» es ’ pi } Cu et RS CAE ; MAMIE ; MAL AT AG 8,7 PRATTE RSA ERRNTEE RER Le : ae ms " RAR OIONEPINOC QE —Brumäire, An xur, | AGASIN | JOURNAL DES SCIENCES, à 1 4 DES LETTRES ETDES ART | 4! ë | IL ru Q , HET ÉDIGÉ LCI | : + {16 F6 PAR À; Es: MILLIN, EE xEUT lé Membre de L'INSTITUT ; Conservateur des Médailles , des Pierres ë}| 3 |£ . gravées et: des Antiques de la Bibliothèque Impériale, Pro- JE : Ë … : fesseur Archæologie, Membre de l’Académie de Goettin- : HN eue, etc. ete. 's l LISA : Prix de ce Journal, tant pour Paris que pour les 2 R il ea. LE Se Dépaïtemens , franc de port: +. Fe] 1151 M “pour trois mois,,.......,.:,,...: ©O francs. a] [IC | pour six MOÏS,.,,.r..ere.sssssvs 18 francs. | qe pour Una es re secure “se... 36 francs. Hi : L x ja Lesihommes les plus célèbres dans chaque partie des 1K HIS |. Sciences et de la Littérature, se sont plà à coopérer we) É * à cetie entreprise utile; et la collection des neuf années 1 | du Magasin Encyclopédique est devenue précieuse, en ce | ile qu'elle présente une réunion de Mémoires intéressans, ) 1 IE qu ne se trouvent point ailleurs, et dont les Auteurs |#] QE) jouissent d’une grande réputation. On y trouve, en effet, 21 : Ie des Dissertations , des Mémoires, ou des Opuscules de = MM. Azrserr, Barpter, Bargier pu Boccace , Bar- À THELEMY, Basr, Bromar, Cawrarn,' Cavanirrrs, %, Cnarvon LA Rocnerre, Cuvier, Dausenrer , Deziiie, Es Table des Articles contenus dans ce Numéro. L SANTIQUITÉS Monmmass antiques inédits ÿu nou- » vellement mel etc. ; par À. L. Millin. Tome LL, 5°. livraison, 5 Poésie ALLEMANDE. &thénor 4 poëme en seize chants ; par M. de Klein. 20 Hirstorre DES Écregens. … L AT Lettre sur les Hiéroglyphes. L Essai sur les Hiéroglyphes ;par M. Denon. — Analyse de l’inscription en hié- roslyphes , du Monument trouvé à Rosette. à 28 GRAMMAIRE. A Dissertation on Language , etc. ; ox Dissertation sur le Langage en gé- néral et en particulier. : Nouvelles d'Angleterre. MEpaer Vartérés, Nouveires er | CORRÉSPONDANCES LITTÉRAIRES + NouveLLes ÉTRANGÈRES, as ". NA 1 | x L * — de Hollande. — de Suisse. (4 — d'Allemagne, 154 — d’Anriche et de Hongrie. 16: — de la Poméranie, 16 — de Prusse, AA — de Russie. _ 167 — d'Italie. ss : 17 — d'Espagne. À 17 — de l'Inde : 17 — d'Afrique. : 175 | — de France. ne / — de Paris. 17 THiarazs, ÿ Anaximandré , 04 le Sacrifice aux Gräces: 3 20! LITTÉRATURE LATINE Gulistan ; ow le Hulla de Samar: ’ cande. | 202 Notes inédites du président Bouhier, | Le Grand-Père, 20% sur les Odes d'Horace. 6 |: Chacun à sou rour. à: 20, Les Portraits infidèles. Ibid, Voyaces. Mademoiselle Gaussin. Ibid, Dissertazione intorno ad alcuni Viag- Une Heure de caprice. 208 giatori, eruditi, Veneziani, poco noti, pubblicata nelle faustissime |: nozze del nobile uomo, il Signore . Conte Leonardo Manino, cou la nobile Donna Signora Contessa Foscarina Giovauelli, da Don ia- copo Morelli, 84 LITTÉRATURE GAECQUE, Suite des nouvelles Recherches sur la Déclamation théâtrale des anciens Grecs et Romains; par M, Bar- thez. BrocKkAPHYreE. Notice done sir la vie et les ouvrages de Pierre Julien ; par M. Joachim Le Breton, 128 109 La jeune Mère, ou: les Acteurs de Société. 206 LIVRES DIVERS. Sciences et Arts. W à FES EN Mémoires de l’Académie: impériale des sciences , Littérature et Beaux: Arts de Turin, pour Tes années 13 3 et 13. é 208 RUE 4 1 Histoire naturelle. Annälés du Muséum d'Histoire nad turelle: 34°. cahier. 214 Botanique, Phytographie Encyclopédique par M Mo ei PP ET SOS TN EE TO | MAGASIN ENCYCLOPÉDIQUE. ANNÉE 1805. OM E VE Sul kA Lg qe He 2 à edge he. Ce be, DE ACENN É par lai APCE ENS . et a + * MAGASIN ENCYCLOPÉDIQUE, OU JOURNAL DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES ARTS; RÉDIGÉ. PAR A. L MILLIN, Membre de l’Ixsrrrur, Conservateur des Médailles, des Pierres gravées et des Antiques de la Bibliothéque impériale, Pro- fesseur d’Archæologie , Membre de la Société royale des sciences de Goetlingue, de celle de Turin, de celles des Curieux de la Nature à Erlang, des Sciences physiques de Zurich, d’His- toire naturelle et de Minéralogie d’Iéna , de l'Académie royale de Dublin, de la Société linéenne de Londres; des Sociétés _dHistoire naturelle, philomathique, galvanique, de statistique, médicale d’émulation, de l’Athénée des arts de Paris, de JAthénée de Lyon; des Sociétés des Sciences de Rouen, d’Abbeville, de Boulogne, de Poitiers, de Niort, de Nismes, de Marseille, d'Alençon, de Caen, de Grenoble, de Colmar, de Nancy, de Gap, de Strasbourg, de Mayence, etc. etc. ANNÉE 1805. ROME VE PHARES", DE L’IMPRIMERIE DE DELANCE, rue des Mathurins, hôtel Cluny. Lil EH * 4 Msn ’ pu NEA Éete FA TR Se, Fou L DS ob ne deliée à AR AMAUE ,TA 407: DA VE ce we At Non ” Mis raz] UE mi ÿ re +: rat | FE p* is rs ss a 2 * QU vs ñ rat es ve nt aie LUE ( Nr , : mat HER A é si ak AU UER + " , . END ete. nt aA AE et pe à NC PAU 44 de ere : Le HO 1e à VUE ton” Ya NAN # . Le h 4 JA M ip CRU RS ae cs * 0 f +. Î 4: RU ; o \ l COM LAS AUS 4 « - i ( r , € “ Le LA d 1 * ; f L'Euet rte Un > ASE ; : A: \ Fr vel à Ve à vai “ de mme, m0 . > » . 4 : “ \ ' e CNPARR 4 F PEL Lu e * Cu L 4 JA OI AS LPO ET AUUN ? » , 4 . ) covers ON ANR, ste RE a afs UE | = AR QN y bai ha 5h fil LR A | , È th ! * j k i ï ‘ \ - a | {e « CI . , n - ‘ L MAGASIN ENCYCLOPÉDIQUE. \ UN NT LOU TUE. S. MONUMENS ANTIQUES inédits ou nouvel- lement expliqués , Collection de Statues , Bas-reliefs , Bustes , Peintures, Mosaï- ques, Gravures, Vases, Inscriptions et Instrumens , tirés des Collections natio- nales et particulières, et accompagnés d’un texte explicatif ; par À. L. Mrzziw, Membre de l’Institut , Conservateur des Médailles , des Pierres gravées et des An- tiques de la Bibliothéque impériale de France, Professeur d Histoire et d’Anti- quités, etc. Tome If, 5°. livraison. A Paris, chez Schœll, Levrault et Compagnie, rue de Seine, hôtel de la Rochefoucault ; De- lance , rue des Mathurins, hôtel de Cluny (1). - monument persépolitain conservé au Cabi- net des Antiques de la Bibliothéque impériale, (1) Chaque volume de cet ouvrage , imprimé à l’Imprimerie impériale, sux beau papier, est composé de cinquante feuilles » * \ 6 Antiquités. que M. Mur a publié dans le premier volume de ses Monumens antiques inédits, a excité l'at- tention de plusieurs savans, qui l'ont étudié avec soin , pour retrouver , s'ik est possible , la langue des anciens Perses. Cette langue, si elle étoit connue , nous apprendroit beaucoup de parti- cularités curieuses sur les usages antiques des peuples de l'Orient. La pierre du Cabinet est un des monumens persépolitains les plus remar- quables, à cause de sa conservation et de son étendue. Mais, si jamais on doit espérer de re- trouver l'alphabet de cette langue , il est essentiel que les personnes qui possèdent des monumens avec des caractères persépolitains on Babyloniens, les rendent publics. Cette considération a engagé M. Millin de faire figurer avec la plus grande fidélité, sur les quaire premières planches de cette livraison, plusieurs briques envoyés au Cabinet des Antiques par feu M. Beauchamp , correspondant de l'Académie des Sciences, qui a résidé pendant plusieurs années à Bagdad en qualité de consul!, et plusieurs autres du riche et intéressant cabinet d’un savant ami des lettres à Paris, qui ne veut pas être nommé. de texte, d'au moins quarante planches , et distribué en six livraisons. Chaque livraison coûte 6 fr. prise à Paris, et 6 fr. 60 cent. franche de port dans les départemens. Les acquéreurs et souscripteurs sont priés d'envoyer leur nom et leur adresse à M. Larocke, afin d'être compris dans la liste qui sera imprimée en tête du second volume. Cette liste et le titre du tome IL seront donnés avec la sixième livraison. Mélanges. 7 Dans la seconde dissertation , l’auteur donne l'explication de la peinture d'un vase grec de la collection de M. Durand, représentant le com- bat d'un lapithe contre deux centaures. Ce vase, dont on trouve la gravure à la planche XXXVI, n’est pas un des plus beaux pour la forme, ni pour la correction du dessin ; mais il est très-curieux pour l’histoire de l'art, et pa- roitra précieux aux personnes qui se livrent à des recherches d'érudition , par son rapport avec les anciennes traditions mythologiques sur l'his- toire singulière de ces êtres fantastiques appelés Centaures. Van Staveren (2), M. Fischer (5), M. Heyne (4), et M. Clavier (5), ont rassemblé un grand nom- bre de passages des Anciens sur les Centaures. Meziriac (6), Banier (7), Spanheim (8), Fréret (9), (2) 7n Hyciw, Fab. 62, dans son édition des WMythogr. Latin. p- 128. (3) In PALAPæAT. p. 11, edit. novissima. : (4) Za ArozLop. p. 146et suiv. ; 22 Homer. Zli@d. I, 747. (5) Sur ApozLoporE, Il, 261, 269, et ailleurs. (6) Comment. sur les Épîtres d'Ovine, E, 1492157. (7) Hist. de l'Acad. des Inscript. IH, 18-21 ; la Mytho- dogie expliquée par dur tp ILE, p.183 et suiv, (8) De usu et præstantiä& numismatum, V,12,t1,p. 278 - 283. (9) Recherches sur l'ancienneté de l'art de l’équitation , dans les Mém. de l’Acad. des belles-letres, VII, 316 - 325 ; dans ses Œuvres , t. XVII. 8 Antiquités. Fabricy (10), M. Voss (11}, ont cherché à tracer kur histoire. M. Bœttiger , dans ses explications des vases de la seconde collection d’Hamilton (12), a donné des notions très-étendues et très-piquantes sur les traditions relatives à leur origine , et sur les différentes manières deles représenter. Dans la première partie de la dissertation qui sert à l'ex- plication du vase dont nous parlons, M. Millin a donné un exposé de ces recherches, soumises à nn examen critique , et il y a joint les siennes. Quant à cette partie de la dissertation , nous ren- voyons à l'ouvrage même, pour dire encore quel- ques mots de la peinture du vase de M. Durand. Celui des deux Centaures qui est aux prises avec le Lapithe, tient avec ses deux mains un arbre qu'il a brisé et qui lui sert de défense : c'est une manière de combattre propre à un être qui habite les forèts et les montagnes ; elle con- vient aussi à la simplicité et à la grossièreté des premiers temps héroïques, où tout ce que la nature peut produire servoit pour attaquer et pour se défendre. Les traits de ce Centaure sont grossiers ; ils ont quelque chose de bestial. Il témoigne une sorte de bravoure, ou plutôt d'obs- tination téméraire, par la vivacité avec laquelle il attaque son adversaire , quoique la lance fa- tale ait déjà déchiré son corps et que le sang coule à grands flots de sa terrible blessure. L'ar- (10) Fasricy, Recherches sur l’époque de équitation el de l'usage des chars chez les Anciens, t. 1, p. 182. (1) Mythologische Briefe, IX , 265. (13) I, p. 75 - 162. Mélanges. 9 tiste, quoique peu habile dans le dessin, a ex- primé avec esprit le mélange de la douleur qu'il ressent et de la rage qui l'anime. Le second Centaure a le bras gauche couvert d'une peau très-velue qui paroït être celle d'un ours, et qui lui sert de bouclier. Dans la main droite il tient une grosse pierre, qu'il va lancer au Lapithe. Sur plusieurs vases on voit des Cen- taures dans un attitude semblable. Celui-ci paroît très-animé ; sa contenance est fière, son air cou- rageux : il est en pleine course; mais il arrivera trop tard pour secourir son compagnon, et la lance du héros lui fera bientôt partager le même sort. | P Le héros qui soutient un combat aussi inégal , et sans espoir de pouvoir faire résistance, si la supériorité des armes ne devoit balancer la su- périorité du nombre , est entièrement couvert d'une armure impénétrable , et brandit vigoureu- sement une lance robuste. Son bouclier est orné de la figure d’un oiseau. Les signes qu'on voit sur les boucliers dans plu- sieurs monumens antiques , étoient quelquefois caractéristiques et pour ainsi dire des armoiries parlantes. L'oiseau sur le bouclier de ce Lapithe paroît avoir la même destination , et c'est ce qui fait penser à M. Millin qu’on doit voir ici Cænéus, Homère fait mention de ce héros; mais il le nomme seulement parmi les Lapithes dont Nestor vante la force et le courage. Les écrivains posté- rieurs Ont prétendu que c'étoit une fille appelée Cænis. Elle avoit reçu le jour à Perrhæbus, en 10 Antiquités. Thessalie ; par sa grande beauté, elle devint l’ob- jet des vœux de tous les princes de la contrée ; mais elle étoit fière et hautaine autant qu’elle étoit belle , et elle rebutoit tous ses amans. Nep- tune , qui l’avoit aperçue près du rivage ;, la sur- prit un jour qu’elle se promenoit sur le bord de la mer, et lui fit violence. Pour réparer cet ou- trage autant qu'il étoit en lui, le Dieu promit à Cænis de lui accorder tout ce qu’elle demande- roit. Elle lui demanda de la mettre à l'abri d’une pareille insulte en changeant son sexe ; ses vœux furent aussitôt exaucés ; elle devint homme, ét sous le nom de Cæneus, elle se distingua parmi les héros. Cæneus, dont le nom étoit célèbre dans la Thessalie | et qui s'étoit distingué à la chasse du sanglier de Calydon et dans beau- coup d’autres combats, fut invité avec les autres Lapithes aux noces de Pirithoüs. Il s’acquit une grande gloire dans la guerre contre les Centaures. Ovide, Palæphate et d’autres mythographes pré- tendent que Neptune le rendit aussi invulnéra- ble, ce qui veut dire, dans le style allégorique, qu'il lui donna un courage à toute épreuve. Ovide a réuni, sans doute d’après des auteurs aujour- d’hui perdus, les circonstances du dernier com- bat üe ce héros. Après avoir fait ün carnagé terrible parmi les Centaures; eeux-ei, d'après le conseil de Monyÿchus, voyant qu’ils ne peu- vent le blesser , l'attaquent à la fois de toutes parts, et l’ensevelissent sous un monceau d’ar- bres et de pierres; Cæneus suecombe et meurt sous l’énorme poids dont il est aacablé; alors, dit Mélanges. 11 Ovide, on vit s'élever un oiseau à aîles fauves, et d’une forme absolument différente de celle de tous les autres oiseaux. C’est probablement cette méta- morphose de Cæneus que l'artiste, à qui nous de- vons cette peinture, a voulu indiquer. Il se peut aussi qu’on ait dit qu’il avoit été transformé en oi- seau, parce que ce signe décoroit, sur les monu- mens, son bouclier. Cæneus est figuré, dans cette peinture, coiffé d’un grand casque qui couvre mème une partie de son visage , et ne laisse à dé- couvert que le nez, les yeux et la bouche, et armé d’un bouclier, d'une lance et d’une forte cuirasse ; par cette armure, l'artiste a voulu figurer l'invulnérabilité de Cæneus, ainsi qu'il a voulu indiquer sa métamorphose par l'oiseau qui dé- core son bouclier, L’orgueil national ne permettoit pas à l'artiste de représenter le Lapithe vaincu par les Cen- taures ; il ne pouvoit pas non plus, sans blesser la vérité historique , le faire triompher : il a donc choisi le moment où les Centaures ont formé le dessein d’accabler le héros sous des monceaux d'arbres et de pierres. Déjà le bord de son bou- clier à été brisé, quoiqu'il ait percé un de ses adversaires avec sa lance; et bientôt la troupe des Centaures qui accourt et qui est indiquée par le second Centaure armé d’une pierre, l'aura couvert de débris dé rochers et d’arbres déracinés. Le monument que M. Millin explique dans la dissertation suivante , et qu'il a fait graver à la. planche 57, est un sarcophage remzrquable par la singularité de ses ornemens et par son inscrip- 12 Antiquités. tion simple et touchante. Ce précieux monument étoit autrefois dans une espèce de cour attenant au couvent des Minimes d'Arles, et que ces re- ligieux avoient pompeusement décoré du nom de Museum ARELATENSE (Musée d'Arles), et dans lequel ils avoient réuni plusieurs monumens et les sarcophages les plus curieux , dispersés au- paravant à Arles et dans les environs. Pendant le règne de l'anarchie, des salpétriers se sont em- parés de plusieurs de ces tombeaux , plusieurs autres ont été brisés, et dans ce nombre on doit regretter surtout celui qui représente la cueil- lette des olives. Celui que M. Millin publie dans la livraison dont nous parlons, étoit resté caché dans l'atelier d’un salpétrier qui, sous le nom dégoütant de Barbe-souillarde , c’est-à-dire barbe sale, a inspiré trop d’effroi dans les temps mal- heureux, pour qu'on osât le lui reprendre. Dans le voyage que M. Millin a fait l’année dernière dans le midi de la France, il a eu la satisfaction d’arracher ce beau monument de cet atelier où bientôt il auroit péri par l'action destructive du salpêtre, et d'engager le maire d'Arles à le placer dans le Musée qui se forme dans cette ville et dont ce Sarcophage ne sera pas un des objets les moins curieux. Ce Sarcophage renfermoit jadis la dépouille d’une jeune femme qui se consacroit entièrement à l'exercice des arts, et qui étoit distinguée par ses vertus domestiques. La musique étoit son principal amusement, et cette noble passion est indiquée par les instrumens divers qui sont les Mélanges. ‘15 seuls ornemens de son tombeau. Le plus singu- lier et le plus intéressant de ces instrumens est une espèce d'orgue de la forme la plus ancienne. Cet instrument offre un rangée de tuyaux inégaux rassemblés par une traverse , posés sur une espèce de coffre de la forme d’un parallélipipède ; l’en- semble est placé sur une base qui paroît hexa- gone , et qui elle-mème est placée sur une plinthe carrée. Des deux côtés sont deux gros cylindres qui paroissent communiquer de la base octogone au coffre de l'instrument. Cet instrument, sur lequel M. Millin donne quelques détails auxquels nous renvoyons nos lecteurs , est encore rare sur les monumens, et ce sarcophage en devient d’au- tant plus précieux. Auprès de cet orgue on voit une syrinx Ou flüte de pan, dans un étui , et sus- pendue au mur par une courroie. On y voit en- core , sur une base couverte d’un tapis, une lyre sans cordes, peut-être pour indiquer que T'yr- rania ne la fera plus résonner. Le plectrum avec lequel on la touchoit, est passé derrière la lyre, probablement dans une espèce d’anse qui donnoit la facilité de l'adapter toujours à la lyre; c’est ici un exemple encore inconnu de la manière dont on Bxoit le plectrum sur la lyre, quand on n’en _jouoit pas. Auprès de cette lyre il ÿ a un instru- ment remarquable placé dans une situation obli- que. Il est composé d’un coffre absolument sem blable à celui de notre mandoline, et d’un manche long comme celui du sistre allemand, et accom- pagné de trois touches pour tendre les cordes. On observe, sur les peintures des tombeaux des ) 14 Antiquités. rois d'AEgypte, des personnages qui jouent d’une espèce de théorbe absolument semblable à celui qui est figuré sur le sarcophage d'Arles. M. De- non à donné la figure d’un de ces théorbes , au n°, 3 de la planche 155 de l'Atlas de son Voyage d'AEgypte. Les Anciens ont donc connu l’usage des instrumens à cordes et à long manche; et, au temps où Tyrrania, dont ce sarcophage ren- fermoit les restes , doit avoir vécu, l'usage en étoit apparemment plus répandu. L'inscription de ce sarcophage est trop belle pour que nous puissions nous refuser le plaisir de la transcrire ici : IVLIAE. LVC. FILIAE. TYRRANIAE. VIXIT. ANN. XX. M. VIII. QUAE. MORIBVS. PARITER. ET. DISCIPLINA. CETERIS. FEMINIS. EXEMPLO. FVIT. AVTARCGIVS. NVRVI. LAVRENTIVS. VCXORI. C'est-à-dire : « 4 Julia Tyrrania, fille de Lucius, » laquelle a vécu vingt ans et huit mois ; elle a » été, par ses mœurs et par son éducation, un exemple pour les autres femmes. Autarcius à » sa belle-fille, Laurentius, à son épouse. » A l’occasion de cette inscription tumulaire , M. Millin cite encore plusieurs autres femmes dont les talens ont été célébrés par des inscrip- tions. / La planche 38 offre la gravure d’une cornaline de la collectign de M. le général Hrrrorr. Elle 2 C2 M # Mélanges. 15 ne se recommande pas beaucoup du côté de l’art; mais , par le sujet qu’elle représente , elle mérite de tenir un rang distingué parmi les pierres my- thologiques. On y voit un héros nu : il tient d’une main le parazonium , et de l’autre un bouclier rond. Le sphinx s’est élancé sur lui; mais il a heureusement reçu l'animal sur cette armure, dont il se couvre pendant qu'il cherche à le percer avec son épée , Sans cependant découvrir aucune partie que le monstre puisse saisir lui- même. Il est évident que c’est ici OEdipe , que le sphinx , furieux de ce qu’il a deviné son énigme, attaque avec violence ; mais l'heure marquée par le Destin est arrivée; le monstre ne continuera plus ses ravages ; il va tomber sous les coups de l’'intrépide fils de Laïus. M. Millin prend occasion de cette pierre pour donner quelques notions sur le sphinx et sur la différence entre celui de l’AEgypte et celui de Thèbes. La dissertation suivante offre encore l’expli- cation d’un vase grec, gravé à la pl. 39. Ce vase appartient à M. le chanoine Zuppi à Naples, où M. Dubois l’a dessiné lorsqu'il a été en Italie. La composition de cette peinture est remarqua- ble. Une femme coiffée du diadème et d’un grand voile, vêtue d’une longue tunique, d’un peplum et d’un manteau, se réfugie près de l’au- tel d'un dieu qui est posé sur un cippe , der- rière lequel est un laurier, Un guerrier , vêtu d'une tunique courte. est sur le point de lat- 16 Antiquités. teindre; mais au moment où il veut la frapper, maloré la protection du dieu, dont elle réclame l'assistance en montrant sa statue de la main gauche , le fer échappe de la main du héros. Il est impossible de ne pas reconnoître ici Ménélas et Hélène , au moment où ils se re- voient pendant le sac de Troie ; et M. Millin rapporte les différens passages des poëtes qui servent à expliquer ce sujet, surtout celui de Quintus Calaber, dont l’auteur de ce vase pa- roit avoir suivi la tradition. La statue auprès de laquelle Hélène se réfu- gie, est probablement celle d’Apollon, qui, dans tout le cours de l’Iliade, se montre le pro- tecteur des Troyens ; il est donc naturel que sa statue soit placée dans le palais d'Hélène, qui a épousé successivement deux fils de Priam. Sur un des grands côtés de la caisse de Cyp- selus, qui étoit consacrée dans le temple de Ju- non à Olympie, on voyoit aussi Ménélas cou- vert de la cuirasse, et poursuivant Hélène l'épée à la main pour lui arracher la vie. Cette tra- dition a donc été adoptée par les artistes dans un temps très-reculé, et la peinture du vase pu- blié par M. Millin est précieuse, en ce qu’elle nous fait voir comment les anciens artistes avoient représenté cet événement. Dans la dernière dissertation de cette livrai- son, M. Millin décrit deux fragmens de terre cuite conservés au cabinet des antiques de la Bibliothéque impériale. Ces deux bas-reliefs , gravés à la pl. 40 et 41, appartiennent à ‘un même Mélanges. 17 mème sarcophage , et font partie d’un même sujet. Ils nous retracent un des faits les plus touchans de l'Odyssée , le moment où Ulysse est reconnu par sa nourrice Euryclée. Le premier de ces deux bas-reliefs nous fait voir Ulysse assis sur une espèce de tabouret, tel qu'étoit celui sur lequel Pénélope l’avoit fait placer pendant qu’elle écoutoit son récit. Ulysse est coiffé du bonnet de marin, qui convient bien à un vieillard qui revient d'un long et pénible voyage. Une tunique attachée sur les reins, avec une ceinture , est son seul vétement ; et il tient à la main le bâton tortueux sur lequel il appuie ses pas chancelans. L'artiste qui, le premier, a composé le des- sin de ce bas-relief, dont il existe plusieurs ré- pétitions , a voulu réunir en un seul moment plusieurs circonstances relatives au retour d'U- lysse ; il a placé derrière sonfimaître le fidèle Eumée , qui cependant ne se trouva pas à l’en- tretien d'Ulysse et de Pénélope. Sur un bas-re- lief de la Villa Albani , qui représente le même sujet, Eumée tient dans la main un vase rempli de vin qu'il va donner à l'étranger pour répa- rer ses forces, tandis qu'Euryclée lui lave les pieds. Sur la terre cuite du cabinet de la Bi- bliothéque, on ne voit plus ce vase, cette par- tie du bas-relief ayant beaucoup souffert; mais la conformité de ces deux monumens peut faire supposer qu’il le tient également. Le vieux chien d'Ulysse, Argus, qui a re- connu son maitre après une absence de vingt T. VI. Novembre 1805. B à 18 Antiquités. années , est couché à ses pieds. Homère ne parle pas d’Argus dans cette occasion; mais l'artiste ne pouvant pas, comme le poëte, nous faire connoiïtre successivement Eumée, Euryclée et Argus, a réuni ingénieusement les seuls êtres demeurés fidèles à leur maître, son bouvier, sa nourrice et son chien, et il a formé du tout un groupe plein d'intelligence et d'intérêt. La manière dont Ulysse ferme la bouche 4 Euryclée est très-naturelle et conforme au récit d'Homère ; il lui ferme la bouche avec la main droite, tandis qu'avec la gauche il lui prend la tête par derrière pour l’attirer à lui. Ce pre- mier fragment acquiert une nouvelle importance par l’autre que M. Millin a fait graver à la pl. 41. Celui-ci appartient au même sarcophage et au mème sujet; il sert à en completter la re- présentation , et nous fait voir comment les an- ciens l’avoientffiguré , car les terres cuites sont ordinairement des imitations de bas-reliefs ou de peintures célèbres. L'artiste s’est conformé entièrement au récit d'Homère dans l'attitude qu'il a donnée à Péné- lope. Elle est plongée dans une profonde rêve- rie ; son coude repose sur ses genoux ; elle ap- uie sa tête sur sa main ; ce. qui est le signe de la méditation. Auprès d'elle sont deux de ses femmes. On doit reconnoître en elles Melantho et Eurynome. L’attitude dans laquelle chacune est placée, sert à M. Millin à déterminer le nom de chacune. Ce bas-relief est très-intéressant, parce qu'il ; Mélanges. 19 nous offre une action complète d’un fait dont les monumens ne nous ont encore présenté qu’une partie, parce qu'il représente une action tou- chante, dans une composition simple , attachante et pleine de charme et de naïveté. Cette terre cuite a été sans doute faite d’après quelque bas-relief ou peinture célèbre. L’extrème ressemblance qui existe entre les autres terres cuites qui représentent la première moitié de l'action, doit faire présumer qu’elles sont sor- ties du mème moule, ou qu’elles ont été sur- moulées pour en fabriquer des urnes carrées, Ces petits monumens en terre cuite sont extrè- mement importans ; ordinairement ils sont tou chés avec esprit, et ils ont surtout le mérite de reproduire des compositions célèbres , dont sans eux nous n’aurions aucune connoissance, W. POÉSIE ALLEMANDE. ATHENOR, ein Gedicht in sechzehn Gesaengen; neue verbesserte Ausgabe mit Anmerkungen. C'est-à-dire: ATHÉ- NOR, poème en seize chants; nouvelle édition, accompagnée de notes. Mann- heim, chez Schwan et Goetz, libraires. 1804. In-8°. de 286 pages. J AI souvent examiné d’où venoit l'indifférence qu'une grande partie du public français témoigne pour la littérature allemande , indifférence d’au- tant plus singulière, que nous accueillons avec empressement tout ce qui vient de la plume des Anglais. Les ouvrages de Shakespear , de Milton, de Thomson, ont passé dans notre langue ; nous possédions des traductions, sinon excellentes, du moins assez bonnes de la plupart de ces auteurs, tandis que KLopsrock, Gosrue, HeRDER, KLetisr, et beaucoup d’autres écrivains non moins célèbres qui illustrent la nation allemande par d’excellens ouvrages , ne nous étoient connus qu’en partie, ou bien par des traductions partielles , faites sans goût et sans discernement, souvent entreprises par le besoin, et défigurées par la cupidité. Parmi tant d'auteurs célèbres de cette nation, on n’en peut compter qu’un seul qui ait échappé au discrédit général, je veux dire Gessner, le … Athénor. et chantre des plaisirs champêtres ; sans doute qu'il mérite cette gloire, mais pourquoi tant d’autres, non moins célèbres, ne partagent-ils pas sa re- nommée (1)? | Il y a deux causes principales qui me semblent avoir mis chez nous un obstacle aux progrès de la littérature allemande : l’une consiste dans les défauts dont la plupart des traductions sont en- tachées ; chaque langue a ses beautés particu- lières aussi bien que ses défectuosités. La langue allemande , extrêmement libre dans ses cons- trucüions, dans ses phrases et dans ses tour- nures , diffère de la langrie française, dont les phrases sont directes et ou les inversions sont des hardiesses souvent hors d'usage. D’après cela, les difficultés que le traducteur doit nécessaire- ment rencontrer , le découragent, s’il n’a qu'un talent médiocre ; ou lui font dire des choses aux- quelles l’auteur n'a jamais pensé, ou bien en- core il sacrifie les beautés d'expressions pour ne conserver que celles du sens. Si la traduction est fidelle, elle manque ordinairement d'élégance, de pureté, de style ; si elle est libre, elle présente le plus souvent d’autres pensées, d’autres ima- ges , même d’autres situations que l'original ; elle pêche par le fond. Souvent encore les beautés hardies de l'allemand choquent le goût français ; pour les accorder ensemble, il faut avoir un talent plus qu’'ordinaire. QG) Nous voyons avec peine que l’auteur de cet article ait oublié ici de parler de l’agréable traduction d'Hermann et Dorothée, faite par M. Birausé. A. L, M. 22 Poésie allemande. Mais la fidélité, en fait de traductions, con- siste, selon nous, non à traduire littéralement le mot, mais à rendre la pensée ; c’est là le point capital; car la même expression ne produit pas toujours le même effet chez deux peuples d’un génie aussi différent que le sont les Allemands et les Français. Je ne crains pas d'ajouter à cela que le travail du traducteur est un travail ingrat, qui procure peu d'honneur et encore moins de fortune ; Huser et LErrourneur, deux de nos meilleurs traducteurs , dont le style toujours élégant et pur a souvent caché les défauts dont l'original étoit entaché, ne se sont guère enrichis dans cette carrière. L’autre cause paroît tenir de près à la littéra- ture allemande même ; malgré toutes les beautés qu’on y rencontre,on # trouvera aussi de grands défauts ; en effet, les meilleurs ouvrages que les émane HOT EntS n’en sont pas exempts : on y remarque des détails fastueux , une profu- sion dans l'emploi des images, un amour pour la controverse , des hors-d’œuvres choquans, et très-souvent une inégalité de style, qui fait qu'à côté des passages exprimés avec noblesse, il y a des expressions basses et vulgaires. Athénor , poëme en XVI chants, est sans con- tredit un ouvrage qui mérite beaucoup d’atten- uon. Ce poëme, ou plutôt ce roman en vers, car c'en est un, présente à l'imagination une foule de tableaux plus agréables les uns que les autres. Le sérieux , l’enjoué, le gracieux , le Athénor. 23 satyrique y sont tour à tour employés avec um égal succès. Le portrait que le poëte nous fait de son héros est tracé d’une main sûre et ha- bile ; le caractère d’Athénor est d’une originalité piquante : c’est un jeune homme doué des plus rares qualités, beau comme Adonis , impétueux dans ses passions, emporté dans ses désirs, grand dans ses entreprises , noble dans ses sentimens, sérieux et enjoué ; ce n’est pas un héros con- sommé , car il a des imperfections; ce n’est pas un homme d’une trempe ordinaire, car ses ac- tions et ses sentimens décèlent un caractère no- ble , grand et mème sublime. Le poëte le fait passer par plusieurs situations; Athénor à eu pour compagnon , dans son jeune âge, la sensible Bélinde , qui fait l’objet de ses vœux. Sa beauté , sa candeur, sa douceur tempèrent en lui la fougue et l’impétuosité , et présentent un heureux contraste que le poëte a bien su peindre. Bientôt Bélinde est la confidente de son cœur; Athénor y dépose tous ses secrets. Cependant cet amour dont il étoit épris s'éteint à la vue d’une beauté plus séduisante ; Théadène le rend infidèle. Bientôt il ne quitte plus ses pas; mais des ob- stacles infinis s'élèvent et troublent leurs amours. Cependant Bélinde voyant son amant brûler d’une nouvelle flamme , devient pour lui une amie , plus qu'une amante, qui veille sur toutes ses démarches ; mais la beauté éblouissante de Théadène enchaîne les regards du prince ; Athé- _noren conçoit la plus vive jalousie; il est ins- truit que son amante lui est infidelle, et il revient 24 Poésie allemande. alors à Bélinde. Il éprouve le plus vif repentr ; il ouvre à son amie le fond de son cœur. Bélinde n’est pas insensible à ce retour sincère. De là naissent ces doux épanchemens, ces jeux et ces tentatives , ces entretiens passionnés , ce délire de l'imagination que l’auteur a si bien su repré- senter, et qu'il a peint avec les couleurs les plus fraîches et les plus séduisantes. Cependant Athé- nor ne peut déraciner entièrement de son cœur son amour pour Théadène; il apprend que celle qu'il croyoit avoir trahi ses feux a été trahie elle-méme par sa mère. Dès lors nous voyons son cœur lutter entre l’amour le plus ardent et l'amitié la plus sincère. C’est principalement dans les descriptions de toutes les nuances de la passion , que l’auteur excelle. Un autre carac- tère non moins attachant se présente encore dans ce roman; c’est Orféo. Son attachement pour Athénor, les ruses qui le font triompher de tous les obstacles ; son humeur toujours gaie , ses plai- santeries piquantes, les libertés même qu’il prend avec son ami, sOn Courage et sa présence d’es- prit, ses entreprises hasardées , mais toujours heureuses , répandent sur l'ouvrage une gaïîté qui éclaircit en quelque sorte les touches un peu sombres dont le poëte a peint, dans plusieurs passages , les égaremens du cœur, et bannit en même temps cette monotonie qu'on reproche quelquefois, et non sans prévention, aux poëtes allemands. Cet ouvrage présente en effet une lecture à la fois agréable et amusante, par la variété Æthénor. 35 des tableaux et l’art avec lequel l’auteur a su méler et distribuer les couleurs ; il renferme beaucoup de passages heureux et énergiques , auxquels-le lecteur s'arrêtera avec plaisir. Ainsi, quand l’auteur nous présente les principaux dé- fauts de la société, il n’y a rien de si vrai et rien d’aussi frappant que le tableau qui nous retrace , à la fois , et nos vices, et les malheurs qui en résultent. En général les observations que l’auteur a mélées à ses tableaux, ont le triple mérite d'être profondes, ingénieuses et bien ex- primées. On remarque encore dans cet ouvrage ; la pureté et la simplicité de la versification ; mérite d'autant plus grand, que beaucoup d'au- teurs et de poëtes allemands écrivent d’un style obscur , lâche et diffus ; ils dédaignent la sim- plicité naturelle de la langue, pour courir'après- un faux sublime, des termes ampoulés et des phrases indéchiffrables. Le plan du poënie est assez heureusement conçu ; l’intrigue est menée avec art; mais toutes les parties ne sont pas tou- jours liées étroitement, ni subordonnées les unes aux autres. L'art des transitions n’est pas non plus très-rigoureusementobservé ; mais les beautés multipliées des tableaux et la variété des situa- tions, font aisément oublier ce qui peut man- quer à l’ensemble. L'auteur a retranché, dans cette nouvelle édition , plusieurs incidens et des digressions qui n’étoient qu'oisenses , et qui ar- rétoient la rapidité de la narration ; nous croyons . qu'il auroit encore bien fait de feträncher la pa- rodie d'Obéron » qui se trouve dans le troisièmé 26 Poésie allemande. chant, quoiqu’elle soit très-comique , et qu’elle prouve évidemment que l’auteur ne manque pas de verve satyrique. Nous croyons toutefois que ce n’estqu'une pure digression, et que l'ouvrage auroit gagné si elle eut été retranchée entièrement, Cette nouvelle édition est encore enrichie d’un sommaire que l’auteur a mis en tête de chaque chant; ces sommaires sont d’une très - grande utilité, en ce qu’ils font mieux saisir les princi- pales} parties du poëme , et qu’ils contribuent à faciliter l'intelligence de louvrage pour ceux qui ne possèdent pas parfaitement la langue allemande, et l'étranger saura sûrement gré à l’auteur de lui avoir rendu plus facile la lecture d’un poëme aussi intéressant. Le but que lau- teur s’étoit proposé en publiant Athénor, est très-louable ; il a voulu essayer de donner plus de perfection à la poésie allemande. La lecture du poëme prouvera que cet essai à été heureux , et il seroit à désirer qu’il eut quelques imita- teurs parmi ses compatriotes. On espère que notre littérature s’enrichira bientôt de ce poëme ; M. Favre d’Olivet, s’occupe dans ce moment d’une traduction, ou plutôt d’une imitation qui ne tardera pas à paroître. L'ouvrage est accompagné de jolies gravures exécutées d’après des dessins ou des tableaux de grands maîtres qui sont dans la collection de M. de Klein, qui cultive les arts avec autant de goût et d'intérêt que la poésie. L'auteur de ce poëme , M. de Klein , est ac- Athénor. 27 tuellement à Paris. Il a pris, dit-on, des en- gagemens pour faire paroître, dans notre langue, ses Biographies et portraits des lllustres Alle- mands ( Leben und Bildnisse der grossen Teut- schen , Mannh. 1785 et suiv. in-folo. ) qui sont accompagnées de très-belles estampes. Il est à désirer que ce projet recoive son exécution. Strasbourg , 12 octobre. C. Lossrein. HISTOIRE DES ÉGYPTIENS, LETTRE sur les Hiéroglyphes, avec celte épigraphe : Davum me non OEdipum. 1802, sans nom de lieu, ni d'imprimeur ; avec une planche gravée contenant des hié- roglyphes égyptiens. In-8°. de 76 pag. EssAr sur les Hiéroglyphes, ou Nouvelles Lettres sur ce sujet, avec deux planches et une vignette au frontispice , conte- nant vingt-quatre inscriptions et figures hiéroglyphiques , tirées la plupart du Voyage en Égypte, par M. DENON. À Weimar, au Bureau d'industrie. 1804. In- 4°. x vol. de 102 pag. ANALYSE de l’Inscriplion en hiérogly- phes, du Monument trouvé à Rosette » contenant un décret des prêtres de l’É- gypte en l’honneur de Ptolémée ÆEpi- phane ; avec une planche qui contient lEcriture hiéroglyphique de l’inscrip- tion de Rosette, d’après un dessin que l’auteur a fait graver. Les treize der- nières pages contiennent le texte grec de cette même inscription, avec la tra- duction latine de M. AMEILHON, dans > Hiéroglyphes. 29 laquelle sont en lettres italiques les mots que l’on croit avoir été exprimés en hié- roglyphes. À Dresde, 1804, chez les frères Walther. 1 vol. in-4°. de 175 pag. Nous rendrons compte de suite de ces trois ouvrages relatifs au même sujet, et sortis de la même plume. Quoique l’auteur ne se soit point nommé , on sait que c’est M. le comte de Parziw, chargé d’affaires de la Cour de Suède à Dresde , long-temps secrétaire de légation à Constantino- ‘ple , et gendre du célèbre Mouradgea d'Osson , bien connu des gens de lettres par son ne ouvrage sur l'Empire des Turcs. Les hiéroglyphes sont l'expression des idées par les signes des choses. C’étoient les caractères de cette écriture primitive et populaire des na- tions, qui, indépendante de la diversité des lan- gues et de leurs vicissitudes, formoit une vraie pasigraphie , une écriture universelle. Il ne s’agit guère ici que des hiéroglyphes égyptiens; mais souvent l’auteur les compare avec l'écriture chi- noise, vraiment hiéroglyphique. Il a remarqué une entière similitude ou beaucoup de rapports entre divers hiéroglyphes de l'inscription de Ro- sette , et plusieurs caractères de l'écriture, sur- tout de l’ancienne écriture chinoise. Le matériel du mot hiéroglyphe veut dire sculp- ture ou gravure sacrée, et par extension, carac- … rère sacré. C’est que l'écriture primitive dont il % q 30 Histoire des Egyptiens. s'agit, fut d’abord sculptée ou gravée ; c’est que He temples , Surtout, furent couverts de cette écriture , même apres l'introduction de l'écriture alphabétique ; € c’est que les savans, c ’est-à-dire, les prètres de l'Égypte, chRtinuèrent long-temps d'exprimer en hiéroglyphes leurs doctrines reli- gieuses, qui renfermoient les sciences d'alors, . Les hiéroglyphes n’étoient point des secrets ; ils ne furent ni inventés, ni même, quoi qu'en ait dit Warburton, conservés pour He le peuple dans l'ignorance (1 1). Notre auteur ne craint pas d'avancer que le peuple d'Égypte savoit lire les hiéroglyphes. Sans doute on ne vouloit pas tenir caché le sens des hiéroglyphes de l'inscription de Rosette , puisqu'on les accompagna d’un texte explicatif dans les deux langues vulgaires du pays et du temps, en égyptien et en grec. Mais l'intelligence de ces signes se perdit in- sensiblement par l'usage , devenu exclusif de l’é- criture alphabétique. Apulée et Ammien Mar- cellin appeloient déjà, de leur temps, les hié- roglyphes, litteras ignorabiles , des caractères inconnus. Le docte Bandini assure qu’on ne peut pas.les déchiffrer, nos hieroglyphicorum inter- pretationem assequi non posse. M. Du Puy, dans son Mémoire sur le Phenix, dit aussi que l’écri- ture hiéroglyphique est perdue sans l'espoir de la retrouver. Celui de tous nos savans contempo- rains qui sembloit avoir épuisé les recherches a) V. Court de Gebelin , Monde primitif, t. IL, p. 58e et 385. Hiéroglyphes. 51 sur ce sujet, le célèbre Zoega, adopte même ce jugement (2). M. de Pahlin, plus hardi, le rejette comme une erreur. Nous connoissons , dit-il , une grande partie des symboles des ie DES , la plu- part empruntés de l'Égypte avec le culte. Il en existe un recueil entier , intitulé Æorus - Apollo. D’autres sont épars dans les auteurs de l’anti- quité : on pourroit entendre ces emblèmes réunis en tableaux, comme on les entend séparément ; plein de ces idées, et doué d’une érudition, d’une sagacité peu communes, il entre dans la carriè- re, il y marche avec aisance ; il y obtient des succès ; il développe en effet des recherches sa yantes et des idées heureuses, des conjectures qui méritent d'autant plus d’être examinées, que les fameuses pyramides, les obélisques, tous les temples égyptiens , une multitude de statues, de tables, de médailles, de pierres gravées, et d’autres monumens antiques de tout genre, sont couverts d'hiéroglyphes restés jusqu'ici, des énig- mes dont on n’a point trouvé les mots. Dans sa premièrelettre, quiestcomme son coup d'essai, l’auteur commence à expliquer ce qu’il appelle le principe et le! système, c’est-à-dire , l’origine , les progrès des hiéroglyphes , la mé- thode qu'on a suivi dans leur composition. Il ajoute ensuite des exemples, afin de prouver et d'expliquer l'emploi de ce genre d'écriture, Nous (2) V. D origine et progressu obeliscorum , auctore Geor- . gio Zocga, Dans ; KRomæ , 1797. Iu-folio, p. 179. 32 Histoire des Egyptiens. allons donner ici l'analyse de ce travail en obser- vant l’ordre que l’auteur a suivi. Nous renvoyons, pour les preuves, à son texte. | \ Les premiers hiéroglyphes, comme les mots les plus anciens, ne furent qu’une imitation gros- sière des objets physiques. À mesure que les idées augmentèrent et se perfectionnèrent, on vit se multiplier et perfectionner les mots et Les hié- roglyphes. Dieu fut d’abord un père , un ouvrier , un fai- seur , et sous cette acception il étoit facile à des- siner ; mais l’homme ayant de Dieu des pensées plus sublimes, éprouvant le besoin d'exprimer une foule d'idées qui échappent aux images, chercha d’autres signes que ceux des objets phy- siques ; il les trouva dans les nombres, et dans certaines figures de géométrie qui reviennent fréquemment dans les hiéroglyphes. C'est avec ces deux espèces de signes que les sages de l'Egypte peignirent ce qui existe, le monde sensible et le monde intelligible. Car telle étoit leur division fondamentale et celle qu'ils s’efforçoient d’inculquer dans l’es- prit des peuples. On la retrouve jusque dans leurs différentes écritures symboliques ou hiéro- glyphiques , indiquées par Clément d'Alexandrie : l’une appelée curiologique où maîtresse écriture, apparemment comme la plus ancienne et la plus vulgaire , peignoit principalement le monde phy- sique , le peignoit aux sens, par l’image des choses entières ou de leurs parties , telles qu’elles paroïis- sent. La seconde ou tropique s’adressoit à l'ima= gination, 2 Lt hu à À “hélice. Kén d. ed: | AO DOS PRE RE PEN. RE PSN ESS 7 TE PA Hiéroglypnes. 