2 OT e- - Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa htip//www.archive.org/details/maisonrustiquedu03alex MAISON RUSTIQUE DU XIX' SIÈCLE DIVISION DE L’'OUVRAGE : Tome 1** — Agriculture proprement dite. 2€ — Cultures industrielles et Animaux domestiques. 3° 3° — 5e — Arts agricoles. Agriculture forestière, Étangs, Administration et Législation rurale. Horticulture. Travaux du mois pour chaque culture spéciale. LISTE DES COLLABORATEURS ANTOINE (de Roville), professeur à l'Institut agricole de Roville (Meurthe). AUDOUIN, Membre de la section d'agriculture de lAca- démie des Sciences, BAILLY, des Sociétés d'agriculture et d’horticulture. BEAUVAIS (Emile), magnanier, aux bergeries de Sénart (Seine-et-Oise). BELLA, directeur de l’Institut agricole de Grignon (Seine- et-Oise). , BERLÈZE (l'abbé), des Sociétés d’agriculture et d’'horti- culture. BIERN A4KL, cultivateur, ancien ministre de l’intérieur en Pologne. BIXIO (Alexandre), docteur en médecine. BONAFOUS, directeur du Jardin botanique de Turin, cor- respondant de l'Académie des Sciences. BOULEY, professeur à l'Ecole vétérinaire d’Alfort. CHAPELAIN (Octave de), propriétaire-cultivateur dans la Lozere. COLLIGNON, vétérinaire. DAILLY, cultivateur à Trappes (Seine-et-Oise), des Sociétés d'agriculture et d'horticulture de Paris. DEBONNAIRE DE GIF, conseiller d'Etat, membre de la Société d'agriculture. DEBY, de la Société d'agriculture, propriétaire-cultivateur daosle Loir-et-Cher. LA FÉBURIER, des Sociétés d'agriculture et d’horticulture de Paris. GASPARIN (comte de), pair de France, membre de la sec- tion d’agriculture à l’Académie des Sciences, ancien ministre de l’intérieur et de l’agriculture. GOURLIER, architecte des Travaux-Publics de Paris. GROGNIER, professeur à l'Ecole vétérinaire de Lyon. HERCELIN (l’abbé), supérieur général de la Trappe, près Mortagne (Orne). HÉRICART DE THURY (vicomte), de l’Académie des Sciences, président des Sociétés d'agriculture et d’horti- culture. MERPIN, propriétaire-cultivateur dans l'Indre, de la So- ciété d'agriculture. HOMBRE-FIRMAS (le baron d’), correspondant de l'Insti- tut et de la Société centrale d’agriculture, eultivateur dans le Gard, ete. LUERNE DE POMMEUSE, de la Société d'agriculture. HUZARD fils, des Sociétès d'agriculture et d'horticulture. JAUME-SAINT -HILAIRE, de la Société d'agriculture. LABBÉ, des Sociétés d'agriculture et d’'horticulture. LADOUCETTE, député, des Sociétés d'agriculture et d’hor- ticulture. LASSAIGNE, professeur à l'Ecole vétérinaire d’Alfort. LEBLANC, professeur au Conservatoire des arts et mé- tiers. LECLERC-THOUIN (Oscar), secrétaire général de la So- ciété d'agriculture, professeur d'agriculture au Conserva- toire des Arts et Métiers. LEFÈVRE (Elisée), cultivateur à Courchamp (Seine-et- Marne). LOISELEUR-DESLONGCHAMPS, des Sociétés d’agricul- ture et d’horticulture, MALEPEYRE aîné, de la Société d’agriculture. MALEPEYRE jeune, avocat à la Cour royale de Paris. MASSONFOUR, ex-professeur à l’Ecole forestière de Nanci. MICHAUT, correspondant de l’Académie des Sciences, membre de la Société d'agriculture. MOLARD, de l’Académie des Sciences et de la Société d’a- griculture. MOLL, de la Société d'agriculture, professeur d'agriculture au Conservatoire des Arts et Métiers. MORIN DE SAINTE-COÔLOMBE, des Sociétés d'ägricul- ture et d’horticulture, î NOIROT (de Dijon), ingénieur-forestief. NOIROT -BONNET, géomètre- forestier à Langres (Haate- Mare). ODART (le comte), président de la section d'agriculture de la Société de Tours, propriétaire-agronome dans Indre- et-Loire, ODOLANT DESNOS, auteur de plusieurs ouvrages sur les arts industriels et agricoles. PAYEN, de la section d'agriculture de l’Académie des Sciences. POITEAU, des Sociétés d'agriculture et d’horticulture, au- teur du Bon Jardinier, etc. ; POLONCEAU, inspecteur divisionnaire des ponts et chaus- sées, des Sociétés d’agriculture et d’horticulture. POMMIER , rédacteur en chef de l’Echo des halles et mar- ches. PRESSAT, cultivateur à Saint-Barbant (Haute-Vienne). PUVIS, correspondant de l’Académie des Sciences, prési- dent de la Société d'agriculture de Bourg. RAMBUTEAU (de), pair de France, conseiller d'Etat, pré- fet de la Seine, président de la Société d'agriculture. RENAUT, directeur de l'Ecole vétérinaire d’Alfort, RIGOT, professeur à l'Ecole vétérinaire d’Alfort, RIVIÈRE (baron de), propriétaire-cultivateur dans la Ca- margue, correspondant de la Société d’agriculture. SOULANGE-BODIN, des Sociétés d'agriculture et d’horti- culture, fondateur de l’Institut horticole de Fromont (Seine-et-Oise). SYLVESTRE (de), de la section d’agriculture de l’Acadé- mie des Sciences, secrétaire perpétuel de la Société d’a- griculture. TESSIER, de la section d'agriculture de l’Académie des Sciences et de la Société d'agriculture. VILMORIN, correspondant de l’Académie des Sciences, des Sociétés d'agriculture et d’horticulture, propriétaire-cul- tivateur aux Barres (Loiret), etc. VIREY, ancien député, de la Société d’agriculture, etc. YSABEAU, jardinier-maraîcher à Saint-Mandé, YVART, inspecteur général des écoles vétérinaires, mem- bre de la Société d’agriculture, 0 PARIS. = IMPRIMERIE DE. DUVERGER, RUX DE VERNEUIL, N° 4. MAISON RUSTIQUE DU XIX' SIÈCLE LES MEILLEURES MÉTHODES DE CULTURE USITÉES EN FRANCE ET A L'ÉTRANGER ; TOUS LES PROCÉDÉS PRATIQUES PROPRES A GUIDER LE CULTIVATEUR , LE FERMIER , LE RÉGISSEUR ET LE PROPRIÉTAIRE, DANS L'EXPLOITATION D'UN DOMAINE RURAL ; LES PRINCIPES GÉNÉRAUX D’AGRICULTURE, LA CULTURE DE TOUTES LES PLANTES UTILES ; L'’ÉBUCATION DES ANIMAUX DOMESTIQUES, L’ART VETÉRINAIRE ; LA DESCRIPTION DE TOUS LES ARTS AGRICOLES ; — LES INSTRUMENTS ET BATIMENTS RURAUX ; L'ENTRETIEN ET L'EXPLOITATION DES VIGNES, DES ARBRES FRUITIERS , DES BOIS ET FORÊTS , DES ÉTANGS ; L'ÉCONOMIE, L'ORGANISATION ET LA DIRECTION D'UNE ADMINISTRATION RURALE ; LA LÉGISLATION APPLIQUÉE A L'AGRICULTURE ; TOUT CE QUI A RAPPORT AU POTAGER, AU PARTERRE, AUX SERRES ET AUX JARDINS PAYSAGERS ; ENFIN L’INDICATION DES TRAVAUX DE CHAQUE MOIS POUR TOUTES LES CULTURES SPÉCIALES ; TERMINÉ PAR DES TABLEN MÉTHODIQUE ET ALPHABÉTIQUE Avec 2500 gravures représentant tous les instruments, machines, appareils, races d’animaux, arbres, arbustes, plantes, légumes, serres, bâtiments ruraux , ete., Rédigé et professé Par une réunion d'Agronomes et de Praticiens appartenant aux Sociétés agricoles de France, SOUS LA DIRECTION Du D: Alexandre Bixio, TOME TROISIÈME. ; Arts Agricoles. EE LE ELA RS I te PARIS A LA LIBRAIRIE AGRICOLE, QUAI MALAQUAIS, N° 19 DANS LES DÉPARTEMENTS Chez tous les Libraires et Correspondants du Comptoir central de la Librairie. 1844 SSSNITY QE TON 854766 F TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME TITRE PREMIER. — PRODUITS DES ANI- MAUX. CHAP. If. Du LAIT ET DE SES EMPLOIS. . 1: Secr. zre, Laiterie & lait. . . Tete, Hoi 1er, Construction de la tee. ve. a lie 2. Disposition intérieure de la laiterie. . . . 3 3. Ustensiles et instruments de la laiterie, . , 5 4. Du lait, de ses espèces et qualités. SNARST ET O 5. Soins généraux à donner à lalaïterie. . . . 11 6Travaux dela laiterie. . .! . . . + "13 7. Conservation et transport des produits. . . 15 Hhäliérationsr dutlaite ÉNEMRMEUET 2° "16 9- Falsification du lait. . . . . DIT GST IT IT ag à NTI TITN OO Gi Ti Sncr. 11: Laiterie à beurre 0 TM JC. 1b. 127; Du beurre: -® 2: D de RSI U 2. Des barattes et autres ARE 7 RTO 3. Des qualités du beurre et de leurs causes. . 22 4. Conditions pour la fabrication du bon beurre. 23 D hrs du beurre. 0:30. 0, Ras ÉolRuReRe. -/-,,. MNUNE PMRNS , D a5 7. Coloration du beurre. . . Nr 120 8. Méthodes diverses pour fairele betire Pb: S 9: Beurre de petit-laits :* .® «+ . . . . . 27 $ 10. Conservation du beurre. . Et: S 11. Alterations du beurre. . . . 1e 29 À 12. Moulage et transport des baurun + D. D Sscr. 111. Laïterie à fromage. :. + . . » . . 30 Art. IT, Composition des fromages en general. . . ib. Art. 11. De l'atelier et des ustensiles de la fromagerie, 31 è 1°", De la fromagerie. NON. MON, MOTTE: 2. Ustensiles et instruments. . . . ST: Art. III. Preceptes généraux pour la Aaron Fr fromages. . . he Ve 95 $ 1°". Coagulation ou formation du caillé. . ib. EMBBar presmresn 20e SMMENNNN, JE OUR: II. Coloration des fromages. . . . . . . 36 II. Formation du caillé. . - . . . . . 37 2. Division ou rompage du caille. . . . . . ib. $ S 3. Maniere de presser les fromages et de les trai- ter pendant la pression. . . . . . . . 38 $ 4. Maniere de saler. . . Le D: £. IV. Procédés particuliers de eo $ 1€r. Fromages de lait de vache. . . . . .ib. E Fromages MOUX GUÉTAR eue leu fe ED: II. Fromages mous et sales. . . . . . 1b. ITL. Fromages à pâte ferme soumis à la presse. . 42 I. Fromages cuits, à pâte De ou moins dure et pressée. . A 273 Ro à 2. Fromage de lait Me is. à: 225: 3. Fromage de lait de chèvre. . . , . , .5b. $ 4. Fromages de laitsmélanges. . . . 6. Art, V. Préparations avec le caille et des alstined MERE 1040 AN HU horus) 2 5 54 Art, VI. Brocotte, recuite, serai, ricolte. . . . , :1b. Art. VII. Conservation des ges sont à 55 Art. VIII. Conclusion. . . TE 5,56 Sscr. 1v. Emploi des residus d iaitage. SE . 57 Secr. v. Des fruitieres, ou associations rurales pour la Jabrication du laut. . . . nn Fib. Sect. vit. Produits et profits de la laiterie, sy 1°". Produits de la laiterie, . . . . . . . 59 G 2: Profisideinlaiterieute ve mohmint 2 7 CHAP. II. DES MOYENS D’UTILISER LES ANIMAUX MORTS. . . . . . 63 Secr. Considérations sur les debris des animaux. ib. Secr. 11. CR nd des animaux, . . . 65 Secr. 11, Conservation, préparation et emploi de la chair, du sang et desos. , . : . 66 1v. Préparation et emploi de quelques autres produits des animaur. . + . . , . . 70 Secr. v. Valeur et produits des animaux morts. . . 56 CHAP. III. APPRÊT DES PLUMES A ÉCRIRE, 77 Secr. 1°. Des plumes à écrire. # . + 3 . , à. Secr, 11+ Appret des plumes. . . . + ib. Sucr. 111. Coloration, assortiment , empaquétäge. - 79 CHAP. IV. INCUBATION ARTIFICIELLE. , . 16. Secr, 1°. Des appareils pour faire couver les œufs. tb. Secr. $ 1er. Couveuse artificielle. . . . . . . . 9 à 2. Calefacteur couvoir de M. Leman. , , . 80 Se EtaveBo 2 à moe . Sr S 4. Couvoir Sorez. . . . ar : . 33 5. De quelques autres methodes ‘d'ineubation. . 84 Secr. u. Règles pratiques sur l'incubation des œe et PERTE des poulets. . . 85 1er. De l'établissement des appareils ; hais ‘des œufs! .. . ee pts) Ut Ms, 10. . Mauière de diriger l'incubaton. . . + + 1b. + Naissance des poulets. . . . . . . . 8 + Premiers soins à donner aux poulets. . + . 1b. «+ Des chapons conducteurs, des poussinières et méres/arlificielless, 1: «st (Ie. 1h; 6. Nourriture des poulets. DCE EN D ACRCT 7 Considerations économiques. . . . , . ib. CHAP. V. LAVAGE BES LAINES. . « . . SEcr. 1'€. Qualités et défauts de la laine. + . , . 90 $ rer. Qualités de la. laine, 2 41, 2. gt $ 2. Pants de la lame: "27 as: A7 92 AN COSTA A er + œ n Secr. 11. Classement et triage des laines. . 093 N\ 1er Classement des moutons ou des:toisons. . tb. k Triage des laines. . . ° . 96 $ 3. Moyens pour mesurer la Pniee des laines. . 97 SEcr. 111. Lavage des laines. . . : . . . . 98 $ Ier DS Er CE 0.1.0 99 K 2. Opérations qui précèdent. le das ages EE CR MONTE K 3. Des divers modes de lavage. . . . . . 100 19. Favages a feoid 250 ME MLN SEE: a Lavages à, chaud. 5 A2 102 SEcT. 1V. Conservation des laines. . . . . . 107 Secr. v. Vente et emballage des laines. . . . . 108 CHAP. VI. CONSERVATION DES VIANDES. . 109 Secr. 1'€. De la salaison des viandes. . . . . 5. $ 1°". Salaison des viandes en Irlande. . . . 6. N 2. Salaison des viandes en Angleterre, IIL 3. Résume des principes sur Ja salaison de Viandes: AT a ner etes . 112 Secr. 11. Du boucanage des viandes. DFE CNED 4 OR 0:71 Secr. 111. Autres moyens de conserver les viandes. , 118 CHAP. VII. EpucATION Des VERS À SOIE. 120 Secr. 1°. Histoire naturelle du ver à soie, . 1b. $ 1°", Description du papillon, de la chine à et dela chrysaliden NUS de propres à l’animal, surtout lorsque la chèvre entre en chaleur. C’est celui qui four- nit le moins de beurre, mais le plus de fro- mage. Ce beurre, d’une blancheur constante, esl ferme, d’une saveur douce et agréable, el se conserve long-lemps frais. Son caillé, très-abondant et d’une bonne consistance, est comme gélatineux. On prétend que l’o- deur caractéristique de ce lait est moins pro- noncée dans celui qui est fourni par les chè- vres blanches et les chèvres sans cornes. Le lait de vache, celui dort on fait le plus fréquemment usage, et qui est, presque par- tout, à lui seul l’objet destravaux dela laiterie, contient moins de beurre que celui de brebis et plus que celui de chèvre. Son fromage est aussi moins abondant; mais les principes se séparent avec plus de facilité. Le lait d’änesse a beaucoup d’analogie avec celui de femme; il donne une crème qui n’est Jamais épaisse ni abondante. Il contient aussi moins de matière caséeuse que ceux de vache, de chèvre et de brebis, et cette matière est plus visqueuse. LEV. IV. Le meilleur lait de vache n’est ni trop clair ni trop épais; il est d’un blanc mai , d'une saveur douce el agréable. Au-dessus de 15 de- grés du thermomètre, le lait devient aigre en peu de temps: au-dessus de 20° à 25°, cette acidification s'opère dans l’espace de quel- ques heures. Par cette prompte coagulation la matière caséeuse enveloppe et entraine la crème, qui se précipite en même temps qu’elle, et ne peut plus monter à la surface. La créme est une matière épaisse, onc- tueuse, agréable au goût, ordinairement d’un blanc mat, passant, par le contact de l'air, au ; blanc jaunâtre. La première couche qui se fornie sur le lait n’a presque pas de deusité, mais à mesure que le beurre se sépare, la crême s’épaissil. Cette crême monte plus fa- cilemernt sur le lait, quand celui-ci présente une surface assez étendue au contact de l'air. sous une faible épaisseur. La température la plus favorable à celte séparation de la crème est celle de 10 à 12 degrés du thermomètre centigrade. Les variations que présenle le lait de vache sont si nombreuses qu’elles paraissent insai- sissables. Elles portent surtout sur la cou- leur, la saveur, l'odeur, la consistance ou densité, la quantité des principes cousti- tuans et leurs rapports entre eux. — Les va- riaiions dans la qualité peuvent proveuir de causes extérieures ou être dues à l'animal qui fournit le lait Les phénomènes extérieurs accidenteis qui peuvent changer la qualité du laït après son extraction , sont toutes les variations brus- ques de l’atmosphère, l’élat électiique ou orageux de l'air, les brouillards puaus, les vaz odorans, l'humidité, les émanations in- salubres, la poussière, elc. Quant aux variations dues à l’arimal, elles sontencore plus uombreuses. Ainsi certaines races donuent un lait de qualité différente de celui des autres races. Cette différence s’observe aussi entre les animaux d’une méme race, dans ceux d’une même famille, et même jusque dans le même individu, dont le lait peut changer de caractère à chaque saison, chaque jour, à chaque traite et à chaque instant par une foule de causes diffi- ciles à apprécier. Les principales sont les suivanies. 1° L'organisation et l'etat physiologique de l'animal. 1\'est clair qu'un animal faible, épui- sé, attaqué d'une maladie quelconque, ne peut fournir qu’un lait peu riche ou de mauvaise qualité. Une santé florissante et robuste, une bonne constitution, sout donc les premières qualités requises pour fournir du lait d'une grande valeur. Plusieurs phénomènes phy- siologiques changent aussiles qualités du lait; ainsi celui des vaches en chaleur a un goût particulier et fort peu agréable, et celui des vaches qui sont prêes à vêler a aussi des qualités toutes particulières. : 2° L'âge. Lelait n'arrive à sa perfection que lorsque la femelle atteint l’âge convenable. On a remarqué qu'il fallait que la vache eût porté 3 ou 4 lois pour que l'organe mammaire füt en état de préparer un excellent lait, et continuât à le fournir tel jusqu'au moment où, la femelle passant à la graisse, la lacta= | tion diminue et cesse entièrement : ce qui CHAP. 1°’. arrive communément vers la 10° ou 12° an- née, ou après le 7° ou 8° vélage. 3° Le régime alimentaire joue le rôle le plus important dans la qualité du lait. Ce- lui-des vaches nourries avec la tige et les feuilles de maïs, ou le marc de betteraves, est doux et sucré; celui de la vache alimen- tée avec des choux ou des navets, de l’ail, de la moutarde sauvage et beaucoup d’autres lantes, a un parfum et une saveur désagréa- les; les pailles d'avoine, d'orge et de seigle donnent un lait de mauvaise qualité, suivant Sprengel et M. Mathieu de Dombasle. Le lait des animaux qui broutent les prairies humi- des est séreux et fade; celui des vaches nour- ries dans les pâturages élevés a plus de con- sistance et est plus savoureux. Le change- went de nourriture, le passage brusque du vert au sec altèrent constamment pour quel- que temps la qualité du lait. L’abondance, la fraicheur et la bonne qualité des alimens sont donc des conditions pour obtenir un bon lait et en grande quantité. Enfin, certai- nes plantes ne porlent leur action particu- lière que sur l’un ou l’autre des principes du lait, les unes augmentant la quantité de la crème, d’autres celle du fromage, etc. La quantité et la qualité de la boisson influent aussi notablement sur le lait. L'eau très-pure, et donnée à discrétion, fournit constamment les meilleurs produits. 4° Les soins hygiéniques ne doivent pas être négligés. La vache est un animal délicat qu’il faut garantir contre les grandes intempéries des saisons. Un exercice modéré, du repos sans fatigue, une habitation salubre, un état habituel de tranquillité, permettent à cet animal de fournir ua lait plus crémeux et plus délicat. Les vaches qu’on fait courir, celles qu'on maltraite, contrarie ou tour- mente, ne livrent guère qu’un liquide pauvre et peu aboudant. Enfin, on s’est tres-bien trouvé en Saxe, en Baviere, en Flandre et en Angleterre, d'étriller, brosser et laver, tous les jours, les vaches avec le même soin que les chevaux. 5° L'époque de la traite. I faut au moins 12 heures pour que le lait puisse s’élaborer convenablement dans l’organe mammaire, et prendre tous les principes dont il est sus- ceplible de se charger. Plus les traites sont fréquentes, plus aussi le lait est abondant, mais moins ji! est chargé en principes. Réciproquement, une vache qu'on ne trait qu'une fois par jour donne un lait qui con- lient un septième de beurre de plus. Le lait du malin a constamment plus de qualités que celui du soir. 6° La période de la traite. Le premier lait uré est plus clair, plus séreux, moins riche en crême. Sa consistance et sa qualité s’amé- liorent successivement jusqu’au dernier tiré qui est le plus riche. La quantité de crème produite par les dernières portions de lait, comparée à celle du lait qui sort le premier, est au moins 8 fois plus considérable; com- munémentelle l’est 10 à 12 fois, et peut même aller jusqu'à 16. Le lait, dépouillé de sa crême, présente aussi de fort grandes différences suivant la période de la traite. 7° Le temps qui s’est écoulé depuis le part. Le premier lait qui suit la parturilion, et CONDUITE DE LA LAITERIE A LAIT. if u'on a nomme colostrum, est épais, jaune oncé, mucilagineux, et ne donne que de faibles quantités de crème. Ce n'est guère qu'après 12ou 15 jours qu'il commence a être bon. À partir de cette époque, il s'améliore successivement jusqu’à 8 mois, époque à la- quelle il a acquis tout son degré de perfection. Boisson a trouvé que chaque + kilog (1 liv.) de lait d’une même vache qui venait de vêler, donnait en beurre 15 gram. 10 (3 gros 48 gr.) à 2 mois, 18 gram. 50 (4 gros 64 gr.) à 4 mois, et 22 gram. 30 (5 gros 62 gr.) à 8 mois. Il est aussi des vaches qui donnent de bon lait toute l'année, excepté les quinze jours qui précèdent et suivent le vélage ; d’autres qui tarissent au 7° mois de la gestation. 8° L'état moral de l'animal joue aussi un rôle important : ainsi, on voit toujours la qualité du lait changer et se détériorer chez les vaches à qui l’on entève leur veau, et qui manifestent leur douleur par des mngisse- mens plaintifs et par l'agitation ; chez celles qu'on separe de leurs compagnes, qu'on change même de place à l’étable, où qui éprouvent une affection morale quelcor.que. 9° Le chumat et la saison. Les pays un peu humides el lempérés donnent un lait plus abondant. Au printemps, ce liquide est sa- voureux, abondant, plus crémeux et plus riche qu’en hiver. On peut faire varier les quañtés du lait à volonté en ayant égard aux remarques pré- cédentes, et un fermier intelligent ne man- quera pas de recueillir ei d'appliquer cel- les qui sont les plus favorables à ses in. térêts, à l’excellente qualité de ses produits et à la bonne administration de son exploi- ation rurale. $ V.-- Soins generaux a donner à la laiterie, Aucune branche de l’économie rurale, dit sir John SixcLair, n’exige des soins aussi at- tentifs et aussi constans que la laiterie. Si les vases employés sont milpropres, si l’un d'eux seulement reste souillé par négli- gence , si la laiterie elle-même n’est pas en- tretenue dans un état constant de propreté, si elle est en désordre, enfin si l’on néglige une foule de soins minutieux et de petites attentions, la majeure partie du lait est per- due, ou l’on n’en retire que des produits de médiocre qualité. C:3s soins sont de tous les Jours et de tous les momens, et il n’y a que la fermière et ses filles qui puissent s’en ac- quitter convenablement : on ne peut guèr? les attendre d’un serviteur à gages. La propreté admirable des laiteries hollan- daises, dit M. Arrow, était pour moi à cha- que pas un sujet d'étonnement. De tous les peuples de la terre, les Hotlandaïs sont assu- rément ceux qui apportent les soins les plus attentifs dans toute leur économie domes i- que : leurs laiteries, leurs usten iles, sont aussi nets, aussi purs que nos vases polis de cristal ou de porcelaine; el c’est, sans aucun doute, à ces attentions conslantes de pro- preté, que ce peuple doit la bonne qualité de ses beurres. Les laiteries les mieux tenues , telles que celles du pays de Bray, d’Isigny, de la Prévalaye, de la Hollande, de la Suisse {2 ARTS AGRICOLES : LAITERIE. LIV. IV, sont précisément celles qui fournissent les | des variations brusques de température, soit, meilleurs beurres ou les fromages les plus ! lorsqu'on prévoit un changement de temps délicieux ; il est donc de la plus haute impor- tance, dans la direction d’une laïiterie, non seulement d’avoir une connaissance parfaite de l’art, mais de veiller avec la plus scrupu- leuse exactitude à l’accomplissement des soins généraux qui assurent d’excellens pro- duits. La température qu’il faut faire régner et conserver dans la laiterie est un point im- portant , qui doit fixer sans cesse l’at- tention de la ménagère. Cette température doit, autant que possible, être en toute sai- son de 10 à 12 degrés du thermomètre cen- tigrade (8 à 10 de celui de Réaumur), parce que c’est à ce degré de chaleur que la crème se sépare plus complètement du lait. Si la température est plus élevée, le lait s'aigrit promptement, se caille et ne fournit plus qu'une couche mince de crême, celle-ci n'ayant pas eu le temps de monter à la sur- face. Au contraire , quand la température est trop basse, la crème se dégage mal, monte avec difficulté, et contracteune saveur amère qui nuit à son débit ou à la délicatesse du beurre. On doit chercher autant que pos- sible à maintenir une température constante de 10° en été et de 12° en hiver. Pour régler la température, on fait usage dN thermomètre (1), et pour la diriger on emploie les moyens suivans.— Si, malgré les précautions prises, la température ez2 hiver descend au-dessous de 10°, on la rétablit en faisant circuler de l’eau chaude ou de la va- peur dans des tuyaux disposés pour cet objet, en allumant du feu dans le poêle ou le calori- fère, ou bien en apportant dans la laiterie un petit baril et mieux une petite caisse en tôle remplie d’eau bouillante et soigneu- sement fermée; on peul encore déposer dans la laiterie quelques briques ou cailloux rougis au feu, dont on augmente le nombre ou qu’on renouvelle suivant le besoin; mais il faut bien se garder, ainsi qu'on le fait dans quelques localités , d'apporter dans cette salle des réchauds, des fourneaux découverts ou tout autre vase à feu qui laisse échapper des vapeurs, des cendres ou de la fumée, parce que, outre le danger d’asphyxier ceux qui se trouvent ou entrent dans la laiterie, on apporte encore des malpropretés et on com- munique au lait un mauvais goût que parta- gent les produits qu'on en retire. — Au con- traire, si, pendant les chaleurs de l'été, la tem- pérature s'élève au-dessus de 12°, ou si le lait apporté encore chaud lend à faire monter le thermomètre, on peut abaisser cette tem- pérature en plaçant à divers endroits de l’a- telier quelques morceaux de glace qui, en se fondant, rétablissent l'équilibre du calori- que. Pour cela il faut avoir une petite gla- cière économique attenant à la laiterie, comme on le voit dans quelques parties del’ An- gleterre, ainsi que daus Le Lodésan où se fabri- ue l'excellent fromage de Parmésan, À dé- aut de glacière on abaisse la température en faisant tomber en pluie de l’eau fraiche, ou même par de simples lavages. Ce qu'il importe surtout, c'est de se mettre à l'abri par la chute ou l'élévation du baromètre (1), en fermant toutesles ouvertures et les recou- vrantavec des paillassons,soil par des lavages. La température constante des eaux des puits artésiens , qui en toute saison est d'environ 12°, serait très-propre, si on pouvait à vo- lonté introduire leurs eaux dans la laiterie. à maintenir l’uniformité de température la plus favorable au laitage. L'état orageux de l'atmosphère est très-nui- sible au lait, dont elle détermine la coagu - lation prématurée, et avant que la crême soit séparée de la matière caséeuse. Pour se garantir de cet effet, on n’a d’autre ressource que de répandre partout de l’eau fraîche dans la laiterie, puis d’en fermer toutes les issues. Fourcroy pensait qu’on pouvait prévenir ou au moins retarder les effets funestes des temps orageux en faisant traverser toute la laiterie par un fil ou conducteur métallique. La propreté la plus minutieuse est non seu- lement indispensable dans une laiterie, mais c’est la véritable base de toute son économie. En vain vous posséderiez des vaches laitières exceilentes, vous les nourririez dans les pà- turages les plus riches et les plus abondans, si la propreté ne règne pas dans votre laiterie, vous ne pouvez recueillir, malgré vos soins dans la manipulation, que des produits de ualité inférieure. Le lait est un liquide très- délicat que la moindre exhalaison, la souil- lure la plus légère peuvent considérablement altérer. Une bonne ménagère n’épargnera donc ni peine ni soins pour rechercher et maintenir cette propreté si précieuse, et elle y parviendra par les moyens suivans : 1° Les laÿages fréquens et abondans. \Is doivent avoir lieu avec de l’eau pure et frai- che une fois tous les jours pour la laïterie entière, et ils seront répétés toutes les fais qu'on aura fait quelque opération qui aura donné lieu sur les banquettesousur le dallage à l’épanchement d’un peu de lait ou de crême, à des caïllots de matière caséeuse ou à du pe- tüit-lait. Ces matières répandues ne tarde- raient pas à s’altérer, à faire cailler le lait dans les terrines, et à donner à toule la lai- terie un goût d’aigre et de moisi. Ces lavages doivent se faire à grande eau et en frottant les endroits souillés avec la brosse, de petits balais de chiendent ou d’écorce de bois, ou des linges imbibés d’eau. Les vases se récu- rent avec du sable fin et de la cendre dont on charge une poignée de paille ou de feuilles d’ortie. Enfin toutes les eaux du lavage doi- vent être dirigées, avec un balai bien propre, dans les gargouilles qu’on lavera elles-mêmes à l’eau pure et avec beaucoup de soin. 2° L’asséchement prompt et complet de la laiterie aussitôt après les lavages est une condition nécessaire, parce qu’on a remar- qué que la vapeur d’eau qui s’élèvecontenait, malgré les soins les plus scrupuleux, assez de particules fermentescibles pour faire tour- ner le lait ou donner à la laiterie un goût de moisi, et que la crème et le lait conservent bien plus long-temps leur douceur dans une atmosphère sèche que dans an air humide. (4) Ce instrument est décrit et figuré dans le chap. [°, livre {®. émab. i°’. TRAVAUX DE LA On parvient à sécher promptement la laiterie en la frottant partout avec des éponges for- tement exprimées, puisavec des linges blancs et secs, et en établissant, aussitôt après, un courant d’air assez vif qui achève d'enlever les dernières particules aqueuses. 3° Le lavage de tous les ustensiles doit se faire non pas dans la laiterie, comme on le pratique quelquefois, mais dans le lavoir contigu qui est destiné à cet usage. Tout vase ou ustensile qui a servi à contenir, passer ou filtrer du lait, de la crême ou du petit-lait, doit être soumis à un lavage. Ce lavage se donne à l’eau bouillante, qui est toujours sur le feu à cet effet, et en frottant les objets partout avec des brosses ou de petits balais, puis avec un gros linge. Cette opération ayant été faite soigneusement, on les rince à l’eau pure et froide, on les fait égoutter, on les essuie avec un linge sec et très-propre, puis on les expose au soleil, à l'air ou sur des planches bien aérées pour les sécher complè- tement et afin qu'il ne s’y forme pas de moi- sissure. Enfin, quand ils sont tres-secs, on les range sur des planches où on les trouve fa- cilement quand on en a besoin. Dans les temps humides, brumeux et froids, où l’air ne suffirait pas pour les sécher, on procède à cette opération en les plaçant devant le feu. Tous les vases qui ont contenu du lait, après un temps plus ou moins long de ser- vice, ou dans lesquels il se serait aigri ou gâté, doivent être préalablement échaudés avec une lessive bouillante de cendres, ou bien de polasse ou de soude faible, frottés partout dans cette lessive avec la brosse et le gou- pillon, soumis de rechef à cet échaudage s'ils ne sont pas bien nets et conservent en- core une saveur ou une odeur aigre et acide, et enfin passés à l’eau bouillante, rincés à l'eau froide et séchés de la manière indiquée ci-dessus. 4° Ecarter du voisinage de la iaiterie tout ce qui pourrait corrompre l'air, tei que fu- miers, urines, mares, eaux ménagères, im- mondices, etc.; — établir ou chasser au loin tous les travaux ou tous les objets qui occasio- nent de la fumée, de la poussière, ou soulè- vent et agitent un air chargé de principes fer- mentescibles, sont autant de conditions uti- les à remplir. 5° Il ne faut rien introduire de malpropre dans l’intérieur de la laiterie. Ainsi on éloi- gnera tous les animaux quelconques.On aura soin de ne pas apporter avec les pieds, quand y on entrera, de la boue, de la poussière, des fientes. Le mieux , pour éviter cet incon- vénient, est d'imiter les bonnes ménagères du pays de Bray, qui r’entrent jamais dans la laiterie qu'avec des sabots de RTE ui res- tent toujours à la porte, et qu'on chausse après s'être préalablement dépouille de sa chaussure ordinaire. On doit, en outre, avoir l'attention de ne pas manger ou fumer dans la laiterie; — de ne pas y apporter de sub- slances odorantes où fermentescibles, qui donneraient un mauvais goût au lait ou le corrompraient ; — de ne pas y entrer la nuit avec des lampes, des torches ou autres lu- mières qui chargent l'atmosphère d’une fu- mée épaisse et puante , etc. €° On entrera le moins possible dans la lai- LAITERIE A LAIT. 15 terie, et seulement lorsque eela sera rigou- reusement nécessaire. Pour tous les travaux, il vaut mieux , en été, n’y entrer que le ma- tin ou le soir, et en hiver vers le milieu du jour, parce que c’est l’époque de la journée, dans ces saisons , où l’air extérieur s'éloigne le moins de la température moyenne. 7° On ne doit rester que Le temps nécessaire aux opérations, parce que la présence prolon- gée d’un être vivant dans la laiterie en élève la température; — que lagitation produite par le mouvement nuit à la bonne séparation de la crème ; — et que la transpiration et la respiration y versent des miasmes qui altè- rent la pureté de l’air. 8° Faire toutes les manipulations au dehors est une règle dont on s’est bien trouvé dans plusieurs localités , mais qui peut néanmoins entraîner à piusieurs inconvéniens assez gra- ves. Dans tous les cas, si on aime mieux faire tous les travaux à l’intérieur, il faut se bâter, dès qu’ils sont achevés, d'enlever tous les vases où ustensiles qui ont servi, où ceux qui ne doivent plus y rester, et exécuter les lavages convenables. 9° ZZ faut nettoyer à fond une fois par an, ou plus souvent, si cela est nécessaire ; c’est- à-dire qu'il faut une fois chaque année faire gratter, laver, réparer et recrépir les murs, et les blanchir à la chaux dans toute leur étendue. 10° On opérera des fumigations ou l’as- sainissement quand la laiterie aura contracte un goût aigre et de moisi que les lavages or- dinaires ne peuvent enlever, et lorsque la crême ou le lait manifestent promptement des taches de moisissure. Dans ce cas, il faut vider tous les vases, asperger de l’eau par- tout, boucher toutes les ouvertures, et faire brûler au milieu de la laiterie, dans un plat de terre,quelques poignées de fleur de soufre. On ouvre ensuite toutes les issues pour opé- rer une ventilation, et on lave partout à piu- sieurs reprises. On peut encore nettoyer tous les ustensiles en bois et la laiterie entière avec de l’eau de Javelle, ou de l’eau dans laquelle on a délayé du chlorure de chaux ( ces substances se trouvent à bas prix chez tous les pharmaciens); après cette opération, il faut laver plusieurs fois à grande eau, ven- tiler, et n’introduire de nouveau lait dans la laiterie que lorsque toute odeur d’eau de Ja- velle ou de chlorure aura complètement dis- paru. $ VI.— Travaux de la laiterie, Toute l’économie d’une laiterie consiste à la diriger avec la plus parfaite régularité, à faire chaque chose au moment convenable, sans en hâter ou en différer l'exécution, ce qui, dans les deux cas, nuit à la qualité des produits. Tout dépend de l'exactitude, de l’activité, de l’habileté et de la propreté de la personne chargée de sa direction. Ses oc- cupations, ses soins, sa vigilance commen- cent et ne doivent finir qu'avec le jour. Les soins généraux à donner à une laiterie ont été expliqués avec assez de détails pour que nous n’ayons plus à y revenir; ce sont donc les manipulations qu’on fait subir au lait aussitôt après son extraction des mamel- les de la vache, qui vont seules nous occuper 14 ce que nous aurons à enseigner pour traire les vaches laitières, appartenant au chapitre consacré à ces animaux. —Les manipulations du domaine de la laiterie sont relatives au transport du lait, à son coulage, à la forma- tion de la crême et à l’écrémage. 1°7ransport du lat. Le lait, recueilli dans les seaux à iraire (/£.3,4),est porté immédiale- ment à la laiterie.si elle es: à proximité,ce qui est peut-étre le mode le plus avantageux, ou versé dans lesbasies ou rafraichissoirs (/g.6), de la contenance de plusieurs seaux, el trans- porté ainsi quelquefois de points fort éloi- gnés, soit à la main, soit au moyen d'un bà- ten, sur les épaules de deux hommes. Ceile méthode de traiter le lait, qui est presque partout en usage, a cependant été reconnue pourêire désavantageuse. D'abord on mêle ainsi le lait de toutes les vaches ce qui est contraire aux intérêts du fermier dans bien des cas. Ensuite le lait, secoué, agité et battu par le transport, donne moins de crême, et cette crême est moins bonne et moins épaisse. Enfin, en transvasant ainsi plusieurs fois le lait, or forme de la mousse qui s'oppose au facile dégagement de la crême, et on provoque des courans électri- ques qui hâternit sensiblement sa coagulation. 2° Coulage. C’est une opération qui a pour but de séparer du lait les poils et les mal- roprélés qui auraient pu y tomber pendant a mulsion ou le transport. Elle se fait de la manière la plus simple en puisant le lait dans les rafraichissoirs, et en le versant douce- ment dans la couloire ou la passoire( Æg. 9), qu'on tient aussi près que possible de la sur- face du lait dans les terrines, pour ne pas pro- voquer de la mousse où un Jjaillissement qui souillerait les vases et les tables de lalaiterie. Le lait doit être coulé encore chaud dans les terrines(/Æg.14, 15), suivant le doct. ANDERSON. Selon lui, le lait por'é à une grande distance, agilé et refroidi avant d’être mis dans les terrines, ne produit jainais autant de crême ni d'aussi bonne que s’il eûl été versé aussi tôt après la mulsion. Ce principe, qui parait foidé sur l'observation, n’est cependant mis es pralique presque nulle part, et dans la iJeure parie des grandes laiteries, le lait a eu le temps de se refroidir daus les rafrai- chissoirs avant d'être coulé dans les terrines. — 1! y a plus. et dans quelques pays on suit une marche absolument contraire: ainsi, dans quelques parties de l’Angleterre, et en Hollande dans les belles laiteries des envi- rons de Rotterdam et de La Haye, le lait chaud est versé dans de grands vases en cui- vre qu’on plonge immédiatement dans l’eau froide pour enlever le plus rapidement pos- sible la chaleur du lait avant de le verser dans les terrines où il doit former sa crême. En Lombardie, on entoure même les vases à lait de glace pour les rafraichir avec plus de célérité. Quoi qu’il en soit, il parait bien reconnu qu'il est avantageux de refroidir promptement le lait dans les terrines à crème , mais en évitant de le transvaser, de le battre et de l’exposer trop au contact de l'air. Couler séparément le lait de chaque vache dans des vases distincts, est une pratique qui a de nombreux avantages. En agissant ainsi, ARTS AGRICOLES : LAÏTERIE. LIV. 1Ÿ. un fermier pourra, par le goût, l'odeur, l’as pect, les autres qualités physiques du lait, et des essais au lactomètre répétés de temps à autre, noter et surveiller toutes les varia- tions qui surviendront dans ses produits, et qui seront dues au changement de nourri- lure, au régime, à la santé de ses animaux, ou à beaucoup d’autres causes accidentelles. Cette méthode lui permettra d’ailleurs de porter immédiatement remède à des acci- dens dont il ne se serait pas sans doute au- trement apercu, d'améliorer, par des mé- langes ou des manipulations raisonnées, la qualité des produits de sa laiterie, et d’éloi- gner tout ce qui pourrait nuire à ses profits. 3° Formation de la créme. Les lerrines, une fois remplies, seront posées doucement et avec précaulion à l’endroit où elles doivent rester. On lave toutes les taches du lait qui aurail pu se répandre sur les bords des vases, les banquettes, etc., et on enlève les rafrai- chissoirs, couloirs et autres ustensiles dont on a fait usage. Les terrines se placent, la plupart du temps, sur les banquetles; en été, on les pose souvent sur le plancher, parce que c’est là où la température est la plus égale et la plus fraîche. La créme est montée ordinairement au bout de 24 heures, quand la température est de 10 à 12 degrés; elle peut se faire attendre 36 heures et davantage. Par une température plus élevée, elle se forme plus vite, et peut être recueillie au bout de 16 heures, et même de 12 et de 10 heures. Pendant les temps d'orage, elle monte aussi avec célérité. 24 heures, à la température ordinaire de la laiterie, paraissent nécessaires à la complète séparation de la crême. La première portion de créme, c’est-à-dire celle qui monte la première à la surface, est d’une meilleure qualité et plus abon- dante que celle qui monte ensuite dans le même espace de Lemips; la crême qui monte dans le deuxième intervalleest plus abon- dante et meilleure que celle qui monte dans le troisième espace de temps égal à chacun des deux autres, et ainsi de suite , la crême décroissant en qualité et en quantité jusqu’à ce qu'il ne s’en élève plus à la surface da lait. Pour obtenir une créme abondante, fine et délicate, il faut donc ne la recueillir que sur le lait qui est tiré le dernier pendant la mul- sion, et enlever celle qui monte la première à la surface. Si l’on veut obtenir, dit An- DbERSON, des beurres délicats et fins, :l faut à une température modérée, lever la crême au bout de 6 ou 8 heures, et si la laiterie est assez considérable pour faire des beurres extrêmement fins, il faut, dans ce cas, lever la crême au bout de 2, 3 ou 4 heures. Un lait épais produit une moindre quantité de la crême qu'il contient qu’un lait plus liquide ou plus maigre; mais celte crême est de meilleure qualité. Si on verse de l’eau dans ce lait épais, il produira plus de crême, mais cela nuit beaucoup à la qualité. Plus les vases présentent de surface, plus aussi la crême semblese former avec facilité. 3 ou4 pouces paraissent être l'épaisseur du lait la plus favorable au départ de la crême. En Angleterre, dans les grands vases plats dont on se sert quelquefois , et où le lait n’a pas CHAP. 1°. plus d’un pouce de hauteur, la crème monte vite, mais imparfaitement , et elle est pres- que touJours sans consistance. On peut hâter la séparation de la créme au moyen d'une chaleur artificielle. C’est ainsi qu’en hiverseulement, dans leslaileries d’Isi- gny, on entretient une douce chaieur pour aire plus promptement monter la crème, et que, dans quelques autres pays, tels que le Devoushire, et le Bocage dans la Vendée, on accélère constamment cette séparalion par l'application d’une chaleur factice. Ce der- nier moyen donne des produils abondans, mais de qualité inférieure, et le beurre qu'on fait dans ces pays rancit très-promplement. 4° Ecrémage. Quand on ne fractionne pas la crème, c’est-à-dire lorsqu'on ne la lève pas à mesure qu'elle se forme, la question est de connaitre le moment où il est Le plus avanlageux d'écrémer. Les avis son! parlagés sur ce point; les uns croient qu'il faut laisser le lait s'aigrir et se cailler avant d’en enle- ver la crême; d’autres, au contraire, et avec raison, peusent qu'on doit procéder à cette opération avant qu'il se manifeste la moiudre aigreur. En effet, pour peu qu'il y ait de l’a- cidité , la crème s'associe à des parties ca- séeuses qui augmentent, ilest vrai, le pro- duit, mais qui nuisent à la qualité; car on ne fai! du beurre très-fin, délicat et de bonne garde, qu'avec de la crème douce. Le moment important à saisir est celui où toute la crême est rassemblée à la surface, sans qu'il y ait encore des signes prononcés d'acidité. Dans la Frise hollandaise, où l’on fabrique un beurre si excellent, la crème est levée ordinairement 12 heures après le dépôt du lait dans les terrines, el jamais on ne laisse passer 24 heures avant de procéder à cette opération. Il en est de même dans le Holstein, la Suisse et la Lombardie, où l’on fait d'excellens beurres. Ce moment varie, au reste, avec la température. Il est plus long dans les temps froids, et p'us court dans la saison chaude et les temps d'orage. Le signe employé ordinairement pour le :e- convaitre, c’est de presser du doigt la sur- face de la crêine; si on le relire saus em- preinte de lait, on pense que tout le beurre est monté à la surface. Dans le Holstein, on plonge dans la crême un couteau; si le lait ne revient pas à la superficie, c'est le moment opportun pour écrêmer; et tel est le soin qu'on mel dans ce pays à cette opéralion, que lesménagèresattentives veillent pendant la nuit pour saisir l'instant précis où la crême es entivrement montée, ce qu’elles recon- naissent en employant le moyen indiqué. Le meilleur moment pour lever la crême, pendant les mois les plus chauds de l’année, c’est le matin et le soir. Pendant l'hiver, ce mouwent est subordonné aux circonstances. Dans les temps orageux, où le lait se caille prowptement, il faut une surveillance plus active, el dès qu'on entend gronder l'orage das le lointain, on doit courir à la laiterie, comme on le fait dans le pays de Bray, bou- cher les soupiraux, rafraichir le carreau et écrèmer toutes les terrines où la crême est un peu faite. our opérer l’écrémage on se sert de trois méthodes différentes : CONSERVATION ET TRANSPORT DU LAIT. 15 1° On place la terrine sur le bord de la banquette; on déchire avec le doigt près du bec la pellicule crêémeuse qui recouvre loute la surface, et, en inclinant le vase, on fait écouler lentement, par l'ouverture qu'on a faite, la lotalité du lait, qu’on verse dans les baquets (/fg. 16), ou autres vases destinés à le recevoir. C’est la méthode qui est usitée dans le pays de Bray et en beaucoup d’au- tres points de la France. — 2° On enlève Les chevilles où les bouchons qui garnissent les ouvertures percées près du fond desterrines ou des vases plats, eton laisse écouler le lait Jusqu'à ce que la crême reste à sec au fond des vases. C’est le procédé le plus employé en Angleterre. — 3° La méthode la plus usilée de toutes consiste à exlever la créme avec l’écrêmoir. Pour cela on commence par la détacher des bords de la terrine avec le couteau d'ivoire, qu'on passe tout autour du vase, puis on atlire doucement cette crème a soi au moyen de l’écrêmoir, et quand elle est bien rassemblée, on l’enlève avec pré- caution, de manière à l'avoir tout entière et exempte de lait. Cette opération demande une dextérité qui ne s'acquiert qu'avec l’ha- bitude. De la bonne manière d'opérer dé- pend en partie le succès de la laiterie, car si on laisse de la crême on perd uue quantité proportionnelle de beurre, et si l’on prend du lait on nuit à la qualité du produit. La créme ainsi levée est déposée aussitôt dans les vases destinés à la contenir, jusqu’à ce qu'elle soit livrée à la consommation, ou convertie eu beurre. Plus elle est exempte de lait, mieux elle se conserve. La creme est un composé de beurre et de matière caséeuse mélés avec un peu de lait; elle ne contient pas la totalité du beurre qui se trouve pri- wiliserment dans le lait, mais la majeure par- Lie. — Toui étant Lerminé, les laits écrémés suntenlerés de ta laiterie pour être employés à l'usage auquel on les destine. $ VII. —Conservation et transport des produits de la iaiterie. Les principes coustiluans du ‘ait out un tendance si prononcée à se séparer, qu'it € à peu près hnpossible de coiserver Île jai avec toutes ses propriélés ca acteris iques. Le seul et unique moyen de le garder :r4;5 pendant quelques jours, c'est de le déposer dans uu lieu iroid, dans l’eau très-fraiche, et dans laquelle où peut jeter de temps à autre quelques morceaux de glace, de le reuruer souvent et de le recouvrir d’un linge mouillé qu’on imbibe d’eau ou qu'on chauge souvent. On prolonge encore la durée du lait, mais en allérant ses qualités à divers degrés, en plongeant les vases qui le contiennent dans l’eau bouillante, puis les tenant exactement clos. M. Gax-Lussac a trouvé qu'en chauffant du lait frais jusqu’à 100 degrés, et répétant cette opération tous les deux jours, et même tous les jours, si l’on est en été, le lait peut ensuite être gardé des mois entiers sans qu'il s'aigrisse. On a aussi conseillé de verser daus chaque chopine de lait, pour le con- server, une cuillerée à bouche d’eau distillée de Radis sauvage (Raphanus raphanistrum). 16 ARTS AGRICOLES : LAITERIE. De cette manière, dit-on, le lait se conserve frais pendant 8 jours, et la crème s'en sépare comme à l'ordinaire et sans mauvais goût. Enfin, on a proposé bien d’autres moyens pour saturer l'acide à mesure qu’il se for- me, et empêcher le lait de se cailler; tels sont une petite quantité de magnésie, de sous-carbonate de potasse ou de soude, etc. La conservation de la créme est plus facile uand cettesubstance esthienexempte de ma- uère caséeuseet de petit-lait. Il suffit alors de la placer dans des pots à ouverture étroite el fermant exactement, qu'on dépose dans un lieu frais, pour la soustraire au contact de l'air et aux variations de température de l'atmosphère. Exposée à l'air, la crême , au bout de 3 ou 4 jours, devient jaunâtre, très- épaisse, et dans l’espace de 8 à 10, sa sur- tace se recouvre de moisissures. En même femps elle contracte un goût d’aigre, noircit ensuite, puis se corrompt. Dans le Glouces- ter, aux environs de Londres, en Hollande, et en beaucoup d’autres lieux, on verse cha- que jour la crème d’un vase dans un autre, et avec un couteau de bois on la remue chaque jour et même plusieurs fois par jour pour empêcher qu'il ne se forme à sa sur- face cette pellicule jaunâtre qui nuit à ja délicatesse du beurre, et pour s'opposer aussi à ce que la crême ne s’épaississe à con- sistance de colle, ou ne prenne un aspect gélatineux, circonstance qui se présente, dit-on, quand Île lait provient de vaches nourries dans de trop succulens pâturages. Le vase le plus propre à conserver la crème, dit ANDERSON, est un petit baril bien fait, fermant exactement avec un couvercle, et percé près de son fond d’un trou fermé par une cheville de bois , un robinet où une chantepleure, qui sert à faire écouler les parties séreuses ou le lait qui se trouvent et se séparent encore de la crême, et qui al- téreraient la qualité du beurre. Cette ouver- ture dans l’intérieur du baril est garnie d’un gaze ou d’une toile fine en fil d'argent, qui retient la crême et laisse écouler les par- ties liquides quand on a soin d’incliner le baril du côté de cette ouverture pour favori- ser l'écoulement. Oz peut conserver encore la crême, mais aux dépens de sa qualité, en lasoumettant,comme le lait, à lachaleur d’un bain-marie, et en la renfermant dans des vases soigneusement bouchés. Le transport du lait et de la créme, quand il se fait à une petile distance, n’offre pas de difficulté. Pour le lait, il suffit, s’il est frais, de le verser dans des vases de fer-blanc plus nauts que larges , à ouverture étroite et fer- mant bien, et d’emplir ces vases jusque près de leur orifice. Quand le lait est de la veille. on doit le battre et l’agiter dans les terrines où il a passé la nuit, avant de le verser dans les vases qui servent à le transporter. Enfin quand il doit être envoyé à une grande dis- tance, il faut le verser tout frais dans les vases de transport, boucher aussi exacte- ment et fortement que possible ceux-ci, et les soumettre pendant une heure au bain- marie jusqu'à l’ébullition. Quant à la crême, on peut la transporter au loin dans de pe- tites cruches de grès, coiffées d’un bouchon entouré d'un linge blanc et propre. — Il est Liv. iv. clair que pour le voyage on doit faire choix des moyens de transport qui agiteront et battront le moins le lait, garantir autant que possible les vases du contact du soleil, et les maintenir, si on le peut, dans un état de fraicheur constant ; aussi la nuit et le matin sont-ils les momens les plus favorables à ce transport. $ VIII. — Altération du lait. Les altérations spontanées du lait, telles que sa séparation en ses principes consti- tuans, sa coagulation par le développement d'un acide qui se manifeste d'autant plus promplement que la température est plus élevée, sont des faits qui ne doivent plus nous arrêler. Nous n’avons pas non plus à nous occuper ici des altérations qu’il éprouve par l'application de la chaleur, par lPagita- tion, par son mélange avec une foule de corps divers, parce que nous avons déjà si- gnalé plusieurs de ces faits, et que les autres seront considérés plus loin avec les détails nécessaires. Il nous reste seulement à faire connaître quelques altérations qui affectent le lait dans sa couleur, son odeur, sa saveur, et quelques autres de ses propriétés phy- siques. La couleur du lait est souvent changée d'une marière remarquable. Les altérations le plus souvent observées sont les suivantes: 1° Lait rouge. 11 est connu depuis long- temps. On peut l’attribuer à deux causes. La première a lieu quand la vache à mangé quelques plantes fournissant une matière ünctoriale rouge telle que les caille- laits ou gaillets garance, jaune, boréal ( Galium rubioïdes, verum, boreale, etc.), qu’on trouve fréquemment dans les prairies et les pätu- rages. Dans ce cas, le beurre que fournit le lait est coloré en rouge. Dans la seconde, au contraire, le beurre est sans couleur, et la couleur rouge du lait provient sans aucun doute de la piqüre de quelque insecte dans l'intérieur du trayon; pendant la mulsion, la blessure s’ouvre et laisse échapper quelques filets sanguins qui se mêlent avec le lait. Dans ce dernier cas, il faut traire avec pre- caution, et donner à la blessure le temps de se cicatriser. Dans l’autre, on: doit chan- ger la nourriture de l'animal, ou au moins en ecarter les plantes qui produisent l’allé- ration. 2 Lait bleu. Dans quelques circonstances on a remarqué que le lait de vache qui, au moment de la mulsion, ne présentait aucun caractère particulier sous le rapport de la couleur, de l’odeur ou de la saveur, se cou- vrait. après 24 heures de séjour dans les ter- rines, d'un grand nombre de petits points bleus qui s'étendent de plus en plus, et finis- sent quelquefois par couvrir Loute la surface de la crème d’une couche uniforme d’une belle couleur indigo. Le lait de brebis est aussi sujet à devenir bleu. La crême que fournit le lait bleu ne diffère de celle que donne un lait non altéré, que par sa couleur ; le beurre qu’elle fournit est pur et sans as- pect particulier. Le fromage fabriqué avec Le lait bleu est également bon et ne présente aucune coloration. Depuis lonz-temps on a CHAP. 1°, étudié ce singulier phénomène ; mais malgré les recherches de Parmentier et Deyeux, de Chabert, Bremer, Germain et Hermbstaedt, il est encore difficile d’assigner d’une ma- nière précise les véritables causes de sa pro- duction. Voici les plus probables. Certaines plantes, telles que l’'Esparcette (Hedysarum onobrychis), la Buglosse (4nchusa officinalis), la Prêle des champs (Æquisetum arvense), la Mercuriale vivace et annuelle (Hercurialis perennis el annua), la Renouée des oiseaux (Polygonum aviculare), le Sarrazin (Po/ygo- num fagopyrum) et autres, qui contiennent une matière colorante bleue, se rencontrent communément dans les champs et les prai- ries, et qui, dans l’état de santé ordinaire des vaches, ne produisent aucun change- ment dans le lait, peuvent, sous certaines conditions, communiquer à ce liquide une couleur bleue. Ces conditions sont : le pàatu- rage dans des champs moissonnés et sur des herbes dures et coriaces ; — une exposition prolongée des vaches aux ardeurs du soleil, aux vents froids et autres intempéries dei saisons ;—la fatigue, la mauvaise nourriture, un régime hygiénique mal dirigé, et beaucoup d’autres causes sans doute qui paraissent avoir une influence très-marquée sur les organes de la digestion. Pour faire dispa- raitre le lait bleu, il faut, quoique la vache ne paraisse pas indisposée, relever l'énergie de ses organes en lui administrant chaque jour une poignée de sel dans une pinte d’eau, ou une pinte d’une décoction d’une forte poignée de Rhue et de Sabine,dans lesquelles on délaie, avec un jaune d'œuf, un gros d’assa fœtida ; — changer la nature des ali- mens, et en donner de plus délicats; — veil- ler avec plus de soin au régime de ces ani- maux et à leur bonne tenue; — les saigner si cela est nécessaire, etc. 3° Lait piqué, ou lait sur lequel on remar- que un assez grand nombre de points qui peuvent différer dans leur nature. Tantôt ces points sont bleus, et peuvent être dus aux mêmes causes que le lait bleu; tantôt ce sont des petites taches de moisissure. Dans tous les cas, on est porté à considérer l'apparition de ces points comme due à la température trop élevée de la laiterie, à sa malpropreté et à celle des vases qui reçoivent le lait. 4° Lait jaune. On presume que cette cou- leur est produite par le Souci des marais (Caltha palustris), par le safran, etc., mangés par les vaches. L'odeur du lait éprouve souvent de graves alterations. Dans l’état ordinaire, cette odeur est douce et fade. Elle est vive et aromatique quand les vaches ont mangé des plantes de la famille des labiées, dont les huiles essen- tielles passent dans le jait; — désagréable, quand ces animaux ont mangé des crucifères, quand ils courent et s'échauffent, ou quand on les fait passer brusquement de la nour- riture verte à la nourriture sèche, etc, La saveur du lait est peut-être le caractère qui est soumis au plus grand nombre d’alté- rations. Voici les principales : 1° Lait à saveur désagréable. On sait géné- ralement que le choux, surtout les feuilles avariées, les turneps, les fannes de pomme- AGRICULTURE, ALTÉRATIONS DU LAIT. 17 de-terre, les oignons, l'ail, les poireaux, les cosses de pois verts , le trèfle blanc {Zrifo- lium repens), la luzerne et les herbes des prai- riesartificielles,lesrenoncules,toutes les plan- tes àcres, les fourrages de mauvaise qualité, etc.,communiquent souvent aulaitune saveur peu agréable. Les fleurs de châtaignier, dont les vaches sont très-avides, donnent, ainsi qu'on l’a observé aux environs de Rennes, où se fabrique le beurre de la Prévalaye, au lait et au beurre un goût détestable. Un peu de sel commun, administré aux vaches, fait parfois disparaitre le mauvais goût. En An- gleterre, pour enlever la saveur désagréable que les turneps qui sont administrés jour- vellement aux vaches donnent au lait, on y ajoute 10 à 12 grammes (2 à 3 gros) de salpètre délayé dans de l’eau bouillante pour 9 à 10 litres (10 à 11 pintes) de lait au mo- ment où on verse celui-ci dans les terrines. Nous avons déjà dit que le lait des vaches en chaleur ou de celles qui sont prêtes à vêler a également un goût peu flatteur. 2° Lait amer. Ce lait est souvent confondu avec le précédent. On a remarqué cependant que les vaches qui mangent beaucoup de paille d'avoine donnent un lait constamment amer, et qu'il en est de même de la paille d'orge et de seigle, quoiqu’à un moindre degré. Les marrons d’Inde, l’absinthe, les feuilles d’artichaut, le Jaitron des Alpes (Sorchus alpinus), les feuilles des arbres lors-_ qu’elles tombent dans l’arrière-saison, don- nent aussi au lait une saveur amère. Il en est de même pour les chèvres qui mangent les pousses du sureau. 3° Lait alliacé. Cette sorte de lait est due aux plantes à odeur d'ail, et qui sont très- nombreuses. 4 Lait sans goût. On prétend qu'il est fourni par les vaches qui mangent de la Prèle fluviale (£quisetum fluviatile.) 5° Lait à goût acide..On assure que les feuilles de vigne fraîches donnent à ce li- quide un léger goût acide qui n’est pas sans agrément. 6° Lait salé. Ce lait, selon Twamiey, est ordinaire chez les vaches qui n’ont pas porté pendant la saison précédente. Le premier lait extrait est le plus salé; le goût diminue jusque vers le milieu de la traite, où il dispa- rait entièrement. Les autres altérations du lait peuvent étre réunies sous la classification suivante : 1° Lait non coagulable. On a avancé que ce lait était produit par l’ingestion des gousses de pois verts et celle des menthes. 2° Lait promptement coagulable. Dans ce lait, la matière caséeuse se coagule si promp- tement, qu'on ne peut recueillir à sa surface qu'une quantité très-légère d’une crême flui- de et sans consistance. Cette altération pa- rail produite par un temps orageux, une tem- érature trop élevée, des vases de bois dont es pores sont imprégnés de lait quia tourné à l’état aigre ou acide, ou enfin par la négli- gence des soins de propreté dans la lai- terie, où il s'élève, à la moindre agitation, une grande quantité de particules imper- ceptibles et très-légères de lait aigri ou de matières fermentescibles qui se déposent sur le lait frais, et le font promptement passer à LIL, — 5 18 l'etat de coagulation, avant que la crème ait eu le temps de se séparer. x ; 3° Lait filant où glutineux.T] a de | analogie avec le précédent, et est dû sans doute à la même cause, c’est-à-dire à l'insalubrité et à la malpropreté de la laiterie. La grasselte com- mune (Pénguicula vulgaris), dit M. BERZELIUS, épaissit tellement le lait quand il passe à l'ai- gre,qu'’ilen devient filant, et cette propriétése communique au lait frais avec lequel on le mêle ensuite. Les vases en bois dans lesquels on a gardé ce lait pendant quelque temps conservent toujours la propriété de le rendre filant, et il est difficile de les en dépouiller, à moins de les démonter. Dans quelques pro- vinces de la Suède ce lait est employé comme aliment. 4° Lait purgatif. Plusieurs euphorbes, la gratiole, etc., donnent au lait des propriétés inédicamenteuses. 5° Lait qui ne donne pas de beurre. Le pre- mier lait des vaches qui viennent de mettre bas, celui des animaux vieux, épuisés, atta- qués de quelque maladie organique, est ordi- nairement séreux et presque dépourvu de matière butireuse. Plusieurs autres causes, encore inconnues, peuvent aussi concourir à produire cette anomalie. On a peu étudié ces diverses altérations du lait, et les détails dans lesquels nous sommes entrés sont fort incomplets. Il est cependant probable qu'en suivant attentivement leur apparition, leur marche et leur développe- ment, et en faisant des expériences compa- ratives, on arriverait à une foule d’applica- tions utiles dans le gouvernement des vaches laitières, et aux travaux de la laiterie. $ IX. — Falsification du lait. Les principales falsifications qu’on fait or- dinairement subir au lait sont de l’alonger avec de l’eau ordinaire, et de le dépouiller en partie de sa crême. Quiconque a la moin- dre habitude du lait frais, comme aliment, ne peut pas se méprendre en faisant, simul- tanément pour l'essai, usage de l’aspect, de l’odorat et du goût, sur la nature d’un lait qui a été ainsi falsifié. Le lait étendu d’eau à une consistance moindre et un aspect bleuâtre ; son odeur est presque nulle et sa saveur fade. Le lait dépouillé de crême, c’est-à-dire de son élément sapide, n’a plus rien qui flatte le goût. Nous ne passerons pas ici en revue toutes les autres falsifications inventées par la cu- pidité des laitiers qui approvisionnent les grandes villes, pour augmenter la quantité de leur marchandise, et masquer ensuite leur fraude, parce que ces moyens doivent répugner à un honnête cultivateur; qu'ils sont d’ailleurs rarement mis en usage dans les campagnes, et que les procédés chimi- ques propres à faire découvrir ces fraudes sont souvent très-compliqués. Mais nous recommanderons, toutes les fois qu’on achè- tera du lait en abondance, ou régulièrement dans certaines saisons, de l'essayer fré- quemment au lactomètre; la quantité de crême qu'il fournira ainsi étant la véritable mesure de sa valeur vénale et de sa purelé. Il suffit de se rappeler que du lait pur de ARTS AGRICOLES : LAITERIE. LIV. IV: bonne qualité, provenant d’animaux sains, et réunissant toutes les conditions désirables, doit contenir environ 12 à 15 pour cent de son volume en crêéme pure et de bonne qualité au lactomètre quenous avons décrit (#g.18, p.9); que la diminution du volume de la crême est proportionnelle à la quantité delait enlevé et remplacé par de l’eau; c’est-à-dire que si on a ajouté au laitmoitié eau, le lactomèlre n’in- diquera plus que 6 à 7 pour cent de crême, et quesi l’ona ajouté les trois quarts, l'échelle ne marquera plus en crême que 3 ou 4 pour cent du volume du liquide essayé. SECTION 11. — Laiterie à beurre. La laiterie où se fabrique le beurre, lors- qu’on veut opérer en grand, doit être com- posée de quatre pièces : 1° une laiterie à lait, voûtée, dans laquelle on dépose et on fait crêmer le lait; 2° un lavoir ou échaudoir pour le lavage et récurage des ustensiles et des vases; 3° une salle où l’on bat le beurre; 4° une autre salle où l’on conserve le beurre après qu'il a été fabriqué. La construction de la laiterie à beurre est basée sur les mêmes principes que celle de Ja laiterie proprement dite, que nous avons fait connaître en détail et sur laquelle nous ne reviendrons plus. Les soins généraux pour sa bonne direc- tion sont également les mêmes, c’est-à-dire qu’on doit y régler avec la même intelligence et la même activité tout ce qui concerne la ventilation, la propreté des salles, celle des vases, outils et ustensiles, les lavages, etc. Quant à la température, il est fort avanta- geux de la maintenir aussi à 10° ou 12° dans la chambre où l’on bat ordinairement le beurre, par des motifs que les principes rai- sonnés de la fabrication du bon beurre nous permettront plus loin d'apprécier; mais, dans la petite pièce où l’on conserve lebeurre frais jusqu’à sa vente ou sa consommation, on ne saurait entretenir une température trop basse ; c’estune condition rigoureuse pour la conservation de ce produit dans toute sa fraicheur. Dans quelques pays on bai le beurre dans le lavoir et on le conserve dans la laiterie à lait, ce qui n'exige que deux pièces; dans d’autres, on a une laiterie, un lavoir et une salle à battre le beurre ; mais ces dispositions qui paraissent économiques, et qui peuvent l'être en effet dans les petits ménages ruraux, cessent d’être avantageuses dans les grandes exploitations, et surtout dans celles où lon veut produire des beurres extrêmement fins et de première qualité. $ I%.— Du beurre. Le beurre est un corps de nature A ou huileuse qui, sous la forme de globules, est en suspension dans le lait, et qui s'élève à sa surface en vertu de sa moindre densité, en- trainant avec lui du sérum et de la matière caséeuse, avec lesquels il forme la crême. Le beurre commence à fondre à 20 à 24° du thermomètre centigrade. Le beurre se sépare de la créme par le bat- tage, opération qui a pour but de favoriser CHAP. 1°". fagglomération des globules butireux et d° les réunir en une masse homogène. Une cer- taine température douce, qui, sans faire pas- ser le beurre à l’état liquide, permet cepen- dant aux globules de s’accoler les uns aux autres, est nécessaire pour sa formation. Le beurre s’altère assez promptemert par le contact de l’air. L’altération est due, sui- vant quelques chimistes, à sa combinaison avec le gaz qui fait partie de l'air, et qu'ils ont nommé oxigène. Cette combinaison com- munique au beurre un goût âcre, piquant el désagréable, qu’on désigne sous le nom de rancidité. On a cru perdant long-temps que dans le battage ou baraltage, l’oxigène était le prin- cipe le plus actif de la formation du beurre ; mais des expériences faites dans ces derniers temps ont prouvé que cette formation pou- vait avoir lieu en vaisseaux clos, qu'il n’y a pas d'oxigène enlevé à l’air pendant cette opération, et que la séparation se fait aussi bien dans le vide que dans tous les gaz qui n'exercent pas d'action chimique sur la créme. Le beurre s’altère d'autant plus prompte- ment qu’il contient plus de sérum et de ma- tière fromageuse. C’est pour l’en débarrasser autant que possible qu’on à recours à une opéralion appelée délaitage. Le beurre de lait de vache, auquel s’appli- uent les délails dans lesquels nous venons ‘entrer, n’est pas le seul en usage dans l’é- conomie domestique et rurale. On prépare encore du beurre avec le lait d’autres ani- maux. Les plus usilés en France sont : 1° beurre de brebis, qui a moins de consistance que celui de vache, est jaune pâle en été, blanc en hiver; est gras, rancit facilement lorsqu'il n’est pas très-soigneusement lavé, et entre plus aisément en fusion ; 2° Ze beurre de chèvre, qui est constamment blanc, et a un goût particulier ; il se conserve plus long- temps sans altération, mais il est en quantité moindre que les deux autres dans un même volume de lait; 3° le beurre d'énesse, qui est mou, blanc, assez fade, rancit aisément et est difficile à extraire. La fabrication du beurre exige non seule- ment la plus stricte propreté, si on ne veut pas perdre sur la qualité et la quantité, mais ce corps s’attachant à tout ce qu’il touche, il faut, pour prévenir &ette adhérence, net- loyer tous les vases et ustensiles avec une lessive faite de cendres fines, ou les frotter avec des orties grièches macérées dans l’eau, de sorte qu’elles ne piquent plus. La per- sonne qui retire le beurre de la baratte, et qui le pétrit, est également obligée de se frotter les mains et les bras avec la lessive pour empêcher qu’il ne s’y attache. Les beurres francais les plus délicats et les plus fins, sont, pour les beurres frais en mottes, ceux du pays üe Bray (Seine-Infé- rieure), dits de Gournay ; ceux du Calvados et de la Manche, dits beurres d’Isigny, etc. Sur les marchés de Paris ces beurres, dits d'élite, sont divisés en mottes de premier choix, beurre fin, bon et commun. Viennent ensuite les beurres en mottes de la Sarthe et de l'Orne, dits petit beurre, et enfin les burres en livres provenant d’un rayon de DU BEURRE. amsn. 19 30 lieues autour de Paris, qui se divisent en- core en ronds et en longs. Parmi les beurres salés, on estime ceux de la Bretagne, et sur- tout celui des environs de Rennes, connu sous le nom de beurre de la Prévalaye, et les beurres de Flandre. etc. etc. $ II. — Des barattes et autres ustensiles. La baratte où battoir est un vaisseau ordi- nairement en bois qui sert pour battre la crême dont on veut retirer le beurre. Beau- coup de pays ont des barattes qui leur sont particulières et qu'on y préfère à toutes les autres, et on a proposé pour ces vaisseaux et pour le mécanisme qui les fait fonctionner, un grand nombre de formes variées, tantôt bonnes, tantôt mauvaises; toutefois, avant de faire connaître quelques-uns des ustensiles de ce genre qui sont les plus usités, nous indiquerons les principales conditions que leur construction doit remplir. Une bonne baratte doit: —1° être construite en bois bien sec, homogène, et qui ne com- munique aucun goût ou odeur au beurre ; elle sera cerclée en fer. On en construit aussi de très-bonnes en fer-blanc, en étain et même en terre; — 2° être facile à nettoyer, à visiter intérieurement et à faire sécher promp- tement; — 3° être construite avec beaucoup de précision, toutes les pièces joignant avec exactitude, et avoir le moins possible d’an- gles aigus, de vides, de fissures et de réduits où la brosse et le balai ne peuvent pénétrer; — 4° permettre un écoulement facile du petit lait, le lavage parfait et l'enlèvement aisé du beurre; — 5° offrir des moyens prompts et sûrs de réunir le beurre, une fois qu'il est formé, en une seule masse solide:—6° don- ner accès à l’air et à son renouvellement;— 7° exiger le moins possible de force pour trans- former en beurre une quantité déterminée de crème;—8° permettre un mouvement lent. régulier et mesuré. Un défaut des barattes tournantes, c’est qu’on est disposé à leur imprimer un mouvement trop rapide ; — 9° fabriquer le beurre avec célérité sans nuire cependant à sa qualité ou sa quantité; — 10° être d’un service et d’un emploi com- mode; — 11° être solide, facile à construire artout, d’un prix modéré, et peu coûteuse a entretenir. La grandeur des barattes dépend de la quantité de beurre qu’on veut fabriquer; mais dès que ces vases surpassent une cer- taine capacité, il devient nécessaire d’em- ployer, pour faciliter le travail, divers méca- nismes qui varient suivant les pays, ou bien d'y appliquer la force des animaux, du vent, de l’eau, soit au moyen de roues verticales, de manéges, soit à l’aide d’autres appareils mé- caniques.Ces mécanismes, tout eu abrégeant le travail, ont l'avantage de procurer en outre un mouvement plus régulier. Les barattes doivent étre constamment de la plus rigoureuse propreté,elles bonnes ménia- sères hollandaises ies couvrent même d’une chemise de toile pour que la personne qui bat le beurre ne puisse les salir extérieure- ment. : Les barattes les plus usitées sont les sui- vanies : 20 La baratte ordinaire, qu’on nomme aussi beurrière,baraite à pompe,serène,ete.(fig.19), Fig. 19. qui est la plus généralement usitéeenFran- ce ei à l’étran- SR MMeSTAUN vase de ton- nellerie faiten chène, sapin ou autre bois de 80 cent. à 1 mèt. (30 à 36 po.) de hau- teur sur 16, 22 on 28 cent. de grosseur, en forme de cône tronqué ou de baril, et qu’on peut fermer avec une ron- delle plane AA ou une sébile de bois percée d’un trou assez grand pour permeitre à un bâton BB de 1,66 à 2 mètres (5 à 6 pl.) d’y glisser avec facilité. Ce bâton porte a sa partie inférieure un disque de bois CC peu épais , souvent percé de trous destinés à di- viser la crême et à donner passage au lait de beurre à mesure que le beurre se forme. Ce bâton avec sa rondelle se nomme barte- beure, baratton ou piston. C’est en élevant et abaissant par un mouvement alternatif ce piston dans la crême qu'on parvient à former le beurre. La serène, dont on se sert dans la Nor- mandie, notamment dans le pays de Bray, en Autriche, dans les Pays-Bas et dans quel- ques contrées de l’Allemagne ( #g. 20), est un baril plus ou moins grand, généralement de 1 mèt.(3 pi.) de long sur 82 cent. (2 pi. 1/2) de diamètre, portant à l’intérieursur ses deux fonds des croisillons en fer AA sur lesquels sont fixées 2 manivelles XX assez longues pour que plusieurs personnes puissent y travailler. Ces manivelles reposent à hau- teur convenable sur les 2 montans d’un chevalet.L’intérieur de la serène est garni de 2 ou 3 planchettes BB de 11 cent. (4 po.) de hauteur, attachées à des douves opposées du baril et dans toute sa largeur, légèrement échancrées et destinées à tourmenter la cré- meet à l'empêcher de rester au fona du baril pendant qu’il tourne. C estune ouverture ronde de 16 cent. (6 po.) de diamètre par laquelle on verse la crême et on retire le beurre, Elle est fermée par un bondon garni ARTS AGRICOLES : LAITERIE. LIV. iV. d’une toile lessivée, et par-dessus lequel on passe une chevilie de fer qui entre de force dans deux gâches DD fixées au baril. E est un trou garni d’un bouchon de bois qui sert à faire écouler le baraité ou babeurre. — Pour faire usage de la serène, on verse la crême par l’ouverture C qu’on referme avec soin ; on tourne la baratte avec une vitesse modérée de 30 à 35 tours par minute; les planchettes BB soulèvent la crème à chaque révolution et la laissent ensuite retomber. Quand le beurre est fait, ce qui a lieu souvent au bout de 18 à 20 minutes, el ce qu'on recon- naîl au bruit qu’il fait en tombant, on retire le bouchon du trou E, on fait écouler le lait de beurre, et au moyen d’un entonrnoir on verse dans la baratle un seau d’eau fraîche. On bouche le trou, on tourne pour laver, puis on évacue l’eau, et on répète cette opération jusqu’à ce que le liquide sorte clair. Alors'on eniève le beurre par l’ouverture, on le lave de nouveau et on le forme en moites. On peut faire avec cet instrument 50 kil. (100 liv.) de beurre en peu de temps. La baratte flamande, donton faitaussi usage dans l’Anjoueten Hollande (fs. 21 el22), dif- Fig. 21. fère de la précédente en ce que le baril est immobile sur le chevalet et qu’il est garni intérieurement d’un moulinel à 4 ailes DE, destiné à battre la crême, et qu’on meten mou vement au moyen d’une manivelle B. Dans la partie supérieure est une large ouverture À qu’on ferme avec un couvercle. La barattedes Vosges, de la Franche-Comté et de la Suisse (fig. 23) est une sorte, de Fig. 23. 7 ja baril plat en forme de meuje de moulin, de CHAP. 1°'. 66 cent. à 1 mêt. (2 à 3 pi.) de diamètre, et de 16 à 33 cent. (6 à 12 po. ) de largeur d’un ford à l’autre, et qu’on place sur une sorte d'échelle. Le moulièet, dont on voit la coupe dans la figure, estcomposé de8ailesquitraver- sent la baratte comme autant derayons, et qui sont formées chacune de 4 petites planchettes placées à distance l’une de l’autre. Le mou- vement est imprimé à ce moulinetau moyen d'une manivelle.Dans cette baraite le beurre se faitavec rapidité; maisil y a un déchet assez notable par suite de l'étendue des surfaces, de la multiplicité des réduits, et de la quantité considérable de beurre qui reste adhérent à l'iutérieur.Ces 2 dernières barattes ont enou- tre l'inconvénient de ne pouvoir être nel- loyées et séchées avec soin, j'ouveriure ou porte étant trop étroite, et le moulinet ne pouvant être enlevé. On y remédie, dans quel- ques pays, en rendant mobiles quelques dou- \es du tonneau; danstous les cas les suivantes u'ont pas ce défaul. Baratte-V'alcourt.Cet instrument, fort coam- mode et très-ingénieux, inventé par M. DE VazcourT, dont la fig. 24 et 25 représentent Fig. 24. la coupe par le AT -S milieu, est un cylindre dont la circonférence est en fer-blanc ouen zinc et les 2 fonds en bois. On plonge ce cylindre en par- tie dans un cu- veau ou baquet en bois dans le- quel on verse de «T IE l’eau tiède en WT] 1 hiver et de l’eau e———— 7. fraiche en été. TT —————— Quand on ne se sert pas de la baratte, le couvercle, la mani- velle et l'arbre ainsi que les ailesouagitateurs, son! toujours détaches et mis à sécher. Lors- qu'on veut faire le beurre , on place la ba- ralte dans le cuveau, on fait entrer par la porte qui règne sur toute la longueur de la baratte, les ailes placées verticalement ; on introduit l'arbre de la manivelle dans le trou du fond de la baratte en enfilant en même temps celui qui se trouve dans l'axe des ailes, et on abaisse un iourillon sur lembâse de la manivelle pour l'empé- cher de Sortir. Après avoir versé la crême, qui ne doit pas dépasser la hauteur de la ma- nivelle, on assujettit la porte au moyen de 2 tourniquets, et on verse de l’eau dans le cuyeau pour amener la température de la crème à 10 ou 12°. Ces préparatifs étant termi- nés, on lourne la manivelle d’un mouvement régulier à peu près deux tours par seconde, et quand le beurre est pris, ce que l’on sent à la main ou que l'oreille indique, on sort la baratte du cuveau, on ôte la porte, on ouvre le bondon d'un trou inférieur qui laisse écouler le lait. Le bondon étant replacé, on verse de l’eau froide, on donne quelques tours de manivelle en va et vient, on ôte le bon- don, et on répète cette opération jusqu'à ce que l’eau sorte claire ; alors on enlève le beurre et on démonte les ailes et la rwani- = - LT 1 11 USTENSILES POUR FABRIQUER LE BEURRE. 21 velle ; on lave à l’eau chaude, essuie, et fait sécher. On peut faire des barattes de ce genre de toute dimension. M. de Valcourt dit qu'une baratte de 13 po. de diamètre bat e2à8 livres de beurre en 12 à 15 minutes, même en hiver. La baratte du pays de Cléves, en usage dans une partie du nord de l'Allemagne, est très- simple. C’est ( #g.26 ) un tonneau ovale posé debout, muni Fig. 26. d’un moulinet à 4 ailes égale- mentovales per- cées de trous et sans arbre. Ce moulinet est placé un peu au- dessous du mi- lieu de la hau- teurdu tonneau, et.est mis en mouvement par une manivelle qu’on peut en- lever à volonté, ainsi que le moulinet, quand le beurre est fabriqué. On construit en Angleterre et autres lieux sur ce modèle des barattes dont le volant est vertical; quelques-unes sont en cristal et de petite dimension, de manière que dans les petits ménages on peut chaque jour faire sur la table le beurre qu’on veut consommer. Ces barattes, dont on accélère encore le mouvement par un engrenage, ne sont pas d’une construction avantageuse. En outre la crème y prend un mouvement de rotation qui retarde sa conversion en beurre. La baratte de Billancourt, dont nous avons vu le modèle dans la belle laiterie de M. Charles Cuningham à Billancourt, près Paris (fg. 27 ), a la forme d'une pyra- mide quadrangulai- re tronquée et ren- versée. Elle a 82 cent. (2 pi. 172) de longueur par le haut, 30 cent. (11 po.) de largeur et 42 à 50 cent. (16 à 18 po.) de hauteur. Au milieu de cette hauteur elle est per- cée d'un treu qui donne passage à l’ärbre sur lequel on enfile un volant de 4 ailes percées de trous et qu'on peut enlever à volonté. Le fond intérieur de la baraite est demi-circulaire, et un trou percé près de ce fond sert à l'écoulement du lait de beurre et des eaux de lavage. La baratte brabanconne, dont on fait usage aussi dans une partie de la Hoïlande et de l'Allemagne , Fig. 28. représentée en coupe par le milieu dans Ja 5. 28, est une sorte de baril en cône lron- qué de 54 cent. (20 po.) de hau- teur, 40 cent. (15 pouces) de largeur par le haut et 66 cent. Fig: 27. 22 (2 pi.) par le bas, et fermé d’un couver- cle immobile a dans lequel est pratiqué une large ouverture qu'on ferme avec une planchette et par laquelle on verse la cré- me, on ôte et remet le volant. Celui-ci se compose d’un arbre vertical à ayant à sa artie inférieure une cavité dans laquelle se oge une cheville en fer d fixée au fond du tonneau, et qui sert de point de rotation à ce volant qui est muni de 2 ailes, une grande e et une petite /: Cette baratte commode, et qui est surtout employée dans les pays où l’on bat ensemble la crème et le lait, est mise en mouvement par 2 servantes qui saisissent chacune un des manches du volant, le tirent et le poussent successivement de manière à lui communiquer un mouvement alternatif demi-circulaire qui bat parfaitement la masse introduite dans la barate et la convertit en beurre en moins d’une heure. La baratte à berceau ou a balancoire, très- employée dans le pays de Galles, dans le comté d’Aberdeen en Angleterre et en Amé- rique (fig. 29), se compose d’un châssis en bois À dont les 2 grands côtés ont intérieu- rement une rainure, et d’une caisse B dont le fond a une forme circulaire, et qui est garnie sur ses 2 côtés de montans CC au sommet desquels est fixé un manche mo- bile D. La baratte a 4 poignées EE, et son couvercle G est formé d’une planche qu’on enlève aussi par une poignée. A la partie in- férieure est un robinet pour l’écoulement du lait de beurre. La fig. H est la coupe d’une des 2 grilles contenues à l’intérieur et pla- cées à la distance de 25 cent. (9 po. ) l’une de l'autre, qu'on peut retirer en les faisant glisser dans des coulisses, et qui servent à rompre la crême. On remplit cette baratte à moitié, on la place sur son châssis et on lui imprime au moyen du manche un balance- ment ou oscillation aussi régulier que celui d’un pendule. La crême ballotiée d’un côtéet d'autre est battue en traversant les grilles et promptement convertie en beurre. La baratte de Bowler (fig. 30) est un vase À de 50 cent(18 po.) de diamètre,25 cent.(9 po.) de largeur,dont les fonds sont en bois etla cir- conférence en étain. Cette baratte a 2ouvertu- res, l’une B de 24 cent.( 8 po.:)sur 12(4 po.)par où l’on verse la crême, on retire le beurre, et on lave le vase ; elle est fermée par une porte ARTS AGRICOLES : LAITERIE. Liv. 1V. Ds) | di) LP C fixée par 2 vis à oreilles; l’autre qui sert à Pécoulement du babeurre et se ferme avec un bouchon. Un 3° trou, percé près de Îa 1'° ouverture et fermé avec un foret, sert à renouveler l'air de l'intérieur. Un arbre tra- verse cette baratte et se termine par 2 tou- rillons D sur lesquels elle peut osciller libre- ment : la partie inférieure plonge dans un cuveau de bois L qui reçoit de l’eau chaude ou froide selon la saison. A l’intérieur, 4 planchettes, placées comme celles de la serène et percées de trous, agitent et battent ia crème. Le mouvement est imprimé à la machine par le pendule G de 1 mèt.(3 pi.) de longueur et dont la lentille H pèse 5 kilog. (10 Liv. ). À la partie supérieure du bâtis est une grande poulie E qui fait corps avec la broche qui sert d’axe de suspension au pendule, et sur la gorge de laquelle passe une corde sans fin qui s’enroule 2 fois sur la double gorge d’une 2° poulie plus petite F fixée à demeure sur le tourillon D de l’ar- bre de la baratte. La baratte et le cuveau sont recouverts d’un chapeau en bois pour maintenir la température et empêcher la va- peur d’eau de se répandre. On met le pen- dule en mouvement au moyen de la verge ou manche de bois I de 1 mèt. 32 cent.(4 pi.) de longueur, attachée au pendule 8 cent. (3 po.) au-dessus de la lentilleau moyen d’un piton à crochet. M.est-un support de bois pour sou- tenir le manche I quand la baratte est en repos. On conçoit qu’en faisant mouvoir le pendule, la baratte prend un mouvement d'oscillation lent et régulier, très-favorable au battage de la crème et à sa conversion en beurre. Les autres instrumens nécessaires dans la fabrication du beurre, indépendamment de ceux de la laiterie, sont des tamis ou des cane- vas pour passer la crème ou filtrer lebabeurre, des terrines ou bien des jattes ou autres vases pour déposer le beurre; des cuillères, battes, battoires ou des rouleaux de bois pour l’ou- vrir, le pétrir, le délaiter et le saler; une pe- tite presse à vis en bois ; des formes pour le mouler, et des empreintes pour le marquer; un pilon pour le presser dans les barils de beurre salé; une chaudière en cuivre pour le fondre. $ III. — Des qualités du beurre et de leurs causes. Les qualités qu'on doit rechercher dans CHAP. 1°”. le beurre sont la couleur, l’odeur, la consis- tance et la faculté de se conserver. La couleur du bon beurreest le jauneriche; c'est généralement celle du beurre fourni pen- dant le printemps par les vaches en bonne santé, nourries dans de bons pâturages, et qui a été fabriqué avec soin.-Néanmoins cet indice n’est pas décisif, puisqu'on peut colorer le beurre artificiellementet qu'ilest des pays, des saisons ou des animaux qui donnent du beurre pâle de très-bonne qualité. L’odeur du beurre doit être douce,agréable, légèrement aromatique. Tout beurre qui exhale une odeur forte est mal fait, altéré ou de qualité inférieure. La saveur de beurre frais est douce, agréa- ble, onctueuse, délicate et fraiche. C’est la qualité la plus variable, puisqu'elle change avec les localités, les saisons, l'animal et beau- coup d’autres causes; mais c’est aussi celle qu'on doit le plus rechercher. Un beurre qui a un goût désagréable quelconque est rarement de bonne qualité. La consistance esisouventunindice de bonne fabrication. Les beurres spongieux, mous, huileux, ou ceux qui sont durs ou compactes, ont été fabriqués dans des circonstances défavorables ou par de mauvais procédés. Le bon beurre est d’une consistance moyenne, d’un aspect mat; il a la pâte fine et se tranche nettement en lames minces. La faculté de se conserver long-temps frais est une des plus précieuses, et elle est due la plupart du temps à l'observation rigoureuse des bons principes de fabrication. Les causes qui influent sur les qualités et Ja nature du beurre sont si variées qu’on ne peut espérer de les recounaître toutes; celles qui paraissént jouer un rôle plus marqué sont les suivantes : 1° Les vaches. Chaque race de vaches, cha- queauimal,et la même vache dans des circons- tances, dans des états ou des situations varia- bles, donne des beurres de différentes quali- tés.Il faut faire choix des races et des individus reconnus pour donner à la fois des produits abondans et délicats, et avoir l'attention de les maintenir toujours en bon état et de leur prodiguer tous les soins convenables. 2 Les pâturages et la nourriture exercent une grande influence sur la bonté du beurre quand ils sont riches, de bonne qualité et abondans , mais toujours avec la condition que ce produit sera fabriqué avec toutes les précautions convenables. On peut pres- que partout et avec des pâturages médiocres faire de fort bon beurre, quand on y met le soin nécessaire. Néanmoins, toutes les autres conditions étant égales, le beurre des bons âturages, celui des prairies naturelles, du ait des vaches nourries de spergule , ou de feuille de maïs, ou avec des carottes,elc., sera toujours supérieur en saveur el en délica- tesse à tous les autres. 3° Le climat et La saison. Le climat le plus favorable à la santé des vaches est aussi celui sous lequel on fait le meilleur beurre. Ainsi les pays un peu humides et littoraux, tels que le Danemark, le Holstein, la Hollande, Belgique, la Flandre , la Normandie , la Bretagne, l'Angleterre et l’Irlande, produi- sent les beurres les plus renommés. — Quant CONDITIONS POUR FABRIQUER LE BON BEURRE. 23 à la saison, le beurre de printemps ou de mai est le plus riche, le plus aromatique et le meilleur. Ainsi ie beurre de la Prévalaye, pendant les mois de février, mars et avril, a un goût exquis de noisette; il est moins fin et privé de cette fleur qui le rend si agréable, dans les autres saisons. Le beurre d'été ou de juillet et d'août est mou et huileux, celui d’automne ou de septembre et d’octo- bre n’a pas une couleur aussi agréable, mais il est ferme et peut se conserver long-temps. 4° La qualité du lait et de la créme. Tout ce peut altérer la nature ou la délicatesse u lait ou de la crème, et dont nous avons fait connaître les causes à l’article de la Zai- terie à lait, page 16, influe de même sur le beurre. Ainsi il est difficile de préparer du beurre d’une saveur fine et délicate avee du lait qui a un goût désagréable, ou qui est altéré, ou bien encore avec des crêmes rances ou moisies. 5° Le mode de fabrication. La preparation des beurres d’après des principes raisonnés et avec tous lessoins convenables. est la con- dition la plus décisive et la plus importante pour leur bonne qualité. Le mauvais beurre est dû à l'ignorance et à la malpropreté. Les beurres du pays de Bray, de la Bretagne, de la Hollande,du Holstein,ne doivent en grande partie leur supériorité qu’à la maniere at- tentive, propre et soigneuse avec laquelle on dirige leur fabrication. $ IV.— Conditions pour la fabrication du bon beurre. On ne peut espérer de faire des beurres fins qu’en observant d’abord avec une rigoureuse ponctualité toutes les règles prescrites pré- cédemment pour la conduite et la bonne direction de la laiterie, puis ensuite celles que nous ferons connaitre ci-après relative- ment aux procédés matériels de fabrication; mais il est en outre quelques autres principes qui méritent une sérieuse attention. D'abord on fera usage le moins possible dela crème levée sur du lait altéré, battu par un transport prolongé, ou sur celui des vaches faibles, malades, en chaleur, sur le point de mettre bas, ou qui viennent de vêler; ensuite où donnera la préférence à la crême recueillie naturellement à une température de 10° à 12°; à ceile provenant de lait arrivé à sa perfection, c'est-à-dire au moins au 4° mois après le vé- lage; à celle fournie par le lait dans la 2° pé- riode de la traite,ou celle qui aura monté la 1"° à la surface et qui est la plus abondante et la plus délicate. On enlévera la créme sur le lait pendant qu'il estencore doux. Des expériences exactes et positives faites depuis peu ont prouvé qu'onretiraitune quantité un peu plus grande de beurre de la crême levée sur du laitaigre, mais que celte augmentation est peu con- sidérable et ne compense pas la perte qu’on fait sous le rapport de la qualité du beurre. Dans la fabrication des beurres de Gournay, on areconou depuis long-temps que la crême delait aigre donuaitconstammentdesbeurres médiocres, et gras, qui ne peuvent être con- servés long-temps frais et ne sont nullement propres aux salaisons. 24 La jeune créme est la seule propre à faire du beurre extrêmement fin,el cest à son emploi que la Normandie, la Bretagne, la Hollande, etc., doivent l'excellence de leurs beurres. On doit battre tous les jours quand cela est possible, quoique la crème très-ré- cente exige plus de travail pour être con- vertie en beurre; et généralement dans les temps chauds la crême ne doit pas rester plus de 24 heures, eten hiver pius de 2à 3 jours par une température modérée , sans être battue. ! vi On doit fabriquer une grande quantité de beurre à la fois, comme cela se pratique dans ja Normandie, la Flandre et la Frise, etc., arce qu’on a observé dans ces pays que le Lee se forme mieux et est de meilleure qualité quand on agit sur des masses. $ V.—Battage du beurre, L'opération du battage, qui a pour but d’ob- ienir la réunion des molécules du beurre, n’est pas aussi simple qu'elle le paraît d’a- bord et ne réussit bien que sous certaines con- ditions, relatives à la saison, à la température et au mode d'opérer. L'époque du jour qu'on devrait préférer pour le battage, est, pendant l’été,le matin de bonne heureoule soir, etenhiverou pendant les temps froids, vers le milieu du jour. La température la plus favorable pour battre le beurre est de 11° à 12° du thermomètre cent. C’est celle à laquelle on obtient un produit ferme, d’un goût agréable, d’une bonne qualité et en plus grande quantité. Cette quantité se maintient à peu près la mé- me jusqu'à 15°, mais la consistance diminue progressivement.A 16° la quantité diminue.A 18° lebeurre estmou,spongieux,etsaquantité a diminué de 9 à 10 pour cent sur celle obte- nue à la 1° température. Enfin à 21°, il a diminué de 16 pour cent,est de qualité infé- rieure pour le goût et laspect,etaucun lavage ne peut en faire sortir complètement le lait debeurre.Latempérature propice de 11° à 12° doit être celle de ia crême avant de la battre, ou de la laiterie, parce qu'il a été démontré que l’opération du battage du beurreet sa for- mation élevaient de 2°,c’est-à-dire portait jus- qu'à 14° la température de la crême. Pour obtenir artificiellement la tempéra- ture nécessaire à la bonne séparation du beurre, on fait usage de divers moyens lors- qu’on n’a pas pu maintenir la laiterie à 10° ou 12° du thermomètre. En été et aux époques les plus chaudes de l’année. on bat le beurre dans le moment le plus frais de la journée et dans Ta partie la plus froidè de l'habitation ; ou bien on jette dans la baratte 15 à 20 litres d’eau fraiche qu'on laisse séjourner une heure, puis qu’on vide avant d’y verser la crême. Pendant le battage on plonge la baratte à la profondeur de 33 à 40 cent. (12 à 15 po.) dans un ba- quet contenant de l’eau fraiche. On applique des linges mouillés sur la baratte, ou enfin on jette un petit morceau de glace dans le vase. Quelquefois il suffit de tremper de temps à autre la batte-beurre dans l’eau frai- che. En Hollande on plonge, avantde verser dans la baratte, ie vase qui contient la crême ARTS AGRICOLES : LAITERIE. LIV. IV: dans le 4oe/back, grand réservoir d’eau fraiche de 6 pi. de longueur, 3 de large et 2 de pro- fondeur, construit en brique ou en pierres au milieu de la laiterie et alimenté d’eau par une pompe. En hiver et pendant le temps des gelées, on accélère la formation du beurre en en- veloppant la baraite avec un linge ou une couverture chaude,ou bien avec une serviette trempée dans l’eau tiède; en ajoutant à la crème un peu de lait chaud; en plongeant la baralte dans un bain d’eau tiède, ou en jaissant séjourner une demi-heure de l’eau chaude dans ce vase; enfin en approchant la baratte à quelque distance du foyer. En Hol- lande on ajoute un peu d’eau chaude à la crême froide. Aux environs de Rennes, où se fabrique lexcellent beurre de la Prévalaye, on, introduit un vase rempli d’eau chaude Gans la baratte. Dans tous les cas on ne doit aire usage de ces moyens qu'avec précaution et sabriélé, parce qu'ils tendent tous plus ou moins à diminuer la finesse et les bonnes qualités du beurre. Pour verser la créme dans la baratte, on place sur celle-ci un canevas ou un tamis très-propresur lequel onjette la crême, qu’on fait passer, pour la diviser et lanettoyer, au travers des mailles au moyen de la pression si cela es nécessaire. En général, il ne faut pas remplir les ba- rattes au-delà de la moitié de ce qu’elles peu- vent contenir. Le battage doit se faire par un mouvement modéré , égal, uniforme et continué sans interruption. Sile mouvement n’a pas de ré- gularité, si on le ralentit, si on l’arrête , le beurre recule,comme on dit en Angleterre, c’est-à-dire qu’il se redissout dans le ba- beurre. Au contraire, sile mouvement est violent ou trop accéléré, le beurre acquiert une saveur désagréable, et perd, surtout en été, sous le rapport de la couleur, du goût et de la consistance.Pour opérer régulièrement il faut dès que labatte-beurrea été introduite et que le vase est fermé, élever et abaisser alternativement le bâton en faisant frapper légèrement la batte ou rondelle au fond de la baratte, de manière qu'à chaque coup de va et vient elle soulève 2 fois, en descendant et en montant, la totalité de la crême. Le battage dans l’élé doit être fort lent et ré- gulier, autrement on diviserait et on remet- traiten suspension les globules de beurre qui dans cette saison sont souvent à l’état liquide. En hiver il peut être plus vif et plus soutenu. On doit aussi l’accélérer un peu quand la quantité de crême est considérable ou quand l'elle est très-nouvelle. Le moment où le beurre se forme, ou, comme on le dit, ia crême tourne, est variable et dé- pend d’un grand nombre de circonstances. On reconnait que le travail marche bien au son que rend le battage. D'abord ce son est grave, sourd et profond, ensuite il devient fort, sec et plus éclatant: c’est le signe que le beurre commence à se former. On continue néanmoins le travail avec le même soin, et bientôt on s'aperçoit qu'on peut mouvoir le bâton avec plus de facilité. Si à cetle époque on ouvrait la baratte, on verrait sur les parois une foule de globules jaunâtres huileux qui CcHAP. 1°’. indiquent que la formation etla réunion du beurre commencent à s’opérer.On donne en- core quelques coups lents et mesurés, puis on rassemble le beurre. Pour cela il faut pro- longer encore le battage, non pas à coups secs et verticaux, mais en promenaut circu- lairement la batte dans la baratie, pour re- cueillir en une ou plusieurs masses tout le beurre qui s'est formé. ; On reconnait que le beurre se forme dans les barattes tournantes, au son que rendent les grains ou pelites masses qui tombent sur le fond. Pour séparer le beurre du lait on enlève à la main toutes les parties du 1°° qu’on peut saisir, ou bien on ôte le bouchon qui clôt les barattes tournantes, et on verse et reçoil le lait sur une toile ou un tamis, afin de recueillir toutes les portions de beurre qu’il pourrait encore contenir. L'espace de temps pendant lequel il faut battre la crême pour la convertir en beurre n’est pas le même suivant la saison, la forme et la construction de la baratte, et beaucoup d’autres circonstances. En été, dans la ba- ratte ordinaire, une demi-heure à & d'heure sont souvent suffisans. En hiver, une demi- journée n’est quelquefois pas de trop. Dans les serènes où l’on prépare jusqu’à 100 liv. de beurre à la fois, une heure en été et quel- ques heures en hiver sont nécessaires à la for- mation complète du beurre. Généralement il vaut mieux battre plus que moins. Quand le beurre ne veut pas se former, on peut, en versant dans la baraite de l’eau chaude en hiver et de l’eau fraiche en été, hâter cette formation. Un peu de sel ou d’alun en poudre jetés daus la baratte la détermi- nent, dit-on, également. En Ecosse on ajoute souvent dans ce cas à la crème fraiche un peu de crêmesüre, du jus de citron, el même de la présure. D’après quelques expériences récentes faites en Allemagne, les enveloppes extérieures des oignons rouges ou quelques cuillerées de bonne eau-de-vie favorisent aussi celte prompte séparation. Dans les ba- rattes lournantes qu'on ne peut immerger dans l’eau, on verse quelquefois, dans Île même but,en Angleterre, 2 cuitierées de bon vinaigre pour 10 litres de crême, après que celle-ci à été fortement agitée sans succès. Le savon le sucre, les cendreset plusieurs au- tres corps empêchent le beurre de se former. $ VI. — Délaitage. La séparation du beurre et du lait de beurre n'est Jamais assez complète pour qu'il ne reste pas dans le 1° quelques portions de sérum et de matière caséeuse. C’est à l’élimi- nation de ces portions de matière étran- gère qu'on doit procéder par une opération u'on nomme délailage. Cette opération, estinée à obtenir le beurre pur, ne saurait être faite avec trop de soin, et c’est d’elle que dépend sa bonne conservation. Seulement on peut y “He avec moins d’exactitude quand le beurre est préparé journellement et consommé Ge suite, parce qu'il est alors plus délicat et que les portions de lait qui restent interposées lui donnent la saveur douce et agréable qui caractérise la créme. Le procédé de délaitage le plus usité se SÉPARATION DU BEURRE DU LAIT DE BEURRE. 25 | réduit à jeter le beurre dans des terrines où | des baquets remplis d’eau fraiche et pure, afin qu'il perde sa chaleur et se raffermisse, On l’étend ensuite avec une cuillère de bois, | et on renouvelle à plusieurs reprises l’eau fraiche, tout en pétrissant le beurre jusqu’à ce que l’eau en sorte pure et claire. On en forme alors des pelotites, qu’on place dans un lieu frais pour leur faire acquérir de la consistance , puis on le moule en cylindres ou en pains d’une ou plusieurs livres, ou on en forme, suivant les usages du pays, des mot- tes de grosseurs diverses qu’on peut trans- porter au loin. Onpétrit le beurre avec les mains dans pres- que toute la France, en Hollande et en Al- lemagne; mais dans un grand nombre de lieux où cette fabrication est bien entendue, no- tamment en Bretagne et en Angleterre, on fait usage pour cet objet de rouleaux, de cuil- lères plates ou de battoirs. Cette méthode est pue propre et influe sensiblement sur la onne qualité du beurre. La chaleur de la main donne toujours au beurre un aspect gras et huileux que ne présente pas celui qui a été pétri au battoir. Sous ce rapport, les barattes tournantes ont un avantage marqué, en ce qu'il suffit d'introduire de l’eau fraiche dans leur intérieur, et de continuer de tour- ner en répétant cetie manœuvre jusqu'à 3 et 4 fois pour opérer un bon délaitage, et à laisser le beurre dans la dernière eau pen- dant quelques momens, pour le rafraichir et augmenter sa ferineté. Le délaitage sans eau est très-usité en Bre- tagne, dans une partie de l'Angleterre et du Hoistein. Dans ces pays on considère l’in- irvoduction de l’eau dans le heurre comme propre à enlever à ce corps une partie de son arôine et sa couleur, ei comme nuisible à sa bonne conservation. Pour délaiter le beurre par cetle méthode, on le dépose dans une terrine ou un plat tres-propre, et on le pétrit avec un rouleaü, un écrémoir, une cuillère ou des battoirs pour en faire sortir le lait. Cette opération exige beaucoup de dextérité, de force-et d’'habileté; car, si on ne délaite pas entièrement le beurre, il se détériorera en peu de temps, et si on le fa- ligue trop, il devient visqueux et gluant. On peut employer avantageusement à cet usage de petites presses en bois. Quand, par Le pé- trissage et la pression, on a enlevé la ma- jeure partie du lait, on l’étend sur une table de marbre ou de pierre, et on le frappe et le presse à plusieurs reprises avec un linge propre et sec, pour absorber jusqu'aux der- nières portions de fait. Cela fait, on le moule en livres ou en motltes, ou bien on le sale ou on le fond. A la Prévalaye, le beurre, au sortir de la baratte, est coupé en lames très-minces avec une cuillère plate, qu'on trempe sans cesse dans l’eau, afin que le beurre ne s’y attache pas; on le manie et remanie sur des vaisseaux de bois mouillés, qu’on peut com- parer à des cônes aplatis; les beurrières les tiennent de la main gauche et laminent, baitent, tournent en lous sens le beurre de la main droite, le durcissent, le salent faible- ment et lui donnent la forme adoptée. | On ouvre le beurre ordinairement après le lavage, en le coupant dans tous les sens avec 2% ARTS AGRICOLES : LAITERIE. un couteau de bois émoussé ou une cuillère, pour découvrir et enlever les poils, les débris de linge ou autres impuretés qu il pourrait contenir. É à Le beurre n’acquiert toute la saveur qu il doit avoir suivant sa qualilé, en élé, que quelques heures après qu'il a été battu; el en hiver, le lendemain seulement. $ VII. — Coloration du beurre. Pour donner au beurre celte riche couleur jaune qui distingue les produits de printemps et d’élé et ceux de bonne qualité, on fait usage de plusieurs substances. 1° La fleur de souci. Dans le pays de Bray, lorsque les fleurs sont cueillies, on les en- tasse dans un grand pot de grès, on les foule, on ferme le pot, qu’on dépose dans la cave pour laisser macérer. Quelques mois après toutes ces feuilles sont converties en un suc épais qu’on passe à travers un linge, et qui conserve la couleur de la fleur. Une petite quantité de ce suc, dont l'expérience apprend bientôt à connaitre la proportion, est délayée dans un peu de crême, et c’est ce mélange qu'on ajoute au reste de la crême lorsqu'on verse celle-ci dans la baratte. En Hollande, on suit un procédé à peu près sem- blable pour colorer le beurre. à 2 Le rocou (Bixa orellana) bouilli dans l'eau, et qu'on nomme aussi arnotto d’'Es- pagne, est également employé en France, et surtout dans le Holstein, pour donner au beurre une belle couleur jaune. Dans ce der- nier pays on en met le soir, avant de faire le beurre, la grosseur d’un pois dans 15 kilog. (30 Liv.) de crème. 3° Le jus de carottes est encore d’un usage fréquent; seulement il demande à être ajouté en plus grande quantié. 4 Le safran (sligmates du Crocus sativus), dont il faut une très-petite quantité, est dé- layé d’abord dans l’eau chaude filirée à tra- vers un linge, puis ajouté à la crême. 5° Les baies d’alkekenge ou Coqueret offi- cinal (Physalis alkekengi), le fruit de l’as- perge, le suc des müres, la racine d’orcanette ( Lithospermum tinctorium Tin., Anchusa tinctoria Lam.), sont aussi employés à cet usage, et sont ajoutés en plus ou moins grande quantité, suivant la nature du beurre qu'on travaille, la teinte qu’on veut obtenir, la sai- son, la quantité de beurre, etc. L’habitude apprend bientôt à doser convenablement la matière colorante pour atteindre dans tous les cas la couleur désirée. Généralement on en emploie si peu, qu’elle ne communique jamais au beurre de mauvais goût. $ VII. — Méthodes diverses de faire le beurre. On ne fait pas partout le beurre de la même manière, et nous allons faire connaitre en peu de mots les procédés les plus répandus. 1° Battre le lait frais. Ce procédé, qui est celui qu'on suit pour la fabrication du beurre de la Prévalaye, dans les environs de Rennes, et dans d’autres localités, donne un beurre très-fin et excellent, mais moins abondant, et se conservant frais plus difficilement. Dans des essais faits en Saxe, on a trouvé que LIV. LV. 22 lit. 476 (24 pintes) de lait frais avaient fourni, après 1 heure 10 minutes de battage, 613 grammes seulement (1 Liv. 4 onces) de beurre, tandis que, de la même quantité de lait gardé 24 heures, et toutes les autres con- ditions étant les mêmes, on obtenait 3 lit. 75 (4 pintes) de crème, qui avaient donné au bout d’une heure 5 minutes de battage , 998 gram. (2 liv.) de beurre. L'expérience a aussi appris que le beurre ainsi fabriqué se prend plus difficilement en masse, que les vaisseaux doivent être fort grands, et que le mouve- ment ou le battage doivent avoir une plus grande vitesse; que cette opération étant plus laborieuse et plus longue, rend avantageux l'emploi des machines et des animaux. 2 Battre la créme seule. C’est le procédé le plus usité et celui dont nous avons fait con- naïitre tous les détails. _8° Battre la créme et le caillé. Cette mé- thode, employée dans quelques parties du nord de l'Allemagne, dans les provinces hol- landaises au sud de Rotierdam, en Belgique et dans plusieurs comtés d'Angleterre, d’'E- cosse et d'Irlande, est désavaniageuse par la masse de matière qu’il faut battre, et parce qu’on n’a pas prouvé Jusqu'ici qu'elle donnât une plus grande quantité de beurre. Ce beurre d’ailleurs est certainement infé- rieur à celui qu’on fabrique par la méthode ordinaire. Dans la Campine, suivant M. Scnwerz, le lait fraichement Lliréest passé à travers un Lamis de crin et versé dans des Jattes qu’on porte dans de petits celliers destinés à cet usage, et où le laitreste de:12 à 24 heures pour se refroi- dir. Ce lait est ensuite versé dans un tonneau debout et ouvert par le haut. En hiver on se dispense de faire refroidir le lait, et on le verse directement dans le tonneau, où il reste jusqu’à ce qu’il soit devenu aigre, et que le doigt pressé dessus trouve de la résistance, ce qui parfois ne se produit dans cette der- nière saison qu’au bout de plusieurs semairres. Arrivé à ce point, on fait l’essai du lait er refoulant la crême au fond avec la main, plongeant les doigts dans le lait qui est au- dessous, et en en metlant quelques gouttes dans le creux de la main. Si le lait s’y prend en masse après quelques instass, il est propre à êire battu et à faire le beurre; on le jette alors dans la baratte avec 1/18° environ d’eau chaude. L'opération du battage, qui est assez péni- ble, dure 2 heures dans la baratte à pompe et 1 heure seulement dans la baraite braban- conne. Pour hâter la formation du beurre, on verse de temps à autre dans le vaisseau, mais en petite quantité, de l’eau tiède en hi- ver et de l’eau froide en été. Dans la 1° sai- son, quand le lait tarde trop às’aigrirau point nécessaire pour le battre, on place dans le tonneau une cruche remplie d’eau chaude. — En Ecosse, surtout dans les environs de Glasgow, le lait est abandonné dans des vases sans qu’on y touche, et toujours couvert Jus- qu'à ce que la masse entière se soit aigrie et coagulée. On veille avec soin à ce qu'aucune portion du coagulum ne soit brisée avant d’être mise dans la baratte , car sans cette précaution la fermentation putride commen- cerait sans qu’il fût possible de l’arrêter. C’est CHAP. 1°’. lorsque le lait forme ainsi une masse bien homogène que l’on procède au barattage en versanli ne lait de l’eau chauffée à 18° ou 20° dont la quantité varie suivant les saisons. 4 Battre la créme bouillie. Dansles comtés anglais de Somerset, Cornwall et Devon, dit MarsnaLz, le lait, 24 heures après la mulsion, est mis dans des vases plats qu'on pose sur un feu doux, mais assez fort pour que le li- quide approche de l’ébullition en 2 heures et pas moins. Une personne le surveille, et au moment où une bulle ou un bouillon se ma- nifeste, on l’enlève du feu et on le laisse re- poser 24 heures. Au bout de ce temps ; si la quantité de lait est considérable, la crème a un pouce ou plus d'épaisseur. On la tranche avec un couteau et on l’enlève. Le lait, après cette opération, ne contient plus guère que du fromage et du sérum. Les fermières as- surent que par cette méthode on obtient un uart de beurre de plus, et que quelques coups ans la baratte donnent un excellent pro- duit. $ IX. — Beurre de petit-lait. Ce beurre, qu’on fait surtout dans les pays où se fabriquent les fromages, est celui qu’on retire du petit-lait qui découle spontanément du caillé, ou qu’on obtient par la pression du fromage. Il est toujours inférieur en qualité à celui fait avec la crême de lait frais ou le lait et la crême battus ensemble. Ilya 2espèces de petit-lait, \evert elle blanc. Le 1° s'échappe naturellement du caillé; le second est celui qu'on obtient par la pres- sion. Il y a plusieurs z#7éthodes pour obtenir le beurre du petit-lait. Dans certaines laiteries tout le petit-lait qu’on retire des fromages est mis dans des vases pendant un, deux,ou plu- sieurs jours; après quoi on l’écrême, et ce qu: reste est donné aux veaux ou aux cochons. On fait bouillir dans une bassine ouun chaudron la crême qu’on a levée, puis on la met dans des pots où elle reste jusqu’à ce qu’on en ail assez pour la battre, opération qui dans une laiterie importante doit être faite au moins 1 à 2 fois par semaine. Une autre méthode plus en usage consiste à mettre le petit-lait vert sur le feu, dans un chaudron, aussitôt qu’on l’a recueilli des ba- quets à fromage. Quand il est bouillant on y verse de l’eau froide ou du petit-lait blanc, ce qui fait monter une écume blanche, crêémeuse et épaisse, que la fille enlève à mesure qu'elle se forme et qu’elle met dans des terrines où elle reste jusqu’à ce que cetle crème soit battue. Le petit-lait blanc, au moins celui qui n’est pas employé à faire monter la crême du pe- tit-lait vert bouillant,est mis dans des terrines comme du lait ordinaire pour que la crême monte. Quand on lève cette crême on la joint à celle qui provient de l’ébullition et on les bat ensemble. Les Hollandais battent quel- quefois la totalité du petit lait-vert et blanc pour en retirer le beurre qui n’exige pas plus d’une heure de battage. Les vachers du Cautal mélent au petit-lait qui s’écoule du fromage 1/12 de lait frais, lais- sent reposer le tout dans des vases de bois, et au bout de quelques jours enlèvent une crême CONSERVATION DU BEURRE. 27 dont ils font un beurre blanc d’assez bon goût. Salé et conservé à la cave dans des feuilles de gentiane, il devient rouge orange et d'un goût âcre el piquant. $ X.— Conservation du beurre. I. Beurre frais. — Le beurre récent doit être conservé dans un lieu très-frais, ou tenu dans un vase placé dans de l’eau fraîche qu’on re- nouvelle plusieurs fois par jour, ou enveloppé dans un linge blanc delessive,qu'ontient tou- Jours humide. Mais,quelles que soient les pré- | cautions qu’on prenne, ilne larde pas, surtout quand il fait chaud, à s’altérer au contact de l'air, et à devenir rance. Les ménagères ne #anquent pas de recettes pour lui rendre sa fraicheur ; mais c’est en vain qu'on le lave à l'eau pure, avec du lait frais ou de l’eau-de- vie,etc.,on ne lui enlève pas entièrement son mauvais goût. La fabrication du beurre n’é- tant pas égale dans toutes les saisons, il faut done, pour le préserver de toute altération, et suriout si on veut le transporter au loin, employer des moyens de conservation qui consistent à le saler ou à le fondre. C'est de préférence en automne qu’on s'occupe de cette opération. II. Beurre salé.— Le choix d’un sel propre à saler lebeurre n’est pas indifférent; on ne doit employer que celuiqui, par une longue exposi- tion à l'air, a perdu tous ses sels déliquescens, où qui attire peu l’humidité et n’a plus ni âcrelé ni amertume. La bonne conservation du beurre avec ses qualités dépend de la manière dont il a été salé. Dans le pays de Bray, le beurre, après avoir été soigneusement lavé, est étendu en cou- ches minces sur une grande tabletrès-propre et humide, et on répand dessus, pour cha- que 172 kilog. (1 liv.) de beurre, 30 gram. (1 once) de sel desséché au four et broyé dans un mortier de pierre ou de bois, et on pétrit le tout avecles mains ou mieux avec un rou: leau de bois jusqu’à ce que le sel et le beurre soient bien incorporés. On emploie le sel gris de préférence au blanc. Dans d’autres localités on commence par laver de nouveau le beurre à l’eau fraiche, puis dans une forte saumure dans laquelle on le laisse environ une semaine à la température la plus froide possible et sous forme de petits pains de la largeur et l'épaisseur de la main. Ensuite on le repétrit, on le reforme en pains qu’on place dans des vases de bois ou de terre. en saupoudrant leurs intervalles d’une quantité variable de sel. Dans le Holstein et en Angleterre on pense qu'il ne faut pas trop fatiguer le beurre par le pétrissage avant la salaison, et que plusil est salé frais à une température qui ne dé- passe pas 10°, plus il conservera son goût agréable et sera facile à garder et à transpor- ter au loin. Le sel qu'on répand alors dessus est réduit en poudre fine, et la masse est tra- vaillée avec soin pour y répartir le sel bien également. On choisit aussi bien qu’en Hol- lande, un sel pur, blanc et de la meilleure qua- lité. Quant à la quantité de sel qu’on ajoute au beurre, elle varie suivant la qualité de celui- ci et la pureté du sel. Plus le beurre est de 28 ARTS AGRICOLES : LAITERIE. LIV. IV. bonne qualite, moindre doit êire la quantité 1 sible sur l’ancienne; on unit de nouveau, on de sel, et réciproquement. Un demi-kilog. (1 liv.) de sel pour 6 à 10 kilog. (12 à 20 liv.) de beurre sont leslimites ordinaires. Cette quan- tité varie encore selon qu’on veut transpor- ter le beurre plus où moins loin, dans des climats chauds ou froids, ou le conserver dans un lieu plus ou moins frais, ou suivant qu’on veut faire du beurre demi-sel, du beurre salé ou du beurre sursalé. T1 est inutile de dire que le beurre est d'autant plus agréable qu'il possède la faculté de se conserver avec la moindre quantité possible de sel. On prépare une excellente composition pour conserver le beurre, suivant TwAMLEY, en ré- duisant en poudre fine eten mêlant ensemble une partie de sucre,une partie de nitre et deux parües du meilleur sel commun. On ajoute 30 gram.(1once)de cette composition à chaque 1/2 kil. (1 liv.) de beurre dès que celui-ci a été débarrassé de son pelit-lait; Gn pétrit altenti- vement et onmet en barils.Le beurre préparé de cette manière n’atleint sa perfection qu’au bout de 15 jours après qu'ila été salé. A cette époque il a un goût riche et moëlleux et se conserve ainsi plusieurs années. Le beurresalé se met dans des pots de terre des corbeilles, des baquets, des tinettes ou des barils de bois. Les pots étant échaudés à l’eau bouillante, écurés, rincés, et séchés, on y foule le beurre jusqu’à 2 pouces des bords, et on laisse repo- ser 7 à8 jours. Au bout de ce temps le beurre, qui a diminué de volume, se détache du pot; on peut le fouler de nouveau, ou bien rem- plir le vide qui s’est formé avec une saumure ou dissolution de sel épuré et d’eau chaude assez concentrée pour qu'un œuf y surnage, et qu’on verse peu-à-peu Jusqu'à ce que le beurre en soit bien recouvert. Quand le beurre est destiné au transport, onremplitle vide avec du sel blanc dont on forme aussi une couche d’un pouce environ à la surface. Les meilleurs pots, qui sont, au reste, de forme et de capacité variables, sont ceux en grès, en faïence ou en porcelaine. Les 1°", qui sont les plus communs, sont connus dans divers pays sous la dénomination de pots de Tallevande, nom d’une commune du Calvados près de Vire, où on les fabrique. Les barils sont aussi, suivant les pays, de diverses grandeurs; on y foule le beurre comme dans les pots, en laissant par-dessus un espace vide qu’on couvre d’une couche de sel de 1 pouce d'épaisseur. Le vide qui se forme au bout de 8 jours est de même rem- li avec de la saumure ou du sel, afin d’éviter e contact de l’air qui fait rancir très-prompte- ment le beurre. Le beurre préparé suivant la méthode de Twamzey, avecle nitre,le selet le sucre,étant pressé fortement dans les barils, on unit sa surface, ets’il se passe encore quelques jours avant qu’on en ajoute de nouveau pour rem- plir le vase, on recouvre ce beurre d’un linge propre sur lequel on pose un morceau de parchemin humide, où à défaut de celui-ci, un linge fin imprégné de beurre fondu et qu'on fait adhérer tout autour sur les pa- rois du baril; quand on veut ajouter du beurre on enlève la couverture, et on foule Ja nouvelle couche aussi exactement que pos- replace les linges, on verseun peu de beurre fondu sur toutes les fissures, pour intercep- ler l'air, on saupoudre de sel et on fixe soli- dement le fond. On doit préparer.avec soin les barils avant d'y déposer le beurre, en les exposant 2 ou 3 semaines à l'air, et les lavant fréquemment. La méthode la plus prompte est celle où l’on emploie lachaux vive, ou une dissolution bouillante de sel ordinaire, pour les frotter à plusieurs reprises; après quoi, on les rince à l’eau froide, puis on les fait sécher. Quand on est sur le point d’en faire usage, on re- commence ces opéralions, et au moment d’embariller le beurre, on les frotte soigreu- sement partout avec du sel. Enfin on bouche toutes les fissures avec du beurre fondu, qu'on fait couler entre les joints des douves et du jable, ourainure du fond. En Hollande, les barils, avant de s’en servir, sont remplis pendant 3 à 4 jours, avec du petit-lait sûr, puis lavés avec soin à l’eau pure et séchés. Le bois dont on fait les barils est ordinaire- ment le chêne; mais on a remarqué, surtout lorsqu'il n’y a pas long-temps qu’il estabattu, qu'il communique souvent au beurreune dis- position à serancir, qu’on attribue à sa sève et à l'acide pyroligneex qu'ilcontient. M. Moxr, pour éviter ce défaut, coupe le bois en douves de longueur et le tient immergé dans une chaudière remplie d’eau qu’il porteà une ébul- lition soutenue pendant 4 heures. Au bout de ce temps le bois, débarrassé de son acide, est desséché; 1l est devenu plus compacte et plus ferme, et est susceptible d’ailleurs, pendant qu’il est encore chaud, de recevoir aisément toutes les formes. La Société d’a- griculture de la haute Ecosse pense que le bois du ülleul est le plus propre à la fabri- cation des tonneaux, comme étant, suivant elle, exempt d'acide pyroligreux.. Le peu- plier, le saule, l’érable, etc., sont aussi très- propres à cette fabrication. Dans le Holstein on regarde le hêtre comme le plus conve- nable à cet usage; on croit qu’il conserve le beurre bien plus long-temps sans lui com- muniquer le moindre goût. On abatles arbres en décembre et janvier, et on les débite en planches qu’on plonge pendant un mois dans l’eau courante. Au bout de ce temps on les retire pour les faire sécher dans un lieu cou- vert et bien aéré, et ce n’est qu’au bout d’un an qu’on en fabrique des tonneaux. Le beurre salé est conservé à la cave. Si on l’entame pour le consommer de suite, il suffit de l'enlever bien également par couches et de le maintenir couvert. Mais si l’on n’en fait usage qu’à des intervalles éloignés, et qu’on ne referme pas le tonneau avec soin, il con- tractera promptement un goût rance. Pour prévenir cet accident, on verse dessus une forte saumure lorsqu'elle est froide, qui al- tère, il est vrai, la qualité du beurre, mais à un degré moindre que si on le laissait rancir. IIE. Beurre fondu.— La fusion esi un autre moyen de conserver le beurre qu’on destine à être gardé très-long-temps ou qui doit être expédié dans les pays chauds. Pour purifier le beurre par la fusion on le place dans un chaudron de cuivre, sur un feu doux. Quand il est devenu liquide, il monte à CHAP. 1°’. la surface une écume qu’on enlève, et les im- puretés se précipitent au fond du chaudron. On augmente encore insensiblement le feu jusqu'à ce que le beurre bouille ; tou- Jours en écumant, et en remuant pour empêcher que les matières précipitées ne brülent au fond. L'opération est terminée lorsqu'il ne s’élève plus d'écume et que le liquide est transparent. Alors on le sale, on le laisse se refroidir dans le chaudron jus- qu’à ce qu’on puisse y tenir le doigt, puis on le décante doucement, jusqu’au dépôt, dans des pots qu'on a fait chauffer ou des barils qu'on couvre avec soin et qu’on porte à la cave. | En Angleterre on suit une méthode préfé- rable en mettant le beurre dans un chaudron placé lui-même dans une chaudière conte- nant de l’eau (bain-marie) qu’on chauffe jus- qu’à ce que ce beurre entre en fusion. On le maintient en cet état, pour que le dépôt se forme ; on le laisse alors refroidir, et quand il est devenu opaque on en sépare la partie épurée qu'on sale et qu'on embarille comme le beurre ordinaire. Suivant ANDERSON ce beurre peut se conserver doux et sans sel, en y ajoutant seulemeut { once de miel par livre de beurre, et en incorporant soigneu- sement les deux substances. Ce mélange dit- il, a un goût agréable et se conserve plusieurs années sans rancir. M. THÉNar»D a recommandé la methode usitée chez les Tatares, el qui consiste à faire fondre le beurre au bain-marie, à unechaleur qui ne soit pas au-dessus de 82° cent. à laisser le dépôt se rassembler, et, lorsque le liquide est transparent, à le décanter ou le passer à travers une toile et le faire refroidir de suite dans de l’eau de fontaine très-fraiche. Le beurre ainsitraité se conserve, dit-on, frais pendant 6 mois et plus. $ XI.— Altérations du beurre. Le beurre est un corps si délicat qu’il n’est pas rare de lui voir contracter diverses alté- rations dont il est difficile souvent de se rendre compte, mais auxquelles, dans tous les cas, on ne peut remédier sans lui enlever encore quelques-unes des autres propriétés qui le distinguent. Voici les principales : 1° Beurre rance.La rancidité est due à une préparation malpropre, à la présence de matières étrangères, au contact prolongé de l'air, à un délaitage imparfait, à la vétusté, etc. Toutes les recettes proposées pour la com- battre sont à peu près impuissantes. 2° Beurre amer. Le beurre contracte de amertume quand il estfabriqué avec du lait ou de la crême amère,de la crême trop vieille et qui a éprouvé un commencement de dé- composition, et, selon TaEr,quand on donne du sel en trop grande quantité aux vaches, qu’on leur fait manger de la farine, ou qu’on les nourrit seulement de pommes-de-terre crues ou de paille. 3° Beurre à goût désagréable. Ce goût est attribué à des causes tres-diverses. Au nom- bre de celles qui sont les plus connues on place un baitage trop précipité et trop violent, un lait qui lui-même à un goût désagréable parce que les vaches ont mangé des feuilles sèches, MOULAGE ET TRANSPORT DES BEURRES. 29 des turneps, des fannes de pommes-de-terre, des herbes des prairies fumées avec des ma- tières animales ou des excrémens, etc. Quand la crème est restée trop long-temps sur le lait, on obtient aussi souvent un beurre d'une saveur peu agréable. 4° Beurre mou, visqueux, huileux,spongieux. Un baitage à uvre température trop élevée, un mode incomplet et malpropre de fabri- cation, un délaitage mal fait, un pétrissage trop prolongé, où des manipulations trop fréquentes avec les mains, etc.,sont lescauses les plus crdinaires de ces altérations. 5° Beurre pâle. C’est un défaut qui est dû souvent à la saison, à la mauvaise qualité des pâturages , à la nature des alimens des vaches , à la température trop élevée dans le battage, ou au peu de soin qu’on a mis à pu- rifier le beurre par des lavages ou un pétris- sage soigné. 6° Beurre fromageux. Ilest toujours de qualité inférieure èt dénote une fabrication imparfaite. 7° Beurre sec. On lattribue encore aux causes précédentes , et à ce que la crême s'est dégagée avec trop de lenteur sur le lait par suite d'une température trop basse. 8° Beurre a saveur de graisse. Les beurres d'hiver, ceux faits avec de la crême levée sur du lait aigre, qu ont été battus avec trop de force ou à une haute température, sont sujets à cette altération. XIH.—Moulage et transpert des beurres. ÿ P Chaque pays a sa manière de moulerses beurres. Le plus ordinairement. les beurres frais communs sont moulés en cylindres de 2 pouces de diamètre sur plusieurs pouces de longueur, qui pèsent une livre ou deux livres, ou bien en pains au moyen de moules ou de formes très- variés dont ils reçoivent des marques, empreintes ou ornemens arbi- traires. Les beurres fins sont au contraire moulés en mottes de grosseurs variées et de différens poids qu’on forme à la main, au battoir, ou dans des jattes, terrines où moules appro- priés à cet usage. En Hollande, on donne surtout au beurre d'herbe ou de printemps milie formes diverses, telles que celles de moutons, de pyramides, de bouquets de fleurs, etc. Le transport des beurres se fait faciiement, uand ils sont salés, dans des pots de grès dont la grandeur varie de f/4 ou 1/2 liv. jus- qu’à 40 livres, ou dans des tinettes, baquets, barils qui en contiennent depuis 50 jusqu’à 400 livres et au-delà. Le beurre le plus cher et le meilleur de la Prévalaye, est emballé dans des corbeilles.paniers ou pelites mannes sans anse, carrés ou oblongs, revêlus en de- dans d’un morceau de toile fine ou de mous- seline recouvert de sel de Guérande. Quant aux beurres frais communs, on les entoure de feuilles de choux, de bette blanche, de vignes, où d’arroche des jardins (bonne-dame, Atri- plex hortensis). Les mottes de beurres Jjins sontenveloppées d'une mousseline, ou d'une toile fine , lessivée, rincée et humide qu’on peut recouvrir de feuilles de choux, ou de plantes grasses, pour conserver la fraicheur, 50 ARTS AGRICOLES : LAITERIE. Les uns et les autres sont ensuite emballés dans des paniers oblongs garnis de paille, qui en contiennent 100 Liv. etau-delà, et ex- Fig. 31. | ju Lu ART. 27:— Composition des fromages en général. Le fromage est un aliment bien connu, que l’on prépare avec le lait de divers animaux. Le lait de vache est celui que l’on emploie le plus communément. Dans quelques contrées on fait usage dans sa fabrication du lait de brebis ou du lait de chèvre, seuls ou mélan- gés avec celui de vache. St l’on abandonne le lait à V’air libre dans un vase, à une température de 18 à 20°, ce liquide ne tarde pas à s’aigrir, puis à se coaguler spontanément. La même chose arrive lors- qu'on y verse certaimes substances. Le lait se sépare alors en deux parties ; l’une solide , à laquelle on a donné le nom de matiére ca- séeuse ou de caëllé, et qui contient la plus grande partie du beurre et le caséum, c’est- à-dire le fromage proprement dit, et l’autre, qua est liquide, et qui est connue sous le nom e sérum, petit-lait Où laitie. Le beurre a été de notre part l’objet de dé- tails assez étendus pour qu'il soit inutile de revenir sur ce sujet. Le caséum, ou la matière caséeuse pure, est blanche, solide, un peu élastique, insoluble dans l’eau froide, se À cent dans l’eau bouil- lante,presque insipide à l’état frais,acquérant une saveur âcre, piquante, si on la conserve quelque temps, et passant même prompte- ment à la décomposition putride, si on la laisse en contact avec un air humide ei chaud. Desséché avec les précautions convenables, le caséum se conserve long-temps sans altéra- tion, surtout si onale soin de le mettre à l'abri LIV. IV. pédiés ainsi jusqu’à des distances de 36 lieues. F. M. SECTION m1. — Laiterie à fromage. F nn MT AT] | LL de l’air et de l’humidité. C’est le produit le plus animalisé du lait, et par conséquent le plus nourrissant. Le sérum, ou petit-lait, estun liquide élair, d’un jaune verdâtre, d’une saveur douce, su- crée, lorsqu'il est frais. Si on l’expose à l’air et à la chaleur, il s’aigrit promptement, et se convertit en vinaigre. Ces 3 principes constituans du lait n’étant réunis que par une faible affinité, se séparent ordinairement par le repos; mais, pour la fa- brication du fromage, cette séparation n’est pas souvent assez complète, ou bien elle est trop lente, et c’est pour la hâter et la favo- riser qu’on a recours à des substances ou réparations particulières qu’on mêle avec e lait. Le nom de fromage est, à proprement par- ler, appliqué au caillé qui a été soumis à plusieurs opérations qui l'ont converti en une substance alimentaire et stimulante, qui peut se conserver pendant un temps plus ou moins long. Les meilleurs fromages se fabriquent en Europe, et plusieurs contrées ou localités sont renommées dans ce genre d'industrie. ainsi la Hollande, la Suisse, l'Italie, lAngle- terre, la France, jouissent, à cet égard, d’une certaine célébrité. Ilexisteune grande variété dans les fromages sous le rapport de laconsistance,de la saveur, dela pâte, et dela durée; mais il est à peu près Certain que cesdifférencestiennent plutôtaux divers procédés de fabrication qu’à la nature des pâturages et au climat.La composition ou la nature chimique du lait est à peu de chose zHAB aie” près la même chez les femelles des animaux domestiques ruminans ; les principes consti- tuans n’en varient guère que par leurs pro- portions. Plusieurs essais heureux ont déjà démontré que partout où les animaux seront convenablement nourris et traités, en suivant les procédés et les méthodes adoptées dans telle ou telle autre localité, on parviendra, plus ou moins, à imiter toutes les espèces de frouages exotiques ; ainsi, nous possédons dé- jà des fabriques de fromages qui imitent par- faitement ceux de Gruyères et de Hollande, et tout porte à croire que nous verrons bien- tôt fabriquer en France du Parmesan, du Stilton, du Gloucester, etc. Il seräit donc facile de s'affranchir du tri- but de cette nature, que nous payons aux étrangers. La France ne manque n1 de bons pâturages, ni de bonnes races appropriées à chaque localité. Il ne s’agit que de nourrir et de gouverner le bétail convenablement, et de mettre en pratique les procédés usités ail- leurs. C'est dans ce but que nous offrirons sotmairement aux agriculteurs la collection des procédés suivis pour la fabrication des diverses sortes de fromages, surtout de ceux qui sont les plus recherchés pour leur saveur agréable et leur facile couservatiou. Quoique les bornes que nous nous sommes fixées ne nous permellent pas d'entrer dans tous les détails que comportent le sujet, nous ferons en sorte que rien d’important ne soit omis. Nousavons puisé aux meilleures sources, nous avons comparé et discuté les diverses mani- pulations, recherché les causes qui font va- rier la qualité des fromages, et étudié sur les lieux plusieurs de ces procédés; c'est le ré- suliat d’un travail ainsi élaboré que nous li- vrons aux cullivateurs. Ce précis pourra ser- vir de guide à ceux qui voudront essayer ce genre d'industrie. ART. 1. — De l'atelier et des ustensiles de la fromazgerie. I. — De la Fromagerie. Ù L'étendue et la construction de la fromage- rie, ou laiterie à fromage, dépend de son im- portance et de la localité. Elle doit être, au- tant que possible, composée d’un bâtiment, non compris l’étable, dont les divisions ou dépendances sont au noibre de quatre ; sa- voir, le laitier, la cuisine où atelier, le saloir et le magasin. Le laitier est l'endroit où l’on dépose et où l'on mesure le lait dès qu'il est apporté par les personnes chargées L la iraite. La con- struclion de cette partie du bâtiment a été donnée précédemment avec tous les détails né- cessaires ; nous rappellerons seulement qu'il doit être isolé, si on le peut; que sa tempéra- ture doit être maintenue aussi uniforme que possible, et que la plus convenable est celle de 10 à 12° degrés du thermomètre centigrade. C’est dans cette pièce que se conserve le lait de chaque traite, jusqu'au moment où il est converti en fromage. La cuisine, atelier, ou chambre de travail, est atlenante ou placée près du lailier; à lun des angles est praliquée une cheminée. Il se- raitsaus doute avantageux d'y établir un four- neau économique, avec une chaudière en cui- INTÉRIEUR DE LA FROMAGERIE. 31 vre ou en fonte, pour chauffer le lait au bain- marie, c’est-à-dire par l’intermède de l’eau chaude. La grandeur de la chaudière dépend de la quantité de fromage qui doit être fabri- quée par jour; sa contenance varie de 3à 5 hec- tolitres (322 à 537 pintes). Voici la forme de ce fourneau (#g.32) : À est le massif du fourneau construit en ma- Fig. 32. connerie où en briques; B le cendrier creusé enterre et de 16 à 21 cent. (6 à 8 po.) en carré; C le foyer, de 32 à 37 cent. (12à 14 po.) de hau- teur, D la chau- dière en fonte. conique, de 65 cent. (2 pi.) de diamètre en haut, 32 cent. (1 pi.) au fond, et 65 cent. (2 pi.) de profondeur : elle est encastrée sur un Liers environ de sa hauteur, dans lamaçon- nerie, sur laquelle elle repose au moyen d’un collet où rebord qu’elle porte à sa partie su- périeure. E est un espace vide laissé entre la chaudière et les parois du fourneau, dans le- quel circule la flamme, ainsi que la fumée quis’échappe par la cheminée G. Uneseconde chaudière F est placée dans celle qui est fixée età 54 millim. (2 po.) de son fond. Son diamètre est un peu moindre que celui de la première, etelle est appuyée sur elle au moyen d’un re- bord dans lequel on ménage des trous pour donner issue à la vapeur de l’eau qu'on verse dans la première chaudière D jusqu'en IT, c’est-à-dire environ jusqu'aux deux tiers de sa hauteur. Pour enlever la chaudière intérieure, quand cela est nécessaire, on fixe deux foris anneaux k À sur son rebord ; dans ces anneaux on passe un bâton ou deux cordes munies de crochets et attachées à une autre corde qui passe sur une poulie fixée au plancher, ou sur une po- tence mobile. Cet appareil aurait l'avantage de ne pas trop échauffer l'atelier, et, dans la manutention des fromages cuits, l’ouvrier ne courrait aucun risque de brüler la matière ; il serait d’ailleurs beaucoup plus à son aise, la chaudière ayant plus de fixité. Le saloir. C'est une pièce dans laquelle s’opère la salaison des fromages. Dans la plu- part des fromageries, on sale dans la cuisine, mais il vaut mieux avoir une pièce parlicu- lière pour cet objet. On dresse dans ce saloir des rayons ou étagères pour poser les froma- ges, et il contient aussi une ou plusieurs presses. Cette pièce doit être dallée ou carre- lée, le plancher étant légèrement en pente pour l'écoulement des eaux de lavage. Dans quelques laiteries le sol est en mastic bitu- mineux, qui est aussi uni et aussi dur que du marbre. Le magasin, où chambre à fromage. C'est dans celle pièce qu'on arrange sur des ta- blettes, que lon soï:ne el conserve le, fro- mages jusqu'a ce qu'ils soient passés et bons pour être livrés au commerce ou à la con- sommation. Le magasin peut être placée au- 32 dessus de l’une des trois autres pièces, comme un grenier. Si on le place au-dessus du sa- loir, on pratique dans le plancher une irappe pour passer les fromages de main en main, ce qui économise beaucoup de temps lors- qu’on fabrique des fromages de pelite dimen- sion. Dans le Lodésan, le magasin est une es- pèce de cellier. Les caves voûtées et aérées conservent très-bien les grosses formes de Gruyères, et c’est à ses caves à fromages que Roquefort doit la réputation de ses pro- duits. L'exposition des bâtimens de la fromagerie doitêtre la même que celle de la laiterie ordi- paire, afin que la température ne soit pas trop chaüde en été et trop froide en hiver. Le lailier et le magasin doivent être au nord. Pendant les grandes chaleurs, et lorsque les ressources locales s’y prêtent, on rafraichit le premier au moyen d’un courant d’eau vive qu'on fail passer au milieu. Le magasin doit êlre soigneusement garanti de l’accès de la lumière, de l'air froid et humide, des mou- ches et autres insectes, et des animaux nui- sibles, tels que rats, souris, etc. $ II.— Ustensiles et instrumens. Les ustensiles et instrumens, COMMUNS à toutes les laiteries, tels que seaux, couloirs, assoires, écumoirs ou écrémoirs, COUpPES, aude bastes ou rafraichissoirs, etc., doi- vent être accompagnés dans une fromagerie des ustensiles el vases suivans, qui suffisent pour toutes les opérations ordinaires. 1° Baquets à fromages de différentes gran- deurs, plus ou moins larges et profonds, sui- vant la quantité de lait à manipuler; c'est dans ces vases qu'on met en présure, qu'on rompt el que l’on divise le caillé. 2 Couteau à fromage. C’est une espèce de spatule cu une épée de bois (J{ig. 33), aussi Fig. 33. mince que possible sur les bords, et qui sert à rompre le caillé. — Dans le Gloucester, ces cou- teaux sont formés d’un manche de bois long de 12 à 14 cent. ( 4 à 5 pou- ces), garnis de deux ou trois lames de fer poli, longues de 33 centim. (12 po. ), larges de 3 déc. (15 lignes) près le man- che, s’amincissant vers la pointe où elles n’ont plus que 2 cent. (9 lign.). Leurs bords sont mous- ses et se terminent en s’arronüissant à peu rès comme un couteau à papier en ivoire: es lames sont placées à 27 millim. (1 po.) en- viron de distance l’une de l’autre. 3° Linges ou toiles à fromages, ou mor- ceaux de toile plus ou moins fine de diverses dimensions, dans lesquels on enveloppe les fromages qu’on soumet à la presse. Dans le Gloucester, ces linges sont clairs et fins comme de la gaze. 4 Ronds à fromages. Ce sont des pièces de bois bien homogène et ne pouvant se déjeter, lisses et unies des deux côtés, et épaisses de 27 à 40 miilim. (12 à 18 lig.) ; ces ronds ont le même diamètre que les formes, et sont un | ARTS AGRICOLES : LAÏTERIE. nn —————— LIV. 1Ÿ, peu plus épais au milieu que sur les bords. On s’en sert pour couvrir les fromages qu’on met en presse. D’autres ronds plus larges sont destinés à supporter les fromages nou- vellement faits et qu’on dépose au saloir. 5° Formes, moules. Ce sont des cercles de sapin ou de hêtre (/fg. 34), qui ont 14 à 16 cent. (5 à 6 pou- Fig. 34 ces)dehau- AL TEN teur, ‘10 miil.(5 lg.) d'épais - seur et 1 mèt. 85 (5 pi.) delon- sueur.Une extrémité rentre sous l’autre d'environ 1/6de la circoniérence. À cette extrémité, qui glisse sous l’autre, on a fixé par le milieu un mor- ceau de bois, qu’une raiaure ou gouttière traverse dans les 2/3 de sa longueur. Cette gouttière sert à y passer la corde qui tient à l’autre extrémité extérieure du cercle et par le moyen de laquelle on resserre ou on lâche celte extrémité suivant le besoin, et on main- üUent le tout en place, en liant au morceau de bois, par un simple nœud, le bout de la corde qui glisse dans la gouttière. Tels sont les moules employés pour la fabrication du Gruyères. On en fait aussi dont on peut à volonié augmenter ou diminuer le diamètre au moyen d’une corde qui enveloppe la cir- conférence, et qui étant fixée à l’une de ses xtrémités, s'attache, par différentes boucles nouées sur la longueur, aux divers points d’une pièce dentelée fixée dans le bois du cercle. En Hollande, ces formes sont faites au tour et creusées dans un seul morceau de bois. Dans le Gloucester elles sont construites d’après le même principe, et le fond est uni extérieurement afin qu’elles se servent réci- proquement de couvercles, lorsqu'on en place plusieurs les unes sur les autres sous la presse. Les dimensions les plus convena- bles sont, pour le double Gloucester 40 cent. (15 172 po.) de dianiètre et 11 cent. (4174 po., de profondeur; pour le simple, on ne laisse que 6 ceni. (2 po.1/2) de profondeur pour le même diamètre. Il est utile d’avoir un grand assortiment de formes de diverses grandeurs, ou suffisamment au moins pour | contenir iout le fromage fabriqué pendant 4 à 5 jours. 6° Moulin pour rompre et broyer le caillé. Cette machine { fg.35 et 36), de l'invention de M. Rob. Fig. 39. BarLas,est (C2 : ainsi con- struile : aa estunetré- mie de bois de 58 cent. ( 17 po:) sur40 cent. (14 po.) à la partie supérieu - re,et de 27 cent. ( 10 po.)dehau- teur; bo un cylindre 4 GUaE. 1°”. de Lois dur de 18 cent. (6 po. 374) de long et de9 cent. (3 po. 172) de diamètre; il est tra- versé par un arbre en fer de 32 cent. (12 po.) de longueur, qu’on met en mouvement au moyen de lamanivelle 4, et porte à sa périphé- rie 8 séries de 16 chevilles chacune. Ces che- vilies ou dents, au nombre de 128 en tout, sont en bois dur, carrées, de9 mill.(4lig.)de côté, en saillie de 11 mill. (4 lig. 1/2),et coupées toutes également et carrément à leur partie supé- rieure. ce sont 2 coins de bois destinés à rem- plir à peu près le vide qui existe entre les parois opposées de la trémie et le cylindre ; ces coins reposent, afin de les maintenir en place, dans des coulisses de bois clouées à la partie inférieure dela trémie,et à leur face an- térieure ils sont armés de 9 chevilles en bois placées horisontalement el posées de ma- nière à passer sans frottement rude entre celles du cylindre. Quand on veut se servir de la machine, on pose les brasee surun tonneau ouvert, on jette du caillé dans la trémie, on tourne la manivelle dans l’une ou l’autre di- rection, et le caillé tombe aussitôt en bouillie au fond du tonneau. Pendant qu’on tourne la machine d’une main, on se sert de l’autre pour presser le caillé et l’engager entre les chevilles. La propreté étant une chose impor- tante lorsqu'il s’agit de la fabrication des fromages, diverses parties de la machine ne sont pas assemblées à demeure et peuvent être démontées pour être nettoyées et la- vées séparément; pour cela l'arbre du cy- lindre repose de chaque côté sur un coussi- net en bois /, qui glisse dans une coulisse où il est retenu par un cliquet. Veut-on net- toyer la machine, on pousse le cliquet, on en- lève le coussinet, on dévisse la manivelle, on retire de ce côté le fond des bras ee, et enfin on fait glisser le cylindre et les coins ccen dehors pour les laver dans toutes leurs par- üies. Pour empêcher le caillé de passer sur les côtés de l'arbre du cylindre, celui-ci en- tre légèrement par ses 2 bouts dans des en- tailles circulaires faites dans les parois op- posées de la trémie. 7° Table pour pétrir le fromage et le mettre en forme (fig. 37). Autour de celte table Fig. 37. est pratiquée une rainure par laquelle s'écoule le petit-lail; elle est légère- ment incli- née du côté d’une pelite rigole au-des- sous de laquelle on place un baquet. 8° Presses de différente force. Ces instru- mens varient beaucoup suivant les localités. Le point important, c’est qu’elles exercent une ression bien également répartie sur toute ‘étendue de la surface du fromage.Quelque- fois ce n'est, comme dans les chalets suisses, qu'une simple planche, ou une caisse char- gée de pierres qu'on élève et qu’on abaisse avec des cordes fixées à des poulies, un levier ou un treuil, etc. Nous ferons connaitre plu- sieurs de ces instrumens lorsque nous don- nerons des détails sur la fabrication propre à chaque fromage, et nous nous contenterons AGRICULTURE, USTENSILES POUR FABRIQUER LE FROMAGE. 33 ici de décrire une presse en fonte fort ingé- nieuse et très-commode récemment inventée en Angleterre. Dans celte machine l'effet est produit de la manière suivante :—La forme qui contient le caillé est placée sur le plateau inférieur À Uf:38): le plateau supérieur B descend dessus et le com- : prime. Il y a Fig. 38. 2 modes de pression, l’un prompt et fa- cile, jusqu’à ce que la ré- sistance de- vienne gran- de, et l’autre plus lent, mais plus puissant, dont on fait usage pour terminer l’o- pération. Sur l’axe C de la roue D estun pignon de 8 dents que lon ne voit pas dans la gravure, et : qui s’engrène dans la crémaillère R. Sur l’ar- bre E est un autre pignon aussi de 8 dents caché par les autres parties, qui engrène dans” la roue D de 24 dents. Cet arbre E peut être tourné par la manivelle Hdetelle manière que la crémaillère descende de 8 dents et que le plateau B s’abaisse jusqu'à toucher le fromage et commence la pression; mais lorsque la ré- sistance deviert considérable,on arecours au second moyen pour agir sur la crémaillère. Sur l'arbre E, outre le pignon ci-dessus men- tionné, est fixée une roue à rochet F. Le le- vier I, qui, par la fourchette qui le termine, embrasse la roue F,a également son point d'appui sur cet arbre, autour EE il peut tourner librement. Dans la fourchette du le- vier I estun cliquet G,qu’on voit séparéen G, el qui, en tournant sur le pignon K, peut être engagé dans les dents de la roue à rochet F. Au moyen de cette disposition, lorsque le levier I est élevé au-dessus de sa position ho- risontale et que G est engagé dans F, l'arbre E et ses pignons seront lournés avec une grande force quand on fera descendre l’ex- trémité du levier I;etenl’élevantetl’abaissant alternativement, on pourra donner au fro- mage tous les degrés nécessaires de pres- sion.Après ceia, si l’on veut continuer à pres- ser et suivre tous les degrés d’affaissement graduel du fromage, on élèvera le levier au- dessus de sa position horisontale, et on sus- pendra à son extrémité le poids W, qui le fera descendre à mesure que le fromage cè- dera. En poussant la cheville, où goupille P dans un trou ménagé à cet effet dans ie bâtis en fonte, on peut arrêter cette pression etempéchertoute descenteultérieure du pla- teau B. 9° Séchoir ou casier mobile sur son axe. Cette machine, très-commode (fg. 39), éco- pomise beaucoup de temps et de place et hâte HI. —5 # 24 ARTS AGRICOLES : LAITERIE. la maturité des fromages. Elle est de l’inven- tion de M. BurTon, et consiste en 12 tablet- tes épaisses assemblées dans 2 fortes barres, et portant par-dessous une série de baguettes clouées par paire qui servent à retenir les fromages quand on fait tourner la machine. Ce châssis est suspendu entre 2 pivots fixés dans un fort bâlis, ou bien d’un côté dans le mur de l’atelier, et de l’autre dans un poteau. 2 verroux servent à retenir le châssis dans la position verticale, lorsqu'on lecharge et qu’il butte en même temps par le bas con- tre des arrêts. Pour charger ce casier on commence par mettre 4 à 5 fromacges sur la tablette au-dessous de l’axe. On en fait de même pour celle qui est au-dessus. On pose ensuite un fromage sur la 2° tablette au-dessous de l’axe , puis un autre sur la 2° au-dessus,etainsidesuite alternativement, de facon que pendant tout le chargement une des parties de la machine ne surpasse jamais l’autre de plus du poids d’un seul fromage, ce qui facilite le chargement et le mouvement de l’appareii. Quand on désire retourner les fromages, il suffit de faire l'aire une demi-révolution au châssis; ceux-ci re- tombent sur la tablette qui leur était précé- demment supérieure, et qui est alors suffi- samment desséchée. On peut aussi mainte- nir le châssis incliné, ce qui facilite la cir- culation de Pair sur toutes les faces des fro- mages. On retourne de ceite manière 50 à 60 fromages en peu de temps el sans les casser. —Dans les montagnes de la Suisse le séchoir consiste en un bâtiment recouvert en bardeaux et formé de 4 parois en solives transversales exactement jointes. Il est isolé du sol au moyen d’un plancher sup- orté par 8 piliers en bois, de 3 à 4 pieds d’é- évation, pour empêcher les rats et les sou- ris de s’y introduire.Ce plancher, débordant de 2 pieds à peu près, présente à l'entrée une longue plate-forme sur laquelle on ar- rive par une échelle mobile. Son intérieur n’a pas ordinairement d’autre ouverture que la porte, et le pourtour est garni de tablettes pour étaler les fromages. 10° Brassoir où moussoir. Ce sont des ins- trumens qui servent à rompre, à diviser et rassembler le caiïllé. Ils sont généralement très-simples. el consistent souvent.coïme en LIV. IV. Suisse , en une branche de sapin ( fg. 40 Fig. 40. 4 B € D E € & H À) dont on à conservé les ramifications à 4 pouces de la tige, dans la moïtié de sa longueur, l’autre moitié étant unie, ou bien ( Jig. 40 B et C) qu'on a garnie de cercles de bois ou de branches diversement contour- nées. Dans le Milanaïis on fait usage d’un bâton de sapin, portant une rondelle à son extrémité(/g.40 E)ou dans lequelsont passées plusieurs chevilles (43.40 D.) En Auvergne ils ont une autre forme ( /£g. 40 F, G, H,) et d’au- tres noms que nous ferons convaîitre plus loin. 11° Thermomètres d'essais. Is sont utiles pour s'assurer de la température du lait mis en présure, et de la chaleur nécessaire pour cuire le caillé. 12° Une romaine pour peser les fromages; elle est suspendue dans un coin de la cuisine ou du saloir. 13° Des petits barils pour conserver l’arsy ou petit-lait aigri, qui sert à faire le serai. 14° Un lactornètre pour s'assurer de la ri- chesse du lait, de la soustraction de la crême et de l'addition de l’eau. Cet instrument a été décrit à l’article laiterie, page 9. En Suisse et autres lieux on fait usage pour les essais d’une éprouvette, où galacto- mètre, construite sur les mêmes principes que les aréomètres ordinaires. C’est une boule creuse (3. 41) traversée par un axe dont la plus iongue branche Fig. 41. porte une division et dont l'autre sert de lest pour maintenir la position verti- cale de l’instrument. Le zéro (0) est à l'extrémité de la longue branche, et l’espace entre le zéro et la boule est divisé en 8 parties où de- grés qui sont subdivisés en quarts. La boule est lestée de manière qu’étant plon- gée dans l’eau distillée à 10° R., le zéro est à la surface du liquide. L’instrument des- cend d'autant plus que le li- quide dans lequel on le plon- ge est plus léger. La crè- me est le principe le plus léger qui entre dans la com- position du lait; ainsi en di- minuant la quantité qu’en contient ce liquide, on aug- mente la pesanteur spécifi- que du lait; l'eau étant plus légère que le lait, diminue aussi sa densité en se mélant avec lui; l'instrument enfonce moins dans le premier CHAP. 1°". cas et plus dans le second. L’éprouvette mar- que de 4 172 à 5° dans le jait naturel. Si on y mêle de l’eau, elle marque 3 3/4 à 4° suivant la proportion d'eau: si le laitest écrêmé, elle in- dique 5 174. Ainsi du lait dans lequel l'éprou- vette monte plus haut que 5 est écrêmé; si elle descend plus bas que 4, ilest mélangé d’eau. Dans le cas où l'on aurait écrèmé et ajouté de l'eau, l'épreuve par le lactomètre à tube est le seul moyen de reconnaître la fraude. Ce lactomètre à tube, dansles fruitières de la Suisse où on en fait usage de la manière sul- vante, est un cylindre étroit de verre blanc, soutenu par un pied qui a 27 millim. (1 po.) de diamètre et 22 à 27 centim. (8 à 10 po.) de hauteur. On colle a l’extérieur de ce cylin- dre une bande de papier blanc, on verse le lait, et au bout de 12 heures on fait sur le papier 2 traces qui indiquent très-exactement l'épaisseur de la couche de crême montée à la surface; on vide le lait, on lave le vase, et on y remet une quantité égale de lait du même troupeau dont la traite a été faite en résencede commissaires;ou place le vasedans e même lieu, à la même température, et au bout de 12 heures on observe ce second lait : la différence de l'épaisseur de la couche de crême indique s’il y a eu falsification du pre- mier lait suspect. ART.Iu.—Préceptes généraux pour !& fabrication des fromages. La saison la plus convenable pour faire les fromages est depuis le commencement de mai jusqu’à la fin de septembre, et dans les années favorables jusqu'au mois de novembre et pendant tout le temps que les vaches peu- vent rester au pâturage. Dans quelques lai- teries importantes on fabrique toute l’année lorsqu'on nourrit un grand nombre de va- ches et que les provisions sont suffisantes pour fournir une nourrilure convenable. Le fromage fait en hiver passe pour être d’une qualité inférieure , il exige plus de temps pour passer et devenir bon à être livré à la consommation; cependant on peutfaire aussi de bons fromages en hiver, en apportant tous les soins nécessaires à sa fabrication. °°, — 17° opération — Coagulation ou formation as du caillé. De la présure. Le caillé peut se former en abandon- nant le lait à lui-même, pendant un certain temps, à une température de 15 à 18° cent., ou bien en l’exposant à la chaleur d’un loyer ; mais on peut aussi séparer la ma- tière caséeuse du sérum au moyen d’un grand nombre de corps de nature très- différente qui accélèrent cette opération. — Les acidesde toute espèce,dit Chaptal,opèrent promptement la coagulation du lait écrêmeé ; elle a lieu plusou moins vite suivant la force des acides; mais si on les emploie à forte dose, le petit-lait et la matière caséeuse en conservent la saveur, ce qui nuit à leur qua- lité. — Les sels avec excès d'acide, tels que la crême de tartre, le sel d’oseille, produi- sent le meme effet, mais la coagulation n’est complète qu’'autant que le lait est presque COAGULATION OÙ FORMATION DU CAILLÉ. 35 bouillant lorsqu'on y jette ces sels. — La gomme arabique en poudre, l’amidon, le su- Éneete., bot avec le lait, séparent le caille en quelques minutes. — L'alcool précipite très-promptement la matière caséeuse sous la forme de molécules divisées qui se dépo- sent dans le fond des vases. — Les plantes éminemment acides et les fleurs de quelques végétaux, telles que celles de l’artichaut, du chardon, caillent le lait. Leur vertu est très- puissante sur le lait chaud; — mais la sub- stance quiestle plus généralement employée, c’esi la portion de lait caillé qu’on trouve dans l'estomac des jeunes veaux qu'on égorge avant qu’ils soient sevrés, et cet estomac lui- méme. L'usage qu’on fait de cette substance lui a fait donner le nom de présure. 1° En Suisse, on prend un estomac frais ou caillette de veau qu’on vide du lait caillé qu'it contient, on le sale légèrement à l’intérieur, on le souffle, et on le fait sécher à une tem- pérature modérée. Quelques jours avant de s’en servir, on le coupe en morceaux et on le jette dans 1 litre de petit-lait , ou d’eau tiède dans laquelle on a mis un peu de sel. Deux jours après, on peut se servir du li- qui de comme présure ; elle se conserve plu- sieurs semaines dans des vases fermés dé- posés dans un lieu frais. Seulement, après 4à5 jours, il faut avoir soin d’enlever les morceaux de caillette qui feraient fermenter la présure, et donneraient au fromage un goût désagréable. 2° Dans quelques autres endroits on hache très-menu la caillette, on y ajoute quelques cuillerées de crême et du sel, de manière à en faire une bouillie qu'on met dans une vessie el qu’on fait sécher. La veille du jour où l’on doit s’en servir, on en délaie une quantité suffisante dans l’eau chaude. — En Lombardie, l'estomac vidé, salé et séché, est coupé très-menu, mélé à du sel et à du poi- vre en poudre, et le tout transformé en une bouillie épaisse avec du petit-lait ou de l’eau. Quand on veut s’en servir, on en met dans un linge qu’on plonge et qu’on promène dans le lait chauffé.— Dans le Limbourg, on ne vide pas l’estomac, on le sèche seulement un peu et on le remplit d’eau tiède et d’une poignée de sel; après 24 heures, on filtre le liquide qui a séjourné dans l’estomac, et on s’en sert comme de présure. D’autres enfin font ma- cérer pendant 24 heures et plus l’estomac frais dans une saumure. 3° Suivant MarsmaL , il faut prendre l'es- tomac d’un veau aussitôt après qu'il a été tué. On retire lout le lait caillé qui est de- dans, on lave le sac à plusieurs eaux froides, ensuite on le sale en dedans et en dehors de manière àcequ’ilresteimprégné d'une couche desel; on le met dans une terrine ou pot de grès,ouilreste 2ou 3 jours. Au bout decetemps on ôte la poche de la terrine et on la suspend pendant 2 ou 3 autres jours pour qu’elle sèche; après cela elle est salée de nouveau, et lors- qu’elle a bien pris le sel, on la coupe, et on la fait sécher sur des planches. Elle peut alors se conserver dans un lieu sec, ou bien être déposée dans une terrine, seule ou avec une forte saumure, en la couvrant d’un morceau de parchemin piqué avec une forte épingle. Pour faire usage de cette prépara- 36 ARTS AGRICOLES : LAITEÈRIE. tion, on prend une poignée de feuilles d’é- glantier, 3 à 4 poignées de sel pour 3 litres d'eau ; on fait bouillir à petit feu, pendant environ un quari-d'heure, on tire à clair et on laisse reposer; lorsque cette décoction est froide, on la verse dans un vase de grès avec la caillelte salée, un citron ou limon coupé en tranches, et 1 once de cious-de-gi- rofle; ce qui donne à la présure une saveur agréable et une bonne odeur. Sa force dé- pend du temps pendant lequel on aura laissé infuser Pestomac dans la liqueur. Me HaywaRp, célèbre dans tout le Glou- cester par son habileté dans l’art de diriger les travaux de la laiterie, prépare ainsi sa présure. Pour six estomacs secs, et salés d’une année, elle ajoute 2 citrons et 8 litres d’eau. Elle en prépare à la fois une grande quantité, 80 litres, parce qu’elle a reconnu que la présure est d'autant meilleure qu'elle est faite en plus grande quantité, et elle n’en fait usage qu'après 2 mois au moins de repos. : 4 Une autre préparation a été indiquée par Parkinson. On prend l'estomac d’un veau de 6 semaines environ, et, après avoir ouvert cette poche, on en retire le caillé qu’on met dans un vase propre, et qu'on nettoie el lave à grande eau jusqu'à ce qu'il soit bien blanc et bien net; on l'étend sur un linge pour le faire sécher, et on le met enfin dans un autre vase avec une bonne poignée de sel. Ensuite on prend la poche ou estomac lui-même, qu’on lave abondam- ment, et quand il est bien propre on le sale fortement en dedans et en dehors ; on y remet le caillé, et on place le tout dans un pot de grès recouvert d’une vessie pour in- tercepter l'air. Pour l’usage on ouvre le sac, on met le caillé dans un mortier de pierre ou un bol, on le bat avec un pilon de bois, on ajoute 3 jaunes d’œufs, 1/: de litre de crême, un peu de safran en poudre, un peu de clous-de-girofle et de macis ou de mus- cade. Le tout, étant bien mêlé, est remis dans le sac,et on fait ensuite une forte saumure avec du sel et une poignée de sassafras bouilli dans l’eau; quand cette saumure est froide et tirée à clair dans un vase de terre très- propre, on yajoute 4 cuillerées de caillé pré- paré comme ci-dessus: cette quantité suffira pour faire cailler 60 litres de lait. Il existe plusieurs autres formules ou re- cettes pour la préparation et la composition de la présure, mais c'est toujours la cail- lette de veau qui en fait la base; dans quel- ques pays on lui substitue la caillette d’a- gneau (comme dans le Cantal et l'Aveyron), de chevreau et même de cochon de lait; l’es- sentiel est que ces casiaux soient bien lavés, salés et desséchés, ou conservés dans la sau- inure. La saumure se prépare de la manière sui- vante. On verse dans une quantité d’eau quel- conque et bouillante, du sel jusqu’à ce qu’elle refuse d’en dissoudre davantage; on laisse refroidir complètement , et on passe cette dissolution saturée aans un linge où une étamine, La France tire de l'étranger, de la Suisse principalement, 10,018 kilog. de présure pour lesquels elle pate Ja somme de 12,381 francs. LIV. 1V, On peutemployer la caillette quelque temps après la salaison, mais elle est meilleure lorsqu'elle à été conservée quelque temps. Dans plusieurs fromageries on n’emploie que des cailleittes salées d’une année à l'autre. C’est une mauvaise méthode que de jeter la caillette coupée dans le lait pour le faire cailler; il vaut beaucoup mieux la faire trem- per dans de l’eautiède, ou du petit-lait aigri, le soir, pour se servir du liquide le lende- main malin. L'infusion d’un pouce carré de caiïllette sa- lée et séchée est suffisante pour faire cailler 50 litres de lait. On met une caillette pour un litre et quart de saumure, ou de petit-lait aigri. Quand la présure est bonne, un quart de litre suffit pour 100 litres de lait. Dans l’Aveyron, sur les montagnes d'Aubrac,on met 4 caillettes d'agneau dans environ 23 kil. 5 de petit-lait, et on y ajoute 4 onces de sel tous les 4 jours; dans 48 heures ce petit-lait forme la présure. On en verse environ2 litres 172 dans unhec- tolitre de lait, et l’on remplace celle qu’on a dépensée par une égale quantité de pelit- lait; ensuite progressivement par une moin- dre quantité, et enfin on ne la remplace plus. À mesure qu'elle s’affaiblit, on en emploie davantage: au bout de 15 jours on en fait de nouvelle. La meilleure caillette est celle qui au mo- ment où on l’achète chez le boucher, expo- sée au grand jour, n'offre, vue par transpa- rence, aucune tache, ni aucun point déco- loré. Quelle que soit la méthode que l’on adopte pour la préparation de la présure et sa con- servation, on ne peut apporter trop de soins et de propreté dans ces opérations qui exer- cent une grande influence sur la qualité du fromage.—Il faut se garder d’user d’une pré- sure trop nouvelle qui fait lever le fromage. — Il faut éviter de même de se servir d’une li- queur tropancienne quicommencerait à s’al- térer;elle gâterait tout le fromage et luicom- muniquerait un mauvais goût. La force de la présure n'étant pas con- stante, l'expérience est le seul guide. Un bon lailier se trompe rarement et juge Lrès-exac- tement de sa force en l’essayant sur une pe- lite quantité de lait. — On a proposé, pour remédier à l'incertitude où l’on est presque toujours sur la nature variable de la pré- sure, de rejeter celle-ci et d'employer des acides minéraux ou végétaux d’une densité constante: l'expérience n’a pas jusqu'ici été favorable à cette manière de faire coaguler le lait. II. Coloration des fromages. En Angleterre on se sert du rocou pour donner aux fromages une couleur d’un jaune doré. Le rocou, arnatto ou annotto d’Espa- gne, est une pâte plus ou moins molle qu'on trouve partout dans le commerce. On met cette pâte dans un morceau de linge pour faire ce qu'on appelle un »ouet. On trempe ce nouel dans le lait en le promenant et l’exprimant avec les doigts, ou on le presse contre les parois du baquet; on remue le lait avec une spatule de bois pour bien mèiler cHAP. 1°". la couleur, eton retire le nouet lorsque le li- ui de a pris la teinte qu’on désire : la dose À rocou est de 30 gram. (1 once ) environ pour un fromage de 50 kil. (100 liv.). — Le Parmesan est coloré avec le safran. III. Formation du caillé. La formation du caillé est une opération importante qui demande beaucoup d’atten- tion et une grande habitude, parce qu'elle estsous l'influence de plusieurscirconstances très-variables. as La température du lait est la première chose à considérer. On la détermine en plon- geant dans le liquide la main, lorsqu'on a acquis le tactconvenable, ou un thermomètre qu'on laisse quelque temps pour qu’il prenae la température réelle du lait. Il est reconnu, d’après un grand nombre d'expériences, que la chaleur la plus convenable est celle de 98 à 30° cent. (22 à 24 R.). Une à 2 heures sont le temps nécessaire pour obtenir une coa- gulation complète. Quant à la quantité de présure, elle varie suivant sa préparation, sa force et son ancienneté, la saison et souvent la nature du lait. En Angleterre on consi- dère, terme moyen, l'emploi de 12 gram. (3 gros ) de présure [comme suffisant pour coaguler 10 litres de lait: c’est environ la 800° partie ; dans le Gloucester on ne fait pas usage de plus de8 gram. (2 gros) pour lamême quantité de lait, et encore moins en France pour plusieurs espèces de fromages.—Si le lait est trop chaud, on le rafraichil avec un peu d’eau froide ou du lait froidde la traite prècé- dente; s’'ilesttrop froid,on leréchauffe avec de l’eau chaude ou du lait chaud. La meilleure méthode de faire chauffer le laitest par l’inter- mède du bain-maric et avec la chaudière que nous avons décrite ci-dessus page 31. Lors- u’on opère sur de petites quantités onsesert de vases de fer-blanc ou dezinc.Dans quelques pays on remue le lait pour qu’il ne se forme pas de pellicule à sa surface. La présure se met après la couleur, et aussitôt que le mé- lange est fait, on couvre le baquet afin que le lait ne perde que 2 degrés de sa tempéra- ture au moment de la mise en présure. On doit autant que possible employer la même personne pour faire chaque fois celte opé- ration , parce que la pratique est le meilleur guide. Il faut moins de présure pour un lait chaud que pour celui qui est froid; moins aussi pour celui qui est écrêmé que pour celuiquine l'est pas. On reconnait unebonne coagulation , lorsque le caillé forme une masse homogène sans grumeaux, qu'il est élastique et se coupe facilement. Dans le cours de cette manipulation, on aura égard à la saison, à l’état de l'atmosphère, à la na- ture du lait plusou moins gras, plusou moins aqueux;el à toutes les circonstances qui peu- vent accélérer ou retarder la formation du caillé. Un fromage fait avec trop de précipi- talion est toujours de qualité inférieure : cette observation ne s'applique qu’au fromage non cuit. $ 11.—2° opération.--Division ou rompage du caillé. Lorsque le caillé est bien pris et qu'il est MANIERE DE FABRIQUER LES FROMAGES. 37 suffisamment raffermi, on le rompt afin de le diviser el de séparer le petit-lait. On pro- cède à ce rompage de plusieurs manières ; la suivante paraît être la meilleure. On coupe le fromage avec le couteau à trois la- mes décrit précédemment et qui pénètre jus- qu’au fond du baquet; on va doucement en commencant, et on fait les incisions dans les deux sens à angles droits à un pouce de distance; on a soin de détacher le caillé du tour du baquet, on laisse reposer 5 ou 6 mi- nutes afin de ui donner letemps dese précipi- ter,on recommence ensuite les incisions, qui sont alors plus rapprochées. Après quelques minutes de repos on coupe de nouveau en agissant plus vivement, mais graduellement. Une main sert à mettre le caillé en mouve- ment avec l’écumoir pour ramener les gros morceaux à la surface, afin qu'aucun ne puisse échapper. Lorsque le fromage est ainsi divisé en morceaux très-petits et à peu près égaux, on recouvre le baquet eton laisse reposer. Quelques instans après, quand le caillé est tombé au fond du vase, on retire avec une écuelle le petit-lait, qu’on passe à travers un tamis fin, pour séparer tous les morceaux qui seraient entrainés. Cette mani- pulation peut durer un bon quart-d’heure ou demi-heure, selon la quantité. On coupe en- suite le cailléen gros morceaux ou pains car- rés, qu'on rassemble dans le milieu du ba- quel, en les posant les uns sur les autres, pour qu'ils se ressuient et prennent de la consistance. On a soin d’enlever le petit-lait, en inclinant un peu le baquet pour le ras- sembler. On peut le faire écouler par un trou ménagé dans le fond, et qu’on bouche avec un morceau de bois. On met ensuite le fromage dans les formes ou moules, en le divisant et le comprimant fortement avec les mains; on remplit la forme, en mettant un peu plus de caillé dans le milieu ; on couvre d’un linge, et on met saus la presse, ou sous une planche chargée de poids, pendant une demi-heure. On re- tire ensuite la forme ; on enlève le fromage, que l’on brise en morceaux qu’on jette dans le moulin à rompre (Foy. p.32), placé sur un tonneau. Par ce moyen, le fromage est ré- duit en particules très-fines, en une espèce de pulpe, promptement et sans peine, puisqu’un enfant peut tourner la mécanique. Un autre ‘avantage, c’est que la pâte conserve les par- lies butireuses, qui, par l’ancienne pratique, sont perdues en s’attachant aux mains de l’ouvrier. L'état du petit-lait indique si on a bien opéré. Lorsqu'il est clair et d’une couleur ver- dâtre, c’est une preuve que la coagulation a été bonne; lorsqu'il est blanc et trouble, il entraine du beurre, le fromage est fade el de peu de valeur; le caillé est imparfait, il re- tient du petit-lait qu'on ne peut en séparer, et exige plus de sel, ainsi qu'une forte pres- sion. Une règle générale dans la préparation des fromages, surtout de ceux qui ne se font pas par la cuisson, c’est de mettre en une seule fois la quantité de présure pour opérer la coagulation complète. Quand on a manqué cette opération, le meilleur serait de faire un fromage cuit, en ajoutant un acide, 38 ARTS AGRICOLES : LAIÏTERIE. $ HI. — 3° opération. — Manière de presser les fro- mages et de les traiter pendant la pression. Après que le fromage a été suffisamment divisé et passé au moulin, on l’exprime au- tant que possible avec les mains. On remplit les formes, en ayant soin de comprimer for- tement la pâte; on la cozvre d’un linge, et on renverse le fromage dessus; on lave la forme dans le pelit-lait chaud, on l’essuie, et on y remet le fromage enveloppé dans son linge, sur lequel on a versé un peu d’eau chaude, ce qui durcit ses parois et l'empêche d’écla- ter, de se fendiller. On porte le moule sous la presse, et on opère une pression graduée ; on le laisse 2 heures, après lesquelles on re- tire le moule pour changer de linge; on le replace sous la presse, où il reste 12 ou 24 heures. Des cercles et des filets sont employés pour entourer le fromage et l'empêcher de sortir par-dessus la forme. Ces cercles sontenétain ou en fer-blanc; leur partie inférieure est en- gagée dans l’orifice du moule. Quelques-uns, au lieu de cercles métalliques, emploient des filets ou cercles de toiles claires. On enfonce un de leurs bords avec un couteau de bois entre le linge à fromage et la forme; on ra- mène l’autre bord en serrant tout autour du fromage ; on le fixe avec de fortes épingles, de sorte qu'il s'applique exactement. On pique le fromage, lorsqu'il est de forte dimension, avec des brochettes de fer, qu’on enfonce à travers des trous qui sont ménagés dans les cercles, formes ou ronds à fromages, et plus il est retourné et changé, mieux il se comporte. On le laisse rarement moins d’une heure et jamais plus de 2 heures après qu'il a été mis en presse la première fois, avant de le retourner et de le changer de linge. On échaude le fromage dans quelques loca- lités, surtout en Angleterre, en le plaçant au bout de 2 ou 3 heures,etsans linge, dans unvase rempli de petit-lait ou d’eau chaude.Latrempe dure 1 heure ou 2. Cet échaudage durcit la croûte et l'empêche de lever, de former de creux ou réservoirs d'air. Quand l’opération est terminée, on essuie le fromage, et on l'enveloppe avec un linge sec pour le replacer dans sa Due bien nettoyée, etsous la presse. Quelquefois, pour donner issue à l’air, on le pique, sur la surface supérieure, à un ou deux pouces de profondeur, avec de petites ai- guilles ; on le frotte avec un linge sec, et on le remet en forme. Cette opération dure 2 ou 3 jours, pendant lesquels il est retourné 2 fois par jour. On emploie à chaque fois des linges de plus en plus fins et clairs. Après ce temps, on le sort de la presse tout-à-fait. Au lieu de se servir, comme dans le Gloucester, de linges ou canevas en gaze, lorsqu'on re- tourne pour les deux dernières fois, afin qu'aucune impression de la toile ne reste à la surface, quelques personnes mettent le fromage à nu dans la forme; de cette manière toute espèce de marque de la toile esteffacée. On peut se dispenser de l’échaudage pour les fromages qui se consomment sur place; dans ce cas, 1ls prennent mieux le sel, se passent plus promptement et sont plus vite bons à manger. LIV, IV, Lorsque le linge reste sec au sortir de la presse, c’est un indice que le fromage ne con: tient plus de petit-lait. $ IV.— 4° opération. — Manière de saler. La salaison se fait de 2 manières. Aussitôt que le fromage est sorli de la presse, on le place sur un linge propre dans la forme, on le plonge ainsi arrangé dans une forte sau- mure, où il reste plusieurs jours; on l’y retourne au moins une fois par jour. — Au- trement, on couvre la surface et on frotte les côtés avec du sel pilé chaque fois qu'on le retourne ; on répète cette opération plu- sieurs jours consécutifs, ayant soin de chan- ger 2 fois le linge pendant ce temps. On commerce la salaison 24 heures après la fabrication , et dans quelques laiteries, pen- dant la pression. En général, on sale quand le fromage est complètement pressé.— Dans lune ou l’autre pratique les fromages ainsi traités sont Ôlés du moule et placés sur des tables à saler. Pendant 10 jours on frotte la surface avec du sel fin une fois par jour; si le fromage est gros,on l'enveloppe avec un cercle ou un filet, pour qu’il ne se fende pas, ensuite on le lave avec de l’eau chaude ou du petit-lait chaud , on l’essuie avec un linge sec, on le place sur une planche à fro- mage pour sécher : il y reste pendant une se- maine, on le retourne 2 fojs par jour; on le porle eusuite au magasin pour faire place aux autres. La quantité de selconsommée est à peu près de21k.(5liv.) pour 50 k.(100 liv.) de fromage; on n’a pas estimé la proportion qui estretenue. Les Hollandais mettent un soin tout par- ticulier dans le choix du sel qu'ils emploient pour saler leurs fromages. Tantôt c’est un sel fin, évaporé en 24 heures, dont ils font usage surtout pour les fromages de Leyde; tantôt un sel évaporé en 3 jours qui sert à impré- ner à l'extérieur les fromages d'Edam et e Gouda, et qui est en cristaux d’un demi- pouce cube; tantôt, enfin, un sel en gros cristaux, d’un pouce cube, obtenus après une évaporation lente soutenue pendant 5 Jours, et quisert aux fromages les plus fins. Ils sont aussi très-scrupuleux sur la quantité de cha- cun des sels qu’ils donnent à chaque sorte de fromage, et ont depuis long-temps déter- miné cetle quantité avec la plus exacte pré- cision. Lorsque le fromage sort de la presse pour être transporté au saloir, on le tient chaude- ment jusqu’à ce qu'il ait sué, qu’il soit sec et raffermi d’une manière uniforme. $ V.—5°opération. — Maturation et traitement au magasin. Lorsque les fromages ont été salés et sé- chés, ou les porte au magasin. Là, ils sont placés sur des tablettes ou casiers-jusqu’à ce qu'ils soient passés, pendant un temps plus ou moins long, suivant l'espèce. Pendant les 10 ou 15 premiers jours on les frotte vivement avec un linge une fois par Jour, ou on les en- duit avec du beurre. Durant tout le temps de leur séjour au magasin ou les surveille journellement, on les retourne de temps en temps, on les frotte ordinairement 3 fois par CHAP 1°’. semaine en été et 2 fois en hiver, toutes les fois qu’il se forme un léger duvet à lasurface. Ces principes généraux s'appliquent plus particulièrement à la fabricalion des froma- ges non cuits. Dans les fromages cuits, la seule différence est dans la coagulation à une température plus élevée et une cuisson particulière du caillé. Les autres opérations sont à peu près les mêmes. On verra dans les procédés qui vont être décrits qu’une lé- gère variation dans la manipulation et la forme des ustensiles fait varier d’une ma- nière plus ou moins grande la qualité des fromages dans le même pays ou des lieux peu éloignés les uns des autres. Employer du bon lait, suivre de bonnes méthodes, sont les conditions nécessaires, avec un peu d'ha- bitude, pour faire de bons fromages et uti- liser avantageusement tous les produits du lait. ART. IV.—Procédés particuliers de fabrication. Nous distribuerons les fromages en quatre catégories; savoir : 1° Fromages faits avec le lait de vache; — 2° Fromages faits avec le lait de brebis; — 3° Fromages faits avec le lait de chèvre ; — 4° Fromages faits avec plu- sieurs laits mélangés. $ 1°.— Fromages de lait de vache. IL Fromages mous et frais. Ou en fait de trois sortes : 1° Fromage mai- gre à la pie, avec le lait écrêmé; 2° Fromage avec le lait non écrémé: leur fabrication n’of- fre rien de particulier: c’est tout simplement du caillé égoutté : 3° fromage à la créme avec addition de tout ou partie de la crême de la traite précédente, et qui exige quelques détails. 1°",Fromages de Viry, Montdidier,Neufchätel. On met environ 2 cuillerées de présure dans 8 ou 10 litres de lait chaud, auquel on a ajouté de la crême fine levée sur le lait du matin. Trois quarts-d'heure aprés, quand le caillé est formé, on le dépose, sans le rom- pre, dans un moule en bois, en osier ou en terre, percé de trous et garni d’une toile claire. On le comprime avec un poids léger placé sur la rondelle qui le recouvre. À me- sure que le fromage égoutte, on le retourne avec précaution, et on le change de linge toutes les heures. Lorsqu'on peut le manier sans ps de le casser ou de le déformer, on l’ôte de l’éelisse et on le dépose sur un lit de feuilles ou de paille. Les meilleures feuil- les pour cet objet sont celles de frêne. Le fromage est bon à manger pendant huit ou quinze jours ; il est alors moelleux et agréa- ble. On lui donne quelquefois ce qu'on ap- pelle un demi-sei; il se conserve alors plus long-temps dans un endroit frais, qui ne soit pas toutefois trop humide ou trop sec. C'est par un procédé analogue que l’on prépare les fromages de Viry, de Montdidier et de Neufchâtel, qui se mangent frais à Pa- ris. Ces derniers sont en petits cylindres longs de trois pouces sur deux de large, en- veloppés dans du papier Joseph, qu'on mouille pour les tenir frais FABRICATION DES FROMAGES. 20e em 39 II. Fromages mous et salés. 2°. Fromage de Neufchätel. La fabrication des fromages de Neufchâtel salés, qui sont vendus à Paris sous le nom de bondons, a été très-bien décrite par M. Des- JOBERTS, de Rieux(Seine-Inférieure), et nous lui emprunions ce que nous allons en dire ici. Après chaque traite de la journée on transporte le lait à l’atelier ; on le couletout chaud, à travers une passoire (Por. Lait, fg. 9 à 13), dans des pots ou cruches de grès qui contiennent 20 litres. On met en présure, et on place les cruches dans des caisses recou- vertes d'une couverture de laine. Le 3° jour au matin on vide ces cruches dans un panier d’osier, qu'on pose sur l’évier ou table à égoutter; les paniers sont revêtus en dedans d’une toile claire. Le caillé, qu’on laisse ainsi égoutter jusqu’au soir, est retiré en- suite du panier, enveloppé dans un linge, et mis à la presse, sous jaquelle ilreste jusqu’au 4° jour au matin. Alors on remet le caille dans un autre linge propre; on îe pétril, on le frotte dans le linge en tous sens, jusqu’à ce que les parties caséeuses et butireuses soient bien mélées, que la pâte soit homo- gène et moelleuse comme du beurre : si elle est trop molle, on la change de linge; si elle est trop ferme ou cassante,on y ajoute un peu de la pâte du jour, qui égoutte. Pour presser, on fait usage de la presse à poids, qu’on charge graduellement. Quant au moulage, il se fait dans des mou- les cylindriques de fer-blanc de 5 >; cent. (2 po.) de diamètre, sur 6 cent. (2 po. +) de hau- teur, On fait des pétons ou cylinäres un peu plus gros que le moule; on les place dans celui-ci, qu'ils dépassent des 2 bouts; en tenant un moule de la main gauche, on y met chaque pâton de la main droite. On pose le moule sur la table, et appuyant des- sus la paume de la main gauche, on fait sor- tir l’excédant, en comprimant pour qu’il ne se trouve aucun vide. On râcle avec un cou- teau le dessous et le dessus du moule; puis on fait sortir le pâton en prenant le moule dans la main droite, en le frappant légère- ment, et en le tournant de la main gauche. il serait peut-être plus commode d’avoir un oule qui püt se briser dans sa longueur en 2 parties, retenues aux extrémités par des cercles. Au sortir du moule, le fromage est salé avec dun sel très-fin et sec. On saupoudre d’abord ses deux bouts, et ce qui reste dans la main suffit pour le tour, qu'on en imprè- gne en roulant le pâton dans la main. On emploie une livre de sel pour 100 fromages. À mesure qu’on les sale, ces pâtons sont pla- cés sur une planche qu'on dépose sur les La- bles. Là ils égouttent jusqu’au lendemain, où les planches sont portées sur des claies ou châssis à claire-voie, garnis d’un lit de paille fraiche, On couche les bondons par rangs égaux en travers du sens de la paille, assez près les uns des autres, mais sans se toucher. Ils restent ainsi pendant 15 jours ou 3 se- maines, et on les retourne souvent pour que la paille n’y adhère pas. Lorsqu'ils ont un velouté bleu on les transporte au magasin 40 ARTS AGRICOLES : LAITERIE. ou chambre d'apprèt. Là ils sont poses de- bout sur des claies garnies de paille, et re- lournés de temps en temps. Au bout de 3 semaines, on voit parailre des boutons rou- ges à travers leur peau bleue; c’est un signe qu'ils sont arrivés au point où on peut les mettre en vente. Cependant ils ne sont pas encore assez affinés en dedans pour être mangés; il leur faut encore une quinzaine à peu près pour compléter cet affinage. À Pa- ris, les marchands les affinent à la cave sui- vant leur débit. Ces fromages demandent beaucoup de soins et d'attention au maga- sin. Lorsqu'on veut les garder long-temps, on les fail sécher davantage. Ils peuvent être affinés de la même manière que les fromages de Brie. 3°. Fromage de Brie. C’est un fromage très-bon lorsqu'il est fait avec tous les soins convenables. On en ren- contre de beaucoup d'espèces, mais peu de parfaits. Il s’en fait une grande consomma- tion à Paris, et sa fabrication, qui offre peu de difficuité, demande cependant beaucoup d'attention et de propreté. Les meilleurs se font en automne; ceux des autres saisons se mangent à demi-sel et non passés. Quelque- fois il s’en trouve parmi ces derniers de fort bons. Coagulation. On prend le lait chaud de la traite du matin, qu’on passe immédiatement à travers un linge; on ajoute la crême de la traite du soir de la veille, et, avec de l'eau chaude, on amène le mélange à la tempéra- ture de 30° à 36° centig. pour faire prendre le lait. On met la présure dans un nouet de linge fiu; on la délaie, ainsi enveloppée, dans Île lait. Une cuillerée suffit pour 12 litres de fait. On couvre, et on laisse en repos une bonne demi-heure. Si le caillé n’est pas formé, on remet un peu de présure, et on couvre de nouveau. Egouttage. Lorsque le caillé est formé, on le remue dans le sérum, d’abord avec un bol ou écuelle de bois, puis avec les mains. On Île presse dans le fond du vase; on l’enlève en- suite avec les mains ; on en remplit le moule en pressant fortement; on le couvre avec une planche, qu’on charge, pour le comprimer, avec des poids. Ces fromages ont 32 cent. ({ pi.) environ de diamètre, et 27 mill. (1 po.) d'épaisseur. Pression. Lorsque le fromage est égoutté, on met un linge mouillé sur la planche du moule, et on y renverse le fromage. Onétend un linge dans le moule; on y replace le fro- mage, qu’on enveloppe; on mel le couvercle, et on le porte sous la presse. Au bout d’une demi-heure, le linge est changé et le fromage pressé de nouveau. Cette opération est répé- tée toutes les 2 heures jusqu’au soir du len- demain; la dernière fois, le fromage est mis à nu dans la forme, et pressé sans linge pen- dant une demi-heure ou plus. Salaison. Au sortir de la presse, le fromage est mis dans un baquet peu profond, et frotté avec du sel fin et sec des 2 côtés. On le laisse reposer toute la nuit, et le lendemain il est frotté de nouveau; puis on le laisse 3 jours dans la saumure, au bout desquels on le met sécher dans !4 chambre aux fromages, qui LIV. IV. doit être sèche et aérée, et meublée de ta- blettes garnies d’un tissu de jonc ou de paille appelé cayot, eten ayantsoin deleretourneret de l’essuyer une fois par Jour avec un linge propre et sec; il est utile que la dessiccation soit prompte.Ces fromages se gardent en cet élat jusqu'au moment de les affiner. Affinage. Pour procéder à cette opération, le fromage est placé dans un tonueau dé- foncé, sur un lit de menues pailles ou bal- les d'avoine de 3 ou 4 pouces d'épaisseur; on le couvre d’un lit de la même paille et de la même épaisseur ; on continue cette stratifica- tion en couches alternatives de paille et de fromages jusqu’au- dessus du tonneau, en ayant soin de finir par la paille. Quelques personnes, pour empêcher que ces menues pailles n’entrent dans la croûte, étendent d’abord dessus et dessous des cajots de paille fine. Le tonneau est porté dans un endroit frais, mais sans être humide. En peu de mois les fromages s’y ressuient, leur pâte s’affine, et, comme ils sont pleins de crême, ils de- viennent bientôt très-délicats. Traités ainsi, les fromages finissent par couler; c’est le si- yne d'un commencement de fermentation, qui amènerait la décomposition. La pâte alors se gonfle, fait crever la croûte, et s’écoulesous forme de bouillie épaisse, d’abord onctueuse, douce et savoureuse, mais qui ne tarde pas à preudre un goût piquant et désagréable , à mesure que la putréfaction fait des progrès. Il y a un moment précis qu'il faut saisir pour les manger à leur point de perfection. A Meaux, on ramasse soigneusement la pâte des fromages, à mesure qu’elle s'écoule, sur des planches tenues très-proprement ; on la renferme dans des petits pots alongés, que l’on bouche exactement. — On n’attend pas loujours que les fromages coulent pour empoter la pâte. Quelquefois, au sortir du tonneau, on met à parl ceux qui, trop avan- cés, ont une disposition à couler, et ne pour- raient pas supporter un transport. On enlève la croûte, el on comprime la pâte qui se trouve au milieu dans des pots qui sont bouchés avec du parchemin. On les vend sous le nom de fromages de Meaux. Le prix des fromages de Brie varie suivant la qualité. On les vend 1 et jusqu’à 2 francs le fromage pesant de 1 à 1 :kilog. (2à 3 liv.). Ces fromages sont fabriqués aussi dans plu- sieurs villages des environs de Paris, surtout auprès de Montlhéry, et, quand ils sont bien choisis, ils sont d'une pâte fine et assez douce. On en a fait aussi avec succès à Belle-Isle-en- Mer,et cet exemple pourrait être suivi dans beaucoup d’autres localités. 4°. Fromage de Langres (Haute-Marne). On prend lelait au sortir du pis de la vache, onle coule,eton met la présure à raison d’une cuillerée de celle-ci pour 6 litres de lait. On laisse en repos, en conservant au mélange sa chaleur, et lorsque le lait est pris, on dresse le caillé dans les formes, qu’on laisse égout- ter dans un endroit chaud. Les fromages res- tent ainsi pendant 24 heures, au bout des- quelles ils sont retirés des formes et posés sur des couronnes de paille ou des ronds en osier pendant 5 ou 6 jours, pour les laisser cHaAP. 1°’. égoutter et sécher. Après ce temps on sale le fromage d’un côté; on met 30 gram. (1 once) de sel par ! kilog. (1 liv.) de fromage. Lorsque le sel est fondu, on sale l’autre côté,en ayant soin pendant la salaison de tenir les fromages dans un endroit aéré, sec et chaud. Au bout de 8 jours de sel, ils sont lavés avec de l’eau tiède, en passant la main dessous, dessus et tout autour. Cette opération est répétée au bout de N Hnes jours, lorsqu'ils préseutent quelques taches de moisi, ou s'ils sont trop secs. Au bout de 15 ou 20 jours, si le fromage a pris une teinte d’un jaune nankin, on le met à la cave dans des pots de grès ou des caisses de sapin. Dans cet état, on le visite tous les 8 jours pour enlever les taches de moisissure qui paraissent à l'extérieur. Pour cet objet, il faut passer sur la surface la main trempée dans l’eau chaude, et les frotter avec un linge, en les grattant si la tache est pro- fonde. Ces fromages se fabriquent en septembre et octobre, et il faut avoir grand soin de les garantir de l'approche et des attaques des mouches. On peut aussi les faire en hiver, en travaillant dans un endroit chauffé convena- blement; et il ne serait pas difficile d’accélé- rer leur préparation, en les pressant légère- ment pour faciliter la sortie du petit-lait. Lorsqu'on réunit pour leur fabrication le lait de 2 traites, il faut avoir soin de les bien mélanger, et d'amener le tout à la tempéra- ture convenable; mais il faut également evi- ter d'opérer à une fempérature trop élevée, qui donnerait trop de consistance au caillé. Ce fromage est très-bon et assez recherché dans Paris. 5 4 - 14 5° Fromage d’Epoisse { Côte-d'Or). Pour sa fabrication on se sert de la présure suivante : Prenez caillettes pleines. 4 Eau-de-vie à 22°. . . .. A1 "Æhtites, Eau commune. . . . .. A Id. PONNEBIDOILS 1. DT TRE CAN él de Cuisine: . .-. . . 1 kilog. Girofle, fenouil, de chaque. 8 gram. Coupez les caillettes par morceaux, après les avoir lavées, ainsi que le caillé qu’elles renfermaient, et mettez le tout infuser pen- dant 6 semaines; après ce Lemps, filtrez à travers du papier gris ou sans colle, et met- tez en bouteille ; enfin versez sur le marc de l’eau salée qui servira pour une autre prépara- tion. En général, pour tous les fromages gras, c'est la présure filtrée et claire qu’i! faut em- ployer. On prend le lait au sortir du pis de la va- che; on le coule; on ajoute la presure de ma- nière à obtenir une coagulation lente,comme pour le fromage mou. Le caillé étant formé, on l'enlève avec une écumoire; on en reimn- plit, par couches successives, des moules en fer-blanc, qu'on fait égoutter, ayant soin de remettre du caillé à mesure qu'il s’affaisse, pour que le moule soit plein. Quand la ma- tière a pris assez de fermeté, les fromages sont renversés sur des paillassons placés sur une claie, où ils finissent de s’égoutter. En cet état, on peut les manger frais après vingl- quatre heures. Ceux que l’on veut garder sont sales, et FABRICATION DES FROMAGES. 1 41 restent plus long-temps sur la claie. Il serait peut-être préférable de les soumettre à une légère pression. Pour les saler on prend du sel gris fin et sec, dont on les saupoudre sur toutes les faces, et en les frottant avec la main. Après cette opération ils sont placés sur de la paille fraiche, dans un lieu aéré, et retournés tous les 8 jours. Lorsqu'ils com- mencent à verdir, on les frotte avec la paume de la main trempée dans l’eau salée, pour les polir et leur faire prendre une teinte rouge qui indique qu'ils sont arrivés à leur point de perfection. On les fait sécher dans cet état pour les garder ou les mettre dans le com- merce. On les affine à la cave, comme les fromages de Brie, au moment où on veut les consommer. Comme ceux de Langres, avec lesquels ils ont beaucoup d’analogie, ils se fabriquent en septembre et octobre, et jus- qu’au 15 ou 20 novembre. 6° Fromage de Marolles (Nord). On prend le lait chaud sortant de la va- che; on met en présure. Le caillé est placé dans des formes ou moules carrés, dans les- quels on le laisse égoutter. On le presse en- suite légèrement avec une planche et des poids; puis on l’enlève du moule pour le metire à plat sur des paillassons. On le sale, en le frottant de tous les côtés avec du sel fin. En cet étal, le fromage est abandonné quelques jours, en ayant soin deleretourner: ensuite il est mis sur des claies et sur champ pour le faire sécher. La manière de l’affiner est toute particulière. Pour cela on le met à la cave, en le mouillant avec de la bière. — On fait des fromages de Marolles gras, des fromages crémeux et des fromages maigres. Dans le pays, on en mange de fort bons qui sont traités comme les fromages de la Bresse. Ceux du commerce sont moins bien soignés. passés en masse dans des caves, ils répan- dent souvent une odeur forte qui annonce une fermentation plus avancée. Ce sont les classes pauvres à Paris qui en font la plus grande consommation. 7° Fromage de Livarot ( Calvados). On prend le lait provenant de 2 ou 3 trai- tes des jours précédens, et après qu'on les a écrêémées dans les terrines où chacune d'elle a été déposée, la traite du soir est mise sur le feu et chauffée jusqu’à l’ébullition ; on y ajoute alors le lait écrèmé des traites précédentes, en brassant et mêlant avec soin, et on met en présure le tout encore tiède; le baquet est ensuite couvert, et une heure après le caillé est pris. Il est alors coupé en différens sens avec une spatule de bois, puis mis sur des nattes de jonc, où il s'égoulte, et déposé ensuite dans les éclisses, où il achève de s’égoutter. On le sale enfin, et on le laisse se faire, en ayant soin de le retour- ner de temps à autre. F Le fromage de Camenbert (Orne) se fait de la même manière. — Pour le fromage de Mignot de la vallée d’Auge, on fait bouillir la traite du matin, que l’on tient tiède jusqu’à midi, on écrême et on y méle la traite du moment: on met en présure et on gouverne, 42 du reste, la fabrication comme pour les pré- cédens. | Les formes sont des cercles de frêne, ordi- nairement de 16 cent. (6 po.) de diamètre, sur 10 cent. (4 po.) de hauteur. — Lorsque le lait n’est pas écrèmé, le fromage est bien supé- rieur. 8° Fromage de Gérardmer ou Géromé (Vosges). Ce fromage se fabrique avec le lait de plu- sieurs traites, modérément chauffé; ce lait est mis en présure par les procédés ordi- naires, et le caillé est de même égoutté sur des claies d'osier, mis en moule, puis sous la presse, enfin salé avec du sel de Lorraine, ui lui communique, dit-on, une saveur par- ticulière. On ajoute généralement au caillé un peu de cumis pour lui donner un arome agréable. 9° Fromage de la Herve où fromage persillé du Limbourg. Pour fabriquer ce fromage, il faut pren- dre un caillé de lait non écrêmé, bien sé- paré du sérum, et y ajouter par cha- que kilog. (2 liv.) de fromage, du sel, du persil, des ciboules, de l’estragou, hachés menus, de chaque urie forte pincée. Lorsque le mélange est bien exactement fait, le fro- mage est mis en moule, égouité pendant 36 heures, reliré, puis exposé avec précau- tion sur une claie d’osier, garnie de paille, et enfin placé ainsi dans un lieu aéré et assez chaud pour qu’il sèche dans l’espace de 6 jours. Alors on le porte à la cave sur de la paille fraiche, en le recouvrant d’une légère couche de sel. Lorsqu’après un certain temps il se forme à la surface un léger duvet végé- tal, on le nettoie avec une brosse trempée dans de l’eau dans laquelle on a délayé une terre ocreuse , et cette opération est répétée 3 fois pendant les 3 mois qui sout nécessaires pour qu’il soit bon à manger. — Lorsqu'il est bien préparé, sonintérieur est veiné de rouge, de bleu, de jaune. — Son goût est agréable et sa consistance un peu ferme. III. Fromages à pâte ferme soumis à la presse. 10° Fromage anglais du Cheshire ou Chester. Pour fabriquer le fromage de Chester, on met à part le lait de latraite du soirjusqu'au lendemain,et pour empêcher qu'il ne s’aigris- se, ce liquideest versé de suite dansun rafrai- chissoir en fer-blanc ou en zinc, qu’on plonge dans l’eau froide, surtout l'été. Le lendemain matin la crêmeest enlevée el mise dans un vase de cuivre qu’on chauffe avec de l’eau bouil- lante. On élève de la même manière la tem- pérature du tiers du lait écrêmé ; ensuite le lait de la traite du matin est coulé dans un large baquet, et on y mêle le tiers de lait écrêmé et chauffé qu'on a mélangé avec la crême , à une lempérature qui n'excède pas 28° à 30° cent. On colore avec le rocou ; on ajoute la présure, et on couvre le tout pour le tenir chaud pendant une demi-heure au plus, et jusqu’à ce que le caillé soit formé. Ce caillé est ensuite retourné en masse avec une cuillère en bois ou une écuelle pour sé- ARTS AGRICOLES BATTERIE. parer le petit-lait, et peu de temps après il est ouvert et rompu par les moyens déjà dé- crits. On le laisse reposer un moment en cet état, puis on retire la plus grande partie du petit-lait avec un bol; le caillé étant resté au fond du baquet, on en exprime le liquide autant que possible, et lorsqu'il est devenu plus solide et plus ferme, l’ouvrier le coupe en plus petits morceaux, le retourne sou- vent, et le comprime avec des poids pour exprimer le plus possible le sérum ; alors ilest retiré du baquet, divisé avec les mains en parties aussi minces qu'on peut le faire, et placé dans la forme, où on le comprime d’abord avec les mains et ensuite avec des poids. Après cela on le remet dans une autre forme, ou bien dans la même, après qu’elle a élé échaudée, et dans laquelle il est encore rompu, divisé et pressé. On le retourne en- suite en le plaçant dans une 3° forme, garnie d'une toile, et munie à sa partie supérieure d’un cercle en étain qui entre dans le moule, et qui est enveloppé d’une toile fine et très- propre; le tout est alors mis sous la presse. Ces manipulations durent environ 6 heures, et il faut ensuite plus de8 heures pour donner la 1" pression au fromage. Pendant ce temps il est relourné 2 fois en changeant chaque fois de linge, et quand il est sous la presse on en- fonce à travers les trous de la forme des bro- ches fines en fer, pour faciliter écoulement du petit-lait. Lelendemain matin et le soir qui suivent, le fromage est retourné et pressé de nouveau. On en fait autant le 3° jour; après quoi il est transporté au saloir. Là on le frotte à l'extérieur avec du sel pilé, on l’en- toure d’un linge, on le met ainsi arrangé dans un baquet avec de la saumure, où il reste 2 ou 3 jours, avec l’attention de le retourner tous les jours. Il est ensuite placé sur des tablettes, et pendant 8 jours on ie saupoudre de sel en le retournant 2 fois par jour. Pour le perfectionner, on le lave à l’eau chaude ou avec du petit-lait chaud ; on l’essuie et on le laisse sécher 3 jours, pendant lesquels il est retourné et essuyé une fois par Jour. Enfin, lorsqu'il est bien sec, on le frotte avec du beurre frais. Ces fromages sont ensuite portés au magasin,où pendant une semaineils sont retournéstous les jours. Ce magasin doit être une chambre modérément chaude et privée de l’accès de Pair, parce qu’autrement la croûte du fromage se fendillerait. Le Chester est conservé en magasin pen- dant long-temps, et si on ne le force ou avance pas par des moyens artificiels, il est rare qu'il soit mûr ou fait avant 3 ans. — Au reste, ce fromage à la consistance du Parme- san ; Inais sa saveur est moins agréable; il se vend très-cher en France, et sa fabrication n'offre aucune difficulté. On fait des froma- ges de Chester qui pèsent jusqu'à 50 kilog. (100 liv.), et on prétend que ce sont les meil- leurs. Il s’en fait aussi de plus petits, auxquels on donne la forme d’une pomme de pin, et qui sont connus à Paris sous le nom de CZes- ter ananas. Les fromages de Chester varient suivant la quantité de crème qui entre dans leur pâte. — On peut aussi les fabriquer avec le lait d’une seule traite et chaud ; ou bien avec le lait d’une traite et une portion de la traite CHAP. 1°’. précédente écrèmée ; enfin on en fait aussi avec le lait écrêmé. — La méthode la plus usitée est celle dans laquelle on réunit 2 traites, sur l’une desquelles on enlève la crême, parce quon a reconnu qu’en mélant cette crème, légèrement chauffée, avec le nouveau lait, elle s’unissait et s’incorporait beaucoup mieux avec lui. — Dans quelques laiteries on sépare une partie de la crème du soir pour faire du beurre, et on emploie tout le lait écrêmé. Dans d’autres, au con- traire, on ajoute toute la crème el on sup- prime une portion du lait écrèmeé. 11° Fromage anglais de Gloucester. Onendistingue ? sortes, le double et le sim- ple. Le 1°" se fait avec du lait d’une seule traite et frais. Le second se fabrique avec le lait du soir, dont on enlève la moitié de la crème ou la totalité, et le lait chaud du matin. Nous allons faire connaïtre le procédé suivi par M®° Hayvarp dans le Gloucestershire pour cette fabrication, parce qu’il nous a paru le meilleur et propre à donner de bonsrésultats. — On prend un baquet assez grand pour contenir tout le lait de la traite qu’on veut transformer en fromage, on pose en travers sur ce baquet un châssis oblong, couvert en entier par une toile claire qui déborde, et on place dessus un tamis de crin. Le lait, aussitôt après la muision, est coulé à travers cet ap- pareil, et si la température du liquide était moindre de 25° à 26 cent., on réchaufferait au bain-marie une partie de ce Jait pour ra- mener la totalité à la chaleur convenable. Si le lait est trop chaud, on le refroidit, au contraire, en y mélant de l’eau froide, sur- tout en été. Ces préliminaires terminés, on colore avec le rocou et on met ensuile en présure. Celle dont il faut se servir a été décrite précédem- ment, pag. 36. Dès qu’elle est introduite, le baquet est couvert avec un linge de laine et abandonné pendant une heure. Lorsque le caillé est formé et assez ferme, on le coupe doucement et avec précaution avec le couteau à 3 lames, #g. 33. Ce caillé est ensuite passé au moulin, /g. 35 et 36, et quand il est réduit en une pulpe homogène, M°*° Hayward ne l’échaude pas, comme cela se pratique généralement daus le Gloucester, parce qu’elle a reconnu que le fromage était plus gras lorsqu'il n'avait pas subi l’action de l’eau bouillante; mais elle le met de suite dans le moule en le comprimant fortement avec les mains. Au fur et à mesure qu’on remplit la forme, on presse la masse autant que pos- sible, on arrondit le dessus au milieu, de ma- nière à ce qu’il y ait exactement autant de fromage qu'il en faut pour remplir juste la forme après la pression ; on étend alors une toile fine sur cette forme, et on jette un peu d’eau chaude dessus pour durcirles parois du fromage et empêcher la pâte de se fendre.On renverseensuite le fromage hors du moule sur un canevas. La forme est trempée dans du pe- tit-lait chaud pour la nettoyer, et on y remet le fromage enveloppé dans sa toile, qui est repliée sur la partie supérieure et dont les bords sont engagés dans la forme. Les moules ainsi remplis sont placés sous la presse les FABRICATION DES FROMAGES. 43 uns sur les autres ; le fromage y reste 2 heu- res, après lesquelles on le retire et on rem- place par un linge sec,opération qui se répète plusieurs fois pendant le cours de la journée. Lorsqu'on a donné une toile sèche et pro- pre aux formes, elles sont transportées sous une autre presse, placée dans une chambre voisine, sous laquelle elles restent les unes sur les autres jusqu’à la salaison. Les fro- mages qui sont faits le soir prennent dans la presse la place de ceux du matin, et les 1°" sont à leur tour déplacés par ceux du len- demain matin; de sorte que les fromages fa- briqués les derniers sont toujours placés les plus bas dans la presse, et que ceux des fabri- cations précédentes s’élèvent successivement en raison de leur ancienneté. Le mème ordre doit être observé dans toutes les pressées qui suivent, et pour ne pas se tromper on peut mettre une marque ou un numéro sur les moules. Les fromages de Gloucester sont salés généralernent 24 heures après la fabrication; quelques-uns le sont au bout de 12 heures. La salaison ne doit généralement commencer que lorsque la croûte est lisse et serrée; s’il y a des fentes ou crevasses au moment où on les imprègne de sel, la peau ne se resserre plus. La salaison se fait en frottant avec la main le dessous, le dessus et les parois avec du sel desséché et en poudre fine. Les fro- mages salés sont alors retournés et placés dans l’ordre indiqué. On sale 3 fois le simple et 4 fois le double Gloucester, eton met un intervalle de 24 heures entre chaque salaison. Après la 2° ou la 2°, on retourne les fromages sans linge dans le moule pour effacer la mar- que de la toile, et afin que la surface soit unie et les bords nets et anguleux. Le double reste en presse 5 jours et le simple 4; c'est pourquoi dans un atelier où l’on fabrique Journellement, 6n doit avoir des formes et des presses en nombre suffisant pour 4 ou 5 jours. La dose de sel employée est de 1 1 à 2 kil. (8 à 4 liv.) pour 50 kil. (100 liv.) de fro- mage ou 5 fromages de 10 kilog. (20 liv.) cha- que, poids ordinaire du Gloucester. — Lors- que ces fromages sont sortis des formes, on les met sur des tabletles pendant un jour ou deux , on les retourne toutes les 12 heures, ensuite on les porte dans le magasin ou grenier, où ils sont rangés sur le casier et re- tournés une fois par jour. Un mois après leur sortie des formes, les fromages sont propres à être nettoyés. Cette opération se fait avec un couteau ; l’ouvrier qui en est chargé s’as- seoit sur le plancher, prend un fromage entre ses jambes, râcle la surface, en enlève toutes les croûtes, et les polit sans en endommager la peau. Avant de les expédier pour le mar- ché de Londres, lorsqu'ils sont nettoyés, on les enduit, en les frottant avec un chiffon de laine, d’une peinture composée de rouge in- dien et de brun d’Espagne, délayés avec de la petite bière. Après celle opéralion ils sont replacés sur le casier, retournés 2 fois par semaine, et plus souvent si le temps est hu- mide, et aussitôt que l’état de la peinture le permet, on les frotte fortement avec un linge une lois par semaine sur les bords. et à un pouce des arûtes de chacune des faces du fromage. {4 ARTS AGRICOLES : LAITERIE. Les signes caractéristiques du vrai Glou- cester sont une chemise ou couche bleue qui s'aperçoit à {ravers la peinture sur les pa- rois, el qui est un indice de leur richesse et bonne fabrication; une teinte jaune et dorée sur leurs arêles ; une texture homogène et serrée, ayant l'apparence de la cire ; une sa- veur douce, moelleuse; une pâte qui ne s’émiette pas lorsqu'on la coupe en tranches minces, ne se sépare pas de la matière huileuse lorsqu'on met celles-ci sur le feu, et s’amollit sans se brüler. Si le fromage s’est aigri pendant la fabrication, soit parce qu'il a été soumis à une manipulation trop pro- Dngée, soit par défaut de propreté des us- tensiles, rien ne peut lui donner cette che- mise bleue qui sert à le distinguer. Si ie caillé a été salé au moment où on le rompt, comme cela se pratique trop souvent, le sel à pour effet de produire une enveloppe ou pellicule à chacune des particules avec les- quelles il est en contact, ce qui empêche leur union intime ; et quoique bien pressé, ce caillé donne un fromage qui ne forme pas une masse compacte,serrée et ferme,comme celui qui n’a reçu le sel qu'après sa fabrication. Dans ce cas, sa lexture est lâche, il s’émiette quaud on le coupe, la partie grasse s’en sé- pare quand on l’expose en tranches minces sur le feu, se fond le ereunt et le fromage brûle. La peau n'en est pas lisse et dure, elle est rude et cassante; examinée de plus près, elle parait comme formée de parties irrégu- lières el ressemble à une mosaïque. 100 litres (106 pintes) de lait donnent 13 + kilos. (27 liv.) de fromage, ainsi 146 litres (157 pintes) fournissent 2 fromages de 10 kil. (20 liv.) chacun. 12° Fromage écossais de Dunlop (Ayrshire). On prend la traite du matin à laquelle on réunit celle du soir de la veille, on verse le tout dans un grand baquet, on brasse pour méler, et on met en présure. Le baquet esl ensuite couvert; quand la présure est bonne, le caillé est formé au bout de 12 ou 15 minutes. On remue doucement la masse, afin que le petit-lait se sépare bien, et on le retire à mesure qu’il abandonne le caillé. Aussitôt que ce caiilé est assez con- sistant, il est placé dans un égouttoir dont le fond est percé de trous ; on met dessus un rond de bois avec un poids, et lorsqu'il est egoutté, il est mis dans un baquet, où il est rompu en petits morceaux avec le couteau à trois lames. On le sale ensuite en mélangeant exactement le sel avec la main, puis il est enveloppé dans une toile et placé d’abord dans une forme, et ensuite sous la presse, qui est composée d'une grosse pierre de 500 à 1000 kilog. (1000 à 2000 liv.), enchässée dans une monture en bois, et qu’on fait monter et descendre au moyen d’une vis en fer. Le fro- mage est retiré à plusieurs reprises pour le retourner et le changer de toile. Quand on est assuré qu'il ne retient plus de sérum, on le sort du moule, on le met en magasin sur des tablettes ou sur le plancher, on le re- tournesouvent, en le frottant chaque foisavec un linge grossier pour que les mites ne l’at- taquent pas. LIV. IV. Cette espèce de fromage ne se colore pas, et on en fait de diverses grosseurs, depuis 10 kilog. (20 Liv.) jusqu’à 30 kilog. (60 liv.). Avec la plupart des presses en usage dans la fabrication des fromages, on éprouve beau- coup de difficulté pour débarrasser complète- ment et promptement le caillé du petit-lait qu'il contient. Les presses les plus fortes ne paraissent point, dans cette importante opé- ration, avoir d'avantage sur les plus simples, et donnent à peine des résultats plus salisfai- sans que cette pralique où l’on est quelquefois de déposer le caillé dans des sacs, des linges ou des filets où il s'égoutte par lui-même et sous son propre poids. M. Rogison, secré- taire de la Société royale d’Edimpourg, frappé de cette observation faite dans la fabrication des fromages en Ecosse, a pensé que l’appli- cation d’une forte pression tendait sans doute à durcir l’extérieur du fromage plus que l’in- térieur, et créait ainsi un obstacle à l’expul- sion de la partie liquide. Cette considération et la nécessité de purger la pâte de petit-lait si on veut faire des fromages délicats et de garde, lui ont suggéré l’idée d’essayer si au ioyen de la pression atmosphérique à la surface du fromage et du vide opéré par-des- sous, on n’obtiendrait pas des résultats plus avantageux que ceux de la presse. Dans ce but, il a inventé un petit appareil simple et ingénieux qu’il a nommé presse pneumatique a fromage, dont voici la description. L’ap- pareil (73. 42) se compose d’un bâtis en bois d'environ 1 mèt. (3 pi.) de hau- teur, sur lequel est fixé un vase A de cuivre éla- mé ou de zine, d'une capacité quelconque, et destiné à conte- nir le caillé. Ce vase a un faux fond mobile en bois, en forme de grillage, cou- vert d’une teile métallique;scus ce fond le vase porte une ou- verture d’où part un tube vertical C de 32 cent. (1 pi.) de longueur, qui se rend dans un autre vase clos B, muni d’un robinet F et qui a la capacité convenable pour contenir tout le petit-lait du vase supérieur A. Sur l’un des côtés du bâtsil y a un petit corps de pompe D, d'environ 19 cent. (9 po.) de hauteur, du fond duquel part un petit tuyau de succion E qui communique avec la partie supérieure du vase B. Ce tuyau porte à son ouverture supé- rieure une soupape qui s'ouvre supérieure- ment, tandis que le piston de la pompe est mu- ni d’une autre soupape qui s’ouvre par en bas. Ce piston est mis en action par un levier, com- me on le voit dansla figure.On faitainsiusage de cet appareil. Le caillé étant préparé et salé, on place un linge sur le vase À, et on pose le Fig. 42. CAP, 1°*. fromage sur le linge avec légèreté, à l’excep- tion des bords où on le presse contre les pa- rois du vase, de facon à intercepter tout pas- sage à l’air. On manœuvre alors la pompe vivement pendant quelques minutes, et le petit-lait s'écoule dans le vase B; quand il cesse de couler , on répète une seconde fois les coups de piston, ei lorsqu'il ne coule plus rien on enlève le caillé dans sa toile, on le met dans une forme en toile métallique forte et serrée avec un poids dessus, jusqu'à ce qu'il soit assez ferme pour être manié sans se rompre. Les formes doivent rester sur des tablettes séparées pour donner accès à l'air sur toutes les faces du fromage. 13° Fromage anglais de Norfolk. Le procédésuivant est celui qui a été donné par M. Mansmaz, le savant agronome qui avait réuni les meilleurs documens sur la fabrication des fromages. ; Aussitôt que le caillé est formé, qu’il offre assez de consistance pour se séparer du petit- lait, la fille de la laiterie relève ses manches, plonge ses mains jusqu’au fond du baquet, et avec une écuelle de bois remue vivement le caillé et le sérum; elle quitte ensuite l’é- cuelle, et, par le mouvement circulaire de ses bras et de ses mains, agite violemment toute la masse, en ayant soin de diviser et de rompre avec ses doigts jusqu'aux plus petits morceaux de caillé, afin qu'il ne reste pas de petit-lait dans aucune portion de la masse. Cette opération peut durer de 10 à 15 minutes. Quelques instans suffisent, après qu’elle est terminée, pour que le caillé tombe au- fond. La fille enlève alors le petit-lait avec son écuelle, ou bien passe ce petit-lait à travers un linge, etremet lecailléquirestesur le linge dans le baquet.Quand ce caillé est égoutté au- tant que possible, elle le coupe en morceaux cubes de 2 à 3 pouces de côté, puis étend un linge sur le moule, y écrase le caillé en le ressant et le battant avec les mains, remplit e moule bien comble, ramène le linge sur le caillé, et met sous la presse. En automne, lorsque le temps est humide et froid, on échaude le caillé, ce qui se fait avec un mé- lange d’eau et de petit-lait chaud et bouillant qu'on verse dessus. Supposons qu'on mette en forme le fromage à 7 heures du matin, on retourne entre 8 el9 heures; on lave le linge, el on remel le tout dans le moule. Le soir, on sale, on met un linge sec, et on porte à la presse. Le lendemain matin, on ôte le linge, on presse à nu dans le moule, et le soir on retourne ; enfin, le 3° jour au matin, on en- lève définitivement de la presse et de la forme. Lorsque les fromages ontacquis assez de fer- meté, ilfautles brosser avec un petit balai, et les tremper souvent dans du petit-lait. Quand ils sontsecs, onles frotte avecunlingesur le- quel on a étendu du beurre frais. Cette opéra- tion est répétée tous les jours pendant plu- sieurs semaines, jusqu’à ce que les fromages soient lisses à l'extérieur, qu'ils aient pris une belle teinte dorée, et que la chemise bleue commence à paraitre. Suivant la qualité des fromages et l’état de l'atmosphère, cette cou- che bleue ne parait qu'au bout d'un, 2 ou 3 mois; pendant tout ce temps il faut les soi- FABRICATION DES FROMAGES. 45 gner en magasin, et faire attention à ce quela peau ne devienne ni trop sèche ni trop dure. 14° Fromage anglais de Stilton. On mêle la crême de la traite de la veille au soir avec le lait du matin, on met en pré- sure, et quand le cailié est formé, on l’enlève sans le rompre, et en se bornant à le faire égoutter daus un tamis; puis on le presse doucement ÉÉLLSS ce qu'il devienne ferme. Ilest alors mis dans une éclisse ou espèce de boite, parce qu’il est si crémeux qu'il se fen- drait et coulerait sans cette précaution; en- | suile il est placé sur des ronds de bois sec, et entouré de bandes de linge, qu'on a soin de resserrer toutesles fois qu'on le juge à propos, On le retourne chaque jour, et, quand ii offre assez de consistance, on ôte le linge, on le brosse pendant 2 ou 3 mois tous les jours, et même 2? fois par jour si le temps est humide. Les fromages de Stilton passent pour n'être bons à manger qu’au bout de 2 ans; ils n'ont même de prix pour les amateurs que lors- qu'ils ont un aspect de fromages gâtés, et qu'ils deviennent bleus et moites. Il est à présumer que ces fromages recoivent du sel, mais les ouvrages anglais ne disent pas à quelle époque. 15° Fromage anglais de W'iishire. Le fromage de Wiltshire se fait avec le lait du soir écrémé le lendemain matin, et qui est ensuite chauffé convenablement, puis versé, avec la crême, le lait du matin et de la présure colorée, à travers un couloir, dans un baquet, où on remue soigneusement la masse. qu’on couvre ensuite et qu'on aban- donne à la coagulation. Celle-ci opérée, la : fille de la laiterie introduit sa main dans le caillé, et le brise en petits fragmens. Après 15 minutes de repos, on penche le baquet, et on décante le petit-lait avec lenteur; on laisse reposer; puis, en tournant le baquet d’un quart de la circonférence , on recommence à faire couler le pelit-lait, et ainsi de suite jus- qu'à ce qu’il n’en reste plus, et que le caillé ait une consistance ferme. Celui-ci est alors coupé mepbu avec un couteau, placé dans un égouttoir carré percé de trous, recouvert d’une planche, puis d’un linge, et abandonné ainsi pendant 20 minutes, au bout desquelles on le coupe en morceaux de 2 pouces cubes; on replace la planche dessus, et on couvre d'un poids de 25 kilog. De demi-heure en demi-heure, pendant l’espace de 4 heures, l’ouvrière le coupe de nouveau, en augmen- tant chaque fois le poids dont elle le charge. C’est après ces opérations qu'il est placé dans un vaisseau destiné à cet usage, avec une cer- taine quantité de sel de bonne qualité, et coupé derechef en grumeaux très-menus. Un linge propre, rincé à l’eau chaude et égoutté, est alors placé sur la forme dans laquelle on met le caillé, en le chargeant d’un poids de 25 kilog., qu'on y laisse une heure. Ce temps écoulé, on porte à la presse, où il subit une pression d'environ 100 kilogram. pendant # d'heure. Ce fromage estalorsretiré, retourné, enveloppé d’un autre linge rincé à l’eau chaude et égouité, soumis à une pression su- 46 périeure, sous laquelle il reste toute la nuit. Ïl est nécessaire de retourner le fromage 4 fois par jour pendant 3 jours, en changeant chaque fois de linge et en augmentant la pres- sion graduellement jusqu’à 500 kilog. Retiré enfin de la presse, le fromage est porté au saloir, frotté avec du sel, retourné chaque jour pendant une semaine ou 2, au bout des- quelles il est essuyé avec un linge sec, re- tourné Journellement pendant un mois en- tier, et recouvert d’un linge pour l'empêcher de se fendre. 16° Fromage anglais de Suffolk. Ces fromages se fabriquent avec le lait écrêmé et par les procédés généraux indi- qués. Ils entrent presque toujours dans les approvisionnemens de la marine, parce qu’ils supportent mieux la chaleur que les froma- ges gras, et qu’ils sont moins sujets àse gâter pendant les voyages de long cours. On les tient chaudement quand ils sont nouveaux, et dans un lieu frais quand ils sont faits. 17° Fromages de Hollande. Il y a 4 sortes de fromages de Hollande : 1° le rond, ou fromage d’Edam ; 2° le stolfshe, ou fromage de Gouda, qui est plat et plus gros que celui d’'Edam, tous deux fabri- ués avec du lait non écrêmé; 3° le fromage e Leyde, qui se fait principalement près de cette ville,et se fabrique en partie avec du lait écrèmé; 4° et le graawshe, qu'on fabrique surtout dans la Frise avec du lait écrêmé 2 fois. Pour fabriquer le fromage d’Edam, on commence par mettre le lait en présure aus- sitôt qu'il a été extrait des mamelles de la vache; quand il est coagulé, la main ou une sebile de bois est passée 2 ou 3 fois dans la masse pour diviser le caillé; on laisse repo- ser 5 minutes, après quoi l’on recommence cetie opération, en laissant encore reposer pendant 5 minutes. Le petit-lait est alors en- levé au moyen de la sebile, et le caillé mis dans des formes de bois d’une dimension ap- propriée au fromage qu’on veut faire. Cette forme, con:me on en voit aussi en Angleterre, est tournée dans un morceau solide de bois, et a un trou au fond. Si le fromage ne pèse que 2 kilog (4 livr.), il y reste 10 à 12 jours, et 14 s’ilest d’un poids plus considérable. On le retourne chaque jour, en saupoudrant sa surface avec 60 gram. (2 onces) de sel purifié en gros cristaux. Ii est ensuile transporté Fig. 43. dans une autre forme (12. 43 A) de la même dimension, qui est percée au fond de 4 trous, puis soumis à une pression d'environ 25 kilog. (50 liv.), sous laquelle il reste 2 à 3 heu- res s’il est pelit, et 4 à 6 s’il est gros. Alors il est enlevé et porté au séchoir , et placé sur | des tablettes sèches el aérées, ® où il est retourné journelle- ment pendant 4 semaines , au bout desquelles il est bon à être porté au marché. : dr Le fromage de Gouda est aussi fabriqué avec le lait tout chaud encore de la vache. ARTS AGRICOLES : LAITERIE. LIV. Iv, Après en avoir graduellement enlevé la plus grande partie du petit-lait, on verse sur le caillé un peu d’eau chaude , qu’on laisse des- sus pendant un quart-d’heure. En élevant la température de l’eau et augmentant sa quan- lité, on rend les fromages plus fermes et plus durables. On achève alors d'enlever le pe- tit-lait avec l’eau, et le caillé est placé et comprimé dans des formes semblables à celles du fromage d’Edam, mais plus plates et plus grandes (fig. 43 B). On met dessus un rond en bois, et on le place dans la presse avec un poids d’environ 4 kilog. Là il est re- tourné fréquemment pendant les 24 heures qu'il reste en presse. Ce framage est alors porté dans un cellier frais, et plongé dans un tonneau contenant de la saumure, le liquide ne s’élevant qu’à la moitié de l'épaisseur du fromage.— Pour faire cette saumure, on jette dans de l’eau bouillante 3 à 4 poignées de sel pour 30 pintes d’eau, et on y plonge le fromage lorsqu'elle est entièrement refroi- die. Après être resté 24 heures el au plus 2 jours dans le tonneau à saumure, temps pendant lequel il a été retourné de 6 en 6 heures, le fromage est frotté d’abord avec du sel,et placé sur une planche légèrement creu- sée et ayant au centre une petite rigole ou gouttière pour faciliter l'écoulement du petit- lait qui s'échappe et coule dans un petit ton- neau placé à l'extrémité des tablettes pour le recevoir. On met environ 60 à 90 gram. (2 à 3onces) degros cristaux de sel sur la par- ie supérieure du fromage, qu’on retourne souvent en imprégnaut chaque fois de sel la face qu’on met par-dessus. Il reste ainsi sur la planche 8 à 10 jours, selon la température extérieure, au bout desquels on le lave avec de l’eau chaude, on le ràcle pour le sécher, et on le posesurdestablettes,où ilestrelourné chaque jour jusqu'à sa consolidation et sa dessiccation parfaites. La fromagerie est gé- néralement tenue close pendant le jour; mais on l’ouvrele soir, et de bonne heure le matin. Le fromage de Leyde se fait de lait écrèmé qu'on coule dans un lonneau, où on le laisse reposer 6 à 7 heures. On en verse doucement alors le quart environ dans une chaudière de cuivre, qu'on enduit à l'intérieur d’huile fine pour empêcher que le lait ne brûle ou ne se colore. Ce lait est chauffé jusqu’à ce qu’on ne uisse plus y tenir la main, enlevé du feu, et jeté dans les 3 autres quarts restans, avec lesquels on le mêle bien exactenent. C’est alors qu'on met en présure. La coagulation achevée, le petit-lait est enlevé avec une écuelle, et le caillé est pressé vigoureuse- ment et pétri avec les mains, puis mis dans un linge dont les 4 coins sont rabattus sur le milieu, et soumis à la pression pour en faire sortir le petit-lait. Le caillé est ensuite repris, jeté dans un tonneau nommé porteliobbe, où un homme, les pieds nus, le marche et le pé- trit avec force.C’estalors qu'on Fig. 44. y ajoute une bonne poignee de sel pur et fin pour chaque 15 ki- log. (30 Liv.) de fromage. Puis & on le place, après l'avoir enve-| loppé d’un linge, dans une for- me circulaire très-solide ( g. == 44), percée à son fond de plu- Al} | | sieurs trous, et où il reste 24 heu- cHaP. 1°. res, pendant lesquelles on enlève le linge, et on exprime, en le tordant, le petit-lait qu'il contient, 3 à 4 fois dans les 24 heures. Cette forme est placée sur un châssis ou porteur posé sur un tonneau qui recoit le petit-lait. Le fromage est ensuile enlevé et placé dans une autre forme également très-solide, portant un couvercle, appelée volgert, et soumis à une pression d'environ 360 liv. où il reste encore 24 heures, Dans quelques endroits, surtout dans la : Se ; partie méridionale de la Hollande, le sel n’est pas introduit dans le caillé. Dans ce cas, dès que le fromage est retiré de la presse, on le met dans une cuve ou baquet, où sa surface est recouverte de gros cristaux de sel, et où il est retourné journellement pendant 20 à 30 jours, suivant sa grosseur. Quand le fromage sort de la presse, on le lave, et, dans quelques endroits, on unit sa surface en le frottant fréquemment avec du lait d’une vache qui vient de vêéler, et qu’on conserve pour cet objet. On le frotte enfin avec une substance rouge appelée faasverf ou Aaasmeer(tournesol, Croton tinctortum), pour achever de le polir et lui donner de la cou- leur ; puis on le met dans une chambre frai- che ou un cellier, où il est retourné fréquem- ment jusqu’à ce qu’on le porte au marché. —C'est dans ce fromage qu’on introduit par- fois diverses épices au moment où le caillé est mis dans la première forme. Le fromage appelé graawske est une sorte inférieure, faite avec & lait deux fois écrêmé, et qu’on fabrique d’après les mêmes procédés que celui de Leyde, dans la Frise et à Gro- ningue. Les Hollandais observent avec scrupule une grande uniformité relativement à la forme de chaque espèce de fromage ;et quand on connait les qualités diverses, on peut jes reconnaître à la simple vue. Quant aux poids et dimensions, cela varie surtout pour les ualités fines. Il y a des fromages d’Edam, puis 2 jusqu’à 5 kilog. (4 à 10 liv.), mais tous de la même forme. Les fromages de Gouda sont aussi très-variables dans eur vo- lume. Ceux de Leyde, au contraire, ont pres- ue uniformément le nême volume, sous une orme délerminée et bien connue. Les presses à fromage hollandaises sont de formes diverses, mais généralement simples. Celles pour les fromages de Leyde sont très- fortes, et consistent en général (/g. 45 ) Fig. 45. enunlevierayant son point d'appui sur un montant, et porlant à une de ses extrémités une chaine qui soulève une so- live mobile Ja- quelle presse sur la forme à froma- ge; à son extré- mité est attaché un poids de 180 kilog. Une autre presse, employée dans la fabri- cation du même fromage, est d’une con- struction plus simple (#g. 46); le poids est suspendu par une corde à un arbre, lequel arbre est mis en mouvement à chaque extré- mité par un moulinet. La presse pour les fro- FABRICATION DES FROMAGES. 49 mages d’Edam et de Gou- da esi encore plus simple (fig. AT ), puisqu'elle ne se compose que d’une perse attachée par un out à quelque objet so- lide, portant de l'autre un poids, et sous laquelle on place la forme à fro- mage. Nous rappellerons ici qu'en beaucoup d’en- droits en Hollande on coagule le lait au moyen de l'acide hydrochlori- que (acide muriatique, esprit-de-sel),et que, dans ce but, on y verse, iorsqu'it est à une tem- pérature de 20 à 22° cent., une cuillerée à bou- che d’acide pour 10 à 20 litres de lait. 18° Fromage de Sept-Moncel (Jura). La fabrication est à peu près semblable à celle du fromage de Hollande, avec lequel il a beaucoup d'analogie; il a plus de saveur, il est veiné à l’intérieur comme le Roquefort. On en consomme beaucoup à Lyon, où il est très-estimé. 19° Fromage du Cantal. Ce fromage, inférieur à celui de Gruyères, se fabrique en grande quantité avec du lait de vache sur les montagnes du Cantal, et en particulier sur celles de Salers. Pour sa pré- paration on coule le lait et on met en pré- sure par les moyens ordinaires, et, lorsque le caillé est formé, on le divise avecla menole : ou /resniau ( fig. 40 F ),espèce de bâton armé d’une planche ronde trouée, qu’on agite dans la masse, jusqu’à ce qu’elle soit bien divisée. Dans cette opération, quelques-unes des par- ties du caillé tendent à se précipiter, d’autres pagent dans le sérum ; on les rapproche avec la r7enole, à laquelle on adapte une épée de bois, le mésadou ( fig. 40 G, H), et, par un mouvement circulaire, on parvient, au moyen de ces instrumens, à former de tout le caillé un gâteau qui se précipite. C’est alors qu’on enlève lepetit-lait avec une écuelle. — Le cailléqu'on laisse au fond de la baste prend de la consistance, on le retire. on le pétrit avec les mains surure chèvre (fes. 31), sorte de table ovale, en bois, d’une seule pièce, avec une rigole tout autour et une goulerotte pour l'écoulement du petit-lait; on l’entasse dans une feseelle pour en exprimer le plus possible de petit-lait, puis on le met ensuite dans un baquet sur un lit de paille, qui en garnit le fond. Ce baquet estincliné pour que le petit-lait s'échappe par une ouverture ménagée à cet effet. Lorsqu'on a plusieurs gâteaux on place dessous le plus nouveau, en comprimant le tout avec un poids qu’on laisse ainsi pendant 2 ou 3 jours. S'il fait froid le baquet est placé près du feu, en ayant soin de tenir très-propre la paille qui sup- porte le gâteau. Quand la tomme, c’est ainsi qu’on nomme le gâteau de caillé, s’est renflée, qu’il s'y est formé des yeux, l'ouvrier se replace sur la chèvre, met d’un côté une baste et puis le 48 ARTS AGRICOLES : LAITERIE, Liv. 1Y, gâteau, et de l’autre les 3 pièces qui com- | 300 kilog. Le fromage se resserre et se com- posent le moule. Ces 3 pièces sont 1° la fescelle | prime par le rapprochement de la fescelle ( fig. 48 À ) ou fond, petite boite cylindri- que, dont le fond, un peu plus élevé au centre, a 5 trous, un au centre, Jes quatre autres près du contour ; 2° la feuille (fig. 48 B), cer- cle de bois de hêtre, dont les extrémités ne sont pas assemblées; 3° la guirlande (fig. 48 C), portion de côneévidé quise place sur la feuille et termine le moule par le haut ( f£g. 48 D ). Fig. 48. Le vacher prend un morceau de tomme qu'il pétrit dans la fescelle, après y avoir Jeté une poignée de sel. Il achève de remplir la capacité de cette fescelle de tomme salée et réduite en pâte qu'il comprime exactement ; il couvre d’une légère couche de sel; ensuite il engage dans la fescelle le bord inférieur de la feuille, la remplit et sale avec le même soin ;enfinilplacelaguirlande, la remplitjus- w’au bord de pâte qu’il comprime et couvre e sel. Il recouvre le tout d'un morceau de toile et transporte sous la presse ( /£g. 49 ). Le petit-lait salé qui en découle sert pour humecter les fromages au magasin. On laisse le fromage en presse pendant 24 heures ; on le retourne ensuite dans le moule, et onl’y laisse encore quelques jours sous la presse en le retournant, afin quelesel pénètre partout ; on le retire enfin de la presse, on le porte à la cave, où il est retourné tous les Jours, humecté avec du petit-lait, salé en- suite, essuyé, nettoyé, et séché dans un en- droit frais et aéré. La presse en usage en Auvergne (/£g. 49) Fig. 49. se compose d’une table soutenue par 4 pieds ; une rigole circulaire environne l’endroit où se place le fromage. La planche supérieure et mobile, chargée de grosses pierres, est établie sur 2 montans placés à une extré- milé ; on la soulève de l’autre, à l’aide d’un levier; on l’arrête par le moyen d'une che- ville qui se place dans les trous d'un 3° mon- tant, fixé à l’autre extrémité. On met le fro- mage dans le milieu de Ja table, on abaisse dessus, en ôtant la cheville, la planche supé- rieure chargée de pierres ou d’un bloc de basalte ou de granite, du poids d'environ | | et de la guirlande qui entrent dans la feuille, et le petit-lait s'écoule par les trous de la fescelle et les intervalles des 3 pieds. — Le bon fromage d'Auvergne ne se fabrique que sur les montagnes de Salers; celui qu'on pré- pare dans les autres lieux du Cantal est d’une qualité moins bonne. IV. Des fromages cuits à päte plus ou moins dure et pressée. 20° Fromage de Bresse. On fait chauffer, jusqu'au point d’entrer en ébullition, 10 à 12 litres de lait, avec lequel on rhélange, sur le feu , une pincée de safran incorporé el amalgamé préalablement avec 30 grammes (1 once) de fromage ; on retire le chaudron du feu, et on introduit la pré- sure. Le caillé étant formé, on le brise et on le pétrit pour en séparer le sérum. Cette opéralion doit se faire à une chaleur modé- rée. Ce caillé est alors enlevé et égoutté dans une toile propre, mis en presse pendant quelques heures sous une planche chargée d’un poids de 25 kilog. (50 liv.), puis moulé et pressé de nouveau , et porté ensuite à la cave sur des planches, où au bout de 5 jours et de 6 au plus tard commence la salaison. On donne dans cette opération au fromage tout le sel qu'il peut prendre. Trois jours après la 1° salaison il est débarrassé de la toile qui l’envelopppait, pour achever de le saler sur toutes les faces, en ayant le soin de le retourner tous les jours pendant un mois dans la toile où il a été replacé chaque fois. Comme il se forme très-promptement une espèce de moisissure blanche à sa surface, il faut le nettoyer de temps en temps avant d'y remettre du sel. Après qu'il a été bien salé et bien nettoyé, ce fromage est déposé dans une chambre où on le sèche en le re- tournant tous les jours. Lorsqu'il est snffi- samment sec, on Île ratisse avec le dos d’un couteau; on le retourne encore de temps à autre pourqu'ilne moisisse pas,eton continue de le ratisser pour en tenir la peau sèche et nette. Ce n’est guère qu'au bout de 7 à 8 mois que le fromage de Bresse ainsi conduit. est parvenu à sa perfection. 21° Fromage de Gruyeres. La fabrication de cetle espèce de fromage a lieu surtout en Suisse, dans le canton de Fribourg, et dans nos départemens des Vos- ges, du Jura et de l’Ain, où se trouvent des pâturages analogues à ceux de la Suisse. Elle pourrait, si les procédés en étaient plus ré- pandus, être pratiquée dans une foule de lo- calités, surtout si on introduisait en même temps ces associations connues sous le nom de laiteries banales ou fruitières , auxquelles cette fabrication en Suisse a donné naissance. Nous la regardons, au reste, comme assez im- portante pour entrer, d'après les agronomes les plus instruits, dans des détails plus éten- dus, sur tous les procédés tels qu’ils sont pratiqués dans Ja Suisse. EAP. 1°". La construction des bâäumens de la froma- erie dépend des localités ; mais elle est tou- Jours dirigée d’après les mêmes principes, elle offre les mêmes dispositions, et l'inté- rieur ( fig. 50) en est loujours muni des mêmes ustensiles. Fig. 50. On fabrique 3 espèces de fromages : 1° le fromage gras, dans lequel on laisse toute la crème; — le mni-gras, qui se fait avec la traite du matin et celle de la veille écré- mée;— le maigre, qui se fabrique avec le lait écrêmé. — La seconde espèce est celle que l'on trouve le plus fréquemment dans le com- merce; elle entre dans les approvisionnemens de la marine et des armées. Le fruitier qui fabrique en Suisse le fro- mage de Gruyères a 2 vases de présure ; l’un contient une infusion de cailleite fraiche, et l’autre une infusion de caillette ancienne. L’essai de la présure se fait en versant quel- ques gouttes de la plus forte dans une cuil- lerée de lait chauflé. Si la coagulation est instantanée, la présure est trop forte, et on l’affaiblit avec la seconde, au point qu’une partie de celte présure mêlée à six de lait à 26° C., opère la coagulation en 20 secondes environ. La présure de cette force s'emploie à la dose de 1/500° partie en hiver, et de 1/600° en été. Une caillette donne de la présure forte pour 6 fromages de 25 kilog. (50 liv.), après cela elle passe au second pot et fournit de la présure faible pour la même quantité de fromage. L'infusion se fait avec la cuite, c'est-à-dire du petit-lait chaud à 36°. L'habi- tude dunne au fruitier un indice certain sur la quantité de présure à mettre suivant la saison et la naiure du lait plus ou moins gras. La présure élanl préparée, on coule dans la chaudière la traite du matin ; on y ajoute la traite du soir précédent écrêmée, en tout ou en partie, suivant la richesse du lait; seule- meul, si on s’apercoit que le lait d’une ter- riue ait passé à l’aigre, on n’en fait pas usage. 190 litres de lait rendent un fromage de 25 kil. (50 liv.). Aussitôt que le lait est dans la chaudière, on place celle-ci en faisant tourner la potence (Jig. 31) sur un feu modéré pour élever la AGRICUI-TURE, FABRICATION DES FROMAGES. 49 température du liquide jusqu'à 25° C.; quand ilyest arrivé,onretire de dessusle feu ei ony jette la présure, qu’on mêle en agitant en tous sens ; on laisse reposer loin du foyer; 15 à 20 minutes, suivant la saison, suffisent pour cailler le lait. Quand la coagulation est com- plète, que le petit-lait est bien séparé de la prie caséeuse, on enlève à la surface du iquide la pellicule qui le recouvre. Après celte opération on brise avec soin le caillé, en le coupant dans tous les sens avec la grosse cuillère où un tranchant de bois, et juand il est réduit en morceaux gros comme ” des poison prend le brassoir (/g.40 BC) pour achever la division et le réduire en pulpe. Pour cela on plonge l'instrument dans le Jail jusqu'au fond de la chaudière, et en le tour- nant, tantôt en rond, tantôt en ovale, on imprime à toute la masse du liquide un mou- vement de tourbillon irrégulier. Tout en brassant, on replace ia chaudière sur le foyer, et sans cesser un instant de brasser où con- duit le feu de manière à ce que le liquide ar- rive en 20 ou 25 minutes à 33° C.; alors on retire la chaudière du feu et on continue de brasser pendant environ 1/4 d'heure. L'opération est achevée quand le caillé est s'éduit en grains d’un blanc jaune, qui, lors- qu'on les presse dans la main, se collent et forment une pâle élastique qui craque sous la dent quand on la mâche. Quelques minutes après qu’on a cessé de brasser , le fromage se dépose au fond de la chaudière, sous la forme d'un gâteau, d'une consistance assez ferine. Pour concenirer cette masse et lui donner la forme d’un pain relevé, le fruitier passe sa main tout autour du gâteau, repoussant le bord vers le milieu; ensuite il prend sa toile, roule en 2 ou 3 tours un de ses bords sur une baguette flexible, et pesse cette baguette sous le pain, en faisant tenir les deux coins opposés de la toile à un aide placé au côté opposé ; quand la toile est bien arrangée sous le pain. Je fruitier, par un coup de bras adroit, fait tourner cette masse de manière à ce que la surface quitouchait le fond se trouve dessus; après cela, tirant Ja toile par les quatre coins, il sort le fromage du pelit-lait, le laisse égoutter quelque temps sur la chaudière, et le place dans le moule enveloppé de sa toile. Sans perdre un instant, il repasse uneseconde toile dans la chaud ère pour recueillir les particules de froniage qui se sout détachées de la masse ; il réunit ces débris dans le foud de la toile et en fait une pelote qu'il fait entrer dans le centre de la masse. Il replie les bouts de la toile sur le fromage, le charge d’une planche, et fait por- ter sur cette planche le poids de la presse ; le fromage ne doit vas dépasser le cercle de plus d’un pouce. Au bout d’une demi-heure on soulève le poids, on ôte le plateau et le cercle, on re- met une toile propre, on retourne, on place dans le moule rétréci, on remet le couvercle, et on replace sous la presse le fromage, qui ne dépasse plus le cercle que de3 lignes. Dans les six premières heures on a soin de res- serrer successivement le moule, et que le fromage soit soumis à uue pression très forte qui le débarrasse de tout son pelit-lait. Ce soin est la base de la fabrication suisse, dont TOME IE! F) 50 ARTS AGRICOLES : LAITERIE. le but est d'obtenir un fromage compact, d’une pâte rousse, grasse, qui se perce de grands trous. Si on néglige cette opération, on a un fromage blanc à petits trous. Ces procédés sont ceux de la fabrication des fromages maigres on mi-gras. Pour le fromage gras, on verse dans la chaudière la dernière traite en la sortant de la mesure. On enlève la crême de la traile ancienne, afin de la méler très-également au lait nouveau, et pour cela, on la verse dans le couloir et on la fait couler à petit filet dans la chaudière. On met une plus forte dose de présure. En 10 minutes on fait arriver le lait à 36° C., et après avoir retiré la chaudière du feu on brasse pendant une demi-heure, et on presse le caillé avec le pius grand soin. Le fromage gras cède moins à lä compression que les deux autres. Chaque jour avant de commencer le travail, on sort du cercle le fromage fait la veille, et on le porte au magasin. Quelques heures après l’y avoir placé, on ie saupoudre de sel très- sec, pilé très-fin; ce sel absorbe l'humidité, et ne tarde pas à se fondre en gouttelettes. Pour étendre cette saumure très-également, on frotte le dessus et les côtés avec un tor- chon de laine ; le lendemain, quand toute la saumure a été absorbée, on iourne le fro- mage et on recommence la même opération. I! est essentiel de ne pas tourner le fromage avant que la saumure soit absorbée; si on néglige cette attention, la peau ne prend pas de consistance et se fend ; chaque jour on tourse le fromage et on le charge de sel. La quantité de saumure qui peut être absorbée en 24 heures, et qui varie süivant l’état de sécheresse ou d’huinidité du local, donne la mesure de la dose de sel qu'on doit metire à chaque salaison. Un fromage est assez salé quand il cesse d’absorber la saumure, et que sa surface con- serve une humidité surabondante; sa cou- leur devient alors plus intense, et sa croûte prend de la consistance. — La quantité de sel absorbée est de 4 à 4 A PORT cent de son poids. Cette absorption dure 3 mois en hiver et 2 mois en été. Quand les fromages sont saiés, on peut les mettre en piles de 2 ou 3 pièces, en ayant soin de les retourner de temps en temps en les frottant avec un 1tor- chon. On reconnaît la qualité du fromage de Gruyères au moyen de la sonde, de l’odorat et du goût. Les yeux, quand il est bien fa- briqué, doivent être grands, clair-semés ; la pâte d’un blanc jaunâtre, douce, moelleuse, délicate, d’une saveur agréable et se fondant aisément dans la bouche. 22° Fromage Parmesan. C’est dans le Milanais que se fabrique la plus grande quantité de ce fromage si re- nommé, et dont la fabrication n'offre pas plus de difficulté que celle des autres. Il suf- fit en effet, pour l’imiter, d’avoir du bon lait, et d’apporter toute l’attention convenable aux diverses opérations. Ce fromage se fait avec le lait écrême, Le premier soin est donc de laisser reposer le lait dans un endroit frais, pour que la crème LIV. IV. se separe, sans toutefois que le lait aigrisse. La température de la laiterie doit être cons- tamment de 10°. Les vases dont on se sert dans le Lodésan pour recevoir le lait sont en cuivre étamé, de 50 cent. (18 po.) de diamètre sur 8 à 9 cent. (4 po.) de profondeur. On peut les remplacer par des vases en fer-blanc ou en Zinc. Deux cents litres de lait sont au moins nécessa res pour une cuite, parce qu’il y a plus d’avantage de faire un gros fromage qu'un petit. Tout le lait doit être écrèémé. On emploie, autant que possible, le lait d’une seule traite, ou tout au moins d’ur seul jour. Comme pour le Gruyères, il faut goûter le lait avant de s’en servir, et rejeter celui qui serait d’une saveur aigre où désa- gréable. On réunit le lait de tous les vases dans ure chaudière de forme particulière (fig. 51) mais mal adaptée Fig. 51. | à cet objet; on chauffe ce lait jusqu’à 20 ou 25° C., en ayant soin de l'agiter avec un bâton (fig. 40 E). La contenance de la chaudière va- rie de 200 à 300 et 400 litres. Lorsque le lait est parvenu à la tempéra- ture convenable, on met la présure, on agite pour opérer le mélange, et on retire du feu pour donner au caillé le temps de se former. La présure en usage dans le Lodésan est une caillette de veau de lait salée et desséchée avec le caillé qu’elle contenait. La manière dont on l’emploie est moins commode que celles qui ont été indiquées; l’essentiel est de mettre la dose nécessaire pour que le caillé se forme promptement. Celle dose varie sui- vant les saisons. Aussitôt quele caillé est formé, on le rompt d'abord avec une épée ou couteau de bois; ensuite on le brasse avec un bâton à chevilies (/ig.40D), etenfin l’ouvrier écrase avec ia main les morceaux qui échappent à l'instrument. On remet le tout sur le feu, en continuant de brasser sans interruption et vivement, l’ou- vrier écrasant toujours à la main les mor- ceaux qui viennent à la surface. Lorsque le tout paraît réduit en une bouillie visqueuse, on ajoute la poudre de safran peu à peu, et en remuant en tous sens Jusqu'à ce que la masse ait acquis la teiute désirée ; on donne alors un petit coup de feu pour terminer la cuisson. Dans ce coup de feu la température ne monte guère au-delà de 40 ou 45°. C’est par l'habitude et par le tact que l’ouvrier re- connaît que le caillé a perdu son élasticité, et qu'il a acquis une certaine viscosité ou disposition à s’agglutiner et à se réunir en masse; on retire alors la chaudière du feu, on cesse d’agiter, et on laisse précipiter le fromage au fond du vase. Pour retirer ce fro- mage, on place au fond de la chaudière une toile sur laquelle on réunit le fromage, en procédant à peu près comme pour celui de Gruyeres. Le fromage enlevé, on le laisse csae. 1°. égoutter dans la toile, sur la chaudière ou dans un baquet, et lorsqu'il s'est debarrassé en partie de son petit-lail, on le place dans le moule, et on le couvre pour le charger de pierres. Pendant 2 ou 3 el même 5 jours on le change de toile et on le presse fortement; ensuite on le porte au magasin pour y être salé. La salaison s'opère comme celle du Gruyè- res. On applique le sel sur les 2 faces et sur le contour, et on continue celle opération, en retournant les fronages, pendant 30 ou 40 jours. On met ordinairement 2 ou 3 fromages l'un sur l'autre pour faciliter la salaison. Lorsque le fromage a pris tout son sel, on le râcle, on le frotte d'huile d'olives, et on le place isolément sur des tablettes dans un lo- cal qui ressemble beaucoup à ce que nous appelons un cellier. Ceux que j'ai vus sont des chambres bâties au rez-de-chaussée, bien enduites sur toutes leurs faces et plafonnées; elles ont au nord une ouverture fermée par une porte en fer à jour; et, pour empêcher la chaleur de pénétrer, on les couvre pen- dant la jouroée d’un paillasson qu’on enlève le soir, ou qu’on laisse la nuit pendant lhi- ver. Ces magasins ne sont ni trop humides ni trop secs, et sont suffisamment aérés. On vi- site de temps en temps les fromages, on les huile, et on ies retourüe, en ayant soin de tenir les tablettes très-propres. La fabrication du Parmesan diffère peu de celle du Gruyères; seulement la cuisson du premierse fait à une température un peu plus élevée, et la pression est plus forte. Ce fro- mage est long à s’alfiner ; il est plus sec, et sa saveur est différente. On fait aussi du fro- mage Parmesan demi-gras, c’est-à-dire avec la traite de la veille écrèmée et celle du ma- tin pure ou avec sa crême. Suivant M. Hu- ZARD , la première qualité se fabrique avec le lait écrêmé. Les fromages Parmesan sont de la grosseur de ceux de Gruyères, moins lar- ges et plus épais; leur poids est de 30 kilog. (60 liv.). $ 11.— Fromage de lait de brebis. 25° Fromage de Montpellier. Dans les 1°'* jours d'avril on commence à sevrer les agneaux, qui ont alors près de 4 mois. Le soir, on les sépare de leurs mères, qu'on ve leur rend que le lendemain vers midi, après qu’elles ont été soumises à la mulsion. C’est avec le lait de cette traite qu’on fa- brique ce qu’on appelle les /romageons. On met en presure, el dès que le caillé est formé, on le brise et on le pétrit pour le déposer dans des formes de grès de 16 cent. (6 po.) de dia- mètre, 27 millim. (1 po.) de profondeur, et percées de trous fins pour l'écoulement du pe- tit lait. Au bout d’un 1/2 quart-d’heure au plus, le fromage affermi est retourné, et on répète celle opération Jusqu'à ce qu’il soil assez ferme pour pouvoir le déposersur de la paille ou du jonc; on le saupoudre ensuite de sel fin, et on le met en vente. Quand on veut couserver les fromageons, on les expose sur des claies à l'air frais; on les retourne soir et matin jusqu'à parfaile FABRICATION DES FROMAGES 51 dessiccation, et lorsqu'ils ne contiennent plus d'humidité, on les met dans des boîtes qu’on dépose dans un endroit sec. Pour l'usage, on les fait tremper dans une eau lésèrement sa- lée jusqu'à ce qu'une épingle enfoncée dans ia pâte cesse d’y rester adhérente. C’est le mo- ment de les retirer alors, de les faire égout- ter, et de les frotter avec un peu d’eau-de-vie et d'huile. On les empile dans des pots de grès bouchés avec soin. Au bout d’un mois ils sont excellens à manger. $ IL. — Fromage de lait de chèvre. 24‘ Fromage du Mont-d’Or (Puy-de-Dôme). Voici les détails intéressans que M. Gro- GNIER a donnés sur la fabrication de ces fro- mages. On trait les chèvres 3 fois par jour pendant l'été: de grand matin, à midi, et le soir à la nuit. Quand il fait froid, on met en présure le lait tout chaud; dans l'été, on laisse re- froidir pendant une où 2 heures, suivant la température. La présure se prépare avec des caillettes de chevreau, et Lantôt du petit-lait, tantôt du vin blanc, quelquefois du vinaigre. Une cuillerée à bouche de présure de petit- lait suffit pour 15 pots de lait. Le lait ainsi présuré se caille dans l'été au bout d’un quart- d'heure, et au bout d’une 1 2 heure en hiver. On le met alors dans des espèces de boites de paille, ou dans des vases de terre percés et troués comme des écumoires. C’est dans ces boites que les fromages prennent leur forme. On iles place de manière que le pelit- lait puisse s’écouler aisément. C’est au bout de 1,2 heure en été et 2 heures en hiver que l’on sale ces petits fromages ; on les retourne 5 à 6 fois dans la journée, plus souvent l'hiver que l'été. Ils deviennent fermes en 24 heures pen- dant cetie dernière saison, et dans l’autre seulement au bout de 3 ou 4 jours. Quand ils sont raffermis, on les place dans des paniers à claire-voie suspendus au plancher au moyen d’une poulie, ét c’est toujours dans un en- droit frais qu'on les conserve. On les raffine quelquefois en les humectant avec du vin blauc, les recouvrant d’une pincée de persil, et les mettant entre 2 assiettes. On les expé- die ainsi, 10 ou 12 jours après leur fabrica- tion, dans des boiles à dragées, pour Lyon et aiverses parties de la France. $ IV. — Fromages de laits mélangés. 25° Fromage du Mont-Cénis (Savoie). Ce fromage ne se fabrique pas avec du lait de vache seul, on lui associe du lait de brebis et de chèvre. La proportion dans le nombre des animaux,suivant M. Bonarous, à quinous de- vons ces détails, n’est pasfixe, maiselleest ap- proximalivement de 4 brebis pour une vache, et d’une chèvre pour 10 brebis. Dès que la traite du soir'est faite, on coule le Jait à travers une passoire en bois (Foy. pag. 6, fig. 13); on le laisse reposer 12 heures environ dans un lieu frais, et le lendemain on lève la crème et on le réunit avec la traite du matin, mais à laquelle on laisse toute sa crême. Quelque- fois même on n’écrême aucune des 2 traites 52 pour préparer des fromages plus gras, d’un goût plus exquis, mais d’une conservation plus difficile. Si la température est froide on verse le lait du soir dans une chaudière, et à l’aide d’un feu modéré on le réchauffe jus- qu’à 25° C.; on met alors en présure, dont la dose peut varier suivant diverses circons- tances. La proportion la plus ordinaire est d’une cuillerée à bouche pour 50 lit. de Jait. La présure étant bien mêlée au lait en agi- tant dans tous les sens, avec une petite four- che en bois, on une branche de sapin, on recouvre le baquet d’une toile, et on laisse reposer 2 heures environ pour que le sérum se sépare de la matière caséeuse. Si la frai- cheur de l'air ralentit trop long-temps lac- tion de la présure, on expose le lait à une douce chaleur. Lorsque le caillé a la consis- tance nécessaire, l'ouvrière décante le pelit- Huit, plonge ses mains au fond du baquet, rassemble le caillé, le rompt en aussi petits morceaux que possible, par le mouvement conlinuel, vif et pressé de ses bras; elle agite et soulève la masse, la brasse fortement, l’ex- prie et la pétrit jusqu’à ce qu’elle n’adhère plus aux parois du baquet. Après cette opé- ration, qui n’exige pas moins d’une heure, elle faitécouler le petit-lait eninclinant dou- cement le baquet. Ga retire alors la pâte du baquet et on la divise en 2 parties égales: l’une est aussitôt immergée dans du petit-lait pour être réunie à la moitié de la pâte du jour suivant, et ainsi de suite, on réserve toujours une moitié de la pâte pour le lendemain; l’autre partie, que l’on enveloppe d’une toile légère, est déposée daus un cercle de fer mince, ou dans un cer- ceau flexible qu’on ouvre ou rétrécit à vo- louté, afin de l’introduire dans un moule de bois, dont le fond mobile est percé de trous. O: recouvre le moule avec un plateau de la même forme, et d’un diamètre un peu plus grand, et on laisse égoutter 24 heuressur un baquet. Le jour suivant on enlève le plateau 1 le cercle, on défait la toile, on en remet une autre, On renverse le fromage, on le re- place dans le cercle rétréci,et on soumet à une pression plus forte, en plaçant le tout sous une presse (fig. 52) qui achève d’ex- primer le petit-lait. Le Fig. 52. fromage y reste pendant « 3 Jours et quelquefois 5 ou 6 dans les Jours froids. Durant cet intervalle on le retourne tous les ma- tins, en augmentant pro- gressivernent la pression à chaque pressée. Lorsque le fromage a acquis le degré de sicci- té convenable, onle trans- orte à la cave pour le sa- er et le mürir. La quan- tité de sel varie selon l’ex- position et la tempéra- ture locale, ou suivant le degré d'humidité que le fromage a relenu. La dose moyenne est de 2 1 kilogram. par fromage du poids de 12 à 14 Kilog. ; on prend de prélérence du sel gris, et après l'avoir broyé, on sanpoudre les ARTS AGRICOLES : LAÏTERIE. RER EL ET TT LIT. LV: fromages en frottant leur surface avec la main. Tousles 2 jours pendant environ 2 mois, on répète cette opération en:les retournant chaque fois. Pour mürir ces fromages, on les dépose sur un lit de paille étendue à terre, que l’on renouvelle detemps en temps. On a soin deles retourner chaque jour en les chan- geant de face. Le fromage éprouve alors une espèce de fermentation lente et se persille intérieurement. Le temps nécessaire à cette maturation varie de 3 à 4 mois. La forme des fromages est celle d’un pain cylindrique, d'environ 33 cent. de diamètre, sur 12 à 14 cent. de hauteur; leur poids diffère, quand ils sont mûrs, de 10 à 12 kilog. 26° Fromage de Sassenage (Isère). Le fromage de Sassenage se fabrique avec un mélange de lait de vache, de brebis et de chèvre ; on coule ces laits dans un chaudron qu'on place sur le feu; lorsque le mélange commence à monter, on retire le chaudron du feu, on verse le tout dans un baquet. Le lendemain on écrême ce lait, auquel on ajoute autant de nouveau lait qu’on enlève de crème ; on introduit la présure, en ayant soin d’agiter la masse jusqu’à ce que le caïllé soit bien formé ; quand la coagulation est terminée, on divise le caillé pour en séparer le petit-lait; on décante ce petit-lait, et le caillé est porté dans un moule percé de trous, et de la grandeur qu'on veut donner au fromage ; trois heures après on retourne le fromage, ce qui se fait en le renversant doucement dans un moule de même dimen- sion. Lorsque ce fromage est assez ferme, il est salé d’abord d’un côté, ensuite de l'autre, puis autour. Quand il a recu suffisamment de sel, on le place sur des tablettes très- propres, où il est retourné matin et soir, en le changeant de place, et en évitant de le remettre sur une planche humide. Cette opération est continuée jusqu'à ce que Îles fromages soient bien secs ; pas on les pose sur de la paille pour les affiner; là ils sont retournés de temps en temps et visités pour enlever les moisissures et les vers qui au- raient pu s'y développer. 27° Fromage de Roquefort ( Aveyron). Ce fromage, qui se fait dans le village dont il porte le nom, doit son excellente qualité à la disposition naturelle des caves dans lesquelles on le dépose pour son affinage, et en partie, d’après les observations de M.Girou DE BUZAREINGUES , à la méthode usitée dans le pays pour traire les brebis. On exprime le lait avec force, et lorsqu'on ne peut plus en obtenir par la pression, on frappe sans mé- nagement les mamelles du revers de la main, répétant cette opération à plusieurs reprises, jusqu’à ce qu'on n’obtienne plus rien. Ceux qui sont témoins pour la 1"° fois de cette vi- goureuse mulsion, en sont alarmés pour la santé des brebis, qui n’en reçoit cependant aucun dommage. , Le Roquefort se fait avec un mélange de lait de brebis et de chèvre; le 1° Jui donne plus de consistance et une meilleure qualité, le second lui communique de la blancheur. cab. 1°". FABRICATION DES FROMAGES. 52 — On trait les animaux matin el soir, on mêle | tre un rocher calcaire qui entoure le village; les 2 traites, on coule le lait à travers une étamine ; ce lait est recu dans un chaudron de cuivre étamé, où on le fait quelquefois chauffer pour l'empêcher de s’aigrir où pour enlever un peu de crême, afin que le fro- mage ne soit pas trop gras; on ajoute ensuite la présure, on remue avec une écumoire et on laisse reposer. Lorsque le caillé est formé, une femme le brasse fortement, le pétrit et l’exprime avec force ; il en résulte une päte qu'on laisse reposer, qui se précipite et oc- cupe le fond du chaudron. On incline le vase pour décanter le petit-lait qui surnage, on met ensuile le fromage dans les formes ou éclisses dont le fond est percé de petits trous, en ayant l'attention de pétrir et com- primer le caillé à mesure qu'on eu remplit le moule ; on le laisse égoutter en le char- geant d’un poids pour mieux extraire le pe- tit-lait. Le fromage ne reste pas au-delà de 12 heures dans la forme, pendant lesquelles il est retourné plusieurs fois. Dès qu'il pa- rait débarrassé de tout le petit-lait, on le porte au séchoir. Là les fromages sont posés sur des planches les uns à côté des autres, sans se toucher, et retournés de temps à autre pour qu'ils se dessèchent mieux, plus promptement et sans s’échauffer. Coume ils sont sujets à se fendre, il faut les envelopper d'une sangle de grosse toile, qu'on change toutes les lois qu'on le Juge convenable. La dessiccation ne dure pas plus de 15 à 20 jours, surtout si on à soin, quand on les change, de les replacer sur une planche propre et bien sèche. CuapTaz observe avec raison que les pro- cédes de la fabrication du Roquefort pour- raient être améliorés ; ceux que l’on suit pour la préparation des fromages anglais nous pa- raissent en grande partie applicables à la fabrication de cette espèce de fromage. Une >résure d’une force plus constante, une meil- HR méthode pour diviser ou rompre le caillé, une forme de moules mieux appro- priée, et dans le genre de ceux du Gloucester ou de Hollande ( fig. 43 et 44), une pression plus convenable au moyen de presses qui en exprimeraient tout le petit-lait, l'emploi des toiles à fromages, telles sont les améliora- tions qu'on pourrait introduire dans cette fabrication importante. Il faudrait aussi adop- ter une méthode plus usiforme alin d’avoir moins de diversité dans la qualité de ces fro- mages. qui offriraient, d'ailleurs, moins de déchets dans le travail des caves. Ces fromages se fabriquent dans un rayon de 7 à 8 lieues autour de Roquefort, el la plus grande fabrication a lieu depuis le mois de mai Jusqu'à la fin de septembre. Les pro- priétaires des caves jes achètent en toutes saisons , et arrivés aux entrepôls de Roque- fort, les fromages sont triés suivaut leurs qua- lités, qui sont appréciées par des experts qui n’ont d’auire guide qu'une grande habitude. — Le poids est ordinairement de 3 à 4 kilog. (6 à 8 liv. ). Ou les paie aux fermiers en gros, au prix de 40 à 42 fr. le quintal. Le lait de brebis donne 20 pour 100 de fromage en poids, à l’état brut. Le déchet dans les caves est à peu près d’un quart. Les caves de Roquefort sont adossees con —_ 1 —— oo quelques -unes sont même placées dans les crevasses ou grottes qui y sont naturellement ou artificiellement pratiquées; un siraple mur du côté de la rue est souvent tout ce que l’art a dû faire pour clore ces caves.Leur grandeur n'est pas énorme ; il en est même de très-pe- tites. On apercoit dans toutes des fentes dans le rocher, par où s’introduit un courant d’air frais qui détermine le froid glacial qu'on y éprouve, et qui fait tout leur mérite; car il n'y a de bonnes caves que celles dans les- quelles ces courans sont établis. Ces courans se dirigent du sud au nord. Il y a un petit nombre de caves qui reçoivent des courans de l’est; mais les meilleurs sont ceux du sud. Plus l'air extérieur est chaud, plus ces cou- rans sont froids et forts, et ils sont toujours assez sensibles pour éteindre une bougie qu’on présente à l'ouverture. L'air introduit par ces crevasses du rocher s’échappe par la porte des caves, et y fornie un courant con- tinuel. Le froid qu’il produit est tel, que Chaptal a observé qu’au 21 août 1787 un ther- momètre marquant à l'ombre et en plein air 23° R., élait descendu à 4° au-dessus de zéro après un quart-d’heure d'exposition dans le voisinage d’un courant rapide. La tempéra- ture de ces caves varie selon leur exposition, la chaleur extérieure ou le vent qui souffle. Le vent au sud semble accroître leur frai- cheur. Ces caves, plus ou moins petites et étroites, sont à plusieurs étages; elles sont divisées de bas en haut par des planches éta- gères qui sont destinées à recevoir les fro- mages. Aussitôt que les fromages sont arrivés dans les caves, on procède à la salaison. Cette opé- ration consiste à jeter une petite pincée de sel surles fromages, qui sont placés les unssur les autres par piles de 5; on les laisse ainsi 36 heures, au bout desquelles on les froite bien tout autour pour imprégner de sel toute la circonférence ; on les réentasse jusqu'au lendemain, où on les sale de nouveau; le jour suivant on les frotte encore, et on les remet en piles pendant 3 Jours. Après ce temps, ils sont portés dans les entrepôts, où on les ràcle et on les pèle. La ràclure se vend, sous le nom de rzubarbe, à raison de 15 à 20 francs les 50 kil. On en obtient 7 à 8 p- 0,0 du poids du fromage. Les fromages ainsi râclés sont rapportés dans la cave, où ils restent empilés pendant 15 jours, au bout desquels ils sont posés de champ sur les ta- blettes, sans se toucher. Quinze autres jours après, ils jettent un duvet blanc qu'on râcle; remis sur les lablettes, ils se duvettent de nouveau de bleu et de blanc, qu’on enlève en les râclant. Après 15 autres jours, ils se cou vrent d’un duvet rouge et blanc. Le fromag : est fait dès ce moment, mais On à soin de |: râcler de 15 jours en 15 jours jusqu’à la vente. On juge de la qualité du fromage par la sonde. Le fromage de 1"* qualité offre une pâte douce, fine, blanche, agréable au goût, légèrement piquante et marbrée de bleu. Après 4 mois de cave et un déchet d'un cin- quième au moins, le fromage se vend de 60 à 70 francs Le quintal; il a coûté environ 40 fr. pris chez le fermier. Les bénéfices seraient irès - considerables s'ils n'étaient diminués 541 par la rente du capital employé à l’acquisi- tion des caves. On fabrique annuellement à Roquefort 900,000 kilog. de fromage, qui for- ment un commerce de 6 à 700,000 fr. Quoi- qu'il soit difficile de trouverune localité aussi propice que celle de Roquefort pour la con- struction des caves à fromages, on parvient cependant à l’imiter parfaitement, en placant des fromages dans des caves très-froides, dont on entretient la fraicheur par des moyens ar- lificiels. Nous avons mangé du fromage de Roquefort fabriqué aux environs de Paris, dont les qualités approchaient beaucoup de celles du véritable fromage de ce nom. On prétend même qu’il s'en fabrique aux envi- rons de Roquefort qui sont très-bons, et pas- sent dans le commerce sous le même nom. ART. V. — Préparations avec le caillé et des sub- stances végétales. 1°" Serai vert du canton de Glaris (Schab- steger). Le serai vert ou fromage de Glaris mérite de fixer l'attention des cultivateurs français. Ce produit, à bon marché dans le pays, est cependant vendu assez chèrement au loin, où il est recherché; sa fabrication est facile, et elle se distingue en ce qu'il entre dans ce fromage de la poudre de mélilot bleu ( Tri- folium melilotus cæruleus). Lorsque le lait est trait, on le descend dans des caves, où il reste 4 jours; ces caves sont rafraichies par des sources où des fontaines, et les terrines qui le contiennent sont plongées de quelques pouces dans cette eau fraiche. Lorsqu'on veut faire le fromage, on monte le lait, on l’é- crême, puis on le verse dans un chaudron, en y mêlant du petit-lait aigri ou un acide faible, tel que le jus de citron, pour le coaguler. On met alors le chaudron sur le feu, et on chauffe fortement, en agitant le caillé avec force. Lorsque le petii-lait est tout-à-fait séparé, on retire le fromage du feu, puis on le place dans des formes d'écorce de sapiu percées de trous, afin de le laisser égoutter pendant 24 heures. Après ce temps, on sori ces fromages, pour les pla- cer pres du feu, dans de plus grandes formes, où ils éprouvent, par l'influence d’une donce chaleur, un mouvement de fermentation. Au bout de quelques jours, on les retire, puis on les place dans des tonneaux perforés, sur le couvercle desquels on charge des pierres qui doivent comprimer fortement le serai. Il reste quelquefois dans cet état jusqu’à l’au- tomne, moment où on le porte au moulin à broyer. Alors, sur 50 kil. (100 liv.) de serai, on prend 2 kil. 12 (5 liv.) de mélilot pulvérisé el 4 à 5 kil. de sel fin bien sec et décrépité, Lorsque le mélange de ces 3 substances est bieu fait, on en remplit des formes enduites de beurre ou d'huile, qui ressemblent à un cône lronqué, de la contenance de 2 à 5 kil., el on le comprime fortement à l’aide d’un tampon de bois; 8 ou 10 jours après, on sort le serai des formes; on le fait sécher avec précaution, afin qu'il ne se gerce pas. La fabrication du serai vert pourrait se faire avec avantage dans les pays dont le beurre est le commerce principai. Le mélilot bleu est ARTS AGRICOLES : LAITERIE. | LIV. IV, une plante annuelle, indigène. qu’on peut cultiver dans toute la France; elle croit sur les montagres jusqu’à 1400 mètres au-dessus du niveau ‘de la mer. Pour préparer cette poudre, on fait dessécher la plante, et on la réduit en poussière aussi fine que du tabac à PRÊSE Les fromages de Glaris pèsent 4 à 5 log. (8 à 10 liv.); 1ls se vendent dans le pays 20 à 30 cent. la livre. La 1"° qualité s’exporte au prix de 50 à 75 cent. la livre. 2° Fromage de pommes-de-terre. On en fabrique de 2 espèces en Allemagne; la plus estimée se fait comme il suit. On choi- sit une bonne qualilé de pommes-de-terre ; on les fait cuire, à moitié seulement, à la va- peur; on les pèle, on les râpe, ou on les réduit en, pulpe. Trois parties de cette pulpe sont ajoutées à 2 de caillé frais,et pétries ensem- ble. On laisse reposer pendant 3 ou 4 jours, suivant la température,et on en forme ersriite des petits pains, qu’on saleet qu’on fait sécher. Où fait un très-bon fromage avec une par- tie de pulpe de pommes-de-terre et 3 de caillé de lait de brebis. Ce fromage est d’une grande ressource dans quelques vallées de la Savoie, où on en fabrique d'après les procédés que nous avons décrits. Il a le précieux avantage de s’améliorer en vieillissant, et de ne pas étre sujet aux vers. 3° Fromage de Westphalie. 1! est fabriqué avec du lait écrêmé; mais, avant d’enlever la crème, on la laisse sur le lait jusqu’à ce que celui-ci ait acquis une sa- veur aigrelette. La crême, étant enlevée le lait dépouillé est placé près du feu, où il ne tarde pas à se coaguler spontanément. Le caillé, mis dans un sac de grosse toile, est chargé de poids pour en exprimer le petit- lait, et quand il est aussi sec que possibie, on le brise et on ie broiïe entre les niains. Ainsi broyé, l’ouvrier le jette dans un baquet pro- pre, où ille laisse8 ou 10 jours, plus eu moins, suivant que l’on désire des fromages forts ou aoux. Pendant cette opération, qu'on appelle maturation, le fromage éprouve un coininen- cement de fermentation active, et se recou- vrirait d'une croûte épaisse si l’on n’avail pas le soin de l’enlever du baquet avant la forina- ton de celle-ci. Le fromage est alors moulé en pains ou cylindres, avec une forte addi- tion de sel et beurre, et un tiers de caiilé frais, pour arrêter la fermentation. On y mêle aussi quelquefois du poivre, du gi- rofle et autres épices en poudre. Comme les pains sont petits, ils sèchent promptement en plein air, et sont bientôt mürs pour la consommation. Pour satisfaire au goût des amateurs, on les suspend, lorsqu'ils sont presque secs, dans une cheminée dans laquelle on brûle du bois, Làaonleslaisse se mayeucer pendant plusieurs semaines, et par cette opéral'on leur saveur et leur odeur sont singulièrement amélio- rées. Ces fromages s’exportent rarement au dehors. . ART. vI.