu- sion de la scène. Le seul mérite qu’il se réser- voit, dit Marmontel , étoit d’avoir épuréle théâtre : et d’avoir rendu la comédie si décente que, së elle n'étoit belle, du moins élle étoit sage ; et d'une profane il ‘avoit fait une religieuse. Ge- pendant , comme l'observe le même littérateur, cette religieuse oublioit quelquefois ses vœux Fotrou , au mépris de sa promesse, paya encorg dans quelques-unes de ses pièces un tribut à l’an- cienne licence, qui a long-tenips infecté la scène.” Malgré la supériorité marquée de Corneïlle sur tous ses concurrens , malgré ses succès aussi nombreux qu'éclatans, Rotrou , qui couroit la même carrière , loin d'éprouver le moindre mou- vement de jalousie, non-seulement ne cessa de. le regarder comme. un grand homme , mais encore il rechercha son amitié ayec empresse- “Rotrou. 6j ment. Après avoir fait le sacrifice de son amour- propre à son admiration, il fit encore celui de ses intérêts à son amitié. Le cardinal de Riche- lieu , qui l’estimoit, ne s’étoit pas borné à lui faire une pension de 600 livres , il lui en avoit procuré une autre de 1,000 iv. de la part du roi. Sollicité vivement par son bienfaiteur de se liguer avec Seu- dery , d'Aubisonac, etc., contre le Cid, il s'y refusa constamment. Le ministre , tout despote qu'il étoit , tout redoutable que pouvoit étre son ressentiment, ne put jamais l'y détermi- ner (5); et, ce qui est peut-être aussi étonnant, (3) I faut convenir , à la gloire des lettres , que plusieurs écrivains des deux derniers siècles ont offert de pareils exem- ples de désintéressement , de courage et de grandeur d’àme. Il suffit d’en rappeler quelques-uns. Boïleau Fait effacer son nom de la liste des pensions, pour y substituer celui de Corneille , qui ne s’y trouvoit pas. La Fontaine, sans craindre de déplaire à Louis XIV, s'ef- force d’attendrir ce monarque en faveur du surintendant Fouquet accusé de déprédations, tandis que les courtisans qui lui avoient les plus grandes obligations l'ont indignement abandonné ; et le dévouement du poëte lui fait enfanter un chef-d'œuvre de poésie et de sentiment. Pélisson , non-seulement défend ce même ministre, son bienfaiteur, par des plaidoyers fort éloquens , mais encore il se,fait enfermer avec lui dans la Bastille, et se dévoue entiè- rement pour le sauver. Fénélon monte en chaire pour avouer publiquement ses erreurs et les rétracter. Louis XP, irrité contre le ministre d’Argenson , l'exile à sa terre des Ormes. Moncrif, quoiqu’attaché à la Cour de ce monarque , a le courage de. lui déclarer qu'il va suivre son ami. Ze cardinal de Bernis encourt une disgrace glorieuse pour 70 Biographie. Richelieu ne lui en continua pas moins son es- time et ses bienfaits. Rotrou, à ces preuves non équivoques de son attachement pour Corneille, voulut en ajouter une nouvelle qui püt passer à la postérité. Tandis que l'envie et la médiocrité, protégées par une cabale puissante, s’agitoient pour obscurcir la gloire du créateur de la scène française, Rotrou eut le courage de rendre en plein théâtre un hommage éclatant au seul génie qui l'éclipsoit. C’est dans sa tragédie de Saint- Genest , représentée en 1646 , que se trouve cet éloge. Voici comme il est amené : L'empereur Diocletien fait venir devant lui Genest , le plus célèbre comédien de son temps , et lui demande un spectacle digne des fêtes qu'il veut donner pour célébrer Fe mariage de sa fille. Après avoir Joué les talens du comédien il ajoute : n'avoir pas voulu révéler le secret de l'Etat à madame de Pom- padour , et pour avoir combattu avec fermeté, dans le conseil du roi, un traité qu'il croyoit contraire aux intérêts de la France, et que la favorite vouloit faire réussir. Thomas refuse, avec l'espoir d’une fortune , une place à l'Académie française , pour la réserver à Marmontel qu'un #inistre trompé en vouloit exclure. . L'abbé Arnauld, relativement à un de ses bénéfices, est forcé de plaider contre un prieur qui lui disputoit quelques droits importans ; il découvre parmi ses papiers une pièce décisive en faveur de son adversaire , il la lui envoie aussi- tôt; le prieur gagne son procès sans difficulté, et l'abbé se condamne à payer tous les frais. Et beaucoup d’autres traits semblables. Ce rare désinté- ressement , ces sentimens élevés, sont presque toujours, dans les gens-de-lettres, accompagnés de grands talens. Rotrou. 7i Mais passons aux auteurs, et dis-nous quel ouvrage Aujourd'hui sur la scène a le plus haut suffrage ; Quelle plume est en règne et quel fameux esprit S'est acquis dans le cirque un plus juste crédit ? GENEST. Nos plus nombreux sujets, les plus dignes de Rome, Et les plus grands efforts des veilles d’un grand homme, A qui les rares fruits que sa muse a produit, Ont acquis sur la scène un légitime bruit, Et de qui certes l’art comme l'estime est juste Parmi les noms fameux de Pompée et d’Auguste : Ces poëmes sans prix, où son illustre main D'un pinceau sans pareil a peint l'esprit romain, Rendront de leurs beautés votre oreille idolätre, Et sont aujourd'hui l'âme et l'amour du théâtre. Ces vers pouvoient être mieux faits et surtout moins embarrassés; mais le sentiment qui les a dictés les embellit. Lorsque le spectateur les en- tendit, ce furent de tous côtés des battemens de mains , des trépignemens de pieds. Le public, qui ne vit que l'intention du poëte , partagea son enthousiasme et souscrivit à un éloge aussi juste qu'inattendu. Cette tirade ne contribua pas peu au succès de la pièce, qui n'est pas d'ailleurs une des meilleures de Rotrou. Une conduite aussi noble, une franchise aussi courageuse , il faut l'avouer, deviennent de jour en jour plus rares parmi les gens de lettres. Il pest donc pas inutile de rappeler un pareil exemple de générosité dans un siècle où l’égoisme 7e Biographie. fait des progrès si effrayans; où la littérature esr devenue une arène de gladiateurs (4); où l’on trouve sans doute plus facile d'obscurcir les succès par des satires que d'en obtenir soi même ; où croyant suppléer au talent par l'intrigue, on cabale pour occuper seul le chemin de la gloire et pour en écarter les rivaux qu'on redoute ; où enfin chacun ressemble à ces Sultans ombrageux et jaloux qui pensent ne pouvoir régner en sûreté qu'en faisant étrangler leurs frères. Rotrou aima mieux rendre justice à Corneille que de s'unir à ses ennemis. Celui-ci, de son (4) L'auteur de cet Essai, malheureusement, ne parle ici que d’après sa propre expérience. Si, parmi les gens du monde et les gens-de-lettres les plus distingués, il a trouvé de véritables amis dont l'estime est aussi honorable que le suffrage est flatteur , il n’a pas eu à se louer infiniment de certains Jittérateurs et de quelques intrigans. Les uns, sans autre motif que de servir leurs exclusives prétentions ou la vanité de leurs protégés, se sont acharnés à dénigrer, avec autant d'indécence que de mauvaise foi , les succès qu’il a pu obtenir. Les autres se sont emparés bardiment du fruit de ses travaux, s’en sont attribué tout l'honneur et le profit ; t, afin de dérober au public la connoissance de leurs usur- Da ; ils sont parvenus , à force d’intrigues , à étouffer ses réclamations er à l'empêcher de pouvoir désormais produire dans le jour convenable ces mêmes travaux qu’ils se sont ap- propriés. On pense bien que dans l’occasion ceux-ci feroient aisément chorus avec les premiers. L'auteur pourroit dire avec le bon La Fontaine: Je me sens né pour ébre en bulte aux méchans tours. Si Ja conduite de ces messieurs ressemble à quelque Cris A: m'est sùrement pas à celle de Rorrou. da | : Rotrou. TS côté, se plaisoit à lui témoigner hautement son estime et sa reconnoissance : il l’appeloit son maître. Quelques lecteurs superficiels ont pris cette expression à la lettre , et en ont conclu que Rotrou étoit le père du théâtre. Le seul rapprochement des époques suffit pour détruire cette erreur et démontrer la foiblesse des raisons qui semblent l'appuyer. Corneille, étant né en 1606 , avoit trois ans de plus que Rotrou. La première pièce de ce dernier, l’'Æypocondriague , fut jouée en 1628. Mélite, qui est la première de Corneille , fut représentée , suivant Fontenelle son neveu, en 1625, et suivant d'autres en 1629. En partant de la première date, Corneille dé- buta au théâtre trois ans avant Rorrou. En ad- mettant la seconde ; UN an OÙ peut-être quelques mois de différence ne sufliroient pas pour dé- cerner à Rotrou le titre glorieux de père du théâtre. De plus, de toutes les pièces de celui- ci, la tragédie de V’enceslas, qui pourroit seule donner quelque vraisemblance à cette opinion, ne fut jouée qu'en 1647; et Corneille , avant cette époque, avoit déjà donné tous ses chefs- d'œuvres. Ainsi, loin que Rotrou ait été réelle- ment le maître de Corneille, il est plus vraisem- blable que l’auteur de Fenceslas a été le disciple de l’auteur du Cid.Ila pu se faire que Rotrou, consulté par Corneille, lui ait donné de bons avis; mais celui-ci lui donnoit en retour de beaux modèles. Il est donc évident que si Corneille appeloit Rorrou son maitre, c’est qu'il faisoit l 74 Biographie. plus de cas de lui que de ses autres concurrens; c'est qu'il avoit quelquefois recours à ses lu- mières , et qu'il avoit pour lui autant d'estime que de reconnoissance. /totrou n'a fait que eo- pier ou traduire ; il n’a presque rien produit de son propre fonds. Corneille semble créer ce qu'il imite; il ne devoit qu'à lui le plus grand nombre de ses chefs-d'œuvres; son seul maitre fut la na- ture. Sans autre inspiration que son génie , il fut parmi nous le vrai créateur de la tragédie ef même de la comédie. Le Menteur fut donné douze ou treize ans avant l’Etourdi, la première pièce de Molière. Corneille a incontestabiement la gloire d’avoir ouvert à celui-ci la carrière co- mique , dans laquelle à la vérité l'auteur du Tar- tuffe est resté sans rivaux. Mais dans le genre tragique , il faut en convenir , tous ceux qui ont suivi Corneïlle , quelque mérite éminent qu'on leur accorde , Racine même , tout parfait qu'il est , ne l'ont point effacé avec autant de supério- rité que ce même Corneille a eflacé tous ceux qui l'ont précédé. Ce qui doit rehausser dans la mémoire des bons citoyens la gloire de l’auteur de f’enceslas , c'est le généreux sacrifice auquel il s’est volon- tairement dévoué pour son pays. Jiotrou, faisoit sa résidence ordinaire à Dreux, où il exercoit les charges de lieutenant particulier et civil, et d'assesseur criminel et de commissaire-examina- teur au comté et bailliage de cette ville. Son sé- jour habituel loin de Paris fut cause que, malgré — Rotrou. 79 l'estime du cardinal de Richelieu, il n’a point été de l’académie française. En 1650, la ville de Dreux éprouva le fléau d’une maladie épidémique, dont il mouroit vingt- cinq à trenfe personnes par jour. C’étoit une fièvre pourprée accompagnée du transport au cerveau , laquelle enlevoit en très-peu de temps tous ceux qui en étoient attaqués. Le maire ve- noit d'en mourir; le lieutenant - général étoit absent. Rotrou avoit à Paris un frère qui l'enga- geoit à ne pas exposer ses jours à un danger auss? imminent. Il le pressoit d'abandonner ce pays, et de revenir dans la capitale. Rorrou lui répondit que sa conscience et son devoir ne lui permet- toient pas de s'éloigner parce qu'il étoit le seul qui, dans ces funestes circonstances, pouvoit veiller aux besoins de la ville, et y maintenir le bon ordre. Il finissoit par ces mots : Ce n’est pas que le péril où je me trouve ne soit fort grand , Puisqu'au moment où je vous écris les cloches sonnent pour la vingt-deuxième personne qui est morte aujourd'hui, et ce sera pour moi quand il plaira à Dieu. Sa réponse est du 22 juin. Il n’a pas tardé à être la victime de la contagion. IL est mort le 30 du même mois, âgé de quarante ans , dix mois et quelques jours. On a célébré des hé- ros grecs et romains qui n'avoient pas termine leur carrière par un dévouement plus rare. « Rotrou, ajoute Marmontel , n’a rien d'aussi » héroïque dans ses ouvrages que ce trait qui » couronne sa vie, et il est beau de voir dans un 76 Biographie. » poëte tragique un caractère plus grand lui- » même etplus intéressant que tous ceux qu'il a » peints. » La mort de Rotrou , dit un bibliographe, fut suivie des regrets de toute la province, qui le re- gardoit comme un excellent juge, et qui l’aimoit comme un citoyen dont le crédit à la cour lui avoit été souvent utile. Il y a, comme on vient de le voir, peu d'hommes de lettres dont la con- duite et le caractère aient plus honoré le talent que l’auteur de Fenceslas. Mais à l'humanité ;"si parfait que l'on fût, Toujours par quelque foible on paya le tribut. Tous les historiens s'accordent à dire que dans sa jeunesse Rotrou avoit eu la passion du jeu, et les pertes qu’il y éprouvoit, le mettoient sou- vent dans l'embarras. On raconte que pour ne pas risquer à la fois tout son argent, il le jetoit, à mesure qu'il en recevoit, sur un tas de fagots renfermés dans un cabinet. Quand il en avoit besoin , il secouoit ces fagots, et ramassoit ce qui en tomboit. La difficulté de réunir tout ce qu’il mettoit ainsi en réserve, lui en conservoit une partie pour un autre moment. Malgré cette pré- caution , il se trouvait par fois au dépourvu. Il fut un jour arrêté et conduit en prison pour une modique somme. Sa tragédie de Fenceslas étoit prête ; il envoya chercher des comédiens , et la leur vendit vingt pistoles. Il sortit de prison, et sa pièce fut jouée. On prétend que, comme elle Rotrou. m7 rapporta beaucoup aux comédiens, ils eurent l'honnéteté de dédommager l’auteur d'une ma- nière plus convenable. . Colletet fit pour Rotrou l’épitaphe suivante : Passant , vois en Rotrou l'impuissance du sort. I est mort et pourtant son nom se renouvelle ; Gar si de ses beaux vers la gloire est immortelle, N'a-t-il pas de quoi vivre en dépit de ia mort: Il me semble que Colletet auroit dû parler de son dévouement héroïque, et surtout faire une meilleure épitaphe. nn nent JURISPRUDENCE. L OBSERVATIONS sur les citations des Auteurs profanes (x) et surtout d’Ho- mère , dans les lois romaines; par BERRI1AT (S4ainT-Prix); lues à la Société des sciences de Grenoble , le 25 messidor an X11. L: but d'un législateur qui porte une loi, est de prescrire ou de défendre , de permettre ou de punir certaines actions. Celui du juriscon- sulte qui donne une décision, est d'indiquer si une action est au nombre de celles que la loi prescrit, défend, permet ou punit. Le premier, Joxqu'’il rend compte des motifs de la loi, s'ap- puie ou sur des lois antérieures, ou sur les prin- cipes immuables de l'équité , ou sur les règles trop souvent versatiles de la politique. Le se- cond fonde ses avis sur le texte des lois, ou sur l'interprétation qu’en ont faite des tribunaux d'un rang élevé, ou des jurisconsultes estimés. Les législateurs comme les jurisconsultes ne doi- vent donc citer que des autorités graves , impo- santes, quelquefois austères ; et ce n’est pas dans leurs œuvres qu’on peut chercher de quoi flatter (1) Nous appelons ici auteurs profanes , par opposition aux jurisconsuites , ceux qui n’ont pas écrit des ouvrages sur le Droit, “ Citations d’'Homère. 79 le goût , récréer l'imagination, satisfaire le cœur, amuser les loisirs. Leurs livres sont utiles à com- pulser, jamais agréables à lire. Telles sont les règlés qu'ont suivi presque tous les législateurs et les jurisconsultes modernes (2), tandis que les anciens s’en sont écartés plus d'une fois. N'a-t-on pas lieu d’être surpris de trouver dans la collection la plus précieuse de lois qui ait ja- mais été faite, dans le corps du droit romain, un assez grand nombre de décisions où l’on in- voque l'autorité d'ouvrages étrangers à la science du droit? Et la surprise ne doit-elle pas redoubler eneore lorsqu'on voit de graves jurisconsultes, lé souverain méme d'un empire puissant, pré- férer parmi ces mêmes autorités ceiles qu'ils de- voient le moins accueillir, je veux parler des productions aimables des poëtes, qui, destinées à procurer des jouissances agréables , brillent moins par l’exactitude que par l’art avec lequel elles décorent ou dénaturent Les objets ? Ce n'est pas que les jurisconsultes , auteurs des ouvrages dont on a tiré une partie des lois romaines, Ou les Conseils des monarques qui ont publié les autres, fussent étrangers ou indiffé- rens aux écrits où l’on établissoit les principes de moralé et de politique sur lesquels on doit: fonder les lois : on sait, au contraire, et nous le dirons tout à l'heure , qu'ils les étudioient avec soin , que leurs propres écrits sont pleins des # (2) Je ne compte pas parmi les jurisconsultes proprement dits, les avocats-plaidans ou orateurs. 80 Jurisprudence. maximes surtout de La philosophie grecque, et c'est ce qui rend plus extraordinaire leur atten- tion à citer nominativement les potes , tandis qu'ils ne nomment presque jamais les philoso- phes. Quelle peut être la cause de cette singularité ? Ce n'est pas , sans doute , le désir de faire parade de leur érudition. Connues de tousles Romains, les poésies d'Homère , dont ils rapportent le plus de passages, n'auroient pas prouvé en eux un savoir bien distingué. Essayons de chercher cette cause dans l’histoire des jurisconsultes et dans la réputation de leur auteur favori. On distinguoit dans le barreau de Rome,comme dans le nôtre, deux classes de personnes. Les unes se consacroient à la défense des particu- liers ; les autres à l'interprétation des lois. Celles- ci portoient plus spécialement le nom de juris- consultes ; celles-là recevoient celui d’orateurs : mais souvent l’orateur étoit en même temps juris- consulte. Tantquela républiqueexista,les grands intérêts qu'ils avoientä soutenir et l'extrême indépendance dont jouissoient les princes ayant ouvert le plus vaste champ à l'éloquence, les orateurs éclipsèrent les jurisconsultes. La mémoire de Lélius, de Marc- Antoine , de Crassus, de Sulpitius, de Cotta, de Servius, d'Hortensius, etc., a survécu même à leurs écrits; et il n’est pas besoin de nommer le citoyen illustre que ses vertus , sa philoso- phie et son éloquence présentent pour modèle aux amis de leur pays, d’une sage liberté, des lecons Citations d’'Homère. Bi lecons de la sagesse et des charmes de l’élocu- tion. Mais lorsque les talens et la fortune de Cé- sar,, les artifices et la politique d'Auguste eurent changé les destinées du monde, les orateurs cé- dèrent le pas aux jurisconsultes. Leurs cruels suc- cesseurs, Tibère, Caligula, Claude, Néron, Vitellius, Domitien pouvoient attacher quelque prix à l’art de toucher par les mouvemens ora- toires , de charmer par les grâces du style, mais non pas s’en laisser subjuguer ; enfin les différens portés devant les tribunaux n'offroient plus le mème intérêt. L'école de Cicéron , d'Hortensius dût donc disparoître, et presqu'aussitôt on vit fonder sur ses ruines celles de Labéo et de Ca- pito, les chefs des interprètes du droit; écoles d'où sortirent les plus grands jurisconsultes qui aient existé avant le siècle de Cujas; Proculus, . Sabinus, Julien, Caïus, Pomponius, Papinien, Ulpien, Paul et tant d'autres, qui jouissoient de leur temps du même crédit que les orateurs de la république , et méritent encore dans le nôtre une aussi grande, mais une moins brillante ré- putation. Il est inutile de rappeler les causes de la divi- sion des deux premières écoles des juriscdnsultes de l'empire; d’autres auteurs les ont dévelop- pées, et je les ai moi-même indiquées dans un afitre ouvrage (5); il suffit de faire remarquer (5) Cours de législation , tom. I, p. 70. T. V. Septembre 1805. F 02 Jurisprudence. que ces jurisconsultes, comme ceux qui se li- vroient , sous la république, à la fonction d’o- rateur, faisoient une partie de leurs études à Athènes , et qu'ils y puisoient, avec les préceptes de la philosophie, et les maximes d'équité na- turelle , caractère principal de leur jurispru- dence , et cette méthode subtile d'argumentation dont elle est souvent obscurcie; enfin qu'ils s'y pénétrèrent de la plus haute vénération pour les génies de tout genre, dont les écrits aideront à transmettre à la postérité la plus reculée la mé- moire des Grecs, peut-être encore plus que les exploits de leurs héros. Ce qui caractérise la méthode d’argumenta- tion dont nous venons de parler, c’est entre autres choses le soin que mettoient lés jurisconsultes, et surtout les proculéïens, ou élèves de l’école de Labéo, à remonter à l'origine de toutes cho- ses, à rechercher les étymologies qui font sou- vent. découvrir cette, origine. On conçoit déjà , sous ce premier point de vue , quelle confiance ils durent avoir dans les écrits d'Homère. Ils y trouvoient en effet, non-seulement le véritable - poëte en celui qui, par l'invention de faits ima- ginaires disposésavecart'et soutenus des richesses du style, touche;ou rayit ses lecteurs; mais en- core l'historien qui peint avec fidélité les mœurs des siècles qu'il produit sur la scène ; et comme les siècles de l’Iliade et de l'Odyssée se perdoierit dans la nuit des temps la plus profonde, nous ne devons plus trouver étrange. que les juris_ consultes Romains y puisassent des autorités lors Citations d’Homère. 85 qu'ils vouloient déterminer la véritable naturé des choses. La recherche des étymologies devoit encore les engager à employer l'autorité d'Homère. La langue romaine dérivant en partie de la langue grecque , il étoit naturel qu'ils cherchassent dans celui des écrivains grecs qui avoit le plus de ré- Putation, dont la lecture étoit la plus répan- due parmi toutes les classes de la société, les preuves de leurs discussions grammaticales. Le grec étant d'ailleurs la langue usuelle d’une moi- tié de l’empire , ils mettoient tous les citoyens à portée de vérifier la justesse de leurs décisions. Enfin , ce dernier motif devoit aussi les enga- ger à prendre dans Homère les expressions qui pouvoient faire entendre, par comparaison , l'ex- plication d’un mot latin dont le sens étoit dou- teux. ' Pour nous assurer si nos conjectures sont fon- dées, examinons les diverses décisions du droit Romain où l’on cite Homère. ” I. Nous commencerons par celles où l’on cite des passages par pure comparaison ; D yena cinq de ce genre. 10. Dans la loi4e., 6. 4,5 et G,au Fan de gradibus et affinibus, on expose les noms di- vers des alliés (4), soit en latin, soit en grec. On nous dit entre autres que le frère du mari (ce- lui que nous nominons en français le beau-frère ) (4) La langue latine étoit infiniment plus riche que la nôtre pour les désignations des diverses espèces de pirens ou d'alliés. Voy. le même titre du digeste. 84 Jurisprudence. se nomme levir, et en grec daër. Cette asser- tion semble n'avoir besoin d'aucune autorité , sur- tout pour un auteur qui écrivoit dans un empire où la langue grecque étoit si répandue; cepen- dant cet auteur la fonde aussitôt sur un passage d'Homère, ut, dit-il, ut est apud Homerum re- latum ; et il cite un vers du discours qu'Hélène adresse à Hector dans le chant 6e. ( vers 344) de l'Iliade, vers où se trouve en effet le mot daër, et où Hélène dit à Hector : « Frère de mon époux; allié de cette misérable » qui vous a causé tant de maux; plüt au ciel » qu’à l’instant où ma mère me donna le jour, » un tourbillon n’eût emporté, etc. » L'auteur de la mème loi suit une marche sem- blable lorsqu'il indique les noms de la sœur du mari, glos en latin, et galos en grec , et des fem- mes de deux frères, inateres en latin (5), et ci- nateres en grec. Un autre vers (le 378) du même chant les contient l’un et l’autre; qguod, dit-il, uno versu idem Homerus significar. C'est un vers. où Hector demande en quel lieu se trouve An- dromaque. « Répondez-moi sans feinte. . .... Seroit-elle » chez l’une de mes sœurs, vu des épouses de » mes frères? » | 20. L'auteur de la loi 236, au digeste de ver- (5) Il y a dans la vulgate janitrices. Nous nous servons ici du texte de Pothier, dans ses pandectes, au même titre, n°. 46. Citations d’Homère. 85 borum significatione , expliquant le mot latin venenum, qu'on traduit en général par celui de de poison, dit qu’il faut toujours y ajouter les qualificatifs bonum , aut malum (bon ou mau- vais), parce que le mot indique aussi un remède (medicamentum ) ; qu’il en est de même dans l& langue grecque, où il se traduit par le mot pharmacon , et il cite à ce sujet le 23o°. vers du quatrième chant de l'Odyssée, où Homère annonce que la terre ( en Égypte ) produit beau- coup de remèdes venéneux (6) et de remèdes sa. lutaires. Le 3e, exemple que nous tirerons de la loi 15, . $ 1°r., au digeste ad legem Juliam de adulteriis, paroïît moins bien appliqué. Le jurisconsulte, après avoir décidé que l'action d'adultère peut être intentée contre une femme à laquelle on est uni par les liens d’un mariage , de quelque es- pèce qu’il soit (7), cite cette réponse d'Achille aux envoyés des Grecs (Iliade , chant ge., vers 340 ). « Les Atrides sont-ils done les seuls hommes » qui chérissent leurs épouses? » (6) Cette expression n'est peut-être pas fort bonne en fran- çais ; mais il me semble que le mot plante, qu'emploie un traducteur moderne , restreint le sens du texte original, (7) On distinguoit à Rome trois espèces de mariage, le mariage par confarreation, le mariage par coemption et le mariage par wsucapion. On attachoit à la première de ces espèces de mariages plus de prérogatives qu'aux deux autres : au reste , le concubinage étoit aussi permis , et distingué de la débauche proprement dite , qui seule étoit proscrite. 686 - Jurisprudence. Mais peut-être le jurisconsulte a:t-il voulu faire allusion à l’état de briséis, et indiquer qu'étant esclave , elle ne pouvoit être unie à Achille par un mariage solenuel. 4°. La constitution par laquelle Justinien pres- crivit l’enseignement du digeste, nous fournit le 4°. exemple. Plein d'orgueil de l'ouvrage qui a été fait sous ses ordres, il ne croit pouvoir mieux établir la supériorité de son corps de lois, sur les lois anciennes , qu'en comparant l'espèce d'é- change qu'il a fait des lois anciennes avec les siennes , à celui des armes de Diomède, qui étoient d’airain , contre celles de Glaucus, qui étoient d'or, ainsi qu'on l'apprend dans Homère (liade, chant Ge, ), dont il rapporte le vers. — Nous le rapporterons nous-même tout à l'heure en indiquant une autre loi où il est également cité. 50. Dans le 5e, passage dont je vais parler , Homère ne,paroît cité que pour fixer l’époque d'un changement dans les usages des peuples. Les jurisconsultes Romains disent que dans l’o- rigme le mot suppellex , ou ce que nous appe- lons des meubles , embrassoit toute espèce de meubles qui n'étoit pas faite avec de l'or ou de l'argent, et qui n'étoit pas destinée à servir de vêtement (8). Dans la suite , ou comprit sous cette désignation les tables, les lits et les chandeliers d'or et d'argent, ou ornés d’cr et d'argent; c'est ce qu'établit la loi ge., $ 1°"., au digeste (5) Loi 1 et 2 au digeste, de suppellectile legat&. Citations d’'Homère. 8 7 de suppellectile lesatä , en citant le lit que le roi d'Ithaque avoit construit avec le tronc d’un arbre fleurissant qu'il #voit ensuite orné d'argent et d'or , ouvrage «lont la description acheva de le faire connoître à Pénélope. Voyez l'Odyssée, chant 25. II. Les citations d Homère dont on s'autorise pour établir la véritable nature d'un contrat, d'une libéralité, etc. , sont plus intéressantes que celles qu'on vient de rapporter. Il y en a sept de ce genre ( quelques-unes forment un double emploi ). . 19. La loi 16,.(. 8 , au digeste de Pænis , dé- cide que quoiqu'on ne doive-en général punir un délit que lorsqu'il a été commis avee inten- tion , il faut néanmoins, pour infliger une peine, prendre en considération l'événement, c’est-à- dire , examiner si le déht a eu lieu abstraction faite de l'intention (9). C'est à raison de l'évé- nement qu’elle annonce, que les délits causés par accident étoient , chez les Grecs ; expiés par un exil volontaire (10); et elle se fonde: sur une phrase du discours que l'ombre de Patrocle adresse à Achille pour l'exciter à la vengeance contre Hector ( Iliade , chant 23e., vers 85 et suivans ). () Nous donnons à cette loi l'interprétat'on de Pothier, pandectes , même titre , n°. 56. (10) L'exil volontaire étoit non-seulement l'exil auquel on se condamnoit soi-même; mais encore celui auquel on éioit condamné sans désignation de lieu, Pormien , id. 88 Jurisprudence. « Nous avons été élevés ensemble, à Achille : » qu'après nous nos cendres ne soient point » séparées ? ce fut dans le palais de tes pères ». que, jeune encore et conduit par Ménécée, » Je vins demon pays chercher un abri contre » les suites d’un crime. Pendant une partie de » dez, à jour trop funeste! cédant en insensé » à mon courroux, ou plutôt entraîné par la » destinée, j’avois tué le fils d’Amphidamas!.…» 20, L'autorité d'Homère sert ensuite à l’au- teur des instituts ( de lege aquilia, $. 1°. ), et à celui de la loi 65e. , . 4, au digeste de lega- tis 50», pour décider que les porcs doivent être rangés dans la classe des animaux désignés sous le nom générique de troupeaux. Cette décision , : dont l’objet n’est pas très-noble, étoit cependant importante , parce que l'on punissoit d'une peine particulière ceux qui avoient tué des animaux de la classe des troupeaux, et parce qu'on peut, dans une disposition, léguer en général tous les troupeaux d’un domaine ; c’est sur le passage suivant de l'Odyssée ( livre 13 ) qu’elle est fon- dée. « Vous trouverez, dit Minerve à Ulysse, vous » trouverez votre intendant Eumée, gardant » vos porcs sous le rocher de Corax, près de la » fontaine d’Aréthuse. » 50. Un autre passage de l'Odyssée (chant 17°.) sert encore aux auteurs des Instituts ( de dona. tionibus, $. 1®*,), et de la loi 1re, au digeste Citations d’Homère. 89 de donationibus (11), à rendre intelligible la dé- finition générale de la donation à cause de mort. Dans cette libéralité, disent-ils, ke donateur se préfère au donataire, et préfère aussi le dona- taire à l'héritier. Telle fut l’espèce de libéralité que fit Télémaque à Pirée. Télémaque avoit déposé chez ce compagnon fidèle les dons qu’il avoit reçus de Ménélas. Au moment qu'il projetoit de combattre les amans de sa mère, Pirée lui proposa de faire empor- ter ces présens. Voici la réponse de Télémaque , que les législateurs Romains citent comme exem- ple : « Nous ne connoissons point l’avenir, cher » Pirée : si m’ayant fait succomber sous leurs » embüûches, nos superbes ennemis viennent à » se diviser les richesses de mon père, j'aime » bien mieux que tu jouisses de ces présens, » que s’ils devenoient la proie d’aucun de ces » perfides :.si je réussis au contraire à leur » arracher la vie, partageant l’allégresse de » mon juste triomphe, tu m'’apporteras les » mêmes présens dans mon palais. » 4. J'arrive à la citation d'Hémère la plus importante, on la trouve dans le droit romain; je traduirai en entier le texte où elle est placée parce qu'il est nécessaire pour son explication , et qu'il offre d’ailleurs des principes d'écono- mie politique dont la justesse peut paroître sur- QG1) Les instituts rapportent tout au long six vers de l’'Odys- PP 8 3 _sée ; ils ne sont qu’indiqués dans le digeste. 90 Jurisprudence. prenante, si l’on considère que cette sciencé n’a guère fait de progrès que depuis un siècle. Ce texte est la loi 1°. au digeste de contra- hendä emptione ; il est tiré du livre 33°. du com- mentaire de Paul sur l'édit perpétuel. Justinien en inséra dans la suite une partie dans les Insti- tuts (12), au méme titre, @. 2°. — Voici la tra- duction : | « Le contrat de vente a tiré son origine du » contrat d'échange. Dans les commencemens » de la société, il n’y avoit point de monnoie ; » on ne distinguoit point la marchandise du prix » qu'on en donnoit; mais chacun suivant la cir- » constance, ou à raison de ses besoins , échan- » geoit des choses inutiles contre des choses uti- » les, parce qu'ilarrive souvent qu’une personne » manque de ce qu’une autre à de trop. Mais » comme ilarrivoit aussi très-rarement que lors- » que vos possédiez ce dont j’avois besoin , j'eusse » de mon côté ce que vous désiriez acquérir , » on choisit une matière dont l'estimation pu- » blique et constante {la monnoïe) permettant » d'offrir pour retours, des valeurs égales, fit » par là même cesser la difficulté des échanges. » Cette matière étant revêtue d'une forme pu- » blique (le type de la monnote), celui qui la » possède use plutôt de la quantité qui résulte » de l'estimation, que de la matière elle-même, » de sorte que lorsqu'il livre cette matière pour » quelque chose, on peut dans cette négocia- w 12) Instituts, de contrakend& emptione , K 2. : P » » » » » Citations d’Homeére. 9I tion distinguer la marchandise du prix ( 1er. ); cependant on doute encore aujourd'hui si l’on ne peut pas faire une vente sans employer des espèces monnoyées. On demande , par exem- ple, s'il n'y a pas une vente lorsque je vous donne une toge pour que vous me cédiez une tunique? Sabinus et Cassius ( chefs de la secte sabinienne) , pensent que ce contrat est une vente. Nerva et Proculus {chefs de la secte proculéienne) soutiennent au contraire que c'est un échange, et non pas une vente. Sa- binus cite à l'appui de son avis Homère, qui, dans les vers suivans , rapporte que les Grecs achetèrent du vin, et le payèrent avec de F'ai- rain, du fer et des esclaves. » « Des vaisseaux de Lemnos ayant apporté du » vin (13), les Grecs à longue chevelure ache- » tent ce vin, les uns avec de l’airain, d’autres » avec du fer, des peaux, du hétail, ou des » esclaves. » (Fliade, chant 7, vers 482.) « Mais ces vers me paroissent plutôt désigner un échange qu'une vente ; il en est de méme de ceux-ci : “ « Le maitre des Dieux élève, aggrandit l’âme » de Glaucus, et ce monarque change ses ar- » mes d’or, qui valoïent une hécatombe, con- » tre les'armes d’airain de Diomède ;, qu'on - (13) Ce premier vers n ’est pas rapporté dans le digeste, mais il l’est dans les iustituts, au titre de contrahendé emp= tione , À 2. 92 Jurisprudence. » auroit acquises avec neuf taureaux. » (Z/iade, chant 6, vers 234.) « Sabinus auroit pu beaucoup mieux appuyer » son opinion de ces autres vers du même poète. » « Euryclée que Laërte avoit autrefois achetée » au prix de vingt bœufs. ( Zliade, liv. I, vers 430.) « Mais l'opinion de Nerva et de Proculus est » beaucoup plus juste. Comme, en effet, ache- » ter est autre chose que vendre, et le vendeur » une personne différente de l'acheteur, de » mème le prix est une chose différente de la » marchandise ; tandis que dans un échange on » ne peut distinguer lequel des deux contrac- » tans est le vendeur ou l’acheteur. » IT. On voit par cette loi quelle haute idée les jurisconsultes romains avoient d'Homère, puis- qu'ils attachent tant d'importance à ses écrits. Mais le corps de droit contient d’autres passages qui attestent encore la grande réputation dont il jouissoit. 1°. L'empereur Justinien veut-il, par exem- pl , expliquer pourquoi les termes droit civil , sans addition du nom d’un peuple, désignent le droit civil des Romains? Il annonce aux instituts de jure naturali, {. 2, qu'il en est de même lors- qu'on dit simplement le poëte , sans ajouter de nom propre, parce qu'alors ces termes désignent chez les Grecs l’illustre Homère, Ægregius Ho- merus, et chez les Romains Virgile, apud nos Virgilius. Citations d’Homère. 95 20, Ulpien entreprend -il de déterminer l’é- tendue qu'aura le legs d'un corps d'ouvrage qui ensuite ne se trouve pas complet? c'est aussi celui d'Homère qu'il prend pour exemple. Si /Zomeri corpus sit legâtum , et non sit plenum : quantæ cumquæ partes hodie inveniäntur, debentur, 1. 52; $2,au digeste de legatis 30, 3°. Le même jurisconsulte se propose-t-il d’ex- pliquer ce que signifie un legs d’un certain nom- bre de livres ? de décider si ce mot Livre indique une partie d'un ouvrage, ou bien un volume ? c’est encore ceux d'Homère qu'il cite : Si cui centum libri sunt legati, centum volumina ei dabimus : non centum , guæquis ingenio suo metitur est, qui ad libri scripturam sufficerent : ut puté cum haberet HomERuM totum in uno volumine ; non quadragenta octo libros (14) computamus, sed unum Homeri volumen pro libro accipiendum est. —Même loi, G 1®. 4°. Enfin Justinien cherche-t-il les causes pour lesquelles l'opinion de Proculus (nous l’ayons exposé ci-devant), relative à la différence qui existe entre la vente et l'échange , avoit prévalu sur celle de Sabinus? Il ne se borne pas à dire comme Paul (15), que Proculus donnoit de meil- leures raisons ; il ajoute que Proculus s'étoit aussi étayé des vers d'Homère. Sed Proculi sententiæ merito prævaluit , cum et ipse aliis Homenics (14) I paroïît, d’après ce passage, qu'il ne rangeoit pas la batrachomiomachie parmi les ouvrages d'Homère., (15) Loi première, de contrahendé emptione. 