33 gination , par des métaphores, des comparaisons, des analogies ; la troisième , l'érigmatique, par- loit à la réflexion par des compositions ingénieu- ses, qui exerçoient l'esprit en donnant à penser et - à deviner. Ces deux dernières étoient particuliè- rement employées pour les objets du monde in- tellectuel, Les trois, par préférence à l'écriture alpha- bétique , regardée comme trop abusive, furent employées pour décrire Dieu et la nature, ou la science de la nature et des Dieux. Ces trois espèces, mélées ou séparées , formoient le genre de l’écriture sacrée ou Aiéroglyphique ; et les ca- ractères de celle-ci étoient les signes des élé- mens, ou des premiers principes du monde in- tellectuel et matériel ; ils offroient dans leurs combinaisons les formes de la pensée comme ses objets. La nature generans et generala , sous le nom d'Isis, fut ainsi représentée sous un grand nom- bre de figures. Dieu premier, au-dessus même de l'intelli- gible, le Dieu adoré par le silence, eut de même ses signés ou symboles qui le représentoient. A la tête de l'alphabet fut placé, comme pre- mière lettre , l'hiéroglyphe du Dieu des Dieux, du Dieu un œ indivisible. Et cette lettre fut aussi le signe de l'unité, qui est la source des nombres. La science de Dieu et de ses œuvres fut, en un sens assez juste, la science des nombres et des mesures. Le point d’où découlent les lignes et les formes T, VI, Novembre 1805. C 94 Histoire des Égyptiens. fut encore un hiéroglyphe de Dieu. De mème le cercle, comme emblème de l'infini, et figure contenant toutes les mesures. Dieu fut appelé sphère intelligible , dont le centre est partout et la circontérence nulle part. Les cercles et les globes furent généralement des emblèmes du monde intellectuel. Le quarré désigna le monde matériel. Le triangle, tout l'univers ; savoir, le mâle (Osiris), la femelle (Jsis), et le produit (Æorus). Ses dimensions furent indiquées par la croix, qui signilie les quatre coins du monde, et la vie future. à L'univers et ses quatre grandes divisions , voilà ce que signifie le globe surmonté de la croix dans la main des images des Dieux, des Rois, des Prètres. Epiménide définissoit Dieu le cercle, le quar- ré, le triangle , la ligne , le point , Le tout en tout. Ces figures géométriques et plusieurs autres, voilà les emblêmes des Dieux, et les élémens de l'écriture hiéroglyphique. Il y a sur cette écriture deux anciens textes grecs, l’un de Sanchoniaton , l’autre de Clément d'Alexandrie. Après toutes les explications con- nues, on lira encore avec intérêt celles de l’au- teur, qui n’ajoutent guère à ce qu’en avoit dit Court de Gebelin , tom. I et HI. Il faut y joindre ‘ celles de M. Zoega. Le nombre ns hiéroglyphes égyptiens étoit assez borné : on employoit leurs divers genres dans le mème tableau, et ce mélange facilitoit | Hiéroglyphes. 35. beaucoup l'expression. Il est remarquable que, dans toute langue, le sens primitif de tout mot qui n’a pas été admis par Onomatopée , offre une image physique, une allusion , un nombre , une forme, en un mot, un vrai hiéroglyphe de l’an- tiquité , ou une figure qui auroit pu l’être. Exem- ples : double pour faux ou discordant, droit pour juste , trois pour beaucoup, parfaitement, etc. - Les penseurs profonds trouvent commode l’u- sage de figures géométriques et de signes algé- briques, pour remédier aux longueurs et aux difficultés des langues ordinaires. Ainsi procé- dèrent les anciens Egyptiens, et d'après eux, Pythagore et Platon, et leurs disciples ; de même Thalès, Eudoxe , Démocrite, Lycurgue, Solon. . Un petit nombre d'idées universelles, expri- mées par un petit nombre de signes , étoient com- me la base de tous les hiéroglyphes. Mais les signes dérivés ou composés étoient plus nombreux. Pour reconstruire ce bel édifice avec les débris échappés aux siècles, il faudroit développer les plus hautes spéculations de l'antiquité, recher- cher dans les nombres et les formes géométriques de l'univers, ou dans ses lois mécaniques, les modèles éternels des êtres créés ; recueillir dans toute l'ancienne littérature orientale , et dans les doctrines mystérieuses des peuples, tous les frag- mens altérés ou déguisés de la sagesse égyptien- * ne; il faudroit rechercher les principes et les for- mes premières , si célèbres dans l’ancienne philo- sophie, leurs symboles et leurs images, les signes 36 Histoire des Egyptiens sensibles qui représentent ce qui échappe à nos sens , les images des choses divines dans les choses d'ici-bas. Comme on découvre dans les symboles mal entendus des Dieux égyptiens l’origine de bien des fables mythologiques , de même dans les fi- gures géométriques des hiéroglyphes destinés à conserver les sciences, on trouve l’origine de leur corruption, celle de l'astrologie, Re la ma- gie, etc., tandis que la méthode et les anciens signes de l'algèbre , de l'astronomie, de la chy- mie, de la musique, de la médecine, etc., ne sont que des fragmens de l’ancienne écriture hiéroglyphique, que nous tenons en grande partie des Arabes, héritiers des Egyptiens. On voit, sur les obélisques et autres monumens hiéroglyphiquen; les chiffres qu’on appelle ara- bes (3), et toutes les majuscules de l'alphabet grec, et de plusieurs alphabets orientaux ; enfin, jusqu'aux signes qui devinrent des ados connues sous le nom d’abraxas , et qui furent inventés pour un tout autre usage. Les caractères hiéroglyphiques encore aujour- d'hui conservés dans les sciences, n’y sont plus guère que des synonymes de mots regardés comme arbitraires. Autrefois ils portoient la définition de l'objet signifié et de ses rapports, de ses corres- (3) L'auteur, pag. 154 de son Analyse de l’Inscription de Poserte, prétend que ces chiffres ne sont que des hiérogly- phes égyptiens , qu’ils sont indiens en ce sens ; que l'Arabie, la Haute-Egypte et l'AEthiopie (d'Afrique) se sont appelées Inde. Hiéroglyphes. 57 pondances réelles ou imaginaires avec toute la nature. Quel que soit l’abus qu’on en a fait, l'idée de peindre ces rapports étoit vaste et ingénieuse ; elle facilitoit l'intelligence et la mémoire des choses par des signes peu nombreux et bien liés ; elle aidoit à considérer l'univers comme un tout corrélatif dans ses parties. Une de ses por- tions donnoit l'échelle de l’ensemble , comme une fraction du méridien renferme tout le sys- ième métrique des Français. Peut-être cette classification des êtres attachée aux nombres, aux figures de géométrie, aux grandes divisions de l'univers surpassoit, par sa grandeur etsa simplicité , nos méthodes modernes, comme ses monumens surpassent les caractères de nos écritures, Dans les hiéroglyphes , on trou- voit le tableau de la nature comme une seule et grande pensée ; c’étoit, comme dit Plotin, sapientia simul tota. C’étoit, selon Clément d’A- lexandrie, l'écriture inventée par les philosophes, la plus parfaite des écritures, Plotin admiroit la haute sagesse de ceux qui, dans les sciences , avoient préféré l'écriture hiéroglyphique aux let- tres, qui ne-péignent que le son de la voix. Toute l'antiquité partageoit cette admiration. De grands hommes parmi les modernes , Bacon à leur tête, ont senti le besoin d'une pareille langue des sciences. Léibnitz s’en est occupé... Æeureux, ajoute l’auteur , celui qui rétablira les hiérogly- phes ? Il préparera peut-être une révolution utile et complète dans le système des connoissances kumaïnes. 58 Histoire des Egyptiens. Il ya des personnes qui mettroient beaucoup de prix à la lecture et à la science cachée des hiéroglyphes, et qui n’adopteroïent pas ces éloges dans toute leur étendue ; qui rabattroient beau- coup de si hautes espérances. Elles regarderont les hiéroglyphes comme la langue propre de l’en- fance des arts et des sciences ; une langue sujette, ainsi que d’autres, et plus que d’autres, aux obscurités et aux équivoques ; elles’ penseront que les hiéroglyphes , parmi des vérités impor- tantes , ont propagé bien des erreurs ; qu’ils pou- voient convenir à exprimer des sciences fixées, et qu'ils seroient un mauvais instrument pour découvrir celles qui n'existent pas encore, pour corriger et perfectionner celles qui existent; elles croient qu’au milieu des dissentimens innombra- bles qui divisent les hommes et même les savans, tant sur les mots que sur les choses, l'usage des hiéroglyphes ne pourroit qu’arrèter les progrès , augmenter la confusion, et ne manqueroit pas de faire, comme ilest arrivé déjà, pulluler les fausses méthodes , ainsi que les fausses sciences, et languir ou périr les véritables. Quoi qu'il en soit, après ces notions d'histoire et de théorie, l’auteur entreprend de décrire et d'expliquer sept inscriptions hiéroglyphiques dessinées sur la planche gravée qui accompagne l'ouvrage. Il avoue lui-même en note , pag. 34, que ces descriptions , dans son livre, perdent de la clarté qu'elles ont pu avoir dans le ma- nuscrit, par la nécessité (prétendue) de re- trancher, pour l'impression, les caractères hié- Hiéroglyphes. 59 roglyphiques qui étoient insérés dans le texte. Cette remarque n’est que trop fondée ; ce n’est qu'avec beaucoup de peine que nous avons pu comprendre, en partie seulement, à quels signes de la gravure se rapportent plusieurs des expli- cations de l’auteur. Les tableaux qu’il a choisis sont corrélatifs, et ses commentaires sont ingé- nieux , vraisemblables , très-propres à éclaircir des points importans de la doctrine mystérieuse des Égyptiens sur l’âme, sur son état après la mort, sur le grand tout, sur Dieu, à qui l’on croyoit qu'elle se réunissoit. L’Essai sur les Hiéroglyphes est composé de lettres. M. de Pahlin confirme, approfondit, multiplie dans la première ses notions histori- ques et théoriques sur les hiéroglyphes en gé- néral , et dans les suivantes ses explications de tableaux hiéroglyphiques. Nous indiquerons ce qui nous à paru le plus remarquable dans cet essai. Lisez, dit-il, le traité de Plutarque sur Isis et Osiris, malgré son apparente confusion, ét par cette confusion même, c’est jusqu'ici un des meilleurs ouvrages sur les hiéroglyphes. . Plutarque les explique , lorsqu'il dit que les Egyptiens représentoient la nature du monde par un certain triangle, et lorsqu'il développe cet exemple ancien de la géométrie appliquée à la méthaphysique, exemple suivi de tant d’au- tres analogues dans l’école de Pythagore et dans celle de Platon, tous deux instruits par les pré- tres d'Egypte. On pouzra donc, afin d’entendre les hiéro- f 10 Histoire des Egyptiens. glyphes Égyptiens, tirer beaucoup de secours des symboles géométriques et numériques de Pythagore, de Platon et de leurs disciples; de Proclus, par exemple, et de Théon de Smirne , qui écrivit un livre de mathématiques pour ser- vir à expliquer la doctrine égyptienne de Pla- ton. Les disciples de Pythagore étoient forcés > par leur maître, de ne s'exprimer qu’en symboles * ou figurés hiéroglyphiques , jusqu’à ce qu’ils pus- sent soutenir un discours dans les termes mys- térieux qui, en langue parlée, correspondoient à ces symboles. C’est là cette langue qui formoit la langue sacrée de l'Égypte, celle des prêtres égyptiens que Pythagore apprit d’après eux, autrement la langue atlantique où ammonéenne. Josephe, dans ses livres contre Appian, l'ap= pelle langue sacrée; nombre de ses mots, dit-il, étoient pris des dieux et des animaux sacrés, et s’expliquoient par la théologie physique. Les symboles ou figures que ces mots énon- çoient étoient originairement, dit Jamblique , l'expression en sculpture ou dessin de la ma- nière de parler primitive des pères de la nation égyptienne. Il ajoute que ces caractères, les plus anciens de tous, furent en usage chez presque tous les Grecs, et surtout chez les Egyptiens, qui instruisirent Pythagore. Il revient plusieurs fois sur l'antiquité de ces sortes d’énigmes, dont voici des exemples : Æiesor ou hacsor, captif, pour roi pasteur ; sang et os des Géans, poux Hiéroglyphes. 4x vin et fer; écume de Typhon, pour sel; sueur de la terre, pour mer; mains de Rhéa, pour les deux constellations de l’'Ourse; la lyre des muses, pour les Pléiades ; les chiens de Proser- pine , pour les planètes. Les plantes aussi avoient de ces noms hiéroglyphiques. C’est le style des oracles , des vers orphiques, des lettres éphésiennes , des anciennes poésies du nord de l'Europe. On peut le comparer en quelque sorte à l’argo des vagabonds appelés Ég gyptiens, qui A ournent à un sens con- venu entre eux les mots des langues de chaque pays. Ainsi, dans la Grèce idolâtre, on invoquoit Dieu aux pieds de bœuf, le saint taureau, l'é- pervier multiforme. Ainsi J. C. fut appelé non-seulement agneau, lion , cep de vigne , pierre, mais aussi le boz Scarabée, etc. Ainsi , dans le livre intitulé Horapollon , 1095, est synonime de silence; 4 d'année ; 16 de plai- sir , volupté ; 16 et 16 de l’union conjugale. Voilà des fragmens de cette langue des prêtres d'Égypte et des Pythagoriciens, qui peignoit toute chose par des noms et des figures de mathéma- tiques. Elle se retrouve dans les types et les paraboles de la Bible. Manethon , dans Eusèbe, dit qu'après le dé- luge les saints caractères du dialecte sacré fu- rent traduits en grec par des caractères sacrés ; c'est-à-dire , on substitua aux hiéroglyphes qui 42 Histoire des Egyptiens. peignoïent la langue parlée avant le déluge, d’autres hiéroglyphes qui peignoïient les mêmes idées d’après les images de la langue grecque, autrement de la langue vulgaire , de la langue parlée au temps de la traduction. Dans le langage hiéroglyphique des Egyp- tiens , les figures de géométrie , ces premiers li- néamens auxquels on peut réduire les formes de ce qui existe ou peut exister, étoient censées les prototypes des choses , la représentation de leur essence. On croyoit que les élémens ou linéamens géométriques étoient les vraies formes premières ; que ces figures expriment toute forme et toute chose qui a une forme et une mesure, comme les nombres expriment toute quantité. Un angle est le premier linéament d’un bras; le bras désigne bien un serviteur, un ministre, un envoyé. Ainsi, dans les hiéroglyphes , les angles divers représentoient des dieux inférieurs, les ministres de Dieu, les instrumens de sa puis- sance , en un mot ce qu'on appelle ange. Cet ancien hiéroglyphe est encore sensible dans les langues grecque , latine, suédoise, anglaise, française, etc., où les mots qui désignent ser- viteur, servante , ministre, certains dieux üni- férieurs , ange, ont tant d’analogie avec le mot angle ou son équivalent, Beaucoup de mots fran- çais signifient tout à la fois certains nombres où certaines figures géométriques , eten même temps des idées d’un autre ordre attachées à ces figu- res. Exemple : Circonstance , circulation , cir- convenir, circonspect, se quarrer; unique pOur Hiéroglyphes. 43 excellent ; duel pour combat ; droit, tort, tra- vers, incliné, etc. Ces termes et mille autres mots abstractifs expriment des hiéroglyphes, et ne peuvent être mieux traduits qu’en figures géo- métriques. OEïl, man, bras, jambes , bouche, tête, tous les membres et organes de l’homme , les ani- maux, les phénomènes de la nature les plus frappans, sont la source d’une foule de mots dans les langues, et d’une foule d’hiéroglyphes qui peignoient ces mêmes mots. Les écoles ont retenti des mots formes premières , principes uni- versels des choses. On croyoit que toutes les formes sont dans l’âme et dans les choses. Voyez le Traité de la Philosophie selon les Egyp- tiens. , attribué à Aristote. L'auteur connoissoit la doctrine et l’écriture sacrée de l'Egypte. «Je > vais, dit-il, considérer l'universel ou l’intel- » lectuel , selon l'esprit de ceux qui ont ensei- » gné , par des notes , des figures mystérieuses » et difficiles à expliquer... Il expose ensuite » ses idées métaphysiques , et les éclaircit par » des figures de géométrie. Penser, dit-il, c’est » former des images... La pensée de l’homme » varie, suivant la nature des objets ou spiri- » tuels , ou célestes, ou terrestres dont elle » prend les formes , devenant presque le mème » qu'eux. Si les formes , dans notre âme , n’é- » toient pas semblables à celles des choses , nous » ne connoitrions pas les choses en vérité, puis » que la vérité d’une chose est la chose elle- » méme... Mais ce sont les vraies formes inva- 44 Histoire des Égyptiens. » riables et intellectuelles que l’homme doit s’ef- » forcer d’atteindre, pour leur assimiler ses pen- » sées et son âme , l’élevant par ce moyen vers » son Origine. » Cette dtans de l’âme , par l'étude des causes premières , étoit le but des initiés de l'Égypte et de la Grèce, des Orphiques, des Pythago- riciens, des Platoniciens ; tous employoient des figures géométriques, les trouvant plus propres à exprimer fidèlement leurs idées que les mots écrits ou parlés des langues vulgaires. Les Égyp- tiens, dit l’auteur HR EE D cité , ayant connu » les formes spirituelles , s’expliquoient par une » docrine intellectuelle et supérieure aux mé- » thodes humaines. Ils peignoient ces concep- » tions sublimes par des figures gravées sur les » pierres dans les temples ; ils en usoient de: » méme pour toutes les sciences et pour tous: » les arts, afin d'indiquer que l'esprit immaté- » riel avoit tout créé ue les. modèles par- » ticuliers de chaque être. » e Ici M. de Pahlin se an entrainer par l’at- trait de ce système égyptien et platonique. Ces figures peuvent seules, ditil, expliquer com- ment l’homme mesura le monde sur soi-même, en l’appellant le pesit monde. Ce sont là les ob- jets imitateurs des formes élémentaires de la pensée de l'homme , formes qui ont leurs moules dans les choses, et qui retracent ces moules. Elles existent ces formes élémentaires , elles: existent. En vain on cherchera une langue uni- verselle de signes, avant d'avoir saisi ces élé- Hiéroglyphes. | 49 mens ; comme en. vain on eut cherché un alpha- bet , avant d'avoir analysé les sons que les ca- ractères représentent. L’enthousiasme de l’auteur le conduit, ce nous semble, à réalyser de pures abstractions. Quoi qu'il en soit, nous devons convenir que dans la seconde et la troisième lettre de son essai , il nous paroît expliquer, avec beaucoup d'érudi- tion, de sagacité et de justesse, des inscrip- tions hiéroglyphiques trouvées sur des momies égyptiennes qu'il croit appartenir à des initiés. Ceux qui désirent approfondir le sujet encore as- sez neuf des initiations des anciens et des fameux mystères de l'Egypte et de la Grèce, et des prières pour les morts chez les Égyptiens, pui- seront dans ces deux lettres, et dans l'Analyse de l'inscription de Rosette, d’utiles renseigne- mens ; tous les lecteurs y trouveront des recher- ches savantes, des faits curieux, d’intéressantes conjectures. Dans sa troisième et quatrième lettre , tout en interprétant divers hiéroglyphes, l’auteur in- dique les sources où l’on peut trouver des, au- torités sur le sens des inscriptions ou tableaux hiéroglyphiques , et il justifie ses indications par des exemples qui nous paroissent heureux. Ces autorités sont des mots ou des formules , des sentences conservées dans l’histoire , dans cer- taines locutions des anciens écrivains , dans les textes liturgiques des anciens cultes, dans les superstitions des peuples, autrement dans les termes de magie, dans les amulettes, les talis- mans, la cabale. 46 Histoire des Egyptiens. Au premier rang des textes liturgiques à con- sulter sur le sens des hiéroglyphes, l’auteur place les hymnes attribuées à Orphée. Elles font la matière de sa quatrième lettre. Ce sont des listes de noms divins auxquels on attribuoit mème des vertus surnaturelles ; des litanies, comme celle de Roudra dans l Oupnek hat ; un vrai rituel des mystères et des sacrifices, le rituel de la secte orphique, plusieurs siècles avant l’ère chrétienne. Cette secte remonte au-temps de Thésée. On étoit si loin d’oser supposer, falsifier ou alté- rer ces hymnes, qu'Iamblique reprocha aux Grecs de s'être permis de les traduire. Cependant la tra- duction grecque est si littérale, qu’elle à paru barbare , et qu’elle a été soupçonnée de faus- seté par des critiques modernes. Si ces hymnes n’eussent pas enseigné la vraie doctrine égyp- tienne, on les eut rejetées. Les 27 parfums qui composent ces hymnes en forment le recueil complet ; car la somme de ses vers répond au nombre des 360 dieux de l'année, présidés par leur chef, le soleil, à qui tous ces chants se rapportoient , suivant Proclus ; et lés 52 vers de l'introduction à ces hymnes, répondent aux 52 semaines. Plusieurs tableaux ou inscriptions hiérogly- phiques, entre autres, ceux du portique d’un temple d'Apollon , dans les planches du Voyage en Egypte par M. Denon, offrent les princi- paux noms divins qui se retrouvent dans les chants d'Orphée. Il faut voir dans l’auteur les preuves détaillées de cette proposition. Hiéroglyphes. 47 ._ Il termine cette quatrième lettre par des exem- ples des secours qu’on peut tirer de l’histoire pour expliquer les hièroglyphes. Ces premiers essais l'ont conduit à une en- treprise plus vaste, c’est son analyse ou expli- cation de tout ce qui nous est parvenu de l’ins- cription hiéroglyphique de Rosetie, contenant un décret des prêtres de l'Égypte en l'honneur de Ptolémée Epiphane. On sait que ce décret, monument très-curieux de cette basse et absurde (4) fatterie, qui déifia les Rois, et ensuite les Empereurs romains les plus odieux , fut inscrit sur le marbre, en copte, en grec et en hiéroglyphe. Le texte grec a été savamment expliqué par M. Ameilhon , le copte par M. Akerblad ; il étoit réservé à M. de Pahlin d'interpréter les hiéro- glyphes. Je me défie, dit-il , de la méthode de chercher des hiéroglyphes pour un texte donné ; elle pour- roit conduire à des illusions. J’ai traduit les ta- bleaux sans m'occuper des textes, dont je ne me suis servi que pour confirmer le sens déjà dé- couvert. (4) L'auteur, plutèt que de convenir que la sagesse égyp- tienne se concilioit à un certain degré avec l’apothéose et le culte divin des Rois et des Reines mêmes vivans, soupconne que cet apothéose et ce culte ne sont que des métaphores , des hiéroglyphes tropiques dans l'inscription de Rosette. Il pour xoi bien être seul à concevoir un tel soupçon. 48 ‘Histoire des Egyptiens. Après avoir étudié avec beaucoup d'attention ce nouveau travail de M. de Pahlin, dont il faut examiner les détails dans le livre même, il nous a paru qu’au milieu de bien des conjectures , ap- puyées très-légèrement, il présente aussi des ex- plications fondées sur des motifs pressans et sur des autorités satisfaisantes ; et que s’il veut bien pousser plus loin ses recherches générales, les rédiger dans un ordre méthodique , avec toute la clarté nécessaire , il aura la gloire non-seulement d’avoir découvert le sens d’un grand nombre d’hiéroglyphes, regardés jusqu'ici comme indé- chiffrables, mais d’avoir mis sur la voie de les expliquer tous. Nous pourrions, dans la suite, juger avec connoissance de cette sagesse des Egyptiens, où le Père Kircher croyoit voir tant de mystères et de merveilles, mais qui, sans être exempte d'erreurs , contenoit sans doute, ou sup= posoit des vérités importantes sur beaucoup de sujets différens. Lansuinais, S. CGRAMMAINE. | GRAMMAIRE. A DISsERTATION on Language, etc.? ou DISSERTATION sur le Langage en général et en particulier, sur l’origine, les progrès, les beautés et les défauts de La langue anglaïse ; suivie d’une No- tice historique des premiers Poëtes, des premiers Romanciers anglais, et de l’an- cien Théâtre britannique, etc. À Paris, chez Parsons et Galignani, éditeurs, rue Vivienne. In-12. Les grammairiens, par goût ou par état, qui font une étude particulière de l’origine des lan- gues , de leur filiation , de leur mélange et al: liances , de leurs différens rapports entre elles, etc., liront avec intérêt et avec fruit cette sa- vante dissertation. ss y remarqué une connois- sance profonde de l'objet traité, une critique saine , des vues fines, piquantes et lumineuses, des aperçus heureux ; elle a de plus le mérite d’étre écrite avec élégance. L'auteur a su ré- pandre dans son style, sans trop de luxe , mais autant que son sujet a pu le permettre, un nombre d'ornemens qui couvrent la sécheresse et l’aridité attachées aux détails de la syntaxe et de la grammaire. On y rencontre plusieurs comparaisons dont la justesse et l'agrément con: T, VI. Novembre 1805. D D: Grammaire. tribuenit autant à éclairer qu’à charmer le lec- teur; j'en citerai une seule. Lorsque l’auteur vient d'expliquer par l’histoire la fusion et la formation des différens ididômes , il compare nos langues modernes, nées du mélange fortuit de plusieurs dialectes doux et rudes, au célèbre airain de Corinthe, le produit de la fusion et de la mixtion d’une multitude de métaux com- muns et précieux dans l’embrâsement de cette métropole des arts. Mais c’est trop s'arrêter à la superficie; il s’agit de pénétrer plus avant au delà de l'écorce, d'examiner la sève et la substance de l’ouvrage. Je vais tâcher de le faire, autant que les bornes d’un journal peuvent me le permettre. La parole, le langage employé par la raison, met l’homme au-dessus de la bête , comme l’é- légance et la perfection de la langue d’un peuple élèvent au-dessus des autres la civilisation et la dignité de sa nation. C’est en étudiant core et la trace des lan- gues, en étudiant l’histoire des anciens peuples, qu'on trouve des rapports , des locutions , des idiotismes , des tropes évidens et prouvés par des faits historiques, par des traditions et des ins- titutions qui jettent un grand jour sur cette ma- tière , et dont il résulte de grands avantages. Les anciennes mœurs des Orientaux éclaircissent beaucoup de passages de la Bible. Les coutumes des Grecs et la connoissance des lois romaines, facilitent l'intelligence des écrivains Grecs et Ro- mains, tie he = Langue anglaise. tr L'auteur célèbre de la Richesse des Nations (1) avance une hypothèse invraisemblable et fausse de deux sauvages qui se créent des mots : on lui répond ( page 6). - Lord Monboddo, dans sa Théorie du langage, enrichie d’une multitude de passages d'anciens auteurs, suppose que le langage n’a pas été na- turel à l’homme , que son origine est due à l’é- tat politique de la société. Telle est la base de son savant ouvrage (2). Il prétend que l’homme, dans l'état de nature, ne fut qu’un animal sauvage, sans parole, et privé de tous les arts les plus nécessaires à la vie ; il cite en preuve les auto- rités d'anciens poëtes , Lucrèce , Horace, etc., et d’historiens qui s’appuient de voyageurs cré- dules et peu instruits. L'auteur de cette théorie, en parlant de tels individus rapprochés par l’ins- tinct et par le besoin, n'offre point là une s0- ciété d'hommes, mais un vrai troupeau. « La méthode la plus raisonnable et la plus » satisfaisante , est de faire remonter la première » Origine des mots au grand créateur lui-même, » qui les inspira à nos premiers parens, avec » le don de les augmenter à mesure , au besoin. » Cette théorie, qui appartient à la Bible, cadre » tout-à-fait avec l’histoire profane. Platon se » déclare pour cette opinion, lorsqu'il fait deux divisions des mots, les primitifs et les dérivés. » C'étoit en quelque sorte le sentiment des Egyp- Co Ÿ 0 (1) Smith, Theory of moral sentiments, vol. IL, p. 403. (2) Origin of language, vol. I, p. 514, 545, 626; et vol. IV, p. 50. 52 Grammaire. » tiens, qui regardoient comme divine la faculté » de la parole, et qui attribuoient au dieu Thoth » ce bienfait. » à ; Johnson veut que l’origine des mots soit venue d'inspiration (3). Il prétend qu'un millier, qu'un million d’enfans ne pourroient jamais parvenir à inventer une langue. Johnson donne plusieurs raisons de son assertion ( page 10 ). « Les langues et dialectes en usage en Europe » aujourd’hui, peuvent se monter à vingt-sept » environ. En les rapprochant, on s'aperçoit » qu'elles ont une méme origine celtique, et que » cette origine remonte à la plus haute antiquité, » peut-être au delà du déluge. » L'auteur de la dissertation remarque beaucoup de coïncidence entre l’'hébreu, le grec , le sanscrit, le dialecte des Hébrides et la langue chinoise , malgré l’é- loignement de ces peuples. Comment cela se peut- il faire? C’est ce qu'on tâche d'expliquer de la manière la plus probable, pages 11 à 17, où l'on rapproche et l'on compare en vingt-deux articles un grand nombre de mots de différentes langues anciennes et modernes. On indique en mème temps les auteurs qu'il est bon de con- sulter pour s’instruire à fond sur cet objet (4). D'après ces rapprochemens, il est évidemment prouvé qu'une langue primitive, la celtique , a 6) Boswell’s Life of Johnson. (4) Pezson , Sammes , Junius ; Skinner , Parkhurst; Row- Jand's Mona: c’est-à-dire, Rowland du dialecte de Pile de Man ; le Christianisme primitif, et le grand Etymologicon de M, Whiter. en. nn UE AUS Ed " Langue anglaise. 93 : produit plusieurs autres langues modernes ; et _ d’ailleurs, quelques recherches qu’on puisse faire _ dans toutes les parties du globe , il en résulte que toutes les langues qu'on y parle découlent de cette même source. Aujourd’hui, plus nous sommes instrnits, plus il y a loin entre nous et l'enfance de l'écriture, moins il nous est facile de se former une idée juste des premières tentaüves et des grandes dif- ficultés qu'il a fallu éprouver pour parvenir à exprimer ses pensées par des signes et par des symboles. On rappelle ici les hiéroglyphes des Égyptiens , les peintures des Mexicains , etc. L'on vante ensuite la simplicité, la facilité, la variété, la précision, et enfin la supériorité de l'écriture sur toutes les tentatives qui l'ont précédée. D'a- près la différence dans la direction des lettres, des lignes et des pages chez les Chinois, les Européens , les Orientaux ; d’après cette différence remarquable chez ces diverses nations, l’auteur de la dissertation pense qu’il est à présumer que chaque peuple a dû étre l'inventeur de son al- phabet. Warburton fait remonter l'écriture, l'origine des lettres au delà du peuple Juif, Il pense que Moyse, le grand législateur des Juifs, apporta de l'Egypte l'alphabet et ses autres connoissance:. Cet alphabet se communiqua ensuite, ou dans le même temps, aux Syriens etaux Phéniciens. Moyse eut soin de simplifier les lettres égyp- tiennes, et de leur ôter leur caractère hyérogly- phique, dangereux chez un peuple naturelle- 54 Grammaire. ment porté à la superstition (5). Suivent quel ques anecdotes concernant les alphabets grec , latin , etc., d’après Hérodote, Tacite, Pline, etc. Pour la filiation et la composition des dif- férens alphabets, on renvoie à Montfaucon , Shucford, W/arburton, Stillingfleet, Mitford, Hérodote, Tacite, Pline; Goguet, Origine des lois (*). Dans le rapprochement des langues italienne et française , l’auteur les caractérise ainsi en peu de mots : « Si le Toscan n’a point l’éner- » gie et la majesté de la langue latine, il offre » une délicatesse, une mollesse et une mélodie » d'expression qui charment à la lecture des » meilleurs auteurs italiens. La langue française , » d’abord barbare, se polissant à mesure , est » parvenue à un haut degré de précision , de » grâce et d'élégance. » Sd Dans un autre rapprochement de la langue anglaise et de la française , l’auteur les compare ainsi : « Il est reconnu que l'anglais, par son abondance et son énergie , convient principale- ment aux sujets graves , aux détails de l’histoire , . (5) Divine Légation, vol. IL, p. 337, etc. (*) On peut suppléer ici à la brièveté de l’auteur de la dis sertation, par quelques autres notions pour les personnes qui es ignorent. Comme cette note sur les premiers caractères, les premiers alphabets et syllabaires , sur les premiers livres, les premières plumes à écrire, sur la ponctuation et les pre- miers accens; comme cette note de quelque étendue inter- romperoit trop ici le fil du discours , on la trouvera tout à la fn de l'extrait, page 63. Larigue anglaise. 55. aux discussions de la politique et de la théolo. gie, aux spéculations de la philosophie , aux grandes conceptions de la poésie épique et dra- matique ; mais il est moins propre à saisir les travers du ridicule, les folies de la gaieté et du. badinage , comme à prendre le ton mélancolique et touchant de la misère et du malheur. Quant à la gaieté, à la vivacité, au bonheur des ex- pressions et des, saillies d’un esprit enjoué; dans cette partie , le français a sur nous un avantage décidé (6). » Lorsque l’auteur rapproche les conjugaisons. et kes déclinaisons anciennes et modernes , il avance que les françaises , ‘dont la désinence ne change point , sont plus faciles pour l'étudiant ; mais cet avantage est contrebalancé en ce qu'il Fexpose à faire plus de fautes. On sait combienest toute puissante influence des conquérans sur la langue des peuples qu'ils ont subjugués. « Le saxon , parlé d’abord en An- » gleterre , offre à trois époques trois dialectes différens et distincts. La première le saxon- » breton, suivi du saxon-danois ; et la troisième “ü 2 (6) Un très-grand nombre d’excellens écrivains dans notre langue ont fait voir qu’elle n’étoit point inférieure à celle des: Bacon , dés Bolinbroke, des Schaftesbury, des Tilotson; et à leur tête, Bossuet, Arnauld , Nicole et Pascal surtout , Malle- branche, Fénélon, Fontenelle,et quelquefois même LaFontaine, quoiqu’en poésie et avec un style simple, négligé, mais plein de grâces, ont prouvé qu'ils avoient pu traiter dans notre langue, les difficultés de la dialectique , les profondeurs des sciences , les épines et la sécheresse de la métaphysique, avec autant de vigueur et de clarté que d'élégance. N. D. R. 56 | Grammaire. » époque le saxon-normand ; celui-ci une cor » ruption des deux premiers idiômes , un mé- 5 lange irrégulier et barbare des jargons teuto- » nique , gaulois, et d'un mauvais latin.» Voici. -entre plusieurs autres une forte preuve de lin- fluence forcée sur la langue des vaincus. A lé- poque où les Normands étoient maîtres de lAn- gleterre , il fut expressément défendu, même dans les écoles des campagnes, d'enseigner d’au- tre langue que la française. Wolston, évêque de Worcester , fut juridiquement déposé (en 1095 ) comme un vieil imbécile, incapable d’ap- . prendre le français. Il étoit d'usage chez les Saxons d'envoyer leurs enfans dans les monas- tères de la France pour y étre élevés à la fran- çaise, chez une nation dont le langage et les manières passoient pour être les plus polies de l'Europe. Vers ce même temps, le saxon cor- rompu étoit le dialecte des gens de la campagne. Dans lés études, on se servoit du français et du latin, et à la Cour on ne parloit que français. Après avoir crayonné brièvement l'historique des premiers dialectes de la langue anglaise dans son enfance , et des premiers efforts de ses écri- vains les plus anciens, voilà, dit l’auteur de la dissertation, quelles ont été les grandes sources de la langue anglaise; de plus, le commerce des écrivains aniblais avec les muses latines ét mo- dernes qu ls ont cultivées, les progrès des sciences et des arts de nos prédécesseurs et du: siècle présent, et enfin nos affections , nos ha- bitudes avec les autres nations, nous ont pro- Langue anglaise. 97 _euré une ample variété et une grande richesse de mots. « Nous avons emprunté à l'Italie les » termes de la musique, de la sculpture et de _» la peinture; à la Flandre et à la Hollande » ceux de la navigation ; aux Français les termes » de fortification, de l’art militaire, des négo- » ciations , des affaires. Ceux des mathématiques » et de la philosophie dérivent du grec et du » latin; mais c’est le saxon qui a fondé en An- »"gleterre la plupart des mots les plus usuels » d’un usage général, comme de l'agriculture, » des arts mécaniques , etc. Au reste, la langue » anglaise peut se vanter d’une grande simpli- » cité tout-à-fait conforme à son origine , et qui » ressemble, dans sa construction grammaticale , » au plus simple langage de lantiquité. C’est » la remarque du savant évêque Lowth, de qui » les études approfondies de l’hébreu donnent » un grand poids à son sentiment. » Sans trop s’aveugler sur les avantages et les beautés de sa langue maternelle, l’auteur ne dissimule point les principaux défauts qui la dé- parent. Excepté les mots d’origine grecque et latine , la plupart des autres étant terminés par des consonnes , n'offrent qu'une prononciation hachée, rude , et qui embarrasse le cours d’une phraséologie peu coulante, Un très-grand nom- bre des mots anglais sont btisés, rocailleux et sans harmonie; quelques-uns peuvent à peine être prononcés par un Îtalien et-un Français, dont les organes vocaux, plus délicats, sont ha- bitués à des expressions plus douces et plus 58 . Grammaire. coulantes, car ce soht les terminaisons par des. voyelles qui forment la mélodie d’une langue. « Dans l'anglais, sur vingt-cinq mots terminés » par o , douze à peine se terminent en a. Nous n’én avons pas moins de 4,900 terminés en y » sur un huitième, tous nos mots anglais mon- » tant à 55,000 environ (7). » Le manque de ter- minaisons différentes dans les verbes, qui nous fait ayoir recours aux verbes auxiliaires, nous oblige à employer très-fréquemment, pour ex- primer nos idées, des circonlocutions. Comme il n'y a point de personnes de pluriel, ni de temps , ou personnes de la voix passive, ceci est souvent la cause d’une ambiguité pour des étrangers ; aussi ce n’est qu'avec la plus grande attention, ce n’est qu'après avoir lu et relu plu- sieurs fois ce qui précède et ce qui suit, qu’un étranger vient à bout de l'entendre. Le glossographe expose combien il a fallu de temps et de difficuliés pour parvenir à une or- thographe décidée, uniforme, et aujourd’hui généralement adoptée ; les combats longs et nombreux de plume à ce sujet, et les noms des combattans. C’est surtout par les soins, les travaux et le sens droit de Johnson, qui s’est montré constamment l'ennemi*déclaré des inno- vations sans nécessité, qu’on est enfin parvenu à cet heureux succès. Les bases invariables sur lesquelles s’est fondé ce réformateur de l’ortho- graphe anglaise, sont l'érymologie et l’analogie. A A (7) Heron’s Letters, p. 247: Langue anglaise. 99 Dans la science des étymologies, il seroit dif- ficile d'aller plus loin que lui; et par rapport aux analogies, avec la plus grande sagacité, on ne pourra faire , après Johnson , que des re- cherches minutieuses , indécises, et de peu de fruit. Il ne faut pas omettre ici un autre passage qui présente une observation extrêmement utile aux personnes qui font une étude particulière des étymologies , et singulièrement des étymo- logies dérivées du saxon. « On n’avoit pas man- » qué de secours, sans doute, pour les mots » dérivés du grec et du latin; mais ceux qui ».avoient une origine saxonne , avoient long- » temps eu besoin d’éclaircissemens. L'auteur » des Récréations de Purley , dont les recher- » ches, la sagacité et la tournure d’esprit mé- » taphysique le rendoient propre à cette savante » tâche, a dirigé ses études vers ce but utile; et » l’ingénieuse théorie qu'il s'est formée , con- » cernant les mots indéclinables du discours, a » été complétement confirmée par une connois- » sance approfondie du saxon. L'auteur de cette » théorie prouve, de la manière la plus évidente , » que beaucoup de nos adverbes, conjonctions » et prépositions qu'on avoit regardés jusqu'ici » comme insignifians lorsqu'ils étoient séparés » des mots, proviennent d'anciens noms et verbes, » aujourd hui d'usage, dont ils conservent le sens, » et qui ont été raccourcis par le laps du temps, » par l'usage et la convenance. Cette découverte » est d’un grand prix, parce qu’elle jette un _ 60 Grammaire. » grand jour sur toutes les parties de notre » langue, qui avoient été traitées beaucoup trop » légèrement par nos premiers grammairiens; » et de plus, parce qu’elle porte avec soi de » grands secours, en général, dans l'étude des » étymologies. » L'auteur de la dissertation rappelle et appré- cie à leur juste valeur plusieurs-ouvrages trop vantés, qui méritent la censure de la critique ; à leur tête, et avec quelque détail, l'Histoire de la décadence et de la chute de l'empire Ro- main, par Gibbon: et à ce sujet l’auteur loue et blâme en même temps les estimables et la- borieux écrivains écossais qui ont tant contribué à enrichir la littérature anglaise, Hume, Ro- bertson , Blair, Gibbon. On reproche à leurs pre- miers ouvrages de fréquens scoticismes , qu'ils ont fait disparoître dans les éditions suivantes , auxquelles’ ils ont apporté une révision sévère et soignée, une pureté de langage, et une élé- gance qui leur promettent une place à côté des meilleurs classiques anglais. Entre les ouvrages critiqués et qui le méritent pour leur style incorrect, roide , latinisé et ri- diculement pompeux, on remarque le livre des Erreurs populaires , par Thomas Brown, qui eut tant de vogue en Angleterre , et qui a été traduit dans touts les langues. Le spectateur du sage Addisson n'est pas exempt ici d’une juste critique , quoique la littérature anglaise perfec- tionnée date de cette époque (8). (8) Ces critiques motivées, avec quelques détails , instruc= Langue anglaise. Gr Les exemples cités des phrases et des expres- sions répréhensibles sont tirés des ouvrages de Shaftesbury, de Bolinbroke, de Warton, Ad- disson, etc. ; de Johnson lui-méme. On a lieu d'observer que cet excellent critique n’est point à l'abri de quelques justes reproches pour des contradictions frappantes entre la pratique et les opinions de ce judicieux et savant philologue. Aux censures de plusieurs écrivains célèbres, succèdent les éloges d’une multitude de LE. ques anglais que l’auteur caractérise , la plupart d’un trait de plume, avec ie de variété et de talent. Je ne m'amuserai point à désigner ici ces fameux écrivains; ils sont trop connus en France pour m’y arrêter ; souvent même ils y sont appréciés avec plus de goût et moins de partialité par des Français que par des Anglais, presque toujours naturellement portés à trop exalter les hommes célèbres qui honorent leur pays; trop enthousiastes, par exemple, de Mil- ton, de leur Shakespear , et des autres comiques et tragédiens de leur nation ; comme font les Italiens à l'égard de la divine comédie du Dante, tives pour les étrangers, et qui nécessitent plusieurs observa- tions, ne peuvent trouver place ici. Dans un autre endroit de la Dissertation, deux excellens critiques (Johnson et War- ton) prétendent, l’un, que la traduction est le fléau le plus redoutable de la langue anglaise; et l’autre glossographe, qu’elle a été extrêmement avantageuse à la langue. Ces dis- cussions grammaticales, épisodiques en quelque sorte, feront l'objet d’un second article : on y joïndra un court extrait de Ja Notice historique des premiers poëtes, des premiers ro- manciers anglais et de l’ancien thédire britannique. 62 Grammaire. et trop souvent les Allemands à l'égard de leur théâtre. Entre tous les livres vantés ici, il en est un auquel on fait peu d’attention , et dont on ne sauroit faire assez d’éloges pour la correction du style , pour la pureté du langage, pour l’élé- gance de la diction , le nombre et l'harmonie du discours ; dont le style wurié, sans enflure et sans bassesse, s’est plié à tous les tons; tantôt élevé et sublime, tantôt simple et naïf, mais jamais rampant , jamais grossier ni trivial dans les plus petits détails domestiques ; un livre enfin fait pour servir de modèle , et qu'on cite comme faisant autorité dans les meilleurs dictionnaires de la langue anglaise. Ce livre , qui date de deux siècles, est la Traduction vulgaire de la Bible, faite sous le règne de Henri VIII, par ordre du gouvernement, publiée en 1611. Cette savante dissertation anglaise sur les lan- gues ne pouvoit être imprimée ici dans de plus heureuses circonstances, où l’on jette les pre- miers fondemens d’une Académie celtique; où de savans ouvrages sur les langues mères, où des dictionnaires et des grammaires de dia- lectes étrangers se multiplient à l'infini; dans un moment surtout où des hommes profondé- ment instruits , l’élite de l’Institut, s'occupent de la refonte entière du premier dictionnaire de la langue française , et sauront graver en tête de ce monument national de précieuses décou- vertes , et y propager de nouvelles lumières sur la véritable origine , sur la filiation , sur les lon- Langue anglaise. 63 guüés incertitudes , et enfin sur l'excellence d’une langue , aujourd’hui embellie et fixée par les chefs-d'œuvres des Corneille, des Racine , des Massillon, des Bossuet , et qui par eux est de- venue la langue de l'univers. Ce sont ces différentes considérations réunies qui m'ont fait prolonger beaucoup plus que je ne me l’étois proposé, l'analyse de cette Disserta- Yion, et qui m'obligent à renvoyer à un autre numéro plusieurs articles qui, réunis, feront l’objet d’un second extrait. Je dois avertir que cette Dissertation Anglaise est le *uméro 24°. de la Nouvelle Bibliothéque britannique (9). E.