—Brocotte, recuile, serai, ricotte, etc. ii reste encore dans le petit-lait qui a fourni cHae. 1°. le fromage unequantité plus ou moins grande de parties butireuses et caséeuses qui peu- vent fouruir du beurre et un fromage de qua- lité inférieure,qu’on nomme brocotte, recuite, serai, ceracée, Où ricotte, suivant les pays. Une fois le beurre de pelit-lait enlevé, il faut, pour obienir la réunion des parlies ca- séenses, avoir recours à l’ébullition et à un acide plus fort que la présure ordinaire. On se sert pour cela de vin blanc, de cidre, et mieux de vinaigre et de petit-lait aigri, qu'on appelle aësy. | Pour obtenir l'aisy, on place près du fayer 2 tonneaux dans lesquels on met du pet t-lait dépouillé, qu'on nomme {a cuite, et qui ne tarde pas à passer à l’aigre ou fer- nentation acéteuse. Pour préparer la brocotte et le serai Suisse dans les fromageries où l’on ne fait pas cuire les fromages, on met le petit-lait dans un chaudron sur le feu; et dans les fruitières de Gruyères, dans la chau- dière, après la cuite du fromage. Quand le li- quide est arrivé au 50° cent. (40 R.), on ajoute le lait de beurre et le lait suspect qu'en na pas cru devoir méler dans la chaudiere pour le fromage , et le tout étant en pleine ébulli- tion, on y verse l’aisy à la dose de 10 p. 0,0 en mesure, etpluss'il estnécessaire.On pousse le feu, et le serai ne tarde pas à paraitre à la surface.Par la cuisson,cette matière forme peu à peu use croûte bien agglomérée; et lorsque la séparation est bien complète, on relire la chaudière du feu, on enlève une écume nious- seuse qui est à la surface, puis, avec l'écu- mire, ou sépare la croûte en gros morceaux, qu'on jelte dans le moule placé sur l’égout- ioir. Parle refroidissement, le serai s'affaisse, se resserre, et lorsqu'il est complètement froid, il forme une masse cohérente qui con- serve la forme du moule après sa soriie. Une partie de la cuite ou liquide restant sert à remplir les vases où se conserve el se forme l'aisy. Quand un tonneau a fourni de la présure pendant quelques jours, il se ma- uifeste au fond un dépôt qui donne à lPaisy une mauvaise odeur. Pour prévenir cet effet, ona soin de renouveler ce liquide avant cetle époque. En filtrant la cuite on préviendrait peut-êtrecet inconvénient. Danstous les cas, le petit-lait qui reste après cette préparation sert de boisson dans une partie de la Suisse, el son goût, quand on y est accoutumé. est assez agréable. Le serai frais est un aliment très-salubre, nourrissant et de facile digestion ; on le mange avec où sans apprêt dans une partie de Ja suisse, où il tient lieu de pain. En le salant, on fait du serai un fromage qui se conserve plusieurs mois el même upe année. Pour sa- ler le serai, on le met, au sortir du moule, sur une planche, entre 2 lits de sel, à la dose de 6 à 7 p. 0/0. Ainsi salé, on le place sous le manteau d'une cheminée ou dans un lieu très- sec. Quand le sel est entièrement absorbé, et que, par l'évaporalion, le serai est diminué d'un tiers, on l’envoie au marché, où il se vend à raison de 19 à 15 cent. la livre. Le se- rai, relativement à sa valeur, consommant beaucoup de bois, ne peut être fabriqué avan- tageusement que Jà où le combustible est abondant et à très-bon marché. La ricotte de Naples se fait à peu près comme CONSERVATION DES FROMAGES. 55 le Gruyères. On mêle au sérum qu reste après la cuisson du fromage 1/10° de lait frais et pur; on ranime le feu; on remue douce- ment pour que la ricolte surnage et se ras- semble à la surface, et, à la 1° apparence d'’é- bullition, on verse l'acide qui doit opérer la coagulation. A ceteffel, on emploie ou du jus de citrou, ou du vinaigre fort, ou du Sétitlait aigri, à la dose de1,15° ou 1/16° de la prépara- tion; on remue le tout, et, au moment où il se forme un bouillon sensible, on retire du feu la chaudière. C’est de ce point précis saisi à propos que dépend la bonté de la ricotte, qui, trop cuite, cesserait d’être moelleuse. Bientôt le milieu de la chaudière se couvre d’une mousse blanche, que l’on enlève à l’é- cumoire, et qui est très-délicate, mais ne se conserve pas. La ricoite forme une couche de 2 à 3 deigts d'épaisseur; on la recueille el on la fait égoutter dans une forme. Ce fro- mage esl très-bon mangé chaud et pendant les premiers jours de sa fabrication. Salé et séché convenablement, il devient dur, se räpe facilement, et est très-bon pour la pré- paration du macaroni. ART. VII. — Conservation des fromages accidens auxquels ils sont sujets. La conservation des fromages est un point des plus importans, surtout pour ceux qui sont destinés à être embarqués. Leur consis- tance et leur état de fermentation plus ou moins avancé dans les magasins ou cham- bres à fromage, doivent servir de guide. Le mode de fabrication entre aussi pour beau- coup dans leur durée. Les fromages qui ont reçu de la présure trop fraiche, et dont le petit-lait n’est pas totalement séparé, sont sujets à lever, et conservent dans leur inté- rieur des trous ou larges réservoirs d'air, qui donnent à la pâte un aspect spongieux et dés- agréable. Lorsque cet accident arrive pen- dant la fabricalion, et si la fermentation est considérable, en place le fromage dans un lieu frais et sec, on le perce avec des bro- chettes de fer dans les endroits où il lève le plus; l’air ou les gaz s’échappent par ces ou- vertures, le fromage s’affaisse, et l’intérieur présente moins de cavités. — Pour prévenir cet accident, les Anglais se servent d’une poudre, qui se vend sous le nom de poudre à iromage ; elle se compose d’une livre de nitre et une once de bol d'Arménie en poudre, et intimement mélangés. Avant de saler le fro- mage, el lorsqu'on est sur le point de le met- tre en presse, on le frotte avec une once de ce mélange ; une dose plus forte produirait un mauvais effet. Le rôle que joue le sel est fort important. Nous avons vu en effet que le caséum à l’état sec se conservait indéfiniment, mais il ne possède alors qu'une saveur fade, insipide et peu agréable. L’additian du sel d’un côté et la préparalion ou maturation en magasin de l’autre, opérations qui demandent le plus de soins et de surveillance, ont pour but de procurer une fermentation lente ou une réac- lion graduelle entre les principes élémen- taires du fromage. Cette réaction marche d'autant plus rapidement que le fromage est plus mou, et que le local est plus chaud et 56 ARTS AGRICOLES : LAITERIE. humide. Plus la fermentation a élé lente, plus la saveur du fromage est franche, douce et agréable. C’est au moment précis où cette réaction entre les élémens à produit des combinaisons agréables au goût qu'il faut consommer le fromage: plus tôt, il n’est pas fait; plus tard, il est dans un état plus ou moins avancé de décomposition. Lorsque le fro- mage est suffisamment passé, on le met dans un endroit frais et pas trop humide, dans une bonne cave qui ne contient aucune li- queur en fermentation ; celles où le vin se garde bien conservent également bien le fro- mage, mais celui-ci et le vin s’excluent réci- proquement. Quelques fromages à pâte molle et affinés. couime ceux d’Epoisse, de Langres, de Brie, les Géromé,etc.,se mettent dans des boites de sapin ou de hêtre. En fermant ces boites complètement, et leur donnant une couche ou deux de peinture à l'huile, les fromages se conserveraient plus iong-temps et en meil- leur état. CaapraL prétendait qu'il en est du Roquefort comme du vin de Bourgogne, qu'on ne peut se faire une idée exacte de l'excellence de ce fromage que dans le pays même, au moment où il sort des caves. 11 se décompose, en effet, facilement dans le trans- port, et c’est pourquoi on le met en veute avant sa parfaite maturité. Ne pourrait-on pas conserver à ces fromages les qualités qui en font le mérite, en les enfermant isolément dans une boite vernie ou peinte, et exacte- ment fermée ? Les fromages de Hollande sont générale- ment enduits d’une couche de vernis à l'huile de lin: cette préparation est sans doute une des principales causes de leur inaltérabilité dans les voyages de long cours; leur petit volume y entre peul-être aussi pour quelque chose. — En faisant les fromages de Gruyères moins gros, et en les couvrant du même vernis, ils tiendraient tout aussi bien la mer.Le vernis forme une couche unie, solide et sèche qui s’oppose à l'accès de l'air et de lhumi- dité qui sont les ageus les plus actifs de la fermentation. Quant à l’action de la chaleur, on peut s’en garantir en couvrant le fromage avec uue couche de charbon en poudre. Telies sont les précautions que je crois convenables pour conserver et faire voyager les fromages. Eu général, ceux qui fout le commerce des fromages doivent les examiner souvent pour ne pas éprouver des pertes plus où moins considérables. Les insectes qui attaquent les fromages sont : 1° Le céron ou mitle des fromages ( 4carus siro ), qui les dévore lorsqu'ils sont à demi secs. Ces animaux sont d'autant plus dange- reux qu'ils éclosent sous la croûie, puis se répaudent dans l’intérieur où'ils causent des pertes considérables. Quand on a som de brosser souvent les fromages avec une ver- gette, de les essuyer avec ur linge, de laver à l’eau bouillante les tableltes sur lesquelles ils reposent, on parvient à se débarrasser des cirons. Mais ie plussür inoyen est, après avoir frotté les fromages avec une saumure, de les laisser sécher: et de Les enduire avec de l'huile; LEV. IV. c’est ainsi qu'on traite le Gruyères lorsqu'il est attaqué par cet insecte destructeur. 2° Les larves de la mouche vert doré(Musca cesar), de la mouche commune (Musca do- mestica), de la mouche stercoraire, et sur- tout de la mouche de la pourriture (Musca putris). Ces larves s’introduisent dans le fro- mage, et y font beaucoup de dégâts. La pré- sence de ces animaux vermiculaires, qui an- nonce un état avancé de putréfaction, cause beaucoup de répugnance à la plupart des consommateurs; quelques personnes, au con- traire, prélèrent le fromage dans cet état, parce qu'il est plus fort ou d’une saveur plus relevée. On fait périr tous ces ‘animaux par le vi- paigre, la vapeur de soufre brûlé, le chlore, et des lavages au chlorure de chaux. Lorsque le magasin contient ces insectes en abon- dance, on enlève les fromages, on gratte, et on lave les tablettes avec de l’eau tenant en dissolution du chlorure de chaux; on rince de méme le plancher, et on blanchit les murs à l’eau de chaux. On recommande aussi une fumigation de chlore; mais nous pensons que les lavages sont suffisans. Lorsque les casiers sont secs, on replace les fromages, qui ont élé préalablemeut lavés avec une eau légè- rement chlorurée, séchés, essuyés avec un linge, ou grattés au besoin, et ensuite frot- tés, comme il à été dit, avec un drap imbibé d'huile. Si Les fromages sont trop passés, c’est-à- . dire sont parvenus à un état de décomposi- tion très-avancée, on les met dans la poudre de chlorure sec ou dans du charbon en poudre imbibé d'une petite quantité de chlorure de soude qui enlève leur mauvaise odeur, et on se hâte de les livrer à la con- sommation avant qu'ils soient complètement pourris. Quant à la moisissure, il suffit, pour s’en délivrer, de ràcler le fromage, de l’essuyer et le frotter d’huile. Pour donner au fromage de Gloucester nouvellement fabriqué le goût et l'apparence de fromage ancien, on enlève avec la sonde, sur les deux faces et dans le ceutre, et en pé- nétrant jusqu'au milieu, des cylindres de fromage, qu’on remplace par de semblables cylindres pris dans un fromage passé et de bonne qualite ; on lient le fromage ainsi pré- paré au magasin, et dans peu de jours il a acquis la saveur du vieux Gloucester. Ce procédé est applicable à tous les fro- mages veinés, tels que le Sept-Moncel, le Roqueforc, etc. M. GIROU DE BUZAREINGLES condamne avec raison le mélanÿe de pain moisique quelques fabricans mettent au cen- tre de la pate pour avancer les fromages en cave; une pelote d’ancien fromage remplirait mieux l'objet. Ce pain doune aux fromages un goût tout-à-fail désagréable. ART. vu. — Conclusion. On peut se convaincre par toul ce qui a été exposé dans cetie analyse des meilleurs tra vaux sur les fromages, et notamment de la collection de Mémoires publiés par M. Hu zaRD fils (1), que ia fabrication des fromages (t) Art de faire le beurre et les meilleurs fromages, etc. n-8°, 1833. CHAP. 1°". n'offre aucnne difficulté que les fermiers ne puissent surmonter; mais les établis- semens les plus importaiis, Ceux que nous recommandons surlout aux montagnards, sont les fruitières, ou associations pour la fabrication du lait. Celui qui possède un trop petit nombre de vaches participe à tous les avantages de la fabrication en grand des fromages. Plus d'un pays a be- soin de cette branche d'industrie pour faire sortir les habitans descampagnes de la misère et de l'état de malpropreté dans lesquels ils végètent. Rien ne s'oppose donc à ce que chaque na- tion cherche à s'affranchir de l'étranger pour cette denrée, et dans peu sans doute chacune pourra soutenir la concurrence. C’est princi- alement sur la fabrication des fromages de Hollande, de Chester et de Parmesan, que nous nous plaisons, avec la Sociélé royale et centrale d'agriculture, à attirer l'attention des fermiers. Ceux qui suivront les préceptes qui wnl élé exposés dans ce précis seront cer- tains de réussir, au moyen &e quelques tà- tonnemens, qui leur donneront par la suite ce lact, cetle habitude que, dans cette in- dustrie comme dans toute autre, on ne peut obtenir que par une pratique raisonnée. Que l'habitant des campagnes ne perde pas de vue les préceptes suivans, qui renferment tout le secrel de la fabrication des fromages. Fabrication, autant que possible, en gran- des masses, parce que le fromage a une qua- lité moyenne et marchande, qu'il est sujet à moins d’accidens, quil se dessèche m ins vite, et se corrompt plus difficilement.— En- ploi d’un lait de bonne qualité, et sans allé- ration. — Usage d’une présure non altérée et d'une force constante, autant que possible. — Coagulalion du lait à une température de 27° à 29° cent. (23 à 24 R.), selon la saison, ayec une dose de présure convenable, ni trop forte, ni trop faible. — Division exacte du caillé avec les précautions nécessaires, soit pour un fromage à froid, soit pour le fro- mage cuit. — Séparation , aussi complète que possible, du petit-lait, au moyen d’une pres- sion graduée, et plus forte sur la fin. —Salai- son du fromage, après sa pression et sa des- siccation, avec du sel pur el sec.—Soins at- tentifs dans le magasin pour faire passer le fromage et le faire arriver à point. — Sur- veillance de tous les jours. — Et par-dessus tout, la plus grande proprete de tous les vases et ustensiles, elde l'opérateur lui-même. Masson-Four. SECTION 1V. — Emploi des résidus du laitage. Les divers résidus qu’on obtient dans les laiteries sont du lait écrêmé, du lait de beurre, du pelit-lait et des eaux de lavage 1° Le lat écréme peul être débité dans les environs ou à la ville, employé à la ferme pour la nourriture des servileurs, ou bien servir à celle des veaux ou des pores, ou bien enfin converti en fromage maigre ou en serai. En Flandre, près des grandes villes, le lait aigre, battu en masse et dont on a extrait le beurre, est vendu aux blanchisseurs. 2 Le /ait de beurre sert, avec les assai- AGR. EMPLOI DES RÉSIDUS DU LAITAGE. o7 sonnemens convenables, à faire de la soupe aux gens de la ferme; on l’ajoute quelquefois au lait écrèmé pour l'employer dans la fabri- cation du pain ou ceile du serai; ou bien on en humecte le son, les grains, etc., qu'on donne aux oiseaux de basse-cour. On le dis- tribue aussi aux pores avec le précédent. 3° Le petit-lait, après qu’on en a extrait le beurre et le serai, qu'on nomme cuite, sert de boisson, comme on le voit dans plusieurs montagnes de la Suisse, ou en médecine, surtout dans les affections de poitrine et les maladies inflammatoires. On en fait encore l’aisy ou petit-lait aigri, qui sert à séparer le serai. On l’emploie pour préparer et délayer la présure, laver les ustensiles dans quelques cas de la fabrication du fromage, pour tire un vinaigre faible employé dans Îles usages culinaires dans quelques pays ; pour le blan- chiment des toiles fines de lin, pour la nour- riture des cochons, enfin pour obtenir par son évaporation le sucre de lait impur du commerce. 4 Les eaux de lavage des ustensiles et du beurre ne sont bonnes qu’à être données aux cochons. SECTION v. — Des fruitières ou associations rurales pour la fabrication du lait. Les habitans des parties montueuses de la Suisse ont imaginé et perfectionné des es- pèces desociélés entre cullivateurs qui s'asso- cient pour apporter, tous les jours, dans une laiterie commune le lail produit par leurs troupeaux, el faire transformer ce lait en beurre, fromage et sera . Ces sociétés, qui sont connues sous le nom de Fruitières, ont été également établies dans les villages de la plaine, et se sont introduites en France dans quelques cantons voisins de la Suisse, oùelles se sont promptement multipliées. Dans les Fruitières suisses,suivant M.C.Lur- LIN, à qui nous empruntons ces détails, cha- que associé apporte soir et matin son lait à la laiterie commune, Le fruilier le mesure. et tient note de la livraison sur un bâton fendu en deux, dont une moitié reste à la fruiterie, et l’autre est emporté par l'associé. A la fin du mesurage de la seconde traite, le fruitier additionne les livraisons de chaque associé ; celui qui a livré le plus de lait a le produit en fromage de la fabrication de ces 2 traites. On additionne toutes les livraisons; on soustrait de cette somme le lait fourni par celui qui a eu le produit, et il doit le reste à la société. Chaque jour le lait qu'il apporte est reçu en déduction de sa dette, et lorsqu'il a payé cette dette il redevient créancier de la société. Sa créance s’augmente tous les jours de chacune de ses livraisons, et le jour où sa créance est plus forte que celle d'aucun des autres associés, il a de nouveau le pro- duit de la fruitière, et ainsi de suite; chaque associé étant alternativement débiteur et créancier de la société, et celle-ci chemi- nant, en payant chaque jour son plus gros créancier. Ce mode de comptabilité simple et com. mode, et qui a été adopté après avoir succes- sivement employé sans succès différentes T. III. —8. 58 ARTS AGRICOLES : LAITERIE. méthodes, deviendra plus facile à saisir par le tableau suivant du compte d'une fruilière de 10 associés pendant 3 Jours. TR ae 1tF jour. at jour. 0, ne, ee CR ES ÉOPPEFÉREERERE AssoCIÉS. NS CONSERVATION DES LAINES. 107 troué : l’eau qui s’en égoutte rentre dans le canal. Un ouvrier relève cette laine et la met dans une presse pour éliminer la plus grande partie de l’eau qu’elle retient, et qui s'écoule dans le canal. Cette presse se com- pose d’une caisse U percée d’ine multitude de trous, et sur laquelle, quand on l'a rempli de laine, on place un pilon qu’on abaisse au moyen d’un levier, et dont on augmente l’ef- fet par un treuil V qui sert à en exprimer for- tement tout le liquide. Dans ce nouveau mode de lavage on opère d'une manière continue; un des ouvriers qui s'arrêterait un seul instant entrainerait la suspension de travail de tous les autres. Il faut 4 laveurs , un homme aubain de la laine, un 6° ouvrier à la presse, enfin un ouvrier pour les chaudières; en tout 7 hommes qui peuvent préparer 1500 kil. de laine par jour- née de travail. Si on agit sur de la laine gros- sière, on en prépare une plus grande quan- tité, par la raison qu’on l’agite moins long- Lemps avec le pilon. L’eau circule dans toute la longueur du canal, et traverse ainsi les cases trouées, sans que l’action du pilon, qui dans chaque case la relève à plus d’un pied, la rende trouble dans le bassin; au contraire, les matières dont la laine est chargée se précipitant au fond pour ne plus se relever. Les matières légères qui sur- nagent sont entrainées hors du lavoir. Les laines frappées perpendiculairement par le pilon ne sont ni nouées, ni cordées, cas- sées ou feutrées ; les filamens ou les mèches ont conservé leur position naturelle, et elles ressemblent à des laines lavées à dos. Il nese perd aucune portion delaine. Le savon à base de potasse et les sels qui recouvrent la laine se dissolvent et forment l’eau de suint, tandis que la matière grasse insoluble se rassemble à la surface et est expulsée hors du lavoir. L'eau de suint, recueillie et enlevée par la pompe au milieu du réservoir, ne porte dans le reservoir supérieur qu’une eau savonneu- se, douce, claire et pure, et très- propre à nettoyer la laine. Le lavage peut s’opérer à divers degrés de dessuintage, soit en retirant la laine dans la 1°°, la 2° ou la 3‘ case. On ob- üent une uniformité de nuance de la laine. Cette opération est facile. et tout individu peut y concourir. Il y a économie de main- d'œuvre et de combustible. Ce lavoir peut être placé dans toute position. Il n’exige qu’un emplacement d'environ 50 pieds de longueur et 20 de largeur. Un mètre à 1 mètre et demi cube d'eau suffit pour laver 1500 kil. de jaine. Enfin, les matières qui se précipitent dans le fond du lavoir peuvent être employées utile- ment conime engrais. SECTION 1v. — Conservation des laines. La laine doit être conservée dans un maga- sin à l'abri du soleil et de la chaleur qui di- minue son poids, des dangers du feu, de l’hu- midité, et de la poussière. Elle se conserve mieux en suint et simplement lavée que dé- graissée, On ne doit l’'emmagasiner que lors- qu’elle est bien sèche, l'humidité la gâterait très-promptement, et seulement après qu’elle a perdu la chaleur que lui a communiquée le soleil, et qui l’altèrerait dans les piles. 108 Le plus redoutable ennemi qu'on ait à craindre quand on conserve long-temps les laines en magasin, est l’insecte connu sous le nom de teigne des draps (Tirea sarcitella, Fab.),qui est un petit papillon d’un grisargenté avec un point blanc de chaque côté du tho- rax. C’est sous forme de larve ou chenille que la teigne fait ses ravages en dévorant la laine et en se formant un fourrean de soie ayant le plus souvent la forme d’un fuseau. Ses excrémens ont la couleur de la laine qu'elle a rongée. Ces insectes voltigent depuis le commen- cement d'avril jusqu’en octobre, et déposent sur la laine de petits œufs qui éclosent en octobre, novembre ou décembre, suivant la température. Les chenilles restent engour- dies pendant l'hiver, mais au printemps elles grossissent et mettent une grande activité à dévorer la laine et à former leurs fourreaux qui ont 4 à 5 lignes de longueur. Lorsqu’elles ont pris tout leur accroissement, elles quit- tent la laine, se retirent dans les coins du ma- gasin, se suspendent au plancher pour se transformer en chrysalide. Au bout de 3 se- maines environ, elles percent leur enveloppe el sortent sous la figure d’un papillon. I1 est difficile de se garantir entièrement des dommages causés par les teignes; mais on peut les éviter en partie. Faites enduire en blanc, dit DaugenTon, les murs et plafon- ner le plancher du magasin, afin de mieux apercevoir les papillons qui s'y reposeut. Placez les laines sur des claies soutenues à 1 pied du carrelage, puis, avec un bâton ter- miné à son extrémilé par un bouton rem- bourré, frappez sur les laines pour en faire sortir les teignes qui s’envolent et vont se poser sur les murs ou le plafond où il est fa- cile deles tuer,en appliquant sur elles l’extré- mité du bâton rembourré. Un enfant suffit pendant les 3 mois de la ponie pour soigner un magasin. On a aussi conseillé de placer dans les ma- gasins de laines en suint quelques mauvaises toisons de laine lavées sur lesquelles les teignes feront leur ponte de préférence. On brüle en- suite ces toisons avant que les chenilles subis- sent leur métamorphose. L’odeur du camphre et de l’essence de té- rébenthine ou de quelques autres substances d’une odeur très-pénétrante, paraissent éloi- gner ces insectes, mais ne préseivent pas en- üèrement de leurs ravages. Les vapeurs sul- fureuses très-concentrées les font périr; mais ce procédé n’est pas praticable dans un grand magasin, et, d’ailleurs, il fait contracter aux laines une odeur fort désagréable. On pour- rait, comme les drapiers, conserver les laines dans des sacs d’une toile à tissu très-serré, ou dans des caisses calfeutrées avec soin, etc.; ces moyens sont dispendieux et n'of- frent pas une entière sécurité, et il vaut mieux battre les laines dans les magasins et tuer les papillons. En Allemagne on emploie avec succès des fumigations ammoniacales que lesteignes paraissent redouter beaucoup, et quand la laine est empaquetée on eouvre les sacs d’une certaine quantité de tiges d’ab- sinthe ou de mélilot en fleur. ARTS AGRICOLES : LAVAGE DES LAINES. LIV. IVe SECTION v. — lente et emballage des laines. La manière dont les laines sont livrées au commerce varie suivant les pays. Par exem- ple, les laines communes et lavées de la Beauce, de la Picardie, de la Sologne, et les pelures, sont vendues en tas et sans embal- lage; au contraire, les laines fines indigènes, celles des métis, des mérinos, les écouailles, sont emballées dans des sacs de toile pour les préserver de tout accident et les expédier au loin. Pour emballer la laine en toison, on prend un sac formé de grosse toile à emballage, et on le suspend entre deux poteaux, en main- tenant la partie supérieure ouverte avec un cerceau. Un homme descend dans ce sac, et on lui passe les toisons empaquetées séparé- ment ,qu'’il place également et uniformément dans toutes les parties du sac , en les foulant d'une mauière uniforme à la circonférence avec un de ses pieds, tandis que son autre jambe reste fixe au milieu du sac, afin de ne laisser ni de vides ni de poches où l’eau, pendant le transport, pourrait pénétrer et séjourner. Le sac, à l’extérieur, doit avoir, après l'emballage, une forme aussi ronde ue possible; mais il ne faut cependant pas fouler trop la laine, parce qu’on éprouve- rait ensuile trop de difficultés, surtout au bout de quelques mois, pour la diviser, l’as- sortir et la trier, et qu’en outre dans certai- ues races, telles que celles Infantado et Ne- grelti, la matière grasse se durcit et colle en- semble les brins des toisons. En général, les laines en toison ou simple- ment lavées, et qui ne sont pas destinées à être transportées au loin, sont peu foulées à l'emballage ; on doit au contraire presser da- vantage et donner plus de fermeté aux bal- lots de laine dégraissée qui doivent éprouver un transport lointain. L'emballage des laines lavées se fait de la même manière que celui des toisons, en les transportant dans le sac par poignées ou brassées, qu’on foule à mesure qu’elles sont introduites. En Espagne, la laine étant séchée est élen- due sur une claie ou espèce de grillage de bois bien uni, par petites porlions, pour que les trieurs la repassent. Lorsque ce repassage est terminé, on la porte à la balance, et on la pose ensuite sur l’estrive.On donne ce nom à 4 grosses cordes où sont suspendues les toiles des balles. Un homme entire dans la balle et un autre lui passe la laine qu’il foule bien avec les pieds. Les sacs ou balles se font avec de la toile de Picardie. En Allemagne, surtout pour les laines superfines transportées à l'étranger, on fait le sac double pour mieux les garan- ür, ou bien le sac est en coutil et enveloppé d’une autre toile commune. Le poids des balles varie avec les pays. Les laines communes de la Beauce, de la Picar- die, etc., sont en balles cordées de 100 à 150 kilog.; les laines fines indigènes du Roussil- lon, du Berry et de la Provence, en balles et ballots de 50 à 100 kil.;les laines mérinos, en balles rondes et longues de 100 à 120 kilo- grammes, etc. Quand les balles sont remplies, on en coud cHAP. 6°. ouverture, on les pèse, on marque dessus DE LA SALAISON DES VIANDES. 109 petite ouverture qui sert à prendre des la qualité ou la classe, le poids brut et le | échantillons et à juger de la qualité renfer- tare, et on pratique sur un des côtés une mée dans chaque balle. F. M. CHAPITRE VI. -— CONSERVATION DES VIANDES. La chair des animaux que l’homme fait | de porc n'offre pas de difficultés; celle de la naître, élève et abat ensuite pour en faire sa nourriture, ne peut guère être conservée au- delà de peu de jours, à la températuremoyenne de nos climats, sans éprouver un commen- cement de décomposition qui la rend insa- lubre et la fait rebuter comme aliment. Ce- pendant, comme il est fréquemment impos- sible de se procurer chaque jour dans les campagnes de la viande fraiche, et qu'il im- porte toutefois, pour entretenir la santé et la vigueur nécessaires aux travaux des champs, de faire usage habituellement d’une nourrilure animale, on a dû depuis long- temps s'occuper des moyens de s'opposer à la décomposition des substances animales, et de les conserver, sinon dans leur fraicheur primitive, au moins dans un état où elles pussent fournir encore un aliment agréable, sain et restaurant à toutes les époques de l’année. Aussi a-t-on fait usage, depuis les temps anciens, de divers procédés de con- servation qui remplissent plus ou moins bien le but proposé. Néanmoins, comme la plu- part de ees moyens sont généralement con- uus, et qu'il n'entre pas dans le cadre de cet ouvrage de donner ceux qui ne sont pro- pres qu'à conserver les viandes pendant un pe- tit nombre de jours et pour l'usage habituel des ménages, nous les passerons sous silence; mais nous nous attacherons à décrire en dé- tail ceux d’entre eux qui, pouvant faire l’objet d'une grandeindustrie,se rattachent très-bien à l’agriculture, et qui sont en même temps les plus propres à conserver des viandes pendant un temps prolongé et sous toutes les latitudes du globe, soit pour la nourriture des agri- culteurs, soit pour celle des armées en campa- gne, soit enfin pour alimenter les marins dans leurs voyages lointains.Ces moyens se rédui- sent à peu près à la salaison des viandes et à leurboucanage,qui sont les plus anciennement connus, et qui donnent les résultats les plus constans et les plus sûrs. Nous ajouterons quelques autres procédés plus récens, mais qui, n'ayant pas pour la plupart élé exploités avec l'étendue convenable, n’ont pas encore reçu la sanction du temps. SECTION 1. — De la salaison des viandes. La salaison des viandes a pour but de les imprégner d'une certaine quantité de sel qui absorbe successivement les parties liquides à mesure qu'elles se séparent des chairs , pénè- tre celles-ci, s’y incorpore, et les garantit par ses propriétés antisepliques de toute alléra- tion ultérieure. Les viandes qu’on sale le plus communé- ment pour les approvisionnemens sont celles du porc et du bœuf; néanmoins, celles de tous les animaux sont susceptibles de re- cevoir lamême préparation et de se conserver par le même moyen. La salaison de la chair viande de bœuf réclamant plus de soin, d’at- tention et de pratique, c'est particulière- ment la préparation de cette dernière quenous allons üécrire, en nous attachant de préfé- rence à celle des viandes destinées aux ap- provisionnemens de la marine, comme exi- geant dans leur salaison la réunion de toutes les conditions qui assurent une bonne et lon- gue conservation. Dans cette description nous ferous surtout connaître les procédés usités en Irlande et en Angleterre, pays où l'on prépare le mieux les salaisons. $ IT. — Salaison des viandes en Irlande Nous emprunterons la plupart des details que nous allons donner sur le travail de la salaison des viandes en Irlande, au traité qu'a publié, en danois, M. C. MARTFELT, et qui a été traduit en français par M. BruuN- NEERGAARD. L'abatiage des bœufs destinés aux salaisons en Irlande, commence au 1° septembre et dure jusqu’au 1°° janvier; mais le plus grand nombre est tué depuis le milieu d'octobre Jusqu'au 15 novembre, parce que, pendant cette époque, l’animal est en meilleur état, et qu’il commence ensuite à dépérir à mesure que l'herbe devient rare. Le bœuf doit, dans les derniers six mois, avoir été engraissé sur un bon pâturage, être âgé de plus de 5 ans et n’en avoir pas plus de 7. On tue aussi des vaches grasses pour la salaison, et leur viande est vendue aux consommateurs qui recher- chent le bon marché. Juand le bétail vient de loin et qu’il est échauffé, ou dans un état de fatigue et d’abat- tement, on le place dans un endroit très- propre et bien aéré pour qu'il puisse, avant d'être tué, reprendre toute sa vigueur. On le laisse ainsi 3 jours pendant lesquels on ne lui donne que de l’eau. L'animal doit être tué et dépouillé propre- ment. Après qu'il a été abattu on le laisse re- froidir pendant un jour. Pour les viandes des- tinées aux approvisionnemens de la marine et celles qui doivent composer la cargaison des navires du commerce, on retranche les parties saignantes du cou, et on dépèce en- suite l'animal en morceaux proportionnés à la ration journalière des matelots. En général, aucun morceau ne doit avoir moins de 4 li- vres ni plus de 12. Les morceaux de poitrine, pour les cargaisons, sont aussi grands qu’on peut les saler. On fait des incisions aux plus grosses pièces pour que le sel y pénètre mieux. IL faut prendre garde que les os longs dont le canal central est rempli de moelle n’entrent dans les barils avant d'en avoir extrait ce corps graisseux. À cet effet, on vide soigneu- sement avec un instrument de bois les os qui en contiennent avant de passer la pièce au sa- 110 leur. Les barils pour Ja marine royale an- glaise doivent contenir 56 morceaux de 4livres chacun, et par conséquent 224 livres de bœuf salé. Le couperet dont le boucher irlandais se sert est d’une seule pièce. Son tranchant est d'environ 2 pieds et sa hauteur de plus d'un pied ; le manche a environ la même longueur. Cet instrument est si lourd qu’il sépare pres- que par son propre poids le morceau de viande sur lequel il tombe. On peut juger de l’acti- vité de ce boucher quand on apprend qu'il dépèce ordinairement, en 8 heures de travail, 30 bœufs du poids de 450 livres chacun. À mesure que la viande est dépecée, elle est remise à ceux qui la salent, en observant qu'aucune viande saigñante ne passe du bou- cher au saleur. L'endroit où l’on sale est ordinairement un hangar placé dans une cour ou un Local dis- osé à cet effet dans une maison; dans tous es Cas ,on a reconnu qu'une libre circulation d’air était nécessaire pour ce travail. Le saloër est disposé en carré long pour que lesouvriers puissent commodément faire passer la viande de l’un à l’autre; ses côtés ont environ 1 pied de hauteur. La viande y est jetée de gauche à droite jusqu'à ce qu’on la mette dans les ba- rils placés dans la partie la plus élevée du saloir. On se sert en Irlande de 2 sortes de sets, savoir : 1° le sel anglais provenant des mines de sel gemme de Liverpool ou des marais salans de Limington. Ce sel, qui est blane et léger, pénètre facilement la viande par le frottement, et hâte la formation de la sau- mure; 2° le sel portugais, ou de Lisbonne, qui est pur, blanc, transparent, d’un grain fin, lourd, se conservant très-sec par un temps humide, et plus fort que le précédent. En général, il faut que le sel qu’on emploie soit pur, parce que s’il est gris et sale, il ôte à la viande sa belle couleur; qu’il soit exempt de parties terreuses ou bien d’hydrochlorates de chaux et de magnésie, sels délisquescens, c'est-à-dire qui attirent l'humidité de l'atmo- sphère, se résolvent en liqueur, font corrom- pre la viande, et ont dans tous les cas l’incon- vénient de lui donner une saveur amère et désagréable. Il n’est pas nécessaire que ce sel soit très-fort; au contraire , les sels de force moyenne sont les meilleurs. Si le sel est trop gros, 1l faut le broyer. La proportion de sel que les meilleurs sa- leurs observent est de 22 parties en poidssur 100 de viande. De ces 22 parties 12 sont de se] anglais et 10 de sel de Lisbonne. Pour frotter a viande on se sertentotalité d’un mélange de 12 de sel anglais et de 8 de sel de Lisbonne; ce qui reste de ce dernier sur les 22 parties est répandu sur les pièces en les déposant dans les barils, parce qu’on n’emploie, pour cettedernièreopération,que du seldeLisbonne pur. Au reste, la quantité des sels consom- més dans la salaison et les proportions dans lesquelles on les mélange, dépendent de leur force, de leur pureté et de leurs qualités, ainsi que dela destination des viandes salées. Le nombre des ouvriers dans un atelier de salaisons se fixe naturellement d’après la quantité de viande à saler. Ils travaillent 8 neures par Jour, et, dans cet espace de temps, ARTS AGRICOLES : CONSERVATION DES VIANDES. ————_—_—_—_—_—_—______—————_—_——_—_———Z nn Liv. IV. 4 ouvriers irlandais salent 30 bœufs du poids de 450 livres chaque, ou 40 vaches, ou bien 100 cochons. Le métier d'ouvrier saleur s’ap- prend facilementavec un peu d'exercice. Pour mieux faire pénétrer le sel dans la viande, onse sert, à Dublin et autres lieux, de Jorts gants de peau; à Belfast et Cork, d'une sorle de manique ferrée composée de 2 ou 3 morceaux carrés de cuir de semelle, de la lar- geur de la main et dépassant un peu l’extré- mité des doigts. Ces morceaux de cuir sont posés l’un sur l’autre et garnis extérieure- ment avec des têtes de clous assez longs pour être rivés de l’autre côté et posés fort près les uns des autres. Une lanière de cuir fixée der-- rière, en forme de poignée, et dans laquelle l’ouvrier passe la nain, sert à tenir solide- ment cet instrument qu’on appelle gant. Pour procéder a la salaison, on commence par saupoudrer de sel les morceaux de vian- de; ee sei pénètre dans la viande à force de frotter, et la salure parfaitement. Pour cela, les ouvriers, placés à côté les uns des autres devant le saloir, se passent successivement les morceaux de viande qu'ils frottent avec le sel au moyen du gant dont nous venons de He Le premier ouvrier est celui qui frotte e plus la viande ; tous cependant la frottent plus ou moins. On est obligé de frotter plus long-temps et plus fort la viande de bœuf qué celle de porc. Quand la pièce de viande est parvenue au dernier ouvrier, qui est ordi- narement le plus habile, il la retourne en tous sens et examine bien l’ouvrage des au- tres; s’il y trouve quelque défaut ou une vel- ne qui n'ait pas été ouverte, il l’ouvre et y fait entrer du sel en frottant : dans tous les cas, il frotte la pièce à son tour. De ses mains, et sans observer aucun ordre pour la gros- seur des morceaux, la viande passe dans les tonneaux de salaison, où on l’eatasse autant que possible, mais sans y ajouter d'autre sel. On la laisse ainsi à découvert dans un endroit propre et aéré au moins pendant 8 à 10 Jours pour que la saumure la pénètre parfaitement. Les barils ou tonneaux dont on fait usage pour embariller les viandes salées doivent être faits avec soin en chène sec, et cerclés en noise- tier ou châtaignier, comme les tonneaux pour contenir les vins. Il faut veiller à ce qu’ils n'aient ni fentes ni ouvertures par lesquelles l'air ou les liquides pourraient s'échapper, et qui auraient pour inconvénient, non-seule- ment de faire couler la saumure , mais encore de laisser pénétrer l'air et de faire éprouver à la viande un commencement de décomposi- tion. Avant de s’en servir, surtout quand ils sont neufs, ils doivent être lavés avec beau- coup de soin et frottés à l’intérieur avec du sel et dusalpêtre. On peut consulterd’ailleurs, sur la construction et la préparation des ton- neaux, ce que nous avons dit à la page 28 du présent lome. Lorsque la viande est restée dans les barils le temps nécessaire pour que le sel la pénètre et se résolve en saumure, on la retire pour l'embariller denouveau. La viande, ainsi macé- rée, a moins de volume et de poids que quand on l’y a placée; on compte qu’un tonneau de giant a perdu ainsi 14 livres de son poids. Quand on a versé dans un baquet toute la saumure qui était dans les tonneaux, on gar- céap. 6°. nit ceux-ci d’un lit du meilleur sel de l’épais- seur d’un doigt; puis on y place la viande le plus régulièrement possible, en répandant de ce sel entre chaque couche ainsi qu'entre les pièces. On observe un ordre régulier dans l’em- barillage : les morceaux de qualité inférieure occupent le foud, les médiocres viennent en- suite, les meilleurs se placent en haut et les flancs couvrent le tout. En un mot, l’embaril- lage a lieu dans l’ordre suivant : le chignon, la cronpe, le collier, le jarret de derrière, le filet d’aloyau, l’aloyau, le bas de l’épaule, l'épaule, les côtes , la poitrine , le flanchet, les flancs. Quand la viande est placée dans cet ordre, et en laissant le moins possible d’interstice , on la comprime avec un poids de 59 livres jusqu'au moment où l’on ferme le tonneau. A cette époque, on la presse fortement de nouveau pendant quelques minutes, pression qui est fort essentielle, et on clôt immédia- tement après. On fait ensuite un trou à l’un des fonds, et, au moyen d’un tube de verre passé 4ans un bouchon, on souffle pour s'assurer que le tonneau ne fuit pas; s’il ne s’en dégage pas d'air, il est jugé en bon élat et propre à bien tenir la saumure. On ferme alors le trou avec un bouchon de liége bien sain et passé au feu. Si, au contraire, le tonneau laisse échapper l’air, on cherche la fente et on la bouche avec du jonc, de l’étoupe goudronnée, etc. On ouvre alors la bonde, qu'on a jusque là tenuesoigneusement fermée, et on remplit le tonneau de saumure. On peut se servir de celle qui provient des premières préparations, à moins qu'elle ne soit gâtée, cas auquel on en fait de nouvelle. On verse dans le tonneau autant de saumure qu'il peut en contenir ; mais moins il en entre, plus la salaison a été bien faite, plus la viande est bien imprégnée de sel, pressée convenablement, et de bonne conservation. En Irlande, on ne fait pas cuire la saumu- re, mais dans quelques autres pays on lui fait subir cette opération avant de la verser dans les tonneaux. Pour cela, on recueille toute celle qui provient de l’embarillage provisoire, et on la met dans un grand chaudron de cuivre. Comme elle contient une quantité assez notable de sang et de sérum, l’ébulli- Lion fait monter en écume ces substances à la surface, où on les enlève avec une cuillère de fer. On ajoute un peu d’eau pure, et on conti- nue à faire bouillir et à écumer ainsi, jusqu’à ce que la saumure soit bien pure et trans- parente. On la Jaisse alors refroidir pour s’en servir comme nous avons dit ci-dessus , et en y ajoutant un peu de sel si elle n’é- lait pas assez forte. On juge de sa force en y jetant un œuf frais ou‘un morceau de viande salée, qui doivent surnager si elle a le degré de densité convenable. Si l’on est obligé d’aug- menter la dose du sel, il faut le faire avec ledit parce qu'une saumure trop sa- ée a pour inconvénient de durcir la viande. Après avoir introduit la saumure dans le tonneau, on le retourne à plusieurs reprises sur ses deux fonds, pour faire pénétrer le li- quide; on y verse encore de la saumure s'il peut en recevoir davantage, puis on DE LA SALAISON DES VIANDES. 111 le bondonne. On laisse les tonneaux en cel état pendant 15 jours; après ce temps, on les examine de nouveau : l’on y verse de la saumure s'ils en ont besoin; enfin on souffle dedans une dernière fois pour s’as- surer que l’air n’a aucune issue, cas dans lequel on y remédie avec soin; puis on les ex- pédie. Pour la salaison du cochon, on donne la préférence, en Irlande, aux porcs qui ont été nourris avec des vesces, des pois, des hari- cots, de l’avoine, etc., parce que le lard et la chair en sont plus fermes et d’une conser- vation plus facile. On tue ordinairement les pores depuis le mois de décembre jusqu'en avril. Leur dépècement ne diffère guère de celui du bœuf que par la grosseur des mor- ceaux, qui, proportion ga rdée, ne sont que de moitié. On place 112 morceaux dans un baril pour la marine royale. Le nombre des mor- ceaux, pour les cargaisons des navires de commerce, n’est pas fixe. Les sels sont les mêmes que pour le bœuf, etle mélange s’en fait dans la même proportion. La manière de saler ne diffère qu’en ce qu’on frotte un peu moins le lard. $ IL. — Salaison des viandes en Angleterre. Le travail des ateliers de salaison pour la marine, en Angleterre, diffère en quelques points de celui qui se fait en Irlande, et M. FourLioy a donné sur le premier des détails intéressans que nous reproduirons en partie. En Angleterre, de même qu’en Irlande, les salaisons ne s'apprêtent qu’en hiver, entre les mois de novembre et de mars,et lorsquele temps est froid. Les bœufs sont choisis grands, épais, gras et exempts de maladie. On donne la préférence à ceux qui ont vécu en liberté dans les pâturages.La chair en est plus ferme, la graisse mieux répartie, et d’ailleurs ces ani- maux sont plus sains et mieux portans que ceux nourris à l’étable et qui sont privés d’air et d'exercice. Lorsqu'un bœuf a été abattu, que les vais- seaux Jugulaires ont été ouverts el qu'on a favorisé l'écoulement complet du sang, le muffle est écorché et la tête emportée. On ne souffle pas l’animal, mais on a soin de ler l'œsophage, afin de prévenir l'écoulement des matières qui souilleraient la viande. La bête étant tournée sur le dos, le ventre est ouvert et vidé avec précaution et les mem- bres sont convenablement dégagés. L'animal est ensuite suspendu, et les bouchers achè- vent ainsi commodément de l’écorcher au moyen de crochets. Ils divisent la poitrine ou sternum, détachent tous les organes con- tenus dans cette cavité, fendent ensuite la colonne vertébrale par derrière, et séparent le bœuf en 2 moitiés qu’on laisse suspendues pendant un Jour pour en faire écouler l’eau et les mucosités. On extrait alors les os longs des membres, et les chairs sont ensuite li- vrées aux hommes chargés de les saler. Tout est disposé dans un vasteatelier, pour que les diverses parties de l’opéraiion se succèdent sans interruption et avec rapidité, La comptabilité se règle en même temps avec autant de facilité que d’exactitude dans un établissement de ce genre, où peu d’hommes 112 apprêtent jusqu’à 24 bœufs par jour. Voici quelle est la division du travail. Les moitiés de bœuf sont présentées aux ba- lances aa ( fg.106); le maitre de la boucherieI Fig. 106. déclare à haute voix leur poids, qui-est enre- gistré à l'instant par l'agent du fournisseur 2 et par celui du commissaire 3; elles sont ensuite portées en B B, où des bouchers 4,4 détachent l'épaule et pratiquent, depuis l'os de la hanche jusqu’en bas, trois sections qui partagent le demi-bœuf en 4 bandes longitudi- nales. Celles-ci, poussées au point CC, y sont subdivisées par les bouchers 5 5 en morceaux de 8 livres qu'on jette,au furetà mesure, dans des paniers dd destinés à en recevoir chacun une dizaine seulement. Les hommes 6,6 dont l'office est de transporter ces paniers, doi- veut, chaque fois qu’ilss’en saisissent, crier la quantité de morceaux qu’ils enlèvent. Lors- qu'on finit de débiter un demi-bœuf, si le nombre des pièces qu'il a produites s'éloigne de 42, qui est celui que doit contenir chaque baril ou tierçcon, la différence est annoncée à l'agent du commissaire, quil'inscrit et le ré- pète à haute voix. Les paniers sont portés à des hommes 7, 7, 7 qui salent la viande et bordent une table portative E F placée devant les caisses carrées G. Ils ont les mains garnies de gants de grosse flanelle, et, prenant à poi- gnée le sel commun, ils en frottent fortement les pièces de bœuf une à une et sur toutes les faces. Chaque homme peut frotter une pièce par minute, ce qui produit, dans une journée deSheures detravail, 480 piècesou 3,840 livres, qui équivalent à environ 15 demi-bœufs. Les caisses carrées G G qui environnent l'atelier sont assez vastes pour contenir 8 bœufs. Leur fond, placé au-dessus d’un ré- servoir, est percé d'un grand nombre de trous, excepté toutefois à l'endroit H H, où se tient l'ouvrier 8exelusivement chargé de l’arrimage. Cet homme dispose artistement les pièces de bœuf autour de lui de facon à s’en former un rempart demi-circulaire. Quand il se retire il laisse, au point qu’il occupait, une espèce de puits où la saumure s’épanche et où elle est prise 1 ou 2? fois par semaine pour être versée sur la viande. Le bœuf, ainsi arrangé, reste en repos pendant 7 jours; les soins se bornent à l’arroser une ou deux fois de la saumure qui s'est amassée dans le puits. Au bout de la se- ARTS AGRICOLES : CONSERVATION DES VIANDES. ° LIV. LX. maine on le transporte dans la caisse adja- cente, en plaçant au fond les couches superfi- cielles, et réciproquement. Une seconde pé- riode de 7 jours suffit alors pour le rendre propre à être mis dans les barils où se com- plète le système qui doit assurer sa conser- vation. De la même manière qu’en Irlande, on se sert en Angleterre de 2 qualités de sels, qui sont blanches et en cristaux, et provenant toutes deux des marais salans. L'un est celui quon nomme sel commun, qui sert parti- culitrement à frotter la viande, et con- üent une pelite quantité de matière terreuse el le double de sulfate de chaux et de ma- gnésie de l’autre sel. Celui-ci, qui est nommé bay-salt où sel de baie, parce qu'on le re- cueille dans la baie de Vigo en Galice, est beaucoup plus pur ,en gros cristaux, et très- sec ; ce qui le rend propre à être interposé centre les couches de salaisons. Ce sel per- siste à l’état cristallin pendant plusieurs an- nées, et on le considère comme l'agent con- servaieur le plus efficace. Au lieu de le pul- vériser on le brise en petits fragmens, et on y ajoute une cerlaine portion de salpétre ou sel de zitre dans la proportion de 10 on- ces pour 42 pièces ou 336 livres de bœuf que doit contenir chaque baril. Au bout de la seconde période de 7 jours , la viande est propre à être mise dans les barils ; à cette époque , on a consommé en général une livre de sel commun par pièce de bœuf, dont on présume que 2/3 restent adhérens à la viande, ou combinés avec elle, tandis que l’au- tre tiers s’est écoulé en saumure. C’est alors qu’on brise en petits fragmens le bay-salt, et qu'on y ajoute la proportion voulue de nitre. On forme, pendant l'embarillage, 3 couches de ce sel, d'environ 8 lignes d’epaisseur , l’une au fond du baril, l’autre au milieu, et la 5° sous le couvercle. Quand on a ainsi couvert le fond d'un tierçon ou baril cerclé alternative- ment en fer ou en feuillards, d’une couche ou mélange de sel et de nitre, deux hommes y placent successivement les pièces de bœuf, de manière à ne laisser entre elles aucuu inter- valle; dès qu'ils ont déposé ainsi 2 couches, ils les condensent en les frappant avec une masse qui pèse 25 livres, pour ne laisser au- cun espace vide. Les ouvriers continuent leur travail jusqu’à ce qu'ils atteignent le milieu de la barrique; là une nouvelle couche de sel et de nitre est étendue et forme une barrière ca- pable d'empêcher l’altération d’une moitié de la salaison de se propager à l’autre moitié. On achève de combler le baril en se servant tou- jours de la masse. Quand on est arrivé à la place que le couvercle occupera , on verse sur la viande une forte saumure, et on étale enfin la 3° couche de sel et de nitre, et le baril est fermé, puis emmagasiné dans un lieu frais. Le porc, dont la chair résiste mieux que celle du bœuf à l’action du sel marin, s’ap- prête suivant le même procédé que le bœuf; seulement on divise l'animal en pièces de 6 li- vres, qui entrent au nombre de 53 dans les tiercons. $ III. — Résumé des principes sur la salaison des viandes. L'art de préparer les salaisons n'a pas en- ——— éfrar. 6°. core acquis en France le degré de perfection où il est arrivé dans les pays dont nous venons de faire connaître les procédés. Il serait ce- pendant très-facile de leur donner toutes les qualités qui distinguent celles-ci, en observant les préceptes suivans : 1° On choisit, pour les salaisons, des bœufs engraissés dans de bons pâturages et dans l’âge où la viande a acquis toute sa saveur, sa fermeté et sa densité, et ceux dans lesquels la graisse est le mieux répartie dans les chairs. La France offre partout des bestiaux quirem- plissent parfaitement ces conditions. Les ani- maux tenus constamment à l’étable, et nour- ris soit avec des alimens verts , soit même avec des alimens secs, ont une chair moins con- sistante , et chez eux la graisse est presque entièrement accumulée sous la peau. Quelque grasse que soit la vache, sa chair ne supporte pas bien l’action du sel, et ne fournit pas de viandes salées de longue durée et de bonne qualité. 2° 11 faut abattre l'animal de manière à le faire souffrir le moins possible, le saigner comme les pores, ne pas le souffler, et le dé- pecer le plus proprement qu'on pourra. On enlèvera les os, qui, selon la remarque de Parmentier, ont l'inconvénient de ne pas prendre le sel, de contenir de la moëlle, sub- stance graisseuse qui passe facilement à l’état de putréfaction et entraine l'altération de tou- tes les salaisons environnantes. En outre, ce sont les chairs qui touchent immédiatement les os qui se gàtent le plus facilement. Ces os, d’ailleurs, s'opposent à ce que les morceaux soient placés régulièrement dans les barils, et laissent des intervalles qu'on ne peut plus combler, même en tassant la viande; ce qui est une cause d’altération. 3° On choisira un sel pur, léger , fin, pour frotter la viande, la pénétrer en peu de mo- mens, et saturer toutes les parties liquides qui s’en écoulent pour former la saumure ; puis on fera usage d’un sel plus fort, plus dense et plus sec, et se dissolvant lentement, pour embariller la viande. Les sels marins de Martigues (Bouches - du - Rhône), de Saint- Gille ( Vendée), ceux qu'on recueille dans le qe de Gascogne, et auxquels les salaisons u département des Basses-Pyrénées doivent, dit-on, leur réputation, et beaucoup d’autres, sont très-propres à cet objet. La quantité des deux sels employés sera de 22 p. 100 en poids de la viande, dont 12 de sel léger et 10 de sel fort. 4° On ajoutera au sel 2 à 3 pour cent de ni- tre ou salpêtre sec et épuré, dont la moitié sera mélangée au sel destiné à frotter Ja vian- de. Cette portion a pour but de conserver à celle-ci une belle couleur rouge qui éloigne toute idée de corruption. L'autre portion en- trera dans le sel de l’embarillage et servira à maintenir la viande dans un état prolongé de fraicheur. 5° L’embarillage sera fait avec un soin ex- trème en comprimant fortement les viandes, en les couvrant de la quantité nécessaire de sel et en remplissant bien exactement les ba- rils d'une saumure pure et bien saturée, de manière à pe pas être obligé de les ouvrir pour reraplir les vides qui se seraient formés au bout de quelques mois. Ces barils seront AGR SALAISON DES VIANDES. 112 propres, construils avec exactitude, et ne présenteront ni fentes, ni ouvertures, par où l'air pourrait s’introduire. On les fermera avec précaution, et on lesenduira, sicela parait né- cessaire,d’'une couche de goudron ou de plâtre. En général, la supériorité des salaisons est moins due à la qualité des viandes qu’au sel qu'on emploie, et surtout à l'excellence des moyens mis en usage pour les préparer. Celles qu'on prépare suivant les méthodes décrites ci-dessus doivent se conserver pendant cinq années consécutives, même quand elles sont transportées dans les climats les plus chauds du globe. Le sel et le salpêtre ne sont pas les seuls corps qu'on fasse entrer dans la salaison des viandes ; on se sert encore, surtout pour celles ui sont destinées aux usages domestiques, e sucre, de baies de genièvre, de feuilles de laurier, etc., dont on délermine la dose sui- vant le goût et les habitudes des consomma- teurs. Les méthodes pour la salaison des viandes dont nous venons de présenter les détails, peuvent servir de même à conserver la chair de mouton, d'agneau, de chèvre et de veau; celle des oiseaux de basse-cour, surtout des oies et des canards. Nous ferons seulement observer que quand ces viandes sont desti- nées à l’économie domestique, et par consé- quent à être consommées au bout de peu de mois et transportées à de petites distances, il est inutile d'employer des doses aussi fortes des ingrédiens conservateurs. La plupart du temps, 8 à 10 pour cent de sel sont suffi- sans pour une bonne conservation de mé- nage. Des procédés à peu près analogues sont usités pour saler les poissons, tels que la mo- rue, le hareng, la sardine, lanchois, le sau- mon, etc. Nous nous contenterons de rappor- ter ici celui que les Hollandais emploient pour la salaison des harengs, dontils font an commerce si considérable. Aussitôt que les harengs sont hors de la mer, le caqueur hollandais leur coupe la gorge, en tire les entrailles, laisse la Jaite ou les œufs, les lave en eau douce et leur donne la sauce. Pour cela il les met dans une cuve pleine d’une forte saumure d’eau douce et de sel marin, où ils demeurent douze à quinze heures. Au sortir de la sauce on les fait égoutter, puis on les range par lits dans les caques ou barils dont le fond est couvert d’une couche de sel. Lorsque la caque est pleine, on recouvre d’une couche de sel, et on ferme exactement les barils, pour qu’ils conservent la saumure et ne prennent pas l’évent ; sans quoi les ha- rengs ne se conserveraient pas. Dès qu'on a débarqué, on procède à la deuxième salaison, qui s’opère comme il suit : on défonce les ba- rils, on en retire les harengs, qui sont jetés dans une cuve où ils sont lavés et nettoyés dans leur propre saumure; après quoi on les encaque dans de nouveaux barils, les têtes à la circonférenceetles queues au centre, en les comprimant fortement avec le secours d’une machine, de facon qu’un baril en prend un tiers en sus de ce qu'il contenait primitive- ment. Nous nous sommes etendus suffisamment dans un chapitre précédent sur emploi qu'on rome JIl,— 15 114 peut faire des débris des animaux morts. L’in- dustrie qui nous occupe ayant à sa disposition, _ quand elle est exploitee en grand, une grande ! quantité de ces débris, on doit chercher à en : tirer le meilleur parti possible en suivant les règles que nous avons prescrites à cet égard. Nous ajouterons seulement ici qu’il est quel- ques parties des animaux;telles que le cœur et le foie, qu’onne comprend pas ordinairement dans lesapprovisionnemens del’armée ou dela marine, qui pourraient de mêmeêtre salées et vendues aux pauvres gens; que le fiel peut être recueilli pour être envoyé aux dégraisseurs, ou pour entrer dans la fabrication de quel- ques compositions employées par les peintres à l’aquarelle ou en miniature, ou les enlumi- neurs; que la vessie est souvent vendue avec profit pour préparer ces poches dans les- uelles on conserve le tabac à fumer; qu’en- fn les os calcinés à blanc et pulvérisés, en- trant aujourd’hui dans la composition de poteries facon anglaise, peuvent être vendus avec quelque avantage aux fabriques où l’on prépare ces sortes de vases, etc. Sgcrion 11. — Du boucanage des viandes. On donne le nom de Boucanage à l’art de fumer la viande, c’est-à-dire de la rendre propre à être conservée en l’exposant pen- dant un certain temps à l'influence de la fu- mée du bois en combustion. Nous n’entrerons pas ici dans des détails scientifiques sur les principes très-variés qui entrent dans la composition de /a fumée de bois en combustion ou de la suie, ni sur la uature de ceux de ces principes auxquels ces corps doivent la faculté de conserver les sub- stances animales. Nous dirons seulement que cette faculté est due probablement à l’acide pyroligneux, à l’acide carbonique, ainsi qu’à quelques substances empyreuuiatiques, en- tre autres à une huile récemment décou- verte et qu’on a nommée Créosote, qui se for- ment pendant la combustion, et qui, en se déposant sur les corps exposés au courant de la fumée, pénètrent leur substance, et par leurs propriétés antiseptiques, leur odeur et leur goût, les mettent en état de résister à la décomposition et à l’abri de l'attaque des in- sectes. La viande fumée de Hambourg jouit d’une haute réputation, et nulle part on ne la fume aussi bien. C’est le procédé usité dans cette ville et ses environs que nous allons d’abord décrire, en prenant pour guide M. C. Marr- FELT qui l’a observéavec soin, et comme étant à la fois le plus convenable et le plus écono- mique. | C’est ordinairement parmi les bœufs les plus gras du Jutland et du Holstein, parmi ceux qui sont vieux sans être d’un âge trop avancé, qu’on choisit les animaux dont la chair doit être fumée. Ce choix contribue beaucoup au succès du boucanage. On tue les bœufs et en fume la viande dans les der- niers mois de l’année. La sa/aison a lieu dans la cave même de la maison. On se sert de sel de bonne qualité, mais qui n’est pas trop fort, car la viande qui a été fumée, recevant ainsi un second préservatif contre la putréfaction, p’a pas besoin d’un sel trop énergique qui lui ARTS AGRICOLES : CONSERVATION DES VIANDES. LIV. IV. enlève toujours une grande partie de sa sa- veur. Pour conserver autant que possible une belle couleur rouge à la viande salée, on la saupoudre après cette opération avec une certaine quantité de nitre; ensuite on la laisse huit ou dix jours dans cet état. Les foyers où l’on produit la fumée sont placés dans les caves où se fait la salaison ; mais la cambre où l’on rassemble cette fu- mée est au 4° étage ; ces foyers sont au nom- bre de deux, parce qu’un seul ne serait pas suffisant pour fournir la fumée nécessaire quand la chambre est complètement remplie e viandes. Les deux tuyaux, ou conduits de cheminée, se rendent dans cette chambre chacun d’un côté opposé, et débouchent l'un vis-à-vis de l’autre. Au-dessus de celle-ci, il existe une autre chambre faite en planches, laquelle reçoit la fumée par une ouverture pratiquée au plafond de la précédente. Dans la 1** chambre, la fumée est plus que tiède,sans être très-chaude; dans la 2°, ellen’est que tiède et presque froide.Les morceaux de viande salée sont suspendus à une distance de six pouces les uns des autres, rapprochés le plus possible de l’orifice des conduits, le côté vif ou saignant de la chair tourné vers cet orifice. À l’aide de bouchons ou de regis- tres, on peut à volonté augmenter ou dimi- nuer le volume de la fumée introduite dans la chambre. On pratique 2 trous au mur, un vis-à-vis de chaque orifice de cheminée, el l’autre au p'afond. C’est par ces trous que passe le su- perilu de la fumée. Cette disposition tient la fumée en circulation, et la viande en reçoit de nouvelle à chaque instant, sans que la même, chargée d'humidité ou dénaturée par un trop long séjour, touche pour ainsi dire la viande plus d’une fois. Le plancher supérieur n’est élevé au-dessus de l’inférieur que de 5 pieds +, et la grandeur du local est calculée sur la quantité de viande qu'on veut y boucaner. On entretient la fumée nuit el jour au même degré de chaleur, et l’on calcule le temps que la viande doit y rester exposée, d’a- près la grosseur et l’épaisseur des morceaux, en sorte que quelques-uns ont besoin de 5 à 6 semaines, d’autres seulement de 4. Les varia- tions de température apportent aussi quelque différence dans la durée de l'opération; par exemple, pendant les gelées, la fumée pénètre mieux que dans les temps humides. On fume quelquefois aussi en été, mais ce ne sont que de pelites pièces, parce que la fumée les pé- nètre plus facilement, et qu'elles n’ont pas besoin d’être suspendues aussi long-temps ; mais alors il faut bien prendre garde que la viande ne devienne aigrelette et ne se gâte. Les boudins, les langues, les andouilles et autres pelites pièces sont suspendus dans la chambre supérieure, sur des bâtons, par des ficelles qu'on peut enlever en même temps que les morceaux. On les laisse ainsi plus ou moins de temps exposés à la fumée, suivant leurs diverses grosseurs; ceux d'environ 4 à 5 pouces de diamètre ont besoin d’y rester 8 à 10 semaines. La fumée arrive dans cette chambre par le trou pratiqué au plafond de . la chambre inférieure dont nous avons parlé; elle s'échappe par 2 ou 3 ouvertures prali- quées dans le toit. cuapP. 6°. On ne brûle, sans celle opération, que du bois ou des copeaux de chêne; ce bois doit être très-sec et n'avoir Jamais contracté de goût de moisi ni d'humidité, parce que la qualité de la fumée a beaucoup d'influence sur l'odeur et le goût de la viande, et que le moindre de ses défauts se communiquerait aux pièces fumées. On ne fait pas usage du hètre, parce que, assure-t-on, il donne trop de chaleur; quant aux autres bois, ils ne sont pas en usage à Hambourg. En Espagne et en Italie, on brûle, pour pro- duire la fumée, le tronc, les branches et feuil- les des orangers et citronniers, ainsi qu’un grand nombre de plantes sèches odorantes, telles que la sauge, le thym, la marjolaine, le Fig. 108. D N un NN NN NT D COOL Lo Ze DU BOUCANAGE DES VIANDES. ni ZE Lo I IN Al NN HULL DE nil [ Les ui) T PELEUCETEUEX) IL @ es: = coupe d’une construction de ce genre’ dans 2 sens perpendiculaires l’un à l’autre, et par le centre; nous allons faire connaitre la manière dont on doit disposer et construire ces appa- reil. Dans un cellier ou dans une cave À de 10 pieds de longueur, 7 de hauteur et 6 de largeur. construite en pierre, OU mieux en 115 romarin , renfermant des huiles essentielles, qui, vaporisées par la chaleur, se déposent sur la viande et lui communiquent une odeur et une saveur agréables. En Allemagne, on ajoute aussi, dans le même but, au chéne, au hêtre sec et au bouleau, qu’on emploie pour produire la fumée , des branches ou des baies de genevrier en petite quantité, des feuilles de laurier , de romarin, elc. Si on voulait se livrer, dans nos établisse- mens ruraux , à l’industrie du boucanage des viandes sur une échelle étendue, on pourrait construire des chambres différentes des chain- bres hambourgeoises etmieux appropriées à la célérité des travaux et à la bonne préparation des produits. Les 5.107 et 108 représentent la Fig. 107. nt BTE Wu EN \ IN E a ES RENE RER briques, et voütee , esi placée, à l’un des an- gles, une cheminée à manteau B, dans la- quelle on allume le feu qui doit produire Ja fumée nécessaire au boucanage. On entre dan: cette cave par une porte placée au bas de l’esca- lier C, qui est en face de la cheminée. Au-des- sus de cette cave, et à fleur de terre, s'élève 116 une 2° voûte P de 2 pieds de hauteur, ouverte a ses 2 extrémités, et sous laquelle sont pla- cés 4 tuyaux DD circulaires et en fonte, ou bien autant de conduits quadrangulaires en briques cimentées et revêlues, à l’intérieur, d'un enduit de plâtre, ou simplement réunies par un mortier de terre grasse. Ces tuyaux sont disposés comme on le voit dansla ffg. 109, Fig. 109. et ont chacun 10 pieds de longueur. A cha- cune des extrémités où les tuyaux de fonte se réunissent, ils sont fermés par des tampons à vis qu’on enlève à volonté pour pouvoir net- toyer l’intérieur et les débarrasser de la suie qui les obstrue. Si les tuyaux sont en briques, en plâtre ou en ciment, on ménage à ces ex- trémités des portes qu’on peut ouvrir à vo- lonté pour procéder au nettoyage. D’après cette disposition, on voit que la fumée qui s'est formée dans la cheminée B s'élève sous le manteau qui perce la voûte de la cave, puis entire en E (7£2.109)dans les tuyaux D, les par- court dans Îe sens des flèches, et que, parvenue à l'extrémité, elle s'élève verticalement dans le tuyau G, qui perce à son tour Ja 2° voûte, et pénètre enfin dans la chambre placée au-dessus, après avoir passé à travers un tambour H revêtu d’un canevas de toile qui règne dans toute la jargeur de la chambre, et est de toute la hauteur du 1‘ étage. Là elle se sépare des parties grossières qu’elle au- rait pu entrainer dans son cours. Cette fumée a donc parcouru environ un espace de 50 pieds avant d’étre admise dans la chambre, et m'arrive dans celle-ci que beaucoup refroi- die et à l’état tiède, comme l'exige Ja bonne préparation des viandes. Cette chambre IT est construite en planches bien jointes et à re- couvrement, ou, Ce qui vaut mieux, en bri- ques cimentées avec de l’argile; elle est voù- tée dans ce dernier cas , et consülidée par des liens en fer et des cercles boulonnés placés à l'extérieur. On peut lui donner pour dimen- sions 10 pieds de hauteur sous clé, autant de longueur, et 6 pieds de largeur. Dans l’inté- rieur d’une pareille chambre, on peut fumer 4 à 5,000 kilog. de viande en une seule fois. Cette chambre est divisée dans sa hauteur en 3 étages inégaux, par 2 planchers ou dia- phragmes L et M. Le 1°" étage, ou l’inférieur, peut avoir 4 pieds de hauteur , le 2°, ou celui du milieu, 3 + pieds, et le supérieur 2 !. Les dia hragmes sont des planchers mobiles re- posant sur des tringles fixées dans les parois de la chambre, et ils sont composés, comme on le voit dans la fig. 110, d’une série de plan- ches bien jointes et réunies, à rainure et lan- guette.[ls peuvent être enlevés à volonté pour faciliter le chargement de la ‘chambre, puis rétablis à mesure que les pièces à bou aner sont suspendues à leur place. Ces planchers ne s’étendent pas sur toute la longueur de la ARTS AGRICOLES : CONSERVATION DES VIANDES. LIV. 1Ÿ 110. 8 pieds de longueur, et laisse par conséquent à l'opposé du tambour H, par où s'introduit la fumée, une ouver- ture de 2 pieds sur toute la largeur de la cham- bre. Le 2° plancher a la même longueur que le 1°"; mais l'ouverture qu'il laisse dans la chambre est placée à l'extrémité opposée de celle du premier, dispo- silion faite pour faciliter la cireulation de la fumée. En effet, celle-ci, en s’'échappant des mailles du canevas H, se répand dans l'étage in- férieur qu'elle parcourt en entier en touchant et enveloppant toutes les pièces de viande qu'il renferme; parvenu au bout de la chain- bre, elle s'élève par l’ouverture que laisse le plancher L, parcourt la longueur du 2° élage. monte par l'ouverture du 2° plancher M, se répand de même dans le 3° élage, et s'échappe enfin par la cheminée N placée sur la voûte de la chambre , à l'opposé de l'ouverture du 2° plancher. Cette cheminée, qui peut ètre double, est munie d’une trappe O, qu'on ouvre où qu'on ferme au degré voulu, au moyen d’uie corde munie d’un anneau qu'on accroche à des clous fichés dans le mur, soit pour favoriser le tirage, soit pour faire séjourner plus long-temps la fumée sur les viandes. Le 1°" étage est destiné à recevoir les plus grosses pièces, telles que les jambons, les gros gigots, les pièces de bœuf de forte dimension, etc.; on peut en placer 2 rangs au moyen de tringles en bois, glissant à VO- lonté de part et d’auire sur des liteaux qui règnent à diverses hauteurs sur les parois les plus longues de la chambre. Les pièces sont suspendues à ces tringles par des ficelles ou par de forts crochets en fil de fer étamé. Le 2° étage a également 2 rangs qui sont compo- sés de petits gigots, de jambonneaux, d’oies, de langues et de petites pièces de bœuf. Quant au 3° étage, il est composé de 3 rangs char- gés, en commençant par le rang le plus bas et en montant jusqu’au plus élevé, de gros sau- cissons, d’andouilles, de boudins, de cerve- las , de saucisses, etc. On voit que la grosseur des pièces diminue régulièrement à mesure qu’on s'élève dans la chambre, ou plutôt à mesure que la fumée se refroidit et contient une moindre quantité de principes actifs. Le chargement de cette chambre est très-facile. En effet, on entre par la porte placée sur la petite face opposée au tambour H, on monte sur le plancher L, on démonte le plancher M et on fait glisser toutes les tringles derrière soi. On commence alors à suspendre les peti- tes pièces dans l’étage supérieur , en com- mencçant sous la cheminée N, en reculant successivement et replaçant les planches à mesure qu'on recule. Ceci terminé, on des- cend et on démonte le plancher L, puis on charge simultanément le 2° et le 1°" étages, en replaçant peu-à-peu ce dernier plancher, et reculant jusqu’à la porte qu’on ferme enfin et u’on enduit de terre grasse sur les fissures quand tout est bien rempli. Le décharge- chambre (fig. 108). Le premier L n’a guère que ; ment de Ja chambre se fait par une manœuvre cHar. 6°. contraire et en enlevant, dans un ordre in- verse, toutes les viandes fumées contenues dans la chambre. La porte dont nous avons parlé est une ouverture qui règne sur toule la hauteur de cette chambre, mais qui est fermée par plusieurs trappes à coulisse s’ou- vrant à différentes hauteurs. Il est utile de ménager, dans les parois de la chambre, et à chaque étage, des ouvertures qu'on ferme ensuite avec des châssis à vitres mobiles, bien joints , soit pour voir ce qui se passe dans l'intérieur , soit pour l’aérer au besoin. Une pareille ouverture sera aussi pratiquée près du tambour en canevas H, pour pouvoir, de temps à autre, le battre avec une baguette, el empêcher que la suie déposée n’obstrue ses mailles et ne fasse refluer la fumée. Une sou- pape P, placée sur le tuyau vertical G, sert à régler la quantité de fumée dont on a besoin, et des thermomètres suspendus à l’intérieur devant les fenètres servent à déterminer la température aux différentes hauteurs de la chambre. Si la cheminée placée dans le cellier n'était pas assez grande, on pourrait en cons- lruire une de toute la largeur de cette pièce, ou en établir 2 avec une double série de tuyaux conducteurs de la fumée, comme dans les chambres hambourgeoises. Dans les fermes et dans les ménages, quand on n'a qu'une petite quantité de lard ou de viande à fumer, on peut, ainsi que cela se ratique presque partout, les suspendre dans a cheminée ; alors il est avantageux d’enve- lopper les pièces à fumer dans de la toile, ou bien de les rouler préalablement dans de la farine ou du son, pour empêcher les portions les plus grossières de la fumée de se déposer sur les viandes, et ne permettre qu'aux plus subtiles de les pénétrer. Donnons encore ici quelques notions uti- les pour fumer les viandes. On préfèrera pour les jambons qui doivent ètre fumés, ceux des porcs engraissés avec | des glands, des pois, des fèves, des haricots, du maïs et autres grains. La chair des cochons nourris avec des résidus de distilleries, de brasseries ou des herbages, est moins propre à être boucanée. Il faut, avant d'exposer les ièces dans la chambre ou la cheminée, les rotter fortement avec un mélange de8 parties de sel à gros grains et sec et une de nitre, bien pulvérisées et méléesavec soin.On les entasse ensuite dans un tonneau, où on les laisse 8 à 10 Jours, au bout desquels on les en retire pour les faire plonger autant de temps dans une saumure, à laquelle où ajoute quelques feuilles de laurier. Ainsi préparés, on les retire et on les fait sécher en les exposant deux jours à l'air, puis on les soumet au boucanage, qui est terminé au bout de quelques jours si on agit dans une chambre. On peut de la même ma- nière préparer et fumer les morceaux de lard, les gigots de mouton, et même de la viande de veau. En Angleterre on fait souvent usage du procédé ci-après. On met les pièces de co- chon, les gigots de mouton, le bœuf ou les langues tremper pendant toute une nuit dans une dissolution de sel dans l’eau pour en extraire le sang et les parties solubles. On les en retire ensuite pour les faire égoutter et les frotter chaque jour pendant une $se- DU BOUCANAGE DES VIANDES 117 maine, avec un mélange fait dans la propor- tion de 10 parties de sel et 1 de salpêtre. Au bout de ce temps, ils ont donné une quan- tité de saumure suffisante pour couvrir la moilié de ce qui est salé. On ajoute à cette saumure, en supposant qu'on opère sur 24 Jambons, 1/4 de livre de sel ammoniac, ré- duit en poudre très-fine, et une livre de belle moscouade.On incorpore avec lasaumure, et, après quelques minutes de battage, on verse celle-ci sur les jambons qu’on retourne 7 à 8 fois, à 2 Jours de distance. Après cette époque on les enlève, on les lave et on les pend dans un endroit sec pendant une.semaine. Alors on les transporte dans la chambre à fumer ou dans la cheminée, où on fait un feu de bois de chêne que l’on recouvre aux 3/4 de sciureet de feuilles de genièvre mêlées ensemble et hu- mectées d’eau. On laisse les pièces exposées à l’action de la fumée de 1 à 8 jours, au bout desquels on les retire et on les soumet à l’ac- tion d'une iempéralure modérée et à un cou- rant d'air. Lorsqu’elles sont desséchées, on les emballe dans des caisses, en mettant une cou- che de sel au fond, puis une couche de jam- bons et une couche de sel de 3 pouces d’épais- seur, et ainsi de suite jusqu’à ce que les caisses soient remplies. C'est par des procédés tout-à-fait analogues qu’on peut fumer les oiseaux de basse-cour, surtout les oies. Après les avoir vidées et net- toyées soigneusement, on lessale, soit en cou- pant la carcasse en 2 portions, soit en la conservant entière, en ayant soin, dans ce dernier cas, de la frotter de sel aussi bien à l’intérieur qu’à l'extérieur. On plonge ensuite les oies, ainsi préparées, dans la saumure pendant le temps convenable, puis on les fait égoulter et sécher, el. on les suspend dans Ja chambre, enveloppées d’une toile. Elles sont entièrement fumées en 6 ou 8 jours, au bout desquels on les expose pendant quelques Jours à l'air libre, puis Etes frotte avec du son, et on les conserve dans un lieu sec et frais. Les mêmes moyens réussissent fort bien pour fumer les boudins, les andouilles et les saucisses, etc.; seulement, en les enveloppant d’un linge, on leur donne un goût plus fin et uve plus belle apparence. Les poissons, après avoir été salés, peuvent également être fumés. Les saumons et les an- guilles doivent être coupés par tronçons, ce qui n’est pas nécessaire pour les autres pois- sons. Le temps du boucanage dépend de la grosseur, il varie depuis 3 ou 4 jours jusqu’à 3 ou 4 semaines. On sait que les harengs fu- més, dits harengs-saures , ne sont autre chose que ces poissons passés à Ja saumure, puis ex- posés dans des cheminées pendant 24 heures a la fumée d’un feu de menu bois. Un boucanage lent et prolongé, une com- bustion peu active avec un dégagement mo- déré de fumée, sont préférables à une fumée abondante et un fumage rapide, parce que, dans le 1° cas, les principes empyreumati- ques ont le temps de pénétrer la viande avant | qu’elle soit sèche. On peut empêcher la suie de s’altacher à la viande en enveloppant les pièces avec des torchons, ou en les roulant et les enduisant dans du son, qu’on enlève apres l'opération, 118 SECTION 1x. — Autres moyens de conserver les viandes. Lorsqu'on prépare le charbon de bois en vases clos, c’est-à-dire en soumettant du bois renfermé dans des vases de métal, à l’action du feu, et en recueillant les produits de la distillation, ainsi que nous l’indiquons plus loin, on obtient un produit liquide qu'on a nommé acide pyroligneux et qui est en grande partie composé d’acide acétique, d’huiles em- pyreumatiques et de goudron. Cet acide, sur- tout par la créosote qu’il contient, possède à un haut degré des propriétés antiseptiques , et est par conséquent éminemment propre à conserver les substances animales. De la viande plongée pendant quelque temps dans l'acide pyroligneux et séchée à l’air libre, ne manifeste plus de tendance à se pourrir; elle perd en partie, au bout de quelques jours, l’odeur des huiles empyreumatiques et ressemble à de la chair boucanée; seule- ment elle se dessèche davantage, gonfle moins à la cuisson et est moins tendre. M. Sanson a proposé d’apprêter en peu de momensla viande qu'on veut conserver, en la plongeant dans une saumure faite avec de la suie brillante, qu’on peut recueillir près du foyer. Les essais qui ont eu lieu à Munich, en 1824, ont constaté, en effet, qu'un jambon de 8 livres dont la préparation avait duré seule- ment8heures,ouvertau bout de 11 mois,avait ététrouvé parfaitementconservé. La saumure se fait en délayant une partie de fumée dans 6 parlies d’eau froide. Quelques minutes seu- lement, d’après ce procédé, suffisent pour préparer les petiles pièces, telles que langues, saucisses, etc. Il paraît aussi qu’on a par là l'avantage sur la fumigation ordinaire de mieux conserver le poids, le volume et le suc des viandes, et de pouvoir faire cette sorte de préparation dans toutes les saisons de l’année; mais on ne peut nier que par ce moyen de conservation la viande n’acquière une amertume et une âcreté auxquelles il est difficile de s’accoutumer, et qui, même d’a- près les découvertes de la chimie moderne, pourraient bien avoir une influence dange- reuse sur la santé, si on consommait en grande quantité les viandes ainsi préparées. On peut avantageusement employer la des- siccation à la conservation des viandes, et des essais de cette nature, pour rendre la viande des animaux propre à servir aux approvi- sionnemens de la marine et de l’armée, avaient été tentés depuis long-temps; mais un des procédés les plus simples en ce genre est celui proposé par M. Fricnou, et ui consiste à soumettre les viandes à la dessibatiol au moyen d’un courant d’air, élevé à une température de 20° à 25°, qui leur enlève l’eau qu’elles contiennent. La partie principale de l’appareil que M. Fricaou a proposé pour dessécher les viandes, est un conduit horizontal ayant in-* térieurement 1" 20 de hauteur, 0" 80 de large et 10 à 12 mèt. de long. Au plafond, on place une suite de tringles de fer glissant dans des coulisses et portant des crochets pour suspendre les viandes. Celles-ci entrent par une extrémité et sortent par l’autre, en ARTS AGRICOLES : CONSERVATION DES VIANDES. LIV, IV. traversant l’appareil dans toute sa longueur, de sorte que l’opération est continue; les ouvertures sont hermétiquement fermées par des portes. A la partie antérieure on fait arriver un courant d’air au moyen d’un ven- tilateur ordinaire ou de toute autre machine soufflante; cet air s'échappe du côté opposé par un tuyau vertical. On porte sa tempéra- ture au degré convenable en le forçant de traverser des tuyaux chauffés par un four- neau extérieur, et on peut augmenter sa puis- sance siccative, avant d'élever sa température, en le faisant passer dans un espace peu élevé sur du chlorure de calcium (muriate de chaux). Le conduit est construit en briques ou en bois ; les tuyaux à air sont en fonte. Un appareil de ce genre desséchera dans 24 heures, et à peu de frais, un quintal de viande. : Les viandes ainsi desséchées doivent être sournises à une pression Considérable pour leur faire occuper un plus petit volume; en- suite on les emballe dans des caisses qu’on peut recouvrir à l’intérieur d’un enduit de charbon. Préparées de cette manière, les viandes de bœuf paraissent bien se conserver; elles sont compactes, même un peu sonores; la cou- leur est noirâtre à la surface et rouge à l’in- térieur; en cet état elles fournissent un ali- ment irès-substantiel dont la saveur rappelle celle des saucissons crus. Cuites dans l’eau, elles reprennent seulement une partie de leur volume, et ne diffèrent du bouilli ordinaire qu’en ce qu'ellessont un peu filamenteuses et que la saveur n’en est pas aussi agréable que celle de la viande fraiche. Le bouillon, assure l'inventeur, diffère peu de celui de la viande ordinaire de bœuf, et a presque toute son odeur et sa saveur. Depuis long-temps la Société d’encourage- ment de Paris avait proposé un prix pour la découverte d’un moyen de conservation des viandes qui,tout en desséchant ces substances convenablement, leur permit de reprendre par la coction dans l’eau une souplesse et une saveur analogues à celles du bouilli de mé- nage, de donner un bouillon sain et agréable, et d'offrir sous toutes les latitudes ue nour- riture substantielle aux marins. Un grand nombre de concurrens se sont présentés, mais aucun d'eux n’a rempli les conditions du problème, surtout celles relatives au ren- flement et à la saveur agréable de la chair. Un des concurrens, M. DECHENEAUX, pro- fesseur de chimie à Sorèze, a eu l’idée de faire sécher les pieds de veau, qui se sont parfaitement conservés, et qui, employés sur mer dans les pays les plus chauds du globe, ont donné d’aussi bons résultats que des pieds de veau frais. Ce qui prouve que la con- servation des substances gélatineuses offre beaucoup moins de difficulté que celle de la viande ou chair musculaire. M. MURLOYE a aussi adressé des viandes qui se sont assez bien conservées dans les hautes latitudes, et ont. fourni par la cuisson un bouillon lim- pide, de couleur brune, d’un goût assez agréa- ble, mais différant sensiblement de celui du bœuf frais ; la viande bouillie était sèche et dure, se détachant en longs filamens presque sans saveur. Son procédé consiste à saisir la viande par de l’eau bouillante, dans laquelle cHap. C°. on la plonge; puis, après l’avoir laissée se ressuyer, à la plonger dans du vinaigre af- faibli, bouillant; et ensuite à la laisser sécher à l'air sans autre précaution. Il paraît que par ce moyen on conserve surlout parfaite- ment les parties grasses des viandes, qui res- tent blanches et sans altération. Une des plus grandes difficultés qu’ont rencontrées Jusqu'ici ceux qui ont préparé des viandes pour les marins, a été de préserver ces substances desséchées de la moisissure et de la piqûre des insectes. M. DERoSNE à cette occasion s’est livré à quelques essais qui lui ont permis de remédier facilement à cet in- convénient en renfermant les viandes sèches dans un milieu qui ne permettrait pas aux larves des insectes de vivre, et qui absorbe- rait lui-même l'humidité qui pourrait se trouver dans le peu d’air existant lors de la fermeture des boites de métal ou de bois bien sec et verni à l'intérieur, dans lesquel- les on renfermerait ces viandes, ou même celle qui pourrait encore être renfermée dans ces viandes incomplètement desséchées. Le corps ou milieu dont il a fait choix et qu'on avait déjà maintes fois appliqué à cet usage, est le charbon très-divisé, soit pur, soit com- biné avec des substances terreuses, tel qu’on le trouve dans le noir animal ordinaire, dans les noirs schisteux de Menat et dans les noirs terreux faits artificiellement. Les expériences ont été faites avec du noir schisteux de Me- nat, qui, par ses propriétés absorbantes, pa- raît plus propre à cet objet que le noir ani- mal ou le charbon végétal réduits en poudre. Des viandes ont été complètement séchées sans l’emploi de la chaleur, en les mettant simplement en contact avec du noir de Me- nal très-sec et réduil en poudre impalpable. On s’est borné à renouveler les couches charbonneuses au fur et à mesure que dans les 1°"* jours elles se trouvaient saturées d’hu- midité. Par ce procédé simple on a amené facilement à l’état complètement sec des viandes qui contenaient à l’état naturel 62 à 63 pour 100 d'humidité, et on les a rendues aussi sonores que du bois. Conservées dans cette même poudre de charbon, ces viandes au bout de 18 mois n’offraient pas la moindre trace de moisissure ou de piqüre de vers, et elles ont fourni par décoction dans l’eau un bouillon d’une saveur agréable, mais parti- cipant de la saveur du bouillon fait avec le petit-salé ou la viande rôtie. | Il est constant, d’après les efforts qui ont été faits jusqu'ici, que l’on peut parvenir à conserver les viandes sans le secours de la sa- laison et du boucanage, en les faisant des- sécher par divers moyens, mais qu’il est très- difficile de conserver à la chair desséchée une proportion d’eau telle et tellement répartie que lon puisse en obtenir des mets aussi agréables et aussi tendres qu'avant la dessicca- tion. Toutefois, notre savant collaborateur, M. PAyEN, a pensé qu'il était possible de pro- curer , avec de la viande sèche, aux gens des campagnes, aux soldats et aux marins, du bouillon de viande avec la saveur toute spé- ciale qui le rend si agréable au goût, ainsi AUTRES MOYENS DE CONSERVER LES VIANDES, 119 qu'avec toutes ses autres propriétés utiles Voici les expériences sur lesquelles sont fon- dées ces prévisions, et qui pourraient met- tre sur la voie pour la découverte d'un procédé usuel et pratique. Si l’on soumet la chair musculaire d’un animal récemment abattu à une élévation brusque de tempéra- ture, au moyen d’un corps qui, comme l’eau, a une grande capacité pour la chaleur, on fait gonfler et rompre un très-grand nombre de cellules qui contiennent les sucs de la viande : celle-ci peut alors laisser écouler, sous l’in- fluence d’une forte pression, plus des 8/10 du liquide qu’elle renferme. Si l’on fait alors des- sécher ces sucs par un courant d’air chauffé de 50 à 60 degrés, puis qu’on renferme le pro- duit dans des flacons bien secs, on les con- servera pendant plusieurs années sans crain- dre Îes variations atmosphériques. Comme la température, pendant la préparation de ces sucs, n'aura pas été élevée au point de déve- lopper ni d'enlever le principe aromatique, celui-ci se produira lorsqu'on dissoudra et fera chauffer à 100 degrés la substance sèche conservée. Un à 2 centièmes suffiront pour donner à l’eau la saveur et les qualités du bouillon. Le résidu de chair musculaire pressé sera desséché avec la plus grande facilité dans une étuve à courant d’air chaud, et donnera de son côté, employé en quantité suffisante, un bouillon fort agréable ; mais la viande cuite ainsi aura conservé trop de cohésion et perdu trop de sucs sapides pour être aussi tendre et d’un goût aussi agréable que le bouilli or- dinaire. Il ne nous reste plus qu’à parler du pro- cédé de M. APPerT, appliqué à la conservation des substances animales, et dont plusieurs années d’expériences et d'essais ont suffisam- ment constaté l'efficacité. Toul le monde con- nait ce procédé, qui consiste : 1° à renfermer dans des bouteilles ou bocaux, et dans des boites de fer-blanc ou de fer battu, les sub- stances que l’on veut conserver; 2° à boucher ou souder ces différens vases avec la plus grande précision, opération d’où dépend sur- tout le succès ; 3° à soumettre ces substances, ainsi renfermées, à l’action de l’eau bouil- lante d’un bain-marie , pendant plus ou moins de temps, selon leur nature; 4° à retirer les bouteilles ou boîtes du bain-marie au temps prescrit pour chacune des substances. Nous ne pouvons entrer ici dans les détails sur la nature des bouteilles et des bocaux, sur les bouchons, le bouchage, le ficelage, le lut et la confection des boîtes; ni sur la construc- tion du bain-marie et la manière de l’appli- quer aux bouteilles ou boîtes qui renferment les diverses substances alimentaires; nous renvoyons, pour avoir des renseignemens étendus sur cette matière, à l'ouvrage que M. Appert a publié lui-même sous ce titre : Le livre de tous les ménages , ou l’art de con- server pendant plusieurs années toutes les sub- stances animales et végétales, en regrettant seulement que ce Hrociié ingénieux, pratiqué un peu en grand , ne soit pas d’une exécution plus facile et d’une application plus écono- mique. F. M. 120 ARTS AGRICOLES : ÉDUCATION DES VERS-A-SOIE, LIV,. IV, CHAPITRE VII — ÉDUCATION DES VERS-A-SOIE. Sgcrion l'°. — Histoire naturelle du ver-a- sote. $ 1%. — Description du papillon, de la chenille et de la chrysalide du ver-à-soie. Le papillon que produit le ver-à-soie ap- partient à une famille très-nombreuse, dési- gnée, par les entomologistes, sous les noms de Bombycites où Bombyciens. Il fait partie du genre Bombyx proprement dit, et il a été distingué sous le nom de Bombyx mori, Bom- byx à soie. L’insecte parfait ou le papillon dont la 3.111 A représente le mâle et la /g. 112 B la femelle, est reconnaissable aux carac- tères suivans : antennes peclinées,moins dans lesfemelles que dans les mâles, d’un brun plus ou 1n0ins clair ; ailes blanches avec quelques lignes transversales brunes, les supérieures débordées par les inférieures dans le repos, et recourbées ex faucille, surtout dans le mâle. Fig. 111 À, 112 B et 113. La chenille ( fig. 113) que l’on nomme vul- gairement ver-a-soie, est pourvue de poils et d’une couleur noirâtre en sortant de l’œuf ; mais elle devient successivement lisse et de plus eu plus blanchätre à mesure qu’elle su- bit les changemens de peau et qu’elle se rap- proche du moment où elle devra filer sa co- que pour se métamorphoser. C’est dans cet élat qu’elle est représentée de profil dans notre figure. La chrysalide n'offre rien de remarquable, elle retrace les formes des principales parties extérieures du papillon. D'abord d’un jaune le, elle se colore de plus en plus en jaune runâtre lorsqu'arrive l’époque de la sortie ou de l’éclosion du papillon. Au reste, les ca- ractères exterieurs du Bombyx mori à ses di- vers états de chenille, de chrysalide et d’in- secte parfait, sont trop généralement connus pour qu'il soit nécessaire d’insister sur leur description. Peut-être trouvera-t-on plus con- venable que nous nous étendions davantage sur les particularités que présente son orga- nisation intérieure. C’est, au reste, un point qui à été négligé par les nombreux auteurs qui ont écrit sur l'éducation des vers-à-soie. $ II. —Anatomie du ver-à-soie. son état de larve qu’a celui d’insecte parfait, est assez bien connue, grâce aux travaux de quelques naturalistes anciens, parmi lesquels on doit surtout distinguer MaLriçexi, à cause de l'exactitude et de la délicatesse de ses dis- sections. Nous tâächerons de faire connaître cette structure, en lui empruntant les princi- paux détails que nous allons donner. Occupons-nous d’abord de l’organisation intérieure de la chenille, nous passerons ensuite à l'étude de quelques organes spécialement propres au papillon. Quand on ouvre une chenille de Bombyx mort, et ces dissections doivent toujours être faites dans l’eau, de telle sorte que ce liquide recouvre entièrement l’objet dont on pour- suit l'étude; quand on ouvre, disons-nous, une chenille de Bombyx mort, on voit que sa peau, composée de plusieurs couches, est tapissée intérieurement de divers muscles qui, les uns droits, les autres obliques en sens inverses, sont destinés à imprimer aux anneaux du corps les mouvemens variés qu’ils exécutent. Des petits muscles spéciaux se fixent aux pat- tes proprement dites, et à ces autres pattes en couronne pourvues de petits crochets, à l'aide desquels la chenille s'accroche et se tient fixée sur les feuilles dont elle se nour- rit, ou sur tout autre corps étranger Son canal intestinal (fig. 114) est un tube Fig. 114. Fig. 115. droit qui débute par un œsophage court a ; vient ensuite le ventricule chylifique b, dont les parois sont garnies antérieurement de fi- bres musculaires transversales très -nom- breuses, parmi lesquelles on en remarque deux longitudinales cc, qui semblent brider les autres. II recoit de nombreuses srachées L'anatomie du Bombyx à soie, Lant à | dont quelques-unes sont indiquées, ep d; pos- cHap. 7°. térieurement il se rétrécit en e, et là com- mence l'intestin /, qui est court. Un nouvel étranglement existe en g et indique l’origine du cæcum k. L'intestin recoit, à l'endroit où se termine le ventricule, l'insertion zéi de petits vais- seaux variqueux repliés un grand nombre de fois sur eux-mêmes, et que les anatomistes modernes ont désignés sous le nom de vais- seaux biliaires. Is semblent se prolonger sur l'intestin, car les petits canaux qui forment à sa surface de nombreuses circonvolutions, sont, à cequ'il parait, la continuation de ces vaisseaux Pres. Toutefois MaLpiGat n’a pu s'assurer positivement de cette continua- tion. ain. Un des organes dont la structure doit pi- quer davantage la curiosité est sans contredit celui qui produit la soie. La chenille du Zom- byx mori est pourvue d’une ffliére qui s’aper- çcoit en arrièrede la bouche; c’est par son extré- mité quesort, sous forme de très-petite goutte- lette,le Ziquide soyeux qui aussitôt sesolidifieet forme le fil de soie dont est formé le cocon. A cette filière aboutissent deux organes inté- rieurs (/g. 115), qui,réunis en un seul à l'extré- mité de la filière, se montrent bientôt isolé- ment. Ce sont des tubes ou canaux rétrécis en avant aa et en arrière à, renflés dans leur milieu €, repliés sur eux-mêmes, et dont les parois sécrètent la liqueur soyeuse. Ces or- ganes sécréteurs sont d'autant plus dévelop- pés que la chenille est plus âgée, et ils ont atteint leur complète turgescence au moment où elle commence à construire son cocon. La respiration du ver-à-soie a lieu à l’aide de trachées élastiques, toujours béantes, qui ont la plus grande analogie de structure avec celles qu’on remarque dans la plupart des chenilles. Elles prennent leur origine de chaque côté du corps {/£g. 113 aa) aux stig- mates qui manquént au 2° el au 3° anneau. Ces ouvertures ont une composition particu- lière qu'on reconnait en grossissant l’une d'elles au microscope (£g. 116). Un cercle Fig. 116. corné aa en constitue le tour, et l’orifice pro- prement dit est réduit à une fente longitudi- nale B, très-étroite, bordée de petites laniè- res membraneuses c ; le but de cette struc- ture est facile à saisir. L'air entrant dans le corps par ces ouvertures, il était nécessaire qu'aucune substance étrangère ne pût y péné- trer en même temps; les espèces de cils c que l’on remarque ont pour fonction de s’opposer à cette introduction. Le tronc des vaisseaux trachéens (fig. 117), qui part à l’intérieur de chaque stigmate, est très-court 4 a; bientôt il donne naissance à un vaisseau longitudinal AGR, HISTOIRE NATURELLE DES VERS-A-SOIE. 121 Tr bbbEB b qui s’abou- Fig. 117. che à un vaisseau sem- blabie, fourni par le sé tronc de la trachée f contiguë. Mais, indépendam- 4 | ment de ces deux es- : VS] | pèces de tiges arbo- 4 À 4 el [ \ rescentes qui règnent KI SE AT \ de chaque côté dans SS F5 LL Le) toute la longueur du ZE EE | corps, et qui commu- sf RE niquent entre elles en 7 VS ) avant et en arrière, d chaque petit tronc | qui part directement \ K by | du stigmate fournit à\ immédiatement des XX ramuscules, dont les K uns cccvontse distri- S RS buer aux muscles, les 4 | autres d d aux viscè- b/ res, et un assez grand nombre e e au vaisseau dorsal ou cœur ff. La circulation est nulle, comme cela a lieu, au reste, chez tous les insectes; c’est-à-dire qu'il n’y a pas de système artériel, et encore moins de système veineux complet, par con- séquent aucune trace d’artère ou de veine. MarpiGur croit bien avoir apercu quelques vaisseaux, mais il ne les a pas vus partir du cœur. Ce cœur, ou plutôt ce vaisseau dorsal, qui s’étend de la tête à l’anus et qui occupe la ligne moyenne du corps, est placé im- médiatement sous la peau; ses mouvemens de systole et de dyastole s’apercoivent très- bien à travers les tégumens; ils ont lieu d’ar- rière en avant, et les contractions se faisant successivement sur certains points de sa lon- gueur, il en résulte une série d’étranglemens qui circonscrivent autant de loges distinctes; MaLriGur pense que celles-ci sont en même nombre que les anneaux du corps, ou du moins que chaque paire de stigmates. On a représenté ici deux de ces sortes de loges formées par les étranglemens du cœur (g. 117 ff). Le vaisseau dorsal est entouré, ainsi que les autres viscères, d’un tissu membraneux, formé par de nombreux globules, et qui n’est autre chose que le #issu graisseux, tres-abon- dant chez Loutes les larves ; il sert à la nu- trition des organes qui devront se déve- lopper durant les métamorphoses de l’ani- mal. Le système nerveux n'offre rien de bien particulier; il se compose, comme dans tous les animaux articulés,d’unesérie de ganglions appliqués immédiatement contre la paroi du ventre, au-dessous du système digestif. MazriGnt a compté 10 de ces ganglions; et en y comprenant, comme il le fait, le gan- glion cérébral ou sub-æsophagien, et deux bulles qui se voient en arrière des yeux , le nombre total serait de 13. Quant au papillon, il mérite surtout d'être éludié sous le rapport de la génération, les organes reproducteurs n’existant avec tout leur développement et ne pouvant fonction- ner que dans ce dernier état qu’on nomme l’état parfait. Les organes générateurs du Bombyx mort x. II. — 16. 122 ARTS AGRICOLES : ÉDUCATION DES VERS-A-SOIE. LIV. IV. mâle (fig. 118) se composent extérieurement | ture très-remarquable des parties essentiel- Fig. 118. de diverses pièces copulatrices «a a b c d au milieu desquelles se voit l’anus e, et pos- térieurement le péris f. A l’intérieur, il exisle deux testicules g g, ou sortes de petites poches ayant chacun un canal déférent 2 2 se Joignant entre eux el se réunissant dans leur trajet à deux vésiculessé minales à i et au canal éjaculateur commun assez long. Un bord grêle et se renflant insensiblement , aboutit à la base du pénis. Les organes générateurs femelles présen- tent extérieurement( 2.119) une composilion Fig. 119. assez remarqua- ble. Du dernier anneau du corps À, on fait sortir par la pression une masse mem- braneuse dans laquelle on aper- coit inférieure- ment un Corps en demi- lune semi-corné B, au milieu du- uel est la fente e la vulre C; plus loin on re- kan marque l'anus D, entouré de tubercules charnus ee, FF; intérieurement ( #g. 120), on observe la struc- F1, 1120; les. Les 2 ovaires se composent chacun de tubes alongés a a, fixés à leur sommet par une sorte de lanière quadrifide b b. A leur base, ces tubes se réunissent d'abord entre _,£ EUX, puis à ceux du côté opposé, pour former un Canal commun c cqui aboutit à l’ouverture anale. Ce canal commun est l’oviducte, dont l'étude, très-simple en elle-même, se compli- que un peu par la présence de certains or- ganes qui s’insèrent sur son trajet. Le pre- mier de ces organes est formé par la réunion de trois vésicules d 4 d dont l’une se pro- longe en des espèces de tubes ramifiés. Les vésicules aboutissent à un canal commun e qui s'ouvre dans l’oviducte c près de son ori- gine. Cet organe parait destiné à verser dans ce conduit un liquide particulier. Le second appareil est d’une plus grande importance: il se compose d’une grosse vésicule f pour- vue de deux canaux étroits : l’un g se termine dans l’oviducte ; lesecond Z aboutit à l’ouver- ture vulvaire £ que nous avons déjà fait con- naître en parlant de la structure des parties extérieures de la femelle (7£g. 119 C). Cette poche renferme un corps semi-concret et transparent. Enfin, on remarque deux vési- cules Æ #, placées transversalement sur l’o- viducte, grosses, terininées par des digita- tions et s'ouvrant dans ce conduit par un canal Z'très-court. Ces deux vésicules, qui communiquent entre elles, sont remplies d’un liquide qui s’écoule dans l’oviducte lors- qu’on les comprime. L'usage de ces derniers organes, ainsi que celui des vésicules dd, dont nous avons déjà parlé, paraît être de fournir quelque li- quide propre à lubréfier les œufs ou à se mé- langer avec la liqueur séminale; mais la vé- sicule j, située entre celles-ci, a un rôle bien plus important à remplir : elle recoit immé- diatement la liqueur fécondante du mâle, qui, dans l’acte de la copulation, introduit son pénis par l'ouverture À, que nous avons indi- quéeet qui correspond à la fente cde la g.119; puis ensuite l'organe mâle pénètre dans la vé- sicule f par le canal 2; plus tard, c’est-à-dire lors de la ponte, cette liqueur, convenable- ment élaborée, s'écoule par le canal £ et fé- conde les œufs à mesure qu'ils passent dans l’oviducte c, devant l’orifice de ce canal. J’ai retrouvé un fait analogue dans un grand nombre d'insectes, et c’est à cause de ces fonctions que j’ai nommé cette poche vési- cule copulatrice. Nous renvoyons sur ce point à nos différens travaux. Nous pourrions nous étendre davantage sur l’organisation des Bombyx, en compul- sant quelques écrits postérieurs à ceux de MaLriGmi, tels que le mémoire de BiBrENA publié en 1767, quelques observations sur le système nerveux, par sir EVERARD Home; mais nous n’ajouterions pas des fails très- importans à ceux que nous venons de faire connaitre. $ III. — Espèces diverses de vers-à-soie. Ouire l’espèce dont il vient d’êlre ques- tion, le genre Bombyx en renferme plusieurs autres qui filent également des coques; mais ces coques Sont imparfaites et d’une soie cHAP. 7°. trop grossiere pour qu'on ait pu jusqu'ici en tirer parti; cependant il faut en excepter deux espèces qui, au Bengale et dans les con- trées voisines, fournissent une soie lrès-re- cherchée, dont on fait un très-grand usage, et qui mérite, à cause de cela, que nous en parlions, parce qu’il serait peut-être avanta- geux et possible de les transporter en Eu- rope et de les y acclimater. Ces deux espèces sont les Bombyx mylitta et cynthia. + Le Bombyz myltte(Bombyx mylitta de Fa- BrIGIUS, où la PAalena paphia de CRAMER (1), est un papillon (/£z. 121) d'une grande taille Fig. 121. qui égale celle de notre Bombyx grand-paon. Il est jaune ou quelquefois d’un jaune fauve ; une bande d’un gris bleuâtre se re- marque sur le dos du corselet, et s'étend le long du bord antérieur des ailes supérieures; celles-ci, dont le bord externe est très-échan- cré dans les mâles, présente deux raies trans- versales roussâtres, et une raie blanchâtre vers le bord postérieur ; leur milieu est oc- cupé par une tache en forme d'œil oval, dont le centre est coupé par une ligne rous- sâtre; les ailes postérieures sont arrondies et presque semblables, pour les couleurs, aux antérieures. La chenille ( fig. 122 a ) a quelque rapport Fig. 122. avec celle de notre Bombyx grand-paon ; son corps est vert avec de petits tubercules poi- lus: une raie jaune, qui commence au 3° an- neau et se continue jusqu'au dernier, se re- HISTOIRE NATURELLE DES VERS-A-SOIE. 128 marque de chaque côté de son corps; la tête et les pattes sont rouges. Cette chenille vit sur le Rhamnus jujuba (Byer des Indous), dont elle mange les feuilles. Elle se nourrit aussi du Terminalia alata glabra Roxs. ou posseem des Indous. Arrivée au terme de sa croissance, elle se file une cogue b à fils très- serrés, d’une couleur bruvâtre, d’une forme alongée et obtus aux deux bouts; au bout supérieur, les fils se continuent et s’accollent entre eux pour former une véritable tige ou pédicule, très-consistant, élastique, et qui est fixé à un rameau de la plante au moyen d’un véritable anneau qui l’'embrasse exacte- ment. - On retire de cette coque une soie brunätre qui, dévidée, a l'apparence de filasse qu'on nomme dans le pays tusseh-silk; on en fait des étoffes qu’on nomme tusseh-doothies. L'histoire de cette espèce curieuse a été donnée en 1804 par William RoxsurGe, dans les Mémoires de la Société Linnéenne de Londres (2). Et tout récemment nous avons obtenu de nouveaux renseignemens par M. LamaRRE PiQuor, qui a rapporté et donné au Muséum d'Histoire naturelle de Paris des cocons renfermant des chrysalides encore vivantes. Les papillons sont éclos vers le mois d'avril, mais sur le petit nombre qui est né il ne se trouvait que des femelles. D’après les renseignemens qu’a obtenus RoxBuR6, il parait que cette espèce ne peut être conser- vée dans l’état de captivité comme notre ver- a-soie. Toutes les tentatives qu'ont faites jus- qu'ici les Indous pour obtenir l'accouple- ment et la ponte des papillons femelles ont été infructueuses. Ils vont chercher dans les bois les chenilles au moment où elles vien- nent d’éclore, et les transportent près de leur demeure, en les plaçant sur les plantes dont elles se nourrissent et qu’ils font croi- tre dans le voisinage de leurs habitations. La seconde espèce de Bombyx ( #g.123) ori- Fig. 123. ginaire du Bengale, et dont la soie est em- ployée dans ce pays, a été désignée sous le nom de Bombyzx cinthia par Fagricrus. Elle est aussi figurée dans CrAMER (3) et dans Drury (4); mais peut-être ces deux figures appartiennent-elles à des espèces différentes. Les ailes antérieures, un peu en fauaille, présentent une tache ocellée noire, près de l'extrémité. Leur couleur est gris-brun avec une tache en croissant vers le milieu; une (1) Pap. exotiques, pl. 146, fig. À, pl. 147, fig. A B, pl. 148, fig. A. (2) Tome VII, p. 33, et pl. 2. (3) Pap. exotiques, pl. 29, fig. A. ‘4) Insectes exotiques, tom. 2, tab. 6, fig. 124 ARTS AGRICOLES : EDUCATION DES VERS-A-SOIE. raie blanche anguleuse se remarque vers la base. six | La chenille ( fig.124), décrite et figurée par RoxeurG (1), vit sur le Ricënus palmachristr, que l’on nomme communément dans le pays rrindy ; on l’élève en domesticité. On fait des vêtemens avec sa soie. Ils sont d’une 50- lidité telle qu'ils durent au-delà de la vie moyenne, et qu'il est très-ordinaire de les voir passer de mère en fille. Le cocon( fig. 125) est blanc ou jaunâire ; Fig. 125. pointu aux deux bouts, il a 2 pouces de long. Les fils de ce cocon sont tellement délicats, qu’on ne peut les dévider; on se contente de les filer à la main comme du coton ou du chanvre. Il paraît qu'on connaît en Chine ces deux espèces, ou au moins des variélés, et qu'on üre de leur soie un parti avantageux. Ÿ. AUDOUIN. SECTION II. — De la nourriture du ver-à-soie. 4 $ I”.--Considérations générales et physiologiques. Le ver-à-soie, comme chacun sait, fait sa nourriture de la feuille du mürier; à sa naissance et dans son premier âge il de- mande une rzourriture légère et de facile di- gestion; son économie intérieure est dirigée vers l’accroissement de ses organes, et fort peu sans doute vers le but de sa carrière , la formation de la soie. Donnons-lui donc d’a- bord de jeunes feuilles à peine écloses, et surtout des feuilles de sauvageons. Celles-ci sont le produit brut de la nature et les plus analogues au jeune sujet; une feuille bien développée serait d’ailleurs trop dure et trop nourrissante. Il faut que la nourriture et l'estomac suivent une marche simulta- née; l’agriculteur doit chercher à imiter, à seconder la nature, et jamais à la forcer. Je conseillerai au propriétaire de müriers d’en avoir toujours à l’état de sauvageon un nombre sufhsant pour la consommation de sa chambrée, au moins jusqu’à la 3° mue. Ces müriers seront plantés à des abris et à l'exposition la plus chaude, afin que la pré- LIV. IV, cocité de leur végétation puisse permettre de faire la chambrée avant l’époque des fortes chaleurs.Je dis à dessein à l’époque des fortes chaleurs, parce que ce sont elles, et non la haute température, que craignent les vers-à- soie; ceci s’expliquera lorsque nous traite- rons de leur éducation. Les personnes qui n’ont point encore de müriers sauvageons dans l'exposition indi- quée, et auxquelles il tarderait de mettre ce précepte ën pratique, planteront, en atten- dant, des müriers nains contre des murs bien crépis et à la plus chaude exposition, ces arbres doivent avoir un tronc très-court, un pied aû plus, car la précocité est en rai- son inverse de la hauteur de la tige. Ilne faut pas s'attendre que le mürier, ra- mené par force à de si petites proportions, puisse vivre long-temps ; aussi n’est-ce pas comme moyen d'exploitation, mais comme mesure expectative que je conseille de le te- uir si bas, et seulement pour attendre le mo- ment où l’arbre en plein vent, qui doit durer des siècles, aura acquis l’accroissement né- cessaire pour être sans inconvéniens privé de ses feuilles. S If, — Des feuilles qu'on à proposées pour remplacer celles du mürier. On a fait, dit-on, beaucoup d’expériences pour résoudre ce grand problème; c’est sur- tout dans le Nord qu’on l’a tenté, mais, pres- ue toutes ces expériences ont complètement échoué, ou au moins n’ont qu'imparfaite- ment réussi. Les vers-à-soie mis sur les feuilles de rosier sauvage, de ronce, d’é- rable, de maïs, etc., meurent plutôt que d’en manger ; ils peuvent vivre à la vérité de la feuille de scorsonèreet même filer des cocons; mais, dans une éducation faite toute entière avec cette feuille, il meurt une bien plus grande quantité de vers, etles cocons produits sont moitié plus petits et moitié moins pesans. Je ne nie pas ni accorde que le ver-à-soie ne puisse prendre une autre nourriture que celle de la feuille de mûrier; si d’autres l’assurent, je me tais: mais de ceque l’insecte peut exis- ter, en tirera-t-on la conséquence qu'il fiiera de la soie, et de la soie de bonne qualité? je ne puis l’admettre. Ces insectes et son arbre ont été découverts en même temps et dans le même pays, et l’un sur l'autre; la nature les a donc créés l’un pour l’autre, comme la co- chenille et le nopal. Si l’on manquait de feuilles avec l’espoir de s'en procurer plus tard, le mieux et le seul parti serait de faire jeûner la chambrée; si l’on n’avait pas l'espérance de s’en procurer, comme il arrive souvent après une grêle ou une forte gelée blanche, il n’y a rien à tenter, on jette les vers-à-soie. $ Ii. — De la cueillette de la feuille. Il faut cueillir la feuille aprés que le soleil ou la chaleur a dissipé l’humidite de la nuit, du brouillard ou de la pluie, et cesser avant que la fraicheur du soir où la pluie com- mencent. (1) Transact. de la Soc. Linn.de Londres,tom. VU, tab, 3. chap. 7°. La feuille mouillée est tres-préjudiciable aux vers-à-soie, elle leur occasione un dé- voiement qui les affaiblit et les retarde s'il dure peu, les fait périr s’ilse prolonge. Dans l'intérêt même de l'arbre, on évite de la ra- masser (c’est l'expression vulgaire) quand il est mouillé, car alors son écorce attendrie cède facilement au frottement et à la pression des échelles, des pieds et même des mains des ramasseurs ; il en résulte des déchirures par où l’eau pénètre, comme elle le fait aussi, quoique plus insensiblement, par les petites plaies qu'occasione l’arrachement des feuil- les. J'ai vu une plantation tout entière périr peu-à-peu , pour avoir été ramassée plusieurs années consécutives pendant un temps de pluie. La cueillette se fait au moyen de lon- gues échelles que l’on applique contre le mürier. Le ramasseur s'attache un sac à sa ceinture, se tient d’une main aux branches et de l’autre cueille la feuille : pour cela il em- poigne une branche sans la serrer, puis fait couler la main de bas en haut, toujours dans le sens de la branche, et arrache les feuilles sans effort. Quelques éducateurs ont prétendu qu’il fal- lait cueillir les feuilles l’une après l’autre, ou même les couper avec des ciseaux et les lais- ser choir tout naturellement dans des draps étendus par terre. Je conviens que cette mé- thodeest fort supérieure à celle que j'indique, et je la conseille même fortement à tous ceux qui font une chambrée sur la table de leur cabinet; mais, je le demande, quel est le vil- lage dont la population tout entière suffirait à une chambrée qui consomme par Jour 30 ou 40 quintaux de feuilles! Laissons donc de côté ces idées théoriques, et faisons ramasser notre feuille selon l’ancien usage. Le ramasseur ne doit mettre les pieds sur l'arbre que lorsque les échelles ne peuvent plus y atteindre; les plus longues n’ontguère plus de 25 pieds, au-delà elles seraient trop difficiles à manier. Lorsqu'il a rempli le sac pendu à sa ceinture, il le vide dans un drap ; ce drap doit toujours être étendu à l'ombre : si cela ne se peut et que l’ardeur du soleil soit un peu forte, il faut recouvrir avec ur autre drap la feuille ramassée, car elle est très-sensible au hâle. Par la même raison, dès que le drap est plein, on doit le transporter au magasin, où nous allons le suivre pour traiter de la conservation de la feuille. $ 1V.— De la conservation de la feuille au magasin. Le magasin est un appartement au rez-de- chaussée, ordinairementau-dessous de la ma- gnanerie; il doit être pavé, voüté et bien aéré, principalement du côté du nordsila localité le permet, et étre assez vaste pour contenir une quantité de feuilles suffisante pour deux jours au moins. Avant d'y introduire la feuille on asoin de balayer parfaitement le pavé, et de l'arroser ensuite afin de produire de la frai- cheur. Cela fait, la feuiile est répandue sur le pavé en l’agitant le plus possible. Pluselle doit resteren magasin, moins on doit l'amonceler; un pied d'épaisseur est assez, si on veut la copserver plus d’un jour. Ces précautions prises, on ferme les ouvertures qui Pour- NOURRITURE DES VERS-A-SOIE 125 raient laisser pénétrer les rayons du soleil ou les animaux. Quoique la feuille la plus nouvellement ra- massée soit la meilleure, il est prudent d’ez avoir toujours en magasin pour un Jour d'a- vance, et même plus, si le temps est à l'orage ou à la pluie. Elle demande alors la plus grande surveillance : on doit la changer de place, la remuer, l’agiter avec des fourches au moins quatre fois par jour, en commençant de très-grand matin et finissant à dix ou 11 heures du soir; plus elle est déjà restée de temps au magasin, plus il faut répéter cette opération et la faire avec soin. Toutes ces précautions sont prises pour éviter la fermentation. Si on s’apercoit que la feuille jaunit et s’'échauffe, elle commence à s’altérer; dans cet état elle n’est point en- core délétère, et, à défaut d'autre, on peut s’en servir immédiatement ; mais si elle est sensiblement chaude, si elle pers de sa belle couleur verte, elle n’est plus bonne qu'à faire du fumier. La feuille la plus forte, la plus dure, la plus foncée en couleur et que nous nommons langue de bœuf, est Va meilleure pour la con- servation et le transport. On est souvent forcé de cueillir et transpor- ter la feuille malgré la pluie; alors on a soin, en l’emballant, de la presser autant qu'on peut. Arrivé au magasin, on laisse les ballots dans cet état pendant une ou 2 heures pour provoquer un commencement de fermenle- tion qui absorbera l'eau de la pluie; aussitôt que l'on reconnait que la chaleur est pro- uite, on‘défait les ballots, on agite la feuille comme nous avons dit plus haut, on l’étend sur une grande surface, on établit un cou- rant d'air, et dès que la feuille est refroidie on la donne aux vers: elle ne se conserverait pas. , Ce moyen est d’uneexécution très-délicate; la réussite dépend d’ailleurs de beaucoup de circonstances, telles que la qualité, l'espèce de la feuille, le temps qu’elle est restée en roule, ete. Je ne voudrais donc pas qu’on y eût trop de confiance, et je le considère seu- lement comme une tentative pour sauver la chambrée. Le Adle qui dessèche et la fermentation qui putréfie sont les seules altérations à craindre our la feuille ramassée, et avec les soins que J'indique on peut la conserver plusieurs jours; mais, Je lerépète encore, il vaut mieux que les vers soient privés de nourriture que de les forcer à en prendre d’avariée. Ce cas arrive souvent, et, l’année dernière, j'ai vu plusieurs chambrées jeûner pendant 36 heures et don- ner ensuite un assez bon produit. $ V.— Distribution économique de la feuille. La distribution doit se faire 4 des heures réglées; on ne doit donner chaque fois que la nourriture que le vers peut consom- mer; lexpérience est une règle plus sûre ue toute autre. En effet, comment peut-on éterminer qu'il faut telle ou telle quan- tité de feuille à tel ou tel âge par once de graine ? Ne sail-on pas qu'à chaque mue il périt beaucoup de vers; que dans une magna- erie la mortalité est plus grande que dans 126 ARTS AGRICOLES : ÉDUCATION DES VERS-A-SOIE. l’autre, que le tonnerre, les rats, les souris et beaucoup d’accidens, diminuent d’une ma- nière très-irrégulière le nombre de nos pré- cieux insectes? Déterminer la quantité de feuille qu’il leur faut devient donc impossi- ble. Tout ce qu'ilestimportant desavoir pour l’économie, c’est que la feuille soit entière- ment consommée, et que, le repas fini, le ver témoigne par sa tranquillité qu’il n’a plus besoin de rien. Néanmoins, malgré l’impossi- bilité de fixer d’une manière rigoureuse la quantité de feuille que mange le ver, il faut savoir à peu près quel poids de graine on peut faire éclore, pour concorder avec la quantité de feuilles dont on peut disposer. La base la plus généralement adoptée est celle qui assi- gne à chaque once de graine 15 quintaux de feuille. Je dois observer que peine la 4° mue le ver mange de la feuille plus ou moins dé- veloppée; alors on l’estime au poids qu’elle aurait si elle était faite. Quatre jours après la 4° mue, le ver n’a encore mangé que la moitié de sa feuille. $ VI. —Des diverses qualités de feuilles. Cette comparaison trouvera sa place natu- relle à l’articlede la culture du mürier; il suf- fit de dire ici un mot pour guider le magna- nier qui, n'en ayant pas une assez grande quantité, est obligé de s’en procurer d'étran- gere à son exploitation. J'ai déjà dit que la plus nouvellement cueil- lie était la meilleure; on aura donc égard à la distance à parcourir, et on se souviendra que celle qui a le plus de corps, la couleur la plus foncée, supporte mieux le transport. Celle qui est plus légère, plus souple, plus luisante, est la plus soyeuse; on lui doit donc la préférence si elle est voisine de Ja ma- gnanerieet qu'elle soit promptement consom- mée. Presque tous les agronomes s'accordent à placer au 1° rang la feuille sauvage; je dois cependant faire observer que le prix de la feuille étant ordinairement établi d’après son poids, il y a une grande perte à acheier celle- ci, car le sauvageon doune une plus grande quantüté de fruits que le mürier greflé: il y a quelquefois une perte de 15 à 20 p. 00; de plus le s'uvageon ne fournit pas des jets longs et droits, mais au contraire courts et tordus; en un mot 1l buissonne, d'où il résulte que la cueillette en devient plus pénible, plus longue et par cela même plus coûteuse. Toutes choses égales, je donne la préférence à la feuille qui provient d’un exdroit sec et CAT Une autre considération qui doit guider l’à- cheteur, c’est la manière dont l'arbre est cul- tivé.— S'il est en plein vent, à haute tige, sa sève est plus élaborée, sa feuille plus nourrie et plus soyeuse.— Le zair donne une feuille plus précoce, mais moins parfaite; elle con- vient dans les premiers âges. Le rulticaule, la prairie de müriers, ne four- nissent que des jets en quelque sorte herba- cés; la feuille en est donc plus chargée d’eau de végétation, c’est la plus éloignée de la na- ture, la moins bonne. Février 1834. OcT. DE CHAPELAIN, Propriétaire correspondant dans la Lozère. LIV. LV, SECTION III. — De la magnanertie en général, Dans les départemens méridionaux de la France, où les vers-a-soie sont généralemeit appelés magnans, on désigne , selon les ean- tons, les bàâtimens destinés à leur éducation, sous les dénominations de magnanerie, ma- gnanière , magnassière OU magnanderie. Le nom du principal ouvrier chargé du soin de ces insectes varie aussi selon les provinces: là c'est le #agnanier, ici le magnadier, aïlleurs le magnodier où le magnassier. Jusqu’ à présent peu de propriétaires ont fait construire des bâtimens dans l'intention seule d'en faire des magnaneries, et cela à cause des grands frais que nécessiteraient des constructions uniquement destinées à lédu- cation des vers-à-soie. Le plus souvent on pro- fite de tout ce dont on peut disposer en bâti- mens, et on les accommode le mieux qu'il est possible pour recevoir ces insectes pen- dant le temps qu'ils doivent les occuper, ce qui est d’une assez courte durée, car ce n’est qu'à commencer du quatrième âge que les vers ont besoin d'un grand emplacement ; jusque là il est presque toujours facile de leur trouver assez d'espace pour les loger à l’aise; effectivement, au moment où ils ter- minent leur 3° âge, les vers n’occupent guè- re que la 6° partie de l’espace qui leur sera nécessaire à la fin du 5°. Aussi dans les villes, comme dans les campagnes, la plus grande partie de ceux qui font de petites édu- cations se contentent, pendant la saison des vers-à-soie, de se resserrer dans la plus petite poreon de leur logement pour consacrer tout e reste à ces insectes; il n’est pas même rare de voir , dans jes campagnes, les paysans dé- ménager de la seule chambre qu'ils aient, pour y loger les vers de 2 ou 3 onces de graine, et, pendant ce temps-là, aller coucher dans leur grenier où même au bivouac, quand ils ne peuvent disposer, dans leur maison, de cette espèce de réduit. $ IT. — Situation, exposition. Lorsqu'on voudra faire construire des bät- mens uniquement consacrés à l'éducation des vers-à-soie, il faudra avoir soin de choisir un emplacement convenable, comme une col- line ou un coteau, où l’air soit habituellement sec, agité, plutôt frais que chaud, et où les brouillards ne soient pas fréquens. On con- seille d'éviter le voisinage des grandes routes sur lesquelles passent de grosses voitures, parce que celles-ci produisent, dit-on, des com- motions quiétonnent les vers-à-soie et les trou- blent lorsqu'ils mangent et lorsqu'ils travail- lent.Nous avons d'assez forts molifs pour croire que ces influences ne sont pas aussi nuisibles aux vers qu'on le dit. 11 sera bon que la prén- cipale exposition du bâtiment soit au levant ou au couchant ; celle du nord est trop froide, celle du midi est trop chaude, et il faut tou- jours éviter avec soin les températures extré- mes, et surtout une exposition qui pourrait être sujette à des changemens brusques, car rien n’est aussi contraire à la santé des vers. Il est encore avantageux que la principale en- trée de l'atelier ne communique pas immé- 1 | CHAP, 7°. diatement ayee Fair extérieur, mais qu'elle soit précédée d’un petit vestibule ou d’une paie ‘antichambre. La fg. 126 représente un âtiment propre à une magnanerie et vu par le côte. Fig. 126. $ I. — Construction, dispositions intérieures, étuve, grand atelier. La grandeur d'un bâtiment destiné aux vers- a-soie doit être proportionnee à la quantité qu'on se propose d'en élever, et c’est sur la place que les iusecies occupent dans le der- nier âge qu'il faut calculer. Ainsi, à cette époque de leur vie, il faut, aux vers d’une once de graine, 220 à 250 pieds carrés, selon que l'éducation est moins ou plus favorable. Cela posé, et en supposant des tableltes de 5 pieds de largeur, on voit qu'il en faudra 50 pieds en longueur pour chaque once de A ee En espaçant ces tablettes à 2 pieäs sur a hauteur, c’est-à-dire en formant 6 éta- ges, y compris le plancher, placés sur 4 rangs paralleles, et en laissant ce qu'il faut d'espace , ou > pieds tout autour, pour circu- ler facilement, une chambre(fg.127 ccc) de Fig. 127. 16 pieds de largeur et de 30 de longueur sur 12 de hauteur, pourra suflire à l'éducation de 6 onces de graine, puisqu'elle contiendra 6 fois 240 pieds carrés de tablettes. Mais, pour les raisons que nous avons dites plus haut, DE LA MAGNANERIE EN GÉNÉRAL. cette chambre, que nous appellerons le grand atelier, ne doit être occupée par les vers que pendant les 2 derniers âges ; il est inutile, avant ce temps, de les loger dans un local aussi vaste. 127 Pendant le 1% âge, où les vers d’une once de graine n’ont besoin, au plus, que de 10 pieds carrés d'espace, il est plus avantageux de les laisser dans l’étuve dont il va être parlé ci-après, et où ils seront nés, parce qu’on maintient plus facilement et plus économi- quement la chaleur convenable dans cette petite chambre que dans une beaucoup plus grande. Dans le 2° âge et surtout dans le 3°, les vers exigent tous les jours d’être plus espacés, ce qui ne permet plus de les laisser dans l’étuve où ils seraient trop à l'étroit. Ainsi, à la fin du 3° il ne faut pas moins de 46 pieds carrés aux mêmes vers qui, au moment de leur 1:° mue, pouvaient ienir sur un peu moins du quart de cet espace. Au commencement du second âge donc, on devra les établir dans un local intermédiaire entre l’étuve et le grand atelier, comme une pièce de 10 pieds sur 12 (#g.127 b), dans laquelle sont 2 poëles, l’un en z:, commun avec l’étuve, et l’autre en 4, commun avec le grand atelier ; des tablettes 72 y seront disposées de la ma- nière qu’il a été dit; mais comme l’espace est plus étroit, il ne pourra y avoir qu'un seul corps de tablettes placé au milieu de la chambre et ayant sur un côté 8 pieds de lon- gueur sur 5 de largeur de l'autre côté. Ce corps à six étages, comme dans le grand ate- lier, offrira une surface de 240 pieds carrés, et pourra par conséquent suffire, à peu de chose près, jusqu'à la fin du 3° âge, aux vers de 6 onces de graine. Si on en a davan- tage, le surplus sera laissé dans l’étuve. Plus tard, lorsque les vers auront été transportés dans le grand atelier , cette seconde chambre pourra encore contenir à elle seule les vers d'une once de graine. Par une 1 porte d elle communique à létuve, et par une 2° e avec le grand atelier. D'après ce qui vient d’être dit, il faut donc, pour loger convenablement les vers de 6 onces de graine, un bâtiment composé de 3 cham- bres (#g.127), ayant ensemble 42 pieds de lon- gueur sur 16 de largeur et 12 de hauteur, sans y comprendre l'épaisseur des murs; ce bâtiment doit être percé de 4 croiséesg gg 9 sur chacune de ses faces les plus larges, dont l’une exposée au levant et l’autre au couchant, si cela est possible. Deux autres croi- sées g g pourront étre pratiquées dans le grand atelier du côté du nord, et l'entrée sera faite de préférence au midi. C’est aussi de ce côté que seront placées, en avant du grand atelier, la petite chambre destinée à former | une étuve dans laquelle on fera éclore les œufs | de vers-à-soie, et la chambre & intermédiaire | entre l’un et l’autre. Cette étuve (fig. 127 a), pour laquelle il ne reste dans celte distribution que 6 pieds de largeur sur 10 de longueur, sera suffisante pour faire éclore 10 à 20 onces et même beaucoup plus de graine, et elle pourra contenir aisément tous ceux de 6 onces pendant le 1‘ âge, puisqu’à la fin de cette époque de leur vie les vers de chaque once de graine n’occupent au plus que 10 pieds carrés, et que dans l'emplacement de l’étuve , tel que nous venons de la fixer, il sera facile, en établissant de petites tablettes tout autour et dans toutes les parties qui ne 128 sont ni portes, ni fenêtres ,ni le poêle, d'en placer 150 à 160 pieds carrés, Ce qui, à la ri- gueur, pourrait contenir les vers produits par 15 onces de graine. Les tablettes de l’é- tuve, à cause de l’espace resserre, ne devront avoir que 15 à 18 pouces de largeur ; mais on pourra les tenir plus rapprochées sur la hau- teur en plaçant les étages à 15 pouces seule- ment les uns des autres. On dira plus loin quel degré de chaleur il faudra donner à l’étuve pour y faire éclore la graine. Cette chaleur sera entretenue par un poêle placé en :, commun avec la chambre intermédiaire, et réglée par un thermomètre dont il sera aussi parlé ci-après. Il suffira d'indiquer ici que l’étuve, telle que nous l'avons fait figurer, a sa porte d'entrée en f, donnant sur un vestibule extérieur non com- pris dans le plan, une 2° porte d, par laquelle on communique avec la chambre b, et enfin une fenêtre g. L’étuve et la chambre moyenne auront d’ailleurs , l’une et l’autre, des soupiraux ou ventilateurs, ainsi qu’il va être expliqué. C’est principalement pour le grand atelier que les ventilateurs sont nécessaires, parce que, quoique éclairé et suffisamment aéré par 8 croisées , il peut arriver souvent, à cause des mauvais temps produits par le froid, le vent ou le brouillard, qu’on ne puisse ouvrir les croisées, et cependant il est nécessaire, pour que les gaz insalubres ne s'accumulent pas dans l'atelier, d'y entretenir constam- ment la libre circulation de Pair, ce qu'on fait par le moyen de soupiraux qui sont des ouvertures d’un pied carré de largeur, les- quels s'ouvrent et se ferment à volonté au moyen d'une coulisse. Ces soupiraux doivent être pratiqués de distance en distance dans l'épaisseur des murs, les uns près du plan- cher supérieur, les autres un peu au-dessus de l’inférieur(fg. 126, & aaa);et pour queles 1° puissent donner du jour, ce qui a quel- que avantage, au lieu de les fermer avec un panneau plein, on les fait d’un petit châssis garni de verre; les autres soupiraux seront pratiqués au niveau du pavé, au-dessous des fenêtres; enfin, on peut aussi en ouvrir dans le pavé même pour faire arriver l'air de la pièce qui se trouverait immédiatement au- dessous. On réglera le nombre des soupiraux de manière à les mettre en rapport avec l’é- tendue de l'atelier, et on ménagera leur place de sorte que l'air auquel ils donneront entrée ue frappe pas directement sur les claies ou ta- blettes sur lesquelles les vers seront placés. Nous avons vu un peu plus haut qu'un bà- timent de 42 pieds de longueur, sur 16 de lar- geur et 12 de hauteur, serait nécessaire pour élever à l'aise les vers de 6 onces de graine. Sans doute qu’en serrant un peu plus les tablettes, on pourrait loger ceux produits par 7 onces de graine; mais nous ne croyons pas qu'il soit possible d'en mettre davantage, sans com- promettre la santé de ces insectes, et par con- séquent sans courir le risque que l’éduca- tion n'ait pas le succès désirable. Nous devons ajouter, pour ceux qui voudront faire élever exprès un bâtiment de l'étendue qui vient d’être dite, qu'il leur sera plus avanta- geux, au lieu de le construire à un seul étage, de le faire faire à deux, parcs que les frais de ARTS AGRICOLES : EDUCATION DES VERS-A-SOIE. LIV. iv. fondation et de couverture seront les mêmes dans les deux cas, et qu’en augmentant leur dépense d’un tiers au plus peut-être, ils au- ront un bâtiment qui leur offrira le double en étendue, et dans lequel ils pourront par con- séquent élever les vers de 12 onces de graine au lieu de 6, et chaque once de graine pou- vant produire 100 à 120 livres de cocons, il s'ensuivra que dans le bâtiment à deux éla- ges ils pourront récolter 12 à 1400 livres de cocons, tandis que celui à un seul étage ne pourrait leur en produire que 6 à 700. Dans le cas où l’on ferait construire exprès une magnanerie à deux étages, il serait inutile que le second fût .partagé comme nous la- vons indiqué pour le premier; ce second étage devra ne former qu'un vaste atelier dans lequel on pourra établir, parallèlement les unes aux autres, 6 rangées de claies à peu près de la même manière qu’il a été dit plus haut. Nousnepouvons trop engager les personnes qui voudront se livrer à l'éducation des vers- à-soie, à profiter de toutes les constructions déjà faites qui pourront se trouver à leur disposition, en les appropriant seulement à la circonstance, parce que les frais qu’il leur faudrait faire pour élever des bâtimens neufs pourraient souvent les entrainer dans des dé- penses qui absorberaient une grande partie de leurs bénéfices subséquens. Avec une très- légère dépense on peut fermer, par des cloi- sons mobiles, des hangars qui seront favo- rablement exposés, et les rendre propres à servir de grand atelier; les granges, qui sont ordinairement vides à l’époque où se font les éducations de vers-à-soie, pourraient aussi être appropriées de manière à y loger ces in- sectes pendant le 4° et le 5° âge; enfin nous ne voyons pas pourquoi des bergeries ne se- raient pas aussi converties de la même ma- nière pour former de grands ateliers; et pour leur donner ce nouvel emploi, il ne faudrait guère faire parquer les moutons qu'une 20° de Jours. $ II. — Instrumens et ustensiles nécessaires dans une magnanerie. 1° Poéles. La chose la plus nécessaire dans une ma- gnanerie, est un ou plusieurs poéles par le moyen desquels en puisse élever la tempéra- ture de l’étuve, de la chambre ou de l'atelier, toutes les fois qu’elle est trop froide, ce qui arrive le plus souvent à l’époque de l’année où se font les éducations de vers-à-soie, et surtout dans les premiers jours. Un poêle d’un petit volume peut servir à chauffer lé- tuve; mais dans une chambre plus grande, et surtout dans le grand atelier, il faudra dans l'une un poële, et dans l’autre deux poêles d'une grande dimension. Leur place est indi- quée dans le grand atelier (7. 127 cce), l’une en # et l’autre en, sans compter une chemi- née dont nous avons marqué la place en . Ces poêles doivent être en brique ou en terre cuite; la tôle ou la fonte ne valent rien, parce que ces matières ont l'inconvénient de s’'é- chauffer trop promptement et de se refroïdir de même, et en outre, quand elles sont échauf- fées un peu fort, elles produisent une odeur désagréable qui peut être nuisible aux per- CHAP..: DE LA MAGNANERIE EN GENERAL, 129 sounes et aux vers, Nous donnons ici la figure 1 tient un petit brin d'acier c où curseur, qui d'un poëéle tel que Danporo le conseille, fait en briques ouenterre cuite( fg. 128); il chauffe d beaucoup mieux la piè- Fig. 128. ce ou l'atelier dans le- auelil est établi, parce qu'il est construit de =. manière à recevoir “r l'airextérieur auin'en- tre dans ces chambres qu'après avoir été é- chauffé dans le poêle même.L'airraréfié,qui entre chaud, chasse l’airintérieur, etopère ainsi une sorte de ven- ülation. On peut, si l'on veut, boucher les trous qui servent de pas- sage à l’air raréfié lorsqu'il y a du feu dans le poële; ces mêmes trous peuvent servir pour introduire l'air froid, lorsque le feu du poêle est éteint. 2 Thermomètres. Après les poêles, l'instrument le plus in- dispensable dans une magnanerie est un bon termoméetre, ou pour mieux dire, il en faut plusieurs, qu'on doit avoir soin de pla- cer dans les différentes parties de l'atelier, afin de s'assurer si le degré de chaleur est partout le même. La 1'° place du thermomè- tre est aussi dans l’éluve, où sans lui il serait impossible de régler d’une manière exacte les divers degrés de chaleur qui ont été re- connus les plus favorables à l’éclosion. Les thermomètres à mercure sont préférables à ceux préparés à l’esprit-de-vin. Tous les au- teurs qui ont écrit sur les soins à donner aux vers-à-soie ont établi les degrés de chaleur qui convenaient à ces insectes d'après l'échelle de RÉAUMUR, en sorte qu’on ne se sert dans les magnaneries que du thermomètre de ce physicien. | Une autre espèce de thermomètre qui est encore d'un usage assez moderne, est celle qu'on a nommée {hermométrographe, desti- née à indiquer le degré de chaleur le plus baut ou le plus bas auquel s’est élevée ou est tombée la tenipérature dans un espace de temps donné; mais cet instrument élant un peu compliqué, sans être d’ailleurs d’une ap- plicaliou rigoureuse, on le remplace aujour- d'hui avec avantage par deux tkermomètres simples, Vun appelé thermomètre maxima (Jig. 129, ), destiné à indiquer le plus grand degré de chaleur, et l’autre désigné sous le nom de thermomètre minima (fig.130), dont l’'u- sageest de faire connaître la plus basse tempé- rature qui s’est fait sentir. Chacun de ces ins- trumens doit être disposé horizontalement. Le premier(/£g.129), qui est à mercure, con- Fig. 129. AGRICULTURE, est poussé par le liquide, tant que celui-ci est dilaté par la chaleur, et qui reste fixe, au point où le mercure s’estavancé au momentoù latempérature a été la plus élevée; mais celle- ci venant à baisser, le mercure rétrograde en se condensant , et laisse l'indicateur d’acier au marimum Où il était parvenu ; il est donc facile, 5 ou 6 heures après que l’action de Ja chaleur est passée, de connaître à quel degré le plus élevé elle est parvenue, en regardant le point auquel correspond le bout du petit indicateur tourné vers le mercure. Après en avoir fait l'observation, il suffit de relever perpendiculairement l'instrument pendant un instant en lui imprimant une légère se- cousse; le curseur retombe à la surface du mercure, et on replace le thermomètre dans sa position horizontale pour les obser- vations subséquentes. Le thermomètre ruwnima ( fig. 130 ), est Fig. 130. à l’esprit-de-vin, et le petit curseur Zest en émail. C’est un cylindre de 2 lignes, ou à peu près, de longueur, terminé à chaque extrémité par une petite tête comme celle d’une épingle. Ce petit corps plonge tou- jours dans l’esprit-de-vin, mais lorsqu'on dis- pose l'instrument pour l'observation, il faut ue sa tête supérieure soit au niveau de la liqueur, le tube étant placé perpendiculaire- menl; alors le thermomètre & minima est éla- bli horizontalement ; et si, par suite du re- froidissement de l’atmosphère, l’esprit-de- vin rétrograde vers la boule de l'instrument, le petit curseur suit son mouvement, et il demeure au point le plus bas où aura des- cendu la liqueur, qui d’ailleurs peut monter de nouveau sans porter son influence sur le petit indicateur que sa pesanteur spécifique, plus considérable que celle de l’esprit-de-vin, retient au point fixe où la condensation de cette liqueur l'avait entrainé, et où on Île trouvera plusieurs heures après qu'une cha- leur plus considérable s'étant répandue dans l'atmosphère, aura dilaté lalcool et l'aura forcé de remonter vers la partie supérieure du tube. Ainsi le degré le plus bas auquel la température sera descendue, se trouvera indiqué tout juste vis-à-vis la place qu’occupe la tête supérieure du cur- seur. L'observation étant faite, on détache le thermomètre minima, on le renverse dou- cement en le plaçant un instant verticale- ment, sa boule tournée en haut, et le petit in- dicateur vient aussitôt occuper sa place d'attente à l’extrémité de l’esprit-de-vin. Dans l’usage ordinaire de ces 2 instrumens, on dispose le matin le thermomètre maxima pour savoir à quel plus grand degré de cha- TOME HI, —:5 130 leur il s’élèvera dans le courant de la jour- née. Le thermomètre #irima doit, au con- traire, être préparé tous les soirs pour connaître le minimum de la température dans le moment le plus froid de la nuit ou de la matinée. L'indication positive de ce moment, de même que l'heure précise où la chaleur a été la plus forte, ne peuvent d’ail- leurs être constatées par ies 2 instrumens, si on n’a pas soin d'y porter de temps en temps les yeux, pour observer l'instant pré- eis où le liquide remonte dans l’un et des- cend dans l’autre; mais ils peuvent être tous les deux très-utiles aux éducateurs de vers-à- soie, pour s'assurer de l'exactitude du ma- gnanier qu'ils emploient ; ils leur indiquent d'une manière rigoureuse les rénima et les maxrima de la température de l'atelier pen- dant leur absence. 3° Hygromètres. Une des choses les plus nuisibles dans une chambrée de vers-à-soie étant l'humidité, il est nécessaire de connaitre, aussi exactement que possible, dans quel état, sous ce rapport, se trouve l’air de la chambrée ou de late- lier. L'air atmosphérique est en général sec lorsque les vents soufflent du nord et de l’est, et humide lorsqu'ils viennent du midi ou du couchant; mais, pour le connaitre d’une ma- nière plus positive, on se sert des Lygromé- tres, dont nous avons donné la description Ti, p. 6, 7,/6g.10, 11. L'expérience a prouvé qu'on n’a rien à craindre pour les vers-à-soie tant que l'hy- gromètre de Saussure ne dépasse pas 65°; mais toutes les fois qu'il en marque 70° et au-delà, il faut faire dans la cheminée de l'atelier du feu avec des bois légers bien secs ; la flamme qui s’en élève met en mouvement les colonnes d'air envi- à ronnantes et leur imprime une douce agitation qui sèche l'atelier. En même temps qu'on fait des feux de flamme à pour dissiper l'humidité, on peut ouvrir fit plusieurs ventilateurs pour chasser l'air | esant et le remplacer par celui du de- }à ors qui ne peut jamais être aussi hu- ik mide. Quand un atelier a beaucoup d’é- M tendue , il serait avantageux d’y placer 2 hygromètres à une certaine distance l’un de l’autre, afin de mieux connai- tre les degrés d'humidité des diverses parties de la chambre. L’'hygromètre peut encore servir à annoncer divers phéno- mènes atmosphériques et à se garantir de leur influence. 4 Armoire incubatoire, couveuse artificielle, boites pour mettre les œufs à éclore, etc. Les œufs de vers-à-soie laissés à la nature écloraient spontanément lorsque la tempé- ralure de l’atmosphère s’élèverait à 12° ou à peu près; mais alors leur éclosion se prolon- gerait pendant plusieurs semaines , et il ne serait pas possible d'entreprendre des édu- cations régulières. Pour obvier à cet inconvé- nient, on a cherché à hâter l'éclosion des vers en appliquant à leurs œufs une chaleur artificielle, et la 1'° dont on fit usage fut celle ARTS AGRICOLES : ÉDUCATION DES VERS-A-SOIE. LIV, IV. du fumier ; mais la difficulté de ménager con- venablement la chaleur par le fumier en- tassé , et surtout d’écarter l'influence des ex- halaisons qui s’en élèvent, fit bientôt renon- cer à ce moyen; on trouva beaucoup plus commode d'employer, pour couver la graine, la chaleur du corps humain. Cette méthode, imaginée d’abord en Italie, se répandit dans les autres parties de l’Europe méridionale où les vers-à-soie furent portés, et elle fut pen- dant long-temps la seuleen usage; ce n’est que depuis assez peu de temps qu’on lui a substitué de nouveaux moyens, et encore au- jourd’hui, dans les campagnes, les personnes qui n’élèvent pas une grande quantité de vers- à-soie font éciore la graine par l'influence de la chaleur humaine.Ce sont ordinairement les femmes qui sont chargées de l’éclosion; elles distribuent la graine dans de petits nouets de toile contenant chacun une once de graine, qu’elles placent autour de leur ceinture pendant le jour et sous le chevet de leur lit pendant la nuit. Ces nouets sont ou- verts une fois par jour, dans les commence- mens, pour aérer la graine et la remuer; dans les derniers jours on les visite et on les remue deux fois dans les 24 heures, pour s'assurer du moment où les vers commen- cent à paraitre. L'usage de ce moyen pour hâter l’éclosion des œufs diminue tous les jours, et les personnes qui -se livrent à des éducations de plusieurs onces de graine les font éclore dans l'étuve dont nous avons parlé plus haut , ou se servent d’une armoire particulière inventée depuis quelque temps, dite armoire incubatoire où couveuse artifi- celle (fig. 131), dans laquelleon place les œufs; Fig. 131. ils y receivent la chaleur convenable, en- trelenue par une lampe à l’esprit-de-vin, et qui est réglée et graduée au moyen d'un thermomètre dont la partie inférieure plonge dans l’armoire, tandis que l'extrémité supé- rieure est saillante par le haut de l’armoire, afin de pouvoir juger du degré de chaleur que l’on active ou diminue à volonté, en aug- mentant ou diminuant le foyer du calorique. Cette armoire s'ouvre en un des côtés et elle est divisée intérieurement en plusieurs élages de tablettes. Dans plusieurs cantons et parli- culièrement aux environs d’Anduze, dans les Cévennes , on se sert d’une autre boîte dont la chaleur est entretenue par un bain-marie. Pour placer les œufs dans l'armoire incu- | batoire où ils doivent éclore, on a de petites CHAP. 7°, boîtes (£g. 132) en carton ou en boistrès-mince, doublées intérieurement en papier; on les distribue dans ces boîtes selon leur grandeur respective, de manière que chaque once de graine occupe environ 10 pouces carrés d’es- pace, el on a soin chaque Jour de les remuer avec une cuiller en forme de spatule faite en fer, en étain ou en buis; une cuiller ordi- paire peut, dans tous les cas, servir à cet usage sans qu'elle soit faite exprès. On pourrait aussi se servir avec avantage, pour faire éclore lers vers-à-soie des divers couvoirs dont nous avons donné la descrip- tion à l’article Zrzcubation artificielle, T. III, p. 79 et suiv. 5° Tablettes de transport, tablettes et claies, cabanes, etc. Dans les ateliers pourvus de tous les us- tensiles propres à une éducation de vers-à- soie. on a une ou plusieurs tablettes de trans- port. (Jig. 133). Ce sont de petites planches en Fig. 133. bois léger, larges d’un pied, longues de 2, garnies de 3 côtés d’un rebord également en bois mince, haut de 12 à 15 lignes, et mu- nies dans leur milieu d’un manche surmonté | d’une poignée, afin qu’elles soient plus faci- | les à transporter partout où il est besoin. Toutes les fois qu’on veut s’en servir, on les garnit de papier sur lequel on met les vers u’on a besoin de changer de place, et en faisant ensuite glisser le papier par le côté de la tablette qui n’a pas de rebord, les vers se trouvent changés avec beaucoup de faci- lité d'une place à une autre; on évite par ce moyen de les blesser, comme pourraient le faire les ouvriers s'ils étaient obligés de les toucher immédiatement avec les mains. À défaut de tablettes, de simples planches peuvent servir au transport. Les tablettes sur lesquelles les vers-à-soie passent leur vie jusqu’au moment où ils les quittent pour filer leur soie, sont établies soit autour de la chambre ou de l'atelier, le centre seulement restant libre, soit au contraire , ce qui est préférable pour la meil- leure circulauon de l'air, en laissant tout autour 2 pieds, ou à peu près, libres pour le service de l'atelier, et en faisant occuper aux tablettes tout ce qui reste dans l’inté- rieur; ces planches ( #g.127, mm mm ) sont alors établies sur 2 ou 3 rangs, ou plus, se- lon la largeur de l'atelier. Dans ce dernier cas, des montans faits en bois carré de 3 pouces d'épaisseur , doivent être solidement établis à 3 pieds à peu près les uns des au- | cette plante n’est pas cultivée, on tres, fixés d’un bout dans le plancher infé- DE LA MAGNANERIE EN GENERAL. 131 rieur, et de l’autre sur les solives du supé- rieur. Ces montans doivent être garnis de traverses ou forts tasseaux sur lesquels on établit les tablettes faites en bois blanc de 6 lignes d'épaisseur. Dans un atelier tel que celui dont nous avons donné les dimensions (fig. 127, ccc), on fait 5 étages de tablettés, nou compris le plancher; le tout établi soli- dement, surtout les supérieures, sur lesquel- les il sera nécessaire d'appuyer les échelles pour porter la nourriture aux vers qui, dans le 5° âge, y seront établis; car, pour la fa- cilité du service, les tablettes les plus éle- vées, de même que celles qui reposent sur le plancher, ne doivent être employées que dans les derniers jours, lorsque tout le reste de l'atelier est déjà garni de vers. A la rigueur, on peut très-blen placer les vers sur ces ta- bleites , telles que nous venons de dire qu’on devait les construire, en les recouvrant et les garnissant auparavant de feuilles de pa- pier grand et fort; mais dans plusieurs en- droits, les tablettes ne sont pas pleines , elles ne forment pour ainsi dire que des espèces de supports sur lesquelles on établit des claies faites en roseaux ou en osier (/g. 134), et c’est sur ces claies, garnies également de papier (#g. 134 A),qu'onplaceles vers-à-soie. Fig. 134. \ \ \ \ ÿ { « | | | _{l QU Il Hi | | | | | {lil | | li | (1) | Il | | | I] | ns ——" ns € 0 Dans tous les cas, les tablettes ou les claies doivent être munies, tout autour, d’un re- | bord en bois mince de 2 1 à 3 pouces de hau- teur, afin de prévenir la chute des vers qui se trouvent sur les bords, et qui sans cela sont très-sujets, dans les 2 derniers âges surtout, à tomber de leurs tablettes sur le plancher. Le rettoiement des tablettes ou des claies est une chose nécessaire toutes les fois qu’on délite les vers ou qu’on les enlève de leur li- tière pour les mettre dans une nouvelle place. On appelle Ztiére les débris des feuilles ui, depuis quelques jours, leur ont servi e nourriture. Pour bien nettoyer l’ancienne place que les vers ont occupée, on se sert d'un petit balai court, fait de manière qu'il puisse enlever les feuilles à demi pourries et les excrémens qui pourraient rester attachés à la surface supérieure des claies, lorsqu'on a enlevé la masse de la litière. Dans les ays méridionaux où l’on cultive le grand millet on fait le plus souvent ces petits balais avec les sommilés de cette graminée, qui sont di- visées en de nombreux pédoncules d’une consistance assez raide. Dans les endroits où ourra employer à sa place de la bruyère, des ra- 132 ÂRTS AGRICOLES : EDUCATION DES VERS-A-SOIE. meaux de genêt ou des menus brins de bou- leau. Plusieurs échelles sout nécessaires dans une magnanerie pour distribuer la feuille aux vers qui sont placés sur les tablettes supérieures, auxquelles on ne peut atteindre autrement. Nous conseillons simplement, tant pour l'intérieur des magnaneries que pour la cueillette des feuilles, des échelles simples et doubles, à échelons ronds ou plats, comme on les aura, et telles qu'on les trouve d’ailleurs partout, parce qu’elles nous ont paru faciles à approprier aux différens services dont il est question. Des paniers de différentes grandeurs sont écessaires pour porter et distribuer la feuille du mürier dans les différentes parties de ja nagnanerie, et la distribuer aux vers sur les tablettes. Ces paniers doivent être légers et, de préférence, faits en osier; leur forme im- porte peu, mäis en général il faut qu'ils soient pourvus d’une anse, et que celle-ci soit munie d’un crochet par lequel on puisse les suspendre toutes les fois que cela sera né- cessaire, soit au rebord des tablettes, soit aux échelons supérieurs des échelles, quand on les emploie pour porter la nourriture avx vers placés sur les tablettes élevées. Lorsque les vers sont parvenus à cet état qu'on appelle la maturité, ils cessent de manger, ils quittent la litière, courent cà et la sur le bord des tablettes, en levant de temps en temps la partie supérieure de leur corps, Comme pour chercher une place pro- pre à faire leur cocon; ces signes annoncent qu'ils sont tout prêts à cominencer ce tra- vail. Dès qu’un certain nombrede versindique ainsi que la fin du 5° âge est arrivée, il faut s'occuper sans retard de lenr procurer les moyens de faire leurs cocons.On a imaginé, pour leur rendre ce travail plus facile, de leur construire des cabanes où haies (fig. 135) Fig. 135. sur lesquelles ils pussent monter. Ces caba- nes se font avec de petits faisceaux compo- sés de rameaux effilés, flexibles et secs, liés seulement par le bas et par leur gros bout. Dans le midi, on prend ordinairement, pour composer ces petits faisceaux, des rameaux de Ja bruyère arborescente, de l’alaterne ou du genèt , mais dans les pays où ces espèces LIV. iv ne se trouvent pas, ou sont rares on peut employer à leur place d’eutres espèces de bruyère, ou des rameaux de bouleau cueillis à la fin de l'hiver, avant le développement des feuilles. Quelle que soit l’espèce dont on forme les fsisceaux, ceux-ci doivent être d'un tiers au moins plus longs que l’espace qui se trouve entre deux tablettes, afin que la partie qui forme la base de chaque poi- gnée étant appuyée sur les tablettes, la por tion supérieure, dont toutes les brindilles doivent rester libres et divergentes, puisse être plus ou moins forcée et recourbée en berceau par le plancher de la tablette qui se trouve au-dessus. On place ainsi sur chaque tablette, après l’avoir auparavant bien net- toyée, le nombre de faisceaux nécessaires, en les espaçant à 3 ou 4 pouces les uns des autres, et en les disposant de manière à for- mer, par le haut, des espèces d’arcades ou berceaux, et en laissant d’ailleurs assez d’es- pace d’un berceau à l’autre, pour que les vers qui ne montent pas tout de suite puis- sent encore être à l’aise dans le bas des ta- blettes, et continuer à y recevoir leur nour- riture jusqu’au moment où ils quitteront la litière. En construisant les cabanes, il faut avoir bien soin qu'elles ne débordent jamais les tablettes sur lesquelles elles sont ap- puyées, afin que les vers auxquels il arrive de tomber après y être montés, ne fassent pas des chutes de trop haut, et que, tombant sur les tablettes, ils puissent de nouveau re- monter facilement dans la ramée, tandis que s'ils tombaient en dehors, leur chuteles ex- poserait davantage à se blesser, et ils ne pourraient plus retrouver le chemin des ca- banes. On a conseillé un petit chéssis à peu près semblable à la tablette de transport dont on a déjà parlé, pour mettre les papillons mâles et femelles lorsqu'ils sont accouplés, et un cke- valet sur lequel est tendu un linge pour y placer les femelles après qu’elles sont fécon- dées, et sur lequel elles doivent faire la ponte de leurs œufs. Ces deux ustensiles, qu’on trouve figurés dans les ouvrages de Dax- poLo et de M. Boxarous, ne nous ont pas paru nécessaires. Nous nous sommes tou- Jours servis, pour placer nos papillons, d’un petit meuble à plusieurs tiroirs ayant chacun 2 pieds de longueur, 1 pied de lar- geur et 3 pouces de hauteur. Nous met- tons dans différens tiroirs : 1° les papillons accouplés ; 2° les femelles séparées des mâles après avoir été fécondées ; 3° les mâles gar- dés pour les donner aux femelles qui n’ont point encore subi l’accouplement. Les tiroirs dans lesquels nous placons les femelles fé- condées ou accouplées sont garnis, dans le fond,d'un morceau detoileou d'étoffe de laine ou de cotonsuffisammentgrand, sur lequelles femelles pondent leurs œufs. Le tiroir dans lequel il n’y a que des mâles n’est garni que de papier. D’après cette manière de faire, ces papillons sont.toujours tenus dans une ob. scurité complète, excepté dans les momens fort courts où l’on ouvre les tiroirs pour ef- fectuer les accouplemens, les surveiller ou en operer la séparation, et rien ne peut dé- tourner les femelles du travail de la ponte. L'obscurilé parait être favorable au pa- cHAP 7°. pillon du ver-à-soie, qui est un insecte noc- turne. La petite chambre qui a servi d’étuve, et qui, depuis long-temps, n’a plus d’em- ploi à l’époque de la naissance des papil- lons, est un lieu convenable pour cet objet. A ces tiroirs, placés dans un meuble parti- culier , on peut, à la rigueur, substituer des boîles carrées, en bois mince ou même en carton, d’égale largeur et longueur; 5 à 6 de ces boîtes, placées les unes sur les autres, seront suffisantes pour faire 6 à 8 onces de graine, et, pour intercepter le jour à la su- périeure on la recouvrira d’une grande feuille de carton. Pour se procurer une plus grande quantité de graine , il vaudra mieux avoir un meuble , qu'on peut faire faire de- puis 8 jusqu’à 12 tiroirs, et même plus. LoisELEUR-DESLONCHAMPS. $ IV. — Purification de l’air des ateliers. Les causes occasionelles des maladies qui affectent le ver-à-soie, ont été l’objet des re- cherches des naturalistes qui en ont étudié les symptômes, la marche, ainsi que les alté- rations qu’elles produisent. Tous leurs tra- vaux nous portent à conclure que, dans l’état actuel de nos connaissances, il est plus diffi- cile de guérir les maladies de cet animal que de les prévenir. Les moyens de prévenir les maladies ve consistent pas seulement dans le choix de la feuille du mürier, dans l’ordre des repas et la quantité de nourriture appropriée à chaque période de la vie de ces insectes, dans une température convenablement graduée, et dans l’espace progressif qu’on doit leur faire occu- per à mesure qu'ils se développent; ils repo- sent plus encore dans les soins nécessaires pour les préserver des émanations produites par la fermentation de leur litière et des ma- tières excrémentitielles. Dans le but de détruire ces funestes émana- tions , que la circulation d’un grand volume d’air, la propreté, les soins, et la surveillance ne suffisent pas toujours pour éloigner, les habitans des campagnes essaient vainement de faire brûler des feuilles odoriférantes, de l’encens on des baies de genièvre; les vapeurs qui en proviennent masquent plutôt qu’elles ne détruisent les mauvaises odeurs de Pair atmosphérique ambiant, et les seules fumi- galions efficaces dans ce cas, sont celles qui peuvent changer la nature des émapations répandues dans les ateliers, les décomposer et faire contracter à leurs principes des com- binaisons nouvelles qui ne soient pas douées- de principes nuisibles. Guidé par cette théorie, M. ParOLETTI fut le premier en 1801 à appliquer le cAlore à l'assainissement des ateliers. Depuis lors, DanpoLo et ses nombreux imitateurs ont constaté par une longue expérience les effets salutaires de ce gaz dont l'usage est devenu vulgaire chez les cultivateurs éclairés. Ce dernier agronome avait aussi recommandé le procédé de Smrru, consistant à charger l'atmosphère de vapeurs d'acide nitreux, qui se dégagent du nitrate de polasse (salpétre) arrosé d’acide sulfurique (huile de vitriol); et une pratique de plusieurs années me porte a croire que ces vapeurs, moins irrilantes DE LA MAGNANERIE EN GÉNÉRAL. 135 ue celles du chlore, ont plus d'efficacité dans les ateliers peu spacieux. Cependant, quel que soit le pouvoir désin- fectant du chlore et des vapeurs nitreuses, ils n’exercent pas d’action sur l’acide carbo- nique qui, en se dégageant en grande quan- tité des matières végétales et animales, rend Pair qui lui sert de véhicule moins propre aux fonctions respiraloires. Il fallait recher- cher un procédé capable d’agir simultané- mentsur l'hydrogène, partie constituante des miasmes, et sur l'acide carbonique, isolés ou combinés entre eux. Dans ce but, j'ai fait choix du chlorure de chaux, dont on connaît _bien aujourd’hui la propriété de désinfecter l'air et de ralentir la putréfaction, et j'ai tenté des expériences comparatives afin de m'assurer de son efficacité pour assainir les ateliers de vers-à-soie. Ces expériences ont eu un succès décisif, et les résultats que j'ai obtenus me paraissent assez remarquables our fixer l’attention des éducateurs de vers- a-soie et les déterminer à employer le chlo- rure de chaux à l’assainissement de leurs ate- liers ; la facilité avec laquelle on le prépare, le prix modique auquel 1l revient, contribue- ront sans doute à en introduire bientôt l'u- sage dans notre économie agricole. Pour procéder à l'assainissement d’un ate- lier de vers-a-sote, il suffit de placer au milieu de cet atelier un baquet ou une terrine con- tenant une partie de chlorure de chaux sur trente parties d’eau environ, ou 30 grammes (1 once) de chlorure sur 1 litre d’eau, pour chaque quantité de vers provenant d’une once de graine; on agite la matière, et, quand elle est précipitée, on tire à clair, on renou- velle l’eau, et l’on réitère l'opération 2 ou 3 fois dans les 24 heures, suivant que je be- soin d’assainir l’air est plus ou moins impé- rieux. On ne change le chlorure que lors- qu’il cesse de répandre de l’odeur. Mais, en recommandant ce nouveau mode de désinfection, je ne saurais trop inviter aussi les cultivateurs à ne pas négliger de faire pénétrer dans les ateliers un courant d'air qui chasse celui qu’ils contiennent, et de faire fréquemment des feux de flamme, de manière à lui procurer une expansion qui le détermine à céder sa place à l’air extérieur; tant il est vrai qu’une ventilation bien diri- gée me semble encore préférable aux moyens que la chimie, dans l’état actuel de nos con- naissances, peut offrir aux éducateurs de vers-à-soie. BonarFous. SECTION IV. — Soins à donner aux vers-a- soie, ou éducation dans les différens âges. $ I°*. — Éclosion de la graine, naissance des vers. Pour avoir des éducations de vers-à-soie qui soient productives, la première chose à faire est de se procurer de bonne graine ; c’est ainsi qu'on appelle ordinairement les œufs de ces insectes, probablement à cause de la ressemblance qu'ils présentent avec de menues graines. Celle qu'on peut avoir de sa propre récolte doit toujours être considé- rée comme la meilleure, parce qu’on est plus sûr de ses qualités, et que quelquefois on est trompé en l’achetant ailleurs; cependant, 134 ARTS AGRICOLES : ÉDUCATION DES VERS-A-SOIE. LIv. 1V, lorsqu'on en est dépourvu, il faut s'en pro- | n’en reste plus sur les linges ou l’éloffe. Cela curer en la faisant venir des pays les plus avantageusement connus sous le rapport des soies qu'ils fournissent au commerce. C’est une erreur de croire, ainsi que cela a lieu dans plusieurs cantons où l’on se livre à l'éducation des vers-à-soie, qu'il faut de temps en temps changer la graine d’un can- ton pour celle d’un autre. Ce préjugé n’a pu prendre naissance que dans les cantons où l’on ne donne pas les soins convenables aux vers; car il n’y a que cela qui puisse faire dégénérer la graine, qu’on peut au con- traire améliorer jusqu’à un cerlain point par de bonssoins;ainsi,en 1824, des vers nour- ris de mürier rouge nous donnèrent des co- cons dont le cent ne pesait que 1 once 6 gr. La graine de ces cocons ayant été conser- vée, nous sommes parvenus à l’améliorer et à la régénérer de telle sorte qu’en 1827 les vers qui en étaient descendus firent des co- cons dont le cent pesait déjà 6 onces {1 gr. 24 grains, et en 1829, cent cocons, toujours de la même race, pesèrent jusqu’à 6 onces 4 gros. La graine se conserve ordinairement atta- chée sur des morceaux de linge ou d’étoffe de coton ou de laine, sur lesquels elle a été pon- due, jusqu’au moment où l’on veut la ven- dre, où quelque temps avant de la soumettre à l’incubation pour la faire éclore. Ellese vend au poids, et le prix d’un once varie depuis 3 jusqu’à 5 fr. et même plus, selon que la ré- colte précédente a été plus où moins abon- dante. Dans presque tous les pays où l’édu- cation des vers-à-soie est en pratiques l'once de graine ne fait que les 4/5 de celle de Paris ou du poids de mar c; l’once d'Italie est encore plus faible; elle ne contient que 39.138 œufs, selon Dandolo, celle du midi de la Frauce environ 40,000, et celle du poids de marc à peu près 50,000. On peut conserver la graine et reculer as- sez long-temps l’époque de son éclosion en la plaçant dans des caves ou des carrières, dont la température soit basse et varie peu; des expériences nombreuses nous ont démon- tré, dans les essais d’éducation multiples auxqueis nous nous sommes livrés, que dans les glacières on peut la conserver au moins tout l'été, et durant un temps que nous n’a- vons pu déterminer. Dans tous les cas, afin de préserver la graine de l'influence de Phumi- dité, il est essentiel de placer les linges sur lesquels elle est collée, dans des bocaux dont on lute bien hermétiquement l’orifice. Pour détacher plus facilement la graine des linges ou des morceaux d’étoffe sur lesquels le papiilon femelle l’a fixée, on les plonge dans une suffisante quantité d’eau à Ja température de 10 ou 11° R. et on les relire après les y avoir laissés 5 à 6 minutes, ce qui suffit pour dissoudre la substance gom- meuse qui tient les œufs attachés aux linges. Alors, on applique ces derniers sur une table en les tenant bien tendus, ei avec un cou- teau de bois ou d’os, ou même de fer qui soit très-émoussé et qu’on passe en l’appliquant du plat entre l’étoffe et les œufs, on détache ceux-ci avec beaucoup de facilité. Au fur et à mesure qu’on en a détaché une certaine ‘quantité, on la dépose dans un vase rempli d’eau à la même température, jusqu’à ce qu'il fait, on agite doucement cette eau avec la main en cherchant à séparer les œufs qui pourraient être collés les uns aux autres. Dans cette opération, tous ceux qui surnagent ne valent rien, on les enlève et on les jette; tous ceux qui vont au fond sont féconds. Quand on juge que ces derniers sont suffi- samment lavés et nettoyés, on décante avec précaution l’eau qui les recouvre, afin de n’en pas perdre, el tout ce qui est au fond du vase est retiré et mis sur un ou plusieurs ta- mis serrés ou sur des linges, ou seulement dans des assiettes que l’on incline à moitié afin d’en faire égoutter l’eau. Dans un lieu sec, un peu aéré, la graine est assez sèche au bout d’une journée; cependant, de peur qu'elle n'ait encore un peu d'humidité, il vaut mieux la laisser exposée à l’air pendant 2 ou 3 jours, en la remuant plusieurs fois pendant ce temps, pourvu que la température du lieu où elle est ne soit pas à plus de 9 ou 10°. Si on a une grande quantité de graine, il faut recommencer l'opération à plusieurs reprises, parce qu'on ne peut guère faire subir la préparation indiquée ci-dessus à plus de 8 à 10 onces à la fois. Il est loujours bon d’ailleurs qu’elle soit faite un mois environ avant de mettre à éclore, et dans un moment où l'embryon est encore dans le plus grand re- pos: si on la faisait,au coniraire, trop près de l’éclosion, cela pourrait nuire à eetle fonc- tion. Jusqu'au moment de préparer l’incuba- üon, la graine peut être gardée dans des as- sieties, dans de petites boites plates où les couches aient 4 à 5 lignes d'épaisseur, ou en- fin enveloppee dans du papier. La graine ainsi convenablement préparée et bien sèche peut aussi être distribuée dans de petites boîtes par 2 à 4 onces, où elle ne souffre pas de pres- sion, et être envoyée parteut où elle sera de- mandée. BoissiEr DE SAUVAGES dit que la graine se détache toujours assez facilement de l’étoffe sur laquelle elle a été pondue, sans qu’il soit besoin d'employer jes lavages; mais nous croyons qu’on doit en la détachant en briser davantage; d’ailleurs, la graine reste malpro- pre,etenfinles œufs clairs etinféconds ne peu- vent facilement être séparés, et comme ils restent mêlés aux bons, on n’est Jamais à même d'apprécier au Juste la quantité de bonne graine qu’on a mise à éclore. Dans l’état de nature, la graine commence à éclore spontanément lorsque la température s’est maintenue pendant environ 15 jours en- tre 10 et 12°; mais alors les vers naïsent les uns après les autres pendant plusieurs se- maines de suite, et il n’y a pas moyen de faire d'éducation régulière et profitable. Pour ob- vier à cet inconvénient, on conserve la graine -à la plus basse température qu’il est possible jusqu'au moment où l’on voit que les bour- geons du mürier, qui doivent servir à la nour- riture des vers, commencent à se dévelop- per ; alors on dispose la graine qu'on veut faire éclore ainsi qu'il a été dit plus haut, soit pour lui faire subir l’incubation au nouet, soit pour fa placer dans la couveuse artifi cielle, l'armoire incubatoire ou l’étuve pro- prement dite. Ce qui a été déjà dit sur léclo- sion au nouet est suffisant; mais nous devons cmaP. 7°. SOINS À DONNER ajouter quelque chose sur la manière d'opérer par les autres procédés, et sur les degrés de chateur qu'il est convenable d’entretenir dans les appareïls dont il vient d’être question, ainsi que dans l’étuve où la chaleur doit être portée successivement et ensuite soutenue aux degrés convenables. Danvoro fre à 13 Jours le temps nécessaire pour faire éclore les vers en exposant pendant ce temps la graine dans l’étuve aux degrés de chaleur aïnsi qu’il suit: les deux 1°° Jours la température est fixée à 14°, le 3° jour elle est orlée à 15°, le 4° à 16°, le 5° à 17°,le 6° à 18°, e 7° à 19°, le 8° à 20°, le 9° à 21°, les 10°, 11° et 12° à 22°, et le 13° l’éclosion des vers com- mence. Celle-ci s'annonce dans les derniers jours par le changement de couleur des œufs; ils étaient d’abord d’un gris cendré un peu foncé, ils s’éclaircissent et prennent peu-à- peu une couleur cendrée claire, de laquelle is passent enfin au blanc sale. Il parait d’ailleurs que l'éclosion plus ra- pide ou plus ralentie dépendde circonstances atmosphériques qui ne sont pas encore bien connues, car M. Boxarous, dans un mémoire sur une éducation de vers-à-soie faite en 1822, dit avoir fait éclore ses œufs en 10 Jours, en commencant également par donner à l’é- tuve une chaleur de 14 et en ne l’élevant qu'à 20 et 21° les 9° et 10° jours. A, Un auteur antérieur aux deux précédens, BoissiER DE SAUVAGES, dit que les graines éclosent en 4 à 5 jours en les exposant à 30 ou 32°; mais qu’alors il y en a une grande partie qui manque. Le même dit encore qu'ayant suspendu un petit paquet de graine à sa fenêtre sur un mur exposé au midi où la chaleur directe du soleil faisait monter le thermomètre à 45°, pendant qu'il descendait la nuit à 15, ce qui fait une différence de 30° de chaleur du plus au moins, cepen- dant tous les œufs produisirent des vers, quoique fort à la longue. A la fin d’avril 1830, après avoir transporté, dans une chambre où le thermomètre a été maintenu pendant 4 jours à 14°, de la graine qui, les jours précédens, n’était qu’à 10° et méme au-dessous, nous avons tout-a-coup, le 5° jour, élevé la température à 26°, 27°, et le 4° jour, après que la graine eut été exposée à cette chaleur constante, les vers commencè- rent àécloreen grande quanlité; dès le 3° jour même il en élait né plusieurs. Nous avions opéré sur plus de 2 onces de graine; l’éclo- sion fut très-abondante pendant 4 Jours, et les vers étaient très-bien portans. uoi d'il en soit, les vers qui naissent le 1°" jour sont ordinairement peu nombreux, et on néglige de les recueillir ; mais on com- mence le 2° à les relever, en employant les moyens que nous allons détailler; on en fait 4 ou 5 levées dans le courant de la journée. La naissance des vers est toujours plus abondante depuis le lever du soleil jusqu’à 2 ou 3 heures après midi, elle se ralentit ensuite beaucoup dans le reste de la journée, et pendant la nuit elle devient tout-à-fait nulle. La to- valité des vers met au moins 3 à 4 jours à gaître ; tant que l’éclosion parail assez nom- breuse, on recueille les vers, et on ne cesse de le faire que lorsqu'ils deviennent trop rares pour que cela en mérite la peine. AUX VERS-A-SOIE. 135 Au moment où l’on commence à voir sortir les petits vers de leurs œufs, on leur donne de petits rameaux garnis de jeunes feuilles de mürier dont le développèment coïncide toujours avec celui des vers quand leur éclo- sion n’a pas été trop hâtée. Si l’on plaçait les rameaux immédiatement sur la graine, il ar- riverait souvent, lorsque les vers seraient mon- tés dessus, et lorsqu'on voudrait les relever pour en substituer de nouveaux, qu’on enlè- verait en même temps des œufs non encore éclos ; pour obvier à cet inconvénient, on cou- vre toute la graine de chaque boîte avec un morceau de canevas, ou mieux encore d’un morceau de papier un peu fort, sur toute la surface duquel on à pratiqué avec une grosse épingle des trous nombreux formant comme un petit crible. Ce papier doit être appliquésur la graine par le côté où l'on a fait entrer l’épin- gle,et on recouvre sasurface supérieure de jeu- nes bourgeons de mürier détachés de leurs branches, ou même de petits rameaux garnis de leurs feuilles. Si on ne prenait cette pré- caution dès qu’on voit un certain nombre de jeunes vers sortir de la graine, ceux-ci, aus- silôt après leur naissance, se répandraient de tous côtés, errant à l'aventure, cherchant à satisfaire l'appétit qu’ils ont déjà. Guidés par l'instinct et ee Péeur des feuilles de mürier placées sur le papier criblé qui est au- dessus d’eux, ils en traversent rapidement les trous pour aller prendre leur nourriture. Quand l'éclosion se fait bien, souvent en une eure tous les bourgeons de mürier sont tel- lement garnis de vers, que toute verdure à disparu ; on n'aperçoit à sa place qu’une sorte de fourmilière noirâtre où les petits insectes sont'par milliers. Alors on enlève avec pré- caution les rameaux ou les bourgeons de mü- rier, tout chargés qu’ils sont de vers, en les prenant, surtout si ce sont de simples bour- geons, avec de petites pinces plates et légères dites érucelles, et en ayant la précaution de ne presser que très-modérément l'instrument, el on les dépose sur une petite tablette de transport garnie de papier, pour aller ensuite, lorsque la levée est términée, les placer sur les tablettes (£g. 136) où doit commencer leur Fig. 136. + 1htieer li TUE EN DT TETE #7 | CE M TL TT DT TNT fl ch A ET UT JUMENT ce nn { ï COMTE nt Tanddnt J A Mn rt a RE L LUN TS éducation. Aussitôt que cela est faît, on re- met sur le papier-crible d’autres bourgeons ou d’autres rameaux de mürier qu’on enlève encore 2ou 3 heures après lorsqu'ils sont cou- verts de nouveaux vers, et on continue ainsi à en faire des levées successives pisqu'à ce que l’éclosion des œufs soit entièrement achevée, ou au moins jusqu'à Ce que les vers des der- uières levées deviennent trop peu nombreux pour mériter d’être recueillis. 136 ARTS AGRICOLES : EDUCATION DES VERS-A-SOIE. $ IL. — Premier âge. Le ver-à-soie, au moment de sa naissance, a { ligne 1/4 de longueur, et il pèse 1/110 de grain poids de marc. Tout son corps est hérissé de poils et il paraît noirâtre à la vue simple; avec la loupe on reconnaît que sa tête est écailleuse, d’un noir plus luisant que le reste du corps, qui est composé de 10 anneaux. A cette époque, tous les vers nés d’une once de graine peuvent facilement tenir dans un espace de 2 pieds carrés; mais, au lieu de les mettre tous ensemble en les disposant sur les tabletttes, on les divise sur plusieurs places de manière qu'il ne soit pas néces- saire de les remuer jusqu’au moment de la 1'° mue, et de sorte qu'ils puissent alors y occuper 9 à 10 pieds carrés. Comme tous les vers ne sont pas nés en même temps, et que si on leur donnait à tous une quantité égale de feuilles de müûrier à manger, les 1‘ avan- ceraient davantage que les derniers, il faut chercher à les rendre égaux, au moins ceux qui sont nés le même jour. On y parvient en eloignant les époques des repas pour les 1°" éclos, tandis qu'on les rapproche pour les derniers , de manière qu’à la fin de la journée ils aient tous reçu autant de nourriture les uns que les autres. Quant aux vers qui sont nés à 1 ou 2 jours de distance, comme il n’est as possible de les rendre égaux à ceux éclos e 1° jour, on les place sur des tablettes dif- férentes que l’on distingue par des numéros, parce que, pendant toute l’éducation, ces der-- niers vers seront toujours en retard des 1‘'° d’un nombre de jours égal au temps pendant lequel leur naissance a été différée. Pendant tout le 1° âge oz donne chaque Jour aux vers 4 repas , qu'on leur distribue à des intervalles égaux. Si on a fait coïncider le commencement de l’incubation avec le développementdes feuilles de mûrier,celles-ci curront être données aux vers telles qu’on es aura cueillies sur les arbres; elles se trou- veront proportionnées à la grosseur des vers ; mais si l’éclosion a été retardée , et que les feuilles soient devenues un peu grandes, on les coupera en petits morceaux, ce que l’on fait facilement en en prenant de petites poignées et en se servant de ciseaux ou d’un couteau: par ce moyen on multiplie le nom- bre des bords par lesquels les petits vers se mettent le plus ordinairement à les manger ; cependant nous avons vu souvent les plus etits vers attaquer les feuilles par leur mi- ieu même. DanpoLo et M. Bonarous se sont donné la peine de peser ce que les vers d’une once de graine consomment de feuilles pendant les différens âges de leur existence; ils ont trouvé que, pendant le 1° celte quantité mon- tait à 7 livres en tout, et d’après cela ces au- teurs prescrivent le poids de ces feuilles pour chaque journée et chaque repas ; mais il nous a paru que c'était compliquer les embarras de l’éducation que de s’astreindre à avoir toujours la balance à la main pour distribuer chaque repas. La consommation ne peut d’ail- leurs être invariable, elle est soumise à la bonne santé des insectes. La durée du 1° äge n’est que de 5 jours, LIV. 1V. d’après Danpozo el M. Bonarous, et cela à une température constante de 19°. - Nous nous croyons forcés de dire que jamais, dans aucune des nombreuses éducations que nous avons faites, nous n'avons pu obtenir de semblables résultats ; ce n’a été qu’à une chaleur de 21° à 22° que nous avons vu le 1°" âge se terminer en 5 jours; autrement il s’est toujours étendu à 6, 7, 8 jours, et même beaucoup au-delà, lorsque la température n'a été que de 18°,17°,16°, et au-dessous. Quoi- qu'il en soit, il est hors de doute qu'il y a economie de temps et de feuilles à tenir les vers dans une température un peu élevée et constamment la même, sans compter que l’on perd moins de vers que lorsqu'on fait trainer l’éducation en ne donnant pas assez de chaleur. La1'"* rue s'annonce par l’éclaircissement de la couleur des vers ; au moment oùils s’endor- ment, ils deviennent luisanset comme bouffis. Quand on voit les vers engourdis, on diminue la quantité de feuilles ; on n’en donne qu’à peu près ce qu’il en faut pour ceux qui restent éveillés et mangent encore ; lorsqu'on les voit tous endormis, on peut pendant un jour en- tier ne leur rien donner du tout jusqu'à ce qu'ils aient fait leur 1'° mue, c’est-à-dire qu'ils aient quitté leur {'° peau pour en revêtir une nouvelle. Cette mue, ainsi que les 3 autres qu'ils doivent encore subir, est une époque critique pour les vers, et il y en a toujours plusieurs qui succombent. Quelque soin que l’on prenne pour traiter tous les vers également bien, il y en a aussi toujours quelques-2ns dont la mue est précoce, et d’autres pour lesquels elle est tardive, de ma- nière que le temps de la mue n’est jamais moindre d’un jour 1/2 à 2 jours et même 2 jours 1/2. Les différentes mues ne sont pas d’ailleurs égales entre elles; la 1° est plus courte que la 2°; celle-ci que la 3° ; enfin, celle qui dure le plus long-temps est la 4°, et c’est aussi, en général, celle dans laquelle il périt le plus de vers. $ IL. — Deuxième âge. Aussitôt après la 1° mue, commence le 2° dge;les vers pèsent alors 1/8 à1/9 de grain ; ils ont 3 lignes 1/2 à 4 lignes de longueur; tout leur corps parait chargé d’une sorte de poussière; il est tacheté régulièrement de mouchetures d’un brun foncé ou d’un brun roussâtre , placées sur un fond blanchâtre ou grisätre. Dès qu’on s’apercoit que les vers revêtus de leur nouvelle peau ont repris toute leur vivacilé, on doit sans retard les enlever de la liüère qui s’est formée sous eux par les débris des feuilles qui ont servi à leur nour- riture. Pour rendre ce déplacement plus facile, on étend, sur les petites chenilles, de jeunes rameaux de mürier garnis de leurs bourgeons et de leurs feuilles, et 2 à 3 heures après, lorsque l’on voit que les vers sont montés de leur litière sur ces rameaux et qu'ils en sont tous chargés, on les transporte sur d’autres parties de tablettes où on les dis- tribue de manière à ce qu'ils soient disposés sur un espace d'environ 20 pieds carrés, ce qui est l'étendue dont ils auront besoin jus- qu’à la fin de leur 2° âge. Comme il y a tou- cBAP. 7°. jours des retardataires qui n’ont point ac- compli leur mue en même temps que les autres, au lieu de jeter la litière hors de l’atelier, on laisse passer 4 à 5 heures, et lorsqu’au bout de ce temps on voit un nom- bre assez considérable de vers ayant enfin achevé leur 1° mue, on les recouvre de nou- veaux rameaux comme la 1'° fois, afin de recueillir ces vers en retard. Le moyen de faire regagner à ces derniers le temps perdu par eux, c’est de leur donner le lendemain et le Jour suivant un repas de pius qu’à ceux qui ont l'avance, et ce moyen doit être employé par la suite pour tous les re- tardataires des différentes mues. Quant à ceux qui peuvent encore être restés sur la litière, comme ils ne sont ordi- nairement qu'en petit nombre, et que leur long retard annonce peu d’énergie vitale, on les jette ordinairement hors de l'atelier avec la vieille litière. Quatre repas en 24 heures continueront à être donnés aux vers pendant tout le 2° âge qui, à la température de 18 à 15° 1/2, ne dure que 4 jours selon DanpoLo et M. Boxarous, et pendant lequel les vers d'une once de graine mangent 21 livres de feuilles mondées ; mais, de même que nous avons déjà dit que nous avions vu le 1° âge durer plus que ces auteurs ne l’indiquert, de même aussi nous avons observé que le 2° âge se prolongeait toujours plus de 4 Jours, et nous répétons ici cette observation pour la dernière fois, afin de n’y plus revenir pour les âges suivans , mais en leur appliquant la mème remarque. Supposant donc ja durée du 2° âge invariable, les vers devront s’en- dormir le 4° jour; à la fin du suivant ils se- ront réveillés, auront fait leur 2° mue, et on les relèvera alors de leur litière de la ma- uière prescrite. $ IV. — Troisième âge. Mesurés et pesés aussilôl après leur chan- gement de peau, les vers en commencant leur 3° ge ont 7 lignes de longueur et pèsent chacun 1 grain. Leur couleur est à peu près la même que dans le 2° âge, mais pis claire; quelques-uns sont mouchetés de brun foncé sur les anneaux inférieurs de leur corps; le 4° à compter de la tête estmarqué de2 lignes fi- gurées comme des croissans étroits. Le 3° âge, d'après les auteurs déjà cités, dure 7 jours, et pendant ce temps les vers consomment 70 livres de feuilles. La chaleur de la cham- bre peut être un peu diminuée, il suffit qu'elle soit de 18° d’abord, et ensuite de 17 seulement. Dans les deux âges précédens les vers ont pu rester d’une mue à l’autre sur leur litière, sans en être changés; mais, comme la durée du 3° âge est plus longue, et que les vers étant plus gros font une plus grande consommation de feuilles et rendent ar suite des excrémens plus considérables, il faut, au milieu de cet âge, avoir soin de les déliter par les moyens déjà indiqués, et la vieille Ntière étant jetée hors de l'atelier, on approprie la place que les vers ont occupée, c'est-à-dire environ 32 pieds carrés, afin qu'elle puisse servir de nouveau ; ce qui doit se faire d’ailleurs à chaque fois qu'on en- lève une ancienne litière. Le 6° Jour du AGR: SOINS À DONNER AUX VERS-A-SOIE. 137 3° âge les vers s’endorment, occupant alors 46 pieds carrés, et ils s’éveillent le 7° jour ayant fait leur 3° mue. $ V.— Quatrième Age. Déjà les vers ont changé 3 fois de peau en prenant toujours à chaque fois un accrois- sement plus considérable. Cette fois ils ont 1 po. de longueur ( #g. 137 ), et le poids de Fig. 137. chacun d’eux est de4 grains. Leur couleur ge- nérale est blanchâtre, mais chaque anneau de leur corps est tiqueté d’une multitude de peuts points grisätres ; les 3 anneaux supé- rieurs sont toujours plus clairs que les sui- vans, et les 2 trails en croissant que porte le 4°, sont devenus plus larges, roussâtres, avec une ligne blanche dans le milieu. Pendant le 4° age, dont la durée est de 7 jours comme le précédent, les vers provenant d’une once de graine auront besoin d'occuper depuis 60 jusqu’à 110 pieds carrés, et c’est alors, afin de pouvoir facilement jJeur donner tout l’espace qui va leur devenir nécessaire dans cet âge et surtout durant le suivant, qu'il faut les transporter sans délai dans le grand atelier. Pendant cet âge la consommation des feuilles augmente tous les jours d’une manière sensible. Cette consommation, d’a- près les auteurs cités plus haut, est fixée à 240 livres, qui sont encore distribuées en 4 repas chaque jour, en faisant attention qu'on va toujours en augmentant la quan- lité de chaque repas jusqu’au 4° jour, qui est celui où les vers mangent le plus; car en- suile leur appétit diminue jusqu’au moment où ils vont faire leur 4° mue; alors, de même que la veille de toutes les autres mues, le besoin de manger s'éteint totalement, et, l'on peut pendant 24 heures leur supprimer la plus grande partie de la nourriture ordi- naire. Quant à l'accroissement d’appétit que les vers éprouvent jusqu'au milieu de leur 4° âge, une augmentation semblable a lieu dans tous les autres âges; on la nomme petite frèze dans les 4 1°"* âges, et grande fréze dans le 5°. La température de l'atelier pendant le 4° âge n'a pas besoin d’être au-dessus de 16 à 17°; les vers ayant plus de force n’ont pas besoin d’autant de chaleur que dans les âges précédens où ils étaient plus faibles, et quand il arrive que l'air extérieur est natu- rellement aussi chaud que l’intérieur, on se dispense de faire du feu dans les poëles et les cheminées de l'atelier, et on peut alors ouvrir toutes les fenêtres, surlout si l’atmos- phère est calme. Au 4° jour de cette époque il faut avoir soin de déliler les vers ainsi qu'on l’a fait dans la période précédente. Le 6° Jour les vers s’endorment pour la der- nière fois, afin de faire leur 4° et dernière mue; c’est pour eux la plus critique et aussi T. III. — 18. 138 ARTS AGRICOLES : EDUCATION DES VERS-A-SOIE, la plus longue; bien peu de vers n'y em- ploient que 24 heures, beaucoup ne l’achè- vent qu’en 30 heures et même plus. $ VI. — Cinquième âge. Comme nous avons toujours supposé jus- qu’à présent, pour la facilité de l'explication, que toutes les mues se faisaient régulière- ment et sans retard, nous dirons que le 7° jour du 4° âge étant passé, les vers ont opéré leur 4° mue et qu’ils sont entrés dans leur 5° âge. Si on les examine alors, on les trouve entièrement changés et presque mé- connuaissables; ils ont 20 à 22 lignes de lon- gueur (fig. 138), et pèsent 14 à 17 et même jus- Fig. 138. qu’à 20 grains; leur peau est presque partout blanchâtre tirant à la couleur de chair, sans taches, mais elle parait comme recouverte d’une poudre très-fine. Telle est la couleur la plus ordinaire des vers; cepéndant on rencontre presque toujours, dans une éduca- tion un peu nombreuse, quelques vers qui diffèrent d’une manière très-sensible de ceux ui viennent d'être décrits ; ces vers, au lieu ’être blanchâtres, sont d’un gris foncé et presque noirätre, avec peu ou point de ta- ches blanches. Au reste, à l’époque dont il est question, on voit dans tous les vers, d’après la cou- leur de leurs 8 pattes postérieures, quelle sera la couleur de la soie qu’ils fileront ; ces pattes sont jaunes pour la soie de cette couleur, et blanches si le fil de linsecte est blanc. Déjà, pendant le 4° âge, ces signes de la couleur future de la soie pouvaient être entrevus, mais ils sont beaucoup plus distincts au commencement du 5°. Aussitôt que Les vers ont fait leur 4° mue, on les change de tablettes en les espaçant tou- jours davantage. C’est alors aussi qu’il fau- dra avoir ample provision de feuilles, car la consommation que les vers vont en faire pendant leur 5° âge sera énorme; elle devra être au moins 4 fois plus considérable qu’elle n’a été pendant tous les âges précédens, puisque les quantités que nous avons annon- cées précédemment ne se montent encore qu’à 300 et quelques livres, et que plus de 1400 vont leur devenir nécessaires. La place que les vers occupent sur Îles tablettes et la quantité de feuilles qu’ils mangent dépen- dent essentiellement de leur nombre , et ce nombre lui-même est soumis à l’état de santé des vers, qui dépend non seulement des bons soins apportés dans l’éducation, ce dont, il est vrai, on est toujours maitre, mais plus encore sans doute de l’état de l’atmos- phère extérieure dont i] est toujours très- difficile, pour ne pas dire impossible de modifier les influences à l’intérieur de l’ate- lier. On voit donc d’après cela qu’il est dif- LIV. IV: ficile de prévoir la quantité de vers qu’on perdra dans le courant d’une éducation; car, quelque heureuse qu’elle puisse être, il mour- ra toujours des vers par une cause ou par l’autre. DanpoLo, sous le rapport de la con- servation , paraît avoir obtenu des succès in- connus avant lui; mais on serait probable- ment dans l’erreur si l’on croyait qu'il fût facile d'arriver toujours aux mêmes résul- tats que lui. La preuve en est que même en ne faisant que des éducations peu nombreu- ses, et dans lesquelles par conséquent, toutes chances égales d’ailleurs, il est plus facile d’obtenir des succès , cependant on va voir par le tableau que nous allons donner des résultats de 39 éducations, combien le produit-en a été variable. Dans 7 éducations nous avons eu perte de 1/2 Bin UE et vetoyst done Le 0e: TERRES d1S Mae hs LUNETTES 8 ous parhatieten its 14 DORE ER TE PE MMNMRE US ce Lion élire vs el TRUE APE TRIER À bis. oo SERRE RARE RO AT Ge US use 4: ts iS2 ANS STE D’après cela, lorsqu'on procède par 10 on- ces de graine, par exemple, la quantité de vers à loger et à nourrir pendant le 5° âge, pourra varier de 10 à 50 et même à 100 mille, si la perte totale doit être d’1/5°, d’1/4, d’1/3 ou même de moitié, ce qui, dans les grandes éducations, est ce qui arrive le plus souvent. Il est donc très-difficile de pouvoir peser 1a quantité de feuilles donnée à chaque repas aux vers pendant toute une éducation. Si on le fait, ce ne peut être qu’un objet de curio- sité pour se rendre compte de ce que les vers ont consommé dans telle ou telle édu- cation, mais cela ne pourra pas servir rigou- reusement pout une éducation postérieure, parce que, sielle était moins heureuse, les vers auraient du superflu , et dans le cas où elle serait plus prospère, les vers n’auraient pas assez de nourriture. Qu'on se borne donc, en délitant les vers au commencement du 5° âge, à les espacer convenablement sur les tablettes de manière à ce qu’ils n’y soient pas gênés, et qu’on leur donne de la feuille 5 fois par jour, en les en couvrant largement au moment de chaque distribution. Comme, à cette époque de leur existence, ils font beaucoup de litière, il faut les changer de place le 4° et le 7° jour, tou- jours en élargissant l’espace, de manière que les vers d’une once de graine pourront occu- per successivement 150, 200 et 250 pieds carrés. Au fur et à mesure qu’on délite les vers, on doit procéder au zettoiement des 1a- blettes et des claies. Chaque jour on s’aper- çoit alors des progrès que font les vers ; on les voit pour ainsi dire croître à vue d’æil. Le 5‘, le 6°et le 7° jour du 5° âge sont le temps de la grande fréze, ou celui où les vers man- gent le plus; ils ont alors une faim dévo- rante, ils font en mangeant un que l’on a comparé à celui d’une forte pluie. Il est bon à cette époque de leur donner un 6° repas. Après cela l'appétit des vers com- mence à diminuer, et le 8° et le 9° Jours. ils sont parvenus à leur plus grand dévelop- bruit à ee cHAP. 7°, pement ; 1is sont tout-à-fait blancs ; leur lon- gueur est généralement de 36 lignes, et chez quelques-uns elle est même de 40; leur poids le plus ordinaire est de 72 à 80 grains, et quelquefois de 100 grains et plus. Dès-lors les vers mangent beaucoup moins, ils cessent aussi de croître, et même ils paraissent dimi- nuer un peu, parce qu'ils rendent une plus grande quantité d'excrémens, ils commen- cent, selon l'expression vulgaire, à se vider. Cela est déjà un 1° signe que les vers appro- chent de leur z2aturité, et qu'ils vont bientôt faire leurs cocons. On reconnait que cette maturité est complète aux signes SuIVans : 1° les vers montent sur les feuilles sans les ronger, et ils lèvent souvent la tête conime pour indiquer qu’il leur faut autre chose; 2° ils quittent les feuilles et courent le long des claies en cherchant à grimper; 3° les anneaux de leur corps se raccourcissent, et la peau de leur cou paraît toute ridée; 4° leur corps devient d’une certaine mollesse et la peau, surtout celle des anneaux inférieurs, acquiert une demi-transparence et prend uné teinte légèrement jaunâtre, particuliè- rement dans les vers qui doivent filer de la soie jaune; 5° si l’on regarde les vers avec attention, on voit qu'ils trainent après eux un fil de soie qui sort de leur bouche, et dont on peut tirer un assez long bout sans lerompre; 6° enfin le ver tout entier annonce | par sa couleur celle de la soie qu’il pro- duira, et on peut connaître en l’ouvrant s’il devait devenir papillon mâle ou femelle; ceux destinés àétre mâles ne contient qu’une liqueur jaunâtre, ceux qui doivent former des femelles sont pleins d'œufs. Quand on a recounu à ces signes que le teraps où les vers doivent filer leurs cocons est très-prochain, on doit s'occuper du neltoiement des claies en délitant les vers pour la dernière fois. À part deux circonstances où le ver cher- che en naissant sa nourriture,et, quand il est mûr, une place commode pour y faire son cocon. il est très-sédentaire sur la lilière; la faim même ne l’en éloigne pas; nous avons vu plusieurs fois des vers abandonnés sans nourriture, y mourir après plusieurs jours de jeûne, sans avoir essayé d’en franchir les limites. Avant le sommeil qui précède les mues , quelques vers qui sont au bord des claies s'éloignent à 1 ou 2 pouces tout au plus pour s'endormir à l’écart ; mais, la mue faites ils redescendent promptement sur la ire. $ VII — Formation des cocons. Le nettoiement des claies étant terminé, il faut s'occuper sans relard de préparer aux vers les moyens de filer leurs cocons avec facilité, ce qu’on fait en leur construisant des haïes, des cabanes ou des rames, ainsi que l’on dit selon les pays; c’est ce qui a été expliqué plus haut. Lorsque les vers commencent à monter sur les cabanes, on n’a pas besoin de conser- ver dans l’atelier plus de 17° de chaleur; il convient en outre que l'air soit aussi sec que possible, el, si Pétat de la température extérieure le permel, on peut ouvrir partout SOINS A DONNER AUX VERS-A-SOIE. 139 portes et fenêtres dans les heures les plus chaudes de la journée. On croit assez généralement que le t07- nerre est contraire aux vers-à-soie, et on redoute d’après cela les orages au moment où ils montent sur les cabanes. La preuve que le tonnerre et les commotions les plus fortes imprimées à l’atmosphère même de l'atelier dans lequel ils sont, ne peut leur être nuisible, c’est que des coups de fusil ont été tirés dans une magnanerie au moment de la montée, sans produire aucun effet fà- cheux. Nous avons vu nous-même, le 26 juil- let 1824, des vers, étant alors à la fin de leur 5° âge, manger avec la plus grande avidité sans paraître ressentir aucune influence d’un violent orage qui dura environ 1 heure, et pendant lequel les coups redoublés du ton- nerre ’étalent pas une minute sans se faire evtendre, et pendant lequel la foudre tomba 3 à 4 fois à peu de distance de la maison de campagne où nous étions. Des vers qui avaient déjà commencé leur cocon, le con- tinrèrent aussi sans aucune interruption. Quelque temps auparavant nous avions trans- porté à la campagne une centaine de vers, alors dans leur 3° âge ; nous leur fimes faire ur voyage de 20 lieues sur l’impériale d’une diligence sans qu’ils en éprouvassent la moin- dre fatigue, et, à notre retour, qui eut lieu 2 jours après l’orage, quelques-uns de nos vers qui étaient sur le point de filer furent mis par expérience dans des cornets de pa- pier fermés par le haut, puis renfermés dans une boîte qui fut placée, comme la 1'° fois, sur l’impériale de la diligence, où elle fit 20 lieues, et malgré les innombrables se- cousse£ éprouvées pendant dix heures sur une route pavée, tous les cornets ayant été ouverts à la fin du 3° jour, nous trouvâmes quetous les vers avaient fait de beaux et bons cocons, dont lun pesait lui seul 53 grains. À compter du moment où les vers com- mencent à jeter leur bave ou bourre, c’est-à- dire les 1°" fils de leur soie ( f£g. 138), ceux qui Fig. 139. sont sans et vigoureux terminent leur cocon en 3 Qu 4 jours au plus. La première Journée de la montée sur les cabanes on voit rarement 140 ARTS AGRICOLES : EDUCATION DES VERS-A-SOIF. un grand nombre de vers occupés à ourdir leur cocon, c’est le 2° et le 3° Jour qu'ils quit- tent la lilière de toutes parts, et qu’on les voit grimper à la suite des uns des autres, cherchant une place commode pour leur ou- vrage. Plusieurs se fixent tout de suite sans monter bien haut, ce sont les meilleurs, d’autres courent çà et là, parcourent plusieurs branches, quittent les places les plus com- modes,ont peine à s'arrêter, et finissent quel- quefois par retomber sur la litière. Le 4° ou le 5° jour après que les premiers vers montés aux cabanes ont déjà terminé leurs cocons et que les derniers sontencore occupés de ce tra- vail,ilne reste plus que quelques retardataires donton peutsansdouteespérer encorequelque chose, mais sur lesquels 1l ne faut pas comp- ter comme sur les 1°"*; le retard que ces vers mettent à filer leur cocon annoncant chez eux moins de vigueur, on les enlève de dessous les cabanes et on les réunit sous des cabanes particulières, placées dans une autre cham- bre où l’air soit sec et la température à 18 ou 19°. Enfin, on peut former dans le même lieu des cabanes plus basses sous lesquelles on dé- pose les vers faibles ou ceux qui sont tombés du haut des ramées, et on leur donne de la pourriture tant qu'il est besoin, en ayant soin de les resserrer et de rétrécir la place qu'ils occupent a mesure que leur nombre diminue sur la litière. Aux plus faibles on prête le se- cours de corneis de papier, ou, ce qui est encore plus facile et moins embarassant, on les met dans une grande corbeille, en les couvrant d’une couche légère de copeaux de menuisiers ou de menus rameaux de bruyère, et on en fait ainsi aulant de lits qu’il est né- cessaire. Aussitôt après qu'il ne reste plus de vers à nourrir sous les cabanes, on procède au der- nier nettoiement des claies et des tablettes, dont les vers d’une once de graine peuvent, ainsi qu'il a déja été dit, avoir occupé pendant les derniers jours, depuis 200 jusqu’à 250 pi. carrés, selon que l'éducation a été moins ou plus prospère. $ VIT. — Sixième âge : récolte des cocons ; choix pour la reproduction. Chacun des âges précédens a commencé toutes les fois que la larve du ver-à-soie a changé de peau ; d’après cela le 6° âge ne com- mence réellement que lorsque le ver ayant filé son cocon, se raccourcit au fur et à me- sure, et se métamorphose à Ja fin en cArysa- lide après avoir dépouillé sa peau de larve. La fig. 140 représente en À le cocon terminé et en B la chrysalide hors du cocon. Ce 6° âge se passe tout entier dans le cocon, et la métamorphose n’est point visible, à moins qu'on ne fende le cocon au moment où elle va s’opérer, ce qui.a ordinairement lieu le 4° ou le 5° jour après que le ver a commencé à filer. Quelques vers, dans toutes les éduca- tions, ne font point de soie, ils restent dans la litière ou descendent des cabanes après y être montés, avoir erré pendant quelque temps sur les branches, et ils opèrent leur métamorphose à nu sans être enveloppés d’un cocon. On ne garde jamais ces chrysalides, on les jette ordinairement hors de l'atelier. II Fig. 140. serait curieux de savoir, en en conservant pour avoir les papillons, si les œufs de ces derniers donneraient naissance à des vers dégénérés qui ne fileraient point, ou si, ne participant point à l’infirmité de leurs pères, ils produi- raient de la soie comme les autres vers. Revenons à ceux que nous avons laissés fi- lant leurs cocons. Quatre jours après que le dernier ver est monté, on met à bas tous les petits fagots qui ont servi à faire les cabanes, et on en détache à mesure tous Les cocons qu'on jette dans de grandes corbeilles, en ayant soin de mettre de côté tous ceux qui sont imparfaits, mal conformés, mous ou qui sont doubles, c’est-à-dire qui sont l’ouvrage de deux vers ayant filé en commun. Ces der- niers se reconnaissent facilement à leur gros- seur et à leur poids beaucoup plus considé- rables. Si toutes les époques de l'éducation se sont passées heureusement, une once de graine pourra produire 100 et même jusqu’à 120 et 130 livres de cocons ; mais ces dernières ré- coltes sont fort rares; on s’estime heureux lorsque le produit s’élève au 1°" poids qui vient d'être dit; car il arrive assez souvent qu’on ne retire que 80 et même que 70 livres. Quant aux cocons eux-mêmes, 1ls sont fort beaux lorsque 250 à 260 pèsent une livre poids de marc. — Il résulte des observations faites pendant de nombreuses années dans les pays où l’on se livre depuis long-temps à l'éducation des vers-à-soie, qu’on a eu de bonnes récoltes lorsque les vents du nord ont régné durant l'existence des vers, et qu’elles ont été médiocres ou mauvaïses lors- que, pendant le même temps, les vents ont souffle souvent du sud ou du nord-ouest. Dès qu'on a séparé les cocons des rameaux qui formaient les cabanes, ou aussitôt qu'on a déramé ou décoconné, comme on dit encore selon les provinces, on choësit les cocons des- tinés à la propagation de l’espèce. Quatorze onces de cocons fournissent communément une once de graine. D’après cela on met or- dinairement à part autant de livres de cocons qu'on veut faire d'onces de graine, et dans le cHAP. 7°. SOINS À DONNER choix qu’on en fait on dcnne la préférence à ceux qui sont plus durs, mieux conformés; ceux qui joignent à ces qualités d’avoir une espèce d’anneau ou de cercle rentrant qui les serre dans le milieu (#g. 140 ci- dessus ), sont regardés comme très-bons.—Il n'y a pas de signes bien certains pour distin- guer le sexe des cocons; cependant on a cru remarquer que les plus petits, pointus aux deux bouts et serrés dans le milieu, renfermaient souvent des mâles, tandis que les plus ronds, les plus gros, peu ou point serrés dans le milieu et communément plus pesans, contenaient très-ordinairement des femelles : il faut donc choisir parmi ceux qui réunissent ces derniers signes, au moins la moitié et même les deux tiers des cocons qu'on veut garder pour graine ; On aura tou- jours assez de mâles. Il est prouvé par l'expérience que lors- qu'on a fait choix de cocons qui étaient tous d’une couleur uniforme, on en obtenait une race de vers qui donnaientexactement des co- cons de la même couleur; mais comme beau- coup d’éducateurs de vers-à-soie ne pren- nent pas ce soin , on a le plus souvent, dans une seule éducation, des cocons de plusieurs couleurs et de plusieurs nuances. Ainsi dans les 2 couleurs principales, le jaune et le blanc, on distingue des cocons d’un jaune très-foncé et d’autres plus pâles; il y en a ui paraissent fauves clairs ou de la couleur > naukin des Indes, et dont la nuance est aussi plus ou moins intense. Les blancs ne sont pas moins variables, depuis le blanc le plus pur dit blanc sirza où de Chine, dont quelques éducateurs se sont appliqués à con- server la race aussi pure que possible, Jus- u’au blanchâtre sale et à la teinte soutrée ont les cocons sont dits verts. Nous regar- dons ces derniers comme appartenant à une modification du blanc, parce que les vers qui les filent ontles pattes blanches, et parce ue cette race est très-difficile à maintenir ans une éducation subséquente;car,quelque soin qu’on ait pris de ne conserver que les cocons les plus foncés, il s’en trouve toujours un grand nombre qui passe au blanchätre. La bourre qui se trouve plus ou moins abondante sur la surface des cocons réservés pour la reproduction doit être soigneuse- nent enlevée, parce qu’elle pourrait gêner les papillons lors de leur sortie, et parce que, tel faible qu’en soit le produit il n’est pas à négliger. Cela étant fait, on place ces cocons dans des tiroirs ou dans des boites, et par lits de l’épaisseur de deux cocons, dans une chambre dont la température ne soil pas moindre de 15 ni plus forte que 18°, si cela est possible, et on attend la sortie des papil- lons. Au lieu de choisir pour ainsi dire au ha- sard les cocons pour graine, ne vaudrait-il pas mieux, dans le courant de l’éducation, rendre les vers qui auraient toujours fait eurs mues les premiers, qui auraient par conséquent r2ontré plus de vigueur, et les faire filer à part? Il ne serait pas difficile d’es- sayer si ce nouveau moyen ne donnerait pas des produits plus avantageux; peut-être en obtiendrait-on une race de vers améliorés. Quant à la masse de cocons qui fait le vé- AUX VERS-A-SOIF. 141 ritable produit de l’éducation et qu’on doit conserver pour en retirer la soie, comme cette opération ne peut se faire tout de suite, il faut tuer les chrysalides dans les cocons mêmes, afin que ceux-ci ne soient pas percés par les papillons. La simple exposition des cocons pendant 3 à 4 heures à un soleil très- ardent suffit pour faire périr la chrysalide ; mais ce moyen, à cause de l'incertitude du climat, est souvent insuffisant, ce qui fait qu'on le met rarement en usage. On préfère ordinairement employer la chaleur des fours que l’on applique assez souvent sans règle bien précise. Les cocons, placés dans de grandes corbeilles,sont mis dans le four après qu'on en a retiré le pain, et on les y laisse plus ou moins long-temps suivant le degré de chaleur, ce dont les ouvriers qui en ont l'habitude peuvent seuls être juges. Comme il n’est pas rare que cette chaleur étant ap- pliquée trop forte cause des accidens qui nuisent à la qualité de la soie et à son pro- duit, on a proposé plusieursautres méthodes: l'emploi des substances volatiles, comme le camphre ; celui des gaz non respirables et délétères, comme l'acide carbonique, le gaz acide sulfureux ; mais jusqu’à présent les di- vers essais faits en ce genre n’ont pas encore présenté des résultats assez positifs. M. Fox- TANA à aussi proposé d’élouffer les chrysali- des par la vapeur de l’eau bouillante, ou en les plongeant dans l’eau bouillante elle- même; mais, quelques précautions qu’on prenne pour les faire sécher ensuite sur des claies bien aérées, et quelque favorable que soit la saison, le ramollissement du tissu des cocons et l'humidité qui les pénètre font promptement tomber la chrysalide en putré- faction, et sont d’ailleurs très-nuisibles à la qualité et à la beauté des cocons, qui par suite sont souvent tachés; de sorte que l’ap- plication d'une chaleur sèche a été en défini- tive reconnue le meilleur moyen pour faire périr les chrysalides. Pour obvier à l’in- convénient des fours, ce qu’on a imaginé de mieux est un étouffoir qui consiste en une espèce d’armoire divisée en étages formées de caisses plates de cuivre ou de fer-blanc, dans lesquelles on introduit les cocons. La vapeur qui sort d’une chaudière enveloppe chacune de ces caisses qui sont hermétique- ment fermées, et les cocons n’éprouvent au- cune altération, ni dans leur couleur, ni dans leur tissu. On dit que la chaleur doit être éle- vée à 75° dans cet appareil; mais nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire de porter la chaleur si haut, car, dans un essai que nous avons fait en exposant dans une petive étuve, seulement à une chaleur de 50 degrés, quel- ques centaines de cocons, il n’a fallu qu'une heure pour en faire périr toutes les chrysa- lides. Une étuve dans laquelle il est toujours assez facile de graduer la chaleur à volonté, pourrait donc aussiêtre employée pour étouf- fer les chrysalides dans les cocons. En opé- rant plus en grand, il serait peut-être néces- saire d’en élever la chaleur à 60 degrés au lieu de 50 qui nous ont suffi pour un petit nom- bre de cocons. Dans une assez petite étuve, comme celle dont on a donné les dimensions plus haut,on pourrait facilement étouffer 2 ou 3 mille livres de cocons, 142 L'éducateur de ver-à-soie qui ne tire pas lui-même la soie des cocons qu’il a produits, doit les vendre le plus tôt possible, car chaque jour qu'il les garde après avoir fait périr les chrysalides, ses cocons diminuent de poids, et celte diminution est assez rapide pour que le 3° jour seulement il y ait déjà environ 1/20° en moins, le 12° jour 1/8°. Un mois après la perte est énorme, elle est de près d’un tiers; plus tard encore elle serait de moitié, et en- fin des deux tiers. $ IX. — Septième âge: Naissance des papilions, accouplement et fécondation , ponte, conserva- tion de la graine. Les papillons sortent des cocons qui ont été conservés pour graine, 18 à 20 jours après que les vers ont commencé à filer, si le lieu dans lequel ils sont est à 16 ou 18°; mais, si la température est plus élevée, il ne leur faut que 15 à 16 jours ; àun moindre de- gré de chaieur, au contraire, ils ne subiront celte dernière métamorphose qu’en 22 à 24 jours, et même plus. C’est le plus souvent depuis 5 à 6 heures du matin jusqu’à midi que les papillons viennent au jour, rare- ment sortent-ils dans la soirée et presque jamais pendant la nuit, quoique ces insectes appartiennent à la classe des papillons noc- turnes. Dans l’intérieur du cocon même, l'in- secte parfait déchire la peau mince dans la- quelle il est enveloppé. et débarrassé pour ainsi dire de ses langes, il perce un des bouts de son cocon qu’il a préalablement amolli en l’humectant d’une liqueur particulière, ordinairement jaunâtre, qu'il dégorge par la bouche, et il sort après avoir pratiqué un trou en heurtant fortement avec sa tête jus- qu'a ce que le tissu cède à ses efforts réitérés. Nous avons dit qu’il fallait disposer les cocons horizontalement et par lits de deux d’épais- seur, parce que lorsque le papillon est par- venu à porter sa têle etses pattes antérieures en dehors de son cocon, il est facilité pour en sortir tout-à-fait, en s’accrochant par ces mêmes pattes aux autres cocons qui se trou- ventdevant lui. Aussitôt après que les papil- lons sont entièrement sortis, ils évacuent par l'anus, avec une sorte d’éjaculalion, un autre liquide à peu près semblable au premier, et qui n’en est probablement que le superflu. Dès-lors, si on laisse aux mâles la liberté, ils cherchent les femelles pour s’accoupler avec elles. L’accouplement complet s’'an- nonce par des tremblemens du mâle uni à la femelle (fg. 141). Alors on peut prendre avec précaution l’un des deux par les ailes, et les placer réunis dans des ti- roirs ou des boîtes garnis dans leur fond de morceaux de linge ou d’étoffe. Lors- qu'on a rempli une de ces boites ou un de ces tiroirs de mâles et de femelles accou- plés ensemble, on en met de même dans un second , dans un 3°, et ainsi de suite jusqu’à ce que tous les papillons soient successive- ment nés et accouplés. La copulation dure- rait naturellement 20 à 24 heures, et nous l'avons même vue se prolonger jusqu’à 2 et 3 Jours entiers ; mais, comme on a observé que l’accouplement prolongé, loin d’être ARTS AGRICOLES : ÉDUCATION DES VERS-A-SOIE. LIV, TV. Fig. 141. avantageux, nuit au contraire à la ponte, parce que la femelle épuisée périt souvent avant d’avoir répandu tous ses œufs, on est dans l’usage d’abréger l’aceouplement, et on sépare ordinairement le mâle de la femelle au bout de 8 à 10 heures; on peut même ne les laisser que 6 heures ensemble, et par ce moyen un mâle pourra facilement suffire à 2 et 3 femelles dans la même Journée. Nous avons fait l’expérience de plusieurs papillons qui ont fécondé successivement jusqu’à 10 et 12 femelles; lun d’eux même en a fécondé jusqu’à 17, et la graine, fécondée par le dix -septième accouplement, s’est trouvée être aussi bonne que ceïle provenant du 1‘. — Quand les accouplemens durent naturelle- ment trop long-temps, on désunit, comme nous l'avons dit, les conjoints au bout de 6 à 8 heures, et, pour les séparer on les saisit, l’un de la main droite, l’autre de la gauche, par les ailes, en les tirant doucement en sens inverse. Beaucoup de couples se désunissent assez facilement par ce moyen; mais il en est queiques-uns qu'il faut laisser à eux- mêmes parce qu’ils sont trop intimement unis, et qu'on pourrait les blesser en les üraillant trop violemment. Aussitôt que les femelles sont séparées des mâles, on place les 1"* dans des térorrs sépa- rés garnis de linge ou d’étoffe, afin qu’elles y fassent la ponte de leurs œufs, et si, lors- qu’on a opéré la séparation, il reste beau- coup de cocons qui n’alent pas encore pro- duit leurs papillons, on met les mâles en réserve pour les employer au besoin. Chaque femelle pond environ 500 œufs (fig. 142) dont elle fait ordinairement la plus grande partie dans les premières 36 heures, quelquefois même en beaucoup moins de temps. t Les papillons, ne prenantaucune nourriture, ne tardent pas à s’épuiser ; ils meurent pour la plupart du 10*au 12° jour; mais, le plus sou- vent, dès que les mâles ont fécondé }es femel- les, et dès que celles-ci ont fait leur ponte. on les jette aux poules qui les mangent avec avidité. Au moment où les œufs sortent du corps de la femelle, ils sont presque blancs ; quelques heures après ils deviennent d’un CHAP, 5°, Fig. 142. 00 0000900500 0000, 0007 DOn 0 0,0 0 o, © o og ce 82 00 Go jaune pâle. Du second au 3° jour le jaune prend une teinte un peu plus foncée; le 4°, cette couleur passe au gris roussâtre et on commence à apercevoir une petite dépression dans le centre de l’œuf dont la forme géné- rale est lenticulaire. Le 7° jour les œufs sont d’un gris roussâtre plus foncé, et on s’aper- çoit, en les regardant à la loupe, qu'ils sont tous tachetés de petits points d’un gris encore plus foncé; la dépression qui est dans leur centre est plus forte et paraît former une légère cavité ou fossette. Les jours suivans les œufs ne changent plus. Dès-lors les mor- ceaux de linge ou d’étoffe, sur lesquels les œufs ont été pondus, peuvent être pliés et serrés pour être conservés jusqu’à l’année suivante et jusqu’au moment où il sera né- cessaire de les détacher pour en préparer l’éclosion. La seule précaution qu'il y ait à prendre pour leur conservation, c'est de les enfermer dans des tiroirs ou dans une armoire où ils soient à l’abri des souris, et de les placer dans la pièce la plus froide de la maison. On avait cru jusqu'à ces derniers temps w’il fallait préserver les œufs des vers-à-soie e la gelée; mais ils peuvent supporter des froids très-violens sans être altérés en aucune manière. Dans l’hiver de 1829 à 1830, qui a élé si rigoureux, nous avons laissé pendant plusieurs jours de suite des œufs exposés à un froid de 10°, et cela ne les à pes empéchés d'éclore à la fin du mois d'avril suivant, ab- solument de la même manière que ceux qui avaient été préservés de la gélée. Pendant le même hiver, M. PoumarÈpr, de la Rogne, dé- partement du Tarn, a laissé encore plus long- temps des œufs sur une fenêtre au nord, le thermomètre marquant de 10 à 18° au-dessous de 0. Cependant ces œufs ont éclos au prin- temps suivant, de même que ceux qui avaient été hivernés; seulement leur éclosion n’eutlieu qu’1 ou ? jours plus tard. Il résulte de ces 2 observations que la graine de vers-à-soie n’a as besoin d’être hivernée; mais pendant l'été, il est indispensable de la préserver des gran- des chaleurs ; car on nous a rapporté qu’en 1825. de la graine ayant été placée dans une mansarde exposée au midi, et où la chaleur fut pendant plusieurs Jours de suite de 28 ou 30° et peut-être plus, une bonne partie de cette graine produisit des vers qu’on trouva morts quelque temps après, quand on fut pour examiner dans quel état elle se trouvait. SOINS À DONNER AUX VERS-A-SOIE. 143 $ X. — Éducations multiples. Jusqu'à présent on a mal compris les édu- cations multiples; DanpoLo dit que les ten- tatives qu'il a faites à ce sujet lui ont prouvé que ce serait le vrai moyen de détruire les müûriers, et, en conséquence. la race des vers-à-soie. Ayant fait de nombreuses expé- riences, qui Loutes ont été favorables à l’opi- nion contraire, nous protestons formellement contre ce qu'a dit cet auteur recommandable, quoique plusieurs autres, depuis , aient aussi été de son avis. Nous croyons d’ailleurs être le premier qui ayons trouvé un procédé facile de multiplier les éducations et de le faire avec sûreté el avantage. L'expérience nous a prouvé u'on pouvait faire chaque année 5 récoltes différentes de cocons; mais les 2 dernières étant plus difficiles et aussi moins producti- ves, nous nous sommes bornés, en dernier lieu, à expliquer comment les 3 premières pouvaient se faire. Obligés d’abréger beau- coup ici ce que nous avons à dire à ce sujet, nous renvoyons les personnes curieuses de plus longs détails, au mémoire intitulé : M4- riers et vers-a-sote; Chez madame Huzard. Paris. 1832. Pour faire 3 récoltes chaque année, il faut avoir soin de se munir d’une triple provision de graine, dont la 1° n’a besoin d'aucune préparation particulière, étant destinée à éclore à l’époque ordinaire; mais la 2° et la 3° portion doivent être mises, chacune sépa- rément, dans un bocal bien bouché et même luté avec soin, afin que l'humidité n’y puisse énétrer; aussitôt que la température de a chambre où la graine a passé l'hiver parait devoir s'élever au-dessus de 8 à9 degrés, on place un des bocaux dans une cave, la plus froide qu’on pourra trouver, et le second dans une glacière. La graine du 1°" bocal sera destinée à faire la 2° éducaticn , et les œufs enfermés dans le second serviront à faire la 3°. La 1° éducation étant commencée comme à l'ordinaire, on retire de la cave les œufs qui doivent servir à faire la seconde, 10 à 12 jours après que les 1°** vers sont éclos, et on ménaue l’éclosion des seconds de manière à ce qu’elle arrive lorsque les 1°" nés feront leur 4° mue. On comprend, sans qu'il soit besoin de le dire, qu'il est facile de: placer la nouvelle graine dans l’étuve qui est restée vide depuis quelques jours. Les vers y écloront et y se- ront traités ainsi que leurs ainés l’ont été 24 à 25 jours auparavant, el ils les remplaceront dans la chambre moyenne et enfin dans le grand atelier, lorsque celui-ci se trouvera vide après la 1'° récolte, et ils y feront de même leurs cocons, dont le produit formera la 2° récolte. Quant à la 3°, elle ne présente rien de plus difficile; elle commence de même lorsque les vers de la 2° sont au 10° ou 12° jour de leur existence, en sortant d’abord de la glacière le bocal dans lequel la graine est renfermée. Comme, à cette époque de la saison, la cha- leur est souvent assez vive, pour ne pas pro- duire dans la graine une révolution trop su- bite, c’est de grand matin que nous faisons 144 quitter la glacière à la possible, nous la plaçons dans une cave où nous la laissons 1 jour ou 2. De là nous la fai- sons passer dans un des en droits les plus frais de la maison, puis nous l’exposons à la tem- pérature ambiante, enfin nous la mettons dans l’étuve afin de déterminer son éclosion d’une manière aussi simultanée que possible. Peut-être plusieurs de ces précautions sont- elles inutiles? Le reste va tout seul ; les vers de cette 3° éducation trouveront vides les différentes places de la magnanerie au fur et à mesure que leur accroissement obligera à leur donner plus d’espace. Aussi rien n'est plus facile que de faire, dans la durée de 3 mois, 3 éducations également productives, et, dans un local où l’on ne pourrait élever na- turellement que 300,000 vers-à-soie,on pourra en avoir successivement jusqu'à 900,000, ce qui, nécessairement, devra tripler les béné- fices. Les inconvéniens qu'on a reprochés aux éducations multiples ne sont nullement fon- dés; ce n’est que parce qu'on s’y était d’a- bord mal pris pour les faire qu'elles pou- vaient présenter beaucoup de difficultés. Ainsi la méthode proposée par BERTEZEN, li Y a un peu plus de 40 ans, et reproduite dans ces derniers temps par M. MOoRETTI, professeur d'économie rurale à Pavie, avec une race de vers à 3 récoltes, était dans ce cas, et nous en avons fait sentir les difficultés presque insur- montables dans les Annales de la Société d’horticulture , t. VII, p. 165; mais nous croyons que la nôtreen est tout-à-faitexempte, et nous regrettons beaucoup que des circon- stances indépendantes de notre volonté nous aient empêché de multiplier nos essais sur ce sujet; mais nous ne pouvons qu'engager les propriétaires qui se trouveront à même de continuer nos expériences, de le faire avec courage. Nous croyons pouvoir leur faire es- pérer des succès et des profits que nous n’a- vons fait qu'entrevoir. Au reste, nous devons dire, avant de ter- miner, que pour faire plusieurs éducations de vers-à-soie chaque année, il faut com- mencer par rzultiplier ses plantations de miü- riers de-manière à avoir des arbres différens pour chaque éducation, afin que les müriers ne soient dépouillés de leurs feuilles qu'une fois par an, ainsi que cela se pratique ordi- nairement. Quant aux moyens de se procurer de Ja feuille jeune et tendre pour les vers qui éclosent au moment où les bourgeons de mûrier ont déjà une certaine longueur et où la plupart de leurs feuilles se trouvent trop dures pour des vers qui viennent d’é- clore ou qui sont dans les 3 premiers âges, cela est beaucoup moins difficile qu'on ne pourrait le croire. Pendant ces 3 premiers âges, les vers ne consomment que peu de {feuilles : il ne leur fant, pendant tout ce temps, qu'à peu près la 16° partie de ce qui leur sera nécessaire dans les 2 derniers àges, et ce 16° de nourriture, ou environ 100 liv. de feuilles pour les vers de chaque once de graine, se trouve facilement dans les sommi- tés des bourgeons développés depuis la feuil- Jaison des arbres; il ne s’agit que de le faire choisir par des femmes où des enfans, en graine, et, le plus tôt ARTS AGRICOLES : ÉDUCATION DES VERS-A-SOIE. LIV. IV: leur faisant prendre seulement 1es 2 feuilles supérieures pour les vers du 1°" âge, ensuite les 3 dernières pour ceux du second, et enfin les 4 dernières lorsque le 3° âge est arrivé; si ces feuilles se trouvent d’ailleurs un peu grandes, on les fait couper en morceaux plus menus. Parvenus au 4° âge, les vers peuvent manger toute espèce de feuilles. Quant à ce qui reste après en avoir reliré les sommi- tés, et ce reste est toujours le plus consi- dérable ,il est donné aux vers de la 1° éducation, qui sont alors dans le 4° et dans le 5° âge.—Le moyen de nourrir les vers dela 3° éducation est encore plus facile, parce qu'à l’époque où ils naïîtront, les bourgeons de la 2° sève du mürier commenceront à se développer ; on n'aura qu’à les faire cueillir, ils suffiront de reste à la nourriture de cette 3° éducation pendant tout le temps qu’elle pourra durer.—Une considération importan- te, à laquelle il ne faut pas manquer d’avoir égard, c'est que, comme les arbres qui au- ront servi en dernier lieu n’auront pas le temps suffisant pour réparer leurs pertes après la cueillette de leurs feuilles, il sera bon de les laisser reposer l’année suivante; par conséquent, pour faire 3 éducations cha- que année, il faudra avoir des müriers en assez grande quantité pour que le quart de ces arbres, toujours le dernier dépouillé, puisse se reposer l’année suivante. Avec ces précautions, nous croyons pouvoir garantir le succès de la méthode que nous proposons. LoisELEUR DESLONGCHAMPS. Secriron V.— Maladies des vers-à-sotie. Le ver-à-soie est un animal très-robuste, soil par sa nature, soit par la simplicité de son organisation; mais, réduit à l’état de do- mesticité, il contracte souvent, malgré l’é- nergie de sa constitution, diverses maladies, qui paraissent entièrement dues au régime hygiénique défectueux qu'on lui fait suivre, et aux erreurs que l’on commet dans ia ma- nière de le diriger. Les causes des maladies des vers-à-soie sont nombreuses, mais souvent très-difficiles à déméler; néanmoins, les suivantes paraissent, être celles qui exercent le plus d’influence sur sa santé : — Lorsque le lieu destiné à Ja naissance des papillons, à leur accouplement et à la ponte, est trop chaud, trop froid ou humide, et que l'endroit où l’on conserve les œufs et où on les fait éclore est aussi trop humide, et que l'on garde ceux-ci trop entas- sés;— Lorsque l'embryon prêt à devenir ver à une température modéree, est exposé tout- à-coup à des changemens brusques de tem- pérature,et que les vers,apres leur naissance, sont soumis subitement à une température plus basse ou plus élevée que celle où ils sont nés ; — Quand l'air de l'atelier est humide et chaud, stagnant, insalubre; que les vers sont entassés sur les claies et ne peuvent ni manger librement, ni respirer un air renou- velé; que les claies exhalent des miasmes dangereux; que la litière non renouvelée s’échauffe, entre en fermentation, dégage en abondance du gaz acide carbonique et des émavations très-insalubres; — Lorsque la cap. 7°. feuille du mûrier est de mauvaise qualité, non appropriée à l’âge de l’insecte, qu’elle est rare et donnée en petite quantité, ou que dans une saison pluvieuse on la lui distribue non séchée et encore tout empreinte d’hu- midité; — enfin, surtout, lorsque, parvenus au 5° âge, la transpiration trachéale et cu- tanée, les fonctions de la digestion ou de la nutrition sont troublées par une cause for- tuite ou par la négligence dans les soins journaliers, ou un écart de régime, etc. L'organisation, tant anatomique que phy- siologique, du ver-à-soie à encore été trop peu étudiée pour qu'on puisse, avec quelque certitude, assigner les vérilables causes, le siége, la marche et le traitement des mala- dies qui l'attaquent pendant sa vie. Ces affec- lions, d'ailleurs, paraissent ne pas être les mêmes dans tous les climats, ou au moins ne pas y offrir les mêmes symptômes, et les observateurs ont mis si peu de soin dans l'étude de leur diagnostique, et leur ont même assigné des noms si arbitraires, qui varient avec le pays, qu’il est quelquefois dif- ficile de débrouiller le chaos de toutes celles qui ont élé reconnues jusqu'ici. Nous allons toutefois faire connaitre celles qui se pré- sentent le plus fréquemment, en prenant pour guide les auteurs francais et surtout les écrivains italiens qui ont étudié avec soin les affections pathologiques du ver-à-soie. 1° La muscardine, appelée aussi /a rouge “male del segno, calcinaccio, calcino des Ita- liens). C’est une affection très-grave qui at- taque le ver à tous les âges, souvent après qu'il a formé son cocon, lorsqu'il va se trans- former en chrysalide, et mème après cette transformation. Dans les 4 1°" âges, on ne remarque guère que quelques individus iso- lés qui en sont atteints, mais vers la fin du 5° la maladie attaque parfois un très-grand nombre de vers et fait les plus grands rava- ges dans les magnaneries. On a long-temps disputé sur la zature de cette maladie, et on a fait à ce sujet, en Ita- lie, de nombreuses expériences. Il parait à peu près démontré aujourd'hui qu’elle n’est pas épidémique, mais contagieuse, et que la coutagion se propage uniquement par le ca- davre; c'est-à-dire que la maladie se trans- met d’un individu à un ou plusieurs autres par le contact médiat ou immédiat du cada- vre des individus morts de la muscardine. Ce qui rend indispensable la désinfection com- plète de l’atelier où elle a régné, ainsi que celle de tous les ustensiles, avant d’entre- prendre une autre éducation. Les caractéres de cette maladie sont les suivans :on voit d’abord paraître sur le corps des vers de petites taches pétéchiales, d’un rouge vineux , qui grandissent peu-à-peu, de- viennent confluentes, jusqu’à ce que tout le corps soit d'un rouge uniforme plus foncé que celui des taches primitives. Pendant que ces signes se manifestent, les vers perdent leur faculté locomotrice, et s'arrêtent; les tissus de leur corps, perdant leur élasticité et leur mollesse, deviennent résistans sous les doigts jusqu’au moment où l'animal meurt et reste endurci dans la posture oùil se trouvait à cet instant. Quelques heures après la mort, le corps se revêt d'une efflo- AGRICULTURE, MALADIES DES VERS-A-SOIE. 145 rescence blanchâtre que BRUGNATELLI a dé- montrée être un phosphate ammoniaco-ma- gnésien , mêlé à un peu d’urate d’ammo- niaque et à une petite quantité de matière animale. Le cadavre ne tarde pas alors à se dessécher et à devenir friable. Quelquefois les vers attaqués de la mus- cardine vont jusqu'à la montée et meurent avant d’avoir terminé leurs cocons, qui sont mous, mal tissus et de peu de valeur, et con- nus sous le nom de chiques, cafignons, etc. Parfois, aussi, ils parviennent à compléter leur travail, et ne périssent qu'après leur transformation en chrysalide ; mais celle-ci se solidifie et ne présente plus qu’une ma- tière Jaunâtre désorganisée. Au bout de quel- ques Jours, cette matière se dessèche, et la momie se recouvre de l’efflorescence saline blanchâtre. En cet état on lui donne, en France, le nom de dragées; et, en secouant le cocon, elle rend un son sec qui fait juger, avec certitude, que la chrysalide est calcinée. On n’a pas encore trouvé, malgré quelques annonces pompeuses, de remède efficace contre la muscardine. L'observation rigou- reuse des principes généraux d'hygiène peut seule en affranchir une magnanerie. 2° Atrophie, rachitisme (atrofia, gracilita, gattina, covetta, macilenza), maladie qui con- siste, aux 1‘ âges, dans un développement lent du corps; le ver attaqué reste plus court et plus petit que ses camarades. Deux causes donnent lieu à cetétat pathologique: la1”° est l’altération de la semence, ou une couvaison ou éclosion mal dirigée : cet état est incura- ble. Quant à la 2°, elle est due à un défaut de soin pendant les mues, à l’entassement des vers sur les claies, surtout dans les 1°"* âges, cas dans lequel ils ne peuvent pren- dre une égale quantité de nourriture et pro- fiter uniformément. En séparant les vers malades, et en leur donnant une nourriture délicate et choisie, el des soins attentifs, ils ne tardent pas à rattraper le temps perdu, et, parvenus au 5° âge, ils filent un bon co- con. Faute d’attention et quand on les laisse avec les autres, ils périssent souvent affamés ou écrasés. 3° La gangrène, noir foncé (cancrena, ne- grone). Suivant M. le docteur I. LoMEnr, la gangrène n’est que la terminaison de 3 au- tres maladies dont nous allons parler. Elle a pour caractère distinct de réduire le ver en un liquide noir, lrès-fétide, que la peau amincie retient à peine et qu’elle laisse bien- tôt écouler à la moindre distension. C’est un état de sphacèle qui attaque et détruit l’hu- meur de la soie, et dont les caractères ne laissent pas de doute sur l’existence anté- rieure d’une inflammation universelle, lente ou aiguë, qui a donné naissance ou entre- tient les 3 maladies conduisant à la gangrène. Ces maladies sont les suivantes: À. Atrophie. Nous venons de voir qu’elle est dueà une alté- ration de la semence ou à une couvaison ou éclosion mal dirigée.Cette affection, dévelop- pée,offre les symptômes suivans:petitesse de la taille, indolence dans tous les mouvemens, diminution et perte de l'appétit qui porte les malades à abandonner et à repousser toute nourriture. Ils quittent lout-à-coup le lit et se placent hors de la claie ou sur ses borde: TOME JIE.— 16 146 là ils vivent encore 2 ou 3 jours sans manger, puis finissent par mourir le corps vide, mou et d’un blanc sale ; peu d’heures apres, ils noircissent et exhalent une odeur très-fé- tide. Cette maladie, quoiqu’elle s’offre dans les 5 1°"° âges, fait ses plus grands ravages dans le 4° et au commencement du 5°. Elle n’admet aucun moyen de guérison. B. Grasserie, jaunisse (giallume, itterizia, graldone). La jaunisse se manifeste, au con- traire, par l'augmentation de volume du corps et la proéminence des anneaux, aux côtés desquels commencent à se montrer quelques stries parallèles, jaunâtres, pâles d’abord, mais très-visibles ensuite. La tumé- faction croît souvent au point que la peau se crève spontanément en quelques points, ce qui, au reste, arrive au moindre attouche- ment, et qu’il en découle une humeur jau- nâtre, la plupart du temps dense et opaque. Les vers atteints, qu’on connaît sous le nom de vaches, gras, jaunes, etc., ne cessent pas de manger, si ce n’est dans les dernières pé- riodes du mal. La jaunisse se montre quel- quefois au 2° âge, mais elle est plus com- mune au 5° et surtout dans les derniers jours, quand apparaissent les premiers si- gnes de la maturité. On croit que la jaunisse a pour origine une saison pluvieuse, de grandes variations atmosphériques, un abaissement prolongé de la température, qui troublent les fonc- tions vitales et la digestion. Aucun moyen n’est encore connu pour guérir la grasserie, même dans les 1°" symp- tômes. L'animal atteint périt la plupart dû temps, et son cadavre ne tarde pas à mani- fester les caractères de la gangrène. Dans le département de Vaucluse, pour en ga- rantir les vers, on les saupoudre, dit-on, avec de la chaux vive en poudre, au moyen d’un tamis de soie, puis on leur jette ensuite ‘des feuilles arrosées de quelques gouttes de vin. C. Apoplexie, mort subite (apoplessta, suf- focamento). Cette maladie, qui se développe surtout vers la fin du 5° âge, est précédée de la perte de l’appétit et d’une évacuation de toutes ou presquetoutes les matières ingérées dans l’estomac. Les vers attaqués, dont on ne peut soupconner l’élat maladif, meurent tout-à-coup, et comme frappés de la foudre. Ils restent immobiles, avec toute leur frai- cheur, dans l’attitude qu’ils avaient sur la claie au moment où ils ont été suffoqués, ce qui a donné lieu aux noms différens sous lesquels on les désigne de morts-plats, morts- blancs, tripes ou tripés. La gangrène succède promplement à la mort. On croit que lapo- plexie, dont on ignore l’origine, se montre plus fréquemment dans les années où la sai- son est très-variable et la nourriture de mauvaise qualité. La gangrène, quelle que soit son origine,fait périr non seulement Île ver, mais détériore encore le cocon de ceux qui sont parvenus à filer et à se changer en chrysalide. On recon- naît ces cocons à leur odeur, à leur légèreté et à l’état d’imperfection où ils sont; l’ani- mal, vaincu par le mal, cesse de filer avant d’avoir terminé son travail. Ces cocons, dé- signés sous le nom de chiguettes ou falloupes, ARTS AGRICOLES : EDUCATION DES VERS-A-SOIE. LIV. 1V, fournissent une petite quantité de soie, de couleur pâle et terne, et d’une odeur peu agréable. Les vers atteints par la gangrène ou la grasserie parviennent quelquefois à se trans- former en papiilons, mais ceux-ci sont sou- vent privés d’ailes et impropres à la généra- tion. Le duvet qui recouvre leur peau est de couleur sombre et sale, et cette peau, parfois dénudée de son duvet, est brune et terne. Telle est souvent l’apparence des phalènes qui sortent des chiquettes et des falloupes. Quelquefois la chrysalide, au lieu de se résoudre en une humeur noire qui tache le cocon, se dessèche au point qu’il n’en reste plus que l’enveloppe adhérente à l’intérieur du cocon. C’est, sans doute, une autre espèce de gangrène qu'on pourrait désigner sous le nom de gangrène sèche, pour la distinguer de l'autre, qui est la gangrène humide. 4° Marasme, vers-:courts, harpians, har- pions, passés Où passis (riccione). Cette ma- ladie est propre aux derniers jours du 5° âge. Elle parait être due aux mêmes causes que la gangrène,et c’est, comme dans celle-ci, un changement substartiel de l'humeur de la soie ; mais le cadavre dans celle-ci ne noircit pas et ne tombe pas en sphacèle. Le ver ma- lade est court, ridé, engourdi, paresseux, d’une couleur brunâtre et montrant déjà les linéamens de la future chrysalide. Cette ma- ladie a divers degrés d’intersité, et tôus les vers ne meurent pas sans filer. Ceux surtout qu’on place dans des cornets de papiers fi- lent un cocon d’une assez bonne qualité. 5° Hydropisie, luzette, luisette, clairette (idropisia, lusarola, scoppiarola). Une loco- motion lente, peu d’appétit, le corps enflé, surtout la tête, la peau très-luisante et pres- que diaphane, ce qui a fait donner à ceux attaqués le nom devers-clairs, sont les symp- tômes de cette maladie qui a le plus commu- nément pour cause l’exposition des vers à un excès d'humidité atmosphérique, leur ali- mentation avec des feuilles trop aqueuses ou humides, couvertes d’eau de pluie ou de ro- sée, maf séchées après le lavage, etc. On a cherché à guérir l’hydropisie qui se déve- loppe ordinairement depuis l’avant-dernière mue jusqu’à la montée sur les rameaux, par des fumigations aromatiques de vinaigre, de styrax où de romarin, ou en aspergeant les feuilles de mûrier avec un vin généreux; mais ces remèdes sont peu efficaces, et le meilleur moyen, pour ne pas perdre toute la famille, est d’écarter les causes qui produisent l’af- fection; sans cela, les insectes attaqués ne tardent pas à être frappés de la mort, qui se manifeste par l’épanchement d’une grande quantité de sérosité, ce qui a lieu,presque con- slamment, par la rupture de la peau, surtout près de la tête ou des parties voisines. 6° Diarrhée (flusso, diarrea). Les symptô- mes de cette maladie sont à peu près les mêmes que ceux de la précédente, mais le gonflement et la diaphanéité sont beaucoup moindres. Outre les causes de l’hydropisie qui occasionent la diarrhée, M. le docteur Lomenr croit que cette maladie a encore pour origine un embarras gastrique ou intestinal provenant, soit des organes eux-mêmes qui font mal leurs fonctions, soit de l’insalubrité cHaAP. 7‘. des alimens: telles seraient des distributions de feuilles affectées de la rouille. Cet embar- ras se transforme, en peu de jours, en un flux ventral qui amène promptement la mort. Dans tous les cas, l'observation des principes que nous avons posés dans ce cha- pitre, et l'attention de rejeter les feuilles qui sont tachées, mettent une magnanerie à l’a- bri des attaques de cette maladie. 7° Les vers-à-soie sont encore sujets à quel- quesautres affections, telles que la touffe, mal produit par une chaleur excessive qui suffo- que les vers, unie à l’insalubrité des litières. duadnes éducateurs promènent autour des claies une pelle chaude sur laquelle ils répan- dent du vinaigre dont la vapeur réveille les in- sectes. Une bonne ventilation, des aspersions d’eau fraiche sur le pavé pendant les grandes chaleurs, le changement des litières, quel- ques moyens préservateurs contre la chaleur directe des rayons solaires, ont presque tou- jours du succès dans ce cas.— Les émorrhoi- des surviennent lorsque le ver,en quittant sa tunique pendant la mue, ne peut se débar- rasser, aux stigmates et à l’anus, des tuyaux d’ancienne peau qui les obstruent et causent des grosseurs ou varices qu’on peut comparer a des hémorrhoïdes. On a indiqué comme remède de donner un bain d’eau fraiche aux malades; le ver, se trouvant alors rafraichi, expulse abondamment des matières fécales qui entraînent les tuyaux. Mais ce remède ne paraît guère applicable en grand.—Les chutes, des violences extérieures, ou une pression trop forte entre les doigts quan on les saisit, occasionent souvent chez les vers des tumeurs, dans lesquelles s’extra- vase et se solidifie la matière soyeuse; c'est ce qu’on nomme perle soyeuse. Les vers qu’on touche trop souvent sont atteints de flacci- dite, c’est-à-dire que leur corps est mou; ils perdent lentement la vie lorsque la pression a ete assez considérable pour meurtrir, léser ou déchirer leurs organes. On voit, d’après ce tableau des maladies les plus communes chez les vers-à-soie, que la plupart sont incurables, et que c’est par des soins, de l’activité, de la vigilance, et plu- tôt par des moyens hygiéniques que théra- peutiques, qu’on peut les prévenir et les combattre avec succès dès leur début. Ces moyens hygiéniques se composent de prati- ques simples et faciles à observer, mais très- pre à bannir des ateliers ces redouta- les affections pathologiques qui exercent tant de ravages chez les éleveurs négligens et ignorans, el leur font éprouver des pertes considérables. Nous les résumons dans les préceptes suivans : Maintenir les papillons dans un local sec, à une température de 16° à 19° centig.; ne pas entasser les œufs, mais les étendre sur une surface suffisante, puis n'exposer ces œufs qu’à une température de 14° ou 15° qu'on élève ensuite peu-à-peu jusqu’à ce que l'éclosion soit accomplie. — Maintenir les vers naissans à la température de 19° envi- ron ; les préserver du froid et des vents in- salubres, froids et secs; les distribuer sur un espace proportionné à leur nombre, et suffisant pour qu'ils puissent vivre et respi- rer en liberté. — Renouveler fréquemment PREPARATIONS DE LA SOIE. 147 l’air des ateliers, ou entretenir des courans qui l’agitent, l’entraînent doucement et avec lenteur; le purifier par les moyens que nous avons indiqués p. 133, lorsqu'il a acquis des qualités délétères. — Entretenir une tempé- rature égale dans l'atelier; allumer de la flamme à propos, quand l'air est humide, ou l’arroser pendant les grandes chaleurs ou les temps secs et orageux. Admettre autant que possible la lumière solaire à l’intérieur, quand elle n’élève pas trop la température. —Préserver l’intérieur de la magnanerie des variations brusques de température, et géné- ralement de toutes les secousses ou phéno- mènes atmosphériques accidentels. — Ne distribuer que des alimens sains, non hu- mides, de bonne nature, et conformes en qualité et en quantité à l’âge de l’insecte, et les donner avec une parfaite régularité. — Entretenir la plus grande propreté et enle- ver avec soin et ponctualité les litières avant qu'elies entrent en fermentation. — Séparer généralement les vers malades de ceux qui sont sains, et exercer une surveillance active et continuelle. — Enfin, redoubler d’atten- tion à l’époque des mues et à celle de la montée sur les rameaux. Il n’y a jamais de maladies, dit DanpoLo, lorsque l’œuf a été bien fécondé, bien con- servé, et qu'on a observé rigoureusement les préceptes exposés par les plus habiles édu- cateurs. F. M. SECTION VI. — Préparations de la soie. Nous avons déjà vu ( p. 121) quels sont les organes dont le ver-à-soie fait usage pour transformer en un fil continu le liquide vis- queux qui est contenu dans un appareil qui le sécrète en particulier. Nous sommes en- trés aussi dans les détails nécessaires pour faire connaitre la manière dont on amène cet insecte à former ce fil et à en faire une sorte de peloton qu’on nomme cocon. Dans cet élat, ce fil précieux ne saurait être d’un usage bien étendu dans les arts, et il est nécessaire, au moyen de pratiques particu- lières, de dévider ce peloton en un fil con- tinu, de le doubler et le tordre pour le ren- dre propre à la fabrication des tissus de toute espèce. Les travaux qu’on exécute pour cet objet prennent le nom général de moulr- nage des soies. Ces travaux sont d’une très- grande importance, puisque, indépendam- ment de la nature et de la qualité du fil en cocon, ils contribuent beaucoup par leur bonne exécution à élever la valeur de la soie, et à donner aux étoffes cette force, ce moelleux et cet éclat qui les font rechercher. Le moulinage des soies se partage en 2 opé- rations principales : l’une appelée tirage de la soie, qui peut être exécutée facilement dans les campagnes par ceux qui élèvent des vers-à-soie ; l’autre, le rzoulinage propre- ment dit, qui exige généralement de gran- des machines, et est plutôt du ressort des fabriques. Nous nous étendrons peu sur cel- le-ci, mais nous entrerons, relativement à l’autre, dans des détails plus étendus ; notre intention, toutefois, n'étant pas ici d’ensei- gner un art qui, comme bien d’autres, exige une étude et une longue pralique, mais de 148 donner aux agriculteurs une idée des travaux auxquels il faut se livrer pour filer et prépa- rer la sole. $1°'.—Du tirage de la soie. 1° Opérations qui précédent le tirage. Le cocon, tel qu’on le recueille sur les ra- meaux, après que le ver a terminé son lra- vail, se compose à l'extérieur d’une certaine quantité de fils, Jetés dans diverses direc- tions, et formantun réseau lâche, mou, trans- parent, auquel on a donné le nom de bourre, qu'on peut dévider, et qui, lorsqu'il est en- levé, laisse un corps ovoïde, creux, ferme et élastique, formé d’un fil continu, peloté régulièrement,dont la longueur varie de 227 à 357 mètres (700 à 1100 pi.). C’est cette par- tie du cocon, lorsqu'elle est dévidée, qui porte exclusivement le nom de sore. La 1'° chose à faire quand on. a recueilli les cocons ou quand on les a recus, c’est de faire périr les chrysalides afin qu’elles ne se transforment pas en papillons et ne percent pas le cocon, ce qui lui enlèverait toute sa valeur. Cette opération, à laquelle on donne le nom d’étouffage, a déja été décrite par nous, et nous avons donné ( p.141) les di- verses méthodes qui ont été proposées dans ce but, telles que emploi des gaz délétères, de l’eau bouillante, du camphre, de la cha- leur des fours, des étuves, etc. Nous n'avons donc plus à nous en cccuper jet : Une fois que les chrysalides oni été étouf- fées, on doit, aussitôt qu’on le peut. dévider les cocons; mais celte opération étant im- possible à exécuter en même temps sur un grand nombre de cocons, surtout quand on se livre un peu en grand à l’éducation des vers-à-soie, 11 faut alors porter ceux-ci au grenier pour les faire sécher parfaitement, afin que les animaux morts qu'ils renferment ne se corrompent pas dans la coque et ne gâtent pas la soie. Avant de procéder au tirage, il est essen- tiel de faire une opération qu'on nomme triage, et qui consiste à classer les cocons suivant leurs qualités. Ce triage est d’autant plus nécessaire qu’il sert à séparer les di- verses qualités de soie suivant qu’elles sont propres à la fabrication de telle ou telle étotfe ou de telle partie des tissus, il con- tribue à maintenir la bonne réputation de la soie des magnaneries où il est pratiqué avec soin et bonne foi. Dans le triage, les cocons appelés dou- pions, c'est-à-dire ceux qui renferment deux chrysalides dans un seul cocon, ceux qu'on nomme chiques ou falloupes, ou dont les vers sont morts avant d’avoir accompli entière- ment leur travail ; les cocons tachés, percés, et en un mot, ious ceux qui diffèrent des autres par des accidens particuliers, sont d’abord mis soigneusement de côlé pour en former une soie à part, ou de la filoselle. Les fileurs soigneux séparent aussi les co- cons des divers pays et localités; car la va- riété des expositions, l’état du sol, de la cul- ture, de l'atmosphère, le régime, etc., ont une très-grande influence sur les qualités de la soie. Par exemple, dans les pays où l’air ARTS AGRICOLES : ÉDUCATION DÉS VERS-A-SOIE. LIV. iv. est pur, sec et un peu raréfie, le cocon est plus &grenu et a plus de densité, en même temps que le brin est plus fort. Dans les lo- calités basses, au contraire, le cocon est plus gros, la soie ‘en est plus grossière; elle est à un titre moins élevé, et a une force relative moins grande. Dans cet état, on lui donne la préférence pour la trame, tandis que la pre- mière est plus propre pour la chaine. On peut mettre ensuite à part les cocons blancs, puis classer les autres suivant leurs couleurs et qualités. Ce triage se fait le plus commu- nément par 3 qualités différentes : 1° les co- cons fins ou ceux dont le tissu présente une superficie à grains très-fins ; 2° les demi-fins, dont le grain est plus lâche et plus gros; 3° les cocons satinés qui n’ont pas de grain et dont la surface est mollasse et spongieuse. Chacune de ces qualités est jetée dans une manne d'osier particulière. Si on ne procède pas tout de suite au tirage des cocons, il faut les reporter au grenier sur des clayons, les y retourner et visiter tous les 2 ou 3 Jours, afin de prévenir la fermen- tation, et pour empêcher qu’ils ne soient at- taqués par les rats ou les insectes. Quand on veut dévider la sorte des cocons, on commence par les débarrasser de la bave ou bourre qui les enveloppe, ce qui se fait de la manière la plus simple, en enlevant a la main cette bourre, jusqu'à ce qu'on par- vienne à cette partie du cocon où le fil se trouve peloté régulièrement. 2° Appareil de tirage. Le tirage de la soie, avons-nous dit, con- siste à développer le fil du cocon dans toute sa longueur; or,on ne peut dérouler le pelo- ton qu'en faisant dissoudre une matière gommeuse qui enduit le fil et colle l’une à l'autre les divers zigzags qu'il forme. L'eau froide n'ayant pas une action suffi- sante pour opérer cette dissolution, il faut avoir recours à l’eau élevée à une cer- taine température. Cette température varie avec l’état des cocons, et on la détermine se- lon leur âge, leur dureté, leur finesse, la qua- lité et la destination de la soie. Les cocons, récemment récoltés, dont la gomme n'est pas encore endurcie, ne demandent pas une eau très-chaude, tandis que les vieux cocons creux, secs et serrés, exigent presque de l’eau bouillante. L'eau trop chaude nuit beaucoup à l'éclat de la soie. Le fil du cocon est si délié et offre si peu de résistance; qu’en cet état il ne pourrait guère être employé dans les arts: on est donc obligé d’en réunir un certain nombre qu’on üre ensemble. La gomme qui liait les circon- volutions du peloton, ramollie dans le bain d’eau chaude, sert alors à unir les différens brins qu'on file ensemble, et à donner à ce pouveau fil, lorsqu'il est sec, une consistance et une union qu'on ne peut plus altérer, même par l’eau, à moins qu’elle ne soit bouil- lante. — Non seulement le tirage à l’eau chaude donne aux brins de l’adhérence en- ire eux, mais par suite du ramollissement de la partie gommeuse et des divers frotte- mens combinés que la soie éprouve, celle-ci acquiert de la rondeur, de l'égalité et un as- GHap. 7°. pect lisse et lustré, qualités essentielles pour la beauté des tissus brillans fabriqués avec celte matière. L'opération du tirage de la soie n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire au pre- mier abord et exige au contraire beaucoup d'adresse, d'intelligence et surtout une ex- périence qui ne pass que par une pra- tique constante de plusieurs années. Cepen- dant c'est de la bonne exécution du tirage que dépend en grande partie la beauté et la bonne qualité de la soie. Pour procéder au tirage de la soie. une ouvrière, qu'on nomme la téreuse ou fleuse, s’asseoit devant une bassine en cuivre plate et remplie d’eau chauffée par le foyer d’un fourneau sur lequel ce vase est placé. La bassine et le fourneau lui-même sont établis devant une machine destinée à tirer la soie et qu'on norame un tour. L’eau de eette bas- sine étant portée à la température nécessaire pour ramollir la matière de nature gom- meuse qui enduit el colle le fil du ver-à- soie, la fileuse y jette une ou deux poignées de cocons bien débourrés et les agite forte- ment ou les fouette avec les pointes coupées en brosse d’un balai de bouieau ou de bruyè- re; c'est ce qu’on nomme faire la battue. Lorsque, par cetle battue ainsi que par la chaleur de l’eau, elle est parvenue à faire paraitre les baves, c’est-à-dire à déméler et accrocher les bouts des brins de la soie de PRÉPARATIONS DE LA SOIF. 149 chaque cocon, elle étire à la main la 1'° cou- che qui est formée d’un fil grossier qu’on nomme côte, et lorsque cette enveloppe est enlevée et que la soie pure commen- ce à venir, elle recueille entre ses doigts tous les brins, les divise en 2 portions égales composées d’autant de brins qu'il en faut pour composer le fil qu’elle veut tirer, les tord légèrement entre le pouce et l'index, les fait passer dans des filières, ainsi que nous l’expliquerons plus bas, les croise un nombre déterminé de fois, puis les livre à une autre ouvrière nommée tourreuse qui les accroche à une des lames de l’asple ou dévidoir du tour qu’elle met aussitôt en mouvement au moyen d'une manivelle pour rassembler le fil à mesure qu'il se dévidé et en former des flottes ou écheveaux. 3° Atelier de Gensoul. Le mode simple décrit ci-dessus pour dévi- der le cocon est encore en usage dans un assez grand nombre de localités; il offre cependant plusieurs défauts graves, et dès qu’on s’oc- cupe de l'éducation des vers-à-soie sur une échelle un peu étendue, il faut donner la préférence à un appareil imaginé par M. GEN\- souL, à l’aide duquel on applique au tirage de la soie le chauffage à la vapeur. Voici la description de cet appareil. La fig. 143 est une coupe longitudinale de Fig. 143. l'atelier de tirage dans lequel se trouvent 14 appareils. Nous n’en avons représenté qu’en- viron la moitié, ce qui est suffisant pour faire concevoir l’autre moitié qui se répète exacte- ment depuis À jusqu'en B.— La fg. 144 est Fig. 144. une coupe verticale selon la largeur du même bâtiment. Le tuyau A est en fonte, il est adapté sur la chaudière et traverse le mur à 2 60 (8 pi.) au-dessus du sol, comme on le voit fg. 147 sur une plus grande échelle. Un long tuyau carré en bois BB conduit la vapeur dans la longueur de l'atelier. Les extrémités de ce tuyau sont plus élevées de65 cent. (2 pi.) que le milieu, afin que la vapeur qui se con- dense puisse retomber dans la chaudière. 14 {uyaux appelés rameaux descendent vertica- lement du tuyau B pour conduire la vapeur dans l'eau des bassines ou auges D, jusqu’à 9 millim. (4 lig.) du fond. Ces tuyaux sont en cuivre, ils ont 20 millim. (9 lig.) de diamè- tre; ils doivent entrer de 14 millim. (6 lig.) dans l’intérieur du tuyau B, afin que l’eau for- mée par la vapeur condensée ne puisse, en s’en retournant dans la chaudière, descendre dans les bassines. Chaque tuyau ou rameau est muni d’un robinet E (fg. 143 ). On peut faire usage des rameaux fg. 145 . Le 1°° a la forme d’un T renversé bouché aux extré- mités inférieures et percé de petits trous dans la partie horizontale. Le 2° porte à sa 150 partie inférieure une plaque ou disque de cuivre servant à em- pêcher le bouillonne- ment de l’eau. Les bassines D (fig. 146) sont en bois de sapin de 40 millim. (18 lig.) d'épaisseur, 975 millim. (3 pi. } de long el 488. millim. (18 po.) de large; elles sont portées par des sup- ports en bois F, et rete- nues par des vis. Sur le fond est fixé pareille- ment avec des vis un pe- lit tasseau en bois dans lequel entre le bout du rameau afin qu'il ne puisse pas vaciller. La chaudière G(£g. 144 et 147) est dispo- sée sous un toit à l'extérieur et au mi- lieu de la longueur du bâtiment, elle est ro formée de douves en ù bois de chêne de 81 millim. (3 po.) d’é- | paisseur retenues dit auf par des cercles de fer. r La cuve H, pleine d’eau, est destinée à Fig. 147. ! [LUN remplacer l’eau de la chaudière à mesure w’elle s’'évapore par l’effet de l’ébullition. La g.148représente la coupe horizontale de cette chaudière prise un peu au-dessus du tuyau KK qui conduit la fumée. Ce tuyau est en ser- pentin, il s'élève au centre de la cuve, tra- verse pareïllement la cuve H dans son centre, sort au-dessus en 1, et porte la fumée dans le tuyau de la cheminée. La cuve H porte à ARTS AGRICOLES : ÉDUCATION DES VERS-A-SOIE. D AA! LIV. IV. t son fond un petit tuyau en cuivre muni d’un robinet L qu’on ouvre lorsqu'il est nécessaire d'alimenter la chaudière. Le tube d’épreuve en verre T indique constamment la hauteur de l’eau dans la chaudière et, lorsque son niveau s’abaisse trop, on ouvre le robinet L qu'on referme lorsqu'on a introduit l’eau. La chaudière Gest hermétiquement fermée par un bon couvercle en bois, solidement retenu par de fortes traverses et des boulons à écrous en fer R. Le fourneau M ne présente rien de arliculier; on voit en O la porte du foyer par aquelle on introduit le combustible et en N celle du cendrier."R est une soupape de sû- reté et Y la tige d’une autre soupape placée dans l’intérieur de la chaudière, qui est con- stamment poussée contre le fond par un res- sort à boudin. On tient cette soupape ouverte en mettant un poids sur sa tige afin de laisser entrer l’air au moment de la condensation qui a lieu lors du refroidissement de l’appa- reil. Il faut, pour éviter tout accident, que l’ou- vrier chargé de la conduite du feu ouvre tous les soirs cette soupape Y et la laisse ouverte jusqu’au lendemain lorsqu'il va allu- mer le feu. On voit en Q (/fg. 144) le tour à filer dont nous allons parler plus bas et la chaise N sur laquelle la tireuse est assise. Cet appareil offre les avantages suivans: d’abord on peut faire usage dans le foyer commun de bouille ou charbon de terre, ce ui ne pouvait avoir lieu dans l’ancien mode dé chauffage où il y avait un foyer sous cha- que bassine, parce que la famée du charbon i,se répandait dans l'atelier, ternissait la soie et nuisait à sa qualité. On n’a plus qu'à en- tretenir un seul feu, et l’appareil ne con- somme guère au-delà du tiers du combustible employé précédemment dans les ateliers mon- tés nie l’ancienne disposition. Les robi- nets placés sur les rameaux permettent de porter en peu d'instans la température de l’eau de la bassine au degré voulu, et de l'y maintenir avec égalité et une régularité par- faite. On remplace les bassines de cuivre par des vases en bois, et on ne risque plus ainsi, dans l'intervalle des battues, quand on dépose les cocons montans sur les bords de la bassine pour les mettre à l'abri du balai, de les brû- ler par l'effet de la chaleur du métal. L'eau des bassines,renouvelée sans cesse parde l’eau extrémement pure, puisqu'elle est distillée, AP. 7°. donne à la soie plus de perfection, de pureté et d'éclat, ce qui convient surtout aux soies blanches dont le beau lustre est souvent al- téré par l’impureté des eaux ou par la cha- leur qu'elles éprouvent dans une bassine ex- posée à feu nu, et dont il était très-difficile de régler convenablement la température. La tireuse n’est plus incommodée par la chaleur du foyer et par la vapeur du charbon qui s’en dégage, et la tourneuse, qui n’est plus chargee de l’entretien du feu, peut donner tout son temps el son attention à son travail. Quand on ne fait pas usage de l’appa- reil Gensoul, ou bien quand il faut renou- veler dans celui-ci l'eau des bassines, on doit avoir l’attention de se servir d’eau pure, légère et douce. Les eaux de rivière et de pluie sont les plus convenables pour le ti- rage. Celles qui sont crues et dures forment avec la gomme une sorte de savon calcaire qui se précipite sur la soie , la rend dure et nuit à la perfection de ce brillant produit. La chaleur del’eau dans les bassines doit être de 75° de Réaumur pour faire la battue; mais uve fois que les bouts ont été trouvés et croisés, on abaisse cette température à 65° ou 70° au plus, qui est celle à laquelle on doit continuer le tirage. Cette chaleur suffit d’un côté pour ramollir la gomme et pour dérou- ler le fil, et de l’autre pour her les brins tirés ensemble et n’en faire qu’un seul fil. Les cocons doubles exigent pour leur dévidage une température plus élevée. 4 Conditions pour un bon tirage. La machine dont on fait usage pour tirer la soie se nomme, avons-nous dit, un tour Les mécaniciens ont inventé plusieurs machines de cette espèce; mais la plus généralement répandue est celle qui porte le nom de tour de Piémont avec les perfectionnemens que Vaucanson, Villard, Tabarin et autres ont apportés à sa construction. Avant de décrire cette machice, disons un mot des conditions qu'il faut remplir pour obtenir un bon tirage. La soie est ordinairement dévidée en fils ou bouts composés d’un certain nombre de brins ou fils de cocons réunis, arrondis et agglutinés par la chaleur et les différens frottemens auxquels on les soumet. La fileuse file ordinairement 2 de ces bouts à la fois. Tirés à part d’abord, ils sont ensuite croisés entre eux un cerlain nombre de fois, et enfin écartés et enroulés séparément sur l’asple ou dévidoir du tour. Voici les conditions principales : Le fil doit, autant que possible, étre parfai- tement égal dans toute son étendue. Pour cela il faut que la fileuse rattache avec soin les brins cassés, qu’elle fournisse de nouveaux cocons à mesure qu'il y en a qui sont épuisés par Le dévidage. Comme les brins de soie sont plus faibles et plus déliés vers la fin qu’au commencement , elle doit, quand les cocons tirent à leur fin, augmenter le fil d’un ou deux nouveaux brins pour lui rendre la force et l'épaisseur gi commence à perdre à mesure que le dévidage avance. Soutenir l'égalité du brin est une des principales qualités d’une bonne fileuse. La croisure des fils doit être égale, régulière PREPARATIONS DE LA SOIE. et soutenue. La croisure estd’unenécessitéab- solue pour unir d’une manière inséparable les 151 brins qui forment lesfils, pour en détacher une grande quantilé d’eau qui se dissipeen vapeur, pour que ces fils sèchent plus promptement sur l’asple, et que chacun d'eux ne se colle pas uand on fait monter l’une sur l’autre ses iverses circonvolutions. Par la croisure , les fils acquièrent le nerf et la force nécessaires our être mis en œuvre et la consistance qui es rend propres à l’usage auquel on les des- tine. Eu outre, elle rend les soies nettes, les déterge, les arrondit également comme pour- rait le faire une filière, de façon qu'il ne passe ni bouchon, ni bavure, ni aucune inégalité de grosseur, conditions nécessaires pour for- mer de bonnes soies ouvrées et de beaux tis- sus. Enfin c’est elle qui, par le frottement en hélice qu’elle fait éprouver aux fils, les em- pèche de se rompre, de s’écorcher et de de- venir bourrus. On croise 18 à 23 fois et plus les soies les plus fines, et un plus grand nom- bre de fois, à proportion de leur grosseur, les soies communes. Les circonvolutions des fils, en se déposant sur l’asple, ne doivent pas se coller les unes aux autres, Ce qui rendrait l'opération sub- séquente du dévidage impossible ou au moins occasionerait un déchet considérable. La soie, en sortant de la bassine, est enduite de sa gomme amollie par la chaleur, et si les di- vers tours que le fil fait sur l’asple se tou- chaient dans leur longueur, ils se colle- raient, ce qu’en terme de l'art on appelle bouts baisés. On a évité cet inconvénient dans le tour piémontais et dans tous ceux qu’on a proposés depuis sur son modèle, au moyen d'un mécanisme particulier appelé va-et-vient, que nous expliquerons plus bas, et qui con- stitue le réglage, c’est-à-dire qui fait enrouler le fil en zig-zag sur l’asple, de manière que ce fil se distribue sur une partie de la lon- gueur de cet asple et ne vient se coucher de nouveau sur l’'écheveau qu'après un certain nombre de révolutions. Il faut éviter le vitrage ; on donne ce nom à un arrangement vicieux des fils sur l’asple causé par le mouvement trop souvent répété du va-et-vient, qui ne donne pas à ces fils un temps suffisant pour Sécheravant qu’on puisse coucher dessus un nouveau fil. On remédie ai- sément à ce défaut en modifiant le mécanisme. Ainsi, dans les anciens tours du Piémont, le fil ne repassait sur lui-même qu'après 875 ré- volutions de l’asple; dans les nouveaux tours, ce nombre ayant paru trop limité, 1l ne se croise plus ainsi qu'après 2,601 révolutions, nombre bien suffisant pour lui donner le temps de sécher. On voit donc que cette dis- position des fils facilite le second dévidage, prévient les ruptures et par suite les nœuds qui rendent les fils inégaux dans leur gros- seur, nuisent à la beauté de l’organsin, au tissage régulier et à la perfection des étoffes. La fileuse doit faire attention qu’il ne se forme pas de mariages. En terme d’art, on donne ce nom à un défaut qui provient sou- vent de la croisure ou de bourillons qui mon- tent, ou bien de ce qu’un des fils étant plus fort que l’autre, le fait casser et l’entraipe p.25 Le sur le même écheveau, ce qui forme 152 un fil double que l’asple enveloppe sur une certaine longueur avant que la fileuse s’en aperçoive. Pour porter remède à cel incon- vénient, les nouveaux mécanismes permet- tent de faire et de refaire avec une merveil- leuse facilité la croisure, de renouer les fils et d'enlever les mariages. ar-dessus, se compose aujouranui d'un Patis en bois A À à l’extrémité duquel sont 2 montans qui soutiennent l’asple ou dé- vidoir C, sur les lames duquel la soie se forme en écheveau. D est la manivelle qui fait tour- ver celui-ci et dont l’arbre porte une roue dentée E, f£g. 154, qui engrène dans un pi- Fig. 151. gnon F monté sur lar- bre du dévidoir, ce qui facilite et accélère le mouvement de celui-ci. Sur l’autre extrémité de l’arbreouaxe de cet asple, est également monté (/£g. 149)un se- cond pignon G qui en- grène dans un système de roues dentées, HIK se commandant l’une ARTS AGRICOLES : EDUCATION DES VERS-A-SOIE. LLV. IV 5° Tour à tirer la soie. Le tour de Piémont, perfectionné par Vau- canson, Villard, Tabarin et autres, dont on voit une coupe verticale dans la f£g. 149 et dont la fig. 150 représente une vue perspective prise Fig. 149. mr tre l’autre, et combinées de telle manière qu’elles ne seretrouventdans la position initiale d’où elles sont toutes parties au commencement du mouvement qu'après 2,601 révolutions. C'est cette disposition qui produit le va-et-vient et par suite le reglage ou distribution en zig- zag du fil sur l’asple. Sur le milieu du bâtis du tour sont 2 traverses X et Y, portant des cavités dans lesquelles peut tourner libre- ment un arbre ou axe vertical L. Cet arbre, du côté du système des roues dentées, a un bras Q dont l'extrémité, terminée en four- chette, recoit le bout d’une bielle P; l'au- tre extrémité est percée d’un œil qui entre sur une cheville excentrique O, portée par la roue K. Au-dessus de latraverse supérieure X, l'arbre L porte un autre bras incliné à l’hori- zon M, terminé par 2 potences sur lesquelles sont placés 2 guides où griffes en til de fer CHAP. 7°. ou en verre, au travers desquels passe la soie avant de s’enrouler sur l’asple. — On voit ai- sément ainsi comment la roue K, par ses ré- volutions, tire et pousse successivement la bielle P, puis le bras O, imprime à l’autre bras M ce va-et-vient, ou mieux ce mouve- ment alternatif en arc de cercle qui sert à distribuer le fil sur l’asple, et ne lui permet de se coucher sur lui-même qu'après le nom- bre établi de révolutions. Dans l’ancien tour de Piémont, la fileuse, après avoir assemblé ses fils, et les avoir pas- sés à travers les filières placées au-dessus de la chaudière, les roulait entre le pouce et l'index pour leur donner la croisure, les sépa- rait ensuite, les passait à travers les guides du va-et-vient et les livrait à la tourneuse qui les attachait aux lames de l’asple et mettait aussitôt ce dernier en action. Cette disposilion présentait des inconvé- niens : elle laissait à la discrétion des ou- vrières le nombre de tours à donner à la croi- sure, et ne pouvait mettre à l’abri de leur négligence sur ce point. La croisure donnée aux fils dans un seul sens ne faisait frotter l’un contre l’autre que la moitié de leur sur- face, ce qui ne leur donnait pas le degré de pureté et d'éclat des soies bien tirées. Pour remédier à ces inconvéniens, VAUCAN- son imagina la double croisure, qui a été per- fectionnée depuis par d'autres mécaniciens, et qui offre l’avantage aujourd’hui de for- mer deux croisures, dont l’une est en sens irverse de l’autre, et de fixer invariablement le nombre de tours de cette croisure, sans qu'il soit à la liberté de la fileuse de croiser plus ou moins. Voici la construction de la croisade perfectionnée, telle qu’elle est em- ployée dans les ateliers français. Sur le devant du tour est placée cette croi- sade qu'on voit en coupe dans la fg. 149, par- dessus dans la {g. 150, et de face par-devant dans la fig. 152. Elle se compose de 2 mon- Fig. 152 | Î tans verticaux et égaux NN qui supportent un châssis quadrapgulaire R R. Ces montans AGR, \ LAA! PRÉPARATIONS DE LA SOIE. 153 ont, sur leur face intérieure, une rainure profonde dans laquelle peut tourner, monter ou descendre librement, mais sans ballotter, une lunette à gorge SS, qui porte 2 guides implantés sur sa circonférence intérieure. Cette lunette est suspendue à une corde sans fin croisée T, qui passe sur une poulie U, la- quelle a le même diamètre que la lunette et est traversée par un arbre reposant sur des coussinets fixés sur le châssis R. Sur chacune des faces de cette poulie est attachée une corde V tendue par des poids, et dont l’une est enroulée autour de l'arbre quand l’autre pend de toute sa longueur. On conçoit qu’en tirant la corde enroulée on fait tourner la poulie, et par suite la lunette, d’un nombre de révolutions égal aux enroulemens que la corde faisait sur l'arbre; en même temps, la corde pendante, qui était restée jusqu'ici dé- veloppée, s’enroule à son tour sur cet arbre d’un nombre de tours égal à celui dont l’au- tre se déroule, mais en sens contraire. On voit ainsi que si les 2 fils de soie, en sor- ‘tant de la bassine et des barbins Z Z placés au-dessus, sont passés successivement à tra- vers les filières de la lunette, puis des griffes du va-et-vient, et qu’on déroule ensuite en la tirant une des cordes de la croisade, ces fils vont se croiser en avant et en arrière de Ja lunette et en sens contraire, d’un nombre de tours identiquement égal à celui que la cor de aura fait faire à la poulie U, et pour que le mé- canisme soit entièrement à l'abri de la négli- gence de l’ouvrière, ce mouvement de dérou- lement, une fois commencé, continue seul au moyen de contrepoids, jusqu’à ce que la corde tirée soit entièrement develdppéei Le nombre des enroulemens de la corde dépend de celui des tours qu’on veut donner à la croisure. Mais quel que soit ce nom- bre, il est très-facile, quand un brin de soie casse, quand il se forme un mariage, etc., d'y porter remède. On n’a qu’à tirer la corde enroulée pour défaire la croisure, à renouer ou rétablir les bouts défectueux, reformer la croisure en tirant la seconde corde et conti- nuer le travail avec une perte très-légère de temps et peu de déchets. II. — Du moulinage des soies. 