94 Jurisprudence. versibus adjuvabatur. — Instituts, de contrà- henda emptione, Ç 2. Les qualifications qu'ils donnent à Hé -sont encore des preuves de c:tte haute réputa- tion, dont il jouissoit auprès des législateurs ro- mains. Nous avons déjà vu que l’auteur des ins- tituts le nomme Ëgregius Homerus. La loi 5oe. au digeste de verborum significatione, et La loi 16, $ 8, au digeste de pænis, contiennent encore plus d’éloges : l'une l'appelle le plus grand des poëtes grecs, summus apud eos poëtarum ; et l'autre le premier des poëtes, præcipuus poëta- rum... Justinien enchérit encore sur ces louan- ges. Qu'on se rappelle l'extrème dévotion, on peut dire le fanatisme de ce prince , puisqu'il publia ou fit insérer dans son code plusieurs lois qui prononçoient tantôt la peine de mort, tantôt la confiscation, le bannissement, l'infamie, la privation des droits successifs , etc. , contre les hérétiques , et l'on ne pourra se défendre d'une vive surprise , lorsqu'on l'entendra nommer notre poëte le père de toute vertu, apud Homerum patrem omnis virtutis. — Præmium , de con- ceptione digest. , 2e. constit. , $ 11. Remarquez que les éloges ou les citations d'Homère n’ont pas été faits par un seul indi- vidu ; ils n'offriroient alors rien de bien extraor- dinaire ; le corps du droit romain ayant été composé soit de lois, soit de décisions d'empe- reurs et de jurisconsultes dont on rappelle le nom ct les ouvrages, il est faciie de connoiître et le nom et l'ère de ceux à qui l’on doit ces éloges et Citations d’Homère. 95 ces citations. Quant aux noms, nous trouvons parmi eux Sextus Cæcilius Africanus (16), Gaius (17), Saturnin (18), Popinien (19), Paul (20), Ulpien (21) , Marcien (22), et Modestin (23); quant à l'ère, nous savons que ces jurisconsultes ont fleuri sous les règnes d'Hadrien et de ses suc- cesseurs jusques à ceux des Gordiens , c'est-à- dire , depuis l'an 117 jusques à l'an 237 de l'ère * vulgaire, dans un espace de 120 ans (24). Ce n'est pas même à cette espace de temps qu'il faut borner le crédit d'Homère auprès des au- teurs du»droit romain. Justinien, soit dans la préface du digeste , déjà citée, soit dans les ins- tituts, ouvrages composés en l'an 530, ou 360 ans après les jurisconsultes précédens, s'appuie (16) Sextus Cæcilius cite Homere dans la loi 13, ad Leg. juliam de adulteriis ( précédemment analysée )» au rapport d'Ulpien , auteur de cette loi. (17) Gaïus est auteur de la loi 236 , de verborum signi- ficatione. (18) Saturnin est auteur de la loi 16, de pœnis. (19) Papinien , idem , de la loi 9, de suppellectile legaté. (20) Paul, idem , loi 1 , de contrahendé emptione. (21) Ulpien , dem j loi 52, de lez. 3°., et loi 13, ad L. Jul, de adult. (22) Marcien , idem, loi 65, de leg. 3°., et loi 1°°, de mortis caüsé donatiore. (23) Modestin, idem, loi 4, de gradibus et ad/finibus, (24) On peut consulter , sur la Chronologie des juriscon- sultes, Pothier, pand. proleg. , part. 2, c. 1, et le tome 1€r, de notre Cours de législation ; appendix à l'Histoire du Droir. romain. 96 Jurisprudence. plusieurs fois , ainsi qu’on l'a dit , de FAR de notre poëte. IL est encore une autre circonstance qui nous autorise à présumer qu Homère ne perdit point de son crédit dans ce long intervalle de temps. Après Modestinus et Florentinus, son contempo- rain , le digeste ne nous a transmis de fragmens, que de trois jurisconsultes de temps postérieurs, savoir, Hermogenien , Arcadius-Charisius , et Gallus ou Julius Aquila; et ces fragmens sont en si petit nombre (25), qu'il n'est point étonnant qu'on n'y trouve aucune citation d'Homère. Ce qui prouve encore la prédilection que les jurisconsultes romains avoient pour ce poëte , c'est qu’à l'exception des auteurs de droit, il n’en est aucun autre qu'ils citent plus souvent que lui. Il étoit cependant naturel qu'ils s'appuyassent souvent sur l'autorité soit des législateurs étran- gers qui pouvoient leur fournir des modèles de décisions , soit des philosophes qui s'étoient oc- cupés de la morale, fondement des lois , soit des médecins et physiciens qui avoient traité des questions médico ou physico-légales , soit enfin des orateurs qui avoient discuté des questions tenant à la jurisprudence. Mais c'est ce qu'on n'observe point dans le corps de droit ; il suf- fit, pour s’en convaincre, de jeter un coup- d'œil sur toutes les citations d'auteurs profanes qu'on y rencontre. (25) Voyez dans Je même Cours de législation , pag. 100—- 106, une notice exacte des lois que nous devons aux divers jurisconsultes romains. 1°. PRIE + Citations d'Homère. y" ro, Des Kgislateurs étrangers , nous n'y trou vons que les noms de Dracon et de Solon. On les cite ensemble deux fois ; d'abord dans les ins- tituts (de jure naturali, (. 2.), pour indiquer qu'on peut donner à leurs lois le titre de droit civil des Athéniens; et ensuite dans le digeste, pour indiquer le terme grec par lequel ils dési- gnent l’action de tuer une personne surprise en adultère, — Z. 23°, in pr. ad. leg. jul. ad adulr. Solon est en particulier cité deux fois. On transcrit deux de ses lois, dont l’une est rela- tive aux distances qu'on doit observer dans les plantations ou constructions faites près des li- mites des champs (lex ult. au dig. finium resæn.), et l’autre concernant les conditions que peuvent s'imposer des particuliers associés pour recueillir des impôts , faire des expéditions maritimes, etc. — Loi 4. au digeste,. de collegiis et corpoe ribus. 2°. Quatre philosophes seulement sont cités dans le digeste, Chrysippe, Théophraste, Platon et Xénophon. On a tiré du premier une défini- tion de la loi(Z. 2, de lepibus ) ; du second la maxime qu'il ne faut faire des lois que pour les cas qui se présentent souvent , et non pour des - cas extraordinaires ( lors 3 et 6 du méme titre ); du troisième , celle qu'on ne doit pas contraindre les agriculteurs à rester au marché pour y vendre leurs denrées ( Z. 2, de nundinis); du quatrième, la signilication en grec du mot elum, ou trait. — Loi 235, (. 2, de verborum significatione ; institut. , de publicis judiciis, {. 5. T!. V. Septembre 1805. G 98 Jurisprudence. 30. Un médecin, Hippocrate, et un physi- cien , Aristote , sont cités; le premier, pour Ja détermination du temps de la gestation (loi 12, de statu nominum ; et 3, Ÿ. 12, de suis et lege- timis); le second , pour le nombre d’enfans qu'une femme peut produire, et qu'il Hixe à cinq, par un motif assez singulier (16). — Z. 36, de solutionibus et liberationibus. 4°. Des orateurs, on n’en trouve que deux dont on invoque l'autorité ; il est vrai que ce sont les plus célèbres. Démosthènes est cité deux fois. On rapporte de lui une définition de la loi (lo 2 , de legibus ); et un passage où il établit que les peines ne con- sistent. pas seulement dans la douleur qu'elles font éprouver , mais encore dans l'ignominie qu'on y a attachée en les infligeant. — L. 16 , de pænis. Le nom de Cicéron se rencontre plus souvent (sept fois) dans le digeste ; mais son autorité n'est réellement invoquée que deux fois pour des décisions. La première , pour la peine capitale qu'on doit infliger à une femme qui s'est fait avorter ; la seconde, pour la détermination du (26) Aristoteles scripsil quinque nasoi posse; quia Vulyæ mulierum totidem receptacula habere possunt : et esse mu- lierem Romæ alexandrinam ab Ægypto, quæ quinque simul peperit ; et tunc habebat incolumes , et hoc in Ægypto ad- firmatum est missi, Cette loi est de Paul, qui rappelle dans une autre (/. 3, ff. si pare hered. per.) le ième fait avec une circonstance plus extraordinaire, savoir ; que le cin- quième enfant n'étoit né que quarante jours après les quatre premiers. Citations d’Homéreé. 99 rivage de la mer, qu'il décida le premier devoir s'étendre jusques au point où la plus haute ma- rée parvient. — Loi 59°. , au digeste de pænis , et 96®. de verborum significatione. Ulpien cri- tique même une définition qu'il avoit donnée du mot latitare , et dit que ce mot ne signifioit point, ainsi que le vouloit Cicéron, l'action de se ca- cher pour un motif déshonnête. — L. %,6. 4, au digeste, qui'bus ex causis , in poss. eat. (27). Mais rien ne prouve davantage le haut crédit d'Homère auprès des jurisconsultes, que la pré- férence qu'ils lui donnent sur Virgile. Nous re- connoissons d'abord cette préférence en ce qu'ils citent bien moins souvent Virgile. Ils ne s’ap- puient en effet de son autorité qu'une seule fois, encore donnent-ils à l'instant une décision con- traire (28), et ils ne citent qu'un seul de ses vers (27) Voici les autres lois où l’on trouve le nom de Cicéron. Dans la loi 2 , ff de origine juris, Pomponius, qui y fait Phistoire du Droit, dit, 1° ($ 40) d'aprés lui, que Lucius Crassus fut le plus élégant des jurisconsultes; 2°, (6 43) que Servius étoit le. meilleur orateur après Cicéron; 3°. ($ 46) que Cicéron défendit Ligarius par un très“beau discours (satis pulcherrima oratio). Dans la loi 8, ff. ad leg. Juliam majestatis, Papinien dé- cide que les femmes doivent être entendues dans les accusa- tions de crimes d'Etat; qu’une femme (Julie) découvrit la conjuration de Catilina, dont Cicéron instruisit le procès. (28) Marcien (1. 6, ff. de rerum divisione) est d'avis qu'un cénotaphe rend religieux le sol où il est placé, sieut, dit-il, cestis in ed re est virgilius ( c'est sans doute au vers 305, liv. 3 de l’Enéide) ; mais Ulpien ajoute aussitôt qu’on a décida le contraire, 1. 7. 100 Jurisprudence. (arma virum que cano ), et dans une occasiort où cette citation est tout à fait indifférente (29). Nous trouvons , en deuxième lieu , cette pré- férence en ce qu'ils indiquent son nom sans la moindre qualification , même lorsqu'ils joignent ce nom à celui d'Homère, et qu’ils donnent à Homère quelque épithète. On le voit entre autres , dans un passage que nous avons déjà cité : Æpud græcos Ecrecius Æomerus, apud nos V'irgilius. Cette préférence paroît assez extraordinaire de la part des jurisconsultes. Ils ne pouvoient être mus ni par l'envie , ni par la partialité, Ecri- vant deux siècles après Virgile, au moment où sa réputation avoit survécu à toutes les critiques, et travaillant dans un genre d'ouvrages très-dif- férent , il faut qu'ils aient cru qu'Homère lui étoit en effet supérieur, dès qu'ils paroissent avoir fait plus de cas de ses ouvrages. Quoi qu’il en soit, la manière dont ils citent Homère, indique tout à la fois, et qu’ils con- noissoient parfaitement ses poésies, et qu’elles (29) Les obligations se contractoient très-souvent à Rome par la stipulation, c'est-à-dire, par des demandes et des réponses que se faisoient en certains termes solennels l’une et l’autre partie. Dans la loi 65, ff. de verborum significa- Lione, on décide que si l’on a inséré d’autres mots dans les réponses ou demandes, la stipulation sera valable, pourvu qu'on n’ait pas omis les véritables termes ; si, par exemple, celui qui s'oblige, au lieu de dire simplement spondeo , à dit arma virumque cano spondeo, on sent que l’on pouvoit citer tout autre vers , toute autre phrase pour exemple, Citations d’'Homére. JOI étoient également très-connues de la plupart des Romains. Lorsque, en effet, ils citent quelque juriscon- sulte, à moins que ce ne soit un auteur à peu près classique, ils indiquent, en général , letitre et la partie de ses ouvrages où ils puisent leurs décisions. Ils suivent une marche opposée à l'é- gard d'Homère ; à l'exception d'un seul passage où ils indiquent son Odyssée, et où ils n'en dé- signent pas même le livre dont ils ont extrait des vers (30); partout ailleurs ils citent ses vers sans indiquer où ils les ont puisés; et cependant toutes leurs citations sont exactes ; et si nous en jugeons par la peine que nous avons eue à les re- trouver dans l'original , il falloit nécessairement que ces poésies fussent bien familières aux Ro- mains, puisqu'on pensoit qu'il étoit inutile de leur faciliter les moyens d’en chercher les textes. De cette conséquence , nous tirerons une ré- flexion par laquelle nous terminerons ce mé- moire. Si les législateurs ou jurisconsultes ro- mains se sont écartés quelquefois des règles que leur prescrivoit la gravité de leur profession ; s'ils ont semblé y déroger en invoquant l'autorité d'é- crivains étrangers à la science qu'ils cultivoient ; du moins les talens de celui en faveur duquel ils ont fait le plus souvent cette espèce d'écart, les excusent. Trente siècles accumulés sur elles n'ont (30) La loi 65, $ 4, aù digeste de legatis 3°. , et le S 1*. des instituts, de lege aquilia ; ces deux textes contiennent la même décision et la même citation. 102 Jurisprudence. rien Ôté à la réputation des poésies d'Homère ; cest un monument qui a résisté aux attaques de la malignité, aux efforts de l'envie, aux discus- sions de la critique, à la main destructive de l'ignorance et du vandalisme ; c'est un faisceau de rayons qui traversant successivement des par- ties du firmament , tantôt pures, tantôt couver- tes de nuées plus ou moins sombres, a pénétré jusques à nous avec tout son éclat primitif. EE MÉLDANGES Fin des Remarques envoyées à FAN 7 RCE à l’occasion de quelques Notes manus- crites qui se trouvent sur son exemplaire de la première édition du Menagtana (1). Je reviens, monsieur , aux notes manusCrites qui se trouvent sur différens exemplaires de la première édition du Menagiana. On ÿ ‘apprend les noms des personnes dont veut parler Ménage, et qu'il n’avoit indiqués que par des letires ini- tiales. Les étrangers surtout s'étoient plaints de ce que, par cette suppression et ce déguise- ment, le Menagiana perdoit une grande partie de son intérêt. M. de la Monnoye, en 1715, sup- pléa une partie de ces omissions ; et à l'égard des autres, il assure que les raisons de prudence qui, en 1693 , empêchèrent de mettre les noms propres en leur entier , subsistoient encore lors- qu'il donna son édition. [l avoue néanmoins que malgré ses recherches et sa bonne volonté, il lui a été impossible de deviner certains noms. J'observe quil n’est pas même toujours heureux lorsqu'il a voulu deviner. Je n’en donnerai qu'un exemple. À la page 62 de la première édition , on lisoit : « M. l'abbé Th... vint consulter M. larchevéque, pour savoir s'il feroit bien de de- (1) Voyez supra, t. IV, p. 36q. 104 Mélanges. | mander le collége des Quatre - Nations pour y mettre ses prêtres. » M. l'archevêque lui dit: « Monsieur, je vous conseille de demander le Louvre.» Dans la table de cette même édition, et dans le corps de l'ouvrage , de l'édition de 1694, on a misen toutes lettres : « M. Thomas- sin. » M. de la Monnoye ne sachant ce que si- gnifioit cet abbé Th... , devenu M. Thomassin ;, a mis: « Le P. Thomassin. » Or, le père Tho- massin de l'Oratoire étoit le plus modeste de tous les hommes , et le plus désintéressé. Le curé de Saint-Jacques faisant son éloge quel- ques jours après sa mort, apprit à ses parois- siens que ce Pèrelui remettoit tous les ans, pour ses pauvres , une grande partie de la pension que lui faisoit le clergé. De. plus, il demeuroit à Saint-Magloire , plutôt en qualité de savant théo- logien qu’en qualité de supérieur ; et quand bien même les séminaristes et les Pères de l'Oratoire n'y eussent pas été aussi bien logés qu'ils l’é- toient, le P. Thomassin n’étoit pas un homme à aller solliciter les gens en place pour leur de- mander des palais. Aussi M. d'Hozier ( Charles- René , mort en 1732), auteur des notes manus- crites qui se trouvent sur un exemplaire de la Bibliothèque impériale, met avec plus de rai- son : « M. l'abbé Thiberse» , qui étoit , comme tout le monde sait, supérieur des missions étran- gères. Sur un autre exemplaire de la mème Biblio- thèque:, on trouve. des notes manuscrites d’un anonyme, homme instruit, mais fort sévère, Menagiana. 305 si on en juge par une note générale qu'il a pla- cée au commencement de l'ouvrage , et que voici : « Le Menagiana est un recueil de sottises (il y a ici un mot que je n'ai pas pu lire ), de mauvaises plaisanteries et de calomnies absurdes. Il y a très-peu de bons mots, et ceux qui ont ramassé toutes ces pauvretés, comme les meil- leures choses dites dans l'assemblée de Ménage, ont fait une plaie incurable à sa réputation. Cette rapsodie a été hautement honorée d’un privi- lége du roi, quoiqu'il y ait des impiétés et des traits sanglans contre la réputation des plus grands hommes. On a débité en peu de temps ce misérable libelle , après lequel une infinité de gens ont couru. «a O sæclum insipiens et inficetum ! » M. d'Hozier est quelquefois aussi sévère que l'anonyme : de là cette note amère dont je laisse le jugement aux lecteurs. A la page 24, Ménage dit : « Le mot chaste n’est plus en usage dans notre langue , il y a déjà du temps, etc. M. d'Hozier met : «Parce qu'il n'est plus d'usage dans nos mœurs, et qu'il est inutile d'avoir un terme qui désigne une vertu que lon ne pra- tique presque plus. » Ne semble-t-il pas qu’on entende Caton s’écrier : Jampridem , Quirites , arnisimus vera rerum vocabula. À la mème page , on faisoit dire à Ménage que le frère du cardinal de Retz acheva de payer les dettes de celui-ci, après sa mort. M. d'Hozier remarque avec raison , que cela ne peut être vrai, le due 106 IT élanges. de Retz étant mort trois ans avant le cardinak son frère , lequel mourut ea 1679. À la page 41, on rapporte un trait singulier du peu de mémoire de M. de Br. M. d'Hozier a mis en note : « M. de Brancas; mais M. de Brancas m'a dit lui-même que ce n'étoit pas vrai. » A la page 180, Ménage rapporte une anecdote peu honorable à Boisrobert. Bernier, dans son Antimenagiana (dont je parlerai plus bas ), nous apprend que Ménage avait de bonnes raisons d'en vouloir à la famille de cet abbé , dont le neveu avoit attaqué Ménage , verbis, dein fus- tibus. À la page 184, Ménage dit : « Appeler un victorin moine, c'est comme qui auroit appelé M. de T... maréchal de France.» M. d'Hozier met en note: « M. de Turenne.» Ce qui confirme ce qui a été dit dans le Journal de Paris sur le foible de ce grand homme , à qui on faisoit de la peine quand on l'appeloit maréchal de France, se prétendant prince , comme tous les autres . Bouillon. A la page 219, Ménage se vante d'avoir été fort bien auprès du cardinal de Retz. La vérité est, selon Bernier, « qu'on lui joua tant detours chez ce cardinal, qu'il fut obligé de déguer- pir. » À la page 260, Ménage dit que les deux sœurs de madame Coaquin étoient duchesses , ce qui lit dire à cette dame : « Qu’elle étoit.. à terre entre deux selles. » M. d'Hozier prouve que les deux * Menagiana. 107 sœurs de madame Coaquin n’avoient que ce qu'on appeloit /e tabouret de gräce , et qu'elles n'ont jamais été duchesses. A la page 501, Ménage rapporte des vers très- connus que l'on attribue à François [*., et qu'il ft sur-le-champ devant Saint-Gelais, qui lui répondit aussi impromptu. Bernier prouve que c'est une fable tirée de l'apologie pour Hérodote , puisque François Ier. , né en 1496, n'avoit que huit ans lorsque Saint-Gelais mourut , en 1502. À la page 3539, Ménage se vante d'avoir eu jusqu’à treize médecins tout à la fois : « Cela est fort aisé, dit le caustique Bernier , quand on : é nen paie pas un. » Page 575, Ménage dit : « L'Universale non s'inganna ; surquoi Bernier s'écrie : est-ce que T'Universale qui donne 40 sols du Menagiana , ne se trompe pas? » Cette remarque nous ap- prend du moins quel étoit le prix du premier Menagiana , dans sa primeur. A la page 496, Ménage dit que depuis l'an 367, lorsqu'on eût cessé de compter : « Post consulatum Basilii, anno XXV ,ilne fut plus du tout mention du consulat; l'anonyme a mis en note : « On datoit toujours du consulat de tel empereur. » Il auroit dù ajouter que cela n'eut lieu que sous les cinq ou six empereurs qui ré- gnèrent depuis 567 (d'autres disent depuis 565, anno X XIV, post consulatum Basilii), etqu'on ne cessa entièrement de dater par les consuls ou par les consulats ; qu’en 668 , qui fut annus XXVT, post consulatum Constantis ( Cons- É : 108 Mélanges. tans ÎT[, qui mourut la même année , et qui eut pour successeur Constantin IV , dit Pogonate. ) À la page à , ilétoit dit qu’il fallut obliger le fils de M. Peiresc, par la voie de la justice , à exé- cuter le testament de son père. Ménage ajoutüit : « Je ne sais ce que seront devenus ces manuscrits (de M. Peiresc) » ; sur ce dernier article, M. d'Hozier fait cette remarque importante : « Ils ont été dispersés , et différentes personnes, en Provence , en ont des volumes ; j'en ai à ma part quelques fragmens, » (M. d'Hozier étoit origi= naire de Provence ). Sur l’article précédent, l'anonyme met : « Quelle supposition! M. de Peiresc n'a jamais été marié, il étoit ecclésias- tique, et abbé de Guistres , au diocèse de Bor- deaux. » Voyez la vie de Peiresc par Gassendi. À la page 11, Ménage disoit que la Biblio- thèque du cardinal Mazarin , après avoir été vendue à l'encan, futrachetée depuis, etc. L'ano- nyme dit : « On n’en a recouvert (il falloit dire recouvré ) que la moindre partie. » À la même page , on parloit d’un rituel im- primé en 1594, où l'on trouve , ajoutoit-on , une i prière pour demander à Dieu d'accorder un fils au roi Henri II, etc. Cela ne peut être, re- marque l'anonyme , « car Henri LIT est mort en 15809. » Dans les éditions suivantes , on a mis que le rituel est de 1584. À la page 13, il est parlé de la grande éclipse du soleil au mois d'août , qui fit dire un bon mot à Voiture. L’anonyme met en note : « Mensonge; cet éclipse arriva en 1654, et Voiture étoit mort Îenagiona. \ ‘109 il y avoit près de sept ans( en 1648) ; le nom de grande éclipse ne convient qu'à celles de 1630 : décembre, et 1642, avril. » À la page 55, on lit : «M. de M... , qui étoit le plus ignorant de tous les hommes, etc. » M. d'Hozier met : « M. de Montbazon , ou bien le chevalier de Matignon. » L'article suivant est concu ainsi : « Pendant la vacance du siège de Paris, M. M... prècha à Notre-Dame , et n'eut point d'auditeurs ; M. de L... (Launoy ) dit qu'il prêchoit sede vacante. » L’anonyme dit : « Le théologal ne prèche à Notre- Dame que l'Avent, et le siège n'a pas été vacant du temps du docteur Morel. » Il suppose donc qu’on a voulu parler ici de ce docteur. A la page48 , Ménage dit que Sénèque se plaint que de son temps il y avoit des Cord... ou des Cot...quin'avoient des bibliothèques quecomme on a des terres, etc. » Voici la remarque de l'a- nonyme : « Cordeaux et Cotteblanche. Ces deux hommes avoient de belles et excellentes biblio- thèques , sans aucune littérature. Cordeaux étoit fort pauvre, mais Cotteblanche, qui étoit par- tisan , avoit beaucoup d'argent. » À la page 55, on parle des tablettes de Mathieu Paris; M. d'Hozier dit : « Pierre Matthieu, his- toriographe de France , est confondu ici avec le moine anglais Mathieu Paris, historien. » À la même page, on fait dire à Benserade , en parlant de M. dè V..., qui avoit été fait cardinal, et qui par conséquent étoit entré dans le collése des cardinaux : « C’est le premier col- 110 Mélanges. lége où 1l soit jamais entré. » M. d'Hoz'er dit? « M.de Vendôme. » Je ne copierai point ici toutes les autres notes que j'ai recueillies sur mon exemplaire ,: où il y en avoit déjà plusieurs autres, peu impor tantes , d’un auteur qui signe , Roy , et qui peut être le poëte Roy. J'avois prêté cet exem- plaire à l'abbé de Saint-Léger , qui, selon sa coutume , en a ajouté quelques-unes de sa fa- con, c'est -à - dire purement bibliographiques. Elles sont en très- petit nombre, et intéresse- roient peu le lecteur déjà fatigué sans doute de tant de citations. Il est temps que je m'acquitte de ma seconde promesse; je veux dire, que je réponde à deux questions qui m'ont été faites quelquefois ; quelle est la meilleure édition du Menagiana? uue. seule suffit-elle pour avoir le Menagiana com- plet? Pour répondre à ces deux questions, qui ren- trent l’une dans l’autre , je me bornerai à faire ici un extrait fort court de l’article Menagiana , que j'ai préparé pour une bibliothèque criti- que des Ana et autres mélanges de littérature qui est entièrement achevée. La première édition ne porte au frontispice que ce mot : Menagiana, Paris de Laulne, 1695. Il est précédé de ce que l’on appelle un faux titre , qui porte : Menagiana, sive excerpta ex ore Menagü. À la fin d'un très-long avertisse- ment, on trouve le nom des amis de Ménage qui ont fourni différens articles, et les signes Menagiana. 11i qui indiquent ces articles, ce qui a été sup- primé dans les éditions suivantes. On sait que cet avertissement est de M. Galland, lequel, avec M. Dubos, eut la plus grande part à l'é- dition. La mémoire avoit quelquefois très-mal servi ces messieurs , qui prétoient à Ménage des fautes grossières et des erreurs dont il ne pou- voit être capable. On en a corrigé quelques-unes dans les éditions suivantes ; on en a laissé d'au- tres , et il n'est pas sans exemple qu’une faute ait été corrigée par une nouvelle faute. Bernier, célèbre médecin de Blois, différent du voyageur, assure, dans son Antimenagiana , qu'on fut obligé de mettre des cartons au Menagiana pour appai- ser quelques personnes qui avoient été offensées de certains articles. Il cite nommément l’ar- ticle un peu insolent contre la maison d’Au- triche , de la page 475. J'avoue néanmoins qu'il ne m'est tombé ‘entre les mains aucun de ces exemplaires ainsi cartonnés. L’Antimenagiana parut la mème année que le Menagiana. C'est une satire très-violente contre les rédacteurs du Menagiana. Bernier avoit une juste raison de se plaindre d'eux ; il étoit maltraité dans le Me- nagiana , et on y lisoit in ipsis terminis, que Ménage avoit été obligé de faire fermer sa porte à M. Bernier. Celui-ci s’en vengea cruellement dans l’'Antimenagiana. On ne peut rien voir de plus méchant et de plus plaisant tout à la fois que les poriraits qu'il fait dans la préface, des collaborateurs du Menagiana. Dans la première partie de l'ouvrage , il relève souvent avec jus- 112 Mélanges. tesse plusieurs fautes du Menagiana. Nous en avons donné des échantillons. Dans la seconde, il tombe à bras raccourcis sur le médecin hol- landois , Helvétius , qu'il appelle l'imberbis, et il fait une peinture comique de l'académie de Ménage, qu'il appelle une ménagerie. L'abbé Cotin a donné le même nom à une satire contre Ménage, et c’est peut-être le seul ouvrage de Cotin que l’on recherche encore aujourd’hui. On vit paroître en 1694, Menagiana, ou les bons mots , les pensées critiques, historiques, morales et d'érudition de M. Ménage , recueillies (sic) par ses amis , seconde édition, augmentée. I n'y a point au titre premier volume. La même année il en parut un autre avec le titre de second volume. Quelques exemplaires de ce second vo- lume portent 1695, et les libraires sont marqués comme demeurans rue Saint-Jacques , au-dessus de la rue des Mathurins , tandis que sur les au- tres exemplaires, qui portent 1694, ils sont dits demeurer devant l’église de Sorbonne. Au commencement du premier , on trouve un avis du libraire, où l'on annonce que le second vo- lume s'imprime , qu'on ne répondra pas ici à l'extravagant auteur de l'Antimenagiana, etc. L’'avertissement est changé en beaucoup d’en- droits, et assez conforme à celui que M. de la Monnoye mit à la tête de son édition de 4715. Plusieurs raisons me font croire que le premier Menagiana causa quelques désagrémens aux édi- - teurs. S'ils eurent quelque part à la seconde édi- . tion, ils ne s’en vantèrent point. Ce qu'il y a M do at = hi nr, Menagiana. 115 de sùr, c’est que le principal éditeur fut une es- pèce d'enfant perdu, un homme qui ne s'effa- rouchoit pas beaucoup du bruit; en un mot, le trop célèbre abbé Faydit, connu surtout par ses deux volumes de prétendues remarques sur Vir- gile, l'ouvrage le plus fou peut-être qu'on puisse lire , quoique l’auteur ne manquât ni d'esprit ni de connoissances. L'abbé Tricaud , dans ses es- sais de littérature de 1703, dit que l’abbé Faydit fournit en deux jours suffisamment de la matière pour composer les deux tiers du Menagiana de la seconde édition ; qu’on juge, ajoute-t-il, de l'exactitude de ces ouvrages ( des Ana); et où est l’homme un peu sensé qui voudroit faire fonds sur une pareille autorité. » Faydit lui-même con- vient, dans ses remarques sur Viroile , qu’il a eu une grande part au Menagiana. Je pourrois même prouver qu'il ne se borna pas au simple : rôle d'éditeur. Dans plusieurs articles, on re- connoît parfaitement l'auteur des remarques sur Virgile ; tels sont les grands éloges qu'on fait de Faydit et de ses vers latins, les déclamations in- décentes contre le P. Bramanchelli , par lequel il entend le P. Malebranche, les longs articles de généalogies, surtout de familles d'Auvergne, pays de Faydit, etc., etc. Tout cela ne peut être de Menage , c'est du Faydit tout pur, et néanmoins M. de la Monnoÿe ne fait aucune remarque à ce sujet. Quoique cette Sconds édition du Menagiana soit augmentée de plus d’un yolumeentier, on y T. V. Septembre 1805. H 114 Mélanges. a cependant supprimé quelques articles qui ne se trouvent que dans le Menagiana de 1693. En revanche , il y a dans le Menagiana de 1694 quelques articles , ‘én petit nombre à la vérité ;: que M. de la Monnoye n'a pas osé reproduire dans le Menagiana de 1715. Dès 1693 on avoit réimprimé en Hollande le premier volume du Menagiana , et on ÿ réimprima le second en 1695, sous le titre : Suite du Menagiana , ou bons mots , rencontres agréables , ete., de M. Menage , de l'Académie française (c’est une er- reur ou bien une espèce d'épigramme de la part du libraire ) ; à Paris, chez de Laulne ( c’est en- core une fausse indication ): dans cette édition de Hollande , qui est en deux volumes, petit in-12, on a fait Quelques changemens. En voici un bien remarquable. À la page 560 de l'édition véritable de Paris, après avoir parlé de l'ingra- titude de la patrie envers les grands hommes, etc., Menage disoit : « Il s’en trouve des exemples de nos jours presque dans tous les états du monde ». Jusqu'ici les deux éditions sont conformes. Ce’ qui suit a été retranché dans l'édition de Hol- lande, par le moyen d’un carton, qui frappe d'au+ tant plus , qu'il est en plus gros caractère, afin de regagner le terrain perdu. Voici ce qu’on li- soit : « Maïs aucun-pays ne nous én fournit da- vantage qué la Hollande. On a vu périr Barne- veld ; MM. de With furent sacrifiés à l'ambition du prince d'Orange; Grotius l’échappa belle ; et l'on prétend que l'amiral Tromp a été em- poisonné avec de la cervelle de chat. » ; Menagpiana. 115 Cette dernière anecdote peut être un conte et historique et physique ; mais on sentcombien un pareil article devoit offenser les Hollandais. Ce carton prouve aussi qu'il y a une espèce de cen- sure et d'inquisition pour les livres dans les pays les plus libres , et surtout dans cette république ; ce qu'on peut encore prouver par l'édition in-40. qu'Elzevir donna des œuvres de Nicolas Clemen- gis, dont l'éditeur Lydius fut forcé, ainsi que le démontre la censure de la faculté de théologie de Leyde, signée Polyander et Episcopius , de ne publier l'ouvrage de Clemengis qu'emendatum ac castigatum ; et comme il n’y a eu que cette édition des œuvres de Clemengis (édition très- fautive ), est-il surprenant que plusieurs mi- nistres protestans aient avancé que Clemengis pensoit comme ‘eux sur plusieurs points dethéo- losie? On en avoit supprimé tout ce qui n’étoit pas dans l'esprit des prétendus réformés. Enfin parut l'édition de M. de la Monnoye, en quatre tomes, sous le titre de troisième édi- tion , plus ample de moitié et plus correcte que les précédentes ; Paris , de Laulne, 1715, quoi- que le ‘privilége soit de 1713, sur quoi j'observe- rai que le second volume du Menagiana de 1694, n'avoit eu réellement ni approbation ni privi- lége, püisqu’on le fit paroître à la faveur du premier privilége et de la première approba- tion du Menagiana de 1693. Cette augmentation de plus d'une moitié appartient entièrement à M. de la Monnoye. Pour mettre plus de va- riété dans l'ouvrage , il inséra parmi les anciens 116 Mélanges. articles, auxquels il fit les corrections et les ad- ditions qu'il crut nécessaires, des anecdotes très-' piquantes , des pièces de vers latins , français et même grecs, de lui ou de ses amis ; des disser- tations curieuses, des pièces très-rares où iné- dites , etc. Ce n'est point ici le lieu d’entrer dans de plus grands détails, et de faire connoître tout le mérite de l'édition de M. de la Monnoye , quoiqu'elle ne soit pas exempte de fautes , ainsi que nous l’avons fait voir. Plusieurs articles ‘un peu libres ayant donné lieu à quelques plaintes, on força le libraire de. mettre un grand nombre de cartons, et M. de la Monnoye se chargea lui-même de composer les nouveaux articles, que l’on peut voir dans la seconde partie des mémoires de Sallengre. Ils avoient paru sous le titre d’Indice expurgatoire. du Menagiana , mais on en imprima très-peu d'exemplaires. Le libraire se hâtoit lentement, et vendoit toujours ses exemplaires non corri- gés. Il arriva donc le contraire de ce qui arrive ordinairement, et les exemplaires corrigés du. Menagiana sont infiniment plus rares que ceux qui sont sans les cartons. Je n'ai même jamais vu que de ces derniers ; et c’est sans aucun fonde- ment que M. d'Alembert , dans ses éloges des académiciens , dit que malgré ces amputations (il suppose donc qu’elles furent effectuées) , le Menagiana , tel qu'il est, mérite d’être distingué de cette foule decompilations, etc. » Le Menagiana de M. de la Monnoyÿe a été réimprimé plusieurs fois; je ne. parlerai point. Menagiana. 117 d'une édition de 1717 et 1719 ; veuve de Lauine ; ce n'est qu'un changement de frontispice. Il y a une édition de 1729, de 1754, etc. L'édition que Pierre de Coup donna à Amsterdam, eu 1716, est remarquable en ce qu’on a séparé ce qui appartient à Menage, du travail de M. de la Monnoye. Le troisième et le quatrième volume de cette édition sont entièrement de M. de la Monnoye. Papillon, dans sa bibliothèque des écrivains de Bourgogne , parle d'un manuscrit sous le titre de : Supplément au Menagiana , et qui est de Pierre le Goux, conseiller au parlement de Di- jon , mort en 1702. Il en cite quelques articles ; ce que font aussi l'abbé Joly, dans ses remar- ques sur Bayle, et le P. Nicéron, tome IV , ar- ticle Amyot. Je conclus de tout ce que je viens de dire, qu'il faut avoir l'édition de M. de la Monnoye, soit celle de 1715 , soit celle d'Amsterdam de 1716, suivant le goût des lecteurs , dont les uns préféreront l'édition originale et le mélange qu'a fait M. de la Monnoye ; et les autres, la sépara- tion et comme le triage qu'a imaginé le libraire de Coup. Mais soit qu'on se décide pour l’une ou pour l’autre, il faut y joindre la première édi- tion de 1693; l'Anti-Menagiana de Bernier en est une espèce d'appendice. Struvius s’est trompé en disant que Menage étoit de l'académie fran- caise. Il est vrai qu'il en auroit dù être, même pour la raison qui l'empécha d'y étre reçu , je yeux dire pour sa requête des dictionnaires , satire 118 Mélanges. contre l’Académie ; comme le dit fort plaisam- ment M. de Montmaur : « Menage auroit dù être condamné à être de l'Académie, comme on con- damne un homme qui a déshonoré une fille, à l'épouser. » De plus , c'étoit l’unique moyen de lui fermer la bouche à l'avenir. Voyezl'épigramme de Piron : ë En France on fait, par un plaisant moyen, Taire un auteur, etc. À: AB: A —_— RENTREE NEEDS EI LIN LRU VE VITE ARE DS DSC R AMAIE ASAR EEE 9 7 E MÉDECINE. Discours sur les progrès futurs de la science de l’homme , prononcé dans l'École de Médecine de Montpellier , par M. Dumas, professeur d'anatomie et de physiologie, etc. Montpellier, chez Tournel. In-4°. 99 pages. Ox reproche avec assez de raison à la médecine d’être moins avancée que la plupart des sciences physiques. Cette imperfection est-elle due à la science elle-même ou bien à ceux qui l'ont cul- tivée ? C’est ce qu'il étoit important d'examiner avant d'entreprendre la solution du problème que M. Dumas s’est proposé dans cediscours. Laméde- cine, d’après lui, ne s'occupe que de connoiïssances capables d'amélioration ; tout paroit y ètre dis- posé pour tendre vers la plus grande perfection possible. Mais pour juger de l’étendue et de la na- ture des changemens dont elle est susceptible , il faut remonter à son état antérieur, et voir ce qu’elle a été dans les âges précédens. Ici l’orateur esquisse à grands traits les épo- ques principales de l'Histoire de la médecine ; il établit à chacune d'elles les causes qui en ont arrèté ou accéléré les progrès ; ce qui lui donne occasion d'indiquer comment les erreurs de nos devanciers ont été pour nous d’utiles leçons , et de démontrer que leur manière d'étudier ayant 120 Médecine. été souvent mauyaise , la foiblesse de leurs pro- grès ne doit nous décourager ni nous surprendre, Aujourd’hui nous avons des méthodes meilleures pour arriver à la connoïssance de l’homme , et l'esprit d'observation et d'analyse employé main- tenant dans les sciences, doit contribuer autant à l'avancement de la médecine , qu’à celui de tout autre genre d'étude. Ces améliorations vraisemblables peuvent être ramenées à cinq chefs principaux ; 1°. la des- truction des préjugés et des erreurs qui existent encore dans plusieurs points -de la science de l'homme ; 20, la stabilité des bases sur lesquelles se fonde toute sa certitude ; 3°. le progrès rela- tif de nos connoissances dans chacune de ses di- visions ; 4°. la réunion systématique de toutes les parties qui en forment l’ensemble ; 5°. enfin le perfectionnement réel de la médecine pratique. L'esprit d'analyse et de critique introduit dans l'étude de la médecine depuis quelques années, a déjà détruit une foule de préjugés et d'erreurs qui en retardoient la marche. L'auteur propose des moyens capables d'anéantir pour jamais ces erreurs , après en avoir montré l'origine dans l'ignorance et la routine qui dirigent le vulgaire des hommes , dans l’imperfection da langage de la science , et dans l’usage abusif de cette science elle-même. La 2e. cause d'amélioration de la médecine tient à la stabilité de ses bases. On ne peut pas croire que cette science puisse acquérir la certitude des mathématiques ; l'objet dont elle s'occupe est trop x Pal Physiologie. 