-B. (9) Voy. Magasin Encyclopéd., annéeIX,t. VI, p-478, par rapport aux numéros précèédens, un Extrait bien fair, dans lequel le rédacteur indique, caractèrise et apprécie les numéros les plus piquans de cette collection des meilleurs poëtes eb prosateurs anglais. À la fin de cet article sont expli- quées les conditions de la souscription. NoreE concernant les premiers caractères, ayant rap- port au renvoi (*) de la page 54. On prétend que les premiers syllabaires égyptiens et ceux des Siamois se ressemblent. L’alphabet que Cadmus, général phénicien , apporta en Grèce, n’avoit queseize lettres. Dans les plus anciens temps de laGrèce, on ne se servoit que très-rarement de l'écriture. Dans les monumens publics, et même sur les tombeaux, on ne l’employoit que très-rarement. Les lois de Dra- eon sont les premieres qui furent écrites. {l est à re- marquer qu'on ve trouve dans Homère aucun passage 64 Grammaire. où il soit question de Message ou d’ordres écrits, ex= cepté une fois seulement, où il est fait mention d’un renseignement en forme de lettre, que Protus fit porter à Jobates par Bellerophon [Tliade VE v. 168 ]. Il est à croire que, depuis la guerre de Troie jusqu’à Homère , l’usage d’écrire étoit devenu tres-commun; surtout dans l’Asie mineure : la culture même de la langue en est une preuve. | L'époque précise de cette invention, la plus utile de toutes celles qui honorent l’espèce humaine , est fort incertaine , mais elle doit être de la plus haute, antiquité ; plusieurs passages de la Bible en parlent comme d’une chose très-connue [ Exod. xvir, 14; xxiv, #4, 28;{xxxiv, 27. Nombres, xvir, 18; xxx1, 9, 19, 26; xxxrit, 1, Job. xixr, 26; x1x, 23, 24; xxx1, 35 et 36]. On a lieu de croire que le livre de Moyse et celui de Job qu’on lui attribue, sont les livres les plus anciens. La direction des lettres et des lignes dans.les commencemens de l’écriture , étoit chez tous les peu- ples orientaux, comme chez les Grecs, de droite à gauche. Dans la suite on écrivit de droite à gauche et de gauche à droite , en joignant les deux lignes par un trait d’union courbé. Une autre manière d'écrire étoit celle en forme de colonne , à la maniere des Chinois. Enfin, l’on introduisit la méthode usitée chez les modernes, de donner aux lignes une seule direc- tion de gauche à droite. Quintilien nous apprend qu’il n’exista d’abord qu’un petit nombre de lettres romaines, qui diffé- roient, dans leur forme et signification, de celles dont on s'est servi dans la suite (L. I, c. 7]. Un des plus anciens monumens, à la fois, des premiers carac- ières romains et de la langue latine, a été les Lois des douze Tables. [ V. Funck Rinteln, 1744, in-4°.] Dans Longue anglaise. 65 Dans les anciens temps on écrivoit toujours em lettres majuscules : les anciennes mounoies et les inscriptions le prouvent. Alors, non-seulement la ponctuation n’étoit pas en usage, mais les lignes et les mots étoient à la fois serrés comme les letires le sont ordinairement dans les mots. La première ponc- tuation ne daie que du second siècle, et cette ponc- tuation différoit de la nôtre, voici comment. Le point supérieur étoit un point ; l’inférieur ne valoit qu’une virgule, et celui du milieu, un coma. Les anciens Grecs ne se servoient point d’accens; on ne les voit introduits dans les manuscrits que vers le temps de Pompée[ Voy. Pitture Antiche d’Ercolano I, IE, p.34; et Villoison, Ærecdota græca, L. 1, p. 131]. L'usage de la plume à écrire est du neuvième ou du dixième siècle. Les lettres appelées das de casse, espèce de financière ou italique , datent de ce même temps, vers le neuvième ou dixième siècle. Pour tout ce qui regarde la connoissance de l’an- tiquité, voyez surtout le Manuel de Littérature clas= sique de M. EscxEeNsurex, traduit de l’allemand et augmenté, par M. CrAmER. Paris. An X. 2 vol. in-8°. N. D. R. T, VI. Novembre 1805. E og LITTÉRATURE LATINE. Notes inédites du président BOUHIER, sur les Odes d’Horace (1). CODE II, LH L'une des plus grandes difficultés de cette ode , consiste à savoir l’année où elle a été faite. Il a sur cela plusieurs sentimens. Comme le Tibre s’est débordé plusieurs fois depuis la mort de Jules César, on a cherché à deviner auquel de ces débordemens cette ode a rapport. Comme il y en eut un la même année de cette mort, les anciens Scholiastes ont cru que c'étoit celui dont le poëte avoit voulu parler ; mais ce sentiment ayant été rejeté avec raison par tous les savans , je ne m'y arrèterai pas. Il ÿ eut une autre grande inondation 17 ans après , c'est-à-dire l’an de Rome 727, le len- demain que l'empereur Octavien eut reçu le sur- nom d'Auguste, et c’est à celle-là que le Père Sanadon fixe l’époque de cette ode. Mais elle est caractérisée par des choses qui ne permet- tent pas de suivre ce sentiment; car 1°. le poëte y prépare à une expédition contre les Perses; et ce ne fut que quelques années après qu'Auguste se disposa à leur faire la guerre , pour recouvrer les étendards qu'ils avoient enlevés à Crassus. D'autre part il paroît, par la sixième strophe, Q) Suprà , tome V , octobre, p. 356. PAL Odes d’Horace. 67 que les prodiges dont il est parlé en cette ode, furent suivis de quelque sédition, qui arriva peu de temps après ; car de rapporter cela aux guerres civiles qui avoient été terminées trois ans aupa- ravant par la mort d'Antoine, c’est à quoi il n’y a aucune apparence, puisque les événemens fà- cheux doivent suivre et non précéder de pareils prodiges. On voit même , par la'strophe suivante, que Rome se irouvoit alors dans un état vio- lent et pressant, puisqu'Horace se sert de ces termes : Quem vocet Divém populus ruentis Imper£ rebus ? Ce qui ne convient en aucune manière à l’état tranquille où se trouvoit l'empire en 727, non plus que ces paroles qui suivent : Cui dabit partes scelus expiandi Jupiter ? Car quel besoin si pressant Rome avoit-elle alors du secours des dieux ? Je crois donc que Masson a mieux rencon- tré, en sa vie d'Horace, pag. 233, quand il à placé cette ode sous l’an de Rome 732. Il y eut, au commencement de cette année, un débor- dement si affreux du Tibre, au rapport de Dion Cassius, qu’on alloit en bateau dans Rome. La foudre y tomba aussi plusieurs fois, même sur une statue d’'Auguste qui étoit dans le Panthéon, et pendant la dédicace du temple élevé par l’em- pereur à Jupiter Tonnant, le sacrifice fut inter- rompu par le tonnerre. Ce débordement du 68 Littérature latine. Libre avoit été précédé d’un autre, arrivé sur la fin de l’année précédente , au rapport du même historien, et cela augmentoit la frayeur des peuples. Du reste, tout ce qui est rapporté dans cette ode convient à merveille à cette année. Auguste étoit parti peu auparavant pour .la Sicile, dans l'intention de passer en Asie, et d'y faire la guerre aux Parthes, pour ÿ ven- ger, comme il le fit, la défaite de Crassus. On sent combien cela cadre avec les derniers termes de l’ode. D'ailleurs, l'explication de la sixième strophe se trouve tout naturellement en l’histoire de cette année, Auguste étant parti avant l'élection des Consuls, la jalousie de deux compétiteurs , qui aspiroient à cette dignité, savoir Quintus Lepidus et Lucins Silanus, pensa mettre toute la ville de Rome en combustion. Quoique Dion s'en explique en peu de mots, on voit bien que les choses furent poussées très-vivement par les deux partis, et il ne faut pas douter qu’iln’y eût de partet d’autre les épées tirées et beaucoup de gens tués. On en peut juger par ce que dit l’his- torien de l'inquiétude où en fut Auguste, l'et des sentimens des gens sages, qui craignoient le retour des anciens troubles dont la république avait été agitée. Voilà l’explication de. cette strophe, qu'il est surprenant que Masson n'ait point sentie, et qui a une liaison parfaite avec les précédentes. Car » aprè ès avoir rapporté les prodiges qui étoient arrivés avant ces événemens, tee en raconte tout de suite les effets, et court incontinent après Odes d’Horace. 69 ‘au remède , qui consistoit en la confiance qu'on avoit en la sagesse et en la capacité de l’empereur, Il semble même qu’il Pexhortoit à revenir promp- tement à Rome pour calmer ces divisions , Comme il paroït par ces mots : Tandem venias, preca- mur, etc.; en sorte que l’ode paroïit avoir été écrite avant qu'Auguste eut pris le parti de faire venir les deux compétiteurs en Sicile, On opposera peut-être que les troubles arri- vés dans Rome au sommencement de 752, n’é- toient pas assez considérables pour faire regar- der l’état'‘comme en danger, ainsi que semble le supposer Horace. Mais je réponds que les sé- -ditions furent longues et violentes à cette occa- sion, et si considérables, qu’elles firent sentir, au rapport de Dion , le danger qu'il ÿ auroit de rendre au peuple romain son ancienne liberté : et qu’elles obligèrent Auguste à donner Agrippa pour préfet à cette grande ville; et comme la guerre civile entre Pompée et César étoit venue à l’occasion de dissentions pareilles , il étoit na- turel de craindre qu'il n’en arrivàt autant de celle-ci. D'ailleurs, quand le mal n’auroit pas été si grand qu'Horace le présente ici, il n’est pas surprenant de voir un poëie, et un poëte aussi flatteur que celui-ci , grossir les objets pout faire d'autant plus valoir son héros, et pour chercher à persuader que Rome ne pouvoit être . entièrement tranquille qu’en suivant ses conseils , ou plutôt ses ordres. Le P. Sanadon propose, contre nôtre système , d'autres objections qui, selon lui, le rendent 7o Litiérature latine. insoutenable , et qui, selon moi, sont aisées à résoudre, Il dit que suivant notre sentiment cette ode étant posiérieure de vingt-deux ans à la mort de Jules César , il n’étoit pas naturel qu’Ilie la pleurät encore, et que le T'ibre lui offrit son secours pour la venger. Je réponds que cette objection pourroit être également faite au sys- tème du P. Sanadon ; car il suppose que l'ode n’a été faite que dix-sept ans après la mort du même Jules : or c’étoit bien un temps assez suf- fisant pour essuyer les larmes d’Ilie. Mais ce Père n’a pas pris garde à lartifice du poëte , qui vouloit persuader aux Romains que par tant de prodiges les dieux vouloient marquer qu’ils ne seroient entièrement appaisés que lorsqu'ils auroient accordé à Auguste une puissance égale à celle de son oncle. Elle avoit été quelqueltois offerte à Auguste, qui avoit fait semblant de la refuser; mais les gens clairvoyans comprenoient bien que c’est qu'il vouloit être pressé davan- tage, et Horace vouloit y déterminer le peuple et le Sénat. Voilà la fin de la pièce. Le P. Sanadon croit encore que dans notre système on ne peut expliquer la sixième strophe ; mais c’est qu'il n’a pas pris garde aux troubles arrivés dans Rome, et aux conséquences que le poëte en à tirées adroitement. Ce qui vient d’être observé sert de réponse à la troisième objection que nous fait le P. Sa- nadon , en disant qu'on ne sauroit expliquer pourquoi Vesta auroit été moins favorable aux A LE RS 1 Se Odes d’Horace. 71 Romains en 732 ; ni à quel propos Horace donne ici à Auguste la qualité de vengeur de César. Cela tendroit également à à détruire le système du P. Sa- nadon ; mais il y a forthien répondu lui-méme sur le vers ” de cette ode , en disant que plus Vesta s’intéressoit à la vengeance de la mort de César, qui étoit souverain Pontife, plus elle devoit être fâchée contre les Romains, s'ils souffroient que l’auteur de cette vengeance se démit du gouver- nement de la République ; car cette réponse fait pour nous comme pour lui. Peut-être même que le poëte insinue à mots couverts que Vesta n’'é- toit point contente que le souverain pontificat fut encore entre les mains du vieux triumvir Lepidus ; car on sait qu'Auguste ambitionnoit cette place, et qu'il chercha à lui donner toutes sortes de dégoûts pour l’engager à se démettre d’une dignité dont il n’osa jamais le dépouiller de son vivant, ainsi que le remarque Dion, page QE. Quoi qu’il en soit, indépendamment de cette conjecture, tout cadre à merveille, dans cette ode , au système de Masson, et je crois qu'il faut s'y tenir. MODEL: EE Sunt quibus unum opus est intactæ Palladis urbem Carmine perpetuo celebrare , et Undique decerptam fronti præponere olivam. C'est ainsi que ce passage se trouve écrit dans 72 Littérature latirre. tous les manuscrits, et même dans celui de M. le président Gagne. Cependant Érasme , suivi de Lambin , de Ma- nilius, de Dacier et d’autres, ont rejeté cette leçon comme vicieuse. Selon eux , /ronti præponere cororam n’est point une phrase latine. Quand c’en seroit une, il n'y a point d'exemple que les poëtes aient été couronnés d’olivier. Enfin on ne sait ce que si- gnifie undique decerpta oliva. Cela les a portés à corriger undique decerptæ frondi præponere ol vam , c’est-à-diré, préférer d'oliv'er à tout autre arbre. Toutes les autres explications , dit Dacier , sont puériles et ridi- cuüles. Bentley se moque avec raison de cette correc- tion ; car outre qu'elle est trop éloignée de lan- cienne leçon , quel seroit le sens de ce decerptæ ? Quand on cueille des branches de chaque arbre, ce n’est que pour s’en servir, et non pour les rejeter comme ici. Le même critique préfère donc la leçon ordi- paire. Il est vrai qu’il ne trouve point d’autre exemple de prænponere coronaim fronti ; mais cette phrase est suivant lanalogie de la langue latine, où il est ordinaire de dire præcingere comis frondes, et præcingere tempora lauro. Pourquoi n’emploieroit-on donc pas præponere au même sens, puisque les Grecs ont dit : rapal clar clEQuyoy rais xôpous? IH ne se tire pas si bien des deux autres ob- jecuons ; car il n’a pu trouver dans l'antiquité . Odes d’Horace. 75 aucun poète couronné d'olivier, Je vais tâcher de lui en fournir. Ceux qui étoient déclarés vic- torieux aux combats qui se faisoient à Athènes pour les deux fêtes de Minerve , appelées Teva we, étoient couronnés d’olivier. ‘O nr ofQu- VoÜTæs EAdiæ MAEXTA ) dit Suidas au mot Havalyveu, et Pline Pancien, XV, 5 : ÆAthenœ quoque victores oled coronant. Or les poëtes étoient admis à ces sortes de combats , aussi bien que les musiciens, comme on l’apprend de Diogène Laërce en la vie de Platon, ZIT, 56, et de Philostrate , en celle d'Apollonius, IT, 2, où l'on voit qu'on y chantoit les louanges des hé- ros qui avoient procuré du bien à Athènes. On ne sauroit donc douter qu'on n’y ait chanté les bienfaits de Minerve et les louanges de sa ville favorite , et que la couronne d’olivier ne fut destinée à celui qui les avoit le mieux célé- brés. Undique decerptam est tout ce qui embarrasse. Suivant Bentley , cela signifie ex eo argumento , undiquagrie exhausto, coronam sibi poëélicam quærere, sur quoi il cite ces vers de Lucrèce : +....... Juvatque novos decerpere flores, Insignemque meo capili petere inde coronam. Mais il ne prend pas garde que Lucrèce as- pire à une couronne composée de toutes sortes de fleurs, au lieu que dans Horace le poëte ne combat que pour en avoir une d’olivier , et il ne faut pas dire que celle-ci sera de différens oliviers, ex undique decerpté olivé; car il n’en 74 Littérature latine. étoit pas de cette dernière comme des couronnes de fleurs , qui se faisoient de pièces rapportées. Je crois donc qu'aucune de ces explications n’est recevable , et je soupçonne qu’'Horace avoit écrit ainsi :. Sunt quibus unum opus est intactæ Palladis arçem Carmine perpetuo celebrare , Zndeque decerptam fronti præponere olivam. Ce léger changement fait un très-bon sens. Ceux qui louoient Athènes, et surtout le chà- eau de cette ville (car je lis ici arcem, suivant quelques manuscrits), avoient pour but, non- seulement d’avoir la couronne d’olivier , mais encore de l'avoir de cet olivier immortel que Minerve avoit autrefois fait sortir du rocher de ce château ; car c’étoit une des propriétés de ses feuilles de conserver toujours leur verdeur. IL en est parlé dans la tragédie d’Ion d'Euripide , v. 1435, au sujet de la couronne de cet oli- vier que Créuse avoit donnée à son fils : ! (4 ’ ’ ZEriQaroy thdias duQiJyxa ot TATEs “Hy TeùT ASavas muomthos tir yEyYuTo “ «1 CCE * ” » ’ 14 Os, taie ioriy, 8moT ExAUME Ho > Qunaet À ingius ?E duneuTs yeyas. C'est-à-dire : Coronam ex illé ipsä ole& tum imposui tibi, Quam. primum Palladis edidit scopulus. Quæ, si adhuc adest, nundum reliquit folia virentia , Qu non marcescente facta sit ex ole&. Odes d’Horace. m5 Or on comprend combien cette couronne con- venoit à un poëte qui se flattoit de l’immorta- lité. C'est la méme raison qui leur avoit fait donner celle de laurier. Il n’est pas difficile de juger comment cet en- droit a été corrompu. Un copiste peu attentif aura mis uudique pour indeque, et un autre qui sera venu ensuite pour donner quelque sens à la phrase, aura ajouté l'es au vers précédent. Cela paroit tout naturel. CERN T ID HUE sernssses.e Quæ generosins Perire quærens , nec muliebriter ÆExpavit ensem, nec latentes Classe cité reparavit oras. . Bentley sur cet endroit remarque avec raison, ce me semble , que les deux actions marquées dans ces vers, sont des actions de foiblesse, op- posées à la mort courageuse de Cléopâtre. IL n'est pas question d'examiner si le poëte a suivi la foi historique ou non. Il faut seulement pé- nétrer dans sa pensée, qui est évidente par l'op- position de generosius à muliebriter. Cela étant, reparavit ne peut convenir à ce passage. Car, en quelque sens qu'on le prenne , il marque une action virile et courageuse. Mou- tir, quand on peut encore se défendre , est le signe d’un désespoir inconsidéré , qui ne con- vient point à une héroïne , telle qu'Horace peint ici Cléopâtre. 76 Littérature latine. On pourroit néanmoins conserver reparapit, si ce mot signifioit remeavit, comme Dacier et quelques autres l’ont cru. Mais ce verbe n’a été employé en ce sens que par des auteurs de la basse latinité, ainsi qu’on le voit dans Du Cange. Il est pourtant vrai qu'on trouve ce verbe en cette signification dans Ausone, Carm. de Mosell, VL :09: Non superante vado rapidos reparare meatus Cogeris. Mais ce passage est vraisemblablement corrompu. Presque tous ceux qui ont tenté de corriger celui d'Horace, ont cherché un mot qui püt marquer le dessein de fuir dans des régions écar- tées. Bentley a proposé pour cela, penetravie. Mais ce mot paroîït trop éloigné de la leçon or- dinaire. Lambert Bos (Animadv. in Auctor. la. pag. 35) soupçonne qu'Horace: avoit écrit ire paravir. Mais il faut avoir l'oreille peu poétique pour recevoir cette conjecture. Celle de M. Le Clerc (Biblioth. anc. et mod. tom. 2, pag. 447), qui corrige properavit , paroît plus plausible , et m'étoit venue en pensée, avant que cet auteur l’eût publiée. Un copiste igno- rant à pu changer properavit en præparavit, comme il est arrivé en la Z. Per diversas. 22. Cod. Mandat. , suivant la remarque de M. Cujas ( Obsere. XF. T, 24), et præparavit aura fait naître rcparaÿit. . I ne faut pas dire qu ‘Horace auroît dû dire 4 ir oras ; car l’ellipse en ce cas est familière aux poë- Odes d’Horace. 77 tes, comme quand Virgile à dit : Zavinaque ve- nit littora. Et devenere locos lætos. Ovide (Mé- ‘ tamorph. VI, 2or), en disant : /te sacris, pro- peraie sacris, pour à sacris, à fait une ellipse, qui confirme celle-ci. -Je ne ferois donc aucune difficulté d'adopter cette correction , si je ne Croyois en avoir trouvé une , qui est encore moins éloignée de l’ancienne leçon. Je croirois donc qu'on pourroit lire : pe- raravit, pour reparavit. Ce sont les mêmes let- ‘tres, un peu transposées , et le sens en est fort bon. Pour l'expression, elle est connue de tout le monde, et je croirois pareillement que , dans le vers d’ ADR que j'ai cité ci-dessus, il fau- droit corriger : rapidos perarare meatus. M entretenant un jour avec M. de la Monnoye sur ce passage d'Horace, il me proposa de lire : Classe citare paravit oras, pour copias è laten- cibus oris classe evocare. Mais je lui répondis que g'auroit été là une action courageuse, et qu’ainsi cela ne convenoit point à la pensée d'Horace. Du reste, les remarques de Bentley sur cette ode, ouvrent un beau champ à la critique. N'est-ce pas, par exemple, abuser de son es- prit que de changer : Contaminato cum grege turpium Morbo virorum , en £urpium opprobriorum ? Il convient que la leçon ordinaire a un très-bon sens. Il est seule- ment étonné de voir donner le nom d'hommes à dés eunuques. 73 Littérature latine. Mais quand il seroit vrai qu'on ne pouvoit leur donner ce nom, qui a dit à Bentley qu'il s'agit là d’eunuques ? Il y est question, à mon avis, de ce grand nombre de jeunes débauchés , exoleti , et cinædi, qui étoient à la cour de Cléo- pâtre. Leur débauche est marquée par ce mot: morbo , que j'ai expliqué au long sur le Syata v$os d'Hérodote. Il ne faut pas chercher d’autre ex= plication à ce vers d'Horace , et Lambert Bos n’a pas mieux rencontré que Bentley, quand il a corrigé ici : orbo virorum ; ce qui est ridicule. On en peut dire autant du changement proposé par Bentley, de jacentem regiam , en tacentem. Mais voici un autre endroit de la même ode, qui mérite plus de réflexions : Mentemque lÿmphatam Mareotico Redegit in veros timores Cæsar, etc. Bentley a bien senti l'embarras qui naît de veros timores. Car cela suppose que ces crain= tes avoient été précédées d’une terreur panique. Aussi , se fondant sur ce que Cléopâtre , au com- mencement de la bataille d’Actium, avoit eu une frayeur pareille , il soutient que mens lymphata signifie un esprit troublé par la crainte. Etcomme le Mareotico l’'embarrasse, il dit que c’est par une espèce de raillerie qu'Horace attribue cela au vin d'Egypte. Je vois les auteurs assez partagés sur la bonté de ce vin. Athénée {4ib. 1 , cap. 15, pag. 33) dit han ppt Odes d’Ilorace. | 79 qu'il étoit bon. Cela se peut confirmer par ce vers de Plaute, Cassin. Act. 3, sc. 5, v. 15. IMisi hæc meraclo Se uspiam percussit flore Libyco. Ce qu’on entend communément du vin maréo- tique. Voy. aussi ce qu’en dit Barthius sur Stace, tom. 1, pag. 294. D'autre côté, Lucain ( Liv. X, vers. 160) semble en parler avec mépris, et dire qu’on n’en servoit point à la table de Cléopâtre : Gemmæque capaces ÆExcepere merum, sed non Mareotidos uvæ, INobile sed, etc. Ainsi ce n'étoit pas ce vin qui avoit pu troubler le cerveau de cette reine. Mais , indépendamment de cela, on n’a jamais dit que le vin causât des terreurs paniques. Au contraire , il enhardit les poltrons , et rend l’es- pérance à ceux qui l’on perdue. Spes jubet esse ratas ; ad prælia trudit inertem ; dit notre Horace quelque part. . D'ailleurs , ce poëte n’a point pensé à cette ter- reur du combat d’'Actium. Car il dit que Cléo- pâtre ne commença à rabattre de son orgueil que quand elle ne vit revenir qu’un seul vaisseau de toute la flotte d'Antoine : Sed minuit furorem Vix una sospes nayis ah isnibus. P 1 80 Litiérature latine. Ainsi, l’on ne sait plus à quoi peut étre opposé ce weros timores. Cela m'a fait soupçonner , qu’au lieu de veros, Horace avoit écrit seros. Cette folle, dit Horace, si hardie à faire des projets chimériques contre ‘Auguste, commença à craindre, mais trop tard, quand elle vit, etc. Il me semble que cela donne beaucoup de grâce à ce passage. Mais, quand on conserveroit veros, je crois qu’il faudroit toujours, par les raisons ci-dessus dites, changer Mareotico en Mareoticæ. On sait . que Cléopatre demeuroïit à Alexandrie, qui étoit voisine du lac Marea. Horace l’a pu appeler, à cause de cela, Maréotique. Ou bien ce nom est là pour celui d'Egyptienne, comme dans Martial ( Liv. XIV, vers. 207), Mareotica cortex se trouve pour ÆEgyptia. GDEMIOITS EME. Horace, annonçant le retour du printemps à son ami Virgile, s'explique ainsi : Jam veris comites, quæ mare temperant , Impeliunt animæ lintea T'hraciæ. Jam nec prata rigent, etc, On comprend aisément que , par ces vents, qui calment la mer, et qu'il appelle compagnons du printemps, Horace entend les zéphyrs. Mais on est surpris de lui voir donner l’épithète de vent de Thrace , qui est la même qu'il donne ailleurs aux aquilons, comme en l'Ode 25 du livre 1. T'hracio Odes d’Horace. 8# T'hracio bacchante magis sub inter- lunia vento. Et les interprètes se sont trouvés sur cela très- embarrassés. M. le Fevre, et M. Dacier après lui, ont cru se tirer d’ Affaire , en disant qu'Horace avoit imité ce passage dore (Iliad. I,, 5), où il fait venir de Thrace le borée et le ie Bogbns % ZLéQupos s ro TE Ognxyde) aerov. Imitation néanmoins qu'ils avouent être vicieuse, Car Homère étoit en droit d'appeler le zéphyr vent de Thrace, puisqu'il écrivoit dans un pays qui est à lorient de la Thrace; au lieu que l’Ita- lie , où vivoit Horace, étoit à l'occident de ce même pays. Mais attribuer une pareille faute à Horace, c’est supposer qu'il avoit perdu le jugement, Aussi ses commentateurs lui reprochent-ils fort cette bévue, qui assurément seroit inexcusable. Un certain Rosel-Baumont, dont on lit une observation sur cet endroit au journal de M. Masson , tom. 9, pag. 99, a entrepris de justi= fier Horace contre cette critique,, en soutenant que le poëte parle ici de la navigation sur les côtes de Thrace. Mais je ne vois pas comment il pouvoit accorder cela avec les paroles d'Ho- race. On ne peut, à mon avis, justifier le poëte, qu'en supposant dans son texte une légère faute, T. VI. Novembre 1805. F 82 . Littérature laîlhe. | Je soupçonnerois volontiers qu’il avoit écrit : Impellant animæ lintea Thrasciæ. Pour bien entendre cette correction, il faut se souvenir que dans l'origine on ne coninoissoit que quatre vents (1), relatifs aux quatre partiés du monde, comme il paroït par Homère , Odÿss. E. 295 ; Sénèque, Natur. Queæst. V, 16; Pline, Hist. Natur. IT, 47; et cette division a été le plus souvent suivie par les poëtes. Le vent qui venoit d'Occident, étoit suivant cela appelé Zégpos par les Grécs, et Favonius par les Latins. Ceux qui, dans la suite, voulurent faire une division plus exacte des vents, partagèrent cé dernier en trois. Le premier retint le nom de Zephyrus et de Favonius. C’est le plus méri- dional de tous. Le second, qui tire un peu plus vers le Nord, étoit appelé par les Grecs , ’Agytene, ou ‘avé, et Chorus pour les Latins. Et lé troi- sième , qui est le plus septéntriônal , étoit appelé Orgarnids, OÙ Ogaxies. L'auteur du grand étymolo- gique croit que ce dernier nom est le plus an- cien, et que dans la suite il a été augmenté d’une lettre. Ce qui est vrai, c'est que dans les Fr traités d'Aristote et de Théophraste, xepi éyéreav (pag. 135, 134 de l’édit. de Sylburgé), il ést ape pelé Géaxiæs, comme venant de la Thrace. Les Latins lui ont quelquefois donné en leur langue le même nom ; témoin Isidore, lequel en QG) Voy. comme ils sont décrits par Ovide, Trist. I, Eleg. IL, 27 et seq. et par le D. Coray dans son Commentaire sur le livre d'Hipp. des eaux, des airs et des lieux. Odes d’'Horace. $ 83 son livre De naturé rerum , l'a appelé Thracias. ‘Mais il est appelé Thrascias par Sénèque , au lieu cité ci-dessus. Zmus Thrascias. Huic deese apud nos vocabuliim. Ce qui doit être entendu d'un nom particulier à la langue latine. Mais elle avoit adopté celui-ci, ainsi que ceux d’Ar- gestes et d'Japyæ. Or ces vents, qui étoient soigneusement dis- tingués par les mariniers , ont été souvent con- fondus par les poëtes, et même par les autres écrivains. J'en pourrois donner plusieurs preuves. Mais je me contenterai de celle-ci. Columelle (XI, 2, p. 572), dit: XII. Kal, Marti Favo- nius..... X. Kal. Mart. venti septentrionales , qui vocantur Ornithiæ, per dies XXX (suivant Pline, il faut corriger : per dies IX) esse solent. Tum et hirundo advenit. H distingue ici le 2éphyÿr du Thrascias, qui est celui qu'il appelle Orni- _thias. Et Pline (Hist. Na. II, 43) les confond en cette sorte : Favonium quidam à. d. VIII. Kal. Martii Chelidonias vocant, ab hirundinis visu , nonnulli vero Ornithion. Quoi qu'il en soit dans Horace, suivant ma correction, animæ Thrasciæ, ou, si l’on veut même , T'hrasciæ , ce sont les haleines des zé- phyrrs, et cela lève tous les embarras de ce pas- sage , qui a jusqu’à présent fait tant de peine aux interprêtes. V OV: A GES: DissEeRTAZIONE intorno ad aicuni Viag- giatori, eruditi, Weneziant, poco noti L | Len him nelle faustissime nozze del no- ‘bile uomo , il Signore Conte LEON 4RDO. MANINo, con la nobile Donna Signora Contessa FoscariNA GIiorANELLI , da Don Tacoro Moreszzr,Regio Censigliere di Sua Maesta. TI. R. A.— In Venezia, nella Stamperia di Antonio Zatta. 1805. Grand in-4”, de x1v et 90 pages. Au lieu de ces insipides Raccolte, qu'en Italie on ‘est dans l'usage de’ publier à la naissance , au mariage et aux funérailles des personnes de distinction , M. l'abbé Morelli a voulü consacrer, par un monument instructif et durable , les noces du comte Leonardo Manino avec la comtesse Foscarina Giovanelli. Le sujet qu'il a choisi est très-piquant , et. il le traite savamment , selon sa coutume. Nous en donnerons un long ex- trait, parce que cet ouvrage ne se vend pas, et que nous devons à l'amitié de son auteur, qui ne s'en est pas même réservé un seul , le magnifique exemplaire que nous avons sous les yeux. La dédicace à M. le comte Leonardo Manino n'est pas une de ces dédicaces oisives, si nous Histoire littéraire. 85 _osons nous exprimer ainsi, qui ne sont qu'un ouvrage de circonstance, et qui meurent avec celle qui les a fait naïtre. Le savant auteur, après avoir payé le tribut d’éloges naturellement dû à une famille illustre , qui compte parmi ses ancètres des Doges et des Procureurs de Saint- Marc , s'attache particulièrement à signaler le goût de la famille Manini pour tout ce qui avoit quelque rapport aux sciences etaux beaux-arts ; ses galeries de peintures, de sculptures du meil- leur choix, et son cabinet de médailles. Des notes très-instructives pour l'histoire des beaux- arts accompagnent cette dédicace. Nous avons remarqué entre autres le passage suivant de la lettre d’un comte Vénitien à une marquise à Paris, Elle a été insérée dans le VIe. volume della Galleria di Minerva , imprimée à Venise en 1708 , in-fol. On rend compte, dans cette lettre datée de Venise , 18 février 1708, des fêtes brillantes qui avoient eu lieu au palais Ma- nini. « On avoit déployé, dit le Comte, dans » deux salles très-vastes des tapisseries très- » belles. Elles représentoient quelques histoires » de l'Ancien Testament. Le sujet les rendoit » sans doute très-respectables; mais ce qui les » rendoit admirables , c'est qu’elles avoient été » faites sur les dessins d’un Archange, c'est- » à-dire de Raphaël d'Urbin, l'archange de la » peinture (1). » (1) In due stanze molto capact si spiegavano tapezzerie finissime , che rappresentavano alcune istorie del Vecchio Testamento...… Se venerabili le rendevano le immagini, 86 -. Voyages. On a vu, dans le titre de cette dissertation, qu'elle promet des notices sur quelques savans voyageurs Vénitiens peu connus. Ces voyageurs, au nombre de douze, sont : Paolo Trevisano, Giovanni Bembo , Péilegrino Brocardi, Ambro- gio Bembo, Gian-Antonio Soderini, Benedette Dandolo, Buonaïuto Albani, Tommaso Gra- denigo, Niccolo Brancaleono, Antonio Priuli, Carlo Maggi, Cecchino Martinello. Nous don- nerons une notice succinte des plus illustres de ces voyageurs. L PAOLO TREVI SAN O. Paul Trevisan naquit vers l'an 1452, dans une famille très - nombreuse ; ils étoient onze frères ; ce qui le détermina sans doute à ne pas rester oisif dans sa patrie , et à chercher à amé- liorer son sort sur quelque terre étrangère. Sa jeunesse fut employée à des voyages sur mer. Il parcourut successivement la Syrie, l'Egypte, : l'Arabie , la Palestine et l'Ethiopie. Passant en- mirabilissime le faceva lAutore. Il nome solo basta à farle meritare tutta la vostra stima. Sono lavorate sul disegno dun Arcangelo. Questi e Raffaelo d'Urbino, l’Arcangelo della Pittura. On sait que cet Archange s’humanisoit volontiers avec les jolies mortelles; mais son art divin transformoit d'un coup de pinceau ces figures mondaines en figures célestes, et tel qui avoit traité les modèles avec assez peu de respect , s2 û k m A . \ trouvoit trop heureux d'invoquer à genoux la Vierge ou Sainte qui les représentoit, Histoire littéraire. 87 sue en Grèce, il fit un assez long séjour à Chypre, où il épousa, en 1484 , une riche veuve qui tenoit un rang distingué dans cette île, et qui jouissoit d’une grande faveur auprès de la reine. La noblesse de son caractère, et sa dex- térité à manier les affaires, le firent choisir par le grand maître de l’ordre de Saint-Jean de Jé- rusalem pour négocier un traité de paix avec le soudan d'Egypte, mission dont il s’acquitta fort bien, et qui lui valut sans doute le titre de Cavaliere, qu’on lui donne dans les monu- mens publics , et qu'il prit lui-même dans la suite. Le Trevisan porta dans ses voyages cet esprit d'observation, qui seul peut les rendre utiles. IL examinoit avec soin la topographie des pays qu'il visitoit; les productions de leur sol, les plantes particulières qui y croissoient , et généralement tout ce qui pouvoit jeter quelque lumière sur la géographie et l’histoire naturelle de ces di- verses contrées. On trouve un grand éloge du Trevisan et de sa famille, qui avoit occupé des dignités distinguées dans la République, dans la dédicace d’un livre dont la date a beaucoup exercé les bibliographes , les uns la faisant re- monter jusqu'à l'année 1484, et les autres la faisant descendre jusqu’à l'an 1500, mais que M. l'abbé Morelli, d'après des documens cer- tains , fixe à l’année 1505 (a). Le Trevisan étoit alors provéditeur pour la République de Venise (a) Voyez les notes à la fin de l'article. 88 Voyages. à Salo, ville du Bressan. Pendant son long sé- jour à Chypre, il avoit composé un ouvrage latin intitulé : De JVili originé et incremento : item de AEthiopum regione et moribus liber sin- gularis , compositus per me Paulum Trivisa- num, nobilem Venetum , in insula Cypri, anno reparatæ salutis M. CCCC. LXXXII1. M. l'abbé Morelli regrette avec raison que ce manuscrit, dont il n’existoit peut-être qu’une copie, se soit égaré. Un observateur tel que le Trevisan nous auroit fourni des documens curieux sur un pays dont les moindres particularités nous intéressent si fort. Du reste, comme l'observe très-sage- ment M. l'abbé Morelli, cet ouvrage, écrit en latin, prouve que le Trevisan avoit un esprit cultivé , que son éducation avoit été soignée, et qu’on doit le regarder comme le premier qui, après la renaissance des lettres, ait écrit sur la source du Nil. L'année de sa mort ne nous est point connue. LL GIOFANNI BEMB 0. Notre savant auteur fait précéder sa notice sur Jean Bembo de quelques réflexions fort sages sur la reconnoissance que nous devons à ces voyageurs intrépides, qui, à travers mille périls et mille désagrémens de toute espèce , sont allés nous chercher des jouissances dans toutes les parties du globe, dessiner les monumens, co- pier les inscriptions, et par conséquent épargner Histoire littéraire. 89 à notre paresse les maux et les fatigues insépa- rables d'un long et pénible voyage. | On doit mettre au rang de ces voyageurs il- lustres Jean Bembo, noble Vénitien. Il naquit en 1475; et quoique sa famille fut peu favorisée des biens de la fortune , il recut cependant une éducation brillante sous d’habiles maîtres. Il fit ses humanités sous Benedetto Brugnolo, homme très-savant , au jugement du célèbre Politien , qui ne trouvoit aucun contemporain qui put lui être préféré pour la réthorique, la morale et la connoissance des langues grecque et latine. Il commença un Cours de Littérature grecque sous Arsenius, qui fut ensuite archevêque de Mal- voisie ( Monembasiæ) , et le finit à Corfou sous + le Grec Moschus, dont ZLilio Gregorio Giraldi, son disciple, écrit : Fuit vir sane in omni vir- tutum et scientiarum genere totius Græœciæ ju- dicio excellentissimus. Ce fut là qu’il ft preuve de sa profonde connoissance des deux langues, grecque et latine , en traduisant les discours de Libanius sur l'incendie du temple d’Apollon à Daphné, près d’Antioche. Cette traduction iné- dite est jointe à son recueil d'inscriptions, dont nous parlerons plus bas. Elle fut faite en 1498. Après la prise de Lépante par les Turcs, en 1499, il se réfugia à Raguse avec sa femme Chiara Coriera , dont il fait un grand éloge dans une lettre manuscrite que possède M. l'abbé Morelli, où il la nomme Cyur® , au lieu de Chiara (Claire), apparemment, comme le sup- pose notre sayant auteur , d’après quelque idio- 90 Voyages. tisme de Corfou , où elle étoit née (2). Les deux époux trouvèrent à Raguse Cœlius Grudius , noble Ragusain , très-versé dans les langues grecqueet latine , et disciple de Demetrius Chalcondyle. Il les combla d'honnétetés, et leur montra quelques oraisons de Gicéron qu'il avoit traduites en latin. De Raguse, Bembo se rendit à Pesaro, où il fut invité (en 1500) à se charger gratuitement de l'éducation de la jeunesse. Une maison et un jardin furent seulement mis à sa disposi- tion ; mais le fameux César Borgia, duc de Valentinois, fils du pape Alexandre VI, s'étant emparé de Pesaro, qui appartenoit auparavant au duc de Sforce (Jean), et son père étant mort dans cet intervalle , il retourna à Venise en 1502. Ce fut alors qu'il exécuta le projet formé de- : puis long-temps , de publier en un seul corps les remarques sur les anciens auteurs, de Marc- Antonio Sabellico , Filippo Beroaldo , Battista Pio , Poliziano , Domizio Calderino , et Batista Egnazio. Cette collection précieuse fut réim- primée à Venise en 1508, et à Paris en 1511 (b). La seule magistrature qu'il ait occupée alors dans sa patrie , est celle de Giustiziere nuovo ( Président du nouveau Tribunal criminel); mais comme c'étoit l’usage d’absoudre les nobles du grand conseil, quoique reconnus coupables , et de juger tous les autres individus selon la ri- (2) Cette lettre, adressée à André Anest, de Corfou, a pour titre : Îoannes Bembus, Venetus, Vici Birii, Divi Canciani, de Cyur® uxore sua ad Andreum Corcyrensem , smicums veterem. M. D. XXXVI. \ A. Histoire littéraire. 91 gueut des lois , il se hâta de quitter ce tribunal d'iniquité qu’il avoit présidé pendant 45 jours ; et dans le compte qu'il rend à André Anisi de cette particularité de sa vie, il s'exprime avec une indignation énergique qui fait honneur à son cœur (3). Quatre nobles Vénitiens avoient frété, selon l'usage du temps, un bâtiment mar- chand destiné pour la Barbarie. Jean Bembo fut chargé de diriger cette expédition ; il parcourut l’Istrie, l'Esclavonie , la Dalmatie , la Pouille, la Calabre , la Sicile. On fit voile ensuite pour l'Afrique, et il fit quelque séjour à Tripoli et à Tunis ; il visita les ruines de Carthage; et après avoir traversé une partie de la Numidie, il dé- barqua en Espagne ; il fit une ample collection d'inscriptions anciennes dans l'ancienne Sagunte, aujourd'hui Monvedro , et rentra dans sa patrie, après onze mois d'absence. Il donne à son ami Anisi des détails curieux sur ce voyage. On les trouvera à la suite de cet article, dans les no- tes (c). Il occupa pendant six ans une charge très-honorable, qui répond, ce nous semble, à celle qui étoit connue , dans nos anciens Par- lemens , sous le nom d’Avocat général. Du reste, voici ses termes : Ter deinde Aduocatus magnus omnium Curiarum Palatii electus fui , cum Ca- (3) Paulo post creatus fui Præfectus justitiæ novæ , ubi more Civitatis (nam prævaluit legibus) oportebaë nobiles Majoris Consilii, quamvis nocentes, absolvere ; alios vero ommnes secundum leges damnare. Quadraginta quinque die- bus in eo magistratu absolutis, ab illa me iniquitate ab- dicasci. 92 Voyages. rolo Contareno qui legatus in castris nostris obiit, etcum Thoma Donato qui nunc Veronæ Prœ- cor est. Mais comme il étoit extrêmement sé- vère dans l'administration de la justice, et que son caractère et ses mœurs austères faisoient un contraste bien marqué avec les mœurs géné- rales, il se fit peu d'amis parmi les Patriciens ; et ce ne fut qu'en 1525 qu'il obtint le gouver- nement de Sciata et de Scopelo, deux îles de l’Archipel, gouvernement qui, à raison de son peu d'importance , étoit réservé à la petite no- blesse ; aussi est-il appelé par le Bembo Sen- tina honorum majoris concilii. Il ne put le gar- der long-temps, parce que son caractère , et sur- tout la manière scandaleuse avec laquelle il avoit fait punir son chancelier, lui attirèrent la haine de ses concitoyens ; aussi, en’ 1536, époque à laquelle il écrivit sur sa femme, que pour comble de disgrâce ilavoit eu le malheur de perdre, la lettre à Anisi dont nous avons parlé plus haut, il n’avoit encore pu obtenir un emploi honorable et lucratif, Cyur® lui avoit donné beaucoup d’en- fans, dont la plus grande partie mourut en bas âge. Alde Manuce le Romain tint sur les fonts baptismaux , avec Scipion Fortiguerra ( Cartero- machus), Yune de ses filles, Polymnie, née à Venise, Nous avons dit plus haut que le Bembo avoit fait, dans ses voyages, un recueil d'inscrip- tions. On découvrit en effet à Bologne, en 1780, un manuscrit in-4°, qui avoit pour titre : Îns- criptiones antiquæ ex varis locis sumptæ @ — _ Histoire littéraire... 99 Joanne Bembo Veneto, Fici Birii {hivi Canciani, qui eas hoc in libro scribebat anno orbis redempti M. D. XXXVI. On voit, pargune petite feuille imprimée qui fut répandue pour trouver un ac- quéreur à ce manuscrit regardé comme auto- graphe , que les vince remplissent 148 feuillets, parmi lesquels onze, en prose grec- que , contiennent une grammaire grecque et le discours de Libanius sur l'incendie du temple d'Apollon à Daphné ; dont il a été déjà question. 42 autres feuillets renferment, en latin , le récit de ses voyages en Dalmatie, en Grèce, en Espagne, en Afrique, et ce récit est entremêlé de beau- coup de faits qui le concernent personnellement. On doit souhaiter que ce manuscrit précieux soit rendu public ; il augmentera le nombre des inscriptions déjà connues, et les détails des voya- ges de Giovanni Bembo pourront fournir à l'his- tiré des renseignemens utiles. Depuis 1536 jusqu'à sa mort, que les arbres généalogiques des familles patriciennes de Ve- nise, conservés à la bibliothéque de Saint Marc, placent 9 ans après, c'est-à-dire en 1545, on n a aucun document sur ce voyageur peu connu, et qui mérite cependant une place distinguée parmi les voyageurs érudits. Sa longue lettre à Anisi, dont M. l'abbé Morelli donne de longs fragmens , prouve que son esprit étoit cultivé, et qu'il observoit avec soin. C'est dommage que l’âpreté de son caractère, lui ait fermé le che- min des honneurs et de la fortune, car il étoit fait pour y parvenir. Mais dans une république LR 94 Voyages. ombrageuse , il faut du liant dans le caractère pour parvenir aux places et pour s'y maintenir, L'äpreté des mœurs annonce presque toujours un homme probe qui ne sait point transiger avec sa conscience; mais aussi c'est pour l’in- trigue une proie toujours facile et une victime toujours prête et toujours sûre, LDE PELLEGRINO BROCARDI. Tout ce qu'on sait de ce voyageur , c'est qu’en 1557 il visita la basse Egypte en amateur éclairé, sans avoir cependant un grand fonds de litté- rature. Il dessina les antiquités, envoya ces des: sins à Venise, et les accompagna d'une rela- tion italienne adressée à un ami, qu'il désigne seulement par le nom d'Antoine. M. l'abbé Mo- relli publie ici cette relation manuscrite, dont il existe une copie dans la bibliothéque de Saint- Marc , et il l’éclaircit par des notes curieuses et savantes. I V. AMBROGIO BEMBO. Les voyages de ce noble Vénitien nous se- roient presque entièrement inconnus , s'il n'a- voit pas pris le soin de nous en laisser l'histo- rique dans un journal manuscrit intitulé : Viaggio e Giornale per parte dell” Asia di quatro anni incirca, fatto da me Ambrosio Bembo, nobile Veneto. On ne connoît que deux copies de ce Histoire littéraire. 99 manuscrit précieux. Celle dont s’est servi M. l'abbé Morelli appartient au conseiller Giuseppe Gradenigo. Elle est authentique, puisqu'on y trouve des notes de la main de l'auteur. Flle est d'ailleurs ornée des dessins de Grelot, re- présentant des vues de villes, d’édifices, des costumes, etc. Ambrogio Bembo commença ses voyages à l’âge dé 19 ans, en 1671 ; maïs il avoit fait déjà quelques campagnes sur mer pendant les deux dernières années de la guerre de Candie. Comme son âgé ne lui permettoit pas encore d’aspirer à des places dignes de son rang , il profità de l’occasion que lui offrit son oncle Marco Bémbo, nommé Consul de la République à Alep. I] partit avec lui pour la Syrie, et s'arrèta à Alep jus- qu'à la fin de 1672. Il ÿ trouva l’usage de ces pigeons messagers qui apportent rapidement les nouvelles, à l’aide d'un billet qu'on leur attache sous l'aile avant de les lâcher pour aller re- joindre leurs petits. Ce fut par un de ces mes- sagers singuliers qu’on apprit à Alep l’arrivée à Alexandrette du navire Anglais /e Tournesol, parti de Livourne ;, et qui portoit un Père Fran- | ciscain Portugais, Giovanni di Seabra della Tri- mità , nommé Provincial de Goa. Nôtre jeune voyageur s’embarqua avec ce religieux pour les Indes Orientales ; il fit un assez long séjour au Congo , au Mogol, à Goa; il prit des rensei- gnemens sur la religion, les mœurs , les usages de ces différens peuples, ainsi que sur le pro- duit de leur sol. Après avoir voyagé pendant 90 Voyages. environ une année dans l'Inde , il résolut de retourner à Alep par la Perse. I] entra dans ce dernier royaume en juin 1674 , et employa. quare mois à le visiter. Les ruines de Persépolis furent le ne ob- jet de sa curiosité. Elles sont connues sous le nom de Tzilminara, où Cheilminar , appelées communément Tchehel-minar , c’est-à-dire les Quarante colonnes. On croit vulgairement que ce sont les restes du palais de Darius. On en trouve ici la description, mais trop étendue pour pouvoir nous y arrêter. Elle est accompagnée , dans ce manuscrit, de trois dessins; l’un offre la vue des antiquités de Cheilminar , mais moins étendue que celle qu'on trouve dans les voya- geurs célèbres qui ont parcouru la Perse. Le se- cond représente un de ces tombeaux. qui por- tent le nom de Darius. C'est le second dont parle Chardin (4). Le troisième donne un échan- tillon de ces inscriptions, dont les caractères sont cuneiformes. Notre voyageur visita les antiquités de Nakschi- Rustan, dont il donne une description succincte, Il se rendit ensuite à Ispahan, qu’il examina avec beaucoup d'attention. Dix dessins accompagnent la notice qu'il nous en donne. Ce fut là qu’il fit connoissance avec notre célèbre Chardin, logé comme lui chez les Carmes déchaussés ; mais plus heureusement encore avec Grelot,.que Char- din traitoit avec une dureté révoltante. Ce des- (4) Tom. VIII, pag. 101 ; édit. d’Amst. 1711. sinateur 4 Histoire littéraire. 