1° Des moulins, Les soies, après avoir été tirées, reçoivent avant d’être tissées diverses préparations qui sont plutôt du domaine des fabriques et des manufactures, mais qu'il est important pour l’éducateur de vers-à-soie de connaitre, La 1"° de ces opérationsest le dévidage qui a pour but de transporter, sur de petits guir- dres ou sur des bobines. lesfils enroulés sur les asples, ce qui se fait à la main au moyen d’un rouet ou par le secours de machines qui, en dévidant un grand nombre de fils à la fois, accélèrent letravail. La 2° opération à laquelle on soumet Ja plus grande partie des soies est celle du moulinage proprement dit, et qui consiste à faire éprouver aux fils un certain degré de torsion, afin de leur donner la force néces- saire pour résister au travail du tissage. Cette torsion se donne le plus généralement au T. IIIL.— 20. 154 ARTS AGRICOLES : EDUCATION DES VERS-A-SOIE. moyen d’une grande machine appelée moulin. Le plus communément employé est le mou- din de Piémont. VAUCANSON avall aussi 1n- venté pour cet objet une machine que sa complication a fait abandonner. D’autres mécaniciens, plus heureux, tels que MM. Ber- Ly, Beauvais de Lyon, BuGaz de St.-Cha- mond (Loire), Duran», aux Blaches (Arde- che), AmareTTI de Verceil, etc., en ont pro- posé d’autres qui ont été mis avec succès en activité dans le midi de la France. Le moulin de Piémont est une sorte de rande cage circulaire, tournant de gauche à droite sur un axe central et vertical, et mue par un homme, des animaux, un cours d’eau ou par le secours de la vapeur. Cette machine a depuis 11 jusqu’à 15 pieds et au-delà de dia- mètre et 7 à 15 pieds de hauteur. Suivant sa grandeur, elle est divisée en 2, 3 ou 4 var- gues ou étages, qui portent un certain nom- bre de fuseaux ou broches munies d’ailettes et de bobines, comme dans les métiers à fi- ler le coton ou la laine, et sur lesquelles la soie, déroulée de dessus les guindres ou les bobines où elle a été reportée par le dévi- dage, s’enroule et se tord en même temps au degré déterminé par diverses pièces du mécanisme. Le nombre des guindres et des broches et bobines mis en mouvement varie suivant la grandeur du moulin. Ceux de 11 pi. ont ordinairement 12 guindres pour chaque vargue et 72 broches; ceux de 15 pi., 16 guindres et 96 broches, etc. Ces différentes parties recoivent le mouvement du moulin lui-même au moyen de disposi- tions particulières, celui des broches ayant lieu de droite à gauche. Telle est à peu près l’idée qu’on peut se faire du moulin de Piémont qui, pour être décrit, exigerait un très-grand nombre de planches. Nousallons maintenant donner une idée des diverses espèces de soies qu'on pré- pare avec ce moulin ou d’autres semblables, et de quelques produits de ce genre qu'on trouve communément dans le commerce. 2° Les principales espèces de sotes tirées et ouvrées et du pliage. On nomme soie grége où gréze la soie qui p’a été soumise à aucune autre opération que celle du tirage, et qui est le produit immé- diat du cocon, duel que soit le nombre des brins, qui peut varier de 2 à 20 et au-delà. La soie ouvrée est celle qui a subi une prépa- ration quelconque qui la rend propre à dif- férens emplois dans les manufactures. La soie crue ou écrue est celle qui, suivant sa destination, a, sans avoir subi de débouilli, été tordue et retordue au moulin. La soie cuite a, au contraire, été débouillie dans l’eau chaude pour en faciliter le dévidage ; uant à la soie décreusée, c’est celle qui a été débouillie au savon pour lui enlever le vernis de nature gommeuse qui l’enduit, lui donner ainsi plus de mollesse et de douceur, et la rendre plus propre au blanchiment et à la teinture. Avant d'aller plus loin, disons ce que c’est que le titre de la soie. On entend par ce mot le poids de la soie sur une longueur déter- minée qui, indépendamment de la beauté du LIV. IV. fil, sert à déterminer sa valeur vénale. La longueur choisie est 400 aunes (475 mèt. 40), et c’est le poids en grains anciens de cette longueur de soie qui détermine le titre. Ainsi la soie dont une pelotte ou écheveau de 1200 aunes pèse un gros, est au titre de 24 deniers; si elle pesait un gros et 24 grains, elle serait au titre de 32 deniers, et à celui de 48 si elle pesait 2 gros. La principale espèce de soie qu’on travaille au moulin est l’organsin, qui est un fil com- posé de 2 bouts de soie grége, quelquefois de 3etmême de4, qui sont d’abord tordus séparé- ment au moulin, tors auquel on donne le nom de premier apprét ou filage, et qui se donne à droite et varie suivant la qualité, la nature ou la destination de la soie. À ce 1‘ ap- prêt succède le doublage, opération qui con- siste à réunir au nombre de 2, 3 ou 4, sur des guindres ou sur des bobines, les fils tor- dus, soit à la main, au moyen d’un rouet, soit avec des machines appropriées à cet objet et appelées moulins à doubler. Ces fils de soie réunis sont alors reportés au moulin à organsiner pour recevoir le second apprêét ou tors qui se donne à gauche, et qui roule les uns sur les autres les fils assemblés, de manière qu'ils ne paraissent n’en composer qu'un seul. C’est le fil, lorsqu'il a subi cette 2° torsion, beaucoup moins considérable que la 1°°, qui recoit le nom d’organsin, et qu'on emploie principalement pour la chaîne dans la fabrication des étoffes de soie. La trame, dont le nom indique l'usage, c'est-à-dire qu’elle est employée à faire la trame des étoffes, est une soie montée à 2 ou 3 bouts qui n’ont pas subi de 1‘ apprêt, et dont letors, qui se donne comme le 2° ap- prêt de l’organsin et dans le même sens, est très-léger et sert seulement à réunir les fils, en leur conservant la mollesse nécessaire à cette sorte de soie. Le poil est une soie grége à un seul bout qui a subi l’apprêt au moulin. Cet apprêt varie avec la finesse de la soie; le principal emploi de cette soie, connue dans le com- merce sous le nom de port d'Alais, est pour la passementerie, la rubannerie, la brode- rie, etc. On fait usage en France de plusieurs es- pèces de soies gréges: 1°les soces fermes,parmi lesquelles on distingue la grège d’Alaus et de Provence, qui se compose de la réunion de 12 à 20 cocons, et se distingue en plusieurs qualités qui sont converties en soies ovalées de différentes grosseurs, en soies à coudre, en soies pete et cordonnets; la grége du Levant, dite Brousse, la grege de Valence, toutes deux tirées de 15 à 25 cocons, et la grège de Vérone, tirée de 15 à 30 cocons qui, avec la grége de Reogio, dite San-Batilli, ser- vent au mêne usage que celle d’Alais, puis les gréges de Bengale, de la Chine, elc. ; 2° les sotes fines (grége blanche et jaune de France), employées à la fabrication des rubans, gazes, baréges, etc., et ouvrées en trames et or- gansins. Parmi les soies ouvrées on distingue l'or- gansin de Piémont, monté à 2 ou 3 bouts et quis’emploie pour chaine ; l'organsin du pays, monté de même dans le Vivarais et en Pro- vence, et qui sert au même usage; les trames CHAP. 7°. doubles qui, outre leur destination ordinaire, servent encore dans la passementerie et la bonneterie; la trame double (nankin) du bourg de l’Argental ( Ardèche), qui est une soie d’un blanc supérieur, employée à la fa- brication des blondes. La soie ovale ou ovalée réunit plusieurs bouts de soie grége (2 à 12 et quelquefois 16) qui sont faiblement tordus au moyen d’une etite machine nommée ovale. Cette soie sert a faire des lacets, des broderies, à coudre des gants et dans la bonneterie. La soie plate est une grége commune as- semblée par 20 à 25 brins et employée pour broder Îa tapisserie. La grenadine est une grége ouvrée à 2 bouts et tres-serrée, généra- lement employée à faire leseffilés ou à la fa- brication des grosses dentelles des environs du Puy, et du tulle bobin. La plus fine sert à faire les blondes noires. La grenade ou ron- delettine est montée à 2 bouls très-tordus; elle s'emploie dans la passementerie et la fabri- cation des boutons; il en est de même de la demi-grenade où rondelette pour la fabrica- tion de laquelle on emploie communément les doupions. La soze ondée dont on se sert pour nou- veautés est montée à 2 bouts dont l’un est gros et l’autre fin. Le gros bout reçoit un pre- mier apprêt à droite ou à gauche à volonté; le bout fin est avec ou sans apprêèt, en obser- vant, lorsqu'il y a de l’apprèt, que ce soit en sens inverse de celui du gros bout. Ces 2 bouts sont ensuite doublés pour recevoir le 2° ap- er toujours en sens inverse de celui du gros out. C’est aussi par des procédés particu- liers qu'on apprète en crépe la soie grége ou cuite ou teinte en couleur, ou avec brin cuit et brin cru, pour la fabrication de l'é- toffe de ce nom; et en 72arabouts pour la fa- brication des rubans de gaze. Les soies gréges et ouvrées sont soumises dans le commerce à un mode particulier de liage, qui n’est pas toujours le même pour e diverses espèces et pour celles des diverses provenances. Généralement ces soies sont réunies en matteaux composés de 4, 5,6,7 ou 8 flottes, échets où écheveaux, tordus et pliés de façon qu'ils ne se dérangent pas. On as- semble quelquefois un certain nombre de ces malteaux pour former des masses, et c’est avec ces masses ou ces matteaux qu'on com- pose des balles qu’on recouvre de toileet dont le poids est très-variable. Par exemple, les soies gréges fines de France sont pliées en matleaux de 490 à 595 millimètres, pesant 90 à 100 grammes, réunis en masses de 1 à 10 et emballés en toile fine écrue recouverte de toile commune, les balles pesant de 60 à 75 kilog. L'organsin du pays est plié en mat- teaux lortillés attachés à un des bouts par ua fil desoie, pesant de 60 à70 gram., et en balles de 75 kilog. environ, etc. 3° Bourre ou f{loselle, fantaisie, blanclément et teinture des soies. Les diverses parties des cocons qui n’ont pu être dévidés, les déchets qu’on fait au dévidage, soit par les bouts baisés ou les ma- riages, les bourres qui nuisent à l'égalité des soies, etc., ne sont pas rejetés, et dans cette PRÉPARATIONS DE LA SOIE. tière gommeuse 155 industrie tout trouve un emploi utile et avan- ltageux. Toute l'enveloppe grossière qui entoure le cocon el qui est connue sous le nom de ffo- selle, bourre de soie, fleuret, bave, etc.; les cocons tachés ou gâtés par une cause quel- conque , et qui forment ordinairement une matière dure, sèche, sont jetés dans l’eau où on les laisse macérer tenace et cassante, pour dissoudre la plus grande partie de la ma- ont ils sont imprégnés. On les soumet ensuite à la presse pour en faire sortir le plus d'eau gommée possible, on remet dans de nouvelle eau, et c’esten répétant ces opérations qu'on parvient à dégommer com- plétement. Alors on exprime l’eau à la presse, on fait sécher, on bat fortement, on enduit légèrement d'huile et on carde. C’est en tra- vaillant ainsi cette bourre à plusieurs repri- ses qu'on la met en état d’être filée, tissée ou tricotée. On file la bourre, soit au rouet et à la aue- nouille, soit au fuseau comme le chanvre et le lin, soit par machine, comme la laine et le coton. Dans cet état celle qui est cardée et filée à 1,2 ou 3 tirages, ou montée à 2 bouts pour chaîne ou trame par des machines, prend le nom de fantaisie fine et sert à la bonneterie, à la fabrication des châles de Lyon dits de bourre de soie, et à celle d’un assez grand nombre de belles étoffes. Celle qui est ilée à la main s'appelle fantaisie commune et sert, à Nimes, à la passementerie, à la fabrica- üon des bas, à la tapisserie, etc. On connaît aussi,sous le nom de feuret monté,des déchets de soie écrue, cardés et montés très-retors dans les environs de Lyon, où ils forment ce qu'on appelle des galettes qui servent à la passementerie et à former la chaine desgalons d’or et d'argent. Les déchets de cardes, battus et cardés de nouveau, sont transformés en ouate de soie. On mélange quelquefois la bourre ou la soie avec la laine ou le duvet de cachemire, et on les file ensemble. Ce dernier article, qu'on travaille surtout à Lyon, porte le nom de Thrbet. Les peaux, ou dernière enveloppe du ver dans le cocon et qui reste dans les bassines sans avoir pu être dévidée, sont traitées de même que la bourre et employées au même usage. On ouvre aussi quelquefois ces peaux et on les découpeavec des instrumens appro- priés pour la fabrication des fleurs artificiel- les. Les côtes el frisons, sorte desoie grossière de plusieurs pieds de longueur que la fileuse tire à la main de dessus les cocons jetés dans la bassine avant de trouver la bonne soie, sont, de même que la bourre, cuits, blanchis, cardés et filés, et transformés en fantaisie. La soie ouvrée destinée à faire des tissus raides est simplement blanchie,au moyen de l'acide sulfureux, dans des soufroirs adaptés à cet objet. Quant à celle qu’on emploie pour la fabrication des tissus moelleux et doux, elle est soumise à une opération particulière pour lui enlever le vernis naturel qui la re- couvre et lui donne encore de la raideur. Ceilte opération, qui se nomme decreu- sage, consiste principalement en trois pré- parations : 1° le dégommage ou ébullition dans de l’eau pure contenant 10p. 0/0 desavon blanc; 2° la cuite ou immersion de la soie eu- 156 fermée dans des sacs dans un second bain d’eau, mais qui ne contient qu'une moindre uantité de savon; 3° l’'azurage, qui consiste à onner à la soie un léger reflet agréable au moyen du rocou ou de l’indigo. Lorsque la soie décreusée doit étre blanchie, soit parce qu'on la destine à confectionner des tissus qui doivent être blancs, soit parce qu'on veut la teindre en couleurs claires, ARTS AGRICOLES : ÉDUCATION DES ABEILLES. LIV. IV. brillantes et aussi pures que possible, on l’expose, dans un soufroir, à l’action de l'acide sulfureux humide. Enfin, les soies ainsi pré- parées sont mises en œuvre par le fabricant d’étoffes, ou envoyées au teinturier pour re- cevoir les couleurs dont les nuances peuvent varier à l'infini. F. Dezvy. CHAPITRE VIII. — ÉDUCATION DES ABEILLES. SECTION 1'°.— Histoire naturelle des abeilles. $ 1°. — Espèces, variétés. De touslesinsectes connusjusqu'à ce jour, l'abeille est sans contredit le plus utile à l'homme par le miel et la cire qu’elle lui fournit. Aussi s’en est-il occupé de temps 1m- mémorial et a-t-il étudié avec beaucoup de soin son histoire pour la bien cultiveret pour rechercher les moyens d’en obtenir d'abon- dantes récoltes. Nous allons entrer ici dans les détails nécessaires pour soigner avec avantage ces insectes précieux dans tous les départemens de la France. Il y a beaucoup d'espèces d’abeïlles, mais il n’yen a qu’une indigène des parties tempé- rées de l’Europe qui soit cultivée. On Ja nomme simplement abeille et mouche à miel ( 4pis mellifica, Lin., Fab. ). On en con- nait quatre variétés dont celle nommée pe- tite hollandaïse a obtenu la préférence dans Ja culture, parce qu’elle est plus active, plus douce et plus facile à apprivoiser. $ II. — Famille ou essaims d’abeilles. Un essaim contient 1° wne mère ou reine; 2 plusieurs milliers d’abeilles reutres ou ou- vriéres ; 3° quelques centaines de 724les. L’a- beille étant un insecte généralement connu, ilestinutile de le décrire, et il suffira ici de faire connaitre les formes etles couleurs qui distinguent les mères, les ouvrières et les mâles. Fig. 153. L’abeille ouvrière (Jig. 153) est petite, et sa taille varie sui- vant la grandeur de l’alvéoledans laquel- le elle a été élevée. Sa couleur est d’un roux brunâtre. Sa trompe est longue. Ses pattes ont des brosses, et les deux de derrière, plus longues que les autres, ont une palette ou petite cavité. Enfin, son ai- guillon est droit et a 6 dentelures. La mère abeille (fig.154), un peu plus gran- de etplus grosse que l’ouvrière, s’en distingue au premier coup-d'œil par son ventre ou ab- domen beaucoup plus alongé quand elle est pieine, ce qui est son état ordinaire. Elle est plus rousse, mais ses pattes, plus longues, sont d’une couleur plus claire et dénuées de brosses et de palettes. Elle a deux ovaires, organes qui sont avortés dans l’ouvrière. En- fin son aiguillon est plus long, recourbé vers le haut, et il n’a que 4 dentelures. Fig. 155. Le méle (fig. 155),moins long que la mère, a le corps plus gros, plus aplati que l’ouvrière et d’une couleur noirâtre. Ses mâchoires et sa trompe sont plus petites; ses pattes n’ont ni brosses, ni palettes, et il n’a pas d’aiguillon. Son abdomen est, en grande parlie,rempli par les organes de la génération qui se retour- nent et s'élèvent en sortant, et dans cet état ressemblentun peu à une tête de chèvre avec ses cornes. Le grand bruit qu'il fait en vo- lant lui a fait donner le nom de faux bour- don. $ III.—Mœurs et gouvernement des abeïlles. L’'abeille a un caractère fort doux et elle est rarement l’agresseur dans les combats qu’elle livre. Très-active et uniquement oc- cupée de ses travaux, elle se contente d’être sur la défensive et d’avoir à l’entrée de l’ha- bitation une garde qui veille à la sûreté de la famille, et qui la prévient du danger si elle craint une attaque. Dans ce cas les abeilles sortent en foule et ne craignent de combattre ni l’homme ni les animaux les plus redouta- bles, et de les poursuivre à une certaine dis- tance. La crainte de Ja mort ne les arrête pas, quoiqu'il en périsse souvent un grand nom- bre dans ces attaques, parce qu’elles laissent ordinairement leur aiguillon dans la plaie qu’elles ont faite, et perdent leur gros intes- tin qui tient fortement à cet aiguillon. Ce- pendant il est des circonstances où elles prennent l'offensive; ainsi, quelques heures avant l’orage, la moindre chose les irrite, et il est alors dangereux de les approcher, et sur- tout en faisant du bruit. Le nectar des fleurs du châtaignier les agite également beaucoup. L'odeur des personnes à cheveux rouges et de celles dont les pieds exhalent une forte odeur, les incommode au point que lorsque cap. 8°. ces personnes s’approchent près d’un essaim, une ou deux abeilles volent aussitôt près de leur visage, et par un mouvement vif de gau- che à droite et de droite à gauche, accompa- gné d’un son très-aigu. semblent les menacer. Il faut alors se retirer pour éviter leur aiguil- lon. Enfin, si elles manquent de vivres, elles se décident à attaquer un autre essaim bien approvisionné. Les abeilles sont trés-laborieuses et trés- actives. Douées d’un odorat très-fin, on les voit sortir, dès la pointe du jour, de leur ha- bitation, pour se rendre directement, d’un vol rapide, vers les fleurs sur lesquelles elles comptent trouver du nectar qu’elles avalent, et du pollen ou de la propolis qu'elles placent dans la palette de leurs pattes de derrière. Pendant qu’elles s’approvisionnent, d’autres s'occupent des travaux de l’intérieur. Elles ne souffrent pas de bouche inutile. Leurs yeux sont disposés de manière à voir pendant la nuit comme pendant le jour. Aussi travaillent-elles à ces deux époques à la con- fection de leurs rayons. Elles sont susceptibles d'attachement et re- connaissent ceux qui les soignent. Leur amour pour leur reine ou mère est tel qu'el- les se sacrifient au besoin pour la sauver du moindre danger. Quant à leur instinct, leurs travaux dé- montrent qu'il est très-développé, comme les faits suivans le prouveront. Leur cri ou chant très-varié leur donne les moyens de s'entendre. Leur gouvernement est maternel. C’est une mère de famille constamment dans l’habita- tion, qui surveille les travaux de ses enfans, qui s'occupe une partie de la journée de re- produire son espèce et qui ne demande en échange que le simple nécessaire. Ses sujets sont tous égaux. Ils s'occupent indifférem- ment, à l’exception des mâles, de tous les ouvrages utiles à la société, et iis jouissent en commun des provisions qu'ils ont dépo- sées dans leurs magasins. $ IV.— Travaux des abeilles, Dès qu’un essaim a choisi pourson habita- tion, soit un trou d’arbre, soit un creux de rocher, son premier soin est de le nettoyer et d'en boucher tous les trous et crevasses, à l'exception d’une ouverture qui servira pour entrer et sortir. Pendant ce travail une partie des ouvrières s'attache, avec les cro- chets dont leurs pattes sont munies, au som- met du local, et d’autres s’accrochant aux 1", elles forment comme un ovale ou une grappe de raisin.— Bientôt le groupe se sub- divise pour commencer le travail des rayons, a représentent des rideaux séparés de açon à laisser un intervalle de quatre li- gnes entre eux. Ces dispositions faites, elles emploient les matériaux qu'elles ont apportés, et bientôt un grand nombre d’ou- vrières se rendent dans les forêts ou les champs, jusqu’à une lieue de distance, pour butiner sur les fleurs, pour se procurer de l'eau et même d’autres substances qu’elles recherchent sur les fumiers, dans les urines et au bord des mares. Lorsqu'elles sont suf- HISTOIRE NATURELLE DES ABEILLES. 157 trent dans l'habitation et se suspendent à un des groupes. Elles y restent immobiles pendant que le nectar dont elles se sont gorgées se change en miel dans leur premier estomac on en cire dans le second, suivant les besoins de la famille; alors elles dégor- gent leur miel, soit pour le distribuer aux ou- vrières, soit, plus tard, pour le déposer dans les magasins. Elles en font autant d’une par- tie de la cire qu’elles rendent sous la ferme de bouillie et qui est employée sur-le-champ pour lier entre elles le surplus de la cire qu'elles ont confectionnée et qui sort de leur abdomen entre les écailles, sous la forme de petites plaques. Ainsi elles produisent à vo- lonté du miel ou de la cire avec le nectar comme avec la miellée, le sucre et toutes les matières sucrées. Quant à la propolis, substance nécessaire pour attacher les constructions au haut et sur les côtés de l'habitation, des ouvrières la détachent des pattes de celles quil’apportent, parce qu'elle y tient fortement. Elles en gar- nissent les parties supérieures où elles veu- lent commencer et suspendre leurs con- struclions, car elles construisent de haut en bas. Ce travail achevé en partie, eltes s'occupent de faire un 1“ rayon. Lorsqu'il a 3 ou 4 pouces de longueur, elles en commencent un 2° et bientôt un 3° qu’elles placent à droite et à gauche du premier, et ainsi de suite jusqu’à ce que toute l'habitation en soit remplie. Les rayons, qu'on nomme aussi gdteaux, dont on voit le plan dans la #g.156, la coupe Jig. 157 et la vue perspective fg. 158, sont pla- Fig. 156. Fig. 157. dl 1 cés parallèlement et à 4 lignes de distance; ils sont faits avec de Ia cire et sont compo- sés de cellules hexagones, alongées, nommées alvéoles, de 5 2/3 lignes de profondeur sur 2 2/5 lignes de diamètre. Les alvéoles sont construits horizontalement et un peu pen- chés du côté du fond. Placés des deux côtés du rayon, ils sont disposés de manière que leur fond couvre le tiers du fond de trois alvéoles placés de l’autre côté, ce qui donne plus de solidité. Les parois des alvéoles n’ont que 1/6° de fisamment chargées et remplies, elles rer- { ligne, mais les bords de leur ouverture sont 158 fortifiés par un petit cordon de cire. Les rayons ont ainsi 11 1/3 lignes d'épaisseur. Ils sont destinés : 1° à élever des ouvrières aux- quelles ils servent de berceau, 2° à y placer du miel et du pollen. Mais s’il existe dans l’ha- bitation des parties qui ne sont pas propres à la première destination, les ouvrières font des alvéoles qui varient de longueur suivant l'emplacement et qui peuvent avoir jusqu’à un pouce de profondeur. Elles terminent quelques rayons des côtés par des alvéoles de même forme que les 1*'°,mais de 6 1/2 lignes de profondeur sur 3 1/2 lignes de diamètre, ce qui réduit un peu la distance entre les rayons qui est généralement de 4lignes.Ces alvéoles sont destinées à l'éducation des mâles et ser- vent ensuite de magasin. Les ouvrières laissent au milieu desrayons du centre, pour le passage d’un rayon à l’au- tre, une ouverture d'environ 1 1/2 pouce à 2 pouces dans laquelle elles construisent des alvéoles qui ont en dedans un pouce de lon- gueur sur 3 1/2 lignes de large: ces alvéoles sont ovales-oblongs, très-polis dans l’inté- rieur, et leurs parois ont plus d’une ligne d’é- paisseur; ils sont isolés, verticaux, ont l’ou- verlure en bas et suspendus de manière à figurer la cupule du gland avec son pédon- cule, lorsqu'ils ne sont faits qu’à la moi- tié de leur longueur, ce qui a toujours lieu jusqu’à la ponte dans ces alvéoles. Ils ser- vent de berceau pour les reines ou mères qui peuvent y développer facilement tous leurs organes. Les ouvrières concourent en commun à tous ces travaux et s’entr’aident. On en voit en outre quise mêlent dans leurs rangs uni- quement pour leur donner de la nourriture en dégorgeant le miel de leur estomac sur leur trompe. Indépendamment de ces alvéoles, les ouvriè- res font quelques travaux accidentels. Si des ennemis plus forts et plus gros les attaquent de temps à autre, elles bouchent l'ouverture de l'habitation et n’y laissent que quelques trous suffisans pour leur entrée et leur sortie. Un gros insecte ou un petit quadrupède vient-il à s’introduire dans l'habitation, elles l’attaquent, le tuent, et ne pouxant le trainer dehors, elles l’enveloppent d’une couche de cire suffisante pour arrêter la putréfaction, ou au moins pour empècher les miasmes putri- des de corrompre l'air de la ruche. Elles s'entendent pour tous ces travaux et se recon- naissent si bien malgré leur grand nombre, qu'une ouvrière étrangère qui eptrerait dans l'habitation serait attaquée et tuée sur-le- champ, si elle ne pouvait s’échapper. Pourse procurer les matériaux et les appro- visionnemens nécessaires, des ouvrières sor- tent, au printemps, depuis l’aurore jusqu’au crépuscule ; mais pendant les chaleurs fortes de l'été, elles restent sédentaires de midi à deux ou trois heures. $ V.— Ponte, incubation, larves, nymphes. Si la mère abeille est fécondée, elle com- mence tout de suite sa porte. Si elle ne l’est pas, elie s’élance dans les airs de 11 à 3 heures, pour rencontrer un mâle. Elle rentre une demi-heure après avec les organes du mâle ARTS AGRICOLES : EDUCATION DES ABEILLES. LIV. IV. ui se sont détachés de son corps par l’ef- ôrt que la femelle a fait pour s’en séparer après la fécondation, opération qui suffit au moins pour un an. Elle commence sa ponte 2 jours après. C’est alors qu’elle devient sou- veraine de l’habitation. Vierge, les ouvrières ne paraissaient y faire aucune attention ; fé- conde, elles lui donnent une garde qui l’ac- compagne partout, et de temps en temps une ouvrière vient lui fournir sa nourriture, qu’elle a l’art de varier, soit pour resdre cette reine plus féconde, soit pour diminuer sa ponte, soit pour la faire cesser. Cette ponte continue en France jusqu’à l'automne, et elle se prolonge même plus tard si, la saison élant belle, les abeilles trouvent du nectar et du pollen. Mais si elles ne pouvaient re- cueillir que de la miellée, ellesarrèteraient la ponte, après avoir consommé leurs provisions de pollen, cette substance leur étant indis- peusable pour la nourriture de leurs petits. La mére fait sa ponte en se promenant sur les rayons, en enfonçcant son abdomen pour y déposer un œuf dans les alvéoles, après les avoir examinés pour s'assurer qu'ils sont propres. L’incubation ne dure que 3 jours, à raison de Ja chaleur du centre de l'habitation ui est de 27 à 29° R. (34 à 36° cent.). 1l sort e ces œufs un petit ver (#2. 159) sans pieds, blanc, mou et ridé, et roulé sur lui- même : on le nomme /erve. Des Fig. 159. ouvrières s’empressent de lui ap- porter une nourriture consistant en une bouillie composée de miel et de pollen dont elles varient les proportions suivant l’âge de cette larve. La larve prend tout son accrois- sement en 5 à 6 jours. Alors les ouvrières bouchent l’alvéole avec une couche mince ei un peu bom- bée de cire. La larve renfermée garnit son alvéole d’une toile fine à laquelle elle travaille 36 heures. Trois jours après, elle est métamorphosée en zymphe très-blanche, et 7 1/2 jours ensuite, ou 20 jours après la ponte, en insecte parfait ou abeille ouvrière, époque à laquelle elle sort de l’alvéole après en avoir crevé le couvercle.— Des ouvrières la brossent sur-le-champ, lui donnent de la nourriture et nettoient Palvéole dont elles ne détachent pas la toile. Il en résulte que ces toiles s’ac- cumulant par des pontes successives dans les alvéoles du centre, ceux-ci diminuent ainsi d'étendue au point d’être réduites de 1/4 et même de 1/3, et que les dernières ouvrières élevées dans ces alvéoles sont plus petites que les premières. D'où il suit que, passé la 1'° année, les ouvrières varient plus ou moins de taille et de grandeur.— Vingt-qua- tre à 36 heures après la sortie de l’alvéole, la Jeune ouvrière peut se livrer aux mêmes tra- vaux que ses compagnes et aller dans la cam- pagne. Lorsque la saison continue à être favorable pour la cueillette du nectar et du pollen, le ventre de la mère s’alonge beaucoup et elle commence une porte d'œufs de mâles. Les ouvrières traitent les larves des mâles avec les mêmessoins que celles des ouvrières. Ce- pendant ces larves mettent 5 jours de plus pour devenir insectes parfaits. La ponte des cap. 8°. mâles est plus ou moins considérable suivant la force des essaims. Cette ponte est à peine terminée que la mère en commence une d’ouvrières. Alors aussi, en s’approchant des abéoles destinés aux mères, elle y pond un œuf chaque jour ou tous les 2 ou 3 jours. Cet œuf ne diffère en rien de ceux qu'elle dépose dans les al- véoles d’ouvrières, car l’expérience a démon- tré qu’on pouvait tirer un œuf d'un alvéole d'ouvrière pour le mettre dans un alvéole royal, et qu'on obtenait une jeune mère, et w'en faisant l’opération inverse, on avait de ouvrières. L'expérience a également prouvé que si la mère abeille d’une habitation vient à périr, les ouvrières la remplacent en choisissant un ou deux œufs ou larves de moins de 3 jours, et en démolissant autour 2 ou 3 alvéoles pour en construire un grand. Nous présentons ici (eg. 160 A) le dessin très-curieux d'un rayon que Fig. 160. nous possédons, dans lequel les abeïlles ont transformé des cellules d’abeilles ouvrières en alvéoles de mères. Ainsi, d’une part la gran- deur de l’alvéole, de l’autre une plus grande uantité d’une nourriture différente de celle onnée aux larves d’ouvrières, produisent cette métamorphose. La différence de nour- riture a tant d’effet dans ce changement, que si les ouvrières en ayant trop, en donnent à des larves dans de petils alvéoles, il en sort de petites mères, mais qui ne pondent que des mâles et qui sont détruites par la mére principale lorsqu'elle les rencontre. Les ouvrières ont le plus grand soin des larves des mères, qu'elles veillent jour et nuit avec facilité parce que leurs alvéoles sont isolés. C’est à la fin du 16° jour, depuis Ja ponte, que la jeune mère parvient à l’état d'insecte parfait. $ VI.—Essaimage, hivernagee C'est à cette époque que la famille prend la résolution d’envoyer une partie de sa po- pulation former un nouvel etablissement. Plu- sieurs raisons la détermiment à cette sépara- tion. Le nombre des ouvrières a considéra- blement augmenté; il y a déjà une partie des mâles parvenus à l’état d'insectes parfaits, et des nymphes de mères sont sur le point d'achever leur métamorphose, si elles ne l’ont déjà fait; trois causes indispensables sans lesquelles les abeilles, ne pouvant com- pléter une nouvelle famille, uommé essai, ne pourraient former une colonie ou essai= CULTURE DES ABEILLES. 159 mer. Nous entrerons plus tard, relativement à l'essaimage,dansles détails nécessaires pour le bien connaitre et le diriger. Les abeilles continuent cependant de ramas- ser ce qu'elles trouvent dans les campagnes. A défaut de nectar, elles recueillent la miel- lée qui couvre les feuilles de plusieurs es- pèces d'arbres, et elles tirent parti des fruits sucrés, soit tombés et un peu crevés par leur chute, soit percés par de petits animaux, par des oiseaux et par des insectes, car elles ne les attaquent jamais lorsqu'ils sont entiers. Elles meitent aussi de l’ordre dans leurs provisions. Dès qu'elles n'ont plus de pol- lien, elles arrêtent la ponte de leur mère par le changement de nourriture. Les travaux re cessent que lorsqu'une tem- pératüre pluvieuse et froide vient les inter- rompre. Alors elles ne sortent de leur habi- tation que lorsqu'un beau soleil réchauffe de temps à autre l'atmosphère. Elles y pas- sent tranquillement l'hiver en usant sobre- ment de leurs provisions. Si le froidaugmente beaucoup, elles s’engourdissent et restent dans cel état sans manger jusqu’à ce que la chaleur vienne les vivifier et leur rendre leur activité. On a vu que les mâles ou faux-bourdons ne vivaient que quelques mois; /es ouvrières n'ont pas beaucoup plus d’un an d'existence , parce que, pendant leurs travaux, elles sont la proie de plusieurs espèces d'oiseaux et d'insectes qui en détruisent un grand nom- bre, et que des orages subits et de très-forts coups de vent en font périr un grand nombre. Les mères au contraire peuvent vivre plu- sieurs années, parce qu’elles ne courent de dangers que lorsqu'elles sortent pour se faire féconder. Tels sont les faits principaux de l’histoire naturelle des abeilles, ceux dont la connais- sance est essentielle aux cultivateurs pour établir leur culture sur des principes cer- tains qui puissent les dédommager de leurs avances el payer avantageusement leurs tra- vaux. SECTION 11. — Culture des abeilles. Il y a 3 considérations importantes pour réussir dans une bonne culture d’abeilles. La 1° est relative aux avantages et aux in- convéniens des lieux où l’on veut placer un certain nombre d’essaims. La 2° consiste dans la forme et dans la matière des pa- niers ou boîtes nommées ruches qui servent de logement aux abeilles, et dans la manière de les garantir autant que possible des ora- ges, du vent et de l'humidité. La 3° est le mode de culture pour en tirer le plus grand profit possible. : ART. 1%.— Cantons plus ou moins favorables. Tous les terrains ne fournissent pas aux abeilles la méme quantité de nectar, de pollen et de miellée. Cela dépend des plantes qui y croissent spontanément ou que l’homme y cultive. Or le nombre des essaims doit étre proportionné aux moyens de nourriture et d’approvisionnement des abeilles. Dans les cantons couverts de prauries ma- 160 turelles et artificielles, de bois formés d’es- sences diverses pour l’époque de la floraison, et dont les fleurs très-multipliées produisent beaucoup de nectar et de pollen, enfin de jardins fruitiers et de jardins d’agrément, on peut réunir jusqu’à cent essaims dans un rucher, et si ces cantons sont rapprochés de collines ou montagnes couvertes de plantes odoriférantes, on les considère comme les meilleurs pour la quantité et la qualité du miel. — Si le terrain ne réunit qu’une partie de ces avantages, le nombre des essaims doit être réduit. — On ne peut en établir qu'un petit nombre dans les lieux o4 l’on cultive en crand des céréales et des vignobles et dans lesquels les prairies et les arbres sont rares. Les cultivateurs ont des moyens sûrs d’a- méliorer ces derniers terrains en y plantant un certain nombre d’arbres, tels que les ché- nes, mélèzes, robiniers, sophoras, féviers, et quelques pinsousapins;enajoutant à leurs cé- réales la culture deprairies artificielles, com- me trèfle, luzerne, sainfoin ou chicorée, et en semant quelques pièces de terre de plantes oléagineuses , ou en garnissant les environs du rucher de sarriète vivace, lavande, marjolaine, romarin, réséda et thym. La culture du sarrasin est très-utile dans les terres dénuées d'arbres, et conséquemment de miellée, parce que sa floraison est tardive et que cette plante a toujours des fleurs jus- qu'au moment de la récolte. ART. I. — Des ruches et des ruchers. Les ruches sont des paniers faits avec de la paille de seigle, avec de l’osier ou des branches d’autres essences de bois bien sou- ples, ou ce sont des boîtes de bois légers dits bois blancs, de bois résineux (les meilleurs de tous), et enfin de liége. On les fabrique, dans certains cantons, avec des parties de tronc d'arbres creusés. Leurs formes et leurs di- mensions varient suivant la qualité des ter- rains. Dans les meilleurs pour la culture des abeilles, on leur donne 2 pieds cubes. Elles ne doivent contenir qu'un pied et demi dans les cantons médiocres, et seulement un pied dans les mauvais. $ 1%.— Des ruches simples. On nomme ruches simples celles d'uneseule pièce, sans division dans l’intérieur.:Les cul- tivateurs les faisant eux-mêmes en paille, en vannerie ou en bois, il est inutile de les dé- crire; on doit seulement remarquer : 1° que plus les rouleaux de paille qu’on dispose en spirale sont serrés et réunis avec l’écorce de la ronce commune, moins on laisse de vide entre les brins d'osier ou d’autres bois, et plus les ruches sont solides et durent long- temps ; 2° que lorsqu'on ne recouvre pas avec des surtouts de paille les ruches fabri- quées avec des planches, il est utile que le dessus soit en pente sur le derrière, qu'il déborde pour écarter l’eau de pluie, et qu'il ait une couche de peinture grossière ; ce der- niet précepte est applicable à toutes les ru- ches en bois. On fait aussi dans le milieu de la couverture un trou d’un pouce de diamèe- tre pour y placer un petit vase que les abeil- ARTS AGRICOLES : EDUCATION DES ABÉILLES. LIV. IV, les remplissent de miel. On bouche ce trou avec un morceau d’ardoise, de bois ou de fer-blanc quand on enlève le vase. Rucheen vannerie (#g.161) de bois debour- daine, d’osier, etc.: À manche, B entrée des abeilles. Ruche en paille (/£g. 162): A poignée Fig. 161. EE ni is = = | Er Te me f | qu'on remplace par un manche lorsqu'on met à manger aux abeilles sur le plateau ; B ou- verture dans laquelle on place le petit vase de fer - blanc Fig. 163. dont le fond est garni de trous et le dessus cou- vert d’un bou-: chon en bois. Ruche en bois (4g.163): À en- trée des abeil- les s’il n’y en a pas une sur le plateau. $ II.—Ruches composées. On fabrique les ruches composées de paille ou de bois. Les 1" sont ordinairement de 2 pièces; la pièce supérieure A (#g. 164) a la forme d’une demi-sphè- Fig. 164. re plus où moins apla- tie, et est de la con- tenance du quart au 5° dela ruche. On la nom- me capote ou couvercle; ellea dans sonextrémi- té supérieure un trou de2 pouces de diamètre dans lequel on place le petit vase de fer- blanc dont le fond est percé de petits trous: ce vase sert pour don- ner de la nourriture aux abeilles. Souvent ce trou estrempli par un morceau de bois ar- ropdi des pouces, dont on sesert pour manier le couvercle, lequel dans sa partie inférieure a le diamètre du corps de la ruche qui doit être le même pour toutes les ruches d’un établissement. Ce corps de ruche B est un cy- lindre couvert d’une planche mince G qu'on y attache avec du fil de fer recuit. Cette planche a dans son pourtour des ouvertures DD de 3 ou 4 lignes sur 3 pouces de long pour le pas- sage des abeilles. On place dans le milieu du corps de la ruche deux tringles pour soutenir les rayons ou gâteaux. Si le plateau E sur le- quel on pose la ruche n’a pas de passage chips". pour y pénétrer, on fait une coupe F de 2 12 uces de long sur 5 lignes de haut au bas de Eéücne. Cette ruche est nommée ruche villa- geoise, Où ruche à la Lombard si le corps de la ruche est divisé en 2 parties. Les ruches en bois se divisent de plusieurs manières : 1° Sur la Aauteur. C’est la ruche à hausse de Parreau avec des modifications failes par BLanGr, BOISJUGAN , CUINGHIEN , DUCARNE DE Massac, BEviLLE et M. MarrTin. Ce sont (/g. 165) 3 ou 4 tiroirs ou hausses superposées, BB, Fig. 165. le fond en dessus, garnis d'ouvertures sur les côlés pour le passage des abeilles et recouverts par une planchette de même diamètre, main- tenue par des barres AA fixées elles-mêmes en CC. On maintient ces hausses avec des cro- chets ou des chevilles II, du fil de fer ou même avec de la ficelle ou de l’osier. On place ces attaches au même point à toutes les haus- ses pour pouvoir les changer de place ou les mettre d’une ruche à une autre; toutes les hausses doivent être de même dimension pour toutes les ruches d’un rucher. M. Ra- VENEL a fait de ces ruches en paille (#£. 166); Fig. 166. elles sont rondes com- RATE me les ruches villa- geoises, et les rou- leaux sont doublés aux points de Jonction. On peut faire à cha- que hausse, par-der- rière, une ouverture D d’un pouce de haut sur 2 ou 3 de large. On la ferme avec du verre qu'on recouvre d'une planchette mo- billeou volet F.M.Mar- rx a enlevé les côtés des hausses, et les a remplacés par 4 fortes chevilles d’une longueur proportionnée à la hauteur qu'il veut donner à chaque hausse. Ainsi, ces hausses sont entièrement ouvertes de 4 côtés; il recouvre le tout avec une toile forte et peinte, placée sur 4 cadres réunis plus larges que les côtés des hausses ; la cou- verture est en toiture à 4 pans terminés en pointe. Au moyen d’une ficelle placée à la partie supérieure ou pointe et d’une poulie placée plus haut, on peut soulever cette cou- verture et voir les abeilles et leurs travaux. Les abeilles peuvent aussi prolonger leurs rayons en dehors des hausses. 2° Sur la profondeur ou longueur, c’est la ruche de SERAIN. On la compose (#g. 167) de AGRICULTURES At \\NRVE AU al NA 2 Æ Al CULTURE DES En ABEILLES. Il |} [ | | | 111] 2 ou 3 boites sans fond mises les unes der- rière les autres, avec destrous à chaque boite pour la cômmunication. 3° Sur la largeur, c’est la ruche de GELYÉt. modifiée par Huger, Bosc. puis par 7n0f- méme. C’est une boîte (7. 168) coupée en 2 parties égales sur la Fig. 168. largeur ; chaque partie a a une cloison avec des ouvertures de commu- nication. Bosc en a re- tranché les cloisons; Huger, au lieu de 2 |l parties, en a fait autant D eu qu'il a désiré de rayons de cire. Ainsi, cha- que segment représente un cadre dont le bois a 15 lignes 1/4 de large; c’est une mesure qu'il faut élablir pour les ruches coupées sur la largeur; il faut autant de fois 15 li- gnes sur la largeur, plus 4 lignes, qu’on y veut de rayons; on ajoute 4 lignes, parce qu’il a 9 ou 11 passages sur 8 où 10 rayons. J'ai modifié cette ruche (#2. 169), 1° en sup- primant le fond; Fig. 169. 2° en rétrécissant sa partie supé- rieure d’un tiers sur la profondeur, et en augmentant sa base d’un tiers, ce qui double la rofondeur du as de la ruche; 3° en donnant à la couverture as- sez de pente pour ess ne l'écoulement des eaux de pluie au dehors et de celles produites par la condensation des vapeurs dans l’intérieur. Ilsuffit à ceteffet d’é- lever le derrière plus quele devantde la ruche. On maintient l’écartement du devant et du derrière des 2 parties de la ruche au moyen d'une tringle de 6 lignes qui traverse les planches, el qu’on y assujétit avec un petit coin. On met la tringle à 4 ou 6 pouces de hau- teur,avec l'attention de la placersousunrayon, non sous un sentier, pour qu’elle ne bouche pas le passage des abeilles. On cloue ure autre tringle à angle droit, sur cette tringle pour soutenir les rayons. On peut faire un trou à chaque partie de la couverture pour y placer un vase de verre. On nomme cette ruche la ruche perfectionnée, pour la distin- guer de ceile de Bosc dont je lui avais donné primitivement le nom. On en réunit les par- ties comme on l’a dit pour lesruches à hausse. Les ruches du même rucher doivent avoir les mêmes dimensions. La fig. 170 représente la ruche à expérien- ces, divisée en 8 segmens sur la largeur ; elle est fermée sur les côtés par un châssis vitré, recouvert d’un volet silaruche est dans un ru- TOME III— 1|| l | 21 162 cher couvert; si elle est en plein air, il ne faut pas de vo- let, mais onre- couvre la ru- che d’une boi- te aux côtés de laquelle on pla- ce des plan- chettes à cou- lisse pour in- specter la ru- a SES - che sans déranger la boite. Il faut dans les ruches divisées sur la lar- geur, diriger le premier travail des abeilles our n'être pas exposé à briser des rayons orsqu’on écarte les deux parties de la ruche. A cet effet, on suspend à chaque partie de lacouverture, à 2 lignes des points de jonction, un morceau de rayon d’un pouce de hauteur sur 4 à 5 de longueur ; on l'y maintient avec du fil de laiton recuit. On a l'attention, en plaçant ces morceaux, de les mettre dans leur position naturelle, de manière que le bord des alvéoles soit plus élevé que le fond. Les abeilles prolongent perpendiculairement ces morceaux de rayon. Cette précaution n’est nécessaire que pour les ruches entières qui n'ont pas servi, car il suffit qu'un côté d’une ruche soit plein ou même ait servi pour que la propolis employée à attacher des rayons dirige le placement des nouveaux rayons à construire. Si on désire une ruche pour les expérien- ces, on peut prendre la ruche perfectionnée, la diviser en autant de segmens qu’on veut de rayons, maintenir la partie inférieure de chaque segment avec une tringle, et rempla- cer les planches des côtés par des châssis vi- trés recouverts d’un volet si la ruche est dans un rucher; si elle est en plein air, il ne faut pas de volets, mais on recouvre la ruche d'une boite, comme nous l'avons dit ci-des- sus. Toutes les ruches doivent étre pesées et numérotées avant de s’en servir. On place ces ruches sans fond sur des pla- teaux composés de planches, de plâtre coulé, d’ardoise épaisse, ou de pierre. La surface doit en être unie. Ces plateaux, de l’épaisseur d’un à 2 pouces, ont 2 pouces de large et 5 de long de plus que les ruches. On y creuse sur le de- vant, au milieu, un passage en pente douce de 2 1/2 pouces de large sur un pouce de profondeur au bord du plateau, profondeur qui se réduit à zéro dans l’intérieur de la ru- che et qui a au moins 7 à 8 lignes au point d'entrée et de sortie des abeilles, c’est-à-dire à 2 pouces du bord.Ces plateaux, qui sont sou- tenus par 4 pieux de bois d'autant plus longs que le terrain est plus humide, ont ordi- nairement 3 1/2 pieds. On enfonce la partie inférieure de ces supports, qui est terminée en pointe, d'environ 1/2 pied en terre; ceux de devant le sont de 10 à :2 lignes plus que les autres, afin de donner un peu de pente au plateau pour l'écoulement des eaux. Il faut que le plateau déborde les supports d'un pouce eu moins. On fera bien de consolider ces plateaux au moyen de quatre chevilles qui lestraverseront et quientreront dans les sup- ARTS AGRICOLES : ÉDUCATION DES ABEILLES. Fig. 170, LIV. 1V. ports. On peut remplacer ceux-ci par une ierre, un tronc d'arbre, ou un cône ou cy- indre de terre cuite rempli de terre. Lesruchessontcouvertes,au moins dansles pays pluvieux, par un surtout où chemise, or- dinairement de paille de seigle dont on coupe les épis, qu’on lie fortement dans la partie supérieure, et qu’on ouvre pour le placer sur la ruche en donnant plus d'épaisseur du côté d’où viennent les pluies. On peut le mainte- nir au moyen d’un cerceau sur lequel on le fixe. Dans les pays chauds, on doit aug- mwenter l'épaisseur de la couverture des ru- ches si on ne se sert pas de surtouts, parce que le bois s’échauffant, pourrait, s’il était mince, amollir beaucoup la propolis et déta- cher les rayons lorsqu'ils sont remplis de miel ou de couvain. $ III. — Des ruchers. 1° Ruchers en plein air. Un rucher en plein air est un terrain sur lequel on place les ruches à une petite dis- tance de l’habitation, du côté opposéà la cour des volailles lesquelles mangent les abeilles qui viennent y boire ou se poser sur le fu- mier. $1 le terrain est grand, on peut mettre beaucoup de distance entre les ruches, et garnir les intervalles d’arbrisseaux el de plantes qui produisent beaucoup de nectar. Si l’espace est petit, on plante enavant des ru- ches, et on met celles-ci (g. 171 et 172) sur ? Fig. 171 et 172. . Q Ÿ \ a à ÿ A ST À K| f JAN / NN I z O 600000 OGCOOCCO LA C rangs, à 5 à6 pieds de distance entre les rangs et 3 pieds entre les ruches, à l'exposition du levant ou du midi, en les abritant par un mur Q du côté du nord ou de l’ouest. On ne laisse pousser aucune plante sous les ruches ni à 2 pieds, et si le sol est humide, on en- lève dans cette partie 6 pouces de terre qu'on remplace par du gros sable. Quand on a un courant d’eau, on établit un bassin supérieur O, soutenu par un talus en gazon À et un bassin#inférieur N, qui recoit les eaux du ! bassin supérieur par 2? ou 3 filets très-minces caap. 8°. II, courant sur le terrain et où les abeilles ne peuvent se noyer. À défaut de courant d’eau dans le rucher ou aux environs, on CULTURE DES ABEILLES. . 163 petite croisée et une porte à une de leurs ex- trémilés, mais seulement une croisée à l’au tre. On fait sur le devant un petit passage enfonce un ou deux baquets rez-terre. On y | pour les abeilles de chaque ruche, et on y jette 6 pouces de’terre pour y planter du | met une cresson d’eau, et on les remplit d'eau. Enfin, on détruit autant que possible tous les in- sectes et les petits oiseaux dans le rucher, le- quel doit être clos de murs, d’un treillis ou au moins d’une forte palissade. Si la tempé- rature du canton étaittrès-humide, il faudrait placer les ruches sur des arbres, et à défaut dans des greniers. 2 Ruchers abrités et couverts. Dans les lieux où les forts coups de vent, les orages, les pluies prolongées et la grêle sont fréquens, on établit son rucher sous des appentis longs et ouverts, ou seulement fermés du côté d’où viennent ces météores; c’est ce qu’on nomme ruchers abrités( fig. 173); Fig. 173. N LE M | COLLE | TN LL TL AL 8 SE CZ ra |A ls K bogboakbod AJ cm 3 ou bien dans des bätimens clos de toutes parts, appelés ruchers couverts (fig. 174). Fig. 174. planchette qui déborde de 3 à 4 po. Il y a2 ; pi. entre chaque ruche et la même distance eutre le rang du bas et le rang su- périeur. L’épaisseur des ruches en bois peut être réduite d'untiers parce qu’elles sont à couvert. Tous les ruchers doivent être à une certaine distance des lieux où l’on fait beau- coup de bruit, des chemins très-fréquentés, des marécages et des établissemens qui pro- duisent desexhalaisons nuisibles, et méme des raffineries, où les abeilles périssent par mil- liers dans les chaudières. On détruit autant LS le peut les nids de guêpes et surtout e frêlons des environs des ruchers, et s’il y a de fausses teignes, on met dans 2 ruches vides des morceaux de vieux rayons pour les attirer, les faire pondre et les y détruire. ART. 11. — Mode de cuiture des abeilles. $ I. —Achat et transport des abeilles, On achète les abeilles : 1° à l’essarmage si on adopte une ruche différente de celle du canton, et on évite ainsi les fausses teignes ou galléries (Galleria cereana. Fab.) , s’il y en a dans le rucher où on achète. Les 1°"° essaims, qui peuvent peser jusqu'à 6 livres au plus et ordinairement 4 à 5, valent le double des se- conds essaims, plus légers et venant plus tard; le grand nombre des ouvrières, et 8 à 15 jours d’intervalle entre la sortie des essaims secondaires produisent une différence con- sidérable pour l’approvisionnement de Fhi- ver en miel. 2° Au printemps et non à l’automne, pour éviter les pertes qui peuvent avoir lieu jus- qu’au retour de la belle saison. A cette épo- que on connaît la valeur de lessaim par le poids de la ruche qui donne celui du miel et de la cire après en avoir déduit celui de la ruche et des abeilles. On ne peut se trom- per que dans l'achat des vieilles ruches.qui contiennent quelquefois du pollen ou rouget dans beaucoup d’alvéoles. Les acquéreurs voisins du lieu d’achat les font transporter le soir même de l’essaimage. Après la rentrée des abeilles, on soulève doucement et sans bruit la ruche pour la posersur une toile claire ouun canevas qu’on relève tout autour et qu’on y serre avec de la ficelle. Un seul homme peut en porter 2 ou 4 sur l'épaule, attachées à un bâton. Mais si on à fait un achat considérable, qu’on enlève le tout à la fois, et qu'on soit à quelques lieues, on garnit bien de paille une voiture, et on pose dessus de fortes gaules qui laissent de l’air entre la paille et les ruches. A l’arrivée on met de suite les ruches à leur place, et une demi-heure après on tire la ser- pillière; et si ce sont des essaims nouveaux, on la remplace par une assiette contenant une demi-livre de miel couvert d’une toile très-claire ou d’un papier épais auquel on fait des coupures étroites et alongées, ou Leur longueur ou leur dimension est relative | même de brins de paille croisés. Le trans- au nombre des ruches dont on fail 2 rangs l'un sur l’autre. Ces ruchers fermés ont une port n’a lieu que la nuit. 164 $ II. —Scins généraux à donner aux abeilles. Visiter souvent les abéïlles pour qu’elles connaissent les apiculteurs, le faire sans bruit, parler bas, point de mouvemens brus- ques; se baisser si une abeille annonce par un bourdonnement particulier et par son vol devant l’apiculteur l’intention de l’atta- quer, et ne se relever que lorsqu’elle s’est retirée ; ne soulever ni ouvrir les ruches que lorsque les soins l’exigent, et toujours dou- cement; détruire dans ces visites les arai- gnées, les limaces, ainsi que les fausses tei- gnes qu’on trouve entre le surtout et la ruche ; brüler les guépiers et les fourmilières avec le feu ou l’eau bouillante; enfin, faire la chasse à Ja famille des rats et aux oiseaux. $ If. — Vêtement des apiculteurs. Les abeilles sont en général assez douces el n’attaquent que ce qu’elles considèrent comme nuisible. On s'oppose aux piqüres des abeïlles en se couvrant : 1° d’un pantalon à pied ou d’une aire de guêtres pour recouvrir le soulier et e bas du pantalon ; 2° d’un gilet qui ferme bien ; 3° de gants épais, assez longs pour être liés sur la manche; 4° d’un camail de coutil ou de toile cirée qui enveloppe la tête et le cou. et qu’on serre dans le bas pour que les abeilles ne puissent pas piquer ces parties. On fait devant la figure, pour pouvoir respi- rer, une ouverture suffisante pour y mettre un masque bombé, composé avec de la toile : fine de laiton, dont les mailles permettent de voir et empêchent les abeilles de passer. A défaut de camail, les dames peuvent em- ployer la gaze blanche, en l'écartant un peu de la figure. Ainsi vêtu, on opère tranquille- ment et sans crainte dêtre piqué par les abeilles ou de les tuer. Comme on ne prend pas ces précautions dans les visites de simple inspection, on doit avoir sur soi un flacon d’alcali volatil. Dès qu'on est pie on s'empresse d’arracher l'aiguillon de la plaie et d'y verser une goutte de ce liquide. Les autres alcalis peuvent au besoin le remplacer, même la chaux vive, et à défaut un peu d'huile ou de miel. On presse et on suce la plaie, si on le peut, avant de rien mettre dessus. $ IV. — Soins à donner aux abeilles à l’entrée de la mauvaise saison. Dès qu'il n’y a plus de fleurs, de feuilles et de fruits pour fournir de la nourriture aux abeilles, on doit peser toutes les ruches. On défalque de leur poids, celui de la ruche, plus 5 livres pour les abeilles et 2 livres pour la cire. Le surplus doit être du miel dont il faut 12 à 15 livres par essaim fort ou faible, fait étonnant, mais constaté par l'expérience. Ce poids est une moyenne proportionnelle, car plus l’hiver est doux, plus les abeilles con- somment de miel. On ne prend pas de miel aux essaims qui n'ont que 20 à 25 livres, parce que les abeil- les aussi bien approvisionnées seront plus actives au printemps, qu’elles seront moins exposées à manquer de vivres pour elles et ARTS AGRICOLES : EDUCATION DES ABEILLES. LTV. IV. leurs vers, s’il survient, dans cette saison,un vent très-sec qui enlève le nectar à mesure que les fleurs en produisent, où un temps pluvieux qui délaie cette substance; qu’elles fourniront plus tôt des essaims et produiront une récolte plus abondante de miel. En effet, plus les abeilles sont dans l'abondance à l’en- trée du printemps, plus le renouvellement d’une ponte considérable a lieu; plus les abeilles multiplient, plus elles recueillent de miel et peuvent en déposer dans les maga- sivs, puisque s’il faut la récolte journalière de 10 à 15,000 ouvrières pour la consommation de l’essaim, c’est-à-dire pour la nourriture des vers et des abeilles, et qu’il y ait 30,000 ou- vrières dans une ruche, la moitié de leur ré- colte peut être économisée, pendant qu'un essaim qui n’a que 10 à 15,000 ouvrières ne peut pas faire une réserve en miel s’il a un fort couvain à nourrir, et est exposé à la disette s’il survient un mauvais temps. Si les ruches contiennent moins de12 livres de miel au moment de la visite, et que le temps ne soit pas froid, on leur donne le soir, comme on l’a dit plus haut, des sirops faits avec des fruits sucrés et préparés d’a- vance, ou du miel commun jusqu'à la con- currence d’une livre qu’elles ramassent pen- dant la nuit. On continue jusqu’à leur com- plet approvisionnement. Si la température est froide la nuit, on donne le sirop ou le miel un peu tiède, le matin, après y avoir mêlé un peu de vin ou du cidre, et pendant qu'on le chauffe on saupoudre le plateau avec du sel de cuisine: mais en donnant la nour- riture le matin, il faut pousser la ruche en arrière pour réduire la hauteur de l’entrée et empêcher que les ouvrières des ruches voi- sines ne viennent s'emparer d’une partie du miel. Si on avait trop retardé cette operation, etque le froidet l'humiditéeussent augmenté, on donne alors aux abeilles des rayons rem- plis de miel dont on enlève les couvercles avec une lame mince. On les pose à plat sur le plateau qu'on a préalablement saupou- dré de sel. Si on se servait de la ruche perfectionnée, ou autres divisées sur la largeur, et qu’on eût desessaims fortement approvisionnés et d’au- tres qui ne le fussent pas assez, 07 cherche à égaliser leurs vivres. On donne à l’essaim mal approvisionné la moitié de la ruche qui a beaucoup de miel, et on remplace cette moitié par celle de l’autre ruche. Mais pour réussir on prend les précautions suivan- tes : Après s'être vêtu pour se garantir des piqûres, on enlève le surtout de la forte ruche , et on défait les crochets qui réunis- sent ses 2 parties. On frappe 2 ou 3 coups con- tre le côté de la ruche qu'on veut laisser en place pour y attirer la reine. Des abeilles veulent-elles sortir, on les en empêche au moyen de vieille toile ou serpillière roulée au bout d'un petit bâton, et dont on met à l'entrée de la ruche, l'extrémité à laquelleon a mis le feu, mais sans flamme. C’est ce qu’on nomme /umeron. La fumée qu’on souffle dans l’entrée s’oppose à la sortie des abeil- les et les détermine à environner la reine. Elles y font un bourdonnement qu’on nomme bruissement. Alors on soulève la moitié de la CHAP. 8°. ruche qu’on veut emporter.On passe dessous lefumeron qu’on secoue pour produire plus de fumée afin d’en chasser les abeilles qui y res- tent. Ensuile on enlève celte moitié pour la remplacer par une moitié vide dont on s’est muni. On la rapproche d’abord par le der- rière en poussant sur les Joints de la fumée pour écarter les abeilles et ne pas en écraser. On apporte la moitié pleine auprès de la ruche faible à laquelle on l’adapte par le même procédé. Ensuite on revient à la ruche forte à laquelle on retire promptement la moitié vide pour la remplacer par celle de la ruche faible. On fournit facilement du miel aux ruchesvillageoises et aux ruches à hausses en échangeant leur couvercle ou hausse supé- rieure, s’ils sont vides,contre un couvercle ou une hausse qui contient du miel et qu’on a conservé à cel effet. \ Bientôt le froid augmente d'intensité et annonce la gelée, la neige et le givre. Alors il est utile de tourner l'entrée des ruches au nord-est pour empêcher les abeilles de sortir, ou de les transporter dans un lieu obscur et sec qui ait une ouverture du côté des vents secs. C’est le temps de surveiller les souris, les rats, les pic-verts, les mésanges, surtout lorsque les ruches sont de paille ou d’osier, parce que les abeilles engourdies sont sans défense. La méthode employée ci-dessus pour tra- vailler sans danger une ruche et qu'on nomme état de bruissement, est loujours celle qu’il faut suivre quand on veut se rendre maitre des abeilles. $ V.—Opérations au commencement du printemps. Dès que la saison se radoucit, que les sau- les, marsaults, coudriers fleurissent, el que les abeilles ranimées commencent leurs mou- vemens, on visite de nouveau les ruches pour nettoyer les plateaux et y répandre un peu de sel, couper 2 ou 3 pouces du bas des rayons, pour peu qu'il y ait de la moisissure, enfumer les ruches pour en renouveler l'air, et enfin couper 1 ou 2 rayons des côtés s’ils sont vides , et qu'on y soupçonne des œufs ou larves de fausse teigne. Ensuite on remet cha- que ruche dans sa position ordinaire après s'être assuré de son approvisionnement. Aux premiers beaux jours, on place devant les ruches des assiettes remplies d’un sirop tiède qui contient un peu de liqueur fermen- tée, comme du vin,etc., pour les préserver, conjointement avec le sel, de la diarrhée qui peut les attaquer dans cette saison, surtout si le temps ou la température du canton est humide. C’est principalement dans ces can- tons que la fausse teirgne multiplie le plus et que l’abeille est moins active. On place en conséquence 2 ruches vides sur le plateau desquelles on met des débris de vieux rayons de cire pour attirer et détruire ces parasites. C’est aussi le meilleur moment pour faire la chasse aux guêpes et frelons avec des filets dits échiquiers. La saison est-elle favorable aux abeilles, on les visite 1 ou 2 fois par semaine pour s'assurer à la simple vue s’il y a de l’activité dans les travaux. Seulement, dans les cantons où les fausses teignes sont communes, on CULTURE DES ABEILLES. 165 soulève les surtouts pour tuer celles qui s’y cachent pendant le jour; et si on aperçoit des ruches dont les abeilles font peu de mouve- mens, on les lève un peu par-derrière pour vérilier s’il n'y a pas des crottes de fausses teignes sur le plateau, ou de leurs fils entre- croisés entre les rayons. Dans ce cas, après avoir mis les abeilles en état de bruissement, on enlève les rayons des côtés ou partie de ces rayons qui sont attaqués par ces insectes; on nettoie le plateau et on remet la ruche en place. Si les dégâts étaient considérables, il vaudrait mieux transvaser les abeilles et leur donner le soir du miel pour commencer des rayons dans leur nouvelle ruche. On nettoie tout de suite l’ancienne, et on y passe le feu, et après avoir extrait le miel, on fait tout de suite fondre les rayons pour détruire les œufs et les vers des fausses teignes, ainsi que les rayons mis dans des ruches vides pour attirer cette vermine, ruches qu’on visite en même temps que les autres. S'il y avait du couvain on le rendrait aux abeilles, soit en le suspen- dant, soit en posant les rayons verticalement sur deux petites fourches de bois fendues dans le haut ou de fil de fer dont l'extrémité infé- rieure est enfoncée dans un morceau de plan- che de4 à 5 pouces de longsur 21/2 pouces de large pour y poser au besoin 2 morceaux de rayons. Le tout préparé est placé sur le pla- teau dans la direction des rayons. Mais sil survient dans cette saison des pluies qui durent plus de 8 jours, qui empé- chent les abeilles de sortir, ou des vents secs qui enlèvent le nectar à mesure de sa production, et forcent les ouvrières, qui ne trouvent que du pollen à consommer le miel en provision, 1l faut redoubler de vigilance, s'assurer s'il reste du miel dans les ruches, ou si les ouvrières en man- quent, ne pas leur épargner le sirop ou le miel, car la consommation en est considé- rable à cette époque pour le couvain. Si on négligeait de le faire, on serait exposé à per- dre une partie de ses essaims, les uns parce que la famine les détruirait, les autres parce que le couvain qui aurait péri entrerait en putréfaction et occasionerait non seulement la mort des ouvrières de la ruche, mais pour- rait encore entrainer la destruction du ru- cher en y développant une maladie épidémi- que. Il ne sortirait pas des ruches des essaims précoces qui sont la richesse de l’apiculteur, et on trouverait dans beaucoup d'alvéoles des ruches conservées du pollen découvert qui durcit, dont les abeilles ne peuvent faire usage , et qui par son poids trompe sur la quantité de miel contenu dans les ruches. Le sirop et le miel qu’on leur donne jusqu’au retour de la saison favorable ne sont qu'une avance que les abeilles rendront pius tard avec un grand bénéfice. Dès que le temps change, on enlève les ruches mortes, onstire des ruches conservées le couvain qui a péri, et on en extrait, s’il est possible, la cire. Dans le cas contraire, on enterre le tout pour em- pécher les ouvrières d’en approcher. Les amateurs des ruches villageoises dont les corps ont 3 ans, profitent du moment de la grande abondance du nectar pour les re- nouveler. A cet effet ils tirent le couvercle et le remplacent par une planchette; ils soule- 166 vent le corps de la ruche pour placer dessous un autre corps; ils garnissent les points de contact des 2? corps avec du pourget (mé- lange de chaux, de bouse de vache, d'argile et d'un peu d’eau), et s’il y à une entrée au QE supérieur, ils la bouchent. Ils peuvent également faire cette opération sur quelques ruches avant le commencement de la ponte, lorsqu'ils désirent augmenter la récolte et diminuer la production des essaims. Dans ce dernier cas ils laissent le couvercle. $ VI. — Essaimage. I. Essaims naturels. Pendani la saison dont nous venons de par- ler, la multiplication des abeilies est consi- dérable ; aussi un bruit sourd se fait-il enten- dre, et il augmente chaque jour d'intensité. Bientôt on voit sortir de quelques ruches, de 11 heures à 3 heures, des mâles ou faux bour- dons; c’est un indice que la mère a pondu depuis 8 à 10 jours dans les alvéoles de reine, et qu’il sortira avant peu un essaim. On dis- pose en conséquence des ruches qu’on nettoie bien et qu'on parfume en les frottant avec des plantes aromaliques ou avec l'extrémité de tiges fleuries. On prépare également un sac dans lequel on fixe deux cerceaux pour en écarter les parois, et placés assez loin de l’ou- verture pour qu'on puisse le fermer à vo- lonté; 2 grands balais ou une petite pompe à main comme celle des jardiniers, un seau plein d’eau, 1 fumeron ou 2, une ou 2 lon- sues perches terminées par un crochet à l'extrémité supérieure, un plumasseau et à défaut une petite branche à feuilles souples, une branche d’un pied et demi dont la tête, de 6 à 10 pouces de long, est taillée en boule alongée, un plateau, un couvercle de ruche, un ou ? paillassons de jardinier ou un ou 2? grands torcbons, un camail et du sable fin, enfin un peu de miel pour en délayer au besoin avec de l'eau. Tout cet atlirail disposé, on place quel- ques-unes des ruches sur des plateaux, ou on ies suspend à des arbres autour du rucher. On peut même en mettre’dans les places des ruchers qui sont vides. Alors il ne reste plus qu’à faire une garde exacte pour épier la sortie des essaims qui peut avoir lieu de- puis 10 heures du matin jusqu'à 3 heures du soir dans les temps ordinaires, mais qui peut commencer depuis 9 heures jusqu’à 4 par de fortes chaleurs. On laisse l’essaim sortir tranquillement et se balancer dans l'air; ce n’est que lorsqu'il prend une directièr contraire à celle qu'on désire, qu'on s’empresse de lui lancer du sable et de l’eau et qu'on fait beaucoup de bruit, non seulement pour empêcher les ou- vrières d'entendre et de suivre leurs conduc- {eurs, mais encore pour prévenir les voisins qu'il est sorti un essaim. Le bruit, l’eau, le sable sont un orage pour l’essaim qui s'arrête et se place, soit contre une branche &’arbre, soit contre un mur, et quelquefois se pose à lerre. On garantit jes abeïlles des rayons du soleil , s'il est possible, pendant qu’elles se groupent en formant une boule ou une grappe de raisin. ARTS AGRICOLES : EDUCATION DES ABEILLES, LIV. 1Y. Lorsqu'une grande partie des ouvriéres est réunie, Si elles sont à terre, on pose une ru- che dessus, en la soulevant d’un côté de deux pouces pour l’entrée des abeilles, et on in- tercepte les rayons solaires qui donnent sur la ruche. On accélère l’entrée des ouvrières avec de la fumée ou le plumasseau, et dès qu'on voit des abeilles se placer à l’entrée de la ruche et y battre des ailes pour rappeler celles qui sont dehors, on les laisse tran- quite Jusqu'à ce que le calme soit rétabli ans l’essaim. Si les abeilles se groupent contre une bran- che qu’on puisse secouer, on place la ruche, l'ouverture en haut, le plus près possible de l’essaim, et on donne à la branche une ou deux secousses promptes pour en détacher l’essaim qui tombe dans la ruche. S'il reste encore beaucoup de mouches contre la bran- che, on les fait tomber avec le plumasseau. On pose ensuite la ruche auprès de l’arbre sur un plateau, un paillasson ou une toile, en Ja retournant bien doucement, ce qui n’em- pêche pas la plupart des abeilles de rouler et de sortir de la ruche, dont elles ont bien- tôt couvert les parois extérieures. On agit comme ci-dessus pour les faire rentrer, mais si la mère est retournée sur la branche, bientôt des ouvrières y retournent et y forment un groupe autour d'elle. On les ramasse comme auparavant, mais dans le couvercle, dont on fait tomber les abeilles, soit dans la ruche qu’on a retournée, soit sur le plateau après avoir seulement penché la ruche en arrière. Dès que des ouvrières sonnent le rappel, lo- pération est terminée,et on se contente de faire de la fumée sous la branche pour chas- ser les ouvrières qui y reviennent, et si elles s'obstinent à y revenir, on frotte la branche avec de la chélidoine, de la camomille puante ou de l'éclair, dont l’odeur les chasse. . Lorsque la branche est trop grosse pour être secouée, on oblige les abeilles & se bien réunir, soit avec la fumée ou avec le plumas- seau, et en passant les barbes d’une forte plu- meentrel’essaim et labranche,onles faittom- ber dans la ruche. Quand l’essaim s’est placé entre deux ou trois branches et qu’on peut poser dessus la ruche qu’on a aspergée d’eau miellée, on y fait entrer l’essaim; mais sion ne-peut faire usage de la ruche, ce qui a lieu surtout lorsque l’essaim s’est niché dans un trou d’arbre ou de mur, alors, après avoir trempé l'extrémité ou branchage de Ja grande branche dans l’eau miellée, on la pose sur le trou, on l’y enfonce et on la tourne bien doucement, et quand une grande partie des abeilles s’y estaltachée, on les se- coue dans la ruche. Les essaims, et principalement les essaims secondaires, s’écartent quelquefois du ru- cher. Le sac est alors plus commode pour les rapporter, parce qu'après les y avoir fait entrer on le ferme pour rapporter l’essaim, et si on a été obligé d'employer la branche miellée pour le recueillir, on la place dans le sac dans lequel on la suspend, avec l’atten- tion, en nouant celui-ci pour le fermer, d'en laisser” sortir quelques pouces. Si les abeilles qui sont placées sur une branche la quittent pour retourner à la ruche- mére, où si, entrées dans la ruche, elles n’y cap. 8°. sonnent pas le rappel et en sortent peu-à- peu, c’est la preuve que la reine n’est point avec l’essaim ; dans ce cas, elles ressortiront de laruche-mère le lendemain ou le surlende- main. Mais, lorsque l’essaim n’abandonne la ruche qu'un jour ou deux après leur entrée, c’est qu’elle ne leur convient pas;il est indis- pensable de les mettre dans une autre, et de flamber et frotter la première avant de l’em- ployer denouveau.Quoique les essaims sortis . soient ordinairement fort doux, la prudence exige qu’on prenne des gants et qu'on mette son camail. On porte l’essaim à la place qu’on lui destine, aussitôt que l’ordre est établi dans la ruche et qu’on ne voit plus que quel- ques ouvrières rôder autour. Quelquefois 2 essaims sortent à la fois et se posent sur la même branche. S'ils sont faibles, on les oblige à se rapprocher et à se confondre pour n’en former qu'un bon ;mais s’ils sont forts, on emploie le fumeron et le plumasseau pour les écarter et les faire tomber au même instant dans 2 ruches qu’on pose à terre, en plaçant plus près de l'arbre celle dans laquelle il y a moins d’abeilles. Deux essaiins se mêlent quelquefois dans l’air ou sur l'endroit qu'il ont choisi, et ne forment qu'un groupe. On les fait tomber dans une ruche pour les verser ensuite sur un paillasson ou un linge étendu à terre, et aux extrémités duquel on a mis 2 ruches, y compris celle dont on a chassé les abeilles. On sépare le tas d’abeilles en 2 parties pour les diriger vers les ruches soulevées d’ua pouce du côté du linge et les y faire entrer; et si le rappel sonne aux 2 ruches, l’opéra- tion a réussi. S’il n’avait lieu qu’à une ruche, c'est que les deux reines y seraient entrées, el tout serait à recommencer, à moins qu'on n’eût à sa féposition une jeune reine qu’on donnerait à l’autre ruche, ou un grand al- véole contenant une nymphe qu’on y place- rait. Si, en séparant les 2 essaims , on aper- coit ume des reines, on la prend avec facilité parce qu’elle ne se sert de son aiguillon qu'autapt qu'on lui fait mal, et on la met sous ux gobelet pour la donner à une desru- ches, dès qu’on sonnera le rappel à l’autre. J'ai dit que lorsque 2 /aibles essaims sor- tent et se rapprochent, il faut les réunir ; mais si on les ramasse dans 2 ruches, on pose l’une sur son plateau et l’autre à terre auprès. Le soir, on retourne cette ruche, on pose l’autre dessus, et d’un fort coupon dé- tache l’essaim de la ruche supérieure; on met celle-ci de côté pour prendre l’autre et la placer sur le plateau où on a misune assiette qui contient une demi-livre de miel; on la retourne bien doucement en la posant. Le lendemain on vérifie s’il y a une reine morte au pied de la ruche; s'il n’y en a pas, on lève la ruche par-derrière pour examiner s’il s'est formé 2 groupes, ce qui obligerait à re- commencer le soir l'opération, parce que 2 essañns travaillant séparément dans une ru- che dont les dimensions sont pour un seul essaim, donnent en général de mauvais ré- sultats. Si on voulait réunir 2 essaims sortis à 3 ou 4 jours d’intervalle, on mettrait le plus ancien en état de bruissement; on as- ergerait la ruche avec de l’eau miellée après ’avoir retournée; ensuite on y ferait tomber CULTURE DES ABEILLES. 167 le nouvel essaim, et on la replacerait sur le plateau qu’on aurait garni d'une demi-livre de miel. Ces opérations sont utiles dans les cantons très- favorables aux abeilles, parce qu’on peut sans danger en laisser sortir 2 essaims, surtout si on trouve à en vendre; mais, dans les arrondissemens médiocres il ne faut permettre que la sortie d’un essaim, parce que la ruche-mère, trop affaiblie en ouvriè- res, ne peut s’approvisionner d’autant de miel ni se défendre aussi bien contre sesen- nemis. Or,c’est une règle certaine que 12 ru- ches fortes donnent plus de profit que 24 médiocres. Ainsi, dans les cantons médio- cres, il faut faire rentrer dans la ruche- mère les essaims secondaires le soir même de leur sortie. II. Essaims forcés, artificiels et par sépara- tion. On vient de voir toutes les peines qu’il faut se donner pour ramasser les essaims ; mais, comme dans un grand rucher il peut en sortir plusieurs à la fois, que d’une autre part la saison peut retarder la sortie et don- ner le temps à la reine-mère de tuer toutes les jeunes reines, ce qui pourrait empêcher l’essaimage pendant un mois et plus, et con- séquemment ne procurer que des essaims plus à charge qu'utiles , on a pris le parti de prévenir ces inconvéniens en les faisant soi- même dès qu’on s'aperçoit, par la sortie des mâles et par le bruit qu’on fait dans les ru- ches, que l’époque de l’essaimage est arrivée. On y parvient de plusieurs manières : 1°£n forcant les abeilles d'abandonner leur ruche. Pour y parvenir, on a un tabouret de la hauteur d’une chaise, recouvert d’une planche au milieu de laquelle on a fait un trou assez grand pour y faire entrer la partie supérieure d’une ruche d’une seule pièce, qu'on y place, l’ouverture en haut, après avoir mis les abeilles en état de bruissement. On en met une vide à sa place pour amuser les ouvrières qui reviennent des champs. On couvre la ruche en expérience par la ruche préparée et destinée pour l’essaim, on la maintient aux points de Jonction par une ligature , assez large pour couvrir le bord des 2 ruches et même les entrées faites dans leur parois. 3 ou 4 minutes après, on frappe avec des baguettes la ruche pleine, en com- mençant par sa pointe, pour remonter très- lentement jusqu’à la ruche vide, et on con- tinue jusqu'à ce qu’on entende un fort bourdonnement dans cette dernière ruche. Alors, pendant qu’on continue les coups, une personne défait la ligature et lève dou- cement la ruche vide et seulement assez pour voir de quel côté les abeilles montent. On soulève alors cette ruche du côté opposé. pour s'assurer s’il y a assez d’abeilles pour former un bon essaim, et lorsqu'il y en a suffisamment, on enlève cette ruche pour la mettre en place, après avoir posé une demi- livre ou mieux ure livre de miel sur le pla- teau. On diminue l'entrée de la ruche, ou même on la ferme pendant un quart-d’heure. On donne du miel, parce que, prises à l’im- proviste, les abeilles ne se sont pas gorgées, 105 au lieu que jes essaims naturels s’approvi- sionnent pour 3 jours. bé Si la reine y est montée avec les ouvrières, dès que ces dernières sont libres il en sort plusieurs; mais, bientôt, d’autres abeilles sonnent le rappel, et les premières rentrent, Dans le cas contraire, il n’y a point de rap- pel, l'opération est manquée et à recommen- cer, et les ouvrières sortent peu-à-peu pour retourner à la ruche-mère,ce qu’elles font, à moins qu’on n’ait une jeune reine, dont on a miellé les ailes, à leur donner, et après l’en- trée de laquelle on ferme la ruche pendant uu quart d'heure. Quant à la ruche-méère qu’on a tout de suite remise en place, les ouvrières qui reviennent des champs y entrent, et si la mère y est res- tée, l’ordre s'établit tout de suite; mais si elle est avec l’essaim, beaucoup d’ouvrières sor- tent, volent autour jusqu’à ce que la vue des nymphesde reine ou, à leur défaut, d'œufs ov de vers d’ouvrières de moins de 3 jours, dé- terminentlesabeilles quisont dans l’intérieur à battre le rappel pour rétablir l’oräre, ce qui fait connaitre que l’opération a réussi. 2° Si on veut agir sur les ruches villageoises ou à hausse, on les met dans leur position naturelle sur le tabouret; mais cet instru- ment doit alors avoir son ouverture fermée avec un morceau de toile de fil de laiton. On garnit ses côtés avec de la serpillière qu’on y cloue tout autour, excepté sur le devant, où la toile n’est attachée que dans le haut pour qu’on puisse mettre sous le tabouret un fumerou ou un réchaud contenant des charbons en feu, sur lequel on a jeté des débris de toile ou de la bouse de vache des- séchée. On tire le couvercle à la ruche vil- lageoise ou la hausse supérieure de la ruche à hausse. On place sur la 1° le corps d’une ruche vide qu’on recouvre du couvercle de la ruche-mére, si cette dernière contient beaucoup de miel. On en fait autant à la ru- che à hausse ; on met alors le fumeron ou le réchaud sous le tabouret. Les coups de ba- guette, joints à la fumée, réduisent à moitié, au moins, le temps nécessaire pour faire monter lessaim. Ensuite on agit cowme ci- dessus, sauf le miel qu’on ne donne pas à l’es- saim, à moins qu’on ne soit forcé de rendre le soir le couvercle ou la hausse aux ruches- mères, si elles n’en ont pas d’autres. On fait ces essaims depuis 9 heures du matin jus- qu’à 3 heures du soir. 3° Quant à ceux qu'on forme par sépa- ration avec les ruches qu'on divise sur la largeur, il faut, la veille, les ouvrir pour s'assurer de quel côté sont les alvéoles de reine. On rapproche les 2 parties sans les attacher, et le lendemain, depuis la pointe du jour jusqu’à ja nuit, après avoir attiré par quelques coups la reine du côté qu'on veut emporter, et avoir mis les abeilles en état de bruissement, on sépare les 2 par- ties de la ruche. on applique à chacune une partie vide. On apporte celle qui contient la mère de l’autre côté du rucher et on laisse l’auire en place. Les 2 ruches, ayant moitié du couvain et des provisions, n’ont besoin de rien. 4° Les mauvais temps ou d’autres causes ex - posent quelquefois les apiculteurs qui lais- ARTS AGRICOLES : EDUCATION DES ABEILLES. LIV. IV. sent sortir les essaims à n’en avoir qu'un petit nombre, quoique leurs ruches soient trop garnies d’abeilles, et qu’une partie soit forcée de passer la nuit sous le plateau où elles se forment en groupe. Alors ils peuvent former des essaims de la manière suivante. Ils prennent une ruche bien préparée qu'ils emmiellent un peu; s’ils ont de jeunes reines, ils en prennent une dontilsemmiellent les ai- les pour l'empêcher de voler. Ensuite, après avoir relourné la ruche, ils passent une plume entre le plateau et un groupe d’abeilles pour détacher ce dernier et le faire tomber dans la ruche, puis ils en font autant à d’au- tres groupes, le ous Les Dronn en AnS qu'à ce qu’ils trouvent l’essaim assez fort. Alors ils le mettent tout desuite en place avec une livre de miel; ou bien, s'ils ont une ruche très-forte en abeilles qui n’essaime pas,après avoir disposé une ruche comme ci-dessus, on la met de onze heures à midi à la place de la ruche qu'on emporte dans la partie la plus éloignée du rucher. Les abeilles qui revien- nent chargées de provisions, après être en- trées et sorties de la ruche, se décident à y rester à la vue du couvain ou de la reine qu’elles nettoient, et elles sonnent le rap- pel. Alors l’essaim est formé. Quelquefois, un essaim sort sans avoir trouvé un lieu pour se fixer, et il s’abat dans le rucher pour se réunir à un autre essaim. Si ce dernier est faible et de l’année, on l’y laisse entrer ; mais si cet essaim est fort et de l’année précédente, on s'oppose à la réu- ‘ nion, parce que, dans le 1°° cas, les 2 essaims pourraient en donner un qui sortirait trop tard pour réussir, et que cependant on n’em- pêcherait pas toujours sa sortie en augmen- tant les dimensions de la ruche ; dans le 2° cas, il y aurait un combat entre le nouvel essaim et l’ancien qui ferait périr beaucoup d’abeil- les, et la destruction pourrait être tres-grande siles abeilles des ruches voisinesse joignaient aux combattans. Pour prévenir cette perte, on diminue beaucoup l'entrée de la ruche altaquée, on y répand de la fumée,et on pré- sente au nouvel essaim une ruche bien pré- parée et emmiellée dans laquelle il finit par entrer. III. Æssaims secondaires. On ne doit faire ou laisser sortir un second essaim d'une ruche, que lorsque le canton leur est très-favorable et qu’on en a besoin pour soi ou pour la vente. S'il en sort un, il faut le ramasser, et, à la nuit tombante, le jeter devant la ruche où les ouvrières ren- trent. Ensuite, on met les abeilles en état de bruissement, et on les y tient quelque temps, si la forme de la ruche ne permet pas de voir les alvéoles de reine et de les enlever. Les jeunes reines développées profitent du moment pour s'échapper de leurs alvéoles ; elles s’atlaquent jusqu'à ce qu'il n’en reste qu'une de libre dans la ruche, et on trouve les autres le lendemain matin au pied de la ruche. On enlève en outre un ou 2 rayons de chaque côté, qu'ils soient vides ou pleins de miel, et on coupe l'extrémité inférieure des autres rayons. La destruction des Jeunes reines et le vide produit dans la ruche em- cHAP. 8°. pêchent ordinairement les seconds essaims de se former. Aussi doit-on, pour en préve- nir la sortie, faire ces opérations, 4 à 5 jours après le départ du 1°" essaim; mais on doit les retarder de 15 à 20 jours dans les ru- ches perfectionnées auxquelles on a pris une moitié pleine pour la remplacer par une vide. Au surplus, l'augmentation du bruit in- dique dans toutes les ruches l'intention des abeilles d’essaimer. Quand on a tiré des rayons des ruches perfectionnées,on ne manque jamais de changer leurs côtés de place pour que le vide fait par l'enlèvement des rayons des côtés soitau centre des ruches, parce que les ouvrières s'occupent tout de suile d'y construire des rayons pour le rem- plir, ce qu'elles ne font pas toujours dans les vides des autres parlies des ruches. $ VIL.—Soins à donner aux abeilles pendant l’été et combats entre elles. Les soins à donner aux abeilles ne consis- tent qu'en une sémple visite pour s'assurer si elles sont également en activité dans toutes les ruches. S'il y a peu de mouvement dans une ruche, c’est que les provisions sont complèles : alors on leur pus quelques rayons de miel, ce qui les oblige au travail pour remplacer ce qu'on leur a enlevé ; ou bien ce sont les fausses teignes qui y com- metlent leurs ravages, ce qu’on reconnait facilement à leur odeur infecte et à leurs excrémens qui couvrent le plateau. On s’em- presse de les détruire. Quelquefois, les abeilles redoublent d’acti- vité parce qu’elles trouvent beaucoup de nectar et de pollen , le bruit augmente dans les ruches: c’est l'indice d’un zouvel essar- mage. Dans ce cas, on s'oppose à la sortie des essaims par les moyens indiqués, et on coupe le bas des rayons qui contient du cou- vain de mâle, parce que ces essaims tardifs épuisent la mère-ruche, réussissent rare- ment, etobligent à leur donner de la nour- riture pour l'hiver. On surveille les abeilles, et si un essaim partait malgré les précau- tions prises, on le ferait rentrer le soir même, attendu qu'un essaim sorti d’une ruche n’y est plus admis passé le 3° jour, et qu'il y a un combat, ce qui a également lieu dans les 2 circonstances suivantes. Une reine meurt-elle sans que les ouvriè- res puissent s’en procurer une autre, si elles n'ont pas de provisions, elles veulent se réu- nir à un autre essaim qui les repousse, et la terre est bientôt couverte de milliers d’abeil- les mortes; mais, quand la ruche contient du miel, des ouvrières en prennent et viennent se placer sur le plaleau de la ruche qu’elles ont choisie. La garde sort pour les chasser; mais au lieu de fuir, elles dégorgent leur miel sur la langue qu'elles développent. Les ou- vrières de la ruche s’en emparent, et plu- sieurs suivent les étrangères. Bientôt les 2 es- sains se confondent en dépouillant la ruche saus reine, et la réunion se fait sans combat. Si l’on s'aperçoit promptement de cet effet et qu'on ait de jeunes mères de quelques jours, ou la possibilité de se procurer un morceau de rayon contenant des œufs ou des vers de 3 jours au plus, surtout s’il y AGR. CULTURE DES ABEILLES. 169 a encore des mâles, on peut sauver cette ruche. Pour y parvenir on l'emporte à une certaine distance ; on lui donne la jeune reine ou le morceau de rayon, et on bouche len- trée pendant une heure, ainsi que celle de l’autre ruche. Après ce temps on remet la 1'° en place. Au cas qu’on ne puisse pas lui fournir une reine ou du couvain, ou bien qu’il n’y ait plus de mâles, on tient la ruche fermée jusqu’au soir, avec une toile claire qui en recouvre la partie inférieure, et on la remet sur son plateau élevée de 1 à 2 pouces. La nuit, on met les abeilles du faible essaim en état de bruissement, on détourne ensuite la ruche pour poser dessus l’autre ruche sans la toile, et on force les abeilles à monter. Si c’est une ruche perfectionnée, on oblige les abeilles d’une ruche à repasser du côté gau- che et celles de l’autre du côté droit, et on réunit ces deux parties qu’on enfume et qu’on remet sur le plateau avec une livre de miel. Si on n’a aucune de ces ressources et qu’on veuille profiter du miel, on étouffe les abeil- les et on emporte la ruche. Mais si la ruche sans reine ne contient pas de provisions, et qu’on n’ait pas d’essaim fai- ble, on ferme la ruche où les ouvrières veu- lent entrer, et on leur donne un peu de miel pour les faire rentrer dans la leur et les réu- uir ensuite à un autre essaim. Quelquefois le zectaret la miellée viennent à manquer dans le canton, ce qu’on recon- nait facilement au peu de mouvement qui a lieu dans le rucher. On visite les ruches et on donne des provisions aux essaims qui en man- quent, si on désire les conserver; dans le cas contraire, on les étouffe. Mais si l’essaim qui n'a pas de vivresattaqueuneautreruche, il faut tout de suite fermer lentrée de la ruche atta- quée, jeter de la fumée devant, et donner un peu de miel aux assaillantes dans leur ruche pour les y faire rentrer, ensuite leur en mettre de nouveau à la nuit si on veut les conserver, ou les étouffer tout de suite. A cet effet on a fait fondre d’avance du soufre, où on a plongé à 2 ou 3 reprises des cartes ou de petits mor- ceaux de toile; on met le feu au bout soufré qu’on enfonce dans la ruche par l'entrée qu’on bouche aussitôt. $ VIII. — Voyage des abeilles pendant l’été. On transporte les abeilles d’un lieu dans un autre, lorsque les ouvrières ne trouvent plus rien autour du rucher. Si on les fait voyager par terre et en voiture, il faut re- doubler d'attention pour ne pas les étouffer. A cet effet. on emploie de la toile claire, on mouille la couche du fond de la voiture, et on en sépare les ruches de 2 pouces au moins. On couvre la voiture d’une toile pour garan- tir les ruches des rayons du soleil. Quant aux voyages par eau, il suffit de les ranger dans les bateaux, ainsi qu'à terre, dans le même ordre que dans le rucher, chose facile lorsque les ruches sont numérotées. $ IX. — Transvasement. Letransvasement s'opère en juillet et août, d'après la.saison plus ou moins favorable à une bonne récolte de nectar. Après s'être TOUT —.99: {70 assuré que le corps de ruche qu’on a ajouté à une ruche villageoise, ou la hausse placée sous les autres dans une ruche à hausses, est bien remplie, on attire la reine dans le bas de la ruche par quelques coups, et on met les abeilles en état de bruissement. On en- lève à la 1°° la ruche supérieure, et on couvre le corps inférieur d’une calotte vide, et à la seconde on prend les deux hausses supé- rieures et on la recouvre avec la planchette. On emporte la ruche ou les hausses dans un atelier un peu sombre, auquel une ouver- ture entr’ouverte est ménagée, et on frappe la ruche, retournée pour la sortie des abeil- lès, ou les hausses, avec des bagueites pour en chasser les ouvrières. S'il y en avait beau- coup, il faudrait retirer la calotte pleine de miel pour la remplacer par une calotte vide; et en frappant le corps de ruche, et, pour opérer plus vite, en faisant entrer un peu de fumée pendant qu’on donne les coups, on oblige les ouvrières à monter dans la ca- lotte qu’on met à la place de la calotte vide qu'on avait placée provisoirement sur la ru- che restée en place. On recouvre également au besoin les deux hausses par une vide pour la porter sous la ruche. A la visite pour véri- fier l’état des ruches à l'automne, on donne à ces ruches la quantité suffisante de sirop ou de miel, si les ouvrières n’ont pu re- cueillir de quoi passer l'hiver. SECTION 111. — Récolte du miel et de la cire. On voit par les articles précédens, qu’à l’époque fixée pour cette opération une par- tie de la récolte est déja en magasin. Cette époque varie suivant les lieux et les végétaux qui couvrent leur surface, parce que la sai- son n'est pas en même temps favorable dans tous les cantons pour recueillir le nectar, et que tous les végétaux ne fleurissent pas si- mulianément. D'une autre part, il y a des vé- gétaux dont le nectar fournit un miel d’une médiocre qualité, et celui que les ouvrières font avec la miellée estinférieur à ce dermer. Dans les temps ordinaires un premier essaim s’approvisionne au moins suffisam- ment pour passer l'hiver et recommencer les travaux du printemps. Ainsi {a récolte doit se faire aprés l’essaimage, à moins qu’une température contraire ne s’y oppose. Les ruches doivent être alors bien garnies de miel, si on n’a laissé dans l’année précédente sortir qu'un essaim, si les abeilles ont été constamment dans l’abondance à l’entrée du printemps, et si une saison malheureuse n’a pas détruit une’partie du nectar. La récolte est facile à faire dans les ruches villageoises, à hausses et perfectionnées. On : pèse les ruches la veille pour s’assurer de leur poids, et on détache, sans les changer de place, toutes les parties à enlever ou à sépa- rer pour faire la récolte. Le lendemain, après avoir attiré la reine par quelques coups dans le milieu du bas de la ruche et avoir mis les abeilles en état de bruissement, on détache avec une lame de couteau, ou un ciseau de menuisier ou de serrurier, la calotte ou la hausse collée par sa partie inférieure avec de la propolis. Si ces parties sont en outre atta- chées par les rayons, on passe entre la calotte ARTS AGRICOLES : EDUCATION DES ABEILLES. LIV. IV et le corps de ruche, ou entre les deux haus- ses, un fil de fer ou mieux encore une feuille de fer-blanc de la largeur et longueur des planchettes. On enlève alors la calotte ou la hausse pour remplacer la 1"° par une hausse vide et la seconde par une simple planchette parce qu'on met une hausse vide sous la ru- che. C’est aussi le cas, si on veut préparer le transvasement d’une ruche villageoïise, de placer dessous un corps de ruche et de ne mettre qu’une planchette en place de la ca- lotte. On a le soin de recouvrir les calottes et les hausses d’une serviette aussitôt qu’on les détache, pour empêcher les abeilles d’y venir, comme on a le soin de rendre obscur le ma- gasin où on les dépose en laissant seulement une ouverture pour la sortie des abeilles res- tées entre les rayons. On pourrait prendre deux hausses si le poids de la ruche était con- sidérable. Quant aux ruches perfectionnées, 15 ou 20 Jours plus tard, après avoir attiré la reine au milieu, on retire la planche de l’ancien côté, et avec une lame mince de couteau on dé- tache un rayon qu’on dépose dans un vase après avoir chassé les ouvrières qui sont des- sus,avecune plume.On recouvre tout desuite d’une servielte et on reprend un ou deux au- tres rayons pleins de miel, qu’on distingue de ceux qui contiennent du couvain, parce que les alvéoles dans ces derniers sont bom- bés et que la couverture n’est pas blanche comme celle plate qui recouvre le miel. En- suite on change les côtés de place pour que le vide se trouve au milieu. Les ruches d’une seule pièce s’opérent de 2 manières. Dans les bons cantons, les api- culteurs qui font eux-mêmes leurs ruches qui ne leur coûtent que peu de chose, en coupent la partie supérieure jusqu’au point où ils présument qu'il y a du couvain, puis ils posent dessus la ruche neuve qui la recou- vre de quelques pouces. Mais, pour récolter dans les ruches qu’on veut conserver, on est forcé de les relourner. Après les opérations préliminaires, on détache et on coupe les rayons au moyen d’une lame de couteau et de l'instrument suivant. C’est une lame mince d'acier d’un pouce de longeur, de quatre li- gnes de large, mince et coupant des deux côtés. Sa tige en fer, ronde, de trois lignes de diamètre, assez longue pour aller jusqu’au haut du troisième rayon et ayant un manche de bois, fait un angle droit avec la lame dont les tranchans sont horizontaux. C’est avec cet instrument qu'on sépare de la ruche les rayons qu'il faut ensuite couper dans leur longueur avec la lame du couteau, parce que les deux baguettes qui traversent la ruche pour les soutenir s’opposeraient à ce qu’on pût les tirer. On agit de même si on veut prendre quelques rayons dans le corps des ruches villageoises, en les enlevant des deux côtés. Si les abeilles trouvaient le nectar en assez grande abondance pour donner lieu à une seconde récolte, on opérerait comme la pre- mière fois avec latiention de prendre les rayons dans la ruche perfeclionnée du côté opposé, c’est-à-dire dans la partie de la ru- che où on en a déjà enlevé, pour en renouve- ler entièrement la cire, parce que les alvéo- cHAP. 8°. les anciens contiennent moins de miel, que les ouvrières qu’on y élève sont plus peti- tes, et que les fausses teignes les attaquent davantage. Dans les cantons où les fruits et les com- bustibles sont à bas prix, et où la valeur des sirops est conséquemment très-inférieure à celle du miel, on peut prendre plus de miel aux abeïlles pour le remplacer par du sirop qu’elles savent transformer en miel. Telle est la marche à suivre pour la récolte dn miel et de la cire dans les cantons favora- bles à la vente des essaims; mais si on n’a- vait pas cet avantage, on serait malheureuse- ment forcé de détruire l’excédant des es- saims que les environs du rucher ne peuvent nourrir et tenir dans une abondance suffi- sante pour les ouvrières et les apiculteurs. Eu les multipliant outre mesure, on s’expo- serait à tout perdre, et on ne tirerait aucun profit. Dans’ce cas, à l’époque de la seconde récolle, ou lorsque, après la première, on s’a- perçoit que les mouvemens diminuent dans les ruches, on choisit dans son rucher les meilleures ruches nécessaires pour compléter le rucher, en préférant les nouveaux essaims aux anciens, à valeur égale. Ce choix fait, on pourrait y ajouter une, 2 ou 3 ruches pour remplacement en cas d’une perte qu’il est bon de prévoir, et ensuite, quelque attaché qu’on puisse être à ces insectes aussi utiles qu'industrieux, on sera dans Ja nécessité ab- solue d’étouffer le surplus de ses essaims. SECTION 1V. — Du miel et de la cire. $ 1*7.—Manipulation du miel. Pour manipuler le miel et la cire, lors- qu'on a un rucher d’une certaine étendue, 1l faut une chambre nommée /aboratorre, ayant 2 croisées qui ferment bien et qui aient des volets. Ou bien, si on peut disposer convena- blement d’un local, on le compose (/g. 175) Fig. 175 d’une pièce d'entrée L, d’un laboratoire M et d'une chambre N où se trouve la presse. Une des vitres doit pouvoir s’ouvrir au besoin, et la porte doit avoir dans le haut une ouver- ture fermée par une planchette à coulisse. Ces dispositions sont nécessaires pour re- nouveler l'air et pour chasser au besoin les abeilles. À cet effet, on a aussi une ouver- ture dans un volet en face de la vitre mo- bile, pour ne laisser pénétrer la lumière que RECOLTES DU MIEL ET DE LA CIRE. 171 par ce point, de manière que les ouvrières, qui sont dans l'obscurité, se retirent promp- tement et directement par ce passage au lieu de se tuer contre les carreaux de vitre. On bouche la cheminée et onsesert d’un fourneau our empêcher les abeïlles de venir par mil- iers se précipiter et périr dans la chaudière lorsqu'on fait la cire. Dans ce laboratoire, on a : 1° un ou plusieurs cuviers À d’une dimen- sion relalivé au nombre des ruches, au fond desquels on adapte un tuyau de 3 à 4 ponces sur 1 pouce de diamètre, muni d’un bou- chon; 2° plusieurs pots et barils BB de pro- portions diverses, une chaudière C, des mou- les pour couler la cire, une cuillère de même contenance que les moules et une ou deux spatules; 3° plusieurs paniers D d’un diamètre un peu plus petit que l’ouverture des cuviers: le fond de ces paniers, qui a 12 à 15 po. de diamètre, et dont les côtés sont droits, est composé de brins d’osier placés parallèle- ment à une demi-ligne de disiance; des trin- gles assez fortes pour soutenir les paniers sur les cuviers, et plusieurs morceaux de toile claire nommée canevas ; 4° enfin un pe- lit pressoir E où une petite presse à coin. On prépare son miel en prenant les rayons un à un, avec l’altention d’en chasser les abeilles, dont on a dû faire partir la presque totalité lorsqu'on a porté les calottes ou les hausses, etc., dans le laboratoire, en fermant les volets et en ouvrant un peu le carreau mobile; on enlève des rayons les abeilles mortes, le couvain et le pollen ou rouget, parce que tous ces objets donneraient un mauvais goût au miel. On peut mettre à part, pour l’usage de la table, quelques rayons nouveaux reconnaissables à la blancheur de leur cire. Si on veut faire du m£el vierge, on choisit les rayons récens et ordinairement blancs dans lesquels il n’y a point eu de couvain ni de pollen. Ces rayons, plus lourds que les autres parce qu'ils sont entièrement pleins de miel, n’étant pas diminués par les toiles filées par les vers, sont placés droits dans un >anler posé sur le cuvier, après qu’on a en- evé, avec une lame mince de couteau, la fine couche de cire qui ferme les alvéoles. Il faut que le bas des rayons dans la ruche soit en haut dans le panier, pour que l'inclinai- son des alvéoles, dirigée vers le fond, faci- lite l'écoulement du miel. Si on veut donner une odeur à ce miel, on met au fond du pa- nier des fleurs d'oranger ou de robinier, ou d’autres substances. On met dans un autre panier, pour faire du miel de deuxième qualite, les autres par- ties de rayon, qu’on écrase avec la main au- dessus du panier dans lequel on fait tomber le miel et tous les débris des alvéoles. Ces deux opérations faites, on laisse cou- ler le miel dans les baquets, et, pendant ce temps, on enferme les rayons qu’on veut con- server dans des vases de terre vernissée u'on couvre bien. Ce miel est le meilleur e toute la récolte, il se conserve plus long- temps et peut se manger avec la cire, qui cor- rige sa propriété relàchante. Le miel de 1° qualite, ou miel vierge, étant écoulé, on en brise les rayons qu’on méle avec le miel de 2° qualité. Il faut re- 172 marquer que pour que ces 2 qualités de miel se séparent en grande partie de la cire, et pour achever de les en extraire au moyen de la presse, il faut que le laboratoire ait de 24 à 25° de chaleur du thermomètre de Réau- mur. Dès que le miel ne coule plus et qu’on a assez de rayons brisés pour remplir le seau de la presse, on met dans ce dernier un très-fort canevas assez grand pour le dou- bler par-dessus la cire sur la longueur et la largeur. Alors on jette les débris de eire dans le seau qu'on remplit bien en foulant la cire avec les mains. On recouvre avec le cane- vas; on met un baquet ou cuvier sous la presse, et on fait faire quelque tours à sa vis, jusqu’à ce que le miel coule bien. Quand l’é- coulement diminue, on augmente peu à peu la pression, jusqu'a ce qu’elle soit suffisante. On opère ainsi sur tous les rayons, moins ceux qui sont vides, avec l’attention, si on a beaucoup de rayons, de ne pas mêler ceux qui sont blancs avec ceux qui ont pris de la couleur, parce que ces derniers, ne pou- vant se blanchir dans certains cantons, co- loreraient la cire des blancs et nuiraient à sa valeur. On peut remplacer la presse or- dinaire par celle à coin. À défaut des moyens de forte pression, on place tous ses débris dans des vases qu’on fait entrer dans un four dont la chaleur soit à environ 40° pour amollir la cire. Si on n’a ni pressoir ni four, on dispose une étuve qu’on maintient à la température ci-dessus. Enfin si on est dénué de toules ces ressources, on jette les débris de cire dans une chaudière exposée à un feu doux et sans flamme. On les remue con- Uünuellement pour échauffer la cire sans la fondre et sans la laisser s'attacher contre le fond de la chaudière, où elle pourrait brû- ler, brunir et communiquer un goût désa- gréable au miel. Quand la cire est amollie par l'emploi d’un des moyens ci-dessus, on en met dans une toile forte et claire, on l'y pétrit et of la comprime par une forte tor- sion pour en extraire le miel qui n’est que de 3° qualité. On laisse ce miel dans le cu- vier 3 ou 4 Jours pour qu'il s’épure, et on enlève l’écume qui le recouvre quelquefois, ainsi que le miel de 2° qualité; ensuite on le met en baril. Si on trouve du rztel candi dans les rayons, on le sépare pour le jeter dans une chau- dière placée sur un feu assez doux pour ne pas élever l’eau qu’elle contient à plus de 40°. On manie et on remue le miel dans l’eau, puis on sépare, par la pression, la cire du liquide qu'on expose à un feu doux le temps nécessaire pour le réduire en sirop. Le miel est une nourriture fort saine, mais un peu relàchante, et qui, par celte consi- dération, est très-utile pour les enfans en bas âge. Il sert de remède contre plusieurs maladies, et l’expérience a prouvé qu’en metlant un peu de miel dans la pâte faite avec la farine d’un blé mal purgé d’ergot, il peut préserver de la gangrène sèche. $ I. — Emploi du miel. Le miel est un agent conservateur pour les substances qu’on en couvre, et il peut être ARTS AGRICOLES : EDU CATION DES ABEILLES. LIV. IV. employé sous ce rapport pour le transportau loin de greffes, d'œufs, de graines et même de certains fruits. On s’en sert pour amélio- rer les vins dans les années mauvaises pour la maturité du raisin, et dans les cantons qui n’en produisent que de médiocre. A cet ef- fet on en fait bouillir avec un quart de son poids d’eau, et on le verse chaud dans le moût. Tous les restans de miel peuvent aussi être utilisés. Ainsi, après la dernière pression de la cire, comme il y reste encore du miel, on brise le marc et on l’émiette. On verse des- sus l’eau qui a servi à laver les instrumens, dans le rapport d'une partie sur dix de marc; on y Joint les écumes des miels des 2° et 3° qualités, et, après 24 heures, on presse. Le miel obtenu par cette opération est mêlé d’eau qu’on fait évaporer à un feu doux si on veut se servir de ce miel de dernière qua- lité, soit pour soigner les bestiaux, soit pour nourrir les abeilles auxquelles on ne le donne qu'après lavoir fait bouillir, écumé et mêlé avec un peu de liqueur fermentée. Si au contraire on veut en faire de l’Ay- dromel, on brise de nouveau le marc et on y jette de l’eau en quantilé plus ou moins grande, suivant qu’on désire que la liqueur soit un véritable hydromel ou produise un petit cidre. On presse de nouveau; on mêle celle eau avec le miel obtenu par lavant- dernière pression; on fait bouillir pendant plus d'une heure, après quoi on met l’hydro- mel refroidi en futaille ou en bouteille, sui- vant la quantité. C’est une liqueur commune, mais fort saine. Quant au mélange plus chargé d’eau, après qu'il est froid on le verse dans des futailles ou dans une cuve couverte pour l’y laisser fermenter, et si on désire rapprocher cette liqueur d’une bière légère, on y met quel- ques branches de genièvre, ou l'extrémité de branches d’épicéas ou de sapinette du Ca- nada (2emlock spruce ). On fait encore une espèce d’Aydromel plus vineux et qui peut remplacer le vin ordi- aire. À cet effet, on prend 12 livres du miel de 3° qualité, 36 livres d’eau ; on fait bouillir celte eau dans laquelle on a mis infuser 3 ouces de fleur de sureau pendant un quart- d'heure. On y mêle alors 2 onces de tartrate acidule de potasse, et 4 à 5 grains d’acide borique. Lorsque le tout comnience à refroi- dir, on y délaie le miel et 2 livres de levure de bière; on place ce mélange pendant 15 jours dans une futaille couverte et dans un lieu à la température de 20°, et l'opération est terminée. Si on désirait que la liqueur fût plus spiritueuse, on y ajouterait une de- mi-livre d’eau-de-vie. On double ou on lri- ple la quantité de chaque substance, si on veut faire le double ou le triple du vin. Eufin on fait avec le miel x vin de liqueur agréable. Il suffit de mêler 3 parties d’eau bien pure avec une partie de miel de 1°° qua- lité. On le fait bouillir à petit feu et en re- muant bien et en écumant Jusqu'à évapora- tion suffisante pour qu'un œuf frais surnage. On a préparé une où plusieurs futailles dans lesquelles on a mis les substances dont on veut donner le goût et l’odeur à la liqueur qu’on verse bouillante jusqu'à la bonde. Ou cHap. 8°. couvre cette dernière. La liqueur, placée à 18 ou 20° de chaleur, fermente pendant près de 2 mois et rejette beaucoup d’écume. On tient la futaille toujours pleine avec un peu de liqueur conservée à cet effet. Après la fer- mentation on met une bonde, on place la fu- taille dans un lieu frais, et on continue à remplir tous les 15 jours, jusqu'à ce que la liqueur ait acquis sa qualité. Alors on met en bouteille, qu'on laisse pendant un mois debout, les bouchons à moitié enfoncés. En- fin on achève de boucher les bouteilles, et on les couche. La préparation du sirop de miel est main- teuant très-connue. Il suffira de dire qu'on ajoute une partie d’eau à cinq parties de miel, et qu’on purifie avec le charbon. Ce sirop peut remplacer celui de sucre dans les liqueurs et les confitures. $ II. — Manipulation de la cire. Le marc du miel qui contient la cire est de nouveau émietté et jeté dans une chau- dière remplie au tiers d’eau chaude à 40 ou 50°. On laisse au moins 3 doigts ou 2 po. de vide, et on remue. Lorsque l’eau bout, on diminue le feu, et si la cire s’élève trop on y jette un peu d’eau froide pour l'empêcher de se répandre au dehors. On continue un feu doux jusqu’à ce que le marc soit bien divisé et la cire fondue. On verse alors le tout dans le seau de la presse garni du fort canevas très-clair et d’un second plus fin par-dessus, après avoir mis sous le pressoir un euvier ou un baquet qui contienne un peu d’eau tiède. On prend les extrémités du ca- nevas qu’on soulève un peu à droite et à gau- che pour faire écouler une partie de l’eau et de la cire, et on plie les extrémités par- dessus, dès que la chose est possible, pour commencer la pression. On détache la cire qui se fige sur la maye, et on continue la pression jusqu’à ce qu'il ne coule plus de cire. Dès que la cire est assez refroidie dans le cuvier pour pouvoir être maniée, on la pé- trit par petites poignées qu'on jette dans un baquet à moitié plein d’eau chaude; là on la pétrit de nouveau et, par ces 2 pétrissages, on débarrasse en grande partie la cire des substances étrangères qu’elle contenait en- core, Il ne s’agit plus que de la fondre avec un peu d’eau pour la mettre dans des moules, en enlevant avec une écumoire les saletés qui pourraient encore s'élever à la surface. Lors- w’elle est à moitié refroidie, on la détache 74 bords des moules si elle paraît se crevas- ser à la superficie. Dès qu’elle est froide, on la retire des moules pour la ratisser par-dessus, s’il y a des matières étrangères. Cette cire peut alors être livrée au commerce. Toutes ces opérations terminées, on peut faire fondre les débris de cire provenant du ratissage et des écumes pour en former un ain de cire grossière qui peut servir à frotter es planchers. Si on n'avait pas de pressoirs, on pourrait employer les moyens suivans pour extraire la cire du marc. On fait un sac de canevas pro- portionné à la grandeur de 5a chaudière ; on RÉCOLTES DU MIEL ET DE LA CIRE. 0 173 le remplit de marc bien pressé, et, après avoir fermé exactement son ouverture en la liant avec de la ficelle, on le plonge dans la chaudière qui contient de l'eau tiède. Des tringles de bois d’un pouce carré placées au fond de cette chaudière, ou bien une plan- chette garnie de trous, empêchent le sac de porter au fond et la cire de brûler. On met sur le sac un poids assez lourd pour lempé- cher de surnager, attendu qu'ilestnécessaire qu'il soit recouvert d’un pouce d’eau au moins. La cire fond peu à peu à mesure que la chaleur augmente, et elle couvre la super- ficie de l’eau. On l’enlève avec une espèce de cuillère et on la jette dans un baquet où il y a de l'eau chaude pour la manier comme on l’a dit plus haut. Dès qu'il ne s'élève plus de cire, on enlève le poids, on retourne le sac, onle presse en tous sens et on remet le poids: ceremaniement produit un peu de cire. Si on n’a que 4 à 5 ruches et conséquem- ment qu'un peu de miel et de cire, après avoir exprimé le miel de la cire, par la torsion dans un canevas, on émiette le marc et on le jette sur une loile devant les ruches. Les ouvrières l'ont bientôl couvert et enlevé le peu de miel qui y reste. On met alors les débris dans de l’eau tiède, on les y laisse pendant 24 heures: puis, après les avoir bien maniés, on les fait fondre dans le sac comme on l'a dit plus haut. On évite par cette marche une dépense inutile d’instrumens. Aussitôl après l'extraction du miel ou de la cire, il faut enlever le marc des canevas ou des sacs, parce qu'il serait très-difficile de l'en retirer s’il se refroidissait, surtout après qu'on a extrail la cire, car il devient dur comme du boiset brüle comme lui.Ce marc, en outre, a une vertu détersive, elles vétéri- paires s’en servent pour les foulures des che- vaux. On peut aussi le concasser, à défaut de vieux rayons, pour meltre sous des ruches vides, afin d’y attirer les galléries de la cire qui y vienvent pondre et qu’on y détruit fa- cilement. $SIV.— Blanchiment et emploi de la cire. Pour blanchir la cire et la débarrasser de ses impuretés, on commence par la fondre dans une chaudière qui contient de l’eau, puis on la fait couler en filet mince sur un cylindre de bois que l’on fait mouvoir avec lenteur horizontalement, et qu est plongé à demi dans une cuve remplie d’eau. La cire se fige aussitôt et se réduit en lanières minces qu’on expose ensuite au soleil en la plaçant sur des toiles étendues sur des cadres, et en la couvrant au besoin pour la mettre à l'abri des vents et des brouillards. Le soleil et la rosée blanchissent peu à peu la cire, qui doit être arrosée avec de l’eau quand il ne tombe pas de rosée. Cette opération doit être répé- tée plusieurs fois, et quand la cire est bien blanche, on la fond et la coule dans des moules pour en faire des bougies, des cier- ges, etc. On peut aussi blanchir très-promp- tement la cire par sa fusion avec une solu- tion de chlore ou de chlorure de chaux, mais dans ce cas elle absorbe du chlore, dont l'odeur se manifeste qua on la fond et qui empêche les bougies de bien brüler, 174 Les arts font une grande consommation de cire, et la chirurgie et la pharmacie l’em- ploient avec succès. Secrion v. — Produit d'un rucher. Rien n’est plus difficile à fiter que le pro- duit annuel d'un rucher, parce que la recette brute varie beaucoup, suivant que le canton est plus ou moins favorable pour fournir aux abeilles une abondante récolte; que la tem- pérature influe beaucoup sur cette abon- dance, et que le miel varie de qualité et con- séquemment de valeur suivant la bonté du nectar, qui n’est pas le même dans toutes les fleurs et qui perd de sa Éis us par le mé- lange de la miellée. Une bonne culture dé- termine aussi une augmentation de produit. D'une autre part, c’est le produit net qui est à considérer. Il faut déduire au moins les frais de dix années, de la recette de dix années, et diviser ce qui reste en dix parties pour établir une recette annuelle moyenne; ces frais varient également dans les divers dé- partemens de la France, parce que le prix du bois, de la paille et celui de la main-d’œu- vre, diffèrent beaucoup. Le produit moyen et net d’une ruche n’est donc pas le même partout, et on ne peut guère l’établir que par cantons. Mes calculs à Versailles pendant 20 années Fig. 179. Depuis la rédaction de l'article ci-dessus par notre savant collaborateur, on a fait con- naître en France une nouvelle ruche ainsi u’un nouveau procédé pour gouverner les abeilles. Ce procédé, dû à un Anglais, M. Nurr, habitant du Lincolnshire, qui l’a mis en pra- tique avec succès depuis environ une dizaine d'années, paraît offrir l'avantage de donner du miel de première qualité en plus grande abondance, de faciliter sa récolte, de main- tenir les abeilles dans un état de santé et d'activité constantes, et enfin, par des moyens particuliers et l’agrandissement progressif du domicile de ces insectes, de prévenir la sortie des essaims. Donnons d’abord la description de la ruche de M. Nurr, nous passerons ensuite à l’appli- cation qu’il en a faite. L'ensemble de la ruche se compose au moins ARTS AGRICOLES : ÉDUCATION DES ABEILLES. LIV. IVa fixent le produit net d'une ruche à 12 fr. par an après la déduction des frais et des pertes des essaims. M. LomBanrp avait porté ce bénéfice à 24 fr. à Paris, mais j'ignore s’il en avait dé- duit les frais. Je préférerais, dans tous les cas, m'être trompé en moins qu’en plus, pour ne pas donner de fausses espérances à ceux qui se livreront à la culture de ces insectes inté- ressans , et qui seraient encouragés par un pro- duit plus considérable que celui sur lequel ils doivent compter. Je terminerai ce précis en faisant obser- ver que si je n’ai pas indiqué les travaux des apiculteurs mois par mois, comme la plu- part des auteurs, c’est parce que la culture des abeilles se règle : 1° par la température si variée du nord au midi de la France, tem- pérature qui, dans le même canton, est sou- vent plus ou moins avancée d’un mois, d’une année à l’autre; 2° par les végétaux indigènes à certains arrondissemens et ceux qu'on y cultive, qui ne sont pas les mêmes partout. Ce précis, fait pour toute la France, ne pou- vait donc contenir que des préceptes appli- cables dans tous ses départemens. Ceux qui désireraient de plus grands détails, se pro- cureront le Traité complet théorique et pra- tique sur les abeilles, chez madame Huzard, libraire, rue de l'Éperon, n. 7, à Paris. FÉBURIER. Fig. 178, Fig. 180. Fig. 177. de 6 parties, mobiles et indépendantes. Ces parties sont : 1° le socle; 2° le pavillon central; 3° trois à 4 boîtes latérales; 5° une boîte oc- togone; 6° une cloche en verre. Toutes ces pièces sont assemblées dans la fig. 176 où elles forment la ruche complète, mais avec 2 boîtes latérales seulement. Le socle (fig. 177), destinéà supporter toutes les autres pièces, est composé ainsi qu'il suit : AA’, planches qui en forment le fond et le dessus et qui ont 15 pouces de largeur, 3 pieds 6 pouces de longueur et 9 lignes d'épaisseur. BBB, 3 côtés latéraux et postérieur, de 3 pouces de hauteur. CC, 2 planches qui divisent le socle en 3 portions égales et sont perforées chacune d’un trou longitudinal de 3 pouces de longueur et 9 lignes de hauteur. Çes trous sont destinés à permettre aux abeïlles de passer des faux tiroirs dans le tiroir E de la cHAP. 9°. ruche du milieu; c'est dans ce tiroir que l’on place la nourriture, dans un petit plat recou- vert d’une mousseline grossière. FF sont 2 ortes à charnière pour fermer les 2 parties 2 rare du socle ou faux tiroirs; la partie du milieu l’est par le tiroir E, dont les côtés portent aussi un trou longitudinal correspon- dant à ceux percés dans les cloisons CC. Dans le fond supérieur du socle sont percées 3 ou- vertures semi-circulaires, GGG, par lesqueiles les abeilles passent, soit directement dans des faux tiroirs latéraux, soit dans le tiroir, puis à travers les trous longitudinaux des faux tiroirs et des cloisons, d’où elles s’échappent dans la campagne. Ces faux tiroirs sont des espèces de vestibules qu’on peut fermer à volonté au moyen des portes FF, et qui servent, comme on le verra, à la ventilation dans la ruche. Le pavillon central ( fig. 178), est une boîte carrée sans fond, d’un pied de diamètre et de 10 pouces de hauteur. La face H est percée d’une petite fenêtre de 3 pouces sur 3, vitrée à l’intérieur et fermée intérieurement par un volet à charnière. Les côtés I sont percés d'ouvertures horizontales parallèles de7 lignes de hauteur et à 1 pouce de distance les unes des autres. Les ouvertures diminuent suc- cessivement de longueur depuis la plusbasse, qui a 8 à 9 pouces, jusqu'à la plus élevée qui n’en a plus que 1. Le dessus L est aussi percé au centre d’un trou d’un pouce de diamètre et de plusieurs autres de 7 à 8 lignes, placés autour du premier. Le derrière de cette boîte est plan et uni; par-devant il y a en KK 2 lanchettes destinées à cacher la jointure des ites latérales, lorsque celles-ci, ainsi que le pavillon , sont placées sur le socle. C’est sur ce pavillon qu'est posée la cloche de verre S (fig-176), de 8 à 9 pouces de diamètre et 12 à 15 pouces de hauteur, qu’on recouvre d’une boite octogone T, surmontée d’un chapeau et percée de 3 fenêtres vitrées ayant chacune un petit volet. La cloche repose sur une planche percée de trous correspondans à ceux du fond supérieur du pavillon central, pour établir la communication entre celui-ci et la cloche. Entre cette planche et ce fond on peut glisser aisément une feuille de fer-blanc quand on veut interdire toute communication entre ces compartimens divers de la ruche. La boîte latérale (fig. 1179)a 1 pied de diamè- tre et 9 pouces de hauteur. Les faces N ot une petite fenêtre vitrée et à volet, de 4 1/2 pouces sur 3. Le fond C n’a pas de fenêtre; le côté P est muni d'ouvertures horizontales décrois- santes et correspondantes à celles percées dans les parois latérales du pavillon central. Le dessus Q porte un trou carré de 4 à 5 pouces, autour duquel est un encadrement de 2 1/2 pouces de hauteur Z, que l’on bouche avec un couvercle mobile X, et à fond ren- trant. C’est dans ce trou que l’on introduit le tuyau en fer-blanc M (fig. 176) perforé de trous de 9 pouces de longueur et 1 de diamètre, des- tiné à recevoir un thermomètre et couronné par une plaque également perforée qui porte sur la gorge intérieure du trou Z. La boite la- rom l a À 180) est identiquement semblable à la précédente, et ses ouvertures longitudinales correspondent de même à celles de la paroi latérale du pavillon qui la regarde. On voit toutes les pièces de la ruche as- NOUVELLE RUCHE. 175 semblées dans la fig. 176 et il ne nous reste plus qu'à ajouter qu’on place sur les trous semi-Circulaires GGG du socle, qui font com muniquer les boites avec le tiroir et les faux tiroirs, de petits morceaux de fer-blanc, a, percés de trous pour le passage des abeilles, ou pleins b, quand on veut les fermer entière- ment, et que c’est aussi avec des feuilles de fer-blanc pleines c, qu’on introduit ou qu’on enlève entre les boites et le pavillon, qu'on intercepte ou rétablit la communication entre les différentes parties. La construction de cette ruche étant bien comprise, voici la manière nouvelle de gou- verner les abeilles. On peuple le pavillon cen- tral comme une ruche ordinaire et quand on y place d’abord un essaim toutes les com- munications avec les autres boîtes doivent être interceptées; on ouvre seulement la feuille de fer-blanc qui établit la communi- cation entre ce pavillon et le tiroir, et on laisse ce tiroir entr'ouvert. Les abeilles se livrent à leurs travaux, rentrent dans le tiroir, de là montent dans la boite comme elles le feraient dans une ruche ordinaire, mais avec cet avantage que les animaux nuisibles ne peuvent y pénétrer aussi aisément que dans les autres ruches. Quand les symptômes de l’essaimage se manifestent, il faut, dit M. Nurr, prévenir la fuite de l’essaim en élargissant le domicile des abeilles, et pour cela on tire la feuille de fer-blanc qui sépare le pavillon de la cloche de verre, et les abeilles, trouvant l’espace nécessaire, n’essaiment pas et demeu- rent dans cette nouvelle portion de la ruche. Lorsqu’au bout de 15 à 20 jours on reconnait aux mouvements qui ont lieu dans la ruche qu’il va sortir un essaim secondaire, on agrandit encore le domicile en tirant la feuille de fer-blanc qui interceptait la communi- cation entre le pavillon et l’une des boîtes latérales, et le surplus de la population s’ins- talle dans cette dernière au lieu de chercher à essaimer au dehors. Enfin, si les mêmes symptômes apparaissent une 3° fois, on ou- vre la communication entre le pavillon et la seconde boîte latérale, et les abeilles s’y éta- blissent de nouveau. Avant d'établir Ja communication il faut frotter l’intérieur des boîtes, surtout dans le voisinage des ouver- tures de communication, avec un peu de miel liquide, et comme il devient nécessaire, par suite de l'élargissement du domicile des abeil- leset de leur nombre croissant, de leur ouvrir de nouveaux passages, on enlève les feuiHes de fer-blanc qui bouchaient les trous semi-cir- culaires du socle et on les remplace par les feuilles percées de trous par lesquels les abeilles passent dans les faux tiroirs pour se répandre dans la campagne. Ce qu'il y a de remarquable, assure M.Nurr, dans ces ruches, c’est que l’essaim peuple d’abord dans le pavillon 46 milieu et continus à peupler même après qu'on a élargi le domi- cile des abeilles. La cloche, les 2 boîtes la- térales servent aux abeilles à apporter la ré- colte, à l’'emmagasiner, et non pas à déposer des œufs et à élever du couvain. Cette parti- cularité explique comment le miel qu’on obtient est toujours blanc, sans mélange de- pollen qui, dans les ruches ordinaires , s’é- chauffe, fermente et colore le miel. 176 ARTS AGRICOLES : ÉDUCATION DES ABEILLES. Pour faire la récolte du miel dans cet ap- pareil on enleve la boîte octogone qui re- couvre la cloche en verre, on passe entre celle-ci et la planche mobile qui recouvre le pavillon central un fil de métal pour détruire Padhérence qui existe entre ces 2 parties, puis on glisse une feuille de fer-blanc sous la cloche et on l’enlève. On transvase ie produit, on replace la cloche sur le pavillon et on tire la feuille de fer-blanc pour rétablir la com- munication. Il faut faire attention dans cette opération de ne pas enlever la reine dans la cloche, et s’il en était ainsi, ce qu’on recon- nait facilement à l'agitation des abeilles qui viennent se grouper sur cette cloche il fau- drait replacer celle-ci et attendre un autre moment favorable et un beau jour pour faire la récolte. Quand on a opéré avec succès on place doucement la cloche à l'ombre, à 12 ou 15 mètres de Ja ruche, en la couvrant d’une étoffe noire et la soulevant un peu pour per- mettre la sortie des abeilles qui ne tardent pas à l’abandonner et à retourner à la ruche- mère. On en agit de même quand on veut récolter le miel des boîtes latérales; seulement il faut, la nuit qui précède cette récolte, ouvrir en entier les portes F qui ferment les faux tiroirs, pour que les abeilles, frappées par le froid, émigrent dans le pavillon du milieu où la température est plus élevée. Un des points les plus curieux de la nou- veille méthode de M. Nurr est l’emploi de la ventilation et du thermomètre dans le gouver- nement des abeilles. Cet habile apiculteur avait remarqué, ainsi que beaucoup d’autres observateurs l'avaient fait avant lui, que les abeilles, surtout dans les temps chauds, agi- aient continuellement leurs ailes sans chan- ger de place et avec vivacité pour rafraichir l’intérieur de la ruche et y opérer une douce ventilation. L'abbé DELLA-Rocca, afin de pré- venir l’élévation de température qui a lieu quelquefois dans les ruches, soit par suite de la chaleur de l'air intérieur, soit par Fac- cumulation de la population, avait conseillé de procurer cette ventilation en pratiquant dans la ruche quelques ouvertures pour aérer les abeiïlles, mais 1l ignorait le parti avanta- geux ques peut retirer d’uneventilation bien entendue et c’est ce que M. Nurr paraît avoir observé avec soin et mis à profit. Afin de régler la température dans l’intérieur de Ja ruche, M. Nurr se sert d’un thermomètre qu'il suspend dans le tuyau de fer-blanc per- foré M (fig. 176) ; ce tuyau est placé sur l’ou- verture Z pratiquée au sommet des boîtes Ja- lérales et s'appuie, au moyen de la plaque car- rée qui le surmonte, sur la gorge pratiquée sur cette ouverture. Le tout est recouvert du tampon X qui est mobile, de manière qu’en le soulevant on puisse lire le degré marqué par le thermomètre. La règle générale est de ne pas laisser la température intérieure de la ruche tomber au-dessous de 20° C. (16° R.) et monter au-delà de 25 à 300 C. (20 à 24° R.), ui est celle qui convient le mieux aux abeilles. Dès que cette dernière est dépassée, LIV. 1V. il faut ventiler en ouvrant le couvercle X; il s'établit alors un courant d'air qui entre par les faux tiroirs, traverse la ruche et vient sortir par l’ouverture supérieure des boîtes. En hiver, où les abeilles doivent être engour:- dies, une température même assez basse ne leur est pas nuisible; il ne faut pas craindre de placer la ruche dans un lieu sec, tranquille et d’une température constamment froide. Voici maintenant les avantages que pro- cure une ventilation ménagée avec soin, sui- vant les expériences de M. Nurr. L'air est renouvelé dans l’intérieur de la ruche et la chaleur y est modérée; les abeilles en sont plus vives et plus actives, et ne sont pas obligées d'employer leur temps à battre des ailes ou forcées de passer en dehors de la ruche, en grappes ou en boules, pendant 20 à 30 jours de la plus belle saison, le temps que, dans le nouveau mode, elles emploient en tra- vaux utiles et productifs pour l’homme. L’essaimage ayant lieu, suivant la plupart des observateurs, par suite de la haute tem- pérature qu'une population abondante produit au sein de la ruche, on prévient aussi par la ventilation la fuite des essaims, surtout quand on augmente en même temps létendue de la demeure des abeilles. En donnant de l’air frais à la ruche par les boîtes latérales, on contraint la reine à de- meurer constamment dans le pavillon central, où elle continue à procréer et où se trouve la température la plus favorable a la ponte et à l'éducation des larves. Les autres travaux de la ruche n’exigeant pas une température aussi élevée, les abeilles ne déposent dans la cloche et dans les boîtes latérales que du miel et pas de pollen qui, étant destiné à la nourriture du couvain, est transporté par elles dans la boite du milieu; ce qui donne un produit de meilleure qualité et fort abondant. M. Nurr qui, dans son ouvrage, a donné un journal assez exact de ses observations sur l'effet de la température et le produit dans les ruches de son invention, fait connaître qu'en 1826 un seul essaim d’abeilles lui a donné en plusieurs récoltes le produit énorme de 296 livres anglaises (134 kilog.) de miel, savoir : le 27 mai, une cloche de 12 livres et une boîte de 42 livres; le 9 juin, uné boîte, 56 livres; le 10 juin, une cloche, 14 livres; le 12 juin, une boîte, 60 livres; le 13, une boîte, 52 livres; et en Juillet une boîte, 60 livres: en tout 296 livres. Mais il n’a pas fait con- naître quelle était approximativement la po- pulation de son rucher, la qualité et l’abon- dance du nectar qu’on trouve dans le canton où il était placé, élémens qui auraient permis d'établir avec plus d’exactitude le surcroil de produit uniquement dû à sa ruche et à sa méthode de gouvernement des abeilles, ainsi que les avantages qu'elles présentent l’une et l’autre sur celles déjà en usage. Dans tous les cas cette méthode mérite qu'on l’essaie en France, en faisant usage du même appareil, afin de confirmer ou d'apprécier avec certitude les succès qu’elle a présentés entre les mains de l'inventeur. F. M. FIN DU TITRE PREMIER | 177 TITRE DEUXIÈME — PRODUITS DES VÉGÉTAUX. CHAPITRE IX.—DE LA FABRICATION DES VINS. SecrTIon Ire.— Du vin et de sa nature. Sous la dénomination de vins prise dans l’acception la plus stricte de ce mot, on com- rend les boissons ou liqueurs obtenues par a fermentation du moût ou suc de raisins. Les chimistes modernes ont généralisé cette: expression et comprennent dans la classe des vins toute liqueur sucrée qui a subi la fermentation vineuse. Cette extension scien- tifique a jeté de la confusion dans la classi- fication des vins et donné à la fraude des moyens nouveaux pour altérer les qualités des vins proprement dits, et les faire déchoir de leur ancienne réputation. Elle a contribué à donner une nouvelle direction au goût des consommateurs et par conséquent à nuire aux intérêts du commerce qui fait la princi- pale richesse des contrées viticoles de nos dé- partemens. Le but que je me propose dans ce résumé, est d’exposer tous les faits avérés par la pra- tique et d’en tirer des règles générales ap- licables à chaque localité, au moyen de ta- Êtes calculées d’après la composition élé- mentaire du moût du suc exprimé du raisin. Je donnerai aussi la description et l’u- sage des instrumens qui doivent former le boire de l’œnologue ou œnotechnicien fabricant de vin. On verra dans ce travail ce qui a été fait et on jugera par-là qu’il reste encore beaucoup à faire pour compléter l’art de la vinification. SECTION II. — Division ou distinction générale des vins. Il existe un très grand nombre de variétés de vins qui diffèrent entre eux par la couleur, le bouquet ou parfum, la saveur et la consis- tance. Coukur. Les vins sont en général blancs ou rouges, suivant qu’ils proviennent de raisins blancs ou noirs. L’intensité de couleur varie; les uns sont rosés, pelure d’ognon, les autres d’un rouge vif; quelques-uns, nommés feintu- riers, sont même d'un rouge brun foncé, et sont employés aujourd’hui en grande quantité ms colorer des mélanges de vins rouges et lancs. Paris est sans doute le lieu où il se fait la plus grande consommation de ces derniers vins. Saveur et consistance. Les vins sont liquoreux ou secs. Les vins liquoreux et doux sont ceux dans lesquels le suc n’a pas été décomposé com- plètement ; ils sont plus ou moins fortset spiri- tueux ; tels sont les vins de Frontignan, Lunel, Rivesaltes, Condrieux, etc. ; ces vins en outre ont en général une saveur particulière due aux raisins d’où ils proviennent et qui sont de la classe des raisins muscats, et plus de consis- AGRICULTURE. tance que les autres vins. Les vins secs sont ceux dans lesquels tout le sucre a disparu. Cette classe, divisée par JuLIEN en vins secs proprement dits eten vins moelleux,comprend un grand nombre de variétés de liquides, de- puis les vins fins ou de choix jusqu'aux vins les plus communs. Les vins mousseux, sont des liquides ordinai- rement blancs, dont la fermentation a été in- complète et qui ont retenu en combinaison de l’acide carbonique lequel, en se dégageant, donne naissance à une mousse blanche qui s’é- lève sur le vin en produisant une sorte d’ébul- lition ou effervescence qui fait le principal mé- rite des vins de Champagne et de ceux qu’on traite par des procédés analogues. Telles sont les trois qualités principales qui resultent du travail par la fermentation. Dans le commerce on distingue les vins par le nom du pays et du clos de vigne qui les produit; ainsi on dit vins de Bourgogne, de Champagne, de Bordeaux, du Midi, du clos Vougeot, de Château-Laffitte, d’Arbois, etc. Les qualités du raisin, et par conséquent celles des vins, dépendent de plusieurs cir- constances dont il est important de tenir compte, telles que la nature du sol et du sous- sol, le climat, l'exposition, le mode de culture, la variété ou espèce de cépage, et la marche des saisons aux époques qui ont la plus grande influence sur la formation et la maturité du fruit. Il est peu de pays où ces observations aient été faites avecsoin et lastatistique œno- logique de l'arrondissement de Beaune par le docteur MorELor est, à notre avis, un travail qui mérite une attention particulière sous ce rapport. Il serait à désirer que ce savant ar- chéologue et viticole ait des imitateurs, sur- tout dans nos vignobles les plus renommés; on parviendraitainsiàse procurer pour chaque localité des renseignemens certains sur l’in- fluence des circonstances favorables à la pro- duction. J'aurais encore voulu trouver dans cet intéressant ouvrage des analyses quantita- tives des sucs de raisins de diverses qualités. Ce sont des renseignemens de Ja plus haute importance quand on compare les différens vins, ainsi que l'influence des causes locales ou accidentelles et des méthodes de vinifica- tion. Les opérations principales pour la confec- tion des vins sont : la récolte des raisins ou vendange, — l’égrappage, — le foulage, — la mise en cuve ou cuvage, — la cuvaison ou marche de la fermentation, — le décuvage, — le pressurage, — l’entonnaison, — la mise en cave et les soins à prendre jusqu’à ce que le vin soit refroidi et Jusqu'au premier souti- rage. À cette époque le vin est fait, mais il n’est pas encore prêt à boire; il exige pour se par- faire et se conserver d’autres opérations non moins importantes que les premières. TOME III. —25 SEcrion III. —- De la vendange. $ Ier. — De la vendange proprement dite. Parmi toutes les opérations successives aux- uelles donne lieu la transformation du suc u raisin en liqueur fermentée ou en vin, la vendange, c’est-à-dire le mode et les soins qu’on apporte à recueillir le raisin, a une influence bien grande sur la nature et la qualité des produits. Malheureusement, c'est en général celle qui est la plus négligée, en raison de cir- constances qu'il me parait difficile d’écarter. Tout le monde sait et convient que ce sont les bons raisins, c’est-à-dire les raisins mürs, qui font les bons vins; mais en même temps on n’i- gnore pas que cette maturité parfaite n’arrive pas au même moment pour toutes les espèces de cépages ; que l’époquen’est pas lamêmesous tous les climats et toutes les années; que par conséquent, sion veut obtenir des vins de quel- ue mérite, il est de toute nécessité de cueil- lirleraisin à diverses reprises , de le trier ou de séparer des grappes les grains dont la maturité n’est pas complète ou qui sont pourris ; d’asso- cier les espèces ren en cultive plusieurs dans le même vignoble, de ne commencer la ré- colte qu'après que le soleilauradissipélarosée, de couper le raisin net et sans secousse, de le manier avec précaution pour qu’il ne s’égrène pas, et de le transporter de la vigne au lieu où doit se faire le vin sans qu’il éprouve aucun cahot qui le comprime, l’écrase et en exprime le jus. Ces conditions, je l'avoue, sont difficiles à obtenir, mais elles ne sont pas impossibles. Lorsque les moines de Citeaux étaient en possession du fameux clos de Vougeot (Côte- d'Or), c'était en grande partie avec toutes ces précautions que se faisait la récolte de ce do- maine précieux; une cloche annonçait aux vendangeurs l’heure d’entrée dans la vigne; survenait-il un brouillard, un nuage qui ca- chait le soleil ou menaçait de la pluie, ou tout autre accident, la même cloche rappelait les ouvriers au logis et toute récolte était sus- pendue jusqu’à ce que le temps redevint favo- rable. Ce r’est en effet qu'avec des soins analogues et tout particuliers qu’on parviendra à obtenir ces vins exquis qui ont une réputation univer- selle, mais dont la qualité finirait par décroi- tre si on ne faisait une sérieuse attention à toutes les conditions , même celles qui parais- sent indifférentes, de la fabrication. Les ven- danges n'étaient autrefois , pour les proprié- taires, qu’une époque de plaisirs et d’agré- ment; le vigneron était le seul fabricant, toute la surveillance du maître se bornait à ce que ce dernier ne détournât à son profit aucune portion des raisins ou de vin fabriqué. Il en est tout autrement aujourd’hui; le proprié- taire dirige lui-même la vinification, et son in- térêt est d'obtenir les produits les plus par- faits possibles et ceux dont il pourra retirer le plus grand bénéfice. Dans plusieurs de nos départemens, dans ceux même qui sont les moins favorisés par le ciimat, on obtient ainsi des qualités de vin particulières par des pro- cédés que je ferai connaître et qui confirment les préceptes que j’ai énoncés ci-dessus. ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. LIV. IV, $ IL. —Signes auxquels on reconnaît la maturité du raisin. La queue de la grappe devient brune; la grappe est pendante ; la pellicule du grain est mince, translucide, non cassante sous la dent; sa couleur prend une teinte plus foncée. Lors- qu’on enlève la fleur ou poussière blanche qui couvre la baie, la peau est lisse et paraît pres- que noire; les pépins n’adhèrent pas au paren- chyme et leur couleur est moins verte; la grappe laisse facilement échapper le grain ; la pulpe offre une saveur douce , sucrée , agréa- ble , sensiblement acidule. Quant aux raisins blancs, on reconnaît la maturité à l’aoutement du bois, à la transparence de la grappe, à la sa- veur sucrée et à des taches brunes. Lorsqu'on laisse le raisin sur le cep jusqu’à ce que la maturation soit arrivée au plus haut degré, les grains se détachent facilement , la peau est sphacelée et se sépare du grain à la moindre pression. $ III. — Des instrumens et ustensiles nécessaires pour la vendange. La serpette et le couteau doivent être défen- dus pour la coupe des raisins; ils sont lourds, et fatiguent la main, donnent au sarment et à la grappe une secousse qui fait tomber les gs de raisin et les feuilles qu’il faut éviter e mêler à la vendange. Le sécateur dont on se sert aujourd’hui dans beaucoup de vigno- bles est le meilleur et le seul instrument qu’on doive confier aux mains des vendangeurs ; il coupe net, sans effort ni secousse , et il est lus expéditif; on le voit représenté dans es fig. 181 et 182. Il se trouve partout; son Fig. 182. Fig. 181. prix ordinaire est de 5 francs, maïs dans une fabrication en grand on pourrait l’établir à 3 francs et peut-être à moins, parce qu’il n’est pas nécessaire qu’il soit d’une grande dimen- sion. Comme il serait difficile d'obtenir des vendangeurs qu'ils fissent l’acquisition d’un sécateur, c’est une dépense à la charge du propriétaire , dont il sera amplement dédom- magé par la célérité du travail et la conserva- tion de ses raisins. À défaut de cet utile instru- ment , on ne doit permettre aux vendangeurs que l’usage de ciseaux bien affilés qui, après le sécateur , offrent le moins d’inconvéniens. L'ouvrier qui emploie le sécateur ou les ci- cap. 9°. seaux soutient le raisin de la main gauche et le coupe de la droite; il le dépose ensuite dans un petit panier en osier qu'on nomme vendangereau; si les raisins sont bien mûrs, on recommande de placer le panier dessous le cep , pour ne rien perdre. Dans le pays où les raisins n’ont pas assez de fermeté pour se maintenir en entier et où l’on peut craindre ue le jus ne s’écoule en pure perte , au lieu ca vendangereau , on se sert d’une petite teille de forme ronde ou ovale (tom. III, p.5, fig. 3 et 4), faite en sapin ou autre bois léger ; dans la première il existe une douve plus longue avec un trou pour saisir le vase et fa- ciliter le transport ; dans la seconde on laisse deux douves pareilles vis-à-vis l'une de l’au- tre, dans lesquelles on passe une ficelle ou pe- tite corde qui sert d’anse. On peut y adapter aussi une anse en osier ou autre bois flexi- ble. Lorsque les vendangeurs sont introduits de- vant la vigne, on les range sur une même li- gne , faisant face aux ceps , et chacun d’eux s’avance droit devant lui, coupant tout ce qui se présente, jusqu’au bout de la pièce de vi- gne, où chacun retourne dans le même ordre, pour revenir au point où il est parti, si cela est nécessaire. Lorsque les paniers ou les seaux sont pleins, des porteurs, qu’on nom- me vide-paniers , versent les raisins dans des grands paniers ou des hottes en bois qui sont placés derrière les vendangeurs et près des sentiers. Lorsque les vignes sont autour de la maison ou cuverie, les raisins sont portés dans ce bâtiment par les hommes qui les chargent sur leurs épaules, s’ils sont en paniers , ou les portent sur leur dos, au moyen de bretelles , s’ils sont déposés dans des hottes ou tendelins. Lorsque les vignes sont éloignées, on vide les paniers dans un cuvier de forme ovale, arrangé sur une voiture ou charrette, et qu’on nom- me balonge. Ces voitures, attelées d’un ou deux chevaux, suivant la capacité de la balonge, transportent le raisin au pressoir, bâtiment plus ou moins spacieux où sont placées les cuves. Quelquefois on place les paniers sur des charrettes , et on les empile les uns sur les autres. Mais de tous ces moyens de trans- ort , le meilleur est celui à dos d'homme ou ien à dos de mulet, quoiqu'ils ne soient pas toujours praticables, Les balonges et les hot- tes sont bonnes pour les raisins qui ne don- nent que des vins communs, tandis que, pour les vins fins, les vins blancs mousseux , faits avec les raisins noirs, on ne saurait prendre trop de précautions pour qu’ils arrivent intacts de la vigne à leur destination. M. BouscaREN a proposé, pour transporter la vendange, l'emploi d’unetoilefortequi, relevée devant, derrière et sur les côtés, se place sur une charrette comme un hamac dematelot; elle est fixée par des ficelles ou petites cordes à des têtières ou ridelles qui sont elles-mé- mes fortement maintenues sur la charrette et bridées de manière à ce qu’elles ne puissent pas se rapprocher. Au-dessous de la toile on établit un bon lit de paille pour que le fond n'éprouve aucun frottement; cette toile ainsi disposée devient raide et imperméable à l’eau, en ayant soin de l’arroser plusieurs fois deux jours avant de s’en servir. Depuis trois ans, -une semblable toile remplace avec avantage, DE LA VENDANGE. 179 chez M. BouscarEN, une cuve en bois et coùte moitié moins; elle ne fuit pas, elle est moins pesante qu'un vase en bois, et avec son secours, 2 mules portent 10 hectolitres de ven- dange. Cette méthode de transport me parait digne de fixer l'attention de ceux qui fabri- quent des vins de primeur, et qui ont intérêt à ce que les raisins arrivent dans un étatintact à la cuverie. Cette toile réunit, à l'avantage d'une longue durée, celui de se conserver d’une année à l’autre sans se détériorer ni prendre de mauvais goût, comme les vaisseaux qui demandent tous les ans de nouvelles ré- parations. On pourrait garnir avec cette toile les paniers à vendange et des tombereaux sus- pendus dans le genre des seaux à incendie, et on remarquait à l’exposition de l’industrie française en 1834 des seaux en toile à voiles, fabriqués à la mécanique par M. GuÉRIN, qui, remplis de liquide, n’en laissent pas échapper une seule goutte et quiseraientencore propres à la récolte de la vendange. Mais dans tous les cas on doit mettre la plus stricte économie dans l'achat de ces sortes d’ustensiles, et les dépenses de ce genre qui sont un peu élevées ne conviennent guère qu’à de riches proprié- taires ou à ceux qui fournissent des vins de prix. Le revenu de la vigne est si éventuel dans le centre et dans le Nord de la France qu'on ne doit pas s’étonner que les petits proprié- taires abandonnent la culture du plant fin et préfèrent la quantité à la qualité Les acci- dens et les maladies auxquels la vigne est su- jette, la rareté des bonnes années, la concur- rence des vins du Midi, enfin le manque de débouchés ont porté un préjudice notble au commerce des vins fins de Bourgogne, Cham- pagne, Bordeaux, etc. $ IV. — Epoque de la vendange, triage et autres soins. La vendange se fait du 8 au 20 septembre dans le Médoc, les départemens de l'Hérault, des Bouches-du-Rhône et dans presque tout le midi; dans ceux de l’Indre et de la Loire, de Loir-et-Cher, du Loiret, de la Marne, de la Côte-d'Or, de Saône-et-Loire, de l'Yonne et les autres départemens, sauf quelques ex- ceptions que je ferai connaître en passant en revue les diverses qualités de nos vins, on commence la récolte du 20 au 30 septembre dans les années précoces, et plus ou moins avant dans le mois d'octobre si l’année est tar- dive. Ainsi il y a peu de différence entre le Nord et le Midi, ce qui ne doit pas étonnersion considère que dans le Midi la végétation de la vigne est suspendue par la sécheresse et les randes chaleurs de l'été, et qu’ellenereprend d'activité qu'aux premières pluies, ou lorsque les nuits devenant plus longues, les rosées sont plus abondantes; en revanche, dans le Midi, les raisins ont presque toujours atteint leur maturité et les beaux jours que l’on peut en- core espérer, permettent d'attendre le mo- ment le plus favorable a cette opération. Dans le centre et le Nord surtout, on est forcé de cueillir avant la maturité complète, parce qu’on a déjà des nuits froides et qu’on eut craindre les pluies continuelles et les ge- ées, qui nuisent surtout aux raisins qui sont encore verts. Le meilleur remède à cet incon- 180 vénient est de trier les raisins et de faire plu- sieurs cuvées; on est toujours certain de cette manière de fabriquer un vin passable, auquel on appliquera les procédés d’amélio- ration qui seront indiqués. La meilleure ma- nière d'opérer le triage des raisins est celle ue donne M. ROUGIER DE LA BERGERIE. On établit au lieu où se charge la vendange, une ou plusieurs tables triangulaires, ayant un re- bord de 7 à 8 pouces sur les côtés et dont chaque angle, porte sur une banne, un grand panier ou un tonneau défoncé. On verse les raisins sur ces triangles el des personnes pré- posées en font le triage convenable selon le degré de maturité; on extrait des grappes les grains verts,secs ou pourris, et on assortit les espèces suivant l’usage ou la qualité de vin désirée. Cette opération me paraît indispen- sable toutes les fois que par une circonstance uelconque, on se trouve dans l’impossibilité de couper les raisins à plusieurs reprises. Autant que possible, 1l faui vendanger lors- que le soleil a dissipé la rosée ou desséché le raisin et la terre, s’il a plu la veille ou quelques jours auparavant. Il faut employer à cette opération un nombresuffisant de vendangeurs pour qu’elle soit faite avec célérité. Dans quelques pays on place la vendange dans un tonneau qu'on fonce ensuite; on la laisse ainsi quelques jours avant de la fouler; dans d’autres, on étend le raisin sur des claies ou sur le plancher, dans un lieu sec et chaud. On sait que tous les fruits pulpeux , tels que les pommes, les poires, acquièrent, lorsqu'on les laisse en tas après la récolte, dans un lieu sec et d’une température modérée, une ma- turité qui leur manquait au moment où on les arecueillis ; le raisin est dans le même cas. C’est ainsi qu’à Clamecy, à Limoux et aux en- virons de Saumur, on garde les raisins en las, pendant 5 ou 6 jours avant de les fouler. Ils éprouvent dans cette situation une matu- rilé qui convertit eu sucre les principes qui dominent dans le verjus. Ce procédé de saccharification était connu des anciens Grecs et se pratique encore dans plusieurs iles de l’Archipel, en Espagne, en Italie, et il se recommande aux œnologues qui ont un lo- cal convenable , une espèce de cépage qui en mérite la peine, et qui désirent au moins pré- senter sur leur table un vin du cru digne de recevoir les éloges des gourmets et des con- naisseurs. Dans plusieurs vignobles de la Bourgogne, on foule le raisin à demi, pour en conduire une plus grande quantité à la fois; dans la Franche-Comté, on l’égrappe à la vigne. Cette méthode peut bien ne pas avoir de graves in- convéniens lorsque le raisin est mür ei que la température atmosphérique est assez élevée; mais si le raisin a besoin d’être trié, si la saison est froide, on amène alors à la cuve un moût qui entre très lentement en fermentation ; dans tous les cas, cette prati- queest vicieuseet ne convient tout au plus que pour les vins ordinaires et les gamais. Je crois utile derappelericiaux viticoles que, 15 jours ou plus avant la vendange, ils doivent visiter les instrumens et vases destinés au ser- vice de la récolte el à la fabrication du vin. Les paniers, teilles, balonges, hottes ou baquets seront soigneusement lavés à grande ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. LIV. IV. eau , lessivés avec un peu d’eau de chaux ou de cendres, pour enlever le goût de moisi qui se communique si facilement au vin et dont il est difficile ensuite de le débarrasser. Cette saveur est même si persistante qu’on s’en aperçoit encore quelquefois au goût dans de l’eau-de-vie qui provient d’un vin moisi. Pen- dant plusieurs années je me suis servi avec suc- cès , pour affranchir les tonneaux du goût de moisi, d'acide sulfurique étendu de 12 ou mé- me 20 parties d’eau en poids, ou bien le dou- ble en volume. Après avoir lavé les futailles avec ce mélange, on les rince ensuite avec un lait de chaux ou une lessive de cendres, puis avec de l’eau fraîche; on laisse sécher ou bien on mèche et on ajoute un peu d’eau-de-vie de bon goût. Les cuves se nettoient de la même manière. Larécolteétant faite en temps opportun,avec les précautions qui ont été recommandées se- lon les circonstances météoriques, et la vendan- ge étant amenée à la cuverie, il ne s’agit plus que de la disposer à se convertir en vin et de la préparer pour être mise dans la cuve ou la futaille dans laquelle doit s’opérer la fermen- tation. Dans ce but, nous allons traiter en pre- mier lieu des manipulations relatives aux vins rouges, la fabrication des vins blancs offrant quelques différences essentielles dont nous traiterons à part. $ V.— De l’égrappage. Cette opération a pour objet de séparer les grains de la rafle et cette séparation peut être totale ou partielle. Est-il utile ou non d’égrapper er tout ou en partie? C’est une question qui depuis long- temps a divisé et divise encore aujourd’hui les viticoles et les œnologues. Nous pensons que la pratique est le seul guide à consulter et à suivre dans cette occasion. On a observé que la rafle active la fermentation, qu’elle donne au chapeau une perméabilité nécessaire pour le dégagement de l'acide gazeux qui se pro- duit , et qu’elle renferme un principe acerbe, astringent, qui contribue à la conservation des vins qui ne contiennent qu’une petite quan- tité d'alcool ou d’esprit de vin. Quant aux vins destinés à la distillation, l’égrappage est inutile. La rafle introduit dans la liqueur une plus grande quantité de ferment qui favorise la décomposition complète et la transforma- tion en alcool de la matière sucrée. Dans les années propices, la rafle est sèche , ligneuse et ne cède pas aussi facilement ses principes à la liqueur en fermentation ; l’égrappage est plus avantageux lorsque le raisin n’a pas acquis une maturité parfaite. Lorsque le moût ma qu'une saveur douce, sucrée, sans mélange prononcé d’acidité et d’astringence , on laisse la rafle en plus grande quantité: si on opère la vinification en vaisseaux clos, on doit laisser moins de grappes que dans le cas où la fermen- tationa lieu en cuves non couvertes et durepeu de jours. Sans vouloir établir une loi ou règle générale , je pense que l’égrappage ne doit pas être pratique en totalité ,et dans les pays où le raisin cuve sens grappe, On a sans doute des motifs plausibles qu'une longue pratique a sanctionnés. Nous conseillons cependant à ceux qui enlèvent la rafle en totalité et à ceux cHapP. 9°. qui la maintiennent en totalité de se livrer à quelques expériences comparatives dont nous indiquerons la marche plus bas. Sur 70 ou 75 départemens qui fabriquent du vin, il ne s’en trouve, suivant M. CAvVOLEAU, que 34 où l’on égrappe la vendange. $. VI. — Manière d’égrapper. Pour égrapper le raisin, on se sert, dans beaucoup de localités, d’une fourche à trois dents (fig. 183, 184) que l’ouvrière tourne ou Fig. 185. Fig. 184. agite circulairement dans un petit cuvier où sont déposés les raisins. Par cemouvement ra- pide , elle détache les raisins de la grappe, et ramenant celle-ci à la surface, l’a sépare avec la main. On procède aussi à l’égrappage avec un cri- ble en fil de fer ou en osier dont les mailles ont9à 14 millimètres(4à6lignes de diamètre ); ce crible est surmonté d’un bourrelet d’osier, serré et placé sur des tasseaux, au-dessus d’un cuvier ou d’une cuve. L’égrappeur agite par- dessus et avec les mains, les raisins que l’on y dépose et tourne dans tous les sens, jusqu’à ce que la grappe soit totalement dépouillée de grains. On doit avoir soin de ne jamais met- tre les raisins en trop grande quantité, afin que les grains puissent passer plus com- modément. Un bon ouvrier peut,au moyen de ce procédé, égrapper 7 à 8 muids de raisins par jour ( 16 à 18 hectolitres). Un iustrument que nous avons vu dans le midi de l'Allemagne nous paraît très propre à hâter cette besogne. Cet égrappoir (fig. 185 ) se compose d’une trémie A où l’on jette les grappes et d’un demi-cylindre B, dont les ba- ses ou fonds sont formés de deux planchettes. La surface convexe est à claire-voie et formée par des baguettes rondes de bois, de 8 à 9 lignes de diamètre et assez rapprochées l’une de l’autre pour ne laisser passer que les grains pressés et rompus. Un volant à deux ailes G (fig. 186), dont l’axe porte une mani- velle M, est placée dans ce cylindre. L’égrap- par se monte sur une cuve au moyen de deux arres D de bois qui le soutiennent au-dessus. On introduit les grappes dans la trémie et on imprime un mouvement demi-circulaire de va et vient à la manivelle les grains rompus se DE LA VENDANGE. 151 Fig, 186. Fig. 185. détachent de la grappe et passent à travers l’es- pace des baguettes ; la rafle reste dans le cy- lindre. Quand l'opération est terminée, on ou- vre une petite porte E, placée sur une des bases de ce cylindre, et on retire les rafles. Les grap- pes ainsi traitées sont parfaitement égrenées en peu d’instans , et les grains sont pressés sans qu’il soit nécessaire de les toucher avec les mains ou les pieds. Un enfant peut met- tre toute la machine en action. $ VII. — Du foulage. Si les viticoles sont divisés sur la question de l’égrappage, ils sont tous d’accord sur la né- cessité de fouler la vendange, pour obtenir une fermentation prompte, uniforme et régu- lière, et d’une certaine quantité de raisin plus de vin de première qualité. Dans quelques pays on foule le raisin dans un baquet et on le verse au fur et à mesure dans la cuve. Dans quelques autres on jette la vendange dans la cuve à mesure qu’elle ar- rive de Ja vigne, et lorsque cette cuve est pleine, on fait descendre 2 ou 3 hommes nus qui foulent les grains avec les pieds et écra- sent avec les mains ceux qui surnagent. Cette dernière méthode est presque abandonnée partout, et avec raison. On se sert assez communément aujourd’hui pour cette opération d’une caisse carrée. ou- verte par le haut et dont le fond est perce de trous en forme deliteaux qui laissententreeux un pelit intervalle; cette caisse est placée sur de pièces de bois .qui reposent sur les bords de la cuve elle-même; dans son inté- rieur est un vigneron dont les pieds sont ar- més de gros sabots. Il piétine alors vivement la vendange, le suc exprimé coule dans la cu ve; ensuite, au moyen d’une porte latérale à coulisses , il fait tomber le marc dans la cuve, ou le rejette au dehors si le moût doit fermen- ter ne Il continue cette manœuvre Jusqu'à ce que la cuve soit pleine ou que la vendange soit épuisée. On a inventé et proposé diverses machines pour fouler les raisins plus complètement et plus promptement que par la pratique or- dinaire. Celles de MM. Gay et de BourNissac de Montpellier sont peu répandues, parce qu’on les a trouvées trop dispendieuses.Dans la fouloire de M. Gay, il est à craindre que les grappes brisées, découpées et hachées par les 182 lames du battage, ne se trouvent trop divisées et ne communiquent plus facilement leur RRPURE acerbe au moût où elles trempent, orsque la fermentation se prolonge. Les meu- les de M. de Bournissac peuvent écraser trop ou trop peu, suivant l’écartement qu’elles conservent; elles agissent d’ailleurs sur les pepins qu’elles broïent, ce qui donne au vin une plus grande âpreté. La machine inventée par M. GuÉériN de Toulouse est recommandée par M. Louis DE VicLeNEuvE dans son Manuel d'agriculture. Depuis plusieurs années elle fait chez lui le service des vendanges avec le plus grand suc- cès et une notable économie. Elle est simple, expéditive, et ne coûte que 54 à 70 fr. Sa con- struction est facile et peut être exécutée par- tout. Je la recommande avec d’autant plus de confiance que j'ai fait moi-même usage avec succès d’une machine semblable pour écraser des cerises et d’autres fruits à baies dans une distillerie. La fouloire de M. GuÉéRIN a beau- coup d’analogie avec celle de M. LoMEenr, au- teur d’un excellent traité sur la fabrication du vin; la seule différence, c’est que dans la première les cylindres sont unis, tandis que dans l’autre ils sont cannelés. Avant de passer à la description de ces appareils, nous croyons devoir rappeler que l’on pourrait employer avec avantage pour le foulage des raisins le moulin qui a été décrit liv. III, pag. 32, fig. 35 et 36. 11 suffirait d'augmenter la longueur du cylindre, et de laisser un peu plus d’inter- valle entre les chevilles pour que la grappe ne soit pas froissée et les pepins écrasés. Il se- rait peut-être encore utile d’arrondir un peu les chevilles au lieu de les laisser angulaires; celles-ci, en passant entre celles de la trémie, conserveraient une distance suffisante pour ne livrer passage à aucun grain entier de raisin. Cette machine, au reste, ressemble à celle qui aété exécutée par M. THIEBAULT DE BERNEAUD, mais elle mérite la préférence sur celles-ci, en ce que les chevilles sont en bois et ne peuvent communiquer un goût étranger et aucune couleur au moût. La fouloire de M. Guénin, que la fig. 187 Fig, 187. Fig. 188. ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. LIV. IV; lacés sur le même plan; il est essentiel que eur parallélisme soit exact. Ils agissent com- me des laminoirs par pression et frottement ; ils sont mis en mouvement par le moyen de 2 roues dentées D de différens diamètres, pour communiquer à l’un des rouleaux un mouvement plus accéléré. Chaque cylindre porte une des deux roues dentées ; la mani- velle À est adaptée à l’axe de la plus petite. La grande roue a 25 cent. (10 po.) de diamè- tre: la petite n’a que 16 cent. (6 po. 1/2). Lescylindresoccupent le fond d’unetrémieE, dans laquelle on jette les raisins égrappés; cette trémie est placée au-dessus d’un baquet F ou de la cuve elle-même. La fouloire dont nous allons donner la des- cription est représentée dans l’ouvrage que M. Lenorr a publié sur la culture de la vi- gne et la vinification ; nous remarquons seu- lement ici que dans la fouloire de M. Gué- RIN , la venin ee a besoin d’être égrappée, tandis que dans celle de MM. Lomenr et Le- Noir on peut jeter les raisins tels qu’ils arri- vent de la vigne , seulement après le foulage on sépare, au moyen d’un crible en osier, ou un filet en ficelle, la quantité de rafles qu’on désire enlever suivant la maturité. La fouloire de M. LeNorr, qui nous paraît réunir toutes les conditions désirables, est représentée en élévation dans la fig. 189, et par-dessus dans la fig. 190. Elle se compose d’un bâti AA, d’une Fig. 189. a, TRTEBIULT, Fig. 190. trémie G, et de 2 cylindres accolés, en bois,BB, de 9 po. 8 lig. de diamètre, avec des tourillons en fer tournant dans des coussinets posés sur la partie DD du bâti. Ces cylindres sont ean- nelés dans le sens de la circonférence. FF sont des renflements d’une ligne et demie à 2 lignes aux extrémités de chaque cylindre. Ces renflemens doivent être en contact. Il existe alors un intervalle de 3 à 4 lignes, entre les cylindres ou rouleaux, et en pratiquant de légères cannelures ou dents transversales sur la périphérie de ces renflemens, il suffit d’im- représente vue d’en haut, et dontla figure 188 primer le mouvement à un seul des cylindres offre une coupe perpendiculaire, est compo- | pour que l’autre tourne en sens contraire , sée de 2 rouleaux ou cylindres en bois, B G, | ce qui dispense d'un engrénage. L'essentiel , cHapP. 9°. c’est que les cylindres soient bien cintrés; il serait très avantageux que les coussinets de l’un des cylindres fussent mobiles, afin de faire varier à volonté leur écartement qui doit être proportionné à la grosseur des raisins et sur- tout à la force des rafles. On peut obtenir cette mobilité en fixant le coussinet sur une platine de fer un peu large, qu'on engage dans une coulisse à rainures latérales ; le coussinet peut être poussé ou tiré par une vis de rappel ou par des coins. Cette machine pourrait être établie dans une pièce située à un étage supé- rieur à la cuverie; au-dessus et vis-à-vis de chaque cuve on pratiquerait une ouverture carrée, munie d’une espèce d’entonnoir ou tuyau en bois par lequel la vendange écrasée Fig. 194. ee" Z 4 N Fig. 195. sur 0® 6 de diamètre; leur squelette est formé de trois cercles de bois dur compo- sés de 4 arcs de cercles assemblés comme des jantes de roues, et consolidés par un croisillon ( fig. 192 ). Ces 3 cercles sont tra- versés dans leur centre par un axe en fer, et placés l’un au milieu de cet axe et les 2 autres aux extrémités ; ils portent sur leur cir- conférence des liteaux en chêne, assemblés les uns près des autres, et présentant dans le sens de leur longueur des cannelures ar- rondies (fig. 193) au nombre de 30 sur toute la surface convexe des cylindres, et cloués aux cercles avec des chevilles en bois. Chaque cy- lindre porte une roue d’engrenage en noyer BB( fig.195), d’un diamètre égal à ceux-ci, et dont la périphérie est refendue de 90 dents triangulaires. L’axe du cylindre postérieur recoit une manivelle C. La rotation de cet axe a lieu sur des coussinets formés de boites en fer (fig. 194) logées dans la traverse qui sup- porte les cylindres,et qui renferment chacune 2 galets d’un alliage de 45 parties de cuivre et de 15 d’étain pur. Deux de ces galets a à chaque extrémité, sont à surface convexe et les deux autres b en gorge de poulie, tant pour faciliter la rotation que pour loger le bourre- let de ces axes et empêcher les cylindres de prendre un mouvement horizontal. Les cous- sinets qui supportent le cylindre à manivelle sont fixés dans le bâti; ceux de l’autre cylin- dre sont mobiles dans une rainure où ils re- posent et peuvent étre avancés ou reculés au moyen de vis en fer, à tête carrée X, appelées DE LA VENDANGE. 183 coulerait dans la cuve; et comme le bâti est monté sur des roulettes ou galets, on le trans- porterait facilement et successivement au- dessus de chaque ouverture. L’entonnoir s’en- lèverait et servirait pour toute la cuverie, les ouvertures du plancher ayant les mêmes di- mensions. Après le foulage, on fermerait les ouvertures du plancher au moyen d’une plan- che de même grandeur appuyée sur des rai- nures où munie de reberes sur les côtés. Voici maintenant la description de la fou- loire de M. Lomexr, représentée dans les fig. 191 à 195, et qui se compose essentielle- ment de 2 cylindres assemblés dans un bâtis en bois, sur des axes en fer. Les 2 cylindres AA, ( fig. 191 et195) ont 1 mèt. de longueur Fig. 191. Fig. 193. Fig. 192. gles extérieurs du bâti, et peuvent être tour- nées au moyen d’une clé. Un couvercle en demi-cercle et mobile, à charnière, D, enve- loppe tout le mécanisme ; sous les cylindres est un dégorgeoir ou auge inclinée sur le de- vant E, pour recevoir et faire écouler les rai- sins foulés. Dans la partie supérieure du cou- vercle il y a une trémie G, munie d’un régu- lateur pour régler sur l'introduction des rai- sins entre les cylindres. Ce régulateur (fig. 195) se compose d’une petite pièce de bois triangulaire H, dont l’angle aigu est en haut; cette pièce est pourvue de 2 pivots qui repo= sent sur des coussinets fixés sur 2 montans. Ces montans n’ont pas même hauteur, de manière que le régulateur se trouve placé obliquement dans la trémie; ilporte perpen- diculairement à son axe une pétite queue I, cannelée par-dessous, s’appuyant sur la sur- face d’un des cylindres, et qui, en se relevant, et retombant sur les dents ou cannelures de ce cylindre, quand celui-ci tourne, en reçoit un mouvement oscillatoire qui répand les rai- sins sur la longueur des cylindres et régu- lièrement des 2 côtés. Un conducteur, formé d’une planche à rebords, sert à charger la tré- mie sans perdre de raisins. Enfin des barres de fer, tournées à leur extrémité pour rece- voir quatre rouleaux , qu’on adapte au besoin, servent à transporter partout la machine. Le foulage du raisin, à l’aide de cette ma- chine, n’emploie qu’un tiers ou encore moins de temps que celui avec les pieds. Les raisins mûrs, en outre, sont parfaitement crevés, les registres (fig. 194), qui sont placées aux an- | grains verts, imparfaitement mûrs, restent 184 intacts; les rafles se dépouillent de leurs rains et les pepins restent entiers. On foule, ‘après les expériences faites par l’Institut de Milan, 3,813 kilog. de raisin en une heure, ou 45,756 kil. dans une journée de 12 heures; ainsi en 8 jours, on peut opérer sur 366,048 k., qui produiront à peu près 2,142 hect. de vin. Cette machine peut encore servir dans la fabrication du vin délicat à séparer la grappe; il suffit de prendre avec des râteaux les rafles dans les baquets où on recueille le moût ; on les jette dans un filet à mailles serrées, placé sur l'ouverture de la cuve. Un agronome d’Asti, contrée assez renom- mée pour ses vins, a confirmé les avantages qu’on était en droit d'attendre de cette fou- loire. Il est vrai qu’il n’a pas foulé par son moyen une aussi grande quantité de raisin que celle indiquée ci-dessus, mais la diffé- rence provient de la perte de temps occasion- née par l’arrivée et le départ dés tonnes de vendange. L'expérience a de plus appris à cet agronome que la manivelle doit être tournée régulièrement pour éviter les accidens, et que le raisin doit aussi être versé d’une ma- nière régulière dans la trémie. Il trouve l’ef- fet de la foulerie parfait lorsque les cylin- dres sont placés dans un parallélisme exact et juste à la distance requise pour que les grains de raisins mürs ne puissent passer sans être écrasés, tandis que la grappe elle- même reste intacte. Il trouve aussi que la fer- mentation s'établit 2 ou 3 jours plus tôt dans le moût obtenu par la machine que dans ce- lui que donne le procédé ordinaire. Il a re- marqué en outre que les raisins écrasés à la machine fournissent une plus grande quantité de vin clair de première qualité,et une moin- dre quantité de second vin , par le pressura- ge. En effet, d’après une expérience compa- rative, sur 150 décalitres de raisins foulés avec la machine il a obtenu : Vin clair. ie eu esse set) 84:00 Vin roux ou de pressurage. 6,50 Marc de raisin. . . . . 58,40 TOTAL. . « 149,40 tandis que 150 décalitres de raisins foulés avec les pieds n’ont produit que Vin clan. eee ee M0 72 Vin TOUX LS HEURES ES 6,24 Marc e e L] L e e [1 e 63,64 ToraAr: !:. .: 149,60 Suivant l'agronome piémontais, un avantage inappréciable quirésulte de cette fouloire, c’est la proprété qu'on obtient par son emploi, qui, mieux que tout autre manière, empêche la présence de toute substance étrangère et d’un pont désagréable dans le vin; enfin, quant à a couleur, il assure n’avoir observé aucune différence entrelde vin produit par les raisins foulés selon l’ancienne manière et celui qui a été fabriqué avec la vendange foulée par la nouvelle machine. Du reste, il est présumable que l’œnologue d’Asti a opéré sur des raisins blancs, car le vin rouge provenant de raisins écrasés par la machine doit être plus coloré que celui obtenu par le foulage avec les pieds. En donnant aux cylindres de la fouloire de M. Lenorr les dimensions indiquées pour ceux de la machine Lomexi, et en pratiquant ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. LIV. IVe des cannelures arrondies dans le sens de l’axe, on obtiendra un appareil qui donnera sans doute les mêmes résultats que celui-ci, sans que la grappe coure le risque d’être trop com- primée, comme elle l’est par les cylindres à surface unie, et qui, n'étant pas assez distans, risquent en outre de broyer les pepins. Lors- qu'ils sont trop éloignés, au contraire, ils lais- sent passer des grains non écrasés, inconvé- niens qui n’ont pas lieu avec des cylindres cannelés. Nous croyons avoir traité avec assez de dé- tails de l’opération du foulage, qui est d’une grande importance, ainsi que nous l’avons vu; d’ailleurs, il est d’autant plus essentiel que la vendange soit bien foulée, lorsqu'on fait cuver en vases clos, que le chapeau est alors moins dense et plus facile à refouler dans la cuve par l’agitateur, ainsi qu'on le verra dans la sec- tion suivante. Les fouloires mécaniques ne sont connues que dans peu de vignobles et dans les pays où l'on fabrique une grande quantité de vins com- muns ou pour la distillation. Leur adoption devrait êtregénérale, surtoutlorsqu’on coupe à la fois une grande quantité de raisins dans une même journée, comme en Bourgogne où l’on est soumis aux bans de vendange. La fouloire à rouleaux unis convient pour les raisins égrappés totalement; celles à chevilles ou à cylindres cannelés serviront pour la vendange non égrappée ou égrappée partiellement, et seront employées avec avantage pour le fou- lage des raisins blancs, qui sera ainsi terminé d’une manière bien plus expéditive que celui opéré avec les pieds. Elles conviendront peut- être aussi pour obtenir des raisins noirs le premier moût destiné à la fabrication des vins mousseux, et elles fouleront aussi plus com- plètement les raisins à demi desséchés qui donnent les vins de paille et les vins doux li- quoreux. La construction de ces appareils n’est pas dispendieuse et les propriétaires se- ront amplement dédommagés des frais de leur construction ou d'acquisition par l’écono- mie de temps et de main d'œuvre qui en ré- sultera pour eux, ainsi que par la supériorité des produits. Le foulage est la dernière opération de la vendange dans le sens général de ce mot; le moût est maintenant amené à l’état où il doit être pour être converti en vin par la fermen- tation en cuve où cuvaison. SECTION IV. — Du cuvage ou mise en cuves. $ Ler. — Des cuves diverses. Avant de du les raisins dans la cuve, dans les conditions les plus favorables pour en obtenir une fermentation régulière, il convient de décrire ces vases vinaires et de parler du local où ils sont placés. ÿ < Les cuveries sont en général très mal dispo- sées, du moins en Bourgogne. Ce sont des bâtimens très élevés où le pressoir estplacé, et assez spacieux pour que les voitures qui amè- nent la vendange puissent entrer, sp des cuves et y vider les ballonges. Ces bâtimens reçoivent du jour et de l’air par une porte haute et large qui reste presque constamment ouverte ou qui ferme mal, de sorte que si la cap. 9%. saison est froide et pluvieuse, la fermentation est ralentie ou marche très mal; en outre, si plusieurs vigneronsmanœuvrentaveclemême pressoir, ce qui arrive le plus souvent, il y a encombrement ; les opérations sont faites à la hâte ou avec négligence; dans ce cas il est impossible de se livrer à des procédés d’amé- lioration ou d'obtenir des produits soignés. Pour opérer convenablement, il faut un local destiné uniquement à la préparation du vin, où chaque instrument, tel que la fouloire, l'égrappoir, etc., soit placé commodément pour ne gêner en rien l’arrivée et le travail des raisins. Dans les endroits où l’on amène la ven- dange tout écrasée, ce qui se pratique sou- vent pour les vins communs , on place les cu- ves contre le mur, vis-à-vis une fenêtre, par laquelle le raisin est déchargé de dehors dans la cuve; par ce moyen on évite la confusion. Chaque vigneron a sa cuve désignée et peut travailler à loisir ; les voitures vont et circu- lent sans accident pour les cercles des cuves, ui éprouvent souvent de la part des roues de froissemens qui les déchirent et les bri- sent. Les cuves sont ordinairement en bois, de forme ronde ou carrée; on en construit aussi en maçonnerie. Les cuves en bois de chêne sont assemblées et maintenues ordinairement par des cercles en bois de châtaignier ou de chêne, mais aujourd’hui on préfère les cer- cles en fer qui sont plus solides et moins dis- pendieux. La contenance des cuves est sujette à varier depuis 12 pièces de 228 litres chaque (27 hec- tolitres 36) jusqu’à 30 à 36 pièces (68 à 82 hec- tolitres). Il est bon d’en avoir de plusieurs dimensions. Il faut donner à la cuve la forme d’un cône tronqué, c’est-à-dire qu’elle soit plus large dans le bas qu’à son sommet. Elle doit être portée sur des madriers et munie d’un robinet à sa partie inférieure pour opé- rer le décuvage. Je crois, que pouraugmenter la durée de ces vaisseaux , on ferait bien de les couvrir à l'extérieur d’une ou plusieurs cou- ches de peinture à l'huile, afin de boucher les pores du bois et les préserver de l’humidité extérieure; on se servira, si l’on veut, pour le même objet, d’un vernis composé de cire jaune et d'essence de térébenthine récente ou rectifiée. L'huile volatile se vaporise et la cire reste en couche mince sur le bois; on frotte alors avec un tampon de laine qui donne le poli; ce vernis a besoin d’être renouvelé de temps à autre. Les cuves sont ouvertes ou fer- mées, selon l’intention où l’on est d’opérer la fermentation à l'air libre ou hors de son con- tact. Nous sommes loin de condamner, comme quelques œnologues, les cuves en maçonnerie ; les reproches qu'on leur fait, de résister aux variations de température, sont au contraire en leur faveur ; on peut d’ailleurs les échauffer intérieurement avant de les remplir, d’après les méthodes qui seront indiquées plus bas. Quant à l’action de l’enduit ph one Lt à n’est sensible que la 1r° année, et lorsque le béton est bien composé elle se réduit à peu de chose; c’est, à mon avis, lemeilleur vaisseau vinaire et le plus économique que puisse se procurer le propriétaire d’un nénoble étendu, surtout dans les pays où le vin est destiné à la distil- AGR. DU CUVAGE OU MISE EN CUVE. 185 lation. Quant aux vins délicats et de prix, on donnera toujours la préférence aux cuves en bois. Les personnes So ne veulent pas faire la dépense de nouvelles cuves peuvent se servir des anciennes en leur adaptant des couvercles mobiles, qui remplissent parfaitement le but w’on se propose. Ces couvercles mobiles ont ailleurs l’avantage de rendre plus promptes etplus faciles les opérations du remplissage et de l'enlèvement du marc. Dans les vignobles renommés, où l’on n’emploie que des cuves de 5 à 6 pièces, les couvercles mobiles ont ob- tenu la préférence sur les couvercles joints et jablés avec les mêmes soins que le fond qui sont adoptés par plusieurs propriétaires ; dans ce dernier cas on peut ménager au bas de ces cuves une porte pour retirer les marcs. Les avantages des cuves fermées sont aujour- d’hui assez bien reconnus pour nous dispen- ser d'entretenir nos lecteurs de la longue dis- cussion qui s’éleva lorsque parut l'appareil de mademoiselle Gervais. Cet appareil, qui n’é- tait point nouveau, n’a eu d’autre résultat que de rappeler l'attention des œnologues sur la nécessité de la fermeture des cuves, et a été remplacé avantageusement par d’autres inven- tions plus simples et plus commodes. Avant de passer à la description des cuves, nous dirons que les raisins après avoir été égrappés et foulés de la manière indiquée pre- cédemment , sont versés dans la cuve jusqu’à la hauteur convenable. On laisse ordinaire- ment un vide de 5 à 6 pouces jusqu’au cou- vercle, à raison de l’augmentation de volume qu'éprouve la masse par la chaleur que déve- loppe la fermentation, ou par le dégagement des gaz qui la rend plus légère et la soulève à la surface. On replace ensuite le fond mobile, qu'on lute avec une pâte composée d’ar- gile et de foin ou d’étoupes hachés, pour em- pêcher le dégagement de l’acide carbonique et de la partie aromatique du vin, et on aban- donne le tout à la fermentation spontanée. Voici maintenant la description de plusieurs cuves. La fig. 196 représente une cuve en Fig. 197. — . = ex |ll(l sas | [iismue LUN D F Le seche LIILN Q Fig. 196. bois, AA, cerclée en fer, ayant 7 pieds de dia- mètre inférieur, 6 de diamètre supérieur, au- tant de hauteur totale et 5 pieds 6 pouces en- tre les 2 fonds qui sont tous deux jablés avec T. III.— 24. 186 soin. Un couvercle mobile, dont nous donnons plus bas la disposition, ferme l'ouverture , de 18 pouces de diamètre, ménagée au milieu du fond supérieur. Un tuyau de fer-blanc G, de 18 lignes de diamètre, sert d’issue à l’a- cide carbonique qui se dégage pendant la fer- mentation, et plonge de 6 à 12 lignes dans un vase D contenant de l’eau. E est un robinet pour vider la cuve. On place devant son ou- verture, dans la cuve, un fagot de sarment , pour empêcher les pellicules et les pépins de s'y engager, et à son ouverture extérieure est attaché un tuyau de cuir ou de toile sans couture F , qui conduit le vin jusqu’au fond des tonneaux. La cuve est portée sur une selle carrée , de 2 pieds 4 po. de hauteur. O est une ouverture de 2 1/2 à 3 pouces, fermée pe un tampon assujéti avec une bride mo- ile , en fer, pour évacuer l’acide carbonique après le décuvage et avant d’entrer dans la cuve ; Un tuyau de fer blanc XX , percé de trous, sert à introduire à diverses profondeurs un thermomètre pour connaître la tempéra- ture de la cuve. Voici maintenant la disposition du couver- cle de cette cuve ( fig. 197 ). À sont 2 cou- ches de bois de 15 lignes d'épaisseur, posées à contre-fil et assemblées à chevilles ou avec des vis ou des boulons FF. Sur les bords de l’ou- verture sont des doubles châssis BB, de 15 li- ques d'épaisseur sur 3 à 4 po. de large, l’un au- essus, l’autre au-dessous du fond C; ces châs- sis sont liés entre eux et au fond par des bou- lons DD. Les côtés de l’ouverture sont revé- tus avec des planches minces bb. Une four- chette en fer E supporte l’extrémité du le- vier G, portant le poids M, qui opère la pres- sion sur le couvercle; c’est sur une pièce mo- bile qu’on place au milieu du couvercle quele levier opère cette pression. Le châssis supé- rieur est garni de bandes de cuir, collées, pour opérer une fermeture hermétique. Nous avons représenté dans la fig. 198 une Fig. 198. | 1 ln _—… LE il ê | Il || | | l | | | fl cuve carrée en maçonnerie À, de 8 pieds de diamètre ou de côté et 6 pieds de profondeur, sous le plancher. B est une ouverture de 12 à 15 po. qui sert à évacuer les marcs après le décuvage et qui est fermée par une porte intérieure C, composée de couches de plan- ches de chêne de 15 lignes d'épaisseur, as- semblées à chevilles et à vis, et par une porte extérieure en bois D, de 18 lig. à 2 po. ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. LIV. IV: d'épaisseur. Un fort boulon à écrou E sert à serrer les deux portes. F est un tuyau portant un robinet servant au décuvage. L’ouverture du fond supérieur a 2 pieds de diamètre et est pratiquée dans le fond supérieur en bois de la cuve, qui est épais de 18 lignes et encastré de 6 po. dans la maçonnerie des parois. Le couvercle de l’ouverture est semblable à celui de la cuve précédente. Les parois de cette cuve ne peuvent avoir moins de 18 pouces d’épais- ‘seur ; il est préférable de leur donner 2 pieds. Les meilleurs matériaux sont la pierre meu- lière, la brique bien cuite et le béton. La meu- lière et la brique doivent étre couvertes d’un enduit de chaux et ciment de tuileaux de 15 à 18 lignes d'épaisseur, y compris 3 à 4 lignes de mortier fin, composé des mêmes substan- ces. On voit dans la fig. 199 une cuve en maçon- Fig. 199. EE a | oo | nerie, voutée, d’un diamètre ou côté de 8 pieds et profonde de 6 pieds , depuis la naïs- sance de la voûte jusqu’ au fond. L’épaisseur ti des parois est de 2 pieds ; la porte d’extrac- tion du marc ainsi que le tuyau de décuvage sont disposés comme dans la cuve précédente. Dans la voûte est pratiquée une ouverture de 2 pieds de côte, devant laquelle une barre KK , qui est percée d’un trou taraudé et re- çoit un boulon à vis M N, est engagée par les 2 bouts dans un carneau de la maçonnerie , assez profond pour que la barre puisse y en- trer lorsqu'elle est séparée de son boulon. I est le couvercle de l’ouverture, composé de 2 couches de bois de 15 à 18 lignes d’épaisseur. Pour manœuvrer cette fermeture, on fait sor- tir la barre K de son carneau et on engage son extrémité dans l’ouveriüre opposée. On visse dans l’écrou de la barre le boulon MN et on pose le couvercle qu’on serre fortement avec l’écrou. G est un tuyau pour le dégage- ment de l’acide carbonique. On peut aussi en- gager dans la maçonnerie un tuyau de 4 li-- gnes, descendant jusqu’au milieu de la cuve, pour tirer de temps en temps un peu de vin et juger de la marche de la fermentation. Nous décrirons encore ici une cuve en bois, employée avec succès depuis 4 ans en Bour- gogne, qui paraît réunir plusieurs avantages. À ( fig. 200) est la cuve placée sur un sup- port ou selle B. Son fond mobile s'appuie sur des liteaux, et est masliqué tout autour avec le lut indiqué ci-dessus. Ce fond est cuaAP 9°. Fig. 200. percé de 2 ouvertures ; l’une, de 10 pouces de diamètre, reçoit une bonde hydraulique dont nous donnerons plus loin une description; l’autre, de 1 1/2 à 2 pouces de diamètre, donne passage à un long tube en fer-blanc F, percé de petits trous et qu’on peut boucher avec un tampon. Ce tube sert à introduire un thermo- mètre pour examiner les variations de tempé- rature qui ont lieu pendant les diverses pério- des de la cuvaison , ou à recevoir une pipette pour se procurer des échantillons du vin, exa- miner ses qualités, la marche de sa fermen- tation et déterminer l'instant du décuvage. G est un robinet muni d’un tuyau de toile sans couture, qui plonge jusqu’au fond du tonneau où coule le vin, pour empêcher l’aéra- tion du liquide pendant le décuvage. Nous terminerons par la description de la cuve en bois, à double fond, fermée, de M. BeaAuREGARD , d'Angers. Cette cuve est de la contenance de 12 barriques de 228 litres, non compris le marc et le vide nécessaire, ce qui équivaut à 14 barriques; elle est représen- tée en perspective dans la fig. 201 et coupée par le milieu dans la fig. 202; A est le cou- Fig. 203. Fig. 204. Fig. 201. vercle de la cuve; B, barre servant à mainte- nir le couvercle; C, trou destiné à donner is- sue au gaz, sur lequel on place une bonde hydraulique; D, tuyau percé, pour introduire un thermomètre et la chantepleure; E, bou- Fig. 202. DU CUVAGE OU MISE EN CUVE. | tité, 187 cles qui retiennent la barre et qui l’assujé- tissent par les verges de fer à l'extrémité inférieure de la sellette G, sur laquelle repose la cuve H, fond percé à l’intérieur de la cuve qu'on voit séparément dans la fig. 203 et qui retient la vendange, et laisse pas- sage au moût; 11, tasseaux pour tenir le fond; KK (fig. 204), barres pour maintenir le foud percé; les chevilles dont elles sont surmon- tées contreboutent au couvercle et empé- chent que le fond ne soit soulevé par la ven- dange gonflée par la fermentation; L, tuyau de fer-blanc, pour l'introduction du thermo- mètre. Cette cuve est préférable à celle indi- uée par CnaPTAL; M. BEAUREGARD l’emploie epuis plusieurs années, et son vin est de beaucoup supérieur à celui fait par la méthode ordinaire. $ II. — Composition du moût ou suc de raisin avant la fermentation. Pour bien comprendre les phénomènes de la conversion du moût en vin, il est indispen- sable de connaître sa composition élémentaire, afin de pouvoir assigner à chacun des élémens le rôle qu'il joue dans la réaction qui a lieu pendant la vinification. Il résulte d’une ana- lyse récente de M.SÉBILLE-AUGER, de Saumur, à laquelle on peut ajouter pleine confiance , qu’on y rencontre les principes suivans : 1° Sucre deraisin, anciennement connu sous le nom de mucoso-sucré; 2% fécule, ou prin- cipe amilacé; 3° mucilage, où gomme; 4° albu- mine végétale; 5° gluten; 6° extractif, mélange peu connu; 7° tannin, ou principe astringent; 8° matière colorante bleue, d’une nature par- ticulière et qui rougit par les acides; 9° tartre ou bitartrate depotasse des chimistes ; 10° acide malique ou sorbique, en moindre proportion dans les raisins bien mürs; 11° eau, en plus ou moins grande quantité, avec quelques traces d’acide citrique et acétique; de plus, M. BERZE- Lius et autres chimistes admettent encore dans le vin du bitartrate de chaux, du bitar- trate d’alumine et de potasse, du sulfate de po- tasse et du chlorure de soude. De tous ces principes immédiats qui se trou- veut en solution ou suspendus dans le moût, le plus important est le sucre ou mucoso-su- cré, puisque c’est lui qui se convertit en alcool et constitue la vinosité , la force du vin; les autres substances ne sont, pour ainsi dire, qu’accessoires et ne font que modifier la sa- veur. C’est de la manière et des diverses pro- portions dans lesquelles toutes ces matières se trouvent mélangées que proviennent les nombreuses variétés de vins qui sont fabri- ués dans les différentes contrées où l’on cul- tive la vigne. SIIL. — De la densité des moûts et de la quantité de sucre qu’ils contiennent. La première opération à faire pour connai- tre la bonne ou la mauvaise qualité d’un moût est de s'assurer de la quantité de sucre qu’il con- tient ; néanmoins, nous nous hâtons d’avertir ue sa densité ou son poids, comparé à celui e l’eau pure sous un même volume, n’est pas toujours une mesure certaine de cette quan- parce que le poids du moût peut varier 188 ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. par la présence des autres substances qui ac- compagnent le sucre, surtout dans les mau- vaises années. Le procédé le plus exact, pour prendre la den- sité du moût, serait de le peser avec une bonne balance, comparativement avec de l’eau distil- léeà une température de15° C. L'essentiel dans la pratique ordinaire, c'est que l’eau et le moût soient pesés dans les mêmes conditions et dans des circonstances identiques. Toute- fois, comme cette pesée, pour être faite con- venablement, offrirait des difficultés peut- être insurmontables pour les propriétaires et les vignerons, nous conseillons, pour plus de facilité, de se servir dans la pratique de l’a- réomètre de Baumé qui, dans ce cas, peut ser- vir de pèse-vin ou pèse-moût , et pour facili- ter l'usage de cet instrument et apprendre à apprécier ses indications, nous allons présen- ter, d’après M. TaBanrié, le tableau des de- grés de son échelle et les densités correspon- dantes des liquides que désignent ces degrés à la température de 10° de Réaumur ou 12° 50 du thermomètre centigrade. N 1° Table des pesanteurs spécifiques ou densités correspondantes à chaque degré de l’aréomètre de Baumé, à la température de + 108 Réau- mur, 12, 5 centigrades, la densité de l'eau à cette température étant supposée égale à 1000. DEGRES DIFFÉRENCE. DÉNSITÉ DIFFÉRENCE matt | means | SET 1008 1015 1022 1029 1036 1043 1051 1059 1067 1075 1083 1091 1099 1107 1116 1125 1134 1143 1152 1161 1170 1180 1190 1200 1210 1220 1230 1241 1252 1263 1274 1285 1296 1308 1320 1332 1345 1358 1371 1384 1397 1410 1424 1438 1453 1468 1483 1498 1514 1530 1546 1563 1580 1598 © D 10 GE À D = «© O © (O «O © oO Go Op Go 0 0 O0 JD 0 I NI NH NI NI © La densité du sucre sec est de... 1600 Rien n’est plus facile , au moyen de cette table, que de connaître la densité d’un mont. En effet, on plonge l’aréomètre dans le liquide LEV. IV, ramené à la température de 10° R., ce qui est toujours possible, soit, par un temps plus froid , en le chauffant, soit, par une tempéra- ture plus chaude , en le plongeant quelques momens dans une eau de puits ou de source, et on observe le point ou degré auquel l’ins- trument descend dans le moüt. On consulte ensuite la table pour connaître la densité qui correspond à ce degré de l'instrument. Ainsi un moût où l’aréomètre plonge jusqu’au 10° degré a pour densité 1075. Les mouûts les plus denses ne dépassent guère 15 à 17 ne nous avons poussé néans moins notre table jusqu’à 54°; notre inten- tion, en lui donnant cette étendue, a été de mettre à même ceux qui achètent des sirops de sucre de raisin ou de dextrine de s’assurer de leurs densités avec l’aréomètre. Ces sirops sont quelquefois si épais, que leur viscosité embarrasse la marche de l'instrument. Dans ce cas,on pourrait leur rendre un peu de flui- dité en les chauffant, mais l’élévation de tem- érature rendrait les indications fautives et Pon doit au contraire ne pas élever les li- quides au-dessus de 10° R., température pour laquelle la table a été calculée. Pour éviter de faire dans ce cas des corrections toujours longues et difficiles, il suffit de prendre un décilitre ou un volume quelconque de sirop à essayer, que l’on dissout dans un volume égal d’eau de pluie ou de rivière filtrée; on plonge l’aréomètre dans ce mélange, et on observe le degré auquel il s’enfonce. Je suppose qu’il s'arrête à 24 degrés; je consulte la table, et je vois que la densité correspondante est de 1200; je multiplie par deux les chiffres qui suivent l'unité, c’est-à-dire 200, ce qui me donne 400, ou 1400 pour la densité du sirop ; je cherche dans la table le degré qui correspond approxi- mativement à cette pesanteur spécifique, et Je trouve que mon sirop pèse 41 degrés 1/2 à peu près. Il ne suffit pas de connaître, comme nous l'avons dit , la densité d’un moût de raisin ou | d’un sirop pour apprécier leur valeur ou leur mérite comme liquides propres à fournir de l'alcool, il faut évaluer le poids réel de matière sucrée qu'ils renferment . litre ou par hec- tolitre de liquide. C’est dans le but d'obtenir ce résultat que j'ai inventé un pèse-moût (fig. 205), auquel j'ai donné le nom de mustimètre, dérivé de mustum, moûtou vin doux, afin quil | ne soit pas confondu avec le gleuco-ænomètre qui n’a d’autres rapports avec lui que la for- me, et dont les indications sont aussi in- exactes que sa dénomination est impropre. Le mustimètre n’est autre chose qu'un aréomètre ordinaire ou pèse-sirops, Mais gradué avec soin et donnant pour chaque degré la densité ou pesanteur spécifique du moût dans lequel il est plongé. Les princi- pales divisions ont été vérifiées avec des li- quides dont la densité a été prise avec une ba- lance très sensible et par la double pesée. Le zéro correspond à la densité de l’eau pure ou distillée; elle est exprimée par 1000 ; les au- tres divisions inférieures de 5 en 5 jusqu’à 20 donnent la pesanteur spécifique d’un liquide plus lourd que l’eau; les degrés au-dessus de zéro indiquent des liquides ph légers. Au lieu de placer dans la tige de l'instrument deux échelles qui auraient donné d’un seul cap. 9°. coup d'œil tous les ré- sultats désirés , nous avons préféré donner une {able qui sera col- lée sur une planche, et que l’on couvrira d’un vernis à l’alcooi pour la préserver de lhumi- dité. Pour essayer un moût de raisins, on le passe à travers un linge, une chausse de laine, ou tout simplement on le filtre à travers du pa- pies sans colle, après ’avoir laissé reposer, pour le séparer, autant ue possible, des corps étrangers qui ne sont que suspendus. On le verse ainsi dépuré dans uue éprouvette, et l'on plonge dedans le mustimètre. Le degré auquel il s'arrête indi- que sa densité. Je sup- pose que l'instrument se fixe à 10 degrés; je consulte la table ci-après, et je vois que la pe- santeur spécifique du moût est égale à 1075, c’est-à-dire qu'un litre d’eau pesant 1000 gram- mes, un litre de moût à 1 degrés pèsera 1075 grammes ; un hectolitre sera du poids de 107 kil. 500 grammes, et donnera par l’éva- poration à siccité un réside de 20 kilogram. Cet essai doit être fait à une température de + 15° C. (12° de R.) Nous ne donnons pas de table de correction, parce qu’il est facile de ramener le moût à la température voulue; celle des cuveries, à moins que la saison ne soit très froide , approche beaucoup de 15°. L'erreur commise pour une différence d’un ou deux degrés est insignifiante dans un tra- vail en grand comme celui de la vendange. Pour ceux qui voudraient vérifier les nom- bres qui sont indiqués dans la seconde co- lonne, ou calculer les quantités de matière su- crée contenue dans un sirop d’une densité supérieure à celle de 20 degrés, nous donne- rons la formuie suivante dont nous avons fait usage, et qu’on doit à M. DUBRUNFAUT. __(D—1000)* 1000 ‘ (1600 — 1000) et qui se traduit ainsi en langage ordinaire. La densité du moût (D) diminuée du nombre 1000, et le reste multiplié par 1900, puis di- visé par 1600, densité du sucre solide dimi- nuée de 1000,exprime la quantité réelle de su- cre (Q), en volume, contenue dans ce moût. Ainsi un moût marque 5° et a 1036 (D) pour densité, je retranche de 1036 le nombre 1000, il reste 36qui, multiplié par 1000, donne un pro- duit de 36,000, que je divise par 1600, moins 1000 ou 600, le quotient est 60 qui exprime la quantité de centimètres cubes de sucre conte- aus dans un litre de moût à 5° aréométri- ques, ou la quantité de décimètres cubes con- tenus dans unhectolitre. Nous n’avons par ce moyen que la quantité de sucre en volume, Pour lavoir en poids, A THIBAULT, DU CUVAGE OU MISE EN CUVE. Fig. 206. Fig. 205. 189 rien n’est plus facile; il suffit de multiplier le nombre obtenu, 60 par exemple, par le nombre 1,6 qui exprime le poids d’un centi- mètre cube AE sucre solide, celui de l’eau étant 1. Le produit 96 indique ka dans cha- que litreou 1000 centimètres cubes de moût à 5°, il y 496 grammes de sucre solide, ou 9 kil. 600 gr. par hectolitre. C’est d’après cette formule qu'a été dressée la table suivante, qui facilitera beaucoup ces calculs. N° 2. Table indiquant le poids d’un hectolitre de moût, ainsi que celui d'extrait qu'il contient pour chaque degré dumustimètre ou pèse-moüt. POIDS POIDS DEGRES. | D'un HECTOLITRE | DE L'EXTRAIT SEC en kilogrammes, en kilogrammes. kil. kil. 1 100 800 1 128 2 101 500 4 000 3 102 200 5 856 4 102 900 TLAT2S 5 103 600 9 600 6 104 300 11 456 gi 105 100 13 600 8 105 900 150728 9 106 700 17 856 10 107 500 20 000 11 108 300 DJ9MT28 12 109 100 24 256 13 109 900 26 400 14 110 700 28 528 15 111 600 30 928 16 112 500 33, 928 17 113 400 3510728 18 114 300 3 128 19 115 200 40 528 20 116 100 42 928 PORTO ENS ON TER PP PET UT JU RCE 6 IV.— Du tartre et de la manière de le doser. Dans nos 2 tables, nous avons établi nos calculs dans la supposition que le moût ne contenait en matière solide que du sucre, mais nous avons vu qu'il y entrait beaucoup d'au: tres principes, et en particulier du tartre qui, en s’ajoutant au sucre, en impose sur la quan- tité de matière sucrée que renferme le moût. C’est la quantité de tartre contenue dans ce moût, qu'il s’agit de doser pour la retrancher de la matière sucrée; les autres principes pou- vant être négligés sans inconvénient. Pour cela j'ai construit un instrument que j'ai nom- mé tartrimètre, et qui, je crois, sera utile aux œnologues. Le tartre, tel qu’il se dépose dans les ton- neaux,est un mélange de bitartrate de potasse, de 5 à 7 pour 0/0 de tartrate de chaux, de ma- tière colorante, de lie et autres corps qui se déposent pendant la clarification des vins. Si on verse dans une liqueur contenant du tar- tre en dissolution une solution de potasse à l'alcool ou de carbonate de potasse, il se fait une solution de tartrate neutre de potasse et il se précipite un peu de tartrate de chaux. La quantité de liqueur potassique qu'il a fallu em- 190 ployer pour saturer le tartre donne, avec une approximation bien suffisante dans la pratique, la quantité de tartre contenue en dissolution dans la liqueur. C’est sur cette réaction qu’est fondé l'emploi de cet instrument. Sa construction sera facilement comprise, surtout par ceux qui ont quelques connaissan- ces du calcul des équivalens chimiques. Je me suis servi de la table la plus exacte et la lus récente, celle qui a été donnée par Nr. BauDRIMONT, et je suis parti des principes suivans : 100 gram. de carbonate de potasse sec sont composés, en nombres ronds, de 32 d'acide carbonique et de 68 de potasse. 100 gram. de tartrate neutre de potasse sont for- més, en nombres ronds, de 58 d’acide tar- trique et de 42 de potasse. Si 42 parties de potasse saturent 58 d'acide tartrique, les 68 contenues dans le carbonate de potasse sec sa- tureront 93,9 d'acide tartrique, ou 94 sans fraction; 10 gram. de carbonate de potasse satureront 9 gram. 4 d'acide tartrique. Le tartrimètre (fig. 206) est une éprouvette raduée en cent parties égales; on la remplit jusqu'au zéro d’une solution de 10 gram. de carbonate de potasse sec dans l’eau pure, qui ne contient aucun sel calcaire. Chaque degré indiquera 94 milligrammes d’acide tartrique. Pour se servir de l'instrument, on verse dans un vase assez spacieux un décilitre de moût de raisin ; on remplit le tartrimètre de la solution de potasse préparée d'avance dans la propor- tion indiquée ; on verse doucement sur lemoûüt et par parties cette dissolution, et on remue à chaque affusion avec une spatule de bois pour faire dégager l’acide carbonique. Lorsque l’effervescence diminue, on verse l’alcali avec précaution, en ayant soin , chaque fois, d’exa- miner la division à laquelle on s'arrête. On essaie la liqueur vineuse avec un papier bleu de tournesol, et lorsque celui-ci ne rougit plus, on cesse de verser la liqueur alcaline; et, comme il arrive que l’on peut outrepasser le point de saturation, on lit sur le tartri- mètre la division qui a précédé la dernière affusion. Je suppose que l’on se soit arrêté à 11 degrés, on ne prend que 10 pour degré réel. Les degrés du tartrimètre indiquent la quan- tité de tartre contenue dans un hectolitre de moût; cette quantité est calculée d’après les principes suivans : le tartre est un sel acide qui contient une proportion de base et deux d'acide; c’est l’acide surabondant dont la po- tasse s'empare pour former un sel neutre. Le bitartrate de potasse est composé de 74parties d'acide et 26 de base. La moitié de 74 est de 37; ainsi l’on peut considérer le bisel comme formé de 63 parties de tartrate neutre et de 37 d’acide libre. Chaque degré du tartrimètre équivaut à 94 milligrammes d’acide, qui équi- valent à 254 milligrammes detartre; et comme nous avons opéré sur un décilitre, le litre contiendra 2 gram., 54 et partant l’hectolitre 254 gram. de tartre. La proportion de tartre étant connue, on la déduira de l'indication donné par le mustimètre pour l'extrait sec; le reste sera le sucre, le tannin, la matière colo- rante, etc. Comme les mêmes réactions se manifestent quand on emploie le carbonate de soude cris- tallisé, et qu’il est plus facile de se procurer ce sel dans le commerce que le carbonate sec de ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. Liv. Ev. potasse, nousavons donné dans le tableau N° 3 la quantité de tartre en kilog. indiquée par le tartrimètre , suivant qu’on fait usage de lun ou l’autre de ces 2 sels. N° 3. Tableau destiné à faire connaître la quan- tité de bitartrate de potasse outartrecontenue dans un hectolitre de moût pour chaque degré du tartrimètre (1). SOLUTION DE 10 GRAMMES DE CARBONATE EE DE POTASSE SEC. name RS QUANTITÉ de tartre en DE SOUDE CRISTALLISÉ. EE, QUANTITÉ DEGRÉS. de tartreen kilogrammes. one ST TERESESEARRS KIT, Met. 0 54,50 109 218 327 436 545 654 763 872 981 090 180 270 360 450 540 630 720 810 900 kilogrammes. Er TON NN ri mi im DO OOOOE S © © © 1 @ O1 À 9 Nm TT © © Où à O9 NO © © © © © © © D 1 QI 0 9 mi © © @ “1 © © © © © O0 1 On O1 à 9 ee © © © © © © © © bd $ V.— Mesure expérimentale des moüts et quantité d'alcool fournie par les matières sucrées. Je ne connais au sujet de la mesure expéri- mentale des moûts qu’un petit nombre de tra- vaux que je vais faire connaître. M. Jucra FONTENELLE a donné le poids spé- cifique des moûts des principales espèces de vignes du Roussillon, et y a joint le degré al- coométrique et la quantité d’eau-de-vie qu’on a retiré de chacun d’eux à l’aréomètre de Baumé. Voici la table que les 2 séries d’expé- rience de ce chimiste ont permis d'établir. (4) Les deux instrumens décrits se trouvent chez l’auteur, rue du Pattoir-Saint-André-des-Ares, n° 42. Ils ne seront livrés au commerce qu’après avoir été vérifiés par M. Massox-Four, qui signera l’instruc- tion que l'on recevra avec l’instrument. Le prix est de 8 fr. chaque, sous garantie. DEGRE POIDS e14ù . p.00 Û alcool! qu'on a spécifique. obtenu de chaque moût. Vignoble Enjalric. 12 5 18 5 14 0 19 0 14 5 19 5 14 0 19 0 15 0 19 5 16 0 20 0 14 4 20 0 Vignoble Julia. 19 0 20 0 20 0 19 8 20 0 21 0 20 5 215 Terret. Ribeirenc. Blanquette. Piquepouille gris. Caragnane. Grenache. Mélange des moüts. Terret. Ribeirenc. Blanquette. Piquepouille gris. Caragnane. Piquepouille noir. Grenache Mélange des moûts. Ces mêmes vins distillés plusieurs années après leur fabrication ont fourni des quanti- tés d'alcool plus fortes. M. pe FayoLzes a pris en 1823 la pesanteur spécifique du moût de 35 variétés de raisins du département de la Dordogne. Ces pesan- teurs ont varié pour les raisins noirs dans le rapport de 7 à 13, 5, et pour les blancs de 8 à 14, 5. Les moûts les plus pesans ont toujours donné les vins les plus généreux, et les rai- sins blancs des vins plus spiritueux que les rouges. Nous citerons maintenant une expérience de ce genre faite à Dijon, par notre confrère, à l’académie de cette ville, feu pE GOUVENAIN, savant œnologue et dont les résultats se rap- prochent des précédens. EAU-DE-VIE . RÉSIDU SOLIDE |5btenue en volume à la distillation à 19°5 de Baumé. , DENSITÉE DU MOUT. p. 100 de moût. 19 p. 0/0 21 11 21 8 Ontrouverait sans doute dans les manuscrits de ce chimiste un plus grand nombre d’ex- périences qui seraient d'autant plus importan- tes, qu’on peut compter sur leur exactitude ; mais des intérêts de famille ont empêché jus- qu'ici la publication des intéressans travaux ue cet estimable œnologue avait entrepris ans ce genre. D'après ce qui précède, ainsi que d’après les observations que j'ai recueillies, on peut éta- blir de la manière suivante les différentes quan- tités d'alcool que l’on peut obtenir des espèces diverses de sucre, DU CUVAGE OÙ MISE EN CUVE. 191 M. Gay-Lussac a déterminé par la théorie qu’un quintal métrique de sucre de canne ou 100 kilog. se convertit, par la fermentation vi- neuse, en 64 lit., 90 d'alcool absolu, à 0, 792 de densité, mesurée à 15° C. — Les distilla- teurs ne retirent par leurs procédés que 30 lit. d'alcool de 100 kilog. de fécule. — 100 kilog. de sucre de fécule, de la fabrique de M. Mor- LERAT, n'ont fourni à M.SEBILLE-AUGER,de Sau- mur, que 30 lit. d'alcool absolu. 100 kilog. de sirop de dextrine, de la fabrique de M. Fou- CHARD , à Neuilly, de 33 à 34 degrés, rendent 15 lit. d'alcool. — 100 kilog. de matière sè- che de moût de raisin donnent, par la distii- lation , de 53 à 55 lit d'alcool. Ce calcul a été établi par plusieurs expériences de pE GOUVE- NAIN, de M. SEBILLE-AUGER et sur des obser- vations qui me sont propres. Sinous discutons actuellement les résultats de MM. DE GOUVENAIN, JULIA FONTENELLE et que nous les comparions aux recherches qui ont été faites en Angleterre pour asseoir l'impôt sur les eaux-de-vie, nous trouverons quelques anomalies dont nous rendrons raison plus bas. DE GOUVENAIN a opéré sur un moût dont la . densité était de 1083, contenant par consé- quent , 22 kilog. d'extrait sec, d’après la table n° 2. Or l’évaporation ou la dessiccation n’a donné à l’auteur de ces recherches que 21 kil. 60; ce moût a produit , à la fermentation, 11 lit. d'alcool absolu , ce qui équivaut à 50 lit. pour 100 de matière solide. M. Juzra FoNTE- NELLE a retiré 12 lit. 50 d’un moût à 14 degrés, ou 28 pour 0/0 de sucre, ce qui fait 44 lit. 60 pour 100. Les distillateurs anglais soumettent à la fermentation un moût de grains qui con- tient 29 kilog. pour 0/0 de matière sucrée et retirent 14 kilog. 50 d’un alcool à 0,825 de densité, ou 35° 1/2 de Cartier, 89 de l’alcoomètre centigrade, équivalant à 15 lit. 62, alcool ab- solu, ou 54 lit pour 100 de matière sucrée. Enfin, si nous consultons les valeurs don- nées par M. HERpPIN pour la graduation de son maltimètre, nous trouvons qu’un moût dont la densité est de 1060 contient 14 kilog. de matière sucrée, et rend, si la. transforma- tion est complèle, 14 lit. pour 0/0 d'alcool! à 56 degrés centigrades, ou 7 litres 84 alcool ab- solu, ce qui équivaut à 56 lit. pour 100 kilog. d'extrait sucré de moût de bière. En résumant toutes ces données, nous pou- vons établir les rapports qui suivent, pour les quantités d'alcool absolu que l’on peut produire avec des moûts composés de 100 kilog. des di- verses sortes de sucre. — Sucre de canne pu- rifié, 64 lit. 90. — Sucre de fécule , 30 lit. — Sirop de dextrine, à 34 degrés, 18 lit. — Le même, à 40 degrés, 22 lit.—Moût de raisins, desséché , 50. — Le même, de Languedoc, 44 lit. 60.—Extrait de malt, ou moût de grain, 54 lit. — Le même, 56 lit. Pour connaître l'influence de la maturation sur la formation du sucre dans le raisin, pe GOUVENAIN à fait une expérience que Je crois devoir rapporter. Le 10 octobre, dix jours avant celui qui avait été fixé pour la vendange aux environs de Dijon, il fit cueillir des raisins blancs qui furent exprimés de suite. Le moût pesait 1070 à 10° R. , il saturait 6/100°, à un alcalimètre particulier qu'il s'était formé, et donnait un 192 résidu sec de 184/000°. Le vin provenu de ces raisins non complètement mûrs avait une pe- santeur spécifique de 0,99675 ,il saturait 6/100° d’alcali, donnait un résidu de 20/1000° et a rendu 19/100° en volume d’eau-de-vie à 19°. Le 21 octobre, jour de la vendange, le moût des raisins blancs du même cépage avait ac- quis une densité de 1083,50, saturait 5/100°, et son résidu était de 216/1000:. Le vin quienest provenu saturait 5/100-, le résidu était de 21/1000. Ila rendu 21,5 à 21,8 pour 0/0 d’eau- de-vie à 0,935, ou 18° 80 de Cartier, ce qui équivaut à 11 pour 0/0 d'alcool absolu. Ainsi, 10 jours de maturité ont élevé de 13 millièmes et demi la densité, diminué l'acidité de1/100°, et augmenté le résidu de 32/1000°; la différence en alcool a été 1,50 en sus, pour le dernier vin, ou celui des raisins mürs; cette quantité d'alcool convertie en sucre équivaut à 2 gram. 600 par hectolitre, ce qui démon- tre combien il importe d’obtenir , autant que possible , une maturité complète, et de ne vendanger que lorsqu'on y sera parvenu, ou le plus tard que l’état de l’atmosphère et les circonstances locales le permettront. On a dû remarquer que la quantité de tartre ne paraît pas diminuer dans Pacte de la fermentation; cependant il se dépose avec la lie, et les vins vieux en contiennent beaucoup moins que ceux qui sont récens. M. SCHUBLER a pesé pendant un grand nom- bre d'années les moûts des différens vins du Wurtemberget dans différentes circonstances. Nous nous contenterons de rapporter ici les résultats que l’expérience lui a fait connaître sur la valeur comparative des moûts, d’après leur pesanteur spécifique, et la nature des vins qu’on est en droit d’en attendre. Pesant. spécif. 1030 Moût de raisins acides et non parve- nus à maturité. 1040 Raisins non mürs, donnant un vin faible qui n’est pas de garde. 1050 Moût aqueux et médiocre. 1060 Moût léger et de qualité moyenne. 1070 Bon moût et au-dessus de la moyenne. 1080 Moût très bon, et qui est celui des bons vins de table de la France et de l'Allemagne. 1090 Moût distingué, des vins de la Neker et du Rhin. 1100 Moùût supérieur des bonnes années dans le centre de la France et le midi de l'Allemagne. 1110 Moùt très riche des vins du midi de la France, d'Italie et d’Espagne. Il est à désirer que ces expériences soient reprises par quelques chimistes œnologues et conduites de manière à constater, non-seule- ment la pesanteur spécifique des moûts des différens vignobles, dans des années différen- tes, ainsi que les quantités de tartre et de sucre, mais encore celles d’albumine et de glu- ten à diverses époques de maturation. SECTION V. — De la cuvaison ou fermentation dans la cuve. $ Ier: — De la fermentation en général. Nous allons d’abord étudier ce qui se passe dans la méthode de cuvaison la plus générale- ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. LIV. 1%. ment en usage, en supposant, comme le cas s’est présenté dans l’année 1834, que toutes les circonstances sont favorables, c’est-à-dire que le raisin est bien mûr, la vendange faite par un beau temps, la température de la cu- verie assez élevée, le jour et les nuits tempé- rés; que le raisin est égrappé en proportion de sa maiurité et de celle de sa rafle, foulé convenablement, mis dans la cuve et aban- donné à lui-même avec le contact de Pair. Ceci posé, voyons ce qui a lieu. La liqueur se trouble et s'échauffe, 11 se dé- gage des bulles de gaz ou d’air qui viennent crever à la surface, puis la température aug- mente, le gaz s'échappe avec bruit et ramène à la surface les rafles et les pellicules qui forment au-dessus du fluide une masse plus ou moins cohérente qu’on nomme le chapeau. La fermen- tation estalors ce qu'on appelle tumultueuse.Elle dure plus ou moins de temps selon la nature du moût, le rapport du sucre au ferment et la température. Pendant tout ce travail, on observe que le liquide se colore en rouge, qu’il perd sa douceur, qu’il acquiert une saveur chaude, piquante, une odeur vive, agréable, qu se fait sentir dans l’atelier, en un mot qu'il evient vineux; alors la température diminue, la liqueur s’éclaircit, le chapeau s’affaisse, ses bords se détachent de la cuve, il tend à s’im- merger dans le vin; c’est le moment de décu- ver ou de tirer le vin de la cuve. Il ne faut pas attendre que la température soit descen- due jusqu’à celle de l’air ambiant , parce que le bois dont la cuve est construite étant mau- vais conducteur de la chaleur , le refroidisse- ment serait trop lent et que le vin perdrait en qualité. Telle est la marche que suit la cuvaison, toutes les fois que la saison est favorable et le raisin de bonne qualité. Mais il s’en faut de beaucoup que cette marche soit toujours aussi régulière. Une infinité de circonstances peuvent la faire varier et exercent une grande Influence sur les résultats. Pour nous mettre à même d'apprécier les causes qui retardent ou accélèrent la fermentation vineuse ou al- coogénique, nous allons examiner les phéno- mènes qui se succèdent pendant la vinifica- tion, les conditions indispensables pour qu’elle ait lieu, les réactions chimiques qui s’exercent entre les élémens du moût,afin d’en déduire, autant que nos connaissances nous le permet- tront, une théorie exacte de la conversion du mucoso-sucré en alcool. Cette théorie, une fois établie, nous fournira les moyens d’arri- ver aux véritables principes de l'amélioration des vins et de renverser des doctrines dange- reuses ou des calculs spécieux qui reposent sur des hypothèses ou des erreurs et en im- posent aux personnes crédules. $ II. — Idées théoriques sur la fermentation vineuse. La conversion du mucoso-sucré en alcool ou fermentation alcoogène, quoique s’opérant d’une manière spontanée, est une opération qui doit étre entièrement dirigée par l'art, si lon veut parvenir à des résultats fixes et détermi- nés. Le but que l’on se propose est d'obtenir un vin de garde qui se transporte sans se dé- tériorer, et qui assure aux viticoles une den- l rée d'un débouché certain avec un bénéfice CHAP. ge. honnête et capable de compenser les dépenses de la culture de la vigne, la chance des mau- vaises années, ainsi que les frais de fabrication et d'entretien du vin. Les substances indispensables pour opérer la fermentation vineuse sont : le sucre ou le mucoso-sucré, l’eau et le ferment, auxquelles on peut ajouter le tartre. Les matières sucrées ne fermentent pas tant qu’elles restent dans les plantes, isolées des autres principes, et tenues hors du contact de l’air ou de l’oxigène. Quelques chimistes pensent que l'acide carbonique peut, dans quelques circonstances , remplacer l'air; je connais peu d'expériences concluantes à cet égard, quoique cette opinion ait queique pro- babilité. HENRY a prouvé que le moût de bière entre en fermentation saturé d’acide carbo- nique. M. DoBEREINER appuie sur ce fait d’ex- périence, et pe GOUVENAIN dit avoir observé des fermentations sans le contact de l'air. Une dissolution aqueuse de sucre pur ne peut fermenter seule, il lui faut le contact d’une substance azotée. Le gluten jouit au maxi- mum de cette propriété : il subit dans ce cas un changement qui nécessite la présence de l'air. Les réactions qui ont lieu à cet égard sont encore peu connues. On pense qu’elles appartiennent aux phénomènes électro-chimi- ques, en raison de la chaleur qui se dégage. Il parait certain que le ferment n’est pas réexistant dans le suc des fruits, et que c’est a première combinaison qui se fait aux dé- pens du gluten, de l’albumine ou de toute autre substance azotée. Le gluten et l’albu- mine végétale sont suspendus ou en partie dissous dans le moùût avec le sucre et l’acide tartrique. Dans le premier moment de la fer- mentation , le gluten se précipite et passe à l’état de ferment par son contact avec l’oxi- ène. Cette action une fois commencée, la écomposition du sucre a lieu et se continue jusqu'à l'épuisement de cette substance ou du ferment. Tout me porte à croire que la pré- sence du sucre, ou d’une matière susceptible de se convertir en mucoso-sucré, telle que la fécule , est nécessaire pour la conversion du gluten en ferment. On peut se procurer d’une manière simple le tou levure pure. Cette matière, d’a- près M.DoBerEINER,encore hydratée etbroyée avec du sucre de cannes ou de raisin, se trans- forme en sirop. La privation totale de son eau d’hydratation lui enlève la vertu fermen- tescible. Elle se perd de même par une ébul- lition prolongée, par un séjour dans l'alcool, par une quantité infiniment petite d’acide sul- furique, d'acide nitrique ou acétique concen- tré. Les alcalis, les sels qui cèdent facilement leur oxigène opèrent le même effet. Le gaz sulfureux, les sulfates, la moutarde, les huiles volatiles qui contiennent du soufre, les plan- tes crucifères et le charbon arrêtent aussi plus ou moins complètement la fermentation. Pendant et par suite de la fermentation une partie du ferment est décomposée ou le corps subit une altération qui le rend inerte; il se produit en même temps de l'alcool aux dé- pens du sucre, et il résulte des observations que j'ai faites qu’il se forme de l’'ammoniaque et de l'acide hydrocyanique, et que la saveur de certains vins délicats dépend jusqu’à un AGRICULTURE. CUVAISON OU FERMENTATION DANS LA CUVE. 195 certain point d’une petite quantité de cyano- gène qui se forme pendant la réaction. Lorsque l’on fait fermenter du sucre pur, dissous dans l’eau, il ne se forme pas de levure, une partie du ferment employé est au con- traire décomposé. Si on ajoute du ferment à une solution de sucre ou dé mucoso-sucré contenant les élémens du ferment, il se forme de la levure, à moins que le sucre n’absorbe le levain, au fur et à mesure de sa produc- tion, c’est ce qui arrive dans la fabrication du vin et du cidre, etc. J'ai réuni ces faits d'observation et d’expé- rience pour en déduire les perfectionnemens que l’on peut introduire dans les divers pro- cédés de fabrication des vins. Nous allons maintenant reprendre et discuter les prati- ques anciennement suivies, celles qui ont été modifiées d’après les conseils des chimistes : enfin nous ferons connaître les méthodes er- ronées, et nous appliquerons les connaissances acquises à des améliorations réelles. & III. — De l’emploi des cuves ouvertes , de l'avan- tage des cuves fermées et du chauffage des moûts. La méthode la plus anciennement suivie, celle qui se pratique encore le plus générale- ment, est La fermentation dans les cuves ouver- tes. Quelquelois cependant on les couvrait avec des planches ou des couvertures, mais toute cette opération était dirigée avec tant de négligence qu’on pouvait dire avec raison que c'était l’année qui faisait le vin, et non pas le vigneron; observation vraie dans la plu- part des pays où la vinification était conduite d’après une certaine routine que l’expérience et les années avaient pour ainsi dire sanction- née. Dans quelques vignobles renommés on opérait avec plus de soin, et la qualité du vin en était meilleure. Aujourd’hui que la science est venue éclairer les phénomènes et lamarche de la fermentation, on s’est jeté aveuglément dans une nouvelle route, et l’on s’est em- pressé d'adopter, sur parole, les conseils de la théorie. Nous chercherons à apprécier à leur juste valeur toutes les modifications pro- posées, et dans ce but nous commencerons par nous expliquer sur les inconvéniens des cuves découvertes. Lorsque la fermentation n’est pas de longue durée, lorsqu'elle est prompte, tumultueuse et facilitée par une température convenable de l'atmosphère, il y a autant d'avantage à opérer en vase ouvert qu'en vase clos, surtout si le vase où se fait la fermentation n’est pas trop large du haut. C’est ce qui arrive pour les vins fins et légers de Bordeaux et de Bour- gogne dans les bonnes années. Aujourd’hui surtout que l’on égrappe et que l’on foule, le chapeau est plus compacte, il n’a pas le temps de se dessécher, et le suc est mieux garanti du contact de l'air. Si la marche de la fermentation ne se ralentit pas, il est inu- tile de fouler ou de plonger le chapeau dans le vin. En tous cas, au lieu de faire entrer des hommes nus dans la cuve, au risque de com- promettre leur vie ou leur santé, il serait pré- férable de placer des traverses sur les cuves, d’y faire monter les ouvriers et de plonger le chapeau au moyen d’un plateau de bois troué, surmonté d’un manche de plusieurs pieds. TOME INT. — 25 194 ARTS AGRICOLES ; FABRICATION DES VINS. Nous avons vu que du moment où les cir- constances venaient à varier, ia fermentation ne marchait plus régulièrement et que le pro- duit n’était plus le même. Examinons en par- ticulier chacune des circonstances qui peu- vent influer sur cette marche, et cherchons les moyens de ramener notre vendange aux conditions normales. La première condition est la maturité du raisin ; elle dépend de la température de la saison et de l’état de l'atmosphère au moment de la vendange. Essayez un peu de suc au mustimètre et au tartrimètre, puis examinez l’état de la grappe, égrappez vos raisins en raison de la maturité, foulez de suite, et rem- plissez la cuve. Prenez note de la température de la cuverie et de celle de l’intérieur de la cuve, au moyen de bons thermomètres dont vous aurez soin de vous munir. A une température au-dessus de 6° R., la fermentation s'établit difficilement, et marche avec lenteur; celle de 13° à 15° est plus favo- rable pour les vins légers. La fermentation , une fois commencée, a lieu avec vivacité et se termine promptement. Dans le Midi, et lors- que le moût est très sucré et ne renferme qu’en petite proportion les élémens du fer- ment, il faut une température initiale plus élevée; elle peut aller jusqu’à 16 ou 18°.C’est ce qui a lieu aussi dans les pays chauds pour la fabrication des vins secs , tels que ceux de Madère. Ainsi la température initiale néces- saire pour une bonne fermentation paraît être en raison de la proportion de sucre et de fer- ment; mais si ce moût est mis dans la cuve par un temps froid, si la cuverie, ouverte à tous les courans d'air, est de mêmeàune basse température, ce qui est assez ordinaire, il faut obvier à cet inconvénient. Si la cuverie était construite de manière à pouvoir être chauffée, je placerais le fourneau d’une: chaudière à bascule à l’entrée dans un local séparé, et par des tuyaux placés dans l'intérieur de mon fourneau, je dirigerais un courant d'air chaud dans la cuverie. Voilà pour l’air ambiant; mais leliquide nes’échauf- ferait que lentement. On a proposé plusieurs moyens, mais le seul à mon avis qui soit praticable, c’est de tirer une partie du moût w’on fait chauffer et qu’on amène à l’ébulii- tion. Il est facile du reste de calculer la pro- portion du moût à chauffer : un hectolitre de moût bouillant contient 100 degrés de cha- leur; je suppose que la température n’est dans la cuve que de 8° et je veux la ramener à 15°, la différence est de 7°; alors je retranche 15 de 100, et je divise le reste 85 par 7, ce qui me donne 12. Ainsi un hectolitre de moût bouillant, que je recommande en passant d’é- cumer, amène à 15° de chaleur 12 hectolitres (4) Voici les formules nécessaires pour opérer les LIV. IV, de vendange, qui étaient d’abord à la tempé- raiure de 8° (1). Cette méthode suivie avec succès par M. SEBILLE-AUGER est la plus ex- péditive. On peut faire une chaude en moins d'une heure, et par conséquent échauffer une cuverie assez promptement. On versera le liquide bouillant au moyen d’un entonnoir dont la douille plongera jusqu’au fond. La cuve étant une fois réchauffée , on conserve la chaleur en la couvrant avec des planches ou un couvercle en paille que l’on fabrique comme le surtout des ruches pour lesabeilles, et qu'on monte sur un châssis afin de le ma- nier plus facilement. La chaudière à bascule des raffineurs de sucre est l’appareiïl le moins embarrassant et le meilleur marché de tous ceux qui sont au- jourd’hui en usage pour l’évaporation ou le chauffage des moûts. La figure 207 représente le plan du fourneau et de la chaudière, et la fi- gure 208 lacoupe verticale. AA maçonnerie du fourneau. G chaudière à bascule, diamètre 1 mètre (3 pieds); profondeur 18 à 24 cent. (6à 8 po.) et 33 cent. (12 po.) vers le bec. H bec de 63 cent. de long (21 po.); ce bec à 54 cent. (18 po.) de large à sa naissance et 24 cent. (8 po.) à l’extrémité. P cheminée. OO pitons à scellement dans lesquels sont engagées les extrémités d’un boulon fixé à la naissance du bec de la chaudière, et mobile dans des bou- cles qui y sont clouées. B foyer. C cendrier. dd grille. eee carneaux pour livrer passage à la fumée. FF conduits qui reçoivent la fu- mée qui passe par les carneaux latéraux. L poulie atachée au plancher. Une corde ou chaine passée dans un anneau, s’enroule sur la poulie et retombe en M. On peut donner à cette chaudière la forme d’un carré long. Je crois même cette disposition préférable, en ce qu’elle est plus commode à chauffer et moins sujette à donner le goût de brülé, parce ue les parois latérales et les parties angulaires u fond ne reçoivent pas l’action immédiate de la chaleur. calculs : soit a la température du moût chauffé, b celle de la vendange, c le degré de chaleur que l’on veut obtenir, x le nombre d’hectolitres échauffés au degré voulu. On a d’abord x = hr c—b Connaissant le nombre d’hectolitres de vendange contenus dans la cuve et sa température, combien faut-il d’hectolitres de moùt chauffé pour l’amener à 18°? a quantité de vendange, b sa température, €” chaleur à 48°, d moût bouillant. On aura... x—a * (c—b : » — 8) ( ) par exemple : a = 26 hect., b=8*, c—15°,d—100°; ce qui donner— ?5 * (5558) d—c 100 — 45 _176 5=-—=8 hectolitres, Ces deux formules suffront pour tous les cas qui peuvent se présenter. cHAP. Ge, Ce premier inconvénient d’un moët de fai- ble densité une fois corrigé, nous sommes arrivés à une première condition de bonne saison de vendange. Cette opération n’occupe pas le vigneron , une femme peut chauffer le imoût jusqu’au moment de le couler. Ceux qui se serviront des cuves couvertes que nous avons pa ne seront pas dispensés de réchauffer leur moût en cas de besoin. Quant à l’addition de sucre ou autre matière sucrée, elle se fait dans Je moût bouillant et écumé. Je discuterai plus bas les avantages et inconvéniens de cette pratique, dont on a plus abusé que profité, et qui, adoptés sans discer- nement, sans guide assuré, à fini par amé- liorer quelques vins communs, mais gâter les vins les plus renommés et discrédité cette branche de commerce chez l'étranger. On a beaucoup exagéré les pertes qui ont lieu par la fermentation en cuves ouvertes et les avantages qu’on obtient des cuves couvertes. Nous allons réduire les uns et les autres à leur juste valeur, et je ne vois pas que l’on doive rejeter complètement l’ancienne mé- thode qui a fabriqué du bon vin très long- temps avant que l’on soupconnât les vrais principes théoriques de la vinification. Reste seulement à bien distinguer les années où l’on peut l’employer sans danger, et avec les légères modifications que les préceptes qui seront indiqués plus loin rendront faciles. Danporo établit, d’après l'expérience, que 3,000 kilog. de bon moût peuvent contenir 450 kilog. de matière sucrée, ou 15 kilog. par 100 ou quintal métrique; c’est un moût à 8° au mustimètre, tartre déduit ou 10° tout compris. Ces 450 kilog. de mucoso-sucré peuvent donner 157 kilog. d'acide carbonique gazeux, qui, ré- duit en volume, équivalent à 66 mètres et demi cubes qui peuvent tenir en vapeur invisible 60 kilog. de liquide enlevés à la cuve; et comme c’est principalement l'alcool et l’arome qui s’é- chappent en raison de leur volatilité, il s’en- suits dit-il, qu'une cuve à l’évaporation de la- quelle on ne mettrait aucun obstacle, ne four- nirait qu'un vin bien appauvri; ce qui est loin de la réalité. M. Gay-Lussac a démontré que la perte en alcool entrainé par l’acide carbonique ne s’é- lèverait pas à 1/2 pour 0/0 de l’alcool produit. DE GOUVENAIN à trouvé une quantité plus fai- ble encore. L’eau que j'ai retirée par le con- duit d’un réfrigérant Gervais placé sur une cuve de 26 hectolitres de vendange, était peu alcoolisée; elle a déposé une quantité notable de carbonate de fer. Le volume et la force du vin n'avaient pas été diminués d’une manière sensible, d'où je persiste à croire que dans les bonnes années et pour les vins légers, tels + les premières qualités de Bourgogne et u Bordelais on peut, jusqu'à un certain point, s’en tenir à l’ancienne méthode, c’est-à-dire aux cuves ouvertes. Mais hors ce cas malheureuse- ment trop rare, je suis d’avis d’avoir recours à la science et aux procédés d'amélioration dont je vais donner connaissance avec impartialité, p’ayant d'autre intérèt que celui du pays. Dans les cuves ouvertes, si l'atmosphère est sèche et chaude, Le chapeau se dessèche, l'air le penètre, et si la fermentation est longue il se forme de l'acide acétique, et lorsqu'on le plonge par le foulage, il communique au vin une dis- CUVAISON OU FERMENTATION DANS LA CUVE. 195 position à passer à l’ascence. Si l'air est humide et froid, la partie supérieure du chapeau est imbibée d’eau, qui détrempe la grappe, et il se développe une fermentation acide et pu- tride et un commencement de moisissure. Une telle masse immergée dans le vin, à quel- que époque que ce soit, ne peut produire qu’un funeste effet. On obvie à ces graves inconvéniens , en se servant des cuves couvertes, telles que celles qui ont élé décrites précédemment. La cuvaison en vases plus ou moins complè- tement clos réunit les avantages suivans. 1° La température intérieure est conservée et le moût, avant de passer à la fermentation alcoo- gène, se mürit. Par la chaleur et sous l’in- fluence du tartre, ii se forme du mucoso- sucré; la vendange verte éprouve une matu- rité analogue à celle qu’elle aurait reçue sur le cep si la saison eût été favorable. 2° L’airn’ayant pasid’accès, son influence dé- favorable, s’il est humide et froid, est nulle, le chapeau n’éprouve aucune réaction acide ow pu- tride. 3°Le dégagement d'acide carbonique est ralenti par la pression plus où moins grande qu'il éprouve suivant la hauteur de la colonne d’eau à travers de laquelle il est contraint de passer ; il presse légèrement sur la masse qui constitue le chapeau; celui-ci reste humecté par suite de cette espèce de trempe, et lors- que la fermentation est prolongée, les matiè- res qui composent le chapeau cèdent une plus grande partie de leur Vies acerbe, et le vin est d’abord plus dur et plus âpre; c’est pourquoi il faut égrapper davantage pour une cuvaison à vase clos que pour une férmenta- tion à cuve ouverte. Le foulage, si on le juge nécessaire, s'exécute avec un plateau percé de trous; c’est un moyen simple et facile. M. SEBILLE-AUGER se sert pour cet usage d’un agitateur à ailes verticales ; il n’a pas remarqué que cette agi- tation ou brassage communiquât au vin d’au- tres qualités que celles que possédait celui foulé à la mamère ordinaire. Au reste cha- cun trouvera, suivant les circonstances du pays, un moyen de fouler le chapeau en cas de besoin. 4° Dans la cuve couverte on peut laisser plus long-temps le vin et le marc sans qu’il en résulte d'autre inconvénient que celui de la solution des principes de la grappe. Je pense que pour des vins de prix , le mieux est de décuver lors- que le vin est parfait et ne gagne plus en spl- riluosité. Plusieurs œænologues ont observé que la couleur du vin fabriqué en vaisseau clos était moins foncée que celle du produit vineux ob- tenu par les procédés ordinaires. M. LOMENr ense que celte espèce de décoloration est due à l'absorption d’une trop grande quantité d’aci- de carbonique qui agit sur le principe colorant du vin. Pour obvier à cet inconvénient, l’œno- logue italien conseille de laisser une issue au gaz de la fermentation pendant la première période de la décomposition du sucre. 11suffit, pour cet effet, de laisser ouverte la bonde hy- draulique pendant les premières heures du tra- vail de la cuve; le gaz quise forme établit au- dessus du moût une atmosphère qui le garan- tit du contact de l'air. Comme il ne se décom- 126 ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. pose qu’uné partie du mucoso-sucré, on n’a as à craindre l’évaporation de l’alcool qui est insignifiante. Si l’on désire que le dégagement de l'acide carbonique soit lent, quoique libre, on place sur le tube de la bonde un couvercle en forme d’entonnoir, dont le bec occupe le haut ; cette construction a l’avantage de con- denser une partie des vapeurs aqueuses. Aus- sitôt que la fermentation tumultueuse est presque terminée, on enlève l’entonnoir-cou- vercle et on place celui de la bonde pour éta- blir la fermeture complète. Il faut avoir soin de brasser la vendange avant de décuver, mais il est bon de ne tirer le vin que lorsque le li- quide est éclairci. 6 IV. — Des procédés d'amélioration des mots. Examinons actuellement les procédés d’a- mélioration du moût, sous le double rapport de l’économie et du résultat; en les discutant séparément on pourra comparer, expérimen- ter et choisir le plus avantageux. Ce qui manque le plus ordinairement au mot de raisin, au moins dans la partie moyenne et le nord de la France, c’est le mutoso-sucré, et ar conséquent ce qui manquera au vin Ce sera Éeool. Est-il plus convenable de sucrer le moût, ou bien d’alcooliser le vin? C’est une uestion sur laquelle on à émis et fait valoir de opinions contradictoires, que quelques-uns ont résolue en combinant les deux moyens. D'abord supposons qu'on veut augmenter la proportion du mucoso-sucré. Quelle espèce desubstancesucrée ou sucre doit-on employer? C’est ce que nous allons essayer de décider. Les deux substances qui méritent incontes- tablement la préférence, sont le sucre de canne pur et raffiné et le moût concentré par l’évaporation. Lorsque vous aurez essayé voire suc de raisin au mustimètre et au tartrimètre, vous calculerez la quantité de sucre qu'il faudra ajouter pour lui donner une densité déter- minée; par exemple, si le moût ne marque que 6°, vous aurez 11 kilog. 456 d'extrait sec uine donneront qu’un vin contenant 5 pour0/0 ‘alcool pur ou absolu. Pour obtenir un vin à 10 pour 0/0, il faudra donc 20 kilog. de sucre; ce sera donc 9 kilog. que vous aurez à faire fondre dans chaque hectolitre de moût, sans comprendre le marc: le prix moyen du sucre est de 2 fr. le kilog., votre hectolitre de vin aura donc à EE PA en sus des frais ordi- naires de sa production, une dépense de 18 fr. Pour se résoudre à cette dépense il faut que le vin soit de bonne qualité et qu'il se vende à un bon prix; ce ne sera donc pas sur un vin à 39 ou 40 fr. l’hectolitre que l’on pourra opérer ainsi. Si vous ne mettez que la moitié envi- ron de cette dose de sucre,ce qui se pratique ordinairement, vous ne dépensez que9à 10 fr. pour l’hectolitre,ou 29 fr. par pièce de 228: or, 1l est arrivé souvent que le vin ainsi amélioré n’a obtenu qu'une faible augmentation de prix, qui n’a pas puindemniser le propriétaire. Les vins sucrés ont en outre le défaut de ne pas achever leur fermentation dans la cuve, de travailler à certaines époques de l’année, d'exiger plus de temps pour être prêts à être bus, de conserver une saveur sucrée ou d’ac- quérir une vinosité qui masque le bouquet et leur donne le goût de ce qu’on nomme vin LIV. 1Y. chaud. 11 est vrai qu’on donne par ce moyen aux vins fins une qualité qui les rapproche des vins du Midi, et comme la fermentation acé- teuse ne commence qu'après l'entière dé- composition du sucre, les œnologues ont ob- servé que les vins sucrés étaient moins sujets aux maladies que ceux de la même année qui n'avaient pas été additionnés. L’addition du sucre ayant lieu dans les années froides, je pense que si on opérait en cuves fermées et avec un moût échauffé au-delà de 15 à 16°, on aurait une fermentation plus ré- gulière. Si on ajoute du sucre, il est bon de moins égrapper que pour un moût non sucré; sans cela, le sucrage en cuve ouverte ne peut avoir un bon résultat. Il est certain, d’après M. DuBruNFAUT et par suite d’ob- servations directes qui m’appartiennent, que le sucre passe à l’état de mucoso-sucré avant de se convertir en alcool ; pour cela il demande une température soutenue et la présence du tartre. Cette observation suffit pour diriger ceux qui voudront persister dans cette mé- thode qui exige beaucoup de discernement. L’évaporation du moüt produit un très bon effet sous tous les rapports; mais elle ne con- vient qu'aux viticoles qui auront la chaudière à bascule ou un autre appareil quelconque. Le temps viendra peut-être où ces instrumens seront plus répandus, et où 1 à 2 appareils dans un canton seront suffisans pour con- centrer le moût de tous les vignerons du pays. En 1829, M. Serie ajouta 100 lit. de moût, provenant de 200 lit. soumis à l’ébullition et à l’évaporation, à 128 lit. de moût non chauffé. Chaque pièce représentait 328 lit.; 1l y avait donc 1 hectolitre de moins en volume. Si la quantité a été diminuée, la qualité en était tellement bonifiée, que le prix auquel ce vin amélioré a été vendu a compensé la perte et la main d'œuvre. Le vin de la même année et dans le même canton de Saumur, était à peine demandé par les acheteurs. Voilà ce que j'appelle améliorer dans la véritable acception du mot; cette amélioration est licite, elle est légale et dans l'intérêt du pays et de la viti- culture. Le sucre de fécule, fabriqué à Pouilly, Côte- d'Or, a été préconisé à son tour; son prix est de 80 fr. les 100 kilog. pris à la fabrique, et sous ce poids il représente 30 litres d’alcool absolu; de sorte que 3 kilog. de ce sirop n’a- joutent qu'un pour 100 de force à la vinosité d'un hectolitre et coûtent au mois 2 fr. 50 €.; jenecompteniemballage ni frais de transport. Le sirop de dextrine, de la fabrique de M. Fou- cHaRD à Neuilly, est venu remplacer le sucre de M. MoLLrEraAT. 100 kilog. de ce mucoso-su- cré se vendent, en seconde qualité, 32 fr. non compris le füt et la voiture ; ces 100 kilog. ne représentent à 34° de Baumé que 18 litres d’alcool absolu ; ainsi cet es rit-de-vin revien- drait à peu près à 2 fr. le litre. Le sirop fin, ou la 1requalité, est d’un prix double; il faut donc y renoncer pour l’amélioration des vins. L'emploi de ces sucres de fécule, outre qu'il n'est pas économique, offre encore l’incon vénient d'empâter les vins, de donner beaucoup de lie et de les disposer à la graisse ou à la: mer, et surtout à l'acide. Je dirai franchement que ces moyens ne conviennent en aucune manière; que, bien CUVAISON OÙ FERMENTATION DANS LA CUVE. qu’analogues au sucre de raisin,ces sucres se comportent différemment dans la fermenta- tion, que l’alcool qui en provient possède une saveur particulière qui altère celle du vin, que pour les vins de bonne qualité ils sont nuisibles, et que pour les vins communs ils ne servent non-seulement à rien, mais qu'ils aug- mentent le prix au-delà de celui auquel ces vins seront vendus. On ne doit guère, à mon avis, améliorer que les vins qui ne se consomment pas sur place et qui, par conséquent, doivent se garder. Combinons maintenant les deux méthodes pour en déduire une plus rationnelle, plus économique, et précisons les circonstances dans lesquelles on doit y recourir. Dans les bonnes années, si le moût contient suffisamment de mucoso-sucré, je pense que le mieux est de ne pas ajouter de sucre, sur- tout si les élémens du ferment sont en faible proportion. Dans les mauvaises années, si le raisin est vert et aqueux, Je conseille la ré- duction du mouût par la chaleur ou l'addition d'une quantité de sucre purifié (1), s’il s’agit de vins fins, mais seulement en proportion telle w’il soit complètement décomposé dans l’acte de la fermentation et convertien alcool. C’est alors qu'il est important de surveiller la cu- vaison, d'obtenir un travail prompt et régulier de la cuve, en élevant ou maintenant la tempé- rature, qu’il est bon de consulter souvent les thermomètres qui communiquent avec le vin qui se fait, degoüter et d'essayer avecle musti: mètre le vin er. époques de sa formation. Lorsque la densité du moût ne diminue plus d’une manière sensible, lorsque le liquide se colore, qu’il perd son goût sucré, que la tem- pérature s’abaisse et que le vin tend à s’éclair- cir, le moment du décuvage approche. C’est avant cette époque qu'il faut saisir le moment pour communiquer au vin la vinosité que l’on désire, par un procédé plus simple, plus économique, plus conforme à la saine théorie, et qui, sous tous les rapports, mérite la préférence. Je veux parler de l'addition dans la cuve d'alcool ou esprit-de-vin. Celui que l’on doit choisir est l'esprit 3/6 du commerce, ou alcool à 33° de Cartier et 85 de l’alcoomètre centésimal. Que veut-on obtenir dans un vin? la vino- sité. Qu'est-ce qui donne la vinosité? c’est l'alcool. Et quelle espèce d’alcool convient mieux dans cette circonstance, que celui qui est produit par le vin lui-même, par le suc 197 de raisin? On me dira que tous les alcooïs ont la mème constitution chimique; j'en conviens, mais il est certain qu'ils n’ont pas la même sa- veur. Or, pour notre opération, c’est la saveur qu'il nous importe le plus de considérer, puisque le bouquet est une qualité essentielle et recherchée. L'expérience a démontré de- puis long-temps que l’alcoo!, ajouté au vin au moment où il est prêt à terminer sa fermen- tation, s’y combine sans lui communiquer une saveur d’eau-de-vie et se fond dans le liquide de la même manière que celui qui se produit par la décomposition du mucoso-su- cré. J'ai VU DE GOUVENAIX bonifier des vins par l'alcool bon goût, et il en a fourni un exemple dans les expériences qu'il a faites à l’occasion du procédé de Mie Gervais. M. SÉBILLE-AUGER a mis ce moyen en pratique avec un succès constant. La fabrication Lu vins cuits avec du moût bouilli et de l’eau-de- vie parle hautement en faveur de cette addi- tion. J'ai bu des vins faits avec des moûts ré- duits et de lesprit-de-vin, lesquels, après plusieurs années , avaient toutes les qualités des vins d’Espagne. L’addition de l'alcool dans la cuve est donc une méthode naturelle, ex- péditive, économique, plus conforme à la na- ture du vin, et l’on doit s'étonner qu’elle n’ait pas été adoptée plus tôt et qu'elle ne soit pas généralement suivie. La quantité d'alcool additionnel se règle sur la proportion de celui qui existe déjà dans le vin et celle que l’on veut qu'il contienne. La loi permet d'ajouter l'alcool en franchise de droit, à raison de 5 pour 0/0 d’alcool absolu en volume. L’esprit-de-vin du commerce à 33° de Cartier contient 85 p.0/0 d'alcool absolu et ne coûte qu'un franc le litre, prix moyen. Si le moût ne doit produire qu’un vin d’une ri- chesse alcoolique de 5 pour 0/0 et que l’on dé- sire un liquide riche à 12 pour 0/0, puisque l’on ne peut légalement ajouter que 5 pour 0/0, c’est le cas de faire fondre du sucre dans le moût, ou mieux de le concentrer pour obtenir les 2/100° en sus. Je suppose donc que le vin fait soit riche à 7/100:; la dose d’esprit 3/6 que l’on doit ajouter par hectolitre est de 5 fit. 88 centilit. ou 6 lit. en nombre rond, qui ne coûteront que 6 fr.; la pièce de 228 n’aura donc au plus à supporter qu'un surcroit de frais de 13 fr. 50 €. Si nous comparons ce pro- cédé, pour la dépense, avec ceux qui ont éte discutés plus haut, nous trouverons une énorme différence. Nos.12 lit. d’alcoo! absolu (4) Formule pour l’addition du sucre ou d’un sirop dans le moüt. La densité du sucre sec de canne ou de raisin est représentée par 4600, l’eau étant 1000. Celle d’un sirop quelconque s'obtient par le mustimètre et se calcule par la table de concordance n. 2. On commence par retrancher 4000 de toutes les densités, pour abréger le calcul dont voici un exemple. Soit a le moût de la cuve—25 hectolitres; b la densité de ce moût — 45; c la densité voulue — 85; 4 la densité du sucre — 600 ; x la proportion en volume de sucre qu’il faut ajouter au moût, on aura la formule : x—(c—b6)X a (83 — 453) X 25 1000 d— © 600 — 83 517 ] Ainsi il faut ajouter 1 hect. 93 litres de sucre pour amener la densité du moût de 43 à 83. On réduit le vo. lume en poids en multipliant 1,93 litres par 4600 grammes, on aura 508 k. 800 pour le poids du sucre em- ployé et 193 litres pour l’augmentation de volume; c’est près de 640 fr. de dépense pour une cuve d’environ 12 pièces de 228 litres, ou 50 fr. par pièce. On consommerait dans ce cas 4 hectolitres de sirop Fouchard ou 525 kilog. qui, à 32 fr. le quintal, ne reviendraient qu'à 467 fr. et bonifieraient de 4 hect. en volume. Dans le 4er cas, la quantité d’aleool formée est de 189 litres, et dans le second elle n’est que de 90 litres. On ob- tiendra avec le sucre un vin riche à 10 pour cent en alcool et le sirop produira un vin ne contenant que 7 pour cent de richesse alcoolique. 11:95. 198 représentent 18 kilog. 750 gram.de sucre ou 37 fr. 50c. de déboursés; c’est 24 fr. de plus que par la méthode généralement suivie et préco- nisée. L'alcool ne donne pas de douceur au vin , mais il fait tomber la verdeur d’une manière très sensible en précipitant le tartre; il luicom- munique de la chaleur et la faculté d’être de garde. On doit effectuer Paddition de l'alcool au moment où la fermentation tumultueuse est apaisée; on fait arriver le liquide au fond de la cuve au moyen d’un entonnoir à longue douille, et on brasse ; on replace le couvercle de la bonde et on attend que la température de la cuve soit abaissée pour décuver. Enrésumé, dans certaines années, on pourra employer concurremment le sucre et l'alcool pour améliorer les vins; dans beaucoup d'au- tres l’alcoo! seul suffira, et, dans un bien petit nombre, on ne fera aucune addition. Ce que J'ai dit, au reste, servira de guide aux œnolo- gues ; mais nous avons encore besoin d’obser- vations bien faites et d’une série d'expériences bien conduites pour fixer notre opinion sur plusieurs points essentiels de la fabrication dans nos vignobles renommés. Je sais qu’en Bourgogne, à Beaune même, on se sert du sucre et de l’alcool ; mais ce procédé n’est pas général et je ne sache pas qu’il soit pratiqué avec une exactitude rigoureuse. Les instru- ments que j'ai annoncés permettront de ré- gulariser la méthode d'amélioration, et la science ne sera plus accusée d’avoir substitué une routine à une autre. Nous allons nous occuper du décuvage ou entonnaison , opération qui se fait ordinaire- ment avec assez de négligence, et qui com- prend le pressurage ainsi que la distribution du vin de presse. SECTION VI. — Du décuvage. Les œnologues ne sont pas d’accord sur le moment que l’on doit choisir pour opérer le dé- cuvage, c’est-à-dire pour soutirer le vin de la cuve, le séparer du marc et le distribuer dans les futailles où il doit être conservé. On ne peut donner à cet égard aucun précepte ab- solu et applicable dans tous les pays ; la pra- tique locale, la qualité du vin que l’on désire obtenir, sont autant de circonstances qui font varier l’époque du décuvage. Lorsque l’on destine le vin à l’alambic, c’est-à-dire à la fa- brication de l’eau-de-vie, on ne tire la cuve que lorsque le sucre est complètement con- verti en alcool; mais lorsqu'on recherche de la finesse, une couleur belle, mais peu foncée, on se guide sur ces caractères, et je crois que, dans ce cas, il 3 aurait plus de danger de dé- cuver trop tard que de soutirer trop tôt. Si, lorsque la fermentation tumultueuse est ar- rêtée, on ajoute de l'alcool, on peut soutirer aussitôt que la chaleur sera diminuée et que la saveur indiquera un commencement de combinaison. Quelques personnes pensent, avec raison, qu’en mêlant l’alcool dans la cuve lorsque le marc n’est pas séparé, celui-ci ab- sorbe une partie de l’alcool, et qu'’ilse fait une perte qu’on pourrait éviter. Je me hasarde de proposer un moyen que l'expérience seule ourrafaire apprécier. Je voudrais que, près de a cuverie, se trouvât un cellier dont la tempé- rature serait maintenue par un poêle à 15° ou ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. LIV. IV, 18° cent. Aussitôt que la fermentation tumul- tueuse serait arrêtée, je soutirerais le vin en- core trouble dans un foudre de la même con- tenance à peu près que la cuve et avec les précautions que j'indiquerai plus bas; c’est à cette époque que j'additionnerais l’alcool avec un entonnoir à longue tige; je placerais en- suite la bonde hydraulique. Je crois qu’en en- tretenant quelque temps la température, la combinaison s’opérerait; en ayant soin de rem- plir et de cesser de chauffer, le vin pourrait rester jusqu’au premier soutirage et se boni- fierait très certainement. Cette opération se ferait peut-être dans nos tonneaux ordinaires; c’est un essai qui ne donnera aucun résultat fâcheux et qui doit être tenté. Les signes que l’on indique pour reconnai- tre le moment le plus opportun pour soutirer la cuve, sont : 1° la diminution de densité du moût qui descend jusqu’à 0 et même au-des- sous. Cet indice n’est pas sûr; quelquefois le moût conserve une densité supérieure à celle de l’eau pureet le vin est fait, et la densité peut descendre à 0 et le vin n’être pas encore fait. La température et la présence de l’acide car- bonique sont aussi une cause d’erreur. 2° la sa- veur qui, de douce ou sucrée, passe à un goût piquant, chaud ou vineux ; l'odeur qui est ce qu'on nomme fragrante; 3° la couleur; le vin acquiert une teinte rouge plus ou moins fon- cée, communiquée par la matière colorante de la pellicule 4e raisins noirs. Tous ces signes, comme on le voit, sont équivoques, et nous pensons, avec M. Gayx- Lussac, que le moins sujet à varier est celui ue l’on déduit par la distillation, seul moyen e s’assurer du moment précis auquel il ne se forme plus d’alcool. En effet , la véritable époque de décuver doit être marquée par la terminaison réelle de la vinification ou fer- mentation alcoogénique. Au moment de la vendange, au milieu d’oc- cupations multipliées, cette méthode, quoi- que la meilleure, offrira peut-être quelque embarras et ne sera pratiquée que par un pe- titnombre d’œnotechniciens instruits et zélés. Nous donnerons toutefois plus loin la descrip- tion d’un appareil distillatoire, lorsque nous parlerons de l’analyse du vin; il nous suffira d'établir ici que le vrai moment de soutirer la cuve doit être saisi lorsque, par la distillation du liquide de la cuve, on s’est assuré que la proportion d’alcool formé n’augmente plus; cette épreuve me paraît convenir plus spécia- lement aux vins destinés à la fabrication de l’eau-de-vie. La méthode de Branne, plus expéditive et plus commode pour essayer le vin de la cuve, est peut-être suffisamment exacte. On prend un tube (fig. 209) de 2 à 6 cent. de diamètre et de 20 à 25 cent. de haut ; ce tube est divisé en 150 parties égales. On verse du vin de ma- nière à remplir 100 divisions; on ajoute en- suite du sous-acétate de plomb liquide Jusqu'à ce qu’il ne se forme aucun précipité ; on laisse reposer; on jette ensuite par petites portions du carbonate de potasse, sec et chaud, jusqu’à ce qu’il ne se dissolve plus dans le liquide. Ce sel déliquescent s'empare de l’eau, ou, pour mieux dire, de la plus grande partie de l’eau, et forme une solution plus dense que l’eau; l’acool existant dans le vin se trouve séparé cHAP. 9e. PRESSURAGE. 199 par ce procédé facile et nage au-des- Fig. 209. | tes. Ces vases de transport contiennent or- sus de la solution de potasse carbo- natée. Le nombre de degrés mesu- rés par la couche alcoolique donne » la proportion, en volume, d'esprit 5 à0,825 de pesant. spécif. contenue ro} dans les 100 mesures de vin. Comme 5£ il ne s’agit que de s'assurer de l’ins- °°! tant où la formation d’esprit-de-vin s'arrête, il s'ensuit que, si deux es- sais indiquent consécutivement le même degré, il est temps de tirer. le vin de la cuve, c’est-à-dire de procéder à l’entonnage. On se procurera aisément les sous-acétate de plomb et carbonate de potasse purifié chez les pharma-,5 ciens ou Heu de produits chi-Æ miques. Cette méthode n’est pas à négliger et je la recommande. On sait que l'alcool d’une densité de 0,825 contient encore 15 centièmes d’eau; avec ce rapport on calculera la quantité d’alcool absolu ou de 0,792 de pesant. spécif. renfermée dans le li- quide essayé. Le décuvage se fait généralement avec si peu de soins, même dans nos vignobles renommés, qi est indispensable d'introduire une mé- thode plus convenable pour la conservation du vin. Je ne décrirai pas la routine ordinaire ui met le vin encore chaud en contact avec l'air, et même avec le marc, et occasionne une déperdition considérable d’alcool que l’on peut éviter. Le vin, ainsi secoué et aéré, est lus disposé à s’aigrir. Ceux qui opèrent avec es nouveaux appareils ont déjà réformé une grande partie des vices du soutirage ordi- paire. Lorsque les cuves sont assez élevées au- dessus du sol et qu’elles sont munies d’un robinet près du fond, on place le tonneau sous ce robinet, on adapte à la bonde un tube en cuir ou en toile sans couture (fig. 210 ) dont un bout entre dans le robinet. De cette manière le vin coule dans le fût sans être exposé au contact de l'air. Mais comme les celliers sont lus ou moins éloignés des cuveries et que estonneaux sont placés sur les marres ou chan- tiers, d’ayance et à demeure, on trouvera tou- jours plus commode de les remplir avec les lines. Dans ce cas, je voudrais que les tines (fig. 211) fussent foncées ou bien couver- Fig. 210. dinairement 60 à 70 Litres et sont en chêne. Lorsque la cave ou cellier est placée dans le voisinage de la cuverie, le soutirage se ferait commodément au moyen d’une pompe placée sur le couvercle de la cuve et munie d’un tuyau en cuir ou en toile sans couture passant à travers le mur et dirigeant le vin dans les tonneaux à la distance désirée. Pour cela, on aurait un tuyau composé de plusieurs pièces se réunissant par des vis ou des tubes, entrant les uns dans les autres, et à baïonnette. Nous parlerons dans l’autre section des vaisseaux vinaires. Lorsqu'on entonne le vin encore chaud, on ne remplit point les tonneaux de surmoût ou premier vin; On conserve du vide pour la dis- tribution du vin de pressurage. SEcTION VII.— Du pressurage. On n’enlève de la cuve, par le soutirage, que le moût tout-à-fait liquide et libre, mais il reste à s'emparer du vin que les grappes et les pellicules retiennent et que l’on présume contenir plus d’alcool que celui qui est resté fluide. Cette présomption n’a pas été vérifiée par des essais comparatifs au moyen de la dis- tillation ou du tube de Brande. & Ier. — Des pressoirs. Les pressoirs sont les machines à l’aide des- quelles on exprime le marc et on en extrait le vinqu’il contient. Ces machines varient debien des façons et opèrent d’une manière plus ou moins parfaite le pressuragee Les avantages ue l’on reconnaît quelquefois dans chacune elles dépendent souvent plutôt de l’habi- tude et de la routine que du mérite réel de l'appareil. Un bon pressoir doit être solide, facile à construire, peu dispendieux à établir, aisé à manœuvrer, et doit donner la plus grande quantité possible du vin contenu dans le marc. Les pressoirs les plus généralement em- ployés dans les pays de vignobles sont ceux qu’on nomme pressoirs à leviers ou à tesson, pressoirs à coffre simple ou double, et pres- soirs à étiquets. ; Les pressoirs à levier ou à tesson sont sim- les, mais ne produisent pas de grands effets; ils exigent en outre une place étendue pour le jeu du levier et pressent inégalement les matières soumises à la pression, ce qui force de les y présenter de nouveau et à plusieurs reprises dans différentes positions, et allonge la durée de l'opération. Les pressoirs à coffre simple ou double sont éga- lement peu coûteux, mais ils sont lents dans leur opération et ne donnent qu’une pression très faible. Quand on veut augmenter leur force, il faut leur appliquer des engrenages métalliques très dispendieux et qui résistent difficilement au travail rude et suivi du pres- surage. s ; Les pressoirs à étiquet sont simples, solides, économiques, résistent Lien au travail et exigent un petit nombre d'hommes pour les faire mouvoir. Dans le système ordinairement employé, la vis du pressoir est mise en mou- vement par une roue dont la périphérie est 200 creusée en gorge, dans laquelle s’enroule l’ex- irémité d’une corde dont l’autre bout s’en- roule aussi sur un cabestan. Ce système exige encore 4 hommes pour sa manœuvre, et la corde, qui s’use assez rapidement, finit par de- venir un objet dispendieux. F2 Dans le pressoir dont nous donnons ici le le modèle (1) on a cherché à diminuer le nom- bre d'hommes dans la manœuvre et à se passer de câble. Comme tous les pressoirs, celui-ci, représenté fig. 212, se compose de 2 fortes ju- Fig. 212. o 1 = DS >= à : He IT DT DT Der pe ) “ Mn LIER mellesH, consolidées par des contrefiches AA et retenues dansle bas parles faux chantiers A, ainsi que par les chantiers B; dans le haut par le chapeau moisant M, scellé d’un bout dans le mur. Les faux chantiers sont reliés par des chaînes en moellons. Ces jumelles sont desti- nées à soutenir tout le système du pressoir, quisecomposeainsi qu'il suit : 1° d’une maîeC, espèce de table ou plancher en madriers assem- blés à rainure et languette, creusée en bas- sin et destinée à supporter le tas de marc et en même temps à recevoir le jus qui s’en écoule et qui se rend dans un vase ordinaire- menti enfoncé un peu en terre, placé devant et appelé barlong, au moyen d’une rigole nommée beron; 2° de 2 rangées de madriers ou garnitures ee, placés alternativement; 3° du mouton E qui opère la pression au moyen d’une forte vis en bois L, mue par un engrenage et passant par le trou K. Le mouton glisse dans 2 coulisses, dont l’une est formée par les 2 ju- melles principales H et l’autre par 2 petites ju- melles d, reliées aux grandes parlestraverses f; 4 D'un engrenage qui se compose d’un héris- son F, mené par une lanterne verticale G, sur- montée d’un rouetJ, ne faisant qu'unavecelle. Cette lanterne verticale est menée par une petite lanterne horizontale q, fixée à un arbre auquel est adaptée une roue à chevilles O. Ce mécanisme simple, et qui ressemble à l’engrenage banal des moulins, peut être exé- cuté par tout charpentier; il n’emploie pour ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. LIV. IV, exercer une bien forte pression, qu’un homme ou deux au plus qui agissent en grande partie par leur propre poids. On estime qu'avec un pressoir de cette espèce on peut faire, dans 15 heures de temps, un pressurage d'environ 20 pièces de 260 bouteilles chaque. Le pressoir à percussion inventé par M. RÉ- VILLON est fondé sur le même principe que le balancier qui sert à frapper les monnaies, adapté à la presse à vis ordinaire. Cette ma- nière d'appliquer la pression a déjà reçu de nombreuses applications et nous présenterons ici la figure d’un pressoir de cette espèce, dans le système vertical, comme plus conforme aux habitudes contraciées dans nos pays de vignobles, et tels que les établit aujourd’hui M. BEUGÉ, ingénieur mécanicien à Paris, rue des Vieux-Augustins, n. 64. Ce pressoir (Âg. 213) est simplement une Fig. 213. D Mon! presse à vis ordinaire, formée de 2 colonnes AB d’un chapeau C et d’une semelle D, sur la- quelle se place la maie; le tout fortement boulonné pour que la distance reste invariable entre ces parties qui forment le bâti de la presse. Sous le chapeau est fixé un écrou en cuivre E, dans lequel est engagéela vis F, en fer et à filets carrés. La tête de cette vis est tra- vaillée en pivot qui appuie sur le fond d’une crapaudine fixée sur le plateau coulant ou mouton G. Sur l'arbre de la vis F on établit un volant où roue pesante horizontale, qui peut tourner librement sur cet arbre dont il est tout-à-fait indépendant. Ce volant porte en des- sous un fort taquet. L’arbre de la vis est muni d’un mentonnet tellement situé, que l’un forme arrêt sur l’autre quand le volant, dans sa rotation, les amène en contact. D'après cette disposition, on voit qu'on peut se servir du volant comme d’un levier, pour forcer la (4) Nous empruntons cette description, ainsi que la figure, au n° 25 du journal intitulé La Propriété, qui contient fréquemment de très bons articles sur les constructions rurales et les machines employées en agri- culture, cHAP. 9°. vis à tourner sur son axe, ce qui fait marcher le plateau G et commence la compression du corps soumis à l'action de la machine; mais lorsque la force a atteint la limite passée la- quelle elle ne peut plus faire tourner la vis, parce que la résistance est devenue trop con- sidérable, on fait rétrograder le volant en tournant d’une portion de circonférence; en ce sens le mouvement a toute liberté et la force dépensée est insignifiante; ensuite on agit sur le volant, au moyen des chevilles qu'il porte par une action vive qui lui com- munique de la vitesse et ramène le taquet sur le mentonnet de la vis avec toute la quantité de mouvement qui résulte de cette vitesse et de la masse RAT anime. 11 se produit alors un choc du volant sur la vis, qui force celle-ci à tourner. On répète cette action jusqu’à re- fus. Ce pressoir a une puissance très énergique; il conserve bien le degré de pression qu'on lui donne, n’exige que peu de temps, de place ou d'hommes pour le manœuvrer. Son prix est depuis 1,000 jusqu'à 3000 fr., suivant sa force. Nous devons à lacomplaisance de M. SEBILLE- AUGER , de Saumur, la description d’un nou- veau pressoir en fonte (1) qui ne revient pas à un prix plus élevé que beaucoup d’autres qui lui sont inférieurs, qui est facile à établir dans toute localité, serre plus fortement que tous ceux employés jusqu'ici, n’exige point de cor- dages ni de fortes pièces de bois, et n’est pres- que sujet à aucune réparation. En substi- tuaut aux manivelles des roues à chevilles, a pourraient avoir facilement cinq pieds de iamètre , on obtiendrait avec quatre hommes une énorme pression. La figure 214 peut être considérée comme une coupe du pressoir angevin vu de face. AB est l’encaissement dans lequel on met la vendange C, sur laquelle on place des aiguilles ou perches de bois D, qui supportent les ma- driers F, sur lesquels on place les bélineaux EF, qui recoivent la pression du mouton G. Cette pression est exercée par le mouvement de l’é- crou sur la vis H. Cette vis, qui est tarau- dée dans sa partie supérieure et carrée dans le reste de sa longueur, est immebile et solidement fixée au milieu de l’encaissement A B. A cet effet elle traverse le plafond K, qui peut être en bois ou en pierre dure ; elle traverse aussi une pièce de bois L dans laquelle sa partie carrée entre de force. La vis est scellée et calfatée dans le plafond de manière à ne permettre aucune infiltration de liquide. P est le trou par lequel s'écoule le moût provenant du pressurage. Au-dessous de la pièce de bois L le fer porte, en a, b, des entailles pour recevoir, àdemi-épaisseur, 2 bar- res de fer plat réunies en dehors de la partie carrée de la vis par deux boulons c. On ne peut faire une tête à la vis, parce qu’elle doit DU PRESSURAGE. 2 Fig. 214. Le] —… ü F | HET mr être introduite à sa place par la partie où devrait être cette tête. On pourrait percer des mortaises dans la vis pour y passer des cla- vettes; mais cette disposition, d’ailleurs plus. difficile, offrirait moins de solidité. MN est la ligne de terre. O est une espèce de cave né- cessaire pour pouvoir placer les barres et bou- lons c. La pièce de bois L est supportée par la maçonnerie jusqu’à ce que la vis soit pla- cée. Alors on peut caler le bout de la vis, qui ne tend au reste à descendre que par son poids et celui de l’équipage; car, quand ‘on serre, la pression se fait de bas en haut sur la pièce L. Le mécanisme proprement dit consiste d’a bord dans la vis et l’écrou, et ensuite dans les roues et pignons qui font mouvoir l’écrou, et dans les barres droites ou courbes qui leur ser- vent de support. Le mouton G est supporté par la tête de l’écrou, au moyen d’une barre courbe qui est fixée à ce mouton par les boulons e’ quiletraversent. Quand les chevilles a, que l’on voit en place dans la figure, sont ôtées, le mouton devient libre et on peut lui imprimerun mouvement circulaire sans qu'au- cune autre pièce change de place. En effet, la barre e, qui embrasse un collet rond pratiqué sur l’écrou immédiatement au-dessus de la tête, peut tourner tout autour de cet écrou, (4) Ce pressoir est construit d'une manière très solide à Brissac, près Angers, par M. Hery, forgeron mé- canicien, qui en est l'inventeur; il en a déjà établi un grand nombre chez différens propriétaires du dépar- ment de la Mayenne. 1l vend 2 fr. le kilog. de fer, fonte de fer et cuivre, et les pressoirs à tirer 11 à 42 pièces de vin (de chacune228 lit.) pèsent 350 à 400 kilog. Tous ceux qu’il a placés depuis dix ans sont encore en très bon élat et n'ont exigé aucune réparation. Si l'on voulait que la vis füt horizontale, le mécanisme pour- rail encore ètre employé; mais alors il faudrait fixer les engrenages sur la vis qui serait mobile, au lieu de les appliquer à l'écrou qui deviendrait fixe. M. Héry a construit de ces pressoirs à vis horizontale et il y met ou une seule vis ou une à chaque bout de la caisse, à la volonté de l'acheteur. AGR. 2° IIL.— 26. 