127 compliqué , et elle opère sur des élémens trop subüls et trop nombreux , pour qu'elle y par- vienne jamais. Le médecin ne peut se diriger que par un ensemble de probabilités toujours crois- santes en raison du nombre et de lexactitude des données qui les ont fait établir; et lorsque ces données sont incomplètes et en petit nom- bre , le calcul ne donne que des conjectures pour résultat. Pour fournir des exemples de chacun de ces résultats du calcul des probabilités employé dans la médecine, M. Dumas cite comme appar- tenant au premier, à celui qui obtient le degré de certitude le plus élevé , le caractère des ma- . Ladies attachées aux constitutions de l'air , im- pression stimulante des vésicatoires , l'eflicacité du kina dans les fièvres intermittentes et rémit- tentes pernicieuses , etc. Il rapporte , au 2°. ordre des résultats , la probabilité que l'on obtient de l'action de certaines causes pour produire une : maladie, et de l'efficacité de certains remèdes pour là guérir ou en empêcher le développe- ment, etc., etc. Ces espèces de probabilités de- viendront d'autant plus grandes, que l’on mul- tipliera davantage les observations , et qu’on dé- couvrira de nouveaux rapports entre les faits observés. Si l’on parvenoitlensuite à trouver dans le calcul des probabilités une méthode qui püût convenablement s'adapter à la physiologie et à la médecine , on y produiroit bientôt le degré de certitude -le plus élevé auquel ces sciences puissent parvénir. En astronomie, où les obser- vations étoient plus nombreuses et plus exactes, 122 Médecine. Keppler, Newton, Laplace ont fixé le système des connoissances par une méthode analogue à celle que M. Dumas propose pour la médecine. Mais j'observe , contre l'avis de ce savant pro- fesseur, que les élémens sur lesquels ce calcul auroit alors à opérer, sont trop peu déterminés et trop variables pour qu'on puisse raisonnable- ment espérer, de son application à la médecine, les résultats qui ont été obtenus par l’astrono- mie, L'auteur entre ensuite dans le détail des amé- liorations dont chaque partie de la science de l’homme lui paroït susceptible. Il pense que l’a- natomie , en tant qu’elle tient à la description des organes, se trouve aujourd’hui poussée pres- qu'aussi loin qu'elle doit aller , et si elle fait en- core des progrès, ce ne sera guère que lorsqu'on aura inventé de nouveaux procédés et des ins- trumens plus parfaits. Mais il est d’autres points de vue sous lesquels on peut encore espérer de grands progrès. Ainsi, par exemple , l'anatomie parviendra sans doute à mieux connoître un jour l’ordre dans lequel les parties organiques se,dis- q P = posent pour former les tissus différens de chaque système d’organe , à fixer le nombre et les limites de ces tissus, et à distinguer les systèmes d’or- ganes auxquels ils appartiennent. La comparai- son du corps de l’homme avec celui des ani- maux , le rapprochement des mêmes parties dans plusieurs espèces différentes , fourniront des con-. noissances que l'inspection directefde ces parties chez l'homme n’a pu donner jusqu’ict. Mais cette Physiologie. ‘123 _ manière d'envisager l'anatomie ne sera pas moins féconde en beaux résultats, si elle se dirige vers l'examen de nos organes comparés entre eux chez le même individu et chez plusieurs individus de la même espèce , que l’âge, le sexe et le tem- . pérament différencient. En examinant au contraire Les divers objets dont la physiologie s'occupe, on voit combien il reste à faire dans les choses même que nous croyons terminées. On découvre entre elles des vides im- menses, et ne connoissant point les circonstances intermédiaires qui séparent l’un de l'autre plu- sieurs résultats également connus, la succession et les causes nous en ‘échappent faute d’avoir compris ces intermédiaires. Ainsi les résultats de la digestion et de la sanguification peuvent être appréciés ; mais cette série d’actes et d’o- pérations qui s’exécutent entre l’une et l'autre, cette succession de changemens par lesquels les substances nutritives passent de l’état de chyle à l'état de sang , tous ces phénomènes accumulés dans l’intervalle qui les divise, nous demeurent absolument cachés, et ce sera une conquête bien précieuse sur l'ignorance du mécanisme vital, pour les temps futurs auxquels il est réservé de les découvrir. Ces temps ne sont peut-être pas éloi- gnés ; les méthodes expérimentales et analyti- ques qui ont succédé aux hypothèses plus ou moins absurdes dont on avoit surchargé la phy- siologie, doivent être du plus favorable augure . pour ses progrès à venir ; et déjà cette révolu- 124 Médecine. tion a opéré de grands changemens dans le Sys- tème des connoissances physiologiques. Les progrès de la nosologie se lient naturelle- ment à ceux de la physiologie et de l’anatomie. Les » » » » » » » ») » » » » » L2 » » » » » » » » » En développant mieux qu'on n'a fait jus- qu'à ce jour l’histoire , la marche, la succes- sion des maladies ; en perfectionnant les ta- bleaux que nous avons de leurs signes, de leurs symptômes , de leurs périodes, de leurs terminaisons , il est clair que l’on doit par- venir à connoiître d’une manière plus com- plète et plus sûre leurs causes, leurs affinités, leurs différences , et toutes les conditions utiles pour en découvrir la nature et le traitement. Le terme idéal de la perfection dans les scien- ces physiques est cette méthode naturelle fon- dée sur les affinités des êtres | et qui les réu- nit par une chaîne indivisible , et s'élève gra- duellement des objets simples aux objets les plus composés. Une méthode de classification naturelle seroit donc aussi le degré le plus émi- nent auquel la science des RAT pourroit ar- river. Nous en approcherons d'autant plus que réunissant un plus grand nombre de maladies par des affinités communes, les rapports na- turels de similitude ou de dissemblance que nous saurons exister entre elles , donneront un fondement solide à leur division. Pour attein- dre ce but difficile , on épuisera la description des maladies, ôn apbréfondira leur histoire, on ec CHE toutes les circonstances de li Physiologie. 129 » production , on rassemblera tous leurs carac- » tères ; mais il faut éviter pour cela de suivre » quelques fausses apparences, d’obéir à des pré- » ventions trompeuses, d’accommoder la classifi- » cation des maladies. à telle ou telle hypothèse ». imaginée sur leurs causes , de les diviser et » subdiviser, à l'infini, de donner pour base au » tableau nosologique les principes d’une science » étranoère , dont les variations entraineroient sa » chute, de confondre les affections symptôma- » tiques avec les maladies primitives, de placer » les genres dans les espèces , et de choisir des » espèces pour composer des genres. » Les améliorations dans les idées et les méthodes nosologiques se communiqueront aux deux bran- ches de la science , qui ont pour objet la ma- nière générale de traiter les maladies , et le choix particulier des moyens curatifs. Les grandes mé- : thodes de traitement , la connoissance des re- mèdes, s’établissant sur les mêmes bases que la distribution la plus naturelle des maladies, feront disparoïitre l'obscurité et l'incertitude qui règnent dans la thérapeutique et la matière médicale. Le, progrès relatif de chacune de ces divisions en particulier , influera nécessairement sur Le pro- gres des autres, et hâtera l'époque qui doit les réunir dans un système général ; mais ce système, pour être bien fait, exige Lo choses, selon l'orateur : uniformité dans la méthode et le plan ; uniformité dans le nombre et la nature des faits ; uniformité dans les explications et dans la doc- trine ; uniformité dans la nomenclature et dans 126 , Médecine. le langage. Ces améliorations dans la médecine’ spéculative , doivent en amener d’analogues dans la médecine pratique, qui, n'étant que l'appli- cation de la première, est comme elle suscep- üble d'un perfectionnement indéfini. La fin du 18e. siècle a offert les signes mani- festes de la révolution heureuse prévue par M: Dumas. Déjà la physiologie et la médecine for- ment un corps de doctrine plus régulier. Une plus juste application de la physique et de la chimie les éclaire, On voit accroître le nombre des procédés curatifs et préservateurs ; l’inocu- lation de la vaccine a fermé üne des mille voies qui conduisoient auparavant chez les morts, et les famigations d’acide muriatique oxigéné , en purifiant l'air des hôpitaux ; des prisons, ete., finiront peut-être par détruire à jamais les mo- lécules contagieuses dont ces lieux sont le foyer continuel. « Estil donc déraisonnable de suppo= » ser , comine l’a fait Condorcet, que les progrès » futurs de la médecine détermineront dans la » nature de l'homme et dans les forces de l’es- » pèce humaïne un degré de perfectionnement » qui, posant des bornes plus étroites à la néces- » sité de mourir, éloigne de plus en plus le terme » où. la faculté de vivre doit naturellement ces- » ser. ». | Tout ce discours est aussi remarquable par l'élégance du style que par la fôrce et la justesse des pensées. M. Dumas le tèrmine en montrant les avantages que les écoles de médecine actuelles promettent à la science de l’homme, et il indi- 3 Ÿ Physiologie. 127 que à cette occasion es secours nombreux que l'école de Montpellier offre aujourd’hui pour _ l'instruction, secours qui n’existoient point dans l’ancienne Université. Il parle surtout de cette école clinique organisée dans son principe par le . professeur Fouquet, et qui devroit étre le mo- dèle de tous les établissemens de ce genre. Dans cette circonstance , M. Dumas rend à son illustre confrère toute la justice qui lui est due; ce qu’il est d'autant plus important de remarquer, qu'on a réclamé la propriété de cette institution dans un livre récemment imprimé (1). Mais une simple visite d'hôpital n’est point un Cours de médecine . clinique, ét l’auteur de l’ouvrage cité produit inutilement à l'appui de ses réclamations le re- cueil de ses observations (2), observations dont le moindre défaut est sans doute d’avoir été co- piées mot pour mot dans des livres connus de tout le monde. Ce n’est point par des monceaux d’informes compilations ‘que le talent du, mé- decin se déclare. Le collaborateur, l’ami de Bordeu , illustré depuis tant de temps, n’'eut- il à présenter devant la postérité autre chose que les connoissances purement traditionnelles qu'il a léguées à ses disciples, et ne fut-il point l’un des acteurs pringipaux de la révolu- tion heureuse que le 18°. siècle a vu s’opérer dans la médecine (5), sa part à la célébrité se- (1) Traité de la Phthysie pulmonaire, par M. Baumes. Paris, chez Méquignon. An 13. T. 1. Préf. p. xv. (2) Année médicinale. Montp. An 4. In-8°. (5) Les différens ouvrages de M. Fouquet fournissent des Ce EE: SNS Médecine. roit encore assez grande , et son nom ne s’en trouveroit pas moins inscrit à côté de ceux des plus grands observateurs dont s’honore notre art, G. Prunezre, Médecin des Camps et Armées de $S. M. I. et R., et Commissaire du Gou- vernement pour les Sciences. | preuves multipliées de cette assertion. Il n'est personne qui wait relu plusieurs fois , et toujours avec un plaisir nouveau, son mémoire sur la Sensibilité, qui est, sans contredit, un des articles les plus beaux de l’ancienne Encyclonédie, En 1759, il avoit déjà présenté les points principaux de sa doctrine, dans une dissertation inaugurale de fibræ naturä viribus et morbis ; Monspelii, in-4°. Son ouvrage de corpore cribosa Hippocratis, Monspeli, 1774, in-4°., est un supplément précieux et indispensable au livre de Bordeu sur le tissu mu- queux. Tout le monde sait également que les travaux de M. Fouquet sur le pouls, n'ont pas peu contribué à perfectionner le diagnostic des maladies, en ajoutant une nouvelle branche à la séméïotique. Mais ce qui n’est point aussi généralement connu , c’est que cet illustre médecin est peut-être celui qui a employé le plus souvent et avec le plus de succès les poisons, végéraux dans le traitement d’un grand nombre de maladies LÉURIIES Depuis long-temps on espère lui voir publier le ré- sultat de ses observations à cet égard, et tous les médecins doivent être impatiens d'en jouir. Hisroire HISTOIRE LITTÉRAIRE. JOANNTS WILLMET oratio de retinendä antiqu& Batavorum in litteris orienta- libus glorid. À Amsterdam, de limpri- merie de la ville. 1805. In-4°. de 64 pag. M. WiLrrMEeTr, avantageusement connu par un Dictionnaire de la langue arabe, par un dis- cours académique, de sensu pulcri Arabum (1791), et par un autre, de ingenio Hebræo- rum ad poësin in primis composito ( 1796 ) , pro- fessoit la littérature orientale à l'académie de Harderwyck, quand il fut, l’année dernière, appelé à l'enseigner à Amsterdam ,,sa ville na- tale, dont l’Æthénée illustre venoit de perdre M. Dideric-Adrien #Walraven. Cet estimable sa- yant , qui avoit débuté dans la carrière philolo- gique par une dissertation de voto Jephtæ, et qui, à l'Athénée d'Amsterdam, s’est fait hon- neur par deux discours, l’un, de linguarum et antiquitatum orientalium studio inter gene- rosæ mentis et præstantis Engenit Juveness n0s- cris præsertim Lemporibus magis MALgISque PTO- movendo (1779); l’autre, de Hermeneuticé sa- cré cum linguarum orientalium studiis compa- randé (1785), mais qui péchoit par la crainte de se faire imprimer autant qu'on en peut re- procher à beaucoup d’autres la manie, avoit T, V, Septembre 1805. I .130. Histoire littéraire. été, au commencement du mois de juillet, en« levé aux lettres, dans la 73°. année de son âge. Sa mémoire a été célébrée par MM. Cras , pro- fesseur de lAthénée , et Æana , recteur du Gymnase d'Amsterdam ; M. Jérôme de Bosch lui a également payé un tribut d’éloges poë- tique (1). Rien ne pouvoit mieux consoler de la perte de M. #alraven, que le choix de son suc- cesseur. Disciple distingué de Jean-Jacques Schul- . tens , de Nicolas - Ce Schroeder: et d'E- verhard Scheidius , M. [Willmet marche digne- ment sur léurs traces. Ce qu'il prèche dans le discours que nous, annonçons , il le pratique ; c’est-à-dire , qu'il maintient honorablement l’an- tique gloire des Bataves dans la culture des let- tres orientales. Sa harangue inaugurale nous offre le rapide tableau des efforts de ses compa- triotes dans cette vaste carrière. Au 16e. siècle, quand il n’y ayoit encore en Europe que peu de manuscrits arabes, et que la seule typographie du Vatican où lon imprimât dans cette langue, les Hollandais songent à se procurer des manus- crits et à se donner une imprimerie. Raulen- ghien ou Rapheleng QLUS , gendre et ancien cor- recteur de Christophe Plantin , établit une im- primerie à Leyde, à laquelle bientôt son succes- seur Van Erp ou Erpenius donne une plus grande consistance. Scaliger ( Joseph Juste ), (1) Les deux discours et le Carmen, adressé à M.. Hana, ont été recueillis à Amsterdam, dans un imprimé de 87 P: 4 intitulé: Memoria D: A. Walraven, Orientalistes Balaves. 151 ÆCasaubon, Saumaise , Erpenius, Warner (2), Boreel (5), Clénard (4), Golius (5) surtout, ne s’épargnent ni peines ni frais pour orner de ce genre de trésors , soit leurs bibliothèques parti- culières , soit la bibliothéque de l'Université de Leyde. Les Réland, Schultens, Lette, Schroe- der , Scheidius , se sont livrés depuis aux mêmes soins , et l’orateur parle de près de deux cents manuscrits qu'il a recueillis et qu’il possède lui- mème. À ces noms, illustrés par des publica- tions multipliées, et à d’autres encore auxquels M. #illmet se plait à rendre justice, comme (2) La bibliothéque de Leyde s’est fort enrichie de son legs (legatum Warnerianum ). (3) Jean Boreel, né à Middelbourg en 1557 , fut successi- vement pensionnaire de sa ville natale, secrétaire des Etats * de Zélande; et conseiller-pensionnaire des mêmes États ; il * est mort en 1629. (Voy. Paquot, Mém. pour servir à l’hist. litr. des Pays-Bas, t. 1, p. 43.) Bayle, à l'art. Broughton, attribue à dam Boreel la traduction d'un commentaire latin de cet auteur sur Daniel ; mais le titre porte : per Johannem Borecl Mittelbursensem , à Bâle, 1599, in-4°., et Adam Boreel n’est né qu'en 1603. Cette double observation est prise däns un dictionnaire biographique des Pays-Bas que publie en langue hollandaise J. A. de Chalmot (à Amsterdam , chez Allart , in-8°.), et dont nous ne connoissons encore que huit volumes, allant jusqu'à Dre. | (4) Nicolas Clénard. Paquot l'a oublié dans ses mémoires. Hoppens a été plus exact. ( Bibl. Belg. , p. 903.) (5) M. Willmet annonce à la page 25 de son discours, qu'il a en sa possession des observations écrites de la main de Golius , et extraites par lui de trente auteurs arabes : il * y attache le plus grand prix, et nous donne l'espoir qu'il pourra les publier quelque jour, 132 Histoire littéraire. ayant bien mérité, parmi ses compatriotes , de la littérature orientale ; nous regrettons qu’il n’ait ajouté ni celui de Jean Drusius , ni celui de Louis de Dieu. Aujourd'hui la Batavie est menacée de dé- cheoir à cet égard, comme à tant d’autres ; mais M. ##illmet ne désespère pas que , dans des circonstances politiques moins difficiles, ses contemporains ne se montrent jaloux de riva- liser leurs devanciers dans cette branche de l’é- rudition , qui luitient si spécialement à cœur. La mort prématurée de Jean - Jacques Albert Schultens , fils de Jean-Jacques et petit fils d’Al- bert, mérite des regrets infinis. Les Scheidius (6) ont aussi été moissonnés trop tôt. L’orateur dé- plore avec sensibilité la perte d'un de ses disci- ples, M. Beusekamps , jeune astronome très- versé dans la langue arabe. Mais il reste encore en Hollande de dignes soutiens, tels que M. Rau père, à Utrecht, et M. Rau fils, à Leyde; MM. Van der Palm , Van Voorst (7), Tewa- (6) Everhard Scheidius , mort professeur de langues orien- tales à Harderwyck , et Jean-Jacques Scheïdins, mort pas- teur de l'église walonne de Delft. Ce dernier, moins connu, avoit commencé , peu de temps avant sa mort, à publier , avec un commentaire populaire, et en langue hollandaise, les livres de l’ancien Testament. Il avoit été, pendant quelques années , chapelain de l'ambassade de Hollande à Paris. (7) Nous nous faisons un plaisir d'annoncer ici un discours latin qu'a publié depuis peu M. Van Voorst, de Jo. Aug Ernesti, optimo post Hug. Grotium duce et magistro in= terpretum nopi fœderum, er nous demandons la permission Orientalistes Bataves. 123 ter (8), Muntinghe (9), et plusieurs autres. L'orateur consacre la fin de son discours à jeter quelques nouvelles fleurs sur la tombe de son respectable maïtre , Nicolas - Guillaume Schroeder , mort à Groningue en 1696. IL s’est plu aussi à rendre justice à beaucoup d’orienta- listes français , allemands, anglais, etc. 11 con- jure enfin ses compatriotes de ne pas abandon- ner la méthode schultensienne , la même pour les langues orientales qu'étoit celle de Æemsterhuis aux lecteurs du Magasin Encyclopédique , de leur commu- iquer les vers latins qu’il nous a inspirés. GrorraDar ERNESTIQUE premens vestigia, VoonsTi; Discipulis monstras rite sequenda tuis ; Et nümis in veteérum jurari vérba sophorum , Quodve novus temeré jactat agyrta, vetas. © ! bene divini merito de codice verbi Quam plaudunt Ratio Relligioque tibi ! Væ qui dissociant æterni fœdera nexus, Funestâque solent scindere lite duas ! Singula , Vir, tibi, docte, placet, mihi singula : quanto Sed melius vinclis utraque juncta pis! (8) M. Tewater, professeur à Leyde, à qui l’histoire de Hollande a d'importantes obligations, publie en ce moment les œuvres , en partie inédites, de Paul-Ernest Jablonski. Dans ce dernier nombre est un vocabulaire de l’ancienne langue égyptienne ou cophte, depuis long-temps attendu par les savans. (9) M. Herman Muntinghe publie à Groningue, en langue hollandaise, un ouvrage important , intitulé l’Aistoire du genre humain, d’après la Bible. Les deux premiers volumes offrent trois périodes ; le premier , depuis la création jus- qu’au déluge ; le second , depuis le déluge jusqu’à Abraham ; le troisième , depuis Abraham jusqu’à Moïse, 194 Histoire littéraire. et de J’alckenaer pour le grec, et il leur rap- pelle le mot de César, qu'il ny a rien de fait, tant qu’il reste quelque chose à faire. P. H. Marron. P.S8. Le discours de M. V’illmet est précédé d'une belle ode sapphique de M. Jérôme de Bosch , dont nous offrirons les strophes suivantes pour échantillon à nos lecteurs. En parlant de la passion que, jeune, M. Jillmet ressentoit déjà pour la littérature orientale, il lui dit : Tu puer, magnis animosus ausis, Herculis ritu , tumidos flagrabas, Unde Panchææ patuere silvæ , Scandere colles ; Aut in umbrosis nemorum viretis, In quibus puri micat unda fontis, Palma quam circum Nabathæa surgit , Carpere frondes. La dernière strophe est celle-ci : Vindicet terræ sibi jura Gallus , Anglus et ponji; innocuos honores Pacis exoptans, meliora tollit Signa Batavus. «Ru ENTOMOLOGIE. Lettre de M. W'ArzCKENAER à M. Mrt- LIN, membre de l’Institut. Moxsteur, | _ Daxs la notice intéressante que vous avez publié sur les deux Hermann, père et fils, vous parlez de l'ouvrage manuscrit qu’ils ont laissé sur les araignées : vous savez que la famille à eu la . bonté de me les faire parvenir par votre entre- mise. Cet ouvrage consiste en cent huit dessins d'araignées du pays; quelques - uns sont peints par le jeune Hermann même, et ce sont les plus exacts et les mieux faits. Après sa mort, son malheureux père s'est occupé de continuer cette collection , et l’avoit mème préparée pour la gra- vure , lorsqu'il fut enlevé à ses amis qui le ché- rissoient , à sa patrie qu'il honoroit. Le titre au frontispice des planches est ainsi figuré : ARANEZÆ Rhent Medi colligere ac pingere cœpit ab 4° 1788—1794 Joh. Fridericus Hermann Ær$entinensis. Post fata præmatura juvenis studiosissimi et naturæ consultissimi continuavit parens Johannes HERMANN Pictore PEN ARGENTORATI. G) Supràä, tom. II , p. 459. 156 Entomologie. J'ai omis à dessein le nom du peintre parce qu'il a été biffé par M. Hermann père, qui a écrit ces mots à côté : « Ingratus hospes! nominari et posteri tradi nomen ejus non meretur ! » c’est, à ce qu'on m'a dit, la seule vengeance qu'il ait tiré de la plus vile perfidie. Sur ce titre , se trouve dessiné une toile d’araignée en cercles réguliers , et pareille à celle que l’on voit dans les jardins ; autour de cette toile, sont écrits ces mots : MWor- talium consilia! Ce père infortuné, auquel le souvenir de son fils’, arraché par la mort à tous ses travaux et à tous ses projets, avoit suggéré cet emblème touchant et moral, prévoyoit pe qu'il alloit lui-même fournir une nouvelle preuve de sa vérité; où peut-être l’a-t-il conçu parce qu’il le prévoyoit ! M. Hammer, si digne par sa science et par ses talens de succéder à ces hommes illustres dont il est l’allié, m'a en même temps fait par- venir trente pages manuscrites de descriptions re- latives au même ouvrage , auxquelles il a eu la bonté de joindre des observations qui lui sont propres. — Ces communications libérales servi- ront à rendre moins imparfaite mon histoire naturelle des araignées , dont le libraire Kæœnig va publier la première livraison. Ainsi vous voyez, monsieur , que cette portion des travaux des deux illustres naturalistes que vous regrettez, ne sera pas entièrement perdue pour le public. IE eût seulement été à souhaiter qu’elle eût été con- fiée à des mains plus habiles. C. A. WALCKÉNAER. Paris, 2 août 1805. BEBDIOGRAPEHLE. Lettre de M. VAN-THoL à M. MILLIN. Moxsreur, Depuis plusieurs années, je m'occupe de la recherche des noms des auteurs français qui ont publié des livres anonymes ou pseudonymes. Jen ai formé un corps d'ouvrage en forme de diction- naire , renfermant pour le moment 13,200 ar- ticles. Plusieurs journaux l’ont annoncé. M. Peignot, bibliothécaire de la Haute-Saône , en parle avec détail dans le supplément du Dictionnaire rai- sonné de bibliologie qu’il a mis au jour , in-8°., en l'an 12. M. Barbier , bibliothécaire du conseil d'Etat, dans sa préface du catalogue des livres de la bi- bliothèque du conseil d'Etat, publié en l'an 11, s'exprime dans les termes suivans : Monsieur Van-Thol, conservateur du dépôt littéraire de Saint- Louistla-Culture, s'occupe depuis plusieurs années avec un zèle infatiga- ble de la composition d'un Dictionnaire des ou- vrages anonymes publiés en français. Il est à souhaiter qu'ilpublie un jour ce Dictionnaire, qui lui acquerra des droits à la reconnoissance des gens de lettres, 158 ‘Anonyme. Il seroit possible que lon publiât avant mot quelque ouvrage qui eut en quelque partie quelque analogie avec le mien. Dans cette hypothèse , je vous invite , monsieur , de vouloir bien rendre cette lettre publique pour me conserver mon droit de priorité. Vax-Tuoz. Paris, le 15 messidor an F4 P'O'É STE. Op£s lue à la séance publique extraordi- naire de la Classe de la langue et de la littérature francaise de l’Institut natio- nal, tenue au Louvre le 12 thermidor A XIII: Pindarum quisquis studet æmulari, etc. L: Op d'Horace dont on va lire une imitation, est adressée à Jules Antoine, fils du Triumvir, et consacrée aux louanges d’Auguste. Le magnifique éloge de Pindare qui en fait le début, atteste à la fois le talent sublime et l'extrême modestie du poëte latin. Ce chef-d'œuvre ne contient que soi- xante vers; le traducteur ne lui a pas donné plus d’étendue. Quiconque, dans son vol, ose imiter Pindare, Sur des aîles de cire, ambitieux Icare, Va chercher follement sa perte dans les airs : Bientôt précipité de la voûte céleste, Son-audace funeste N’enrichit d'un vain nom que l’abyme des mers, Te qu'un fleuve, à grand bruit, tombant d’un roc sauvage, Fier et nourri des eaux, tribut d’un long orage, Croît, s'élève, franchit ses bords accoutumés ; Tel Pindare , échappant d’une source profonde , Bouillonne, écume, gronde, Roule, immense, à nos yeux éperdus et charmés. 110 Poésie. Tous les lauriers du Pinde ornent son front lyrique , Soit que, dans la fureur d’un chant dithyrambique , Il se laisse emporter à des nombres sans lois ; Ou qu’il mêle au torrent d’une libre harmonie, Ces trésors du génie, Ces mots audacieux qu'il prodigue avec choix. Soir qu'il chante les Dieux et leur vaillante race , Ces rois qui du Centaure étoufférent l’audace Et la chimère en feu vomissant Je trépas ; Ou que son vers consacre un immortel trophée Aux mortels dont l'Alphée Vit le ceste ou le char, vainqueurs dans ses combats. Soir qu’il pleure un héros que la Parque jalouse, Hélas ! vient de ravir à la plus tendre épouse ; Qu'il le venge en ses vers d’un trépas odieux , Que ma Muse l'enlève aux bords de FOnde noire, Et tout brillant de gloire, Le place dans l'Olympe au sein même des Dieux. Tec le cygne Thébain , ouvrant les vastes afles Que soutiennent des vents les haleines fidelles , Plane avec majesté dans le ciel le plus pur. Et moi, timide abeille érrante dans la plaine, Je ravis, non sans pee, Un peu de miel aux fleurs qui parfument Tibur. Jus, c'est donc à toi de célébrer là gloire Du héros qu’en nos murs ramène la victoire; Attache le sicambre à son rapide char : Que là feuille sacrée ondoyant sur sa tête; Doux prix de sa conquête, À ses justes désirs promette le nectar. p Poésie. 141 Avcusre est le plus cher de tous les dons célestes ; Auguste a, seul, banni nos discordes funestes ; 11 défend , il protège, il embellit nos jours, Choisi par les destins, jamais un plus grand homme Ne peut veiller sur Rome, Même si l’âge d'or renouvelloit son cours. TriomPxe ! m'écrierai-je, à son heureux passage ; Triomphe ! redira le Tibre et son rivage ; Les vœux, les fleurs, l’encens partout Jui sont offerts : Et de loin, secondant, avec ma foible lyre, Ton sublime délire, Je mélerai ma voix à tes doctes concerts. Immore, en ce grand jour, dix taureaux, dix génisses. Je sèvre un de leurs fils; et pour les Dieux propices , Loin de sa mère, il croit, il pait en bondissant ; Son front menace en vain, et son arme innocente, De Phœbé renaissante À peine imite encor le timide croissant. Lz Brun. VARIÉTÉS, NOUVELLES ET CORRESPONDANCES LITTÉRAIRES. NOUVELLES ÉTRANGÈRES. ANGLETERRE. Le docteur JENNER, à qui l’on doit la découverte de la vaccine comme préservatif de la petite vérole, s'occupe dans ce moment de la rédaction d’un grand ouvrage où il essaie de prouver que non-seulement la vaccine préserve de la petite vérole, mais encore que les enfans d’un père et d’une mère vaccinés ne seront pas sujets à cette maladie. Ce docteur s’est assuré que le vaccin n’agit pas sur le petit nombre denfans qu’il a été à même de voir, et qui étoient issus d’un père et d’une mère vaccinés. La fameuse bibliothéque Bodléienne , à Oxford, aura désormais trois bibliothécaires et deux aides. Jusqu'ici elle n’en avoit eu que deux, à qui il étoit défendu de se marier; cette obligation ne sera plus imposée aux gardes de ce précieux dépôt. ALLEMAGNE. = Pincus Levi Harwirz, premier rabbin de la sy- nagogue, est mort dans un âge de soixante-quatorze ans, le 1°, juillet, à Francfort. C’étoit le juif le plus sayant de son temps. Il avoit été rabbin dans deux Nouvelles littéraires. 149 villes de Pologne. Les Juifs de Francfort le regrettent vivement. Deux écrits qu'il avoit publiés, et un troi- sième qu’on attendoit avec impatience, l’ont fait re- garder comme un des plus savans interprètes du Tal- mud. Notice des travaux de l'Académie et de l'Uni- versité de Goettingue , pendant le premier tri- mestre de l’année 1806 (1). M. le docteur Gauss de Brunswick a communiqué à la Société ses observations sur la planète de Har- ding, et les élémens de l’orbite de cette nouvelle pla- nète, déduits de ses propres observations et de celles de MM. de Zacu et Orvers. Voici d'abord les observations : Temps moyen. Ascens. droite. . Declin. austr. Sept. 12. LOS MAI 6" 6AMSG IN LT SAN 13. : 9—41. 32 45 37 5o 5g 14. 11—38 49 SOS 7e ar ONLIE 12. 10—16 17 26 53 17. 35 16. 10—357 À 170017 31 20 17. 11—28 59 7 23 44 29 18. 11—22 16 359 57 26 581005 21 10—24 #2 28 6 538000 24. 10— 1 2 358 57 53 ASIE 6 25. 8—44 25 48 12 30 44 27e 10—20 29 27. 20 57 47 28. © 8—29 4 18 20 SRNONN2S . Maintenant les Élémens : Epoq. 1804, sept. 5, oh à Seeberg, 20° 38! 86 Mouvement diurne moyen. 779", 80 (1) Supra, année IX, t. VI, on trouvera la dernière no- : Hice dont celle-ci est la suite, 144 Nouvelles littéraires. Aphélie, 239, 14 ‘9 Logarithme du demi-axe, 0, 438 682 Excentricité, | 0, 287 359 Nœud ascendant , Li À DM 2 AU: | Inclinaison de l'orbite, 135 . 34090 IL est très-singulier que le mouvement moyen ap- proche tellement de celui de Cérès et de Pallas, et avec cela la différence peut dans la suite devenir en- core beaucoup plus petite. Comme les élémens , du moins pendant quelques semaines, ne peuvent pas beaucoup s'éloigner du vé- ritable cours de la planète, M. le docteur Gauss a rédigé d’après eux une petite éphéméride qui sera utile pour ces observateurs éloignés qui n’ont pas encore trouvé celte planète. Voici le cours de cette planète (M. Gauss la nomme Janon ) pour le mois d’octobre. Le temps est pour minuit. Ascension droité Déclinaison australe. Octobre 3. 357° 27" 617 6. 357 o 6 54 9. 356 35 7 29 12. 356 712 8 2 15. 355 51 8 23 18. 355: 55 gi 21. 355 21 9 27 24. 355 11 9 50 Dre 355 14 10 11 30. 355 . 2 10 28 M. le professeur Wizpr a également trouvé cette nouvelle planète le 28 septembre à neuf heures, et a fait depuis quelques, observations. La seconde partie de Pouvrage de M. Reuss, in- titulé : das Gelehrte England , VAngleterre litté- raire, avec son supplément et sa continuation depuis 1790 ni La AA F « ù Nouvelles littéraires. 145 - :790 jusqu’en 1803, L —Z , viennent de paroître à - Berlin et Stettin chez Nicolai. L’auteur est, comme on sait, M. le conseiller Reuss, connu honorablement par son Æepertorium Corementationum, etc. Voyez le Ma- gasin Encyclopédique , ann. 1805, tom. [TE, pag. 220. On vient de publier {nnalen der Entbindungs-An- stalt auf der Universitæt zu Gættingen von D. F. B. Osr1anDer , c’est-à-dire Annales de l'Hôpital d'accou- chement à Gottingue, par M. OsrANDER, professeur à PUniversité, avec une notice et une critique rai- sonnée des nouveaux ouvrages qui ont paru sur l’art de l'accouchement. IT°. numéro du second vol. , avec une gravure. Gottingue, chez Dieterich. On a aussi mis en vente Æirchliche Geographie und Statistik; c’est-à-dire Géographie et Statistique de l'Église, par le docteur Cartes-Frédéric Sræupzin, professeur à Gottingue, et conseiller du Consistoire. Seconde partie. Tubingue chez Coita. Cette seconde partie termine l’exposition de Pétat présent de l’église chrétienne. Ïl restoit encore à dé- crire les états d'Italie, c’est-à-dire Malthe, la Sar- daigne , Venise, la Ligurie, l’Étrurie , Lucques , Saint-Marin, Parme, Flaisance et Guastalla. Vient après la description de l’état religieux et ecclésias- tique des autres pays et états dans l’ordre suivant : Le Portugal , l'Espagne, la France , la république : Batave , la Suisse, le Valais, Neufchâtel , l'empire Germanique, y compris la Lusace , la Bohème, la - Moravieet la Silésie, la Gallicie, Lodomirie et Bu- kowine, la république des Sept Iles, Raguse , l'em- - pire Ottoman en Europe, en Asie et en Afrique, . la Guinée et les Iles , les Indes Orientales, la ones l'Arabie, la Perse et l'Amérique. D’après la lettre que M. le docteur Gauss a écrite - à la Société , nous allons communiquer les nouvelles T. V. Septembre 1805. K 146 Nouvelles littéraires, recherches qu'il a faites sur l'orbite de la planète Harding. La suite des observations tant de M. de Zach que d’autres astronomes étrangers, particuliè- rement du docteur Maskelyne, qui a commencé dès le 25 septembre à observer Junon, et a envoyé à l'auteur cinq observations des 25 et 29 septembre, du 5, des get 17 octobre, l’ont mis en état de dé- terminer encore l'orbite de cette nouvelle planète ; détermination qui n’a plus besoin que de quelques: améliorations, et qui les recevra aussi bientôt. Voici les élémens qui se fondent uniquement sur des ob- servations au méridien, et qui, d’après l’ordre, sont les sroisièmes. (On trouve une seconde correction de l'orbite, faite plutôt, dans le cahier de novembre de la correspondance de chaque mois de M. de Zach ). Ép. 1804, sept. 30,à midiäSeeberg, 22° 34 48 ! Mouvement moyen diurne. 812 75 Aphélie. 233. ‘56068 Logarit. de la moitié du grand axe. 0, 42669g Excentricité. o, 263182 Nœud ascendant. 172 UOTE Inclinaison de l'orbite. 12 52 48 Le mouvement moyen de Junon est ainsi, d’après ces élémens, beaucoup plus grand que celui de Cé- rès et de Pallas. M. Gauss regarde ce résuliat comme certain. D'après toute vraisemblance , les mouve- mens moyens de Cérès et de Pallas ne doivent pas être absolument et strictement égaux entre eux. Pour la commodité de Pobservateur ,on a calculé, d’après ces élémens, une nouvelle éphéméride du cours de Junon pour les deux mois prochains, .d’a- prés la comparaison , avec la précédente , on voit. M qu’à la fin d'octobre cette dernière étoit défectueuse M dans la déclinaison. Vers le 20 décembre, Junon et M Nouvelles littéraires. 147 Cérès viennent géocentriquement très-près l’une de l'autre; celle-ci passe sur celle-là à environ un quart de degré, et toutes deux peuvent être observées à la fois dans le champ d’un télescope qui ne grossit pas trop, ce qui sera intéressant pour comparer leur lumière. Le temps des éphémérides est indiqué pour minuit. Ascension droite. Déclinaison australe. Octobre 30. 355° 10’ 10° 19! Novem. 2. 3558...a3 10,433 3: 355 20 10 43 8. 355ÿ, 912 10 51 11. 355 47 10 56 14. o6r:6 10 58 17. 356 30 10 58 20. 356 57 10:55 25. 357 28 10 50 26. 358 2 10 43 29. 358 4o 10 34 Décem. 2. 359 21 1022 ÿ: o 6 10 8 8. 253 9 53 11. 1 43 g 36 14. 2 36 9 17 17. 3 32 8 57 20. & 30 8. 35 23; 5 30 Baz 26. 6. 33 7 48 29. 7 38 7 22 Les observations de Junon, l’année prochaine, se- ront beaucoup plus difficiles que celles de cette an- née. D’après un apercu préliminaire, l’opposition prochaine tombe au commencement de mars 1806, au Lion; mais elle n’atteint qu’un quart de sa plus 148 Nouvelles littéraires. grande lumière de cette année. À minuit, le 31 dé- cembre 1805, M. Gauss trouva le lieu de cette pla- nète à 177° ascension droite, et 3° déclinaison aus- trale. Ainsi la force de lumière = 0, 0284, pris comme unité, célle que la planète auroit à la dis- tañce 1 de la terre et du soleil. D’après celte me- sure, la lumiere étoit , le 5 septembre 1804, = 0, 1378, le 3 octobre — 0 , 1640, et sera, le 29 dé- cembre , = 0, 0776, et en 1805, le 19 janvier, — 0, 0636. Ainsi Junon deviendra invisible dans le mois de février de l’année prochaine, et probablement on ne la retrouvera que vers la fin de l’année. Ila paru en 1804, ainsi que dans les années pré- cédentes, deux nouvelles livraisons de l’Æistoire géné- rale des Arts et des Sciences depuis leur renaissance jusqu’à la fin du 18°. siècle, ce sont les quinzième et seizième livraisons. L’une contient l’Æistoire de l’homilétique (comme partie de la théologie pratique), par AMmoN, 1°°. partie; PÆfistoire de la littérature espa- gnole,2°. partie, par Bourerwecx; et l'Æéstoire de l’ex- plication de l Ecriture sainte, 3°. partie, par Meyer. La 16°. renferme l’Æistoire de la Philosophie, par Buxze, 6°. vol.; et l’ZZistoire de la Physique, par Fiscner , 5°. vol. Le nombre des livraisons prouve que depuis le commencement de l’entreprise jusqu’à présent , elles se sont toujours suivies exactement, et on en garantit la continuation. On a annoncé chaque ouvrage à mesure qu'il a paru; cependant il ne sera peut- être pas désagréable au lecteur d’avoir un aperçu général de tout ce qui a été publié et de ce qui doit paroître encore, d’après le premier plan qui sera toujours suivi jusqu'a la fin. Dans ce plan, l'ouvrage tolal est divisé en onze seclions. Première section. Histoire générale de la culture et de la lit- éérature , comme pour servir d'introduction aux au- PETER À LS 4 ) 4 A 5 4 1 Ta Font 2e - Nouvelles littéraires. 