97 sinateur malheureux fit confidence à un religieux du désir qu'il ayoit de se soustraire à ce joug in- supportable ; et de retourner dans sa patrie. A. Bembo saisit avec empressement l'occasion de s'attacher un homme d’un aussi rare talent, et lui en fit faire la proposition, que Grelot accepta avec non moins d’empressement, Char- din en fut informé et très-fâché, comme on le devine bien; mais il se vengea d’une manière qui lui fait peu d'honneur, I refusa à Grelot le traitement de vingt mois qu'il avoit employés, non-seulement à faire des dessins pour son voyage , à le copier , mais encore à d’autres ser- vices particuliers. Les amis de Chardin eurent beau lui représenter qu'il devoit, selon toute justice, payer à son dessinateur ce qui lui étoit dû, il leur objecta une prétendue convention faite avec lui. Cette convention portoit que Gre- lot ne seroit payé qu'à leur commun retour en France; que lui, Chardin, se réservoit de lui accorder la gratification qu’il trouveroit con- venable ; mais que si Grelot communiquoit à quelqu'un ses dessins, ou s'il le quittoit avant le retour en France, il étoit entièrement quitte envers lui, et pour le traitement, et pour la gratification. Ainsi Grelot, qui avoit enrichi le voyage de Chardin des dessins qui en font un des principaux ornemens , n'eut d'autre ré- compense que les mauvais traitemens qu'il avoit essuyés de la part d’un patron morose et om- brageux. Aussi, dans sa relation curieuse et très- T. VI. Novembre 1805. G 98 Voyages. estimée de Constantinople (5), montre-t-il toute sa sensibilité et sa reconnoissance envers son nouveau patron. Comme l'ouvrage de Grelot n’est pas commun, les lecteurs de ce journal verront avec plaisir la justice qu'il lui rend. Il parle d'a- bord de l'oncle et du neveu, c’est-à-dire de Marco et Ambrogio. « Le premier, dit-il, de ces deux » nobles Vénitiens, étoit le général des galères » de la République qui se trouvèrent à cette ex- » pédition (la défaite des Turcs aux Dardanelles, » par la flotte de Venise, en 1656), et le se- » second est un jeune seigneur, son neveu , qui, » à l'âge de 18 ans, voyant que les lois de la » République en paix ne pouvoient encore lui » donner de grands emplois, quitta généreuse- » ment les délices de la République de Venise » pour aller passer 5 ou 6 années dans l'Orient. » Il en entreprit les fatigues, afin qu'étant de » retour de ce voyage à sa patrie, avec l'âge » compétent pour les charges de la République, » le Sénat lui donnät , comme il a fait depuis, » des emplois proportionnés à son mérite. J'eus » le bien de le rencontrer à Ispahan au retour » des Indes, et de me joindre à lui pour n'en » revenir de compagnie en Europe, » Ambrogio Bembo, de son côté , fait un éloge éclatant du mérite de Grelot. C’étoit, selon lui, un jeune homme plein de discrétion et de mo- destie. Outre sa langue maternelle et le latin, il parloit, si non parfaitement, du moins assez (5) Pag. 13 de l’édit. de Paris, 1680. Histoire littéraire. 39 bien pour se faire entendre, l’espagnol , le grec vulgaire, l'arabe et le persan. Il étoit d’ailleurs d'une extrême complaisance, Partis tous les deux d'Ispahan pour retourner à Alep, Grelot dessina pendant la route tout ce qui Bxoit l'attention d’'Ambrogio. Bembo ; entre autres les figures en relief qu'on voit dans la montagne du Curdistan , appelée Besutun ou Bisuntun , et qui parurent peu différentes de celles de Cheilminar. Nos voyageurs visitèrent ensuite une autre montagne peu distante de la première , et non moins curieuse par ses monu- mens anciens. Ambrogio Bembo la nomme Cher- monsac, parce qu'elle est dans l’arrondissement d’une ville de ce nom, appelée vulgairement Kirmanschah. 1] en donne une ample descrip- tion, que M. l'abbé Morelli a insérée dans le volume dont nous rendons compte. Elle est ace . compagnée, dans le manuscrit original, de six dessins représentant la montagne et les antiquités qu'on y voit. Ces dessins ont d'autant plus de prix, que les autres voyageurs, et Chardin même, ayant donné des notions trop superficielles de ces antiquités , ont induit en erreur de savans ,géographes , tels que d’Anville. M. FAbbé Mo- relli fait observer que le voyage d'Ambrogio Bembo est d'autant plus précieux, qu'il est accompagné de dessins qu’on ne trouve point dans les autres voyageurs. M. Silvestre de Sacy avoue même, dans ses excellens Mémoires sur diverses anti- quités de la Perse, etc., publiés à Paris en 1799, in-4°. , qu'à cette époque il n'avoit aucune 100 Voyages. connoissance qu'on eut dessiné celles de Bisuæ. tun et de Kirmanschah. Au reste, ce savant et modeste Orientaliste trouvera, dans la note (d) mise à la suité de cet extrait, l’article hono- rable qui le concerne. En quittant la Perse, nos voyageurs traver- sèrent les déserts de l'Arabie, arrivèrent à Alep, où l'oncle Merco les attendoit, et débarquèrent à Venise le 15 avril 1675. De retour dans sa patrie, müri, non par les ans, il étoit encore jeune , mais par les voyages et l'expérience qui en doit être le fruit ordi- naire, Ambrogio Bembo occupa des places im- portantes relatives à ses goûts et à ses connoïis- sances. En 1683, iL étoit commandant du golfe Adriatique, et tenoit en croisière deux vaisseaux de guerre pour en écarter les pirates Barbares- ques. Il assista à l'attaque de Casrelnuovo en Dal- matie , et deux ans après, en 1685, il commanda un convoi de treize voiles qui se rendoient à Sainte-Maure (l’ancienne Leucade), pour favo- riser la conquête de la Morée. Il mourut en 1705, dans la 53°. année de son âge, honoré jusqu'au dernier moment de l’estime de ses concitoyens. V. GIANANTONIO SODERINI. L'objet principal des voyages de ce noble Vé- nitien fut la recherche des médailles. 11 les com- mença en 1671, à l'âge de 31 ans, et s'embarqua avec Ambrogio Bembo, dont nous venons de Ne FES dl e Histoire littéraire. 104 parler. Il ft un assez long séjour à Chypre, où le consul de la république étoit son parent ; il visita ensuite la Palestine , l'Egypte, FAfrique, la Syrie, l'Anatolie, la Turquie d'Europe, ét rapporta dans sa patrie une ample collection de médailles rares. On trouve une lettre curieuse sur ce voyageur, dans la seconde partie des Voyages de Cornelio Magni, parmésan (6), pag. 65. Cette lettre nous apprend que ce voya- geur Vénitien avoit fait embarquer à Alexan- drie, sur un bâtiment qui faisoit voile pour Ve- nise, une collection de choses précieuses qu'il avoit rassemblées en Egypte. Malheureusement ce bâtiment qui les portoit fut pris par des cor- saires de Tripoli. Il écrivit à des juifs établis dans cette ville, pour tâcher de les racheter ; mais ses démarches furent infructueuses,. Rentré à Venise, en 1674, il fut nommé, la même année , gouverneur de Zara, ville de la Dalmatie. Il reçut, au mois de juin de l’année suivante , la visite des deux célèbres voyageurs, Jacques Spon , français, et Georges Wheler, anglais. [ls avoient une lettre de recommanda- tion pour voir le musée de Soderini. Hs recurent (6) Elle a pour titre : Quanto di pit curioso e vago kz potuto raccorre Gornelio Magni nel secondo: Biennio da asso consumato in Viaggi e dimore per la Turchia. Se- conda parte. Parma , presso Alberto Pazzoni. 1692. In-12. Ce livre est très-rare , et il contient une infinité de choses qu’on ne trouve point ailleurs. Il nous a été fort utile pour ‘la Notice sur Philaras, insérée dans ce journal, V°. année, tom. IV, pag. 311. 102 Voyages. de lui un accueil très-gracieux. Et après avoir vu dans le plus grand détail tout ce que ce musée et surtout le médaillier renfermoient de pré- cieux, ils furent invités à un diner splendide, pendant lequel leur hôte, aimable et galant, dit à l'oreille à l’un de ses domestiques de faire transporter dans son palais les bagages de ces’ voyageurs , qui étoient descendus à une très- mauvaise hôtellerie, et de leur préparer un ap- partement commode. Aussi Spon et Wheler lui ont consacré un article de reconnoissance dans leur intéressant journal. Gianantonio Soderini mourut en 1691 ; et comme, par l'impéritie ou l’insouciance, il n’ar- rive que trop souvent, son médaillier, dans le- quel il avoit réuni des pièces extrêmement rares, fut dispersé après sa mort. Les autres voyageurs dont M. l'abbé Morelli ne donne lui-même qu’une notice très-succincte, me pous fournissant aucune. anecdote remar- quable , et cet article étant déjà bien long, nous le terminons ici. Mais nous exhortons le savant auteur de cette dissertation eurieuse à la faire réimprimer dans un format plus modeste. Des écrits de cette espèce ne doivent point rester ensevelis dans le cabinet du riche ;-il faut que Y’homme studieux, mais peu favorisé par la for- tune, puisse se Les procurer à un prix raison- nable. EN Histoire littéraire. 108 N'O:T:E.S. (a) Ce livre est intitulé : Annotationes Joannis ÆAntonii Panthei Veronensis ex Trium Dierum Con- Jabulationibus de Thermis Galdarianis quæ in Agro sunt Veronensi. L'auteur, comme on voit, est Giar- antonio Panteo, prêtre de Vérone; mais la Dédi- cace au Trevisan est du célèbre Æ/essandro Bene- detti, excellent médecin et habile professeur d’ana- tomie, sur lequel Frédéric Boerner a fait une dis- sertation curieuse, imprimée à Brunswic er 1751 : De Alexandro Benedicto, medicinæ, post litteras re- ratas restauratore. L'ouvrage du prêtre Panteo n’a ni date, ni nom de lieu ; mais on lit au bas de la Dédicace, par une erreur typographique, Fenetiis. M. D. D. Aussi, dans la bibliothéque de Le Tellier, on l’a fait imprimer à Vérone en 1484. Vossius le donne à Vicence en 1488. Maittaire en fait deux éditions à ces deux dif- férentes dates. Apostolo Zeno le reporte à Vérone en 1500, ainsi que le marquis Maffei et Panzer. b) Dans Ia lettre adressée à Necrisi, qu’on trouve 2 à la tête de cette collection, l'éditeur s’exprime ainsi sur le mérite des ouvrages qui la composent : Harum annotationum scriptores , his nostris tem- 7 > poribus doctissimi, multa emendant, quæ in antiquis codicibus , librariorum inscitia, depravata reperiun- tur , loca obscura clarissime aperiunt, vocabula multa declarant, quam plurimas fabulas et historias accu- 4 P ratissime exponunt. INeque modo de his rebus trac- tant quæ ad studia hiumanitatis pertinent’; sed eliam 104 Voyages. de 1llis quæ sunt Juris civilis ac pontificii, theologiæ-" que, et ut breviter absolvam , nulla artium aut ope- rosarum , aut liberalium ab his intacta relinquitur. (c) Gerariæ et onerariæ triremis ad Africam præ- fectus fui factus, impensis Caroli Contareni, patris Marci Antonii, equitis, qui diu fuit Orator Vene- torum apud mperatorem, et in castris cum eo in Tuneti expugnatione ; et impensis etiam Baptistæ Mauroceni, patris Caroli , procuratoris Sancti-Marci: cujus quoque triremis particeps erat Georgius Corne- lius, Cypriæ Reginæ frater , ob quam regnum Cypri factum est Venetorum ; quæ Regina adfinis nostra erat, causa matris meæ, et etiam Joannes Quirinus, Astypaleæ insulæ Cycladum Regulus, et in Acade- mia Benedicti Brugnoli condiscipulus meus, qui im- pensa sua sepulcrum marmoreum in Minorum æde Brugnolo præceptori posuit...... alterius triremis Præfectus erat Sebastianus Delphinus Sanctæ-Ma-- rinæ. His primum triremibus ivimus Polam, à Stephano in Jlyria sitam, a Plinio autem in Istria, Celcho- rum opus, quæ et Julia pietas dicebatur. Ora Ily- rica lustrata, et Dalmatia, præterlapsi sumus Apu- liam , Calabriam , et in Siciliam ad Syracusas novas venimus. Ibi vidi templum Solis, per cujus fenestras inter se adversas, parvulas, circulares et rotundas, sol equinoctiali tempore æque permeat; et Syracu- sas veteres a Marcello diruptas, cum maximo Am- phitheatro etiam lacero, et cireum cum gradibus solidis in monte, ex ipso monte factis, unde sedens opulus eursum equorum spectabat. Vidi et Eato- mias , et Arethusam fontem , eo anno siccum : dice- cebant eo quod aqua hujus fontis Æthiops serva, ob sævitiam pessimi Domini, se se necaverat. Præ- } PPT TT dr. Li dm S- Histoire littéraire. 105 tereundo numeravimus Æolias insulas et Vulcanias, ex quibus Hiera V ulcano sacra adhuc ardet , et ignem aut fumum semper evomit. Venimus et Medean , Africæ urbem, quæ nobis proprio nomine Africa dicitur , et Tripolim, Syrtem magnam spectantem , et Gerbam insulam piratarum receptaculum , ab antiquis Gerram dictam ; quæ ut Euboea insula ponte Bœotiæ, sic ipsa ponte, sed longiori, jungitur con- tinenti minoris Africæ, et propter Lotophagos à poetis decantata , apud Syrtem parvam, seu potius à Syrtibus circumdata ; quas Syrtes Cherchenos nautæ appellant. Et prope est insula Cercinna sterilis et deserta , post hæc venimus Tunetum. Ebi vidimus per quadraginta millia passuum aquæductus a mon- tibus Leonum usque ad Carthaginem ductos per ca- nales lapideos, impositos arcubus excelsis, jacentibus super parastratas crassissimas e quadratis lapidibus extructas, quorum arcuum aliquot adhuc integri stant. În vestigiis autem Carthaginis, cujus ambitus erat quadraginta millia passuum , sunt ville et magalia et horti consiti arboribus, et plurimæ quæ gignunt mala Punica, e quibus illis est incolis maxi- mus proventus. Nomina locorum sunt hæc : Doriusich, Mailcha, Munsie, Danum , Selfe, Camath, Asun , Darfedal, Sididarif, Sidibusai, Martia Cassarim et beneri cum ara Asun, ubi nundinæ fiunt. Venimus et Hipponem, divi Augustini Episcopatum, et Cæ- saream quam uunc Cfer appellant : inde Martia- chibir, quem Plinius Portum Magnum vocat, cujus castrum cum Portu , auctore Hieronymo Vianello, Veneto, sed in patria neglecto, quindecim diebus ante adventum nostrum Alcaitus Donzellarum , no- mine Regis Hispaniæ, a Mauris bello rapuerat. Postea transversavimus mare et ad oram Hispaniæ Bœticæ velo adpulimus, quam Granatam dicunt. 106 Voyages. Inter navigandum vidimus tres immanes cetos in mari pariter natantes instar triremium nostrarum , et descendimus Malacham, et Abderam, sive Arme- riam et Valentiam Tarraconensium, claram Hispaniæ citerioris urbem. Tunc fama excidii Saguntini pel- lexit me cum Parthenio Tovar, poeta Saguntum ire, quod à Valentia distat quinque millia passuum. Nune dicitur Monvedro. Vestigia maxima urbis adparent, et templum Dianæ conspicitur , et theatrum integrum cum suis scenis in declivio moutis ædificatum. Sa- gunti multa epitaphia descripsi. .... consumpta hae navigatione undecim mensium, peractis eo cursu undecim millibus milliariorum , ut neotericis verbis utar, Venetias reversus sum. Pag. 19. (d) Non vi sarà alcuno certamente, che reputi avere il Bembo usata soverchia sollecitudine e troppo scrupoloso studio nell osservare e far prendere gli disegni di quelle anticaglie, e poi si minutamente descriverle, tosto ch’egli sappia quanto, dietro ad oscuri cenni di quelle dati da qualche viaggiatore, e dalle stesso Chardin soltanto trascorrevolmente motivate (7), abbiano esse eccitata la curiosità e l’esame de’ dotti, e dello stesso Monsieur d’Anville, che facendone una illustrazione, di troppo rimoti tempi le ha riputate (8) : li quali tutti perd si ha lasciati addietro il chiarissimo Silvestre de Sacy, scrivendo particolarmente sopra questo argomento una Memoria di squisita erudizione ripiena , e con sodo giudizio condotta, che stà nel libro suo à Pa- 8 rigi l’anno 1793 stampato, col titolo di #Zémoires (7) Tom. IX, pag, 164 ; édit. d'Amst. 1711. (8) Mém. de l'Acad, des Insc., tom. XX VIT, pag. 159. Histoire littéraire. 107 sur diverses Antiquités de la Perse, et sur les Mé- dailles des Rois de la Dynastie des Sassanides. Una cosa egli dice che al Bembo fa onore, e l’Itinerario di lui vie pin mette in credito; cioè che nessun” disegno delle antichità di Bisutun e di Kirmans- chah era a cognizione sua, che da:viaggiatori fosse messo in pubblico; e che percid di ben esaminare e confrontare le descrizioni da diversi fatte gli conyeniva, per poterne dedurre una qualche fon- data conoscenza (pag. 216). Ecco dunque, come lode singolare al Bembo s’aspetta , per essersi inoltrato a quelle montagne, e avere fatto prendere e portati seco li disegni delle Antichità scolpitevi ; cosa ehe -neppure fece il celebre Danese Niebuhr, che con tanta curiosilà e attenzione in quelle vicinanze ne ha cercate, e si gran copia di disegni nel suo Viag- gio ha inserita. Che se quei del Bembo, insieme col Viaggio suo, sconosciuti rimasero ; facilmente, più per altra cagione che per negligenza sua, cid n’è poi ayyenuto. Le stesse due Inscrizioni , che al Sacy argomento distinto di scrivere quella Memoria hanno somministrato, ricopiate vi si veggono; e quelle sono ché nell’ Antro più picciolo della montagna di Kir- manschah incise a lati delle due figure, in caratteri Coptici al Bembo parvero. V’è perd di più da os- servare; cioè che , avendo egli fatto rilevare le let- tere, che a quel tempo erano di buona conserva- zione , con grande sollecitudine e laboriosa diligenza, nel disegno intere e chiaramante sono rappresentate : laddove nell anno 1787, traendosene altra copia da’ marmi, già deteriorati, e forse ancora senza tanlia cura, per opera dell’ Abate di Beauchamps, Vicario apostolico in quelle parti , essa in più luoghi difettosa riusci; e quindi il Sacy, che questa copia soltanto ebbe dinanzi agli occhi, coll ingegno ha dovuto 108 “1 Voyages. “ovvero supplire alle mancanze de’ caratteri, oyvere emendare le inavvertenze del copista. Nè di leggiere ‘diflerenze cid va inteso : che anzi una Inscrizione, seconda presso il Sacy , nel disegno del Bembo al “principio una linea e mezza di lettere ha di pit, che la copia al Sacy communicata e da lui con ta- vola intagliata in rame, che ambedue le rappresenta, prodotta. Nientedimeno l’eruditissimo uomo ha po- ‘tuto stabilire e dimostrare che le Inscriziom sono in caratteri antichi Persiani, e che dinotano le due figure, presso alle quali si veggono, essere Sapore IF, e Babhran o Vahran IV. ambedue Re di Persia, della Dinastia de’ Sassanidi, il primo de’ quali al secolo quarto , e il secondo al secolo quinto dell Era Cris- liana appartengono. Pag. 73. CHARDON-LA-ROCHETTE. Nimes, 1°". jour complémentaire, an XIII. (38 septembre 1805.) | : je ï à C0 —— LITTÉRATURE GRÉCQUE. Su1TE des Nouvelles Recherches sur La déclamation théâtrale des anciens Grecs et Romains, par M. BARTHEzZ, Méde- cin, ci-devant associé libre de l’Acadé- mie des Inscriptions et Belles-Letitres de Paris, etc. J ‘Ar publié, dans le Magasin Encyclopédique de l'an IX (pluviose , n°. 18, pag. 209 et suiv.), mes nouvelles Recherches sur la déclamation théâtrale des anciens Grecs et Romains. J'y ai exposé, sur cette déclamation , des opi- nions qui sont contraires à celles de tous les au- teurs qui ont écrit avant moi sur le même sujet. Je crois que j'y ai fondé , sur des preuves suf- Bsantes, ces opinions qui me sont propres. Ce- pendant il me paroît convenable de donner un plus grand développement à ces preuves, dans . ce second mémoire, qui doit être un supplément utile du premier. Je vais présenter, dans des articles séparés, des éclaircissemens qui se rapportent aux divers objets que renferme ma dissertation précédente sur cette matière. Je n’ai pas le temps qui pour- roit être nécessaire pour lier ces articles ; étant habituellement occupé d'études étrangères au genre de ces recherches. | 110 Littérature grecque. I. Denys d'Halicarnasse {de Compositione ver- borum, sect. XI) dit, que tandis que dans le discours ordinaire , on ne change et on ne trans- porte point les temps des syllabes des noms ni des verbes; et que l’on conserve aux syllabes la longueur ou la briéveté qui leur est naturelle ; la Musique et la Rhythmique augmentent ou dimi- nuent la quantité propre des syllabes, au point de les faire passer souvent à des qualités con- traires ; de sorte qu'elles ne règlent point les temps suivant les qualités des syllabes ; mais bien les durées respectives des diverses syllabes sui- vant les temps (de la prononciation rythmique des mots, ou ceux de leurs modulations musi- cales ). Je ne trouve point qu'aucun interprète ait éclairci ce qu'indique précisément la Rhythmi- que dont Denys d'Halicarnasse parle en cet en- droit. La Rhythmique , dans le sens le plus ordi- naire, avoit pour objet de déterminer les quan- tités ou les valeurs respectives des syllabes lon- gues et de celles plus ou moins brèves. Denys d'Halicarnasse {L. c. sect. XVII) a donné, sur la moindre longueur qu'on attribuoit aux syl- labes longues de certains dactyles et anapestes, un exemple remarquable de cette Rhythmique. Mais la Rhythmique dont Denys d'Halicar- nasse parle ici (sect. XI) me paroïît avoir été une espèce d'art distinct, qui régloit la ma- nière de scander, dans la prononciation , les phrases de prose, ou les vers dits rhythmiques ; Déclamation théâtrale. 111 et qui y changeoit les quantités des syllabes des mots , suivant des motifs particuliers, comme ceux de convenance pour l'expression du sens. Cela me semble prouvé par ce que Denys d’Ha- licarnasse dit ailleurs (Lib. cit. , sect. XV IIT) sus les différentes manières de mesurer les membres d'une période ( puépuÜerw ra xona ). IL. J'ai dit qu'à Athènes on pouvoit chanter les lois, lorsqu'on les publioit, au lieu de les déclamer seulement; d'autant qu'un chant assez simple , quoiqu'il rendit appréciables les infle- xions de la voix, ne paroissoit pas s'éloigner de beaucoup de la prononciation naturelle , qui étoit fort chargée d'accens dans la langue des Athé- niens. On peut aussi rapporter cet usage de chanter les lois , aux temps les plus reculés de la ville d'Athènes. En effet, Plutarque dit (dans son dia- logue sur la Musique ); que dans les premiers temps , la poésie étoit généralement associée à la musique ; et que l’histoire , la philosophie , les affaires les plus importantes et les plus sérieuses se traitoient en vers qui se chantoient, et que tout le monde étoit accoutumé à cette manière de s'énoncer. On peut éclaircir cette espèce de chant, si Yon observe, avec le Père Bougeant (1), que la déclamation des Grecs se tournoit facilement en chant. Il dit que si un Grec ancien nous parloit (1) Voyez une dissertation ingénieuse qu'il a publiée dans les Memoires de Trévoux, 17935, pag. 257 et suiv. 312 Littérature grecque. sa langue , avec ses accens et les syllabes longues trainantes (différenciées des plus ou moins brè- ves); nous dirions qu'il ne parle pas, mais qu'il chante; et que ce seroit un véritable chant, par- ticulièrement si on y ajoutoit la force et l’éléva- tion de voix que le théâtre des anciens exigeoit. Le Père Bougeant observe (ibid.) que la décla- mation d'un acteur, et mème notre parler avec action se convertit en chant ; 1°. lorsque les tons qu'on articule ont une certaine durée ; 20. lorsque le temps final a cette certaine durée ; 30. lorsque les tons sont variés continuellement, ou du moins par intervalles. III. J'ai dit, d'après Athénée, que dès le temps d'Homère, le chant qu’on mettoit sur les vers, maîtrisoit et changeoïit la prosodie naturelle des syllabes. J’ai remarqué aussi avec Reiske, que les poëtes grecs des temps postérieurs (comme Théocrite) se sont souvent écartés de la prosodie de leur langue dans leurs vers , qui n’étoient ce- pendant pas faits pour être chantés (ce dont il ne faut pas conclure , comme Reiske l’a pensé, que ces poëtes ignorant ou méprisant les règles de la prosodie qu’ont établies les grammairiens, ont fait suivant qu'il leur convenoit , les mêmes syllabes , tantôt longues et tantôt brèves). J'ajoute que non-seulement les musiciens latins violoient aussi les lois de la prosodie (comme M. de Villoison l'a observé d'après S. Augustin {de Musicä, lib. I, c. 1 et2)); mais encore que les poëtes latins des temps inférieurs, dans les noms grecs, changeoïient souvent les quantités propres aux Déclamation theätrale. 113 aux syllabes de ces noms, en les soumettant aux accens que portoient ces syllabes. Ainsi (comme l’a remarqué Jos. Scaliger sur Ausone , pag. 271-2, édit. de Tollius) les poëtes latins, surtout au temps d'Ausone, lorsqu'ils se servoient de noms grecs (dont ils suivoient les déclinaisons latines) en changeoïient la quantité ; de telle sorte qu'ils la mesuroient seulement d'a près l'accent, faisant longue la syllabe qui por- toit l'accent , et brève celle qui la suivoit. Les Latins, comme a dit Servius (in Zibello de Accentibus ), prononcoient les noms grecs avec l'accent qui leur étoit propre dans la langue grecque. C’est pourquoi, comme les Grecs, dans le mot 9waa, avoient l'accent dans la première syl- labe, les latins prononçoient aussi ‘/dola ; et ce mot est toujours un dactyle chez Prudence. De même, dans”Apares, l'accent étant sur A, Sidonius, contre l'usage des anciens Latins, a fait brève la syllabe moyenne de ce nom, qu'ils fai- soient toujours longue : Diversas Arato vias cucurrit. IV. Dans le Magasin Encyclopédique (n°. 15, nivose an 12, pag. 587-9 est une note de M. d'Ansse de Villoison , dans laquelle il affirme que les anciennes pièces de théâtre , étant composées de récitatif, de chœurs, et d’ariettes, se chan- toient depuis le commencement jusqu’à la fin, et étoient plutôt des opéras que des tragédies. Il prétend que c’est une vérité qu'il est aisé de prouver jusqu'à l'évidence, par un grand nom- T. VI. Novembre 1805. H 14 Littérature grecque. bre de passages des anciens, qu'il cite. Il me pa- roit évident que ces passages ne sont nullement décisifs pour son opidion , et qu'ils n’attaquent point ce que j'ai avancé de contraire dans més Recherches sur la déclamation EMESES des an- ciens Grecs et Romains. Dans ces Recherches, j'ai établi (pag. 2165)! lue les vers des monologues (cantica) et des chœurs étoient mis en musique; et que la déclamation des vers des scènes dialoguées (diverbiorum) n'é- toit point un véritable chant; mais qu'elle étoit seulement réglée par un art qui étoit dif- férent de la musique ,:et que‘j'ai suffisamment expliqué. | Je vais confirmer mon assertion , que dans les pièces de théâtre les vers des scènes dialoguées étoient simplement prononcés ; et que les cantica (que M. de Villoison a mal traduit les ariettes), c'est-à-dire les monologues , dans la comédie ; aussi bien que dans la tragédie , étoient chantés suivant la musique composée par des artistes qui modos fecerant (1). Je ne crois pas qu’il puisse y avoir rien de plus formel que ce que renferment les passages suivans de Diomède et de Donat, passages qui doivent étre combinés. Diomède dit ( apud Gramrmat. vet. lib. 3, col. 498) : Membra comædiarum tria sunt, diver- (1) Je remarque que l’on composoit aussi la musique (Modi facti erant) pour les:monologues, dans les pièces où il n’y avoit pas de chœurs, comme dans les comédies de Térence (ce qui répond à une des objections de M. de Villoison ). d Déclamation théätrale. 115 bium, canticum, chorus. In canticis una tan- turn debet esse persona , nec conioqui cum altera ( sovwdra }. Donat dit (in Fragmento de Comædia et Tra- . gædia ad Terentium ): Diverbia histriones rro- NUNCIABANT ; Cantica vero lémperabantur modis non @ poela, sed à perito artis musicæ J'actis. V. M. de Villoison indique, pour appuyer son sentiment , une foule de passages qu'il croit le démontrer ; dans le Dialogue de Plutarque sur la Musique, de l'édition qu’en a donnée Bu- rette, au tome X des Mém. de l’Académie des Belles - Lettres, aux pages 132, 134, 138, 150, etc. etc. Mais tous ces passages n’indiquent absolument rien que ce dont personne n'a jamais douté ; sa- voir , que du chant musical étoit employé dans la représentation de la tragédie des anciens. Ils ne disent en aucune manière ce que croit M. de Villoison ; que ce chant eut lieu dans toutes les parties de cette tragédie, et depuis le commen- cement jusqu'à la fin. M. de Villoison allègue aussi en preuves de son assertion, ce qu'Aristote a dit dans sa Poë- tique , au premier chapitre et au dernier. Dans celui-ci , il est indiqué seulement que du chant avoit lieu dans la tragédie. Quant au texte du premier chapitre, il me paroît démonstratif con- tre l'opinion de M. de Villoison. En effet, M. Burette fait sur ce passage la remarque suivante (Mém. de l’Acad. des Belles- 116 Littérature grecque. Lettres, tom. XII, p. 272). Aristote dit (dans sa Poëtique, chap. 1 ); que les dithyrambes , les nomes, la. tragédie, et la comédie emploient éga- lement le rhythme , les vers et l’harmonie ou la musique , avec cette différence que les uns les emploient tous ensemble et les autres séparé- ment. M. Burette dit là-dessus; les dithyrambes et les nomes, par exemple, mettoient en œuvre tout ensemble le rhythme, les vers, et la musique ; au lieu que la tragédie et la comédie en usoient séparément ; c'est-à-dire, des vers dans le corps de la pièce, et de la poésie jointe à la musique dans les chœurs. M. de Villoison, pour prouver son opinion, cite un passage de Lucien (de Saltatione, édit. de Reïtzius, tom. Il, p. 285), où Lucien relève le ridicule qu'il y a dans la tragédie, à faire chanter à Hercule ses malheurs en musique. Je réponds qu'il est dit, dans ce passage, qu Her- cule y chante ses malheurs dans un monologue ( govwds ). Or, j'ai dit (à l'endroit cité) qu’il n’est pas douteux que, dans la tragédie dês anciens, les monologues ne fussent mis en musique. VI. M. de Villoison objecte, par rapport à ce que je dis, que les vers des chœurs étoient mis en musique ; que souvent les chœurs ne faisoient que prendre part à ce que disoient ou faisoient les acteurs ; et qu'il eût été ridicule, par exem- ple, d'entendre sans cesse, dans l'Electre de So- phocle, cette princesse et son frère Oreste, faire des questions au chœur en déclamant, et ce même Déclamation théâtrale. 117 chœur leur répondre en chantant des vers ly- riques. Cette objection auroit pu être prévenue, d’'a- près ce que j'ai dit (Mém. cit. p.216); que les chœurs étoient mis en musique, si ce n’est quand le chœur , par son coryphée , intervenoit comme acteur dans une scène dialoguée. Ainsi Horace (Art poët. , pv. 193 et sequent. ) a distingué les deux états du chœur ; celui où il remplissoit le rôle d'un acteur, et celui où il chantoit dans les entre- actes : Actoris partes chorus — Defendat : neu quid medios intercinat actus — Quod non, etc. Je rapporte à cette observation un passage de Démétrius (de Elocutione , n°. 168), qui dit que des pièces de vers satiriques de Sapho sont plus faites pour être récitées ( Aaasyectæ ) que chan- tées, et ne pourroient convenir pour un chœur, à moins que ce chœur ne fût, par son coryphée, acteur d’une scène dialoguée. J'explique ainsi xopos danexrixos ( Ce qu'on a mal rendu , qui rem aliquarmm simpliciter enarrat ). VII. M. de Villoison cite, en faveur de son opinion , que les pièces dramatiques étoient chan- tées d'un bout à l’autre ; que c’étoit le sentiment de M. Maittei, qui a observé qu'il étoit plus con- venable d'admettre le chant dans tout le cours de la pièce, que de le réserver seulement pour le chœur. Il ajoute qu’au moment où le chant du chœur se seroit fait entendre à l’improviste , il eut semblé que le poëte auroit introduit des mu- siciens sur la scène. Mais n'ayvons-nous pas des opéras-comiques , 119) Littérature grecque. où l’on a fait succéder immédiatement des pa- roles chantées à un discours simplement pro- noncé ? J'observe même là-dessus que, dans ces opéras-comiques , cette succession est plus tran- chante , et devroit être moins facile à supporter, que n'étoit dans les pièces dramatiques des an- ciens le passage de la simple déclamation des vers des scènes dialoguées , au chant des vers des monologues et des chœurs. J'en donne pour raison que la musique des anciens , outre les genres diatonique et chroma- tique, qui procèdent par des tons et des semi- tons , admettoit encore , de plus que notre mu- sique, le genre enharmonique, ou par des quarts de ton; de sorte qu’elle pouvoit rendre des inflexions très-délicates, par lesquelles la voix s'élevoit ou s’abaissoit. VIIl. J'ai dit que la déclamation théâtrale des vers qui ne devoient pas être chantés , qui étoit composée en ordonnant avec art, et les rhyth- mes de ces vers , et tous les divers accens, étoit plus ou moins chantante, c'est-à-dire, analogue au chant : ce qui a fait souvent désigner cette déclamation sous le nom de cantus (obscurior). Ainsi, c'est sans fondement que M. de Vil- loison, pour appuyer son opinion susdite, re- marque qu'Horace donne le nom de chantre aux acteurs romains , dans ce vers connu (v. 155 de l'Art poëtique) : Donec cantor, vos plaudite , dicat. Ce nom a pu convenir à ces acteurs , soit à cause de leur chant musical dans les mono- logues et les chœurs, soit par rapport à l'espèce | Déclamaäation théätrale. ‘119 de chant non musical, ou de déclamation scé- nique composée , qu'ils exécutoient dans les scènes dialoguées. Aristides Quintilianus (de Musica , lib. I, p.7, passage sur lequel il faut voir les corrections que Meibomius a données dans ses notes) distingue trois sortes de voix (ou d'expression vocale ) : L'une est la voix continue ( Davy uvexns ) qui est celle qu’on emploie dans le discours , et dans laquelle il y a des contentions et des rémissions de la voix , relatives aux mètres ; mais qui sont peu sensibles à raison de ce qu'elles se font avec vitesse ( die ri ruÿgos ). . La diastématique, qu’on appelle aussi mélo- dique, qui met entre les sons simples de la voix, de certains intervalles et des repos, et dans la- quelle sont cachés les mètres de ces sons ( r« PÉTh@ ray arhuy Quiwy AeAyloru ). La voix moyenne, qui est composée des deux autres , et qui ést celle avec laquelle nous fai- sons la récitation des poëmes ( rus avvyvortis ray FotyaTay ). Personne n'a indiqué comment cette voix moyenne, qui étoit la prononciation déclama- toire, étoit composée des deux autres voix. Je crois que cela signifie que comme la voix diastématique , elle rendoit sensibles les inter- valles et les temps de la durée des sons simples (ce que ne faisoit pas la voix continue); et que, comme la voix continue, elle avoit des conten- tions et des rémissions de sons simples, relaïives 120 Littérature grecque. aux mètres de ces sons ( qui étoient insensibles dans la voix diastématique. ) IX. J'ai dit que la déclamation des anciens, dans les scènes dialoguées de leurs pièces de théâtre, étoit notée; non (comme l’avoit pensé l'abbé Dubos) par des notes de musique, ou qui marquassent des intervalles des tons de la voix ( puisque ces intervalles ne sont point apprécia- bles dans la déclamation ); mais par des signes qui fixoient les caractères que devoit avoir la voix modulée , pour l'expression la plus parfaite des passions, dans le discours de ces scènes. J'ai remarqué que les anciens avoient dû créer sans doute un assez grand nombre de ces signes, qui marquoient les divers caractères passionnés d'expression des airs. On est en général réduit aujourd'hui à indiquer ces caractères , en écri- vant sur divers endroits des compositions mu- sicales, pour ceux qui doivent les exécuter , agitato , vivace, gustoso, grave, gratioso , con tenerezza , etc. J'ajoute ici que des signes analogues à ceux que je dis avoir dù être tracés pour cette fin par les anciens ; sont les signes nombreux qu'a don- nés F. Geminiani, célèbre musicien, pour indi- quer les différences d'expressions , par lesquelles on peut déterminer diverses passions, dans la manière de jouer du violon. Il a donné ces signes dans son ouvrage, in- titulé : Art de jouer du violon , contenant les règles nécessaires à la perfection de cet instru- Déclamation théätrale. 121 ment ; ouvrage qui a été imprimé à Paris en 1752. Il y a indiqué par des signes relatifs ( par- ticulièrement aux pages 6, 7, 8) des différences dans la manière de jouer de cet instrument, qui sont propres à exprimer la gaieté, la joie et les passions agréables ; et d'autres différences, qui expriment la colère et des passions tristes. Geminiani veut que le compositeur, ainsi que celui qui exécute une musique instrumen- tale, s’affectent, par la chaleur de leur imagina- tion , des mêmes sentimens qu'ils veulent inspirer à leurs auditeurs. Il reconnoït qu’on ignore comment le joueur d'un instrument de musique peut transmettre des affections semblables, par le moyen de cet ins- trument. Cependant le fait reste constant. On a très- bien observé que la même musique, exécutée par différens musiciens, a des effets très-diffé- rens ; quoique tous jouent les mêmes notes, et très-exactement dans le ton, et en mesure; et qu'il y a toujours un je ne sais quoi d'inex- primable, qui, sous une main, donne à un morceau de musique l'expression et la pensée, tandis qu'il est sous une autre froid et insipide. X. La déclamation qui avoit été composée, comme je l'ai dit dans mon premier Mémoire, étoit aidée par les sons d’un instrumént qui l’ac- compagnoit , soit pour les orateurs, soit pour les acteurs. J'ai cité un exemple célèbre de l'utilité d’un 122 Littérature grecque. semblable instrument pour les orateurs : celui de l’esclave de Gracchus, qui, étant placé der- rière son maître pendant qu'il haranguoit le peuple Romain ; ramenoit sa déclamation à des tons moyens et convenables , lorsque sa voix montoit trop haut ou descendoit trop bas. Cela est confirmé par ce qu'a dit Plutarque ( æeps aopynoius , n°. 2. ), que cet instrument de l'esclave de Gracchus étoit semblable à celui par le moyen duquel les musiciens conduisoient la voix sur tous les tons, par degrés lents et comme insensibles (je lis +42» dans ce texte, et non sy , comme on l'a publié; et je trouve que M. Wyt- tenbach a proposé , quoique en doutant, de lire de même }). Je pense que cet instrument ( qu'on appela Tonorium ) étoit encore moins utile pour faire hausser ou baisser les tons de la voix de Grac- chus, que pour gouverner les mouvemens irré- guliers de cette voix, lorsqu'elle étoit troublée pendant ses harangues, en soutenant fixement les sons plus ou moins hauts ou bas, dans des degrés convenables de douceur, ou d’autres mo- difications. | Je vois que Montaigne doit avoir pensé d’une manière semblable sur cet instrument, lorsqu'il a dit (à la fin de son Apologie de Raymond de Sébonde), que le flüteur: protocole de Grac- chus amollissoit , roidissoit et contournoit la voix de son maître, lorsqu'il haranguoit à Rome. XI. Pour bien entendre ce que les auteurs Déclamation theätrale. 123 latins ont dit sur le chant ou sur la déclamation des vers scéniques , il faut distinguer les divers sens qu'ils ont donnés à la dénomination de modes de la musique qui étoit appliquée à ces vers. 1°, Dans le sens le plus général, mode signi- fie la composition musicale sur les vers scéniques qui devoient étre chantés, et vraisemblablement aussi l& musique instrumentale faite pour ac- compagner les vers qui étoient simplement dé- clamés. C’est dans ce sens général qu’il faut entendre ce qu'on voit à la tête des comédies de Térence, que tel musicien en avoit fait les modes. Ces modes étoient changés quelquefois par différens compositeurs ; et alors on mettoit à la tête de la pièce ; M. M. C., c’est-à-dire, Mutatis modis cantici. 2°, Le nom de modes a une signification plus particulière dans divers passages d'Horace; où il désigne la manière dont doivent être dits des vers faits pour être chantés; en marquant dans ces vers, et les piés propres à leur espèce, et les rapports de rhythme (1) convenables aux coupes du sens de ces vers. (3) Voici quelle me paroît être la définition exacte du rhythme dans son seus le plus général. Le rhythme est une suite (numerus) de sons, ou uniques, ou formant des ensembles distincts; qui, étant pris avec leurs intervalles, occupent des temps, soit égaux, soit qui se correspondent dans un certain rapport. 124 Littérature grecque. Ainsi, quand Horace dit avoir le premier Æolium carmen ad Italos Deduxisse modos (Carminum Lib. III, 30, v.13et14); il entend qu'ilest le premier des auteurs La- üns qui a fixé cette manière de chants, qu'il a rendu propre à l'Italie, en l'appliquant sur des vers qu’il a faits semblables à ceux d’Alcée et de Sapho (qui étoient nés en Éolie ). C’est pourquoi lorsque Horace ( Carminum , Uib.I1,6, v. 43— 4 ) s’attribue les modes, sui- vant lesquels doit étre chanté son poëme sécu- laire ; il entend, comme il l’a dit (ibid. , p. 35 et 36), qu'il a réglé dans ce chant la distribu- tion nécessaire des piés dans les vers saphiques de ce poëme , et celle des rhythmes ( ou cadences) qu'il marquoit par le jeu de son pouce ( ce que le vieux Scholiaste a mal entendu ). Il indique ailleursune autre définition plus res- treinte du mode dans les vers, lorsqu'il dit ( Epist., lib. TI, 19, 6. 37) qu'il n’a pas craint de changer les modes et l’art des vers, en com- posant seulement en latin des vers iambiques comme ceux d’Archiloque (puisqu'il a fait aussi des vers latins alcaïques et saphiques ). Cicéron a employé aussi dans cette dernière signification le nom de mode, qui est alors la structure propre de telle ou telle espèce de vers. C’est ainsi qu'il a dit (ir Oratore) qu'il est des vers ayant certains modes (à modis quibusdam) , qui, lorsqu'on ne les chante pas, semblent être Déclamation théâtrale. 125 de la prose. Il cite en exemple ces vers de la tragédie de Thyeste : Quemnam te esse dicam , quam tarda in senectute' et suiv.; vers qu'il dit être très-ressemblans au discours ordinaire, s’ils .ne sont point soutenus par le chant d’une flûte qui les accompagne. 3°. Mode signifoit aussi, pour les anciens , le mouvement dans l'exécution de la musique vocale et instrumentale , faite pour les vers. C'est dans ce sens que Cicéron a rapporté (de Oratore , lib. I); que Roscius avoit cou- tume de dire qu'à proportion qu'il avanceroit en âge, il rendroit plus lents le »720de et le chant de la flûte qui devoit l'accompagner; en con- servant cependant toujours certains rapports fixes qu'auroient les rhythmes et les piés des vers (astrictus tlamen çcerta quadam numero- rum moderatione ac pedum ). - Cicéron dit ailleurs aussi {de Oratore, lib. I) qu'en effet Roscius dans sa vieillesse, ralentit le mouvement du jeu des flütes ; ainsi que la succession des modulations de son chant, et des rhythmes des vers qu'il débitoit. XII. Je finis par une conjecture sur ce que deux acteurs pouvoient concourir ( par fois, et non toujours ) dans le M vi des vers scéniques. Un tel concours me paroît indiqué dans un pas- sage de Tite-Live , qu'il me semble que tous les commentateurs n'ont point encore bien éclairci. Tite-Live dit ({ Historiarum , lib. VII) que le poëte comique Livius Andronicus, qui jouoit 126 Littérature grecque. comme acteur dans une des pièces qu'il avoit composées, ayant été obligé, par le peuple, de répéter plusieurs fois de suite certains endroits de sa pièce, sa voix en fut affoiblie au point qu’il demanda et obtint la permission de mettre un autre acteur à sa place, pour exécuter le même chant à côté du joueur de flûte qui l'ac- compagnoit (‘venia petita puerum ad canendum ante tibicinem quum slatuisset) : et qu'ensuite Andronicus exécuta le chant de son monologue avec des gestes sensiblement plus énergiques , parce qu'ils n’étoient plus gênés par l'exercice de sa voix, qui ne devoit plus faire d'effort (Canticum egisse aliquanto magis vigente motu , quia nilül vocis usus impediebat). Je conjecture, contre les opinions de tous ceux qui ont voulu expliquer ce passage, et qui l'ont cité, que l'acteur qu'Andronicus avoit mis à sa place pour chanter à côté du joueur de flûte, n'empéchoit point qu'Andronicus ne püt aussi exécuter , dans le mème temps, un chant correspondant du même cantique ou mo- nologue : de sorte que le concours du chant de l'acteur secondaire qu'il s'étoit adjoint , donnoit plus de corps à la voix d'Andronicus, laquelle ne devoit plus faire alors d'aussi grands efforts qu'auparavant; et qu'Andronicus pouvoit alors avoir plus de force pour chanter son monolo- gue (1). (1) Je crois qu'on peut traduire ainsi en cet endroit, egisse canticum. Car Cicéron dit de Roscius, qu'il laïssoit Déclamation théâtrale. 