202 qui reste immobile, et entrainer le mouton avec elle. Le moüvement circulaire du mou- ton n’a pour objet que de faciliter aux hommes du pressoir l’arrangement de la vendange sur le plafond. Pour qu'ils soient moins gênés dans le travail, il faut de plus que le mouton et tout le mécanisme soient relevés jusqu’au haut de la vis, c’est-à-dire jusqu’à ce que l’é- crou touche la barre ff, fixée d’une manière in- variable sur le haut de la vis. Comme il n’y a besoin que d’une très petite force pour re- monter tout l'équipage, il est inutile de se servir de l’engrenage. Dans ce cas, on ôte les chevilles a’, et, empoignant l’une des barres ir'r, on fait tourner circulairement l’écrou et toutes les pièces qui l’accompagnent. Lorsque la vendange est arrangée, que les madriers et les belineaux sont placés , on fait descendre de la même manière tout l'appareil, jusqu’à ce que le mouton soit prêt de porter sur les be- Lneaux. Alors on met en place les chevilles a et d et on se sert des manivelles. Les choses ainsi disposées, les pignons g mènent les roues h sur lesquellés sont fixés les pignons ?, qui font tourner la grande roue ou couronne , dans laquelle est monté l’écrou d’une manière invariable. Cette couronne est fixée sur un plateau circulaire en bois plein, qui fait corps avec elle. Pour que les barres qui supportent les roues et les pignons n’em- pêchent point l’écrou de tourner, il faut que ces barres aient dans leur milieu un collet rond qui embrasse l’écrou, lequel, lui-même, doit être arrondi dans les endroits où passent les collets. La couronne, en entraînant l’écrou et le fai- sant descendre sur la vis, fait tourner et pres- ser la tête sur une pièce en fonte p entaillée sur le mouton et vide dans son milieu pour laisser passer la vis. Comme l’action des pi- gnoes sur la couronne tend à la soulever, on l’arrête avec des goupilles sur les quatre angles de l’écrou. Les barres ir’r portent sur leur plat, de ren r’, une entaille pour laisser descendre les chevilles & à mesure que l’é- crou et tout lemécanisme mobile descendent. Les chevilles a ne remuent pas de place et ne servent qu'à maintenir la partie inférieure des barres, qui pourraient fléchir sur leur champ , si elles n’étaient fixées au mouton par les chevilles a. Quand celles 4 sont descen- dues en r’ le pressoir ne peut plus serrer , et si on veut que les madriers F descendent da- vantage, il faut renverser le mécanisme et mettre des calles sur les belineaux E. Ce cas doit arriver rarement, parce que de r enr’ la course est de 2 pieds, ce qui est pour l’ordi- paire plus que suffisant. On pourrait d’ailleurs donner ques de course si la longueur des barres ir’r ne devait point gêner. La vis H a 3 po. 9 lig. de diam. et 1 po. de hauteur de pas; le gros pignon à 2 po. de rayon et 5 dents; la couronne à 17 po. et 56 dents ; la roue dentée k à 6 po. et 26 dents; le pignon de l’arbre g à 1 po. et 4 dents. Pour un tour de la vis la manivelle fait 72 à 73 tours. « En admettant, dit M.SemiLre, 120liv. pour l'effort des deux hommes appliqués aux ma- nivelles de l'arbre, l'effort total est de 578 milliers de liv. Si on admet que les frottemens en consomment environ moitié, il peut rester ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. LIV. IV, de force utile 300 milliers; si on admet enfin ie le sac C a 8 pi. en carré, ou 64 pi. carrés e surface, la pression utile par pied carré est de 4700 liv. En supposant la résistance 1, Ja force est 4800; dans les pressoirs à casse-col cette force est comme 1 est à 1100,et dans nos pressoirs à vis en bois, avec roue sur la vis et roue de renvoie, comme 1 est à 4600, ce qui est a peu près le même rapport que celui de notre pressoir. $ IL. — Du mode de pressurage. Le décuvage étant terminé et tout le marc porté avec des baquets ou sapines en sapin, munies d’une ou deux douves percées qui dé- passent les autres et servent à les manier com- modément, les ouvriers se réunissent pour faconner le marc, qu’on nomme sac; on l’é- quarrit aussi bien que possible avec une pelle et un balai, pour former un parallélipipède rectangle, et l’on place toutes les pièces de bois nécessaires pour le couvrir et parvenir au pressurage. Pour cela on glisse dans le marc, aux quatre angles, un morceau de bois pointu et arrondi que l’on fait saillir d'environ un ou deux pieds et qui s’appelle servante; on place ensuite des planches échancrées à leurs extré- mités pour être maniées plus aisément; sur ces planches nommées as ou ais, on dispose trois rangs croisés de 3 madriers chacun, qui portent différens noms suivant les pays, on fait ensuite descendre la vis et on presse fortement. Le vin de cette 1" pressée est considéré comme moût et mêlé avec celui de la cuve. Le vin que le marc retient encore forme presque un quart de la cuvée ; quand le tout est distribué dansles tonneaux aux trois quarts plein, on revient épuiser le sac. On desserre la vis, on ôte les madriers et les planches, on coupe sur le marc environ huit pouces qu’on éparpille et arrange sur le sac, on replace les ais et les madriers, et on serre; c’est ce que l’on nomme la 1re coupée. On en pratique une 2e et une 3° en suivant le même procédé, quine peut différer quelle que soit la construction du pressoir dont on fait usage. On attend pour renouveler le coupage quele vin ne coule plus, et on serre à plusieurs reprises jusqu'à ce que la vis ne puisse plus descendre. Le pressoir à percussion paraît être celui qui laisse le moins de liquide dans le marc. Le vin de pressurage, et surtout celui de la dernière coupe, est plus ou moins acerbe et désagréable au goût; il est quelquefois aïgre ou a fréquemment une saveur acéteuse, si la fermentation a été longue, mal conduite et le chapeau exposé à l’air. Dans ce cas il est pru: dent de ne pas le mêler avec le vin de la cuve; mais, s’il n’est qu'acerbe, il.contient alors du tannin de la grappe et il est quelquefois utile de l'ajouter au vin de la cuvée pour assurer sa conservation. Si la fermentation a eu lieu en vase ou cuve fermée, si l’égrappage a été con- venablement exécuté, si le moût conserve un peu de douceur, il n’y a point d’inconvénient de faire ce mélange et à distribuer aussi éga- lement que possible le vin de pressurage dans les tonneaux que l’on achève de remplir. On laissait jadis les tonneaux ouverts plus ou moins long-temps jusqu’à ce que le vin cHaP. 9°. fût refroidi; c'est un usage vicieux que l’on doit proscrire. C’est le cas de poser seulement la bonde ou bondon sur le‘trou, ou, ce qui vaut mieux, de placer une des bondes hydrau- liques dont nous donnerons plus bas la des- cription. Tous ceux qui ont adopté cet appa- reil simple et commode se félicitent de son usage, et cette modique dépense une fois faite est bien compensée par les avantages qu’elle procure. Secrion VIIL — De la fabrication des vins blancs. La fabrication des vins blancs diffère sous plusieurs rapports de celle des vins rouges. On recherche dans ces derniers de la force et de la couleur, tandis que dans les qutres on désire une blancheur ou limpidité absolue et de la douceur, qui fait le mérite de ces vins dans certains pays. Nous citerons comme exemple ceux d'Anjou qui, sans être liquo- reux proprement dit, conservent cependant une saveur légèrement sucrée. Pour fabriquer des vins blancs, on coupe les raisins blancs après l’évaporation de la rosée, par un temps sec et chaud; on les apporte avec précaution , au fur et à mesure de la ré- colte, et on les dépose sur la maie du pressoir: deux hommes, dont les pieds sont chaussés de gros sabots, écrasent les raisins dont le suc coule dans une cuve placée sous le goulot. On suspend à celui-ci un panier à vendange pour arrêter les pellicules, les rafles et les pepins ue le jus entraine. Le foulage,avecla fouloire e M. LomEnIt (v0y. pag. 183), nous paraîtrait plus expéditif et bien préférable, A mesure que la cuve-récipient se remplit, on enlève le moût qu'on verse dans des tonneaux jusque près de la bonde; on arrange ensuitele marc, comme pour le vin rouge, et on fait 3 serrées au lieu de 4. Quelques vignerons mettent fermenter à part le vin de pressurage, mais le plus grand nombre le distribue dans les tonneaux avec le moût vierge, en ayant soin de laisser du vide lors de la 1° entonnaison pour l'introduction de ce vin de pressurage. La fermentation a lieu dans les tonneaux comme celle de la bière, et on laisse le vin sur la lie jusqu’au 1‘ sou- tirage, que l’on opère au commencement du printemps ou dans les premiers jours de mars. Telle est la méthode suivie pour le vin blanc sec, ou du moins celle que j'ai toujours vu pra- tiquer en Bourgogne. M. Lenorr conseille de faire fermenter le moût en grande masse dans une cuve ou foudre et de soutirer après la fer- mentalion tumullueuse. Je ne sais si ce pro- cédé offrirait de bons résultats. Les vins blancs meltent plus de temps à s’éclaircir que les rouges, et leur séjour sur la lie n’a peut-être pas autant d’inconvéniens qu'on le pense. Au reste, c’est un essai qu'on peut tenter et qui donnera sans doute de bons résultats dans quelques occasions, surtout s’il est fait par un œnologue instruit. DE LA FABRICATION DES VINS BLANCS. 203 Afin de mettre sur la voie, ceux qui dési- reraient améliorer leurs vins, nous croyons utile de communiquer ici les documens que nous devons à l’obligeance de M. SEBiLLE-Au- GER, propriétaire aux environs de Saumur. Ce w’il a fait pour les vins de l’Anjou pourrait s'appliquer aux vins blancs des autres vigno- bles, seulement nous renvoyons préalable- ment aux préceptes que nous avons établis pour s’assurer de la qualité du moût, et c’est avec ces préceptes bien présens à l'esprit que nous passons aux procédés de la fabrication. M. SesiLLE ne veut pas qu’on foule le rai- sin afin de ne pas écraser les pepins et les guans verts. On pressure le soir toute la ven- ange du jour, comme en Champagne, et on reçoit le moût qui en découle dans une cuve où il reste en repos. Au bout de quelques heures, 6 à 8 si la température ne dépasse pas 13° et si la vendange n’a pas été rentrée trop froide, il se forme à la surface une écume qui augmente successivement d'épaisseur ; on attend qu’elle ait acquis assez de consistance pour se fendre en diverses places. On‘enlève avec une écumoire cette croûte grise que l’on met égoutter sur untamisoutoile. Après quel- ques heuresilse forme un seconde écume qu’on sépare de la même manière. Quelquefois il s’en forme une troisième; mais aussitôt que l'on reconnait le moindre signe de fermenta- Uüon , il faut se hâter de soutirer la cuve et d’enionner le moût bien clair dans les barri- ques où il doit fermenter. Éorsque la liqueur commence à passer trouble, on la jette avec le dépôt sur des filtres en toiles, ou, ce qui vaut mieux, en laine. Ce dernier jus se met sur un vin de qualité inférieure. Un moyen plus expéditif de débarrasser le moût de l’excès du ferment, c’est de le chauf- fer au moyen de la chaudière à bascule (voy. pag. 194 fig. 207, 208 ). On peut ne soumettre à cette cuisson que la moitié du moût nécessaire pour remplir une barrique. Lorsque le suc de raisin arrive à une température de 70 à 75° C., l’écume commence à se former et monte à la surface; on l’enlève aussitôt qu’elle est assez consistante, et dès que l’ébullition se prononce on écume une 2e fois et on bascule la chaudière; on achève de remplir avec ce moût chaud la barrique qui contient moitié de liquide écumé ou clarifié à froid. Ce procédé convient à merveille lorsqu'il s’agit de laisser de la douceur au vin sans ad- dition de sucre. Quant à la force, l'alcool peut être additionné à volonté; mais si l’on veut obtenir un vin parfaitement blanc, incolore et qui flatte l'œil aussi agréablement que le alais, on clarifie le moût dans la chaudière immédiatement après avoir enlevé l’écume. Pour cet effet, on emploie par pièce 2 kilog. de noir d'os fin et 4 à 5 blancs d'œufs que l’on doit préférer au sang de bœuf (1). On obtient par ce moyen un moût tout-à-fait blanc et lim- pide. Il reste encore assez de ferment pour décomposer une partie du mucoso-sucré dont (1) La clarification s'opère en versant dans la chaudière, pour 410 à 420 lit. de moût, 1 kilog. de noir délayé dans 8 à 40 lit. du même moûl ; on remue et on laisse reprendre le bouillon. Dès qu’il parait on l’abaisse avec 1 ou 2 litres d’eau froide ; on verse ensuite 3 blancs d'œufs délayés dans un litre d’eau et moussant le moins possible ; aussitôt que lébullition recommence on l’arrête avec l’eau froide et cette addition se répète 4 ou 3 fois. On écume ensuite le plus completement possible; on bascule la chaudière dans un cuvier et on recom- mence l'opération ; on réunit le moût de plusieurs opérations dans une cuve ; là il se réfroïdit et se dépure, et 204 un tiers au moins reste intact. Un vin ainsi prépare donne peu de lie et cette lie est pres- que sans couleur. $ Au lieu de laisser la bonde des barriques ouverte pendant la fermentation, on applique la bonde hydraulique dont il a déjà été ques- tion. d ù Les bornes qui nous sont prescrites ne nous permettent pas de plus longues explications ; ce que nous avons dit nous paraît suffire pour diriger les viticoles qui doivent bien se per- suader qu'à l’époque où nous vivons, 1l faut que l’industrie cherche à satisfatre le goût des consommateurs et même à le redresser, s'il est permis de s’exprimer ainsi, en confec- tionnant des liquides auxquels l’art doit s’at- tacher à conserver leurs qualités naturelles. En s’éloignant de cette condition expresse on compromet l'existence des contrées viticoles. Le suc de raisin, quelle quesoitsanature, con- tienent lui-même les élémens du vin, il suffit d’établirentre eux les proportions convenables pour se procurer un vin bon ou au moins passable. Généralement parlant il est inutile de recourir à des matières autres que celles fournies par la vigne; si le moût est trop acide, on peut diminuer son acidité; s’il est trop aqueux, la chaleur enlèvera l’eau sur- abondante sans avoir recours à des sucres exotiques. La dépense des appareils que nous avons indiqués sera compensée plus avanta- geusement , et on obtiendra des résultats plus satisfaisans par les méthodes d'améliorations que nous avons conseillées, que par emploi desubstances dont l'addition est plus coûteuse et qui donnent des résultats moins bons. Nous ne saurions trop engager les œnotechni- ciens propriétaires à se procurer les ustensiles et instrumens de tous genres dont nous som- mes redevables aux progrès des arts mécani- ues et aux découvertes en physique et en chimie. La vinification est une manufacture, il faut que ses ateliers soient pourvus d’'ins- trumens et appareils perfectionnés. Masson-Four. SECTION IX. — De la fabrication des vins mousseux. Eer. — Procédé de fabrication. On croyait autrefois que le mousseux était une qualité particulière aux vins de Champa- gne: « Les sentimens sont partagés, dit l’an- cienne Maison Rustique, sur les principes de cette espèce de vin; les uns ont cru que c'était la force des drogues qu'on y mettait qui les faisait mousser si fortement, d’autres ont attribué cette mousse à la verdeur des vins, d’autres, enfin,ontattribué cet effet à la lune, suivant le temps où l’on met les vins en fla- cons, » La chimie nous à révélé cet intéres- sant secret, en nous faisant connaitre que la mousse est produite par un dégagement consi- ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. LIV. IV. dérable et subit de gaz acide carbonique, lequel se trouve dissous et comprimé dans le vin; que pour obtenir du vin mousseux, il suffit de renfermer le liquide dans des bouteilles avant qu'il ait perdu tout le gaz acide carbonique qui se développe pendant la fermentation. . En effet, on a essayé avec succès, dans plu- sieurs de nos départemens et notamment en Bourgogne, d'y préparer des vins mousseux selon la méthode de la Champagne. Toute- fois, nous devons le dire, le champagne sou- tient la concurrence avec la supériorité que peuvent lui donner un sol, des cépages et une culture convenables, des ouvriers exercés et habiles, enfin une pratique certaine, éclairée par une longue expérience. L'avantage de faire des vins mousseux avec le vin du crû doit étre une jouissance si flat- teuse et si agréable pour la plupart des pro- priétaires de vignes, que sans doute ils ac- cueilleront avec bienveillance la description suivante destinée à les initier aux procédés en- core peu connus de la fabrication des vins mousseux et à leur faire connaître les moyens les plus avantageux et les plus simples, in- diqués par une saine théorie et confirmés par notre propre expérience, pour préparer cette boisson si agréable et si recherchée. Nous supposerons dans ce qu’on va lire qu’ils s’a- git de préparer 200 à 300 bouteilles de vin mousseux. Choisissez l’espèce de raisin noir réputée, dans votre vignoble, pour produire le vin le plus généreux et le plus délicat; faites vendan- ger de très grand matin, par la rosée; choi- sissez les raisins les plus sains et les plus mürs, rejetant avec beaucoup de soin les rai- sins gätés, verts ou pourris; déposez la ven- dange bien délicatement, sans la froisser, dans de grands paniers; transportez-la de suite, à dos d'homme ou de cheval, sous un petit pres- soir, qui doit avoir été préalablement lavé et nettoyé. La vendange étant rassemblée sur le pressoir, ce qui doit être terminé Je matin même de la vendange (1), faites serrer le pres- soir et laissez couler le jus du raisin pendant 15 à 20 minutes. Alors faites desserrer et ar- rangez de nouveau le marc qui s’est déformé par la pression et dont une grande partie n’a pas été écrasée; serrez une seconde fois et laissez couler le jus pendant 20 min. environ; enlevez alors le jus qui est sorti et déposez- le dans une petite cuve. Le marc resté sur le pressoir n’étant guère qu'à demi épuisé peut être pressé de nouveau. à la manière ordinaire, pour former un vin non mousseux d’assez bonne qualité, ou bien être reporté dans la cuve de vendange ordinaire pour être mêlé à de nouveaux raisins, et en- fin être employé à faire un demi-vin, en y ajoutant de l’eau et faisant fermenter le tout dans une cuve ou un tonneau. Le moût ou jus de raisin qui a été placé dans une cuve doit y rester pendant 24 à 30 heures, afin qu'il y dépose une partie des ma- lorsqu'il est froid on le soutire pour l’entonner. Avec une chaudière de 150 litres on fait 45 à 16 clarifications en un jour, représentant 8 pièces de 228 litres. En ne laissant pas refroidir le fourneau on obtiendrait 12 pièces et plus en 24 heures, si la chaudière est bien servie avec des pompes portatives. (4) Le raisin doit être cueilli de grand matin et par la rosée; il doit être immédiatement et promptement écrasé sous le pressoir, afin que le vin ne prenne pas de couleur. Si l'on ne pouvait pressurer de suite, il fau- drüit placer les paniers de vendange à l'ombre, dans un endroit frais, et même les couvrir d’une toile mouillée . cüaAP 9°. tières terreuses et du ferment dont il est chargé. Alors décantez ce moût avec précau- tion et mettez-le dans un tonneau bien propre, méché, neuf ou n'ayant servi que pour du vin blanc, et n'ayant aucun mauvais goût. Ayez soin de remplir entièrement ce tonneau, afin que le vin en bouillant rejette au dehors le ferment et les impuretés dont il est chargé. Le tonneau doit être placé à demeure dans une cave ou dans un cellier frais. Lorsqu'on met le moût en tonneau, il con- vient d'y ajouter un litre d'eau-de-vie de Co- gnac, de 1" qualité, par 100 lit. de moût. Cette addition d’eau-de-vie a pour effet d’aug- menter la spirituosité du vin, de modérer la fermentation et de donner le bouquet. Il faut ouiller, c’est-à-dire remplir le ton- neau avec du même vin, 3 à 4 fois par Jour, pendant le temps que durera la fermentation tumultueuse. Onrecueillera le vin quis’écoule par la bonde. Lorsque la fermentation tumultueuse aura cessé, remplissez le tonneau et le bondonnez comme à l'ordinaire. Du 15 au 30 décembre, par un temps clair et sec, soutirez le vin et le transvasez dans une futaille propre et sou- frée; collez eusuite à la colle de poisson ( en- viron une 1/2 once pour 200 bouteilles). Vous laisserez le vin se reposer ainsi pendant un mois environ, après quoi vous le soutirerez de nouveau dans une futaille propre et mé- chée. C’est à cette époque que les marchands de vin de Champagne y ajoutent de bonne eau-de-vie et ordinairement un sirop fait avec du sucre candi dissous dans du vin blanc.Cette dernière addition est indispensable pour les vins qui ont naturellement de Ja verdeur et de l'acidité. Il faut, dans ce cas, 5 liv, et même davantage de sucre candi pour 100 bou- teilles de vin. Laissez votre vin se reposer jusqu’à la fin de février; alors vous le collerez une seconde fois avec la colle de poisson, et ensuite le lais- serez en repos jusque vers la fin de mars( du 20 au 30 mars ), époque à laquelle vous le mettrez en bouteilles par un temps clair et sec. Ce terme est de rigueur et il ne faut guère le dépasser, sans quoi on s’exposerait à n'avoir que du vin peu ou point mousseux. La mise en bouteilles et la conservation des vins mousseux exigent une foule de soins et de précautions que nous allons faire connaître et pour lesquels la Champagne fournit des ouvriers exercés et fort habiles. Le choix des bouteilles, dans lesquelles on veut conserver les vins mousseux, est une chose de la plus haufe importance; elles doi- vent être très fortes, d’une épaisseur égale, avoir le goulot très étroit et de forme coni- que, afin que le bouchon puisse en être faci- lement ét vivement expulsé par la force ex- pansive du gaz carbonique, à l'instant même où l’on brise les liens qui retiennent le bou- chon. Les bouchons doivent être fins et de te qualité. Il faut rejeter les bouchons po- reux et défectueux, ainsi que ceux qui ont déjà servi. On remplit ordinairement les bouteilles jus- w’à 2 travers de doigt au-dessous du bou- chon. Nous conseillerons aux personnes qui voudraient ne faire qu'une petite quantité de vin mousseux {200 à 300 bouteilles ) de les DE LA FABRICATION DES VINS MOUSSEUX. 205 remplir seulement aux trois quarts pour les raisons que nous indiquerons plus loin. On enfonce avec force le bouchon dans le goulot de la bouteille, au moyen d’un petit maillet de bois, et on assujétit solidement ce bou- chon avec un lien de fil de fer recuit. 11 faut voir et apprendre sur une bouteille venant de Champagne la manière dont le bouchon est ficelé et assujéti. On peut au reste en pren- dre une idée par la fig 215. Fig. 215. Cette opéra- tion étant ter- minée , on met les bouteilles en tas dans une cave bien frai- che, ayant soin de placer des lattes entre les rangs de bouteilles pour les séparer et les soutenir. Les tas doivent être isolés, solides, peu élevés et montés d’aplomb. Comme la fermentation du vin n’est pas encore achevée à l’époque de la mise en bou- teilles, elle continue dans l’intérieur du verre, et il se dégage de la liqueur, par l'effet de cette fermentation, une quantité considérable de gaz acide carbonique, lequel ne pouvant s’é- chapper reste emprisonné dans l’intérieur de la bouteille et est forcé de se dissoudre, au moins en partie, dans le vin. Aussitôt que l’on ouvre la bouteille, ce gaz s'échappe de toutes part du liquide où il est renfermé sous la forme de bulles; c’est ce que l’on nomme la mo sse. Six semaines où 2 mois environ après la mise du vin en bouteilles, la mousse commence à s’y manifester avec violence, tel- lement qu’un rombre considérable de bou- teilles sont brisées avec explosion par l'effet du dégagement du gaz acide carbonique. En Champagne la casse des bouteilles s'élève ordinairement de 12 à 20 pour cent, quelque- fois au-delà; elle se continue pendant tout l'été. Les tas de bouteilles y sont placés à proximité d’une petite citerne ou d’un réser- voir dans lequel vient se rendre le vin qui s'é- coule des bouteilles qui cassent. On recueille ce vin tous les jours et on le met de nouveau en bouteilles après l’avoir bien collé. Nous conseillerons aux amateurs, qui n’opèrent que sur de petites quantités, d’entasser solide- ment leurs bouteilles dans une cuve (fig. 216) Fig. 216. BUT | ou dans un tonneau défoncé par un bout, afin qu'ils puissent recueillir chaque jour le vin qui, sans cette aitention, serait infaillt- 206 blement perdu pour eux. Un moyen certain d'éviter ou de diminuer beaucoup la casse des bouteilles, c’est de ne les emplir, pour la 1re année, qu'aux 3/4; l'espace vide est ordi- pairement suffisant pour loger le gaz acide carbonique en excès. j Le vin mousseux, après avoir séjourné pendant un an dans les bouteilles y forme un dépôt qui altère la transparence et la lim- pidité de la liqueur et qu’il est indispen- sable d'enlever; c’est ce qu’on appelle en Champagne faire dégorger le vin. Afin de procéder à cette opération, enlevez l’une après l’autre chaque bouteille du tas, et, la tenant de la main droite par le col, à la hau- teur de l’œil, le bouchon tourné en bas, im- primez à la bouteille, pendant un quart de minute ou une demi-mimute environ, un lé- ger mouvement horizontal circulaire ou de tournoiement, comme si vous vouliez la rin- cer. Ce mouvement a pour but de détacher le dépôt qui s’est formé dans le flanc de la bouteille et de le faire descendre lentement et sans secousse vers le goulot, ayant la plus rande attention possible de ne pas troubler e vin. Ce mouvement de rotation doit être exécuté avec beaucoup d'intelligence et d’a- dresse. Le dépôt étant détaché et amené vers le goulot de la bouteille, placez celle-ci sur une planche percée de gros trous ronds, dite planche à bouteilles, de manière que le bou- chon soit tourné en bas. Opérez de la même manière sur chacune des bouteilles successi- vement, après quoi laissez-les ainsi sur la planche pendant 15 jours ou un mois. Dans quelqües maisons de commerce on dépose les bouteilles dans une situation inclinée, sur la planche percée, et on fait faire aux bouteilles un quart de tour chaque jour, afin de déta- cher sans secousse le dépôt et de le faire des- cendre progressivement sur le bouchon. Lorsque vous serez bien assuré que tout le dépôt s’est fixé sur les bouchons, sans que la limpidité du vin soit altérée, vous pouvez procéder au dégorgement. À cet effet, un ou- vrier intelligent et habile enlève avec précau- tion la 1re bouteille placée sur la planche per- cée, et, la tenant dans une situation renver- sée, le goulot en bas, il examine au jour ou à la lumière d’une chandelle si le vin est bien clair et bien vif; alors il place la bouteille et l’appuie le long du bras gauche (fig. 217), saisit le goulot avec la main gauche, la paume tour- née en l’air; tandis qu'avec la main droite, armée d’un crochet, il brise et détache le fil de fer qui retient le bouchon. Le vin ainsi que son dépôt sont lancés vivement au dehors de la bouteille et tombent dans un petit cuvier. Aussitôt que l’ouvrier soupçonne que le dé- pôt est entièrement extrait, par un tour de main vif et précis il retourne la bouteille et examine si le vin en est parfaitement clair. Dans ce cas il la donne à un autre ouvrier chargé de remplir le vide occasionné par le dépôt avec du vin bien clair. On bouche de nouveau la bouteille avec un bouchon neuf bien choisi ou un bouchon qui a déjà servi, mais qu'on trempe légèrement dans l’eau-de- vie. On ficelle une seconde fois le bouchon avec une petite ficelle de chanvre, et par- dessus celle-ci on fait une seconde ligature, fortement serrée, avec du fil de fer. On gou- ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. Liv. iv. Fig. 217. dronne ensuite le bouchon, et l’on remet les bouteilles en tas avec les précautions indi- quées plus haut. Le vin aïnsi préparé peut être consommé 5 ou 6 mois après le dégor- gement. Lorsque l’ouvrier, en continuant son opération, trouve des bouteilles qui ne sont pas limpides ou dans lesquellés le dépôt n’a as entièrement descendu sur le bouchon, il es replace sur la planche percée pour les faire dégorger quelques jours plus tard. Quelquefois on remplit les bouteilles dégor- gées avec un sirop de sucre candi ét du vin Plane, auquel on ajoute de bonne eau-de-vie. Il y a des vins qui exigent un 2° et même un 3 dégorgement. On y procède comme nous venons de le dire. Il arrive aussi quelquefois que la fermentation du vin et la casse des bouteilles recommencent à la 2° année. Telles sont les diverses opérations néces- saires pour la préparation des vins mousseux. Elles exigent, comme on a pu le voir, beau- coup d’attention et même de dépenses. Tou- tefois les propriétaires de vignes trouveront une économie considérable à préparer eux- mêmes le vin mousseux qui sera consomme habituellement sur leurs tables. Nous pou- vons leur garantir, d’après nos expériences ersonnelles, qu'en suivant ponctuellement É préceptes que nous avons indiqués, ils ob- tiendront un succès aussi complet et aussi satisfaisant que pourra le permettre la qua- lité du raisin qui sera employé à cet usage. J. Ch. HErPIN. $ IL. — Observations sur les vins mousseux. On fabrique des vins mousseuæ dans plusieurs vignobles autres que ceux de la Champagne et par des procédés différens. Cependant on est d'accord sur lamanière de vendanger et de dépurer le moût par le repos, afin de séparer en partie les élémens du ferment. On prépare des vins mousseux dans l’arron- dissement d’Argentière (Ardèche), à Limoux (Aude), sous le nom de blanquette, à Saint- Ambroise (Gard),à Arboïs (Jura), et dans l’ar- rondissement de Béfort (Haut-Rhin ). Ces vins sont consommés dans le pays et moins ré- pandus dans le commerce que ceux de la cHAP. 9. Champagne. On a commencé depuis quelques années à fabriquer des vins mousseux dans la Côte-d'Or, et l’on suit les procédés de la Champagne qui ont été importés par des ton- neliers de cette contrée. Les mousseux de la Côte-d'Or rivalisent avec ceux des Champe- pois, mais on les trouve moins doux et plus capiteux. Les vignobles de la Champagne pa- raissent seuls en possession de certaines qua- lités deraisins qui, par leur mélange, donnent les excellens vins d’Aï, d’'Epernai, etc. Il résulte de tout ce que nous savons sur les divers modes d'obtenir des vins mousseux ue cette fabrication repose encore aujour- ’hui sur des procédés lout-à-fait empiriques qui demandent beaucoup d'adresse et d'intel- hgence. Tout ce que la science nous a fait con- paitre, c’est que la mousse est due au refou- lement de l’acide carbonique qui se dégage par suite d’une fermentation secondaire; les conditions et les résultats de cette nouvelle réaction n’ont pas été bien déterminés et suffi- samment étudiés. Comment pourrait-on re- médier aux pertes et aux inconvémiens de la casse? Quel est le moyen de supprimer l’opé- ration du dégorgement, qui est aussi minu- tieuse que dispendieuse? Personne n’a jusqu’à ce jour essayé une autre méthode que celle généralement suivie. Cependant, si l’on com- pare les diverses pratiques usitées, on peut s'assurer que l’on obtient des vins mousseux pour peu que l’on ait l’attention d’arrêter le dégagement de l’acide carbonique, et ces vins se conservent suffisamment limpides sans avoir recours à l’opération du dégorgement. Il est aujourd’hui peu de propriétaires qui ne se procurent du vin mousseux de son crû pour sa consommation particulière. Il y a quelques années qu’il s'était établi aux environs de Paris une fabrique de vin mous- seux à l'instar de celles des eaux gazeuses; mais cet établissement n’a pas continué, parce pou l'acide carbonique obtenu chimiquement onne au vin üne saveur peu agréable; il n’est que comprimé, la liqueur n'offre qu’une mousse qui disparaît sur-le-champ et au bout de quelques mois elle ne se montre plus. Je connais des personnes qui, ayant acheté de ce vin, ont été surprises de n'avoir qu'un vin blanc non mousseux et de qualité inférieure. Tout le monde connaît ce qu’on nomme le vin fou, dit enragé. Du moût renfermé dans un fûtallongé, dont les fonds ont peu de diamè- tre, y subit sa fermentation sans rompre son enveloppe, et l'acide carbonique disparait, à ce que prétend_M. Lexorr. Si cela se passe ainsi, le gaz entreen combinaison ou s’échappe par les pores du bois. C’est pourquoi on ne pent obtenir un vin mousseux en tonneau, ou du moins je ne sache pas qu’on ait essayé ce mode de préparation. En effet, s’il était pos- sible de faire prendre la mousse à un vin en futaille, on n'aurait plus autre chose à faire qu'à le mettre en bouteilles avec les précau- üons usitées pour le tirage des eaux gazeuses. Personne ne s’est avisé de faire confection- ner des vases en grès, couverts d’un vernis vi- treux, d’une forme analogue à celle d’une Jarre et de Ja capacité d’un hectolitre; ils seraient munis d’un robinet à la partie infé- rieure et bouchés hermétiquement. Le vin y serait déposé au mois de février ou de mars, DE LA FABRICATION DES VINS MOUSSEUX. 207 après le soutirage et le collage, et y resterait jusqu’au mois d'octobre ou de novembre, épo- que à laquelle on le mettrait en bouteilles. Le . travail étant achevé, on n'aurait plus à craindre la casse. Une condition essentielle, c’est de faire en sorte que la fermentation s'opère lentement, qu’il se produise peu de gaz dans le même moment, et pour cela il faut connaître les proportions relatives des élémens qui entrent dans le vin sur lequel on opère. On n’a pas encore déterminé quelle était ou devait être la richesse alcoolique du vin au moment où on le met en bouteilles, ainsi que celle qu’il a acquise lorsqu'il est devenu mousseux et qu'il a cessé de travailler; ces données serviraient à régler les additions de sirop , de tartre ou d'alcool. La quantité de sucre non décomposé indiquerait à peu près le volume d’acide car- bonique qui doit se former s’il existe assez de ferment. Je suppose à la bouteille la capacité d’un litre ou 1,000 cent. cubes. S'il reste 30 gram. où une once de matière sucrée à dé- composer, nous aurons 16 cent. d’alcool de formé, 1 et 1/2 pour 0/0 en volume, et 5 litres d'acide carbonique ou 5 fois le volume du vin. Sa pression sera égale à celle de 4 ou 5 atmos phères. L'expérience a démontré que cette ression suffit quelquefois pour faire éclater e verre, si elle est instantanée et augmentée ar un développement de calorique qui tend a séparer le gaz du liquide; mais si la fermen- tation est lente, si l'acide se dégage bulle à bulle, il est ainsi combiné ou interposé à l’état naissant entre les molécules du vin; il forme un tout à l’état vésiculeux élastique, dont la pression s'exerce en même temps sur tous les points du vase; le verre est alors plus résis- tant. J’ai calculé que si l’on soumettait, dans un vase clos et résistant, du moût à 1,083 de densité, dont tout le sucre s’était décomposé, il se produirait assez de gaz pour que la pres- sion füt égale à 36 atmosphères, précisément celle que M. FarADAY a trouvée au gaz acide carbonique liquéfié; mais, outre qu'aucun vase ne résisterait à cette énorme pression, la fermentation ne peut avoir lieu à la tempéra- ture basse à laquelle l’acide carbonique se li- quéfie. 11 m'est arrivé plusieurs fois de renfer mer du suc de coings, dépuré et filtré , dans des bouteilles ficelées et goudronnées qui ont été conservées dans une cave fraîche; au bout d’un an, ayant eu besoin de ce suc pour pré- parer le sirop de coing, j'ai trouvé un vin mousseux très agréable. Pendant plusieurs ‘années j’ai fabriqué ce vin en ajoutant 3 pour 0/0 d'alcool et 30 gram. de sucre raffiné. On peut donc assurer que toutes les fois que l’on sou- mettra à la fermentation graduée un vin con- tenant du ferment et de la matière sucrée in- décomposée , on obtiendra un vin mousseux, et lorsqu'il se trouvera une proportion d’alcool suffisante pour arrêter la fermentation , l’a- cide carbonique restera en combinaison vesi- culeuse jusqu’à ce que l'équilibre soit rompu par une Cause quelconque, telle qu’un chan- gement de température ou une diminution de pression pour lui donner issue. Nous enga- geons les savans ænologues à se livrer à des recherches expérimentales qui pourront con- duire à des procédés plus simples. Quant à la fabrication des vins de paille et 208 des vins de liqueur, elle est suffisamment con- nue dans les contrées où elle se pratique, et surtout dans les vignobles qui depuis long- temps en sont en possession. Ce que nous avons dit sur la fermentation mettra sur la voie ceux qui désireraient un vin liquoreux, résultat que l’on obtiendra facilement. Toutes les foisquela proportion de la matière sucrée excédera celle quele ferment existant ou laissé dans le moût pourra décomposer, on sera as- suré d'obtenir un vin doux et liquoreux. Ces liquides ne sont d’ailleurs que des boissons de luxe, enivrantes et capiteuses, qui ne sont et ne doivent être prises qu’en petite quan- tité. Secrion X.— De la cave, des vaisseaux vinaires et autres ustensiles. $ Ier. — Du cellier et de la cave. Le cellier est un emplacement ménagé au rez-de-chaussée et qui se prolonge sous la mai- son d'habitation; il est peu éclairé, frais én automne et conservant une température au- dessus de 0 en hiver lorsqu'il est bien fermé. C’est dans ce local que l’on dépose les vins Jus- qu'à leur refroidissement; on les bondonneen- suite pour les transporter à la cave; quelque- fois le transport n’alieuqu’aprèslet-rsoutirage. La cave est en général plus basse que le sol; sa profondeur varie suivant la nature du ter- rain. On ne peut trop apporter de soin à sa construction, à la disposition de la porte, ainsi qu'au nombre et au placement des sou- piraux. La température doit étre constante au- tant que possible pendant toute l’année et ne pas excéder + 12° C. Elle ne doit être ni trop sèche ni trop humide; dans le 1 cas les tonneaux se sèchent et le vin perd par l’évapo- ralion à travers les pores du fût; dans le 2e, les cercles s’humectent, le bois des ton- eaux conserve une humidité qui occasionne le moisi, le vin se gâte, ou, les cercles venant à éclater, ilse perd par la disjonction des douves. On fera bien d’avoir plusieurs thermomètres et hygromètres pour s'assurer de la tempéra- ture et de l'humidité de la cave dans toute son étendue. La longueur de la cave est illimi- tée; quant à la largeur, elle doit être suffi- sante pour que l’on puisse manœuvrer facile- ment et exécuter toutes les opérations qu’exi- ge la conservation des vins. Les caves sont ordinairement voûtées; les murs sont con- struits en pierres ou en briques jointes avec le mortier hydraulique, lorsqu'on peut s’en procurer. Il faut, autant que possible, éviter que les murs se chargent d'humidité au point de se couvrir de végétations, qui vicient l’air de la cave et nuisent aux vins. On la placera de manière à ce qu’elle soit garantie de tout ébranlement causé par le passage des voitures ou par les machines en mouvement des usi- nes ou les ouvriers à marteau. On éloignera des caves les écuries, les dépôts de fumier, les fosses d’aisances, les puits perdus et égoûts de toute espèce, surtout si le sous-sol est po- reux. On ne doit tenir dans les caves aucune substance végétale où animale susceptible de fermentation, telles que fleurs, légumes, jardinage, viande, fromage; on évitera surtout d'y sourrir de la volaille ou des lapins. Fa ave ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. LIV. 1%, est exclusivement consacrée à la conservation du vin et rien ne doit y entrer que le vin. Lorsque la cave n’est point pavée ou dallée, il faut qu’elle soit glaisée ou recouverte de plâtras lessivés, résidu du travail des salpé- triers comme à Paris, et bien battus. Quelques- unes sont sablées, ce qui ne convient que pour les caves où l’on conserve le vin en bou- teilles; un sol uni est préférable pour le ma- niement des tonneaux. L'ouverture d’une cave sera pratiquée au nord et munie d’une porte double; l’emplacement entre les 2 portes sert à placer les instrumens divers qui seront indiqués; c’est le petit laboratoire de l’œno- technicien. Les conditions d’une bonne cave étant ainsi déterminées, il sera facile de les obtenir suivant les localités; nous conseilions à cet égard aux propriétaires et aux archi- tectes, de consulter le traité de la fabrication des vins de CnaprTaL, qui entre dans beaucoup de détails intéressans sur ce sujet. Ainsi ce qu’il importe le plus de rechercher dans une cave, c’est une température cons- tante de + 12° C., une atmosphère qui se re- nouvelle aisément, enfin le maintien d’une humidité moyenne. $ II.— Des vaisseaux vinaires. Le tonneau est un vaisseau en bois, de forme à peu près cylindrique, mais renflé dans son milieu, à bases planes, rondes et égales, et construit avec des douves arcs-bou- tées et retenues par des cerceaux ou cercles. La jauge ou contenance est très variable, ainsi que les dénominations qu’il recoit dans chaque vignoble. Il contient depuis 228 lit. jusqu’à 4, 5 et 600 lit.; passé ce nombre il prend le nom de foudre. La jauge la plus ordi- naire pour le commerce est de 2 à 3 hectolit.; les droits étant perçus par hectolit., la conte- nance des fûts est ramenée à cette unité de mesure. Je voudrais que la jauge des futailles fût mdiquée ou inscrite sur le fond de cha- cune d’elles; il y aurait moins de fraude dans le commerce des vins, fraude qui pèse prin- cipalement sur les consommateurs. La meilleure forme à donner à un tonneau est celle de 2 cônes tronqués réunis par leur grande base; plus un tonneau approche de cette figure, moins il touche à la terre par des points de contact, et plus il fait voûte et offre de résistance, plus on le roule et on le re- tourne facilement, et moins les cercles et les osiers qui les lient sont sujets à se pourrir. L'air circule plus librement, et l'humidité s'attache moins au bois qui ne se couvre pas alors de moisissures. On doit apporter le plus grand soin au choix des tonneaux et les examiner avec la plus scrupnleuse attention; toute négligence dans leurachat entraine souvent la perte du vin. Le chêneest le bois lepluspropreàla construction des futailles. Il faut veiller à ce que le merrain ne contienne point d’aubier, qu’il soit sain, non vermoulu, et qu'il ait une épaisseur con- venable pour que la douve, étant faconnée, ne soit pas trop amincie vers le bouge, c’est-à- dire à l’endroit le plus élevé de sa courbure. Il faut une grande habitude pour ne pas être | la dupe des tonneliers et une connaissance parfaite du bois, L'assemb'age des douves qui LEV. 1V. composent un tonneau demande beaucoup d'adresse de la part de l’ouvrier pour que la jonction soit complète, que le liquide ne trouve aucune issue par laquelle il pourrait s'échapper, et que les cercles puissent être bien chassés. On examinera si le jable est bien fait et si de ce côté les douves de fond ne sont pas trop amincies. Les fonds étant plats of- frent moins de résistance à l'expansion des gaz que le bouge; on remédie à cet inconvé- nient par le barrage, qui doit être examiné attentivement, surtout à l’endroit où sont pratiqués les trous qui recoivent les chevilles. On rejettera autant que possible les barriques en châtaignier, en hêtre et en bois blanc, a que ces bois étant plus poreux, il se ait une grande perte de vin. Les cerceaux qui sont destinés à retenir les douves méritent aussi une scrupuleuse atten- tion; les meilleurs sont en bois de châtaignier, ensuite viennent ceux de coudrier, de saule- marsault, de frêne, etc. C’est par l'écorce et laubier que les cercles périssent, mais il ne me paraît guère possible de les obtenir en cœur de bois, en raison de la flexibilité qu'ils exigent. En somme, la meilleure substance pour cercler serait le fer en bandes, s’il n’é- tait trop dispendieux, àcause du grand nombre de tonneaux de peu de contenance. Il ne con- vient guère que pour les grandes barriques ou les foudres qui restent à demeure dans les caves. Le prix des tonneaux, étant compris dans celui du vin, se trouve à’ la charge du vendeur ou propriétaire. L'essentiel, quand on expédie, est de n’employer que des cer- cles neufs et de l’osier frais. La durée des cercles sera toujours assez longue pour atten- dre la mise en bouteilles des vins qui se ven- dent au dehors. Les bondons qui servent à fermer les ton- neaux doivent être en chêne, parfaitement ronds et pour cela faits au iour. Une fois frappés dans le trou de la bonde , ils ne dépas- seront pas la hauteur des cercles les plus près du centre, afin de ne pas gêner le roulage du tonneau. Les bondons en bois blancs où ten- dres seront refusés autant que possible; on ne les emploiera qu’en cas de besoin, mais jamais pour les tonneaux destinés au transport. Les foudres ne diffèrent des tonneaux que par leurs dimensions; ils sont construits en chêne, dont les planches ont une épaisseur convenable selon la capacité. L’un des fonds est muni d’une porte à coulisses retenue par une vis de pression; c’est par cette ouverture qu'un homme peut s’introduire pour nettoyer l’intérieur de ce vaisseau. Comme les portes des caves n’ont que la largeur nécessaire pour entrer un tonneau ordinaire, les foudres se montent sur place; leur grandeur est pro- portionnée à la largeur et à la hauteur de la voûte. On est quelquefois obligé de pratiquer dans la voûte une ouverture extérieure au moyen de laquelle on coule le vin dans les foudres. Il paraît que l’usage de ces grands tonneaux nous vient du Nord; en Bourgogne, ces réservoirs ne sont bien construits que par des tonneliers allemands qui sont aussi chargés de la confection des cuves. Les fou- dres sont cerclés en fer et les cercles sont re- couverts de plusieurs couches de peinture à l'huile. On ferait bien, je crois, de les peindre AGRICULTURE. DE LA CAVE, DES VAISSEAUX ET USTENSILES. 209 du côté du bois, et peut-être d’enduire d’un vernis de cire et d’huile de térébenthine l’en- droitauquelils s'appliquent avant de les poser. On ne peut fixer de limites à la capacité des foudres. On réussit mieux encore à conserver le vin en remplacant ces vases de bois par des fou- dres en pierre, à chaux et ciment, dont les murs ont assez d'épaisseur pour résister à la pression. Nous citerons à cet égard les fou- dres établies en 1828 à Gyé-sur-Seine, en ci- ment hydraulique de Pouilly, par M. P. IL. Douce, qui en a décrit la construction de la manière suivante. « Mon premier soin fut de chercher des ierres d’un grain dur, serré, compacte et capa- les de contenir les liquides sans déperdition. Lefondsurlequelje voulais établirmes foudres étant nivelé, Je fis poser sur toute la surface un 1* pavé sur une couche de ciment ordi- naire. Les dimensions de ces pavés étaient de 3 po. d'épaisseur, de 2 à 3 pi. de longueur sur une largeur de 12, 15 à 18 po. ; ils étaient sim- plement piqués, dressés à la règle et non po- lis; les bords en étaient coupés carrément et non en biseau. Je ménageai entre chaque pa- vé un joint de 4à 5 lig. que je fis remplir avec du ciment de Pouilly. Cette 1: opéra- tion terminée, je fis poser un 2° pavé sembia- ble au précédent; mais au lieu de ciment or- dinaire je le fis poser sur un bain de ciment de Pouilly, de manière à couper tous les Joints. Ces joints furent remplis avec le même ciment. C’est sur ce fond que j'ai com- mencé la construction d’un groupe de 6 fou- dres, ayant chacun 18 pi. 6 po. de long, au- tant de large, et 9 pi. 3 po. de hauteur. Les pierres de taille ont 8 po. d'épaisseur, de 4 à 9 1/2 pi. de longueur, sur 15 à 18 po. de hau- teur. ! « Mes 6 foudres sont disposés l’un contre l’autre sur 2 rangées de 3 foudres chacune. Aux angles supérieurs sont les ouvertures destinées au passage d’un homme ; elles sont fermées par une pierre de 4 po. d'épaisseur, de 1 pi. de large et 15 po. de long, scelléeavec du ciment romain que l’on emporte au ci- seau lorsqu'on veut ouvrir, soutirer ou net- toyer, et qu’on replace avec facilité quand on veut remplir. Au milieu de cette pierre est un trou pour recevoir un entonnoir ou une bonde. Le mur de séparation entre 2 rangs de foudres est élevé de 1 1/2 po. de plus que les autres murs latéraux, afin que le remplis- sage fait à ce point culminant donne la certi- tude que toute la surface est remplie. La construction est aussi prompte que facile. Chaque pierre étant en place, et posée de- bout sur des calles, est inclinée sur le côté pendant qu'un ouvrier pose le ciment. La pierre est remise d’aplomb et l’on a soin de refouler à la truelle le ciment dans les joints; on desserre également les calles, et quand le ciment est pris on les enlève et on remplit le vide qu’elles ont laissé. Quant aux Joints per- pendiculaires, on les remplit sur les côtés avec un peu de ciment, et quand il est pris, à l’aide d’unepetite trémie de tôle et d'une lame defer qu’on introduit dans le Joint de haut en bas, on garnit tout le vide avec exactitude. Pour plus de sûreté, quand la construction est ter- minée, on gratte tous les joints sur quelques TOME III. — 27 210 ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. LIV. IV, lignes de profondeur et on répare tous les dé- | remplit. La bonde est surmontée d’un cou- vercle ( fig. 219 ) qui glisse sur le cylindre et Fig. 219. fauts et boursoufflures. « Avant de couvrir mes foudres j’ai fait poser un 3e pavé dans l’intérieur de chacun d’eux. Ce pavé est taillé avec plus de soin que les deux 1°", et c’est lors de la pose et par la dif- férence des épaisseursque je ménage la pente de mes fonds et un petit réservoir de 15 lig. de profondeur sur 1 p. carré, destiné à pul- ser les lies et bas vins lors du soutirage et de la livraison. Je pratique le soutirage au moyen d’une simple pompe aspirante en bois; 5 heu- res me suffisent pour vider un foudre conte- nant 100 pièces. « Chacune de mes cases est recouverte par 3 grandes pierres de 7 à 8 po. d'épaisseur; c’est à l’angle de celle qui touche les murs de division que je pratique l'ouverture pour Île passage d’un homme. Les joints se remplis- sent avec du ciment de Pouilly. Ma cons- truction étant terminée, j'ai fait boucharder la surface entière des murs, des pavés et fonds supérieurs, de manière à enlever toutes les bavures du ciment et à ne laisser que l’é- paisseur des joints, qui se trouve réduite à quelques lignes; cette légère partie du ci- ment est la seule qui se trouve en contact avec le vin. Avant de remplir mes foudres, je me suis borné à faire laver toute leur surface intérieure avec de l’eau, puis avec du vin et ensuite avec de l’eau-de-vie. Mon vin est res- té pendant 2 ans très bien conservé et sans avoir contracté aucun mauvais goût. » 6 III.— Des bondes et ustensiles divers. Les bondes ou soupapes hydrauliques, dont on commence à faire un usage étendu en France, ont pour but de permettre aux vins d'achever leur fermentation bors du contact de l'air, de retenir dans ces liquides une cer- taine quantité d’acide carbonique, sans tou- tefois opposer un obstacle trop difficile à vaincre à la haute pression que ce gaz peut acquérir. Décrivons ici quelques-uns des ap- pareils les plus ingénieux de ce genre. 1° La bonde ordinaire de la Bourgogne et dela Champagne est un cylindre de fer-bianc dont le fond est traversé par un cylindre plus pe- tit, soudé sur ce fond et ouvert aux 2 ex- trémités. Ce 2 cylindre s'élève un peu au- dessus des bords supérieurs du 1% et est coiffé par un tube plus large, fermé à sa par- tie supérieure. On verse de l’eau dans l’es- pace annulaire entre les 2 cylindres jusqu'aux 2/3 de la hauteur de l'appareil. Les gaz qui se dégagent du tonneau sont forcés, pour s’é- chapper en dehors, de vaincre une pression de 1 à 2 po. d’eau et cessent de s’écouler dès que l’équilibre est rétabli, sans qu’il y ait un seul instant contact du vin avec l'air exté- rieur. 29 La bonde de M. SEBILLE-AUGER est cons- truite en fer-blanc ou en tôle vernie; elle se compose d’une virole AA (fig. 218 ), qui entre dans le trou de la bonde ; d’un cylindre B, qui en est la continuation, et d’un en- tonnoir CD qui, jusqu'à la ligne OO, con- tient de l’eau qui forme la fermeture hydrau- lique. La virole est percée, sur sa circonfé- rence, de 4 trous ou fentes M, qui servent à donner passage à l’air du tonneau quand on le Fig. 218. dont le bord II entre jusqu’au fond de l’en- tonnoir. Au-dessus du rebord du couvercle sont des trous nn par lesquels l'air peut pénétrer dans le tonneau, lorsque le vide qui s’y fait équivaut à une colonne d’eau pius haute que le cylindre B; l’introduction de quelques bulles d'air rétablit l’équilibre et l'eau retombe dans l’entonnoir. C’est par ces mêmes trous que, lors de la fermentation, l'acide carbonique se dégage à travers l’eau. Ces bondes peuvent être fabriquées au prix de 2 fr. On les place sur les tonneaux de vin blanc en fermentation et on les assujétit sur le trou de bonde avec un lut composé de blanc d’œuf et de craie en poudre ou blanc de Meudon. Pour les vins rouges, c’est après l’'entonnaison qu’on met les bondes hydrau- liques, qui peuvent rester pendant l'hiver, jusqu’au 1* soutirage au moins. M. SEBILLE ense même qu’il n’y a pas d’inconvénient a les laisser plus long-temps, lorsque les caves sont fraîches et qu'on a soin de tenir les tonneaux pleins. 3° Bonde de M. Payen. Ce chimiste a fait connaître une bonde hydraulique très ee pre à s’opposer complètement à l’introduc- tion de l’air dans les vases vinaires, malgré les mouvemens irréguliers dus à la fermen- tation. Cette bonde est construite sur le prin- cipe des tubes de sûreté à boule des chimis- tes, mais avec les modifications nécessaires pour la rendre usuelle et peu fragile. Elle est en fer-blanc (fig. 220) et a la forme d’un vase conique creux, fermé - aux Aus bases. Inté- PER rieurement elle est sé- parée en 2 par un dia- 6 phragme a qui des- cend près de la basein- férieure. Celle-ci est perse d’un trou c, sur equel est adapté un tube 5 qui monte jus- : que près de la base ja: ; supérieure , laquelle estelle-même percée d'untrou6del’autre côté du diaphragme a. Voici l'usage de cette bon- de. On verse par le trou 6, et jusqu’en ee, une certaine quantité d’une dissolution faible et limpide de potasse ou de cendres de bois pour que la bonde ne s’oxide pasintérieurement, et on place cette bonde dans l’ouverture du ton- neau jusqu’à 00. En cet état le trou € commu- nique avec les gaz qui se dégagent de la li- queur vineuse renfermée dans le tonneau et le trou 6 avec l’air extérieur. Si, par suite des mouvemens dus à la fermentation, il y a aug- LIV. IV. mentation de pression intérieure, les gaz s’é- lèvent par le tube bd, pressent sur le liquide placé à gauche du diaphragme et le font re- monter dans la pus roite jusqu’à ce que ce az ayant refoulé tout le ice passe sous le iaphragme, s'élève dans l’eau et s’échappe par le trou 6. Si, au contraire, il y a diminu- tion de pression dans le vase vinaire, l'air at- mosphérique intérieur, pressant de tout son poids, refoule à son tour le liquide placé à droite du diaphragme, le fait monter à gau- che, jusqu'à ce que passant sous ce diaphrag- me, 11 vienne se mêler par le tube b avec les z de l’intérieur pour y rétablir l'équilibre. & ces variations de pression sont peu consi- dérables, une différence de niveau assez faible entre la droite et la gauche du diaphragme suffit pour égaliser les pressions. 4° Bonde à soupape et à ressort de M. SEBILLE- AuGer. Cette bonde est très propre à garantir du contact de l'air, à faciliter le transport des vins dont la fermentation n’est pas achevée, ainsi qu'à empêcher les fonds de pousser lorsque la fermentation se rétablit à cer- taines époques de l’année. A (fig. 221), bonde ordinaire, en bois, percée à son centre pour recevoir de force la partie inférieure de la bonde en cuivre qui est percéeet rodée en I pour que la soupape C puisse s’y ajuster par- faitement.Cettesoupapeest pourvue d’une tige M, pour maintenir en place le ressort à bou- din D, qui appuie à l’une de ses extrémités sur la soupape, et par l’autre sur le fond d’une boîte E, fixée à la bonde de cuivre et montée comme une baïonnette sur cette bonde. Son fond est percé pour laisser passer la tige de la soupape, afin que celle-ci puisse se soule- ver quand le dégagement d’acide carbonique est assez fort pour vaincre la pression du res- sort. On voit en T des trous percés dans la boite pour laisser sortir ce gaz.Ce petit appa- reil devient très propre au transport des vins encore en fermentation, en plaçant la tige M et le ressort de la soupape (qui alors seraient étamés ) en dedans de la barrique, de manière à ce que rien ne déborde la bonde en bois, comme dans la fig. 222. Dans ce cas la tigeM Fig. 221. Fig. 222. DE LA CAVE, DES VAISSEAUX ET USTENSILES. 211 se monte à vis sous la soupape C, après avoir passé le ressort. Un anneau N, monté égale- ment à vis sur la soupape, sert à la soulever dans le ças où le ressort serait trop fort ou ne jouerait pas bien. Pour rouler la barrique on dévisse l’anneau N. Au moyen de cette bon- de on évite l’emploi des faussets. On voit en P une plaque de cuivre attachée au-dessous de la bonde en bois et percée d’un trou pour laisser passer la tige; elle sert à butter le res sort et à maintenir la direction de la soupape. Ces bondes pourraient être établies à 2 fr., si on se contente d’une boite en fer-blanc. Ustensiles divers. On doit avoir dans la cave des chantepleures de plusieurs grandeurs, pour goûter les vins. Cette pratique est préférable à celle de piquer avec le foret chaque fois que l’on a besoin d'examiner le vin. La cave sera aussi munie: 1° de brocs en bois de chêne our remplir les tonneaux ; 2° d’entonnoirs en ois et à douille en fer battu, étamé ou vernis au copal; 3° de tuyaux ou boyaux en toiles, sans couture, terminés à chaque bout par un canon en bois, dont le diamètre remplit le trou de la cannelle; 4 de soufflets d’une construction particulière, bien connus en Bourgogne et en Champagne, dont nous par- lerons plus bas et qui servent à transvaser les vins d’un tonneau dans un autre. Le sou- lirage au soufflet ayant l’inconvénient de mé- ler de l'air au vin, on peut donner la préfé- rence à la pompe où au syphon. Le plus com- mode est le syphon à pompe et à robinet de M. CorLarpeau; 5° de divers syphons; 6° de l'entonnoir de M. HEerpiN pour remplir les tonneaux ; 7° de mèches soufrées, avec les ap- pareils pour opérer le méchage et le mutisme. Le syphon à pompe est représenté dans la g. 223. Pour en faire usage on plonge la branche A dans le vase qu’on veut vider, on ferme le robinet, et on verse un peu d’eau dans le tube EF pour amorcer le piston G. Alors on élève rapidement ce piston à plu- sieurs reprises, si cela esi nécessaire, et sans crainte de faire rétrograder dans le piston l'air qu’on a fait sortir, puisque celui-ci porte 2 soupapes à boules, l’une E, adaptée au tube, l'autre G, au piston, et quand on a aspiré ainsi l’air du syphon., le liquide monte et coule par le robinet, qu'on ouvre en ayant soin d'incliner le syphon, de manière que cette ou- verture soit plus bas que le niveau du li- quide dans le vase qu’on veut vider. Quand ce vase est placé à la même hauteur que ce- lui qu'on veut remplir, le syphon va bien en commencant; mais il arrive un moment où l'égalité des hauteurs des niveaux arrète son effet. Alors on ferme le robinet et on fait Fig. 224. Fig, 223. 212 ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. | EF et dans l’entonnoir F, d’où il retombe en dehors du robinet par le dégorgeoir. Pour les tonneaux dont la bonde est généralement étroite, on place la pompe au-dessus du sy- phon (fig. 224) et on remplace le robinet par un obturateur O, mû par un mécanisme fort simple. Les mèches soufrées ne sont autre chose que des bandes de grosse toile de fil ou de tissu de coton, ou même de papier sans colle, que l’on plonge dans dn soufre fondu. Cette opé- ration étant répétée, une couche de soufre plus épaisse s'attache à la mèche. Quelques mèches sont recouvertes d’une poudre aro- matique composée de cannelle ,iris de Flo- rence, etc., mêlée avec des feuilles de vio- lettes séchées, addition qui me paraît tout au moins inutile. J'ai observé qu’en plongeant dans le ton- peau un morceau de mèche allumée, sus- pendu à un fil de fer tenant à la bonde, une partie du soufre brülait tandis que l’autre, entrant en fusion, coule dans le tonneau et donne ensuite au vin une saveur peu agréa- ble. Je propose, pour obvier à cet inconvé- pient , un appareil très simple (fig. 225), qui Fig. 225. m'a bien réussi, et qui est com- posé d’un petit plateau concave À en tôle forte, semblable à celui d’une balance et d’un diamètre un peu plus petit que celui du trou de bonde. Ce plateau est suspendu par 3 fils de fer à un petit disque B en fer, traversé par une tige C, terminée en crochet inférieu- rement et à la partie supé- rieure par un anneau qui sert à suspendre le tout à un fil de fer D qui traverse une bonde en bois E et que l’on peut éle- ver à volonté. L'appareil monté on allume la mèche, on plonge > le tout dans le tonneau, et on “ À soulève doucement le fil de fer jusqu’à ce que J’on arrive à l’anneau supé- rieur du plateau. On conçoit que ce dernier recoit le soufre fondu de la mèche; le gaz sulfureux produit par la combustion se ré- pand seul dans le vase. Un autre appareil pour cet objet a été in- venté par Rozrer et indiqué par CHaprTAL; je lai modifié de la manière suivante : dans une bonde ordinaire À (fig. 226), on pratique 2 ouvertures, une qui recoit le tube F de la cheminée du petit fourneau B et qui descend près du fond du tonneau, et l’autre qui livre passage à un petit tube D ouvert aux 2? bouts. Au-dessus du dôme du fourneau B est fixée une tige en fer portant 2 crochets latéraux , auxquels on suspend lamèche. Lorsque le tube Fest engagé dans le tonneau, on fixe la bon- de À, on allume les morceaux de mèches soufrées , on ferme la porte G, et l'air pour la combustion entre par une ouverture ronde e ; à laquelle on peut adapter un soufflet si on ! e Juge convenable. Le gaz sulfureux s’in- t roduit seul dans le tonneau, chasse l'air qui "échappe par le tube D; aussitôt que l'acide sulfureux sort par le tube le tonneau est suf- jouer la pompe; le liquide s'élève dans le tube | fisamment méché. Pour qu’il en contint da- Fig. 226. vantage, il faudrait opérer une pression en donnant au tube D la forme d’un syphon dont une branche plongerait dans l’eau. Dans ce cas, on se servirait d’un soufflet pour ac- üver la combustion du soufre et chasser le gaz sulfureux dans la futaille. On garnit encore la cave de petits baquets qui se placent sous les tonneaux en cas de coulure, et on a toujours à sa disposition un assortiment de bondes en liége ou en bois pour fermer le trou qui reçoit la cannelle, ainsi que du vieux linge où mème du papier gris sans colle; bien entendu qu’on n’oubliera pas la tasse en argent, le foret et la pince, ainsi que des faussets pour goûter ou faire goûter les VINS. Les tonneaux doivent être placés bien hori- zontalement sur des chantiers élevés de 6 à 7 po. Au lieu de coins en bois pour les arré- ter, il vaut mieux se servir de pierres ou de morceaux de brique; on doit avoir soin que les tonneaux et les chantiers ne touchent pas les murs, et lorsque lespace manque on est dans lhabitude d’engerber , c’est-à-dire de placer les pièces les unes sur les autres. Cette méthode est vicieuse et ne permet pas de soi- gner les vins convenablement. $ IV. — Affranchissement des tonneaux, foudres et cuves. Avant de mettre le vin dans les tonneaux, il est essentiel, après les avoir choisis, de les préparer de manière à ce qu'ils n’altèrent pas le vin et sur tout qu'ils ne lui communiquent point de mauvais goût. Lorsque l’on se sert de futailles neuves, on commence par les échauder, afin d'enlever la partie extractive et colorante du bois. On ajoute à l’eau bouil- lante 1 ou 2 livres de sel de cuisine. L’eau chaude, à la dose de 10 ou 12 lit., doit sé- journer quelque temps sur chaque fond et être vidée avant qu’elle ne soit complétement refroidie. On passe une 2° fois de l’eau bouil- lante, si on le juge nécessaire ; On vide, on rince avec soin à l’eau froide, on égouite, on mèche, si le vaisseau ne sert pas de suite, et on bondonne exactement. Si au lieu de moût il doit recevoir du vin nouveau, on le passe 2 fois à l’eau bouillante, où mèche au soufre pour le vin blanc et à l'alcool pour le rouge. Pour mécher à l'alcool, on place dans le pla- LIV. IV, cHAP. 9e. teau de la bonde à mécher (fig. 225 } des étou- pes imbibées d'alcool auquel on met le feu. Si l'on emploie des tonneaux qui ont déjà servi, il est indispensable de les examiner avec la plus scrupuleuseattention. Lorsqu'une barrique est futée ou moisie le mieux serait de la rejeter; mais, dans les années abondantes, les tonneaux sont rares, à un prix élevé et on emploie tout ce qu’on trouve. S'ils n’ont pas de mauvais goût on les échaude avec une dé- coction de feuilles de pêcher auxquelles on ajoute quelques pampres; si on leur recon- nait une odeur suspecte on les échaude avec un lait de chaux, récemment préparé, ou une forte lessive de cendres. M. BesvaLz de Nancy a fait usage avec succès de la vapeur pour af- franchir un foudre; ce moyen est très bon, lorsqu'on peut disposer d’un appareil conve- nable. Le procédé le plus sûr et le plus effi- cace, celui que J'ai mis souvent en usage et conseillé depuis long-temps, consiste d'abord à échauder les barriques, foudres ou cuves, ensuite à les rincer avec un mélange de9 par- ties d’eau de rivière et 1 d'acide sulfurique; on introduit le mélange et on remue le ton- peau dans tous les sens, de manière à ce que toute la surface intérieure soit complètement mouillée par le liquide. Si c’est un foudre ou une cuve, on le lave avec un balai ou une brosse en crin, en ayant soin que la liqueur acide ne Jjaillisse pas sur l'opérateur, qui se garantira surtout les yeux. Au bout de quel- que temps on rejette l’eau acidulée, on lave à l’eau froide, puis avec un lait de chaux clair ou une lessive de cendres, et on rince enfin à l’eau claire; on égoutte, on passe quelques litres d'alcool ou de bonne eau-de-vie, si le tonneau doit recevoir du vin vieux; s’il n’est pas rempli de suite il est méché et bondonné exactement. Massox-Four. Section XI. — Des soins à donner au vin. $ Ier, — Ouillage. Le vin, au sortir de la cuve, estordinaire- ment déposé dans des tonneaux et placé dans une cave ou un cellier frais. Là, le vin achève de se faire ; pendant la 1°° quinzaine de jours il écume et bouillonne fortement et il s’en dégage beaucoup de gaz carbonique; mais après ce terme, la fermentation se ralentit et finit par devenir insensible, bien qu’elle ne soit pas entièrement terminée. Dans plusieurs localités on remplit chaque jour le tonneau contenant le vin, afin que, par l'effet de la fermentation, l’écume et les im- puretés qui se portent à la surface du liquide soient expulsées et rejetées au dehors par l'ouverture de la bonde ; c’est ce que l’on ap- pelle ouiller. Dans d’autres endroits, au contraire, on a grand soin de ne pas remplir entièrement le tonneau; l'on y laisse un espace vide d’envi- ron 6 à 8 po., suffisant pour contenir l’écume, laquelle se dépose à la longue et tombe au fond du tonneau, lorsque la fermentation se ralentit. Dans ce cas on ferme la bonde soit avec un linge chargé de sable ou de feuilles de vigne, soit avec une tuile, soit enfin avec une soupape. Quelquefois on place le bondon et l’on pratique à côté une petite ouverture DES SOINS À DONNER AU VIN. 213 dans laquelle on introduit la cheville de bois, ie l’on nomme fausset. Cette ouverture reste ébouchée pendant les 1e jours après la mise du vin en tonneaux. On ne remplit entière- ment les vases que quand le bouillonnement a cessé et que la fermentation dite fumul- tueuse est achevée. Les bondes où soupapes hydrauliques, dont on fait usage dans plusieurs vignobles et dont l'invention première est due à CasBoïs, pro- fesseur à Metz, ont pour objet de retenir dans les tonneaux une quantité notable de gaz carbonique, tout en permettant la sortie de l’excédant de ce gaz qui pourrait, si la fu- taille était bien close, faire éclater les fonds et occasionner des accidens graves. Ona construit des soupapes hydrauliques de différentes formes, et on en a décrit plusieurs à la page 210. Nous citerons encore la sui- vante comme l’une des plus simples; elle se Le (fig. 227 ): 1° d’un tube A en fer- lance , d’un pouce à un pouce . et demi de PA dent HE LE ron un pied de hauteur, re- courbé en forme de syphon et portant à l’une de ses extré- mités B un cône en fer-blanc que l’on introduit dans l’ou- verture de la bonde, et abou- tissant par son autre extré- mité C au fond d’un petit vase ou réservoir V qui contient environ un litre et que l’on remplit d’eau. Pour faire usage de cet appareil, il suffit d’en velopper d’un linge fin ie cône B du tube, de le fixer solidement dans l'ouverture de la bonde, et de remplir d’eau jusqu'aux trois quarts le petit vase V. Bientôt on entend les bulles de gaz carbonique s'échapper avec bruit à travers l’eau qui prend une légère odeur vineuse et contracte une saveur aci- dule. On peut aussi faire usage d’un simple tube en fer-blanc A ( fig. 228), d’un pouce à un pouce et demi de diamètre, en for- Fig. 228. me d'U renversé, dont une extré- mité B se trouve introduite et lu- tée dans l’ouverture de la bonde et l’autre extrémité C plonge de 2 A ou 3 po. dans un vase V contenant de l’eau. Les œnologues sont partagés sur G la préférence que l’on doit accor- der à l’un ou à l’autre des 2 pro- B cédés d’ouillage que nous avons indiqués plus haut. Dans le 1er cas, c’est-à- dire lorsque l’on ouille et que l’on remplit tous les jours les tonneaux, on débarrasse le vin d’une portion d’impuretés et de fer- ment qui, en restant dans la liqueur, la ren- dent irouble pendant long-temps et peuvent y occasionner diverses altérations. Dans le second cas, on évite un travail assez considé- rable, et le vin fait par ce moyen se clarifie bien, quoique à la longue; mais ce quiest très important, lorsqu'on fait usage de ce dernier procédé, c’est que l’on peut alors fermer le tonneau assez hermétiquement, empêcher le contact de l'air atmosphérique avec la liqueur, retenir une portion d’acide carbonique et d'alcool, qui s’échapperaient autrement, et les forcer à se recombiner avec le vin; tan- 214 ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. dis que dans l’autre cas, on est obligé de laisser le tonneau débouché pendant 8 ou 10 jours. En outre, le vin qui s'écoule hors du tonneau avec l’écume pendant tout le temps que dure l'ouillage est non-seulement perdu pour le propriétaire, mais encore il a le désa- grément d'humecter le sol de la cave, d'y entretenir une constante humidité, qui fait pourrir les cercles, et donne au vin une odeur désagréable. On a cependant cherché à remédier à ces inconvéniens en adaptant à la bonde un con- duit en fer-blanc, qui dirige dans un eauge de bois, placée entre 2 tonneaux, tout le vin qui se dégorge pendant la fermentation et celui même qui sans ce petit appareil serait perdu dans les remplissages qui se répètent si sou- vent à cette époque. Ce moyen a produit un bénéfice d’une pièce de vin sur vingt-cinq. Il est donc d’une grande importance de pou- voir réunir et combiner les 2 procédés dont uous venons de parler, c’est-à-dire de pou- voir faire sortir du tonneau j’écume, le fer- ment et les impuretés du vin sans perdre de liquide, tout en conservant le gaz carboni- que qui augmente la qualité du vin. Tel est l’objet d'un instrument que nous avons indiqué il y a quelques années (1) et doni l'usage commence à s’introduire dans nos vignobles. Cet instrument réunit les qualités suivantes: 1° il facilite la sortie de l’écume et des impu- retés de la liqueur fermentante, car il vaut beaucoup mieux faire sortir l’écume et les im- puretés de la liqueur que de les faire repas- ser à travers le vin, pour qu’elles aillent re- Joindre la lie; 2° il empéche la déperdition du vi qui sort avec l’écume et que ce vin ne s'évente: 3° il produit l'effet d’une soupape servant à retenir le gaz dans le tonneau; 4 il donne la facilité de remplir le tonneau à vo- lonté, sans toutefois laisser échapper le gaz. Cet instrument se compose de trois parties: 1° d’un long tube ou entonnoir A (fig. 229), par lequel on verse le vin pour Fig. 229. remplir le tonneau; il est fer- mé à la partie supérieure par un bouchon de liége; 2 d'un tube recourbé B F, destiné à donner issue à l’écume et au gaz, ces deux pièces traver- g saut un bouchon conique en fer-blanc, que lon place dans l'ouverture de la bonde du tonneau; 3° d’un flacon D, ou réservoir dans lequel s'amas- sent l’écume et le vin; ce fla- con a &@eux ouvertures g, h, fermées par des bouchons de liége. Un couvercle à ferme la partie supé- rieure de ce flacon. Pour faire usage de cet appareil, on l’en- fonce dans la bonde du tonneau jusqu’au bou- chou, on le fixe solidement et on lute en- suite bien exactement le pourtour de la join- ture du bouchon avec du suif ou avec du lut de farine de graine de lin, etc. Qn ôte alors le bouchon de l'entonnoir A et l’on verse par LIV. IV. cet entonnoir du vin dans le tonneau , jusqu’à ce que le tonneau soit plein ; on referme avec soin l’entonnoir et l’on met, dans le réser- voir D, du vin jusqu’au tiers de sa hauteur, On conçoit maintenant que le vin en travail- lant fera monter le gaz carbonique et l’écume par le tube recourbé aboutissant à la partie inférieure du flacon D. Comme ce flacon ren- ferme une certaine quantité de vin qui est a la même hauteur dans le tube recourbé, le gaz, pour s'échapper , sera obligé de refouler la colonne de vin contenue dans la seconde branche F du tube recourbé, et de passer à travers le liquide qui exercera toujours sur lui une pression de plusieurs pouces et formera ainsi une sorte de soupape hydraulique. L'é- cume chassée par le vin du tonneau passera à travers les tubes, et viendra à la surface du vin contenu dans le flacon. En remplissant le tonneau on ne donnera pas pour cela issue au gaz; car l'extrémité in- férieure de l’entonnoir étant plongée dans le vin, le gaz ne pourra pas s'échapper par cette ouverture. Dans les 1° jours il faudra remplir au moins 2 fois par Jour, et mettre une écuelle ou une assiette au-dessous du flacon D, afin que le vin qui pourrait s'échapper parle tube g, que l’on a eu soin de déboucher, ne soit pas perdu ; on le mettra dans un tonneau à part, ou bien on l’emploiera pour le remplissage. On enlèvera aussi l’écume contenue dans le flacon D. Lorsque la fermentation tumultueuse sera passée, on ouvrira le bouchon hk, pour faire sortir du flacon D le vin qui y sera contenu, et on y mettra de l’eau à la place. On laissera ainsi l’appareil jusqu’à ce que l’on puisse bon- donner les tonneaux; on peut même laisser continuellement cet appareil sur le tonneau, car il ferme aussi hermétiquement que le fe- rait un bondon. L'appareil doit être construit en fer-blanc. Voici ses dimensions : hauteur totale du tube A 52 centimètres (19 po. 3lig.); au-dessous du bouchon , 16 cent. (6 po.) ; au-dessus du bou- chon, 32 cent. (un pied); diamètre du tube A, 9 millim. (4lig.); hauteur de l’entonnoir , 27 mill. (1 po.); largeur de l’entonnoir à la partie supérieure , 54 mill. (2 po. ); hauteur du bou- chon conique, 33 mill. (15 lig. ); diamètre du bouchon, à sa partie supérieure ou la lus large, 48 mill. (22 lig.); diamètre du ouchon à sa partie inférieure, 36 mill. (16lig.); hauteur du flacon D , 189 mill. (7 po.} diamètre du flacon, 8 cent. (3 po.)}; diamè: tre du tube recourbé B , 27 mill. ( 1 po.); la seconde branche F du tube recourbé, 54 mill. (2 po.) de hauteur de plus que le flacon D. Les tuyaux get h, 27 mill.(1 po.)de longueur et 6 1/2 mill. (3 lig.) de diamètre. Le couvercle idu flacon peut être à charnière et se rabattre hbrement sur l'ouverture du vase. On peut le remplacer par un morceau de toile placée sur ce flacon. { Lorsque le bouillonnement du vin dans les tonneaux a cessé et que la fermentation tu- multueuse est apaisée, on enlève les soupapes (1) Description de plusieurs instrumens nouveaux pour conserver et améliorer les vins, par 3.-Ch. Henri. Paris, 1825, in-12. cap. 9°. destinées à la conservation du gaz, on remplit entièrement la futaille et on la ferme exacte- ment au moyen du bondon. On laisse le vin dans cet état, ayant soin de remplir les futailles tous les quinze jours ou tous les mois au plus tard; car le vin qui est dans les tonneaux s'échappe par les pores du bois, il diminue par l'évaporation, et après quelques semaines il existe un vide plus ou moins con- sidérable dans la futaille. La couche supérieure de vin qui est alors en contact avec l'air se recouvre de moisissure, de fleurs, de pourriture ; ce vin se tourne en vinaigre ou il se gâte. Lorsque l'on remplit une futaitle en y versant du vin avec une cruche, comme cela se pratique d'ordinaire, on fait rentrer, on refoule dans le bon vin, le vin gäté ui se trouve au-dessus, et on l'y enfonce ‘autant plus profondément que l’on verse de plus haut. On peut facilement se convaincre ue ce mélange nuisible a lieu comme nous le dés , si l'on fait attention à ce qui se passe lorsque l’on verse du vin sur de l’eau dans un vase de verre. Quoique la pesanteur spécifique du vin soit moindre que celle de l’eau, on voit néanmoins tout le liquide prendre à l'instant une teinte uniforme. Pour éviter en partie, dans le remplissage des vins. le grave inconvénient que nous si- gnalons, on pourrait faire usage d’un entonnoir ayant un long tube qui plongerait de quelques pouces dans le vin du tonneau. En versant avec précaution le vin par cet entonnoir, le tonneau se remplirait sans secousses, et le vin gâlé sortirait par l'ouverture de la bonde. Voici l'instrument que nous proposons et qui nous parait remplir son objet d’une manière exacte et avantageuse. Il se compose 1° d’un tube vertical ou enton- noir A (fig. 230), par lequel on verse le liquide destiné à remplir le tonneau; 2° d’un tube coudé B, destiné à la sortie de la couche de vin gâté ; ces deux pièces traversent un bou- chon conique en fer-blanc C, que l’on entoure de linge et que l’on place dans la bonde du tonneau ; 3° d'une tringle de fer D, portant un bouchon E, destiné à fermer l’orifice inférieur de l’entonnoir. Pour faire usage de cet instrument, on en- fonce la tringle et le bouchon dans le tube, de manière à en fermer l'ouverture inférieure, on introduit dans le tonneau FPinstrument jusqu'au cône C, que l’on a garni de linge, et on le fixe solidement dans le trou de la bonde. On emplit ensuite l’entonnoir avec du vin; alors on relève le bouchon de quelques pouces, au moyen de la tringle, et l’on continue à verser le vin dans l’entonnoir. Lorsque le ton- neaun est plein, la couche de vin gâté passe par le tuyau B et s'écoule au dehors. On doit en laisser sortir une certaine quantité que lon met dans un tonneau à part ou que l’on em- loïe pour faire du vinaigre. On enfonce alors e bouchon dans l’entonnoir , au moyen de la tringle , et l’on retire l'instrument du tonneau que l’on bondonne comme à l'ordinaire. On voit que le remplissage se fait ainsi d'une manière parfaite. Le vin de remplissage est ra- lenti dans sa chute par le bouchon qui est resté dans le tube etil s'écoule lentement ; le liquide s'élève peu à peu dans la futaille; le vin gâté * DES SOINS A DONNER AU VIN. 215 cune secousse, et sans se mélanger nullement avec le vin du tonneau ou avec celui du rem- plissage. Cet appareil est construit en fer-blanc. La longueur du tube A doit être de 40 à 48 cent. (15 à 18 po.); son diamètre à la partie supé- rieure est de 10 cent. (4 po. }, le corps du tube est de 18 millim. (8 lig.); enfin l'ouverture in- férieure est de 5 mill. (2 lig. et 1/2). Le tube B doit avoir de diamètre 9 mill. ( 4 lig.) et de longueur 8 à 10 cent. (3 à 4 po.) Le cône C doit avoir de diamètre, à sa partie supérieure ou la plus large, 48 mill. (22 lig.), à sa partie inférieure 33 mill. (15 lig.); il est fermé de toutes parts. La tringle doit traverser le bou- chon et le maintenir en dessus et en dessous au moyen de deux petites rondelles de métal. A la place de la tringle et du bouchon, on pourraitmettre au bas Fig. 232. du tube un morceau de taffetas gommé ou de vessie, qui s’ouvri- rait de dedans et en dehors, et ferait l’of- fice d’une soupape ou valvule. Les figures 231, 232 , représen- tent ceite disposition. La 1° (231) est le plan de lextrémité infé- rieure de l’entonnoir. La2°(232) est la coupe de la partie inférieure de l'instrument. ï PAR 1e Fig. 231. Fig. 230. $ II. — Soutirage. Lorsque la fermentation s’est apaisée, dit CaasraL, et que la masse du liquide jouit d’un repos absolu, le vin est fait; mais il acquiert de nouvelles qualités par la clarification; on le préserve par cette opération du danger de tourner. Cette clarification s'opère d'elle-même par le temps et le repos; il se forme peu à peu un dé- pôt dans le fond du tonneau et sur les parois, qui dépouille le vin de tout ce qui est dans une dissolution absolue ou de ce qui y est en suspension; ce dépôt qu'on appelle lie, est un mélange confus de tartre, de fibres, de ma- tière colorante et surtout de ce principe vé- géto-animal qui constitue le ferment. Mais ces matières, quoique déposées dans le tonneau el précipitées du vin, sont suscepti- bles de s’y méler encore par l'agitation, le chan- gement de température, etc. ; et alors, outre qu'elles nuisent à la qualité du vin qu’elles rendent trouble, elles peuvent lui imprimer un mouvement de fermentation qui le fait dé- générer en vinaigre. ; C’est pour obvier à cet inconvénient qu’on transvase le vin à diverses époques, qu'on sé- pare avec soin toute la lie qui s'est précipitée. Cette opération s'appelle soutirer, traverser. transvaser, déféquer les vins. Le soutirage con- siste principalement à tirer le vin de dessus sa lie et à le transvaser dans une futaille bien nettoyée. Dans quelques contrées ( Issoudun, etc. ), le vin reste pendant plusieurs années (même 19 et{2ans) dans le fût où il a été primitivement est soulevé et transporté au dehors sans au- | déposé après la récolte. On n’y touche plus, 216 si ce mest pour remplir; il ne sort de Ja fu- taille que pour être livré à la consommation. La lie déposée au fond des tonneaux où le vin a été conservé pendant plusieurs années est dure et consistante. Souvent le vin dont nous parlons a contracté un léger goût d’amertume ou de pousse; on lui donne le nom de vin bouté. Dans nos 1° vignobles on est généralement dans l’usage de soutirer ou de transvaser les vins au moins une fois par an. Le soutirage a lieu ordinairement au mois de mars et au mois de septembre; on doit choisir.un temps sec et froid pour exécuter cette opération ; car les temps humides et les vents du sud peuvent troubler les vins. Le soutirage doit toujours se faire avec beaucoup de soin et de propreté; on doit prendre garde surtout que le vin soit le moins possible en contact avec l'air atmos- phérique et à ce que la lie ne soit point agitée pendant l'opération ; car, outre que le vin s’é- vente à l'air, c’est-à-dire qu’il perd une quan- tité considérable de parties spiritueuses et aromatiques, le contact de l’air et les mouve- mens de la lie le disposent à s’aigrir. Le soutirage s'exécute ordinairement à l’aide de seaux; mais on doit employer de préfé- rence les syphons (pag. 211) ou des tubes, soit en cuir soit en fer-blanc, ou de longs enton- noirs plongeant presqueau fond du tonneau, qui permettent de transvaser le liquide sans l’agiter et surtout sans l’exposer à l’action dangereuse de l’air atmosphérique. En Cham- pagne et dans d’autres pays vignobles on fait usage du moyen suivant: On a, dit CHAPTAL, un tuyau de cuir en forme de boyau, long de 4 à 6 pi., ou davantage, et d'environ 2 po. de diamètre. On adapte des tuyaux de bois aux deux bouts. Ces tuyaux vont en diminuant de diamètre vers la pointe. On les assujétit for- tement au cuir à l’aide de gros fil; on ôte le tampon de la futaille que l’on veut remplir et Von y enchâsse solidement une des extrémi- tés du tuyau; on place un bon robinet à 2 ou 3 po. du fond de la futaille que l’on veut vider et l’on y adapte l’autre extrémité du tuyau. Par ce seul mécanisme, la moitié du tonneau se vide dans l’autre; il suffit pour cela d’ou- vrir le robinet et l’on y fait passer le restant par un procédé simple. Ona des soufflets d’en- viron 2 à 3 pi. de long et 15 à 18 po. de lar- geur; on adapte l'extrémité du soufflet dans l'ouverture de la bonde du tonneau que l’on veut vider. Une petite soupape de cuir s’ap- plique contre le bout du soufflet et s’y adapte fortement pour empêcher qne l'air n’y re- flue lorsque l’on ouvre le soufflet. Quand l’on pousse l'air, au moyen du soufflet, on exerce une pression sur le vin, qui l’oblige à sor- Ur d’un tonneau pour monter dans l’autre. Lorsqu'on entend un sifflement à la cannelle on la ferme promptement; c’est une preuve que tout le vin a passé. Les auteurs font un éloge pompeux du pro- cédé que nous venons de décrire. Ce procédé est avantageux, il est vrai, lorsqu'on veut faire passer le vin d’un vase supérieur dans un vase inférieur ; mais, lorsqu'on se propose de faire monter le vin au-dessus de son ni- (1) Huber. Sulla fabricatione dei vini. Milano. 1824, ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. LIV. LV. veau, il faut, comme nous l’avons dit, adapter à la bonde un soufflet, à l’aide duquel on in- troduit avec force dans le tonneau une grande quantité d’air qui exerce une pression sur le vin et qui l’oblige à sortir d’un tonneau pour monter dans l’autre; c’est alors que ce pro- cédé devient éminemment défectueux. En effet, on emploie d’un côté tous les moyens de soustraire le vin au gontact de l’air, et de l’autre, on comprime, on presse de l'air dans le vin, on les force à se mêler. Ce mélange est sans doute infiniment nuisible à la liqueur. On peut diminuer et même faire cesser les in- convéniens que nous signalons en employant le gaz sulfureux au lieu d’air, au moyen de l'appareil suivant. Ajustez à la soupape A (fig. 233) du soufflet, un tube de cuir, muni d’une douille qui s’a- dapte au baril. Ce ba- rila trois ouvertures: l’une e pour recevoir la douille du tube de cuir; l’autre D qui doit rester ouverte ; Eee) la troisième c qui est RES fermée par un bou- |f” chon ou méchoir au- |! quel est attachée une & mèche ou une ficelle soufrée que l’on al- lume lorsque l’on veut faire usage de l’appa- reil. On conçoit maintenant que le soufflet au lieu d’aspirer de l’air commun, aspirera le gaz sulfureux, ou -plutôt l’air privé de son oxigène, contenu dans le baril, et le portera dans le tonneau. Cette addition ne peut qu’é- tre extrêmement utile pour la conservation du vin. Nous avions émis, dans le mémoire précité, quelques observations critiques sur le souti- rage des vins, lesquelles paraissent avoir été accueillies et mises à profit en plusieurs en- droits et notamment dans le royaume lom- bardo-vénitien (1). Nous croyons devoir rap- peler succinctement ces observations. Le soutirage est-il le meilleur moyen pour parvenir au D que l’on se propose? Non, il s’en faut de beaucoup ; car le vin soutiré plu- sieurs fois s’affaiblit considérablement, et après une certaine époque, chaque nouveau souti- rage en accélère la décrépitude. Ajoutons à cela les inconvéniens immenses qu'entraîne le soutirage: d’autres tonneaux, beaucoup d'ouvriers , une perte de temps considérable, et par conséquent une dépense très forte. Tout le monde connaît les nombreux incon- véniens de cette pratique, surtout lorsqu'on est obligé de transvaser des foudres d’une vaste capacité et qui n’ont besoin d'aucune réparation. L'objet du soutirage est de séparer le bon vin de la lie. Et pourquoi ne pas faire sortir la lie seule et laisser le vin dans le tonneau ? Le moyen en est très simple. Supposons une ou- verture, une bonde, un robinet à la partie inférieure du ventre du tonneau, c’est-à-dire dans celle où les lies se réunissent. Si l’on dé- bouche cette ouverture la lie s’échappera la première ; lorsqu'elle sera sortie, ainsi qu'une cap 9°. partie du vin épais, on refermera cette ou- verture, et voilà cetteopération terminée; on n'aura plus qu'à remplir le tonneau avec du nouveau vin. : Cette opération, comme l’on voit, est tres simple; ellen’est ni longue ni coûteuse. Tou- tefois, l'appareil ou le robinet dont nous par- lons ne peut guère être appliqué avec avan- tage aux vaisseaux qui contiennent moins de huit hectolitres. Pour les futailles d’une di- mension ordinaire, on peut facilement enle- ver la lie déposée au fond du vase à l’aide d’un siphon en fer-blanc, préalablement rem- pli de vin, et que l’on fait plonger au fond du tonneau, ou le syphon à pompe (pag. 211). On peut aussi employer avec avantage une petile pompe en fer-blanc, semblable à celle qui sert pour les huiles, que l’on introduit par la bon- de et que l’on enfonce jusqu'au bas de la fu- taille. En faisant agir cette pompe, on enlève peu à peu la lie déposée au fond du tonneau, et ensuite une portion de vin trouble; après uoi l’on retire la pompe, l’on remplit et l’on erme la futaille comme à l’ordinaire. De ces trois nouveaux procédés de souti- rage de la lie, que nous avons proposés il y a quelques années, le dernier moyen, la pompe foulante, est celui auquel on parait donner la préférence en Italie et'la plupart des ferblan- tiers de Milan construisent aujourd’hui de nos pompes à enlever la lie. 6 III. — Soufrage. L'un des plus puissans moyens de conser- vation des vins est le soufrage, qui consiste à imprégner soit les futalles soit le vin lui- même d’une quantité plus ou moins forte de vapeurs sulfureuses (gaz acide sulfureux). Ce moyen a pour objet d'empêcher ou de retar- der la fermentation vineuse et d’expulser des tonneaux l’air atmosphérique dont le contact sur le vin pourrait le faire passer à l’état de vinaigre. Pour faire cette opération, on intro- duit par l’ouverture de la bonde d’un tonneau vide une mèche soufrée, c’est-à-dire une ban- delette de toile enduite de soufre et allumée. On y suspend cette mèche par un fil de fer et l’on ferme légèrement la bonde; ou, mieux, on fait usage du petit appareil décrit à la pag. 212. L'air intérieur se dilate d’abord et s'échappe avec sifflement. Lorsque la com- bustion est terminée, le tonneau est plein de gaz sulfureux ; néanmoins les parois du vase sont à peine acides. On remplit ensuite le tonneau. D'autres fois on soufre le vin lui-même; c'est ce qu’on nomme aussi muter , faire du vin muet. Ce vin muet ne fermente pas et sert à soufrer les autres vins. Le soufrage rend d’abord le vin trouble et le décolore légèrement; mais la couleur ne tarde pas à revenir et le vin s’éclaircit. Pour faire le vin muet, on verse dans un ton- neau méché à refus un quart de moût (envi- ron 50 à 60 lit. ); on bonde et on agite forte- ment; on ouvre; on brüle sur le vin 4 à 5 mèches; si elles refusent de brûler, on chasse l'air en introduisant la douille d’un soufflet, sion ne sesert pas du fourneau méchoir.Après avoir versé 50 lit. de nouveau moût, on agite comme pour la 1® fois. On recommence l’o- AGR. DES SOINS À DONNER AU VIN. 217 pération pour verser une autre portion de moût, et lorsque la barrique est remplie, à 5 ou 6 po. au-dessous de la bonde, on achève de la remplir avec un moût qui a été muté à part dans un petit baril. Quelques personnes mutent ainsi par petites portions dont elles emplissent un tonneau fortement méché. Avec le fourneau méchoir, dont le tube plon- gerait dans 50 à 60 lit. de moût déféqué, écu- mé à froid ou bouilli, et placé dans un baril de capacité double, on saturerait ce liquide d'acide sulfureux sans être incommodé par cetle vapeur. M. J.-Cu. Leucus a trouvé dans le noir ani- mal un très bon moyen de conserver le moût de raisin. Mélez avec un litre de moût 6 gram. de charbon animal en poudre et 10 gram.silemoût contient beaucoup de matières ou élémens du ferment. Cette dose donne 2 kilog. pour une pièce de 230 lit. Lorsque le liquide est déco- loré et s’est éclairci, on le soutire dans un autre vaisseau qui doit être tenu plein et bien bouché. Ce moût n'entre pas en fermentation, même dans un vase ouvert ; le charbon s’est emparé de l’albumine et du gluten qui don- nent naissance au ferment et de celui qui a pu se former par le contact de l’air. Ce ferment. combiné au charbon, n’a pas perdu ses pro- priétés, car si on laissait cette combinaison däns le moût selui-ci recommencerait à fer- menter ; il faut donc séparer le dépôt aussi- tôt que le vin muet est clair. Cette opération doit se faire à froid. Le moût clarifié à chaud avec le noir entre en fermentation. Cette méthode est bien préférable au mu- tage par le soufre, qui laisse au vin une sa- veur peu agréable et qui ne préserve pas le moût de la fermentation lorsque l'été est très chaud; ce qui oblige de renouveler le mu- tage si on aperçcon quelques signes de fer- mentation. $ IV. — Collage. Le soutirage ne suffit point pour débarras- ser le vin de toutes les impuretés qu'il con- tient, et surtout des matières qui restent sus- pendues dans le liquide. C’est au moyen du collage ou de la clarification que l’on donne au vin ce brillant, cette limpidité qui fait-l'un des principaux agrémens de cette liqueur. On colle toujours les vins avant que de les mettre en bouteille. On emploie ordinaire- ment, pour clarifier les vins, la colle de pois- son, les blancs d'œufs, liquides ou desséchés, la gélatine ou la colle forte transparente et même la gomme arabique. Les proportions de ces substances varient suivant la densité du liquide et selon qu'il est plus où moins chargé d’impuretés. Lorsqu'on emploie la colle de poisson (la dose varie de 2gros à une demi-once par hectolitre) on la déroule avec soin, on la coupe par petits morceaux, on la fait tremper dans un peu de vin; alors elle se ramollit et forme un liquide épais et gluant que l’on verse dans le tonneau. On agite for- tement le vin au moyen d’un bâton fendu en quatre, que l’on introduit par la bonde et que l’on fait mouvoir rapidement. On laisse en- suite reposer pendant 10 ou 15 jours. La colle se précipite lentement à travers le liquide et entraine avec elle les impuretés qui troublent la liqueur. T. III.— 28. 218 ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINS. Quand on emploie les blancs d'œufs, on les fouette avec un petit balai, et lorsqu'ils sont en mousse, on les verse dans le tonneau; quelquefois on y laisse les coquilles; le car- bonate qu’elles contiennent parait diminuer un peu l'acidité naturelle du vin. J. Cu. HERPIN. $ V.— Sur un mode accéléré de traitement des vins. Le vin s'améliore ou se parfait dans les tonneaux que l’on a soin de tenir constam- ment pleins ; c’est l’eau qui s’évapore seule à travers le bois. La proportion d'alcool aug- meute dans les vins ainsi vieillis. SOMMERING a découvert que le vin se fait très bien dans un vase de vèrre bouché avec une vessie, et que l'amélioration de ce liquide était très prompte dans les caves, quand il était sou- mis à une température de 18 à 25° centigra- des. C’est d’après ce principe qu'une vaste étuve a été construite près de Chassagne, vil- lage sur les confins des dép de la Côte-d'Or et de Saône-et-Loire, pour donner ainsi en quelques.mois, ou même quelques jours, aux vins des qualités qu’ils n’auraient acquises qu'au bout de quelques années. Les vigne- rons qui sont dans l’habitude de conduire toutes les semaines leur vin sur l'étape, à Di- jon, ont recours à ce mode de chauffage pour se procurer promptement des vins propres à la consommation. Je n’ai pu me procurer au- cun document particulier sur ce vaste éta- blissement et je ne suis pas à même de dis- cuter sur son utilité ou ses inconvéniens; je sais seulement qu’il se fait une forte évapo- ration. Avant de se prononcer sur ce mode de traitement, il faudrait un examen chimi- que du vin à son entrée et à sa sortie de l’é- tuve, et une indication exacie de la tempéra- ture qu’il y éprouve et du temps qu’il reste exposé à cette opération de chauffage. SECTION XII. — Des maladies des vins. Pendant leur séjour à la cave et jusqu’à ce qu'ils soient prêts à boire, les vins éprouvent quelques altérations qui constituent ce qu’on appelle les maladies des vins ; voici les princi- pales : 1° La graisse. Cette maladie est celle quise présente le plus souvent ; elle attaque sur- tout les vins peu spiritueux, et principalement ceux qui contiennent peu de tannin et de tar- tre. Cette altération peut être attribuée à une action particulière du ferment sur le sucre non décomposé et sur les autres principes du vin. Elle est peut-être due à un phénomène analogue à celui qui est connu sous le nom de fermentation glaireuse, phénomène en tout semblable à celui que j'ai souvent observé dans les mélanges pharmaceutiques qui cons- tituent les potions dans lesquelles il entre de l’'éther sulfurique. Les vins gras sont lourds, filans comme de l'huile ; quand on les verse dans un verre ils tombent sans faire de bruit. Quelquefois ils guérissent d'eux-mêmes ou par le battage qui sépare la graisse et la fait sortir du tonneau sous forme d’écume; dans ce cas on tient le füt aussi plein que possible ; on remplit et l'on continue le hattage jusqu’à ce qw'il ne LIV, 1V. sorte plus d’écume. Lorsque ce moyen ne réussit pas, on a recours à d’autres plus effi- caces. Puisque c’est l'absence de l’alcool, le man- que de tartreet de tannin qui sont jes causes principales de cette maladie, l’on doit parve- nir à Sa guérison en rendant au vin ces trois substances où l’une d'elles séparément. Les vins qui ont plus de 7 à 8 centièmes d’alcool ne sont pas sujets à la graisse; il en est de même des vins rouges qui, quoique moins spiritueux, contiennent du tartre et du tan- nin. L'alcool précipite l’albumine et le muci- lage, le tannin agit sur le gluten ou du moirs sur un de ses principes, la gliadine, avec la- quelle il forme un précipité insoluble. Si l’on emploie un acide, on se sert du jus de citron ou, d'acide tartrique; 30 à 40 gram. du 1 et moitié d’acide tartrique suffisent pour une barrique de 228 lit. de vin gras; on augmente la dose s’il est nécessaire. M. HERPIN à pro- posé la crème de tartre; mais on donne la préférence au tannin indiqué par M. Fran- çois. On trouve le tannin dans l’écorce et les copeaux de chêne, les noix de galles, le su- mac, les cormes, les nèfles et les pepins de raisins dans lesquels M. DOoEBEREINER à re- connu l’existence d’une grande quantité de ce corps. On peut préparer soi-même ou se pro- curer du tannin sec chez les pharmaciens. Pour préparer une teinture de tannin, on fait bouillir pendant une heure, sur un kilogr. de noix de galles ou de pepins de raisins con- cassés, 100 gram. de potasse et on ajoute, après refroidissement, un litre d’alcooi pour conserver cette tejuture qui s'emploie à la dose de 300 gram. sur une barrique. Le plus sûr moyen est de se servir du tannin sec, à la dose de 200 gram., dissous dans 2 lit. d’eau ou de vin. 2° La pousse. Une fois tourné au gras le vin ne tarde pas à passer à la pousse où au poux. Dans cet état sa couleur est louche, tire au brun et se fonce après quelques minutes d’ex- osition à l’air. La saveur est désagréable, re- utante, c’est un mélange d’amertume et de pourriture. Les vins rouges tournent au poux sans graisser. Cet accident est dû à une dé- composition putride spontanée de lPacide tar- trique. Dans cet état il se dégage de l’acide carbonique ; la potasse, devenue libre, réagit sur l’albumine et le gluten et il se forme de l’ammoniaque. Un remède simple est d’ajou- ter par tonneau 30 gram. d’acide tartrique ; l'acide carbonique se dégage et le vin se gué- rit. Pour les vins tournés récemment, on leur ajoute de l'alcool et on mèche fortement. C’est par le bas du tonneau que l’altération commence, et, si on l’observe à temps, il de- vient facile de séparer avec le robinet, la pom- peou le syphon le vin gâté de celui qui ne l’est pas. Dans tous les cas, le vin poussé, rétabli de quelque manière que à 3 millièmes de tégumens qui, d’après les ex périences récentes de M. PAYEN, sont eux- in êmes composés d’amidone, douée de plus de cohésion que les parties intérieures ei dont l'huile essentielle et les autres corps qui adhè- rent à leur surface augmentent encore la ré- sistance à l’action de la diastase. Arr. Il. — Des eaux-de-vie de grains. La fabrication de l’eau-de-vie de grains est une branche d'industrie très répandue dans le nord de l'Europe et en Angleterre; elle a commencé, depuis un certain nombre d’an- nées, à se propager en France, où on la con- sidère, ainsi que dans les pays précédens, comme très utile à l'agriculture. En effet, les denrées qu’on traite pour en extraire l’eau-de- vie profitent au cultivateur de 3 manières: d’abord il retire en eau-de-vie le prix de la denrée qu’il a employée, avec un bénéfice de fabrication; il retire ensuite le prix des bes- tiaux qu'il a nourris avec les résidus; enfin il produit une masse d’engrais qui, en augmen- tant pour l’année suivante la récolte des grains qu’il destine à la vente, accroît le bénéfice de la distillation et laisse ses terres dans un état d'amélioration toujours croissant. Les grains qu'on traile principalement pour en extraire de l’eau-de-vie sont ceux des céréales, c’est-à-dire du froment, du seigle, de l'orge et de l’avoine. Les graines des plantes céréales sont com- posées d’une enveloppe qui forme le son, et d’une partie intérieure qui, réduite en poudre sous la meule, prend le nom de farine. Cette farine, dans les 4 sortes de grains que nous venons de nommer, contient elle-même di- vers principes dont les proportions varient non-seulement dans chacune d’elles, mais en- ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES EAUX-DE-VIE. Liv. 1V, core pour chacune, suivant le climat, la va- riété, le terrain et quelques causes acciden- telles. Ces principes sont lamidon, qui en forme la majeure partie, le gluten, qui sy trouve en quantité variable, l’albumine, le mucilage, une petite portion de matière sac- charine, et dans quelques-uns du phosphate de chaux et divers sels. Parmi ces principes c’est l’amidon ou fécule qui jouit de la faculté d’être saccharifiée et de donner lieu à la fermentation alcoolique et à la production d’eau-de-vie. Le gluten et lalbu- mine végétale possèdent la propriété de trans- former l’amidon en une matière sucrée, mais cette transformation s’opère beaucoup mieux au moyen de l'acide sulfurique, des alcalis, ou mieux de l’orge germée et de la diastase. En Allemagne, où l’on s’est beaucoup ap- pliquéàla distillation des eaux-de-vie de grains, on a calculé que les différentes graines four- nissaient les quantités d’eaux-de-vie suivantes, de 19 à 20° de Cartier. 100 kilog. de froment donnent 40 à 45 lit. Seigle 36 à 42 Orge 40 Avoine 36 Sarrazin 40 Maïs 40 Ainsi toutes ces semences, prises au poids, donnent, terme moyen, pour 100 kilog. de grains, 40 litres d’eau-de-vie à 50° de l’alcoo- mètre centésimal ( 19° de Cartier ). Le résultat est fort différent quand on les prend à la me- sure, car elles n’ont pas toutes le même poids à mesure égale, et le froment, par exemple, pèse ordinairement à peu près le double de l'orge. Quand on veut extraire de l’eau-de-vie des graines céréales, il convient de faire choix de celles qui sont à meilleur marché. On fait principalement usage du seigle et de l'orge. On emploie quelquefois des mélanges de grains, tels que froment, avoine et orge, seigle froment et orge, etc., qui paraissent à peu près inutiles, mais toujours, comme on voit, avec addition d’une certaine quantité d’orge qui détermine la liquéfaction de la fécule contenue dans les grains et sa conversion en sucre. Le maltage, ou la conversion du grain en malt ou en drêche, se fait comme nous l’ex- pliquerons dans la fabrication de la bière. Tantôt on malte toute la masse du grain à sac- charifier, tantôt on n’en malte qu'une partie et l’on emploie l’autre à l’état cru. Le 1e moyen donne plus facilement des solutions claires; le 2e exige moins de travail et est plus productif; mais les produits en sont moins purs et moins agréables. Quand on sacchari- (4) Voici le procédé économique auquel M. Paxex s’est arrêté pour préparer la diastase. On écrase dans un mortier de l’orge fraichement germée, on l’humecte avec environ la moitié de sen poids d’eau et on soumet le mélange à une forte pression. Le liquide qui en découle est mêlé avec assez d’alcool pour détruire sa viscosité et précipiter la plus grande partie d’une matière azotée qui accompagne la diastase et que l’on sépare à l'aide de la filtration. La solution filtrée , précipitée par Palcoo!, donne la diastase impure; on la purifie à 3 autres solu- tions dans l’eau, et précipitations par l'alcool en excès alternativement. Enfin une dernière fois recueillie sur un filtre, elle est enlevée humide, desséchée en couche mince sur une lame de verre par un courant d’air chaud (45 à 60°), broyée en poudre fine et mise en flacons bien bouchés. Elle peut d’ailleurs se conserver long-temps à l'air sec. Quand on a fait agir la diastase sur dela fécule misedans une grande quantité d’eau, élevée. à une tem= pérature de 60 à 65° C., il y a d’abord rupture des enveloppes des grains de fécule, puis transformation de l'amidone où matière intérieure des grains en une substance fluide composée de gomme et de sucre, à laquelle ona donné le nom de &dextrine. cHAP. 10e. fie l'orge seule, on en prend 1/3 germée et 2/3 non germée. Au moins ce sont là les pro- portions usitées en Allemagne. En Angleterre c'est 1/4 d'orge germée et 3/4 au moins non germée. Si on fait usage à l’état cru du fro- ment ou du seigle, ou d'un mélange des deux grains avec ou sans addition d'avoine, on re- garde 1/8 à 1/4 d'orge malté comme suffisant pour opérer la saccharification. On a conseillé, dans le mouillage des grains à malter et dans le trempage des grains crus, de renouveler l’eau à plusieurs reprises, pour enlever autant que possible aux enveloppes des graines l’extractif qu’elles contiennent et qui donne aux eaux-de-vie un goût peu flat- teur. Cependant M. RosEeNrHaAL a démontré récemment qu'on perdait ainsi au moins 8 p. 0/0 de malt et qu'il était bien préférable de ne faire qu’un trempage peu prolongé, puis de faire germer en arrosant à plusieurs re- prises le tas de grains avec de l’eau tiède, de manière seulement à l’humecter et à le re- muer pour répartir la chaleur. Le grain germé ne doit être que modérément séché sur la touraille et converti seulement en malt pâle ou jaune ambré; en poussant plus loin la dessiccation on caraméliserait une par- tie de la matière sucrée, ce qui nuirait au bon oùût des eaux-de-vie. C’est dans la fabrication es eaux-de-vie de grains qu’on reconnait tous les avantages des tourailles chauffées à la va- peur, Au reste, pour éviter ces appareils et le travail de la dessiccation, M. DOŒRFFURTS vient de proposer, pour la distillation, de ne pas faire sécher le grain germé et de l’écraser en- core à l’état mou entre deux cylindres. Il as- sure que les germes ne communiquent aucun goût à l’eau-de-vie, que la fermentation est aussi active, la mouture très facile, et qu’on obtient ainsi une plus grande quantité de li- quide spiritueux. Plusieurs procédés sont en usage pour opé- rer le brassage ainsi que pour diriger la fer- mentation et la distillation des grains. Nous dé- crirons ici les méthodes allemande et anglai- se, et nous y ajouterons quelques détails sur une 3° qu’on pourrait appeler méthode fran- çaise, puisqu'elle est basée sur des découvertes récentes dues à des chimistes français. $ Ier. — Méthode allemande pour distiller les grains. En Allemagne, et dans tout le Nord de Europe, on est dans l'habitude d’exposer à la fermentation alcoolique le moût qu’on a obtenu du brassage du malt dans l’eau chaude, sans le tirer à clair, et d'introduire ce moût fermenté avec son marc dans la chaudière des appareils distillatoires. L'opération du brassage se fait comme il suit. Supposons qu'on veuille mettre en fer- mentation 100 kilog. de malt concassé et de farine de grain cru; on fait chauffer de l’eau dans une € ne quand cette eau est à 55° C. en été et 60° en hiver, on en prend environ un hectolitre qu’on verse peu à peu sur la fa rine placée dans une cuve, et on pétritet agite continuellement per ce que cette farine en soit bien pénétrée dans toutes ses parties et qu'il n’y reste plus aucun grumeau. Ce pé- lrissage ayant été continué pendant une demi- FABRICATION DES EAUX-DE-VIE DE FÉCULE 227 heure ou 3 quarts-d’'heure, on introduit dans la cuve environ 2 hectolitres d’eau presque bouillante ( 85 à 95° C), suivant la saison ; on brasse fortement la pâte dans l’eau, jusqu’à ce que le tout ne forme plus qu’une masse bien homogène. La cuve est couverte soigneu- sement pour y conserver Ja chaleur, et aban- donnée 2 à 3 heures pendant lesquelles on brasse à plusieurs reprises. On étend alors le moût avec de l'eau froide jus- qu'à ce que la température de ce liquide soit tombée à 20 ou 25° C, suivant la température de la saison. La quantité d’eau ajoutée ainsi est à peu près égale à 5 fois le poids de la fa rine d'orge germée ou de grain cru employée, de facon que le moût a environ au total 8 fois le poids du malt. Pendant cette addition on remue continuellement la masse pour que la température soit répartie uniformément. On peut jeter dans le moût un peu de craie ou y suspendre, dans un linge, un peu de mar- bre ou de la pierre à chaux réduits en mor- ceaux gros comme des noisettes, tant pour saturer l'acide acétique qui s’est formé dans l'acte de la germination du grain que pour s'opposer à la formation de cet acide pendant la fermentation. Aussitôt que le moût est arrivé, par l’addi- tion de l’eau froide, à la température convena- ble, on le met en levure. On peut faire usage pour cet objet de la levure qui surnage dans la fabrication de la bière ou de celle qui se dé- pose au fond de la cuve guilloire; ordinaire- ment en Allemagne, pour la distillation des eaux-de-vie de grain, on donne la préférence à la seconde, quoiqu'il en faille le double de la 1re, Pour 100 kilog. de grain malté et cru on prend 8 kilog. de levure bien fraiche de dépôt ou 4 kilog. de celle qui surnage; on mêle d’abord cette levure avec un peu de moût chaud et avant qu’il soit étendu d’eau, de facon qu’elle commence à fermenter au mo- ment de la mise en levure; puis on la mêle aussi uniformément que possible dans le li- quide.On couvre alors la cuveeton abandonne le moût à la fermentation. Cette fèrmentation est dirigée comme nous l’expliquerons au chapitre de la fabrication de la bière. Nous dirons seulement ici qu’au bout d'une heure environ elle a commencé à se manifester et qu'après 5 heures le chapeau est déjà formé. A cette époque la température du moût s’est élevée à 36 ou 40° C ; au bout &e 36 heures elle est à son pes haut point d'activité; après ce temps le chapeau tombe, la tempé- rature s’abaisse, les matières solides tenues en suspension se précipitent, laliqueur s’éclaireit la masse passe au repos et Ja fermentation est terminée en 48 ou 60 heures. ‘Suivant M. KoEzre, il est avantageux, pour rendre plus complète la fermentation du moût,au moment où le chapeau tombe, de brasser fortement le liquide après y avoir ajoute un peu d’eau chaude pour le réchauffer. La fer- mentation se prolonge encore quelque temps, queue avec peu d'énergie, et est plus com- te, ï Quand on juge qu’elle est achevée, on laisse le vin de grains reposer pendant quelque temps jusqu'à ce qu'il se manifeste à la sur- face un commencement de réaction acide; le but de cette pratique est de s'assurer que la 228 ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES EAUX-DE-VIE. LIV. 1V. fermentation alcoolique est terminée et que ; fait arriver de nouveau, par le conduit latéral, tout le sucre a été transformé en alcool. L'art consiste à saisir, pour la distillation, le mo- ment où la liqueur contient le plus d'esprit, ce qui a lieu ordinairement 60 à 72 heures après la mise en levure. Ce point une fois re- connu, on transporte toute la masse dans les appareils et on procède à la distillation. En été, et surtout au printemps , on pré- vient l’altération des moûts en y jetant des morceaux de charbon de bois, un peu de sel marin, ou bien de la magnésie ou de la craie, s'il s’est formé de l'acide acétique. Les avantages de la méthode allemande sont qu’elle nécessite peu de main-d'œuvre, et lem- ploi d'un petit nombre de vaisseaux, qu’elle n'exige par conséquent que peu de capitaux, et fournit une plus grande quantité d’eau-de-vie; mais elle a plusieurs inconvéniens graves. D’a- bord, la grande quantité de matières étran- gères mêlée au moût fait que la fermentation n'y marche pas d’une manière aussi parfaite et aussi uniforme que dans un moût tiré à clair; la quantité de matière à distiller est plus considérable et exige des appareils distillatoi- res et des foyers plus grands; les dépôts ou marcs causent beaucoup d’embarras pour les transporter à l’alambic et les en retirer, et ils contribuent à donner un mauvais goût à l’eau- de-vie, d'abord par certains principes que contient enveloppe du grain ou de la fécule, ensuite parce que les mares s’attachent facile- ment au fond de la chaudière, brülent, et don- nent aux produits distillés ce goût de brülé ou d'empyreume qui leur enlève beaucoup de leur valeur. Enfin on éprouve plus de difficultés à se servir des appareils de distillation continus, qui offrent cependant de notables avantages. Ces inconvéniens sont assez graves pour en- gager les propriétaires d’établissemens ru- raux qui voudraient se livrer à la distillation des grains à abandonner cette méthode, mal- gré sa simplicité, et à lui préférer celles qui ermettent de traiter des solutions claires sem- )lables au moût des brasseurs ou des distil- lateurs anglais, dont nous allons faire connai- tre les procédés. $ IL. — Méthode anglaise pour distiller les grains. « Cette méthode, suivant M. DUBRUNFAUT, consiste à frailer les grains dans une cuve à double fond, pour en faire un extrait à peu près à la manière des brasseurs. Le grain étant mélangé dans la proportion de 80 kilog. de seigle cru et moulu grossièrement sur 20 de malt d'orge concassé, on dépose dans cette cuve à double fond une couche de courte paille de 2 centim. d'épaisseur, on étend par- dessus 200 kilog. des grains mélangés; alors on fait arriver, par le conduit latéral qui com- munique avec l’espace ménagé entre les deux fonds, 400 litres d’eau à la température de 45 à 50° C, pendant qu'un homme ou deux, ar- més de räbles, sont occupés à brasser forte- ment. Ce brassage dure 5 à 10 minutes envi- ron; puis ils abandonnent la matière à elle- méme pendant un quart-d'heure où une demi- heure, afin qu'elle se pénètre d’eau. « Immédiatement après cette trempe les ouvriers reprennent leurs râbles et recom- mencent à brasser la masse, pendant qu’on y 800 litres d’eau bouillante. Le brassage, cette fois, doit durer un quart-d’heureenviron; puis on laisse en repos pendant une heure au moins. A cette époque, le grain qui se trouve noyé dans l’eau doit être précipité au fond de la cuve et être recouvert d’une couche de li- quide clair. On ouvre un robinet qui com- munique avec l’espace entre deux fonds, et comme le fond supérieur forme une espèce de filtre par les trous coniques qu'il forme à sa surface et la couche de paille qui le recou- vre, tout le liquide s'écoule par le robinet et est transporté dans les cuves à fermenta- Uon. « Cette première extraction faite, on amène, toujours par le mêmeconduit, 600 litres d’eau bouillante, et les ouvriers brassent encore pendant un quart-d’heure; on laisse reposer :- une heure et l’on soutire cette extraction comme l'autre, pour la mettre en fermenta- tion. Le grain qui reste sur le double fond après ces deux extractions est assez bien épuisé de la substance fermentescible que Peau a emportée à l’état de dissolution. « Le liquide déposé dans les cuves à fermen- tation est mis en levain quand latempérature est tombée à 20 ou 30° C. , suivant la capacité des cuves, et l’on obtient ainsi un vin sans dépôt qui peut être soumis avec avantage à la distillation. « Si l’on trouvait que le grain resté sur le double fond ne fût pas suffisamment épuisé, on pourrait lui faire subir une 3° extraction. » Nous ajouterons ici quelques observations qui pourront être utiles. 1° La pratique seule peut apprendre à bien diriger la fermentation alcoolique dont la mar- che dépend, comme on l’a déjà vu, de l’éléva- tion ou de l’abaissement de la température ; c’est au praticien à employer suivant les sai- sons, les moyens propres à entretenir dans la cuve celle à laquelle cette fermentation marche avec régularité sans être ni lente ni trop tumultueuse. L'activité de la fermenta- tion dépend encore de la masse qu’on soumet à cette action chimique, de la densité du moût ou de la quantité de matière solide qu’il con- tient, de l’état du malt qui a fourni le moût, les grains germés donnant en général un moût qui fermente plus vite que celui de grains crus, etc. 2 Dans la fabrication de la bière on a pour but de conserver dans la liqueur fermentée une certaine quantité de sucre, c’est le con- traire dans la distillation du grain; tout le sucre doit y être transformé en esprit. L’eau-de-vie extraite par le procédé précé- dent est plus pure que celle distillée sur les marcs ; elle a un goût plus agréable et peut être recueillie au moyen des appareils conti- nus ; mais elle exige une plus grande quantité de vaisseaux, plus de main d'œuvre et plus de capitaux. $ LIT. — Méthode française pour l'extraction des eaux-de-vie de grains et de fécule. Lestravaux récens des chimistessurlanature de l’amidon et la découverte de la diastase et de ses propriétés, que nous avons fait connai- tre au commencement de cette section, ont cuapP. 10°. jeté un grand jour sur le phénomène de la saccharification des grains et permettent au- jourd’hui de diriger cette opération de la ma- nière la plus simple et la plus avantageuse. Graces à leur secours, on transforme aujour- d’hui en un instant la fécule en dextrine, qui contient une quantité considérable desucre, et on ne soumet à la fermentation et à la distilla- tion que des solutions parfaitement claires et homogènes, donnant des eaux-de-vie exemptes d’empyreume et du goût particulier aux eaux- de-vie de grains. Dans l’article qui traite de la fabrication de la bière nous indiquons (sect. Il, $ II ) comment on opère pour obtenir cette transformation. Nous dironsseulement ici que lorsqu'on a obtenu des liquides clairs, on étend le moût ou solution de dextrine et de gomme, soit avec des solutions faibles, soit avec de l’eau froide, pour le ramener à une densité de 6 de l’aréomètre de Baumé et à la température de 20 à 25° C. Arrivé à ce oint, on peut le mettre en levain et diriger a fermentation comme nous l'avons indiqué pour les moûts ordinaires. Cette transformation de la fécule en dex- trine réussit moins bien, suivant M. LuEDERs- porFF, avec la farine de céréales qu'avec leur amidon , et celle-ci passe plus difficilement à l’état fluide et donne moins de sucre que la fécule de pommes deterre. M. Lampapius à observé qu'il est de toute nécessité que le malt. d'orge soit récent pour faire crever les graines de fécule et liquéfier la dextrine; au bout de 4 ou 5 semaines il a erdu cette propriété. Ant. II.— Des eaux-de-vie de pommes de terre. La pomme de terre est très propre à fournir de l'eau-de-vie par la distillation; en effet, elle contient 20 à 25 p. 0/0 de matière solide dans lesquels la fécule entre pour 62 à 88 p. 0/0, c'est-à-dire que 100 kilog. de pommes de terre fraichement récoltées contiennent 16 à 18 kilog. d’amidon. Divers procédés ont été proposés pour sac- charifier la fécule qu’on extrait de ce tuber- cule; nous les ferons connaitre dans le chapi- tre qui traitera de la fabrication de l’amidon et des divers produits qu'on peut extraire de la pomme de terre. Nous dirons seulement qu'une fois la fécule transformée en dextrine et celle-ci en sucre, on étend convenablement la solution, on fait fermenter, puis on distille par les moyens qui vont être indiqués. La quantité d'eau-de-vie qu'on retire des pommes de terre dépend de leur état et de leur qualité. Elles en donnent d'autant plus qu'elles sont fraichement récoltées. Les pommes de terre germées ou altérées n’en fournissent qu’en petite quantité, et le pro- duit des dernières tient en dissolution un principe d’un goût amer et désagréable. L'impossibilité de distiller les pommes de terre toute l’année, les frais assez considéra- bles qu'occasionne le transport de ces tuber- cules, ont fait rechercher s’il ne serait pas avantageux et économique d'obtenir leur par- tie féculente à l’état sec. C’est ainsi qu’on les a soumises à la presse, qw'onles a cuit à la va- peur, puis qu’on les a fait sécher et conservées en cet état, M. Precurs de Vienne, après les APPAREILS DISCONTINUS. 229 avoir lavées ,ràpées grossièrement et soumises àäunappareil construit sur les principes du fil- tre-presse de M. REAL, leur a enlevéainsileur eau de végétation puis les a fait sécher au grand air. De cette manière il est parvenu à es conserver parfaitement pendant long- temps; quand on veut s’en servir on les mout comme le grain et on les travaille de même. Enfin on a transformé les pommes de terre en fécule, en amidon, en sirop de dextrine, etc. C’est au distillateur à calculer, suivant les localités où il se trouve, ses ressources, l’é- tendue de son exploitation, etc., sous quelle forme il est plus économique pour lui d’ac- quérir, pour les soumettre à la distillation, les matières amylacées et féculentes. SEcTioN IV. — Des appareils distillatoires et de la manière de les diriger. La distillation a pour but en général de séparer des produits volatils de ceux qui ne le sont pas où qui le sont moins dans les mêmes circonstances. Dans la distillation des liqueurs fermentées, l'alcool à divers degrés de densité est le liquide qu'il faut séparer. On détermine ordinairement la séparation des produits par le moyen de la chaleur convenablement mé- nagée, qui réduit en vapeur le plus volatil d’entre eux; cette vapeur est ensuite conden- sée et ramenée à l’état liquide par un abaisse- ment de température. On peut encore opérer la distillation à de basses températures en di- minuant la pression atmosphérique que sup- porte la vapeur; celle-ci, ne trouvant plus d’obstacle à sa volatilisation, se vaporise et est condensée comme précédemment. La plupart du temps la distillation se fait sous le poids ordinaire de l'atmosphère. Cette opération s'effectue au moyen de vases qui prennent le nom d'appareils distil- latoires. Les appareiïls de ce genre inventés Jusqu'ici sont nombreux ; nous nous conten- terons de décrire d’abord les plus simples et par conséquent ceux qui paraissent les mieux appropriés à l’économie rurale, puis nous fe- rons connaître les appareils perfectionnés em- ployés avec avantage dans les grandes exploi- tations. On peut diviser les appareils distillatoires en deux grandes sections. Les uns sont discon- tinus, c'est-à-dire qu'après chaque chauffe on est obligé de les ouvrir pour les nettoyer et re- commencer une autre opération; les autres sont continus et marchent sans interruption jusqu’à ce que l’encrassement des vases ou le manque de matière 1'° détermine à arrêter leur marche. ART. 1*.— Des appareils discontinus. Les appareil discontinus peuvent marcher à feu nu, au bain-marie, à la vapeur ou au bain de sable; souvent même cesmoyenps sont combinés. Les plus simples sont ceux qui à chaque chauffe sont chargés de liquide froid et où l’eau sert à condenser la vapeur. D’au- tres pour éviter la perte du calorique, échauf- fent en même temps le vin froid ou le moût, ou bien rectifient 3imultanément les liquides spiritueux qu'ils produisent. Donnons des exemples des uns et des autres, 230 $ ler. — Appareil discontinu à feu nu ordinaire. L'appareil le plus simple est l’alambic or- dinaire, vase de cuivre solidement étamé à l’intérieur et composé ordinairement de 3 pièces distinctes. Voici celui dont la forme est regardée comme la meilleure. Les trois prèces sont : 1° La chaudière A (fig. 237) espèce de chau- Fig. 237. éhersohs US À NS —. RARE dron de forme cylindrique fermé par 2 fonds convexes et qui porte des rebords par lesquels il s'appuie sur la maçonnerie du fourneau dans lequel il est noyé. Au niveau de son fond part un gros tube B, fermé par un robinet qui sort au dehors du massif du fourneau et sert, après une chauffe, à faire évacuer les marcs et la vinasse. Cette chaudière porte un robi- net æ pour l'essai des vapeurs, et sur son fond supérieur une gorge qui en rétrécit l'ouverture. 2 Le chapiteau D, ou couvercle de la chau- dière cylindrique, qui porte par le bas une gorge qui entre juste dans celle de la chau- dière, et est fermé en haut par une calotte sphérique soudée en bb au-dessous de son bord supérieur, ce qui forme un anneau qu’on remplit d’eau pour opérer une fermeture her- mélique. Au milieu de cette calotte est une ouverture E qu’on ferme avec un bouchon en métal et qui sert à charger le moût dans la chaudière. Sur le côté de ce cylindre est soudé un gros tuyau G légèrement conique, qu’on nomme bec du chapiteau. 3° Le réfrigérant ou condenseur H dans lequel les vapeurs alcooliques, après s’être élevées de la chaudière, être montées dans le chapi- teau et en avoir traversé le bec, viennent se condenser par le refroidissement qu'on leur fait éprouver. Le réfrigérant le plus en usageest celui qui est connu sous le nom de serpentin, et qui consiste en un long tube II, contourné en hélice, qui, par son orifice supérieur F, s’a- juste avec le bec du chapiteau, et qui, par l'inférieur, verse la liqueur condensée dans le vase destiné à la recevoir. Ce serpentin est enfermé dans une cuve MN OP remplie d’eau, qu'on renouvelle continuellement. Cette eau, fournie par un réservoir supérieur, est versée dans l’entonnoir L, coule par le tube qu'il sur- monte et entre par la partie inférieure de la cuve. À mesure qu’elle s’échauffe elle s'élève à la surface, où un tuyau de trop plein M la conduit hors de l'atelier. H est un robinet par lequel on vide entièremeut l’eau de la cuve. M. Geppa a inventé un condenseur (fig. 238) qui se compose de? cônes, AA, BB, tronqués, Le ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES EAUX-DE-VIE. Fig. 238. . LIV. IV. renyersés , ajustés l’un à l’autre et ré- unis par les 2bouts. Ces cônes laissent entre eux un in- tervalle e e, où se fait la condensa- tion, et qui est fer- me en haut et en bas par des an- neaux soudés aux parois des cônes. Voici les propor- tions relatives de ce réfrigérant. En désignant par D le Rire diamètre du cône extérieur À à la partie supérieure,lahauteur de ce cône sera 2 1f2 D, le diamètre supérieur du cône intérieur 7/10 D, les diamètres in- férieurs de ces cônes 4/7 D et 1/2 D. Ainsi l'espace entre les 2 cônes est supérieurement E | 3/10 D et inférieurement 1/14 D. Gest le tube qui recoit le bec du chapiteau, II les pieds qui sont au nombre de 3 et KK la cuve remplie d’eau froide. Les plus grands condenseurs de ce genre ont environ 2 mètres de hauteur et servent pour des alambics d'environ 3 mètres cubes de capacité. Ce condenseur présente dans un petit es- pace une grande surface pour la condensation, mais il a, comme le serpentin, l’inconvénient de ne pouvoir étre nettoyé facilement. De plus les vapeurs, s’y condensant promptement dans la partie supérieure, tombent aussitôt à l’état fluide dans le fond, où elles s’écoulent dans le récipient sans être suffisamment refroidies. On a cherché à perfectionner cet appareil en le combinant avec le serpentin ou en élevant sa partie supérieure au-dessus de la cuve à eau froide, afin que les vapeurs, refroidies seu- lement par le contact de lair, se déposent en un liquide qui coule lentement et se refroi- dit ensuite le long des parois. Un condenseur plus commode est celui qui est représenté dans la fig. 239 et qui se com- Fig. 239. pose de 3 tubes cylindriques AB, CD, EF, d’un mètre chacun de longueur, soudés l’un à l’autre sous un certain angle et se communi-- uant sans interruption. Le tube AB a un’. iamètre égal à celui du chapiteau; par l’autre extrémité il est uni avec l'extrémité D du tuyau CD en bec deflite. Les 2 parties as- semblées sont soudées à un bout de tuyau cy- lindrique G qui porte un pas de vis extérieur. Ce tuyau est fermé par une boite ou couvercle H taraudée intérieurement pour s’ajuster sur le tuyau G. On place un cuir entre cette boite et l’embase du tuyau, afin de fermer her- cuaAP. 10°. métiquement les 2 tuyaux à la fois; les 2 tu- bes CD, EF sont ajustés de même. Tout l’ap- pareil est soudé aux points À, G, I, F dans une bâche de cuivre ou de zinc M, L de 20 à 24 cent. de largeur, et remplie d’eau froide qui se renouvelle par le fond pendant la distilla- tion. Les vapeurs entrent par le tube À B; là elles se condensent ; le liquide coule lentement dans le tube DC, qui est un peu incliné, de là dans le tube EF, où elles tombent refroidies dans le récipient par le bec F.Si l’on craignait qu'un trajet de 2 mètres ne fût pas assez long pour refroidir entièrement laliqueur, on pour- rait ajouter 2 tubes de plus. Cette disposition donne la facilité de net- toyer les tuyaux lorsqu'on a distillé ; il suffit pour cela de dévisser les obturateurs H et I, et, à l’aide d’une brosse en crin et d’eau, de frotter l’intérieur des tuyaux. C'est d’après ce principe, mais d’une ma- nière plus simple, qu'est construit le con- denseur de M. KoELLE, représenté dans les fig. 240, 241, et qui se compose d’une série Fig. 241. Fig. 240. TL 0) CONTENANT) MPa Dour unes 11 de tubes courbés sous un angle aigu et au sommet de l’angle desquels est un an- neau qui s'accroche à des clous à crochet placés à différentes hauteurs dans la bâche à eau froide. Les extrémités ouvertes de ces tubes, qui sortent en dehors des parois de cette bâche, sont réunies de deux en deux par des bouts de tuyaux courbes, comme on le voit en À A, et afin de placer un plus grand nombre de tuyaux dans le cuvier, on ne les met pas les uns au-dessus des autres, mais on les dispose en zig-zag, comme le représente la série des nes dans la fig. 241. Nous renvoyons à l’article bière pour la des- cription d’un réfrigérant fort ingénieux de l'invention de M. Nicuozs, et qui, avec de lé- gères modifications, peut être adapté à la condensation des vapeurs alcooliques. On calcule ordinairement qu’un conden- seur, quand la distillation marche avec régu- larité et l’eau de condensation, qu’on renou- velle, étant à la température moyenne de 10° C., doit présenter une surface de condensa- tion égale à peu près au double de celle de la partie de la chaudière exposée au feu. Une pièce, qui fait aussi partie des ap- pareils distillatoires, est le bassiot ou ba- quet O( fig. 237), petit baquet à double fond, dout le supérieur est percé de 2 trous. L'un R recoit l’eau-de-vie et la verse dans l’intérieur, on lui donne la forme d’un entounoir; l’autre S sert à laisser échapper l’air à mesure que le bassiot se remplit et à puiser de la liqueur quand on veut essayer son degré de spirituo- APPARFILS DISCONTINUS. 231 des tonneaux. Dans les grands appareils on emploie des tonneaux pour recevoir l’eau-de- vie ou l’alcool. 1° Distillation des vins. Une fois qu’on a fait choix du vin qu’on veut distiller dans un appareil à feu nu, on procède de la manière suivante. On commence d’abord par laver la chau- dière avec le plus grand soin; cette opération préliminaire est de la plus haute importance. « Une extrême propreté, dit M. S. LeENoRMAND dans son art du distillateur, doit présider à toutes les opérations du bouilleur. Il doit visiter souvent et avec soin tous les vases qu'il emploie dans la brülerie, ne pas permet- ire qu’on remplisse les chaudières sans être assuré qu’elles ne renferment aucune partie couverte de vert-de-gris ; c’est un des points les plus importans. Pour y parvenir d’une ma- nière plus assurée, il doit, aussitôt qu’une chauffe est terminée et dès l’instant qu’il a fait couler la vinasse ou résidu de l'opération qui vient de finir ou tout au moins à la fin de la Journée et au moment de quitter les travaux, y verser de l’eau par la douille supérieure, l'y laisser séjourner en l’agitant avec un écou- villon, la faire couler ensuite au dehors et y passer une seconde eau pour enlever tous les résidus. La chaudière est propre lorsque l’eau sort limpide. « Ce n’est pas tout encore, et le bouilleur doit souvent ôter le chapiteau ou les pièces qui surmontent la chaudière, et ouvrir celle-ci pour éviter la formation ou enlever une croûte qui se forme sur les parois intérieures par la précipitation du tartre de la lie, de l’extractif et des sels à base calcaire que les eaux dont il se sert tiennent souvent en dissolution. Cette croûte entraîne la prompte destruction de la chaudière et communique d’ailleurs à leau- de-vie le goût de feu ou de brülé quinuit beau- coup à sa bonne qualité. On remédie à cet inconvénient sans nuire, dit-on, à la bonte des produits, en versant dans la chaudière, par hectolitre de vin qu’elle contient, 125 gram. de fécule, transformée en empois avec de l’eau tiède, puis étendu de 2 litres de vin.On verse l'empois dans la chaudière, dont le liquide est déjà chaud, et en même temps on agite avec un bâton, afin que le mélange soit com- plet. On suit avec avantage ce procédé et la croûte ne se forme pas. « Ce que nous avons dit de la chaudière est applicable à tous les autres vases. Le chapiteau, le condenseur doivent souvent être nettoyés et continuellement visités. « Une seconde condition importante, c’est w’il nese fasse aucune fuite par les jointures des différentes pièces. On ne saurait apporter trop de soin à cet égard, parce qu’un appareil qui fuit donne lieu à des pertes qui, en se renouve- lant sans cesse, finissent par devenir notables. Plusieurs pièces des grands appareils actuels sont terminées par des collets que l’on assujétit par des pinces ou griffes en fer, qui prennent entre leurs lames les collets de 2 pièces con- tiguës. On interpose entre les collets des ron- delles de papier gris frit dans l’huile, ou des feuilles minces de plomb. Quelques coups de inarleau sur les griffes suffisent pour operer sité. Quand le bassiot est plein on le vide dans | ue fermeture exacte. Dans tous les cas, tou- tes Les jointures des appareils doivent être lu- tées avec le plus grand soin, au moyen de ban- des de linge trempées dans des blancs d'œufs etsaupoudrées avec un mélange de chaux vive, éteinte avec un peu d’eau et mélangée d’un tiers de son poids de craie en poudre fine. On prépare aussi un bon lut avec parties éga- les de farine de seigle et de craie en poudre très fine; ou bien 1 partie de cette farine avec autant de sablon tres fin. On délaie ce mé- lange dans des blancs d'œufs pour en former une bouiilie épaisse qu'on applique sur les ban- des de toile dont on recouvre jes jointu- res. Du moment que la chaudière est bien net- toyee on y verse le vin; on la remplit à peu près aux 3/4, ce qu'on reconnait facilement au moyen d’une petite jauge en bois, qu’on plonge dans le liquide. ès que la chaudière est remplie on s'occupe de mettre en train ou de donner le coup de feu. À cet effet on allume un feu vif dans le fourneau pour hâter l’ébul- lition ; on placele bassiot pour recevoir les pro- duits ; on ferme l'ouverture du chapiteau avec son bouchon à vis; on verse de l’eau dans l'anneau qui Pentoure et on lute avec soin toutes les autres jointures. Dès que la chaleur commence à pénétrer, il se dégage beaucoup d’air par l’extrémité infé- rieure du condenseur, et peu à peu les va- peurs s'élèvent. On juge du chemin qu’elles font dans toutes les capacités de l’appareil par Ja chaleur que prennent successivement tous les conduits qu’elles parcourent. 11 passe d’a- bord un alcool qui n’a ni goût ni odeur agréa- ble. On sépare ce 1°" produit pour le distiller une seconde fois. L'alcool qui succède est très concentré et de bonne qualité; il se nomme eau-de-vie première, et on en détermine letitre par l’alcoomètre en établissant à demeure cet instrument à l’ouverture du bassiot, ce qui permet de juger du degré de l'alcool pendant tout le temps de l'opération. L’alcoomètre se maintient à peu près au même degré pendant quelque temps; mais peu à peu l’eau-de-vie perd de sa force. Lors- qu'il est tombé au-dessous de 50° de l’alcoo- mètre ( 19° Cartier ) on ne recueille plus que de.leau-de-vie mêlée de plus ou moins d’eau, qu’on nomme cau-de-vie seconde ou petites eaux. Quand cette eau-de-vie a passé pendant quel- [ue temps et ne contient presque plus rien de spiritueux, on ouvre de temps à autre le petit robinet placé sur la chaudière et on pré- sente une allumette enflammée aux vapeurs qui en sortent en renouvelant cet essai jus- qu’à ce que les vapeurs ne s’enflamment plus. Dès ce moment l’opération est terminée; on couvre le feu pour faire écouler la vinasse, nettoyer lachaudière et la remplir de nouveau. La quantité de bonne eau-de-vie qu’on re- cueille est d'autant plus considérable qu’on a mieux ménagé le feu et qu’on a entretenu le même degré de fraicheur à l’eau des conden- seurs. On peut ménager le combustible et le temps enplaçant entre l’alambic et le condenseur un baquet de la contenance de la chaudière, qu'on remplit de vin, qu'on chauffe pendant le cours de la distillation précédente jusqu’à »s ou 60° C.,par un tour de serpentin qui circule dans le baquet avant de se rendre au ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES EAUX-DE-VIE. LIVe LV condenseur. De cette manière la distillation recommence presque aussitôt. Les distillateurs appellent chauffe une opé- ration entière, c’est-a-dire depuis l’instant où ils chargent l'appareil jusqu’à celui où ils font écouler la vinasse. On redistille séparément Y'eau-de-vie seconde, à un feu doux, pour l'obtenir en totalité à un plus haut point de concentration. Cette opération s’appelle repasse. On mêle quelque- fois la repasse avec le vin pour en opérer de nouveau la distillation. À mesure que les bassiots qui reçoivent l’eau-de-vie sont pleins, on les vide dans des futailles de bois de chêne qu’on tient dans le cellier pour éviter l’évaporation. Le séjour que fait l’eau-de-vie dans le bois neuf lui fait acquérir une couleur Jaunâtre qui n’altère pas sa qualité. L’eau-de-vie en vieillissant perd 1e sois de feu qu’elle a souvent quand elle est raiche ; elle devient plus agréable et plus suaye. 20 Distillation des marcs de raisins. Les marcs de raisins qu’on destine à la dis- tillation sont d'autant plus propres à cet usage qu'ils sont restés plus long-temps en contact avec le vin; ils fournissent alors plus d’alcool, et cette quantité, dans les années favorables, peut aller du 10° au 8, tandis que des vins pressés aussitôt après la récolte on n’en peut extraire au-delà du 12° au 10°. Quand on ne distille pas les marcs de suite, il faut les préserver du contact de l'air qui les ferait tourner à l’aigre et détruirait l'alcool. Pour cela, après qu’ils ont été pressés, on les entasse dans des cuves où ils sont foulés avec les pieds de manière à les condenser le plus possible. Les cuves étant pleines, on les recou- vre d’une couche de terre molle. Alors il s’o- père, au bout de 15 jours, une nouvelle fer- mentation qui augmente encore la richesse alcoolique des marcs. Dans des vases peu po- reux ils peuvent se conserver plus long-temps sans altération et même pendant une partie de l’année. Lorsqu'on veut commencer la distillation, on enlève le chapeau de terre ainsi que la sur- face du marc qui est ordinairement moisie, des- séchée ou aigre, et toul ce qui se trouvealtéré; et chaque fois que l’on puise pour charger la chaudière on recouvre le reste d’une étoffe quelconque. La chaudière est chargée de ma- nière que les marcs et le liquide qu’on y in- troduit laissent entre le chapiteau un espace pour lébullition et les vapeurs. On met or- dinairement un seau d’eau pour 2 seaux de marc. Cette quantité de liquide est nécessaire pour empêcher les maxcs de s’attacher à la chaudière. Quand on a des vins faibles ou gà- tés , des vins de grains, de fécule, ou tous au- tres liquides pouvant donner de lalcool, il est avantageux de les employer, au lieu d’eau, à cette distillation. Le feu doit être toujours égal et conduit avec beaucoup de soin, un coup de feu pouvant déterminer de suite la bralure au fond de la chaudière. Dans quelques parties de l'Allemagne les chaudières qui servent à distiller les marcs de grains ou de raisins portent un agitateur qu'on met en mouvement de temps à autre, cap. 10°. APPAREILS DISCONTINUS. 233 surtout au commencement de l'opération , | lation que la propreté paraît être une condi- pour empêcher les matières épaisses de tou- cher le fond et les tenir en suspension dans le liquide. 3° Distillation des moûts de grains et de fécule. Pour procéder à la distillation des moûts de grains avec le marc, on les agile pendant quel- ue temps, puis on les transporte dans la chau- dière w’on remplit au 2/3 de sa hauteur. On al- ee, feu, qu'on répartit aussi également que possible sous la chaudière, et en même temps le bouilleur, de moment en moment, brasse le moût avec un agitateur pour empé- cher les parties épaisses de se rassembler au fond et de brûler. Arrivé au point d’ébullition et après le dégagement du gaz acide carboni- que, on ferme le chapiteau , on dispose le con- denseur et on lute toutes les ouvertures. Des que la distillation commence on soutient le feu et on l’entretient de‘manière que l’opéra- tion marche avec activité et régularité. On ‘continue ainsi jusqu’à ce que les portions qui passent ne marquent plus que quelques de- grés à l’'aréomètre; on fait alors écouler les marcs qu’on donne aux bestiaux. Le liquide qu'on obtient ainsi, et qu'on nomme flègme, est une eau-de-vie étendue d’eau qui ne marque pas plus de 15 à 20° de l'alcoomètre (12 à 13° Cart). Outre lie goût d’empyreume qu’il possède, il contient sou- vent une certaine quantité d'acide acétique; aussi, exposé à l’air, il ne tarderait pas à être converti en vinaigre si on ne le soumettait à la cohobation ou rectification. Dans ce but, on le remet dans le même appareil, où mieux on le transporte dans un autre plus petit, où on le distille à un feu doux. La liqueur qui passe d'abord est de l’eau-de-vie 1° qu’on recueille à part; celle qui coule ensuite est plus faible, et en fractionnant les produits on finit par ob- tenir un liquide peu alcoolique qu’on redis- tille, avec les flègmes, à l'opération suivante. Quand on distille des eaux-de-vie desti- nées pour boisson, telle que celle dite genié- vre, il faut arrêter la distillation dès que les flègmes ne marquent plus que quelques de- grés centésimaux, parce que c’est vers la fin que les acides et les huiles empyreumatiques, qui altérent leur qualité, passent à la distilla- Uon. Aussi les derniers jets, lorsqu'on pousse opération jusqu’à ce que le liquide ne mar- que plus rien, sont-ils infects et nauséabonds, et est-on obligé, dans ce cas, lorsqu'on pro- cède à la rectification ou à une nouvelle opé- ration, de placer un godet sous l’orifice du serpentin pour recueillir et rejeter une cer- taine quanfité d’eau acidule et infecte qui pré- cède le véritable produit de la distillation. Pour empêcher la déperdition notable d’al- cool qu'on éprouverait si le jet était à l'air li- bre, on enveloppe d’une caisse en fer-blanc. qui s'ouvre par un volet, l'issue du serpentin et l'entonnoir, et on ajoute dans celui-ci un morceau de flanelle qui sert de filtre et sépare une matière floconneuse qui contient de l’oxide de cuivre provenant de l'appareil et empêche les corps étrangers d’obstruer le tuyau con- ducteur. A la fin de chaque opération on nettoie tous les appareils, car c’est dans ce genre de distil- AGR, tion des plus importantes. 4° Distillation des mélasses de betteraves. Les mélasses qu’on recueille dans la fabrica- tion des sucres, mises en fermentation, don- nent un volume égal au leur de bonne eau-de- vie. Il arrive quelquefois qu’au moment où la cuve où on les dépose après les avoir mises en levain semble marcher convenablement, la fer- mentation cesse subitement sans qu'il soit possible de la rétablir. M. Tirroy conseille alors de battre dans une chaudière 150 kilog. de mélasse avec 2 fois autant d’eau et d'y ajouter peu à peu 76,5 d’acide sulfurique préa- lablement étendu d’eau. On brasse forte- ment le mélange, on fait bouillir une de- mi-heure, puis on fait écouler dans une cuve dans laquelle on verse 5 à 6 fois autant d’eau qu’on a employé de mélasse. On délaie dans ce liquide une quantité convenable de levure et la fermentation marche régulière- ment. La quantité d'acide varie suivant la composition de la masse; le mélange doit seu- lement être légèrement acide. Une fois la fer- mentation alcoolique terminée, on distille comme pour le vin. La plupart des autres matières sucrées et fermentées se distillent les unes comme les vins, les autres comme les grains, les marcs ou les mélasses. $ IL. — Appareil discontinu à feu nu avec rectification simultanée à la vapeur. L’alambic ordinaire présente plusieurs vices inhérens à l’appareil lui-même. D'abord il faut modérer le feu avec assez d’habileté pour ne faire monter que les parties alcooliques; un coup de feu trop fort fait monter une masse de fluides aqueux et ne donne qu’une eau-de-vie faible qu’on est obligé de distiller une seconde fois pour la porter au degré con- venable. En second lieu il est difficile d’ex- traire les dernières portions d’eau-de-vie con- tenues dansle vin sans qu’elles soient chargées d'une immense quantité de parties aqueuses. L’eau-de-vie a souvent un goût de brülé et est rarement très limpide; la condensation y étant imparfate, il y a déperdition de vapeurs alcooliques qui se répandent en pure perte dans l'atelier. Enfin on consomme une quan- tité considérable de combustible eton nepeut obtenir d'alcool 3/6 ou autre que par une nou- velle distillation. C’est surtout dans la distillation des moûts de grains et des marcs que ces défauts sont le plus sensibles. La nécessité de laisser re- froidir les flègmes avant de les soumettre à la rectification, puis de les réchauffer pour cette opération, occasionne une dépense énorme de combustible et une déperdition fort con- sidérable en alcool dans les transvasemens. On a cherché de bien des manières à remé- dier à ces défauts et à s'opposer à ces pertes ; nous ne pouvous donner ici toutes les combi- naisons qui ont été inventées; mais avant de passer à la description des grands appareils employés de nos jours, nous ferons connaître un appareil simple inventé par M. Pisrorius et employe avec beaucoup de succès pour les moûts de grain qu'il distille et rectifie en r. Ti — 30. 234 même temps. Voici la description de cet ap- pareil. | Li Entre un alambic ordinaire M (fig. 242) et ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES EAUX-DE-VIE. LIV. IV. rectificateur A.muni d’un appareil séparé de condensation C. La chaudière A est plate; son diamètre est 6 à 7 fois plus grand que sa hau- son réfrigérant N, on place un auire alambic | teur et sa capacité la moitié de celle de la Fig. 242. LL TT PME SR à ER TS = — chaudière M. Une enveloppe de cuivre BB, sorte de chaudière cylindrique, entoure la chaudière qui sy trouve suspendue à 5 ou 6 centimètres tant des parois que du fond au moyen des rebords de son couvercle qui sont soudés sur la paroi intérieure de l'enveloppe. Celle-ci reçoit d’un côté dans une douille le bec D du chapiteau et de l’autre elle porte près de son fond un tuyau E qui entre dans l'ouverture supérieure du serpentin. Ce tuyau est un peu incliné pour favoriser l'écoulement des liquides qui serassemblent entre la chau- dière À et son enveloppe. L’intervalle entreles 2 vases À et Bforme déjà une sorte de conden- seur où une grande partie des vapeurs soule- vées dans l’alambic M viennent se liquéfier. Cette condensation donne lieu àun dégagement de calorique qui chauffe les flègmes qu'on a versés dans la chaudière A et qui distillent aiusi à une douce chaleur. Afin d'éviter encore la perte du calorique, on peut adapter au tuyau E un bout de tuyau à robinet F par lequel onsoutire les flègmes peu alcoolisés qui se sont condensés entre les 2 fonds, et qu’on verse encore bouillans dansla chaudière à rec- tification. Au moyen de cette disposition on diminue beaucoup la perte en alcool; on obtient par le robinet O du réfrigérant une eau-de-vie presque rectifiée, et par le serpentin C un produit infiniment plus pur et d’un degré su- périeur à celui recueilli par les procédés or- dinaires. On peut disposer l'appareil d’une manière encore plus avantageuse; pour cela il n’y a qu'à donner au fond de l'enveloppe de la chau- dière A (fig. 243) la forme d’une calotte sphé- Fig. 243. rique, et souder au point le plus bas un tuyau R en forme d’S de 12 millimètres de dia- mètre intérieur. Ce tuyau se relève et pénè- tre dans la chaudière à travers le couvercle. Lorsqu'il s’est assemblé une certaine quanti- té de flègmes sur le fond sphérique, on ferme le robinet H; la pression qui s'établit dans l'appareil, dès qu’elle équivaut à peu près à celle d’une colonne d’eau de 20 à 24centime- RES ORÉEERT D RTE RSS SO PT RTE De em er CE tres de hauteur, suffit pour faire monter ces flègmes dans la chaudière à rectification. FM $ IL. — Appareil au bain-marie, de M. Cæaussewor. Cet appareil, qui marche au bain-marie et avec diminution dela pression atmosphérique, peut s'appliquer avec succès à la distillation des eaux-de-vie et liqueurs d un goût délicat, et surtout à celle des eaux aromatiques. L’au- teur s’occupe de simplifier encore sa construc- tion, tout en ménageant les moyens de graduer à volonté les progrès de la condensation des vapeurs. Dans l’état actuel il se compose des pièces suivantes. A (fig. 244), chaudière contenant le liquide Fig. 244. à distiller; elle plonge dans un bain-marie, chauffé par le foyer du fourneau C. Un tube à double courbure EE met en commu- nication la capacité de la chaudière A avec celle d’un vase et récipient condenseur F. Celui-ci, plongé dans une enveloppe G qui re- coit de l’eau froide par un entonnoir H, se remplit complètement, et laisse passer l’eau par un tube dans la double enveloppe K du tube à double courbure E; enfin, un trop plein EL, porte au dehors l'excès du liquide réfrigérant. Conduite de l'appareil. L'appareil étant ainsi monté et la chaudière À remplie aux 2/3 de la substance à distiller (vin ou mélange d’eau et d’une substance aromatique), on allume le feu dans le foyer €, et dès que le bain-marie est chauffé à 40° environ, on remplit de va- peur d’eau toutes les capacités F,E, À, à l’aide d’un petit bouilleur N, qui s’adapte pendant quelques instants au robinet M. La vapeur en excès sort bientôt avec un sifflement par le cxaAP. 10°, robinet O. (Ces 2 derniers robinets sont constamment plongés dans l’eau que main- tient autour d'eux une petite capsule qui s’y trouve adaptée; cette ingénieuse disposition arantit la fermeture hermétique qui est in- nl Dès qu’on est certain que tout l’espace précité est bien rempli de vapeurs, on ferme à la fois les deux robinets, et l’on démonte le petit bouilleur. Le vide commence à s'établir; on l’entre- tient en faisant couler de l’eau froide par l’en- tonnoir H dans le fond de la double enve- loppe G du récipient. Celle-ci s’échauffe peu à peu en s’élevant autour de ses parois, et de lus en plus en montant ensuite dans l’enve- oppe K par le tube I; puis elle sort, après avoir utilisé toute sa faculté réfrigérante, par le trop plein L. Le vide incomplet établi de cette manière dans toutesles capacités A, E,F, détermine une distillation active à une tempé- rature de 40 à 50°, et comme celle-ci est don- née par l'intermédiaire du bain-marie, elle est également répartie, et ne saurait caramé- liser aucune des substances distillées. Aussi obtient-on dans cet appareil des eaux aroma- tiques (de roses, de fleurs d'oranger, etc.) ou des eaux-de-vie plus suaves que par aucun autre procédé. Fig. 246. PF & 2 HIS LA NL El || he A ÉMOTE er | 'AILLLUT Eu L'TOLLT «LOFT (LL L LL LUN fa fu "= À ne 4 « TAIEBAULT: Ç. robinet de la chaudière, dit vidange; g, ro- inet adapté à la même chaudière, pour indi- APPAREILS DISCONTINUS. MILLE JL! 1 1 LIN + DIE GS 2 GR ee ee me GE dE 4 GE 9 1 TERRE] A | 235 L'habitude anciennement contractée d’un arôme moins fin et même légèrement empy- reumatique pour certaines eaux-de-vie peut encore les faire préférer; mais l'usage de li- queurs plus suaves, qui commence à se ré- pandre, fera de plus en plus attacher de l’im- portance aux appareils du genre de celui-ci; on ne saurait en douter en observant quelle répugnance nous inspirent aujourd'hui les boissons alcooliques à odeur nauséabonde, à sa- veur âcre, que préfèrent encore certaines po- pulations du Nord. $ IV. — Appareil discontinu à feu nu et à la vapeur, avec rectification simultanéede l'alcool et chauffe-vin. Cet appareil, de l'invention de M. P. ALÈGRE ie l’a nommé rectificateur, et qui est propre à istiller toute espèce de liquides ou de ma- tières pâteuses, et à sécher le malt, est em- ployé à Paris et dans les environs, notam- ment pour la distillation des sirops de fécule. La préférence que lui ont accordée de bons praticiens nous engage à le faire connaitre. La figure 245 présente une vue extérieure, et la figure 246 une coupe de l'appareil; a; fourneau ; b, porte du fourneau ; €, cendrier; d, grille du fourneau; e, chaudière inférieure; Fig: 245. PO PRE fermer Me. EN quer le trop plein; À, ligne ponctuée indi- quant le niveau de l’eau ou du vin dans la 236 chaudière e, quand on distiile; ?, tubulure adaptée sur la chaudière e; on la tient hermé- tiquement fermée à l’aide d'un couvercle bridé qu'on n’ouvre que lorsqu'on veut net- toyer l’intérieur de la chaudière; 4, robinet d'épreuve pour la distillation du vin; {, chau- dière supérieure superposée; m, robinet de vidange de la chaudière L'n, tuyau courbe portant robinet, et établissant la communi- cation entre les deux chaudières e, L; 0, robi- net du trop plein de la chaudière !; p, ligne ponctuée indiquant, dans le chaudière {, la superficie du liquide à distiller; g, fond qui sépare les deux chaudières e, l;r, tuyau prin- cipal ajusté verticalement au centre du fond 4 ; 1l est ouvert des deux bouts, et s'élève vers le collet de la chaudière [; $, cylindre creux ouvert par le bas, et fermé à son extrémité supérieure; il sert d’enveloppe au tuyau r; son bord inférieur repose sur 3 pieds d’un pouce de hauteur, soudés sur le fond g, ie fond de ce cylindre ne touche pas tout-à-fait le bord supérieur du tuyau r; t, 3e cylindre creux dont le bord inférieur est soudé sur le fond gq; ce cylindre, qui enveloppe les 2 précé- dens, est ouvert par le haut, et son bord supé- rieur s'élève d'environ 15lignes au-dessus du cylindre s; u, 4 cylindre creux, ouvert par le bas, fermé par le haut, et enveloppant le 3e cy- lindre t. Le bord inférieur de ce cylindre est, comme celui du cylindre s, porté sur 3 pieds d’un pouce de haut, soudés sur le fond q; son fond supérieur s'élève d’un demi-pouce au- dessus du bord du cylindre ft; v, 5€ et dernier cylindre creux, servant d’enveloppe à tous les autres; son bora inférieur est soudé sur le fond g, et le fond supérieur du tube uw, agrandi, sert aussi à le boucher par le haut. Ces 5 cylindres sont placés les uns dans les autres, comme le représente la fig. 246, de manière que la vapeur puisse aisément les parcourir successivement. L’intervalle qui sépare chacun de ces cylindres de son voisin, est d'environ un pouce; æ, lubes placés à égale distance autour de la partie supérieure qui bouche les 4€ et 5e cylindres, w, v; ils sont courbés obliquement, et descendent jus- qu'à 2 pouces du fond g, qui sépare les chau- dières. La fig. 246 ne laisse voir que 2 de ces tubes; il faut supposer qu'il y en a un 3e après la partie qui est enlevée : y, tube de sûreté pour empêcher l'absorption de la substance contenue dans la chaudière supérieure par les 3 tubes plongeurs æ. Ce tube traverse le collet de la chaudière Z, son extrémité supé- rieure, qui a la forme d’un entonnoir, est en contact avec l’atmosphère, et son autre extré- mité communique avec l’espace cylindrique formé entre les 2 cylindres #, v. Ce tube est recourbé de manière à ce qu’il touche par le milieu, à peu près, de sa longueur la super- ficie de la matière renfermée dans la chau- dière L; il est interrompu, dans sa moitié qui s'approche du centre de lappareil, par un renflement z, formant un cylindre creux qui peut contenir environ 2 litres d’eau, intro- duits par l’entonnoir. a’, robinet d’épreuve de la chaudière supé- rieure; Ÿ’,tubulure pratiquée sur la chaudière { de la même manière que l’est la tubulure à sur la chaudière inférieure e; elle s'ouvre aussi lorsqu'on veut netloyer l'intérieur de la chau- ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES EAUX-DE-VIE. LIV. IV. dière supérieure; ©, bassin circulaire placé sur le collet de la chaudière supérieure et formant réfrigérant ; d’, tuyau à robinet con- duisant l’eau du bassin réfrigérant € dans la chaudière inférieure; e’, vase de forme ellip- üque réuni au collet de la chaudière supé- rieure par les brides et boulons f; g, deux tuyaux plongeant dans un petit vase ou godel, et servant à l'écoulement du liquide aqueux qui retombe dans Ja chaudière infé- rieure; À, tuyau à robinets et à double bran- che pour conduire à volonté les liquides aqueux du vase elliptique e’ dans l’une ou autre chaudière; ?, tube qui s'élève verti- alement dans Pintérieur du vase e° jusqu'à la distance d’un pouce à peu près de la paroi supérieure de ce vase; il est bien bouché en haut par un fond, et tout près de ce fond le tube ? est percé horizontalement de plusieurs petits trous; À, cylindre creux qui recouvre et enveloppe le tube ©’; il est muni en haut d’un fond qui repose sur le tube 2’, et son bord inférieur descend jusqu’à un pouce de distance du fond du vase elliptique & ; ?, tu- bulure pratiquée sur le vase elliptique pour permettre de le nettoyer intérieurement; elle se ferme avec un bouchon en bois ; m, bassin placé sur le vase e”; 1l sert de réfrigérant; on vide ce bassin au moyen du tube à robinet »’. 0,p,q;,r,S$, 0, Six compartimens, ou dia- phragmes rectificateurs montés les uns sur les autres, et formant par leur réunion une colonne cylindrique. Ces compartimens com- muniquent l’un à l’autre au moyen des 6 petits tubes ?, disposés dans leurs cases chacun de la même manière que le tube ? l’est dans le vase elliptique €. Ils sont, comme ce dernier, enveloppés chacun d’un cylindre en forme de chapeau, et leur extrémité supérieure est percée d'une grande quantité de pelits trous. Le fond de chaque compartiment f a, comme le montre la figure, un petit tuyau logé dans un godet et servant à écouler les petites eaux condensées qui descendent d’un comparti- ment dans l’autre et finissent par se rendre dans le vase elliptique e’, lequel à son tour les conduit dans l’une ou l’autre des 2 chaudières par les 2 branches du tuyau à robinets k’. Ce passage de la condensation s’effectue en même temps que les vapeurs alcooliques s'élèvent et parcourent, en se rectifiant, les 6 compartli- mens et les doubles tuyaux qui se trouvent dans chacun d’eux ; w, long cylindre vertical enveloppant les 6 compartiments ?, et laissant entre ces compartimens et lui un intervalle annulaire de 6 pouces. Ce cylindre, au moyen du liquide qu'on y introduit, sert de réfrigé- rant. Le liquide est évacué par le gros tuyauv’, qui le fait passer à volonté dans la chaudière supérieure. æ, cylindre formé de deux pièces assemblées à charnière, s’ouvrant et se fer- mant à volonté; on le tient fermé par des loquets y’, (fig. 245), que l’on ouvre quand on veut. L'espace ouvert par le haut et compris entre cette enveloppe et le cylindre w peut servir à recevoir le grain qu'on veut sécher après qu’on l’a fait germer. La surface de cette enveloppe est criblée de pelits trous qui li- vrent passage aux vapeurs humides qui s’é- chappent du grain, et sa base repose sur un rebord saillant soudé au cylindre w et qui lui sert en même temps de fond. ?;’, 2 ouvertures 1De, ratiquées à la base de l'enveloppe +, par D illes on retire le grain lorsqu'on le juge à propos. a tube recourbé à angle droit; l’un de ses bouts est en communication avec l’intérieur du cylindreréfrigérant w’, et dans l’autre bout, qui a la forme d'un godet, est logée l’extré- mité d’un tube conique b? en verre, qui sert à indiquer la hauteur du liquide dans le cylin- dre w’; &, tuyau à robinet, servant à intro- duire la substance qu’on veut distiller dans le cylindre réfrigérant w’.Quel que soit le liquide qu'on y introduise, il s’y prépare, en augmen- tant de température, pour descendre ensuite dans la chaudière supérieure; si c’est une substance farineuse, elle reste dans cette chaudière pour y être distillée, et si c’est du vin on le fait descendre dans la chaudière in- férieure en ouvrant le robinet h’. d?, tuyau à robinet servant à introduire le vin lorsqu'on veut en distiller dans le cylindre w’; e?, tube par lequel on introduit de l’eau dans le cylin- dre formé par les compartimens f pour net- toyer dans toute son étendue ce cylindre central qu'on nomme rectificateur; f?, tuyau par lequel s'élèvent les vapeurs spiritueuses rectifiées pour se rendre dans le serpentin et s'y condenser; g*, tuyau servant à dégager la faible portion de vapeur qui se forme dans le cylindre w et qui va se rendre dans le petit serpentin, placé avec le grand, où elle se con- dense et sort en esprit par son extrémité infé- rieure au bas du tonneau A. À, cheminée ayant un registre au moyen duquel on règle l'intensité du feu, que l’on doit diminuer pen- dant qu'on charge. 1° Conduite de la distillation. Quand l’appa- reil est disposé pour la distillation, comme on le voit fig. 245, tous les robinets doivent être fermés, excepté celui qui indique le trop plein. On commence l'opération par remplir d’eau le tonneau A, dans lequel sont pla- cés le petit et le grand serpentin; on remplit ensuite, avec la substance qu’on se propose de distiller, la cuve B, où se trouve un 3: petit serpentin qui aboutit au grand serpentin du tonneau A; on charge d’eau froide Ja chau- lière inférieure par l’ouverture ?, puis on allume le feu. Il faut laisser l’eau se distiller jusqu’à ce que la substance qui est dans le tonneau B se trouve à 30° R. environ ; alors on ferme le ro- binet du tuyau c? et on laisse continuer la dis- tillation. On remplit de nouveau le tonneau B pour remplacer la quantité de substance qui en est sortie pour se rendre dans la colonne cylindrique ; on ouvre les 2 robinets du tuyau h, pour que l’eau qui s’est condensée dans le cylindre rectificateur et dans le vase ellipti- que € se vide; on ouvre en même temps les robinets 1° et k°, fig. 245, pour remplir d’eau froide, arrivant du tonneau À, le réfrigérant © de la chaudière supérieure et celui »m du vase &. Ces réfrigérans étant pleins, on ferme les robinets, on ralentit le feu en le couvrant de charbon mouillé et en fermant momenta- nément le registre de la cheminée. Cette 1°: Chauffe étant faite avec de l’eau daos l'intention de laver l’intérieur de lappa- reil, il faut ouvrir les robinets des tuyaux fe n, et l'ouverture à pour vider les 2 chau- dières, Par ce moyen toute l’eau de lavage qui CHAP, APPAREILS DISCONTINUS. 287 s'était accumulée dans la chaudière inférieure sort de là par le robinet f; pendant l’écoule- ment, on introduit un balai par l'ouverture à de la chaudière inférieure, afin de bien la net- toyer et de faire sortir tout ce qu’elle contient. Cette chauffe à l’eau a aussi pour but de chauffer l'intérieur de l'appareil et la substance à distiller qui se trouve dans le cylindre w et le cylindre rectificateur, ainsi que celle qui est dans la cuve B. Lorsque l’appareil est neuf, cette opération est nécessaire pour enlever la résine et d’autres corps provenant des sou- dures. Elle ne devra se répéter qu'autant qu'on pensera que l’appareil en a besoin, et lorsqu'après avoir suspendu la distillation pendant quelques jours on voudra la repren- dre. Quand la distillation se fait sans inter- ruption, il est inutile de laver les chaudières ; lorsque l’on cesse de distiller, il faut, pour la propreté et la conservation de l'appareil, le remplir d'eau que l’on vide quand on veut recommencer à travailler. Les chaudières étant vides, on ferme les robinets f, n, et l’on rem plit d’eau la chaudière inférieure jusqu’à ce qu’elle sorte par le tuyau g, qu’on referme de suite, puis on active le feu en ouvrant la sou- pape de la cheminée ; on ferme aussi louver- ture et les robinets du tuyau h’, et l’on ouvre le robinet du tuyau 0 et celui du tuyau +’, pour faire passer dans la chaudière £ Ia ma- tière qui se trouve dans le cylindre # , jus- qu'à ce que cette chaudière soit pleine, ce qui est indiqué par le tube o du trop plein; on ferme le robinet de ce tube aussitôt qu'on a vu couler la substance; on ferme également celui du tuyau v’, et l’on ouvre celui du tuyau c?, afin de fair: passer la substance qui est dans la cuve B dans le cylindre w jusqu’à ce que le cylindre soitrempli, ce qu’on voit aisé- ment par le tube de verre b*; alors on ferme le robinet du tuyau c*, puis on remplit de nouveau la cuve B avec la substance qu’on distille. Il faut avoir soin que l’eau du ton- neau À soit Loujours froide, ce qu'on obtient en ouvrantles robinets [? et n°, fig. 245. Ce der- nier est supposé arrêter l’eau qui arrive d’un réservoir quelconque plein d’eau froide, éta- bli dans un endroit convenable pour le service de l'appareil. L'eau froide qui arrive dans le fond de:la cuve A chasse l’eau chaude qui se trouve à sa superficie et la fait sortir par le robinet £?. Un tuyau à robinet m° sert à éva- cuer à volonté l’eau de la cuve A. Les choses étant en cet état, la charge se trouve faite, et pendant le temps qu'on a em- ployé à la faire, le feu ayant toujours été actif, l’eau qui se trouve dans la chaudière inférieure est mise en ébullition. La vapeur élevée de cette chaudière chauffe le fond de la chaudière supérieure, qui renferme la subs- tance à distiller, monte dans le tuyau r, par- court tous les cylindres s, {, uquienveloppent cetuyau et les échauffe; elle entre ensuite par le haut dans les trois tuyaux obliques æ, qu’elle échauffe aussi, et arrive dans le fond de la chaudière supérieure où elle communique sa température à la substance qu’elle traverse ; quelle que soit la nature de cette substance, elle se met en ébullition, et les vapeurs alcoo- liques qui s’en dégagent s'élèvent, passent dans le vase elliptique & et sont conduites par jes tuyaux Ÿ, #’, où commence leur ana- 238 lyse qui se continue en parcourant successi- vement les six compartimens 0’, p',q,T,s, 0? et leurs doubles tuyaux, qui forment le cylin- dre rectificateur. Les parties les plus léjires qui ne sont pas condensées s'élèvent dans le tuyau f? et pas- sent dans les deux serpentins, où elles secon- densent, et sortent en alcool par le tuyau p° en formant un filet qui coule dans le réci- pient, tandis que les parties aqueuses, qui se sont condensées pendant leur marche, ne pouvant pas continuer leur ascension, descen- dent par les tuyaux d'écoulement pratiqués au fond de chacun des 6 compartimens du cylindre rectificateur. Au fur et à mesure que ces liquides se rapprochent de la source du calorique, leur partie la plus spiritueuse se sépare et s'élève, pendant que la portion aqueuse descend dans /e vase elliptique. Cette marche ascendante et descendante continue jusqu’à ce que la substance en distillation se trouve entièrement dépouillée d’alcool, ce dont on s'assure en présentant devant le robinet d’épreuve &, que l’on ouvre, une flamme aux vapeurs qui s’en échappent. Si ces vapeurs ne s’enflamment plus, on est certain qu'il n’y a plus d'alcool; alors la chauffe est terminée et l’on peut en recommencer une autre. Comme pour faire cette 1° chauffe on rem- plit la chaudière inférieure d’eau froide, elle dure environ 3 heures; mais les opérations suivantes n’exigeront pas plus de 2 heures, parce que l’eau de la chaudière inférieure se trouvera toujours chaude, aussi bien que tout l'appareil. Pour opérer la seconde chauffe on commen- cera par ouvrir l'ouverture b’ et les robinets des tuyaux m, 0, pour vider la chaudière supé- rieure et en faire sortir le résidu de la ma- tière distillée. Pendant que ce résidu s’écoule, op introduit dans la chaudière supérieure un balai par l'ouverture ?’, afin de remuer et de chasser au dehors tout le résidu; ensuite on ferme le robinet du tuyau m et l’ouverture ?, on ouvre le robinet du tuyau v pour charger la chaudière supérieure avec la substance chaude contenue dans le cylindre w’. Lorsque cette chaudière est remplie, on ferme les robi- nets des tuyaux 0 et v’; on charge de nou-- veau le cylindre # en ouvrant le robinet du tuyau c?, qu'on referme aussitôt que le cylin- dre est plein; on ouvre les deux robinets du tuyau k, pour que les petites eaux accumu- lées dans le vase e’ pendant la chauffe précé- dente passent dans la chaudière inférieure, dont le robinet du trop plein g doit se trouver ouvert, permettant ainsi de voir quand la chaudière est pleine. Si les petites eaux du vase e ne suffisent pas pour remplir la chau- dière e, on ouvre le robinet du tuyau d du réfrigérant © de la chaudière supérieure, en sorte que l’eau chaude qu’il contient y passe et achève de la remplir; alors on ferme Île ro- binet d et celui du trop plein g, et l’on active le feu. Peu de temps après que le filet s’est établi, on ouvre le robinet du tuyau »’, afin que l’eau chaude du réfrigérant m du vase elliptique € descende dans le réfrigérant €’ de la chaudière; on ferme ensuite et l’on ouvre les robinets des tuyaux &# et k?, pour remplir d’eau froide ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES FAUX-DE-VIE. LIV. 1. le réfrigérant du vase elliptique et achever de remplir celui de la chaudière. Dans cet état, la seconde chauffe est en activité; elle est ter- minée deux heures après que la charge a éte faite. Toutes ces opérations se répètent à cha- que chauffe, quelle que soit la substance fari- neuse soumise à la distillation. 2° Mode de dessiccation des grains. Lorsqu'on veut dessécher du malt ou du grain, on l’in- troduit par le haut dans l’espace annulaire compris entre le cylindre w et l'enveloppeæ, où la chaleur le dessèche ; on le fait ensuite sortir par les ouvertures 7’ lorsqu'on le juge assez sec, et on le remplace par d’autre. Cette méthode est économique, parce qu’on pro- fite du calorique de l’appareil, et qu’on évite par-là de faire un feu particulier pour cette opération. 3° Distillation du vin. Quand on veut dis- üller du vin, on enlève l’enveloppe +’, en ou- vrant les trois loquets y qui la tiennent fer- mée. La cuve B et son petit serpentin, deve- nant aussi inutiles, sont également supprimés, et l’on adapte un tuyau que l’on voit ponc- tué en q? (fig. 245) ; un bout de ce tuyau tient à la bride du tube f? de la colonne, et l’autre bout tient à l'ouverture saillante du grand serpentin de la cuve A. L'appareil étant disposé de cette manière, on commence par remplir de vin du tonneau À le cylindre w et la chaudière inférieure e, en faisant usage des robinets comme nous Pa- vons indiqué précédemment. La chaudière supérieure reste vide pendant la première chauffe ; on allume le feu et l'opération com- mence. Lorsquelevinesten ébullition, les vapeurs s’é- lèvent et suivent les mêmes routes que celles qui ont été indiquées et arrivent par.le tuyau ponctué g’au grand serpentin du tonneau À, où elles se condensent La chauffe se continue jusqu'à ce que tout le vin contenu dans la chaudière inférieure soit entièrement dé- pouillé de son alcool, ce que l’on reconnait en présentant une lumière au robinet k, qu’on ouvre pour que les vapeurs en sortent. Si elles ne s’enflamment pas, on est assuré qu’il n’y a plus d’esprit-de-vin. Dès lors la chauffe étant terminée, on ralentit le feu, en le couvrant de charbon mouillé et en fermant la soupape de la cheminée. Pour commencer une seconde chauffe, on ou- vre les robinets des tuyaux g et k pour laisser communiquer l'air extérieur avec la chau- dière inférieure ; ensuite on ouvre le robinet du tuyau f pour faire sortir de la chaudière la vinasse qu’elle contient, et on le ferme lorsque la caudière est vide. Immédiatement après on ouvre les robinets des tuyaux # et v’, pour que le vin qui est dans le cylindre w descende dans la chaudière supérieure, et de là passe par le tuyau n dans la chaudière infé- rieure, qui doit toujours se remplir jusqu’à la hauteur du trop plein g. On ferme les ro- binets des tuyaux g, n, k et v’, et l’on ouvre le robinet superieur du tuyau h’, pour faire pas- ser dans la chaudière supérieure les eaux fai- bles que contient le vase elliptique €’, puis on referme ce robinet. Dans cet état de choses le cylindre w se vide, la charge est faite, l’on active le feu. cHAP. 10e. APPAREILS Si, avec cette chauffe, on veut faire de l'eau- de-vie de 54 à 60° de l’alcoomètre centésimal ( 20 à 22° Cartier ), on laisse le cylindre w tel qu’il est, c’est-à-dire vide; et si l’on veut de l'esprit de 86 à 90° (33 à 36° Cart. ), on le rem- plit de vin, en ouvrant le robinet du tuyau d*. Pour remplacer le vin qui sort du tonneau À, on ouvre le robinet n*?, qui laisse passer le vin froid venant du réservoir, qu’on suppose être placé convenablement dans le local. Chaque chauffe, après la 1°, ne dure qu'une heure au plus. Avec l'appareil que l’on vient de décrire, Fe Se que soit la nature de la matière qu’on istille, on peut obtenir au premier coup de feu, et à volonté, de l’eau-de-vie ou de l'esprit, depuis 54° (20° Cart.) jusqu’à 87° ( 34° Car.), et même 92° ( 37° Cart. ), sans que les pro- duits soient atteints des mauvais goûts de cui- vre, de brülé ni d’empyreume. AnT. II. — Des appareils continus. Ces appareils, dont on doit la première idée à EnouarD Apam, ont été depuis perfectionnés par d’autres inventeurs. Le plus remarquable aujourd’hui, sous ce rapport, est celui de M. Cezzier-BLUMENTHAL, amélioré par M. C. DEROSNE, qui offre, pour ainsi dire, la réunion de tous les autres. Dans son état actuel, les combinaisons sont telles qu’on y met à profit toute la chaleur émise par la condensation des vapeurs, soit pour chauffer le vin ou les moûts, soit pour la rectification simultanée de lalcool; qu’il fournit de 1° jet de l’al- cool aux divers degrés de concentration de- mandés par le commerce. et qu’il offre en outre le précieux avantage de la continuité. Le vin est introduit dans cet appareil par un filet constant ; il se déféuille chemin faisant, de tout l'alcool qu’il contient et qui se déverse ar l'extrémité opposée, en telle sorte que si e liquide soumis à la distillation n’était pas susceptible d’encrasser les vases, il marche- rait sans interruption. Voici cet appareil ( fig. 247 ) tel que l’établit aujourd’hui M. DEROSNE. DescriPTioN. 1° AA’, 2 chaudières qui doi- vent être encaissées dans la maçonnerie; 2° B, colonne de distillation; 3° C, colonne de rec- tification ; 4 D, condensateur chauffe-vin ; 5° E, réfrigérant; 6 F, vaseau de vendange ou régulateur d'écoulement, surmonté d’un ro- binet àflotteur F; 7° G, réservoir. La chau- dière À a une vidange a munie d’un robi- net b; cest un tube terminé par une douille dans laquelle on introduit un tube de verre d, ajusté avec du mastic sur la vidange a et ser- vant d’indicateur. À ouverture de la chaudière fermée par un couvercle muni d’une soupape de sûreté e; g,autre ouverture qui se raccorde avec le tube f et conduit, au moyen d’un se- cond raccord g’,i’, la vapeur de A dans A’. a D c’ d’, tube indicateur et vidange de la chaudière A’. Cette vidange plonge jusque près du fond de la chaudière A par ts tube recourbé t. (Fig. 248 ). Vue de l’intérieur de la colonne de distillation B, sortie du manchon qui la con- tient. Cet appareil se compose de 10 couples de calottes mobiies, o et p,présentantalterna- CONTINUS. 239 tivement leur concavité en haut et en bas, et portant, sur leur surface, des fils de cuivre soudés et disposés enrayons pour transmettre le liquide goutte à goutte d’une calotte supé- rieure à l’inférieure. Les 10 couples portent de petites douilles qui sont enfilées le long de très forts fils de fer g, qui les maintiennent les uns au-dessus des autres. Au-dessus de ces 10 couples il s’en trouve un particulier qui sert à recevoir 2 tubes r, s (fig. 247 et 249 ), dépendant de la pièce supérieure. Le manchon B porte en outre une douille { correspondante à une douille semblable f dans la colonne C, lesquellesrecçoivent l'indicateur n; k etm sont les collets rabattus de la colonne. Le rectificateur ou colonne de rectification C, qu'on voit en cape dans la fig. 249, livre pas- sage d’abord au tube r, qui se rend au chauffe- vin D; y et y sont aussi des tubes s’ajustant par des brides avec d’autres tubes dépendans du chauffe-vin. Ils descendent, le 1° jusqu’au dernier réservoir du rectificateur, d’où il se relève jusqu’au 5°, et le 2° tube jusqu’au 3: ré- servoir, pour se relever au-dessus du 2°; au point de courbure chacun doit être muni d’un robinet zz’, pour prendre à volonté le titre du liquide ramené dans le rectificateur. Celui-ci se rétrécit supérieurement en un tube f qui s’ajuste avec un tube semblable du ehauffe- vin. À l’intérieur il est occupé par 6 réser- voirs fixes composés de plaques circulaires w’, percées à leur centre d’un trou sur lequel est soudé un manchon. Ce manchon est emboité de manière à laisser assez d'intervalle entre leurs parois pour un couvercle æ soutenu au- dessus du manchon et à une certaine distance au moyen de bandes métalliques soudées sur la plaque d’une part et sur le bord du cou- vercle de l’autre. Chacune des plaques est en outre percée sur un côté d’un trou plus petit dans lequel s'élève une petite portion de tu- be ss, de même hauteur que le manchon. C’est par ces tubes que la vapeur est admise dans l’espace laissé entre chaque réservoir; v,u,æ, indicateur du rectificateur. Le chauffe-vin D, vu en coupe(fig.250),ren- ferme un serpentin horizontal s, dont chacun des 10 tours est percé à sa partie la plus basse d’un trou auquel on a soudé un tube 1,2, 3, 4, etc., sererdant au dehors dans un conduit commun b; a, prise de liquide du conduit b qui se raccorde à un prolongement a” qui com- munique à volonté avec y au moyen d'un ro- binet; €, d, autres prises à robinets aboutissant au tube e raccordé au tube f; ?,p, tubulures s’ajustant avec celle t du rectificateur et celle u da réfrigérant ; à, tubulure donnant passage au vin qui, par le conduit g, laisse couler le vin dans le tube r; h, k, tubulure à robinet, servant à vider le chauffe-vin à la fin d’une opération. Le chauffe-vin est un cylindre ter- miné par des calottes convexes et perce su- périeurement de 3 ouvertures fermées par des couvercles L, m, n, entrant à frottement; une cloison g le partage en 2? portions D, D”, dans le rapport de 2 à 1. Cette cloison ne laisse de communication entre ces 2 portions que par une ouverture ménagée à la partie inférieure ; dans la portion D, est un conduit demi-cylin- drique, criblé de trous; le vin s’y déverse par le tube 0. ARTS AGRICOLES Fig. 250. : Le réfrigérant E, dont on voit l’intérieur (fig. 251), n'offre rien de particulier ; c’est dans le réservoir » que le liquide ou la vapeur se vend avant d'arriver dans le serpentin; y est la sortie de ce serpentin ajustée avec Île tube 4’ du vase E° ( fig. 47 ), d'où l'alcool s’é- coule parle dégorgeoir d’; c’, d’',couvercle por- tant un tube &’, sur lequel se raccorde le tube 0; k, robinet pour l'évacuation du liquide chaud; f, tube amenant le vin du réservoir au bas du réfrigérant ; il est terminé par un en- tonnoir g’, dans lequel tombe le vin du seau de vendange F par le robinet ?. . TRAVAIL DE L'APPAREIL. La chaudière A étant remplie jusqu'à 2 à 3 po. au-dessous de la partie la plus élevée de l'indicateur, la chau- dière A’ ayant 3 à 4 po. de vin,on porte le li- quide de À à l’ébullition. En même temps on ouvre le robinet # de F; le vin tombe dans : FABRICATION DES EAUX-DE-VIE. = f ri CU vs" 4 LIV, IV: 2 LU7 SES — d + RITES Fri) ; é d'F—) 2) | NE r A. THIEBAULT. Fig. 247. l’entonnoir g’, arrive au fond du réfrigérant FE, le remplit, vient sortir par 0 dans le chauf- fe-vin, se répand dans le conduit criblé, s’é- lève dans D el D’, jusqu’à la hauteur de à, qui le déverse par g etr, dans la colonne B, dont il parcourt tous les compartimens. Mais le vin de À étant parvenu à l’ébullition, la vapeur passe par g, f, g’et Ÿ, dans la 2° chandière A’ qui, chauffée par les vapeurs et par les gaz qui s’échappent du foyer, est bientôt mise en ébullition. La vapeur qu’elle produit se dé- gage par k’, pénètre dans la colonne B, y ren- contre le vin qui en parcourt tous les compar- timens, change avec lui son calorique contre de l'alcool, arrive dans C, où elle s’alcoo- lise encore davantage, entre dans le chauffe- vin, se dépouille en partie des vapeurs aqueu- ses qui l’accompagnenti et qui reviennent par le tube a’ ou par les tubes c, d dans la colonne emap. 10. DÉSINFECTION DES EAUX-DE-VIE DE VIN, MARCS ET FÉCULE. de rectification, à moins que, ces tubes étant fermés, elle ne prenne sa direction en passant de plus en plus à l’état liquide, vers le réfri- érant E, qui la rend à une température peu à au-dessus de celle de l'air par le tube b’ du vase FE’. MANOEUVRE DE L'APPAREIL. Mise en train. On commence par emplir les chaudières A et A’ comme nous l’avons dit. On adapte les diffé- rentes pièces dans l’ordre décrit, et, tous les robinets étant fermés, on ouvre le robinet ? de F. Le vin suit la marche tracée et quand on s'aperçoit, par l'indicateur d', qu’il est par- venu en À’, on ferme ? et on met le feu sous la chaudière A. La vapeur suit la route que nous avons indiquée et on obtient de l’eau-de- vie ou de l'alcool, suivant la richesse du vin, par le dégorgeoir b’. On laisse couler ce 1*° pro- duit qui a un goût de cuivre désagréable, et lorsqu'il coule de bon goût, on continue la dis- tillation si on veut se borner à recueillir de l’eau-de-vie, et lorsque le chauffe-vin D est chaud au point de ne plus y tenir la main, on ouvre #? de F et l'opération est en train. Si au contraire on veut obtenir de l'esprit, après avoir laissé couler tout ce qui a le goût de cuivre, on ouvre les robinets de rétrograda- tion c et d, par où le liquide condensé reflue sur C pour enrichir d'alcool les vapeurs qui s’y trouvent, s’analyser avec elles et revenir enfin se condenser dans les dernières portions du serpentin ou dans le réfrigérant. Arrivée à ce point, l'opération est également en train. La partie D étant chaude, onouvre également © de Fet la continuité s'établit. Vidange des chaudières. Lorsque l'indicateur de A’ indique que cette chaudière est près d’être pleine, on fait sortir une partie du li- quide de A par son robinet b, de manière à ne laisser que 6 po. de liquide au-dessus du tuyau de décharge; puis, b étant fermé, on ouvre D et on laisse écouler le liquide dans A jusqu’à ce que A’ n’en conserve plus que 5 à 6 po. ; on ferme b’ et on continue le travail. Marche de l'appareil. Pour juger de ce qui se passe dans l'appareil on consulte les indi- cateurs et on manœuvre les robinets z et 7 de C. Lorsque la distillation est très abon- dante, que le degré de spirituosité diminue rapidement et que le liquide monte en m, au- delà du milieu de l'indicateur, il y a trop de vapeurs aqueuses fournies par A; il faut di- minuer le feu en poussant le registre dans la cheminée. Lorsque le liquide de cet indicateur se colore, il est urgent de diminuer le feu, sans quoi on verrait le liquide à distiller arri- ver dans le serpentin avec les produits de la distillation. Pour cela, on pousse le registre ou bien on augmente l'écoulement du vin. C'est sur le jeu des robinets a, e, d, qu'est fondé le système de rectification qui permet d'obtenir avec les matières les plus pauvres les esprits les plus forts. Par exemple, si a rend 38° al- coométriques (16° Cart. ), e pourra en rendre 46 à 53 (18 à 20 Cart.) et d 65° (24 Cart.) et au- delà. Veut-on augmenter la richesse en alcool fournie par les ouvertures, on pourra faire retour en B du liquide a; par suite, les ouver- tures €, d, laisseront couler un liquide mieux analysé et plus riche. On augmentera encore la richesse alcoométrique en ouvrant le robi- pet c et bien plus encore en ouvrant d qui ra- AGRICULTURE 241 mèneront tous deux le liquide dans C par les tubes e, f, y. Pour obtenir les 3/6 (85° alcoo- mét.) du commerce on a reconnu que, géné- ralement parlant, il faut laisser les 3 robinets ouverts, Veut-on diminuer la spirituosité du produit, il n’y a qu’à fermer 4 d’abord, puis e. . Ferminaison de la distillation. N'ayant plus à distiller que ce qui reste dans l'appareil, les réservoirs G et F étant épuisés, on vide A et on le remplit du liquide de A’; on suspend un Instant le feu et on fait arriver en A° le li- quide de D en ouvrant le robinet h de D. On vide en même temps le réfrigérant E. On amène alors de l’eau en G, on délute le tube g de D et on le détourne de manière que l’eau ne puisse rentrer par r dans B. On ouvre les robinets de G et de F et on recom- mence à chauffer. L'eau remplit alors les fonctions du vin pour la condensation. On continue ainsi en rafraichissant avec de l’eau froide. Si vers la fin de l'opération, on ne veut pas obtenir une trop grande quantité d’eau-de-vie faible et de petites eaux, on peut augmenter la proportion d’eau en D et laisser ouverts tous les tubes de rétrogradation. Lorsque ce qui arrive en b de E’ ne marque plus sensiblement de degrés, on termine la distillation. .RECTIFICATION. Cet appareil, quoique spé- cialement destiné à la distillation des vins et des liquides fermentés, peut très bien servir à la rectification des eaux-de-vie et conserve encore dans ce genre de travail une grande supériorité sur les autres appareils. Maisalors les eaux-de-vie ne présentant pas une masse de liquide suffisante pour condenser les va- peurs produites en plus grande abondance que dans la distillation des vins, l'emploi de l'eau devient indispensable. II y a 2 manières de procéder à la rectification : par la conti- nuité en ajoutant à l’alcool une quantité d’eau telle que le mélange ne fût pas plus riche que les vins ies plus alcooliques, c’est-à-dire qu’il ne contint pas au-delà du 5: de son volume en eau-de-vie à 60° C (22° Cart.) et sans ccnti- nuité, ce qui parait préférable, et en se ser- vant de l’eau pour remplir F, E, D, comme nous lavons dit pour terminer la distillation, cette eau s’épenchant quand elle aura été chauffée par le tube 1. On se fera une idée assez précise des avar- tages que réalise l'emploi des appareils con- nus, ou du moins à concentration simulta- née de l’alcoo!l en échauffant le vin, si l’on se rappelle que les distillations successives exigent en combustible (houille) une quantité au moins égale au poids de, l’eau-de-vie obte- nue et jusqu’à 3 fois le poids de l’alcool, à 36° ou esprit rectifié, tandis qu'aujourd'hui on ne consomme en houille qu’un dixième en- viron de la quantité de l’alcool à 36° ou un cinquième de l’eau-de-vie à 22° qu'on obtient. PAYEN. SECTION V.— Désinfection des eaux-de-vie de vin, marcs et fécule. Les eaux-de-vie de vin, distillées avec soin, ont ordinairement un goût pur, franc, aroma- tique et agréable; mais ceiies qui ont été ex- traites sans précaution et les liquides spiri- | tueux qu'on retire des matières pâteuses ont TOME NET. —"31 212 ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES EAUX-DE-VIE. souvent une odeur particulière et une saveur insupportable. 5 Nous avons déjà parlé (pag. 226) de l’huile essentielle qui se développe dans la fermenta- tion des matières sucrées , laquelle, lors de la distillation, accompagne les 1" et les derniè- res vapeurs et donne aux produits de cette opération un goût détestable. Nous avons vu wen fractionnant les produits et en cher- Eat à ne recueillir que des produits d’un degré alcoométrique élevé, on obtenait en gé- néral des eaux-de-vie de vin exemptes de ce mauvais goût. L'eau-de-vie de marc de raisin a ordinaire- ment une saveur insupportable due à la pré- sence d’une huile volatile qui existe, selon M. AUBERGIER, dans les pellicules de ce fruit. Cette huile a un goût extrêmement âcre et quelques gouttes suffisent pour gâter une eau-de-vie parfaitement pure. Tout le monde sait que les eaux-de-vie de grains ou de pommes de terre possèdent une odeur et une saveur qu’on désigne sous le nom de fousel. On sait également aujourd’hui qu'une huile particulière est le principe qui leur communique cetie odeur, ainsi que la sa- veur qu’on leur reproche. Dans ces derniers temps M. PAYEN a prouvé que c’est la fécule, et sa partie tégumentaire seule, qui renfer- ment cette substance huileuse. M. Dumas,qui a étudié la composition d’une huile de ceîte nature, qu’on recueille dans la fabrication des eaux-de-vie de pommes de terre, a trouvé, après des rectifications ménagées, que c’était un liquide limpide, incolore, d'une odeur pauséabonde particulière, bouillant à 13°,5 C, et que c'était un corps de la famille des cam- phres ou des huiles essentielles analogues. On a cherché, par une infinité de moyens, à faire disparaitre le mauvais goût des eaux-de- vie de marc, de grain ou de fécule; mais peu d’entre eux ont eu du succès; nous devons même dire que la découverte de la dexirine et de la diastase rend aujourd’hui, au moins pour les eaux-de-vie des 2 dernières espèces, ces moyens inutiles. Néanmoins, comme on distillera encore long-temps par les anciens procédés, nous allons faire connaitre quel- ques-uns des moyens proposés par les chi- mistes pour détruire le goût particulier des eaux-de-vie de grain. Les uns ont introduit dans l’eau-de-vie des odeurs agréables ou des substances qui en masquent en partie le goût empyreumatique; mais il est toujours resté un goût particulier et le liquide est quelquefois devenu trouble. D’autres ont distillé l’eau-de-vie sur du char- bon de pin ou de sapin, ou bien ont filtré à plu- sieurs reprises les eaux-de-vie infectées à tra- vers un lit épais de braise récente concassée et lavée. On a fait aussi usage du charbon animal pour le même objet. Pour réussir par ces moyens, ii faut que le charbon soit bien brü- lé, bien pulvérisé, qu’il resie long-temps en macération avec l’eau-de-vie avant la distilla- tion et qu’il soit employé en grande quantité. Plusieurs savans ont recommandé le chlorure de chaux, qu'on mêle au liquide spiritueux avant la rectification. Pour cela on déiaie le chlorure dans l’eau et, la solution étant fil- trée, on l’ajoute à l’eau-de-vie et on laisse re- poser le mélange. La difficulté est de trouver LIV. 1V. la quantité juste pour que le chlorure opère avec succès et qu'il ne laisse pas par son ex- cès un goût tout aussi désagréable que celui qu voulait enlever. En général il suffit d’un demi-millième environ du poids de l’eau-de- vie en chlorure pulvérulent pour réagir sur l'huile odorante que celle-ci contient. Un es- sai préalable sur de petites quantités est au reste indispensable pour s'assurer de la dose nécessaire du chlorure désinfectant. M. Wir- LING à mélangé 2 onces de chlorure dissous à 300 litres d’eau-de-vie et en a chargé l’a- lambic. Le 1 liquide qui a passé avait l’o- deur du chlore et a été mis à part; l'eau-de- vie qu’il a obtenue ensuite était, assure-t-il, parfaitement exempte de goût ou d’odeur de chlore, où d’empyreume. Les moyens indiqués ci-dessus ont donné en apparence des eaux-de-vie pures et de- pouillées du fousel; il paraît toutefois, sur- tout quand on emploie le charbon animal, qu'elles reprennent, au bout d’un certain temps, une odeur d'huile animale fort désa- gréable, ou que l’ancien goût d'empyreume finit par reparaître. Ces moyens sont donc in- suffisans. Le procédé de KLaprOTH, qui con- siste à distiller les eaux-de-vie de marcs et de fécule avec de l'acide sulfurique concentré et du vinaigre, offre plus de chances de succès. Par ce moyen on enlève non-seulement une par- tie du mauvais goût aux eaux-de-vie, mais elles acquièrent une saveur d’éther acétique fort agréable. Néanmoins ces liqueurs, pour un palais exercé, décèlent encore leur origine et ne peuveni guère être employées pour l’u- sage des liqueurs fines et de la table. M. Worx- LER propose de les rectifier sur du mangané- sate de potasse (caméléon minéral), et assure qu'alors elles ont un goût tout aussi pur et aussi flatteur que les eaux-de-vie de vin les mieux préparées. Voici les proportions qu'il indique pour désinfecter 100 litres d’eau-de- vie. Acide sulfurique concentré, 300 grammes. Vinaigre fort, 1200 cd. Laissez digérer pendant 24 heures, distillez au bain-marie, puis rectifiez sur 600 gram. de manganésate de potasse. Secrion VI. — De [4 mesure du degré de spiri- tuosité des eaux-de-vie. Les liquides spiritueux, connus dans 1e commerce sous les noms d’eau-de-vie et d’es- prits, sont des mélanges, à proportions varia- bles, d’eau et d’alcool parfaitement pur. Leur valeur dépend, en général, de la quantité d’al- cool qu’iis renferment. Les aréomètres ou Lèse-esprits, tels que ceux de BaAUMÉ ei de Carrier, dont on se servait pour mesurer le degré de concentration des liquides spiritueux, étant des instrumens fau- tifs qui ne donnaient aucune notion sur la uaniité d'alcool réel contenu dans ces liqui- de et ne tenaient pas compte des changemens que la température apporte dans leur volume, ont été abandonnés et ont fait place à l’alcoo- mètre centésimal de M. Gay-Lussac, qui fait connaitre d’une manière exacte la quantité d'alcoolque les spiritueux contiennent à toutes les températures. Pour déterminer cette quantité, M. Gax-Lus- CHAP. 10e. sac a pris pour terme de comparaison l'alcool pur en volume, à la température de 15° C (12 R), et en a représenté la force par cent centièmes ou par l'unité; conséquemment, la force d’un liquide spiritueux est le nombre de centièmes, en volume, d'alcool pur que ce liquide renferme à ia température de 15° C. L'instrument qui sert à mesurer cette force a été désigné par le nom d'alcoomètre centési- mal, et est, quant à la forme, un areomètre ordinaire. Il est gradué à la température de 15° C. Son échelle est divisée en 100 parties ou degrés dont chacune représente 1/100° d’al- cool; la division 0 correspond à l’eau pure et la division 100 à l'alcool pur ou absolu. Plongé dans un liquide spiritueux à la température de 15°, il fait connaitre immédiatement sa force. Par exemple, si, dans une eau-de-vie supposée à cette température, il s'enfonce jusqu’à la division 50, il avertit que la force de cette eau-de-vie est de 50/100, c’est-à-dire qu’elle contient 50/100° de son volume d'alcool pur. Dans un esprit où il s’enfoncerait jusqu’à la division 86, il indiquerait une force de 86/100° en alcool. La chaleur faisant varier le volume des li- quides spiritueux, l'alcoomètre doit s’enfon- cer davantage dans ces liquides quand ils sont chauds que quand ils sont froids, et récipro- quement. La chaleur allère donc en même temps les indications de l’alccomètre et le volume du liquide. Les variations qui résul- tent de ces 2 causes réunies peuvent s'élever à plus de 12 p. 0/0 de la valeur du liquide de 0° à 30° de température. Il faut donc, dans les essais, avoir soin de mesurer la température MESURE DU DEGRÉ DE SPIRITUOSITÉ DES EAUX-DE-VIE. 243 réelle 49°; et qu’à la température de 15° son volume, au lieu d’être 1000 litres, serait 1009 litres. Tandis que 1000 litres d’une autre eau-de-vie, mesurés à la température de 25°, et ayant une force apparente de 53°, n’ont en réalité qu'une force de 49° 3, et que leur volume ramené à 15° se réduit à 993 lit. Les mêmes calculs servent aussi à déterminer le volume à 15° des liquides plus spiritueux que l’eau-de-vie , après qu’on a ramené leur force apparente à la force réelle. Ces tables, fortcommodes et quisont conte- nues dans l’instruction pour l'usage de l’alcoo- mètre centésimal publié par M. Gay-Lussac (1), permettent d'effectuer ces calculs avec une grande rapidité, et en outre, de résoudre plusieurs problèmes qui se présentent fré- quemment dans le commerce des eaux-de-vie, entre autres celui du mouillage, c’est-à-dire la quantité d’eau ou d’un liquide spiritueux plus faible qu’il faut ajouter à un esprit d’une force connue pour le convertir en un liquide spiritueux d’une force donnée et plus faible,etc. L'aréomètre de Carrier étant encore d’un usage étendu, nous allons donner, d’après M. Gay-Lussac, la concordance de cet insiru- ment avec l’alcoomètre centésimal, en suppo- saut que les indications du premier de ces instrumens, qui est ordinairement gradué à la température de 1225 C (10° R), sont rame- nées à 15° C (12° R}), température pour la- quelle est gradué le second. 1° Évaluation des liquides spiritueux en de- grés de CARTIER et en degrés centésimaux à 15° de température (2). du liquide à essayer all moyen d'un petit ————_—_—_—_—_— thermomètre qu’on y plonge. Pour corriger les indications relatives à la température et au volume des liquides spiri- tueux, M. Gax-Lussac a dressé des tables qui font connaitre avec exactitude La richesse en alcool des liquides sy iritueux, ou le nombre de litres d'alcool pur, à la température de 15, que contiennènt 100 litres d’un liquide spiri- tueux, pour chaque indication de l’alcoomètre $ à 100°), et à toutes les températures de 0° 30°. Par exemple, en consultant ces tables on voit qu’une eau-de-vie dont la force apparente donnée par l'instrument est de 48° à la tempé- rature de 0°, a une force réelle de 53° 5, qui est la force qu’accuserait l’alcoomètre, si la température de l’eau-de-vie, au lieu d’être 0°, eût été de 15°, de même une eau-de-vie mar- quant toujours 48°, mais à la température de| 27°, n’a en réalité, suivant la table, qu'une force de 43° 4. On suit absolument la même marche et on|? fait usage des mêmes tables pour ramener les 3 esprits à leur véritable force, quand leur tem-|14 pérature est au-dessous ou au-dessus de 15°. On trouve encore dans ces tables la correc- tion que doit subir le volume des liquides spi- ritueux , lorsque la température de ces liqui- des est différente de 15°, et avec leur secours on apprend par exemple que 1000 litres mesu-} rés à la température de 2° d'une eau-de-vie dont la force apparente est 44°, a pour force = = = = = = > = al = A a 1 at-SdehSnetéale lé Lez dede” | lslélelelelslsl 2e) = @ |£ & |= IS & |= e. |= Le She Les LS Le LEE | pr LT 10! 0,0/16,37,9/22/59,5/28,74,8,54 86,940 195,9 [4 | 1,311 |39,1/1 160,211 175,311 187,311 196,2 e | 2,6/2 |40,2/2 |60,9/2 |75,9/2 |87,7,2 |96,5 3 | 3,915 |41,4/3 |61,6,5 |76,4/3 |88,1!3 |96,8 11| 5,3117142,5/23162,3,29/77, 135 88,6141197.1 1 | 6,711 |43,5/1 163, |1 |77,5/1 |89, 11 97,4} 2 | 8,312 |44,5l2 |63,7,2 |78, |2 |89,412 |97,7! 5 | 9,95 |45,5]5 |64,4/s |78,6/5 |89,815 |96, | 12,11,6,18/46,5/24165, |30/79,1/36190,2142|98,2 1 113,211 |47,4/4 [65,711 [79,611 [90,61 198.4 a 115, |2 |48,3/2 |66,3/2 [80,112 |91, [2 |98,7 3 |16,8,3 |49,2/3 |67, 15 |80,7/5 91,413 98,9 13/18,8/19/50,1,25,67,7,31/81,2/37,91,8)43|99,2 la 120,611 |51, |1 |68,3/1 [81,714 192,112 [99,5 122,5/2 |51,8/2 168,912 82,212 |92,5l2 |99,8 124,313 |52,6/5 |69,6,3 |82,7,3 |92,9/3 |100,0 26,1,20/53,4126/70,2,32 83,2 38|93,3l44 1 [27,914 |54,2/1 170,811 183,611 |93,611 2 |29,5/2 55, |2 |71,4,2 |84,1/2 |94; |2 3 (31,113 155,813 |72, |5 [84,615 [94,3/3 15,32,6,21156,5/27172,6 33 85,1139194,6 45| | 1 134, |a 157,211 173,114 |85,5/4 |94,9 k 2 |35,4/a |58, |2 |73,7,2 |86, |2 |95,2 5 136,6 5 58,8 5 174,35 |86,5,3 |95,6 | | À | Le Le: ee 0 eh ne (4) L’alcoomètre de M. Gay-Lussac se vend chez M. Corranneav, rue du Faubourg-Saint-Martin, n. 56, le prix de celui de la régie est de 2 fr. 80 €. , et celui de l'instruction 5 fr. (3) Les petits chiffres 4, 2, 3 entre les deurés de Cartier représentent des quarts de ces degrés. 244 2° Évaluation de la force des liquides spiri- lueux en degrés centésimaux et en degrés de Cartier à 15° C. S & = & = E S Ë Q ®) à Fe À a à EE nel. ÉTeUMEMMEnNÉ LS | & = & = &. = D. S. l 0 |10,00| 26 |13,98| 52 |19,56| 78 |29,46 {1 10,19) 27 |14,12) 53 |19,88| 79 [99,93 1 2 |10,38| 28 |14,26| 54 |20,18| 80 |30,41 | 3 |10,57| 29 |14,42| 55 |20,50| 81 |30:89 | 4 110,75| 30 |14,57| 56 |20,84! 82 |31,39 5 |10,93| 31 |14,73] 57 |21,16| 83 |31,89 6 11,11] 32 |14,90] 58 |21,48| 84 132,41 | 7 |11,29| 33 [15,07] 59 |21,81| 85 |32,96 8 111,45] 34 |15,24] 60 |22,15| 86 |33,51/ 19 111,62! 35 |15,43] 61 |22,51| 87 |34.07| 10 |11,76| 36 |15,63| 62 |22,87| 88 134,641 11 111,91) 37 |15,83| 63 [23,24] 89 135,95. | 12 |12,07| 38 |16,02| 64 |23,61| 90 |35,87 | 13 112,22) 39 |16,22| 65 123,98) 91 36,50 | 14 112,36] 40 |16,43| 66 124,35] 92 137,15 | 15 112,50! 41 |16,66| 67 |24,73| 93 |37,81| | 16 |12,63| 42 |16,88] 68 |25,11| 94 |38,52 | 17 |12,77| 43 |17,12] 69 195,51] 95 |39,99 18 112,90! 44 |17,37| 70 |25,93| 96 |40,09 19 113,02) 45 117,62] 71 |26,34| 97 |40,92 20 113,17] 46 |17,88| 72 |26,77| 98 |41,82 21 113,30) 47 |18,14| 73 127,22] 99 [42,75 | 22 113,42] 48 |18,42] 74 |27,65/100 |43,84 123 113,55] 49 |18,69| 75 |28,09 | | | 24 |13,70| 50 |18,97| 76 [28,54 | 25 |13,84| 51 19,26] 77 |28,99 | SEecTioN VII. — Du commerce des eaux-de-vie et des esprits. Les eaux-de-vie ies plus estimées sont celles dites de Cognac, reconnaissables à leur bou- quel particulier ; le goût et l’âge établissent les différences dans le prix de ces liquides, qu’on divise en eau-de-vie nouvelle, eau-de-vie ras- sise eteau-de-vie vieille. Après les eaux-de- vie du canton de Cognac, viennent celles de La Rochelle, Marmande, Montpellier, Pro- vence, etc. Ces eaux-de-vie sont ordinaire- ment expédiées dans des barriques contenant 456 à 685 lit. ( 60 à 90 veltes ), ou dans des fûts plus petits, de 152 à 167 lit. (20 à 22 vel- ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES EAUX-DE-VIE. LIV, 5v: tes); elles sont censées marquer 58°8 à 59°5 à lalcoomètre ( 21° 3/4 à 22° Cart. ), à la tem- pérature de 15° C. Le commerce de Paris ne roule guère que sur des eaux-de-vie de ce degré et sur les es- prits de85 à 86° alcoométriques (33 à 34° Cart.), appelés trois six. Les esprits les plus répandus sont ceux de la Saintonge, de La Rochelle, de Montpellier, de Provence, et les esprits fins de fécule. À Paris, la vente des eaux-de-vie et des es- prits se fait à l’hectolitre ou par 27 veltes (2051t,45 ). Ainsi, quand le cognac rassis est coté 180 fr., c’est le prix des 27 veltes qu'on entend toujours. Dans le midi de la France, où l’on prépare une très grande partie des eaux-de-vie du commerce, on distingue 2 sortes d’eaux-de- vie; la preuve de Hollande ou eau-de-vie du commerce, qui doit porter 19 à 20° Cart. (50 à 53° alcoom. cent. ), et la preuve d'huile, qui marque communément 23(62°alcoom. cent.). On reconnait jusqu'à 11 qualités d’esprits, qu'on désigne d’une manière assez incorrecte au moyen d’une fraction qui sert à faire con- naître grossièrement la quantité d’eau qu'ils contiennent. Les titres de ces esprits sont loin d’être constans; mais voici une table qui in- dique la fraction par laquelle on les désigne, ainsi que le degré qu'ils doivent marquer à lParéomètre de Cartier et à l’alcoomètre cen- tésimal à la température de 15° C., pour être au titre. = ES Cart. |Alcoom. cent. 8 Cart. |Alcoom. cent, 4/5 | 24 65°» 5/9 |31° 81°,2 3/4 | 25 67:7 6/11132 83,2 2/3 |27 72:6 13/6 |33 85,1 3/5 | 29 77» |3/7 |35 88,6 4/7 | 30 80 » 91 à 93 3/8 [57438 Ces anciennes dénominations devraient être abandonnées; on éviterait ainsi, en cotant le titre des esprits à l’alcoomètre centésimal, une foule de contestations qui s'élèvent dans je commerce de ces liquides et les opérations dites de réfaction pour faiblesse du titre. F. M. CHAPITRE XI.— DE LA FABRICATION DES VINAIGRES. SECTION Jre, — Du vinaigre et de sa formation. © ier, —— Phénomènes et conditions de l’acétification. Le vinaigre est un liquide d’une odeur agréa- ble, d'une saveur pure, fraiche, aromatique, plus où moins acide, d’une couleur qui varie avec les matières qui ont servi à le préparer, ei qu'on emploie pour l’assaisonnement des alimens ou pour composer quelques prépara- üUous en usage pour la toilette, dans la méde- cine ou Part vétérinaire. Le vinaigre se compose principalement d’a- cide acétique et d’eau, dans des proportions qui diffèrent suivant la force ou la qualité de ce liquide, mais qui, terme moyen, sont de 5 centièmes d’acide acétique pur pour 95 d’eau. Outre l'acide et l’eau, le vinaigre contient en- core plusieurs autres substances qui sont varia- bles selon la nature de la liqueur qui a servi à sa préparation. Tous les liquides qui contiennent du sucre ou des matières qui peuvent être converties en sucre, tous ceux qui ont éprouvé la fer- car. lice. FABRICATION mentation spirilueuse et qui contiennent de l'alcool, sont succeptibles d’être convertis en vinaigre. Cette transformation , à laquelle on a donné le nom d’acétification , repose sur ce fait, qu’un liquide spiritueux exposé pendant quelque temps au contact de l'air atmosphé- rique et à un certain degré de température devient acide, perd l'alcool qu’il contenait et aux dépens duquel se forme le vinaigre. Plusieurs conditions paraissent nécessaires pour que les liqueurs spiritueuses soient transformées en vinaigre. Les principales sont : 1° Le contact de l'air. C’est un fait bien connu que les liqueurs fermentées, telles que le vin, la bière, le cidre, etc., peuvent être conservées pendant long-temps dans des vases pleins et bien bouchés, sans qu'il s’y montre la moindre apparence d’acidité, même quand ces liquides reposent sur leur lie; mais on sait aussi que ces mêmes liqueurs, aban- données pendant quelque temps au contact de l'air, à un certain degré de température, ne tardent pas à devenir aigres et à manifester une réaction acide prononcée. 20 Une certaine température. La température exerce une grande influence sur la marche de l’acétification. Les liquides spiritueux peu- vent commencer à s’acidifier à une tempéra- ture de 10° C; mais alors l’acétification mar- che avec une extrême lenteur. À 23° C (18 R) elle se développe déjà avec plus de rapidité ; dans les conditions ordinaires, celle de 30 à 35° C (24° à 28° R) parait être la plus favo- rable. Nous verrons plus loin que l’expérience a démontré que la température devait varier suivant la méthode adoptée pour la prépara- tion du vinaigre. 3° La présence d'un ferment. De l'alcool étendu d’eau et exposé à l’air à une température con- venable donne à peine, au bout de plusieurs Jours, quelques traces d’acidité; mais si on ajoute à la liqueur de la levure de bière ou tout autre ferment, elle ne tarde pas à se con- vertir en vinaigre. Pendant la transformation d’une liqueur spiritueuse en vinaigre, l’air qui est en contact avec cette liqueur est décomposé ; son oxigène est absorbé, et en même temps il se dégage de l'acide carbonique, d'autant plus abondamment ue l’acétification marche avec plus de rapi- ité. Le contact de l’air atmosphérique et l’ab- sorption de son oxigène étant nécessaires à la formation du vinaigre, on voit combien il est important, pour accélérer cette opération, de soumettre à ce contact la surface La plus éten- due possible de liquide. Plus la surface de ce liquide est grande, plus elle est frappée par l'air et moins il faut de temps pour le convertir en vinaigre. Néanmoins, il ne faudrait pas que l'accès de Pair fût trop rapide, surtout avec une température élevée, pur qu’alors il s’é- vapore beaucoup d'alcool et qu’on n'obtient qu'un vinaigre plat et sans force. Une liqueur spiritueuse, exposée à une tem- pérature convenable et à laquelle on ajoute du ferment, se trouble peu à peu. Bientôt on remarque à l’intérieur et sur les parois des vases ou s'opère l’acétification des substances filamenteuses, qui se meuventen tous sens et s'élèvent à la surface. En même temps cette DU VINAIGRE. 245 surface se recouvre d’une écume légère, qui s'épaissit peu à peu et finit par se précipiter au fond, en formant une masse élastique et mucilagineuse, transparente, connue sous le nom de mère du vinaigre. Pendant ce mouve- ment, la température du liquide s'élève au- dessus de celle de l’air environnant et la for- mation de l'acide acétique ne tarde pas à se manifester au goût et à l’odorat. Lorsque toute la partie spiritueuse de la liqueur est trans- formée en vinaigre, le mouvement s’apaise, la température retombe à celle de l’air am- biant et le liquide s’éclaircit peu à peu. Les fermens dont on fait le plus communément usage sont la levure de bière, le levain aigre des boulangers, du pain nouvellement cuit, humecté avec du fort vinaigre et qu’on con- serve quelque temps avant de s’en servir, les vieilles et les jeunes pousses des vignes, le marc de raisin aigre, la mère du vinaigre qui, à l’état de pureté, est dépourvue de cette pro- priété, mais qui la doit uniquement à l’acide acétique qu’elle contient dans ses pores; enfin l'acide acétique lui-même, qui est un ferment propre à déterminer l’acétification des liqueurs vineuses. $ II. — Différentes sortes de vinaigres. On prépare du vinaigre avec différentes li- queurs spiritueuses ou des dissolutions de corps capables d’éprouver la fermentation alcoolique. Ces vinaigres ainsi préparés pren- nent, suivant la nature des liquides ou corps qui ont servi à leur préparation, le nom de vinaigre de vin, d'alcool, de cidre, de poiré, de bière, de raisins de caisse, de petit-lait, de miel, etc. Quoique ne différant pas les uns des autres sous le rapport du principe acide qui leur sert de base et qui est de l'acide acétique, les vi- naigres préparés avec ces diverses substances n'ont pas ious au goût une saveur analogue. Non-seulement ils diffèrent sous le rapport de la force , de la saveur et de l’odeur, suivant la pureté des matières employées à les fabriquer, mais encore, suivant la nature de ces matières, ils conservent un goût particulier et caracté- ristique qui les fait aisément reconnaitre. C’est ainsi que le vinaigre de vin contient tou- jours du tartre; ceux de cidre, de poiré, qui sont fort répandus dans lecommerce, ainsi que celui de miel, de lacide malique, celui de grains germés, des phosphates de chaux et d'aiumine, et celui de bière, un principe amer qui est dû au houblon, etc. Les vinaigres de vins méritent à tous égards la préférence sur tous les autres, surtout pour l'usage de la table; mais on ne peut guère les établir à bas prix que dans les pays de vigno- bles, Quelques fabricans ou propriétaires sont dans l’usage de consacrer à la fabrication du vinaigre les vins tournés, poussés ou avariés ; sans doute c’est une manière de tirer parti de ces vins, mais en général, on ne peut espérer de fabriquer des vinaigres clairs, d’un goût agréable et d’une odeur suave, qu'avec des vins de bonne qualité. Les vins faibles et acides donnent des vinaigres peu riches, tandis que les vins chargés d'alcool, quand on sait con- duire convenablement l’acétification, donnent les vinaigres les plus forts et les meilleurs. 246 ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINAIGRES. ïi y a aujourd’hui deux manières principales de fabriquer le vinaigre : l’une dite méthode ancienne et l’autre appelée méthode accélérée. La fabrication du vinaigre de vin d'Orléans ous servira pour faire connaître la 1e mé- thode, et celle du vinaigre d’alcool pour dé- crire la seconde. SECTION II. Méthodes pour la fabrication du vinaigre. Ier. — Méthode ancienne. À. Vinaigrerie et ustensiles divers. Le bâtiment ou la partie de l’habitation des- tinée à fabriquer le vinaigre se nomme une vinaigrerie. C’est ordinairement un cellier ou bien une salle voûtée, au rez-de-chaussée, où sont placés les vaisseaux propres à cette fabri- cation. Si on se rappelle les conditions néces- saires pour l’acétification, on comprendra aisé- ment que l'air doit pouvoir facilement et promptement s’y renouveler, au moyen d’ou- vertures ou de ventilateurs. Ces ouvertures sont disposées de telle facon qu’on puisse les fermer dès qu’on a renouvelé l'air, tant pour ne pas abaisser la température de l'atelier que pour ne pas provoquer une évaporation inutile de lalcool. Cet atelier devant être chaufté une partie de l’année, pour élever la tempé- rature dans son intérieur au point voulu pour le succès de l’opération, il est inutile, pour pe pas accroître sans nécessité les frais de chauffage, de lui donner plus d’élévation qu’il n'en faut; au contraire on doit préférer les salles dont le plancher est surbaissé. Quand on n’a pas le choix à cet égard, il faut élever les vaisseaux les uns au-dessus des autres, lacélification marchant ordinairement plus rapidement dans le haut, où la température est plus élevée, que dans la partie basse, où elle est moindre. La vinaigrerie doit être construite en maté- riaux mauvais conducteurs du calorique; les meilleuresseraient celles construitesen pierres ou en briques, et revêtues à l’intérieur de plan- ches rabotées et peintes à l'huile. Pour en- tretenir dans ce lieu la chaleur convenable, on se sert ordinairement @e poêles de fonte; il serait de beaucoup préférable de les chauffer au moyen de la vapeur ou de la circulation de l’eau chaude. On parviendrait ainsi plus éco- nomiquement et plus aisément à entretenir dans l'atelier une chaleur égale et régulière, sans provoquer une évaporation quelquefois considérable de la partie alcoolique, causée par la chaleur violente des poëles en fonte et sans danger pour le feu. Les vaisseaux employés pour l’acétification sont des tonneaux qu’on nomme mal à propos mères. Aujourd’hui, ce sont des futailles de 230 litres au plus, très solides et cerclées en fer. L'expérience a prouvé que ceux de chêne sont les meilleurs ; seulement quand ils sont neufs il faut avoir l'attention d'y faire séjour- ner pendani quelque temps de l’eau bouillante pour dissoudre la matière extractive du bois de chêne, qui donnerait un mauvais goñt au vinaigre. Les tonneaux sont percés, à la partie supérieure du fond antérieur, de ? trous ; l’un, auquel on donne le nom d'œil, a 2 po. de dia- “LIV. IV. mètre; il sert à les charger et à retirer le vi- naigre lorsqu'il est fait; l’autre, beaucoup plus petit, se trouve placé immédiatement à côté; il est destiné à donner issue à l'air pendant qu'on les charge. Tous deux servent à son renouvellement pendant la marche de lacéti- fication. Ces tonneaux, pour ménager l’espace, sont disposés sur 4 rangs et reposent sur des traverses de sapin d’un po. d'épaisseur. Ces traverses portent elles-mêmes sur des mon- ans en bois debout également en sapin et de même épaisseur. Les autres vaisseaux ou ustensiles d’une vi- naigrerie sont des cuves pour tirer le vin à clair, des futailles pour conserver le vinaigre, des seaux, des brocs, des entonnoirs en bois, des syphons en étain ou en verre, et des ther- momètres. Voici maintenant une idée sommaire des travaux de l'atelier. B. Procédé de fabrication. Avant de verser le vin dans les tonneaux où se fait l’acétification, on le clarifie de lamanière suivante. Les cuves à tirer à clair sont des vases fermés pouvant contenir 12 à 15 pièces de vin. Le fond supérieur porte à son centre une ouverture de 4 à 5 po. de diamètre, qu’on peut boucher avec un couvercle de bois. Cette ouverture est destinée à recevoir un large en- tonnoir. L'intérieur de la cuve est rempli de copeaux de hêtre pressés et bien foulés. On verse du vin sur ces copeaux; on laisse sé- journer pendant quelque temps, puis on sou- tire doucement par une canelle placée à la partie inférieure de la cuve. La lie se dépose sur les copeaux et le vin sort clair. Lorsque les tonneaux sont neufs, on com- mence par se procurer du meilleur vinaigre; on le fait bouillir, on en remplit au tiers tous les vaisseaux , et on laissereposer une semaine. C’est sur cette première portion, qui devient la vrai mère du vinaigre, qu’on ajoule succes- sivement le vin à acidifier. Dans le travail or- dinaire on met d’abord sur le vinaigre, qui occupe le tiers du tonneau, un broc de 18 litres de vin blanc ou rouge tiré à clair et qui n’a été ni collé ni soufré; huit jours après on eu ajoute un 2°, puis un 3 et un 4°, toujours en observant le même intervalle de temps. C’est huit jours après cette dernière charge qu'on retire environ 40 litres de vinaigre et qu'on recommence les additions successives. Il est nécessaire que le vaisseau soit toujours au moins à moitié vide, si on veut que l’acé- tification n’éprouve aucun ralentissement ; mais comme une partie du tartre et de la lie gagne toujours la partie inférieure du tonneau, s’y amasse et finit par s'opposer à la fermen- tation, il vient un moment où on est forcé d'interrompre pour enlever ce résidu et vider entièrement le vaisseau. On ne doit enlever du vinaigre dans les ton- neaux, à l’époque fixée ci-dessus, que lorsque l’acétification a marché régulièrement, ce qu'on reconnait à quelques signes particu- hers. Ainsi, on plonge dans la liqueur un bâton blanc, recourbé à une extrémité, et on le retire horizontalement ; s’il se trouve chargé d'une écume blanche, épaisse , à laquelle on donne le nom de travail, l'opération est ter- cHAP. 11°. minée; maîs si le travail, au lieu d’être blanc et perlé, est rouge, les fabricans , qui se con- tentent de ce moyen imparfait , regardent l’a- cétification comme non achevée et cherchent à la faire marcher, soit en ajoutant de nouveau | vin, soit en augmentant la chaleur de l'atelier. | L'acétification ne marche pas toujours d'une manière régulière dans tous les tonneaux ni- dans toutes les parties de l'atelier, et elle présente quelquefois sous ce rapport des ano- malies singulières et dont il est difficile de se | rendre compte. Les moyens qu’on peut em- : ployer contre ces inconveniens sont de re-; nouveler plus souvent l'air de l'atelier, d’éle- ver sa température, de changer les tonneaux | de place, en mettant ceux qui sont paresseux | dans les endroits les plus chauds, de vider | entièrement ceux qui refusent de marcher et | de les remplir avec le meilleur vinaigre, etc. Quand le vinaigre a été soutiré, on le dépose dans des futaiiles pour le conserver et pour l'expédier; mais souvent , malgré les precau- tions qu’on a prises de tirer le vin à clair, le vi- paigre est encore trouble et a besoin lui-même d’être clarifié. On le filtre alors de la même manière que le vin. Les vins nouveaux sont moins propres que ceux qui sont plus âgés à être transformés en vinaigre; les premiers sont encore susceptibles d'éprouver un reste de fermentation spiri- tueuse qui empêche le développement de l’a- célificalion ; aussi les fabricans n’emploient-ils que des vins qui ont au moins une année. D’un autre côté, les vins trop vieux et dépouillés deviennent difficilement acides. Les vins fai- bles et pauvres en matières sucrées ne four- niraient pas des vinaigres assez forts; on peut leur ajouter de la mélasse, du sucre, du miel, de l’eau-de-vie, etc. Au contraire, plusieurs vins du midi de la France résisteraient pen- dant long-temps à l’acétification; il faut, avant de les verser dans les tonneaux, les étendre de plus ou moins d’eau chaude, dans laquelle on a délayé de la levure de bière, laisser la fer- meutlation alcoolique se développer, puis, quand elle est terminée, verser le liquide dans les tonneaux à vinaigre. La température la plus convenable pour con- vertir le vin ou les autres liquides alcooliques en Nipaïigre, par cette méthode, parait être celle des 30° C (24 à 25° R ). C’est au moins celle à laquelle travaillent ordinairement les vinaigriers d'Orléans, celle qui fait marcher rapidement l’acélification, tout en donnant du vinaigre aussi fort que les températures plus basses. La méthode ancienne de fabriquer le vinai- | gre est, comme on voit, assez lente, mais elle occasionne une déperdition peu importante en alcool par l’évaporation ; elle n’exige pas une température aussi élevée que la suivante | et par conséquent une consommation aussi considérable de combustible. On pourrait toutelois lui donner une marche plus rapide par des moyens simples, soit, par exemple, en exposant le liquide sur une plus grande surface au contact de l'air, en le divisaut dans un grand nombrede vaisseaux plus petits, en brisant plus souvent la pellicule que le ferment forme à sa surface, en opérant des transvasemens, en fai- sant couler de temps à autre le liquide en cas- cade, depuis les vases les plus élevés jusqu’aux MÉTHODES POUR LA FABRICATION DU VINAIGRE. 247 plus bas , et le remontant avec des pompes en poussant de l’air dans les tonneaux pour chas- ser l'acide carbonique et en combinant ces moyens avec une élévation de température, l'emploi d'un bon ferment, l’addition de li- queurs renfermant de lalcool, etc. $ II. — Méthode accélérée. A. Des tonneaux de graduation. On vient de voir que , par la méthode précé- dente, l’acetification dans les tonneaux, où l'air n’est en contact qu'avec la surface du liquide, n’est guère complète qu’au bout de plusieurs semaines. Cependant le rôle que Joue l’oxigène de l’air dans la transformation des liqueurs alcooliques en vinaigre devait faire présumer qu’on accélèrerait beaucoup l’o- pération en multipliant les points de contact entre ces liquides et l’air atmosphérique. C’est sur cette simple observation qu'est fondée la méthode accélérée de faire le vinaigre qui pa- rait être due à M. ScauzemBacx où à M. Din- GLER , et qui a fait depuis peu de grands pro- grès en Allemagne. D’après cette methode, l’acétification est complete au bout de 3 jours et peut même s’operer en 20 heures. Cette cé- lérité repose en grande partie sur la forme et les dispositions des vaisseaux qu’on emploie et dont voici la description. Un poingçon ou tonneau À A (fig. 252) de 2 mè- Fig. 252. tres de hauteur, un mètre de diamètre et pou- vant contenir 14à 15 hectolitres, est surmonté d'un couvercle B, qui ferme exactement, mais qu’on peut enlever à volonté. Ce tonneau est en chêne et fortement cerclé en fer. À un demi pied du haut il est muni intérieurement d’un cercle très fort en chêne ou en hêtre qui porte un done mobile C. L'espace au-dessous de ce tond est destiné à l’acétification du liquide, et pour que celui-ci soit le plus possible en con- 248 tact avec l’air atmosphérique, on a disposé l'appareil de la manière suivante. Le fond mo- bile C est percé comme un crible de trous de 3 à4millimetres de diamètre et distans les uns des autres de 35 à 40 mill. Dans chacun de ces trous est passée une ficelle DD de 16 à 17 cent. de longueur, qui pend dans l’intérieur du ton- neau et est retenue par le haut à la surface supérieure du fond au moyen d’un nœud. Ce uœud doit être d’une grosseur telle. qu'il per- mette seulement à un liquide versé sur le fond de s’écouler goutte à goutte, et pour empé- cher linfiltrauon sur les bords du cercle in- térieur, on garnit et on bourre les jours ou fentes avec du coton, de l’étoupe ou du vieux linge. L'espace inférieur du 1onneau esi pres- que entièrement rempli de copeaux minces de hêtre rouge, bien sains, tasses et non foulés. Le liquide qui filtre le long des ficelles tombe goutte à goutte sur ces copeaux, coule sur eux avec lenieur et arrive au fond du tonneau ou il se rassemble. Ces copeaux, avant d’être lacés dans le tonneau, ont été échaudes à l’eau ouillante, séchés, puis arrosés a piusieurs reprises avec de bon vinaigre chaud. Pour le renouvellement continuel de l’air, ce vase est percé, à environ 30 à 35 cent. de son fond in- férieur, de 8 trous II, également espacés, de 16 à 18 millim. de diamètre, percés dans une direction plougeant vers l’intérieur e1 par les- quels l'air penètre, sans que le liquide qui coule le long des parois intérieures puisse s’é- chapper au dehors. Pour aue l’air depouillé de son oxigène, par suite de la formation de l'acide acétique, puisse ètre porté au dehors de l'appareil, il y a dans le fond percé 4 grandes ouvertures pratiquees a des distances egales entire elles et dont la surface totale est un peu moindre que celle des 8 trous II pratiqués près du fond du tonneau. Sur ces ouvertures sont établis des tubes en verre FF qui s'élèvent de quelques cent. au-dessus du fond,afin que les premières ne laissent pas écouler le liquide qu'on verse sur celui-ci. C’est par ces ouver- tures tubulées que l’air chargé d'acide carbo- nique s'échappe. et afin d'en favoriser l’expul- sion au dehors, on.perce dans le couvercie B une autre ouverture G, de 60 à 65 millim. de diamètre, qui sert en même temps, au moyen d'unentonnoir,àremplir denouveau deliquide après que celui versé précédemment a filtré de la première capacité du tonneau dans la seconde et s’est rassemblé dans la partie infé- rieure. Pour être à même de connaître la tempéra- ture à l’intérieur de l'appareil, on a percé dans les parois, vers le milieu, un trou incliné, de dehors en dedans , et fermé par un bouchon dans lequel glisse un thermomètre. Pendant le travail, la boule et une grande partie de l'échelle de ce thermomètre sont pousses à l'intérieur. Enfin, pour faire écouler le liquide qui se rassemble au fond dû tonneau et avant qu’il ait atteint les trous IT qui renouvellent l’air, on perce un peu au-dessus de ce fond une ou- verture qui reçoit un bouchon au travers du- guel passe un tube de verre en forme de sy- phon H. et disposé de telle façon que sa cour- bure n'atteint pas tout-à-fait les trous I et que l'ouverture de sa branche la plus courte se ‘ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINAIGRES. LIV. IV. trouve à environ 8 centim. au-dessous du plan des trous. Le liquide qui s'écoule lentement par le sy- phon est reçu dans un tonnelet T, et letonneau lui-même est établi sur un bâtis en bois ou un petit massif en maçonnerie M, de 30 à 40 cent. de hauteur. Un vaisseau ainsi établi s’ap- pelle un tonneau de graduation. B. Manière de faire usage des tonneaux de graduation. Quand on a établi son tonneau de gra- duation comme nous l’avons enseigné ci-des- sus. on le met en activité de la manière sui- vante. D'abord on chauffe la vinaigrerie à 40 ou à 45°C (32 à 35° R), jusqu’à ce que le thermo- mètre du tonneau de graduation marque au moins 25° € (20° R ,. On laisse alors tomber le feu, et, par l’ouverture G du couvercle, on verse un mélange, à la température de 62 à 63° C(50R ), de 8 parties d'eau-de-vie, 25 d’eau de pluie ou de rivière, 15 de bon vinaigre et autant de bonne bière blanche bien claire. IL faut avoir l’attention de ne chauffer que l’eau ou tout au plus l’eau et le vinaigre. et d'y ajou- ter la bière et l’eau-de-vre froides. On ne verse de ce mélange que ce qui est necessaire pour en couvrir de 6 à 8 centimetres le fond percé, et on ajoute peu à peu le reste à mesure que le liquide s'écoule dans la partie inférieure du tonneau. On ranime alors le feuet on en- tretient pendant toute l'opération une tempé- rature de 40° C. Le liquide qui a traversé une 1° fois le ton- neau de graduation n’est pas encore complè- tement acidifie et ne forme guère qu'un vinai- gre faible, qui se rassemble dans le tonneau T, où il doit être repris pour être repassé une 2e et même une 3° fois, jusqu'à ce que tout son alcool soit converti en vinaigre. Plus il con- tient d’alcool et plus cette conversion est lon- gue et difficile, mais aussi plus le vinaigre sera fort. Pour la hâter, on ferait bien de ne pas méler la 1 fois toute l’eau-de-vie au mé- lange, mais de l’ajouter à mesure qu’on re- passe une 2° ou 3‘ fois, surtout si on veui pré- parer de très fort vinaigre. Quand on a fait usage de l'appareil pendant plusieurs jours, il n’est plus nécessaire d'ajouter du vinaigre et de labièreau mélange d'eau-de-vie et d’eau , parce que les parois du tonneau, les copeaux qu'il renferme et les ficelles, sont couverts ou saturés d'acide acétique et en tien nent lieu, toutefois, il faut toujours avoir la précaution d'élever jusqu’à 40 à 45° C la tem- perature du liqude qu'on y verse. Lorsque l’acétification du liquide est ter- minée et qu'il est convertien vinaigre, on re- cueille celui-ci dans le tonnelet et on le verse dans des futailles pour le conserver à la cave ou l’expédier. 1 4 On a particulièrement reproché à la mé- thode accélérée d’occasionner une évaporation de la partie alcoolique du mélange acidifiable. En effet, comme il règne toujours dans Île tonneau de graduation une température de 40 à 45° C, il est impossible, surtout avec le renouvellement continuel de l'air, qu'il ne s'échappe pas en vapeur une partie de l'alcool. Il serait facile d'obvier à cet inconvénient en cHapP. 1i°. faisant traverser à l'air qui s’échappe par lou- verture du couvercle un tube réfrigérant con- venablement refroidi, qui condenserait toutes les vapeurs alcooliques; d’ailleurs, il ne parait pas que cette évaporation, par suite de la prompte conversion des liquides en vinaigre, soit aussi considérable qu'on l'avait annoncé. Seulement nous recommandons d'entretenir un courant d'air dans l'atelier ou de diriger au dehors l'air qui se dégage des tubes de verre, et qui a perdu une si grande quantité de son oxigène qu'il éteint les bougies et pour- rait devenir dangereux s’il était respiré par ceux qui conduisent les travaux. Pour éviter la perte de temps et les frais qui résultent de la nécessité où l’on est d'élever la température du mélange, on peut établir au-dessus du tonneau de graduation un autre tonnelet muni d’un robinet et disposé de telle facon que le liquide qu’il contient coule direc- tement dans le tonneau; comme ce petit vais- seau se trouve continuellement plongé dans les couches d’air les plus chaudes de l'atelier, ce mélange acquiert promptement la tempé- rature voulue, sans qu’il soit besoin d’em- ployer pour cela du combustible. On pourrait même établir 2 tonnelets et remonter dans l’un le liquide qui a déjà passé à travers le tonneau, tandis que le mélange qu'il faut aci- difier coulerait encore dans le tonneau par le robinet de l’autre. Ce dernier, avant d’être vide, donnerait au premier le temps de s’é- chauffer et de porter le liquide qu’il contient à la température voulue, ce qui établirait une sorte d'opération continue. Quand on ne fait usage pour le mélange que d’eau et d’eau-de-vie, sans addition de matières sucrées ou mucilagineuses, le vinai- gre qu'on obtient dans le tonnelet inférieur est parfaitement clair et propre à être employé aux usages domestiques; mais quand on em- ploie la bière, le moût de cidre, de poiré ou d'eau-de-vie de grain, etc., en un mot, tous les liquides qui contiennent des parties muci- lagineuses et étrangères, le vinaigre recueilli dans le tonnelet est louche et doit être déposé dans un vaisseau à clarifier, placé dans un cel- lier ou mieux dans une chambre, d’une tem- pérature modérée, attenant à l'atelier. Ce vais- seau est une cuve ou un tonneau debout et défoncé par une extrémité, et, comme le ton- neau de graduation, rempli de copeaux de hêtre. En 2 ou 3 jours le vinaigre a déposé sur les copeaux les matières étrangères qw’il con- tenait et peut être soutiré. Ordinairement le vinaigre qui sort des ton- neaux de graduation est limpide et incolore. On peut le colorer en jaune avec un peu de caramel, ou en rouge avec les baies de l’airelle MÉTHODES POUR LA FABRICATION DU VINAIGRE. Tr , 249 myrtille (vaccinium myrtillus, L.). Quand on veut lui donner la saveur particulière au vi- naigre de vin, on dissout à peu près 250 gram. de tartre et 500 gram. de sucre dans 100 litres de vinaigre. Dans les ménages où l’on trouverait trop coûteux l'établissement d’un tonneau de gra- duation, on peut, avec un ou deux tonneaux défoncés, établir à peu de frais un ‘appareil de ce genre qui fonctionne très bien. Le docteur KASTNER, qui a étudié avec soin la fabrication accélérée du vinaigre, fait usage de 2 tonneaux de graduation marqués n° 1 et n° 2 et emploie, pour former le liquide acidi- fiable, les 3 mélanges suivans : 1° dans un grand tonneau on verse 4 parties en volume d’eau-de-vie, marquant à 15° du thermomètre centigrade, 65° à l’alcoomètre de M. Gay-Lus- sac ou 24° à l’aréomètre de CARTIER ( pesan- teur spécifique 0,907), et 3 parties de vin de malt (1) qu'on brasse bien ensemble; 2° deux parties du mélange précédent et 2 parties d’eau de pluie ou de rivière douce et pure: 3° deux parties du 1 mélange et 8 1/2 parties de vinaigre. On conduit ensuite l’opération de la manière ci-après. On verse avec précaution dans chacun des 2 tonneaux de graduation, par l'ouverture du couvercle, une quantité du 3° mélange suffi- sante pour couvrir le fond percé. La tempé- rature de la vinaigrerie étant à 40° C, ce mé- lange filtre lentement à travers les ficelles et les copeaux, et se rassemble enfin dans le ton- nelet où, après une heure, il y a déjà 10 à 12 litres de liquide aigre. Si ce liquide n’est pas suffisamment acidifié, on le chauffe et on le verse de nouveau dans le tonneau, en répétant l'opération jusqu'à ce qu'il soit converti en bon vinaigre. Parvenu à ce point dans les 2 tonneaux, le procédé se modifie ainsi : on verse, au lieu du 3° mélange, dans le ton- neau n° 1, une quantité équivalente du 2° mé- lange, et, quand celle-ci s’est rassemblee dans le tonnelet, on la reprend et on la verse non plus dans le tonneau n° 1, mais dans le n° 2; dans le 1* on ajoute une nouvelle quantité du 2° mélange. Le liquide qui coule dans le ton- nelet du tonneau n° 2 est maintenant converti en vinaigre et peut être transvasé dans les ton- neaux où on le conserve ; mais si son acétifi- cation n’était pas complète, il faudrait le faire repasser, d’abord par le n°1, puis par le n° 2. De cette manière les 2 tonneaux de graduation sont toujours en activité et transforment or- dinairement, quand l’opération est bien con- duite, en 17 heures de temps, c’est-à-dire de- puis 5 heures du matin jusqu’à 10 heures du soir environ, 80 ou 85 litres des mélanges en bon vinaigre. Avec 10 tonneaux de graduation (1) Pour préparer ce vin de malt M. Kasrner indique le procédé suivant. On mout grossièrement ensemble 40 kilog. de malt d’orge séché à l'air, dont nous enseignons la préparation dans le chapitre de la fabrication de la bière, et 30 kilog. de malt de froment également desséché. On en fait une pâte avec 1 bectolitreet demi ou 2 hectolitres d'eau chaude à 50° C ; puison déméle la masse pâteuse dans 4 hectol, d’eau bouillante en brassant le tout jusqu’à ce qu'il ne reste plus le moindre grumeau On laisse alors reposer pendant 3 à 4 heures dans une cuve couverle, puis on soutire le moût sucré, et lorsqu'il est refroidi à 47 ou 48° (14° R), on y jette 7 kilog. de bonne levure de bière qu’on mèle exactement, et on abandonne le mélange à la fermentation alcoolique pen- dant 2 ou 3 jours ou plus, suivant la température extérieure, Quand elle est terminée, la liqueur fermentée est soutirée par un robinet placé à quelques pouces du fond de la cuve et est exempte par conséquent de la lie qui couvre le fond ou de la levure qui surnage, Ce vin peut être conservé long-temps en cet élat dans des vais- seaux fermés. AGR. T. JII.— 32. 250 ainsi conduits on pourrait en 24 heures fabri- quer 6 à 7 hectolitres de vinaigre. $ LIT. — Méthodes diverses de fabrication. Les pays du Nord qui ne produisent pas de vin, ou qui ne recuelllent que des vins peu riches en alcool, fabriquent du vinaigre par le procédé suivant. On étend 140 litres de bonne eau-de-vie de 11 à 12 hectol. d’eau bien pure. Le ferment, ou mère du vinaigre, con- siste en un demi-kilog. de levure, 28 à 30 litres de vinaigre, 14 kilog. de miel et 3 kilog. de tartre égrugé, mélange qu’on maintient pen- dant quelques jours à une douce température en le remuant avec soin, puis qu'on ajoute au liquide ci-dessus en brassant la liqueur en tous sens. Celle-ci est alors abandonnée dans des tonntaux à l’acétification qui commence au‘bout de 2 ou 3 jours et est achevée après 2 ou 3 semaines, plus ou moins, suivant la température du lieu où est déposé le liquide. Le dépôt qui reste, après qu'on a fait écouler le vinaigre, mêlé à du miel et à du tartre, sert de nouveau de mère. Le vinaigre ainsi obtenu approche assez de celui qu’on prépare avec le vin. On prépare aussi du vinaigre de cette ma- nière, en étendant d’eau l’eau-de-vie jusqu’à ce que le mélange n’en contienne plus que 6 p- 0/0, et en y ajoutant par hectolitre de liquide 30 litres de vinaigre chaud, très fort, et 1 à 1 et 1/2 kilog. de sirop de sucre. On remplit de ce liquide de petits vases dans lesquels l’a- cétification s’accomplit au bout de 5 à 6 se- maines. Pour les besoins des ménages on peut pré- parer du vinaigre en prenant 1 1/2 litre d’eau-de-vie, 14 à 16 litres d’eau, 70 gram. de tartre, 200 gram. de sucre et 100 gram. de levain, qu'on mêle bien, puis qu’on aban- donne dans des cruches dans un lieu dont la température est assez élevée. Quand le vinai- gre est fait on soutire, on clarifie avec de la poudre de charbon ou des blancs d'œufs, et on conserve pour l’usage. Nous ferons observer ici qu'avant d’em- ployer l’eau-de-vie à la fabrication du vinaigre on doit la débarrasser du goût de brülé et d'empyreume qu’elle possède quelquefois, et surtout qu’il faut lui enlever cette saveur dé- sagréable que possèdent toujours les eaux- de-vie de marc et de grain, et qui donnerait au vinaigre un goût peu flatieur. Il en est de même hand on fait usage pour cette fabri- cation des peliles eaux, où eau-de-vie qui dis- ülle larr'et qui n'a ni un goût ni une saveur agréables. Celles employées à faire du vinai- gre doivent au moins marquer 10° à l’alcoo- mètre de M. Gay-Lussac, et suivant WeEs- TRUMB 150 litres de ce liquide ajoutés à 2 kilog. de levure, 4 kilog. de sucre brut ou de miel, et 4 à 5 kilog. de tartre, donnent par le pro- cédé ci-dessus un assez bon vinaigre. Dans tout le midi de la France les agricul- teurs, les propriétaires de vignes, ainsi que tous ceux qui ont des caves, ont plusieurs ba- rils d'environ 80 à 100 litres, dans lesquels ils versent les lies des vins qu'ils ont laissé dé- pes ils y ajoutent les restes des vins de outeilles, celles qui ont tourné à l’aigre, en ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINAIGRES. oo oo LIV. IV. un mot tous les vins impropres à la boisson. On soutire le vinaigre toutes les fois qu’on en a besoin, et on remplace par une même quan- üté de liqueur spiritueuse. : Dans les pays du Nord on prépare dans les campagnes des vinaigres de bière dans de petits tonneaux de bois munis d’un couvercle luté. En exposant la bière contenue dans ce tonneau à l’action de la chaleur, par exemple sur un poêle, la formation du vinaigre est terminée en 15 Jours. L’air pénètre à travers les pores et les jJointures du bois pour déter- miner l’acétification, tandis que l’évaporation est considérablement diminuée par cette dis- position. Pour préparer le vinaigre de marc de raisin, de cidre ou de poiré, on délaye le marc qui a déja passé au pressoir avec de l’eau chaude, et on abandonne le liquide à la fermentation alcoo- lique. Aussitôt que celle-ci est terminée, on transporte la liqueur dans les tonneaux à vi- naigre, où dans ceux de graduation, en y ajoutant de la mère de vinaigre pour détermi- ner l’acétification rapide. On emploie aussi souvent au même usage le moût de cidre ou de poiré fait avec des fruits non mûrs, tombés ou à moitié pourris, ou même des moûts de bonne qualité préparés comme nous le dirons lus bas en décrivant la fabrication de ces PR Seulement il faut observer que le vinaigre de pommes ou de poiré, contenant beaucoup de mucilage, passe facilement à la fermentation putride si on n’a pas le soin de le filtrer sur des copeaux de hêtre. On peut aussi, pour éviter cette décomposition et lui donner de la force, ajouter un peu d’eau-de- vie à la liqueur qui sert à le préparer. Les fruits sauvages, tels que ceux de Fa- relle myrtille (vaccinium myrtillus, L.), de Ja ronce des haies ou frutescente (rubus frulico- sus, L.), du sorbier des oiseaux (sorbus aucu- paria, L.), du sorbier domestique ou cormier (sorbus domestica, L.), et les groseilles, les mûres, etc., peuvent fournir aussi du vinaigre après qu’on a soumis le jus qu’on en retire à la fermentation alcoolique. Quand on veut préparer du vinaigre avec du sucre, du miel, de la mélasse, des raisins secs, il faut les dissoudre ou les faire macérer dans une suffisante quantité d’eau, ajouter au li- quide de la levure de bière, et abandonner le tout à la fermentation alcoolique dans un lieu chaud. Cette fermentation terminée, on traite la liqueur comme nous l'avons enseigné plus haut. L’addition d’un peu de tartre donne au vinaigre obtenu le goût de vinaigre de vin, et celle de quelques cuillerées de caramel], de la couleur. L M. DoŒEBEREINER a donné la recette suivante pour préparer un bon vinaigre avec le sucre. Dans 180 litres d’eau bouillante on dissout 5 kilog. de sucre en poudre et 3 kilog. de tartre; le liquide est versé dans une cuve à férmentation , et quandil s’est refroidi jusqu’à 25 ou 30° C, on y ajoute 4 litres 1/2 de levure de bière blanche. On brasse bien la masse, on recouvre la cuve légèrement, on l’aban- donne, et lorsqu’au bout de 6 à 8 jours, par une température de 20 à 25° C, la fermenta- tion est terminée et que le liquide s’est éclairci, on le soutire et on le transforme en cap. 11°. vinaigre dans les tonneaux ordinaires ou dans ceux de graduation, en y ajoutant réalable- ment 12 à 15 litres de bonue eau-de-vie, et, uand les tonneaux sont neufs, 16 à 17 litres + fort vinaigre pour développer Facétifi- cation. Toutes les substances amilacées , c’est-à-dire ui contiennent de l'amidon, telles que les arines de froment, d'orge, d'avoine, sont susceptibles, comme nous l'avons dit (t. II, age 224) et comme nous le verrons encore à Portice qui traitera de la fabrication de la bière, d'éprouver , au moyen de certains pro- cédés, la fermentation alcoolique. Il en est de même de la pulpe de pommes de terre qu'on peut saccharifier et faire fermenter, comme nous l’enseignerons au chapitre qui traite des fécules et de l’amidon. Une fois la fermenta- tion alcoolique de ces substances terminée, on en sépare la levure en les soutirant et on conserve jusqu'à clarification complète. Le liquide étant clair, on y ajoute 10 à 15 p. 070 de vinaigre bouillant et on le traite comme nous avons enseigné dans cet article. Quand l’acétification est terminée, on tire le vinaigre à clair et au moyen de la colle de poisson, ou par l'addition d’eau-de-vie, ou en le faisant encore une fois bouillir, on le dépouille de toutes les parties albumineuses où mucilagi- peuses qui s’y trouvaient suspendues, et enfin on y ajoute une certaine quantité de tartre. En Allemagne, où l’on prépare beaucoup ces sortes de vinaigres , ainsi que des vinaigres de bière, on compte que 50 kilog. de malt d'orge, ou bien 40 kilog. de malt de froment, unis à 20 d'orge, donnent 2 1f2 à 3 hectol. de vinaigre, et qu’il faut 1 hectol. 30 de pommes de terre pour en obtenir la même quantité de vinaigre au même degré de force. Quand on distille le bois en vases clos, et même quand on emploie le mode ordinaire de carbonisation du bois, on recueille une liqueur brun-foncé et infecte qui se compose d'eau, d'acide acétique en quantité quelque- fois considérable, d'huiles pyrogénées, et d’un liquide volatil particulier. La liqueur ainsi ob- tenue est appelée acide pyroligneux. On a cherché à obtenir à l’état de pureté l'acide qu'elle contient, soit pour s’en servir à la pré- paration de certains sels employés dans les arts , soit pour remplacer le vinaigre dans les usages domestiques. Il est facile d'obtenir l’a- cide à un état de pureté tel qu’on puisse s’en servir dans les arts, mais pour qu’on puisse en faire usage das la préparation des alimens, il a LA LEE le soumettre à des opérations très dispendieuses qui en ont beaucoup élevé le prix, ce qui nous dispense d'entrer à cet égard dans plus de détails. Nous ajouterons seulement que l'acide purifié et suffisam- ment étendu a une saveur plus forte que le vinaigre obtenu par la fermentation, même quand ils contiennent tous deux la même quantité d’acide réel , ce qui tient à ce que le vinaigre ordinaire renferme plusieurs corps organiques combinés avec l’acide, qui, sans nuire à ses qualités, diminue l’inteusité de sa saveur. D'ailleurs, l’acide purifié est dépourvu de l'odeur suave et de la saveur franche et particulière du vinaigre de vin, malgré les MÉTHODÉS POUR LA FABRICATION DU VINAIGRE. 251 substances qu’on y ajoute pour imiter ce- lui-ci. Le vinaigre de vin est employé très fréquem- ment à la préparation de nos alimens; sou- vent on le combine pour cet objet avec diffé- rentes substances plus sapides et aromatiques- Il entre aussi dans une foule de préparation. usitées pour la toilette ou employées dans la médecine, mais ces combinaisons ou prépara- tions sont du ressort du vinaigrier-moutar- dier, du parfumeur et du pharmacien, et il est inutile par conséquent de nous en occu- per. SEctioN III. — Mesure de la concentration des vinaigres. Nous avons dit au commencement de ce chapitre que le vinaigre devait son acidité à de l’acide acétique. Cet acide pur peut être obtenu par la distillation de différens acétates ou sels composés d’une base et d'acide acé- tique, ou par la distillation sèche du bois. En cel état il est incolore; mais il ne possède plus l'odeur suave, la saveur pure et fraiche du bon vinaigre, qui doit en partie ses qualités aux substances qu’il contient en dissolution, et, suivant M. BERZÉLIUS, à un peu d’éther acétique et à un corps volatil particulier qui lui donne le goùût particulier qui le dis- lingue. Néanmoins, la quantité d’acide acétique que contient le vinaigre ou son degré de concen- tration servant en grande partie à fixer la va- leur vénale de ce liquide, il est important de savoir la mesurer. La densité de l'acide RESIARE n'étant pas beaucoup supérieure à celle de l’eau, il fau- drait des instrumens bien délicats pour s’as- surer avec exactitude de sa pesanteur spé- cifique. On voit ainsi que les aréomètres ordinaires sont peu propres à mesurer la con- centration des vinaigres. Bien plus, M. MoL- LERAT a démontré que la densité de cet acide n'était pas une preuve de sa force; que lors- qu'il était concentré et qu'on y ajoutait de l’eau, cette densité allait en croissant, mais que, passé un certain terme, l’eau qu'on y ajoutait diminuait sa pesanteur spécifique. Enfin, les corps dissous dans le vinaigre, qui diffèrent par leur nature et leur quantité sui- vant les matières dont on le fabrique, con- tribuent à augmenter sa pesanteur spécifique et à rendre erronées les indications des acéto- mètres, tels que celui des Anglais et celui que les marchands de vinaigre de Paris emploient pour connaître le degré de concentration de ce liquide. Pour parvenir à des résultats plus exacts, on a donc été obligé d’avoir recours à d'autres méthodes d'essai, et la saturation de l'acide ar des bases a paru propre à parvenir à ce Put. J. et Cu. TayLor ont proposé de neu- traliser l'acide acétique par la chaux éteinte, d’autres par le carbonate de potasse ou de soude, DescrorziLLes par la soude causti- que, etc. La 1 méthode n’a pas été sanc- tiounée par l'expérience; quant à la seconde, elle présente des difficultés, et il n’est pas fa- cile de déterminer avec exactitude combien il faut de carbonate de potasse ou de soude pour saturer une quantité donnée de vinaigre. En- 252 fin, dans la 3e, la liqueur d’épreuve est diffi- cile à préparer et à conserver. La manière la plus simple de mesurer la concentration des vinaigres consiste à se ser- vir d'ammoniaque caustique d’une densité ou d'un titre connu, et c’est là-dessus qu'est fondé l’acétimètre de M.-F.-J. Orro, dont voici Ja description. Un tube (fig. 253) fermé par un bout, de Fig. 253. 32 cent. de longueur et 13 à 14 mil- lim. de diamètre, porte, près de sa partie inférieure, un trait de lime À, niveau auquel s'élève à la tempéra- ture de15°C (12°R) un gramme d’eau distillée. L'espace entre À et0 con- tient 10 gram. de la même eau à cette température; de B en C, de C en D, et ainsi de suite, le tube est partagé en parties égales subdivi- sées elles-mêmes en plus petites. Les 1 peuvent contenir chacune 2,080 gram. d’eau où 2,070 gram. d'ammoniaque liquide, contenant 1,369 p. 0/0 Re UE Cette quantité de 2,070 gram. de liqueur ammoniacale, à ce titre, est suffisante pour saturer un décigramme d’acide acétique hydraté. Comme les divi- sions , à partir de C répondent à des centièmes, on peut les désigner aussi par les chiffres 1, 2, 3, etc. Voici la manière de se servir de l'instrument. On verse dans le tube jusqu'en À une teinture bleue de tournesol faite pour cet objet avec un gram. de tournesol en pain et 4 gram. d’eau, puis on ajoute jusqu’en B le vinaigre à essayer, dont il faut environ 10 gram. Toute la liqueur du tube devient aussitôt rouge. Maintenant on prend la liqueur ammoniacale d’épreuve au titre annoncé ci-dessus, et on la verse par partie, avec précaution, en se- couant chaque fois et en fermant l’extrémite du tube avec le doigt. On continue ainsi len- tement jusqu’à ce que la teinture bleue de tournesol soit rétablie. La hauteur du mé- lange liquide dans le tube donne en centièmes le degré acidimétrique du vinaigre. Par exem- ple, si la liqueur s'élevait jusqu’en I, le vi- naigre essayé contiendrait 4 1/2 p. 0/0 d'acide acétique. L'avantage de cette méthode est qu’elle peut être exécutée par tout le monde , en peu d’in- stans et sans beaucoup de connaissances préala- bles. D'ailleurs, il est facile de se procurer toujours de la liqueur d’épreuve au même ti- tre, puisque la quantité absolue d’ammoniaque qu’elle renferme s’apprécie très exactement au moyen du poids spécifique. On n'obtient pas, il est vrai, ainsi une exactitude rigoureuse, mais le procédé est bien suffisant dans la pra- tique et donne de meilleurs résultats que tous ceux proposés jusqu'à ce jour, surtout quand il s’agit de vinaigre d’eau-de-vie et de tous ceux qui sont dépouillés de matières mucila- gineuses. Pour que les praticiens puissent facilement eux-mêmes titrer leurs liqueurs d’épreuve, M. Orro , d’après des essais qui lui sont pro- pres, a dressé la table suivante des quantités d’eau qu’il faut ajouter à une liqueur ammo- Le] GE CCC ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES VINAIGRES. LIV. IV. niacale d’une densité quelconque pour l’ame- ner à contenir 1,369 p. 0/0 d’ammoniaque. | QUANTITÉS LIQUEUR AMMONIACALE. qu'il faut prendre pour | RS 2 —_. |former uneliqueur d'épreuve contenant | Contenant en | d'une pesan- || 1,569 p. 0/0 d'ammoniaque. | ammoniaque teur nent UN. | (dans 100 part. | spécifique de de la liqueur | d'eau | ammoniacale. distillée, RE LA En 12,009 0,9517 114,08 886,02 | 11,875 0,9521 115,3 854,7 11,750 0,9526 116,5 883,5 | 11,625 0,9551 117,8 882,2 | 11,500 0,9536 119,0 881,0 1.119245 0,9549 120,0 880,0 | 11,250 0,9545 121,7 878,3 | 11,125 0,9550 123,0 877,0 11,000 0,9555 124,5 875,5 19,954 0,9556 125,0 875,0 10,875 06,9559 126,0 874,0 10,750 0,9564 127,3 872,7 10,625 0,9569 129,0 871,0 10,500 0,9574 130,4 869,6 10,375 0,9578 132,0 868,0 10,250 0,9583 133,5 866,5 10,125 0,9588 135,0 865,0 10,000 0,9593 137,0 863,0 9,875 0,9597 138,0 861,4 9,750 0,9602 140,4 859,6 9,625 0,9607 142,2 857,8 9,500 0,9612 144,0 856,0 9,375 0,9616 146,0 854,0 9,250 0,9621 148,0 852,0 9,125 0,9626 150,0 850,0 9,000 0,9631 152,0 848,0 8,875 0,9636 154,0 846,0 8,750 0,9641 156,4 843,6 8,625 0,9645 158.7 841,3 8,500 0,9650 161,0 839,0 8,373 0,9654 163,5 836,5 8,250 0,9659 166,0 834,0 8,125 0,9664 168,5 831,5 8,000 0,9669 171,0 829,0 7,875 0,9673 173,8 826,2 | 7,750 0,9678 176,6 823,4 7,625 0,9683 179,5 820,5 7,900 0,9688 182,5 817,9 7,315 0,9692 185,6 814,4 7,250 0,9697 188,8 811,2 7,125 0,9702 192,0 808,9 7,000 0,9707 195,6 804,4 6,875 0,9711 199,0 801,0 6,750 0,9716 202,8 797,2 6,625 0,9721 206,6 793,4 6,500 0,9726 210,6 789,4 6,375 | 0,9730 214,7 785.3 6,250 | :0:9735 219,0 781,0 6,125 0,9740 223,9 776,5 6,000 0,9745 228,0 772,0 5,875 0,9749 233,0 767,0 5,750 0,9754 238 0 762,0 5,625 0,9759 243,4 756,6 5,500 0,9764 249,0 751,0 5,379 0,9768 254,7 745,3 5,250 0,9773 260,8 739,2 5,125 0,9778 267,0 733,0 0,9783 273,8 726,2 CHAP. fie, On fait usage de cette table de la manière suivante. On prend avec un aréomètre , à ja température de 13° R, la pesanteur spécifique de l'ammoniaque liquide dont on peut dispo- ser. Supposons qu'on la trouve de 0,9650; en cherchant ce nombre dans la 2° colonne de la table , on voit vis-à-vis, dans la fre colonne, le nombre 8,5, qui indique la quantité absolue d'ammoniaque contenue dans 100 parties de ce liquide. Maintenant pour en faire de la li- queur d’épreuve, la 3° et la 4° colonnes nous apprennent que, sur 1000 parties en poids, ou si on veut 1000 grammes, il faut prendre 161 parties ou grammes (3° colonne) de cet ammoniaque liquide et y ajouter 839 parties ou gram. (4° col.) d’eau distillée. Cette liqueur d’épreuve est alors versée dans des flacons qu'on conserve bien pleins et bien bouchés pour s’en servir au besoin, en exposant le moins possible au contact de l'air cette disso- lution ammoniacale. k Pour les vinaigres très faibles on réussit mieux en étendapt encore la liqueur d’épreuve avec son volume d’eau distillée. Alors, il faut prendre la moitié du résultat indiqué par l'in- strument pour le degré. acidimétrique du vi- naigre. Pour les vinaigres trop forts, au con- traire, il faut les étendre d’une fois leur volume d’eau , ce qui est facile avec linstru- ment , lequel porte en H une marque qui par- tage en 2 parties égales l’espace entre A et B; seulement , après l’épreuve 1l faut avoir soin de doubler le nombre donné par l'instrument pour avoir le véritable degré d’acidité du vi- naigre. Secrion IV.— Falsification et conservation des vinaigres. Les vinaigres sont quelquefois falsifiés, et ce sont ordinairement les acides minéraux, tels que le sulfurique, le nitrique ou l’hydrochlo- rique, qu'on choisit pour cette falsification. Quand on a le goût tant soit peu exercé, Il est assez facile de découvrir cette fraude , et d’ailleurs le vinaigre ainsi sophistiqué a une saveur àâpre et dure, et de plus attaque for- tement les dents, ce qui n’arrive Jamais avec le vinaigre pur et préparé convenablement. Il faut déjà posséder quelque habitude des manipulations chimiques pour constater la présence des acides minéraux dans le vinaigre et déterminer la quantité de ces acides qui a été ajoutée. Néanmoins, comme les indica- tions à l’aide desquelles on reconnaît leur pré- sence peuvent être encore utiles, nous allons, d'après M. BerzeLius , les faire connaître en peu de mots. « Pour constater la présence de l'acide sulfu- rique, on verse dans le vinaigre du nitrate de baryte qui forme avec l'acide sulfurique un précipité insoluble dans l'acide hydrochlori- que. — On reconnait la présence de l'acide nitrique en versant dans le vinaigre quelques MÉTHODE POUR LA FABRICATION DU VINAIGRE. 953 gouttes d’acide sulfo-indigotique, qui perd à l'instant même sa couleur bleue et passe au Jaune. — Enfin, si le vinaigre contient de l'a- cide hydrochlorique, le nitrate d'argent y fait naître un précipité insoluble dans l'acide nitrique. Il est bon d'ajouter que, dans les vi- naigres qui contiennent du tartre, le précipite produit par les sels de baryte et d'argent est soluble dans l'acide nitrique.—Suivant Kunx, tout vinaigre qui contient une quantité très petite d'acide minéral est troublé par une dissolution de tartrate d’antimoine et de po- tasse (tartre émétique). » Le vinaigre, apres qu'il a été tiré au clar, doit être conservé dans des vases propres, bien pleins et bouchés soigneusement, qu'on de- pose dans un lieu tranquille, obscur et frais. Lorsqu'il est en contact avec l'air, ils y forme des animaux infusoires connus sous le nom d'añguilles de vinaigre, et appelés par les natu- ralistes vibrion du vinaigre (vébrio aceti), et qui sont quelquefois assez gros pour être aperçus à la vue simple. Ces animaux pouvant faire corrompre le vinaigre, il faut les tuer en fai- sant passer ce liquide à travers un serpentin d'étain entouré d’eau élevée à la température de 90° ou 100°. Ces animalcules périssent par l'action de la chaleur; après quoi on filtre fe vinaigre pour le rendre limpide , et ils ne s'y montrent plus. Lorsqu'on opère en petit, on chauffe le vinaigre dans des cruches où dans des bouteilles qu'on place dans un vase plein d’eau, où on les laisse jusqu'à ce que cette eau entre en ébullition. Conservé dans des vases où il est en contact avec l'air qui peut se renouveler ou lorsqu'il est en vidange, le vinaigre perd de sa trarspa- rence , et peu à peuils’ y rassemble nne masse cohérente, gélatineuse et transparente, qui pa- rait glissante et gonflée quand on la touche, et que les fabricans désignent improprement sous le nom de mère du vinaigre. Elle est pro- duite aux dépens du vinaigre, et celui-ci s’af- faiblit d'autant plus qu'il se forme une quan- tité plus considérabie de cette substance. Celle-ci est en quelque sorte, suivant M. Ber- ZELIUS , le produit de la putréfaction du vinai- gre; elle ne prend pas naissance dans le vinaigre irès concentré, mais dans le vinaigre étendu , et elle se forme d’autant plus facilement que celui-ci est plus faible. On prévient la décom- position qui ne manque pas d’avoir lieu apres ce dépôt en filtrant le vinaigre à travers une chausse, ou mieux une couche un peu épaisse de poussier de charbon. Enfin le vinaigre bien préparé, contenant un peu d’éther acétique et un corps volatil parti- culier qui lui donnent en partie l’odeur et la saveur qui le font rechercher, il importe de lui conserver ces principes en ne l’exposant pas à une température élevée. à l’action de Ja lumière et au contact prolongé de l'air. FM CHAPITRE XII. — De la fabrication du cidre, poiré, cormé. Dans les pays où l’on ne fait pas usage de | ou des cormes ; mais dans les pays à cidre, les cidre, on comprend sous ce nom générique | propriétés bien différentes de ces trois espè- le jus fermenté extrait des pommes, des poires | ces de boissons forcent à les distinguer sous 254 les noms spéciaux de cidre, de poiré et de cor- mé, suivant qu'ils sont extraits, le premier des pommes seules, le 2° des poires et le 3° des cormes , quoique la plupart du temps ce der- nier soit un mélange de ces fruits et de poires. SecrTion Ir. — Considérations chimiques sur les cidres. Dans l’état actuel de la science, il serait dif- ficile de donner la composition exacte des dif- férentes espèces des cidres, et nous ne con- naissons point encore d'analyse complète de ces boissons. Cependant on sait que presque tous les cidres contiennent les mêmes princi- pes dont les proportions doivent varier, ce qui ue peut être douteux d’après la différence du goût et des propriétés de ces liquides dans tel ou tel état, et suivant qu'ils ont été fabriqués de telle ou telle manière et dans telle ou telle contrée. Quoi qu’il en soit , on peut affirmer que dans tous les cidres on retrouve : 1° du sucre en bien plus grande quantité, surtout quand ils sont doux, que dans les vins et les bières; 2° de l'alcool, dont la proportion à élé trouvée, par M. BRANDE, de 9,87 p. 0/0 en volume; 3 du mucilage ou matière gommeuse , dont la quantité varie pour ainsi dire avec cha- que espèce de cidre et en raison de son âge; 4° un principe extractif amer qui paraît résider principalement dans le tissu cellulaire et Pen- veloppe du fruit, principe qui détermine sou- vent dans certains cidres une saveur désagréa- ble; 5° une matière colorante particulière, abandonnée probablement par l'enveloppe et la ulpe, dont le jus ne peut être extrait sans que es fruits n’aientsubi une légère macération, et dont la couleur augmente en effet en raison de la prolongation de cette macération. Cet effet, du reste, a lieu pour les cidres comme pour les autres boissons, car tout le monde sait qu’on peut faire du vin blanc avec du raisin rouge en ne laissant pas macérer le jus sur le marc. Les cidres contiennent encore du gluten et de l’albumine végétale, que M. Prousr et M. Bé- RARD ont trouvé dans les pommes, principe nécessaire à la fermentation alcoolique; de l'acide malique ; du gaz acide carbonique, sur- tout dans les cidres mousseux, et enfin diverses substances salines et terreuses. A défaut d’une analyse positive des cidres, nous allons présenter ici le résultat de trois analyses comparatives des poires et pommes, faites il y a quelques années par M. BÉrARb. POMMES ET POIRES PRINCIPES. Müûres et fraiches, Conservées. Molles ou blettes, EEE Chlorophyle résinoïde| 0,08! 0,01 Sucre PIN | :6, 45 011552 Gomme, | NES 18,17] 02/07 Fibrevégétale M "10111 8,80| 2,19 Albumine végétale. .[ 0,08| 0,21 Acide malique . . 0,11| 0,08 Éhaux. :. . #00 03| 0,04| traces Dan... 00 MR ONMERSS | 85 88! 62:73 100,00! 100,00 En) ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES CIDRES. LIV. iv: Dans ces analyses, dans lesquelles les poires et les pommes sont considérées comme con- tenant exactement les mêmes élémens, M. BÉ- RARD parait avoir oublié de tenir compte du tannin ou de l'acide gallique , dont la présence se manifeste presque toujours, quand on coupe des pommes ou des poires, par la couleur noire que prend le couteau; et de l'acide pectique ainsi que du malatce de potasse, qui cependant entrent dans la composition de tous ces fruits, comme l’a fait remarquer M. BERZELIUS , et qui doivent tendre aussi à faire varier le goût des fruits et des cidres. D'un autre côté, les ré- sultats de ces analyses servent à démontrer que les fruits nouvellement cueillis ne sout pas dans une condition aussi favorable pour la fer- mentation que ceux qui ont ressués, c'est-à- dire qui ont été conservés quelque temps, et que les fruits mous, ou qui commencent par leur blessissement à toucher aux premiers de- grés de la décomposition putride, se trouvent, malgré le préjugé contraire des agriculteurs méme instruits des campagnes, être les moins propres à la fabrication des cidres, puisqu'ils perdent non-seulement 23 p. 0/0 de leurs élé- mens, mais encore plus de 2? p. 0/0 de ceux de ces élémens qui leur’ sont le plus utiles pour donner une marche régulière à la fermentation de leur jus. Cet effet paraît tenir à l’action de l'air sur les fruits; ceux-ci, en effet, étant composés d’un tissu cellulaire qui ne forme que 2 à 4 p. 0/0 de la masse, et renfermant un jus qui est une dissolution de gomme, de su- cre, d'acide malique et d’albumine , il en ré- sulte que, lorsque le fruit müûrit séparé du végétal auquel il tenait, le poids de son paren- chyme diminue, tandis que celui de la gomme et du sucre augmente, et que l’eau s’évaporant le jus se concentre; ce qui force le fruit à di- minuer de volume et à se rider. Il faut donc avant tout rejeter impitoyablement les fruits blets ou mous, et éviter autant que possible de s’en servir, tant par économie que dans le but d’avoir une bonne qualité de cidre. SecrTion II. — De la fabrication du cidre. $ Ier, — Récolte des fruits. La première chose à faire pour obtenir de bon cidre est de surveiller la récolte des fruits. Lorsque l'époque de la faire approche, il faut, à mesure que les fruits mürissent, empêcher les bestiaux d'aller sous les arbres; ces ani- maux, étant très friands de cette nourriture, mangent les fruits que les vers ou les vents ont fait tomber , ce qui ne laisse pas quelque- fois d’être une perte importante. Les cochons surtout recherchent ces fruits avec avidité, de même que les moutons, pour lesquels ils deviennent assez souvent un aliment dange- reux. Les grands quadrupèdes, tels que les bœufs , les vaches, les chevaux , les mulets et les ânes, augmentent encore la perle en s’a- dressant aux branches inférieures des arbres, qu'ils brisent en broutant les jeunes bour- geons et en arrachant les fruits qui ne veu- lent pas tomber. Il est donc essentiel, autant que possible, d’entourer tous les champs plan- tés d'arbres à cidre, de haies ou de fossés de défense. Au moyen de ces précautions, les fruits ar- cuap. 12, rivent peu à peu à leur maturité parfaite. On reconnait facilement cette maturité à l'odeur agréable, à la couleur à fonds jaunâtre, à la Ale spontanée des fruits, même par un temps calme, et aa beau noir de leurs pepins. Pendant {es deux mois qui précèdent cette maturité, qui arrive en seplembre, octobre ou novembre, suivant la plus ou moins grande précocilé des diverses variélés de fruits, il faut préalablement enlever chaque jour ceux qui sont tombés, afin qu’à l'instant de la récolte on ne trouve plus que des fruits sains sous les arbres. Cette récolte doit se faire par un temps secet par un beau soleil, depuis dix heures du ma- tin jusqu'à six heures du soir. Pour forcer les fruits à se détacher, un homme monte sur chaque arbre, s’avance avec précaution sur toutes les branches qui peuvent le supporter, et les secoue de toutes ses forces; mais comme les fruits les moins mürs, malgré cet ébranle- ment, restent fixés à leurs pédicules, on les en détache en frappant légèrement les bran- ches avec de grandes gaules de 12 à 15 pieds de longueur. Il faut prendre bien garde, sur- tout dans les mauvaises années, de ne pas frapper ces branches trop fortement, autre- ment on briserait les bourgeons de l’année suivante; on forcerait l'arbre, par cette taille factice, à pousser à bois, et l’on se priverait d'une abondante récolte de fruits, qui généra- lement, tous les 2 ou 3 ans, vient compenser la stérilité des années précédentes. Cette pré- caution de ne pas frapper trop fort avec ces saules a encore pour but de ne pas meurtrir les fruits; car cette meurtrissure, rompan! les cellules des tissus et réunissant le jus sur un seul point, y provoque une fermentation putride qui ne tarde pas à entrainer la pour- riture entière du fruit meurtri. Afin d'éviter plus efficacement le froissement obligé des fruits en tombant à terre, les théoriciens ont proposé d'étendre sous les arbres des nattes ou des draps ; malheureusement cet attirail complique le travail et élève beaucoup trop le prix de la main-d'œuvre pour qu'.I soit admis- sible, surtout quand il s’agit de dépouiller souvent un millier d'arbres qui, quoique proches les uns des autres, sont loin d’être également chargés de fruits. Ces fruits une fois à terre sont ramassés suivant leur espèce, sous chaque arbre, par des personnes qui les mettent au fur et à mesure dans des paniers , puis dans des sacs que l’on charge ensuite sur des chevaux, des ânes ou sur des charreltes , pour les transporter à la ferme, où ils sont vidés dans des greniers, ou mieux sous des hangars, dans des cases fer- mées seulement sur les côtés avec des plan- ches , et en tout semblables à celles que l’on fait dans les écuries pour placer les chevaux rétifs et méchans. Dans chacune de ces cases, donton peut augmenter ou diminuer à volonté les dimensions et le nombre, ou destineràtelle variété de fruits que l’on veut, on Jette ordinai- rement à part les pommes el poires tombées et journellement recueillies; puis après la récolte on met dans chacune des cases,également à part, les pommes aigres, les douces, les amères, les fruits précoces, ceux de maturité moyenne et les tardifs.ceux des terres fortesayant du fouds, ceux des terres fortes ayant peu de fonds, ceux FABRICATION DU CIDRE. 255 des vallées humides, ceux des terrains mar- neux où crayeux, et enfin ceux des cantons élevés. Les poires se divisent seulement en quelques groupes, savoir : les poires âcres, acides, améres et douces. Une fois les fruits mis ainsi dans leurs cases, sous le hangar, on les couvre de paille à l'approche des gelées, dont l’action les affadit et rendleur jus impro- pre à la fermentation alcoolique. Afin de permettre aux cultivateurs de re- gulariser leur récolte, nous donnerons ici l’é- poque de la maturité des espèces diverses de pommes, et nous dirons qu'en Normandie les espèces précoces où bonnes à recueillir en sep- tembre sont : lambrette, guillot-roger, lon- gue-quene, blanc-doux, blanchet, doux-de- la-lande , haze, gros-blanc, épicé, renouvelet, petit-ameret, belle-fille, petit-rethel, aumale, aufriel, girard , rouge-bruyère, musel , doux- vairet, doux-à-mouton, gay, cocherie, flagel- lée, castor, railé, louvière, moussette, l’ente- au-gros, papillon, groseiller, doux-agnel, queue-de-rat, berdouillère, janvier , gannel, Jaunet, douce-morelle, quatre-frères , peau- de-vache, peau-de-vieille, douce-morelle-d’au- male, grande-vallée, paradis,amer-doux-blanc, menuet, blanc-mollet, quenouillette, court- d'aleaume, greffe-de-monsieur, orpolin-jau- ne, fosse-varin,doucet-pomme-de-lièvre, doux- aux-vêques. — Les pommes de maturité moyenne ou bonnes à être cueillies en octobre sont : les binet, gros-doux, grosse-queue, avoine, blan- 8y, blagny, girouette, cimetière-de-blangy , étiolé-long-pommier , chargiot, verte-ente, clos-ente, douce-ente, fréchin , fréquin, frai- quet, petit-court, grande-sorte, bonne-sorte, saint-philbert, gros-amer, gros-amer-doux, belle-mauvaise, avocat, mouronnet, gros-bois, herouet , varelle, gros-écarlate, écarlate, dou- celle, gros-rouget, rouge-pottier, rouget, cu- noué, queue-nouée, ennouée, piquet, menuet, souci, chevalier, blanchette, jean-almi, turbet, becquet, gros-binin, gros-binet , gros-doux- moussette, amer-mousse, noron, cusset , roi, gallot, pépin-percé, pépin-doré, pépin-noir- dameret, cape, doux-ballon, épicé-moyen, doucet-doux-dagorie, feuilles-de-côte, hom- mel, colin-jean,colin-antoine,guibour, préaux, de-rivière, amer-doux-vert, barbarie, sauvage- acide, pomme-de-bois, boquet. — Les pommes tardives ou propres à être cueillies en novembre sont : haute-bouté, messire-jacques, alouette- rousse, alouette-blanche, bedane, bedengue, bec-d’angle, bouteille, petite-ente, duret, œil- de-bœuf, coqueret-vert, sauge, marin-onfroy, reboïs , germaine, jean-huré, sonnette, marie- picard, gros-charles, de-suie, adam, à-coup-ve- nant, tard-fleuri, boulmont, muscadet, rouge- mulot,saint-martin, doux-martin, sapin, gros- doux, sauvage-douce, notre-dame-sauvage, ca- mière, ros, prepelit,grimpe-en-haut, long-bois, haut-bois, menerbe, saux, petas, doux-bel- heure, reineltes, rousse, fossette, aufriche, cendres, massue, chenevière, orange, ozanne, belle-ozanne et varaville. — Dans ce catalogue nous avons placé divers noms pour des espè- ces analogues, afin qu'on pût toujours les re- connaître dans les pays où elles se rencon- trent, Cependant il y manque encore beaucoup de noms, chaque contrée s’eurichissant tous les ans de variétés nouvelles. 256 $ IL. — Qualité des cidres et choix des fruits. La qualité des cidres dépend beaucoup du système généralement suivi dans leur fabri- cation, et est surtout, comme celle des vins, essentiellement modifiée suivant la variété des fruits employés et le terroir sur lequel ceux-ci ont végélé. Que le cidre soit pur ou mouillé d’eau , il porte toujours, d’après la quantité d'alcool qu’il contient, les noms de gros cidre, de cidre moyen ou mitoyen, et de petit cidre. Les gros cidres contiennent beaucoup de matière sucrée, peu de mucilage et quelquefois assez d'acide carbonique; chez eux , tout se changeenliquidealcoolique;ilsse parent lente- ment, durcissentsouvent, mais peuventsecon- | server 6 ou 7 ans en bouteilles. On les obtient généralement en Normandie avec les seuls fruits suivans, parmi les pommes précoces : l’amer-doux , court-d’aleaume, jaunet et gan- nel; parmi les pommes de seconde saison : barbarie, blangy , chevalier, doux-bel-heure , épicé-feuillu, hérouet, petit-court, saint-phil- bert, turbet et varaville; parmi les tardives : adam, bouteille, massue, petite-ente, rebois, sauvage et suie.