149 tres sections. M. Eichhorn l’a publiée'en deux par- ties. La dernière partie du second volume n’a pas encore paru. Seconde section. Histoire des Beaux- Arts. Nous avons eu l’histoire des Arts du Dessin _par M. le professeur Frorri Lo , eu trois parties, con- tenant l’histoire de la Peinture en Italie et en France. Troisième section. Histoire des Belles-Letires, de la Poésie et de l Filoquence. Le professeur Bourerwrcx a donné l'Histoire des Belles-Lettres jusqu'à pré- sent en trois parties. Les deux premières contiennent lÆistoire de la Littérature italienne, et la troisième celle de toute la Littérature espagnole , avee un ap- pendice contenant la Littérature portugaise. Quatrièine section. Histoire de la Philologie. Nous avons eu l’ Æis- toire de la Littérature classique , par M. Hgzren , jus- qu'à présent en deux parties : elle sera coniinuée, Cinquième section. Histoire des Sciences historiques. Cette section a été retardée par la mort du professeur SCHŒNEMANN , qui en éloit chargé, et par divers accidens survenus à ceux à qui, après sa mort, on avoit confié ce travail. Sixième section. Histoire de la Philosophie. Nous avons vu paroïtre cette his- toire sous ce même nom par M. Buure, en 6 vol., dont le dernier va jusqu'a Xant. Malgré le départ de l’auteur pour Moscow, l’ouvrage entier sera fini. Septième section. Histoire des Sciences mathématiques. On a déjà l’Æistoire de la Science militaire, par M. Hoyer, premier lieutenant, finie en deux parties, et l’ voire des Mdibénatiques , par Kzæsrner. Feu Kæstner avoit déjà écrit quatre parties de l'Histoire des mathématiques, allant jusqu’à la dernière moi- tié du 17°. siècle, lorsque la mort le surprit. Sans “«oute il se seroit vu lui-même contraint , en cas qu’il eût pu continuer, de changer ou de restreindre son plan trop bibliographique. Ce qui étoit possible pour 150 Nouvelles littéraires. les premiers temps où l’histoire des mathématiques n’offroit qu'un certain nombre d’écrits, ne l’eut plus été avec les richesses toujours croissantes de la litté- rature mathématique. Cependant son livre sera tou- jours la collection la plus riche et la plus utile de matériaux pour l’histoire de cette science. Le lec- teur attentif peut aisément y trouver la marche de la science, et peut-être telle personne n’aimeroit pas à le changer contre une histoire de la science, dans le sens stricte du mot, si l'esprit de Kæsiner n’animoit pas cet ouvrage. Il est inutile de dire que pour la continuation de l’ouvrage on suivra un meil- leur plan. Æuitième section. Histoire des Sciences natu- relles. Nous avons l’/Zistoire de la Chimie, par feu Gméux , en 3 vol., finie; l’Æistoire dela Physique, par le professeur Fiscner, en cinq parties, dont la cin- quième va jusqu’au dernier quart du siècle précédent, jusqu’à Priestley ; ainsi il est près de sa fin. Neuvième section. Jurisprudence. Cette partie a été retardée par la mort de celui qui y travailloit. Dixième section. Théologie. On a donné lPAistoire de la Théologie pratique , par le docteur Ammox, 1". partie. | Histoire de l'explication de l’Ecriture sainte , par le docteur Meyer ,en trois parties, est près d’être finie. Onzième section. Histoire de la Médecine. Elle a été réservée à dessein par le rédacteur pour la dernière , à cause des nouvelles découvertes. On voit, par cet aperçu, que sur 14 seclions, 8 sont remplies et approchent plus ou moins de leur fin, et que les deux autres n’ont été retardées que par la mort de l’auteur. Pour les sections dont on s’est déjà occupé , nous avons encore à attendre, dans la seconde, l’Æistoire de la Sculpture et de PArchitecture; dans la troisième, l’Æistoire des ‘Belles-Lettres des autres pays ; dans la quatrième, M Nouvelles littéraires. 151 l'Histoire de l_Archæologie ; dans la huitième, l’Æis- toire de l'Histoire Naturelle, avec celle de lEco- nomie, de la Technologie et de la Caméralistique ; dans la dixième, l’AÆistoire de la Théologie dogma- tique et morale. Lorsque l’on connoïit l'immense étendue de tonte Ventreprise , et que l’on pense que les ouvrages qui ont déjà paru ont été tous mis au jour à l’exception de deux, par des professeurs de Gutingue, et cela dans l’espace proportionnellement si court de huit ans, les entrepreneurs croient pouvoir demander avec assurance , à tout homme impartial, si l’on pouvoit attendre davantage. La plus grande partie du tout est achevée , et les plus importantes parties qui man- quent encore, nommémeunt l'Histoire Naturelle, la Théologie dogmatique , la Morale, l’Archæologie, ont été confiées à des hommes dont le nom seul répond de Ja bonté de leurs ouvrages, et ne laisse pas de doute que bientôt aussi ces parties seront éga- lement terminées. Geschichte der Entstehung , und Entwickelung der hohen Schulen unsers Erdtheils. Histoire de l’origine et du développement des Universités de l’Europe , par C. Maxers; 3°. vol. in-8°. Ce 3°. vol. contient les sections suivantes. 5°. livre. Histoire de ceux qui sont chargés de veiller sur les priviléges et les lois des Universités, des conservalçurs ; prolecieurs, Cu- rateurs , visitateurs , réformateurs, chanceliers, sur- intendans , directeurs et présidens des Corps aca- démiques. 6°. livre. Histoire des grands et petits conseils des Universités, ainsi que des Tribunaux académiques (comitia Universitatis), sénats, conciles, congrégations, consisloires, dépulalions, convoca- tions , tribunaux hebdomadaires. 7°, livre. Histoire de la dignité des recteurs, pro-recleurs et vice-rec- 159 Nouvelles littéraires. teurs, ainsi que des places de syndics et de secré- laires, avec un supplément sur les massiers ou ap- pariteurs. 8°. livre, Histoire des professeurs des Uni- versités. 9°. livre. Les auditoires, les années scho- laires, les cours, les exercices du corps, les vacances. 11%. livre. Histoire des priviléges des Universités , de l'inscription , de la matricule , et particulière ment des classes et de l'inégalité des étudians. Le 4°. volume paroïîtra incessamment. Le 24 novembre, la Société célébra son 53°. an- niversaire Par une réunion et une lecture. M. Waris- BERG Îut un mémoire intitulé : Observationes ana- tomico-pathologicæ de hydrocephalis et hydrope me- dullæ spinalis. Après cette lecture , M. HEyxe, secrétaire perpétuel, rendit compte de ce qui s’étoit passé dans l’année, M. Mriners, de la classe historique, avoit été directeur de la Société jusqu’à la Saint-Michel; alors la direction avoit passé à la classe physique, et M. Waissene » Comme le plus ancien de cette classe, en avoit éié chargé. La Société a perdu M. Jean-Frédérie Gmérin, de la classe physique, mort dans le commencement de novembre. Deux autres membres, MM. Buurs et Hormanx, sont partis pour Moskow. Le profes- seur KaAPPEz, qui devoit aller également à Moscow, et que la Société avoit nommé membre étranger, est mort pendant son voyage. Parmi les membres et les correspondans étrangers , Sont morts cetle année Charles Arxionr, médecin ordinaire du roi de Sar- daigne, à Turin, et Grégoire Fowrana, professeur de mathématique à Pavie; le chevalier AzarA, mem bre honoraire de la Socitté, est également mort dans le cours de cette année. Nouvelles littéraires. : 153 La Société a reçu, depuis le mois de novembre 1803, comme membres étrangers, MM. J. Bon Da- cer, membre de l’Institut national, et secrétaire perpétuel de la classe de l’histoire et de Pancienne littérature ; Son Excellence John Drayron , gouver- neur et président de la Caroline du Sud; Joseph Prazzi, professeur d’astronomie, et directeur de l’'Gbservatoire de Palerme; le chevalier Carles- Pierre Tuunsere, docteur en médecine, et profes- seur de botanique à Upsal; Jean Gapozin, profes- seur de chymie à Aho ; le comte François de W arn- STEIN, chambellan de S. M. l'Empereur d'Allemagne, et chevalier de l’ordre de Saint Jean. Comme associés correspondans , MM. Antoine-Ma- rie- Héron de Vixxerosse, ingénieur des mines; le docteur Frédéric HaussmaAnx , auditeur des mines du Harz; ..... Beuvarp, agent du gouvernement de France pour les mines, en mission près celles du Harz ; le docteur Jean-Louis Jorpan ; Charles-Guil- laume BrckMANx, professeur de physique à Carls- rube; Martin-Gotilieb LEnmann, assesseur du collége de commerce et d'économie en Dannemark ; Fran- gois-Joseph Jekez; Chr.-Sigismond ZiEHEN, capi- taine au service de Prusse; Conrad Lxvrzow, pro- fesseur d’antiquités à l’Académie des Arts de Berlin; Jean-Fr. V AN-Brek-Carkoen, professeur de mathé- mathiques à Leyde; Charles ScuEenx , médeein à Bade en Autriche; Philippe Tinymanw, médecin dans la Caroline du Sud; Paul KiraïsEz, botaniste; Dominique- Albert Azuni, ancien sénateur et juge à Nice; Jacob Tauxis, directeur de l'Observatoire de la marine à Marseille, correspondant de l’Insti- tut national; Æ/oys-Emmanuel de Srirsics, profes- seur d’archæologie à Pesth. Après ces détails, le prix a été décerné, La ques- 158 - :. Nouvelles littéraires. tion proposée étoit : -« Cum & veteribus et recentio- » ribus physicis (inde a sæculo XPT) multa de » meleoris dilisenter observata , nec non de eorum » nalura, causis et legibus ingeniose et subtiliter » excogitata et disputata sint ; cumque in his for- » sitan occurrant ad hodiernam quoque meteorolo- » giam perficiendam utilia, notatu saltem aut seve- » riori examine digna ; desiderat societas , ut historiæ » meteorologiæ accurata et critica a primis Græcorum » et Romanorum in hoc studio conatibus usque ad » nostram ælatem contexatur. » La question est très-étendue ; mais la Société de- mandoit seulement , comme l'indique le nom d’Æis- toire critique et raisonnée, les résultats des observa- tions , des expériences et des hypothèses explicatives, depuis les premiers temps où l’on a étudié la phy- sique. La Société a recu un seul mémoire, écrit en français , ayant pour devise des vers tirés d’un poème intitulé l'Agriculture ; connoissez Les saisons , les cli- mais el les vents , etc., et écrit d’une manière si peu lisible, qu'il a fallu le faire copier pour qu’on pût le lire. La Société passa, pour cette fois, sur la loi qui exige que les mémoires soient écrits en latin, et jugea en conséquence celui qu’elle avoit reçu. Elle trouva très-hien faite la seconde moitié de l’ouvrage, qui divise en cinq époques l’état de la météorolo- gie depuis la moitié du 17°. siècle; car c’est de la fondation de la Société royale de Londres et de l’Aca- démie des Sciences de Paris, que l’auteur date les premiers progrès de la météorologie et des sciences en général. Comme les observations plus exactes des températures de l’atmosphère, de la pesanteur, de la sécheresse et de Phumidité des vents, de la pluie, des vapeurs, de l'électricité de l’atmosphère n’ont pu d’abord êire faites: qu'à l’aide des instrumens Nouvelles littéraires. 155 inventés , l’auteur a ordonné les nouveaux progrès de la science d’après les instrumens, et il les ra- conte sous les titres baromètre , thermomètre, hy- gromètre, anémomètre, ulomètre, atmomètre, élec- tromètre, cyanomètre et boussole ( cet ordre n'est pas, il est vrai, tout à fait philosophique, mais il facilite l'aperçu général ) ; les perfectionnemens suc- cessifs de chaque instrument et de son usage, ainsi _que les observations et les expériences qu’il a servi à faire, sont exposés avec beaucoup d’érudition ; viennent ensuite les résultats tirés des observations, appliqués à la médecine, l’agriculture et la physique; suivent les recherches physiques les plus importantes auxquelles l'étude de la météorologie a donné lieu ; et enfin on trouve les principales hypothèses mé- téorologiques qui ont été faites sur le cours pério- dique et le changement des saisons. La Société ne pouvoit qu'être extrémement contente de cette se- conde moitié ; cependant les époques qui ont pré- cédé le 17°. siècle jusqu'à Descartes, n’étoient indi- quées, dans ce mémoire, que très-légèrement, et pouftant il étoit dit expressément, dans la ques- tion, à primis inde Græcorum et Romanorum in hoc studio conatibus. Sans contredit Hippocrate , Aris- tote, Théophraste, Pline, Sénèque offrent des ob- servations, des conséquences, des explications, des hypothèses , des idées que l’on peut extraire, com- biner et comparer avec les nouvelles; et en général la Société avoit plutôt en vue une exposition phi- losophique de la marche de la science et son histoire interne que l’histoire externe. Cependant , pour être juste, la Société résolut de partager le prix, et de donner la moitié de la somme, 25 ducats, au mé- moire qu’elle avoit recu. A l’ouverture du billet ,on trouva le nom d’un des plus fameux météorologues 156 Nouvelles littéraires. de notre temps ; M. Corre, correspondant de l’Fnstitut de France, etc. La Société compte proposer de nou- veau la partie de la question à laquelle il n’a pas été répondu, sousle titre de Recherches sur la Mé- téorognosie des Anciens. La Société avoit aussi proposé une question éco- nomique pour le mois de novembre de cette année, sur /es espèces et les variétés de choux qui sont cul- tivés en Europe. Elle n’a pas recu de mémoire. Il ne reste plus qu’à indiquer les questions pro- posées pour les termes à venir. La principale question, avec un prix de 50 du- cats, a été proposée par la classe physique pour le mois de novembre 1805. \ « Quum physiologi de vasculoso vegetabilium con- » textu diversa prorsus statuant, aliis, tisque antiquio- » ribus, illum adserentibus, recentioribus contra in » ea Omnia euntibus , novis experimentis , Ope micros- » copit composili curate instituendis elici probarique » cupit Societas : utrum omnino a Marpicutt, GRE- » Wir, Dunamenrr, Musrezrt , HEnwicrigue obser- » vationibus ac placitis standum sit, an vegetabi- » lium natura ab animali fabrica prorsus differat » omninoque vel fibrarum fibrillarumque quæ Menez: » est sententia, vel cellularum ac tubulorum ( tissu » tubulaire ) contextu ac structura contineatur. » En repondant à cette question , il faudra avoir égard aux questions subordonnées suivantes : a) Com- bien d’espèces de vaisseaux peut-on compter avec certitude depuis la première période dn développe- ment ? ces espèces existent-elles véritablement ? b) Les vaisseaux contournés, que l’on nomme vaisseaux en spirale (sasa spiralia), sont-ils creux et forment- ils ainsi des vaisseaux, ou bien servent-ils, par leurs tours en spirale, à former des canaux particuliers? c) ‘ 2 Xe A do PL D Lo 7 » tari, quæ sint alia phænomena electrica , e. Nouvelles littéraires. 157 comment les fluides et les gaz se meuvent-ils dans ces canaux ? d) Est-ce par la croissance de ces fibres contournées que se forment les conduits ascendants ( selon l’opinion de Sprengel ), ou au contraire les pre- mières yiennent-elles des dernieres ( selon celle de Mirbel ) ; e ) Sont-ce les conduits ascendans qui for- ment l’aubier et les fibres ligneuses, ou ces derniers proviennent-ils de vaisseaux originairement particu- liers, où du tissu tubulaire ? À cette question nous joindrons celle que la classe mathématique a proposée pour lé mois de novembre 1806. « Quæ est sas oxygenii, azotici, aliorumque fluido- » rum aeri/ormium , seu eorum basium vis et efficacia » ad excitandam electricitatem ope attritus ? » « Cum, quid illa fluida ad hanc operationem con- » ferant, nullis fere experimentis hucusque constet, » hæc autem quæstio, ad naturam fluidi electrici » penitius cognoscendam omnino masnz momenti esse » yvideatur, Societas regia scientiarum cupié : » « Exhiberi non modo descriptionem idoneæ supel- » lectilis, sub campanis vitreis quæ his vel illis flu:- » dis aériformibus , ope forsan antliæ pneumaticæ , » replentur, electricitatem satis notabilem per attri- » éum excitandi, illam conducendi et ratione quali- » talis examinandi ; sed quoque » « {nstitui quandam seriem experimentorum ad » quæstionem propositam Sspectantium, simulque no- LP, » altractionis, repulsionis, scintillationtis , lucis ra- » diantis, et sic porro, in prœcipuis quibusdam gas _» zllorum speciebus. » Le prix pour chacune de ces questions est de 50 ducats, et Le terme de rigueur pour l'envoi des mé- 158 Nouvelles littéraires. moires est avant la fin de septembre des années fixées, Les questions économiques sont, pour juillet 1805: « La meilleure histoire de l’administration des biens » domaniaux en Allemagne, depuis les temps an- » ciens jusqu'aux plus nouveaux. » Pour novembre 1805 : « Quelle influence ou quel » effet ont les différentes sorles d'impôts sur la mo- » ralité , l’amour du travail et l’industrie des peu- » ples. » | Voici la nouvelle question économique pour juillet 1806 : « La Société désire une collection d’observa- » tions certaines sur Les effets que Les différentes nour- » ritures produisent sur la chair, la graisse, le lait, » Les peaux, les poils, la laine et les autres parties » utiles du corps des animaux qui sont employés » en Allemagne dans l’économie rurale. » Le prix sera adjugé au mémoire qui aura réuni le plus com- plétement les véritables observations que nous avons déjà, ou qui les aura enrichies de nouvelles expé- riences particulières. Pour chacune de ces questions il y aura un prix de 12 ducais, et le terme d'envoi des mémoires est , pour les questions de juillet, le mois de mai, et pour celles de novembre, celui de septembre. Gründlicher und ausführlicher Unterricht zur prac- äischen Geometrie, c’est-à-dire Elémens de géométrie pratique ; par Jean-Tobias Mayer. 2°, et 3°. partie, … 1804, in-8°. chez F’andenhoek et Ruprecht ; 4°. partie, … aussi avec le titre particulier: Znstruction complète pour dessiner Les cartes géographiques, marines et célestes , et Les filets des coniglobes et des sphères ; Erlang, chez Palm, 1804, seconde édition , augmentée et cor- rigée. L Nouvelles littéraires. 159 M. pe Vrvere de Gand, qui demeure à présent + FL 3 LE , . à Rome, a envoyé à la Société, dont il est corres- pondant , une collection de quelques nouvelles pro- ductions littéraires de ce pays. M. Heeren en a rendu compte dans la séance du 24 novembre. Il a montré d’abord une esquisse des environs de l’ancienne Ostia, qui vient de paroitre à l’occasion des fouilles que lon y fait faire pour y trouver des antiques, et sur laquelle on voiten même temps les places des fouilles et des aperçus des monumens qui s’y trouvent. La ville d'Ostie actuelle n’est plus à la place où étoit l’an- cienne Ostia , mais un peu plus éloignée. Tout le local est aussi changé. Autrefois la ville étoit située immédiatement à l'embouchure du bras gauche du Tibre; mais à présent les alluvions du fleuve ont formé un marais de près de trois mille. On con- coit combien ces changemens, ainsi que les autres marais de l’intérieur des terres, doivent rendre ces contrées malsaines à cause de l'air méphitique qui se dégage , surtout dans les chaleurs; aussi n’em- ploie-t-on pour ces fouilles que des galériens. La direction de l’enireprise est confiée à M. Z’é- érini , qui est déjà connu par de premières recherches faites à ses risques (il a trouvé entre autres Tibere assis , que Pie VIT a acheté 5,000 sequins pour le Musée Clémentin }. On a trouvé déjà un assez grand nombre d'objets. Cependant on se plaint de beau- coup d’abus et de fausses mesures. Du reste, cette . esquisse est très- intéressante, parce qu'elle offre = une assez grande partie du théâtre des six derniers ET r RS . livres de l’Enéide. Le second dessin que nous a mon- tré M. Heeren concerne les fameux dompteurs de che- vaux sur le mont Cavallo; il est de Canova. Ou à déja remarqué plusieurs fois que ces superbes mo- numens de l’art ne produisent pas, au premier coup- 160 ‘Nouvelles littéraires. d'œil, l'effet qu'on en doit attendre. On sétoit aperçu que cela venoit de leur exposition défectueuse, ‘IL s’agissoit de savoir comment les placer ? Canova, dont le nom dans ce cas est déjà une grande autorité, examina la chose, et décida enfin qu’au heu de l'exposition actuelle dans laquelle on voit les che- vaux de front, on doit les placer de manière qu'on les voie tout à fait de côté. Il les a fait dessiner sur cette feuille dans leur ancienne po- sition et dans celle qu’il propose, et sur la feuille à côté il a développé en peu de mots ses motifs. D'a- près notre opinion , la vue seule du dessin décide pour l’idée de M. Canova. On sait que ces colosses ont déjà été un peu dérangés sous Pie VI, parce qu'il fit élever un obélisque entre eux. Cet obélisque ne se trouve pas dans le dessin que nous avons sous les yeux. On aimeroit à savoir si par ce changement les statues se sont plus ou moins rapprochées de la po- sition qu’elles devroient avoir. Cette feuille du reste est donnée par M. Canova , et elle n’est point entrée dans le commerce. Neues Museum der Philosophie und Lilteratur. c’est-à-dire Nouveaux mélanges de Philosophie et de Littérature ; par Frédéric Bourerwecx , 1°. numéro du 3°. vol., 1805, chez Martini, à Léipsick. La Société royale des Sciences a recu comme mem- bres ordinaires résidens, dans la classe physique, M. Osraxoer, M. Himzy et M. Scuraper ; dans la classe mathématique, M. Tnisaur; comme associé résident, M. SrroumMeyERr , et comme membre cor- respondant, M. d’Acincourr, correspondant de lEns- titut national , et demeurant habituellement à Rome. Aux détails que nous avons donnés des pertes que la Société a faites dans le courant de l’année der- nière, nous ajoutons avec beaucoup de regret la nou= velle Nouvelles littéraires. 351 velle de la mort du célèbre astronome Méchain , membre de PEnstitut, emporté par la fièvre jaune pendant son séjour en Espagne, et celle du cardi- mal Borcra , membre honoraire de la Société, mort à Lyon pendant son voyage à Paris. Nous avons recu plusieurs preuves que nous n’oublierons jamais de l'estime que ce cardinal éclairé avoit pour plusieurs savans de Gottingue. M. le docteur Gauss a communiqué à la Societé des Sciences des élémens corrigés de la planète de Harding (Junon ); ils sont, d’après l’ordre, les 4°*., et sont en rapport de la manière suivante: Époque 1805. Méridien de Seeberg. Ge AIT HAN Mouvement diurne moyen. 812 09 Aphélie. 2090029 Logarit. de la moitié du grand axe. ©, 426 935 Excentricité o, 256 84 Nœud ascendant. 171 4 12 Inclinaison de l’orbite. SNA 0 #1 9 M. le docteur Gauss n’avoit pu fonder ces élémens que sur une seule observation qu’il avoit faite le 4 décembre; mais le résultat a prouvé que cette obser- vation devoit avoir été très-bien faite, puisque non- seulement les observations de Piazzi du mois de no- vembre de l’année dernière qu’il recut ensuite, mais encore des observations plus récentes que l’auteur avoit faites en décembre, s’accordoient très-bien avec ces élémens. Les élémens donnoient par exemple pour le 30 décembre A. B. — 7° 44' 14" Déclin. 7° 20! 16", et l'observation... 7° 44! 5"...,7° 19° 57". Voici les données de l’éphéméride du cours de la planète pour le mois de février. T': V. Septembre 1805. L 162 Nouvelles littéraires, Ascension droite. Déclinaison. Février 3 22 97 1° 91! s. 6 23 50 o 48 9 25 "15 o 14 12 26 41 o 2o0n 15 Se fon: o 54 18 29 34 | 21 EMA CN | 24 32 30 2 35 Le docteur Gauss avoit pu très-bien observer la conjonction de Junon et de Cérès le 20, 22 et 23 dé- cembre. Cérès étoit considérablement plus claire. Aussi, à Lilienthal, le temps a été favorable, et M., Schrœter a trouvé, le 19 décembre, le diamètre de Junon — 1" 7, ce qui s'accorde très-bien avec les premières observations en septembre. M. ne Scuwarzrorr, résidant à Francfort, cor- réspondant de la Société, lui a envoyé un double mémoire très-intéressant, contenant une description de la solennité académique du Collége du Forr Wirziam, à Calcutta, et un catalogue des ouvrages mis au jour par les membres de ce Collége, depuis la fondation de cet institut, sur la littérature orien- tale et de l’Indostan. Comme ces deux mémoires prouvent l’activité et l’état florissant de cette aca- démie, qui a été fondée il y a environ quinze ans par les soins du célèbre Jones, sous le nom de Co//ege of fort William (mom de la citadelle et du siége du gouvernement à Calcutta), nous croyons intéressant d’en communiquer un extrait. La solennité eut lieu le 29 et 30 mars 1804, sous la présidence du mar- quis »e WELLESLEY, curateur (visitor ), il y en avoit eu deux semblables en 1802 et 1803 : celle-ci offrit des thèses soutenues et attaquées, des discours, et Ro Nouvelles littéraires. 163 une distribution de grades d'honneur et d’autres ré- compenses pour les étudians qui s’étoient distingués par leur application et leur bonne conduite. Les dissertations étoient en langue persanne, indienne, et dans l’idiome du Bengale sur des thèses données. La première, étoit : Les naturels du pays jouissent de plus de tranquillité , de sûreté et de bonheur sous le gouvernement britannique que sous toute autre sorte de gouvernement ? On entendit après les dis- cours des modérateurs dans les mêmes langues et trois discours en arabe, dont l’un fut débité par lelieutenant Baillie, professeur d’arabe. Le jour suivant, neuf étu- diansrecurent , d’après le témoignage de leursprogrès et de leur bonne conduite, donné par le conseil du collége et qui fut lu publiquement, un diplome d'honneur écrit sur parchemin en caractères orien- taux, qui leur accordoit un grade d'honneur; ce fut le curaieur qui le leur présenta lui-même. Le prorecteur distribua ensuite, à vingt-deux autres, les prix, les médailles et les récompenses qui leur avoient été décernés dans le dernier examen pu- blic qui avoit eu lieu au mois de janvier. Un dis- cours du curateur qui, cette fois, présida en per- sonne , términa la séance. Le marquis Wellesley témoigna son contentement des progrès de cet ins- ütut ; il le regarde comme la garantie de la durée de l'empire britannique dans les Indes. Cette pépinière doit fournir, pour toutes les branches de l’administra- tion, des fonctionnaires en état de soutenir le gou- vernement en temps de guerre, d'augmenter ses res- sources en temps de paix, de faire respecter ses re- lations extérieures avec les puissances du pays et sous un sysième d'administration juste et libéral, de fonder les finances et le commerce sur la base solide de la richesse, du bonheur et de la confiance 164 Nouvelles littéraires. d’un peuple heureux et reconnoissant. 11 loue les progrès visibles que les élèves ont faits dans le persan , l’indou, l'arabe, et aussi dans lidiome da Bengale ; il félicite l'institut d’avoir commencé en 1804 à étudier la langue tamulique et sanserite, et il espère qu'il répandra dans chaque partie de la terre l’étude générale de la littérature orientale. Le catalogue des livres imprimés au Fort William montre que celle espérance m'est pas lout-à-fait dénuée de fondement. Il contient soixante-six nu- méros , dont alors (en 1804) les n°. 42 jusqu’à 66 étoient sous presse, et qui à présent probablement sont déjà au jour. On y trouve dix ouvrages pour la langue arabe, cinq pour le persan, vingt-deux pour l’indou, dix pour la langue bengale, un pour le tamulique, deux pour la langue et la littérature sans- crite, huit traductions du sanscrit, trois ou cinq de- persan. On croit bien que l’on a d’abord pensé aux grammaires et aux dictionnaires. Les n°. 6 jusqu’à 9, par exemple, et 64, offrent une collection étendue pour la grammaire arabe; le n°. 65 est un diction- naire d’après le Camus; le n° 62 une grammaire per- sanne; le n°. 13 un dictionnaire anglais et persan; le n°. 1. 66 une grammaire et un lexique sanscrit ; le 26°. une grammaire indostanique, et le 63°. une tamulique. Une grande partie des ouvrages offre des poëmes, des proverbes, des contes, des histoires ; le n°. 32, par exemple, contient na du dernier Raja de l'ile Sangur au Bengale; 43, histoire de P'Umeer Hanzu (l Ein nid; 292; is , historiens indous, 3 vol. Il est clair que c’est la littérature indos- " tanique qui doit paroître la plus riche, d’abord à cause de la grande utilité de cette langue, maïs en- suile parce que plusieurs de ces ouvrages ont été écrits par des savans du pays même, par exemple; ) à Nouvelles liltéraires. 165 18, 20, n°. 4o jusqu'à 45, et vraisemhlablement quelques autres où cela n’est pas expressément marqué. Quelques-uns de ces ouvrages frappent par leur contenu , comme le n°. 4g, dictionnaire indou de navigation et de médecine; 57, le Cui- sinier indou. D’autres titres sont obscurs. L’in- dostan a aussi son Thomson , le n°. 46 est intitulé Burulo Hasa, ou les Saisons, poëme original in- dou. Les traductions du sanscrit auront attiré lai- tention du lecteur , mais malheureusement elles ne sont pas pour nous, elles sont toutes en indoû ou en bengalique , par conséquent destinées à ré- pandre l'étude du sarserit parmi les naturels. Une nouvelle preuve des soins du gouvernement pour la justice parmi les différentes classes de ses sujets, est le Code civil mahométan, d’après la doctrine des douze Imans, n°. 61, en 4 vol. in-4°. Il faut rendre justice à l’activité de Pinstitut qui a tant fait en si peu de temps, ainsi qu'à la facon de penser libérale et éclairée du gouvernement, par les secours duquel des ouvrages qui demandent une dépense si considérable pouvoient seulement être mis au jour. M. le chevalier Tuunsere , à Upsal, membre étranger de la société, lui a envoyé un mémoire intitulé : Z/lustrationes generum aliquot coleoptrato- rum. Les différens systèmes entomologiques offroient jusqu'a présent quelques difficultés; M. Thunberg les lève en séparant quelques espèces d'insectes sem- blables à des scarabées, d’une forme très-singulière, presque tous du sud de Amérique, des genres sous lesquels on les avoit rangés jusqu'ici, et en formant de ces espèces quatre genres particuliers ; distinction à laquelle les appellent parfaitement les propriétés caractéristiques de leur forme, qui les rendent très- 166 Nouvelles littéraires. différentes des autres espèces de ces genres dans les- quels on les avoit pour ainsi dire forcés d’entrer. Voici les nouveaux genres : pt TL MacrocAsrer : Anitennæ lanceolatæ, medio crassiores. Elytraabbreviata. - | WT. abbreviatus, c’est la necydalis brevicornis Linn. (Limexylon abbreviatum Yabric. ) ses antennes sont en forme de Jancette, sa partie de derrière très- longue avec des élytres ou étuis très-courts. IL Macropus. Antennæ setaceæ. T'horacis spin@ lateralis solitaria , globosa, mobilis. : M. longimanus, c’est le singulier cerambix longi- manus de Linné (prionus longim. Fabric. }, dont lépine, mobile et articulée sur le côté du corselet, est unique en son genre; les pieds de devant sont énormément longs. HE Pacuvmenus. Antennæ filiformes , serratæ. Femora posticar incrassal«. P. bactris ; c’est le bruchus bactris dont les grandes jambes de derrière sont si longues. IV. Cnazxvus. Æntennæ moniliformes. Thorax teres , immarginatus, antice anguslatus, Elytra ru- goso scabra. Ce genre comprend plusieurs espèces en partie eon- nués, qui, jusqu'ici, étoient du genre des Aispes ; comme, par exemple , c4. sanguinicollis, d’autres éspèces sont nouvelles : * Cu. Collaris. Ccærulea , capite thoraceque rubris. ‘Cu. Lineata. Fusca, capite thorace lineaque elÿfro- run rubris. Cr. Rubra. Tota rubra, oculis nigris. Cu. Dorsalis. Capite nigro , thorace elytrisque ru- bris ; Sutura nigra. Cu. Rubrogaster. Nigra thorace abdomine. que ru- bris. ; , * Nouvelles littératres. 267 La Société royale des sciences a encore eu le plaisir de recevoir, d’un de ses membres étrangers , M. Siz- VESTRE DE Sacyx, à Paris, un mémoire de notione vocum TENZIT, et TAWIL tn libris qui ad Drusorum re- lisionem pertinent. Quoique ‘le titre paroisse pro- mettre peu, le sujet n’en est pas moins intéressant par le grand nombre d'extraits tirés des manuscrits des Druses , et par le jour qu'il jette sur l'esprit des sectes mahométanes , d’après lesquelles s’est ensuite formée la doctrine des Druses. Ce mémoire annonce, d’une manière fort avantageuse, le grand ouvrage dont l’auteur s'occupe depuis plusieurs années. La Société compte le faire imprimer dans le recueil de ses mémoires (1). Dans la séance du g mars, la Société célébra la mémoire d’un de ses membres mort l’année der- nière, Jean-Frédérie Gmexzix , professeur de chymie, par un discours à son honneur que lui M. Hevyxz, secrétaire perpétuel. Dans cette même séance, M. Riexrer lut des obser- vations sur la phthisie pulmonaire. M cherche parti- culièrement à déterminer pourquoi il est si difficile de guérir les abscès au poumon. IL eroit qu'il y a deux causes principales , c’est-à-dire , l'entrée con- tinuelle de l’air atmosphérique extérieur dans l’ab- cès, et la difficulié que le pus trouve à être évacué de Vabcès. On sait que l’on avance beaucoup la guérison des abcès, quelle que soit la partie du corps où ils se forment, et de quelque cause qu’ils viennent , si l’on empêche, autant qu'il est possible, que l’air atmos- phérique n’y entre. C'est de là que vient la règle générale de faire toujours aussi petite que lon peut l'ouverture artificielle d’un abcès , et de panser ra- QG) Magasin Encyclop., année 1805, t, IV, p. 125. 168 Nouvelles littéraires. rement la plaie. La nécessité de la respiration est cause qu'on ne peut, en aucune manière, empêcher ou diminuer l’entrée de l'air dans les abcès au poumon; mais il faut au moins avoir soin que l'air que le ma- lade respire soit de nature à produire un effet moins nuisible. IL paroît que l'oxygène agit particulière- ment d’une manière dangereuse, irrite l’abcès, l’en- flamme, etc., et par conséquent un air qui contient peu d'oxygène fait moins de mal aux poitrinaires. On peut expliquer par là pourquoi on a toujours recommandé aux personnes altaquées de la poi- trine le.séjour dans les étables à vache, les voyages sur mer , elc. Cependant M. Richter s'occupe plus particulière- ment de la seconde cause : de la difficulté de faire sortir le pus de labcès. Lorsque l’on pense que le pus qui provient de l’abcès est évacué par la bouche, il est aisé de concevoir que la position ordinairement droite du corps rend cette évacuation très-difficile ; que l’abcès ne se vide jamais tout à fait, etest tou- jours plus ou moins agrandi et rempli par le pus. Les suites ordinaires sont l’oppression , une toux violente et une fièvre plus forte. Tout ce que lon entreprend pour guérir la maladie , à l'égard de la cause de Pabcès et des autres circonstances , devient inutile sitôt que l’on n’a pas soin que le pus s’écoule assez facilement pour que fabcès se trouve presque toujours dans un état de vacuité dans lequel il puisse se resserrer, se rétrécir et se fermer. L'auteur pro- pose, pour cet eflet, les moyens suivans : La position horizontale. Onremarque toujours que le malade crache beaucoup sitôt qu’il est dans cette position, que pour lors il tousse moins , respire plus librement, surtout s’il se couche du côté sain. On devroit en conséquence conseiller au malade de ‘ mi PTS | ’ Nouvelles littéraires. 169 se mettre plusieurs fois par jour une heure dans cette position. Hoffmann rapporte qu’un malade devenu poitrinaire à la suite d’une inflammation au poumon, qui avoit une fièvre très-violente el une grande op- pression , suivit ce conseil, et fut guéri cela seul en six semaines; dans le premier jour K À cha une grande quantité de pus : peu à peu la sputation di- minua. / Les vomitifs. Rein les nomme les principaux re- mèdes contre la phthisie.Hoffmann nous apprend encore qu'un pulmonique prenoit tous les matins un vomitif , et fut guéri. Une dame poitrinaire se con- serva plusieurs années dans un état assez supportable. Sitôt qu’elle avoit de l'oppression , une expectoration moins fréquente, une toux plus violente, une fièvre plus forte, elle prenoit un léger vomitif, Il amenoit Miniement une forte expectoration qui duroit plusieurs jours, et ensuite la malade se trouvoit bien, et ne ressentoit plus d’incommodités. Les abcès artificiels. On est tenté de croire que ces sortes d’abcès font évacuer le pus de l’abcès, nième au poumon, parce qu’on pense qu'ordinairement ils me font du bien que quand ils sont à lextérieur, juste sur la place de la poitrine sous laquelle se trouve lPabcès au poumon, et que quand ils ren- dent infiniment de pus. Un étudiant qui, après une inflammation au poumon, avoit tous les symptômes d’une phthisie pulmonaire ulcérée , fut guéri par l’auteur, seulement par le moyen d’un séton. L'auteur coupa à une femme, qui depuis long- temps parois- soit avoir également une phthisie pulmonaire ulcé- rée, un cancer caché qu’elle avoit au sein. Il s’ensui- vit une très-forte sappuration pendant le cours de la- quelle tous les symptômes de phthisie disparurent tellement, que lorsque six semaines apres la plaie 170 Nouvelles littéraires. au sein fut guérie, on crut qu’elle étoit délivrée aussi de sa phthisie. On apprit cependant quelques mois après que les accidens avoient reparu. . Le meilleur moyen que recommande l’auteur , c’est une vu À chirurgicale par laquelle on ouvre ex- térieurement l’abcès au poumon, et l’on fait une contre ouverture telle que le pus puisse couler con- tinuellement de l’abcès ; opération que l’auteur a faite une fois avec le succès le plus complet. Le. nom- bre de fois que l’on est parvenu à guérir des coups de feu ou d'épée dans les poumons prouvent évidemment que les suppurations dans ces organes ne sont pas extrèmement dangereuses , pourvu que le pus trouve une libre issue. Du reste, on conçoît aisément qu'on ne peut attendre un heureux effet de cette opération, que lorsque l’abcès au poumon s’est formé dans un corps sain du reste, qu’il provient d’une cause lo- cale, comme après une péripneumonie, et que la maladie n’a pas déjà atteint le dernier degré. L'opération par elle-même est facile et sans dan- ger , la difficulté dépend seulement de la diagnos- tique. Le médecin doit ètre non-seulement persuadé qu'il y a un abcès au poumon, mais il doit aussi savoir à quelle place il est. Du reste, cette opération a lieu non-seulement pour un abcès ouvert qui oc- casionne les accidens de la phthisie, mais encore pour un abcès fermé (vomica ) ; relativement au dernier, la diagnostique est communément plus difficile que pour le premier. Quelquefois la diagnostique estsüre et certaine. Le cas suivant, rapporte par Hoffmann le prouve. Un homme, après une yomique crevée, qui s’étoit for- mée à la suite d’une péripneumonie, devint poitri- naire. Quelque temps après, lorsqu'il avoit déjà perdu toute espérance, il se montra entre la quatrième et la LL. à Nouvelles littéraires. 171 cinquième côte une rougeur el une tumeur, et enfin une fluctuation. On y fit quelques incisions, et il en sortit une grande quantité de pus. Dès ce moment, les accès de phthisie diminuérent, et peu à peu ils diparu- rent tout à fait , de sorte que le malade se trouva guéri sans avoir pris de médicamens, et ayant été mis seu- lement au lait pour toute nourriture. On voit com- bien il est nécessaire d'examiner souvent. toute l’é- tendue extérieure de la: poitrine d’un pulmonique. Il n’y a pas de donte que les signes extérieurs qui indiquent au médecin une opération par laquelle il peut sauver la vie du malade , ne sont pas toujours remarqués. Parfois la diagnostique n’est pas si certaine, mais cependant elle est de nature qu’un médecin dé- eidé peut entreprendre l'opération. Tel fut le cas suivant. l’auteur du mémoire fut appelé chez un ‘étudiant qui, après une péripneumonie, étoit de- venu poitrinaire depuis quelque temps, et qui étoit ‘alors dans une position si désespérée que son mé- decin annoncoit la mort du malade pour la nuit suivante. Un jeune médecin, ami du malade, ra- conta que depuis le commencement de la maladie le malade ‘s’étoit plaint continuellement d’une douleur sourde , mais ‘parfois assez vive du côté gauche. L'auteur examina cette place; il n’y trouva à la vérité ni rougeur ni tumeur; mais comme :l appuyoit fortement avec le doigt sur cette place, le malade ressentit beaucoup Ml vivement son an- cienne douleur ordinaire. Comme létudiant avoit une si violente, oppression , qu'à tout moment on craignoit qu'il n’étouffät, l’auteur se résolut tout de suite à faire quelques incisions dans cette partie du côté. Après avoir coupé avec des coups de bistouri mesurés et répétés la peau, les muscles extérieurs et \ 172 Nouvelles littéraires. les muscles intercostaux , il sentit avec le bout du doigt, dans le fond de la plaie, une fluctuation; il y “et un coup de lancette, dans l'instant il en sortit plus d’une livre et demie de pus, et le malade respira plus librement. Le malade fut dans la suite parfaitement rétabli. Si l’on ne découvre pas un seul signe qui indique le siége de l’abeès au poumon, il est vrai que l’opé- ralion ne peut pas avoir lieu. Bell propose, dans le cas où lou est persuadé de la Payne d’un ahcès au poumon, mais sans connoîre la place où il'se trouve, d'ouvrir par une grande incision le creux de la poitrine , d'y mettre le doigt, de tâter le pou- mon et de chercher la place de l’abcès; mais auteur doute que cétie opération puisse être exécutée. On a fait part à la Société, dans sa séance du g mars, d’une découverte également intéressante pour l’ana- tomie comparée et la physiologie de la vue, que M. Acsers de Breme, un de ses correspondans, a faite sur l'œil de la coryphæna equisetis. On exposa en même temps la préparation même de l'œil ; et deux dessins fort bien faits de cet œil , par un artiste .ex- cellent, M. Becker , de Cologne. Ce qu'il y a de plus remarquable dans cet organe, qui a environ la gran- deur d’un œil de veau, c’est la construction particu- lière de la sclérotique, construction, autant que Je sache jusqu'ici, sans exemple dans toute la ciasse des poissons. En voici la description, La selérotique de ce poisson contient, outre le fond extérieur membraneux vers l'intérieur, trois grands os, en forme d’écaille et très - régulière- ment formés, qui revêlent presque toute l'étendue de la partie coriacée. Deux dé‘ces os ont une forme x# Nouvelles littérarres. 173 presque en demi-lune, et sont tout près de la cor- née; le troisième, plus grand, plus mince, plus flexible, occupe le fond de la pupille, mais il Jaisse dans le milieu une place molle pour l'entrée du nerf optique. En comparant cette construction singulière avec la force et la direction des six muscles qui en- tourent la prunelle, il est évident qu’elle a été cal- culée sur cette faculté qu'a l'animal de pouvoir changer arbitrairement la position respective de la lentille et des autres parties intérieures de l'œil, d’après ce qu’exige le milieu ambiant. ( Mutationes oculi interncæ. ) M. Albers remarque aussi que la construction du crâne de ce poisson étonnant offre également une ano+ malie singulière. Beyrræace zur Geschichte der Erjindungen von Johann Brckmaxn. — Mémoires pour servir à l’his- toire des inventions , par J. BeckManN, troisième numéro du cinquième volume ; Léipsick, chez Kumimer, 1804. Ce volume conti ent sept mémoires; 1°. la ZLorerie ; sous quelles formes elle s’est introduite peu à peu ; d’abord en ftalie , ensuite en France, et après dans les autres pays. Les congiaria et tesseræ de Vanti- quité offrent quelque ressemblance avec les Loteries. T’origine de la loterie à Gênes. 2°. La pierre de Bologne qui , préparée d’une certaine manière, éclaire dans Pobscurité; on dit qu’elle a été découverte à Bologne en 1602, par un cordonnier. 3°: Supplé- ment à l’histoire des quarantaines. 4°. Hôpitaux des ÆEnfans-Trouvés, provenant originairement de l’usage d'exposer les enfans, qui avoit lieu légalement ou du moins étoit toléré dans l'antiquité, même dans les états civilisés. On remarque chez les Grecs et les Ro- 174 Nouvelles littéraires. mains des exemples très-anciens des différentes ma- nières dont on recueilloit et élevoit les Enfans-Trou- vés ; on trouve pour la première fois, dans le code de Justinien , une mention particulière d’un brepho- trophium. Dans les temps suivans, le plus ancien hô- pital des Enfans-Frouvés connu en Allemagne, a été à Trèves dans le 7°. ou même dans le 6°. siècle; de sorte qu'on ne peut pas dire que les hospices des Enfans -'Trouvés soient une invention nouvelle. 5°. Hospices des orphelins ; le mot orphanotrophium se lit également pour la première fois dans le code de Justinien ; mais M. Beckmann indique chez les Grecs et les Romains des instituts pour éle- ver des orphelins; Pexemple le plus important est a fondation de Trajau. 6°. Hôpitaux proprement dits. Ils ont été introauits d'abord par la religion chré- tienne ; les hôpitaux pour les pélerins, en particu- Lier pour ceux qui alloïient en Palestine, sont venus ensuite ; alors se formèrent aussi les confréries. Æos- pices des fous. Hs paroiïssent avoir été établis pour la première foisen Orient. //ospices des Invalides. On a coutume de nommer, comme le premier, celui qui fut établi à Constantinople dans le 11°. siècle, par Anne Comnène ; mais on recevoit dans cet hôpital: les indigens de toute sorte. 11 est singulier que chez les Grecs etles Romains on ne trouve aucun établisse- ment public pour les soldats blessés à la guerre. La Taberna Meritoria à Rome n’étoit pointun hospice des invalides. 7°. Combats de cogs. C’étoil un spectacle que les Grecs aimoient beaucoup , ainsi que les com- bais de caiiles. Commercii epistolici Leibnitiani typis nondum vul- gati selecta specimina edidit notulisque passim illus- travit Joannes Georgius Henricus Feper : également sous Île titre: Lettres choisies de la correspon dance A Nouvelles littératres. 17D de Leibnitz,publiées pour la première fois, par J.G.H. Feôrr. Hannovre, chez les frères Æaln, 1805. _ Histoire de la révolution de Danemarck en 1660, par laquelle l'autorité monarchique devint illimitée en ce pays , et la couronne, d’élective qu’elle éloit aupa- ravant , devint héréditaire ; traduite de l’allemand de SP1ITTLER ; par Soulange ArrauD,de la Société royale des sciences de Gottingue, et de la Société philo- technique de Paris. Metz, Collignon, an XITI—1805. Théorie der Statistik, nebst Ideen über das Stu- dium der Politik überhaupt. Erstes ILeft. Einleitung. C'est-à-dire, Théorie de la statistique, jointe à quel- ques idées sur l’étude de la politique en général , “ premier nnméro , introduction ; par Auguste-Lonis de - Scuzezer, chevalier de l’ordre de Saint-Uladimir, et professeur à Gottingue. Cette théorie de la statistique mise au jour par un des premiers szatisticiens de l'Allemagne, a trouvé un traducteur parfaitement en état de la faire con- noître en France. M. Doxwanr, secrétaire perpétuel de la Société académique des sciences de Paris, ac- tuellement à Gottingue, où il compte séjourner quelque temps avant de commencer son voyage litté- raire en Allemagne, s’est chargé de la donner ap- propriée au goût des Francais, et dégagée de tout ce que l’auteur allemand a cru devoir y insérer, uni- _quement pour sa nation Cette traduction dédiée à S. A. S. monseigneur l’archichancelier, s’'imprime à l'imprimerie impériale. Geschichte der Entstehung und Entwickelung"der hohen Schulen unsers Erdthetls. — Histoire de lori- gine et du développement des universités d'Europe ; par Ch. Mriners, 4°, vol. , Gottingue, chez Rœwer. \ Ce quatrième et dernier volume renferme les objets 176 Nouvelles littérarres. suivans : douzième Livre ; première section: Histoire des leis ei punitions académiques, et effets de cesdois sur les jeunes-gens. Seconde section ; histoire des lois somptuaires et des édits de crédit des universi- tés. Troisième section ; histoire des lois contre le peu d'application, les jeux défendus, la mauvaise con- duite et les mariages des étudians. Quatrième section ; lois contre les réunions des jeunes-gens d’un même pays en sociétés ou clubs fermés, lois contre les ordres et les tumultes. 5°. section ; lois contre les duels et contre les injures qui occasionnent les duels. 7rei- zième Livre ; détails et jugemens sur les nouvelles universités russes, sur celles en Allemagne nouvelle- ment réorganisées , ainsi que sur les nouveaux insti- tuts d'instruction en France et en Italie. SOULANGE ARTAUD. RTE Prvs Se. Le docteur Garz vient de quitter l’université de Hazze, où 1l a eu occasion d’exercer ses talens de 4 la manière la plus brillante, et de propager son sys- tème. On avoit envoyé de Jena six têtes pour lui être » présentées , et avec chac@ne d’elles le récit cacheté de : la vie du personnage auquel elle avoit appartenu. (Ces têtes étoient celles du fameux voleur Schinderhannes et de ses complices ). Le docteur, mis à l'épreuve, { trouva dans toutes ces têtes l'organe du vol et celui du meurtre très-prononcés , et désigna, sans hésiter et sans se tromper , celles dont l'organe vicieux étoit plus fort, et celles qui l’avoient plus foible. Le professeur. Schütz , témoin de cette épreuve, et l’un des plus” incrédules , ne se tint pas pour battu; il lui présenta à son tour la tête d’une personne qu’il avoit particu= lièrement connue; le docteur Gall, après l'avoir examinée, 4 2 | \ FA Nouvelles littéraires. 177 examinée , lui dit devant deux cents personnes, que cette tête éloit celle d’une femme qui devoit avoir été bien légère, puisqu'il n’y trouvoit aucune trace de l’organe de la circonspection , qu’il y découvroit celui du vol et celui de la persuasion. Le professeur Schütz . ne résista pas davantage, et se déclarant dès lors l’ad- mirateur le plus zélé d’un système qu’il n’avoit cessé de combattre : Cette tête , dit-il au docteur , est celle d’une jeune fille que j'ai élevée avec soin, mais que son goût pour le plaisir entraina au théâtre , où elle se fit admirer par son talent, et hair par sa légèreté Une affreuse manie Ja portoit à voler : prise sur le fait il n'y a pas encore deux mois, l’infortunée alla se jeter dans un puits où 2 { £ 3 ‘% 4 Fe Livres divers. 223 I HisToôorre ANCIENNE. 1°. Période. — Temps fabuleux. Aperçu général. — Inventions et connoissances qui datent de cette époque, — Etat moral des pr':miers peuples. 2°. Périoc se, — De Moïse jusqu’à Alexandre-le-Grand; sav oir , de 1530-336, avant J. C. Aperçu général. — Egyptiens , Babyloniens , Assyriens, Phéniciens, Carthaginois, Indiens, Mèdes, Arabes , Chinois. Hébreux. — Moïse, — Poésie, Histoire. Grecs, état de la poésie. — Poésie épique, lyrique , élégiaque, tragédie, drame, élo- quence, histoire, géographie , philosophie. — Thalès, Pythagore , Xénophanes. — Sophistes. Socrate, Aristippe , Platon, mathématiques. j — Physique, médecine. 3°. Période. — Depuis Alexandre jusqu’à la mort d’Auguste; savoir, de 336 ans avant J. C., jusqu’à =. 1#après J.C. Aperçu général. — 1) Etat de la Grèce. — Philo- logie. Poésie. Eloquence. Histoire. Chronolo- gie. Géographie. Philosophie. Aristote. Epicure. Zénon. Pyrrhon. Arvesilas. — Mathématiques. Astronomie. Physique. Médecine. 2) Rome. Philologie, Poésie. Comédie. Satyre. Poé- sie didactique. Lyrique. Historique. Elégiaque. Pastorale. — Eloquence. Histoire. Philosophie. Mathématiques. Médecine. 3) Etat des Juifs pendant cette époque. . 4°. Période. — Depuis la mort d’Auguste jusqu'aux grandes migrations des peuples du Nord; sa- voir, de 14—400 après J. C. | + 224 Livres vers. Aperçu général. — 1) Etat c'e la littérature dans l'empire romain. Philologie grecque, romaine ou latine. Poésie grecque, latine. Eloquence grecque, latine. Histoire écrite eu langue grec- que et latine.. Chronologie: Géogr » partie de mes conjectures sur la colonne de Cussy se soit trouvée de votre goût. Mais je vous dirai que, l'automne dernier, un ingé- nieur habile ayant été la visiter , en a fait un dessein beaucoup plus exact que celui que vous avez vu, et il se dispose à le donner au publie, 294 Antiquités. ») » Les principales différences qu'il a remarquées consistent dans les proportions d'architecture. À l'égard des figures, il n’a rien observé de - bien important que sur celle qui vous fait encore quelque peine, et que je soupçonne être la nymphe de quelque fontaine voisine. Il a cru y reconnoître un gouvernail de navire, sur lequel elle tient sa main droite appuyée. Ce symbole marque ordinairement la fortune. Mais, d'autre part, je ne trouve nulle part cette déesse représentée avec le corps nu jus- qu'aux cuisses, et couvert pour le reste, ni » avec une urne renversée, comme me l’a dé- » peint cetingénieur,qui n’assure ne s'être point trompé. Je l'ai prié, s’il retourne en cet en- droit, de considérer encore cette figure de plus près. Car je soupçonne qu'au lieu du gouver- nail de navire, ce pourroit bien étre un tronc de saule, ou quelqne chose de pareil. » Du reste, je croirois volontiers que ce mo- nument a été dressé à l’occasion de quelque victoire de l'empereur Probus dans les Gaules. Voyez Vopiscus en sa vie, et la lettre de cet empereur au sénat, où il dit : /Vovem reges gentium diversarum ad meos pedes, imo ad vestros, supplices, stratique jacuerunt. Ces rois ne seroient-ils pas représentés par la fi- gure du captif qui est sur cette colonne. Je me souviens d’avoir vu dans Tristan , tom. 3, pag. 294, une belle médaille de Probus, où il est représenté couronné de lauriers, et au revers est la’ déesse Isis tenant d’une main un i22 5 A ‘olonne de Cussy. 205 » gouvernail de navire , et de l’autre une corne » d’abondance. On juge de là que cette médaille » fut frappée à l’occasion d’une victoire rem- portée en Egypte. On lui donne sans doute le » symbole de la fortune , parce qu'on lui attri- » buoit cet heureux RE Ne se peut-il pas » faire que Probus, attribuant sa victoire des » Gaules à la déesse de quelque ruisseau voisin » de Cussy, lui ait fait donner le même sym- » bole? Cela mérite vos réflexions. » Je ne sais, Monsieur , si vous aurez vu, dans la figure Le il est ici question, quelque ho d’analogue à ce que prétend y avoir observé l'ingénieur dont. parle Bouhier. Quant à mot, je n'y ai rien aperçu de semblable ; et quoique la gravure qui a paru dans votre journal rende irès-mal plusieurs de ces figures, qu’elle ne soit LA nullement dans le style du monument, et que le graveur y ait même ajouté, par je ne sais quel motif, des pétoncles qui recouvrent les parties génitales , j'ose affirmer du moins que rien n'a été omis de ce qui existe réellement. Breitinger dans sa réponse ne paroït pas au reste s'être beaucoup attaché à l'observation prétendue de cet ingénieur; et, pour se prononcer définiti- vement , il attendoit un dessin plus correct , comme on va le voir par la lettre suivante, qui -paroït être la dernière qu'il ait écrite sur ce su- jet : « Et quantum quidem egregium illud ves- » trum antiquitatis monumentum adtinet, de eo » quicquam nihil prius pronuntio quam emenda- » uorem tuo benelicio operis illius delineationem 206 Antiquités. » » » usurpare oculis, atque rem omnem penitius cognoscere licuerit. Nosti enim, Illustris Prin- ceps, quantum fucis accendant vel levissimæ etiam in hoc argumento circumstantiæ , quas nisi probe habeamus perspectas , quid præter frivolas atque inanes conjecturas proferre in medium, q. d. magno conatu magnas agere nugas concessum ? Contra ut hoc unum'adtin- gam, si nobis de universi hujus operis ra- tione et structurà, de nummis item ad illud erutis plenius constaret, multum omnino pro- fecissemus in definiendä huic monumento æta- te , à quo omnis ejus cognitio maximam partem pendet. Dignum vero est quam quod maxime, hoc monumentum eruditorum curà et adten- tione , si quidem memoriam insignis alicujus cladis conservat, omnibus fortasse annalibus indictam : dignum imprimis quod divinum il- lud tuum et perspicax ingenium , rebus in hoc genere obscurissimis , aliorumque aciem fu- gientibus lucem affundere aptum , exerceat ulira': quæ enim, Illustris Vir! ad signa illa columnæ impressa commentaris, tam præclara sunt , erudita , atque perspicua ut omnibus facile præbentur , neque quisquam habeat quod cum ratione opponat. Et ego in tertià illà fi- gurà de quà hactenus subdubitavi, ex habitu tecum nympham agnosco : exacte enim res= pondet formæ quam egregie exprimit Longus, pasteralium libro à , pag, 5, et lib. 11, p. 5o. Præstat interim, meo sensu, suspendere judi- cium neque quidquam affirmare, dum nobis Colonne de Cussy. 297 de symbolis divinitatis quibus figura hæc cer- nitur, nihil certi constat. Ingeniosa vero est illa tua de nympha Fortunæ deæ symbolis instructa opinatio, qua quidem symbolorum permuta- tione mystica in antiquis monumentis nihil fre- quentius est. Quod si mihi incumbere insigne hoc antiquitatis monumentum commentaris illustrare , universum opus in quatuor parties dispescerem , quarum prima hujus monumenti historiam, situm, formam, rationem denique omnem panderet. Secunda, deorum signa in columna expressa explicaret. Tertia, ætatem hujus monumenti ex columnæ structurà et artis ratione, aliis etiam , si quæ suppetant , indiciis , stabiliret. Quarta , denique usum ac finem hujus monumenti ex temporis illius con- suetudine et priscis Annalibus disquireret. Ke TÉUTEe PAT Tes TÉUTE. Depuis cette lettre, je ne retrouve rien Pas la correspondance du dent Bouhier qui soit relatif à la colonne de Cussy. Cet illustre anti- quaire , dans une de ses lettres à l'avocat Marais , dit cependant qu'il a visité ce monument; mais je n'ai pu apprendre nulle part si ce voyage servit à changer ou à confirmer ses conjectures précé- dentes. G. Prunezze, D. M. A Chanteloup, ce 1°r. fructidor an 13. mm | PHYSIOLOGIE. Réponses de M. PÉRON aux Observations critiques de M. DumonrT, sur le Tablier des Femmes Hottentotes, zzsérées dans le Magasin Encyclopédique , mois de juillet( 1805 messidor an XIII ), page 84. La mémoire qui m'est commun avec mon es- timable ami M. Le Sueur, sur le tablier des fenimes hottentotes , est un travail assez étendu ; il suppose le dépouillement de plus de 80 au- teurs originaux , et il est accompagné d’un grand nombre de dessins et de peintures exécutés par nous-mêmes sur les lieux et d'après nature. Ce travail est encore manuscrit entre mes mains. M. Dumont ne paroit pas avoir assisté à la seule lecture qui en fait été faite à l'institut, puisqu'il prouve, par sa propre critique, qu'iln'en a pas la plus légère idée. Comment pourroit-il, sil connoissoit mon travail, dire dans sa lettre : « Cette race, que M. Péron n'a pas vue sur » Les lieux, n'est pas suffisamment caractérisée » par la dénomination qu'il lui donne. » D'abord M. Péron ne s’est jamais lui-même servi du mot race, non plus que le rapporteur de l'Institut, M. Cuvier. S'il se trouve plusieurs fois dans le corps du mémoire, c’est toujours d’après le texte des auteurs cités, ainsi qu'on le verra bientôt. En second lieu, j'ose le demander à M. Dumont, [Et Tablier des Femmes hottentotes. 299 comment a-t-il pu supposer un seul instant que M. Péron eût ôsé, de vant l'Institut national, pro- poser l'établissement d'une nouvelle race d'hom- mes d'après une simple di) ference de dénomina- . tion ? Et comment l'Institut auroit il pu consacrer par son suffrage une pareille extravagance. « M. Péron, poursuit notre cen-eur, n'a fait ses » observations que dans un hônital..» Cette asser- _ tion n’est pasexacte, ainsi que M. Dumont pourra lui-même en juger lors de la publication d'un travail qu'il connoît si peu; mais laissant ici tout ce que M.Péron a pu voir par lui-même , tout ce que le médecin , les officiers , les naturalistes et les des- sinateurs de l'expédition ont pu voir avec lui, nous pouvons dès à présent adresser notre cri- tique à des gens qui sont allés pour nous chez les Boschismans , et que M. Dumont auroit dù "consulter avant de porter son acte de condam- nation. M. Barrow, secrétaire du lord Macarteney en Chine, et depuis auditeur général de la colonie du cap de Bonne-Espérance , le dernier voya- geur , et sans contredit le plus respectable de tous ceux que nous ayons sur cette partie de VAfrique , a vu des Kraals de cette nation à 300 lieues environ du Cap. Non-seulement les gens qu'il y rencontra n'étoient point à l'hôpital , mais “encore ils se battoient fort bien. Ils avoient chassé les Hollandais d'une partie du Snewberg, du Rhinocéros-Berg, de la majeure partie de Sea- Cow, et de toüute une division nommée Tarcka. M. Barrow alloit à la tète d'un parti armé pour 500 Physiologie. réprimer leurs brigandages. Après beaucoup de difficultés , il parvint au milieu d'une nuit à en- velopper un de leurs Kraals, et comme il s'y trouvoit beaucoup de femmes qui n’eurent pas le temps de se couvrir de leurs vêtemens, il put tout à son aise examiner le fameux tablier. Voici la manière dont il s'exprime à cet égard , tome Il, page 75. » « Quelque curieux que puisse être cet usage ,… il occupa moins notre attention qu'une par- ticularité extraordinaire qui distingue les fem-=" mes de cette nation de celles de tous Les autres peuples. Tout le monde connoït l'histoire de. cet appendice que possèdent les femmes hot- tentotes dans un endroit qu’on expose rare- ment à la vue; conformation ,qui n’est pas propre à tout le sexe en général ; mais Le fait est absolument, vrai pour les femmes boschis= manns ; elles se trouvèrent toutes ainsi cons- tituées dans la horde que nous venions de ren- contrer , et nous pümes à cet égard satisfaire notre curiosité sans blesser en rien la modes- tie... Le prolongement s'apercoit dès l'en fance ; il s'allonge avec l’âge; les plus grands que nous ayons pu voir avoient au delà de cinq pouces.... Il paroït presque impossible qu’un homme s'unisse à une femme pareille sans son consentement , ou même sans sOm aide... Ce caractère disparoit par le croise= ment des races.... Ilsemble, poursuit le voya: geur anglais, « que la nature ait voulu rendre » dégoutante cette race de Pygmées. Cependant | Tablier des Femmes hotientotes. 3o1t » un voyageur français ( Le Vaillant) a jugé à propos de la disculper à cet égard, en reje- tant cette conformation sur les femmes elles- mêmes , chez lesquelles elle seroit entièrement l'effet de l’art. Cette supposition seroit suffi- samment réfutée par le témoignage même de ces sauvages , qui n'ont pas l'idée d'une autre conformation ; et qui croïent que par tout le monde les femmes sont faites de cette manière. Mais une infinité d'autres preuves peuvent dé- montrer qu'une pareille assertion de sa part est absolument sans fondement. La colonie possède beaucoup de femmes boschismanns ; elles ont été enlevées à leurs familles dès le bas âge par les fermiers chez lesquels elles ont grandi. Depuis le jour où elles sont tom- bées dans l'esclavage , n'ont eu aucune communication avec let patriotes ; elles ne savent même que p la nation à laquelle elles ent leur origine, et cependant elles ont touses les mêmes parties formées de cette manière, sans qu’elles aient employé aucun moyen auxiliaire pour y par- venir. La supposition qu'elles y suspendent des poids pour les allonger, est un conte assez connu dans le Bruyntjes-Hoogte, où l'auteur dont je parle l'entendit réciter....... (Qu'on me permette ici de supprimer des détails trop » désagréables pour M. Lé Vaillant, et que jaime à croire dictés par l'esprit injuste des rivalités nationales ). « A l’égard du conte qu'on » lui a fait, et qu'il nous a transmis, il faut ob- 902: … Physiologie. » server que les habitans de Bruyntjes-Hoogte » connoissent aussi peu les Boschismanns que » ces derniers connoissent les Anglais, et en » effet il y a tout aussi peu de communication » entre eux. Le même auteur dit que c’est sur » une femme hottentote qu'il a tracé le dessin » qu'il nous a transmis. Si la gravure que ren- » ferme son livre est copiée sur ce dessin, ë£ » paroitroit qu'en le traçant il auroit plutôt con- » sullé son imagination que la nature.» Cette citation de Barrow répond suflisimiment, comme on voit, à la plupart des observations critiques de M. Dumont , et la deruière phrase de cet article doit me dispenser de toute réfle- xion sur la différence qui existe en effet entre. mes dessins et ceux de M. Le Vaillant. A l'égard de l'objéæs bn que notre censeur croit pouvoir déduire que la femme visitée par Le Vaillant par le sorte de - phéuomène aux gens de sa suiteslêlle tombe d'elle-même par ce que vient de dire Barrow, que les habitans de Bruyntjes-Hoogte connoissent tout aussi peu les Boschismanns que ces derniers connoissent les Anglais, et qu'il existe tout aussi peu dé rap- ports entre eux ; elle devient plus futile encore par la certitude que j'ai moi-méme requise, que Les femmes des Hottentots proprement dits, n'ont rien de semblable à ce qu'on doit appeler rigou- reusement le tablier. Non-seulement M. Dumont est étranger à l'ou- vrage principal sur la matière qui pin l'objet de sa critique , mais encore il connoît fort mal ce- En A : Tablier des Femmes hottentotes. 305 lui de M. Le Vaillant. Ce qu'il dit des esclaves marrons, qu'on désigne sous le nom de Boschis- manns , est à la vérité une distinction établie par M. Le Vaillant, que je n'ai pu retrouver dans aucun autre ouvrage , et sur l'exactitude de la- quelle je veux bien l'en croire; mais que M. Du- mont veuille bien se donner la peine de relire le premier voyage de Le Vaillant, et j'ose lui garantir qu'il trouvera le passage suivant à la page 868 du tome Ier. , édit. in-4°. « On confond encore sous le rom de Boschis- » manns une nation différente en effet des Hot- » tentois.... Dans quelques cantons on désigne » ces mêmes hommes sous le nom de Chineese- » Hottentot ( Hottentots Chinois }, parce que » leur couleur approche de celle des Chinois... » Attendu l’affinité du langage, 7e considère ces » peuples ainsi que Îles grands et petits Nama- » quois, dont j'aurai bientôt occasion de parler, » comme une race particulière de Hottentots ; » et quoique les Colons corfondent les premiers » sous la dénomination généralede Boschismans, » iln'en est pas moins vrai que les sauvages du » désert, qui n'ont aucune communication avec » les Hollandais, ne les connoissent que sous le » nom de Houzewaanas. » Donc il existe, d’après M. Le Vaillant lui- même , indépendamment de tous les esclaves marrons du monde, un véritable peuple diffé- rent des Hottentots, que M. Le Vaillant lui- mème regarde comme appartenant à une race particulière, qu’il désigne sous le nom Houze- 304 Physiologie. waanas, mais qu’il convient en même temps être généralement connu des Hollandais sous le titre de Boschismanns , et dans quelques cantons sous où, l'os celui de Ælottentots Chinois ; mais sans doute M. Dumont nous saura gré de notre complai= sance à lui fournir des preuves matérielles de l'identité des Houzewaanas de Le Vaillant, des Boschismanns des Hollandais , de Barrow et de nous-mêmes; et pour bien lui prouver en même temps combien peu nous attachons d'importance aux dénominations , nous allons les oublier pour entendre M. Le Vaillant décrivant lui-même les Houzewaanas. « L'Houzewaanas , dit ce voyageur , est d’une » très-petite taille, et parmi eux c'est être fort! » grand que d’avoir cinq pieds; mais ces petits » corps, parfaitement proportionnés , réunissent » à une force et à! une agilité surprenantes cer=! » tain air d'assurance et dé fierté qui en ir poses » De toutes les rates de sauvages que j'ai pu » voir , nulle ne m'a paru douée T une âme aussi » active ,.et d'une constitution aussi infatigas » gable. 1 » Leur tête, quoiqu elle ait les principaux ca= » ractères de celle des Hottentots, est cependant » plus arrondie par le menton ; ils sont aussi » beaucoup moins noirs, et ont cette couleur » des Malais qu’on désigne sous le nom de bou= » guignée ; enfin leurs cheveux plus crépus sont » si courts, que d’abord je les ai cru tondus is, » pour le nez, il est encore plus écrasé que ce= » lui des Hottentots, ou pour mieux dire ils n'en » A Tablier des Femmes hotientotes. 309 3 n'en ont pas; Car on ne sauroit donner ce nom à deux narines épatées qui ont tout au plus » cinq ou six lignes de saillie. De cette nullité de nez il résulte que, vu de profil, le Hou- » zewdanas est laid et ressemble au singe; vu » de face, on lui trouve au premier coup-d'œil » quelque chose d’extraordinaire, son front pa- » roissant occuper plus de la moitié de son vi- | » sage.» ; Ë u LA . Téls sont les caractères principaux des Hou- zewäanas de M. Le Vaillant; écoutons mainte- nant son antagoniste M. Barrow décrivant les Boschismanns. « Les Boschismanns, dit le voyageur anglais, » forment une race bien extraordinaire sous tous les rapports ; ils sont extrémement petits; le plus grand de ceux que nous ayons pu voir n'avoit que 4 pieds 9 pouces, et la plus grande femme 4 pieds 4 pouces. La taille ordinaire des hommes est de 4 pieds 6 pouces, et celle des femmes de 4 pieds. Ces Boschismanns sont à tous égards les plus laids de tous les hom- mes ; le nez plat; les os des joues proémi- nens, le menton saillant et le profil concave, donnent à leur figure une grande ressemblance avec celle des singes , rapports que leurs yeux perçans, toujours en mouvement, tendent en- core à augmenter. Leur paupière supérieure, semblable à celle des Chinois , se joint à l’in- férieure en s’arrondissant auprès du larmier , sans former un angle comme chez les Euro péens ; c'est peut-être cette conformation qui T. VF. Octobre 1805. We 306 Physiologie. - » leur aura fait donner dans la colonie le nom » de Hottentots Chinois ( nous venons de voir » que les Houzewäanas de Le Vaillant sont aussi » connus sous cette dénomination }). Ils ont le » ventre excessivement protubérant, et par con- » tre le dos concave ; mais leurs membres sont » en général bien faits, bien proportionnés ; leur » agilité est incroyable, etc. » Maintenant j'ose en appeler à M. Dumont lui- même. Cette conformité singulière dans la des- cription de deux voyageurs si souvent en oppo- sition entre eux, ne sufroit-elle pas seule pour établir , de la manière la plus incontestable, que les Boschismanns et les Houzewäanas ne forment qu'un seul et méme peuple , si différent d'ailleurs des Hottentots proprement dits, que nos deux voyageurs se réunissent encore pour le rappor- ter à une race particulière. Pour ce qui con- cerne les individus eux-mêmes sur lesquels nous avons fait nos propres observations, je puis as- surer à M. Dumont qu'ils avoient tous les carac- tères communs aux deux descriptions que je viens de rapporter, et les dessins trè$-exacts que nous en ayons présentés à l’Institut, ne peuvent lais- ser aucun doute sur ce dernier objet. Mais, dit M. Dumont : « Le Vaillant, qui a » bien observé les loupes graisseuses et mobiles » que les femmes Houzewäanas portent au-des- » sus de leurs fesses , n’a pas observé chez elles » le tablier ; » d'où il conclut que la réunion de ces deux difformités n’a pas lieu dans les mêmes individus, D'abord M. Le Vaillant , s'il m'en sou- Tablier des Femmes hottentotes. 307 vient bien, ne parle nulle part d'observations fa- vorables ou contraires à cette co-existence; en second lieu, plusieurs personnes du Cap Éd truites me l’ont garanti dansles femmes Boschis- manps; en troisième lieu, je l'ai vu moi-même, et tous mes compagnons lont vu pareillement se reproduire dans une vingtaine d'individus sou- mis à mon observation ou à la leur, soit dans la ville du Cap, soit aux environs ; enfin M. Bar- row s'exprime à cet égard d’une manière posi- tive, tome IT, page 80. Après avoir décrit le ta- blier des femmes Boschismanns , il poursuit les détails de leur organisation en ces termes : « La courbure intérieure de l’épine dorsale et » l'extension des parties postérieures, sont à la » vérité des caractères communs à toute la race » hottentote; mais dans les petits Boschismanns, » ils sont si excessivement exagérés, qu'ils en » sont ridicules. Si la forme de la lettre S peut » être regardée comme un modèle de grâce dans » les femmes, celles-ci ont des droits à la pre- » mière place parmi les beautés parfaites. Leur » personne , depuis la gorge jusqu'aux genoux, » se dessine absolument comme cette lettre..... » Cette exubérance étoit toute de graisse, et » rien n'étoit plus risible que de voir cette femme » marcher ; chaque pas étoit marqué par un trem- » blement pareil à celui qu'auroient éprouvé deux » masses de gelée placées au même endroit... » Donc Les femmes Boschismanns de Barrow sont remarquables aussi par le développement prodi- gieux de leurs fesses ; donc sous ce rapport en- ot SO: 4" Physiologie. core l'identité des races Houzewäanas et Boschis= mauns devient plus évidente ; mais comme ce sont ces mêmes femmes Boschismanns qui toutes ont offert le tablier à M. Barrow, il faut donc en conclure , malgré la décision de M. Dumont, que l'existence simullanée des deux organes a lieu dans les mêmes individus. Sous ce dernier rapport la critique de M. Dumontest donc en- core insignihante et peu réfléchie. Il me reste maintenant à parler de l'habitation des Boschismanns. M. Dumont veut bien con- venir à la vérité que du temps de M. Le Vaillant ils se trouvoient aux environs du Camdeboo, et tout près du pays des Caffres ; mais il nous as- sure que depuis long-temps ils se sont retirés dans l'Ouest. Eh bien, nous qui pouvons don- ner à M. Dumont des nouvelles plus récentes à cet égard , nous osons lui garantir que c’est à l'Est, et tout près du pays des Caffres, que les Boschismanns sont encore aujourd'hui plus nom- breux et plus redoutables ; et sans me préva- loir ici de l'assurance que m’en ont donné les personnes du Cap les plus instruites à cet égard, et notamment M. Paravecini , premier aide de camp du gouverneur , qui, lors de notre passage, revenoit tout récemment de ces régions , je me contenterai d'assurer à M. Dumont que s’il veut bien se donner la peine de consulter la belle carte que M. Barrow vient de publier de cette partie de l'Afrique, il y trouvera très à l'Est, et tout près du pays des Caffres , inscrit en caractères majuscules : Pays des Boschismanns, qu'ilpourra Tablier des Femmes hottentotes. 30g voir aux mêmes lieux , et tout près la rivière Orange cette autre inscription : Boschismanns attaqués ici (c'étoit M. Barrow qni dirigeoit cette attaque ); et que plus bas enfin il pourra voir encore une grande étendue de pays avec la note suivante : Toute cette partie de la colonie a été abandonnée par les Hollandais à cause des at- taques des Boschismanns. M. Dumont, en allésuant comme une preuve irrécusable de la retraite des Boschismanns dans l'Ouest la rencontre que M. Le Vaillant a faite dans son second voyage de leurs hordes sur ce dernier point , ne fait que confirmer de plus en plus toute la légèreté de sa critique, puisqu'il est généralement connu que les Boschismanns forment une nation beaucoup plus considérable qu'ou n'auroit pu le présumer d’abord, dont les tribus grossières et farouches paroïissent occuper presque toute la largeur de cette partie méri- dionale de l'Afrique , et remontent peut-être fort avant au nord dans l'intérieur des terres. Puisque M. Dumont ignore ces nouveaux détails, qu'il me permette de l'inviter encore une fois à con- sulter l'ouvrage et la carte de M. Barrow, qui s'est avancé dans l'Ouest aussi bien que dans l'Est; il y apprendra que sur l'un et l’autre point , les hordes des Boschismanns se sont reproduites au voyageur anglais avec les mêmes mœurs et les mêmes caratères d'organisation phy- sique ; sans doute alors M. Dumont restera convaincu que pour avoir le droit de critiquer du fond de son cabinet des gens qui vien 310 Physiologie. nent de dessus les lieux , il faudroit au moins en avoir des nouvelles plus fraîches que les siennes. J'ai réfuté, ce me semble, avec plus d’éten- due qu'elles n’en méritoient toutes les critiques de M. Dumont. Les suffrages de l’Institut, le talent et la sévérité de son rapporteur auroient pu sans doute me dispenser de toute réponse, et je m'en fusse effectivement abstenu, si mon travail et celui de mon ami M. Le Sueur eussent été publiés; mais cette publication se trouvant subordonnée à celle de l'ensemble de notre voyage dont le Gouvernement s'occupe en ce moment, je n'ai pas cru me refuser à ce premier appel de M. Dumont: je n’ai pas l'honneur de le con- noître, mais je dois regretter qu'un naturaliste estimable, sans doute, ait pu chercher si mal à propos à susciter des petites tracasseries à des voyageurs qui, certes, ont d'autrés obligations à remplir que celles de répondre à des critiques aussi futiles. Que M. Dumont nous laisse au moins le loisir de publier nos travaux, alors il pourra exercer sa critique avec plus de raison | et de succès. Pour nous, c'est à cette publica- tion elle-même que nous remettons désormais toute explication ultérieure sur de pareils’objets. PEron, /Vaturaliste de l'expédition de découvertes aux Terres Australes. PIRE LITTÉRATURE GOTHIQUE. HERTORAR S4GA, ou HISTOIRE de HERVORE, de ses ancêtres et de ses descendans ; publiée par VERELIUS, dans la langue originale, avec des notes en latin, et imprimée à Upsal en 1672, in-folio , extraite par M. ROZEN, docteur en l’Université d’Upsal (*). Dernier ex- trait. river 1c, après son crime, pensa bien qu'il ne pouvoit plus revenir chez son père. Il réso- lut de chercher quelque occasion de s’illustrer ; mais ces occasions ne se présentent pas quand on le désire, et l'amour d’un vain éclat le fit encore s'éloigner des sentiers de la vertu. Ayant fait la rencontre d'une bande de jeunes gens qui faisoient la guerre à toutes les propriétés , et s'étoient rendus redoutables dans tous les pays voisins , il se joignit à eux, et se distingua telle- ment par sa hardiesse et sa présence d'esprit, qu'il eut bientôt le commandement de toute la troupe. Il se procura ensuite des vaisseaux, et se livra à des expéditions maritimes avec un succès qui rendit son nom célèbre sur toutes les côtes de la Baltique. Ayant une fois pris terre dans une baie de () Suprà, tom. IV, p. 250. 312 Littérature gothique. la Reidgothie (1), seulement dans l'intention de reposer $es marins , et sans y commettre au- cune hostilité, le roi Æarolde, qui gouvernoit ce pays, et quine négligeoit jamais rien pour conserver la paix, le fit app-ler dans sa résidence avec tout son monde. /leideric fut très-flatté de cette marque de considération , et se rendit au- près du roi avec un cortége brillant et nombreux. L'accueil fut aussi amical que l'invitation avoit été prévenante. /Zarolde lui dit que plus long- temps il resteroit , et plus il lui feroit de plaisir , et que ses vaisseaux jouiroient de toute la sûreté qu'il pouvoit désirer. Æeideric se plut beaucoup dans ce pays, et y prolongea son séjour plus long-temps qu'il n'en avoit eu l'intention. Un jour qu'il vit le roi très-occupé à peser de l'or, il crut que c’étoit la rentrée d’un tribut, et l'en félicita ; mais le roi lui dit que malheureuse- ment cétoit tout le contraire; qu’il destinoit cet or à deux voisins turbulens, auxquels il faisoit tous les ans un présent considérable pour qu'ils laissassent en repos différentes co= lonies nouvelles établies sur la frontière. Hei- deric observa qu'il n'étoit pas convenable qu'un roi puissant achetät la sûreté de ses sujets et qu'il vaudroit infiniment mieux les protéger par la force des armes. Le, roi lui répondit qu'ik n'avoit pas négligé ce moyen; mais que (1) Reid signifie défiicher. C'est une partie de la Gothie, couverte de forêts et remplie de petits défrichemens. Elle s'appelle à présent Senalandie. sat SF LES ES LR Hervorar Saga. 315 cette partie de son royaume étoit séparée du reste par des forèts, et que les habitans étoient ruinés avant quon ne püt venir à leur secours. C’est alors qu'il faut user du droit de talion , reprit Heideric, et traiter les terres de vos ennemis comme ils traitent les vôtres, et ils perdront bientôt l'amour de ce jeu. Laissez-moi ce soin, et gardez votre argent; mon bras et ceux de mes guerriers sont à votre service, et nous se- rons bien aises de mériter de quelque manière l'accueil amical que vous nous avez fait. Don- nez-moi seulement encore autant de monde que jen ai moi-mème, je me charge de l’entreprise et réponds du succès. J'accepte votre offre, ré- pondit le roi, toutes mes troupes seront sous vos ordres, et si vous réussissez, je vous en aurai une obligation sans bornes. Le roi fit aussi- tôt rassembler ses troupes et faire les prépara- tifs nécessaires. Lorsque tout fut prêt, il remit d'une manière solennelle le commandement à Heideric , et la renommée du chef inspira une ardeur qui étoit le meilleur augure du succès: Arrivé sur le territoire ennemi , /{eideric traita les habitans de la même manière que l’on avoit traité les sujets d'Harolde, Les deux princes , qui s'attendoient à recueillir le tribut qu'ils étoient accoutumés à recevoir pour prix de la paix, se virent réduits à songer à leur propre défense. Ils rassemblèrent leurs troupes aguerries, et vinrent livrer bataille à l’armée du roi, qu'ils croyoient vaincre aussi facilement que de cou- tume; mais ils S ‘apercurent bientôt que ces irou- 514 Littérature gothique. pes étoient cette fois animées par l'exemple d’un chef intrépide qui combattoit lui-même à leur tête. Heideric s'ouvrant un passage à travers l'ordre de bataille des princes, ne tarda pas à se trouver en leur présence, et se fiant à la trempe de son épée à laquelle aucune armure ne résistoit, il se précipita au milieu de leur garde pour les atteindre eux-mêmes, et il réussit à porter à chacun d'eux un coup mortel. La chute des chefs jeta la consternation dans les troupes , et elles ne songèrent plus qu’à cher- cher leur salut dans la fuite. Heideric, maître du champ dé bataille, fit assembler les principaux habitans du pays en- nemi, et leur accorda la paix et la sûreté per- sonnelle, à la condition de payer au roi Ha- rolde les mêmes tributs que les princes avoient tirés du pays. Cette proposition étoit trop mo- dérée pour ne pas être acceptée avec joie. Hei- deric ayant pris les mesures nécessaires pour la conservation de cette conquête , retourna auprès du roi pour lui en faire hommage. I fut recu avec autant de distinction que de bienveillance. Le roi lui proposa de se fixer auprès de sa personne, et de partager avec lui l'autorité et les honneurs du trône. Mais Heideric ne demanda que la main de la princesse Æelgue, fille du roi, avec la dot qui lui étoit destinée. Le roi y consentit de bon cœur , et n'ayant que deux enfans, il partagea le pays éntre eux ; de sorte qu'Heideric éut avec son épouse la moitié du royaume de son beau-père. Dans cette nouvelle carrière, il Hervorar Saga. 319 . acquit bientôt la réputation de n'être pas moins propre à gouverner un pays qu'à le défendre. Le fils du roi Æarolde s'appeloit Haldan. Il étoit encore enfant lorsque sa sœur, mariée au roi Æeideric, mit aussi au monde un fils qui fut nommé Angantyr. Ils furent élevés ensemble, et tous les deux donnoient de belles espérances. Il arriva qu'une grande disette vint désoler la Reid- gothie , et le peuple s'assenibla pour assister aux sacrifices qui se firent dans l'intention de fléchir la colère des dieux. Les devins ayant examiné les entrailles des victimes , déclarèrent que le ciel ne pouvoit être appaisé que par le sang du jeune homme le plus distingué du pays. Cela ne pouvoit regarder que l’un ou l'autre des deux jeunes princes; mais lequel des deux devoit-on considérer comme le plus distingué ? Heideric donnoit la supériorité au fils du roi Harolde, comme héritier présomptif du trône , et Harolde de son côté soutenoit qu'Angantyr étoit égale- ment fils de roi, et sortoit d’une famille des plus célèbres du Nord , et à laquelle nulle autre ne pouvoit disputer de rang. Ni l’un ni l’autre ne voulant donner son fils, le peuple les pria de s'en remettre à la décision du roi Haudr, et ils y consentirent. Heideric saisit cette occasion pour revoir son père. Haudr , déjà instruit par la renommée de la bonne conduite de son fils , le reçut avec bonté ; mais lorsqu'il fut question de l’objet qui l’avoit amené, Haudr lui dit franche- ment qu'il ne pouvoit que perdresa cause. Æei- deric consterné, lui demanda du moins un conseil. 316 : Litiérature gothique. Si j'étois en ta place, répondit ÆZaudr , je consen- tirois à me soumettre; mais en dédommagement, je demanderois la moitié de tous les officiers et de tous les guerriers du roi Æarolde, et après qu’ils m'auroient tous juré une fidélité inviolable, je verrois ce qu'il conviendroit de faire. Heideric remercia son père, et s'en retourna avec les autres députés qui avoient été témoins de la décision, et qui la firent connoitre à l'assemblée. Tout le monde admiroit la justice du roi Haudr, qui n’avoit pas même plié en faveur de son fils. Je ne prétends pas non plus le blâmer, dit Heï- deric, quoiqu'il eût fort bien pu me considérer comme étranger dans ce pays, et n'ayant ici d'autre droit que celui que me donne cet en- fant que vous allez m'enlever. Quel sera ensuite mon appui, et quelle sûreté aurai-je pour ma personne et pour la conservation du prix de mes services? Demandez telle sûreté que vous pou- vez désirer, répondit Harolde , et jy souscris d'avance. Alors Heideric exigea la condition que son père lui avoit conseillée ; elle fut acceptée sans restriction , et exécutée sur le champ. Heïi- deric se voyant alors le plus fort, représenta au peuple que ce seroit en vain qu'on répandroit le sang de son fils, puisque les dieux demandoient la première tête. parmi les enfans du pays, et qu’ Angantyr étoit moitié étranger ; qu'ainsi l'ora- cle ne pouvoit regarder que le fils d'Haroide. Le peuple croyant que son salut dépendoit d'une victime, et voyant que //eideric n'étoit pas d'hu- meur à livrer son fils, demanda à grands cris Re DR PR RTS | $ | Hervorar Saga. 317 le jeune ZZaldan. Son père voulant s'y opposer à main armée, on en vint à un combat entre les deux. partis, et ce fut celui d'Harolde qui eut le dessous. Le roi lui-même , griévement blessé , mêla son sang à celui de son fils, et vint expirer avec lui au pied des autels. ainsi Heideric resta seul maïtre du pays. Le peuple croyant les dieux appaisés, s’en retourna dans ses foyers , et la tranquillité se rétablit; mais la reine {/elgue eut tant de chagrin de voir son père et son frère immolés par son époux, qu'elle _attenta elle-même à ses jours, et mourut dans une maison de campagne nommée Disordal. Tous ces événemens avoient laissé dans l’es- prit de Heideric une inquiétude qu’il cherchoit à dissiper par une activité continuelle. Dès que la saison ie permettoit, ses vaisseaux étoient en mer, et ne rentroient dans le port que le plus : tard possible, et toujours chargés de butin. Les côtes de la Basse Saxe furent plus d’une fois exposées à ses incursions , et //akon, roi de ces contrées , désespérant de pouvoir s’en garantir par la voie des armes, prit le parti de deman- der son amitié ; Zeideric se montrant disposé à une réconciliation, /Zakon l'invita à une fête splendide et digne de l'événement. Âeideric ÿ vit la fille de ce roi, elle lui plut, il la demanda en mariage , et cette union devint le gage de la paix. Mais ce nouveau lien ne rendit pas Heïderic plus tranquille. Tous les ans il faisoit quelque nou- 518 Littérature gothique. velle expédition , et toujours avec le même suc- cès. Sa jeune épouse s’ennuyant d'être seule pen- dant les longues absences du roi, lui demanda la permission d'aller passer l'été à la maison pa- ternelle; et l’ayant obtenue, elle emmena avec elle le jeune Angantyr, fils du roi Heideric du premier lit, et auquel elle étoit d'autant plus attachée, qu'elle-mème n'avoit point d'enfant. Heideric rentrant avec sa flotte dans la Bal-: tique vers l’automne , prit terre à un port du pays de son beau-père ; et voulant faire une sur prise à son épouse, il partit en toute diligence pour la résidence du roi akon. Il arriva la nuit, voulut pénétrer jusqu’à l'appartement de la jeune reine sans qu'elle en fut prévenue , et comme D tout le monde étoit endormi, rien ne s'opposoit à son projet. Étant entré sans obstacle , il crüt d'abord qu'il s’étoit trompé de chambre, parce qu'il vit deux personnes dans le lit, et que l'une étoit un homme; mais en se retirant, ilaperçut son fils Angantyr qui dormoit sur un petit lit dans un coin : alors il ne put plus douter de l'iafidé- lité de son épouse. S'il avoit suivi son premier mouvement , il auroit lavé son outrage dans le sang des deux coupables ; mais la réflexion lui fit prendre un autre parti. Sans éveiller ni l’un, ni l’autre, il coupa une boucle des beaux che- veux blonds de son rival , et s’en alla aussi dou- cement qu'il étoit venu , emportant entire ses bras son fils endormi. Il reprit la route du Hervorar Saga. 319 port, y arriva avant le jour , et se rendit aussitôt sur son vaisseau pour y cacher Angantyr et prendre quelque repos. Le jour suivant, il fit annoncer son arrivée au roi /lakon , et se rendit à la résidence avec un grand cortége. La reine , très-inquiète de la dis- parition d'Angantyr, fit paroïtre une grande tristesse, et dit qu'il étoit mort subitement ; mais Heideric ayant fait à son beau-père la confidence de sa découverte, lui montra la boucle de che- veux , et le pria de faire venir, sous quelque prétexte , tous les hommes de la Cour, pour découvrir quel étoit le coupable, Le roi Hs fit assembler tout le monde, sans que l'on trou- vât celui que l’on cherchoïit; car s'étant apercu de la perte de ses cheveux, et alarmé par cet ordre de s'assembler sans que l’on en sût la raison, il s’étoit caché dans la cuisine sous le déguise- ment d'un marmiton , la tête couverte d'un bon- net qui lui cachoit les cheveux. Mais s'étant trahi par trop de précaution, il fut amené devant le roi, qui le livra à la vengeance de Heïideric. Cet époux offensé voulut éviter tout scandale par égard pour son beau-père. Il l’assura de son amitié personnelle, et promit de vivre toujours en paix avec lui; mais il lui fit enten- dre en même temps qu'il ne devoit pas trouver mauvais qu'après ce qui s'étoit passé, lui, Heideric , regardàt son mariage comme rompu, et s'en retournât dans son pays sans emmener la reine. //akon ne put désapprouver cette réso- lution; les deux rois se séparèrent bons amis, et 220 Lillérature gothique. Heideric s'abstint de toute hostilité contre Îles côtes de la Basse-Saxe, comme il l'avoit promis, Heideric épousa ensuite la princesse Suave, fille de Æumal, roi des Huns (2); mais il ne la garda que pendant quelques mois, et la ren- voya ensuite à son père, quoiqu'eile fùt en- ceinte. Elle eut un fils nommé ZLaudr, qui fut élevé chez le roi Æumal , et ne montra que trop par la suite cet esprit inquiet et entreprenant qu'il tenoit de son père. Heideric ne trouvant plus aucune princesse qui put fixer son choix, prit une femme d'un rang inférieur, mais d'une rare beauté ; son nom étoit Sife. Suivant un ancien usage établi dans le Nord, les souverains et d’autres personnes distinguées se chargeoient d'élever les enfans de leurs amis en donnant les leurs en échange, parce qu'ils croyoient qu'un jeune homme s’observeroit da- vantage dans une maison étrangère qu'au sein de sa famille. #/eideric n'étoit pas d'avis de con- fier son fils unique, Angantyr, en des mains étrangères ; mais pour lui inspirer de l’émula= tion, il voulut lui procurer un compagnon de ses exercices; et sachant que Rolaugr, roi de (2) Hunalande, le pays des Huns, était une partie de l'Ostrogothie, voisine de la Reidsothie. Le nom s’y est con- servé jusqu'à ce jour : nn certain district est nommé Aune- hérad , territoire des Æuns , et une haute montagne qui le sépare de la Æestrogothie, est connue sous le nom de Æu- ncberg , montagne des Æuns. Novogsorod, Hervorar Saga. da Novogorod, avoit un fils à peu près du même âge, il le demanda pour l’élever. Ce roi répugnoit à livrer son fils à un homme de l'humeur violente de Feideric ; mais l'amour de la paix et les con- seils de la reine Herborgue ayant prévalu sur sa répugnance, le jeune Herlaugr vint en Reidzo- thie, et y fut reçu de la manière la plus affec- tueuse , tant de la part du roi que de la belle Sife. | L'été suivant il accompagna }eideric dans ses courses maritimes, et la flotte se trouvant une fois peu éloignée des côtes du royaume de No- vogorrd , Heideric profita de l’occasion que lui offro;. un pays allié pour laisser reposer ses équi- pages , et il relâcha dans une baie pour acheter des vivres et des rafraichissemens. Aussitôt que le roi Rolaugr fut instruit de l’arrivée de Hei- deric , ille fit inviter à Novogorod, et prépara une grande fête pour le recevoir. Plusieurs per- sonnes de la suite d'Æeideric cherchoient à lui inspirer quelque méfiance contre le roi Rolauer, et prétendoient par là avoir la certitude que ce n'étoit que bien malgré lui qu'il avoit laissé aller son fils en Reïdgothie. Quoique Heïderic repoussât tout soupcon, il résolut cependant d'user de quelque prudence. Il partagea son monde en trois “divisions , dont une l’accompagneroit à IVovogo- rod, une autre devoit garder les vaisseaux , et la troisième eut ordre de se rendre secrètement aux forêts voisines de la ville , et de s’y tenir cachées pour être à portée de prêter main-forte en cas de T. F. Octobre 1805. X 322 Littéraiure gothique. besoin. Ces dispositions faites , le roi se mit en chemin , et emmena avec lui la belle Sife et le jeune Herlaugr. Arrivés à Novogorod , ils y trouvèrent une réception magnifique. Le divertissement du pre- mier jour fut une chasse au faucon dans la ma- tinée , et la soirée fut consacrée à un festin splen- dide. Heideric parut pensif pendant le repas, et se retira de très-bonne heure. Si/e , qui auroit désiré de jouir plus long-temps des plaisirs de la fête, crut s'apercevoir que le roi n'étoit pas de bonne humeur, et lui en demanda la cause. Heideric prétexta d’abord la fatigue, et ensuite d'autres causes qui ne la satisfirent pas davan- tage, et ne servirent qu'à exciter sa curiosité. Pressé par les plus tendres prières, le roi jugea l'occasion favorable de faire l’essai d'un conseil qu'il avait reçu jadis de son père , de ne jamais confier à une femme ce qu’il voudroit tenir ca- ché: il parut céder à ses instances, et commenca par la prévenir qu'en confiant son secret, il ex- posoit en même temps sa vie, à moins que ce , secret ne fût inviolablement gardé. Comme elle lui fit à ce sujet les protestations les plus so- lennelles, il lui dit que s'étant égaré dans le bois avec le jeune Æerlaugr, il avoit rencontré un sanglier furieux contre lequel il avoit été obligé de tirer l'épée; mais comme le sort at- taché à cette épée exigeoit qu’elle füt trempée dans le sang humain chaque fois qu’elle seroit tirée du fourreau, il n’avoit vu d'autre moyen, pour se méttre- à l'abri lui-même de ce sort, que d'im- Hervorar Saga. : 325 moler l'enfant qui étoit avec lui ; que c'étoit là une cause bien légitime de tristesse, mais qu’il tâcheroit de la renfermer dans son propre cœur , afin qu'on n’eût aucun soupcon sur lui. Sife n'apprit cette aventure qu'en versant un torrent de larmes. Elle s’étoit tendrement atta- ‘ chée au jeune ÆZerlaugr, etle regardoit presque comme son propre fils. Le tumulte de la fête avoit été cause qu'elle ne s’étoit pas d'abord aperçue qu'il y manquoit ; mais à présent elle se rappeloit fort bien qu’elle ne l’avoit point vu de toute la journée, et chaque réflexion qu'elle fit à ce sujet fut pour elle une nouvelle source de pleurs. Le jour suivant, se trouvant placée à table à côté de la reine Herborgue , mère de ce malheu- reux enfant, cette circonstance devint une nouvelle occasion d’attendrissement , et ses lar- mes coulèrent le long de ses joues. La reine lui en ayant demandé la cause, en eut bientôt la confidence : ce ne fut à la vérité que sous le sceau du secret ; mais quelle mère à sa place auroit pu cacher sa douleur? Elle fondit aussi en larmes, se leva de table, et se retira dans le fond de son appartement pour couvrir sa tète d'un voile de deuil. Le roi son époux ayant remarqué sa tris- tesse subite , la suivit pour en connoître la cause. Il ne tarda pas à l'apprendre, et n’en fut pas moins frappé. Comme il avoit vu d'abord le jeune prince entouré de tous les camarades de son en- fance , qui étoient venus se réjouir desonretour , il l'avoit cru toujours avec eux, et n'avoit fait 524 Liftérature gothique. aucune attention à son absence. Instruit à présent des funestes suites de sa sécurité, il voua une vengeance terrible à Æeideric, et résolut de le faire conduire au même endroit où l’on trouve- roit le corps inanimé de Æerlaugr , et de l'im- moler aux mânes de son innocente victime. JHeideric, qui n'avoit pas manqué de faire at- tention à tout ce qui se passoit, prévint en se- cret ses gens d’être sur leurs gardes. À peine ayoient-ils eu le temps de prendre leurs armes, que le roi Rolaugr vint demander un moment d'entretien avec Âeideric. Les deux rois des- cendirent ensemble vers le jardin ; mais à peine y étoient-ils entrés , qu'une troupe cachée der- rière les haies fondit sur Heïideric, le char- gea de fers, et l'emmena dans la forêt, pour le faire périr au même endroit oùle crime avoit été commis. Mais on eut beau chercher, on ne trouva point le cadavre du jeune prince. Tout d’un coup l’on entendit sonner | l'alarme d’un côté du bois, et, d’autres fxaupes güerrières Y répon- doient encore des côtés opposés. C’étoit les sol- dats de Heideric qui se donnoient mutuellement le signal, et bientôt ils fondirent sur les gens de. Rolaugr, et les obligèrent de lâcher leur proie. PRolaugr lui-même, se voyant trop foible contre les deux troupes réunies, se cacha dans les bois. avec ceux qui l’avoient suivi, et laissa tout le loisir à Heideric d'emporter de Novogorod un butin con does et d'en charger ses vaisseaux. Il emmena aussi de noùveau, le. jeune Herlaugr , qu'il avoit caché près, de la, troupe.de réserve Sun tr \ Hervorar Saga. 325 postée dans la forêt, et continua de Île traiter avec la même bonté qu'auparavant. Mais, pour punir Life de son indiscrétion , il la laissa à Novogorod, la ,renvoya dans la suite à sa fa- mille , et ne voulut jamais la revoir. Rolaugr, s'apercevant qu'il avoit été induit en erreur, ne savoit d'abord quel parti prendre. Il ne pouvoit se dissimuler qu'il ne dût une réparation à Heideric, et, de plus, il avoit à le ménager à cause du jeune //erlaugr; d'un autre côté , il vouloit éviter de compromettre l'orgueil de son rang, etil craignoit qu’une première dé- marche ne l’exposât à quelque humiliation. Mais la reine lui fit sentir, qu’étant en effet beaucoup plus puissant que Heideric, sa condescendance ne pourroit jamais être regardée , sous un autre point de vué, que comme un acte de justice. L’on convint en conséquence d'envoyer à Heideric un message pour lui offrir une réconciliation , à telles conditions qu'il croiroit juste Iui “même d'exiger. Heideric , ne voulant céder à per- sonne en générosité, ne demanda que l'ami- tié du roi de Novogorod , et témoïigna en même temps qu'il s'esiimeroit heureux d'obtenir en mariage la princesse Æergerde, fille de Rolaugr, Cette demande ayant été accordée , Heideric re- vint à Novogorod, et y fut reçu de la maniëre la plus cordiale. Les noces furent célébrées sans délai; et la princesse eut pour dot la Finlande, sans compter un riche trousseau en or et autres choses précieuses. UHeideric n'eut de ce mariage qu’une fille. Par 326 Littérature gothique. un tendre souvenir d'Hervore, sa mère il lui donna le même nom , et elle ressembla dans la suite à cette princesse , tant par la beauté que par son humeur altière , et par son goût pour les armes. Heideric jugea qu’il étoit temps de se reposer des fatigues guerrières et de chercher un autre genre de célébrité. Il s’occupa d'abord d’une meil- leure distribution de la justice. D’après l'exemple d'Odin , il établit un tribunal de douze mem- bres choisis parmi les hommes les plus sages du pays. Ensuite il eut soin de rapprocher le culte des institutions de ce législateur. Il mit surtout beaucoup d'appareil au sacrifice qui se faisoit dans le mois de février , tous les ans, à Frigue, déesse de l'abondance; son but étoit de rassurer les esprits contre la crainte de la disette de grains, à laquelle la Rudgothie étoit souvent exposée. Ce sacrifice consistoit en un verrat do pendant toute l’année avec le plus grand soin. La veille de Noël {fête célébrée dans le Nord à l’occasion du retour du soleil après le solstice d’hiver , long-temps avant l’introduc- tion du christianisme (3), on consacroit l'ani- mal d’une manière solennelle , et l’on avoit en- suite pour lui une sorte de vénération religieuse (@) Cette contume a laissé des traces qui subsistent en- core dans le pays. Non-senlement on engraisse ordinairement un cochon pour la fête de Noël, mais on fait aussi un grand pain-d’épices en forme de cochon, et il reste torjours sur la table du paysan , depuis la veille de Noël jusqu'à l'Epi- phanie, Hervorar Saga. 327 jusqu’à l'époque du sacrifice : tout ce que l’on promettoit en touchant à ses soies , étoit re- _gardé comme un engagement sacré. Une des pre- mières promesses que le roi avoit contracté en ces occasions , c’étoit de s’en rapporter toujours lui-même au jugement des Douze, dans toutes les contestations qui pourroient s'élever entre lui et des particuliers, et de tenir pour absous tous ceux que ce tribunal n'auroit pas condamnés ; par cette promesse , le roi se fit une grande ré- putation de justice, et rendit le tribunal plus respectable. L'année suivante, le roi fit, en riant, ün autre vœu, mais qu'il ne tint pas moins religieusé- ment. Ce fut d'accorder le pardon à tout indi- vidu qui l'auroit offensé personnellement , dès que celui-ci auroit l'esprit d'inventer une énigme, que le roi ne pourroit deviner. Cette condition nétoit pas facile à remplir. Il y avoit dans le pays un homme très-riche, nommé Gestr, qui auroit bien voulu s'en pré- valoir, s’il avoit pu espérer d'y réussir ; car il s'étoit rendu coupable envers le roi, au point de ne pas oser se soumettre autribunal des Douze, et il craignoit à tous momens d’être mandé par Heïderic. Un jour que Gestr venoit d’implorer la pro- tection des dieux contre la colère du roi, il arriva que, vers le soir, un étranger vint. frap- per à la porte , et demanda à parler au maître de la maison. Aussitôt que Gestr parut, l’étran- ger lui dit qu'il n'ignoroit pas le sujet de ses 328 Littérature gothique. inquiétudes, et qu'il se chargeoit de parler au roi à sa place. Gestr crut voir dans l'étranger un autre lui-mémé , accepta l'offre sans De monta le cheval ce l'étranger, et s'en alla se cacher ‘auprès d'un de ses amis. L’ étranger entra dans la maison , et tout le monde le prit pour Gestrlui- même, Le lendemain, le nouveau Gestr partit pour se présenter au roi, et ne fut pas plutôt arri- vé, qu'il se fit introduire. Le roi le regardant sans lui parler, Gestr rompit lui-même le si- lence, et dit qu’il étoit venu pour obtenir son pardon , en se soumettant à l'épreuve des énig- mes. Le roi ne rejeta pas la proposition , mais lui dit en méme-temps d'y prendre bien garde, parce que s'il ne réussissoit pas à trouver des énigmes que le roi ne pût expliquer, il alloit être livré au tribunal des Douze, qui ne lui eroit point de grâce; qu « au reste il n’avoit qu’ ä com- mencer. Gestr demanda au roi : 2 Qu'est-ce qui fait parler et fait perdre | la pa- role ?. Le roi répondit : L’énigme est bonne , mais je: Tai devinée. Ce sont les boissons He elles vous font d'abord parlen à cœur ouvert ; mais, prises en plus g srande quantité, elles vous font balbutier, et à la FA les paroles expirent sur les lèvres. Gestr. En arrivant, j'ai passé par une route où il y avoit chemin au-dessus., chemin au-des- sous , et des chemins tout à l’entour. : + né ss HP Hervorar Saga. 52g Le roi. J'ai le mot de l'énigme. Tu as passé sur un pont : au-dessous il y avoit chemin pour les poissons ; au-dessus et tout à l’entour il y en avoit un pour les oiseaux. Gestr. Quelles sont les vierges qui naissent les unes des autres, et dont jamais homme vivant n’a eu les faveurs ? Le roi. Cette énigme est assez bonne. Mais ce sont les vagues de la mer, qui sont assurément vierges , puisqu'elles viennent de naître ; l'une produit l'autre, et aucune d’elles n'accorde de faveurs à personne. .…. Gestr. Quels sont les baisers qui, font plus de bruit que le pied du cheval sur un chemin ferré ? Le roi. Ce sont ceux que le marteau donne à l'enclume. : Gestr. Quelle est la bête qui a quatre yeux, huit pieds , et porte les genoux plus haut que le ventre ? Le roi. Cette énigme est trop Re Qui est-ce qui ne sait pas que c’est l’araignée ? Gestr. Quel est le monstre qui a des yeux en grand nombre , qui dévore la subsistance de beaucoup de familles, et cependant n’a que les os ? Le roi. Celle-là est encore ant C'est un dez à jouer. ®Gestr. Qui sont les dieux qui ont ensemble trois yeux , dix pieds et une queue? Le roi. Tu crois donc que j'ignore qu'Odin avoit donné un de ses yeux à Meiner, en échange 330 Littérature gothique. . de la sagesse, et que son cheval avoit Que pieds (4) ? Gestr. Mais puisque vous vous piquez de ne rien ignorer , dites-moi donc ce qu'Odin souffla à l'oreille à Baldr, en montant sur le bûcher (5)? Le roi. Dis cela toi-même, maudit sorcier que tu es.— Et en même temps il tira son épée , etilauroit fendu Gestr en deux, si celui-ci n’avoit pas évité le coup avec une adresse inconcevable. Tu as tort, lui dit Gesir, de ne pas mieux Ob= server ta promesse. Tu pourras t'en souvenir … dans peu. Je ne veux pas t'en punir moi-même. \ Je laisse cette besogne à de vils esclaves. Her- deric leva encore sa terrible épée; mais Gestr changea de forme, et l'on ne vit qu'un aigle qui s’éleva dans les airs, et disparut. Le roi Heideric avoit neuf esclaves écossais, qu'il avoit enlevés de leur pays dans une de ses w courses maritimes, et qui supportoient impa- tiemment leur sort. Un jour que le roi étoit allé à une maison de campagne ;, avec une suite peu nombreuse , les Ecossais s'y rendirent au milieu de la nuit, s’introduisirent dans sa cham- bre à coucher , et l’assassinèrent dans son lit avec“ sa propre épée qu'ils trouvèrent pendue à son chevet, pendant que ce prince étoit profondé- ment endormi. Ils emportèrent tout ce qu'il y avoit de précieux dans la chambre, sans ou- (4) Ce sont-là des allégories consacrées dans l'Edda. (5) Autre allégorie de l’'Edda. Le nombre de ces énigmes est plus considérable, Je me suis borné aux plus remarquables. Hervorar Saga. 537 blier la fameuse épée , et s'enfuirent dans les bois. La mort du roi causa la plus grande cons- ternation, et:\l’on se perdoit en conjectures sur la cause et les auteurs de cet assassinat. Mais An- gantyr , fils unique de Heideric, fit un vœu so- lennel de ne point occuper le siége de son père avant que d'avoir vengé sa mort. Comme on ne pouvoit attribuer cet événement à aucune invasion hostile, Angantyr jugea que les assassins ne pouvoient pas être bien loin: Il entreprit en conséquence de les chercher d’abord dans les bois des environs, avant que dese livrer à des recherches plus lointaines. Un soir il aperçut quelques hommes occupés à la pêche dans un petit lac au milieu des bois. IL s’en approcha sans faire de bruit, afin de se mettre à portée de juger, par leurs discours, quelle sorte de gens ce pouvoitètre. Un d'eux ayant pris un gros poisson , dit à un de ses camarades : de lui prêter son couteau ; mais celui-ci ayant répondu qu'il ne pouvoit s’en passer, un troi- sième donna le conseil de faire servir l'épée en guise de couteau. Le premier ayant trouvé cet avis fort bon, prit l'épée, la tira du fourreau, et s’en servit pour couper la tête du poisson, disant que c’étoit beaucoup d'honneur pour un brochet, de mourir de la même arme que le roi _Heideric. Angantyr n'eut pas besoin d'en savoir davantage. Il se tint caché derrière les arbres, et suivit de loin les pécheurs jusqu'à leur gîte. Aussitôt qu'ils furent endormis, il agit avec eux i 1 352 Littérature gothique. de la même manière qu’ils avoient agi avec som père, et s’en retourna avec l'épée de Heïderic, pour témoigner que le devoir de la vengeance: étoit rempli, et qu'il pouvoit à présent prendre” possession de son héritage. Angantyr fit à son père des obsèques somp-" tueuses , et y invita toutes les personnes des marque du royaume. La fête duroit encore ,. lorsqu'un jour on vint avertir le roi que sons frère Laudr étoit entré dans la cour avec un grand cortége, et demandoit à lui parler. An- gantyr se leva, prit ses armes, et sortit accom- pagné de tous ceux qui se trouvoient dans la salle. Il salua Zaudr amicalement, et le pria de venir prendre part à la fête consacrée à la mémoire du roi Z/eideric. Laudr répondit avec hauteur qu'il n’étoit pas venu pour le festin, mais pour le partage de la succession, et qu'il prétendoit à la moitié dans tout ce qui avoit appartenu à son père. Angantyr répondit qu'un iel partage étoit sujet à de trop grandes diffi- : cultés, puisqu'il y avoit des choses qui n’en étoient pas susceptibles , telles, par exemple, que cette épée qu'il venoit de reconquérir , et qu'il ne céderoit pas pour un royaume. Mais pour de l'or, dit-il, je t'en ferai une pile aussi haute que tu pourras atteindre avec Ja main. Je t'offre, de plus, douze cents cavaliers avec ar- mes et chevaux , et un même nombre de fan- : tassins armés , avec un tiers des fermes de mon père, pour leur entretien. | Tout le monde trouvoit l'offre du roi très- … Hervorar Saga. 339 généreuse; mais comme Laudr n'en paroissoit pas encore satisfait, le vieux Cissor, qui avoit élevé le feu roi, prit la parole, et témoigna sa sur- prise que Laudr püt avoir de si grandes pré- tentions, lorsque cependant il ne pouvoit ignorer que sa: mère avoit été la captive du roi Æeïderic, plutôt que son épouse, qu’elle avoit même été renvoyée avant la naissance de son fils, et que cet enfant étoit bien loin d’avoir les droits d’un prince légitime. Laudr , très-irrité de s'entendre qualifier de bâtard, n'en devint que plus difficile ; et Gissor lui ayant observé qu'il risquoit de perdre beaucoup si le partage se faisoit par le moyen de l'épée, Laudr tourna son cheval, partit sans répondre, et alla rendre compte à son grand- ge du succès de son voyage. Le roi Æumal fut très-offensé de ce que l'on osoit mettre en question la légitimité du mariage de sa lille, et il fit ses préparatifs pour en pren- dre une vengeance éclatante le printemps sui- vant. . Aussitôt que la saison le permit, le roi des Huns donna l’ordre d'une levée générale. Tout homme au-dessus de douze ans étoit obligé de prendre les armes. Il rassembla une armée telle qu'on n'en avoit jamais vu dans le Nord. Elle étoit composée de trente-trois divisions, chacune de cinq mille hommes, le mille compté à treize cents, et le cent à quatre fois quarante (6). Cette (6) Dans cette mème partie du Nord, on compte encore le grand mille à 1200 cent, et le grand cent à 120. \ 354 Littérature gothique. armée couvrit toutes les routes qui menoient vers sud ; et, entrée sur le territoire de la Reidgo- thie, elle s'étendit sur une belle plaine devant un château habité par Æervore , sœur du roi Angantyr, et défendu par une troupe d'élites. La princesse Hervore s'étant levée avec le jour, et voyant la plaine couverte d'un nuage de poussière et d'armes qui resplendissoient aux rayons du soleil , fit aussitôt sonner l'alarme. Elle sortit du château à la tête de ses guerriers , et livra le combat à l'ennemi ; mais , accablée par le nombre, elle devint la victime de son courage. Un officier nommé Gormr, en porta la nouvelle au roi, qui fut plus affligé de la perte de sa sœur, que de l'attaque des uns ; car bien qu'il n’eût pas encore une armée aussi nombreuse que celle de l'ennemi, il avoit les troupes aguerries de son père, et pouvoit d'ailleurs compter sur tous les habitans du pays, dans une occasion d’où dépendoit leur sûreté et leur existence. IL crut cependant utile de se prévaloir d'un ancien usage , qui donnoit au provoqué le droit de fixer le lieu du combat. Pour se donner le temps de rassembler du monde , il choisit une plaine très- éloignée, nommée Thunahédï ; et ce fut le vieil- lard Gissor qui se chargea d'en prévenir l'en- nemi. Les Huns s’arrétèrent en conséquence dans cette plaine, et Angantyr ne tarda pas à les y venir trouver. Quoiqu'il se vit d'abord très-inférieur en nombre , il n’en combattit pas moins l'en- nemi avec un avantage égal, pendant huit jours Hervorar Saga. 555 consécutifs; les Hunsattaquèrent avec fureur, mais les Goths restèrent fermes comme un mur , tant on est fort quand on combat pour ses foyers ! Mais , avant que de se mettre en marche , Angantyr avoit ordonné la levée générale , et tous les jours les paysans venoient par milliers Joindre son armée, au lieu que celle des en- nemis diminuoit considérablement , sans pou- voir réparer ses pertes : ainsi les Goths se virent enfin supérieurs en force , et firent, à leur tour, une attaque qui renversa le centre de l'ennemi, et ouvrit le chemin à la bannière royale. Cette vue enflamma le courage d'Angantyr ; il pénétra jusqu'au roi des Huns lui-même , et l’étendit mort à ses pieds. ZLaudr, étant survenu pour venger son grand-père, il s’en suivit un combat très-violent, mais qui tourna encore à l'avantage d’Angantyr ; et les Huns , ayant perdu leurs deux chefs, se virent forcés de céder. Les Goths, poursuivirent leur victoire, et firent un si grand carnage de leurs ennemis , que l’on marchoit sur des montagnes de cadavres, et qu’on nageoit , pour ainsi dire, dans des rivières de sang. C’est la bataille la plus meurtrière dont les Scaldes nous aient transmis la mémoire. Ici finit l’ancien manuscrit de l’histoire d’Her- vore. L'éditeur ajoute un chapitre, contenant un aperçu généalogique des descendans d'Angan- tyr, fils d'Hervore; d’abord jusqu'à Îvar Vid- fadme, ou le Conquérant, qui régna sur tout le Nord et sur une partie de l’Angleterre; et ensuite 336 Littérature gothique. de ce même Ivar, par son descendant Ragnat- Lodbrok et ses fils, qui partagèrent entre eux le Nord et l'Angleterre , jusqu'à Canut-le-Grand, qui subjugua l'Angleterre toute entière. Mais, comme l'éditeur avoue lui-même que ce cha- pitre est ajouté par une plume beauconp plus moderne , et qui n’a fait que copier l'/Zistoire des rois du Nord par Thurleson , dont cette partie n’est qu'un abrégé de l'Histoire de Ragnar et de ses fils, publiée par Bioerner, dans le re- cueil déjà cité, je préfère d'extraire cette partie de ce dernier ouvrage, beaucoup plus étendu, quand j'aurai donné le tableau des exploits des Goths en Italie et en Espagne. Ces exploits , dans l'ordre des temps, précèdent la conquête de l’An- gleterre. Liste des mots gothiques de l'Histoire d'Hervore, qui sont entrés dans la langue française. DIR, Gaine ...Alène, Aiguille. MATOS IENLS Hardi. F4 01/ RORERERS Hardiesse. 2: à SERA EME ES Aire. ASS Le Gviae ee Esquif, sorte de navire. Aiganga...... Attaque. LTHSIRS TS sie ee Est. ( Levant). Dares ee Jeune homme, Page. Banding....*.Bandage. Bardag. ...... Bataille, Baugrais Fe a Bague. Borda. Hervorar Saga. 337 Borda........Broder. Borg. ........Bourg. Bresta........Se briser. Fant........:Fantassin. Fil. ..........Fil, ou tranchant d'une arme. Gardr........Jardin. Gasse. ….......Garçon. Gatur........Gaillard. Gerd...,.....Guerre défensive. Glader. ......Gai. Hali-bard.....Arme à manche, Halebarde. Haukur.......Faucon. Herda........Garder. Hilmr. ... ...Heaume. : 13 UT NOM El Secouer. K'ipa. .......Acheter. MAhkeip.. .:.. Achat. Kel. .........Quille d'un navire. Kiosa. .......Choisir. Mar-Skalk....Principal Serviteur, Maréchal. Matadr.......Matador, Meurtrier. Neeta........Nier. MINOrAr. 3e 2 «NOTA. Dial : 5. Parler: RIT. 1341. Riche. Spiol.........Dépouilles. DUEÏIS: séve à se Suite. Suein........Suivant, Serviteur. dur. : 2: SU PORC : 2 1 EST. Waring......Gardien. Sans compter beaucoup d’autres mots, dont la dérivation est moins évidente, mais vraisemblable. D'ailleurs des savans, sans admettre ces érymo- logies, ne seront pas fâchés de connoître cé vocabulaire. T, F. Octobre 1805. Ÿ MÉLANGES. FRAGMENT inédit d’un Dialogue entre MM. DAGTESSEAU, l'abbé RENAUDOT, RACINE, DESPRÉAUX et DE VW... ( VALINCOURT). Dvunawr les beaux jours de l’année 169... (sic), Racine, Despréaux , l'abbé Renaudot, le comte de Fiesque et quelques autres illustres par leur esprit ou par leur savoir, se rassembloient sou- vent dans la maison qu’un de leurs amis avoit sur le chemin de Versailles (à Saint-Cloud. Y’oyez les notes ); ils y trouvoient des livres , des pro- menades agréables sur le bord de la rivière, et la liberté, Comme on s’alloit mettre à table, on nous vint dire que M. Daguesseau étoit à la porte ; nous courümes tous au devant de lui. Il fut surpris de trouver si bonne compagnie; mais il fut ravi de se voir reçu par des gens, avec la joie sur le visage, qui faisoient profession d'honorer sa vertu et son mérite. Il accepta le diner; le re- pas fut gai. On lui demanda , comme c’est la coutume , des nouvelles de la Cour. Comme on se levoit de table, nous fûmes surpris d'entendre dans le jardin un bruit horrible, mélé de cris confus. Nous y courumes pour en savoir la cause. C’étoit le jardinier, la jardinière , leurs enfans et tous leurs valets, ayant à la main cha+ Dialogue. 339 cun une poële ou un chaudron , sur quoiils frap- poient de toutes leurs forces, espérant par là rappeler un gros essaim d’abeilles qui s’étoit échappé de la ruche, et qui, à la faveur du vent qui l’apportoit , avoit pris le chemin d’un grand jardin qui étoit aussi sur le bord de la rivière , du méme côté que celui où nous étions. Ilme semble, nous dit alors le comte de Fiesque en riant, que ces animaux-là n'aiment point la musique. RACINE. Vous verrez que celle qu'on leur donne n'a pas tant de charmes que celle d’Orphée ; car vous savez qu'au son de sa voix et de sa lyre il faisoit marcher les arbres et les rochers , et arrêtoit à son gré le cours des fleuves et des torrens les plus rapides ; au lieu que ces gens- là, avec tout le bruit qu'ils font, ne peuvent arrêter une poignée de mouches qui s'enfuient. DESPRÉAUX. Ce qui me fâche le plus est la perte que fait le maître de la maison; car je vois là une ruche qui demeurera inutile, et qui, suivant les règles de la fable du Pot au laït, auroit produit dans cent ans d'ici des richesses immenses. DAGUESSE A U. Il peut , s’il veut, ne pas renoncer à de si belles espérances ; car, selon les lois, il est en droit de réclamer ces essaims en quelques lieux qu'ils aillent se poser. 540 Mélanges. FPIESQUE. Comment donc, est-ce que les lois parlent des mouches? D A GUU ESS E A U, Sans doute , et il y en a une décision expresse dans les Instituts de Justinien. FIESQUE. Parbleu, voilà de plaisantes lois, et ceux qui les ont faites étoient-bien de‘loisir de s’amuser à de semblables bagatelles. he R A CINE. Comment donc, M. le Comte, vous qui avez tant lu et tant retenu, ne savez-vous, pas que les lois ne sont faites que pour les mouches. FIESQUE. Jé n'ai que faire de vos mauvaises 'plaisante- ries; je demande qu’on me dise sérieusement s’il est vrai que l’on ait jamais fait des lois pour dé- . cider à qui dûit (sie. ) appartenir des éssaims qui s'envolent et qu ‘on ne sauroit attraper. LDAGUERSSEAU. Le lois n’ont.pas prétendu donner le moyen de les prendre en, l'air; mais elles établissent le. droit qu'a celui olen qui elles ont pris naissance de ee aller pere ET (ELES QUE ornl Ainsi donc, monsieur, quand je: verrai des Dialogue. 54 juges à la Grand'Chambre avec des bonnets car- rés et des robes noires ou des rouges , fourrées d'hermine , je pourrai croire qu'ils ne se met- tent dans cet équipage si vénérable que pour prendre des mouches ou pour donner droit d'en prendre ? DESPRÉAU.X, Je vois bien que voilà les lois brouillées à ja- mais avec le comte de Fiesque pour avoir parlé des mouches, comme un grand seisneur que nous connoissons tous , et que je ue veux pas nommer , se brouilla sans retour avec Homère, parce qu'il a parlé des Myrmidons. DAGUES$SE À U. j ; belle hi Qu'est-ce que c'est donc que cette belle his- toire-là, car je ne me souviens pas d’en avoir entendu parler ? DESPREAUX. Elle est trop longue pour ètre racontée à cette heure , et elle vous ennuiroit. DAGUESSE AU. Je ne crois pas qu'on vous accuse d'avoir ja- mais ennuyé personne , et je sais si vous n'au- riez pas à craindre d’avoir été quelquefois trop divertissant. RACINE. Monsieur, ne vous laissez pas tromper par M. Despréaux ; ; je le connois bien, et il a plus d'envie de vous faire ce récit que vous n’en avez _ de l'entendre. 342 Mélanges. DESPREAU X. Non , sérieusement, je ne le puis; il ya trop long-temps que la chose s’est passée, et j'en ai oublié la moitié. L'Ablé RENAuDoOT. Nous nous contenterons des restes ; mais pous déterminer M. Despréaux, je suis d’avis qu’on ne l'oblige à faire son récit qu’à condition que M. Daguesseau voudra bien nous expliquer ce qu’il pense sur les lois, et l'utilité dont elles sont à la société civile. Peut-être viendrons-nous à bout, par ce moyen, de les reconcilier avec le comte de Fiesque, quand il verra qu’elles servent à autre chose qu'à prendre des mouches. DAGVESSE AU. Vous exigez une condition que je ne pourrai remplir qu'imparfaitement ; mais il n’y a rien à quoi l’on ne s'engage pour entendre M. Des- préaux. DESFPRÉAUX. Et pour moi, il n’y a rien à quoi je m'expose pour ce que vous nous faites espérer. Je vous dirai donc que dans le temps que Perrault publia ces étranges Dialogues, où il blâäme, comme disoit M. le prince de Conty , ce que tous les hommes ont toujours admiré , et où il admire ce que tous les hommes ont toujours méprisé , la Cour et la Ville parurent durant quelque temps partagées sur son sujet ; car il n'y a point d'opinion si extravagante qui, Dialogue. 313 dans sa nouveauté, ne s'attire des sectateurs, et comme je l’ai dit autrefois : Un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire. Un jour que nous étions dans la Galerie (de Versailles ), le maître de la maison que voila, M. Racine et moi, nous fùmes assaillis par trois ou quaëre jeunes-gens de la Cour grands admi- rateurs du fade style de Quinault et des fausses pointes de Benserade , et l’un d'eux commença par nous demander s'il étoit bien vrai que nous missions ces deux poëtes si fort au-dessous d'Ho- mère et de Virgile. C’est , lui dis-je, comme si vous me demandiez si je préfère les diamans de la couronne à ceux que l'on fait au Temple. — Eh : qu'a donc de si merveilleux cet Homère, me dit un autre, est-ce d'avoir fait l'éloge des Myrmidons ?— Quoi! interrompit un troisième, est-ce qu Homère a parlé des Myrmidons? Ah! parbleu, voilà qui est plaisant. « Et sur cela toute la troupe fit un si grand éclat de rire, que je me trouvai hors d'état de répondre. Ce bruit attira à nous un grand seigneur également res- pectable.par son âge que par son rang, et par mille autres qualités. Qu’y a t-il donc entre vous, messieurs , nous dit-il, je vous trouve bien émus; quel est le sujet de votre dispute? — C’est, lui dis-je, que ces messieurs veulent qu Homère ait été un mauvais poëte, parce qu'il a parlé des Myrmidons.— Vous êtes de plaisantes gens, leur dit-il, de contredire ces messieurs-là ; vous êtes bienheureux qu'ils veuillent vous instruire , et 544 Mélanges. vous ne devez songer qu'à profiter de leurs avis ; sans vous mêler de critiquer ce qu'ils entendent mieux que vous ». Ces paroles, prononcées d’un air et d’un ton d'autorité , imposèrent à cette jeunesse , et alors le grand seigneur, que je regardois déjà comme un grand protecteur d'Homère , nous ayant me- nés tous trois dans l’embrâsure d’une fenêtre, et prenant un air encore plus grave: Vous voyez, dit-il, comme j'ai parlé à ces jeunes-gens là, et l'on ne sauroit trop réprimer les airs décisifs qu'ils prennent en toutes occasions sur les choses qu'ils savent le moins; mais, dans le fond, vous autres, dites-moi, est il vrai que cet Homère ait parlé des Myrmidons dans son poëme? — Vraiment, monsieur , lui dis-je, il falloit bien qu'il en parlàt, c’étoit les soldats d'Achille, et les plus vaillans de l’armée des Grecs. — Eh! bien, me dit-il, voulez-vous que je vous parle franchement, il a fait une sottise. — Comment donc , mon.ieur , est ce qu’on en feroit une si dans l'histoire du Roi on parloit du régiment de Champagne ou de celui de Picardie? — Oh! je sais bien, dit il, que vous ne manquerez jamais de réponse , vous avez tous beaucoup d'esprit assurément , et personne ne vous le ronteste ; mais vous êtes eutêtés de vos opinions, et vous ne vous rendrez jamais à celle d'autrui; et c'est aussi ce qui vous fait des ennemis. Pour moi, je ne me pque pas d'être savant, mais il y a assez long-temps que je suis à la Cour pour con- noître ce qui est de son goût. Le poëme d'Ho- Dialogue. 345 mère , n'est-ce pas un ouvrage sérieux? — Très- sérieux , lui dis-je, et nième tragique, car il n'y est parlé que de guerres et de batailles. — Et c’est en cela, me dit-il, que sa sottise en est encore plus grande, d'avoir été fourrer là des Myrmicdons. Si Scarron, par exemple, en avoit parlé dans ses vers ou dans le Roman comique, cela eut été à merveille et fort à sa place; mais dans un ouvrage sérieux, je vous le répète en- core, messieurs, malgré tout votre entètement, cela est tout à fait ridicule, et l'on a raison de s'en moquer ». J'avoue que la liberté satyrique fut sur le point d’éclarer contre un discours si contraire au bon sens , et il me seroit peut-être échappé quelque sottise plus grande assurément que celle d'Ho- mère , si heureusement pour moi le roi ne fut sort: pour aller à la messe. Le grand seigneur nous quitta brusquement pour le suivre, et je crois qu'il est encore tout aussi indigné contre Homère que le comte de Fiesque l'est aujour- d'hui contre les lois et les législateurs qui ont parlé des mouches. L’'Abbé RENAUDOT. . Voilà M. Despréaux quitte de sa parole ; c'est maintenant à M. Dazuesseau à tenir la sienne ; et puisqu'il veut bien demeurer avec nous encore quelque temps, nous ne saurions mieux l’em- ployer qu'à entendre ce qu'il voudra bien nous dire sur une matière qui est si peu connue, ei qui mérite si fort de l'être, 346 Mélanges. DAGUESSEAU. En effet, puisque les lois d’un état sont faites pour être observées par tous les hommes qui en font partie, et que l'ignorance du droit de notre pays n'exCuse pas Ceux qui y contrevien- nent, je ne saurois assez m'étonner de ce qu'il se trouve tant de gens qui non-seulement né- gligent de s’en instruire, mais qui se font un ridicule honneur de les ignorer. Combien de temps nos jeunes-gens emploient-t-ils à l'Aca- démie pour apprendre à tenir un cheval sur le bon pied, ou à régler leurs pas sur le son d'un instrument, qui se croiroient déshonorés d'apprendre ce qui, durant toute leur vie, doit être la règle de leurs sentimens et de leurs ac- tions, s'ils veulent être honnêtes gens. RACINE. La vérité est que cette sorte d'étude, qui d'elle- même est sèche et sérieuse , ne leur est présentée que d’une manière qui.ne la leur doit pas rendre agréable. Les jeunes-gens de condition n’en en- tendent parler qu'avec mépris par des jeunes- gens de leur âge, la plupart de la lie du peuple, mais que des richesses immenses mettent de pair avec ce qu'il y a de plus grand Ces gens, qui cachent la bassesse de leur origine sous le nom illustre d'une terre qu’ils ont achetée, se pen- sent égaux à ceux dont ils usurpent le nom. Ils se croient déshonorés par la robe qu'ils portent et qu'ils déshonorent. Ils méprisent leurs con- frères, les appellent des Robins par une fade Dialogue. 547 plaisanterie. Ils en jugeroient bien autrement s'ils voyoient ces jeunes-gens qui, élevés dans la science de la magistrature par des pères res- pectables, devenus les oracles de leur siècle, etc. (sic). NOTES. 1% VarxincourTt (J.-B.-Henri pu TrousseT Dr), né le 1°. mars 1653, mort le 4 janvier 1730, âgé de 77 ans. Ce fragment est iiré de ses Œuvres posthu- mes, manuscrit en deux volumes in-folio ; le premier finissant page 764; le second commencant page 765, et finissant page 1623. Nous ne dirons ici qu’un mot de ce manuscrit, dont les pièces n’ont jamais été imprimées. L’incendie qui consuma en 1725 la mai- son de campagne que M. de Valincourt avoit à Saint- Cloud, fit périr une bibliothéque choisie, composée de 6 à 7000 volumes, ainsi que les fragmens de l’his- toire de Louis XIV, commencée par Boileau, Racine et Valincourt. Le fait est certain, mais M: de Fon- tenelle, Eloge des Académiciens, se trompe lors- qu’il ajoute : « Ses recueils (de M. de Valincourt), fruits de toutes ses lectures, des mémoires impor- tans sur la marine, des ouvrages , ou ébauchés ou finis, tout périt en même temps. » Cela demande du moins une explication. Il peut se faire que les premiers originaux aient péri dans cet incendie; mais, ou M. de Valincourt relit quelques-uns de ses mémoires, ou il en avoit donné auparavant des co- pies à quelques personnes, surtout à M. Daguesseau le chancelier, qui étoit un de ces hommes dont le même Fontenelle entend parler, lorsqu'il dit : « M. de Valincourt n’a pas eu seulement des amis dans 348 Mélanges. les lettres, il en a eu dans les premières places de VPEtat, non pas simplement comme un homme d’es- prit, dut la conversation peut délasser, mais comme un homme d’un grand sens à qui on peut parler d’affaires. » On trouve dans ce manuscrit plusieurs dialogues sur la littérature et sur les lois, dans le genre de ceux de Platon, des dissertations métaphysiques, géométriques , théologiques même, des mémoires très-curieux sur lPétat de notre marine, qu’il com- posa sans doute en qualité de secrétaire des com- mandemens de M. le comte de Toulouse, amiral ; des lettres critiques sur les voyages de Cyrus, ete., un fragment d’une traduction de la quatrième Tus- culane, des mémoires sur les finances, une critique très-bien faite de la célèbre harangue du cardinal Du Perron aux Etats généraux de 1614, et enfin un recueil fort étendu, intitulé : Vers et Pièces libres, ouvrages de sociélé, composés pour l’amusement de M. et M°. la chancelière Daguesseau, de M, et M°. la marquise de Torcy, de M°. la marquise de Bouzols de M°. la marquise de Casiries-Vivonne, et de M. de Valincourt, où chacun fournissoit quel- que morceau de sa facon. IL est ficheux que le fragment que nous publions, ne soit point achevé. Je ne balance point à le re- garder comme le récit d’une conversation réelle entre les interlocuteurs, dont tout le monde recon- noïîtra aisément le caractère. Je conviens cependant que M. de Valincourt n’a écrit que de mémoire ce qu'il eur avoit entendu dire, et qu’il est très-pos- sible que, dans quelques phrases, il ait substitué un équivalent aux expressions dont ils s'éloient servis. On ne peut disconvenir que la scène du grand Sei- gneur ne soit fort comique ct très-bien rendue. Dialogue. 249 - 2, Les Znstituts (ou plutôt, les Enstitutes) de Jusrinrex. La citation est très-sérieuse, et par con- séquent très-différente de celle de l’intimé des plai- deurs , qui renvoie à la loi si quis canis, digeste de vi, paragrapho, Messieurs, caponibus. Voyez en effet les Institutes, livre 2 de rerum divisione , et acqui- rendo ipsarum deminio, paragraphe 14. Apium , etc., examen quod ex alveo tuo evolaverit, eo usque intel- ligitur esse tuiun, donec in conspectu tuo est, nec difficilis persequutio ejus est, alioquin occupantis es£. » 3°. Racine et Deseréaux. La plaisanterie piquante que fait ici Racine, revient à la réflexion du phi- losophe scythe, Anacharsis, qui comparoit les lois à des toiles &'araignée. On sait que Racine étoit na- turellement caustique et railleur : « On me trouve trop malin, disoit Boileau, Racine l’est bien plus que moi. » La philosophie, et plus encore la reli- gion, produisirent dans Racine, sur cet article comme sur plusieurs autres, un changement que ‘ses amis ne pouvoient se lasser d’admirer. Boileau, quoique ‘un peu brusque et emporté, étoit bon, et son premier feu s’appaisoit aisément : c'est le meil- leur homme du monde, dit Racine, dans une de -ses' lettres ; et on peut assurer que , malgré tout ce qu'ont dit de Boïléau des gens intéressés peut-être à déchirer ses ‘satires , ce poëte s’est peint avec vé- rité, lorsqu'il a dit à ses vers: Déposez hardiment qu’au fond cet homme horrible, Ce censeur qu'ils ont peint si noir et si terrible, Fut un esprit doux,, simple , ami de l’équité , etc. 4%, PERRAULT ( Charles ). Ses Dialogues sur Les ‘Anciens et les Modernes parurent en 1690. On peut 550 Mélanges. l douc dater la conversation, de 1691 ou 1692, quoi que le dernier chiffre, comme on l’a vu, soit omis dans le manuscrit. 5°. Renaunor (Æusèbe), né à Paris en 1646, mourut le 1°". septembre 8720, à 73 ans. Il entra dans la congrégation de l’Oratoire le 23 juin 1665, à 17 ans, et il en sortit quelque temps après, sans cependant quitter lhabit ecclésiastique; mais il ne prit jamais les ordres : ce savant abbé, qui fut de l'Académie française et de celle des Inscriptions, étoit ami intime de Boileau et de Racine, comme on le voit par les lettres de celui-ci. 6°. Le comte pr Fresqus. Jean-Louis comte »£ Lavacne et DE Fiesqur, mort sans alliance le 28 septembre 1708, à 61 ans. En Jui s’éteignit la bran- che ainée des Fiesque, établie en France. Il avoit beaucoup esprit, et il étoit lié particulièrement avec tous les acteurs de la petite comédie qu’on vient de lire. Son père, Charles-Léon , par un point d'honneur bien excusable, ruina sa fortune et celle de sa famille. En qualité d’Italien, il pouvoit tout espérer du cardinal Mazarin, qui lui fit même des avances, et qui lui fit dire par madame de Montau- sier, qu’il auroit pour lui toutes les considérations imaginables, s’il vouloit ne point se lier avec ses ennemis. Fiesque étoit ami de M. de Beaufort , et dès que celui-ci fut arrêté, il rompit avec le car- dinal, suivit la fortune de M. le prince de Condé, ne labandonna point dans sa disgrâce et dans sa fuite, et mourut quelque temps après, vers 1661. Mademoiselle d'Orléans , dont madame de Fiesque avoit été la gouvernante, s’intéressa auprès du prin- ce, en faveur d’un homme qui s'étoit ruiné pour sa PT SE PT GES ETC Diologue. 351 cause, et elle lai parla aussi pour son fils. Le prince promit tout, et oublia ensuite ce qu’il avoit promis. Cest du moins ce qu’assure Mademoiselle, qui, de son côté, auroit dû se reprocher sa propre conduite envers madame de Fiesque, qui eut à souffrir tout ce que doit attendre une gouvernante rigide, et qui veut faire son devoir, d’un enfant gaté, très-volon- taire, et surtout lorsque cet enfant est du sang royal, que par la mort de sa mère elle jouit de richesses immenses, et qu'enfin elle ne trouve, dans son père, ni la force nécessaire pour réprimer ses petites vo- lontés, ni les bons exemples qui pourroien la re- dresser. Dans la suite, Louis XIV obligea la répu- blique de Gênes de donner 300000 francs au comte de Fiesque, en dédommagement du comté de La- vagne. 7°. Scarrox. On le regarde ordinairement comme le père de la poésie burlesque ; mais il y a tout lieu de croire que ce goût lui avoit été inspiré par Jacques Moyreau, excellent poëte latin, qui avoit été son précepteur, et qui entra depuis dans l’Oratoire. Ses Poemata ; imprimés à Paris en 1663, n’ont rien que de sérieux. Il n’en est pas de même de son ouvrage posthume intitulé : Pygmæidos libri VII , seu poetica classicæ juventutis pægnia, Vindocini ( Ven- dôme), ex typis Sebastiani Hyp., 1676; petit in-12 de 168 pages. Cet ouvrage, extrêmement rare, fut composé dans le temps que Louis XIIE assiégeoit La Rochelle (prise en 1628 ), et l’auteur dit qu'il n’avoit alors que 22 ans environ. Scarron avoit sû- rement vu le manuscrit, puisqu'il a imité plusieurs morceaux de la Pygmeide dans son roman comique etjpeut-être ailleurs. C’est pour le coup une véri- ù 3 3 ed table histoire des Myrmidons, dans le sens que l'en 552 Mélanges. tendoit le grand Scigneur dont parle Boileau, La Gigantomachie de Scarron peut en être regardée comme le pendant. Le sujet de la Pygméide est la guerre des Pygmées contre les Grues, et l’ouvrage est sur un ton burlesque parfaitement bien soutenu. Labbé Bannier, auteur du troisième volume de la dernière édition des Mélanges de Vigneul Marville, en donne une analyse assez étendue, mais qui pour- roit être plus exacte. En un mot, de la même ma- nière que Fénélon composa le Télémaque pour l'édu- cation du duc de Bourgogne, et Bossuet le Discours sur l'Histoire universelle pour le grand Dauphin, on peut dire que Moyreau composa la Pygmeide pour l'instruction de Scarron. 8°. Dacuesseau (et non d’Aguesseau; le de dans ce mot étant très-récent, et ne devant être donné qu'aux familles qui ne portent que des noms de terre). Il m'est venu ici à lesprit une difficulté dont les lecteurs pourront juger. J'ai peine à croire qu'il $a- gisse, dans ce fragment, du chancelier Daguesseau. En 1691, il n’avoit guère que 22 ans ; et quelques grandes que fussent les espérances qu'il faisoit con- cevoir de lui à cette époque, il est difficile de se persuader que M. de Valincourt ait pu dire de lui, qu'il fut recu, avec toute la joie possible, par des gens qui faisoient profession d’Aonorer sa vertu et son mérite, etc. Dans lEpitre de Boileau à son Jar- dinier, publiée en 1695, le poëte témoigne lembar- ras où il est de composer un ouvrage, Qui juste en tous ses termes, Sût plaire à Daguesseau, sût satisfaire, Termes, Tous les commentateurs de Boileau entendent evcore ici le chancelier Daguesseau. Quoique l’épo- que Dialogue. 3553 que l’époque soit un peu plus reculée, je pense que ma difficulté pourroit s'étendre jusqu’à ce passage, Quoi qu'il en soit, et pour ne parler que du Dia- logue, le Daguesseau , qui est un des interlocuteurs, ne seroit-il pas plutôt le père du chancelier. Dans le même manuscrit, immédiatement après ce pre- mier dialogue, on trouve : « Fragment d’un dialogue entre M. Daguesseau , conseiller-d’état et le baron de Santenas ( mort à la Trappe), sur le système de Spinosa. » Henri Daguesseau (père du chancelier), d’abord conseiller au parlement de Metz, depuis in- tendant de Limoges , eic., et ensuite conseiller d’état, ne mourut que le 17 novembre 21716, à 81 ans. Il avoit, dit M. Thomas, tout le mérite que les grandes places supposent , mais qu’elles ne donnent pas. Juste, _désiméressé, bienfaisant, ami des peuples, homme d'état, excellent père de famille; à tous ces titres il en joignoit encore un, qui étoit commun ( alors) à tous les grands magistrats, celui de savant. » Pour appuyer davantage l'opinion que je propose, je finirai par copier ce que je trouve dans le même manuscrit, page 994, sous ce titre : Caractère et éraï*s remarquables de M. et de M°. Daguesseau. « M. Daguesseau, conseiller d'état, étoit un homme dont tout le honde admiroit la douceur et la probité; mais peu de gens ont connu la profondeur de son esprit et l’étendue de ses lumières, à cause du soin qu'il prenoit de les cacher. Il étoit supérieur à tous ceux de son ordre, mais il ne craignoit rien tant que de le paroître; et, dans les affaires les plus difficiles,‘ il sembloit toujours avoir recu d'eux l’avis qu’il leur avoit inspiré. » $a modestie paroissoit jusque dans son extérieur; et pendant que les magistrats se faisoient un faux T., V. Octobre 1805. Z 554 Mélanges. : honveur de surpasser les financiers par le luxe de leur équipage, par le nombre de leurs valets, il ve- noit à Versailles (l'exercice de sa charge l’obligeoit à y aller souvent, et dans sa route il lui étoit aisé de voir M. de Valincourt à Saint-Cloud ) avec un seul laquais, et dans an petit carosse gris traîné par deux chevaux qui souvent avoient assez de peine à se trainer eux-mêmes. Je le rencontrois souvent (c’est M. de Valincourt qui parle) sur le chemin, et 1l me faisoit souvenir de'ce que Sénèque a dit de Caton : Quelle gloire pour un siècle corrompu de voir un censeur, un général d'armée, qui avoit mérité les honneurs du triomphe, et, pour dire encore plus, Caton lui-mème se contenter de faire ses voyages sur un seul cheval qui n’étoit pas même tout entier pour lui, car il portoit encore sa valise remplie de tout ce qui lui étoit nécessaire. » Ses meubles étoient si simples, que ses amis trouvoient qu’il y avoit de l'excès. Enfin , ayant été appelé par le’ roi dans le conseil royal des finances, ses amis lui représentèrent qu’il devoit avoir au moins une maison meublée d’une manière conforme à sa nouvelle dignité , et que cette négligence, dans un homme qui ne pouvoit être soupconné d” 'avarice, seroit regardée de tout le monde comme une singu- larité outrée. Il se rendit à leurs remontrances; et ayant mis 25000 livres dans un sac, il les porta à madame Daguesseau, la priaut d’ordonner au plu- tôt, pour elle et pour lui, des meubles convenables ; elle lui répondit : Il est vrai, Monsieur, que ce lit et ces meubles sont bien vieux et ne sont plus à la mode, car il y a cinquante ans qu’ils nous servent; mais ils nous serviront bien encore jusqu’à la fin de notre vie, qui n’est pas éloignée. Cependant il y a dans Paris beaucoup d’honnèêtes familles réduites à Dialogue. 355 coucher sur la paille, faute de lit, et qui passent souvent la journée entière sans manger, parce qu’ils n’ont pas de pain ni personne qui leur en donne; ne seroit-il point plus à propos d'employer cette somme à soulager leur misère ? » Ces paroles tirèrent des larmes des yeux de ce vénérable vieillard , et ayant embrassé sa femme : J’ai eu dessein, lui dit-il, de vous proposer la même chose; mais puisque vous m'avez prévenu, distri- buez vous-même cette somme à ceux que vous ju- gerez qui en ont le plus de besoin. » Tel étoit M. Daguesseau.» À... Y. À LITTÉRATURE LATINE. A M. Mizzin, Rédacteur du Magasin Encyclopédique. Moxsreur, Vous vous rappelez sans doute d’avoir lu, dans la vie du président Bouhier par le P. Ou- din, que ce célèbre Dijonnais s'étoit beaucoup exercé sur Horace. On ne connoiït cependant encore, de ce travail, que la portion qui en a été insérée dans le Journal de Trévoux , juin 1715, et l’on ignore absolument ce que le reste peut être devenu. Cuningham, qui désiroit donner une nouvelle édition de son Horace, fit demander par l'abbé d'Olivet les notes que le président Bouhier avoit faites sur cet auteur. Quoique rien ne m'apprenne que ces notes lui aient été adressées, je serois presque tenté de le soupçonner , en pensant que malgré toutes les recherches que j'ai faites à cet égard, con- jointement avec mon célèbre ami M. Chardon- la-Rochette, il nous a été impossible d'en dé- couvrir autre chose que quelques brouillons. Ces brouillons s'étant ensuite retrouvés parmi les pa- piers qui composent la correspondance que je. m'occupe à mettre en ordre, et ne pouvant en faire partie, j'ai pensé qu'il seroit utile de pu- blier, par la voie de votre savant recueil , ce Art poétique d’Horace. 357 qu'ils renferment d'important. Les moindres pen- sées d’un homme tel que le président Bouhier , doivent être religieusement recueillies, et vous Vous intéressez trop aux progrès des Lin et à la gloire d’un de nos antiquaires les plus célèbres , pour ne pas accueillir ma proposition. GG. Pauwerre >; D. M. M. DIssERTATION sur | Art poétique d’'Horace, par leprésident BOUHIER. Il y a peu de gens qui ne'conviennent quel’Art poétique d'Horace contient d’excellens préceptes pour la poésie ; mais l’on n'est pas également d'accord sur la beauté de l'ouvrage en gros. Jules Scaliger, en sa Poétique (/ib. PT, pag. 878 ), après avoir fait l'analyse de cette épitre, dit qu’elle n’a ni art, ni méthode, et qu'on sif- fleroit les modernes s'ils se méloient de traiter ainsi cette matière. Les autres critiques en ont parlé avec plus de modération ; mais ils n’ont pas laissé d’avouer qu'Horace n'avoit point été assez exact dans la disposition de cette pièce. C'est le senti- ment de Vossius le père dans son traité de Artis Poëticæ naturé , etc. , cap. 14, et je ne vois pas qu'il ait été contredit par personne. Quelques-uns seulement, cherchant à excuser Horace, sont demeurés d'accord de ce défaut (1); (4) Voyez Barthius. Ædvers. XL 22: 358 Littérature latine. mais ils ont soutenu qu'il n’avoit jamais eu inten- tion de composer un Art poétique. Nam, dit Robortel dans la préface de sa paraphrase de cette épitre , si id efficere voluisset , ab initio om= nia repetens, et naturæ ordinem sequens, præ- ceptiones omnes singillatim esset persecutus , quæ ad poema rectè scribendum spectant. Hac enim commodiore raiione potuisse artem poëticæ fa- cultatis describi ab Horatio satis patet. Nunc ver quis credat hominem doctissimum de arte tam confusè fuisse locutum ? Mais, disent-ils , ce n'étoit pas là son dessein ; il ne vouloit que rédiger en faveur des Pisons, ses amis, quelques- unes des principales notions-de cet art; et comme il n'y travailloit pas de suite, ni avec ordre, il est arrivé qu'il n’y a aucune méthode, ni aucune liaison des parties, dans ce traité, qui même n'a jamais été achevé. C'est ainsi qu’en parle M. Dacier en sa préface sur cette épître ( pag. 85 et 86), où il soutient que ce défaut d’arrangement ne laisse pas d’avoir ses grâces , et il l'appelle même un beau désordre. D. Heinsius, en ses notes sur cette épitre, a pris une autre route pour sauver l'honneur d'Horace. Persuadé qu'il avoit voulu nous don- ner un abrégé de l'Art poétique , et qu'il étoit incapable de le donner aussi confus que nous l'avons , il a soutenu qu'il y avoit dans ce : Traité des transpositions qui le défiguroient. 1} en a donc rangé quelques endroits dans un autre ordre , à la faveur duquel il a prétendu que tout y étoit bien lié et bien suivi. Mais ces De ch ass : à Art poétique d’Horace. 359 changemens ont trouvé peu d’approbateurs, et M. Dacier a prétendu qu'ils n'étoient pas moins injustes que téméraires. Chacun peut penser sur cela suivant son goût; mais pour moi j'ai peine à m'empêcher de croire qu Horace n'ait pas voulu nous donner un Art poétique à sa manière. Premièrement , le titre de Arte poelic4 me le persuade ; car il ne faut pas s'imaginer que ce titre soit de la facon des premiers éditeurs d'Horace. Cette épitre étoit ainsi intitulée dès le temps de Quintilien , de Sidonius A pollinaris , et de plusieurs autres auteurs anciens, comme il paroît par leurs témoignages cités par Théod. Marcilius au commencement de ses observations sur Ce traité, sans compter le Schohaste Por- phyrion , qui y est formel. j D'ailleurs presque tout ce qui doit naturelle- ment entrer dans un Art poétique, se rencontre en abrégé dans eette épitre. On y voit l’origine de la poésie, ses progrès tant chez les Grecs que chez. les Romains ; on ÿ apprend ses divers. usages , ses espèces différentes , les modèles qu'on peut s'y proposer , les règles pour le choix des matières et pour la conduite des pièces ; on y trouve des remarques sur les ca- ractères des hommes, sur leurs passions et sur leurs mœurs ; des préceptes pour l'élocution , pour la versification , pour les ornemens ; des avis même pour la correction des ouvrages. Si Horace n'est pas entré dans un plus grand détail, c'est qu’il ne convenoit point de le faire en , 3560 Littérature latine. vers. De plus son but n'étoit pas de faire une poétique complète. 11 ne vouloit que donner les principaux préceptes de l’art. Non quidem om- nia, sed eminentissima , dit Porphyrion. En- core paroît-il qu'il avoit particulièrement en vue les pièces de, théâtre ; soit que le goût des Pi- sons, pour qui il écrivoit, fut tourné de ce côté-là; soit qu'il crût que c’étoit la partie de la poésie la plus négligée parmi les Romains, comme il étoit vrai. Or , on ne sauroit dire qu'il n'ait très-bien rempli ce dessein. Tout ce qui m'embarrasse est le désordre sur- prenant qui se trouve dans cette pièce ; car quand Horace auroit pris plaisir à tout déranger et à tout confondre, il n’auroit pu mieux réussir. En effet , il n’y a qu'à en faire une courte ana- lyse pour en être convaincu. I commence par donner des règles sur la convenance que doivent avoir entre elles les parties du poëme; et dès le vers 14 il en est déjà aux ornemens , quoiqu'il n’ait pas même encore parlé du choix des matières et des su- jets, qu’il n'entame qu'au vers 37; de là il passe brusquement à la manière de faire heureusement passer des mots et des phrases nouvelles ; en- suite, après avoir proposé les modèles qu’on peut suivre pour les différens genres de poé- sies , il commence au vers 86 ses lecons pour le style des poëmes dramatiques, Au vers 119, il revient aux sujets des poèmes en général, et au vers 153, il caractérise les personnages de la comédie ; après quoi, au vers 179, il revient Art poétique d’Horace. 