127 Tite-Live ajoute ( ibid.) : Inde ad manum cantari Histrionibus cœptum. Je ne m'arrête point à réfuter les diverses interprétations qu'on a données de ce texte. Il me paroït signifier que - depuis lors les Histrions avoient à la main un acteur secondaire dont le chant correspondoit à celui quils pouvoient exécuter eux-mêmes. Cela peut être appuyé par l'expression dont se sert Lucien, en parlant de ces acteurs secon- daires , dont il dit ( de Saltatione, p. 598) que la fonction étoit væaduw ( succinere; d'exécuter un chant correspondant ). Tite-Live dit enfin : Diverbiaqué tantum ip- sorum voci relicta , ce qui me paroïit signifier que la voix des Histrions fut ensuite employéé seule, uniquement {tantum.) pour la déclamation des scènes dialoguées. toujours tomber. un certain vers par la manière dont il l'accompagnoit de ses gestes (runquam agit hunc versum guo gestu potest) : et l’on sait que Roscius, dans son action, réunissoit le geste et la déclamation. B'LOPSRR A PEN NOTICE HISTORIQUE sur la Wie et les. Ouvrages de Pierre JULIEN , lue à la séance publique de l’Institut, du 6 ven- démiaire an x1r, par M. Joachim LE BRETON, secrétaire perpét. de la classe. des beaux-arts. Pirnre Jurien, né en 1791, dans le dépar- tement de la Haute Loire (1), commença, à l'âge de 14ans, chez un sculpteur et doreur de la ville du Puy (2), l'étude de l'art statuaire, dans lequel il a excellé. Un de ses oncles, jé- . suite , le plaça chez M. Pérache , sculpteur et surtout architecte à Lyon, ayant, à ce dernier titre , acquis de la célébrité par de grands tra- vaux qui portent son nom. Pierre Julien remporta un prix à l'Académie de Lyon. Ainsi cette ville, qui a tant de droits à la gloire et à la richesse que les arts répan- dent sur la France, qui a vu naître Coisevox et les deux Coustou, peut se féliciter encore d'avoir développé le premier germe du talent, bien supérieur de Julien. M. Pérache pressentit, sans doute , la desti- née de son élève et, persuadé qu'il ne pourroit (1) À Saint-Paulien, près du Puy. (2) M. Samuel. pas | Julien. 129 pas l'accomplir à Lyon, il l'emmena à Paris poux le confier à Guiliaume Coustou, sculpteur du roi et Lyonnais, Julien resta environ dix années dans l’obscu rité de disciple, voué aux travaux de son maître et aux études de l'Acads smie, nommée plus exac- tement aujourd hui l’École des Beaux-Arts. Ce ne fut qu'en 1765, à l'âge de 34 ans, qu'il se présenta au concours pour le grand prix de sculp- ture. 11 le remporta avec une grande distinc- tion, sur un bas-relief qui représentoit Sabi- nus offrant son char aux Vestales, pour fuir, au moment où Les Gaulois alloïient s'emparer de Rome (3). L'on put reconnoître dès lors, qu'en suivant les leçons de l’Académie et de sou maître, Ju- lien les avoit rectiliées ; qu'il avoit invoqué des principes plus sûrs. La simplicité du style, un meilleur goût dans les ajustemens , la noblesse des caractères RE contrastoient avec la manière du temps. C'étoit abandonner la route que sui- voient tous les autres statuaires, surtout ses mai- tres; c'étoit prouver qu'il y en avoit une meil- leure. La profonde modestie de Julien pouvoit lui faire pardonner de grands succis. On par- donne plus difficilement des principes qui ne sont pas ceux qu'on suit soi-même. Les efforts réunis , constans , heureux de plusieurs hommes, (3) Ce bas-relief fut placé dans la maison de mademoi- glle Guimard , à Pantin. Il y est encore. T. V1. Novembre 180. I 150 Biographie. peuvent seuls dompter les usages, les traditions, les erreurs qui ont vieilli. Julien ne considéroit que l’art, n'obéissoit qu’à son propre sentiment, étudioit l'antique et consultoit la nature. Il n’a- gitoit point avec fracas le joug bizarre de lé- cole; il s’y déroboit simplement. Mais il est si difficile de s'affranchir de quelque servitude que ce soit, qu'on ne peut guère douter que Ju- lien n'ait eu à expier rigoureusement, dans la suite , l'indépendance qu'annonçoit son glorieux début. IL partit pour Rome en 1768. ph les quatre années qu'il y resta , il fit, outre les tra- vaux prescrits aux pensionnaires, une Copie en marbre de l'Apollon et du Gladiateur, pour le président Hocquart. Ces deux jolies figures, de trois pieds de proportion , sont au Musée de Versailles , où elles rappellent à tous les yeux la beauté des originaux, en attestant aux ar- tistes combien il faut de talent et d’habileté pour approcher de modèles qui sont inimi- tables. Dans sa dernière année de séjour en Italie, Julien fut invité par M. Coustou à venir l'aider : dans l'exécution d’un grand monument de sculp- ture, le mausolée du Dauphin et de la Dau- phine, destiné à la cathédrale de Sens. Guillaume Coustou étoit au déclin de l’âge : il connoissoit mieux que personne l’extrème habileté de son élève pour travailler le marbre, et tout ce qu'il pouvoit attendre de sa déférence. Il ne s’étoit point abusé : Julien obéit à cet appel, qui jusque- | j | . Julien. 101 là honore le maïtre et l'élève. Il obéit de même au conseil de ne point encore se présenter pour l'Académie, parce que son talent, lui disoit-on, n'étoit pas assez formé. Julien, qui fut toute sa vie disposé à se croire beaucoup moins d'habi- leté qu'il n’en avoit, souscrivit avec docilité à ce jugement. Mais à moins de proposer plusieurs énigmes , je ne dois pas dissimuler que le con- seil pouvoit avoir d'autres motifs. Jusqu'à ce qu’un artiste ft de l'Académie, il n’étoit regardé que comme élève; il pouvoit travailler beaucoup aux ouvrages de son maître sans en recueillir d'honneur. Le titre d’acadé- micien changeoit ces rapports. La dépendance cessoit. Il auroit fallu entrer en partage de gloire, car le nouvel élu avoit sa propre dignité à gar- der. J'ajouterai que les maîtres ayant alors, gé- néralement, le tort de tenir leurs élèves, même les plus habiles, à une trop grande distance d'eux, auroient eu un vaste intervalle à fran- chir, pour venir se placer sur la même ligne et en communauté de travaux. G. Coustou suivit donc à peu près l'usage et les abus du temps. Julien se livra tout entier à l'exécution du mausolée, secondé par son condisciple et ami Beauvais. La figure de l'Immortalité est celle à laquelle il eut plus de part. Elle étoit très-peu avancée lorsqu'il arriva de Rome ; il la termina. Mais il avoit environ 45 ans, et les épreuves graduées pour parvenir à l’Académie étoient lon- gues. Ce n'étoit point par une nomination sponta- — 92 Biographie. née qu'on y entroit ; il falloit se soumettre à deux jugemens, sur des ouvrages particuliers. Si le: premier jugement étoit favorable, l'onétoitagréé. C'étoit le vestibule. Pour pénétrer plus avant, pour être reçu académicien, l'on devoit présen- ter un autre ouvrage , qui étoit jugé de nouveau. Le sculpteur exécutoit d'ordinaire en marbre la figure dont il avoit présenté le modèle pour son agrément. Le peintre présentoit un autre tableau. Julien, qui n’avoit plus de ‘temps à perdre, se décida à commencer ses épreuves. L'on ne sauroit uier que ce mode d'admis- sion n’eût quelque chose de solennel , et qu'il n'offrit des avantages. Il avoit d'abord celui de faire produire à d’habiles artistes des ouvrages auxquels ils mettoient tous leurs soins et tous leurs talens , puisque la réputation , leur état en dépendoient. Ces ouvrages restoient à l'Académie, qui siégeoit au milieu d'eux. Ils formoient des espèces d'archives chronologiques et historiques de l’art. On a dit quelquefois que c’étoit aussi une sorte d'impôt mis sur les récipiendaires : mais le dédommagement suivoit de près; et il eût été facile de pourvoir aux cas très-rares d'exception où l’on auroit cru convenable de faire l'avance d’un encouragement à un artiste trop géné. Comment d'ailleurs ne pas regretter un usage auquel on doit les tableaux d'Icare (4), de l'enlèvement d'Orythie (5), de la veuve (4) Morceau de réception de M. Vien. {5) Idem de M. Vincent, Juliert. F99 d'Hector (6), de l'éducation d'Achille (7)? En sculpture , le jeune Faune par Salis, le Narcisse d’Alecrain , l'Abel de Stouf, l'Achille de Giraud, les morceaux de réception des habiles statuaires que je vois dans les rangs de l’Institut, et celui de Julien, qui est en possession de passer pour le plus parfait de tous? il n’est pas jusqu'aux mauvais ouvrages , s'il s'en trouvoit dans cette collection, qui n’aient leur utilité ; ils attestent jusqu'où le goût peut se corrompre, et l'opinion en s'égarer. Un autre usage de l’Académie royale de pein- ture et sculpture, qui sembloit sage aussi, c’étoit d'admettre les agréés à juger les concours pour les grands prix; non que nous croyions cette adjonction nécessaire pour l'intégrité des jugez mens; à quels titres les maîtres pourroient-ils réclamer la justice, pour leurs propres ouvrages, Sils ne donnoient pas l'exemple de la plus par- faite impartialité dans une circonstance aussi essentielle ? Mais c'était ajouter de la valeur aux couronnes , étendre les relations de famille parmi les artistes, honorer le mérite dans les juges ad- joints. Si la vérité historique me forcoit de laisser peser quelque reproche sur l'Académie, j aurai du moins pris d'avance le plaisir de rendre jus- tice à plusieurs de ses réglemens. Quoique peu encouragé par son maître , Julien se présenta, pour être agréé, avec la figure de (6) Morceau de réception de M, David. (7) Ldem de M. Reguault. 134 Biographie. Ganymède versant le nectar. Selon l’usage en- core , il falloit un patron présentateur : G. Cous- tou voulut bien lui en servir. Il étoit alors rec- teur de l’Académie, avec beaucoup d'influence. Cependant Julientessuya l’humiliation rare d’un refus , si l'injustice et une extrême dureté peu- vent humilièr un grand talent déjà connu. Le moins qu'on ait inculpé G. Coustou , c'est d'avoir trop foiblement soutenu son élève ; d’autres ont été jusqu’à croire qu’il ne vouloit l'émanciper que lorsque tous ses propres travaux seroient finis. Je ne prétends point fixer un soupcon peut-être trop sévère ; mais il est certain que les trois commissaires chargés d'examiner la figure présentée, avoient proposé de l’agréer. En effet, si cette figure n'est point citée parmi les meilleures qu’ait faites Julien , il est incon- testable qu’elle étoit supérieure au grand nom- bre de celles qui avoient ouvert jusqu'alors les ortes de l'Académie, et qu’elle égaloit le petit nombre de celles qui avoient de la réputation. Cette étrange rigueur surprit; mais elle ac- cabla , elle découragea entièrement Julien ; et c'est principalement pour que les jeunes artistes qui l’admirent apprennent à ne jamais se laisser abattre par un revers, quelle qu'en soit la cause, que je retrace cette fâcheuse anecdote. Dans les arts où il n'y a point, à proprement parler, de théories écrites, la vie des artistes célèbres est une des sources où leurs successeurs cherchent à s'instruire. J'espère que ce motif me fera par- donner quelques détails. Juliet. 135 En réfléchissant à sa position, Julien devoit réellement la trouver désespérante. Ce n'étoit que par le titre d'académicien , de sculpteur, peintre ou architecte du roi, qui en étoient les synonymes, qu’un artiste pouvoit être classé. Il n'existoit point de réputation hors de l’Acadé- mie. Les récompenses, les travaux du Gouver- nement se répartissoient entre les académiciens: et il se voyoit, pour ainsi dire, enchainé dans -une sorte de compagnonage , à quarante-cinq ans! Tout, jusqu'à sa modestie, tourna contre Jui, car il se crut de bonne foi voué à la mé- diocrité! ce sont les propres expressions avec lesquelles il me racontoit cette circonstance , encore avec sensibitité, dans les derniers mois de sa vie. Sa persuasion augmentant son déses- poir , il se condamna à descendre de. la haute sphère de l’art, et sollicita l'emploi de sculp- teur de proues de vaisseaux à Rochefort. J1 alloit l'obtenir , et d'après son caractère il s'y seroit sûrement borné, sans les efforts de quel- ques amis qui parvinrent avec beaucoup de peine et de temps à lui faire prendre une plus juste opinion de lui-même. Ils méritent un hommage public, pour l'avoir conservé à l'art, à Ja gloire et à l’école française. Ce furent donc le prési- dent Hocquart, le baron de Juyt, de Lyon, qui Jui demandèrent chacun l'exécution en marbre de cette même figure sur laquelle on venoit de le refuser (8) : ce fut un jeune condisciple qui (8) Julien y fit quelques changemens heureux. 196 Biographie. commencoit à se vouer aux arts, en s’initiant à leur pratique, qui depuis les a servis dans les fonctions administratives, qui les éclaire main- tenant par de savans ouvrages, M. Quatremerre de Quincy, étudiant alors avec Julien, ou plu- tôt sous Julien, dans l'atelier de G. Coustou : enfin, ce fut son digne ami Dejoux,‘qui, de l'école de Rome où il étoit, lui tendit le bou- clier de l'amitié, si puissant contre le malheur. Relevé par eux, Julien consentit à se repré- senter. Cet événement ayant troublé sa vie, pendant plusieurs années, et vingt ans de gloire n’ayant point entièrénient détruit l’amertume attachée à son souvenir, je n'avois pas le droit de le retran- cher. Dans les annales de l'ambition, où l’on ne montre d'ordinaire que les extrémités des choses, le succès ou le but manqué, on ne peseroït point des contrariétés, des injustices, dés perfidies in- dividuelles. Dans cette arène , les champions sont- armés d’abord d'insensibilité : ils attaquent et se défendent sous la même armure : rarément ils se blessent au cœur. Ils habitent la région des tempêtes, et savent lutter avec les vents! mais l'artiste, pour qui la sensibilité est un second génie, chez qui elle est ou vive , ou délicate, ou profonde, facile à blesser ou diffcile à guérir, c'est le rendre malheureux le paralyser, atten- ter à l'art, que de l'aticquer dans cet organe intérieur. Comme l'abeille, il ne s’oécupe qu'à composer son miel , il ne cher:he que le calyce des fleurs : le caline est le seul élément dans 4 | | | | Julien. 157 lequel il puisse subsister et produire. Défendons sa paix : au nom des arts, anathème à quiconque la trouble ! Un autre motif m'auroit déterminé à ne pas omettre ces circonstances : c’est la leçon de l'exemple qui n'est jamais plus utilement offerte, ou plus facilement pardonnée , que lorsqu'elle ne s'applique point au présent. Je dirai donc ce qui a le plus nui aux arts en France : c'est que leur Académie fut trop souvent opprimée par quelques-uns de ses membres , ce qui dut la rendre elle-même quelquefois oppressive. La sécurité et la justice sont les premiers besoins des beaux-arts : l'indépendance du génie leur est nécessaire. Pour conserver le feu sacré dans leur temple , il faut, comme aux prétresses de Vésta, des règles sacrées à suivre religieuse- ment, point de volontés arbitraires à servir, point de profanations à craindre : il faut des succès à ambitionner , des récompenses et de la considération à acquérir, par le seul talent: il faut une équité délicate et soigneuse dans leur administration. S'il en est autrement, les arts ne peuvent point prospérer. Une seule de ces con- ditions omise les fit déchoir , même sous le règne généreux de Louis XIV. Ils en avoient reçu tous les genres d'encouragemens , et non pas seule- ment des bienfaits ; ils s’étoient étroitement al- liés à lui, avoient embelli, par leur magie , son trône , sa gloire, jusqu’à ses plaisirs ! ils ren- doient grand ce siècle, dont ils couvrent encore les fautes et les revers : enfin, ils étoient au plus 158 Biographie. haut point de splendeur. On commit l'erreur de croire qu'ils pouvoient obéir à un homme : Le Brun leur commanda , ne croyant peut-être lui- même que les diriger ; tout prit la même phy- sionomie , et de ce moment les arts déclinèrent. Leur astre avoit pli avant celui de Louis XIV, Poussin et Puget furent obligés de s’exiler, pour suivre l'impulsion de leur génie. Le mal fut extrème, lorsque les arts et leur Académie passèrent sous l'autorité d'hommes dénués de l'illustration du talent et des qualités qu'exige leur administration. Le joug de la mé- diocrité n’est pas le moins dur , et il avilit davan- tage. Ce fut par cet enchaïînement d'effets d’une même erreur que les beaux-arts, déclinant tou- jours, se trouvèrent sous Louis XV au plus bas degré de décadence où on les ait vus, depuis leur renaissance. C'est alors qu'il arrive que des hom- mes comme Julien peuvent étre entièrement dé- couragés , que le génie peut être étouffé, avant d'éclore, ou s’éteindre, sans produire, tandis que la médiocrité prospère , et lui insulte par sa prospérité et ses dédains. Vous venez de voir , Messieurs, combien peu s'en est fallu que Julien n'ait pas produit son Guerrier mourant, les statues de La Fontaine, du Poussin, et la Baigneuse ! Je n'aurai désor- mais à vous entretenir que de ses ‘succès , des suffrages unanimes qui l'accompagnèrent jus- qu'au tombeau , pour se continuer dans la pos- térité. Ce que ma tâche avoit de pénible est rempli. Julien. 199 L'Académie étoit impatiente de réparer le tort qu’elle avoit fait à Julien , le tort qu'elle s'étoit fait. Elle avoit entendu les murmures d'impro- bation ; mais la conduite qu'elle tint, prouve qu'elle avoit encore plus besoin de consoler l'ar- tiste méconnu que de se réconcilier avec l'opi- nion éclairée. De son côté, le statuaire avoit fait des efforts, et préparoit un admirable ou- vrage. C’étoit ainsi qu'il convenoit à l’un et à l’autre de se remettre en présence. Julien Fut “agréé , en 1778, à l'unanimité, sur le modèle de son Guerrier mourant, et recu de même acadé- micien, en 1779, sur le marbre de cette figure. Il avoit alors quarante-huit ans. Il manqua sans doute au bonheur de G. Cous- tou de n'avoir pas pu contribuer de son suffrage à ce tardif triomphe : il étoit mort l’année pré- cédente. Le morceau de réception de Julien réunit, au plus rare degré, la science de l’art à la grâce naturelle et à la perfection du ciseau. C'est une figure d’environ trois pieds de proportion, re- “présentant un guerrier, ou un gladiateur, blessé à mort. Ses jambes ont fléchi; il est affaissé sous lui-même. Il vit encore, mais le souffle qu'il as- pire sera le dernier. La pose , l'arrangement, ne ressemblent à aucune statue antique connue, et toute la figure a le caractère de l'antique. C’est la beauté virile d'un homme en parfaite santé, qui meurt d'un accident. Julien prit par cet ‘ouvrage , et en entrant dans l’Académie, dont n’aguère il se croyoit si loin , la première place 140 Biographie. parmi nos statuaires. Tout ce qu'il a fait depuis lui a confirmé cette prééminence. Le Gouvernement avoit commencé , depuis environ deux ans , à réaliser la belle conception d'ériger des statues à nos grands hommes (9); M. d’Angiviller avoit eu la gloire de la pro- poser , le roi, la gloire de l’adopter; la France a la gloire de l'avoir maintenue, car c’est une institution qui paroît fixée. Si jamais, ce qu'il nest pas permis de craindre aujourd’hui, l'on pouvoit la négliger, il y auroit un moyen sé- vère d'y ramener : ce seroit de dire que pendant les orages de la révolution , non-seulement la statue de Duguesclin fut faite, mais, ce qui est bien plus remarquable, que le marbre fut offert pour commencer celle du pieux et charitable Vincent de Paule, et qu'elle fût exécutée. Comme il n'appartient qu'à la sagesse de don- ner de la stabilité aux choses , il faut qu'elle con- tinue à ne choisir, pour ces apothéoses, que des noms consacrés par letemps. Vous les voyez, Messieurs, ces monumens d'un légitime orgueil national : ils couronnent cette enceinte ! Recon- noissez-vous parmi eux quelques marbres im- portuns, un seul marbre réprouvé ? tous com- mandent l'admiration ou le respect. Si Montau- sier se trouve à côté du grand Corneille, par- donnons à Fléchier d’avoir abusé de l’art ora- toire. D'ailleurs l'austère probité mérite aussi (9) Ce fut à l'exposition publique de 1779 que parurent les premières de ces statues. D RS EE Julien. T41 d'être honorée, et l’on ne coùrt pas risque de lui voir prodiguer trop de statues. Mais Descartes, Montaigne , Corneille , Racine, Molière, La Fon- taine, Le Poussin, Bossuet, Fénélon, Pascal, Vutile Rollin, Montesquieu , et tant d’autres qui nous manquent encore , et dont la gloire est éga- lement assurée , tous ces grands hommes , pré- sens ou attendus, sont nos dieux Pénates : : nous les emporterons avec piété , pour les honorer toujours, dans le nouveau temple que la muni- ficence de l'Empereur et Ror fait préparer aux sciences , aux lettres et aux arts, et qui en sera digne encore après celui-ci (10). Julien eut la gloire et le bonheur d'exécuter deux de ces statues , celle de La Fontaine et celle du Poussin, dont nous faisons aujourd’hui l'inauguration. J'ai dit le bonheur , et c'en est un que dans la distribution des travaux où le hasard , l'indifférence président souvent, la sta- tue de La Fontaine lui soit échue. Quelque su- jet qu'on lui eût donné, il auroit toujours bien mérité de l'art; mais celui-ci seul renfermoit , pour Julien, l’occasion de se caractériser lui- même, en ne s'occupant que du caractère de son Modele : car, Messieurs , par une rencontre extraordinaire , Julieh fut peut-être de tous les hommes celui qui a le plus ressembié à La Fon- taine. Tout ce que son ciseau a produit, se dis- . (10) Le collége Mazarin, que S. M. fait disposer pour recevoir l'Institut, 142 Biog graphie. tingue par la naïveté, la simplicité , la grâce de l'exécution, par ré finesse et une certaine profondeur de pensée. Mais c'est principalement dans cette statue qu'on trouve toute leur res- semblance. Certes, il falloit avoir une portion du même génie, du même esprit pour inspirer le marbre au point où il l’est dans la tête. On est retenu devant elle par un charme qu'on ne se définit point : on ne pense pas à l'admirer, car rien n'étonne; mais, quand on la quitte, on l'aime, et l’on s'aperçoit qu'on l'admire aussi: s’est comme si l’on venoit de lire La Fontaine tout entier. Involontairement l'on s’est demandé de laquelle de ses compositions l’inimitable sem- ble si occupé? Est-ce bien, comme on l'assure, de la fable du renard et des raisins ? Pourquoi ne seroit-ce pas aussi de l’apologue, toujours si vrai, de l’huître et des plaideurs ?.... Non; sa pensée paroit plus profonde : c'est de l’apologue du loup et de l'agneau, du paysan du Da- nube …. de l'homme et de la couleuvre !.... Mais un sourire va naître; il annonce la naï- veté, la malice ; il songe à Perrette ?.…. Peut- être à la Matrone ?.... à Joconde? .... Je me trompois : une nuance de sensibilité domine dans sa physionomie ; ah! il fait la fable des deux amis ! il en est à ces vers : ...... Je suis vite accouru : Ce maudit songe en est la cause! Il faut, Messieurs , renoncer à deviner, &t convenir encore une fois que l'artiste a exprimé Julien. 149 tout La Fontaine! Il lui a donné le sentiment, la pensée, le caractère. Il atteint le dernier but de l’art : il touche le cœur et intéresse l’esprit. Comme le statuaire de la fable, Julien auroit pu dire d'un bloc de marbre , il sera Dieu ! Sur la plinthe du piédestal sont indiquées, par de petits bas-reliefs, esquissés seulement, plu- sieurs fables, ce qui, joint à la vérité de na- ture et d'exécution du tout, compose un mo- nument tellement homogène, qu'un seul frag- ment sufliroit pour faire reconnoître à ‘quelle statue il appartint. La charmante statue, dite la Baigneuse de Rambouillet , placée maintenant au Musée du Sénat conservateur , excita une admiration plus vive encore que la statue de La Fontaine. Elle fait moins penser; mais le sujet a plus de charme pour les yeux. Tout ce qu'on peut supposer de grâce, de fraîcheur , de beauté dans une jeune bergère , nue à peu près, le statuaire en a doué le marbre. Il est convenu généralement que c’est la plus gracieuse statue de femme que les mo- dernes aient produite. Elle fut faite pour une destination détermi- née, pour la laiterie du château royal de Ram- bouillet, d'où elle tire son nom. C'étoit un petit édifice circulaire , à l'extrémité duquel la statue étoit placée. L'eau limpide d'une fontaine venoit caresser son pied gauche , qui semble la cher- cher. Le mouvement de ce pied n'est plus mo- tivé dans l'emplacement qu'elle occupe aujour- d'hui , et pourroit mème sembler un défaut ; mais 144 Biographie. il faut remonter à l'intention de l'artiste. La chèvre chérie de la bergère se groupe avecelle, sans se confondre ; sans trop distraire l'œil. Elle flaire l'eau, comme pour s'y :désaltérer. Deux bas-reliefs, de quinze pieds de long, et dont les figures ont trente pouces , représen- tant l'un Apollon, berger chez Admette, l'autre la fable de la Chèvre Amalthée ; cinq bas-reliefs d'une moindre proportion , également de la main de Julien, et dont les sujets sont analogues , dé- coroient le petit temple de la Baigneuse. Le succès de cette statue et du monument fut un triomphe pour l'art, pour l'artiste, et aussi pour M. d’Angiviller, qui avoit choisi Julien, et qui, par un attachement naturel, vouloit faire sa fortune. L'art y auroit gagné : nous aurions un plus grand nombre d'ouvrages de Julien. La révolution détruisit ces heureuses espérances , que ses amis regrettèrent plus que lui. Il restoit chargé de la statue du Poussin. Il l’acheva len- tement , les circonstances ne l'excitant point à d'autres travaux, et paralysant quelquefois ceux qui étoient commencés. Il ne demandoit que de vivre assez pour la terminer. Il n’a guères obtenu davantage : il est mort trois mois après. S'il eut été avide d'éloges , il auroit pu repro- cher au public d'être devenu moins sensible x" l'attrait des arts, d'accorder à peine un regard indifférent aux plus beaux ouvrages, et de pas- ser sans les sentir. Mais Julien n'aimoit ni la louange bruyante , ni la louange douteuse; son sentiment et l'opinion de quelques artistes dis- tingués Ke Julien. 149 tingués lui suffisoient. La vanité consomme trop d’encens pour le choisir ; les beaux génies en usent sobrement; mais ils veulent le plus pur. Au reste, il fut satisfait : son dernier ouvrage fut jugé digne des autres. Il présentoit deux grandes difficultés à vaincre, l'une qui désole tous les statuaires , la sécheresse du costume moderne , et l’autre , la ressemblance des traits, pour laquelle il s’étoit décidé, après quelque hésitation. Julien a écha gpre à la pre- mière par une fiction probable": il a one que le Poussin , depuis long-temps fixé à Rome, où l’on couche nu durant les chaleurs de l'été, a conçu, pendant la nuit, une idée heureuse pour son testament d'Eudamidas ; que, craignant qu'elle ne lui échappät dans le sommeil, il s’est levé aussitôt, s'est enveloppé de son manteau, et qu'il vient de la fixer. Cette épisode a le mé- rite d'exprimer l'esprit méditatif du Poussin, toujours occupé de ses ouvrages , de motiver le nud des bras et des jambes , et de donner les moyens de draper avec noblesse. Mais en en- noblissant le costume et le style de la statue , c'étoit augmenter la difficulté de conserver à la tête, qu'il vouloit faire ressemblante , assez de caractère. Julien a vaincu heureusement encore cet obstacle. Le travail du marbre semble étre de la fleur de son âge. _ Ila fait des ouvrages moins importans, et qui seroient de beaux titres pour d'autres , tels que ses travaux pour la nouvelle église de Sainte- T°. VI. Novembre 1805. K 146 Biographie. Geneviève, surtout un bas-relief qui décoroit le peristyle. Le changement de destination de ce monument les fit effacer. Il exécuta aussi plu- sieurs copies, d’après l'antique , pour le baron de Juyt. Mais ses relations avec cet ami vous intéresseront davantage que tout ce que je pourrois ajouter sur le talent de l'artiste, et elles m'amèneront à faire connoîïtre ses qualités morales. Sa santé, naturellement débile, avoit été fort altérée par le chagrin. Il fut obligé , pen- dant long-temps, de quitter Paris chaque été, pour respirer l'air des provinces méridionales. Il alloit à Lyon chez le baron de Juyt, dont l'amitié délicate lui avoit choisi d'avance des travaux qui pussent l'intéresser, sans le fatiguer trop. Après quelques jours de repos, Julien se trouvoit mieux, Le besoin de son art renaissoit, et il reprenoit le ciseau pour son ami. Il reve- noit toujours à Paris avec du bonheur et de la santé. Julien étoit aimant , quoique peu expansif. On ne causoit pas long-temps avec lui, qu'il ne parlât de ceux qu'il chérissoit, soit qu'il les eût perdus , soit qu'ils vécussent, car les uns et les autres lui étoient également présens. Ses plus intimes amis furent des hommes très-distingués dans son art, MM. Dejoux et Beauvais; ce qui atteste à-la-fois plusieurs qualités rares. Il fut bienfaisant. Mais avec sa retenue et sa modestie, ses bienfaits devoient être impénétra- { Julien. 147 bles. Ses longues absences le forcèrent d'en ré- véler quelques-uns à son ami Dejoux , qui en devenoit le ministre ; et avancoit alors les se- cours réglés que Julien offroit à de jeunes ar- tistes peu fortunés. J'ai souvent parlé de la modestie (le Julien, parce qu'elle faisoit la base de son caractère et qu'on la retrouve en tout. A la fin de sa car- rière glorieuse, il ressembloit encore au talent timide qui doute de lui même, comme s’il ne s’é- toit jamais éprouvé. Mais on se seroit mépris si l’on eût attribué sa timidité à la foiblesse du ca- ractère. Lorsqu'il s’étoit décidé, soit sur ses ou- vrages , soit sur ses affaires privées, son parti étoit fixe. L'on auroit pu croire, aux égards avec lesquels il écoutoit encore les avis différens du sien , que c'étoit de la soumission ; mais il per- sistoit. Vivant pour ainsi dire hors du monde, pour son art, pour lui-même et quelques amis, quel autre usage avoit-il à faire de sa volonté? Les deux dernières saisons de sa vie furent heureuses. T'ous les artistes lui rendoient un sin- cère hommage. Nos plus habiles statuaires sem- bloient se dépouiller de leur propre gloire pour rendre la sienne plus brillante. J'ai été témoin de ce touchant exemple de justice généreuse qui honore les arts. Il mourut le 26 frimaire dernier, âgé de soixante-quatorze ans. Nous le regrettons comme grand artiste , comme homme excellent, comme confrère chéri. 148 Biographie. Parmi ceux qui m’écoutent , il en est sûrement qui sont surpris qu'un homme si difficile à aper- cevoir , hors de ses ouvrages , ait autant de droits à une illustre renommée : peut-être quelques- uns regrettent-ils de n’avoir pas fait plus d’at- tention à lui? S'il étoit possible qu'il s’en trou- vât qui l’eussent dédaigné, parce qu'il n'étoit ni pompeux, ni brillant, parce qu'il étoit sans va- nité, on pourroit leur dire, en rapprochant une dernière fois Julien de La Fontaine, Messieurs les beaux esprits , vous n’effacerez point le bon- homme. VARIÉTÉS, NOUVELLES ET CORRESPONDANCES LITTÉRAIRES. NOUVELLES ETRANGÈRES. ANGLETERRE. La galerie de Shakespear ( Shakespeare’ s gallery ), établie par l’Aldermann feu M. Boypezz, et qu'on regardoit en quelque sorte comme un trésor natio- pal, est tombée dansles mains d’un brocanteur d’oh- jets d’art, lorsqu'on fit la vente des collections de M. Boydell par la voie d’une loterie. Ce brocanteur a fait vendre chacun de ces tableaux séparément, et au plus offrant. On a reconstruit dernièrement la chapelle du château de Windsor. En creusant les fondemens, un ouvrier rencontra avec la pioche un corps dur qui, ayant été découvert, se trouva être un cercueil, con- tenant un corps que l’on croit être celui d'Edouard IV. À l’ouverture du cercueil, le corps parut tout entier, sans aucune altération; la peau étoit d’un Brun-jau- nâtre; les cheveux et la barbe étoient parfaitement conservés. Le cercueil étoit rempli, dansle fond, d’un sédiment liquide qui donna lieu à différentes conjec- tures : quelques personnes ont cru que c’étoient les restes d’une liqueur qu'on y avoit mise originairement pour conserver le corps; d’autres ont pensé que c’étoit ' 150 Nouvelles littéraires. le produit naturel de la dissolution du corps. Il faut le dire à la honte de ceux que la curiosité attira bien- tôt pour examiner cette découverte; l’un arracha un doigt, d’autres s'emparèrent d’une dent , d’une touffe de cheveux, ete., et avant que le doyen du chapitre eût eu le temps d'arriver, le corps du conquérant Edouard fut misérablement mutilé. Le doyen fit cesser le pillage; mais bientôt ce corps qui s'étoit conservé entier pendant plusieurs siècles, ne put résister à l'action de l'air, et, en quelques heures, ne fut plus qu’un squelette décharné. L'on vient enfin de publier, à Londres et à Edim- bourg , le résultat des recherches de la Société écos- saise sur l'authenticité des poëmes d’Ossian. L’exis- tence de F'ingal (proprement Fin-mac-coul), Ossian, Gaul, etc., est bien reconnue; elle est consacrée , avec le souvenir de leurs exploits, par la tradition et divers chants populaires ; inaïs la Société déclare que le recueil, publié par Macpherson, ne doit être considéré que comme une mosaique composée de mille fragmens. Quelques-uns même, comme la Mort de Cuchulin, sont entièrement de son inven- tion; Temora est dans le même cas, si l’on en ex- cepte l’épisode de la Mort d’Oscar. Au reste, si la Société a cru devoir attaquer l’authenticité des poëmes, d'Ossian ; elle ne prétend pas diminuer la gloire de Macpherson ; qu’elle regarde comme un des plus p' génies poétiques qui aient existé, et qu’elle place à côté d’Homère. La manie d’avoir des acteurs enfans a gagné les trois royaumes (1). Miss Fribss, âgée de'six ans, a obtenu, sur le grand théâtre de Dublin, autant (1) Supra, tom, IV, p. 152. Nouvelles littéraires. 191 de succès que le jeune Roscius en a eu sur celui de Londres. Aux bains de Margate il vient d’éclore, on peut le dire, une autre petite Æoscia ; qui excite le plus vif enthousiasme. Ces pygmées tragiques ont fait naître beaucoup de caricatures. Une entre autres a paru fort piquante: elle est intitulée: The Childish age of the drame. On les a représentés mon- tant et dent sur une échelle attachée au crane de Garrick. Les dernières semaines que les gens riches pas- sent à la campagne ont été marquées par un grand nombre de concerts et de représentations à béné- fices; les souffleurs même ont eu le crédit d’en obtenir. Parmi les concerts on a remarqué surtout celui qui s’est donné dans la salle de Hyde, au bé- néfice de la famille musicienne d’Æ0ffmann. Un enfant de quatre ans y a joué un duo sur deux harpes à la fois; il a ensuite exécuté, avec son frère âgé de six ans, un duo sur la même harpe, et un autre sur le forte-piano. HoLzLANDE. Dans sa séance du 30 octobre dernier, la seconde Société Teylérienne a proposé, pour sujet de prix, la question suivante : Quelles ont été les révolutions de la poésie, non- seulement chez les peuples an- ciens les plus connus , mais chez les peuples moder- nes , à dater de Pépoque où l’on a pu les compter parmi les nations civilisées ? La Société désire que lon examine si les vicissitudes, les progrès et la décadence de la poésie, ainsi que les variations de ses formes parmi les nations civilisées, ont suivi la marche de leurs connoissances morales, civiles et religieuses , et des autres sciences, ou en ont été in- 152 Nouvelles littéraires. dépendantes ? Les mémoires doivent être rendus à leur adresse avant le premier avril 1306. Le prix est une médaille d'or de 400 florins. Une autre question déjà proposée, mais à laquelle il n’a point été fait de réponse satisfaisante, vient d’être remise à la même époque par la Suciété Tey- lérienne, La voici : L'histoire des sciences naturelles prouve-t-elle que l'application de la théorie méta- physique ait été utile à leurs progrès , ou enseigne- t-elle au contraire qu’on ne peut faire de progrès dans ces sciences que par l’observation , les expé- riences , les conséquences que l’on en tire et les cal- culs scientifiques que l’on établit sur ces données ? Et quelles règles l’histoire de la science prescrira= t-elle à cet égard à ceux qui veulent contribuer de la manière la plus efficace à ses progrès ? Les mémoires des concurrens, pour ces deux prix; pourront être écrits en hollandais, latin, français, anglais et allemand, mais non en caractères germa- niques. L'adresse est : Aan Teylers fundatie huis à Harlem. M. J. Brouwer, ministre de l’église Mennonite de Leeuwarden , a remporté la médaille d’or proposée pour le meilleur mémoire sur Ze caractère du dix- huitième siècle, comparé au siècle précédent, sous le rapport des mœurs et des lumières. M. Jean-Jos. Precurr, d'Augsbourg , auteur d’un ouvrage qui a pour titre : Les Imperfections de l'E ducation, gouverneur du jeune comte de Taafle en cette ville, a reçu la médaille d’or promise par la Société des sciences de Harcem, pour prix de la meilleur réponse à la question : De la connoissance physique du feu, de l’économie et de l'épargne des matières combustibles dans différens usages. Nouvelles littéraires. 199 Su1ssE. Suivant la coutume qu’on a à Zuricn de faire tous les ans l'exposition des productions des arts, élle a eu lieu cette année pendant le mois de mai. Le buste de Lavater, exécuté en marbre blanc par M. Daxwrecrr, de Stuttgard , a été l’objet de l’ad- miration des connoiïsseurs , et estimé par eux comme le chef-d'œuvre de cette exposition. Ce buste, un peu au-dessus de la grandeur naturelle, représente Lavater dans son habillement ordinaire et avec un manteau moderne, costume qui lui sied très-bien ; il est destiné pour le monument que les compa- triotes de Lavater vont lui faire ériger. On ne sait point encore précisément où ce monument sera placé; mais pour éviter qu’il ne soit profané, comme l’a été récemment, par des mains barbares, celui de Gessner, il est vraisemblable qu’on choisira la bibliothéque de la ville, où du moins il sera pour long-temps dans un abri respecté. Quant aux autres objets d’art qui faisoient lor- nement de cette exposition , ils consistoient en beaucoup de paysages. On à remarqué aussi avec plaisir un grand nombre de portraits; ce genre, après les paysages , a fourni les ouvrages les mieux finis. } : M. Guillaume Haas, à Basle ; habile graveur en caractères , se propose de publier nne édition du Vieux Testament en langne hébraique, avec des ca- racières qu'il a nouvellement, gravés. Nous avons un échantillon de cette édition sous les veux ;; et nous devons dire que M. Haas a parfaitementréussi a donner une forme bien distincie aux lettres qui ont “quelque ressemblance, et à faire en sorte que l’en- 194 Nouvelles littéraires. semble linéal forme une harmonie typographique agréable à la vue. I suivra, pour le texte, l'édition justement estimée de van der Hooght, publiée à Amsterdam en 1705. M. Haas à déjà imprimé en hébreu , à l'usage du culte judaïque, divers ouvrages dont l'exécution lui a atliré les éloges des personnes les plus versées dans la connoissance des langues orientales. Il propose cette édition par souscription. Les souscripteurs paieront 6 livres 15 sous en recevant chacun des deux volumes. M. Schoell, rue de Seine, hôtel de la Rochefoucauld , reçoit les souscriptions. ALLEMAGNE. La Société des sciences, fondée par M. Jablo- nowsky à Lrrpsicx , a tenu le 8 juillet sa séance pour la distribution des prix. Après un discours du président, M. Wenx, sur les mérites du fondateur, le secrétaire de la Société, M. le professeur Hix- DENBURG , donna lecture des jugemens portés sur les mémoires envoyés au concours. La première question étoit relative à l'histoire. La Société avoit demandé de développer l'origine , les droits et l’histoire de la dignité de Iart ( Jarls- Würde) dans les royaumes du Nord. Le prix, con- sistant en un médaillon d’or de la valeur de 24 du- cats, fut décerné à M. Scurezer, professeur à Gœt- tingue. Parmi les autres mémoires envoyés au con- cours, on en a distingué deux, auxquels on a ac- cordé l’accessit. L'un a pour auteur M. F.Cb. Rues, à Greifswald, l’autre M. J. G. Lunrze, recteur de l’école de Saint-Nicolas, à Léipsick. La seconde question, relative aux mathémati-, ques, éloit de déterminer avec précision l’accroisse= n 4 ÿ D Nouvelles littéraires. 100 ment et les progrès des sciences mathématiques pen- dant le 18°. siècle qui vient de s’écouler. Le prix fut décerné au mémoire de M. J. H. M. Porrr, conseiller du prince de Schwarzhourg , et professeur ordinaire de mathématiques. et de physique au Gymnase de Francfort. Parmi les mémoires relatifs à la troisième ques- tion sur l’économie : Quelle est l'influence de l’at- mosphère sur la fertilité du sol, et comment la na- ture, le sile et La culture du sol peuvent-ils contri- buer à rendre cette influence efficace ? celui de M. F. B. Wegrr, professeur ordinaire d'économie et de Caméralistique à Francfort-sur-l’'Oder , a obtenu le prix. - L'Institut des Sourds-Muets à Lrrrsicrk, dirigé par madame Hrinicke, devient de jour en jour un établissement des plus utiles pour l'humanité affli- gée. On y compte vingt et quelques sujets qui ont presque tous appris à parler distinctement, et dont les plus avancés comprennent ce qu’on leur dit au mouvement des lèvres. On les instruit dans la reli- gion , et on leur enseigne à lire et à écrire, à comp- ter , etc. Madame Heinicke est adorée comme une mère, elle a sous elle deux instituteurs, MM. Petschke et Junghans, dont on vante le zèle et les talens. M. Kzxsrner, auteur d’un petit ouvrage sur la - Mnémonique , annoncoit à Leipsick, vers la fin du mois d’août , qu’il donneroit des lecons de cet art du 2 au 6 septembre, tons les jours pendant deux heures. Le prix devoit être de 5 rixdalers ( 20 fr. ) pour chaque personne qui voudroit être imitiée. M. Kæstner a fait, depuis peu, le voyage de Munich pour y voir M. le baron d’Argrix , dont il a adopté 156 Nouvelles littéraires. les principes sur la mnémonique, de préférence aux siens propres. On dit qu'il se propose de voyager pour répandre sa doctrine, ainsi que l’a fait M. Le Ducuer, un des élèves de M. d’Arexix , dans l’art de la mnémonique. M. Eck, fils, professeur à Leipsick , auteur de divers ouvrages, entr’autres du journal intitulé : Norpiseue BLxrrrr, prépare une histoire générale de la Saxe, sa patrie. Depuis les dernières sécularisations, le pays de Fuzoe à pour prince régnant le prince héreditaire d'Orange, fils du ci-devant Stadhouder des Pays- Bas Unis. Ce changement dans le gouvernement a eu une influence salutaire et sensible sur l’état de l'instruction publique dans ce pays. Avant cette époque, le Gymnase, ou école latine, et l’Université de Fulde étoient dans une situation déplorable. Les revenus annuels du Gyninase ne s’élevoient guère au-dessus de 4,000 florins , et l'Université n’avoit même pour tout fonds qu'un capital de 1,200 flo- rins. Aussi les chaires de professeurs n’étoient-elles regardées que comme des emplois accessoires, et les hommes à qui elles étoient confiées, ne recevant qu'un traitement annuel de 100, 200, 300 et tout au plus 400 florins, ne pouvoient consacrer aux de- voirs de leur place tout le temps et tous les soins qu'ils auroient dû et voulu, parce que d’autres em- plois leur prenoient la plus grande partie de leur temps. Le nouveau prince a donné au Gymnase et à l’Université une nouvelle organisation plus con- forme aux besoins des jeunes étudians ; et pour met- tre les professeurs en état de se consacrer d’une ma- nière utile à l’instruction qui leur est confiée , il a augmenté tous les traitemens, et il a même appelé, sous des conditions honorables, plusieurs professeurs Vos nl a aber Gr Nouvelles littéraires. 157 distingués de quelques autres Universités de l’Alle- magne. Les revenus annuels du Gymnase et du Lycée de Fulde s'élèvent maintenant à 22,000 florins. Plusieurs princes d'Allemagne ont été depuis quel- que temps importunés par des dédicaces indiscrètes d’un grand nombre d’auteurs, qui peut-être espé- roient d'obtenir ainsi ou quelque récompense ou présent, ou du moins une lettre de remerciment, qui , .quoiqu'insignifiante , est cependant colportée quelquefois par des écrivains remplis de complai- sance pour eux-mêmes, comme une preuve non équivoque de leur mérite. L’électeur de Bade avoit déjà fait publier, par la voix des journaux, qu'il ne feroit plus faire de réponse à aucun envoi d’ou- vrage qu'on lui feroit. Un pareil avertissement vient d’être publié par le duc de Sachse-Teschen , le prince d’Anbalt Dessau, et le duc de Mecklenburg-Schwerin. Le Sénat de Hambourg a également invité les au- teurs, par la voie des feuilles publiques, à ne plus lui adresser ni dédier des productions littéraires sans son agrément préalable. M. Lancer, directeur de l’Académie des Beaux- Arts de Düsseznorr (1), et artiste très-distingué, vient de faire imprimer dans le Sincère ( der Frey- müthige), une lettre dont le contenu ne pourra manquer d’intéresser tous les amis des arts. Le duc d’Aremberg possédoit à Bruxelles une tête antique du Laocoon, et le comte de Litta en possédoit pareil- . lement une troisieme à Milan. M. Langer se propose de les comparer l’une avec l'autre. Le fils du duc d’Aremberg, qui habite Dusseldorf , lui a confié sa tête antique , et M. de Dalberg a fait parvenir à cet artiste des plâtres très-corrects de la tète du Laocoon (1) Voyez ce que nous avons dit suprä ,t. V, p. 446. 158 Nouvelles littéraires. de Paris et de celle du Laocoon de Milan. Les pre- miers résultats que M. Langer tire de cette inté- ressante comparaison, sont que la tête du Laocoon de Düsseldorf est d’un travail plus léger, plus agréable; qu’elle a plus de naturel; que Îes yeux sont plus expressifs et le nez plus noble. les mouvemens des muscles sont marqués plus forte- ment dans la tête de celui de Paris. La couleur et la transparence du marbre de la tête qu’on a con- fiée à M. Langer sont, à ce qu’il pense, ce quien fait les avantages. Le travail en est plus fini. La tête de Milan est d’un style moins noble que les deux autres; mais toules sont antiques , et aucune ne pa- roit être une copie de l’autre. Nous attendons avec impatience les observations que M. Langer promet de publier sur ces trois têtes. Plusieurs années d'études et d'enseignement sur le groupe, lui suggèreront, sans doute, des réflexions satisfaisantes. Il a été fait défense à Dresne, au docteur GALE, de recevoir des femmes parmi ses souscripteurs. Al paroît toujours continuer ses voyages dans linten- tion de généraliser sa nouvelle doctrine. De Dresde il se rendit à Torgau, où il visita, avec ses succès ordinaires, l'hôpital et la maison de correction. De Torgau il s’est rendu, par Weærlitz, à Halle, et de Halle à Jéna, où il a eu parmi ses auditeurs la du- chesse Anne-Amélie de Saxe- Weimar , qui étoit ac- compagnée du célèbre Wieland. S. E. le maréchal Berrurer a mis à l’ordre de l’armée, que l'intention de S. M. l'Empereur étant de donner aux savans une nouvelle preuve de sa protection, il prenoit sous sa sauve-garde l’Univer- sité de H:1DELBERG, ainsi que ses propriétés ; en conséquence, tous les corps de la grande armée et ceux de l’armée des alliés qui en font partie, sont L£ Nouvelles littéraires. 