— Mais le cidre excellent se fait avec les espèces qui suivent, Pare les préco- ces : fosse-varin , renouvelet-haze ; parmi les pommes de seconde saison : avoine, béquet , blanchette, cu-noué, fréquin, gallot, guibour, menuet et ozanne; parmi les pommes tardi- ves : avec aufriche, camière, de-cendres, doux-martin, duret, fossette, germaine, jean- huré, marin-onfroy , saux. — Le cidre moyen, qui forme la boisson la plus ordinaire des pays à cidre, se compose soit en coupant les gros ci- dres avec de l’eau, ce qui se fait à tort après leur fermentation dans toutes les villes, pour éviter les frais d'entrées, soit en mélangeant les pommes qui donnent seules du gros cidre avec celles qui produisent le cidre léger. Ce cidre léger, clair, agréable, mais qui n’est d'aucune durée, peut, sans avoir été mouillé, s'obtenir avec les seules pommes que voici; parmi les précoces : l’ambrette, cocherie, fla- gellé, doux-agnel, épicé, pomme-de-livre, greffe-de-monsieur , groseiller, guillot-roger, quenouillette , railé, saint-gilles ; parmi celles de seconde saison avec : à-coup-venant, douce- ente, doux-aux-vêques, grimpe-en-haut, hom- mei, long-pommier, pepin-percé, piquet, préaux, rivière, rouget ; parmi les pommes tardives avec : bédane , boulement, gros- charles, gros-doux, haute-boute, messire-Jac- ques, œil-de-bœuf, reinette-douce, rousse, sauge, sonnette, tard-fleuri. — Le petit cidre, résulte aussi du pressurage des marcs mêlés préalablement avec de l’eau :il diffèresuivant la nature des pommes dont ce marc est extrait, le degré de pression qu'il a éprouvéet la quan- tité d’eau dans laquelle on l’a délayé. On donne le nom de cidre médiocre à celui qu’on obtient, parmi les pommes précoces, avec : l’ameret, doux-vairet, ente-au-gros, muscadet, orpolin, eau-de-vache; parmi celles de seconde saison, avec l'avocat, blanc-mollet, cappe, côte, cusset, damelot, doux-ballon, jean-almi, mouronnet, moussette, roi, souci; parmi celles tardives avec: chenevière, petas, ros et sapin.— Enfin le mauvais cidre est toujours le résultat du pres- ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES CIDRES. LIV. IV. surage des seules variétés suivantes; parmi les pommes précoces : le castor et louvier; parmi celles de seconde saison : colin-antoine, doux- dagorie, paradis et vacelle. — Ces six variétés peuvent donc très bien être supprimées partout où elles se rencontrent , à moins que des raisons particulières ne forcent à les conserver. — Quelques grandes classes de ponmes donnent également un cidre jouissant de qualités spéciales ; ainsi les pommes acides rendent beaucoup de jus, mais ne font qu'un cidre sans force, peu agréable et qui presque toujours se tue, c’est-à-dire se noircit; les pommes douces au contraire produisent en gé- néral un cidre clair, agréable, mais fade et sans vigueur; enfin les pommes amères et âcres au goût donnent un cidre épais, riche en couleur et en force et se conservant long- temps. Nous avons dit que le terroir pouvait aussi avoir de l'influence sur la qualité des cidres ; en effet, cette influence est telle que : les terres fortes, élevées, éloignées des vents de mer, produisent un cidre coloré , fort en alcool et de bonne garde; les terres fortes, ayant peu de fonds, donnent un eidre moins fort, moins co- loré et d’une moins longue conservation; les terres humides et les vallées donnent un cidre conservant le goût du sol, s’altérant fa- cilement et peu généreux , quoique toujours épais ; les terrains légers et pierreux, el ceux des bords de La mer, offrent des fruits mal nourris comme leurs arbres, produisant un cidre faible, sujet à tourner à l’aigre, et pour- tant agréable; les terrains marneux et crayeux laissent presque toujours au cidre de leur crû un goût de terroir; enfin les cantons élevés, caillouteux et exposés au midi, fournissent un cidre délicat, léger, savoureux, des plus agréa- bles, en même temps riche en alcool et de longue garde; tels sont les cidres de la com- mune de Saint-Nicolas, près Alençon. Ce sont les cidres par excellence quand ils sont faits avec des fruits bien choisis, et donnant ordi- nairement eux-mêmes de bon cidre. Généralement l’âge influe pareillement sur tous Les cidres, mais rarement il leur donne de la qualité et presque toujours il les détério- re; deux ou trois ans est le temps qu’on peut raisonnablement les garder; plus tri ils deviennent durs; cependant certains gros ci- dres des environs de Caen et de la vallée d’Auge ont besoin de plusieurs années pour bien se parer et devenir buvables. — La tem- pérature aussi agit sur cette boisson, et il est facile de concevoir qu'une année pluvieuse et froide affadira les fruits et le jus qu'ils pro- duiront. Les opérations qui suivent le triage et le choix des fruits changent également la qualité des cidres, suivant qu’elles sont faites de telle ou telle manière. Aussi allons-nous entrer dans quelques détails sur les meilleurs procédés à suivre pour fabriquer cette bois- son. | Avant de décrire ces opérations , nous di- rons un mot d'une préparation préalable qu'un malheureux préjugé empêche de faire avec soin dans presque toute la Norman- die ; je veux parler de la recherche et du rejet de tous les fruits pourris que l’on trouve dans les tas. C’est à tort que les paysans se figurent que ces fruits pourris rendent plus de jus, et - tar. 12. en effet, si nous nous reportons à l'analyse précédente de M. BÉRARD, nOUS voyons qu'en devenant molles, les pommes et les poires, au lieu de 100 parties de jus qu’elles auraient dû contenir, n'en nest dent plus dans cet état que 77 à peine. Mais à part cet inconvénient. très grave sous le rapport économique, puis- qu'il fait perdre près de 25 p. 0/0 à l’agricul- teur, les fruits pourris en causent un bien plus grave encore; c’est celui de communi- quer au cidre un goût de pourri auquel le pa- lais des indigènes peut bien être accoutu- mé, mais qui dégoûte celui des étrangers. Malheureusement, l’usage et la croyance dans les campagnes sont en opposition avec la saine théorie, au point que les personnes même qui devraient servir de guides aux autres re- commandent encore aujourd’hui d'ajouter toujours dans le pressurage au moins 2/3 de pommes pourries, sous le vain prétexte et d’après l'absurde préjugé que les pommes pourries améliorent la qualité du cidre, et sur- tout qu’elles empêchent dese tuer ou denoir- cir en prenant l'air. Cette erreur est d’autant plus préjudiciable que, d’après l’analyse citée ci-dessus , comme on a pu le remarquer, non- seulement en pourrissant les fruits perdent une certaine quantité de jus, mais la propor- tion de leur sucre diminue tellement, à me- sure que leur blessissement avance, qu’il ne doit plus en rester que des traces lorsque cette espèce de fermentation est arrivée à son maximum, et que les fruits sont entièrement pourris. Alors, le jus retiré de pareils fruits n’a plus qu’une saveur détestable, qui donne au suc des bons fruits un goût de pourri que la fermentation, ni le remaniage, ni le temps pe peuvent faire disparaitre. Les pommes pourries empêchent en outre le cidre de s’é- claircir, et, en agissant alors comme un levain, elles en déterminent l’acétification. Tout prouve aujourd’hui que l’infériorité de beau- coup de cidres des environs d’'Evreux , de Rouen et du pays d’Auge, est due en grande partie à l'emploi des fruits gàtés ou pourris. Les faits que nous venons d’avancer , non- seulement d’après le témoignage de M. G1- RARDIN, professeur de chimie à Rouen, mais aussi d’après ce que nous avons nous même récédemment imprimé dans notre Traité de a fabrication des cidres, publié en 1829, s’ap- ph, également aux fruits qu’on ramasse au pied des arbres avant la maturité, et dont la chute prématurée est provoquée soit par les grands vents , soit par la piqüre des insectes, soit enfin par là surabondance des fruits sur les branches. Ces pommes ou poires tombées, toujours de mauvaise qualité, demandent né- cessairement à être brassées à part, parce qu’elles donnent un jus qui tourne prompte- ment à l’aigre. Quant à l'emploi dégoûtant que l’on fait des fruits pourris pour empêcher le cidre de noir- cir à l’air, il est facile de le remplacer par une addition de mélasse ou de cidre concentré au tiers , ce qui ne donnera pas de mauvais goût à la liqueur. Enfin, si l’on fait usage des pom- mes pourries pour procurer au cidre de la cou- leur, c’est inutile; car on peut toujours donner cette couleur, soit en augmentant la dose des fruits qui donnent le cidre le plus coloré, soit en laissant cuver 10 ou 12 heures ensemble le AGRICULTURE, x FABRICATION DU CIDRE. 257 jus ou moût avec le marc, èn ayant soin de remuer letout d'heure en heure, soit en don- nant après coup cette couleur au cidre par l'addition fort innocente de la quantité de ca- ramel nécessaire pour l’amener à la nuance désirée. $ III. — Pilage, tours à piler , cylindres à écraser. Les fruits , après avoir été choisis et assor- tis d’après leur solage, c’est-à-dire d’après leur nature, on en opère le pressurage, quiconsiste d’abord à les écraser, puis à mettre en presse leur mare pour en extraire le jus qu'il con- üuent. La première opération, celle à laquelle nous donrerons le nom d’écrasage , se fait de plusieurs manières, savoir : dans le tour à piler, dans l’auge à pilons et dans les cylin. dres. Les cylindres usités en Picardieeten An. gleterre (fig. 254) se composent de 3 rouleaux Fig. 254. jui de bois tournant en sens contraire, au moyen d’un système de roues d’engrenage. Le cylin- dre supérieur C , ainsi que la roue dentée A qui le termine, est traversée par un axe D for- mant un coude, et peut, par le secours de ce bras , donner le mouvement à toute la ma- chine quand on tourne la manivelle E, qui termine le bras D. Des lames de couteau FFFF sontsolidement fixées par une de leurs extrémi- tés dans le cylindresupérieur C, lequelentour- nant force le tranchant de ces lames à passer entre des barres parallèles HHH d’une grille servant de fond à une trémie K, dans laquelle on met les fruits que l’on veut écraser. Dès lors on conçoit facilement qu’en tournant Ja manivelle E, le bras D fait tourner le cy- lindre supérieur C, qui, au moyen de sa roue dentée À, fait également tourner les 2 cy- lindres cannelésinférieurs M L, au moyen des petites roues BB, avec lesquelles la roue À en- grène. Ces petits cylindres saisissententre eux les morceaux de pommes déjà coupés dans la trémie par les couteaux, et les écrasent au- tant qu'on le désire, puisqu'ils sont montés de manière à pouvoir se rapprocher ou s’éloi- gner à volonté l’un de l’autre. Tout ce sys- tème est, comme letarare à vanner, monté sur un bâtis G, clos de tous les côtés par des plan- ches qui ne peuvent laisser passer le moindre morceau de pomme entre elles et les cylin- dres cannelés, Cette méthode n’est pas mau- à TOME III. — 28 258 vaise, et est méme très expéditive, quand | les cylindres cannelés sont en bois et qu'on ne les rapproche pas de manière à écraser les pepins; car sans cela on produit le plus mauvais effet en donnant lieu à extraction de l'huile de ces pepins , qui communique au ci-, dre un goût d'empyreume fort peu agréable. Le tour à piler, très connu dans toute la Normandie, n’est peut-être pas plus expédi- tif que les cylindres, et coûte assez cher de premiers frais d'établissement, en même temps qu’il demande pour son service un - homme et un cheval; mais on y est habitué, ‘et son grand avantage est d’avoir succédé dans ce pays à la méthode très peu expédi- tive de l’auge à pilon. Ce tour (fig. 255) se Fig. 255. ne | compose d’une grande auge circulaire AA, de 18 à 20 mètres de tour. Cette auge, souvent faite de 4 à 5 morceaux de pierre de taille ou de granit, est beaucoup meilleure en bois; car, lorsque l’auge et la roue verticale B, qui doit tourner dedans, sont également en pier- re, le fruit est trop écrasé, les pepins même le sont aussi, leur huile odorante se mêle au cidre et lui communique par son âcreté le goût désagréable dont nous venons de par- ler. Cette auge circulaire, qui ne doit jamais être éloignée de plus de 12 ou 15 p. de la machine à presser le marc, est formée de plusieurs arcs de cercle CCCC en pierre ou en bois, rapprochés et liés ensemble par un ciment ou un mastic, de manière à former ün cercle parfait. La cavité ou auge AA doit être plus large dans le haut que dans le fond et avoir une profondeur d’un pied sur une lar- geur dans le haut d’un pied, et de 6 po. seulement dans le fond. L’auge est habi- tuellement assemblée au moyen de ciment de brique et de chaux; on fera toujours bien de remplacer celle-ci par de la chaux hydraulique partout où l’on pourra s’en pro- curer, OÙ mieux encore par un ciment de résine, de brique pilée et de limaille de fer, en faisant entrer cette limaille dans la pro- portion du tiers de la brique. Pour appliquer ce ciment, on le coule chaud dans les fentes de jonction, et on l’égalise avec un fer chaud. C'est dans cette auge qu’on jette le fruit et qu'on fait tourner une ou deux roues verti- cales B en granit et mieux en bois d’orme tortillard. Cette roue a ordinairement 5 p. de hauteur sur 6 po. d'épaisseur, et elle tourne dans l’auge au moyen d’un arbre horizontal appuyé dans le milieu de la longueur sur un pivot E solidement assujetti dans un massif en maçonnerie, au point central de l’aire qui se trouve entourée par l’auge circulaire. Cet arbre de couche traverse le centre de la roue ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES CIDRES. LIV. iv. verticale et la dépasse de 5 à 6 p., de manière qu'on puisse attacher à cette espèce de bras un palonnier pour y atteler un cheval, qui en marchant et en tirant ce bras de l’ar- bre après lui fait tourner la roue, laquelle alors écrase les fruits placés dans l’auge. Cette marche de la roue faisant remonter les fruits et leur marc le long des parois de l’auge, le conducteur du cheval le suit par- derrière, et avec un bâton fait continuelle- ment retomber ce marc au fond de l’auge. Indépendamment de ces 2 méthodes pour écraser les fruits, on en connaît encore une 3° dans la Basse-Normandie. C’est la plus simple de toutes, c’est celle de nos ancêtres, et pour- tant c’est encore celle qui donne le cidre le plus délicat; malheureusement elle ne fait pas assez d'ouvrage et ne peut être employée que dans les contrées où la main-d'œuvre est à bon marché. Cette méthode consiste à em- ployer simplement l’auge à pilons. Cette auge est en bois, longue ordinairement de 5 ou 6p., creusée dans une pièce de 18 à 20 po. d’é- quarrissage, de manière que la cavité soit arrondie dans le ford; les parois de ce fond et des bords ont habituellement de 3 à 4 po. d'épaisseur. Quant aux pilons, ils sont com- osés chacun d’une masse de bois arrondie à a partie inférieure, afin de s’emboiter avec le fond de l’auge, et surmontée d’un manche vertical , afin que le manœuvre, quand l’auge est à moitié pleine de fruits, puisse lever ce pilon et les écraser en l’aidant autant que possible à retomber avec force. Ordinaire- ment ces masses des pilons sont en cormier, en charme ou en bois de poirier. Dans le Devonshire et le comté de Som- merset, en Angleterre, on sesertsimplement pour cet objet de 2 cylindres en bois. Enfin, un nouvel instrument est actuelle- ment proposé par M. Rosé, de Paris. Cet instrument, que ce mécanicien construit pour une centaine de francs, pourra, dans les cam- pagnes, être aisément établi pour 25 ou 30 fr., par le plus simple charron, en remplaçant par des roues en bois celles qui sont en fonte, par conséquent en perdant un peu de la soli- dité et de la durée. C’est tout simplement un- moulin à cylindres sans couteaux (fig. 256), qui Fig. 256. Co. ti AN | cHap. 12°. FABRICATION DU CIDRE. 259 peut être mis en mouvement par unseul hom- | à écrous, 6n calfeutre leurs joints avec de la me et écraser un hectolitre de pommes en 10 minutes. Il se compose de 2 cylindres can- nelés à dentures à rochets, de 8 po. de dia- mètre chacun, avec 6 cannelures de 2 po. de hauteur ; l’un de ces cylindres E est entrainé par l’autre cylindre F, monté sur le même axe w'une grande roue dentée D de 28 po. de BARS laquelle reçoit le mouvement d’un ignon de 9 po. 4 lig. B, porté lui-même sur Fée d'un volant C, que l’on fait tourner au moyen d’une manivelle À placée sur l’un de ses rayons. Le tout est monté sur un fort bà- tis, et les cylindres sont couverts d'une tré- mie. Dans le moulin construit par M. Rosé, les cylindres cannelés sont en fonte, mais le cidre est si facilement altérable par le fer ue nous ne pouvons trop recommander de aire simplement ces cylindres en bois. $ IV. — Pressoirs. Les fruits étant écrasés et les morceaux réduits à la grosseur d’une noisette , on ex- pose le marc qui en résulte à l’action d’une forte presse, afin d’en obtenir le plus de jus ossible. Les pressoirs à vin (V. pag. 199) et a plupart des presses en général peuvent ser- vir à ce travail; ainsi les presses a vis en fer, celles hydrauliques verticales et horizontales, celles de Révillon et autres, sont toutes par- faitement applicables à la fabrication du cidre. On peut même dire que la plus mauvaise et la plus coûteuse est peut-être celle adoptée géné- ralement en Normandie ;nousallons cependant en donner la description par suite de l’usage étendu qu’on en fait encore dans ce pays. Ellese compose d’un gros sommier de chène A (fig. 257) de 18 p.au moins d'équarrissage dans toute Fig. 257. d11| ral sa longueur, qui est de 25 à 30 pi. Sur ce som- mier inférieur, souvent appelé brebis, on pla- ce un tablier formé de grosses planches de 4 po. d'épaisseur, creusées ordinairement de 2 po., afin de laisser tout autour de ce tablier un rebord de 2 po. de hauteur pris dans l’é- paisseur du bois. Ce travail fort coûteux pa- rait inutile, et un rebord de même épaisseur, appliqué après coup autour d’un tablier et formé de planches unies de 2 po., ferait le même effet. Ces planches étant fortement filasse et du suif, et de la résine fondue que l’on y applique au pinceau et qu’on unit avec un fer rouge. Des entailles SS, faites sous les 2 côtés de ce tablier, lui permettent de s’emboiter sur les 2 chevalets qui le sou- tiennent , et sur lequel on l’assujétit avec des coins. Ce tablier recouvre la brebis A, et des 2 côtés de cette brebis s'élèvent en avant et en arrière 4 jumelles CC, de 6 po. d’équarrissage, liées 2 à 2 le plus solidement possible par un chapeau NN, puis par des entretoises assemblées, ainsi que les chevalets, sur des patins KK, et consolidées par des jambes de force H H. Une pièce de bois P maintient les 2 chapeaux. Entre ces jumelles, placées de chaque côté du tablier, passe le sommier supérieur, où mouton E E, pareil dans ses dimensions à la brebis, et portant par-dessous un plateau T qui presse sur la motte. À son extrémité se trouve une vis F, fixée par le bas dans la brebis par une clef G qui traverse une crapaudine inférieure. Quant à la partie supé- rieure de cette vis, elle passe par une ouver- ture faite à l'extrémité du sommier supérieur, et le force , en tournant dans les pas de vis de son écrou , à se rapprocher ou à s'éloigner de la brebis, et à produire ainsi la force de pres- sion que peut donner un levier de cette épais- seur et de cette longueur. Des fentes ou mor- taises O O pratiquées dans les jumelles servent à placer des clefs D, qui supportent le mou- ton, l’empêchent d’un côté de fatiguer la vis uand on ne presse pas, et de l’autre servent ’arrêt à sa tête E. Le marc, quand ce mouton est soulevé, est placé sur le tablier, et soutenu en couches de 6 po. d'épaisseur au moyen d’un lit de paille mis entre chaque couche dans la moitié de sa longueur, et dont l'extrémité, qui dépasse la motte, est ensuite remployée du dehors en dedans, toujours par-dessus la dernière couche de marc. La motte F, composée d’une quantité suffisante de ces couches pour s’éle- ver à 3 pieds, s’égoutte sous son propre poids endant un jour, ce qui produit, comme pour e raisin, le cidre de la mère goutte. En Angle- terre, au lieu d'élever ainsi la motte avec de la paille, on se sert de tissus de crin; on peut se servir aussi d’un tonneau fortement cerclé et percé sur ses parois d’une foule de trous, tonneau dans lequel on met le marc, qu’on couvre d’un disque entrant dans le tonneau à la manière d’un piston. Ce moyen permet d'employer les grandes presses de la Loui- siane et des Etats-Unis, adoptées pour lem- ballage du coton. Dès que la motte est affermie et que le Jus qu’elle a laissé égoutter naturellement s’est dégagé en passant à travers un panier P rem- pli de paille, pour tomber dans un cuvier, on imprime le soir et le matin à la motte une pression graduée, mais de plus en plus forte. Une fois que, par suite de ce pressurage, la motte est desséchée, on relève le moutom, on rejette le marc dans l’auge à piler, et l'on se met à le triturer de nouveau, en y ajoutant 25 litres d’eau par pilée de 100 kilogram. de fruits. Les paysans pauvres, et qui ont besoin de boisson pour eux-mêines, mettent en presse ce marc ainsi mouillé, puis le remouillenut eu- liées ensemble par des étriers et des boulons | core une fois de 35 litres d’eau, et mélent eu- 266 semble ces deux dernières espèces de cidre, en conservant la première pour la vente. Ce- pendant, pour la boisson ordinaire de leur tables , les personnes mêmes les plus aisées en Normandie font d’abord extraire de 100 kilo. de fruits le jus qu'ils peuvent rendre sans les mouiller, ce qui constitue le gros cidre que souvent , à l'exemple des personnes moins à leur aise, on vend aux aubergistes des villes; ensuite elles font rebrasser le mare avec 25 li- tres d’eau. D’autres fois, et c’est l'usage le plus général , on réunit le liquide obtenu par ce rebrassage avec le jus du pressurage sans eau , et cela forme la boisson la plus ordinaire. Malheureusement les impositions indirectes frappant sur les petits cidres aussi fortement que sur les gros, ceux-C1 sont introduits purs dans les villes, mais n’y sont alors ainsi coupés qu'après la fin de la fermentation, d’où résulte une boisson toujours plus plate que celle coupée avec la même quantité d’eau au sortir du pressoir , opération qui donne un mélange beaucoup plus intimement mêlé par la fermentation. Il devrait paraître inutile de recommander aux personnes instruites de veiller à ce que, dans ces divers mélanges, soit en pilant, soit après coup, on n’ajoute que de l’eau propre de source ou de rivière; cependant c’est une re- commandation qu'il est important de faire aux agriculteurs de la haute Normandie, qui conservent encore le préjugé de croire que les eaux de mares, que celles des rivières trou- bles , que celles enfin même des fosses à fu- mier sont les meilleures et donnent des qua- lités à leur cidre; c’esten partie à cette erreur qu'ils doivent le goût détestable qu’a quelque- fois cette boisson, goût qui, réuni à celui de pourri, est souvent tellement prononcé à Rouen, qu'à moins d’une longue habitude il est impossible d'en faire usage Il faut donc rejeter au contraire les eaux malpropres, alors les cidres, on peut le certifier, y gagneront en goût et en qualité. À Habituellement en Normandie on calcule que 2340 kilogrammes de pommes doivent rendre 1000 litres de cidre pur et 600 litres résultant du rebrassage du marc mouillé. Ces 1609 litres mélés ensemble donnent un fort bon cidre qui peut souvent passer pour du gros cidre, mais dans les mauvaises années cette même quantité de fruits est mouillée de manière à rendre jusqu’à 3000 litres de cidre mitoyen très bon, beaucoup plus sain que le gros cidre, et pouvant encore durer 2 et 3 ans. Si l’on veut établir ses calculs non d’après ïe poids , mais d’après la mesure des fruits , on peut considérer comme positif qu'il faut 6 me- sures de fruits pour en faire une de gros ci- dre, et qu'il n’en faut que 3, et au plus 4, pour en avoir une de cidre mitoyen. Le jus insi exprimé ne présente pas tou- jours La méme densité; ainsi, l’eau prise pour terme de comparaison, et étant supposée sous un volume donné peser 1000 , on a trouvé que du moût ou jus qui n’avait pas fermenté of- frait pour différentes espèces de pommes à couteau les densités suivantes. Moût de pom- mes de reinette verte, 1084, de reinette eu gleterre, 1080, de reinette rouge, 1072, de rei- nette musquée, 1069, de fenouillet ravé, 1664, de la pomme orange, 1063, de reinette def ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES CIDRES. LIV: 1W, Caux, 1060, de reinette rousse, 1059, et de reinette dorée, 1057. Lemoüt depoires diverses s’est élevé dans les mêmes circonstances de 1054 à 1074. Cette densité des moûts est importante à connaître, puisque, plus ces moûts auront une pesanteur spécifique élevée, plus ils contien- dront en dissolution de matière sucrée, et plus ils seront propres à fabriquer des cidres ayant un haut degré de spirituosité, et par conséquent des cidres plus agréables, plus forts , et d’une plus longue conservation. Ce- pendant cette densité n’est pas la mesure exacte de la quantité de matière sucrée con- tenue dans le liquide, et il faut déduire, du poids de matière supposée sèche que cette densité indique, l'acide malique, toujours con- tenu en assez grande quantité dans les moûis de pommes et de poires. Pour être à même de faire ces calculs, il faudrait se servir d’un in- strument del’invention de M.Masson-Founr, et quiest destiné à faire connaître avec facilité la richesse des moûts de cidre, tant en acide ma- lique qu’en matière sucrée sèche, et par con- séquent en alcool. Cet instrument, auquel il a donné le nom d’acido-cidrimètre, est un aréo- mètre ordinaire, divisé seulement d’une ma- nière particulière. En se reportant aux expli- cations que ce savant estimable a données sur la graduation et l’emploi de son mustimètre, et du tartrimètre qui l'accompagne (V. p. 188), on pourra se former une idée exacte de la construction de ce nouvel instrument. Dans tous les cas, nous allons présenter ici une ta- ble de la quantité d’acide malique contenue dans les moûts d’après l’indication de l’acido- cidrimètre, en faisant usage, comme liqueur d’épreuve, d’une dissolution de carbonate de potasse sec ou de carbonate de soude cristallisé. TaBLEAU destiné à faire connaître la quantité d'acide malique contenue dans un hectolitre de jus de pommes ou moût de cidre. SOLUTION DE {10 GRAM. DE CARBONATE DE POTASSE SEC. DE SOUDE CRISTALLISÉ. | — Proportion À Proportion DEGRÉS. | d'acide malique.|| PEGRES. |J'acide malique. Kilo. Gram. Kilo Gram. 0 0, 0 0, 1/2 0, 41,55 1/2 0, 26,66 1 0, 83,11 1 0, 53,33 2 0,166,22 2 0,106,66 3 0,249,33 3 0,159,99 4 0,332,44 4 0,213,33 5 0,415,50 5 0,266,66 6 0,498,66 6 0,319,99 7 0,581,77 7 0,373,33 8 0,664,88 8 0,426,66 9 0,747,99 9 0,479,99 10 0,831,11 10 0,533,33 20 1,662,20 20 1.066,66 30 2,493,30 30 1,599,99 40 3,324,40 40 2,153,39 50 4,155,00 50 2,666,66 60 4,986,60 60 3,199,99 70 5,817,70 70 3,733,33 80 6,648,80 80 4,266,66 90 7,479,90 90 4,799,99 {00 8.311,11 100 5,333,33 cuaAP. 12°. Dans ce tableau on n'a pas tenu compte de la petite quantité de ferment, de matières co- lorantes ou salines contenues dans les moûts, dont le poids, toujours assez peu considéra- ble, n’altère pas sensifiement les résultats dans la pratique. Voici maintenant l'usage que l’on peut faire de ce tableau. Supposons que du moût de pomme, filtré au papier gris, ait une densité de 1022, le tableau n. 2, p. 189, nous apprendra que ce moût contient par hectolitre 5 kilog. 856 gram. de matière solide. Ce moût essayé à l’acido-cidrimètre a marqué 2 degrés, en em- ployant comme liqueur d’épreuve le carbonate de potasse. En nous reportant au tableau pré- cédent, nous voyons qu’un moût de 2 con- tient par hectolitre 166 gram. 22 d’acide mali- que. En déduisant cet acide de la quantité de matière sèche, ou 5 kil. 856, contenue dans l’hectolitre, nous aurons pour résultat 5 kilog. 689 gram. 78 centigram. pour la quantité de matière sucrée sèche contenue dans un hect. de ce moût , et comme nous savons déjà (V. p- 191) que 100 kilog. de matière sucrée sèche, extraite du raisin, donnent 50 à 55 lit. d’al- cool absolu, nous powrons , en supposant que le moût de eidre se trouve dans des cir- constances à fort peu près identiques à celles du jus de raisin, connaitre par une simple règle de proportion la quantité d’alcool que fournira la fermentation complète de ce moût. Le calcul étant fait, nous apprendrons qu’un moùt de pommes de 1022 de pesanteur spéci- fique , et qui marque 2 degrés à l’acido-cidri- mètre , donnera un cidre qui contiendra 2 lit. 85 centilitres à 3 lit. 13 centilitres d’alcool ab- solu par hectolitre. $ V.—Fermentation du moût. Le jus des fruits obtenu par le pressurage ayantété recueilli dans un grand baquet, on len retire à pleins seaux pour le transvaser dans des tonneaux dont l’orifice de la bonde est simplement couvert d’un linge mouillé. En peu de jours il s'établit une 1" fermentation, appelée fermentation tumultueuse, qui sou- lève le linge placé sur le trou de la bonde, et, dans son mouvement, rejette au dehors plu- sieurs matières fermentescibles; peu à peu 1l se forme un chapeau qu'il est bon de ne pas rom- pre, pour empêcher l’air atmosphérique de ve- nir frapper la surface du cidre et de le faire aigrir, raison qui doit faire prendre la précau- tion de tenir constamment le tonneau rempli parce que, disent les paysans normands, le cidre ne se conserve pas en baissière, c’est-à-dire dans un vaisseau où se trouverait du vide. Pour donner plus de qualité au cidre on faci- lite quelquefois cette 1'° fermentation en rem- plissant un tonneau défoncé de rubans dehêtre vert nouvellement varlopés , sans les fouler ; puis, le fond de ce tonneau étant replacé, on y verse le moût , qui entre promptement en fermentation. Il est aussi fort essentiel, quand on tient à la qualité, de soutirer le cidre à la fin de la fer- mentation tumultueuse, et un mois après le 1°" souurage. C’est alors qu'on le met dans des tonneaux de 7 à 800 litres, où il reste jusqu’à la consommation. FABRICATION DES CIDRES. 261 $ VI. — Du cidre mousseux. Quand on veut conserver le cidre à l’état doucereux , on le prépare, en Normandie ainsi qu’en Angleterre, d’une manière toute spé- ciale. Le procédé repose particulièrement sur l'interruption forcée de la fermentation du li- quide. Voici en général comment on s’y prend en Angleterre. D'abord onobtient un moût de 1re qualité avec des fruits de choix, puis on in- troduit ce jus comme à l'ordinaire dans un ton- neau. Dès qu’il a déposé on le décante dans un autre tonneau, assez petit pour être complète- mentrempli, en prenant bien soin que ce trans- vasement ait lieu avant que la 1" ébullition cherche à se déclarer. Lorsque ce moût est resté 16 à 18 heures dans ce second füt, on approche du liquide une chandelle allumée, et si elle s'éteint , et annonce par-là un com- mencement de fermentation, on transvase dans un 3° tonneau. Au bout de 5 à 8 jours, lorsque la chandelle allumée s’éteint de nou- veau , on transvase encore, et l’on répète ce transvasement toutes les fois que l’on obtient avec la chandelle allumée le même résultat , ce qui souvent arrive toutes les 3 semaines, surtout quand la 1r° décantation a été opérée un peu trop tard. S'il s’agit de mettre le cidre en bouteilles de manière qu'il se conserve mousseux et pro- duise à son départ de la bouteille l’effet du vin de Champagne, on décante une seule fois le moùût de pommes ou de poires avant la 1r° apparence d’ébullition, dans un tonneau à lin- térieur duquel, pour paralyser la fermenta- tion du liquide que l’on doit y verser , on fait brüler une mèche soufrée, ou mieux, pour ne pas donner de goût étranger, un peu d’al- cool enflammé contenu dans une coupe et promené en tous sens; puis, au bout de 6 à 7 jours, avant que la moindre fermentation ne se déclare, on soutire dans des bouteilles de grès, comme étant plus solides et moins chères que celles en verre; on bouche, on ficelle le bouchon et l’on goudronne ensuite ; on garde ces bouteilles dans une cave bien fraiche , et dès le second mois on peut servir ce liquide au dessert en guise de vin de Cham- pagne. L'opération du mutisme par le sou- frage ou l’alcoolisation des tonneaux, appli- uée aux cidres que l’on veut conserver en üt dans un état doucereux, évite d’être obiigé de les transvaser aussi souvent. En Normandie, après le 2° soutirage du gros cidre de choix, on le met simplement dans des bouteilles de grès bouchées avec soin. ! Le cidre préparé à la manière angiaise con- serve ses propriétés et son goût agréable pen- dant 2 ou 3 ans, et peut, pendant l’hiver sur- tout , être transporté au loin. 6 VII. — Variétés de cidre. D’après ce que l’on vient de voir, les cidres doivent nécessairement beaucoup varier dans leur goût et leur force. En effet, met-on peu d’eau , il en résulle ce qu’on nomme du gros cidre, boisson enivrante, propre seulement aux aubergistes, aux habitans des villes qui les coupent avec de l’eau, ou aux bouilleurs, qui 262 en retirent une assez grande quantité d’eau- de-vie; au contraire, ajoute-t-on plus ou moins d’eau, on obtient une boisson très saine sous le nom de petit cidre, ou de cidre mi- toyen quandil tient le milieu entre ce dernier et le premier. D’un autre côté, veut-on boire le cidre immédiatement après sa seconde fer- mentation, il a une saveur douce et sucrée, et est chargé d’acide carbonique, ce qui le rend malsain en même temps que peu agréa- ble pour les palais normands, tandis que ce goût et ce piquant font alors seulement re- chercher cette boisson par les étrangers. Plus tard, c’est-à-dire pendant les 3 ou 4 premiers mois, la fermentation diminue peu à peu, l’a- cide carbonique se dégage, la matière sucrée se métamorphose en alcool, alors il devient légèrement amer, quelquefois acide et pi- quant, et laisse à la bouche un arrière-goût variable suivant le terroir; à cette époque il a une couleur plus ou moins ambrée , et il est ce qu'on nomme paré, état sous lequel les ha- bitans des pays à cidre trouvent seulement cette boisson potable. $ VIIL — Améliorations des cidres. D’après ce qui précède on voit que c’est à tort que tous les savans ont épuisé leur science à chercher un moyen qui pût conserver la saveur sucrée aux divers cidres. Leurs amé- liorations n'auraient jusqu’à présent en Nor- mandie qu’un avantage ; ce serait de pouvoir retarder la fermentation tumultueuse ou de rendre la seconde fermentation plus active, ce qui est important pour les habitans des viies, forcés la plupart du temps de couper leurs cidres après la 1'e fermentation. Cette raison nous détermine à dire qu’on peut améliorer le cidre en y mélant, après son 1: soutirage, 1/10. de cidre doux n’ayant pas subi la fer- mentation tumultueuse, pour soutirer ensuite le tout comme à l'ordinaire. C’est après le 2° soutirage qu’on peut transporter ce cidre surchargé de matière sucrée dans les villes, et l’y couper avec de l’eau sans crainte de le ren- dre plat, puisque le mélange subira une 2e fer- mentation. Si l’on veut le conserver doux, on ré- duit par une ébullition cemoût au 6*,comme l’a fait M. PayEen, et on l’amalgame au cidre après sa 1" fermentation, ou mème simplement à du petit cidre ou à de l’eau; mais ce mélange ne fait toujours qu’un cidre sucré, estimé seulement des Parisiens, et totalement re- poussé des personnes habituées à boire du ci- dre paré. Enfin, M. DEscroiziLLes a eu l’idée, pour conserver plus long-temps ce liquide, de faire fermenter le jus et le marc ensemble, de renfermer le tout après la fermentation dans des tonneaux bien fermés, et de soumet- tre ensuite, au fur et à mesure des besoins, ce marc à la presse. Ce procédé peut avoir sé- duit son auteur, mais nous ne croyons pas qu’il ait souvent été appliqué. Section III.— De la fabrication du poiré. Outre le cidre proprement dit résultant du jus de pommes ayaut subi la fermentation al-. coolique, il existe une autre boisson composée seulement de Jus de poires, qui se fabrique absolument de la même manière que celle ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES CIDRES. LIV. IV, provenant des pommes. Cependant il est bon de faire observer que, pour faire le meilleur poiré possible , il faut piler aussitôt qu’on les a cueillies les poires fondantes, qui deviennent molles dès qu’elles sont mûres, tandis qu'il est utile de bien laisser mürir en tas les poi- res qui sont âpres au palais. Généralement on admet que les poires appelées le tahon rouge ou blanc, raulet, vinot, maillot, trochet, roux, raguenet, rouge-vigny, lantricotin, mier, bedou et rochonnière , donnent un poiré rougeâtre, fort en couleur et très vineux : que celle du nom de le roux fait un poiré faible, mais sucré et agréable, et que les poi- res nommées carizi blanc et rouge, robert, gros-ménil, de branche, de chemin, épice-de- fer, gros-vert et sabot, fournissent le poiré le plus excellent, poiré qui sert aux mar- chands de vins de Paris pour couper les petits vins blancs, et qu'ils emploieraient bien davan- tage si son prix d'entrée était plus en har- monie avec la faible qualité de cette boisson. Il paraît que depuis quelques années, dans les environs de Rouen, on retire une boisson exquise du fruit d’un arbre qui porte dans cette contrée le nom açgpoirier-saugier. Comme ce cidre a donné lieu à des observations spé- ciales de M. GirarniN, professeur de chimie de cette ville, nous allons rapporter ce qu'il pense . tant sur le poiré en général que sur celui de cette nouvelle espèce. « Le poiré, dit- il, dont la fabrication n’est pas aussi étendue que celle du cidre, est accusé d’avoir une action fâcheuse sur le système nerveux. Il est moins nourrissant, plus irritant que le cidre, très capiteux lorsqu'il est vieux, et il enivre promptement ceux qui n’en font pas un usage habituel. Ce liquide a néanmoins d'excellentes qualités; c’est une boisson diurétique fort agréable lorsque sa fermentation est achevée. Plus alcoolique que le cidre, le poiré de 1re qualité ressemble beaucoup aux petits vins blancs de l’Anjou et de la Sologne. Mis en bouteille après une bonne préparation (c’est- à-dire celle qu’on fait en Angleterre), il de- vient complètement vineux et peut alors être confondu, par les palais peu exercés , avec ces vins quenous venons de citer;et même, quand il est mousseux , il prend souvent le masque des vins légers de la Champagne. Il est très propre à couper les vins blancs de médiocre Rte qu'il rend plus forts et meilleurs. Souvent même les détaillans vendent le poiré pour du vin blanc. Malheureusement tous les poirés ne possèdent pas ces bonnes qualités, et la plupart étant faits avec des poires d’une âcreté extrême conservent un goût âcre qui les rend alors désagréables à boire. Il est à re- gretter que l’on apporte si peu de soins à une liqueur qui pourrait être la source d’un assez grand revenu pour les fermiers. En effet, en raison de la plus grande abondance du sucre dans les poires que dans les pommes, le jus fermenté des premières produit généralement beaucoup plus d’esprit que ce!ui des secondes, et de bien meilleure qualité. Terme moyen, le poiré donne 1/10° de son volume d’eau-de- vie à 20 ou 22 degrés, eau-de-vie qui peut con- venir à presque tous les emplois de celle du vin. Le poiré produit en outre un vipaigre bien supérieur à celui du cidre. Enfin, les poires fournissant moitié plus de jus que les pom- cHaAP. 12°. mes , il faut conséquemment moins de poires ur avoir la mére quantité de liqueur , et es poiriers ordinairement rapportent plus de fruits que les pommiers; et comme ils sont lus élevés, qu'ils soutiennent mieux leurs es , ils nuisent beaucoup moins aux moissons que les pommiers , fleurissent et se récoltent avant eux, ce qui empêche les gelées de leur nuire autant qu'aux pommiers, d’où il résulte qu’en choisissant les meilleures va- riétés de poires, en les brassant avec intelli- gence et sans ajouter d’eau, les fermiers trouveraient des bénéfices très avantageux dans la fabrication du poiré. Récemment , ajoute M. GirarDiN, M. Jusrix appela l’atten- tion de l’académie de Rouen sur les fruits du poirier-saugier, qu'il cultive depuis plusieurs années dans sa propriété de Frène-le-Plan. Son poiré est fort sucré, assez dense, légère- ment fauve ; il fermente lentement et donne après plusieurs mois de bouteilles, lorsque la fermentation a été complètement achevée, un esprit marquant 26° à l’alcoomètre centésimal à la température de 15° C, ce qui montre que, dans son état de vinosité parfaite, ce poiré renferme 8,66 p. 0/0 d’alcool anhydre ou ab- solu, tandis que le poiré des variétés ordinaires n’en contient que 8,33. Enfin, suivant M. le comte Dourcues, ce poiré est le plus exquis de tous ; il mousse comme du vin de Cham- pagne, peut se conserver deux ans en futailles, et un temps indéfini en bouteilles. » SECTION IV. — De la fabrication du cormé. Dans Lis contrées de la France on voit encore des cormiers centenaires, dont les fruits ou cormes rendent, en les trai- tant comme les poires et les pommes, une boisson portant le nom de cormé, encore a âcre que le poiré. Aussi, dans les pays où ’on trouve de ces fruits, on les fait servir à l'amélioration des cidres qui veulent tourner au gras , plutôt que de les employer seuls. La fabrication du - = 7 5 Fa Janvier et février . . . . Mars et avril. Meme unne Mai et juin. ... 4 : : Juillet et août . . . . . .| La plus base | possible (2). Septembre et octobre. .| 13 | 15 |17]19 18 Novembre et décembre., 14 | 16 hu 20 19 21 © | & | — 5. œ 2 a Li D { petite bière. | $ V.— De la fermentation de la bière. Lorsque le moût de bière est dans la cuve guilloire , on y ajoute la levure (et le cara- mel, si la décoction n’est pas assez colorée), et l’on agite fortement. Quelque temps après on aperçoit une écume blanchâtre et légère s'élever à la superficie du liquide; on entend pétiller le gaz acide carbonique. La mousse augmente de volume et s'élève uelquefois d’un pied au-dessus du liquide; bientôt elle devient plus épaisse, jaunâtre, semblable à la levure : c'est en effet cette substance elle- même qui, sécrétée dans le milieu du liquide en fermentation, est entraînée à la surface (2) La température de l'air dans cette saison étant toujours plus élevée que ne devrait Pêtre celle du moût de ces bières, on peut profiter de la fraicheur des nuits pour l’abaisser le plus possible. On parvient sans peine au même résultat, pennant la Journée, au moyen du nouveau système de réfrigérans, et en se servant d’eau ürée immédiat ment lu puits cHAP. 13°. par les bulles d'acide carbonique ; elle amène diverses matières insolubles qui étaient te- pues en suspension dans le moût de bière. On avait autrefois l'habitude de faire replon- ger dans le liquide l'écume de levure, et l’on soulevait le dépôt avec un râbleoumouveron , une ou deux fois chaque jour, pour activer la fermentation; on appelait cela battre la guil- loire; mais comme cette opération refroidit le moût, rend la bière trouble et difficile à clarifier , il est préférable de l’éviter en met- tant d’abord une plus grande quantité de le- vure. Dans la préparation des fortes bières, et surtout pendant les chaleurs, on ajoute une certaine quantité de sel marin au moût en fer- mentation, afin de prévenir l’altération de la matière animale qui développerait un goût désagréable et ferait aigrir la bière. On applique avec succès, depuis quelques années, un couvercle garni de nattes en paille sur la cuve gulloire; on enlève à volonté une par- tie mobile de ce couvercle en bois, avec une corde passant sur une poulie et tirée à l’aide d’un moulinet. Les avantages de cette dispo- sition sont; 1° d'éviter l’altération spontanée , acide ou putride, qui, dans les cuves ouvertes, résulte surtout de l'accès libre de l'air à la superficie de l’écume et laisse un mauvais goût à la bière; 2° de rendre la fermentation plus régulière en maintenant la température plus égale. Les moûts des différentes espèces de bières exigent des quantités différentes de levure pour leur fermentation suivant la température de l'atmosphère. On emploie communément les proportions suivantes (en poids) de levure pour exciter la fermentation dans la cuve guilloire. A LONDRES. À PARIS. _ EE" — Small | Strong | Ale. Petite | Bière becr (1). [beer (2). (3) bière. | double. | mms ms Hiver. . .10,0020/0,001810,0015/0,0025|0,0035 Printemps, let Automne|0,0015/0,0012/0,001010,0022 0,0030 Été. . . .[0,0010 0,0010,0,0005,0,0018 0,0020 Lorsque la fermentation de la bière est suf- fisamment avancée dans la cuve guilloire, on la soutire. Cette opération pour les bières lé- gères, n’exige aucun soin; quelquefois on trouble tout le liquide à dessein, afin de mé- nager une plus forte fermentation pendant le yuillage. Quant aux bières fortes, qui pré- sentent des difficultés pour être bien lim- pides, on les tire au clair avec précaution ; on sépare les 1res portions et les dernières, qui ordinairement sont troubles, pour les faire déposer et repasser dans une fermentation suivante. Les bières de garde doivent être soutirées dans de grands tonneaux de 4 à 5 hectolitres. On laisse la bonde couverte d’un linge, afin que, pendant le temps que la DU BRASSAGE. 271 fermentation dure, le gaz acide carbonique produit puisse se dégager sans pression (4). On remplit de temps à autre le vide occasionné dans les barils par ce dégagement, avec de la bonne bière forte, etc. Cette opération se pratique dans nos bras- series pour les bières légères que nous nom- mons bière double et petite bière, de la manière suivante. On soutire tout le liquide fermenté de la cuve guilloire dans des quarts d’une ca- pacité égale à 75 litres; leur bonde est très large (de 7 à 9 centim.) , afin qu’elle livre à l'écume qui continue à se former un passage facile. Tous ces petits barils sont rangés côte à côte sur les traverses d’un bâtis en bois, à une hauteur telle qu’on puisse aisément pas- ser dessous un baquet de 35 à 40 centimètres de haut. Les bondes de 2 quarts sont inclinées d’un même côté, afin Si Es écume, poussée par la fermentation du dedans au dehors, puisse, en s’écoulant le long de leurs douves, tomber dans le même baquet. Au moyen de cette disposition , 50 baquets suffisent pour 100 quarts. Aussitôt que la bière est entonnée, une écume volumineuse sort de toutes les bondes ; elle coule dans les baquets, où elle se liquéfie promptement. Quelques minutes après , l’é- cume devient plus épaisse, elle surnage en partie la bière dans les baquets, et se préci- pite en partie au fond; en inclinant ceux-ci, on en sépare facilement le liquide intermé- diaire, avec lequel on remplit les quarts. La matière épaisse, et d’une apparence semblable à celle de la bouillie, est la levure proprement dite; il s’en produit 5 ou 6 fois plus qu’il n’en faut, pour ajouter dans le bras- sin suivant ; aussiles brasseurs , après en avoir misune partie en réserve pour la fermentation deleur moût, vendent-ils leresteaux levuriers, après l’avoir lavée et pressée dans des sacs en forte toile. La fermentation continue à jeter pendant un temps plus ou moins long, suivant l’espèce de bière ou la température extérieure, etc. Pendant cet intervalle on remplit les quarts à plusieurs reprises , afin que le niveau du li- quide soit assez près du bord de la bonde pour permettre à la levure de s’écouler au dehors au fur et à mesure qu’elle vient nager à la surface. Lorsque la production de la levure diminue d’une manière sensible,c’est unsigneauquelon reconnait que lafermentation approche d'être as- sez avancée. Enfin,lorsqu'ilnes’en produit pres- que plus, on redresse tousles quarts ,en sorte que la bonde se trouve au point le plusélevé, ce qui permet d'emplir complètement toutes leur capacité ; on se sert encore pour cela de bière claire précédemment faite. Les quarts restent dans cette situation pendant 10 ou 12 heures ; au bout de ce temps il s’est élevé sur la bonde une mousse très légèreet volu- mineuse qui résulte d’un mouvement léger de fermentation; les brasseurs nomment cette mousse le bouquet. (1) Petite bière et bière faible de table qu’on boit promptement. (2) Bière forte, brune ou pâle, faite ordinairement avant la petite bière, {3) Bière douce, de garde. (4) On obtiendrait mieux leffet utile à l’aide de l’une des bondes hydrauliques décrite à l’article du vin, pag. 210 et suiv. 272 La bière est alors livrable aux consomma- teurs; on bouche les quarts avec leurs bon- dons, et on les expédie. $ VI. — Clarification ou collage de labière. :: Toutes les bières destinées à être bues peu de jours après leur fabrication doivent étre clarifiées. Les bières fortes, de garde, s’éclair- cissent spontanément, parce qu’on peut at- tendre un temps assez long pour cela, sans qu'elles tournent à l’aigre ; mais encore, parmi ces dernières, ils’en trouve qu'il est nécessaire de coller. Cette opération est principalement basée sur l'emploi de la colle de poisson; on la prépare de la manière suivante. D'abord on l’écrase sous le marteau afin de rompre les fibres et de favoriser ainsi l’action de l’eau sur cette substance organisée ; on la met tremper dans l’eau fraîche pendant12à 24 heu- res, en renouvelant l’eau plusieurs fois (2 fois en hiveret 5 fois en été); on malaxe ensuite fortement la colle de poisson entre les doigts et dans 10 fois son poids de biere faite ; on passe au travers d’un linge la gelée transpa- rente qui en résulte; on rince le linge dans une petite quantité de bière qu'on verse én- suite dans la première dissolution gélatineuse; on y ajoute un vingtième en volume d’eau- de-vie commune, ou esprit étendu à 20°, et l’on conserve cette préparation en bouteilles, dans la cave, pendant 15 jours en été, ou un mois en hiver, pour s’en servir au besoin. Lorsqu'on veut opérer la clarification, on mêle cette colle avec une fois son volume de bière ordinaire ; on la bat bien, et on la verse dans les barils ; on agite fortement pendant une minute la bière qu'ils contiennent à l’aide d’un bâton; celui-ci est fendu en quatre par le bout qui plonge dans le liquide. On laisse ensuite déposer pendant 2 ou 3 jours , au bout desquels on tire en bouteilles. . La proportion de colle préparée est de 3 dé- cilitres par quart, ou de 4 décilitres par hec- tolitre de bière de table; ilen faut quelque- fois le double de cette quantité pour la bière forte. La clarification que la colle de poisson opère dans la bière n’était pas expliquée avant la théorie que j'en ai donnée et qu’il est utile aux brasseurs de connaitre. . La bière est mise dans des bouteilles que l’on tient couchées si l’on veut que cette boisson mousse; ceteffettient à cequele bouchon cons- tamment en contact avec le liquide, reste gonflé et ferme plus hermétiquement: pour éviter la rupture des bouteilles, on les laisse couchées pendant 24 heures seulement, après quoi on les tient debout. On peut conserver la bière forte dans des foudres complètement remplis, et l’y laisser même sur la lie pendant l'hiver; mais dans ce cas il convient de la soutirer à la fin de mars, pour éviter qu'un nouveau mouvement de fermentation, excité par le dépôt de la levure, ne la trouble et n’y détermine le développe- ment de l’acide acétique, qui est bientôt suivi d’un goût putride. Si l’on veut tirer la bièreau tonneau, de quelques dimensions qw'il soit, on ne doit ARTS AGRICOLES : FABRICATION DE LA BIÈRE. LIV. 1V, LS pas mettre plus des jours à consommer la to- talité. Lorsque la quantité est trop grande, il est nécessaire de la diviser en barils de moindres dimensions complètement remplis , et entamés successivement. La bière bien préparée se conserve en géné- ral d'autant plus long-temps qu’elle est pe forte, c’est-à-dire que la proportion du hou- blon employée est plus considérable et que l'alcool produit par la fermentation est en plus grande proportion. Cependant on peut réparer une bière légère qui se conserve très ien en employant avec le moût d'orge une quantité, suffisante (2 tiers environ de la ma- lière sucrée) de mélasse ou de sirop de pom- mes deterre bien dépurés (1). Ces bières bien préparées contiennent très peu de mucilage; mais aussi leur goût diffère un peu de celui des autres; elles sont moins douces et cou- lent sans humecter de la même manière la membrane muqueuse; aussi dit-on qu’elles sont sèches et n’ont pas de bouche. Il paraît que l’usage consacré en Flandre de faire dissoudre par une longue ébullition des pieds de veau dans le moût de bière rend cette boisson plus susceptibie de produire une mousse persistante plus onctueuse au palais; on conçoit que ces effets doivent résulter de la solution gélatineuse produite par la peau et les tendons de ces pieds ainsi traités. SecrTion III. — Théorie de la fabrication de la bière. Voici en résumé la théorie actuelle de la fa- brication et de la composition de la bière. La germination développe dans le grain la diastase ; celle-ci réagit sur l’amidon, sépare les corps étrangers et produit en dissolvant l’a- midone, dela dextrine et du sucre.qui passerait danslatige,sionlaissait continuer la végétation. Une grande partie de l’amidon (probablement 66 à 70 centièmes) n’a pas éprouvé cette con- version en dextrine sucrée, mais se trouve en présence d’une quantité de diastase bien plus que suffisante pour opérer cet effet. Si done on réunitles circonstances favorables, c’est-à-dire qu'on délaie le malt dans 4 parties d'eau et qu’on soutienne à la température de 65 à ‘70° pendant une heure, la conversion est com- plète, et l’iode n’accuse plus la présence de la matière amylacée. L’excès de diastase peut être tel dans le grain germé que 15 fois le poids de celui-ci en fécule y ajoutée subisse, plus lentement à la vérité, les mêmes réactions. Le liquide sucré, séparé des substances in- solubles , renferme du sucre et une matière gommeuse (la dextrine); il est modifié dans sa sa- veur par la décoction du houblon; il en reçoit notamment un principe amer, et l'huile essen- tielle où réside l’arome qui caractérise surtout l'odeur de la bière. L Cette solutron sucrée aromatique, en con- tact avec la levure aux températures indi- quées, éprouve une fermentation dont l'effet général est de convertir la plus grande partie du sucre en alcool et en acide carbonique ; substances qui modifient encore le goût de la (1) J'ai envoyé aux colonies des bouteilles de bière préparée par ce procédé; elles y sont parvenues bien con- servées, CAP. 13°. liqueur. Une quantité plus considérable de levure se forme aux cépens dela matière azotée du grain dissoute; une partie s’élimine en écume ou dépôt. L'ichthyocolle très divisée, puis délayée dans la bière trouble, y forme un vaste réseau membraneux qui, contracté par l’action de la levure, se resserre et entraine dans sa précipi- tation ce dernier corps avec les autres matières non dissoutes; le liquide surnageant devient donc limpide. Ce qui reste de sucre non décomposé suffil ordinairement pour donner lieu dans le li- quide à la production ultérieure de 5 à 6 fois son volume d'acide carbonique; celui-ci, ordi- nairement contenu en grande partie par la fer- meture hermétique des bouteilles, y produit une pression de 4 où 5 atmosphères , qui oc- casionne une sorte d’'explosion lorsqu'on dé- bouche ces vases. Enfin, la substance gommeuse qui réside aussi dans cette boisson lui donne une légère viscosité et rend ainsi la mousse quelques instans persistante; elle suffit encore pour humecter la langue et le palais d’une façon spéciale, ce que les connaisseurs expriment en disant que la bière n’est pas sèche, qu’elle a de la bouche; propriétés qu'ils ne retrouvent plus dans la bière faite exclusivement avec du sucre ou du sirop de fécule à l'acide sulfuri- que. Secrion IV. — De quelques bières préparées en pays étrangers. 1° Ale fabriquée en Angleterre. — Pour la fa- brication de cette bière on ne saurait apporter trop d'attention à tous les principes d’une fa- brication bien entendue, que nous avons expo- sés pendant le cours de cet article. Ici l’on n’est pas assujéti à des recettes routinières et vicieuses, commandées en d’autres cas par l'habitude d’un goût particulier que les con- sommaleurs exigent dans quelques-unes de ces sortes de boissons. On doit donc employer le plus beau malt, qui n’ait pas été altéré sur la touraille par la torréfaction, le houblon le plus récent et le mieux conservé, etc. Au reste, voici les proportions usitées pour la fa- brication de cette bière : beau malt päle d’'He- reford 14 quarters (40 hectolitres); houblon du comté de Kent, 1" qualité, 112 livres (50 kilogrammes); levure fraiche lavée , 37 livres (18 litres) ; sel, 2 kilog. On a observé que le temps le plus favorable à la fabrication de cette bière, et l’on peut le choisir, puisqu'elle se garde assez long-temps pour cela, est dans les mois de mars et d'avril, d'octobre et de novembre. Cinq jours après la mise en fermentation on enlève l’écume et l’on ajoute le sel marin; on écume de nouveau 12 heures après ; on ré- pète ensuite cette opération de 12 en 12 heures, matin et soir, jusqu'à ce que la fermentation soit terminée. Le brassin, soutiré au clair, çroduit 34 barils, équivalant à 45 hectolitres. 2° Porter anglais. — Cette espèce de bière , AGRICULTURE. BIÈRES ÉTRANGÈRES. 275 dont on fait une forte consommation dans ia Grande - Bretagne et qui s’exporte aussi er grande quantité, se fabrique particulièrement à Londres. Là, pour un brassin de porter tel qu'on le boit ordinairement, on emploie les proportions suivantes : 7 quarters malt pâle de Kingston. 6 quart. malt ambré. 3 quart. malt brun. En tout 16 quarters on 45 hect. Houblon brun du comté de Kent, 133 liv. (60 kilogr.); levure fraiche épaisse, 80 livr. (37 kilog.) ; sel marin, 2 kilog. 3° Porter de garde et propre à l'expédition. 4 quarters malt päle d'Hereford. 3 quart. ambré jaune de Kingston. 3 quart. malt brun foncé de Kingston. Total 10 quarters où 28 hect. Houblon brun commun de l’est de Kent, 100 liv. (45 kilog. 5 hectog.) ; levure fraîche et épaisse, 52 liv. (20 kilog.); sel marin, 2 liv. (800 grammes). 4 Bière de table anglaise. — On prend 12 quarters (33 hect. 84 lit.) de beau malt pâle de Suffolk; 721liv. (32 kilog. 600 gram.) de bon houblon jaune de l’est du comté de Kent; 52 liv. de bonne levure fraiche et épaisse. 5° Dans Alsace on fait une grande consom- mation d’une bière préparée dans les propor- tions suivantes et susceptible de se conser- ver fort agréable pendant 3 mois. 150 kilog. de bon malt récent, traité immédiatement après avoir été moulu ; 3 kilog. de houblon en hiver, et jusqu’à 6 en été, qui produisent en- viron 5 hectolitres de bière clarifiée. Go Bières résineuses. — Parmi les différentes espèces de bières qu’on prépare dans plusieurs pays, on distingue encore celles qu’on nomme ainsi. On emploie dans ces pays diverses va- riétés de sapin pour leur préparation. Le pro- cédé de fabrication consiste tout simplement à remplacer le houblon par 3 à 4 fois plus de ces copeaux minces, dont on obtient également dans le moût d'orge une décoction qui pré- sente une saveur aromatique spéciale. Les Anglais font usage, pour leur marine, d’un extrait de sapin connu sous le nom de es- sence of spruce, qu'ils ajoutent à différens moûis. On a aussi employé la térébenthine et le goudron de sapin à cet usage. Toutes ces sub- stances ont, comme le noublon, la propriété de conserver les moûts fermentés, propriété qui parait résider dans l'huile esseatielle. Cel- le-ci présente partout des caractères fort ana- logues. Quantaux propriétésanti-scorbutiques attribuées exclusivement aux bières dites re- sineuses, il est très probable que la plupart des observations failes à ce sujet auraient élé les mêmes avec les bières de houblon, puisqu'el- les contiennent aussiune huile essentielle per- sistante. Il sera bon de consulter, pour la théorie complète et les-modifications écono- miques de cette fabrication, le chapitre relatif à l'extraction de la fécule et à ses transforma- tions en substance sucrée, soit par l'acide sul- furique, soit par la diasiase. PAYEN. TOME IT. — 95 274 ARTS AGRICOLES : BOISSONS ECONOMIQUES. LIV, IV, CHAPITRE XIV. — DE LA FABRICATION DES BOISSONS ÉCONOMIQUES. Notre intention n’est point de nous occu- per ici de ce qu'on nomme la fabrication des vins factices ou sans raisins. Cette industrie, que nous condamnons dans une contrée dont Je climat est favorable à la culture de la vi- gne et qui produit une quantité de vin au- delà de sa consommation, n’a d'autre but que d'assurer des avantages et des bénéfices à des spéculateurs frauduleux, et nous partageons cette opinion du savant MaccuLLocn que, q uels ue soient les procédés suivis, on ne parvien- ra jamais ainsi qu'à obtenir de plates rmita- tions des vins fabriqués avec le jus de raisin. La vigne seule donne du vin proprement dit. Nous avons exposé à l’article de la fabrica- tion des vins, p. 192, en parlant de la fermenta- tion, les préceptes généraux qui doivent ser- vir de guide aux œnotechniciens ; ceux-ci fe- ront de la théorie de la vinification ou de l’al- coolisation telles applications qu'ils Jugeront convenables ; quant anous,nous croyons avoir rempli consciencieusement la tâche qui nous était imposée, celle d'améliorer nos vins, et de faire sortir l’art de faire le vin, ou l’œnotech- nie de l’empirisme et de la routine. C’est en faveur des viticoles que nousavons écrit, et dans l’intérét du commerce que nous avons décrit les bonnes méthodes que devraient suivre les propriétaires de vignobles pour préparer et améliorer les boissons qui doi- vent figurer sur la table du riche; dans ce chapitre, c’est aux classes agricoles et ou- vrières que nous allons nous adresser, dans le but de leur procurer une boisson écono- mique et salubre qui puisse remplacer jus- qu'à un certain point le vin dont ils sont sou- vent forcés de se priver, et qui cependant est nécessaire au maintien de leurs forces et de leur santé. C’est d’après ce motif que nous allons enseigner au laboureur et à l’ouvrier à préparer des boissons spiritueuses qui répan- dront, je l'espère, dans le sein du ménage, la santé, la force et la gaîté, et par suite le bien-être. Ce qui vient d’être dit dans jes chapitres précédens sur la fabrication du vin, de l’eau- de-vie , de la bière et du cidre, nous dispense d'entrer dans toute considération théorique, et nous nous bornerons, dans ce précis pour les boissons de ménage, à des recettes simples, d'une facile exécution et peu dispendieuses. SECTION Ir. — Boissons vineuses fabriquées avec les fruits de chaque saison ou petits-vins domestiques. Je crois devoir rappeler, avani d'entrer en matière, que conformément à la loi sur les boissons, je ne considère comme vinsque toute liqueur provenant du suc ou moût de raisins soumis à une fermentation dirigée d’après les principes que j'ai établis à l’article de la fabrication des vins. Pour toute autre boisson qui ne provient pas de la même source, je me servirai de celle de bhoissons vineuses économiques, petits vins d'imitation, enfin j’emploierai le mot pt- quette, déjà usité pour la boisson préparée avec le marc de vendange sur lequel on jette de l’eau, et qui peut être appliqué à toute es- pèce de liqueur vineuse qui contient moins de 3 à 4 centièmes d’alcool absolu et ren- ferme une assez grande proportion d’acide carbonique qui larend mousseuse et piquante. $ Ier. — Piquettes de cerises, groseilles et prunes. Les cerises sont la 1r° sorte de fruit que la nature nous offre sur la fin &u printemps. Leur abondance et le bon marché permettent sou- vent de les employer à préparer une boisson. Quelques personnes se contentent de les écraser dans un baquet ou petit cuvier, avec uneespèce de pilon along manche; elles rem- plissent ensuite un tonneau aux 3/4 avec cette pilée ou pulpe, et complètent le remplissage avec de l’eau jusqu’à un pouce de la bonde. Au lieu de boucher légèrement nous recom- mandons l’usage d’une bonde hydraulique. La fermentation s'établit bientôt, et au bout de 8 ou 10 jours ou plus, lorsque le gaz acide carbonique ne s'échappe plus, on commence à tirer, par le robinet placé près la partie basse du fond du tonneau, de la boisson pour l'usage journalier, en ayant soin de rempla- cer le liquide soutiré par une même quantité d’eau versée par la bonde. On continue de tirer et de remettre selon la consommation, jusqu'à ce que la liqueur devenant moins sapide on soutire enfin sans remplir. Nous donnons la préférence au procédé suivant. On emploie un mélange des diverses espèces de cerises rouges et noires, celles qui sont aigres en moindre proportion. Au lieu de les iler on les fait passer entre 2 cylindres de ois légèrement cannelés, et qui peuvent s’a- vancer et reculer à volonté. (V. la fou- loire, fig.187). J’ai fait établir ce petit appa- reil tout en bois, jusqu'aux engrenages des cylindres que j'avais remplacés par une lan- terne comme done les moulins. C’est un vé- ritable appareil de ménage et surtout à bon marché; je m'en suis servi plusieurs années de suite avec des additions que j'indiquerai. Après que les cerises ont été privées de leurs queues et foulées, on met dans une petite cuve un hectolitre de cette pulpe ; on verse dessus une quantité égale d’eau bouiliante , ayant soin d'opérer le mélange exactement; on couvre le tout, et après le refroidissement, on essaie le liquide avec le mustimètre. S'il pèse moins de 4 à 5 degrés , on le ramène à ce poids par une addition de sirop de sucre, de sirop de dextrine ou de miel clarifié au charbon. Si l’on ne travaille que sur une pe- tite quantité, on verse le tout dans un 1on- neau dont la bonde est suffisamment élargie et munie de l’appareil de M. SEBILLE ( V. fig. 218). Si le moût est trop peuacide, onajout par hectolitre 100 gram. (environ 4 onces) d taritre cru, dissous dans un peu de moût bouillant ; l'addition de la matière sucrée se fait de la manière indiquée à l’article vin, page 196. Lorsque la fermentation est ache- vée , on soutire le petit vin ; on le verse dans un tonneau plus petit afin qu'il s’éclaircisse ; ensuite on le met en bouteilles de verre ou de grès bien bouchées, pour le boire au bout d’un mois ou plus, si on veut le garder. On jette sur le marc non pressé un peu d’eau qui chap, 14e. fonrnit une autre poisson qui se consomme de suj!e. Les habitans des campagnes qui sont à pro- æimité des forêts peuvent utiliser de cette ma- nière' les petites merises des bois. Dans les fermes on peut planter des cerisiers dans les vergers près des habitations. . Comme les fruits contiennent plus de prin- cipes gélatineux, albumineux et extractifs que le suc de raisin, je crois que l’on s’éloi- gnera peu de la proportion réelle enles comp- tant pour un degré dans l'essai au musti- mètre ; au reste, chacunsera le maître d’ajou- ter du mucoso-sucré selon la richesse alcoo- lique qu'il voudra donner à sa boisson; je conseille à la ménagère de ne pas dépasser 6 degrés. On préparera de la même manière la pt- quette de groseilles rouges, seules ou mélan- gées avec des cerises, un peu de cassis où groseilles noires. Si on désire un petit vin qui se conserve quelque temps, on préparera le moût en plaçant les fruits dans une chaudière sur le feu ; on les portera ainsi par degré Jjus- qu’à l’ébullition; on soutirera le suc sans ex- pression; on fera ensuite l’addition de sirop, si cela est nécessaire, et, après la fermentation tumultueuse, on versera dans le liquide un litre d’un mélange de parties égales d’alcool et de jus de framboises. Le cassis est plus employé pour la fabrication du ratafia qui porte son nom que pour celle de la piquette. On l’ajoute, comme nous l’a- vons dit, pour donner du parfum aux autres boissons. Quant à la préparation de la piquette de prunes, on les écrase avec les cylindres ou à la meule; on les mêle avec de l’eau et du sucre, ou du sirop. Après la fermentation on soutire la liqueur qui s’est éclaircie, et l’on met en bouteille. Le damas et la qouèche , si com- munes dans la Lorraine et l'Alsace, doivent être préférées pour cette fabrication. Les ha- bitans des campagnes feront bien de cultiver cette dernière espèce, qui manque rarement, et donne de bons pruneaux. & IL. — Piquettes de groscilles à maquereaux ou fruit du groseiller épineux etdedifférentes baies ou fruits. Dans les pays où cet arbrisseau se trouve dans les haies, ou bien est cultivé dans les press son fruit peut servir à préparer de a boisson , soit seul, soit mélangé avec d’au- tres. On le prend un peu avant l’époque de la maturité, on l’écrase, et on passe le moût à travers un tamis de crin pour séparer la pel- licule, qui donne une saveur désagréable; on mêle à ce moût une dissolution de tartre, s’il n’est pas suffisamment acide. Pour préparer la piquette de baïes de sureau ou d'hièble , on prend les baies à leur parfaite maturité; on les foule, on les mêle avec du sirop de fécule ou autre, on porte le moût à 6 degrés, puis on abandonne le tout à la fer- mentation. Ce petit vin ne se boit pas seul; on le mêle avec d’autres boissons auxquelles il donne de la couleur. On s’en sert en Bour- gogne pour colorer le vinaigre. On traite de la même manière les baies d'ai- relle ou myrtille, plante commune dans les Vosges et autres lieux montueux. Les mures, DES PIQUETTES DE FRUFTES. même ajoute + 275 ou fruits du mürier, les #&res de buissons, fruit de la ronce, les grappes du raisin d’A- mérique (phytolaca decandra), donnent par le rocédé un petit vin de teinte. On u tartre aux mûres sauvages. Pour la piquette de prunelles, fruit du pru- nellier épineux , on cueille les prunelles à leur maturité et on les broie aux cylindres. Ces baies sont ensuite mises dans une chaudière avec de l’eau, et portées par degré jusqu’à l'ébuilition. On ajoute ensuite la matière su- crée et l’on fait fermenter. On travaille de la même manière les cor- mes, les sorbes, que l’on prend avant leur par- faite maturité , et que l’on mêle avec du sirop et de l’eau pour diminuer leur saveur acerbe. On se sert aussi des cornouilles et autres fruits acerbes qui ne doivent entrer qu'en mélange avec des fruits à suc doux. En faisant cuire ces fruits, leur goût acerbe est très affaibli ; mais quand on ne veut pas les employer seuls et que l’on a à sa disposition du miel, du si- rop de fécule ou du sirop fait avec du jus de pommes et de poires tombées de l'arbre avant la maturité, il sera bon de travailler ces fruits sans coction, pour ne pas détruire le fer- ment. Une chose essentielle à observer, c’est de ne pas ajouter de matière sucrée en quantité plus grande que celle qui peut être convertie en alcool, parce qu’alors les boissons conserveraient une douceur désagréable et que l’on doit éviter. En effet, ces piquettes sont faites pour être bues dans le mois ou la saison, et non pour être gardées ; elles doivent être vineuses et piquantes, et même mousser légèrement. Len en cet état qu’elles sont plus agréables à oire. 6 III. —Piquettes de fruits secs. Les fruits secs que l’on destine à cette fa- brication sont les cerises, les pruneaux, les pommes, les poires , les myrtilles ou bluets, les raisins, etc. Quelques personnes se Con- tentent de placer les fruits dans un tonneau et de verser dessus de l’eau bouillante ou chaude à 60 degrés. Après que la fermentation tumultueuse est terminée et le liquide éclair- ci, on met en bouteilles et l’on bouche exac- tement. Cette boisson bien préparée est agréa- ble et mousse comme le vin de Champagne. Lorsque le moût refroidi est trop doux , on Y ajoute une solution de tarire. On bonifie de méme cette boisson en versant un litre de bonne eau-de-vie par hectolitre, avant la mise en bouteilles. Secrion II. — Boissons fabriquées avec diver- ses substances mucoso-sucrées , Ou diverses es- pèces de sucre. On trouvera dans les chapitres qui précè- dent l’énumération des diverses matières su- crées que la fermentation peut convertir en alcool, et l'indication des moyens de les obte- nir isolées et dans un état de concentration suffisant pour leur conservation. $ Ier. — Hydromels vineux. Prenez la quantité de miel dont vous pour- 276 rez disposer; faites fondre dans 4 ou 5 parties d’eau en volume; écumez et clarifiez avec un blanc d’œuf pour chaque kilog.; jetez dans le sirop bouillant, avant la clarification, 100 gram. ou 4onces, par kilog. de miel, de noir animal; écumez. Ajoutez ensuite 4 onces de fleurs de ureau pour 2? hectol. de moût, ramené à la densité de 4 degrés mustimétriques; c’est un gros par kilog. de miel fondu. Vous pouvez substituer à la fleur de sureau tel autre arôme que vous aurez à votre disposition, la semence de coriandre, les amandes amères, celles de noyaux de cerises, abricots, etc., les sommi- tés fleuries d’orvale ou toute-bonne, les grai- nes d’angélique, de fenouil, de cumin et même de genièvre. Le sirop, amené au poids indiqué, refroidi à 15 à 18° degrés centigrades, est mis en fer- mentation avec de la levure ou du levain de boulanger non acide. Si l’on veut un hydromel plus rapproché du vin, on ajoute de la crème de tartre (500 “ram. par hectol.), ou des fruits acides, âpres ou acerbes. Lorsque la fermentation tumultueuse est terminée, on soutire; on additionne de Pal- cool si on le juge convenable. Quinze jours ou un mois après on colle aux blancs d'œufs, et l'on soutire en bouteilles où en cruchons de terre qu'on laisse droits si la saison est chaude, afin d'éviter la casse, parce que ces espèces de liqueurs sont très sujettes à re- commencer leur travail à diverses époques de l'année. Cette formule suffit pour diriger Ja fabrica- tion de toute espèce de boisson analogue avec la mélasse, le sirop de sucre brut, le sirop de fécule et de dextrine. Ceux qui auront lu et éludié ce qui est indiqué pour la fabrication du vin, du cidre et de la bière nous com- prendront facilement et indiqueront à leurs fermiers les procédés qu'ils devront adopter suivant la saison et les localités. La boisson la plus économique, la plus saine et la moins dispendieuse, est la suivante, que tout cultivateur jaloux de conserver la santé de ses ouvriers doit préparer aux époques de ja fauchaison et de la moisson , époques aux- quelles il ne doit point permettre que ses ravailleurs boivent de l’eau pure. Nous don- nons plusieurs formules afin que l’on puisse choisir. 1° Crème de tartre, 100 gram. (3 onces 1/2) Racine deréglisse 250 1d. (8 onces) Eau bouillante, 20 litres, Eau-de-vie à 19 degrés, 1 litre. On fait bouillir le sel et la réglisse jusqu’à ce que la crème de tartre soit dissoute ; on relire du feu; on laisse déposer ou l’on passe dans un tamis serré; après refroidissement on verse le tout dans un baril en ajoutant leau- de-vie. Cette boisson se consomme de suite. 20 Crème de tartre, 100 gram. Sucre brut, 750 id (1 liv. 1/2) Ou sirop à 350; 1000 id. (2 liv.) Eau bouillante; ce qu'il faut pour dissoudre le tout. Ajoutez ce qui manque d’eau pour obtenir 20 litres. Alcool 3/6, 1 litre, ou eau-de-vie à 18°, 2 li- tres. Mettez en bouteilles bien bouchées, On ARTS AGRICOLES : BOISSONS ÉCONOMIQUES. LIV, EŸ. peutajouter quelques aromates, tels que fleurs de sureau, de mélilot, graine de coriandre, etc. Dans le Midi on se servira des écorces de ci: irons, oranges, etc. On peut remplacer la crème de tartre par le tiers en poids d'acide tartrique ou citri- que. 3° Sucre brut, 1 kilog. 250 gram. (2 1/2 lix.) Sirop à 35°, 1 id. 750 (3 1/2 liv.) Vinaigre fort, 1/2 lit. Fleur desureauouautre, 8 gram. Faites fondre le sucre, ajoutez le sureau et le vinaigre, faites 20 litres de liqueur à la- quelle on peut ajouter un litre d’eau-de-vie; mettez en bouteilles ou en cruchons bien bouchés, qui restent couchés 4 ou 5 jours au plus dans cet état; on les relève ensuite, et on, boit cet hydromel après 8 ou 10 jours, sui vant la température. Il est inutile d'indiquer comment on peut varier la composition de cette boisson du la- boureur; quelques essais en apprendront as- sez aux ménagères. Dans les campagnes, on profitera de la chaleur du four, après la cuis- son du pain, pour faire sécher les cerises , abricots, prunes, pommes, poires, qui ne peuvent être vendus où consommés. Ces fruits secs bouillis dans l’eau entreront dans la com- position des piquettes. Si on ne peut les faire sécher, on en formera des marmelades par une cuisson suffisante et addition d’un peu de miel ousirop quelconque; ces marmelades délayées donneront une boisson agréable. $ 11. — Bières économiques. 2 De toutes les boissons, c’est celle qui, l'été, c’est-à-dire depuis le commencement de mai jusqu'au mois d'octobre, peut se préparer par- tout ,promptement , sans embarras , ni appa- reils compliqués; ce qu’il y a de plus com- mode, c’est qu'on peut ne fabriquer que la quantité nécessaire à la consommation. Un chaudron, un baquetou uneterrineengrès, un baril ou bien une dame-jeanne , un tamis de crin ou un crible, voilà, pour cet objet, tous les ustensiles nécessaires et qui existent dans tous les ménages. Les ingrédiens pour faire les bières ne sont pas en grand nombre : du sirop de fécule ou de dextrine, du houblon, des tiges feuillées de germandrée ou petit chêne, de la petite centaurée , de la camomille romaine, feuilles et fleurs, ou même de la tanaisie, et enfin de la levure. En attendant que l'orge germée , la drèche ou malt , soit l’objet d’une industrie spéciale etsoit répandue dans le commerce, on se procurera le sirop de dextrine à la manufac- ture de Neuilly; mais les frais de transport ne permettront pas, dansleslieux éloignés de la capitale, de profiter de cette découverte pour la fabrication de la bière économique. Ceux qui pourront se procurer du malt, ou le préparer eux-mêmes en petite quantité, trouveront un grand avantage dans la sac- charification de la fécule. On doit employer la farine de malt dans la proportion de 5 à 10 0/0 de fécule de pommes de terre (V. bière, p: 267 ). | La formule suivante est pour un hectolitre. Sirop de féculeà35 degrés où 1320 de densité 2 CHAP. 14°. PIQUETTE litres (un decilitre d'eau pesant 100 gram. la même mesure de sirop doit peser 132 gram.) Si on désirait avoir une bière plus alcoolique il faudrait augmenter la quantité de sirop et consulter sur la quantité d'alcool que peut fournir ce sirop, ce que nous avons dit à la page 191. k La proportion du houblon est de 600 à 1000 gram., suivant la température. On peut remplacer la moitié du houblon par autant des plantes amères sèches que nous avons In- diquées. Je me suis très bien trouvé de cette substitution, et j'aimême préparé d'assez bonne bière sans houblon, en ajoutant quel- ques aromates. On verse sur lehoublon, ou les autres subs- tances aromatiques et amères, 10 lit. d’eau b‘uillante; on laisse infuser pendant une heure ou deux dans un vase couvert; on passe à travers un tamis de crin, on exprime le mare dans un linge; puis on le fait bouillir dans 12 lit. d’eau réduits à 10 lit.; on passe avec expression. Cette décoction est ensuite mêlée avec la première infusion, et le sirop dissout dans la quantité d’eau nécessaire pour compléter les 115 lit. 1/2 de bière. On ajoute la levure et on verse le tout dans un baril ou autre vase qui doit être empli jusqu’à la bonde et placé dans un lieu dont la tempéra- ture doit être de 18 à 20° centig. La fermen- tation ne tarde pas à s'établir; le moûüt tra- vaille et se couvre d’écumes qui s’échappent par la bonde , et quisont recueillies dans un vase placé convenablement. Lorsque la li- queura cessé de travailler, qu’elle s’est éclair- cie, on la soutire dans un autre baril, qui doit être plein et bondé avec la bonde hydrau- lique, et qu’on descend à la cave; huit jours après on colle de la même manière que pour la bière ordinaire, et 24 heures après on met en bouteilles ou en cruchons. On ajoute à la colle un peu d'alcool ou d’eau-de-vie, 1/2 lit. du premier et le double de celle-ci, et si lon tient à la mousse, on verse une 1/2 liv. de sirop pour 120 lit. Dans ce cas il faut bien boucher et tenir les bouteilles droites après 3 ou 4 jours de couchage. Cette boisson ne revient qu'à 10 cent. le litre; elle ne coûte- ‘ait même que 5 cent. si l’on pouvait dans les campagnes fabriquer soi-même le sirop qui, par les frais de füt et de voiture, coûtera en province 40 ou 48 fr. les 100 kilog. Mais j’es- père non-seulement que l'orge maltée ou la drèche se trouvera bientôt dans le commerce, mais encore que l’industrie livrera aux con- sommaleurs une préparation de diastase au moyen de laquelle on pourra partout saccha- rifier la fécule de pommes de terre. Nous renvoyons, pour la manière de se pro- curer du ferment,au chapitre du vin, où cesu- Jet a été traité dans tous ses détails, et où nous avons indiqué en outre les moyens de conser- ver la levure de bière. Nous conseillons aux vignerons ou aux propriétaires viticoles d’ap- FRA cette méthode à la conservation de la ie fraiche de vins blancs, au soutirage de mars, ainsi que des écumes qui se séparent soit par la dépuration du moût, soit par la fer- mentalion tumultueuse qui la rejette par la bonde. DE RAISIN. 2 ! 1 Secriox III. — Piquelte de marc de raisin ou râpé du viticole. Dans les pays de viticulture, les vignerons préparent pour leur usage une piquette en versant de l’eau sur le marc de raisin émietté et mis dans un tonneau. Cette boisson, pas- sable les premiers jours, n’est plus au bout de quelque temps qu'une infusion àpre, aqueuse el désagréable, au moyen du remplis- sage qui se fait au fur et à mesure de la con- sommation. Nous conseillons la méthode sui- rante, au moyen de laquelle on peut se pro- curer une piquette vineuse et bonne à boire pendant tout l'hiver. Prenez le marc émietté et remplissez-en aux 3/4 où à moitié un futaille munie d’une bonde Sebille ou autre; ajoutez ensuite une solution de miel ou de sirop fécule à 3 de- grés du mustimètre ; agitez et laissez fermen- Ler 8 où 10 jours ou plus, suivant la tempé:- rature du lieu ou de la saison. On peut ajou- ter quelques fruits broyés, tels que pommes, müres sauvages, sorbes, etc., ainsi que des aromates. Dans les pays on le genévrier est commun, comme en Bourgogne et dans la Franche-Comté, on cueille ses baies après ma- turité, pour en composer une espèce de con- fiture très cordiale connue sous le nom d’ex- trait de genièvre, qui est versée dans le commerce. Si l’on fait la piquette à l’époque de la cueillette du genièvre, on pile les baies on jette dessus de l’eau bouillante, et on laisse infuser ; on délaie le miel ou le sirop dans cette infusion qui sert de liquide à ver- ser sur le marc. Si on peut conserver le marc en vaisseaux bien fermés , on prépare la piquette suivant le besoin du ménage; on emploiera alors les baies de genièvre séchées, ou mieux l’extrait de genièvre préparé à la manière du raisiné de Bourgogne. Lorsque la fermentation est achevée, on soutire cette boisson dans un autre tonneau , et on lui donne les mêmes soins qu’au vin ; on verse de l’eau sur le marc, et après 3 ou 4 jours d’infusion on consomme cette bois- son dans le ménage. Lorsqu'on n’a pas à sa disposilion de fruits acides, on ajoute du tartre à l’eau sirupée dans la proportion ci-dessus indiquée. On conserve le marc de raisin Jusqu'au mois de mars; ainsi, en faisant cette piquette à cette époque on obtient une boisson vineuse qui se garde Jusqu'au mois de juin , et même toute l’année en la mettant en bouteilles. Masson-Four. La piquette, lorsqu'elle est bien fabriquée et conservée avec soin, est fort agréable à boire, et j'ai vu bien des personnes la préfé- rer au vin, surtout dans les chaleurs de Pété; elle est la boisson exclusive d’un grand nom- bre de familles pendant 3 ou 4 mois ; au-delà de ce terme, c’est-à-dire en avril, le principe acétique qu’elle contient en grande propor- tion se développe avec force; une nouvelle fermentation s'établit dans les tonneaux, et ce qui reste encore de piquette est abar- donné. Quelques personnes, voulant lutter contre une perte qui leur répugne, persistent à en boire, mais elles n’opèrent une mince 278 économie qu'aux dépens de leur santé; on voit tous les ans des hommes très robustes éprou- ver de graves maladies qui n’ont pas d'autre cause. D’après ces considérations, et dans l'intérêt des classes laborieuses des campagnes, il me parait utile de publier le moyen facile par le- quel je suis parvenu depuis plusieurs années, non-seulement à conserver la piquette dans toute sa pureté, mais même à la dépouiller du petit goût âpre et acide qui la caractérise or- dinairement; ce moyen est tout simplement le collage. Cette opération est trop connue pour que J'eusse à l'expliquer, mais comme beau- coup des personnes que cet article intéresse articulièrement ne la connaissent pas, il est bon de la leur décrire. On prend des blancs d'œufs dans la propor- tion de 2 ou 3 par hectolitre de boisson; on les fouette avec un petit balai jusqu’à ce qu'ils soient parfaitement convertis en écume; on les jette dans le tonneau de piquette, et on agite le mélange avec un faisceau de 4 ou 5 baguettes pendant quelques minutes; puis on bouche le tonneau. Au bout de 5 ou 6 jours les blancs d’œufs ont entraîné au fond du tonneau toutes lesimpuretés de la boisson; ARTS AGRICOLES: FABRICA'TON DU SUCRE DE BETTERAVES. LIV. IV, il faut alors la transvaser pour la séparer du dépôt qui vient de se former. L'époque la plus opportune pour le 1‘ collage est le moment de la floraison des vignes ; on renouvellera cette opération au mois de mai et encore er août; on observera de choisir pour transvaser un temps clair. Quand les propriétaires qui ont l’usage de faire de la piquette auront la certitude de la conserver tout l'été, ils se détermineront à en fabriquer une plus grande quantité, et ils s’y détermineront d'autant plus facilement qu'ils accorderont à celle qui aura été clarifice une grande supériorité. J'ajouterai, pour les personnes qui hésite- raient à adopter une méthode qu'ils ne con- naissent pas, qu’il n’y a de dépense que quel- ques blancs d’œufs et une perte de temps bien légère pour opérer la décantation, et qu’à l’é- poque où cette opération a lieu, toute cave a des futailles vides. Mais, pour assurer la par- faite conservation d’une boisson, il faut la mettre dans de bons tonneaux; on prétend que la piquette les détériore ; je puis assurer que, lorsqu'elle est clarifiée, il n’en est rien. OcT. DE CHAPELAIN. CHAPITRE XV. — DE LA FABRICATION DU SUCRE DE BETTERAVES. SECTION Jre. — Du sucre de betteraves et de la culture de cette plante. La fabrication du sucre de betteraves est une industrie nouvelle pour la plupart de nos cultivateurs, et qui mérite de fixer leur atten- tion. Depuis un certain nombre d’années elle a pris un prodigieux développement dans quelques-uns de nos départemens du Nord, et chaque jour elle s’étend davantage dans nos au- tres départemens. Nous nous proposons, dans ce chapitre, de faire connaître d’une manière succincte et précise les procédés au moyen desquels on extrait ce sucre, et d'indiquer les perfectionnemens qui ont été introduits ré- cemment dans cet art agricole et manufactu- rier. Le sucre de betteraves est sensiblement identique avec le sucre obtenu des cannes à sucre dans nos colonies et dans l’Inde. Les procédés au moyen desquels on obtient le premier peuvent même s'appliquer, sauf de légères modifications, au traitement du jus recueilli dans les colonies, et les améliorations les plus importantes introduites dans nos su- creries indigènes ont été exportées la plupart dans nos possessions coloniales. Dans la culture des cannes et des bette- raves, des applications en grand ont démontré ue les engrais de matière animale produisent d très bons effets s’ils sont employés en doses convenables et s’ils ne sont pas assez rapide- ment altérés pour être classés parmi les fu- miers chauds. Ainsi, 500 à 750 kilog. par hec- tere de chair ou sang secs en poudre, ou 1200 à 1500 kilog. d’os pulvérisés,ou 12 à 15 hecto- litres de noir animal résidu des clarifications, ou 18 hectolitres de poudrette, ou encore 12 hectolitres de noir animalisé(1), mêlés avec leur volume de terre du champ et répandus dans les sillons , soit avec la graine, soit sur les betteraves, ou avec les racines dans le trou du plantoir au moment du repiquage, acti- vent très utilement la végétation et augmen tent de beaucoup les produits, sans nuire en aucune manière à la qualité sucrée du jus (voy- l’article Engrais, Tom. 1°", p. 82). M. De Vazcourr a obtenu les meilleurs ré- sultats du repiquage des betteraves sur ados ou billons; c’est en effet un moyen économi- que de donner le plus de profondeur en terre meuble à ces racines charnues que le fonds du sol arrête presque toujours dans une par- tie de leurs développemens. Parmi les procédés d'emmagasinement des betteraves, l’un de ceux que j'ai indiqués consiste à les enfouir dans les silos étroits (5 à 6 pi. de large, 5 pi. de profondenr, sur une longueur indéterminée), et à les recouvrir de terre; il a obtenu généralement la préférence sur tous les autres. Afin de mieux nettoyer et ameublir les terres, ou pour avoir une provision plus grande de betteraves lorsque le terrain à dis- position ne suffit pas pour alterner les cul- tures, on peut obtenir plusieurs années de suite des récoltes de betteraves, sur le même terrain; mais dans ce cas, on ne profite pas pour la culture des céréales et autres du net- (1) Cet engrais, employé dans la proportion de 18 hectolitres par hectare, a donné lieu dans la grande cal- ture qu’on vient de fonder à Montesson, près Paris, à la production de très belles betteraves à sucre dans un sol de médiocre qualité, criaP. 15°. toiement du sol par les façons que nécessitent et paient la culture et la vente des betteraves. Dans chacun des trois binages, il convient d'enlever les grandes feuilles couchées sur le sol : elles servent de nourriture aux bestiaux, tandis qu’elles ne tarderaient pas à s’altérer si on les laissait aux plantes. M. Grener-PÉLÉé de Thoury a cultivé pen- dant dix années de suite des betteraves dans la même terre, et obtenu de très heureux produits en ajoutant en proportions conve- nables des engrais et notamment du noir ani- mal. Nous allons passer maintenant aux diverses opérations qu'on fait subir aux betteraves, puis au jus qu'on en exprime, et aux sirops de plus en plus rapprochés; enfin nous don- _nerons la description des principaux appa- reils de cuite récemment introduits dans la fabrication. SecrioN II. — Du travail des betteraves. $ Ier. — Récolte, nettoyage, lavage. Les betteraves. dès qu’elles sont bien mûres ou même 15 jours ou 3 semaines avant , sont arrachées,effeuillées dans les champs, et les feuil- les portées aux bestiaux, qu’elles nourrissent pendant un à 2 mois. Durant cet intervalle,on arrache et l’on porte à la râpe la quantité né- Fig. 272. Fig. 273. compose d’un grand cylindre creux en bois À, dont les douves sont écartées de 12 à 15 lignes à l'extérieur, et de 5 à 6 vers l’intérieur. Ce cylindre tourne sur son axe en fer, en plon- geant à sa partie inférieure dans une caisse en bois B, remplie d’eau. Cette caisse doit être en bois de chêne et présenter une grande soli- dité; elle repose sur des cales qui, par la dif- férence entre leur hauteur, règlent la pente que l’on veut donner à Pappareil. Elle doit avoir une profondeur telle que la terre déta- chée des racines puisse s’y amasser sans venir toucher le cylindre. Dans la partie inférieure de cette caisse, et du côté de la pente, doit se trouver un trou d'homme qui permette d'y entrer pour faire évacuer chaque Jour toute la vase qui s’y est accumulée. CC, petites em- poises en fonte, boulonnées sur les traverses, qui forment le bâti de la caisse; elles sont gar- uies de coussinets en cuivre, dans lesquels tourne l'arbre en fer D, qui traverse le cy- lindre A. E, cercle en fonte, soutenu par 4 DU TRAVAIL DES BETTERAVES.. 279 cessaire à la fabrication journalière; le surplus est déposé dans des silos à proximité de l'u- sine, pour être traité postérieurement. 11 y a un double avantage à commencer le traitement des betteraves avant leur complète maturité : 1° elles contiennent alors presque autant de sucre, qui est d’une plus facile ex- traction ; 2° le temps de l’arrachagese prolonge aisément, et les betteraves non arrachées s’al- tèrent moins encore que dans les silos, ne füt-ce que parce qu’elles n’ont pas encore elé froissées, meurtries, ni blessées; 3° enfin, lorsque la fabrication se prolonge au-delà de 4 mois , dans les derniers temps on en obtient beaucoup moins de sucre. A l'entrée dans la fabrique , la première opé- ration à faire consiste dans un nettoyage, dont le but est d’erlever d’abord la terre adhérente et les cailloux. Deux moyens sont employés pour y par- venir. Le 1°", plus simple, quoique moins économi- que dans une grande exploitation, consiste à râcler avec un couteau toutes les parties couvertes de terre; on tranche même les pe- tiles racines qui recèlent des pierrailles. Le 2e mode de nettoyage consiste en un lavage dans un cylindre appelé laveur, dont on voit l'élévation de face et de profil dans les fig.270, 271 la coupe longitudinale dans la fig. 272et la coupe transversale dans la fig. 273. Celaveur se Fig. 270. Fig. 271. rayons plats, partant d’un moyeu alesé, calé y p P sur l'arbre D. F, disque ou plateau en bois, fermant entièrement l'extrémité inférieure du cylindre , sauf l'ouverture K, ci-après in- diquée; il est armé à son centre d’une large rondelle ou douille, qui est aussi calée sur l’ar- bre, comme le moyeu du cercle E. G, 2° fond, qui ne remplit que la moitié de la surface du cercle F, et dont l’ouverture J est toujours accessible à la betterave qui roule dans le cy- lindre, tandis qu'une claire-voie a (fig. 271) la ramène contre le plateau ou disque extérieur, qui est percé en ce point du trou K, par où la betterave s’échappe et tombe sur le plan in- cliné L. Les cercles MM, Fi l’on aperçoit au- tour de l’axe du cylindre dans la fig. 273, sont, comme on le voit dans la fig. 272, la projection d’une espèce de tambour ou noyan, qui n'a d'autre objet que de porter la betterave à la circonférence du cylindre creux À. Celui-ci se compose de douvettes ou de liteaux en bois refendu ; la section de ceux-ci présente des 280 prismes dont le côté le plus large est appliqué sur le cercle en fonte E, et sur le disque ou plateau extérieur F, où ils sont vissés d’abord et consolidés par deux larges cercles en fer EH, ( fig.270, 272) fortement serrés et bien ajustés. L'ouverture longitudinale que ces liteaux laïs- sententreeux n’estque de 4 lignes à l’intérieur du cylindre, tandis qu’elle doit être d’un pouce à l’extérieur. Le mouvement est ordinairement donné à ce Javeur par une courroie qui enveloppe la poulie N ; celle-ci doit être en fonte, afin de ne point se gauchir. Ceite poulie tourne à frotte- inent doux sur l'arbre du cylindre, et ne Fen- traine dans son mouvement de rotation, que quand on la fait avancer vers un embrayage qui est fixé sur ledit arbre par deux clefs. P est la trémie qui reçoit les betteraves. On voit qu’elle est construite de manière à ne pas les arrêter sur son fond; disposition utile que n'offrent pas ceux des laveurs, dont la ma- nœuvre est souvent arrêtée par lengorgement de la trémie. Lorsque le cylindre fait 12 à 15tours par mi- nute il peut alimenter la râpe la mieux servie. Bien construit, il nécessite peu de puissance mé- canique et consomme peu d’eau. Il convient généralement, dans une fabri- que de sucre de betteraves, de se servir de bœu/fs ou de vaches pour imprimer la puissance inécanique au laveur, aux râpes, presses, pom- pes, tire-sacs, elc.; car ces animaux, HOurrIs en srande partie avec le marc pressé de la pulpe, rendent, soit en accroissement de chair mus- culaire, soit en produit de lait, une valeur qui représente celle de ces résidus et les utilise ainsi. Un manége attelé de six animaux, ce qui en suppose 24 à l'écurie pour se relayer, suffit Jour une usine traitant 5,000,000 kilog. de Pr Les betteraves, telles qu’elles arrivent des champs, sont jetées dans la trémie P, à l’un des bouts du cylindre laveur; elles s’avancent, en frottant les unes sur les autres, au milieu de l’eau, puis sortent débarrassées de la terre et des pierrailles à l’autre bout du cylin- dre sur le plan incliné L. On change l’eau seu- lement lorsqu'elle est devenue irop bour- beuse et même on peut n’enlever que le dé- pôt et remplir d’eau. La sommité de la tête, où sont insérées les feuilles (petioles), qui est plus dure et moins sucrée que le reste de la betterave, doit être Fig. 278. ARTS AGRICOLES : FABRICATION DU SUCRE DE BETTERAVES. LIV. IV. réservée pour les bestiaux. Il est assez im- portant d'y joindre la pointe du cône, formant le bout de la tête, et que l’on tranche égale- ment au coutean, parce qu'il renferme ue sorte de dépôt d’uu suc salé analogue à cel des petioles. Il reste toujours, soit dans les épluchures à la main, soit dans la vase du laveur, de petites racines qu’on doit en extraire par un lavage sur un crible, pour les donner aux animaux ; car, n'offrant que trop peu de prise, les râpes ne les réduiraient pas en pulpe. Les betteraves, nettoyées par l’un des deux procédés ci-dessus, sont déchirées à la räpe. Nous allons nous occuper de cette opération, en prévenant que nous indiquerons plus loin une autre machine appliquée depuis quelque temps à l'extraction du jus des betteraves. IL. — Du räpage des betteraves. Plusieurs sortes d’ustensiles connus sous le nom de ràpes sont destinés à déchirer les utri cules ou le tissu cellulaire qui, dans les bet- teraves, contiennent le suc liquide. Les différens systèmes des râpes, désignées sous les noms des constructeurs, sont ceux de CaizLen, de PIcHON , de BURETTE, d'ObOBEL et de THrERRTY. Dans des fabriques où le râpage s’est fait à bras d'hommes, la râpe de Prcnon , très com- mode, donnait de la pulpe très fine et bien cffi- lochée; on pouvait proportionner aisément l’ou- vrage à la force etau nombre (2 à 4) des hommes el aussi en raison de la dureté des betteraves ; car il suffit de charger plus ou moins le char- riot sans fin qui les amène au cylindre dévo- rateur. La râpe de Terry, perfectionnée dans son exécution par M. MOouLFARINE, et qu'on voit en coupe verticale par-devant dans la fig. 274 et de côté dans la fig. 275, est la plus généra- lement employée aujourd'hui. Elle se compose d’une trémie À, posant sur le bâti en fonte B, au moyen de la semelle &, qui y est maintenue par 2 boulons; cette trémie est divisée en 2 parties par une cloison à (fig. 276) fondue avec elle. C, tambour ou cylindre creux, dont le corps ne fait qu’une seule pièce avec les rayons et le mamelon c, ajusté sur l'arbre D qu’il ne touche que vers ses extrémités. À chacun des rebords d de ce cylindre, on a pratiqué une rainure circulaire, dans laquelle entrent à cou- lisses les lames denices e (fig. 277 et 278)et les cap. 15°. traverses en fer ou en bois Z, destinées à main- tenir leur écartement. Pour fixer ces lames et pouvoir au besoin en changer quelques-unes sans être obligé de les démonter toutes, après avoir garni le 8° de la circonférence du tam- bour, on place dans l’encoche g une des clefs h; puis on garnit la 2° partie, que l’on assuJétit également par une nouvelle clef. ; D, Axe du cylindre. Ses 2 extrémités sont disposées pour recevoir alternativement le pi- guon E, qui engrène la roue F, dont les dents sont en bois et qui est montée sur l'arbre G. H , poulie en bois, fixée par des chevilles sur des croisillons en fonte, et destinée à trans- mettre le mouvement qu'ellerecoit du moteur. I , support de l'arbre G. J(/ig. 275 et 276), deux rabots ou poussoirs en bois,dont sesert l’ouvrier pour presser les racines courtes contre la sur- face du tambour. Ces rabots sont munis d’un arrêt #, qui vient buter contre le plan #, pour w'ils ne touchent pas l’armure dentée du cy- lindre. K, caisse en bois dont l'intérieur est garni d’une feuille de métal, plomb ou cuivre, pour recevoir la pulpe extraite de la racine. L, enveloppe circulaire aussi garnie intérieure- ment en métal, el recouvrant la partie supé- rieure du tambour. Comme le râpage exige une grande célérité , le moteur de cette machine doit commuæiquer au tambour, une vitesse de 6 à 800 tours par minute. Un homme est employé à faire mar- cher, avec les 2 mains, les rabots J, pour presser contre l’armure du cylindre les bet- teraves jetées une à une par 2 enfans placés à ses côtés. Quelques cailloux échappés au nettoyage viennent de temps à autre ébrécher ou casser des dents; il est donc indispensable d'avoir pour chaque râpe des lames de rechange et un ouvrier habitué à les substituer. $ LIL. — Du pressurage de la pulpe. La pulpe, au fur et à mesure qu’elle est ob- tenue, était autrefois portée sur la toile sans fin d’une presse à cylindres, si mieux encore la vulpe ne tombait directement sur cette toile. La presse à cylindres offrait l’avantage de don- ner directement 50 de jus pour 100 environ de pulpe, et comme, dans toutes les opéra- tions des fabriques de sucre, la célérité est une des conditions les plus essentielles pour le succès, la presse à cylindres a dû être considérée d'abord comme un des ustensiles nécessaires. Mais lorsqu'on eut reconnu que son service n'était pas indispensable, et qu'en soumettant directement la pulpe à l’action d’une presse à vis enfer, où &@ levier, on à choc, où mieux encore dune presse hydraulique, on pouvait simplifier l'opération sans rien perdre dans la célérité, les presses à cylindres furent sup- primées. Voici comment on opère aujourd’hui avec les presses en usage. Sur le plateau inférieur B de Ja presse (fig. 279) on pose une claie d'environ 2 pi. sur 20 po., en osier à claire- voie, ou mieux en lattes espacées de 6 lignes, réunies par des torsades ep fil de laiton. La pulpe est enfermée, sortant de la râpe, dans des sacs en canevas fort AA, dont on reborde de 6 po. l'ouverture. On aplatit à l’aide d’un rouleau sur une table latérale doublée de AGR: DU TRAVAIL DES BETTERAVES. plomb ou de cuivre étamé, laissant écouler le jus dans une des chaudières à déféquer. Les sacs ainsi disposés, et contenant la pulpe pressée, doivent avoir 18 po. de large sur 22 de long, et 12 à 15 lignes d'épaisseur. On place 2 de ces sortes de galettes sur la claie, on pose une 2° claie dessus, puis on continue d’empi- ler successivement deux sacs aplatis, puis une claie, Jusqu'à ce qu'on ait formé une hauteur de 30 po. environ; quatre montans, entre les- quels se meut le plateau hrférieur, servent de guides pour empiler les sacs et claies. On serre très graduellement la presse, et lon ob- tient directement ainsi 70 à 75 de jus pour 100 de pulpe fraiche. Pendant qu’une presse agit, une autre est chargée de même, en sorte que la pulpe soit toujours rapidement expri- mée ; une presse donne 6,000 kilog. de jus en 12 heures. Touslesrécipiens, les réservoirs, les plateaux des presses, les conduits du jus, doivent être doublés en cuivre, laiton ou plomb; en un mot, il convient d'éviter le plus possible de mettre le Jus en contact avec des ustensiles en bois, qui absorbent un peu de ce liquide, le laissent fermenter, et entretiennent ainsi une sorte de levain susceptible d’altérer le suc qui passe ultérieurement sur ces surfaces. La même observation s'applique à tous les ustensiles employés dans la fabrication et le raffinage du sucre. Les procédés usuels que nous venons d’in- diquer pour lextraction du jus des bette- raves laissent un marc pesant encore 25 à 30 pour 100 du poids des betteraves , et comme celles-ci ne contiennent que 3 centièmes en- viron de substance ligneuse non réductible en jus, le marc de 100 kilog. de betteraves recèle encore 22 à 23 de jus, et à! importe d’au- tant plus d'obtenir cette portion que ce marc a déjà supporté tous les frais de nettoyage, de rapage, etc. Un grand nombre d'essais à cet égard , fondés sur un broyage mécanique plus T. III.—36. 282 parfait n’ont pas encore donné de résultats utiles. Dans quelques usines, notamment chez MM. BLANQUET, HARPIGNIES, HAMoïR, etc., on introduisit d’abord une modification utile, qui a produit 5 de jus pour 100 au-delà de ce que l’on recueillait primitivement. Cette mo- dification consiste à replacer dans une 2° presse hydraulique les sacs déjà pressés, et sans autre soin qu’un changement dans l’ordre de su- perposition. Ainsi, au lieu de poser, comme la 1r fois, une claie et un sac de pulpe, on pose d’abord une claie, puis 2 des sacs déjà com- primés. Les anfractuosités des claies et les bourrelets des sacs ne correspondant plus, la pression maxime se trouve exercée sur beaucoup de parties qui ne l’avaient pas en- core éprouvée, et une nouvelle proportion de jus est exprimée, qui équivaut à 5 pour 0/0 de la betterave employée. L’heureuse idée émise par M.DEMEsMAY, de soumettre les sacs à l’action de la vapeur après une {re expression, amena un changement plus important encore, qui vient d’être mis en pratique chez MM. LANGLARD, BLANQUET, HaARPIGNIES et Hamorr, et qui, dans ces der- niers temps, s’est propagé dans la plupart des usines ; il a donné 15 à 16 pour 0/0 de plus ue ion n’obtenait communément, c’est-à- ire 10 à 12 pour 0/0 au-delà du produit que la modification ci-dessus indiquée avait fourni. Voici quel est l'appareil. À A (fig. 280), coffre en bois doubléintérieu- Fig. 280. rement de cuivre mince; B, 2 venteaux de la porte du coffre, doublés de cuivre sur leur surface interne , el se fermant solidement par une barre appuyant sur leur joint commun ; C, boulons à clavette pour serrer et fixer la barre ; D, tringles en fer qui supportent les châssis tendus d’un grillage métallique sur lesquels on pose les sacs E , pressés une fois; F, tube à robinet amenant la vapeur dans le coffre et l’y distribuant par quelques trous à la partie inférieure, et à l’aide de 2 embran- chemens GG à la partie moyenne. Les sacs de pulpe pressés une fois, et tels qu'ils sortent de dessous les 2 presses hydrau- liques, sont posés sur les châssis; chaque chässis soutient les sacs à plat, et maintient entre eux 6 lignes d’écartement, lorsqu'on pose les châssis les uns sur les autres. Au fur et à mesure que l’un des châssis est chargé, on le pose horizontalement dans le coffre en bois qui est d’une dimension suffisante pour contenir 30 châssis, en laissant entre eux et ARTS AGRICOLES . FABRICATION DU SUCRE DE BETTERAVES. Liv. iv. Afin que cet espace soit sans aucune attention réservé, les parois intérieures du coffre por- tent verticalement des liteaux sur lesquels les châssis viennent buter. Aussitôt que les 30 châssis chargés sont ainsi empilés les uns sur les autres, on ferme les venteaux, et alors, à l’aide du tube situé au bas du coffre, on in- jecte de la vapeur en ouvrant le robinet EF pendant 10 minutes. L'eau de condensation, rassemblée dans la rigole des 2 plans inclinés au fond du coffre, s'écoule au dehors; quel- ques fissures à la jonction de la porte permet- tent l’évacuation de l’air et de l’excès de va- peur. Les 10 minutes écoulées, on cesse l'introduction de la vapeur, on ouvre le cof- fre, on en tire les châssis, dont on enlève les sacs gonflés ; on replace ceux-ci, avec les pré- cautions usitées en pareil cas, sous une presse hydraulique, qui recoit en outre30autres sacs soumis dans un 2° coffre à la vapeur, pendant que l’on finissait injection dans le 1er, et que l’on en tirait les châssis. Voici le résultat de l'emploi de cet appa- reil, et des presses à vis en fer. 400 kilog. de betteraves lavées ont donné : jus des 2 1": pressées à froid, 258 kilog. Jus obtenu d’une 3: expression, après l'injection de vapeur, 112 Résidu en pulpe, 47 Total, 417 Le jus obtenu à chaud est d’une densité égale à celle du jus à froid; il paraît que l’eau condensée pendant les 12 à 15 minutes que durel’injection est compensée par l’extraction, durant la 2e pressée à froid, d’un suc plus faible , provenant sans doute d’une sorte de sève faible contenue dans le tissu vasculaire. Il importe que l'injection soit abondante et rapide, afin sans doute de briser les cellules par une dilatation brusque, et d'éviter une sorte de cuisson du jus qui l’altérerait. Afin de faciliter la manœuvre, et de pouvoir prolonger de 5 minutes après l'injection le séjour des sacs dans le coffre, il convient d’a- voir un 3: coffre. Il devient également néces- saire de consacrer une 3e presse hydraulique à la pression des sacs chauffés. Enfin, ayant observé que les sacs sont moins chauffés dans la partie moyenne que dans le haut et le bas, MM. BLanquer ei Hamorr se proposent de régulariser la température dans toutes les parties à l’aide d’un tube vertical, implanté sur le tube horizontal, élevé jusqu’au milieu du coffre , et qui, par des petits trous corres- pondans aux intervalles entre les sacs , lance la vapeur dans tous les espaces libres. Le jus obtenu par l’action de la vapeur, traité à part, exige une proportion moindre de chaux ; 11 donne d’abondantes écumes, mais formées de flocons grumeleux plus gros. Ces phénomènes s’expliquent par la coagulation d’une partie de l’albumine dans la pulpe chauf- fée, autour de laquelle viennent s’agglomérer les produits d’une coagulation ultérieure dans les chaudières à déféquer. Du reste , la filtra- tion sur le noir en grains et le rapprochement ont lieu comme avec le jus extrait à froid, et les cristaux dans les formes ne semblent pas moins abondans. Enfin, lejus de 2° expression, mélangé et traité avec le jus à froid, n’ap- les parois un espace libre d’un pouce environ. | porte aucun changement dans les opérations. cHaP. 15°. si ce n’est une légère diminution dans les pro- portions de chaux pour déféquer. Ainsi, l'innovation que nous venons de dé- crire permet aux fabriques d'obtenir au moins autant de jus et de sucre de 82,36 de bette- raves que l’on en obtenait de 100 parties, et par suite de réduire dans cette proportion à peu près la surface de terre et les frais de culture. Si l’on voulait conserver à la culture la même importance après l’adoption de ce moyen, on conçoit qu'il faudrait augmenter les appareils d’évaporation, de cuite, etc., dans une égale proportion. Au reste, il importe de porter le jus chaud ainsi obtenu le plus tôt possible dans une chaudière prête à déféquer, et on doit surtout se garder de le mélanger d'avance avec du jus froid, dont il hâterait beaucoup la fermentation en lui communi- quant cette température douce, cause si puis- sante d’altérations graves. $ IV. — De la disposition d'un atelier. Il convient dans une usine bien disposée que les râpes et les presses soient à un étage assez élevé pour que le jus coule graduelle- ment daps les réservoirs, chaudières et filtres, en sorte qu'une fois les betteraves montées ar un fire-sacs, il n’y ait plus dans tout e reste de l’opération, après les avoir râpées et pressées , que des robinets à tourner pour DU TRAVAIL DES BETTERAVES. 283 recevoir le jus dans la chaudière à déféquer, puis le liquide successivement dans les fil- tres, les chaudières évaporatoires, la chau- dière à cuire et les cristallisoirs. La fig. 281 esquisse cette disposition et suppose le chauf- fage à vapeur. A, râpes; B, C, D, 3 presses hydrauliques; G, treuil mû comme la râpe par le mouvement du manége E, placé sous cette partie de Patelier; ce treuil monte les betteraves nettoyées; F, chaudière à défé. uer (il y en a 2 ou 3 au moins, afin que l’une ’elles soit toujours prête à recevoir le jus); G, 1°" filtres ; H, chaudières plates à évaporer; I, 2° et 3° filtres; J, réservoir à clairce; K, chaudière à cuire; L, rafraichissoir ; M, formes ou cristallisoirs dans lempli. Cependant cette disposition exigeant la construction coûteuse d’un étage élevé de 12 à 15 pi. très solide et l'élévation plus grande de l’eau de lavage, des ustensiles, d’un poids de betteraves considérable, et dépensant donc plus de frais de 1" établissement et de force mécanique , on préfère quelquefois laisser les räpes et les presses au rez-de-chaussée dans un atelier aéré, dallé, facile à laver à grande eau. Par suite de cette dernière disposition , le jus est monté dans la chaudière à déféquer à l’aide de pompes, et l’on doit avoir le plus rand soin de vider et laver chaque jour tous es tuyaux, conduits et réservoirs de celles-ci Fig. 281. afin d'éviter l’altération du jus qui y séjourne- rail pendant les intervalles du travail. $ V.— Des procédés de macération. Cent de betteraves épluchées contiennent, téermemoyen, 14 parties de substances sèches, 86 d'eau; sur les 14 centièmes, la portion disso- luble forme 10 à 11 pour 0/0, et le tissu orga- nique ou la matière ligneuse environ 3 à 4; le jus constitue donc au moins les 96 centièmes du poids de la betterave. Ce qui s’oppose à ce que l’on extraie facilement le jus , c’est qu’il est selon mGi renfermé dans des cellules ou utricules dont plusieurs parties ne sont pas atteintes par la râpe. M. MarTniEu DE Dom- BASLE admet qu’un principe vital s'oppose à la X WE < & séparation du jus, et qu’en chauffant jusqu’à l’ébullition on détruit la vitalité dans la racine de betteraves. Je suppose que cette tempéra- ture, déterminant la rupture des cellules, laisse le suc qui s’y trouve contenu libre de suivre les lois ordinaires de l'écoulement des liquides. Quelle qu’en soit au reste la cause, M. DE DomBasLE à reconnu qu'après une coction à 100° les betteraves, facilement coupées en tranches, peuvent , après avoir été chauffées à 100, étre lessivées par bandes comme les matériaux salpétrés sur sept filtres en forme de tonneaux remplis de ces tranches; l’eau passée successivement se charge de plus en plus de jus tandis que, par des additions 264 successives de solutions de plus en plus fai- bles, chaque filtre épuise à son tour les tran- ches de betteraves qu'il contient. On soutient la température par des tubes chauffés à l’aide de la vapeur et plongés dans chaque filtre. En résumé, cette méthode permet d’obte- nir, en baissant seulement d’un degré environ (sur 7 ou 8), les 90 centièmes du Jus que con- tiennent les betteraves , au lieu de 65 à 75 que l'on obtient communément; le râpage et le pressurage seraient d’ailleurs supprimés et remplacés par la division en tranches et la coc- tion bien moins coûteuses. M. DE DOMBASLE ennonce être parvenu à traiter le jus cuit en opérant la défécation à 70e, et laissant déposer au lieu de faire monter l’écume. M. pe BEauJEU a modifié cet appareil en le rendant continu, et en disposant d’un tonneau à l’autre des tubes qui ramènent à la partie supérieure le liquide filiré sur un tonneau précédent. Dans les détails que nous allons donner, nous supposerons l’application de la chaleur restreinte aux premiers momens de l'introduction des tranches de betteraves, puisque cette innovation récente, due à M. »E BEAUJEU, coustitue une amélioration évi- dente. Pour la facilité du service, les tonneaux macérateurs À peuvent être disposés en cercle comme le montre la fig. 282, ou rangés sur une ligne; dans tous les cas, leurs rebords sont exactement au même niveau. Dans l'appareil dont on voit l'élévation dans la fig. 282 et la coupe verticale de 2 tonneaux ou cuves successives dans la fig. 283, Fig. 282. Fig. 283. B est un demi-cylindre en tôlede cuivre, percé d’un grand nombre de trous, et qui est ajusté solidement sur le fond des tonneaux A.Cecylin- dre est enveloppé par une caisse en bois, per- cée elle-même de trous pour l'écoulement du jus sur le cylindre. C , chambre dans laquelle se rend le jus après qu’il a traversé le série, que l’on marque d’une lettre où d'un numéro d'ordre. On emplit des sacs en fort coutil avec le sucre solide extrait des cristallisoirs, dont on a brisé les plus grosses agglomérations ; puis on soumet, en lits alternatifs avec des claies n lattes, ces sacs à l’action d’une forte presse hydraulique ou à vis en fer. La plus grande par- tie du sirop, engagé entre les cristaux , est ainsi expulsée. Afin d'achever cette opération, on relève le plateau de la presse, on refoule le sucre dans les sacs; ils sont ensuite remis sous la même presse, et soumis graduellement à une forte pression pendant 10 à 12 heures. On retire alors le sucre pressé, on le porte sur la presse à cylindres; là, entrainé par leur mouvement de rotation, il s'écrase entre eux. On Fy repasse 4 ou 5 fois, et par la divi- sion ainsi obtenue la nuance, de brune qu’elle était, devient blonde. On recharge ce sucre pâteux dans des sacs en toile forte plus serrée que celle des 1ers sacs, et on les soumet à la même pression. On conçoit que la division des cristaux, laissant de moins grands interstices, force l'issue d’une partie du sirop resté inter- 302 posé. Après 10 ou 12 heures de cette dernière pression, on retire les sacs contenant environ 10 kilog. de sucre. Celui-ci émotté est livrable au commerce ou an raffinage. Si on l’emma- gasine en tas , on doit de temps à autre le re- muer à la pelle, comme on ferait du grain, afin d'empêcher qu'il ne s’agglomère en gros- ses masses dans l’intérieur desquelles se dé- veloppe un mouvement de fermentation aité- rant le sucre et lui donnant une odeur parti- culière. Le sirop obtenu par expression, et reporté comme nous l'avons dit aux ceristallisoirs, marque à l’aréomètre Baumé de 350 1/2 à 360 1/2. Lorsque la cristallisation est assez avancée, on fraîte cette 2° série comme la f'e; la mélasse qui s’en égoutte, soit spontané- ment, soit à la presse, marque 38° environ; le sucre qu’on en obtient est de qualité un peu inférieure au 1er. Les mélasses sont encore reportées à l’étuve comme les 2es sirops, et donnent une 3e cris- tallisation, que l’on traite comme ceux des 2 1res cristallisations; on a le soin de marquer cette 3e série. Le sucre cristallisé est sensible- ment plus coloré et plus gras. Lorsque les mélasses extraites marquent jusques à 429, elles sont à peu près incristalli- sables. Quelquefoisles sucres de la 3 cristallisation sont trop colorés et trop visqueux pour être vendus avantageusement ; il convient dans ce cas de les étendre, de les imprégner d’un peu d’eau par des aspersions. puis de les soumeitre successivement à la presse à cylindre et à la presse à vis ou hydraulique ; ils deviennent alors d’une nuance à peu près égale à celle des sucres obtenus en 1re cristallisation; le déchet qu’ils ont éprouvé est ordinairement de 18 à 21 p. 0/0. Les sirops exprimés, résul- tant de cette manipulation, marquent de 34 à 360; ils peuvent être réunis aux mélasses de 2e cristallisation, dans les cristallisoirs de la 3e série. Tous les sacs employés à ces expressions doivent être fortement secoués, et même ra- tissés, pour en extraire la plus grande partie du grain adhérent, puis lavés chaque fois dans plusieurs eaux, dont les plus chargées succes- sivement sont rapprochées dès qu’elles mar- quent de 20 à 21°; ensuite portées par l’évapo- ration à 32; elles sont alors mises à l’étuve et donnent une cristallisation de sucre commun. Tous les sirops qui refusent de cristalliser, amenés au degré de la mélasse ordinaire , 450 environ, se vendent sous cette forme aux dis- tillateurs. Une grande quantité de ces mélasses restait invendue, lorsqu'on lui trouva us nouveau dé- ARTS AGRICOLES : FABRICATION DU SUCRE DE BETTERAVES. : LIV. 1V. bouche; elles servent actuellement à préparer, par fermentation dite alcoolique et acétique, une sorte de viNAIGRE très commun, dont le mauvais goût ne nuit en rien à son application spéciale, car il sert à remplacer, au fond des pots à fabriquer la céruse, les vinaigres ordi- naires. On sait d’ailleurs que la mélasse sert à la fabrication de l’alcool et peut être avanta- geusement mêlée, en petite proportion, aux alimens des bestiaux (1). Le sucre brut, obtenu par l’un des 2 procédés dont nous avons donné les détails, est destiné au raffinage. On remarque qu'à nuance et sic- cités égales, et pour un même grain, il pro- duit plus au raffinage que le sucre tiré des colonies. La principale, et peut-être la seule cause, parait tenir à l’altération que subit la dernière sorte durant la traversée. Secrion IV. — Disposition d’une nouvelle fabrique. La vue d'ensemble ci-dessous indique les dispositions générales prises dans une des fa- briques le plus récemment montées à Me- lun, et mises en activité seulement depuis un mois. Au rez-de-chaussée en À on voit le laveur mécanique employé lorsque les betteraves arrivent trop chargées de terre; en A’ un homme charge les godets d’une chaîne sans fin A’ B mue aussi par machine; en C un er- fant dirige vers les coulisses de la râpe les betteraves qui tombent sur le plan incliné; un homme D est sans cesse occupé à pousser alternativement de chaque main les pet ra- bots qui pressent dans la coulisse les bettera- ves contre le cylindre dévorateur. Un aide prend à la pelle la pulpe sous la râpe et la verse dans le sac posé sur une claie reposant elle-même sur des tasseaux qui lais- sent écouler le jus sur la table creuse doublée en cuivre; une femme E aplatit et égalise au rouleau l'épaisseur (réglée à 12 ou 15 lig.). Chaque claie ainsi garnie est portée à l’une des presses hydrauliques F, que l’on charge ainsi, tandis que les trois autres fonctionnent. La pulpe pressée est livrée directement aux nourrisseurs à un prix qui permet de négli- ger d’en extraire une nouvellequantité de jus; var les moyens que nous avons indiqués, on obtient ainsi 70 à 72 de jus pour 100 de bette- rave. Le jus coule directement dans celle des 4 chaudières à défécation et qui se trouve vide; un homme surveille attentivement chaque opération avec les soins précités; il soutire le jus déféqué à laide du robinet G G’; les pre- mières portions troubles coulent par une gout- (1) On a tout récemment annencé un procédé à l'aide duquel il ne resterait plus de mélasse, et tout le sucre serait obtenu à l'etat cristallisé. Ce moyen consiste à reverser dans le jus d’une opération subséquente, et avant la défécation , la première mélasse égouttée du sucre brut, puis à continuer la fabrication comme à l'ordinaire. On conçoit qu’il se peut faire qu'on obtienne ainsi plus de sucre, par la raison que l’on compense un excès ou un défaut de chaux d’une opération sur l’autre, et qu’on évite l'altération plus profonde qui en serait résultée dans le rapprochement de la mélasse; il y aura donc lieu d'essayer, et probablement d'employer ce moyen en grand. Mais il n'est pas moins évident que l'on ne devra y recourir qu’un nombre très limité de fois, pas plus sans doute que 2 ou 3, car les substances solubles étrangères au sucre, notamment les sels, la portion de sucre altéré et rendu incristallisable, les matières azotées non précipitables par la chaux s’accumuleraient bientôt au point de s’opposer à la cristallisation des produits du jus auquel on aurait à tort mélangé cette mélasse, cnaP. 15°. DISPOSITION D'UNE FABRIQUE. 303 tière H dans un filtre à poche ou taylor; dès | clos en cuivre, dont la partie supérieure com- que le liquide coule clair on le dirige dans | munique à volonté lorsqu'on en ouvre un la conduite H’, d’où il se rend dans le réser- | robinet avec la calotte supérieure de la chau- voir I; celui-ci alimente une rangée de filtres | dière; si alors on ouvre un second robinet, le Dumonr K à l’aide des robinets à flotteur. | liquide de la chaudière coulera dans le tube ; Ces filtres alimentent le réservoir L qui des- | fermant alors les deux robinets, le dernier sert le serpentin évaporateur M de l’appareil | mettra de plus le tube en communication DEGranD, précédemment décrit, et qui est | avec l'air extérieur; il ne reste alors qu'à construit actuellement par MM. Deroswe et | ouvrir un robinet inférieur pour faire écou- Carr; la hotte N enlève les vapeurs et en dé- | ler et recevoir dans une éprouvette le li- barrasse l'atelier ; le jus marquant à froid 7° à | quide tiré de la chaudière, puis en observer le 7°,5, et seulement 4,5 après la défécation et | degré en y plongeant un aréomètre. première filtration, arrive au bas de ce serpen- Ce liquide étant à 25°, on le tire de la chau- tin marquant de 9 à 10°(1);il coule dans le ré- | diere par les moyens indiqués pag. 297; puis servoir O, d’où l’ouvrier surveillant de la chau- | on le fait couler dans le réservoir Q des dière P le fait aspirer à volonté pour le con- | deuxièmes filtres Dumonr ; au sortir de ceux-ci centrer jusques à 25°. Nous avons indiqué le | il coule dans le réservoirS, d’où on le reprend jeu des diverses pièces de cette chaudière opé- | à la fin de la journée pour terminer la cuite rant dans le vide; mais il nous reste à décrire | dans la chaudière P ; les cuites tirées dans le un petit ajutage propre à faciliter la vérifica- | réservoir sont portées dansle rafraîchissoir U, tion du degré de concentration du liquide ; on | puis mises dans les formes V. } voit par la fig. 325 qu'il se compose d’un tube La chaudière à vapeur Y met en jeu la ma- Fig. 225. #6: (De ( VR7 ] QhIZL 9 De 1 D { À ( à 1 [\ ï [\ y 1 VA À Ï \ De 1 À \ EDS CES NAN PrALDER chine X qui communique le mouvement aux | données positives sur les produits de ses dif- laveur, chaîne sans fin, râpes , presses ,et une | férentes variétés, lorsque je me suis proposé deuxième chaudière Y’ fournit toute la vapeur | de remplir ces lacunes par une analyse dont utile au service des chaudières et évapora- | voici les principaux résultats. tons. On établit en ce moment une autre Tous les principes contenus dans les bette- grande usine dans les environs de Paris (à Mon- | raves varient en proportions , suivant les va- tesson, près Saint-Germain); les défécations | riétés, les terrains, les saisons, les soins de la et concentrations y seront opérées à l’aide des | culture, etc. C’est ainsi que, dans une terre fu- appareils BRAME CnevALLier. (Voy. leur des- | mée avec les boues de Paris, j'ai trouvé des cription, page 298). betteraves donnant une égale quantité de sucre et de nitrates, tandis que généralement, SECTION V.— Analyse des betteraves et théorie | la proportion du sucre est au moins vingt de leur traitement. fois plus considérable que celle des ni- trates ; quelquefois même à peine trouve-t-on On fabriquait depuis plusieurs années en | des traces de ces sels. Au reste, le plus ordi- grand le sucre de betteraves chez nous et | nairement, les substances qui constituent la cependant on ignorait encore la composition | betterave sont dans l’ordre suivant, rangées chimique de la betterave; on n’avait pas de |! d’après leurs plus fortes proportions. 1° Eau (4) Le suc dépose sur les tubes des sels calcaires qu’il importe d'enlever en brossant fortement tous les jours une fois les surfaces métalliques ; faute de ce soin l’évaporation serait considérablement ralentie. 304 (de 85, environ, à 90 centièmes). 2° Sucre eréstallisable, identique avec celui des cannes (de 11 à 6 pour 100). 3° Sucre incristallisavle. D'après mes expériences, que celles de M. PE- LOUzE ont confirmées, il est démontré que ce sucre ne préexiste pas dans la betterave, mais qu'il est le résultat d’une altération du sucre cristallisable, soit dansles betteraves gardées, soit par les agens de la fabrication ou même de l'analyse. 4° Albumine, coagulable par la chaleur, etc. 5° Acide pectique (1) ou pectine. 6° Ligneux, en fibres fortes et en utricules ex- cessivement minces. 7° Substance azolée, so- luble dans l'alcool . aralogue à l’osmazone. 8° Matière colorante brune, et quelquefois rouge ou jaune. 9° Substance aromatique, of- frant une odeur analogue à celle de la vaniile. 10° Matières grasses, Y'une fluide à 10°, l’autre consistante à cette température. 11° Malates, acides de potasse, d’ammoniaque et de chaux. 12° Chlorure de potassium. 13° Nitrates de po- tasse et de chaux. 14° Oxalate de chaux. 15° Phosphate de chaux. 16° Chlorophile. Cette substance n'existe en proportion sensible que dans le tissu fibreux sous l’épiderme, et seu- lement dans les parties des racines sorties hors de terre, colorées en vert. 17° Huile essentielle, principe de l'odeur vireuse des betteraves, en partie soluble dans l’eau, à la- quelle elle communique un goût désagréable et son odeur forte. 18° Silice, soufre, etc. La pulpe sèche des betteraves incinérée laisse un résidu de 0,05 à 0,07 de son poids, blanc grisâtre, qui, lessivé et la solution rap- prochée, donne en salin de 0,5 à 0,6 du poids des cendres, blanc, riche en sous-carbonate de potasse, employant 0,68 à 0,72 d'acide sulfu- rique à 66° (1845, poids spécifique) pour être complètement saturé. Les résultats variables entre les limites indiquées ci-dessus ont été obtenus de diverses variétés venues dans différens terrains. Les betteraves sont composées physiquement, savoir : au centre, d’un cordon de fibres dures, longitudinales, formant un double faisceau de vaisseaux séveux contournés en hélice, auquel viennent se rattacher les fibres ou vaisseaux des petites racines latérales. Ce faisceau re- çoit donc les fibres ou canaux divergens; il est enveloppé d’une couche épaisse, fusiforme, d’une substance charnue ou tissu cellulaire composé d’une multitude d’utricules rem- plies de suc. À cette couche succèdent alter- nativement une enveloppe de vaisseaux fi- breux et une couche excentrique charnue, ordinairement au nombre de quatre des pre- miers, dont deux contournés en hélice, et trois des secondes ; viennent ensuite trois en- veloppes fibreuses de plus en plus colorées, et enfin la dernière, très mince, de couleur gri- sâtre sur toutes les betteraves et qui forme leur épiderme. Le suc contenu dans les vaisseaux fibreux est incolore, d’une saveur faible, douce, et ve contient que des proportions excessive- ARTS AGRICOLES : FABRICATION DU SUCRE DE BETTERAVES. LIV. 1V. ment faibles des substances renfermées dans les autres parties de la racme. Les betteraves offrent, près de leur soin- mité, une sorte d’alvéole remplie d’une masse cellulaire demi-transparentie, qui diffère de texture avec le reste de la racine, par l’ab- sence totale de vaisseaux fibreux et de grosses fibres, et dont la composition chimique est différente surtout par le manque de sucre et par une plus forte proportion de sels ; elle se rapproche par cette composition des pétioles des feuilles à leur origine. Il convient de sé- parer cette alvéole avec la sommité ligneuse de la fête, dans l’épluchage. Des expériences faites sur plusieurs variétés de betteraves venues la même année dans le même terrain, semées etrécoltées à la fois, etc., ont offert des résultats variables, sous le rap- port du sucre cristallisé que l’on a obtenu, depuis 0,05 jusqu’à 0,09; cependant elles ont sensiblement conservé le même ordre, placées suivant les plus grandes proportions de sucr c obtenu. 1° Betterave blanche (beta alba); c’est aussi celle qui contient les plus fortes fibres li- gneuses, le plus d'acide pectique, et qui est la plus dure. Elle ne donne que la matière co- lorante brune. 2° Betterave jaune (lutea major), de graine de Castelnaudary (2). 3° Betterave rouge (rubra romana), de graine de Castelnaudary. Viennent ensuite les betteraves jaunes et rouges communes, puis enfin la disette ( beta silvestris), La densité du suc de toutes ces betteraves est d'autant moindre que la proportion d1 sucre est moins considérable; elle diminue dans les parties voisines de la tête; la densité du jus extrait de ces parties est moindre aussi; enfin la densité et la proportion du sucre y sont moindres encore lorsque la par- tie supérieure sortie de terre est restée expo- sée à la lumière et a pris une teinte verte prononcée. On peut conclure de ces faits que la densité du jus est (toutes circonstances égales d’ailleurs) un indice de la richesse rela- tive en sucre, et qu’en relevant la terre près des betteraves sorties en partie on évite la déperdition du sucre. Si l’on applique la connaissance des pro- duits immédiats contenus dans les betteraves à la discussion des procédés mis en usage par les fabricans de sucre indigène, on fera les observations suivantes. D’après le procédé analogue à celui des colonies, la chaux, ajoutée dans le jus au moment où la température est près de l’ébullition, sépare l’acide pectique (en formant du pectate de chaux), et avec l’aide de la chaleur une partie de l’albumine, qui viennent en écumes abondantes ; l’oxalate, le phosphate et le malate de chaux, la silice et quelques matières terreuses sont en par- tie entraînés dans ces écumes; le liquide re- tient de l’albumine, un excès de chaux et de (1) Cette substance gélatiniforme est capable de donner une gelée consistante avec 400 fois son poids d’eau. Je Vai trouvée dans la partie corticale, sous l’épiderme de l’aylanthus glandulosa, et j'ai constaté ses propriétés caractéristiques dans un mémoire à la société Philomatique, le 17 avril 4824. (2) Des expériences antérieures faites sur les betteraves cultivées dans les mêmes circonstances, m'ont dé- montré qu'après, ou entre les deux variétés ci-dessus, on peut placer la betterave blanche à peau rose (sous va- ricté de la première), puis la betterave panachte. eHaP. 15°. la potasse, provenant de la décomposition du malate de potasse, ete. Le charbon animal que l'on ajoute dans le suc décanté enlève la chaux ; il reste un peu de potasse libre, qui, dans le cours de l’évaporation, altère le sucre et en rend une partie incristallisable, plus de l’'albumine qui communique, en s’altérant, un mauvais goût aux sirops, sucres et mélasses. Une partie du malate de chaux, les sels solu- bles et les autres substances non éliminées restent dans les mélasses. Quelques fabricans avaient l'habitude d’a- jouter une petite quantité d'acide sulfurique après la défécation: ils saturaient ainsi la chaux et la potasse; mais un très léger excès de cet acide rendait une grande quantité de sucre incristallisable. On a généralement abandonné ce mode d'opérer. Nous terminerons cet article par quelques détails sur le clairçage, sorte de raffinage opéré aujourd’hui dans presque toutes les fa- briques de sucre indigène, et enfin nous pré- senterons le compte des prix coùtans du su- cre brut dans quelques localités en France, SEcriON VI.— Du claircage. On nomme clairçage une épuration par fil- tration d’un sirop saturé de sucre à la tempé- rature où l’on agit. Celui-ci, incapable de dis- soudre du sucre, chasse au contraire, en le déplaçant, le sirop plus coloré qui salit les cristaux de sucre à leur superficie; il se subs- titue dans les interstices, s’égoutte à son tour, et laisse le sucre bien moins coloré. Les conditions essentielles du succès sont : 1° que la clairce soit assez chargée de sucre cristalisable pour n’en dissoudre que très peu ou point dans sa filtration ; 2° que la den- sité de la clairce soit à peu près la même, ou très peu moindre, que celle du sirop à dépla- cer ; la clairce trop dense coulerait mal; trop étendue, elle glisserait sans entrainer le sirop ou mélasse adhérent aux cristaux. On doit donc employer à la préparation de la clairce des sucres d'autant plus impurs que les su- cres à claircer le sont davantage; car les si- rops saturés de sucre cristallisable sont d’au- tant plus denses et visqueux qu’ils contiennent en outre davantage de sucre incristallisable et d’autres substances solubles ; 3° que la cris- tallisation dans les formes soit régulière et eu serrée; elle doit commencer et finir dans e même vase; 4° que la température du lieu où se fait le clairgage ne varie pas trop et soit au moins de 15°. Voici comment on opère : 1° Pour les sucres bruts de premier jet, la cristallisation opérée toute dans la forme est terminée en 15 ou 20 heures. Alors on enlève avec une racloire la couche superficielle lisse qui recouvre chaque base des pains, on rivelle bien la superficie. Ces grattures (ou plutôt celles d’une opé- ration précédente) et les sucres empâtés de sirop ont servi à préparer une clairce que l’on a filtrée à 28 ou 30° bouillant, sur un fil- tre Dumonr, ou que l’on a rapprochée à 32° bouillant, ce qui répond à 36° et demi, envi- rop, à 11° de température. DU CLAIRÇAGE. 305 On verse à la fois 3 kilog. de cette clairce sur chaque forme égouttée, contenant en su- cre cristallisé environ 35 kilog. si la cuite qu'on y a versée pesait 56 à 60 kilog. On re- nouvelle cette addition trois fois à 12 heures d'intervalle, et on laisse égoutter pendant 3 ou 4 jours. Au bout de ce temps, le sucre peut être embarrillé; il est bien plus sec et moins altérable que le sucre brut ordinaire. 2° Les sucres de deuxième cristallisation sont trailés de même. La clairce que l’on y consacre doit être plus dense, 33 à 33°,5 bouil- lant, ou 37 à 370,5 froid. Elle est préparée avec des sucres plus communs, dont la so!u- tion est filtrée et rapprochée comme il est dit ci-dessus. Si l’on clairçait des sucres raffinés, il fau- drait y employer des sirops de sucres presque purs, qui, saturés, ne marqueraient guère que 33° froids. C’est en effet à peu près le degré des sirops couverts du sucre raffiné. SECTION VII. — Révivification du noir animal. Toutes les tentatives faites jusqu’à ces der- nlers Lemps, pour rendre au noir animal son énergie décolorante. avaient été infructueuses ou peu avantageuses, parce qu’empioyant cet agent réduit en poudre fine, l’on y ajoutait du sang pour le séparer du liquide et cette sub- stance donnait un charbon brillant, inertie qui enveloppait une partie du noir décolorant. Depuis que la plus grande partie äu noir animal est employée en grains dans les filtres Dumoxr, cet inconvénient n’a plus lieu et pln- sieurs appareils à calcination ont réussi à faire servir un grand nombre de fois le même noir. Ceux que lon a employés généralement se composaient de cylindres d’un petit diamètre, (4 à 8 po.), chauffés au rouge dans des fours analogues ou même tout-à-fait semblables à ceux usités dans la fabrication du noir animal neuf. Dernièrement un procédé plus simple et breveté a été employé par M. DEROSNE dans la belle fabrique de sucre de betteraves sise à Melun dont nous venons de parler; il consiste à sécher et calciner à l'air libre sur des pla- ques en fonte le noir lavé à l'eau (1). La fig. 326 en donne par une coupe longitu- Fig. 326. dinale une idée suffisante. On voit que le foyer À chauffe directement la plaque en fonte B C sur laquelle s'opère la calcination; cette opération est facililée par une agitation continuelle à l’aide d’une racloire, et lorsque (1) Un lavage préalable à l'acide chlorohydrique (muriatique ou bydrochlorique ) étendu, en touillant le noir dans un baquet, améliore le noir en enlevant la plus grande partie des sels calcaires dénosés à sa superticie. AGRICULTURE. TOME III.—- 39 366 l'ouvrier chargé de ce soin a observé que toutes les parties se sont trouvées à la tempé- rature du rouge cerise, il retire tout le noir qui chargeait la plaque et attire sur celle-ci les parties voisines qui sur la suite des plaques (de C en D) sont échauffées et desséchées; cette dernière portion du fourneau réçoit la chaleur des produits de la combustion échap- pée du même foyer A dans leur trajet jusqu’à la cheminée E; on recharge d’ailleurs près de l'extrémité D le noir le plus humide afin que, rapproché peu à peu de la plaque la plus chaude B C, où la calcination s'achève, il soit préparé en utilisant, autant que possible, la chaleur que la fumée entraîne. Au fur et à mesure que les portions assez calcinées sont mises en 1as etencore chaudes, on les agite fortement sur un tamis de toile métallique en fer, afin de détacher les plus fines particules contenant le plus desubstances étrangères déposées à leur superficie. Un ie à analogue, opérant d’une ma- nière continue, fait partie d’un brevet d’in- vention obtenu par MM. Payen, Bour- Lier et PLUVINET frères; la fig. 327 indique Fig. 327. par une coupe la disposition de cet appareil. Il se compose de deux disques convexes en fonte À et B; l’un inférieur fixe est muni à son centre d’un mamelon élevé C qui supporte une sorte d’anil D et fe maintient ainsi sou- levé plus ou moins à l’aide d’une vis; le plateau soulevé pivote sur ce memelon; il est d’ailleurs percé comme la meule tour- uante d’un moulin, d’une ouverture centrale d'environ 4 à 5 po. de diamètre sur laquelle est fixé un rebord circulaire, et dans ce dernier est introduit librement la douille d’une courte trémie ou entonnoir F. Un foyer G chauffe au rouge brun le disque inférieur, et la fumée utilise une partie de la chaleur qu’elle emporte, en desséchant sur la suite des plaques HI le noir en grains la- vé et disposé comme il est dit ci-dessus. Le noir calciné tombe spontanément autour des disques par le mouvement lent, giratoire imprimé à l’un d’eux par la force centrifuge, il se recueille soit sur le sol autour du four- neau, soit dans un étouffoir circulaire ; on voit que la calcination peut facilement ainsi être régularisé. Secrion VINI.-—Des frais de fabrication du sucre de betteraves. Nous présenterons ici un extrait de l’un des comptes dressés ta les fabricans de sucre in- digène qui ont obtenu des médailles an con- cours de la Société d'encouragement (décem- bre 1831). ARTS AGRICOLES : FABRICATION DU SUCRE DE BETTERAVES. LIV. IVe. kilog. de betteraves, d’après M. DARDANT- Masamsosr, fabricant à Limoges. Dépenses. Betteraves, 500,000 kilog. à 16 fr. (c’est le prix auquel elles revien- nent, y compris un bénéfice de 75 à 100 fr. l’hectare). Dans cette usine on travaille 5,500 a 6,000 kïlog. par jour. Il faut 91 jours pour terminer l'opération. Main d'œuvre. On emploie 18 hommes à 1 fr., 5 femmes à 30 c., 4 enfans à 25 c. Ensemble 22 fr., et environ 6 fr. de veillées pour une partie des ouvriers ; en tout 28 fr. par jour, ou pour 91 jours. Combustible. I1 s'agit de concen- trer 39 hectolitres de jus jusqu’au point de cuite, c’est-a-dire de 5° BaumÉ à 40° environ. On peut compter sur la consommation de 190 kilog. de bois sec pour 3 hec- tolitres de jus, soit 1,300 kilog. de bois par jour. Le mètre cube pèse 487 kilog. environ, et vaut. rendu à la fabrique, 6 fr. 50 c.; il en faudrait donc deux mètres 2/3 par jour. Mais comme 1l n’est pas toujours très sec, on porte la dé- pense à 4 mètres par Jour, en y fr. c. 8,000 » 2,548 » | comprenant les recuits, ce qui fait 26 fr. par jour, et pour 91 jours. Charbon animal, environ 100 kilog. par jour à 38 fr., 1/3 neuf 2/3 vevivifie. Bœufs, 18, dont la nourriture est évaluée à 18 fr. par Jour, coù- teront, pour le temps qu'on les emploie au manége. Menus frais, chaux, sang, en- tretien des bacs et claies, éclairage, etc. Intéréts des capitaux etentretien. Pour 20,000 fr. en mouvement dans la fabrique pendant 6 mois, à 5 p- 0/0. Entretien et intérêts du mobilier à 10 p. 0/0. Directeur. Le chef remplissant seul cet emploi (sauf ceux de contre-maîtres, exercés par des ouvriers qui ont une hauté-paie comprise dans les journées ci-des- sus), cet article est ici porté pour mémoire. Il convient d'ajouter, pour em- magasinemens, extractions des silos, transports à la fabrique. Pour loyer des bâtimens, cours, etc. 2,366 2,368 » 3,600 » 900 » 60n 23,401 » Produits. M. Danrpanr dit avoir toujours obtenu environ 5 kilog. et demi de sucre pour 0/0 du poids des racines; mais comme générale- ment on n’en obtient encore que 5, Voici les résultats du traitement de 500,000 | nous n’admettons à ce taux que cHAP. Î5°. 25,000 kilog. pour 500,000 kilog. de betteraves, dont 18,000 kilog. à 1fr. 50 c. à cause de sa belle qualité. 27,000 » Et 7,000 kilog. à1fr.desecondjet. 7,000 » 125,000 kilog. de pulpe con- sommée dans la propriété, évaluée à 16 fr. les 1,000 kilog. 2,000 » Vente des mélasses et résidus 1,800 » 37,800 » À déduire le montant des frais 23,401 » On voit qu’il reste en bénéfice 14,399 » oo — Lors même que l’on ne compterait le prix de tout le sucre qu’à 1 fr., le bénéfice serait encore de 5,000 fr.; et, en y ajoutant celui d'exploitations nécessaires, telles que la dis- tillation des mélasses , la fabrication du cidre et l'extraction de la fécule de pommes de terre, comme l’a fait M. MagamBosr, il ne serait pas difficile d’en obtenir un surcroît de bénéfices montant à 3,500 fr., dans des cir- constances assez peu favorables. Si nous substituons aux données précé- dentes celles relatives aux départemens du Nord, nous obtiendrons des résultats aussi avantageux; en effet, les betteraves reviennent là à 14 fr. (1), ce qui, pour 500,000 kilog., porte le prix à 7,000; en y ajoutant pour tous frais 15,400, la dépense totale s'élève à 22,400 fr.; dé- duisant les pulpe et mélasse portées à 3,800 fr., il reste 18,600, et si l’on obtient, à 5 p. 0/0, 25,000 kilog., qui coûtent 18,600 fr., on voit que 100 kilog. coûteront 74 fr. 40 c.; à 6 p. 0/0, 30,000 kilog., coùtent 18,600 fr., on voit que 100 kilog. coùteront 62 fr.; à 7 p. 0/0, 35,000 kilog. coûtent 18,600, il en résulte que 100 kilog. coûteront 53 fr. D’après la commission du Havre, on arri- verait encore à des conclusions à peu près égales en effet, admettant le prix de 14 fr. pour 1,000 kilog. de betteraves, et les frais 20 fr., tares et escomptes, 4 fr. total, 38 fr., si l’on suppose un rendement de 6 p. 0/0, on voit que 60 kilog. coûtant 38 fr., 100 kilog. coùteraient 63 fr. 34 c., ou, à 7 p.0/0, 70 kilog. coutant 30 fr. 100 coûteraient 54 fr. Mais les plus grands avantages que l’on FRAIS DE FAPRICATION. 307 doit recueillir, etsur lesquels on pourra comp- ter à tout événement, en annexant la fabri cauon du sucre des betteraves à une grande exploitation agricole, sont : 1° De nettoyer, d'ameublir une étendue de terrain 4 ou 5 fois plus considérable que celle nécessaire à la production annuelle des bette- raves, en réglant les assolemens de manière à bonifier ainsi périodiquement chacune des parties du domaine; 2 d'augmenter la pro- portion des engrais par les résidus des défé- cations et clarifications, mêlés à leur volume de terre sèche et semés sur le sol, ce qui con- stitue une deuxième cause de fertilité des terres; M. DaARDANT a même très bien utilisé, sous ce rapport, les vinasses résidus de la distillation des mélasses, en les faisant servir à l'irrigation ou arrosage, et à l’engrais des terres emblavées ; 3° de créer des industries productives et consommations nouvelles dans les contrées qui en étaient privées ; 4° enfin de multiplier les bestiaux, en rendant à la fois profitables leur engraissement et jeur travail, ce qui augmente les engrais dans la même proportion, et par suite la fertilité des terres. Tous ces avantages concourent en même temps à accroître de beaucoup la va- leur des propriétés et à répandre l’aisance chez les travailleurs. Il est juste, toutefois, d'ajouter que les dispendieuses améliorations dans les appareils évaporatoires, macérateurs, presses et râpes, ont absorbé jusqu'ici la plus grande partie des bénéfices. Déjà l’an dernier la fabrication du sucre de betterave en France a produit 20 millions de kilog. de sucre brut, c’est-à-dire plus du cin- quième de la consommation; tout annonce que cette année on obtiendra, par l’interven- tion de 50 nouvelles usines, 30 millions de kilog., qu’enfin l’accroissement de la consom- mation, pour peu que les prix s’abaissent. assurera un vaste débouché aux fabriques nombreuses dont la création est encore en projet. Quant à la consommation générale, qui n’était en 1815 que de 17 millions de kilog., elle est aujourd’hui déjà de 94,680,000 kilog. PAYEx. CHAPITRE XVI.—DE LA PRÉPARATION DES PLANTES TEXTILES ET DE LEUR CONVERSION EN FILS ET EN TISSUS. Nous sommes déjà entrés (liv. II, p. 16) dans des détails étendus sur la culture et la récolte des plantes textiles ; nous allons nous occuper maintenant des préparations qu’on leur fait subir pour les transformer en filasse, et pour en faire des cordes, des fils de toute finesseet destissus depuis lä batiste la plus fine jusqu’à Ja toile d'emballage la plus grossière. Plusieurs opérations sont nécessaires pour former avec la partie filamenteuse des plantes textiles de la filasse, des fils et des tissus. Ces opérations sont le rouissage, le broyage, le (2) Lôyer de un hectare. . + . . . . . D A hNermpes. . 0 ME UNE, Semence 10, ensemencement 8. . . . . DISRICIg RER DinAges, : . MS Ur 0 ANTACHARMEMMANSPOrES, - . ‘. . Un 0e Fumier, moitié pour céréale. . . . . + + . PDP ICO GE ER En . 0 LI NS EN 30,000 kilog. coùtent. . . , ou 4090 kilog. coûtent 14 fr, peignage, le filage et le tissage. Nous les dé- crirous successivement, en prenant pour exemple le lin et le chanvre, produits natu- rels de notre agriculture. SECTION 1". — De la préparation du lin. 6 Ier. — Du rouissage du lin. Le rouissage du lin est une opération délicate, qui est encore eXécutée presque partout d'une mauière imparfaite et routinière; souvent un fort beau lin perd toute sa valeur par un + URI OUNET. = : Je 120 + EE 16 Pt: S . "3 56 Ré un , « ITU 12 Ent ad : Sd URI ST es LDD PRAERES CT: CE AT RS 45 s SAN Se 9 . ele, se , 2 « 420 398 roussage mal entendu et n’est plus propre qu'à la fabrication des toiles grossières. Il se- rait à désirer que des savans se chargeassent de faire l'analyse exacte de cetie plante et que des gens instruits fissent avec soin l’essai comparatif des diverses méthodes en usage, afin de détérminer celles auxqueiles on doit donner ja préférence et les améliorations ou modifications dont eiles sont susceptibles pour obtenir des résultats déterminés et consfans. La tige du lin se compose principalement : 1° d’un épiderme de la nature de Ja résine ou de la gomme, étendu sur toute sa surface comme une sorte de vernis et anquel on a donné le nom de principe gomma-résineux ; 2° d’une couche de fibres textiles agglutinés par une substance de la même nature que celle de j'épiderme, ou qui est peut-être diffé- rente; 3° enfin du dois ou fibre végétale cas- sante qui constitue la partie intérieure ou la masse de cette tige. Le rouissage a pour but de détruire et d’en- lever au moyen de la fermentation le vernis gommo-résineux qui recouvre les tiges du lin, la matière qui agglutine ses fibres tex- tiles, afin de détacher ceux-ci du bois et de les séparer entre eux pour en former une fi- lasse. Le rouissage est une opération toute chimique et consiste principalement à exposer le lin à la rosée et à la pluie, cu à le plonger dans des fosses remplies d’eau. Dans cette opération, surtout dans celle qui se donne dans Peau, où lon peut suivre plus aisément la marche des phénomènes, voici se qui se passe : 1° l’eau commence par se troubler; 20 il se dégage en- suite des bulles d'air qui se comportent comme le gaz acide carbonique; 3° l’eau se colore ; 4 elle acquiert une réaction acide et rougit le papier de tournesol; 5 l'acide dis- paraîl et 1] se dégage de rouveau des bulles d'air qui ont une odeur forte, cadavereuse et qui mêlées avec l’air atmosphérique peuvent s’enflammer par l'approche d’un corps en ignition, 6° enfin l’eau rétablit la couleur bleue du papier de tournesoi rougi par les acides et manifeste des traces d’un aicali libre de la nature de l’ammoniaque. Aïnsi il y a 3 périodes de fermentation : la 1'e insensible, la 2e acéteuse et la 3° putride et alcaline. Dans l’état actuel de nos connaissances sur es phénomènes chimiques que présente le rouissage, ous n'oserions pas hasarder une ex- plication théorique de cette opération et dé- ierminer 4 priori comment elie doit être con- duite ou pratiquée; nous pensons qu’il vaut mieux en appeler aux résultats de l'expérience et suivre les indications qu’une pratique éclai- rée à pu faire connaître. C’est à quoi nous allons nous attacher dans les détails où nous allons entrer. Avant de procéder au rouissage il faut preudre en considération l'état du lin qu’on veut iravailler; ses tiges doivent présenter les conditions suivantes : 1° Le lin doit avoir été récolté et rentré par un temps sec, autrement 1 se couvre de taches qu'ilest imposible de faire disparaître an blan- chiment. 2° Toutes les tiges doivent en être de la même couleur. Un lin dont la conteur s'est pas uni: ARTS AGRICOLES : PREPARATION DES PLANTES TEXTILES. LIV. ÎV: forme, est difficile à travailler au rouissage et contracte souvent des taches qu’on a peine à enlever. 3° Le lin doit avoir été récolté à l’état de ma- turité. Dans la Flandre on considère le lin comme arrivé à sa maturité lorsque la florai- son a cessé, quand les capsules se referment et lorsque le bas de la tige a jauni. Les avis au reste paraissent partagés sur la question de savoir à queile époque cette plante doit être récoltée pour fournir ja filasse la plus fine et la plus nerveuse. Des expériences faites avec soin résoudraient ce problème intéres- sant pour l’industrie agricoie. 4 Toutes les tiges doivent étre également mûres. Une différence dans le degré de matu- rité amène des inégalités dans le rouissage, le blanchiment et la teinture. Quand on a des lins mélangés ainsi, il vaudrait mieux, si on voulait obtenir une filasse fine, avoir recours à un triage pour faire rouirensemble les tiges parvenues au même degré de maturité. 5° Les tiges doivent étre droites, sans mé- lange de plantes parasites, non brouillées et entières, la rupture de latige nuisant à la qualité de la filasse. 6° Enfin ces tiges seront égales dans leur longueur et leur grosseur, afin d'obtenir un rouissage uniforme. Les plus longues et les plus fortes exigeant en général un séjour plus prolongé dans le routoir et sur le pré que celles qui sont plus courtes et plus menues, ces dernières sont exposées à être pourries sl elles séjournent autant de temps que les au- tres dans le routoir. D'ailleurs, avec des fila- mens de longueur uniforme on éprouve infi- niment moins de déchets dans le travail ulté- rieur des plantes textiles. } “e Nous supposerons donc que le Jin choisi remplit les conditions précédentes, qu'il a été trié et nettoyé, et qu'il ne reste plus qu’à lui faire subir l’opération du rouissage. Le rouissage peut se donner de plusieurs manières ; ies 2 méthodes les plus en usage sont : 1° le rorage, 2° le rouissage proprement dit ou rouissage à l’eau. À. Du rorage. Le rorage ou sereinage consiste à exposer le lin dans un champ pendant plusieurs se- maines à l’action simultanée de la rosée, de la pluie, de l'air et du soleil; ce mode de rouis- sage est employé en France dans la Norman- die , le Maine, l’Anjou, le Languedoc, etc., et en Bohème, en Moravie, dans le Wurtem- berg, les Alpes, etc. Pour soumettre le lin au rorage, an létend en couches minces où ondins de peu d’épais- seur sur un gazon court au sur une prairie fauchée et bien propre. Là il est abandonné à l'influence des agens atmosphériques, en ayant soin de le retourner quand il esttombé de la pluie, jusqu'à ce qu'il soit suffisamment roui du côté inférieur, ce qu'on reconnait en ce que les tiges ont perdu leur élasticité, qu’elles se brisent nettement. et que la couche fibreuse se détache avec facilité. À cette épo- que on le retourne pour le faire rouir de Fan- tre côté, jusqu'à ce que la fermentation in- sensible et la décomposition des principes qui | recouvrent et agglutinent les fils permettent CHAP. 16°. aussi sur ce côté de détacher facilement la f- lasse du bois. Cette opération, suivant l’abon- dance de la rosée ou de la pluie, la tempéra- ture, la sérénité du ciel, la force ou l’absence du vent, peut durer, dans les circonstances fa- vorables, de 3 à 5 semaines et de 6 à 9 dans les temps secs et froids. Parvenue au point convenable, on s’empresse d'enlever le lin après le 1° beau jour et lorsqu'il est bien sec, et d’en former de pet tes javelles qu'on trans- orte dans un grenier ou une grange aérés où il reste jusqu’au broyage. Le rorage n’est pas exécuté de la même ma- nière dans tous les pays, et nous croyons inu- tile de rapporter les méthodes diverses qu’on suit à cet égard. D'ailleurs elles ont pour la plupart été essayées et répétées pendant 4 années consécutives à l’Institut agronomique d’Hohenheim et soumises à des épreuves répé- tées; les résultats de ces épreuves ont été consignés dans un excellent ouvrage que M. FRÉD. BREUNLIN à publié sur la culture et le travail du lin, à la suite de nombreux voyages entrepris dans ce but par ordre du roi de Wurtemberg, et dans lequel nous voyons que les conditions les plus favorables pour je rorage sont les suivantes : 1° Un gazon, une pelouse et surtout une prairie bien fauchée et très propre, exposée aux rayons solaires, plutôt sèche que maréca- geuse, sont ce qu’il y a de plus convenable pour étendre le lin. À défaut d’une prairie de cette nature, on peut faire usage d’un chaume dru, court, surtout celui d'orge et d’avoine sur le- quel on étend facilement le lin, sans qu’il touche à nu sur le sol. 2° Les tiges de lin doivent être rangées à plat en ondins, les racines tournées vers le vent dominant et autant que possible en cou- ches minces. Il est avantageux, aussitôt après la stratification, qu’il tombe de la pluie, ou d’arroser le lin avec de l’eau, soit pour favo- riser son rouissage, soit pour le rendre plus pesant, pour l’affaisser uniformément et l’em- pêcher d’être enlevé et brouillé par le vent. 3° Le lin étant roui plus promptement du côté tourné vers le sol que du côté de la face supé- rieure , il faut, lorsqu'il approche par le 1er côté du point où le rouissage est terminé , et autant que possible un peu avant une pluie et par un temps calme, le soulever par la tête avec des râteaux et lui faire faire une demi- révolution sur la racine, de manière à ce que la face qui était par-dessus se trouve alors en dessous. Ce travail doit être exécuté avec attention pour que les tiges de lin retombent dans la même position respective où elles étaient auparavant. On doit même les rétablir à la main dans tous les endroits où elles se- raient un peu brouillées. Quand le rouissage est terminé, ce qu’on re- connait en froissant quelques tiges entre les mains, ou mieux lorsqu'en les soumettant à l’action de la broye, le bois, surtout à l’extré- mité des tiges, se brise aisément, que les fils se séparent bien entre eux, ou que la cou- che fibreuse se détache d'elle-même de ia tige, on profite d’un temps favorable, et on prend le lin à poignées par l'extrémité des tiges, on le retourne; mais au lieu de l’étendre de nou- veau sur le pré, on en forme sur le sol des gerbes coniques (fig. 328), dont toutes les DU ROUISSAGE À L'EAU. 309 racines forment les bases, et auxquelles on donne de la solidité en liant lesextrémitésavec une de ces tiges. Ainsi disposé, le lin sèche en très péu de temps; alors on en forme des bottes de médiocre grosseur qu’on conserve dans un lieu sec et aéré, jusqu’au moment du broyage. B. Du rouissage à l’eau. Le rouissage à l’eau ou rouissage propre- ment dit est celui qui est le plus générale- ment en usage en France dans les départe- mens qui cultivent le lin, dans les Pays-Bas et dans les contrées du norä de l’Allemagne et de l'Europe. Cette opération ne se fait pas de la même manière dans tous ces lieux, et il est assez difficile de décider quelle est celle à laquelle on doit donner la préférence. Dans les environs de Courtray où le lin est cultivé et travaillé avec le plus grand soin, on apporte en août ou bien en octobre ou après l'hiver au mois de mai, à la rivière la Lys, le lin réuni en bottes de 3 1/2 à 4 3/4 kilog. pour l'y faire rouir. A cet effet, on a ménagé sur le bord de la rivière, au moyen de pieux et de perches, un endroit de la capacité quo juge nécessaire. Dans cet endroit isolé on pose le lin debout et on le retient par des bâtons en- trelacés , liés ensemble et attachés aux pieux qui sont enfoncés dans la terre au bord de ja rivière. De cette manière le lin se trouve réuni et fixé, afin qu'il reste plongé dans l’eau à telle profondeur et aussi long-temps que cela est utile. On compte qu'il faut pour cette opération, au mois d'août, 7 Jours; au commencement d'octobre, 12 jours ; à la fin de mai 9 à 10 jours, suivant le degré de tempéra- ture de l'atmosphère. Dans tous les cas, 1l convient de consulter cette température et de s'assurer au bout de quelques jours si le lin est suffisamment roui. On est certain d’être parvenu au point précis, lorsque !a couche fibreuse se détache facilement de l'é- corce, depuis la racine de la tige jusqu’au sommet de la plante. Ce point, toutelois, est assez difficile à déterminer et ex;ge pour être saisi convenablement beaucoup d'atten- tion ; il est même prudent de vérifier le rou- toir 2 fois par jour, car le rouissage étant terminé, le lin ne doit pas rester une heure de plus dans ce routoir où il perdrait de sa force et se pourrirait bientôt. Quand le lin est retiré du routoir, on pose les bottes de- bout, pour le faire égoutter. Le même soir ou le lendemain matin on le délie et on l’étend sur un pré sec, doni l'herbe est très courte, S10 Si dans ce moment on avait à craindre une forte pluie, on différerait d'étendre le lin ; car dans les 1res heures qui suivent l’éten- dage, le lin est susceptible de se détériorer en recevant une averse. L’étendage a pour but de nettoyer le lin des immondices qui se sont déposées sur ses tiges dans le routoir, dele faire sécher et de plus de le blanchir et de déterminer par une fermen- tation insensible et plus lentela décomposition des portions de la substance gommo-résineuse qui avaient échappé à cette action dans je rou- toir. À cet effet, le linreste 12 à 16 jourssur le pré ; on leretourne de temps à autre, afin qu’il soit partout également en contact avec l’airet la lumière. Aussitôt que la filasse commence à se détacher des tiges les plus fines, onlelieen bottes et en le transporte à la grange où pen- dant l'hiver, dans un temps sec, les tiges sont brisées au moyen du batioir, puis soumises à l’espadage. On a fait à Gand en 1813 des essais sur le meilleur mode de rouissage, d’après une mé- thode due à M. d’Hondt d’'Arcy; les résultats obtenus, joints aux expériences entreprises plus récemment à Hohenheim et poursuivies pendant 4 années, ont paru démontrer assez clairement les résultats que nous allons faire connaitre. Les eaux courantes des ruisseaux ou des ri- vières ne sont pas avantageuses pour le rouis- sage, parce que la fermentation y est trop lente. trop inégale, et qu’elles communiquent au lin des taches et un certain degré de du- reté. Ce fait avait déjà été observé dépuis long- temps dans nos départemens du nord: d’ail- leurs des réglemens locaux s'opposent pres- que partout au rouissage des lins et des chanvres dans les rivières, à cause de l’insa- lubrité de cette opération et parce qu’elle dé- truit partout le poisson. Ce qui parait le plusconvenable pour Le rouis- sage, est d'établir des routoirs ou fosses à rouir près des rivières dont l’eau soit douce, pure et non ferrugineuse. Le routoir doit lui- même être creusé dans un sol quine contienne ni ocre, ni particules de fer, parce que ces substances donnent au lin une coloration qu'on ne peut plus faire disparaître. Un routoir nouvellement creusé, ou employé lusieurs fois de suite sans le nettoyer, donne jeu à des accidens analogues. On fera bien, quelques semaines avant, de faire usage d’un nouveau routoir, de ie remplir d’eau, et au moment d’y placer le lin, de le vider, le net- toyer et ie remplir d’une eau nouvelle. Un routoir qui a servi plusieurs fois doit être de même vidéet nettoyé, en enlevant toute la vase qui s’est déposée au fond. Si l’on n’a à sa dis- pote qu'une eau dure, on en remplit e routoir eton la laisse en repos exposée pendant quelque temps au soleil avant d'y plonger le lin; puis on y jette avec précau- tion un peu de sable fin qui recouvre les par- ticules qui se sont déposées , et contribue à la purifier. Le routoir que l'on suppose être parfaite- ment en état de retenir l’eau, et au besoin enduit d'argile, doit avoir en profondeur un ied de plus que le lin n’a de longueur ; mais il ne doit pas dépasser 6 pi., parce que quand il est plus profond l'eau reste froide au fond, ARTS AGRICOLES : PRÉPARATION DES PLANTES TEXTILES. LIV. IV. et la partie inférieure du lin est plus de temps que la supérieure à éprouver le rouissage. Le lin réuni en bottes y est déposé debout, c’est-à-dire les pointes qui sont les plus difficiles à rouir, en haut, et non pas horizon- talement, ou, comme on le fait en Westphalie et dans quelques lieux de la Flandre, la ra- cine à la surface. La masse liée et réunie au moyen de perches, doit se tenir bien vertica- lement dans le routoir où on l’enfonce à la profondeur nécessaire avec des planches sur lesquelles on pose des poids en assez grand nombre pour que l'extrémité supérieure du lin se trouve au-dessous de la surface de l’eau, et les pattes ou racines à un pied du fond. La capacité du routoir doit être double de celle de la masse du lin, afin que la fermenta- tion marche avec plus de modération; dans les routoirs remplis entièrement de bottes de lin la fermentation est quelquefois si active, surtout dans les temps chauds, qu’on a beau- coup de peine, malgré une extrême vigilance, à saisir le moment précis où il faut enlever le lin si on ne veut pas qu’il se détériore. Pour éviter en plongeant le lin dans l’eau, qu'il ne soit en contact aves les parois ou Le fond du routoir, contact qui donnerait aux tiges une couleur inégale, on peut, comme on l’a fait à Hohenheim,, renfermer les bottes de lin à rouir dans des espèces de caisses à claire-voie, formées avec des lattes ou des per- ches qu’on recouvre de paille, de planches et de pierres pour les submerger. Au moyen de liens de paille fixés d’un côté sur les bords du routoir et de l’autre aux caisses, on empêche celles-ci de toucher le fond et de se renverser, lors des mouvemens d’ascension et d’abaisse- ment qu’elles éprouvent pendant la fermen- tation. Partout où on établit des routoirs en ma- connerie ou en terre, et où cela est possible, il faut, comme on le pratique quelquefois en Flandre, les munir de petites vannes, écluses ou robinets, pour l'introduction lente et continue d’un léger filet d’eau et pour l'évacuation de celle-ci. La vanne d'introduction doit être lacée au fond de la fosse, et celle qui sert à ‘évacuation à l'opposé et à la surface du rou- toir. Si l’on se contentait de faire couler l’eau qui sert au renouvellement à la surface, comme elle est plus légère que celle de macé- ration, elle ne pénétrerait pas plus avant et s’écoulerait immédiatement par la vanne de trop plein. En agissant comme il vient d’être dit, on obtient un rouissage à eau courante, qui a, il est vrai, l'inconvénient d'être plus long que celui à eau stagnante, mais donne une filasse moins colorée et plus facile à blan- chir, est plus aisé à bien diriger et offre moins de dangers pour ceux qui sont exposés à en recevoir les émanations. D'ailleurs, dans une eau non renouvelée, le lin est trop sujet à se gâter. Le lin fournit une filasse bien plus belle quand on l’a plongé immédiatement après la ré- colte dans Les routoirs, lorsqu'il retient encore toute son eau de végélation et n’a pas été sou- mis à la dessiccation. Pendant les trois 1°" jours de l’immersion du fin il n’y a rien à faire, si ce n’est de veil- ler à ce qu’il soit complètement recouvert par l'eau Au bout de 3, 4 ou 5 jours. des builes cuaAP. 16°. d’air viennent crever à la surface du liquide, et c’est lorsque le nombre de ces bulles a beau- | coup diminué qu’il convient de visiter tous les 3 ou 4 heures le routoir, pour examiner si les indices d'un rouissage parfait se manifestent. Ces indices sont 1°, lorsqu'une tige extraite d’une des bottes se rompt avec facilité quand on cherche à la faire fléchir; 2° lorsque la couche fibreuse peut se détacher «d’un bout à l’autre de la tige, les fils restant ums les uns aux autres; 3° lorsqu’en saisissant les tiges par le bout et frappant 3 ou 4 fois la racine sur l’eau, la couche fibreuse crève et s’ent'rouvre. Quand ces signes indicateurs ne se montrent pas, il faut encore attendre quelques heures; mais aussitôt qu’on les voit apparaitre com- plètement, on doit se hdter de retirer le lin du routoir , le laver à l’eau pure et par poignées, surtout s’il a été roui dans un routoir ordi- naire et non dans des caisses, afin de le débar- rasser de la vase et de la matière colorante qui se sont déposées sur ses tiges. Si les localités permettent de renouveler en totalité et avec promptitude l’eau du routoir, on pourra le faire et laisser le lin encore plu- sieurs heures dans le routoir pour le laver et le nettoyer; la fermentation s’arrête alors et il n’y a pas de danger. Le lin étant bien égoutté et ressuyé, il faut l’étendre fort clair sur une herbe courte pour le blanchir, et observer à cet égard les règles pratiques données pour le rorage. Ce bi:n- chiment, sorte de 2° rouissage à la rosée, dure plus ou moins de temps, suivant le degré de fermentation que les tiges ont éprouvé dans le routoir; il peut varier de 3 à 14 jours et même plus. C. Comparaison du rorage et du rouissage à l’eau Les expériences faites dans le Wurtemberg ont permis de comparer entre elles les 2 mé- thodes précédentes de rouissage, et de balan- cer leurs avantages et leurs inconvéniens : Voici le résumé des faits observés. RoORAGE. — Avantages. 1° Ontrouve aisément partout un gazon, une prairie ou un chaume pour étendre le lin; 2° le rorage marchant avec plus de lenteur, le lin est moins exposé à la pourriture que dans le rouissage à l'eau, où le défaut de vigilance pendant quelques heures seulement suffit pour causer un dom- mage considérable ; 3° quand le temps est fa- vorable le rorage exige proportionnellement moins de travail ; 4° on obtient plus facilement du lin de rorage une plus belle filasse que de celui de rouissage; 5° les fils et les toiles de lin de rorage blanchissent 8 à 14 jours plus tôt que les mêmes objets fabriqués en lin de rouissage. — Inconvéniens. 1° La fermentation par suite des variations atmosphériques mar- che avec lenteur : dans les circonstances favo- rables elle dure 3 semaines et en exige au moins 9 quand elles ne le sont pas; 2° dans les temps pluvieux, il faut retourner fréquem- ment le lin pour qu’il ne pourrisse pas, ce qui exige beaucoup de travail; 3° un peu de né- gligence à cet égard fait aisément pourrir et perdre la récolte; 4’ le lin, qui en moyenne reste 5 semaines sur le pré, est très sujet à QUATITE DES LINS A PRÈS LE ROUISSAGE. 311 étre dispersé par les vents, il faut alors sou- vent le remettre en ordre si on ne veut pas éprouver de pertes; 5° je lin de rorage a moins de ténacité et dès lors est moins propre à la fabrication des toiles très fortes ou tout-à-fait fines que le lin de rouissage ; celui-ci, par un travail convenable, pouvant être, sans perdre de la force, amené à un plus grand degré de finesse que le 13 6° cette ténacité moindre fait qu’on éprouve dans le travail ultérieur des malières textiles plus de déchet en bonne soit avec le lin de rorage. ROUISSAGE A L'EAU. — Avantages. 1° Le rouissage ne dure dans les circonstances favo- rables, et y compris le blanchiment sur le pré, aue 10 jours; quand elles ne le sont pasil ne se prolonge pas au-delà de 4 semaines; 2° par suite de la célérité de l’opération celle-ci de- vient plus sûre, puisque le lin est exposé moins long-temps à l'influence variable du temps; 3° la pluie ou le vent ne causent pas un surcroît de travaux; 4 par suite il y a un dé- chet moins sensible dans la masse du pro- duit ; 5° le lin de rouissage a plus de nerf, et peut être amené par un travail convenable à un aussi grand degré de finesse que celui de rorage; 6° par conséquent il est plus propre à faire des fils pour la dentelle et la batiste, fils quise vendent à un plus haut prix ; 7° enfin par suite de cette ténacité il perd moins en bonne soie au travail de la broye et du seran. — In- convéniens. 1° On ne trouve pas partout des eaux convenables, par conséquent on ne peut pas partout rouir à l’eau; 2° la marche accé- lérée de la fermentation exige après 3 ou 4 jours une surveillance active et continuelle; si on ne saisit pas le point précis où elle est Ler- minée, si on n’a pas reconnu les phénomènes ui se manifestent alors, on peut éprouver de grandes pertes; 3° un rouissage exige plus de travail qu'un rorage dans des conditions favorables et identiques, c’est le contraire dans les temps de pluie; 4° le lin roui exige plus de travail pour acquérir la douceur et la finesse du lin de rorage; 5° enfin le 1+ se blanchit plus difficilement que le second. D'après cet exposé, on voit que le choix de l'une ou de l'autre de ces méthodes dépend en grande pariie des localités, de l'expérience et de la pratique qu’on possède, du temps, de la saison et de la nature du lin ou des produits qu'on veut obtenir; mais en balançant avec impartialité les avantages et les inconvéniens de toutes deux, il en résulte que le rouissage à l’eau parait étre celui qui donne les résul- tats les plus satisfaisans et auquel on doit don- per la préférence toutes les fois qu’on pourra disposer de bonnes eaux, qu’on aura appris à saisir le moment favorable où la fermentation est achevée, et enfin qu’on se sera pénétré des principes posés ci-dessus. D. De la qualité des lins après le rouissage. On reconnaît qu’un lin est bien roui en ce que: 1° La filasse se sépare facilement du bois sur toute la surface et l'étendue de la tige; ainsi en saisissant un tiers où moitié des fils à la patte de la tige, tous ces fils, unis les uns aux autres, doivent se détacher jusqu’à la pointe; 2° il faut une force assez considérable pour rompre un seul filament; 8 déjà après le 312 broyage, et mieux encore après le peignage, le bon lin a du brillant et de l'éclat; 4’ sutvant la manière dont il a été récolté et roui, il pos- sède les couleurs indiquées dans le tableau suivant. re es LIN RÉCOLTÉ | QUAND LES SEMENCES ONT PRESQUE ATTEINT LEUR MATURITÉ. LIN RÉCOLTÉ LCONG-TEMPS AVANT LA MATURITÉ DES SEMENCES. ROUISSACE |Par le rorage. Gris jaunâtre. Gris argenté, | |Par le rouissage à| jaune pâle. Jaune grisätre- l'eau. clair. Uu lin mal roui se reconnaît 1° quand il west pas assez roui, à ce qu'une portion seule- ment des fils se détache de la tige, l’autre portion adhérant encore si fortement au bois qu'ils se rompent plutôt que de céder ; 2° quand il est trop roui, en ce que les fils se détachent très aisément, mais inégalement entre eux et se brisent au moindre effort; 3° en ce que le lin trop ou trop peu roui, malgré le travail prolongé de la broye et du peigne, n’acquiert jamais un éclat pur, mais conserve un aspect terne; ses couleurs, qui par le rorage se rapprochent du gris, et par le rouissage à l’eau du jaune, deviennent mates et pâlis- sent quand le rouissage n’a pas été suffisant et serembrunissent quand il a été trop prolongé, en passant même au noir vers les extrémités. Le Lin récolté trop tard ou desséché par le selei!, soit sur pied, soit sur le pré, a une cou- leur jaune-rougeâtre ou brun-rouge. 6 IL, — Des procédés autres que le rouissage. On a proposé un grand nombre de procédés autres que le rouissage et le rorage pour pré- parer le chanvre et le lin, mais aucun d'eux n’a eu de succès. C’est ainsi qu’on a fait macé- rer le lin pendant un certain temps dans de l’eau bouillante tenant en dissolution une pe- tite quantité de savon ou de lessive caustique. Par ce moyen on obtient assez bien la sépara- tion de la chenevotte et une filasse fine et fa cile à blanchir, mais le fil qu’on en tire est sans consistance, sans force, et n’atteint jamais au filage un haut numéro. La vapeur d'eau dont on s’est servi en Allemagne pour dis- soudre le principe gommo-résineux n’a pas réussi; la chale élevée ä&e la vapeur paraît attaquer fortement la filasse, lui enlever en partie sa ténacité et ternir son éclat; les fils et les toiles qu’on fabrique avec cette filasse sont cotonneux, et s’élinent promprement. Enfin on a proposé de substituer à l'opération toute chimique du rouissage l’action des ma- chines; cette innovation n’a pas encore été gé- néraiement accueillie dans la pratique, et nous reviendrons plus {foin sur ce mode de préparation. SECT. JE. — Du hâlage, broyage, peignage, es- padage, etc., du lin. $ Ier. —— Du hâlage. Quelque sec que paraisse le lin quand on le ARTS AGRICOLES : PREPARATION DES PLANTES TEXTILES. LIV. IV. rentre dans les greniers, où après plusieurs mois de séjour dans les granges, il ne l’est point encore suffisamment pour que le bois où chenevotte se rompe avec netteté, pour que la couche fibreuse s’en détache entière- ment et que les fibres elles-mêmes se séparent entre elles avec facilité. Pour lui donner le de- gré de siccité nécessaire aux manipulations qu'il va subir, il faut le häler, c'est-à-dire l'exposer à une chaleur qui lui enlève la plus | grande partie de son eau de végétation. On hâle le lin de différentes manières; au soleil, dans des fours, sur la touraille des brasseurs où dans un hâloir. Pour häler le lin au soleil on le sort du gre- nier et on expose les bottes pendant 2 ou 3 jours à l'air libre; au bout de ce temps on délie les javelles et on étale les tiges debout au'soleil, par un jour pur et chaud, dans un endroit propre et sec soit le long des murs, des maisons, des haies, soit en les soutenant avec des gaules ou des ramilles. Chaque soir on l’enlève pour qu'il ne soit pas mouillé par la rosée et on le serre dans un lieu bien sec. Au bout de 6 à 8 jours de beau temps le lin est propre à être broyé. Le hâlage au soleil, sur- iout pour les lins qui sont déjà anciens, est le plus avantageux et le plus économique; il donne constamment une filasse plus forte et plus douce que par les autres procédés et n’expose pas au danger des incendies. On häle le lin dans des ous sur la touraille ou dans un häloir, quand on ne veut pas at- tendre les beaux jours et qu’on veut le broyer l'hiver ou quand le temps est pluvieux, couvert et froid. Les pauvres gens introduisent leur lin réuni en bottes dans un four à boulanger dont on vient de retirer le pain; d’autres cul- tivateurs ont des fours construitsexprès qu'ils font chauffer comme les précédens, et dans lesquels ils placent leur lin. Dans les pays où l’on fabrique la bière, le lin est étalé et séché sur la touraille des brasseurs, et dans ceux où on cultive cette plante en grand, on se sert. d'un häloir pour cet objet. Le häloir est un hangar ou une pièce isolée de tout bâtiment, ou enfin une caverne, qu’on trouve si fré- quemment dans les pays montagneux. Dans cette pièce on forme à environ 4 pi. du sol un grillage en bois sur lequel on étend le lin; dessous on allume du feu avec de la chene- votte et on l’entretient avec prudence pour ue le lin sèche également partout et ne s’en- amme pas. Lorsqu'il est parvenu au degré de dessiccation convenable, on l’enlève et on le livre aux broyeuses. Cts derniers modes de hâlage sont très préju- diciables au lin. D'abord, dans les fours de boulangers dont on vient de retirer le pain, la température qui est de 80 à 100° C. et plus, est beaucoup trop élevée ; le lin surpris par ce degré de chaleur sèche qui est suffisante pour décomposer certaines matières végé- tales, roussit et s’altère; la matière gommo- résineuse qui enveloppe encore ses fils, au lieu de se dessécher, pour être ensuite enle- vée en poussière, se fond, et en refroidissant agglutine de nouveau Îles fils, qu'il devient impossible de séparer au broyage. L’humidité du lin réduite en vi Ed n'ayant pas d’issue, retombe parlerefroidissementsurles tiges qui redeviennent molles et flexibles, enfin la cuap, 16° lilasse perd en partie son brillant et sa force el est dure et cassante. Sur les tourailies le lin n'est pas autant altéré, mais la tempéra- ture qu'il y éprouve, 60°, C. au moins, est en- core trop élevée; enfin dans un hâloir banal, outre l'imperfection du procédé, l’enfumage du lin et son incomplète dessiccalion, on a en- core à redouter le danger d’un incendie. Un bon hdloir, tel qu’on en a établi dans quelques parties de lAllemagne, est une chambre assez étendue, un peu basse, ayant une issue pour le dégagement de la vapeur d’eau et dans laquelle on range le lin debout par bottes de 40 à 50 tiges. Ce hàloir est chauf- fé par un poêle en faïence doublé en terre ou en brique, dont la température s'élève et s’abaisse ainsi avec lenteur, et dont la porte est placée à l'extérieur pour prévenir tout danger du feu. On peut aussi avec avantage élever la température à l’intérieur de cette chambre au moyen d’un calorifère placé dans un autre lieu ou par la circulation de lea, de la va- peur, ou par la chaleur qu’on perd souvent dans plusieurs établissemens industriels. Le lin étant rangé dans ce häâloir, on allume le feu qu’on conduit avec lenteur jusqu’à ce que la température soit à 25 à 30° C. (20 à 24° R.). A cette température, qu’on cherche à main- tenir pendant un certain temps, l’eau de vé- gétation du lin se vaporise avec lenteur et s’é- chappe par l'issue ménagée. Quand il ne se dégage plus de vapeur on élève peu à peu ia température à 40 ou 45° (32 à 36° R.), et après l'avoir soutenue quelques momens à ce degré, Ééerabon est terminée. On retire le lin, on le laisse refroidir quelques heures, puis on le soumet à la broye. $ IT. — Du macquage ou maillage, broyage. Le lin étant suffisamment sec, il faut le sou- | mettre à une série de manipulations pour sé arer le bois ou chenevotte de la couche fi- reuse et réduire celle-ci en filasse. Ces mani- pulations ne sont pas les mêmes dans tous les pays,et ontrecu, ainsi que nous allons le voir, des noms différens. Avec quelque soin qu’on ait traité Je lin au rouissage et au häloir, il y a toujours dans les bottes un certain nombre de tiges courtes rompues où brouillées, qui enlacent les au- tres et qui, au travail de la broye et du peigne, tombent elles-mêmes en étoupes, brisent la bonne soie et causent un déchet assez consi- dérable. La 1" chose à faire est donc de trier le lin. Ce triage se fait au moyen d’un peigne à grosses dents de bois ou de fer assez écar- tées , sur lesquelles on jette les poignées de lin qu'on tient à la main par une des extré- mites, et qui retiennent les tiges courtes ou mélées. Ces tiges ne sont pas perdues pour cela, on les rassemble pour les broyer en- semble ou pour les travailler comme les éloupes. Quand le lin a été trié , il faut, pour facili- ter encore l’action de la broye, le soumettre au Mmacquage où maillage. Le macquage se donne ordinairement avec l'instrument appe- lémacqueoumaque, qui consiste en une masse de bois dur, avec laquelle on frappe les poi- gnées de lin sur un billot plat en bois ou en pierre, depuis la patte ou racine jusqu'à la DU MACQUAGE ET DU BROYAGEF. 313 pointe. La macque aplatit les tiges, casse la chenevotte, détache l’enveloppe fibreuse, diminue la cohésion des fils, éclate et rompt la matière gommeuse qui les agglutine encore. En Westphalie, on se sert pour le macquage d'un moulin mu par l’eau; là, un arbre tour- nant, muni de cames, élève 4 à 6 petits pilons en bois de hêtre, et les laisse retomber sur les tiges de lin étendues sur un bloc uni de bois. Des ouvriers placés devant ces pilons re- tournent et secouent detemps à autre les poi- gnées de lin, et les empêchent de s’échauffer et de se brouiller. Une autre machine usitée pour cet objet en Allemagne consiste en 2 cylindres en bois placés l’un sur l’autre, portant des cannelures longitudinales larges et profondes, et fixés sur des axes en fer, dont l’un porte de chaque côte une manivelle. Le lin engagé par poignées entre ces cylindres, est reçu de l’autre côté à mesure qu'il s’avance par suite de leur mou- vement de rotation, sur une planche incli- née de bois après avoir subi un macquage parfait. Eu Flandre où l’on ne fait pas usage de la broye ordinaire pour le lin, or lui donne un bon maillage en l’écrasant à grands coups avec une pièce de bois dur, nommée battoir (fig.329), lon- gue de 2? cent. (10 po. 1/2), large de 13 (5 po.) et épaisse de 8 à9(3 po. 1/2). Cette pièce porte par-dessous des cannelures prismatiques à arêtes arroidies d'environ 13 mill. (6 lig.) de hauteur, et dans son milieu est fixé un man- che courbe (fig. 330) qui sert à la manœuvrer. Fig. 329. Fig. 330. Le lin étendu avec régularité sur une aire plane, on le frappe avec cet instrument d’a- >ord par la patte, puis par la pointe, enfin au milieu de la tige. Ainsi maillé d’un côté, ilest retourné de l’autre et traité de la même ma- nière. L'opération terminée, l'ouvrier enlève les poignées, les secoue pour en détacher les impuretés et les débris de bois, et en forme des paquets. ù Quelquefois on se sert dans le même pays pour cet objet de moulins qu'un cheval fait mouvoir el qu'on nomme moulins à battoirs. Ces machines consistent en une meule posée verticalement , qui parcourt un cercle en écrasant le lin qu’on lui présente. On peut briser ainsi de 130 à 150 kilog. de Jin par jour, Nous pensons qu’on pourrait aussi se servir avantageusement pour cette opération de la machine simple et ingénieuse, dont on doit l'invention à M. CarziweTri (fig. 331). Cette 814 LT à. \ machine se compose d’un plateau circulaire horizontal À, porté sur son cenire par un arbre vertical B, avec lequel il peut tourner. Ce plateau, sur sa face supérieure, est sillon- | né de canvelures qui partent de la circonfé- rence, et vont toujours, en diminuant de lar- geur, converger vers le centre. Sur la moitié de la surface de ce plateau, sont posés 9 cy- lindres coniques également munis de can- nelures identiquement semblables à celles du plateau. Le 1er et le dernier cylindre sont en fonte et ne touchent pas les autres qui sont en bois, et placés très près les uns des autres. Ce 1e cylindre C porte un axe en fer qui se prolonge au-delà du bâti, et sur le- quel est monté un volant D, muni d’une ma- givelle E. C’est lui qui, par les cannelures dont il est muni, engrène dans celles du plateau etle fait mouvoir circuiairement. Les axes de tous autres cylindres portent des ressorts d'acier, qui les font presser contre ce plateau. Pour briser le lin, un enfant en prend une poignée qu'il étale sur le plateau, de manière à n’en couvrir que la moitié, à partir de la circonfé- rence. Aussitôt que ce lin, par suite du mou- vement qu’un homme imprime à la machine, est passé sous le 1: cylindre, l’enfant en étale une 2° poignée, puis une 3°, et ainsi de suite. Quand ledisqueachève son tourentier, l'enfant enlève le lin tout broyé et par poignées, à me- surequ'ilsort de dessous le dernier cylindre; ou bien si le broyage n’est pas suffisant , il lui donne un second tour, avec l'attention de re- tourner sers dessus dessous les poignées. Le lin étant suffisamment broyé, il l’enlève, donne un coup de brosse sur les cannelures du plateau pour les nettoyer des brins de che- nevolle, puis recommence à charger le pla- teau. Tout cela marche avec assez de célérité pour que l'opération soit continue. En général, le lin maillé avec soin n’a pas besoin au broyage d’avoir été séché à une tem- pérature aussi haute; il conserve plus de lon- gueur, sa sole est mieux divisée et devient plus fine par le travail ultérieur ; enfin les poin- tes qui donnent la filasse la plus belle n’é- chappent plus à la broye, et ne sont plus en- levées en pure perte à l'espadage. Le macquage fait éclater l'enveloppe fi- breuse du lin, et commence à briser et à dé- tacher la chenevotte ; il ne s’agit plus mainte- nant que d'achever de rompre celle-ci, de la séparer de l’enveioppe et de réduire cette dernière en filasse. Onatteintce butau moyen du broyage qui se donueavec la broye, instru- ARTS AGRICOLES : PRÉPARATION | ment bien connu et très répandu. La broye | (Ag. 332) est formé de pièces de bois réunies à DES PLANTES TEXTILES. Fig. 332e LIV, IV, RE ER EE A a un bout par une forte cheville. La pièce ou mä- choire inférieure est montée sur 4 pieds in- clinés pour fui donner plus de solidité, et est élevée d'environ 812 (30 pou.) afin qu’elle soit à la portée de la main de l’ouvrière qui tra- vaille debout. Elle consiste en une pièce de bois de 14 à16 centim. (5 à 6 po.) d’écarrissage, et de 2m 27 à 2" 60 (7 à 8 pi.) de long creusée dans presque toute sa longueur par 2 grandes mortaises, larges de 27 mill. (1 po.), qui la traversent dans toute son épaisseur. Les 3 languettes que laissent ces mortaises sont taillées en couleaux non tranchans dans leur partie supérieure. Une autre pièce moins large que la tre, la mâchoire supérieure, mu- nie d’un manche par un bout et portant sur sa largeur 2 languettes pareillement taillées en couteau et par-dessous, est attachée sur la ire par une cheville de fer qui ies traverse toutes deux par le bout opposé au manche, et fait l'office de charnière. Les 2 languettes de la mâchoire supérieureentrent librement dans les rainures de la mâchoire inférieure. Pour broyer le lin, l’ouvrière en prend une poignée de la main gauche, et de la droite soulève par le manche la mâchoire supérieure de la broye. Alors elle engage le lin entreles 2 mächoires, puis abaissant fortement et à plusieurs reprises la mâchoire supérieure, elle brise la chenevotte et l’oblige, en tirant à elle la poignée, à quitier la filasse. Quand la poignée est bien broyée et secouée jusqu’à ia moitié, elle reporte sous les lames de la broye l’autre moitié qu’elle tenait à la main, et ne la quitte plus qu’elle ne soit entièrement broyée. Cette manipulation est répétée sur plusieurs poignées, jusqu'à ce qu’il y ait en- viron ? livres de filasse; alors elle en fait un paquet qu’elle plie en 2 en le tordant légère- ment et en le nonant par le bout. C’est ce qu'on romme ordinairement queues de cheval ou filasse brute. En Bohème, le lin séché au soleil est d’a- bord soumis à une broye en gros, qui n’a qu’une languette et qu'une rainure; &@e Jà il passe à la broye en fin, qui a 2 languettes et autant de rainures; quelquefois il ne subit cette 2° opération, qu'après avoir passé quel- ques heures dans le häloir. Dans quelques pays on ne fait usage que de la broye en gros, mais seulement pour les chanvres et lins gros- siers; dans d'autres, les broyes ont 5 lan- guettes et rainures, et même plus. En Langue- doc. on passe en 1° lieu dans une broye dont les languettes sont dentées en scie, puis dans une autre à languettes unies comme la broye ordinaire. Enfin il est quelques pays où on cHAP. 16°. travaille d’abord le lin avec une broye dont les languettes supérieures jouent très librement dans les rainures inférieures, puis ou on l’affine avec un instrument de ce genre, ou ces par- ties entrent presqu’à frottement juste les unes dans les autres. Il faut que les arêtes des languettes et des rainures soient arrondies soigneusement, si On ne veut pas couper la soie, et on doit veiller à ce que les ouvrières ne les rendent pas tran- chantes pour hâter la besogne. On fera même bien avant de consacrer une broye neuve à la réparation des lins fins et de 1" qualité, de Péolarer au moins un an sur le chanvre ou Je lin commun. On ne doit tirer ia poignée de filasse, que lorsque la mâchoire supérieure est à moitié soulevée; d’abord on procédera avec lenteur et seulement lorsque les extré- mités seront déjà débarrassées de leur chene- votte, autrement on briserait beaucoup de fils; et on ne tirera avec quelque vivacité que lors- que toute la poignée sera bien réduite en fi- lasse, pour l’affiner et l’adoucir. La broye, come on le voit, est un instru- ment grossier; on lui reproche les inconvé- niens suivans : elle broie imparfaïtement les pointes où se trouve la filasse la plus fine; les tiges engagées entre les mâchoires et pressées ar les lames, ne pouvant s'étendre convena- Pichet, cèdent sous le choc de la mâchoire supérieure, et se brisent ; le froissement que la filasse éprouve entre les lames la fait bour- rer, mêle les brins, et malheureusement ce sont toujours les fils les plus fins et les plus beaux qni se rompent ou se brouillent ainsi, et sont ensuite enlevés au sérançage ; enfin la manœuvre de cet instrument est longue et très pénible, surtout pour des femmes qui sout généralement chargées de cesoin. $ III.— De l’espadage et de l’écanguage. Le lin qui a été broyé n’est pas pour cela débarrassé de toute sa chenevotte; il en con- serve encore une grande quantité qu’il s’agit d'enlever par üne opération que l’on nomme espadage ou écouchage. L’espadage se fait sur une planche À (fig. 333) attachée verticale- ment à une forte pièce de bais B qui lui sert de pied; cette planche a vers le haut une entaille demi-circulaire C, ou quelquefois elle n’est échancrée que sur le côté. L’espadeur ploie de la main gauche une poignée de lin, qu'il appuie sur l’entaille ou l’échancrure C de la anche, il frappe la portion de lin q:'il tient e long de la planche avec le tranchant de l'espade ou espadon (fig. 334), sorte de couteau Fig. 534 DE L'ESPADAGE ET DE L'ÉCANGUAGE. 315 de bois à 2 tranchans mousses de 2 pi. de lon- gueur, large de 4 à 5 po., épais de 6 à 7 lig. et ayant à une de ses extrémités une poignée par laquelle l’ouvrier le tient de la main droite. Il secoue sa poignée après l'avoir frap- ée, la retourne, la frappe encore, travaiile a pointe comme il a fait les pattes, prend soir de bien frapper le milieu qui est souvent le plus mal travaillé, et nettoie ainsi son lin des brins de chenevotte, de la plus grossière étoupe et des portions non brisées par la broye, L'espadage est une opération importante qui exige, pour être bien faite, un ouvrier exercé. Celui-ci doit tenir fermement la poignée dans sa main pour qu’il ne s’échappe pas de fils qui se bouchonneraient, et toucher le lin avec l’es- padon plutôt en frottant ou en glissant qu'en frappani. Quelque soin qu’il prenne, il coupe encore beaucoup de brins sur l’arête vive de l’échancrure de la planche et les fait ainsi tom- ber en étoupes. Pour être espadé convenablement, le lin doit être très sec, et dans le Wurtemberg, sur- tout dans les temps humides, on lui commu- nique le degré de siccité convenable en le pas- sant au four ou dans un häloir. Une partie de la filasse tombe sous l’ecan- gue et l’espade avec la chenevotte; ces 2 ma- tières mélangées se nomment vulgairement équignons; elles sont séparées par des ouvriers qui font avec les débris de la soie un fil gros- sier pour la fabrication des toiles d'emballage. Lorsque le lin, au sortir de l’espadage, con- serve de la rudesse et que le milieu des poi- gnées est encore chargé de débris de chene- vottes, on passe en quelques pays cette partie sur l’affinoir, lame de fer polie à son bord in- térieur et formant un tranchant mousse, large de 3 à 4 po., épaisse de 2 liges longue de 2 pi. 1/2, posée verticalement et bien attachée à un poteau. L’affineur prenant de la main droite une poignée de lin par les pattes, la passe derrière la lame et en saisit les pointes de la main gauche; il F5 em le milieu sur le tranchant du fer, tirant fortement et alterna- tivement les 2 mains, de manière que tous les brins et les différentes parties de brins soient frottés successivement contre ce tranchant. On donne encore au lin pour l’affiner une au- tre préparation qui consiste à le passer sur un frottoir ; cette opération, qui paraît préjudicia- ble à cette matière textile, sera décrite quand nous parlerons du travail du chanvre. Les Flamands, avons-nous dit, ne broient as le lin, et se contentent de le mailler; mais a ce maillage ils font succéder l'écanguage, sorte d’espadage énergique préférable à l’es- padage ordinaire et qui se donne de la manière suivante. L'écangue (fig. 335) est une sorte de hachoir ou couperet plat et mince, muni par le haut d’unetêtequiest destinée à lui donner plus de poids ou de la volée ; le manche est court, aplati, fixé sur une des faces du couperet Fe des chevilles de bois. Cet écangue est en ois dur et lisse, d’une épaisseur de 5 mill. (2 lig.) et ne pèse pas au-delà de 5 quarterons. La planche à écanguer A (fig. 336) a 4 pi. de hauteur, 1 de large et 1 po. d'épaisseur; elle est assemblée verticalement sur une autre planche horizontale B qui lui sert de patin | ou pied, et porte à 2 pi. 1/2 de hauteur une 316 échancrure E de 3 po. de hauteur et 4 de pro- fondeur. Une des arêtes inférieures de ceite échancrure, celie du côté où frappe l’écangue, est taillée en biseau (/ig. 337) pour que cet Fig. 335. Fig. 337. Fig. 336. écangue en tombant ne soit pas arrêté par ce bord et ne coupe pas la filasse. Le patin B ou planche inférieure a 5 pi. de long, 1 1/2 de large et 2 po. d'épaisseur. Du côté où l’ouvrier se place, et à chaque extrémité sont 2 forts mon- tans ou pieux D de 1 pi. 1/2 de hauteur, qui re- çoiventune grossecourroieen cuirC fortement tendue , qui sert à garantir les jambes de l’ou- vrier pendant le travail ou la chute de l’écan- gue. L’écangueur prend dans sa main gauche autant de lin qu’elle peut en contenir, passe celui-ci dans l’échancrure jusqu’au milieu de sa longueur, l’étend sur le bord inférieur, puis frappe verticalement dessus, du côté du bi- seau, avec l’écangue qu'il tient de la main droite; il roule, retourne et frappe ainsi sa poignée jusqu'à ce que la chenevotte soit dé- tachée et qu'il ne reste que la soie, puis passe successivement d’une portion écanguée à celle qui ne l’est pas. Un ouvrier dans une Journée de travail peut écanguer ainsi 5 kilog. de filasse provenant de 20 kilog. de lin roui. Ii y a aussi dans ce pays des fermiers qui em- ploient un moulin à ailes de bois pour écan- guer leur lin; cette machine se meut à bras. L'opération est plus rapide que par l’espadon ou lécangue qu’on tient à la main, mais le lin se casse davantage et est moins fort. En employant 4 hommes, un moulin de cette espèce peut espader 22 kilog. de lin par jour, tandis qu’un bon ouvrier n’en espade à la main que 41/2 à 5 kilog. On fait aussi usage pour l’es- padage, en Angleterre, d’une machine mue par un cours d’eau et en forme de tambour ver- tical qui porte des espadons et M. Giranrp est inventeur d’une machine ingénieuse destinée au même usage. Le lin, étant espadé, recoit encore en Flan- dre un autre apprét qui se donne de la ma- mère suivante : l'ouvrier assis prend le lin par pebites parties, le met sur un tablier de cuir qu'il porte devant Jui, et le ralisse avec des couteaux de fer d'environ 1 pi. de iong, ARTS AGRICOLES : PRÉPARATION DES PLANTES TEXTILES. Liv. IV, larges de 10 lig., mais plus étroits vers le manche ,et dont le tranchant est arrondi. Ces couteaux sont de 3 espèces, et vont en augmentant de finesse. Le lin est frotté, ra- tissé de cette manière dans sa longueur 3 fois consécutives, jusqu'à ce que les débris de che- nevotte et degomme soient enlevés. En West- phalie où on se sert du même procédé, l’ou- vrier ratisse le lin sur son genou qui est cou- vert d’une peau de sanglier, le côté lisse en dehors, et ne se sert quede 2 couteaux. Les dé- chets sont assez considérables; ceux du fer frottement servent à faire des toiles d’embal- lage, ceux des auires à confectionner des fils pour les toiles à sac où de grosses toiles de mé- nage. Ainsi préparé, le lin est plié par bottes de 1 kilog 375 (2 3/4 liv.),et remis auxfileuses ou aux peigneurs. 6 IV. — Du peignage ou sérançage. Le lin nettoyé de toute sa chenevotte par l'espadage, doit, avant d’être filé, être soumis à une dernière opération qui a pour but d’en- lever les dernières traces de la gomme-résine qui salit encore ses fils , de le déméêler, de le refendre et de l’affiner. Cette opération se nomme peignage ou sérançage; elle est faite par les fileuses elles-mêmes ou mieux par des ouvriers appelés séranceurs, qui travaillent ie lin au moyen de peignes ou sérans. Les peignes où sérans sont en géneral for- més d’une planche de bois dur sur laquelle sont implantées des broches de fer, de cuivre ou d’acier pointues et polies. La forme de ces dents varie avec les pays et la finesse de la fi- lasse qu’on veut obtenir; tantôt elles sont uni- formément rondes dans leur longueur,excep- té vers l’extrémité supérieurequi est pointue, ou bien elles sont coniques depuis le pied jus- qu’au sommet ; tantôt elles sont taillées en lo- sange ou en Carré. Parfois on les plante en lignes droites, les unes devant les autres sur les planches; le plus souvent aujourd'hui, comme dans les peignes anglais, elles sont dis- osées en échiquier ou diagonalement avec Péatcute de précision. Leur longueur est éga- lement très variable, et dans un atelier de sé- rançage, on a ordinairement un assortiment complet de sérans , depuis les plus gros jus- qu'aux plus fins, à travers lesquels on passe successivement la filasse suivant le degré de finesse qu’on veut obtenir. On a pour l’ordi- paire des peignes de 4 grandeurs; les dents des plus grands sont carrées ou en Josanges , et ont par le bas une ligne carrée sur 3 £ po. de longueur ; celles des plus fins sont rondes et grosses comme desaiguilles à coudre la toile de ménage. Pour procéder au sérançage, le peigneur fixe ses sérans sur une table solide, selon l'ordre de leur finesse, puis prend de la main droite une poignée de lin vers le milieu de sa lon- gueur, et avec un des bouts pendans, or- dinairement les pointes, il enveloppe celle-ci une ou 2 fois pour lui donner plus de force. Le séranceur serre alors fortement la main, et imprime verticalement à la poignée un mou- vement circulaire, qui fait tomber la filasse sur les dents du peigne Île plus gros; s'il éprouve trop de résistance à Lirer la filasse horizontalement , il enlève doucement pour cuap. 16°. en engager une moindre quantité. Quelque- fois il lève la poignée de dessus le séran, ouvre et ladivise; quelquefois il la passe et la repasse vivement. Lorsque la pointe est bien démé- lée, il en engage une plus grande longueur , et continue ainsi peu à peu jusqu'à ce que la filasse passe sans difficulté entre les dents du peigne; après quoi, tortillant autour de sa main la partie démêlée, il peigne l’autre bout avec le même soin. On passe ainsi la fi- lasse sur des peignes de plus en plus fins, où elle se divise, acquiert de la souplesse et de la douceur. La filasse obtenue la 1" est con- nue sous le nom de it"brin. On en plie les poignées en 2 moitiés tortillées l’une sur l’au- tre, pour former des paquets. L'étoupe res- tée dans les sérans se travaille de nouveau, et fournit un brin fin, mais plus court et plus dur que le 1‘, qu'on nomme second brin. Le reste de l’étoupe qu'on peut carder est em- ployé à divers usages. On ne sérance guère que les lins destinés à la fabrication des toiles ordinaires ; le lin ramé qui sert à celle des batistes n’acquerrait pas ainsi assez de finesse, et ne serait pas suffi- samment débarrassé de sa gomme et de ses impuretés. Pour lui donner le degré de finesse requis, on le soumet à l’action de la brosse. Cette brosse qui ressemble à une balle d’im- primeur, est composée d’un manche long de 5 po. auquel est attachée une demi-sphère de 12 po. de circonférence, garnie, sur sa surface convexe, de poils de sanglier d'environ 3 lign. de hauteur, placés à une ligne de distance les uns des autres. On brosse sur une planche lisse de 1 pi. de largeur sur 3 de long, à une des extrémités de laquelle est implantée une cheville verticale qui sert à fixer par 2 ou 3 tours la poignée de lin, ou bien on en prend une petite partie grosse comme le doigt qu'on tortille par le haut sur l'index gauche et qu’on maintient fortement avec le pouce; le reste de la poignée est élalé avec soin sur la planche et on y passe la brosse qu’on tient de la main droite, en 1+° lieu du côté de la patte et d’a- bord avec précaution, puis un peu plus éner- giquement suivant le degré de finesse qu’on veut obtenir. Cela fait, on retourne le lin et on le travaille de même du côté de la pointe, puis on tord légèrement et l’on plie vers le inilieu de cette partie, qui s'appelle un cordon de lin, Lorsque le lin est bien sec, les fils se divisent, la gomme-résine qui enveloppe en- core ses fils s’exfolie, s’enleve en poussière, et on obtient une filasse fine, douce et douée de beaucoup d'éclat. Les bottes de 2 liv. 3/4 se trouvent ainsi réduites à 1 3/4 liv. et même 1 1/2 liv. Les étoupes qui sont fines donnent des fils propres à fabriquer de belles toiles de ménage, du linge de table, etc. Dans plusieurs pays on pense que le lin doit être bien sec pour étre sérancé, et on fait même chauffer les sérans quand le temps est humide où quand ils ont séjourné dans un lieu froid. Au contraire, dans d’autres on conserve le lin à la cave avant de le peigner, parce que l’ex- périence semble avoir prouvé que par ce sé- PRÉPARATION DU CHANVRE. 517 jour il se divise mieux dans le peigne et donne moins de déchets. Après le peignage le lin reçoit souvent un maillage qui est destiné à lui donner de Îa douceur, à diviser ses fils et à le préparer au filage. Ce maillage se donne sur un bloc de bois, au moyen d’un maillet aussi en bois qui sert à frapper les paquets. En Bohème où on pratique avec soin celte opération, le lin est mis en paquets et tordu pour qu'il ne se mêle pas, puis maillé soigneusement pouce par pouce, en retournant le paquet de temps à autre et je frappant toujours, jusqu’à ce qu'il devienne chaud; alors on le prend à la main et on le froisse vivement et dans toute sa lon- gueur pendant plus où moins de temps. Le maillage, cet échauffement et ce froissage sé- parent les filamens, les affinent et les adoucis- sent. Ce travail pourrait, comme on voit, s’exécuter plus promptement au moyen des procédés de macquage que nous avons indi- qués ci-dessus. Les lins amenés à ce point gagnent encore en finesse, en douceur et en nerf, avant d'être filés, à être conservés dans des caisses garnies de papier et placées dans un lieu sec et frais. SECTION II. — De la préparation du chanvre. 6 Ier. — Du rouissage. Le chanvre, ainsi que nous l'avons vu au chapitre de sa culture, est une plante dioïque, c'est-à-dire que ce sont des pieds différens qui portent les organes sexuels mâle et fe- melle (1). 11 mürit par conséquent à 2 époques différentes et on l’enlève en 2 fois, savoir : le chanvre mâle au mois de juillet ou d'août, et le chanvre femelle six semaines après, vers celui de septembre ou d'octobre. On reconnaît la maturilé du chanvre mâie lorsque les fleurs ayant répandu leur pous- sière fécondante se détachent, que les feuilles se flétrissent, que la tige jaunit par le haut et blanchit vers la racine. Quant à celle du chanvre femelle, elle est indiquée par la ma- turité de la semence et la sécheresse de la tige. Il faut s'appliquer à saisir avec exacli- tude cette époque de maturité, parce que le chanvre müûr à point se rouit plus prompte- ment, donne une filasse qui se détache plus facilement que celui qui a été récolté vert ou qui est resté trop long-temps sur pied La récolte des chanvres mâles et femelles étant faite à temps, il ne faut pas, comme cela se pratique en quelques lieux, Les réunir pour les rouir ensemble; les derniers étant plus des- séchés sur pied, seraient à peine rouis lorsque les autres commenceraient à éprouver dans le routoir un commencement de décomposi- tion putride. Le chanvre étant mûr, estarraché de terre, et posé en petits faisceaux sur le sol pour Pare sécher ; 11 faut pour cela 8 à 10 jours. Au bout de ce temps on bat le chanvre femelle pour en extraire la semence ; quelques personnes ent conseillé de rouir le chanvre avant qu'il soit (4) Par une habitude bizarre on donne presque partout en France et en Belgique le nom de chanvre mâle aux tiges qui portent la graine, et celui de chanvre femelle à celles qui portent les organes mäles de la plante. Nous ae pouvons adopter ces locutions vicieuses et nous employons dans le texte les mots de chanvre mäle et femetle dans lear véritable acception. 315$ bien sec, en assurant qu'il présentait alors moins de résistance au rouissage, mais l’usage a prévalu dans les pays où l’on cultive cette plante, de ne le soumettre à cette opération w’après l’avoir fait sécher complètement, en alléguant comme fait d’expérience qu’il donne alors une filasse plus nerveuse et plus du- rable, et qu’il est moins sujet à pourrir dans le routoir. On a aussi prétendu que les quite intro- duites dans les routoirs avec les tiges pas- saient très promptement à l’état de décom- position putride et altéraient la qualité du chanvre; cependant en Alsace, où on produit de très belles filasses, on fait rouir le chanvre avec ses feuilles. Au reste, si on craignait quelque mauvais effet de leur présence, on peut eulever celles du chanvre mâle au moyen d'un peigne à dents de fer ou de toute autre manière; les feuilles du chanvre femelle tom- bent généralement au battage. Avant de rouir le chanvre on fera bien d’en- lever les racines et les sommilés qui ne produi- sent rien ou presque rien, qui concourent à brouiller les filamens, à faire perdre du temps aux ouvriers et à augmenter les déchets. On fait cette opération en plaçant les tiges sur un billot et en coupant les racines ou les som- mités avec une hache, ou bien en ;es mettant entre 2 planches et retranchant les parties ui passent avec une vieille faux emmanchée dre un morceau de bois. Le but du rouissage du chanvre est le même que celui du lin; c’est-à-dire au moyen de l’eau ou bien de la lumière, de la rosée et de la pluie, de faire passer à l’état de décomposition le principe gommo-résineux qui enveloppe et agglutne les fils, de rendre la chenevotte cas- sante et de séparer celle-ci de la couche fi- breuse qui l’environne. On faitrouir le chanvreau moyen de procédés aualogues à ceux dont on se sert pour le lin, tels que le rorage et le rouissage à l’eau. Ce dernier est ie plus généralement employé; quant au rorage, qui mériterait la préférence, suivant M. Nicocas, professeur de chimie à Caen, il est déjà usité dans les Vosges el dans quelques autres lieux de la France ainsi que de l'Allemagne. On peut voir à la section pré- cédente la manière de pratiquer ces 2 procédés. Le rouissage du chanvre est plus prolongé que celui du lin. Le chanvre mâle reste dans le routoir 8 à 10 jours et le chanvre femelle 15 jours et plus long-temps encore, même dans les temps les plus favorables de l’ännée. On reconnait qu'il est complet à des indices sem- blables à ceux qu’on emploie pour le lin, tels que l’état cassant de la chenevotte, la facilite avec laquelle la filasse se détache sur toute ia longueur de latige; enfin, lorsqu'on a conservé les feuilles, au peu d'effort qu'il faut faire pour les séparer. Les tiges du chanvre s’élevant quelquefois 1 12, 15 et même 18 pi. de hauteur, il est im- possible de les mettre debout dans les rou- loirs; mais ici les sommités et les racines etant retranchées , toutes les autres portions de la tige peuvent se rouir plus également et être placées transversalement sur des perches en plusieurs couches successives qu'on assu- jétit ensuite par des liens, et qu’on immerge à la manière ordinaire dans les routoirs. On ARTS AGRICOLES : PRÉPARATION DES PLANTES TEXTILES. LIV, IV, fera bien de couper en 2 ou 3 parties les tiges de 12 à 15 pieds; de cette manière ces tiges sont plus faciles à travailler, elles s'adaptent mieux aux dimensions des routoirs, donnent de plus longs brins, moins d’étoupes au peignage et. une filasse toute aussi résistante. Par le rouissage à l’eau on obtient générale- ment, quand l'opération est bien conduite et qu'il y a un léger renouvellement de l'eau, une filasse blanche et nerveuse; dans les rou- toirs à eau stagnante elle est blonde, jaune ou verdâtre. Par un bon rorage il paraît qu’elle est grise, douce et facile à blanchir. Les chan- vres noirs où marqués de taches brunes, sont trop rouis, échauffés ou altérés. Au reste, la couleur des chanvres, très variabie dans cha- cune de nos provinces qui les cultivent, dé- peñd en grande partie de la nature du sol du degré de maturité de la plante, du mode de rouissage et des eaux où il s’est opéré. SEL. — Du halage, teillage, broyage, etc. du chanvre. Le chanvre parfaitement roui est ordinatre- ment séché sur le pré, nettoyé, mis en bottes et conservé dans un lieu sec jusqu’à ce qu'on le soumette aux manipulations qui ont pour but d’en séparer la filasse. La manière la plus simple de séparer la fi- lasse de la chenevotte est le teillage à la main, ui se fait ordinairement à la campagne par es femmes, des enfans ou des vieillards. Les femmes tiennent ordinairement sous le bras gauche où dans un tablier une boite de chan- vre, dont elles prennent 2 ou 3 tiges qu’elles rompent entre les doigts; la cnenevotte se casse, elles la détachent de la couche filamen- teuse dont elles entourent leurs bras Lors- qu’elles ont rassemblé une quantité suffisante de filasse pour en former une poignée, elles la tordent de 3 à 4 tours pour que les brins ne se brouillent pas. Cette façon, très en usage encore en Bourgogne et en Champagne, est longue et on lui reproche de donner une filasse qui n’a pas toute la longueur de la tige, ei qui cause par conséquent beaucoup de dé- chet au peignage; en outre cette filasse enle- vée en rubans reste couverte de plaques de gomme qui augmentent son poids au détri- ment de l’acheteur; elle n’est pas débarrassée du limon et autres impuretés qui l’ont salie dans les routoirs, et est très difficile à blan- chir. Ces inconvéniens font qu’on donne la pré- férence à la broye ordinaire pour le travail des chanvres:; mais auparavant de faire usage de cet isstrument il convient de sécher les tiges au hâloir comme celles du lin. , Nous conseillons, si on veut chtenir une belle filasse, de soumettre préalablement, ces tiges à un bon macquage par un des moyens que nous avons indiqués ci-dessus. La broye qu’on emploie pour le chanvre est la même que pour le lin et se manœuvre de la même manière; seulement, les tiges de chanvre étant beaucoup plus grosses et plus dures, on se sert de broyes dont les languettes sont moins hautes que pour le lin et entrent plus librement dans les rainures, pou ne pas éprouver trop de résistance; où bien on com- mence le travail avec une broye à une seule languette et rainure très libre et très facile, et cap. 16€. on l'achève avec une autre à doubles rainures et languettes à frottement un peu plus juste. Les chanvres, surtout les fon forts et les plus nerveux, sont en grande parlie vendus teis qu'ils sortent de la broye et livrés aux cordiers ou aux ateliers de la marine, où on leur donne les autres préparations pour en fabriquer des câbles, cordes et cordages. A l'état brut, le chanvre de bonne qualité doit avoir le brin d’une longueur de 1 m. à 1 m.50, être gras, brillant, exempt de chenevotte et très résistant. Les poignées doivent être composées de brins égaux entre eux et les têtes non fourrées d'éloupes; tels sont géné- ralement les chanvres de l’Anjou, de la Tour- raine, de la Champagne, etc. Après le broyage le chanvre qu'on destine à la fabrication des fils et des toiles reçoit diffé- rens appréts. Dans quelques lieux on en forme de petits paquets qu’on place dans un vaisseau rempli d’eau, et qu'on laisse macérer pendant quelque temps, avec l'attention de ne pas trop prolonger cetle macération, qui pourrirait le chanvre. Généralement, le chanvre mis en paquets tressés est pilé sur des billots avec de gros maillets, pour le diviser, ladoucir et en séparer les fragmens de chenevotte. Ce travail s'exécute aussi quelquefois dans des moulins à pilons ou sous une meule, comme dans ies moulins à huile. Dans tous les cas il faut veiller à ce que les fils ne se brouil- lent pas, si on ne veut pas éprouver de gran- dss pertes au peignage. Dans les corderies le chanvre est espadé de la même manière que le lin et avec des ins- trumens à peu de chose près identiques, puis soumis au peignage. Ce peignage se fait au moyen de sérans de plusieurs grandeurs; les plus grands sont à dents carrées de 13 po. de longueur, ceux de la seconde grandeur n’en ont que de 7 à 8 po., ceux de 3: de 4 à 5, et les derniers les ont encore plus courtes, plus menues et plus serrées. C’est à ce peignage que se borne la préparation du chanvre pour l'usage ordinaire. Pour les chanvres destinés à faire de belles toiles, les peignes sont beau- coup plus fins, etsouvent, entre deux peignages cousécutifs, le chanvre est maiilé une 2° fois, pour favoriser la séparation des fils et le dé- gommage. Les qualités des chanvres peignés peuvent varier à l'infini, par suite des causes qui in- fluent sur celles du chanvre à l’état brut et que nous avons fait connaître plus hant, ainsi que suivant le degré d’affinage auquel ilsontété amenés par l’ouvrier et l'habileté de celui-ci. Ces qualites reçoivent souvent différens noms dans le commerce, et ces noms paraissent va- rier avec les provinces. Quelquefois, avant d'être livré aux fileurs, le chanvre est passé pour l’assouplir encore à l’affinoir et au frottoir. L’affinoir est semblable à celui du lin et s’ap- plique de même; quant au frottoir, c’est une planche percée au milieu, dont la surface est travaillée en pointes de diamants; on fait en- trer le chanvre dans le trou de planche sous laquelle la main gauche retient un bout de DE L'EMPLOI DES MACHINES. 319 la poignée, tandis que la droite frotte le chan- vre sur les éminences. Cette manière d'affiner la filasse est très efficace, mais elle la mêle beaucoup et occasionne du déchet. On a proposé un grand nombre de moyens pour adoucir le chanvre et le lin, pour leur don- ner de l'éclat et faciliter le blanchiment des fils et des tissus qu’on en fabrique. Les uns font bouillir la filasse dans l’eau avec de l'argile et du sel, d’autres la plongent dans l’alcool, d’au- tres dans l’eau de chaux pendant 6 heures, uis la lavent à l’eau acidulée, et enfin la font Fate dans une lessive faible. Quelques- uns se contentent d’une dissolulion de savon dans laquelle ils cuisent les paquets de filasse, On assure qu’on a obtenu des résultats avan- tageux en faisant macérer à froid pendant 48 heures les lins et les chanvres dans une lessive de. cendres dans une cuve à double fond fer- mée, puis faisant couler la lessive et introdui- sant un jet de vapeur d’eau pendant une heure, évacuant l’eau de condensation, faisant macé- rer de nouveau dans une eau de potasse faible, soutirant ce bain au bout de 24 heures, re- nouyelant le jet de vapeur pendant 2 heures et enfin rinçant à l’eau tiède jusqu’à ce que celle-ci sorte incolore, et faisant sécher le lin et le chanvre qui ont aiors une belle couleur gris-argenté et une grande douceur , etc. Ces manipulations, sorte de décreusage, sont longues et coûteuses; elles font perdre au Jin ou au chanvre une partie de leur force, el souvent, faites par des mains inhabiles, elles altèrent la filasse et lui donnent une coloration qu'il est impossible de faire disparaitre sur les fils ei les toiles lors du blanchiment en fa- brique. SecTiON III. — Des machines employées à la préparation des plantes textiles. Lalenteur du rouissage, son insalubrité et la difficulté de conduire cette opéralion au point précis de perfection, la qualité inférieure des lins et des chanvres qui l’ont subie d’une manière imparfaite, ou trop prolongée, et le danger, pour la santé des ouvriers, des travaux subséquens pour la conversion de ces plan- tes en filasse, enfin l'énorme déchet que lon éprouve dans ces travaux, ont depuis long- temps suggéré l’idée d'appliquer les machines à la préparation des plantes textiles. Quelques- unes des machines inventées n’ont eu d'autre but que de remplacer la broye ordinaire et ne dispensent pas du rouissage; les autres, au contraire, ont été destinées à préparer le lin et le chanvre sans rouissage préalable, et de l’amener à un degré plus ou moins parfait de finesse et de douceur (1). On a aussi proposé des moyens mécaniques pourespader, brosser et peigner la filasse, et plusieurs des machines inventées donnent aussi ces façons au lin ou au chanvre après l'avoir soumis au broyage. La plupart des machines proposées jusqu'ici opèrent le broyage du lin ou du chanvre au moyen de cylindres -cannelés; d’autres em- ploient des moyens mécaniques qui les rap- (4) Parmi ces nombreuses machines nous citerons celles inventées en Angleterre, par Lez, Hire et Bunpor, etc, ; en France, par Gizzasoz, Monracne, Duran», Curisriax, Laroresr, LoritciArD, elc.; en Allemagne, par Hevnen, Wixsraup, Korur, H. Scausants ; en Ltalie, par Roccero, CarzixerTi; en Amérique, par Goopsazz, Rosp, Himss et Ba, et celle importée par M. A. Dezcouxr, etc, 320 prochent plus ou moins de la broye ordinaire, et en général elles terminent laffinage par des moyens analogues ou par des dispositions va- riées. Les tentatives faites jusqu'ici pour la cons- truction d’une bonne machine pour le travail des chanvres et des lins n’ont pas répondu aux espérances des inventeurs et à l’attente du public, et presque partout on en est revenu au travail à la main. Ces essais infructueux, et qui nous dispenseront de décrire ces ma- chines, la plupart déjà tombées dans l’oubli, ont paru établir avec assez de certitude les faits suivans : 1° On n’a pas réussi à remplacer par des pro- cédés mécaniques l'opération purement chi- mique du rouissage; 2° le broyage par ma- chine, sans rouissage préalable, donne une filasse dure et rude, mal purgée du vernis gommo-résineux qui la couvrait, et ne pou- vaut être filée qu’en bas numéros, c’est-à-dire propre seulement à la fabrication des toiles grossières et communes; 3° cette filasse, mal décapée et convertie en fils ou en toiles, blan- chit avec difficulté, éprouve dans cette opéra- tion un retrait considérable et donne des tis- sus dont la détérioration est très rapide; 4° les lins et chanvres broyés, espadés et peignés par machines éprouvent un déchet considé- rable, sans pouvoir être amenés au même point de finesse, de douceur et d'éclat que ceux tra- vailiés à la main. Dans ce dernier cas l’ouvrier qui fait usage de la broye, de l’espadon et du séran, a sans cesse égard à l’éclat, à la nature, à l’aspect de la filasse, et a recours à des pro- cédés variés qui exigent de l’intelligence et donnent lieu à une foule de manœuvres qu’on ne peut attendre d’une machine simple à mouvement uniforme et continu; 5° la plu- part du temps on est obligé d’avoir recours à un décreusage dispendieux pour adoucir et dégommer la filasse; 6° enfin plusieurs de ces machines sont d’un prix fort élevé, volumi- neuses, compliquées, exigeant, pour les mou- voir, une force assez considérable et dispen- dieuse, et peu propres à devenir des instru- mens usuels dans l’économie rurale. SECTION IV. — Produit du lin en filasse par divers procédés. Suivant M. ANDRÉ dans son Mémoire sur la culture et Le travail des lins, 1000 livres de lin récoité dans les environs de Moy (Aisne), dé- pouillé de sa graine et de sa menue paille, est réduit par le rouissage à 800 livres, qui four- nissent par l’écanguage 200 liv. de filasse. Les expériences faites à Saint-Ouen, lors de l'essai de la machineà broyer le lin sans rouissage de M. DeLcourr, ont prouvé, que par les procé- dés ordinaires usités en Picardie, 100 kilog. de lin en baguettes rendaient, après avoir été rouis, broyés et espadés, 17 kilog. 875 de fi- ARTS AGRICOLES : PRÉPARATION DES PLANTES TEXTILES. LIV. 1%. lasse, et 82 kilog. 125 de déchet. Celles qui ont eu lieu à Hohenheim ont été plus étendues; elles ont été faites sur 1600 Liv. de lin (la livre de Wurtemberg est égale à 470 gram.), pro- duit brut moyen d’un morgen (31 ares 51) dans chaque expérience, et ont offert pour le lin, traité soit par le rouissage, soit par le ro- rage, les résultats suivans : Nombre des PRODUIT EN | : x ‘a | journées 211 AS RTS | de travail ÈË ts 2 = de 12 h. E YOUR = ee MODE et SL RTS & EE] 5 s ä £ — | 3 « = © A = HE | DE PRÉPARATION. © | È È Ex E = Æ | | AS OSMMERNRENRE Æ = d 3 n= " = | = £ Lx) A 2 Lu Î = 2 nm [e* | 5 | FNNRS E £ | s | 3 || sole | = LE | ln 1600 lir. de lin, reduites à 1000 Liv. par le vouissage, ont donné en mogenne : (l 19 Par ja kroye El 1 960i140,251182,50 {:48,50] 578,75 1 7s 29 Par la métho- de flamande. » (951) 80» |152,80 157,80] 629,40 5° Par la machine, de M. Kurue. |, 72,75 [154,50 1163,50| 610,25 1 70,33] » |844 4° Par ja broje et] \ le maillage. | o |78,0619441 120,50 [123,78 | 54,25} 603,50 1600 liv. de lin, réduites à 1200 liv. par le rorage, ont douné en moyenne ‘ | | | 1° Par la broye. » 78 [9561144 5of142» |140,15|9753,55 2° Par la méihode | | | flamande. 72 » |S64| 57,25|158,50 ,149,15|855,10 5° Par la machine de M. Korue 67 » |804| 42,501141,50|154,25|£261» | à° Par la broye el | le maïilage. 45 » 516 » 1216,15[152,10| 831.75] Nous n’ajouterons rien aux conséquences de ce tableau, si ce n’est que le lin travaillé à la broye était plus dur, moins moelleux et plus court que celui préparé par les autres méthodes, et que la machine de M. KUTuE a donné des filasses aussi belles, aussi pures et d’une qualité non moins belle que celles qu'a présentées le travail flamand. Section V.— Filage des matières textiles. Le lin et le chanvre se filent en général de la même manière. Le lin le plus fin est destiné à produire les fils précieux pour les dentelles et points, ou pour la fabrication des batistes ou des linons, ou des belles toiles dites de Hol- lande. Celui d’une qualité moins belle sert à faire des toiles de ménage de tous les degrés de finesse. Quant au chanvre, on le file éga- lement en fin pour en fabriquer des toiles qui différenten qualité suivant le degré de finesse du fil, ou bien on en fait des fils grossiers qui servent, soit à la fabrication des toiles à voiles ou d'emballage, soit à celle des cäbles, cordes et cordages. On file le lin et le chanvre de plusieurs ma- nières: au fuseau , au rouet de bonne femme A au rouet de cordier et par des mécaniques d'invention moderne. Les 3 1"* méthodes sont (4) Le lin du n° 4 a été broyé suivant la méthode Wurtembergeoise, c’est-à-dire par une broye en gros, puis par une broye en fin, espadé à la manière ordinaire et sérancé avec des peignes anglais. Le n° 2 a été maillé, écangué suivant la méthode flamande et peigné de même que le précédent. Le n° % a été broyé par une petite machine à 5 cylindres cannelés de l'invention de M. Korn dont nous avons donné la figure et la description dans le jour- nal des Connaissances Utiles de 1834, écangué à la flamande et peigné comme le n° 4. Le n° 2 , broyé comme le n°1, à ensuite été maillé par poignées et pendant une heure chacune dans un moulin, puis espadé à la ma- nière ordinaire ef peigné comme les précédens, seulement le lin de rorage a été maillé plus long-temps et non espadé. enar, 16°. seules du ressort de l’agriculture; la 4°, exi- geant des capitaux et des bâtimens assez con- sidérables, des connaissances étendues et une surveillance de tous les instans, rentre dans le domaine des manufactures et ne doit pas nous occuper icl. Tout le monde connaît la manière de filer au fuseau , et sait que la matière textile, lin ou chanvre, est chargée mollement sur une que- nouille, bâton de roseau ou de bois léger, et que la fileuse tenant cette quenouille à sa gauche, attire peu à peu lafilasse avec sa main gauche, forme un bout de fil qu’eile roule sur l’extré- mité du fuseau, qu’elle fait aussitôt tourner avec sa main droite, pour donner à ce fil le degré de tors convenable. L’aiguiliée étant faite, c'est-à-dire le fuseau étant arrivé à terre, la fileuse envide le fil sur ce fuseau et re- commence comme précédemment. Elle asoin, pour unir son fil, de le mouiller , soit avec sa salive, soit avec de l'eau contenue dans un pe- tit gobelet de fer-blanc placé convenablement pour qu'elle puisse y tremper les doigts. Le fuseau, long d'environ 5 à 6 po., est en bois léger, de forme arrondie, renflé au milieu. La pointe par laquelle on lui imprime le mouve- ment est en fer; son extrémité est sillonnée en vis allongée, et se termine par une petite coche sous laquelle passe et s’arrête le fil, où il éprouve un léger frottement, qui suffit pour soutenir le fuseau en l'air. Ce mode de filage n’est pas expéditif et n’est guère pratiqué que par des femmes âgées qui ne pourraient se livrer à d’autres travaux, où ar des bergères; mais il procure un beau et on fil, qu’on emploie plus particulièrement à coudre. On file au rouet de bonne femme des fils de toutes les grosseurs, et c’est avec cet instru- ment qu'on travaille les fs de Malines ou fils de mulquinerie, qui servent à la fabrication et au raccommodage des dentelles, et à faire les batistes et les linons, et qui se vendent depuis 2 jusqu'à 3,000 francs la livre. Il existe des rouets de différentes formes, et qui se tournent les uns avec le pied, les autres à la main. Les rouets sont en général compo- és d’une roue très légère de 20 à 24 po. de diamètre, qu’on fait tourner à l’aide d’une ma- nivelle ou d’une pédale, et qui met en mou- vement, au moyen d’une corde où d’une pe- tite courroie , une broche horizontale garnie d'une petite poulie ou noix placée dans le plan vertical de la roue. Cette broche porte une bobine et des ailettes comme les broches des machines à filer le coton par mouvement continu. Le fil , partant de la quenouille, est passé dans l’œillet de lailette qui le main- tient perpendiculairement à la bobine et fa- cilite son enroulement sur elle; alors la fi- leuse, faisant tourner la roue, continue de ürer la filasse par portions égales et à tour- uer d’un mouvement léger, doux et régulier; et c’est de la combinaison de ce mouvement et de celui de l’ailetteque résulte lerenvidage et le degré de 1ors du fil. L'art de la fileuse, soit au rouet , soit au fu- seau, consiste à ne prendre chaque fois que ce qu'il fant de filasse pour former un fil fin égal et fort en même temps, et à lui donner toujours le même degré de tors. La beauté et la qua- lité de ce fil dépendent en grande partie des AGRICULTUR €. FILAGE DES MATIÈRES TEXTILES. 321 : soins et de la dextérité de l’ouvrière, et la fi- lasse la mieux choisie produit des fils de dif- férens prix, suivant l’habileté de la fileuse. La finesse, la force et l’uni constituent la perfec- tion dans ce genre. Afin dene pasaccumuler trop de fil au même endroit sur la bobine, ce qui ferait changer son degré de tors et sa force, on a cherché à le distribuer également sur toute la longueur de la bobine. Le moyen employé depuis long- temps consistait à garnir l’ailette sur les côtes de crochetsen laiton ou épinglierssur lesquels on rejetait successivement le fil,à mesure que les tours ou rangées formaient sur le point correspondant de la bobine un bourrelet ou ‘renvidage suffisant. Ce moyen, comme on le voit, est imparfait, eton doit préférer pour cet objet le rouet continu anglais de SrPENCE, où le fil se roule également sur la bobine à mesure que la fileuse le produit, sans qu’elle ait besoin de s'arrêter pour changer le fil de crochet ou d’épinette. Voicila description de ce rouet (fig.338 et 339): Fig. 338. Fig. 339. AB plateau horizontal en bois sur lequel sont fixés les 2 montars C, E, D,F, qui portent vers le milieu laxe à manivelle PV de la roue GH, et vers leur sommet la broche CD qui tourne dans des oreilles de cuir. I, poulie fixée sur la broche dans le même plan vertical que la roue GH. K, bobine placée librement sur la broche, dont une des têtes porte une gorge comme la poulie, mais d’un diamètre plus petit d'environ un quart. Une même corde les embrasse l’une et l’autre, et. d’après leur diamètre, la bobine tourne un quart plus vite que la broche. L’ailette a la faculté, tout en tournant avec la broche, de se mouvoir dans le sens de sa longueur, de manière à dis- tribuer le fil sur toute la longueur de la bo- bine. A cet effet, le levier N,articulé au oint O et embrassant à fourchette la tête de Éailettes recoit un mouvement de va et vient, au moyen de l’excentrique M, attaché à une roue d’engrenage que mène la vis sans fin Q. Un ressort R tient toujours le levier N appli- qué contre l’excentrique. Les têtes de la bro- che et de l’ailette sont forées, et c'est par ce TOME III. -— 41 822 trou que le fil passe et arrive sur la bobine où il s’enveloppe par l'effet de la différence de vitesse qui existe entre la broche et cette bo- bine. S est la pédale avec laquelle on fait tour- ner la roue, ét T la quenouille. On doit à M. Læsec, de Nantes, un nouveau système de filature du lin et du chanvre avec ur rouet à volant età ressorts élastiques, et au moyen d’une poupée volante, qui offre le tri- ple Res de faciliter le travail, d’augmen- ter le produit et surtout de donner un fil d’une qualité supérieure. Commençons par décrire le rouet nouveau. On sait que lerenvidage du filsur les rouets ordinaires se fait au moyen d’une pression lé- ère qu’on exerce sur l’un des côtés de la bo- pi pour ralentirson mouvement; cette pres- sion, qui est continue, a inconvénient d’oc- casionner deux frottemens : ceiui de la bobine contre la petite corde, et celui de cétte bobine sur la broche. Ce double frottement, qui pro- duit la rupture des fils fins, ne permet qu'’a- vec difficulté de les obtenir sur le rouet ordi- paire mù par le pied. Le rouet de M. LerEc résout ce problème.Ce rouet est vu en élévation et de côté dans la fig. 340, par derrière dans la fig. 341. La fig. 342 est le plan de la partie supé- Fig. 340. Fig. 341. GTHIEBAULT Fig. 343. ARTS AGPRICOLES : PRÉPARATION DES PLANTES TEXTILES. LIEV,. IVo rieure du rouet , et la /ig. 343, la bobine montée sur Ja broche, vue séparément. AA sont 4 montans assemblés par des traverses BCDE. Entre les montans est disposée une roue verticale J, dont l’axe porte une manivelle à laquelle estattachée d’une part une corde L, communiquant avec la pédale H que le pied de la fileuse fait mouvoir, et de l’autre un ressort à boudin élastique N, qui fait agir 2 leviers cintrés à bascule K, dont on verra plus Das l’usage. La roue J est entourée d’une corde O qui passe sur la poulie P, montée sur la broche vw, et lui imprime un mouve- ment rapide de rotation. La pression de cette poulie contre la bobine y, au lieu d’être con- tinue, est intermittente; elle s'exerce par 2 ressorts élastiques q, cnNeeReRes une virole polie, faisant corps avec la bobine, l’un au- dessus et l’autre en dessous (fig.342 et 343).L'in- termittence se fait par la tige à bascule o , en acier, placéehorizontalement et parallèlement à la broche; elle offre à la partie postérieure 2 petits ieviers cintrés kk ; un plus court à droite Jour soutenir un contre-poids {, quiconcourt a faire remonter la tige 0; l’autre plus long au- quel est attaché le ressort élastique N (fig. 340 et 341). La tige à bascule o est munie d’un pe- tit crochet auquel sont attachés les ressorts élastiques g, et de 2 coussinets pour la por- ter et la maintenir en place. En faisant tour- ner la roue J, on imprime à la tige à basculeo, et conséquemment à son crochet, des mou- vemens d'élévation et d’abaissement qui se communiquent aux ressorts g, lesquels, étant alternalivement tendus et relâchés, exercent unepression intermittente sur la virole de la bobine y. Les ressorts g étantréunis à leur au- tre extrémité à un cordon passant sur une cheville s, on peut les tendre au degré con- venable en tournant cette cheville. Il en est de même du grand ressort N, auquel est at- taché le ressort w, muni également d’un cor- don enveloppé sur une cheville s’. La pression sur la bobine étant très faible, au moyen de cette disposition, on peut filer les fils les plus fins. Le roueta toute la soliditéet la fixi- té nécessaires pour ne pas éprouver de vibra- tions pendant le filage. Pour adoucir et régler les mouvemens, un volant est placé sur la tête de la broche v; il se compose de 4 petites masses, dont 2 sont munies de tiges, ser- vant, au moyen du crochet glissant 0, d’épin- glier. Les montans A sont implantés sur un plateau F, réuni au marche-pied G par une colonne I, au moyen d’un écrou. La poupée volante est représentée en éléva- ton et vue de profil dans la fig. 344, et par- dessus dans la fig. 345. La fig. 346 est un-pei- gne circulaire vu de face et ouvert, et la fig. 347, les 2 brosses vues de face et fermées. Elle se compose d’une planchette inclinée B, le long de laquelle monte et descend un chariot E, porté par de petits galets a a. Cette planchette, so- lidement fixée sur le socle A, lequel est as- semblé avec les montans de gauche du rouet, est soutenue par un support C et munie à sa partie supérieure d’une traverse portant 2 poulies D F, sur lesquelles passent les cor- dons I et t. Le chariot E, ou la poupée vo- laute proprement dite, est formé d'une petite lanchette moins épaisse et moins longue que e plan B et portant de chaque côté des gui- Fig. 347. Fig. 344. D,E A THIFB AULT. Fig. 345. des G, pour diriger son mouvement. Sur ce chariot sont fixés 4 peignes, dont un droit L est composé de 3 rangées d’aiguilles verticales et- longues; les 3 autres peignes K sont circu- laires et formés d’un certain nombre d’aiguil- les de diverses grosseurs d, dont lestêtes sont attachées à une garniture et dont les pointes convergent toutes au centre. Ces peignes sont destinés à séparer , étaler et même diviser au besoin les brins de lin. Pour cet effet , on fait entrer d’abord la filasse N sur le peigne droit L; puis, après avoir ouvert les petites portes c des peignes circulaires K, onla pose sur les aiguilles de ces peignes; on ferme les petites portes, et on les attache au moyen d’un petit cordon f; le lin se trouve alors saisi entre les aiguilles. Deux petites brosses M, fixées sur la base du chariot E, sont destinées à tenir le lin écarté et à l'empêcher de se tasser. La brosse supérieure est montée dans une garni- ture mobile à charnière qu’on ouvre pour donner passage au lin; après l'avoir rabattue, on l’attache au moyen du cordon g, s’enrou- lant sur une cheville k. Pour faire glisser le chariot le long du plan incliné, on attache à un crochet b, dont il est mum, 2 cordons, un plus court I qui passe sur une poulie verti- cale F et auquel est suspendu un contre-poids H un peu moins lourd que la poupée volante, afin qu'elle retombe toujours dralleierties Le cordon ft, après avoir passé sur la poulie D, se termine par une boucleOque l’ouvrière passe sur le poignet gauche. À mesure qu’elle tire le lin avec cette même main gauche pour fa- briquer le fil de la main droite, elle fait re- monter la poupée volante et le chariot E. On obtient par cette manœuvre 2 longueurs de fils en même temps au lieu d'une seule. Les brins de lin, tirés par les 2 bouts, s'étendent également et se placent à côté les uns des au- tres ; ils se trouvent ainsi dans la condition la plus favorable pour faire le fil le plus égal et le plus uni, tandis que, quand on fait le fil par les procédés ordinaires , le mouvement de torsion imprimé à chaque brin se continue Jusqu'à sa pointe, ordinairement divisée en plusieurs filamens ; ceux-cise prennent à leurs voisins, et la filasse vient mal et en trop FILAGE DES MATIÈRES TEXTILES. 323 grande quantité; ou bien on tire sur un brin par son bout inférieur, tandis que le bout su- périeur est amené par les filamens précédens ; alors ce brin vient en double, et encore ces filamens se prennent avec ceux qué les brins de lin ont souvent au milieu de leur longueur, et celui qui est pris ainsi vientaussi en double. Tous ces obstacles, qui rendent la filature du lin si difficile etsi lente, sont évités par l’em- ploi des peignes ci-dessus et par ce fouvearr mode de filage. Pour les fils destinés aux batistes, dentelles et linons, la filasse est disposée dans la pou- pée de manière à prendre les filamens par leurs pointes; mais pour les toiles, on double Le Lin des 2/3 au tiers, et on le place ainsi dans les peignes et brosses, de manière à ce que le pli ne dépasse celles-ci que d’un pouce au plus. Le fil obtenu par ce moyen a toute la force nécessaire pour faire la chaîne des toiles. On connait l'effet produit sur le fil de lin par l'humidité que lui procurent les doigts de la fileuse imprégnés de salive, et qu’elle porte continuellement à sa bouche. M. Legec a ob- servé que cette pratique, en facilitant le fi- lage , donne un fl plus uni et plus régulier, mais qu’elle épuise les fileuses an point de les forcer souvent à renoncer à leur travail. L'eau froide et une eau légèrement gommée ne pourraient y suppléer, parce que c’est prin- cipalement lachaleuret la viscosité dela salive qui entretiennent dans le lin la souplesse et la exibilité auxquelles le fil doit sa bonne qua- lité. Pour remplacer cette méthode par un moyen simple, il fait passer dans la filasse montée sur sa poupée un courant de vapeur d’eau bouillante, et il a reconnu que la vapeur, en se condensant sur le lin, produit le même effet que la salive, amollit lagomme contenue dans le lin, fait entrer dans le fil une grande quantité de filamens plus pressés et mieux tordus , et évite ainsi Lincontédient de faire des toiles creuses. L'appareil est simple; il se compose (fig. 344) d’un support a fixé par 2 vis au socle À du rouet, et muni d’un cro- chet auquel on suspend un petitréchaud b en tôle, percé de trous à sa partie supérieure, et renfermant une petite lampe qui sert à chauffer une bouilloire posée sur 3 pattes ; un tuyau en cuivre, soudé au couvercle de la bouilloire, dirige sur la filasse la vapeur qui sort par son extrémité; ce tuyau repose sur un anneau à vis g. Un orifice fermé par un bouchon sert pour verser l’eau dans la bouilloire sans ôter le couvercle. SecrioN VIIL.—Dévidage, ourdissage, encollage, tissage des fils de lin et de chanvre. Lorsque le fuseau de la fileuse ou la bobine du rouet sont suffisamment chargés de fil, on en opère le dévidage. Cette opération se fait ordinairement au moyen d’un asple ou dévi- doir, machine bien connue de tout le monde, et qui se compose d’une roue à plusieurs ailes ou lames, traversée à son centre par un axe à manivelle appuyé sur 2 montans ou des tra- verses. On attire le fil de la bobine sur l’une des ailes de la roue, et le mouvement continu de la manivelle enroule le fil et en fait un écheveau. Lorsque l’écheveau est de la gros- seur ou de la longueur voulue, on l’arrête en 224 cassant le fil qu'on fait tourner plusieurs fois autour de cet écheveau et en liant les bouts ar des nœuds pour former ce qu’on appelle Ë centaine. Dans les grands établissemens, on a des dé- vidoirs à compte, mis en mouvement par le moteur général] de l’usine, qui dévident un grand nombre de fils à la fois. Le contour de l'asple est précisément égal à 1 mètre, et un compter adapté à la machine avertit par une sonnette ou un coup de masse du moment où on a fait faire 100 tours à l’asple, c’est-à-dire où l’on a dévidé un fil de 100 mètres de lon- gueur ; c’est ce qu’on nomme une échevette. Un écheveau est composé de 10 échevettes de 100 mètres, et contient par conséquent un fil de 1000 mètres de longueur. C’est le nombre des écheveaux qu'il faut pour peser un 1/2 kil, ou 500 grammes, qui détermine le numéro ou degré de finesse de ce fil. Ainsi, quand on dit qu'un fil est du numéro 24, celasignifie qu'il faut 24 écheveaux de ce fil ou une longueur de 24,000 mèt. pour peser un1/2 kil. Il en est de même pour les fils des n°‘ 30, 36, 40, etc., qui sont formés de fils dont il faut 30 , 36 ou 40,000 mètres, ou 30,36 où 40 écheveaux pour former un 1/2 kilog. Ainsi un fil est d'autant plus fin ou a un plus haut titre qu'il est d’un numéro plus élevé, puisqu'il en faut une lon- gueur plus considérable pour peser un même poids. On voit de même que le poids d’un écheveau détermine le titre du fil, et qu'un écheveau qui pèserait 12 1/2 gram. serait composé de fil du numéro 40, puisqu'il en faudrait ce nombre pour peser 500 gram. On a dans l’usage ordinaire de petites balances fort justes, qui servent à peser les écheveaux et à déterminer ainsi le titre du fil. Les fils dévidés qu’on destine à la fabrica- tion des toiles sont envoyés au blanchiment ou livrés au tisserand; mais en cet état ils n’ont pas toujours la force nécessaire pour former la trame des tissus, et dans ce cas on les sou- met à un retordage léger dans le sens où ils ont été filés ou bien à un doublage et retordage. Quant aux fils à coudre, destinés à être passés a plusieurs reprises à travers des tissus serrés où ils s’écorcheraient et casseraient à chaque instant, on augmente constamment leur force par l’une et l’autre de ces opérations. Le doublage a pour but de réunir 2 fils en un seul, et le retordage d’enrouler ces fils lun sur l’autre en les tordant dans le sens opposé à celui du 1+ tors donné par la filature. Ces opérations se font à la main dans les campa- gnes et dans les ménages où l’on fabrique des fils à coudre de lin où de chanvre. Dans les établissemens industriels on se sert pour ces objets de retordoirs ou moulins à retordre, qui accélèrent l'opération, mais qui ne doi- vent pas nous occuper ici. Le doublage des fils à la main est fort simple et n’exige pas d'explication. Quant au retor- dage, il se fait sur le fuseau on sur le rouet: Le 1e moyen ne diffère guère de la filature, et le fil, après avoir été doublé, est tordu, lissé avec de l’eau ou de la salive, et renvidé comme à l'ordinaire. Quant au second, rien n’est plus facile; il suffit d’attacher à la bobine du rouet le bout des 2 fils qu'on tient dans la main droite, et de faire tourner la manivelle. La vitesse relative de l’ailette ou de la broche et ARTS AGRICOLES : PRÉPARATION DES PLANTES TEXTILES. Liv. IV. de la bobine donne le degré de tors nécessaire, On peut le faire varier en changeant la gran- deur relative des poulies à gorge de la broche et de la bobine. Nous avons expliqué ci-dessus comment on détermine dans le commerce le titre des fils destinés à la fabrication des tissus; ceux à coudre de diverses qualités ne sont guère con- nus que par des noms particuliers ou celui des pays qui les fabriquent; nous croyons à cet égard superflu d'entrer ici dans des détails qui nous mèneraient trop loin. Les fils travaillés au fuseau, au rouet ou par machines, doublés, retordus et blanchis, si cela est nécessaire, sont maintenant propres à la fabrication des dentelles, des tissus ou des toiles. Bornons-nous simplement ici au tissage de ces dernières. Ce tissage se fait dans À grands établissemens qui mettent en mouve- ment un grand nombre de métiers mécaniques au moyen de la force de la vapeur ou d’une chu- te d’eau, comme dans la belle fabrique de toiles que M. TEerNaux avait établie à Boubers, dé- partement du Pas-de-Calais, ou bien il est exé- cuté à la main par un tisserand, sur un métier dont nous parlerons ci-après. Quel que soit le mode de tissage adopté, le fil en écheveaux qui formera la chaîne, doit être bobiné, c’est-a-dire dévidé et transporté, à l’aide d’un bobinoir, sur des bobines, afin d’être ensuite ourdi. L’ourdissage a pour but de disposer les fils qu’on destine à former la chaine des toiles, de manière que ces fils puis- sent être montés facilement sur le métier de tisserand et être passés avec facilité dans les lisses et dans le peigne. Cette opération se fait au moyen d’un instrument qu’on nomme our- dissoir. La chaine étant ourdie est pliée et li- vrée à l’encolleur, qui l'enduit d’un parement ou espèce de colle, qui a pour but d’abattre le duvet des fils et de les rendre lisses, afin que la navette glisse facilement, que les fils se cassent moins en froitant dans les dents du peigne, enfin pour leur donner une élasticité suffisante pour résister à la tension qu'ils éprouvent et assez de souplesse pour se prêter à un tissage régulier; c’est ce qu'on nomme parer la chaîne. Dans les pays où l’on fabrique spécialement les toiles fines, les tisserands placent généra- lement leurs métiers dans des lieux souter- rains, où l'air toujours humide conserve plus long-temps au parement dont leur chaîne est enduite une moiteur qui donne aux fils cette souplesse et cette élasticité qui les fait céder sans se casser à la tension qu’ils éprouvent pendant le travail, et donne en même temps au tissage plus de régularité. Ce séjour pro- longé dans des lieux bas et humides porte une atteinte notable à la santé des ouvriers, et on a dù chercher les moyens qui leur per- missent de travailler dans des lieux plus salu- bres, tout en conservant à la trame de leur ouvrage les conditions favorables à une bonne fabrication. On a tour à tour préconisé pour cet objet divers ingrédiens ;.mais celui qui pa- raît donner les résultats les plus avantageux est le parement au lichen d'Islande, dont on doit la découverte à M. Morin de Rouen. Voici la recette donnée par l’auteur. On fait bouillir pendant une demi-heure 4 kilog. de lichen d'Islande dans 24 lit. d’eau ; on passe cuaP. 10°. avec expression à travers une toile très ser- rée. Par le refroidissement la liqueur prend up aspect gélatineux; d'autre part on délaie dans 3 lit. d’eau 1 liv. de farine de froment ou de riz qu’on fait chauffer en remuant con- tinue!!ement. On mêle celle-ci avec la liqueur de lichen pour obtenir un mélange homogène. C’est en ajoutant à ce parement fondamental du parement fait avec de la farine seule, qu'on modifie ses propriétés hygrométriques sui- vant que l'atmosphère est plus où moins hu- mide. Ce parement a une teinte grisâtre qui empèê- che quelques ouvriers de s’en servir surtout pour certains tissus d’un blanc pur ou qui doivent être teints en couleurs tendres et dé- licates. L’inventeur à cherché à lui enlever cette teinte grise en faisant macérer le lichen pendant 36 heures dans l’eau, et en ayant soin de le malaxer de temps à autre avant de le faire bouillir dans une nouvelle quantité d’eau. Ce moyen ne remédie pas entièrement à cet inconvénient, et M. TROMMSDORFF en a proposé un autre qui donne un résultat plus satisfaisant. A une livre de lichen d'Islande on ajoute une once de bonne potasse, et on met le tout dans un pot de grès, en versant dessus suffisamment d’eau froide pour en faire une sorte de magma qu'on pétrit de temps en temps au moyen d’un pilon de bois et qu’on laisse pendant l'intervalle dans un lieu tran- quille et frais. Au bout de 24 ou 30 keures on jette le tout sur un tamis; il s’en écoule un liquide brun et amer; alors on pétrit le lichen dans le tamis sous un filet d’eau froide jusqu’à ce qu'il devienne incolore et que le Fig. 348. TISSAGE DES MATIERES TEXTILES. 525 liquide qui s’en écoule soit insipide au goût. C’est alors qu’en le fait bouillir avec l’eau pour en former Ja gelée sans couleur qui sert à préparer le parement fondamental. Si on ne veut pas faire usage immédiatement de ce li- chen, on l’étale sur le tamis où on le laisse sécher. Quant aux fils qui doivent former la trame de la toile, 1ls sont dévidés sur de petits tuyaux de roseaux appelés canettes, qu’on place ensuite dans la poche de la navette. Ce dévidage est fait au moyen de rouets à ca nettes ou de cantres. Nous ne nous arrêterons pas à décrire les différentes opérations, ni les machines oû in- strumens qui servent à l’ourdissage et à faire : les canettes, parce que la plupart du temps elles sont exécutées par des ouvriers parti- culiers et dans des ateliers spéciaux qui li- vrent aux tisserands les chaînes toutes our- dies et encollées, et les fils de trame dévidés sur ces canettes. Nous n’insisterons pas non plus sur la manière de monter la chaine sur le métier, de passer les fils dans les lisses ou dans les peignes, parce que cette description, qui nous mènerait fort loin, serait encore in- complète et n’équivaudrait jamais aux notions précises que fait acquérir la pratique. Le métier de tisserand pour la toile ordinaire est très simple dans sa construction et est généralement à deux marches; nous allons décrire un métier de ce genre, à navette vo- lante, et où un seul ouvrier peut fabriquer des toiles de la plus grande largeur. La fig. 348 est une vue de face de ce métier et la fig. 349 une coupe verticale par un plan Fig. 349 perpendiculaire à la largeur. À, bâtis en bois, d'une largeur proportionnée à l'étoffe qu’on veut fabriquer ; B, banquette sur laquelle le tisserand s’assied; C, 1" ensouple qui porte la chaîne; elle est fixée au moyen d’une roue à crochet et d’un arrêt a, que le tisserand, sans se déranger, läche à mesure qu'il con- fectionne la toile, en tirant la corde b. D, 2° ensouple sur laquelle s’enveloppe la toile. A l’aide d’une clef on peut la faire tourner sur son axe. E, lisses qui opèrent le croisement des fils de la chaine, pour le passage de la na- vette; F, pédales où marches à l'aide des- quelles le tisserand fait jouer alternativement les lisses assujéties l’une à l’autre par des cordes qui passent sur les poulies de renvoi G ; H, battant du métier. C’est avec cette pièce oscillante que le tisserand bat ou serre la duite, après chaque passage de la navette. I peigne ou ros maintenu dans des rainures entre les 2 pièces de bois e f placées au bas du battant. La pièce inférieure se prolonge à droite et à gauche des montans du bat- tant d’une quantité suffisante pour rece- voir la navette comme on le voit fig. 350 , où elle se place pendant que le tisserand bat la toile. Une planchette, mise en avant, fait que le contre :coup ne la jelte pas à terre. cs EN à ARTS AGRICOLES : PREPARATION DES PLANTES TEXTILES. LIV. JV, J, petits tasseaux fourchus garnis de cuir, glis- sant librement le long de la tringle À un cor- don un peu lâche dont les bouts sont attachés aux branches inférieures des tasseaux J et qui est muni d’un manche I à son milieu, sert au tisserand à chasser la navette tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, en faisant un mouve- ment léger, maïs assez brusque pour que la navette, après avoir traversé la chaîne dans | toute sa largeur, ait encore assez de force pour faire reculer jusqu’au bout le tasseau op- posé. F. M. CHAPITRE XVII.—DE LA FABRICATION ET DES EMPLOIS DE LA FÉCULE. SECTION Ire.— Constitution Physique et compo- sition chimique de la fécule. $ Ier, — Des usages et de la forme de la fécule. Parmi les grandes industries agricoles ac- tuellement en progrès en France, on peut mettre sur la 1r ligne l’extraction de la fé- cule des pommes de terre Pour donner une juste idée de l'importance de ce produit, il nous suffira de rappeler que sa facile et économique conservation permet soit aux agronomes, soit aux spéculateurs, de l’'emmagasiner pendant une où plusieurs an: nées et de compenser ainsi les mauvaises ré- coltes ; que sa grande blancheur rend avanta- geux son mélange avec les farines auxquelles cette qualité manque; que son introduction dans le pain, facile dans des proportions assez élevées, nous met pour toujours à l'abri des disettes, et réalise le vœu de PARMENTtER (1); que ses usages dans la confection du vermi- celle, de plusieurs pâtes dites semoules. ta- pioka, gruau, polenta, ei d’une foule d’autres préparations alimentaires lui assurent une grande consommation ; qu’enfin ses transfor- mations en sucre, sirops, mélasses, vin, bière, boissons diverses, alcool, vinaigre, etc., lui ouvrent chaque jour de nouveaux et de plus grands débouchés. La fécule a été l’objet d’un grand nombre de recherches faites par plusieurs savans et manufacturiers ; il serait trop long de retra- cer ici l’aistoire de ces travaux; nous nous bornerons donc à présenter un résumé con- cis de l’état de la science à cet égard, en in- sistant sur les points qui ont le plus d'intérêt dans les applications usuelles. La fécule se présente à nos yeux sous la forme d’une poudre blanche dans laquelle se montrent un grand nombre de points bril- lans, lorsqu'on lui fail réfléchir les rayons solaires. Elle est insoluble dans l’eau froide, beaucoup plus lourde que ce liquide; aussi se dépose-t-elle ense tassant de plus en plus lors- qu'on l’abandonne après l'avoir délayée dans un vase. Si on l’observe au microscope , on voit qu'elle se compose de grains arrondis plus où moins irrégulièrement, offrant chacun un point d'attache et autour de ce point des stries excentriques indiquant sans doute les accroissemens successifs de la substance sé- cretée pendant la végétation de la plante. Les figures suivantes (fig. 351) indiquent Fig. 351. cette conformation des grains de fécule ob- servée sous le microscope. En général les plus gros grains sont le plus irréguliers ; on distingue quelquefois des dé- pressions à leur superficie et des déchirures vers leur hile ou point d'attache, tandis que les plus petits grains sont généralement plus réguliers dans leurs formes arrondies, appro- chant beaucoup de celle d’une sphère. Pres- que tous les grains des très jeunes tubercules sont dans ce cas. Sans doute les irrégulari- tés se sont accrues avec l’âge dans les grains le plus volumineux, L Les dimensions maximes des grains de fé- cule varient dans les fécules dé diverses plan- tes; elles sont en général comprises entre 1/10e et 1/300° de millimètre. à Les pommes de terre à l’état de maturité contiennent les plus gros grains qui aient en- core été observés. Certaines racines tuberculeuses offrent des configurations assez remarquables dans les grains de leurs fécules; nous citerons entre (4) Ge savant philanthrope voulait qu'en rendant susceptibles de conservation les pommes de terre ou leurs produits, en put résoudre cecte grande question des ré8erves : fture venir les années d’abondance au secours des années de diseue. CONSTITUTION ae 17°. autres la fécule de la racine d’igname ( dios- corea alala) que représentent les figures ci- dessous, (fig. 352). Fig. 352. On voit que beaucoup de grains sont plus ou moins irrégulièrement arrondis; d'autres ont une forme ellipsoïde ou celle d’un cylindre terminé à chaque bout par une portion de sphéroïde. Le corps cylindrique est dans quel- ques-uns plus où moins infléchi,, enfin dans lusieurs on remarque un contour triangu- aire dont les côtés sont curvilignes et les angles arrondis. La fécule des tubercules de l'oæalis cre- nata près de leur maturité a offert des for- mes analogues aux précédentes, mais beau- | coup de ses grains semblent avoir été étirés à partir du hile et ont conservé une figure piriforme, comme l'indique le dessin ci- joint (fig. 353). Fig. 353. L'amidon, que l'on K x} rencontre dans l’en- COS) )° ((Y desperme ou périsper- )j} « = graines (des céréales, © Q Par exemple), est gé- : néralement en grains DO © depetite dimension et PC) © assez régulièrement “ Q) arrondis. Cependant F, les pois, les haricots f=-Z et plus encore les dx cotylédons des fèves offrent à cet égard une particularité no- table; un grand nombre de grains se des- sivent sur le porte-objet du microscope par ! des contours sinueux; leurs faces sont gib- | beuses et plusieurs sont en quelque sorte : vermiformes et déprimées; les figures ci- dessous (fig. 354 ) en donnent une idée assez | exacte. Fig. 354. O9 + 70 me de Eeaucoup de ÿ » Cependant l’ami- don de toutes les légumineuses n’of- W} fre pas ces confer- ÿ \ÿ mations ; ainsi dans (ÿ les lentilles il est en grains arrondis ou à faces plus ou moins compri- meés ; dans Îles graines du bague- naudier (colutea) l’amidon, peu abondant, est en très petits grains ronds. Toutes ces formes qu’affecte la fécule amy- lacée sont accidentelles, et doivent tenir à pre circonstances spéciales au moment e la sécrétion dans les divers végétaux, mais ne sont du moins le résultat d’aucun change- gement , dans la composition chimique de la on opel DE LA FÉCULE. 397 matière (1). En effet, des expériences nom- breuses prouvent qu'un même principe im- médiat, appelé dernièrement amidone, cons- titue toute la substance des fécules extraites de diverses racines tuberculeuses, comme celle de l’amidon de toutes les graines qui en renferment. Les légères différences observées dans Ie goût de certaines fécules tiennent à des corps étrangers dont la proportion est excessive- ment faible, et que l’on peut d’ailleurs en sé- parer, comme nous le verrons plus tard. $ IL. — Cäractères et propriétés physiques de l'amidone. Pour bien comprendre les phénomènes cu- rieux que présente l’amidone sous l'influence de l’eau, de la chaleur et de divers autres agens , on peut admettre qu'à l'état naturel cette sécrétion, graduellement accrue pen- dant la végétation et au milieu des sucs qui ne peuvent la dissoudre, n’a pas une cohé- sion, une dureté égale dans toutes ses par- ties; que les premières formées, refoulées par celles qui suivent, offrent ces stries dont nous avons parlé, et que, plus anciennes et plus long-temps pressées par la sécrétion qui continue d’affluer à l’intérieur, elles ont acquis une plus forte cohésion, au point qu'elles forment une enveloppe plus où moins épaisse. Mais, nous le répétons, elles ne diffèrent pas chimiquement du reste de la substance, as plus que les pellicules du lait qu'on fait ouillir ne diffèrent du reste (sans la propor- tion d’eau), puisque l’on peut, eu continuant l’évaporation, tout convertir en pellicules. A. Action de l’eau sur la fécule, empois. L'amidone dans toutes ses parties, soit en- veloppanies, soit enveloppées, est spongieuse et extensible par l’eau, surtout lorsque la pé- nélration du liquide est favorisée par l'éléva- tion de la température. Le gonflement de ia portion intérieure des grains de fécule,plusrapide parsuite de sa cohé- sion moindre, détermine , vers le 66° degré centésimal, la rupture des couches envelop- pantes et lasortie de la substance interne, dont l'extension s’accroit alors plus rapidement; si la proportion d'eau employée est de 20 fois ! celle de la fécule, et que la température ait été portée en agitant le mélange jusques à 95 ou 100° centésimaux, toutes les parties ainsi gon- flées s'appuient en se soudant les unes sur les autres et donnent à la masse une consistance d’empois ou de gelée légère. ik Il arrive souvent qu'après le refroidisse- ment de l’empois une partie de l’eau inter- posée se sépare; cela tient à la contraction que détermine dans l’amidone l’abaissement de la température, surtout lorsqu'elle n’a pas été altérée trop fortement par une longue ébullition. : On peut rendre beaucoup plus sensible cette contractilité remarquable de l'amidone en exposant l’empois à la congélation par un abaissement de sa température à quelques de- (1) Elle est représentée par la formule C1: H1° O5 ou carbone 44, hydrogène 6,2, oxigène 49,8. 328 grésau-dessous de 0°; aussitôt après avoir laissé dégeler toute la masse, on verra une grande quantité d’eau s'en séparer spontanément, ei si ou la presse graduellement on éliminera une telle proportion du liquide que la ma- tière pressée offrira l’aspect d’une sorte de pâte blanche, qu’il est même possible de mouler et d’en obtenir diverses formes, dont les arts économiques sauront peut-être un jour tirer parti dans la préparation des car- tons fins, des pétales de fleurs artificiel- les, etc. B. Moyen d'obtenir un minimum et un maximum d'empois. On déduit directement des propriétés ci- dessus de l’amidone le procédé pour produire Ja plus faible et la plus forte proportion d'em- pois ; cette donnée est utile à plusieurs indus- tries. Pourobtenirla plus grande quantité d'empois, ayant une consistance voulue, on devra brus- quer la pénétration de l’eau et prolonger le moins possible son action; à cet effet, il fau- dra bien dessécher la fécule, la délayer dans de l’eau chauffée d'avance à 40° environ, porter vivement la température à 100 et laisser re- froidir aussitôt. Si au contraire on délaie la fécule humide dans l’eau froide et que l’on chauffe lente- ment en agitant sans cesse jusqu’au degré où les grains sont déchirés, l’on altérera bien davantage l'amidone, qui, devenu plus molle, donnera moins de consistance à l’empois, toutes choses égales d’ailleurs. On pourrait rendre l’amidone plus souple en- core etdiminuer bien davantage la consistance de l’empois en chauffant le mélange au-dessus de 100° et jusqu'à 140°, par exemple, dans un vase clos chauffé par un bain d'huile et capa- ble de résister à la pression correspondante ; l'empois devient alors mucilagineux et plus ou moins fluide, de consistant qu’il était. C. Action de l’iode sur l’amidone. Lorsque l’on projette de la fécule dans une solution aqueuse diode, ce dernier corps est peu à peu absorbé et pénètre toute la sub- stance, qu'il colore en unenuance bleuetelle- ment foncée qu’elle semble noire. On peut varier ce phénomène sous diverses formes très curieuses. Que l’on porte à 1000 un mélange d’une partie de fécule dans 300 ou 400 parties d’eau et qu'on Jette le tout sur un filtre en papier ; J'amidone sera tellement détendue qu’elle pa- raîtra dissoute; du moins le liquide sera dia- hane et ne laissera rien déposer si l’on n’a- aisse pas sa température au-dessous de zéro. Le dépôt resté sur le filtre sera plus ou moins abondant, suivant que la fécule employée aura plus ou moins de cohésion. Dans le li- quide clair, filtré, si l’on ajoute quelques gouttes de solution alcoolique d’iode, le mé- lange deviendra bleu très foncé et ne sera translucide que sous une épaisseur peu con- sidérable. Un simple abaissement jusqu’à 0e ou au- dessous, avec où sans congélation, suffira pour éliminer complètement l’amidone bleuie; ARTS AGRICOLES : FABRICATION DE LA FECULE. LIV. IV: on la verra se précipiter sous la forme d’un beau réseau bleu, se contractant au milieu du liquide incolore ou légèrement jaunâtre, si si l’on avait mis un assez grand excès d’iode. Pour obtenir le même phénomène, sans refroidir à 0leliquide bleui par l’iode, ilsuffira d'y ajouter une très faible proportion d’une solution acide ou d’un sel neutre quelconque. Ainsi l’amidone bleuie se sépare d’un li- quide qui ne contient qu'un dix-millième de son poids de chlorure de calcium (muriate de chaux. ) Au lieu de précipiter le liquide bleu par le refroidissement ou par les sels ou les acides, on pourra faire dissoudre et disparaître gra- duellement la coloration bleue en chauffant la solution. Depuis la température de 65° on verra très sensiblement diminuer la nuance bleue, et elle disparaîtra entre ce degré et celui de l’é- bullition, et plus ou moins vite suivant que la proportion d’amidone bleuie sera plus ou moins faible. Le réseau bleui n'aura, dans cette expérience, éprouvé d'autre changement qu’un grand écartement entre ses particules; en effet, au fur et à mesure que le refroidissement les laisse reprendre leurs positions primitives, la nuance bleue revient graduellement aussi. Pour rendre le phénomène plus curieux on peut le produire dans un iube, et, après avoir chauffé celui-ci de façon à opérer la décolora- tion on le plongera en partie dans l’eau froide. La portion inférieure immergée, se refroi- dissant plus vite que celle qui est au-dessus de l’eau, deviendra bleue la première: mais comme le liquide bleui est alors moins chaud, par conséquent plus lourd que les couches supérieures, il n’y aura pas de mélange, et une ligne de démarcation bien nette, au ni- veau de l’eau extérieure, séparera la partie incolore de la portion bleuie. La figure 355 indique ces phénomènes : A, tube contenant le liquide diaphane inco- Fig. 355. lore d'amidone filtrée ; B, même tube dont le liquide est entièrement bleui par un léger excès d'iode; C, le même, décoloré par la chaleur; D, le même, dont la portion plongée dans l’eau froide, est redevenue bleue avant la partie supérieure demeurée incolore. On conçoit que cette portion devient elle- même bleue au fur et à mesure que son re- froidissement a lieu, quoique plus lentement, dans l’air, et que tout le liquide est alors de nouveau coloré en bleu comme le montre le tube E. Ces phénomènes se peuvent reproduire plu- sieurs fois, à la condition d'ajouter un peu d'iode pour compenser sa déperdition, qui ré- sulte de l’évaporation ou de la formation d’un peu d’acide hydriodique. D. Action de l'alcool, du tannin et dusous-acétate de plomb. Les 2 premiers réactifs, en petite proportion, cHAP. 17°, rendent laiteuse la dissolution precitée d’ami- done et l’on peut alternativement lui faire re- prendre sa diaphanéité en dissolvant le préci- pité nuageux par l’élévation de la température ou le laissant se former de nouveau par le re- froidissement ; il suffit à cet effet de plonger alternativement dans de l’eau chaude et dans de l’eau froide des tubes renfermant les li- quides laiteux précités. Le sous-acétate de plomb précipite la solu- tion d’amidone, et le précipité est insoluble dans un excès d’eau. E. Action des solutions alcalines sur la fécule. L’extensibilité prodigieuse de l’amidone à l’état naturel, telle que la présentent les fé- cules et l’amidon, est également démontrée par les curieux phénomènes suivans. On met en contact sous le microscope une outtelette d’un liquide contenant, pour 100 ‘eau, 2 de lessive caustique (1), avec quelques grains de fécule, et l’on voit ces derniers AA (fig. 356) se gonfler d'abord en se déplissant EXTRACTION DE LA FECULE DES POMMES DE TERRE. 329 comme l’indiquent les figures BB, puis rapide- ment s'étendre en tous sens, et, s’affaissant en- suite, présenter de longs replis, comme l’indi- quentles figures C, C; l'augmentation en super- ficie paraît être alors comme 1 est à 24 ou 30, et en volume de 70 à 80 fois le volume primitif. On peut vérifier de deux manières cette augmentation de volume; en effet, si l’on dé- laie 10 grammes de fécule dans 500 grammes d'eau alcalisée comme ci-dessus, la fécule gonflée occupera tout le volume du liquide. Si l’on ajoute alors 100 grammes d’eau pure et que l’on agite, la fécule gonflée se déposera librement, et au bout de 12 heures elle occu- pera environ 75 fois son premier volume, qui était de 15 centimètres cubes pour les 10 grammes, compris l’eau interposée. Les mêmes phénomènes, qui ont eu lieu avec toutes les fécules des différentes plantes, exigent d’ailleurs pour se manifester des so- lutions alcalines d'autant moins fortes qu'il y a moins de cohésion dans l’amidone ; ainsi la fécule de très jeunes tubercules de pommes de terre (gros seulement encore comme des Fig. 356. | | | WT | (@ ES 7 il petits pois), sous l'influence d’une solution moitié moins forte, produit des effets analo- gues ; elle se gonfle plus régulièrement parce qu'elle n’a pa$ encotre recu de l’âge les diffé- rences de cohésion que présentent les grains des fécules plus mûres. L'espèce d’empois que l’on peut former à froid, comme nous venons de le voir avec de faibles solutions alcalines, trouvera sans doute quelque application dans les arts industriels. Il nous resterait à exposer la réaction de la diastase sur la fécule ; mais comme elle forme la base d’une industrie spéciale, nous la décri- rons après avoir indiqué les procédés d’extrac- tion de la fécule, tels qu’on les pratique au- jourd’hui et quelques-unes de ses plus sim- ples préparations. SECTION II.