364 à la tragédie. Au vers 202, il parle de la mu- sique qu'employoient les Romains dans leurs Pièces de théâtre , et de là, au vers 220, ül passe à l’origine de la tragédie satyrique, qui étoit toute de l'invention des Grecs , et étoit dérivée de la tragédie sérieuse , dont il ne parle que long-temps après. Au vers 251, il retourne aux Romains, et parle de leurs négligences pour la versification. Au vers 275, vient l'origine de la tragédie sérieuse , et au vers 281, il lui fait succéder la comédie, qui auroit été mieux à la suite des pièces satyriques. Au vers 295, il entre dans la question si l'enthousiasme suffit seul pour les vers, et en en réservant la décision pour une autre fois, il nous apprend qu'il veut s'é- riger en maître de poétique; puis, après avoir parlé de la correction des ouvrages, et des amis qu'on doit consulter avant que de les mettre au jour , il remonte tout d’un coup, dans le vers 391 , à la plus ancienne origine de la poésie, et après une longue tirade sur ce sujet, il re- vient à la question si le génie est préférable à l'art pour ce genre d'écrire, et en dit son senti- ment. Ensuite de quoi , depuis le vers 419 jusqu'à la fin, il emploie le reste de cette épitre à parler une seconde fois de la correction des vers, et de la docilité qu'il faut avoir pour la censure des connoisseurs. Je m'assure que quiconque voudra faire une sérieuse attention , ne pourra jamais imputer à Horace une disposition aussi bizarre dans un ouvrage comme celui-ci. M. Dacier a beau dire 362 Littérature latine. que ce défaut de liaison et d’arrangement ne laisse pas d'avoir ses grâces , surtout dans des préceptes qui doivent être libres, Horace étoit trop habile pour ne pas sentir que des préceptes détachés et décousus font bien moins d'effet sur les esprits que ceux qui sont liés et enchaînés les uns aux autres ; santum series juncturaque pollet , comme il le dit lui-même. Et en effet, cet amas informe de règles et de maximes ne peut guère plaire davantage qu’un tas confus de matériaux, quelques précieux qu’ils fussent, qu'on auroit assemblés pour faire un édifice. Eu vain quelques-uns de ces morceaux seroïent travaillés de main de maître , on ne laisseroit pas de se moquer de l’ouvrier qui n’en feroit pas un autre usage, et qui nen pourroit pas composer un tout régulier. Infelix operis summé , quia ponere totum nesciet. Quelle apparence y a-t-il donc qu'Horace ait péché contre ses propres intérêts ? De plus, il faut se souvenir que ce n'est pas ici un ouvrage tel que quelques-uns qui ont paru en notre langue, et où l’on a débité des maximes et des réflexions absolument détachées et indé- pendantes les unes des autres. C'est une épitre qui a un objet fixe et arrêté, dont le caractère ne permet pas cette confusion et ce désordre. Il faut encore se souvenir que si l’on en croit Porphyrion , Horace s’y est proposé Néoptolème pour modèle. Il a donc apparemment suivi son ordre, qui ne pouvoit être que fhéthodique. Art poétique d’Horace. 565 D'ailleurs cette épitre n’est pas l'ouvrage d'un jeune homme. Il paroïît assez qu’elle est d'un critique consommé ; aussi est-ce l’une des dernières productions d'Horace , puisqu'elle nest sortie de ses mains qu’assez long-temps après la mort de Quintilius Varus, comme il est prouvé par le vers 438. Or peut-on se per- suader qu'il y ait ainsi négligé cet ordre, cette liaison et cet accord des parties , qu'il recom- mande tant à ceux qui se mêlent d'écrire ? Cela est d'autant moins croyable , que, dans cette pièce, comme il a été dit ci-dessus, l'on trouve , quoique épars, tous les différens mem- bres dont son traité devoit être composé. Ainsi, quand il seroit vrai qu'il les eût faits en divers temps, il lui eut été toujours aisé de les ran- ger dans leur ordre naturel, et de ne les pas laisser daus cette forme monstrueuse où ils pa- roissent aujourd'hui. Heinsius est le premier qui ait voulu y remé- dier, en faisant voir que cette pièce étoit déf- gurée par plusieurs transpositions ; mais, quoi- qu'à mon avis il soit très-bien fondé dans la plupart des changemens qu'il y a faits, et qu'il soit aisé de répondre aux objections de M. Da- cier , il faut avouer que l'esprit n’est point en- core content de ces changemens (1); car ils ne (1) Je me rappelle d'avoir lu quelque part que Saumaise s’étoit beaucoup moqué des transpositions d'Heinsius , et qu'il avoit composé un ouvrage entier pour en montrer le ridicule. G. P. 364 Littérature latine. rétablissent que deux ou trois endroits de cette épitre, et en laissent subsister le dérangement dans tout le reste. Ainsi, n'y ayant que peu de profit à tirer de ses conjectures, je ne suis pas surpris qu'elles aient eu si peu d'approba- teurs. Toutes ces différentes réflexions nr'ayant fait lire et relire avec attention cette épitre d'Ho- race , il m'a paru qu'à Faide des transpositions, l'on pouvoit rendre à cet ouvrage son premier lustre, en y rétablissant l’ordre et la kaison qui y manquent. J'ai donc essayé de faire ce que l'auteur a fait vraisemblablement , ou du moins ce quil a dù faire , em mettant chaque chose dans la place où il m'a paru qu'elle devoit être, et en réunissant sous un même point de vue des propositions, qui, étant divisées, sem- bloient perdre beaucoup de leur grâce et de leur force. De ce nouveau composé, il résulte un ouvrage très-suivi et très-bien lié, si je ne meñtrompe. Il peut être divisé en trente sections , lesquelles renferment toute la substance de l'Art poétique. Mais je ne prétends pas donner mes conjec- tures pour des certitudes; il y auroit de la témérité à le faire. Je n'ai cherché en cela que le vrai- semblable, et je croirai l'avoir trouvé, si l'on peut convenir au moins avec moi qu Horace eùt mieux fait de disposer son ouvrage de la sorte ; mais c'est un aveu que je n’attends guère de ces gens entétés qui admirent les anciens en Ari poétique d’'Horace. 369 aveugles, et qui ne daignent pas même écouter leurs censeurs. Après tout, ils doivent me savoir bon gré de n'avoir cherché à faire sentir les défauts de cet ouvrage que pour persuader qu'Horace n'é- toit pas capable de les y laisser, et par con- séquent que nous n'avons pas cette épitre dans l'état où elle est sortie de ses mains. La seule objection que je craigne, est qu'il n’y a guère de vraisemblance dans les transpo- sitions que je suppose; et en effet elles sont très- extraordinaires; mais cependant elles ne sont ni incroyables, ni même sans exemple. Je ne parlerai pas de celles que Jos. Scaliger a. trouvées dans Tibulle, dans Properce, dans Manile, ni de celles qu'Heinsius a fait remarquer dans Théognis; je ne m’arréterai pas non plus à celle que M. Huët a découverte dans quelques éditions du poëme de Paul Silentiaire , de Thermis Pythicis, quoiqu’elle nous donne une preuve certaine de la facilité avec laquelle ces sortes de changemens peuvent arriver. Je laisse aussi plusieurs transpositions moins importantes qui se sont glissées dans les ouvrages des anciens, par la faute des copistes. Je m'en tiens à la plus authentique et à la plus surprenante de toutes. C'est celle qui se trouve dans la version de Jé- rémie faite par les LXX, depuis le chapitre 25 jusque au chap. 51 , où l’ordre de l'original est absolument bouleversé, sans qu'on puisse com- prendre comment cela s’est pu faire. Cet exemple suffit seul, non-seulement pour autoriser les trans- 366 Littérature latine: positions que je suppose dans Horace, mais encore . pour me dispenser d’en chercher les raisons. S'il m'est pourtant permis de donner sur cela carrière à mon imagination , voici cé gui. me paroit le plus craBlabIE Les anciens gtam mairiens avoient divisé cette épitre en plusientrs sections ou partiès, à peu près comme je l'ai fait. J'en trouve la preuve dans Quintilien, le- quel, Znstit., lib. VIII, cap. III, cite le pre- mier vers de cette épitre en ces termes : Tale est monstrum , quale Horatius in primé parte libri de Arte poeticé fingit : humano capiti, etc. ÿ car je ne vois pas pourquoi il se seroit servi de ces mots : În primé parte, si la division dont je viens de parler n’eût été faite. La raison pour laquelle apparemment on l’avoit inventée, étoit pour mieux faire sentir la méthode de ce traité, et pour servir de repos aux maîtres qui le dic- toient et l'expliquoient à leurs disciples. Or il n’est pas impossible que ces morceaux, ayant été dictés séparément et en divers temps, ceux qui ont voulu ensuite les ramasser en un corps, n'en aient troublé et renversé l’ordre, et que de cet assemblage confus, n'ait été formé l’exem- plaire d'où ont été tirés tous ceux qui restent de cet ouvrage. Encore un coup je ne propose ici qu'une conjecture, mais qui n'est peut-être pas destitnée de toute vraisemblance. Les con- aoisseurs en jugeront comme de tout le reste. : Art poétique d’Horace. 567 PLAN de lArt poétique d’Horace, suivant que je l’ai disposé. 2 Bedonne dans cet ouvrage des règles gé- - nérales pour tous les genres de poésie; ces règles se réduisent à trente principales, qu’on peut regarder comme la base et le fondement de l'art, et qui en renferment toutes les finesses. Mon dessein n'est pas d’en faire sentir la justesse et Vutilité ; je ne veux que montrer l'ordre et la méthode de. cet excellent ouvrage, et faire voir la liaison de toutes ses parties, suivant le nouvel arrangement que je leur ai donné; et c'est ce que je vais faire le plus succintement qu'il me sera possible. 1 Horace commence d’abord par nous apprendre que quelque sujet qu’on veuille traiter, il faut s'en former une idée simple et naturelle, et de tous les différens membres en composer un tout régulier qui n'ait rien de monstrueux , ni de con- traire à la vraisemblance ; autrement ce seroit moins la production d’un-homme sensé que les réveries d'un malade ; ce seroit à une tête de femme joindre l’encolure d’un cheval, les pieds d'un dragon, le corps.d’un oiseau et la queue d’un poisson. Quelque liberté qu'on accorde aux poëtes, aussi bien qu'aux peintres, elle ne va 568 Littérature latine. pas jusqu’à leur passer de pareilles extrava- gances. LI: _ Horace examine ensuite les talens qu'il faut avoir pour la poésie. Les uns croient qu’un heu- reux génie n'a pas besoin du secours de l'art. D'autres se persuadent qu'avec un peu d'art, un esprit médiocre peut réussir. Notre poëte fait voir que l'on ne peut arriver à la perfec- tion sans génie et se moque, en passant, de ceux qui, persuadés que pour être grand poëte il falloit quelque grain de folie, faisoient tout ce qu'ils pouvoient pour se déranger le cerveau. Il prend de là occasion de dire que si c’est le moyen de réussir à faire des vers ; ‘il aime mieux y renoncer, et se contenter de donner des leçons à ceux qui se mêlent d'en composer. III. La première qu’il leur donne, est que la poé- sie a pour but, ou d'être utile, ou d’être agréa- ble. Il le prouve par son origine, son premier emploi ayant été de civiliser les hommes, de leur prescrire des lois, et de leur enseigner le culte des dieux ; ensuite de quoi on l'a mise à des usages moins sérieux. Elle a chanté les hé- ros et les rois; elle a été employée dans les jeux et daus les spectacles , et a servi à plusieurs autres amuseinens. IV. Mais ce n’est pas assez de savoir l'usage qu'on peut faire de la poésie ; il faut aussi que chacun mesure Ari poétique d’Horace. 369. mesure ses forces à cet égard , de peur que choi- sissant un sujet qu'on n’est pas capable de ma- nier , on ne succombe sous le poids. V. Quand on a choisi un sujet convenable, il faut prendre garde-à la nature de vers qu’il demande. Le poëme épique en a qui lui sont propres ; l’é- légie a les siens, aussi bien que la poésie lyri- que; et il en est de même des poëmes drama- tiques. NE Si l’on s'attache à la tragédie , l'on peut être embarrassé sur le choix du héros qu'on veut mettre sur la scène; mais si c'en est un qui soit tiré de l’histoire ou de la fable, il faut néces- sairement lui conserver le caractère que la re- nommée lui a donné, Achille doit toujours être intrépide , emporté , inexorable ; Médée cruelle, Oreste furieux, etc. Que si c’est un héros in- venté à plaisir, il ne doit rien faire qui s’écarte tant soit peu du caractère qu'on lui a une fois donné. Mais comme cela paroït difficile à Ho- race , il conseille de s’en tenir aux sujets con- nus, et qui ont déjà été traités par d’autres. VIT Eu suivant ce conseil , il y a aussi un danger à éviter , qui est de devenir copiste, ou imi- tateur trop servile. Horace enseigne le moyen de fuir cet écueil, et de s'approprier en quel- que manière les matériaux dont d'autres s’étoient T'. VF. Octobre 1805. Aa 970 Litiérature latine. déjà emparés ; et cette leçon ne regarde pas moins les poëtes épiques que les dramatiques. VIII. A l'égard des premiers , ils doivent craindre surtout de débuter d'une manière trop empou- lée , et qui promette plus qu'ils ne peuvent te- nir. Il vaut mieux imiter la simplicité d'Homère, qui commence toujours ses poëmes modeste- ment , et qui débite ensuite des merveilles aux- quelles on ne s'attendoit pas. Une autre adresse de ce grand poëte est de transporter d'abord ses lecteurs au milieu des événemens qu'il veut con- ter, sans s'amuser à les prendre dans leur ori- sine , comme les poëtes Cycliques. Horace invite fort à suivre son exemple , tant sur cela que sur d'autres points qu'il touche en passant. IX, Une autre chose qu'il recommande aux poëtes , c'est d'aller toujours droit à leur but, sans trop s'arrêter à des choses étrangères, comme à des descriptions fleuries , mais frivoles, écueil or- dinaire des génies médiocres. Pour être bon sculpteur ; ce n'est pas assez de bien finir des cheveux ou des ongles ; il faut que toute la f- gure ait ses proportions. Îl en est de même du poëte, dont on ne doit pas juger par quelques morceaux détachés , mais par le poëme entier. Le penchant qui nous porte à employer ces ornemens superflus est d'autant plus dange- reux, qu'il a l'apparence du bien. Ce n'est pas Art poëtique d’Horace. 971 le seul défaut où ce principe nous conduise. C'est ainsi que pour vouloir être couit on de- vient obscur: On veut s'élever , et l'on tombe dans l’enflüre; on cherche à pobr ses ouvrages, et on les ‘affoiblit ; on veut y mettre du mer- veilleux, et l'on met des san:liers sur les caux et des dauphins dans les forêts: C’est le milieu seul qui fait la perfection, et qu'il faut tächer d'attraper. X. De ces principes généraux , Horace passe à ceux qui.régardent la poésie dramatique , de laquelle il raconte l’érigine en peu de mots. La tragédie a été inventée par Thespis, et per- fectionnée par AEschyle. Les Grecs firent ensuite des tragédies satyriques, pour égayer le peuple et pour lui plaire; et c'est de là que vint l’an- cienne comédie , dont l’excessive liberté fut de- puis réformée , et les chœurs retranchés. XTT La tragédie doit être grave et sérieuse , et c'est en quoi elle diffère principalement des pièces satyriques. XII. Celles-ci étant faites pour inspirer la joie, on leur permet quelques licences ; mais cela n'empêche pas qu'il ne faille conserver aux dieux et aux héros qui y sont introduits, le caractère et le langage qui leur conviennent. Il ne faut pas aussi que les Faunes et les Satyres qui paroissent 972 Litiéraiure latine. sur la scène disent des paroles , ou trop libres , ou trop polies. Ces sortes de pièces doivent te- nir le milieu entre le sérieux de la tragédie et la liberté de la comédie, D'ailleurs , comme on. les joue après la tragédie, le sujet de l’une et de l’autre doit avoir une agréable liaison , et cest ce qui en fait la beauté. ÎNota. Le manuscrit que j'ai entre les mains ne pousse pas plus loin cette analyse de l’art poétique , qui est du reste assez inutile au lecteur, puisque le président Bouhier , ainsi qu'on va le voir, a pris lui-même la peine de disposer tous les vers du poëme d’après sa méthode, Art poétique d'Horace. 575 ©. EH OM AT, LIFE: LAC. C:I ARS POETI CA, Ordini suo , ex meä sententià, restituta. AD PISONES I. Humano capiti cervicem pictor equinam Jungere si velit, et varias inducere plumas Undique collatis membris, ut turpiter atrum Desinat in piscem mulier formosa superne, Gn Spectatum admissi risum teneatis amici ? Credite, Pisones, isti tabulæ fore librum Persimilem, cujus , velut ægri somnia, vanæ Fingentur species ; ut nec pes, nec caput uni FReddatur formæ. Pictoribus , atque Poëtis Quid libet audendi semper fuit æqua potestas ; 10 Scimus, et hanc veniam petimusque damusque vicissim. Sed non ut placidis coëant immitia ; non ut Serpentes avibus geminentur , tigribus agni. IL, Naturà fieret laudabile, carmen, an arte, Quæsitum est. Ego nec studium sine divite venä ; 15 Nec rude quid possit video ingenium; alterius sic Altera poscit opem res, et conjurat amicè. Ingenium miserà quia fortunatius arte Credit , et excludit sanos Helicone Poëtas Democritus , .bona pars non ungucs ponere curat, 20 Non barbam; secreta petit loca ; balnea vitat. 374 Littérature latine. | Nanciscetur enim pretium , nomenque Poëtæ, Si tribus Anticyris caput insanabile nunquam Tonsori Licino commiserit. O ego lævus, Qui purgor bili sub verni temporis boram ! aû Non alius faceret meliora poëmata. Verum Nil tanti est. Ergo fungar vice cotis, acutum Reddere quæ ferrum valet , exsors ipsa secandi, .Munus et officium nil scribens ipse docebo ; Unde parentur opes; quid alat formeique Poëtam; 3o Quid deceat, quid non; què virtus, què ferat error. LIT. Aut prodesse volunt, aut delectare Poëtæ, Aut simul et jucunda, et idonea dicere vitæ. Sylvestres homines sacer , interpresque Deorum Cædibus et victu fœdo deterruit Orpheus, 35 Dictus ob hoc lenire tigres, rabidosque leones. Dictus et Amphion Thebanæ conditor arcis Saxa movere sono testudinis et prece blandà Ducere què vellet. Fuit hæc sapientia quondam, Publica privatis secernere, sacra profanis ; 4o Concubitu prohibere vago ; dare jura maritis ; Oppida moliri ; leges incidere ligno. Sic honor et nomen divinis vatibus, atque Carminibus venit, Post hos insignis Homerus, Tyrteusque mares animos in Martia bella A5 Versibus exacuit. Dictæ per carmina sortes ; T'Et vitæ monstrata via est; et gratia regum Pieriis tentata modis ; ludusqne repertus , Et longorum operum finis ; ne forte pudori Sit tibi Musa lyræ solers, et canton Apollo. 5a EM. Sumite materiam vestris, qui seribitis, æquam Vixibus, et yversate diu, quid ferre recusent, Art poétique d’Horace. 375 Quid’valeant humeri. Cui lecta potenter erit res, Nec facundia deseret bunc, nec lucidus ordo. Y. Res geste Regumque Ducumque , et tristia bella Quo scribi possint numero, monstravit Homerus. ou or Versibus impariter junctis querimonia primüm , Post etiam inclusa est voti senteutia compos. Quis tamen exiguos elegos emiserit anctor, Grammatici certant, et adhuc sub judice lis est. 60 Musa dedit fidibus Divos, puerosque Deorum, Et pugilem victorem , et equum ceriamine primum, Et juvenum curas, et libera vina referre. Archilochum proprio rabies armavit iambo. Hunc socci cepere pedem, grandesque cothurni, 65 Alternis aptum sermouibus , et populares Vincentem strepitus, et natum rebus agendis. NL Aut famam sequere , aut sibi convenientia finge Scriptor honoratus. Si forte reponis Achillem, Impiger , iracundus, inexorabilis, acer, 70 Jura neget sibi nata ; nihil non arroget armis. Sit Medea ferox, invictaque ; flebilis Ino ; Perfidus Ixion ; Lo vaga ; tristis Orestes. Si quid inexpertum scenæ committis, et audes Personam formare novam ; servetur ad imum, 75 Qualis ab incepto processerit , et sibi constet. Difficile est propriè communia dicere ; tuque Rectius Ilacum carmen deducis in actus, Quam si proferres ignota indictaque primus. VIT: Publica materies privati juris erit, si 80 Nec circa vilem patulumque moraberis orbem ; Nec verbum verbo curabis reddere fidus 576 Littérature latine. Interpres ; nec desilies imitator in arctum, Unde pedem proferre pudor vetet, aut operis lex. Vu D Nec sic incipies , ut seriptor Cyclicus olim : 85 Fortunam Priami cantabo, et nobile bellum. Quid dignum tanto feret hic promissor hiatu ? Parturiunt montes , nascetur ridiculus mus, Quantè rectius hic, qui nil molitur ineptè ! Dic mihi, Musa virum , captæ post tempora Trojæ, 90 Qui mores hkominum multorum vidit , et urbes. Non fumum ex fulgore , sed ex fumo dare lucem Cogjitat ; ut speciosa dehinc miracula promat, Antiphaten , Scyllamque , et cum Cyclope Charÿbdim. Nec reditum Diomedis ab interitu Meleagri, 95 Nec gemino bellum Trojanum orditur ab ovo. Semper ad eventum festinat ; et in medias res Non secus ac notas auditorem rapit ; et quæ Desperat tractata nirescere posse ; relinquit ; Atque ita mentitur, sic veris falsa remiscet, 100 Primo ne medium, medio ne discrepet imum. LR Inceptis gravibus plerumque, et magna professis Purpureus latè qui splendeat unus et alter Adsuitur pannus; quum lucus et ara Dianæ, Aut properantis aquæ per amænos ambitus agros, 105 Aut flumen Rhenum, aut pluvius describitur arcus. Sed tunc non erat his lôcus. Ut fortasse cupressum Scis simulare. Quid hoc, si fractis enatat exspes Navibus , ære dato qui pingitur ! Amphora cœpit Institui ; currente rotà cur urceus exit | 110 Denique sit , quod vis, simplex dumtaxat , et unum Maxima pars vatum, Pater et Juvenes patre digni, Decipimur specie recti. Brevis esse laboro , Art poétique d’Horace. 377 Obscurus fo. Sectantem lævia, nervi Defciunt , animique. Professus grandia, turget. 115 Serpit humi, tutus nimium, timidusque procellæ. Qui variare cupit rem prodigialiter unam, Delphinum Sylvis adpingit , fluctibus aprum. In vitium ducit culpæ fuga , si caret arte. AEmilium circa ludum faber, unus et ungues : 120 Exprimet , et molles imitabitur ære capillos , Infelix operis summà , quia ponere totum Nesciet. Hunc ego me, si quid componere curem, Non magis esse velim, quam pravo vivere naso, Spectandum nigris oculis , migroque capillo. 125 X. * Ignotum Tragicæ genus invenisse Camænæ Dicitur, et plaustris vexisse poëmata Thespis Qui canerent, agerentque , peruncti fæcibus ora. Post hunc personæ, palleque repertor honestæ AEschylus , et modicis instravit pulpita tignis, 130 Et docuit magnumque loqui, nitique cothurno. Carmine qui tragico vilem certavit ob hircum, Mox etiam agrestes Satyros nudavit, et asper Incolumi gravitate jocum ‘tentavit, eo qudd Illecebris erat , et gratà novitate morandus 135 Spectator funciusque sacris , et potus, et exlex. Successit vetus his comædia, non sine multà Laude. $ed in vitium libertas excidit, et vim Dignam lege regi. Lex est accepta, chorusque Turpiter obticuit, sublato jure nocendi, 140 XL Effutire leves indigna tragædia versus, Ut festis Matrona moveri jussa diebus, Intererit Satyris paulum pudibunda protervis. 578 Littérature latine. ICE D Verùm ita risores, ita commendare dicaces Conveniet Satyros, ita vertere seria ludo, 145 Ne , quicumque Deus, quicumque adhibebitur Heros, Regali conspectus in auro nuper, et ostro, Migret in obscuras humili sermone tabernas, Aut, dum vitat humum, nubes et inania captet. Sylvis deducti caveant, me judice , Fauni, 150 Ne, velut innati trivis, ac pœne forenses, Aut nimium teneris juvenentur versibus unquam, Aut immunda crepent, ignominiosaque dicta. Offenduntur enim quibus est equus ; et pater, et res; Nec si quid fricti ciceris probat , et nucis emptor, 155 AEquis accipiunt animis , donantve coronû. Non ego inornata , et dominantia nomina solùm , Verbaque, Pisones , Satyrorum scriptor amabo, Nec sic enitar tragico differre colori, Ut nihil intersit, Davusne loquatur , an audax 160 Pythias, emuncto lucrata Simone ralentum , An custos famulusque Dei Silenus alumni. Ex noto fictum carmen sequär ; ut sibi quivis Speret idem, sudet miltm , frustraque laboret, Ausus idem. Tantüm series ; juncturaque pollet ; 165 Tantüm de medio sumptis accedit honoris. ALMA. Aut agitur res in scenis, aut acta refertur. Segnius irritant animos demissa per aurem, Quam quæ sunt oculis subjecta fidelibus, et quæ Ipse sibi tradit spectator. Non tamen intus 170 Digna geri, promes in scenam, multaque tolles Ex oculis, quæ mox narret facundia præsens. Ne pueros coram populo Medea trucidet ; Aut humana palam coquat exta nefarius Atreus Art poëtique d'Horace. XATAV Ficta voluptatis causà , sint proxima veris , Ne, quodcunque volet ; poscat sibi fabula credi ; Neu pransæ Lamiæ vivum puerum extrahat alvo ; Aut in avem Progue vertatur, Cadmus in anguem. Quodcunque ostendit mihi sic ; incredulus odi. X :V. Centuriæ seniorum agitant expertia frugis ; Celsi prætereunt austera poëmata Rhamnes. Omne tulit punctum , qui miscuit utile dulci, Lectorem delectando , pariterque monendo. Hic meret æra liber Sosiis ; hic et mare transit, Et longum noto scriptori prorogat ævum. KIAVUE Ordinis hæc virtus erit , et Venus , aut ego fallor, Ut jam nunc dicat, jam nunc debentia dici ; Pleraque differat, et præsens in tempus omittat. Ut pictura , poësis. Erit quæ, si propius stes, Te capiet magis; et quædam , si longius abstes. Hæc amat obscurum; volet hæc sub luce videri, Judicis argutum, quæ non formidat acumen ; Hæc placuit semel, hæc decies repetita placebit. & VIT. Quicquid præcipies , esto brevis ; ut cito dicta Percipiant animi dociles, teneantque fideles. Omne supervacuum pleno de pectore manat. RUN AL In verbis etiam tenuis, cautusque serendis Hoc amet , hoc spernat promissi carminis auctor. Dixeris egregiè , notum si callida verbum Reddiderit junctura noyum. Si forte necesse est Indiciis monstrare recentibus abdita rerum, 180 185 199 206 80 Littérature latine. Fingere cinctutis non exaudita Cethepgis Continget, dabiturque licentia sumpta pudenter. Et nova fictaque nuper habebunt verba fidem , si Græco fonte cadant, parcè detorta. Quid autem 205 Cæcilio , Plautoque dabit Romanus , ademptum Virgilio, Varioque ? Fgo cur adquirere pauca, Si possum, invideor ; quum lingua Catonis et Ennî Sermonem patrium ditaverit, et nova rerum Nomina protulerit ? Licuit, semperque licebit , 22G Signatum præsente notà procudere nomen. Ut Sylvæ fois pronos mutantur in annos, Prima cadunt; ita verborum vetus interit ætas, Et juvenum ritu florent modo nata , vigentque. Debemur morti nos, nostraque; sive receptus 215 Terrà Neptunus classes Aquilonibus arcet, Regis opus, sterilisve diu palus, aptaque remis, Vicinas urbes alit , et grave sentit aratrum ; Seu cursum mutavit iniquum frigibus amnis, Doctus iter melius. Mortalia facta peribunt ; 220 Nedum sermonum stet honos, et gratia vivax. Multa renascentur . quæ jam cecidere; cadentque, Quæ nunc sunt in honore, vocabula; si volet usus, Quem penes arbitrium est, et jus, et norma loquendi. XXE Neve minos quinto , neu sit productior , actu 229 Fabula, quæ posci vult, et spectata reponi. Nec Deus intersit, nisi dignus vindice nodus Inciderit ; nec quarta loqui persona laboret, X X. Âctoris partes chorus , officiumque virile Defendat ; neu quid medios intercinat actus, 230: Quod non proposito conducat , et hæreat apté, lle bonis faveatque, et concilietur amicis ; Art poétique d’Horace. 585 Ét regat iratos ; et amet pacare timentes. Ille dapes laudet mensæ brevis ; ille salubrem Justitiam, legesque , et apertis otia portis. 235 Ille tegat commissa, Deosque precetur, et oret, Ut redeat miseris, abeat fortuna superbis. PU. Versibus exponi tragicis res comica non vult. | Indignatur item privatis, ac prope socco Dignis, carminibus celebrari cœna Thyestæ. 240 Singula quæque locum teneant sortita decenter, Descriptas servare vices, operumque colores, Cur ego si nequeo , ignorove, poëta salutor ? Cur nescire, pudens pravè, quèm discere malo? X XII. Interdum tamen et vocem comædia tollit, 245 Iratusque Chremes tumido delitigat ore. Et tragicus plerumque dolet sermone pedestri. Telephus et Peleus cum pauper et exul uterque, Projicit ampullas et sesquipedalia verba , Si curat cor spectantis tetigisse querelà ? 250 Non satis est pulchra esse poëmata ; dulcia sunto, Et quocunque volent animum auditoris agunto. Ut ridentibus adrident , ita flentibus adflent Humani vultus, Si vis me flere, dolendum est Primum ipsi sibi. Tunc tua me infortunia lædent, 255 Telephe, vel Peleu. Malè si mandata loqueris, | Aut dormitabo , aut ridebo. Tristia mœstum Vultum verba decent ; iratum plena minarum ; Ludentem , lasciva ; severum , seria dictu. Format erim natura prius nos intus ad omnem 26e Fortunarum habitum ; juvat, aut impellit ad iram ; Aut ad humum mærore gravi deducit, et angit; Pest effert animi motus interprete linguà. 82 Liltérature latine. Si dicentis erunt fortunis absona dicta ; Romani tollent equites, peditesque cachinnum, * 265 A XLT TL Tu quid ego; et populus mecum desideret, audi. ., Si plausoris eges aulæa manentis, et usque Sessuri, donec cantor, VOS PLAUDITE , dicat ; AEtatis cujusque notandi sunt tibi mores, Mobilibusque decor, maturis dandus et annis. 270 Scribendi rect , sapere est et principium et fons. Rem tibi Socraticæ poterunt ostendere chartæ, Verbaque provisam rem non invita sequentur, à Qui didicit, patriæ quid debeat , ét quid: amicis ; k Quo sit amore parens, quo frâtér amandüs ,‘et hoôspes ; 275 Quod sit conscripti, quod judicis officium ; quæ Partes in bellum imissi ducis ; ile profecto Reddere personæ scit convenientia cuique. 1È Respicere exémplar vitæ, morumque jubebo : Doctum imitarorem , et vivas: hinc ducére voces. 280 Interdum speciosa locis, morataque rectè Fabula, nullius veneris , sine pondere , et arte, Valdius .oblectat populum ; meliusque moratur , Quam versus inopes rerum, nugæque canoræ, Intererit multuin. Davusne loquatur, herusne ; 285 Maturusne senex, an adhuc florente juventa Fervidus; ac matrona potens, an sedulæ nutrix ; Mercatorque vagus, cultorne virentis agelli ; Colchus, an Assyrius ; Thebis nutritus., an Argis. X X FE V: Reddere qui voces jam scit puer ; et pede certo 290 Signat'humun , ‘gestit paribus colludere; et iram Colligit, ac ponit temerè, et mutätur in horas. Imberbis juvenis, tandem custode remoto 5 Gaudet equis canibusque , et aprici gramine campi ; { Art poétique d'Horace. Cereus in vitium flecti ; monitoribus asper ; Utilium tardus provisor ; prodigus æris ; Sublimis , cupidusque, et amata relinquere pernix. Conversis studiis, ætas animusque virilis Quærit opes et amicitias ; inservit honori ; Commisisse cavet, quod mox mutare laboret. Multa senem circumveniunt incommoda, vel quod Quærit et inventis miser abstinet, ac timet uti; Vel quod res omnes timidè, gelidèque ministrat ; Dilator , spe longus , iners, pavidusque futuri ; Diffcilis, querulus, laudator temporis acti Se puero ; censor, castigatorque minorum. Multa ferunt anni venientes commoda secum ; Multa recedentes adimunt. Ne forte seniles Mandentur juveni partes, pueroque viriles. Semper in adjunctis , ævoque morabimur aptis. X X V. INil intentatum nostri liquere Poëtæ ; Nec minimum meruere decus, vestigia græca Ausi deserere, et celébrare domestica facta , Vel qui prætextas, vel qui docuere togatas. Tibia non, ut nunc, orichalco vincta , tubæque AEmula, sed tenuis , simplexque foramine pauco Aspirare , et adesse choris erat utilis, atque Nondum spissa nimis complere sedilia flatu , Quo sanè populus miserabilis , utpote parvus, Et frugi, castusque, verecundusque coïbat. Postquam cæpit agros extendere victor, et urbem Laxior amplecti murus , vinoque diurno Placari genius festis impune diebus ; Accessit numerisque ; modisque licentia major. Sic priscæ motumque, et luxuriem addidit arti Tibicen , traxitque vagus per pulpita vestem. 585 295 (so) [e] La) 310 Lei] Lea] 325 84 Littérature latine. Sic etiam fictibus voces crevere severis ; Et tulit eloquium insolitum facundia præceps ; Utuliumque sagax rerum, et divina futuri , Sortilesis non discrepuit sententia Delphis. 330 Nec virtute foret, clarisve potentius armis, Quäm linguà, latium, si non offenderet unum- Quemque Poëtarum limæ labor , et mora. Vos, à Pompilius sanguis , carmen reprehendite , quod non Multa dies , et multa litura coërcuit , atque 335 Præfectum decies non castigavit ad unguem. Xe XNIVAT: Syllaba longa brevi subjecta, vocatur iambus ; Pes citus , unde etiam trimetris accrescere jussit Nomen iambeis ; quum senos redderet ictus Primus ad extremum similis sibi. Non ita pridem, 340 Tardior ut paulo graviorque veniret ad aures, Spondeos'stabiles in jura paterna recepit, Commodus et patiens; non ut de sede secundà Cederet, et quartà socialiter. Hic et in Acci Nobilibus trimetris apparet rarus, et Enni, 345 In scenam missus magno cum pondere versus, Aut opere celeris nimium, curäque carentis, Aut ignoratæ premit artis crimine turpi. Non quivis videt immodulata poëmata judex ; Et data Romanis venia est indigna Poëtis. 350 Idcircone vager, scribamque licenter ? Ut, omnes Visuros peccata putem mea, tutus et intra Spem veniæ cautus? Vitavi denique culpam , Non laudem merui. Vos exemplaria græca Nocturn versate manu, versate diurnâ. 355 Graïis ingenium, Graïis dedit ore rotundo Musa loqui, præter laudem , aullius avaris. XXVII. \ Art poëtique d'Horace. 385 Æ RVNE Le à ÂAt nostri proavi Plautinos et numeros, et Laudavere sales. Nimium patienter utrumque, Ne dicam stultè, mirati; si mod ego et vos 360 Scimus inurbanum lepido seponere dicto, Legitimumgne sonum disitis callemus, et aure, Indoctus quid enim saperet , liberque laborum Rusticus urbano confusus , turpis honesto ? Romani pueri longis rationibus assem , 365 Discuut in partes centum diducere. Dicat Filius Albini: Si de quincunce remota est Unvcia , quid superest ? Poterat dixisse : Triens. Eu, Rem poteris servare tuam. Redit uncia; quid fit ? Semis. An hæc animos ærugo , et cura peculi 370 Quum semel imbuerit, speramus carmina fingi Posse linenda cedro , et lævi servanda cupresso ? X XIV ET, Qui studet optatam cursu contingere metam, Multa tulic fecitque puer ;} sudavit, et alsit ; _Abstinuit Venere, et vino. Qui Phythia cantat 375 Tibicen, didicit prius, extimuitque magistrum, Ludere qui nescit , campestribus abstinet armis ; Indoctusque pilæ , discive , trochive , quiescit ; Ne spissæ risum tollant impunè coronæ. Qui nescit, versus tamen audet fingere ! Quid ni? 380 Liber, et ingenuus, præsertim sensus equestrem Summam nummorum, vilioque remotus ab omni. O major juvenum , quamvis et voce paternà Fingeris ad rectum , et per te sapis ; hoc tibi dictum Toile memor, certis medium et tolerabile rebus 385 Rectè concedi. Consultus juris, et actor Causarum mediocris, abest virtute diserti Messalæ, nec scit quantum Cascellius Aulus ;. T. F. Octobre 1805. Bb 3686 Littérature latine. Sed tamen in pretio est. Mediocribus esse Poëtis, Non homines, non Di, non concessere columnæ, Nec satis est dixisse : Ego mira poërnata pango ; Occupet extremum scabies; mihi turpe relinqui est, Et quod non didici sanè nescire fateri. Ut gratas inter mensas symphonia discors, Et crassum unguentum , et Sardo cum melle papaver Offenduat , poterat duci qua cœna sine istis ; Sie animis natum inventumque poëma juvandis ; Si paulum summo decessit, vergit ad imum. XXI A Sunt delicta tamen, quibus ignovisse velimus. 390 595 Nam neque chorda sonum reddit.quem vult manus,et mens; 400 Poscentique gravem, persæpe remittit acutum ; Nec semper feriet, quodctinque minabitur , arcus. Verüm ubi plura nitent in carmine, non ego paucis Offendar maculis , quas aut incuria fudir, Haut humana parum cavit natura. Quid ergo? Ut scriptor si peccat idem librarius usque, Quamvis est monitus, venià caret ; et Citharædus Füdetur, chordà qui semper oberrat eâdem; Sic mihi, qui mulitüm cessat, fit Chærilus ille, Quem bis terve bonum cum risu miror; et idem Indignor, quandoque bonus dormitat Homerus. Verüm operi longo fas est obrepere somnum. X: XLR Tu nihil invità dices faciesve Minerva. Id tibi judicium est , ea mens. Si quid tamen olim Scripseris, in Met descendat judicis aures , Et patris, et nostras; nonumque prematur in annum , Membranis intus positis. Delere licebit , Quod non edideris. Nescit vos missa reverti. Ut præco, ad mérces turbam qui cogit emendas ; 405 415 ES “obtesn L be *. chez clans les années 1780—1783; par William Hodges. Jbid. Antiquités. *Dactyliotheca Stoschiana, par Jean Winckelmann. 456 “Les Monumeus antiques inédits du Musée Napoléon , gravés par Th. Piroli. 18°. livraison. 442 Antiquités d'Herculanum , gravées par le même. "T. LV. 27€. livr. 1b. Mémoires sur les Antiquités du Poi- tou; par E. M. Siauve. 445 Peinture. Galerie de Rubens , dite du Luxem- bourg. 443 Gravure. Treize Gravures d'après plusieurs grands maitres; par M. Lancer. 446 ‘Littérature sacrée. natit Koegleri, S. J:, Notitiæ 55. bibliorum judæorum in 1mper10 Si= nensi; edidit Christoph. Theopl. de Murr. 447 Littérature française. Pensées et Maximes de G. C. Lamoi- gnon-de-Malesherbes , recueillies par E. L*#*. 449 Critique corrective: Lettre critique de F: J. Bast à M. J. F. Boissonade, sux Antoninus Li= beralis, Parthenius et Aristénetes 451 Poésie française. La Gastronomie, parJ.Berchoux. 455 Recueil d'Opuscules en vers et en prose, : 457 OEuvres d'Avisse, aveugle. AV I S. ‘ On peut s'adresser au Bureau du Magasin Encyclopédique , ELANCE, Imprimeur Libraire, rue des Mathurins , hôtel Cluny, pour se procurer tous les Liyres qui paroïssent en France et chez l’Étranger, et généralemient pour tout ce qui Concerne Ja Librairie ancienne et moderne. 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On y rend compte des Expériences nouvelles. On y donne un pré- cis de ce que les Séances des Sociétés littéraires ont offert de plus intéressant; une description de ce.que les dépôts d'objets d'Arts et de Sciences renferment de plus curieux. On y trouve des Notices sur la Vie et les Ouvrages des Savans, des Littérateurs et des Artistes distingués dont on regrette la perte ; enfin les Nouvelles littéraires de toute espèce! ps La corressondance que le Rédacteur entretient avec plusieurs Savans étrangers, et principalement en Alle- magne, lui proenre beaucoup de Notices qu'on ne trouve point ailleurs. °° Ro TRaT ere PE ROSES D? ét Loprimeur- Libraire, rûe des Mathurins, hôtel Cluny, Rs Jhanguion et-d'Fenget, A Amsterdam, $ Rd be At eu È 4 sat A Bruxelles, chez Lemaire. | c GIRIGSSS A: Floreuce ; chez Molini. AGEN À F'ianefort-sur-le-Mein, chez Fleischer,, UT chez Manget. LE, AVES : chez Pasclond. SRE NE A Hamhourg chez Héffmanm. ES SA CR Te 2 , A Leipsic, chez Wolf | PU OA PR nt À Levde, chez les frèves Murray. : ; SAR ! À Londres, chez de Bofle, Gerard Slrecly, + A Slrasbèurg, éhez Levrault.. Me: es A Vienne , #hémDeseni 7 eAR A Wesél, cliez Geisier, Mirecieur'des Postes, Il faut ‘affranchir les letires. EST SORT D Le Vie AIO PPP Drécanerrrs, Desausr, Drsronrarnes, Doenir, Fos. Hasouisse, Lacérènr, Lacnancr, Laranne, Liimante,. SET On s'adresse, pour l'abonnement, à Paris, chez DeraNcr, . USE SC RE (Sac: ét S NUE MORE ES SANS CS ESS e AU UT EUX NUS ; AREA veut ds \ ANA \ À eu 444 L FULL, E LAURE LEE + (A 4 De DE D AE D AAA EU YO A LEVEL EEE