199 tenus de respecter et de garantir cet établissement et tout ce qui en dépend. Un habile médecin de Gærzirz,le docteur Srru- ve, membre de la Société d'humanité de Londres, vient d'inventer une machine dont l’utilité est d’ap- pliquer le galvanisme à distinguer la mort véritable de celle qui n’est qu'apparente. Il y a long-temps que l’on a découvert la grande force d'irritation du galvanisme et ses étonnans succès pour faire recou- vrer la vie aux personnes qui ont les apparences de la mort; mais au moyen de cette nouvelle machine que son auteur appelle l'épreuve de vie (Lebeusprüfer), et sur l’usage de laquelle il a publié un petit traité, il est à présumer que l’on obtiendra du galvanisme des secours importans pour l'humanité. M. Sersxen, habile opticien, a fourni à l’Obser- vatoire de LizrenrHaLz deux grands miroirs de téles- cope , dont il a perfectionné la forme. Ces miroirs, de quinze pieds et onze pouces d'ouverture, égalent en clarté et en netteié le miroir de treize pieds qu’on y admiroit, et même ont l’avantage de le surpasser de beaucoup pour la force de la lumière, lorsqu'il s’agit de grossir les objets de 1,600 à 2,000 fois. La Société allemande d'Hrzmsræpr a célébré, le 27 juillet, l’anniversaire de sa fondation. M. le professeur Brenow ouvrit la séance par un discours dans lequel il se plaignit avec raison, que dans au- cune université d'Allemagne il n’existoit une chaire à qui la langue et la litiérature allemande donnassent leur nom. M. Scamin-Puisezpeck prononca ensuite un discours sur le caractère moral et poétique de Schiller, tracé d’après ses écrits ; plusieurs'passages furent reçus du public avec enthousiasme , et con- firmèrent les espérances que ce jeune littérateur à déjà donnés de ses talens. 160 Nouvelles littéraires. La faculté de philosophie de l'Université de Frane- rorr-sUur-L'Oner, où M. Alexandie de Humsozp a fait ses premières études académiques, a adressé à ce cé- lèbre voyageur le diplôme de docteur, et dans ce diplôme elle à pris occasion de féliciter les sciences du retour heureux de M. de Humbold d'un voyage aussi périlleux que long, et des riches résultats de ses recherches. M. Georges-IF'olfsans-François Panzer, docteur en théologie et en philosophie, et pasteur à l’église cathédrale de Saint-Sebald à Nuremsere , vient de mourir à l’âge de 77 ans, à la suite de plusieurs attaques d’apoplexie. Ses travaux en littérature, et surtout en bibliographie, sont suffisamment connus et très-eslimés, non-seulement en Allemagne, mais aussi dans les pays étrangers , et son excellent carac-. tère lui a constamment assuré l’estime et l'amour de ses concitoyens. M. Panzer naquit à Sulzhach, dons le Haut-Palatinat, le 16 mars 1729. Les oc- cupations multipliées de sa place de pasteur d’une église très-nombreuse, qu’il a occupée pendant plus de 25 ans, ne l’empêchoient pas d’entretenir une correspondance trés-étendue , et de se livrer avec un zèle infaugable à différens travaux littéraires. Son fils, M. le docteur PAnNzER, Connu comme habile naturaliste, entre autres par son ouvrage sur les in- sectes (1), se propose de publier une biographie de son père. Celui-ci laisse une HN OtRÈqRE riche en ouvrages rares et précieux , en éditions anciennes et des pre- miers temps de l'imprimerie; enfin en ouvrages de tous les genres relaufs à l’histoire littéraire ancienne (1) Faunæ insectorum Germanicæ initia; Nüremberg , chez Felsecker. Il en a paru un grand nombre de livraisons, dont chacune coûte 54 kreutzer, environ 2 francs. hu et Nouvelles littéraires. 161 et moderne , et à toutes ses branches; une suite pré- vieuse des plus anciennes et des plus nouvelles édi- tions des auteurs classiques Grecs et Romains; une collection iconographique très-intéressante, formée avec autant de goût que de bonheur; en un mot une bibliothéque telle que peu de particuliers de sa fortune et de son état peuvent se vanter d’en posséder. On trouvera, dans lA{//emagne savante de, M. Meuse, la listescomplète de ses nombreux ouvrages; celui qui l’a surtout fait connoître dans les pays étran- gers comme grand bibliographe, est écrit en latin, et intitulé : Annales typographici , ab artis inventæ origine ad annum MD post Maittairir, Denisii, alio- rumque doctissimorum virorum curas in ordinem re- dacti, emendati et aucti; Norimberg. 1793 et 1794, 2 vol. in-4°. — Précédemment il avoit déjà publié, en allemand, quelques ouvrages sur la bibliographie, tels que: Ænnalen der æltern teutschen literatur, etc., c'est-à-dire, {nnales de l’ancienne littérature alle- mande , ou Indication et Description de tous les ou- vrages imprimés en langue allemande depuis l’in- vention de l'art de l'imprimerie, jusqu’en M DXX, Nuremberg, 1788, gr. in-4°.— Ælteste Buchdruker- Geschichte Nürnbergs , etc., c’est-à-dire, Histoire de l’Imprimerie dans les premiers temps à Nuremberg, ou Catalogue de tous Les livres imprimés à Nurem- bers depuis l’invention de l’Imprimerie jusqu’en 1500, avec des observations littéraires. Nuremberg, 1789, gr. in-4°., etc. Un prix d’une médaille d’or de cent écus d’em- pire, pour le meilleur plan d’une Ecole d'humanité à établir à Harsersrapr,et dans laquelledouze jeunes“ gens puissent être formés par deux maîtres, ayant T, VI, Novembre 1805. L 162 Nouvelles littéraires. été fondé par le testament du célèbre poëte GLernr, chanoine d’'Halberstadt, MM. Lucanus et Rosen- treter, qui en sont les exécuteurs, ont proposé à ceux qui voudront concourir pour ce prix les ques- tions suivantes : 1°. Comment doit-on organiser une École d'humanité, c’est-à-dire une École dont le but particulier est de cultiver l'esprit et le goût des jeunes-gens, de leur former le cœur, et surtout de développer en eux toutes les inclinations bien- faisantes ? 2°. Quels sont les ouvrages de littérature classique qu'il faut choisir de préférence pour leur éducation? 3°. De quelle manière faut-il se servir de ces ouvrages ponr qu’ils contribuent au développe- ment du sentiment du vrai, du bon et du beau? M. le professeur Esrrnazp de Halle! jngera les mé- moires. Ils doivent être envoyés avant Paques de l’année 1806 aux exécuteurs testamentaires à Hal- berstadt , et Le prix sera décerné à La Saint-Jean de la même année, AUTRICHE ET HONGRIE, Le comte Vincent Barrnyant'a fait imprimer un éloge funèbre du général Xray , qui honore égale- ment son cœur et ses talens oratoires. Cet éloge n’a point été mis en vente; l’auteur en distribue des exemplaires à ses amis. Il va paroïitra une nouvelle traduction hongroise de l’Enéide. M. Korars, en a déjà traduit les huit premiers livres avec assez de succès ; mais on lui reproche d’avoir employé pour cette traduction , au lieu de l’hexamètre, des vers rimés de quinze syllabes, où il n’a point observé les règles de la quantité. Ces vers ne représentent point l'esprit de l'original, et ne convienneht pas davantage au génie de la langue hongroise. Nouvelles littéraires. 163 Il a paru à Pesrm, en 1804, un roman intitulé : Nicolas Zrini'et ses bons @mis. C’est parmi les niou- veaux romans hongrois celui qui a été le plus dis- tingué. . M. Marrow a publié à Vienne un grand diction- paire hongrois et allemand; il se vend 8 florins.! Deux nouvelles gazettes politiques et littéraires, intitulées Europa, sont publiées en langue latine, l’une à Vienne, par M. Étienne Roseman, et l’autre à Presbourg, par M. le professeur Beznay. \ On ne sauroit assez louer les détails et l’exacti- tude de la première feuille de la Carte de Hongrie par M. de Lirszky , qui vient de paroître. Elle est sur une échelle de six dixièmes de pouce, pour un mille géographique de quinze au degré. MM. Prix- ner et Karats en ont très-bien exécuté la gravure. M. le professeur Scxepius nous fait espérer de nous donner bientôt une Géographie du royaume de Hongrie, et un Dictionnaire de ses écrivains ; et M. SemwarTNer ; professeur à Pesth , s'occupe d’une seconde édition de sa Séatistique de ce pays. Une traduction en vers hongrois des lyriques Grecs, Pindare, Alcée, Sapho, Stésichore, Ibicus, Anacréon, etc., vient d’être publiée par M. Fas- cHiCH, qui mérite par ce travail beaucoup d’é- loges. M. Koraginskr, auteur de l’Æ#las de Hongrie, doit en donner bientôt une nouvelle édition sous un format moindre que la première, mais beaucoup plus commode et plus complète. M. Geistinger, de Vienne, en est l’éditeur. M. Bredetzky en écrira la préface. ; RES 164 Nouvelles littéraires. Un nouveau Dictionnaire topographique de Hon- grie ; auquel travaille M. Korabinski, va aussi pa- roître incessamment. 1] sera d’une grande utilité, et pourra servir en quelque sorte d'explication à son atlas. M. Korabinski en avoit publié un à Pres- bourg , en 1786, de 858 pages, grand in-8°. sans les tables: : M. M. G. Kovacmiém, historien Hongrois avan- tageusement connu, annonce que s’il peut rassem-— bler mille souscripteurs, il publiera chaque mois un volume de trente feuilles des Scriptores rerum hungaricarum , et un volume de ses propres travaux. Il ne demande aux souscripteurs qu'un gros (envi- ron dix-sept centimes ) pour chaque feuille. La lettre suivante, de Raguse, a été insérée dans la gazette de la Cour de Vienne. « L'inoculation de la vaccine a enfin triomphéaci (à Raguse par, le zèle et les efforts de l’infatigable docteur Séulli, qui, sur les invitations réitérées du docteur Carro, de Vienne, a surmonté heureuse- ment tous les obstacles qu’opposoient les préjugés et l’insouciance. Le catéchisme rédigé par le doc- teur Carro , qui, après avoir été traduit en langue illyrienne, a été répandu dans la ville et dans la campagne, a déterminé un grand nombre d’habi- tans à adopter l’inoculation. La matière qui a été envoyée de Vienne a produit le meilleur effet. En peu de jours, le docteur Stulli a inoculé cent enfans, ce qui est un nombre considérable pour ce pays ; où dans les dernières années, et même en 1804, il est mort plus de trois cents enfans de la petite vé- role naturelle. Cette découverte fait aussi des progrès chez les Dalmates et les Tures ». | Nouvelles littéraires. 165 Les Allemands paroissent adopter, comme nous, pour leur théâtre le genre du mélodrame. On en a dernièrement représenté un sur le théâtre de Vienne, intitulé /« Vallée enchantée de Swetard, qui à ob- tenu un brillant succès. Cette piece est irès-bien montée, tant pour les décorations, les costumes, les marches , enfin pour tout ce qui constitue le mé- lodrame , et on peut assurer que les plus fameux ouvrages de la porte Saint-Maftin ne la surpassent d'aucune manière. POMERANIE. L'Université de Grerrswazve, dans la Poméranie suédoise , jouit de revenus considérables qui sont absolument indépendans du trésor et des différentes caisses publiques. Ceite heureuse indépendance y a facilité plusieurs heureuses améliorations qu’on a faites depuis quelque temps dans l’enseignement , pour le mettre au niveau du progrès des connois- sances ; Car , quoiqu'on soit très-dispo:é dans ce pays , ainsi que dans toute l’Allemagne et plusieurs autres contrées du Nord , à reconnoitre ce qu’il y a d’excellent dans les institutions anciennes , on n’est pas encore parvenu à croire que ces institu- tions n'étoient susceptibles d'aucune amélioration, et l’on y pense généralement que la masse des con- noissances acquises aujourd’hui étant en eflet plus considérable qu’il y a deux siècles, il faut done établir de nouvelles branches d’enseignement, et quelquefois diviser celles qui étoient établies an- .-ciennement. Parmi les dernières améliorations dont on se ré- 166 Nouvelles littéraires. jouit à Greifswalde, on cite surtout la construction d’une maison d'accouchement, l'établissement d’une école vétérinaire ,.et la fondation de six nouvelles bourses, pour des étudians peu fortunés, mais dis- tingués par leurs talens. Comme l’Université de Greifswalde possède déja un nombre suffisant de bourses, on auroit désiré que la somme de 600 rix- dalers destinée annuellement pour cette dernière fondation ; eût été employée pour des prix. Quant à l’école vétérinaire, elle doit servir non- seulement pour former des artistes vétérinaires, mais encore pour que ceux qui étudient l’économie et les différentes branches de cette science utile aient plus d’occasions de connoître et d'étudier les maladies des animaux, ce qui dans des places d’ad- ministration rurale leur sera fort utile. La maison et l’école d’accouchement seront sans doute d’une grande utilité pour le pays entier. Au surplus, on a aussi commencé à former, à Greifswalde, un ca- binet de modèles d’instrumens et de machines re- latifs à l’économie, et particulièrement à l’économie rurale : on a aussi établi une pépinière, et dans un bois situé à peu de distance de Greifswalde et ap- partenant à l’Université, on a établi une plantation darbres étrangers. PRUSSE. M. Bone, à Berri, vient de faire annoncer, par la voie des feuilles publiques, que le prix de 20 fré- dérics d’or, qui avoit été déposé entre ses mains, par un amateur d'astronomie, et devoit être adjugé à la fin d'août dernier, pour l’un des trois sujets Nouvelles littéraires. 167 suivans + Une découverte importante dans le ciel ; la solution d’un problème difjicile d'astronomie ; ou un mémoire intéressant sur celte science, n'ayant pu être adjugé, d’après l’avis des personnes les plus instruites dans cette science , à aucun des cinq mé- moires qui lui ont été adressés, le même prix est remis pour l’année prochaine, et est porté à 30 fré- dérics d’or. Un opticien nommé Moi, prétend avoir re- trouvé, à Berlin, le secret de Ja peinture indélébile sur verre. Le célèbre chymiste Klaproth a déclaré qu'il faudroit détruire le verre pour effacer l’ou- vrage de M. Molin. Cet artiste a fait l’essai de sa découverte sur des carreaux de vitre qui forment un des plus beaux ornemens d’un appartement , en même temps qu'ils répandent un jour extrèmement doux et agréable. M. Mrrkez, l’un des rédacteurs du Freymüthige , et partisan zélé du docteur Gall , a intenté à Berlin un procès, pour cause d’injures, au docteur Walter, qui ne l’a pas épargné dans sa brochure contre M. Gall. M. Merkel promet de rendre compte au pu- blic du succès de cette affaire. Russre. Le capitaine KRusENSTERN (1), commandant le vaisseau /a Nadesta; est arrivé an Japon sans avoir éprouvé la moindre avarie, ni avoir perdu un seul homme. M. de Resanof, qui moritoit son bord, y est arrivé en bonne santé. Ils ont été bien reçus des Japonais. (æ). Supré, t. L, p, 172 et 387 ; t. IV, p. 401. 168 Nouvelles littéraires. La petite comédie intitulée /a Femme colère, a été mise en musique par M. Boyrznreu, et jouée avec:succès sur le théâtre de l'Hermitage , et ensuite à Pétersbourg. On dit que la musique en est très- agréable. D'après le dix-septième cahier de l’ouvrage pé- riodique de M. Sroron, intitulé : La Russie sous Alexandre T, il y aura dans cet empire (en excep- tant tout le district de Wilna, et en ne comptant ni les universités, ni les académies, ni les écoles spéciales, ni les institutions militaires, et celles qui sont consacrées exclusivement aux femmes), 4g gymnases ou écoles de Httérature, et 453 écoles de district, dans lesquelles 1298 professeurs se livre- ront à l’enseignement. I’entretien de ces établis- semens s'élève à 961,480 roubles par an. Le premier novembre 1804, il y avoit en activité 11 gymnases (savoir, à Moscow, à Twer, à Pensa, à Smolensk , à Riga, à Dorpat, à Wiburg, à Kaluga, à Wladi- mir, à Tula et à Kostroma) et 7 écoles de district; savoir , celles de Moscow et de Riga (où il y a une école russe et une école allemande }), de la Staniza Tschirskaja , du pays des Cosaques du Don, de Dor- pat, de Werro et d’Arensburg. — L'école pour la noblesse de la Grusinie, à Tiflis, étoit aussi à cette époque en activité. — Plusieurs sociétés et particu- liers se sont empressés de contribuer aux progrès de V’instruction publique. Nous avons déjà eu occasion de citer plusieurs exemples. En voici quelques au- tres. La noblesse du gouvernement de #olynie s’est cotisée avec quelques corporations du même gou- vernement, pour fournir tous les ans la somme de 48853 fiorins de Pologne, destinés à améliorer et à étendre l’enseignement dans les écoles. La noblesse Nouvelles littéraires. 16g d'Olonez a résolu de fonder à ses frais, à Perro- sawodsk, une des villes de gouvernement, un pen- sionnat pour 12 jeunes nobles peu fortunés. La souscription s'élève déjà à plus de 1500 roubles par an. La noblesse du district de Starodub, dans la petite Russie, s’est engagée à fournir , dans l’espace de cinq ans , la somme de 26,938 roubles qui seront consacrés à l’entretien des écoles et d’autres insti- tutions d'utilité publique. La Société libre d’Eco- nomie à Pétersbours , envoie gratis à l'institut pé- dagogique de Pétersbourg, aux universités de Mos- cow, de Charkow et de Wilna, et aux gymnases de Kasan et de Jaroslaw, son nouveau journal, dont il paroît chaque mois un cahier, sous le titre de Recueil de connoissances relatives à l'Economie ( Sammlung wirthschaftlicher Kenntnisse). — Le conseiller intime Tschatskoi, visitateur du district des écoles de Wil- na, à qui le Gouvernement avoit alloué la somme de 2500 roubles pôur frais de voyage dans les an- nées 1803 et 1804, où il avoit été visiter les écoles, a fait présent de cette somme à l’université de Wil- na, qui l’a consacrée à servir de prix pour les étu- dians. ; Le voyage que M. Korarer devoit faire en Cri- mée n’a point eu lieu cette année; les fonctions de sa place à l’Hermitage ne lui ont point encore permis de s'éloigner. {1 s'occupe à présent d’un rapport sur son voyage de l’année dernière et de l’arrange- ment d’une collection très-considérable de pierres gravées , rapportées de France par le général Hitrof, et que l’empereur a achetées 30,000 ducats. Jai publié quelques-unes de ces pierres dans mon recueil de Monumens inédits , et je possède des des- sins et des empreintes des plus intéressantes. L'Ecole de Mirau, capitale de /& Courlande , à 170 Nouvelles littéraires. êté transférée en Ecole impériale d'arrondissement, Le 13 mars, M. Luruer, directeur des Ecoles du gouvernement de la Courlande, en fit l'inauguration ‘solennelle; il publia à cette occasion un programme dans lequel il a donné /e tableau de l’état dans Le- quel les Ecoles et l’Instruction publique se sont trou- vées jusqu'à présent dans le gouvernement de Cour- ( lande , et celui de l'Organisation nouvelle que l'Em- pereur vient de faire mettre à exécution. ITALIE. La nouvelle découverte que le docteur Francesco Pacourant, professeur à l'Université de Pise, a faite dans la chymie, nous paroît trop intéressante pour ne pas en communiquer à uos lecteurs quelques détails (1). Ce célèbre professeur annonce , dans une lettre datée du 4 mai 1805, à M. Lorenzo Pignotti, qu'il vient de faire une nouvelle expérience de chy- mie par laquelle il décompose l’eau au moyen de la pile de Volta, et en extrait de l’oxygène pur. Cette expérience procure de l'acide muriatique oxy- géné, et fait connoître les premiers principes ou élémens de l’acide muriatique, qui jusqu’à présent avoit résisté à tous les moyens que les chymistes avoient tentés pour le décomposer. Le docteur Pae- chiani conclut de cette expérience, et regarde comme une vérité incontestable, 1°. que l’acide muriatique est un oxyde d'hydrogène, et par conséquent qu’il est composé, ainsi que l’eau, d'hydrogène et d’oxy- gène; 2°. que Pacide muriatique oxygéné, et à plus forte raison l’acide muriatique, contiennent moins d'oxygène que d’eau ; d’où il suit que l'hydrogène (1) Suprà, t. IV, p. 437. Nouvelles littéraires. 17 a plusieurs degrés d’acidation, et non pas un seul, comme on le prétend. Un de ces degrés ADiLUE l’eau. Le degré qui est immédiatement au-dessous constitue l'acide muriatique oxygéné; au-dessous de celui-ci il y en a un troisième, qui consuithel acide muriatique. Le docteur Pacchiani a fait une seconde expérience analogue à la première, dont les résultats ont été d'extraire, d’un volume d’eau donné, de l’hydro- gène pur, et de s'être procuré de l’eau très-oxygé- née. Il engage les médecins qui sont occupés sans cesse à soulager l'humanité, à se servir de cette eau pour introduire dans la circulation le gaz oxygène, regardé généralement comme un remède très-efli- cace dans plusieurs maladies, et principalement dans celles de la peau. Les Beaux-Arts ont encore à gémir sur la perte d’un peintre estimable, celle du jeune HARRIET, qui vient de mourir à Rome, après une cruelle mala- die. Voilà, en peu de temps, trois jeunes artistes de la plus grande espérance enlevés à la France à la fleur de leur âge. L’un est AnprorT, musicien; le second Æ/phonse GovarD de la VERNIE, peintre; et le troisième Harrier, élève de M. David. L'exposition des morceaux de peinture, sculpture et architecture des pensionuaires de l’Académie de France, a eu lieu a Rome dans la grande salle de la Villa-Médicis. La partie la plus riche, cette année, r'Arcrrrec- rurt, offre les dessins de restaurations de beaucoup de monumens antiques, tels que les temples de esta, de Mars le Vengeur, de la Fortune Virile, de l Arc de: Trajan , à Bénévent, du tombeau de Cecilia WMe- 172 Nouvelles littéraires. tella, et, en outre, les dessins de projets d’archi- tecture moderne, savoir, des palais pour l'Æmpe- reur; des Hôpitaux militaires, des Bibliothéques , des places publiques, des Musées, etc., etc. Les sculpteurs ont fourni beaucoup d'objets. M. CazamarDp a exposé le modèle en plâtre de la sta- tue de l'Empereur nu, tenant un rameau d’olivier, et le Parazonium ; un modèle de l’Innocence , et des bustes. M. Marin, un bas-relief pour le tombeau de madame de Montmorin, et sept médaillons sus- pendus au haut du bas-relief. Madame de Mont- morin est représentée au moment de mourir, et priant Dieu de rejoindre son âme à celles de ses frères et sœurs, morts dans et par la révolution, avec cette épigraphe latine de M. de Châteaubriant : Quia non sunt. Plus, un modèle grandeur naturelle, d’un Té- lémaque pasteur en Égypte, et des hits M. Du- PATY, un Philoctète plus grand que nature, au mo- ment où sa plaie se rouvre; le buste de la mère de l'Empereur; une Vierge pour monseigneur le car- dinal Fesch , et quelques autres objets. M. Mouron, un groupe de Thésée enlevant le reine, des Ama- zones. La peinture offre peu d'objets, par la mort de MM. Goparo et Harrier. M. On4y , un tableau, figure académique, Entellus victorieux de Darès, au moment où il emporte Île taureau, prix de sa victoire; ce groupe est très-bien peint, mais c’est une réminiscence de l’Alexandre domptant le Bucéphale, qui orne l’obélisque de Monte Cavallo., Un: autre tableau de M, Godard, représente Roland le Furieux déracinant un arbre; cette figure est supérieurement peinte, ainsi qu’un autre de ses tableaux, Ulysse de retour à Tthaque, et se faisant connoître en Nouvelles littéraires. 173 tendant un arc que lui présente son fils en présence des amans de Pénélope. Un autre grandissime tableau non terminé, est d'Harnier ; il représente Horatius Coclès, arrétant les Étrusques sur le pont Sublicius. Les objets ter- minés sont d’un dessin et d’une couleur admirables, et dignes du plus grand artiste. Jugez de l’étendue de cette machine pittoresque par le nombre de fi- gures , le seul premier plan en offre plus de 40 grandes comme nature. Ce grand ouvrage double les regrets des artistes, et lui tiendra lieu d’oraison fu- nèbre, M. Guérin a beaucoup voyagé, et il n’exposera rien. [Il m’a fait voir un tableau de chevalet, re- présentant une Idylle de Gessner ; ce sont deux ber- gers -assis à l’ombre , auprès d’un tombeau élevé sur le bord d’un ruisseau, qui écoutent avec la plus grande attention le récit des grandes actions du per- sonnage à qui le monument est élevé, et que leur raconte une jeune bergère qui est venu chercher de l’eau. La vérité des expressions, la correction du dessin , la sagesse de la composition, justifient la célébrité de cet aimable et modeste artiste. GXE, ESPAGNE. On écrit de Malaga que M. Bey, l’un des mé- decins envoyés en Espagne par le Gouvernement français pour étudier la nature et les symptômes de la fièvre jaune, s’est rendu directement à Malaga, réputé le foyer de cette maladie, a conféré avec les gens de l’art, a interrogé ceux qui en ont été at- teints l’année dernière. Sur quelques bruits d’une fièvre qui se manifestoit à Carthagène, M. Belly s’est aussitôt transporté dans cette ville, et s’est assuré 174 Nouvelles littéraires. par lui-même qu’elle n’avoit rien de contagieux: Comme il entend parfaitement l’espagnol, et qu’il a été médecin ‘en éhef de l’armée française à Saint- Domingue, on ne doute pas qu'il ne recueille de bonnes observations sur la nature de ce fléau redou- table, et sur ses effets comparés en Amérique et en Europe. L’Académie.royale de médecine de Madrid, qui étoit en vacances, s’est assemblée extraordinaire- ment, le 22 août 1805, sous la présidence de D. Antonio Franseri, médecin de la maison de S. M.C., membre du conseil suprême de santé et du Saint- Office, etc. D. Zonazio Ruiz de LvuzurrAcA, secrétaire de l’Aca- dérnies, a lu un discours, dans tell | après avoir annoncé à l’assemblée la présence. de médecins fran- cais, MM. Drscernerres et Dumérrx, il a rendu compte de l’objet de leur mission en Espagne , analysé leurs écrits, et rappelé les services qu’ils ont rendus aux sciences , à la patrie, à l’humanité : il a conclu à leur admission comme associés étrangers à lAca- démie ; ce qui a été de ‘suite unanimement arrêté. MM. Desgenettes et Duméril , en remerciant l’A- cadémie de l’honneur qu’elle vouloit bien leur faire, lui ont offert, au nom de l’Ecole de Médecine de Paris, l’une des plus. belles médailles de M. Duma- rest, représentant la tête d’Esculape, et, au revers, l’exergue : Ecole de Médecine de Paris , entourée du serpent d'Epidaure. INDE. Les progrès de la vaccination paroissent être aussi prodigieux aux Indes orientales qu’en Europe. Le Nouvelles littéraires. 179 gouverneur a sommé, par un avis public du 19 janvier 1803, les Européens et les Nationaux, qui sont soumis à la présidence du Fort-Saint-George, de profiter du_bienfait de cette découverte si salu- taire. Il résulte des rapports officiels du bureau de Médecine, que, dans l’espace de dix-huit mois, cent quarante-cinq mille huit cent six personnes ont été inoculées avec succès : le prince (Rajah) de Tanjore protège de tout son pouvoir la vaccination, et le Dewan de Tranvancore n’a point craint de s’y sou- mettre. AFRIQUE. D’après des lettres de Londres, M. Muxco-Parx dk s! A! ,. 4 x est arrivé dans l’île de Gorée, d’où il cherchera à pénéter dans l’intérieur de l’Afrique. On n’a pas encore recu de nouvelles du voyageur HorNEMANN, et on craint généralement à Londres > s 0 . r = , 2 qu'il soit tombé dans l'esclavage de quelque peu- plade de l'intérieur de l’Afrique. Le 4 mars de cette année, M. SEETZEN étoit en- core à Æ/ep, d'où il se proposoit de partir sous quinze jours pour Damas , de se rendre ensuite en Egypte, et de pénétrer de là dans l’intérieur de l’A- frique. FRANCE. Le professeur Comozzr, qui fournit tous les jours des preuves de talent dans Jart de la sculpture, vient d’être chargé de l'érection d’un monument à la mémoire du célèbre poète Alfieri, pour les frais duquel les habitans de la commune d’Asti, chef- 176 Nouvelles littéraires) lieu d'une des provinces les plus riantes du Pié- mont, ont fait une souscription. Ce monument eon- siste en une colonne de granit qui sera placée dans la salle d'audience de la mairie, et surmontée du buste du Sophocle Italien. La Société des sciences , Belles-Lettres et Arts de Bororaux , dans sa séance du 5 de ce mois , a pro- posé la question suivante : « Quel est le moyen le plus » sûr de soulever les corps submergès à une profon- » deur déterminée, quelle que soit leur pesanteur , » dans un endroit où le flux et le reflux se font sen- » tir.» Le prix, qui sera décerné en thermidor an XV, sera une médaille d'or de 600 fr. — La mème So- ciété a propose pour sujet d'un prix de la valeur de 300 fr. , « de déterminer quels seraient les meilleurs » bois indigènes qu'on pourroit substituer au chène, » pour les douves de merrain. » Le premier germi- nal an XIV est le terme de rigueur pour l'envoi des mémoires. La Société de médecine de Marseteze , d'après l’au- torisation de M. le Conseiller-d'Etat Préfet , a tenu une séance publique dans la grande salle du Mu- séum ; M. Sreaup, président, a prononcé un dis- cours sur l’état de la médecine en France, au com- mencemment dus dix-neruvième siècle. M. Sevx , secrétaire perpètuel, a lu le rapport des travaux de la Societé en l'an XITE, et celui de sa correspondance, qui a êté beaucoup plus étendue que dans les années précèdentes. M. Vipar a lu un mémoire sur l'utilité de la mé- decine. d M. Lapnte , secrdtaire de la commission des épidé- mies , à lu le rapport des travaux et de la cerrespon- dance de cette commission , avec les pays où il a ré- à gué D PE - EE en LT NT ENT tué Le. a où La fièvre jaune a fait des rar ages. _ ML Nuez, secretaire du comité de vaccine , a lu Le rapport du travail de ce comité ; quatre cents enfans . ont été accinés gratuilement et préservés , par ce moyen , des ersipleset des dangers de La petite vé- role M. Sevx a prononcé l'éloge du docteur Bovce, ex- | de la Société. _ PL Varewnis à lu un troisième fragment de son voyage médical en Angleterre, aa préutemps de 1803 : il à été entendu avec beaucoup de plaisir. M Asrovx à fait la lecture d’une notice qui à fait connoître Pacrion de plusieurs r rédctifs sur Le gallate de fer. La Société n'ayant trouvé aucun des mémolres qui lui ont été adressés, pour le concœurs de l'an XII , digne d’être couronné , a cependant distin- gué celui eoté me. 3, isitelé : Topographie médi- D LL AU à lis, à x octé/de le mestionner honorablement dans ses registres. Elle a délibérée dans sa séance du 5 vendémiaire an XIV, de remettre Dans Îs séances publique de 15 septembre 1806, il . sera décerné un prix de La valeur de 120 fr. à Fauteur qui saura le mieux traité cette question. Les mémoires me doivent point porter le nom de l'auteur$ mais ST, Aorsmbre 1803. M 178 Nouvelles littéraires. perpétuel de la Société de médecine, à Marseille, avant le 15 juin 1806. M. Cacauzr, sénateur, et ci-devant ambassadeur à Rome, est mort, le 18 de ce mois, à sa terre de la Madeleine , auprès de Nanres, dans la 62°. an- née de son âge. Il avoit, depuis 30 ans, rassemblé à grands frais une nombreuse collection de tableaux, quelques statues et bustes de marbre, des copies en plâtre et en terre cuite, et une suite de gravures, depuis le commencement de l’art jusqu’à nos jours. IL avoit fait construire un local immense, composé de quatorze salles, où Loutes ces richesses étoient ex- posées et rangées par les soins de son frère, peintre d'histoire. M. le sénateur Cacault avoit d’abord été professeur à l'Ecole militaire ; il publia alors une iuduction des poésies de Ramler. Il a été au com- mencement de la révolution secrétaire de légation à Naples, et ensuite ambassadeur à Rome. II s’étoit dis- tingué dans la carrière diplomatique , eten lélevant aux premières places, de l’état , le gouvernement lui avoit donné tout à la fois des preuves de son estime et de sa munificence. L'un des habitans de Tourouse , qui cultive avec le plus de succèsles sciences et les lettres ; M. de Pux- MAURIN, vient dé faire présent au Musée de cette ville, d’un morcéau d’antiquités extrèmeément pré- cieux. C’est un marbre de 3 décimètres 6 centimètres de haut sur 3 décimètres 19 centimètres de large. On y voit trois figures en bas-relief. T/une, au milieu, représente un Vieitatd donnant la main à un jeune homme qui est devant lui; de l’autre côté est une jeune fille qui porte à la bouche lindex de Ja main droite. Au- dessus de ces trois personnages, on lit : £ZITIN@APOZ , EYBOYAOE , BOYAHTH. IL seroit :inté- Nouvelles littéraires. 179 ressant de publier un dessin de cet ancien monu- ment. M: Raynouard, auteur de la Tragédie des Tem- pliers , a été nommé par le sénat , membre du corps législatif, pour le département du Var. On a découvert , il y a quelques mois, à Besan- con, trois statues en cuivre , d'environ six pouces de haut; la description qu’on en a donnée dans les journaux ne sauroit suffire pour les déterminer; ainsi nous nous abstiendrons de dire ce qu’elles repré- sentent. On vient dé trouyer à Pouilly-sur-Loire un pavé de mosaïque, dont uné portion est encore très-bien conservée. Le laissera-t-on dégrader comme tous les autres, tandis qu'on pourroit recueillir ces monu- mens nombreux dans les Gaules pour en parer nos Musées. Notice des travaux de la Classe des Beaux-Arts de l'Institut national , pendant l'an XIII , lue dans la séance publique du 6 vendémiaire an XIV, par Joachim Le BRETON. Les écoles des Beaux-Arts , à Rome et à Paris, sont le principal objet qui occupe la Classe. Les membres qui la composent ne me pardonneroiïent pas de vous entretenir deux et de leurs pensées , avant d’avoir satisfait à cet intérêt premier que leur inspirent les ‘grandes écoles des arts, et que sans doute vous par- tagez. C’est là qu'est le germe déjà développé des ta- lens qui doiveut soutenir en France l'éclat des Beaux- Arts; là, sont nos plus chères espérances. Quand Ja Classe n’a rien à demander pour ses écoles, 180 Nouvelles littéraires. elle suit d’un œil attentif, avec le sentiment de la sol- licitude maternelle, les progrès des élèves , la marche de l’instruction , les effets des moyens d’émulation. Elle améliore et rectifie ce qui dépend de ses attribu- tions; elle avertit ou sollicite l'autorité administra- tive, dont elle n’a point encore éprouvé de refus, mais à qui elle doit plusieurs bienfaits pour les arts. Dans l’école de Paris, la Classe a fait cette année un changement qui peut contribuer beaucoup au progrès de la sculpture. Depuis l'établissement de l’Académie de France à Rome, sous Louis XIV, l’on n’a fait concourir pour le grand prix de sculpture , que sur des bas-reliefs. Cependant ce genre de scul- pture n’est ni le grand but défl’art , ni le plus utile. 11 ne présente qu’une partie des difficultés, et il faut que les élèves soient exercés sur toutes. Mais comme leurs études les plus habituelles doivent se diriger vers le moyen qui leur obtient les grands prix et l’innappréciable avantage d’aller à l’école de Rome , il est naturel qu'ils s'appliquent plus particulière- ment aux bas-reliefs qu'aux figures de ronde -bosse. La Classe venoit de charger une commission de lui présenter des modifications pour ce concours , lorsque M. Chaudet a développé , par des observa- tions appuyées sur des faits , les points de vue qu’on s’étoit proposé d'examiner. Cette Commission, com- posée de MM, Fincent, Moitte, David, Roland et Chaudet, a été d'avis, et la Classe a arrêté de don- ner, à l'avenir, pour sujet du grand concours de sculpture, soit une figure de ronde - bosse, d’un mètre de proportion , soit un bas-relief, avec une tête de ronde-bosse à faire en outre. Elle a déterminé aussi que le concours de l’an 1806 seroit une figure de ronde-bosse. L'utilité de ce changement n’est pas douteuse. Ce- - Nouvelles littéraires. 181 DS pendant c’est toucher à un usage ancien. Seroit-il possible que le vieux temps ait eu tért? qu'il nait pas mieux vu, ni tout vu? Cest peut-être de quoi embarrasser certains sages. Aureste , voici une compensation : lan dernier, le ministre de l’intérieur rétablit un ancien usage dont l'utilité sera sentie aussi universellement : les pen- sionnaires de l’école de Rome étoient tenus d'envoyer tous les ans à l'Académie de peinture et sculpture, ainsi qu’à celle d’architecturé , les travaux d’étude qui leur sont prescrits. Le ministre a ordonné, par arrêté du 29 messidor an XIT, de soumettre ces tra- vaux à la Classe des-Beaux-Arts, afin qu’elle les juge, et qu'elle fasse au directeur de l’école les obser- vations qui seroient utiles aux pensionnaires. Le mème directeur doit prendre les mesures nécessaires pour que ces ouvrages arrivent avant la tenue de notre séance publique , et changer en conséquence l’époque de l'exposition des travaux des pensionnaires qui se fait, le premier septembre , au palais de France. L’exécution de ce sage arrêté devoit commencer cette année. La translation de l’école dans l’ancien pa- lais de Médicis, a causé des dérangemenset desretards qui cesseront avec cette cause. Néanmoins M. Suvée, directeur très-zélé de cet établissement, a tâché d’y suppléer», en nous adressant le compte annuel des travaux de l’école. Il ne nvest parvenu que depuis peu. de jours, et n’a pas pu être communiqué à la Classe. Je regrette , pour l'intérêt de cette séance, pour la justice à rendre aux pensionnaires de l’école, et à l'artiste estimable qui l’administre, que ces renseignemens ne soient pas arrivés plutôt. Je me bornerai à y prendre quelques faits d’un in- térêt plus général : j’annoucerai que M. le directeur a obtenu de S. S. Pie VII, la permission extrême- 102 Nouvelles littéraires. ment difficile de faire reconnoître et étudier le temple de Mars vengeur, dont les ruines se dérobent aux regards profanes, dans un monastère de reli- gieuses , d’une très-rigide observance. MM. Gasse ; frères jumeaux , et d’une famille qui semble en pos- session de remporter , chaque année, des couronnes dans cette solennité, ont profité de la faveur du Pape pour restaurer le plan de ce temple antique, et de tout le forum d’ Auguste où il étoit placé. Ils sont parvenus à reconnoitre l’ensemble du temple , une grande partie de l’enceinte du forum , et à en faire des dessins très-détaillés. Il est heureux que ces. jeunes artistes aient igno- ré, probablement , qu’un ancien pensionnaire, M. Combes, aujourd’hui correspondant de l’Institut, obtint, en 1785, la même permission , entreprit le même travail; qu’il restaura le temple de Mars vengeur, sur toutes ses faces, en dressa les plans, coupes, élévations et détails , qu'il envoya en vingt dessius à l’Académie d’architecture. Mais que sont devenus ces dessins, dans le bouleversement des Académies ? D'ailleurs, il seroit toujours d’un grand intérêt de connoître les travaux et l’opinion de MM. Gasse, qui reproduisent, à vingt ans de dis- tance, ce monument. Un autre pensionnaire architecte, M. GRANDIEAN ; a découvert aussi , au moyen de fouilles faites à ce dessein, dont une de 20 pieds de profondeur, les voûtes des chambres sépulcrales du tombeau de Cecilia Metella, sur la voie Appienne. Il a dressé la res- tauration de ce monument , l’un des plus intéres- sans qui soient restés des anciens. Ses dessins el ses recherches en donneront une idée beaucoup plus exacte que celles qu’on en avoit. M. Coussin a reconnu de même la partie inférieure, Nouvelles littéraires. 183 entière, du petit temple circulaire, dit de Fesza, sur le bord du Tibre , partie que Desgodets a omise dans ses édifices antiques. C’est à regret que je m'ar- rête, mais yous serez dédommagés une autre fois, ‘et vous verrez que la sculpture et la peinture w’ont pas moins bien mérité de leur art, Un outre avantage pour les écoles, et que nous annoncons avec plaisir, c’est que S. E. le ministre de l’intérieur vient de donner des ordres pour le dé- part de ceux qui ont remporté les grands prix, l’an dernier : nous espérons pouvoir, l’an prochain , fé- liciter les arts du rétablissement de l’ordre régulier d'envoyer, chaque année, à l’école de Rome, des pensionnaires. Ce sera pour tous les artistes un grand motif de joie et de reconnoissance : car ils gémis- soient de cette suspension et des longs retards qui séparoïent trop souvent l’honneur des grands prix de leur réalité. Les élèves qui les obtiennent, après six mois de concours, passent de l’énergie des eflorts à l’exalta- tion de la gloire et du bonheur. S'ils alloient aussi- tôt à Rome, comme ils le devroient, l'aspect de la terre classique et de ses monumens , leur donneroit un nouvel élan. Mais lorsque le but s'éloigne, quand ils l’ont touché, et qu'ils ne l’apercoivent plus que dans le vague, les ressorts de l’émulation se dé- tendent , le découragement arrive, le désir de voir l'Italie s’afloiblit : bientôt ils ne demandent plus à partir; il s’en trouve même qui s’y refusent. Legrand prix les a fait sortir des rangs des élèves; ils n’y veulent plus rentrer. Ils anticipent leur réputation adolescente , au lieu de la laisser croître et se forti- fier, et dans très-peu de temps, l’on est étonné de ne reconnoître en eux ni les talens qu'ils avoient déjà, ni même leurs dispositions, ni la bonne di- 184 Nouvelles littéraires. rection dans laquelle ils étoient. Si je pouvois citer les exemples que les maîtres comptent , dans le deuil de leur ame , on seroit frappé du nombre et de la grandeur des pertes que font les arts par cette seule cause. Parmi les objets particuliers qui ont mérité l’exa- men de la Classe, sont les fouilles que M. Lanou- cETTE, préfet du département des Hautes-Alpes , a fait faire avec beaucoup de zèle et de succès à Laba- tie-Mont-Saléon. Le résultat de ces fouilles a été mis sous les yeux de la Classe, soit en nature, soit en dessins. Le mémoire très-circonstancié de M. Ladou- cette , ayant été inséré dans le Magasin Encyclopé- dique (1), me dispense d’entrer dans d’autres détails, et je me bornerai à rappeler que la Classe des Beaux- Arts crut devoir solliciter l’interêt du ministre , pour que le. fruit et les espérances de ces fouilles ne soient pas abandonnés. Nous devons présumer que notre zèle et celui de M. Ladoucette auront de nouveaux succès. Une des antiquités trouvées dans ces fouilles , a fourni à la sagacité savante de M. Visconrr, le sujet d’une dissertation très - intéressante, mais qui n’est pas susceptible d'extrait. Elle sera imprimée dans nos Mémoires. M. Janin, doreur, a° soumis à la Classe des sciences physiques et à celle des Beaux - Arts, un mémoire contenant ses procédés pour dorer sur bois, et les perfectionnemens qu'il croit avoir apportés dans ce genre de dorure. Les résultats de l’examen du mémoire, des procédés et des échantillons de M. Janin ont été les mêmes dans les deux Classes, et ils lui sont favorables. Il paroît avoir donné plus de so- lidité à la dorure sur bois, et l’avoir surtout. beau- {1) Année 1805, tome IL, page 18. 2 Nouvelles littéraires. 185 coup préservée de l'influence de l'humidité qui la dé- truit si rapidement. M.Ararp nous a présenté un instrument modeste, mais utile, nommé béyeau. Il sert à prendre les angles pour la coupe des pierres. La Section d’archi- tecture a reconnu qu’il a été simplifié et très-perfec- tionné par M. Alard. Les résultats ne sont point aussi précis , quand on a des théories à examiner. En musique le champ des systèmes est vaste, profond , et n’est pas entièrement nivelé , on le fouille, pour y faire des découvertes, ou pour l’aplanir. Le ministre de l’intérieur, par interim, M. Portalis avoit invité la Classe à examiner un système nouveau de musique , par M. Crespet. L'on sait que le géomètre et le physicien ont desdroits sur la musique, comme science, et que le praticien, sans les leur contester, prétend non - seulement y échapper, mais être même obligé de s’en affranchir. M. Crespel a essayé de concilier les uns et les autres, et il se flatte d’y être parvenu par un système mixte qui tient des deux sciences et de Part. Sa principale idée consiste à régulariser la gamme, en la compo- sant de deux tétracordes semblables. M. Crespel ayant médité son systeme en géomètre, en physi- _cien et en praticien, la Classe des Beaux-Arts a in- vité celle des sciences physiques et mathématiques à lui adjoindre un de ses membres ; M. Charles à été iommé, et les commissaires réunis, après avoir examiné le système, avoir fait des observations et des objections à M. Crespel, qui n’a paru etfrayé d'aucune, pas même de la crainte qu’on lui a témoi- gnée que la régularité de sa gamme ne füt renversée au milieu des mouvemens rapides de la modulation, -les commissaires , dis-je, ont conclu qu’il faudroit des expériences coûteuses , pour achever d'éclairer 186 Nouvelles littéraires. sur son système, d’une manière démonstralive ; mais en même temps ils ont manifesté de l’estime pour les lumières et les idées de l’auteur. Celles-ci ont paru nouvelles , et les expériences curieuses. L'examen de la manière de graver la musique, par M. Grassaz , a donné absolument le même résultat. AL y à plus de génie inventif dans les machines de ce dernier, Elles ont intéressé beaucoup la commission, qui a témoigné le désir de voir leur auteur parti- ciper aux encouragemens dus au génie dirigé vers un but utile. l’un de ses moyens consiste à former une planche solide qui imprime en relief, et qui peut tirer quarante mille épreuves, sans que la blan- cheur du papier soit altérée par la planche. Mais la question principale est celle du politypage, dont on contesle encore les principaux avantages , pour l’im- pression de la musique. En suivant l’ordre des matières, je rappellerai les lectures par lesquelles M. Framert , correspondant , a intéressé la Classe. Elles perdroient à à être analy- sées dans l’espace étroit qui me circonscrit. Je les indiquerai seulement. M. Frameri a lu des observa- Uons sur lPaccompagnement qu’on appelle figuré dans la musique dramatique; d’autres observations sur la manière dont on aimela musique en France, et sur l’état de l’art dans le 18°. siècle; un examen comparé de la musique des deux opéras de Camille, l’un par M. Paër , et l’autre par M. Daleyrac. Enfin cet ingé- nieux et zélé correspondant nous a provoqués à de- mander des renseignemens à M. le Préfet du départe- ment des Hautes-Alpes, sur une danse et un chant présumés celtiques, qui s’exéeutent, une fois l’an- née, dans un villagé près Briancon , à la fête patro- nale de Saint-Roch. M. le Préfet a eu la complai- sance de nous envoyer une description des figures Nouvelles littéraires. 