— Extraction de la fécule des pommes de terre. $ Ier, — Extraction de la fécule dans les ménages. Nous exposerons d’abord les détails de cette opération, telle qu'on peut la faire, sur de très petites quantités ; elle est fort simple dans ce cas et n’exige aucun ustensile difficile à se procurer. Voici comment on s’y prend: on réduit la pomme de terre en pulpe, en la frottant contre les aspérités d’une lame de tôle ou de fer-blanc percée de trous; une rdpe très commodes pour cela; on délaie la pulpe dans une ou deux fois son volume d’eau ; on verse le tout sur un tamis placé au-dessus d’une terrine; on fait couler un filet d’eau sur la pulpe en l’agitant continuellement à la main afin de lavér toutes les parties déchirées; le liquide passe au travers du tamis, entrai- nant une grande quantité de fécule, et lais- saut dessus les parties les plus grossières de la pulpe; on continue ces lavages et le départ pré- cité, jusqu’à ce que l’eau s'écoule limpide, ce qui annonce qu’elle n’entraine plus de fécule. Tout le liquide, passé au travers du tamis est rassemblé dans un vase conique, où bientôt la fécule se dépose. Lorsque l’eau surnageante n'est plus que légèrement trouble, c’est-à-dire au bout de 2 1/2 à 3 heures, on la décante; le dépôt blanc opaque de fécule, qui se trouve auü fond du vase, est délayé dans l’eau; puis on le laisse de nouveau se précipiter au fond du vase; on répète ce lavage deux ou trois fois. Une petite quantité du tissu cellullaire échappe au tamisage et salit encore cette fé- cule; on l’en débarrasse en la mettant de nou veau en suspension dans l’eau et passant le tout par un tamis très fin en soie ou en toile métallique; on laisse encore déposer la faible uantité de corps légers et on achève de les éliminer en raclant la superficie ou bien y versant de petites lotions d’eau; les eaux de à sucre où une rdge à chapeler le pain sont | lavages, qui entrainent une certaine quantité (4) On nomme ainsi une solution commerciale de soude caustique marquant 36° à l’aréomêtre de Baumé, 330 de fécule, sont réunies à une nouvelle quan- tilé de fécule brute, ou passees sur un tamis fin, puis déposées et décantées. ne Les dépôts de fécule, ainsi recueillis, peu- vent étre égouttés facilement en penchant len- tement les vases qui les contiennent. On ter- mine l'égouttage dans une toile, puis on les étend sur des vases aplatis où des tablettes, et on laisse la dessiccation s’opérer dans une chambre échauffée, dans une étuve, où même à l'air libre lorsque le temps est sec. $ IL. — Extraction de la fécule en grand. La préparation de la fécule en grand est basée sur des manipulations analogues à celles que nous venons d'indiquer; mais pour obte- nir des résultats avantageux, sous ie rapport de la main-d'œuvre, il faut y apporter quel- ques modifications et surtout employer des ustensiles appropriés les plus expéditifs pos- sibles. Nous diviserons encore en deux classes cette opération, suivant 1° qu’elle s’applique à de petites fabrications à la portée de toutes les exploitations rurales, et 2° qu’elle est re- iative à une grande manufacture ayant à se procurer les matières premières en très srandes masses et devant pourvoir aux moyens de transformer les produits afin de s'assurer «es débouchés suffisans. À. Extraction dans une petile fabrication. {1° Lavage des tubercules. Cette 1r° opération se fait en versant dans un baquet un volume d'eau à peu près égal à celui des pommes de terre; un homme armé d’un balai de boulezu aux 2/3 usé les agite vivement et avec force afin que le frottement détache dans le liquide les parties terreuses adhérentes et même une partie du tissu superficiel grisàtre, plus ou moins altéré, en sorte que les tubercules de- viennent blanchâtres. Cela fait, on jette les pommes de terre sur un clayonnage, afin qu’elles s’y égouttent, et pour peu que l’eau coûte de main-d'œuvre à se procurer, on la recueille dans un grand baquet ou cuvier d’où les matières terreuses étant déposées on peut reprendre le liquide clair pour un autre la- vage. 20 Réduction en pulpe. Le but de cette opé- ration est de déchirer le plus grand nombre pos- sible des cellules végétales qui renferment tous les grains de fécule ; les meilleures râpes, appliquées à cet usage, sont donc celles qui donnent la pulpe la plus fine, et dans un travail ARTS AGRICOLES : FABRICATION DE LA FÉCULE. économique un râpage mécanique est indis- pensable. Parmi les ustensiles de ce genre, mus à bras d'hommes, la râpe de Burerre, perfectionnée et construite avec beaucoup de soins actuelle- ment par MM. RozeT et RAFFIN, nous sem- ble présenter le plus d'avantages; elle a d’ail- leurs été récemment approuvée par la société d'agriculture. Construite sur le plus petit modèle, elle coûte 70 fr. et peut être mue par un seul homme; le modèle d’une dimension plus forte coûte 150 fr. et exige la force de deux hommes. La fig. 357 représente cette râpe à bras ; on voit que toutes les parties du mécanisme sont | disposées sur lassise supérieure d'un bâtis so- : LIV,. 1Vs lide en chêne À, B, C, D. Un cylindre E, de 2 pi. de diamètre et 8 po. de hauteur, traverse par un axe qui repose sur les deux longues membrures du bâtis, est garni sur toute sa circonférence de lames de scie de 7 po. de long, au nombre de 128; elles sont dentées très régulièrement à la mécanique (fig. 358), Fig. 358. Fig. 357. posées parallèlement à l’axe et séparées par des tasseaux en fer. Les lames et les tasseaux sont fixés sur le cylindre, à l’aide de deux cercles en fer formant rainure autour du bâtis en fonte; on introduit alternativement dans cetie rainure une lame deniée, puis un iasseau, et lorsque l’on a ainsi garni le quart de la circonférence du cylindre, on assujétit fortement le tout à l’aide d’un dernier tasseau formant coin, que l’on introduit et qu'on chasse à petits coups de marteau, par une ou- verture latérale du bâtis en fonte. On conçoit que pour enlever et changer tout ou partie de la garniture d’un quart du cylindre, il suffit de repousser le même tasseau en coin en le frappant par le bout opposé. L’axe du cylindre porte, à l’un de ses bouts, un pignon P de 16 dents, quiengrènent dans celles d’une roue divisée en 120 dents; une manivelle adaptée à l’une des extrémi- tés de l'axe de cette roue, et de l’autre côté à la même distance de l’axe, mais sur une des branches de la roue, permet à deux hommes de mettre le cylindre en mouvement. (Dans les grandes féculeries, on fait mouvoir des râpes semblables, mais de plus fortes dimen- sions, à l’aide d’un manége tiré par des che- vaux, Où au moyen d’une machine à vapeur.) Une auge ou un baquet en bois F, est place sous le cylindre et reçoit la pulpe produite par la râpe. Sur la face antérieure du bâtis, et près de la circonférence du cylindre, est ajusté un volet H en bois, mobile, et décou- pé dans le bas, de manière à représenter en creux la forme du cylindre, et à toucher presque celui-ci par sa partie inférieure; il fait corps avec deux tourillons qui dépassent de chaque côté les planches de la cage supé- rieure; une entaille à jour de celles-ci per- met au volet de se mouvoir sur son axe, Mais limite ce mouvement ; deux ressorts de rap- pelS, tirant aux deux bouts les tourillons, font presser le volet contre les pommes de terre et les appuient sur le cylindre dont larmure dentée les réduit en pulpe. ; Toutes les parties de cette machine, qui CHAR. 17°, surmontent le bâtis, sont recouvertes d’une cage en planches minces M, N.O, vue en coupe dans la figure. Cette enveloppe forme un encaissement N, O, Q, dans lequel on charge les tubercules À râper ; l'enfant qui ordinairement sert la râpe, pousse ces tuber- cules, un à un dans l'ouverture M, N, d'où ils tombent sur le cylindre dévorateur. Cette râpe, mue par 2 hommes relayés par un troisième, peut réduire en pulpe de 2,500 à 3,000 kilog. de pommes de terre en 12 heures de travail; la quantité d'ouvrage va- rie suivant que les pommes de terre, venues dans un terrain plus ou moins humide, ou pendant une saison plus ou moins pluvieuse, offrent une dureté moindre ou plus considé- rable. Dans tous les cas, la pulpe qu’elle donne est aussi fine qu’il ait été possibie de l’obtenir jusqu’à ce jour dans un travail économique. Les réparations à faire à cette râpe sont très faciles ; elies se bornent en général au remplacement et à l’affutage des lames den- tées qui arment le cylindre, et l’on a remar- qué que leur disposition rend ces réparations très aisées. 3° Tamisage de la pulpe. Afin d'extraire la fécule mise en liberté par le déchirement du tissu cellulaire , au fur et à mesure que la pulpe est fournie par la râpe, on la porte sur des tamis cylindriques en crin ou en toile de cuivre, de 2 pieds de diamètre environ sur 8 po. de hauteur, Ces tamis sont disposés sur des traverses au-dessus de baquets; cha- que re occupe à peu près la moitié de la hauteur du tamis. Un ouvrier malaxe vive- ment la pulpe, soit entre ses mains, soit à l’aide d’une raclette en bois, afin de renouve- ler sans cesse les surfaces exposées à un cou- rant d’eau qu'entretient un filet continu. L'eau passe au travers du tamis entraînant la fécule avec elle et formant une sorte d’é- mulsion. Lorsque le liquide s'écoule limpide au travers du tamis, on est assuré que tous les grains de fecule mis en liberté sont ex- traits de la pulpe; celle-ci, ainsi épuisée, est mise de côté pour des usages que nous indi- querons. On met sur le tamis une nouvelle charge de pulpe, on laisse couler le filet de l’eau, et ainsi de suite. Si on veut économiser l’eau, il faut tenir le tamis plongé dans le baquet rempli aux trois quarts d’eau, agiter la pulpe avec les mains , comme nous l'avons dit; la fécule, pour la plus grande partie, est entraînée dans le li- quide , et il suffit de faire ensuite couler le filet d’eau pendant quelques instans sur le tamis tiré au-dessus du niveau du liquide, pour achever l'épuisement de la pulpe. On réunit dans un tonneau debout et dé- foncé par le haut, les liquides produits par deux ou plusieurs tamisages ; puis on met toute la masse en mouvement et on laisse déposer, en sorte que la fécule se rassemble tout entière au fond du vase. On décante alors l’eau suürnageante, à l’aide de robinets ou de chevilles placées à plusieurs hauteurs. On ajoute de l’eau claire sur le dépôt, envi- ron une fois son volume, puis on le met en suspension ; alors on passe dans un tamis très fin tout le mélange liquide. Une partie des débris du tissu cellulaire reste sur ce tamis et la fécule passée est épurée EXTRACTION DE LA FÉCULE DES POMMES DE TERRE. 331 d'autant; mais il reste encore des mêmes dé- bris qui la salissent, Comme ils sont plus Jong-temps en suspension, ils se déposent à sa superficie et on peut les enlever mécani- quement à l’aide d’une racloire en fer-blanc. On doit opérer un troisième lavage, en dé- layant la fécule dans de l’eau claire, la lais- sant déposer et décanter. 4°. Égouttage.—La fécule déposée esten masse assez dure, qu’il est facile d'enlever par mor- ceaux ; on la porte dans des sacs en toile qui garnissent des pauiers légèrement coniques ; on la tasse par quelques secousses, là elle perd l’excès d’eau qui pouvait la rendre pâteuse; on enlève les toiles; on les vide sur des ta- blettes en bois blanc dans un grenier, les pains qui en sortent se sèchent peu à peu et se brisent alors spontanément ; on ensache la fécule pour lexpédier. La fécule obtenue de cette manière con- tient encore beaucoup d’eau; dans cet état elle occasionnerait des frais de transport trop considérables pour étre envoyée au loin, 1l faut donc la consommer sur lieu: quand on doit la traiter très près de la féculerie, on évite même quelquefois tous les frais de des- siccation, et on la livre en sacs au sortir des paniers d’égouttage, et après l’avoir exposée seulement 2 ou 3 jours à l'air. 5°. Dessiccation.—Lorsque la fécule doit être conservée ou expédiée au loin, il faut qu’elle soit privée, à quelques centièmes près, de l’eau w’elle a retenue après l’égouttage et le sé- cage à l'air; pour y parvenir, on la porte dans une étuve à courant d’air, dont nous donnerons plus loin un modèle. Dans les pe tites exploitations on se contente générale- mert d'une chambre entourée de tablettes en sapin posées à un pied du sol, au-dessus on dispose sur un bâtis en bois des châssis ten- dus de toile forte placés à 8 ou 10 pouces les uns des autres. On étend la fécule brisée en petits morceaux sur ces tablettes ou ces châssis, on l’y retourne une fois par jour et lorsqu'elle est sèche, on la met en sacs ou en tonneaux pour l’expédier ou la conserver. La température est ordinairement élevée dans cette chambre à l’aide d’un poêle placé au milieu, et un renouvellement d’air est ir- régulièrement ménagé par le tirage du poêle et quelques ouvertures à la partie inférieure et près du plafond. Les produits que l’on obtient en fécule va- rient suivant les saisons, les terrains dans lesquels on a cultivé les pommes de terre, les variétés de ces tubercules, etc. En opérant bien , le produit s'élève, année commune , à 25 kilogrammes de fécule humide (dite fé- cule verte) ou 16 à 17 kilogrammes de fécule sèche par 100 kilogrammes de pommes de terre. B: Extraction en grand de la fécule. 1° Essai de la proportion de substance sèche des tubercules. I1 est rare que l’on ait une ex- ploitation rurale, annexée à cette industrie, suffisamment étendue pour pourvoir à l’appro- visionnement de sa matière première. Il y a donc généralement nécessité d’acheter aux cultivateurs, ou sur les marchés, les tuber- cules qu'on traite dans une fabrique où l’on 392 s'occupe en grand de l'extraction de la fécule. Le fabricant ne saurait être guidé, dans le choix des tubercules que le commerce lui offre, autrement que par un essai prélimi- paire, soit en opérant l'extraction de la fé- cule par le procédé indiqué au commence- ment de cet article, soit, el mieux encore, par la dessiccation de plusieurs échantillons de pommes de terre coupées en tranches min- ces. Ce dernier mode d’essai est fort simple et ne saurait être trop recommandé, car sui- vant la variété cultivée, le sol et les saisons, la proportion de la substance sèche varie entre des limites très étendues, de 14 à 27 pour cent par exemple, et le rendement en fécule diffère plus encore ; et rien dans les caractères extérieurs des pommes de terre n’annonce ces énormes varlations. Voici les détails de l’essai en question : on place sur l’un des plateaux d’une balance aussi sensible que l’on peut se la procurer, une Jame de verre à vitre mince et bien essuyée avec un linge sec; on pose sur cette lame (qui peut avoir la surface d’un carré de 2 pouces 1/2 de côté) un poids de cinq gram- mes et on tare exactement; on ôte alors le poids et l’on met sur la lame une ou deux tranches excessivement minces de chacun des tubercules de différentes grosseurs pris comme échantillon commun. Lorsque léqui- libre est complet on est assuré d’avoir 5 grammes de tubercules ainsi divisés; on porte la lame de verre sur un poêle chauffé de 60 à 90° (à défaut d’une petite étuve), et au bout de deux ou trois heures, la dessie- cation doit être terminée ; on replace la lame de verre sur le platean de la balance, et la quantité de poids que l’on ajoute pour réta- blir l’équilibre indique la perte en eau. Si l’on n’était pas assuré que la dessiccation fût poussée assez loin, on la continuerait pen- dant une demi-heure, et l’on verrait si la perte d’eau a augmenté. 2° Emmagasinage et conservation des tubercu- les: Dans la plupart des grandes féculeries quirecoivent leurs approvisionnemens des ex- ploitations rurales à proximité, on a rare- ment une provision excédant le travail de quelques journées, et dans ce cas une arrière petile cour où un cellier suffisent pour rece- voir les pommes de terre, au fur et à mesure de leur arrivée ; mais lorsque le local le per- met , 1] est souvent utile d'emmagasiner soit sa propre récolte, soit les quantités achetées aux cultivateurs : on conserve très bien cet approvisionnement dans des silos creusés en terre; ce son des espèces de fosses (fg.359, 360) de 5 à 6 pieds de profondeur, autant de largeur, sur une longueur indéfinie; les côtés sont en talus, afin que les terres se soutiennent : on les remplit de pommes de terre que l’on amoncelle et qu'on recouvre de litière, puis de terre à une épaisseur d’un pied; de 5 en 5 pieds, on implante une fascine qui facilite le dégagement des gaz échauffés. Le but u'on se propose et que l’on obtient ainsi est e prévenir, à dede masses de terre envi- ronnante , les changemens de température. Il est mieux encore d’avoir de ces silos à de- meure, en construisant les côtés en maçon- ! nerie et recouvrant letouten chaume (fig.361). ARTS AGRICOLES : FABRICATION DE LA FECULE. LV. 1W Fig. 359. Tee — T3 77e Fe Qt * = \N\N Fig. 360. utile de remuer les pommes de terre, pour rompre les germes. Fig. 361. Z KW LR EE ASIE D NN NS N NN IN 3° Disposition d'une grande usine. Avant de décrire les opérations successives de la fécu- lerie en grand et les divers ustensiles dont on fait usage, nous croyons devoir présenter l’ensemble d’une usine, et nous choisirons l'une des plus perfectionnées que nous.con- naissions, en donnant comme modèle en ce genre celle que MM. Fouscaarp et CHaus- SENOT ont fondée à Neuilly; les détails seront plus faciles à saisir après cette première vue générale (fig. 362). LA ; Les pommes de terre sont jetées à la main dans le laveur mécanique À; en traversant celui-ci, elles se débarrassent de la terre adhérente et d’autres corps étrangers; au fur et à mesure qu’elles arrivent dans l’auge B, située à l’autre bout, une chaine sans fin à godets C les prend et les monte au plan in- cliné D, d’où elles roulent aussitôt sur les râpes E; là elles sont réduites en pulpe qui spontanément aussi se dirige vers le tamis mécanique G G’, le mouvement de traverses montées sur chaines à la Vaucanson et tour- nant autour des bâtis cylindriques H, en- traine la pulpe du bas en haut (de G en &) de la toile métallique, le marc alors épuisé est rejeté au dehors, tandis que l’eau coulant en sens contraire ramène la fécule tamisée vers le bas; un conduit latéral fait couler ce mélange liquide dans le 1‘ cuvier I, d’où elle est portée en l’épurant et la tamisant dans les cuviers LP 1”, et puis mise à égoutter dans des paniers J; ceux-ci (lorsqu'on n'en NT À l'époque de la germination il est souvent | tire pas la fécule verte pour la livrer) sont cuañ. 17°, EXTRACTION DE LA FÉCULE DES POMMES DE TERRE. 333 ÿ à NOTE LOTS MUR EL TE non nn BA ER OO EL EL ON Le " QE NC Ce dk CZ CCE EC HORDE SSSR ESS CZ 260 PAL J£ nt portés aux séchoirs K , y sont renversés sur des tablettes, et les blocs de fécule divisés en 4 à 6 morceaux éprouvent une 1° dessicca- üon. Lorsque le séchoir est rempli, les parties de fécule qui y sont arrivées les premières en sont reprises pour être étendues sur des châs- sis à tiroir de l’étuve Là air chaud, et lorsque la dessiccation est à son point, on tamise la fé- cule dans le bluteur mécanique M; on l’en- sache dans la même pièce, puis on la livre au commerce; ou bien on la fait couler, par un conduit en bois N, dans le magasin boisé O, afin de l’y conserver jusqu'au moment de la vente. La puissance mécanique est communiquée à toutes les parties mobiles des ustensiles pré- cités, ainsi qu'aux pompes, par une machine à vapeur, indiquée en P et représentée dans la fig. 363. On pourra se reporter à cette première des- cription générale, en examinant les détails descriptifs dans lesquels nous allons entrer relativement à chaque ustensile en particu- lier et aux effets qu'on en obtient dans l’opé- ration en grand. Voici d’ailleurscomment s’opèrent les trans- missions de mouvemens depuis la machine motrice Jusqu’aux divers ustensiles ci-dessus indiqués ; la fig. 364montre l’ensemble de ces communications. On voit en A une roue d’angle, adaptée à l'axe de la machine. Sur le même axe se trou- ve une roue à cuir, qui transmet le mouve- ment à la roue A’ et fait ainsi mouvoir le cy- lindre laveur et la roue à chapelet. La roue d’angle À engrène avec la roue d'angle B’, montée sur l’axe transversal EE. D'un bout EF’, cet axe fait tourner la grande roue C’, qui commande le pignon D’; et celui- c1 transmet, par son axe, le mouvement à une roue d'angle F’, qui fait agir, par une autre roue d’angle, le bluteur mécanique. Près de l’autre extrémité de l’axe E E’ est une roue d'angle B, qui fait tourner une roue correspondante, montée sur un axe vertical F. Celui-ci porte, vers son extrémité infé- rieure, une roue d'angle qui commande une roue semblable montée sur l’axe horizontal de la grande roue G. Cette dernière com- mande un pignon, dont l’axe porte sur une grande roue I. Celle-ci commande les deux pi- gnons H H, sur les axes desquels sont les deux cylindres dévorateurs des räpes. Fig. 363. Le même pignon transmet le mouvement ! à la 2° grande roue d’engrenage K; celle-ci le 294 ARTS AGRICOLES : FABRICATION DE LA FÉCULE. LIV, IV LD: DEN Y Hire 44 msn QE VERTE Le SI H H k Let de | & ie \ communique à la roue dentée L, qui engrène avec la roue M de l’un des tamis mécaniques. Le même axe de la roue L porte une 2e roue L’ qui donne le mouvement à une autre roue pour la chaîne sans fin d’un 2° {amis mé- canique. Nous allons maintenant entrer dans les dé- tails des opérations successives, en décrivant chacun des ustensiles suivant l’ordre de son emploi, dans l’extraction, l’épuration, le sé- chage et le blutage de la fécule. 4° Lavage des tubercules. Cette première opé- ration se fait mécaniquement , à l’aide du laveur ( fig. 365 et 366), qui se compose Fig. 366. en à D LLC 2 EE OUEN ET; =E\} Mg. 866. d'une longue caisse A, ayant un avant- corps À’ où l’eau est plus abondante et moins A, THIEBAULT, agitée. Dans toute son étendue cette :caisse est garnie d’un grillage en bois B au-dessus de son fond, et munie de 2 portes C, au-des- sous de cegrillage. Ces portes ferment her- métiquement à l’aide d’une barre iransver- sale qui les presse. Au niveau des bords supérieurs de la caisse, porte, sur des coussinets, l’axe d’un cylindre à claires-voies D. Celui-ci est formé par des liteaux ou tringles en bois, maintenues près des extrémites par un cercle intérieur et sou- tenues par trois autres cercles à croisillons E, dont la fig. L fait voir la construction. L'ensemble de ce cylindre reçoit un mou- vement de rotation à l’aide d’une entre-toise ou traverse qui s’adapte à volonté à la fois dans la fourchette G, qui termine l’axe du cylindre et sur le bout de l’axe mû par la poulie à cuir ci-dessus indiquée. La fig. H offre le détail de cet emmanchement. La caisse étant à demi remplie d’eau, les pommes de terre sont versées par le bout le plus élevé du cylindre qui, dans sa rotation, les conduit peu à peu, et en les lavant, Jus- qu’à son autre extrémité, où elles sont ramas- sées continuellement par la chaîne à augels dont nous allons parler. Les matières terreuses, détachées dans l’eau ar le frottement des tubercules les uns sur es autres et contre les liteaux, se deposent en grande partie sous le grillage; on les en expulse de temps à autre, par les deux portes latérales C C. 5° Montage des tubercules lavés. La fig. 367 indique la chaine à augets A, qui reçoit le mouvement de l’axe principal de la ma- chine et le transmet à l’axe du laveur. On yoit aisément comment les pommes de terre, arrivées au. bout de la caisse, roulent dans GHAP. 17e, l'ouverture an- térieure BB B de l’espace cylin- drique où pas- sent les augets du bas de la chaine (A’, A” montrent les dé- tails de leur em- manchement ). On voit que ces augets, sUCCessi- vementremplis, remontent en laissant écouler l’eau par leurs fonds à jour. Arrivés aux croisillons su- périeurs C, ils versent, par leur rotation sur les axes qui les u- nissent , les tu- bercules sur un lan incliné, en ois, bordé de bandesparallèles KXÈ (voy. le dessin d'ensemble ci-dessus en D, (fig. 362.) 6° Räpage des pommes de terre. Les tuber- cules, en arrivant sur le plan incliné, roulent et tombent dans la trémie de la ràpe E du plan d'ensemble, La fig.368 montre cette râpe, Fig. 368. dont la principale pièce est ie cylindre dévo- rateur À, de construction semblable à celui que nous avons décrit page 330. Ce cylindre, armé de lames de scie, épaisses et dentées à la mécanique, fonctionne d'autant mieux que la rapidité de sa rotation est plus grande (il fait de 600 à 900 tours par minute). Un volet B, à pression constante à l’aide d’un ressort C, ou à mouvement alternatif, vient appuyer les tubercules contre la surface dentée qui les dévore. La pulpe fine, qui résulte de cette trituration, coule sur un plan incliné E (fig. 362 du plan d'ensemble), jusqu’auprès d’un double croisillon formant cylindre à jour H, et entraînant dans sa rotation la pulpe, et les EXTRACTION DE LA FÉCULE DÉS POMMES DE TERR!:. Fig. 367. So deux chaînes saps fin, qui passent sur un au- tre cylindre semblable H, sont réunies par des tringles en fer, assemblage qui forme donc une sorte d'échelle sans fin servant à monter la pulpe et à l’étendre sur toute la surface du tamis mécanique J, J, à l'extrémité supérieure duquel tombe la pulpe épuisee. 7° Tamisage de la pulpe. Cette opération, que nous venons d’esquisser, se fait mécanique- ment sur le tamis précité, dont les détails de construction sont indiqués ci-dessous (fig. 369, 370).On n’atoutefois montréqueles extrémités supérieures et inférieures, les parties intermé- diaires r’offrant rien de particulier et occu- pant une trop grande étendue pour notre cadre. L'ensemble de ce tamis a 42 pi. de longueur et une pente de 6 pi.; il est double, c’est-à- direoffre les deux nappes A A’ de toile métal- lique. Ces toiles sont tendues sur des châssis ayant 4 pi. de long et 10 po. de large, Entre chaque châssis se trouve un pallier plein BB, garni de James espacées d’un pouce, et sur lesquelles la pulpe est frotlée par les traverses de échelle à chaines sans fin. Ces palliers ont chacun 6 po. de largeur ; c’est au-dessus d’eux que les Jets d’eau sont dirigés par les cannelles C C (fig. 370 et 371) communiquant avec un réservoir supérieur par les tuyaux D. Fig. 371. D ph Au-dessous des nappes de tamis se trouve une auge plus large en bois E, recevant tout le liquide si passe au travers des tamis. Cette auge est divisée en compartimens ou augets de 4 pi. 6 po., et un tube G, H, recevant d’un bout G le liquide tamisé et la fécule qu’il en- traîne, le reporte au-dessus du tamis suivant en H, sur un pallier, afin qu’il serve une 2e fois, ce qui économise l’eau. Chaque échelle sans fin, composée de deux chaînes II et de traverses ou tringles en ferK, espacées de 6 po., s’enroule aux deux extré- , mités du tamis sur deux cylindres à claires- voies L L; elle est soutenue par le bâtis en bois M, et son mouvement est facilité par les rouleaux montés de distance en distance N. et tournant sur leurs axes. ; Ces échelles remontent constamment la pulpe, au fur et à mesure qu’elle coule dans une portion de trémie O,en avant du cylindre inférieur ; elles sont mues avec une vitesse de 1 mètre par seconde. La force d’un cheval suffit pour tamiser la fécule d'environ 600 hec- tolitres de pommes de terre par jour. Toute la fécule arrive en définitive dans les augets inférieurs et coule avec l’eau par le large conduit en bois P dans le premier cu- | vier. | La fécule arrivée dans le premier cuvier est oz QG = ARTS AGRICOLES : FABRICATION DE LA FÉCULE. LIVe 1Ÿe Fig. 370. successivement lavée à 2 ou 3 eaux et dessa- blée, épurée, tamisée, puis enfin égouttée par les manipulations que nous avons décrites plus haut. On la porte alors au séchoir à l’air que nous avons indiqué par la lettre K, dans le plan d'ensemble et qui est plus détaillé dans la fig. 372 ci-dessous; on y voit que des montans Fig. 372. f: à À PRE UR sans a .. = RENE AT NEO NE ET ER TRE LE se Ua BR = 771) 2 Te _— — = RSS Na soutiennent des traverses sur lesquelles des tringles espacées d’un pouce forment des planchers à claires voies et superposés qui re- coivent les pains de fécule et laissent cir- culer l'air atmosphérique. Celui-ci trouve d’ailleurs un accès facile de toutes. parts dans le séchoir par les persiennes qui l’en- tourent. 8° Séchage à l’étuve. C’est dans une étuve à courant d'air chaud (fig. 373 ), que la fécule doit éprouver le degré de dessiccation conve- nable pour la vente sous la dénomination de fécule sèche (en cet état elle retient encore 8 à 12 ou 15 pour 100 d’eau). Fig. 369. Le tuyau À d'un bon calorifère amène l'air chaud à la partie inférieure près de la devanture des registres ou portes B dont on règle l'ouverture à volonté, permettent de ré- gulariser la dessiccation dans toutes les parties; Pair s’élance par ces ouvertures et passe sur les couches de fécule humide et redescend à la partie basse, mais du côté opposé de l’étuve, pour se rendre chargé d'humidité dans le Fig. 378. NRA HT è Fig. 374. tuyau horizontal commun de dégagement, qui est percé d'ouvertures espacées de ina- nière à bien régulariser le passage de l'air dans toutes les parties. Ce tuyau communi- que d’ailleurs avec un conduit passant dans la cheminée du calorifère, afin de déterminer un tirage et de rejeter au dehors, et au-des- sus des bâtimens, l'air humide. 4 Voici maintenant les autres dispositions Char. 17e. intérieures de l’étuve que les figures mêmes indiquent. Des châssis en bois tendus de toile se glis- sent comme des tiroirs à l’aide de coulisses à rainures soutenues par des montans; leurs rebords ne sont en saillie que d’un po. au- dessus de la toile, excepté à leur face anté- rieure qui a 4 po. de hauteur, afin qu’elle ferme comme un tiroir chaque ouverture par laquelle on introduit le châssis ; la fig. 374 d’un de ces châssis isolés fait aisément com- prendre cette forme; on voit que tous les châssis à tiroirs étant placés, la devanture est entièrement close, tandis qu'à l’intérieur il reste entre tous les lits de fécule environ 3 po. d'espace libre pour la circulation de l'air chaud. Les chassis du premier rang en bas ont un fonds plein afin qu'ils ne perdent rien de la fécule qui passe au travers des fonds en toile des châssis superposés. L On ne porte habituellement la fécule à l’é- tuve qu'après qu'elle a perdu de 6 à 10 et quelquefois 15 centièmes de son poids d’eau ; on la rend pulvérulente en la frottant légère- ment entre les mains ou à la pelle, puis on l’étend en couche d’un po. environ sur chaque chässis que l’on pose ensuite chacun à sa case. Des bandes en fer-blanc doublées de lisières en drap,couvrent les joints extérieurs entreles tiroirs. Des taquets en bois OO, les main- tiennent ; il est important que la température de l’air dans l’étuve ne s'élève pas au-delà de 55° surtout lorsque la fécule y est portée très humide, car tous les grains se gonfleraient, seraient déchirés et adhérant les uns aux au- tres formeraient des grumeaux que l’on ne pourrait plus ramener à la forme commer- ciale. On s’assure aisément de l’état de dessiccation en tirant d’un ou de deux pi. plusieurs tiroirs et lorsqu'elle est assez avancée, ce que les ou- vriers reconnaissent en frottant la fécule en- tre les mains, et ce que l’on peut vérifier en achevant la dessiccation d’une petite quantité étendue sur une assiette ou une lame de verre; arrivée à ce terme, la fécule est répandue sur une aire unie ou carrelage devant l’étuve, on écrase les plusgrosses mottes à l’aide d’un rou- leau en fonte semblable à celui qu'emploient les jardiniers, mais moins pesant; on relève ensuite la fécule en tas, puis on la porte au bluteur mécanique. , 9° Blutage de la fécule. Cetteopération est faite mécaniquement ; on jette la fécule sur la tré- mie À, (fig. 375) dont le ford en gros fil de fer à claires voies ne retient que les grosses mottes qu’un léger frottement diviseet force à passer ; elle tombe sur une première passoire percée au fonds et latéralement de trous comme une écumoire; un croisillon B, garni de brosses tournant sur l’axe commun D, E, force la fé- cule à passer ; elle tombe sur une semblable assoire F, mais en toile métallique où le e même moyen pousse plus loin la division ; enfin un troisième tamis, semblable, mais plus on, achève de diviser au point convena- ble, à l’aide du troisième croisillon garni de brosses, la fécule qui se rend par le fend plein incliné vers le conduit antérieur où un sac la recoit, à moins que l’on ne veuille la AGRICULTURE. EXTRACTION DE LA FÉCULE DES POMMES DE TERRE. Fig. 375. À A F En { | ? l'me— CT 11 PNA pe U] | dl (M TM | NU l | D Le — [ mettre en magasin, et dans ce cas un conduit en bois, marqué M dans le plan d'ensemble, la laisse couler spontanément dans la chambre au rez-de-chaussée. 10° Emmagasinage de la fécule. Le peu d’al- térabilité de cette substance permet de la conserver à tous les étages d’une maison; tou- tefois il importe qu’elle ne soit pas accessible à la poussière qui la salirait et pourrait la dé- précier; d’une autre part on tient à ce qu’elle ne perde ni ne gagne d’eau; puisqu'on l’a amenée au terme de siccité commercial, il convient de la tenir dans un magasin au rez- de-chaussée ou même à quelques marches sous le sol; le sol et les parois sont d’ailleurs planchéiés en sapin uni et des courans d’air ménagés entre les lambourdes préservent le bois du contact de la maçonnerie. 11° Conditions de la vente. La fécule se vend sous les denominations de fécule sèche et de fécule verte. Cette dernière, simplement égouttée représente, terme moyen, seu- lement les 2/3 du poids de la première et se vend un prix moins élevé encore que dans cette proportion, puisqu'elle coûte moins de main-d'œuvre et n’exige pas de combustible pour le séchage, mais l’élévation des frais de transport ne permettait pas de la consommer avantageusement loin des lieux de sa produc- ton. On distingue quelquefois encore dans Je commerce la fécule bien lavée et épurée comme nous l'avons dit, de la fécule brute ou non lavée. Celle-ci, recueillie sans autre lavage après le premier dépôt, se vend moins cher et sous ce rapport est quelquefois préférée par les grands consommateurs, tels que les fa- bricans de sirops communs, les brasseurs, etc. $ LIL. — Falsifications de la fécule. En quelque état que se vende la fécule, les transactions devraient toujours être ba- TOME III. - :: 338 sées sur la proportion de substance sèche et pure ; on éviterait ainsi bien des mécompies. Par exemple, la fécule dite sèche contient une proportion d’eau variable entre 8 et 15 cehtièmes sans que son prix change; la fécule vendue comme verte contient de 33 à 40 p. 0/0 d’eau et son cours ne varie pas. Ce- pendant les quantités de sirop ou d’alcool obtenues varient dans le même rapport et les calculs de rendement deviennent illusoires. Ces variations peuvent le plus souvent être accidentelles; mais il n’en est pas de même de quelques mélanges vraiment frauduleux, dont nous allons dire un mot. Il est arrivé plusieurs fois que des fécules sèches ou hu- mides ont présenté des déficits énormes aux fabricans de sirops; cela tenait à des addi- tions d’argile blanche ou d’albâtre gypseux csulfate de chaux) inaperçues long-temps, car ces corps inertes restaient dans les marcs. Mais les fraudeurs y ayant substitué de la craie, il arriva que la conversion en sucre par l'acide sulfurique, fut complètement en- travée, puisque l'acide étant saturé avant sa réaction sur la fécule, celle-ci ne devait plus donner et ne donna plus en effet que de l'empois. Une expertise décela cette fraude et donna lieu à la découverte des autres. Le moyen le plus simple de constater ces falsifications, se réduit à faire brûler com- plètement dans une capsule en platine chauf- fée au rouge une quantité connue (5 ou 10 grammes, par exemple, ) de la fécule, puis à peser le résidu de la combustion. Si la fé- cule est d’une pureté commerciale ordinaire, elle devra laisser moins d’un demi-centième de résidu incombustible, tandis que falsifiée elle laissera probablement au moins dix fois davantage, et jusqu'à quarante fois plus. La fécule très Mes épurée laisserait moins qu’un demi-millième de son poids de résidu non combustible. Un procédé plus certain encore pour le cas où la fécule serait mélangée avec quel- ques matières insolubles dans l’eau, mais combustibles, consisterait à la traiter par la diastase, ou la solution d’orge germée, avec ies mêmes précautions que celles indiquées ci-après, relativement à l’essai des farines, du pain, du riz et autres matières féculentes ou amylacées. Le même moyen, d’ailleurs, ferait aussi connaître la proportion de toutes subs- tances insolubles dans j’eau combustibies ou nou. $ IV.—Frais de fabrieation et produits d’une féculerie. Avant de nous occuper des applications de la fécule, des propriètés de la diastase, de ses applications aux essais des farines du pain, des fécules, etc., et de la transformation de la fécule en sirops, ainsi que de la fabri- cation des sirops et sucre par l'acide sulfuri- que, nous présenterons ici le compte de re- vient de l’extraction de la fécule des pommes de terre dans une grande usine. ARTS AGRICOLES : FABRICATION DE LA FÉCULE. LIV e IVe Traitement de 130 setiers, ou 95 hectolitres de pommes de terre, par journée de travail. Matière 1°. Pommes de terre, fr. c. 130 setiers ( pesant environ 18000 kil.) à 2 fr. 50 ©. . . 325 » Frais de main - d'œuvre, rà- page, tamisage,dessiccation, réparation, ustensiles, sur- veillance, évalués à 4 fr. au 2 plus par 100 kil. de fécule 80 - sèche obternme 1." EP 7210 Éclairage et menus frais. .. 8» Intérêts et loyer. . 212 00428 Transports à 3 fr. 30 c. les 10060 RIRES AA MON GE Escomptes et frais imprévus. 25 » Produits. Fécule sèche 3060 kil. à 20 fr.,0/0 kil... . 612» 637 50 Marcs humides 2550 kil. à 1 f6,0/0 al AM TER Bénéfice: 1.0 19048560 | Si les pommes de terre revenaient au prix de3 fr. lesetier, et que le cours de la féculeres- tât le même, le bénéfice serait réduit de65 fr., et ne se monterait plus qu’à 70 fr. 50 c. (1) $ V.— Emploi des résidus. La pulpe épuisée après les lavages. pèse, égouttée, environ 15 p. 0/0 des tubercules, elle contient à peu près 5 de matière sèche dont 3 de fécule. Ce marc est vendu aux nour- risseurs, pour être mélangé aux alimens moins aqueux des vaches ou des cochons ; on arviendrait à le conserver et l'améliorer eaucoup, en en exprimant l’eau et le faisant sécher sur une louraille. $ VI.— Des eaux des féculeries. Les eaux de lavage de la fécule, tenant en solution le suc des pommes de terre, ont sou- vent causé beaucoup d’embarras aux fabri- cans de fécule ; ces eaux, en effet, contiennent une proportion suffisante, quoique minime, de matière azotée, notamment d’albumine vé- gétale, pour être sujettes à la putréfaction, en sorte que si l’on n’a pas de moyen de les faire écouler dans des eaux courantes, on court le risque de voir les mares qu’elles peu- vent former, répandre des émanations incom- modes et d'autant plus désagréables que les terres dans lesquelles elles s’infiltreraient, pourraient contenir dessulfates de chaux dont la décomposition, sous l’influence des matières organiques , donnerait lieu à’un dégagement d'hydrogène sulfuré. Ces eaux recèlent d’ail- leurs des traces de soufre. Voici leur compo- sition d’après une analyse que j'en ai faite. 1,000 grammes, rapprochés à siccité, ont laissé un résidu pesant 18 centigrammes ; ainsi 10 kilog. en contenaient 18 grammes qui étaient composés des substances suivantes : (1) La grande consommation des fécules pour la fabrication des sirops de dextrine vient de faire monter le prix des pommes de terre à 8 fr. le setier , près de Paris, et celui de la fécule à 28 fr. les 100 kil. La dépense totale est donc de 827 fr.. la recette de 882 fr. et le bénéfice de 58 fr. cuap. 17°. Citrate de chaux. 8 Albumine coagulable par la cha- leur. 4, Autres matières azotées, solubles, 2 Huile essentielle, résine, substance âcre, phosphate de chaux, citrate de potasse, sulfate de chaux, silice, trace de soufre. Lorsqu'on n’a pas àsa disposition de moyens faciles d'écoulement pour ces eaux, on peut s’en débarrasser et quelquefois fort utilement en les appliquant à l'irrigation sur des terres en culture assez en pente; l'humidité qu’elles ajoutent aux sols légers ou sujets à la séche- resse et les matières organiques qu’elles y déposent sont, en certaines localités, très fa- vorables à la végétation ; cela est surtout facile relativement aux terres que l’on ne doit la- bourer et ensemencer qu'au printemps. M. le colonel BurGrarr a réalisé cette appli- cation en creusant enterre deux grands réser- voirs où ces eaux entreposées sont facilement contenues, puisqu'elles enduisent prompte- ment les parois d’une sorte de limon de ma- tièreorganique; elles éprouvent une première fermentation et sont employées en arrosage comme l’engrais flamand. C’est surtout aux prairies naturelles et artificielles, comme aux plantes cultivées pour leurs parties herbacées, que ces eaux conviennent beaucoup. Le dé- pôt limoneux constitue une vase fertilisante pour engrais. Lorsque les circonstances locales ne per- mettent pas de tirer des eaux des féculeries ce parti très avantageux, on peut essayer de les faire perdre dans des puits absorbans; de nombreuses et grandes expériences entrepri- ses en ce moment le démontreront, si, comme le supposent de savans ingénieurs, cette des- tination des liquides plus ou moins chargés de matières organiques putrescibles ne peut avoir d’inconvénient pour les sources ou eaux jaillissantes des environs. Secrion III. — Applications de la fécule. 6 Ier. — Applications à la pañification, à l’apprèt des tissus et des pätes féculentes. Au 1‘ rang des usages de la fécule, nous devons placer l'addition qu’on en peut faire dans la confection du pain. Non-seulement on se trouve par-là éviter les chances des disettes, mais encore on peut dans toutes les années, maintenir à un taux peu élevé cette base de nos alimens, et même améliorer les produits des farines bises de qualité infé- rieure. Au commencement de cet article, nous avons fait voir qu’un principe immédiat, l’a- midone, compose la presque totalité de la fé- cule de pommes de terre, de l’amidon des céréales, ainsi que les fécules amylacées exo- tiques, désignées sous les noms d’arrow-root, tapioka, sagou, salep, etc., et aussi dans une foule d’usages bien connus, préfère-t-on la fécule des pommes de terre, beaucoup plus économique que toutes les autres: on s’en sert pour les encollages, les appréts de divers tissus, une foule de préparations alimentaires, le gommage ou application des mordans par l'amidon grillé, la fabrication des sirops, etc. 1° Relativementaux encollages et appréts, on APPLICATIONS DE LA FECULE. 339 juge ordinairement de la qualité de la fécule par la quantité d’empois à une consistance voulue qu’elle peut donner, et en effet, plus la fécule est pure et sèche, plus elle produit d'empois; cependant pour obtenir la quantité maxime de celui-ci, il faut que la substance spongieuse dont se compose la fé- cule soit rapidement gonflée par l’eau chaude et reste le moins long-temps possible exposée à la chaleur qui la peut amollir, et diminue la consistance de toute la masse, Voici comment on opère, afin de remplir ces conditions : on fera chauffer la quantité d’eau utile (15 à 20 parties pour un empois de faible consistance, et 12 à 15 pour un empois très consistant) jusqu’à la température de 40 à 50° centésimaux; on y délaiera vivement une partie de fécule sèche, puis on portera rapidement la température jusqu’à l’ébul- lition, et l’on mettra aussitôt après re- froidir. On peut obtenir ün empois mucilagineux, plus gluant que par les procédés ordinaires, et ayant quelque analogie dans ses propriétés usuelles avec la gomme adragant, en chauf- fant jusqu’à 150 degrés, dans une marmite de Papin, l'un des empois à forte consistance ci-dessus indiqués. 2° Amidon grillé. C’est avec de la fécule que l’on prépare aujourd’hui cette matière, em- ployée pour l’application des couleurs d’im- pression, et dont M. VAuQuErIN a fait con- naître la solubilité partielle. On l’obtient en faisant chauffer à 200° sur un plateau, ou mieux dans un vase clos, de la fécule que l'on agite constamment et jusqu'à ce qu’elle ait acquis une teinte légèrement am- brée. Alors l’altération éprouvée par lami- done a désagrégé ses parties, au point qu’el- les se peuvent disséminer dans l’eau, en rendant le liquide mucilagineux au degré convenable pour les applications. On pourrait probablement perfectionner ce grillage et éviter la coloration de la fécule, en chauffant celle-ci dans des tubes clos, munis de soupapes qui permettraient de retenir 8 ou 10 centièmes d’eau et de vapeur, dont la pré- sence favoriserait la réaction utile tout en empêchant l'espèce de caramélisation qui co- lore le produit. 3° Tapioka, gruau, sagou, semoule de fécule; toutes ces préparations diffèrent de leurs ana- logues obtenues de plantes exotiques ou de graines des céréales, surtout par une très mi- nime proportion (moins d’un 1/2 millième) d’une substance volatile qui communique à la fécule un goût particulier, peu sensible lors- que quelque autre odeur, même légère, peut le masquer. Pour démontrer que c’est effecti- vement une matière étrangère qui cause cette différence, il suffit de laver la fécule avec de l'alcool sans goût, puis avec de l’eau pure, et de la faire sécher; elle aura perdu, dans cette épuration, moins d’un demi-millième de son poids et cependant sera débarrassée de cette odeur spéciale en question. Au reste, ce mode d'épuration serait géne- ralement trop dispendieux, et c’est la fécule obtenue par les opérations précédemment dé- crites que l’on transforme, comme nous al- lons le dire, en diverses pâles féculentes ali- mentaires. 340 ARTS AGRICOLES : On dispose un vase en cuivre. très peu pro- fond (1 po. 1/2 à 2 po.), indique par la coupe transversale, fig. 376, et la coupe longitudi- nale, fig. 577; il est recouvert par une plaque Fig. 376. Fig. 377. en cuivre, étamée en dessus et qui le ferme hermétiquement, soit par une soudure ou mieux des pinces ou agrafes. Afin d'éviter la déperdition de la chaleur en dessous, une caisse en bois l'enveloppe. La vapeur libre d'une petite chaudière E est injectée à vo- lonté dans ce vase clos. Un petit tube F per- met de laisser évacuer, au dehors de la cham- bre où l’on opère, l'air contenu dans le vase ; un tube G, adapté à la partie la plus basse du fond de celui-ci, ramène l’eau condensée dans la chaudière, que l’on peut remplir d’ailleurs pour compenser les déperditions, en versant de l’eau dans l’entonnoir H ; un tube à niveau extérieur I indique la hauteur de l’eau dans la chaudière, ; La plaque étamée étant chauffée par ce moyen, jusqu’à près de 100°, on saupoudre dessus, à l’aide d’un tamis en canevas de cui- vre, de la fécule hydratée, au point seulement de tomber en petites pelotes agglomérées et de faire gonfler et crever ses grains à l’impres- sion de la chaleur. Le dernier effet soude en- tre eux tous les grains de fécule en contact, et bientôt la dessiccation détruit l’'adhérence avec la plaque. On enlève alors, à l’aide d’une racloire, tous les flocons ainsi réunis et on re- commence une 2° opération semblable en se- couant de nouveau de la fécule humide sur la plaque. ï La dessiccation de cette sorte de pâte en grumeaux est bientôt achevée sur des tablet- tes ou des châssis en toile, dans la même piè- ce, etil suffit de les concasser légèrement dans un petit moulin, pour qu’en les tamisant en- suite, sous plusieurs grosseurs, on obtienne ces sortes de pâtes féculentes à potages, depuis les plus grosses, appelées gros tapioka, jus- qu'aux plus petites, désignées sous le nom de semoule. On conçoit d’ailleurs, relativement à Jeur emploi dans les potages, l'utilité d’une gros- seur régulière pour chacune de ces pâles ; tous leurs grains devant éprouver simultanément les effets voulus de la coction, tandis, que mé- langés ensemble, gros et petits, ceux-ci se- raient réduits en bouillie avant que les 1er ne fussent même nydratés au point convenable, FABRICATION DE LA FÉCULE LIV: IV: $ IL. — Préparations alimentaires obtenues par la dessiccation des pommes de terre cuites : Polerua, Sruau. Si la pomme de terre crue était d’une con- servation aussi facile, sa culture, générale- ment beaucoup plus productive que celle des céréales, la ferait préférer dans beaucoup de circonstances; mais il n’en est pas ainsi: la grande proportion d’eau (de 70 à 80 centièmes) que ce tubercule contient rend son volume et son poids trop considérables pour une égale quantité de matiére nutritive, le dispose à la germination quelques mois après sa récolte, le soumet aux influences de la gelée, hâte sou- vent, et surtout lorsque son tissu cellulaire est en quelques parties brisé par des contu- sions, une fermentation qui amène sa pourri- ture. On a reconnu dès long-temps ces incon- véniens graves, qui entravent les développe- mens de la culture du solanum tuberosum. Nous avons vu comment l'extraction de la fécule remédie aux obstacles de ce genre; mais on peut arriver à des résultats analogues en conservant non-seulement la fécule, mais encore loute la substance solide de la pomme de terre, et en cela on en obtient plus de pro- duit encore. A la vérité, la substance alimen- taire ainsi extraite n’est pas transformable comme Ja fécule en divers autres produits commerciaux. l'utilité même ainsi restrein- te à la conservation de la matière nutritive est encore assez grande pour que nous décrivions les procédés que l'expérience a fait reconnai- tre préférables, puis quelques perfectionne- mens récemment proposés. Les pommes de terres sont d’abord lavées à grande eau, soit en les agitant et les frottant dans un baquet, à l’aide d’un balai de bouleau à demi usé. puis décantant le liquide trouble à deux ou trois reprises, soit en les enfermant dans le laveur mécanique, que nous avons in- diqué pages 333 et 334. Les pommes de terre étant ainsi bien net- toyées, on les fait cuire à la vapeur, à l’aide d’un appareil composé d’une chaudière A (fig. 378), Fig. 378. qui peut être, dans les campagnes, pour de pe- tits approvisionnemens, celle qu SAR habituellement pourle lessivage du linge.On la surmonte, pour l’application spéciale qui nous occupe, d’une sorte de cuvier B, semblable à celui dont cn se sert en quelques endroits pour Îles lessives à la vapeur. Son fond infé- : rieur C est posé sur un cercle épais dd, qui CHAP. 17e. lui permet un jeu de quelques lignes. Ce fond ou disque est percé de trous, d’environ 1 po. de diamètre ; il supporte toutes les pommes de terre dont on remplit le cuvier aux 3/4, et il laisse passer la vapeur et retomber l’eau condensée. Un couvercle E, posé sur le cu- vier et chargé de quelques pierres, doit s'op- poser à la lib qu'il puisse s'établir une légère pression au dedans. Les pommes de terre sont cuites dès que, par des trous f, g, h, on les traverse ai- sément avec une baguette. Pour une fabrica- tion spéciale plus en grand, on se sert avec avantage de plusieurs tonneaux épais A (fig. 379), chauffés successivement, en sorte que les Fig. 379. opérations ultérieures soient continues; une seule chaudière ou générateur B y suffit, puis- que des tuyaux à robinets C, D, E y injectent à volonté la vapeur. Epluchage. Cette opération se pratique à la main, assez facilement; la pellicule qui enve- loppe les pommes de ierre élant sans adhé- rence, dès que ces tubercules ont été suffi- samment exposés à la température de la va- peur, et plus où moins, suivant que leur volume est plus ou moins fort, au fur et à me- sure que l’épluchage se fait par trois ou qua- tre personnes, une autre les écrase, en les frappant légèrement avec une pelle. On passe ensuite la pête de pommes de terre dans une vermicelloire, afin de la diviser plus également et de multiplier les surfaces en contact avec l’air atmosphérique. On l’étend alors sur des châssis tendus de canevas; L'ustensile ordinaire à préparer le vermi- celle peut suffire à cette opération pour de très petites quantités ; il se compose d’un cy- lindre en forte tôle, (fig. 380), de 3 po. de Fig. 380. APPLICATIONS DE LA KÉCULE. re sortie de la vapeur; en sorte. 341 diamèlre, percé de trous comme une écumoi- re, et dans lequel un piston, mu par un le- vier à bras force la pâte de pommes de ter- re à se réduire en gros fils. Si l’on opère plus en grand, on se sert d’une vermicelloire de 8 po, de diamètre, dsns la- quelle le piston est mu par la pression d’une vis en fer à moulinet. Enfin, un ustensile plus expéditif encore, et qui, suivant ses dimensions, est mu par un manége où à bras, se compose de 2? cylindres en forte tôle À, A (/ig. 381), ouverts des deux Fig. 381. bouts, et dont les parois, percées de trous, for- cent la pâte, jetée dans la trémie B, à sortir moulée et tomber dans leur intérieur; on en tire celle-ci constamment pour l’étendre, sans la fouler, sur les canevas. On porte les châssis chargés d’une couche peu épaisse de cette pâte, légèrement posée, dans l’étuve ; des. montans en bois, fixés ver- ticalement, munis de tasseaux adaptés hori- zontalement, permettent de superposer à 6 po. les uns des autres tous les châssis ; en sor- te que dans un espace limité de 14 pi. de lar- geur, 18 de longueur et 8 de hauteur, on peut placer 300 châssis, sur lesquels est étendu le produit de 5 setiers de pommes deterre. La dessiccation de la pâte de pommes de ter- re est une des opérations les plus importan- tes de tout ce travail; car la pâte, en l’état humide où elle est mise à l’étuve, se trouve dans les circonstances les plus capables de de- terminer son altération spontanée. Il faut donc prendre toutes les mesures convenables pour s'opposer à cette fermentation, qui fe- rait contracter un mauvais goût. Le moyen le plus sûr d'y parvenir, c’est de hâter la des- siccation, et, pour cela, d’élever la tempéra- ture de l’air jusqu’à 60 à 70°, et de lentrete- nir à ce terme malgré le renouvellement con- tinuel qu’il éprouve. L'air chaud peut être envoyé dans l’étuve par un calorifère de Desarno», et l'air chargé d’eau, après avoir circulé dans l’étuve, trouve des issues disposées autour des murs latéraux, près du carrelage. Il serait bon d’avoir deux étuves, latéralement appuyées, afin que Pair, sortant de l’une, se chargeât davantage d’hu- midité dans l’autre avant de sortir; des regis- tres permettraient dediriger alternativement, dans chacune d’elles, l’air sortant 'du calori- fère. On obtiendrait des résultats analogues, en se servant de la touraille perfectionnée, décrite dans l’article bière, fig. 258, page 265. Lorsque la dessiccation de la pâte est termi- née, on porte cette substance, dite polenta, 343 au moulin; Jà, suivant qu’on la moud plus ou moins fin, et qu'on passe le produit dans des tamis ou blutoirs, dont la toile est plus ou moins serrée, on obtient de la farine, de la semoule ou du gruau. : On peut obtenir très économiquement, dans l'appareil clos à vapeur, une grande division des tubercules ; il suffit d’y faire ie vide aussi- tôt la coction opérée, et pour cela d’y injecter alors de l’eau froide, ou mieux encore de faire cette injection dans un vase cylindrique , y annexé. On conçoit que l’eau, emprisonnée dans les tubercules, se réduit subitement en vapeur et pulvérise ainsi toute la matière. Ce procédé est très bon pour disposer les pommes de terre à être mélangées avec les di- vers alimens des animaux, ou pour être sou- mise au maltage, puis à la fermentation. Prix coûtant de la polenta, convertie en gruau, ou farine de pommes de terre, pour une journée de travail dans une fabrication moyenne. 5 seliers de pommes de terre, de 160 à 165 kilogr. chaque, à 3 fr. ....... 15fr. » €. 120 kilogr. de houille, dont 40 kilogr. pour la cuisson, et 80 pour la dessiccation. ..... 5 » 10 ouvriers pour l’épluchage. 10 v 2 ouvriers... esse. seve 4 50 Mouture Re tt i 50 Intérêt du capital employé à 6 p. 0/0 et menus frais. ... 8 50 1 jour 1/2 de loyer à 800 fr. par AN Does D IP 28 Ce 8,000 fr. d’ustensiles, dont l’usure comp- à à té à 16 p. 0/0 par an 5 26... 8 50 Produit obtenu, 165 kilogr. de polenta coûtent. ......4.. 48 » BR Le kilogr. de polenta revient donc au fabricant à. ..... v»fr. 300 Mais pour qu’il parvienne jus- qu’au consommateur, il faut ajouter : 1° je bénéfice brut du fabricant, 60 p. 0/0 du ca- pital_déboursé. : 4.1... 18 2° la remise accordée au mar- chand en commissions du croires,etc.,environ25p.0/0 » 12 1 kilogr., formant 16 potages, revient au consommateur à » 60 Chaque potage revient donc à moins de 4 centimes, ou seulement à 2 cent., si on le con- somme directement, On trouveen outre, dans cette petite industrie, une occupation utile pour les momens perdus dans le personnel des fermes pendant la mauvaise saison. Des potages ainsi préparés n’exigent que l'addition d’une quantité d’eau d’un demi-litre environ. un peu de sel et une ébullition d’un quart-d’heure pour produire une nourriture saine, et, comme on le voit, fort économique; on peut larendre plus agréable en y ajoutant un peu de beurre, d'œufs, de légumes, de lait, de sucre ou de bouillon. ARTS AGRICOLES : FABRICATION DE LA FÉCULE. LIV, IV. On peut leur communiquer une saveur agréabie par l’addition d’un huitième de leur poids de farine d'avoine grillée, connue en Suisse, sous le nom d’abermuss. Il est sans doute inutile de rappeler que le prix revenant éprouverait quelques variations dans différentes localités. Chacun, au reste, pourra faire les corrections que le cours des matières premières, du combustible, de la main d'œuvre, etc., nécessiteront. $ IIT. — Fabrication du sirop et du sucre de fécule par l’acide sulfurique. A. Procédé de fabrication par l'acide. Ondésigneplus particulièrement sous le nom de sirop et de sucre de fécule dans le com- merce les produits de la conversion de la fé- cule par l’acide sulfurique; nous décrirons d’abord les procédés de fabrication que l’on peut suivre avecles appareils les plus simples. Une chaudière en plomb A, épaisse de 2 lignes (Jig. 382 ), de 5 pieds de diamètre et 3 Fig. 382. SsS MAT ve NS N RSS | SsSS RE: b He 77 Creme | de profondeur, est posée sur un disque bom- bé B, en fonte de fer de 12 à 15 lignes d’épais- seur ; le foyer C, est disposé dessous de ma- nière à chauffer également toute la surface de ce disque; des ouvreaux d d, laissent échapper les produits de la combustion qui se rendent dans la cheminée. Un couvercle E, en bois solidement assemblé et doublé d’une feuille de cuivre rouge, est posé sur cette chaudière ; il offre près de ses bords une ou- verture F de 12 a 15 po. de diamètre, et une autre plus petite, de 6 po. de diamètre, re= couverte à volonté par un disque mobile, en bois doublé de cuivre ;' un rable H, en bois, est introduit dans la chaudière par la grande ouverture. Les choses étant ainsi disposées, on intro- duit dans la chaudière 1,000 kilog. d’eau que l’on porte à l’ébullition ; alors on y ajoute 10 kilog. d’acide sulfurique à 66° préalablement délayé dans 20 kilog. d’eau (1). On agite pour répartir également l’acide dans toute la masse, puis on attend que l’ébullition se manifeste de nouveau ; alors, le feu étant en pleine acti- vité, un homme saisit le rable en bois et commence à agiter toute la masse liquide d'un iouvement circulaire. Un autre ou- (2) Lorsqu'on verse l’acide sulfurique concentré dans l’eau, un échauffement plus ou moins considérable a lieu. Afin d'éviter qu’il soit trop brusque, on met dans deux seaux , ou dans un baquet, les 20 kilogrammes d’eau froide, puis on ajoute peu à peu l’acide, en agitant le liquide avec une spatule en bois. Lorsqu'ensuite on serse ce mélange dans la chaudière qui contient l’eau bouillante, il ne se produit plus d'effet sensible. car. 17°. APPLICATIONS vrier, ou un enfant, ajoute par cuillerées d'environ un demi-kilog. chaque, qu’il verse par le petit trou du couvercle, toute la fécule (400 kilog.), en ayant le soin de ne pas trop se presser, afin que la réaction s’opère à cha- | que addition, que l’ébullition ne cesse pas et ue le liquide n’acquière pas une consistance ’empois même léger. L'addition, ainsi graduée, permet à l’eau acidulée d’agir en grande quantité sur une très petite proportion de fécule à la fois. La saccharification de chaque portion ajoutée s'opère en un instant, et dès que la totalité est délayée dans la chaudière, l'opération est à peu près terminée. Afin cependant d'éviter qu'une petite quantité d'amidone reste inat- taquée et rende le liquide visqueux, on sou- tient encore l’ébullition pendant 8 ou 10 rni- putes ; toute la masse doit être alors presque diaphane, très liquide. En en remplissant un verre à boire, on n’apercoit plus aucune par- celle d’empois ni la moindre apparence de viscosité. Alors on couvre la grille du foyer avec du charbon de terre bien mouillé, et on laisse la porte du foyer ouverte, afin que l'air froid du dehors, entrainé dans le courant où passaient les produits de la combustion, re- froidisse un peu le fond et les parois de la chaudière. Dès que l’ébullition a cessé, on commence à jeter de la craie pour saturer l’acide; il en faut à peu près 10 kilog., c’est-à-dire autant que d’acide sulfurique employé ; mais comme cette substance varie dans sa composition sur- tout en raison de l’eau, de l’argile et du sable qu’elle renferme, on ne peut fixer de dosage certain, et il devient utile de reconnaitre le degré de saturation à l’aide d’un papier co- loré en bleu par la teinture du tournesol; tant que le liquide contient un excès d’acide, une goutte posée sur le papier le fait virer au rouge; et dès que tout est saturé, le liquide ne fait plus virer la couleur bleue du papier, et comme il vaut mieux qu'il y ait un excès de craie, on ne cesse d’en ajouter que lorsque une goutte du liquide, posée sur une tache rouge du papier tournesol faite par le liquide acide ou sur un papier tournesol rougi à dessein, ramène la couleur au bleu. L'addition de la craie ne doit être faite qu'avec beaucoup de précaution, et en très petite quantité à la fois, car l’effervescence qui a lieu par le dégagement de l’acide carbo- nique déplacé, pourrait faire monter en mousse une partie du liquide par-dessus les bords de la chaudière. Après chaque addition d'environ 1/2 kil. de craie, on agite toute la masse, et l’on attend quelques secondes que l’effervescence ait cessé; pour faire une ad- dition nouvelle. Lorsqu'on a reconnu que la saturation est complète, il faut séparer le sulfate de chaux non dissous; pour cela, on laisse déposer le liquide durant une demi-heure, et, pendant ce temps, on prépare le filtre. Celui-ci I, se compose d’une caisse rectangulaire en bois de sapin epais de 2 po. et fortement assemblée à Joints étanches, et percée au fond d’un trou de 1 pouce ou 15 lignes de diamètre, dans le- DE LA FÉCULE. 243 { quel passe un bout de tuyau en plomb rebor. dé dans une entaille circulaire au fond du filtre. On pose sur le fond un grillage en bois, formé d'un châssis de 1 po. en tous sens moins grand que l’intérieur du filtre, et qui est garni de tringles en bois, écartées de 6 li- nes etépaisses de 1 po. environ. On étend sur e grillage une toile très claire, quoïque forte, et par-dessus une toile de coton plucheux con- pue dans le commerce pour son emploi dans la confection des filtres TayLor; ces toiles étant plus larges et plus longues que le gril- lage de 3 ou 4 pouces en tous sens, on replie ies bords et on les serre entre le châssis et les parois en plomb du filtre. Les choses ainsi disposées, et le liquide étant déposé dans la chaudière, on emplit un siphon en cuivre avec de l’eau, puis on le re- tourne dans la chaudière et à l’aide d’un en- tonnoir à douille sur le côté et d’un tuyau placé sur le filtre. Le liquide tiré par le si- phon coule dans l’entonnoir, et äe là dans le fiitre, et passe au travers du drap et de la toile sur lesquels il laisse les parties insolu- bles qu’il charrie, et se rend enfin dans un ré- servoir G ( fig. 382 ), placé sous le filtre. Les premières portions ainsi filtrées sont ordi- nairement troubles, on peut les recevoir dans un seau, afin de les rejeter sur le filtre. Lorsque le siphon a fait écouler tout le li- quide surnageant et atteint le dépôt, celui- ci s’engorge bientôt ; on le retire alors; on enlève tout le dépôt au moyen d’une large cuillère, on le met dans des seaux , puis on le porte sur le filtre. On rince la chaudière avec un ou deux seaux d’eau, que l’on retire à l’aide de la cuillère et d’une grosse éponge, pour les jeter encore sur le filtre. On rem- plit alors la chaudière d’eau à la hauteur ac- couiumée ; on soulève la croûte du charbon mouillé qui couvrait le foyer, on ferme la porte et bientôt le feu s'allume avec activité. Dès que l’eau est presque bouillante, on en puise dans un arrosoir pour verser en pluie sur le marc resté dans le filtre ; on remet de l'eau froide dans la chaudière. Si la cheminée de la chaudière est dispo- sée de manière à passer sous un bassin en cuivre mince J, celui-ci entretient la tempé- rature de l’eau que l’on y met à un degré assez élevé pour le lavage du dépôt resté sur le filtre ; elle sert aussi à commencer une autre opération. La chaudière étant remplie de manière à contenir les 1,000 kilog. d’eau environ ct celle-ci étant bouiliante, on recommence une autre opération, qui se fait comme la pre- mière. On peut aisément achever 5 cuites dans les 24 heures avec 2 hommes qui se re- lèvent, en sorte que l’on emploie 2,000 kilog. de fécule sèche. Le liquide filtré est porté en 3 ou 4 fois dans une chaudière à bascule où on le fait évaporer rapidement jusqu’à ce qu’il soit ré- duit à peu près à la moitié de son volume; il doit alors marquer à l’aréomètre de BAUME 25 à 28°; on réunit les cuites dans un re- servoir pour faire upe clarification dans la chaudière en plomb (1), on y porte tout le li- (4) Si l’on n’a pas à sa disposition une plus petite chaudière en cuivre, ce qui est plus commode en ce qu’elle est munie d’un robinet, et dans laquelle on fait 3 ou 4 clarifications. 344 quide à la température d’environ 80° centésj- maux. On y ajoute du charbon animal en pou- dre très fine le 20° du poids de la fécule em- ployée, on agite bien toute la masse pendant quelques minutes; on projette dedans du sang battu avec 5 parties d’eau ; on suspend l'agitation, et dès que ébullition se manifeste vivement de nouveau, on tire tout le liquide dans un filtre semblable à celui que nous avons décrit plus baut ou dans un filtre Tay- Lor. Les premières parties du liquide filtré passent troubles; on les recueille dans un seau ou un puisoir et on Jes renverse sur le filtre; on se hâte de recouvrir ce filtre, ou plutôt on l’a recouvert d'avance avec des ta- bles en bois, qui sont enveloppées de couver- tures de laine, afin d'éviter un trop grand re- froidissement qui, rendant le sirop moins fluide, retarderait la filtration. 1 Lorsque le sirop est presque entièrement écoulé et que le dépôt resté sur le filtre pa- rait à sec, on arrose celui-ci avec de l’eau chaude, afin d'extraire le sucre qu'il retient. Il faut verser peu d’eau à la fois et renouve- ler fréquemment cette addition, jusqu'à ce ue ce liquide filtré ne marque plus qu'un déntidégre à l’aréomètre. Alors on jette de- hors la masse épuisée ; on lave les toiles, que l'on remet en place pour une autre clarifica- tion. Les eaux faibles du lavage du marc, de- puis 4° jusqu’à 1/2°, sont réservées pour com- mencer l’épüisement d’un autre dépôt; on ne les fait évaporer directement que lorsqu'on suspend les travaux, et que, par conséquent, il n’y aurait plus de marc à épuiser. On peut préparer le sirop de fécule en em- ployant celle-ci à l’état humide, telle qu’on l’obtient directement au fond des vases où elle se dépose (il suffit pour cela de la délayer dans 2 fois son volume d’eau environ, et d’é- viter qu’elle se rassemble de nouveau en mas- se, en l’agitant continuellement à l’aide d’une spatule ; on doit aussi avoir la précaution d’en verser assez peu dans le mélange bouillant d’eau et d'acide, pour ne pas laisser arrêter l’ébullition. On peut rendre la préparation du sirop plus économique, en traitant la pomme de terre cuite et réduite en bouillie de la même manière. Le sirop cbtenu en suivant ce procédé contracte un goût désagréable, dû surtout à la réaction de la chaleur et de l'acide sur l’albumine végétale. On obtient des résul- tats semblables en substituant à la fécule la pulpe des pommes de terre. Suivant M. TnéopoORE DE SAUSSURE, 100 par- ties d’amidon sec produisent 110, 14 de sucre sec, et cela se concoit, puisque le sucre de fé- cule, identique dans sa composition avec le sucre de raisin, contient plus d’eau que l’a- midone (voy. ci-dessus, page 328). En grand, on obtient de 100 parties de fécule, dite sé- he, ou de 150 de fécule humide, dite verte, 150 de sirop à 30°, représentant environ 100 parties de sucre sec. € l L Dans cette opération, l’acide agit en liqué- fiant l’amidone et aidant, par sa présence, à Vhydratation qui la rend sucrée, sans subir Jui-même d’altération. En effet, le 1er résultat qu’on observe, même à froid, est la solubilité acquise par l’amidone, sens changement de composition; le 2°, qui s'effectue rapidement à 100°,est la conversion en sucre de raisin, et ARTS AGRICOLES : FABRICATION DE LA FECULE. LIV. IV. l’on retrouve la totalité de l’acide sulfurique dans le liquide. Le reste de l'opération est fa- cile à concevoir; la craie que l’on ajoute, lors- que la saccharification est complète, cède à l'acide la chaux qu'elle contient; l’acide car- bonique se dégage en produisant l’efferves- cence, et le sulfate de chaux, formé très peu soluble, est retenu en grande partie, ainsi que l'excès de carbonate de chaux, sur Le filtre avec les matières étrangères insolubles, Ces substances retiennent une assez grande quan- Uté de liquide sucré, dont on les dépouille par des lavages à l’eau chaude. L'éväporation, en concentrant le sirop, pré- cipite la plus grande partie de sulfate de chaux resté dans le liquide. Cette précipitation est favorisée par le charbon animal, qui enlève en même temps une partie de la matière colo- rante et du goût désagréable. Enfin, l’albu- mine étendue sert à agglomérer, par la coa- gulation que la chaleur détermine, toutes les parties les plus ténues du charbon animal et dusulfate de chaux, et les empêche ainsi d’obs- truer le filtre ou de passer au travers de son tissu. Si l’on concentrait le sirop de fécule jusqu’à 40 ou 45° de l’aréomètre de BAUMÉ, il se pren- drait, par le refroidissement, enune masse gre- nue, blanche,compacte, sans forme cristalline régulière, qui, augmentant de volume au mo- ment de sa solidification, pourrait briser les vases dans lesquels elle serait contenue.Cepen- dant, afin de réduire davantage le volume et d'assurer une plus longue conservation à ce sucre, on le fait cristalliser aisément, en ayant soin de déposer le sirop, ainsi concentré dans des vases en bois, doublés de cuivre étamé, assez évasés et peu profonds, pour éviter leur rupture (fig.383); on met ensuite égoutter et secher le sucre dans une étuve. Les deux résidus obtenus successive- ment de cette opé- ration, et recueillis sur le filtre, acti- vent puissamment la végétation des prairies artificiel- les, sur lesquelles on les répand en petites quantités, après les avoir laissé dessécher à l'air. Au lieu d'opérer à feu nu, on emploie au- jourd'hui, pour chauffer le liquide dans le- quel s’opère la réaction, la vapeur, produite dans une chaudière ou générateur ; elle est conduite dans un cuvier A (/fig.384 et 385), en bois, à douves épaisses, et qui contient le mé- lange d’eau et d'acide sulfurique (cet acide n’est employé qu’à la dose de 1 1/2 p. 0/0 de fé- cule), par un tuyau B à double branche; dès que le barbottage de la vapeur annonce que le liquide est chauffé à la température de l’é- bullition, une soupape C est levée, à l’aide d'une tige à bascule. La fécule humide (dite fécule verte), délayée en bouillie et constam- ment agitée dans un réservoir supérieur D, s'écoule en un petit filet dans le liquide bouil- lant. La saturation a lieu dans le cuvier À, et le reste de l'opération, comme nous avons indiqué ci-dessus. La vapeur nauséabonde se dégage par un tuyau élevé K. Lorsqu'on veut faire rapprocher le sirop Fig. 383. GHAP. 17°. Fig. 386. Fig. 384. APPLICATIONS DE LA FECULE. S45 Fig. 388. ZZ RLLEELITITETITITIITITIITIITA HT CZ ; Fig. 385. obtenu à 50 ou 32°, ainsi que cela est conve- | version en sucre ont manqué; et, en effet q ? L , nable, soit pour le transporter, soit pour re- monter, dans la fabrication de la bière, le de- gré de la décoction du houblon, ou simple- ment à 20°, on le soutire dans une chaudièreF, évaporant par la vapeur qui circule dans les tubes assemblés en grille ( fig. 384, 385, 386). Afin de débarrasser l'atelier des va- peurs qui se dégagent pendant le rapproche- ment, une hotte G les conduit au dehors, par une ouverture H, et un tuyau vertical adossé à une cheminée. La figure 384 représente une coupe verticale et longitudinale de l'appareil à saccharifier la fécule. La fig. 385 en est une seconde coupe verti- cale, faite suivant une ligne perpendiculaire à la première. ig.386; détaiis dela grille E, placée au fond de la chaudiere F. Celle-ci peut être en cuivre rouge, ou même en bois de sapin du Nord, épais et fortement assemblé à points très exacts. Fig. 387; détail du robinet I, fixé au fond du cuvier A, pour vider ce dernier. Fig. 388 et 389; vues de face et de profil d’un fragment du tuyau B. Ce tuyau est muni de deux robinets dont l’un a (fig. 384), per- met à la vapeur d'entrer dans la grille E, semblable à l'assemblage de tubes ce: l’appa- reil TayLor à concentrer les sirops (voy. su- cre ), et l’autre b,permet de l’introduire dans le cuvier A par le double tube c. J, robinet de décharge de la chaudière F. Une amélioration facile à introduire dans la qualité (le goût plus agréable et la décolora- tion) du sirop de fécule, résulterait de la fil] - tration de ce sirop sur le noir en grains, dans le filtre Dumonr (v0y. la description et la ma- nœuvre de cet ustensile dans l’article relatif à la fabrication du sucre de betteraves). En terminant, nous signalerons une falsifi- cation exercée sur la fécule au détriment des fabricans de sirop; c’est le mélange de plu- sieurs centièmes de crale dans cette matière. Il en est résulté que des opérations de con- Pacide sulfurique, saturé peu à peu et com- plètement avant la fin de la saccharification par le carbonate de chaux, ne pouvait plus déterminer l'effet utile. Il est facile de cons- tater ceite fraude par les moyens que nous avons indiqués ci-dessus, page 337. B. Usage du sirop de fécule, préparé à l'aide de l'acide sulfurique. Le sirop de fécule présente de grands avan- tages dans la fabrication des bières légères et des bières de garde. Employé dans les 1res, et votamment dans la bière de table, dite de Pa- ris, non-seulement il est souvent économique, comparativement à l’orge germée, mais enco- re en remplaçant celle-ci, et n’introduit pas dans le moût cette matière azotée, dont une trop forte proportion occasionne souvent le passage à l’aigre de ce liquide. Dans la même application le sirop de fécule facilite la cons- tance du degré de force du moût, puisqu'il suffit d’y en ajouter jusqu’à ce que l’aréomè- tre indique la densité voulue (voy. bière ). Le sirop de fécule offre aussi l’un des pro- duits sucrés les plus économiques pour être convertis en alcool ou esprit-de-vin et en vi- naigre. Enfin, on peut s’en servir dans la confec- tion du cirage anglais, et même dans ce cas on utilise l’acide sulfurique, puisque cet agent a conservé toutes ses propriétés, lorsqu'on ne le sature pas par la craie ou une base quel- conque. Par conséquent on emploie directe- ment, dans ce cas, le liquide de la saccharifi- cation brute, qu’on fait réagir sur le noir d'os. Une des applications les plus importantes du sucre de fécule consiste, depuis quelques années, dans l’addition de ce sucre aux vins un peu faibles de diverses localités, et notam- ment de la Bourgogne; 5 à 10 kilogr. par piè- ce assurent la conservation de ces vins en augmentant leur force alcoolique. Voici le compte de fabrication du sirop de fécule : 346 ARTS AGRICOLES : FABRICATION DE LA FECULE, Fécule sèche, 2,000 kil. à 20 c., ou verte, 3,000 412 ou 13 c. --.--- 400 fr.» C. Acide sulfurique con- centré, 40 k à25 fr... 10 Craie, 40k. à2fr.25c. 1 12 Houille, 10 hectolitres 30 Main d'œuvre. . ..... 15 Transport. ...-.+...e 16 18 Escompte 3 p. 0/0, répa- rations, frais généraux 32 Produit 3,000 kil. de sirop à 32° à 20 fr. 600 Bénékte:2 mt. OL ETATS 0 995 N70 Lorsque le cours de la fécule est à 22 fr., le bénéfice est réduit à. ..... 45fr. fr. c. 504 30 IV. — Application de la diastase à l'essai des farines et à la fabrication des sirops de dextrine. Avant de décrire les procédés de fabrication des sirops de dextrine, nous devons exposer les propriétés, le mode d'extraction et les al- térations de l’agent chimique de cette indus- trie nouvelle. La diastase est solide, blanche, amorphe, insoluble dans l'alcool, soluble dans l’eau et l'alcool faible; sa solution aqueuse est neutre et sans saveur marquée; elle n’est point pré- cipilée par le sous-acétate de plomb; aban- donnée à elle-même, elle s’altère plus ou moins vite, suivant la température atmosphérique, et devient acide. Cette altération, importante en ce qu’elle ôte à la diastase sa plus remar- quable propriété, a lieu, quoique lentement, même dans les substances conservées sèches. Ainsi donc on ne doit pas préparer trop long- temps d'avance l'orge germée ou le malt; 11 convient surtout de n’en pas conserver d’une année sur l’autre; chauffée de 65 à 75° avec de la fécule et une proportion d’eau suff- sante, la diastase présente le pouvoir re- marquable de rendre soluble toute lami- done, en la convertissant en dextrine, dont une partie, sous cette même influence, se transforme presque aussitôt en sucre, iden- tique avec le sucre de raisin; les matières étrangères insolubles surnagent où se préci- pitent, suivant les mouvemens du liquide. Cette singulière propriété de séparation entre l’'amidone, rendue seule soluble, et les sub- stances étrangères non solubles, justifie le nom de diastase donné à la substance qui la pos- sède(1)et qui exprime précisément ce fait. LIV. IV. dextrine plus pure encore qu’elle navait été préparée; aussi y retrouve-t-on éminemment le grand pouvoir de rotation à droite qui la caractérise dans les belles expériences de M. Bior, et qu'on n'obtient à un degré égal par aucun autre procédé; toutefois, la solution de diastase, en présence de la dextrine et d’une suffisante quantité d’eau, convertit cette dernière substance graduellement en sucre, pourvu que la température soit maintenue de 70 à 75° durant leur contact; car si l’on chauffe jusqu'à l’ébullition, la diastase perd la faculté d'agir sur la fécule et sur la dextrine (2). ‘ La diastase existe dans les semences d'orge, d'avoine, de blé, de riz, de maïs germées, près des germes développés dans les tubercu- les de la pomme de terre. Elle est générale- ment accompagnée d’une substance azotée qui, comme elle, est soluble dans l’eau, inso- luble dans l'alcool, mais qui en diffère par la propriété de se coaguler dans l’eau, à la tem- pérature de 65 à 75°, de ne point agir sur la fé- cule ni la dextrine, d’être précipitée de ses so- lutions par le sous-acétate de plomb, et d’être éliminée en grande partie par l'alcool avant la précipitation de la diastase. Nous avons en- core retrouvé la diastase dans les bourgeons de l’alyanthus glandulosa ; là elle n’est point unie avec la matière azotée soluble, mais se trouve encore en présence de l’amidone. La diastase s’extrait de l'orge germée par le procédé suivant, et l’on en obtient d'autant plus que la germination a été con- duite plus régulièrement dans tous les grains, et que la gemmule, dans son développement, s’est plus rapprochée d’une longueur égale à celle de chacun des grains. Après avoir laissé macérer pendant quelques instans le mélange de 1 partie 1/2 d’eau et 1 partie d'orge germée, on le soumet à une forte pression ; on humecte le marc avec son poids d’eau, puis on presse encore (3). On ajoute alors 1/3 de volume du liquide d’alcool, et l’on filire la solution. On verse alors dans le liquide filtré de l’alcool à 40°, jusqu’à ces- sation de précipité; la diastase, y étant inso- luble, se dépose sous forme de flocons, qu’on peut recueillir et dessécher à froid dans le vide sec, où à 50° dans une étuve à courant d'air. Il faut surtout éviter de la chauffer humide, de 85 à 100°. Pour l'obtenir plus pure encore, on doit la dissoudre dans l’eau et la précipiter de nouveau par l’alcool, et même répéter ces solutions et précipitations deux L'opération, rapidement conduite, donne la | fois encore; enfin, recueillie sur un filtre, (1) Parmi les substances insolubles se trouve ordinairement du carbonate de chaux, de la silice, quelques débris ligneux du tissu cellulaire, une matière volatile à odeur désagréable, de l’albumine, enfin quelquefois une faible proportion de l’amidone douée de plus de cohésion, surtout lorsque la quantité d'eau employée est in- suffisante, et ces légères traces d'amidone non transformée occasionnent ultérieurement dans le liquide un as- pect louche, trouble, où même un précipité floconneux. (2) Lorsque la dextrine domine, le liquide est plus mucilagineux, plus analogue au sirop de gomme ; traité convenablement, il donne une boisson plus douce, ou de la bière ayant plus de bouche; le maximum de sucre produit convient au contraire lorsqu'on veut produire le plus d'alcool à la fermentation.— La composition chimique . de la dextrine est identique avec celle de l’amidone ou de la fécule pure, quoique les propriétés soient diffé rentes, et la plus importante des différences est que l’une, la dextrine, est soluble à froid, tandis qne l’amidone est sensiblement insoluble. Toutes deux sont coniposées de 44 de carbone et 56 d’eau ou en atomes C12 Ho O5. Le sucre que produit l’action de la diastase sur l’une et l’autre contient plus d'hydrogène et d’oxigène dans la proportion de la composition de l’eau, il est formé de 37 de carbone et de 63 d’eau, elle se représente en atomes par C'2 Hi4 O7. (3) Au lieu de se servir d'orge séchée on peut directement humecter, écraser et soumettre à une forte pres- sion ces graines, dès qu'elles sont germées au point convenable, ie liquide trouble est traité comune il suit. CHAP. 17°, elle en est enlevée humide, puis étendue sur use lame de verre et desséchée, puis broyée en poudre impalpable et conservée en flacons bien bouchés ; elle se conserve d’ailleurs plu- sieurs mois à l’air ou même en solution dans l'alcool! à 16 ou 20° (1). , Lorsque l’extraction de ce principe immé- diat nouveau à été faite avec soin, et qu’il est récemment préparé, son énergie est telle, que 1 partie en poids suffit pour rendre solu- ble dans l’eau chaude 2,000 parties de fécule sèche et pure, en opérant la conversion com- plète de l’amidone en dextrine et sucre. Ces réactions sont d’autant plus faciles, et la pre- mière est d’autant plus prompte, que l’on emploie une suffisante quantité d’eau, 8 à 10 fois le poids de la fécule et un excès de dias- tase ; ainsi, en doublant la dose et la portant à 1 millième, et préparant l’empois avec 12 par- ties d’eau à 70°, la dissolution de la fécule peut être opérée en 2 minutes. À. Essai des farines, fècules et substances amylacées avec la diastase. Voici comment on peut reconnaître par la diastase la proportion de gluten que renferme une farine. On délaie 5 grammes de la farine à essayer dans 250 grammes d'eau (ou 2 décilitres 1/2), en ayant le soin d'ajouter l’eau peu à peu et l’on chauffe ce mélange au bain-marie en le remuant doucement ; on soutient la tempéra- ture du bain-marie à l’ébullition ou très près endant une heure; on verse tout d’un coup a solution de diastase, on agite et l’on entre- tient au bain-marie, pendant 2 heures, la tem- pérature entre 65 et 75° centésimaux ; alors toute l’amidone doit être en solution; on versele mélange sur un filtre taré,on lave à l’eau bouil- lante le dépôt, on fait sécher le filtre avec ce qu'il contient et on le pèse. L’augmentation du poids qu’il avait étant vide indique la quantité de gluten et d’albumine. Il s’y trouve, à la vé- rité, de la matière grasse et du ligneux et quelques corps insolubles, mais en très petite proportion, à moins qu'ils n’aient été artifi- ciellement ajoutés ou que la farine contienne beaucoup de son. Dans tous les cas une faible solution de po- tasse ou de soude, par exemple 2 de lessive caustique à 36° étendus de 98 parties d’eau, chauffée : 65senviron, pendant ? heures avec le produit ci-dessus du traitement de 5 parties de farine, dissoudront toute la matière azotée et la substance grasse, et le résidu non dis- sous indiquera sensiblement la proportion des matières insolubles par la diastase, mais étrangères au gluten et à l’albumine; dans les essais des farines usuelles qui ne seraient mé- langées qu'avec de la fécule, ce traitement, par la potasse ou la soude, ne serait pas néces- saire pour une appréciation approximative. Dans une opération d’essai toute semblable, faite sur de la fécule ou de Pamidon, la pres- que totalité (à 5 millièmes près au plus) de ce qui ne serait pas dissous par la diastase serait une ou plusieurs matières étrangères par lesquelles le poids aurait été à dessein ou accidentellement augmenté. APPLICATIONS DE LA FECULE. | rait a 347 Si l’on voulait essayer ainsi des farines grenues, il faudrait préalablement les réduire en poudre impalpable; il en serait de même du riz qui laisse un résidu de substance azotée d'environ 0,09, et du maïs qui laisse 0,1 de matière azotée, 0,08 d'huile et 0,06 de ligneux Lorsqu'on n’a pas de diastase pure à sa dis- position, on peut y suppléer, pour les essais de ce genre, par les moyens suivans. Suppo- sons que l’on ait à faire quatre essais sur chacun 5 panne de farine, on se procurera de l'orge bien germée et séchée à une tempé- rature peu élevée dans un courant d’air, telle que la preparent les brasseurs pour la bière blanche, où mieux en la prenant toute fraiche germée et la desséchant soi-même, dans une étuve à courant d'air sec, à la température de 40 à 50 . En cet état, et après avoir séparé les radicelles très friables, on peut conserver l’orge germée dans un flacon sec et ferme pendant 4 mois sans altération sensible. On pèse 40 grammes de ces grains, on les broie grossièrement, puis on y ajoute environ 60 grammes d’eau et on laisse l’hydratation se faire pose une ou deux heures; on pour- andonner ce mélange durant 5 ou 6 heures, si la température était assez basse. de 3 ou 4 au-dessus de 0 par exemple. On extrait, par expression dans un linge, le plus possible du liquide que l’on filtre, on ajoute environ 20 grammes d’eau sur le marc expri- mé, on laisse quelques minutes macérer, on presse encore et on verse le liquide sur le même filtre, et on réitère trois ou quatre fois toute cette manipulation. On verse tout le liquide filtré dans une éprouvette en verre, ou tout autre vase en platine ou argent chauffé dans un bain d’eau, on élève la tem- pérature à 75° C. et on la soutient jusqu’à ce que le coagulum albumineux paraisse bien séparé, ce qui arrive au bout de 10 à 15 mi- nutes, on verse le liquide trouble sur un filtre et la solution doit passer immédiatement limpide. Cette solution de diastase brute peut servir en cet état au moins à 4 ou 5 des essais précités, en en versant un quart où un cin- quième de son volume pour chacun d’eux. En la tenant dans un endroit frais à la tem- pérature la plus basse possible elle se conser- vera quelque temps sans altération sensible ; on peut, par exemple, la garder au moins 24 heures à + 10° et 48 heures de 0° à + 4. B. De la fabrication du sirop de dextrine. Pour préparer en grand la dextrine, plus ou moins sucrée, on fait usage d'orge germée en poudre dans la proportion de 5 à 10 pour 100 de la fécule ; quand il s’agit d'obtenir du sirop, on emploie 5 à 6 parties d’eau pour une de fé- cule et l’on soutient pendant environ 4 heures la température au degré (70 à 75 ) où l’action se prolonge; tandis que, pour obtenir la dex- trine le mon s sucrée possible, on n’emploie que4 fois son poids d’eau, et dès que la fécule est dissoute on pousseau terme de l’ébullition ui fait cesser l’action de la diastase. Voici ailleurs tous les détails de l’opération : D'abord il faut se procurer de l’orge bien (4) Au bout de deux ans, quoique gardée dans un flacon bien clos, un échantillon avait perdu presque toute propriété caractéristique. 548 germée, et séchée. Comme nous l'avons dit, 5 parties d’orge suffisent pour convertir en dex- trine plus ou moins sucrée 100 parties de fécule; il en faudrait 10 à 15 si ces conditions étaient incomplètement remplies (1). On verse dans une chaudière À ( fig. 390) Fig. 390. ! È Ê È À NL R) N à à N R N Eù NY NE Ÿ N K SRE IF É DS a HA on _— & SNSS 2 UD KITS chauffant au bain-merie 2,000 kilog. d’eau ; dès que la température est portée de 25 à 30° centésimaux, on y délaie le malt d'orge, et l’on continue de chauffer jusqu’à la tempéra- ture de 60°. On ajoute alors 400 kilog. de fé- cule que l’on délaie bien en agitant avec un rable en bois B. Lorsque la température du mélange approche de 70° on tâche de Ia main- tenir à peu près constante, et de facon, du moins, à ne pas la laisser s’abaisser au- dessous de 65° et à ne pas dépasser 80°. Ces conditions sont surtout très faciles à remplir si le bain-marie C est chauffé par un tube L,, d'une chaudière X, plongeant jusqu’au fond et y amenant la vapeur qu’on intercepte à vo- lonté et dont on modère le courant par un ro- binet. Au bout de 20 à 35 minutes le liquide d’a- bord laiteux, puis un peu plus épais, s’est de plus en plus éclairci; de visqueux et filant qu'il semblait en l’examinant s’écouler de la- ritateur B, élevé au-dessus de la superficie, il parait fluide presque comme de l’eau ; si l’on veut obtenir de la dextrine mucilagineuse peu sucrée, on porte alors vivement la tem- pérature entre 95 et 100 et on fait écouler dans une cuve E, d'ou le liquide déposé est soutiré à clair sur un filtre TayLor G (voy. la description, p. 288 ), puis on fait évaporer très rapidement soit à feu nu dans une chau- dière à bascule F, soit, et mieux encore, à la vapeur dans la chaudière TaxLor (fg. 297 à 300 p- 291 ). Sous la pression de 2 à 3 atmosphères, on peut commencer l’évaporation du liquide en le portant deux fois successivement sur les colonnes CHamponnois K (voy.leur description p. 297 }, et terminer dans l’une des chaudières ci-dessus. Pendant l’évaporation on enlève les écumes qui rassemblent la plupart des matières ARTS AGRICOLES : FABRICATION DE LA FECULE. LLVe IVe étrangères échappées à la première défécation. Lorsque le rapprochement en est au point où le liquide sirupeux forme en tombant de l'écumoire une large nappe, on peut le ver- ser dans un réservoir H en cuivre, fer-blane ou bois, d’où on le puise lorsqu'il est refroidi pour le mettre en Las Entretenu tiède, mêlé à la levure, puis à de la pâte ordinaire et bien pétrie, il sert immé- diatement à la préparation d’un pain de luxe, connu à Paris sous le nom de pain de dex- trine (2). On l’emploie aussi pour remplacer la gomme dans quelques usages indiqués plus loin. Si l’on veut obtenir du sirop de Gextrine plus sucré, propre à la fabrication ou l'amélioration des cidres, bières, vins et autres boissons ai- cooliques, on suit le même procédé jusqu’au moment où la solution de la fécule est opérée; mais alors, au lieu de porter aussitôt la tem- pérature jusqu’à environ 100, en l’entretient entre 65 et 75° pendant 5 ou 6 heures dans les cuves E, FE’, garnies à cet effet d’enveloppes doubles en laine ou en bois; puis on soutire sur le filtre Tayzor G, on rapproche sur l'appareil à colonnes K, jusqu’à 30°, on passe sur les filtres Dumonr M (voy. leur descrip- tion, p. 289 ), puis on achève de concentrer à 32° dans une chaudière TAYLOR. On peut même pousser la concentration jusqu’à 40° si l’on veut s’en servir aux mêmes usages que la mélasse des sucres de canne; dans ce cas, il est bon de mélanger promp- tement et par moitié ces deux substances, afin d'éviter que le sucre de dextrine ne cris- tallise en augmentant de volume. Le sirop de dextrine ainsi chtenu peut, outre les applications que nous venons d’indi- quer, servir à édulcorer les tisanes et rem- placer ainsi les sirops de gomme (3), au gom- mage des couleurs, à l’apprêt des toiles à ta- bleaux ; susceptible de plus d’adhérence, de plus defluidité et plus diaphane que la dextrine non sucrée, il s'emploie seul ou mélangé avec elle dans les bains gommeux pour les impres- sions sur soie, l’épaississage des mordans, la confection des feutres, l'application des pein- tures sur papiers-draps, et supplée avec avan- tage les gommes indigènes et exotiques. Dans plusieurs circonstances, mélangé par moitié avec la mélasse du sucre de canne, il améliore et rend plus économique cette matière que ne saurait remplacer la mélasse des betteraves. Ce mélange sert dans la fabrication du pain d'épice, dans la confection des rouleaux d’im- primerie, des taffetas adhésifs , et du cirage anglais. Un des résultats les plus remarquables de la séparation effectuée par la diastase entre l’amidone et les substances étrangères, c’est ue celles-ci entraînent dans leur précipita- tion la substance essentielle vireuse, principe du mauvais goût de certaines fécules,etqu’ainsi l'on peut obtenir économiquement les sirops de dextrine exempts de mauvais goût. Si au lieu de destiner le produit de l’cpération à (1) Relativement à la fabrication de la bière, il vaut mieux employer un excès de malt, et porter la dose à 43 centièmes afin d’être plus assuré de dissoudre toute la matière amylacée dont quelques millièmes suffiraient pour troubler uliérieuremeut cette boisson en se précipitant. (2) On en trouve à Paris chez M. Moucnor, boulanger, rue de Grenelle-St.-Germain, n. 37, (3) Le prix de la belle gomme étant plus élevé que celui du sucre, le sirop de dextrine est encore économique lors méme que l’on y ajoute un peu de sucre de canne pour mieux adoucir les tisanes. ciap. 17° réparer du sirop où +. ducs de le faire enter directement, il conviendrait d’em- ployer 4000 kil. d’eau, afin que la conversion en sucre fût plus complète, et de ne pas por- APPLICATIONS DE LA FECULE. ter la température du mélange jusqu'à l’é- | 349 bullition, ni même pius haut que 70°. On mettrait en fermentation avec de la levure dès que ce liquide serait descendu à la tem- pérature de 30° centésimaux. PAYEN. CHAPITRE XVIII. — FABRICATION DES HUILES GRASSES. Secrion Ir.— Des huiles grasses en général. Les huiles grasses ou fixes sont des corps de consistance onctueuse , plus ou moins fluides, d’une pesanteur spécifique presque toujours inférieure à celle de l’eau, insolnbles ou peu solubles dans ce liquide, susceptibles de s’en- flammer plus ou moins promptement par le contact d’un corps en ignition , et s’évaporant à divers degrés de chaleur, et enfin formant pour la plupart avec les alcalis des combinai- sons connues sous le nom de savons. On extrait les huiles du corps des animaux ou bien des végétaux. Les huiles animales sont celles des cétacés et des poissons, que le commerce recueille au moyen de la pêche decesanimaux , et leshuiles de pieds de chevaux, de moutons et de bœufs, dont nous avons fait connaitre la fabrication à la page 69 du présent tome. Les huiles végétales résident presque toutes dans les semences des végétaux et en sont extraites par expression. Quelquefois elles sont contenues dans la pulpe du fruit ou péri- carpe (olivier, cornouiller sanguin). Parmi les huiles de semences, les unes sont extraites du périsperme (ricin),et les autres, ce qui est le cas le plus fréquent, des cotylédons delagraine. On distingue encore parmi les huiles fixes celles qui sont solides et celles qui sont fluides à la température ordinaire. L’extraction des premières, étant plutôt du ressort de la phar- macie et de la matière médicale,ne doit pas nous occuper ici. Quant aux huiles fluides, qui sont celles dont on fait le plus fréquemment usage comme aliment, pour l'éclairage et dans les arts, nous allons faire connaître leur mode de fabrication. Leshuiles grasses fluides se conservent long- temps en vases clos sans subir de changement ; mais au contact de l'air elles s’altèrent peu à peu. Les unes s’épaississent et finissent par se dessécher et se transformer en une substance transparente jaunâtre et flexible : ce sont les huiles siccatives; d’autres ne se desséchent pas, mais s’épaississent et deviennent moins combustibles : elles prennent le nom d'huiles non siccatives. Dans ce chapitre nous nous occuperons d’a- bord de l'huile d'olive; puis nous parlerons des huiles de graines proprement dites, et enfin de quelques autres huiles dont l’usage est plus ou moins répandu. Secrion II. — De l'extraction de l'huile des olives. $ Ier. — Caractère physique de l’huile d’olive. L'huile d'olive s'obtient par pression du fruit de l'olivier (olea europea ), qui ne peut végéter que dans les pays méridio- naux. En traitant de la culture de cet ar- bre (t. II, p. 132), nous avons fait connaître ses variétés et donné des détails sur la récol- te des olives; nous y renvoyons ie lecteur. Cette huile, quand elle pure, fine et de bon- ne qualité, est tantôt d’une couleur citrine légèrement verte, comme l'huile d'Aix, tan- tôt jaune foncé, comme celles de la Ciotat et de diverses communes du Var, tantôt blanche et limpide, comme celle de Port-Maurice et de Lucques. Suivant la variété des olives em- ployées et son mode de fabrication, sa pesan- teur spécifique est de 0,9192 à 12° ( celle de l’eau étant1). Déjà, à quelques degrés au-des- sus de 0, elle commence à se congeler et à déposer des grains blancs de stéarine. Lors- qu'elle est bien préparée, c’est une des huiles qui se conserve le plus long-temps et qui est la moins altérable. Dans ce cas, elle a unesa- veur douce, délicate et agréable; au contraire, fabriquée avec peu de soin ou conservée pen- dant trop long-temps, surtout avec le contact de l’air, elle acquiert une odeur désagréable et une saveur forte, àcre et piquante, qu’on a désignée sous ie nom de rancidité. $ II. — De la récolte des olives. Dans tout le midi de la France on donne la préférence aux hailes qui ont le goût de fruit. On parvient à leur donner cette légère amer- tume en cueillant les olives avant qu'elles aient atteint leur complète maturité; telle est l'huile d'Aix en Provence, qui passe pour la meilleure de-ces huiles à goût de fruit. Néan- moins, ces huiles se dépouillent, avec l’âge, de cette légère amertume qui les fait rechercher des consommateurs. Au contraire, dans le nord de la France, on recherche davantage les huiles qui, à finesse égale, sont dépourvues de cette saveur de fruit, comme celle de Port-Maurice dans l’état de Gênes, et plusieurs huiles d'Italie, qu’on n'ex- trait des olives que lorsque celles-ci ont ac- quis le degré parfait de leur maturité. Les changemens de couleur, qui s’opèrent à mesure que l’olive perd sa couleur verte, ne sont pas exactement les mêmes dans tou- tes les variétés. On distingue néanmoins tou- jours 4 nuances principales : du vert l’olive passe au citrin, ensuite au rouge tirant sur le pourpre, au rouge vineux et enfin au rouge noir. Ce dernier terme est l’époque de leur véritable maturité. Les olives qui commencent seulement à changer de couleur, ou peu mûres, donnent une huile d’un goût âpre et amer. Les olives qui ont dépassé leur point de ma- turité fournissent une huile trop grasse, sans goût de fruit et disposée à prendre une sa- veur rance, quelque soin qu'on ait mis à la préparer. La récolte des olives se fait dansles mois de novembre et de décembre, et t’est à cetie 350 époque qu'elles ont acquis le degré de ma- turité qu’exige chaque espèce pour donner un produit de bonne qualité. Néanmoins, elles peuvent rester sur l’arbre Jusqu'en avril, mais passé l’époque de la maturité, la qualité du produit dégénère et l’on perd constam- ment sur la quantité par la chute des olives, qui se pourrissent à terre, et par les dégâts que causent les ciseaux et autres animaux. Pour faire la récolte des olives, on procède presque partout de la manière suivante. On commence par ramasser toutes celles qui sont tombées à terre, puis on cueille à la main les olives placées sur les rameaux les plus bas äes arbres. Cela fait, on étend des toiles sous ces arbres, et des hommes armés de gaules frappent à coups redoublés les rameaux char- gés de fruits. Cette méthode est extrêmement vicieuse, et les coups de gaule, en meurtris- sant lesolives, en les chassant souvent au loin, où elles éprouvent un nouveau dommage en tombant à terre, en y produisant des dé- chirures, les exposent, soit par la réaction des principes qui les composent et qui sont mis en présence, soit par le contact prolongé de l’oxigène de l'air sur la pulpe, à subir des al- térations spontanées qui, lorsqu'on ne les por- te pas de suite au moulin, font pourrir le fruit ou donnent à l'huile un goût rance et détes- table. En outre, en frappant ainsi les oliviers,on meurtrit les rameaux, on détruit les boutons à bois et à fruit, et on fait tomber les feuil- ies qui garantissent ces arbres contre l’ar- deur du soleil, en été, et les protégent en hi- ver contre les gelées. La meilleure manière de récolter les olives, c’est de les cueillir à la main; c’est la métho- de suivie dans les environs d’Aix, où les oli- viers sont tenus fort bas. Mais, même pour les oliviers de moyenne hauteur, comme sont la plupart de ceux du midi de la France, Ro- ZIER assure, d’après sa propre expérience, que la cueillette se fait très aisément à la main, au moyen de petites échelles légères, et qu’elle n’est pas plus dispendieuse que le gaulage, quand on y emploie des femmes et des en- fans. D'ailleurs, quand cette méthode, qui pa- rait plus longue, exigerait plus de frais, il est présumable qu’on en serait dédommagé par un produit de meilleure qualité et par une ré- colte plus sbondante en olives, dans les an- nées suivantes, sur des arbres qui n’auraient pas été mutilés. L’hebitude où l’on est aussi de mêler les olives tombées à terre avant la récolte et celles qu'on cueille ou qu’on abat sur l'arbre est encore blâmable. Ces olives tombées sont, la plupart du temps, piquées par les insectes, et ont éprouvé, par suite de leur chute ou de leur séjour sur le sol, des altérations plus ou moins profondes. Les expériences de PIEUVE ont prouvé que la chair des olives piquées par les insectes donnait moins d'huile et une hui- le de mauvaise qualité. Ainsi, lorsqu'on se propose de faire de bonne huile, il est rigou- reusement nécessaire que ces olives soient sé- parées des olives saines et qu’on les passe sé- parément au moulin. On doit, autant que la saison le permet, faire choix d'un beau jour pour la récolte des ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES HUILES GRASSES. LIV. LV. our les cueillir, si on tient à la qualité, avec a rapidité que permet le nombre de bras dont on dispose. Dans upe olivette dirigée par un cultivateur intelligent, il ne devrait y avoir que des oli- viers d'une même variété, et dont les fruits ar- rivent à maturité à la même époque; ce serait le moyen d’obtenir des huiles d’un goût plus pur et de saveur constante. Dans le cas où on aurait plusieurs variétés, on pourrait atten- dre, pour récolter les fruits, que chacune d'elles eût atteint sa maturité. Cette méthode paraît préférable à celle qui est suivie le plus généralement, et qui consiste à mélanger Les différentes espèces d’olives à divers degrés de maturité, pour en chtenir une buile d’un goû & mixte et à saveur de fruit, à laquelle les con- sommateurs sont accoutumés. On croit qu’il résulte de ce mélange une huile plus parfaite et qui se conserve plus iong-temps; mais c’est un fait qui nous parait mériter un nouvel examen. Soit que l’on cueille les alives à la main, soit qu’on les gaule, il faut avoir soin d’en sé- parer les feuilles, qui donnent à l'huile une ASE désagréable et qui n’est pas celle du ruit. $ III. — Des méthodes diverses de traiter les olives avant l'extraction. Lorsque les olives ont été récoltées au point de maturité convenable, comme nous l’avons dit ci-dessus, 1l faut les porter de suite au mou- lin; l'huile en est meilleure; mais lorsqu'elles ont été cueillies un peu avant la maturité, pour conserver à l’huile le goût de fruit, il faut, le Jouroù elles sont récoltées, les étendresur des toiles ; le soir on les transporte à la maison où on les étend de nouveau sur le plancher par lits de quélques centimètres d’épaisseur. Elles restent en cet état jusqu’à ce qu’elles com- mencent légèrement à se rider, ce qui a lieu dans 24 à 48 heures, suivant la saison et leur maturité. C’est quand elles sont arrivées à ce point de macération légère qu’on les porte au moulin. Ces méthodes sont celles en usage dans les localités dont les huiles sont les plus estimées, telles que les environs d’Aix, de Nice, de Mar- seille, de Grasse, etc., et chez tous les pro- priétaires qui tiennent à la qualité et veulent préparer des huiles fines pour les usages do- mestiques; mais, dans les autres endroits, où on tient moins à la qualité, on suit un procé- dé différent que voici. Les olives tombées et ramassées à terre de- puis quelque temps, ainsi que celles qui ont été abattues à la gaule, sont amoncelées, de- puis le 1°" jour de la récolte jusqu'à celui de l’extraction, dans des celliers ou des remises où se trouve une partie environnée de murs de tous côtés, excepté l’ouverture néces- saire au passage. Ces murs d'enceinte ont en- viron 4, 5 et 6 pi. de hauteur, et l'étendue de la surface qu’ils renferment est proportion- née à la quantité d’olives que l’on récolte ha- bituellement. Les olives accumulées ainsi les unes sur les autres, et qui restent souvent dans cet état pendant 8 ou 15 jours,etmêmedes mois entiers, s’affaissent et se meurtrissent oiives, et profiter de ceux qui se présentent ! sous leur propre poids; il s’en écoule une eau cap. 18*. de végétation brune ou de couleur vineuse, En cet état elles se macèrent, s’échauffent, éprouvent un mouvement de fermentation, et ne donnent plus, lorsqu'on les porte au moulin, qu'une huile d’une saveur forte qui n’est guère propre qu’à l'éclairage ou aux sa- vonneries. Ce sont les olives parvenues à ce degré d’altération qu’on a désignées sous le nom d'olives marcies. Les cultivateurs conservent encore le pré- jugé que les olives rendent plus d'huile quand on les a laissées marcir. Ce qui a contribué à propager cette erreur, c’est que l’olive marcie diminue considérablement de volume en se dépouillant de son principe aqueux et on con- çoit que si le fruit occupe un plus petit espace, esolives marcies doivent paraître plus produc- tives que celles étrités dans l’état de fraicheur; mais on n'obtient pas pour cela une plus gran- de quantité d'huile, parce qu'un volume donné d'olives qui ont subi cette sorte d’affaissement est le résultat de 1 volume 1/4 à 1 volume 1/2 d'olives fraiches; seulement, comme nous le verrons, l’extraction de cette huile dans l'olive marcie parait être plus facile que lorsque le fruit est à l’état frais. On s’est élevé avec beaucoup de force et de raison contre ce préjugé de faire marcir les olives, toutes les fois qu’il s’agit d’extraire de ce fruit une huile propre aux usages culinaires et à servir d’aliment aux palais les plus déli- cats; mais comme les huiles que le commerce et la consommation réclament n’ont pas tou- tes besoin de présenter les caractères suaves, la douceur et la finesse des huiles alimentaires, et qu'au contraire il se fait une bien plus grande consommation d'huiles moins fines et même d’une saveur rance, le cultivateur a dû chercher à satisfaire aux demandes des con- sommateurs en même temps qu'il cédait à des obstacles difficiles pour lui à surmonter; ainsi, avant de blämer la fabrication des huiles avec des olives marcies il faut nécessairement prendre en considération les circonstances suivantes. Dans les pays où l’on cultive l'olivier, l’ex- traction de l’huile dans les diverses commu- nes se fait dans un moulin banal qui ne s’or- ganise et ne se met souvent qu'assez tard en activité et où chacun est obligé d’attendre son tour. Il faut être riche et exploiter un vaste domaine pour avoir un moulin qui ne serve qu'a votre usage. Le cultivateur qui voit sa récolte parvenue à maturité préfère profiter des circonstances favorables pour la rentrer, plutôt que de la laisser exposée sur l’arbre à des chances plus désastreuses que le marcissemeni. La plupart du temps, le moulin banal est tenu si malproprement, toutes ses parties sont tellement imprégnées d'huile rance, et les travaux s’y exécutent avec tant de négligence, qu'on ne peut espérer pouvoir y préparer des huiles fines et de bon goût. En outre, les moyens mécaniques employés pour la pression y sont si imparfaits et les pressées faites avec tant de hâte, que des olives nou marcies n’y rendent qu’une faible quantité d'huile de 1r° qualité, le reste passant à la recense. Il est certain qu'avec des olives marcies la pression devient plus efficace et l’extraclion de Vhuile plus facile et plus complète. DE L'EXTRACTION DE L’'HUILE DES OLIVES. 351 « On ne peut guère, dit CnapraL dans sa Chimie appliquée à l'agriculture, condamner cette RTS parce que la consommation de l'huile se fait dans les savonneries, teintu- reries, ateliers de draperies, etc., où cette qua- lité d'huile est recherchée et préférée à l’huile fine, qui remplacerait imparfaitement les huiles grossières. Ainsi, en perfectionnant la fabrication, on en restreindra les usages. Sans doute, lorsqu'il s’agit de préparer l'huile pour nos usages domestiques, il faut tâcher de l'obtenir la plus pure qu’il est possible, mais lorsqu'on la destine aux procédés de l’indus- trie, par exemple à la fabrication du savon, il est avantageux que l’huile soit combinée avec une portion de mucilage. » Ajoutons enfin qu’il est quelques contrées très peuplées, en Italie, en Espagne et dans le Nord, où l’on donne la préference aux huiles qui ont une saveur forte et âcre sur celles que nous regardons comme les plus fines et les plus délicates. Une fois qu’il est reconnu que le marcisse- ment des olives est parfois une opération forcée, qu’il est sans inconvénient pour les huiles qu’on destine à des usages industriels et même quelquefois utile, il ne s’agit plus que d’en régulariser la marche, pour ne pas dé- truire par une fermentation trop vive une partie de l'huile que contiennent les elives. Voici, à ce sujet, les précautions qu’on recom- mande. A mesure qu'on receuille les olives, on doit les renfermer dans des endroits non humides et pavés, mais jamais sur la terre, où elles contracteraient de l'humidité. La pièce où on les renferme doit.être spacieuse et bien aérée. Si les olives sont mûres et que l’année ait été humide, si elles ont été récoltées avec la pluie dans des terrains gras et riches, il ne faut pas les entasser sur plus de 2 pieds d'épaisseur. Si au contraire les olives ont été cueillies vertes et avec un temps sec, après une saison non luvieuse, et dans des terrains arides, on peut es accumuler davantage, leur donner une plus grande épaisseur et les laisser plus long-temps avant de les porter au moulin. Les olives ainsi accumulées doivent être visi- tées plusieurs fois par jour, pour cousulter les thermomètres qu’on aura déposés en di- vers endroits à l’intérieur de la masse. Tant que ces thermomètres marquent une chaleur ‘sale ou seulement de quelques degrés supé- rieure à celle de l’atmosphère, il n’y a rien à craindre; mais si cette température s'élève sensiblement, il faut porter lesolives au mou- lin, ou, si cela n’est pas possible, les étendre en couches plus minces quand l’espace le per- met. Pour conserver plus efficacement les olives, il convient de les déposer sur des planchers à claire-voie ou au moins sur des fagots ou des sarments, qui permettent à l'air de pénétrer par-dessous, et d'établir au besoin des courants dans les parties du monceau qui tendent à s’échauffer le plus. $ IV.—Des machines et ustensiles employés à l’ex- traction de l'huile. Les machines et ustensiles dont on se sert dans l'extraction de l’huile d'olive sont encore, dans la plupart des localités, dans un état d'im- 3252 perfection qui réclame des améliorations. On trouvera le modèle de quelques-unes des ma- chines, qu’il serait important de substituer à celles en usage, dans la section suivante, qui traitera de la fabrication des huiles de graine. Pour le moment nous nous contenterons de décrire en peu de mots celles qui sont géné- ralement usitées. Les olives sont d’abord étritées, c’est-à-dire réduites en pâte dans un moulin qui ressemble à celui qui sert à écraser les pommes (fig. 255, p. 258), excepté que la meule tournante et ver- ticale en pierre est enfilée sur un bras delevier fixé par un bout dans un arbre vertical tour- nant; qu'elle est plus rapprochée de cet ar- bre et qu’elle roule et tourne en même temps sur elle-même, non pas dans une auge, mais sur une meule gisante également en pierre, environnée par un plan légèrement incliné en maçonnerie de 2 pi. d'épaisseur, recouverte de planches épaisses fortement clouées et assem- lées. La hauteur de ce talus est d'environ 6po.Un hommearmé d’une pelle repousse sans cesse sous la meule la pâte qui s’en est écartée en tournant. Une mule, un cours d’eau, ou tout autre moyen mécanique, sert à mettre ce moulin er action. On verra, lorsque nous décrirons le moulin hollandais, combien il est supérieur à cette machine, pour la parfaite trituration et l’éco- nomie de la main d'œuvre et du travail, et combien il serait avantageux de le substituer à celle-ci dans nos ateliers du Midi. Les piles sont des bassins en pierre placés près du moulin, dans lesquels on dépose la pâte des olives triturées. On donne le nom de cabas ou scouffins à des espèces de paniers ou sacs plats, ronds ou car- rés, en sparterie, formant une poche, ouverts à la partie supérieure d’un trou rond, et dans lesquels on charge la pâte des olives que l’on veut soumettre au pressoir. Les cabas offrent plusieurs inconvéniens ; d’abord on est obligé de les tirer de l'étranger (de l'Espagne); en se- condlieu. lamatière colorantedes tiges du spar- te, et un principe particulier sapide qu'elles renferment, se séparent du stipe surtout quand les cabas sont neufs, colorent l’huile et lui donnent une saveur âpre et amère ; 1ls sont difficiles à nettoyer et à tenir dans l’état néces- saire de propreté; enfin ils ne résistent pas à une forte pression ets’opposent par conséquent à ce qu'on puisse soumettre les olives à des pressoirs où machines énergiques. On peut les remplacer, comme on l’a fait déjà dans quelques endroits, par des sacs en toile ordi- naire ou en treillis, ou des sacs de laine enve- loppés de sacs de crin, comme dans Ja fabrica- tion des huiles de graines. Les pressoirs varient suivant les pays; mais celui qui est le plus généralement employé dans la Provence et le Languedoc est le pres- soir dit à grand banc, qui ressemble beaucoup au pressoir normand (fig- 257, p. 259) pour fabriquer le cidre, et, de même que lui, opère la pression par un long levier, dont une des extrémités s’abaisse ou s’élève par les mouve- mens circulaires qu’on imprime à une vis, au moyen de leviers qui passent dans les ouver- tures pratiquées à sa tête. Cette machine est ordinairement établie sur un massif en ma- connerie, dans lequel se trouve établie une ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES HUILES GRASSES,. LIV.EV: 1 cuvette ou récipient qu’on remplit d’eau aux 2/3 et où se rend l’huile qui coule du pressoir. Un robinet, placé au fond de cette cuvette, permet au liquide qu’elle con- tient de s’écouler dans une 2° cuvette, et celle-ci, au moyen d’un autre robinet, qu’elle porte aussi près de son fond, verse à son tour ce liquide, par un canal, dans l’enfer. On don- ne ce nom à une vaste citerne voûtée, qui tient exactement l’eau et dans laquelle on descend par un escalier. Ce pressoir serait avantageusement rem- placé, soit par ceux dont nous avons donné la description (fig. 212, 213, 214, p. 200, 201), soit par les presses à coins de la Flandre, dont il sera parlé plus loin, soit enfin par une presse hydraulique analogue à celle qui sert dans la fabrication du sucre de betteraves (fig. 279, p. 281). Les patelles sont des espèces de cuillères de cuivre, très plates, qui servent à lever l’huile dans les cuvettes. Enfin, il y a dans un atelier d'extraction une chaudière et son fourneau, qui servent à chauffer l’eau pour échauder, comme nous l’expliquerons plus loin, des pompes, des can- duits d’eau, des tonneaux ou des jarres et de menus ustensiles. Une condition essentielle pour l’extraction de l'huile des bonnes olives et pour obtenir un produit de la fre qualité, c’est que le mou- lin, les scouffins, le pressoir, les récipiens et les ustensiles soient de la plus extrême propre- té. Tous ces objets s’imprègnent naturelle- ment d'huile qui, par le contact prolongé de Pair, ne tarde pas à passer à l’état de rancidi- té. Cette huile rance, lorsqu'on fait travailler ensuite les machines de l'atelier, communique sa saveur à la nouvelle huile qu’on extrait, ou bien, déplacée par elle, se mêle dans la masse, et, quoique en très petite quantité, suffit pour en altérer considérablement la qualité. Il est vrai que, dans un moulin banal, il n’est pas toujours facile d’obtenir cette pro- preté indispensable pour la fabrication de l'huile fine et de bon goût. Les cultivateurs ne portent la plupart du temps au moulin que des olives pourries et ramassées à terre, non müres où le plus souvent altérées par une fermentation trop forte et trop prolongée, dont on n’extrait qu’une huile rance qui im- prègne les scouffins et les vases et ne permet plus de les faire servir, sans des frais assez considérables d’assainissement, à l’extraction de l’huile fine. Dans beaucoup de ces ate- liers, la négligence est même poussée au point qu’une couche épaisse de débris du pa- renchyme des olives couvre les meules, les scouffins et le pressoir, y forme une croû- le de crasse et de matière fermentescible, qui altère, sans espoir de remède, toute huile avec laquelle elle se trouve en contact. On ne peut donc espérer d’extraire une huile de 1° qualité que quand on est pro- priélaire d’un moulin, ou dans les cantons où la masse des cultivateurs tient exclusivement, comme à Aix, à obtenir une huile suave, fine et délicate. Pour enlever les matières fermentescibles et l'huile rance qui imprègnent leurs appareils, les propriétaires de moulins banaux se conten- tent de les faire laver à l’eau bouillante et de ? 18°. tremper les cabas dans l’eau ; mais il est aisé de voir combien ce mode d'assainissement est imparfait et combien il est insuffisant pour remédier au mal qu’on veut éviter. Le moyen le plus efficace pour assainir les ap- pareils consiste à former une lessive causti- que avec de la potasse, ou mieux un sel de soude, dans la proportion de 3 à 4 kilogr. de ce sel dans 100 kilogr. d’eau, à porter cette lessive à l’ébullition, et, pendant qu'elle est bouillante, à en arroser, avec une brosse ouun balai, les meules du moulin, ses rebords, les diverses pièces du pressoir, les piles, les cuvettes, etc.; puis à frotter toutes ces par- ties avec force, pour enlever toute la cou- che de débris qui les souille et saponifier l'huile dont elles peuvent être imprégnées. Les cabas sont traités de la même manière, ou mieux jetés dans la lessive bouillante. On répète ces opérations tant que ces objets ne sont pas de la plus grande propreté; puis on les lave avec une grande quantité d’eau chaude, pour enlever l’émulsion qui s’est for- mée, et jusqu'à ce que le tout soit bien net et sans odeur, et enfin on laisse sécher pen- dant quelques jours. Si après ce temps les us- tensiles présentaient encore une odeur forte et peu agréable, un lavage à l’eau, dans la- uelle on aura dissous 1 kilogr. de chlorure e chaux pour 100 kilogr. d’eau, suffira sans doute pour compléter l'assainissement. Un rinçage abondant à l’eau froide et un courant d'air vif, pendant plusieurs jours, suffiront pour enlever enfin jusqu'aux moindres traces de l’odeur du chlore, qu’il faut éviter de don- ner à l’huile. CAP. $ V. — Du mode d'extraction de l’huile. Passons maintenant à l’extraction de l’huile des olives. Lorsqu'un cultivateur juge que ses olives sont arrivées au point de maturité, ou sont suffisamment marcies pour qu'on puisse en extraire l’huile, ou lorsque son tour est arri- vé, ces fruits sont portés sur la meule gisante d’un moulin et répandues sur sa surface; la meule est aussitôt mise en mouvement pour écraser l’olive, son noyau et l’amande qu’il contient, et réduire le tout en une espèce de pâte. En général, cette opération, qu’on nom- me étriter, est mal faite dans les moulins or- dinaires, et le parenchyme de l’olive n’est pas assez trituré pour rompre toutes les cellules qui contiennent l’huile et permettre son écou- lement. Toute la masse desolives, étant ainsi réduite en pâle ou étritée, est enlevée sur le moulin et jetée dans les piles ; là, des ouvriers la re- prennent et en remplissent les cabas, qu sont aussitôt portés au pressoir.Ces cabas pleins de pâte étant placés, au nombre de 18, les uns sur les autres sur la maie du pressoir, on fait immédiatement agir celui-ci en tournant les leviers qui passent dans la tête de la vis. L’hui- le coule en pelite quantité sur cette maïie, et de là dans la 1r° cuvette, qui est remplie d’eau aux 3/4. Cette 1" pressée devrait être faite avec len- teur et successivement, pour donner à l’huile le temps de se dégager de la masse pâteuse et de s’écouler; autrement cette huile ne peut AGRICULTURE. DE L'EXTRACTION DE L'HUILE DES OLIVES. 353 lus se frayer un chemin, et le tourteau, imbi- bé de liquide qui ne trouve pas d’issue, de- vient un corps élastique qui résiste à la pres- sion et la rend de nul effet. L'huile qui s'écoule ainsi des olives de bonne ualité, récoltées avec soin, müres à point, et ans des moulins, des cabas et des pressoirs propres, forme ce qu’on nomme l'huile vierge surfine et fine; c’est celle qui est la plus recher- chée pour les usages de Ia table dans la plus grande partie de la France. Cette huile vierge, quand elle est extraite d’olives piquées, mar- cies ou pourries, et dans des ateliers sa- les et mal tenus, n’est plus qu’une huile com- mune, dite mangeable quand elle peut encore servir aux usages alimentaires, et marchande quand elle n’est propre qu’aux savonneries et autres fabriques. La pâte contient encore une grande quan- üté d'huile qui n’a pu couler, soit par les rai- sons alléguées ci-dessus, soit parce qu’elle est mêlée à l’albumine végétale qui augmente sa viscosité. Pour en obtenir encore une portion d'huile, on a recours à une opération qui con- siste à desserrer le pressoir, ouvrir les cabas aplatis, briser les tourteaux ou grignons, et placer au furet à mesure ces cabas en pile sur le bord du pressoir, du côté de la chaudière. Alors l’ouvrier charge du soin de cette chau- dière et du feu, verse une mesure d’eau bouil- lante dans chaque cabas; on remonte ceux- ci sur le pressoir et on presse, comme la 1re fois. Dans cetie opération, qui est nommée échauder , l’eau, portée à la chaleur de l’ébulli- tion, délaie la masse du tourteau, rend l’huile plus fluide et la dégage de l’albumine, qui se coagule à cette température. Dès que l’eau mêlée avec l’huile commence à couler sur la maie du pressoir, le maître ouvrier ferme l’ouverture de celle-ci, qui communique avec la 1re cuvette, puis, avec une patelle, enlève l’huile vierge qui surnage l'eau de cette cuvette. Dans un atelier bien monté, il serait nécessaire d’avoir ainsi plu- sieurs cuvettes, pour donner à cette huile le temps de monter entièrement à la surface par le repos. La plupart du temps on ne met pas assez d’intervalle entre les pressées et les levées pour que cette séparation soit com- plète. Lorsque l’eau de la 1" cuvette ne fournit plus d'huile, on onvrele robinet placé au fond de ce vase, et l’eau huileuse s’écoule dans la 2e cuvette; on referme le robinet et on enlève le bouchon qui fermait louverture qui com- munique avec le pressoir ; l’eau mêlée d'huile, qui s’écoule des cabas, passe dans cette 1° cu- vette, où la séparation se fait pendant qu’on procède à un second échaudage, qui se donne comme le 1er, Tandis qu’on replace les cabas sous la presse, un ouvrier lève sur la 2e cu- vette l’huile vierge qui s’est encore élevée à la surface, puis ouvre le robinet par lequel toute cette eau s'écoule dans lenfer. II lève de la même manière l’huile échaudée qui s’est séparée sur la 1r° cuvette, et en fait passer l’eau dans la seconde. Le 2° échaudage termi- né on en fait souvent un 3°. L'huile qui coule des cabas qui ont recu Veau chaude, et qui est dite huile échaudée, est aussi de l’huile fine, quoique moins délicate que l’huile vierge, quand elle est extraite avee TOME III. — 45 354 ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES BUILES GRASSES. les précautions convenables et avec de bon- nes olives, et de l'huile commune quand elle est préparée dans les conditions qui ne peu- veut fournir que des huiles de cette qualité. On la méle la plupart du temps avec l’huile vierge. : Un perfectionnement important qu’on ourrait introduire dans l'extraction de l’hui- e d'olive serait, au lieu d’échauder immédia- tement le marc après la {re pression, de re- prendre celui-ci et de le faire passer une 2° fois au moulin, pour en écraser et triturer les por- tions qui auraient échappé à la meule, à la ire. On aurait ainsi une 2° pression d’huile vierge, après laquelle on pourrait échauder. Il y aurait pent-être aussi un perfectionne- ment à introduire dans cet échaudage, et qui consisterait. au lieu de verser de l’eau chaude dans les cabas, à soumettre ceux-ci, après qu'on en aurait émotté avec soin les tour- teaux, à l’action de la vapeur d’eau, dans un coffre semblable à celui dont M. Demesmay s’est servi pour l'extraction du jus de la pulpe de betteraves (voy. p. 282, fig. 280 ). Les olives, ainsi qu’on vient de le voir, sont broyées avec leur noyau, ainsi que l’amande qu’il contient, et la masse que forme le tout est soumise au pressoir, Cette méthode offre des inconvéniens qu’il peut être utile de si- gnaler : Le bois du noyau, qui est fort dur et qui résiste souvent à la meule, s’oppose à la parfaite trituration des olives et au broiement complet de leur chair; ses débris anguleux détruisent les scouffins et ne permettent pas d'appliquer une pression assez energique pour obtenir une plus grande quantité d'huile vierge; la division de la pâte qu’ils opèrent, dit-on, et la plus grande facilité qu'ils don- nent ainsi à l'huile de s’écouler, ne paraissent pas des faits bien avérés. Quoiqu’on ait avancé que le bois du noyau renferme de l'huile, il paraît bien démontré, d’après les expériences d’Amoreux, que ce bois, au contraire, absorbe en pure perte une partie notable de l'huile du parenchyme. Ces faits sembleraient donc exiger, pour améliorer la fabrication de l'huile fine, qu'on fit une séparation de la chair et du noyau de l'olive. A cet effet, plusieurs fabricans où mé- caniciens, et PIEUVE entre autres, ont inven- té des appareils mécaniques qui opèrent cette séparation ; mais ces appareils ont eu jusqu'ici peu de succès, d’abord parce qu’ils augmen- tent la main-d'œuvre el les frais, et ensuite parce que leur action étant imparfaite et sur- tout lente et prolongée, l’olive élritée est ex- posée pendant long-temps au contact de l'air et éprouve des altérations qui nuisent à la qualité du produit. L’amande du noyau fournit une huile dou- ce qui ne paraît pas nuire à celle du fruit. VI. De la falsification de l'huile d’olive. On falsifie principalement l’huile d'olive à manger avec l’huile de pavot, d’œillet ou œil- Lette. Cette huile, d’une saveur douce, sentant la noisette, d’une couleur jaune-pâle et d’une odeur nulle, et n'ayant aucune tendance à la rancidité, est très propre à cet usage ; cepen- dant sa fluidité est plus grande que celle de LIV. IV. l'huile d’olive. On peut découvrir la fraude de diverses manières. Lorsqu'on agite de l’huile d’olive pure, sa surface reste lisse; au contraire, son mélange avec l'huile de pavot se couvre de bulles par agitation, ce que les commercçans appellent faire le chapelet. L'huile d'olive se fige complètement lors- qu'on plonge dans de la glace pilée une fiole qui en est remplie; elle ne se fige qu'en partie, si elle est mêlée à une petite quantité d'huile de pavot, et si cette dernière forme le tiers en volume, le mélange ne se fige pas du tout. \ M. Rousseau a inventé un instrument, qu'il appelle diagomètre, qui démontre que la fa- culté de l'huile d'olive pour conduire l’élec- tricité est si faible qu’en la comparant à celle des autres huiles on peut estimer qu’elle agit 675 fois moins qu’elles sur une aiguille ai- mantée. Malheureusement cet instrument n'est pas d’un emploi usuel. M. Pourer, de Marseille, a trouvé un pro- cédé chimique à l’aide duquel on découvre la sophistication de l'huile d'olive. Ce procédé consiste à agiter avec {2 parties d'huile d’o- live pure ou mélangée 1 partie d’une dissolu- tion mercurielle, faite à froid, au moyen de 6 parties de mercure et de 7 parties 1/2 d’acide nitrique à 38°. Si l'huile est pure, la masse est solidifiée entièrement du soir au lendemain ; si elle contient 1/10 seulement d'huile de pa- vot, le mélange n’a que la consistance légère de l’huile d'olive figée; et dans le cas où la proportion est plus forte, on juge approxima- tivement de la quantité d'huile de pavot ajou- tée par celle de l'huile liquide qui surnage le mélange, en opérant dans un tube gradué. Enfin, M. Fézix BoupET a reconnu que dans l'emploi du nitrate acide de mercure, de la manière qui vient d’être décrite, c'était l’acide hyponitrique qu’il contient qui était le vérita- ble et unique agent de la solidification de l’hui- le d'olive, et que cet acide volatil, mélangé avec 3 parties d’acide nitrique à 38° pour lui donner plus de fixité et parvenir à un dosage exact, suffisait, à la dose d’un demi-centième, pour solidifier l'huile d’olive et apprécier des doses d'huile de pavot qu’on y a mélangées, bien moindres qu'un dixième de leur poids. $ VII. — De l'huile d'olive dite d'enfer. L’eau qui s’est écoulée dans l’enfer contient une quantité notable d'huile qui n’a pas eu le temps de s’écouler à la surface ou qui a été re- tenue en suspension par le mucilage. Lorsque cette eau est abandonnée au repos pendant un certain temps, le mucilage se précipite au fond, et l'huile qu’il contenait vient former une nap- pe à la surface. Cette huile, recueillie à cer- tains intervalles, forme ce qu’on appelle l'huile d'enfer. ; Cette huile d’enfer est d’une couleur jaune verdâtre et plus ou moins transparente; elle est employée dans la fabrication des draps et dans celle des savons. Pour donner à l'huile le temps de monter et ne pas être obligé de vider trop fréquem- ment enfers surtout quand il est petit, et en- fin pour avoir à recueillir une couche plus épaisse d'huile, cette citerne offre souvent une disposition analogue à celle du récipient CHAP. 1 8e. florentin, dont nous parlerons au chapitre qui traitera de l'extraction des huiles essentielles. Cette disposition consiste ici en un siphon, dont une des branches, qui est verticale, des- cend jusqu'à une certaine distance du fond de la citerne; l’autre branche est horizontale ou légèrement inclinée et placée à la partie supé- rieure de la citerne; elle traverse la maçon- nerie et s'ouvre en-dehors pour déverser l’eau. On conçoit maintenant que si on verse une eau chargée d'huile dans la citerne, il n’y au- ra aucun déversement au dehors tant que ce récipient ne sera pas rempli; l'huile montera à la surface et y formera une couche plus ou moins épaisse; mais si On y verse une nou- velle quantité d’eau huileuse, il y aura aussi- tôt, d’après le principe de l’équilibre des flui- des, déversement par le siphon horizontal, et ce ne sera que l’eau dépouillée d’huile du fond de la citerne qui aura monté par la branche verticale du siphon. De cette manière l’eau s’écoule et la couche huileuse s’accroit jusqu’à ce qu’on Juge nécessaire de l’enlever. Quel- quefois aussi le canal ou siphon qui amène l’eau dans l’enfer plonge, par une de ses bran- ches, jusqu’au fond de cette citerne, et lors- qu’on y fait décharger l’eau de la 2° cuvette, ce liquide remue tout le dépôt qui s’est formé au fond de la citerne et favorise ainsi le dé- gagement et l’ascension de l'huile. $ VIII. — De l'huile de marc d'olive, dite recense, Les tourteaux ou grignons &e marc d'olive contiennent encore, par suite de l’imperfec- tion des machines et des procédés, une grande quantité d'huile qu’il est avantageux de re- cueillir et dont l’extraction a donné lieu à la formation de grands établissements, connus sous le nom d’ateliers ou moulins de recense. L'effet de la recense est de séparer, par des manipulations répétées, la pellicule et la chair de l’olive, en état de grignon , d'avec le bois de son noyau dénudé, et de les soumettre à ‘ine nouvelle opération qui enlève les dernie- res fractions d'huile dont ces parties molles sont encore imbibées. La théorie en est fon- dée sur la rupture plus complète des cellules qui contiennent l'huile, et sur ja séparation des noyaux, qui s’opposaient à une pression plus énergique. Les ateliers de recense deviendront probablement sans but dès qu’on établira des moulins d'extraction d’après les procédés per- fectionnés connus aujourd’hui. Un atelier de recense n’a pas besoin d’un grand nombre de machines ou ustensiles, et on se fera une idée de ceux qui sont néces- saires dans la description que nous allons donner de cette opération, en prenant pour uide le mémoire estimable que M. Pourer, de Marseille, a publié sur la fabrication des huiles. Les diverses opérations usitées dans une fa- brication de recense peuvent se réduire aux suivantes : 1° Immersion des grignons dans l’eau froide; 2° séparation des pellicules et du parenchyme d’avec les noyaux, par la meule et la machine appelée débrouilloir ; 3° enlève- ment des pellicules et d’une matière grasse sur la surface du réservoir ; 4° mélange de ces matières et chauffage dans l’eau bouillante ; 5° mise au pressoir et pression subséquente. DE L’EXTRACTION DE L’'HUILE DES OLIVES. 358 1° L'immersion. Il est d'une extrême impor- tance de ne pas retarder cette opération es- sentielle. Dès l'instant que les grignons sont arrivés à la fabrique, et le plus tôt possible après les pressées , il faut les placer dans des réservoirs disposés à cet effet, et les abreuver d’eau froide, Cette opération a pour but d'em- pêcher la fermentation qui ne tarde pas à s’é- tablie dans les grignons entassés, pour peu w’on les laisse dans cet état. Des observa- tions multipliées ont prouvé que la chaleur produite par celte fermentation détruit jus- qu'aux dernières fractions d’huile que les gri- gnons peuvent contenir. Pour que l’imbibition soit compiète , dès qu’une partie des grignons est versée dans le réservoir, un ouvrier y descend, et, par le moyen d’une bêche , les étend par couche et y trace des sillons , pour répandre de tous cô- tés l’eau qui est introduite ; en même temps il pétrit le tout ensemble, et ainsi de suite à chaque couche nouvelle, jusqu’à ce que le ré- servoir soit rempli. 2° Le débrouillement ou dépouillement est opéré par deux machines contiguës, dont l'action successive , quoique simultanée, est entretenue par le même moteur, qui est un mulet , un cours d’eau, ou une machine à vapeur. Le 1° de ces mécanismes consiste en une meule verticale qui roule sur une meule gi- sante, comme dans le moulin à huile ordi- naire. Cette meule se meut dans un puits ou tour ronde, en pierre de taille, en maçonne- rie, en bélon ou en bois, cerclée en fer, ou l’on dirige un courant d’eau froide. Les gri- gnons portés sous cette meule y sont divisés, par une trilturation nouvelle , jusqu’au mo- ment où, celle-ci étant jugée suffisante, on les transporte au second puits. Dans les anciens moulins de recense, il fal- lait enlever cette matière avec des pelles et la jeter dans le second puits , ce qui exigeait beaucoup de temps et de bras ; dans les con- structions nouvelles, les grignons triturés tombent d’eux - mêmes par une trappe ou porte dans le second puits où est établi le débrouilloir. Ce débrouilloir consiste de même en un puits ou une tour construite avec les mêmes matériaux, et renfermant de même une meule gisante et une meule verticale tournante, en pierre lisse et polie. Cette dernière à 6 à 8 po. d'épaisseur , 3 à 4 pieds de hauteur , et plus elle est pesante, mieux le marc est ré- duit en pâte fine. L'arbre vertical du mé- canisme est armé, dans la partie qui se meut dans l’eau , de barres de bois qui divisent la pâte, de manière que les pellicules, le parenchyme et une petite quantité d'huile sont amenés à la surface de l’eau , tandis que le bois des noyaux se précipite au fond. Les substances légères, soulevées par l’afflux con- tinuel de l’eau, sont entrainées dans un canal de dégorgement , qui part du bord supérieur du puits et qui les conduit doucement dans un {+ réservoir ou bassin où commence la sé- rie des lavages. Les débris des noyaux dépouil- lés du parenchyme, et qui se sont précipités au fond du puits, sont, lorsque l’eau affluente r’entraine plus de pelliculesde chair ou de l'hui- le, évacués au moyen d’unepetite vanne et 356 reçus, avec l’eau qui les chasse, dans un bas- sin particulier, où ils abandonnent encoreune petite quantité d’huile, qu’on recueille, puis desséchés pour servir de combustible. 30 Lavage. Le lavage précède l’enlèvement des pellicules et du parenchyme huileux sur la surface des réservoirs; plus il est abondant, plus cette opération est facile et productive. Il s'exécute au moyen d'une suite de bassins en maçonnerie, en béton ou en briques, qui communiquent entre eux par des siphons pratiqués dans l’épaisseur des murs; de ma- nière que l’eau qui s’y précipite laisse monter à sa surface les substances qui n’ont pas sa pe- santeur spécifique et s’échappe elle-même par l'ouverture inférieure du siphon, en entrai- pant encore avec elle une portion de ces ma- tières dans les réservoirs suivans. Dans les localités où lon a l’avantage de posséder un courant d’eau rapide et assez considérable, on établit une longue série de bassins; l'opération est d'autant plus parfaite que la quantité d’eau est plus grande. Cette eau peut être douce où salée, et une manufacture de la Ciotat, qui éprouvait parfois une diseite d’eau douce, a eu l’idée d'employer l’eau de mer aux opéra- tions de lavage et y a trouvé de l’avantage. Quelque soin que l’on prenne à recueillir les matières qui surnagent sur les bassins des ateliers de recense, il se perd encore une quantité considérable d'huile avec les eaux qui sortent du &ernier réservoir. Pour obvier à ce déchet, le propriétaire de la recense de la Ciotat, que nous venons de citer, a fait pla- cer aux limites de ses réservoirs une pompe à chapelet, qui fait remonter dans de nouveaux bassins l’eau qui a servi déjà aux lavages. 4° Chauffage. Cette opération consiste à faire bouillir, dans des chaudières, les pellicules et la matière onctueuse qu’on a ramassées avec des écumoirs ou des tamis sur les réservoirs du lavage à l’eau douce ou salée. Ce chauf- fage a pour but de faciliter l'extraction de l'huile ; les matières, rapprochées par l’évapo- ration et pétries, sont distribuées dans les scouffins de sparte, pour êtresoumises au pres- soir, comme la pâte ordinaire d'olive. 5° De la pression. Les pressoirs ne diffèrent pas ordinairement de ceux à huile ordinaire; quelquefois, cependant, ce sont des presses à vis dont on fait usage. La pression doit être puissante, mais cependant ménagée. Une pres- sion puissante est avantageuse pour le pro- duit, mais détruit en peu de temps les meil- leurs scouffins; il vaut mieux laisser reposer les matières soumises au pressoir et revenir de temps à autre à la barre. On a essayé de faire bouillir encore une fois le contenu des scouffins exprimés au pres- soir de la recense, et de les soumettre à une nouvelle pression. On obtenait encore une quantité notable d'huile, mais le produit ne paraît pas compenser les frais de l'opération et de la destruction des machines, résultat d’une pression trop forte. Des différentes huiles de recense et de leur fa- brication. Les huiles dites recenses sont di- visées en 2 genres, lampantes et marchan- des. : On entend par lampante une huile transpa- rente. Dans cet état, les huiles ne portent le nom de recenses que lorsqu'elles ont été ex- ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES HUILES GRASSES. LIV, IV: traites du 1% produit des grignons mal élabo- P 5 rés, et recelant encore une assez grande quan- tité d'huile. Ces recenses sont d’un jaune ver- dâtre et presque diaphanes; elles ont une odeur forte. La quantité répandue dans le commerce n’est pas considérable, en ce que leur limpidité permet de les combiner avec l'huile commune ou marchande destinée à la fabrication &es savons. On comprend parmi les recenses marchandes celles qui sont troubles en général et plus ou moins épaisses. Ces &ernières sont, le plus sou- vent, vertes ou brunâtres. Cette couleur ver- te, qui caractérise la généralité des recenses, est due au principe végétal contenu dans la pellicule de l’olive. C’est par l'élaboration et la trituration que subit la pellicule, que la molière colorante, à laquelle M. CnEvREuz a donné le nom de viridine, se combine avec l'huile. Quelquefois les grignons sont altérés, et alors les recenses sont brunâtres. Les re- censes marchandes sont très répandues dans le commerce, et il y en a de tellement épais- ses, par suite de la congélation de la stéarine, qu’elles ressemblent à du petit suif. On falsifie de plusieurs manières les recen- ses, et celles de la rivière de Gênes en parti- culier sont souvent allongées avec des subs- tances qui en augmentent la densité; quelque- fois on y mêle du lard fondu, quand son prix est inférieur à celui des recenses.Les moyens chimiques peuvent difficilement faire recon- naître cette falsification. D’autres y combinent de la farine sous forme de collegrumeleuse ; on peut découvrir cette substance par 2 moyens; le 1er en divisant dans l’eau froide cette huile falsifiée ; la matière amylacée ou les enveloppes de Pamidon se précipitent au fond du vase; le 2° en mettant un peu de cette huile dans une assiette de terre cuite et en y faisant bouillir l'huile. Si celle-ci est pure, elle reste liquide et transparente, quoique très colorée; si au contraire elle se convertit partiellement en une matière de la consistance d’un beignet, c’est une preuve que la recense contient de la colle de farine. L’iode, par les réactions qu’il donne avec l’amidon, ainsi que nous l’avons fait connaître p. 328, serait aussi propre à découvrir les tra- ces de cette substance. Quoique l’eau, qui est nuisible aux recenses, soit le principal objet de la cupidité des mar- chands, ces dernières en contiennent toujours une certaine quantité, par suite des lavages qu’elles éprouvent pendant leur fabrication. On juge de la quantité plus où moins grande d’eau qu’elles peuvent recéler en plongeant dans la recense un morceau de papier roulé et en l’exposant à la combustion sur une lampe; l'huile pétille assez fortement si elle contient de l’eau, et brüle au contraire sans bruit si elle en est exempte. 1 Pour mieux juger de la quantité d’eau que les recenses contiennent ordinairement, on en remplit aux 2/3 un bocal cylindrique qu’on expose pendant 2 heures à l’action d'un bain- marie. Pendant le chauffage on a soin de faire circuler une tige de bois sur les parois inté- rieures du bocal. Ce moyen facilite le dégage- ment de l’eau et des matières féculentes rou- geâtres qui se tronvent dans les recenses épaisses. On juge des quantités d'eau et de cHaAP. 18°. fécule qu'elles recèlent d’après le volume que ce liquide trouble occupe au fond du bo- cal. Ce moyen est très propre à faire apprécier la qualité des recenses livrées aux fabricans de savons. $ IX. — De la conservation et du commerce de l'huile d’olive. La conservation de l'huile, après qu’elle a été exprimée des olives, est un des principaux soins de sa fabrication. Aussitôt que l'huile est extraite on la ren- ferme dans des jarres de grès ou réservoirs bien propres et placés dans des appartements exposés au midi, que l’on ferme exactement dans le temps froid, qui empécherait l’isole- ment des corps qui troublent sa transparence, et dont le contact prolongé avec l'huile gelée peut nnquer à cette dernière une saveur plus ou moins désagréable. Pour prévenir cet inconvénient on peut se servir d’un moyen quelconque de chauffage qui entretienne la température de 14 à 16°. Il est essentiel de maintenir la fluidité de l’huile, afin que la lie puisse se précipiter au fond. Lorsque l'huile est clarifiée et bien transpa- rente, ce qui arrive ordinairement vers la fin de juin, surtout si elle n’a pas été congelée peadant l'hiver, on transvase toute la partie supérieure et claire dans d’autres jarres. Les portions de ce liquide encore troubles sont réunies en un seul vase pour déterminer la précipitation de la lie et isoler ensuite l'huile claire d’avec les dépôts, qu’on vend sous le nom de crasses. Ce second produit de l'huile porte le nom de fin fond et celle qui a été soutirée la 1ee s’appelle superfine; l'huile du second pro- duit est bonne, mais sa qualité est touiours un peu inférieure à l’autre. Lorsque la séparation de lalie d'avec l'huile pure s’opère lentement, on procède à une 3° décantation de ce liquide vers le milieu de septembre. Ce 3° produit, quoique très infé- rieur aux deux 1‘, est néanmoins mangeable, parce qu’il n’est pas encore infecté de mauvais goüt et de l’odeur désagréable qu'un séjour prolongé avec la lie communique ordinaire- ment à l'huile. L'huile clarifiée et décantée doit être gar- dée dans des lieux qui ne sont ni trop chauds l'été, ni trop froids l'hiver; les 2 extrêmes nuisent à sa transparence et à la délicatesse de son goût. Au reste, on sait que plus l’huile vieillit, plus elle se décolore et plus elle perd de sa finesse et de ses autres qualités. On sait aussi que l'huile en contact avec l'atmosphère ne peut se conserver bien long-temps et qu’elle éprouve de la part de l’oxigène des altérations qui la rendent impropre aux usages de la ta- ble. On peut aisément retarder cette altéra- tion en la renfermant, après qu’elle a été pu- rifiée, dans des vases qu’on remplit entière- ment, et en la garantissant du contact de l'air par une fermeture très exacte qu’on peut ob- tenir par des moyens variés. Pour les grands approvisionnemens, l'huile se conserve ordinairement dans des fosses 1m- menses bien cimentées, construites en pierres dures taillées avec soin et auxquelles on donne le nom de piles. C’est là que ces huiles, DE L'EXTRACTION DES HUILES DE GRAINES. 357 par le repos, s’éclaircissent et laissent déposer des quantités considérables de fèces en com- binaison avec beaucoup d'huile. Lorsqu'on enlève ces huiles pour les livrer à la consom- mation, ces fèces sont achetées à bas prix par les épurateurs, qui en extraient une huile pro- pre aux savonneries, qu'ils épurent par l'acide sulfurique, comme nous l’indiquerons dans la sestion des huiles de graines. Les expéditions d'huile d’olive pour l’inté- rieur de la France et les autres pays du con- tinent se font dans des futailles de diverses contenances, bien conditionnées et recouver- tes sur chaque fond d’une forte couche de plâtre. L'huile d’Aix se vend au quintal et non à la mesure; les barils en sont tarés avec soin avant le remplissage. A Marseiile, l'huile se vend à la jauge, qui est une verge de fer gra- duée qui sert à mesurer la capacité des ton- neaux. Les huiles de Provence destinées pour le Levant et les colonies s’expédient en bouteil- les de différentes capacités, renfermées en certain nombre dans des paniers ou des caisses de formes variées, SEcTioN III. — De l'extraction des huiles de graines. $ Ier. — Des diverses espèces d'huiles de graines. On donne particulièrement dans le com- merce le nom d'huiles de graines à celles qu'on extrait du pavot et des plantes crucifè- res, tels que le colza, la navette, la moutarde et la cameline. Nous y joindrons, dans les dé- tails où nous allons entrer, les huiles de che- nevis, de lin, de faîne et de noix, qui se fabri- quent communément par les mêmes pro- cédés. Nous avons exposé dans le t. II°, page 1"° et suivantes, les procédés de culture des plantes oléifères, la quantité de graine qu’on peut es- pérer de récolter sur une surface donnée dans différens départemens de la France, enfin les quantités approximatives d'huile extraites communément d’un hectolitre de graine dans une fabrication courante; il ne nous reste donc plus, avant de décrire les moyens em- ployés pour extraire cette huile, qu’à faire connaître les caractères physiques des graines et les propriétés des huiles qu’elles fournis- sent. Les graines oléagineuses ont des formes et des qualités différentes qu’on reconnait à l'inspection des grains, à leur odeur, à leur sécheresse, à leur couleur, à celle de leur chair, etc. On apprécie la quantité du principe oléagineux en écrasant quelques grains entre les ongles et les pouces, et par leur consis- tance plus ou moins grasse et onctueuse on conclut leur valeur. Voici un tableau donné par M. DUBRUNFAUT des divers caractères des graines oléagineuses et de leur qualité exprimée en huile : 398 € ids |hect. pourune forme de couleur de! ouleur de ARS DE d'huile lagraine.| la graine.| lachair. |, A EAU 58 à 7015 174 à 41f4. 55 à 65 4 à 6. 58 à 61] 4 à 4 374. 4 a 51/4. Graine, es roude | noire(:} |jaune serin roude (2} » » ronde et| noire et | peuvolorée petite. dure globuies | jaune et irregul. | dure (3; et petits plate, allongée et lisse ronde et très peti- le |Colza d'hiver id. de mars OEillette 54 à 60 Cameline jauve Lin jaune 65 à 74| 4,6 à 4,76. foncé peu colorée Chanvre voire blanche |40 à 65 7 àg.” Passons maintenant aux propriétés des hui- les. Huile de colza. Purifiée par les moyens que nous indiquerons plus bas, elle n’a presque pas d'adeur; sa saveur est douce, mais peu agréable; sa couleur jaunâtre; elle se coagule à quelques degrés au-dessous de zéro; sa pe- santeur spécifique, suivant M. ScnuBLER, est 0,9136 celle de l’eau étant 1. Elle est principa- lement employée pour l'éclairage et la fabri- cation des savons noirs, pour enduire les laines de cardes, dans l’apprèt des cuirs , etc. Huile de navette. Elle ressemble beaucoup, par son aspect et ses propriétés, à celle de colza; on les confond souvent toutes deux dans le commerce et dans les arts où elles sont employées au même usage. Pesanteur spéci- fique, 0,9128. uile demoutarde. Inodore, àsaveur douce et couleur ambrée, donnant facilement un savon très solide. Pesanteur spécifique de l’huile de moutarde blanche, 0,914; de moutarde noire, 0,9170. Elle sert aux mêmes usages que celles de colza et de navette. Huile de cameline. Jaunâtre, douce et un peu moins estimée dans le commerce que les pré- cédentes ; pesanteur spécifique, 0,9252. Huile d'œillette ou de pavot. Elle diffère des précédentes en ce qu’elle est siccative; sa sa- veur est douce et rappelle celle de la noisette, son odeur nulle, sa couleur jaune pâle, qua- lités qui la rapprochent de l'huile d'olive et la font employer pour la table en remplace- ment de celle-ci, qu’elle sert quelquefois à falsifier. Elle ne se fige pas et n’a pas de ten- dance à passer à la rancidité. Pesant. spécif., 0,9243. Huile de lin. Siccative, couleur jaune clair quand elle est exprimée à froid, et jaune bru- nâtre quand elle l’est à chiaud ; odeur forte, saveur désagréable; pesanteur spécif., 0,9347. Elle devient facilement rance; on s’en sert surtout pour la préparation des vernis gras, des couleurs à l'huile, de l’encre d’imprime- rie, et dans l'éclairage, l'apprêt de certains produits, la médecine, etc. Huile de chenevis. Siccative, jaune verdà- tre à l’état frais et jaunissant avec le temps; odeur fade, saveur assez agréable quand elle a été préparée avec soin. Pesanteur spécifi- que, 0,9276. Peu employée à l'éclairage parce qu'elle forme vernis sur le bord des lampes, on s’en sert en peinture, dans la fabrication des savons noirs, etc. (1) Les rouges annoncent une récolte avant maturité, ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES HUILES GRASSES. LIV. IV, Huile de faine. On la retire de la semence du hêtre de nos forêts; non siccative, consis- tante, jaune claire, inodore; quand elle est ré- cente, d’une saveur un peu âcre qu’elle perd en vieillissant ou en la faisant bouillir avec de l'eau; elle est alors assez agréable et sert comme aliment; on en fabrique aussi des sa- vons noirs. Pesanteur spécifique, 0,9225. Huile de noix. Très siccative, sans odeur; saveur douce, agréable, surtout quand elle a été apprêtée sans le secours de la chaleur. Fraîche elle est verdâtre, mais avec le temps elle devient jaune pâle. L'huile de rebat est surtout employée par les peintres et dans quelques arts. Pesanteur spécifique, 0,9260. $ IL. — Des procédés généraux pour l'extraction des huiles de graines. L’extraction des huiles de graines exige u’on les soumette à une série d'opérations ont la plupart sont du ressort de la mécani- que. L'établissement dans lequel sont réunies les machines nécessaires à cette extraction se nomme moulin à l'huile, tordoir ou huilerie, Ces machines y sont mises en mouvement par le vent, un cours d’eau ou une machine à vapeur de la force de 6 à 10 chevaux et plus, suivant l’importance de la fabrication. La graine, ayant été récoltée à l’état de ma- turité parfaite, est étendue dans des lieux secs et aérés jusqu’à ce qu’on puisse la travailler, ce qui ne doit pas dépasser 2 à 3 mois, un re- tard plus D R la disposant à la rancidité. Le 1°" soin, quand on veut en extraire l’huile, est de la trier, c’est-à-dire de la débarrasser par des moyens convenables des débris de siliques ou de têtes, de feuilles et de tiges qui absorberaient en pure perte l'huile exprimée. La graine triée ou reçue telle par le com- merce est alors soumise à diverses manipula- tions. Les appareils propres à l’extraction des huiles ont subi, depuis un certain nombre d’années, des changemens importans adop- tés dans toutes les huileries nouvelles. Avant de passer à leur description et à celle des procédés de fabrication, donnons une idée sommaire des travaux nécessaires aujourd'hui pour extraire l'huile des graines oléagineuses. Les graines dont on veut exprimer lhuile sont d’abord concassées entre 2 cylindres, puis écrasées ou froissées sous une paire de meules verticales. La farine ou pâte qui résulte de ce froissage est exposée à une certaine tempé- rature dans un appareil nommé chauffoir, puis enfermée dans sacs de laine qu’on enve- loppe dans des étendelles de crin, et soumise à l’action d’une forte presse. Les pains ou tourteaux qu’on obtient après l'expression de l'huile sont rebattus sous les meules, chautfés une 2% fois et soumis à la presse, qui achève &’en exprimer toutes les parties buileuses. Dans plusieurs départemens de la France et principalement dans ceux du Nord, du Pas- de-Calais et de la Somme, il existe un grand nombre de moulins à vent destinés à la fabri- cation des huiles. La plupart sont de l’espèce a) Ler graines sont souvent plus petites que celles du colza d'hiver. plus p q (3) La couleur rouge annonce une mauvaise qualité, [ECS cHAP. 18°. DE L’EXTRACTION DES de ceux qu'on appelle saowlins sur attache; ils ont la forme d’une grande guérite tournant autour d’un axe fixe slia la traverse dans le sens vertical. Ces moulins opèrent la tritura- tion des graines par une batterie de 5 pilons et la pression par une seule presse à coins. L'expérience a constaté que la moyenne des roduits annuels de ces moulins est de 4,000 rect. d’huile. Depuis quelques années, M. HALLETTE, ingé- nieur à Arras, a construit pour cet objet des moulins octogones, qui diffèrent des précé- dens en ce que l’ensemble de l'édifice est immobile sur le sol et que le toit seulement est susceptible d'un mouvement de rotation horizontal. Il a réuni dans ces moulins, à la batterie de 5 pilons employée dans les autres, un système de meules verticales et deux pres- ses à coins. Les principaux avantages de cette usine, qui emprunte son moteur du vent, sont de coûter peu (6 à 7,000 fr. non compris les machines) et de n’exiger qu’un très petit ter- rain. Ces moulins donnent 6 à 7,000 hect. d'huile par an, accroissement dû à ce que les meules présentant proportionnellement moins de résistance que les pilons, on peut souvent faire usage des premières avec un vent qui serait insuffisant pour une bonne fabrication avec les autres, et en outre à ce qu’avec les vents forts, on emploie à la fois les pilons et les meules. Par les vents favorables et lorsque la vitesse des ailes est d'environ 13 révolutions par minute, toutes les machines marchent en- semble, et alors l’effet utile du moteur, est de 10 ou 12 chevaux. Si les hommes qui desser- vent ce moulin sont habiles, il peuvent fabri- uer 1 hect. d'huile de graine de colza ou ’œiilette en 2 heures 1/2 et tous le feraient en 3 heures. Dans quelques endroits on fait aussi usage de moulins à manége. Les pilons sont des tiges en bois de chéêne, armées à leur partie inférieure d’une masse de fonte tournée, pour triturer les graines renfermées dans les mortiers. Ces tiges sont soulevées alternativement par les cames d’un arbre horizontal tournant, ou bien soute- nues à l’état de repos, comme nous l’expli- querons en décrivant la presse à coins. Un bloc, composé ‘de 2 pièces, contient les mor- üiers ou pots. Dans l’une de ces pièces, la plus épaisse, est creusée toute la partie inférieure de ces mortiers, dont le fond est garni d’une pièce de fonte brute. L'autre pièce forme la partie la plus mince du bloc, et permet d’in- troduire dans chaque mortier le disque de fon- te, et de garnir son pourtour intérieur d’une feuille de tôle, qui en prévient la destruc- tion, Les appareils nouveaux n’ont pas l’inconvé- uient de faire un bruit continuel et incom- mode, comme les pilons; ils permettent d’é- tablir des huileries sur les cours d’eau ou dans un lieu quelconque, en y mettant en mouvement toutes les machines par le se- cours de la vapeur, de renoncer, par consé- quent, aux moulins qui ne peuvent être éta- blis “é sur des plateaux élevés, éloignés des grands arbres et des habitations, el souvent fort mal disposés pour les transports, ainsi qu a la puissance motrice du vent, force tou- ‘ours inconstante et inégale. JHUILES DE GRAINES. $ TIT. — Du :oncassage et froissage des graines. La 1re opération à laquelle on soumet les graines, c’est de les concasser, à l’aide de cy- lindres ou laminoirs, pour les empêcher de glisser sous les meules. Voici la description d'une machine destinée à cet objet. La machine se compose de 2 cylindres en fonte, creux et bien tournés, marchant en sens inverse, avec une égale vitesse, et con- servant entre eux un espace qui est réglée par des vis de rappel, selon la grosseur de la grai- ne. L'un des ? cylindres recoit le mouvement d’un moteur, à l’aide d’un engrenage ou d’une poulie, et le transmet à l’autre par engrenage. (fig. 391). L’appereil est monté sur un bâtis Fig. 391. en bois; M, M sont les 2 cylindres en fonte. Le cylindre Ma un axe prolongé pour recevoir la poulie qui lui transmet le mouvement ou le recoit d’un pignon H. Les coussinets de ce cylindre sont fixes; ceux de l'autre cylin- dre sont mobiles, à l’aide de dispositions faciles à concevoir. G est une trémie en bois, destinée à recevoir la graine à écraser; elle est fermée à sa partie inférieure par un petit cylindre cannelé F qui, en tournant plus ou moins vite, livre aux cylindres la quantité de graines qu'on désire. Le mouvement est im- primé à ce cylindre cannelé à l’aide d’une poulie à plusieurs gorges fixée sur son axe, et d'une autre poulie fixée sur l'axe prolongé du cylindre M. Les gorges de diamètres iné- aux, creusées sur la 1" poulie, permettent de varier la vitesse du cylindre F. Des archures supérieure et inférieure, la 1r° en bois, la 2e en foute,enveloppent les cylindres; PP'sont 2 râ- clettes ou décrottoirs, pour séparer les graines écrasées adhérentes aux cylindres; elles sont fixées à l'extrémité de2 leviers coudés, qui ont leur point d'appui sur l’archure inférieure; des contre-poids Q Q, du poids de 8hectogram., rè- lent la pression de ces râclettes contre les cy- D Le La longueur de ces cylindres est de 27 centimètres (10 po.), leur diamètre de 13 cen- | timètres (5 po.). Une seule machine de cette 360 espèce,tournantmême lentement, peut broyer par jour 49 décalitres de graines, et fournit as- sez de graines concassées pour alimenter 2 pai- res de meules verticales. Les graines ayant été écrasées sont portées au moulin à écraser ou froisser, dit moulin n | LE KN cu | À SC nn 77 NN Fig. 393 est une section verticale, faite suivant un plan parallèle aux meules et passant entre elles. Les meules verticales À sont montées sur un essieu commun B qui passe dans une en- taille allongée a, pratiquée dans l’arbre verti- cal C, par ie mouvement duquel elles sont en- trainées. Elles roulent sur une meule dor- mante D, posée sur un massif en maçonnerie E, et sur lequel se trouve la graine destinée à être froissée. F, caisse circulaire en bois, évi- dée dans le fond. Cette bordure est encastrée dans la meule dormante et n’en laisse à nu que la partie exposée à l’action des: meules verticales. G, vanne pratiquée dans la bordure circulaire, et qu’on ouvre pour donner passa- ge à la graine écrasée. Sous cette partie de la bordure se trouve enlevé un segment de la meule dormante, de sorte que la graine tom- be dans un bassin auquel on donne la forme du segment. H I, râcloirs à frottement sur la meule dormante, qui servent à ramener sous les meules verticales la graine qui s’écarte. Le 1e de ces râcloirs est en tôle, et le 2° en bois. J, ramasseur mobile, puon abaisse ou qu’on soulève au moyen du levier K, et qui sert à ramener la graine vers la vanne G, par où elle tombe. Les râcloirs HI sont main- tenus par leurs tiges dans des traverses de fonte P P. Les iiges k, auxquelles se trouve attaché le ramasseur, sont mobiles dans les inèmes traverses, La boite j, qui entoure l’ex- ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES HUILES GRASSES. LIV. IV, hollandais. Ce moulin, qui a aussi élé em- ployé àfaire le cidre, écraser les olives, battre le plâtre, pulvériser le charbon, etc., est re- présenté, dans son état actuel de perfection- nement, dans la fig. 392, en élévation dans le sens de l'épaisseur des meules; la fig. 393 en s BL AUNi TM il TE || EE Es = Fig. 392. trémité inférieure de l’arbre vertical, empé- che la graine de tomber par l’œil de la meule dormante. L'arbre vertical C reçoit le mouvement de la roue d'angle L, engrenant une roue sem- blable, montée sur larbre horizontal M, qui prend lui-même son mouvement sur le moteur. Cet arbre C passe dans un collier fixé sur le voussoir N. Son extrémité inférieu- re repose sur une crapaudine soutenue par la pièce c, passant par le centre de la meule dormante et posant elle-même sur le pont en fer E, qui est placé sous une voûte ménagée dans la maçonnerie. Au moyen de cette dis- position, on n’éprouve plus aucune diffi- culté pour engrener l'arbre vertical C; on tourne les vis à caler e, et, à mesure qu’on les fait cheminer et qu’on exhausse le pont, on manœuvre à l’aide de cordes h une cale qui em- pêche la flexion du pont et soulage les vis, { dont l'effort n’est que momentané. Pour mettre en train, on commence par soulever le ramasseur J à la position irdi- quée par les lignes ponctuées fig. 393, en pres- sant sur le bras du levier K et en l’engageant sous un taquet à, fixé sur un des montans du râcloir I. On donne alors le mouvement et l’on jette sous la meule une charge de graine, qui se compose de 3/4 d’hectolitre. L’entaille oblongue a, dans laquelle passe l’essieu des meules, leur permet de monter ou de des- cHaP. 18°. cendre, selon l’obstacle plus ou moins grand qu’elles rencontrent, de sorte qu’elles agis- sent par leur propre poids; mais comme les meules roulent sur une surface plane, ue leur contour est cylindrique et qu’elles écrivent un cercle sur la meule dormante, elles pivotent sur le milieu de leur épaisseur, de sorte que lagraine est non-seulement écra- sée par le poids des meules, mais encore frois- sée par ce mouvement de torsion et refoulée des 2 côtés. Ce mouvement empêche la graine de s’entasser et de faire corps sous la pression des meules. Les ràcloirs H I fixés aux traver- ses tournent avec les meules, et ramènent sous leur action, le 1‘ la graine qui s'échappe vers le centre, le 2° celle qui s'échappe vers la périphérie. Lorsque le froissage de la grai- ne est achevé, on décroche le bras du levier K ; et le ramasseur J, se trouvant en contact avec lasurface de la meule dormante, entraine toute la graine par son mouvement et la fait tomber dans le bassin par la vanne G, qu’on ouvre pour lui livrer passage. Les meules verticales sont maintenues, aux extrémités de leur essieu B, par des rondelles d’écartement {, qui appuient contre l'arbre C, et par des têtes assurées sur le bout de l’es- sieu par des clavettes. On peut faire varier l'épaisseur des rondelles d’écartement de ma- nière que les 2 meules ne se trouvent pas à la même distance du centre du mouvement et de la surface battue soit plus grande. L’œil es meules est garni d’une boîte de fonte por- tant des grains de bronze, et maintenue dans chaque meule au moyen de rondelles assujé- ties avec des boulons p, q. Dans quelques huileries il ya plusieurs pai- res de meules, dont les unes servent à frois- ser et les autres à rebattre; dans d’autres, la même paire sert aux 2 opérations. Les meules sont souvent en granit ; le porphyre, le grès, le marbre et la pierre calcaire dure et com- pacte sont aussi propres à cet usage. En Rus- sie on se sert quelquefois de meules de fonte. Les meules des moulins ordinaires ont, le plus communément, de 2" à 2®,3 (6 à 7 pi. ), sur une épaisseur de 0,40 à 0",45 (15 à 16 po. ), non compris le biseau qu’on pratique à la fa- ce qui doit être placée extérieurement, et qui a 0w,06 à 0",07. Le poids d’une paire de meules est estimé de7 à 8,000 kilogr. Les Hol- landais en font qui ont jusqu’à 3". (9 pi.) de diamètre sur une épaisseur de 0,54 (20 po.). Les meules font en général 11 tours par mi- nute, et le temps du froissage d’une charge de 3/4 d’hectolitre (60 à 75 kilogr., suivant la nature des graines) est de 15 à 20 minutes, de sorte que dans une journée de travail on peut faire passer sous ces meules 15 à 20 hectoli- tres de graines, à peu près. $ IV. — Du chauffage des pâtes. Quand les graines ont été suffisamment froissées sous les meules verticales, souvent avec l’addition d’un peu d’eau, il faut soumet- tre la farine ou pâte à l’effort d’une presse puissante pour en extraire l'huile qu’elle con- tient. Quelquefais cette pâte est portée direc- tement sous la presse, où elle fournit, au tor- dage, une huile vierge qui est plus agréable DE L'EXTRACTION DES HUILES DE GRAINES. 361 au goût et plus propre à servir d’aliment ; c’est ce qu'on appelle faire de l'huile à froid. Mais en général les huiles, avant le tordage, sont exposées à une certaine température dans un appareil nommé chauffoir. Les huiles se trouvent mélangées dans les graines avec de l’aibumine végétale et du mu- cilage qui en altèrent la pureté, et qui, en s’é- coulant avec elles sous l’action de la pression, donnent une combinaison pâteuse qui s’éclair- cit difficilement et passe promptement à la rancidité. D'ailleurs, on s'obtient pas ainsi par expression la totalité de la matière huileuse que les graines contiennent, et, pour l’extraire en totalité, il faut avoir recours à une élé- vation de température qui non-seulement donne plus de liquidité à l'huile, mais qui, en coagulant l’albumine et en desséchant le mu- cilage, permet à celle-ci de couler plus pure et en plus grande abondance. Les chauffoirs sont ordinairement des vases decuivre ou de fonte, dans lesquels on chauffe et on agite la farine de graines jusqu’à ce que, pressée entre les mains, elle laisse couler faci- lement l'huile qu’elle contient. Ces chauffoirs sont à feu nu, au bain-marie ou à la vapeur. Voici la description d’un chauffoir à feu nu, construit par M. MaAuDsLEY. La fig. 394 est l'élévation latérale de ce chauf- foir ; la fig. 395 l’élévation et coupe faite pa- Fig. 395. Fig. 394. rallèlement à la faceantérieure. A, foyer fermé à la partie supérieure par la plaque en fonte B; C, payelle reposant sur la plaque B et dans laquelle on met la graine, afin de l’exposer à une certaine température; les goujons & la maintiennent de 3 côtés et servent à la rete- nir; Mais on peut, au moyen de l’une des oreilles b, l’amener vers les entonnoirs ou marrols D et faire tomber la graine suffisam- ment torréfiée dans des sacs qu’on suspend aux crochets c; l’agitateur E est destiné à em- pêcher la graine de brüler; il est attaché à charnière à la boite coulante F, qui tourne avec l’arbre G, sur lequel il peut glisser. Cet arbre prend son mouvement au moyen de la roue d'angle H qui engrène une 2° roue I, mon- 362 tée sur un axe horizontal portant une poulie J, sur laquelle passe une courroie qui lui com- munique le mouvement. L'arbre G est main- tenu dans sa position verticale en passant en- tre les colliers d. Le temps du chauffage de la graine de froissage est de 6 à 8 minutes, et de celle de rebat de 3 à 4. Lorsqu'on veut fai- re tomber la graine chauffée dans les sacs, on engage le levier K dans la gorge de la boîte coulante, qu’on élève jusqu’en e, où se trouve un petit arrêt qui se place dans la gorge de la boite coulante et tient ainsi l’agitateur élevé au-dessus de la payelle GC (fig. 395). On peut alors manœuvrer et faire tomber la graine dans les entonnoirs. k Dans les chauffoirs à feu nu, on parvient difficilement à diriger convenablement la tem- pérature, et ce n’est qu'avec peine qu’on évi- te la torréfaction de la graine, qui diminue la uantité de l'huile et nuit beaucoup à sa qua- lité. Ces inconvéniens étant surtout graves pour les huiles qu’on destine à servir d’ali- ment, on a cherché d’autres moyens de chauf- fage. En Allemagne on fait usage du chauffage au bain-marie, qui consiste simplement en 2 chaudières de cuivre placées l’une dans l’au- tre. La plus grande est montée sur un four- neau, et on y verse de l’eau jusqu’à ce qu’elle affleure le fond de la plus petite; c’est dans celle-ci qu'on place la graine à chauffer qui, recevant ainsi son élévation de température de l’eau bouillante, ne risque plus de brüler. Danstoutesles huileries quiont pour moteur la vapeur, on se sert aujourd’hui d'un chauffoir à vapeur ainsi établi. L'appareil pose d’un côté sur le châssis L (/g.396)et de l’autre sur le mas- T ge û À| Ï Fig. 396. sif M. Nest une bassine en fonte dont lefondest convexe et porte à son centre une crapaudine F, dans laquelle engage le pivot G de l’agita- teur. O enveloppe de la bassine N, pour la circulation de la vapeur. La bassine et sa double paroi sont fondues d’une seule pièce, et fixées sur la plaque T au moyen de bou- lons. La vapeur est admise dans la capacité À par l'ajutage à robinet P ; le 2° ajutage Q sert à son émission et à celle de l’eau de con- centration. On retire la farine en OÔtant la ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES HUILES GRASSES. LIV. IV. porte O. La convexité du fond de la bassine et la courbure semblable de l’agitateur la font tomber enS, où est suspendu le sac destiné à la recevoir. Les sacs dans lesquels on enferme la farine sortant des chauffoirs, sont en étoffes de laine appelée morfil. Ces sacs sont de suite envelop- pés dans des étendelles de crin, doublées en cuir, qu’on voit en profil et en plan dans les fig. 399 et 400, pour être soumis au premier pressage ou froissage qui ne donne qu’une par- tie de l’huile contenue dans la graine, laquelle prend le nom d'huile de froissage. $ V. — Du pressurage, Les presses dont on se sert le plus généra- lement dans les huileries ou les moulins à huile sont les presses à vis, les presses hy- drauliques et les presses à coins. En général, pour tordre les graines et en exprimer l'huile, il faut une pression énergi- que, et on éprouverait beaucoup de perte si, la pression n'étant pas suffisante, on laissait encore une quantité notable d'huile dans les tourteaux. Les presses en même temps doi- vent occuper peu de place, exiger un petit nombre d'hommes pour leur manœuvre ou l'emploi d’une force peu considérable; enfin elles doivent pouvoir fonctionner aveccélérité. Toutefois, quelque puissante que soit la pres- sion qu’elles exercent, il faut toujours un cer- tain temps pour que l'huile et le mucilage qui s’y trouve suspendu, liquides visqueux et peu fluides, puissent se dégager des parties solides qu'ils imbibent et s’écouler dehors; en un mot, il faut le temps nécessaire à l’égouttage. Les presses à vis sont peu employées, quoi- qu’elles soient propres àce service quandelles sont suffisamment fortes; elles ont même cet avantage, qu’étant généralement simples et à bon marché, on peut les multiplier dans les ateliers et laisser égoutter plus long- temps sans entraver la continuité des travaux. Ces presses néanmoins, absorbant une grande portion de la force motrice par le frottement, n’exercent pas une pression très énergique, et elles cessent d’être avantageuses quand on cherche à en augmenter la force par des dis- positions mécaniques, qui en élèvent le prix et en rendent le service plus long et plus dif- ficile. Les presses hydrauliques sont fort employées aujourd’hui dans les huileries ; elles exercent une forte pression, dessèchent bien le tour- teau, occupent peu de place, sont d’un usage facile et exigent peu de bras pour leur manœu- vre; mais elles sont encore d’un prix élevé et sujettes à de fréquentes réparations qui exigent des ouvriers habiles. On a construit des presses de ce genre où la pression se fait verticalement, comme dans les presses à vis or- dinaires; telle est celle établie à Paris dans les usines de M. SaLLERON, d’après les principes de M.GarLoway,et la presse présentée à l’ex- position de 1834 par MM. TraxLer et Bour- GEOIS, qui est composée de 2 presses accolées qui peuvent être mues ensemble on séparé- ment et qui présente ceci de particulier qu’on place entre les sacs de graines broyées ren- fermés dans leurs étendelles, des wards ou plaques de fonte munies tout autour d'une cHAP. 18e. gouttière et vers une de leurs extremités d’un conduit qui se correspond de l’une à l’autre verticalement et destiné à laisser couler l'huile de chaque sac sans qu’elle puisse tomber sur les sacs inférieurs, ce qui paraît accélérer l’'égouttage. Les autres presses sont horizon- tales, et parmi celles-ci on remarque celles de M. BramMam, de M. HALLETrE d'Arras, de MM. Cazauis et CoRDIER de Saint-Quentin, et enfin celle de M. SriLLERs, qui, au moyen d’en- grenages, varie l'effet des pompes avec la ré- sistance de la matière pressée. La plupart des mécaniciens aujourd’hui construisent des presses, soit à vis, soit hy- drauliques, qui sont doubles, de manière à CUT MANN | A THIEBAOL T- LL OU Fig. 398. une coupe verlicale. À, montans du bâti; ?, Lraverses horizontales servant de guides aux maillets C D, portant les mentonnets a®. E, leviers portant les galets b. Ils sont montés sur l'arbre F et servent à soulever les menton- nets des maillets, hyes où moutons. c, leviers qu'on meut au moyen de cordes d passant sur des poulies, et qui, venant se placer sous ies chevilles e, empêchent le maillet de redes- cendre et tiennent le mentonnet hors de la portée du galet b. G, bacs ou bassins dans les- quels on place l’étendelle et le sac plein de graine qu'on veut exposer à l'action de la presse. La partie droite de la fig. 397 re- présente la Coupe de l’un de ces bacs faite pa- rallèlement à la face de la presse, et laissant voir toutes les pièces qui s'y trouvent placées. v i, fourneaux ou pièces de fonte entrelesquels on place l’étendelle h, Le fourneau v est ap- LL WW DE L’EXTRACTION DES HUILES DE GRAINES. ep . , & GS 363 leur donner une marche continue, c’est-à- dire à presser d’un côté pendant qu’on desserre de l’autre. La presse à coins est celle qui est le plus énéralement employée dans les moulins à uile. Cette presse en effet exerce une action très puissante ; elle est simple, facile à monter et à réparer, et son prix n'étant pas très élevé elle parait propre aux établissemens agricoles, surtout quand on veut profiter de la force du vent pour faire marcher les machines d’une huilerie ou qu'on a à sa disposition une chute d’eau suffisante. Voici le modèle d’une presse de ce genre construite par M. MAUDSLEY. La fig. 397 est l’élévation de face, la fig. 398 | T= ol : LEE Es è eee] 0 CR gremmmrennee ESS LLODDOMMVN 1 WU Fig. 397. puyé contre la paroi du bac; le fourneau # est mobile et se rapproche de » pendant la pres- sion. Ces 2 fourneaux portent sur leurs flancs des rainures qui permettent à l'huile de s’é- couler pour aller gagner une goulotte prati- quée au fond du bac, en traversant un fond en fonte percé de trous, et sur lequel viennent s'appuyer les fourneaux, k {n,cales nommées wards, interposées entre la clef m servant à dépresser les fourneaux et le coin 0 qui re- coit l’action du maillet. Les wards, la clef et le coin sont en charme. Un ressort en bois, placé sur la traverse inférieure B, sert à main- tenir la clef à une distance convenable du fond du bac; de cette manière elle se trouve natu- rellement en prise quand lPouvrier dispose toutes les pièces, et il pose son coin et ses cales avec facilité. Le mouvement étant donné par le moteur à l'arbre F et aux leviers E, on 364 lace le sac de graine chauffée de la manière indiquée dans le profil et en plan, dans les fig. 399 et 400, c’est-à-dire qu’on pose le sac en A, Fig. 399. Fig. 400. puis qu’on rabat d’abord la partie gauche, puis la partie droite ; des poignées servent au trans- port. Après avoir mis l’étendelle ainsi chargée entreles 2 fourneaux v et à, on place lecoin o et l’on décroche la corde d engagée sous un cran pratiqué dans le tasseau J. Le maillet C tombe par son propre poids sur le coin, puis est re- levé par les leviers E. Il retombe encore lorsque ceux-ci abandounentle mentonnet, et ainsi de suite. Ilest important, lorsqu'on veut commencer, d'enlever d’abord le maillet à l’aide de la corde, puis de le descendre douce- ment et de ne l’abandonner que lorsqu'on sent que le mentonnet appuie sur le galet des leviers E; sans cette précaution on serait ex- posé à briser ces leviers. On donne pour le froissage 10 à 12 coups. Lorsque la pressée est terminée, on engage de nouveau le levier € sous la cheville e et la corde sous le cran J, en ayant soin de suivre le maillet dans son mou- vement ascensionnel pour éviter les chocs. Au bout de quelques minutes nécessaires pour donner à l'huile le temps de s’écouler et que les ouvriers emploient à préparer de nouveaux sacs de farine, on dépresse; on dé- gage avec les mêmes précautions le maillet D, qui, saisi par legaletb, retombe sur la clef m. En même temps que celle-ci est frappée, on retire le coin 0; après le coup de maillet, la clef m se relève au moyen du ressort. On varie le poids et la hauteur de la chute du maillet avec l'effort qu’on veut produire. En Russie, où l’on se sert depuis long-temps des presses à coins pour l'extraction des hui- les de graines, on a adopté des coins plus gros qu’en France et on les enfonce horizonta- lement à l’aide d’un bélier. — Le poids des mailkets est ordinairement de 250 à 300 kilog.; la hauteur de chute sur le coin au minimum d’entrure est de 40 cent. environ et de 55 au maximum ; la hauteur de chute sur la clef est de 25 cent. Le nombre de coups que l’on bat est variable avec la force du coin, la nature du travail et de la graine; il peut varier de 10 à 50 coups. Dans les moulins à vent du Nord, ona adopté un cadran mû par un encliquetage et dont l'aiguille indique le nombre de coups battus, en même temps qu’il agite une son- nette après le nombre de coups voulus. L'effet d’une bonne presse à coins, comme celle que nous venons de décrire, peut être évalué à 50 ou 75,000 kilog. sur chaque tour- teau ayant à la grande base 20 cent., 18 à la plus petite, et 45 de hauteur ou 7,5 décim. carrés de surface. Les mécaniciens ont aussi inventé divers genres de presses pour l'extraction des huiles. Nous citerons entre autres celles de M. Har- LETTE d'Arras, de MM. Supps, ATKINS et Bar- ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES HUILES GRASSES. LIV. 1V, KER deRouen, de M. FARCoT, à Paris, etc. La 1'e est employée avantageusement dans le dé- partement du Nord; les autres, qui ont paru à l’exposition de 1834, n’ont pas reçu encore la sanction de la pratique. Lorsque le 1 tordage est terminé et que l'huile est bien égouttée, les tourteaux de froissage sont reportés sous les meules; c’est ce qu'on nomme le rebat ; mais pour que l’ac- tion de ces machines soit plus efficace, il faut concasser ces tourteaux, qui forment une masse solide et dure. Ce travail se fait parfois à la main; il vaut mieux y employer les ma- chines, et en particulier celle à écraser les graines, que nous avons fait connaître page 359, en jetant dans la trémie le gâteau brisé grossièrement. Quand la pâte a été suffisamment rebattue, on la porte au chauffoir, où, après un 2° chauf- fage, moins prolongé que le 1°, on la recoit dans les sacs de laine, qu’on enveloppe dans les étendelles et qu’on soumet une seconde fois à la pression; l'huile d’une qualité infé- rieure à la {re qu’on obtient ainsi se nomme huile de rebat. Cette huile, pour être extraite, exige une pression plus considérable que celle de froissage, et 36 à 45 coups et plus de mail- let sont ici nécessaires quand on emploie la presse à coins. On mélange quelquefois ces 2 huiles. Les tourteaux de rebat ou pains qui restent de cette 2° pression sont durs, secs, solides et fermes, et n’ont plus guère qu’un demi- pouce d'épaisseur. On les ébarbe avec un cou- teau fixé verticalement dans un des côtés d’une boîte qui reçoit les rognures, et on les conserve pour la nourriture des bestiaux ou pour servir d'engrais, en les répandant sur les terres. Il y a des huileries où l’on se sert de pres- ses hydrauliques pour le froissage ou 1'° pres- sion et où l’on fait tous les rebats ou dernier travail des tourteaux, qui exigent un effort plus puissant à la presse à coins. Dans quel- ques autres, le froissage se fait à la presse- muette de M. HALLETTE, et le rebat à la presse hydraulique de M. SriLLERS, etc. À Les pilons, ainsi que nous l’avons dit, aussi bien que la presse à coins, ont contre eux l’in- convénient d’un bruit continu, qui rend leur voisinage insupportable, et l’ébranlement w’ils causent aux fondations et à toutesles par- es du bâtiment leur est nuisible. On a pré- tendu que la graine qui y était broyée rendait plus d'huile que celle soumise à l’action des meules, mais cette assertion est peu proba- ble; il faut tantôt 4 hectolitres de colza pour une barrique d’huile, et tantôt 3 1/2 hectoli- tres, cette différence tenant entièrement à la qualité de la graine. Avec les pilons on est obligé d'ajouter une certaine quantité d’eau à la graine; avec les meules on en ajoute moins. Il faut, pour mettre en mouvement une paire de meules, une force de 4 chevaux (de vapeur), et pour les cylindres à concasser, la presse à coins et les chauffoirs, une force ad- ditionnelle de 2 chevaux ; de sorte qu’une ma- chine de la force de 6 chevaux est suffisante pour un moulin. Une paire de meules exige la même force et fait plus de besogne qu’une batterie de 5 pilons. cHAP. 18°. $ VI. — De l’épuration des huiles de graines. Les huiles, telles qu’elles sont recueillies après les opérations précédentes, contiennent encore une quantité considérable de mucilage, de matière colorante et de principes résineux qui les colorent et leur donnent une odeur et un goût particulier. Le seul séjour prolongé de cette huile dans de grands vases de terre, exposés dans un lieu frais, les clarifie jusqu’à un certain point; il se forme un dépôt, et l'huile est plus limpide, plus pure et meil- leure. Mais les huiles de graines ne sont pas encore, en cet état, propres à l'éclairage, et employées à cet usage elles obstruent les pores de la mèche et brülent en donnant une flamme faible et beaucoup de fumée. Il faut donc les épurer pour leur enlever, autant que possible, leur couleur, leur goût et leur odeur, ou les rendre assez limpides pour qu'elles brülent sans fumée et donnent une lumière vive et claire. On doit à M. THÉNARD, our cet objet, un procédé qui donne d’assez ons résultats; voici comment on le prati- que. On met l'huile à épurer dans un tonneau, de manière que celui-ci ne soit rempli qu’à demi, et on y verse, en filet mince et en changeant continuellement de place, 2 centièmes de la quantité d'huile d'acide sulfurique concentré. Cela fait, on brasse long-temps avec un mor- ceau de bois pour favoriser le contact des 2 liquides et jusqu’à ce que toute la masse ait pris nne couleur verdâtre. On laisse repo- ser 24 heures. L’acide se combine alors avec le mucilage ou à la partie colorante, qu’il pré- cipite en flocons d’un vert noirâtre. Au bout de 24 heures on ajoute à la masse un volume d’eau pure égal aux 2/3 de celui de lhuile, cette eau étant chauffée préalablement à 75° C. (60° R.), et l’on agite beaucoup, jusqu’à ce que le liquide ait une apparence laiteuse. On laisse alors reposer 2 ou 3 semaines. dans un lieu dont la température est de 25 à 30°. Le fluide s’éclaircit peu à peu, l'huile claire sur- nage à la surface et il se forme au fond du tonneau un dépôt noirätre nommé fêces. On décante alors l'huile claire au moyen d’un ro- binet placé à une certaine hauteur sur le con- tour du tonneau, et on la recoit dans des cu- ves percées de trous garnis de mèches de co- ton ou de laine cardée. L'huile filtre à travers ces mèches et s’écoule parfaitement épurée et propre à l’éclairage. Au lieu defiltrer les huiles épurées par l’a- cide à travers des mèches de coton, M. Du- BRUNFAUT s’est servi avec avantage, pour celles de colza, d’un filtre dont la fig. 401 repré- sente la coupe par le milieu. Fig. 401. DE L’EXTRACTION DE L’'HUILE DES OLIVES. 365 Ce filtre est formé d’une caisse garnie de mé- tal; l’étoffe et les matières filtrantes s’interpo- sent entre? treillis àcarreaux en bois soutenus par 2 cadres en bois AA. Tout cet appareil porte sur une saillieC, pratiquée dans la caisse, et est pressé à l’aide de 4 vis D mobiles dans 4 écrous fixés sur les bords de la caisse. A l’aide de ces dispositions, les matières que l’on place entre les treillis sont comprimées par l'effort des vis, et celles-ci fixent en outre cet appareil dans la caisse, de manière à l’'empé- cher de sortir si une force tendait à produire cet effet. Ce filtre ainsi organisé, on amène l'huile à filtrer à travers le tube à robinet E. Elle passe dans le milieu F où elle exerce une pression qui varie avec la hauteur du liquide dans le tube E.Cette pression détermine le pas- sage du liquide à travers le filtre; il passe ainsi dans la cavité supérieure, d’où il sort par un robinet H placé au-dessus du treillis. On sait que la vitesse d'écoulement des fluides varie comme la racine carrée de la colonne liquide superposée à l’orifice d'écoulement, et ce filtre a pour objet de rendre la filtration rapide avec la petite quantité de liquide contenue dans le tube E qui répartit le liquide dans la caisse in- férieure uniformément et dans tous les sens. Dans le cas où l'huile contiendrait des matiè- res susceptibles d’obstruer promptement l’é- toffe, le liquide ayant une marche ascendante, les matières arrêtées par l’étoffe peuvent re- tomber au fond du vase par leur propre poids. Les huiles ainsi préparées portent dans le commerce le nom d'huiles blanches. Si les huiles sont extrêmement épaisses et chargées, on peut augmenter la quantité d’aci- de et la porter à 3 p. 0/0; on peut même re- commencer cette opération une 2° fois, si la 1re opération n’a pas donné de résultats satis- faisans. Les huiles traitées ainsi perdent depuis 2 jusqu’à 5 p.0/0 de leur poids. On a aussi pro- posé, au lieu d’une addition d’eau, de faire ar- river de la vapeur d’eau dans l’huile jusqu’à ce que le tout ait atteint la température de 100° et de laisser déposer le mélange comme à l'ordinaire. Ce moyen n’a pas eu grand suc- cès. Le procédé d'épuration par l'acide est long, et l'huile retient toujours , quand elle n’a pas été abandonnée au repos pendant un temps suffisant, une quantité notable d’eau qu’on ne peut chasser que par une forte chaleur à feu nu ou une longue évaporation au bain-marie ; on a proposé récemment de le modifier de la manière suivante : On mêle avec l’acide sulfu- rique à la manière ordinaire, on brasse et on attend que le dépôt des fèces on flocons noirs : commence à s’opérer. Alors on ajoute à l’hui- le, et par petites portions, une bouillie épaisse d’eau et de craie et on agite fortement la mas- se. Lorsqu'on a ajouté ainsi environ 1/3 en plus de la craie nécessaire pour saturer l'acide sul- furique et former du sulfate de chaux, et lors- qe le papier de tournesol, plongé et agité dans le liquide, ne change plus de couleur, on verse l’huile dans les cuves à dépôt, dans les- quelles les flocons noirs, le sulfate de chaux formé et la craie surabondante ne tardent pas à se précipiter. Après quelques heures l'huile peut être décantée dans les cuves à filtration garnies de mèches de coton. Ce mode de dé- 366 puration épargue lout le temps du lavage à l’eau, qui est au moins de 12 jours, et on n’é- prouve que très peu de déchet; parce que la craie, préalablement saturée d’eau, ne s’im- bibe pas sensiblement d'huile. M. Pour£r dit avoir employé avec beaucoup de succès, au lieu de craie, du marbre blanc réduit en pou- dre fine. Au lieu d'achever l’épuration de l’huile la- vée à travers le coton ou le filtre, opération toujours longue et embarrassante, on se sert dans le Nord et à Paris d’un procédé qui donne de bons résultats. L'huile lavée ainsi que nous l'avons dit est déposée dans une futaille dé- foncée et posée sur son fonds; cette futaille peut contenir 7 hectolitres. On y verse6 hec- tolit. d'huile acidifiée, lavée et encore louche, et on la bat avec 50 kilog. de tourteaux de colza bien secs et bien pulvérisés. Ce battage dure une demi-heure, puis on laisse déposer 9 jours; après ce temps on peut décanter 4 tonnes ou hectolit. clairs et les remplacer par une pareille quantité d'huile louche; on bat de nouveau, et 3 jours après on soutire, et ainsi de suite jusqu’à ce que les 50 kilog. de tourteaux aient épuisé leur force clarifiante, ce qui arrive après un soutirage de 200 tonnes d'huile clarifiée. Dans l’épuration des huiles de graines par l'acide sulfurique, les fèces épaisses et brunes surnagent l’eau acidulée et se trouvent ainsi placées entre les couches d'huile et d’eau, ce qui prouve déjà leur richesse en corps gras. Dans le nord de la France, ces fèces sont ven- dues aux savonniers pour la fabrication des savons mous. Ces matières ne sont que faible- ment acides et ne contiennent que peu d’a- cide sulfurique libre. Après un repos très prolongé elles ne rendent qu’une faible pro- portion d'huile; chauffées, elles n’en ren- dent pas davantage. Si l’on traite ces matières par la vapeur d’eau, ou, ce qui est à peu près la même chose, si on les fait bouillir dans une chaudière avec de l’eau, qu’on laisse reposer pour séparer par décantation l’eau excédante, on obtient un magma qui, jeté chaud sur un filtre, rend spontanément un fort tiers de son volume d’une huile brune qui brûle à peu près comme l'huile non épu- rée et qui subit bien l’épuration. Le résidu resté sur ce filtre est estimé pouvoir rendre, ar une pression énergique comme celle de a presse à coins ou de la presse hydraulique, une quantité d'huile qui, jointe à celle qu’on a retirée par filtration, donne au moins 80 p. 0/0 du poids de la fèce. La matière qui reste après la pression a la consistance, l’as- pect et la saveur du tourteau, et il est vrai- semblable qu’elle est de même nature. L’acide sulfurique employé dans l'opération entrai- ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES HUILES GRASSES. LIV. IV. nerait donc surtout le parenchyme de la graine qui se trouve en suspension dans l'huile ct qu’on ne peut en séparer par un simple repos. Il parait que, dans ce mode d’épuise- ment des fèces d'épuration, l’eau, en se com- binant avec les matériaux du tourteau, sépare l'huile qu’ils retenaient. Un simple égouttage sur un filtre séparela majeure partie de l’huile, et la matière qui reste sur le filtre acquiert alors une consistance qui permet de la sou- mettre facilement à l’action de la presse. Une fois épurées, les huiles de graines peu- vent être livrées à la consommation; mais lorsqu'on ne peut les débiter sur-le-champ, il est avantageux, pour éviter les pertes et leur altération, de les conserver, ainsi qu’on le fait maintenant dans le département du Nord, dans de vastes citernes en briques et mortier de chaux hydraulique, construites à l'instar des fosses destinées, sous le nom de piles, à la conservation des huiles d’olive dans les provinces méridionales. Les huiles de graines se débitent générale- ment dans de petits tonneaux d’une conte- nance de 90 à 91 litres, plâtrés sur les 2 fonds pour éviter les fuites. M. MERTIAN a proposé des tonnes métalliques qui paraissent avanta- geuses pour la conservation, mais qui sont sujettes à plusieurs inconvenients dans le transport et d’un prix élevé. Secrion IV.— De la quantité d'huile fournie par d’autres graines ou fruils. Avant de terminer ce chapitre nous donne- rons ici un tableau de la quantité d'huile que peuvent fournir beaucoup de graines ou de fruits quand elles sont de bonne qualité, dépouillés soigneusement de leurs siliques, enveloppes, bois, tiges, et de toutes les par- tes qui ne renferment pas d'huile, et que celle-ci est obtenue par les meilleurs moyens d'extraction. Quantité Quantité Q d'huile. d'huile. | 200 parties en poids de :250 parties en poids de DS Noix Ricin commun 62 INoisetle 60 Cresson alénois Amande douce Amonde amère | 28 à 46 |OEillette ou pavot Radis oléifère bo {Sésame jugoline 50 (Tilleul d'Europe 48 |Arachide 435 Choux |Moutarde blanche Chou-navet et navet de Euphorbe épurge 30 Moutarde sauvage 50 Cameline 28 Gaude 29 à 56 Courge 25 Citronnier 25 Onoporde acanthe 25 Graine d'épicéa 14 Chenevis Lin 11 à 22 Moutarde noire 15 Faîne 15 à 17 Soleil 15 Pomme épineuse 15 Suède 53,5 Pepins de raisin 1,4 à 12 Pruvier domestique 59rS Marrons d'Inde 1,2 à58 Colza 56 à 40 Julienne 18 Navette 30 à 56 CHAPITRE XIX. — DE LA FABRICATION DES HUILES VOLATILES ET DES EAUX DISTILLÉES. Secrion Ie. — Des huiles volatiles et des corps qui les produisent. Les huiles volatiles ou essentielles sont des corps généralement fluides, d’une odeur forte, vive et pénétrante; la plupart du temps agréa- bles, d’une saveur piquante, âcre, brûlante et quelquefois caustique. Elles se vaporisent à l'air, à la température ordinaire, plus promp- tement par le moyen de la chaleur, ne bouil- lent presque toutes qu’au-dessus de 100°, s’en- flamment à l'approche d’un corps en ignition, et brülent avec une flamme claire en répan- dant beaucoup de fumée. Distillées seules, beaucoup d’entre elles se décomposent; mais avec une addition d’eau elles passent à la dis- cHAP. 19°, tillation sans changer de nature. Elles sont légèrement solubles dans Fean et très solu- bles dans l'alcool. Quelques huiles volatiles sont solides; telles sont celles de roses, d’anis, de persil, etc., qui sont déjà concrètes au-dessus de zéro. Pres- que toutes peuvent être amenées à cet état var un abaissement de température. La pesanteur des'huiles est très variable. La majeure partie est plus légère que l’eau ; quel- ques-unes seulement, comme celles de sas- safras, de laurier-cerise, de séséli, de gi- rofle, etc., sont plus pesantes que ce liquide. Presque toutes ces huiles sont colorées au moment où on vient de les extraire, mais beaucoup sont décolorées par le contact de la lumière solaire. Celui de Pair leur fait aussi subir diverses altérations qui les colorent. Les huiles volatiles s’extraient des végétaux, mais toutes n’appartiennent pas aux mêmes produits de la végétation. Elles sont quelque- fois distribuées dans toute la plante, comme dans l’angélique, souvent dans les feuilles et les tiges, comme la mélisse, la menthe et l’ab- sinthe; l’aunée, l'iris de Florence contiennent leur huile dans la racine; la lavande, le thym, le romarin, le serpolet, dans les feuilles et le bouton de la fleur; la rose dans le calice, la ca- momille, le citronnier, l’oranger dans la fleur, surtout dans les pétales et l'écorce du fruit des 2 derniers ; l’anis, le fenouil ont leur huile dans des vésicules rangées sur des lignes sail- lantes qu’on aperçoit sur l'écorce. Les végétaux fournissent leur huile vola- tile en plus grande abondance et de meilleure qualité quand la partie, qui la contient est arvenue à son entier développement. Ainsi es racines en fournissent davantage à la fin du printemps, les feuilles et la tige lorsque l2 fleur est sur le point de se développer, celle-ci quand elle est complètement épa- nouie et ne montre encore aucune trace de flétrissure, et les fruits au moment où ils at- teignent leur maturité. La plupart des plantes ou parties des plan- tes, et les fleurs surtout, ne donnent d'huile volatile qu’à l’état de fraîcheur ; d’autres peu- vent se conserver des années entières sans ue leur huilese volatilise ou soit détruite, et il en est même, tels que le millefeuille et le baume des jardins, qui ne fournissent d'huile que lorsqu'elles sont desséchées. La quantité d'huile qu’on extrait des plan- tes varie beaucoup avec l'espèce; en outre, elle w’est pas la même dans tous les climats et change suivant la nature du terrain, l’ex- position, l’élat de fraicheur, de dessiccation ou daltération des plantes au moment de la préparation, et les soins apportés dans la dis- üillation. En général les végétaux qui croissent spon- tanément dans les terrains arides, montagneux et exposés au midi, fournissent une plus gran- de quantité d’huile volatile, surtout au mo- ment de l'épanouissement des fleurs et quand on les distille aussitôt après leur récolte. Les huiles essentielles sont d’un usage fort répandu dans la médecine, dans la parfumerie et la toilette, et dans les arts pour composer des vernis, par la propriété qu’elles ont de dissoudre les couleurs et de s’évaporer dès qu’on les a appliquées. Leur extraction étant DISTILLATION DES HUILES ESSENTIELLES. 367 une opération qui se rattache à l'économie agricole, nous allons donner quelques notions | à cet égard. Section II. — De la distillation des huiles essentielles. Il y a 2 modes principaux pour extraire les huiles volatiles, Fexpression et la distilla- tion. On n'’extrait guère par expression que Îles huiles de citron, cédrat, limette, bigarade, bergamotte et orange. A cet effet, on râpe l'é- corce ou enveloppe de ces fruits, on en reçoit dans un vase la pulpe qu’on soumet ensuite à la pression entre 2 glaces. L'huile qui dé- coule est aussitôt renfermée dans un flacon. C’est par distillation que s’extraient le plus ordinairement les huiles volatiles. A cet effet. on introduit la plante coupée ou brisée, si cela est nécessaire, dans un appareil distilla- loire, on verse de l’eau et on procède à la dis- tillation. L'eau réduite en vapeur entraine l'huile et vient se condenser avec elle dans un récipient où s'opère la séparation de ces 2 liquides. Dans le midi de la France, où l’on prépare en grand la majeure partie des huiles du com- merce, les fabricans, au mois de juillet, font transporter leur alambic dans les lieux qui présentent une ample récolte de plantes aro- matiques et l’établissent en plein air, autant que possible auprès d’une source ou d’un ruis- seau. Àu moyen de quelques pierres ils cons- truisent un fourneau et font publier qu’on demande telle ou telle plante. Les habitans des environs arrivent et, après les conven- tions, courent récolter les végétaux demandés qu'ils rapportent en quantité. Les fabricans transportent ailleurs leur petit atelier dès qu’ils ont tout épuisé autour d’eux. L'appareil distillatoire pour les huiles vola- tiles est le même que celui employé pour la distillation des vins (p.230,/ig. 237), seulement il est proportionnellement plus élevé, et sa - chaudière doit présenter une bien moins gran- de surface au contact du feu. On se sert quel uefois d’un chapiteau et d’un serpentin en étain fin, pour ne pas donner aux produits une odeur désagréable de cuivre. Pour procéder à la distillation, on introduit les plantes ou parties de plantes dans la chau- dière ou cucurbite ; on verse ensuile la quan- tité d’eau nécessaire, on place le chapiteau, auquel on adapte le serpentin, à celui-ci le récipient; puis on lutte les jointures et on al- lume le feu. L'eau réduite en vapeur s'élève en entrainant l'huile volatile contenue dans la plante, puis vient se condenser dans le ser- pentin, d’où elle coule, à l’état limpide, dans le récipient. Bientôt cette eau se trouble et devient lactescente par la séparation des mo- lécules huileuses qui, à raison de leur plus grande légèreté, montent à la surface du li- quide où elles forment une couche qui aug- mente de plus en plus et qu'il ne s’agit plus que de séparer pour avoir lhuile à l’état de pureté. La quantité d'eau qu'il faut ajouter à la plan- te varie avec chaque espèce et suivant la quan- tité d'huile que cette plante est susceptible de produire. Si on met trop d’eau, les huiles vo- 263 iatiles étant, jusqu'à un certain point, solubles dans ce liquide, on éprouve une perte sensl- ble et souvent même on n’obtient pas d'huile, mais seulement des eaux distillées ou saturées d'huiles volatiles. Au contraire, si on emploie trop peu d’eau, la plante s'attache au fond du vase, surtout vers la fin de l’opération, brüle et donne un produit empyreumatique qui al- tère considérablement la qualité de lhuile obtenue. L'expérience seule peut donc ap- prendre la quantité d’eau qu’il faut ajouter à la plante; mais en général il vaut mieux ne pas ménager l’eau, c’estle moyen d'obtenir des produits plus purs et plus suaves. L'eau du récipient, dont l'huile s’est séparée, peut être employée à de nouvelles distilla- lions, parce qu’étant saturée d'huile elle oc- casionne alors moins de perte. Quand on veut obtenir des huiles d’une ex- cellente qualité, il faut fractionner les pro- duits, c’est-à-dire mettre à part ceux qu'on ob- tient à diverses époques de la distillation. Les produits recueillis les premiers sont toujours les plus fortement chargés et ceux dont l'o- deur est la plus agréable. Quelques huiles moins volatiles que les au- tres passant plus difficilement à la distillation, on ajoute à l’eau du sel marin. Cette disso- lution saturée ne bouillant qu'à 109 ou 110° C., on obtient ainsi une élévation de tempé- ralure qui favorise la distillation de ces hui- les. L'eau du réfrigérant sépare généralement plus d'huile quand on la maintient à une basse température; mais il ne faut pas oublier que cer- taines huiles, ainsi que nous l’avons dit, sont déjà concrètes au-dessus de 0°, et que dans ce cas il ne faut pas refroidir au-dessous de 6 ou 7°C., sion ne veut pas que l'huile se solidifie dans le serpentin. Le feu doit être conduit avec modération et régularité, en évitant les soubresauts et sur- tout les coups de feu violens, qui brûlent les plantes et les décomposent. On cesse de dis- tiller dès que les produits sont devenus in- sipides et inodores. On recoit ordinairement les produits de la distillation dans un récipient florentin, sorte de flacon conique A (fig. 402), portant près de son fond un tube B, recourbé Fig. 402. en $S. Pendant-la distillation le mélange d'huile et d’eau coule dans ce récipient, où se fait bientôt la séparation de ces liquides ; huile surnage et, lorsque la hauteur du mé- lange condensé s'élève Jjus- qu'a l'ouverture supérieure du tube B, l’eau s’écouie par ce dernier, de manière que le niveau reste toujours Île méme. La couche d'huile aug- mentant peu à peu, il ne s’agit plus que de la séparer de l’eau qu’elle surnage. La distillation terminée, on verse ce mélan- ge d'huile et d’eau dans un entonnoir à bec très fin qu’on bouche avec le doigt. Quand les 2 liquides forment, après quelques momens de repos, 2 couches bien distinctes, on ôte le doigt, on laisse écouler l’eau et on rebouche le bec aussitôt que l'huile est sur le point de couler, On transporte alors l’entonnoir sur un ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES HUILES VOLATILES. LIV. IV, flacon où on laisse écouler l'huile et qu’on bou- che hermétiquement. Le récipient florentin ne sert que pour les huiles plus légères que l'eau; celles qui sont plus pesantes sont recueillies dans des vases cylindriques qu'on remplace par d’autres quand ils sont pleins; on les sépare aussi du liquide qui les surnage avec l’entonnoir, ex- cepté que ce sont elles qui coulent les 1'° et qu'on arrête l’écoulement quand l’eau arrive à l'extrémité du bec. Par le repos il se sépare encore un peu d'huile de l’eau qui a servi de véhicule lors de la dis- tillation. On hâte, dit-on, cette séparation en saturant cette eau avec du sel commun. On conserve les huiles volatiles en les ren- fermant dans des flacons de verre parfaite- ment pleins, très bien bouchés et recouverts de papier noir. Ces flacons sont placés dans un lieu obscur et frais, mais non humide. Les huiles obtenues par expression sont celles qui se conservent le moins bien; quand elles dé- posent il faut les filtrer au papier et les ren- fermer dans de nouveaux flacons,commenous venons de le dire. Secriox ÏIT. — De la fabrication des eaux distillées. Les eaux distillées ou aromatiques répandues dans le commerce sont des préparations com- posées d’eau et d’une huile volatile en dissolu- tion. Ces eaux, employées dans la parfumerie, la pharmacie, l’économie domestique, etc. se préparent par des moyens absolument analo- gues à ceux mis en usage pour recueillir les huiles volatiles, excepté qu’à la distillation on emploie une plus grande quantité d’eau et que le feu peut être poussé un peu plus vivement pour faire mouter, dans un temps donné, une plus grande quantité de vapeurs aqueuses. L'huile volatile ne se sépare plus alors, elle reste en solution dans le liquide et lui com- munique une partie de ses propriétés. C’est de cette manière, et en prenant 1 par- tie en poids des plantes ou portions des plan- tes, 4 d’eau, etdistillant ou recueillant2 parties seulement, qu’on obtient les eaux distillées d’anis, de menthe poivrée, de coriandre, de fenouil, d’absinthe, de thym, etc. Les eaux distillées de roses, de tilleul, ete., exigent 1 partie de plantes et 2 d’eau pour ne recueillir que 1 partie; celle de fleurs d'oranger double, 1 de fleur, 3 d’eau, et, distillant 2 parties; en ne retirant que la moitié du produit, on obtient l’eau de fleur d'orange appelée quadruple. La fabrication des eaux distillées et des hui- les essentielles à feu nu et dans un alambic ordinaire donne des produits suaves et agréa- bles, quand on sait diriger convenablement le feu; mais il arrive souvent que les plantes, ramollies par la coction, s’attachent au fond de la chaudière, y brûlent ou y éprouvent un commencement de décomposition qui com- D DE aux produits une odeur et une sa- veur désagréables. Le moyen le plus simple d'éviter cet acci- dent est de garnir le fond de la chaudière avec une couche de paille longue ou une claie d’osier qui empèche le contact immédiat des plantes contre le fond. Henry a proposé l'emploi d’un seau percé de trous, ou mieux en toile métallique, qui reçoit les plantes et cap. 19°. les tient plongées dans le liquide à une certai- ne distance des parois et du fond. Plus tardce chimiste s’est aperçu que les eaux distillées ainsi obtenues conservaient encore, à un cer- tain degré, l'odeur empyreumatique, et, au lieu de plonger le seau dans le liquide, il l’a suspendu au-dessus, de manière que les va- peurs qui s’élevaient de la cucurbite traver- saient les plantes et passaient à la distillation en entrainant tous les principes volatils. Le seul remède tout-à-fait efficace consiste à soumettre les plantes à un courant de va- peurs sans qu'aucun des principes organiques soit soumis à l’action directe du feu. M. Du- PORTAL a décrit un appareil de ce genre qui consiste en une chaudière qui fouruit la va- peur d’eau, un vase intermédiaire qui con- tient les plantes et un serpentin qui recueille et conduit les vapeurs. On doit à M. Souser- RAN un appareil plus simple et que nous al- lons décrire. A (fig. 403 )est un vase à bain-marie en étain ou en cuivre qui s'adapte sur la cucurbite. Ce vase porte, à la partie qui s’élève au-dessus de cette cucurbite, un tuyau en cuivre B, C, D, dont le coude extérieur B entre à frottement dans la douille de la cucurbite. La partie in- térieure du tube se recourbe 3 fois à angle droit et vient se relever au milieu du fond en D. Ce tuyau amène la vapeur qui se produit DISTILLATION DES HUILES ESSENTIELLES. Fig. 404. — 369 par l’ébullition de l’eau contenue dans la cu- curbite. Les plantes qu’on veut distiller sont mises sur un diaphragme en cuivre étamé E ( fig-404) percé detrous, porté par 3 pieds P qui le soutiennent au-dessus de l’orifice du tuyau D armé sur les côtés de 2 lames en cuivre M qui servent à l’introduire et le retirer dans le vase À. L'appareil ainsi disposé on recouvre le bain-marie de son chapiteau, on adapte le ser- pentin, on lute et on distille. On voit ici qu’au- cune partie des plantes ne peut brüler, puis- qu’elles ne sont jamais exposées à une tem- pérature qui dépasse 100° C. F. M. CHAP. XX. DE LA FABRICATION DU CHARBON DE BOIS ET DE TOURBE. ART. Ier, Fabrication du charbon de bois. Le moyen le plus généralement usité pour convertir dans les forêts le bois en charbon est fort ancien, il donne des résultats moins avantageux que les procédés qu’on a cherché à lui substituer en quelques endroits, et est loin surtout de réaliser le maximum de produit que la théorie et l'expérience ont démontré qu'il était possible d'obtenir; nous décrirons les uus et les autres en indiquant les conditions de leur réussite, leurs avantages ou leurs in- convéniens. SECTION J'e, — De la carbonisation dans les forêts. Les charbonniers choisissent à portée des tas de bois abattus, un terrain assez uni et ferme sur lequel ils nettoyent et battent une place pour y établir la charbonnière. Si l’on ne rencontre aux environs des bois em- pilés que des fonds en pente, sableux ou crevassés , il faut niveler le terrain , y ajouter une couche de terre susceptible de s’affermir, la ratisser et la battre, afin de préparer une surface plane et stable. On donne ordinaire- ment à l'emplacement d’un fourneau ou d’un feu environ 15 pieds de diamètre. L'’essence du bois n’est pas chose indiffé- rente; les bois durs donnent le charbon le plus estimé et le meilleur, le plus compacte, celui qui, par conséquent, sous le même vo- lume, contient le plus de combustible; ce charbon est dans tous les usages le plus éco- nomique , et d’ailleurs on ne pourrait sans un très grand désavantage , en employer d’au- AGRICULTURE. tres dans beaucoup d’opérations des arts où il s’agit d'élever beaucoup et rapidement la température. Les charbons légers, réellement lus chers, puisqu'ils se vendent également alla mesure, ne conviennent qu’à ceux qui désirent allumer promptement de petites quantités de charbon et se contentent d’un feu de peu de durée. En comparant les résultats de plusieurs pro- cédés de carbonisation, on voit, en outre, qu'avec les mêmes bois on obtient des char- bons dont le poids, pour une même mesure et quelques autres propriétés, diffère beau- conp comme nous l’indiquerons plus bas. Les bois assemblés d'avance sont assortis par les charbonniers, suivant leur nature (durs ou blancs) et leur grosseur, qui varie de 1 à 3 pouces de diamètre, afin de les em- ployer comme il convient; tous les morceaux doivent avoir sensiblement la même longueur. Voici comment on s’y prend lorsqu'on veut former un fourneau ou amonceler le bois pour le carboniser. On choisit une forte bûche qu’on appointit d’un bout pour l’enfoncer en terre, et dont on fend en quatre l’autre bout; on la plante au centre de l'aire du fourneau (fig. 405 ), et l’on ajuste dans les fentes de sa partie supérieure deux bûchettes qu! forment entre elles quatre angles droits et sont dans un même plan horizontal ; puis on place debout quatre bûches qui, s’inclinent vers celles du centre, y sont appuyées et contenues dans les quatre angles du croisillon ci-dessus indi- qué. Alors, afin de former le plancher. (fig. 406) on couche par terre, sur toute la superficie de Vaire, des bûches en bois blanc,assez grosses rt TOME LI. — 4 370 droiies , en les disposant très rapprochées, et comme les rayons d’un cercle dont le centre est dans la büche plantée en terre; on rem- plit les vides laissés entre ces bûches avec de plus petites dont on recouvre même entiè- rement toute la surface de ce premier lit. Pour donner à ce plancher quelque soli- dité, on enfonce en terre des chevilles autour de sa circonférence , à 1 pied environ de dis- tance les unes des autres; on apporte alors le bois sur des breuettes dont la civière est sur- montée par quatre montans en bois, formant un V, pouvant contenir entre eux un quart de corde de bois ; on place toutes ces bûches debout et inclinées sur le plancher autour des premières sur lesquelles elles s’appuient ( fig. 407).Ainsi rangées elles forment un cône tron- qué dont la base est sur le plancher; on con- tinue de dresser du bois de cette manière lusqu’à ce que l’on soit près de ne plus pou- voir atteindre facilement jusqu’au milieu de ce tas de bois. On aiguise une bûche par un bout, l’une des plus grosses et des plus droites de celles à charbon : on l’implante droite au milieu du cône formé , on la fixe à l’aide de menu bois ; puis on l'entoure de bûches (fig. 408) dressées Fig. 406. Fig. 405. 1j Fig. 408. comme les premières, sur lesquelles elles s’ap- puient, et on leur donne la même inclinaison sur un axe commun, en sorte quelles conti- nuent et doublent l'élévation du cône tronqué. Ce deuxiime étage formé, on contirue le premier jusqu’à l'extrémité du plancher, puis ou achève le 2° étage jusqu'aux bords du pre- mier. Pour étendre encore celui-ci, on arrache les piquets et l’on augmente la surface du plancher, en plaçant tout autour de nouvelles bûches en bois blanc, dont on arrête encore les extrémités par des piquets ; on dresse sur ce plancher, excentrique au premier, deux étages de bûches, en s’y prenant comme nous l'avons dit ; enfin, on répète encore une fois toute cette manœuvre pour donner au four- peau les dimensions qu'il doit avoir, c’est-à- dire la hauteur de deux bûches et un diamè- tre de 15 à 18 pieds. On arrache les chevilles qui contenaient le plancher pour les faire servir à la construc- üon d’un autre fourneau; puis on ramasse au- tour du plaucher du menu bois dechemise, et à l’aide d’une échelle courbée on monte sur ARTS AGRICOLES : FABRICATION DU CHARBON DE BOIS. LIV. EV. peu, la grosse bûche du centre; on remplit les interŸalles restés entre les bûches du 2: éta- ge, avec du bois de chemise qu’on étend sur toute la surface ; on ajoute assez de menu bois pour: former un cône peu élevé dont le som- met aboutit vers la bûche implantée vertica- lement. Le charbonnier couvre alors toute la sur- face du ias de bois avec de l'herbe ou des feuil- les, et irace un chemin autour, en béchant la terre. Si la charbonnière est toute nouvelle’ et qu’il n’ait pas de frazier (mélange de terre et de poussier de charbon), il divise la terre le plus possible et la met en tas; il s’en sert pour donner le dernier enduit, en en couvrant toute la surface du fourneau d’un pouce et demi d'épaisseur, à l'exception d’un demi-pied par le bas, afin de laisser aecès à l’air dans cetie partie. Cn emploie quelquefois des pla- ques de gazon que l’on retourne pour former cette couverture. La dernière façon étant ainsi donnée, il faut mettre le feu; pour cela on ôte la büche lacée au centre du deuxième étage, et l’on Jetie dans le vide on cheminée qu’elle laisse des brindilles de bois sec, puis une pellée de feu. Bientôt une épaisse fumée se dégage tout autour du fourneau et de la cheminée; on laisse les choses en cet état jusqu’à ce qu’on aperçoive la flamme sortir par la cheminée on la recouvre alors d’un morceau de gazon sans la fermer complètement, afin de laisser à la fumée une issue en cet endroit. L’ouvrier doit dès lors être très attentif à observer ce qui se passe, afin de remédier à une foule de petits accidens qui pourraient avoir des con- séquences graves. L'accès de l’air et les issues de ia fumée doivent être régularisés soigneu- sement, afin de rendre le moins inégales pos- sible la température et la carbonisation. Il faut jeter de la terre, ou mieux du frazier, dans les endroits où la fumée sort trop abon- damment. Quelquefois les gaz comprimés font de pe- tites explosions qui occasionnent quelques trous où cheminées; on doit les reboucher à l'instant avec de la terre, du frazier ou des pièces de gazon; enfin, il faut ajouter de la terre au bas du fourneau et rétrécir ainsi de plus en plus le passsage qu’on y a ménagé: la carbonisation se fait bien etassez égaiement lorsque la fumée s’exhale lentement de tous les poinis de la périphérie, excepté au som- met, où le courant est entretenu un peu plus rapide. Il arrive souvent, dès le premier jour, que le tas en combustion s’affaisse beaucoup à un coté; il faut alors ouvrir une issue du côté opposé, à l’aide de l’angle d’un rabot, sorte d'outil formé d’une planche taillée en un seg- ment de cercle, emmanchée par le milieu de sa surface, et perpendiculairement à celle-ci, d’un long manche en bois; en se servant d’un des côtés rectilignes de ce même outil, on étend et l’on unit la terre qu’on jette sur l’en- droit affaissé. C’est ainsi qu'on doit de temps à autre changer la direction des courans éla- blis dans l’intérieur du fourneau. Les charbonniers doivent observer encore l'influence du vent sur la carbonisation, etsont obligés, pour s’en garantir, d'élever des abris le haut du tas, afin élever, en l’ébranlant un | avec des clayonnages en osier. Ils veillent du- map. 20°. DE LA CARBONISATION DANS LES FORÊTS. 371 rant les nuits aux progrèside l'opération, dont le succès dépend entièrement de leurs soins, et qui pourrait ne leur donner d'autre résullat qu'un tas de cendres sans valeur. C’est à l’ap- proche de la seconde nuit surtout qu'ils doi- veut redoubler d’attention. Eu effet, presque toute la masse est alors incandescente, et l'on attend lapparition très prochaine du grand feu; c’est fè moment où la chemise, entière- ment devenue rouge, indique que le charbon est fait. On recouvre toute la superficie du tas avec de la terre et du frazier, qu’on unit à l’aide du rabot en râclant de haut en bas ces matières jetées à la pelle, et l'on achève ainsi de couvrir la partie inférieure du contour extérieur qui était à nu jusque là. Le tout étant bien uni, on ne voit plus que très peu de fumée. Quelques heures après il faut ra- re ce qui s'exécute en tirant avec ie ra- ot le plus possible de terre et de frazier, y ajoutant de nouvelle terre et étendant encore le tout à la pelle sur la superficie du fourneau. Cette opération, lorsqu'elle n’est pas soigneu- sement faite, doit être renouvelée une fois et meme deux; elle a pour but d’étouffer com- plètement le charbon en interceptant toute communication avec l’air extérieur. Le 4e jour, le charbon est prêt à être tiré. I faut donc 3 jours entiers pour terminer la carbonisation et le refroidissement. Tout ce temps n’est pas nécessaire lorsque le bois est sec; 2 jours 1/2 suffisent ordinarrement. Pour tirer le charbon on ouvre le tas d’un côté seulement, à l’aide d’un crochet en fer; et si l’on s’apercevait que le feu fût maléteint, on reboucherait l’ouverture avec du gazon ou des feuilles et de la terre. On a introduit, en différens endroits, plu- sieurs modifications au procédé que nous ve- nons de décrire. Ainsi, par exemple, on a varié les formes des fourneaux et leurs di- mensions; on les a construits en pyramides! qacrangu laires, en cônes élevés de 2 étages e plus. Quelquefois on met le feu par le bas et on laisse sortir la fumée sur plusieurs points de la partieinférieure, etc. PAYEN. SECTION II. — Des procédés perfectionnés de carbonisation. En consultant, dans le livre des forêts (t.IV, - 128 ), ce qui est dit sur la carbouisation des _£ ois, On voit que ces procédés ne donnent gé-/[ néralement pas au-delà de 15 à 18 p. 0/0 de charbon de bois, mais que, dans les circons- tances favorables et lorsque la carbonisation est conduite par ur bon ouvrier, on peut s’é- lever jusqu’à 20 et 23 p. 0/0. Pour atteindre constamment ces derniers résultats on a proposé un grand nombre de procédés , dont nous ne devons pas nous occuper ici, parce qu'ils me paraissent pas d’une exécution assez facile dans la pratique ou assez économiques pour fournir à des prix modérés les charbons dont les usines à fer, les forges, les fonderies de métaux et même les besoins usuels réclament impérieusement la fabrication. C’est ainsi que la carbonisation des bois en vases clos, quidonne, terme moyen, 25 p. 0/0 d’un charbon de bonne qualité, et qui recueille en outre les produits accessoires, tels que le goudron et l'acide pyroligneux ou acétique impur, est une opération qui est à peu près abandonnée pour cet objet, parce que le prix des appareils distillatoires et des trausports des charbons ainsi préparés dans ces appareils fixes ne permet pas de les livrer aux usines à des conditions avantageuses. Parmi les autres appareils, qui sont des mo- difications plus ou moins heureuses de la mé- thode suivie en forêts et dans lesquelles tan- tôt on abandonne, tantôt on recueille les produits accessoires, nous ne ferons connaître que celui dû à M. Foucau», et qui est aisément transportable, d’une construction facile et peu dispendieux, et la méthode de carbonisation qui a été mise en pratique avec succès par M. DE LA CHABEAUSSIÈRE. @ Ier. — Procédé de M. Foucaur. Le procédé de M. Foucaup est fondé sur le principe des abris; la construction de son fourneau qu’on voit à vol d’oiseau et en élé- vation dans les fig. 409 et 410, et la conduite du feu sont absolument les mêmes que dans le procédé des meules; on y ajoute seulement une enveloppe conique qui, aux avantages des abris ordinaires, réunit celui de pouvoir re- cueillir les produits accessoires de la carboni- sation dans des appareils réfrigérans. Pour former un abri de 30 pi. de diamètre à sa base, 10 pi. à son sommet et 8 à 9 pi. de hauteur, on assemble, en bois de 2 po. d'écar- rissage, des châssis de 12 pi. de long, 3 pi. de large d’un bout et 1 pi. à l’autre. Les montans A,BetC, D (fig. 411) de ces châssis sont mu- Fig. 409. nis de 3 poignées en bois à l’aide desquelles on peut les réunir; il suffit pour cela de passer dans 2 poignées contiguës une cheville en fer ou en bois. Les châssis sout garnis de clayon- nages d’osier et enduits d’un mortier de terre mélée d'herbes hachées. Un couvereleplat de 10 pi. de diamètre, for- mé de planches bien jointes et maintenues par 4 traverses, forme le sommet du cône. Il est muni de 2 trappes destinées à livrer pas- sage à la re fumée au commencement de l'o- ération ; un trou triangulaire P, pratiqué sur e même couvercle, reçoit un conduit formé de 3 planches, et destiné à conduire les gaz et liquides condensés dans des tonneaux. En- ‘12 fin,une porte T, que l’on ouvre et ferme à vo- | lonté, permet au charbonnier de visiter son feu. En enduisant de craie ou de terre crayeuse les parois intérieures de tout le clayonnage en osier, on obtiendrait directement de l’acétate de chaux. $ IL. — Procédé de M. DE LA CHABEAUSSIÈRE. Dans ce procédé, on creuse en terre ou on élève sur le terrain des cylindres de terre battue ou de gazon , et on y pratique des évens comme nous allons l'indiquer. La fig. 412 représente un fourneau souler- rain, moitié en place et moitié en élévation à vue d'oiseau, et la fig. 413 est la coupe du Fig. 414 même fourneau suivant la ligne A, B. L’en- semble de ces figures montre les objets sui- vans : À, moitié du plan au niveau du rem- blayage du fond; B, moitié de l’élévation à vue d'oiseau; C, demi-coupe sur la cheminée; D, demi-coupe sur les courans d'air; E, rem- blayage du fond; G, ouvreaux des courans d'air formés en brique; F, évens pratiqués dans le terrain pour former des courans d’air ; H, caisse en brique et tuyau conducteur des fumées; 1, entourage en brique, sur lequel doit poser le couvercle. La fig. 415 représente un fourneau construit au-dessus du sol, moitié en plan, moilié en élévation à vue d’oiseau, et la fig. 416 la coupe du même fourneau, sur la cheminée et les courans d'air; L, est la moitié du plan de ce fourneau, au niveau du remblayage du fond; M, la moitié de l’élévation à vue d'oiseau; N, une perche plantée en terre pour soutenir la partie de la caisse qui dépasse le fourneau; il en faut 2 parallèles, réunies par une tra- verse. La fig. 414 fait connaître la structure du chapeau ou couvercle P, qui est en tôle fer- rée; D, le soupirail pour la mise en feu; b.b, des soupiraux pour les 1" fumées et pour ré- gulariscer le feu. Les tyaux à courans d’air sont formés par des tuyaux de terre de 2 pi. de diamètre. Ces tuyaux. soit en dehors, soit en dedans du four- neau, äboutissent à des cavités en brique. Une couronne en brique forme le bord du fourneau et sert à supporter le chapeau. Les ARTS AGRICOLES : FABRICATION DU CHARBON DE BOIS. Fig. 415. LIV, iv Fig. 416. fourneaux souterrains consistent d’ailleurs en une simple fosse de 10 pi. de diamètre sur 9 de profondeur, dont on répare de temps en temps les parois avec de la terre battue. Le fond du fourneau est remblayé avec de la terre à potier, légèrement humectée et battue jusqu’au niveau des évens, c’est-à-dire à 6 po. de hauteur, en donnant un peu de convexité à cette aire. À 9 po. au-dessous du bord est pratiqué un trou rempli par un tuyau de terre cuite de 9 po. de diametre. Celui-ci est un peu incliné vers l’intérieur du fourneau et aboutit à une caisse carrée H de 18 po. de long sur 1 pi. de large, et 15 po. de hauteur, construite en bri- que sur le terrain et ouverte par le haut. Cette caisse porte une gorge qui recoit une plaque de tôle destinée à la fermer. L’acide et le goudron qui pourraient obstruer le passage s’écoulent par une ouverture percée à 2 ou 3 o. au-dessus du fond de la caisse et bouchée a volonté. De cette caisse partent des tuyaux verticaux, en tôle ou en terre cuite, qui s’é- lèvent à environ 4 1/2 pi. et se prolongent ho- rizontalement ou légèrement inclinés jusqu’à 15 pi. du fourneau. A cette distance, il n'y a plus à craindre que le feu prenne; le reste de l'appareil peut être en bois et le condensateur peut être placé vers ce point. Le chapeau en fer P est formé de plaques de tôle consolidées par un cercle en fer plat et par des bandes mises de champ, qui maintien- nent sa surface supérieure. Il est légèrement bombé et pèse 250 à 275 kilog.; on lui donne 10 pi. 6 po. de diamètre, afin qu’il porte de 3 po. sur le fourneau ; il doit être assez solide pour ne pas s’affaisser quand on marche des- sus. Au milieu on pratique un trou D de9 po. de diamètre, garni d’un collet et fermé par un bouchon en fer ; 4 ouvertures semblables b, b, mais de 4 po. de diamètre seulement, sont percées à 1 pi. du bord du couvercle. Ce cha- peau se manœuvre très aisément au moyen de 2 leviers en fer et de quelques ronleaux en bois, ayant 12 pi. delongueur, pour qu’ils puis- sent traverser le fourneau et poser sur le ter- rain. Pour construire les fours élevés au-dessus du sol, il faut d’abord tracer sur le terrain 2 cer- cles concentriques , l’un de 4 pi. 1/2 derayon, l'autre de 8 1/2 pi. L'espace de 4 pi. qui reste cuar. 20°. entre eux sert de base pour la muraille de gazon à construire ; on élève celle-ci par as- sise, en ayant soin de battre chaque couche de gazon, afin d'en lier les parties sur toute l'épaisseur : sa hauteur est de9 pi. Par le haut, et à cause du talus, cette muraille n’a plus que 3 pi. d'épaisseur. Le bord intérieur est garni d’une rangée de briques posées à plat. Les évens de ces fourneaux de gazon sont | au nombre de 8, pratiqués à 6 po. du sol natu- rel, et au niveau du sol intérieur, élevé par un remblai; ils sont garnis de tuyaux de po- terie ou de briques. Le chapeau en fer est le mème que pour les fourneaux souterrains; seu- Jement il est muni de 3 anneaux pour recevoir une triple chaine, qui est attachée au bout d'une grue tournante et à bascule , qui sert à le soulever, à le replacer et à enlever les pa- uiers de charbon. Les tuyaux de ces fourneaux sont les mé- mes que ceux des fourneaux souterrains, avec celte différence qu'ils vont en descendant jusqu'à la 1 caisse, qui n’a pas besoin d’être aussi grande, et continuent depuis cette caisse, toujours en descendant, jusqu’à la 1" pièce de l'appareil condensateur. Dans l’un et dans l’autre de ces fourneaux cet appareil condensateur est formé d’une sé- rie de futailles que la fumée est obligée de traverser avant de se rendre dans une chemi- née où l’on fait un peu de feu pour établir un tirage convenable. Avant de mettre le fourneau en activité, il faut bien le sécher en y faisant un feu de brous- sailles ou de copeaux; cette opération termi- née , on procède au chargement de la manière suivante : On plante au centre de l’airé un poteau rond de 4 po. de diamètre et de la même hau- teur que le fourneau; on le fait entrer légè- rement dans le sol, et on le maintient droit en l’entourant au pied avec un 1/2 hectol. de menu charbon. On choisit, parmi le bois à charbonner, les bûches les plus fortes, et on en forme entre les évens des rayons horizon- taux, mais qui ne doivent cependant s'appuyer ni contre le poteau ni contre les parois du four. L'intervalle ménagé entre les rayons, qui est de 4 à 5 po. au centre, et de 16 à 18 vers la circonférence, forme autant de cou- rans d'air partant des évens ct aboutissant au centre du fourneau. Sur ces rayons on pose transversalement une 1 couche de bois qui s'appuie contre le poteau, mais dont les morceaux doivent être aussi rapprochés que possible. Cette couche en recoit successive- ment d’autres, jusqu’à ce que le fourneau soit entièrement chargé, avec la précaution de remplir les vides, surtout vers la circonférence, ce qui se fait en alternant la longueur des bü- ches, quiest de 56 à 42 po. Le re étant chargé, on enlève le po- teau du milieu; on place le couvercle, dont on ouvre les 5 Le et qu'on recouvre de 2 po. de terre ou de sable sec, de débris, étc., pour qu’il y ait le moins de condensation pos- sible des vapeurs dans l’intérieur du four- peau ; on ouvre également tous les évens laté- raux. Pendant ce temps on a allumé de la braise a côlé du fourneau; on la verse toute incan- descente, et au moyen d’un grand entonnoir , DE LA CARBONISATION DANS LES FORETS. 373 par le trou central du chapeau, dans l'espèce de cheminée ménagée au milieu de la masse; elle tombe au fond du fourneau et embrase le menu charbon et le bois sec qui s’y trouvent placés, et afin que la flamme se distribue vers les bords du fourneau on bouche her- métiquement l’orifice central du chapeau, dont on lute le bouchon avec de la terre à po- tier humectée. On laisse agir pendant quel- que temps l’'embrasement ; mais aussitôt qu'on s'aperçoit que fa flamme bleue prend une couleur blanchätre et forme des nuages, on ferme légèrement les soupiraux du couvercle et on diminue les ouvertures des évens, afin de laisser très peu de passage à l’air; on dirige ensuite l'opération suivant la nature du dé- veloppement des fumées et on bouche entière- ment les soupiraux. Si l'abondance des vapeurs était telle qu’el- les ne pussent être convenablement attirées par la cheminée extérieure placée au bout du condensateur, il vaudrait mieux perdre un peu d'acide et laisser échapper quelques va- peurs par les soupiraux du chapeau, plutôtque de voir l’opération se ralentir et peut-être Île feu s’éteindre. L'opération doit durer 60 à 80 heures pour obtenir du charbon de bonne qualité. Au moyen d'une sonde on peut reconnaitre le- tat de la carbonisation, soit en retirant des morceaux de bois carbonisé, soit en examinant si le tassement est égal dans toutes les parties du fourneau. S'il ne l’est pas, on ouvre l’évent du côté où ce tassement est le moins consi- dérable, et le soupirail opposé, et bientôt l'équilibre se rétablit. Lorsque l'opération est terminée, on trouve ue le bois s’est affaissé d'environ moilié e sa hauteur, s’il a été empilé horizontale- ment. 6 Quand on est assuré que la carbouisation est complète, soit par le sondage, soit par la nature et la couleur du peu de fumée qui peut encore se manifester, on donne le coup de force, c’est-à-dire qu'à l'exception de l’orifice cen- tral du chapeau, on ouvre toutes les autres ouvertures et les évens ; alors il se produit un dégagement d'hydrogène qui n'avait pu être évacué en totalité. Si on n’effectuait pas ce dégagement, le charbon conserverait une teinte rougeàlre qui nuirait à la vente. Lorsqu'on voit à travers les soupiraux la surface du tas devenir incandescente, on pro- cède à la suffocation, en bouchant herméli- quement et avec beaucoup de soin toutes les ouvertures ; on enlève la terre qui était sur le couvercle, et on le badigeonne au pinceau avec de la terre délayée dans l’eau. Pour clore les soupiraux du couvercle, on y introduit les bonchons de tôle; on les surmonte de man- chons de tôle ou de terre cuite d'un plus grand diamètre et d’une plus grande hauteur que les collets, et on les remplit de terre qu’on enlève de dessus le chapeau. La durée du refroidissement est d'environ 72 à 80 heures dans les fourneaux qui ne chô- ment jamais. ji ; Dès que le fourneau est refroidi on le décou- vre el on s'aperçoit que le charbon, sauf le retrait, a conservé la forme du bois sans mé- lange de terre ni d'aucune impureté. Pour le retirer, un ouvrier descend, sans le moindre 374 danger pour lui, dans le fourneau, enlève à la main, et sans le briser, tout le charbon en morceau , et ramasse ensuite avec une pelle le peu de menu et de poussier qui pourraient rester au fond. S'il trouve quelques fume- rons il les met à part; mais ii est rare qu’il y en ait. Dans le cas ou le refroidissement n’aurait pas été complet, l’ouvrier se sert d’une main de fer ; s’il était resté du feu dans le fournean par suite de la clôture imparfaite des évens, il n’en faudrait pas moins le vider. Le char- bon allumé ou mal éteint est porté sur une are voisine, où il est étendu avec des rà- teaux, ce qui suffit pour qu’il s’éteigne de lui- même. Quand le fourneau est vidé on le recharge, et on s'occupe à en vider un autre. Cinq ouvriers suffisent pour le travail de huit four- neaux. Le produit annuel de ces 8 fourneaux a été de 20 p. 0/0 dans l’établissement de M. DE La CHABEAUSSIÈRE, Où on a obtenu pour 2,000 stères bois de chène, pesant1, 250,000 kil. 16,000 hectol. charbon pesant 250,000 1,000 pièces d'acide acétique impur pesant 223,500 La dépense de construction de chaque fourneau est d'environ 450 fr., dont 400 fr. pour le cha- peau ét le surpius pour le fourneau. En cas de déplacement, il n’y a de perte réelle à faire que celle des fourneaux, dont l’entretien est presque nul, les ouvriers pouvant les réparer eux-mêmes au fur et à mesure des dégrada- tion la dépense de l'appareil de condensation, qui, une fois construit, est facile à transpor- ter sans de grands frais. Ce procédé offre sur les méthodes ordinai- res les avantages suivans : le charbon est ob- tenu en plus grande quantité et de meilleure qualité; l'opération est plus facile à conduire et à surveiller; il y a économie de temps pour le chargement et le déchargement du four- neau ; le charbon est facile à recueillir; il n’est mélé ni de terre ni d'aucune impureté; les fumerons y sout très rares; les appareils sont simples, peu coûteux à établir, et exigent peu d'entretien; enfin, on peut à volonté perdre ou recueillir les produits volatils. En traitant des produits résineux nous in- diquerons la préparation du noir de fumée, qui n’est auire chose qu’un charbon très divisé, el nous décrirons un mode particulier de car- bonisation des bois épuisés de térébenthine, à l’aide duquel on obtient des goudrons moins colorés et plus résistans que par les procédés habituels. F. M. Secrion III. — Emploi du charbon. Il serait trop long d’énumérer ici tous les usages du charbon de bis ; nous nous con- tenterons de rappeler qu'il est employé : 1° comme combustible, surioui dans les circon- stances où l’on veut obtenir une température inlense sans un fort tirage el sans fumée dans de petits fourneaux d’une construction très simple; 2° pers garnir le pied des paraton- perres, afin de distribuer dans le sol ou d'en soulirer le fluide électrique capable de neu- traliser l'électricité contraire des uuages. Il | ARTS AGRICOLES : FABRICATION DU CHARBON DE BOIS. tions. On ne fait pas entrer dans cette évalua- LIV. IVe faut, relativement à cette application, que le ; charbon soit bien calciné, comme ia braise des fours àboulangeries, afin qu’il soit bon conduc- teur; 3° pour tapisser les parois intérieures des tonneaux destinés à la conservation de l’eau dans les voyages de long cours et la garantir ainsi de la fermentation putride. A cet effeton carbonise tout simplement les parois intérieu- res des barriques en y faisant brûler des co- peaux à plusieurs reprises. Aujourd'huionpré- fère généralement se servir de caisses en tôle, qu’on préserve de l’oxidation par un enduit de bitume et d'huile de lin, et dans lesquelles on dépose de la ferraille pour préserver l’eau de la putréfaction ; 4° pour la dépuration des eaux potables; 5° pour la désoxidation d’un grand nombre de substances ; 6° pour la préparation de la poudre à canon, des crayons, etc. SECTION IV.— Des diverses variétés de charbon. Nous terminerons cet article par une con- sidération importante sur la valeur et les pro- priétés spéciales du charbon de bois, suivant deux circonstances données de sa prépara- tion. Dans les procédés suivis, soit pour carboni- ser en perdant tous les produits volatils, soit en recueillant les vapeurs condensables et brûlant à partles gaz, toutes les fois que l’o- pération faite sur de grandes masses est lente etrégulièrement graduée, toutes choses égales d’ailleurs, et, par exemple, pour des bois à'é- gale densité apparente, le charbon a pris plus de retrait, par conséquent il est plus lourd sous le même volume et moins dispezdieux à prix égal, puisqu'on l’achète à la mesure; il est d’ailleurs de beaucoup préférable pour obte- nir une haute température dans les fonderies en bronze, etc. ; en effet, il développe dansun même espace une plus grande quantité de chaleur. Le charbon plus léger, qui résulte d’une ra- pide carbonisation, offre l'avantage de s’allu- mer plus vite et d’accélérer ainsi de petites opérations de laboratoire où d'économie do- mestique. Une 3° variété &e charbon, peu en usage en- core, a élé utilisée depuis deux ans par les con- seils de M. Durournez, élève de l’école cen- trale des arts et manufactures de Paris, et in- diquée comme une grande amélioration dans l'emploi économique de ce combustible; nous voulons parler de l’application des fumeronsou mouchots, c’est-à-dire du bois incomplètement carbonisé ou amené seulement à l’état de charbon roux. Les 1 essais ont eu lieu dans la forge de M. Josar», en employant un tiers de lachar- ge du combustible en fumerons. Ces sortes de résidus, que l’on croyait devoir rejeter naguère et que l’on extrayait à dessein des meules carbonisées, et souvent dans la pro- portion de 5 à 10 p. 0/0, n’ont rien changé à l'allure du fourneau, et ont procuré par consé- quent une économie notable. On enatiré la conséquence qu'il y aurait beaucoup plus de profit encore à carboniser exprès, seulement à ce point, la totalité du bois à charbon. On peut se faire une idée des avantages qu'on doit retirer de cette innova- tion par les données suivanles, que nous re: Fit cuaApP. 20°. produisons avec l'autorité du nom de M. Ber- THIER, membre de l’Institut, directeur des mines, et dont l'opinion est entièrement favo- rable à l'emploi précité du charbon roux. Le tableau suivant permettra de calculer ces avantages ; il indique dans la 1" colonne les divers charbons obtenus suivant les procédés mis er usage ; dans la 2° se trouve la quantité de chaque sorte de charbon pour 100 kil. de bois ordinaire contenant 13 d’eau hygromé- trique, et représentant donc 87 de bois séché à l’étuve ou 38 de charbon pur ; dans la 3° co- lonne on voit la quantité de carbone ou char- bon supposé pur que représente chaque va- riété de charbon, et dans la 4° l’équivalent en charbon pur de la perte faite dans chacune des opérations en regard. | | CHARBONS. Quantités obtenues. Charbon pur représenté. Perte en charbon pur, Charbon roux. , . .. Charbon des grandes DORE - Charbon des meules ordnaires. . . . . . Charbon en grands vases clos, rapide- PRIE. -. - e Charbon en petits va- ses clos, très rapi- dement obtenu. . . Tous ces résultats obtenus dans des opéra- tious soignées sont des maxima; mais enfin on peut y prétendre, et l’on voit que, sous ie rapport des quantités du combustible pur, le NATURE DES BOIS. Hêtre vert coupé en mai 1832. . . Chêne vert écorcé coupé en mai 1832 . . (Chêne et hêtre secs non écorcés de 2 ans. IChène see écorcé de 2 ans. . . . . . Chêne vert avec son écorce coupé en mai 18 Chêne vert écorcé coupé en mai 1832 . . Chêne vert non écorce coupé en mai 1832. . FABRICATION DU CHARBON DE TOURBE. oi.) plus grand produit est en charbon roux, quand même on le supposerait encore de 5 p. 0/0 au- dessous. Vient ensuite la carbonisation en grandes meules qui, à la vérité, lorsqu'elle est mal soignée, ne donne que 20 à 22 p. 100 au lieu de 29. SECTION V. Gus Produits de la carbonisation des diverses natures de bois. Le charbon obtenu des meules ordinaires forme au plus le 5° du poids du bois et quel- quefois seulement le 6°, et terme moyen 18 p. 0/0 de charbon. Dans ce dernier cas Ja perte en équivalent de charbon pur est de 50 p. 9/0. La carbonisation en vases clos produit au plus 28 p. 0/0, mais qui n’équivalent, à cause des matières volatiles, qu’à 24 de char- bon pur. Souvent on n'obtient que 23 repré- sentant 20 de carbone. Le dernier résultat fait voir combien est grande l'influence de la ra- Pidité dans la carbonisation , puisqu’en effet, en calcinant dans un creuset de laboratoire le même bois, qui contient 38 p. 0/0 de char- bon pur, on n'en obtient que 12,5, c’est-à- dire que l’on en perd plus des 2/3. Nous donnerons, à cet égard ici le tableau des résultals que M. JuNcker, ingénieur des mines, a constatés , à la demande de M. Ber- THIER, près des usines de Poulaouen , sur di- verses essences de bois. Tous les bois ainsi essayés étaient âgés de 32 ans ; les meules avaient un égal volume, leur contenance était de 5 cordes. On a mesuré les charbons anssitôt après le défournement, et ils ont été pesés immédiatement ensuite, et avant qu'ils n’eussent enccre absorbé les 6 à 9 p. 0/0 d’eau qu'ils ne tardent guère à prendre dans l'air atmosphérique. Les cinq premières fournées ont été faites en août et les cing der- Ps en janvier, par un temps très défavo- rable. PRODUITS OBTENUS. me CHARBON, ee BOIS. |Ibarriques.| poids. kilog. 7830 7620 5634 6886 5706 .| 6540 .| 5012 kilog. |kilog. 1536 | 46 1749 | 25 1356 | 17 1762 | 24 1276 | 18 1382 | 17 930 | 60 Chène 1/2, hêtre 1/2 non écorcés coupés en jan- vier 1831 et mis en tas en août 1831. . . . Hêtre vert avec écorce carbonisé immédiatem!. | Chêne vert avec écorce carbonisé immédiatem!, | 24 On voit que la dernière colonne de ce ta- bleau indique la proportion de charbon, dé- duction faite des fumerons qui, dans ces opé- rations bien soignées, ne se sont élevés que de 1 à 6 1/2 pour 0/0. Arr. IT. De la fabrication du charbon de tourbe. SECTION 1°. — De la tourbe et de son exploi- tation. Sous le nom de {ourbe, on désigne une ma- 316 ARTS AGRICOLES : FABRICATION DU CHARBON DE BOIS. tière d'une nuance brune foncée, lerne, spon- gieuse, légère lorsqu'elle a perdu leau dont elle est imbibée , formée des débris de végé- taux entrelacés, quelquefois reconnaissables, mais pourtant déjà décomposés en parte el mélangés de terre en proportions variables. Les dépôts de tourbe les plus considérables constituent la variété désignée sous le nom de tourbe des marais, dénomination qui in- dique son gisement et son origine. Elle se trouve en couches plus ou moins épaisses dans des terrains marécageux qui ont servi autre- fois ou qui servent encore de fonds à des lacs d’eau douce. Ces couches sont horizontales, ordinairement recouvertes par un lit de sable ou de terre végétale, dont l’épaisseur s’élève rarement au-delà de quelques pieds. La masse de tourbe est quelquefois divisée en plusieurs lits par des couches minces de limon, de sa- ble ou de coquilles fluviatiles. Les tourbières varient en étendue, surtout suivant la surface de l’amas d’eau dans lequel elles ont pris naissance. On en trouve en Hollande qui ont une étendue très considérable, tandis que dans les vallées des hautes montagnes , telles que les Alpes ou les Pyrénées, il s’en rencon- tre qui ont seulement 7 à 10 mèt. de largeur. L’épaisseur du lit de tourbe n’est pas moins variable ; tantôt elle n’est que de 3 ou 4 pieds, tantôt, comme en Hollande, elle atteint jus- qu’à 30 pieds de profondeur. La formation de la tourbe est évidemment le résultat de l’altération d’un amas de végé- taux morts et déposés au fond des marais ou des lacs , où ils se sont mélangés avec le limon et les plantes aquatiques qui y vivaient; il suffit d’avoir observé les touffes épaisses de graminées qui tapissent les marécages pour reconnaitre l’origine de la tourbe. Chaque année ces lits augmentent d'épaisseur et les végétaux qui s’y développent finissent par se trouver à une distance assez grande du ter- rain, dont ils sont séparés par une couche épaisse de débris où de racines entrelacées qui s'accumulent en se désagrégeant et s’alté- rant de plus en plus; en définitive, c’est le bois ou la matière ligneuse, peu à peu altérée et convertie en ulmine et ulmate de chaux, qui forme la tourbe, de même qu’une altération beaucoup plus longue et plus avancée a con- verti en lignites, en houilles et en anthracite, de plus anciens, plus grands et plus abondans végétaux. L'exploitation des tourbières se fait avec faci- lité; leurs couches, généralement très super- ficielles, sont d’abord découvertes en déblayant des matières terreuses, puis on enlève la tour- be de diverses manières. On distingue les par- ties supérieures des couches, de celles qui sont plus profondément placées. Les pre- mières, encore très ligneuses ou composées de débris végétaux bien distincts, portent le nom de bouzin, ou de tourbe mousseuse, fibreuse ou légère. Les couches sous-jacen- tes, formées de débris presque entièrement désorganisés ou méconnaissables, donnent la tourbe lourde, limoneuse ou compacte. La tourbe limoneuse étant plus estimée que le bouzin, elle est extraite avec beaucoup plus de soin; d’ailleurs la couche de bouzin est toujours la moins puissante; on l’en- lève à la bêche ordinaire et on la moule LIV. 1V. grossièrement en briques de fortes dimen- sions, que l’on fait sécher à l’air ou au soleil, et que l’on vend à part. Dans les tourbières de France, la tourbe limoneuse, s’exploite au- trement. Lorsque, au moyen de l’enlèvement du bouzin, la couche de cette espèce de tourbe a été découverte, on la coupe en bri- ques au moyen d’une bêche nommée louchet, munie d’une oreille coupante pliée à aagle droit sur le fer principal. Ces briques sont de même séchées au soleil ou à l’air. Le louchet porte quelquefois deux oreilles coupantes ; quelquefois celles-ci sont réunies par une lame de fer qui donne à l'instrument la forme d’une caisse rectangulaire ouverte aux deux bouts et coupante à son extrémité. Lorsque la tourbière est inondée, on fait usage de la drague, afin d’extraive ainsi de la tourbe en bouillie que l’on étend d’abord sur un terrain en pente légère. La tourbe de Hollande, limoneuse, s’ex- ploite par des procédés simples et économi- ques qui peuvent servir de modèles en ce genre ; nous les décrirons avec quelques dé- tails. On enlève les couches de substances étran- gères qui recouvrent le lit de tourbe, on ex- trait celle-ci d’abord au louchet, puis au moyen d’une drague. Les dragues qu’on em- ploie en France sont formées d’un sceau en fer; celles de Hollande sont bien préférables; elles consistent en un simple anneau en fer à bords coupans, dans l'épaisseur duquel sont percés des trous en nombre suffisant pour recevoir les cordes principales d’une espèce de filet ou de sac qui forme le fond ou po- che de la drague. L’ouvrier, au moyen de cet ustensile, ramène plus de tourbe et moins d’eau. Il la verse dans un baquet où elle est pétrie par un ouvrier qui la débarrasse, à l’aide d’un fourchet, de tous les débris trop gros- siers, en même temps qu’il en forme une pâte qu’il piétine fortement et qu’il brasse avec un rabot. Lorsque la pâte est bien faite, on l’étend sur une aire de 4 à 10 mètres de largeur sur une longueur variable suivant la disposition du local, et on la réunit en une couche continue de 13 pouces d’épaisseur, qui est maintenue par des planches sur les bords del’aire, produisant une sorte d’encaissement; l’eau surabondante s’écoule ou s’infiltre dans la terre; une grande partie s’évapore. Afin d'éviter que la tourbe ne s’incruste dans la terre et n’y adhère, on a le soin de recouvrir tout le sol d’un lit de foin piétiné, avant d'y verser la tourbe en bouillie. Cette bouillie étendue avec des pelles est tassée à coups de battes qui lui donnent une épaisseur et une consistance uniformes. Au bout de quelques jours, la tourbe est un peu raffermie, par suite de l’infiltration et de l’évaporation de l’eau ; des femmes et des enfans marchent alors sur les couches, ayant attachées sous les pieds, à l’aide de courroies, des planches de 16 centimètres de large et de 33 à 40 centimètres de long. Ce piétinement tasse la tourbe, donne de la compacité à la masse et remplit les gerçures qui s’y étaient formées. On ne discontinne cette opération que lors- que la tourbe est devenue assez dense pour qu’on puisse marcher dessus avec des chaus- cHap. 20°. sures ordinaires sans s'y enfoncer. Alors on achève de la tasser au moyen de larges battes et on finit par la réduirg à une épaisseur uni- forme de 22 à 25 centimètres. On trace alors sur la couche, au moyen de longues règles, des lignes qui la divisent en carrés de 12 à 13 centimètres de côté. L'épais- seur de la couche étant de 24 centimètres, on f voit qu’en la coupant suivant ce tracé, on formera des briques de 24 centimètres de long sur 12 de large et autant d'épaisseur. La division de ces briques s'effectue au moyen d’un louchet particulier dont le fer tranchant est terminé par un angle très ou- vert. On coupe la tourbe dans le sens du tracé, çà et là d’abord, pour examiner son état de dessiccation ou pour faciliter celle-ci; puis, à mesure qu'elle s'effectue, on achève la di- vision; on abandonne alors les briques de tourbe à une 1re dessiccation spontanée, afin welles prennent plus de consistance. Enfin es ouvriers, les mains garnies de cuirs qui | les préservent du frottement, enlèvent toutes les briques des rangs impairs et les posent en travers sur celles des rangs pairs restées de- bout. Quelques jours après on les déplace en sens inverse, c'est-à-dire en remettant de- bout les rangs impairs et posant sur eux en travers les rangs pairs. Cette opération suffit pour que la dessiccation s’achève d’elle-même en peu de temps. Les briques de tourbe sont ensuite emmagasinées. ; On doit cependant n’exécuter l'emmagasi- nage que lorsque la dessiccation est bien faite, car les tourbes entassées pourraient fermen- ter et s’échauffer au point de prendre feu. Par la distillation, la tourbe donne des pro- duits analogues à ceux du bois, mais en pro- ortions différentes. KLarrorx a obtenu de a tourbe du comté de Mansfeld. { 20,0 charbon. 2,5 sulfate de chaux. 1,0 protoxide de fer. 3,5 alumine, 4,0 chaux. 9,5 sable siliceux. {° Produits s0- lides 40,5 2° Pro- 12,0 eau chargée d'acide py- duits roligneux. liquides 42,0) 30,0 huile empyreumatique, brune, cristallisable. 3° Pro- 5,0 acide carbonique. duits 12,5 oxide de carbone et hy- gazeux 17,5 drogène carboné. 100 On doit compter parmi ces produits une etite quantité d’acétate d’ammoniaque dont Posérie peut être attribuée à quelques débris des animaux qui vivaient dans certains ma- | rais à tourbe, et pour tous ces dépôts à la présence d’une matière azotée que nous avons reconnue dans tout le système vasculaire des lantes, plus abondante encore dans les em- ryons des graines et les extrémités des spongioles des radicelles. Les cendres de la tourbe sont un peu alca- lines, mais c’est la chaux et non la potasse | qui leur communique cette propriété. Du | reste les rapports que cette analyse indique | doivent varier singulièrement en raison de la DE LA TOURBE ET DE SON EXPLOITATION. 277 nature des tourbes et de leur origine. On voit: toutefois qu’abstraction faite des 20 parties de cendres qüi sont dues au mélange du limon des marais où la tourbe s’est formée, les 80 parties de matières combustibles laissent à peu près autant de charbon que le bois lui- même. La principale différence résulte de la quantité plus considérable de matière huileuse que la tourbe fournit; en général, cette dif- jérence ne se soutient pas cependant dans toutes les tourbes, quoique leur matière combustible contienne un peu plus de car- bone que le bois. On serait tenté de croire que la tourbe dif- fère peu du bois, d’après ce qui précède; mais les essais de KLaproTu ne laissent pas douter que la presque totalité des parties combusti- bles de la tourbe ne soit véritablement de l’ulmine; c'est encore ce qui résulte des expé- riences plus récentes de M. Braconwor sur la tourbe de la France. Cette ulmine est vraisem- blablement en partie à l’état d’ulmate de chaux dans la tourbe ordinaire, puisque toute ou presque toute la matière de la tourbe en est extraite par les alcalis, soude et potasse caustiques en dissolution froide, et il en ré- sulte des solutions brunes d’ulmates alcalins. On peut même dissoudre presque la totalité de la substance combustible , à l’aide de l'am- moniaque (alcali volatil), pourvu qu’on ait préalablement enlevé, par l'acide muriatique (hydrochlorique) ou nitrique étendu d’eau, toute la chaux combinée à l’acide ulmique. Dans tous les cas il peut rester indissous des débris ligneux non encore réduits en tourbe. La tourbe dite moulée ou façconnée en bri- que est employée comme combustible dans beaucoup de pays. La combustion a quelque peine à s'établir dans les petits foyers, mais une fois commencée elle continue tranquille- ment et peut donner beaucoup de flamme. Où reproche à ce combustible l’odeur désa- gréable qu’il exhale, ce qui en limite emploi dans l’économie domestique. Un foyer bien construit peut éviter en partie cet inconvé- nient; mais il suffit de quelques parcelles échappées à la combustion et tombées dans l'appartement pour répandre une odeur forte et persistante; aussi observe-t-on que, comme chauffage des habitations dans les pays pour- vus de bois, il est presque exclusivement con- sommé par les classes pauvres et par les fa- bricans. Ceux-ci l’appliquent avec avantage aux évaporations, à la cuisson de la chaux, des briques, des tuiles et même des poteries vernissées. Ces dernières exigent quelquefois un coup de feu un peu vif pour fondre le ver- nis; dans ce cas la cuisson s'achève avec du bois. On admet en général què, de tous les combustibles, c’est la tourbe qui donne la température la plus égale et la plus constante; ce qu'il y a de certain, c’est qu’une fois allu- mée elle se brûle sans avoir besoin d’être attisée comme la houille et sans donner une flamme aussi vive que celle du bois; ces qua- lités sont surtout précieuses dans toutes les opérations où l’on veut chauffer également des vases en fonte au point de les faire rougir, sans toutefois risquer de porter quelques-unes de leurs parties à la température voisine de l& fusion, température qui pourrait prompte- ment détériorer ces vases ; ainsi la fabrication 78 ARTS AGRICOLES : FABRICATION DU CHARBON. du sulfate de soude dans des cylindres en fonte, la revivification du noir animal, soit dans des cylindres, soit sur des plaques en fonte ou en tôle, la cuisson du plâtre en pou- dre sur des plateaux ou daps des vases métal- liques, la distillation du bois, etc. (1), se pra- tiquent très économiquement, par les raisons récitées en employant la tourbe comme com- OH. Quant à l'économie réelle que peut présenter la tourbe comparativement à divers autres combustibles, elle est quelquefois assez notable; on en pourra juger par le tableau suivant, qui indique, pour la localité de Paris, dans la ire colonne le poids en kilog. des prin- cipaux combustibles commerciaux; dans la 2* le nombre de kilog. d’eau qu'un kilog. de chaque combustible échaufferait depuis la température 0° (glace fondanté ) jusqu’à 100° (eau bouillante); la 3° colonne montre com- Bonne tourbe compacte, 19 hectolitres. +. Tourbe ordinaire(mais non mousseuse)25 hect. Bonne houille de Mons. + . . . . 1 üd. Coke L2 L 2 L 1 e L2 L2 e L L2 L_2 L] e 1 id. Boisidursrvis bin 18 losmamdisière Charbon:de bois:34.1HitMan SM 2 dhect: Charbonédeïtourbezi a 1h ust tou cut ide LIV. IV. bien d’eau serait ainsi chauffée par la quantité de chaque combustible en regard; la 4e indi- que le prix de cette quantité de combustible; la 5° la quantité d’eau au plus que l’on pour- rait chauffer depuis 0° jusqu’à 100°, en em- ployant pour une valeur de 1 fr. de chacun. des combustibles. C’est par cette dernière co- lonne que lon peut voir la valeur calorifique comparée de tous les combustibles. Il serait facile d’étendre ces données à d’autres loea- lités en substituant, dans l’avant-dernière co- lonne, le prix actuel de chaque quantité en regard et établissant les nombres de la der- nière colonne d’après ces prix ; si, par exemple, l’hectolitre de bonne houille, pesant, mesuré raz, 80 kilog., coûtait 3 fr. au lieu de4, on ver- rait que, pour 1 fr., au lieu de chauffer 1,200 kilog. d’eau, on en chaufferait 1,600 kilog. Pons {kilos d'eau} quantité quantité d’eau des chauffés totale PRix.| chauffée de ! combusti- de d’eau en Où 1000 | bles. O à 1000. | chauffée. \francs. pôur 1 franc | kilog. û kilog. | 1000 30 fois | 30,000 15 2000 | 1000 25 id. | 25,000 15 1666 | 80 60 id. 4,800 4 E200 0 40 66 id. 2,640 B) 880 | 450 27 id. | 12,150 | 18 675 | 25 75.14. 1,875 4 468 | 30 70 id. 2,100 4 525 | Lorsque des tourbes mousseuses embar- | peut encore enlever 0,10 d'acide ulmique qui rassent des terrains que l’on voudrait mettre en culture, on ne peut guère en tirer d'autre parti, du moins pour les quantités non utili- sables comme combustibles, qu’en les brûlant en tas pour utiliser les cendres, comme nous le verrons en traitant ci-après de la prépara- tion et des usages du charbon de tourbe. Nous indiquerons ici, d’après des analyses récentes de M. BeRTRIER, la composition de plusieurs variétés de tourbes. TOURBE | © 1 des de Seine-{ du Wur- | landes et-Marne | temberg à | d’ichoux.| (Crouy). Kœnigsbrun. ne ouchar- | { bon pur... .| 45 36,5 43 NAME rate | 00,1 44,7 52 \Cendres ou ma- | tièrenon com- | bustible . . .| 4,9 | 18,8 5 Ï 100 100 CU 100 La tourbe des landes d’Ichoux est légère; sèche elle ne pèse que 176 kilog. le stère; elle contient des débris ligneux non dissous par les solutions alcalines et formant les 0,33,3 ou le tiers du poids total; 0,53, ou plus de la moitié, se dissout dans l'ammoniaque, après quoi la potasse ou la soude en dissolution était combiné à la chaux. La tourbe de Crouy présente de l'avantage dans son emploi, en raison de sa compacité, bien qu’elle renferme beaucoup plus de ma- tières terreuses non combustibles que la précédente; celle de bonne qualité pese de 450 à 500 kilog. le stère; presque toute sa matière combustible se dissout dans la potasse ou même dans l’ammoniaque, si l’on a préala- biement enlevé la chaux, dont elle contient environ 2 1/3 p. 0/0. La tourbe fe Kænigsbrun est très légère; ses cendres contiennent moitié de leur poids de chaux ; on comprend donc que la matière combustible soit entièrement combinée et forme un ulmate de chaux; aussi aucune pro- portion de cette tourbe n’est-elle attaquée ni dissoute par Fammoniaque. La grande légèrelé de la tourbe de Kœænigs- brun rendait ce combustible beaucoup trop volumineux pour la plupart des applications usuelles, et à plus forte raison pour les opéra- tions manufacturières où la température ne peut être suffisamment élevée qu'à laide de la combustion, dans un espace moindre même que celui occupé par le bois; on est parvenu à lui faire acquérir la compacité nécessaire par un moyen simple, bien préférable à Ja compression, et qui est d'autant plus digne d'attention qu’il peut rendre les iourbes er- dinaires applicables à plusieurs opérations métallurgiques importantes; il consiste à 11) On sait que le sulfate de soude sert au chaulage des grains et à la préparation des soudes pour le blan- Chiment : que le noir animal est revivifié dans les fabriques de sucre indigène; que le plâtre est un des meilleurs iuo vinalsres. Simulans pour Îa luzerne ; que l'on distille le bois pour en obtenir de l'acide acétiqne propre à renforcer car. 20°. terminer la dessiccation dans un four ou par tout autre séchoir à chaud; en se desséchant ainsi la tourbe prend un retrait gradué bien plus considérable que par la compression, et elle donne ensuite d'autant plus de chaleur en brûlant, qu’alors une grande partie de cette chaleur n’est plus employée à vaporiser l’eau hygrométrique que contiennent souvent en abondance les tourbes moulées, plus ou moins incomplètement séchées à l’air. Ajou- tons enfin que cette dessiccation si utile sera presque toujours opérée économiquement, en y destinant les menus débris des briques de tourbe. Secrion II. — De la préparation des charbons de tourbe. FABRICATION DU CHARBON DE TOURBE. 379 les gaz dans une série de tonneaux ou réser- voirs condensateurs I I. On commence et l’on dirige la carbonisa- tion dans ce four comme dans les meules à charbon de bois (voy. p. 370 ). Les ouvertures inférieures, en donnant ou supprimant l’accès de l’air et la cheminée centrale fermée à vo- lonté, ainsi que les ouvertures G, permettent d'augmenter ou de ralentir le tirage dans les différentes parties de la masse. La mobilité du couvercle lui permet de pe- ser constamment sur la tourbe tant qu’elle diminue de volume par le retrait gradué de la carbonisation, et, lorsque celle-ci estcomplète, il est très facile de luter avec de la terre dé- layée tous les joints, en sorte que l’on puisse complètement étouffer la substance charbon- neuse et attendre qu’elle soit suifisamment La plupart des inconvéniens de la tourbe | refroidie. disparaissent lorsqu'elle est carbonisée. Le charbon qu'on en retire devient propre à di-, vers usages auxquels la tourbe en nature n’é- tait pas applicable, et notamment au chauffage des appartemens, des fourneaux de labora- toire et des cuisines; d’après ce que nous avons dit sur les produits que la tourbe four- nit à la distillation, on concoit que les procé- dés de la carbonisation du bois puissent égale- ment s’y appliquer. Cependant le procédé des meules réussit assez mal. La tourbe en se carbonisant prend un retrait trop considéra- ble; les masses s’affaissent, et il se forme des crevasses tellement nombreuses sur la che- mise qu'une grande partie de la tourbe se brüle. Néanmoins dans le Nord on se sert | de ce procédé, et il réussit à l'aide de grandes précautions, pour éviter qu'après la carboni- sation le charbon ne s’incinère ; il faut étouf- fer avec plus de soins et d’exactitude que re- lativement au charbon de bois. Ure modification du procédé des forêts qui facilite l'opération, consiste à construire un fourneau cylindrique à murs épais (fig. 417), Fig. 417. au bas duquel se trouve une rigole circu- laire À communiquant avec l'air extérieur par quatre carneaux B. Cette rigole est re- couverte de tuiles où briques mal jointes; on remplit toute la cavité cylindrique C du fourneau, de la tourbe à carboniser, après avoir disposé au centre un pieu D entouré au bas de menus branchages secs; un couvercle mo- bile E en tôle recouvre toute la masse et entre librement dans le four; un bout d’ajutage au centre laisse passer le pieu. Six ouvertures de 3 po. de diamètre sont distribuées sur ce cou- vercle et bouchées à volonté, partiellement ou en totalité, par des obturateurs mobiles G. Un tuyau H, introduit dans un carneau tra- versant la maçonnerie, conduit les vapeurs et La distiliation de la tourbe en vases métal}i- ques réussit mieux encore. M. THILLAYE PLA- TEL fit des essais à cet égard en 1786, et ils ont cela de remarquable que l'auteur mit a profit, en même temps que LEBon, les gaz fournis par la distillation comme combusti- ble dans le fourneau carbonisant. L'appareil qu’il employait ne diffère pas essentiellement de ceux qu’on applique à la carbonisation du bois en vases clos. C'était un cylindre en tôle placé horizontalement dans un fourneau, et portant un tube en tôle ou en fonte qui venait se rendre dans un tonneau fermé. Les liquides restaient dans le tonneau, et les gaz étaient ramenés par un autre tube dans le fourneau lui-même, où ils se brülaient; leur quantité était assez grande pour suffire à la distillation une fois qu’elle était commencée. Ces essais ont été faits sur de la tourbe des environs de Gournay. À Une modification de cet appareil, qui m'a donné des résultats plus avantageux sous le rapport de l'emploi du combustible, est indi- quée dans la fig. 418 par une coupe lon- Fig. 418. Fig. 419. gitudinale et dans la fig. 419 par une coupe transversale ; les mêmes lettres, répétées dans les 2 figures, se rapportent aux mêmes parties de l'appareil. On voit que 2 cylindres en fonte À A sont chauffés par un seul foyer B à grille, dans lequel on peut aisément brüler de la tourbe. Les produits de la combustion, après avoir frappé la voûte D, sont forcés d’en- 350 velopper toute la superficie des cylindres avant de gagner les carneaux inférietirs C,qui les conduisent au-dessus de la voûte sous des plaques en fonte E, où une partie de leur calo- rique est utilisé pour achever la dessiccation de la tourbe à distiller. Les cylindres étant remplis de tourbe, on allume le feu dans le foyer ; peu à peu la distillation commence, la vapeur d’eau se dégage d’abord par le tube G et se condense dans Îes tonneaux réfrigérans P, communiquant entre eux par les tubes H; bientôt les divers produits volatils de la dé- composition se rendent par les mêmes con- duits dans les réfrigérans, et la portion non condensée passant dans le dernier tube I est ramenée vers le fourneau et introduite par le cendrier sous la grille, au travers de laquelle le tirage l’entraine ; elle s’y enflamme, contri- buant ainsi à soutenir la température utile à la carbonisation. Des opérations analogues ont été conduites par M. BLavier, ingénieur en chef des mines, et appliquées aux tourbes du vailon de la Vesle, rès de Reims; l’appareïil employé était sem- olable à celui qui sert à distiller le bois; seu- lement la cornue était verticale au lieu d’être horizontalement placée. Nous ajouterons ici quelques détails sur les produits de ces exploitations. La tourbe de Vesle, employée par M. BLAVIER, lui donnait en petit; 34,7 charbon et cendres, 6,8 goudron. 