187 de cette espèce de pyrrhique, qui est en effet très- curieuse. Quant à l'air noté , il ne présente rien d’intéressant, ni même aucun caractère d’antiquité. M. Heurrier, frappé, comme les bons esprits, des défauts de raisonnement que présentent trop sou- vent les productions des arts , a lu des observations par lesquelles il s’est proposé de remonter à la source du mal, et d’en indiquer le remède. IL va lui-même vous en offrir un précis. Le beau idéal dans les arts , est une des questions qui a été controversée dans tous les temps, ce qui prouve qu’elle est difficile à fixer, et peut-être aussi qu’on ne s’est pas bien entendu. M. Vincenr l’a trai- tée relativement aux arts du dessin , avec beaucoup de développement. Mais les lectures de son mémoire n'étant point achevées dans la Classe, il appartient plus particulièrement aux travaux de l’an prochain. M. GIBEuIN , correspondant, a examiné plusieurs monumens anciens dans les environs d’Aix, et il a proposé à la Classe d’en faire mouler quelques parties qu'il seroit très-intéressant de réunir aux précieuses coHections formées à Paris; cette vue utile à l’art, a paru mériter d’être communiquée et recommandée à S. Exec. le ministre de l’intérieur. Le grand prix de gravure en pierres fines a' été dé- cerné pour la première fois. Il est dù à Sa Majesté l'Empereur et Roi. La Classe des Beaux-Arts à cru devoir en consacrer l’établissément et sa reconnois- sance. En conséquence elle a donné un sujet qui ex- prime l’une et indique l’autre : c’est le génie de la gravure offrant une pierre gravée à S. M. l'Empereur et Roi , qui lui donne une couronne de laurier. Dans le champ de la pierre est cette inscription : 4 IV4- POLÉON , Empereur et Roi. Premier grand prix de gravure, en pierres fines, 1805. De cette manière, . 188 Nouvelles littéraires. la gratitude de l’art est attestée à la postérité par le bienfait lui-même (1). La Classe a fait deux grandes pertes, par la mort de M. Julien, lun de ses membres, et de M. Gu- glielmi , associé étranger. Ils ont été remplacés par MM. Chaudet et Saliéri. M. Marvuglia, architecte à Palerme, a succédé à M. Calderari , de Vicence, aussi associé étranger et architecte. MM. Zingarelli , maître de chapelle du Vatican; de Rossi, directeur de l’Académie de Portugal à Rome ; don Francesco delle Vega, directeur du Muséum de Portici; Ome- gank, peintre à Anvers; André Tagliafichi, archi- tecte à Gênes, et Rosaspina, graveur à Bologne, ontété nommés correspondans. Il n’a point paru de grands ouvrages nouveaux dans les arts pendant l’année. Ceux que nous dési- gnâmes l’an dernier , comme ayant mérité l’intérêt de la Classe, se sont continués avec le même succès ; savoir : la magnifique description du Musée Napoléon de M. RomirLarn-PÉRON VILLE, qui nous forme des graveurs; l’ouvrage intitulé Paris et ses Monumens , par M. Barraro; la Description des liliacées et du jardin de Malmaison; par M. Renouté, l'aîné; les grands prix d'architecture publiés par MM. Drrour- NELLES, VAUDOyER et ALLAIS; la Wie des peintres célèbres , avec leur œuvre gravé au trait, par M. Lanpow,; l’Anatomie du gladiateur, par M. SazvacE; et en théorie savante, les 4°, et 5°. livraisons de l’Art de bâtir, par M. Ronpezer, architecte du Panthéon. Mais ce qui encouragera plus les arts, que des chefs-d’œuvres, ce qui présage leur éclat, c’est l’achè- vement et l’agrandissement de leur temple. Il y a deux ans que nous gémissions de cette tribune, sur (1) Suprä. t. V, p. 194 et 416. Nouvelles littéraires. 189 les ruines de ce monument non achevé qui accusoit la France, en honorant le génie français; sur ce Louvre qui imploroit vainement un toit, depuis un siècle et demi. Six mois de travaux magiques auront plus fait cette année que des siècles. L'Empereur et Roi aura réparé la honte de plusieurs règnes. Finir le Louvre , est un des plus beaux titres de gloire qu'il ait pu choisir. Mais le consacrer au dépôt général des connoissances humaines, c’est créer un monument plus auguste ; éest y fixer les respects du Monde; c’est prouver que jamais les lumières de L'esprit ne furent mieux appréciées; que les amis de la raison s’étoient trop hâtés de nd ; c’est déclarer com- bien sont insensées les espérances de ceux qui comp- toient déjà sur les ténèbres, et s’en font les dignes ministres. LEBRETON. ” La classe de la langue et de la littérature fran- çaises de l’Institut a prononcé, sur le concours de poésie de cette année. Le prix a été donné unani- mement à une pièce sur l’indépendance de l’homme de lettres. L'auteur est M. de Millevoye. L’accessit a été obtenu par une autre pièce sur le même sujet , dont l’auteur ne s’est trouvé désigné que par les lettres P. C. Les fondateurs de l’Æfhénée de Paris s’empressent d’annoncer aux amis des sciences et des lettres que les cours de la 21°. année vont être incessamment ouverts. Les savans distingués qui, depuis l’époque de sa naissance, sont en possession de l’illustrer par leurs talens et leurs lumières, ont tous pris l'engagement d’y continuer leurs instructives leçons, et de re- doubler de zèle et d'efforts pour lui acquérir de “ 190 Nouvelles littéraires. nouveaux titres à l'estime et à la bienveillance pu- bliques. De son côté, l'Administration croit pouvoir se Îlatter de n’avoir rien négligé pour augmenter les jouissances de MM. les Souscripteurs; et on jugera par lPétendue et la variété du plan d’études qu'on va présenter, par les changemens utiles qui y ont été faits, et par les heureuses acquisitions dont Péta- blissement s’est enrichi, que c’est avec quelque droit qu’elle espère que cette nouvelle session répondra pleinement à leur attente. { Deux grandes divisions, dans lesquelles seront distribués quinze cours complets et suivis, com- poseront l'enseignement de la 21°. année athé- néenne. Voici quel sera l’ordre des cours : Physique expérimentale, par M. Bior, membre de l’Institut. Chymie, par MM: Fourcroy, membre de l’Ins- titut, Conseiller d'État, et THÉNART, professeur au Collége de France. “Anatomie. par M. Sue, médécin en chef de l’'Hô- pital de la gardé impériale. Physiologie, par M. Ricurran», chirurgien-ma- jor dé la garde de Paris. Hygiène, par M. Esparon, docteur en médecine. Histoire Naturelle, par M. Cuvier, membre de l’Institut. Botanique, par M. Mirsez , directeur du jardin de Malmaison. Géographie, par M. Duczer. Technologie , par M, HassENFRATZ , ingénieur des mines. Littérature française, par M. Vicés , homme de lettres. Nouvelles li tiéraères. 191 Tistoire littéraire moderne, par M. Gneurxé, membre de l’Institut. . Histoire des Arts chez les anciens , par M. Mirzx, membre de l’Institut. Grammaire générale , par M. Sicarp, membre de l’Institut. Langue anglaise, par M. Roërrrs. Langue italienne, par M: Bornowt. La 21°. année athénéenne commencera le premier frimaire an XIV ( 22 novembre 1805); ét finira le 30 novembre 1806; Quelle: que soit la date de la sous- cription , ces époques en Fit “Léo invariable- ment la durée. Une séance générale d'ouverture aura lieu le*4 frimaire, et tous les Cours ouvriront successive- ment ; ils se continueront sans interruption, le di- manche excepté, jusqu'a l’époque de leur expira- tion. L’Athénée est ouvert tous les jours, depuis neuf heures du matin, jusqu’à onze heures et demie du soir. Les séances de chaque cours sont indiquées sur des tableaux placés dans les salles. Chaque souscripteur recoit le dimanche, à son domicile, le bulletin des travaux de la semaine suivante. Le prix de la souscription est de 120 fr. pour les hommes, et de 60 fr. pour les dames. L'École de médecine a été invitée, par S. Ex. le Ministre de l'Intérieur, a disposer un local pour le concours aux places vacantes dans les Écoles vé- térinaires, et à nommer deux de ses membres pour y assister. M. Freury ;, D. M. P. Chirurgien en chef des 192 Noïwelles littéraires. hôpitaux de Clermont-Ferrand, lui a fait part de la mort de M. Bonnet, son prédécesseur. M. Clarion, aide-major de la pharmacie impé- riale, ayant donné sa démission de chef du labo- ratoire de chymie de l'École, M. Baruez, aide du laboratoire, a été nommé à sa place. M. Nysren remplacera M. Baruel. M. Pixson, sculpteur de l’École, lui a préceilté six pièces modelées en cire, qu'il a exécutées pour ses collections. Elles représentent, la première et la seconde, un anévrisme de l'artère sous-clavière ; la troisième un carcinôme de la matrice et des ovaires ; la quatrième une maladie de Putérus; la cinquième et la sixième des altérations organiques de l'estomac. Les pièces naturelles ont eté fournies par MM. les professeurs Pelletan, Leroux et Chaus- sier. La Société a perdu l’un de ses associés natio- naux par la mort de M. Bonner, chirurgien en chef des hôpitaux de Clermont-Ferrand. Ce praticien a fourni une longue et utile carrière. Ses lecons théoriques et pratiques ont formé une foule d'élèves instruits, dont plusieurs se sont mon- trés avec beaucoup de débaéton dans les concours ouverts par l’École de Paris, et ont depuis mérité d’être appelés à des fonctions aussi honorables qu’im- portantes. M. VRANCHEN a adressé ,*au nom de la Société d’émulation d'Anvers ; deux mémoires de M. Val- beri sur l’usage de la benoite. La Société a reçu de M. Rocoux , chirurgien à Beaugency , des détails sur un fœtus double, formé … de deux corps femelles réunis (1); | (1) À certe occasion la Société a arrêté qu'une commis- De Nouvelles littéraires. 199 -« De M. BarsariN, chirurgien à Chaillé-lès-Ma- rais, des observations sur la névrologie frontale. “Diverses pièces pathologiques ont été déposées pour les collections de l École : 1°. un cœur offrant la rup- ture de plusieurs des piliers charnus du ventriculg aortique, et une grande dilatation du péricarde. La description détaillée de cette pièce, donnée par M. Leroux, a été lue dans cette séance; 2°. la portion abdominale de l’aorte offrant une tumeur dans l’é- paisseur de ses parois, par M. Duvernoy; 3°. une dilatation de la valvule mitrale du cœur, par MM. Laznnec et Fizeau. Le dessin de cette pièce a été donné aux collections de l’École par M. Laennec. M. LararcuE a lu deux observations, 1°. sur une communication des veines hépatiques et des canaux biliaires;_ 2°. sur un foie très-volumineux rempli par des tubercules blanchätres. On parle beaucoup de la Société celtique et de ses utiles travaux. La notice suivante, extraite d’un mé- moire qui a été lu dans la séance de cette Acadé- mie, du 9 vendémiaire an XIV , 1°°. octobre 1805, par un de ses membre, M. de Forria d'UrBaAn, pourra servir à faire connoître son histoire et le but de son institution Les sciences et les arts ont éprouvé, surtout de- puis leur renaissance, l'effet de cette propension des savans et des artistes à essayer de nouveaux moyens d’étonner et de plaire, en s’attachant à un objet négligé ou peu approfondi par leurs devan- sion , composée de MM. Tenon, Cuvier , de Jussieu , Petit- Radel et Dupuytren , s’occuperoit de recueillir les descrip- tions anatomiques des fœtus monstrueux , et d'y réunir celle de tous les mouüstres qu’il sera possible de se procurer. T, VI, Novembre 1805. N 194 Nouvélleé littéraires. ciers. Avec quelque ardeur que nous nous livrioss maintenant à porter la lumière.dans toutes les parties qui peuvent intéresser l’homme instruit ou le simple curieux , nous laisserons encore à nos descendans l’es- pérance et la satisfaction de nous surpasser en bien des points. Comme nous ils essaieront de consacrer leur temps à remplir les lacunes que nous aurons laissées dans l'immense tableau des connoissances humaines, Mais quel est celui qui décide du moment auquel un objet nouveau, dans les sciencesæt dans les arts, fise l'attention d’an grand nombre de personnes, et les jette dans une carrière dont à peine ils soup- gonnoient l'existence ? C’est ce qu’il paroît conve- nable de, développer en mettant sous les yeux du'pu- blic les premiers travaux d’une Société récemment établie pour examiner l’histoite, les monumens et la langue des Celtes, de nos pères , objets si inté- ressans pour nous, et cependant tr Op négligés j Jus- qu à nos Jours. On doit se demander comment un aussi grand nombre de personnes ont été entraînées à s'occuper de tout ce qui a rapport aux Celtes, et comment cette partie obscure de l’histoire a pu paroître asssez intéressante pour donner lieu‘à l’établissement d’une Académie destinée à s’y livrér, avec l’espérance de voir le public prendre une part sensible au succès de ses travaux. C’est au goût dés voyages qui a pris faveur de- puis 30 ans par les relations de quelques-uns de nos compatriotes et par celles des Anglais, qu'est due la disposition des esprits, en France , à ne plus se bor- ner à l’étude de l’histoire grecque et romaine ; ou tout au plus à: celle de notre monarchie. L’eflet de ce goût a été de rendre ici géographes jusqu'aux Nouvelles littéraires. ‘199 femmes, dont les plus habiles, il y a trenté ans, avoient à peine été jusqu’à la fin du cours de géo- graphie, fait pour mademoiselle Crozat. En parcou- rant le monde avec les voyageurs, nous y avons re- trouvé des traces de nos pères, et depuis peu un grand nombre de Francais, dispersés par le malheur dans l’Europe et l'Asie, ont été frappés de la re- inarque que nous négligions d'accorder à nos ancé- tres le rang qu’avoient usurpé les peuples qui se disoient anciens , et de nous occuper de leur langue, que presqu'aucun de nous ne savoit parler encore. La connoissance des journaux anglais, dont les nôtres traduisoient quelques fragmens , nous fit voir que cette nation, dont une partie étoit entée, pour ainsi dire, sur la Bretonne Armorique, s’emparoit des antiquités celtiques comme de son propre bien, tandis que les Français étoient bien plus en droit qu'elle de se les approprier; on reconnut que cette nation éclairée et savante, mais quelquefois dirigée par un patriotisme trop exalté, vouloit exercer dans lempire des lettres l’empire qu’elle a envahi sur l'Océan. On imagina d’entrer en compte avec les Anglais, et de séparer ce qui appartenoit aux Celtes et aux Gaulois dans ce qu’ils publioïent sur les mœurs, les usages et la langue du pays de Galles, de l'Irlande et de quelques cantons particuliers de leur ile. Un homme qui savoit au moins bien des choses ignorées à Paris, M. le Brigant (1), y avoit causé de l’étonnement peu avant la révolution, par la cha- leur avec laquelle il soutenoic que la langue de son (1) Avocat. On trouvera la liste de ses ouvrages dans les siècles littéraires de la France par M. Des Essarts , à l’art, Erigant. 196 Nouvelles littéraires. pays, le bas breton à toit la mère de toutes les lan- gues de l’Europe ; et tout en riant de son fanatisme , on avoit été bien aise de trouver quelques vérités dans ses assertions flatteuses pour l’orgueil national. Un grand nombre de Français avoient pris, par diverses causes, du goût pour l’étude des langues, surtout de l’anglais. Pendant la guerre de sept ans, nos guerriers avoient appris l'allemand. On alloit en Italie beaucoup plus qu'autrefois. Les récits que M. de Volney et quelques autres nous avoient faits de l'Orient et des auteurs orientaux , avoient donné plus de désir d'apprendre l’arabe et le persan, qui, en offrant quelques rapports avec la langue que par- loient nos ancêtres, invitoient à en rechercher la ‘ cause. Enfin l'esprit d’un plus grand nombre de Français se porta à scruter la vérité de quelques faits desquels on ne s’étoit pas seulement douté jus- qu’alors. Ce fut vers ce temps que M. de Camsri, placé par certaines circonstances à portée de s’occuper de l’histoire et de la langue des Bas-Bretons , qu’il trou- voit souvent en rapport avec celles des peuples plus anciens, auxquelles il travailloit, se lia avec des personnes instruites, nées dans cette extrémité oc- cidentale de la Francé; et dès lors ils formerent entre eux le projet d’uñe Académie celtique. On alloit s’oc- cuper sérieusement de cet établissement, lorsque la révolution ou dispersa ceux qui étoient disposés à-y concourir, ou les forca de s'occuper d’autres objets commandés par les circonstances. M. de Cambri, que des fonctions publiques mêmes n’avoient pas empèché de poursuivre ses travaux, et qui étoit de plus en plus persuadé que tout ce qui a rapport aux Celtes est digne d’intéresser la nation et les savans, se hâta, dès que le calme fut rétabli, Nouvelles littéraires. 197 de réunir un certain nombre de personnes convain- eues de la même vérité. Elles se donnèrent de con- cert tous les soins nécessaires pour rendre l’établis- sement projeté le plus utile et le plus stable qu'il seroit possible. M. Mangourit dressa le premier un projet de réglement, qui lui a servi de base. M. de Cambri se chargea de solliciter l’agrément du Gou- vernement ; cet agrément fut accordé, ainsi que la _ permission de prendre le titre d’Académie celtique ; et en peu de jours l’empressement des personnes qui pouvoient concourir au succès de l’établissement fut tel, qu'il se trouva soixante-huit membres inscrits lorsqu'elle tint sa première séance. Cette Société , dont assurément tous les membres étoient bien loin de connoître la langue du peuple dont elle se proposoit de découvrir l’ancien état et de comparer l’histoire , les mœurs et les usages avec ceux des autres peuples, s’estima heureuse de trou- ver dans M. Johanneau, qui le premier avoit eu l'idée exécutée par M. Mangourit, et en avoit fait part à M. de Cambri, un des hommes les plus pro- fondément instruits dans la langue celtique, et qui de plus a l’avantage de l'avoir comparée à toutes les autres, et de pouvoir mettre à tout moment l’A- cadémie en état de fixer son opinion sur les divers points dont elle entreprendra l’examen à cet égard. Par un hasard singuligr, M. de Forrra, qui, à l’autre extrémité de la France, avoit été désigné par le Gouvernement (2) pour concourir à la forma- tion d’une Société littéraire à Avignon, ayant tra- vaillé à l’histoire de cette ville, se trouva appelé à en rechercher les antiquités et à s'occuper des Celtes. Ces peuples étoient si peu eonnus dans ce départe- (2) Le 20 juillet 1801. 198 Nouvelles littéraires. ment, que l’un des plus savans antiquaires de ces pays méridionaux ne croyoit pas que leur nom se trouvât dans aucun auteur ancien, quoiqu'Hérodote et Aristote aient nommé les Celtes. M. de Fortia s'étoit ainsi trouvé engagé : à s'occuper de ces peur ples, dont il a composé Phistoire. C’est du concours des premiers membres résidens de cette Académie, et d’un grand nombre d’associés soit régnicoles, soit étrangers, que nous espérons voir éclore avec le temps des travaux utiles, non-seule- ment dans ce que son titre indique , maïs encore dans plusieurs autres parties de l'histoire et des scien- ces qu’elle sera conduite.à approfondir, à mesure qu’elle découvrira l'influence que la nation celtique a eue sur les institutions et les connoissances, à l’aide desquelles toutes les nations de l’Europe sont par- venues à leur état actuel. Mais qui sait le celtique? s’écrie un homme de letires distingué, membre de l’Institut national de France (3). Il est tout simple, ajoute-t-il (4), que dans-les différentes langues qui ont été parlées sur Ja terre, il se trouve des syllabes semblables à celles qui entrent dans la composition des mots qui dési- gnent les choses dont on s'occupe; mais ces éty- mologies ne sont pas certaines. Cette objection est spécieuse; mais on peut y répondre que chaque langue a évidemment son caractère particulier qui la fait aisément distinguey des autres, et qu'il n’y a pas plus de ressemblance entre une phrase fran- çaise et une phrase anglaise, qu'entre le grec et (3) M. Millin, conservateur des médailles, des pierres gravées eL dés antiques de la Bibliothèque impériale. Li ed Encyclopédique. Août, 1805, p. 435. (4) Jbidem , p. 437. / Nouvelles littéraires. 199 liroquois, quoique d’un côté le grec et liroqnois, de l’autre langlais et le français, aient plusieurs mots communs. Ces mots mêmes, écrits suivant la prononciation. particulière à chaque peuple, devien- droient différens, quoique l'orthographe, originai- rement la même , ait conservé la même forme. IE est vrai cependant que la science, des étymologies est souvent conjecturale. Sans doute nous devons. craindre de nous égarer dans des sentiers où, ainsi que l’observe avec raison M. Millin, des hommes de Ja plus vaste érudition se sont perdus (5). Mais cette crainte ne doit pas nous décourager; elle doit au contraire nous engager à réunir nos eflorts pour se- conder mutuellement nos travaux, et pour obtenir par ce concours des résultats plus heureux que n’ont pu faire éclore des savans isoléset quelquefois livrés aux préjugés particuliers du sol qui les avoit vu naître, tandis que nous, qui sommes nés dans des provinces et dans des états différens, nous n’avons d'autre amour que celui de la vérité, nous ne for- mons d'autre vœu que celui de nous éclairer d’une Jumière pure et sans tache. Forrra. (5) J'ai déjà exprimé mon opinion sur l Académie celtique, sur les membres qui la président et qui la composent, et j'ai témoigné mon respect pou eux et ma considération. pour leurs travaux. Je ne prétends verser sur eux ni défaveur ni ridicule; ce n’est pas mon intention, et je n'y parviendrois pas. Quand j'ai dit, qui sait le celtique? je n'ai pas voulu faire penser que:cette langue: n'a jamais existé, et qu'il n'en subsiste aucune trace ; mais ces traces sont si, légères qu'il existe des mots celtiques, mais non pas une langue celtique. L'orientalisme er le celticisme qui ont. été, à. la mode vers le commencement du dernier siècle, au lieu d éclairer la science de l'antiquité > Y ont porté la confusion. On ne peut citer dans ce genre aucune découverte réelle, Les travaux de Le 200 Nouvelles littéraires. Madame Le Brun, qui jouit dans l’art de la pein- ture d’une grande célébrité, après une absence de deux ans, pendant laquelle elle a voyagé chez lé- tranger, et l’a enrichi de ses beaux ouvrages, est de retour depuis quelques jours dans sa patrie, où elle a l'intention de se fixer. | Les travaux du Louvre se continuent avec unë grande activité. On pose maintenant la charpente qui doit couvrir le côté du bâtiment bordant le jar- din de l’Infante, et qui doit faire partie du Musée Napoléon. Les autres constructions avancent avec une égale rapidité. Ce beau monument, qui depuis plusieurs siècles fait l'admiration de l'Europe, sera bientôt, non-seulement garanti de la destruction qui le menaçoit, mais même entièrement terminé. Dans la cour , au ‘nord, on prépare les échafauds nécessaires pour faire la sculpture des frontons et des bas-reliefs qui décorent l’attique. Ces figures Brigant sont placés dans l'oubli, et quoiqu'il fut un homme d'honneur , un père de famille respectable , le ridicule s’est attaché à son nom. 1l n’y a rien de si difficile et de si facile que la science des étymologies ; il n’en est’ aucune qu’on ne donne pour certaine, et il y en a très-peu sur lesquelles on soit d'accord. Certainement il peut résulter de très-bons ouvrages, de très- belles découvertes des travaux des membres de l’Académie Æeltique; mais je ne crois pas qu'ils soient jamais relatifs À la langue elle-même. Nous les devrons aux recherches faites pour retrouver cette langue , comme on doit le phosphore , le bleu de Prusse, et d’autres découvertes à la recherche de la pierre philosophale. Voilà ma profession de foi ; mais je crois que la société se rendra très-utile , si elle étend ses recherches sur l’histoire, l’anti- quité, les mœurs et les usages des Français, jusqu’à J’époque de Ja renaissance des lettres. Cette extension donnée à ses travaux leur acquerra plus d'intérêt. Pour moi, je serai toujours empressé de les faire connoître, A. LM. Nouvelles littéraires. 201 feront suite à celles que nous devons au ciseau de l’immortel Jean Goujon , et qui sont l’un des plus beaux mônumens de la scupture moderne. L’exécu- - tion en est confiée aux talens distingués de quatre de nos meilleurs statuaires, MM. Moitte, Chaudet , Le Mot et Roland. THEATRES M THÉATRE FRANCAIS. Anaximandre, ou le Sacrifice aux Grâces. Cette petite comédie en un acte et en vers fut jouée à la Comédie italienne. Ce qui en donna l’idée à M. ANDRIEUX, esl une romance qui parut alors dans l’Almanach des Muses, et dont le refrein étoit : « L'esprit et les talens font bien; » Mais sans les Grâces ce n’est rien. » On voit que cela n’est fort ni de pensée, ni de poé- sie; mais enfin cela étoit à la mode, et la pièce réussit comme la romance. Le philosophe Ænaximandre, épris malgré toute sa philosophie, désespère de se faire aimer de la belle Aspasie. Phrosine, sa jeune pupille, lui conseille de sacrifier aux Grâces ; et mon philosophe se dépouille de son manteau brun et de sa barbe épaisse, pour prendre les dehors d'un merveilleux d'Athènes. Le travestissement opère ; et comme toutes les femmes se laissent ordinairement prendre par les formes, Aspasie épouse Anaximandre, qui n’a plus les dehors d’un philosophe austère. us L . ” . 202 Nouvelles littéraires. On voit qu'il n’y a pas là beaucoup d’intrigue. La pièce a réussi par des détails agréables et par des vers heureux ; mais l’auteur, qui a fait cet ouyrage dans sa jeunesse , auroit dù le retoucher avant de le remettre sur la scène francaise. THÉATRE DE L’'OPÉRA-COMIQUE. Gulistan, ou le Hulla de Samarcande. Les Mahométans 'avoient un usage assez bizarre, qui étoit de ne pouvoir reprendre la femme qu'ils avoient répudiée, à moins qu'elle n’eût passé dans les bras d’un autre époux, qui l’eût répudiée à son tour. Cet usage, établi pour prévenir des séparations trop peu motivées, ne devint bientôt plus qu'illu- soire, comme chez nous le divorce par incompati- bilité d'humeur. On trouve partout des moyens d’é- luder les loix gènantes : et comme on fait tout pour de l’argent, on trouva des misérables qui se char- geoient , pour une légère somme, d’épouser les fem- mes répudiées et de les rendre le lendemain à l’époux qui les regrettoit. Ces gens s’appelèrent des ÆHullas. Cette sims laut dé AR propre à la scène, quoique la seule situation comique qui en résultoit, fût un peu graveleuse. Lesage et DornevaL puisèrent dans les Contes arabes un sujet qu'ils arrangèrent pour le théâtre de la Foire, sous le titre d’ Arlequin. Hulla. Leur pièce étoit fort gaie, Elle eut beaucoup de succès. Dominique et Romacnest l’imitèrent pour le théâtre Italien : on l’a refaite, il y a quelques années, pour le Vaudeville, et enfin elle a été r’habillée tout ré- cemment pour l’Opéra-comique. Gulistan, favori et bouffon d’un roi d'Asie, est disgracié, quoiqu'il ait sauvé la vie à œ prince. I let ait LV LS Nouvelles littéraires. 203 erre au hasard , chantant ses amours et ses malheurs, et surtout regrettant sa maüresse , lorsqu'on vient lui proposer de servir de Aulla pour une femme qui ne vouloit rien accorder à un vieux mari qui l’a répudiée et qui voudroit la reprendre. Gulistan ac- cepte : on lui dit, pour lui ôtér toute curiosité, que cette femme est laide , tandis qu’on fait croire à la femme que le hulla est fort vieux. On les laisse en- semble, et sans lumière : Gulistan chante , la femme trouve sa voix jolie; elle lui parle, ils se recon- noissent. C’étoit précisément sa maitresse. Îl ne veut plus la rendre. Le vieux mari le somme de sa pa- role; mais le fils du roi qui, sous un travestisse- ment, a mené toute cette intrigue, se fait recon- noitre, et rend. à Gulistan sa maîtresse et la faveur “qu’il avoit perdue. Cette pièce a réussi. Martin s'est surpassé dans le rôle de Gulistan. La musique de Dazryrac est chan- tante, légère, et partout digne de son auteur. Elle n’a pas peu contribué au succès. Le Grand-Père. C’est plutôt une pièce de collége qu'un ouvrage fait pour l’Opéra-comique. Les espiégleries et les amours d’un César de quinze ans, qui endosse l'uni- forme en sortant du collége, n’ont rien de bien in- téressant. Il faudroit une grande gaîlé pour réussir avec un semblable sujet. C’est ce qui manquoit à l’ouvrage nouveau. Aussi ne peut-on pas dire qu'il ait réussi, mais seulement qu’il n’est point tombé, et cela, grâce au jeu de madame Lesage, qui a été parfaitement secondée par Juliet et madame Gon- thier. La musique de M. Janin est peu saillante : on w’y a remarqué qu'un duo assez joli. é ‘ 204 Nouvelles littéraires. Chacun à son tour. Cet ouvrage annonce plus de prétention que l’au- tre. I est joué par les premiers acteurs, et il ne fera pas plus de bruit. Deux amans qui s’éprouvent par tous les moyens employés dans les vieilles co- médies et rajeunis dans les nouvelles, quelques éclairs d'esprit dans le dialogue; mais au fond rien de saillant : telle est en deux mois l’histoire de la pièce. C’est, dit-on, le coup-d’essai de l’auteur. La musique de Souté n’est pas ce qu’il a fait de mieux. THÉATRE DE L'IMPÉRATRICE. Les Portraits infidèles. Un oncle qui veut marier son neveu et sa nièce envoie au jeune homme un portrait en laid de la demoiselle. Le jeune homme a envoyé le sien très- flatté. I1 semble en conséquence assez laid, quand il arrive surtout avec un costume très-provincial. La demoiselle, au contraire, paroît d’autant plus belle que le portrait étoit moins beau : après quelques scènes de quiproquo, tout s'explique et s'arrange. Cela n’a pas paru fort plaisant au parterre; le style étant au niveau de l'invention, la pièce a été jus- tement sifflée. THÉATRE DU VAVDEVILLE. Mademoiselle Gaussin. Le financier Boutet, dans un moment d'amour, avoit donné à mademoiselle Gaussin un billet en blanc, signé de son nom, pour en faire l’usage qu’elle voudroit, Quelque temps après voulant se me. dép Nouvelles littéraires. 205 marier, il pensa au fatal billet, et craignit que ma- demoiselle Gaussin ne le remplit, soit par une somme considérable , soit même par une promesse de ma- riage. [] le lui fit redemander ; et mademoiselle Gaus- sin, après s’être amusée de ses frayeurs, le lui rendit avec ces mots au-dessus de la signature : Je promets d'aimer" Gaussin toute ma vie. Ce trait d’une comé- dienne est d’autant plus noble, qu’à sa place beau- coup de femmes ne l’eussent peut-être pas fait. fl a servi aux auteurs de la pièce, qui, pour l'égayer, y ont joint un épisode: l’amour de Lanouë pour ma- demoiselle Gaussin. Il y a de l'esprit dans cette pièce. Mademoiselle Desmares a joué avec beaucoup de grâces et de dé- cence le rôle principal. Les auteurs ont été demandés. M. Cuazer seul s’est fait nommer. L 2 Une Heure de caprice. Il y auroit de quoi faire une comédie en cinq actes avec wne heure des caprices d’une femme; à peine cependant l’auteur a-t-il pu remplir un acte, semé de couplets. Les caprices de son héroïne se bornént à contrarier sa suivante , à vouloir lire et à rejeter ensuite tous les livres ; enfin, elle se décide à passer la journée seule pour réfléchir. Elle fait défendre sa porte : cependant son amant qui sur- vient dans l’instant de cette boutade morale, est prévenu par la soubrette ; il joue le Caton, et sa maitresse qui, sans l’avoir dit à personne, s'ennuie déjà de la philosophie, le renvoie assez brusque- ment. Il change de batterie, s’habille en petit maître; parle modes et spectacles : la dame a déjà changé de goût, et veut encore l’éconduire; mais un trait de générosité vient finir cette bluette d’une manière 206 Nouvelles littéraires. : sentimentale. La dame a perdu un procès conside- rable. Son amant lui fait croire qu’elle l’a gagné, hâte l'instant de leur union : elle apprend alors qu’elle a perdu une partie de sa fortune, et le gé- néreux sacrifice du jeune homme recoit sa récom- pense. ji M. Gersain a beaucoup d'esprit ; sa pièce le prou- ve : mais elle est longue et peu amusante, c’est un grand défaut. Madame Zfervey y a été Lente lient applaudie. La jeune Mère, ou les Acteurs de société. La manie de jouer la comédie avoit gagné derniè- rement toutes les classes. Depuis les financiers jus- qu'aux savetiers, tout le monde avoit son théâtre plus au moins beau. Les maisons de campagne étoient le rendez-vous de la bonne compagnie, et l’on trouvoit, à Paris, des théâtres depuis le rez- de- chaussée jusqu’au cinquième étage. C’est sur ceux-ci que des tragédiens d’une nouvelle fabrique estropioient Racine et Voltaire, et quittoient leur tablier pour endosser la pourpre ou la cuirasse. Ce travers n’avoit encore été frondé que d’une manière burlesque dans les Cadets Roussels du théâtre Mon- tansier : M. Durary Pa employé dans sa comédie de Za jeune Mère. Sa piece est un joli tableau dont les détails ont fait grand plaisir, quoique l’ensemble soit un peu défectueux. En voici l’action principale, Un jeune présomptueux a la prétention de con- noître parfaitement les femmes. Il les connoît si mal que, trompé par un habit de comédie, il prend une femme de 28 ans pour une Agnès, en devient amoureux, veut l’épouser, est prêt à se battre avec son mari qu'il croit un rival, et prend toute une PPS CR PL Nouvelles littéraires. 207 scène de comédie que l’on répète pour une réalité. Il ne se détrompe qu’en voyant la fille de cette jeune dame, âgée de 14 ans, qu'il a trouvé au bal six mois avant, et dont il étoit, dit-il, éperduement amoureux. Il l'épouse, et la jeune Mère lui fait une petite lecon sur ses inconséquences. Le rôle difficile de la jeune Mère est rendu par madame Belmont de la manière la plus agréable : elle peut se flatter que, si la pièce a été faite pour elle, elle a beaucoup fait pour la pièce, dont elle a assuré le succès. T. D. LIVRES DIVERS (1). # Sar1ENCES ET ARTS. Mémorres de l’Académie impériale des sciences, lit- térature et Beaux-Arts de Turin, pour les années XII et XIII. Turin, de l'imprimerie -de, l’Aca- démie des sciences. An 1805, 2 vol. in-4°. L’académie de Turin jouit depuis long - temps d’une juste célébrité qui la place avec raison au rang des associations qui ont rendu le plus de service aux Lettres. Cette utile institution wa point dégénéré depuis la réunion du Piémont à la France. Le nom- bre des académiciens a été augmenté pour former une nouvelle classe, celle des Lettres et des Beaux- Arts. L'Académie publie deux volumes de ses mémoires, L'un est consacré à ceux de la classe des sciences physiques et mathématiques ; l’autre à ceux des mem- bres de la classe de littérature et Beaux-Arts. Le secrétaire de l’Académie, M. Vassali-Eandi, connu dans le monde sayant par tant d’utiles etin- téressans travaux, a rédigé le volume des mémoires de la classe des sciences physiques. Il indique d’abord les changemens survenus dans la liste des académi- ciens , et donne une indication des mémoires qui ontété lus dans les différentes séances publiques, et un catalogue des livres et des objets relatifs aux sciences qui ont été remis à l’Académie. Le tout est (1) Les articles marqués d’une * sont ceux dont on don- nera un extrait, terminé this pe OO PE 7 W? Livres divers. 209 terminé par une notice très-bien faite des travaux de PAcädémie jusqu'a l’année 1805. Cette notice comprend 250 pages ; on trouve ensuite les mémoires des académiciens. Le premier donne la description et indique l’usage de” nouveau baromètre portatif, pour mesurer les uteurs -et les profondeurs, avec des observations faites au moyen de cet instrument dans Les arrondis- semens de. Turin et de Saluces. Cet instrument est de l'invention de M. Vassazr Eanoi. Il en présente . aussi la figure. Ce mémoire est accompagné de notes “historiques très-curieuses sur les lieux où l’auteur a fait ses observations. Le mémoire qui suit est encore du même auteur ; ‘ail y décrit une trombe de mer observée dans Le ter ET _ de Revel, arrondissement de Saluces , Le 6 germinal ‘(27 mars 1798), et il y donne PdieEo de la cause de ce phénomène. Sur La différente conducibilité de la chaleur re- connue par des expériences dans quelques étoffes ‘employées pour se vélir, par Jean SENNERIER. De Crepidis nova specié , adduntur eliam aliquot cryptogamæ floræ pedemontanæ ,; autore Joann. Bapt. Basis. L'auteur joint à sa description la figure “de cette plante qu'il appelle Crepis Ambigua. Parmi les-crÿptogames qu’il déerit, je ne citerai que les espèces indiquées comme nouvelles, Mucor ffoscu- lentus, Peziza amentacèa, Licaen mivalis. La figure de ves plantes est jointe à leur deëcription. Expériences sur les effets des acides nitrique ét \müuriatique oxygéné employés localement dans le trai- ternent «de différentes maladies ; par. M. Rossi. L’au- teur y rend compte de la guérison. de plusieurs ul- eères gangréneux, de, bubôons vénériens et même de T. FI. Novembré 1805. Q 210 Livres divers. charbons contagieux guéris pee Papplicat{on de ces acides. ? Observations météorologiques faites pendant l'é- clipse de soleil du 21 pluviose an XIT, à l’observa- “toire de Turin, avec des réflexions sur les mêmes observations, par À. M. Vassazr Eanpi. : pes Sur une espèce de Cassia qu'on peut substituer au véritable séné officinal , par M. Berranpr. Cette es- pèce est la cassia marilandica, L. M. Bellardi lui donne le nom de Succedanéa, parce qu’elle peut être, selon lui, substituée au séné Cassta orientalis ; mais n'est-ce pas introduire dans la botanique et même dans la matière médicale une insupportable confusion que de changer, pour de si foibles raisons, les noms des végétaux, _ Recherches sur la nature du fluide galvanique, par Antoine-Marie VassAzr Eaxpr. ._ Sur les mines de J’lombagine des départemens de la Sture et du P6, par M. Bonvorsin. Essais entrepris pour améliorer l'huile de noix, par le même. L'auteur y indique la manière d’épurer cette huile , et de la rendre aussi propre que les autres huiles fines, à l’usage des lampes. Recherches sur l’action que le fluide galvanique exerce, sur di dire Jluides SÉrÉPERER:, par # A. GioBERT. Mémoire PR LS ES et AR , par le professeur Rossr. L'auteur s’y occupe des glandes 1ympbhatiques. CALNE, Problema dipendente della teoria delle permutazioni et delle combinazioni, soluzione di Prospero Bazro. Eclaircissement sur un poisson accidentellement épineux qu’on trouve dans les rivières de la 27°. division militaire, par M. Grorna: Ce poisson est > | | Livres divers. 2II le Cyprinus idus, L. Le mâle seul a des épines, et il les perd après le temps du frai. De phthisi pulmonali, specimen chemico-medicum, auct. Joseph. Hyac. Rizzerri. L'auteur traite d'abord dela nature des sputations des phthisiques; il s'occupe principalement de la nature de la matière catha- rale. Ici se terminent les mémoires des académiciens ; les mémoires suivans ont été présentés par des FA ciés étrangers. ! * Memoria sul uso delle variazione delle costanti nell’ integrazione delle equazioni e coeffi écienti varia- bili dell éiions Brunacctr. Coleoptera Salutientia sive enumeratio methodica coleopterorum quæ in agro Salutiensi reperiuniur _ locorum natalium indicatione , observationibus , no- visque aliquot speciebus aucta à Laurentio Ponza. L'auteur a joint à cet excellent catalogue deux plan- ches qui représentent les espèces nouvelles dont voici la liste. CocciNnELzr A numeralis. C. obsoleta. Curcuzio spinosus. C. dubius. C. rugosus. CERAMBYX prœus- tus. C. melanocephalus. CurYsoMELA melanocephala. Ch. variegata. Ch. pretiosa, Ch. luctuosa. ScARABæuUs rufescens. CaNTHARIS émpressifrons. ATTELABUS fune- reus. Dyriscus sy/phoides. Tenrsr10 rufus. BiRRHus Rossii. CarABus attenuatus. C. metallicus. C. Rossi. ForricuLa bipunctata. SiLPHA sinuata. S. scabra. Sur le mouvement des Cils de Vhypnum Adian- toides, par M. PALAMEDE DE SurFFREN. On a déjà reconnu dans les cils de quelques moussesdes parties susceptibles d’irritabilité. M. de Suffren a décou- vert cette irritabilité dans les cils de l2yprum . adiantoides , et il décrit toutes les singularités de ce phénomène. Le mémoire est accompagné d’une gra- vure. 212 Livres divers. -- D'une résine employée par l'abeille à la construetion de ses gâteaux ; par M. Fr. Mouxy Derocus. F'asciculus observationum entomologicarum , au- tore Dispert. L'auteur trace dans un premier mé- moire l’histoire du vers à soie PHALæNA Bombyx ; il s’occupe ensuite des hbymemopières , principale- ment des genres. Tenthredo, Ichneumon, Sphex , Vespa. ” Pungorum vallis Pisii spécimen, aut. Ugone Ca- MINO. Drois planches nous offrent la représentation des espèces nouvelles qui sont : Acaricus elatior. A. miniatus. A. pezizoides. À. atrosanguineus. A. tricolor. Bozerus scobinaceus. HELvELLA grandis. H. reflexa. H. inflata. Pez1z4 ochracea. P. pyaiformis. RericuzariA rosea. Mucor fruticulosus. Observation sur l’or natif en paillettes que l’on trouve dans les sables, par M. Louïs Bossi de Milan. A. L. M. H1isSTO.LR.E. NATURELLE Axnazrs du Muséum d'histoire naturelle. — Paris chez ZLevrault, Schœll et compagnie, rue de Seine, n°. 12. Trente - quatrième cahier, pages * 229—8324, et planches 47—55. Ce cahier renferme les articles suivans : — Æxa- men des grammatites blanche et grise du Mont St- Gothard, par M. A. Lavucrer. — Description et usage de plusieurs ustensiles de moderne invention , propres à la culture d’un grand nombre de plantes dans les écoles de botanique par M. Taourx. La figure de plusieurs de ces ustensiles est jointe à leur de cription ; les principaux sont : le parapluie; le Livres divers. 219 gontre-sol d’osier , le contre-sol de terre , divers chas- sis portatifs, des grillages, des cloches. — Dans un troisième mémoire M. Cuvicr continue la descrip- tion des os fossiles des environs de Paris. — ÆHé- moire sur le grand plateau de l’intérieur de l_A- frique, par M. LacéÉrÈne. — Sur la dicérate, nou- veau genre de coquillage, par M. Lamarck. — Sur lamphibuline, par M. Lamarcx. — Quatrième mé- motre sur les caractères généraux , tirés des graines, et confirmés ou réctifiés par les observations de Gært- Mer , par À. L. pe Jussieu. BoTANIQUE. PayrocrAvnie encyclopédique, où Flore de l’an- cienne Lorraine et des départentens circonvoisins ; par M. Wizzrumer, professeur d'histoire natu- relle et de botanique à l’École centrale du dépar- tement de la Meurthe, membre de plusieurs Aca- démies. — À Nanci, chez Guivard, imprimeur, place Carrière, n°. 2128805, 3 vol. in-8°., con- tenant ensemble 1348 pag. Le sol de l’ancienne Lorraine est un des plus fertiles de la France. La nature semble y prodi- guer préférablement tous ses dons, et plus qu'ailleurs en offrir la variété ; aussi à chaque pas qu'il fait dans les départemens de la Meurthe, des Vosges, et autres circonyoisins, le naturaliste rencontre-1- il mille objets nouveaux et dignes de piquer sa curiosité. C’est surtout dans ce pays où il ne cesse d’éprouver, pour prix de ses peines, de douces sen- sations, quil aime à parcourir es vallons, les bois, les montagnes escarpées , les coteaux rians, dans le dessein de rechercher avec une religieuse et avide curiosité, les productions variées de la nature, 214 Livres divers. pour en faire l’objet de ses profondes médita- tions. L'ouvrage que nous annoncons, et que publie M. Wiczemer, doit être d'autant plus intéressant, que son utilité prévient en sa faveur , et qu’étant le fruit de près de 50 années de recherches et d'observations d’un botaniste expér imenté , il ne peut avoir été fait qu’avee toute l'exactitude et les soins qu’exige un tel travail. C’est'sur le système sexuel de Linnéus qu'il s’est entièrement guidé. On trouve dans cette nouvelle Flore 1°. les lois fondamentales de la botanique; 2°. les caractèrés es- sentiels des genres, avec leur étymologie; 3°. les caractères essentiels des espèces; 4°. les synonymes anciens et nouveaux, latins et français, en évitant soigneusement la confusion. A cet effet, l’auteur a rappelé les noms que Linnéus a employés pour dé- signer l'espèce, avec les dénominations les plus mar- quantes de nos antiques autéurs: 5°. La station et le sol de la plante; 6°l'époque de la floraison , ainsi que le signalement de la couleur de la fleur; 7°. son port, sa stature, sa durée et ses variétés ; 8°. les plantes, soit d'ornement, soit étrangères, qui sont cultivées dans les jardins, et qui ne peu- vent manquer d'’intéresser; 9°. leur culture; 10°. exacte indication des localités; 11°.quelques moyens de détruire les insectes avec certaines plantes ; 12°. leurs usages comme comestibles, fourrages, dans les arts et métiers ; etc. 13°. Enfin Pauteur a rappelé les traits historiques, les anecdotes curieuses; les phéno- mènes physiologiques, électriques et météorologi- ques; ceuxrelatifs à leur végétation et à leur reproduc- tion. Tous ces objets sont traités à Particle de chaque espèc respective. Nous terminerons par assurer que la Phytographie Livres divers. 212. de M. Willemet est un excellent ouvrage; qu’il mé- rite, d’être accueilli favorablement du public. Les indications soignées dont il est rempli, pourront satisfaire tous les désirs que font naître le zèle et la curiosité de l’étude de la nature. À. I. M, Norz Hollandiæ plantarum specimen ; auctore J. JT. LazizzarprÈre, Instituti nationalis socio. Fas- ciculus 9 et 10.( Pretium cujusvis fasciculi cum ta- bulis decem œneis, octo fr. ). — Parisiis ; ex ty- pographié dominæ Husard. 1805. Cet ouvrage se vend chez l’auteur, boulevard Mont- martre, n°. 31. Ces deux nouveaux fascicules contiennent la suile des plantes de la pentandrie. Le premier genre qui se présente est nouveau. L'auteur l’appelle Cyaruo- Des, à cause de l'espèce de godet qui entoure le germe. Il diffère du Bæobotrys par ce caractère et par son calyce à cinq feuilles, et de la Sryphelia par la drupe à huit loges. M. Labillardière en rap- porte deux espèces. C. glauca. C. disticha. N oict les. autres plantes gravées dans cet intéressant recueil. PoconrA tetrandra. CrAnoruus spatulata. C. globosa. Pomanerris e//iptica. P. apetala. LASIOPETAUM tri phyllum. Birzanpiera longiflora. B. fusiformis. Ce genre a été consacré à l’auteur par M. Smirs, dans sa Flore de la Nouvelle-Hollande. Vioza hederacea. Acrinorus elianthi. THesiuM drupaceum.CanrTuiuM qguadrifidum. CopsosmA irtella. Curnoropirum bac- catum. SWERTIA parnassiflora. ERYNGIUM vesiculo- surn. AZORELLA /anceolata. ‘A, ovata. AL: ME 216. Livres divers. EnromoLocrte. P. À. LATREILLE genera Crustaceorum et [nsectorum, secundum ordinem naturalem in farmilias disposila, iconibus plurimis exemplisque explicata. Folumen primum, cum 16 Lab. æneïs, 8°. 1806. Prix, 15 fr. Le même ouvrage avec figures coloriées, 24 fr. Papier vélin, avec fig. coloriées, 36 fr. L'auteur, mis par le célèbre Fabricius au rang des savans qui ont le plus illustré la science des insectes, méditoit depuis plus de vingt ans ouvrage que nous annoncons, et dont il n'avoit présenté, dans ses divers écrits, que de foibles esquisses. Les naturalistes désiroient vivement un traité complet sur cétle matière : car c’est en vain que lon décou- vrira chaque jour des espèces inédites d'insectes, s’il reste de l'incertitude sur la détermination des genres auxquels ces espèces appartiennent. Cette abondance de -richesses sera même préjudiciable à la science , puisqu'elle augmentera le nombre des doutes et fa- vorfsera la divergence des opinions. Il importe done avant tout de fixer d'une manière claire et précise les caractères des coupes principales de nos méthodes. M. FaBicius est presque le seul qui se soit occupé d’établir les bases fondamentales de l'Entomologie ; mais l’ouvrage où ila exposé l’ensemble de ses rap- ports généraux, Genera inseclorum , ayant paru en 1776, ct n’ayant pas été réimprimé depuis, se trouve maintenant très-en arrière de la science et des tra- vaux de M. Fabricfäts lui-même. Pour connoître l’état actuel de l'Entomologie, il faut consulter un assez grand nombre de livres et rapprocher les matériaux qui y sont épars. Le système de cet estimable auteur s’écarte d’aïileurs souvent de l’ordre naturel, et ïl Livres divers. 2]7 est hérissé dans ses détails de difficultés presque in- surmontables pour celui qui voudroit se restreindre à son étude. . Ces réflexions ont engagé M. LarrEizze à renfer- mer dans un seul cadre les genres des Crustacés eé des Insectes, soit ceux qui lui sont propres, soit ceux qui lui sont étrangers , à les caractériser, non-seule- ment. d’après les organes de la manducation , mais d’après les autres parties essentielles du corps de ces animaux , à ranger les genres par groupes ou pe- tites familles, et à coordonner le tout au système de Linné , perfectionné et ramené à un plan na- turel. M. Latreille a poussé plus loin son travail, afin de le rendre encore plus utile; il a partagé les genres, . à décrit une ou plusieurs espèces de chacune de leurs divisions , et, à l’aide d’une synonymie épurée , il a déterminé irrévocablement et les types de ces genres, et leur harmonie ou leurs rapports avec les coupes proposées sous d’autres noms, mais dont le sujet est le même. On a représenté avec soin une espèce des genres les moins connus. Le premier volume comprend les Crustacés , les Insectes aptères, et le commencement des Coléoptéres. Jamais division zoologique n’offrit à l'étude plus d’entraves que celle des insectes privés d'ailes ; jamais aussi on ne fit en cette partie des observations plus fines et plus délicates que M. Latreilie, On jugera par là de l'étendue de ses recherches et de Putilité de son ouvrage. Sous le rapport de l’exécution typographi- que, nous pouyons assurer que cet ouvrage est peul- être le plus parfait en cegenre qui ait paru en France. Elle est due aux soins de M. Delañce, dout nous ayons souvent eu occasion de louer les éditions belles et correctes. Le second volume est sous presse et pa- roitra dans quatreà cinq mois. 218 Livres divers. ATisTorrE naturelle des Aranéides, pañC. 4. Waz- cKkENAER, auteur du Tableau des Aranéides, de la Faune Parisienne, etc.; ouvrage composé de 300 planches, dessinées ; gravées et peintes par des artistes célèbres de la capitale, accompagnées de discours contenant les descriptions en latin , en fran- çais, en anglais et en allemand de toutes les es pèces d’Araignées tant connues qu’inédites , avee leurs synonymies et l’histoire de leurs mœurs et ha- bitudes. Publié par livraisons de dix planches et autant de feuilles de discours ; le tout tiré sur pa- pier vélin. Prix de chaque livraison renfermée dans un porte-feuille ; 6 francs (1). CE qui, dans ces derniers temps, a le plus contri= bué aux progrès de l’histoire naturelle, c'est d’avoir appelé l’art du peintre à son secours ; en ellet, le moyen le plus prompt, le plus sûr, le plus okréshié d'arriver à la connoïssance d’une production de la nature, est d’en avoir une image qui nous retrace avec fidélité tous ses traits. Aussi a-t-on représenté nom- bre de fois les plantes et les animaux qui, par la diversité de leurs formes et l'éclat de leurs couleurs, doivent attirer nos regards. De toutes les branches de l’histoire naturelle , il n’en étoit aucune qui sol- licitât plus vivement que l’'Entomologie ce puissant auxiliaire. Cramer , Stoll, Drury , Panzer, nous l'ont présenté, et ont acquis des droits légitimes à notre reconnoissance. Cependant des insectes plus intéressans par leurs mœurs et leur industrie que beaucoup d’autres déjà figurés, souvent même aussi riches par leur parure ; (1) Cet ouvrage peut faire suite aux différentes editions de l'Histoire naturelle de Buffon; ainsi qu'à la h aune des In= sectes d'Europe de Panzer. , Livres divers. 218 les Araïgnées ont éprouvé un abandon presque gé- néral. Nous n’avons sur ces petits animaux que deux ouvrages avec figures coloriées, ceux d’#bin et de Clerck, le premier écrit en anglais et l’autre en sué- dois; outre que ces ouvrages sont rares et fort chers, les araignées y sont représentées d’une manière si imparfaite, que les naturalistes n’ont pu les recon- noïtre. L'auteur croit donc rendre un service essentiel à la science, en publiant un ouvrage entièrement néuf et qui présentera les figures et les descriptions exactes de toutes les espèces d'araignées, tant européennes qu’étrangères. M. Walckenaer, qui depuis long-temps s'occupe à former une collection de ces insectes intéressans, _en a découvert et observé un grand nombre d’espèces jusqu'ici inconnues, en sorte que le genre Æranea de Linné est devenu entre ses mains une classe à part qu'il faut partager en plusieurs tribus, genres et familles, qui se distinguent toutes par des formes, des mœurs et des habitudes différentes, ainsi qu'il l'a prouvé dans son Zableau des Aranéides qu'il vient de publier. Le manuscrit est achevé ; les figures , au nombre de plus de trois cents, dessinées et peintes par de célèbres artistes de la capitale sur linsecte vivant, ou sur des individus choisis et conservés dans l’esprit- de-vin , sont entièrement terminées. L'auteur se fera un plaisir de les montrer aux amateurs qui désireront les voir. Parmi ces figures on distinguera celles des araignées eurieuses et exotiques que renferme le Mu- séum d'histoire naturelle, ainsi que celles de beau- coup d’autres qui se trouvent dans des collections particulières ou qui ont été envoyées à l’auteur des pays étrangers. &20 Luwres divers. Pour faire jouir les amateurs promptement de cet ouvrage, et pour lui donner de la variété , l’auteur se propose de le publier par livraisons de dix plan- ches et d'autant de feuilles de discours détachées. Les planches seront peintes sous les yeux de Pauteur, avec les mêmes soins que les dessins originaux, et les descriptions dont elles seront accompagnées con- tiendront, avec le nom latin, le nom vulgaire en francais, en allemand et en anglais : qn y joindra la synonymie complète et l’histoire des mœurs et des habitudes de chaque insecte. L'édition entière, au nombre de deux cet cin- quante exemplaires seulement, sera tirée sur papier vélin superfin; il n’y aura point d'exemplaires sur papier commun. Le prix de -chaque livraison, renfermée dans un pôrte-feuille, sera de 6 francs. La première est en vente, les autres se succéderont rapidement. Nous ne demandons point d’avancés, nous invitons seule- ment les amateurs à se faire inscrire ,.ils auront des exemplaires choisis et leurs noms seront imprimés à la fin de l'ouvrage. ) L'auteur se réserve de donner pour complément de cet ouvrage un volume qui contiendra le résumé et lé précis de ses immenses recherches sur l’histoire naturelle des araignées. S’adresser par lettres affranchies , à Paris, chez Auaxp Kænic , Libraire, quai des Augustins, N°.25, ou à Strasbourg, même maisôn de commerce, rue du Dôme , N°. 26. Nota. Le susdit Libraire, jaloux de rendre cet ouvrage aussi complet que possible ; promet aux pers sonnes qui lui feroient passer, franc de port, une espèce nouvelle bien conservée, qui n’ait point élé figurée dans le cours de l'ouvrage, deux exemplaires "A Livres divers. 2217 de la livraison qui contiendra la figure qu’il aura fait dessiner et peindre, et un exemplaire complet à eelles qui lui en donneront jusqu’à die TEcHNOLOGIE. eu ANNALES des arts et manufactures, par O’RriLy; n°. 65, 6°. année. On souscrit à l'imprimerie des Annales, rue J. J, Rousseau , n°. 11, à Paris. Ce cahier contient une dissertation sur les moyens employés em Suède pour sécher Les ouvrages et chauf- Jer les hauts fourneaux. Cette dissertation s'étend (d'après la méthode de M. “Paubuisson ) sur les moyens préparatoires dont on doit se servir pour sé- cher les ouvrages et chauffer les hauts fourneaux . avant de commencer uné campagne de fondage. — Addition au mémoire sur les moyens d'émpêcher les cheminées de Jurmer. IT s’étoit commis une erreur dans le mémoire dé M. Lenormand. On trouve, à la page 196, ligne 19 ; qu’il faut que les barres ag fer du chassis aiént deux centimètres de largeur sur Fm face : il faut mettre trois centimètres. — veaux fours à chaux et fourneaux évaporatotres , de l’invention de M. Stephens , de Dublin. On sen- tira, par la description des figures de la planche, jointe à ce mémoire , tout l’avantage d'employer ces nouveaux procédés. — Sur les propriétés de la géla- _dihe tannée. " Cét article renferme - Y'iédiédéion des Sübstances employées par M. C. L. Cadet, pharma- cien , Pour former avec succès là Letaé tannée. Cette matière éffré un double avan tage; celui, quand élle ést chaude” , de Sérvir à estamper ; et quand elle ét sèche, d’être susceptible de recevoir la dorure & le poli. Les premiers essais qu’on à faits sur cette 222 Livres divers. composition doivent engager les artistes à lutis liser. — Nouvelle méthode d'élever l’eau dans les dise | distilleries. Le chevalier Edelcrantz a imaginé En moyen fort ingénieux sur cet objet. La planche, jointe à cet article , prouve tout le mé- rite de cette inventionset en indique lPutilité. — Notice sur les cotons filés destinés à étre blanchis. Elle contient une observation faite par M. Decror- siLLE, sur l’inconvénient qui résulte des procédés employés pour le blanchiment des cotons filés. — Sur le système de numérotage des cotons filés. Un tableau dela comparaison des numéros du Bl 1 de co- ton, dans les divers systèmes de calcul, et annexé à la dissertation sur cet objet, contribue à prouver la facilité et l'avantage du système métrique. — Méthode sur le blanchiment de la paille , par. l'acide muriatique oxygéné. Cet article contient l'exposé des, expériences faites par M. Fiscmer , de Vienne, sur le blanchiment de la paille, et indique les procédés pour la blanchir avec eflicacité, par l'acide muria- tique oxygéné. — Art de préparer le carthame. C’est d’après les expériences de M. Hermstaedt , sur la cul- ture du carthame et sur sa préparation , qu’on fait dans cet article la description d’un procédé pour rendre cette Substance semblable à celle que l’on pré- pare en Egypte. — Nouveau procédé pour fabriquer le blanc de plomb. M. Salxelbyi de Darby , en Angleterre , a trouvé une nouvelle méthode de fa- briquer le blanc de plomb, dont on rend compte avantageusement , en désignant les procédés néces- saires pour la réussite de cette fabrication. — Moyen de faire monter l’eau. La description d’une nou velle méthode d'élever Peau, dont M. Wesr, de la Jamaïque, se dit inventeur, n’est pas aussi nouvelle qu’il le prétend. Cetté invention appartient , depuis Livres divers. 225 1777, à M. Ducrost : la planche jointe à cet article en fait preuve. — Nouvelle construction pour les vais- seaux. Cette invention , qui consiste dans une nou- vellc manière de fixer les baux aux côtés des navires dans les constructions navales , est un objet de la plus haute importance, -et qui intéresse généralement les marins, les ingénieurs et les constructeurs de navire. Il y a une planche jointe à cet article. — Outils pour le desséchement des terrains marécageux Cet article contient l’exposé d’un moyen (trouvé en Angleterre par M. Bayley}) aussi économique qu’expéditif pour dessécher les terrains marécageux. Une planche annexée représente les outils propres à cet usage. MÉDECINE. * ML d'A : Carisropnort T'heophili ne Murr, adnotationes ad bibliothecas Hallerianas botanicam , anatomicam , chirursicam et medicinæ practicæ, cum variis ad scripta Micaarszis SERVET: pertinentibus. Erlangæ , apud Jo. Jac. Palm , 1805, 1 vol. in-4°. de 67 pages. S 4 Tous ceux qui possèdent les bibliothèques bota- nique, anatomique et chirurgicale du célèbre Haller ‘ne peuvent se passer de ce supplément dans lequel on trouve beaucoup d’additions et de corrections utiles et importantes. Les principales sont; pour la bibliothèque botanique , des notices curieuses , tirées de lettres orginales sur l'extrait de thé, un index des manuscrits autographés de Kæmpfer, une lettre du célèbre botaniste Ehret, une notice biographique #ur Jean Lightfoot, auteur de la FLORA scoTicA, une « +2 E24 .Lipres ‘divers. autre sur Jean Miller, l’auteur du Dictionnaire du Jardinier. do Pour la bibliothèque anatomique, une notice inté- ressante d’un ouvrage chinois sur l’histoire naturelle ; ‘üne note sur le médecin Berenger, tirée de la vie de Benvenuto Cellini ; le célèbre passage sur la cir= culation du sang, tiré de l'ouvrage intitulé : CAris- tianismi réstitutio , qui est d’une extrême rarété ; un autre passage du traité De re analomica, 1590, de Reald Colomb de Crémone ; une descrr pH F des trompes de Fallope, tirée des écrits de Rufus} médecin du second siècle; des observations de Caïn- per sur le Rhinoceros biéBte” euc. Les additions à la bibliothèque chirurgicale sont moins nombreuses ; celles à la bibliothèque de méde- cine pratique, sont également utiles, mais elles ne sont pas susceptibles d'extrait. A. L. M. Voyaces. TaBLraUx piltoresques des mœurs , des usages et des divertissemens des Russes, Tartares, Mongols et autres nations de l’empire Russe , en quarante planches enluminées d’après des dessins faits sur les, lieux, dans, un voyage avec le célèbre con- “seiller d'état de Parras ; par J. G. G, GEISSLER, dessinateur el graveur 3 (wec un texte servant d’ ex plication, par noue HemPrEz, jurisconsulle, en alleinand et en drançaïs. — À Paris,chez Levrault ! et Schœæll ; et à Léipsick, chez, ir ER M. Gérssrer, häbile dessinateur ét graveur, à passé “plusieurs années à Saint-Pétersbourg. Il accompagna ‘en qualité dé dessinateur M.Pallas à Moscow}; Pensa et Livres divers. 225 tt Saratof. IL a descendu avec lui le Volga jusqu’à Sarizyn ; il a pénétré au-delà d’Astracan , jusques dans les steppes ou landes des Kirgis, et il est re- venu en Crimée en suivant la ligne da Caucase. I a passé quelques années en Crimée , à Achmetschet ou Sympheropol. Il a donc eu une multitude d’oc- casions d'observer les mœurs, les usages et les ha- bitudes des Russes ; de prendre part à leur jeux. Après la mort de Rte il revint à Pétersbourg. De re- tour à Léipsick, il montra ses dessins à Hide famis, qui heureusement pour le public ont obienu qu'il les publiät. M. Hemrez a bien voulu se charger de la rédaction du texte. Chacun de ces cahiers est composé de. dix plan- ches. Les premières sont principalement consacrées aux jeux et aux divertissemens des Russes. M. Hem- pel les décrit avec beaucoup d’esprit et de vivacité. Ce qu’il en dit est piquant, et les scènes représentées ont un caractère vraiment original. On y voit une file de balancoires méchaniques dont les siéges, à deux et à trois places, sont remplis de personnages grotesques. Ces originaux , s’élevant rapidement au- dessus de la foule , paroissent planer dans l'air, et toujours ils se poursuivent sans pouvoir s’atteindre. Les courses de bagues ne sont pas moins suivies que les balancoires. Au lieu de chevaux et de fauteuils, ce sont des petites caisses comme celles de nos chaises à porteur, qui peuvent contenir plusieurs personnes. Ces amusemens ont surtout lieu aux fêtes de noël. Les planches I eu IT représentent les balancoires. A Pâques, les amusemens sont les principales fêtes, , C'est dans cette espèce de carnaval qu’on se procure le plaisir des glissoires. On coustruit un échafaudage en pente, de la hauteur de quarante pieds. On le couvre T, VI. Novembre 1805. P 226 Livres divers. de carreaux de glace, qu’on arrose jusqu’à ce que la surface soit bien unie, et pour un kopeck, on se donne le plaisir de se précipiter de cette élévation, assis sur un petit traineau, seul ou sur les genoux d’un conducteur. Ces glissoires sont le sujet de la troisième planche. La quatrième représente le jeu des osselets. IL se faiten lançant contre des osselets qui sont rangés à terre un gros os appelé bitax. Planche V. Le jeu du ballon à vent exécuté par les fiacres de Saint-Pétersbourg dans leur costume ;! ils ont sur le dos une plaque sur laquelle leur nu- méro est inscrit, précaution que la police de Paris pourroit adopter comme celle de Saint-Pétersbourg. Ce jeu les échaufle pendant qu'ils attendent qu’on les emploie. Planche VI Le jeu du clou consiste à lancer une masse de fer armée d’une pointe, de manière qu’elle se fixe dans le centre d’un anneau qui est à terre. La planche VIT nous offre une féte villageoise. est curieux de la comparer avec ces fêtes hollan- daises, que lVaimable pinceau de Téniers nous a si bien retracées. Jei finissent les amusemens. La planche VIII re- présente un marché aux viandes gelées. Planche IX. Station de poste dans les landes de la Russie. Un courrier impérial y change de che- vaux. La planche X représente une caravanne de mar chands russes qui se rendent à une foire, La planche XE, qui commence le second cahier, représente l’intérieur d’une maison russe dans un village. La XII°. un cabaret.. Les cosaques du Don, armés de leurs longues lances, paroissent sur la XIII. Les cosaques Saporowiens sur la XIV°. La me | Livres divers. 227 XV°. représente les Malorusses, où habitans de la petite Russie, dont plusieurs ont l'emploi de voitu- riers, On voit sur la XVI°. des Arnautes qui font halte devant un cabaret. Les planches XVII à XX nous offrent les mœurs des Kalmouks, la forme ex- térieure et intérieure de leurs cabanes, et leur marche en caravanne. Deux autres cahiers termineront cet ouvrage, qui offrira un tableau réel et animé des mœurs de peu- ples dont les usages sont si différens des nôtres, et nous paroissent si singuliers. A. L. M. Porsre. Zes Amours d'Héro et de Léandre, poème de Musée le Grammairien ; traduction libre par Charles-Louis Morrrvaur, professeur des langues anciennes, etc. À Paris, de Pimprimerie de Firmin Didot. Les Amours d'Héro et de Léandre sont un des plus ingénieux poëmes de l’antiquité. M. de Mollevaut ne donne que le texte grec et la traduction française. On lui eût cependant volontiers pardonné une courte préface. Combien d'auteurs auroient saisi cette occa- sion pour citer quelques épigrammes de Martial et de l’anthologie; des vers de Voltaire, de Bernis, de Dumoustier, de mademoiselle Louvencourt, etc., qui parlent d'Héro et de Léandre? Îls auroient pu encore rapporter quelques bouffonneries de Scaron et quelques passages gracieux et naiïfs de Marot. Ils eussent fait plus, et en cela ils n’eussent pas été blâmables; ils eussent fait sentir quelle différence il existe entre cette belle simplicité qui fait le charme de tout ce qui est antique, et les froides créations de nos froids beaux esprits. Dans P/rosine et Mélidore, Bernard, oubliant qu'une femme sans 228 Livres divers. pudeur nous révolie, et que si on lui pardonne une Toiblesse, fille du désir et de l’occasion , on ne lui pardonne pas de courir après le plaisir, a donné à Phrosine le rôle que Léandre remplit dans le poëme de Musée. Dans Bernard , c’est Mélidore qui atténd son amante, et c’est elle qui apprend à vaincre les flots de ses bras d’albâire. | Revenons à Musée et à son traducteur. On sait que Léandre demeuroit dans Abydos ,, et que la jeune Héro habitoit Sestos. Ces deux villes étoient voisines; l’une d’un côté du détroit des Dardanelles, et l’autre sur l’autre bord: Lieux où finit l’Europe et commence l'Asie. ( VoLraRE. ) Héro étoit prêtresse de Vénus; Léandre la vit et Paima. IL osa lui déclarer son amour, elle n’y fut pas insensible. Pour s’unir d’un hymen dont jamais l’aurore n’éclaira les plaisirs, Léandre traversoit tous les soirs le bras de mer qui le séparoit de son épouse. Celle-ci: Pour si sûrement faire Que ses parens ne connussent l'affaire, Toujours d'habits de nonain se vêtoit, Et de jour vierge et de nuit femme étoit. (Manor. ) Un orage fit périr Léandre. Héro ne put survivre à cette perte; elle se jeta dans les flots, en aperce- vant l’écume de la mer rouler le corps de son époux. Et après mort qui amant désassemble Se sont encor tous deux trouvés ensemble, dit Marot; ou, si l’on veut, on peut répéter avec M. Mollevaut : d. Er e - = Livres divers. 229 Sur le sein de Léandre elle vient expirer, , Et mème le trépas ne peut les séparer. L'auteur des vers francais , en annonçant son tra vail comme une #raduction Libre, a voulu éviter sans doute toute chicane. Mais nous devons lui rendre cette justice : rarement il s’écarte du sens de l'original; et certes il ne pouvoit mieux faire. La poésie en est abondante et pleine de chaleur; les pensées sont délicates et gracieuses, les expressions brü- lantes et énergiques; les vers harmonieux et faciles; et comme on l’a déjà dit : tout l’ensemble forme un poëme si charmant , que les Gräces semblent avoir présidé à la composition de ce chef-d'œuvre. Cet éloge ne sera point démenti, quant au texte; quant à la version , elle le mérite en partie; mais avec quelque réserve. Expliquons-nous. Si M. Mollevaut eût adopté les vers de dix syllabes, qui rendent le style plus coulant et eonviennent mieux aux pein- tures d'amour et de volupté : s’il eût été plus fidèle- dans sa traduction; s’il ne se fût pas permis quel- ques inversions dures et quelques images hasardées , je crois qu’il eût mérité, sans restriction , les louanges accordées à Musée, Devoit-il dire: : Non , tu ne peux former de lier légitime, Le courroux de mon père accableroit ton crime. Que signifie un courroux qui accable un crime? Cela ne peut ni se voir, ni se concevoir. Nous pourrions ajouter quelques remarques à celles. qu’on vient de lire; mais il nous sera plus doux de justifier le bien que nous avons dit de la traduetion de M. Mollevaut , en rapportant le discours d’un des jeunes spectateurs, qui, conduits aux pieds des au- wls, y voient, y admirent, y adorent sa prêtresse : 230 Livres divers. L'un d'eux exprime ainsi les transports de son àme : Dans l'orgueilleuse Sparte, amante des combats, Où le sexe en luttant trahit tous ses appas, Non, je ne vis jamais de vierges aussi belles. O Vénus! c’est sans doute une des immortelles ç Une Grâce préside au temple des Amours, Et mou œil qui le voit voudroit le voir toujours. Puisse-je recevoir le prix de ma tendresse, Et mourir dans ses bras, de plaisir et d'ivresse ! Grands Dieux ! accordez-moi le nom de son époux, Et de votre bonheur mon cœur n’est plus jaloux. On peut voir par ce passage que les vers de M. Mollevaut ne. manquent ni d'harmonie, ni d’élé- gance. S'il veut revoir son ouvrage avec soin; s’il en bannit quelques négligences et quelques cons- tructions rudes , nous lui dévrons un poëme agréa- ble, et il sera compté au nombre des heureux tra- ducteurs qui marchent avec succès sur les traces de M. Delille. Aug. De L. ALMANACH des Muses. 42°, volume. 1805. A Paris, chez F. Louis, libraire, rue de Savoie, n°. 6. Je suis comme Montaigne : La sentence pressée aux pieds nombreux de la poésie, élance mon âme d’une plus vive secousse. Aussi lis-je plus volontiers des vers que de la prose, surtout quand mon esprit peut s'attendre à une grande jouissance. Je suis ra- rement trompé dans mon espérance, quand je ren- contre quelque ouvrage signé par M. Lezrun. Dans une Ode sur /es Causes physiques des tremblenens de terre, il peint le temps de cette manière: Un pouvoir jaloux et suprème Circule dans tous les climats : f PI Se CRE Livres divers. rh [tn Sur le chaume et le diadème r I] imprime en courant ses pas. Tout cède, mer, peuple, rivage, Jouet constant d’un sort volage, Nul Roi ne l’enchaîne à sa cour; Il trompe une crédule joie, S'il passe sans toucher sa proie, Il la dévore à son retour. Cette image est fort belle. Mais c’est la précisé- ment le talent dé M. Lebrun : il sait peindre d’une maniere tantôt aimable, tantôt sublime, les choses dont il parle. Dans une autre Ode sur 7 Avilisse- ment du trône et de La nation , écrite sous le règne de Louis XV, il s’écrie : J'ai vu les Muses éplorées Fuir tes rives déshonorées , O rivale de Sybaris ! J'ai vu tes héros disparoître, Et plus d’une Hélène renaître, Farale aux neveux de Pâris. Ici la honte est couronnéé : La vertu rampe profanée Sous le char du crime insolent : Nul frein à l’aveugle licence ; Thémis y flétrit l'innocence ; Tout meurt sous un sceptre indolent. Voila des vers excellens, et une expression trouvée, dans sceptre indolent. C’est ainsi qu'il dit dans une autre strophe : Mars a vu tes foibles courages Traäbhir le destin de Francus. Et si quelqu'un blämoit ces hardiesses poëtiques, 232 Livres divers. sans doute M. Lebrun répondroit avec Colardeau : Sans le feu de landace il n'est pas de génie. Ce n’est pas de l’audace dont fait usage M. Vicés; mais il y a beaucoup de facilité, de grâce et d’es- prit dans une épitre qu’il adressa, en 1789, à madame Lebrun sa sœur, partant pour l'Italie. Il y retrace la peinture des cruelles folies qui oceupoient alors toutes les têtes françaises. M. Vigée a pris la plume de Gresset pour décrire les orgies de nos elubs et les bacchanales de nos assemblées législatives. Li passe en revue ces Démosthènes d’un j jour, ces héros de la veille, ces ardens Erostrates qui s’illustroient à l’envi; et il n’oublie pas Cette cohorte de rimeurs Bâtards de Pindare et d’Atrée, Qui dans une ode compassée, Du temps présent sots louangeurs, €Couvrent de leurs vers détracteurs L'idole aujourd'hui renversée ; Qu'hier , en la chargeant de fleurs , Leur main avare eût encensée. L'impromptu sur S. M, l’Impératrice et Reine, esl aussi très-agréable. Depuis quelque temps je lis dans les journaux et dans les recueils des fragmens d’une traduction d'Homère, sigués par M. Aïenax. Cette entreprise est louable , et elle suppose de la patience. Les vers de M. EE annoncent du talent. Son snecès pourra nous consoler de la malheureuse tentative de Ro- chefort , traducteur laborieux et exact; mais qui a prouvé , comme Lamothe, que lesprit ne supplée jamais le génie. En applaudissant au courage de Livres diverse. 253 M. Aignan, en espérant qu'il fera jouir la France du même honneur que Pope a fait à l’Angleterre, nous lui ferons remarquer quelques négligences. C’est Achille qui parle : - « Allons, du coup mortel que son cœur soit frappé ; » Voyons s'il renaïtra de la tombe échappé, » Ou si, des plus vaillans enveloppe glacée, » La terre pesera sur sa cendre affaissée. » 11 dit, par la terreur le Phrygien courbe, Palpitant, demi-mort , à ses pieds est tombé. Le Grec tire sur lui sa lance meurtrière; Le captif prosterné redouble sa prière ; Le dard impétueux sur son dos 4 glissé, Et siffle vainement dans la terre enfoncé. Dans ces yers que nous avons rapportés, outre que des plus vaillans énveloppe glacée est une iour- ture bien recherchée dans la bouche d’Achille, et que tire sur lui, que nous avons souligné, n’est pas bien clair; nous avons encore fait observer des conson- nances de rimes qui se ressemblent presque toutes dans ces dix vers : ce qui est une faute. Et M. Aignan semble avoir assez de talent pour les éviter toutes. Un poëte qui a prouvé la justesse de ce mot de Bernis : Rien ne dure que ce qui plait, s'offre, après Homère, à notre admiration. Le front orné de roses, une large coupe à la main, il se présente entouré des Grâces et des Amours qui dansent avec lui. À ces traits chacun reconnoît et nomme Anacréon. M. Ax- son en est le traducteur. Des deux odes dont il a en- richi l’Æ{/manach des Muses, nous rapporterons la suivante, non pas comme la meilleure, mais comme la plus courte: . Cette nuit, en sommeillant, 254 Livres divers. Je croyois avoir des ailes ; Devant l'Amour avec elles Je fuyois rapidement. Sa marche paroissoit lente, D'un plomb ia masse pesante Chargeoït ses pieds délicats : Bientôt, contre mon attente, Je me trouve dans ses bras. Non, ce n'est point un mensonge ; Je te comprends , heureux songe. J'ai de mes autres amours Brisé la chaîne légère; Mais les nœuds de la dernière Vont me fixer pour toujours. Quel badinage aimable, et élégant! quelle hen- reuse saillie, et qu’il mérite bien le nom de Sage que lui donne Ælien, celui qui écrivit de si jolies choses : Tout son art est de plaire et de n’y penser pas, disoit La Fontaine : en lisant ces vers, qui peut s'empêcher de! Pappliquer au philosophe dé Téos ? Son traducteur pourroit bien aussi prendre une partie de cet éloge, ainsi que M. MorezceT, qui sait, au même âge qu’avoit Anacréon, chanter des chan- sons agréables, en zmnitant cet ingénieux modèle. Des vers de Vorraire sont et seront toujours une favorable trouvaille pour les éditeurs qui pourront s’en procurer. On est loin de posséder encore toutes les œuvres de cet infatigable écrivain ; et c’est sur- tout dans les pièces fugitives qu'il brille, Trois pièces adressées au roi de Prusse, et qui font partie d’un supplément de correspondance publiée n’aguères, ernent ce recueil. On y trouve encore deux char- Livres divers. 295 mantes bagatelles écrites à madame la duchesse de Saxe-Gotha. Je ne me rappelle pas de les avoir lues ailleurs. Voici la première : Loin de vous et de votre image Je suis sur le sombre rivage : Car Plombière est, en vérité, De Proserpine l'apanage. Mais les eaux de ce lieu sauvage Ne sont pas celles de Léthé. Je n'y bois point l'oubli du serment qni m'engage : Je m'occupe toujours de ce charmant voyage Que dès long-temps j'ai projeté. Je veux vous porter mon hommage ; Je n'attends rien des eaux et de leur triste usage ; C'est le plaisir qui donne la santé. La seconde est sur la convalescence de la même princesse : Grand Dieu ! qui rarement fait naître parmi nous De grâces, de vertus, cet heureux ässemblage ; Quand ce chef-d'œuvre est fait, sois un peu plus jaloux De conserver un tel ouvrage. Fais naître en sa faveur un éternel printemps ; Etends dans l'avenir ses belles destinées, Et raccourcis les jours des sots et des méchans Pour ajouter à ses années, Mais si les vers de Voltaire sont une bonne for- tune , ceux de Dioeror en sont une mauvaise. On en connoît peu de lui, et chacun des morceaux qu’il a produits au grand jour, est chargé de quelque ex- pression ridicule, comme : Flutter une bouteille de vin exquis. 236 Livres divers. Qu bien : Crésus regorgeoit de richesse « Il rencontre Thémire au bal. Crésus, pressé par la détresse, Va du boudoir à l’hôpital. Sans doute, Diderot vouloit, par ces bizarres fa- daises, consoler ses rivaux de la supériorité qu’il croyoit avoir sur eux. Le 42°. volume de la collection de l’Æ4/manach des Muses n’est ni meilleur, ni plus mauvais que les autres ; mais il est extrémement varié MM. pe Parny, DE Bourzers, BLiN-DE-SaiNmoRr, BaoURr- Lormrax , CHénier, Drcuerze, DEesronraiNes, Des- PRÉS, Ruauzr, Esmenarp, Frrzus, Morez, Laya, Parzrron-LA-MaADELAINE, etc., ont fourni de charmans opuscules ; parmi les auteurs morts, dont on a pu- blié des morceaux inédits, on distingue RACINE, SainT-Lamserr, MarmonrTez, BEeauMaRcHaAIS, Mat- FILATRE et Ropé. Parlons des Muses : Autrefois mesdames de Bourdic, de Beaufort, de Salm, Verdier, honoroiïent ce recueil de leur pré- sence. Madame Vicrorre Bagoïs marche avec beau- coup de succès sur leurs traces. Elle pleure une fille chérie. Les cœurs sensibles partageront ses douleurs, et les Muses s’en applaudiront. Mademoiselle pu Wiquer-n'Orpre fait entendre très-joliment aux parvenus, dans une fable, qu’ils doivent faire oublier, par de grandes qualités, la rapidité de leur fortune. Madame DE Genus est plus heureuse dans ses romans que dans ses fables. Ses vers ne valent pas sa prose ; ils sont négligés , et sa prose est parfaite. Livres divers. 237 Le Soupçon injuste, romance de madame Durres- No , prouve que, la çroire douée des talens poé- tiques, n’est pas un injuste soupçon. Nous avertirons madame de Monrexcros, avec fran- chise, qu’elle oublie trop que Le naturel est le scedu du génie ; Sacrifiez à la simplicité. (De Bennis.) Un seigneur suzerain parle à une jeune bergère qu'il veut séduire; il lui dit: La chaleur et vos yeux font que mon sang pétille. D'ailleurs, je veux vous offrir un cadeau Qui seul doit enrichir vous et votre famille; Je vous destine un sort nouveau. Le loup peut près de vous se glisser en anguille, Et de sa dent cruelle ouvrir votre tombeau. Quelle métaphore, owvrir d’une dent ! et puis un loup qui se glisse en anguille, un sang qui pétille, et dans la même pièce, un désir qui le grille ; est-ce là écrire simplement et correctement ? Par galanterie , je me tairai sur madame PERRIER, et je reviendrai aux hommes. M. LEMAZURIER a donné un dialogue entre les papes Clément V et Clément XIV, l’un destructeur des templiers, et l’autre des jésuites. M. ze Barzzy a un talent très-aimable dans le, genre de l’apologue. Quoi ! des fables encor? Quoi ! des fables toujours ? — Je n’ai pas fourni la centaine Aux fabulistes de ros jours, C'est le nombre prescrit. — Passe pour La Fontaine, On ne compte pas avec lui. 238 Livres divers. Mais je m’arrête ; sans m’en apercevoir je trans- crirois tout ce prologue, tant il a de charmes. Son dialogue est très-adroit, Il y rend hommage à plu- sieus auteurs vivans et à quelques-uns de ses devan- ciers. Mais pourquoi a-t-il gardé le silence sur Im- bert? Imbert n’est pas sans mérite, et ses prologues surtout sont pleins d’esprit, de naturel et de finesse; ces traits de ressemblance auroïent dù flatter M. le ‘Bailly, et le forcer à se souvenir de ce fabuliste. M. Ducis a écrit à son petit logis, à son petit parterre, à son petit potager, avec lequel il entre en conversation. Ce dernier répond à une de ses con- fidences : | Fe | Je voundroïis vivre avec les hommes. — Avec eux : ce sont presque tous Des méchans, des sots et des fous, Surtout dans le siècle où nous sommes. Voilà un petit terrein bien semé! Enfin l’auteur dit quelques mots à son caveau; de sorte que, de- puis la cave jusqu’au grenier, on voit qu'il a tout Joué dans son habitation champêtre. Au reste, si le choix de pareils sujets paroît étrange , la manière dont ils sont traités sert d’excuse à l’auteur. On se plaît à lire ces douces ingénuités, cette sorte de bon- hommie qu’on ne s'attend ‘pas à trouver dans un fa- vori de Melpomène, et que M. Ducis partage avec les poëtes les plus célèbres. L’Epitre d’un malheureux à son chien, par M. Lz- cz, est pleine d’aisance et de philosophie. Le même, en louant les telens de M. Gois fils, sculpteur, chargé de faire la statue de l'Empereur , à su très-judicieu- sement tirer parti de l’occasion, pour exalter les ac- tions héroïques et les vertus du héros. Ainsi Horace, <)e Livres divers. 259 écrivant jadis à Mécène, chantoit le génie d’Auguste, avec le même art et la même délicatesse. Le Déjeüner que M. Mirrevoye donne à Florine est très-agréable. Peut-être M. de Lareynière n’en a pas trouvé les apprêts assez combinés; mais faut-il autant. de recherches entre deux amans, qu'il en faudroit pour recevoir un tel convive? M. Millevoye, en attendant sa maîtresse, dispose tout pour la bien recevoir. Amour, d’un rien fait une grande affaire. De ma Florine étudions les goûts ; Plaçons ici le fruit qu’elle préfère : M'occuper d'elle est passe-temps si doux ! Ce dernier vers, qui est.le seul du style marotique, fait l'effet d’une dénotation en musique. Il ne faut point confondre les genres. M .Jusrix-Gensoner , dont nous voyons depuis peu des élégies amoureuses, annonce un poële érotique, digne de faire retenir le nom d’Ælomire, quoiqu'il ne sGii pas très-sonore. Ses. vers le sont davantage. 1l a du naturel, de la grâce, de la facilité ; et nous en rapporterions quelques preuves, si cet article n’é- toit déjà un peu long. Il a imité du persan, d’après une traduction en prose de M. de Parny, une idylle intitulée Ze Torrent. Dans un autre recueil, nous avons lu la même pièce versifiée par M.Millevoye, et nous aurions désiré les trouver toutes deux dans le même ouvrage. Ces rapprochemens plaisent, et les deux pièces font plaisir à lire. M. A. Jay fait aussi remarquer son nom par une ode sur le Couronnement de l Empereur Napoléon et par le Retour au Village, où nous avons cru recon- noître la manière ingénieuse et philosophique de 240 Livres divers. Chaulieu , avec moins de négligence. M. Jay est sans doute jeune; c’est la première fois que je rencontre quelqu’une de ses poésies. Eh ! qu'importe, je suis convaincu, avec Marc-Aurèle, qu’un homme inconnu peut être un homme divin. Aug. de L. MELANGES. Journar des Luxus und der Moden. Juni und Juli 1805. Herausgegeben von Brrruca und KrAUs.— C'est-à-dire, Journaz du Luxe et des Modes , publié par Berrucn ei Kraus. Mois de Juin et de Juillet, ou les N°*. VI et VII de l’an 1805. À Weimar, au Bureau d'Industrie. Ces deux numéros renferment la huitième lettre à une dame sur la poésie en général , et la théorie des différens genres de poésie. — Milalimatique ou sur l’art d’empécher les caquets et le bavardage. — No- tice sur l'exposition des tableaux à Dresde, de cette année. — Sur la vie et le caractère de Frédéric de. Schiller. — Des vers adressés à une jeune dame par l’auteur des lettres sur la poésie et ses diflérens geures — Sur l’arrivée du prince et de la princesse héré- ditaires de Saxe Weimar à Eisenach et à Wilhel- msthal.—Nouvelles sur l’état de la musique à Vienne. — Anecdotes sur Mozart et sur Haydn.— Honneurs funèbres rendus aux mânes de Schiller sur le théâtre de Francfort. — Nouvelles du théâtre de Léipsick. — Chaque cahier est terminé par des nouvelles de modes et de luxe. x ve Hollandiæe plantsrum speci- hs © men : auctore J: J. Labillardière. | Face ge 10. Rae LP PR Li . Entomologie. | » À. Laireille genera Crustaceorum et Insectorüm; ‘secundum ordinem naturalem in familias disposita È iconibus plurimis exemplisque ex- plicata. DGSE. 7 216 218 EX “En naturelle des Aranéides, par # À 4 H'alckenaer. RIT k Technologie. F Annals 7 Arts et Rs dtentes ; prob. N°.65,6°. année. 221 Médecine. Christophori Theo bit de Murr , adnotationes ad ibliothecas Hal- lerianas botanicam , anatomicam, = chirurgicam et medicinæ practicæ , ‘ Ru : à l % : * ui > « ‘ 4 Suite de la Table du Numéro. cum variis ads soripta Michaglis Serveti pertinetibus. 218 Voyages. tiens” pittoresques des mœurs, des asages et des divertissemens des - Russes, Tartares, Mongols et au- tres nations de l'Empire Russe ; par J. G. G, Geissler. 224 Poésie française. Les Amours d'Héro et de Léandre, poëme de Musée le Grammairien ; traduction libre par Charleë- Louis Mollevaut. 227 Almanach des Muses, 42°. vol. Mélanges. 230 Journal'du Luxe et des Modes, pu- blié par Bertuch et Kraus. Mois de Juin et deJuillet, ou les n°: Viet VII de l’an 1805. (en alle. ) 240 Re D Lt I S. On peut s’adresser au Bureau du Magasin Encyclopédique, -chez Drraxces, Imprimeur - Libraire, rue des Mathurins , hôtel ? Cluny, pour se procurer tous les Livres qui paroissent en France et chez l’Étranger, et généralement pour tout ce qui concerné la Läbrairie ancienne et moderne. | On s’y charge aussi de toutes sortes d’impressions et d'éditions en langues anciennes et modernes. . Les Livres nouveaux sont annoncés, dans ce Journal, aussitôt après qu’ils ont été remis au Bureau, c’est-à-dire, dans le Numéro qui se publie après cette remise.’ *. Al faut affranchir les Lettres et les Lio On prie les Libraires qui envoient des Livres pour les annoncer, d'en indiquer toujours le prix. rs 5e LTINMINTNT TINTIN TTE F tn AVEC EE Dase :Nerrrs, Desaurr, DEsrONTAINES, Don RO : Al raxe , Fourcroy, Grorrroy, Hazzé, Haüy, HERMANN, | | Lapouisse, Lacérène, LAGRANGE , LALANDE, Lamarcx, |k il Lanciis, Lrérun, L'Heririer, Léveizzé, Manon, En Menrerre, Morerzer, Nogz, Oserzix , SaINTrE-Crorx,* | SCHWEIGHÆUSER, SICARD , SILVESTRE DE SACY, SUARO, |& TrauzLé, Van-Mons, Vexrenar, Viscowr:, Viczoison, [El Usreri, Wicremer, Winokzer, et d’autres, Saÿans où |£ Littérateurs estimables. RARE LP UE SEPT On y insère les Mémoires les plus importans sur toutes. les parties des Arts.et des Sciences; on choisit principa- lement ceux qui sont propres à en accélérer les progrès. On y publie également les Découvertes ingénieuses,. | les Inventions utiles dans tous lés genres. On. y rend : % ” compte des Expériences nouvelles. On y donne‘ un pré- | cis de ce que les Séances des Sociétés littéraires ont offert |® de plus intéressant; une description dé ce que les dépôts 2 d'objets d'Arts et de Sciences renferment de plus curieux. . On y trouve des Notices’ sur la Vie etiles Ouvrages des Savans, des Littérateurs et des Artistes distingués dont on regrette la perte; enfin les Nouvelles littéraires de toute espèce. TE À PUF La correspondance que le Rédacteur entretient avec plusieurs Savans étrangers, et principalement en Alle- magne, lai procure beaucoup de Notices qu’on ne trouve . point ailleurs. 2: On s'adresse, pour l’abonnement, à Paris, chez Derance, Imprimeur - Libraire, rue des Mathurins, hôtel Cluny, EEE chez la veuye Changuion et d'Henget, A Bmsterdant, $ ice Van DOM. M _ À Bruxelles, chez Lemaire. \ À Florence, chez Molini. À Francfort-sur-le-Mein , chez Fleischer. - NE x chez Manget. à HSE € PSN E à Arenve ? | chez Paschoud. à : "A: Hambourg, chez Hoffmann. é À : A Leipsic, chez Wolf. 2 L. À Leyde chez les frères Murray. & 3} É À Londres, chez de Boffe, Gerard Streets 51 2 A Strasbourg, chez Levrault, ; 4 Di à A Vienne, chez Degen. Ë à A Wesel, chez Geisler, Directeur des Postes) €) | IT faut affranchir les lettres. x) all | 4 PAT ISA DATE et De te Ur A US | À rs Aa dr ANT che ja * ne 12 : . ; .° } Û : ‘ û . ’ ‘ —_ “ os l . nr “ ‘ 1 > ' : Î a m Le EUR 4 AAA PAT ATAN) ART | (4 h 1 dr Pro ta ll jt 1} Lt : ou af HPLC (4 l FR IE) EC E 44 FI" y t, 1,1 t LU C LU 4 ls t TATAL AL