39,9 eau acide. 18,6 gaz divers et pertes. 100 » Cette tourbe, traitée en grand, donna, en distillant 100 kilog. à la fois, de 40 à 41 kilog. de charbon, dans lequel se trouvait une pro- portion de cendres qui ne fut pas déterminée, mais qui doit verier pour chaque espèce de tourbe, comme l’indiquent les analyses citées plus haut. Ce charbon revenait en volume à un prix égal à celui du charbon de bois ; à la vérilé on trouva qu'il donnait plus de chaleur, sa compacité étant plus grande. La tourbe de M. TmiLraye lui fournissait en grand 38 à 40 p. 0/0 d’un charbon qui laissait de 13 à 16 parties de cendres par sa combustion. Quel que soit le procédé mis en usage, il est très important de laisser refroidir complète- ment le charbon, car il est quelquefois pyro- phorique, c’est-à-dire qu’il prend feu au con- tact de l'air. Il résulte des essais précités qu'il n’y aurait ARTS AGRICOLES : FABRICATION DU CHARBON. LIV. IVe. de l’avantage à distiller les tourbes qu'autant ges seraient d'excellente qualité. Il y a es tourbes qui laissent du tüers à la moitié de leur poids de cendres; il faudrait les rejeter pour donner la préference à celles qui en donnent le moins possible, c’est-à-dire le septième ou le huitième de leur poids. Cette masse considérable de matière étrangère ab- sorbe de la chaleur inutilement pendant la carbonisation, et occupe de la place en pure perte dans les fourneaux de distillation; enfin elle entrave ultérieurement la combustion du charbon. Les résultats de la carbonisation préalable de la tourbe ne sauraient être douteux d’après les essais publiés par M. BLavier. Ce charbon a soutenu la comparaison avec celui de bois sous tous les rapports ; il a pu servir à souder des barres de fer d’un fori volume, et il a paru même préférable à la houille. On s’en est servi avec succès dans les four- neaux d'essais et de fusion, en ayant le soin toutefois d'élargir les grilles pour livrer un passage facile aux cendres qui sont toujours abondantes. Ce charbon se rapproche beau- coup de celui que fournissent les bois denses carbonisés lentement; dans les appartemens on le brülerait à la manière du coke; les dé- fauts accidentels de tirage ne donneraient pas, comme pour ce dernier, lieu au dégagement d'acide sulfureux et en outre sa facile com- bustion, quicontinue mème dansles morceaux isolés, le rendraient aussi plus commode à employer. De quelque manière qu'on envisage la tourbe, ce n’en est pas moins un combustible très précieux, en raison de son bas prix, qui en fait une ressource extrêmement profitable pour les classes pauvres, même dans les pays pourvus de bois. Cette ressource devient bien plus utile encore dans les pays peu boisés, comme la Hollande; enfin les résidus de Ja combustion ou ses cendres, contenant en gé- néral beaucoup de chaux à l’état d’une grande division, peuvent être considérés comme un bon amendement calcaire, utile surtout dans les terres argileuses et fortes. On peut en outre profiter de l’état de grande siccité, sous lequel sont obtenues ces cendres, pour les imprégner d’urines ou de jus de fumier et ajouter ainsi à leur utilité, comme amendement, la propriété de fournir un engrais facile à répandre et capable de ce- der assez graduellement la matière nutritive qu'on doit le plus s’efforcer de leur procurer. PAYEN. CHAP. XXI. — DE LA FABRICATION DES SALINS, POTASSES , SOUDES NATURELLES , SOUDES AR- TIFICIELLES , SELS DE SOUDE, CRISTAUX DE SOUDE, BICARBONATES , etc. SEecrion Ire. — Des potasses et salins. Le nom de potasse, vient de deux mots an- glais réunis pour composer un seul substan- tif; ce sont les mots : pot et ashes, équivalens en français à pot et cendres, et dont le mot composé, s'applique en effet à désigner un produit de l’incinération calcinéautrefois dans des pots. La potasse a été long-temps Falcali le plus usuel, et nous indiquerons plus loin ses divers usages ainsi que ceux que la soude lui enlève maintenant. A l’état de pureté la potasse est un métal oxidé (protoxide de potassium ). Cet oxide est une des bases les plus puissantes, aussi, le trouve-t-on toujours uni avec divers acides dans la nature; à la température ordinaire 1l est solide, blanc, inodore, excessivement caus- tique ; CcHap. 21°. il est composé d’un atome de potassiUM . . . . . . . . + + « « + + + + 489,90 et d’un atome d’oxigène . . . . . . . . 100 le poids atomique du protoxide de po- tassium est donc égal à . . .. . . . . 589,90 Ce que l’on connaît dans lecommerce et dans les arts agricoles et manufacturiers, sous le nom de potasse, est en général formé de potasse caustique et de potasse carbonatée, mélangée avec plusieurs sels. " Les potasses viennent toujours de l’inciné- ration de végétaux, et notamment en Améri- que, en Russie, en Allemagne et en Toscane où les arbres sont très abondans sur certains points , et du lavage des cendres qui en résul- tent. La lessive, chargée de tous les sels solu- bles quecontiennent lescendres, c’est-à-dire de carbonate de potasse, de sulfate de potasse, de chlorure de potassium (muriate de potas- se), etc., évaporée à sec, procure le salin. Celui- ci, chauffé au rouge, donne la potasse vendable, le résidu insoluble (cendres lessivées)est com- posé de silice, d'alumine, de carbonate et de phosphate de chaux, d’oxide de fer, d’oxide de manganèse et de quelques parcelles de char- bon échappées à l’incinération. Le salin a presque toujours une couleur brune plus ou moins foncée, qu’il doit à la pré- sence de l’ulmate de potasse, dont la propor- tion varie avec la température à laquelle il a élé soumis. Par la calcination au rouge, l’a- cide ulmique se brüle; l’ulmate de potasse se transforme ainsi en carbonate , et la couleur brune du salin disparait, mais alors le résidu vend ordinairement une teinte rouge, ou Étédatee. La première provient de la présence du péroxide de fer, la seconde est due au wanganésiate de potasse, qui prend toujours naissance quand le salin contient du manga- uèse et qu'on le chauffe au rouge avec le contact de l’air. Par une calcination ménagée , la potasse de- vient blanchâtre, légère et pulvérulente. Si ou pousse davantage le feu, elle fond et pro- duit des masses dures et compactes. La préparation de la potasse est facile: On réduit d’abord en cendres les végétaux que l’on veut exploiter. Pour cela, on pratique, une grande fosse en terre; le fond et les parois doivent en être bien battus; on y jette succes- sivement les arbres et les plantes que l’on veut brûler, après avoir mis le feu au tas, et on laisse le tout se consumer jusqu’à parfaite inciné- ration, Si le feu était trop vif , il y aurait beau- coup de cendre entrainée par les courans d’air. DES POTASSES ET SALINS. 381 hangar, afin de les garantir des eaux pluvia- les. La cendre vieillie est plus facile à laver que celle qui est récente, parce qu’elle se mouille mieux, ayant déjà absorbé de l’humi- dité dans l'air. Il convient de l’humecter d’a- vance, à l’aide de 4 à 8 pour 0/0 d’eau, lors- on ne peut la laisser assez long-temps à air. Après avoir légèrement tassé les cendres sur un filtre A (fig. 420), formé d’un tonneau Fig. 420. défoncé, muni d’un faux fond percé de trous, on les soumet à 3 lavages. Le 1% fournit une lessive assez riche, le 2° une lessive plus faible , le 3° une lessive encore moins chargée ; les eaux de lavages sont repassées sur de nou- velles cendres d'un 2° tonneau B, puis après avoir traversé celui-ci, sur un 3° C, jusqu'à ce qu'on les ait amenées à 15° de l’aréomètre de BAUMÉ, environ; alors elles sont bonnes à évaporer. Pour que ces lavages se fassent avec promp- titude et pour qu'ils aient un effet assuré, il est bon d’y employer de l’eau chaude. A cet effet, on dispose une chaudière qui chauffe l’eau destinée au premierlessivage, ainsi queles lessi- ves qu'on veut repasser sur de nouvelles cen- dres. Pour quele lessivage par filtration soit fa- cile, on pose sur le double fond percé de trous une couche mince de paille avant de le char- ger de cendres humides. Un perfectionnement notable consiste à placer un tube vertical de 5 à 6 lig. de diamètre, qui laisse échapper Pair chassé entre les deux fonds ; enfin on doit lais- ser la superficie des cendres toujours cou- verte de liquide, en ménageant l’écoulement au robinet ; cela régularise la filtration et pré- vient les fausses voies. Il est bon de laisser pendant 8 ou 10 heures les cendres ainsi im- mergées avant de commencer le soutirage, qui peut ensuite être continu mais très lent. On commence l'évaporation des lessives à 15° dans des chaudières de tôle; on la ter- mine dans une chaudière en fonte. Le résidu qu'on obtient ainsi est le salin , que l’on déla- che à l’aide d'un ringard et que l'on emmaga- sine. La disposition générale d’un atelier est facile à comprendre : Un long fourneau (fig. On met ensuite les cendres à couvert dans un } 421 )supporte trois chaudières accoiées ; deux 382 ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES SOULES ET FOTASSES. LIV. IV, en lôle A, B, pour l’évaporation, une en : etvient ressortir près dela porteC, par laquelle | Fig. 423. fonte C, pour la dessiccation du salin. La fu- mée passe sous une ou deux chaudières D,E, en tôle, qui sont destinées à chauffer les eaux de lessivage. À côté de cet appareil se trouvent quinze tonneaux, partagés en trois rangées ou bändes ; ce sont les tonneaux de lessivage. De sorte que dans un travail courant, on dessèche le salin , on évapore les eaux fortes et on chauffe l'eau pure ou les eaux faibles qui doivent servir aux lessives. Au moyen de tuyaux convena- blement placés, des chaudières D, E, où le li- auide s’échauffe, on envoie dans les tonneaux (fig. 420). Voici comment où conduit l’opération : Tou- tes les eaux obtenues du lessivage à 15° sont versées dans la chaudière A, où elles com- mencent à s’évaporer, puis, au furet àmesure ue l’évaporation laisse de fa capacité libre dans la chaudière suivante B, on y fait couler le liquide de À, que l’on remplit comme la pre- mière fois. Le liquide plus concentré en B, sert à remplir la chaudière en fonte C, sous la- quelle est disposé le foyer. Une vive ébulli- tion a ordinairement lieu dans celle-ci, et dès qu’elle a enlevé une partie de l’eau indispensa- ble pour tenir en solution les sels solubles, ces derniers commencent à se précipiter ; il faut alors racler fortement de temps à autre les pa- rois unis de la chaudière , à l’aide de ringards aciérés (indiqués sur plat et sur champ, fig. 422), que l’on plonge vivement dans la chau- Fig. 422. SE" — = |) dière en les tenant dans la position de l’ouvrier O( fig. 420). Lorsque la précipitation estabon- dante, on laisse plonger dans la chaudière une capsule en tôle , suspendue comme l'indique la figure, par deux poulies et une corde atta- chée à un bout de chaineen fer, qui s'adapte à l’anneau réunissant les trois tringles. Cette capsule est percée vers ses bords de 4 rangées de trous ; ainsi disposée, elle reçoit la plus grande partie des sels que l’ébullition agite dans les autres parties du liquide tandis qu’elle leur cffre un repos relatif. Lorsqu'elle est suf- fisamment chargée, l’ouvrier l’enlève à laide de la corde, puis la laisse suspendue s’égout- ter; il passe le ringard fortement dans le fond de la chaudière et retire la plus grande partie de ce qui reste de sel en suspension , en cou- vrant un instant le feu pour faire cesser l’é- bullition, ajoutant même un seau de liquide froid et pêchant au fond avec une large écu- moire (ayant de 10 à 12 po. de diamètre). il remplit alors avec de la solution prise dans la chaudière B, décharge la capsule dans une tré- mie en bois doublée de plomb, et ainsi de suite; à la fin de la concentration, on dessèche avec précaution le liquide et le salin dans la même chaudière en agitant sans cesse à l’aide du rin- ard. Il s’agit alors de calciner le salin ainsiobtenu. Cette opération se fait dans un four, de forme articulière( fig. 423). 11 a deux foyers A, dont la flamme pénètre jusqu’au fond B, du four, mm rm eo 2: 4. jus 2 on introduit le salin. On chauffe le four au rouge, puis on le charge en salin. Celui-ci se dessèche peu à peu et sans changer d'état, quand il ne contient pas trop d’eau; mais s'il était trop humide, il fondrait et ne serait re- tenu qu'avec peine sur la sole. Au commence- ment de l’opération le salin décrépite, ce qui provient de la présence des chlorures alcalins; ensuite il fond un peu et se boursouffle. II con- tracie de l’adhérence avec la sole; mais en re- poussant là croûte supérieure du gâteau, à l’aide d’un rable A (fig. 424 ) tantôt sur le de- Fig. 424 Fr NX B| D — Ne À. (Je | vant, tantôt sur le derrière du four, la flam- me qui agit sur la croûte inférieure la fait boursouffler à son tour, et la force bientôt à se détacher d'elle-même. Au bout d’une heure environ, l'acide ulmi- que et les autres matières organiques con- tenues dars le salin prennent feu. Les surfa- ces exposées à la flamme noircissent, puis blanchissent, en retournant la matière avec un large ringard B et une ratissoire C (fig. 424) de temps à autre, le salin se trouve converti en potasse. Quoique cette opération semble fort simple, il arrive souvent que le salin étant très riche en chlorures, ceux-ci fondent avant que la combustion soit terminée. En ce cas, les morceaux de potasse présentent au centre des parties brunes qui ne sont point dépouil- lées de matière organique. Pour éviter cet in- convénient, il faut conduire la calcination très lentement, et faire en sorte que la combustion soit complète avant que la fusion s'effectue. La sole des fours doit être en grès ou en fonte. Les soles en briques peuvent servir, mais el- les sont trop promptement corrodées par ia potasse. Pour calciner 1200 kilog. de salin, on con- somme 2 stères de bois. Celui-ci doit être choisi sec et donnant une longue flamme. Le salin perd de 10 à 20 pour 0/0 à la calcination. Des essais nombreux ont été faits pour ap- précier le rendement en potasse de divers plantes ou bois. On a remarqué que, toutes choses égales d’ailleurs, les plus jeunes bran- ches des arbres, les arbustes et plus encore les feuilles, les plantes herbacées, sèches et in- cinérées à temps, donnent plus de potasse que les vieux bois et toutes les parties très ligneu- ses ; mais ces résultats sontentreeux varlables cuAP. 21°. suivant les saisons, les terrains et les engrais. D'après les expériences de VAUQUELIN, DarcET et PERTUIS, On vOIl que : s 100 kil. bois de chêne, hêtre, trembie charme donnent en salin de. . 160 à 200 gram. 100 kil. sureau, faux -ébé- nier, noiselier. . + +. . 100 kil. orties, chardons des rains,fougère, glayeuls 100 kil. de marrons d'Inde. 315 à 250 1000 à 500 1750 Secrion II. —Cendres gravelées. | Sous le nom de cendre gravelée, on désigne lus spécialement la potasse qui provient de a combustion des lies de vin. Cette opération peut se pratiquer avec avantage dans tous les ays vignobles ; ellerepose sur l'existence du nie de potasse dans lalie. Ce sel yexiste en assez grande quantité, mais il y est mêlé de diverses matières organiques, de sulfate de potasse et de quelques autres sels. Quand on peut le faire, il vaut mieux en extraire le bi- lartrate de potasse, qui a bien plus de valeur que la potasse qu'il peut fournir, et il suffit pour cela de dissoudre à chaud , laisser dépo- ser et cristalliser : toutefois, si les dépôts sont pauyres en tartrate,on les traite de la manière suivante : Quand le vin est soutiré, on rassemble les lies qui en proviennent dans des tonneaux, où on les laisse en repos. Au bout de quelques jours, on soutire le vin qui s’est séparé du dé pôt épais, et on place celui-ci dans des sacs, que l’on met sous presse. Dans chaque sac on met 18 kilog. de lie décantée; quand la ma- tière est suffisamment pressée, on la sort des sacs sans briser le pain qu’elle forme, puis on termine la dessiccation à l’air. Chaque pain est ceurbé en forme de tuile faitière , et posé debout sur un plancher ou un sol battu, pen- dant quelques jours. On peut exposer au soleil à cette époque tous les pains essorés, et les sécher ainsi, au point de pouvoir être cassés net et avec bruit; chaque pain doit peser en- viron 3 kilog. La lie est alors bonne à bruler. On opère cette combustion au dehors, sur une aire bien battue, que l’on a ertourée d’un mur ou abri de 2 mètres de diamètre sur 25 centimètres de hauteur. Ce mur est fait en briques ou tui- les, saus mortier. À u milieu de cetie enceinte, on dispose un fagot de menu bois, que l’on entoure d’une vingtaine de pains de lie pour commencer la combustion. Dès que ceux-ci sont bien enflammés, on en ajoute de nou- veaux. On continue de la sorte, en élevant le petit mur à mesure que l’on accroît le tas. On s'arrête quand on a mis environ mille pains de lie dans le four. La combustion doit se faire de manière à n'être ni trop lente ni trop active. On a observé qu’elle s’opérait mieux avec les lies récentes qu'avec celles qui avaient éprouvé une fermentation déga- geant des gaz putrides. 3000 kilog. de lies ainsi brûlées fournissent 500 kilog. ED cendres gravelées. Celles-ci sont ordinairement blanches et parsemées de mor- ceaux tachetés de bleu ou de vert; leur saveur est brülante, elles donnent environ la moitié de leur poids de potasse de bonne qualité. SOUDE DE WARECB. 383 Les diverses cendres dont on a extrait des sels solubles par les moyens ci-dessus indi- qués eu retiennent toujours quelques traces; elles contiennent d’ailleurs plus ou moins de carbonate de chaux. Par ces deux raisons elles peuvent être employées sur lés terres en cul- ture comme de bons amendemens calcaires, doués d’une légère action stimulante, capables d’ailleurs d’alléger graduellement la couche arable des sols argileux et compactes. Certaines cendresneuves, trop pauvresenalcali pour être employées à l’extraction de la po- tasse ou même au lessivage et blanchissage du linge, comme celles de la tourbe et du bois flotté, peuvent être utilement appliquées à l’absorption de divers liquides ch de matières azotées (sang, urine, etc. ) ei servir ensuite d'engrais. Nous indiquerons, à la fin de cet article, la composition et les usages communs et spéciaux des diverses potasses et soudes commerciales. Secrion III. — Soude de warech. On connaît dans le commerce sous le nom de soude de warech un produit que sa compo- sition range en réalité parmi les potasses. Cette substance se prépare sur les côles de la Normandie, au moyen de plantes marines con- nues sous le nom de goëmon ou fucus, qui peu- veni flotter sur l’eau. Cette propriété permet d'en former des radeaux que l’on fait arriver aisément aux endroits où ils doivent être des- séchés et brülés. La combustion du goëmon se fait dans une fosse, et à mesure que le résidu de l’incinéra- tion entre en fusion ii se rassemble en masses; c’est la soude brute qu’emploient les verre- ries à bouteilles. Pour en extraire les sels de warech, on lessive cette soude et on éva- pore la liqueur par des moyens analogues à ceux que nous avons décrits ci-dessus. Les eaux-mères retiennent les combinaisons d’io- de; c’est de là qu’on extrait ce corps simple employé notamment en médecine pour le trai- tement des goîtres, dans les arts pour la prépa- ration de l’iodure de mercure, et dans les labo- ratoires pour déceler la présence de l’amido- ne, eic. Les sels qu’on extrait des soudes brutes de warech par le lessivage contiennent en poids: Sulfate de potasse. . . 19 Chlorure de potassium 25 DÉBATS 1... 50 M. Gay-Lussac a donné cette composition comme la moyenne de plusieurs essais.Ces sels sont d’un grand intérêt par leur richesse en potasse. qui permet de les appliquer à la fabri- calion de j’alun et à celle du salpêtre. On recon- naît les sels de warech à la présenee de quel- ques traces d’iodure de potassium ; on peut en séparer une grande partie du sel marin par pré- cipitation à chaud; les autres sels cristallisent par refroidissement. Le sel marin ainsi obtenu peut servir aux bestiaux ou être employé dans les mélanges réfrigérans. Le carbonate de soude, qui constitue Ja substance utile des sondes naturelles, s’ex- trait, en France, en fon etc., des plantes qui croissent sur le bord de la mer. Celles-ci contiennent de l'oxalate de soude qu’on trans- Sur 100 parties 384 forme en carbonate par la calcination et qu’on débarrasse des matières étrangères par lessi- vage et précipitation. Secrion IV. — Soudes naturelles. Ou désigne sous cette dénomination les soudes brutes qui sont un résidu à demi fondu de l'incinération de divers végétaux. Pour extraire la soude des plantes marines, on coupe celles-ci et on les fait sécher à l'air; on les brûle ensuite dans des fosses dont la profondeur est d'environ 1 mètre et le dia- mètre de 1 mètre 3 décimètres. Cette com- bustion se fait en plein air, sur un sol bien sec, et dure plusieurs jours. Elle procure, au lieu de cendres, une masse saline, dure et compacte, à demi fondue et un peu boursouf- flée que l’on amasse et qu’on verse dans le commerce sous le nom de:soude. Les diverses soudes se distinguent par le nom du pays d’où elles sont tirées ou par celui de la plante qui les fournit. Ces soudes brutes renferment, en propor- tions diverses du carbonate et du sulfate de soude, du sulfure de sodium, du sel marin, du carbonate de chaux, de lalumine, de la silice, de l’oxide de fer et enfin du charbon échappé à l’incinération. Elles contiennent uelquefois du sulfate de potasse, du chlorure de potassium, de l’iodure et du bromure de calcium. La plus estiméeest la barille ou soude dEs- pagne, connue dans le commerce sous le nom de soude d’ Alicante, de Carthagène, de Malaga; on l'extrait de plusieurs plantes, mais parti- culièrement de la barille, espèce de salsola cultivée avec soin sur les côtes d’Espagne. Cette soude contient de 25 à 35 p. 0/0 de car- bonate de soude sec. Les soudes qu'on récolte en France sont loin d'offrir cette richesse ; on en distingue de 3 sortes. Le salicor ou soude de Narbonne, qui pro- vient de la combustion du salicornia annua cultivé aux environs de Narbonne. Cette plan- te est semée et récoltée dans la même an- née. On la coupe après l’époque de la fructi- fication; la soude qui en provient contient de 13 à 15 p. 0/0 de carbonate de soude; on l'em- ploie dans la fabrication du verre vert. La blanquetle où soude d’Aigues-Mortes, qui s’extrait entre Frontignan et Aigues-Mortes de toutes les plantes salées qui croissent sur les bords de la mer. Ces plantes sont le salicor- nia europæa, le salsola tragus, l'atriplex por- tulacoïdes, le salsola kali et le statice limo- nium. C’est la première de ces plantes qui donne le plus de soude et la deraière qui en donne le moins. Toutes abondent en sel ma- rin, que l’on en extrayait autrefois pour évi- ter de payer sur ce produit la taxe du sel. La blanquette ne contient que 3 à 8 p. 100 de carbonate de soude. Le warech ou soude de Normandie, dont nous avons parlé ci-dessus en la classant par- mi les potasses, ne donne que de 1 à 2 degrés alcalimétriques, et n’est par conséquent utile que par le sulfate de potasse, le chlorure de potassium et de sodium ainsi que l'iodure de polassrum. ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES SQUDES ET POTASSES. LIV. Ac SECTION V. — Soude artificielle. Cette soude est venue remplacer, dans pres- que tous leurs emplois, avec d'immenses avantages pour la France, et les potasses exo- tiques et la soude naturelle qui nous étaient fournies par les Espagnols avant la révolution de 93. On obtenait cette dernière, en France, sans autres soins que ceux donnés à la récolte et à l’incinération des plantes; ce fut alors l'un des objets les plus usuels êt les plus né- cessaires que .nous fournissait le commerce étranger. La soude, en effet, est l’une des principales matières premières des verreries. des fabriques de savons, des buanderies, des blanchisseries de toiles, des opérations de tein- ture; dans plusieurs autres arts industriels on en fait un usage journalier. On ne pouvait la remplacer que par la potasse; mais nous ne pouvions recevoir cette substance, pour la plus grande partie, que de l'étranger, qui nous la refusait, et ce que nous possédions deve- nait, pour la fabrication du salpêtre, d’une impérieuse nécessité. Un ingénieux manufacturier, CARNY, pro- posa, à cetie époque où nous étions privés des ressources du commerce étranger, de publier ses moyens de fabriquer la soude. LEBLANC. Drzé et Scnée furent les 1er qui formèrent un établissement pour l'extraction économique de la soude du sel marin et dotèrent la France de cette nouvelleindustrie. Dans la belle fabrique qu'ils fondèrent à cette époque, presque tout avait été prévu par eux; une amélioration re- marquable fut apportée dans la construction des fours à réverbère par PAYEN et M. Bour- RELIER, qui bientôt après exploitèrent le pro- cédé de MM. LegLanc et Dizé. Depuis lors tous les manufacturiers ont suivi les mé- mes erremens, à quelques heureuses modifi- cations près, que nous indiquerons dans le cours de cet article et qui furent indiqués par MM. DarcET, CLÉMENF, etc. Parmi le grand nombre des procédés ingé- nieux proposés à cette époque, nous citerons, dans l’ordre de vérification qui en fut faite alors : 1° Celui de P. MALHEREE, suivi chez le sieur ALBAN, dans une manufacture sise à Javelle près Paris ; il consistait à décomposer le sel marin par l'acide sulfurique dans des cornues. L’acide muriatique dégagé était condensé dans des ballons et utilisé à la fabrication du chlore. Le sulfate de soude était décomposé dans un four à réverbère sous l'influence du charbon et du feu; 20 Le procédé du sieur ATHÉNAS, fondé sur la décomposition du sel marin par le sulfate de fer; 3° Le procédé anciennement connu en An- gleterre, qui consiste à décomposer le sel ma- rin par le plomb et qui fut appliqué en grand par MM..CnapraL et BÉRARD; 4° Le procédé de MM. GuxrTon el Carny, consistant à décomposer le sel marin par l’oxide rouge de plomb. MM. Guyron et CarNy ont encore proposé la décomposition du sel marin : 5° par le felds- path; 6° par ia potasse. La soude, devenue li- bre, est rendue caustique par la chaux; le | muriale de potasse (chlorure de potassium) sé- cHaPr. 21°, paré par cristallisation ou De ao , était utilisée par les fabricans de salpêtre. Ce pro- cédé rappelle celui des savonniers allemands, qui obtiennent du savon à base de soude en ajoutant du sel marin à la solution du savon de potasse ; 7° Par l’acétate de plomb, obtenu au moyen de l’acide pyroligneux. Ce procédé est analo- gue à celui suivi dans ces derniers temps pour obtenir l’acétate de soude et la soude, en dé- composant le sulfate de soude par l’acétate de chaux ; 8° Par la baryte; 9° Le sieur RIBAUCOURT a proposé la décom- position du sulfate de soude par le charbon seul ; 10° Le même chimiste a opéré la décompo- sition du sel marin par la litharge à froid et un broyage dans l’eau. Si le muriate de plomb avait une assez grande valeur, ce procédé pourrait être applicable ; 11° Enfin on a proposé et effectué la dé- composition du sel marin par la pyrite mar- tiale (sulfure de fer natif). Parmi tous ces procédés et plusieurs autres que nous omettons ici, parce qu’ils offraient moins de chances de succès encore, celui de MM. Legranc et Dizé parut à cette époque le plus économique ; c’est aussi celui que nous allons décrire, en prévenant qu’il a eu un tel succès et qu’il a pris tellement d’extension que la valeur des produits fabriqués annuelle- ment en France, tant en soude brute qu’en sel de soude raffinée, dépasse 20 millions de francs. Ce procédé se compose de 2 parties distinc- tes: l’une a pour but la préparation du sul- fate de soude, et déja quelques arts, celui de la verrerie notamment, utilisent directement la soude du sulfate; l’autre se compose de la conversion du sulfate de soude en soude brute. On pourrait considérer encore comme une 3e opéralion distincte le raffinage de la soude bruie, et comme une 4° fabrication le traite- ment du sel de soude qui en résulte pour en obtenir le carbonate de soude cristallisé. Enfin, la conversion de ce dernier en carbonate sec ou en bicarbonate. En effet, la préparation de ces produits a heu dans des ateliers et à l’aide d’ustensiles particuliers. Nous décrirons successivement chacun d’eux. $ Ier. — Fabrication du sulfate dit des cylindres, et de l’acide muriatique. On désigne sous le 1° nom, dans le com- merce, le sulfate de soude fabriqué dans des cylindres en fonte, en décomposant, à un feu gradué, le sel marin par 80 centièmes de son poids d'acide sulfurique concentré; c'est sur- tout dans les localités où l'acide hydrochlori- que trouve un débouché facile que l’on donne la préférence à ce mode d'opérer. Les vases cylindriques en fonte sont épais de 15 à 18 lignes ; ils ont 5 pi. de longueur et un diamètre de 18 po. ou de 2 pi. Dans le 1°" cas, la charge de chaque cylindre est äe 80 kil. de sel et de 66 kil. d'acide sulfurique à 66°; dans le 2° cas, on emploie, pour chaque cylindre, 160 kil. de sel’et 130 kil. d'acide. Un même foyer A(fig. 425) chauffe 2 cylin- AGRICULTURE. SOUDE ARTIFICIELLE. dres B, PR’ placés sous une voûte, et ordi- nairement 10 à 12 paires de cylindres sont ainsi rangés en batterie dans autant de fourneaux conti- À gus. On peut changer ER ces vases sans démolir = autre chose du four- À neau que quelques briques de la devanture et du fond. Chacun des bouts des cylindres est fermé par un obtura- teur ou disque en fonie épais de 15 lig., perce près de ses bords d’un trou de 2 po. D (fig.426) Fig. 427. que l’on tourne vers la partie supérieure du cy- lindre. On adapte dans le trou du disque poste- rieur B° un ajutageou tube en grès F, dont on laisse saillir en dehors environ 4 po. Sur ce bout de tube,on adapte une allonge courbe G dont la partie inférieure s’introduit dans le goulot d’nne fre bonbonneH; celle-ci est mise en communication avec une 2e qui fait partie d’une 2° rangée de bonbonnes communiquant toutes entre elles et avec la 1", et indiquée par HI dans la fig. 427, qui représente une vue générale à vol d'oiseau de l’appareil. Cette 2° rangée communique avec une 3° K L, qu: envoie de même les gaz dans toutes les bou- bonnes d’une 4° rangée M N; quelquefois uue 5° et même une 6: rangée recoivent de même successivement dans toutes leurs bonbonnes les produits gazeux échappés à la condensa- tion. Voici du reste comment on conduit l’o- pération : É Tous les joints de l'appareil étant bien fu- tés avec de l'argile mêlée de crottin et recou- verte de terre franche, et le bout antérieur B seulement étant ouvert, on charge à la pelle le sel marin, on adapte et on lute robtura- teur ; puis on introduit dans son ouverture an entonnoir courbe P (fig. 426) à l’aide duquel on verse l’acide sulfurique. On retire lenlon- noir et on ferme l'ouverture avec ur tampon en grès qu'on lute. On commence le feu que lon augmente peu à peu. Il est préférable d’empicyer comme TOME III — 49 386 ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES SOUDES ET POTASSES. combustible de la tourbe où du bois plutôt que de la houille, parce que la température esi moins inégale dans toutes les parties du cylindre. L'acide sulfurique attaque graduellement le sel marin (chlorure de sodium); l’eau conte- nue dans le mélange, et notamment celle de l'acide employé qui forme du 5° au quart de son poids est décomposée, son oxigène oxide le sodium qui se combine à l'acide sulfurique et produit du sulfate de soude; son hydro- gène s’unit au chloreet forme de l'acide chlor- hydrique (muriatique) qui se volatilise, en- trainant de l’eau en vapeur. Ce gaz, rencon- trant dans chaque bonbonne un peu d’eau et une plus basse température, se condense et produit l'acide commercial qui marque de 21 à 230, contient de 0,38 à 0,40 d’acide pur, et équivaut, pour la force saturante, à 0,5 de son poids d’acide sulfurique concentré à 66°. Lorsqu'il ne se dégage plus rien, quoique la température des cylindres soit au rouge brun, on enlève le sulfate avec des pinces et on re- commence une autre opération. & IL. — Sulfate de soude des bastringues. On connaît sous ce nom, dans le commerce, le sulfate de soude préparé dans l'appareil que nous allons décrire, auquel on a donné le nom de bastringue, par la raison que le bruit de l'ébullition qui s’y produit a quelque analogie avec celui d’une danse publique. Cet appareil se compose d’un four à réverbère à la suite duquel est placée une chaudière à décompo- ser le sel marin; puis un appareil condensa- teur qui varie suivant qu’on veut recueillir Pa- cide hydrochlorique ou que lon préfère laisser perdre cet acide, en le condensant toutefois pour éviter les dommages qu’il cau- serait à la végétation des alentours s’il se ré- pandait dans Pair. î Les figures ci-jointes représentent l’appareil des bastringues propre à recueillir acide mu- riatique. Les mêmes lettres indiquent les mé- mes objets dans la coupe ( fig. 429), l’éléva- tion (fig. 428) et la coupe horizontale (/ig. 430). Fig. 430. A, cendrier; B, grille du foyer; C, mur de separation, dit autel du foyer; D, sole du four a réverbère, construit en briques réfractaires cimentées à jointsserrésavec de l'argile réfrac- taire ou terre à creuset. Toutes les parois et la voûte F de cette partie du four doivent être construites avec Les mêmes soins. F, mur de séparation entre le four ci-dessus et la chau- dière à décomposition ; G, ouvreaux par les- quels les produits de la combustion passent LIV. 14 dans la 2° partie du four; H, 2e capacité close, dans laquelle est adaptée une chaudière I en plomb, à bords relevés, sans soudure; K, voù- te en briques qui recouvre cette chaudière; L, ouverture rectangulaire, fermant en 2 par- ties par 2 obturateurs M; N, conduits par lesquels passent les produits de la combustion du foyer B, etles vapeurs dégagées du 1er four D, et de la 2e partie ou chaudière I, pour se rendre dans une chambre en briques O, où s’opère un 1+ refroidissement. Les gaz et va- peurs passent ensuite dans une série de 20 à 25 grandes tourilles P à l’aide de larges tubes en grès Q (Nous n’avons dessiné que les 2 pre- mières et la dernière tourilles ; on supposera aisément toutes celles qui sont intermédiaires et absolument semblables); R, grande chemi- née où se rendent en définitive, pour s’exha- ler dans l’air, les gaz et les vapeurs. Un foyer A, pratiqué au pied de cette cheminée, sert à y déterminer un tirage constant.On peut évi- ter la dépense du combustible, qu’il faut y en- tretenir enflammé pour le tirage, en introdui- sant dans la même cheminée le conduit de la flamme d’un four à soude construit à proxi- mité. Dans ce cas, le foyer supplémentaire A ne serait allumé que dans les momens d’in- terruption du four à soude. On concoit que le long appareil réfrigérart pouvant suivre toutes les sinuosités qu’on veut lui faire parcourir et même être ramené près du point de départ, il sera toujours facile de choisir l'emplacement le plus convenable pour la cheminée et le four à soude qui, en raison de l’économie de la main-d'œuvre, doit être peu distant du four à sulfate. Si l’on n’a pas d’emploi de l'acide hydrochlori- que, et que, par conséquent, il ne convienne pas de le recueillir, il faut cependant chercher les moyens de le condenser, afin d'empêcher quil se répande dans l'air et aille altérer la végéta- tion des alentours à une grande distance; d’un autre côté, il est impossible d’affecter une forte dépense à cette condensation, puisque la fabrication de la soude offre, par suite de la grande concurrence, peu de bénéfice. Une foule d’essais ont été entrepris pour arriver à la solution de ce problème difficile, et d'autant plus important, que les fabricans de soude ont eu fréquemment de très fortes indemnités à payer aux agriculteurs dont ils détruisaient la récolte. Dans les fabriques voisines de la mer ou des rivières, on est parvenu à condenser assez bien les vapeurs acides, en les dirigeant, au sortir du 2e four, dans une longue et large conduite en briques cimentées d'argile, où coule cons- tamment, sur une légère pente (un 1/2 po. par toise), une nappe d’eau ; une cheminée d’ap- pel chauffée directement, ou mieux par le four à soude, enlève à une grande hauteur les gaz et vapeurs non condensés, afin que, dis- séminés sur une grande étendue, ils perdent ce qui leur restait d'action nuisible. Une autre circonstance locale qui a facilité la condensation à peu de frais des vapeurs nui- sibles, c’est le voisinage de vastes carrières abandennées, dans lesquelles on faisait débou- cher l'issue de la cheminée ou conduit, au sortir du deuxième four. Lorsque l'on ne peut pas profiter de ces dispositions locales particulières, on a recours cHAp. 2e. aujourd’hui à la construction d’une longue conduite construite en murs épais de moel- lons calcaires, et remplie de semblables moellons plus tendres et spongieux, superpo- sés à sec, et de facon à laisser entre eux beaucoup d’interstices libres. Cette conduite aboutit à une cheminée d’appel. Les vapeurs acides, en parcourant tous les mtervalles entre les pierres calcaires amon- celées et celles des parois de la conduite, atta- quent le carbonate de chaux, forment du chlorure de calciurà1 soluble, et dégagent de l’acide carbonique. Ce mode de condensation, assez efficace, offrait cependant d’assez graves inconvéniens ; les murs, trop promptement attaqués, exI- eaient des réparations dispendieuses, et des infiltrations de liquide acide causaient des éboulemens quelquefois dangereux. Après avoir essayé de garantir les parois de l’action de l'acide par diverses matières, on s’est der- uièrement arrêté à la moins coûteuse de toutes et qui parait bien atteindre le but; c’est le marc ou résidu du lessivage de la soude brute (voy. plus loin). Cette matière, appli- uée en couche épaisse et fortement tassée, urcit et résiste assez long-temps, elle ne coûte d’ailleurs rien, puisqu'elle était généralement rejetée hors des fabriques, que l’on était même, en quelques endroits, obligé de la por- ter au loin dans une décharge publique. Il est convenable de disposer au commen- cement de la longue conduite précitée un ré- servoir toujours plein d'eau, afin que les gaz se chargent d'humidité et se condensent plus facilement. Les dispositions précédentes ont été indi- quées et très bien prises par M. Rocter de SEPTEMNE ; elles lui ont valu un prix de la fondation Monthyon décerné par l’Institut. Ce prix fut motivé sur la disparition dans la localité des graves inconvéniens de vapeurs acides qui naguère attaquaient jusqu'à plus d’une lieue des fabriques les parties foliacées des plantes et rendaient l'air incommode et insalubre à respirer. On dispose dans les conduites ainsi enduites les moellons tendres de la manière que nous l'avons dit. Le muriate de chaux quirésulte des procédés de condensation s'écoule encore dans des lacs, puisards, ruisseaux, fleuves ou à la mer, en pure perte pour les fabricans; cependant l'industrie et l’agriculture, l’obtenant à très bas prix, pourraient en tirer un parti avan- tageux en lemployant en petite proportion dans le chaulage des grains, pour remplacer le sel dans les mélanges réfrigérans, etc. Peut-être un jour les emplois du chlorure de chaux, plus généralisés dans l’économie domestique et dans le blanchiment des pâtes à papier, des toiles, etc., ouvriront-ils un large débouché aux masses énormes d’acide hydro- chlorique perdues en ce moment. Un c'e inconvéniens de l’appareil dit des bastringues résulte de l'énorme quantité de vapeurs acides qui se répandent dans les ateliers et incommodent fortement les ou- vriers, lorsqu’en levant les obturateurs L, M de la chaudière en plomb, on fait tomber, à l'aide de ràbles, tout le mélange pâteux d’a- SULFATE DE SOUDE. 387 un dallage en grès. La disposition suivante, qui m’a bien réussi pour un appareil en petit, offrirait sans doute le moyen d'éviter en grand cet inconvénient grave. Les figures 431 et 432 représentent isolée Fig. 431. la 2° partie du four à laquelle se rapporte la disposition ci-dessus vue en coupe et en élé- vation. À, bouche du four au niveau de la sole et fermée par deux portes superposées ; B, chaudière en plomb percée au milieu vis- à-vis et près la porte d’un trou circulaire C, dans lequel s’adapte un bout de tuyau brâsé sur le fond de la chaudière, à la soudure forte ou au plomb pur; D, voûte soutenant la sole sur laquelle repose la chaudière; cette voûte, en briques dures à joints très serrés d’argile réfractaire, est percée pour laisser passer le bout du tuyau C; l’espace ou chambre voü- tée E, est garnie à son fond d’une nappe de plomb épaisse, à bords relevés; la devan- ture de cette chambre est close, 1° à l’aide d’une barre de fer doublée de plomb G G, soutenant un petit mur en brique F ; 20 par une large règle en bois enveloppée de plomb H H, formant le 4: côté de la nappe de plomb, dont le bord est rabattu seulement du côté de cette devanture; 1, tampon ou obturateur d’un seul morceau de plomb très épais, ser « vant à fermer le trou C, durant J’opération ; un peu de glaise foulée sous ses bords rend cette fermeture hermétique, et, maintenant le tampon un peu soulevé, laisse une pris e facile pour l’enlever à l’aide d’une pince. lo rs- que la décomposition est assez avancée; les joints que laisse la règle H, se bouchent à l’aide d'un peu de terre argileuse. On conçoit facilement l'effet de cette dis po- sition; lorsque l’on veut tirer la matière du four, on enlève le tampon, puis, à l’aide d’un räble, on amène successivement toute la pâte fluide vers le trou; elle tombe sur la nappe de plomb en traversant l’espace voûté, sans que la vapeur puisse se répandre dans l’ateli er. Lorsque toute la matière est ainsi retirée du four, on replace le tampon, on charge com me à l'ordinaire, et l'opération recommence. La matière tombée et étendue sur la nappe de plomb, s’y fige en refroidissant; lorsqu'elle est assez dure, on ôte la règle fermant la de- vanture ; à l’aide de pinces on soulève et l’on brise en morceaux le sulfate, on le retire au moyen d’unrâble, puis on replace la règle H H qu'on lute avec de la glaise comme la pre- mière fois. Lorsque la portion du four où le sel marin se décompose est en grès dur au lieu d’être en plomb, il est possible d’y achever l'opération en remuant assez souvent au rin- gard pour éviter la prise en masse de toute la matière. L'appareil dans toutes ses parties et avec les modifications adoptées, étant bien compris par ce qui précède, nous allons indiquer les tide et desel incomplètement décomposé, sur 1 dosages de l'opération et 5a marche. 388 sel marin acide sulfurique à:B0%e «eh 0600 | culfatede sou- de blanc an- hydre. . 400 ee 4758 k. Matières 4res Lorsque l’on lraite dans cet appareil comme daos les cylindres le sel gemme, il est indis- pensable de le réduire en poudre très fine, que l’on passe au tamis, afin de multiplier les points de contact. Cette précaution n’est pas utile lorsque lon traite du sel marin (dit des marais salans ). Les cristaux de cette sorte de sel résultent de lameiles lâchement agolomérées, entre lesquelles lacile sulfu- rique peut s’insipuer, et par conséquent agir sur une surface très étendue ; aussi, pour obte- nir ce résultat avantageux, préfère-t-on sou- vent extraire le sel gemme en le dissolvant et faisant rapprocher la solution saturée (voy. plus loin l'extraction du sel); on char- ge Je sel dans le four H ( fig. 429 ), on l’étend eu une couche égale sur toute la surface du fond de la chaudière en plomb, on verse alors l'acide à l’aide d’un entonnoir en plomb (placé à l’instant sur une potence en dehors) dont la douille pénètre par une ouverture au travers de la paroi latérale du fourneau, au- dessus du fond de la chaudière; à laide du râble, on mélange l'acide dans toute la masse de sel; on charge toute la partie D du four, avec du sulfate en morceaux préparé par une décomposition précédente opérée dans la chaudière en plomb, puis on active le feu après avoir clos les portes latérales £,M; plu- sieurs fois durant le eours de l'opération, on agile avec le râble afin de multiplier les points de contact. L’acide sulfurique peu à peu s’u- nit à la soude résultant de la combinaison du sodium avec l’oxigène d’une partie de l’eau, le chlore uni à l'hydrogène se volatilise à l’é- tat d'acide hydrochlorique ou chlorhydrique. F’action de lacide sulfurique devient plus vive à mesure que la température s'élève; l'augmentation du dégagement de la vapeur acide l’indique évidemment. Dès que le mé- luige étant bien opéré, le dégagement des va- peurs n’a plus lieu aussi abondamment, qu’en- fin l’état de fiuiditéa diminué, la décomposition ést assez avancée. Si l’on attendait plus long- temps, il deviendrait impossible de faire cou- Ier le sulfate et le plomb pourrait fondre. 1 est temps de tirer la cuite, soit hors du tour sur les dalles extérieures, ce qui offre les inconvéniens signalés plus haut, soit sous l'arche intérieure E (fig. 431, 432), en soulevant le tampon I, et ramenant toute la matière dans le trou GC. On remet ensuite les choses dans Félalt primitif, puis on fait une nouvelle charge. D'un autre côté le sulfate cassé en morceaux que l’on a étendu dans la deuxième partie D du four, remué de temps à autre, s’épure en raison de l'achèvement de la réaction de la- cide sulfurique sur le sel à une température graduellement élevée; lacidehydrochlorique, la vapeur d’eau se dégagent ainsi qu'un petit excès d'acide sulfurique; quelques matières organiques qui salissaient le sulfate brut se charbonnent, brülent et laissent un produit plus blänce et plus pur. En employant du sel marin de belle qualité, ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES SOUDES ET POTASSES. A 1 7 on obtient ainsi un sulfate contenant à peine 4 à 5 centièmes de matières étrangères. Les vapeurs d’eau et d'acide hydrochiorique, mélées avec les gaz de la combustion, se cot- densent dans les grandes: jarres en grès du premier appareil indiqué; on soutire cet acide lorsque les vases sont aux trois quarts ou aux quaire cinquièmes pleins, en ayant le soin d’en laisser quelques litres pour favoriser ia condensation ultérieure. L’acide hydrochlorique ainsi obtenu ne peut atteindre le maximum de la densité, en raison du mélange de gaz incondensables et de la température et du courant qui s’oppo- sent à une condensation plus complète; il est généralement plus pur que l’acide recueilli à la suite de l'appareil à cylindres; il est même presque complètement exempt de fer, lorsque lon ne se sert pas de plaques en fonte pour recouvrir la chaudière I en plomb et soutenir la maçonnerie au-dessus. Les briques très cuites vernissées, le grès dur même, ainsi que les plaques en fonte, ne résistent pas fort long-temps à l’action corrosive de la vapeur acide; c’est une des causes de dépenses assez lourdes dans cette fabrication. Lorsque l’on se sert des autres moyens de condensation des vapeurs acides, le produit en est perdu et l’on n’utilise alors que le sulfate. Ÿ IIT.— Usages agricoles et commerciaux du sulfate de soude. M. Marnieu de Dompaszre a fait une heu- reuse application du sulfate de soude brut au chaulage des grains : dans 1090 litres d’eau, ïl fait dissoudre 8 kilog. de sulfate de soude; puis il immerge ie grain dans cette solution, et l’en retire pour le mettre en tas. Alors, et pendant qu'il est mouillé, il y ajoute 2 kilog. de chaux éfeinte récemment et eu poudre. Le grain étant bien mélangé peut être semé immédiatement. Par ce procédé simple, la récolte de blé est préservée de la carie, quand même on aurait à dessein in- fecté de froment carié le grain de semence. Le sulfate de soude s'emploie comme fon- dant. Pour les verreries, celui des cylindres donne du verre coloré en vert, parce qiil contient du fer. Le sulfate des bastringues peut servir à la fabrication du verre incolore des gobeleteries. Les plus grandes quamités de sulfate de soude s'appliquent à la fabrication de la soude. En faisant dissoudre à chaud, déposer et eris- talliser le sulfate de soude, on prépare le sel de glaubert et, en troublant la cristallisation, le sel d’'epsom, usités en thérapeutique comme légers purgatifs, et dans la médecine vétéri- naire. S Le sulfate de soude peut encore servir pour transformer le chlorure de calcium en sel marin, opération utile aux salpétricrs et quel- quefois aux raffineurs de sel. | Applications de l'acide chlorhydrique. Cet acide sert principalement à la fabrication du chlore et du chlorite de chaux; à extraire le tissu fibreux des os pour préparer la géla- tine; à confectionner Îies eaux minérales ga- zeuses ; à laver les sables ferrusineut pour fa cristallerie; à enlever les incrastaliofs eale cuaAp. 21°. caires des conduites d’eau et des chaudières à evaporer les jus de betteraves ; à épu rer le noir animal en grains que l'on revivifie dans les fabriques de sucre indigène. (IV. — Transformation du sulfate de soude en car- bonate ( procédé LEBLaxc ). Pour convertir le sulfate de soude en soude plus où moins carbonatée, voici comment on opère : le sulfate de soude des cylindres ou des bastringues est pulvérisé dans un moulin à meules verticales en fonte, puis passé dans un tamis en toile métallique dont les mailles offrent des ouvertures de deux lignes envi- ron. D'un autre côté on pulvérise (1) et l’on ta- mise de même le poussier de charbon (2) ou de houille. La première de ces substances est généralement préférée par les manufacturiers, lorsque la soude qu'ils fabriquent doit être employée pour le blanchissage du linge et à l'état brut; dans ce cas, il convient d'ajouter au mélange environ un dixième du poids du charbon, en morceaux assez volumineux, pour que la plus grande partie, échappant à la combustion, restent engagés dans la pâte de la soude brute et lui donnent l'apparence à laquelle sont habitués les consommateurs. Ces fragmens concourent à faciliter l’accès de l'air, la division, et par suite le lessivage de la soude et son épuisement par l’eau. On emploie dans le même but pour prépa- rer la soude brute dite des blanchisseurs, du sul- late de soude retenant encore 10 à 12 p. 0/0 de sel marin non décomposé. Ce sel facilite le délitement de la soude brute à l'air hu- iuide; elle se réduit ainsi spontanément en poudre, et son lessivage peut se faire aisément sans recourir à une pulvérisation mécanique. On préfère comme plus économique la houille au charbon de bois partout où la soude brute doit être employée à la fabrication des sels de soude ou de savon. On pourrait, ce me semble, réunir les avantages des deux procédés dans Papplication spéciaie au blanchissage du linge, et obtenir l'apparence commerciale voulue, en ajoutant à la houille pulvérisée très fin, un cinquième de son poids de charbon de bois en morceaux. D'un autre côté on se procure de la craie le plus possible exempte de sable et même d'argile. Pour s'assurer de cette qualité, on en délaie 10 grammes dans un excès d’acide hydrochlorique; on y ajoute de l'ammoniaque en excès, puis on filtre, on évapore à sec €t l’on redissout; la craie qui dans cette opé- ralion d’essai laisse le moins de résidu est celle que l’on doit préférer. On la fait dessé- cher par la chaleur perdue de Ja cheminée ou de l’extrados de la voûte du four, puis on !a réduit en poudre fine qu’on tamise. Lesmatières premières étant ainsi préparées, on les mélange dans les proportions suivantes : Sulfate de soude. 100 - . - . 110 Charbon de bois. 55 (ou 60 de houille ). CARBONATE DE SOUDE. 389 La quantité de sulfate indiquée suppose que ce sel est à peu près sec et pur, comme celui des bastringues qui ne contient que 3 à 4 p. 0/0 de matières élrangères; on mettrait une proportion d'autant plus forte, qu’il se- rait plus impur. Ainsi le sulfate des cylindres, qui ne représente que 82 p. 0/0 environ de sulfate pur, doit être employé dans la pro- portion de 120 au lieu de 100. Il en est de même de la craie dont on augmenterait la dose si elle élail impure, en raison des ma- tières étrangères. Les matières mélangées exactement à la pelle, sont prètes à être chargées dans le four. Une particularité remarquable que nous avons annoncée relativement à celui-ci, con- siste dans la forme de la sole et des parois qui la circonscrivent; il importe beaucoup qu'au lieu d'être rectangulaire, ainsi qu’on les construisait dans l’origine, elle soit elliptique. L'ancienne forme laissait mal chauffées et in- complètement décomposées les matières accu- mulces dans les angles, où d’ailleurs les outils peuvent difficilement les atteindre pour les remuer. Une autre disposition importante est celle du cadre dans lequel on coule la soude cuite au point convenable; ce cadre doit être large ei peu profond, afin que le refroidissement ait lieu promptement. Les figures 433 à 436 feront suffisamment Fig. 433. Fig. 434. Fig. 436. comprendre les détails de cette construction, par deux coupes et les élévations des deux fa- ces principales, les faces opposées n'ayant au- cun percement. À, cendrier; B, foyer; C, voûte en briques réfractaires; D, sole en mêmes briques; E, mur de séparation, dit autel, entre le foyer et le four. Ce mur exige la meilleure qualité de briques réfractaires; car, chauffé fortement sur 3 faces, il éprouve une température plus élevée que les autres parties du four; F, por. te du foyer; G, porte du cendrier; H, porte latérale au niveau de la sole; I, porte au même niveau, au bout opposé au foyer ; J, naissance des 2 carneaux de la cheminée, qui vont &e réunir dans un seul corps K; L, rouleau m& bile tournant sur son axe dans 2 fourchettes scellées sur le devant du four ; ce rouleau sert à facililer les mouvemens des longs et lourr, ustensiles (ràbles et ratissoires) avec lesqueis on remue, puis on tire la soude; M, cadre en tôle de 6 po. de haut, posé sûr une plaque em fonte et servant à recevoir et contenir Ja sou- de coulée hors du four. Lorsqu'il s'agit d’une 1" opération, on fait chauffler Le four très graduellement, en éle- (4) Dans plusieurs fabriques, où l'on n’a pas de moulin, on écrase les matières avec des battes en bois garnies de caboches en fer. (2) On nomme poussier le charbon en poudre grossière et en menus fragmeos , qui se trouve au fond des magasins où des bateaux, don! on a enlevé le 5ros charbon. 390 vant la température jusqu’à ce que toutes les parois soient portées au rouge vif; alors on ouvre la porte latérale, et l’on enfourne par celle-ci, en jetant le mélange à la pelle à 2 hommes, tandis qu’un 3° l’étend en couches régulières sur toute la sole à l’aide d’un rà- ble, qui agit en allant et venant dans toute la longueur du four, appuyé sur le rouleau L. Il est utile de clorre en partie le registre de la cheminée pendant le chargement du four, afin d'éviter qu’un fort tirage n’entraine en poussière une partie du mélange au de- hors. Dès que le mélange est étendu, on ferme les portes, on ouvre le registre et on laisse la matière s’échauffer par son contact avec la sole en dessous et en dessus par la réverbé- ration de la flamme. Elle commence à s’ag- glutiner à la superficie ; alors on remue de temps à autre lentement avec le râble, de ma- nière à renouveler les surfaces et à faire pé- nétrer la chaleur sans donner de secousses qui feraient élancer et entraîner dans la che- minée une partie de la poudre. Peu à peu l'agglomération gagne et toute la matière de- vient pâteuse; bientôt des builes, de plus en plus multipliées de gaz oxide de carbone, se dégagent et brûlent au-dessus de la surface du mélange avec le gaz hydrogène carboné pro- venant de la décomposition de l’eau ou de la houille. Il faut alors brasser continuellement la matière, afin que la calcination ne soit pas poussée trop loin dans les parties fondues. La paie devient de plus en plus fluide; les jets de lamme sont moins nombreux ; alors la soude étant bien homogène et partout également fluide, on se hâte de la tirer hors du four à l'aide d’une large râcloire que le rouleau L permet de pousser aisément au bout de la sole près du mur ou autel. Lamatière fondue coule entre le rouleau et la paroi extérieure du four, revêtue d’une plaque en fonte verticale; sur la plaque horizontale Moù elle s’étend, semoule, arrêtée par le cadre, et se fige promptement en un pain très dur, mais encore poreux et de 6 po. d'épaisseur. À peine le four est-il vide que l’on recommence une 2° opération en le chargeant de nouveau, comme la 1r fois. Ce travail doit continuer jour et nuit sans inter- ruption, de même que les fours à sulfate, jus- qu'à ce que des réparations indispensables forcent d'arrêter. L'opération ayant été bien conduite, le pro- duit obtenu, s'il est destiné aux blanchisseurs et par conséquent fabriqué avec du sulfate contenant 10 à 12 p. 0/0 de sel marin et un dixième de charbon de bois en morceaux, doit marquer à lalcalimètre de 31 à 33°, tandis que la soude fabriquée avec du sulfate plus puret du charbon entièrement en poudre fine, plus riche en alcali réel, marque de 40 à 42°. Le sulfure de sodium, exigeant pour être sa- turé une quantité d'acide proportionnée à l’alcali qu’il représente, mais ne pouvant agir dans les applications de la soude comme de l’alcali, donne un titre inexact. En effet, dans le raffinage de la soude brute, ce composé, converti spontanément, comme par une lon- gue exposition à l'air, en sulfate, est perdu. À la vérité, la soude peut agir aussi dans le blanchissage par les sulfures et les sulfites, et, dans l’art du savonnier, les sulfures sont ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES SOUDES ET POTASSES. LIV,. IV. utiles pour donner à la marbrure les nuances voulues. Une importante modification, récem- ment faite dans la construction des fours par M. CLÉMENT, a consisté à leur donner une di- mension 3 fois plus grande. Ainsi, au lieu de 8 pi. de long sur 5 de large qu’ils eurent dans l'origine, et de 12 pi. sur 8 qu’on leur donna plus tard, ils ont actuellement jusqu'à 20 pi. de long sur 12 de large, et l’on a graduelle- ment ainsi diminué la dépense en combus- tion. On pense bien qu’on ne pourrait remuer et tirer la soude par une seule porte G au bout de tels fours. La fig.437 fait voir com- Fig. 437. ment, à l’aide de 3 portes latérales A, B, C au lieu d’une, 3 ouvriers peuvent continuelle- ment opérer le mélange, et ensuite tirer en- semble toute la soude d’un siénorme four. Matières employées. 2 atomes sulfate de soude sec —- 1784 ai 3 —— carbonate de chaux 1896 4% 48 — charbon . . . . = 688 ÿou 415 4368 100 = Produits obtenus. 2 atomes carbonate de soude sec == 1336 50 4 — chaux . .. 386 | 1270 Se 2 — sulfure decalcium g14 | es 20 — oxide de carbone. . . — 1765 40 5 4371 100 » Ce tableau démontre que lorsqu'on calcine parties égales de sulfate de soude sec et de craie, avec la dose indiquée de charbon, ii se forme des produits dont on peut expliquer la production, en supposant que le sulfate de soude et une partie de la craie se transforment ensulfure de calcium, carbonate de soude, etc. Il faut observer encore que si l’on mettait 2 atomes de craie seulement, le sulfure de cal- cium, en se dissolvant dans l’eau, serait dé- composé par le carbonate de soude et l’on aurait reproduction de la craie et du sulfure de sodium; c’est ce qui n’a plus lieu quand on emploie 3 atomes de craie, parce qu'alors il reste 1 atome de chaux libre qui, combiné avec les 2 atomes de sulfure de calcium, pro- duit un composé insoluble dans l’eau froide. Ainsi, le carbonate de soude formé se dissout seul et échappe à la réaction du sulfure pro- duit. On voit par-là que tout le secret de cette fabrication, qui a exercé une si grande in- fluence sur notre commerce, repose sur lem- ploi de proportions convenables et atomiques entre la craie et le sulfate de soude. Quant au charbon, la dose peut varier. En effet, il faut en mettre plus que le calcul n’en indique, CHAP. 216. our remplacer celui qui est brûlé pendant Fetion : d’ailleurs, un excès de charbon ne peut nuire qu’en rendant caustique une par- lie de la soude, inconvénient de peu d'impor- lance. Voici le dosage employé par Legcanc et les produits alors obtenus: 1,000 sulfate de soude sec. 1,000 craie. 550" charbon. 2,550 mélange employé. 1,530 soude brute obtenue, ou900 carbonate de soude cristallisé, pro- venant de celle-ci. 1,000 résidu insoluble Jaissé par la soude brute. Ce dosage était convenable à l’époque où le sel, incomplètement décomposé, donnait un sulfate de soude ne représentant que 0,82 de sulfate pur; c’est encore ce qui a lieu pour la soude, dite des blanchisseurs; mais pour la soude riche, obtenue avec du sulfate presque pur, il convient d'employer 1150 environ de craie pour 1000 de sulfate. " Pour économiser le temps et le combustible dans la fabrication de lasoude, ilconvient que la fonte des matières se fasse rapidement. Pour ue ce résultat soit obtenu, il faut : 1° que le four soit bien construit ; 2° que le feu soit con- duit avec soin ; 3° que la charge de matières à fondre ne soit ni trop forte ni trop faible; 4 qu'elle soit convenablement remuée; 5° que le mélange soit très fusible. Relativement au 1‘ point, la forme äu four, nous l'avons indiquée plus haut; nous devons de plus faire observer qu’il doit être le plus grand possible, c’est-à-dire que les dimen- sions ne connaissent de bornes que celles qui sont posées par la nécessité de porter facile- ment, sur tous les points de la sole, les ins- trumens qui servent à remuer la soude; il doit plutôt pécher par excès que par défaut de tirage. Relativement au 2° point, il convient de ne as faire de trop forles charges de combusti- le; elles doivent plutôt étre légères et mul- tipliées ; c’est le moyen d'obtenir un feu vif et d'éviter que le màche-fer ne se forme en grosses masses qui obstrueraient la grille. Sur le troisième point, on doit remarquer que lorsque les charges sont trop fortes, une partie de la matière reste long-temps sans couler; que, lorsqu'elles sont trop faibles,on perd aussi du temps, parce que le four est trop fréquemment refroidi; une quantité de 125 kil. à la fois par mètre carré de surface de la sole parait la plus convenable. En remuant la matière dans les 1° mo- mens on retarde la fonte; on doit donc, après lavoir chargée et étendue sur la sole en une couche d’égale épaisseur, attendre que la su- erficie commence à couler. Alors on la sil- onneayec la quarre du râble; ce qu’on répète de temps en temps jusqu'à ce que plus de la moitié de la matière ait commencé à fondre. Ce moment arrivé, on doit remuer plus sou- vent. Une fois la matière aux 2 tiers fondue, on doit agiter continuellement ; vers la fin, il faut brasser et mélanger le plus exactement ssible. La matière se boursouffle et il en sort de longs jets de flamme blanche; si on la CARBONATE DE SOUDE. 39 CE laisse quelque temps sans la tirer, le hour- soufflement diminue, la matière devient plus liquide. Ainsi, suivant lFépoque où elle est Li- rée, la soude est plus spongieuse ou plus com- a mai cuite, elle est trop sulfurée. £e on dosage est de la plus haute importance. Si l’on prolonge la calcination, on obtien! une soude plus dure, plus dense, moins spon- gieuse, dont la pulvérisation et la lixiviation sont plus difficiles. On doit faire observer en- fin que la dose, ou plutôt l'excès du char- bon, doit être d’autani moindre qu’on est par- venu à mener les opéralions plus rapide- ment. On substitue souvent la houille en poudre au charbon de bois, et suivant qu’elle contient plus uu moins de malières combustibles, on eu doit employer de 54 à 56 ceatièmes du sul- fate réel contenu dans le mélange. Voici le tableau du prix de fabrication de la soude brute dans une suite d'opérations faites près de Paris et destinée aux blanchisseurs. frs 10: 14,982 sulfate des cylindres à 17 fr. 2,546 94 13,500 craie à 10 fr. les 1,000 kil. . . 135 7,680 poussière de charbon à 3 fr. Tigres h00 lol... 7e 36,162 10 voies (150 hectolit.) de houille à 40 fr. . . . . . . . 400 Mainid'œuvre. 10002 4e 9250 Frais généraux, etc. . . . . 485 06 72 barriques pour embaril- ler Aa oder Vu pren Produit 22,440 kil. de soude, ANVADI UNIES. «> Me ce AU D'où l’on voit que le quintal métrique ou les 100 kil. reviennent à 19 fr. 9e. Le cours actuel est de 22 fr.; par conséquent le béné- fice est de 2 fr. S1 c. par 100 kil. Dans cette localité, le prix coûtant établi ci- dessus ne permet guère de fabriquer le sel et les cristaux de soude; aussi la totalité de la soude est-elle employée à l’état brut par les blanchisseurs. A Marseille, la plus grande partie de la soude brute est destinée, soit au raffinage pour être expédiée en sel de soude à Rouen, Paris, etc., soit à la fabrication du savon qui se fait dans la localité, et tout l'acide chlorhydrique est perdu; l’acide sulfurique est employé à 50°,etc.; aussi le compte de fabrication est-il différent. Le voici approximativement présenté, en y comprenant les 2 fabrications du sulfate et de la soude qui toujours sont annexées l’une à l’autre. «Selmarin,3,600 kil. à 1fr. 36fr. : «ts Acide sulfurique à 50°, Le br à / 45,00 kil. à 10 fr . . . 450 faté Hotuile, . . . :: . 1.040 « | Main - d'œuvre et frais BÉRÉPAUX . +, CUS Craie, 4,500 kil..,:4,, 65 Houille (combustible et mélange).:i,::,3,24/ SD Main-d'œuvre et. frais SÉNÉTAUX ny ri 2 ar ee, 00 Produit : 6,160 kil. de soude coûtent. . 838 100 kil. reviennent à 13 fr. 60 c. La soude brute peut être employée direc- tement dans la fabrication du verre à bouteil- Conversion en soude. oQ9 392 ARTS AGRICOLES : FABRICATION DES SOUDES ET POTASSES. les ; mais, pour toutes les autres applications, il faut en extraire la partie soluble, que l’on utilise seule, et en raison du carbonate de soude qu’elle contient. C’est par un lessivage analogue à celui des matériaux salpêtrés que cette opérationa lieu ; un filtre, semblable à ceux de M. Dumonr, in- diqués dans l'article sucre, p.389, est fort com- mode pour cela; on peut y substiluer, pour les opérations usuelles, des tonneaux défoncés d'un bout ou des baquets préparés à cet effet ; la fig. 420 indique les dispositions y relatives : À 1 po. au-dessus du fond on maintient un srillage en bois à l’aide de 2 traverses échan- crées pour laisser passer le liquide. Dans ce grillage est engagé un petit tube qui monte jusqu'aux bords du tonneau. On recouvre le grillage d’une toile forte, claire et bien ten- due ; on emplit à moitié le tonneau de soude brute, préalablement humectée et écrasée; on verse de l’eau froide ou tiède jusqu’à 1 ou 2 po. au-dessus de la soude; lorsque tout l'air interposé est échappé par le petit tube, on ou- vre un peu le robinet et l’on a soin que l’écou- lement aille un peu mois vite que la filtra- tion, afin que le marc soit toujours complète- ment baigné; on ajoute de l’eau jusqu’à: épuisement complet de la soude, et la solution filtrée peut servir immédiatement à lessiver le linge; si l’on veut l’évaporer pour en ex- traire le sel de soude, il faut avoir 5 ou 6 ton- neaux semblables, afin de renforcer la liqueur en la repassant sur les autres filtres, et ne la rapprocher que lorsqu'elle est de 20 à 24° à l’'aréomètre. On emploie un lessivage plus ex- péditif en immergeant la soude hydratée et écrasée dans des espèces de paniers en tôle percés de trous et la changeant de vases jus- qu’à épuisement. Les solutions s’évaporent dans des chaudiè- res plates étagées, dont trois sont successive- .ment chauffées par les produits de lacombus- tion qui ont d’abord chauffé directement une chaudière hémisphérique en fonte où le rap- prochement se termine, et la précipitation a lieu, comme dans la précipitation de la po- tasse (voy. ci-dessus, page 381 ). Le carbonate de soude, ainsi recueilli, mis à égoutter et desséché à l’étuve ou dans un four à réverbère, de manière à rester pulvéru- lent, se vend dans le commerce suivant la pro- portion de soude libre ou carbonatée qu’il contient et que l’on évalue par un essai dans lequel on constate la quantité d’acide sulfuri- que employé pour saturer com plètement cette soude. Aujourd’hui on fabrique des sels de soude qui équivalent à environ 92 p. 0/0 deleur poids de carbonate de soude pur. En faisant dissoudre à chaud ces sels, lais- sant déposerlasolution pendant 6ou8 heures, etlasoutirant au clair dans des terrines,onob- tient par refroidissement des cristaux blancs, diaphanes, formés de carbonate de soude et d’eau dans la proportion de 62, 69 de celle-ci pour 100 du carbonate cristallisé. Si l’on fait dissoudre le même sel de soude dans 8 fois son poids d’eau, que l’on y ajoute environ les 6 dixièmes de son poids de bonne chaux grasse, préalablement éteinte et très divisée, et que l’on agite pendant dix minutes, puis qu'on laisse déposer, on pourra soutirer un liquide clair qui ne contiendra que de la LIV. 1V. soude caustique, car la chaux se sera emparée de tout l’acide carbonique etse sera précipitée à l’état de carbonate de chaux ; cette solution de soude rapprochée à 36° BauMÉ, constitue la lessive caustique que l’on emploie pour fa- briquer Les savons à froid età divers autres usa- ges. C’est à l’état caustique que la soude agit le plus dans le blanchiment des toiles et le blan- chissage du linge. . La lessive caustique de potasse, rapprochée Jusques au point de ne contenir plus que les 0,16 d’eau qui constituent l’hydrate solide, peut être coulée à chaud dans des moules ou sur une plaque de fonte unie; elle se prenden masse dure par le refroidissement, et consti- tue la pierre à cautère, que l’on doit conserver dans des flacons bien clos. La soude pure est formée de 1 atome de Sodium ont 41-0206, 02909 Plus 1 atome d’oxigène. 100, (2 Ce protoxide est blanc, extrêmement caustique, très soluble ; dissous, il ver-- dit fortement le sirop de violette et la tein- ture de mauves, il attire énergiquement l’hu- midité et l’acide carbonique contenus dans l'air, ilest fusible à la température rouge clair, son énergie sur les acides est très grande; aussi peut-il s'unir à divers oxides qui dans la combinaison font fonctions d’acides; tou- tes ces propriétés lui sont communes avec le protoxide de potassium ou potasse, qui s’en distingue dans plusieurs de ces sels, et entre autres par le carbonate, qui attire l'humidité de Pair, tandis que le carbonate de soude s’y dessèche spontanément; nous verrons ail- leurs quelques applications spéciales de ces 2 alcalis. Le carbonate de soude sec et pur est com- pôsé/de:'soude!. LV 0r-00R 00 666 acide carbonique . . . ... : 2276 en ajoutant 10 équivalens d’eau ou ts ir 10 SN ARS on a le carbonate cristallisé Sala ee 0e EN ED RER Le carbonate de soude pur est blanc, âcre, un peu caustique, plus soluble à chaud qu’à froid ; sa solution, faite à chaud, cristallise par refroidissement en prismes rhomboïdaux ; ces cristaux, exposés à l’air,s’effieurissent en per- dant l’eau de cristallisation et iombent en pou- dre très fine. Ils peuvent se fondre à une température peu élevée, dans leur eau de cris- tallisation; desséchés, ils n’éprouvent de fu- sion qu'àune température au-dessus du rouge. Le carbonate de soude cristallisé, soumis à un courant d'acide carbonique, en absorbe une double proportion et passe ainsi à l’état d’un bicarbonate qui ne contient qu'un équi- valent d’eau c’est-à-dire environ 0,1 de son poids, c’est la base des pastilles de Vichy. Voici, en résumé, les principales applica- tions des divers carbonates de soudecommer- ciaux, du bicarbonate et de la soude caustique. Le carbonate s'emploie dans la verrerie, la gobeleterie et la fabrication des glaces, où il est iransformé en silicate de soude ; il forme la base du borax ou borate de soude, des phos- phaies, tartrates et bicarbonates employés en médecine,etces derniers dans la préparation du soda-water ; on s’en sert pour préparer un car. 22°. PRODUITS sulfite employé à blanchir la sparterie et dans la précipitation des laques colorées , nolan- ment de la garance; il est fréquemment en usage dans la teinture. A l’état plus ou moins caustique, la soude sert à blanchirles toiles, le linge, les chiffons à papier, sert à préparer les savons durs , le savon économique de résine, et la pâte rési- peuse employée au collage du papier, à essayer les tissus mélangés de fils de chanvre ou lin et de laine, parce que, étendue d’eau, elle dissout celle-ci sans attaquer les fils ligneux ; la même solution sous le nom d’eau seconde, s'applique à nettoyer les objeis enduits d’ancienne pein- ture à l'huile; on l’emploie encore concur- remment avec la potasse, pour fabriquer l’eau de javelle, chlorite de soude ou de potasse, agent de décoloration et de désinfection. RESINEUX. 393 Presque toules ces applications apparte- naient à la potasse caustique ou carbonatée, mais le prix plus élevé de celle-ci a restreint ses usages à la fabrication du cristal (silicate de potasse et de plomb), encore s’occupe-t-on d'y substituer la soude; la potasse sert ex- clusivement à préparer le chlorale de potasse employé surlout dans la pâte inflammable des alumettes oxigénées, soit libre soit unie à plusieurs sels; on emploie la potasse dans la fabrication du salpètre (nitrate ou azo- taie de potasse), des chromates de molasse, pour la teinture et la peinture, les savons D la pierre à cautère et l’alun arti ciel. PAYEN. CHAPITRE XXII.— DES PRODUITS RÉSINEUX. On désigne sous l'acception générale de produits résineux différentes substances com- merciales extraites de certaines plantes et qui | comprennent notamment les térébenthines, ré- | sines, huiles essentielles, goudrons, poix, brais, huile derésine, noirs de fumée, etc., tous ces pro- duits acquièrent chaque jour un plus grand in- térêt, soit en raison des applications nouvelles qu'ils recoivent, soit par suite des importan- | tes plantations en arbres qui les fournissent, qui, du moins, donnent directement les téré- benthines, matière 1r° de leurs diverses pré- parations. Secrion Ir. — Des lérébenthines. $ 427, — Des diverses espèces de térébenthines, Les térébenthines doivent leur consistance pâteuse ou demi-fluide à une proportion va- riable d'huile volatile; elles découlent sponta- nément et par incisions d’arbres appartenans pour la plupart à la famille des conifères et aux genres pin, sapin et mélèze. Il existe un assez grand nombre de variétés de térébenthines, mais nous ne nous occupe- rons ici que de celles qui, ayant des applica- tions dans les arts industriels, donnent lieu à des opérations de quelque importance, eten particulier de celles qu'on recueille, dans no- tre pays. 1° Térébenthine de Bordeaux ou térébenthine des pins. Cette térébenthine découle du pinus maritima et du pinus silvestris de Lax., qui croissent en grande abondance dans les landes entre Bordeaux et Bayonne; on la recueille par le procédésuivant: lorsque l'arbre a atteint l'âge de 25 à 35 ans, c’est-à-dire environ 2 1/2 à 4 pi. de circonférence, on fait, vers la fin de février, une entaille à sa partie inférieure, et dans toute l'épaisseur de son écorce, d’envi- ron 5 à 6 po. de largeur sur une hauteur de 15 à 18 po. ; on entaille ensuite dans le bois, à une profondeur de 3 lignes, une cavité rec- tangulaire de 4 po. de large sur 3 po. de haut ; au bout de 8 jours on ravive la plaie en aug- | mentant de 1 po. ou de 1 1/2 po. la hauteur dans le bois et l’on continue ainsi toutes les semaines, Jusqu'au mois d'octobre, de sorte qu'après 8 ans l’entaille se trouve avoir de 12 à 14 pi. de hauteur, alors on recommence une semblable entaille à côté de la première et ainsi de suite sur toutes les faces de larbre. Pour atteindre jusqu'à la hauteur maxime des entailles, l’ouvrier résinier se munit d’une échelle légère à l’aide de laquelle il acquiert l'adresse de se cramponner tellement au tronc de l'arbre, qu'il peut tenir à deux mains la petite hache bien affütée, dont la lame a une forme de gouge, et pratiquer les entailles su- FERA aussi promptement que celles du as de larbre. La térébenthine qui découle de ces incisions est reçue dans un trou fait au pied de l'arbre, et dans la substance d’une grosse racine, où dans des augettes en bois; elle prend dans le pays le nom de gomme molle. En opérant ainsi, un arbre peut donner de la térébenthine pendant plus de soixante ans. On doit apporter tous les soins possibles à la récolte de la térébenthine pour éviter qu’elle ne se salisse trop par des corps étrangers. Lorsque, pour ménager des éclaircies, ou- vrir des routes, elc., on veul abattre les pins dans un délai moins long, on les taille à pin perdu ; à cel effet on pratique des entailles sur les quatre faces à la fois et on les fait trois fois plus grandes ; la plus grande proportion de térébenthine ainsi obtenue dans le même temps, est une circonstance favorable à la pu- reté du produit. Les parties latérales des entailles se recou- vrent peu à peu de térébenthine concretée | journellement sous l'influence de l'air; à la fin de chaque saison on enlève par un grattage ces sortes de concrétions que l’on met à part et que l’on vend sous le nom de barras où galipot; c'est une sorte de térébenthine con- sistante que rendent impure les divers corps étrangers y adhérant et surtout les débris li- gneux entraînés dans ces grattures. On vend à meilleur marché le galipot et on l’emploie aux usages indiqués plus loin, pour lesquels les impuretés en question ne sont pas nuist- bles. Epuration de La térébenthine. Celte opération est d'autant plus importante à bien faire, | qu'elle augmente la valeur non-seulement de 394 8 latérébenthine, mais encore de la résine et de l'huile essentielle (essence de térébenthine) que l’on en tire; elle consiste dans une filtra- tion qui sépare plus où moins complètement les corps étrangers (matière terreuse, débris ligueux, etc.) qui salissent la matière. Voici comment on s’y prend : sur un double fond troué d'un tonneau (fig. 438), on dispose des Fig. 438. D naîtes en paille maintenues par un cercle inté- rieur, la résine molle est versée sur ces nattes et la température des rayons solaires suffit pour la fluidifier au point de filtrer; on re- cueïlle le produit dans un vase inférieur re- couvert; il faut pouvoir recouvrir aussi le tonneau lorsque-le soleil est caché ou que la pluie menace. On se sert en plusieurs localités d’un autre filtre : c’est une caisse (fig. 439) de 7 à 8 pi. en carré formée de madriers en sapin hermé- tiquement joints; le fond est incliné et dé- borde dans un récipient inférieur ; un 2: fond horizontal reçoit la résine molle que le soleil fluidifie au point de la faire couler par les Joints des planches étroites de ce faux fond. La térébenthine filtrée est mise en tonneaux que l’on empile dans des magasins bien dallés en pente et très propres ; le temps de l’emma- gasinement et la température de l'air deter- minent des fuiles au travers des joints des douves, et opèrent ainsi une 2e filtration spon- tanée. La térébenthine recueillie dans un ré- servoir où aboutissent les pentes du dallage est plus pure et se vend plus cher que celle obtenue de la 1° filtration ; il serait sans doute possible d'opérer du 1° coup une meilleure épuration en perfectionrant les moyens em- ployés. La térébenthine de Bordeaux est ordinaire- ment blanchätre, trouble et consistante, d’une odeur forte, peu agréable et d’une saveur âcre ; on peut retrer de 20 à 24 p. 0/0 d'huile volatile du traitement ultérieur de cette substance. Nous donnerons quelques détails sur plusieurs produits commerciaux analogues. 2 Térébenthine du Canada. Elle porte plus ordinairement le nom de baume du Canada et de faux baume de Gélead; on l’obtient par incisions du pinus balsamea, Lan., arbre de l'Amérique septentrionale, qui appartient à la famille des conifères. ARTS AGRICOLES : DES PRODUITS RESINEUX. ET. AVS 3° Terébenthine de Chio. Cettesorte commer- ciale est fournie par le térébenthe, pistacia terebenthus, Lin., arbre de la famille des téré- benthacées qui croit en abondance dans l’Ar- chipel grec et notamment à Chic. 4 Térébenthine de la Mecque, baume de la Mecque, baume de Judée, baume de Gélead. Elle est produite par lamyris opobalsamum de Lain., balsamodendron opobalsamum de Kunr, petit arbre de la famille des térében- thacées qui croit en Arabie, en Judée et en Egypte. 5° Térébenthine de Strasbourg, térébenthine de sapin. Cette térébenthine est fournie par le pinus picea, Lax., arbre qui croît abondam- ment dans les Vosges, le Jura, la Suisse, PAllemagne et les contrées du nord de lEu- rope. On la recueille à peu près de la même manière que la térébenthine de Bordeaux, mais elle est plus estimée. Voici ses princi- paux caractères: elle est assez fluide, trans- parenté ou un peu laiteuse, d’une odeur forte et pénétrantie, d’une saveur âcre et très amère; elle est plus riche en huile volatile que la térébenthine de Bordeaux et sert aux mêmes usages décrits plus loin. , 6° Térébenthine de Venise ou térébenthine du mélèze. Cette sorte provient du pinus larix, Lan., larix Europæa de DE Canp., arbre très commun dans les Alpes, la Suisse, ainsi que dans le nord de l’Europe. Autrefois elle était mise dans le commerce par Venise, mais maintenant la plus grande partie nous arrive des environs de Briançon. La térébenthine dite de Venise est liquide, transparente, d’une couleur un peu verdätre, d’une odeur forte sans être désagréable, d’une saveur chaude, âcre et amère; les usages sont les mêmes que ceux des térébenthines de Stras- bourg, de Bordeaux et de l Amérique septen- trionale; on en obtient les mêmes produits à l’aide de moyens ci-après décrits. $ IE. — Distillation de la térébenthine commune. Cette opération a pour but de séparer d’une part la résine, et de l’autre Phuile essentielle qui est volatile à une température où la ré- sine peut rester fixe, quoique fluide et sans altération. Les divers alambics en tôle épaisse, de fer ou de cuivre ou en fonte, peuvent servir à cetteopération ; toutefois, pour la facilité de la manœuvre, l’économie des combustibles et la durée de l'appareil, nous croyons devoir recommander les dispositions indiquées plus loin , fg. 440 à 442, qui s’appliquent avec succès à celte opération depuis quelques an- nées, et qui servent très bien aussi à la trans- formation de la résine sèche en huile, indus- trie nouvelle pour laquelle elles ont été em- ployées d’abord, } Quel que soit l’alambic employé, on y in- troduit la térébenthine au commencement de chaque opération, soit directement en incli- nant les barils au-dessus d’une large ouver- ture de la cucurbite, soit et bien mieux encore après l'avoir fait liquéfier et déposer dans un vase préparatoire, chauffé par la fumée du foyer de la chaudière principale et indiqué fig. 442. On échauffe graduel- lement après avoir fermé l’ouverture par 99e 2] CcrAP. laquelle la térébenthine a été introduite; si cette dernière n’a pas été préalabiement fon- due, elle dégage d’abord de la vapeur d’eau, puis des quantités de plus en plus grandes d'huile essentielle, qui se condense dans le ré- frigérant et coule dans le récipient ou réser- voir intérieur. Peu à peu l'écoulement de ce produit liquide de la distillation diminue, en- fin il cesse complètement; alors la distilla- tion est finie. On couvre le feu ou on l’en- lève, puis, en ouvrant le robinet du tuyau adapté au fond de la chaudière, on fait couler la résine liquide dans un récipient en bois mouillé, où elle ne tarde pas à se figer et à se prendre en masse. Après le refroidissement, on renverse le vase et le pain de résine s’en détache, on le concasse pour l’emballer dans des tonneaux et l’expédier. C’est ainsi que l’on obtient la résine de téré- benthine ou resine commune du commerce, appelée aussi brai sec, urcanson et colophane ; c’est, comme on le voit, le résidu de la distilla- tion de la térébenthine dépouillée de presque toute l’huile volatile ou essence de térében- thine, que l’on recueille dans le récipient et dont le prix est plus élevé. Cette résine esi d'autant plus belle, que l’on a plus soigneu- sement filtré la térébenthine et que surtout on en a plus complètement exclu tous débris de matière ligneuse : en effet, ceile-ci en se carborisant communiquerait par ses pro- duits goudronneux une nuance brune à la résine et diminuerait sa valeur rommer- ciale. On appelle encore résine, un mélange pré- paré à dessein , de 3 parties de brai sec, et d'une partie de galipot fondus ensemble, après que ce dernier a été passé au travers de naites de paille. Dans cette opération, le galipot qui contient 10 à 15 p. 0/0 d'huile essentielle, rend le mélange plus fluide à chaud. La resine, ainsi PR est reçue dans un baquet ou moule humecté; on projette dedans environ 15 p. 0/0 d’eau, que l’on brasse for- tement ; la prompte solidification dela matière renferme de l’eau interposée; on expédie en pains jaunâtres opaques le produit ainsi 0b- tenu. Cette manipulation a été recommandée comme un moyen de décolorer la résine, qui en effet, vue en masse, paraitrait brune si on la laissait figer dans le moule sans addition d’eau ; dans cet état, moins estimée des com- merçans et des consommateurs, elle se ven- drait moins cher. Cette préférence est fondée sur un faux préjugé, ici apparence est évi- demment trompeuse. On peut d’ailleurs reconnaître cette vérité en faisant fondre la résine blonde opaque; l’eau est éliminée, la couleur brune reparait et le poids de la substance a diminué de plu- sieurs centièmes. C’est doublement à tort que l’on préfère la résine blonde opaque. En effet, les 4 à 6 cen- tièmes d’eau qu’elle renferme , non-seulement diminuent d'autant sa valeur réelle, mais en- core la présence de l’eau estmuisible dans quel- ques emplois. Lorsque, par exemple, on sau- poudre de résine des surfaces métalliques fortement chauffées pour les décaper, on con- çoit que l’eau agisse comme oxidant et nuise FABRICATION DE L'HUILE DE RÉSINE. oo à l’effet utile, qui est -de désoxider le mélal par le carbone et l'hydrogène de la résine. SECTION II. — De la fabrication de l'huile de résine. La fabrication de l’huile de résine a été im- portée en Angleterre; elle paraît avoir pris un assez graud essor dans ce pays, où l’éclai- rage au gaz est, pour la seule ville de Lon- dres, dix fois plus étendu qu’en France, et où l’application des peintures à l’huile, à l’ex- térieur, est beaucoup plus générale. Nous dé- crirons ici l'appareil et le procédé y relatifs dans ce pays où ils ont été introduits après avoir été imaginés en France et d’où, comme tant d’autres découvertes, iis nous reviennent maintenant. Les fig. 440 et 441 représentent en coupes Fig. 440. longitudinale et transversale la chaudière ou cu- curbite, Les mé- mes lettres indi- quent les mêmes parties dans les deux figures : A, À, Fond de la chaudière, épais de 4 lignes et de- mie environ, fixé solidement au == Corps de la chau- so dière à l’aide d’un 6 cercle épais en fer battu et de boulons c,c,c,c, à 3] têtes fraisées. D, D, corps de la chaudière en tôle — de 3 lignes d’e- Fig. 441. paisseur envi- ron. Cette chaudière offre un diamètre in- térieur de 5 pieds et une hauteur de 6 pieds depuis le fond jusqu’à la naissance du col. E,E, Ajutage en deux parties réunies par une bride F,F. Cette coupe laisse voir 1° la tige intérieure , terminée d’un bout par un clapet conique G, de l’autre par un filet de vis passant dans l’écrou H, taraudé à l’extré- mité de l’ajutage. On conçoit qu’en tournant cette tige à Paide de la poignée G, on peut ! ouvrir le clapet, et le refermer en tournant dans le sens contraire. Pour le premier cas, le filet de vis pousse au dedans ; relativement au deuxième cas, il rappelle au dehors. J, Ou- verture à rebords épais, en fonte tournée, sur laquelle s'adapte la tête du réfrigérant. K, Ouverture latérale (trou d'homme), à re- bords épais tournés , fermé par un obturateur tourné et des boulons. Voici maintenant Ja disposition de tout l’appareil distillatoire re- présenté en coupe dans la fig. 442. LL, Réfri- gérant composé d’un double tuyau concentri- que en cuivre dans l’un desquels descend la vapeur et l'huile condensée, tandis qu'entre les deux circule de bas en haut, un courant- d’eau pour rafraichir. M, Entonnoir à longue douille , adapté au réfrigérant pour amener l'eau froide. N, Vide-trop-plein, déversant l’eau chaude dans un conduit qui se porte hors de l'atelier. O, Récipient de 1 grande chaudière 396 ARTS AGRICOLES : DES PRODUXES RÉSINEUX. LIV. LV. Fig. 442. des vapeurs acides et aqueuses, qui se con- ALL \N \\\\L ou cucurbite. P, Réservoir dans lequel coule le produit de la distillation. Q, Hausse circu- laire en tôle, destinée à contenir des cendres, qui, évitant la déperdition de la chaleur, dimi- nue la quantité d'huile condensée sur les pa- rois supérieures de la chaudière. R, Calotte en tôle, destinée au même effet que la hausse ci-dessus. S, Réservoir d’eau pour alimenter la consommation du réfrigérant. T, Maconne- rie de fourneau. On remarque que le cercle réunissant par des boulons, le fond épais aux calondres de la chaudière, est garanti de l’ac- tion immédiate du feu par la maçonnerie. L'appareil étant ainsi disposé, voici comme on procède à la distillation de la résine. On charge la chaudière ou cucurbite, pres- que aux deux tiers de la hauteur, avec du ga- hpot ou de la résine, brai sec, arcanson, etc.; relativement à cette dernière, on doit, à prix égal, donner la préférence à celle qui est diaphane (même brune), parce qu’elle ne contient pas d’eau. Le galipot donne beaucoup plus d'huile essentielle (essence de térében- thine ), dont la valeur rend quelquefois l’o- pération plus profitable. Le chargement de la chaudière peut s’effec- tuer par l’ouverture K, ou, pour les opéra- tions subséquentes, à l’aide d’un réservoir posé sur la chaudière, duquel la matière ré- sineuse, entretenue fluide par la chaleur de. la cheminée, s’écoule à volonté dans la chau- dière , à l’aide d’une bonde à tige. La figure 442 montre cette disposition, qui s'applique fort avantageusement aussi à la 1re distilla- üon de la térébenthine, décrite à la page pré- cédente; on voit que le tube R, partant du couvercle de cette chaudière préparatoire, communique à volonté avec le réfrigérant, et qu'ainsi il n’y a pas de déperdition de vapeur considérable. .… On allume le feu, que l’on pousse graduel- lement. En général, il se dégage d’abord de la vapeur d’eau, qui se condense et s'écoule à l'extrémité du réfrigérant , bientôt l'huile es- sentielle accompagne le liquide aqueux qui devient légèrement acide. Enfin, le feu étant toujours le même, l'écoulement paraît s’ar- rêter; c’est le moment de séparer tout le li- quide obtenu, et qui est fractionné sponta- nément en deux parties ; l’une plus légère sur- nage, c’est l’huile essentielle ; on l’isole aisé- ment eu soutirant, après quelques instans de repos, l’eau qui occupe le fond du vase. La température de la matière résineuse con- tinuant à s'élever, des changemens ont lieu dans la combinaison de ses élémens; il se dé- gage beaucoup de #az hydrogène peu carboné, deusent avec uue plus grande quantité d'huile que l’on voit couler plus abondam- ment. On peut soutenir le feu jusqu’à ce que l'é- coulement s'arrête, et dans ce cas on obtient le maximum de produit en huile ; ii reste dans Ja chaudière une très petite quantité de char- bon et de matières terreuses, qui ne s’oppo- sent pas à ce que l’on recharge de nouveau la chaudière, À cet effet, on couvre le feu, on ôte l’obturateur K, puis on verse la rési- ne ; on referme l’ouverture, on ranime le feu et l’on recommence une deuxième opération, Ce dernier mode d'opérer présente plusieurs inconvéniens. En effet lamatière charbonneu- se,s’accumulant à chaque fois, nuitàlacommu- nication de lachaleur,etaprès 5ou 6 opérations il faut laisser refroidir le fourneau de lachaudiè- re pour qu’un homme puisse s’introduire dans celle-ci et enlever à coups de ciseau ce char- bon plus où moins adhérent. D'ailleurs, à la fin de chaque opération la température s’é- lève au point de faire rougir les parois de la chaudière, en sorte que si l’on vient à rechar- ger promptement, les premières parties de résine en Contact avec les parois se décompo- sent, dugaz hydrogène carboné se produit qui peut s’enflammer et déterminer des accidens graves, ainsi que celaest arrivéen maprésence; enfin le fond de la chaudière exposé fréquem- ment aux alternatives d’une température tantôt rouge, tantôt subitement moins élevée, s’altère beaucoup; il en résulte des répara- tions dispendieuses. Un autre mode d'opérer est préférable ; 11 consiste à ne pousser la distillation que Jjus- qu'à ce que les neuf dixièmes de la résine soient décomposés, ce que l’on peut connaitre approximativement d’après la quantité de li- quide recueilli, et en ayant soin d'arrêter un peu plus tôt dans les 1res opérations. On couvre alors le feu, on soutire la matière résineuse fluide restée dans la chaudière, et pour cela il suffit de tourner la poignée G du clapet; on referme ensuite celui-ci en tournant en sens inverse ; on enlève l’obturateur K,on recharge la chaudière et l’on commence une autre dis- üllation. La matière fluide tirée ainsi de la chau- dière prend, en refroidissant, une consistance de brai gras moins colorée que ce dernier; elle s'applique aux mêmes usages et peut se vendre plus cher, comme de meilleure qua- lité. Voici le compte de cette opération, calculé sur les prix à Londres (1830). En suppo- sant un appareil offrant les dimensions que nous avons indiquées, il contiendra 22 quin- taux anglais (de112livres environ),ou 2,100 kil. de résine, quantité sur laquelle on pourra opérer chaque jour ou 6 fois par semaine. fonte: 22 quintaux résine, à 6 fr. 25 ©. 137 50 houille pour chaque distillation pendant.12 ,heures:12149..1- 40/45 \ main: d'œuyre.se) metre, 4-0 11 NAT réparations, loyer,assarance,etc. 15 » Total. ./. MONTS Frais. — cap. 22e, [20 gallons huile essentielle ana- logue à l'essence de térében- fr <- ire) CN ET NL LS » & | 180 gallons huile fixe. . . . . . . 210 » *31] 100 livres brai gras. . . . . . . . 12 50 i: Total des produits 255 50 & [d’où déduisant le montant des dépenses. . - . . . . . .,. *. .." 173,75 Reste en bénéfice. 81 75 Lorsque l’on veut purifier l’huile fixe de la plus grande partie de l'acide et de l'eau qu'elle contient, il suffit d'y ajouter environ 5 p. 0/0 de carbonate de soude sec, en poudre tamisée (sel de soude du commerce), et de bien bras- ser le mélange, tandis que l'huile est encore chaude, c’est-à-dire immédiatement après la distillation, de laisser déposer el de tirer au clair. MM. Marnmræu ont indiqué récemment un procédé (bréveté) d'épuration de lhuile de résine ; il consiste à bien battre cette huile d'abord avec 3° de son poids d'acide sulfuri- que concentré, puis aussitôt après avec parties égales d’eau à 55 ou 60° C., et ensuite filtrer l'huile. On peut lui enlever son odeur désagréable, d'après M. CnerEau, en la faisant traverser par un courant de vapeur d’eau avant de filtrer. L'huile ainsi épurée est très propre à l’éclai- rage au gaz; elle équivaut, pour cet emploi, aux 0,85 environ de l'huile de co!za; on ne pourrait pas la brüler directement dans les lampes ordinaires, parce qu’elle n’est pas suf- fisamment fluide, et qu’elle produit en brù- Jant une grande quantité de noir de fumée. On en a fabriqué un savon dont les applica- tions ne sont pas encore déterminées. Elle a servi dabs la confection de peintures pour les ouvrages au dehors des habitations. Les autres usages de cette huile n’ont pas été assez étudiés pour que nous les décrivions plus complètement iei; ils prendront sans doute une extension plus grande. SgcTioN III. — De la béluline. Il exisie un assez grand nombre d’autres résines qui sont même employées dans les arts, telles que la résine élémi, la laque, le mastic, le copal, etc., dont nous ne nous occuperons pas ici parce qu'elles ne sont pas un produit immédiat de notre sol; mais nous dirons un mot de la bétuline et de sa prépara- lion. M. CnevrEuUL a nommé béluline une ré- sine qui est sécrétée dans toute l'épaisseur de Pécorce du bouleau , et qui donne aux feuillets enlevés sur cette écorce la couleur blanchâtre etopaque qui les distingue. C’est à la bétuline qu'est due la propriété remarquable de conservation dont jouit l’écorce de bouleau, et qu est tellement prononcée que parfois le bois sous-jacent qu’elle a long-temps garanti (1) La proportion de cette huile est très variable; DE LA BÉTULINE. 397 » finit par s’altérer et se pourrir, tandis que son écorce reste plus où moins conservée. La bétuline ne saurait exsuder de l'arbre parce qu’elle n’est pas accompagnée d’une proportion sensible d'huile essentielle qui puisse la liquéfier; mais elle pent être utilisée de plusieurs façons quoique engagée dans le tissu végétal. On sait en effet que les écorces de bouleau servent depuis quelque temps à former de petites boites arrondies, légères et durables, que la même écorce, capable de conserver le bois, peut donner elle-même en brûlant une flamme vive et beaucoup de chaleur (2); mais ce qui caractérise surtout la sub- stance résineuse que renferme celle écorce, | c’est l'odeur balsamique agréable qu'elle ré- pand par une combustion incomplète; chacun peut aisément vérifier cette propriété; il suffit en effet de présenter un fragment d'écorce à une flamme quelconque, elle s’allumera aus- sitôt et brülera en répandant une lumière vive et un peu de fumée; si, lorsqu'elle sera à demi consumée on l’éteint, elle répandra une fumée blanche, et avec elle l'odeur spéciale qui distingue certains cuirs de Russie. On emploie maintenant en France l'écorce de bouleau pour communiquer à certaines peaux, préparées pour reliure et autres objets de luxe, la même odeur qui fait rechercher les peaux analogues dites cuirs de Russie; le principe, odorant qui sans doute tient à la production d’une huile essentielle par la bé- tuline au feu, s'obtient économiquement en distillant l'écorce per descensum dans un appa- reil qui pourrait servir à préparer le goudron. des bois résineux, où du moins à essayer ces bois relativement aux quantités de goudrons qu'ils peuvent donner. c , La fig. 443 indique cet appareil; on voit qu'il secompose d’un Fig 443. vase cylindrique en fonte À, ouvert ou fermé à volonté à la partie supérieure par un disque B de mê- me métal ; il se ter- | mine à la partie infé- rieure en un tube court C, que l'on À peut prolonger à Pai- | de d’un ajutage ou | iuyau en tôle D, jus- À que dans un réci- | pient E; un foyer la- | léral F permet de À. chauffer tout le tour | du cylindre envelop- ” pé comme on le voit par le carneau circulaire G pratiqué dans la maçonnerie H. Les choses ainsi disposées, voici comment on opère: on emplit d’écorces le vase en fonte À, on allume du feu dans le foyer, puis on chauffe jusqu'à ce que, tout le vase étant rouge brun, les écorces soient charbonnées. Il elle dépend de ce que la 4'e distillation de Ja téréven- thine a été poussée plus ou moins loin pour en obtenir davantage quand on emploie le galipot au lieu de résine sèche, et il y a souvent un grand avantage à le faire; en se servant du brai sec de Bordeaux ou de l’arcanson de l'Amérique septentrionale, on n’obtient guère plus de 4 à 8 pour 100 de cette huile volatile. (2) En supposant à la bétuline la même composition qu’à la résine de térébenthine, elle donnerait à poids égal, en bràlant, une quantité de chaleur plus que double de celle que produit le bais ordinaire. 398 ARTS AGRICOLES : DES PRODUITS RÉSINEUX. se dégage d’abord de la vapeur d’eau, peu à | peu de l'acide acétique, un. goudron aromati- que et divers auires produits l’'accompagnent et se condensent ensemble dans le récipient inférieur. C’est dans la matière brune gou- dronneuse que se trouve le produit à odeur balsamique particulière, résultant de l’altéra- tion de la bétuline. Ce goudron, mélangé avec des jaunes d'œufs et employé au cor- royage des peaux, leur communique l'odeur du cuir de Russie ; employé en encollage entre le carton et les peaux des reliures de livres, il conserve très long-temps cette émanation à odeur spéciale qui éloigne les insectes. Section IV. — De la préparation des qou- drons. L'appareil précédent peut, ainsi qu'on le voit, servir à la préparation des goudross ; mais il existe un autre appareil de distillation per descensum plus simple, moins dispendieux el plus durable, qu’on peut appliquer avec avantage à la distillation des écorces de bou- leau, et qui est usité en Amérique pour la préparation des goudrons résineux; nous le dé- crirons, après avoir donné une idée du four le plus anciennement employé en France pour le même usage, mais qui nous semble moins bien approprié à sa destination. La fig. 444 indique celte disposition; on Fig. 444. \\ JA HN np) À K N AE voit qu’elle consiste à creuser une cavité cir- culaire , soit sur une pente de colline, dont on a aplani ue place de 30 à 40 pi. de diamètre, soit sur lesommet également aplani ou coupe d'un tertre. Cette cavité À, en forme d’entonnoir évasé, communique par un tuyau B, adapté à sa par- tie inférieure, avec une petite chambre voü- tée dans le milieu de laquelle se trouve un récipient C. Les choses ainsi arrangées, on place quei- ques bûches en travers et horizontalement sur l'ouverture au fond de la cavité A; on rem- plit ensuite toute cette cavité avec des bû- chettes ou büches fendues, ayant 2 pi. à ? pi. 3 po. de longueur, en ayant le soin de les po- ser couchées suivant l’inclinaison des parois ; puis sur le dernier rang , au niveau du sol, on élève une meule analogue à celles à char- bon de bois dans les forêts (voir la p. 370), ei amoncelant des büchettes semblables à celles des rangs inférieurs, mais inclinées en sens inverse. On implante au 2° rang un poteau dont on entoure le pied de menus débris ligneux très inflammables ; puis, on garnit jusques à 4 po. srès du sol tout le monceau de paille, de feuil- es ou de gazons retournés ou terre humectée; CE IŸ. on enlève alors le poteau central, on jette dans l'ouverture qu'il laisse des charbons in- candescens, puis on laisse le feu faire quel- ques progrès avant de boucher, à l’aide d’une plaque ou de gazons, l’ouverture supérieure de la cheminée. L’élévation de la température se propage graduellement dans touie la masse, chasse l’eau en vapeur, rend fluide la matière rési- neuse mêlée d'huile essentielle dans le bois, décompose et carbonise celui-ci en formant, parmi divers produits, de l'acide acétique et du goudron, qui s'ajoute aux produits rési- neux et aux matières huileuses provenant de l’altération de la résine. C’est tout ce mélange, qui, coulant ou se condensant vers les parties inférieures de la masse de bois, arrive au tuyau central B, coule dans le récipient C, où se fait un premier départ spontané de la matière goudronneuse et du liquide aqueux, et que l’on traite ultérieurement comme nous le verrons plus loin. Le principal défaut de ce procédé consiste dans la rapidité de la carbonisation qui sur- prend, altère et réduit en gaz une grande partie des matières résineuses, donnant ainsi un produit utile moins abondant et d’une plus mauvaise qualité. On s’est rapproché de circonstances meil- leures par les dispositions suivantes , indiquées par la fig. 445. On voit que la cavité, praliquée Fig. 445. LEV. 4 SR à ROSE) LES = des ANNE à G sur le terire ou le penchant d’une colline et carrelée en briques, est semblable à la ire; que le tuyau inférieur B conduit au dehors les produits condensés, ce qui facilite la ma- nœuvre; mais ce qui surtout difière, c’est l’arrangement des bûchettes. On voit, en effet, que dans toute la masse du tas, dont le diamètre est de 20 à 25 pieds sur une hauteur totale de 7 à 8 pi.. ces bûchettes sont couchées suivant l’inclinaison des parois, en sorte que la dernière couche reproduit à peu près la forme de la cavité inférieure; on charge sur cette superficie des débris de bran- ches sèches que l’on allume pour commencer la distillation. On a d’avance coustruil une sorte de muraiile circulaire de 4 1/2 à 5 pieds de hauteur tout autour du tas, et l’on re- couvre peu à peu sa superficie de même afin d’étouffer le feu. A La température se propage ici plus graduel- lement que dans la 1° forme de four, les pro- duits fluides sont plus méthodiquement chas- sés de proche enproche, vers le bas de Ja ca- cuar. 29e. vité,en sorte qu'ilsarriventmeinsaltérés dans le récipient C. Cependant, la disposition qui nous reste à décrire réunit bien mieux encore toutes les conditions favorables; elle est d’ailleurs très avantageusement employée dans l’Amérique | septentrionale, contrée d’où l’on lireles meil- leurs goudrons. On voit à la 1x inspection de la fig. 446 que Fig. 446. 2 NN NE È SA i AS ASS SNS SK NS la forme des parois de la cavité À ,en entonnoir peuévasé, permet de placer toutes les bûchet- tes debout, légèrement inclinées. Une grille ou ure plaque circulaire B, perforée de trous ayant 8 à 10 lig., facilite l’arrangement de la {re rangée, et laisse un libre écoulement aux produits fluides. | On remplit de la même manière toute la ca- vité, mais on n’élève pas de bûcheltes au-des- ‘ sus de ses bords; on se borne à recouvrir de débris, de branchages et de copeaux toute la superficie. On place sur ces derniers des feuilles ou de la paille, puis des gazons ou quelquefois des plaques en pierre; on mé- nage une cheminée au centre et plusieurs ou- vertures, afin de commencer la combustion au-dessus du dernier rang de büchettes. Cette combustion s’entretient lentement par les gaz inflammables émanés peu à peu des couches inférieures et la température pe s’élevant que par degrés de haut en bas, opère mieux que par les deux précédentes méthodes l’extrac- tion des matières résineuses, puis ensuite la carbonisation du boïs dont les produits con- densés se rassemblent dans le récipient C. Goudrons obtenus par ces différens procédés. De même que celui qui est meilleur et que l’on se procure à l’aide des débris plus résineux, tels que tresses en paille ayant servi à la filtration de la téré- benthine, ourles ou cicatrices des écorces des pins épuisés, copeaux des racines, etc., tous ces goudrons, après avoir été séparés de l’eau acide et soumis un instant à l’ébullition, peuvent être employés pour imprégner les bois , les cordages, etc., et les défendre de l'action de l’eau ou de l'air humide. La meil- leure qualité dans laquelle on fait fondre un poids égal de galipot donne un brai peu foncé dit brai américain, que l’on regarde comme le meilleur pour le calfatage des vaisseaux. On prépare une autre sorte de brai en faisant bouillir le goudron jusqu'a ce qu'il USAGES DE LA RESINE. 399 ait perdu assez d'huile essentielle pour avoir la consistance convenable ; lorsque cette opé- ration se fait en chaudières ouvertes, toute la vapeur huileuse est perdue. Il est donc bien préférable de rapprocher au même degré le goudron dans une sorte d’alambic analogue à celui que nous avons décrit pour la fabrica- tion de l'huile de résine (voir p. 395). Le produit volatil se distille alors, et, con- densé dans le réfrigérant , il fournit une huile essentielle foncée applicable à rendre siccati- ves les peintures foncées, sur les objets àl’ex- térieur des habitations, ou que l’on peut encore destiner à la fabrication du gaz propre à l’é- clairage. Le brai gras peut être utilise, non-seule- ment aux usages ordinaires de la marine, mais encore dans la confection d’un mastic bitu- mineux , dont les applications acquièrent cha- que jour plus d'importance, et dont la fabri- cation ainsi que celles d'huiles très volatiles, mieux épurées et appliquées dans ces derniers temps, utilise les résidus de l'éclairage au gaz (goudrons et brai gras de houille, de ré- sine et des bitumes naturels). SEcTION V.— Usages principaux de la résine du galipot et des térebenthines. Les térébenthines entrent dans la composi- ion de plusieurs vernis gras et alcooliques; on les emploie dans la thérapeutique et surtout dans la médecine vétérinaire; elles servent à préparer plusieurs mastics pour assurer la fermeture hermétique des grosses bouteilles eldarses-jeannes , et pour la cire commune à cacheter les bouteïiles à vin ; on en ajoute quel- quefois une petite quantité dans les cires à cacheter usuelles , afin de les rendre plus fa- ciles à s'enflammer. On les méiange en certai- nes circonstances avec les résines exotiques; enfin on en distille la plus grande partie pour en extraire la résine sèche et l'huile volatile ou essence. Les applications de la résine sont nombreu- ses et de jour en jour plus importantes; les plombiers et chaudronniers en font fréquem- ment usage pour prévenir l'oxidation de l’étain pendant leurs soudures. En l’épurant par fu- sion, repos et décantation, on en prépare de la belle colophane translucide; distillée à sec, elle donne quelques centièmes dessence de té- rébenthine, puis se convertit presque totale- ment (à 10 ou 15 p. 0/0 près) en huile fire, comme nous l’avons vu plus haut. On appli- que soit cette huile, soit la résine directe- ment à préparer le gaz-light, qui, sous un vo- lume moitié moindre, éclaire autant que le gaz de la houille, et ne contient pas comme ce dernier d'acide sulfhydrique (hydrogène sul- furé). Ces 2 particularités expliquent la pré- férence qu’on donne pour la fabrication du gaz portatif, et dans quelques établissemens à la résine où àson huile ; on trouvedansles pro- duits condensés du gaz de résine une huile fixe brune et une huile essentielle très volatile, que l'on peut épurer; toutes ces huiles peuvent s'appliquer à la peinture et la dernière dans la réparation des vernis. Un mélange de téré- enthineet de cire donne un mastic hydrofuge, employé avec succès à chaud pour rendre le plâtre imperméable. Dans les environs des pi- 400 ARTS AGRICOLES : DES PRODUITS RÉSINEUX. nières, les paysans se servent defilasse enduite de résine et tressée, pouréclairer leurs habita- tions en maintenant ces sortes de falots enflam- més sous la cheminée; on prépare avec la ré- sineet lafilasse, de grosses torches pour éclairer en plein air la marche dans des chemins dif- ficiles ; on se sert de torches analogues pour flamber les moules des fondeurs en métaux, c’est-à-dire afin derépandre une légère couche de noir de fumée dans tous les détails des mou- les avant de couler. En faisant entrer 20 à 25 p. 0/0 de résine dans la matière grasse sapo- nifice des savons dits jaunes ou savons de ré- sine, on rend ce dernier produit beaucoup plus économique. Cette fabrication, très ré- pandue en Angleterre et en Amérique, com- mence à prendre quelque importance chez nous. C’est encore à l’aide de la résine où du galipot (mais sans suif ni huile) que lou pré- pare le savon résineux appliqué depuis quel- que temps en France au collage du papier. L'huile essentielle de térébenthine très recti- fiée, notamment par une distillation récente sur la chaux , ne laisse plus de tache sur le papier; aussi s’en sert-on pour enlever les ta- ches de graisse, d'huile, de goudrons, etc., etsuriout pour le nettoyage des meubles en bois poli et de leurs garnitures. Plus ou moins pure, l’essence de térében- thine s'emploie pour rendre les peintures à l'huile plus siccalives, pour dissoudre diverses résines et fabriquer les vernis; elle est en usage en médecine et surtout chez les vétéri- naires. Cette essence éloigne ou fait périr les insectes; aussi l’a-i-on employée avec succès à détruire les pucerons lanigères, lorsqu'on peut les atteindre avec cette huile qu’il convient dans ce cas de mettre en émulsion dans 6 ou 8 fois son poids d’eau, pour économiser (les- sence de goudron de houille est plus active et moins chère }. Les goudrons et brais gras s'appliquent à en- duire les bois, les fils et cordages , calfater les vaisseaux , rendre des toiles doubles imperméa- bles par leur interposition, fabriquer des mas- tics hydrofuges ; la composition des goudrons est très compliquée (1), mais la résine et les huiles qu'ils renferment sont les substances les plus utiles. Tous les dépôts, résidus, plus où moins abondamment imprégnés des substances rési- neuses (térébenthine, résine, huiles) ci-des- sus, sont employés à la confection du noir de fumée que nous allons décrire. Section VI. — Fabrication ef usages du noir de fumée. Voici la théorie sur laquelle reposent les di- vers procédés à l’aide desquels on obtient le noir de fumée: Si l’on euflamme une matière riche en car- bone uni à l'hydrogène (huiles, graisses, rési- nes, bitumes, etc.), la haute température près des points en combustion volatilise ou décom- pose la substance; les carbures d'hydrogène et gaz hydrogène carboné arrivent dans Ja LIV. 1%. flamme, y laissent séparer leur carbone non encore brülé, mais lumineux ou rouge incan- descent par sa haute température. Si la proportion d’air où d’oxigène est in- suffisante, ou si l’on diminue brusquement la température, ce carbone ne brüle pas; il peut être précipité et recueilli. On peut vérifier ce fait en coupant à la moi- lié de sa hauteur la flamme d’une bougie, d’une chandelle ou du gaz-light, par une toile métallique de fer; on verra celle-ci se couvrir de poudre charbonneuse et une fumée brune traverser au-dessus d'elle. Si l'on allume un falot de chanvre chargé de résine, la quantité de carbone entrainé dans la flamme sera trop considérable pour être entièrement brülé à l'air, el une fumée épaisse déposera bientôt dans Pair ambiant des flocons charbonneux. Ainsi donc, c’est e:' allumant les substances en question, brûlant une grande partie de leur hydrogène et le moins possible de leur car- bone, qu’on peut recueillir une partie de ce- lui-ci sous la forme de noir de fumée. Ce produit était préparé autrefois presque exclusivement avec les résidus des matières résineuses extraites dans les pinières; on l’ob- tenait par une combustion incomplète opé- rée sous une chambre tapissée de peaux de mouton distantes des parois, dans laquelle la fumée allait déposer la plus grande partie du charbon divisé que son courant entrainait. Une issue laissait échapper les produits ga- zeux retenant encore une assez grande quan- tité de carbone en suspension. De temps à autre on allait batire au dehors les peaux ten- dues pour faire tomber le noir qui se rassem- blait au fond de la chambre. Depuis plusieurs années on emploie dans la même fabrication les résidus des goudrons de bois et de houille, des bitumes naturels et plusieurs matières grasses. On a beaucoup varié les appareils ; l’un de ceux qui ont pro- duit de bons résultats en grand consiste en une série de chambres en briques bien cuites, voûlées À, À (fig.447), et dont tous les joints, Fig. 447. I LOL serrés à la chaux et au ciment très fin, sont parfaitement lissés à la truelle. 2 on 3 couches de bonne peinture à l'huile seraient utiles pour éviter la dégradation de la maconnerie, qui peut introduire des matières étrangères nuisibles à la nuance foncée et régulière du noir. Toutes ces chambres communiquent entre elles par des ouvertures latérales B. À lune de leurs extrémités est une cheminée C ados- sée à un four, dans laquelle passe le tuyau d’un foyer qui détermine un tirage et par (4) Us contiennent une huile fixe, deux ou trois builes volatiles, de l’acide ulmique, du charbon, des acides succinique, acétique, de l’acétate d’ammoniaque, de l’eau, de la résine, de l'esprit de bois et plusieurs combi- naisons du méthylène, leupione, la paraffine, le piccamare, le pittacale, la kréosote (principe immédiat huileux qui conserve les viandes et s'émploie en médecine), souvent enfin de la silice, de l'alumine et des sels de chaux. 1e PP CYTAPF. suite un appel dans toutes les chambres et jusque dans le fourneau D qui les alimente. Ce dernier contient une capsule en fonte E placée sous une voûte F. La capacité G, com- rise entre la voûte, la capsule et les parois atérales communiquent avec la 1'* chambre par un tuyau en tôle H et du côté opposéavec l'air extérieur par une embrasure de porte I rétrécie à volonté. Ce tuyau fait l'office de réfrigérant et de conducteur, afin de retenir quelques produits liquides qui s’écoulent par un ajutage J dans une cuvette K. Le noir le plus impur et le moins divisé se recueille dans le tuyau qu'on fait nettoyer fréquemment. On obtient le noir graduellement plus beau et plus fin dans les chambres qui s’éloignent de plus en plus du fonr à combustion. Si on veut brüler € 5 huiles fixes ou grais- ses fluides,on peut remplacer ce four par une sorte de quinquet à plusieurs becs, dans le- quel le niveau de la matière grasse est main- tenu par un grand réservoir. La flamme des becs est réunie sous un chapeau conique en tôle, adapté à un entonnoir dont la douille, se recourbant, conduit la fumée dans les cham- bres. On a modifié cel appareil pour brüler les huiles essentielles brunes, goudronneuses et de peu de valeur, afin d’en tirer du noir de fu- mée. Il se compose alors d’une chaudière cy- lindrique à bouilleurs, semblable à celle mon- tée dans les fourneaux des machines à vapeur. L'huile essentielle vaporisée se rend, en sou- levant la pression d’une soupape, dans des tuyaux à l'extrémité desquels on l’allume. La fumée produite est conduite, comme dans l’appareil précédent, à l’aide d’un chapeau co- nique coudé. On conçoit qu’il faut en outre une soupape s’ouvrant dans un sens contraire, qui permette la rentrée de l'air froid lorsque le feu est éteint et que la vapeur cesse de se former dans les bouilleurs. Il serait facile d'obtenir du noir de fumée lus beau et plus régulièrement avec toutes es matières grasses, résineuses, essentielles, bitumineuses, en les traitant de la même ma- nière que pour obtenir le gaz-light. Le gazo- mètre pourrait être peu volumineux et ne ser- vir que de régulateur, puisque la combustion serait opérée au fur et à mesure de la produc- tion du gaz. Cette méthode offrirait des avan- tages en quelques localités, surtout si l’on uti- lisait la chaleur du combustible pour évaporer des solutions salines ou autres. On pourrait encore obtenir un résultat semblable en dis- tillant la houille pour en faire du coke. Enfin il serait possible d'utiliser, pour l’éclairage de divers ateliers, la lumière produite par la com- bustion incomplète du gaz. On fait usage, en Angleterre, d’une dispo- sition fort ingénieuse et très commode pour recueillir le noir de fumée échappé de la 1r° chambre, au point où la fumée est assez re- froidie pour ne pas brüler les tissus ligneux. L'appareil se compose d’une série de grands sacs À, À, A ( fig. 448) de 8 à 9 pi. de haut et 3 pi. de diamètre, dont le 1° communique avec la chambre à l’aide d’un tuyau en cuivre B. Ces sacs communiquent alternativement par la partie supérieure à l’aide d’une calotte en rôle de cuivre C, et par le bas, au moyen d’un tube D. Une cheminée d’appel E, à l'extrémité AGRIGULTURE, USAGES DE LA RÉSINE. 40i de l’appareil, est mise, par un dernier tube, en rapport avec tout l’intérieur de l’appareil ; elle détermine la fumée à suivre tous les dé- tours que lui présentent ces dispositions par le tirage qu’elle établit. Le dépôt de noir de fumée dans les sacs se fait d’autant plus complètement qu'ils sont plus nombreux. Une sorte d’entonnoir en cuivre G, adapté à leur partie inférieure et qui s’ou- vre et se ferme à l’aide d’un couvercle à poi- gnée, rend très facile la récolte du noir. On remarquera que ce produit est fractionné d'une manièfe progressive, suivant sa té- nuité, en sorte que le plus fin et le plus pur se trouve récolté le plus loin de la combustion de la matière première. Le noir de fumée, préparé par l’un des moyens ci-dessus, s'emploie tel qu’il est re- cueilli pour divers usages et notamment dans la peinture à l'huile et en détrempe, la prépa- ration des encres communes d’imprime- rie, etc.; pour quelques autres emplois, tels que les crayons lithographiques, les belles en- cres typographiques et de la lithographie, la proportion notable de matières huileuses fines ou volatiles qu’il renferme serait nuisi- ble. Afin de l’en débarrasser, on le tasse for- tement à l’aide d’un tampon où mandrin en bois et d’un maillet dans de petits cylindres en tôle (/ig. 449), qui s'ouvrent en 2 parties, Fig. 449. Fig. 448. - G = et se réunissent par des broches à clavettes. Lorsque ces cylindres sont ainsi chargés, on les enfourne dans un plus grand cylindre en fonte I { fig. 450 ), monté sous la voûte d’une Fig. 459. sorte de four à réverbère et que l’on chauffe au rouge cerise en allumant de la houille dans le foyer K ; les produits de la combustion cir- culent autour du cylindre, pour se rendre dans la chéminée M qui détermine les gaz formés dans le cylindre à se rendre au foyer où ils se brülent et concourent à donner la chaleur utile à cette opération. TOME III —- 51 402 ARTS AGRICOLES : Lorsque le grand cylindre ne dégage plus de gaz, ce que l’on reconnait au refroidissement du tube externe O, dans lequel ils passent, la calcination est achevée. Alors on démonte l’obturateur N, on tire avec des crochets les petits cylindres et on les remplace par d’au- tres. Lorsque ces cylindres sont froids, on les dé- DE LA MEUNERIE. LIV. IVe monte en tirant les clavettes. On trouve un pain cylindrique de noir épuré, qu'il suffit alors de broyer, soit à l’eau, soit à l'huile, our obtenir une couleur très intense et de onne qualité, applicable à tous les usages du noir fin. PAYEN. CHAPITRE XXIII. — DE L'ART DE LA MEUNERIE. SÉcrion Ir. — But de l’art de la meunerie. De tous les arts qui prennent leur source immédiate dans l’agriculture, l’art de la meu- verie est sans contredit celui qui lui est le plus intimement lié. Il importe en effet non- seulement de faire produire à la terre le plus ossible de ces grains précieux, qui sont la ase de Ja nourriture de l’homme, mais en- core de tirer de ces grains: 1° toute la farine qu'ils contiennent ; 2° de n’altérer ni la qua- lité, ni la pureté, ni la blancheur, ri la faculté panifiable de cette substance; 3° de la séparer ie plus exactement possible du son, qui n’est autre chose que l'écorce du grain; 4° en- fin d'appliquer à ces diverses opérations les moyens les plus prompts et les plus écono- miques. Telest le but de l’art complexe de la meunerie. Les arts les plus utiles à l’homme sont sau- veut ceux qu’il néglige le plus. Ainsi la char- rue est restée pendant des siècles un instru- ment informe ; ainsi les moulins ont été long- temps grossièrement construits. Quand le moulin était féodal et que la mouture appar- tenait exclusivement au seigneur, les progrès étaient impossibles ; c'était toujours assez bien pour des vassaux. La liberté commerciale est venue détruire cet état stationnaire et donner aux arts agricoles une impulsion à laquelle l’art de la meunerie ne pouvait rester étran- ger. SEcTION II. — Des moulins en général. On nomme en général moulins les divers mécanismes qui servent à broyer ou à écraser des objets quelconques; mais cette dénomi- nation désigne plus particulièrement la ma- chine au moyen de laquelle on convertit en farine les différens grains propres à la fabri- cation du pain. Parmi ces grains le froment tient le premier rang; c’est donc des moulins destinés à ce genre de mouture que nous de- vrons principalement nous occuper. Les moulins peuvent être mis en mouve- ment par une force quelconque, proportion- née au travail que l’on veut obtenir. L'eau, la vapeur, le vent, la traction des animaux. les bras de l’homme sont des moteurs que l’on peut leur appliquer, et c’est de la nature particu- lière de ces différens moteurs queles moulins ont tiré les dénominations d’après lesquelles on les distingue, savoir : Les moulins à eau. Les moulins à vapeur. Les moulins à vent. Les moulins à manége. Les moulins à bras. Les moulins à bras ne peuvent guère servir que pour le concassement des grains destinés à la nourriture des animaux. Les moulins à manëge, doués d’une puis- sance plus forte, peuvent recevoir une appli- cation plus utile à la mouture des grains; mais leur action n’est jamais ni assez énergi- que ni assez régulière pour moudre avec la perfection désirable. Ce moteur est d’ailleurs presque toujours trop dispendieux. Le vent est un moteur économique puis- sant, mais d’une irrégularité fàâcheuse ; aussi, depuis que l’art de moudre s’est perfectionné, les moulir ; à vent ne peuvent plus soutenir la concurrence et s’emploient à d’autres usa- ges. Il ne faut excepter que certaines localités éloignées des cours d’eau (1) et des moyens de se procurer le charbon de terre où l'usage des moulins à vent soit encore conservé et où la mouture est conséquemment restée dans l'enfance. Plus tard nous reviendrons sur chacun de ces moulins, en faisant connaître dans quelles circonstances il peut être avantageux de s’en servir. Avec la vapeur d’eau on peut obtenir autant de puissance que l’on veut ; il ne faut que pro- portionner la solidité et l'ampleur de la ma- chine à la force dont on a besoin. La régula- rité de ce moteur rendrait son emploi très convenable à la mouture des grains, si en gé- néral dans la plupart de nos localités le char- bon de terre, grace à l’élat incomplet de la viabilité de nos routes, ne revenait à des prix trop élevés pour soutenir la concurrence avec l’eau. Ce n’est donc que comme exception et dans des conditions particulières que l’on a pu jusqu'ici en France appliquer la vapeur comme moteur des moulins à farine. Les orga- nes de lamouture, ou pièces qui fabriquent la farine, etc., étant d’ailleurs les mêmes dans un moulin à vapeur que dans un moulin à eau et la différence n’existant que sur le moteur même, nous n’aurons rien de particulier à dire des moulins à vapeur, tout ce qui est re- latif à la mouture dans les moulins à eau étant commun à tous les autres (2). (1) Les environs de Lille sont couverts d’un grand nombre de moulins à vent, presque exclusivement occu- pés à la fabrication des huiles. (2) C'était un préjugé qui peut-être n'est pas encore déraciné parmi beaucoup de boulangers et de meuniers, que d'attribuer des défauts particuliers à la farine confectionnée dans des moulins à vapeur. On supposait qu’elle était prédisposée davantage à s’échauffer dans le moment des chaleurs. Rien ne peut justifier une telle opinion , car. 23e. Les machines à vapeur applicables aux mou- lins à farine ne diffèrent nullement de celles qui s’emploient à communiquer le mouve- ment à tout autre espèce de mécanisme; il n’est donc pas nécessaire d’en parler ici. Nous renvoyons nos lecteurs aux ouvrages qui traitent spécialement de ces machines et des différens perfectionnemens que la science y a introduits, tant sous le rapport de la force motrice que sous le rapport de la solidité des appareils et de l'économie du combustible. L'eau est de tous les moteurs celui quien France a présenté jusqu'ici le plus d'avantage. Il est peu de nos provinces qui ne possèdent des chutes d’eau nombreuses et bien répar- ties. La sécheresse est rarement assez forte et assez longue pour diminuer le volume de ces eaux d’une manière fâcheuse,même dans nos provinces les plus méridionales, et l'hiver n'est ni assez rigoureux ni assez prolongé dans nos départemens du Nord pour que les gla- ces soient un obstacle long et sérieux.Toute- fois, il faut reconnaitre qu'un temps viendra où les moyens de transport étant perfection- nés, les machines encore plus simples et plus économiques, il sera possible d'appliquer gé- néralement la vapeur à la mouture des grains et de placer ainsi les moulins au centre des grandes consommations. La conséquence de cette révolution sera de rendre, soit à la navigation, soit à l'irrigation une grande quan- tité d’eau qu’on ne peut, dans l’état actuel des choses, consacrer à ces précieux usages. SECTION III. — Des pièces principales qui com- posent les moulins etablis sur les cours d’eau. Les moulins à eau diffèrent entre eux: 1° Par la forme et la capacité de leurs ré- cepteurs ou roues hydrauliques, qui reçoivent leur mouvement de l’action immédiate de l’eau ; 2° Par la dimension et la disposition de leurs organes, ou pièces qui effectuent le travail de la mouture à différens degrés, comme meules, blutterie, nettoyages, eic.; 3° Par les pièces intermédiaires, dont les seu- les fonctions sont de communiquer aux diffé- rens organes l’action de larouehydraulique et de la distribuer à chacun d’eux selon le degré de vitesse qui leur est nécessaire. SecrTioN IV. — Des roues hydrauliques. La science de l’hydraulique a, depuis quel- ques années, fait d'immenses progrès, dont l’application, réservée d’abord pour les gran- des usines, filatures, fabriques, etc., s’est bien- tôt étendue aux moulins à farine. Ces pro- grès datent à peu pres de 1820. A cette épo- que il n’y avait guère chez nous que les char- pentiers qui s'occupassent de Ja construction des moulins; aussi tout y était-il antique et grossièrement ajusté. Il importe au plus haut degré aux proprié- DES ROUES HYDRAULIQUES. 403 taires qui veulent construire des moulins ou en changer le mécanisme d’avoir une estima- tion bien exacte de la force d’eau dont ils peu- vent disposer, et de consulter à cet égard des hommes habiles, consciencieux et expéri- mentés. Une fois la force d’eau bien constatée (et on doit la calculer sur les eaux les plus basses ), il est aussi de la plus grande importance d’y appliquer le moteur hydraulique qui lui con- vient le mieux. La dimension et la force qu’il faut donner aux roues hydrauliques n’est pas chose indifférente pour atteindre le maæri- mum de l'effet auquel ces moteurs puissent arriver. Il ne peut y avoir à cet égard de système absolu; l’ingénieur-mécanicien que l’on con- sulte peut jeter une grande lumière sur le système qu’il convient le mieux d’adopter par rapport à la chute etau volume moyen de l'eau, et par rapport aussi à la vitesse nécessaire aux organes de la mouture. Nous nous bornerons donc ici à parler des différens genres de roues hydrauliques en usage, laissant aux gens de l’art le soin d’en faire telle ou telle application suivant les cir- constances. Voici ces diverses espèces de roues hydrau- liques : Les roues horizontales, dites à cuvettes, ou turbines, mues par percussion ; Les roues verticales pendantes, mues parle courant de l’eau ; Les roues verticales en dessous, mues par impulsion sur une chute quelconque ; Les roues verticales dites à la PoNCELET et mues par pression et percussion tout à la fois; Les roues verticales de côté, mues par la gravité ou le poids de l’eau; Les roues verticales en dessus, mues égale- ment par la gravité de l’eau. L'eau, comme nous venons de le dire, agit sur les divers systèmes de roues, ou par îm- pulsion où par pression, ou par percussion et impulsion tout à la fois. Quelle est en général la meilleure manière P quel est de ces trois modes d’action celui qui permet à l’eau de communiquer la plus grande portion du mouvement qu’elle recèle ? On a cru long-temps, et ce préjugé existe encore, que l’eau avait une grande intensité de puissance mécanique lorsqu'elle arrivait sur l’aube avec fracas, tandis que l’imagina- tion ne voyait qu'une action faible et languis- sante dans la tranquille pression de l'eau. Grace aux observations de nos savans, il est aujourd'hui démontré que c’est précisément cette violence d’action qui anéantit une bonne artie du mouvement moteur, tandis que par a pression on ne perd en pratique qUuRe très petite quantité de la force. Il faut donc, pour tirer tout le parti possible de la puissance mécanique de Pet , la faire agir par pression. L'action par percussion devrait être bannie de toute espèce de moteur hydraulique. et on pourrait, au contraire, prétendre que la farine fabriquée dans un moulin à vapeur a plus de qualité, at- tendu que le mouvement des meules peut étre plus facilement régularisé. Ce qu'il y a de plus vrai, c’est que, de bon établissement à la vapeur, à bon établissement à l’eau, et aussi à qualité de grains égale, et à mouture également bien dirigée et soignée, il ne peut y avoir dans la farine de différence sensible. 404 6 Ier. — Des roues horizontales à cuvette, dites T'urbines. La roue hydraulique d’un moulin à cuvette est horizontale et recoit l’action de la percus- sion de l’eau. L'arbre de cette roue est ainsi vertical et sert de gros fer à la meule courante, laquelle est adaptée à son sommet. L’extré- mité inférieure de cet arbre pivote dans une crapaudine posée sur une sorte de palier. L'eau est lancée contre le dessus de la roue dans unedirection tangente à sa circonférence. Les fig. 451 et 452 représentent en élévation et en plan une roue à : Te dont l'arbre HE le est appliqué à donner le mouvement à une meule. La roue tour- ne dans une cuve en bois analogue à l’ar- chure d’une meule de moulin, et qui s'élève assez au - dessus de cette roue pour em- pêcher l’eau de s’en échapper et la forcer à tournoyer de ma-_ nière à ce qu’elle en- traine les aubes. Les aubes sont disposées obliquement,afinque l’eau puisse les ren- contrer à angle droit. Aussitôt après le choc, l’eau s’échappe de tous côtés sous la roue , comme on le voit dans la figure. Les avantages des roues àcuvette sont ceux- ci : leur extrême simplicité, le peu d’entre- tien qu’elles coûtent, puisqu'elles donnent directement l'impulsion à la meule et qu’on n’a ni dents ni fuseaux à réparer; leur peu de frottement. Leurs inconvéniens sont les suivans : l’eau n’agit pas contreelles avecavantage, parce que, en général, pour donner aux meules la vitesse convenable, on est obligé de faire ces roues si petites que les aubes en occupent le tiers du diamètre. L’eau agit avec moins de puissance que contre les roues en dessous , parce que, étant moins enfermée lorsqu'elle frappe une roue à cuvette, la perte causée par sa non élasticité se réalise entièrement. Il faut une grande quantité d’eau pour les faire agir avec la puissance nécessaire; aussi ne les voit-on ordinairement employées que sur des grandes rivières et particulièrement dans le midi de la France. Une considération importante et qui doit aussi empêcher qu’on ne donne la préférence aux roues horizontales, c’est qu'il est assez difficile de monter et surtout de maintenir avec justesse l'arbre vertical sur la crapaudine et dans le collet supérieur qui doit le contenir exactement dans la verticale, condition essen- tielle pour que la mouture s’opère régulière- ment et avec profit. $ IL. — Des roues verticales pendantes et des moulins pendans. On désigne sous le nom de moulins pendans ARTS AGRICOLES : DE LA MEUNERIE. LIV. ÎV ceux qui sont établis sur les grandes rivières, soit sur des bateaux, soit sur les ponts, soit sur pilotis. 1° Des moulins à bateaux. Le nombre des moulins à bateaux diminue tous les jours ; ils ont l’inconvénient de gêner la navigation, de ne pouvoir moudre par les fortes gelées à cause des glacons mouvans qui briseraient les aubes de la roue, d’être aussi plus sujets que les autres moulins aux incon- véniens de la sécheresse et des grandes eaux. Les bateaux étant soumis aux oscillations con- tinuelles causées par le mouvement des eaux, le mécanisme du moulin n’est jamais dans l’état de stabilité convenable et les meules sont conséquemment sujettes à des dérange- mens , accidens qu'il faut surtout éviter pour obtenir une bonne mouture. On distingue deux sortes de moulins sur bateaux : 1° Ceux dits moulin à double harnais , parce qu'il y a deux roues, une de chaque côté du ba- teau; ces deux roues sont montées sur un seul arbre et s’entr’aident ainsi pour donner le mouvement aux organes du moulin. Cette construction est vicieuse; l’eau en frappant l’avant-bec du bateau est obligée de se diviser et prend naturellement des directions latérales obliques qui l’éloignent des flancs du bateau et conséquemment des roues, qui alors ne sont frappées que par des portions du courant dont la vitesse est amortie par ces dérivations. Comme il n’y a ni coursier ni vannes, on ne peut régler la prise d’eau, ni par consé- quent régulariser le mouvement du moulin. On ne peut même l'arrêter qu’au moyen d’un frein analogue à celui dont on se sert dans les moulins à vent. Si la vitesse du courant n’est pas égale de chaque côté du bateau , ce qui ne peut man- quer d'arriver, surtout quand les eaux bais- sent, une des deux roues ira nécessairement plus vite que l’autre; et, dans ce cas, la roue qui aura le moins de vitesse, entraînée par l’autre, sera en quelque sorte obligée de pous- ser l’eau au lieu d'en être poussée; consé- quemment grande déperdition de force. 20 Les moulins à bateaux dits à simple har- nais, parce qu'ils n’ont qu'une seule roue placée entre deux bateaux. Cette construction n'offre pas les mêmes inconvéniens que celle dont nous venons de parler. Les deux bateaux éta- blissent, dans l’espace compris entre eux, une espèce de coursier, dont l'embouchure, au moyen des avant - becs des bateaux, est très favorable à l'introduction de l’eau. Ce cour sier est garni d’une vanne et conséquemment le mouvement du moulin peut se régler et s'arrêter avec facilité. Les deux bateaux forment une base très large qui donne à tout ce mécanisme autant de stabilité que peut en comporter ce mode _ de construction. Le moulin à bateaux à simple harnais est de beaucoup préférable au moulin à double har- naîs; cependant, de tous les genres de moulin, les moulins à bateaux sont, sous tous les rap- ports, les moins convenables. cuap. 23°. 2e Des moulins à roues pendantes. Ces moulins, comme les moulins à bateaux, sont construits sur les grandes rivières, tour- nent comme ceux-ci au fil de l’eau, mais ont sur eux l'avantage d’être soutenus, ou par des pilotis en bois, ou par des piles en maçonne- rie. Ils ont également l'inconvénient de gèner la navigation , aussi en a-t-on beaucoup détruit depuis vingt ans, particulièrement ceux qui étaient établis sur les ponts, dont ils ébran- laient la solidité. Cependant il en existe en- core un grand nombre, principalement sur les bras non navigables des grandes rivières (1). Ils tirent leur nom de la nécessité où l’on est de rendre mobile la grande roue qui les met en mouvement; cette mobilité est indis- ensable; autrement, dans les grandes eaux, aroueseraitsubmergée, et dans les eaux basses elle resteraitsuspendue au-dessus du courant. Pour obtenir cette faculté de monter et de des- cendre à volonté, la roue(fig. 453) R est pla- cée sur un fort châssis horizontal CC, composé de pièces de bois de 14 à 15 pouces d’équaris- sage. Aux angles de ce châssis sont des pou- tres ou règles verticales B qui traversent le plancher du moulin. Ces règles sont compo- sées de pièces de bois méplat de 6 à 13 po. et soutenues chacune par une traverse qui s'appuie sur de fortes vis en bois V (fig. 454), appeléesverrins,ou bien sur des crics placéssur le premier plancher du moulin. L'expérience arait avoir donné aux verrins, tels que nous es représentons et malgré leur construction grossière, la préférence sur les crics. La charge qu’ils ont à supporter est si forte que ceux-ci finissent toujours par ne pas opposer assez de résistance. Les règles sont percées de trous éloignés de 6 à 7 po. les uns des autres, et c’est au moyen de ces trous et de forts verrous de fer D, que l’on y introduit, que le châssis et tout ce qu’il supporte est fixé à la hauteur convenable; c’est ce qu'on ap- pelle mettre à l’eau et mettre hors l’eau. Le rouet de ces moulins est adapté à la roue même; il a ordinairement 13 pi. de diamè- tre et 64 chevilles au moyen desquelles il en- grène dans une lanterne où hérisson, monté sur un arbre vertical en bois d'un pied d’é- force. DES ROUES HYDRAULIQUES. 405 Fig. 454. quarrissage et de 24 à 25 pi. de long, lequel sert d’axe au grand hérisson de l’intérieur, qui donne le mouvement aux meules et à tout le mécanisme. Cet arbre vertical repose aussi sur le châssis mobile, en sorte que, comme les autres parties, il suit le mouvement d’élé- valion et d’abaissement donné à la roue. Le hérisson intérieur, qui donne le mouve- ment à une ou plusieurs paires de meules, porte assez ordinairement de 9 pi. 11 po. à 10 pi. de diamètre; il est armé de 82 che- villes espacées entre elles de 4 po. 3f4, et qui engrènent, soit dans des lanternes, soit dans de petits hérissons dentés, montés sur chacun des gros fers qui servent d’axe aux meules courantes. Dès lors ce grand hérisson doit être fixe, c’est-à-dire qu’il ne peut mon- ter ni descendre comme le reste de l’appareil établi sur le châssis. Pour atteindre ce but, on fixe au centre du grand hérisson un fort moyeu creux dans lequel l’arbre vertical, qui sert d’axe à ce grand hérisson, passe libre- ment et de maniere à s’y mouvoir avec facilité ; puis, lorsque le châssis est arrêté à la hauteur voulue, on fixe l’axe du hérisson dans le moyeu par de forts coins en bois. Ces coins s’ôtent toutes les fois qu’il faut monter ou descendre le châssis. Le moyeu, formé d’un tronc d’orme , est appuyé en tournant sur des moises ferrées de 16 alumelles; ces moises sont ordinairement garnies de dents de che- val. On a soin de graisser le collet, afin que le frottement ne l’échauffe pas au point de faire craindre l’embrasement. La roue hydraulique qui a ordinairement de 16 à 17 pieds de diamètre, sur 15 à 16 de largeur, doit présenter beaucoup de solidité, arce qu’elle recoit de fortes secousses quand es eaux sont hautes, et par les temps de glaces. Les aubes larges de 3 pieds et longues de 15 à 16, doivent être assez fortes pour recevoir, sans plier, l'impulsion du courant; elles sont ordinairement disposées de manière à pouvoir être rapprochées plus ou moins près du gros arbre ou axe de la roue, afin que dans les grandes eaux , lorsque le chässis ne peut plus monter, on puisse diminuer le diamètre de la (4) A Meaux (Seine-et-Marne) les moulins pendans sont remarquables par leur nombre et par leur 406 roue, assez pour pouvoir tourner encore; il peut aussi être nécessaire d’enlever les aubes entièrement, pour éviter l'effet des glaces ou des inondations extraordinaires. Le gros arbre porte ordinairement de 20 à 24 po. de diamètre; 11 s’appuie à chaque ex- trémité sur un fort tourillon qui tourne dans une poëlette que l’on à soin de garnir de graisse. La vanne appelée aussi décrottoir, ferme tout l’espace dans lequel la roue hydraulique est établie; elle se monte ou descend à volonté, soit par une roue à treuil , soit par un cric dis- osé au premier étage, et auquel communique adite vanne, par un madrier ou épée, sem- blable à ceux qui soutiennent le châssis. La construction des moulins pendans, est en général très «dispendieuse; leur mécanisme est encore lourd et matériel, et on peu dire qu’ils sont stationnaires en comparaison des moulins de pied ferme établis sur les rivières non navigables. Tons ies appareils que nous venons de décrire sont donc anciens; et il est probable qu’à mesure des réédifications, des mécaniciens habiles seront appelés à faire dans ces moulins des changemens notables. $IIL. — Des roues verticales en dessous, mues par impulsion. On appelle roues en dessous celles sur les aubes desquelles l’eau, en fuyant dans un coursier, vient frapper au point le plus bas possible de cette roue. De là le nom de mou- lins en dessous. On à reconnu aujourd’hui que c'était une grande erreur que de faire agir l’eau par im- pulsion toutes les fois qu’on pouvait la faire agir par sa gravité. Selon OLrvier Evans, les roues en dessous à percussion ne possèdent u’un peu plus de la moitié de la puissance es roues qui sont mues par la gravité ou le poids de l’eau. Aussitôt après son premier choc l’eau perd toute sa force; voilà pourquoi il est nécessaire, dans ces sortes de roues, que l’eau vienne frapper au point le plus bas, et de manière à ce que le plus petit nombre possi- ble d’aubes soit à la fois dans l’eau. Les 2/3 de la vitesse du courant sont la va- leur de la vitesse qui convient à cette espèce de roues. L’eau dépensera alors sa force en parcourant l’espace de 4 palettes; elle com- mencera à fuir à la 3e, La 5° palette sera tout- à-fait hors de l’eau. Au-dessous ou au-dessus de cette propor- tion l’eau perdrait de sa puissance ; car, quoi- que la roue éprouve un plus grand effort par un mouvement lent que par un mouvement rapide, si ce mouvement était trop ralenti, l’eau ayant perdu de sa force aussitôt après le choc, l’effet de la roue serait amoindri; de même que si la roue était trop rapide elle m'aurait pas le temps d’opposer à l’eau assez de résistance et son effet serait moindre en proportion. Quelques constructeurs ont prétendu que la vitesse de la roue ne devait être que du tiers de la vitesse de celle de l’eau; d’autres pré- tendent qu’elle doit être des 2/3. Nous pen- cherions pour ce dernier avis. Dans tous les cas, il faut calculer exacte- ment la hauteur de l’aube, de manière que ARTS AGRICOLES : DE LA MEUNERIE. Liv. IV. l’eau ne monte pas sur les cintres de la roue. I] faut aussi bien auber de calibre, c’est-à-dire de manière que toute l’eau porte bien sur les aubes et qu’il ne s’en échappe pas inuti- lement sur les côtés. Dans les anciennes constructions, le dia- mètre le plus ordinaire des roues en dessous était de 5,198 à 5,523 (16 à 17 pi.), jusqu’à lPextrémité des aubes. Le coursier ou reillère avait 18 à 20 po. de large; les aubes, à partir du cintre de la roue, avaient environ 2 pi. de hauteur. Le nombre de ces aubes était habi- tuellement de 24 à 30. Passé ce nombre l’eau serait sujette à pajotter. Chaque roue condui- sait sa paire de meules, et l’on estimait que le diamètre du rouet devait être un peu moins de moitié de la roue ; c’est-à-dire que si laroue hydraulique était de 17 pi., le rouet devait avoir 8 pi. OLivier Evans établit que, dans un moulin en dessous à engrenage simple, la meule doit faire 3 tours 1/2 à 3 tours 3/4 pendant que la roue en fait un, un peu plus un peu moins, selon laquantité d’eau à dépenser. Dans ce cas le rouet avait ordinairement 48 chevilles à 6 po. de pas ou d’intervalle d’une cheville à l’autre, et la lanterne 8 fuseaux. La fig. 455 représente cette roue verticale Fig. 455. en dessous: A, rivière; B, vanne; G,coursier; E, gros arbre; F, aubes. $ IV. — Roues verticales mues par la pression, ou roues à la Poncelet. M. PONCELET, capitaine de génie, membre de l’Académie des sciences, convaincu par expé- rience de la perte de puissance que faisaient les roues en dessous mues par impulsion, cher- cha à en modifier la forme de manière à leur faire produire un effet utile qui s’approchât davantage de la force absolue du courant; de telle sorte que l’eau n’exerçät aucun choc à son entrée dans la roue ni dans son intérieur, et la quittât également sans conserver aucune vitesse sensible. Ki Il crut remplir cette double condition en remplaçant les aubes droites des roues ordi- paires par des aubes courbes ou cylindriques présentant leur concavité au courant et de manière à former une courbe continue. Il est résulté de cette nouvelle forme donnée aux aubes des roues recevant l’eau en dessous, que l’eau agit par pression et non pas par le choc. On peut consulter à leur égard les mé- moires que M. PonceLET à publiés à Metz en 1827 ; les diverses expériences qui y sont rap- cHaP. 23e. portées ont prouvé que l’effet de ces roues en dessous était supérieur à celui des roues en dessus à aubes planes. La fig. 456 représente une roue verticale à Fig. 456. aubes courbes, disposée de facon à éviter, autant qu’il est possible, le choc de l’eau et la perte de vitesse qui a lieu d’ordinaire après qu'elle a agi. Ces aubes sont encastrées par leurs extrémités dans 2 plateaux annulaires, à la manière des roues à augets, sans néan- moins recevoir de fonds comme celles-ci; elles peuvent être composées de planchettes étroites, lorsqu'on les exécute en bois, autre- meni elles doivent être d’une seule pièce, soit de fonte de fer, soit de tôle, et alors on peut se dispenser de les encastrer dans les pla- teaux annulaires, en y adaptant des oreilles ou rebords cloués ou boulonnés sur ces plateaux. Dans certains cas, on trouvera plus à propos de supprimer les anneaux et de les remplacer par des systèmes de jantes, ainsi que cela se pratique ordinairement pour les roues en dessous. Les aubes courbes devront alors être soutenues par de petits bras ou braçons en fer, dont la partie inférieure soit boulonnée par la jante après l'avoir traversée; le reste du braçon, plus mince et plié suivant la cour- be, devra être percé, de distance en distance, de petits trous, pour recevoir les clous ou boulonnets destinés à fixer l’ailette. uaut à l’écarlement des aubes, on peut se diriger d’après les principes suivis pour les roues en dessous ordinaires. Ainsi, pour des roues qui auraient de 4 à 5 mèt. de diamètre, on ne risquera rien d'adapter 36 aubes et plus même, si l'épaisseur de la lame d’eau intro- duite dans le coursier est faible, par exemple, 10 à 15 centimèt., ou si la roue possède un diamètre plus grand encore. Il paraît convenable de donner au fond du coursier qui verse l’eau une pente de 1/10 en- viron. $ V.— Des roues de côté. Les roues dites de côté participent à la fois du système des roues en dessus par la ma- uière dont l’eau leur communique le mouve- ment, et des roues en-dessous par le sens dans lequel elles tournent et par la manière dont l’eau s'écoule. D'après cette définition, il nous semble qu'elles eussent été plus rationnellement uommées roues de milieu. Nous conserverons DES ROUES HYDRAULIQUES. 407 pourtant ce nom de roues de côté, qu’on leur a donné jusqu'ici dans les arts. Ces roues diffèrent des roues à aube et à augets en ce que l’eau se meut dans un cour- sier courbe, appelé ordinairement col de cygne, lequel embrasse une partie de la roue, depuis sa base jusqu’au point où elle reçoit l’eau par une vanne plongeante, ou à déversoir; le point d'arrivée de l’eau est à peu près au milieu de la roue, entre son sommet et sa base; il n’est jamais au-dessous de l’axe de la roue; mais fs ue la chute est considérable, il peut être élevé au-dessus. Les avantages des roues de côté consistent essentiellement en ce que, d’une part, l’eau y agit par son poids comme dans les roues en dessus, et, de l’autre, ence qu’elles sont sus- ceptibles d'utiliser, comme les roues à aubes, la plus petite chute d’eau, ce que ne font pas les roues en dessus, dont l’emploi est presque uniquement borné aux chutes qui dépassent 3 mètres et ne débitent pas un très grand vo- lume d’eau. Les roues de côté doivent être d’autant plus larges que les chutes sur lesquelles on veut les établir sont moindres. Beaucoup de mécaniciens sont d’avis de leur faire recevoir l’eau sur unetrès grande largeur etde manière à ce que lalame d’eau soitlemoins épaisse possible, proportionneilement à la force que l’on doit employer. 5 po. d'épaisseur par exemple, pour une force capable de mettre en mouvement 6 paires de meules à l’anglaïse. D’autres prétendent, au contraire, qu'on a poussé trop loin la théorie de ce principe; qu’en répartissant l’eau sur une faible épais- seur, il y a risque d’en perdre beaucoup. En effet, pou: peu que le bout des aubes éprouve quelque altération ou qu’un peu d’eau fuie sur toute l'étendue d’un col de cygne de 16 pi. de large , par exemple, il y aura une déperdi- tion considérable, qui serait beaucoup moin- dre si la largeur de la roue n'avait été que de 10 à 12 pi., par exemple. Le propriétaire de soulin doit encore, à cet égard, consulter d’habiles ingénieurs. L'expérience a démontré que l'effet utile des roues de côté était compris entre 50 et 60 pour 0/0 de la force totale du cours d’eau, suivant qu’elle est plus ou moins bien cons- truite. La fig. 457 représente une roue verticale de Fig. 457. côté, prenant l’eau juste à la hauteur de l’axe. & VI. — Des roues en dessus. De tous les récepteurs hydrauliques, les roues en dessus , mues par le poids seul de 408 l’eau, sont les plus puissans; la théorie et la pratique s'accordent à cet égard. | L'eau arrive au sommet de ces roues, s’in- troduit dans des augets en forme de petits pots, entraîne ainsi tout l'appareil, et quitte ces augets lorsqu'ils ont atteint à peu près la ligne perpendiculaire. Ainsi qu'on le voit, l’eau tend à s'éloigner de la roue et par sa fuite naturelle et par l'effet de la force cen- trifuge, avantage que n’ont aucune des autres roues. On estime que la force transmise par les roues en dessus est des 3/4 de la puissance du courant. S'il était possible de leur livrer l’eau sans vitesse ou de la faire vider précisé- ment au bas de ia verticale, elles atteindraient 1: quantité totale d’action mécanique possédée par le cours d’eau. Il faut donc, toutes les fois que la chute est assez grande (3 mètres au moins) adopter de préférence la roue en dessus. Il faut avoir soin , dans cette construction, de combiner la vitesse du courant et celle de la roue de telle manière que les augets re- çcoivent toute l’eau, et que celle-ci ne passe pas par-dessus les bords de ces augets; on conçoit ue, s’il en était autrement , il y aurait déper- don de force ; il faut éviter que la roue pro- jette son eau. En général on donne à ces roues le plus grand diamètre et la plus grande largeur pos- sible. La fig. 458 représente une roue en dessus ordinaire. Fig. 458. NN N NN | NN Eu TOUT) On voit des roues de ce genre qui sont monumentales ; celle dont nous donnons le modèle, fig.459, a près de 60 pi. de hauteur; elle a été construite par M.CoRrRÈGE, mécanicien, rue de l'Ouest, à Paris, pour mettre en mou- vement une scierie de planches à Tannery, arrondissement de Fontainebleau (Seine-et- Marne”. Section V.— Des pièces principales dont se compose le mécanisme des moulins à blé. Il existe différens systèmes pour moudre le grain, mais ces différences consistent plutôt dans la manière d’appliquer les organes, ou pièces qui effectuent le travail, que dans la di- ARTS AGRICOLES : DE LA MEUNERIE. Fig. 459. LIV. IV, versité de ces organes. Ces différences, en général, affectent : 1° La force d’eau, plus ou moins considéra- ble ; la manière d’en disposer et de la diriger sur la roue hydraulique, et de la renvoyer à volonte au moyen d’un système de vannage ; 2° La roue hydraulique montée sur son arbre tournant; 3° Le rouet ou hérisson, et les diverses com- binaisons d’engrenages au moyen desquels les meules tournantes sont mises en mouve- ment. 4° Les meules horizontales superposées, d’un diamètre parfaitement égal, l’une faisant sur son axe des révolutions plus ou moins nom- breuses et qu’on appelle meule courante, l’autre inerte nommée gête ou meule gisante; 5° Le gros fer, le pointal, sur lesquels la meule courante est suspendue et équilibrée; 6° L’engreneur ou baille-blé, qui distribue ré- gulièrement le blé sous les meules ; 7° Les récipiens où tombe la farine qui s’é- chappe des meules par une ouverture on con- duit, qu’on appelle anche; 8° Les bluteaux ou bluteries, dans lesquels la farine est séparée des sons, et celles où le son (écoree du blé) est séparé de toutes les parlies non encore réduites en farine, etoüil est aussi divisé en différentes espèces, suivant son degré de ténuité ; 9° Le nettoyage à grains, mécanisme essen- tiel, dont on a aujourd’hui beaucoup varié la forme et les effets. 10° Enfin toute les pièces accessoires, comme mouvemens de transmission, chaines de go- dets ou noria, tire-sacs, refroidisseur, etc. 6 Ier.—Des meules. S'ilest essentiel, pour tirer partie de toute sa force d’eau, de confier à des hommes habiles la construction de la roue hydraulique, il n’est pas moins indispensable, pour obtenir dans la mouture la quantité et la qualité du pro- duit, d'apporter la plus grande attention à tout ce qui concerne les meules, savoir : leur dimension ou diamètre, la qualité de la pierre, leur équilibrage, leur repiquage ou rhabillage. $ II. — Du choix des meules et de leur confection. Toutes les pierres ne sont pas également car. 23°. convenables pour effectuer la mouture du blé. Les roches calcaires et les grès sont impropres à cet emploi; elles formeraient par leur frotte- ment sur le grain, soit de la poussière, soit du gravier qui, en se mélant avec la farine, en altèreraient la quantité d’une manière dés- agréable et même nuisible, Les meilleures pierres à moulin à farine sont celles dont la nature est siliceuse; on les a, pour cette raison, appelées pierres meulières. Il en existe en France d'assez nombreuses carrières; mais les plus renommées sont celles de La Ferté-sous-Jouare, petite ville du département de Seine-et-Marne, sur les bords de la rivière de Marne. Non-seulement c’est là que se fournit de meules une partie de la France et surtout le rayon d’approvisionne- ment de Paris, mais encore il s’y fait de nom- breuses expéditions pour l'Angleterre et l’A- mérique du Nord. Quoique la mouture dite à la française tende chaque jour à perdre de son importance, nous croyons pourtant utile d'entrer dans quelques détails sur les meules qui lui conviennent. Les meules dites à L française ont le plus généralement 2%,003 (6 pi. 2 po. ); on en voit aussi un assez grand nombre de 1",624 à 1", 787 (5 pi. à 5 pi. 1/2); quelques-unesont 2,437 (7 pi.), mais c’est le plus petit nombre; leur épaisseur est de 12 à 15 po. La carrière de Tarterel, appartenant à la maison GUEUvVIN, Boucuonx et C*, était la plus renommée pour les meules à la française; c’est une pierre blonde, œil de perdrix, semée de petites parties bleues et blanches, légère- ment transparentes. La meule gisante ne devait pas être si ardente que la courante. Par meule ardente, on entend une pierre qui a des inégalités na- turelles qui la rendent coupante ; les inégalités s'appellent des éveillures. Pour la mouture anglaise ou américaine, le diamètre des meules varie de 1",218 à 1,299 (3 pi. 1/2 à 4 pi.); cette dernière dimension est la plus générale et celle qui per- met le mieux d'utiliser la force de l’eau sur les rivières dont le cours est variable. Cette mouture a aussi apporté des modifications importantes dans le choix de la pierre. On veut toujours que la meule gisante soit un peu moins dure que la meule courante ; on ne recherche plus les meules éveillées; mais au contraire des meules pleines, compactes, et d’un silice pur. Le bois de la Barre, près La Ferté-sous-Jouare, d’une couleur bleue ardoisée et d’un grain dur et plein. sont celles qui, jusqu'ici, ont obtenu la préfé- -ence. La raison qui fait qu'on recherche, pour la mouture anglaise, des meules tout- a-fait pleines, c’est que le rhabillage qui leur est propre est une science qui, au moyen du marteau, pratique elle-même les éveillu- res au degré qu’elle juge nécessaire. Un défaut essentiel de la pierre et qui la ren- drait tout-à-fait impropre à recevoir un bon rhabillage, serait qu’elle éclatät sous le mar- teau. Depuis quelques années on a ouvert à Le- signy, près La Haye (Vienne), des carrières de pierres meulières d’un grain moins bleu et plus tendre que la pierre du bois de la Barre, mais elles ont en général la compacité que l’on DES PIÈCES DES MOULINS. 409 recherche et supportent très bien l'action du marteau. On a reconnu de bons effets de leur mariage avec des pierres de La Ferté. Lesigny se met alors en gisante. Autrefois, il n’y a pas encore vingt ans, les meules étaient généralement d’un seul bloc, ou de 2 ou 3 morceaux; aussi était-il très rare de rencontrer une meule parfaite; elle péchait toujours en quelque place. La science, en fai- sant des progrès, a fait reconnaître qu’il était essentiel, surtout pour le parfait équilibrage des meules, condition première de toute bonne mouture, que les pierres dont les meules sont formées fussent toutes, autant que possible, de qualité homogène. C’est pour atteindre ce but que l’on fabrique maintenant les bonnes meules à l'anglaise, de petits morceaux , de grandeur égale ou inégale, peu importe, pourvu que leur qualité soit bien la même. On les rapproche et on les lie ensem- ble avec du plâtre. Les joints sont taillés au burin et doivent être faits avec autant de soin à l’intérieur qu'à l'extérieur (fig. 460). Quel- ques constructeurs de Fig. 460. meules s’attachent à ca- gt: cher les joints dans les profondeurs du sillon ou rhabillage ; c'est une très bonne méthode. Le des- sus de la meule, ou la face opposée à la mouture, est égalisé avec des débris de / pierre et du plâtre, et le toutestconsolidéau moyen : de cercles en fer placés au- tour de la meule , pour empècher l'effet de la forceK centrifuge qui tend, pen- dant la rotation, à en disjoindre les parties pour les lancer au loin par la tangente. Nous parlerons de l’équilibrage des meules, en donnant la description du gros fer, de l’a- nille et du pointal. $ LIT. — Du rhabillage ou repiquage des meules. Pour que les meules puissent bien moudre il faut que leurs surfaces soient parfaitement planes. C’est jusqu'ici au moyen de la règle et du marteau qu’on est parvenu à obtenir cette rectitude. La maison GuEUviIN, Boucxox et Cie, de La Ferté-sous-Jouare, donne, dit-on, aujourd’hui à ses meules un riblage parfai- tement plane, au moyen d’un procédé parti- culier. Une fois les meules bien dressees ou mises en bon moulage, on leur donne la rhabillure convenable. La plupart des meuniers à la française avaient la mauvaise habitude de rha- biller à coups perdus; cette méthode n’est plus usitée que dans les moulins où l'on fait des moutures grossières. Les habiles meuniers à la française pratiquaient des rayons de 12 à 14 lignes de large, venant aboutir insensiblement vers le centre à quelques points de l’anille. La manière de les disposer et de les espacer dépendait de la qualité de la pierre, du plus ou moins de sécheresse des blés; plus les blés étaient secs, plus on ménageait le rha- billage. Ê Aujourd’hui, ainsi que nous l’avons déjà dit , le rhabillage des meules est une science, 410 et dans tous les éta- blissemens soigneux de leurs produits, il y a un homme ad hoc, qui occupe le preinier rang dans le moulin. Ainsi que l’indiquent les fig.461 et462, le rha- billage se divise en plusieurs compartimens contenant chacun un nombre donné de rayons. Ces comparti- mens sont ordinaire- ment au nombre de 10 ou 12 et contiennent chacun 3 ou 4 rayons ou sillons ; en tout, sur la surface de la meule 36 à 40 rayons, suivant que la pierre est plus ou moins éveillée. Les rayons ou sillons doi- vent étrecreusés de ma- nière que la profondeur de l’avant-bord ne dépasse pas la grosseur d’un graiu de blé et qu'il suive une pente régulière de 25 millim. jusqu’à l'arrière-bord, dont l'arête doit se trouver sur la surface même de la meule; c'est cette arête qui travaille, qui attaque le bié, et qui développe et nettoie le son. Ce mode de rhabillage est commun à la meule gisante et à la meule courante, mais avec cette différence que la meule gisante est toujours parfaitement plane, tandis qu’on peut donuer à la meule courante un peu d'ouverture, c’est-à-dire que, depuis le bord de l’œillard jusqu'à 27 centim. au-delà, on eut la creuser de rianière qu'il y ait à ‘ouverture une profondeur égale à l’épais- seur d’un grain de :lé ou d’environ 4 millim., et qu’à partir de ce point la surface suive celle d'un cône très ouvert, dont la plus grande base aurait 4 décimètres de rayon. De cette sorte le grain entre librement au bas de lœil- lard, et ne se trouve pas subitement attaqué par les meules ; mais entrainé d’abord par la force centrifuge , il est bientôt froissé par les tailles de leurs surfaces, et est d'autant plus pressé qu'il s’éloigne du centre. Les sillons ont pour but de permettre à l’air de pénétrer bien avant sous les meules et de rafraichir ainsi les surfaces en contact. . Quand les meules sont en travail, leurs can- nelures se présentent entre elles, suivant des angles aigus tels qu’on les voit fig. 463 de manière à faire pendant le mouvement l'effet d’une cisaille. Ainsi, vers l’œillard, quand une cannelure de la meule supérieure rencontre celle cor- respondante de la meule inférieure , elles for- ment à elles deux la figure en g?(/ig. 464). Le grain de blé se trouve logé entre elles et va, dans le mouvement, être entrainé de droite à gauche; à mesure que la meule tourne, sa cannelure glisse successivement sur tous les points de la cannelure inférieure, de telle sorte que le même grain est bientôt développé par l’arête des arrières -bords, ARTS AGRICOLES : DE LA MEUNERIE. Fig. 461. LIV. IV. Fig. 463. AE SIIE TES SEL IEEE LS à #4 , L'ACS ET = CS 7 NS tusnassnmna nn tnman en «, comme on le voit en g°; lorsqu'il est plus avancé, qu'il est arrivé en g‘, par exemple, il est pulvérisé et amené entre les surfaces en contact qui achèvent le travail. Ces surfaces Fig. 464. LCR Te 2 TRS LRS is en contact sont garnies de tailles légères et régulières faites au moyen du marteau (fg.465 et 466). L’habileté de l’ouvrier consiste à faire Fig. 466. | les tailles les plus régulières et les plus fines possible ; un bon rhabilieur doit avoir la pré- cision du ciseleur , et ne faire pas moins de 30 ciselures dans la largeur d’un pouce; il ya des mains habiles qui en font bien davantage. Une paire de meules, avec des blés d’une sécheresse ordinaire, peut travailler T à 8 jours sans avoir besoin d’être rhabillée. Sur un moulin de 7 paires de meules il y en a tou- jours une paire au rhabillage. Pour faire un bon rhabillage, il faut avoir des marteaux aussi durs et aussi tranchans que possible (1). On passe, sur la surface des meules émoussées, une règle rougie, et s’il existe des parties trop saillantes , elles seront marquées du rouge que cette règle y laissera. On abaisse alors ces parties en les sillonnant d’un grand nombre de tailles ; les tailles doi- vent toujours être disposées parallèlement aux sillons. Il faut aussi avoir soin de repi- quer le fond des sillons pour les maintenir à la profondeur nécessaire ; on peut employer pour cette opération des marteaux émoussés. Quelques meuniers adoptent le rhabillage cintré (fig.467); rien n’indique que ce système soit plus avantageux. En Angleterre, quelques fabricans ont adopté depuis peu un rhabillage à rayons (1) Le sieur Camus-Rocnow, rue de Charonne à Paris, est renommé pour la fabrication des marteaux à rhabiller, cHAP. 23°. beaucoup plusnombreuæ. La disposition est la même, mais au lieu de 36 à 40 rayons, par exemple , ils en met- tent de 70 à 100. Ils pré- tendent que par cette méthode ils peuvent donner plus de véloci- té à la meule tournante sans échauffer la mou- ture. Les meuniers à la française ont adopté le rayonnage anglais, mais comme en général la pierre de leurs meules est plus ouverte, ils multiplient moins les sillons (/ig. 468). $ IV. — Disposition des meules. Les meules gisantes reposent sur un plan- cher A. À, solidement construit que l’on nom- me béfroi (fig.469); elles doivent être placées dans une horizontalité parfaite et parfaitement centrées par rapport au gros fer. À cet effet, on les fait appuyer sur 3 vis verticales p*, dont les écrous sont engagés dans l’épaisseur de la charpente. Ces vis, équidistantes vers la cir- Fig. 469. 22 EC 77222 É À ÿ 7772 conférence de lameule, permettent d’en régler l’horizontalité, et d’autres vis buttantes, pla- cées en dessus des premières, servent à lescen- trer par rapport au fer de la meule tournante. Cette dernière meule ne doit avoir que 220 millimèt. (8 po.) de pierre au plus; mais pour lui donner plus de charge, on la recou- vre d’une couche de plâtre d'environ 40 millim., que l’on maintient par un cercle de fer. Les meules travaillant avec une vitesse de 120 à 110 révolutions par minute, selon leur diamètre, de 1,11 à 1,20 (3 pi. 1/2 à 4 pi.), chaque paire peut moudre 15 à 16 hectolitres de blé en 24 heures. La meule courante est suspend&e sur la pointe du gros fer au moyen d'un appareil qu'on appelle anille ( fig. 470). Cette amlle se compose d’une traverse N N°’ en fer forgé, dont les 2 bouts recourbés sont encastrés dans la DES PIECES DES MOULINS. Fig. 467. 4ii pierre même de la meule. Au juste milieu de cette anille est une cavité semi-circulaire qui recoit le bout du gros fer T, qui forme boule en O, et qu'on nomme pointal. L'assemblage se fait au moyen d’un man- chon en fonte composé de 2 pièces ajustées l’une sur l’autre d’une manière fixe. La pièce inférieure P’ se monte sur le bout du fer ; elle est percée latéralement d’une ouverture tra- versée par l’anille, dont une partie s'engage en même temps dans Ja pièce supérieure P?. La fig. 471 représente une autre forme d’a- nille. Fig. 471. Une condition essentielle, c’est que la meule courante soit en équilibre parfait sur le gros fer. Cette condition n’est pas très diffi- cile à atteindre quarid la meule est en repos, mais il en est tout autrement quand elle tour- ne. On peut même avancer qu'avec les gran- des meules de 6 pi. 2 po. cet équilibre parfait n’a jamais été obtenu, du moins de manière à durer 24 heures; on étail obligé de donner à la meule courante ce qu’on appelait de la pente de fer, afin de soutenir la poussée. Le bout du fer ou papillon entrait dans le trou de l’anille, puis on se servait de 4 pipes ou petits coins de fer d’à peu près 3 lignes d’épais sur 1/2 po. de long, que l’on serrait à coups de masse entre le papillon et l’anille. Ces pipes ! se desserraient bientôt et les meules breda- laient, c’est-à-dire frottaient d’un côté pen- dant qu’elles étaient trop écartées de l’autre. Depuis qu'on a adopté les petites meules, on est parvenu à maintenir la meule courante dans un équilibre plus constant au moyen du pointal dont nous venons de donner la des- cription. Les constructeurs de moulins éta- blissent à la surface supérieure de la meule courante, à égale distance, 4 trous que l’on recouvre d’une plaque de tôle et dans lesqueis on coule au pesoin du plomb fondu pour ar- river au parfait équilibre de la meule sur le pointal. Ce moyen est simple et atteint assez 412 bien le but; mais les habiles constructeurs ue s’en contentent pas et s’attachent, dans la composition de la meule, à réunir, dans ses diverses parties, le plus possible de pierres homogènes.Sous ce rapport essentiel la cons- truction des meules a fait de véritables pro- grès depuis quelques années. La cuvette A (fig.470), qui surmonte l’anille, recoitle bléet le laisse échapper enrayonsentre les meules à travers l’œillard au moyen d’un appareil fort simple, et d'invention moderne, qu’on nomme engreneur (fig. 469). Cet engre- neur G se compose d’un tuyau en cuivre ou fer-blanc, dont l’extrémilé inférieure est en- castrée dans un autre tuyau mobile en forme de bague, et qui monte et descend à volonté pour agrandir ou diminuer l'issue du grain. En effet, le bout de ce double tuyau appuie sur la cuvette A(fig. 470) placée au-dessus de l’anille N,et, en s’en éloignant ou s’en appro- chant, au gré du conducteur du moulin, il laisse écouler plus ou moins de blé dans les meules. Cet engreneur a remplacé avec avantage les anciennes trémies, l’auget et le baille-blé, ap- areil lourd et grossier qui surmontait toute a partie supérieure de la meule courante. SECTION VI. — Du choix et du nettoyage des grains. $ Ier. — Choix des grains. De bonnes meules bien dressées, bien rha- billées et bien conduites, un mécanisme des mieux combinés sous tous les rapports, sont de grands élémens de succès pour un meu- nier; mais le choix des grains est non moins essentiel. Le mécanisme peut être confié à des mains subalternes; l’achat des grains est l’œu- vre du maître. Cet art ne consiste pas à n’a- cheter pour la fabrication que des blés de 1r° qualité; ces sortes ne seraient pas toujours suffisamment abondantes; les blés d’ailleurs sont de diverses natures; ils sont plus ou moins bien récoltés ; 1l faut que tout s’écoule. L’habileté consite donc à savoir bien appré- cier ce qu’on achète; à étudier sur les mar- chés que l’on fréquente les diverses natures de blés qui y sont apportés ; les qualités dis- tinctives des blés de telle ou telle ferme, soit sous le rapport du paids, soit sous le rapport de la blancheur des produits; à connaître les bons et les mauvais livreurs; à bien stipuler ses conditions d’achat; à être sévère et juste tout à la fois dans la réception. Quand une usine est bien administrée, il n’y entre pas un seul sac de grain qui ne soit vérifié et pesé. Tous les blés, quelles que soient leur na- ture et leur qualité, étant destinés à être con- vertis en farine, il est inutile de s’étendre ici sur les diverses espèces de blé et sur les pro- priétés qui les distinguent. Il ne pu y avoir, en ce qui concerne la meunerie, d’autres prin- cipes que ceux que nous venons d’énoncer, c’est-à-direque le meunier doit s'attacher à con- naître les propriétés farineuses des grains dans le rayon habituel de ses approvisionnemens. $ IL. — Nettoyage des grains. Une fois les blés bien achetés selon leur ARTS AGRICOLES : DE LA MEUNERIE. LIV. IV. qualité, il est indispensable de leur faire su- bir un nettoyage énergique; c'est encore une des conditions les plus essentielles de toute bonne mouture. Le nettoyage consiste à faire disparaitre, au- tant que possible, du grain : 1° tous les grains, graines où corps étrangers quelconques qui peuvent s’y rencontrer; 2° les grains morts ou ceux de trop minime dimension ; 3° la poussière plus ou moins adhérente dont le blé est en- crassé sur tout son corps et particulièrement à ses deux extrémités. Il faut en outre que la ventilation soit assez énergique pour chasser le mauvais goût, quand le blé en a contracté, ce qui arrive souvent dans les greniers des fermiers, et aussi pour lui procurer un certain degré de dessiccation. Enfin on aurait atteint la perfection si, après une opération complète, on parvenait à diviser les grains de blé suivant leur volume. La force employée à faire mouvoir le mé- canisme du nettoyage, quoique perdue pour la fabrication, reçoit donc dans les moulins une application des plus utiles, et mieux vau- drait, dans bien des cas, fabriquer moins et fabriquer mieux. Chaque moulin adopte, dans ses appareils à nettoyer, des combinaisons plus où moins diverses qui résultent, soit de la force, soit de l'emplacement dont il peut disposer. Les instrumens les plus modernes et les plus répandus sont le cylindre vertical, le cy- lindre horizontal, le tarrare à plusieurs vo- lans ou batteurs, le sas à marteaux, les cribles inertes et la disposition des courans d'air. Le nettoyage se fait depuis l’étage le plus élevé du moulin jusqu’à l’étage des meules où il s'engrène, et, dans ce parcours, il est sou- vent repris et remonté par des élévateurs (chaines à godets), suivant l’ordre dans le- quel il est précipité. 1e OPÉRATION. Tarrare à émotteurs, qui chasse une certaine quantité des corps légers et retient les pierres ou mottes de terre qui se trouvent mêlées avec le grain. 2 OPÉRATION. Cylindre vertical (fig. 472 et 473),armé à l’intérieur d’un système d’ailettes Fig 472. Fig. 473. IR DEF] VAR f î| ÉCOS= Fete LE cap. 23°. qui battent le blé avec violence sur des tôles piquées et en détachent ainsi la poussière avec énergie; au-dessus de ce cylindre, on voit dans la fig. 473 le tarrare émotteur et au-des- sous le sas à marteaux et un ventilateur. 3e oPÉRATION. Sas à marteaux, dont le fond en tôle est percé de trous de formes et de di- mensions différéntes, afin de laisser passer tous les grains parasites et les petits grains amaigris. Les marteaux qui frappent succes- sivement sur la longueur de ce sas, ont pour but d'empêcher les trous du fond de se bou- cher. 4° OPÉRATION, Tarrare ventilateur (fig. 474), qui chasse le peu de poussière ou de corps lé- gers qui peuvent encore rester dans le blé. 5* OPÉRATION. Cylindre horizontal. Cette dernière opération, que beauconp de meu- niers négligent avec raison, surtout s'ils sont avares de force, se fait dans un cylindre ho- rizontal en fil de fer ou en tôle piquée. Son but est de diviser le blé par grosseurs. Jus- wici ces sortes de diviseurs ont été bien loin ‘atteindre la perfection désirable. Enfin, à l'issue de ce cylindre, le blé est amené dans la frémie, d’où il coule lui-même el par son propre poids dans l’engreneur. Tout ce que nous venons de dire du net- toyage des grains s'applique au nettoyage à sec, généralement suffisant pour épurer les blés qui ne sont attaqués d'aucune maladie, carie où cloque qui rend le bout noir, piqüres de charencons, etc. Dans ce dernier cas, surtout lorsque les blés sont boutés, il est indispensable de leur faire subir un lavage. Cette opération, assez facile dans l'été, devient impraticable dans la sai- son des pluies et du froid; car la difficulté n'est pas de laver, mais bien de sécher le grain humide , surtout lorsque l’on veut opérer sur des masses, comme dans nos grandes usines. Jusqu'ici ce séchage se faisait sur des draps exposés au soleil; c’est la pratique du Midi. On conçoit combien cet usage doit étre diffi- cile dans nos provinces du Nord; aussi le la- vage des blés était-il peu employé par les meuniers eux-mêmes. Les blés noirs, délais- sés sur les marchés , étaient presque toujours achetés par des blatiers ou des porle-faix, qui DU CHOIX DES GRAINS. 413 les mettaient au grenier pendant l'hiver, et, aussitôt la saison convenable arrivée, les la- vaient et les faisant sécher à l’air libre pour les revendre avec plus ou moins de bénéfi- ces. Plusieurs de nos plus célèbres économistes, et particulièrement notre DumameL, frappés de l'avantage qui résulterait pour lecommerce. l'agriculture et l'hygiène publique de l’épura- tion des grains par le lavage, avaient tenté d’em- ployer la chaleur factice au séchage immédiat ; les résultats obtenus ont étésatisfaisans quant à l'épuration en elle-même , mais les moyens employés n'étaient pas manufacturiers, c’est- à-dire que les frais qu'ils nécessitaient étaient au-delà des avantages qu’on pouvait obtenir, Dans le nord de l’Europe, sur la mer Balti- que et particulièrement en Russie, on fait sécher le grain à l’étuve pour lui donner le degré de siccité convenable à son exportation sur mer; mais ces blés sont en général de qualité inférieure, et tout prouve que leur mode de dessiccation est vicieux. M. de MaurEou vient de prendre (en 1834) un brevet d'invention pour une machine qui semble avoir résolu ce problème depuis si long-temps cherché. Cet appareil lave le grain, l'épure et le sèche dans l’espace de 15 minu- tes. Sur la fin de l’année 1835, M. de Mau- PEOU a monté à Etampes un de ses appareils, capable de nettoyer en 24 heures 300 hectol, de blé. La meunerie de ce pays si renommée par son habileté, n’a pas tardé de fournir à façon la machine de M. de Maureou. Le lavage, comme nous l'avons déjà dit, n'était pas difficile à opérer, mais la grande difficulté, la difficulté qui jusqu'ici n'avait pas été résolue, c'était de sécher immédiatement le grain, sans tâtonnement, sans danger de le brûler ou de le laisser trop humide. Pour at- teindre ce but, M. de Maupeou a appliqué au séchage la dilatation de l'air, au moyen d'un foyer disposé d’une certaine manière. Ainsi, dans une grande chambre bâtie en briques, de forme pyramidale et faisant cheminée, sont disposés une série de cylindres en toile métal- lique. Le blé lavé pénètre successivement dans chacun de ces cylindres, dont la disposi- tion intérieure est telle que le grain est con- stamment maintenu dans un état aérien. Ce- pendant, un courant violent d’air sec dilaté tend à s'échapper par l'ouverture supérieure de la cheminée et enveloppe ainsi les cylin- dres sécheurs, y pénètre à travers les mailles de l’enveloppe et pompe avec avidité l'humi- dité des grains. À l'extrémité de ces cylindres sécheurs se trouve un autre appareil, également de 5 cy- lindres superposés, dans lesquels le blé, au sortir des fer, se refroidit à l’air libre, en sorte qu'au bout de ces refroidisseurs le grain soit froid et net, et propre à être mis de suite sous les meules ou conservé dans des sacs sans aucune espèce d'inconvénient. Toutes ces diverses opérations, lavage, épu- rage, séchage, refroidissement se font sans in- terruption aucupe, et tout est si bien calcule que les laveurs et les cylindres sont toujours chargés de blé. Le grand avantage de cette méthode, c’est que, par le lavage, non-seulement le grain se nettoie mieux, mais que tous les corps 414 plus légers que l’eau, comme paille, cloques, grains mal mûrs ou percées des insectes, mon- tent à la surface de l’eau et sont entraînés dans des réservoirs particuliers, en sorte qu’il ne reste plus réellement à la mouture que les rains non altérés, opération qu’on est loin ’obtenir complète par l'effet des ventila- teurs. M. de MaurEou prétend aussi que, par suit? du gonflement que l’écorce du blé éprouve lorsqu'elle se lave et du retrait qui s’opère sur cette enveloppe par l'effet du passage du grain dans un courant d’air sec dilaté, la mou- ture du grain est plus facile, le son plus lé- er et, en définitive, le rendement en farine Élanehe plus fort de 3 à 5 p. 0/0. Il y a beau- coup de probabilités en faveur de ces asser- tions. Un autre avantage signalé par M. de Mau- PEOU, c’est que le blé ainsi traité est dégagé de tous les insectes et de tous les germes qu’ils ont pu déposer sur le grain; la conser- vaiion en devient ainsi plus facile et plus cer- taine. Tout porte donc à croire que cette méthode sera adoptée dans nos moulins; elle ce moins de force employée que les appareils de nettoyage à sec, et, tout compensé, elle doit présenter de l’avantage au fabricant, condi- tion du reste indispensable et sans laquelle une méthode, quelque ingénieuse qu’elle soit, ne peut jamais devenir manufacturière. SECTION VII. — De la inouture. (S Ier. — Mouture américaine ou mouture par pression. Avant de passer à l'opération de la mou- ture, faisons connaître la disposition des meules. La fig. 475 représente la coupe verti- cale d’une paire de meules à l'anglaise, en- tourée de ses archures A, surmontée de l'engreneur conti G, et supportée par deux colonnes en fonte au milieu desquelles se trouve placé le gros fer T. Le pignon H reçoit l'impulsion du grand hérisson. Une boîte de fonte I, assujétie sur 4 petites colonnes, ren- ferme la crapaudine plate en acier, sur la- quelle repose le gros fer; des vis horizontales permettent de centrer cette crapaudine, et une vis verticale placée au-dessous sert à la faire monter ou descendre, pour soulever ou baisser le fer, selon les besoins de la mouture. Une autre vis verticale K, surmontée d’une roue d'angle qui engrène avec une roue d’é- gal diamètre qui, à l'extrémité de son axe, perte une manivelle, sert à faire tourner la vis sur elle-même; celle-ci traverse un écrou E dont les deux bras prolongés portent les tiges verticales L, qui sont réunies à leur sommet par un cercle M, de telle sorte que le moulin étant arrêté, si l’on veut faire scr- ür le pignon H du plan du grand hérisson , on tourne la manivelle, et les tiges en montant élèvent le cercle et poussent ainsi le hérisson qui glisse sur le fer, en s’élevant dans le sens vertical. Nous avons amené le blé jusque dans l’en- greneur qui le distribue sous lameulc; voyons maintenant les différentes modifications qu’il va subir pour être réduit en farines propres à la boulangerie de Paris. Nous indiquerons ARTS AGRICOLES : DE LA MEUNE RIE. PL 2 Une fois entré sous les meules, le blé s’ou- vre en plusieurs parties, la farine se détache de l'écorce du blé, et, poussée par la force centrifuge, s'échappe pêle-mêle avec le son (on appelle ce mélange mouture) par une issue désignée par le nom d’anche. De là cette mouture tombe dans des réservoirs qui la versent dans des sacs, ou mieux encore elle tombe dans un récipient circulaire qui la transporte dans un réservoir commun eu des élévateurs (fig. 476) la reprennent et la lrans- portent à leur tour Fig. 476. dans une chambre commune appeléere- froidisseur. Là, au moyen d'un réteau (fig. 477), elle est mélangée, remuée, refroidie et conduite par une ou deux is- sues dans des blu- teriescylindriques qui séparent la farine en différentes qualités et en retirent enliè- rement le son, qui, à son tour, est re- porté dans des blu- teries spéciales, où il se divise en diffé- renies grosseurs ap- pelées gros et petit son , recoupes où recoupeltes, fines et eHaAP. 23e, Fig. 477. grosses, et remoulayes de diverses blancheurs. Chaque division des bluteries à son corres- pond à des cases placées dans une chambre au-dessous, qui reçoivent séparément chacune des espèces de sons ci-dessus désignées. $ IL. — Des bluteries à farine. Il y a quelques années on se servait encore, pour bluter les farines, d’une espèce de sas en étamine ou en soie, de 7 à 8 pieds de lon- gueur, appelé bluteau et placé dans une huche ou grand coffre en bois qui recevait la mou- ture au sortir de l’anche; le bluteau était se- coué dans cette huche au moyen d’un appa- reil nommé babillard, qui portait à la fois une batte et une baguette; la première recevait une secousse régulière en frappant sur une croisée à 3ou 4 branches montée sur le grosfer de la meule courante; cesont les coups de cette batte qui déterminaient le fameux tic-tac du moulin. Ce mouvement de la batte faisait agir la ba- uette qui tenait au bluteau par des attaches Es cuir, et celui-ci éprouvait alors les se- cousses au moyen desquelles la farine était blu- tée. De ce 1°" blnteau, les résidus descendaient dans un second appeié dodinage placé dans la partie inférieure de la huche; ce dodivage, presque toujours fait et monté comme le EEE bluteau, séparait les marchandises à re- moudre en gruaux de différentes grosseurs. La fig. 478 donne la position du babillard par Fig. 478. s rapport à la huche et à la lanterne du moulin. À, babillard ; B, batte; C, baguette; D, croisées DE LA MOUTURE. 415 à plusieurs branches;E, lanterne; G, gros fer; H, anche; !, huche supérieure; K, hucheinfé- rieure où est placé le dodinage où 2° bluteau qui étail mis en mouvement de la même ma- nière que le bluteau, à l'exception que si le grand babillard était àmont-l’eau, celui du dodi- nage devait être avalant et posé en sens contrai- re du précédent. Quelquefois le dodinage était de forme cylindrique; il s’appelait alors blu- terte, au lieu de bakillard; c'était un engrenage ou une poulie qui lui donnait le mouvement. Il était extrémement difficile de mettre d’accord fes meules et le biutage, lorsque ce- lui-ci était commandé ou bien commandait le moulin. Si le bluteau ne tamisait pas aussi vite que le moulin, il fallait retirer du blé aux meules, et alors celles-ci, n'ayant plus leur nourriture suffisante, faisaient de la farine rouge en broyant trop le son. Siau contraire le bluteau travaillait plus vite que le moulin ne fournissait, il tamisait mal et laissait passer du son avec la fleur. D’autres difficultés existaient encore pour monter les bluteaux de manière à éviier leurs trop fréquentes fractures. On conçoit facilement, dès lors, les motifs qui ont fait répudier dodinages, bluteaux, nuches et babillards. On ne tamise aujour- d’hui les farines id dans des bluteries cylin- driques indépendantes du mouvement des meules, et ce système a été adopté par tous les moulins anciens et modernes. La forme la plus ordiuaire de ces bluteries est hexagonale (à six pans) ( fig. 479); leur Fig. 479. longueur varie de 12 à 24 pi. Les meilleurs faiseurs aiment mieux deux longueurs de 12 pi. qu'une de 24; le diamètre est de 90 à 92 centim. (33 à 34 po.); leur vitesse de 25 à 30 tours à la minute; la pente est d'environ quatre lignes par pied. Les soies les plus généralement employées pour ces bluteries sont des soies de Zurich. Ces soies se divisent jusqu'ici en différentes finesses distinguées par des numéros, depuis le double (0 jusqu’au ne 11. Le double 00 a 24 fils au po., le n° 11 120. La largeur de cette soie est de 38 po. ; les trois premiers lés de la bluterie sont ordinairement composés des n°* 10 et 11, le u° 10 en têis, puis des nes 9 à 7. Use bluterie de 24 pieds, et mieux encore deux bluteries de 12 pi., suffisent au travail de 4 à 5 paires de meules. Sous la bluterie un rdteau ou toile sans fin | ramène continuellement la farine à une issue commune daus la chambre dile à mélange. 416 de laquelle elle est extraiteau moyen de con- duits dits ensacheurs. Ê ) Après la farine, les derniers compartimens de la bluterie donnent des gruaux à remou- dre. Ces marchandises à remoudre sont or- dinairement avec la farine dans la proportion du 6+ au 8e. A l'extrémité de la bluterie, tombent les résidus qui n’ont pu traverser les soies ; une chaine à godets les enlève el les conduit dans une bluterie particulière couverte d’un tissu de laine appelé quintin, d'ouvertures diffé- rentes destinées à séparer les diverses gros- seurs de son qu'ils contiennent. Ces issues, suivant la grosseur, la blancheur et le poids, se nomment gros son, pelit son, recoupettes et remoulages. Le gros son, lorsque la mouture est bien faite, ne doit pas peser plus de 18 à 18 1/2 kilog. l’hectolitre comble ; le petit son, 20 kilog. ; les recoupettes, 27 à 30 ; le poids des remoulages ne peut guère être fixé. 6 III. — Mouture économique. La mouture, telle que nous venons de la décrire, est celle usitée le plus généralement aujourd’hui dans le rayon d’approvisionne- ment de Paris. Bien que tous les moulins de ce rayon n'aient pas encore adopté les petites meules, la plupart cependant ont modifié l’ancienne mouture dite à la française, ou mouture économique, de telle sorte qu’ils ont beaucoup moins de marchandises à remoudre ; c’est un progrès. Néanmoins, comme la mou- ture dite économique a été long-temps regar- dée comme la meilleure, et qu’elle est encore employée dans plusieurs de nos départemens, nous allons, en peu de mots, la décrire. Le blé étant épuré et conduit dans les meu- les, la mouture tombait par l’anche dans le bluteau enfermé dans la huche (voy. fig. 478). Là se tamisait une première farine dite farine de blé. Le dodinage, placé dans l'étage infé- rieur de la huche, laissait passer les gruaux à remoudre. Ces gruaux étaient remoulus et donnaient une farine de qualité supérieure dite farine de 1* gruau. Cette 2° opération fournissait encore des gruaux à remoudre, les- quels, soumis à la meule, donnaient une fa- rine moins bonne que les 2 premières dite farine de 2° gruau. Puis on obtenait encore de cette opération des gruaux bis qui, étant sou- mis à la meule, donnaient une farine bise dite farine de 3° gruau. Puis enfin celle-ci fournis- sait encore un dernier résidu qui, remoulu, faisait une farine encore plus bise, dite farine de 4° gruau. Ainsila mouture dite économique se faisait par 5 opérations successives qui don- naient un produit proportionné comme suit : Soit 1,000 kilog. de blé épuré mis en mou- ture , lesquels ont donné : kil. kil ire opération. Farine de blé. . . 380 : QD — — de 19 gruau 195} 671farine CRE 2 de ane) 96! "0 4 — — de3 — 50 fari EM de ee) A reporter. . . 751 ARTS AGRICOLES : DE LA MEUNERIE. LIV. 1. Report. . " .". 751 Reconpettes. …. . . (22 1Nb4 Recoupes A TV. SO 62) 0222 Son grosiefpelit. ,/.. 1.208 Déchet réel, évaporation, etc. 25 25 71000 LE ——" Dans des années de cherté on a vu des meu- niers remoudre jusqu’à 7 fois; alors on sou- mettait aussi aux meules les recoupes et re- coupettes, pour leur donner la ténuité conve- nable à la panification. Rien de plus mauvais que le produit de ces dernières remoutures. $ IV. — Mouture méridionale. Dans le midi de la France, Marseille excepté, onn'apas encore adopté lamoutureaméricaine; à Toulouse, Moissac, Nérac, etc., c’est encore l’ancienne mouture méridionale. Elle diffère de la mouture économique, en ce qu’on ne remoud pas les différens gruaux, qui trouvent un emploi dans le pays à leur état de mouture imparfaite. Voici du reste comment s'opère cette mou- ture La mouture brute ou mélange du son et de la farine s'appelle dans le Midi farine rame. On la laisse dans cet état pendant 5 ou 6 se- maines, pendant lesquelles elle se refroidit d’abord, ensuite fait son effet en se réchauf- fant naturellement. Il faut que cette fermen- tation s'opère naturellement sans aucune cause étrangère. Pour que la rame ne travaille pas on a soin de la remuer tous les 8 ou 10 jours ; les hom- mes-pratiques savent, en enfonçant la main dans le monceau de la rame, quand il faut la remuer, quand il faut la laisser, quand il faut la bluter. Tant qu’elle est chaude il ne faut pas la bluter, mais la remuer et la laisser en- core; mais on doit observer tous les jours et saisir le temps que la rame se refroidit, et ne pas attendre qu’elle refermente. Pour tirer la farine de la rame, on la fait passer par des blutoirs à 3 grosseurs diffé- rentes. La farine qui tombe la 1° par la partie la plus fine de la bluterie s'appelle mixot. C’est cette farine qu’on a expédiée si long- temps et avec tant d'avantages en Amérique. Celle qui tombe la 2° s'appelle simple ou farine simple; c’est celle employée par le boulanger. Enfin la 3e s'appelle grésillon; c'est celle qui sert à faire le pain du pauvre. On a remarqué que la farine minot était celle qui se conservait le mieux. Outre ces 3 sortes de produits, il y en a en- core un distinct des sons, qui s'appelle re- passe, et qui sert aussi, surtout dans les an- nées de cherté, à faire le pain du pauvre. Quelquefois on mélange ensemble la farine minot et le simple. Ce mélange prend alors le nom de simple fin. D’autres fois on mélange le simple et le gré- sillon, qui prennent alors le nom de grésillon n. j On voit que la différence de la mouture eco- nomique et de la méridionale n'existe que cHar vise. dans l'emploi des produits; la méridionale est bien plus expéditive, puisqu'on n’est pas obligé de remoudre. $ V. — Mouture à la grosse. Par ce genre de mouture on mélange tous les produits, sauf une quantité de son déter- minée; c’est ce qu’on appelle moudre à tant d'extraction, c’est-à-dire que, selon l'emploi qu'on veut faire de cette mouture, on n'ex- trait sur 100 livres de blé que 10 ou 15 livres de son, plus ou moins, tout le reste est mé- langé et destiné à faire du pain. C’est ainsi que se fait le pain des armées. Ce pain serait très bon, quoique bis, si les fournisseurs n’a- Joutaient pas souvent des sons à la mouture à la grosse au lieu d’en retirer. Cette mouture à la grosse se pratique en- core dans une grande partie de nos provinces centrales. Le meunier moud grossièrement le blé avec des meules qui, le plus souvent, ne sont pas droites, et le paysan emporte cette informe mouture qu’il blute chez lui avec de mauvaises bluteries à la main. C’est l'enfance de l’art. $ VE. — Mouture à la lyonnaise. Nous ne donnons véritablement ces an- ciennes dénominations que pour mémoire. C’est toujours le même genre de mouture avec cette différence qu’à Lyon on moulait le blé un peu plus rond, et qu'ensuite on remoulait les sons pour en extraire la farine qui y était adhérenrte ; c’est encore ainsi que se fait Ja mouture à vermicelle. Cette farine de son est inférieure; nous de- vons dire au surplus que cette remouture des sons est aujourd’hui , excepté pour le vermi- celle qui est une mouture spéciale, tout-à-fait abandonnée par les meuniers qui savent leur métier. $ VII. — Mouture à gruaux sassés ou mouture à ver- micelle. Le but de cette mouture est d'obtenir beau- coup de gruaux. Le gruau est la partie la plus dure et la plus sèche du grain; il faut donc que cette mouture soit ronde , c’est-à-dire que les meules soient bien moins rapprochées que dans la mouture américaine, qui se fait par pression, et par laquelle on cherche à obtenir, au contraire, le moins de gruaux possible. Il est nécessaire que les meules soient d’une pierre un peu plus ardente que pour la mou- ture ordinaire ; la courante doit être un peu concave, de manière que le grain soit moulu graduellement, depuis le centre des meules jusqu’à la circonférence, en observant qu'il doit être roulé dans le cœur des meules, con- cassé à l’entre-pied et affleuré à la feuillure. Les gruaux doivent être vifs et de grosseur uniforme. Ce serait un grand défaut de moudre trop rond; les gruaux ne seraient pas bien détachés des sons; il y en aurait beaucoup, mais la plus grande quantité serait en gruaux bis ; cette mouture trop ronde produirait aussi beaucoup de farine bise, par conséquent elle donnerait de la perte. C’est aussi un défaut de moudre trop près; les gruaux se trou- AGRICULTURE, DE LA MOUTURE. 417 veraient en grande partie écrasés, seraient difficiles à sasser et produiraient peu de se- moule. Il est essentiel que la mouture soit uniforme, qu’il n’y ait pas des gruaux mous et des durs, des fins et des gros ; cette mouture serait mal blutée. Enfin 1l faut que les meules, comme dans tous les autres genres de mouture, soient bien de niveau et rhabillées au degré convenable. Les blés qui conviennent le mieux à cette mouture sont les blés gris et durs; les blés fins et tendres ne produiraient que très peu de gruaux et de médiocre qualité. Dans les envi- rons de Paris, les blés de Crespy et de Soissons sont les plus réputés pour cet usage. : Quand la première mouture est opérée et qu'on a obtenu des gruaux, on les épure au moyen d'instrumens qu'on appelle sas. Les gruaux n°: 1,2, 3 et 4 ont ordinairement assez de 3 coups de sas; les numéros suivans en demandent 1 et quelquefois 2 de plus pour les rendre parfaitement clairs et exempts de soufflures ou rougeurs qui gâtent toujours la semoule et par-là la farine qu’elle produit. Le sas (fig. 480)est une espèce de crible léger dont le fond est garni Fig. 480. de peau percée avec une extrème finesse; pour le manier avec succès il faut en avoir une grande habitude ; on tourne par un mou- vement horizontal d’une main vers l’au- tre, et l’on secoue légèrement comme pour frapper à chaque tour de haut en bas; par ce moyen il s'élève à la surface du gruau qui est dans le crible un peu de recoupet- tes que l’on enlève à mesure. Ce n’est point par la différence de la grosseur que lasemoule se sépare des gruaux et des recoupettes; c’est surtout à raison des pesanteurs différentes qu’elle tombe à travers le sas, par le mouve- ment composé du perpendiculaire et de l'ho- rizontal. Ces gruaux ainsi sassés servent à faire ces belles farines avec lesquelles on confectionne les pains si blancs que l’on sert à Paris chez les restaurateurs et sur les bonnes tables. Voici un état de mouture complet qui don- nera une idée parfaite des produits de cette mouture et de la manière dont elle se gou- verne. Compte de mouture de 100 quintaux de blé mou- lus pour gruaux. 1re OPÉRATION : Les 100 quintaux de blé ont produit : Fagnétdtede blé, .: 4er pour 100 du poids du blé. Son gras mélangé de gruaux . . . . 76 DÉCORER. . . ht OR NT Poids égal. "30207100 2° OPÉRATION. Les 76 parties de sons gros divisés aux bluteries produisent en gruau san fin-finot., : ‘4 00 12 50p.0/0 du poids du blé, TOME III. — 53 418 ARTS AGRICOLES : DE LA MEUNERIE. LIV, iv. Gruau à sasser p. semoule. 435 BelLsem AMIE, Le. $ VIII. — Produits comparatifs des différentes sortes Geassonm. Ul, 21 ML, 106 de moutures. Déchet des bluteries . . . » 50 Poids égal. . . . 76, 00 . En général on tire du blé autant de pire que l'on veut; ainsi, par la mouture à la grosse, 3° opÉRATION. Les 45 parties de gruau pro- 4 ._ | usitée pour le pain de l’armée, on ne blute roy H - x DAT ; \ E duisent au sassage, en beïle semoule, de di qu’à10 on 12 livres d'extraction, c’est-à-dire verses nuances. °°. ee 2D p. 0/0 à : qu'on ne retire que 10 ou 12pour 100 deson et du poids du blé. que tout lereste sert à faire du pain. Ilestarrivé Déchet de semoule gruau souvent, etil arrive encore, que pour le pain Q PTÉRRRES. à M COTES 2 ? 50 militaire on ne fait aucune extraction, et que, £ CAE SE PAU sauf un petit déchet d’évaporation, le résultat te A Rate RTS de la mouture passe tout entier én farine. sou Te Ta RP? RUE Il est certain que le blé, lorsqu'on l'analyse Remo Fee IBimieie » 0 91914 chimiquement, ne contient qu’une très faible échet de SASSABE? .…. ++ 50 proportion deson,2 ou 3 pour 100 par exemple, Poids égal. . . . 45 00 tandis que par les procédés actuels demouture 4 OPÉRATION. Mouture des semoules. on en retire environ 20 pour 100. Il est donc 26 parties de semoule produisent à la mou- | constant que la mouture du froment est loin ture : d’avoir atteint la perfection désirable. 1re belle farine. . .« «+ .15 p. 0/0 du | _Il est des blés, les blés blancs, richelles de poids du blé. Naples, blés de Bergues, de Dantzick, etc., qui De EAN DIE ALCHES RE'Ee peuvent étre moulus sans extraction aucune, et EDR 1: AT AO AR M NE donnent un pain d’une couleur et d’un goût 4° ou farine ordinaire de 2° agréables. E Que Le Te UE Pour juger de l’excellence d’un système de Farine bise 3 et 4, mouture, il ne faut donc pas se déterminer | Î 1 50 | Remoulage blanc. . 50 d’après la quantité de farine que ce système Î ee." 0t7e e + © + Déchets 7 AAA 95 produit, mais bien sur la qualité et la quan- Er er lité tout à la fois de cette farine. Ainsi, dans Poids égal, . 26 00 . [les états comparatifs de mouture que nous 5° OPÉRATION. Mouture des gruaux ordi- | donnons ici, il s’agit de farine propre à la bou- naires , el fin-finot, réunis ensemble, qui pro- | jangerie de Paris. duisent : Farine gruau ord. , . , . 10 p, 0/0 du poids du blé. 2° farine 44.4, 44.14 1. Sad oPqual, els rs {2x0 1 compte. Mouture américaine. Produit de 100 parties de blé : 1e OPÉRATION. farine de bié,1r qualite sultege 1e GGIDPS 10}7 Farine bon bis 3e et 4e. 2° oPÉR. Far. de gruau 2° qual. . Remoulage. . . . . . DÉChela nn e UP st 25 Poids égal . . . 20 00 6° OPÉRATION. Mouture des 7 parties de gruaux bis, qui produisent : . Farine bise, dite 3. ,. . . 2 50 p. 0/0 du poids du blé. id. dite 4m Remoulage bis . . . . . 10 id: "DIAnC leu SSD Déchets MP NÉENNERCANNEs Poids égal. . 7 00 RÉSUMÉ des produits en farine. Farine dite de blé. . . . 23p. 0/0 du poids du blé. 14. Diancheltret 7125 id. bellefar. degruau . 26 50 20... , EFUAULOrO. . . . 10 3e id. far. bise. . PS Gros son à. . 20 kilog. l’hectol. , Petit son à... 24210-/Pt0 TE Recoupette de 28à30id id. . . Remoulagesde 45à50id. id. . . Déchet 1 + =, cd ete CRE 2e Compte. Mouture à la française. 1re OPÉRATION Farine de blé re qualités 2 SR RE 2eopËR. Farine de gruau. . . 18 24 10e 2620. PEN 3e 44 id. de id. 2° qual. 6 4e id. °° e L2 L L1 L2 L bise. 8 50 Be Lun ous. eee DISCRIER RAI Gros son 17 à 18kilog.l’hectol. 5 Petitson 20à 23 id, id. 6 44,11 "De qua PU 0: © 4195 Recoupettes 23à 30 id, id 6. 24 14 Sel EEE. 7 Remoulages 42 à 45 id, id. 5 3 3 Fondsptotal. . 71787 | DEEE. eh eue ARR Produit en issues. 100 Nous avons dit plus haut que les farines ui servent à comparer les produits de ces eux genres de mouture étaient propres à la boulangerie de Paris; pour juger de la préfé- rence des deux moutures, nous allons établir le revenu en argent de chacune d’elles. Sup- i AO. © ù __*_°° | posons que 100 kilogrammes farines blanches Poids égal à celui du blé + . . , 100 00 1 1 qualité, propres à la boulangerie de Paris, GTos'son. +0. SEEN "6 D. ‘0/0 Pelitsomivhe AFP OMR Recoupettes. . sus 18e 3 d Remoulage bis . . . Remoulage blanc. . , . . 1 50 + 25 49 Déchet de la mouture, : . .!": . . 2 60 CcBAP. 23°. se paient 30 fr.; nous aurons les proportions suivantes : Mouture américaine. 72 ks. de farine 1re à 30 fr. les 100. . 21 60 Aid. defaut à925. 40," . . 1 2 id. de farine bise à 16. . . . : 30 ja sonpros ét'pelil. e . . . . 8 Ha-rrenüpelles"."... 1. . : Snremoulases.",. &L . : 25 96 Mouture à la française dite économique. 19 20 1 50 64 k:. de farine 1re à 30 fr. les 100. . Gidsde:farine 2425. 5... 4. Gimme bise Ts gui te 22 son; recoupes ,etC. « «+ + + + + On voit par ce résultat qu’en supposant que les farines dites 1r° qualité, provenant de la mouture, française se vendent le même prix que celles qui proviennent de la mouture américaine, ce quin’est pas exact, la différence dans le commerce étant à l’avantage de ces dernières , il y aurait encore un bénéfice de1 fr. par quintal à adopter le système de mouture par pression; la raison, la voici: c’est que ce sys- tème agissant en pressant le blé et non pas en le déchirant, le son se pulvérise moins et par conséquent se mêle moins avec la farine, d’où il suit que la mouture américaine fournit une plus grande quantité de farine blanche que sa devancière. $ IX. — Des différentes espèces de farines. On voit que par les deux espèces de mou- tures consacrées à faire de la farine blanche propre à la boulangerie de Paris, il n’y a en apparence que trois qualités de farine. 1° La farine 1r« qualité dite farine blanche. 3° La farine 2°. 3° La farine bise. Mais, suivant la nature des blés qui ont été moulus, et suivant la perfeclion des organes de la mouture, les farines ont plus ou moins de qualité. Dans le chapitre relatif à la bou- langerie nous dirons un mot des procédés dont usent les boulangers pour apprécier ces di- verses qualités, 1l nous suffit aujourd’hui de dire qu'entre les farines vendues sur place comme peste qualité et employées comme telles, il y a une différence de la dernière à la première marque de 7 à 8 fr. par sac. $ X. — De la conservation des farines. La farine est en général d’une conservation très difficile, et c’est presque toujours une mauvaise spéculation que de la garder en maga- sin. Pendant les mois d’hiver, c’est-à-dire d'octobre à avril, elle n’éprouve aucune alté- ration, mais une fois le printemps arrivé, et jusqu’à la fin d’août, elle est sujette à fermen- ter, a prendre un mauvais goût et à perdre beaucoup de sa valeur. Mais comme il peut arriver qu’on soit forcé par les circonstances commerciales de la con- DE LA MOUTURE. 415 server pendant un laps de temps, nous allons rappeler quelques-unes des règles prescriies pour éviter autant que possible les détériora- tions que nous venons de signaler. Le magasin où l’on place les farines au printemps doit être bien sec; il faut éviter d’em- piler les sacs les uns sur les autres; il faut les placer debout, par rangées et demanièrequ'ils nese touchent pas. Dans le moment des fortes chaleurs on doit avoir soin de passer dans les sacs une sonde en fer, comme une baguette de fusil, pour vérifier si l’intérieur du sac ne prend pas de chaleur; si on s'aperçoit que la farine pelote, ou qu’elle commence à deve- nir chaude, il faut avoir soin ou de la vider aussitôt, et de la remettre en sacs après 24 heures ou de jeter les sacs sur le plancher, de les rouler en divers sens, d'appuyer forte- ment dessus, de diviser ainsi les parties qui tendaient à s’aglomérer et à fermenter. Ces récautions sont indispensables, car, dès que a fermentation commence, si on ne l’emploie pas, en quelques jours le sac de farine ne forme plus qu'un seul morceau; on est obligé de le battre pour le vider et de passer les blocs de farine qu’on en retire sous des rouleaux ou des meules, pour les diviser et les pulvériser; opération coûteuse et qui ne rend jamais à la farine sa qualité primiti- ve; elle est alors comme de la cendre, con- serve un goût alcalin, et re peut plus s’em- ployer seule. La qualité des blés moulus et la manière de les moudre influent beaucoup sur la conservation des farines. Celle qui provient de blé sec, de blé bien épuré , qui n’a pas été mise chaude dans les sacs, sera bien plus long-tempssaine, que celle qui sera le produit d’un blénaturelle- ment tendre,ou avarié, ou d’une mouture mal soignée. Les farines qu’on destine aux expéditions maritimes , ou que le commerce exporte en Amérique, sont enfermées dans des barils et presque loujours étuvées; les meuniers de l’A- mérique du nord excellent dans ce genre d'industrie, dont ils se sont emparés au détri- ment de Bordeaux qui le faisait presque ex- clusivement autrefois et dont les minots étaient grandement réputés. Le gouvernement des Etais-Unis, a lui-même fixé des règles à suivre our déterminer la qualité des farines destinées à l'exportation, et frappe les barils après experlise d’une estampille particulière suivant Ja qualité de la marchandise qu’ils renferment. Il serait à désirer que ce genre d'industrie re- cut chez nous les mêmes soins et les mêmes encouragemens. Marseille, Bordeaux et le Ha- vre, seraient à même de faire un commerce profitable avec l'Amérique du Sud et de faire concurrence aux Etats-Unis. $ XI. — Des différentes espèces d’issues. Nous avons parlé des sons, gros et petits, des #ecoupettes et remoulages. Ces produits qui forment à peu près le cinquième du poids du blé moulu, sont pour les bestiaux une nourriture estimée. Le gros et le petit san se donnent aux chevaux et aux moutons; les re- coupes et les remoulages aux vaches; les nourrisseurs de Paris en font nne grande con- sommation. On conçoit que plus ces issues 420 contiennent de farine plus la qualité en est srande, mais que l'intérêt du meunier est de les rendre aussi légères que possible. $ XII. — Des frais de mouture. Les frais nécessaires pour réduire en farine nne quantité de blé donnée, les frais de mou- ture, sont nécessairement variables. Is dé- pendent: 1° du prix de rente du moulin ; 2° de la combinaison des mécanismes ; 3° de la qua- lité des meules; 4° de l’ordre introduit dans le travail; 5° du capital employé. Il est donc assez difficile de les déterminer; cependant généralement on estime que la mouture d’un hectolitre de blé coûte 1 franc à 1 fr. 50 c. C'est à peu près le prix que font payer aux paysans les meuniers à petits sacs, soit que cetterétribution ait lieu en argent, soit qu’elle ait lieu en nature. $ XIII. — De la mouture des grains autres que le froment. Il n’y a que fort peu de choses à dire de la mouture des grains autres que le fro- ment. Les mêmes principes doivent étre ob- servés. Ainsi, pour bien moudre le seigle, l’or- ge, le méteil, il faut avoir des meules bien droites, bien rhabillées, bien dressées. Ces grains, qui forment en grande partie la nour- riture des campagnes, se livrent aux meules presque toujours à l’élat de méteil, c’est-à- dire mélangés ensemble avec une partie plus ou moins forte de froment. Ce mélange est un obstacle à la bonne mouture,puisqueles grains de blé, de seigle et d'orge sont de grosseur inégale et de densité différente; aussi les mou- tures dites à petits sacs, faites dans nos pro- vinces, sont-elles des plus grossières ; heureux encore le paysan porteur de monées quand il n’a contre lui que l'ignorance du meunier! SECTION VIII. — Des moulins à vent. $ Ier, — Des moulins à vent verticaux. La mouture à petits sacs nous amène tout naturellement à dire un mot des moulins à vent. L'air, suivant que les courans sont plus ou moins forts, est un moteur des plus économi- ques, qui certainement et pour celle raison aurait eu la préférence sur tous les autres, si ce n’était son irrégularité et sa nullité même pendant un tiers de l’année à peu près, dans nos climats. Ce n’est donc que dans les pays où les forces d’eau sont rares, où le charbon de terre est à un prix trop élevé que l’on se sert des moulins à vent. Dans les environs de Lille, ily en a un grand nombre, presque tous employés à la fabrication des huiles de graine. Chacun connaît la forme extérieure des moulins à vent (fig. 481).Le récepteur le plus ordinaire de ces moulins est une espèce de volant composé d'ailes ou voiles fixées perpen- diculairement et uniformément autour de l'extrémité d'un axe horizontal. Le nombre d'ailes généralement employé est de 4, de forme rectangulaire, dont les dimensions, dans les environs de Paris, sont de 36 pi. en- ARTS AGRICOLES : DE LA MEUNERIE. Fig 481. viron de longueur sur 6 de large. Dans le dé- partement du Nord, la longueur des ailes est de 38 et quelquefois de 40 pi. sur 6 de lar- geur. Voici la description que Couroms donne de la forme particulière des ailes de moulin des environs de Lille. «5 pi. de la largeur de l'aile sont formés par une toile attachée sur un châssis, et le pied restant par une planche très légère. La li- gne de jonction de la plancheet de la toile for- me, du côté frappé par le vent, un angle sen- siblement concave au commencement de l'aile, et qui, allant toujours en diminuant, s’évanouit à l’extrémité de l'aile. La pièce de bois qui forme le bras est placé derrière cet angle concave; la surface de la toile forme une surface courbe composée de lignes doites perpendiculaires au bras de l'aile et répon- dant, par leurs extrémités, à l’angle concave formé par la jonction de la toile et de la plan- che; l'arbre tournant, auquel les ailes sont fixées, s’incline à l’horizon entre8 et 15°. » SMEATON , ingénieur anglais, donne les pré- ceptes pratiques suivans pour la construction des moulins à vent : « Il faut que les ailes ne soient pas en si grand nombre que l'issue du vent qui les frap- pe en soit arrêté. « Si l’on emploie des ailes planes, la direc- tion de leur longueur doit faire, avec l’arbre tournant, un angle de 72 à 75° pour en obte- nir le plus grand effet. « Plus les ailes sont larges, plus elles doi- vent être inclinées sur l’axe de l'arbre. « Les ailes qui sont plus largesà leur extré- mité que près du centre présentent plus d’a- vantage que celles de forme rectangulaire. « Lorsque la surface des ailes n’est point plane, il est avantageux de présenter au vent la face concave de ces ailes. « Si l’on présente à un même vent des ailes semblables de position et de figure, le nom- bre des révolutions qu’elles effectuent dans un temps donné est en raison inverse de leur longueur. $ « Les effets produits par des ailes sembla- bles de figure et de position, exposées au même vent, sont proportionnels aux carrés des lon- gueurs de ces ailes. « Des ailes de même largeur et de longueur cHAP. 23°. différentes produisent des effets proportion- nels à leur longueur, lorsqu'elles sont sem- biablement inclinées. » Les moulins à vent verticaux sont de for- mes diverses. La fig. 482 indique une cage en Fig. 482. bois avec sa charpente intérieure, le tout tour- nant à volonté, et selon le vent, au moyen de Ja queue à laquelle s'adaptent une corde et un tourniquet; c'est ce qu'on appelle orienter le moulin. La fig. 483 indique un autre moulin, dont le Fig. 483. sommet seul est tournant; la cage alors est en maçonnerie. Quelquefois le moulin est composé de telle façon qu’il peut s'orienter de lui-même ; il est alors un peu plus compliqué. L'expérience a démontré que ce procédé ne présente pas as- sez d'avantages pour racheter une construc- tion plus dispendieuse et plus sujette à répa- ration. La grande irrégularité et la violence du vent obligent souvent d’en modifier la force, soit pour la régulariser, soit pour empêcher le moulin d’être endommagé ou renversé. Alors on déshabille plus ou moins les ailes, en re- pliant les toiles ou voilures. Pour arrêter le MOULINS A VENT. 421 moulin onse sert d’un frein en bois, qui vient serrer intérieurement le rouet. Cette opéra- tion peut se faire du dehors, au moyen d’une corde qui correspond au ressort qui imprime le mouvement à ce frein. Il ne paraît pas que le vent se trouve dans une direction parallèle à l'horizon; il est du moins généralement reconnu que des ailes verticalement placées prennent moins bien le vent que si l’on incline de 8 à 15° avec l’hori- zon l'arbre qui porte les ailes. Tous les cons- tructeurs sont d’accord sur ce point. $ II. — Des moulins à vent horizontaux. En général où le vent sert de moteur, c’est sur des ailes verticales qu'il agit; le moulin à vent horizontal, quoique essayé assez sou- vent, n’a pas été adopté. L'avantage qu’il offre au premier coup d'œil, c’est de tourner à tout vent sans avoir besoin d’être orienté; mais il a le désavantage de offrir à l’action du vent qu'un peu plus d’une voile à la fois; tandis que, dans les moulins à vent ordinaires, le vent agit contre les 4 ailes en même temps. SMEATON assure que la puissance du moulin à vent horizontal n’est réellement que la 8e ou 10e partie de la puissance du moulin à vent vertical. Nousterminerons là nos observations sur les moulins à vent horizontaux ; ils sont à la vérité employés dans quelques endroits à la mouture des grains, mais cette mouture, par suite de l'irrégularité du moteur, est si grossière, qu'elle ne mérite pas qu’on s’en occupe au- trement que pour mémoire. SecTion IX. Des moulins à manége et à bras. Pour bien moudre il faut une force assez grande et surtout régulière. Cette double con- dition est essentielle, et c’est ce qui a rendu les moulins à manége et les moulins à bras si difficiles à combiner avec la pratique, quoique la théorie y trouvât quelques avantages éco- nomiques. En effet, «achètes ton grain et fais-le moudre chez toi, disait-on au boulanger; tu cumuleras le bénéfice du meunier et tu auras en outre la certitude que tous les pro- duits de ce blé te rentreront. » On tenait le même langage aux fermiers qui ont beaucoup d'ouvriers à nourrir ; aux agens de la guerre, qui font le pain du soldat. Pourquoi donc les moulins à manége ou à bras n’ont-1ils pas trouvé de nombreux amateurs ? c’est que la force donnée par le trait des animaux et par les bras de l’homme était d’une part trop peu ré- gulière, et de l’autre qu’elle coûtait beaucoup plus cher, proportion gardée, que les autres moteurs : l'eau, le vent ou la vapeur. Les moulins à bras où à manége ne sont donc que d’une application exceptionnelle; par exemple, à la suite d’une armée en cam- pagne ; sur des vaisseaux destinés à des voyages de long cours; dans une exploitation rurale peut-être qui aurait déjà un manége bien ap- pliqué au mouvement d'une machine à battre ou à une sucrerie, etc. ; mais pour fabriquer de la farine commerciale , pour lutter avec les moulins à eau même les plus arriérés, les moulins à bras ou à manége seraient tout-à- fait impuissans. 122 ARTS AGRICOLES : DE LA MEUNERIE. LEFT. Nous n'avons donc rien à dire de la mouture des grains par moulins à bras ou à manége ; si elle pouvait être d’uneapplication habituelle, elle aurait absolument les mêmes principes et les mêmes règles que la mouture par la force de l’eau, du vent ou de la vapeur; c’est-à-dire u'il lui faudrait, de bonnes meules bien ressées et de composition aussi homogène que possible ; un rhabillage approprié à la pierre et à la quantité des blés à moudre ; des rouages bien centrés; des bluteries bien combinées, etc. MM. .Duranp, MALARD, PERRIER, GUIL- LAUME, et beaucoup d’autres ont établi des moulins à bras qui diffèrent trop peu entre eux pour mériter, en ce qui concerne la mou- ture, une mention particulière. Section X. Des moulins à cylindres et à meules verticales. Ii était tout naturel de penser que l’action de meules depierresuperposées, n’était pas le seul mode qui fût prapre à réduire les grains en fa- rine ; la nécessité où sont les meuniers de rha- biller continuellement la pierre , devait faire chercher une machine qui n’eût pas cet incon- vénient. L'application de cylindres en fonte doués d’un mouvement de rotation, à des opé- rations nombreuses de mécanique, indiquait que leur action devait aussi convenir à la pul- vérisaiion des blés. Effectivement plusieurs mécaniciens ont monté des machines de ce genre, en annonçant des résultats bien supé- rieurs à ceux qu'on obtenait au moyen des meules; ainsi M. Garçon MaLanp imprimait dans ses prospectus en 1830 qu’à l’aide de ses moulins à cylindres, il extrayaiten toutes fari- nes de 75 a85 pour 100 du blé,etqu’en repassant dans son moulin les sons provenant des mou- lins ordinaires à meules, on pouvait encore en extraire 8 pour 100 de farine , à raison de 16 kilog. de farine par heure. Malheureusement l'expérience a démontré que ces résultats étaient exagérés et de beau- coup. Loin de présenter des produits plus con- sidérables en farine, les blés donnés à moudre aux cylindres Garçon -Malard laissaient des sons trop gras, et qu’il fallait indispensable- ment remoudre, opération toujours fatale au meunier, ces remoutures de son ne donnant que des farines inférieures. Tout mode de mouture qui nécessite cette reprise des sons peut être jugée d'avance comme vicieuse, quelle que soit la blancheur de ses premiers produits ; il n’y a que lamouture pour gruaux sassés pour laquelle, ainsi que nous J'avons expliqué à son chapitre spécial, cette reprise des sons soit applicable; encore est-il constant ue la première farine qui en provient est in- férieure, et considérée comme deuxième. M. Garçon-MaLanD avait placé son moulin dans un des faubourgs de Paris, sur une force de manége; là il ne put jamais suivre une mouture complète et se rendre un compte bien uet de ses produits ; MM. TRUFFAUT de Pontoise et Dangzay de Corbeil. à sa solli- citation, montèrent chez eux chacun un de ses appareils; mais ces essais démontrèrent l'infériorité des cylindres comme moyeu de mouture; la grande difficulté est de tenir les cylindres tellement bien serrés sur leurs tou- | rillons que leur contact soit toujours parfaitc- ment horizontal ; pour peu que ces touriHons se desserrent ou seulement l’un d’eux, on conçoit que le blé s’attrape sans être suffi- samment atteint, que le son reste trop gros et que la farine ne s’affleure pas. Cet inconvé- uient arrive bien quelquefois dans les meules horizontales; mais si par un mouvement ver- tical quelconque le grain de blé n’est pas suffisamment atteint, il est repris un peu plus loin sous la meule; cest ce qui explique comment, avec des meules horizontales sou- vent très mal montées, 1rès mal dressées et rhabillées, on parvient encore à faire de la farine. Des cylindres montés avec la même négligence ne feraient pas à beaucoup près le même travail. La seule chose que le meunier ait conservé des cylindres GARÇçON-MaLarp, c’est l’appli- cation de deux petits cylindres concasseurs, qui aplatissent le blé avant de l’engrener dans les meules. Cette opération préalable que de bons meuniers adoptent, que d’autres bons meuniers regardent comme inutile , aurait, à ce qu’il paraît, l'avantage de faciliter àla meule l'action d'ouvrir le grain de blé en deux par- ties égales, et de préparer ainsi un son plus large, plus plat et plus facile à nettoyer, sans crainte de pulvérisation. Les moulins à cylindres ne sont donc véri- tablemen! que des moulins broyeurs, qui con- viennent parfaitement pour concasser toute espèce de grains pour la nourriture des bes- tiaux ; sous cerapportnous en recommandons l'emploi aux cultivateurs; il y a grande éco- nomie à nourrir les chevaux avec du grain dont la pellicule est ouverte parce qu’il est plus facile à digérer. Dans le même temps que M. GaARgoN - MA- LARD, M le comte Dusoure annonça qu'il importait de Varsovie un moulin également à cylindres , qui donnait des résultats magni- fiques. Outre l’action de ces deux cylindres au moyen de leur contact sur ur point de leur circonférence, la mouture, dans le sys- tème Dupoure, se reprenait au-dessous de ces cylindres, sur une surface cannelée qu’il appelait l'âme. C’est là que la farine s'ache- valt. Le système DupourG n’a pas été plus heureux dans l'application manufacturière que celui de M. GARÇON-MaLaRD. Fig. 484. La fig. 484 représente un moulin à cy- lindres de M. Jonn CoLLiEr, qui donne ue idée complète et de l’action des cylindres par eux-mêmes et de l’âme du système Dnbourg. CHAP. 25°. M. Corxxer appelle cette âme, un frottoir; ilest en bois dur et s'appuie plus où moins à l’aide d’un levier à romaine, contre la partie inférieure des eylinidres Fig. 485, ———— 2 Er, £t û Rs = 2 La fig. 485 représente les deux cylindres À. B est ie frottoir, C le levier à romaine, qui sert à presser je frottoir. Cette disposition ne peut suppléer comme moyen de mouture à l'insuffisance des cylin- dres, et elle est essentiellement vicieuse sous Je rapport de l’emploi de la force motrice, car le frottoir agit à la manière d’un frein dynamo- métrique, et épuise une grande partie de la uissance. s Ce que nous venons de dire des moulins à cylindres peut s'appliquer aussi aux mou- lins à meules verticales. M. Marre de ViLLore, etaprès lui, M. Tr. Nopzer, ont établi sur ce système des mou- lins d’une construction légère et véritable- ment séduisante ; mais jusqu’à présent, ni l’un ni l’autre ne sont parvenns à vaincre la grande difficulté : la variabilité des touril- lons, sur lesquels est supporté l’axe de Ja meule tournante, et la presque impossibilité de tenir les deux meules en parfait rapport entre elles. Conséquemment ils ne peuvent obtenir des sons parfaitement nettoyés; ils sontobligés de lesremoudre, système vicieux, comme nous l'avons indiqué plus haut, En faveur des moulins à meules verticales de MM.Marrre et Noner, nous devons dire, que nous les croyons les mieux appropriés aux cas exceptionnels qui peuvent faire adop- ter les moulins à bras où à manége; la guerre en pourrait faire un très bon emploi dans une campagne de montagnes. Ils pourraient fonc- tionner en faisant route. La fig. 486 représente l’ensemble du moulin Fig. 486. Le de M. Noprer, moins l'enveloppe en bois qui doit éviter l’évaporation de la farine. La fig. 487, exécutée sur une plus grande échelle pour en mieux faire apprécier les détails, est une coupe dans laquelle on à fait figurer : 1° une partie seulement de la meule courante; 2° la totalité de la meule gisante (ou gîte), avec le système de rapprochement et d’écar- tement qui fait la base de l'invention de D. Nopier. La fig. 488 représente : 1° un MOULINS A CYLINDRES. 423 excentrique vu de profil intérieurement ; % un excentrique vu de face; 8 la partie basse du gite qui repose sur l’excentrique inférieur, et l’embrasse exactement dans la moitié de sa circonférence, Ces 3 figures feront suffisamment com- Fig. 487. prendre que dans son écartement ou son rapprochement de la meule courante, le gite ne peut avoir d'autre mouvement que celui rigoureusement commandé par les excentri- ques, et que, du moment où la position du gite est déterminé par ces excentriques, la mouture ne peut éprouver aucune varialion, On comprendra de même avec quelle préci- sion on peut ribler et rhabiller les meules, Sn suffit de rapprocher peu à peu le gite de la meule courante qui, dans sa rota- tion, indiquera les places où le gite doit être retouché où exaucé, jusqu’à ce qu’enfin les deux circonférences soient parfaitement cy- lindriques et de même rayon. On aura dù préalablement rendre la meule courante par- faitement cylindrique, ce qu’on obtient au moyen d’une règle placée sur le bâti du mou- lin, parallèlement à l’axe de cette meule. Voici la description de ce moulin : À, meule avec son arbre et ses coussinets en cuivre de 24 lig. de longueur. B, gîte ou meule gisante, soutenue par deux excentriques. C C, 2 ex- centriques de même calibre dont les arbres reposent sur des coussinets. D, arbre de la meule courante auquel est adaptée d’un côté une poulie qui reçoit l’action du moteur au moyen d’une courroie ; l’autre extrémité de cet arbre est en communication avec le dis- tributeur du grain à moudre. E E, arbres des deux excentriques. D, partie supérieure du gite, parfaitement droite et unie, Sa surface est loujours tangente à l’excentrique. b, partie demi-circulaire servant de base au gite. Elle embrasse avec exactitude la moitié de la circonférence de l’excentrique sur lequel elle 424 repose, et ne permet ainsi au gite d’autre mouvement que celui commandé par l’'excen- trique. H H, secteurs dentés communiquant aux excentriques. O O, tiges en fer avec leurs vis sans fin servant à faire mouvoir les sec- teurs au moyen d’une clef. p, roulettes en fonte; elles servent à faire glisser le gite sur un chemin de fer qui le conduit sans dévia- tion sur l’excentrique. SecrioN XI. — Différentes autres sortes de moulins. Outre les moulins à cylindres, et à meules verticales, on a essayé aussi de moudre le blé au moyen de meules d'acier horizontales, taillées en forme de lime. L’échauffement de ces meules par le frottement a bientôt obligé l'inventeur d’y renoncer. Lepantriteur ‘espèce devaetvient circulaire, dont le nom indique assez la destination, fort convenable pour la trituration de certaines graines, broyait le blé plutôt qu'il ne le mou- lait. On a essayé aussi de moulins à cônes ren- versés ; des moulins à noix, comme nos mou- lins à café; toutes ces méthodes n’ont pu ré- sister à la pratique, en ce qui concerne la mouture du blé, qui ne se fait manufacturiè- rement que par des meules horizontales , en France, en Allemagne, en Angleterre, etaux États-Unis, partout enfin où la mouture s’est perfectionnée. SECTION XII. — Des différentes pièces acces- soires aux moulins à blé. En donnant quelques détails sur la mou- ture à l'anglaise, nous n’avons parlé que des | D , organes principaux dont l’action confec- tionne la mouture; il eût fallu rompre le fil de cette opération, pour donner la descrip- tion de plusieurs pièces accessoires que l’art du mécanicien ou du manufacturier a intro- duites dans le travail, pour en simplifier ouen perfectionner la marche. Voici les plus im- portantes de ces pièces accessoires : 1° grue pour lever les meules (fig. 489). Soit Fig. 489. D | CHAN eee TA un montant en bois A, s’adaptant haut et 5as, ARTS AGRICOLES : DE LA MEUNERIL. LIV, IV. au moyen d’un pivot, sur le plancher et tour- nant librement sur lui-même. A son extré- mité supérieure, une traverse B avec arc- : boutant, laquelle est percée à son extrémité et recoit une forte vis D, laquelle, au moyen d’un écrou armé de 2 bras E, monte et des- cend à volonté. L’extrémité inférieure de la branche qui forme vis supporte un demi-cer- cle en fer G percé à chaque extrémité. Ce der- nier cercle embrasse la meule et se fixe sur ses parois au moyen de 2 écrous que lon passe dans les trous qui sont à l'extrémité du demi-cercle et dans les trous correspondans pratiqués dans la meule. Alors on remonte la vis; la meule s’enlève. on lui fait faire bas- cule dans le demi-cercle et on la pose, en des- cendant la vis, sur le plancher du côté qui ne travaille pas, de manière à ce que la face mou- lante soit en dessus. Dans cette position, elle est livrée au rhabilleur ; puis, par un mouve- ment semblable, on la reprend après le rha- billage; on lui fait faire une 2° fois la bascule, et on la descend sur le pointal. Ce mécanisme est le plus simple et le plus commode de tous ceux qui sont usités pour lever les meules, 20 Le conducteur (fig. 490) est une vis sans fin formée par 2 filets Fig. 490. minces et saillans, dis- posés en hélice, et mi- se en mouvement dans une auge. La marchan- dise, blé, mouture ou son, donnée à une ex- trémité de cette auge, est conduite à l’autre extrémitéot elleest re- cue, soit dans des élé- vateurs, soit dans des trémies d’engrenage ; on évite ainsi des ensa- chemens et par consé- quent de la main-d’œu- vre. On se sert aussi, pour transporter la marchandise d’un en- droit à un auire, de courroies sans fin, mi- ses en mouvement au- tour de 2 poulies dont les axes sont placés presque dans le même plan horizontal. Cette courroie sans fin est quelquefois garnie de petits râteaux qui entrainent la farine au fond de la huche qui la renferme. Alors ce mécanisme prend le nom de ramasseur. 30 Trémie pour ensacher la farine. Au-des- sous de Ja chambre à mélange sont pratiquées les trémies pour ensacher la farine. 4 Monte-sacs ( fig. 491). Soit un treuil T, autour duquel s’enroule un câble de la gros- seur voulue. A l'extrémité de ce treuil et sur le même axe est une poulie P sur laquelle est une courroie Jâche correspondant en même temps à une autre poulie de moindre diamè- tre P’. Cette dernière est mise en mouvement par les engrenages E, etc. Puis, quand on veut se servir du monte-sacs, au moyen de Ja bas- cule BB et du rouleau R qui y est adapté, on fait pression sur les courroies. La poulie du haut est aussitôt mise en mouvement avec 1e treuil. Quand le sac a atteint la hauteur vou- lue on läâche la bascule, le rouleau cesse de faire pression sur les courroies et la poulie du cHaAP. 23e. MOULINS A CYLINDRES 425 haut, et par consé- Fig. 491. 4 colliers ; quent le treuil reste paires de manchons pour ledit arbre; 4 inactif. 4 pignon d'angle, de 5 pi. de diamètre; 1 1 5° Brouette. Cet roue horizontale, de 8& pi. 4 po. idem; instrument, par le- roue d’angle, de 8 pi. de diamètre, pour nettoyage quel l'homme utilise et bluteries ; ses bras, est des plus 2 pignons de 20 pour id. ; simples et des plus 4 tire-sac complet, moins le câble et les poulies de connus; nous n’en renvoi ; parlons ici que pour Tous les boulons nécessaires ; faire voir ( fig. 492) 1 grue à lever les meules. que les roues étant; placées à l’intérieur, || il faut moins de pla | BÉFROIs EL EL 0 ce pour circuler, ce! 1 plat, formé en 2 parties ; qui est un avantage 6 colonnes en fonte; quand on a des ma-R 1 corniche d’une seule pièce; gasins bien garnis. 6 boîtes à poilettes ; 6 poilettes avec mécanisme à régler la mouture ; 6 fers de meules; 6 pignons de 24 po. ; 6 boitards complets ; 6 anilles et leurs manchons (système perfectionné) ; 6 triangles porte-meules ; 6 paires de meules de 4 pi. ; 6 archures; 6 arches; Tous les boulons nécessaires. NETTOYAGE, nm tarrare émotteur avec ventilateur ; 2 cylindres cribleurs ; 1 batteur à 6 volans, avec ventilateur; Devis d'un moulin à l'anglaise à 6 paires de |1 paire de cylindres comprimeurs; meules. Tous les élévateurs et conducteurs nécessaires ; Tous les arbres de couche, tambours, poulies, chai- Lorsqu'on a commencé à construire des ses et courroies nécessaires. moulins dits à l'anglaise, on estimait les frais du mécanisme complet, posé et prêt à fonc- BLUTERIES. tionner, à la somme de 10,000 fr. par paires de meules; c’est-à-dire qu’une usine de 6 paires | 6 bluteries, tant pour farine que pour sons et mar- de meules aurait coûté 60,000 fr., non com- chandises, avec leurs coffres, augets d'alimentation, pris les bâtimens et tout ce qui les concerne. mais sans les soies ; Depuis, la concurrence a un peu modifié ces | 1 récipient circulaire; prix et ce même mécanisme ne coûterait guère | 1 grand élévateur; que 50,000 fr. : 1 vis conductrice pour amener un râteau ; Quoique le devis suivant soit bien imparfait, | 1 râteau refroidisseur ; puisqu'il présente le prix en bloc et non pièce | 6 engreneurs; par pièce, nous le donnons cependant tel quel, Tous les arbres de couche, chaises, tambours et parce qu’il peut encore servir de guide; c’est courroies nécessaires ; du reste l’œuvre d’un de nos meilleurs et plus Tous les élévateurs et conducteurs nécessaires ; consciencieux constructeurs. Les brouettes et balances avec leurs poids ; La roue hydraulique complète 13 pi. de large, | 2 ensachoirs. 15 p. de diamètre compris ses aubes et son vannage complet. Le tout complet, posé et prêt à fonctionner 2 palliers et leur rouleaux ; pour la somme de CINQUANTE-UN MILLE CINQ 1 première roue droite, de 10 pi. 8 po. de diamètre; | CENTS FRANCS. 4 premier pignon droit, de 3 pi. 6 po. idem ; Le transport à la charge de l'acquéreur. 4 roue d'angle, 8 pi. de diamètre; Six mois pour l’exécution et la pose. 4 grande crapaudine; On garantit pendant un an. 4 arbre vertical en 4 parties ; Pouurer. CHAPITRE XXIV. — DE LA BOULANGERIE. a perfectionné la mouture, le but final c’est SECTION [r.— De l’art en général et de sa posi- | de les réduire en pain. L'art de la boulangerie tion en France. est donc comme le corollaire de l’agriculture et de la meunerie. En France surtout, où la Quand on a cultivé les céréales, quand on | masse se nourrit principalement de pain, où, 426 sur les petites comme sur les grandes tables, la qualité du pain est chose essentielle, la bou- langerie est non-seulement un art de fre néces- silé, dont l’exercice mérite encouragement et protection, mais sa connexité est telle avec la prospérité publique que l'administration du pays a voulu le réglementer et le soumettre à un régime de surveillance tout particulier. Dans la plupart de nos grandes villes, c’est l'autorité municipale qui taxe le prix du pain; c’est elle qui accorde ou qui refuse l’autorisa- tion d'ouvrir un fonds de boulangerie ; c’est elle qui, la loi de 1791 à la main, vérifie le poids du pain et juge les infractions aux ré- glemens qu’elle a faits. Nous n’examinerons pas si ce régime de soumission à été plus favorable au publie et au développement de l’art en lui-même que la libre concurrence, les opinions à cet égard peuvent êire différentes et également bien fondées ; le fait existe, la boulangerie est sous la dépendance de l’administration, et rien n’annonce, malgré les progrès que nosinstitu- tions ont faits vers les libertés de tous genres, que cet état de choses doive cesser. Néan- moins, sans chercher à enlever à l’administra- tion cette prérogative à laquelle elle tient tant et que le public aussi (il faut bien le dire, que ce soit un préjugé où non) considère généralement comme nécessaire, on est en droit de s’étonner que le gouvernement, qui attache tant d'importance à réglementer, ait jusqu'ici montré si peu de soucis pour assu- rer les progrès d’un art si essentiel. Où sont, en effet, les écoles qu’il a ouvertes? Où sont les livres spéciaux qu’il a fait publier? Où sont les savans qu’il a appelés à scruter les mystè- res de cette fermentation panaire restée en- core mal expliquée au milieu des progrès im- menses que la chimie a faits de nos jours? Où sont les signes de considération particulière pour des hommes qu’il tient sous un régime a part? Allez à Paris, dans les quartiers les plus obscurs, dans les tavernes les plus dé- goütantes, c’est là que vous trouverez le per- sounel des garçons boulangers! c’est là que vous verrez la misère et le vice unis à l’igno- rance la plus complète! Etrange insouciance des bommes qui gouvernent! Faisons des vœux pour que le pain, le plus important de tous les objets alimentaires, occupe autrement que comme objet de police l’administration qui veut le conserver sous sa main. Les sa- vans ne manquent pas au pays; qu’elle les en- courage! qu’elle les indemnise de leurs tra- vaux, qu’elle leur ouvre des amphithéâtres! et l'obscurité qui règne encore sur bien des points de l’art de la panification cessera au profit de la moralité et de la santé publi- ques. SECTION II. — Théorie de la fabrication du pain. La farine de froment contient de l’eau, de l’amidon et du gluten dans les proportions qui sont à peu près celles-ci : HDMAIECs 07650 NOEL Gluten . 10 lei CHASSER mi . . ° e ARTS AGRICOLES : DE LA BOULANGERIE. LIV, IV: Amidon en :". - Ne dE Ne Matière sucrée. 2 MAO ORNE Matière albumineuse . « . . . . 03 100 Toutes ces parties étant délayées et assimi- lées, au moyen d’une certaine addition d’eau, forment une pâte qui, soumise à une tempé- rature ordinaire, éprouve bientôt une vérita- ble fermentation dont les produits sont de l'alcool, de l'acide acétique et du gaz acide car- bonique qui tend à se dégager; c’est alors que le gluten, poussé par le gaz, s’étend comme une membrane visqueuse, soutient la pâte, établit une espèce de voûte dans l’intérieur de laquelle se forme une grande quantité de pe- tites cavités, véritable réseau qui, saisi et re- tenu dans cet état par la chaleur du four au moment de la cuisson, constitue la légèreté et la qualité digestive du pain. On voit ainsi que le gluten est l'agent méca- nique du pain, au moyen duquel la levée de la pâte s'opère, et l’on devine aisément pourquoi les céréales qui ne contiennent pas autant de gluten que le froment fournissent un pair plus mat, qui lève mal et se cuit mal, et pourquoi aussi la fécule de pommes de terre, qui ne contient pas de gluten, est si difficile à pani- fier, quoi qu’on ait tenté jusqu'ici pour activer et soutenir sa fermentation. L'action mécanique qui constitue la levée du pain est bien constatée, mais les savans ne sont pas bien fixés sur la nature de la réaction qui se développe dans la pâte par l’état d’as- sociation où se trouvent les élémens de la fa- rine. On se demande s’il est nécessaire, pour de- venir aptes à donner par la cuisson un pain savoureux et facike à digérer, que les élémens de la farine soient modifiés par la fermenta- tion, ou bien s’il suffirait, pour obtenir ce pain, de développer dans la pâte, par un moyen quelconque, les gaz dont l’action expansive fait lever le pain, et si l’altération qu’on laisse développer aujourd’hui dans la pâte n’a réel- lement d'autre but que le dégagement de ces gaz? La théorie n’a pas résolu encore ce pro- blème ; mais, tout en reconnaissant que la fermentation est aujourd’hui le seul moyen par lequel on obtient une bonne panification, on serait pourtant tenté de croire que cette fermentation n’est pas la condition obligée, et que l’action mécanique obtenue par le déve- loppement du gaz suffirait pour diviser con- venablement la pâte, la rendre légère et lui permettre d'être pénétrée uniformément par la chaleur, en un mot pour faire du bon pain (1). SecrTion III. — Des levains. Que la fermentation soit nécessaire à Ja bonne panification ou que le dégagement du gaz suffise, toujours est-il que, dans l’état ac- tuel de l’art, on se sert de levain pour faire lever la pâte. Sans levain la pâte fermente- rait, mais ne boursoufflerait pas et le pain ob- tenu serait mat, pesant et de mauvaisé qua- lité. (4) Rapport de M. Kuazmann à la Souitié des sciences et arts de Lille, 1829 et 1850. caaAp. 24°. Cet agent est de deux sortes : le levain de pâte fermentée et ja levure de bière ou ferment. Les boulangers emploient ces deux agens en- semble ou séparément, ainsi que nous le ver- rons par la suite. 6 Ier, — Des levains de pâte. La préparation et le bon emploi du levain est un des points de l’art de la boulangerie qui demande le plus de soin, le plus d’intelli- gence et le plus d'expérience. 1° De la préparation des levains. 1 Distinguons d’abord l’apprét du levain de ses préparations : Préparer un levain, c’est le confectionner selon les différentes sortes de pain qu’on doit faire, selon la température et selon l’espace de temps que l'on a devant soi. Un levain a sor apprét lorsque la fermentation est assez avancée pour produire son effet sur la pâte. Cet effet varie suivant que l’apprêt est plus où moins avancé. Les boulangers dési- gnent les différens degrés d’apprêt par les noms de levain jeune et levain vieux. Pour avoir de bon levain propre à bien faire la pâte, il faut le préparer à plusieurs fois. Les boulangers, à Paris, procèdent ainsi : 1° Levain de chef. À la 3° fournée, au plus tard, c’est-à-dire de minuit à 2 heures, selon l'ouvrage, ils meitent de côté un morceau de âte de 8 à 12 livres, suivant l’importance de a cuisson. Avec cette quantité on fait ordinai- rement de 5 à 8 fournées de 60 pains de 4 li- vres. On place ce morceau de pâte dans une petite corbeille revêtue en dedans d’une toile qui se replie sur la pâte. En hiver on le pose plus près du four afin que le froid n'arrête pas Sa fermentation, On le laisse reposer ainsi environ 6 à 7 heures et jusqu’à ce qu'il ait pris un volume à peu près double et qu’il of- fre une surface bombée et lisse ; il doit repous- ser légèrement ja main quand on le presse, of- frir encore de la ténacité et répandre une odeur spiritueuse agréable ; enfin 11 doit conserver sa forme et être plus léger que l’eau lors- qu’on le verse dans le pétrin. Tel est le Le- vain de chef; c’est la base de toutes les autres préparations de levain. 20 Levain de première. Sur les 8 heures du matin, c’est-à-dire environ 9 heures après avoir réparé le chef, on le renouvelle en préparant le levain de première. On com- mence parfaire au bout du pétrin ce qu’on appelle une fontaine; c’est une espèce de re- tranchement pratiqué à une des extrémités du ARE avec une certaine quantité de farine, aquelle est amoncelée, élevée en forme de coffre et bien foulée, afin que ce retranche- ment ne se rompe ls et relienne l’eau qu’on y verse. On verse dans cette fontaine la tota- lité de Veau qu’on veut employer, 2 bassins ( un demi-seau environ) ; on place ensuite très doucement le levain de chef au milieu; on l’arrose en jetant de l’eau dessus avec la main; puis on le délaie bien dans la masse d’eau ver- sée. Ce délayage opéré, on y ajoute à peu près la moitie de la farine nécessaire pour porter le levain au double du chef; on pétrit, puison reprend en 2 fois l’autre moitié de farine res- tante et l’on pétrit encore. Ce levain se fait PRÉPARATION DES LEVAINS. 427 très ferme et demande à être travaillé avec force et vivacité; ensuite on le roule et on le met en fontaine en tête du pétrin, en ayant soin de le couvrir d’une toile ou d’un sac. L’eau employée doit être plus ou moins chaude, se- lon la saison. 3° Levain de seconde. Vers 2 heures de l’après midi on renouvelle le levain de première en préparant le éevain de seconde. On procède à ce renouvellement absolument comme pour le levain de première, c’est-à-dire en le mettant dans une fontaine; on en double aussi le vo- lume en coulant 3 bassins 1/2 à 4 bassins d’eau. La frase et le travail que l’on doit don- ner sont les mêmes que pour le levain de pre- mière; seulement la pâte ne devra pas être tout-à-fait aussi ferme. Les bons boulaugers attachent beaucoup d'importance à la bonne préparation du levain de seconde. En général, il en est de la pâte des levains comme de celle du pain, plus elle est travaillée et plus elle acquiert de qualité. 4° Troisième levain ou levain de tout point. Les garcons boulangers, qui négligent parfois les levains de première et de seconde, don- nent plus d’attention au levain de tout point; c’est en effet celui qui sert immédiatement au pétrissage. Lorsque le levain de seconde est arrivé au degré convenable, c’est-à-dire vers 5 heures, 3 heures après sa confection, on le renouvelle en procédant à la prépara- tion du levain de tout point. On opère abso- lument comme pour le levain de seconde, en doublant la quantité d’eau et la quentité de farine, et de telle sorte qu’il fasse le tiers de la 1re fournée, en été, et la moitié en hi- ver. 2° De l’apprét des levains. Ainsi que nous l’avons déjà dit, l’apprét des levains est la conséquence de leur préparation. On ne peut guère déterminer le temps que chaque levain met à s’appréter, c’est-à-dire à atteindre un état de fermentation tel qu'il est nécessaire, ou de le renouveler ou de l’em- ployer à la composition de la pâte à cuire.Cet apprêt dépend des vicissitudes de l’atmo- sphère. Dans l’été le levain a moins besoin d’apprêt que dans l’hiver. Dans cette dernière saison on emploie plus de chef; on coule l’eau plus chaude, on travaille la pâte moins long- teunps, on la place sous des toiles sèches, en- fin on excite la fermentation, tandis que, pen- dant l’été, on la tempère par des moyens tout opposés. Il faut donc avoir soin de couler l’eau sui- vant les saisons, froide, tiède ou chaude. A Paris, le plus ordinairement, le levain dechef prend son apprêt de minuit à 8 heures du matin; le levain de première, de 8 heures du matin à 2 heures après midi; le levain de se- conde, de 2 heures à 5 heures du soir; et le levain de tout point, de 5 heures à 6 heures 1/2 ou 7 heures du soir. Le levain produit sur la pâte des effets qui varient suivant que sa fermentation est plus ou moins avancée. On désigne ce degré de fermentation par les noms de levain jeune et levain vieux. On se sert encore d’une autre expression : fort levain; mais elle se rapporte seulement à la quantité de levain qu’on in- 428 troduit dans la pâte, et non pas au degré de fermentation du levain, comme quelques au- teurs l’ont indiqué à tort. Le levain jeune est plus long-temps à im- primer à la pâte le degré de fermentation convenable. Lorsque la direction de l’ouvrage le permet, l’emploi du levain jeune est favo- rable à la blancheur et à la qualité du pain. Le levain vieux est celui qui a passé son ap- pret, c’es-à-dire dont la fermentation est trop avancée. Il faut éviter de l’employer dans cet état ; il gâterait tout l’ouvrage. Nous indique- rons plus loin le moyen de le raccommoder, chose du reste assez difficile. Le moyen d’avoir de bon pain, ce serait d’em- ployer de forts levains jeunes; mais les gar- çons boulangers se ere bien, quand ils le peuvent, d'en agir ainsi, parce que ce serait pour eux un surcroît de besogne. 6 II. — De la levure. Quelques boulangers emploient la levure de bière comme auxiliaire à la fermentation, dans ce cas, ils ajoutent au levain de tout point une livre environ de levure; (à Paris la levure ne s'emploie que sèche) puis, à chaque fournée, on en introduit de la même manière environ une demi-livre. Au surplus, les diverses méthodes d’em- ployer la levure dépendent beaucoup de la quantité de fournées que fait le boulanger, et de l'heure a laquelle il doit commencer à pé- trir. Ceux qui ne cuisent, à Paris, que 5 à 6 fournées ne se servent pas généralement de levure. Nous devons dire, d’ailleurs, que lu- sage de la levure est aujourd’hui presque entièrement abandonné à Paris, parce que la qualité en a été très souvent falsifiée, et qu'alors elle ne produisait plus l’effet sur lequel on devait compter. C’est précisément dans l’hiver que l’emploi de la levure serait le plus utile ,et c’est à cette époque que les bras- seurs en font le moins , et que, pour en four- pir en quantité suffisante, ils y introduisent différentes substances , telle que la fécule de pomme de terre, par exemple, qui en neu- tralisent plus ou moins les effets. Quelques boulangers ont aussi un genre de travail qu'on appelle travail sur levure , voici en quoi il consiste : A la dernière fournée, on garde un morceau de pâte de 10 à 15 livres, suivant l’importance de la cuisson. Vers une heure, c’est-à-dire à l'heure où les autres boulangers font les seconds levains, ceux qui travaillent sur levure font leur premier le- vain ; ils versent la quantité d’eau et de farine nécessaires pour le rendre deux fois plus fort que le chef. Ils y ajoutent une quantité pro- portionnelle de levure, pour achever la fer- mentation, de manière que, 2 heures après, on puisse procéder au levain de tout point, qui est le double du précédent, et auquel on ajoute la quantité de levure nécessaire pour pouvoir commencer à pétrir une heure après; à chaque fournée ensuite, on ajoute une nouvelle quantité de levure proportion- née, Cette methode de fabrication a pour résul- tat de donner du pain plus léger, un peu plus blanc, plus bouffant; mais le pain a besoin d’être mangé tendre. Il ne conserve pas sa ARTS AGRICOLES : DE LA BOULANGERIE. LIV. IV. saveur le lendemain, et, sous ce rapport, il ne convient pas dans les quartiers habités par les ouvriers, ou par des consommateurs qui par économie ne mangent que du pain de la veille. On cite, d’ailleurs , fort peu de boulangers à Paris qui travaillent de cette manière. SECTION IV — Du pétrissage. Lorsque le levain de tout point est prêt, on procède au pétrissage. Cette opération peut se diviser en quatre temps, qu’en termes de boulangerie l’on désigne sous les noms de : 1° délayer ; 2° fraser ; 3° contre-fraser; 4° dé- couper et battre. $ Ier — Délayure. Cette opération doit se faire promptement ; voici comme on y procède : Le levain étant en fontaine, on verse dessus toute l’eau destinée à la fabrication de la pâte; alors, avec les deux mains ouvertes, on presse la masse jusqu’à ce qu’elle soit bien divisée et bien dissoute. Il faut avoir soin que cette dis- solution soit bien égale , et qu’il ne reste au- cuns grumeaux. 6 II. — Frase. Qand le levain est ainsi bien délayé, on fire dans cette délayure la moitié environ de la quantité de farine qui doit composer la pétris- sée. On laméleavec promptitude etsans retirer les mains du mélange, et cela jusqu’à ce que ioute cette farine soit absorbée, bien séchée, bien mangée comme disent les boulangers. Ensuite on tire encore les deux tiers de la farine restante, que l’on a soin de travailler comme les premières fois de manière à la bien serrer; puis on tire enfin le tiers restant pour finir la pâte et la rendre bien égale. C’est de la frase bien faite que dépend le bon pétrissage. $ III. — Contre-frase. Lorsque la pâte a recu assez de farine et que la frase est bien desséchée, on ratisse exactement le pétrin pour réunir toutes les pâtes et en former une seule masse, puis on contre-frase; cette opération consiste à relever la pâte de droite à gauche, à la tête du pé- trin, en la retournant en gros pâlons. Ensuite, on découpe la pâte en dessous et en dessus et on lui donne le tour en la jetant par pâions à l’extremité droite du pétrin, puis on la reprend de même pour la reporter à gauche. Le boulanger curieux de son ouvrage donne un troisième tour et bat sa pâte ; c’est fourrer les deux mains dans la pâte, l’'empoi- gner, la soulever, la plier sur elle-même, puis la tirer et la laisser tomber avec effort. On jette les parties de la pâte battue sur celles qui le sont déjà, cette opération est favora- ble au développement de la pâte, en y facili- tant l'introduction de l'air. Quand cette opération est terminée, on ratisse encore exactement son pétrin, puis on retire la moitié de toute la pâte, et on la met CHAP. 24e. dans une corbeille pour servir de levain à la fournée suivante. On sépare ensuite le pétrin, au moyen d’une planche, en 2 compartimens que lon nomme fontaines. La 1", en tête du pétrin, à la gauche du pétrisseur, dans laquelle on place la partie de pâte qu’on a retirée pour servir de levain, et la 2°, au quart du pétrin, à droite du pétrisseur, où l’on place la partie de pâte destinée à la fournée, pour de là être pesée et tournée. 6 IV. — Bassinage. L'opération du bassinage a pour but de faire absorber à la pâte une plus grande quantité d’eau. Quelquefois on l’emploie pour arrêter la fermentation; elle a la propriété de décharger le levain et de rafraîchir la pâte. Pour procéder au bassinage, on jette de l’eau sur la pâte, en ayant soin de la découper en dessus, puis on lui donne plusieurs tours. Le bassinage est une excellente opération dont les garçons boulangers sont fort avares, parce qu’elle augmente leur peine. Les pé- trins mécaniques doivent en faire adopter l'usage en la rendant moins pénible. $ V. — Du sel. A Paris, la boulangerie emploie du sel dans le pétrissage, moins pour donner du goût à la pâte, que pour lui donner ce qu’on appelle du soutien. Le sel a aussi la propriété de retarder la fermentation. Les boulangers ont remarqué que, plus on faisait les pâtes douces, plus l'emploi du sel était nécessaire; avec des pâtes fermes, on pourrait à la rigueur s’en passer. Le mieux, pour employer le sel, serait de le faire dissoudre dans l’eau destinée à être coulée sur le levain, mais les garçons bou- langers n’ont pas cette précaution, et le jet- tent par poignée sur le levain avant de couler l’eau ; il est juste de dire que le sel, à la gros- seur ordinaire, a le temps suffisant de fondre pendant l’action du délayage des levains. La quantité de sel employé par les boulan- gers de Paris est d’à peu près une livre par sac de farine de 159 kil. En Provence, en Languedoc et dans pres- que tout le midi de la France, ainsi qu'en Éspagne et en Italie , on en emploie des doses bien plus fortes. En Angleterre, on met par sac de farine du poids de 125 kil. jusqu’à 2 kil. = sel, et quelquefois moitié sel et moitié alun. Le boulanger doit avoir soin aussi de s’as- me si le sel qu’on lui fournit n’est pas fal- sifié. Nous reviendrons, dans un chapitre spécial, sur les différentes substances qu’onacherché à introduire dans le pain, et sur les effets qu’elles ont produits. SECTION V. — Des diverses sortes de pâte, de beur pesée et de leurs façons. 6 Ier. — Pâtes diverses. La boulangerie de Paris distingue trois sors. DES DIVERSES SORTES DE PATE. 4239 tes de pâtes :— Pâte ferme.— Pâte bâtarde.— Pâte douce. Pour la pâte ferme, on coule la même quan- tité d’eau que pour les autres sortes, mais il y entre proportionnellement plus de farine. Le boulanger qui emploie ce genre de pâte prétend avec raison qu’elle fait moins de dé- chet au four, que le pain a plus de saveur, plus de vertu nutritive, et qu'il se conserve mieux rassis. Dans les pâtes douces, au contraire , il entre moins de farine; aussi a-t-on le soin de les travailler davantage, ce qui est un inconvé- nient pour les garcons boulangers qui évitent, en général, les occasions de se donner de la peine. Il est vrai de dire que la pâte douce exige moins de temps pour cuire que la pâte ferme, mais aussi elle demande plus de soins et de surveillance de la part du boulanger ; cer, si elle n’est pas prise dans son apprêt, elle éprouve au four une évaporation qui ne pérnes plus au boulanger de retrouver son poids. La pâte batarde ainsique l'indique son nom, tient le milieu entre les deux premières. C’est le genre de pâte le plus employé à Paris, et qui convient le mieux à la confection des di- verses formes de pains qui y sont en usage. 6 II. — De la pesée de la pâle. Lorsque la pâte est pétrie et mise en fon- taine, on procède à sa division en morceaux plus ou moins gros, suivant la grosseur des pains qu’on veut fabriquer. Cette opé- ration doit être soumise à des règles fixes et telles qu'après la cuisson qui détermine, par l’évaporation d’une partie de l’eau que la pâte contient, une déperdition au four, le pain conserve le poids fixé par les régle- mens. : Cette {are varie néanmoins selon la fermeté des pâtes. Ainsi, avec des pâtes fermes, 25 décagrammes (8 onces) de tare sont néces- saires pour des pains de 2 kilog.; tandis que pour des pains de même poids, mais de pâte douce, on est obligé quelquefois de mettre un excédant de poids de 31 à 34 décagr. (10 à 11 onces). Les pâtes bâtardes les plus ordinaires à Paris exigent de 28 à 30 décagr. (9 onces à 9 onces 1/2) pour les pains dits courts, forme la plus généralement adoptée à Paris, lesquels ont environ 16 po. de longueur. La forme du pain influe beaucoup sur sa dé- perdition au four. En général, plus les pains sont en croûte plus ils perdent de leur poids; plus le volume du pain est petit, plus aussi l’évaporation est grande. Les boulangers appellent petit poids la tare mise dans la balance au moment du pesage de la pâte. , l Il serait trop long de détailler ici les cir- constances qui influent plus ou moins sur l’é- vaporation de la pâte; voici à peu près les proportions généralement adoptées : Pour des pains ronds de 6 kilogr., 61 dé- cagr. (1 livre 1/4). Pour ceux de4 kilogr., 49 décagr. ( 1 livre). Pour ceux de 3 kilogr., 43 décagr. ( 14 on- ces ). Pour ceux de 2 kilogr,, 28 décagr, (9 onces). 430 Pour ceux de 1 kilogr., 18 à 19 décagr. (6 onces). 6 III. — De la façon de la pâte ou de la tourne des pains. Dès que le peseur quitte la pâte, il la jette au façonneur qui, de suite, la soulève d’une main et la foule de l’autre; il l’étend, la re- presse sur elle-même, l’assemble, la tourne en rond, pour iui donner la forme qu'il désire, puis la saupoudre légèrement de farine pour qu’elle ne s’attache ni au pétrin niaux mains. Quand on fait plusieurs espèces de pains dans la même fournée, on tourne toujours les plus gros pains les derniers. Tourner le pain est une opération facile pour les pains ronds, mais elle exige du sa- voir-faire pour les pains fendus ou à grigne. Chaque ouvrier prétend avoir une manière à lui pour faire fendre le pain à grigne. A Pa- ris, les grignes manquent peu, parce qu’en gé- néral on travaille sur levains jeunes et sur des farines de bonne qualité ; mais dans beau- coup de localités, où l’ouvrage est moins fort, moins bien suivi et les levains plus négligés, la grigne est presque toujours nulle. Le pain alors est ce qu’on appelle grincheux. Voici la forme des pains les plus ordinaires à Paris: Pains fendus (fig. 493). Ces pains se dis- Fig. 493. / 7 SSKKÇRSR L'NNNK ARR TLITTIT DLL LL LL LIL SZ RL TT Tr Fig. 494. tinguent en pains courts et demi-longs; ils se tournent de la même manière. « Pour les mou- « ler, dit le Guide du Boulanger,onrelèveles ex- « trémités de la pâte deux fois en serrant ces extrémités ensemble et par-dessus; puis on retourne sens dessus-dessous, de manière que la moulure se trouve dessous et la par- tie la plus lisse dessus. On commence à fendre avec le talon de la main; on appuie fortement le bras dessus; on prend le der- rière du pain à deux mains en le tirant à soi, de manière que la moulure se retrouve des- « sus et la fente dessous; on l’empoigne par les deux bouts pour l’enlever et la poser « dans le panneton, de manière qu’en le je- tant sur !la pelle pour mettre au four la grigne se trouve en dessus (fig. 494). « Pain sans grigne où à grignon. Il se tourne « comme le pain à grigne, avec la différence seulement que la fente se met sur le côté. « Pain rondins. Ce pain est le plus souvent « demi-long; il n’est pas fencu. « Pain rond (fig. 495, 496 et497). On empoi- « gne à deux mains le morceau de pâte destiné « a former un pain rond ; on le saupoudre de « farine ; on appose la main droite dessus ; on « 1) A TEE DR Se ne GS ARTS AGRICOLES : DE LA BOULANGERIE. Fig. 495. LIV, IV: Fig. 497. Fig. 496. relève de la main gauche les parties exté- rieures, toujours en les retirant et les ser- rant de lamain droite. Après, onle jette dans le panneton, lamoulure en dessous. Dans ce « cas on ne peut pas, lors de l’enfournement, « le renverser sur la pelle, il faut le faire sau- « ter en mettant la moulure en dessus; on « verse alors sur la pelle. Cette manière est « plus facile. 6 IV. — De la pâte en pannetons. La pâte, pesée et tournée, se met dans des pannetons;. c’est là qu’elle fermente et prend son apprêt avant d’être mise au four. On ne peut guère déterminer le temps qu’il faut pour l’apprêt de la pâte ; c’est la saison, le volume et l’espèce de pain, la température du fournil et les entraves qu’on oppose ou les facilités qu’on apporte à la fermentation qui doivent servir de règle. SECTION VI. — Du four. Forme du four. La grandeur des fours varie mais la forme est assez constante; elle res semble ordinairement à une poire, à un œuf, fig-498 ; l'expérience jusqu’à présent à prouvé que cette forme était la plus avantageuse et la plus économi- trer , conserver et communiquer de toutes parts la cha- leur nécessaire. C’est |: un hémisphère creux aplati, dans lequel on distingue plu- sieurs parties: l’âtre, la voûte , le dôme ou la chapelle, la bouche ou entrée, l’autel, les ouras, enfin le dessus et le dessous du four ELLES | ) | cap. 24°, Dimensions. La grandeur du four est relative à la quantité de pain qu'on veut fabriquer. A Paris, la plus grande dimension des fours est de 3 mèt. 1/2 (10 à 11 pi.), la plus petite de 3 mèt. (9 pi.) de largeur sur 33 à 50 centi- mèt. (1 plat pi. 12) de hauteur. Le four de ménage a ordinairement 2 mèt. (6 pi.) de largeur sur 42 centimèt. (16 po.) de hau- teur. Atre. L’âtre ou plancher du four doit être de niveau sur la largeur, mais sur une pro- fondeur de 11 pi. on doit le tenir élevé d’un pouce et demi de plus dansle fond qu’à la bou- che. On se sert pour le dallage de l’âtre de carreaux de 8 po. de large et de 4 po. d’épais- seur; ceux du sieur Jomeau, rue Bourtibourg n° 24, à Paris, sont ceux qu’on emploie de préférence. Chapelle. La chapelle ou voûte doit être la plus basse possible; pluselle est près de l’âtre, plus le four est tendre à chauffer. Quelques constructeurs ne mettent que de 11 à 12 po. de distance entre l’âtre et la chapelle. Elle doit dans tous les cas suivre très exactement la pente de l’âtre et se trouver partout à égale distance. Pour la construction de la chapelle on emploie une brique faite exprès qu’on ap- elle planchette, et qui est environ de la même ongueur et de la moitié d'épaisseur d’une bri- que ordinaire. Les meilleures sont celles de Bourgogne. Ouras. Pour aider à la combustion du bois, on ménage à peu près aux deuxtiers de la pro- fondeur du four, et à 18 po. de chaque paroi latérale, 2 conduits nommés ouras, qui pas- sent sur la voûte même du four et viennent aboutir dans la cheminée au-dessus et de cha- pis côté de la bouche. Aujourd'hui on place ns le four 3 ouras savoir : 2 à l'extrémité du four sur les côtés, et le 3° au centre de la cha- pelle, à 4 pi. environ de la bouche. Le but de celte innovation est de rendre encore plus fa- cile la combustion. Eneffet, quand le bois est allumé, on ferme une trappe ou registre qui bouche herméti- quement la cheminée au-dessous des ouras. Par ce moyen, la flamme et la fumée sortent par les ouras, et le tirage est tellement fort que la flamme du bois placé sur la bouche même du four est attirée Jusque dans le fond ar l’effet des ouras. Il résulte de cette com- inaison un autre avantage, c’est que le four ne eat plus tirer la langue et par conséquent la flamme se détacher et mettre le feu à la suie de la cheminée comme cela arrivait assez fréquemment. Bouche ou entrée. La largeur de la bouche est proportionnée à la grandeur du four; celle des fours ordinaires de Paris a 27 po. environ. Il est très essentiel que cette entrée soit gar- nie d’un bouchoir qui ferme très hermétique- ment. Ce bouchoir est une forte plaque de fonte bien ajustée dans une feuillure qu'on tient aussi longue que possible pour que la chaleur s’échappe moins. Une mauvaise fer- meture laisserait échapper la vapeur que pro- duit la cuisson, vapeur qu’on appelle buée et qui, lorsqu'elle est concentrée, retombe sur le pain, lui conserve son poids et lui donne la couleur et le goût de noisette qui le rend si agréable. Si cette buée sortait du four, il y CHAUFFAGE DU FOUR. 431 aurait diminution daus le poids et dans la qualité du pain, Autel. C’est la tablette sur laquelle pose le bouchoir lorsque le four est ouvert. Cette ta- blette est faite en pierre de taille; elle a envi- ron 9 po. de longueur. Dessus du four. C’est pour la plupart du temps une place perdue pour le boulanger, qui pourrait l'utiliser pour le chauffage de l’eau ou pour sécher le bois; mais toutes les localités ne permettent pas d’en tirer ce parti. Dessous du four. On ménageait ordinaire- ment dessous le four une voûte qui servait à mettre le bois pour le faire sécher ; mais quel- que épaisseur que l’on donnût à cette voûte, il en résultait toujours une grande déperdi- tion de chaleur. Maintenant les boulangers, quand la localité le permet, suppriment cette excavation ; le dessous de leur four est entiè- rement plein. Chaudière. On la place ordinairement dans le massif du four, et l’on obtient ainsi, sans frais, de l’eau constamment chaude. Elle est placée à une hauteur convenable pour qu’au moyen d’un robinet on puisse la verser dans les seaux et la porter au pétrin. Détail de la figure. À, plan du four ; B, Bou- che; C, autel; D, conduit pour introduire les cendres chaudes sous la chaudière ;:E, chau- dière; F, cheminée de la chaudière corres- pondant dans la cheminée du four; G, porte pour faire du feu sous la chaudière. Secrion VII.— Du chauffage du four. A Paris on met le feu au four quand on commence à tourner la 1r° fournée. Toutes les matières combustibles peuvent servir à chauffer le four, pourvu qu’elles don- nent une flamme claire et vive pour échaufter la chapelle et qu’elles fassent aussi de la braise pour échauffer l’âtre. Le bois est le combustible que jusqu'ici on a préféré; 1l ne faut pas qu’il soit trop vert ni trop sec; il faut choisir celui qui flambe aisé- ment et long-temps, et qui n’est pas sujet à noircir. De tous les bois c’est celui de hêtre qui est le meilleur; mais il est généralement cher et les boulangers de Paris achètent de préférence du bois de bouleau ou des bois de sapin provenant de la démolition des bateaux ; mais l'usage de ce bois de bateaux n’est pas très répandu ; on lui reproche de dégrader les fours, parce que, ordinairement, ces bois sont garnis de chevilles et de clous; la braise qui en provient est aussi moins bonne que celle du bouleau. Il est essentiel de ne point employer de bois peints pour le chauffage du four, ils pour- raient communiquer à la pâte leurs proprié- tés malfaisantes. Il ne suffit pas pour chauffer un four d’ jeter du bois et de l'y laisser consumer; il faut que ce bois soit arrangé de manière à répandre la chaleur également dans toutes les parties du four. On distingue dans le four la chapelle, le fond, la bouche et les2 côtés qu’on nommeles quar- tiers. Il faut que toutes ces parties soient éga- lement chauffées. 432 « Puur commencer le chauffage, dit le Ma- « nuel du Boulanger,on choisit une büche tor- « tueuse et on la place au fond du four ; on la « prend tortueuse parce que, devant servir « d'appui aux autres, il ne faut pas qu’elle « porte de toutes ses parties sur l’âtre, autre- « ment la flamme ne pourrait circuler tout « autour. Sur cette 1 bûche on en place 2 « autres que l’on croise par les bouts, et sur « le milieu de ces dernières, on en met 2 au- «tres disposées de manière que leurs extré- « imités aboutissent dans les 2 côtés du four. « Le bois ainsi arrangé se nomme la charge; «on y met le feu avec un tison enflammé « qu'on place à l’endroit qui occupe le fond « du four vis-à-vis de la bouche. Quand une « partie du bois qui sert de soutien est con- « verti en braise on tire cette braise avec le «rouabe, de manière à la placer eu tas sur « les rives du four. Ainsi amoncelée cette « braise se conserve; autrement elle se consu- « merait. « Pour chauffer les autres parties du four, « on fait une seconde charge, qu’on appelle « charge à bouche, à la distance d'environ un « tiers de sa profondeur, et on forme le foyer « en plaçant une bûche en travers et 6 à 7 au- «tres bûüches fendues en long , par-dessus. « Quand cette charge est aux deux tiers brû- « lée, avec le petit rouable on l’approche de “ la bouche afin de chauffer cette partie du « four, qui est toujours celle où 1l se fait le « plus de déperdition de chaleur. « Pour les autres fournées on opère de la « même manière; seulement on emploie du « bois plus menu et en moindre quantité. « On juge ordinairement qu'un four est « chaud quand la chapelle est blanchâtre. « Comme ce signe n’est pas toujours certain, « nous ne le donnerons pas pour règle posi- u tive, et nous renverrons encore aux condi- « tions de localité, à la position du four, à la « quantité et à l'espèce de pâte, à sa forme et « à son volume, et surtout à l'expérience. « Dans tous les cas, il vaut mieux que le « four attende après la pâte que la pâte après « le four, parce qu'on peut avec quelques « morceaux de bois seulement entretenir la « chaleur du four, et qu'il y a de grands in- « convéniens à suspendre ou arrêter lapprèt « de la pâte. » Le Guide du Boulanger, par VaurY, pré- sente le tableau suivant de la règle du chauf- fage, ire fouruée. | 1e fournée. Casser le bois de la gros- Jeur de 4 pouces de tour; 4 mor- ceaux cha-| id. id, que tas; 7 tas tout au- tourdu four; 3 tas à bou- chure. | ire charge du four et au- | tour19 cote rets. Le bois brûlé on ui- re la braise, Charge de bouche à : pieds du bouchoir, 3 coteret | Coterets de bouleau de 19 po. de tour sur 2 pi. de long. La consommation du bois n’est pas une charge tout entière pour le boulanger, qui ) reure une grande partie de la valeur de ce ‘bout du doigt, il doit bien résonner. ARTS AGRICOLES : DE LA BOULANGERIE. TIV. 1V. bois par la vente de la braise. On estime que pour une cuisson ou 6 fournées on consomme 10/30: de voie de bois qui, calculée à raison de 29 fr. 50 c. rendue dans le magasin du bou- langer, donne pour la consommation de 5 fournées MERE: "+ Je de VO ÉTÉNRNRE Une voie de bois brûlé produit 34 boisseaux de braise qui sevend, taux moyen, 40 c. le boisseau, soit pour 10/3007 SERRE 4 Différence par Jour Me, 15 53 30 Soit, par an, 1934 fr. 50 c., somme à la- quelle s’élèverait la dépense réelle du bois, pour un boulanger cuisant à Paris 6 fournées de pain par jour. C’est à tort qu'on a prétendu que le bou- langer payait entièrement son bois avec le roduit de la braise. Dans les quartiers où le oisseau de braise se vend plus cher que 40c., les loyers sont aussi plus considérables; ilse- rait injuste de calculer autrement que nous ne l'avons fait. SECTION VIII. — De l’enfournement et du temps que ie pain doit rester au four. Lorsque le four est chauffé au degré voulu, que la braise est tirée hors du four, le gein- dre l’écouvillonne et commence l’enfourne- ment du pain. A cet effet, on a placé sur un des côtés le porte-allume afin d'éclairer le four. L'ouvrage doit être combiné de manière que le four se trouve chaud au moment où le pain a pris assez d’apprêt pour être en- fourné. L’enfournement doit s’opérer d’abord par les plus gros pains et ensuite par les plus pe- tits. On place les pains en rangées droites du fond à la bouche, en ayant soin qu'iis se touchent légèrement afin qu'ils ne perdent pas leur forme; puis on continue l’enfourne- ment par équerre. On arrive ainsi à la place où a été posé le porte-allume, que l’on reporte d’un autre côté et qu’on enlève ensuite lors- que les pains arrivent à la bouche. Alors on ferme le four; mais on a soin de l’ouvrir 20 minutes après pour s'assurer comment va la cuisson et si le pain prend de la couleur. Dès que le pain est mis au four la pâte se gonfle, le gaz se dégage, l’air qu’elle contient se dilate et c’est ainsi que se forment dans l'intérieur du pain les cavités qui indiquent que la pâte a été bien travaillée. C’est à la couleur que la croûte acquiert que l’on juge du temps qu’il faut que le pain reste au four. Ce temps ne peut être fixé d’une manière ab- solue, il dépend de la grosseur des pains et de la nature de la pâte; mais en général on es- time que les pains de 2 kilog. doivent rester au four 35 minutes, et ceux de 4 kilogr. de 50 à 60 minutes. PARMENTIER fixe ainsi quelques signes aux- quels on reconnaît la cuisson. Ë 1° En ouvrant le four on en voit sortir une vapeur humide qui se dissipe progressive- ment. 20 La surface du pain doit avoir contracté une couleur jaune brunâtre. 3° En frappant le dessous du pain avec le cHAP. 24°. INSTRUMENS DE Ces signes caractéristiques annoncent qu'il est temps de défourner le pain. Section IX. — Du défournement. On commence toujours par tirer du four le pain le plus cuit ; comme on a soin de placer au fond les pains les plus gros et à la bouche les plus petits, ceux-ci, exigeant pour cuire moins de temps que les autres, se retirent tout naturellement les premiers ; mais lors- que la fournée est composée de pain d'égale grosseur, on les tire du four dans le même ordre qu’on les y a introduits, en commen- çant par ie côté par lequel on a commencé à enfourner. Pour cette opération on déplace d’rhord plusieurs pains de la bouche que l'os met au fond, ou à la rive droite, afin d’avoir un passage facile pour arriver aux pains qui occupent le 1-7 quartier où l’on a com- mencé l’enfournement; quand il y en a as- sez de retirés, on avance le porte-allume pour éclairer cette partie du four et pour y placer les pains posés d’abord à la bouche. Cette opération dure ordinairement 10 à 15 minutes pour un four de 10 à 11 pieds de surface intérieure, selon l’habileté du briga- dier. A mesure qu'on tire les pains du four, on les place dans des paniers avec ménagement les uns contre les autres; si on n'avait pas cette précaution, les pains tendres et chauds se déformeraient. Il faut aussi éviter de retirer du pain du four sans être assuré de sacuisson; car, remis au four, il perd sa couleur vive, sa croûte se ride et n’est plus légère; il est donc essentiel de ne défourner qu’a propos. SECTION X. — Des différens instrumens de la boulangerie. ALLUME ET PORTE-ALLUME. On donne le nom d’allume a de petits morceaux de bois bien sec et fendu longitudinalement, que l’on al- lume pour éclairer le four pendant qu’on défourne les pains. Le porte-allume est une espèce de caisse de tôle de 1 pied de long sur 6 pouces de large et 3 de hauteur; à la surface sont plusieurs traverses sur lesquelles pose Vallume qui, à l'instant qu’elle se consume, dépose sa braise et sa cendre dans la boite iuférieure. Le porte-allume se dirige avec la pelle dans tous les endroits du four qui doivent être éclairés. Bassin. Vase de fer-hlanc ou de bois, de forme ronde, garni d’une anse de fer; il sert a mesurer l’eau; sa capacité est d'environ 10 pouces de diamètre sur 8 de hauteur. Il con- tient 14 de seau , ou 4 litres. CuauDiÈre. La chaudière est destinée à chauffer l’eau pour pétrir; sa grandeur est relative à la quantité de pâte qu'on emploie. On la construit ordinairement dans une des parois du four. Ces chaudières doivent être en cuivre étamé, plus larges que profondes , et garnies d’un robinet $ l'extrémité infé- rieure. L'autorité exige qu’elles soient toujours te- nues dans un état complet de propreté, et AGRICULTURE, BOULANGERIE. 433 qu’elles soient à cet effet fermées d’un cou- vercle en cuivre étamé. Pérrin. Le pétrin ou huche doit être fait de bois dur, et le moins poreux possible. M. PArMENTIER veut que sa forme soit de- mi-cylindrique, mais nous n’en connaissons pas à Paris qui soient construits ainsi. La for- me à peu près générale est celle d’une auge plus étroite à sa partie inférieure qu’à son ou- verture; sa longueur est ordinairement de 12 pi. sur 2 pi. à 2 pi. 1/2 de largeur dans le haut, et de 18 à 20 po. dans le fond. Les bouts se distinguent dans la pratique en téfe et queue. La tête est à gauche du pé- trisseur, la queue à main droite. Le pétrin est garni de 2 planches qui se po- sent transversalement de bas en haut et qui servent de cloisons mobiles; l’une est pour tenir en tèle les levains en fontaine; l’autre les pâtes en queue avant et pendant la pe- sée. Nous parlerons plus loin des pétrins mé- caniques. Coupe-Pare. Plaque de fer poli, munie d’une douille en bois et destinée tant à enle- ver la pâte qui adhère aux parois du pétrin ainsi qu'aux mains, qu'à découper la pâte et à la diviser par parties lorsqu'on la tourne. Corexrunes(. fig. 499 et 500). Elles servent à Fig. 499. Fig. 500. porter la farine au pétrin et à mettre les le- vains; elles sont garnies d’une toile à l’inte- rieur. Coucxe. La couche est une armoire garnie de 5 à 6 tiroirs placés les uns au-dessus des autres, Lorsque la pâte est tournée on la place dans ces tiroirs, en commençant par ceux du bas, sur des toiles plus ou moins longues et plus où moins larges que l’on nomme aussi couches. Dans cette espèce d’armoire la pâte con- serve mieux sa chaleur en hiver; ce moyen fait aussi gagner un peu de place dans les fournils qui sont souvent de trop petite di- mension. L'usage des couches est aujourd’hui Presque totalement abandonné à Paris. Ecouvizzon. Longue perche à- l'extrémité de laquelle sont adaptés des morceaux de grosse toile qu'on mouille dans un baquet rempli d’eau et avec lesquels on nettoie le four et principalement l’âtre dès qu’on en a enlevé les cendres. Erourrorr. Grand cylindre vertical en tôle, de 3 à 4 pi. de hauteur sur 2 à 2 1/2 de dia- mètre, hermétiquement fermé par un cou- vercle de mème métal, et muni de 2 anses pour le rendre plus facile à transporter. C’est dans ce cylindre que l’on dépose la braise pour l’éteindre. TOME III. — 55 434 ForrGon ( fig. 501 et 502 ). Longue perche terminée à la plus grosse extrémité par une tige de fer aplatie, longue et étroite, servant à remuer le bois en combustion et à le pousser vers les parties diverses du four. Grarroir. Instrument en fer propre à ra- tisser les angles du pétrin. Fig. 501. Fig. 502. PANNETONS. Petites corbeilles en osier, de grandeurs et de formes diverses, garnies in- térieurement de toiles dans lesquelles on dé- pose la pâte lorsqu'elle est pesée et tournée, et où on la laisse fermenter et s’apprêter jusqu'au moment de l’enfournement. PELLES( fig. 503, 504 et 505). Les pelles sont Fig. 504. Fig. 508. de bois et de fer; leur largeur et leur lon- gueur varient suivant le volume et la forme des pains et suivant les endroits du four où il s'agit de les placer. Il faut que les pelles soient solides, légères et flexibles. Le PeLLeron doit être dans une proportion égale avec le manche et relative à la gran- deur du pain qu’on enfourne. Les PELLES A BRAISE sont en fer; elles ser- vent à tirer la braise du four et à la vider dans l’étouffoir. Rouages. C’est un grand crochet en fer atiaché à un long manche; il sert à ramasser la braise et à la tirer du fond à l'entrée du four. On a de grands et petits rouabes; leur usage est absolument le même; ils ne diffè- reut que par la longueur du manche. Fig. 505. SECTION XI. — Des pains de luxe. On appelle en boulangerie pains deluxe ceux qui ne sont pas soumis à la taxe, ni pour le poids ni pour le prix. Ces pains diffèrent en- tre eux, soit par la forme, soit par la manière d’en travailler la pâte. Cette dernière distinc- tion est la seule à laqueile nous devions atta- cher quelque importance. $ Ier, — Pains de gruau. On désigne sous le nom générique de pains de gruau lous ceux qui sont confectionnés avec les farines dites de gruaux sassés, et qui par conséquent ont une blancheur bien plus grande que les pains de farine ordinaire. Ces pains garnissent aujourd’hui toutes les bon- ues tables et tous les restaurans de Paris. ARTS AGRICOLES : DE LA BOULANGERIE. | | | | Î LIV. 1V. Les boulangers les travaillent de 2 maniè- res, suivant la quantité qu’ils débitent. Celui qui n’en a qu’un faible débit est obli- gé de les faire sur levain artificiel, lequel se prépare ainsi: Vers les 3 à 4 heures du matin, assez généralement, au moment où la 4° four- née est finie de pétrir, on délaie dans 1 litre d’eau 1/4 de livre de levure. Quand ce dé- layage est opéré, on y introduit 3 ou 4 livres de farine de gruau sassé, puis on pétrit le tout. On y ajouie aussitôt le même poids en pâte prise sur la fournée qu’on vient de pé- trir; on laisse reposer ce 1er levain environ 1 heure. Au bout de ce temps, on coule 3 ou 4 litres d’eau auxquels on ajoute 1 once desel environ et 12 à 15 livres de farine de gruau, et l’on pétrit le tout de manière à faire une bonne pâte bâtarde. La quantité d’eau, de le- vure et de bière que nous venons d’indiquer n’est là que comme proportion, qu’il faudrait augmenter où diminuer selon le débit. Dans les maisons où la consommation est assez importante, on opère à peu près comme pour le pain ordinaire. On a un levain exprès, qu'on rafraichit 2 fois seulement. Les pro- portions de ce levain sont environ les mêmes que pour la panification ordinaire. Ce mode e travail est toujours plus sûr que celui sur levain artificiel. Dans ce dernier cas, il arrive fréquemment, à moins des ‘soins qu'il est presque impossible d'exiger des ouvriers, que la température agit sur le levain, pousse trop à son apprêt, et que la qualité et la saveur du pain en sont altérées. & II. — Pains à café. Tous les boulangers de Paris foni des pains à café en plus ou moins grande quantité. Ce pain se pétrit de 2 manières, sur levain artifi- ciel ou sur bassinage. Dans le 1+* cas, on opère comme nous l’avons détaillé pour le pain de gruau ; dans le 2-on agit comme il suit: A la 4e ou à la 5° fournée, au moment où la pétrissée est terminée et qu'elle est en fon- taine, on prend dans le pétrin la quantité de pâte nécessaire pour faire le nombre de pams dont on a besoin. On fait un trou au milieu de cette pâte; on verse de l’eau plus on moins tiède, suivant la saison, et en quantité suffi- sante pour réduire le tout à l’état de pâte mol- lette; on délaie dans cette eau la levure, aussi en quantité suffisante ; puis on découpe la pâte pendant 5 ou 6 minutes; ensuite on la bat bien, on la souffle en enfonçant les mains dessous, en l’élevant et la laissant retomber avec force sans quitter les mains et de ma- nière à permettre à l’air de s’introduire, de sécher la pâte et de la rendre plus légère. Ces sortes de pâtes s'appellent pâtes douces. Les bons faiseurs prétendent qu'une bonne pâte douce doit pouvoir se couler en bouteille tout en conservant la consistance nécessaire. La qualité du pain mollet dépend beaucoup du iravail que l’on donne à la pâte. ; Quelques boulangers fabriquent leur pain à café avec des farines de gruaux de qualité secondaire. Dans ce cas ils ne peuvent opérer que sur levain artificiel et leur pâte veut être tenue moins douce. Les maisons qui ont un pains de gruau de 1" ou de 2° débit important de blancheur, CHAP. 24°. opèrent au moyen du bassinage, sur la même pâte que celle qui sert à la confection de ces pains de grüau. , C’est avec la pâte du pain à café que l’on fait les pains mollets de tous poids et aussi les pains dits de soupe. Ces derniers, extrême- ment minces et allongés, sont tout en croûte lorsqu'ils sont cuits. $ LIL. — Pains de luxe, pâte ordinaire. Les pains de luxe, dits navette, flûte crevée, pains de téte, etc., se font avec de la pâte or- dinaire sans travail particulier; seulement quelques boulangers ont soin de mettre à l'air la quantité de pâte nécessaire pour ces sortes de pains, afin qu’elle n’ait pas trop d’apprêt au moment de la tourner. Les bonaparte, pain rond, giberne, arti- chaut se font aussi de même pâte, mais beau- coup plus ferme. SECTION XII. — Pain de munition. Passer du pain de luxe au pain de munition, c’est passer d’une extrémité à l’autre; car le pain que l’on donne au soldat est certaine- ment le plus mauvais qui se fabrique en France. Dans les fermes où l’on n’emploie or- dinairement pour la confection du pain que des blés de 2° qualité, une sorte de criblure que les batteurs désignent sous le nom de gorges, le pain est infiniment supérieur au pain de munilion. Cependant, l'administration a des réglemens fi prescrivent de ne mélanger dans les blés estiués à la confection du pain de munition ni seigle, ni orge ; de moudre à 10 livres d’ex- traction, c’est-à-dire sur un quint. mét. de blé (100 kilogr.) de retirer 10 kilogr. de son el de mélanger tout le reste pour la manu- tenlion du pain. Quelles sont donc les causes auxquelles il faut attribuer la mauvaise qua- lité du pain de munition ? 1° A certains abus auxquels, avec une sur- veillance sévère, on pourrait remédier. 2° Au défaut de neltoyage suffisant des blés que les agens comptables mettent en mou- ture. 3° À la mauvaise manipulation de la pâte. 4 À sa mauvaise cuisson. Ces abus, on n’y remédiera pas tant qu’on n’exigera pas pour le pain un type de blan- cheur. La mauvaise manipulation et la mauvaise cuisson, tant qu’on n’exigera pas que les pains soient bien cuits. La mauvaise qualité sous tous les rapports, tant que les blés ne seront pas soumis à un mode d'épuration uniforme qui, tout en per- mettant à la Guerre d'employer des blés de toutes qualités et de ménager ainsi les inté- rêts du trésor, préserve l’armée des affections intestinales qui conduisent, à certaines épo- DU BISCUIT. 435 sure enfin aux soldats une nourriture agréable et saine. Ainsi, dans les années où le blé noir ( blé noirci par la carie) est abondant, du mauvais nettoyage préalable que l’on fait subir aux grains résulte nécessairement une farine noir- cie et contenant des principes vénéneux que la cuisson du pain ne détruit pas et qui atta- quent la santé des soldats. Quelques frais de plus dans l’épuration des blés et la confection du pain de munition se- raient plus que compensés par les économies que l’on ferait sur les frais d'hôpital (1) À Peris, par exception, le pain de munition se fabrique avec un assortiment de farine ainsi composé : Deux cinquièmes farine dite deuxième : ce sont les farines immédiatement au-dessous de celles propres à la boulangerie de Paris. Deux cinquièmes farine dites troisième : pre- mière qualité des farines bises. .Un cinquième farine dite quatrième : der- nière qualité, au-dessous de laquelle vien- nent immédiatement les remoulages. Ce mélange donne un pain dont la couleur est assez boñne ; mais son défaut, comme ce- lui de toutes les autres pâtes, c’est de n’être | pas assez pétri. On emploie de très grands levains, afin que le pain puisse prendre son apprêt sans qu’on soit dans la nécessité de travailler la pâte. Cette pâte n’est en effet qu’une frase mal desséchée, à laquelle on ne laisse presque pas subir de fermentation 1", qu’on se hâte de mettre au four et qu’on n’y laisse pas cuire afin d’éprouver le moins pos- gl de déperdition de poids. Pauvre sol- at ! SECTION XIII. — Du biscuit. On nomme biscuit une sorte de pain très mince el très sec, sous forme de pelites ga- lettes, et destiné principalement à la nourri- ture des marins pendant les longs voyages. Le biscuit doit être fait avec d’excellente farine. Voici comme il se fabrique dans la papas de nos ports de mer. On prend un evain jeune, dans la proportion de 1/2 kilogr. de levure pour 1 kilogr. de farine. Le délayage des levains se fait comme pour le pain, mais on frase beaucoup plus court et la pâte se fait extrêmement ferme. Le pétrissage fini, on travaille la pâte par parties, en donnant à chacune d’elles la forme d’une galette ronde et aplatie; on les dispose ensuite sur des ta- bles ou des planches qu’on porte dans un lieu frais ou à l'air, afin qu’il ne s’opère presque point de fermentation. Cela terminé, on chauf- fe le four bien moins que pour cuire le pain, et dès qu’on a tourné la dernière galette, on commence à enfourner la 1". On les perce avec un instrument de fer de plusieurs trous à la surface, afin de favoriser la cuisson et l’é- vaporation de l'humidité. Pour que la galette soit à son point de cuite, elle doit rester en- ques, des régimens entiers à l’hôpital, et as- | viron 2 heuresdans le four, qui n’est chauf- (1) Nous avons parlé à l’article nettoyage des grains, de Vappareil Zaveur-sécheur que M. de Mavpou a établi à Etampes; la Guerre ne devrait-elle pas, après s’étreassurée du mérite de ce système, l’appliquer à toutes ses manutentions militaires ? Un ministre qui adopterait une telle mesure rendrait le plus éminent service au pays ; et cette victoire remportée sur les abus illustrerait l'homme qui saurait y attacher son nom. 436 ARTS AGRICOLES : fé qu’aux 2/3 de la chaleur qu'il faut ordinai- rement pour le pain. Au bout de ce temps, on les retire du four avec précaution et on Îles place dans des caisses contenant de 25 à 50 kilogr. qu'on porte dans une étuve ordinai- rement placée au-dessus du four. C’est là que le biscuit achève de perdre son humidité et se dessèche complètement. On ne met pas de sel dans la pâte qui sert à la confection du biscuit, dans la crainte qu’il n’attire l’humi- dité de l'air. Il est permis de croire que le sel, bien dépouillé par sa solution dans Peau des muriates de chaux et de niagnésie, ne produirait pas l’effet qu’on redoute. Le biseuit bien préparé et de bonne qualité est sec et cassant; sa couleur est jaune-bru- näire ; sa cassure est vitreuse; sa mie sèche et blanche, elle se gonfle beaucoup dans l’eau, sans aller au fond ni se diviser en miettes. Les Anglais le préparent, dit-on, sans levain ; aussi est-il presque toujours fade, d’un blanc mat, et ne trempe pas bien. Secrion XIV. — Du pain de seigle. Le seigle contient moins de gluten que le blé; c’est à cette différence qu’il faut attribuer l'infériorité de sa panification comparée à celle du blé. Dans certaines localités de la France et dans le nord de l’Allemagne, le peuple re se nourrit que de pain de seigle. Pour pani- fier convenablement le seigle, il faut em- ployer plus de levain que pour le blé, couler l’eau pius chaude, tenir la pâte plus ferme, y mettre moins de sel et la hisser plus long- temps au four. En Belgique, en Hollande, en Suisse et en Atiemagne, on fait du pain de seigle pur pour les chevaux qui voyagent; ils en sont très friands. On fait aussi, dans beaucoup de campagnes, du pain de méteil, mélangé de 2/3 de blé et 1/3 de seigle plus ou moins. Le pain se traite à pen près comme celui de seigle, en se rap- prochant néanmoins des conditions nécessai- res à la bonne panification du froment pur. « On n’a pas suffisamment apprécié le mé- rite du pain de méteil, dit PARMENTIER; il tient le premier rang après celui de froment; il reste frais long-temps sans rien perdre de sa saveur, avaulage précieux pour les habi- tans des campagnes qui ne cuisent pas sou- vent. » SECTION XV. — Du pain de pommes de terre. On a beaucoup essayé de panifier la pomme de terre. Les corps savans, les sociétés d’en- couragement ont promis des récompenses aux personnes qui trouveraient des procédés pour atteidre ce but. Jusqu'à présent, rien de ce qui a été essayé m'a réussi. Est-ce un malheur pour l'humanité ? Nous ne le croyons pas. La omme de terre, c’est du pain tout fait ; faites- a cuire dans l’eau, sous la cendre, au four, de telle manière que vous voudrez, c’est une nourriture saine aimée de tous. Le seul avantage qui pourrait se rencontrer dans la panification de la fécule de pommes de terre serait d’épargner les frais de trans- port. La pomme de terre est lourde à trans- porter et contient un parenchyme ligneux | DE LA BOULANGERIE. LIV, 1, et une eau de végétation qui forment les 2/3 au moins de son poids; mais elle se cul- tive aujourd’hui partout et dans chaque village il y a de la pomme de terre; de telle sorte qu'elle n’est jamais grevée de frais de transport bien considérables. Dans les momens de cherté les boulangers ont essayé d'augmenter, au moyen de la pomme de terre, la masse de leurs farines. La manière la plus générale d'opérer était celle- ci : On faisait cuire les pommes de terre, on les pelait, on les écrasait avec un rouleau, de manière à les réduire en une espèce de pâle très déliée sans laisser de grumeaux. Sans at- tendre que cette pâte fût refroïidie, on la dé- layait dans la totalité de l’eau qui devait servir au pétrissage de la pâte; les boulargers soi- gneux, pour éviter les grumeaux, passaient cette mixture dans un tamis de fer à mailles assez ouvertes; puis on pétrissait comme à l'ordinaire. On avait soin de mettre ce pain un peu vert au four. On employait ainsi du 10e au 5e en farine de pommes de terre. Dans ces mêmes années désastreuses, quel- ques meuniers ont trouvé un grand bénéfice à mêler dans leur farine une certaine quan- tité de fécule de pommes de terre; mais les boulangers qui ont employé cette farine ont été victimes de cette supercherie, et c’est à cette cause qu’il faut attribuer, en grande partie, les désastres qui ont eu lieu dans la boulangerie de Paris, à la suite des années de cherté de 1828, 1829 et 1830; désastres qui sont naturellement retombés sur ceux qui en avaient été la cause. C’était justice. Conçoit- on en effet qu’un meunier abuse de circon- stances difficiles pour vendre, comme bonnes, des farines dont le produit seul peut servir à le payer ? Plus le boulanger est pauvre, plus son fournisseur doit s’efforcer de lui donner de bonnes farines, c’est pour ce dernier la seule condition de succès. Or, les meuniers fraudeurs, au moyen de la fécule, travaillaient justement à la ruine du boulanger, et consé- uemment à leur ruine propre. La Société dÉnreement de Paris, et le syndicat de la boulangerie, ont proposé des prix impor- tans pour un procédé à l’aide duquel on pour- rait facilement et instantanément découvrir la présence de la fécule de pomme de terre dans la farine de blé, et dans quelle propor- tion ce mélange aurait été fait. Plusieurs mé- moires ont été présentés, et celui qui a mé- rité non pas le prix (la question est remise au concours de 1836), mais une médaille d’or, pour la simplicité de son procédé, est le mé- moire de M. Bocanp, maitre boulanger à Paris, rue et île Saint-Louis. Voici en quoi consiste le procédé de M. Bo- LAND, tel aw’il le décrit lui-même : «Constater d’abord la qualitéde la farine, en séparant, comme il a été dit plus haut, le glu- ten de l’amidon par les moyens ordinaires qui sont de prendre 20 grammes de farine, en faire une pâte ni trop ferme, ni trop molle. On se servira d’une tasse et d’un tube de verre. Malaxer cette pâte dans le creux de la main, sous un très petit filet d’eau. Il est in- dispensable d’avoir sous la main un vase co- nique, ou espèce de verre à pied, surmonte d’un petit tamis pour recevoir l’un l’eau de lavage qui entraine l’amidon, et l’autre le glu- cHAP. 24°. ten grenu qui provient d'une farine mal fa- briquée. Lorsque l’eau de lavage découle lim- pide, il reste dans la main, pour résidu, le gluten élastique que l’on pèse. « Oniaissera reposer pendant une heure l’eau de lavage contenue dans le vase conique; il se forme à la partie inférieure du vase un dé- pôt qu'il faut avoir soin de ne pas troubler ; décanter, avec un siphon, l’eau qui le sur- monte; deux heures après ,raspirer avec une pipette l’eau qui l’a encore surmonté. « En examinant ce dépôt on remarquera fa- cilement qu'il est formé de 2 couches dis- tinctes : la supérieure, d’une couleur grise, est le gluten divisé, sans élasticité; l'autre couche, d’un blanc mat, est l’amidon pur. « Quelques temps après, on enlève avec pré- caution, en se servant d’une cuillère à café, une partie où toute la couche de gluten qui se divise ; une résistance, qu’il ne faut pas cher- cher à vaincre, indique la présence de la cou- che d’amidon, qu'il faut laisser sécher entiè- rement jusqu'à ce qu'elle devienne solide ; dans cet état, la détacher en masse du verre, en appuyant légèrement l'extrémité du doigt tout autour jusqu'à ce qu’il cède , en lui con- servant toujours sa forme conique. « La fécule de pomme de terre, plus pesante que celle du blé, s'étant précipitéela première, se trouve placée à l'exirémité supérieure du cône. Mais comment la reconnaître dans cette masse uniforme où la loupe, et même le mi- croscope, ne laissent apercevoir aucune diffé- rence, du moins assez sensible, pour la con- stater? Par un réactif, le seul qui agisse uni- formément sur toutes les fécules, l’iode qui possède, comme on sait, la propriété de colorer en bleu foncé toutes les substances féculantes, excepté cependant dans la circon- stance qui sert de base à ce prorédé. « La fécule de pomme de terre insoluble à l’eau froide, triturée dans un mortier d’agate, sa dissolution filtrée, prend, au contact de la teinture d’iode concentrée, une couleur bleue foncée. Une dissolution de fécule de blé sou- mise à la même épreuve se colore à peine d'une très légère teinte jaunâtre, qui se perd presque aussitôt, tandis qu'il faut plusieurs Jours à la fécule de pomme de terre pour se décolorer entièrement. « Ainsi, en enlevant avec un couteau un gramme d’amidon où vingtième de la farine éprouvée, de l’extremité supérieure du cône, pour le soumettre à l'épreuve ci-dessus indi- quée, la coloration en bleu foncé qui se ma- nifestera aussitôt par le contact de l’iode in- diquera positivement la fécule de pomme de terre; et la preuve qu’elle n’est pas mélangée dans la masse conique, c’est que si on enlève du même cone tronqué une deuxième couche d’amiäon d’un poids egai à la première, pour la soumettre à la même épreuve, on n’obtiendra plus de coloration bleue, à moins qu’il n’y ait un excès de fécule de pomme de terre; alors on continuera l’opéralion jusqu’à ce qu’elle ne se présente plus. « Pour apprécier la qualité de fécule de pomme de terre ajoutée à fa farine, la série | de proportion à examiner n’est pas très con- sidérable. Les meuniers ne cominencent à PAIN DE POMME DE TERRE. trouver de l'intérêt à falsifier qu'avec une ; addition de 10 p. 0/0 de féeule; si}; voulaient ! pier cette dissolntion. Plonger Vextrémité 437 laugmenter jusqu’à 30 p. 0/0, il n'y aurait plus de panification possible dans l’état ac- tuel de la boulangerie. C’est douce depuis 10 p. 0/0 jusqu’à 25 qu'il faut étudier les propor- tions de fécule; en les indiquant par 5° on re- connaîtra néanmoins, par ce procédé, la pré- sence de la plus petite quantité de fécule, même au-dessous de 5 p. 00. « Ainsi, en enlevant du cone d’amidon 5 cou- ches successives d’un gramme chacun, et en les éprouvant par ordre, de la manière pres- crite ci-dessus , la coloration bleu foncé que donnera l'épreuve indiquera positivement l'addition de 5 p. 0/0 de técule de pomme de terre par couche éprouvée. « Il estimportaut de procéder exactement de la manière et avec les instrumens indiqués lus haut, car autrement les résultats soumis des conditions différentes changeraieut et jetteraient l'observateur dans une erreur complète. Par exemple, pour abréger l’opé- ration, on sera peut-être tenté de triturer la farine sans séparer le gluten de lamidon. Alors on n’obtiendra aucune coloration, quelle que soit la quantité de fécuie de pom- me de terre qui pourrait s’y trouver, parce que le gluten qui sert d’enveloppe à l’amidon le protége de laction du pilon et l’empèche d’être déchiré: l'amidon reste, par consé- quent, insoluble. «Un mortier de verre ou de porcelaine émaillée est insuffisant ; leur paroi intérieure trop unie laisse glisser la fécule sans la dé- chirer. « Un mortier en biscuit, sans être émaillé, présente au contraire des aspérités trop sail- lautes, la chaleur qui se manifeste à la tritu- ration, ou une autre cause qu’on ne peut ex- pliquer, fait prendre à la dissolution de blé une couleur sinon bleue, du moins violette si foncée, qu’il y aurait du doute dans les comparaisons. «Le mortier d’agate est le seul qu’on doive empioyer. « Ii faut éviter aussi d’exposer à la chaleur le dépôt qui se forme dans le verre conique pour oblenir une dessiccation plus prompte ; une température trop élevée, en dissolvant d’abord les fécules, et un commencement de fermentation, établirait entre elles une iden- tité si parfaite qu'il serait impossible d’en re- connaitre la différence. « Il est de la dernière importance d'opérer toujours dans les mêmes conditions et avec des qualités semblables. « En résumé, il faut séparer legluten de l'a- midon et le peser pour apprécier la qualité de la farine; laisser reposer et sécher après dé- cantation de l’eau le dépôt quise forme au fond du vase conique pour eusui'e le détacher en masse, enayant soin de ne pas détruire sa forme conique, En enlever 5 couches successives, d’un gramme chacune, en commençant par la partie supérieure du cône; les laisser sécher com- plétement pour les pulvériser séparément et par ordre. Triturer dans un mortier d’agate la fre couche, ou, pour plus de facilité, une partie de cette couche, d’abord avec la mo- lette sèche, ensuite légèrement mouillée, en ajoulant peu à peu de l’eau jusqu’à ce que la dissolution soit complète. Faire filtrer au pa- 438 d’un tube de verre dans la teinture d’iode concentrée, l’agiter dans la dissolution filtrée. La couleur bleu foncé qui se manifestera aussitôt par cette combinaison indiquera la fécule de pomme de terre, et chaque couche, d'un gramme, soumise à cetie épreuve, qui donnera ce résultat, constatera une addition de 5 p. 0/0 de fécule de pomme de terre sur les 20 grammes de la farine qu’on aura essayée. Lorsque la farine sera pure, la dissolution filtrée ne prendra, au contact de l’iode, qu’une très légère teinte jaunâtre qu’elle perdra quel- ques minutes après. » SEecTioN XVI. — Du pain de riz. Depuis long-temps on a essayé la panifica- ton du riz. M. PARMENTIER, qui dans ces questions forme autorité, a toujours regar- dé cette panification comme une chimère. Il prétend que l'addition du riz cuit en di- verses proportions avec la farine de froment rend le pain qui en provient compacte, fade et indigeste. Pour nous, nous disons du riz ce que nous avons dit de li pomme de terre: c’est du pain tout fait! Le froment et le sei- gle, cuits en grain, formeraient une mauvaise nourriture. Le meilleur moyen d'utiliser pour la nourriture de l’homme le froment:et le seigle, de les rendre agréable sau goût, a été de les réduire en farine, puis en pain à l’aide d’une fermentation particulière dont le gluten qu’ils contiennent les rend susceptibles; mais la pomme de terre, mais le riz forment, par le fait seul de la cuisson, une excellente nourri- ture, sans exiger de manipulation, sans trans- formation en pâte; il n’y a pas même pour le riz comme pour la pomme de terre la raison spécieuse de l’économie des frais de trans- port. Pourquoi donc s’efforcer de changer Pindicatin donnée par la nature, sans qu’il en résulte aucun bien pour l'humanité? Daus ces derniers temps (1835), M. ARNAL, médecin à Paris, a beaucoup insisté pour que l'Académie de médecine reconnût et procla- mât l’excellence d’un pain fait avec addition de 1/7 de riz. L'Académie goûta ce pain, le trouva bon, mais s’abstint de prononcer, et bien elle fit. Voici quel est ou plutôt quel était le procé- dé de M. ARNAL : . «Préparation du riz : 13 litres d’eau à l’ébul- lition; répandre peu à peu la farine de riz (2 livres), en agitant bien le mélange jusqu’à ce qu'il forme bouillie et que celle-ci soit éga- lement visqueuse sur tous les points, Il faut, pour verser la farine de riz dans l’eau bouil- lante, prendre la précaution importante de la délayer préalablement dans une petite quan- tilé d’eau froide. « Pétrissage. On prend la moitié du riz un peu refroidi, jusqu’à ce que la température puisse être supportée par le pétrisseur; on pétrit avec un levain de huit livres, pris chez un boulanger, et on y incorpore peu à peu 6 livres de farine de froment, toujours en pé- trissant ; on laisse reposer et lever cette pâte dans une corbeille, « Lorsque lelevain ci-dessus a suffisamment fermenté, au bout de 20 minutes à peu près, on verse dessus l’autre moitié du riz, qu’on a salé et mis refroidir, La pâte délayée, on y ARTS AGRICOLES : DE EE SEE LA BOULANGERIE. AA ajoute peu à peu 6 autres livres de farine de froment et on pétrit de nouveau; enfin, on termine le pain comme par les procédés or- dinaires. » Voici le résultat d’un essai de la méthode ci-dessus : 13 livres d’eau, 2 livres de riz, 12 livres fa- rine froment ont donné 20 livres 10 onces de pain cuit. On ne compte pas les 8 livres de le- vure qui ont été retirées. Les résultats annoncés par M. ARNAL dans les mêmes conditions étaient de 24 livres de pain. On voit, par ce que nous venons de décrire, de quelles difficultés, dans la pratique, serait entourée cette préparation {re de riz, et com- bien de mécomptes auraient eu lieu lorsque l’on eût été forcé de livrer ce travail à des garçons boulangers. À l’appui de ce que nous avons dit sur la pa- nification duriz et dela pomme de terre, nous citerons l’autorité compétente de M. Raspaur. Dans un deses ouvrages il s'exprime aiusi : « Il ne faut pas dire : Le pain fait avec du riz sera plus ou moins nutritif, parce que le riz suffit ou ne suffit pas à la nourriture de certaines peuplades ; mais seulement il fau- dra demander à l’expérience de l’alimenta- tion les moyens de décider que, dans telle localité, telle substance est plus alimentaire qu’une autre. « Ce west pas le rendement, c’est-à-dire l'augmentation de poids qui peut permettre de préjuger la question; car l’augmentation de poids est due à la partie aqueuse, et l’eau absorbée pendant le repas est tout aussi bonne pour l’alimentation que le sureroit de l’eau absorbée par la pâte. Il faut de l’eau pour favoriser la fermentation 1°; mais une fois que la fermentation s’établit, avec une quantité d’eau donnée, le surplus n’a- joute qu'un poids absolument inerte à la masse. « On a fait beaucoup d’expériences sur la panification depuis 60 ans; mais on a tou- jours désespéré d'associer avec succès à la farine de froment le riz et la fécule de pom- mes de terre. Nous ne saurions blämer les efforts que font les simples particuliers pour arriver à un résultat, car leurs succès ne pourraient que profiter aux consomma- teurs; mais nous préfèrerions apprendre que l'esprit des observations se porte plu- tôt vers l’art d'augmenter la production des substances alimentaires de 1e qualité que vers les moyens d’en diminuer la consom- mation en les associant à des substances d’une qualité inférieure. » On a cherché à différentes reprises à pani- fier la farine de haricots, de pois, et c’est toujours dans les momens de grande cherté que ces essais ont été tentés; mais ils ont en général, plutôt pour but des gains parti- culiers que le profit de l'humanité. Les ha: ricots surtout ont donné de si mauvais ré: sultats que plus d’une fois lautorité a été obligée de faire saisir et de détruire les fari- nes qui avaient ainsi été falsifiées. Section X VII.—De l'introduction dans le pain de substances nuisibles à la santé. IAV: Tout ce que nous allons dire sur Padultera- CHAP. 24°. tion du pain, par suite d'introduction dans la pâte de sels vénéneux, est ou extrait ou cité textuellement dusavantrapport que M. Kuuz- MAN, chimiste distingué de Lille, a fait en 1831 à la Société des sciences de Lille. $ Ler, — Du sulfate de cuivre. Les chimistes sont assez généralement d’ac- cord sur ce point: qu'il existe dans les céréa- les des traces de cuivre. C’est donc avec la plus grande circonspection qu’il faut se pro- noncer dans les essais faits sur le pain pour découvrir les substances qu’on a accusé les boulangers d’y introduire. IL faut, toutefois, que la santé publique puisse trouver une garautie contre les fraudes dont la cupidité el l'ignorance pourraient se rendre coupa- bles. Il paraît certain qu’à la suite des fatales aunées de 1816 et 1817, plusieurs boulangers de la Belgique et du nord de la France ont cru trouver de l’avantage à introduire dans le pain une certaine quantité de sulfate de cui- yre. « Les avantages qu'ils en retiraient, dit « un journal du temps, étaient de pouvoir se « servir de farine d’une qualité médiocre et « mêlée, d’avoir moins de main-d'œuvre, en « épargnant l'emploi du levain dont la pré- « paration exige beaucoup de travail, et une « panification prompte donnée à la pâte, ce « qui rend la mie et la croûte plus belles ; de « pouvoir employer une plus grande quan- « lilé d’eau, ce qui fait augmenter le poids du « pain, etc. » Quoique la présence du sulfate de cuivre dans le pain à une dose aussi minime que celle qui parait ‘avoir été employée par les boulangers (un petit verre à liqueur dans 250 livres de pâte environ) ne puisse présenter d'inconvéniens graves sur l’économie animale, son introductiou dans le pain n’en doit pas moins être considérée comme un attentat à la santé publique. En effet, l'emploi d’un agent aussi dangereux est laissé dans une boulan- erie à la discrétion d’un garçon boulanger ; il doit en mesurer une tête de pipe pieine; mais qui sait si la main n’a pas tremblé lors- qu'il a versé le poison? Qui nous garantira contre les conséquences de ce raisonnement de la part du boulanger que si une portion donne de bons résultats une double portion en donnera de meilleurs? Qui peut nous as- surer que, se confiant au pouvoir magique de son secret, il n’a pas négligé de pétrir sa pâle suffisamment et par suite le poison ne se trouve assez accumulé en certaines places du pain pour occasionner la mort ? Heureusement la chimie nous fournit les moyens de reconnaître facilement la fraude et par conséquent d’en assurer la répression. En opérant sur du pain blanc, l’action directe du ferrocyanure de potassium se manifeste déjà, lors même que ce pain ne contient que 1 partie de sulfate sur environ 9,000 de pain, par une couleur rose produite presque immédiatement. Résultats obtenus par M. Kuzmanx sur du pain blanc contenant diverses parties de sel cuivreux : SUBSTANCES NUISIBLES À LA SANTÉ. GUANTITÉ de sulfate de cuivre dans le pain. ACTION ACTION NUMÉROS. du ferrocyanure de l'hydrosulfate du potassium. d'ammoniaque, ——————————_—— | —— coloration en rose très coloration en rose plus prononcée. | apparente. | | | rouge de sang. couleur brunâtre. couleur brunâtre ap- cramoisi foncé parente. Le procédé par le ferrocyanure de potas- sium, simple et à la portée des personnes même étrangères aux connaissances chimi- ques, serait insuffisant pour déterminer la présence dans le pain de très minimes quan- tités de sel cuivreux. Voici la méthode analytique suivie et décrite par M. KuLManN : « Je fais incinérer complé- « tement dans une capsule de platine 200 « gram. de pain; le produit de l’incinération, « après avoir été réduit en une poudre très « fine, est mêlée dans une capsule de porce- « laine avec assez d’acide nitrique (8 à 10 « gram.) pour former une bouillie très li- « quide. Je soumets ce mélange à l’action de la chaleur, jusqu’à ce que la presque tota- lité de l’acide libre soit évaporé et qu’il ne reste qu'une pâte poisseuse que je délaie dans environ 20 gram. d’eau distillée, en fa- cilitant la dissolution par la chaleur ; je fil- tre et sépare ainsi les parties inattaquées par l’acide, et dans la liqueur filtrée je verse un petit excès d’ammoniaque liquide. Après refroidissement, je sépare par le filtre le précipité blanc et abondant qui s’est formé, et soumets la liqueur alcaline à l’ébullition pendant quelques instans pour dissiper l’ex- cès d’'ammoniaque et la réduire au quart de « son volume. Cette liqueur étant rendue lé- « gèrement acide par une goutte d'acide ni- « trique (le plus souvent l’ébullition déve- « loppe une acidité suffisante), je la partage « en 2 parües: sur l’une, je fais agir le ferro- « cyanure de potassium, sur l’autre, l’acide « hydrosulfurique ou hydrosulfate d’ammo- « niaque. « En suivant ponctuellement ce procédé le « pain, dût-il ne contenir que 1/70,000 de sul- « fate de cuivre, la présence de-ce sel véné- « neux serait rendue apparente. » Le sulfate de cuivre exerce une action ex- trêéêmement énergique sur la fermentation et la levée du pain. Cette action se manifeste de la manière la plus apparente, lors même que ce sel n'entre dans la confection du pain que pour 1/70,000 environ, ce qui fait à peu près 1 partie de cuivre métallique sur 300,000 par- ties de pain, ou 1 grain de sulfate par 7 livres et 1/2 de pain. La proportion qui donne lalevée la plus grande, est celle de 1/30,000 à 1/15,000; mais en augmentant davantage la dose da RAR RARRRERRRE R 440 sulfate, le pain devient plus humide, il ac- quiert par là une couleur moins blanche, En faveur de la propriété qu'a le sulfate de cuivre de raffermir la pâte, on peut facile- ment obtenir un pain bien levé avec des fa- rines dites làächantes ou humides. F’augmen- tation en poids du pain, par suite d’une plus grande quantité d'humidité retenue, peut s’é- lever jusqu'à 1/16° ou une once par livre, sans que la qualité du pain en souffre. C’est surtout en été que le besoin de raffermir les pâtes et de les empècher de pousser plat se fait sentir. On y parvient habituellement par l’emploi du levain et du sel marin; mais l’action d’une très petite quanlité de sulfate de cuivre peut dispenser de faire entrer l’un et l’autre de ces produits dans la pâte, mais dès lors il devient nécessaire d'augmenter un peu la quantité de levure. L'action du sulfate de cuivre est plus favo- rable au pain blanc qu’au pain bis; ce dernier, humide par sa nature, le devient encore da- vantage pour qu'on y mette de ce sulfate. La quantité de sulfate la plus grande qui puisse être employée sans altérer irès sensi- blement la qualité du pain, est celle de 1/4,000; pasée cette proportion le pain est très aqueux, à grands yeux,etavec1/1,800 desulfa- te de cuivre, la pâte ne peut nullement lever, toute fermentation semble arrêtée, et le pain acquiert une couleur verte. En supprimant, dans ce dernier cas, l’emplui du levain et en mettant plus d’eau dans la pâte, le pain lève bien , il devient très poreux, avec de grands yeux; mais il est humide, verdatre et a une odeur de levain très prononcée et très désa- gréable. Il me parait évident que dans le sulfate de cuivre c’est bien moins l’acide que la base qui influe sur la panification; car le sulfate de soude, le sulfate de fer, et même l’oxide sul- furique, ne m'ont donné dans des essais com- paratifs aucun résultat analogue. IT. — De l’alun, de son emploi dans la boulangerie et des moyens d’en reconnaitre la présence dans le pain. Je ne sais à quelle époque peut remonter l'usage de l’alun dans la fabrication du pain; cet usage paraît être fort ancien, et adopté presque généralement à Londres. Voici ce que disent sur cet objet les diffé- rens auteurs anglais qui se sont occupés d’hy- giène. M. Accum, dans son traité sur les poi- sons culinaires, dit que la qualité inférieure de la fleur de farine dont les boulangers de Londres font habituellement usage pour la fabrication du pain rend nécessaire addition d’alun, afin de donner au pain le coun d'œil blanc du pain fait avec de la belle fleur. Cet emploi d’alun semble permettre de mêler à la fleur de la farine de fèves et de pois, sans nuire à la qualité du pain; selon le docteur URE, la moindre quantité d’alun né- cessaire pour produire avec une farine de qualité inférieure un pain léger et poreux, est de 113 grammes pour 109 kilôgrammes de fleur. Le docteur P. MarKkHAM, dans ses considé- rauons sur les ingrédiens que l’on emploie pour fraude sur la fleur de farine et le pain. ARTS AGRICOLES : DE LA BOULANGERIE. | LIV. IV. porte la quantité d’alun employé à 240 gram. sur 109 kil. de fleur. Enfin, cette quantité d’alun est encore em- ployée dans la proportion de 1 kil. pour 127 kil, de fleur, donnant 80 pains de 4 livres, ou 12,40 gram. d’alun par pain. ( Art. boulangerie du supplément de l'Encyclopédie Britannique.) Cette quantité d’alun paraît devoir varier selon la quantité des farines employées, et remplace en tout où en partie le sel marin qui entre ordinairement dans la confection du pain. Dans les diverses proportions données, la quantité d’alun varie de 1/127 à 1/974 de la farine employée, où de 1/145 à 1/1077 du pain obtenu. I’action de l’alun sur l’économie animale n'est pas à comparer pour son énergie à celle du sulfate de cuivre, aussi la présence d’une petite quantité d’alun dans le pain ne pourra pas factlement occasionner des accidens im- médiais; cependant il est à craindre que ce sel n’exerce une action funeste par son intro- ductiou journalière dans l’estomac, surtout chez les personnes d’une constitution faible. Ti sera facile de reconnaitre la présence de ce sel dans le pain, en suivant le procédé dé- crit par le docteur Ure, dans son Diction- naire de chimie, vol. IV, et qui consiste à faire agir un sel de baryte sur l’eau distillée, dans laquelle on a émietté le pain. Ce procédé ne déterminant que la présence de l’acide sulfurique, et par suite d’un sulfate quelcon- que, il peut être utile dans des recherches de ce genre d’avoir recours à l’incinération. La grande quantité, et surtout le volume des cendres, servira déjà d'indices. Il faut tou- jours avoir égard à la petite quantité d’alu- mine que peuvent contenir les cendres de quelques céréales. La présence de quelques traces de cette base à été reconnue dans les cendres de seigle par SCHRADER. Les résultats de l'emploi de l’alun dans la fabrication du pain sont à peu près les mêmes que ceux obtenus avec le sulfate de cuivre, mais ce sel agit avec beaucoup moins d’éner- gie à dose égale. Ainsi, 1/3,500 de sulfate de cuivre est une bien trop grande proportion, à tel point qu’au lieu de favoriser la levée de la pâte, on la diminue. Cette même propor- tion d’alun ne produit encore aucun résultat apparent. Pour obtenir un effet sensible, il a fallu élever la quantité d’alun à 1/686; à la dose de 1/176, l'effet a été plus remarquable. Il est possible cependant qu’une beaucoup plus grande quantité d’alun puisse, comme un excès de sulfate de cuivre, arrêter le gon- flement de la pâte. L'action qu’exerce lalun sur la pâte est absolument la même que celle du sulfate de cuivre; il retient, pour me ser- vir d'un ierme usité par les boulangers, et fait pousser gros. $ IIT. — Sulfate de zinc. Le sulfate de zinc, ou vitriol blanc, paraît aussi avoir été mis en usage par les boulan- gers pour faciliter la levée du pain; peut-être ce sel a-t-il élé confondu avec le sulfate de cuivre, vitriol bleu. Voici un moyen analyti- que que j'ai mis en usage pour déceler la pré- sence de ce sel éminemment vénéneux. | cHA?. 24°. Le zinc étant volatilisable, j'ai dû avoir re- cours à l'analyse par voie humide. La présence de lacide sulfurique ayant été déterminée par l’action d’un sel de baryte sur l’infusion aqueuse du pain, j'ai fait évaporer une partie de cetie infusion aqueuse en consistance si- rupeuse, et je l’aidélayée dans de l’eau légère- ment ammoniacale. La liqueur filtrée etsatu- rée par un acide a été mise en contact avec le ferrocyanure de potassium et de l’hydrosul- fate d’ammoniaque, qui donnèrent l’un et l’autre des précipités blancs de ferrocyanure et de sulfure de zinc hydratés. Les résultats obtenus par le sulfate de zinc ont été peu sensibles et non coraparables avec ceux donnés par l'emploi du sulfate de cuivre. $ IV. — Carbonate de magnésie, M. Epmenp Davy, professeur de chimie à l'icstitution de Cork, a fait des expériences desquelles il résulte que 20 à 49 grains ( 1 ou 2 rammes environ ) de carbonate de magnésie, intimement mêlés avec un pound (environ 453 grammes) de fleur de farine de mauvaise tree améliorent matérieliement la qualité u pain fabriqué avec ce mélange. Ce procédé paraîtavoir été mis quelquefois en usage (Dic- tionnaire de chimie du docteur URE, v. IV, pag. 135 ). Le carbonate de magnésie, en si petite quan- tité, doit être, pendant la fabrication au pain, converti en grande partie en acétate. Ce der- nier sel, quoique jouissant de propriétés pur- gatives, ne se trouvera pas dans le pain en quantité suffisante pour incommoder. Dans les recherches qui auraient pour but de dé- couvrir la présence de ce sel magnésien, il faudrait avoir égard au phosphate de magnésie Le se trouve en grande quantité dans les cen- res des céréales. La présence des phosphates dans le pain fait que les vases de platinequiser- vent à l’incinération s’altèrent promptement. Le carbonate de magnésie ne produit pas un grand effet sur la levée du pain ; mais dans la proportion de 1/442 il communique au pain une couleur jaunâtre qui peut modifier d’ure manière avantageuse la couleur sombre que donnent au pain quelques farines de qualité inférieure. $ V.— Carbonates alcalins. Un grand nombre d'auteurs ont avancé que le carbonate d'ammoniaque pouvait être d’un puissant secours pour faire lever le pain et en augmenter la blancheur; la propriété qu’a ce sel de se réduire en vapeur par l’action de la chaleur semble justifier cette assertion; je doute cependant qu’une grande quantité de carbonate (à moins de faire l’emploi d’une très forte dose de ce sel ) puisse se sublimer ainsi au four, et produire l'effet mécanique de soulever la pâte et de la rendre poreuse ; car l’acide du levain doit être le plus souvent en quantité suffisante pour convertir en acétate la totalité du sel alcalin. S'il faut admettre un effet mécanique, c’est plutôt dans le dégage- ment de lacide carbonique du carbonate qu’on le trouvera. D’autres carbonates alcalins, ceux de po- tasse et da soude, semblent aussi avoir été PÉTRINS MÉCANIQUES. 441 mis en usage; je présume que c’est dans le but de retenir plus long-temps l'humidité dans le pain. Cette fraude est facile à recon- naitre par l'examen des cendres, car, lors- que celles-ci proviennent d’un pain non 50- phistiqué, elles ne contiennent que peu de matières solubles et surtout peu dalcali li- bre. Le carbonate d'ammoniaque ne m’ayant donné aucun résultat bien remarquable, quoi- que j'aie fait 2 essais avec ce produit, je ne pense pas qu’il puisse être d’un grand secours pour faire du pain, à moins d’être employé à une dose très forte. En se convertissant en acélate, ce sel partage peut-être avec les car- bonates de potasse et de soude la propriété de SE UE plus long-temps au pain son humi- ité. 6 VI. — Produits divers. Un grand nombre d’autres substances, tel- les que la craie, la terre de pipe et le plâtre, ont encore été employées pour l’adultération du pain. L’emploi de tous ces corps parait n'avoir eu lieu que dans le but d'augmenter le poids du pain et peut-être sa blancheur. Comme ils ne peuvent présenter quelques résultats avantageux aux boulangers que lors- qu'ils sont introduits en assez grande quanti- té pour pouvoir influer sur le poids du pain, l’incinération seule suffira pour faire aperce- voir ces sortes de fraudes par l'augmentation du poids des cendres. La nature des corps qui peuvent avoir été introduits dans le pain peul être déterminée par des moyens analy- tiques fort simples, dont l'exposé donnerait trop d’étendue à ce travail sans en augmenter l'utilité. L'emploi du blanc d’œuf, de l’eau de gomme, de la colle de poisson et d’autres:substances visqueuses dans l’art du pâtissier et du con- fiseur, a pu porter les boulangers à faire usage dans la confection du pain de quelques substances organiques, daus le bui de donner plus de liant à la pâte. Le docteur PERCEVAL recommande l'emploi de 30 gram. de salep par kilogr. de fleur, pour obtenir un pain plus beau et en même temps plus pesant que par le travail habituel. Section XVIII. — Des pétrins mécaniques. Dans l'énumération des divers instrumens qui ser- vent à la boulangerie, nous avons décrit le pétrin ordi- naire; en voici la figure ( fig. 506 ). Fig. 506. Le garcon boulanger, penché sur le pétrin, soulevant avec effort et à diverses reprises une lourde pâte qui exige une manipulation | prompte, exerce un travail des plus pénibles. | Au milieu d’une atmosphère d’au "moins 442 20° il est obligé de travailler nu, et, pres- que toujours, son corps, lorsqu'il pétrit, est couvert de sueur. Qui n'a pas entendu, en passant le soir auprès d'une boulangerie, ces gémissemens du pétrisseur? cette espèce de cri de souffrance, accompagnement obligé des efforts qu'il est obligé de faire pour élever et battre la pâte? On plaint l’homme condamné chaque nuit à d’aussi durs travaux; peut-être rejetterait-on le pain qui lui a coûlé tant de peines, si l’on pensait à quelles impuretés le pétrissage à bras d'homme condamne la fabri- cation du pain. L’humanité, la propreté si nécessaire dans la préparation des alimens, re- commandent donc à la fois l’usage des pétrins mécaniques. Cependant, nous ie disons à re- gret, jusqu'ici la boulangerie de Paris, qui est certainement la boulangerie la plus avancée de France, n’a pas adopté les pétrins qui fui ont été offerts. Dans ce refus, nous faisons bien la part des préjugés, des habitudes et surtout de la crainte de mécontenter la classe des ouvriers boulangers; mais il faut recon- naitre aussi que la plupart des pétrins qui ont été essayés ne présentaient pas d'avantages sur le travail ordinaire, quant aux frais de manuteution, et laissaient aussi beaucoup à désirer sur la qualité de l'ouvrage. La diffi- culté, à Paris, consiste, dit - on, à faire méca- niquement des pâtes propres au pain à grigne, des pâtes qui se fendent nettement et propre- ment. Pour des pains d’autres façons, le travail des pétrins réussit mieux. Cependant, nous ne croyons pas cette difficulté invincible, et pour la meilleure condition du garçon boulanger comme pour la satisfaction et la santé du con- sommateur, nous espérons que la boulange- rie n'aura plus bientôt que des pétrisseurs mécaniques. GI. — Pétrin Fontaine. Parmi les pétrins dont on se sert aujour- d'hui, nous devons distinguer le pétrin Fon- taine. Voici le compte qu’en a rendu lEcho des halles et marchés dans son numéro du 8 mars 1835. « M. FoNTAINE, boulanger, rue de Cha- « ronne, faisait depuis long-temps des re- « cherches et des expériences sur un pétrin « mécanique de son invention. Cette persévé- « rance, aidée d’une connaissance parfaite de « la panification, l’a conduit à des résultats « qui nous ont paru des plus simples et des « plus avantageux. M. FONTAINE se sert ex- « clusivement de ce pélrin mécanique, et en a « fourni un à M.Tissier, boulanger, rue Saint- « Martin, n° 59, qui a supprimé aussi tout au- « tre pétrin. C’est chez ce dernier que nous « l'avons vu fonctionner. «Qu'on se figure(fAg 507) un tonneau parfai- « tement cylindrique, long de 3 pi. 1/2 et sus- « pendu sur un fort châssis de bois. Dans toute la longueur de ce cylindre, une portion mo- bile, qui s'ouvre pour Fintroduction de la farine et de l’eau, se ferme hermétiquement pendant l'opération du pétrissage. A l’inté- rieur, 2 compartimens de chacun 21 po.; « c'est là que les levains sont disposés. La « quantité d’eau nécessaire étant coulée et la # farine ajoutée, on ferme liermétiquement et RRARFR ARTS AGRICOLES : DE LA BOULANGERIE. Fig. 507. LIV. IV. « très facilement la portion qui forme porte. « Alors, un seul homme, au moyen d’une ma- « nivelle armée de 2 pignons de diamètres iné- « gaux,met le pétrin en mouvement. La rota- « tion est de 4 tours par minute; 15 minutes, « par conséquent 60 tours suffisent pour ter- « miner le pétrissage. « Nous avons mis nous-mêmes la main à la « manivelle de ce pétrin; il nous a semblé « exiger moins de force que ceux que nous « avions vus jusqu'alors. La charge de toute la « pétrissée. pèse il est vrai sur les tourillons ; « mais, une fois en mouvement, le cylindre, « qui n’a pas moins de 34 po. de diamètre, « forme volant et entraine par lui-même et ré- « gularise la rotation. L'homme fait environ « 40 tours de manivelle par minute. C’est sur- « tout vers la fin de la pétrissée, au moment où la pâte prenait loute sa consistance, que « les péirins mécaniques, quisont venus avant « celui de M. FonrTaine, exigeaient le plus de « force, au point que ce n’était pas trop de 2 « hommes pour achever l'ouvrage. Le pétrin « Fontaine, au contraire, n’offre aucune diffé- « rence sous ce rapport; au commencement «et à la fin, la pâte se manipulant d’elle- « même dans l’intérieur du cylindre, pendant «que ce cylindre tourne sur lui-même, peu « importe qu’elle soit à l’état liquide ou à l’é- « tat solide, le poids ne varie pas. « Pour bien concevoir le maniement inté- « rieur de la pâte, il faut savoir que 2 barres « transversales se placent dans chaque eom- « partiment avant de pétrir. Ces barres sont « en bois mi-plat de 2 po. de large. La 1r°, mise « immédiatement au-dessus du levain, est « disposée de manière à former une pente as- « sez rapide; la 2e ne se place que lorsque « l’eau et la farine nécessaires sont ajoutées ; « sa disposition est horizontale et n’est pas dé- « clive comme celle de la 1r. L'office de ces « barres est de traverser la pâte pendant « qu’elle tourne avec le cylindre dans iequel « elle est enfermée, et, au moyen de Ja décli- « vité de l’une de ces barres, la pâle ne peut « pas couler sans être atteinte. Ces barres, « inertes par elles-mêmes, font à travers l’eau «et la farine qui les rencontrent l'effet des « bras de l'homme. « Le pétrissage que nous avons vu était ex- « cellent, et, sous ce rapport, le pétrin Fon- « Laine nous parait un des meilleurs dont on « se soit servi jusqu'ici. Il offre aussi un avan- « tage que ne présentent nilepétrin SELLIGUE, À ni cHAP. 24°. « « c’est qu’il se nettoie avec une extrême faci- « lité, au moins aussi facilement que les pé- « trins ordinaires. Il prend peu de place, 5 pi. « environ, exige peu de hauteur, par consé- « quent peut s'établir dans les caves; et sa « construction est si simple qu'il coûte moi- « tié moins que les pétrins FERRAND, LAsGoR- « sEIx et autres, pour lesquels on ne deman- « dait pas moins de 16 à 1800 fr. « M. FONTAINE fabrique des pétrins de pe- « tite dimension pour les fermes et autres éta- blissemens. » 2 $ IL. — Pétrin David A ( fig. 508 ) cuve en bois sur pivot ; B, cône du mi- lieu ; C, palettes tournantes; D, axe imprimant le mou- vement à tout l'appareil; E, manivelle et volant; P, poche qui distribue la farine dans le pétrin. Fig. 508. M. Guerrar», boulanger , rue Gaillon, se sert depuis plusieurs années du pétrin David. Ce pétrin, comme l'indique la figure, se compose d’un récipient ou cuvier, monté sur pivot. Au milieu est un cône; de chaque côté un appareil de palettes disposées en double croix et montées chacune sur un axe verti- cal. Le cuvier tourne sur lui-même, entraine la pâte avec lui, et les palettes intérieures, qui sont mises en mouvement au moyen d’en- renages et de roues d’angle, la frappent, a prennent, la reprennent, la fire - bou- chonment, pour ainsi dire, jusqu'à ce qu’elle ait assez de consistance. L'office du cône pla- cé an milieu du cuvier est de repousser la pâte que la force centrifuge éloignerait des palet- tes, et de la forcer ainsi à être compléte- ment soumise à leur action. On voit, par cette seule description, que ce pétrin est plus compliqué que le pétrin Fon- taine, et qu’il offre aussi l’inconvénient d’exi- ger plus de force à la fin de l'opération qu'au commencement. $ LIT. — Pétrin Lasgorseix. A (fig. 809 ), auge demi-cylindrique; B, appareil des cerceaux ; C, manivelle et volent. Dans une auge en bois demi-cylindrique est horizontalement placé un arbre en fer garni de cerceaux légèrement inclinés. Cet appareil est mis en mouvement par une manivelle ar- mée d’un volant. On conçoit facilement l'effet de ces cerceaux; ils fendent la pâte; puis, lorsqu'elle commence à se lier, ils la soule- PÉTRINS MÉCANIQUES. ni celui de LasGoRsEeIx, ni celui de FERRAND, | 443 Fig. 509. vent, la laissent retomber en rubans et l’achè- vent parfaitement; mais ils font mal le dé- layage des levains ou du moins pe le font pas assez vite. On a reproché à ce pétrin un net- ioyage difficile, le refroidissement que les cer- ceaux en fer impriment à la pâte, puis la force motrice qu'il exige quand le travail s’a- chève. Puis enfin les difficultés des répara- tions en cas d’accident. $ IV.—Pétrin Ferrand. Entre le pétrin Ferrand et le pétrin Las- gorseix la différence est minime; c’est aussi uneauge demi-cylindrique dans laquelle tourne un axe en fer armé de cerceaux. C’est dans la disposition de ces cerceaux que la différence existe. Dans le pétrin Lasgorseix, les cerceaux sont séparés les uns des autres; dans le pé- trin Ferrand, ils forment une hélice, une vis. Ainsi, par l’effet de cette vis, la pâte est amenée à l’extrémité du pétrin; puis,en tour- nant en sens inverse, la pâte est ramenée à l'autre extrémité, ainsi de suite jusqu’à l’a- chèvement. On conçoit que de cette manière le délayage des levains puisse s’opérer bien mieux que dans le pétrin Lasgorseix ; mais la force motrice doit être encore plus grande que pour celui-ci. En effet, toute la pâte étant accumulée sur un point, quand elle s’épaissit, le travail devient extrêmement rude. Il est aussi plus difficile à nettoyer que la machine Lasgorseix. Pour éviter le refroidissement de la pâte par le contact du fer, M. FERRAND avait ima- giné d'établir un double fond à son pétrin et d'y introduire de l’eau chaude au degré né- cessaire. L'idée était heureuse, mais exigeait des soins qu'il est difficile de demander aux ouvriers boulangers. Le prix de ce pétrin pas- sait 2,000 fr. D’autres pétrins ont été essayés qui of- fraient à un plus haut degré encore les incon- véniens signalés dans ceux-ci : Cherté dans le prix, grande force motrice, difficulté dans le uettoyage. Le pétrin Fontaine est Jusqu'ici celui qui nous paraît réunir le plus de chances de succès. Un temps viendra sans doute où la mé- canique, aidée de la science du chimiste et du physicien, apportera dans l’art du bou- langer les perfectionnemens qu’il réclame. Le pain sera plus travaillé, plus substantiel, plus proprement manutentionné; de grandes fati- gues seront épargnées pour ceux que le ha- sard condamne à des travaux aussi utiles et jusque-là si pénibles, 444 Les hommes qui s'intéressent à la santé publique et pour lesquels humanité n’est pas un vain mot appellent de tous leurs vœux ces importantes améliorations. Secrion XIX. — Diverses espèces de fours à cuire le pain. Ier. — Fours à chauffage extérieur. Le four dont nous avons donné la descrip- tion est celui dont l’usage est le plus général. Le voici (fig. 510) vu de face. Fig 510. À diverses époques on a essayé de cons- truire des fours dont le chauffage ne se ferait plus dans l’intérieur même de l’âtre et dans lesquels, par conséquent, le dessous du pain ne devrait plus étreen contact avec les parties de cendres et debraisequi, malgré le rouabe et l’écouvillon, restent toujours sur l’âtre dans les fours actuels. L'administration de la guerre (manutention des vivres - pain) a fait des es- sais nombreux en ce genre; mais, nous de- vons le dire, ses efforts et ses sacrifices n’ont presque jamais été couronnés de succès; c’est- a-dire qu'à quelques avantages nouveaux se Joignaient toujours des inconvéniens qui for- çaient de recourir à l’ancienne méthode. Elle s’est servi d’un four chauffé au charbon de terre; le foyer était en avant, et la flamme, au moyen d'un tirage ingénieusement ménagé, entrait dans le four. Le chauffage s’opérait assez également, à l’exception pourtant de la bouche où la chaleur était toujours trop grande et où le pain se brülait. Cette difficul- té, qui n’était pas sans remède, mais qui né- cessitait de nouveaux frais, a fait abandonner ce mode de chauffage. Ce four est maintenant chauffé au bois et à l’ancienne méthode. Le four dont cette administration se sert aujourd’hui a été construit par M. LESPINASSE ; il se chauffe la bouche fermée, avec du bois placé comme dans les fours ordinaires. On conçoit que, par ce moyen, le chauffage puisse se faire plus vite et plus économique- ment. La Guerre fait 17 fournées de pair en 24 heures dans ce four. $ IL. — Du four aérotherme. À (fig. 511 ), bouche du four; B, bouche d'air frais; C, bouches de chaleur; D, porte du foyer; V, cheminée. Ce four est non-seulement curieux par son application à la cuisson du pain, mais encore ARTS AGRICOLES : DE LA BOULANGERIE. Fig. 811. LIV. IVe LS par la manière dont il se chauffe, procédé d'autant plus digne de remarque qu’il semble détruire tout ce que nous savons sur la théo- rie de la combustion, et queles inventeurs, M. Lemarre, l’un de nos plus célèbres calo- ristes, et M. JAMETEL aîné, ne peuvent eux- mêmes l'expliquer d’une manière qui soit sa- tisfaisante pour eux et pour le public; et ce- pendant ce four se chauffe et la combustion se fait. MM. Moucuor frères ont établi à Mont- rouge une boulangerie remarquable sous beaucoup de rapports, et n’ont d’autre four que le four aérotnerme dont ils se plaisent à proclamer les avantages, lorsque, surtout, on peut l'appliquer à une manutention considé- rable et à une cuisson non interrompue. Voici ce que nous en disions dans l’Echo des halles elmarchés du 26 janvier 1835: « MM. Le- « MARRE €t JAMETEL viennent de construire « au Petit-Mont-Rouge, n° 52, leur four aéro- « therme, dont on a vu le modèle en petit à « la dernière exposition des produits de l’in- « dustrie. Aucun combustible ou fumée n’en- «tire dans le four; la chaleur y pénètre par «un courant d'air partant d’autour d'un « foyer placé sous l’âtre, à la distance de 40 « centimèt., et entrant dans le four à la tem- « pérature de 50 à 60°.Un espace videest laissé « dessous, dessus et autour du foyer. Le feu «se fait avec du bois ou dn coak dans un « foyer large de 60 centimèt. sur 1 mèt. de « profondeur. La région du feu et de la fumée « est parfaitement distincte de celle de l'air, « condition essentielle. Les corps solides ou « autres, placés dans le four, s’y trouvent « sous l'impression d’une température qui « peut varier à volonté jusqu’à 400°. « Le phénomène inhérent au four et qui « embarrasse les savans eux-mêmes, c’est « qu’aussitôt que le combustible, bois ou « coak, est en ignition, l'ouverture par la- « quelle l'air s’introduit est fermée de la ma- « nière la plus exacte, lutée même, et que « l’ignition continue de la manière la plus « complète, quelle que soit la quantité de « combustible placée dans le foyer ; on peut « même fermer la clef du tuyau de la chemi- « née; le feu persiste, mais avec moins d'é- « clat (1). » Les avantages de ce four dans une grande manutention seraient : è 1° Une grande économie de combustible ; 2° Une grande économie de main-d'œuvre; (4) I parait à peu pres démontré que l'air nécessaire à la combustion s’introduit sur ie foger, par l'effet même de la grande chaleur qui dilate la paroi des murailles et en élargit assez les pores pour que la quantité d'air alimentaire puisse pénétrer, üriap. 24e. car on n’a jamais à mettre le bois dans le four, à l’allumer, à tirer la braise, à balayer les cen- dres; il suffit, à chaque 3° où 4° fournée, de Jeter dans le foyer une ou deux pelletées de coak ; 3° Une propreté parfaite, le dessous du ain ne pouvant recueillir ni cendre ni char- on ; 4° Une cuisson plus régulière et plus uui- forme dans toutes les parties du pain. Des inconvéniens pratiques ont été signalés dans le principe, comme il arrive toujours dans les applications nouvelles ; mais il paraît que MM. Moucnor, boulangers instruits et progressifs, sont parvenus à faire disparaitre tous ces inconvéniens et er Ja cuisson du pain, dans le four aérotherme, ne laisse plus rien à désirer. SECTION XX. — Des frais généraux d'une bou- langerie, cuisant à Paris (taux moyen ) trois sacs de farine de 159 kil. par jour. FRAIS journa-| Pour FA anvuels ñ FRAIS GÉNÉRAUX. pour es 3 sacs, [Pour |1 sac- à sacs. A —————————————”— £c.l fe. 1° Achat du fonds de commerce. . . . 1630 »| 4.43] à1 48 CR ECC RER SRE RE art 1600 »!| 4 38! 1 46 CONMDUUOBR teens le ee à 262 40) » 71] » 24 4° Entretien de la manutention, renou- Yellement du matériel. . . . « + . . 450 n| 325!» 41 15° Montage des farines en magasin. . . 275 75! » 75] » 25 169 et 7° Intérét du capital placé } chez les boulangers en farines sv ML RS au dépot de garautie l FRAIS FARTICULIERS. 8° Manutention, paie des ouvriers. . > 9° Listrivution de pain aux ouvriers. . 383 35 1 05] » 55 10° Combustible sans déduction de la rire e HAE OI MRC 1954 5o| 5 30| 1 77 11° Eclairage du fournil et de la boutique 2ga »| 0 80| » 27 RMALANUEP EE 4 ie, 2e HÉEAE CE ER ERCE TERRE UD RTS 0 Ro Ado 275 951 » 75] » 25 [149 Remoulage et fleurage . . « . . . 65 70] » 18] » 6 152 Taxe de la vérification des poids et ner 0 LE Le j'a PSE | EDGE 1169 Transports des farines de la balle à Ja boulangerie. {2 1.1. 9225| » 35|» 8 15° Combustible employé au chauffage del'eau. . . . 54 75 Torau (1). 12426 42 ci - dessus. Observations sur le tableau 1° L’acquisition a lieu sur le pied de 8,000 à 10,000 fr. pour chaque sac fabriqué journelle- ment; c’esten moyenne 27,000 fr. de capital à 6 p. 0/0, laux du commerce. . 1,620 fr. 2° Les loyers des boulangers varient suivant le quartier et les localités, de 1,200 à 2,000 fr. et plus, terme moyen. . . . . 1,600 fr. 4° Le capital d’un matériel de boulangerie doit être porté à 3,000 fr. au moins. L’entre- FRAIS GÉNÉRAUX D'UNE BOULANGERIE. A45 tien de ce matériel, notamment du four. étant très onéreux, une allocatiou de 15 p. 0/0 n’est MAO RNCS - . 450'fr. 6° et 7° Le boulanger qui cuit trois fois par jour est tenu à un approvisionnement de 130 sacs. Le prix moyen de la farine doit être porté à 60 fr. les 159 kilogr. ; il faut aussi compter sur cet approvisionnement 6 p. 0/0 d'intérêts, soit. ne. 0e be RAD ir. 8° Un gindre, 4 fr. par jour; un aide, 3 fr. 75 c.; un troisième, 2 fr. 75; un por- teur de pain, 1 fr. 25. Total: 11fr.,75c., soit par an. . ; 4,288 fr. 75 c. 9° Un kilogr. de pain par jour, à 35 c., pour 3 ouvriers, 1 fr. 5 c.; plus, un petit pain Île matin, usage consacré, et le pain consommé la nuit, qu’on peut évaluer à une demi-livre PAR ONNVRIER ACL LS D Sn 10 «1 ON JT-2207 0. 10° Le prix du bois varie au chantier de 26 à 30 fr. la voie; il faut y ajouter 59 c. pour le cordage, 1 fr. pour le transport. Total en MOVE NS RE LR Ru 20 (L:550 C- Une voie de bois brülé produit 34 boisseanx de braise ; la braise se vend 40 c. le boissean. LOL a As nan eu etai TS IOOC, On emploie, pour 6 fournées de Paris 10/30 de voie de bois, ce qui fait, . . 9'fr. S3 c. On en retire pour les 10/30 de bénisse Ce HAUT a 53 Différence constatant les frais (era du combustible. : 1444: . 5 fr. 30°c. par Jour ou 88 c. 2/1000 par four- née. Quant aux boulangers, s’il en existe, qui vendent la braise au-dessus de 40 c. le boïs- seau, ils ont, à raison de leur quartier, des frais de maison plus considé- rablestiéon sur .s rw4s934#fr;r507 €: 11° Le prix de l’éclairage est plutôt porté au-dessous qu’au-dessus de la vérité. 12° On emploie pour 3 sacs de farine de 159 kilogr. 1 kilogr. 1/4 de levure à 80 c. le Kilogr® 1 par jour pr0NC: FENG fr 13° On emploie pour 3 sacs 1 kilogr. 1/2 de sel à 50 c., 75 c. par jour ; par an 273 fr. 75 c. 14 Les quantités de fleurage et de remou- lage que fournissent comme son les meuniers vendeurs de farines sont insuffisantes; d’ail- leurs, la Halle n’en fournit pas, et le boulan- ger achète du tiers au quart de ses farines sur le cavreaude/la Halle. % 020070 fr. 16° Le prix du transport de la Halle chez le boulanger est à la charge de celui-ci. Cette dépense est évaluée en moyenne par an è 91 fr4 29 c. a, . . » 4 . . C2 . . PomMmMIERr. (1) Il résulte de ce tableau que les frais du boulanger sont plus considérables par chaque sac, que l'allocation que l’administration lui accorde; mais malgré cette contradiction apparente, les chiffres que nous avons donnés doivent être maintenus. Nous ferons remarquer qu’ils sont le résultat d'une moyenne, et qu’à Paris un boulan. ger qui ne cuit que 5 sacs ou au-dessous , ne parvient à faire honneur à ses engagemens qu'avec la plus grande difficulté, et en apportant sur les frais de tous genres la plus sévère économie. 448 ARTS AGRICOLES : EXTRACTION DU SEL. LAV, IVe LUTRE PROUSIAME PRODUITS MINÉRAUX. CHAPITRE XXV. — DE L'EXTRACTION DU SEL. Sous les noms SEL MARIN, SEL DE CUISINE, SEL GEMME, SEL BLANC, SEL RAFFINÉ, On désigne le sel le plus usité dans l’économie domestique, comme dans les exploitations agricoles et industrielles. Les 2 premières dé- nominations indiquent quelquefois plus par- ticulièrement le sel brut obtenu par lévapo- risation des eaux de la mer, la 3e s’applique au sel extrait des mines à l’état solide; les 2 dernières spécifient les produits du raffinage ou de l’épuration des 2 sortes de sels bruts. Une grande partie du sel qui se consomme se trouve dans la terre, tout formé; il consti- tue des dépôts très considérables, en masses solides, qui donnent souvent lieu à d’abon- dantes sources salées également exploita- bles. Les mines de Williczka, en Pologne, sont pratiquées dans un dépôt salifère ayant envi- ron 200 lieues de longueur et 40 lieues de lar- geur, et plus de 300 mètres d'épaisseur. On a trouvé en France, dans le département de la Meurthe, un banc analogue. Ce sel est tantôt blanc et transparent, et alors presque com- plétement pur, ou bien opaque, coloré en une teinte rougeâtre ou brune par l’oxide de fer, renfermant en outre de l'argile, des traces de bitume, de charbon, etc. Les mines de sel gemme ont d’ailleurs été découvertes en Es- pagne, en Angleterre, en Hongrie, dans di- vers États de l’Allemagne et en Russie; on n’en a pas encore trouvé en Suède, en Nor- wége nien Italie, quoique dans cette dernière contrée on rencontre des sources d'eaux sa- lées ; l'Asie, l'Afrique et l'Amérique renfer- ment des dépôts salifères. Secrion Ir. — Extraction du sel à l’état solide. $ Ier. — Mode d’extraction du sel gemme. Le sel gemme ou des mines s’exploite à l'aide de puits et de galeries, comme les auires munerais ou produits des carriè- res. Ce sel, coloré ou blanc et diaphane, est en masses ou blocs très compactes, en sorte qu'il doit être divisé en poudre fine pour ser- vir à divers usages, et notamment pour l’ap- plication industrielle qui en consomme le plus, c’est-à-dire sa décomposition par l’acide sulfurique, opération dont on obtient du sul- fate de soude et de la soude, ainsi que nous l’a- vons décrit dans le chap XXI. Il n’en est pas de même dusel résultant del’évaporation spon- tanée des eaux de la mer; celui-ci, formé de lamelles successivement réunies, offre des agglomérations de cristaux facilement per- méables, $ II. — Raffinage du sel des mines. Le sel gemme est raffiné sur place avant d’être livré à la plupart des usages économi- ques. Ce raffinage constitue une opération bien facile : On suspend, dans un crible en fer et près de la surface du liquide, les mor- ceaux de sel de différentes grosseurs dans un réservoir rempli d’eau. À mesure que l’eau se sature de sel, devenue plus pesante, elie des- cend au fond du vase et est aussitôt rempla- cée par une autre partie du liquide qui vient dissoudre de nouvelles quantités de sel, puis se précipiter à son tour. On conçoit que. de cette manière, on parvienne à salurer de sel toute la masse de liquide. On laisse alors déposer cette solution trou- ‘ble ; les matières terreuses tombent au fond, et il suffit d’évaporer le liquide soutiré au clair pour obtenir des cristaux très blancs qui se forment à la superficie, puis tombent au fond du liquide. À mesure que le sel se précipite, on le re- cueille en plongeant dans la chaudière A (fig. 512) une espèce de grande écumoire B, quiest munie de 3 anses C. L’ébullition qui fait dégager l’eau en vapeur agite constamment le liquide. La vapeur ne se formant pas dans le petit vase, plongé au milieu du grand, il s’y établit un repos relatif et le sel s’y dépose bientôt assez abondamment pour qu’en soulevant lé- cumoire, à l’aide d’une poulie D, on puisse l’en retirer avec des pelles en tôle. On porte ce sel dans des trémies en bois blanc E (fig. 513); on laisse égoutter le liquide qu’il contient au tra- vers des trous du faux-fond G ; on peut même obtenir directement, dans la chaudière où le précipité s'opère, le sel dans les vases ou en- veloppes qui doivent le contenir pour la vente. A cet effet,on plonge des paniers d’osier blanc H (fig. 514), qui ont la forme d’un cornet, Fig. 514. Fig. 518. dans la chaudière, lorsque le sel commence à s’y précipiter ; on les relire une ou 2 minutes crraP. 25°. après, remplis de sel. Après les avoir enlevés, on les laisse égoutter et se dessécher à l’é- tuve, puis après avoir nettoyé l'extérieur à la brosse ou les envoie à la vente. Secrion II. — Extraction du sel des eaux salées. On obtient du sel en menus cristaux par l’évaporation spontanée ou artificielle des eaux de la mer ou des eaux de sources salées; et enfin par l’évaporation de l’eau que l’on a saturée de sel, en la faisant séjourner dans les cavités au milieu des mines mêmes. Ce der- nier mode d'extraction est même générale- ment préféré, en raison de ce que les pro- duits qu’il donne sont immédiatement ap- plicables, tandis que le sel extrait en blocs exige un triage, un broyage et souvent la re- fonte de la plus grande partie; qu’enfin les frais d’évaporation sont très peu plus dispen- dieux. Le sel marin, que l’on obtient par tous ces procédés, revient à très bon marché; c’est, de tous les sels solubles trouvés dans la na- ture, celui qui coûte le moins de prix d’ex- traction. Dans les pays méridionaux, pendant l'été, l’évaporation des eaux de la mer se fait spon- tanément par les courans naturels de Pair at- mosphérique. A cet effet, on forme, dans un terrain argileux, des fossés d’une grande étendue et très peu profonds, séparés les uns des autres par des languettes de la même terre ; à l’aide de rigoles ou y introduit l’eau de la mer et l’on ferme l’accès par une sorte de vanne; on en ajoute ainsi de nouvelles Fig. SEL DES EAUX SALÉES. 447 quantités au fur et à mesure que l’évaporation a lieu. Ces dispositions du sol, connues sous le nom de marais salans, forment une série de réservoirs creusés sur les bords de la mer; nous les indiquerons successivement en y montrant la marche des eaux qui s’y doivent concentrer. $ Ier. — Exploitation des marais salans. L'eau de la mer, outre le sel marin, con- tient plusieurs sels moins abondans dont les proportions sont indiquées ci-dessous. Cette eau renferme en outre des substances organi- ques dont lune d’entre elles produit, au mo- ment du salinage, un phénomène curieux que nous décrirons plus loin. Composition de l’eau de mer. Sel marin ou chlorure de sodium. . . 2,50 Chlorure de magnésium. . . . . . 0,35 Suifate de /magnesié. . [27.1 "0. "10:58 Carbonate de chaux et de magnésie. . 0,02 DUO TI CHAUES .re Le Tel les en et RU ÉD LE NE MM so RETRO AMP AE | 100,00 La quantité d’eau à évaporer est donc fort grande ; mais, dans les marais salans bien pla- cés l’évaporation est assez rapide pour qu’on obtienne le sel-à un prix très modique. Il est convenable de placer les marais sur une plage unie dont le sol soit argileux et mis à l'abri des marées. L’eau de la mer est conduite d’abord | dans un fer réservoir A (fg.515), appelé jas,par 515. ure écluseouvaraigneE. Ce réservoir doit con- tenir une hauteur de 2 pi. d’eau au moins et | 6 pi. au plus. Dans ce jas l’eau de mer com- mence à dégager de la vapeur, mais sur- | tout elle se dépouille des corps qu’elle Lenait en Suspension. Au moyen d’un tuyau souter- rais ou gourmas, on la fait passer dans une | suite de bassins moins profonds €. €, €, nom- , més couches; de ceux-ci, au moyen du faux- | gourmas {aulre tuyau souterrain placé en f), | elle passe dans le mort M; c’est un canal qui fait tout le tour du marais et auquel on donne jusqu’à 4,000 mèt. de développement. Le mort amène l’eau dans de nouveaux bassins t, 4, : 448 connus sous le nom de tables; de ceux-ci elle passe dans une série de bassins semblables m, m, désignés sous le nom de muant; du muant l’eau arrive enfin dans les aires &, 4, a, a où s'achève son évaporalion; elle y parvient par des canaux b, b, b, nommés brassours, qui chacun versent l’eau dans 4 aires par des con- duits souterrains qu'on ouvre et qu’on ferme à volonté à l’aide de tampons. L'eau arrive très concentrée dans les aires et ne tarde pas à y saliner. Le dépôt du sel s’annonce ordinai- rement par une teinte rougeâtre qui se déve- loppe dans l’eau et vient à la superficie. Cette coloration est due à la séparation d'une ma- tière organique particulière inaperçue dans l’eau où elle était très étendue ou dissémi- née. M. Dumas, qui en a recueilli une petite quantité, a reconnu que c’est elle qui exhale, aux alentours des tas de sel des marais, l’o- deur de violette signalée par divers observa- teurs. Le sel cristallise à la superficie de l’eau ; de temps à autre on brisé la croûte et, lorsqu'il s’est formé une couche assez épaisse, on ra- masse le sel avec des ràtissoirs et on le met en tas sur le chemin v, v qui sépare les aires et qu'on désigne sous le nom de vie. Dans certains marais, au lieu de briser la croûte de sel, on la recueille en lécrêmant avec un rà- teau à long manche. Le travail des marais salans commence au mois de mars et se termine en septembre. Au commencement de la saison, pour mettre le marais en état de fonctionner, on doit le netioyer. Pour cela, on ferme la communica- tion entre le muant et les tables et l’on ouvre le conduit souterrain C désigné sous le nom de coy. Les eaux du muant s’écoulent et en- trainent avec elles les dépôts. On jette dans le muant toutes les eaux que contiennent les aires et l’on nettoie celle-ci. On ferme alors a communication entre les couches et les ta- bles et l’on vide ces dernières dans le muant. Les tables étant nettoyées, on pourrait en faire autant des couches, mais ordinairement on s’en dispense, Le marais étant nettoyé, on amène l’eau du jas dans les couches, delà dans le mort, les tables, le muant, jes brassours, et enfin dans les aires. Quand il y a 1 po. d’eau au plus dans l'aire, on ferme la communication ; l’eau qui arrive dans Îles aires est, dans les 1° temps, peu saturée, parce qu’elle n’a pas séjourné assez de temps dans les bassins intérieurs et que la saison est encore peu chaude. Il faut alors 8 jours pour que le sel se produise dans l'aire; mais, dans la bonne saisor et quand les eaux ont subi une évaporation convenable avant d'arriver dans l'aire, on saline 2 ou 3 fois par semaine, quelquefois même tous les jours. Le sel se ramasse en tas coniques P,P,nom- més pilots, on en tas pyramidaux V, V, qu'on appelle vaches. Ces tas sont recouverts de paille où d’herbages qui les garantissent de la pluie. Le sel, ainsi conservé en tas, s’égoutte et se purifiemême, en ceque les sels déliques- cens qu'il contient attirent peu à peu l’humi- dité de Pair atmosphérique et s’écoulent en solution. Lorsque le sel a été ainsi suffisamment égoutté, on l’expédie dans le commerce où il ARTS AGRICOLES : EXTRACTION DU SEL. LV. 1%: est connu sous les noms de sel brut, sel marin, sel de cuisine, sel commun, etc. Les sels anciens sont toujours préférés aux sels nouveaux. La récolte du sel est d’autant meilleure que la saison a été plus sèche et plus chaude; quel- quefois elle est presque nulle, si la saison a élé très pluvieuse. Alors le cours du sel marin augmente et il s’en fait peu d’expéditions. $ II. — Exploitation des sources salées. Ces sources résultent de la solution des dé- pôts salifères ou bancs de sel gemme par les eaux souterraines. L'exploitation s’en fait par des procédés qui varient suivant les circon- stances locales, mais qui, généralement, com- prennent l’évaporation spontanée ou à l’ar libre, et l’évaporation à l’aide de combus- tibles. Les eaux salines des sources renferment or- dinairement du chlorure de sodium, du chlo- rure de magnésium, du sulfate de magnésie, du sulfate et du carbonate de chaux et quel- quefois du carbonate de fer dissous par un excès d'acide carbonique. Dans ce dernier cas, elles laissent former un dépôt ferrugineux abondant au moment de leur sortie du sein de la terre, où dans les tuyaux de conduite qui les amènent au lieu de l’exploitation, en sorie que, là, elles sont presque toujours dé- pouillées d’oxide &e fer. Une partie du car- bonate de chaux dissous par l'acide carboni- que se dépose en même temps. Dans la boue ui résulle de ces 2 dépôts, croissent souvent des conferves qui s’y putréfient après leur mert et communiquent à l’eau une odeurin- fecte plus ou moins sensible, mais que l’éva- poration et la cristallisation font disparaitre des produits. 1° Des bâtimens de graduation. L'eau éiant parvenue dans la saline, on commence son évaporation dans les bétimens de graduation. Ces bâtimens sont des han- gars très longs, assez élevés, ouverts à tous vents, et dans lesquels on dispose des appa- reils destinés à diviser, pour l’aérer autant qu'on le peut, l’eau de source. On se sert généralement pour cela de fagots d’épines amoncelés par couches horizontales en pa- rallélipipèdes rectangles. Ona aussi employé des cordes tendues verticalement du haut en bas du hangar; quelquefois, enfin, les surfaces évaporantes sont des tables légère- ment inclinées. Dans le 1® cas, l’eau qu'on veut concentrer est versée continuellement sur les fagots où elle se divise en couches ex- cessivement minces, court d’une branche à l’autre et se trouve, pendant tout son trajet, en contact avec l'air qui circule au travers des fagots. Lorsqu'on se sert de cordes, l’eau ruis- selle autour d'elles; elle se divise donc en- core beaucoup et offre à l’air de nombreux points de contact. Dans les bâtimens à fables en bois, à re- bords très peu élevés, deux rangées de celles- ci sont disposées sous le hangar. Deux cu- veties sont légèrement inclinées alternative- # ment, la première dans un sens, la deuxième dans l’autre; à leur partie la plus basse est” cnapP. 25e. SEL DES EAUX SALÉES. 449 pratiqué un trou qui permet à l’eau ver- sée sur le boutopposé de la tablette supérieure | de tomber dans celle qui est au-dessous, et À ainsi de suite. L'air passe entre les tablettes, | et, séchant la couche mince d’eau salée qui s’y trouve, emporte de la vapeur aqueuse et, se renouvelant sans cesse, accélère l’évapora- tion. ne | eee | ments Les bâtimens de graduation à fagots d'épines 1,01010,0 ‘té d’ 1É P'ldreet 2e © .4.:.. .1.18,158/102910,940 (fig. 516) ont été d ho employés en Lom ge, 4, 5e, &, 7e, get 9. .|2720/1,07210.335 Fig. 516. fo ME. C0. © UNI Densité de l'eau. Eau évaporée. Surface totale des fagots parcourus. | CHUTES. Évaporation totale.10,935 Eau restant à 1,140 de densité.|0,065 Eau employée à 1,010 de densité|1,000 moins de dix chutes pour amener l’eau de la densité de 1,910 à celle de 1,140, encore les circonstances sont-elles supposées les plus favorables à l’évaporation; souvent on est obligé de répéter les chutes plusieurs fois avant de passer d’un bâtiment à l’autre. On perd toujours, durant ce rapprochement, une quantité plus ou moins grande d’eau salée par la dispersion que les vents occasionnent, et cela explique comment l’évaporation semble marcher plus vite lorsque les eaux sont plus concentrées. L'eau amenée ainsi à une densité de 1,140, ou très près de ce terme, est placée dans les baissoirs ; ce sont de vastes bassins en maçon- nerie couverts. L’eau y dépose les matieres insolubles qu’elle tenait en suspension; de là elle est conduite dans l'atelier, où elle doit être soumise à une évaporation rapide dans une chaudière. Lorsque la source salée contient des car- bonates de chaux et de fer, elle laisse déposer du carbonate de chaux et du peroxide de fer, Jusqu'à ce qu’elle marque 3°,5 à l’aréomètre de BAUMÉ, ce qui correspond à 1,023 de den- sité. Le sulfate de chaux, dans les eaux salées, ayant un maximum de solubilité qui corres- pond à 5° Baumé, il est évident que ce n’est qu'à partir de ce terme qu’il pourra s’en dé- poser des quantités proportionnelles à l’eau évaporée. Voici, d’après M. BERTHIER, les nombres qui expriment cette solubilité. bardie ; on les introduisit ensuite en Saxe et, en 1559, ils furent adoptés dans les salines de Bavière ; dès cette époque toutes les exploita- tions placées dans des conditions convenables les ont adoptés. Ces bâtimens sont construits avec une charpente en bois, ouverte à tous vents, que l’on soutient sur des dés ou sur des piliers en maçonnerie ; ils sont couverts d’un toit en planches qui abrite les fagots et empêche l’accès des eaux de pluie; ils ont une longueur de 350 mètres environ, sur 8 à 10 de largeur; leur position doit être étudiée avec soin, sous le rapport de la direction ha- bituelle du vent, dans la contrée. On conçoit que l’air doit les frapper perpendiculairement à leur longueur; il est évident aussi que le mode de distribution des eaux doit être sus- ceptible de changer à volonté, suivant les changemens de directions 4du vent. On rem- plit cette condition en placant sous le sommet du bâtiment de graduation une rigole offrant une rangée d’entailles sur chacun de ses deux bords; deux planchettes glissant sur chaque côté de la rigole et dans lesquelles des entail- les semblables sont pratiquées, laissent cou- ler l’eau, quand d’un côté les entailles de Ja planchette et de la rigole se correspondent, tandis que le côté opposé ne laisse rien passer. Au moyen de leviers disposés à cet effet, on peut en un instant fermer f'uu des côtés et ouvrir l’autre en faisant glisser les planchettes entaillées. On partage la longueur des bâtimens de graduation en deux où plusieurs sections; la 1" recoit les eaux de la source, la 2° celles qui ont déjà passé sur la 1" et ainsi de suite. Les pompes qui élèvent l’eau sont placées or- dinairement au milieu du bâtiment et la pui- sent dans des réservoirs situés vers sa partie inférieure, pour la porter dans les canaux qui la déversent sur les fagots. Ces pompes sont resque toujours mues par une roue hydrau- ique. On peut se représenter la marche de l’éva- oration, d’après les résultats suivans obtenus Moutiers et recueillis par M. BERTRIER. AGRICULTURE, AT TOME JII.— 57 Degrés de Bauuk. Sulfate de chaux dissous. 0° 0,0033 20 0,0043 5° 0,00605 maximum. 15 0,0043 270 0,0000 Ainsi donc, le dépôt qui s’opère pendant les premiers momens de la graduation doit toujours consister en sulfate de chaux mêlée de peroxide de fer et de carbonate de chaux, ensuite il se dépose du sulfate de chaux seul. Les nombres suivans, que M. BERTRIER a réunis d’après des expériences pratiques, indiquent les quantités d’eau qui s’évapo- rent par la graduation, depuis 1°,6 de BAUMÉ, Jusqu'à 26° et les quantités de sulfate de chaux D'après ce tableau on voit qu'il n’a pas fallu déposées. 450 Degrés poids poids Sulfate de de l’eau de l'eau de chaux Baumé. restante. évaporée. déposé. MONEEÉ | canne RES ROSES CENERRMEENS | nemnese 1, 6 10000 » » 2, 0 8400 1600 » 3, 0 5620 2780 » 4, 0 4040 1580 4, 5, 0 3150 890 3,9 10, 0 1486 1664 10,5 15, 0 941 545 _4,5 20, 0 703 238 2,6 25310 551 152 0,95 26, 0 526 25 0,1 Pour se servir de ce tableau ii suffit de | savoir qu’en temps ordinaire, on évapore en- viron 69 kileg. d'eau en 24 heures par mètre carré de surface garnie de /agots. Les circon- siances locales déterminent à quel degré il convient d’arrêter la graduation; 14° et 20° sont les 2 limites entre lesquelles on borre cetie évaporation; on s'arrête à 14° lorsqu'on _a du combustible à très bas prix, et l’on ! pousse jusqu’à 20° quand il est cher. Pour fixer ce point, il faut tenir compte de la quan- tité d’eau dispersée pendant la gradnation; si on l’a déterminée, on pourra comparer le prix du sel perdu avec celui du combustible néces- saire pour remplacer l'effet de l'air. 20 De l’évaporation dans les chaudières. L'eau contenue dans les baissoirs s'écoule à volonté dans les chaudières, où elle est évapo- rée par la chaleur que développe le combusti- ble. Ces chaudières ou poéles sont très vastes et faites avec des plaques de tôle forte de 4 ou 5 millimètres d'épaisseur assemblées par des clous rivés, elles sont soutenues par des pi- liers en fonte placés dessous On y brüle du bois ou de la houille. La chaudière qui est chauffée directement est destinée à faire le sel; celle qui suit est la chaudière à schloter. Ces chaudières sont cou- vertes d’un toit en planches terminé par une trémie ouverte, par laquelle s’échappent les vapeurs. Le travail se divise en trois opérations dis- tinctes : 1° le schlotage; 2° la précipitation du sel; et 3° la dessiccation du sel égoutté. Ces tro's opérations marchent de front et ordinaire- ment à l’aide d’un seul foyer. On désigne sous le nom de schlat un dé- pôt abondant qui se forme quand l’eau salée est mise en ébullition. Le schlot est formé d’un sel double, sulfate de chaux et de soude. Pour schloter, c’est-à-dire pour débarrasser l’eau salée de tout le sulfate double qu’elle peut produire, on amène dans la chaudière ’eau des boissoirs qui marque environ 18 de Baumé, puis on la fait bouillir. 11 se forme aussitôt une écume provenant de matières organiques enlevées et coagulées par l’ébulli- tion; on y ajoute quelquefois un peu de sang de bœuf fouetté dans l’eau froide, pour facili- ter la séparation de cette matière. Comme l’eau salée est ordinairement alors saturée de sulfate de chaux, le schlotage commence en ne ee ne ARTS AGRICOLES : EXTRACTION DU SEL. LIV. 1%. bientôt; le sulfate double se dépose, entrai- nant du sel marin; on l’enlève avec de longs râbles, et on le dépose dans des augets car- rés en tôle, connus sous le nom d’augelots, qui sont placés au-dessus de la chaudière. Au bout de 15 ou 20 heures de feu, le sel com- mence à se déposer lui-même ; cependant on ne procède pas encore au salinage. On ajoute de nouvelle eau provenant des baissoirs et l’on schlote encore pendant 8 ou 10 heures; quand la chaudière est pleine d’eau à 27° de Baum elle est bonne à saliner. On la porte alors dans la chaudière de sali- linage ou de soccage où elle est chauffée mo- dérément; le sel cristallise en trémies ou | pieds de mouches à la surface du liquide. On | sépare d’abord ur peu d’écume qui se forme, | puis, on ramasse le sel à l’aide d’une grande écumoire ou pelle trouée et on l’égoutte dans des trémies; de là il passe au séchoir. Le salinage dure plusieurs jours, il nest arrêté que lorsque le sel devient impur; il reste une eau-mèêre épaisse, visqueuse et odo- rante que l’on porte dans un réservoir parti- . culier. Les analyses de M. BERTHIER prouvent que la pureté du sel va en décroissant, comme on devait le vrévoir. Les eaux-mères contiennent beaucoup de chlorure de magnésium (muriate de magné- sie), du sel marin et du sulfate de magnésie. Elles contiennent souvent en outre des iodures et des bromures de magnésium que l'on ccmmence à exploiter; enfin elles renfer- ment toujours une matière organique qui pa- rait provenir des fagots. Comme le sulfate de magnésie et le sel marin réagissent l’un sur l’autre, se transforment en sulfate de soude et en chlorare de magnésium à une basse température, on tire parti de ces eaux-mères, en les mettant dans un réservoir où elles passent l'hiver; il s’y forme trois dépôts suc- cessifs, le dernier est formé de sulfate de soude presque pur; on le retire et on Île livre au commerce. La présence du chlorure de magnésium est la cause de grandes pertes; il donne des sels désagréables au goût et déliquescens; il con- vient de s’en débarrasser et M. BERTRIER y est parvenu à l’aide de l’application très ingé- n'euse d’une observation de GRENx. Le sul- fate de soude et le chlorure de calcium se dé- composent mutuellement et donnent du sel marin et du sulfate de chaux ; GRENN a mon- tré en outre que la chaux décompose le chlo- rure de magnésium, et qu'il en résulte du chlorure de calcium et de la magnésie. Dans presque toutes les sources salées il existe du sulfate de soude et du chlorure de magné- sium, mais en général moins de ce dernier qu'il n’en faudrait. Si l’on ajoute done dans l’eau salée assez de chaux pour décomposer le chlorure de magnésium, on éliminera de la magnésie en produisant du chlorure de cal- cium qui à son tour décomposera une partie du sulfate de soude; il restera donc un mé- lange de sulfate de soude, de sel marin et de sulfate de chaux, et après le schlotage on pourrait saliner sans qu'il restât sensiklement d’eau-mère. Quand on a des eaux-mères à sa disposi- tion, on peut s’en servir pour ajouter à l’eau mer CHAP., 25°. le chlorure de magnésium nécessaire à l’en- tière décomposition du sulfate de soude et alors, après le dépôt du sulfate de chaux, une évaporation brusque donnera du sel marin d’une pureté remarquable. Pendant l'évaporation du sel, il s'attache au fond des poëles un peu de schlot que l’on est obligé d’enlever à coups de marteau au bout de 12 ou 15 cuites ; on conçoit que sa forma- tion est très fâcheuse, en ce que les chau- dières conduisent moins bien la chaleur et qu'on les détériore pour le détacher. Ce dé- pôt est désigné sous le nom d’écailles, en rai- son de la forme de ses fragmens lorsaw’il est enlevé au ciseau. | A Moutiers, pour remplacer en été l’évapo- ration par le feu, on se sert d’un bâtiment de graduation à cordes, au moyen duquel on ob- tient directement du sel cristallisé. Ce bâti- ment a 90 mètres de longueur, dont 70 sont garnis de cordes ; au sommet du bâtimentsont placés des canaux de 13 centimètres de large, espacés entre eux de 13 centimètres. Des cordes sans fin passent dans des trous percés dans ces canaux et sont maintenues par des solives au bas du bâtiment; elles ont 7 à 8 millimètres de diamètre. Il y a 24 fermes dans l'intervalle desquelles se trouve 12 ca- naux, et ceux-ci portent 23 cordes chacun, ce qui fait 46 longueurs de cordes pour chaque canal. Cette corde ayant 8 mètres 1/4 de lon- gueur, on voit qu'il a fallu plus de 100,000 mètres de corde pour construire le bâtiment. L'eau est élevée par une noria dont les seaux la versent dans un canal qui règne dans toute la longueur du bâtiment; celui-ci la distribue dans des canaux qui se trouvent entre chaque ferme, et de là elle passe dans les canaux qui supportent les cordes et qui sont munis d’é- chancrures par lesquelles l’eau coule sur les cordes. En été on amène l’eau saturée bouillante sur ces cordes, on l'y fait passer plusieurs fois et le sel marin s’y dépose; quand l’eau de- vient visqueuse et épaisse, on la conduit au réservoir des eaux-mèeres. Le sel cristallisesur ces cordes qui se recouvrent ainsi d’une cou- che de plus en plus épaisse ; lorsqu'elles ont SEL DES EAUX SALÉES. 451 acquis près de 6 centimètres de diamètre, on les décharge en brisant le sel; celui-ci tombe sur le sol du bâtiment où on le ra- masse. Le salinage d’une cuite qui durerait 5 à 6 jours dans les chaudières se fait en 17 heures sur ce bâtiment. Le sel est plus pur, mais les eaux-mères sont plus abondantes. Dans le bâtiment on obtient 2 espèces de sel : le 1e" se forme dans les bassins quand l'eau y séjourne quelque temps, avant d’être élevée sur le bâtiment; il est en gros cristaux très blancs ; le second et le plus abondant se pro- duit sur les cordes mêmes. Ces sels sont d'une pureté remarquable. Voici leur compo- sition : sel des bassins. sel des cordor Sulfate de magnésie. . 0,40 0,58 id. de soude . : . 0,75 2,00 Chlorure de magnésium. 0,18 0,25 Selamarin 2,7. 14106): 20867 97,17 109,00 100.00 . On livre rarement au commerce du sel ma- rin aussi pur; toutefois ce procédé, plus dis- pendieux de 1e établissement d’usé et de main-d'œuvre, n’a été adopté qu'à Moutiers, partout ailleurs on a préféré le salinage en chaudières que nous allons décrire. D'après des analyses nombreuses sur des échantillons pris à toutes les époques impor- tantes de l'opération du salinage en chaudières, M. BerTRIER résume ainsi les préceptes et la théorie de cette opération. Il faut schloter à grand feu pour déterminer la formation du schlot, et par suite la sépara- tion d’une grande quantité de sulfate de soude. Après le schiotage, il est utile de saliner à pe- tit feu pour éviter que le sulfate de magnésie et le chlorure de magnésium ne cristallisent avec le sel marin. Au commencement du sali- page il se dépose peu de sulfate de soude, la quantité en augmente lentement et tout ce sel est déposé avant la fin de l’évaporation; le dernier sel obtenu ne contient que du sulfate de magnésie. Les analyses suivantes feront voir que ces préceptes sont une déduction immédiate des faits. | PRODUITS AVANT GRADUATION PRODUIT DE LA GRADUATION. | ] 2 A mm || | poesailpe de Honders, Dépôt Dépôt | Eau près 4 Dépôt [sDernier Eaux | ( analyse de M. BERTHIER). à la près du au DER CAN des | | d source. |bätiment. | bâtiment. || dépôt. Re res Larson | 85,0 5,0 Carbonate de chaux... . , . . 5,0 93 » 0,05 6,60 iDébris-organiques. , . . . .| 4,0 2» » » Dutilonde CEE ".. 44 cd! . » » 0,270 | 93,3% | 99,76 | 99,75 | 0,3 M — de magnésie., . , . . » » 0,056 D de soude. . ,., .h.:. » 6,130 Chlorure de sodium . . . . . » » 0,060 — de magnésie. . , . . » » 0,032 PRET » 99,402 | | Lu 100 » 100 452 = Rs 100 »1[109 »|100 » Dernier eaux-mères. dépôt. | dépôt. | dépôt. ISulfate de magnésie.|11,74 | 0,2 — de soude. .146,36 156,5 | 95 » Chlorure de magnés.| 0,60 | 0,2 -|41,30 | | Produit du travail des 4er 2e — desodium. ARTS AGRICOLES : EXTRACTION DU SEL. PRODUITS SCHLOTAGE. SALINAGE. de la sig lde Moutiers A] eee ee Un CT UE NE {analyses de M. Berraier) | 4% | Schlot | Dernier Eau fe sel Dernier /| NE ES schlot. |moyen.| schlot. à 260. sel. moyen. sel. méres. | A —— CREER | CORENNNSENE CORRENNORENAPEN | MANN EMNENNENES | ETES | Ceres | MEURTRE Sulfate de chaux. 28 »|41,10 » » 1,55 » » » 10,65 — desoude. .| 24 5/52,65 | 10,10 2,81 3,80 5,55 » » 18,66 Chlorure de sodium| 47 5| 6,25 | 25,68 | 25,50 | 94,64 | 93,59 | 85,50 | 20,80 | 57,34 ISulfate de magnésie| » » 64,22 1,48 » 0,25112;50 9,50 3 » (Chlorure de magné.| » » » 1,07 » 0,61 D 4,85 0,75 Eau. . Lie ERP » » » 69,14 | » » » 64,85 9.60 Re 100 E——————— oo DT Eaux- mères. RSA 7 LP CUS . | » » » 64, 100 » 100 »1100 » |100 LIV. IV. IUU » [100 . » Les » ie » es » Produits d’une cuite sur 46,900 kil. d’eau à 200. 2 Chlorure de sodium. . . 7900 » ISCRIOIASe. 22m CROP 340 4HlEcaules ITA CRE 210 9 |Eaux-mères et perte. . . . .| 2050 5 La dernière partie des tableaux ci-dessus indique les résultats d’une cuite faite par M. BerTHiEer, à Moutiers, sur 46,900 kil. d’eau à 20° contenant 10,500 kil. de substances sa- lines. On à employé dans cette cuite 50 stères de bois de sapin ou mélèze refendu, savoir : 25 pour schloter et 25 pour saliner. Nous ferons observer que le déchet en eaux- mères et perte est trop fort; on n'évalue qu'à 1/7 ou 1/8, dans le travail courant, la perte réelle. Il est évident qu’on n’a pu traiter tou- Les les eaux-mères, puisque, d’après le résul- tat moyen d’une année, celles-ci fournissent en sulfate de soude le 10° du poids du sel marin obtenu. Il faudrait donc ajouter ici en- viron 790 kil. de sulfate de sonde aux pro- duits. À Moutiers, on consommait alors 1 stère de bois pour évaporer 7,5 quintaux métriques d’eau à 20° de Baumé. Cette quantité de com- bustible est énorme, puisque chaque kil. de bois forme à peine 2,5 de vapeur. Les chau- dières construites par CLoiss, à Rosenheim en Bavière, sont plus avantageuses; elles évaporent envjron 3,5 kil. d’eau par kil. de bois, et sont indiquées par la fig. 517 en plan, et par les fig. 518 et 519 en coupe suivant les lignes À B et B C de la fig. 517. Dans cette figure, on voit ces 6 chaudières , Fig. 517. dont une, le poélon P, chauffée par les fumées des 5 autres, recoit l’eau salée. Celle-ci dé- pose et se rend dans la poéle de graduation G par la pente naturelle. Concentrée là, au point de schlotage, on la fait couler dans la poële de préparation H H; on schlote jusqu'au degré de saliner; l’eau coule dans la poëéle de cristal- lisation I I; le salinage s’y opère sans ébulli- tion ; on recueille le sel sur une trémie, dont le plan incliné laisse égoutter l’eau dans ja poêle. 154 4 Fig. 518. La fig. 518 montre la disposition des pla- ques en tôle, soutenues par des piliers de fonte. On voit (fig. 520), un cone creux en cuivre lesté, servant d’aréomètre. Fig. 520. Rappelons qu’en se servant de chaux pour purifier les eaux salées, on simplifie de beau- coup la marche du travail; on se débarrasse de divers produits accidentels; enfin on ob- lient, en moins de temps et avec une grande économie de combustible, une plus grande quantité de .sel marin, puisqu'on recueille CcHAP. 25°. tout celui que l’eau renferme et mème un peu plus. Cette amélioration est applicable, non-seu- lement anx sources salées, mais encore à tou- tes les exploitations de sel marin. Ainsi,quand on dissout le sel gemme pour le faire cristal- liscr, on se retrouve dans les mêmes condi- tions, et, lorsqu'on exploite l’eau de la mer, vlles se reproduisent encore. On pourra ju- ser de l'influence de ces améliorations en cxaminant, dans les tableaux ci-dessous, la composition des sels obtenus en Russie (en concentrant les eaux par la gelée et conser- vant ainsi les maxima de chlorure) ; et re- marquons que ces sels ne contiennent que 77 à 91 p. 0/0 de sel marin pur, tandis que les produits vendables de l’étang de Berre con- tiennent de 95 à 96 de sel pur; enfin, si l’on compare, dans le tableau de ces derniers pro- duits, les résultats de l'ancien mode d’opérer avec les nouveaux moyens mis en pratique, on verra qu'aujourd'hui les sels contiennent plus de 99 centièmes de sel pur, tandis qu’ils n’en renfermaient autrefois que 94 à 96. SEcTionN III. — Des emplois du sel. Le sel marin brut est employé dans l'éco- nomie domestique, dans certains arts et pour différentes fabrications, entre autres pour la préparation de la soude, du sulfate de soude, de l'acide hydrochlorique, du chlorure de chaux et de différens autres produits chimiques. Ce sel se raffine de la manière ci-dessus indi- quée relativement au sel gemme. SELS extrails par la gelée, (analyse de M. Hess). Mer | d'Okhotsk. | ee ce 7 (Sel ARE 0 + 00 2 9h. 0h 77,60 Sulfate de) 5 I OR ES 60 Chlorure d’aluminium . . . . 6,29 | _ de clou. hi hi r0g4 — de magnésium. . . .! 1,66 | | LOU" DES EMPLOIS DÜ SEL. |SALINES DES ENVIRONS D'IRKOUTSK ET MER 455 Le sel raffiné que l’on vend fe plus commu- nément, destiné à l’usage de la table, doit être en cristaux fins, légers. Il faut, pour lob- tenir, que l’évaporation ait lieu rapidement. Lorsqu'on vent, au contraire, obtenir le sel en très gros cristaux, pour fournir à la con- sommation particulière de cette sorte de sel, il faut que la cristallisation se fasse plus len- tement, et, à cet effet, que l’ébullition soit faible. La masse du liquide n’étant pas alors fortement agitée, les cristaux qui se produi- sent à sa surface augmentent de volume peu à peu, le léger mouvement du liquide n’em- péchant pas les rudimens de cristaux de venir s’y agglomérer et de former de larges trémies. La consommation du sel pour les salaisons des viandes est considérable; on en emploie beaucoup aussi pour saler la morue dans les expéditions maritimes; mais on préfère un sel acheté en Portugal, connu sous le nom de sel de Sétuval. On a vainement cherché, dans la composition chimique de ce sel, la raison de la préférence qu’il mérite; elle nous sem- ble due à la plus forte cohésion de ses cris- taux. On obtiendrait probablement les mêmes résultats avantageux en se servant de sel gemme en grains d’égale grosseur, ou des cristaux lourds, formés au fond des bassins par une évaporation lente. Avant d'indiquer les applications du sel ma- rin, nous présenterons la composition des principales variétés de sel qu’on trouve dans le commerce, autres que celles comprises dans ies tableaux ci-dessus. [ D'OKHOTSK. | OBSERVATIONS, | Salines Salines d'Oustkout. | d’Irkoutsk. a 77,84 91,49 15,20 2,76 1,17 2,60 |observé pour la première fois. 5,22 1,10 BAS 7 2,05 100 » 100 » EE | Produits de l'étang de Berre, près Marseille. PAR LES PROCEDES ANCIENS, AUTRES SELS PAR LES PROCEDES NOUVEAUX. A e — employés à Mar- . | Sel qui seille pour fabri- ANALYSE DEM. DUMAS. | pépôt | sel sel Sel de sel |cristallise Sel quer la soude. | Er la pièce ra (en aiguille des | - | séléni-| de de . _ Ordinaire | Le . ls teux. | 1831 1851 maitresse yg== {sur les las eaux- |ISel dela! Sel du _ £ - 7 | de sel | mères. [yayae, | Langue- marin. A PO A) | SA EE Se RS RC RE CAR Œét SET CRT EL IPS Sulfate de chaux hydraté. 86 | 0,07 | 1,58 1, 2410/7085 | Carbonate de chaux. à OUR » | » | » | Argile. 42.110620 17.026 0,01 0,05 0,12 | 0,14 6,26| 0,14 ISel marin. . . . . 1 196,12 | 94,46 | 99,23 99,12 : 56,57 | 84,48 | 78,5 | 98,70 , À EU » | » » » | » D'# | » Sulfate de magnésie. . ot 1101:97 17,964 | » 0,44 : 42,71 | 13.68 A LE | — desoude. . . » | 1,64) | » UN SRE | pan de magnésium. » » | 1,06 | » 0,60 | » A MO, 16 EE Tree CAEN ERA MENT MACON 100 |100 100 1100 » 100 100 100 | nn ARTS AGRICOLES : EXTRACTION DU SEL. LIV, IVe DIVERS SELS COMMERCIAUX , (analyse de M. Henry, les autres de M. Berthier. ) sel | marin. | Sel gemme de Chestér . St.-Ubes, 1° quaité. . . 2e qualité. . 3° qualité. . Sel de Figueras. . . de PBoncC moe — du Croisic. . | Magnésie, Matière insoluble. Chlorure | Sulfate magnésie. |de chaux. | 1,20 0,56 | 0,81 | 3,57 0,33 0,91 1,65 Nous n’insisterons pas sur les emplois or- dinaires du sel,que chacun connaît, mais nous devons indiquer encore plusieurs autres ap- plications d’une grande importance, que le bon marché seul pourrait permettre. Dans l’extraction des mines, le sel ne coûte que 25 à50 c. les 100 kil., et dans les marais sa- lans 60 c. à2 fr. 50 c. À ce dernier prix,etmême au double, il pourrait être d’une grande uti- lité pour élever des bestiaux et pour faire ma- cérer les fumiers, sans que leur décomposition les altérât trop. On sait que les plantes trop aqueuses dont se nourrissent les bœufs, les moutons, les chèvres, dérangent l’estomac de ces animaux, qu’elles ont une action nuisible sur leurs intestins. On pourrait remédier à ces inconvéniens en donnant une petite quan- tilé de sel aux bestiaux, en même temps que des herbes aqueuses, ou seulement si on lais- saità leur disposition une pierre de selgemme qu'ils iraient lécher tour à tour. Une petite proportion de sel peut encore être fort utile à la conservation et à la facile digestion des feuilles d'arbres que l’on donne aux chèvres, des marcs de pommes de terre, de bettera- ves, etc. On a d’aïileurs remarqué que les bes- tiaux, les moutons surtout, engraissent beau- coup plus et se portent mieux lorsqu'on leur donne un peu de sel. On sait, enfin, que la viande en est de meilleure qualité : tout le monde connait la réputation des moutons dits de prés salés. Malheureusement pour les fermiers inté- ressés à ces applications, un impôt très lourd ( 30 fr. par 100 kilog. ) pèse sur le sel marin; il équivaut de 12 à 120 fois le prix revenant du sel. Ce droit, n’ayant pu encore être remplacé, paralyse les divers emplois que nous venons de signaler et cause ainsi une perte réelle de richesse territoriale. SECTION IV. — De la falsification du sel. Le sel marin, qui devait être à beaucoup meilleur marché que tous les autres sels, est au contraire l’un des plus chers; c’est aussi lui qui est l’objet des fraudes les plus nombreuses, puisque l’on trouve un grand profit à augmenter son poids par l’addi- tion de plusieurs autres sels. Ainsi on l’a mélangé : 1° avec le sulfate de soude cristalli- sé, qui ne coûte environ que les 2/3 du prix du sel raffiné; 2° avec les sels qu’on obtient en rafSnant les soudes de vareck. Jusqu'ici il n'y a rien d’insalubre dans ces mélanges; le 1e pourrait à peine être légèrement laxatif: veur du sel, mais d’autres mélanges ont pré- senté des dangers réels. Le sulfate de chaux (plâtre cru), que l’on pulvérise exprès pour être mélangé au Sel ma- rin, ne produit pas non plus des inconvéniens très graves, bien qu'il soit déjà une cause d'insalubrité pour quelques personnes: car on sait que les eaux séléniteuses ont généra- lement une action défavorable sur les in- testins et l’estomac. Mais le sulfate de chaux en poudre, servant aussi pour être mélé à l’ox'de d’arsenic, diminue son prix et per- met de donner cette marchandise à meil- leur marché; il paraît que ce sulfate broyé dans le même mortier où l’on avait pulvé- risé l’arsenic, a été vendu pour être mé- langé avec du sel marin; celui-ci, livré à la consommation, a donné lieu à plusieurs acci- dens assez graves qui ont éveillé l’attention de l'administration. Au reste, quelle qu’en soit la cause, des expériences irrécusables ont décelé, l’année dernière, à Paris, dans le sel marin, la présence de l’arsenic. D’autres ac- cidens ont été attribués à l’oæide de cuivre, et par suite, l'administration a décidé que les chaudières en cuivre seraient dorénavent sup- primées pour le raffinage du sel. Il ne paraît pas que l'effet délétère observé vint de cette cause; cependant on a bien fait de prendre cette mesure, puisque les chaudières en cui- vre ne sont pas indispensables et que, depuis long-temps, elles ont été remplacées, en An- gleterre, par des chaudières en tôlede fer. Dans l’examen que l’on a fait à cette occa- sion de la plupart des sels du commerce, ona trouvé encore, dans quelques échantillons, une certaine proportion d’iode. Les eaux-mè- res du sel marin, recueillies dans les marais salans, contiennent en effet nn composé d’iode; et si on livrait ce produit à la consom- mation immédiatement après qu’on l’a ras- semblé sur le bord des fosses, il s’y trouve- rait encore une petite proportion de cette matière dont la présence ne serait pas sans quelques inconvéniens, L’iode n’a pas, à fai- ble dose, des propriétés malfaisantes, puis- qu'on s’en sert en médecine pour faire dis- soudre les goîtres, mais il paraît que cette propriété peut avoir des résultats fâcheux lorsqu'elle n’est pas utile pour faire disparai- tre les grosseurs informes dont nous parlons. :l est donc important de n’employer le sel parmi nos alimens que lorsqu'il a subi une purification naturelle. Il suffit, à cet effet, de laisser égoutter spontanément l'eau-mère à travers les tas de sel marin; l’eau pure dépo- l'un et l’autre changent plus ou moins la sa- | sée par l'air humide opérant une sorte de la cHAP. 25°. vage, entraine, avec quelques centièmes du sel, le composé d'iode et les substances étran- gères solubles. Ce n’est effectivement qu’après que le sel marin à été ainsi purifié qu'il est ordinaire- ment expédié dans le commerce. Section V.—- De la composition du sel. Le sel marin, dans la nomenclature chimi- ue ancienne, était appelé muriate de soude; epuis que l'acide muriatique a été décompo- sé en chlore et hydrogène, et désigné sous-le nom d'acide hydrochlorique ou cklorhydrique, on a nommé le sel marin hkydrochlorate de soude; et enfin, ayant démontré que ce sel pur résulte de l’union du chlore avec le so- dium , et ne contient pas d’eau on le nomme actuellement chlorure de sodium. Le sel gemme cristallise ainsi anhydre dans la nature; celui même qu’on obtient par les moyens exposés ci-dessus ne contient d’eau que celle interposée dans les cristaux. EXTRACTION DES ARGILES. 455 Le chlorure de sodium pur est forme de : 1 atome de sodium. + + +. . 290,92 2:atomes de chlore 1.0... 442,64 743,56 ce qui équivaut p. 0/0 à 39,65 de sodium, et 60,35 de chlore. Un caractère qui distingue ce composé de la plupart des sels solubles consiste dans une solubilité à l’eau froide presque égale à sa so- lubilité dans l’eau chaude; sa saveur salée, agréable au goût, le caractérise bien aussi. On le reconnait enfin à ce que ses cristaux dé- crépitent (ou produisent de petites explosions) au feu ; que, chauffé très fortement , il se fond, devient liquide et peut se volatiliser complétement en répandant des vapeurs blan- châires. Cette propriété a permis de l’appli- quer au vernissage des poteries communes. PAYEN. CHAPITRE XXVI. — DE L’EXTRACTION DES ARGILES, DES SABLES, DES CENDRES PYRITEUSES ET DE LA CHAUX. SECTION 1. — Extraction des argiles. On connaît sous le nom d’argiles plusieurs sortes de matières terreuses, désignées aussi ar les dénominations de glaises, marnes argi- euses, kaolin, terre à foulon, etc. On extrait les argiles soit à ciel ouvert. lors- qu'elles se trouvent en masses assez rappro- chées de la superficie du sol, soit en formant des carrières par puits et galeries, lorsqu’elles se trouvent à une certaine profondeur; sou- vent on fait un choix de plusieurs qualités en extrayant les différentes couches. L’argile est un mélange de silice et d’alumine dans des proportions variables. Ces mélanges ont des caractères communs , plutôt dans quelques propriétés physiques qui leur assi- gnent des usages particuliers, que dans leur composition intime. Elles se délaient dans l’eau avec d’autant plus de facilité qu’eiles ontété préalablement plus desséchées, mais sans calcination; alors elles se réduisent en bouillie qui, ramenée à la consistance d’une pâte ferme, devient onc- tueuse ; elles offrent assez de ténacité pour se laisser allonger dans diverses directions sans se briser. Cette propriété est plus où moins saillante dans les différentes argiles. _ Les pâtes argileuses desséchées durcissent à une température rouge ; elles acquièrent plus de solidité, deviennent dures au point d’étinceler sous le choc de l’acier; alors, et même après avoir été chauffée seulement au rouge cerise, l’argile a perdu la propriété de se délayer dans l’eau et de faire pâte avec elle, Ces deux caractères s'appliquent aux diverses argiles sans étreportés dans toutes au même degré d'intensité. Les argiles sont infusibles par elles-mêmes ; et lorsqu'elles sont assezvures pour offrir cette propriété, on les désigne sous le nom spécial d'argiles réfractaires; on les recherche pour préparer des briques et creusets capables de résister long-temps aux températures élevées de certains fourneaux. En général, afin de di- minuer les retraits à la dessiccation et au feu, on mélange le plus possible de sable ou de dé- bris pulvérulens des mêmes argiles calcinées dans la pâte argileuse, en sorte que l'argile lastique ne forme que 25 à 33 p. 0/0 du mé- ange. Mais elles deviennent fusibles par l’ac- tion de la chaux, de la potasse, de la soude, de la baryte, des oxides de plomb , de fer, ou de manganèse et d’un grand nombre d’autres. Dans la nature, on trouve des mélanges argi- leux contenant du carbonate de chaux, des oxides de fer et de manganèse, et la présence de ces substances, lorsqu'elles y sont en quan- tité suffisante, rend les argiles fusibles. Non-seulement l’action du feu durcit les argi- les et tous les mélanges terreux dans lesquels cette terre domine par ses propriétés, mais elle leur fait éprouver une diminution de vo- lume nommée retrait, qui varie selonles cir- constances. En même temps qu’elles dimi- nuent de volume, elles perdent une partie de leur poids, ce que l’on doit attribuer surtout à l’eau qu'elles retiennent avec une grande force et qu’elles n’abandonnent totalement que par une très haute température. Les argiles doivent àcette affinité pour l’eau une autre propriété qu'on remarque dans la plupart de leurs variétés ; c’est la faculté d’ab- sorber ce liquide avec promptitude, lorsqu’el- les en sont privées et même avec sifflement, et de s’attacher à la langue en s’emparant promptement de l’humidité qui est constam- ment répandue à sa superficie. On dit, des argiles et de quelques autres pierres qui ont celle faculté, qu’elles ha nt la langue. La plupart des argiles sont “ e vionh au toucher, se laissent couper au couteau et même polir avec le doigt. Elles se rencontrent en général, à l’é- tat naturel, plus ou moins impures. Les substances qui altèrent la pureté des ar- giles sont : le carbonate de chaux, l’oxide de 456 ARTS AGRICOLES : PRODUITS MINÉRAUX. LIV. IV. fer, la magnésie, le sulfure de fer, les matières organiques végétales en partie décomposées, une matière bitumiveuse et quelquefois la si- lice en excès ; celle-ci leur donne de l’äpreté, leur ôte ou diminueleur liant et leur ténacité. L’oxide de fer les colore et leur donne de la fusibilité soit avant, soit après l’action du feu. Le sulfure de fer en se décomposant et se brûlant y laisse de l’oxide de fer Le carbonate de chaux en proportion suffi- sante donne aux argiles la propriété de faire effervescence avec les acides, et leur com- munique une grande fusibilité. Enfin, la ma- gnésie leur imprime quelquefois une qualité onctueuse particulière. Nous donnerons ici quelques détails sur les principales variétés d’argile. 1° Collyrite. C’est une argile infusible, blan- che , assez tenace, laissant suinter l’eau par la pression; elle retient toutefois une partie de ce liquide avec une grande force et se divise par la dessiccation lente en prismes basalti- ques analogues à ceux que forme l’amidon ans les mêmes circonstances ; elle est abso- lument infusible et se délaie sans efferves- cence dans les acides. Elle absorbe l’eau avec sifflement et devient demi-transparente. Cette argile est composée : D'alumine-0 217 eue 42 46 DESIRE RAS 13 14,100. D’eau. ENT te lige 44 40! 2° Kaolin. Les kaolins sont friables, rudes au toucher et se réduisent difficilement en pâte avec l’eau; débarrassés des parties étrangères auxquelles ils sont mélangés ordinairement, ils sont infusibles au feu des fours à porcelai- ne et n’y acquièrent aucune coloration, mais se durcissent autant et peut-être plus encore que les autres argiles, mais ils n’acquièrent pas d’agrégation, du moins lorsqu'ils sont purs. Les vrais kaolins sont presque tous d’un beau blanc, quelques-uns légèrement jaunâtres ou rouge pâle; plusieurs de ces derniers acquiè- rent par le feu une teinte grise qui s’oppose à ce qu’on les emploie dans la fabrication de la belle porcelaine ; la plupart présentent des parcelles de mica qui décèlent leur origine. Presque toutes ces argiles sont évidemment dues à la décomposition d’une roche compo- sée de feldspath et de quartz ( pegmatique ). Le kaolin de Saint-Yrieix , lavé et séché, contient 56 de silice, et 44 d’alumine, p. 0/0 3° Argile plastique. C’est celle dont les usages sont le plus nombreux, et qui s'emploie le plus aussi dans l’agriculture et l’horticulture. Elle est bleuâtre ou d’un gris brun ardoisé , compacte, douce au toucher ; ellese laisse po- lir par le doigt. Lorsqu'elle est sèche, elle est susceptible de prendre beaucoup de liant avec l’eau, et donne une pâte tenace; quelquefois même elle acquiert dans l’eau un peu de translucidité. Elle est infusible au feu de por- celaine, et y prend une grande solidité. L'argile de Vaugirard, près de Paris , est de la variété plastique; elle est souvent rendue impure par des proportions variables de bi- sulfure de fer; ses principaux usages sont dans la confection des briques et poteries commu- nes, des fourneaux de laboratoire, des mode- lages, delachaux hydraulique artificielle, etc. Lors de l'extraction qui s’en fait par puits et galeries, on sépare les moites ( parallélipipè- des rectangles ) obtenues de la couche la plus pure dite la belle; on les vend plus cher pour les sculpteurs, les fabricans de fourneaux por- tatifs, les potiers, etc. ; la couche la moins pure contenant plus de bisulfure de fer, s’em- ploie mêlée au sable dans la fabrication des grosses briques et carreaux ; on distingue en- core les fragmens informes dits graillons des 2 qualités , quise vendent respectivement moins cher que la qualité correspondante en mottes entières. Parmi ces argiles, les unes restent blanches ou même perdent leur couleur au fen de por- celaine; les autres deviennent d’un rouge quel- quefois assez foncé. : Sous le rapport de la composition, l'argile plastique offre deux variétés distinctes dont voici quelques exemples, d’après les analyses de M. BERTHIER. | Per- De Saint-Amand. . . .|173,3 | 24 » | 9,7 Dé Stourbridge . . .. .| 73,4 | 24,6 | De Monteream. . 173» 97% | | de fer. | | l ARGILE PLASTIQUE. | Silice. ‘Alumine. oxide. USAGES. | | { | | 4 1 | De Forges-les-eaux. . .!73 » | 27 » traces. Creusets de verrerie et divers vases réfractaires des laboratoires. Poteries dites de grès. 2,0 Creusets pour fondre le verre et l’acier. | traces. | Carreaux, tuiles, briques et poteries. | | | l Dans cette variété, la silice contient 3 fois | contient que le double environ. == — a = | | Per- ARGILE PLASTIQUE. Silice. |Alumine.! oxide | lde fe: | oxigène de la base. Dans la suivante elle n’en USAGES. | | | | |Du Devonshire.. . . . 57 » | 43 » traces. Fayence fine anglaise. | 99 9 (D’Audennes près Namur.) 64,3 | 33,3 | 2,5 fil EE EL Ce À SAGE VOS e ae a ne D Creusets à laiton. (IDéAbondant 270200 +, 59 » | 41 » traces. Gazettes à porcelaine. | ie es ROBIEN = EE TEE ES RELATED RE En ne ER SRE PURES ns cuaP. 26°. 4° Argile smectique ou terre à foulon. Grasse et onctueuse au toucher, elle se laisse polir avec l’ongle, se délaie promptement dans l’eau, y forme une espèce de bouillie, mais n’y ac- quiert pas une grande ductilité ; elle contient souvent de la magnésie à la présence de la- quelle plusieurs de ses caractères extérieurs paraissent être dus. Les couleurs de cette argile sont variables; la plus ordinaireest le gris jaunâire et le vert olive; il yen a aussi de brunes, de couleur rouge de chair; sa cassure est tantôt rabo- teuse, tantôt schisleuse, quelquefois con- choïde. L'argile smectique est assez compacte, happe très peu à la langue. Plusieurs variétés de cette argile noircissent par un premier feu et deviennent blanches ensuite, ce qui indi- que la présence d’une matière combusti- ble. Enfin , elles se fondent à un feu plus vio- lent. 5° Argile figuline. Les argiles de cette variété ont presque toutes les propriétés extérieures des argiles plastiques ; beaucoup sont, comme elles, douces au toucher, et font avec l’eau une pâte assez tenace; mais elles sont en général moins compactes, plus friables; elles se dé- laient plus facilement dans l’eau, plusieurs aussi sont fortement colorées et, loin de per- dre cette couleur au feu, elles y deviennent souvent d’an rouge très vif; enfin elles ont une cassure irrégulière, raboteuse et nulle- ment lamelleuse. Quoique douces au toucher, elles n’ont pas ordinairement l’onctuosité des argiles à foulon. Quelques-unes font une lé- gère effervescence avec les acides et se rap- prochent tellement des marnes qu’il est dif- ficile de les en distinguer. La chaux et l’oxide de fer que contiennent ces argiles, les rea- dent fusibles à une température souvent fort inférieure à celle que les argiles précédentes peuvent supporter sans altération. Ces argiles sont employées dans la fabrication des faïen- ces et poteries grossières, à pâte poreuse et rougeâtre; on en fait des statues el vases dits de terre cuite pour les jardins. Voici l'analyse de deux de ces argiles : Argile de Livourne (Lot) Argile de Provins d'aprés d'apres M. Bearuee. M, Aunenr. SAGE AT MIS TES M or its :60 » ARR 97 no D 50e 80:, » Permdede telle 70 cet. 7 6 Chats 4 u2%4, 0 D 0e MOTTE, 100 0. 100 0 6° Argile marne. Elle varie eu consistance, mais n’esl jamais assez dure pour ne point se délayer dans l’eau ; elle est au contraire or- dinairement très friable et même quelquefois pulvérulente. Le passage de l'humidité à la sécheresse suffit souvent pour en désunir les parties; elie tombe en poussière dans l'eau et forme avec elle une pâte qui n’a point de liant. Elle fait une vive effervescence avec l'a- cide chlorohydrique, el souvent cet acide dis- sout plus de la moitié du mélange. Elle se fond facilement au chalumeau ; sa cassure est toujours terreuse, sa texture est assez ordi- pairement feuilletée, et dans ce cas, elle ne se distingue de l'argile feuilletée que par l'action des acides et par sa grande fusibilité. Voici la composition de deux sortes de 1nar- nes analysées par M, Bu:ssox. EXTRACTION DES ARGILES. 457 Marne de Belleville Marne de Viroflay, près Paris. prés Versailles. SITICP AE RNA EE 29 Alumine + DCR ER. 11 Peroxidedefels (61 CRE 20 Gavb-‘dechaux: 28 CR ee ea 97 98 Les marnes plus ou moins calcaires ont souvent une grande utilité dans leurs appli- cations à l’agriculture; elles peuvent amélio- rer les terres soit dans leur constitution phy- sique, soit dans leur composition chimique ( voyez à cet égard le chapitre des amende- mens et des engrais, t. 1‘", p. 59 et 82). La propriété remarqrable dont jouissent toutes les argiles délayables et marnes argi- leuses, de prendre à la température rouge une dureté telle que l’eau ne les puisse plus délayer, explique lun des effets avantageux de l’écobuage des terres fortes argileuses : cette calcination change complétement leur pature physique; de grasses et compactes qu’elles étaient, elles deviennent ainsi mai- gres et graveleuses, susceptibles par consé- quent d'amender par leur mélange la terre trop lourde dont elles faisaient naguère par- tie. Les argiles, plus ou moios plastiqnes calci- nées, donnent des sortes de pouzzolanes arti- ficielles, ou cimens, capables de former avec les chaux de construction de très bons mor- tiers. On emploie avec succès les argiles plasti- ques pour conserver à l’état humide certai- nes parties des végétaux : c’est ainsi que l'on parvient dans les transports à maintenir frai- ches les boutures et greffes, à retenir dans des sols arides l’eau d’arrosage près des racines de divers arbustes, des mères et rejetons en pépinière, etc. Plusieurs argiles ocreuses sont désignées sous les noms de bols, ( argila bolus, WaALL ; bole, kirwaAN; bol, WERN ); elles contiennent assez d’oxide de fer pour présenter une nuance prononcée de jaune où de rouge, les premières acquièrent la couleur rouge par une calcination à Pair. La sanguine est rangée parmi les bols ou argiles ocreuses; elle sert à préparer les crayons rouges. On connait sous ladénomination de bol d’ Ar- menie une variété de l'argile ocreuse rouge, très estimée autrefois et tirée de l’ile de Lem- nos par Constantinople. Les prêtres insu- laires, qui la préparaient exclusivement , en éliminaient le sable par lévigation, puis en for- maient de grosses pastilles sur lesquelles ils apposaient le sceau de Diane, de là est venu le nom de terre sigillée. On imprime encore sur cette argile le cachet du gouverneur de lile ou celui du Grand-Seigneur avant de le livrer au commerce; une argile ocreuse tirée des environs de Blois et de Saumur est employée en France maintenant pour préparer le bol d'Arménie. On traite cette argile par lévigations et ta- misages à l’eau, on laisse déposer, et la pâte ocreuse mise en trochisques, puis en petits pains arrondis et empreints d’un cachet, cons- titue le bol d'Arménie vendu chez les pharma- ciens et employé en médecine. Argile ocreuse jaune, ocre jaune. Cette argile 458 se trouve en France près Vierzon, et dans le département de la Nièvre, à Bitry,non loin de Saint-Amand; elle est exploitée par puits et galeries, puis calcinée, lavée convenablement elle donne un ocre rouge; l’ocre de Bitry, celui de Morague et de Saint- Pourrain se vendent uelquefois naturels ou calcinés sous les noms e jaune et rouge d'Italie. On les emploie comme les autres ocres dans la coloration des papiers peints, les peintures communes en détrempe et les peintures extérieures à l'huile, pour défendre les volets, persien- nes, instrumens aratoires, clôtures en bois, charrettes, etc, des effets de la pluie ou de l'humidité. Souvent les ocres jaunes sont mé- langés avec les bleus de Prusse afin d’obte- nir des nuances vertes plus agréables pour diverses sortes de peintures. Secrion II. — Extraction et emploi du sable. On désigne sous les noms de sables des sub- stances minérales granuliformes ou pulvéru- lentes, qui se rencontrent tantôt étendues en couches plus ou moins épaisses à la superficie de laterre, tantôt à une certaine profondeur du sol ou formant le lit des eaux des fleuves, des rivières, de la mer, qui lescharrient continuel- lement et les déposent sur leurs bords, dans les endraits où le courant est encore trop ra- pide pour laisser précipiter aussi les matières limoneuses. Parmi ces sables, les uns parais- sent avoir existé de tout temps à cet état et être le produit d’une cristallisation plus ou moins confuse, les autres sont évidemmment les détritus deroches quarizeuses, granitiques, micacées où métalliques, divisées où par l’ac- tion des eaux qui les entraînent dans leurs torrens, ou par les chocs des fragmens de ro- chers les uns contre les autres. Enfin, on dis- üngue encore les sables argileux ou débris pulvérulens naturels ou factices des argiles cuites ; tels sont les pouzzolanes, les divers ci- mens de briques, tuiles et poteries pilées, des morceaux de gazettes à porcelaine, etc. Les 1°", qu’on a nommés sables cristallins, sont abondamment répandus dans la nature. Les plaines immenses, connues sous les déno- minations de déserts, de steppes, de landes, etc., si multipliées en Afrique en Asie et en Eu- rope, sont entièrement recouvertes de ces sables ; le fond des fleuves, des rivières en est formé ; l'Océan en rejette sur ses bords une grande quantité qui s’y amoncelle en dunes. Ces sables, presque entièrement composés de très petits grains de quartz hyalin ou de quartz laiteux, constituent la variété connue sous le nom de quartz arénacé. Le plus souvent ces grains ont une forme irrégulière; ils sont tan- tôt arrondis, tantôt anguleux.Cependant, dans quelques localités, on en a trouvé qui, vus au microscope, offraient des cristaux régu- liers de quartz à deubles pyramides. Les sa- bles cristallins sont souvent mélés de parti- cules d’argile, de paillettes de mica, de sels, de détritus des végétaux etanimaux ; tels sont ceux qu’on appelle vulgairement sables de ri- vière ou de mer ; selon qu’ils sont purs ou im- po ils sont propres à différens usages dans es arts. ARTS AGRICOLES : PRODUITS MINÉRAUX. LIV. IV. glaces et des verres blancs; ceux qui sont mé- lés de carbonate de chaux d’oxide de fer et de détritus des plantes servent à la fabrication des verres noirs ; ils sont même plus propres, en ce que ces matières étrangères, en réagis- sant entre ellesau feu, forment du silicate de chaux, favorisent ainsi la vitrification et qu'on n’a pas besoin d’ajouter autant d’alcali pour l’opérer. Dans l’art du mouleur, on rejette les sables trop secs et purement quartzeux; on préfère ceux qui, étant mêles d'un peu d'argile et de mica, font corps avec un peu d’eau et sont susceptibles de se comprimer assez pour re- cevoir le moule des modèles. Dans les fonde- ries, on recherche aussi les sables légèrement argileux, destinés à former le sol dans lequel en opère le coulage des grosses pièces. Des sables à gros grains, surtout mêlés de débris d'argile calcinée et de mica, sont préfé- rés pour la fabrication des mortiers, surtout de ceux qui, étant susceptibles de se durcir sous l’eau presque autant que la chaux hy- draulique, peuvent remplacer celle-ci aans les constructions humides ou submergées. Une partie de chaux grasse et 3 ou 4 parties de ces sables, dits arènes. forment un mélange convenable, à défaut de chaux hydraulique. On se sert des sables de rivière, de carrière ou fossiles pour la fltration des eaux, même dans d’immenses filtres applicables à épurer les eaux après avoir laissé déposer dans des réservoirs la plus grande partie de ieur ma- tière limoneuse ; les eaux de rivière qui doi- vent être distribuées dans les villes ou celles qu'emploient les fabriques de papiers blancs, les blanchisseries, teintureries, doivent sou- vent être ainsi épurées; on en forme la cru- che supérieure dans les filtres à charbon. On se sert journellement de ces sables pour re- couvrir les allées des jardins; par cette addi- tion, qui donne à la terre de la consistance, on prévient la formation de la boue dans les temps de pluie et l’on rend la marche plus agréable. Un usage bien plus important auquel on emploie les sables cristallins, est celui qui a our objet l'amendement des terres. On donne a préférence aux sables marins, à cause des sels et des détritus de substances animales dont ils sont naturellement imprégnés et qui sont très propres à activer la végétation. C’est une sorte de sable très fin de ce genre qui constitue la fangue ou cendre de mer; elle renferme, sur 100 parties, d’après un échan- tillon envoyé d’Avranches et qui me fut remis par la société d’horticulture : 55,195 42,330 2,000 0,310 Sable et lamelles demica. . . . . Carbonate de chaux. . . Matières organiques azotées. . . . Chlorure de sodium et de magnésium. Sulfates de chaux, de potasse et de soude... 2 00 OO TA ne) 100,000 Le sable de cette tangue est assez un pour traverser presque en totalité un tamis de soie ordinaire ; ses grains se trouvent recouveris d’une incrustation formée de carbonate de Les plus purs et les plus blancs sont em- | chaux et des autres substances, On voit que, ployés de préférence pour la fabrication des £ > , :! te ., DEL : » n par selle raison, !l tre regardé comme cxaP. 26e, un excellent amendement sableux et calcaire pour les terres argileuses compactes; qu’en outre. la matière azotée et la petite propor- tion de sels lui donnent une action comme engrais et stimulant ; il pourrait en outre avantageusement entrer dans la composition des terres de bruyères factices. Les sables Le proviennent de la désagré- gation des roches ont été pour la plupart re- couverts par des terrains de formation posté- rieure, très différens par leur composition des sables proprement dits, dont ils n’ont recu le nom que parce qu'ils en ont la forme pulvé- rulente ou grenue. Les sables aurifères, plati- nifères, cuprifères, stannifères, titanifères et ferrugineux renferment un grand nombre de substances, indépendamment de celle qui do- mine dans chacun d’eux, et que, dans beau- coup de cas, on exploite avec avantage, à l’aide des irrigations qui laissent plus abon- dantes les substances métalliques plus lour- des, après avoir plusieurs fois décanté les parties suspendues dans le liquide. Les sables fins sont encore employés dans la confection des briques, tuiles et carreaux, soit pour mélanger avec l'argile plastique et diminuer ainsi son retrait à la dessiccation et au feu, soit pour saupoudrer l’intérieur des moules et favoriser le démoulage. SecTion III. — De l’extraction et de l'usage des cendres pyriteuses. On connaît sous les divers noms de cendres pyriteuses , cendres sulfuriques végétatives, cen- dres noires de Picardie, terres noires sulfureu- ses, soit les résidus des pyrites alumineuses (bisulfure de fer alumineux ), effleuries et les- sivées, soit la matière terreuse, brune, pulvé- rulente qui recouvre en différentes localités, et notamment dans l’ancienne province de Picardie. les amas de pyrites ferrugineuses, ou bisulfure de fer natif. On nomme cendres rouges le résidu de l’incinération des pyrites ou des terres pyriteuses dans lesquelles la combustion du sulfure de fer a laissé former du peroxide ou sesqui-oxide rouge de fer. Les cendres rouges ayant, relativement à l’agriculture , des propriétés et des applica- tions speciales , nous en traiterons à part. Nous nous occuperons d’abord des cendres pyriteu- ses, et, pour donner une idée exacte de leur pature, nous exposerons brièvement les opé- rations industrielles dont elles forment le ré- sidu, et qui d’ailleurs produisent le sulfate d'alumine impur vendu sous le nom de mag- mas ‘aux fabricans d’aluns par les propriétai- res qui se livrent à cette fabrication peu com- pliquée. Le sulfure de fer seul, par une calcination ménagée, se transforme au contact de l'air en sulfates de protoxide et de sesqui-oxide de fer ; mais dans les schistes qui renferment en ou- tredel’argile, la présence de l’alumine change les résultats; le sulfate de peroxide de fer se transforme en sulfate d’alumine, et le sesqui- oxide devient libre, ou du moins passe à l’é- tat de sous-sulfate, en sorte que, si l’on pro- longe l’opération de manière à ce que la ma- jeure partie du fer soit peroxidée, on obtient | du sulfate d’alumine presque exclusivement. Le schiste alumineux le plus convenable à USAGE DES CENDRES PYRITEUSES. 459 ces expioitations est ordinairement noirâtre, velouté, tendre et friable, à cassure lamelleu- se. On y rencontre presque toujours des cris- taux de sulfate d’alumine et de fer ou alun de plume. On extrait ce schiste de la terre et on l’expose plus où moins long-temps au con- tact de l'air; on le grille ensuite. Pour quel- ques schistes, comme celui de Frienwalde, le grillage n’est même point nécessaire ; il suf- fit, pour que les réactions utiles aient lieu, d'exposer la substance brute pendant un an à l’air, KLAPROTH suppose que dans ce schiste le soufre n’est pas entièrement à l’état de pyrite. Dans la plupart des cas. il est nécessaire de griller ; ce grillage se fait en tas , sur une aire battue, et dont le sol a une anse qui aboutit à une rigole, au moyen de laquelle les eaux pluviales se rendent dans un bassin. On dis- pose d’abord sur le sol un lit de fagots de 3 pi. de long, sur un diam. de 6 po. dans une longueur de 100 pi. et une largeur de 6 ou 7. On recouvre ce lit d’une couche de schiste de 2 pi. d'épaisseur. On allume les fagots au centre du tas, et on dirige la combustion en ouvrant ça et là des évents au moyen de la pioche, pour rendre la combustion plus géné- rale. On dispose une nouvelle couche de fagots au-dessus du lit de schiste ; on recouvre les fagots d’une 2° couche de schiste et l’on attend qu'elle soit embrasée à son tour pour conti- nuer l'élévation du tas, qui doit se composer de 8 à 10 couches de chaque sorte, el se ter- miner par une couche de schiste très me- pu, destinée à garantir le tas des eaux plu- viales. La combustion dure 6 semaines ou au plus 2 mois. Quand le schiste est suffisamment chargé de bitume ou de houille, le premier rang de fagots suffit; on n’en met donc pas d’autres et, dans ce cas, on charge en schiste dès qu’on voit la flamme apparaitre sur les di- vers points du tas. La présence des cendres provenant de la combustion du bois complique les produits de cette opération ; la potasse qu’elle contient donne naissance à du sulfate de potasse, et par suite, à de l’alun de potasse. On peut remplacer le bois par de la houille dans ce grillage; alors il se forme encore de lalun au moyen de l’ammoniaque qui pro- vient de la houille. On a doncainsi du sulfate d’ammoniaque, et par suite, de l’alun à base d'ammoniaque. Les produits du grillage sont nombreux et les réactions compliquées. Pendant la calcina- tion, une partie du soufre quitte le bisuifure de fer et s’exhale en vapeurs partiellement brûlées, au contact de l’air; il se dégage donc du gaz sulfureux et du soufre qui sont per- dus pour la formation des sulfates d’alumine et de fer; malgré cette perte, le résidu con- tient beaucoup d’acide sulfurique combiné sous diverses formes. Il renferme en effet, ou- tre le schiste et le sulfure de fer non altérés, du peroxide de fer , du sous-sulfate de per- Bride de fer, du sous-sulfate d’alumine, et probablement de l’alun aluminé, produits in- solubles. Il doit contenir en outre des sulfa- tes d’alumine, d’alumine et de potasse, d’alu- mine et d'ammoniaque, des sulfates de prot- 460 oxide et de peroxide de fer, du sulfate de protoxide de fer et d’alumine, enfin, du sul- fale de peroxide de fer et de potasse ; produits solubles qui ne se rencontrent pas tous à la fois probablement, mais qui peuvent tous ré- sulter du grillage et varier en proportion, se- Jon le temps et la température employés dans l'opération. Parmi les produits solubles, ceux que lon cherche surtout à recueillir sont : Palun, le sulfate d’alumine et le sulfate de fer. On sou- met pour cela le schiste grillé à 3 ou 4 lava- ges qui s'opèrent par décantation quand la ialière est très divisée, et par filtration à la inanière des plàtres salpêtrés quand elle est en poudre plus grossière. On repasse dans tous les cas, sur des schistes grillés neufs, les eaux de lavages faibles pour les enrichir, etc. On les amène ainsi à 10 ou 12°. Les solutions, ainsi obtenues le plus fortes possible, sont évaporées dans des chaudières en plomb dont le fond est soutenu par des plaques en fonte garnies de terre; lorsqu’el- les sont concentrées au point de marquer 35° on les fait déposer afin d'éliminer plusieurs sous-sels insolubles, notamment parmi ceux à base de sesqui-oxide de fer; puis on achève la première concentration etonles verse dans des vases plats où le refroidissement fait cristalli- ser une partie du protosulfate de fer; le li- quide sirupeux surnageant, ou l’eau-mère, est rapproché dans la même chaudière, au point de se prendre en masse en refroidissant; ar- rivé à ce terme, on le coule dans des ba- ques Lorsque toute la masse dans chacun d'eux s’est figée, elle offre l’aspect d’un pain de graisse ; on l’expédie en cet état aux fabri- cans d’alun. Le résidu de la lixiviation ci-dessus décrite contient encore une petite quantité de toutes les substances solubles que nous avons énu- mérées, plus la totalité des matières insolu- bles ; parmi ces dernières, il se trouve du sulfure de fer mis dans les conditions con- venables pour produire ultérieurement de nouvelles efflorescences, et se transformer ainsi, sous l'influence de l’air et de l'humidité, en sulfates de fer et d'alumine. Ce sont ces réactions sans doute qui, met- tant en jeu les forces étectriges, donnant lieu à la décomposition du carbonate de chaux sur les terres cultivées , peuvent échauffer quel- ques points du sol, dégager de lacide carboni- que, produire du sulfate de chaux, en un mot, agir de plusieurs manières comme stimulans des forces végétatives. On remarquera aussi ue ces agens de nature saline, doués même d'une réaction acide, ne sauraient être consi- dérés comme aliments des plantes ou comme de véritables engrais. Il importe beaucoup d'établir cette distinction, afin que l’on com- prenne bien le parti qu'on peut tirer de tels auxiliaires, et que l'on évite les mécomptes graves éprouvés naguère par suile de l’em- ploi exclusif de terres pyriteuses sur des ter- res argileuses où, soit la marne, soit la chaux, eussent élé utiles et les véritables engrais in- dispensables. On peut ranger dans la même catégorie des stimulans les ferres noires pyriteuses qui recouvrent ordinairement les couches de py- rites ferrngineuses. Ces terres, outre des dé- ARTS AGRICOLES : PRODUITS MINERAUX. LIV. LV. bris organiques, de charbon et une matière bi- tumineuse, contiennent toutes les substances renfermées dans les cendres pyriteuses ci- dessus ; le sülfure de fer très disséminé s’ef- fleurit lentement à l’air humide et donne peu à peu les solutions précitées. On peut s’en assurer en posant un échantillon de ces ter- res humectées sur des entonnoirs et obser- vant les solutions obtenues par une filtration d’eau pure, à des espaces de temps différens: les 1res eaux seront beaucoup moins chargées que celles recueillies après une influence plus prolongée de l'humidité sur ces terres. On pourra s'assurer que ces solutions ont une forte réaction acide et qu’elles contiennent une grande quantité de sulfate de fer. Les cendres noires de Picardie ont été employées avec succès sur les prairies pour détruire la mousse et quelques plantes para- sites. On les a plusieurs fois mélangées avec de véritables engrais pulvérulens de couleur bru- ne analogue Les schistes pyriteux sont quelquefois in- cinérés complétement à l'air, alors ils don- nent des cendres rouges dans lesquelles il ne reste presque plus rien de soluble; celles-ci ont donc une vertu stimulante très faible, au- cune action comme engrais , mais elles peu- vent constituer un bon amendement pour les terres fortes , dont elles diminuent la compa- cité, et sur lesquelles on en fait quelquefois usage. SECTION IV. — De la chaux et de sa fabri- cation. 6 Ier. — Des matières qui fournissent la chaux. On désigne sous le nom dechaux une sub- stance qui, dans l’état pur, est blanche, soli- de, dont le poids est de 2,3 ( l’eau sous le mé- me volume réel pesant 1); sa saveur est âcre, caustique, urineuse; elle n’est soluble que dans 635 fois son poids d’eau; le double de cette proportion d’eau est nécessaire pour la dissoudre à la température de 100° (ou l’eau bouillante), On peut l'obtenir cristallisée en hexaèdres à l’état d’hydrate contenant 0,25 d’eau combinée. Cette substance est l’un des agens les plus utiles de l’agriculture, quoique son usage mal employé ait pu donner lieu à bien des mé- comptes; ces considérations justifient l’inté- rêt puissant attaché à la chaux , et les détails dans lesquels nous allons entrer relativement à son état naturel, son extraction, ses usages, la théorie de ses effets, son dosage et ses diffé- rens modes d'application. La chaux est un composé de calcium et d’oxigène, qu’on désigne sous le nom de prot- oxide de calcium ; cet oxide plus ou moins im- pur s’extrait du carbonate de chaux. Elle est d'ailleurs contenue dans une foule de matiè- res abondantes dans la nature : à l'état de sul- fate de chaux elle constitue le gypse ou plà- tre cru, le plâtre cuit, l’albâtre gypseux, le sulfate des eaux séléniteuses ; combinée à l’a- cide phosphorique, la chaux forme ce sel neu- tre insoluble appelé phosphate de chaux, qui compose la plus grande partie de la matière inorganisée des os, Les terres salpêtrées ren- cHaP. 26°. ferment du nitrate ou azotate de chaux; on trouve dans différentes parties des plantes la chaux dans les états ci-dessus, et encore combinée aux acides oxalique, malique , tar- trique, etc. La matière fre qu’on emploie le plus géné- ralement pour en extraire de la chaux est une combinaison de cette substance avec l'acide carbonique; elle est plus ou moins compacte, répandue en très grande quantité dans la na- ture, la craie, les débris d'albâtre calcaire, de marbre, et dans quelques localités les coquil- les d'huîtres, offrant les principales variétés usuelles de chaux carbonatée. La chaux que donne le marbre est la plus pure; elle ren- ferme moins d'argile que la chaux préparée avec les autres pierres calcaires. C’est celle que l’on emploie dans les laboratoires et dans certaines fabrications de produits chimiques, et qui est susceplible de produire à poids égal le plus d’effet en agriculture; relativement à cette dernière application, celle qui nous in- téresse le plus ici, on doit donc de même que dans les opérations des arts chimiques, re- chercher les pierres calcaires qui, contenant le moins de matières étrangères (sable, si- lice, alumine) plus ou moins divisées, peu- vent donner de la chaux la moins impure, dite chaux grasse, celle dont le volume aug- mente leplus par l'extinction. On l’obtient en employant : 1° un calcaire très compacte des environs de Paris, qui contient près de 0,98 de carbonate de chaux ; 2° les fragmens de la pierre de Chäteau-Landon; ïls contiennent 0,97 du même carbonate; la pierre de Saint- Jacques du Jura, qui en renferme 0,96; celle de l’Ain, équivalente à 0,94,et celle de l’Ardè- che à 0,95, etc., tandis que la pierre tendre des environs de Paris ne donne à l'analyse que 0,78 de carbonate calcaireet produit de la chaux maigre. La pierre de Senonches , celles dites à ciment romain, ou ciment russe, comme les galets de Boulogne, et tous les calcaires compactes contenant de 60 à 80 centièmes de carbonate de chaux et 15 à 20 de silice très divisée, au point d’être soluble dans l’acide hydrochlorique, fournissent de la chaux hy- draulique très utile pour les constructions, mais d'autant moins bonne pour l’agriculture qu’elle épuise en partie son action en réagis- sant sur ses propres élémens, formant ainsi des sortes de pétrifications ou silicates de chaux solides, mais sensiblement inertes sur les sols. & IL. — Théorie de la fabrication de la chaux. Avant de décrire les procédés usuels de la fabrication de la chaux nous indiquerons la théorie de cette opération afin de mieux faire comprendre l'utilité des préceptes que nous recommandons. Pendant la calcination delapierre à chaux, la chaleur enlève d’abord en ia vaporisant une par- tie de l’eau de mouillage qui est interposée mé- caniquement dans ces pierres; à une tempéra- ture plus élevée, voisine du rouge blanc, l’a- cide carbonique qui était combinée à la chaux (dans la proportion de 76 du 1er pour 356 de la 2e) se dégage sous forme de gaz; il reste alors de la chaux vive. Si l’on pousse trop loin la calcination , on DE LA CHAUX ET DE SA FABRICATION. ——_———— 4 46i peut fritter la chaux des pierres qui contien- nent des proportions notables de silice et d’a- lumine. Ces 3 matières s'unissent et forment nne espèce de verre grossier (silicate et alu- minate de chaux), qui n'a plus aucune des propriétés utiles de la chaux , et que l’on ap- pelle vulgairement biscuit. Il faut donc se garder de pousser le feu au point d'atteindre cettetempérature;ilest d'ailleurs convenable, même pour les pierres calcaires les plus pu- res, de borner la température au degré utile à la décomposition du carbonate, ne fül-ce que pour économiser le combustible , et éviter d’allérer les parois internes du fourneau. Si la calcination de la pierre a été bien con- duite, la chaux grasse obtenue a la propriété d’absorber l'eau avec une grande énergie et de s’y combiner en proportions fixes; cette union doune lieu à uue augmentaliou de Lem- pérature assez considérable et qui, lorsqu'on ménage l’eau, peut s'élever au-dessus de 150», puisque durant l'extinction elle peut enflam- mer des allumettes soufrées. Le volume de chaque particule augmentant aussi brise tou- te la masse. Cette action est utile dans plu- sieurs applications pour réduire la chaux en poudre extrêmement fine et sans qu'il en coûte de puissance mécanique, el en même temps qu’on rend l'agent plus énergique par son union avec l’eau. Pour obtenir ces résultats, il suffit d’im- merger la chaux dans l’eau, puis d'ajouter une nouvelle quantité d'eau à mesure que lab- sorption a lieu et que la chaleur développée vaporise une partie du liquide. On désigne aussi mais improprement, sous le nom de biscuit, les fragmens de pierre qui, n'ayant pas été chauffés suffisamment , n’ont perdu que très peu ou point d'acide carboni- que. Ces morceaux ne peuvent plus être que très difficilement convertis en chaux, ayant perdu, avant d’être décomposés, toute la quan- tité d’eau qu’ils contenaient, et dont la vapo- risation à une plus haute température aurait favorisé le dégagement de l'acide carbonique, réalisant ainsi l'une des plus importantes con- ditions de succès dans cette fabrication. $ II. — De la calcination de la chaux. Les fours à chaux les plus simples ancien- nement usités se composent d’une cavité cy- lindrique ou rectangulaire, quelquefois creu- sée dans lesolet revêtue de briques, où même à nu lorsque la terre est assez compacte. On voit dans les fig. 521, 522, 523, les dispositions de ce four indiquées par 2 coupes et une éléva- tion. A indique toute la cavité légèrement coni- que rempliedes pierres à chaux ; EE, la plate- forme au niveau de l'ouverture supérieure du four; D, la charge en menus fragmens qui ter- mine et surmonte la fournée. Une ouverture latérale B, C, à la partie inférieure, permet de construire à sec une voüle CC, avec de gros fragmens de pierres à chaux; cette voûte laissant le plus possible d’interstice entre les pierres qui ia forment est chargée des mêmes pierres à chaux, mais concassées de plus en plus menues; et lorsque toute la capacité est remplie de cette manière, on ailume un feu de bourrées et menu bois sous la voûte. Le feu est soutenu jusqu’à ce que les parties supé- 462 Fig. 523. rieures soient échanffées au rouge vif; alors on laisse un peu refroidir, puis on tire la chaux afin de recommencer une autre calcination sans attendre que les. parois du four soient trop refroidies. Ce mode de fabrication, quoique grossier peut encore être employé dans les localités où les matériaux et les ouvriers constructeurs manquent, ou lorsque l’on veut, sans trop de frais, essayer en grand quelques pierres cal- caires; enfin dans le cas où au commencement d’une exploitation rurale, on veut économi- ser les frais de 1er établissement. On fait usage maintenant de divers fours plus économiques de combustible que ceux que l’on employait autrefois. La forme que l'on préfère généralement aujourd'hui repré- sente un cône renversé et tronqué si le four est à travail intermittent ; à la base selrouve le foyer, comme l’indiquent les fig. 524, 525, 526; À, cavité conique contenant la pierre à calciner ; B, voûte servani à communiquer du dehors avec l’intérieur du four; CC, voûte à sec en ierre à chaux formant le foyer. On met des ourrées ordinairement dans ce foyer (1); la flamme arrivant sur la pierre élève sa tempé- rature et détermine la séparation de i'eau et de l’acide carbonique. On retire la chaux lors- que toute la masse a acquis la température utile à la décomposition du carbonate de Fig. 525. Fig. 524. in hp (l DETTE Fig. 526. ARTS AGRICOLES : PRODUITS MINÉRAUX. LIV: 1. chaux, et que la partie supérieure est échauf- fée jusqu’au rouge vif. On calcine plus économiquement encore en mettant dans le même four un lit de ma- tière combustible, puis un lit de pierre à chaux, et successivement ainsi jusqu’à ce que le four soit rempli complétement. On allume la par- tie inférieure à l’aide de bourrées de bois sec, et le charbon (houille sèche ou mélange de coke et de houille) prend feu en gagnant la partie supérieure. Lorsqu'une partie est cal- cinée suffisamment, on l'extrait par le bas du four, et l’on charge la partie supérieure d’au- tres malières premières et de la houille al- ternativement. On consomme généralement, pour obtenir un mèt. cube ou 10 hectol. de chaux grasse, un mèt. cube de bois, ou un peu moins de 2 mèt. cubes de tourbe, ou en- core environ un demi-mèt. cube ou 5 hect. de houille. Ilnousreste à décrire maintenantavec quel- ques détails le four à calcination continue, qui est le plus économique de combustible ; il consomme seulement 35 à 40 hectolitres de houille sèche ou peu bitumineuse pour pro- duire 100 hect. de chaux. La fig. 527 représente une élévation, la fig. 528 une coupe horizontale au niveau du sol carrelé, et la fig. 529 une coupe verticale de ce four par un plan passant dans l’axe du cône et partageant en 2 l’une des gorges A, A. Fig. 528. Fig. 530. CTP ONE TAN Le venir an pe URL: ji Fig. 529. Fig. 527. La partie supérieure la plus évasée, B, de ce four a 12 p. de diamèt., etse rétrécit, suivant la forme d’un cône renversé, jusqu’à 18 po. du sol carrelé où elle n’a plus que 8 pi. 1/2 de diamèt. Cetie forme est très facile à donner en implantant un calibre dans l’axe du cône, et le faisant tourner autour d’une tringle for- mant cet axe au fur et à mesure que l’on élève la construction intérieure en briques dures et réfractaires. Dans les 3 fig. ce massif rectangulaire en forte maçonnerie et les fondations sont indi- quées par les lettres d,d; dans l'axe de la ca- pacité conique est placé à la partie inférieure l'axe d’un petit cône E, scellé dans la fonda- tion et, s’élevant à 2 pi. 6 po. au-dessus du car- relage ; sa base, au niveau du sol a 28 po. de diamèt. ; celte sorte de borne est d’un seul (1) A V’aide d’une grille il est facile d’y brûler de la houille, cHAP.26°. morceau en grès très dur. 3 piliers G sont | disposés autour de la borne E, à 7 po. de sa base; ils sont également d’un seul morceau en rès très dur ayant 30 po. de haut. et 6 po. de ons ces piliers et 3 autres piliers intermé- diaires, H, élevés à la même hauteur en bri- ques dures, supportent 3 tailles I, formant réunies un cercle de 3 pieds et demi à l’inté- | rieur. Elles ont 12 po. de largeur et une épais- seur de 6 po. On voit que d’après ces dispositions, il reste près du centre du four 6 ouvertures (dites | gorgerons ) K, ayant 15 po. de large au fond et 18 po. de hauteur. Les détails de cette par- tie inférieure du four sont très importantes à bien observer et achever solidement avec soin; le reste de la construction ne présente pas de difficultés. On élève graduellement évasée, la partie conique intérieure, les pa- rois externes à plomb, en ménageant dans toute l'épaisseur de la maçonnerie les trois grandes gorges ou portes voûtées À. Elles ont 8 pi. de ‘haut et 8 pi. de largeur, et 2 pi. de hauteur dans le fond, à l'endroit le plus res- serré. À la partie supérieure du four se trouve une plate-forme horizontale M, N, où se fait le principal service. Les ouvriers y arrivent avec leurs brouettes chargées de pierres ou de combustibie, par un plan incliné en bois ( fig. 530) O, P, extérieur à la maçonnerie et maintepu sur des poteaux, R R. Pour le chauffage de ce four continu, on emploie de préférence comme combustible du charbon de terre un peu ou pas bitumi- neux, comme la houille de Fresnes; on peut réaliser souvent une grande économie en y ajoutant la moitié ou les deux tiers de son vo- lume d’escarbilles provenant des feux de for- | erons ou de foyers brûlant incomplétement a houille; cette sorte de résidu ne donne presque plus de fumée , n’a qu’une tres faible valeur commerciale; c’est même une sorte de coke. La pierre brute à calciner doit être concas- sée en fragmens d'épaisseur aussi égale que ssible, d'environ 1 po.;il convient que leur argeur soit assez grande, quoique très irré- gulière, afin qu'ils descendent plus uniformé- ment et laissent assez de passage entre eux pour les produits de la combustion. C’est en énéral un bon moyen d'économiser le com- ustible et de rendre la calcination régulière pour la chaux comme pour le plâtre, que de casser les pierres en morceaux peu épais, puisqu’alors la température utile se commu- nique rapidement jusqu’au centre de tous les morceaux; on y parvient d’ailleurs aisément en frappant les morceaux de pierre de champ dans le sens de leurs lits naturels et à l’aide de marteaux en coins. Manœuvre de l'opération. Lorsqu'on veut commencer la calcination, on place autour de la borne quelques bourrées ou fagots de bois sec, qu'on recouvre de lit formé & 5 hectoli- tres de charbon de terre en fragmens dits gailiettes ; on étend dessus 3 hectolitres de pierres en une couche horizontale, puis on charge 6 fois alternativement un lit épais 1 po., de charbon menu mélé d’escarbilles, puis un lit de 6 po. d'épaisseur de pierres concassées, DE LA CHAUX ET DE SA FABRICATION. 463 On allume alors le feu au fond des 3 gorges- il gagne peu à peu, et dès qu’on l’apercçoit vers les couches supérieures, on continue d’ajou; ter successivement un lit de charbon de 1 po. et une couche de 6 po. de pierres, jusqu’à ce que le four soit complétement rempli. Si lou ne voulait faire qu’une seule opé- ration, elle serait termirée lorsque toute la partie supérieure deviendrait rouge , incan- descente, et lon aurait environ une toise cube et demie, ou 12 mètres cubes , ou 120 hectolitres de chaux. Dans ce cas, 5 hommes de jour et 1 de nuit dirigent la calcination de la manière suivante. Dès six heures du matin, toute la masse étant échauffée aa rouge, on jette dessus 5 on 6 pellées de charbon, et aussitôt on tire par le bas avec un grapin en fer 6 hectolitres par chaque gorge; on recouvre immédiate- ment ce produit où bien on le charge dans un tombereau pour le transporter à destina- Uon. On répand autour de la superficie abaissée de la masse dans le four un cordon de houille employant 5 hectolitres, que l’on recouvre d’un cordon de pierres contenant 36 brouet- tées de 1 pi. cube et 1/2 chacune. Un quart d'heure après on tire encore 6 hectolitres de chaux par chaque gorge et on répand sur la fournée un 2° double cordon avec 4 hectoli- tres et 1/2 de houille, puis 30 brouettées de pierres ; 2 heures et demie après on tire en- core des 3 gorges une tournée de 18 hectoli- tres de chaux, et l’on charge le four d’une double couche, dite mise sur toute la super- ficie avec 5, hectolitres et 1/2 de houilie et 46 brouettées de pierres; 2 heures et demie après, on réitère la même tournée en em- ployant pour la mise 8 hectolitres et 1/2 de houille et 46 brouettées de pierres; enfin on tire en 2 fois, dans l’intervalle de 6 heu- res, 36 hectolitres de chaux, et l’on charge une double mise avec 9 hectolitres de houille et 52 brouettées de pierres. En additionnant aussi les 9 à 10 hectolitres de houille employés pour réparer le feu et couvrir le soir, on verra que la consomma- tion en 24 heures est de 42 hectolitres pour calciner 200 brouettées ou 300 pi. cubes de pierres, qui produisent 108 hectolitres de chaux ou 10 mètres cubes 8 dixièmes. En conduisant ainsi ce four si l’on aperçoit anelques pierres mal calcinées ou crues arri- ver dans les gorges, on doit augmenter la quantité de houille ; si au contraire quelques pierres sont noircies, il y a excès de charbon ou défaut d'air; on diminue le combustible et l'on augmente le tirage en enfonçant une barre en fer en quelque partie de la surface ; c’est ce que l’on appelle barreyer. Enfin on ne doit jamais tirer ia chaux en assez grande abondance pour que le charbon incandescent descende aussi dans les gorges, ce qui occa- sionnerait une perte de chaleur. On peut très facilement modérer la calcina- tion; ainsi le samedi on tire 3 ou 4 tournées de plus qu’à l'ordinaire, on charge 2 doubles mises plus haut, et on peut laisser le diman- che un seul homme régler le feu, couvrir les endroits où il devient trop actif, ouvrir avec la barre des passages là où trop de ralentisse- | ment se manifeste, ménageant ainsi la jour 464 née que la plupart des ouvriers contructeurs consacrent au repos. Si le travail devait être interrompu 1,2 et même 3 mois, pour reprendre ensuite, on couvrirait complétement le dessus du four et l'on fermerait le fond des gorges avec de la cendre ou des poussiers de chaux, et lors- qu'on voudrait remettre en train, il suffirait de découvrir ou enlever la couche supérieure, d'ajouter quelques hectolitres de gaillettes, ürer une ou deux tournées de chaux par les gorges, laisser respirer (ou le tirage s’activer) vendant 3 ou 4 heures, et reprendre lallure abituelle. Avec le même four on parvient encore soit à travailler à demi-charge en produisant seu- lement 50 hectolitres de chaux par 24 heures, ou charger comble (2 mises par-dessus les bords )} et retirer 120 hectolitres au lieu de 108 chaque jour. ; La même construction, en ôtant la borne et l’un des pieds en grès, pourrait servir à la cuisson de la chaux par les bourrées, fagots, cic. Pour chauffer avec de la tourbe, il convien- drait de poser une grille sous laquelle on püt uver les cendres. Avec ces combustibles lo- pération ne serait pas continue; chaque four- née serait cuite en entier avant de tirer, et pour soutenir les fragmens de pierres, une première voûte en pierres plus grosses serait d'abord établie à sec, laissant le plus possible d'interstices pour le passage de la flamme, comme nous l'avons indiqué plus haut pour les autres fours intermittens. $ IV. — Propriétés usuelles de la chaux. Cette substance, dont nous avons déjà indi- qué les caractères à l’état de pureté, diffère un peu dans son élat ordinaire; elle est d’un biauc jaunâtre où grise, caustique; bien que son poids spécifique soit de 2,3, l’eau étant 1, le dégagement de l'acide carbonique ayant laissé la pierre très poreuse, 1 hectolitre ne pèse qu'environ 80 kilogrammes ; les graines ne germent pas dans sa solution, ce qu ex- plique la nécessité de laisser aérer, on, pour mieux dire, carbonater la chaux dans Îles chaulages abondans, et de ne pas laisser long- temps immergées les graines dans le lait de chaux. L’hydrate de chaux retient l’eau en si intime combinaison qu'il ne l’abandonne pas, chauffé même au rouge brun, et que la pou- ARTS AGRICOLES : PRODUITS MIiNÉRAUX. LIV. 1V, dre qu’il forme alors parait complétement sèche. Tenue dans un vase sous l’eau, la chaux garde sa causticité presque entière ; c’est ua moyen d'en faire provision d’une quantité connue pour la fabrication du sucre, pen- dant une saison. Abardonnée à l’air, elle ab- sorbe l’eau et l'acide carbonique, et se con- vertit peu à peu, en tombant en poussière, en hydrate, puis en carbonate. C'est à cette action de l'atmosphère, régénérant en quelque sorte la pierre calcaire que l’on doit surtout la grande dureté acquise si lentement aux mor- tiers de chaux grasse, tels que ceux des Ro- mains, tanais que les chaux hydrauliques im- proprement appelées cimens romains doi- vent, comme uous l’avons vu , leur rapide solidification à l'union de la silice avec la chaux, union qui se fait d’autant plus rapide- ment que les parties constituantesen présence dans la chaux sont mises sous l'influence d'un excès d'humidité. 6 V. — Emplois de la chaux. Les principaux usages de la chaux sont, en agriculture, dans l'amendement des terres, la macération des engrais, le chaulage des grains. C’est un agent précieux pour plusieurs ex- ploitations agricoles et manufacturières, no- tamment la fabrication du sucre de bette- raves et de cannes, la préparation de l’indigo, les constructions hydrauliques, le blanchi- ment des fibres textiles, fils, toiles, etc. On s’en sert très utilement dans la fabrication de la colle-forie, du savon, des chlorures ; pour l’épilage des peaux , l'assainissement des pui- sards infectés par l’acide carbonique ou l’a- cide sulphydrique (hydrogène sulfuré), des murs d’écuries et d’étables ; la confection des badigeons, des fonds en certaines cou- leurs pour les papiers peints, ainsi que pour l'épuration du gaz-light tiré des houilles. Parmi ces diverses applications importantes, sur lesquelles nous ne saurions entrer dans beaucoup de détails sans sortir du cadre de cet ouvrage, ce qui intéresse le plus l’agricul- ture est relatif à l'amendement des terres et à l'amélioration de quelques composts et en- grais végétaux. Ce sujet a été traité daus le tome I, page 61, avec les développemens qu’il comporte et nous y renvoyons le lecteur. PAYEN. a chan. 27°. PRODUITS DES ANIMAUX. TITRE QUAFRIÈUE ARTS DIVERS QUI PEUVENT ÊTRE EXERCÉS DANS LES CAMPAGNES. Dans les 3 titres qui précèdent nous avons cherché à décrire la plupart des arts qui se rattachent particulièrement à lagriculture et ui peuvent s’allier avec l'exploitation d’un omaine rural. Dans cette description, nous avons cru devoir entrer dans des détails tech- niques de quelque étendue, afin de mieux faire comprendre le but et les moyens d'exécution de ces divers arts, les perfectionnemens qui leur ont récemment été appliqués et enfin les avantages et les profits qu’ils procurent quand ils sont exploités d'après les procédés les plus accrédités ou les mieux entendus. Mais il existe une foule d'autres industries plus humbles qu'on peut exercer avec profit dans les campagnes, et un grand nombre d’occupations fructueuses que peuvent se créer les petits cultivateurs et qui vont faire l’objet : d’un examen rapide dans le présent titre. Ces | industries ou ces occupations, que celui qui exploite un domaine de quelque étendue est | la plupart du temps forcé de négliger, parce | E les travaux des champs, la surveillance | es serviteurs, la vente des produits l’occu- | pent exclusivement ou parce qu'il peut faire un emploi plus avantageux de son temps et de ses capitaux sont au contraire une res- source précieuse pour les petits cultivateurs dont les travaux des champs n’absorbent pas tous les momens, surtout pour ceux qui ont contracté l'habitude d’une vie active et labo- rieuse et qui élèvent leur famille dans l'amour de l’ordre, de l’économie et du travail. Plusieurs de ces arts exigent, pour donner quelques benéfices, un travail soutenu, une extrême économie dans la main-d'œuvre et une persévérance dans le travail qu’on ne ren- contre pas dans tous les lieux et chez les ha- bitans de tous les pays; mais aussi, quand ils sont exercés avec intelligence , ils nécessi- tent une faible avance de capitaux et peu- vent améliorer sensiblement la condition des plus pauvres familles. On ne doit pas s'attendre à trouver ici une description détaillée de tous les arts dont les petits cultivateurs pourraient entreprendre l'exploitation, parce que le succès dépend plu- tôt de l’intelligence que de la perfection des méthodes, que l'apprentissage n’en est ni long ni difficile et que ces arts varient à l'infini, suivant les localités, les goûts et les mœurs des habitans ou par suite de la mode ou des améliorations successives introduites dans l’é- tat social des populations ; mais noussignale- rons de préférence ceux où les travaux, faci- les d’ailleurs à conduire et à diriger, peuvent | être pris et abandonnés à plusieurs reprises dans la journée, sans préjudice pour la bonne confection des produits, ceux qui s’exercent sur des matières 1rs qu’on a généralement sous la main, et qui trouvent un écoulement facile, sûr et abondant, un marché presque toujours ouvert et dont le prix ne varie que dans d’étroites limites. Nous aurons soin de citer fréquemment les populations labo- rieuses de nos campagnes qui se distinguent | par tel ou tel genre d'industrie, pour engager celles qui ne marchent pas encore dans cette heureuse voie à imiter leur exemple, si elles veulent accroître par ce moyen leur bien-être et ieur aisance. Enfin, nous terminerons ce chapitre en indiquant aux classes pauvres des campagnes LORS es occupations qui pour- raient diminuer leur détresse et les soulager dans leurs besoins CHAPITRE XXVII. — FABRICATIONS ET INDUSTRIES DIVERSES. SECTION 1". — Produits des animaux. Voyons d’abord quels sont les arts qui s’exercent sur les produits des animaux et qu’on pourrait réunir à une petite exploita- tion rurale. En Pologne et en Russie on emploie de pré- férence pour harnais un cuir appelé cuir tordu, et que les gens de la campagne préparent eux- | mêmes. À cet effet, on prend de la peau de vache qu’on a fait sécher; on commence par enlever le poil au moyen de l’eau bouillante et d’une sorte de grattoir, puis on la coupe en longues lanières que l’on coud bout à bout. Les 2 extrémités de ces bandes sont pareille- ment cousues et le cuir se trouve former ainsi un cordon double. En cet état, on l’imprègne de corps gras et chauds, on l’accroche à un clou au plafond et on attache des poids à la AGRICULTURE, partie inférieure. Entre les 2 bandes paral- lèles de ce cuir on passe 2 bâtons que l’on croise horizontalement et auxquels on fait faire plusieurs tours. Par ce moyen, les 2 ban- des se trouvent tortillées et fortement pres- sées l’une sur l’autre. Pendant l’opération le cuir s’échauffe sensiblement; on continue alors à l’imbiber d’un corps gras, en opérant la torsion tantôt d’un côté et tantôt d’un au- tre, jusqu’à ce qu’il soit parfaitement imbibé et devenu d’une souplesse extraordinaire. Ce cuir tordu dure très long-temps, conserve sa bonne qualité et pourrait avantageusement faire l’objet d’un petit négoce. La fabrication des gants, dans les villes de Grenoble, Niort, Chaumont, Lunéville, Ven- dôme, Rennes procure de l’ouvrage à un grand nombre de femmes des villages environnans, qui sont employées à les coudre et à les orner TOME [II.— 59 00 RATES avec de la soie. Paris, qui confectionne, con- somme et expédie au loin une quantité consi- dérable de ces objets, vachercher ses ouvriers parmi les populations laborieuses des départe- mens voisins, surtout ceux de lOise et de l'Aisne, où une femme un peu habile peut, au moyen d'une petite machine importée d'Angleterre, gagner aisément 50 c. par jour par Ja couture des gants. Un art simple et qui n’exige pas une grande pratique, c’est la fabrication des brosses et des balais de crin. Les brosses se fabriquent de 2 | manières : dans la 1r, le dos ou patte de la brosse est percé à jour et les soies ou poils de sanglier ou de porc ayant été peignés et réu- uis de longueur, sont pliés en 2, puis insérés en aussi grande quantité qu’on le peut dans chaque trou, au moyen d’une ficelle engagée dans ie pli du poil et qui amène successive- ment chaque loquet à la surface extérieure du dos de Rh Cela fait, on coule dans cha- que trou de la colle forte chaude pour conso- lider ces poils et, si c’est une brosse propre qu’on fabrique, on la recouvre d'une feuille de bois de placage, plus ou moins précieux, ou d’étoffe. Dans la 2: manière, le dos n’est pas percé à jour; on coupe les poils de lon- gueur et on les fait entrer en aussi grande quantité que possible dans les trous, qui sont plus évasés dans le fond que sur le bord, et on coule ensuite de la colle chaude, fluide et pure pour assujettir les loquets. C’est par ce même procédé qu’on fait les balais de crin. Quand les brosses ou balais sont ainsi prépa- rés et que la colle est refroidie, on coupe et on égalise les soies avec des forces ou gros ci- seaux. Les pinceaux qui servent à barbouiller, à laver et à peindre exigent, surtout les der- niers, plus de soin dans leur fabrication. Les uns sont de gros pinceaux ou brosses qui se font en poils de chien, en soies de porc ou de sanglier qu'on assujettit avec une ficelle et qu’on attache à un manche de bois; les au- tres, où pinceaux proprement dits, sont ordi- nairement renfermés dans un tuyau de plume ou une petite garniture de fer-blanc et termi- nés en pointe. On les compose en poils dé- graisses de la queue de petit-gris, de martre, de blaireau, de putois, etc.; leur fabrication demande de la pratique et de l’adresse, sur- tout pour bien former la pointe et pour que ious les poils s’y réunissent bien lorsqu’on les mouille ou les trempe dans la couleur. Les paleties sont des pinceaux plats à garnitures iétalliques, à l’usage des doreurs et de divers autres artistes. Parmi les autres industries analogues qui peuvent s'exercer sur ies produits des ani- maux, faisons encore mention de la fabricu- tion des souliers, qui se confectionnent sur une grande échelle dans la commune de Breteuil (Oise) pour l'usage de nos troupes et des h6- pitaux de Paris.Les habitans de la commune Lormaison, même département, exercent en ce genre une industrie plus singulière; ils ré- parent les vieilles chaussures ramassées dans Paris et les autres villes et livrent ainsi par an à laconsommation plus de 15 à 18,000 paires de souliers raccommodés. Enfin, nous rappel- ierons qu'on fabrique en grand, à Bayonne, des pantoufles où chaussures légères pour la ARTS AGRICOLES : FABRICATIONS ET INDUSTRIES DIVERSES. LIV. IV. chambre; qu’en beaucoup d’endroits on achète les lisières des draps pour les convertir en le- nières étroites dont op fait, au moyen d’une forme et d’une aiguille ou carrelet, des chaus- sons dits de lisière, recherchés par leur äurée et la chaleur qu’ils maintiennent aux pieds dans Ja saison froide. A Saint-Sylvain, à 4 lieues de Falaise (Calvados), on fabrique en cuir, laine, ficelle, etc., des caparagçons pour chevaux el des carnassières à J’usage des chas- seurs, fabrication qui s'étend aux 15 ou 20 communes qui environnent ce centre d’acti- vité industrielle et qui trouve un débouché fort étendu dans les départemens du Midi et en Espagne, etc. SECTION. II.— Produit des végétaux. On peut voir au tome IV de notre ouvrage, dans le livre qui traite de l’agriculture fores- tière, et notamment à la page 112 et suivan- tes, ainsi qu’à la page 136, l'avantage qu'il y a quelquefois pour le cultivateur labo- rieux d’être à proximité des forêts et de ces grands centres d'exploitation, où il peut trouver, surtout pendant que les travaux des champs sont suspendus, des occupations et un salaire qui augmentent son bien-être et son aisance. Les travaux en forêts de ce genre, tels que l’abattage, l’équarissage, le sciage des arbres, la mise en corde et en fagots, les transports, etc., soni en général assez péni- bles, mais ils exigent peu d’outils et un court apprentissage; une scie, une cognée, une serpe suffisent généralement pour abattre et équarrir les arbres. Mais un homme industrieux ne doit pas se contenter d’abattre les arbres et de les planer sur 4 faces ; ii peut encore, dans les forêts, fa- briquer du merrain, de la latte, des éclisses, des echalas, des copeaux de gainiers et de miroitiers et autres objets de fantaisie; il peut aussi dégros- sir et même façonner un assez granä nombre de pièces qui entrent dans la construction des instrumens aratcires, des brouettes, des cha- riots et charrettes, tels que rats, jantes, bran- cards, limons, essieux, ranches et ranchers, roulons et ridelles, etc.; s’il est plus habile, il peut entreprendre la fabrication des objets dits de réclerie, comme füts de bäts et ar- çons de selle, attelles de colliers de chevaux, pelles à four et à boue, battoirs de blanciisseu- ses, elc. Les habitans du département de PAisne, et surtout ceux des environs de Vil- lers-Coterets et de Nouvion-en-Tiérarche, se distinguent par ce genre de fabrication, ainsi que ceux de quelques localités aes Vosges et du Doubs. L'industrie de ces culti- vateurs laborieux ne se borne pas en ce genre à ces simples produits ; c’est ainsi qu’à Gérad- mer (Vosges), déjà connu par ses excellens fromages, un très grand nombre d’habitans sont occupés à la fabrication d’objets de boisset- lerie qui se répandent dans une grande parlie de la France, ainsi qu’à celle de boîtes légères, debaignoires, deseauxen sapin, de chauffireties, de bois de soufflets, etc.; que ceux de lAisne et de l'Oise fabriquent en outre des tamis, des boîtes en hôtre pour eau de Cologne, des rouets, des dévidotrs, des bois de cadres, desmon- tures pour huiliers et porte-liqueurs, des chaises en mérisier, des jouets d'enfans, etc; el que dans Û crAP. 27°. les environs de Beauvais plusieurs villages confectionnent des bois d’éventails. Dans les anciennes provinces de Picardie et de Champa- gne, on façonne une foule de boîtes carrées en être qui ont depuis 1 1/2 po. jusqu’à 2 pi. de longueur; le Doubs au contraire fournit une quaulité considérable de boîtes rondes et ovales en sapig. Ces boîtes sont collées ou Lien on leur donne la sclidité convenable au moyen de peu clous d’épingle, de chevilles de bois ou bien de liens ou clous à tranchet, mor- ceaux de fer-blanc mince taillés en coin qu’on enfonce dans le bois aux points de jonction de 2 pièces jusqu’à la moitié de leur longueur et qu’on reploie soit en dehors, soit en de- dans de la boîte. Dans beaucoup d’autres départemens de la France, les habitans des campagnes font des objets de tonnellerie; dans d’autres, tels qu’à Château-des-Prés, à peu de distance de Saint- Claude (Vosges ), ils construisent des buffets. des meubles, des cuveaux en sapin qw’ils portent au loin pour les vendre, ou bien de grandes cuves en sapin, comme à Rivel-de-las-Semals rès de Limoux (Aude). A l’occasion de la fa- rication des tonneaux, nous entrerons dans quelques détails sur les perfectionnemens que cet art a éprouvé depuis quelque temps et sur les avantages qu’on pourrait recueillir en l'établissant en grand d’après les nouveaux procédés. Dans les pays de vignobles où la fabrication des tonneaux est avantageuse, on pourrait for- mer un petit établissement avec les machines inventées par M. le chevalier de MANNEVILLE, de Troussebourg près Honfleur (Calvados). Un établissement de ce genre, dit l'inventeur, r’exige pas de la part des personnes à qui le brevet serait concédé dans une localité et qui voudront lexploiter avec ordre et économie, l'avance d’un gros capital, surtout s’ils peu- vent disposer d’une chute d’eau; voici l’a- perçu des frais dans ce dernier cas, Une scie verticale pour réduire d’une seule opération iles ar- bres en plateaux. . . . . 2,000 Une collection des machines 10.800 ES. 5, 0) 650017 Deux tables de scies circulaires avecrechanges . . . . . 1,000 Frais divers d'établissement. 1,500 Le capital roulant, ou argent nécessaire pour achat des matières premières, salaire des ouvriers, etc., est peu considérable. M. de ManNeviLe calcule de la manière suivante les frais que l’emploi de ses nouvelles ma- chines nécessiteront dans le 17 mois après qu’elles auront été montées et en état de fonctionner. Intérêt, pendant 1 mois, des capitaux avancés pour l’achat des machines. 90 » Salaire de 7 ouvriers dont 4 pour les machines brevetées, 1 pour la scie verticale et 2 aux scies circulaires à raison de 2 fr. Jun. . . . . 420 » Un contre-maitre, à raison de 1000 fr. DS . o « ee 0" 6): 6868 une mes etc. ' . . 0 s 450 Assurance contre l'incendie, frais im- prévus L1 LA L] L2 . . L1 . . L2 25 » PRODUITS DES ANIMAUX. 467 Pendant ce mois on aura débité du merramn pour 2,000 tonneaux au moins; Ce merrain pourra être vendu avantageusement ou monté en tonneaux à la manière ordinaire, suivant qu’on le jugera converable. ' Avec ces machines brevetées, l’expérience a prouvé qu’un homme, en 4 heures 40 mi- nutes, peut seul fabriquer 2,580 pièces de werrain ; en 3 heures 23 minutes, couper de longueur, jabler, parer et sous-rogner aux 2 extrémités 1830 douves; en 14 heures 10 mi- nutes, joindre parfaitement toutes ces douves ; ep 2 heures 10 minutes, joindre 720 pièces de fonds ; en 4 heures 33 minutes, percer 2,240 trous de vilebrequin dans les différentes pee et placer 1120 goujons; et enfin en 3 ieures 11 minutes, tourner et perfectionner 160 fonds. En tout, 32 beures 7 minutes. Beaucoup de localités se sont emparées d’un certain genre de travail du bois et en retirent des profits assez considérables. C’est ainsi qu’à Clermont (Oise), on fabrique une grande partie du bois de brosse qui sert à l’ap- provisionnement de Paris, et que le même produit ainsi que les rouets à filer sont fabri- qués en grand à Récicourt, à Saint-André, à Paroy et autres villages du canten de Souilly dans les environs de Verdun (Meuse) ; que lies habitans de Sauve (Gard) cultivent en grand le micocoulier pour en faire des four- ches dont ils ont un débit considérable; que ceux des villages de Laroque et de Sorède près Céret et Prats- de - Mollo ( Pyrénées Orientales ), ont imité leur exemple et fabri- quent ep micocoulier et en alizier des four- ches, des manches de fouets et autres objets qui ont un grand débit en Espagne et qu'on ap- porte ;usqu’à Paris; que ceux de Hermes près Beauvais ( Oise), fabriquent des queues de billard, des bätons tournés en tout geure our tapissiers, des cannes en boïs indigènes imitant les bois exotiques, le bambou et le rotin ; des manches de parapluies, etc. La fabrication des sabots, des formes pour les souliers et des embouchoirs pour les bottes, qu’on exerce principalement dans les envi- rons de Compiègne (Oise), dans la forêt d'Orléans (Loiret), à Villers-Coterets et à Buiron-Fosse { Aisne), ainsi que dans l’Orne, la Haute-Saône et autres lieux, n’exige pas d'outils “ombreux et peut très bien être exercée dans tous les lieux situés à proximité des forêts. Pour faire les sabots, on com- mence par couper le bais de lougueur au moyen de la scie dans des billes de hètre, noyer, orme où bouleau ; les morceaux sont ensuite dégrossis à la hache, puis ébauchés à lessette. Une paire de sabots ainsi ébauchée est placée sur lencoche, espèce de table ou chevalet en bois où on la retient avec un coin qu’on chasse au moyen du renard ou maillet de bois. C’est alors qu'avec une tarière on perce la place du pied, et qu’avec un outil tranchant appelé cuiller et dont on a plusieurs modèles, on creuse le talon. Le sabot étant creusé, on le pare, c’est-a-dire qu'avec le paroïir, sorte de couteau à manche monté sur un banc, on l’évide à l’intérieur et on le polit. Des räpes à bois suffisent alors pour achever de lui donver la forme élégante et légère qu'on recherche aujourd’hui à la ville dans ces sor- tes de chaussures. 458 Dans les montagnes du département de l'Allier, aux environs de Vichy et au bourg de Busset, ainsi que dans le Puy-de-Dôme et le Doubs, les habitans confectionnent des chariots à 4 roues, extrêmement légers et de divers degrés de solidité, dont se servent tous les cultivateurs. Ces chariots, dont un grand nombresontsans ferrures, ne reviennent qu’à 40 ou 50 fr. chacun. Les roues et les essieux seuls sont en bois dur; le corps est en sapin et composé d’un avant-train, de 3 grosses perches brutes et de 2 claies rustiques; ces claies se croisentsous la perche du milieu qui reposesur le train, et s’écartent à leur partie supérieure en s’avpuyant sur les 2 autres perches assem- blées grossièrement dans des cornes de ran- ches également fixées sur le train. Dans les villes de ces départemens, ces chariots sont construits avec plus de soin et de solidité; 1ls sont ferrés et leur prix s’élève de 80 à 250 fr. Chacun de ces chariots porte une charge d’en- viron 1000 kilog. de marchandises, et 500 kilog. de gerbes, pailles, chaumes, foins et autres fourrages; ils sont ordinairement trai- nés par 2 petites vaches attelées à des jougs garnis de coussinets en paille portant un filet pour chasser les mouches. On voit combien 1l serait facile dans les campagnes de se livrer à la construction de ces chariots, et combien de services utiles ces machines simples peu- vent rendre à la petite culture. Dans la Haute-Loire, on construit en sapin plus de 200 bateaux pour le transport des houilles. Cette construction produit annuelle- ment dans le département une circulation de plus de 720,000 fr. qui se partagent entre les propriétaires et les habitans industrieux qui scient le bois, le transportent et construisent les bateaux. Le touret la scie suffisent pour fabriquer un très grand nombre de petits ouvrages en di- verses matières qui ont un débit d'autant plus considérable qu’ils sont à bas prix et à la por- tée de la majorité des consommateurs. Ainsi, avec un tour fort simple, on fait des chaises, des écheiles, des tabatières, des coquetiers, des sebilles, des salières, des jouets d'enfants, etc., et on peut, comme dans nos dépariemens de la Meuse, de la Moselle, de la Meurthe et des Vosges, fabriquer des moules de boutons ou des boutons. Les moules de boutons se font en bois dur et sec; tels que le chêne, le poirier, le frêne, le cormier, etc., ou en corne, en baleine ou en os. Leur fabrication est fort simple: on prend des planchettes minces de bois ou des plaques de corne ou d’os et on les présente à un moule-percoir monté sur un tour, ou simplement placé entre 2 poupées qui lui ser- vent d'appui. Ce moule-perçoir est composé d'un manche et d’un fer; le manche est une boite à forets ordinaire oblongue et le fer une sorte de ciseau terminé par 5 pointes. Celle du milieu est la plus longue et sert à percer le moule de bouton dans son centre ; les 2 pointes qui suivent tracent des moulu- res à sa surface et les 2 pointes extrêmes for- ment les bords du moule et l’enlèvent de la plaque ou de la planchetie de bois. Ce moule- perçoir, dont on a plusieurs modèles suivant la grandeur ou je profil des boutons qu'on veut fabriquer, est mis en mouvement sur le tour soit par le pied au moyen d’une corde, ARTS AGRICOLES : FABRICATIONS ET INDUSTRIES DIVERSES. LIV. 1V: d’une pédale et d’une verge flexible, comme dans le tour des tourneurs de chaises, soit par un archet, soit enfin par une grande roue et une corde sans fin. Les autres outils pour celte fabrication sont : des percoirs pour pratiquer différens trous dans le moule ou le bouton, un compas d'épaisseur, une scie à main, un couperet, des limes et râpes et un étau. Une table solide, percée au milieu d’une fente au travers de laquelle passe la lame d’une scie dont le châssis est attaché à une perche flexible qui la remonte à mesure que le pied la fait descendre au moyen d’une pé- dale, est une machine suffisante pour confec- tionner ou découper à jour une foule d'objets d’un débit assez étendu aujourd’hui, tels que lettres majuscules en bois pour enseignes de boutiques et autres, chiffres pour numérotage des maisons et des rues, objets de fantaisie et de goût pour ornement ou décoration des habitations ou fournitures pour bureau, arts du dessin, elc. Depuis 40 années environ, les habitans de Cumnock, village au comité d’Ayr en Ecosse, se sont appropriés la fabrication de ces taba- tières élégantes et légères en bois, connues ici sous le nom de tabatières écossaises, qu’on débite en très grande quantité en Angleterre et sur le continent et qu’on a jusqu'ici vaine- nement tenté d’imiter ailleurs. Dans ce vil- age industrieux, où plusieurs centaines de personnes prennent part à cette fabrication, les unes travaillent le bois de ces tabatières, et avec des outils appropriés et encore se- crets en façonnent la charnière en bois si dé- licatement ajustée qu’elle fait une partie de leur mérite; d’autres en polissent la surface et les livrent aux dessinateurs qui, par le moyen d’un pantographe y retracent en les réduisant, toutes les gravures des plus habiles maîtres ou les estampes les plus populaires; de là elles passent dans les mains des vernisseurs ui leur donnent l’éclat et le poli. Cette in- dustrie s’est étendue aux communes voisines qui, avec Cumnock, livrent annuellement à la consommation pour 3 à 400,000 fr. de taba- tières, qui forment pour elles un bénéfice à peu près net et la récompense de leur in- dustrie; les matières premières rentrant pas pour un demi-centième dans le prix de ces tabatières qu'on vend en fabrique de 8 à 30 fr. Les nattes qui sont des espèces de tissus de paille de céréales ou de maïs, de jonc, de ro- seau ou de quelques autres plantes ou écorces faciles à se plier et à s’entrelacer, peuvent of- frir danslewr fabrication une occupaiion fruc- tueuse par suite de la grande consommation qu’on en fait pour les aypartemens dans les villes, les clôtures et l'emballage d’un grand nombre de produits industriels. Une natte en paille est composée de divers cordons et les cordons de diverses branches, ordinairement eu nombre de 3. On donne aux cordons depuis 4 jusqu’à 12 brins ou tiges de paille et plus, suivant l'épaisseur qu'on veut donner à la nalte ou selon l'usage auquel on la destine. On natte chaque cordon à part en attachant la tête de chacun à un clou ou crochet en- foncé dans la barre d’en-haut d’un fort tré- teau de bois et en remontant la natte sur le cHaAP. 2°. PRODUITS DES VÉGÉTAUX. clou à mesure qu’elle avance, et rejetant par- . dessus le tréteau la partie quiest déjà nattée. Pour joindre ces branches et en faire des nat- tes, on les coud l’une à l’autre avec une grosse aiguille de fer de 10 à 12 po. de longueur et de la menue ficelle. Deux grosses tringles de la longueur nécessaire et qu'on éloigne plus ou moins suivant l'ouvrage servent à cette couture, qui se fait en attachant alternative- ment le cordon à des clous à crochet dont ces tringles sont munies d'un côté, et à 1 po. de distance les uns des autres; c’est ce qu’on nomme ourdir ou bâtir à la tringle. La paille dont on fait les nattes doit être longue et frai- che; on la mouille, on la bat sur une pierre avec un gros maillet de bois à long manche pour l’écraser et l’aplatir, Le naitier peut voir ses produits exportés au loin, et même les vendre à un prix assez élevé quand ils sont travaillés avec soin et que les matériaux sont propres et peu altéra- bles, et surtout lorsque l’ouvrier sait les com- biner avec goût et avec élégante pour en for- mer des dessins ou des ornemens. Un travail plus délicat que celui du nattier, est celui qui consiste à tresser la paille pour en faire des chapeaux d'hommes et de femmes et divers objets d'utilité et d'agrément. Nous r’entrerons pas ici dans des détails sur la fabrication de ces tresses fines, légères et brillantes, qui servent à fabriquer ces beaux produits connus sous le nom de cha- peaux de paille d’Italie et qu’on a imités en France , à Lyon, à Alencon etau Mans et nous nous contenterons d’appeler l'attention sur les tresses ordinaires en pailles entières ou refendues, qui servent à la confection des chapeaux dits de paille cousue et de paille suisse qu'on fabrique dans plusieurs de nos départemens , ou à celle des cabas et de j0- lis petits ouvrages en paille tressés ou nat- tés. D'après les renseignemens fournis par M. Vizmorin (t. I:", p. 369), on voit que c’est le blé de mars barbu ordinaire qui, affaibli par un semis très épais, donne des pailles qui approchent le plus de celles du blé de Tos- cané ou à chapeau; mais on en fabrique aussi avec la paille de plusieurs autres céréales qui peuvent donner des tresses d’autant plus fi- nes qu’on a fait choix d’une paille plus belle, plus pure et d’un plus grand éclat. La paille doit être aplatie, coupée de longueur entre les nœuds ou fendue en plusieurs brins à l'aide d’un canif. Si on se sert de paille refen- due, on l'enveloppe dans un linge mouillé pour lui donner de la souplesse. On fait des nattes à 7, 9, 11 ou 13 brins de paille et plus. A fin de donner une idée de ce genre de tra- vail nous choisirons une natte à 11 brins, ainsi qu'on le voit dans la fig. 531. Dans celte natte, chaque brin est numéroté de dis- tance en distance, et l’on peut facilement en suivre la marche. Ainsi, en partant de l'endroit marqué A, nous voyons le brin n° 1 se replier sous le n° 2,passer sur les brins 3 et 4 sous les n° 5 et 6, sur 7 et 8, sous 9 et 10 et sur 11, puis, se replier de nouveau au point B pour passer sous 2, sur 3 et 4, et ainsi de suite. De même, le no 2, partant du point inférieur, se replie sous 3, passe sur 4 et 5, sous 6 et 7,sur 8 et 9, sous 10 et 11, sur 1 etse a — ———————— D 1 469 Fig. 531. NN CZ NANZ . VU KA ENT 4 14 replie sous 3 en D, où il recommence à passer sur 4 et 5 et ainsi de suite. Maintenant, si nous voulions continuer cet- te tresse commencée, nous replierions le n° 5 sous le n°6, puis nous le ferions passer sur 7 et 8, et sous 9 et 10. Ensuite, nous pren- drions le n° 11en F, nous le replierions sous 1et le ferions passer sur 2 et 3 et sous 4 et 5, puis, nous reviendrions du côté opposé au n° 6, qui serait alors le plus extérieur, etlere- plierions sous 7 en le faisant passer sur 8 et9 et sous 10 et 11 et ainsi de suite. Pour travailler une tresse, on lie ensemuie les brins de paille et où lez fixe a sa ceinture avec un cordon, puis on fabrique la tresse comme nous venons de l’enseigner en faisant marcher les doigts en avant, repliant et fai- sant passer les brins sur ou sous les groupes successifs composés de 2 pailles, avec la plus grande agilité possible. On continue ainsi dans toute la longueur des brins de paille, et lorsque lun d'eux vient à manquer, il faut ajouter un autre brin de manière que le bout finissant et le bout commençant se trouvent toujours à l’envers de la tresse. Lorsqu'on a une longueur de tresse suffi- sante pour faire un chapeau, on la coud en commençant le chapeau par le centre du fond de la forme et tournant successivement de droite à gauche pour former ce found, puis la forme du chapeau, et enfin sa passe ou ses bords. Cette couture se fait à grands points de surjet et de manière que la tresse supé- rieure déborde toujours légèrement sur la tresse inférieure. Les chapeaux fins une fois terminés, reçoivent un apprêt qui est du res- sort des fabriques. Quand on sait faire des tresses, on peut en teignant celles-ci en diverses couleurs, faire des cabas ou paniers pour aller au marché, des paniers légers, des meubles divers et une foule de petits ouvrages qui sont recherchés quand ils sont travaillésavec goût, élégance et propreté. Il en estde mêmedes tresses en bois de bourgène, de saule ou de peuplier, en ba- leine, en rotin, en jonc refendus au moyen d'outils particuliers et dont on fait aussi des chapeaux et divers objets d’ameublement- L'art du cordier, c’est-à-dire art de fabri- A70 quer des cordes et des sangles de chanvre et de lin ainsi que des cordes de crin et d’écorce, n’exige ni de grandes dépenses, ni des outils nomoreux, niun long apprentissage. Unrouet decordier mu par un enfant, up touret ou dé- vidoir, des chevalets ou râteliers, des émeril- lons et une paumelle en lisière de drap sont presque les seuls ustensiles nécessaires pour fabriquer du fit de caret qu'on peut vendre aux ateliers de corderie. Mais on peut ne pas se borner à faire du fil de caret. et fabriquer encore une foule de cordes ou ficelles usitées daus les travaux civils et agricoles, ainsi que dans les arts et l’économie domestique. Quel- ques autres outils alors aussi simples que lies premiers tels que des toupins, un chariot, des carrés à manivelle pour commettre les cordages sont alors nécessaires. Les princi- pes de l’art de filer le fil de caret sont peu nombreux et la pratique en est aisée. Ii faut seulement s'attacher à donner à cette opéra- tion uneattentionsuivie,et procéder par mou- vemens uniformes et égaux dans leur durée comme dans leurs intervalles. Un atelier de filage peut être établi le long d’un mur, dans une allée, un fossé, mais autant que possible à l'abri du soleil et du vent. Le sol doit en être uui et horizontal. Les cordes de tille, qu’on fabrique avec la 2e écorce ou liber des jeunes branches du tilleul de Hollande et quelquefois avec celle de l’or- me commun qui est presque aussi souple et durable, donnent lieu dans l’Aube et surtout dans le département del’Oise, à une très gran- de fabrication; c’est ainsi qu’à Coye, à 2 lieues de Senlis, les habitans fabriquent par an plus de 2,500 douz. de cordes à puits en écorce de tilleul ; chaque douzaine de cordes mesure 288 mèt. de longueur. On y fait en même temps avec la même substance plus de 7 à 8 millions de liens pour les besoins de l’agriculture. Les objets de vannerie ont partout un très grand débit et méritent assurément qu’on ap- prenne à les fabriquer, tant sous le rapport des nombreux usages auxquels ils sont pro- pres, que par les profits assez considérables que peuvent procurer ceux qui sont travaillés avec goût et délicatesse, qu'on recherche au- Jourd'hui dans les villes, où 1ls se vendent à un prix assez élevé. En France, c’est principa- lement dans le département de l’Aisne qu’on cultive en grand les osiers pour la vannerie fine qu’on fabrique surtout à Origny-en- Tiérarche, à Hirson, dars les environs de La Capelle, Ribemont, Aubenton, Landouzy-la- Ville, etc. Quant à la vannerie commune, on la fabrique dans beaucoup d’endroits, et nous citerons seulement Angivilliers, près Thion- ville (Moselle), où on fait principalement les vans pour vanne le grain, Dompierre-aux- Bois, près Commercy (Meuse), qui ne fabri- ARTS AGRICOLES : FABRICATIONS ET INDUSTRIES DIVERSES. que que la grosse vannerie, et les communes | e Remilly, Lemesnil-Vigot, Lemesnil-Eury, arrondissement de Saint-Lô (Manche), qui s’occupent presque exclusivement des ouvra- ges en osier et en font un commerce consi- dérable dans toute la Normandie, la Breta- gne, etc. Nous faisons connaître au t. IV, p.40 lama- nière de former une oseraie ; nous ajouterons ici quelques détails pratiques sur l'emploi de l’osier. Les ouvrages ordinaires en vannerie, LIV. JV. tels que corbeïlles, paniers. claies, hottes, etc., se font en osier jaune ou rouge; ceux en van- nerie fine en osier blanc au osier sans écorce, pour lequel on emploie principalement le saule viminal dont les jets sont beaucoup plus droits et unis et ne se ramifient presque ja- mais en brindilles secondaires. C’est au mo- ment où le saule viminal est en sève qu’on le dépouille le plus facilement de son écorce pour en faire l’osier blanc. Pour l’obtenir ainsi, on le coupe et on en forme des bottes ue l’on range dans un lieu préparé exprès ans le voisinage d’une rivière ou d’une eau as- sez abondante pour que le pied des battes soit constamment submergé à une hauteur de 15 à 18 po. Au mois de mai suivant, au moment de l’ascension de la sève, on retire l’osier pour l’écorcer à mesure qu’il sort de l’eau, ce qui se fait avec rapidité au moyen d’une espèce de mâchelière en bois dans laquelle on passe les jets d’osier et qui en séparent l’écorce avec facilité. L’osier écorcé et blanchi est laissé quel- que temps à l’air pour le faire sécher; ensuite il est réuni en bottes de différentes grosseurs et longueurs. Lorsqu'on veut le mettre en œuvre, on le fait tremper dans l’eau pendant 24 heures pour lui donner assez de souplesse pour être travaillé; puis on ie fend pour les objets les plus délicats en 3, 4, 5 et 6 parties au moyen d’un fendoir en buis, et on le passe à la filière, instrument qui enlève tout le bois intérieur et ne conserve que la partie qui tou- che l’écorce qui est plus blanche, plus flexible et plus brillante. Il y aurait sans doute beaucoup d’autres in- dustries qui pourraient s'exercer dans nos campagnes, sur le bois, les tiges et les écorces des végétaux, mais que nous passerons sous silence pour nous occuper des produits avan- tageux que certaines populations savent reti- rer des végétaux ou des fruits qu’elles font croître, ou que la nature leur offre avec libé- ralité. Près de toutes les grandes villes, on peut joindre aux bénéfices qu’on retire d’une ex- ploitation rurale ceux qu’il est facile de re- cueillir de la culture des plantes potagères, de celle des arbres fruitiers, des plantes d'utilité ou d'agrément. Nous n’entrerons à cet égard dans aucun développement. Une industrie fort simple et qui n’exige que du soin, c’est la préparation des pruneaux, dont on fait une consommation considérable dans le monde entier. Ces pruneaux sont d'autant plus délicats qu’on choisit des fruits de meil- leure qualité et qui se prêtent mieux à cette préparation. On attend, pour récolter ceux- ci, qu'ils soient bien mürs ;on les met sur des claies et on les expose au soleil dans les cli- mais méridionaux, ou à la chaleur du four dans ceux du Nord. On fait en sorte que la dessiccation soit prompte, afin d'éviter la moi- sissure. On évite de laisser les prunes à l’air pendant la nuit ou lorsque le jour est sombre et humide ; on ne les expose qu'à un soleil vif et on les passe plus ou moins souvent au four, selon qu’elles sont plus ou moins grosses, en augmentant chaque fois la chaleur. Ces ma- nipulations varient au reste avec les pays. Par exemple, pour les pruneaux dits de Tours, qu’on prépare dans les environs de Tours, Chinon, Saumur, etc., on choisit la variété de D cHaApP. 27°. prune äite la Sainte-Catherine; on prend les plus mûres, celles qui tombent par les petites secousses qu'on imprime à l'arbre; on les place, sans les entasser, sur des claies qu’on expose au soleil jusqu’à ce que les prunes de- viennent très molles. On les met alors dans un four chauffé à la chaleur tiède et dont la porte ferme exactement, et où elles restent 24 heures; on les retire, on chauffe de nou- veau le four, or le porte à un degré de cha- leur plus fort du quart et on y replace les claies; on les retire le lendemain et on re- tourne les prunes en agitant la claie. Cette opération faite, on chauffe le four pour la 3° fois à une température d’un quart plus forte qu’à la 2°; on replace les claies, cn les abandonne encore 24 heures, après quoi on les retire et on les laisse refroidir; elles ont alors atteint la moitié de leur dessiccation. Il s’agit alors de les arrondir, d’en tourner le noyau, de leur donner une forme carrée; résultat Ajuel on parvient en lespressantentreledoigtindica- teur et le vouce. Cette opération achevée,on porte le four au degré de chaleur qu’il a quand on en a retiré le pain ; on y remet les claies et on mastique la porte avec du mortier.On re- tire les prunes au bout d’une heure, on place daus le four un vase rempli d’eau et on le tient fermé pendant 2 heures; après quoi on remet les claies, on ferme exactement et on laisse le tout pendant 24 heures. Les prunes pren- nent le blanc, c’est-à-dire qu’elles se recou- vrent d’une poussière blanche, résineuse et cristalline. Si elles ne sont pas assez cuites et u’elles soient blanches, on les laisse dans le our tant qu’elles conservent de !a chaleur; il ne faut pas le réchauffer, le blanc disparai- trait. On procède différemment pour les prunes de Brignoles. Ces prunes, qui se préparent avec la variété appelée perdrigon blanc, se ré- coltent après midi, en secouant légèrement les arbres. On les laisse dans les paniers jus- qu’au lendemain matin où on les pèle une à une avec l’ongle et le pouce, sans jamais em- ployer le fer. Lorsqu'il y en a une certaine quantité de pelées, on les enfile dans des ba- guettes d’osier, grosses comme un tuyau de plume, longues environ d’un pied et pointues aux 2 bouts, de manière que les fruits ne se touchent pas. On fiche ces baguettes à la dis- tarce d’un pied , autour de faisceaux de paille ficelés; on les suspend à des traverses; on les laisse ainsi exposées à l'air 2 ou 3 jours,en ayant soin de les renfermer chaque soir, un peu avant le coucher du soleil, dans un en- droit sec et à l’abri de l'humidité. Au bout de 3 jours, on les détache des baguettes et on fait sortir les noyaux par la base. Cette opération faite, on les étenä sur des claies bien propres, on les expose 8 jours au soieil, on les ren- ferme tous les soirs avant qu’il se couche et on les remet à l’air dès qu'il se lève; on les arrondit, on les tape et on les aplatit avec les doigts. Elles sont assez sèches lorsqu'elles se détachent de la claie et ne poussent plus en- tre les doigts. On les place alors dans des caisses ibies de papier blanc, on les recou- vre de drap de laine et on les serre dans un endroit bien sec jusqu’à ce qu’on les livre au commerce. C’est par des procédés araiogues qu’on fait PRODUITS DES VÉGÉTAUX. mm mme pe] 471 sécher les fiques; mais celles qui ont éprouvé la dessiccation sur des claies au soleil sont toujours plus douces, plus onctueuses et re- cherchées que celles où on à employé la cha- leur du four. On sèche encore de la même manière des poires, des pommes, des cerises où autres fruits charnus, soit pour être consom- més à l’état sec, soit pour la préparation de boissons économiques. Dans les pays favorisés par un beau elimat, on se livre avec succès à la préparation des raisins secs, qui ont un débit considérable tant en France que dans le nord de l'Europe. La manière de préparer ces raisins est simple, et voici comment on y procède dans le Langue- doc et la Provence.Quinze jours avant de cueil- lir les raisins, on prépare une lessive de soude ou de potasse factice. Cette lessive se fait en dissolvant dans un baquet rempli d’eau Ja soude ou Ja potasse concassées, en décantant cette 1r° eau, la remplaçant par de nouvelle, qu’on décarte de même quand eile a dissous l’alcali. On mélange ces 2lessives et on yajoute au besoin de l’eau pure, jusqu'à ce qu'elle marque 11 à 11 1/2 degrés au pèse-alcali. La cueillette du raisin étant faite et les grappes purgées des grains écrasés ou moisis, on met la lessive dans une chaudière, on porte à l’ébullition et maintient en cet état. Alorson plonge ies grappes dans la lessive bouillante et où ne les en retire que lorsqu'on s'aperçoit ue les grains sont fendillés; on les enlève ès que ce signe se manifeste et on les pose au soleil sur des claies de roseau, en les laissant exposées à la rosée la {re nuit. Les jours sui- vans, on a soin de les retourner et de les ren- trer tous les soirs, avant le coucher du soleil, et d’en agir de même un temps suffisant, mais sans attendre toutefois qu’elles soient trop desséchées. Ce procédé est préférable à celui u’on emploie encore dans plusieurs loca- lités, où l’on se contente de tremper les grap- pes dans une lessive de cendres, dont on ne connaît pas le titre et qui donne aux raisins ou panses un aspect rougeâtre et leur enlève ce oùt sucré et onctueux qui fait tout le mérite e ceux préparés comme nous l’indiqnons. Pour les sortes les plus délicates, on égrappe, c’est-à-dire qu’on enlève la rafle des grappes. Tous ces raisins sont ensuite emballés dans des boîtes de sapin qui pèsent, pour les espè- ces de choix, de 8 à 20 kil., et pour les autres, de 40 à 50 kil. Puisque nous avons fait mention de la con- servation des fruits par la dessiccation, nous ajouterons qu'on pourrait également, dans les campagnes, ainsi qu’on le fait dans plu- sieurs de nos départemens méridionaux, les confire au sucre ou les transformer en sirops, en confitures, en raisinés. en gelées, en pâles, en marmelades et même en fruits à l'eau-de-vie qui, en supposant les produits de bonne qua- Lté, auraient, sans aucun doute, un débit assez considérable; par exemple, la fabrica- tion du raisiné dit de Bourgogne a lieu pres- ue exclusivement à Cerisiers, Dixmont, Pif- onds, autour de Joigny ( Yonne); celle des fruits cuits, à Tours et ses environs, ainsi qu’à Chinon (Indre-et-Loire) qui en font un grand commerce, elc. Nous rappellerons également ici que la plu- part des légumes ou des plantes qui nous ser- 472 ARTS AGRICOLES : FABRICATIONS ET INDUSTRIES DIVERSES. vent d'alimens, tels que les jeunes oignons, les cornichons, les épis encore tendres de maïs, les haricots verts, les cäpres, les toma- tes, les poivrons, etc., peuvent être confits dans du vinaigre et, dans cet élat de conser- valion, être portés dans les villes où on en fait une grande consommation, et qu’on a aussi essayé avec succès de confire de la même manière la plupart des fruits qui paraissent sur nos tables. Enfin tout le monde sait que les olives, encore vertes, sont jetées pendant 8 à 10 jours dans de grands vases remplis d’eau qu'on renouvelle souvent, puis qu'on sature de sel et que c’est dans cette saumure qu’on les conserve. La plupart du temps avant de saler l’eau on baigne les olives dans une faible dissolution de potasse ou de soude rendue caustique par la chaux. C’est après ce bain que les olives sont mises dans Ja saumure et enfermées dans de petits barils de 1 à 2 litres qu’on transporte au loin. Quel- quefois on ind l’olive pour en ôter le noyau, et l’on remplace ce noyau par un assaisonne- ment d’anchois, de càpres et de truffes; ces olives farcies se conservent dans des boucouts qu'on remplit d'excellente huile et qu’on bouche ensuite hermétiquement. Dans nos dépariemens d’Indre-et-Loire, du Gard, de l'Hérault, des Basses-Pyrénées, on se livre à la fabrication du jus de réglisse, substance qui a un débit assez considérable dans toute la France et à l’étranger. Le prix élevé du café a donné l’idée de re- chercher dans les produits de notre sol si on n’en trouverait pas quelques-uns qui pus- sent non pas le remplacer entièrement, mais diminuer la dose nécessaire à la préparation du breuvage de ce nom. Parmi le grand nom- bre de substances proposées ou essayées pour faire du café indigène, trois se sont maintenues en vogue et sont aujourd’hui très usitées en France, en Belgique, en Hollande et en Alle- magne; ce sont les racines de betterave, ca- rotte et chicorée. Ces racines sont souvent employées seules, mais le plus ordinairement ensemble dans la proportion de betterave 1/4, carotte 1/4, chicorée 1/2, ce qui varie suivant la facilité des approvisionnemens. On coupe d’abord ces racines de 2 à 3 lignes d'épaisseur au moyen d’un coupe-racines ou autre ma- chine à couteaux, et on les dessèche séparé- ment à l’étuve. La chicorée est sèche au bout de 24 heures, la carotte en 30 et la betterave en 36; il faut pour cet objet faire choix d’un mode économique de dessiccation. Pour 100 parties ou poids de chacune réunies, soumises ainsi à l’étuve, on ne recueille que 22 de chi- corée, 12 de carotte et 11 de betterave seule- ment ; cette opération doit être conduile avec habileté. Trois stères de chêne ou 15 quintaux de houille doivent suffire pour sécher 100 quintaux de racines vertes. Au sortir de l’é- tuve les racines sèches passent dans un four- neau où elles sont arrosées avec de la mélasse; la quantité qu’il en faut employer, la tempé- rature que l’on doit donner et la durée de l’o- pération dépendent de la qualité et de l’état des racines. On est guidé ordinairement par des signes que l’expérience et la pratique apprennent à connaître; les racines vernies n'ont plus besoin que d’être réduites, dans un moulin, en poudre qui ne doit pas être LIV, 1Y, trop fine et que l’on met par petits paquets dans des cylindres ou cartouches de papier contenant chacune 2 onces; on se sert pour tasser la poudre dans les cartouches d’une machine qui en bat un grand nombre à la fois; il est rare qu’on obtienne en café plus d’un dixième du poids des racines vertes, nettoyées et coupées. Cette fabrication, qui est très active à Onnaing (Nord) quia été son berceau, à Marvoilles, près Avesnes, et autres lieux, commence en octobreet finit en janvier. On prépare aussi, à peu près d’après les mêmes principes, du café-châtaigne qui est un mé- lange de betteraves séchées et arrosées d'huile d'olive, puis de châtaignes sèches. Ce mélange est ensuite brûlé comme du café ordinaire, mais avec beaucoup de précautions, puis, lors- qu'il est froid, moulu et enfermé dans des vases de terre dans lesquels on l’expédie. On a établi aussi en Hanovre plusieurs grandes fabriques pour la préparation du café de seigle q\’on préfère dans ce pays au café- chicorée. Pour préparer ce café, on fait macé- rer le seigle pendant une nuit dans l’eau froide, on fait écouler cette eau qu’on rem- place par de la fraiche qu’on chauffe aussitôt Jusqu'au point d’ébullition. Quand les grains ont crevé, on Jette le tout sur une passoire et on lave à 3 reprises différentes avec de l’eau bouillante. Lorsque l’eau est suffisamment écoulée, on sèche les grains soit au soleil, soit sur une plaque chauffée; cette dessiccation doit être rapide. Alors on les brûle comme le café et au même point, on les met en poudre et on les conserve dans des pots fermés d’un couvercle. On prend ordinairement 2 onces de cette poudre pour 3 tasses, et on fait bouil- lir un quart d'heure; quelques personnes y ajoutent 1 à 2 grains de sel. Mêlée avec du café ordinaire, cette boisson est, dit-on, agréa- bie. Nous mentionnerons encore la fabrication de la moutarde comme une de celles qui se rattachent à l’agriculture. On peut construire un moulin d’une manière bien simple, en pre- nant une petite futaille qu’on défonce d’un côté el au fond de laquelle on fixe une meule en granit ou en pierre dure, de manièrequ’elle ne puisse pas tourner; on place ensuite des- sus une autre meule mobile et tournant au- tour d’une cheville implantée au milieu de la meule dormante. Sur le côté de ceite der- nière est solidement fixée une autre cheville ronde en fer qui, à l’aide d’un étui de bois dont elle est environnée, sert de manivelle pour la faire tourner. Un couvercle en bois recouvre cette meule mobile, et une gouttière placée sur le côté, au niveau de la surface su- périeure de la meule inférieure, sert à faire tomber la moutarde broyée. Avant de moudre la graine de moutarde, on la vanne, on la lave et on la laisse gonfler pendant 12 heures pour rendre le broyage plus facile. Cette graine étant ensuite broyée, on la repasse pour l’ob- tenir plus fine, et enfin on la passe au tamis de soie. On prend alors un demi-kil. de cette farine, on y ajoute un peu de sel marin, on la remet dans le moulin, en l’arrosant petit à petit avec du vinaigre, en la broyant toujours Jusqu'à ce qu’elle forme une pâte fine, homo- gène et d’une consistance fluide, qu’on con- serve dans des pois scellés avec un bouchon CAP. de liége où avec une vessie. On ajout: souvent à la moutarde du sucre, du miel, des clous de girofle et autres épiceries, ainsi que de l’es- tragon, des anchoïs, etc. À Turenne (Cor- rèze), dont la moutarde est très renommée, on emploie, au lieu de vinaigre, le moût de raisin rapproché au tiers par l’ébullition. En- fin, on prépare aussi des moutardes qu'on aromatise avec des essences de cannelle, de thym , etc. Le soin qu'on mettra dans la préparation et le choix des ingrédiens peu- vent seuls donner un produit de bonne qua- lité et le faire rechercher par les consomma- teurs. Les pois qu’on forme avec la racine d’iris pour le pansement des cautères se faisaient autrefois exclusivement en Toscane. Plusieurs villes de France se sont emparées de cette industrie; nousciterons enparticulier La Fer- té-sous-Jouarre ( Marne), où il s’en fabrique une très grande quantité, et Caromb,à2lieues de Carpentras (Vaucluse). La racine de liris de Florence (iris florentinu ) est tubéreuse, disposée en morceaux plus ou moins longs, inégaux, assez pesans, aplatis et à surfaces raboteuses. Sa couleur est blanche à l’inté- rieur comme à l'extérieur, et quand elle est sèche, elle a une odeur agréable de violette. Cette racine ne se récolte que la 3° année de la plantation, et aussitôt qu’elle est arrachée de terre, on la dépouille de son écorce et on l’étend sur des naltes de jonc pour la faire sécher au soleil et quelquefois au four. Les pois à cautère se fabriquent sur le tour, et, suivant que les morceaux de racines sont plus ou moins sains, on fait des pois plus ou moins gros. On assortit ensuite les différentes gros- seurs au moyen de cribles. Ces pois sont en- suite enfilés et livrés au commerce. Les dé- bris que donne le tour sont vendus aux par- fumeurs et aux pharmaciens, qui font entrer l'iris dans diverses préparations. On estime à plus de 20 millions le nombre de ces pois con- sommés annuellement en France. La glu, qu'on fait à Saint-Loup ( Haute- Saône), à Saint - Léger- de - Fourcheret, près Avallon (Yonne), et dans quelques autres lo- calités, est, comme on sait, employée à la chasse des petits oiseaux et pourrait servir à des usages bn plus étendus en horticulture et dans l’économie domestique, pour prévenir les attaques des chenilles et des insectes. C’est avec la seconde écorce du houx, lorsque cet arbre est en sève, qu'on fabrique la glu. Cette écorce ayant été enlevée, on la laisse macérer pendant quelque temps à la cave dans des ton- neaux; puis on la bat dans des mortiers jus- qu'à ce qu’elle soit réduite en pâte. On lave cette pâte à grande eau, et, pendant le lavage, on la pétrit à plusieurs reprises. Alors on la renferme dans des barils pour la laisser se perfectionner, en enlevant de temps à autre l'écume qu'elle rejette, ainsi que les filamens ligneux qu'elle contient encore. Enfin, quand elle est pure, on la met dans un autre vais- seau pour l'usage où pour l’expédier. Une fabrication à laquelle il est assez facile de se livrer, c’est celle de l’amadou, cette substance spongieuse et très combustible qu'on emploie pour se procurer du feu avec la pierre à fusil et le briquet, ainsi que pour arrêter l'écoulement du sang des petits vais- 27°. PRODUITS DES VÉGÉTAUX. 73 seaux. L'amadou se prépare avec une espèce de champignon , appelé agaric du chêne, bo- let amadouvier (boletus igniarius, B. fomenta- rius, L. polyporus igniarius, Pers.). Ce bolet, qui croit sur le tronc des vieux chénes, des ormes, des charmes,’ des bouleaux, des noyers, etc., est épais au milieu et a la forme d'un saboi de cheval. Il est couvert supérieu- rement d'une écorce dure d’un brun foncé, presque lisse, sous laquelle se trouve une sub- stance d’un brun clair, fongueuse, assez molle, douce au toucher et comme veloutée. Toute la partie inférieureest ligneuse. La récolte des bolets se fait au mois d’août ou de septembre. — Pour préparer l’agaric, on commence par emporter soigneusement avec un couteau l’é- corce qui recouvre le champignon et toutes les parties ligneuses qui entourent lasubstance fongueuse. Cette substance est ensuite coupée en tranches minces que l’on bat au marteau pour les amollir. On continue à battre jus- qu’à ce qu’elle devienne douce, molle et facile à rompre avec les doigts. Dans cet état, l’aga- ric est livré au commerce ou aux pharmaciéns et peut être employé pour arrêter les hémor- ragies. — Pour en faire de l’amadou, on éplu- che et on coupe le bolet, comme précédem- ment; puis on le dispose par couches dans un tonneau sur lesquelles on place un couvercle qu'on charge d’une pierre. Dans ce tonneau, on verse une forte lessive de cendres filtrée, ou mieux une dissolution de potasse, dans la proportion de 1 livre de cet alcali pour 25 de champignons. Après une macération de 2 à 3 semaines en élé ou d’un mois en hiver dans un cellier, on en retire les tranches de bolet, on les laisse égoutter, puis on les bat sur un bloc de bois avec un maillet également en bois jusqu’à ce qu’elles forment des plaques unies et d’une mince épaisseur. Alors on les sèche, puis on leur donne la flexibilité et la mollesse nécessaires, en les manipulant pendant long- temps et en tout sens entre les mains. Sou- vent on ajoute à la dissolution de cendres ou de potasse du salpêtre ou nitrate de potasse, dans la proportion de 1 liv. pour 30 à 50 liv. de bolet pour augmenter sa combustibilité. On pourrait se servir, pour le même objet, d’une dissolution d'extrait de saturne (sous- acétate de plomb), où mieux, de chlorate ou de chromate de potasse.— Pour préparer l’a- madou noir on teint quelquefois le bolet avec des dissolutions de bois de teinture, de noix de galle et de sulfate de fer. Dans ce cas, on ne le passe pas dans la lessive alcaline, on se con- tente de le plonger dans la dissolution de sal- pêtre à laquelle on ajoute les matières colo- rantes. Un moyen plus simple, et qui aug- mente en même temps sa combustibilité, con- siste à le rouler dans de la poudre à canon. Il parait que dans quelques endroits de l’AI- lemagne on cultive le bolet amadouvier. Pour cela, on plante, dans des endroits humides, des hêtres qu'on recourbe ensuite Jusqu'à terre et qu’on couvre de gazons pour les main- tenir dans un état constant d'humidité. Ces dispositions favorisent tellement le dévelop- pement des bolets que, dans l’année, on peut en faire piusieurs récoltes Une autre application utile des plantes cryp- togames a été proposée récemment par M.de Bnepisson, qui a démontré qu'on pouvait, avec 474 la chair des champignons subéreux appelés bo- lets ou polypores, former des estompes qui rem- placent avec avantage celles de papier, de peau ou en liége dont se servent les dessi- nateurs. Celles fabriquées par M. de BrEBIssoN étaient faites avec le polypore du bouleau, dont la chair est moelleuse, d’un beau blanc et se taille facilement. Il en a fait aussi avec les polypores odorant et amadouvier.Ces estompes sont préférables à celles de papier, qui sont dures, et à celles de peau, qui ne peuvent être taillées en pointes aussi fines, et enfin à celles en liége dont la substance présente souvent des points ligneux assez durs qui déchirent le papier. On pourrait très bien, dans les pays où ces champignons abondent, essayer cette petite industrie nouvelle. Dans les pays où croît le chéne-liége, près des grandes villes ou des pays de viguobles, on peut s’adonner à la fabrication des bou- chons de toute espèce, des semelles et autres ouvrages en liége qui n’exigent que bien peu d'outils. Nous ne parlerons plus, à l'égard des pro- duits extraits des végétaux, que de larécolte et du raffinage du tartre. Tout le monde sait que, dans les tonneaux où l’on conservele vin, il se forme sur les parois de ces vases unecou- che ou croûte cristalline plus ou moins rouge et épaisse quiest connue sous le nom detartre. Le tartre à l’état brut est blanc ou rouge, suivant qu'il provient de vins blancs ou de vins rouges; mais ces 2 espèces ne diffèrent en général l’une de l’autre que par la matière colorante. Dans les pays de vignobles où l’on récolte une quantité assez notable de ce tar- tre, on peut le vendre en cet état à des raffi- neurs où au commerce. Cependant il est pro- bäble qu’on pourra le placer plus avantageuse- ment en lavant à l’eau froide les cristaux de tartre pour leur enlever une partie de la matière colorante qui les souille encore et dissimule leur poids. Si on recueilleunegrande uantiite de ce produit, on trouvera peut-être du profit à le raffiner, comme on le fait dans les environs de Montpellier. Pour raffiner le tartre brut on le réduit en poudre dans un moulin à meules verticales, tels que ceux que nous avons décrits pour la fabrication du cidre et des huites ; puis on je fait dissoudre en le projetant par poignées et peu à peu dans l’eau bouillante contenue dans une chaudière de cuivre. L'eau étant saturée de ce sel, ce qu'on aperçoit quand elle n’en dissout plus, on laisse un moment reposer la solution pour que les impuretés tombent au fond, puis on la verse dans des terrines ou cristallisoirs. Par le refroidisse- ment, il se dépose des cristaux d’un blanc roussätre où d’un rouge vineux, léger, qu’on peut vendre en cet état. Quand on veut raffi- rer entièrement ces cristaux, on les détache des terrines et on les redissout dans l’eau bouillante; lorsque la dissolution est faite, on délaie avec soin 4 à 5 p. 0/0 d’une terre ar- gileuse et sablonneuse. L’argile s'empare de la matière colorante et se précipite avec elle ; alors on tire à clair la liqueur et on l’évapore jusqu’à ce qu'il se forme à sa surface une pel- hicule cristalline. On la soutire alors dans des terrines où, par le refroidissement, le tar- tre qui est plus soluble à chaud qu’à froïd se ARTS AGRICOLES : FABRICATIONS ET INDUSTRIES DIVERSES. LIV. IV, dépose en cristaux blancs et demi-transpa- rens qu’on nomme crème de tartre. Ces cris- taux étant formés, on les enlève, on les fait égoutter et on les emballe, aussitôt qu’ils sont secs, dans des demi-barils de 2 à 300 kilog. ou des barils de 400 à 600 kilog. Les eaux au sein desquelles les cristaux se sont formés, et qu’on nomme en chimie eaux-mères, contien- nent epcore du tartre en dissolution; on s’en sert au lieu d’eau pure pour opérer la disso- lution du tartre brut, La crème de tartre du commerce est un bitartrate de potasse, c’est- à-dire un sel dans lequel l’acide tartrique est en quantité double de celle qui sature la po- tasse dans le tartrate neutre de cette base. La crème de tartre est employée dans la phar- macie, en teinture, dans le foulage des cha- peaux, etc. SECTION III. — Produits minéraux. Les objets de coutellerie, tels que rasoirs, couteaux, ciseaux, instrumens de chirurgie dont on fait un débit si prodigieux sont deve- nus dans plusieurs de nos départemens une source de richesse et de travail pour les po- pulations agricoles. C’est ainsi qu'à Nogent- le-Roi, dans l’arrondissement de Chaumont (Haute-Marne ). qui est le centre de la fabri- cation de la coutellerie dite de Langres, ces produits donnent de l’occupation, dans plus de 100 villages environnans, à une mulütude de bras qui fabriquent chaque année pour plus de 800,600 fr.de coutellerie. Les commu- nes aux alentours de Moulins et de Chatelle- raut présentent la même activité dans ce genre d'industrie. La grosse coutellerie, à un prix modéré, donne de l’ouvrage à plus de 6.600 personnes dans les environs de Thiers ( Puy- de-Dôme). A Saint-Jean-du-Marché, à 3 lieues d’Epinal ( Vosges ), on réunit de même tous les objets de coutellerie fabriqués dans ies villages voisins et qui consistent en couteaux de table et de poche, simpies, de bonne trempe et à bas prix. Nontron (Dor&ogne) verse dans le commerce une quantité considé- rable de couteaux à manche de buis d’un prix modeste, et dansles environs de Saint-Etienne (Loire),on confectionne à des prix qui pa- raissent incroyables ces couteaux grossiers, il esi vrai, mais assez bons, counus sous le nom de jambettes où eustaches de bois, et dont le plus pauvre ménage peut aisément faire l'ac- quisition. La fabrication des mouvemens de pendules est, pour nos départemens du Doubs et du Jura, un élément de richesse et d'activité industrielle. Là, il y a tel village ou tel can- ton, cemme ceux de Morez et de Foncine (Jura), où tout le monde s'occupe à fabri- quer des pièces qui entrent dans la consiruc- tion de ces mouvemens de montres ou de pendules qui, sous le nom d’horlogerie de Comté cu *E fabrique, se répandent dans toute la France et à l’étranger, ou bien à forger des outils propres à fabriquer ces mouvemens et à l’usage des horiogers. Dans plusieurs de nos départemens, les ha- bitans des campagnes savent forger et travail- ler Le fer. Nous ne citerons à cet égard que les habitans des environs d’'Escarbotin, à quel- ques lieues d’Abbeville (Somme), qui sont cuapr. 27°, serruriers et fabriquent surtout des serrures, ainsi que des cylindres et des broches pour les filatures. Nous pourrions ajouter à ces exemples une foule de petites industries quis’exercentsur les métaux, et que l'homme des champs pourrait entreprendre sans difficulté. Contentons-nous à cet égard de mentionner encore la fabrication de la canetille ou fii métallique, en fer, laiton, argent fin ou faux, roulé en hélice comme un ressort à boudin et qui sert à faire des bretelles, des jarretières, des corsets, des chaînes légè- res, etc., et se fabrique sur une broche mon- tée sur 2 poupées qu'on fait tourner avec une manivelle ; la fabrication des boucles en fer à l'usage de la selierie et de la quincaillerie, etc.; celle d’une foule d'objets métalliques faits au balancier, au laminoir, au découpoir, au foret, à l’étampe, etc. Parmi les produits manufacturés avec les minéraux, il en est beaucoup dont l’exploi- tauon et le travail sont encore susceptibles d'occuper nos habitans des campagnes. A ce sujet nous donnerons seulement pour exemple quelques populations qui se dis- tinguent par leur industrie dans diverses par- ties de l’Europe. Les habitans de Riva près le mont Rose dans les Alpes, à la source de la Sésia, fabriquent très en grand un petit instru- ment de musique en fer connu sous le nom de guimbarde dont il se fait un assez grand débit en Europe, et pour le moment une grande exportation dans les Amériques; ceux de Sepimoncel, dans le Jura, déjà connus par leur fromage excellent, taillent avec beau- coup d'adresse, depuis un temps immémo- rial, les pierres fines et fausses et les pierres noires pour deuil; ceux de Saint-Aignan, Meunes, Noyers, Coufñ ( Loir-et-Cher ), fa- çonnent les pers à fusil; ceux du bourg d'Oberstein dans le Palatinat , polissent toutes les agates communes dont on fait des ca- chets, clefs de montre, tabatières, mortiers, billes, brunissoirs, etc. Au Val-Sésia, dans le Valais, on fabrique au tour une grande quantité d'ustensiles de ménage en stéatite ou pierre ollaire, sorte de pierre douce et savon- neuse au toucher, qui se laisse facilement tourner et fournit des vases domestiques pas- sant aisément par les alternatives du froid et du chaud sans se briser, et formant une poterie économique, saine, commode et du- rable dont on fait grand usage dans le nord de l’Italie. SECTION IV.— Industries mixtes. Dans une multitude de localités, les habi- tans de nos campagnes se procurent un mé- tier à tisser, et fabriquent, dans les momens où les travaux agricoles sont suspendus, des toiles de chanvre ou de lin, de cent qualités di- verses ; des couvertures de laine ou des étoffes communes qui se consomment dans le pays. Dans le voisinage de tous nos grands centres de fabrications pour le tissage des étoffes, tels que Lyon, Tarare, Nismes, Reims, Mulhausen, Amiens, Cambrai, Va:enciennes, Sainl-Quen- tin, Rouen, Louviers, Elbeuf, Castres, Car- cassonpe, eîc., les habitans s'occupent gé- néralement à filer La laine, le chanvre, le lin ou le coton, à dévider et retordre les fils, à les mettre en bobines ou en canettes, à tisser INDUSTRIES MIXTES. 475 des étoffes, et à une multitude d’autres tra- vaux nécessaires pour la confection des étof- fes, leur apprêt, leur teinture, leur emballa- ge ou leur expédition. Citons deux exem- ples : il sort de Rouen, année commune, 1,600,000 kilog. de chaînes et tissures desti- nées à être confectionnées par les tisserands répandus dans un rayon de 15 à 18 lieues dans le département de la Seine-Inférieure, d’une forte partie de celui de l'Eure et d’une grande quantité decommunesde l'Aisne, de la Somme, du Pas-de-Calais et de la Manche. Des fac- teurs ou commissionpaires de fabrique, au nombre de 220 a 230 portent et rapportent ces objets quand ils sont tissés, et Rouen verse tous les ans dans ces contrées 4 millions en numéraire pour payer les facons (enquête commerciale de 1834). À Quintin, bourg des Côtes-du-Nord, renommé par ses belles toi- les, une ferme aux environs est une espèce de petite manufacture, et on trouve peu de maisons à la campagne où il n’y ait un ou deux métiers. C’est un moyen d’occupation pen- dant l'hiver pour des bras que l’agriculture réclame dans la belle saison. Environ 70 ou 80,000 individus, de tout sexe et de tout âge, sont ainsi occupés à préparer, peigner, filer, tisser le lin, blanchir ses fils ou les tissus qu’on en fabrique ( idem.) Le peignage et le filage de la laine et la con- fection des objets tricotés à la main, procurent également de l’occupation et des profits aux habitans de pos campagnes, surtout près des villes ou bourgs qui, comme Troyes, Arcis- sur-Aube, Romilly (Aube), Vitry-le-Français et Châlons (Marne), Levardin (Loir-et-Cher), Chaumont, Vignory, Joinville (Haute-Marne), etc., s'occupent spécialement de ia fabrica- tion de ia bonneterie. Nous croyons que diverses autres espèces de tissages, tel que celui des rubans, des galons, des étoffes de crin, des tapis, des gazes et toiles métalliques, etc., qui ne présentent pas plus de difficultés, peuvent de même être exécutés par la main de nos cultivateurs. Nous signalons en- core, dans ce genre, la fabrication des lacets, sorte de rubans étroits, faits de plusieurs fils doubles etretors,entrelacés les uns aux autres au moyen de métiers particuliers d’une cons- truction fort ingénieuse que nous ne pou- vons décrire ici. Des métiers analogues à ceux pour faire les lacets servent à fabriquer des cravaches, sorte de fouet pour monter à che- val. Il est encore un très grand nombre d’ou- vrages de mercerie, de passementerie faciles à exécuter, et qui sont susceptibles de donner un travail agréable aux personnes du sexe dans nos campagnes. À Neuilly en Thel, près Senlis, bourg de 1,200 habitans, les deux tiers d’entre eux s'occupent à dévider et retordre la soie et le coton à coudre, pour les marchands de Paris. Pendant les longues soirées d’hiver, les femmes de plusieurs communes du dé- partement de l'Oise confectionnent les bou- tons de soie dont il se fait aujourd’hui une grande consommation pour les habits d’hom- mes, etc. La fabrication et le tannage des filets peut aussi, dans les lieux où la pêche est active, occuper dans les soirées d’hiver les hommes, les femmes et les enfans. On sait que la fabrication des dentelles et des blondes occupe une partie considérable de la 476 population de nos départemens du Nord et du Calvados. Dans l'arrondissement de Mire- court ( Vosges ), il est aussi bien peu de mé- nages où les femmes n’occupent leurs loisirs à confectionner de la dentelle. Nancy estcomme on sait le centre d’établissemens de broderies communes ep tout genre, qui donnent du tra- vail à plus de 20,000 ouvrières dans les com- munes des environs. Metz, Lunéville, Pont- à-Mousson, Château-Selins, Recicourt, of- frent aujourd’hui des établissemens du même “enre qui répandent le travail et l’aisance dans tout le pays qui les avoisine. Au Puy { Haute-Loire), la fabrication des dentelles et des petites blondes à bon marché est devenue une ressource immense qui donne de l’occu- pation à près de 40,000ouvrières quiemploient a cet ouvrage les temps les plus mauvais de l’année, ceux où elles ne peuvent se livrer aux travaux de l’agriculture. Malgré le salaire modique dont ces ouvrières se contentent (30 cent. par jour), ce commerce verse dans le pays, frais déduits, une somme annuelle de 3 millions, qui appartiennent exclusivement à la localité. Parmi nos populations industrieuses pour lesquelles ces travaux industriels sont une source de bénéfices et de profits, nous ne devons pas oublier les ingénieux habitans de Mirecourt et des environs (Vosges) q'ui depuis long-temps se sont emparés de la fabrication des instrumens de musique qu’ils répandent en grande quentilé en France et en pays étran- gers. C’est là qu’on fabrique une multitude de violons, guitares, altos, violoncelles, con- trebasses, etc. ; qu’on taille un à un au canif: de luthier, des chevalets pour tous ces ins- trumens; qu’on construit des orgues, des se- rinettes; qu’on fond, purifie et coule dans de petits cylindres de papier la matière résineuse appelée colophane et qui est employée à faire mordre:les crins de larchet sur les cordes des instrumens. Citons enfin plusieurs petites industries où l’on travaille le bois, les métaux, la corne, li- voire, l’écaille, les os, etc., et qui paraissent s'être fixées dans quelques localités où elles procurent aux habitans actifs qui les exploi- tent des bénéfices quelquefoisassez importans. À Saint-Claude (Jura), on convertit, depuis nn temps immémorial, au moyen du tour, le buis, la corne, l’écaille, l’ivoire et les os en une foule de petits objets connus sous le nom de tournerie de Saint-Claude, et que le com- merce répand ensuite en quantité considéra- ble dans toute l’Europe. Puivert, à 30 kilom. de Limoux (Aude), présente la même activité et livre à la consommation une multitude de sifflets, flûtes, robinets, chantepleures , fu- seaux, etc. Un pélerinage fameux à Notre- Dame-de-Liesse (Aisne) a donné l’occasion aux industrieux habitans de ce bourg et des environs de selivrer avec succès à la fabrica- tion des croix, cœurs, bagues d'or et d’'ar- gent, crucifixtüe cuivre, bimbeloterie en tilleul, fleurs artificielles en papier coloré, etc. Ceux d'Harréville, près Chaumont (Haute-Marne), se sont aussi adounés à la fabrication des bagues et cornets dits de Saint-Hubert, industrie dans laquelle ils ont eu pour concurrens les habi- tans de Bazoilles-sur-Meuse (Vosges), qui, ARTS AGRICOLES : FABRICATIONS ET INDUSTRIES DIVERSES. LIV. IV. commeeux, distribuent ces produits dans toute la France. La fabrication des tabatières en car- ton et autres ouvrages en papier mâché oc- cupe, dans la saison morte, les loisirs des habitans de la campagne dans la Moselle, sur- tout ceux de Sarralbe, près Sarguemines. Des chapelets en coco et en verroterie et des 0b- jets émaillés sortent par milliers des mains des habitans de Saumur (Maine-et-Loire) et des environs ; des tabatières en écorce de bouleau nous sont envoyées par masses des Vosges, de la forêt d'Orléans, etc.; la tournerie dite de campagne, qui sert aux frangiers et aux passe- mentiers, se travaille dans plusieurs petits villages de Seine-et-Oise et de l'Oise; des bois d’'éventail, de la dominoterie, des brosses à dents, de la tabletterie en nacre et en ivoire sont fabri- qués surtout au Déluge, à Corbeil-Cerf, à La- boissière, etc., et autres cantons de l’Oise. Enfin, des lunettes de toute espèce et de tout genre, en carton, en métal et en hois sont, pour le bourg de Songeons (Oise), une sorte de monopole qu’il semble s’être assuré pour long-temps. Tous les objets de bimbeloterie, connus dans le commerce sous le nom d'objets ou jouets d'Allemagne, viennent, pour la majeure partie, de Berchtolsgaden, près Salsbourg en Bavière, où l’on travaille livoire, le bois, la corne, les métaux pour les transformer en vases de toute espèce, objets de bureau, canelles, boîtes à ressort, cuillers, pipes, objets sculptés, jouets d'enfant de toute nature, etc. Dans tous les villages, aux environs de cette ville, il n’est pas un cultivateur qui ne travaille à l’un de ces produits industriels dans ses momens de repos, soit seul, soit au milieu de sa fa- mille et même de ses plus jeunes enfans qui l’aident dans ces agréables travaux. Chacun fait choix d’un genre particulier d'occupation dans lequel il atteint bientôt un haut degré d’habileté : ainsi. les uns sont menuisiers ou sculpteurs, les autres tourneurs, peintres, do- reurs, serruriers, dessinateurs et ainsi desuite, de sorte que les produits si simples de leur industrie, qu’on livre à des prix si minimes, passent quelquefois dans 6 ou 7 mains et plus avant d’être portés à Berchtolsgaden, à Schel- lenberg et de là à Nuremberg et à Augsbourg, d’où on les répand dans le monde entier. Les sculpteurs, tourneurs et tabletiers du Ty- rol, et surtout ceux des montagnes calcaires qui environnent la vallée de Grœnen, ne sont pas moins célèbres par leur industrie, dont les produits vont jusqu'aux Indes, et répandent chaque année plus de 200,000 fr. parmi les la- borieux habitans de cette vallée. Les tourneurs, fabricans de jouets et d’horlo- ges de bois, de la Souabe, dans les environs d'Ulm, ceux de la Forêt-noire livrent aussi à la consommation une quantité considérable d'objets en bois qui leur assurent chaque an- née des bénéfices certains qui accroissent l’ai- sance des habitans de ces pays, vauvres mais industrieux. A l'exposition des produits de l’industrie française, à Paris, en 1834, les habitans du bourg d'Oyonnax, près Nantua (Ain), avaient envoyé une foule de petits objets en hêtre, buis, os, corne, etc., d’un prix très bas et dont ils ont un débit considérable. ciap. 28°, La fabrication des jouets d'enfans, tels que poupées en papier mâché mates et ger- nies ou en peau bourrées de son, celle des yeux en émail qu’on leur applique aujour- d’'hui, celle des raquettes en cordes à boyau, des volans, des toupies et sabots pour les en- fans, des objets en étain, en fer-blanc, en bois peint, en peau, en carton, etc., peut, quand on met dans la confection de ces objets le goût convenable, donner jeu à un débit assez étendu. Rien ne serait plus aisé dans ies campagnes que de fabriquer des cages en osier et en fil d'ar- chal, dont on se sert pour retenir captifs des oiseaux ou autres petits animaux domestiques. A cette fabrication on ajouterait celle des souricières, ratières, piéges et trébuchets di- vers propres à prendre les animaux nuisibles. Un petit nombre d'outils, un peu d'attention et de soins suffisent pour réussir dans cet art simple et modeste. La fabrication de couleurs diverses tirées du règne végétal ou minéral, quand on est à proximite des lieux qui fournissent les ma- tières 1r:, pourrait être entreprise avec quel- que succès dans un assez grand nombre de localités. Nous nous dispenserons d'indiquer les couleurs qu’on pourrait ainsi préparer et les moyens les plus simples de fabrication qu’il conviendrait d'employer, parce que no- tre but n’est ici que d’éveiller sur cet objet l'attention des hommes industrieux de nos campagnes. Depuis quelque temps on fait dans l’écono- mie domestique en France un grand usage de farine de racines potagères et de légumes cuits propres à faire des purées et des potages en un instant. La fabrication de ces farines ne parait pas ni difficile, ni compliquée; elle eut s'exercer sur des produits qui sont sous a main du cultivateur et faite avec le soin convenable, elle pourrait sans doute procurer des bénéfices. On pourrait aussi se livrer avec succès à la préparation de la farine de châtai- gnes cuites, à celle des gruaux, des orges per- lées, des graines décortiquées, de la farine de glands, qui entre aujourd’hui dans la compo- sition de diverses préparations alimentaires, des polentas, etc. TRAVAUX DIVERS. 477 Les faux-cols, qui servent à maintenir les cravates et qui sont aujourd’hui un objet es- sentiel dans l'habillement des hommes dans les villes, pourraient faire aussi l’objet d’une petite fabrication. Ces cols consistent en gé- néral en 2 bandes de toile superposées et entre lesquelles on place verticalement et de distance en distance, pour leur donner de la consistance, de petits paquets de 3, 4 ou 5 soies de sanglier, des morceaux minces de ba- leine, ou des ressorts à boudins très fins, etc., qu’on maintient en place en piquant la toile entre chaque paquet, morceaux ou ressorts et en y passant un fil un peu fort. En cet état les cols sont découpés sur les bords suivant la forme voulue, puis bordés avec une bande de peau qui empèche les corps contenus en- tre les 2 toiles de glisser au dehors. L’emballage et la conservation des objets de ménage exige une foule de petits objets mobi- liers en bois, en cuir, en toile, en étoffes di- verses, en carton et en papier, dont ja fabri- cation, au moins pour quelques-uns, pour- rait fort bien occuper les loisirs des gens de la campagne ; seulementil faudrait faire choix de ceux qui sont le plus aisés à établir, qu'on peut espérer placer le plus sûrement et qui peuvent se transporter sans trop de frais à des distances plus considérables. Aujourd’hui les femmes font usage pour se garantir de la boue et de l'humidité d'une sorte de chaussure qu’on appelle socques, et qui consiste en une semelle de bois, de cuir ou de liége, brisée par une charnière et sur la- quelle sont cloués un talon, qui empêche le socque de sortir du pied en arrière, et d’une demi-empeigne qui retient le pied en avant. Le tout est fixé sur le pied au moyen d’une bride en cuir qui s’ouvre et se ferme par une boucle ou tout autre mécanisme. La fabrica- tion du bois ou semelles des socques, et même celle des socques complets, n’offrant aucune difficulté, nous parait un travail très propre à occuper les bras des gens de la campagne pendant les jours d'hiver. F. M. CHAPITRE XXVIII.—'TRAVAUX DIVERS. Nous nous sommes occupés jusqu’ici des travaux pouvant faire l’objet d’une petite fa- brication et se rattachant à l’agriculture pour employer les loisirs de l’homme des champs, entretenir son activité, développer son intel- ligence et augmenter ses profits et son bien- être. Parlons maintenant de quelques occu- ations auxquelles il pourrait se livrer dans a saison morte ou dans les instans de désœu- vrement que laisse quelquefois l'exploitation d’une petite culture. Un assez grand nombre de plantes en usage dans la médecine sont cultivées, soit dans les jardins botaniques publics, soit dans ceux des particuliers. Cette culture est alors du ressort du jardinage; mais il en est un certain nombre d’entre elles qu’on préfère recueillir à l’état sauvage, parce qu'alors leurs propriétés sont plus actives et plus développées, Dans tous les cas, il faut savoir les récolter et les con- server, Cette récolte n’offrant aucune diffi- culté et pouvant procurer quelques avantages, nous allons dire en peu de mots comment elle se fait et comment on conserve les plantes ui ne sont pas employées à l’état frais. On oit récolter les racines annuelles vers le temps de la floraison, les bisannuelles au com- mencement de la 2° année, les racines vivaces au moment où les feuilles tombent, les raci- nes aquatiques en tout temps, excepté en hi- ver, et les racines charnues avant l’hiver et peu après la maturité des graines. Les écorces s’enlèvent au printemps, les bois en hiver ou au commencement du printemps. Pour les 1e, on donne la préférence aux Jeunes bran- ches, et pour les 2, aux arbres d’un âge moyen. Les herbes se récoltent dès que les feuilles sont entièrement développées, es 478 ARTS AGRICOLES : FABRICATIONS ET INDUSTRIES DIVERSES. fleurs, au moment de leur épanouissement ou peu après. Enfin, les fruits après leur matu- rité. Les plantes étant récoltées, ji faut les des- sécher. Pour cela, on nettoie les racines, et, lorsqu’elles sont petites, fibreuses et peu char- gées d'humidité, on les laisse entières; si elles sont grosses et charnues, on les coupe par tranches. On les étend ensuite sur des claies d'osier, on les enfile pour les suspendre, et, dans l’un ou l’autre cas, il faut les dessécher à l’étave dont on élève la température de 30 à 40°. Pour dessécher les bulbes, on en sépare les squames ou écailles qu’on coupe par languet- tes, puis qu’on étend sur un tamis, enfile en chapeletset dessècheà l’étuve.Lesracineset les bois n’ont besoin que d’être exposés dans un lieu sec et aéré. Les feuilles, purgées de celles qui sont mortes ou moisies, sont étendues au soleil et remuées avec soin plusieurs fois par jour jusqu’à parfaite dessiccation. Les fleurs sont étendues sur des claies d’osier gar- nies de papier gris, exposées au soleil ou à l'étuve; on iles couvre souvent aussi ävec du papier gris pour leur conserver leur couleur. Les semences sont étendues dans un endroit sec et d’une température modérée. Les fruits doivent être desséchés promptement; on les place sur des claies dans un four chauffé au degré nécessaire pour cuire le pain; au bout d’un quart d'heure, on les retire, on les ex- pose au soleil; on les replace ensuite dans le four ou dans une étuve, mais beaucoup moins chauffée qu'auparavant. Toutes les plantes séchées doivent être conservées dans un lieu sec, et celles qui sont aromatiques dans des boîtes bien fermées. Les plantes employées dans les arts ne sont pas non plus toutes cultivées par la main des hommes ; quelques-unes croissant spontané- ment dans la nature, peuvent être récoltées dans les pays où elles végètent, et faire l’ob- jet d’un petit commerce. C’est ainsi que de- puis un temps immémorial, les habitans du Grand-Galargues (Gard ) se rendent tous les ans au mois de juillet dans les départemens des Bouches-du-Rhône, du Var et de Vauclu- se, pour ramasser {es plantes connues dans le ays sous le nom de mozellète et par tous les otanistes sous celui de croton des teinturiers ( croton tinctorium, Lin.), dont ils préparent une matière colorante d’un beau bleu connue sous le nom de tournesol de Languedoc, et qui sert à différens usages industriels. El en est de même des habitans de l’Auvergne et de la Lozère, qui, pendant l’hiver et dans les temps de pluie, vont errer sur les montagnes aui les environnent, armés de lames de fer flexibles d’un mèt. de longueur, et d’un sac, pour détacher sur les rochers certains lichens (lichen parellus, Lin. ou le variolaria orcina, selon d’autres). Ces lichens sont livrés ensuite à des fabricans qui les transforment par des manipulations conuvenables en une matière ünctoriale très usitée dans nos ateliers, et con- nue sous le non d’orseille de France, orseille de terre ou du pays.Dans les Pyrénées les habitans, surtout ceux de la vallée de Prats-de-Mollo(Py- rénées Orientales), font également la récolte d’une autre espèce de licnen (variolaria deal- LIV. iv. bata ou lichen dealbatus, Achar), dont on pré- par@aussi de l’orseille. La récolte des graines des arbres forestiers peut aussi procurer une occupation utile et des profits; on peut consulter a cet égard ce que nous avons dit, t. IV, p. 70, pour connai- tre l’époque à laquelle chacune d’elle doit être récoliée , et les manipulations que plusieurs exigent avant d’être livrées au commerce ou aux propriétaires. La récolte des mousses, si facile, si simple, eut donner de l’occupation à des enfans et a des personnes âgées. Ces mousses ont une foule d’usages et d’applications utiles : elles sont excellentes pour le transport desplantset pour entourer les greffes. Disposées en lit, on en fait des couches à melons. Beaucoup de plantes délicates ne lèvent bien que dans la mousse. Tout le monde sait qu’avec la mous- se on fait des paillasses et des matelas ; qu’on en rembourre des siéges, qu’elles sont très bonnes pour emballer des objets fragiles où des fruits qui s’y conservent bien; qu’elles sont précieuses après avoir été mêlées avec de l’ar- gile pour les constructions hydrauliques. On en calfate aussi les bateaux, et en les pétris- sant avec du menu de houille on en fait un combustible facile à transporter. Les glacières dont les parois sont construites avec ces plan- tes, conservent aussi bien la glace que celles bâties en pierre. Enfin, dans les Vosges, les habitans recueillent une espèce de mousse du genre polytric, qu'on rencontre dans les bois marécageux ou les pays montueux,etdont on fabrique à Rouen et dans les autres villes manufacturières les brosses qui servent aux tisserands à étendre sur leurs toiles l’encol- lage nommé parou. Les fougères qui croissent spontanément dans les boiset les lieux incultes peuvent four- nir aux arts des produits ütiles. Dans les Vos- ges et le Jura, on les recueille avec avantage avant la maturité pour les brüler et en tirer de la potasse; dans d’autres lieux , on en fait de la litière pour les animaux domestiques, ou on les expédie pour l’emballage des pote- ries et autres objets fragiles. Plusieurs populations des provinces méri- dionales de la France emploient , à certaines époques de l’année, leurs momers de loisir à la récolte du chiendent (andropogon digitatum) , dont on fait des brosses et des balais, qui se consomment en grande quantité; dans les Ardennes, on recueille de même la bruyère à balais (erica scoparia), dont on fabrique les mêmes produits qui n’ont pas un débit moins considérable. Dans nos départemens méri- dionaux de l’Aude, de l’Hérault , etc., on ré- colte en abondance une petite fougère à tige rêle et lisse, connue dans le commerce sous e nom de capillaire de Montpellier (adian- thum capillus vencris), et dont on prépare dans la pharmacie et dans l’art du confiseur un sirop aromatique assez agréable. Dans la Charente, la Dordogne et la Corrèze, on va chercher en automne et en hiver, dans les fo- rêts de charmes, de châtaigners et de chênes, les truffes qui y croissent naturellement et qui se vendent ordinairement à un prix élevé. cHaAP. 28°. Nos départemens méridionaux voient aussi chaque année les habitans de certains cantons se répandre sur les friches et les pelouses gar- nies de mousse, pour y cueillir le mousseron (agaricus mousseron et ag. pseudo-mousseron ), champignons comestibles fort recherchés des amateurs, et qu'on mange frais ou qu’on fait sécher pour les expédier au loin. C’est aussi à l'état frais ou sec qu'on mange les morilles (morchella esculenta) , autres champignons qui croissent à terre et sont d’un goût assez deli- cat. Là on s'occupe de la cueillette des plantes aromatiques, ici des plantes médicinales qui croissent spontanément ; plus loin de la ré- colte des roseaux pour faire des nattes et pail- lassons ou des genéts à balais, etc. Enfin quel- ques-uns, dans le Languedoc, recueillent sur les pruniers, les cerisiers, les pommiers qui sont vieux, ou sur ceux qui ont été taillés avec maladresse, une exsudation gommeuse con- nue sous le nom de gomme du pays et qu’on emploie principalement dans lachapellerie. Dans d’autres pays on fait laguerreaux ani- maux. C’est ainsi que dans les environs de Dax (Landes), à Castel-Jaloux ( Lot-et-Garonne). dans le dép. de l'Aisne, et surtout dans l’In- dre, on se livre à la pêche des sangsues. Dans ce dernier département ce sont surtout les habitans de la Brenne, petit pays malsain et inculte, et dont le chef-lieu est Mézières, qui se livrent à cette exploitation. Par exem- le, ceux de Moebecq, qui passent pour très Labiles à cette pêche, entrent jambes nues aans les étangs ou les flaques d’eau qui les contiennent, et prennentà ia main toutes celles qui s’altachent à leurs jambes; plus ordi- nairement ils battent l’eau à mesure qu’ils avancent avec des bâtcns, ce qui met en mou- vement les sangsues qu'ils attrapent à la main pendant qu'elles nagent et renferment dans un sac, ou bien ils les recueillent sur les herbes marécageuses ou sous les pier- res. Cette pêche se fait surtout au printemps et en automne; où dit que l’approche d’un orage la favorise; dans la saison favorable on peut dans 3 ou 4 heures ramasser ainsi 10 à 12 douz. de sangsues. Parfois les pêcheurs sont armés de petits harpons avec lesquels ils pla- centun morceau de viande presque gâtée dans les lieux fréquentés par les sangsues ; celles-ci se rassemblent en quantité sur cette proie,et on les enlève avec la viande dans de petits vases à moitié remplis d’eau. La récolte des cantharides pour les usages de la médecine, ainsi qu'on ie fait principaie- ment dans l'arrondissement de Vitré (Ille-et- Vilaine), est facil2 et cause peu de frais. Ces insectes, qu’il faut apprendre à distinguer, se montrent vers les mois de mai et juin, et pres- que toujours en grand nombre sur les frênes, les lilas, les troënes, dont elles dévorent les feuilles et + ag sur les sureaux et le chèvre-feuille; leur présence est décelée par l'odeur particulière qu’elles répandent. Leur récolte exige quelques précautions, d’abord de la part des personnes qui la font, et qui pourraient, par défaut de soin, éprouver de graves accidens, ensuite par rapport à leur conservation; voici le procédé en usage pour Ja récolte. Dans le courant de juin on étend sous un arbre chargé de cantharides plusieurs dreps, ei on en secoue fortement les branches TRAVAUX DIVERS. 479 le soir et le matin, parce qu'alors ces insectes sont dans une sorte d’engourdissement ; ils tombent, et lorsqu'on en a obtenu ainsi une assez grande quantité, on les réunit sur un tamis de crin pour les faire per en les expo- sani à la vapeur du vinaigre bouillant, ou bien on les rassemble dans une toile claire que l’on trempe à plusieurs reprises dans un vase contenant du vinaigre étendu d’eau. Il s’agit ensuite de les dessécher, opération impor- tante pour leur bonne conservation; pour cela on les expose au soleil, ou mieux encore dans un grenier où sous un hangar bien äéré sur des claies recouvertes de toile ou de pa- pier gris non collé. On ne doit les remuer qu'avec beaucoup de précautions, sans quoi on s'exposerait à des maladies inflammatoires des voies urinaires où à des maladies des yeux très graves.Il faut, pendant leur dessic- cation, ne toucher les cantharides que les mains garnies de gants ou se contenter de les remuer avec un bâton. Quelques personnes, après avoir étendu des toiles au-dessous des arbres, placent tout autour des terrines rem- plies de vinaigre qu’elles entretiennent en ébullition, et, après avoir secoué les arbres, ramassent les cantharides, les placent aussi- tôt dans des vases de boïs ou des bocaux de verre, les y laissent 24 heures et, après qu’elles sont mortes, les retirent et les font sécher comme ji a été indiqué; cette méthode est plus emvarrassante et plus dispendieuse. M. PIETTE, pharmacien à Toulouse, a proposé une nouvelle méthode pour conserver les cantharides, et qui consiste à les placer vi- ventes dans une terrine vernissée, et à verser sur elles un filet plus ou moins prolongé d’es- sence de lavande ou d’une autre labiée. Les cantharides ainsi préparées ont, dit-il, uneplus belle couleur verte; elles ne sont pas atta- quées par les Insectes même après plusieurs années, ce qui permet d’y conserver toute la cantharidine dans laquelle paraît résider le principe actif de la propriété vésicante de l’in- secte. Nous indiquerons encore sommairement ici plusieurs occupations qui peuvent être profilables dans les campagnes; les œufs de fourmis, qui servent à la nourriture des jeunes faisans et des rossignols, peuvent être recher- chés et récoltés par de jeunes enfans et des femmes. Les paysans des environs de Nurem- berg sont très habiles dans cette chasse, et sa- vent en outre dessécher ces larves à une douce chaleur, pour pouvoir, sans danger de les voir se corrompre, les expédier au loin et les vendre à un prix assez élevé. Ceux du Tyrol, de la Forêt-Noire et dela Thu- riage se livrent avec beaucoup d'intelligence à l'éducation des serins de Canarie, dont ils vendent les Jeunes mâles avec profit à des marchands qui les envoient en Russie, en Hollande, en Angleterre, et surtout en Tur- quie où ils sont très recherchés. Près des grandes villes on peut de même élever divers oiseaux de chant ou faire la chasse à plusieurs petits oiseaux de nos bocages qu’on débite en grand nombre; il n’est pas jusqu'aux animaux malfaisans tels que le putois, la fouine, le biaireau, la loutre, etc., qu’on ne uisse poursuivre, tant pour s'opposer à eurs dégâts, que pour tirer partie de leurs 480 ARTS AGRICOLES : peaux qui, sous le nom de sauvagines, sont achetées dans les villes par les pelletiers fourreurs. Dans les environs de Nimes les paysans recueillent en particulier les cloportes qu'ils font périr dans du vinaigre et qu'on expédie pour les pays où la pharmacie en fait encore quelque usage. L'homme pauvre des champs peut encore trouver des profits à recueillir les plantes ma- rines qui servent à l’engrais ou à la prépara- tion de la soude; à fabriquer des ruches en paille ou en bois, à louer ses services à autrui pour faire des constructions en pisé, des cli- tures diverses, des toils en chaume ou en bruyère, ou autres constructions rustiques, des composts et une foule de travaux ruraux qui exigent de l'intelligence et quelque pratique. Dans les pays où se trouvent de vastes ateliers de tein- ture sur toiles de coton, les paysans peu for- tunés rassemblent sur les routes les bouses de vaches qui servent dans ces ateliers à fixer les couleurs sur les étoffes. Dans les dé- artemens arrosés par la Garonne, quelques Lbituns des villages connus sous le nom d’or- vailleurs ramassent, après les débordemens de cette rivière, quelques paillettes d’or qu'on lrouve dans ses sables; on recueille aussi des paillettes de ce métal dans le Gardon, la Cèzeet la Gagnère, ainsi que dars le Rhône, dans l'Erieux et l'Ardèche, dans le département de TRAVAUX DIVERS. LIV.ix, ce nom. À Saint-Léger-de-Foucheret (Yonne), les habitans vont chercher un sable micacé, Jaunâtre, appelé poudre d’or qui est employé en grande quantité dans les bureaux pour sé- cher l'écriture. Dans le temps de l’année où les travaux de l’agriculture sont suspendus ou dans ceux où on ne trouve pas à employer les animaux domestiques, les habitans de l’an- cienne Franche-Comté ( Doubs, Haute-Saône et Jura), avec leurs petits chariots légers, construits dans les montagnes et attelés d’un seul cheval, font pour le commerce un frans- port considérable de marchandises de toute nature, et se livrent, dans une grande partie de la France, à un roulage étendu, ete. Nous ne finirions pas si nous voulions pas- ser en revue toutes les occupations qu’on pourrait ainsi se créer dans les momens qui ne sont pas employés aux travaux agricoles ; mais, ainsi que dans toutes les entreprises, il faut, pour réussir, de l’activité et de la persé- vérance et obtenir des avantages marqués de travaux dans ce genre, et surtout de l’in- dustrie pour savoir profiter habilement des produits que la nature libérale nous offre souvent à chaque pas, ou des objets qui se- raient perdus, et pour trouver les moyens de leur donner une valeur vénale ou de leur ou- vrir un débouché. F. M. e BR ve r #6 AE * RE D TUE » HS UE > —_ =" us en - — ee ST: LL Re DST WP N ) À « Q Q . Tu \] PT RTE €: