Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa http}/www.archive.org/details/maisonrustiquedu05alex MAISON RUSTIQUE DU XIX' SIÈCLE Tome V. DIVISION DE L'OUVRAGE : ToME 1 — Arts agricoles. Agriculture proprement dite. Cultures industrielles et Animaux domestiques. Agriculture forestière, Étangs, Administration et Législation rurale. 5° — Horticulture. Travaux du mois pour chaque culture spéciale. LISTE DES COLLABORATEURS ANTOINE (de Roville), professeur à l’Institut agricole de Roville (Meurthe). AUDOUIN , Membre de la section d'agriculture de l’Aca- démie des Sciences. BAILLY, des Sociétés d'agriculture et d’horticulture. BEAUVAIS (Emile), magnanier, aux bergeries de Sénart (Seine-et-Oise). BELLA, directeur de l’Institut agricole de Grignon (Seine- et-Oise). BERLÈZE (l'abbé), des Sociétés d’agriculture et d'horti- culture. BIERNAKL, cultivateur, ancien ministre de l’intérieur en Pologne. BIXIO (Alexandre), docteur en médecine. BONAFG@US, directeur du Jardin botanique de Turin, cor- respondant de l’Académie des Sciences. BOULEY, professeur à l'Ecole vétérinaire d’Alfort. CHAPELAIN (Octave de), propriétaire-cultivateur dans la Lozère. COLLIGNON, vétérinaire. DAILLY, cultivateur à Trappes (Seine-et-Oise), des Sociétés d'agriculture et d'horticulture de Paris. DEBONNAIRE DE GIE, conseiller d'Etat, membre de la Société d'agriculture. .DEBY, de la Société d'agriculture, propriétaire-cultivateur dansle Loir-et-Cher. FÉBURIER, des Sociétés d’agriculture et d’horticulture de Paris. GASPARIN (comte de), pair de France, membre de la sec- tion d’agriculture à l’Académie des Sciences, ancien ministre de l’intérieur et de l’agriculture, GOURLIER, architecte des Travaux-Publics de Paris. GROGNIER, professeur à l'Ecole vétérinaire de Lyon. HERCELIN (labbé), supérieur général de la Trappe, près Mortagne (Orne). HÉRICART DE THURY (vicomte), de l’Académie des Sciences, président des Sociétés d’agriculture et d’horti- culture. HERPIN, propriétaire-cultivateur dans l'Indre, de la So- ciété d'agriculture. HOMBRE-FIRMAS (le baron d’), correspondant de l’Insti- tut et de la Société centrale d’agriculture, eultivateur dans le Gard, etc. HUERNE DE POMMEUSE, de la Société d'agriculture. HUZARD fils, des Sociétès-d’agriculture et d’horticulture. .JAUME-SAINT -HILAIRE, de la Société d’agriculture. LABBÉ, des Sociétés d'agriculture et d’horticulture. LADOUCETTE, député, des Sociétés d'agriculture et d’hor- ticulture. LASSAIGNE, professeur à l'Ecole vétérinaire d’Alfort. LEBLANC, professeur au Conservatoire des arts et mé tiers. LECLERC-THOUIN (Oscar), secrétaire général de la So- ciété d'agriculture, professeur d’agriculture au Conserva- toire des Arts et Métiers. LEFÈVRE (Elisée), cultivateur à Courchamp (Seine-et- Marne). LOISELEUR-DESLONGCHAMPS, des Sociétés d’agricul- ture et d’'horticulture, MALEPEYRE aîné, de la Société d'agriculture. MALEPEYRE jeune, avocat à la Cour royale de Paris. MASSONFOUR, ex-professeur à l'Ecole forestière de Nanci. MICHAUT, correspondant de l’Académie des Sciences, membre de la Société d'agriculture. MOLARD, de l’Académie des Sciences et de la Société d’a- griculture. 1 MOLE, de la Société d'agriculture, professeur d'agriculture au Conservatoire des Arts et Métiers. MORIN DE SAINTE-COLOMBE, des Sociétés d’agricul- ture et d’horticulture. NOIROT (de Dijon), ingénieur-forestier. NOIROT -BONNET, géomètre- forestier a Langres (Haate- Marne). ODART (le comte), président de la section d'agriculture de la Société de Tours, propriétaire-agronome dans Indre- et-Loire. ODOLANT DESNOS, auteur de plusieurs ouvrages sur les arts industriels et agricoles. PAYEN , de la section d'agriculture de l’Académie des Sciences. POITEAU, des Sociétés d'agriculture et d’horticulture, au- teur du Bon Jardinier, etc. POLONCEAU, inspecteur divisionnaire des ponts et chaus- sées, des Sociétés d'agriculture et d’horticulture. POMMIER,, rédacteur en chef de l’Echo des halles et mar- ches. PRESSAT, cultivateur à Saint-Barbant (Haute-Vienne). PUVIS, correspondant de l’Académie des Sciences, prési- dent de la Société d'agriculture de Bourg. RAMBUTEAU (de), pair de France, conseiller d’Etat, pré- fet de la Seine, président de la Société d'agriculture. RENAUT, directeur de l'Ecole vétérinaire d’Alfort, RIGOT, professeur à l'Ecole vétérinaire d’Alfort. RIVIÈRE (baron de), propriétaire-cultivateur dans la Ca- margue, correspondant de la Société d'agriculture. SOULANGE-BODIN, des Sociétés d'agriculture et d’horti- culture, fondateur de l’Institut horticole de Fromont (Seine-et-Oise). SYLVESTRE (de), de la section d'agriculture de l’Acadé- mie des Sciences, secrétaire perpétuel de la Société d’a- griculture. TESSIER, de la section d'agriculture de l’Académie des Sciences et de la Société d'agriculture. VILMORIN, correspondant de l’Académie des Sciences, des Sociétés d'agriculture et d’horticulture, propriétaire-cul- tivateur aux Barres (Loiret), etc. \ VIREY, ancien député, de la Société d'agriculture, etc. YSABEAU, jardinier-maraicher à Saint-Mandé, YVART, inspecteur général des écoles vétérinaires, mem- bre de la Société d'agriculture, oo PARIS, == IMPRIMERIE DE. DUVERGER, RUE DE VERNEUIL, N° 4. MAISON RUSTIQUE DU XIX’ SIÈCLE CONTENANT LES MEILLEURES MÉTHODES DE CULTURE USITÉES EN FRANCE ET A L'ÉTRANGER ; TOUS LES PROCÉDÉS PRATIQUES PROPRES A GUIDER LE CULTIVATEUR , LE FERMIER , LE RÉGISSEUR ET LE PROPRIÉTAIRE , DANS L’'EXPLOITATION D'UN DOMAINE RURAL ; LES PRINCIPES GÉNÉRAUX D’AGRICULTURE, LA CULTURE DE TOUTES LES PLANTES UTILES ; L'ÉDUCATION DES ANIMAUX DOMESTIQUES, L'ART VETÉRINAIRE ; LA DESCRIPTION DE TOUS LES ARTS AGRICOLES ; — LES INSTRUMENTS ET BATIMENTS RURAUX ; L'ENTRETIEN ET L'EXPLOITATION DES VIGNES, DES ARBRES FRUITIERS , DES BOIS ET FORÊTS , DES ÉTANSS ; L'ÉCONOMIE, L'ORGANISATION ET LA DIRECTION D'UNE ADMINISTRATION RURALE ? LA LÉGISLATION APPLIQUÉE À L'AGRICULTURE ; TOUT CE QUI A RAPPORT AU POTAGER, AU PARTERRE, AUX SERRES ET AUX JARDINS PAYSAGERS ; ENFIN L'INDICATION DES TRAVAUX DE CHAQUE MOIS POUR TOUTES LES CULTURES SPÉCIALES ; TERMINÉ PAR DES TABLEN MÉTHODIQUE ET ALPHABÉTIQUE Avec 2500 gravures représentant tous les instruments, machines, appareils, races d'animaux, arbres, arbustes, plantes, légumes, serres, bâtiments ruraux , ete. PAR MM. YSABEAU er BIXIO TOME CINQUIÈME HORTICULTURE SECONDS ÉDITION. PARIS A LA LIBRAIRIE AGRICOLE, RUE JACOB, No %6 EN FRANCE ET A L'ÉTRANGER Chez tous les Libraires et Correspondants du Comptoir central de la Librairie. 1845 AAAUINT AMOVTID A0 AMD CDPENTE CET LU a Adi Th n eRMÉGANEN HOCS SIAANN ANIAMOG FT A RAOLTATELMZA WETITR 1 ALT LA LLERE 5 AT NOT A MPPRIUT 4, AIT ÉNIAGEANE LR | teste IMVVAN AR AEVOENUETENT & — ALLIE LE nt À LFP P'OLT A TIOLAN" Fa RATE ee | 2 ke: 2 Ch du er AA eu 2I0N 290 , EMAÉDIIA TR AMAR OUT TANT 14 Di ge A PODTOA AN At PARAITRE ANTON cAAGTI im aoA A avofiité ÉOTAIMPSN AE DO +. e LE LOU ,HAMATHAY NUE à . M: PARTS CAN NRAMTUA AT LEA LOTELT A7 LR TA 1 Ds tà M3 ‘4 AHATAR TE. ar RO TA A ARS. aa En LE D k | Fe OLIS rx VA AAAR TC 1e ue À crus Lu" Re védlachét es norme = re ré ch p TH + “ci _ mé. + es 2e | tARIOMII RE test + ste E MOT Perie mn quni rÉ AU RAT. ‘ui : HO1TIOR aunouse LS joir é - 4. + n SP RO DRU D 1 AIDES | + | hs s MADVE # sÉnua d M a SR iaent a Mar rit Visé 0: m4S Abe ré VC TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. AVANT-PROPOS. « ss ss... TITRE I. PRINCIPES GÉNÉRAUX DE JAR- DINAGE. CHAPITRE 1. CHOIX ET NATURE DES TERRAINS, SECTION I. Choix duuterrain: 5° ..... .. Moyens de reconnaitre les qua- Hiesdt SOLE 0 6. A D physiques du B Végétation naturelle. . . G Essai chimique des terrains SectT. II. Culture jardinière flo- rissante sur un sol défavorable. CHAP.II. ENGRAIS ET AMENDEMENTS. Sacr. "Engrais. . 3. :.. $ 1. Engrais végétaux, . . . — animalisés, . . . Poudrètte. . . ; . . Fumier d’écurie. . —— d'étable. , —— de bergerie . Colombine. , . . Fumier de porc. . .. . Issues des villes. . . , . 10. Engrais liquides. . . . A1. Terreau . LE « SECx. II. Amendements. . $ 1. Terres rapportées. Marne TS, D. ALI ED TS NC PR DORRITENNNRNME Es. à ESRI VUE à. . 6. Cendres et charrées. . , ds IOUMPOSISTENE «1. . . . A Terre à oranger. , . . B —— de bruyère factice CHAP. III. PROCÉDÉS D'IRRIGATION. SECT. I. Irrigation naturelle et ar- rosage à la main. . . . . .. CHAP. IV. INSTRUMENTS DE JARDI- NAGE. SECTION I. Instruments servant à façonner le sol. $ 1. Béches,. , . HS ne À Bêche commune... . , . B —— belge ou flamande 2. Houcs et pioches. . . , PIGUHES. -. 5 90 D, , À Pioche à lame large. B —— piémontaise. , Hi: = EU), Dr'Houelte. . 01. ,!. E Binette ou serfouette. F farcloir belge, . , . 4. Râteaux. ANR! 7, B Râteau-binelle., , . . 5. Ratissoires et sarcloirs. . 6.-Fourches, 1. , , SECT. II. Instruments d'arrosage. S'Bompes. 2 EN 2.LAFFOSOIrS. -. in 0, , à Sect. Ill, Instruments de trans- PURE El line, cycré es SeCT. IV. Instruments Servant à La tailte des arbres. $ 1. Serpeltes, . . ., 2. Sécateurs. , . . . £ 9 #1 © ue de O1 LO 2e +, . gsSerhe., #4. Croissant. : $. Emondoirs., , 6.:Scies.. 24m 7. Gisailles. , , . SECT. V. Grefloirs.. . . . . . . A Grelloir à repoussoir. , MAO. . € —— enfente, ..,. D —— KNoisette. . .. SRCT. VI. Instruments Pour La des- truelion des animanx nuisibles. é DU EChenilloirS LE & . . ie, . . CCE DECO ; # 3 ib. ib. $ 2. Binette pour détruire les ETS BANDES SEE à - 5. Pince à prendre les taupes SECT. VII. Abris. he BE | EG TR EE 2. Abris d’osier et de terre ALES ONE TERRES | où CHAR es Abe oc a 4 COCHE tar + 5. —— économiques. SECT. VIII. Cuellloirs . . .. À Cueilloir volant.. . . —— Gobelet, .. C —— àciseaux. . D —— àfilets. ,, E — äbranches, . . SECT. IX. Transplanloirs . . . , A Transplantoir à branches. B forestier. . CCC C — à cylindre. _SECT. X. Pots et caisses. SL POS er RE à - 2: (CAISSES AS RS à à De HCRBUERST ee) s: ce 3 TRCDIARERS ne ntlotet Sels TITRE IL. CULTURE. CHAP.I. COUCHES, BACHESET SERRES A FORCER (FORCING-HOUSE). SECT. 1 Couches, 44 »: L ! $ 1. Des couches en général. , 2. Couches chaudes. , , . . 3. —— tièdes., , .. . 4. —— CRUE ON. . : 5. —— économiques., . 6. —— à champignons, SECT. Il. Bâches. . . . SECT. III. Serres à forcer (For- cing-Rouse EG) 2. à CITAP. IT. ORANGERIE ET SERRES. SECT. I. Orangerie . . . . . .. SECT: I: SESFEBILOUENS NL. $ 1. Des serres en général]. . . 2. Serres tempérées.. . . . 5. Vitrages.. . , S ee 4. Plates-bandes, . . , .. DRASS AMEN Ne 6. Gouvernement de la ser- re; température, , . . . a ATTOSAGUR UN LE 0... Sa Taille. mes til SEMIS. LE. se 10; "Boutures:.... AULT: 44:0Rempotäige.. 0711 4, . . 12. Conduite générale des plantes de serre tempérée. 13. Serres chaudes . . . . . A Serre chaude-sèche.. . B Gouvernement de la ser- rechaude ins 5, C Soins généraux. ., . . , D Serre chaude-humide. . SECT. IL. Chaleur artificielle. . . $ 1. Thermosiphon. . . . ,. 2. Chauffage des serres par Ja Vapeur TUE. . . 3. —— par l'air chaud. . . 4. Foyers; emploi du com- DustiBIe CON NT. . TIT. II. CULTURE DES vÉGÉ- TAUX LIGNEUX. CHAP. [. PÉPINIÈRES, PRINCIPES GÉ- NEÉRATE Se MEET, » à» SECT. I. Choix et préparation du Us PO: RETENIR SECT. II. Semis. $ 1. Choix des semences. . 2. Semencesd’arbreset d'ar- bustes classés selon l'épo- ue de leur maturité. MONRES suis « nee B Glands, amandes, noix, noiseltes, châlaignes, . C Fruits et baies à noyaux D Fruits, baies et capsules contenant des pepins.. E Arbre: et arbustes à se- ihences légumineuses. , A MOMCEC ib. ib. F Arbreset arbustes à pe- Ütes semences molles. , . Observations sur les semis de pepins et noyaux. , . À Pepins. . . ORNNAUR eus osste ce}. SECT. III. Marcoltes et boutures. S'ÉPRRAER S . À Marcottes simples.. . . chinoise. . . incisée. . . . —— par amputat. par incision annufaires.s 2 = …- 2. Boutures. . — MO 6 A Bout. simple, préparat. B —— à bourrelet.. . , C — à crossette, . . . D —— à l'étouffée,, , E —— deracines, . . . F —— semées.. , . . . SECTE ME PPT net > ur «270 $ 1. Nomenclature. . . 5: À Greffe Magon., . . . DANBsrs -1e NYIVAIN. (es, » hymen.. ; . .. cauchoise, . . ROZIBR. RUES Le FOrsyth. 4.2. . 2. Greffes en approche. : » [TE] à 2 SOLS ROM ONES DH SO a = e par serions. , . , Adicus.. à l'anglaise. . LÉP-RIEIR = s La Quintinie, . . BTE S es Théophrasie.. , Liébault,,. , . . ELET Et CR : par gemma, . . , ffe Lenormand, .. SICRIPES 12 « —— Aristote. . . . . par plusieurs RCNMAT TN D. E Gvelfe Jefferson, . . . —— par copulation.. 5. Greffe herbacée ou à la TUE nehaitt de + 6. Greffe herbacée des uni- LORS tue ES he 7. Greffe herbacée des végé- {aux omniliges et multi- LIRE ET ME états A «2 2 8. Greffe herbacée des végé- taux non ligneux, , . . QURESUIMESS. cuandl Se : CHAP. II. PÉPINIÈRES D'ABBRES FRUI- TIERS. SECTION I. Considérations généra- F s|[IFIT à NO à 2 SECTION I!. Conduite des sujets en DÉDIRUERE RE Hlalsl ln : $ 1. Sujets pour haute tige. . 2. Sujets pour ‘pyramides , quenouilles, vases et es- DATES Clone … :- 3. Sujets de cognassier pour poirier, . . . 4. Sujets d'aubépine et de cormier pour poirier. . 5. Sujets de douçain et de paradis pour pommier., . 6. Sujets d'amandier et de prunier pour pécher.. . . 7. Sujets de prunier et d'a- bricotier pour abricotier. 8. Sujets de prunier pour OTLS SIP ININT RE 9. Sujets de mérisier et de mahaleb pour cerisier. . . 10. De quelques sujets peu em- PIOYES MANS": A Cosnassier. . . « . » : B Néflier,. . « « C Cormier. . . D'Figuier.. Nue :- De quelques arbres frui- tiers du midi de la Franre. AFRO ee rev à D Es ANT ï B Oranger. . . . C Grenadier. = D Pistachier, , . E"Jujubier.. .'. + . + « F Caroubier. « . + : + » G Avellinier.. . . + + « H Amandier. . . . « . CHAP. JL. PÉPINIÈRES D'ARBRES ET D'ARBUSTES D'ORNEMENT, . + $ 4. Arbresetarbustes deterre de bruyère... . . . 2, Arbres et arbustes à feuil- les persistantes. . . « « « 3. Arbustes d'ornement à fleurs odorantes. , . . . 4. Arbres et arbustes d’orne- ment aimant le bord des EAUX. se tee : . Arbustes à tiges grimpan- tes. Re Le Arbustes de collection. AROSICNS EEE 2. 4. Multiplication... . . MSEMIR Es ee ottelie L CPE RES MATCDLLES. NT. « see o ce . Boutures, . . °B Pivoines arbor escentes. C De quelques autres ar- bustes de collection. . . ss se DAONOCOMOEC QE de QI LS CHAP. IV, TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. . . « : SEcr. I. Taille el conduite du pé- cher ; principes généraux. $ 1. végétation naturelle. . . 2, Principes de la taille du pécher me 5. Branches du pêcher en es- palier : uomenclature. . . A MrONnC RSR B Branches-mères.. . . . G'Membres 1... D Branches à bois... . .. E Bourgeons. . . . F Bourgeons anticipés.. . G Gourmands oubranche;: gourmandes. « » « « H Branches à fruit 3,2 016 I Branches de remplace- MENES Ve ele he ee J Bouquets ou cochonuets. 4. Coupe : emploi des instru- ments. . . ., . - 5. Conduite et taille ‘du pé- cher eu plein rapport. . . A Pincement. . . . . B Ebourgeonnement. CIPANESALE TS Te ete. 6. Conduite d’un jeune pé- CIRE re cet ieie A Forme en V ouvert. . , B Forme à la Dumoutier.…. C Forme carrée. . . . D Forme en cordons, . . E Forme en PRES à double tige. F Forme en Ü. Pie cire 7. Taille d’un jeune pécher.. 8. Rajeunissement d uu vieux pêcher. . : ‘ 9. Pécher en plein vent, | . Secr. II. Taille et conduite de la vigne. $ 1. Végétation naturelle de la vigne.. . . Multiplication de la v igne. . Choix et préparation du terrain : plantation. . . 4. Formation de la tige et deslcordonss 00. . 5. Ebourgeonnement. . . . GAEINCEMENT- 2, 0.00 7. Palissage.. . . SEcr. III. Taille el conduite ‘de l'abricotier. $ 4. Végélation naturelle. . . à Caractères des branches. . Abricotier en espalier., » en plein-vent.. SEcT. IV. Taille et conduite du prunier. $ 1. Végétation naturelle. . . 2. Prunier en espalier.. Secr. V. Taille et conduite du ce- risier $ 1. Végélation naturelle. 2, Cerisier en espalier.. . . e eos CE OMOMONMO cris 117 ib. TABLE DES MATIÈRES Secr. VI, Taille el conduile du poirier. $ 1. Végétation naturelle. 2, Productions fruitières.. . & Taille. : - Sets le) lo ete FR Pincement. . . ee ! Chargement et décharge- ent 4 - . 6. Poiriers conduits en espa- lier. . À Palmette simple et dou- DIT _. B Poirier en éventail, ue 7. Poiriers conduits en pyra- mides, quenouilles, vases et girandolles. A Poirier en pyramide ou con . B Poirier en quenouille. . C Poirier en vase.. . D Poirier en girandole.. . 8. Recépage et restauration d'un vieux poirier. . SEcr. VII. Taille et conduite du pommier. $ 1. Végétation naturelle. . . 2. Pommiers nains. . . SEcT. VII. Taille et conduite du groseillier. $S 1. Végétation naturelle. Groseillier à grappe. . . . 2. Taille et ravalement. . . A Groseillier à fruit noir, CASSIS ET Et CI B Groséillier épineux. : SEcT. IX. Taille et conduite du framboisier. $ 1. Végétation naturelle. . . Taille et élagage. . . . . Framboisier des Alpes. . Arbres fruitiers que l’on ne taille pas. . « . « . ct 19 CHAP. V. JARDIN FRUITIER, © » + + SECT. I. Verger. 6 1. Choix et préparation du SOl.1s0t A Choix ‘au sol. B Exposition. . C Préparation du sol. . « D Défoncements.. . . . . E Trous, tranchées, dis- tances. . 2, Choix des arbres en pépi- nières, arrachage, . « « « 5. Habillage des racines... . 4. Plantation. . . 5. Soins généraux... . . 6. vergers d'arbres à fruits à noyaux. . 7. Clôtures. . . SErais RE A Frais d'établissement d'un verger d’arbres.à fruits à pépins. : So B Frais d'établissement d’un verger d'arbres à fruits à noyaux. à OO 9, Produits. -r eee 10. Choix des espèces. , . . A Fruits à pepins. . . . « poires en plein-vent, espèces précoces. . . . Poires d'automne... . . Poires d'hiver. . . . . Poires meilleures cui- tes que crues. . . . . Poires à cuire. 6. Pommes hâtives. . . 7. Pommes d'hiver. . . 8. Pommes meilleures cuites que crues, . . B jpiuss à NOYAUX, » . . -"PÉChETS ae Rperties en plein-vent (sousle climat de Pa- MIS CSP RREE 2, Abricotiers.. , . ee + nite. e%8. + ... OIL Cu D IPIUNIETE. ee. » ÆNUPTISIEIS. 0 ee + Guigniers et bigarreau- LIL ous : + SecT. Il. Jardin fruilier. Sd" Distribution. « 4 « . . . ESDalErs ee e "A Hauteur desmurs.. . . B Choix des matériaux, , C Chaperons. . , . . D Treillages.æ. + …... E Palissage à la loque.. . F Choix des espèces pour espalier . , A Fruits à noyaux pour espalier. pêches. . LR Rice Grosse mignonne... . Pêche bourdine.. , . Pêche Madeleine à moyennes fleurs, ou Madelnine tardive... . Pêche de Chevreuse tardive, CORRE B'Ugnons. ADTrICOIS Ce. Prunesss et dou . CETISES.. Se Fruits à pepins pour es: paliers. ANNPOITES ER te 2:HPOMMES. LE ets . S 5. Plantation. TOR So DORE 4. Préparation du sol et mise en place des arbres en es- LEUR ERENNE TS TONER 5. Soins généraux. che 6. Contre-espaliers et éven- talls tiens À OT OR 7. Frais et produits. TNT 8. Maladies des arbres frui- TETE CEE A Maladies des arbres à fruits à noyaux. 1. Gomme. DANCE te à DAROUREE eee Lol «+ 4. Cloque.. . . . ô B Maladies des arbres à fruits à pepins. A4Ghancre. 50 101. 2. Charbon... «+. € Insectes nuisibles aux ar- bres à fruits. . . . . . A‘ Tisre, : 2'IKENMES ERA ST - « = ct 19 — ke No B mMoile (er. e D. PUCErONS ENS eh 4. Chenilles et vers. . 5. Hannetons.. . . . . 6. Perce-oreilles. . . . Secr. EI. Jardins à la Montreuil. $ 1. Construction des murs. . 2MADRIS-HeNete Mes fe ile 3. Détails de culture. . . . Secr. IV. Frais et produits des jardins de Montreuil. S'ANEMNIS PL Cr ete. 2, .PrOGDIIS EEE FAC Secr. V. Treilles à la Thomery. $ 4. Construction des murs, . 2. Contre-espaliers. . . . . 5. Soins généraux. 4. Frais et produits. A Frais... . B Produits. . SECT. V. Culture forcee des arbres à fruils.. . . . : $ 4. Fruits à noyaux hâtés à 21H RAD: JS 010 OO . Cerisiers et pruniers nains nr OO 5. Vigne hâtée à lespalier . 4, Arbres à fruits forcés dans la serre. A Vigne. FRE Et. ©. . B Pêchers.. C Cerisiers. D Figues. …_…... CCC CCC CCC _......... TITRE IV. CULTURE DES VesE TAUX COMESTIBLES.. . . . CHAP. I. CULTURES NATURELLES. SecrT.I. Légumes proprementdils. SAACROUX. LL ÉREESE- = A Travaux préparatoires. B Choix de la graine. . C Semis. .….,.... D Repiquage. . E Plantation : F Détails de culture. . . G Conservalion.. ..... H Frais et produits... . . .. .... >, CHONIENL EeT A Choix de la graine... . B Semi tutti Et C Repiquage. . . .. .".…# D Plantation... . 152 E Détails de culture. . . F Conservalion.. . . ... G Frais el produits. . . . S 3. Brocolis. ... +. …. « - & "VOIS. = AUS. E ALET B Pois mange-tout.. . . . C Pois a écosser secs. D Choix de la graine.. . . E Préparation du sel. . SES -- 5-0 1 G bétails de culture. . . H Frais et produits. . . . PPTONES = ee aise « A Choix des espèces... . B Délails de culture. . .. B —— € — An out « F D Préparation du sol. ER ee =. qe F Détails de culture. G Frais. 199.— H Produits. $ 6 bis. Doligues. . . . . . . . 7. Epinards et tétragones. CC ESRI NÉE 9. Bette ou poirée.. . . . .. 140. Oguon.. . . .. ...... A Semis. . . . B Détails de culture... DIPTERES. Te 1e - 11. Poireau ou porreau. . . . B Préparation du sol. : ie C'PIANQUON:.. - Li. . DÉEPAISREL EuE (le e PAPERS le de » LAN Sri Eee - A ECHAGIP --U...- -1 1. 44. Ciboule et civette. . . . . 15, ASDErpE.. .. ... oO A Préparalion.. . . . . . . B Choix de la graine. . . C Semis en pépinière. D Semis en place... ... ENPANEAUON. 0.0 à. F Détails de culture. . . . G Culiure de l’asperge en lerre MONLE: 4.5 + H Culture de lasperge dans les vignes. . . . . 5 RORRAISTE E CEAe e TARGUS eee = eee. ei AG ANLICIAUL, 2. -.- A Multiplication... .... B Préparation du terrain. € Plantation. . . . . di D Détails de culture. . . . E Frais et produits... .. ATACATOONS ST. ee ele se : 49 Célert. 7: . ER TT ASC MIS: Re ous B Préparation du sol. : CAPIADIANON re eee, - D Détails de culture. . . . E Frais et produits. . . ASE 2 ce. A Choix des espèces. . . . B Semis et repiquages. C Détails de culture. D Culture maraichère de la laitue romaine. . . .. E Frais et produits... .. 20. Chicorée. . A Choix des espèces. . .. B Délails de cuiture. . . . € Chicorée sauvage. . .. 21. Dent-de-Lion (Pissenlit). 22. Cresson de fontaine. . . . 23. Mäche... AS RAIPONCRS Se eee » + « « RP ARErSIM TS een et |. à a DEMEURE... - « HALONNPIEN METIER :. ser, 1. Légumes-racines. $"4: Carottes .:. …. . = A Choix de la graine, pré- paration du sol. BESemis AMIS, SRE C Détails de culture. : : : D Frais et produits. ice 2. Salsilis eL scorsonère.. . . A Préparation du sol,choix delméraine. . . . . . . BE Semi: détails de culture, . BORTICULTURE, CONTENUES DANS CE VOLUME. ib. ib. 227 #b. 228 ib. tb. C Frais ei produits. . . . SR NavelS = CR... be A Choix de la graine. . ee B Préparation ‘du sol; se- MIS Re - - C Détails de culture... D Frais et produits... . . 4. Scolyme d'Espagne. . . . 5. FenOuil. 2-25 - 6. RAGIS. nn em 7 APANAIS: Ver Ci = 5 C6 8. Pommes de terre. . . .. 9. Oxalis crenala. + . . . .. 10. Topinambour.. . . . . . A1 BELIETAVESS ER 1. SECT. III. Culture des plantes po- lagères à fruits comestibles. $ 1. Citrouille ou potiron. . . . 2, Concombres et cornichons. 5MEION: 1-4 1-0 A Travaux pr éparatoires. B Choix de la graine.. . . CiSEMIS RE diet» fe 12 D Transplantation. E Epoques des semis et transplantations. . . . . F Taille du meion. . . .. 4 Taille moderne. . Taille ancienne. G mes ÉC'AOET H Détails de culture. Dar I Culture du melon en pleinelterre:....71. 0% J Conservation des melons. 4. Procédé provençal pour conserver les me- JON Cnofeha à À. 2. Procédé suisse.. . .. 3. Procédé italien. . ., K Frais et produits. . .. 4. Melon d'hiver... . .. .. MOIS PASTEQUE SEE. 1... 5. Tomale.. . . . 6. Aubergiue ou mélongène. 7. Fraisier. A Travaux préparaloires. B Choix du plant de frai- sier. 1 Plant de semence. . . 2. Plant decoulaniset de souches-mères. . . .. C Transplantation, . . . . D Epoque des semis et plantations. . . .. SC E Détails de culture. , . . F Cultures particulières de quelques fraisiers.. . . . 1. Buisson de Gaillon.. 2. Fraisier de Montreuil ou de Montlhéry. 3. Fraisier wallune écar- HOME TCeTE 2 G Procédé anglais pour ob- tenir des “récoltes de fruits des espèces de frai- siers le plus souvent sté- riles tte Fo ce H Frais et pr oduits.… SECT. IV. De diverses plantes po- DITES EEE MORE $ 1. Fournitures de salade. A Cresson alénois . . . .. BJES{xagon: 5 -#2+. - C Perce - pierre ou passe- pierre (crilhmum marili- HUM) encre » D Pimprenelle ( poterium sanguisorba). . . . . . . E Chenillette et limaçon. . F Capucine et bourrache. LE Fournitures sauvages. . . Plantes aromatiques. . . . %) Lavande,thym, hyssope, romarin, marjolaine et tre ee Si 5. SE Gtes einales, Résumé. . . . - . CHAP. I, Cucrere FORCÉE DES vÉ- GÉTAUX COMESTIBLES. . . . SReTS 1. Légumes proprement dits S'ASRRSTETRRS LE... tee A Asperges forcées blan- PL Mie Ju B Asperges vertes forcées. C Procédés DATA Se 229 ib. ib. ib. 230 ib. ib. 231 ib. 232 ib. 253 254 ib. $ 2. Haricots verts! . 7, :æ. DAPOISIVEr LS... le temte 4. Champignons.. .....,. Détails de cullure.. .... SECT. II. Légumes-racines el sa- LIRE EE M- =: $ 1. Pomme de terre. . ... DUCATI. he eine 3. Capucine tubéreuse tro- pælum tuberosum). E k BAUER. CP. : . SAGESSE. Sec III. Plantes à fruits comes- GDLES ER DE = ce SL. ANDAS RE : A Préparation de la terre pour les ananas. . . . . B Choix du plant. : CoRlantAtIONS UE D Détails de culture. E Frais et produits.. . . . DARNSIEL 0: -e UR A Préparation du plant. B Détails de culture. Melo DS : Tomates et piment. 2 Liste des produits d'un jardin. TITRE V.. CULTURE DES vé- GÉTAUX D'ORNEMENT. CHAP.I. FLORICULTURE. SECT. I. Fleurs de pleine terre. $ 1. Parterre. Choix du local; préparation du terrain. . 2IBOrdUrES LL 0. 4. Arénaire ou sabline de Mahon: .. B Bordures annuelles., . . SÉCT. II. Plantes d'ornement. . . $ 1. Multiplication des plantes COMMERG Ce EL Mhee A Semis. . BRBOUIUTES EEE Re GiMarcotlesz. 5, 14%: D Séparation des rejetons. E Eclat des racines. : 3. Choix des plantes de par- UOTELS QE 2 L'on TAN A Dimensions, . . ..... BICOUlENrS EE 20 C Classement des plantes deparlerre.. = 0 Plantes vivaces de parterre. —— Bisannuelles.. . . .. —— Annueélles. . ..... SEcr. II. Plantes de collection. . CREMIOMEMENEE NME Le A Multiplication.. ., . ... BSEMIS. dE CICAEUX.. D Préparation du terrain. E Plautation.. . ., : F Détails de culture. 2. ane EME 4 Multiplication ; semis. . . B Caïeux.. : C Préparation du ter rain... D Terre à jacinthe. . ... E Plantation. F Délails de cuiture. DARENONCUIES 1e BRSEMIS AS fe - B Jeunes griffes.. . . ... C Préparation du Era. D Plantation. . E Détails de culture... SEE F ANCMIONES se certe he e LOBINEE. LS ES 1. A LEP E ASS en S 2. Mar colles etboutures. B Préparalion du sol.. C Détails de culture. . , . 4. Crocus. 5. Auricule ou oreille d' ours. A Semis.. .. B Préparalion du terrain. C Détails de culture. . .. 6.:Dahlas s + see. . A Multiplication... .... 1. Boutures.. .:. .. .. T. V,. — 1! ib. iv 2, Séparation des tuber- cules.. 3. Greffe sur tubereules. B'SOMIS:: 40 Ja C Préparation du Sol D Plantation... . on E Détails de culture Chrysanthème. . . - - - - A Multiplication Le ls = Re AASPMIS.S - - - » eee 2. Boulures. .« - - + » = « B Détails de cullure. . . - 8. Pensces. . . . « + + - so À Multiplication. . - . . . - B Détails de culture. . Lobélias. . ... 60.7 . A Multiplication. . « . . .. 6e Délails de culture. Iris SERRE ormation économique des S collections. . . + : -.. . . . Secr. IV. Plantes de parterre re- marquables à divers titres. $ 1. Plantes bulbeuses. . . . . S 7. 10. + BATUIIpES- 7 - + - se GFriullaires. : . e + + . . Jacinthes. . . . ... . . 5. Tigridix. . 6. Campanule pyramidale. . 7. Balsamine.. = + : st0 4 - SrASICR EEE he 9. Plantes aquatiques... jade blantes d'ornement pour ‘fivers usages particuliers. 11. Arbustes “d'urnement de pleine terre.. .« . - . . . . 12. Arbustes de terre de DrÜvére ee i- Lee 45. Arbustes d'ornement à flo- raison remarquable . . . . AAMROSIETS 2. sis hoc A Choix de l'emplacement. B Arrangement... .... C Détails de culture. D Cultures particulières de quelques rosiers. . . . . E Classilication des ro- SICLS AE ass le F Culture forcée des ro- SET NE le poemes Secr. V. Plantes d'ornement qui ne supportent pas la pleine MA ES D _ D È VE) S = = 8 > A Mulliplicalion.. . . . . . BIBOUEURES Re cie» C Détails de culture. . . . MAIBEOIAIEES lee ee» A Mulliplication. . . . . . . B Détails de culture, . . . MAVÉ VERRE Ne ete ee ns A Multiplication... . . . . . B Détails de culture. . . . As (CANCTAINES NE PEN ee. b. Mézembrianthèmes.. . . . A Mulliplication.. . . . . . B Détails de culture. . . . BACAMÉIAS NIORT Et - A Choix de la terre. . B Choix des pots et cais- 19 Qt C Serre aux camélias.. . . DIREMPOLASE. 2. + de . 2 MRATEDEARES EE … een. ss = mr FARM ser à O1 19 2 . Jardin potager. . . . . PARIEIIES 2 Jardin fruitier.. . . . . Jardin paysager. . . . Orangerie et serres. = > QE À OT 19 > s PAREPFE 2 . Orangerié., . . . . Serre tempérée. . . . Serre chaude. . Jardin potager. . .. Jardin frutier. . . Parterre.. . Oraugerie. 72 ie QI RO = ° e Ce rées. JUILLET. 4. Jardin potager. . . . ... 2. Parlerre ee 3. Jardin fruitier..… Re 4. Oraugerie el serre. . . . . AOUT. $ 1. Jardin potager. . . . .. 2 UPANLETÉÉ SR Css tip # JATOIN IDURErS 2 - : - - 4. Orangerie et serre SEPTEMBRE. ; Orangerie et serres. Jardin potager. . . À 6 SIDE Rolle . Serres chaudes et Lempé- MHothe' es ° $ 1. Jardin potager. . . . ... 2. Parterre. 3. Jardin fruitier. 4, Orangerie et serre. . OCTOBRE. $ 1. Jardin potager... .. 2. Jardin fruitier 5: Larterre: 2} 4. Orangerie et serre. NOVEMBRE. $ 1. Jardin potager... . . 2, Jardin fruitier. Dino te ee » 5: BATTERIES RE RE. - - 4. Orangerie et serre. . DÉCEMBRE. $ 1. Jardin potager. . . . 2. Jardin fruiuer. . . . 3. Pârterre. . . .. 4. Urangerie.. A ÉPEE SASErTES.- : Janvier. . Février. . MARS AVPILL à » MAS es ee LUS Juillet. . . AOÛ, ETS Septembre... . . CCIODIÉ. soute Novembre, . Décembre - NANvICr: ent. Février. + ..… Murs re AVLIL.. -e-ro Masse: JUS. oo JUNE RE. AOÛL ARE Septembre. , . OCÉODrES tee Novembre. , . . Décembre, , . . Cu es 08 CRC C CALENDRIER D# MAGNANIER. CALENDRIER DU FORESTIER. . 491 ufr … AVANT-PROPOS. A l’époque où parut la Maison rustique, vivement frappés de l'immense étendue des matières à traiter, nous avions résolu de ne nous préoccuper d’aueun objet qui leur fût étranger, Il nous eût semblé téméraire de dépasser les limites déjà si vastes du cadre de l’ouvrage primitivement concu et d’ajouter à la masse des travaux que son exécu- tion nous imposait. Tels furent nos motifs pour nous borner exclusivement aux ma- tières du ressort de l’agriculture proprement dite, sans aborder ni l’horticulture, ni l’économie domestique. Mais, les vœux unanimement exprimés par nos abonnés ne tardèrent pas à nous convaincre que nous avions laissé dans notre publication une lacune qu’il devenait indispensable de remplir. En effet, les propriétaires de terres, grandes ou petites, les cultivateurs de tout étage, tous ceux enfin qui trouvent dans la Maison rustique leur guide habituel, ont ou peuvent avoir un jardin grand ou petit; presque tous font du jardinage leur principal délassement ; s’ils sont à proximité d’un marché, ils peuvent trouver dans les diverses cultures jardinières une ressource im- portante; la Maison rustique du XIX° siècle devait donc être complétée par un traité d’horticulture. L’opportunité d’un traité d'économie domestique n’est pas moins évi- dente; tandis qu’en Angleterre et en Allemagne des ouvrages spéciaux sur cette matière mettent entre les mains de tout le monde les moyens le mieux appropriés à toutes les conditions pour rendre la vie intérieure de chaque ménage aussi confortable que ses ressources le permettent, en France, ceux qui souvent ne demanderaient pas mieux que de sortir d'une routine dont ils sentent tous les inconvénients cherchent en vain un guide pour les diriger. Le cadre du livre consacré à l’horticulture était tracé d'avance par les besoins de ceux pour lesquels nous devions l’écrire : c’est le jardinage pris au point de vue de son contact avec l’agriculture dont il n’est qu’une dérivation, puisqu'il a, comme elle, pour but de tirer parti du sol. Quiconque, comme nous, a parcouru la France à _ pied et dans tous les sens, pour en étudier l’agriculture, pour connaître à fond les con- ditions diverses des populations rurales, demeure frappé des incalculables ressources que l'habitant des campagnes laisse perdre. Quel accroissement de bien-être une famille de pauvres cultivateurs ne pourrait-elle pas trouver, par exemple, dans les fruits d’un verger, même de peu d’étendue, facile à créer comme le désert de Bar- beau-Brunet !, avec peu ou point de frais, mais avec une volonté ferme et un tra- vail persévérant! La consommation des fruits, surtout celle des bons fruits, est presque nulle dans plusieurs de nos départements; ce ne sont pas les acheteurs qui manquent, ce sont les produits. Nous en dirons autant des légumes, et bien souvent (1) Voir Journal d'Agriculture pratique, t. IV, p. 410. i AYANT-PROPOS. des fleurs. Nous avons vu chaque année à Marseille, à l’époque des processions qui se succèdent pendant quinze jours, les fleurs les plus communes se payer pour ainsi dire au poids de l'or; il n’y en avait pas sur le marché la dixième partie de ce qu’on en aurait pu débiter avec avantage. C’est donc répondre à un besoin réel et vivement senti des populations rurales, que de placer sous leurs yeux, à la suite de l’ouvrage le plus complet et le plus avancé sur l’agriculture, l’exposé des procédés de l’horticul- ture qui peuvent si facilement augmenter leur aisance, en même temps qu’ils influent par un enchaînement naturel sur l'amélioration du régime alimentaire des popula- tions urbaines; c’est par conséquent à cette partie de l’horticulture si éminemment utile que nous avons consacré le plus d’espace et donné les plus larges développements. En traitant de la culture des plantes d’ornement, nous avons eu également égard à la position du plus grand nombre de nos lecteurs. Le goût de l'horticulture est en progrès parmi nous; le nombre des propriétaires riches qui s’adonnent à la culture des végétaux exotiques augmente rapidement ; les orangeries et les serres sont mul- tipliées de tous côtés avec la plus louable émulation. Néanmoins, une statistique exacte de nos richesses horticoles nous montrerait plus d’orangeries que de serres, plus de serres tempérées que de serres chaudes; parmi les plantes qu’elles renferment, les plus rares, celles dont le prix est le plus élevé, s’y trouveraient à peine par exception; nous y verrions au contraire les jardins ornés seulement d’un parterre devenir pres- que aussi nombreux que les habitations rurales; nous appelons de tous nos vœux le jour où chaque chaumière en France aura sa plate-bande de fleurs. Que l’on compare l’état moral des populations parmi lesquelles le chef de famille consacre habituellement a l'ivrognerie le jour du repos, avec celles où, au sortir de l’église du village, il donne le reste de son dimanche à ses fleurs, sa plus douce passion, source d'échanges de bons offices avec ses voisins ; il y a là tout un puissant système de civilisation pour les cam- pagnes; nous pourrions citer dans les plus âpres régions de la France des curés de campagne qui, prêchant d'exemple, ont opposé, avec le succèsle pluséclatant, le jardin au cabaret. Puissions-nous avoir à nous féliciter d’avoir, nous aussi, contribué à propager ce goût si naturel, si parfaitement en harmonie avec la vie habituelle du peuple des campagnes, cette source de plaisir qui tend à rendre les paysans à la fois meilleurs et plus heureux! Ainsi, sans négliger aucune partie de l’horticulture, nous avons particulièrement insisté sur celles qui touchent le plus intimement aux intérêts du plus grand nombre de nos lecteurs, sur les objets qui nous ont paru de nature à concourir au but commun de toutes les branches de l’agriculture : améliorer la con- dition matérielle et morale du peuple des campagnes. C’est dans le même esprit que nous avons consacré un long chapitre aux jardins puysagers, cet ornement privilégié des châteaux. La campagne doit devenir le séjour habituel des grands propriétaires ; ceux qui possèdent le sol doivent vivre au milieu de ceux qui l’exploitent afin d'apprendre à s'aimer les uns les autres, en travaillant ensemble à tirer de la terre, selon la parole de Dieu, tous les trésors promis à l'union de la force et de l'intelligence. | MAISON RUSTIQUE DU XIX'° SIÈCLE (G Rire ESSuitième HORTICULTURE CHAPITRE 1®".— CHOIX ET NATURE DES TERRAINS. Secrion Ir. — Choix du terrain. Il arrive bien rarement au jardinier d’avoir à choisir l'emplacement sur lequel il doit éta- blir un nouveau jardinage; le plus souvent il ne peut que continuer ce qu'il trouve créé d’a- vance ; toute la latitude qui lui est laissée dans ce cas consiste à pouvoir distribuer à son gré, sur un terrain donné, les divisions de son jar- din, afin d’en approprier le mieux possible cha- que partie et chaque exposition à la nature des plantes qui doivent y croître. Lorsque, sur une terre d’une assez grande étendue, on peut assigner à volonté la place d’un jardin nouveau, on se déterminera moins encore par la qualité de la superficie que par la profondeur de la couche de terre arable. On regardera toujours une terre médiocre, mais profonde, comme préférable à une terre beaucoup meilleure, mais d’une moindre épais- seur. La première se prêtera presque toujours facilement aux améliorations que nécessite un bon jardinage ; la seconde s’épuisera prompte- ment et n’offrira aucun moyen de subsistance aux végétaux qui pénètrent assez profondément dans le sol. On prendra aussi en grande considération deux objets essentiels, l'exposition du terrain et la proximité des eaux. Les meilleures expo- sitions sont celles du sud et de l’est. En suppo- sant qu’on ait le choix entre plusieurs terrains en pente, on préfèrera celui qui fera face au midi ou à l’orient, quand même il ne serait pas tout à fait d’aussi bonne qualité que celui qui regarde l’ouest ou le nord. Si, comme il arrive à beau- coup de propriétaires, on ne peut enclore de murs q&’une partie du jardin et qu’on se borne à fermer le surplus par une haie, l’on placera la muraille de manière à se procurer un espalier au midi, et des plates-bandes à la même ex- position, proportionnellement à la hauteur du mur. Nous avons vu, il va peu d’années, dans le département d'Indre-et-Loire, une maison de campagne très agréable, récemment construite, abandonnée par le propriétaire, et vendue beau- coup au-dessous de sa valeur réelle, parce que le jardin manquait d’eau. On avait entouré de murs l’espace destiné au jardinage, et l’on s’é- tait occupé tout d’abord d’y établir un parterre et un potager, sans songer à creuser un puits. Quand le besoin d’eau se fit sentir, on entreprit inutilement des fouilles sur plusieurs points; l'eau ne se trouva qu'à plus de 30 mètres, et en quantité tout-à-fait insuffisante. Les oublis de ce genre sont plus fréquents qu'on ne pour- rait le croire, quand il s'agit de former un nou- veau jardin sur un terrain consacré précédem - ment à un autre genre de culture. Le premier soin doit être, dans ce cas, de s'informer de la profondeur de l’eau, ce que les puits du voisi- nage peuvent indiquer par approximation. La présence d’une sourec ou le passage d'un ruis- seau pourrontêtre aussi des motifs déterminants sur le choix de l'emplacement destiné à un jar- dinage de quelque importance. 6 HORTICULTURE. Moyens de reconnaitre les qualités du sol. La physique, la botanique et la chimie four- nissent toutes les trois des procédés d’appré- ciation pour la nature des terrains destinés au jardinage; les procédés chimiques sont les plus sûrs de tous, mais rarement ils sont à la portée du jardinier. La botanique lui offre des indications plus en rapport avec les no- tions qui lui sont indispensables et familières : enfin les inductions qu’il peut tirer des qua- lités physiques du sol sont tellement simples qu'il n'a pas besoin d’être physicien pour en profiter. À. Propriétés physiques du sol. — On peut reconnaître les propriétés physiques des sols à l’aide de procédés fort peu compliqués et qui, sans donner des résultats tout à fait rigoureux, fournissent cependant des notions très approxi- matives. La tenacité de la terre et sa propriété de de- venir plus ou moins plastique, lorsqu’elie est pétrie avec de l’eau, indique la presence de l'argile; toute terre peu argileuse en appa- rence, parce que l’alumine y est mêlée à d’au- tres substances, peut être considérée comme terre forte lorsque, pétrie en pâte molle, essuyée à l'air libre et cuite au feu, elle donne une brique de bonne consistance. La terre forte ou argileuse est toujours douce au toucher ; celle où le sable domine est rude et possède la pro- priété de rayer le verre. La presence des oxydes métalliqnes se recon- nait facilement à deux indices certains: la cou- leur et la maigreur de la végétation. En géné- ral le sol cultivable ne contient guère d’autre oxyde en quantité notable que l’ox yde de fer; il communique au sol une couleur jaune ou rouge. Le goût indique la présence du sel dans la terre; elle se reconnaît aussi à la nâture sa- lée de l’eau qui a séjourné sur un pareil sol. Le soufre se manifeste par son odeur lorsqu’on projette sur un fer rouge la terre qui en con- tient. IL importe souvent au jardinier de connaître la capacité du sol pour absorber l'humidité ; elle s’évalue comparativement par le procédé suivant, d’une exécution facile. Au milieu d’un bocal de verre rempli de la terre à essayer, on plonge un tube de verre dans une position ver- ticale, excédant d’un décimètre environ le bord supérieur du bocal. On verse ensuite dans le tube une quantité d’eau déterminée, et l’on calcule avec une montre à secondes le temps que l’eau met à remonter du fond du tube à la surface de la terre du bocal, effet qui se produit toujours en vertu du poids de l’eau, mais dans un temps plus ou moins long. Le même essai, renouvelé de la même manière sur un autre sol, donne le rapport de leur propriété absor- bante. B. Végétation naturelle. — Nous réunissons ci-dessous en tableaux les plantes qui crois- sent le plus souvent sur certains sols d’une na- iure déterminée, et dont la présence est une | LIV. VI. indication assez positive pour que le jardinier doive y avoir égard. Rapport des plantes sauvages avec les éléments du sol. SOL CALGAIRE. SOL ARGILEUX, Véronique, plusieurs es- Tussilage (pas-d’ane). pèces. Argentine. Gallium, jaune et blanc. Pigamon. Gremil. Jonc. Anémone pulsatille, Saponaire. Sainioin. SOL SILIGEUX. Clematite. Viorne. Arénaire. Berbéris épine-vinette, Vipérine. : Herniaire, Spergule. Les données de ce tableau ne sont que de simples indications ; les plantes les plus con- cluantes sont, pour le sol calcaire, le sainfoin qui naturellement ne croit pas bien sur un sol dépourvu de chaux, et pour le sol argileux le tussilage qu’on ne rencontre sauvage que sur les terrains où Pargile domine. Nous croyons inutile d'étendre ces données aux sols ferrugineux, salins et marécageux qui, de même que la terre dite de bruyère, ont une végétation très distincte, mais qui d’ailleurs se reconnaissent au premier coup d’œil par des caractères extérieurs très faciles à discerner. C. Essai chimique des terrains. — Rien de plus compliqué que l’analyse exacte des divers genres de terrains propres à la végétation, soit à cause de la nature fugitive de plusieurs des éléments qui les composent, soit parce que pendant l’opération il se forme des combinai- sons, produits de l’opération elle-même, et qu’il est très difficile de distinguer de ceux que le sol contenait primitivement. Lorsque l’horticulteur désire une analyse exacte du sol soumis à sa culture, ce qui est presque toujours un objet de curiosité plutôt que d'utilité, il n’a rien de mieux à faire que de s'adresser à cet effet à un pharmacien de son voisinage; s’il possède lui-même les connais- sances chimiques nécessaires, ce qui se ren- contre bien rarement, il aura encore besoin de recourir au pharmacien pour les appareils et les réactifs. Mais, s’il veut se borner à connaitre des qualités chimiques du sol ce qu’il lui im- porte le plus d’en savoir, il ne lui faut d’autres appareils qu’un fourneau de terre cuite et auel- | ques fioles, ni d’autres réactifs qu’un peu d’eau de savon et quelques acides. L’objet le plus utile est une bonne balance, susceptible de pe- ser avec une exactitude suffisante 500 gram., et d’être sensible à 2 milligrammes. Supposons, par exemple, qu’on veuille re- connaitre la quantité de calcaire contenue dans un terrain. Après avoir pesé exactement et sé- parément 250 grammes de terre et 500 grammes d'acide hydrochlorique, on les ajoute l’un à l’autre par petites portions en remuant le mé- lange avec un tube de verre; il se dégage une grande quantité de gaz acide carbonique. Lors- AUTRE T. que le dégagement de gaz a cessé, on pèse de nouveau, et l’on note exactement la diminution du poids. 17 grammes de gaz correspondent assez exactement à 40 grammes de carbonate de chaux ; ainsi, dans le cas où le mélange au- rait perdu, après l'opération, 17 grammes de son poids total, on pourrait en conclure qu'il . contenait avant l'expérience 40 grammes de carbonate de chaux sur 250 grammes, soit 160 grammes par kilogr. Ce résultat n’est pas ri- goureusement exact, parce qu'il s’est dégagé avec l'acide carbonique une plus ou moins grande quantité de vapeur d’eau; mais il suflit pour la Connaissance approximative dont l’hor- ticulteur a besoin. L'eau saturée de savon s'empare, après un quart d'heure d’ébullition, de toute l’alumine contenue dans le sol, sans attaquer le carbo- nate de chaux qui peut s’y rencontrer. La terre pesée sèche, avant et après l’opération, donne toujours par approximation la proportion de l’alumine avec ses autres principes consti- tuants. Quant aux substances végétales et animales en décomposition qui constituent la partie la plus riche de toute espèce de terrain et qui forment la base de sa fécondité, leur quantité relative se reconnaît par l’action du feu. La terreexposée pendant un quart d’heure à la chaleur rouge perd la presque totalité de ses principes provenant de débris d'animaux et de végétaux ; la diminution du poids en fait con- naitre la proportion. Si pendant l’opération la terre soumise à l'expérience a exhalé une forte odeur de graillon ou de plumes brülées, c’est que les matières animales s’y trouvaient en grande abondance; si, sans répandre une odeur particulière, elle a brûlé avec une belle flamme bleuâtre, c’est qu'elle contenait beaucoup de débris végétaux. On voit combien il est facile d'acquérir par des procédés très simples une connaissance suffisante de la constitution chimique du sol; c'est tout ce qu’il faut à l’horticulteur; le reste est du domaine de la science; le jardinier, en cas de besoin, doit recourir aux hommes spé- ciaux lorsqu'il croit avoir intérêt à en savoir davantage. SEecrTion Il. — Culture jardinière florissante sur un sol défavorable. Nous ne pouvons trop le répéter : il n°y a pas de sol absolument rebelle à l’horticulture. Au- eune démonstration ne vaut un exemple, surtout lorsqu'il réunit toutes les conditions qui peu- vent la rendre plus frappante; tel est celui des jardins célèbres de la Meilleraie, jardins fondés parles religieux dela Trappe dans des conditions tellement défavorables que tous les obstacles y semblaient accumulés comme à dessein. Nous avons visité la Meilleraie avant et depuis le sé- jour des trappistes : nous aurions craint d’être accusés d’exagération si nous avions décrit sous le charme d’une admiration dont on ne CHOIX ET NATURE DES TERRAINS. 7 peut se défendre, des travaux dont le résultat tient du prodige. Nos lecteurs nous sauront gré de la publication de la lettre suivante que nous devons à l’obligeance de M. l'abbé de la Trappe. Que tous les amis de lhorticulture méditent cet exemple; qu’ils réfléchissent à ce revenu de 8 à 10 mille fr. créé sur un terrain de 9 hect. en quelques années d’un travail bien dirigé ; ils se convaincront de cette vérité que, même comme spéculation, partout où le débitest assuré, rien n’égale lhorticulture sous le rapport des pro- duits, et que pour l’homme favorisé de la for- tune, il n’est pas de plus doux délassement, quel que soit le sol où la main de homme puisse avoir à solliciter les faveurs de la féconde na- ture. LETTRE DE M. L'ABBÉ DE LA TRAPPE. La Trappe, 27 janvier 1841. Monsieur, Je serais heureux de pouvoir faire quelque chose qui vous soit agréable ou utile. C’est pourquoi, conformément au désir exprimé dans la lettre que vous m'avez fait l’honneur de m'écrire, je viens vous donner quelques ren- seignements sur les jardins de la Meilleraie, leur origine, leur création, leur culture et leurs produits. J’ai recueilli ces détails de la bouche même du frère Simon, convers de l’abbaye de la Meilleraie, actuellement notre jardinier. C’est lui qui a créé les jardins dont il s’agit et qui les a soignés pendant longues années. Les trappistes arrivèrent à la Meilleraie en 1817. Ils n’y trouvèrent qu’un jardin d'environ un hectare; pour lui donner une étendue qui est maintenant de neuf hectares, y compris la pépinière, il a fallu prendre du terrain sur des carrières, sur une forêt et sur des prés. Mais la nature n’a guère fourni que l’emplacement et exposition du midi (car le sol était très mau- vais), le travail et l’industrie de l’homme ont fait le reste. Sur le versant d’un roc d’ardoises la première couche de terre était d’abord très légère, devenait argileuse en descendant, et enfin glaiseuse. Le sous-sol était un mélange compacte de cailloux, d'argile et de sable. C’est sur cette première base que des bras réunis, des efforts combinés, un travail immense, une acti- vité et une patience qu'aucun obstacle n’a pu arrêter, Sont parvenus à asseoir Ces magnifiques et fertiles jardins qui ont fait l'admiration de toute la France. Après avoir un peu nivelé le terrain, on l’a entouré de murs hauts d'environ 3 mètres, le long desquels on a tracé des plates - bandes larges de ? mètres, s'écartant en cela des règles ordinaires en faveur des espaliers. C’est dans le même but qu’on a défoncé ces plates-bandes par tranchées, à 1 mètre de profondeur. La mauvaise terre de la couche fossile était jetée dans les allées, et la terre végétale de celle-ci réunic à la bonne terre des plates bandes, où L2 8 HORTICULTURE. l’on plantait ensuite les arbres qui devaient couvrir les murs. Les grandes allées où devaient passer les voi- tures ont été tracées à 2,70 de largeur, et les petites qui coupent les carrés n’avaient qu’un mètre de largeur. Toute la terre végétale a été mise en gros billons dans les carrés, et le sous- sol a été défoncé à un demi-mètre de profon- deur: les pierres et le sable ont été enlevés pour faire des chemins autour de l’abbaye, et enfin les terres végétales ont été remises à leur place ; mais tous les ans avant l'hiver on a eu soin de les relever en gros billons, pour les exposer à l’action de l'air et de la gelée. C’est le meilleur moyen qu'on a trouvé pour les ameublir. Ce qui est à remarquer, c’est qu'on ne se servait de pelles pour les labours que pour les plates- bandes, c’est-à-dire sur les racines des arbres; partout ailleurs on employait la houe à deux dents, et ces dents étaient d’une longueur extra- ordinaire (undemi-mètre).Cet instrument parut dabord très difficile à manier, mais on en prit une telle habitude qu’on en faisait tout ce qu’on voulait, Nous nous en servons aussi mainte- nant ici, et nous trouvons qu’il n’y a pas de comparaison à établir entre le labour fait avec la pelle et celui de la houe à longues dents, qui est bien supérieur, et même plus facile quand il s’agit, après l'hiver, d'étendre la terre qui avait été mise en billons à la fin de l’automne. Quant à l’engrais, on a acquis par l’expé- rience, à la Meilleraie, la certitude que le fumier ordinaire produisait peu d’effet pour les légu- mes ; aussi on n’employait dans les jardins que du terreau composé de vase d’étang, de feuilles d'arbres, de gazons, de terres légères prises sur les carrières, de joncs pourris et de bruyeres mises à pourrir dans les basses-cours, de fu- miers des écuries et enfin de cendres de forges vieilles de plusieurs siecles. On faisait de tout cela un énorme tas qui, placé près d’une fosse où venaient se décharger des urines et des ma- tières fécales, en était tous les jours arrosé; on le remuait aussi 3 ou 4 fois dans une année, pour opérer un mélange plus exact. Voilà l’en- grais dont on s’est toujours servi pour planter et ensemencer les jardins. Pour l'irrigation, on a fait venir l’eau de l'étang par des canaux, dans de vastes bassins dispersés de tous côtés. Outre ces canaux qui apportent les eaux de l’e- tang,une quantité d’autres canaux sillonnentles jardins en tous sens, afin de recevoir les eaux pluviales et de les jeter dans les autres canaux, sans qu’elles puissent séjourner dans les jar- dins. Le frère Simon regarde cette précaution comme essentielle pour la santé des arbres et la conservation des sucs fertilisants. Une autre précaution qu’on a prise pour les arbres c’est d'éviter de bêcher profondément sur leurs ra- cines. Les plates- bandes des grandes allées sont garnies de poiriers qu’on a eu soin de planter très jeunes et petits, pour mieux les diriger en pyramides. Un cordon de chasselas règne le long des allées, à 0m,65 des arbres. Tout a réussi d'une manière prodigieuse; les LIV. VIIT. produits des jardins de la Meilleraic ont été étonnants, jusqu’au moment des persécutions que cette maison a éprouvées en 1832. Quoique négligés depuis ce temps-là, les jardins sont en- core si productifs que, l’année dernière, les religieux en ont retiré, après leur consomma- tion, jusqu’à 8,000 fr. de la vente des légumes et des fruits. Notre frère Simon lira avec plai-. sir, comme moi, votre Traité d'horticulture. Excusez la précipitation de ma lettre et veuil- lez bien recevoir l'assurance de mes respec- tueux sentiments, F. Josepn-ManiE, Abbé de la Trappe. CHAPITRE II. — ENGRAIS ET AMENDEMENTS. SECTION "€, — Engrais. Nous croyons superflu de répéter ici une théorie des engrais qui a été développée dans notre tome Ier, et que les progrès de la science physiologique rendraient bientôt incomplète, quand même nous pourrions lui consacrer as- sez d'espace pour l’exposer avec précision dans son état actuel. Personnene conteste la nécessité de nourrir le sol par des engrais proportionnés aux productions qu’on en exige; c’est le seul point de la théorie des engrais sur lequel tout le monde est d'accord; c’est aussi le seul qu’il importe au jardinier de ne jamais perdre de vue. Souvent la terre n’est pour lui qu’un support donné au fumier qui, seul, fait vivre les plantes qu’il lui confie. Quelle que soit la richesse du sol qu'il cultive, le jardinier n’a jamais trop de fu- mier ; s’il travaille sur un sol maigre, il n’a ja- mais assez d'engrais; sans fumier, il n’est pas pour lui de bon terrain ; avec du fumier, il n’en est pas de mauvais. Ce n’est point en jardinage qu’il faut s'arrêter à la dépense occasionnée par cet objet de première nécessité ; en dernier ré- sultat, il n’est pas pour le jardinier d’avance plus productive. Les engrais dont nous allons passer en revue les principales espèces peuvent être, jusqu’à un certain point, suppléés les uns par les autres. Il ne faudrait pas se laisser détourner du des- sein d’entreprendre une culture jardinière, faute d’un engrais évidemment mieux approprié que tout autre à la nature du sol, mais qu’on ne pourrait se procurer dans une localité déter- minée. Ce qui importe, c’est d’avoir du fumier en abondance ; cette première condition rem- plie, il est facile d’aplanir bien des obstacles. $ 19". — Engrais végetal. On ne peut dire au jardinier ce qu’on dit au fermier : faites vos fumiers chez vous; si vous en manquez, c’est votre faute. Le jardinier, qui tout au plus emploie une ou deux bêtes de trait, nc peut obtenir chez lui la vingtième partie des fumicrs dont il a besoin. Lorsqu'il lui est diffi- TITRE cile de se procurer en quantité suffisante les engrais plus ou moins animalisés, il peut tirer un grand parti de l’engrais végétal, avec si peu de dépense que souvent il n’a à débourser que sa peine, monnaie dont il ne doit jamais se montrer économe. Le sol le plus stérile nourrit toujours une ou plusieurs espèces de plantes dont la substance décomposée fournit un engrais susceptible, dans bien des circonstances, de tenir lieu des engrais animaux. Toutes les fois que le jardinier peut ramasser dans son voisinage des plantes frai- ches, n'importe lesquelles, et les enfouir avant qu’elles aient eu le temps de perdre à l'air libre leur humidité naturelle, il donne à sa terre un engrais sur les propriétés duquel nous ne pou- vons trop insister, car On n’en à pas apprécié jusqu'ici la puissance quant à la végétation des plantes de jardin. Nous avons vu fréquemment, dans de grands jardins anglais, faucher, sans les utiliser, les longues herbes aquatiques qui garnissent le bord des pièces d’eau ; ces herbes grossièrement hachées avec le tranchant de la bêche, et enfouies, soit dans les planches du potager, soit dans les plates-bandes du par- terre, pouvaient être utilisées comme engrais dans des terrains très secs, leur effet sur la vé- gétation aurait même surpassé celui du fumier. Lorsqu'un terrain neuf est destiné au jardi- nage, on ne peut lui donner, dans ce but, de préparation plus utile que de le défoncer, d’y se- mer à l'automne du colza assez serré, et d’en- fouir ces plantes par un bon labour à la bêche à 0m,30 de profondeur, au moment où leurs remières fleurs commencent à s’ouvrir, vers a fin d'avril. Non-seulement le sol y gagnera un engrais qui le disposera à recevoir toute es- pèce de culture jardinière, mais encore il sera délivré de tous les insectes dont il pouvait être infesté, notamment des vers blancs ou turcs, pour qui l’äcreté particulière au suc des plantes crucifères en décomposition est un moyen de destruction infaillible. Il est à remarquer que ces plantes se détruisent très promptement dans le sol, et qu’en bêchant quinze jours ou trois semaines après les avoir enterrées, on n’en re- trouvera pas de trace. Lorsqu'on ne veut appliquer cet engrais vé- gétal qu’à un terrain de peu d’étendue, on peut, si l’on se trouve à portée des bords d’une ri- vière, d’un étang ou d’un marais, faire ra- masser au printemps des cardamines et des sisymbres en fleur; ces crucifères, très com- munes, feront le même effet que le colza; on n’omettra pas de les couper avec la bêche en les enfouissant. Les végétaux enfouis à l’état frais constituent l’engrais végétal pur proprement dit; ils conviennent aussi bien au jardin frui- tier qu'au potager et au parterre. Les arbres fruitiers et la vigne épuisés par l’âge, ou fati- gués par une production surabondante, re- prendront, grâce à cet engrais, une vigueur nouvelle. Quand même ces végétaux auraient erû sur le sol dans lequel ils doivent être en- fouis, leur effet n’en sera pas moins sensible, BORTICNLTURE, ENGRAIS ET AMENDEMENTS, : 3 parce qu'il s'appliquera, non à la couche su- perlicielle aux dépens de laquelle ils auront vécu, mais à la couche plus profonde en con- tact avec les racines des arbres dont on voudra augmenter ou renouveler les moyens d’alimen- tation. Une récolte de maïs ou de lupins, obtenue entre les rangs d’une plantation d’arbres frui- tiers en quenouille ou dans la plate-bande au pied d’un espalier, pour être arrachée au mo- ment de sa floraison et enterrée toute fraiche sur les racines des arbres, influe puissamment sur leur fructification et contribue à prolonger leur existence. Elle n’a jamais, comme les en- grais mêlés de matières animales en décompo- sition, l'inconvénient fort grave d’altérer plus ou moins la délicatesse et la saveur du fruit. Cette fumure, qu’on peut renouveler tous les deux ou trois ans dans le jardin fruitier sans effriter la surface du sol, pourvu que les plantes destinées à être enfouies ne viennent point à graine, ne coûte réellement qu’un peu de se- mence et de main-d'œuvre; ses bons effets sont confirmés par lexpérience, quoique l'usage n’en soit pas aussi répandu qu’il devrait l’être. Nous renvoyons à l’article des composts les engrais à base végétale, tel que l’engrais Jauf- fret et l’engrais Dubourg; ces préparations ayant pour principe actif la chaux vive mêlée aux végétaux en décomposition, nous parais- sent sortir de la classe des engrais végétaux, et même de celle des engrais proprement dits, pour rentrer dans celle des composts. Nous ajouterons que, parmi les plantes sauvages qu’on peut le plus facilement se procurer en grande quantité le genêt, l’ajonc et les her- bages aquatiques sont les plus actives ; il suf- fira de les couper grossièrement en leur lais- sant encore 0" ,30 à 0,40. et de les enterrer immédiatement. $ II. — Engrais animalisés. De tous les engrais ayant pour base des substances animales, il n’en est pas de plus ri- ches en principes actifs que le noir animal et la poudrette. Noir animal. — Cet engrais ayant pour base les résidus de la clarification des sirops dans lesraffineries, pourrait être d’une grande utilité pour le jardinage, quoique peu de jardiniers s’en servent jusqu’à présent, et qu’il reste exclusive- ment appliqué à la grande culture. Dans tous les terrains froids et argileux, ou maigres sans être excessivement secs, l’eflet du noir animal dépassera l’effet de toute autre fumure. Les plantes crucifères, choux, choufleurs, navets, rutabagas, et les légumes-racines appartenant à d’autres familles, tels que la betterave et le scorsonère, prendront un développement ra- pide, sans rien perdre de leur qualité, sous l'in- fluence d’une quantité même très médiocre de noir animal. Cet engrais possède, comme la poudrette ct tous les engrais pulvérulents en general, l'avan- tage d'occuper peu d'espace et de pouvoir étre FT, V. — a 10 HORTICULTURE. employé utilement à faible dose. L’economie sur les frais de transport compense et au-delà le prix élevé de ces engrais; cela est vrai surtout dans les cultures jardinières, où tous les trans- ports se font dans des brouettes ou des hottes, par des ouvriers, le jardin potager étant inter- dit aux charrettes et aux bêtes de somme. $ III, — Poudrette. La poudrette sert encore plus exclusivement que le noir animal à la grande culture ; elle est pourtant susceptible d’être utilisée au même degré pour le jardinage, car si son énergie n’é- gale pas celle du noir animal, elle coûte beau- coup moins cher. Elle s'applique aux mêmes plantes et active la végétation de toutes les plantes potagères en général. Toutefois, il im- porte de faire observer que cette substance fer- tilisante, même quand elle est réduite à l’état le plus inodore, communique une saveur peu agréable aux produits les plus délicats du po- tager, spécialement aux fraises et aux salades de toute espèce. Emplovée à la culture de l'oignon, des choux et des légumes-racines, elle n’en a point altéré le goût d'une manière ap- préciable ; du moins les consommateurs ne s’en sont pas montrés mécontents. Il n’est pas dou- teux que, dans les localités où le fumier est d’une cherté excessive, le jardinier ne trouve beaucoup de bénétice à le remplacer par la poudrette pour toutes les cultures à qui cet en- grais convient; mais si les consommateurs en sont instruits, il pourra risquer d'en éloi- gner un grand nombre, quoique la moitié au moins du pain qui se mange à Paris provienne de blé venu aux dépens de cette même pou- drette dont personne cependant n’ignore l'ori- gine. $ IV. — Fumier d’écurie. L’engrais obtenu dans les écuries et les éta- bles, par le mélange des déjections des animaux avec les végétaux qu’on leur donne pour li- tière, est singulièrement modifié par la fermen-' tation qui tend à le convertir en une masse ho- mogène dont il n’est plus possible à la fin de distinguer les éléments. Les divers degrés de fermentation plus ou moins avancée modifient du tout au tout les propriétés de ces engrais et leur effet sur la végétation; le jardinier, dans ses cultures variées, peut utiliser toutes les es- pèces d’engrais à tous les degrés possibles de fermentation. On désigne plus spécialement sous le nom de fumier d’écurie celui qui pro- vient des chevaux, et aussi celui de l’âne et du mulet, plus communs que les chevaux dans nos départements du midi; le fumier des bêtes à cornes est désigné sous le nom de fumier d’é- table. Le fumier d’écurie peut remplacer à lui seul tous les autres; ilest éminemment propre à la construction de toute espèce de couches ; il est le seul convenable pour les couches à champi- gnons. Sa propriété la plus précieuse, celle qui le fait préférer à tout autre par les jardiniers, LIV. VIN. c'est la facilité avec laquelle on peut arrêter et rétablir pour ainsi dire à volonté sa fermenta- tion en le maintenant sec ou humide. La cul- ture maraichère, si perfectionnée aux environs de Paris, emploie une grande quantité de ce fumier à l’état de paille brisée, légèrement im- prégnée d'urine; on en fait le triage au moment où on l’enlève; la partie la plus avancée en dé- composition est séparée de la litière ou fumier long. Ce dernier est disposé en tas modérement pressés sur un emplacement sec, aéré et décou- vert. À moins que les pluies et les fortes cha- leurs ne se succèdent longtemps sans interrup- tion, le fumier d'écurie se conserve ainsi plu- sieurs mois et ne paraît pas subir d’altération sensible. Veut-on le faire entrer en fermenta- tion ? Il suffit pour cela de larroser et de le comprimer fortement ; il s’'échauffe et fermente presque à l'instant même. Beaucoup de jardiniers trouvent le fumier d’écurie trop chaud pour les terrains naturelle- ment arides et brûülants qui contiennent des substances calcaires en abondance. Ce préjugé ne serait fondé que dans le cas où le fumier d’é- curie devrait être constamment employé sous la même forme et dans le même état; mais rien n’est plus facile au contraire que de le modifier conformément au terrain où il doit être enfoui, en le laissant fermenter plus ou moins. Tout engrais trop Chaud finira par devenir à la lon- gue aussi froid que possible, puisque le terme de la fermentation de tous les fumiers quels qu'ils soient les laisse à l’état de terreau, le plus froid de tous les engrais. Ceci ne signifie pas que nous considérons le fumier d’écurie comme le meilleur pour les terrains riches en caleaire, à la fois chauds et arides; le fumier des bêtes à cornes convient sans doute beaucoup mieux dans un sol de cette nature; mais si, pour un jardinage établi dans un pareil terrain l’on v’a que du fumier d’écurie à sa disposition, ce jar- dinage n’en pourra pas moins prospérer à l’aide de ce seul engrais, pourvu qu’on sache le laisser fermenter convenablement, et ne l’employer que dans l’état le mieux approprié à celui de la terre qu'il est appelé à fertiliser. Un moyen sûr et prompt d'activer la fer- mentation du fumier d’écurie lorsqu'on est pressé de s’en servir, c’est de défaire les tas après les avoir humectés et comprimés, et de les refaire quand le fumier a pris l'air pendant une heure ou deux. Le fumier est aussi avancé au bout de quelques jours qu'il eût été au bout de plus d’un mois sans cette manipulation. Dans un sol naturellement compacte et froid où l'argile domine, le jardinier ne peut em- plover de meilleur engrais que le fumier d’écu- rie, enayant soin de l’enfouir longtemps avant qu'il ait atteint le terme de sa fermentation, et de saisir, pour cela, l'instant où il sera parvenu à son plus grand degré de chaleur. Le fumier d’écurie est sujet plus que tout autre à s’échauffer en été au point de prendre feu. Lorsqu'on s’en aperçoit à temps, il n’y a d'autre remède que de mouiller largement et TITRE LE. de démolir aussitôt les tas pour ne les recon- struire que quand le fumier sera refroidi et sé- ché. Ces accidents, heureusement assez rares, ne peuvent arriver que quand le fumier est amoncelé en trop grandes masses. $ V. — Fumier d’étable. Cet engrais est celui que les jardiniers em- ploient le moins, parce que n’étant jamais aussi actif que celui d’écurie, et n’imprimant pas au- tant de rapidité à la végétation, il leur est moins avantageux ; il est cependant des terrains où sans cet engrais On ne saurait établir un bon jardinage: tels sont les terrains calcaires, gyp- seux, sablonneux, manquant de consistance, et susceptibles de s’échauffer au point de ren- dre toute culture jardinière impossible en dépit des plus larges arrosages. Le fumier d’étable in- troduit dans ces terrains une grande quantité d’humus qui leur donne du corps et de la vi- gueur; il leur faut en outre ajouter dans le même but plusieurs substances qui rentrent dans la classe des amendements (voyez Amen- dements, p. 17 ). La culture en grand de toute espèce de lé- gumes communs s’accommode fort bien du fu- mier d’étable dans presque tous les terrains; il n’en est pas de même des productions les plus délicates du jardin potager ; les fraisiers et les melons ont particulièrement besoin de famier de cheval, ou, à son défaut, de fumier de mou- ton ; l’engrais provenant des bêtes à cornes ne leur suffirait pas s’il était employé seul. $ VI. — Fumier de bergerie, Ce fumier provient des moutons et des chè- vres ; on le considère comme un engrais chaud, très susceptible, à défaut de fumier d’écurie, de remédier aux inconvénients du fumier d’éta- ble; un mélange de ces deux fumiers par par- ties égales pourra suppléer très convenable- ment au manque de fumier d’écurie, et produire à peu près les mêmes effets pour toutes les cul- tures jardinières, à l'exception toutefois des couches à champignons qui ne peuvent réussir qu'avec du fumier de cheval, d'âne ou de mu- let ; ces deux derniers, plus rares dans la France centrale, sont les meilleurs pour cette culture. Le fumier de lapin, qui du reste n’existe jamais qu’en petite quantité, jouit des mêmes proprié- tés que le fumier de bergerie. $ VII. — Colombine. Les déjections des pigeons et celles des au- tres oiseaux de basse-cour sont l’engraisle plus actif dont puisse disposer la culture Jardiniere. Mêlée à d’autres fumiers à très petite dose, la colombine produit des effets très remarquables, principalement sur les plantes cucurbiacées. Malheureusement la majeure partie de cet en- grais, si précieux et déjà si rare par lui-même, se perd par négligence; dans la plupart des fermes, le colombier et le poulailler, qui de- vraient être nettoyés une fois ou deux par se- maine , le sont à peine deux fois par an, sans ENGRAIS ET AMENDEMENTS. it parler de ceux qu'on ne nettoie jamais. Nous engageons vivement tout jardinier soigneux de ses intérêts à s'arranger avec les fermiers de son voisinage pour enlever lui-même de temps en temps la colombine qui se perd inapercue dans la grande culture. La colombine se con- serve à l'état pulvérulent; on lemploie sou- vent délayée dans l’eau dont on arrose les plantes lorsqu'on désire hâter leur croissance ; il ne faut en faire usage qu'avec précaution ; beaucoup de plantes ne peuvent la supporter sans mélange ; pour la leur appliquer on l'af- faiblit en la mêlant avec de bonne terre de jar- din passée à la claie. $ VIII. — Fumier de porc. Nous n'avons jamais pu nous rendre compte des motifs pour lesquels les traités de jardi- nage les plus accrédités conseillent de ne point employer dans la culture jardinière l’engrais de porc, qu’on assure être très froid et capable de faire mourir les plantes. Nous pouvons affir- mer, d’après une foule d’exprcriences faites en France et en Belgique avec cet engrais pur, que c’est un préjuge. Il est peu de jardiniers de profession qui n’élèvent un cochon pour la pro- vision de leur ménage ; ils peuvent en toute sû- reté en employer le fumier comme celui d’éta- ble ; nous l’avons toujours trouvé plus actif que le fumier des bêtes à cornes dans les terrains froids et lents à produire. La manière la plus avantageuse de l'utiliser pour le jardinage est de le mêler avec du fumier d’écurie ou de ber- gerie. $ IX. — Issues des villes. Les jardiniers des environs de Paris sont généralement prévenus contre -l’emploi des engrais ramassés dans les rues; il est certain que les boues de Paris, où tant de substances de toute nature sont en décomposition, ex- halant une odeur fétide, odeur sui génenis, et des plus révoltantes, peuvent donner lieu de craindre une altération sensible dans la sa- veur de quelques produits obtenus au moyen de cet engrais dont on connaît d’ailleurs la puissance fertilisante, et dont l’usage est très répandu, soit pour la culture des céréales, soit pour la culture en plein champ des légumes communs ; on ne peut done blämer la circon- spection des maraichers à cet égard. Mais les ressources analogues que peut se procurer dans les départements le jardinier placé à proximité d’une ville ou même d'une simple bourgade n’ont pas les mêmes inconvénients. Les jours de marché, par exemple, la place publique d’un bourg ou d'une petite ville est encombrée de débris végétaux; on peut les utiliser sans crainte; il n’v a souvent d'autre peine à pren- dre que celle de les ramasser. Chacun s’en rap- portera sur ce point aux circonstances locales et à ses propres observations, et l’on se gardera bien de négliger un moyen d'accroître presque sans frais la fertilité du sol consacré à la cul- ture jardinière, chaque fois qu’on pourra utili- 12 HORTICEULTURE. ser dans ce bui un engrais quel qu'il soit, et qu’on le jugera susceptible d’activer la végéta- tion sans nuire à la qualité des produits. $ X. — Engrais liquides. On donne ce nom aux liquides très corrom- pus qui, comme le jus de fumier, par exemple, sont troublés par un mélange de matières ani- males en décomposition, et peuvent mettre ces matières en contact avec les racines des plantes au pied desquelles on les répand sous forme d'arrosage ; on connaît en agriculture, sous le nom de purin, l’engrais liquide provenant des tas de fumier d’étable ou d’écurie; on l’utilise principalement pour la culture en grand des plantes textiles et tinctoriales; l'expérience a prouvé que cet engrais répandu en trop grande quantité sur les prairies naturelles et artificiel- les donne aux fourrages une saveur désagréa- ble, telle que le bétail répugne à les manger ; à plus forte raison devrait-on craindre un effet semblable dans la culture jardinière. Les plantes de parterrese trouveraient très biende l’engrais liquide, quelques-unes prendraient même sous son influence un développement extraordinaire; mais l’odeur infecte de cet engrais en interdit l'usage aussi bien dans le parterre que dans le potager. Le jardinier ne pourra s’en servir que lorsqu'il s’agira de bâter la décomposition d’une grande masse de substances végétales, pour se procurer promptement une abondante provision de terreau. Le purin le plus infect perdra dans cet emploi tous ses inconvénients; le terreau végétal provenant de son action comme {er- ment ne conservera aucune odeur, et ne pourra communiquer aux végétaux aucune mauvaise qualité. $ XI. — Terreau. Le jardinier de profession, cultivant aux - portes d’une grande ville, ne manque jamais de terreau; les maraichers des environs de Paris en sont souvent encombrés; ils le vendent à bas prix aux fermiers qui le répandent sur leurs prairies. Il en sera de même partout où l’on suivra Ja culture artificielle par le moyen des couches dont le fumier, au bout de deux ans tout au plus, est réduit en terreau, et doit être renouvelé. Si l’on n’entretient qu’un trop petit nombre de couches, comme il arrive à tous ceux qui suivent principalement la culture naturelle, la disette de terreau se iera souvent sentir ; c'est une circonstance toujours fàächeuse, car le terreau est de tous les engrais le plus né- cessaire dans un jardin, et le plus difficile à remplacer. Cette considération seule devrait engager tout horticulteur, jaloux de la bonne tenue de son jardin, à iaire autant de couches que cela lui est possible ; mais dans beaucoupde départements le mot seul de couche effraie, et l’on recule devant la dépense. Le meilleur terreau, celui qui réunit au plus haut degré les qualités propres à lhumus le plus riche, s'obtient en mettant à part les excré- ments des bêtes à cornes, sans mélange de li- LIV. VIII. iticre, et en les laissant d’une année à l’autre achever lentement leur fermentation. On con- coit que ce terreau revenant à un prix élevé ne peut jamais être fort abondant. Chaque jardi- nier fera bien d’en avoir toujours une certaine quantité à sa disposition; semées dans ce ter- reau, les plantes annuelles dont la fleur est sus- ceptible de doubler donneront beaucoup de fleurs doubles ; les renoncules et les anémones s’y développeront dans toute leur beauté; le plan de choufleurs y puisera une vigueur qui doublera le volume de ses produits. Le terreau commun, produit de la décompo- sition complète des fumiers, n’ofire pas de caractères qui permettent de reconnaitre de quel genre de fumier il provient ; tous donnent un terreau à peu près homogène quand il n’y reste plus d'éléments de fermentation ; aussi, le terreau, quelle qu’en soit l’origine, se conserve- t-il indéfiniment, sans subir d’altération nou- velle. Les caractères du bon terreau de cou- ches rompues sont d’être noir, doux au toucher et aussi égal dans toutes ses parties que s’il avait été passé à la claie; il ne doit exhaler aucune mauvaise odeur ; aucun débris reconnaissable de matière végétale ne doit s’y rencontrer. Au reste, quand on achète du terreau, l’on n’a pas à craindre de falsifications, par la raison toute simple que tout ce qu’on pourrait y mêler pour l’altérer coûterait plus que le terreau lui- même. C’est dans le terreau de couches rompues que les semis de toute espèce, destinés au repi- quage, réussissent le mieux ; si le terrain est chaud et léger, il est bon de répandre une poi- gnée de ce terreau dans chacun des trous ou potelots où l’on sème des pois, des haricots, ou d’autres plantes légumineuses; le terreau ne convient pas comme engrais pour les terrains froids. Quelle que soit la destination des cou- ches, elles doivent toujours être recouvertes de plusieurs centimètres de bon terreau. On emploie aussi pour le jardinage le terreau purement végétal ; il provient le plus souvent des feuilles employées dans la construction des couches auxquelles elles procurent une chaleur plus constante et plus durable que celle du fumier. On prépare un terreau doué des mêmes propriétés, en entassant des végétaux frais qu’on arrose avec du jus de famier ou pu- rin. Il faut avoir soin d'ouvrir plusieurs fois le tas et de l’arroser pour le refaire immédiate- ment; cette manipulation accélère la décom- position des matières végétales. Les jardiniers qui cultivent dans les environs d'Amiens les terrains fertiles nommés hortil- lons, ont coutume de jeter dans un fossé à demi plein d’eau les feuilles et trognons de choux, et en général tous les débris végétaux prove- nant de l'habillage de leurs légumes. Ce fossé, dont on retourne le contenu de temps en temps, est curé chaque année à la fin de l'hiver; on laisse les matières achever de se mürir par l'effet des gelées ct des dégels, et l’on obtient ainsi une bonne provision d’excellent terreau, FITRE F: de nature purement végétale. Cette pratique n’a d’autre inconvénient que la mauvaise odeur des plantes pourries dans l’eau croupie ; on doit done ne la mettre en usage que le plus loin possible des habitations. Section II. — Amendements. La distinction entre le sens des mots engrais et amendements n’est pas déterminée avec une précision bien rigoureuse. On comprend géné- ralement sous le nom d’amendements les sub- stances minérales qui, comme les terres rap- portées, le sable, les marnes et la chaux, mo- difient le sol, mais sans servir à l’alimentation des plantes. Les cendres, la charrée, la suie et le plâtre figurent dans les traités de jardinage comme des amendements, quoique le sens rigou- reux de ce terme ne leur soit pas applicable. En effet, ces substances, exerçant une action directe sur la végétation tout en modifiant le sol, sont à la fois des engrais et des amendements. C’est surtout lorsqu'on entreprend un jardi- nage sur un terrain employé précédemment à d’autres cultures. et qu’au bout d’un an ou deux de culture jardinière on a reconnu les amélio- rations que réclame la nature du sol, qu’il im- porte d’avoir recours aux amendements. Le jardinage a pour effet de dénaturer entièrement la terre et d'en accroître indifféremment la ri- chesse; les jardiniers autour de Paris disent qu’il faut sept ans pour faire un bon marais, parce qu’au bout de ce temps le terrain doit avoir reçu tant d'engrais et d’amendements di- vers qu'il doit être parvenu à son plus haut a de fertilité possible, et n'avoir plus be- oin que d’être entretenu. 17, — Terres rapportées, PP Lorsque, pour créer un jardin, on est dans la nécessité d’effectuer des remblais et des dé- blais, ce qui a lieu très fréquemment, on doit examiner, pour les utiliser, les terres qui, mê- lées à d’autres , sont susceptibles d’en corriger les défauts. Une veine de sable, par exemple, servira à diminuer la ténacité d’un sol trop abondant en argile; des schistes alumineux, grossièrement pulvérisés, seront mêlés à un sol sablonneux ou léger, pour lui donner du corps, en diminuant sa trop grande porosité. Aux environs, et même souvent dans l’inté- rieur de Paris, on laisse perdre tous les jours des quantités considérables de terres excellen- tes qui, sans autre dépense que des frais de transport inévitables dans tous les cas, pour- raient servir à changer en de bons jardins des terrains qu’on s’obstine à cultiver, quoiqu'ils se refusent, pour ainsi dire, à toute végétation. Il n’y a pas, pour le jardinage , de meilleur amendement en ce genre que la terre qui a longtemps supporté des piles de bois à brûler, et qu’on enlève lorsqu'un chantier cède la place a des constructions. C’est au jardinier à avoir l'œil constamment ouvert sur les ressources semblables qui peuvent se trouver à sa portée, ENGRaïis ET AMENDEMENTS. 13 $ IT. — Marne. Toutes les fois que la marne , cette substance précieuse à l’emploi de laquelle les plaines de la Beauce doivent en grande partie leur répu- tation de fertilité, se trouve à la portée du jar- dinier, il fera bien de marner son potager au moins une fois tous les quatre ans, à moins que le sol n’en soit excessivement léger, ou très chargé de principes calcaires. Les effets de la marne sur la terre franche de jardin sont très remarquables, surtout quant à la végétation des légumes-racines. La grande culture em- ploie la marne telle qu’elle sort de la carrière ; pour le jardinage, il vaut mieux la mélanger avec partie égale de bonne terre, en ayant soin de la diviser le plus exactement possible. Le marnage dispense au moins d’une fumure dans la grande culture ; mais le jardinier n’en don- nera pas moins à la terre récemment marnée sa ration habituelle d’engrais approprié à sa nature. $ III. — Chaux. Pour les terres argileuses et froides, il n’y a pas de meilleur amendement que la chaux. Néanmoins, comme son emploi à trop forte dose à la fois peut donner à la végétation une sur- excitation que bien des plantes ont de la peine a supporter, il ne faut donner un chaulage abondant que lorsqu’on établit un jardinage en terre forte, où l’argiie domine ; dans la suite, si l’on juge nécessaire de renouveler cet amen- dement, on répandra la chaux sur le terrain, non pas pure et en grande quantité, mais à faible dose, mélangée avec de la terre ou du fumier, de facon à modérer son action directe sur les racines des végétaux. Aucune dose ne peut être indiquée avec pré- cision, tout dépend de la qualité du terrain; nous pensons que la terre la plus froide ne doit pas recevoir au-delà de 30 litres de chaux par are, pour un premier chaulage à fond, et qu’on ne doit pas dépasser dans la suite 10 à 15 lit. par are, comme dose d’entretien ; car il est à remarquer que, par l’effet de la végétation, la chaux, même quand on en a employé des quan- tités considérables, disparaît d’année en année dans les terrains argileux, au point qu’on en retrouve à peine des traces au bout de quel- ques années, comme nous avons eu lieu de nous en assurer souvent par l'analyse. $ IV. — Plâtre. Quoique cetamendement soit essentiellement du ressort de la grande culture, néanmoins, dans quelques cas particuliers, le jardinier est heureux de pouvoir y avoir recours. Si, par exemple, dans un jardin paysager, des tapis de gazon ne peuvent être établis qu'à force de terres rapportées à grands frais, et que souvent même, après bien des dépenses, on ne parvient pas à obtenir cette belle verdure uniforme qui en fait tout le charme, on doit renoncer à se- mer des graminées, et se contenter d'un gazon 14 HORTICULTURE. de petit trèfle blanc. Quelque mauvais que soit leterrain, ce trèfle, dont la verdure est celle qui approche le plus de la beauté de celle des graminées, y réussira parfaitement, pourvu qu’on y répande du plâtre en poudre au prin- temps et à l’automne , et qu’on ait soin de le tondre très fréquemment ou de le faire brouter par de jeunes agneaux, car les moutons ou les chèvres pourraient en déraciner une partie, surtout dans les terrains sablonneux et très lé- gers. $ V. — Suie. La suie est un amendement d'autant plus précieux pour le jardinier, qu’elle détruit une . grande partie des insectes nuisibles à la végé- tation. Il ne faut en faire usage qu’à faible dose; le meilleur procédé consiste à la délayer dans l’eau , comme la colombine, pour la répandre sous forme d'arrosage. Dans les années très sèches, où les pucerons se multiplient en nom- bre prodigieux sur les plantes et les arbustes du parterre, notamment sur les rosiers, la suie délayée dans l’eau suffit pour les en délivrer. Si l’on dispose d’une assez grande quantité de suie, on obtiendra de très bons effets de son mélange à haute dose avec les terres blanches où domine soit la craie, soit l'argile blanchâtre utilisée pour la fabrication de la faïence. La suie est un des amendements les plus efficaces qu’on puisse employer pour améliorer ces ter- rains ; on s’en procure toujours aisément quand on est à proximité d’une ville. $ VI. — Cendres et charrée, Toutes les espèces de cendres, quelle qu’en soit l’origine, sont utiles au jardinier; toutes sont susceptibles d’être emplovées à des doses différentes, dans tous les terrains, quel qu’en soit la nature. C’est ainsi qu’en Belgique, soit pour la grande culture, soit pour le jardinage, on ne laisse pas perdre un atome de cendres de houille; en Hollande, en Bretagne, on tire parti des cendres de tourbe ; en Allemagne, en France, on apprécie la vertu fertilisante des cendres des végétaux Considérées comme amendement, les cendres peuvent se répandre sur toute espèce de terrain, à la dose de 10 à 12 litres par are ; la potasse, qu’elles contien- nent toujours en grande quantité, active puis- samment la végétation, ce qui ne doit pas em- pêcher de donner au sol la fumure ordinaire dans le jardin potager. Les cendres sont quelquefois d’un effet trop excitant dans les terrains très chauds ; on leur préfère dans ce cas la charrée, ou les cendres ayant servi à couler la lessive, et ne contenant presque plus de parties salines. Aux environs de Paris les jardiniers ont une autre raison our préférer la charrée aux cendres neuves; Les cendres très recherchées pour les buande- ries sont achetées à un prix assez élevé par les blanchisseuses qui ne peuvent s’en passer ; elles les revendent ensuite à très bas prix à l’état de charrée. LIV. VIII. Ces deux amendements conviennent surtout aux plantes qui, comme disent les jardiniers, n'aiment pas le fumier, c’est-à-dire qu’elles ne prospèrent pas dans une terre trop récemment et trop abondamment fumée. Tels sont en par- ticulier les pois de toute espèce et un grand nombre de plantes de parterre; on ne doit cul- tiver ces plantes que sur un sol resté deux ans au moins sans recevoir de fumier. Le meilleur moyen d'employer les cendres dans ce cas con- siste à les déposer dans la terre à petite dose, en même temps que la semence. La charrée doit être employée sèche, bien pulvérisée, en quantité trois ou quatre fois plus grande que les cendres neuves. $ VII, — Composts. Ce terme, d’origine anglaise, mais adopté par les agronomes et les jardiniers français, désigne des mélanges de terres, d’engrais et de diffé- rentes substances dont la reunion est jugée favorable à telle ou telle espèce de culture spéciale. La chaux, mêlée aux boues provenant du curage des mares et des fossés, forme au bout d’une année de fermentation lente un compost très usité en agriculture, et que le jardinage peut également utiliser. La chaux, mélée aux végétaux secs ou frais en monceaux arrosés avec une lessive alcaline, donne un compost dont le jardinier peut tirer le plus grand parti, pourvu qu’il lui laisse accomplir le cours entier de sa fermentation : c’est l’en- grais Jauffret et celui du général Dubourg. Un mélange de gazons, de terre franche et de chaux, modifié par la fermentation de ses élé- ments intimement incorporés les uns aux aug tres, peut servir à défaut de terreau pour cou- vrir les couches à melons (voyez Melons, Cul- ture naturelle). Les composts les plus utiles au jardinier sont la terre à oranger et la terre de bruyère artificielle. A. Terre à oranger. — L’oranger, dans son pays natal, s’accommode de toute sorte de ter- rains ; la chaleur du climat corrige les défauts du sol, et permet à cet arbre de végéter dans une terre qui, sous la température du centre de la France, ne saurait plus lui convenir; on a donc cherché à lui procurer artificiellement un sol à la fois substantiel pour lui offrir une nourriture suffisante, léger, pour livrer un accès facile à la chaleur du soleil, et poreux pour laisser écouler l’eau superflue des arrosa- ges ; Car l’oranger, plus que tout autre arbre ou arbuste, est sujet à périr par la pourriture quand l’eau séjourne sur ses racines ; elle ne doit qu’y passer pour les rafraichir. Le compost le plus convenable pour les oran- gers est formé de cinq parties de terre franche, deux parties de fumiers d’écurie à demi con- sumé, et trois parties de terreau végétal prove- nant, soit de feuilles, soit de végétaux frais dé- composés à l’aide du jus de fumier ou purin. Si l’on manque de ces éléments, on peut entasser des gazons par lits avec une petite quantité de chaux vive, et employer ce compost au bout d’un an, en le mélant avec de bonne terre de bruyère dans la proportion d’une partie de cette terre pour trois parties du compost de chaux et de gazon. Ces mélanges doivent être parfaitement ho- mogènes; il serait dangereux de les employer avant que ceux de leurs éléments qui en sont susceptibles n’eussent entièrement accompli leur fermentation. Toutes les plantes d’orange- rie végètent bien dans ces composts, quoiqu’à vrai dire plusieurs d’entre elles, notamment les camélias et les pélargonium, puissent fort bien se contenter de la terre franche ou terre nor- male, telle qu’on la trouve dans tous les jardins bien cultivés. On a cru longtemps que l’oranger et les au- tres plantes d’orangerie ne pouvaient se passer d’une terre contenant une douzaine d’ingré- dients différents qu’on laissait vieillir ensemble pendant trois longues années; mais, au bout de ce temps, tous les engrais amalgamés dans ce compost étaient devenus du terreau qu'il eût été beaucoup plus court de prendre tout fait dès le début ; c’est pourquoi nous nous abstien- drons de donner la recette de l’ancienne terre d'oranger, recette reconnue de nos jours non moins ridicule qu'inutile. B. Terre de bruyère factice. — Rien ne peut remplacer exactement la bonneterre de bruyère pour les plantes et arbustes qui ne peuvent s’en passer. Le sable siliceux et le terreau végétal sont les principaux éléments constitutifs de la terre de bruyère; on essaie donc de l’imiter en formant un compost de ces deux substances mélangées par parties égales. Pour que l’imita- tion füt complète, il faudrait que le terreau em- ve vint de la décomposition des mêmes plantes qui ont fourni le terreau mêlé naturel- lement à la terre de bruyère; mais c’est une condition impossible à remplir. Si le jardinier avait à sa proximité un sol couvert de bruyères qu'il lui fût possible de recueillir pour les con- vertir en terreau, il pourrait à plus forte raison prendre toute faite la terre où croissent ces plantes. Quant aux jardiniers à qui manque cette res- . Source, nous leur conseillons de faire usage d'un procédé qui nous a constamment réussi dans un canton de la Belgique où la terre de bruyère nous aurait coûté un prix excessive- ment élevé à cause de la difficulté des trans- ports. Des ajoncs (ulex aculeata), semés sur un assez mauvais terrain, y prirent en une an- née un grand développement. A l’exemple de ce qui se pratique pour la grande culture en Bretagne, ces ajoncs coupés en pleinefleur, au milieu de l'hiver, furent étendus dans un che- min creux et humide où ils furent bientôt tri- turés par le passage du bétail et des chariots ; il en résulta une masse assez homogène de ter- reau noir ; l’ulex, quoique très coriace en ap- parence, se décompose rapidement et compléte- ment. Vers la fin de mars, ce terreau, relevé en tas et retourné pour en opérer la dessiccation, _ fut passé à la claie; on en mêla trois parties ENGRAIS ET AMENDEMENTS, 15 avec une partie de sable pur provenant de dé- bris de grès pilés. Les plantes de terre de bruyère, qu’on n’avait pu faire végéter d’une manière satisfaisante dans le compost ordinai- rement employé pour tenir lieu de la terre de bruyère naturelle, réussirent très bien dans ce mélange, le terreau d’ajone se rapprochant à beaucoup d’égards du terreau de bruyère. Nous engageons donc les jardiniers à suivre ce procédé quand ils manqueront de terre de bruyère ; la graine d’ajonc est à bas prix ; elle réussit partout, et l’on peut toujours disposer pour elle d’un coin de mauvaise terre. Nous renvoyons les autres composts, d’un usage moins général dans les jardins, aux arti- cles des cultures spéciales qui les emploient exclusivement (voyez Ananas et Plantes de col- lection ). CHAPITRE III. — PROCÉDÉS D’IRRIGATION. SECTION ['°. — Irrigation naturelle et arrosage à la main. Partout où le jardinage est en honneur, les arrosages sont la base de la culture jardinière. Dans nos départements méridionaux, on ne fait guère de jardinage que là où des sources abon- dantes permettent de pratiquer l'irrigation na- turelle. Il est fort heureux que la nature y ait pourvu en dotant ces contrées d'innombrables filets d’eau vive sortant du pied des montagnes, comme l'irrigation de la plaine de Perpignan en offre un remarquable exemple; faute de cette ressource, il est probable que les jardi- niers du midi de la France renonceraient à leur industrie, la chaleur du climat rendant trop pénible le travail de Parrosoir. L’irrigation naturelle, telle qu’on la pratique aux environs de Perpignan, de Marseille et des principales villes du midi, est excessivement simple; elle consiste à diviser le potager en planches fort étroites, dont la terre est relevée sur les deux bords et légèrement creusce au milieu, fig. 1. Chacune de ces planches est Fig. 1. KI RE [ nr, LKR KKKKEE séparée par un intervalle de Om,30 à Om,40 for- mant une rigole, fig. 2, bouchée seulement à l’une de ses extrémités, en sorte que l’eau 16 HORTICULTURE, entrant dans la première rigole au sommet de la pente du terrain, circule entre toutes les planches et les imbibe d'humidité sans donner au jardinier d’autre fatigue que celle de bou- cher et de déboucher la première ouverture. Les rigoles destinées à l’arrosage des terres par imbibition, comme nous venons de l’indi- quer, se tranchent tout simplement dans le sol, sans autre préparation que d’unir les parois à la bêche et de leur donner un angle suffisant pour prévenir les éboulements trop fréquents, car il ne faut pas songer à les empêcher d’une manière absolue. Ces rigoles exigent un entre- tien continuel; celles qui ne servent qu’à re- tenir et transporter les eaux pour les mettre à la portée du jardinier, qui les répand sur ses carrés au moyen d’une pelle ou d’une écope, se nomment rigoles de transport; un revête- ment en maconnerie, au ciment de chaux et de briques pilées, ou simplement en terre glaise battue, en assure la durée en évitant les frais d'entretien. Souvent les deux systèmes de ri- goles sont combinés; c’est ce qui a lieu toutes les fois que l’eau, pour arriver aux planches qu’elle doit imbiber, traverse des parties du jardin qui n’ont pas besoin d'arrosage. Dans ce dernier cas, on peut encore faire usage de ri- goles couvertes; elles consistent en conduits de briques, soit rectangulaires, soit triangulaires. Si le sous-sol n’est pas perméable, ou qu’on ait à sa portée de l’argile de bonne qualité, on ne couvre en briques ou en pierres plates que la partie supérieure. On peut, lorsque la pente du terrain le permet, donner aux rigoles cachées assez de profondeur sous terre pour permettre de les conduire en ligne droite à travers le jar- din, sans en déranger l’ordonnance. Les hortillons d'Amiens, qu’il faut toujours citer en première ligne comme modèles d’une bonne culture jardinière, sont séparés entre eux par de petits canaux. où l’eau dérivée de la Somme circule en toute saison. Le procédé d'irrigation est des plus simples; le seul instru- ment usité est une pelle de forme allongée, telle que l’emploient les Flamands pour leurs blan- chisseries de toiles, fig. 3. Nous avons souvent Fig. 3. RS admiré la dextérité avec laquelle les jardiniers d'Amiens enlèvent l’eau avec leur pelle à long manche, et la font retomber sous forme de pluie sur les planches de leurs potagers. Mais ces avantages précieux dont la nature a doté quelques localités particulièrement favo- risées, ne sont pas le partage de tous les ter- rains occupés par la culture jardinière. Paris, ce centre d’une consommation si prodigieuse, se passerait de légumes si ceux qui figurent en si grandes masses sur ses marchés ne devaient croître qu'au moyen des irrigations naturelles. L'arrosage à la main ne supplée aux irriga- Liv. Viii tions naturelles qu’au moyen du travail le plus opiniâtre ; les maraîchers des environs de Paris ne se lassent pas, sous un soleil brülant, d’en- tretenir toujours humide une terre toujours al- térée ; ils travaillent en été 16 heures sur 24, et ils en passent au moins 10 l’arrosoir à la main. Veut-on se former une idée de la quantité d’eau nécessaire au sol calcaire des environs de Paris? Voici à ce sujet des données exactes, car celui qui écrit cet article connaît par un long usage le poids et la contenance des arrosoirs : chaque arrosoir contient 12 litres d’eau; tant que dure la sécheresse, le sol est arrosé à raison de 3 ar- rosoirs par mètre Carré. Il recoit donc tous les jours 56 litres d’eau par mètre de superficie, ou 36 hectolitres par are. Quelques cultures particulières en exigent bien davantage. Nous ne portons pas à la Halle de Paris un seul po- tiron qui n’ait absorbé en quelques semaines 1,200 litres d’eau, ou 100 arrosoirs de 12 li- tres. C’est au prix de ces incroyables fatigues que nous obtenons une incroyable production d’un sol dont la majeure partie, située partout ailleurs, et cultivée de toute autre manière, ne rendrait pas les frais de culture; mais avec de l’eau et du fumier, peu importe, pour ainsi dire, la nature du sol ; d’ailleurs, avec le temps, nous faisons le sol là où il manque. Ces proportions seraient évidemment trop fortes pour un sol argileux et pourrissant; l’ir- rigation ne saurait être trop abondante sur les terres calcaires, gypseuses ou crayeuses; elle doit être modérée sur les terres riches en alu- mine, et plus abondantes sur celles où le sable domine. Le jardinier amateur, qui n’est point obligé de ménager ses ressources, se réglera, pour les arrosages, uniquement sur la nature de son terrain. Le jardinier marchand, travail- lant toujours les veux tournés vers le marché, saura proportionner ses dépenses aux béné- fices qu’elles peuvent produire, et ne débour- sera pas 5 fr. de main-d'œuvre pour faire croître un potiron qu'il aurait de la peine à vendre 1 fr. 50 c. Afin d'éviter les répétitions inutiles, nous renvoyons au chapitre des Instruments de jar- dinage la description des différents arrosoirs dont le jardinier se sert pour distribuer l’eau dans les différentes parties de son domaine. Nous donnerons seulement ici les procédés gé- néraux d'irrigation artificielle à l'usage du jar- dinier. Manivelle du maraîcher. — Parmi les ma- chines plus ou moins compliquées qui servent à élever l’eau pour la mettre à la portée de l’ar- rosoir, nous mentionnerons en premier lieu la manivelle du maraîcher, respectable par ses longs services durant cinq siècles d’antiquité prouvée ; nous pensons même que son origine est beaucoup plus ancienne. La pièce princi- pale de cette machine consiste dans un tambour autour duquel s’enroule un cäble qui fait mon- ter et descendre deux barriques qui vont cher- cher l’eau dans un puits. Ce tambour A. fig. 4, est supporté par un arbre B, de 4 mètres de TITRE LH. hauteur, auquel est fixé un timon d’attelage avec un palonnier pour le cheval employé à ce travail. Deux roues, ordinairement des roues de derrière de diligences, séparées entre elles par un intervalle de 1m,30, supportent exté- rieurement de légers montants en bois; leurs moyeux sont traversés par l’arbre qui leur sert d’axe fixe, en sorte qu’elles peuvent tourner, non pas sur lui, mais avec lui. Quatre mon- tants C, ajoutent à la solidité de cet appareil. L’extrémité inférieure de l’arbre D, est taillée en pointe et garnie en fer; elle tourne sur un gros pieu enfoncé à fleur de terre et dont la surface concave est également ferrée. La grande pièce de charpente qui maintient l’arbre dans une position verticale, doit avoir 9 mètres de long ; les jardiniers des départements qui vou- draient faire construire une manivelle d’après notre dessin doivent observer que cette pièce fort longue, et qui supporte tout l’effort du tra- vail de la machine, ne doit point être traversée par l'arbre, ce qui nuiraïit trop à sa solidité ; le sommet de l'arbre est fixé à la face postérieure de la grande pièce au moyen d’une pièce ac- cessoire en bois, fortement boulonnée en E. Tout le reste de l'appareil se comprend par l'inspection de la figure. On donne le nom de jumelles aux deux pièces qui supportent les poulies F ; la poulie de droite doit toujours être placée à 0m,20 plus haut que celle de gauche. Les terrasses G, sur lesquelles repose toute la charpente, peuvent être remplacées par une légère maçonnerie, dans les pays où le bois est rare et cher. À Paris, une manivelle toute mon- tée, avec terrasses en Charpente, coûte 300 fr. ; le câble et les deux tonneaux, quand le puits n'excède pas 15 mètres de profondeur, peuvent coûter 150 fr.; c’est done une dépense de 450 fr. Le jeu de cette machine est tellement simple qu'elle fatigue peu et dure fort longtemps sans entrainer de frais d'entretien. Quand la dispo- sition du local le permet, on la rend encore plus durable en la couvrant d’un hangar. Les puits destinés au service d’une manivelle doivent toujours être creusés dans la partie la plus élevée du terrain. Des tonneaux cerclés en fer, goudronnés en dedans et en dehors, pour _ prolonger leur durée, sont enterrés, le long des HORTICULTURE, ju TMIEDAULT PROCÉDÉS D'IRRIGATION. 17 "114 Mt V4 plates-bandes, et doivent dépasser de 0m,20 la surface du sol. Ces tonneaux communiquent entre eux (fig. 5) par des tuyaux de terre cuite ou de grès, soudés l’un à l’autre avec du bitume ou du mastic de fontainier. Le premier ton- neau est placé près du puits, en sorte que lou- vrier chargé de vider les barriques remontées par la manivelle les vide directement dans ce tonneau, en leur faisant faire la bascule sur la margelle du puits. Le cheval, ordinairement aveugle , qui fait tourner la'manivelle, contracte bientôt l’habi- tude de s’arrêter de lui-même quand il sent que la barrique pleine est arrivée à l’orifice du puits; la secousse de la barrique vide replacée au- dessus du puits, l’avertit de repartir. Le nom- bre des tonneaux, et la distance à laquelle il convient de les enterrer ne peuvent être déter- minés ; tout dépend de la nature du terrain. La fig. 5 représente leur disposition et celle des tuyaux dans la terre ; pour ne pas gêner la culture, on a soin que le passage des tuyaux se trouve toujours au-dessous d’un sentier. Voilà le système le plus usité et le moins coù- teux; nous ne devons pourtant pas dissimuler ses inconvénients dont le plus grave consiste dans la nécessité de faire passer l’eau dans tous les tonneaux intermédiaires pour la faire arriver au plus éloigné; il faut en effet que chaque ton- neau se remplisse jusqu’au niveau de lorifice du conduit qui le met en communication avec les suivants pour que ceux-ci puissent COm- mencer à s’emplir. Si par suite du tassement du sol fraichement remué, ou par toute autre cause imprévue, un conduit vient à se briser ou à se détacher, les tonneaux, à partir de la rupture, ne peuvent plus être remplis. On peut à la vérité, au moyen d’un bouchon de bois entouré de linge ou d’étoupe, fermer l'orifice du conduit ; mais outre qu'il est assez gênant de plonger le bras dans l’eau jusqu’à l’aisselle VV. 5 13 pour aller placer ces bouchons, on comprend combien ce procédé d’obturation est infidèle. Toutes ces considérations ont conduit M. Mo- reau, l’un de nos plus habiles maraïîchers, à substituer à ce mode de remplissage des ton- neaux, un conduit continu qui règne le long de chaque rangée de tonneaux sans les traverser ; chaque tonneau séparément communique avec ce conduit au moyen d’un tuyau en grès en forme de T auquel est soudé un ajutage en plomb avec sa cannelle de cuivre. L’eau pui- sée dans le puits A'et versée dans le premier tonneau B circule d'elle-même dans le conduit principal et permet de n’emplir, à volonté, que le nomdre de tonneaux en rapport avec les besoins du service. La fig. 5 bis montre la dispositionde | | roues de facon à ce que les roues et les bran- Fig. 5 bis. ENTRER ï CICOLCL EL, tout ce système; les dimensions de la figure n'ayant pas permis d'indiquer les cannelles à chaque tonneau, nous avons représenté séparé- ment le tonneau a avec sa cannelle b ainsi que la cavité carrée qui permet de la manœuvrer; cette cavité se recouvre d’une planche mobile. Ces appareils de tuyaux et de tonneaux ser- vent aussi dans le cas où la proximité d’une ri- vière ou d’une pièce d’eau permet de se passer du puits et de la manivelle. Il suffit alors de faire arriver l’eau dans le premier tonneau, par le moyen d’une pompe à main (fig. 46). Lors- que le puits n’est pas trop profond, on peut aussi utiliser la pompe à volant plombé, qui donne un courant d’eau continu de Gm,20 de tranche, et fatigue moins le travailleur. Le tonneau employé à l’arrosage des places ubliques et des promenades pourrait, avec de égeres modifications , rendre de grands ser- vices au jardinage; nous entrerons d'autant plus volontiers dans quelques détails à cet égard, que des tentatives heureuses ne nous HORTICULTURE. LIV. VIII. permettent pas de douter des avantages du tonneau sur l’arrosoir, dans une foule de cir- constances. Le tonneau ordinaire d’arrosage, fig. 6, n’a Fig. 6. pas besoin d’être modifié; il suffit d'élargir son encadrement et d’allonger l’essieu de ses cards correspondent exactement aux sentiers | laissés libres des deux côtés des planches du potager. Chaque brancard est poussé par un homme; la marche plus ou moins rapide de ces deux ouvriers modifie à volonté la quantité d’eau répandue, ce qui permet d’en régler, avec la plus grande précision, la distribution sur le sol cultivé. Ce mode d'arrosage ne convient pas à tous les genres de culture; les plantes fort écartées les unes des autres, comme les po- tirons et les artichauts, se trouvent mieux d’être arrosés individuellement, pied par pied ; mais il convient particulièrement aux légumes plantés ou semés très serrés, et qui occupent un grand espace de terrain, comme l’ognon, le poireau, la carotte, le scorsonère, l’oseille, les épinards, les haricots nains. La différence des frais et des résultats sera rendue plus sensible par les calculs suivants. Un ouvrier de force ordinaire, travaillant dix heures par jour à mouiller, comme disent les maraîchers, peut, quand les tonneaux sont convenablement espacés, remplir et vider deux arrosoirs par minute, ce qui donne par heure de travail 120 arrosoirs de 12 litres, ou 1,440 litres, et pour une journée de dix heures, 14,400 litres, résultat que bien des jardiniers de dépar- tements regarderont comme fabuleux. Que diraient-ils donc s’ils voyaient les plus forts et les plus actifs de nos ouvriers répandre sur le terrain quatre arrosoirs à la minute, ou 2,880 li- tres d’eau par heure? A la vérité, ils ne soutien- draient pas un tel travail toute une journée. Deux hommes robustes suffisent pour pous- ser devant eux un tonneau contenant 1,200 lit. d’eau; le travail n’est pénible qu’en commen- çant, mais le poids allant constamment en di- minuant, et le trajet à parcourir ne pouvant jamais être que fort court, puisqu’à raison de 36 lit. par mètre carré, 1,200 lit. ne doivent mouiller qu’une superficie de 33n,33, deux hommes peuvent le soutenir toute une journée sans excéder leurs forces, et même avec moins de fatigue que s’ils portaient l’arrosoir pen- dant le même temps. Il ne faut pour remplir le tonneau que le jeu de deux pompes à main, uisant dans une des futailles enterrées, que a manivelle remplit incessamment. Supposons TITRE 1. ue cette opération dure cinq minutes, et que ix autres soient nécessaires pour vider et ra- mener le tonneau d'arrosage, l'irrigation sera de 4,800 litres par heure; elle donnera done pour 10 heures de travail 48,000 litres d’eau, au lieu de 28,800 que deux ouvriers auraient pu répandre avec l’arrosoir. Une différence de 19,200 litres d’eau répan- due en plus par chaque journée de travail du tonneau d’arrosage, représente bien au-delà de l'intérêt de son prix d'achat, en y ajoutant les frais d'entretien. C’est par ce procédé que les cultivateurs de la Flandre occidentale (Bel- gique) répandent avec une égalité parfaite l’en- grais liquide destiné à leurs admirables cul- tures de plantes textiles. L’arrosage à la main est absolument impra- ticable sur un terrain d’une grande étendue, si ce terrain, comme celui de nos marais, exige une grande quantité d’eau fréquemment renou- velée. Prenons pour exemple l’un des plus grands jardins de France, celui de M. Ratier, près de Nemours; il n’a pas moins de 12 hec- tares de superficie. Quel capital ne faudrait-il pas dépenser en puits, manivelles, tonneaux, tuyaux et arrosoirs pour mettre l'eau sur tous les points à la portée du jardinier ? Quels énor- mes frais de main-d'œuvre dans les années de sécheresse ! Supposons que les allées et les sentiers ré- duisent la superficie cultivée à 10 hectares, et que la moitié seulement soit consacrée à la culture maraïchère. Le sol étant à peu près de même nature que celui des environs de Paris, exigerait, à raison de 36 litres d’eau par mètre carré, 360,000 litres par hect. , et pour 5 hect. 1,800,000 litres d’eau par jour ; ce serait la be- sogne de 125 ouvriers, en admettant, ce qui n’est pas, qu’ils soient aussi bien exercés dans le Gâtinais qu’à Paris. Pour atteindre au même résultat, au moyen des tonneaux d'irrigation, il ne faut ni futailles enterrées, ni tuyaux, ni manivelles; quelques pompes d’une grande puissance exécuteront cette partie de la besogne à moins de frais et avec une économie de temps considérable. Chaque tonneau, conduit par deux hommes, pouvant répandre par jour 48,000 lit. d’eau, 38 tonneaux et 76 hommes suffiront pour arroser 5 hectares, à raison de 36 lit. par mètre carré. Le prix moyen des journées étant de 2 fr. dans le Gà- tinais, c’est une économie de 98 fr. par jour sur la main-d'œuvre, somme de beaucoup su- périeure à l'intérêt du capital représenté par la valeur des tonneaux, en y ajoutant leur dépé- rissement et leur entretien. Nous ne sommes entrés dans tous ces déve- loppements que pour faire mieux ressortir les avantages d’un moyen d'irrigation peu usité ; loin de Paris, le prix des produits de la culture jardinière ne couvrirait pas de tels frais d’ar- rosage ; aux portes de Paris, les terres con- sacrées au jardinage sont si divisées, les cul- ‘ures si variées, que rien n’y peut tenir lieu de l’arrosage à la main. PROCÉDES D'IRRIGATION. 19 La culture en grand des légumes communs, culture essentiellement jardinière et très déve- loppée dans le voisinage des grandes villes, peut au contraire tirer un très grand parti du tonneau d’arrosage, substitué à l’arrosoir. Ainsi, dans la plaine des Vertus, qui approvi- sionne Paris d’ognons, de poireaux et de scor- sonères, ces légumes périssent souvent dans les longues sécheresses ; le canal Saint-Denis coupe toute cette plaine; l'eau est donc à la portée de presque tous les jardiniers qui la cultivent; s’ils ne s’en servent pas, C’est que leurs champs sont trop vastes et les frais d'arrosage à la main trop considérables. Avec quelques tonneaux qu'ils pourraient posséder en commun et em- ployer chacun à leur tour, les récoltes seraient et plus abondantes et plus assurées; ce serait une dépense très productive. La verdure perpétuelle des gazons dans les grands jardins paysagers d'Angleterre est en- tretenue au moyen d’un tonneau qu’accompa- gne ordinairement un rouleau de fer pour af- fermir le sol ; on peut y atteler un cheval, parce que ses pas ne sauraient nuire au gazon ; au lieu du tuyau d'échappement horizontal, le ton- neau d'arrosage anglais (fig. 7) est muni à sa face postérieure d’un tuyau de cuir, terminé par une pomme d’arrosoir qu'un ouvrier tient à la main, pour répandre l’eau à volonté. Des tuyaux semblables, terminés de la même manière, servent à arroser les parterres et les gazons des jardins publics de Paris; ils com- muniquent non à des tonneaux, mais à des ré- servoirs alimentés par des pompes. Les très ri- ches propriétaires peuvent seuls recourir à ce mode d’arrosage, le meilleur, le plus commode, mais aussi le plus dispendieux de tous. La pompe à main rendra des services analogues à beaucoup meilleur marché; en traitant des in- struments de jardinage, nous la déerirons sous toutes les formes applicables à la culiure jar- dinière. CHAPITRE IV. — INSTRUMENTS DE JARDINAGE SECTION 1°. — Instruments servant à faconner le sol. $ IT, — Bèches. Ce n’est pas sans motifs que nous plaçons en première ligne la bêche, plus ancienne peut- être que la charrue. La perfection des labours 20 importe tellement au jardinage qu'on ne sau- rait donner trop d’attention au choix des in- struments destinés à façonner le sol; les plus chers sont presque toujours les plus économi- ques ; ils durent plus longtemps, ils font plus AE besogne et elle est mieux exécutée, Le jar- dinier tient à sa bêche comme le soldat à son fusil; il réforme à regret une vieille bêche à laquelle il est accoutumé. Une bonne bèche, dont le fer est bien corroyé d’acier, sans être trempé trop sec, peut durer nombre d'années. . On ne peut assigner de dimensions invariables à la bêche du jardinier ; €’est à lui de la choi- sir proportionnée à sa force et à la profondeur du sol qu’elle est destinée à retourner. A. Bêche commune. — Pour façonner un sol léger, cultivé depuis longtemps en jardin et parfaitement ameubli par des labours précé- dents, la bêche plate, droite, légèrement tra- pézoïde, mais presque quadrangulaire (fig. 8), SE ne na est la plus facile à manier. Si la terre est un Fig. 8, peu forte et sujette à se durcir, ou qu'elle con- | tienne des pierres, il est bon que le tranchant de la bêche, au lieu d’une ligne droite, présente une courbe (fig. 9) ; les angles deviennent alors des espèces de crochets qui sont souvent fort utiles. B. Bêche belge ou flamande. — La bêche dont on se sert communément en Flandre et qui se retrouve en Bretagne, est légèrement | courbée dans le sens de sa longueur, et aussi -large du bas que du haut; les Flamands lui | donnent ordinairement un manche un peu courbé par le bas (fig. 10) et les Bretons, un | Fig. 10, REG LIU RS => B À Fiy. 11. manche droit. comme celui de la bêche com- mune. La bêche flamande est nécessaire pour | travailler les terres peu consistantes qui n’ad- hèrent point au fer de l’instrument, en sorte que la motte de terre enlevée retombe le plus souvent au fond de la jauge sans avoir été re- tournée. La courbure du fer de bêche est des- tinée à parer à cet inconvénient en retenant la terre le temps nécessaire pour que l’ouvrier soulève sa béche et la retourne. Ces trois formes de bêches sont les plus usi- tées; elles réunissent entre elles trois les qua- lités qu’exige un bon lsbourage, et répondent aux modifications que le sol peut éprouver par les variations de la température. Le même sol, à l'époque où il doit être labouré, n’offre pas HORTICULTURE. LIV. VIII: toujours le même degré de résistance. Si la saison est sèche, une terre légère, semblable alors à de la cendre, ne pourra être bien labou- rée qu'avec la bêche flamande, à fer courbe ; cette même terre, après des pluies prolongées, devenue lourde et suffisamment consistante, se travaillera tres bien avec la bêche commune; enfin, si elle se trouve, comme il arrive sou- vent, humectée à la surface par une pluie de peu de durée, mais sèche et dure par-dessous, la bêche droite à tranchant courbe l’entamera plus facilement et rendra le labour plus parfait. Les Anglais emploient en outre, principale- ment pour lever des gazons, une bêche en forme d'écusson, à manche très courbé, dont la fig. 11 montre le profil, A la lame vue de face, et B la poignée; nous croyons la houe à lame large (fig. 16) préférable. Quiconque a vu dans nos forêts avec quelle netteté et quelle promptitude cet instrument, dans les mains des charbon- niers, taille et enlève les gazons bien tranchés et tous d’égales dimensions, dont ils recouvrent leurs fourneaux ou fouées, doit être convaincu de sa supériorité; les gazons, au lieu d’avoir leurs bords coupés à angles droits, comme des briques (fig. 12), sont dans ce cas amincis par | les bords, de manière à s’emboîter parfaitement les uns dans les autres (fig. 13). 13. On range assez improprement, parmi les bê- ches, la fourche et le trident à dents plates (fig. 14 et 15). Ces instruments ne labourent point le sol selon le vrai sens du mot labourer, puisqu'ils ne le retournent pas; ils servent seulement à l’ameublir à une certaine profondeur. On les em- ploie avec avantage pour ra- fraichir des planches d’asper- ges, des plates-bandes de par- terre ou des plantations de ro- siers; ils ont l'avantage d’agir sans endommager les racines le long desquelles leurs dents peu- vent glisser sans les entamer. Fis, 14, 15. Le $ II. — Houes et pioches. La houe, proprement dite (fig. 16), est sou- Fis. 16, 17: 19, 18: vent confondue avec les divers genres de pio- ches et de binettes à lame large; la différence essentielle consiste dans la forme du fer et celle de la douille. La houe est un vrai fer de bêche, INSTRUMENTS légèrement courbé, dont la douille, qui n’est qu'un simple anneau plat, est fabriquée de ma- nière à s’ajuster avec un manche de 0m,75, également recourbé, formant avec le fer un angle de 45 à 50 degrés. Les fig. 16 à 19 repré- sentent les diverses modifications de la houe, dont le fer peut être soit un triangle (fig. 18), soit une fourche à deux dents plates, aiguës (fig. 19), ou carrées (fig. 17). Sous cette dernière forme, la houe à deux dents plates est connue dans tout le midi de la France sous le nom de Béchard ; depuis quelques années les religieux de la Trappe en ont introduit l'usage dans l’ouest. Pour faconner le terrain à la houe, l'ou- vrier se tient courbé très près de terre, et tra- vaille en avancant; il rejette derrière lui la terre remuée. La houe convient parfaitement pour les labours superficiels ; c’est un instru- ment très expéditif, mais il faut pour cela que l'ouvrier contracte l'habitude de travailler plié en deux, genre de fatigue auquel beaucoup de jardiniers ont peine à s’accoutumer. TITRE I. $ III. — Pioches, | A. La pioche à lame large remplit à peu près le même but que la houe. Son manche, long d’un mètre et un peu courbe (fig. 20), permet Fig. 20, 22, à l’ouvrier de travailler dans une situation un peu moins gênante, mais le labour n’est jamais aussi parfait; ce genre de pioche est principalement utile pour faire les trous des- tinés à la plantation des pommes de terre et aux semis de haricots. La pioche ordinaire, ou pioche proprement dite, nommée tranche dans tout l’ouest de la France, est formée d’un fer long et étroit, un peu courbé vers son extré- mite tranchante; l’autre bout se termine par une douille très forte, à laquelle est adapté un manche droit, long de 1m,33, formant un angle droit avec le fer (fig. 21). B. Pioche piémontaise. — La douille de cette pioche (fig. 22), est au milieu du fer, dont une extrémité est semblable à celle de la pioche commune, et l’autre terminée en pointe; c’est un des instruments les plus maniables et les plus commodes dans toute espèce de terrains. C. Pic. — Le pic (fig. 23) est emmanché comme la pioche piémontaise ; mais son fer plus étroit est long d’un mètre au moins, ce qui rend Pinstrument très pesant, et d’une force pour ainsi dire irrésistible, pour entamer le sol le plus dur. Quoique le pie soit un instrument de . terrassier plutôt que de jardinier, il est cepen- DE JARDINAGE. 21 dant indispensable pour presque tous les défon- cements et pour le creusement des trous desti- nés à des plantations d'arbres dans un sol com- pacte, que la pioche attaquerait difficilement. — 7 Fig. 24, 23 D. Houelte (fig. 24). — Instrument léger et fort commode, plus usité des amateurs que des jardiniers, qui lui préfèrent celui que représente la fig. 25. E. Binette ou Serfouette (fig. 25). — Il n’est Fig. tie 28, pas d’instrument que le jardinier ait plus con- stamment entre les mains; ses dimensions peu- vent être très variées, la forme restant la même. Il est indispensable d’en avoir au moins deux, l’une dont le fer, y compris la longueur des dents, n'aura que 0m,25; l’autre, dont le fer pourra avoir une longueur de 0",40, avec une largeur proportionnée, servira aux binages profonds, ainsi qu’à tracer les rayons pour se- mer en lignes des pois et des haricots. F. Sarcloir belge (fig. 26). — C’est une très petite binette dont la partie fourchue a recu une troisième dent, et dont le manche tourné ne doit pasavoir plus de 0m,49. Cet instrument est préférable au sarcloir français, espèce de truelle courbe, à bords tranchants, représenté de profil fig. 27 et de face fig. 28, qui peut à la vérité expédier plus de besogne, mais avec le grave inconvénient de retrancher des racines que le sarcloir belge arrache sans les rompre ; ce dernier sareloir doit done être préfére toutes les fois qu’il s’agit de nettoyer un sol infesté de plantes vivaces dont la moindre racine suffit à les reproduire, telles que le chiendent, le liseroni et la petite patience. Û IV. — Râteaux. A. Le jardinier doit avoir un assortiment de râteaux, les uns légers, petits et à dents ser- rées, ne servant que sur les couches ou sur les plates-bandes recouvertes de terreau; les autres plus grands, plus lourds et à dents plus ou moins écartées. sont adaptés à tous les genres de façons que le sol du jardin peut recevoir 22 Les fig. 29, 30 et 31 représentent les râteaux les plus usités pour la culture jardinière. 31, Fig. 29, 30. B. Râteau- Binette. — Une lame de binette ordinaire est adaptée à ce râteau sur le prolon- gement de son manche; elle sert à déraciner les mauvaises herbes, quand il s’en trouve au : moment où l’on fait usage du râteau ; pour évi- ! ter de se baisser, on arrache ordinairement ces racines avec la dernière dent d’une des extré- mités du ràteau ; ce qui met promptement cet instrument hors de service. Le râteau-binette retourné (fig. 32) fait la même opération sans en recevoir aucun dommage; c’est une heu- reuse innovation dont l’usage ne peut manquer de devenir général. $ V. — Ratissoires et sarcloirs. A. Lesallées des jardins d'agrément ont besoin d’être ratissées fréquemment durant la belle sai- son, surtout quand elles ne sont point sablées, parce qu’alors les vents y déposent des semen- ces de mauvaises herbes, dont la végétation finirait par changer les allées en pelouses. L'emploi des ratissoires à la main serait trop lentet trop coûteux pour les parcs et les grands jardins ; on leur préfère dans ce cas la charrue- ratissoire (fig. 33), dont le maniement est si Fig. 33. facile qu’un ouvrier peut avec cet instrument faire à lui seul la besogne de plusieurs. Les fig. 34 er 35 représentent les ratissoires Fig. 34. Fig. 35, HORTICULTURE. LIV. VIII. on se sert en la tirant à soi (fig. 34), quoique la moins expéditive, est la meilleure quand la sécheresse a durci les allées; les autres (fig. 35 et 36) se poussent en avant ; elles conviennent mieux quand le sol est ramolli par l'humidité. Avant de faire usage des unes ou des autres, il est bon d’enlever d’abord isolément dans les Fig. 38. propre a cette besogne. La ratissoire ordinaire, en coupant ces plantes au collet de la racine, ne ferait que leur donner une disposition nou- velle à repousser plus touffues et plus vigou- reuses au bout de quelques jours. Les opérations du ratissage et du sarclage ayant entre elles la plus grande analogie, nous placons ici quelques instruments appropriés au sarclage, dans certains cas particuliers. B. Le sarcloir espagnol (fig. 39) pénètre fa- Fig. 41, 40, cilement dans un sol durei par la sécheresse, et se prête par sa forme au sarclage des cultures où les plantes se trouvent très rapprochées. La fig. 40 représente une modification de cet in- trument, consistant dans la plus grande force donnée à sa tige courbe, et dans la réduction des dimensions du fer de lance qui la termine. L'un et l’autre recoivent, selon le besoin, des manches plus ou moins longs, droits ou tournés. Le crochet (fig. 41) n’est encore qu’un di- minutif du sarcloir espagnol; son principal usage est de biner dans la serre la terre des pots et des caisses de petites dimensions. $ VI. — Fourches. L'emploi des fourches pour déplacer et tra- vailler les fumiers, rend ces instruments indis- pensables au jardinier. La meilleure fourche pour le maniement des fumiers et la construc- tion des couches, est le trident à dents coudées (fig. 42). On emploie aussi un autre trident à dents courtes et recourbées pour rafraîchir la superficie d’un terrain sur lequel une croûte | s’est formée par l'effet de la sécheresse succe- à la main les plus en usage. La ratissoire dont | dant à des pluies violentes (fig. 43). La fourche TITRE LE. en bois à trois bras, susceptibles de s’écarter à volonté au moyen d’une branche de fer qui lui sert de régulateur, est très utile pour mar- quer les rayons sur le sol avant de planter, sans déplacer le cordeau plus d’une fois pour trois raies parallèles (fig. 44). 43, Le crochet à fumier (fig. 45) est une fourche à deux dents, formant un angle droit avec son manche. Fis. 44, 45, 42. SECTION II. — Instruments d'arrosage. L'eau est, après le fumier, la base de toute bonne culture jardinière ; les instruments ser- vant à la distribuer aux végétaux sont d’une haute importance pour le jardinier. Nous avonsdécrit la manivelle des maraichers, p. 17. Cette manivelle nous semble l’un des appareils les plus simples et les plus commodes pour ex traire l’eau des puits ; mais cet appareil n’est pas admissible dans les jardins d'agrément. Nous nous abstiendrons de décrire ici les di- verses sortes de norias ou de chaînes sans fin garnies de godets, destinées à en tenir lieu, on les trouve figurées et décrites, t. J, p. 251; elles sont toutes, sans exception, très chères et très difficiles à manier; nous en citerons un exemple. L'un de ces appareils, monté chez un propriétaire, dans une commune des environs de Paris, après lui avoir coûté 1,600 fr. à éta- blir, exige pour fonctionner une telle dépense de forces que l’eau lui revient à plus de 2 fr. l’hectolitre, rien que pour arriver aux ton- neaux, et sans Compter le salaire des ouvriers qui viennent y remplir leurs arrosoirs. Les pompes sont, de tous les instruments d'arrosage, les plus propres à remplacer dans les jardins d’agrément, sans les déparer, les manivelles et les norias. $ 1°, — Pompes. L'emploi des pompes suppose , dans un jar- din, soit un courant d’eau vive, soit un réser- voir alimenté par un courant, soit enfin un ou plusieurs puits qui ne tarissent pas. Quelle que soit la pompe que l’on se propose d'employer, il faut presque toujours disposer dans le par- terre et le potager une série de tonneaux en- terrés, communiquant entre eux par des tuyaux en terre Cuite , ainsi que nous l'avons indiqué, p. 17. L’une des extrémités de cette série doit * INSTRUMENTS DE JARDINAGE. 23 se trouver assez près de la prise d’eau pour pouvoir être alimentée par le jet de la pompe. Lorsque cette condition se trouve remplie, la pompe ordinaire, à demeure, est la plus solide et la plus durable ; elle est tellement vulgaire que nous nous abstenons de la figurer. Lorsque l’eau doit être puisée dans un bassin ou une pièce d’eau, sur les bords de laquelle la pompe à demeure produirait un effet désagréa- ble à la vue, on peut la remplacer par une pompe portative (fig. 46). Fig. 46. Mais le jardin qu’on se propose d’arroser peut être séparé de la rivière où l’eau doit être puisée, par des accidents de terrain qui rendent difficile l'emploi des tuyaux plongeant directe- ment dans cette rivière. On peut alors se ser- vir avec avantage de la pompe de M. Dietz (fi. 47). Le jet de la pompe Dietz, la plus portative Fig. 47. MHIEBAULT de toutes les pompes lançantes, peut franchir un espace de 30 mètres. Supposons un jardin dépourvu d’eau, séparé d’une rivière naviga- ble par une berge et un chemin de hallage, ayant ensemble une largeur de 25 mètres. Le premier tonneau de la série destinée à l’arro- sage de ce jardin, pourra être rempli par le jet de la pompe Dietz; ce jet décrira une para- bole au-dessus du chemin, sans qu’il soit né- cessaire d’y poser momentanément des tuyaux qui gêneraient la circulation et seraient mis promptement hors de service. La pompe Dietz peut encore être utilisée pour l’arrosage direct des planches dans un jardin qui possède une pièce d’eau. Dans 2e cas on peut remplacer les tonneaux enterrés par des tuyaux flexibles, tels que ceux qui servent à l’arrosage dans les jardins publics de Paris. A la vérité, ces tuyaux, pour un très grand jardin, coûtent fort cher et exigent des frais d'entretien considérables, mais ils épargnent les neuf dixièmes de la main-d'œuvre, en sorte qu'il y a presque compensation. La pompe-Dietz a sur toutes les autres l’avan- 24 tage d’exiger très peu de force pour fonction- ner; construite dans de petites dimensions, elle peut être manœuvrée par un enfant et donner 2,592 litres par heure, soit pour une journée de 8 heures 20,736 litres; dans ses plus gran- des dimensions, manœuvrée par un homme robuste, elle peut donner jusqu’à 7,932 litres par heure, soit 79,320 litres pour 10 heures. L'inspection de la fig. 48 montre suffisam- F 1g- ment l’usage de la pompe ordinaire à main. La gerbe d’arrosoir qui la termine peut être rem- placée par un tuyau surmonté d’une plaque de cuivre (fig. 49); l’eau , en glissant sur cette pla- que, retombe en pluie très divisée. Les différentes parties du tuyau se démon- tent; leur forme et leur longueur peuvent va- rier à l’infini; comme ils s’emboitent l’un dans l’autre, on peut à volonté changer la direction du jet. L’attache en fil de fer tenant au second coude sert à l’assujettir à un obstacle fixe, un arbre ou un piquet, par exemple, sans gêner les mouvements du travailleur, comme le ferait HORTICULTURE. LIV. VIII. canisme intérieur est le même que celui du cly- soir ; il est dû au même inventeur. La continuité du jet de cette pompe est due au double cylindre qui sert d’enveloppe au corps de pompe; l’eau dont s’emplit l’inter- valle contre l’un et l’autre cylindre suffit à ali- menter le jet, en évitant l'interruption qui a lieu dans les pompes ordinaires pendant le va-et- vient du piston. La seringue à gerbe, dont la fig. 52 montre le corps et la fig. 53 le piston, est un diminutif Fig. 52. de la pompe à main; c’est cette pompe réduite à sa plus simple expression. Son principal em- ploi consiste à rafraichir le feuillage des arbres et arbustes dans la serre et l’orangerie. $ II. — Arrosoirs, La forme francaise des arrosoirs (fig. 54) 54, 56. convient particulièrement à la culture marai- | chère; la gerbe large, percée de trous assez | grands, laisse échapper l’eau sous forme d’une grosse pluie. L’arrosoir à côtés plats, de M. André Leroy (fig. 56 bis), est, en raison de sa forme, plus fa- Fig. 56 bis. cile à transporter que les arrosoirs de forme ar- rondie; la disposition de l’anse rend, à poids égal, la charge plus légère que celle de l’arro- soir ordinaire, fig. 54. Celui de M. A. Leroy n’est pas sujet comme celui-ci à se vider en partie avant d’arriver à sa destination. D'autres formes d’arrosoirs conviennent mieux aux plantes plus délicates que les plantes potagères, dont une partie pourrait à la rigueur être arrosée avec un seau sans avoir beaucoup à en souffrir. L’arrosoir anglais, pour les végé- la fig. 51 la coupe, est à jet continu; son mé- | taux de pleine terre, permet de mieux modifier TITRE I. la distribution de l’eau, à cause de la forme aplatie et de la situation horizontale de sa gerbe (fig. 55). L’arrosoir anglais pour les serres (fig. 56) réunit les deux conditions essentielles de re- pandre l’eau sous forme d’une pluie extrême- ment fine, et de porter à une assez grande dis- tance, ce qui le rend fort utile dans les serres où la circulation est souvent difficile. INSTRUMENTS DE JARDINAGE. 25 SECTION III. — Instruments de transport. Nous croyons inutile de représenter ici les différents genres de brouettes, de hottes et de civieres ; ces ustensiles, d’une utilité incontes- table dans les jardins, sont si connus qu'il suf- fit de les indiquer; ils sont d’ailleurs figurés dans notre tome premier. Le grand chariot, ou diable à transporter les Fig. 51. LATE — À \\ a — orangers (fig. 57), fut inventé à Rouen, sous le règne de Louis XIV, par un pépiniériste nommé Vallet; il sert à mettre en place les orangers dans les allées des parcs ou des grands jardins qu’ils doivent orner pendant la belle saison ; son usage est nécessairement très borné surtout en France, où les grands jardins paysa- Fig. 60, 59, Saul (fig. 58, 59 et 60), pour enlever et trans- planter les arbres; quelques très riches pro- priétaires peuvent seuls avoir occasion d’en faire usage. La pièce détachée (fig. 59) s'adapte à la pièce semblable (fig. 60) au moyen des tringles mo- biles C, qui se déplacent à volonté; lorsque la terre est très légère, on peut couvrir ces trin- gles de planches sur lesquelles repose la motte tenant à la racine de l’arbre arraché; au moyen de cette précaution, la motte qu’il importe de conserver entière ne risque pas de s’émietter pendant le transport. Un chariot à bras, fondé sur le même principe, est beaucoup plus usité pour le dé- _ Placement des caisses d’arbustes de moyennes HORTICUITURE, gers ne sont pas nombreux. L'avantage de ce chariot est de n’avoir pas d’essieu commun aux roues de derrière , de sorte que tout l’ap- pareil embrasse la caisse et la saisit pour la dé- poser à sa place sans déranger l'arbre de sa position verticale. Nous devons aussi mentionner l'appareil de 58. dimensions, n’excédant pas le poids de 120 à 150 kilogrammes. La fig. 61 montre com- Fig. 61. ment il prend et met en place les caisses, SD ENT 26 qui se trouvent chargées et déchargées pour ainsi dire d’elles-mêmes, sans exposer à aucun accident les ouvriers ni les arbustes. Ceux-ci n’y conservent pas constamment leur situation verticale ; mais le volume et le poids de leur tête étant moindres que celai des grands oran- gers, il n’en résulte aucun inconvénient. SEcrion 1V. — Instruments servant à la taille des arbres. $ 1°, — Serpettes. Il est bon d’avoir deux ou trois serpettes de différentes grandeurs. Quoique depuis quelques années le sécateur, inventé par M. Bertrand de Molleville, ait détrôné la serpette, il y a encore une foule de cas où cet instrument ne peut être remplacé. Les serpettes à manche rude sont préférables à celles dont le manche est poli, parce que ces dernières glissent dans la main et rendent la taille moins assurée. La fig. 62 représente la forme la plus convenable pour les lames de serpettes, qui ne doivent jamais être trop courbées vers la pointe. Pour toutes les tailles délicates et minutieuses qui exigent de la précision, la serpette est préférable au sécateur. L $ II. — Sécateurs, Cet instrument, aujourd’hui très répandu, est beaucoup plus expéditif que la serpette, mais il ménage moins les arbres dont il endommage souvent l'écorce. On rend cet inconvénient moins grave en tenant constamment le tran- chant de la lame tourné en dehors ; ainsi, dans la taille d’un arbre en quenouille ou en plein vent, la lame du sécateur, de quelque côté qu’on opère, ne regardera jamais le tronc ; - dans la taille d’un espalier elle ne regardera jamais la muraille. La fig. 63 représente le sé- 65, 63, 62. Fig. 64, cateur ordinaire ; pour empêcher qu’il ne glisse dans la main, on passeordinairementun anneau de cuir dans un trou que doit avoir à cet effet la branche qui porte la lame ou le croissant du sécateur. _Le renflement qui termine les branches du sécateur, représenté fig. 64, permet de se pas- ser de cet anneau, qui gêne dans certains cas emploi de cet instrument. Lorsqu'il s’agit de retrancher des branches assez fortes hors de la portée de la main, on HORTICULTURE. LIVRE VIi emploie un sécateur plus grand, dont les br se terminent par deux longues poignées en bc (fig. 65). Ce sécateur prend alors le no d'ebranchoir. $ III, — Serpe. Rien de plus connu que cet instrument ; faut le choisir fort épais du dos, et d’une tr bonne trempe ; la meilleure forme de serpe « représentée fig. 66. $ IV. —- Croissant, C’est une espèce de serpe à lame très cour] munie d’un talon à sa base; la fig. 67 repr sente le croissant à manche court ; on l’emplc aussi très fréquemment avec un manche lor de plusieurs mètres, pour élaguer de gran: arbres, sans monter dessus ni se servir d’u échelle. $ V. — Émondoirs. L'émondoir connu et employé de toute an: quité en Belgique, a passé de ce pays en Hi lande, et de là en Amérique, d’où on nous rapporte comme une chose toute nouvelle. C instrument est préférable à tous les autres pot l'émondage et l’élagage des grands arbres. & forme la plus simple et la plus antique (fig. 6. est celle d’un ciseau très fort, à tranchant tr. acéré, muni d’une douille à laquelle s'adapte u manche plus ou moins long : on peut lui donnt 3 ou 4 mètres en Cas de besoin. Tous les émor doirs s’emploient comme le ciseau, en frappar sur le bout du manche, pour faire pénétrer : tranchant dans le bois. L’émondoir attaque L branches par-dessous, de sorte qu’il ne risqu jamais de les faire éclater à leur point de jon tion, ce qu'il est quelquefois très difficile d’évi ter lorsqu'il faut frapper dessus avec la serp ou le croissant ; en outre, il $’introduit facile ment dans l’intérieur des têtes de pommiers o d’autres arbres très touffus, ou il est difficil de faire agir la serpette, ou même le sécateur longs manches. L’émondoir à lame carrée (fig. 69) entam plus facilement les grosses branches. L’émon doir-serpe (fig. 70) réunit l’effet de ces deu instruments; la lame courbe qu’il porte sur u de ses côtés nuit beaucoup à la solidité de so tranchant supérieur qui, pour cette raison s’ébrèche bien plus aisément que celui de l’é TITRE I. mondoir simple; pour les bois très durs on doit done préférer les émondoirs représentés fig. 68 et 69. $ VI. — Scies. Le jardinier doit en avoir un assortiment de différentes dimensions, depuis le simpie cou- teau-scie (fig. 71) jusqu’à la forte scie à man- Fiz. 73, che évidé (fig. 712), Capable de couper les gros- ses branches des plus grands arbres forestiers. Le marteau-scie réunissant les avantages de ces deux instruments, commence à être fort en usage (fig. 13). $ VII. — Cisailles, Les cisailles vues de face fig. T4 et de pro- fil fig. 75 servent à émonder les haies et les arbustes qui, sur le bord des massifs, dans le jardin paysager, finiraient par envahir les al- ées, si l’on n'avait soin de les arrêter en les tondant tous les printemps. SECTION V. — Greffoirs. La fig. 716 représente le greffoir commun pour la greffe en écusson ; la lame de ce gref- foir doit se fermer comme celle d'un couteau de poche. A. Greffoir à repoussoir. — Il ne diffère du récédent que par la faculté de faire rentrer la ame dans le manche; ce qui en rend l’usage plus commode (fig. 77). B. Greffoir-Madiot. — Dans ce greffoir (fg. 78), la spatule qui sert à lever l’écusson, au lieu d’être d'ivoire et ajustée à l'extrémité du man- che, est d'argent et soudée à la lame du greffoir. C. Greffoir en fente. — La fig. 19 montre le INSTRUMENTS DE JARDINAGE.: 27 greffoir le plus commode et le plus usité pour la greffe en fente. La fente se commence avec la partie tranchante, seule partie de l’instru- ment qui soit nécessairement en acier, tout le reste est en fer ; on l’élargit avec la spatule, pour introduire la greffe. Cet instrument est surtout précieux lorsqu'il s’agit de greffer sur plusieurs branches des cerisiers ou des poi- riers recépés dans foute leur force. D. Greffoir-Noisette. — Cet instrument est exclusivement destiné à la greffe, dite à la Pontoise; ilexécute sur le sujet l’entaille trian- gulaire propre à ce genre de greffe, soit en poussant de bas en haut la lame droite A. (fig. Fig. 85, 83, 80. 80 ), soit en tirant de haut en bas la lame ren- versée B ( fig. 81). Le greffoir - Noisette doit donc avoir ses deux lames de rechange; elles s'adaptent au manche ( fig. 83) au moyen d’une vis de pression. Les mêmes lames servent à tailler la greffe ( fig. 82); il faut beaucoup d’a- dresse et d'habitude pour lui donner l'angle convenable et faire en sorte qu’elle s’ajuste exactement dans l’entaille du sujet (fig. 84). Les instruments représentés fig. 85, 86 con- courent à l'opération de la greffe, en ce qu'ils enlèvent exactement, et d’un seul coup, des anneaux d'écorce pour la greffe en anneau. SECTION VI, — Instruments pour la destruction des animaux nuisibles. $ I. — Echenilloirs. Le but de ces instruments est d’atteindre les 28 HORTICULTURE. LIVRE VIIL. nids de chenilles placés hors de la portée de la | sont aussi très recommandables, quoiaue les Fig. 89, main, et de les enlever avec le bout de branche qui les porte, sans courir le risque, en les lais- sant tomber, de disperser les chenilles dans le feuillage de l'arbre; telle est la destination spéciale de l'arrêt en cuivre fixé à la partie in- férieure de la douille (fig. 87). Ea fig. 88 représente un autre échenilloir que sa construction rend plus facile à employer dans les arbres à feuillage très touffu, là où celui que représente la fig. 87 serait trop dif- ficile à manœuvrer. $ IT. — Binette pour detruire les vers blancs. L'inventeur de cet instrument, représenté de face fig. 89 et de profil fig. 90, lui a donné très improprement le nom de binette, quoiqu'il n’ait aucune analogie avec la binette ordinaire ; Hé 00, c’est d’ailleurs un outil fort utile, joignant à | taupiers préfèrent l'usage de la pince, qui est l'avantage de remplir très bien son but, celui | plus facile à manœuvrer et remplit son but de donner en outre au sol une excellente pré- | peut-être plus sûrement. paration. La fig. 92 ne montre que la moitié du cylin- : dre en bois blanc, renfermant le piége ; on y attache l’autre demi-cylindre avec un lien so- Rien n’est plus usité que cette pince repré- | lide, avant de le placer en terre, sur le passage sentée fig. 91. Les piéges indiqués fig. 92 et 93, | présumé de la taupe. $ III. — Pince à prendre les taupes. Les fig. 95 et 97 représentent dans deux positions différentes un autre genre de piége dont l'inspection suffit pour faire comprendre le mécanisme. Il en est de même du trébuchet commun ou 4 de chiffre, fig. 96; il peut, en variant ses proportions, servir à prendre des rats, des loirs, des belettes et d’autres animaux nuisibles au jardinage. Loudon, dans son Encyclopédie du jardi- nage, que entre autres instruments indis- pensables dans un jardin, deux piéges à pren- dre des hommes (man-trap). Le premier tue raide ; c’est, dit Loudon, un objet de première nécessité (absolutely necessary) dans les jar- dins piacés près des grandes villes; le se- cond nommé piége charitable par les Anglais, comparativement avec l’autre, ne fait que casser la jambe : tous deux sont fort en usage | Les ustensiles compris sous ce titre forment aux environs de Londres. En Belgique, on se | la partie la plus dispendieuse, mais aussi la plus contente de placer en évidence des écriteaux ! utile du mobilier du jardinier ; sans eux, aucune pour avertir de se méfier des piéges à loups qui | culture forcée n’est possible. Le plus simple de common man-trap; celui qui estropie seule- ment est regardé comme philanthropique; il donne aux propriétaires, qui s’en contentent, une réputation d'humanité; on le nomme hu- man man-trap. Nous nous abstenons de donner à nos lec- teurs la description de ces inventions vraiment anglaises, qui ne nous semblent pas, comme à M. Loudon, d'absolue nécessité dans un jardin bien tenu. Afin de n’étre pas soupçonnés d’exa- gération, nous renvoyons nos lecteurs au texte anglais, pag. 555, paragraphes 2321 , 2322 et 2323. SECTION VII. — Abris. $ IT, — Paillassons. ——__—_—_—_—_—_—_———_—_—_—ZEE n'existent pas. Nous ne connaissons que l’An- | tous les abris est le paillasson du maraïcher. La gleterre qui possède et emploie pour la conser- | fig. 98 représentant son cadre, la fig. 99 la corde vation des produits du jardinage un genre de | vue séparément, et la fig. 100 la navette, mon- piége exclusivement destiné à détruire des | trent comment il se fabrique. On pourrait don- ommes. Celui qui donne inévitablement la | ner aux paillassonsunelongueur indéterminée; mort à ceux qui s’y laissent prendre est le plus | mais, pour l'usage, il est plus commode de ne fréquemment usité; les Anglais le nomment | pas excéder deux à trois mètres. Les services TITRE 1. \ Fig. 100, 99. rendus au jardinage par les paillassons sont innombrables. Attachés à une longue traverse, supportant de distance en distance des demi- cercles de tonneau ( fig. 101), ils servent à cou- Fig. 101. vrir, sans les froisser, des pois, des haricots, INSTRUMENTS DE JARDINAGE. 29 la porte, en s’ouvrant, donne de l’air à la plante qui s’en trouve protégée. La même construc- tion, sans porte ni chapiteau, fig. 104, est aussi fort utile, de même que le contre-sol en terre cuite, fig. 105. $ III, — Châssis. Les meilleurs des abris, parce qu’ils admettent la lumière en interceptant le vent, la grêle et la pluie, et en conservant la chaleur, ce sont les abris vitrés. Le plus important, pour la culture jardinière, c’est le châssis, fig. 106, 107 et 108. L’inspection de ces tigures en montre toutes les dispositions ; les parties essentielles sont les crémaillères (A, fig. 106)etlesgouttières(B, fig. 107). Lorsqu'on fait faire des châssis neufs, il Fig. 107, 108. faut les examiner attentivement pour s’assurer, des salades, et toutes sortes de plantes potagè- | avantdeles recevoir, qu’il ne s’y trouve ni fen- res hâtives ou tardives. Un abri de paillassons du même genre, mais planté dans le sol par deux montants verticaux tes ni trous, et s’il v en a, quelque petits qu'ils uissent être, on doit s’empresser de les faire oueher avec de bon mastic. Un châssis en bois ( fig. 102). forme pour les jeunes arbres et les | de chêne, garni de ses trois panneaux vitrés, arbustes délicats une excellente protection con- coûte à Paris 100 fr., et il ne couvre qu’un tre les vents froids et la grêle. On forme aussi | espace de 3 mètres de long, sur 1",32 de large, d'excellents abris avec des tiges de maïs ou des soit 3m,96 carrés. Les châssis peuvent durer roseaux joints ensemble par un procédé sem- | fort longtemps s’ils sont bien construits et qu'on blable, ou simplement, lorsque la grosseur des | ait soin de leur donner tous les ans une couche tiges le permet, traversées par un brin de fi- | de peinture grise à l’huile. IL faut placer les celle, au moyen de trous qu’on perce vis-à-vis | panneaux à couvert, en piles, quand on ne s’en Pun de l’autre. Ce procédé est spécialement | sert pas; la grande chaleur les dégrade bien utile dans les contrées méridionales, où la paille | plus promptement que humidité. entière, propre à la confection des paillassons, Lorsqu'on ne s’adonne pas à la culture des manque totalement, parce que le blé n’étant | plantes potagères de grande primeur, on peut jamais battu au fléau, mais dépiqué sous les | remplacer le verre par du calicot enduit d’une pieds des chevaux et des mulets, les pailles sont triturées et à peu près perdues. $ II. — Abris d’osier et de terre cuite. solution de gomme élastique (caoutchouc), ou même par un simple papier huilé. Comme dans ce cas la charge supportée par le châssis est des plus légères, on peut le faire en bois blanc et le Après les paillassons, les abris d’osier en | rendre ainsi très peu dispendieux; toutefois, ouvrages de vannerie, quoique moins fréquem- ment employés, ne sont pas moins utiles. La pour les châssis garnis en toile ou en papier, la forme cintrée, fig. 109, est la plus favorable fig. 103 montre une sorte de cage d'osier dont | à leur conservation; c’est celle qu'ont adoptée s LL 30 les cultivateurs de melons en plein champ en Normandie, pour élever le plant, et ils s’en trouvent très bien. Il ne faut pas oublier la & | A UN A AUÆKBAULT corde retenue par un crochet (A fig. 109); faute de cette précaution, le premier coup de vent un peu fort ne manquerait pas d’emporter le châssis. $ IV. — Cloches, Les plus solides de toutes les cloches à l’u- sage des jardiniers, se nomment verrines (fig. 110). Le fer et le plomb qui en forment la Fig. 112. charpente leur donnent une solidité bien supé- rieure à celle des cloches en verre d’une seule pièce (fig. 111); maisune cloche en verre coûte 1fr.; on peut même, quand on en prend des centaines à la fois, obtenir une diminution de quelques centimes. La moindre verrine coûte 9 fr.; peu de maraïchers seraient assez riches pour remplacer par des verrines les milliers de cloches qui leur sont indispensables. Dans les jardins d'agrément, où il ne faut qu'un petit nombre de cloches, les verrines sont préférables ; elles résistent mieux à la grêle; elles peuvent aisément se réparer lorsqu'un de leurs carreaux de vitre vient à se briser ; la clo- che de verre, une fois cassée, ne vaut plus rien. Le Bon Jardinier indique, comme propre à raccommoder les cloches cassées, un mastic de blanc de céruse et d’huile de lin. Ce mastic prend en effet très bien sur le verre ; toutefois, les cloches ainsi réparées sont très peu solides ; leur maniement demanderait de la part des ou- yriers des précautions qu’on ne peut raison- nablement en attendre; elles entraineraient d’ailleurs une perte de temps bien plus coûteuse que l’achat de cloches neuves ; une cloche cas- sée doit donc être considérée comme perdue pour le jardinier. HORTICULTURE. LIVRE VIII, $ V. — Cloches économiques. Pour la culture ordinaire des plantes pota- gères, et même pour celle des melons qui ne sont pas de grande primeur, les cloches en ca- licot gommé ou en papier huilé sont très écono- miques. On prépare à cet effet une charpente en osier et en fil de fer (fig. 112); on prend pour moule, soit un bloe de bois, soit un seau renversé, soit un panier de grandeur conve- nable ; il faut laisser au sommet une boucle en fi! de fer pour la facilité du service. La fig. 113 montre une de ces cloches terminée ; les pieds servent à la retenir en s’enfoncant dans la terre, sa légèreté la rendant tres susceptible d’être emportée par le vent. Ces cloches recouvertes en calicot gommé peuvent s'établir à 25 cent., facon comprise ; recouvertes en papier, elles ne coûtent que 15 cent., et peuvent durer deux ans. La char- pente dure nombre d'années lorsqu'on en a soin; on la recouvre en calicot gommé pour 15 cent., et en papier huilé pour 8 cent. environ. Aux environs de Honfleur on remplace les cloches par un procédé encore plus simple et moins dispendieux, dont on pourrait tirer parti même sous le climat de Paris. On fixe tout sim- plement en terre deux baguettes d’osier, qu’on recourbe en arcades, se croisant au-dessus de la plante qu’on veut garantir (fig. 114). On jette Fig. 116, 117. palier très favorable à la concentration de la chaleur. Secrion VIII. — Cueilloirs. $ 1er, Ces instruments sont destinés à cueillir, sans les endommager, et sans avoir recours aux échelles, les fruits placés hors de la portée de la main. TITRE I. A. Cueilloir-volant. —Sa forme justifie son nom; la queue du fruit se prend entre deux de ses montants, et se détache par un léger effort, sans exposer le fruit à tomber par terre et à s’écraser (fig. 118). B. Cueilloir-Gobelet. — C’est un godet en tôle, dont les bords sont dentés en scie; il est spécialement destiné à cueillir, sans le se- cours d’une échelle, le raisin des treilles éle- vées, telles que celles qui courent en cordon sur le sommet d’un mur d’espalier. On passe le cueilloir sous la grappe, puis, par un léger mouvement demi-circulaire, on frotte la tige sur le bord du godet, ce qui suffit pour la couper ( fig. 119). Fig. 120, 119, C. Cueilloir à ciseaux.—Le fruit coupé par deux lames de ciseaux qu’une ficelle fait agir à volonté, est recu dans un panier placé au-dessous ( fig. 120). D. Cueilloir à filets.—Son mécanisme assez compliqué rend ce cueilloir fort cher; son principal mérite consiste à éviter au fruit toute espèce de frottement, et à conserver, par exemple, aux prunes violettes, cet enduit blan- châtre qu’on nomme fleur ( fig. 121). 122, Fig. 123, 121. E. Cueilloir à branches. — Il est, comme le précédent, compliqué et cher; il ne peut servir que pour les fruits dont la tige offre une prise INSTRUMENTS DE JARDINAGE. 31 de poires; on l’emploie aussi dans la serre et l’orangerie pour cueillir des fleurs que la main ne saurait atteindre ( fig. 122). Les trois premiers de ces instruments sont d'un prix peu élevé, à la portée de tous les jar- diniers; les deux derniers ne conviennent qu'aux riches amateurs. On range improprement parmi les cueilloirs un crochet adapté à un très loig manche ( fig. 123 ), destiné, non pas à cueillir, mais à faire tomber les noix, les amandes et les châ- taignes, fruits que leur chute ne saurait en- dommager, L'usage de cet instrument devrait être substitué partout à celui de la gaule qui mutile indignement les noyers, les aman- diers et les châtaigniers. Le crochet sert aussi pour abaisser les bran- ches flexibles des arbres, et mettre les fruits à la portée de la main. ‘ SECTION IX. — Transplantoirs. $ Ier, Le plus simple de tous les transplantoirs est une truelle à bords tranchants représentée de face fig. 124 et de profil fig. 125, dont on Fig. 127, 128, 125, 126, 124. se sert pour couper la terre tout autour de la plante à transplanter et pouvoir lenlever en motte sans déranger ses racines. Quand la terre offre une consistance suffisante, ce mode très expéditif de transplantation réussit par- faitement. A. Transplantoir à branches. — Les deux demi-cylindres dont il est formé (fig. 126) entrent en terre en embrassant le pourtour de la plante; ils doivent être en tôle forte, bien tranchants à leurs bords inférieurs. 11 faut avoir soin de ne pas enlever l'instrument trop droit, sans quoi la motte de terre pourrait glis- ser et faire manquer l'opération. Le même instrument est plus facile à manier quand les demi-cylindres sont d’une forme légèrement conique, un peu plus étroits du bas que du haut. B. Transplantoir forestier. — Quoique cet instrument soit particulièrement en usage dans | Suffisante, comme le raisin et quelques espèces | les forêts pour le repeuplement des clairières, - ER 32 au moyen des jeunes arbres levés en motte, il eut néanmoins rendre de grands services dans es jardins. C’est une bêche à fer demi-cylin- drique ( fig. 127) ou presque complétement cylindrique, comme on le voit dans la fig. 128. Avec le premier on donne deux coups vis-à-vis l’un de l’autre pour détacher la motte de terre; avec le second, après avoir enfoncé le fer, on lui imprime à droite ou à gauche un mouve- ment pour achever de couper la motte et pou- voir l’enlever sans la rompre. C. Transplantoir à cylindre. — Cet instru- ment est le transplantoir proprement dit; il est presque seul employé par les fleuristes; sa construction permet de s’en servir pour lever en motte toute sorte de plantes en fleur, et spé- cialement des plantes bulbeuses, sans troubler leur végétation. Il se compose de deux cylin- dres emboîtés l’un dans l’autre, la fig. 129 re- 129. Fig. 133, 131, présente sa forme extérieure; sa coupe, fig. 130, indique la manière de s’en servir; le bord in- férieur du eylindre extérieur est coupant; on lenfonce en terre en appuyant sur les anses, il détache la motte tout autour de la plante et l’en- lève d’un seul morceau; le cylindre intérieur, muni d’un rebord à son extrémitéinférieure, sert à repousser la motte et à la faire descendre sans secousse dans la nouvelle place qu’on lui a préparée. Quelquefois le second cylindre est remplacé par un instrument nommé repoussoir ( fig. 131), dont l’usage est exactement le même. Lorsque la plante levée en motte doit être transportée à une certaine distance, on empê- che la terre de se détacher de dessous les ra- cines en posant le transplantoir tout chargé sur un plateau à rebord (fig. 132) qu’on ôte au moment de la mise en place. Le transplantoir est plus facile à manier lorsqu'il se compose de deux pièces demi-cv- lindriques, jointes par deux charnières, dont l'une est maintenue par une tige en fer à de- meure, l’autre par une tige mobile munie d’un anneau pour l'enlever à volonté ( fig. 133). Au moment de la transplantation, le cylin- dre ainsi construit peut s’entr'ouvrir et se sé- HORTICULTURE. LIVRE Viif. parer de la motte pour être retiré de terre, sans qu’on emploie ni le repoussoir, ni le second cylindre du transplantoir représenté fig. 130. En Normandie, où ces deux transplantoirs sont très usités, mais exclusivement pour la culture du melon, on les connaît sous le nom de lève-melon. SECTION X. — Pots et caisses. $ IT. — Pots. Dans les pays où le goût des fleurs est plus répandu qu’en France, on donne de plus gran- des dimensions aux pots à fleurs, proportion- nellement au développement des plantes qui doivent y végéter; les résultats de cette mé- thode constamment suivie en Angleterre et en Belgique montrent suffisamment ses avanta- ges. Les racines des plantes se trouvent fort bien des proportions représentées (fig. 134), Fig. 141, | 135e quelle que soit la grandeur absolue des pots à fleurs; on voit que ce modèle, presque aussi large en bas qu’en haut, est beaucoup plus profond que nos pots à fleurs ordinairement en usage. Les pots dont le fond se termine intérieure- ment par une surface hémisphérique sont les plus favorables à l'écoulement de l’eau pour les végétaux dont les racines redoutent un excès d'humidité. La fig. 136 représente la coupe d’un de ces pots, et la fig. 135 le même pot renversé pour rendre visibles deux canaux croi- sés à angle droit et creusés dans l’épaisseur da pot qui sillonnent le fond. Les pots de deux pièces solidement jointes ensemble par des fils de fer (fig. 137) sont in- dispensables aux plantes qui souffrent beau- coup par le rempotage. On détache aisément les deux parties de ces pots, sans donner le moindre ébranlement aux racines; la motte de terre, replacée dans un pot plus grand, est en- tourée de terre nouvelle, sans interrompre ni troubler sa végétation Le pot à marcotter, d'invention belge, est fort utile pour obtenir des marcottes d’œillets | 1 TITRE I. à haute tige ; la fente latérale (fig. 138) sert à introduire la branche; l'oreille percée sert à suspendre le pot au tuteur de la plante. Les dimensions ordinaires de ces pots ne pas 0,08 d'ouverture, et 0,10 de profondeur. $ II, — Caisses. Les petites caisses ordinaires ne se démon- tent pas ; les dimensions des arbustes qu'on y élève permettent toujours de leur appliquer le même procédé de rempotage qu'aux plantes qui végètent dans des pots. Les grandes caisses (fig 139, 140, 141) sont destinées aux arbustes de grandes dimen- sions : on voit comment les côtés se déplacent pour le renouvellement de la terre épuisée, et pour le changement des caisses devenues in- suffisantes. $ IT, — Échelles. Le service des espaliers se fait avee une échelle simple ordinaire dont tout le monde connaît la forme et l’usage : il en est de même du marche-pied et de l'échelle double. L’échelle-brouette offre une combinaison très simple et très ingénieuse de ces deux in- struments; elle fait tour à tour, selon le be- soin, l'office de brouette ( fig. 142), d'échelle simple ( fig. 143) et d'échelle double (fig. 144). 144. Fig. 145, Dans les vergers où se trouvent de très grands arbres à fruit, on peut en outre avoir besoin de la grande échelle représentée (fig. 145); mais elle a le grave inconvénient d’être fort peu maniable. $ VI. — Treillages, Bien que, près des grandes villes, l’art du treillageur soit l’objet d’une profession sépa- ree, tout-à-fait étrangère au jardinage, néan- moins, daus les localités isolées où l’on peut éprouver quelques difficultés à se procurer des ouvriers, il peut être utile de savoir soi-même faire un treillage ou en diriger l'exécution. . Partout où il existe une forêt, on trouve ai- sement des bücherons sachant faire des lattes; ils tailleront également bien des brins de treil- lage, en leur donnant les dimensions. Le trei!- lage ordinaire, en cœur de chêne, a 0,03 d'é- | paisseur sur 0,04 de largeur. La figure 146 HORTICULTUXE, INSTRUMENTS DE JARDINAGE. BE) représente le banc du treillageur, au moyen duquel on peut redresser à volonté les brins qui s’éloignent trop de la ligne droite; on les dépassent | façonne au moyen du planeur (fig. 148); les 147. Fig. 148, pinces à attacher le fil de fer, représentées fig. 147, peuvent servir à une foule d’autres usages. TITRE II. — CULTURE. CHAPITRE 1°. — COUCHES, BACHES ET SERRES A FORCER (FORCING-HOUSE). SECTION I'°. — Couches. L’horticulture ne borne pas ses soins aux végétaux que chaque climat accorde aux habi- tants des diverses régions du globe ; elle sait en outre donner aux contrées les moins favo- risées de la nature les productions des climats les plus doux : elle sait surtout prolonger, pour les pays où les hivers sont longs et rigoureux, la récolte des produits sensibles à l’action du froid ; enfin, elle parvient, en hâtant avant le printemps les premiers efforts de la végétation, a rendre susceptibles de fructifier sous l'in- fluente du soleil d’été un grand nombre de plantes, qui, sans cette précaution, ne trouve- raient pas, sous les climats septentrionaux ou même tempérés, assez de beaux jours pour | montrer leurs fleurs et mürir leurs fruits : tels sont les objets principaux de la culture arti- ficielle. On comprend sous ce titre tous les pro- cédés de culture qui, ne pouvant s’accomplir en pleine terre à l'air libre, nécessitent l'emploi des couches, bâches, orangeries. Les établissements publics destinés à l’étude de la botanique, possèdent seuls en France tous les appareils que réclame la culture arti- ficielle ; les jardins de quelques riches particu- liers, soit amateurs, soit spéculateurs, viennent | dans l’ordre de leur importance, immédiatement après ceux que l'Etat entretient. Le nombre des vrangeries l'emporte sur celui des serres tempérées, plus nombreuses elles- mêmes que les serres chaudes-sèches et les ser- res chaudes-humides. Ces dernières,nécessaires seulement à quelques familles de plantes des tropiques d’un prix très élevé, sont assez com- munes chez les riches amateurs de belgique et d'Angleterre, mais très rares en France. Les couches offrent des avantages si nom- | breux et si variés que leur usage devrait être Tr. V. —5 34 HORTICULTURE. universel: nous n’en sommes pas encore là en France, mais depuis trente ans nous avons vu doubler le nombre des horticulteurs qui s’adon- nent à la culture artificielle, et ellé fait de jour en jour de nouveaux progrès. $ 197, — Des couches en général, La chaleur et l'humidité sont les deux prin- cipes essentiels de la vie végétale; lorsqu'à l'effet de ces deux éléments se joint l’action d’un sol formé de terreau pur,ou seulement ri- che en substances propres à développer la vé- gétation, elie dépasse tout ce qu’on pourrait en attendre en pleine terre: ajoutez-y des moyens artificiels de maintenir les plantes à l'abri des variations de la température extérieure, et, dans la saison la plus rigoureuse, vous pourrez ob- tenir des produits végétaux capables de riva- liser avec ceux de la belle saison : telle est la théorie des couches, tels sont les principes qui doivent en régler l’emploi. Les matières ani- males et végétales dont elles se composent, étant en fermentation, donnent de la chaleur et de la vapeur humide, car sans humidité, pas de fer- mentation; les caisses en bois dont on les en- toureetles châssis vitrés qui les recouvrent, con- centrent la chaleur en excluant l'influence de l'air du dehors, tandis que la terre normale ou le terreau dont on garnit leur surface offre aux plantes le milieu le plus favorable à leur ra- pide développement. Les usages des couches varient à linfini; en indiquant la construction de chaque espèce de couches, nous donnerons un aperçu des principaux moyens de les uti- liser ; elles rentrent toutes dans trois divisions, comprenant les couches chaudes, tièdes et sourdes. | $ IT. — Couches chaudes. Ce sont les plus utiles de toutes les couches. En Angleterre et en Italie, où leur usage est très fréquent, on n’en connaît presque pas d’au- tres, et les horticulteurs de ces deux pays n’ont qu'une expression en chaque langue pour le mot couche ; ces expressions, traduites littéra- lement, signifient lit-chaud, en italien letto caldo, en anglais hot-bed. Une couche chaude est formée uniquement de fumier de cheval pris à l'instant où on l’en- lève de l'écurie. Nous avons déjà eu l’occasion de signaler les avantages de ce fumier sur tout autre pour le jardinage, avantages qui consis- tent surtout dans la propriété de suspendre et de reprendre à volonté sa fermentation d’un moment à l’autre, selon qu’on le tient sec ou mouillé. ( Voir p. 10, $ IV.) Si le fumier dont on dispose au moment de former la couche est anciennement tiré de lécurie, et qu'il ait été conservé au sec, il suffira d'ouvrir le tas, de le mouiller et de le refaire aussitôt, pour que la fermentation sv manifeste. On construit les couches chaudes de deux manières, l’une par lits successifs posés sur LIVRE VIH. l’autre en commençant par placer à une extré- mité de la couche toute l'épaisseur de fumier qu’elle doit recevoir, et continuant ainsi à recu- lons. Cette méthode est moins bonne, mais plus expéditive. Les maraichers des environs de Pa- ris construisent leurs couches avec une rare ha- bileté ; ils n’y emploient que du fumier presque sec, mais ils l’arrosent immédiatement après que la couche est élevée à sa hauteur, avant de lui donner sa couverture de terre ou de terreau. Pendant qu’ils vident leurs arrosoirs sur le fu- mier, ils le compriment en dansant dessus avec une régularité parfaite, en sorte qu’on ne sau- rait trouver dans leurs couches des plus gran- des dimensions aucune partie plus où moins foulée que le reste ; on obtient ainsi l'égalité de fermentation, condition de laquelle dépend prin- cipalement la bonne confection des couches. On donne ordinairement aux couches chau- des, de 0m,65 à un mètre de hauteur, une lar- geur variable de 0m,80 à 1m,32, et une lon- gueur indéterminée, mais qui est rarement au-dessous de 2m,65. Les plus étroites ayant 0,65 de hauteur et 0,80 de largeur sont des tinées à donner les récoltes forcées les plus précoces ; leurs dimensions moindres permet- tent d'y faire pénétrer plus facilement la cha- leur par l’action des réchauds. On nomme réchauds ou réchaufs une certaine quantité de fumier en pleine fermentation dont on envi- ronne une couche quand sa chaleur propre commence à baisser. Peu de cultures forcées s'accomplissent assez promptement sur couche chaude pour qu’il soit possible de les mener à bien sans être obligé de prolonger la culture artificielle à l’aide des réchauds. + Les couches les plus larges, ayant un mètre de hauteur sur une largeur de 1M,32, s’'échauf- fent et surtout se réchauffent plus difficile- ment, mais elles conservent plus longtemps leur chaleur. Dans la construction de toute espèce de couches, on ne dépasse pas la largeur de 1m,32, afin que les bras d’un homme de taille ordinaire puissent aisément atteindre tous les points de la surface de la couche. On donne en général aux couches chaudes une couverture de bon terreau qui varie de 0,16 à Om,20 d'épaisseur ; le meilleur est ce- lui qui provient d'anciennes couches rompues. Cette épaisseur peut être de beaucoup aug- mentée, selon la nature des plantes qui doivent y végéter ; quand ces plantes doivent y vivre longtemps, on mêle le terreau avec partie égale de bonne terre de jardin ; dans le cas contraire, le terreau pur est préférable. Les couches chaudes sont souvent garnies d’un rebord en paille ; on réserve à cet eflet lés portions les plus longues du fumier de la cou- che; on les replie sur elles-mêmes en faisant rentrer dans l’intérieur de la couche les-extré- mités des pailles, de manière à n’en rien laisser pendre au dehors; les couches ainsi disposées se nomment couches bordées. j Cet arrangement est bon en lui-même quant toute l'étendue que la couche doit occuper: | à l'effet de la couche sur la végétation; seule UT em SR. Cond TITRE HI. ment il la rend moins accessible à laction des réchauds lorsqu'elle devient nécessaire. On entoure ordinairement les couches chau- des d’une caisse en bois que les jardiniers nom- ment coffre ( fig. 149). Le coffre est plus élevé Fig. 149. derrière que devant, afin que l’eau ne séjourne pas sur le châssis qu’il est destiné à supporter. Ses dimensions les plus communément en usage varient depuis 0m,16 jusqu'à Om,25 sur le de- vant, et de Om,25 à Om,32 sur le derrière. Ces hauteurs sont loin de correspondre à celle du fumier de la couche; mais il en coûterait trop pour donner aux coffres de telles dimensions; on a soin, soit d’enterrer la couche en partie, soit de relever la terre en talus tout autour, afin que le coffre placé sur le talus dépasse le bord supérieur de la couche. Le coffre se bâätit toujours en bois blanc ; s’il était en chêne, la chaleur des réchauds pourrait difficilement le pénétrer. ( Pour les châssis vitrés, ou garnis en toile ne. et en papier huilé, voir Abris, p. 80. $ III. — Couches tièdes, Les principes qui doivent présider à la con- struction des couches tièdes sont les mêmes que pour les couches chaudes, elles se travail- lent exactement par les mêmes procédés. Leur différence essentielle consiste dans les éléments dont on les construit. Le fumier d’écurie con- vient seul, à l’exclusion de tout autre, pour les couches chaudes; à peine pourrait-on, à défaut de fumier de cheval, y employer celui d'âne ou de mulet. Les couches tièdes, au contraire, ad- mettent toute espèce de fumiers mélangés ; les plus usités sont ceux de cheval, de vache et de mouton par portions égales ; tous trois réunis n’entrent que pour la moitié ou tout au plus pour les deux tiers dans la composition de la couche ; le reste est formé de feuilles, soit sèches, soit ramassées au moment de leur chute, ce qui est préférable. Malgré le nom querecoivent ces couches, une fermentation très active y développe assez sou- vent une chaleur très intense; c’est ce qui a lieu principalement lorsque le fumier, au mo- ment où on l'a employé, se trouvait, ou trop humide, ou trop riche en matières animales. Il faut dans ce cas, avant de rien confier à la cou- che tiède, lui laisser, selon l'expression reçue, Jeter son feu. C’est un retard souvent très pré- COUCHES, BACHES ET FORCING-HOUSE. judiciable au jardinier ; on doit le prévenir en | choisissant pour la construction des couches tièdes des fumiers où la paille domine sur les matières animales, et en évitant de leur donner une humidité surabondante. On revêt les cou- ches tièdes de la même épaisseur de terreau 39 que les couches chaudes ; les mêmes coffres et les mêmes châssis vitrés s'appliquent aux unes et aux autres. Les feuilles qui entrent dans la composition des couches tièdes prolongent la durée de leur | chaleur; on peut au besoin leur appliquer des | réchauds, mais avec beaucoup de prudence; car il ne faut pas perdre de vue que les racines des plantes élevées durant la première période de leur croissance, dans un milieu d’une tem- pérature modérée, supporteraient difficilement un brusque passage Gans un milieu beaucoup plus chaud. $ IV. — Couches sourdes. On ne doit attendre de ces couches qu’une chaleur sourde, de très peu supérieure à celle de la terre au moment où on les dresse ; cette chaleur se maintient longtemps, mais on ne peut la renouveler à l’aide des réchauds. Le fumier qu'on emploie à la construction des couches sourdes est toujours à demi consommé ; dans les jardins où la culture forcée occupe un très grand espace, ce fumier n’est le plus souvent que celui des couches chaudes et tièdes quon démonte lérsque les cultures auxquelles on les destinait sont terminées. Tandis que le fumier des couches chaudes et tièdes n’agit pour ainsi dire qu'indirectement sur la végétation en plaçant les racines des plantes dans un milieu échauffé, et leurs feuilles dans une atmosphère artificiellement préservée du froid, le fumier des couches sourdes, déjà passé en grande partie à l’état de terreau, agit directement, comme aliment, sur la végétation des plantes cultivées ; c’est le caractère distinc- tif de ces sortes de couches. On construit toujours les couches sourdes dans une fosse creusée en terre à la profondeur de 0",50 à 0,60 ; leurs dimensions ordinaires sont Om,70 d'épaisseur, 1,32 de largeur, et une longueur variable à volonté; elles n’excè- dent guère que de 0m,10 le niveau du sol; on les recouvre avec de la terre de jardin disposée en talus sur les côtés, et légèrement bombée vers le milieu; elles ne recoivent ni coffres ni châssis vitrés ; leur principal emploi consiste à terminer en plein air la culture des melons commencée sur couche chaude ou tiède. Néan- moins elles peuvent hâter la croissance de beaucoup de plantes potagères, et prolonger la durée des végétaux sensibles aux premiers froids. A cet effet on les-couvre pendant la nuit, soit au printemps, soit à l'automne, avec un abri de paillassons fixés à des morceaux de cercles de tonneau maintenus par une barre horizontale ( voir Abris, fig. 101). $ V. — Couches économiques. Il n’y a pas de jardin, petit ou grand, quelle que soit la fortune de celui qui le cultive, où il ne doive se trouver une place réservée pour une ou plusieurs couches de chaque espèce. Ceux qu’arrêterait la dépense d’une couche chaude | ou tiède, parce qu’elle exige un coffre en bois 36 et un châssis vitré, peuvent se borner aux Cou- ches sourdes ; la dépense pour celles-ci se re- duit pour ainsi dire à la main-d'œuvre: quand la couche sourde est épuisée, le fumier devenu du terreau peut rendre presque autant de services qu’à son premier état. C'est un prejugé trop généralement répandu de croire que la con- Struction et la conduite des couches sont des choses difficiles, compliquées, qui ne peuvent réussir que par les soins d’un jardinier de pro- fession. Aux environs des villes où il est possible de se procurer à un prix modéré de grandes quan- tites de fumier d’écurie, et de vendre avanta- geusement les produits du jardinage, bien des jardiniers trouvent leur compte à couvrir de couches la presque totalité de leur terrain; la qualité du sol devient dans ce cas tout-à-fait indifférente, les plantes potagères ne devant vivre qu'aux dépens du Hinier , du terreau et des composts appropriés à leur nature. Ce genre de culture devrait être beaucoup plus répandu, au profit du consommateur comme à celui du producteur, et il paierait largement les avances qu'il exige; mais le plus souvent la mise dehors nécessaire pour se monter en coffres et châssis, pour avoir du verre, selon l'expression des maraïchers, dé- passe les facultés du jardinier ; les châssis en menuiserie, couverts de toile gommée ou de papier huilé, sont encore beaucoup plus coù- teux que le procédé très économique que nous allons indiquer pour y suppléer. On choisit des brins de cotterets droits et bien formés ; on les fend dans leur longueur, et on les scie en deux parties égales, ce qui donne pour chaque brin quatre morceaux ; on taille en pointe une de leurs extrémités. Dans les pays vignobles où le bois est à bas prix, de ‘vieux échalas taillés à la longueur convenable peuvent être employés avec très peu de dé- pense. L'emplacement destiné à la couche (fig: 150) Fig. SSSR TES = : [ass as RS =. ne ns est entouré de ces demi-piquets, à 0m,40 de distance les uns des autres ; ils doivent pré- senter alternativement en dehors une face plane et une face convexe. Ceux de la ligne de devant sont saillants en dehors de 0",60, et enfoncés en terre de 0,50, de sorte qu’en en- levant à l'intérieur du parallélograme 0m,20 de terre, les piquets restent encore enterrés à une profondeur de 0m,30. La ligne de derrière doit avoir de plus que celle de devant hors de terre, 0m,10. On forme avec de la litière sèche ou de la paille brisée des bourrelets analogues à ceux dont on se sert pour empailler les arbres sen- sibles au froid, ou pour emballer des vases fra- giles; on enlacs ces bourrelets ou cordons de HORTICULTURE. LIVRE Viii, paille entre les piquets, en les passant tour à tour en dedans et en dehors; il en résulte une sorte de caisse ouverte dans laquelle on établit la couche. Il faut avoir soin de donner à la couche ainsi construite une largeur d’au moins 1m,50, afin de pouvoir placer intérieurement tout autour une garniture de fumier long sus- ceptible d’être enlevée à volonté, et remplacée par des réchauds ils deviennent nécessaires, car il serait impossible de les faire agir si on les plaçait à l'extérieur de la couche. La couche revêtue de terre ou de terreau se recouvre d’un chässis(/ig. 151), formé tout sim- Fig. 151. plement de lattes ou de bouts de treillage croi- sés, assemblés par des clous, et recouverts, soit de papier huilé, soit de calicot gommé. Dans les pays où la paille est rare et chère, on peut remplacer les bourrelets de paille par des branches de genêt , en ‘choisissant les plus longueset les moins ligneuses et les comprimant avec force du haut en bas. Sans doute, on ne peut, avec un semblable appareil, obtenir sans exception tous les pro- duits que donne une couche chaude ou tiède munie d’un châssis vitré sur un coffre en bois; mais on en obtiendra certainement les plus im- portants tels que du plant de melon semé en janvier, des haricots verts et des pois de grande primeur, et des asperges vertes forcées tout l'hiver. La dépense d’une couche économique selon le procédé que nous venons d'indiquer s'élève à peine au dixième decelle que nécessite une couche avec coffre en menuiserie et chàs- sis vitré. Le local assigné aux couches dans le jardin doit toujours être abrité par un mur à l’expo- sition du midi. Lorsqu'on réunit les troisgenres de couches, on place les couches chaudes le plus près possible de la muraille , les tièdes ou second rang et les sourdes en troisième ligne. Oa laisse ordinairemententre les lignes de cou- ches un espace de 0",40, destiné tout à la fois à servir de passage et à recevoir les réchauds selon le besoin. Entre plusieurs rangées de cou- ches de la même espèce, cette distance est suf- fisante; mais entre la dernière ligne d'une espèce et la première ligne de l’autre, il faut laisser au moins 0m,60 ; sans cette précaution, le réchaud placé entre les deux lignes agit avec la même énergie sur deux couches dansdes con- ditions différentes, ce qui donnerait lieu fort souvent à des pertes considérables. $ VI. — Couches à champignons. La construction et la conduite des couches exclusivement destinées à la reproduction des champignons diffèrent tellement de celles des autres couches que nous avons dû les décrire séparément ; la culture du champignon sur — - TITRE II. COUCHES, BACHES couches forme d’ailleurs une branche très im- | portante de l’industrie maraichère aux envi- rons des grandes villes. Le fumier d'éeurie dans lequel les matières animales surabondent et qu’on entretient dans un état de moiteur sans excès d'humidité, est disposé à s’agglomérer par plaques ou pelotons couverts de moisissure blanchâtre ; c’est ce qu’on nomme : prendre le blanc. Tout fumier qui a pris le blanc est propre à la production des champignons. Le fumier d’âne est celui de tous qui prend le blanc avec le plus de facilité, puis le fumier de mulet ; le fumier de cheval ne vient qu’en troisième ligne ; s’il est le plus usité, c’est parce qu’il est beaucoup plus com- mun que les deux autres. Pour disposer ce fumier à prendre le blanc, on le dépose en tas irréguliers dans une cave humide ; c’est le procédé le plus simple qu'on puisse employer pour préparer les éléments d’une bonne couche à champignons. Voici ce que dit à ce sujet M. Pirolle : « Je tiens du hasard le procédé suivant : Du fumier bien choisi avait été transporté en no- vembre dans une cave ; il y resta jusqu’à la fin de février ; il était moisi, et tout blanc. Il fut répandu à 0,10 d'épaisseur sur le fumier chaud, foulé et piétiné, d’une couche couverte ensuite de 0m,16 de terreau. Pendant trois mois et plus, cette couche a donné une quantité prodigieuse de champignons. » Nous ajouterons que nous avons répété l’ex- périence avec encore moins de cérémonie. Le fumier enfermé dans la cave fut dressé à la même place en couches de 0,80 de largeur, et 0m,60 de hauteur, dès qu'il eut bien pris le blanc ; il ne fut que médiocrement pressé et recouvert de 0m,10 de terreau: la couche se couvrit de champignons au bout de quelques jours. La production s’étantralentie après deux mois d'une abondanceextraordinaire, la couche fut arrosée avec de l’eau fraiche dans laquelle on avait lavé des champignons frais, coupés par morceaux ; la récolte recommenca et se soutint pendant plus de 5 mois. Nous avons mis ce procédé en pratique pendant 5 ans; il nous à Constamment reussi les 4 premières années; mais à la 5*, toutes les circonstances étant exactement les mêmes, il n’est pas venu de champignons, sans que nous avons pu en déterminer la cause. Ceci explique pourquoi les jardiniers mar- chands. au lieu de ce moyen si simple, mais qui n’est pas toujours sûr, s’en tiennent au procédé suivant , compliqué et dispendieux , mais qui réussit toujours. Il faut d’abord se procurer du fumier de che- vaux nourris au sec, et dont la litière au lieu d’être renouvelée tous les jours, sert toute une semaine en la retournant ; ce fumier formé en majeure partie de crottin, est fortement imbibé d'urine, condition essentielle pour le succès des couches à champignons. On a soin d’enlever hors de ce fumier tout ce qui pourrait s'y trouver de foin ou de paille sèche ; puis on le LEA Di ET FORCING-HOUSE. dispose en tas réguliers d'un mètre de largeur sur 0m,60 de hauteur ; ces tas doivent être for- tement foulés en marchant dessus, puis aban- donnés à eux-mêmes pendant quinze jours ; on ne doit les humecter que dans le cas où la température serait constamment chaude et sèche; alors seulement on les mouillera, mais modérément. Au bout de ce temps on ouvre les tas, on en mélange intimement toutes les parties, et on les reforme aussitôt, en observant de reporter au centre des tas les portions moins décom- posées qui se trouvaient à l'extérieur. Après cette seconde facon, huit jours suffisent pour que le fumier soit au point où on le désire, c’est-à-dire gras, onctueux, et parfaitement homogène dans toutes ses parties ; alors on le dresse, non pas en couches précisément, mais en petites meules terminées en forme de toit, avant à leur base 0,80 de largeur, sur une hauteur de 0m,55 (fig. 152). Nous ne saurions donner d'indications précises pour reconnaître avec certitude que le fumier est arrivé juste au point convenable pour être mis en meule; la présence de l’eau est toujours un indice défavo- rable, et lon juge en général le fumier propre à la production des champignons lorsqu'il est, selon l'expression recue, bien gras dans toutes ses parties. Les couches en plein air réussissent si diffi- cilement que nous conseillerons toujours de les établir soit dans une cave, soit dans un cellier parfaitement obscur etexemptde courantsd’air. Les couches ainsi placées et disposées produi- raient presque toujours d'elles-mêmes des champignons en abondance ; mais pour ne rien donner au hasard, on les garnit de distance en distance de petits morceaux d’une substance particulière qu'on nomme blanc de champi- gnons. Les naturalistes ne sauraient expliquer pourquoi ni comment cette substance blanchà- tre et filamenteuse qu’on recueille sur les cou- ches épuisées qui ont fourni beaucoup de cham- pignons, possède la propriété d’en faire naître de nouveaux; le fait est qu'après avoir insérée dans l’épaisseur des flancs de la couche de petits fragments de blancdisposés en échiquier, à Om,16 les uns des autres, de facon à affleurer la surface, les champignons ne tardent pas à s'y montrer. Lorsqu'on se trouve dans une localité où il est difficile et dispendieux de se procurer du blanc de champignons, on obtient a peu près les mêmes résultats en coupant menu des champignons récemment cueillis et les lavant dans de l’eau fraiche qu’on répand bien également sur toutes les parties de la sur- face des couches, au moven d'un arrosoir à pomme percé de trous très fins. Les couchesétabliesen plein airrecoivent une 38 couverture de litière sèche qu'on nomme che-, mise, qu’on déplace pour cueillir les ebampi- | gnons; mais, ainsi que nous l'avons dit, ces couches manquent si souvent leur effet, que l'usage en est généralement abandonné. La meilleure couche à champignons serait bientôt épuisée si l’on en récoltait les produits sans précaution ; il faut faire tourner adroite- ment chaque champignon sur lui-même et sur sa base pour le détacher sans déranger le blanc auquel il adhère et qui doit donner naissance à ses SUCCESSEUTS. SECTION II. — Bäches. Les bâches sont de véritables serres dans de petites proportions ; elles en tiennent lieu pour les amateurs d’horticulture à qui leur fortune ne permet pas la dépense d’une serre. On donne toujours à la maçonnerie des bâches la forme du cadre en bois destiné à porter le, châssis vitré des couches chaudes (voy. Cou- ches, fig. 149). Les moindres dimensions qu’on donne aux bâches sont six mètres de long sur trois de large; onen construit de beaucoup plus grandes. Le sol de la bâche doit être plus bas de 0,50 à 0,60 que celui qui l’environne. Les murs inégaux de devant et de derrière ont au moins une hauteur suffisante pour qu’un homme de taille moyenne, placé dans la bâche, puisse se tenir debout à égale distance de l’un et de l’autre, sans que sa tête touche au vitrage (fig. 155). Ce vitrage est fixé par une char- nière au mur du fond et ne peut se soulever que par-devant, au moyen d’un support à cré- maillère ; c’est surtout en quoi il diffère de celui des couches, qui se soulève des deux côtés à volonté. Du reste, les rainures qui maintiennent chaque panneau du vitrage doivent, comme pour les couches, être creusées en gouttière pour l’écoulement des eaux de pluie. La bâche re- coit au besoin une chaleur supplémentaire au moyen d'un fourneau A (fig. 153) dont les tuyaux ponetués courent sous terre à l’intérieur de la bâche. Onplace l'ouverture B dece fourneau dans un retranchement séparé du reste de la bâche, afin que la fumée ne puisse y pénétrer ; cette disposition offre en outre l'avantage d’une double porte, ce qui évite toute chance d’intro- duction subite de l'air froid du dehors. On peut aussi chauffer les bâches au moyen de la va- peur; dans ce cas, le fourneau et la chau- dière sont établis au dehors. Plusieurs cylindres à poulies, semblables en HORTICULTURE. LIVRE VIII, tout à ceux qui supportent les stores dans les appartements, et susceptibles de tourner comme eux au moyen de cordons fixés à leurs extré- mités, soutiennent des toiles qu’on étend à | volonté sur les vitrages de la bâche quand on craint pour les plantes l'effet d’un soleil trop ardent. Quand même les dimensions de la bâ- che permettraient de faire cette toile d’une seule pièce, il serait préférable de la partager entre plusieurs cylindres , afin de pouvoir ombrager à volonté une partie seulement de l'interieur de la bâche. Dans les bâches les plus étroites, il n’y a qu’un seul compartiment, derrière lequel court un sentier F pour le service ; un dressoir fixé au mur du fond permet d’y placer une rangée de plantes en pots (fig. 154). Fig. 154, 155. Dans la plupart des bâches il y a deux com- partiments séparés par un sentier (fig. 155). Des murs de refend, en maçonnerie légère, sou- tiennent ces deux plates-bandes qui sont ordi- nairement des couches, soit de tan, soit de fumier. Les tuyaux T destinés à chauffer la bâ- che courent sous le sentier qui est recouvert en planches, dans lune comme dans Pautre construction. Les bâches se modifient à certains égards, selon leur destination. Celles qu’on consacre exclusivement à la culture des ananas sont dis- posées comme le représente la figure 156. Les Fig. 156. ananas ne pouvant jamais avoir trop chaud, il est avantageux d'établir un tuyau de chaleur sous chacun des deux sentiers à droite et à gauche de la tannée qui contient ces plantes dans des pots. On peut même, pour obtenir une chaleur plus forte, faire régner un tuyau de chaleur T sur le mur antérieur. On place à l'exposition de l’est de préférence à toute autre, les bâches que les pépiniéristes fITRE II. de profession destinent à multiplier, soit de marcottes, soit de boutures, certaines plantes qui s’enracinent plus facilement quand on les préserve de l’action directe des rayons solaires. Pour les marcottes des grands végétaux, on p’établit point de couches dans l'intérieur de la bâche; les souches-mères y sont en pleine terre, dans le sol convenablement préparé. Quelle que soit la destination de la bâche, on peut toujours faire courir sur le mur du fond un cordon de vigne pris sur une vigne plantée au dehors; on en récoltera le raisin 5 ou 6 se- maines avant celui des espèces les plus précoces à l’air libre. Secrion LI. — Serres à forcer. (Forcing-house.) Sous le climat de Paris et au sud de ce cli- mat, la vigne et le pêcher mürissent partfaite- ment leur fruit dans les années ordinaires; à peine leur arrive-t-il tous les dix ans de ne pas mürir du tout, et tous les trois ou quatre ans de n’arriver qu’à une maturité imparfaite. Les années 1840 et 1842 sont des exemples du maxi- mum de qualité que la pêche et le raisin puis- sent acquérir sous le climat de Paris. Mais, à quelques myriamètres seulement au nord de la capitale, la maturation du raisin et de la pêche commence à être de plus en plus difficile ; sur notre frontière du nord, on ne connait guère ce que c’est que du vrai chasselas, à moins qu’on ne l'ait fait venir de Fontainebleau ; les pêches réussissent mieux, bien qu’il arrive souvent aux premières gelées de frapper les pêches tardives avant qu'elles soient devenues mangeables. Pour se faire une idée de ce que la culture forcée du raisin peut rapporter dans ces cir- constances, nous nous bornerons à rappeler un fait cité par M. le comte Lelieur, dans la Po- mone française. M. Van Gaert, à Anvers (Bel: gique) récolte annuellement de 500 à 600 kilogr. de raisin de Frankenthal dans une serre de 29m,33 de long sur 8 mètres de large et 10 de hauteur. Ce raisin se vend toujours à un prix très élevé, dans un pays où une grappe de raisin mür est une Curiosité gastronomique. Ces faits nous engagent à compléter la des- / 7 Z 544 L, A LOL COUCHES, BACHES ET FORCING-HOUSE. 39 cription des applications de la chaleur artifi- cielle aux cultures forcées, en y joignant la description de quelques-unes des constructions employées en Angleterre sous le nom de serres à forcer (forcing-house ). La serre Gont on voit le plan (fig. 157) et la coupe (fig. 158) est la plus favorable de toutes Fig. 158. 7 LD 7 pour forcer la vigne. Les ceps se plantent soit en dehors, au midi, en avant du mur A, soit à l’in- térieur, près du même mur. La serre est chauffée par un thermosiphon, F, (fig. 157) ; elle pourrait ne comprendre que l’espace renfermé entre le mur À et le mur G; dans ce cas, la chaudière et son fourneau seraient placés en dehors sous un hangar ; mais le plus souvent on utilise la surface nord du mur G, en Jui faisant soutenir un toit en appentis reposant sur un autre mur parallèle H (fig. 158); on établit dans l'intervalle qui les sépare ce que les Anglais nomment une serre à champignons (mushrooms-house). Les couches à champignons I I sont disposées sur des dressoirs en maçonnerie légère, dont la fig. 158 montre la disposition. Elles sont séparées par le passage D. La chaudière B (fig. 157) chauffe la serre à la vigne; la chaudière C chauffe la serre aux champignons. On voit en E (fig. 158) les ventilateurs destinés à introduire l'air du dehors, selon le besoin ; le treillage J est établi parallèlement au vitrage, le plus près possible de celui-ci, pour que la vigne palissée dessus ne perde rien des influences bienfaisan- tes de la lumière et de la chaleur solaires, in- dépendamment de la chaleur artificielle. La serre destinée à forcer les pêches diffère un peu de la précédente. Quand elle doit être chauffée par un seul foyer, on ne peut guère lui donner au-delà de 12 mètres de long sur 3 de large et 4 de haut ; mais ces dimensions peu- vent varier selon le plus ou moins de précocité des récoltes qu’on se propose d'obtenir. Pour les pêches de grande primeur, la serre ne peut avoir au-delà de 8 à 9 mètres de long sur 2",50 de large, tandis qu’on peut sans inconvénient lui donner jusqu'à 16 mètres de long si l’on veut se borner à hâter seulement de quelques semaines le cours ordinaire de la végétation na- turelle du pêcher. La fig. 159 représente la coupe, et la fig. 160 le plan d’une serre à forcer les pêches. Comme dans la serre à vigne, le mur de devant D (fig. 159) est muni d'ou- vertures que la coupe n'indique pas, pour lais- ser passer les souches des pêchèrs qui vivent 40 aux dépens du sol de la plate-barde régnant le long de la serre, au sud; ce mur Supporte les chässis vitrés. On voit dans la serre deux troil- lages, l'un, placé le long du mur du fond E (fig. 159), l'autre B incliné sur le devant de Ja Fig. 159, [ serre ; un passage est laissé entre les deux pour le service. AR Le plan (fig. 160) montre la disposition du Fio. 160. HORTICULTURE. LIVRE VIII. pendant l'hiver : telles que les pelargonium et une foule d'autres. Nommer l’orangerie serre froide, ce serait donc dénaturer entiérement la signification du mot serre. L'orangerie devrait avoir des fenêtres aux : trois expositions du midi, de l’est et de l’ouest ; mais le plus souvent elle n’en a qu'au midi. Plusieurs auteurs recommandent de faire ces fenêtres doubles, et de garnir en papier huilé le châssis intérieur ; cet usage, suivi gé- néralement en Angleterre, ne nous semble pas nécessaire en France; les fenêtres de l’orange- rie peuvent être simples, pourvu que la menui- serie en Soit assez soignée pour ne laisser pé- netrer aucun courant d’air, et pour permettre d'obtenir au besoin une clôture hermétique. Une orangerie bien construite est peu pro- fonde par rapport à sa longueur; sa hauteur dépasse d’au moins 0",15 le sommet des plan- tes les plus élevées qui doivent ÿ séjourner ; elle doit être aussi d’un accès facile et munie d’une porte double, assez large pour que les arbustes ne soient point froissés en y entrant. On doit avoir égard, en créant une orangerie, non pas aux dimensions actuelles des plantes, mais à celles qu’elles doivent atteindre, sous peine de les voir en peu d'années s’étouffer les unes les autres. Le gouvernement de l’orangerie est des plus simples ; il suffit de la préserver de la gelée, et de donner de l’air depuis le matin jusqu’à trois heures de l'après midi, toutes les fois que la température ne descend pas au-dessous de zéro: tube du thermosiphon A À qui revient sur lui- | en règle générale, il fait toujours assez chaud même, et celle de la chaudière B rieur. CHAPITRE JL. — ORANGERIE ET SERRES. SECTION ['®, — Orangrerie. Quelques auteurs désignent l’orangerie sous le nom de serre froide, parce qu’en effet elle convient à une foule de végétaux autres que ceux de la famille des orangers. Mais le mot serre possède une acception qui lui est propre; il désigne un local où les plantes végètent en toule saison, et qui, par conséquent, recoit par des vitrages la plus grande somme possible de lumière extérieure. L’orangerie est un local exclusivement ré- servé à la conservation, pendant l'hiver, des plantes ,que!les qu’ellessoient, dont la végétation est dans cette saison totalement interrompue, et qui, pour cettc raison, peuvent se passer de lumière, à tel point que pour un très grand nombre d'amateurs peu favorisés de la fortune, l'orangerie est représentée tout simplement par une Cave; Or, pourvu que celte cave ne soit pas excessivement humide, les plantes d'oran- gerie s’y maintieñnent sans paraître en souffrir d’une manière sensible. Il est bien entendu que nous ne désignons pas sous le nom de plantes d'orangerie celles qui sont sujettes à végéter placée à l’exté- | dans l'orangerie quand il n’y gèle pas. Presque toutes les orangeries ont un poêle; il vaut mieux que ce poêle soit placé à l’exté- rieur, dans la crainte que les arbustes trop voisins souffrent de la chaleur. On ne doit, dans tous les cas, le chauffer qu'avec les plus grands ménagements; une température de quel- ques degrés seulement trop élevée, peut déter- miner les plantes d’orangerie à entrer en végé- tation; dès lors, les pousses formées dans un local où elles manquent nécessairement de lu- mière, s'étiolent, et l’on ne peut espérer de voir l'été suivant les plantes revêtirleur parure. On ne saurait mettre trop de prudence dans la distribution de l’eau aux plantes d’orange- rie ; il ne faut leur en donner qu’une ou deux fois pendant l'hiver; plusieurs genres, notam- ment les oléandres et les grenadiers, peuvent s'en passer tout-à-fait, de l'automne au prin- temps. Un léger excès d'humidité pendant l’hi- ver, en entretenant chez ces arbustes une sorte de mouvement languissant de végétation, tan- dis qu'il leur faudrait un repos absolu, les prive au retour du printemps de la vigueur néces- saire, et le plus souvent il ne faut pas attribuer à une autre cause la difficulté qu’on éprouve fréquemment à obtenir leur floraison avant la fin des beaux jours. | | La génération actuelle a vu s’opérer une ré- volution complète dans le régime de l’orange- rie. Avant l'expédition du capitaine Baudin, TITREUIT. ORANGERIE EPISERRES" #l qui date des premières années de ce siècle, les autres, il n’en retirerait que la contrariété l'orangerie ne contenait guère que quatre où de les voir lauguir et périr. cinq genres de plantes; les orangers formaient | le fond de la population; puis quelques citron- niers, myrtes, lauriers - roses et grenadiers : | rien de plus. Ces végétaux, sous le climat de Paris, se passaient parfaitement de feu en hi-| ver, pourvu que le sol de l’orangerie füt d’un mètre enviren plus bas que le sol environnant; cela suffisait pour maintenir dans l’orangerie une atmosphère toujours humide très favora- ble à la santé des végétaux; l’orangerie du Jardin des Plantes à Paris, construite d’après ce principe, n’était jamais chauffée. De nos jours, tout ce système est changé ; les orangers, citronniers, myrtes, grenadiers et lauriers- roses sont relégués dans les jardins publics et | dans les grands jardins d’un petit nombre de châteaux ; hors de là, les géraniums, les pelar- | gonium, les camélias , les ont mis en fuite; en outre, les plantes de la Nouvelle-Hollande se sont vulgarisées ; on peut avoir à des prix mo- dérés des eucalyptus, des mélaleucas, des mé- trosydéros; on les préfère aux orangers. Mais la température de l’orangerie ne leur convient | plus; quelques degrés de plus leur sont néces- saires en hiver; ils ne peuvent se passer de feu | comme les plantes d’orangerie proprement di- | tes ; l'air et La lumière que l’orangerie pourrait leur fournir seraient insuffisants. L’orangerie tend à se transformeren serre tempérée; à Paris, chez les jardiniers de profession, c’est déjà fait. Le principal produit des orangers possédés par les jardiniers consistait encore, il y a 30 ans, dans la fleur, ou pour mieux dire, dans les pétales de la fleur, que les distillateurs et les! confiseurs achetaient à un prix raisonnable. | Aujourd’hui, l’eau de fleurs d’oranger nous vient du midi, à si bas prix et ensi grande quan- | tité, que les pétales de fleurs d’orangers récol- tés à Paris sont tombés de 6 fr. à 2fr. 50 c. le kilogr. Il n’y a pius moyen de compter sur la vente de ce produit pour couvrir les frais de | l’orangerie; il y a nécessité de recourir aux fleurs en possession de la faveur du public, surtout aux genres camélia, géranium et pelar- gonium. Ces plantes ne meurent pas dans l’o- rangerie, mais elles y languissent. Les camé- lias y perdent leurs feuilles et presque tous leurs boutons; leur floraison si précieuse, avorte; les géraniums et les pélargoniums, quoique moins maltraités, n’atteignent jamais dans l’orangerie cet état parfait de floraison où les fleurs bien développées, également ré- | parties entre toutes les branches, donnent à la plante tout entière l'aspect d’un élégant bou- quet. Le jardinier de profession n’a done pas pu faire autrement que de substituer à l’oran- gerie la serre tempérée. Quant à l'amateur qui ne cherche que son agrément et la décoration de son jardin, il peut, à défaut d’un local spé- Cial, se faire une orangerie d’une pièce quel- Conque au rez-de-chaussée, dont il est toujours facile d’abaisser le sol; dans ce cas, il s’en tient exclusivement aux plantes d'orangerie; pour EORTICULTURE, L'orange parvient à parfaite maturite, non- seulement sous le climat de Paris, mais sous le ciel brumeux de l'Ecosse ; il suffit pour cela de cultiver l'oranger en pleine terre, en espalier, le long du mur, formant le fond d’une serre telle que celle que nous avons représentée, fig. 155, page 159.O0n voit depuis longues années de très beaux orangers traités de cette manière, à Paris, dans le jardin de M. Fion. M. Patrick Neill, horticulteur écossais, affirme avoir vu dans une serre à primeurs du comté de La- nark un oranger en espalier occupant un espace de plus de 24 mètres carrés; il était, dit-il, tout chargé d’oranges parfaitement müû- res; nous pensons qu'un Portugais, ou même un Provencal, n'aurait pas été sur ce point de l'avis de M. Patrick Neill. SECTION Il, — Serres. S LT. — Des serres en général. Une serre, quelle que soit sa destination, est yn local dans la construction duquel iln’entre de maconnerie que la quantité absolument indis- pensable. Le plus souvent, la serre n’a qu’un seul mur dirigé de l'est à l’ouest ; le toit en appentis, la facade antérieureet les deux facades latérales sonten vitrages. Ce mode de construc- tion est avantageux pour le coup d'œil ; il per- met de placer les plus grands végétaux au fond et les autres en avant, par rang de taille ; il laisse aux végétaux grimpants un espalier spa- cieux ; son principal inconvénient consiste à priver d’un côté les plus grands végétaux du contact direct de la lumière, ce qui force à les teniren caisses pour pouvoir les retourner, et nuit toujours plus ou moins à leur végétation. Depuis quelques années on construit beau- coup de serres à deux versants, ce qui permet une meilleure distribution de la lumière; dans ce cas, il n’y à presque pas besoin de maçonnerie. Dans les très grandes serres les supports des vitrages devraient être entièrement formés de fer à l’exclusion de toute autre matière ; le fer offre sur le bois l'avantage d'enlever moins de place au passage de la lumière et d’être beau- coup plus durable. Le bois employé dans la construction des serres étant constamment en contact avec une atmosphère toujours tiède et humide , se détériore très rapidement, quelque soin qu'on prenne de le peindre: puis ies in- sectes s’y mettent et accélèrent sa destruction. La moindre crevasse dansle bois sert de refuge à une foule d'insectes nuisibles aux plantes ; ils y multiplient à l'aise sans que le plussouvent la vigilance du jardinier puisse s’en apercevoir; le fer n’a aucun de ces inconvénients. Divers procédés ont été proposés pour pré- server d'une destruction trop prompte les bois employés à la charpente des serres; tous sont dangereux, soit pour la santé des plantes, soit, ce qui est beaucoup plusgrave, pour la sante des | jardiniers : nous en citerons un exemple récent. T. V.— 6 42 Un grand sergneur anglais faisant construire une vaste serre en charpente, s’avisa d’en faire tremper toutes les pièces dans une solution de deuto-chlorure de mercure (sublimé corrosif); | on lui avaït enseigné ce préservatif contre les ravages des insectes. Dès qu’on eut rempli cette serre de plantes et qu’il fallut la chauffer, son atmosphere se remplit de vapeurs mercurielles; les plantes jaunirent et périrent ; le jardinier et l’un de ses aides tombèrent malades et mou- rurent ; tous ceux qui avaient travaillé dans la serre furent plus ou moins attaqués ; on se hâta de la démolir et de la reconstruire en fer. $ II. — Serre tempérée, Si la construction d’une serre tempérée n’était beaucoup plus dispendieuse que celle d’une orangerie, nous dirions aux amateurs d’horticulture : N'ayez pas d'orangeries, ne faites construire que des serres. En effet, on peut poser en principe, comme l’a fait avec beaucoup de sagacité M. Vilmorin, que toutes les plantes d’orangerie réussissent bien et même mieux en serre tempérée, à cause de la grande lumière qu’elles y trouvent, et qu?, par une raison contraire, les plantes de serre tempérée ne peuvent réussir en orangerie, faute de lu- mière suffisante à leur végétation ou à leur entretien. - Mais une serre tempérée exige un local cons- truit exprès, et qui ne peut recevoir d'autre destination, tandis qu’une pièce au rez-de- chaussée dont on élargit les fenêtres, ou une simple remise à laquelle on adapte une facade vitrée, peuvent improviser une orangerie. La serre tempérée se construit à un ou deux ver- sants. Dans le premier cas, elle reproduit exac- ‘tement sur de plus grandes dimensions le dessin que nous avons donné de la bâche à double plate-bande (fig. 155) ; dans le second, elle contient deux plates-bandes séparées par un sentier (fig. 161 ), ou quatre plates-bandes Fig. 161. W 17 " D Fig. 162. HORTICULTURE. LIVRE VIII, versants de grandes dimensions sont ordinai- rement couronnées par une galerie destinée à faciliter la manœuvre des toiles et des paillas- sons, qu'il serait trop incommode de faire monter et descendre sans cette disposition (fig. 163). Il faut dans ce cas, donner à la Fig. 163. charpente, soit en bois soit en fer, une solidité suffisante pour supporter au besoin un ou plu- sieurs ouvriers. & III. — Vitrages. Le choix du verre pour le vitrage des serres est un objet de première importance quant à la santé des plantes ; l’économie sur ce point serait bientôt dispendieuse, puisqu’elle occa- sionnerait la perte d’un grand nombre de végé- taux. D'ailleurs, la serre qui est la plupart du temps un objet d'agrément, n'offre plus rien d’agréable pour le véritable amateur d’horti- culture, dès qu'il y voit les plantes languir et croitre pour ainsi dire à regret. C’est ce qui ne peut manquer d'arriver à celles qui, dans leur pays natal, vivent sous linfluence de Ja plus éclatante lumière, lorsque dans la serre elles ne sont éclairées qu’à travers du verre commun d’une teinte verdàtre, au lieu de verre blanc dont la transparence parfaite , doit être entre- tenue par la plus minutieuse propreté. Il ne faut jamais perdre de vue €e principe essentiel que tout le travail du jardinier dans la serre a pour but de placer autant que possible les plantes dans les mêmes conditions d'existence que leur offrait leur chmat naturel ; or, parmi ces conditions , il n’en est pas de plus impor- tante que l’abondance de la lumière. Les carreaux de vitre se placent ordinaire- ment en recouvrement les uns sur les autres, depuis 5 millimètres jusqu’à 0”,02 ; cette der- niere largeur est la plus usitée par les vitriers, probablement parce qu’elle exige l'emploi d’un plus grand nombre de carreaux. Un recouvre- ment sur une aussi grande largeur a deux in- convenients très graves. D’abord Phumidité, en vertu de la capillarité, sejourne constamment en hiver entre les parties des deux carreaux qui se recouvrent; qu’il survienne un froid un peu vif, la température de l’intérieur de la serre n’empêchera pas cette humidité de geler, ce qui faic fréquemment éclater le verre. Ensuite, sans s'arrêter à Ce premier inconvénient, il est impossible d'empêcher que la poussière ne pé- nètre entre les deux carreaux, et comme on ne saurait Pen faire sortir, elle forme en peu de | | TITRE J1I. temps, le long du vitrage, des bandes opaques tellement nuisibles à l’introduction de la lu- mière dans la serre, qu'il n’y aurait sous ce rapport aucun désavantage à mastiquer les car- reaux. Quand le mastic n’a pas plus de 5 à 6 millimètres de largeur, leffet n’en est point désagréable à l'œil. On peut néanmoins préférer le vitrage en recouvrement, pourvu que la por- tion recouverte n'excède pas en largeur l’épais- seur du verre employé, c’est-à-dire de 3 à 4 millimètres. Il est difficile, à la vérité, d'obtenir des vitriers ce degré de précision; mais en ne se servant que des plus habiles ouvriers et sur- veillant assidûment leur travail, on peut en venir à bout. Le vitrage ainsi exécuté n’est pas seulement le plus agréable à la vue et le plus favorable à l'introduction de la lumière dans la serre; il est encore le plus économique pour la conser- vation du verre, car les vitrages des serres sont rarement endommagés par d’autres causes | ue la congélation de l’eau contenue entre ru carreaux, lorsque leur recouvrement dé- passe la largeur de 3 à 4 millimètres, et cette chance de destruction étant écartée, les autres sont presque nulles. Quand on préfère, pour plus de solidité, plom- ber les vitrages des serres, il n’y faut employer : que des lames de plomb qui ne dépassent pas l'épaisseur d’une feuille de papier à dessiner, afin de ne pas surcharger la charpente. La meil- leure disposition de ces feuilles est représentée { fig. 164 et 165); elle prévient parfaitement Fig. 164, 165. Pintroduction de l'humidité entre les carreaux superposés. On emploie pour mastiquer les vitrages des serres trois espèces de compositions. La plus simple est une pâte molle formée de blanc de plomb avec de l’huile de lin crue; elle est la plus durable de toutes, parce qu’il se forme à sa surface un enduit oléagineux qui la conserve, mais elle a le défaut d’être fort lente à sécher. La seconde est une pâte plus consistante, faite de blanc de plomb et d'huile de lin cuite; elle est sujette à se fendre, surtout quand elle n à pas été appliquée avec assez de soin. La troisième est formée de blanc de plomb et de sable par parties égales avec de l'huile de lin cuite ; elle est fort solide et dure très long- temps; mais sa ténacité rend les réparations difficiles quand il y a des carreaux de vitre à remettre. Lorsqu'on doit employer l’un ou l’autre de ces mastics, ilest bon de les préparer plusieurs Jours d'avance; les substances qui les compo- senti ne sauraient être incorporées avec trop de soin. ORANGERIE ET SERRES. 43 $ IV, — Plates-bandes, Les plates-bandes de la serre doivent être soutenues par de légers murs en maçonnerie ou par des appuis en planches placés sur champ. Ce dernier encaissement est le meilleur pour les végétaux, mais il est le moins durable et nécessite un entretien continuel, ce qui fait sou- vent préférer les appuis en maconnerie; dans ce cas, on nedoit leur donner que l'épaisseur rigou- reusement nécessaire. $ V. — Dallage. Les sentiers se pavent en carreaux de terre cuite ou en planches. Les planches valent mieux en ce qu’on peut ménager entre elles des inter- valles à peine visibles et très favorables au passage de la chaleur transmise par les tuvaux qui courent ordinairement sous les sentiers. Les plaques de schiste, dans les pays où cette pierre lamelleuse est abondante, remplis- sent parfaitement le même objet. Quelques contrées de la France, notamment la Bretagne, possèdent des carrières de ces schistes qui se lèvent en plaques tellement semblables à des planches, qu’à quelques pas de distance, il est impossible de ne pas s’y méprendre. Ce genre de dallage pour les serres est excellent, en ce qu’il rend très promptement par évaporation l'humidité à atmosphère de la serre, lorsqu’il est nécessaire de repandre de l'eau dans les sentiers pour obvier aux inconvénients d’un excès de sécheresse. Les planches et les car- reaux de terre cuite retiennent l’eau et rendent l’évaporation beaucoup plus lente. $ VI. — Gouvernement de la serre : température. La serre tempérée doit être maintenue à une température d’au moins quatre ou cinq degrés au-dessus de zéro pendant les plus grands froids. Il n’est pas utile, comme le conseillent quelques auteurs, d'élever de temps en temps la température jusqu’à 8 cu 10 degrés; il vaut beaucoup mieux la maintenir à peu près égale, de novembre à la fin de février. Sous l'influence d’une température trop douce, la plupart des plantes de serre tempérée entreraient en sève à une époque où le ciel des contrées de l'Eu- rope centrale est ordinairement sombre et né- buleux; elles manqueraient de la lumière né- cessaire à la beaute de leur floraison; il vaut done mieux dans ceite saison retarder la ve- gétation que l'activer. Mais dès les premicrs beaux jours que le mois de mars amène, quoi- qu'ils doivent être suivis sous notre climat d’un ou plusieurs retours d'hiver, on ne risque rien de donner à la serre tempéree la chaleur ne- cessaire pour que toutes les plantes entrent en sève : seulement, il faut veiller avec soin à ce qu'une fois commencée, leur végétation ne soit plus interrompue; c'est au jardinier experi- menté à régler la température de manière à entretenir dans la serre tempéree cette richesse de floraison et ce luxe de verdure qui en font tout le charme. 41 Ce qui précède ne s'adresse qu'aux amateurs d'horticulture; ceux qui s’y livrent par spécu- lation, avant un autre but, emploient d’autres moyens. Pour n’en citer qu'un exemple, le genre camélia, appartenant essentiellement à la serre tempérée, ne veut point être hâté dans sa floraison pour la donner avec toute la per- | fection que les amateurs en attendent ; il suffit que les camélias aient assez d’air et de lumière pour que leurs boutons tiennent et se dévelop- vent lentement; la température moyenne de 4 HORTICULTURT. a 5 degrés leur suffit tout l'hiver. Mais le jar- dinier fleuriste des grandes villes, trouvant un grand profit à vendre les fleurs de camélia du- rant la saison des bals, s'arrange de manière à en avoir en abondance à cette époque, sans s'arrêter à un peu moins de perfection dans la floraison, seule considération qui doive diriger les soins du véritable amateur. Celui-ci ne force en hiver que des plantes peu précieuses, parmi les bulbeuses, des jacinthes, des amarvllis, des lachénalia, puis aussi quelques héliotropes et d'autres plantes odoriférantes, afin que la serre soit toujours ornée et parfumée; mais quant aux plantes de collection auxquelles il attache réellement du prix, il ne doit jamais chercher qu'à en obtenir la floraison la plus parfaite possible. $ VII. — Arrosages. Lorsque la serre tempérée est toute garnie de dressoirs ( fig. 166), disposition indispensable Fig. 166. si lon ne cultive que des plantes de petites dimensions, il faut arroser fréquemment les pots placés sur les rangs supérieurs; car les plantes ainsi étagées les unes au-dessus des autres laissent évaporer beaucoup plus rapide- ment leur humidité que lorsque les pots sont placés dans les plates-bandes, tous à la même hauteur ; on se sert à cet effet d’un arrosoir à gerbe plate percée de trous excessivement fins (fig. 56). L'eau ne doit leur arriver que sous forme d’un brouillard très divisé, de manière a rafraichir le feuillage sans mouiller la terre. Les plantes à feuilles épaisses qui transpirent difficilement, ont besoin en outre, une fois ou deux dans le courant de ‘hiver, que leur feuil- lage soit humecté et essuyé feuille à feuille ; cette opération contribue puissamment à leur bonne santé. Il ne faut arroser les plantes de serre tempérée à l’état de repos que quand la terre des pots est tout-à-fait desséchée:; alors on les traite exactement comme nous l’avons re- commandé pour les plantes d’orangerie; un ou deux arrosages suffisent durant toute la saison | LIVRE VIII. d'hiver. Mais dès qu’on s'aperçoit qu’une plante commence à vouloir végéter, il faut larroser, d’abord modérément, puis ensuite plus ou moins, selon sa nature et la forec particulière de chaque individu. C’est un principe général qui n’admet pas d'exception, de s'abstenir d’ar- roser les plantes qui ne végètent pas, et d’ar- roser, quellequesoitlasaison, celles dont lasève se met en mouvement; ce principe doit être appliqué comme règle invariable dans tous les genres de serres tempérées ou chaudes. L'heure la plus convenable pour arroser les plantes de serre tempérée lorsqu’ elles en ont besoin en hiver, est entre 9 et 11 heures du matin; si on les arrosait dans l’après-midi, la trop grande fraicheur de la terre pendant la nuit ne tarderait pas à les faire languir et jau- nir; il faut qu'avant la nuit, l’eau de l'arro- sage ait produit son effet et se soit dissipée en partie par l’évaporation. Durant la belle saison que les plantes de serre tempérée passent en partie en plein air, on ne doit les arroser que le plus tard possible dans l'après-midi, afin qu’elles aient toute la nuit pour se rafraichir. Si l’on arrose le matin d’une journée chaude, la terre est desséchée trop rapidement pour que les plantes aient eu le temps de profiter de l'humidité. $ VIII. — Taille. La saison convenable pour tailler les plantes de serre tempérée se prolonge depuis la fin de décembre jusque vers le 15 du mois de mai; le principe dont il ne faut pas s’écarter, c'est que la taille ne doit point surprendre les plantes dans le cours de leur pleine végétation, mais que, pour être faite avec avantage, elle doit avoir lieu avant la sève, ou au moins dans un moment de repos. L’instant favorable dif- fère pour chaque genre de plantes; parmi les plantes du même genre, et de la même espèce, il varie encore selon l’état de chaque sujet ; c’est à l'expérience du praticien à en juger; en thèse générale, la taille tardive est toujours nui- sible aux plantes; c’est une opération pour la- quelle il n’y a jamais beaucoup d’inconvénients à se hâter. & IX. -- Semis. Les premiers jours de février sont l’époque la plus favorable aux semis qui se font en serre tempérée; les jeunes plantes ont ainsi devant elles toute la belle saison pour se fortifier à l'air libre, avant d’avoir un hiver à suppor- ter. Les graines très menues comme celles de rhododendrons, d’azaléas, d’andromèdes, et quelques autres, doivent être semées en terre de bruvère dès le commencement de janvier; si l’on attendait jusqu’au printemps, les jeunes plantes ne pourraient résister aux chaleurs de l'été. On doitles mettre en pot aussitôt qu’on les juge assez fortes pour supporter la transplan- tation. $ X. — Boutures. L'art de multiplier les plantes par le moyen TITRE 11 ORANGERIE des boutures reçoit chaque jour de nouveaux | perfectionnements, grace auxquels les végétaux de serre tempérée deviennent à la portée de tous les amateurs. Pour ne parler que d’un genre, on sait combien les cactus autrefois les plus rares sont devenus de nos jours communs et à bas prix; on multiplie maintenant les es- èces les plus recherchées pour leur admirable oraison en coupant par tranches les tiges | qui font en même temps l'office de feuilles, et | semant ces tranches dans une terre convena- blement préparée; chacune d’elles produit une nouvelle plante qui réussit parfaitement avec les soins nécessaires. M. Neumann a obtenu ré- cemment des boutures de plantes très coriaces ! et d’une reprise difficile, en plantant, non des tiges ni même des feuilles entières avec leur pédoncule, mais des portions de feuilles cou- pées transversalement. On commence seule- ment à reconnaître, dans la pratique, ce prin- cipe que toute partie vivante d'un végétal est susceptible de le reproduire par boutures. On réserve ordinairement un local séparé pour les boutures dont l'emplacement occa- sionnerait un vide dans la serre; ce local peut être exposé au nord-est ; les boutures, dans la plupart des cas, n’ont pas besoin de l’action directe des rayons solaires, pourvu que d’ail- leurs la lumière ne leur manque pas. Un grand nombre de boutures veulent être faites à l’é- touffée, c’est-à-dire qu’on les recouvre d’une cloche jusqu’à ce qu’elles aient repris racine. Dans le compartiment destiné aux boutures, soit dansla serre tempérée, soit dans une petite serre additionnelle, il doit y avoir trois subdi- visions. La première contient du tan humide pour recevoir sous cloche les boutures qui exi- gent une température élevée; la seconde con- tient du tan sec pour celles qui demandent un milieu un peu moins échauffé ; la troisième en- fin est remplie de terreau pour recevoir, non pas en pots comme les deux précédentes, mais en pleine terre, les boutures des grands végé- taux qui n'ont pas besoin de chaleur; c’est aussi dans cette troisième subdivision que se font les boutures des plantes d’orangerie. La saison pour faire les boutures de chaque espèce de plantes est nécessairement très va- riable ; néanmoins on ne peut faire de boutures avec espoir de succès plus tôt que la fin de dé- cembre, et plus tard que le commencement d'avril. Quelques végétaux ligneux et sous-li- gneux ne peuvent S'enraciner que dans du terreau, c'est donc dans du terreau qu'il faut placer leurs boutures; toutes les autres se pla- cent avec plus d'avantage dans du sable frais; lorsqu'on les arrache pour les mettre en pots, le sable n’adhère point à leurs racines et ne peut les endommager comme il n'arrive que trop souvent aux boutures faites dans la terre ou le terreau. La terre de bruyère convient également pour ungrand nombre d’espèces, pourvu qu’on ne la laisse pas devenir trop compacte. Dès que les boutures sont sulisamment er- ET SERRES. 45 racinées, il faut se hâter de les metire en pot, en se servant des pots les plus petits où les plantes puissent vivre. sauf à les rempoter plus tard, afin d'éviter l’allongement excessif des racines. Les boutures mises en pots doiven | être placées sous cloche jusqu’à ce qu’elles aien complétement repris racine; on les ombrag: d'abord avec des paillassons, et on les accou tume par degrés au contact de l’air et de le lumière. Il faut rabattre très jeunes et tailler fort courtes les plantes obtenues de boutures qu’on destine à former des têtes touffues ; si l’on at- tend trop tard, on a alors à rabatire des bran- ches déjà grosses dont les cicatrices choquent la vue et déparent la plante. $ XI. — Rempotage. C’est dans toute espèce de serres et d’oran- geries l'opération la plus importante et la plus délicate. Elle a pour but, soit de donner des pots plus grands aux végétaux dont la crois- sance nécessite un plus grand espace, soit de renouveler la terre dans les pots où elle est épuisée. Bien peu d'amateurs savent se préser - ver de la faute d’entasser dans une serre trop petite un trop grand nombre de plantes ; leurs serres sont alors encombrées de végétaux qui languissent faute d’air et d’espace, au lieu d’être décorées d’un choix judicieux de plantes proportionnées à la place qu’on peut raisonna- blement consacrer à chacune d’elles. Dans ce dernier cas, beaucoup de végétaux vivant dans des caisses ou des pots suffisamment spacieux, peuvent y passer plusieurs années sans avoir besoin d'en changer. De quelque manière qu'on s’y prenne, il y a toujours un grand nombre de plantes à rem- poter chaque année dans la serre tempérée, parce qu’on absorberait en pure perte une place précieuse pour d’autres destinations, si l’on donnait de prime abord à une plante qui doit doubler ou tripler de grandeur, toute la terre dont elle aura besoin quand elle sera dans toute sa force. Le printemps est la véritable saison pour changer les plantes de pots; il faut, comme pour la taille, épier le moment favorable con- formément à la nature et à la santé de chaque plante, ce qui est toujours facile avec un peu d'habitude, surtout lorsqu'on n’a point encom- bré la serre d’une trop grande confusion de plantes diverses. Les plantes jeunes ou délica- tes doivent être rempotées les premières; on rafraichit en même temps leurs racines, on re- tranche tout le bois mort ou les branches en- dommagées et on remet les plantes en place dans'la serre où elles auront encore le temps de former de nouvelles racines avant l’époque où elles peuvent être placées en plein air. Mais dans les grands établissements dirigés par des spéculateurs, ilest presque toujours im- possible d’entreprendrecetravailau printemps, | époque où les jardiniers sont le plus occupés ; : on diffère dorc en général jusqu'à l'automne, 46 tout en reconnaissant les avantages des rempo- tages de printemps sur ceux d'arrière saison. A cette époque on peut sans inconvénient ro- gner les racines d’un certain nombre de plantes afin de les faire tenir dans des pots de plus petites dimensions et de pouvoir en rentrer pendant l'hiver un plus grand nombre dans un espace donné ; mais dans ce cas, il faut un se- cond rempotage au printemps pour que ces plantes puissent végéter convenablement pen- dant la belle saison. Beaucoup d'amateurs ne disposant que d’un local borné traitent ainsi les pélargoniums et les géraniums et se donnent la satisfaction d’en avoir le double de ce que leur serre peut en admettre; quoique ces plan- tes puissent vivre et fleurir par ce procédé, il n’est pas douteux qu’elles ne fussent beaucoup plus belles si elles avaient toute l’année l’es- pace qui leur est nécessaire. $ XII. — Conduite générale des plantes de serre tempérée. Nous avons dit, en parlant des vitrages, combien l'abondance de la lumière dans les serres influe sur la santé des plantes; le re- nouvellement de Pair n’est pas moins impor- tant. En hiver, il faut, selon le besoin, lever un ou plusieurs panneaux à la partie supérieure du vitrage, tant que la température ne des- cend pas au-dessous de 5 à 6 degrés. Cette ventilation doit se donner dans la matinée. S'il survient un rayon de soleil qui échaufle l’at- mosphère , on referme les panneaux pour enfermer l'air tiède qui s’y conserve assez longtemps à la même température. Après des pluies ou des brouillards prolongés, lorsqu'il a été impossible d'empêcher l'introduction dans la serre d’une humidité froide, il faut se hâter de la dissiper en allumant un peu de feu et ou- vrant les panneaux supérieurs ; on saisit pour les refermer le moment où l'air est tiède et des- séché. Les plantes de serre témpérée doivent, com- me celles d’orangerie, passer en plein air une partie de la belle saison. L'époque convenable pour les sortir varie selon les années; il ne faut se régler que sur l’état de la température, sans égard à aucune considération d'usage; il en est de même pour le moment de leur rentrée. En général, il vaut mieux mille fois les sortir un peu plus tard et les rentrer un peu plus tôt que de les compromettre en les exposant à une température dont elles auraient à souffrir. On ne doit sortir les plantes de la serre tempérée que par un temps humide et couvert; une petite pluie douce, accompagnée de calme, est la condition de température la plus favorable pour ce déplacement. On choisit pour les grands végétaux de serre tempérée un local abrité autant que possible par un mur ou par de grands arbres contre les vents d’ouest qui règnent le plus souvent en été ; du reste, leurs dimensions obligent à les laisser à la garde de Dieu, car il serait impossible de les mieux ga- rantir. Il n’en est pas de même des plantes de HORTICULTURE. LIVRE VIIT. moyenne taille, et à plus forte raison de celles de petites dimensions. L'espace qui leur est ré- servé peut, sans nuire en rien au coup d’œil, être divisé en plates-bandes aux quatre coins desquelles de légers montants en fer réunis par des traverses très minces et à peine visibles lors- qu’on les peint en vert, permettront de les pré- server par une toile des ravages de la grêle ou même des pluies violentes qui gâtent en un mo- ment une foule de plantes délicates. La fig. 167 Fig. 167. montre cette disposition. Il n’est pas d’amateur d’horticulture ni de jardinier spéculateur qui doive regretter une dépense aussi nécessaire lorsqu'il la compare à la chance de perdre en quelques minutes le fruit des soins et des avan- ces de plusieurs années. Les quatre fiches À, À, À, À, fig. 167, sont destinées à entrer dans quatre œillets percés dans l’étoffe de la tente, de manière à la main- tenir en place ; les bases B, B, B, B, servent à recevoir quatre cordons dans le même but ; la tente peut au besoin être placée en quelques secondes. Nous empruntons à l'excellent ouvrage de M. Robert Sweet (the Botanical Cultivator ), la description suivante d’une des serres les mieux organisées de la Grande-Bretagne ; les amateurs et même les praticiens y puiseront d’utiles enseignements. L'auteur avait été long- temps employé dans cette serre comme garcon jardinier. « Nous pouvons citer comme une serre dont la beauté se maintient sans altération par des soins éclairés depuis nombre d'années, celle des jardins de M. Angerstein de Woodlands, près de Blakheath, confiée à M. David Stéwart, habile et ingénieux praticien. « Quelques grands camélias y sont plantés en pleine terre, contre des piliers, de manière à ne pouvoir nuire en rien aux autres plantes. D’autres piliers sont garnis de plantes grim- pantes également en pleine terre, couvertes de fleurs presqu’en toute saison. Dans d’autres parties de la serre on a introduit du dehors des cordons de vigne qui donnent tous les ans une récolte abondante d’excellent raisin. « La collection consiste en un choix des plantes les plus nouvelles de la Chine, de la Nouvelle-Hollande et du cap de Bonne-Espé- rance. On y voit entre autres une réunion des plus belles bruyères; elles y ont atteint un dé- veloppement surprenant; elles se couvrent en toute saison de la floraison la plus magnifi- TITRE IT. que ; quelques-unes, telles que les ericas arbo- | rea, versicolor, vestita, et quelques autres, ont | atteint la taille d’un arbre ordinaire. L’erica arborea est un arbre si robuste, que plusieurs de ses branches peuvent supporter le poids d’un homme; toutes les autres plantes végè- tent dans des proportions analogues. « Toutes les plantes de cette serre, à l’ex- ception de celles que nous avons dit être pla- cées en pleine terre. sont dans des pots pro- portionnés à leur taille; chacune d’elles a reçu la terre qui lui est propre. On la renouvelle en général tous les ans: ce travail est enlevé le plus rapidemeñt possible au printemps: tout ie monde s'y met; un ouvrier est spécialement chargé de casser des tessons de poterie et de les disposer au fond des pots; quand l’égout- tement de la terre est ainsi assuré, les racines n’ont rien à craindre d’un excès d'humidité ; cette partie de l'opération est traitée avec des soins tout spéciaux. « Les sentiers de cette serre sont dallés en larges pierres plates. Les plates-bandes, au lieu de tannée, contiennent du sable fin : les pots y sont plongés jusqu’au bord. Les grands végétaux ont leurs places réservées; les autres sont disposés par rang de taille; les plantes très rares Où qui sont momentanément en pleine fleur ont une place à part, comme par- ticulièrement dignes d'attention. Les feuillages larges et étroits Sont artistement entremêlés ; les éricas, les géraniées et les aurantiacées sont groupés par genres ; les autres plantes sont disposées, non pas méthodiquement, mais dans le but de produire l’effet le plus agréable pos- sible. On a soin de déplacer celles que les progrès de leur croissance ont rendues trop grandes pour la place qu’elles occupent. Un soin minutieux à tailler chaque plante au mo- ment le plus opportun, entretient dans toutes les parties de la serre une floraison continuel- lement renouvelée. « En été, il ne reste dans la serre que les plantes en pleine terre; la serre n’est pas pour cela dégarnie ; on y place, comme dans une in- firmerie, les plantes de serre chaude qui s’y refont promptement, en même temps qu’elles contribuent à l’orner. » $ XIII, — Serres chaudes On distingue parmi ce genre de serres les serres Chaudes-sèches et les serres chaudes-hu- mides, Toute serre chaude a besoin d’une atmo- sphère plus ou moins humide, la chaleur sèche ne pouvant convenir qu'à un très petit nombre de plantes des contrées intertropicales; mais les plantes de serre chaude-humide exigent un excès d'humidité qui nuirait à la plupart des autres ; elles ont donc besoin d’un local séparé. Cest ce qui faît dire à M. Lindley, celèbre pro- fesseur anglais d’horticulture, que les plantes intertropicales, pour être convenablement trai- tées, demandent au moins quatre serres chau- des, dont chacune doit être appropriée à la na- ture de certaines tribus de végétaux exotiques. ORANGERIE ET SERRES. 22 47 M. Lindley aurait dû conseiller en même temps à tous les horticulteurs d’avoir 100,000 fr. de revenu. L’arrangement qu'il recommande est incontestablement le meilleur ; seulement il est impraticable , excepté dans les grands établis- sements publics, et chez les amateurs million- naires dont on aurait peine à réunir une cen- taine en Europe, hors de la Grande-Bretagne. La dépense de deux serres chaudes, l’une sè- che, l’autre humide, est déjà hors de la portée du plus grand nombre des amateurs; elle fait néanmoins partie obligée de tout établissement d’horticulture de quelque importance , destiné au commerce des plantes exotiques. À. — Serre chande-sèche. Construction. — La plupart des construc- tions indiquées pour les serres tempérées conviennent pour les serres chaudes : quand on veut se borner à la culture des plantes de pe- tites dimensions, dont il existe une assez grande variété pour former des collections très dignes des soins de l’amateur , une bâche bien con- struite peut être suffisante ; beaucoup de serres chaudes ne sont pas autre chose que des bâches (fig. 154 ct 155). Lorsque la serre chaude doit recevoir de très grands végétaux, des musas, des æleïs, de grandes cycadées, on peut adopter le modèle représenté fig. 168. Fig. 168. n Le KR NN KES TES NN La serre chaude ne peut jamais être con- struite sur d’aussi grandes dimensions que la serre tempérée, à cause de la difficulté qu'on aurait à la chauffer instantanément selon le besoin. Sous le climat variable des contrées de l’Europe centrale, le thermomètre descend fré- quemment en quelques heures d'un grand nom- bre de degrés; il faut aussitôt chauffer la serre sans perdre de temps; c’est l'affaire d’un mo- ment lorsqu'elle est de grandeur moyenne; lorsqu'elle est trop grande, bien des plantes précieuses peuvent avoir reçu une atteinte mortelle avant que l’air se trouve suffisamment échauffe, 48 HORTICULTURE. LIVRE VIIT, Si l'on peut avoir plusieurs serres chaudes- | commun de jour en jour. Alors, les plantes sont sèches, au lieu de les construire à la suite les unes des autres. il vaut mieux, quand le local le permet, les accoupler dans le sens de leur longueur ; elles sont alors séparées seulement par un vitrage. Au Jardin du Roi, à Paris, plu- sieurs serres ayant été construites ainsi suCCes- sivement, on a trouvé que l'air échauffé dans une seule d’entre elles pouvait procurer une chaleur suffisante aux autres, sans augmenter d’une manière sensible la dépense en combus- tible. B. — Gouvernerent de la serre charde. Temperature, ventilation. — Le thermome-| tre ne doit jamais descendre dans la serre. chaude au - dessous de 15 degrés centigrades en hiver, la nuit comme le jour. Quand la tem- pérature dépasse 20 degres il faut donner de l’air; mais la chaleur artificielle doit être mé- nagée de facon à ce qu’il ne soit jamais néces- saire de laisser pénétrer dans la serre Pair froid de la nuit. Lorsque la serre est échauflee par | le procédé ordinaire, et que les pots qui con- tiennent les plantes sont plongés dans le tan, il faut avoir soin de ne pas trop chauffer le fond de la tannée, ce qui endommagerait les racines des plantes ; un peu de fumier chaud placé dans le fond de la plate-bande suffira pour y main- tenir la température nécessaire; on couvrira ce fumier d’une couche de gravier et d’une autre de sable fin, de sorte que les pots y puis- sent être entièrement plongés. Depuis quelques années, l'usage de remplacer ces matériaux par de la mousse humide qui conserve long- temps une température très égale et contribue en même temps à la beauté du coup d’æil, se répand dans toutes les localités où il est pos- sible de s’en procurer une quantité suffisante. Elle a sur la tannée et le fumier l'avantage de ne point engendrer de vers. Pour peu qu’en arrosant les plantes on humecte la tannée, les vers s’y multiplient à l’infini et pénètrent dans les pots par l'ouverture du fond. Ce n’est pas que ces animaux nuisent directement aux plantes dont ils ne peuvent attaquer aucune partie; mais, lorsqu'elles sont délicates, ils dé- rangent leurs racines en traversant du haut en bas la terre des pots, et il n’en faut pas davan- tage pour les faire périr. On peut aussi poser simplement les pots de- bout sur une couche très mince de sable re- couverte de mousse. Dans ce cas, les pots ne recoivent aucun moyen particulier d’échauffe- ment, ils participent seulement à la température générale de la serre. Cette méthode est la plus conforme à la nature des plantes de serre chaude. Dans tous les cas, la tannée est inutile lors- que la serre chaude est chauffée, soit par la vapeur, soit par l'eau bouillante, au moven du thermosiphon, dont l'emploi devient plus | en partie en pleine terre et en partie dans des” pots disposés sur des dressoirs. Il ne faut pas mettre en pleine terre dans la serre chaude les grands végétaux susceptibles de s'emporter et d’étouffer les petits; ils pourraient prendre un accroissement tel qu’on en serait fort embar- rassé, et qu'on ne pourrait plus les remettre en pots sans risquer de les faire périr. En pro- portionnant à leur vigueur les pots ou les cais- ses , on est beaucoup mieux à même de régicr leur végétation. Lorsqu'on renouvelle l'air de la serre chaude, ce doit être toujours dans la mâtinée, par un beau temps, quand le soleil est dans toute sa force; on renferme dans la serre l'air extérieur échauffé par les rayons du soleil, en abaissant les ventilateurs longtemps avant la fraicheur du soir. C. -- Soins généraux. C’est surtout pour les plantes deserre chaude, sèche qu’il importe de donner les soins les plus attentifs à l'opération du rempotage ; le choix de la terre appropriée à chaque genre de plante est de la plus grande importance; pour quel- ques-unes des plus délicates, à qui le rempo- tage pourrait être funeste, on se contentera d'enlever tout autour du pot intérieurement le plus de terre possible sans endommager les ra- cines, et on la remplacera par de la terre sem- blable, mais neuve. On reconnait tous les jours l'abus de laisser, selon l’ancien préjugé, la majeure partie des plantes de serre chaude sèche renfermées pen- dant toute la belle saison ; les quatre cinquièmes au moins de ces plantes peuvent rester tous les ans trois ou quatre mois dehors sans inconvé- nient; celles qui ne pourraient supporter ce dé- placement seront misesmomentanément dans ta serre tempérée et dans l’orangerie, qu’on tien- dra ouvertes aussi souvent que l’état de l’at- mosphère pourra le permettre. Les plantesde serre chaude, étantencore plus précieuses que les plantes de serre tempérée, réclament encore plus impérieusement l'abri d’une tente à l’approche des orages (voir Serre tempérée, fig. 167) pendant qu’on les tient en plein air. La seringue à boule percée de trous très fins, ou la pompe à main terminée de la même ma- nière, sont indispensables dans la serre chaude- sèche pour entretenir la fraîcheur du feuillage des plantes et les débarrasser de la poussitre quis’y introduit toujours, quelques précautions qu'on prenne pour s’en préserver. Dès que l’hygromètre en indiquera la nécessité, on ne manquera pas de répandre aussi par le même moven de l’eau dans les sentiers, pour entre- tenir dans l'atmosphère de la serre un degré suffisant d'humidité. Lorsque les insectes se multiplient dans la serre, des fumigations de tabac sont le meilleur moyen de les faire disparaître ; lorsque ces {u- | migations seront jugées nécessaires, il faudra TITRE 1. éloigner momentanément de la serre chaude sèche les plantes en fleur dont les couleurs pour- raient être altérées par cette opération. D, — Serre chaude-humie. Les plantes orchidées et épidendrées offrent des modes de végétation tellement variés, tel- | lement différents de la végétation de toutes les autres plantes, qu’elles sont devenues, surtout depuis quelques années, l'objet du goût parti- culier d’un grand nombre d'amateurs d’horti- culture; un jardinier-fleuriste est même re- gardé comme ne connaissant qu'imparfaite- ment sa profession, lorsqu'il n'éntend pas la culture des orchidées. La serre chaude-humide est spécialement consacrée à ces plantes. Sa température ne doit jamais descendre au-dessous de 15 degrés centigrades pendant les nuits d'hiver, et doit être maintenue presque constamment entre 20 et 30 degrés. Un réservoir est ordinairement placé dans la serre même, afin que les feuilles et les tiges des plantes puissent toujours être humectées avec de l’eau à la même température que Pair qui les environne. Les sentiers de la serre reçoivent au moins trois fois par jour une abondante aspersion d’eau, pour tenir latmo- sphère de la serre chaude-humide chargée de la plus grande somme d'humidité possible. Les plantes de serre chaude-humide végè- tent beaucoup plus aux dépens de l'atmosphère qu'aux dégens du sol dans lequel sont plantées leurs racines. Quelques épidendrées peuvent se passer absolument de terre ; on les attache sim- plement à la muraille, ce qui ne les empêche pas de croître et de fleurir. Presque toutes, dans leur pays natal, vivent comme plantes parasites, soit sur des arbres à demi pourris au sein de forêts épaisses situées au fond des vallées les plus humides des régions intertro- et ombragés d’arbres épais. Les procédés de culture qu’on leur applique doivent tendre à les rapprocher le plus possible de ces condi- tions. Comme les plantes de serre chaude-hu- mide naissent naturellement dans les contrées les plus malsaines de la terre habitable, le sé- iour de cette serre doit être et est effectivement très malsain pour les jardiniers. On ne doit ja- mais franchir le cabinet servant d’antichambre à la serre chaude-humide, pour sortir au de- hors, sans endosser un vêtement chaud appro- prié à la saison, comme préservatif contre les lächeux effets d’une énorme différence de tem- pérature. L'excès de la lumière solaire est souvent très nuisible aux plantes de serre chaude-humide; | des toiles, et au besoin des paillassons, doivent | être constamment disposés pour pouvoir cou- vrir à volonté les vitrages ; on peut même sans ImConveénient, durant toute la belle saison, ren- dre les carreaux de vitre à demi opaques, au | moyen d’une couche de blanc. Aucune plante de serre chaude-sèchie ne re- doute plus que celles de la serre chaude-hu- | BORTICULTURE, ORANGERIE LT SERRES. 49 , mide le contact de l'eau pour ses racines; on ne saurait prendre à cet égard trop de précau- tions. En Angleterre, où cette culture est por- | tée au plus haut degré de perfection, l’on em- plit jusqu'aux deux tiers avec des tessons de poterie brisés les pots destinés à ces plantes ; souvent même on dispose ces tessons en py- ramide, depuis le fond du pot jusqu’à quelques centimètres au-dessous des rhizômes ou faus- ses bulbes des orchidées , méthode qu'on ne peut trop recommander, surtout pour le pré- cieux genre des uncidium, dont la floraison égale en éclat les ailes des plus brillants pa- pillons dont elle imite les formes. Bien peu de plantes de serre chaude-humide vegetent dans du terreau ou dans de la terre ; les unes ont besoin de bois pourri. soit pur, soit mélangé avec de la tourbe fibreuse en fragments de la grosseur d’une noix; les autres veulent simplement enfoncer leurs sucoirs dans des morceaux de bois à demi décomposés ; d’autres enfin, comme nous l'avons dit, sont simplement suspendues à la muraille, sans être en Contact avec la terre ou rien qui en tienne lieu. Pour celles qui sont en pots, l'emploi de la tannée est très convenable. Parmi les épidendrées. la vanille, dont les siiiques parfumées sont si précieuses à la gas- tronomie, occupe toujours une grande place dans la serre chaude-humide. Les procédés de cette culture, portés auJardin du roi à leur plus baut point de perfection, donnent à ses pro- duits une saveur et une odeur en tout sembla- bles à celles de la vanille du Nouveau-Monde ; cette culture peut, lorsqu'elle est pratiquée un peu en grand, couvrir en partie les frais con- sidérables qu’entrainent, et l’entretien de la serre chaude-humide,et l’acquisition des plantes dont elle est ornée, plantes qui sont presque | toutes d’un prix excessivement élevé. Nous picales, soit sur des rochers couverts de mousse consacrerons plus loin un article spécial à la culture de la vanille dans la serre chaude-hu- mide. SECTION III. — Chaleur artificielle. Nous avons indiqué comment les matières animales et végétales en décomposition pro- duisent une partie de la chaleur artificielle dont l’horticulture a besoin pour les divers genres de culture forcée. ( Voyez Couches.) Toutes les plantes de serre réclament en outre le secours | d’une atmosphère artificiellement échauffée. Lorsque les pots qui contiennent les plantes sont plongés déns la tannée, ils recoivent l'effet de ces deux moyens combinées. Trois agents sont employés au chauffage des serres : 1° l’eau à l’état liquide; 2° la vapeur d’eau; 8° l'air chaud. L'ordre selon lequel nous nous en oc- cuperons est celui de leur mérite respectif par rapport à leur effet sur les végétaux, et aux avantages généraux que l’horticulture peut at- iendre de leur emploi. Ces trois agents sont échauffés par trois genres de combustibles : le bois, le charbon de terre et la tourbe. TV. & LT, —— Thermosiphon. De tous les moyens proposés jusqu’à présent | pour produire la chaleur artificielle appropriée aux besoins de l'horticulture, il n’en est point qui nous semble supérieur, ni même égal à l'emploi de l'eau chaude dans l'appareil nommé thermosiphon, inventé en France vers le com- mencement de ce siècle par M. Bonnemain, sa- vant recommandable, mort comme beaucoup d’autres, oublié et dans la misère. Tout le monde sait comment s’échauffent les masses liquides auxquelles on applique la chaleur par un point quelconque de leur sur- face inférieure. La couche liquide la plus rap- prochée du foyer, devenue par la présence d’une plus grande quantité de calorique plus légère que le reste de la masse, traverse cette masse, gagne la partie supérieure et est rem- placée par la partie la plus froide , qui devient à son tour la plus chaude : il s'établit ainsi des courants ascendants chauds et des courants descendants froids, jusqu’à ce que tout le li- quide soit parvenu à la même température : telle est la théorie du thermosiphon. L’ap- pareil consiste en une chaudière surmontée de tuyaux repliés sur eux-mêmes, comme le re- présente la figure 169 ; le tout doit être rempli Fig. 169. je E d’eau le plus exactement possible, et herméti- quement fermé. À mesure que Peau de la chau- dière LB s'échauffe, elle gagne par le tube D les parties supérieures de l'appareil, s’y refroidit, redescend dans la chaudière par le tube C pour remplacer l'eau qui s'élève à chaque moment, et établit ainsi une circulation non interrom- pue tant qu’on entretient le foyer A; on doit le ménager de manière à ce que l’eau se maintienne autant que possible à quelques degrés au-des- sous de l'ébullition; la même eau peut servir indéfiniment. L'appareil se remplit par l’aju- tage en entonnoir E. Aueun appareil destin&au même service ne dépense moins de combustible. À moins d’'ac- eidents qui sortent tout-à-fait de la classe des prévisions ordinaires, le thermosiphon, conve- nablement établi, dure au-delà de la vie de ce- jui qui la fait monter. ñ Son unique défaut est de ne pôuvoir parer aux froids subits et imprévus, parce qu'il lui HORTFICULTURE. , faut au moins une heure pour que.son.-effet | l LIVRE VIH. utile se fasse sentir, tandis que les tuyaux'or- dinaires, remplis d’air chaud, peuvent élever en huit à dix minutes de 15 à 20 degrés la tem- pérature de la serre; mais aussi, le refroidisse- nent subit est moins à craindre ayec le -ther- mosiphon qui conserve .sa. chaleur..bien. des heures après que le feu est é{éint.sous:la chau- dière, et donne ainsi au jardinier.une sécurité qu’il ne peut avoir au même degré, même quand sa serre est chauffée par la vapeur. . Le thermosiphon n’occasionne dans la serre aucun dérangement, parce qu’il n’exige aucun entretien. Les tuyaux de chaleur en fonte, en briques, ou en terre cuite, se remplissent de suie mêlée de cendres qu'il faut enlever assez fréquemment. Qu'il se forme une crevasse à la soudure de deux tuyaux, la fumée et la pous- sière s'introduisent dans la serre et nécessitent l’envahissement de la serre par les ouvriers, fléau plus à craindre que les deux autres en- semble : rien de tout cela ne peut avoir lieu avec le thermosiphon. ) Quelques ouvrages très répandus et juste- ment investis de la confiance des horticulteurs, mettent au rang des avantages du thermosi- phon celui de donner une chaleur humide. On lit dans le Bon Jardinier, page 116 : « Cet ap- pareil produit une chaleur humide plus favo- rable aux plantes que celle des poêles »; et plus loin, page 117 : « Un second avantage da ther- mosiphon sur les poêles, c’est que sa chaleur est humide, bienfaisante pour les plantes, tan- dis qu’on reproche à celle des poêles de les des- sécher, de nuire à leur perfection, ce qui oblige à les bassiner, à les arroser plus souvent, et à leur donner des bains de vapeur. » L’horticulteur qui se fierait sur cette asser- tion pour se dispenser de donner à l’atmosphère de la serre chauffce par le thermosiphon le de- gré d'humidité nécessaire à ses plantes, tombe- rait dans une erreur qui pourrait lui être fort préjudiciable. Le calorique, principe de la chaleur, ne peut être par lui-même ni sec, ni humide. Mais lat- mosphère sur laquelle il agit peut être chargée | d’une grande quantitéde vapeur d’eau, et l’on dit alors que la chaleur est humide, comme on dit une chaleur sèche lorsque Pair échauffé ne contient pas de vapeur. Les tuyaux pleins de vapeur d’eau, non plus que ceux du thermo- siphon pleins d’eau bouillante, ne laissent pas échapper dans l'atmosphère de la serre un atome d'humidité. Cette atmosphère devient sèche ou humide par des causes indépendantes du moyen | emp'oye pour l’échauffer ; la chaleur intense et instantanée du poêle produit fune plus forte évaporation, non parce qu'elle est séche, mais parce qu'elle est rapide et élevée; celle du | thermosiphon, tout aussi séche que la première, mais plus douce, occasionne moins d’évapora- tion. Tels sont les principes, tels sont les faits. Nous les rétablissons, n02 pour infirmer en rien l'opinion favorable que les horticulteurs mo- TITRE Il. mosiphon, mais pour leur épargner les suites fâcheuses d’une erreur matérielle. Frais d'établissement et d'entretien. Les détails suivants sur la construction d'un thermosiphon, empruntés aux Annales de la Société d’horticulture, donneront une idée pré- cise des frais que peut entrainer cet appareil. Le fourneau est construit en débris de tiiles, liés ensemble par un mortier composé de deux volumes égaux de terre franche et de crottin de cheval , avec suffisante quantité d’eau. Ce mortier, dont la recette est due à M. Poiteau, convient particulièrement à la construction des fourneaux des serres, en ce que, n'étant pas sujet à se fendre, il ne livre jamais passage à la fumée. Les tuyaux en fer galvanisé ont 0",07 de diamètre, et une longueur totale de 84 mè- tres. L'appareil, mis en place, a coûté 200 fr. répartis ainsi qu’il suit : Guen ee ioearet 42.gullu sun B2f.» Tuyaux, 84 mètres, à 1 Î. 20 c.le mètre 100 SANS ER ee cle Die sic é Slanersore 6 » Main-d'œuyre. ......... RAS TET-NEN 419,» Total égal. ..... 200 La tourbe étant à très bas prix dans les en- virons de Laon (Aisne), où cet appareil est éta- bli, il n’a jamais exigé, pendant les journées les plus froides de l'hiver, au-delà de 66 cent. de combustible en 24 heures, et en moyenne 40 cent. Un bon feu de tourbe allumé vers 10 heures du soir sous la chaudière porte la température de la serre à 17 ou 18 degrés, et celle de la bäche à 28 ou 32 ; le lendemain matin, à 6 heu- res, la température est encore de 10 à 12 de- grés dans la serre, et de 24 à 26 dans la bâche. Les ananas végètent fort bien dans la serre ainsi échauffée ; on y a remplacé la tannée par des dressoirs au-dessous desquels sont disposés les tuyaux du thermosiphon ; une légère couche de paille, recouverte de mousse pressée entre les pots, dissimule ces dressoirs et le vide qui se trouve au-dessous; des bouts de tuyaux en terre cuite, recouverts habituellement d’une pe plate qui les ferme exactement , tiennent ieu de bouches de chaleur. Le thermosiphon , outre son emploi dans les serres, peut encore rendre à la culture marai- - Chère d'importants services: l'expérience a été faite et couronnée du succès le plus complet, dans le jardin potager du château de Versailles, où un grand nombre de couches sont chauffées depuis plusieurs années par le thermosiphon. Un des jardiniers les plus distingués de Paris, M. Gontier, en a fait récemment l'application à la culture forcée sous châssis, principalement à celle des haricots verts de grande primeur. N'ayant point à craindre, grâce au thermosi- phon , le prompt refroidissement des couches et l'excès d'humidité si souvent funeste aux ha- ricots , il peut commencer à semer en novembre ORANGERIE ET SERRES. | 51 dernes ont en général des bons effets du ther- | et récolter sans interruption pendant tout lhi- ver, jusqu’à l'époque où les produits de pleine terre paraissent sur le marché. . Aucun appareil de chauffage n’est moins dif- ficile à gouverner que le thermosiphon, pour en obtenir une chaleur constamment uniforme. Nul doute qu’il ne doive être appliqué inces- samment sur une très grande ‘échelle à la cul- ture forcée des légumes et des autres produits de Pindustrie maraichère , particulièrement aux fraises et aux melons, ainsi qu’à forcer sous châssis les fleurs dont les grandes villes offrent le débouché certain pendant tout lhiver. Une couche chaude de 1".,32 de large sur une longueur de 3",32, emploie au moins deux charretées de fumier qui coûte actuellement (1843) à Paris 14 fr. la charretée. Les réchauds nécessaires à cette couche pendant sa durée absorbent la même quantité de fumier, parce qu'ils doivent être plusieurs fois renouvelés; la mise dehors est done, pour le fumier seulement, de 56 fr. ; mais la dépense réelle peut se réduire à 44 fr., parce que le fumier de la couche dé- montée, de même que celui qui a été employé en réchauds, peut encore servir, et represente une valeur d'environ 12 fr. Paris renferme environ 40,000 chevaux de luxe ou de travail, dont l’industrie maraïchère utilise les fumiers. Chaque cheval produit par an de 20 à 30 charretées de fumier, en moyenne 25, donnant un total de 1 million de charretées, représentant une valeur de quatorze millions que paie aux riches de Paris l’industrie ma- raichère. Le thermosiphon, appliqué au chauffage des couches , permet de supprimer le fumier, ex- cepté quand il sert d’aliment aux végétaux ; ce serait une économie de moitié, c'est-à-dire de sept millions pour la culture maraichère des en- virons de Paris. La culture forcée en particu- lier pourrait économiser les cinq sixièmes du fumier qu’elle emploie. La substitution du thermosiphon au fumier dans cette culture rabatterait les prétentions réellement exagérées de ceux qui, dans l’état actuel des choses, ranconnent les maraïchers pour cet article indispensable à leur industrie. A Paris, depuis quelques années, les personnes riches, qui seules ont des chevaux de luxe, font entrer en compte pour les gages de leurs do- mestiques, le fumier de leurs chevaux. La di- minution du prix des fumiers ne porterait done préjudice qu'à ceux qui peuvent le mieux sup- porter cette perte, et tournerait au profit des plus laborieux de tous ceux qui se livrent à | lhorticulture, sur quelque point que ce soit du globe habitable. L’agriculture pourrait alors proliter du surplus des engrais qu'elle ne peut acheter aux prix actuels. Le thermosiphon re peut s'appliquer conve- | nablement aux serres de grandes dimensions que lorsqu'il est chauffé au moyen de deux foyers; c’est un embarras et un grave incon- vénient. Un horticulteur des environs de Bath, en Angleterre, a combiné fort ingénieusement 92 les propriétés du thermosiphon avec celles de la vapeur pour le chauffage des serres ; en se servant d’un seul fover, il profite à la fois de la promptitude avec laquelle la vapeur commu- nique la chaleur, et de la ténacité de l’eau pour retenir sa température. On fait passer à cet effet, dans le tube du thermosiphon A (fig. 170), un autre tube plus Fig. 170. A B petit B, qu'on remplit à volonté de vapeur; dans ce cas, le thermosiphon n'a pas besoin de chaudière, et il suffit d’un très petit appareil pour produire la petite quantité de vapeur né- cessaire pour échauffer l’eau du thermosiphon. Cette eau, mise en contact sur toute l'étendue des tubes avec le tube plein de vapeur échaut- fée, se trouve en quelques instants à la même température, qu’elle conserve aussi longtemps que si elle avait été directement échauffée par l'action de plusieurs foyers. La forme et les dimensions des chaudières destinées à chauffer directement l’eau du ther- mosiphon, peuvent varier à l'infini. Les fig. 111 et 172 représentent la coupe verticale des deux appareils les plus économiques usités à cet ef- fet en Angleterre. Dans la figure 171, la chau- Fig. 171. dière À est disposée de manière à ce que sa partie supérieure affleure le niveau du sol; elle se continue par des tubes que la coupe ne per- met pas d’apercevoir. La forme du foyer per- met à la flamme d’échauffer presque toutes ses surfaces à la fois en très peu de temps. Dans la figure 172, la chaudière présente 172. Fio ; comme la précédente beaucoup de surface et très peu d'épaisseur. L’eau chaude sort par le tube B et l’eau froide rentre par le tube À, jusqu’à ce que toute la masse arrive à la même tempéra- ture ; ces tubes reçoivent pour parcourir, en les HORTICULTURE. | LIVRE ViIft, échauflant, les serres, les bâches ou les cou- ches, toute sorte de modifications dans leur forme et leurs dimensions, selon l'usage auquel on les destine. $ II. — Chauffage des serres par la vapeur. Ce moyen de chauffage pour les serres recoit très peu d'applications en France; après l’ap- pareil destiné au chauffage des serres au Jardin du Roi, à Paris, nous ne pouvons citer que le vaste et beau jardin de M. Chaisne fils, à Lyon, qui utilise la vapeur pour chauffer des serres, après l'avoir fait servir comme force motrice dans une machine pour élever l’eau nécessaire aux arrosages du potager. En Angleterre, la vapeur commence à céder la place au thermo- siphon, dont la supériorité est partout reconnue pour les serres d’une étendue médiocre. L’ap- pareil à vapeur convient en effet presque ex- clusivement à des serres immenses, telles qu’il ne s’en trouve guère qu'en Angleterre et en Russie, soit qu’elles consistent en un seul bâti- ment, soit qu'elles se trouvent réparties entre plusieurs constructions contiguës. Nul autre moyen ne saurait transmettre aussi rapidement et conserver aussi longtemps une chaleur égale. Les tuyaux conducteurs de la vapeur ne peu- vent dépasser la chaleur de 80° centig., mais ils peuvent l’atteindre très également sur une. longueur indéterminée, quand même ils au- raient un développement de 500 à 1,000 mètres; et sur une si grande étendue, on n’a pas à craindre, comme avec les tuyaux pleins d'air échauffe, de grandes différences de tempéra- ture ; celle des tuyaux à vapeur est la même, à quelque distance que ce soit du foyer et de la chaudière. Une seule chaudière à vapeur suffit done pour chauffer une série de serres, quelque grandes qu’on les suppose. La vapeur, dans ce cas, offre de plus une économie notable en combustible et en main-d'œuvre, à laquelle il faut ajouter la solidité et la propreté de l’ap- pareil ; le jardinier, au lieu d’avoir à s'occuper de douze foyers, et quelquefois d’un plus grand nombre, n’en a qu’un seul à gouverner; il n’est pas obligé d’avoir en douze endroits différents du charbon, des cendres, et d’autres objets aussi peu agréables à la vue; au lieu de douze tuyaux de cheminée il n’en a qu’un seul, et s’il est construit d’après le système fumivore, ce peut être un pilastre ou une colonne exempte de fumée, contribuant au contraire à l’orne- ment des jardins. Les tubes de Pappareil à va- peur prennent moins de place que les tuyaux de chaleur des foyers ordinaires; ils n’ont ja- mais besoin d'être nettoyés. La vapeur intro- duite seulement pendant quelques heures dans laserre y détruit très promptement les in- sectes. Le seul désavantage que présente l'appareil pour le chauffage des serres au moyen de la vapeur, c’est d'étre un peu moins économique que le thermosiphon. Il est vrai que qelque- fois, dans les serres chauffées par la Vapeur, TITRE I. les plantes s’étiolent et les fruits manquent de saveur; mais partout où nous avons observé ces accidents en pareil cas, ils nous ont tou- jours paru tenir à quelque procédé défectueux de culture ou à la négligence des jardiniers, plutôt qu’à l'effet du chauffage à la vapeur. Les chaudières pour la production de la va- peur destinée au chauffage des serres se cons- truisent ordinairement en tôle de fer ; quelques- unes, par une recherche de luxe, Sont en cui- vre ; elles ne possèdent aucun avantage sur les chaudières de fer. Les dimensions de ces chau- dières sont ordinairement caleulées d’après la surface des vitrages de la serre. Un horticul- teur anglais, d’une expérience consommée en ectte matière, indique les proportions sui- vantes : Serre à forcer les primeurs : 1 mètre carré de surface du fond de la chaudière pour 135 mètres carrés de virages. Serre tempérée : 1 mètre pour 200 mètres de vitrages. On ajoute à ces proportions de 10 à 15 pour 100 lorsque la serre est mal vitrée et situee à une mauvaise exposition. Les tuyaux à vapeur sont en fer ou en cuivre, comme les chaudières qu'ils accompagnent. On a essayé à plusieurs reprises en Angleterre et en France de leur substituer des tuyaux en terre cuite, fort usités à cet effet en Hollande: mais toujours on a été arrêté par la difficulté d'empêcher les pertes de vapeur par les jointures de ces tuyaux. Les figures 173 et 174 représentent les dispo- sitions d’un appareil de chauffage à la vapeur selon le modèle le plus usité en Angleterre; le fond de la chaudière est de forme concave ; c’est celle qui s’adapte le mieux au foyer fumi- vore dont nous donnons ci-dessous la descrip- tion. (Voir Foyers, fig. 179). La couche pro- fonde, d'environ 0,80, repose sur une chambre voütée À (fig. 173) dont la voûte n’a qu’une bri- Fig. 173. NSSERRNNNN que d'épaisseur. Le foyer Benvoie un conduit de chaleur qui règne tout le long de la chambre A ; cette chambre est en même temps tenue pleine de vapeur au moyen de la chaudière C et de son tuyau dont l'ouverture est en D. Les conduits E, ordinairement bouchés, servent à introduire au besoin la vapeur dans Patmosphère de la serre. Le conduit F sert à laisser échapper la vapeur superflue quand les deux conduits E sont fermes. Dans cet appareil, de l'invention de M. Mac-Murtrie, l'air chaud mêlé de fuméc ORANGERIE ET SERRES. 33 contribue avec la vapeur à échauffer le dessous de la couche. Le plan ( fig. 174) montre la disposition des tuvaux de chaleur G, partant du fover B. Fig. 174. 7 7 | De toutes les manières d'appliquer la vapeur au chauffage des serres, il n’en est pas de moins dispendieuse que la suivante, publiée il y a quelques années dans les transactions de la Société d’horticulture d’Ecosse ; elle consiste à mettre la vapeur en contact avec un lit de pierres brisées. Rien n’est plus simple que ce procédé. On donne au lit de pierres A A ( fig.175 ) l'épaisseur ordinaire des couches de tan ou de fumier ; les fragments de pierre doi- vent avoir de 0m,08 à 0m,16 de diamètre; les | meilleurs de tous sont des cailloux arrondis | lorsqu'on en a à sa portée; ils sont moins sujets que toute autre espèce de pierres à se couvrir de mousse, et ils laissent entre eux de plus grands intervalles. Le tuvau à vapeur B entre | par une extrémité de la bâche remplie de pierres, et ressort par l’extrémité opposée: il est percé de trous disposés sur deux lignes, à des distances égales de chaque côté, pour dis- tribuer régulièrement la vapeur à tout le tas de pierres. Les dimensions de ce tube sont indif- férentes; plus il est grand, plus l'eifet de la vapeur sur les pierres est rapide; mais quel que soit son diamètre, cet effet est toujours le même, sauf la promptitude. On s'aperçoit qu’on a donné assez de vapeur quand elle cesse de se condenser en humidite 54 Sur les cailloux parce qu'ils se sont mis à la même température ; alors l’excès de vapeur se fait jour à travers la terre dont les pierres sont recouvertes. Le point de saturation peut aussi être indiqué par la soupape de sûreté de la chaudière à vapeur. Durant le froid le plus sévère, la vapeur ne doit être introduite pour chauffer les pierres qu'une fois en 24 heures; quand le temps est doux, il suffit de l’introduire une fois en deux ou trois jours. Si l’on considère quelle diminu - tion de frais ce procédé procure, tant par les plus petites dimensions des tubes que par la moindre dépense en combustible, le fourneau n'étant allumé qu’une fois tous les deux jours en moyenne pendant tout l'hiver, ce qui exempte le jardinier de tout travail de nuit, on sera convaincu de sa supériorité sur tout autre mode d'application de la vapeur au chauffage des serres. $ III. — Chauffage des serres par l'air chaud. Ce procédé que nous donnons en troisième ligne comme étant le plus défectueux, est néan- moins le plus usité de tous pour procurer aux serres une chaleur artificielle. L'appareil con- siste en un. foyer ou poêle proportionné à la grandeur de la serre; l’air chaud mêlé de fu- mée circule dans les tuyaux communiquant à ce foyer, et disposés de manière à chauffer con- venablement toutes les parties de la serre. Lors- que ces tuyaux ont une grande étendue, il se- rait impossible d'y déterminer un tirage suffi- sant sans le secours d’un fourneau d’appel, or- dinairement en tôle de fer, placé à l'extrémité de la serre ouRSSe à celle où est établi le fover; le moindre feu clair, entretenu pour un mo- ment, OCC:Sionne un Courant d'air qui permet au feu du fover de s’allumer. Les meilleurs tuyaux pour cet usage sont les conduits construits en briques cimentées avec de bon mortier dans lequel le plâtre, comme trop sujet à se crevasser, ne doit entrer ni à l’exté- rieur, ni à l’intérieur. Lorsqu'on ne doit éta- blir qu'une ligne de tuyaux, on peut leur don- ner une largeur de 0m,25 sur 0m,40 de hau- teur. Ces dimensions peuvent être de beaucoup réduites lorsqu'on double la ligne des conduits en les faisant revenir sur eux-mêmes; dans ce cas, deux lignes de conduits étroits font plus d'effet qu'une seule ligne de conduits sur des proportions doubles. Dans une serre peu spacieuse, les conduits de chaleur, quelque forme qu’on leur donne, partant d’une extrémité de la serre, suivent, sans le toucher immédiatement, le mur de de- vant, et reviennent le long du mur opposé ; ou bien ils sont disposés à plat sur le sol, et recou- verts de planches sérvant de passage, comme le | représente la coupe de la bâche à deux plates- bandes (fig. 155). Pour ne pas nuire au coup d'œil, les tuvaux sont le plus souvent dissimulés par un lambris en planche ; lorsqu'ils règnent le long d’un mur dans la serre, une tablette placée au-dessus re- HORTICULTURE. LIVRE VIII çoit les plantes en pots qui réclament l’appli- cation immédiate de la chaleur, On les fait aussi quelquefois passer dans l’intérieur des bâ- ches quand les végétaux qu’elles contiennent peuvent le supporter; mais lorsqu'ils passent à travers la tannée, on doit prendre beaucoup de précautions pour n'y pas mettre le feu. Les tuyaux en terre cuite seraient économi- ques et excellents sans la difficulté de souder exactement leurs jointures ; nous avons indiqué à l’occasion du thermosiphon, le meilleur mor- tier approprié à cet usage. Il ne faut pas crain- dre de les faire entrer plutôt plus que moins les uns dans les autres (fig. 176). Les conduits rectangulaires (fig. 177) sont construits en briques maconnées à chaux et à ciment. Souvent la partie supérieure est rem- placée de distance en distance, ou même dans toute sa longueur, par des plaques de fonte de fer, qu’on déplace à volonté pour les nettoyer. Tel est en effet le grand inconvénient de ce: mode de chauffage pour les serres; quelques précautions qu’on puisse prendre, il y laisse toujours pénétrer plus ou moins la poussière et la fumée, et quand il s’agit de nettoyer les tuyaux il cause beaucoup d’embärras en obli- geant presque toujours à évacuer entièrement la serre. L’horticulteur n’a pas toujours la faculté de faire construire selon ses vues la serre dans laquelle il doit cultiver, soit que, jardinier de profession, il reprenne un établissement déjà monté, Soit que, simple amateur, il trouve, en achetant une propriété, la serre déjà con- struite. Le système de chauffage par Pair chaud, qu'on trouve le plus communément établi, peut, dans ce cas, recevoir avec très peu d’embarras et de dépense une heureuse modification, sou- vent mise en usage en Angleterre. On laisse subsister les conduits rectangulaires maçonnés en briques (fig. 177 et À A fig. 178); on les rem- Fig. 1 78. [Se E SM ) $ RE NY fe) QUE l plit, de cailloux, de pierres ou de briques con- cassées B. Un tube à vapeur C de quelques cen- timètres de diamètre règne tout le long de ces conduits; il est percé de trous de distance en | distance pour répandre la vapeur entre les pierres qui, une fois echauffées, maintiennent. dans la serre une température égale et durable, TITRE li. ORANGERIE très préférable à celle des conduits ordinaires chauffés par l'air mêlé de fumée, n’occasion- nant hi ramonages, ni réparations, et posse- dant en outre la précieuse faculté de charger à volonté l'atmosphère de la serre d’une bien- faisante vapeur d'eau, ménagée selon les be- soins de la végétation. $ IV. — Foyers : La forme ordinaire des foyers pour le chauf- fage des serres est tellement vulgaire qu'il se- rait superflu de la décrire. Il faut apporter le plus grand soin au choix des matériaux afin d'éviter les réparations; les végétaux d’une serre, ceux d’une serre chaude surtout, sont perdus si, pendant les froids rigoureux, le foyer qui doit leur fournir la chaleur est hors de service, ne fût-ce que pour une demi-journée. On ne doit employer à la construction du foyer que des briques réfractaires, qui ne soient pas sujettes à se déformer ou à se vitrifier par l’ac- tion du feu. Cette action est peu violente et dé- tériore peu les foyers, lorsqu'on n’y brûle que du bois ou de la tourbe. Mais quand on y em- loie du charbon de terre, ils se détruisent Rest plus vite. . Le charbon de terre n’est ordinairement em- ployé au chauffage des serres que sous la forme de coke, ou de houille carbonisée dont on.a extrait le gaz hydrogène carboné: dans cet état, il ne produit point ou presque point de fumée. Nous donnons ici la figure d’un foyer que les Anglais nomment fumivore ( fig. 179); sa con- emploi dû combustible, Fig. 180, 179. 2 À DO Te = K | De je RSR REIN NN struction permet d'y brüler de la houille telle qu’elle sort de la mine, parce que le gaz y est consumé avant de s'échapper par la cheminée. Ce fourneau est dû à M. Witty. La figure 179 montre sa coupe verticale. Le feu est introduit par la porte a, dont la forme représentée sépa- rément (fig. 180) permet de s’en servir comme d’une pelle pour le transport du combustible allumé ou non, qui descend jusqu’à la grille c le long d’un plan incliné. La seconde porte b sert à régler lactivité du feu sur la grille c. Une fois le tirage établi, la flamme tendant tou- | jours à s'élever, tout le charbon qui reste sur le plan incliné prend feu en même temps; de cette manière, toutes les fois qu’on charge le fourneau avec de nouveau charbon, tout le gaz qu'il contient s'en échappe et brûle, et il! n'arrive à la grille que réduit à l'état de coke. Ce fourneau, indépendamment de l'avantage qu’il possède de consumer sa propre fumée, ce : ÊT SERRES. 99 qui n’est point sans importance dans un jardin d'agrément, permet en outre une grande éco- nomie de combustible. De quelque manière que soient construits les fourneaux ou foyers pour le chauffage direct de l'air destiné à échauffer les serres, où pour les chaudières à vapeur et les thermosiphons, c’est une règle générale de n’en jamais placer l'ouverture dans la serre; elle doit se trouver dans un cabinet servant d’antichambre à la serre qui, comme nous l’avons indiqué pour les bâches, ne peut sans cette précaution être préservée de toute introduction de la fumée et de l’air froid du dehors. Beaucoup d'amateurs, pour ne pas déranger la symétrie de leurs serres et ne pas nuire au coup d'œil qu’elles présentent du dehors, pla- cent à l’intérieur le fourneau d'appel; le jardi- nier fleuriste de profession ne doit point s’ar- rêter à une considération semblable; faisant passer avant tout la végétation de ses plantes, il doit toujours placer le fourneau d’appel à l'extérieur, en choisissant toutefois la place où il offusque le moins la vue. En résumé, le thermosiphon, pour les serres petites et moyennes, l’emporte sur la vapeur et l'air chaud. La vapeur est presque seule applicable aux serres très vastes. L'air chaud mêlé de fumée devrait être par- tout remplacé par le thermosiphon. La tourbe est le chauffage le meilleur et le moins coûteux dans les pays où on peut aisé- ment s’en procurer. La houille carbonisée, ou coke, est préférable au bois par son bas prix. La houille non carbonisée est plus avanta- geuse que le coke; mais elle use rapidement les fourneaux. Le bois est, pour le chauffage des serres, le combustible le plus coûteux et le plus incom- mode. TITRE II. — CULTURE DES VEGETAUX LIGNEUX. CHAPITRE 197. — PEPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. Nous avons traité, au commencement du quatrième volume, des pépinières considérées dans leurs rapports avec l'économie forestière et la grande culture ; le nouveau point de vue sous lequel nous envisageons l'établissement et la conduite des pépinières exclusivement des- tinées aux arbres et arbustes du domaine de l’horticulture, nous oblige à entrer dans des détails beaucoup plus étendus; nous renver- rons le lecteur à l’article Pépinière, tome IV, pages 1'e et suivantes, toutes les fois qu’il y au- rai lieu à des répétitions, soit pour le texte, soit pour les figures. La multiplication des végétaux ligneux vi- 56 HORTICULTURE. vaces, cultivées dans nos jardins, soit pour leurs fruits, soit pour la beauté de leurs fleurs ou de leur feuillage, est l'objet spécial de la profession du pépiniériste, l’une des plus importantes de cel- les qui se rattachent aux différentes branches de l’'horticulture. Des pépiniéristes, en très petit nombre, eultivent la plusgrande partiedes arbres et arbustes à l’usage des jardins; le plus grand nombre s’en tient à une spécialité, déterminée, soit par la nature du sol, soit par la facilité du placement d’un genre particulier de produits. Ainsi la Normandie et la Bretagne ont leurs épinières d'arbres fruitiers destinés à produire FA fruits à cidre; la Provence a ses pépinières d’oliviers et d’orangers, tandis qu'aux environs de Paris on trouve des pépinières où les arbres | et arbustes de toute espece, croissant en pleine terre sous le climat de la France centrale, sont offerts aux amateurs d’horticulture dans toute la perfection que peuvent leur donner les soins | les plus assidus et les plus intelligents. Après avoir esquisse les principes généraux qui régissent toute cette branche de lhorticul- ture, nous indiquerons séparément les détails re- latifs aux pépinières d'arbres à fruit.etecux qui ne concernent que l'éducation en pépinière des arbres et arbustes d'ornement. SECTION 1'®, — Choix el préparation du terrain. Lorsqu'on crée une pépinière de quelque étendue, il doit presque toujours s’y rencontrer diverses natures de terrains; on ne doit regar- der comme absolument impropres à létablis- sement d’une pépinière que les terres compactes et arides, formées d'argile pure ou de craie sans mélange ; hors ces deux conditions qui se ren- contrent rarement partout où le débit des pro- duits est assuré, une pépinière peut être formée ‘avec avantage. Ceci s'applique aussi bien aux travaux du jardinier-marchand qu’à ceux du propriétaire qui, ayant à créer ou simplement a entretenir de vastes plantations quelle qu’en soit la nature, trouvera toujours de l'avantage à joindre une pépinière à son domaine. Non -seu- lement une terre riche et féconde, de première qualité, ne doit point être préférée pour une pépinière, mais encore elle doit être considérée comme essentiellement impropre à cette desti- nation. Il en est des arbres comme des animaux ; s’il est vrai que dans la jeunesse une alimenta- tion convenable leur assure un bon tempéra- ment, il n’est pas moins certain qu'un arbre élevé en pépiniere dans un sol trop fertile et transplanté ensuite dans un terrain moins riche pour y terminer sa croissance, languira, de même qu'un cheval nourri dans son premier âge avec trop de recherche et d’abondance, doit dépérir dès qu'il sera mis à un régime moins substantiel. Pour les arbres à fruits à noyaux une terre de fertilité moyenne, légère, peu compacte; pour les arbres à fruits à pepins, une terre franche et profonde de 0,40 à 0m,50, sont les plus convenables. Si la terre avait des dispositions à retenir l’eau, elle devrait LIVRE VII. être assainie par des rigoles d’égouttement, et amendée avec du sable fin et des cendres de houille. Dans tous les cas, il importe qu’elle soit défoncée aussi profondément que le permet l'épaisseur de la couche de terre végétale. Ce déloncement ne saurait être opéré avec trop de soin ; tout en divisant la terre, on la nettoie le plus complétement possible des pierres de trop grosses dimensions, et des racines de plantes vivaces, telles que le chiendent, le liseron et leS différentes espèces de patience, qui s’éten- dent avec une incroyable rapidité et dévorent la substance des jeunes arbres. Dans un travail de cette nature, nous ne pouvons trop le répé- ter, il y à économie à ne pas ménager la main- d'œuvre; car rien n’est plus désagréable et plus dispendieux en même temps, que de voir percer, à travers les semis, des pousses de racines vivaces qui tuent le jeune plant si on les laisse, et qui pourtant ne peuvent s’ar- racher qu’en détruisant une partie des sujets obtenus de semis avec beaucoup de peine et de dépense. Le sol, ainsi préparé est divisé en comparti- ments dont les uns, destinés aux premiers se- | mis, sont choisis dans le meilleur terrain dont on dispose, ct les autres, reservés pour les re- piquages «et transplantations, sont cultivés en légumes avec une fumure modérée, jusqu’à ce que les semis aient produit assez de plans pour les remplir. Un terrain légèrement incliné au sud et à l’est, abrité du côté du nord, mais à une cer- taine distance de l'abri, est le plus favorable à l’établissement d'une pépinière. Un terrain trop uni ne pourrait aussi facilement qu'une surface un peu accidentée, réunir, à proximité les uns des autres, des sols de nature diverse. Les planches destinées aux semis peuvent être amendes selon le besoin avec une cer- taine quantité de marne ou de chaux; jamais elles ne doivent recevoir une fumure d’engrais récent d’étable ou d’écurie, immédiatement avant les semis. Lorsqu'on juge à propos de faire alterner sur ces planches les semis d’ar- bres et d’arbustes avec une culture de légu- mes, dans le but d'appliquer à cette culture intercalée une fumure suffisante pour rétablir la terre que le plant fatigue beaucoup, il faut choisir les genres de légumes qui ne laissent pas de traces après eux, et exclure ceux qui, comme les pommes de terreetles topinambours, ne peuvent jamais être récoltés avec assez de soin pour qu’il ne reste pas en terre quelques tubercules dont, l’année suivante, la végétation dérange celle des semis. La culture d’une pépinière n’exige aucun bâtiment qui lui soit spécialement consacré, si ce n’est un hangar pour mettre les instruments de travail à Pabri, et un cabinet pour la conservation des semences. Dans une pepinière complète, il est bon d’avoir un certain nombre de cloches et quelques chässis pour les semis et les boutures qui réussissent mal en plein air et en pleineterre. Un bassin, lorsqu'on dispose TITRE III. d’un filet d’eau vive, est fort utile pour l'arro- sage du jeune plant durant les chaleurs; sou- vent, faute de cette facilité, on laisse périr une partie du plant trop faible pour résister à la sécheresse. Quelques pépiniéristes laissent subsister, au milieu des compartiments occupés par les se- mis ou les repiquages, de grands arbres de toute espèce, soit que, les ayant trouves tous venus, ils n’aient pas voulu les sacrifier, soit qu'ils se soient développés depuis la formation de la pépinière ; cette pratique dont les incon- vénients peuvent céder en partie à des soins multipliés et à la bonne nature du sol, est tou- jours condamnable ; le plant doit occuper sans partage les carrés de la pépinière où tout ce qui tend à le priver d’air et de lumière, ou à disputer à ses racines la substance que le sol doit leur fournir, ne peut qu'être préjudiciable à sa végétation. Si l'étendue du terrain per- mettait de n’en consacrer qu’un cinquième aux semis de la pépinière, et de les changer de place tous les cinq ans, ce genre d’assolement serait préférable à tout autre; mais, le plus souvent, il est impraticable. On doit alors chercher à obtenir äes résultats analogues à ceux de cet assolement, en transposant aussi souvent que possible les semis et les repiqua- es, Sans toutefois consacrer jamais aux semis, dun cette rotation, les portions de terrain de qualité trop inférieure, sur lesquelles ils ne pourraient réussir. Une clôture de murailles est presque indispensable à la sûreté d’une pé- pinière, où l'invasion d’un lièvre ou d’un lapin en hiver cause d’incalculables dégâts. On sait que ces animaux rongent l'écorce des jeunes sujets pour qui leurs morsures peuvent être mor- telles.On ne peut donc s'abstenir d’entourer de murs une pépinière que lorsqu'elle est protégée soit par une rivière, soit par un fossé profond et plein d’eau. Les haies, même lorsqu'elles sont épaisses et serrées, n’arrétent pas toujours les lièvres et les lapins qui savent très bien terrer par-dessous. Les haies conviennent au contraire fort bien pour séparer les grandes di- visions intérieures d’une vaste pépinière. Les semis, les marcottes et les boutures sont les trois principaux moyens de se procurer les sujets qui, au bout d’un certain temps passé dans la pépinière, deviennent susceptibles d’é- tre greffés quand cette opération leur est né- cessaire, ou d’être mis en place tels que les a fait croître la nature secondée par le travail de l’horticulteur. SECTION II. — Semis. IT. — Choix des semences. Les semis d'arbres et d’arbustes ont pour but trois objets principaux : propagation des meilleures espèces ; amélioration des espèces déjà possédées ; conquête d'espèces ou de va- rictés nouvelles. Le choix des semences exerce sur ces trois PÉPINIÈRES, PRINCIPES GENÉRAUNX. 57 une influence souveraine, principalement en ce qui concerne les arbres fruitiers. Tous les fruits qu’on pourrait nommer do- mestiques ont été tellement modifiés et amé- liorés de manière ou d'autre, qu’il ne leur reste plus aucune ressemblance avec ce qu'ils ont été dans l’origine. Qui reconnaîtrait dans la prunelle sauvage l’aïeule de toutes nos pru- nes vertes, jaunes et violettes? ou dans l’insi- pide pomme sauvage l’aïeule desreinettes et des pepins d’or? On ne peut plus trouver la moindre analogie entre une délicieuse poire de beurré dont la chair est si succulente, si riche, si fondante, et le type primitif de la poire sau- vage, dure, pierreuse, astringente, dédaignée même des oiseaux et du bétail. Tel est le ré- sultat des soins patients et persévérants de la culture. L'action lente et continue des eaux n’use pas plus sûrement les pierres les plus du- res, quele travail raisonné de l’homme ne peut, aidé du temps, forcer la nature à se ployer à ses oûts et à ses besoins. Les races, une fois modi- liées, se continuent identiques, tant qu’elles re- coivent des soins ; abandonnées à elles-mêmes, elles retournent bientôt à l’état sauvage. Nous ignorons absolument par quels movens une première tendance à se modifier a été don- née aux plantes usuelles; cette tendance au changement dans les types créés primitivement par la nature existe à un degré remarquable dans une foule d'espèces; on peut donc admet- tre en fait une disposition générale dans tous les êtres à dévier de leur type naturel par la culture; nulle part cette disposition n’est plus prononcée que chez ceux que l’homme a su plier à la domesticité ; le chien et les oiseaux de basse-cour sont à cet égard, dans le règne animal, ce que sont dans le règne végétal les fruits cultivés. L’horticulteur possède deux moyens principaux de développer cette dispo- sition des végétaux à former des variétés. Le premier et le plus simple, c’est de choisir con- stamment pour les semis les graines des espèces et variétés les plus perfectionnées, et de réserver pour cet usage les individus les plus parfaits de chaque variété. Les qualités du fruit sont con- centrées dans l’embryon de la graine parvenue à sa parfaite maturité; comment ces qualités se transmettent -elles ainsi de génération en génération ? Nous l’ignorons; nous savons seu- lement qu’elles se transmettent. De deux pommes de la même espèce, cucillies sur deux espaliers, l’un au nord, l’autre au midi, la première sera la moins sucrée: les pe- pins du fruit le moins capable de former du sucre tiendront de la nature un pouvoir moins rand pour faire produire à leur postérité des ruits sucrés. Le jardinier qui désire obtenir par les semis l'amélioration des variétés doit d’abord, par tous les moyensen son pouvoir, les stimuler à donner les fruits les meilleurs qu’elles soient capables de produire, pour semer ensuite les pepins ou noyaux de ces fruits. Un moyen plus efficace d'obtenir des variétés points essentiels des travaux du pépiniériste | nouvelles, c’est de féconder le stigmate d’une HURTICULTURE, J, V. — 8 08 HORTICULTURE. espèce avec le pollen d’une autre; il en résulte le pius souvent une variété intermédiaire. Le mode selon lequel s'opère ce croisement est des plus curieux. Le pollen, ou poussière fe- condante, contenue dans les bourses des éta- mines. est composé de très petits globules creux dont l’intérieur est rempli d’un fluide dans le- quel nagent des particules dont la forme varie du sphéroïde à l’ovale, et qui possèdent visible- ment la faculté de se mouvoir spontanément, comme on peut s’en assurer en les observant au microscope. Le stigmate,extrémité du pistil ou organe féminin, est formé d’un tissu très lâche, dont les pores ou passages intercellu- laires ont un diamètre plus grand que celui des atomes mouvants du pollen. Quand un grain de pollen vient en contact aveclestigmate, son enveloppe se brise, et il verse son contenu sur le tissu lâche dustigmate. Les particules mou- vantes descendent à travers le tissu dustile, quelquefois une à une, quelquefois plusieurs ensemble, selon l’espace qu’elles trouvent ; elles arrivent, par des conduits que la nature a des- tinés à cet usage, jusqu’à une petite ouverture qui existe dans les téguments de l’ovule destiné à devenir une semence. Déposée dans cette ou- verture, la particule s’enfle, grandit par de- grés, se sépare en radicule et cotylédons, et finalement devient un embryon duquel, quand la semence mûre sera conliée à la terre, un nouvel arbre doit sortir. L'action du pollen sur lestigmate, et par suite sur la semence, étant telle que nous venons de lä décrire, il s’ensuit nécessairement que, dans tous les cas de croisement , la variété nouvelle articipera de Pindividu mâle qui aura fourni le pollen et dé l'individu femelle fécondé. Cet effet très sensible dans les croisements entre des espèces distinctes a toujours lieu, quoique d’une manière moins sensible, pour les variétés améliorées de longue main ; c’est ce qu’il ne faut jamais perdre de vue dans la pratique. Les limites dans lesquelles ces effets peuvent se produire sont assez Ctroites. La fertilisation est nulle ou très rare entre deux espèces, à moins qu’ellés n’offrent entre elles les plus grands rapports; les semences provenant de ce croisement sont stériles, ou si elles sont fer- tiles, c’est pour retourner à l'une des deux es- pèces dont elles dérivent. Tel est sans doute le motif pour lequel nous n’avons pas d’intermé- diaire entre la poire et la pomme, le coing et la poire, la prune et la cerise, la groseille à grappes et la groseille à maquereau. Mais les variétés se croisent aisément, et leurs produits dépassent souvent la fertilité de leurs auteurs. Il suffit d’en citer pour exemple les nombreu- ses varietes de poires obtenues en Belgique de- puis trente ans par le croisement entre des va- riétés peu productives; leur descendance égale ou dépasse la fécondité des meilleurs arbres fruitiers de nos jardins. Tels sont les principes qui doivent diriger le FLÈTS LÀ e = Ï pépiniériste dans le choix des semences. Ces principes sont en général rarement appliqués ; LIVRE VIII, nous les avons crus d'autant plus dignes de trouver place ici, qu’ils ont attiré l'attention toute spéciale des hommes les plus distingués dans cette branche de lhorticulture. Les no tions qui précèdent sont extraites en grande partie des ouvrages du célèbre professeur an- glais Lindley. $ IT. — Semences d'arbres et d’arbustes classés selon l'époque de leur maturité, AÀ.-—- Cônes. Espèces. Époque de la malurité PitiisylVestre 229 . Novembre, Pin'aimagnons et. Feet. Décembre, Pin weimouth, .....,... Octobre. Pin cembro. ......, .... Novembre. SaPiD ÉPICEA ee -- 0e .. Octobre. Sapin baumier....... ... Septembre. Mélèze (5 variétés). ..... Décembre. Cédre du Liban... 4, Mars. Genèvrier de Virginie, ... Décembre. Cyprès (2 variélés) ...... Jaüvier. Thuya (2 variélés).,.,... Novembre. Un grand nombre de conifères ne se culti- vent point en pépirière, soit parce que ces ar- bres reprennent trop difficilement, soit parce qu'ilest toujours facile d’en prendre du plant dans les bois où ils se sèment d'eux-mêmes. On peut récolter les cônes depuis le moment indi- qué comme leur époque de maturité, jusqu’au mois d'avril de l’année suivante ; mais s’ils sont récoltés de bonne heure, les graines en valent mieux. Au moment d’en faire usage, on les sé- pare en les exposant à la chaleur modérée d’une étuve; les écailles du cône s'ouvrent et lais- sent échapper les semences. Les cônes du cèdre du Liban ne doivent point être chauffés ; on les conserve une année en- tière avant de les ouvrir, ce qu’on fait au moyen d’une lame de fer, mais avec précaution. Cet arbre, le plus précieux de tous les conifères pour la durée et l’incorruptibilité de son bois, aura bientôt disparu de ses montagnes nata- les par l’incurie des habitants du pays; les pé- piniéristes et les amateurs ont pris soin d’en conserver et d'en propager la race près de s’éteindre. On le sème dans une terre très meu- ble, soit en pots, soit en plates-bandes, à l’ex- position du midi ; les semences doivent être peu recouvertes. Le plant du cèdre ne forme jamais de bons arbres lorsqu'il a passé plus de deux ans en pépinière; celui qu’on élève dans des pots suffisamment profonds, et qu’on transplante ensuite en motte, est toujours le meilleur ; ce mode de semis doit être préféré par ceux qui n’en ont pas un trop grand nombre à la fois. Les autres variétés de cèdre, et toutes les va- riétés de cyprès, se traitent comme le cèdre du Liban. Tous ces semis aiment une position om- bragée. B. — Glands, amandes, noïx, noisettes, châtar- gries, elc. Espèces. Époque de la maturité Ghüresdense.. 2er .. Novembre. Chéne-ltege, . 4.2 &e es ete NONERUNC: TITRE LL. Espèces. Époque de la maturité. Chène écarlate. ......... Novembre. Chène Rouvre et tous les au- tres chènes d'Europe. .. Decembre. Hhalaignierisne 222 sir Novembre. ÉreuB-:5. 53 5 RTE ë Novembre. EE MR RE OL Septembre et octobre. Marronnier d’Inde...,.... Octobre. Platane occidental.... ... Décembre. Erable, faux plataneetautres Octobre. Noyer (2 variétés). ...... Septembreet octobre. Noiïsclier-aveline. . ...... Octobre. AMANALEPS SEEN 4 5e 12. Septembre. Bollsaue ae nids . 11 Novembre, Staphiléa, ....... : .. Octobre. Toutes les semences de cette section peuvent être semées à l’état frais; on ne doit faire sé- cher que celles qui doivent être envoyées au loin. Si le climat ou d’autres motifs ne permet- tent pas de les semer immédiatement, mais qu’on ne les destine pas à voyager, il n’y a pas de meilleur mode de conservation que de les disposer par lits alternatifs, recouverts de sable fin mélé de cendres tamisées: c’est ce qu’on nomme stratifier les semences. Par ce procédé, quoiqu’elles ne soient point desséchées, leur végétation demeure comme endormie jusqu’au moment où l’on veut s’en servir. Les glands, marrons d’Inde, marrons, chà- taignes. amandes, noix et noisettes, se sèment en lignes à la fin de février ; ces semences sont peu difficiles sur la qualité du sol; cependant elles réussissent mieux dans une terre franche, ais bien ameublie, que dans un sol trop léger. Elles doivent être enterrées à la profondeur de 0,04 ou 0".,05. Les semis de frênes se font en sol léger et frais dans une situation très découverte; on les recouvre de 0m,02 oa 0m,03 de terre tout au plus. Le sycomore et le hêtre, dont le plant est très sensible à l’action du froid, ne se sèment pas avant la fin de mars ou les premiers jours d'avril, en terre légère, sablonneuse, à 0" ,02 de profondeur. Ces indications se rapportent uniquement aux semis en pépinière ; les chênes, les châtai- gniers, les hêtres susceptibles de former, par: le moyen des semis, de vastes forêts, sont sou- mis dans ce Cas à ün traitement différent. ( Voir tome IV, page 68.) C. — Fruits et baïes à noyaux, = [- .. Espèces. Epoque de la maturité. LT ORNE Octobre. AIFICULIEr. .-- 2... Août, septembre. Hurt Se EN Août, septembre. LE 10 MESSE Juillet. EMMRPRAC it: 1... Novembre, Eatürier=cerise. : . :...... Septembre, NéBlébase. 4 . 535: ::.. Decembre: Sorbier des oïseleurs. . .... Août. Sorbier pinnatifide. . . . ... Octobre. Sorbier terminal......... Novembre. DOMINER 5... .. Octobre. 21h) Bent DE CHAN . Novembre. Houx:....,,,,,:,..,,, Novembre. PÉPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. 59 Espèces. Epoque de ia maturité. Alätérné. 22, MM 0 OUtlobré: Nérprüh:. ARE Septembre, DAphnez: EE LL EMISE Juin. Viormel!u: 4501 .HAPRPEE Juin, BRVIlirEA LS Lee 2 25e 20e Février, ROSLELS Le revsrées si . Octobre. Le mois de février tout entier, et pour quel- ques variétés les premiers jours de mars, sont les époques les plus convenables pour les semis des noyaux de cette section. Il en est qui, comme le néflier, se sèment rarement, parce qu’il leur faut deux années pour lever, et que d’ailleurs on les multiplie facilement par d’au- tres moyens. L'aubépine et le houx, très usités lun et l’autre pour clôture, se sèment en lignes à 0m,16 de distance entre elles, à 0",03 ou Om,04 de profondeur; il est bon de passer le rouleau par-dessus les semis, tant pour que la semence soit bien recouverte que pour raffer- mir le sol, condition favorable au plant d’au- bépine et de houx. La même précaution doit être recommandée pour les semis de ces deux graines en place. On ne doit pas manquer de les préserver par un abri quelconque de l’action directe des rayons solaires pendant les ardeurs de l’été auxquelles le jeune plant ne peut ré- sister s’il n’est ombragé. D.— Fruits, baïes et capsules contenant des pepins. Espèces. Epeque de la maturité. Poirier. 24e" ÉAÉCOUUO Octobre, POMNHIELS AS sie die Octobre. Gognassier :. :.,....:.:: Novembre. Mathensiists cn À rss Octobre. Cornouiller..1........... . Octobre. Berberis épine-vinette. .... Septembre. DUTBAU TE me ous en no eue oo Septembre, Chévrefeuillé. ... :..... Août. À CAT) OP ERA DRE T Octobre. HMroënet.l 93 ZA IQ: Octobre. FEU A. nee 4:08. : Novembre. Les pepins, auxquels la profession de pépi- niériste doit son nom, sont de tous les genres de semences le plus important dans les pépi- nières d'arbres fruitiers; on plante en effet bien plus d'arbres fruitiers à pepins que d'arbres fruitiers à noyaux, les usages des fruits à noyaux étant beaucoup plus limités. | Les semis de pepins ont besoin d’être pré- servés de la chaleur et de la sécheresse par quelques abris pendant le premier été que le jeune plant passe en pleine terre. Ces abris sont d’un effet plus certain quand les planches sont dirigées de l’est à l’ouest, que quand leur di- rection est du nord au sud, disposition facile à prendre, et qui n’est pas sans influence sur le bon resultat des semis de pepins. E.— Arbres et arbuñtes à semences légumineuses. Espèces. Epoque de la maturité, Baguenaudier........... Octobre. Robinia, faux acacia. .... Novembre. Cytise asie teen A RCI Octobre. Gléditzia, fèvier de la Chine Novembre. Gercis siliquastrum....... Novëñbre. :: . 60 Toutes les semences légumineuses peuvent | être semées en fevrier, en terre sablonneuse et légère, mais profonde, parce que. durant leur premier âge, les racines du jeune plant pénè - trent plus avant dans le sol que celles des ar- bres et arbustes des sections précédentes. Les se- mences légumineuses manquent rarement de lever, en sorte que le plant se trouve exposé à périr si les semis sont trop serrés; elles doivent donc être suffisamment espacées entre elles, alin de ne pas se nuire; il ne faut pas les en- terrer à plus de 0,02 de profondeur. L’épo- que critique pour le plant provenant des se- mences de cette section est le mois d'août, ou, comme disent les jardiniers, la sève d'août. I arrive assez souvent que le plant des semences légumineuses, bien levé au printemps, perd ses feuilles en juillet et n’a pas la force d’aspirer la sève d'août ; on prévient ces accidents en sa- crifiant, sans hésiter, une partie du plant levé, lorsqu'il paraît trop serré, et en donnant à ce- lai qu’on laisse en place plusieurs binages dans les mois de juin et de juillet. FE. — Arbres et arbustes à petites semences molles. Especes, Époque de Ja maturité. Ormes. 5 Juin. AUDE te RON TS E Novembre. Peupliélee +... Mai. Saulean EUR cee Juin. SEA O Soie 00 Topo Octobre. Cite ne m eee Septembre. Rhus(Gotinust 5... Juillet. Les semences de cette section étant müres de très bonne heure, peuvent être semées aussitôt qu'on les récolte; livrées à elles-mêmes, sans culture, elles donnent déjà du plant très vi- goureux avant l'hiver. On doit suivre cette in- dication de la nature, excepté pour les variétés sensibles au froid, dont on retardera les semis jusqu’au printemps de l’année suivante. Ces semences veulent tout au plus être recouvertes d’un ou deux centimètres de terre. 6 TITI, — Observations sur les semis de pepins et de noyaux. Les semis sont le meilleur de tous les modes de reproduction des arbres et arbustes fruitiers en pépinière; les autres modes sont inférieurs sous tous les rapports; des motifs d'économie de temps et d'argent peuvent seuls les faire préférer dans beaucoup de circonstances, bien que ceux-là même qui les adoptent ne contes- tent pas la supériorité des semis. Mais tous ceux pour qui nous écrivons ne cultivent pas dans des conditions identiques; il en est beau- coup pour qui les considérations d’argent ne sont que secondaires, et qui, véritables ama- teurs, tiennent surtout à faire le mieux possi- ble; ceux-là ne balanceront pas à semer cons- tamment, même au-delà de leurs besoins, car c’est seulement ainsi qu’on peut, soit conquérir de nouveaux fruits, soit perfectionner les an- ciens, source de continuelles jouissances pour lhorticulteur, Nous croyons donc devoir ajou- HORFICULTURE. LIVRE VII. ter quelques conseils aux observations qui précèdent. A. — Pepins. Le plus grand nombre des sujets de poiriers et pommiers, livrés au commerce par les pépi- nicristes, ne provient pas de semis; les poi- ricrs destinés à être conduits en espalier ou en quenouille sont greffes sur cognassier; les sujets de cognassier pour grefler s'ob- tiennent de vieilles souches (il y en a de plus que séculaires) qui n’ont pas d’autres fonc- tions que de fournir constamment des reje- tons qu'on leur enlève à mesure qu’ils se dé- veloppent pour les repiquer en pépinière et les cultiver jusqu'au moment de les greffer; on nomme ces vieilles souches des mères. On concoit quelle différence de vigueur et de durée doit exister entre ces sujets donnés par des sou- ches depuis si longtemps épuisées, et ceux que donneraient des semis de pepins; C’est la vie qui s'éteint, comparée à la vie qui commence. L’amateur et même le pépiniériste marchand s’il comprend bien ses intérêts, doivent donc semer chaque année des pepins de coings, choisis parmi ceux des plus beaux fruits des plus belles variétés. Les jeunes sujets craignent peu le froid, il est d'ailleurs facile de les en préserver par une légère couverture de paille; les semis peuvent donc sans inconvénient se faire en automne, aussitôt que les coings sont arrivés à parfaite maturité. Pour les localités exposées à des hivers rigoureux, on fera bien, autant que possible, de conserver les coings entiers jusqu'au printemps, et de semer les pe pins immédiatement au sortir du fruit. Les su- jets retarderont d’un an ou deux sur ceux que donnent les souches-mères; ce n’est réellement un inconvénient que pour le pépiniériste qui commence; au bout de quelques années, il s’é- tablit une rotation qui permet d’avoir toujours assez de sujets à greffer pour les besoins de l'établissement, et ces sujets sont de beaucoup supérieurs à ceux des souches-mères. Pour les variétés en grand nombre qui reprennent diffi- cilement sur cognassier et ne forment jamais par ce procédé que des arbres défectueux, nous recommandons de semer une grande provision d’épine-blanche, sur laquelle tous les poiriers sans exception donnent, par la greffe, des arbres de la plus belle venue et de la plus grande durée. Quant aux pommiers, rien ne peut jusqu’à présent remplacer, pour les arbres nains, les doucains, et les paradis ; ce sont encore les meil leurs sujets pour les arbres qu’on se propose de tailler en quenouilles peu élevées ou bien en contre-espalier, à 1",30 ou 1°,50 au plus de hauteur; à la vérité ils durent peu, mais ils produisent promptement et ne s'emportent ja- mais. Pour tous les arbres en grandes que nouilles, en grands espaliers et à haute tige ou en plein-vent, les sujets obtenus de semis sont préférab'es. On ne sème guère que les pepins des poires et pomines qui ont servi à faire du cidre; ces TITRE 111, PEPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. 61 pepins proviennent d'arbres greffes; beaucoup | pour les semences les chances de destruction d’entre eux donneraient des fruits de très bonne | qualité sans le secours de la greffe ; le pépinié- riste consent rarement à en courir la chance, à cause de la perte de temps qu'il aurait à sup- porter dans un espoir qui serait souvent décu. L'amateur, au contraire, doit laisser porter fruit à tous les sujets qui dès la première an- née se montreront exempis d'épines et munis | d’un feuillage large et bien fourni. Les arbres qu'on ne greffe pas sont à la fois plus produc- tifs et plus durables que les autres. On obtien- | drait bien plus souvent des sujets de ce genre si l’on avait soin de ne semer que les pepins des fruits à couteau les plus recherches. Le pépiniériste qui opère sur une grande échelle ne peut user de ce procédé, il lui faut trop de pepins ; il ne peut les demander qu’au mare de cidre. L’amateur, dont les semis sont plus bor- nés peut avoir recours, à peu de frais, à un moyen fort simple que nous indiquons pour en avoir longtemps fait usage avec succès en Bel- gique et en France. Durant la saison des fruits, on s'entend avec les garcons de service d’un ou plusieurs restaurateurs ou maîtres d'hôtels de la ville la plus voisine; on leur remet deux sacs, l’un pour les pepins, l'autre pour les noyaux ; toutes les semaines, moyennant une très légère rétribution, on reçoit de cette ma- nière une bonne provision de pepins et denoyaux qui, recueillis sur les assiettes de dessert, pro- viennent tous des meilleurs fruits. Dans le Romois, canton du département de l'Eure, en possession de temps immémorial de fournir aux pépiniéristes des environs de Paris des sujets pour être greffes, on a soin de mettre à part les fruits les plus beaux et les plus sains, récoltés à cet effet sur les arbres à cidre; on laisse ces fruits en tas pendant vingt-cinq à trente jours, après quoi ils sont écrasés et pressés, mais modérément ; les pepins sont sé- arés du mare par le lavage. En Bretagne, dans e Morbihan et dans Ille-etVilaine, on sème sans choix les pepins pris dans le mare de ci- dre; la différence de qualité dans les sujets est telle que la plus grande partie de ces derniers semis doit être rejetée comme fretin. B. — Noyaux. On les sème souvent entiers, soit au prin- temps, soit à l’automne; en général on secon- tente de les stratifier dans du sable frais, par | lits alternatifs pendant l'hiver, afin de prépa- rer par une sorte de ramollissement, l’ouver- ture de l'enveloppe ligneuse, où novau propre- ment dit. Ce mode d'opérer peut être continué sans inconvénient pour les noix, les pêches, les brugnons et les alberges, dont les noyaux sont disposés naturellement à s'ouvrir; les noyaux d’abricots, les amandes à coque dure, les osse- lets de nèfles, les noyaux d’olives, enfin tous ceux que l’excessive dureté de leur enveloppe rend difficiles à germer, doivent être cassés Pour qu’on n’en sème que les amandes. Le seul inconvénient qui en résulte c'est Ce multiplier par les mulots et les insectes ; cet inconvénient est plus que compensé par la rapidité de la germination. Depuis quelques années, l’atten- tion des pépiniéristes de nos départements du midi a été appelée sur les avantages que pré- sente la méthode des semis pour la multiplica- tion des oliviers; les semis de noyaux entiers, quoique lessivés avec soin, réussissaient rare- ment à cause de la dureté des noyaux ; un pro- priétaire du département du Var, M. Martelly membre du comice agricole de Toulon, a in- venté récemment un Casse-noyaux au moyen duquel il met à nu l’amande de l’olive sans s'exposer à écraser le germe, ce qui a lieu le plus souvent quand on se sert d’un marteau. Désormais, le midi de la France renoncera à peupler ses pépinières de sujets pris au pied de souches séculaires; et ces pépinières ne livre- ront plus à l’agriculture que des sujets de semis supérieurs aux anciens sous tous les rapports. Le temps que les jeunes sujets doivent pas- ser en place avant de subir une première trans- plantation varie selon les espèces; il vaut mieux avancer cette opération que la retarder; il suf- fit que les sujets soient assez forts pour que la | reprise semble assurée. Nous regardons comme une très mauvaise pratique de semer trop serré; c’est le moyen de n’obtenir que des sujets dé- biles qui, dans la suite, ont souvent bien de la peine à se refaire. Tous les traités recomman- dent de couper le pivot ou racine principale de chaque sujet au moment de la transplantation, pour le contraindre à émettre des racines la- térales en plus grand nombre; il faut, pour cette opération délicate, avoir égard à la vi- gueur du plant, et retrancher seulement l’ex- trémité des sujets qui semblent moins forts que les autres. On désigne sous le nom de fretin tout le plant faible et mal venu qui ne peut supporter le repiquage; sous peine de rem- plir la pépinière de sujets languissants et ché- tifs, il faut, sans balancer, rejeter comme fre- tin tout ce qui n’offre pas des gages suffisants de vie et de vigueur. SEcriox IL. — Marcottes et boutures. $ 17. — Marcottes. Les procédés du marcottage peuvent être modifiés de mille manières, mais tous reposent sur ce principe : forcer une branche à s’enraci- ner, sans la séparer de la souche-mère, jusqu'a ce qu’elle soit en état de vivre par elle-même. A. — Îlarcoitte simple. Le marcottage le plus simple de tous, fig. 181, 62 consiste à courber de haut en bas une des bran- ehes les plu: rapprochées du sol, de maniere à la faire entrer dans une petite fosse creusée à cet effet ; puis on relève l'extrémité de la bran- che au-dessus de la surface du sol, en lui laïs- sant seulement un ou deux yeux à découvert. La fosse est alors remplie de terre et l’opéra- tion est livrée à elle-même. Quand la sève se met en mouvement il se forme d’abord près des yeux enterrés un léger bourrelet duquel partent bientôt des racines, de sorte que la marcotte vit à la fois aux dépens de la souche - mère et aux dépens du sol. Ce procédé est nécessaire- ment limité dans son emploi : d’une part, ilne peut s'appliquer qu'aux branches inférieures des arbres; de l’autre, il exige de la part des branches un certain degré de longueur et de flexibilité; enfin, pour qu'il réussisse, il faut que la sève descendante soit assez abondante pour fournir à la production des racines et per- cer l'écorce de la branche marcottée. Quand on opère sur une plante sarmenteuse, on peut enterrer une branche assez longue qu’on fait alternativement sortir de terre et rentrer ; une seule branche donne dans ce cas plusieurs su- jets enracinés; on la nomme marcotte en ar- ceaux. Pour se procurer à la fois un grand nombre de sujets des espèces qui rejettent facilement, on sacrifie un arbre qu’on coupe au niveau du sol; on recouvre la souche de bonne terre, ap- propriée à sa nature, et on ja force ainsi à pro- duire une foule de rejetons qui s’enracinent et deviennent autant de marcottes. Les jardiniers nomment cette opération marcottage par cépée; ce n’est en réalité qu’une marcotte simple. B. — Marcotte chinorïse. Les Chinois ont un autre procédé plus expé- ditif, qui se rapporte aussi en principe à la mar- cotte simple. Au lieu de marcotter séparément un jeune rameau destiné à donner naissance à un seul sujet, ils couchent une branche tout entière (fig. 182) avec ses rameaux, qu’ils assujettissent Fig. 182. par un nombre suffisant de crochets, le tout disposé horizontalement dans une sorte de fosse plate, très peu profonde ; ce couchage s'opère avant la sève du printemps. Quand l'arbre entre en végétation, chaque œil pousse son bourgeon qui s’elève verticalement ; on recouvre alors de quelques centimètres toute la branche couchée, en ayant soin de l’arroser, et surtout de la pailler ; chaque œil, avant la fin de l'été, s’est fait sa provision de racines, de sorte qu’on pos- sède autant de sujets enracinés de différentes grandeurs ‘qu’il s’est trouvé d’yeux sur les ra- meaux de la branche couchée. Ce mode de marçCottage, depuislonglemps en usage à Angers, HORTICULTURE. LIVRE VIII. doit recevoir dans nos pépinitres de nombreuses applications. C. — Marcotte incisée. Tous les procédés destinés à contraindre à s’enraciner les végétaux rebelles au marcot- tage simple, ont pour but de les isoler partiel- lement de la souche-mère , et de barrer le pas- sage à la sève descendante. On pratique à cet effet divers genres d’incisions transversales ; les unes, superficielles, n’entament que l'écorce; les autres, plus profondes, pénètrent jusqu’à la moitié de l’épaisseur de la branche ; d’autres encore, sans pénétrer aussi avant, font le tour de la branche ; dans ce cas, elles ne font qu’ef- fleurer l'écorce à la partie supérieure, tandis qn’au-dessous le bois se trouve plus ou moins entamé. Quand les incisions sont profondes, on place entre les deux parties incisées de petites chevilles de bois (fig. 183); on les divise en Fig. 184, 183. outre par des fentes longitudinales maintenues de même par des chevilles; tous ces moyens multiplient les chances d’émission de racines, que pourtant avec tout cela on n'obtient pas toujours ; c’est le cas de recourir à l’amputa- tion et à l’incision annulaire. D. — Marcoue par ampulation. L'incision doit entamer au moins la moitié de l’épaisseur de la branche; la partie détachée en avant, au lieu d’être maintenue à distance par une cheville, est retranchée tout-à-fait ; les racines sortent du bord supérieur de la plaie (fig. 184). E. — Marcotte par incision annulaire. Un habile horticulteur anglais, M. Knight, cherchant à multiplier de marcottes des arbres fort difficiles à s’enraciner, imagina de fermer à la sève descendante le retour vers la souche- mère, au moyen d’un anneau d’écorce enlevé à la base de la branche marcottée; en un mois il obtint des racines de marcottes qui avaient résisté à tous les autres procédés ( voir t. IV, fig. 5, p. 5.). On peut souvent substituer avec avantage à ce genre d’incision une simple liga- ture; pour les végétaux très souples, on obtient le même résultat en tordant plus ou moins la partie de la marcotte couverte de terre. L'époque du marcottage influe beaucoup sur la réussite; en général, on marcotte les arbres à feuilles caduques pendant que la sève som- meille encore, et les arbres à feuilles persistan- tes (lauriers, rosages, azalées, andromêëdes, arbousiers) pendant que la sève est en pleine activité; dans ce Cas, il est rare que ces der: niers ne soient pas enracinés dès le milieu de l'été; il faut les séparer aussitôt de la souche- mère, avec des soins convenables; ils doivent fleurir au printemps suivant. ge TITRE HI. Parmi les végétaux qu'il est avantageux de PÉPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. multiplier au moyen du marcottage, plusieurs | ont une assez grande valeur pour qu'on ne puisse les sacrifier en les coupant au pied pour en faire des mères. 1l en résulte que le petit nombre de branches disponibles pour faire des marcottes est placé trop haut sur la tige pour être couché en terre : d’ailleurs la terre manque le plus souvent, ces arbres ou arbustes se trouvant dans des pots ou des caisses de pe- tites dimensions. On adapte dans ce cas à la branche qu’il s’agit de marcotter un pot fendu sur le côté, pour donner passage à la branche (voir Rosiers) ; si, en raison de ses dimensions, la branche exige un plus grand volume de terre, on à recours à ün cylindre ouvrant à charnière, qui permet d'introduire les branches de toute grosseur, et de donner autant de terre qu'il est nécessaire. $ IT, — Boutures, Ce moven de reproduction, presque égal en puissance aux semis qu'il remplace dans bien des cas avec avantage, a été longtemps appli- qué seulement à un petit nombre d’arbres d’une reprise très facile, tels que les saules et les peu- pliers. A mesure que la physiologie végétale est devenue familière à un plus grand nombre de jardiniers, on a mieux senti l'importance de ce fait général : que la vie végétale est répandue dans toutes les parties des végétaux; et que toutes, ou presque toutes les parties d’un végétal peuvent donner naissance à un végétal sem- blable. Tel est le principe qui régit cette partie de lhorticulture, celle de toutes qui a fait, et fait encore de nos jours, le plus de progrès. Une bouture est une branche ou une partie quelconque d’un végétal mise en terre au mo- ment d’entrer en végétation , pour la solliciter à s’enraciner. On obtient des boutures de sim- ples feuilles munies de leur pétiole ; on a vu récemment, entre les mains de l’habile M. Neu- mann, une feuille, coupée en deux dans le sens de sa largeur, émettre des racines au bas de sa nervure principale ainsi divisée, et produire un végétal parfait. Des plantes grasses, des cactus chez qui les feuilles et la tige sont une seule et même chose, se multiplient par de sim- plestranchestransversales de leur substance con- fiées à la terre. Enfin, quoique les arbres à bois tendre et à feuillage caduc très abondant soient de tous les végétaux ceux qui reprennent le plus facilement de bouture, il n’est point d'arbre à feuilles persistantes, quelque dur que soit son bois, qui ne puisse être multiplié de bou- ture par des soins dirigés avec intelligence, Pour bien comprendre toute l'importance de ce moyen de propagation, il suffit de considérer le grand nombre des végétaux exotiques dont les graines ne müûrissent pas sous notre climat, même dans la serre; et le nombre non moins grand des arbres dont les graines, fertilesounon, ne donneraient qu'après plusieurs années des su- JeIS CRaux en vigueur à ceux qu’on peut obtenir Jumédiatement de bouture en nombre indéfini, A. — Bouture simple; préparation. L'époque à laquelle il convient de détacher des arbres et arbustes les rameaux destinés à servir de boutures, varie selon les espèces et les climats; en principe, on ne doit laisser que le moins d'intervalle possible entre le moment où l’on coupe les boutures et celui où on les plante. Les boutures d'arbres et arbustes à feuilles caduques doivent être coupées pen- dant le repos de la sève, le plus près possible du moment où elle va entrer en mouve- ment. Néanmoins, lorsqu'il s’agit de grandes plantations en pépinières, on est souvent con- traint de sy prendre d'avance, parce que ce travail coïncide ordinairement avec beau- coup d’autres ; alors on attache par paquets les plants de chaque espèce, et on les conserve placés dans une situation verticale, la base enterrée à quelques centimètres de profon- deur dans du sablé frais, jusqu'au moment où on les plante. Les boutures de saule pleureur, de frêne, et de tous les arbres et arbustes qui aiment le voisinage des eaux, peuvent se con- server dans l’eau, pourvu qu’on les préserve de la gelée. Les ouvriers qui mettent les bou- tures en bottes doivent être surveillés avee soin, afin qu'ils les placent toutes dans le même sens; s’il s’en trouvait de renversées, on en perdrait infailliblement un grand nombre. Les boutures de saules et de peupliers destinées à être plan- tées au bord de l’eau, peuvent être prises sur de grosses branches, vieilles de plusieurs an- nées ; elles n’en reprennent pas moins bien ; on peut même, sans inconvénient, leur laisser les rameaux de leur extrémité supérieure; ils for- meront la tête du nouvel arbre : C’est ce qu’on nomme bouture par plançons, espèce de bouture simple, usitée principalement pour les planta- tions à demeure. On préfère dans les pépinières des boutures d’un an, bien aoutées ; ces boutu- res donnent des sujets plus uniformes, plus fa- ciles à diriger, et d’une plus belle venue, ce qui compense bien un retard d’un an ou deux dans leur croissance. La longueur à donner aux boutures ne peut être déterminée avec préci- sion, elle varie selon les espèces; elle doit se régler d’après le nombre des yeux; il ne doit pas y avoir moins de trois ou quatre yeux en terre, et de deux yeux hors de terre. Les boutures les plus longues sont les meil- leures; elles ont plus de chances pour s’enra- ciner ; elles préparent dès sujets plus vigoureux; mais, pour les espèces qu’il est difficile de se procurer, le pépiniériste n’hésitera pas à planter même des boutures très courtes, à deux yeux en terre et un seul hors de terre; seulement, elles exigent un peu plus de soins. On doit res- pecter dans les boutures le bouton terminal, | souvent très développé et peu adhérent, à l’épo- que où l’on prend la bouture sur l'arbre; toutes les variétés du peuplier sont dans ce cas; la perte du bouton terminal leur est très préju- diciable. Quelques pépiniéristes sont dans lu- sage, pour certaines espèces dont la reprise est 64 plus incertaine, de détacher les boutures de l'arbre, non pas en les coupant, mais en les arrachant de haut en bas; la branche emporte dans ce cas avec elle un bourrelet de tissu cel- lulaire favorable à la production des racines. Nous ne saurions approuver ce procédé très usité cependant, et connu sous le nom de bou- ture à talon (voir tome IV, page 6, fig. 6); c’est, à notre avis, gâter par pure paresse les arbres qu'on soumet à ce traitement brutal. On arrive d’ailleurs au même résultat par le pro- cédé suivant. B. — Bouture à bourrelet. La branche qu’on se propose d'utiliser comme bouture recoit à sa base, un an d'avance, soit une forte ligature en fil de fer, soit une incision annulaire; il se forme au-dessus un bourrelet qui donne à la bouture, mise en pépinière l’an- née suivante, des chances de reprise égales à celles des boutures à talon. Les boutures à bour- relet se détachent de l'arbre avant l'hiver; on laisse de 0m,5 à Om,6 au-dessous du bour- relet, sans rien retrancher à la partie supé- rieure de la branche qu’on enterre provisoire- ment en cet état; il suffit de la préserver de la gelée. Au printemps, on rabat la branche à cinq ou six yeux; on supprime tout le bois laissé au-dessous du bourrelet, et l'on met définitive- ment la bouture en place dans la pépinière. Ces diverses manipulations sont sans doute moins expéditives que l'opération d’arracher, au mo- ment de les planter, de simples boutures à talon ; mais elles conservent les arbres-mères que l’ar- rachage des boutures à talon mutile et détruit en peu de temps ; d’ailieurs, la reprise des su- jets est bien plus assurée au moyen des bour- relets provoqués par ligature ou par incision annulaire. I! est bien entendu que ce moyen ne doit être appliqué qu'aux végétaux qui se re- fusent à s’enraciner par bouture simple. C. — Bouture à crossette. Tout arbre ou arbuste soumis à la taille an- nuelle porte les cicatrices des tailles de chaque année; on nomme crosselle la courbure que détermine à l’endroit de la taille le jet de l'année suivante. Par exemple, lorsqu'on taille pour bouture un sarment de vigne, on retranche les nœuds supérieurs dont le bois n’est pas bien aouté; si l’on ne prend au-dessous de ces nœuds que le bois de l’année, la bouture est droite dans toute sa longueur ; si on prend le bois de deux, ou même de trois sèves, la bouture, longue dans ce cas d’un mètre et même au-delà, portera une crosselle à son extrémité inférieure. Plusieurs arbres et arbustes reprennent mieux de cette manière que de toute autre; on les multiplie au moyen des boutures à crossette. Dans la grande culture, la majeure partie des vignes de nos départements du midi se plante par boutures à crossette, confiées à des défon- cements de 0,50 à 0m,60 de profondeur. La pépinière admet aussi les boutures à crossette principalement pour diverses variétés de vignes. HORTICULTURE. LIVRE Vilfs de groscilliers à grappes et de rosicrs; elles se font sur un sol préalablement défonce, dans des rigoles ou petites fosses de 0m,15 à Om,20 seulement de profondeur, remplies, soit de bonne terre normale, soit de terre de bruyère. Cette dernière est préférable quand on est pressé; les racines des boutures à crossette s’y forment plus rapidement que dans toute autre terre, pourvu qu’on ait soin d’y entretenir une humidité suffisante. D. — Bouture à l'étouffée. Ce mode de bouture est principalement des- tiné à la propagation des plantes de serre et d’orangerie; cependant, le pépiniériste est sou- vent forcé d’y avoir recours pour les végétaux à feuilles persistantes qui résistent aux procé- dés ordinaires de bouture à l'air libre; il est fondé sur ce principe que la transpiration des plantes les épuise et les fait périr si elles re peuvent puiser dans la terre par leurs racines les moyens d'y suppléer. Les boutures des ar- bres à feuilles caduques n’ont point à souffrir de cet inconvénient ; confiées à la terre au mo- ment où leur vie végétale est suspendue, elles ne recommencent à transpirer qu'au moyen des feuilles nouvelles qu’elles développent seu- lement après avoir poussé de jeunes racines. Les boutures d'arbres à feuilles persistantes sont au contraire munies à leur extrémité su- périeure d’un bouquet de feuilles vivaces ; la vie végétale n'y est jamais interrompue ; expo- sées à l'air libre, elles perdent continuellement par la transpiration, de sorte que, pour peu que les racines tardent à se former, le sujet meurt. Sous la cloche, lair ne se renouvelant pas, la transpiration est presque nulle; il faut seulement se méfier d’un excès d'humidité dans l'atmosphère de la cloche, inconvénient facile à éviter avec un peu de soin. Les boutures à l’étouffée se font ordinairement en terre de bruyère dans des terrines recouvertes d’une cloche de verre, assez basse pour laisser très peu d’espace vide au-dessus du sommet de la bouture. On peut aussi se servir avec avantage d’une vieille couche épuisée, passée à l’état de terreau ; quand même cette couche serait gar- nie de son vitrage, il n’en faudrait pas moins des cloches sur les boutures, qui, dans ce cas, auraient une double protection. Les rameaux destinés aux boutures sous cloche doivent être dégarnis de feuilles à leur partie inférieure; il ne faut pas détacher ces feuilles, mais les cou- per à quelques millimètres de leur base. Dès qu’on reconnait au mouvement de la végéta- tion que les boutures sont enracinées, on leur rend l'air par degrés ei l’on achève de les éle- ver à l'air tibre. En dehors de ces moyens de propagation d’un usage général, nous devons en signaler deux autres, dont l’un peut, dans des circon- stances exceptionnelles, fournir un grand nom- bre d’excellents sujets à la pépinière; l’autre, | bien plus puissant encore, a besoin d’être sanc- tionné par le temps et l’expérience. SE TITRE IH. E. — Boutures de racines. Les tronçons de racines d’un arbre jeune et vigoureux etant enterrés à une très petite pro- fondeur, donnent une grande quantité de dra- geons; ce sont des boutures de racines. En Belgique, où l’on sème beaucoup de pepins de fruits à couteau, les sujets francs n’ont pas toujours besoin d’être grelfés; très souvent, leur fruit est égal ou supérieur à celui qui leur a donné naissance. Ces arbres ont un defaut qui tient à la fertilité et à la profondeur du sol où ils sont ordinairement plantés à demeure ; PÉPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. ils sont très sujets à s’emporter et se mettent | très tard et très difficilement à fruit. Il n'y a dans ce cas qu’un seul remède; c’est de re- trancher une ou plusieurs racines, en choisis- sant de préférence celles qui correspondent aux branches de l'arbre les plus remarquables par un excès de vigueur. C’est alors, surtout, 65 raient été pris les bourgeons. Nous ajouterons, en faveur de ce mode de multiplication des vé- gétaux ligneux, le fait suivant, observé en 1840 par M. Ridolfi, dont le nom suffit pour donner à son observation le caractère de l'authenticité. « L'Amérique, dit M. Ridolfi, demandait à cette époque des millions de plants de mürier multicaule. Quelque facile qu’il soit de le mul- tiplier de marcotte et de greffe, tous cesmoyens étaient trop lents pour satisfaire aux demandes ; les semis étaient un procédé peu sûr, parce que cette variété est sujette à dégénérer. Des les premiers jours du printemps, MM. Bournier et David, pépiniéristes à Turin, firent couper rez- terre tous les müriers multicaules qu'ils avaient en pépinière ; toutes les pousses de ces mûriers furent coupées elles-mêmes en troncons ayant chacun deux ou trois yeux; des sillons conve- | nablementespacés furent tracés dansun champ, qu'il est facile et avantageux de pratiquer les | boutures de racines. On donne aux tronçons une longueur de 0",15 à 0,20; il faut les enterrer dans une position légèrement incli- née, le gros bout dirigé vers le bas et l’autre extrémité à fleur de terre. Il nous est arrivé très fréquemment d’en obtenir des sujets dont le fruit était parfait, sans avoir besoin de recou- rir à la greffe ; en tout: cas, les /rancs obtenus | par ce procédé sont de première qualité; ils gagnent facilement un an pour la greffe sur les autres sujets de la pépinière. F, — Boutures semées. Malgré des progrès récents que nous avons eu occasion de signaler, l’art de multiplier de bouture les végétaux ligneux est encore peu avancé. Des essais trop nouveaux pour qu'on uisse regarder les résultats comme acquis à ose. tendent à généraliser un mode de bouture très expéditif qui remplacerait tous les autres dans la pépinière si le temps venait à confirmer ses avantages. Toutes les parties suffisamment aoutées d’un bourgeon de l’an- née sont coupées par petits tronçons munis seulement chacun d’un seul œil; on les sème en rigoles, en terre très légère, au moment de la sève du printemps, en ayant soin de tenir le sol suffisamment humide ; une exposition om- bragée au nord est préférable à toute autre. Les yeux deviennent des bourgeons, tandis u'au-dessous d’eux la partie correspondante de l'écorce émet un paquet de racines. Ce pro- | | puis remplis de born fumier. Les boutures v furent déposées comme des semences : elles fu- rent soigneusement recouvertes, et le sol fut maintenu frais par des arrosages fréquents. En peu de temps, il sortit de terre des millions de petits müriers. Je les ai vus formant un fourré presque impénétrable; j'avais peine à passer entre les files dont les cimes s’élevaient bien au-dessus de ma tête. » Ce résultat nous semble tout-a-fait con- cluant. SECTION IV. — Greffe. Toutes les greffes, quelle qu’en soit la forme, reposent sur un seul et même principe: faire vivre un végétal aux dépens d’un autre, en mettant en communication leurs vaisseaux sé- veux. Un végétal greffé sur un autre, com- mence un mode particulier d'existence; une partie de sa nourriture est prise pour lui dans la terre par les racines et les organes circula- toires du sujet ; il prend le reste par ses feuilles, | dans l’atmosphère. Cette transmission d’exis- tence a pour agent unique la sève, liquide très différent d’un végétal à un autre; elle ne peut avoir lieu qu'entre des végétaux dont les sucs et les organes vasculaires offrent entre eux une grande analogie. Sans cette particularité , la greffe serait pour ainsi dire iilimitée. tandis qu'elle est en réalité renfermée dans des bornes assez étroites. La greffe réussit bien entre les sous-variétés et variétés d’une même espèce ; entre les espèces d’un même genre, on observe cédé n’a été jusqu'ici expérimenté que sur un | déjà de fréquentes répugnances qui deviennent petit nombre d’espèces ; nous le mentionnons | des antipathies complètes entre des genres en seulement pour engager les amateurs de l’hor- | apparence très voisins. C’est ainsi que, dans ticulture à en renouveler les essais sur le plus | nos pépinières, on n’a pas, jusqu'à présent, grand nombre d'espèces possible et à tenir le | vaincu d’une manière durable la répugnance publie au courant des résultats. Pour en com- | que montrent l’un pour l’autre le poirier et le prendre toute l'importance , il suffit de consi- | pommier ; c’est une voie encore peu explorée, dérer combien de temps fait perdre la nécessité | où il reste beaucoup à découvrir. de greffer, nécessité qu’on éviterait en multi- | On a regardé longtemps la soudure des écor pliant ainsi de bouture, en nombre illimité, des | ces comme l'accomplissement de la reprise de arbres dont le fruit ou la fleur se reproduirait | la greffe ; une observation plus attentive a fait identique avec celui de l'arbre sur lequel au- ! connaître que cette soulure est la conséquence T. V.—9 RHORTICULTURE, 66 de la reprise, mais non la reprise elle-même. Le végétal est réellement greffe quand le bour- geon qu’on lui a confié commence à se nourrir des sucs qu’il lui transmet, non par l'écorce, mais par l’aubier, partie de sa substance placée immédiatement sous l'écorce. Cette transmis- sion n’est possible que quand la vie végétale est de part et d'autre dans sa plus grande ac- tivité, aux deux époques de la sève de prin- temps et de la sève d'août. On peut cependant greffer à toute autre époque de l’année; c’est le procédé le plus avantageux et le plus com- mode quand on opère sur un très grand nom- bre de sujets à la fois ;: on met alors en contact la greffe et le sujet dans un état de sommeil ; au moment du réveil de la végétation, ils sont dans les conditions les plus favorables pour la transmission de la sève, et la greffe reprend presque toujours. Mille causes peuvent influer sur le succès de la greffe. Avant de les passer en revue, rappe- lons aux horticulteurs la nécessité d’avoir con- stamment présent à lesprit le but qu’ils se proposent d'atteindre. S'ils n’ont en vue que de greffer le mieux possible, c’est-à-dire d’a- voir en résultat les arbres les plus beaux, les mieux formés et les plus productifs, sans s’em- barrasser d’un peu de retard dans la mise à fruit, ils veilleront avec l'attention la plus sou- tenue à bien proportionner la force des greffes à celle des sujets, en partant de ce principe qu'un sujet vigoureux, nourrissant très bien une greffe délicate, peut finir par en faire un bon arbre ; mais qu’un sujet languissant, avec la meilleure greffe possible, ne fera jamais qu'un arbre chétif. La greffe emporte avec elle les défauts des arbres sur lesquels on la prend. de même que leurs qualités; si, par exemple, le fruit en est pierreux ou sujet à ce gercer, le fruit de l'arbre greffé aura les mêmes défauts. Le pépiniériste marchand, à qui le public s'adresse de confiance, est plus obligé que tout autre à cueillir lui-même ses greffes, ou du moins à n’en recevoir que de mains par- faitement sûres. Que de soins! en effet, quelle patience ! quelle longue attente entre le mo- ment où le pepin est confié à la terre et celui où, après avoir été cultivé, greffe, mis en pla- ce, l'arbre montre son premier fruit! Et quel triste désappointement, lorsqu’au lieu de ce qu’on attendait, on ne trouve qu’un fruit cre- vassé, rocailleux, ou bien fade et sans saveur ! Tout est à recommencer, il faut greffer de nou- veau, Dans une partie de nos départements à cidre, les propriétaires ont éprouvé si souvent ce désagrément, qu’ils se décident presque tou- jours à subir un retard de plusieurs années en ne plantant que des arbres non greffés, qu’ils greflent ensuite, ou font greffer sous leurs veux. Le pépiniériste, placé dans un pays où la culture des arbres fruitiers pour la production du cidre est une des plus importantes, ne doit greffer que sur franc, en choisissant toujours, soit pour prendre les grelfes, soit pour les ap- HORTICULTURE. oo LIVRE VIII, pliquer, les sujets les plus robustes; concilier la production du fruit avec la rusticité et la durée des arbres, telle est la direction qui lui est indiquée. S'il est placé près d’une grande ville, s’il a pour clients habituels des jardiniers de profession qui, grevés d’un loyer très élevé, ont intérêt en plantant des arbres à ce qu’ils ne tardent pas à se mettre à fruit, ou bien encore des propriétaires jouissant d’un très petit jardin où les arbres grands et forts ne sauraient être admis, il greffe sur cognassier les poires les plus batives et les plus avantageuses ; il greffe force doucains, force paradis; il fait sur prunier tou- tes ses greffes de fruits à noyaux. De même l’a- mateur célibataire, pressé de jouir, ne procé- dera pas en greffant comme le père de famille qui, travaillant plus pour ses enfants que pour lui-même, a surtout égard à la durée des sujets. Parmi les causes qui peuvent faire échouer la greffe, la plus commune est le défaut de pro- portion entre la vigueur de végétation du sujet greffé et du rameau inséré sur le sujet. Trop de force dans le sujet amène à la greffe trop de nourriture à la fois ; les jardiniers disent dans ce cas que le sujet a noyé sa greffe, expression très juste, puisque c’est l’affluence du liquide séveux qui a causé sa mort. Si c’est au contraire la greffe qui dépasse le sujet en vigueur, elle périt d’inanition, parce qu’elle ne recoit du sujet qu’une alimentation insuffisante. Quelquefois des pertes de ce genre résultent d’une dispro- portion, non pas constante, mais momenta- née; C’est ce qui a lieu quand, au moment de l’opération, l’un des deux végétaux est beau- coup plus avancé que l’autre dans le dévelop- pement de sa vie végétale. En général, il est bon que l'avance soit plutôt du côté du sujet que du côté de la greffe ; car si celle-ci était en pleine végétation, comme elle ne peut tout d’un coup vivre aux dépens da sujet, il y au- rait un temps d’arrêt qui lui serait funeste. Telle est la raison pour laquelle on détache d'avance de leur arbre les rameaux pour gref- fer ; on les tient au frais, à l’ombre, la base enterrée dans du sable ou de la terre légère- ment humide, dans le but de prolonger leur sommeil et de ne les mettre en contact avec les sujets que lorsque la végétation de ceux-ci a pris assez d'avance pour être en état de nourrir abondamment les greffes. $ 1°, — Nomenclature. André Thouin est le seul auteur de ce siècle qui ait donné une monographie des greffes gé- néralement adoptées en Franceet horsde France. Mais toutes les connaissances humaines ont cela de commun, qu’elles ne s'arrêtent pas; on peut saisir au passage leur état à une époque déterminée : le lendemain , le livre est incom- plet; il l’est même quelquefois avant d’être im- primé. Lorsque M. le professeur Leclere- Thouin donna, en 1827, une seconde édition de la Monographie des Greffes, dans lédition complète des œuvres de son oncle, il y avait déjà ajouté plusieurs greffes nouvelles, qui por- TITRE 111. taient le total des greffes connues à eeite épo- que à 124. Nous ne serions point en peine d’en | décrire plus de 200, toutes différentes les unes des autres, si nous voulions donner tout ce qui se fait ou s’est fait quelque part en ce genre à notre connaissance, Mais de tout cela qu'y a-t- il de réellement applicable ? Une vingtaine de | procédés, et parmi ces vingt, cinq ou six seule- ment sont d’un usage fréquent pour la pratique journalière. Le reste comprend,soit des expé- riences plus ou moins utiles au progrès de la physiologie végétale, soit des procédés suran- nés, appartenant à l’histoire de l’horticulture. La classification adoptée par André Thouin a pour base unique la nature des procédés. M. le comte Giorgio Gallesio(Pomona italiana), fait observer avec beaucoup de raison ce que cette division présente d’arbitraire et même d’opposé en certain cas aux actes de la vie vé- gétale pendant la reprise de la greffe. Tout en partageant l'opinion du savant agronome Ita- lien, nous croyons que tous les jardiniers nous sauront gré de conserver une classification gé- néralement admise, non-seulement en France, mais dans presque toute l’Europe. GREFFES CLASSÉES SELON LA MÉTHODE D'ANDRÉ THOUIN (4 sections, 16 séries), Sections. par approche ou en approche AE SCIONS, me 1e. 124 ee e PÉRNME tn 20 Soin ce spis gretfes. RécHAEPES 2210-02. Séries. DOME CR A Ce. e 47% SECTION. | sur branches... ......... je Grefles Sur racines. ,.,......... sets . par approche de fruits Le SEE FORT ERNE ; de fruits et de fleurs... ... } entienté ln, 214701. : 2€ secriox. | en couronne. ..... Pre. #2 ; En RaimINeseeLUL se cu L a ui re LCI une | BTS \ par el sur racines. ,...... | 3° secTION. | en écusson....... ESA UE IL Gret DERONE Se... ........ \ greffes A'USECTION. AURILIGES. 2 ee se etsioce o © Se Grefies DAMES ES m2 ee Bic | 9 herbacées ) multitiges. ............. greffes des végétaux \non ligneux....., EE | $ IT. — Greffes en approche. Cette greffe a été indiquée aux hommes par la nature; il est probable qu’elle a donné l’idée de toutes les autres. Il arrive assez souvent dans les forêts que deux arbres croissant à proximité l’un de l’autre se frottent au point de contact, usent réciproquement leur écorce, | et finissent par se souder l'un à l’autre pour | vivre d’une vie à la fois commune et distincte, puisque chacun des deux conserve ses racines : telle est la plus simple des greffes en approche. A, — Greffe Magon. Dès la plus haute antiquité. les Phéniciens | PÉPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. 67 avaient remarqué cette propriété des arbres de reprendre l’un sur l'autre: ils en faisaient l'ap- plication à leurs arbres fruitiers, notamment au châtaigner et à l’olivier ; les Grecs et les Romains suivaient à leur exemple ce procédé négligé de nos jours, mais respectable par les longs services qu’il a rendus à l'humanité pen- dant bien des siècles. Plusieurs sujets de même espèce étaient plantés dans la même fosse ; cha- cun d’eux était dépouillé d’une lanière d’écor- ce, puis toutes les plaies étaient mises en con- tact et maintenues par une bonne ligature. Il en résultait des arbres beaucoup plus forts et plus durables que chaque sujet ne l’eût été s’il avait vécu isolément. On attribue l'invention de cette greffe (fig. 185) au Carthaginois Ma- 185. \ |1} Fig. 186, gon, qui n'en était probablement que le pro- pagateur. Les Carthaginois la répandirent en Espagne et en Sicile où elle fut longtemps pra- tiquée; les célèbres châtaigners du mont Etna et les énormes oliviers d'Espagne doivent à ce procédé leur longévité séculaire et leurs di- mensions colossales. B. — Greffe Diane. La même greffe s'opère aussi fréquemment dans les bois, sans l'intervention de l'homme, entre deux tiges flexibles qui s'enroulent en spirale l’une sur l’autre; les jardiniers en font quelquefois usage dans les jardins paysagers : elle est connue sous le nom de grelfe Diane (fig. 186). De tous les arbres de l’Europe tempérée, le cornouiller (cornus sanguinea) est celui qui se prête avec le plus de facilité à la greffe par approche. Dans la Belgique wallonne et dans le nord de la France, on en compose des clô- tures et des berceaux qui finissent par être tout d’une pièce, car partout où les tiges se rencontrent, soit en long, soit en travers, elles s'unissent l’une à l’autre. Nous connaissons à Visé (province de Liége, Belgique) un immense berceau de cornouillers dont on a retranché tou- tes les souches moins trois, une au milieu, les autres aux deux extrémités de la demi-circon- férence décrite par la base du berceau ; sa vé- gétation n'en a point été altérée; il continue à se couvrir de fleurs et de fruits. Ces exemples montrent le parti qu’on pourrait tirer de la greffe en approche rarement pratiquée dans nos jardins. Tous les arbres ne s’y prêtent pas 68 ; HORTICULTURE. LIVRE VIIf. d'aussi bonne volonté que le cornouiller ; il | le pommier peut former par ce procédé d’excel- faut les aider par divers moyens dont nous in- \iquerons les plus usuels. C. — Greffe Sylvain. On pratique sur le tronc de deux jeunes ar- res plantés à proximité l’un de l’autre deux entailles qui se correspondent, et l’on joint par une ligature les plaies qui ne tardent pas à se souder. La figure 187 montre l'application de Fig. 188, cette greffe à la décoration rustique d’une porte de jardin; la nature opère très souvent dans les bois des greffes de ce genre. D. —— Greffe hymen. C’est la greffe Magon pratiquée sur deux in- dividus, l’un mâle, l’autre femelle, d’un arbre dioïque; elle en diffèré seulement en ce que, pour multiplier les chances de reprise, on ajoute à l'enlèvement de l’écorce une entaille longitu- dinale sur les parties en contact. E. — Grefft cauchoise. Les vents violents qui soufflent souvent sur la partie du département de la Seine-[nférieure connue sous le nom de Paysde Caux, enlèvent quelquefois la tête de jeunes arbres à fruit en piein rapport, et causent des vides dans les vergers. Pour remédier à ces accidents, on transplante à côté de l’arbre mutilé A (fig. 188) un sujet greffé très vigoureux B; quand sa re- prise est assurée on insère sa tête dans une en- taille pratiquée en forme de coin, sur la tête rompue de l'arbre, préalablement taillée en biais, et parée avec une lame bien tranchante. La partie greffée du sujet B doit être taillée de manière à s’ajuster parfaitement dans l’entaille. Quand la greffe a repris, on supprime le tronc du sujet B, et l’on dirige la greffe de façon à refaire promptement la tête de l'arbre endom- magé À. F. — Greffe Rozier. Elle consiste à grelfer, par le procédé de la greffe Sylvain, tous les points de contact des bourgeons de deux branches-mères, à mesure qu’ils se rencontrent, en formant des losanges qui deviennent plus nombreux d'année en an- née. Le cornouiller, conduit de cette manière, se greffe tout seul, ainsi que nous Pavons dit ; | lentes haies fruitières, propres surtout à sépa- rer les divisions intérieures d’un verger ou d’un grand jardin; mais étant moins disposé à re- prendre, il faut aider la soudure en enlevant l'écorce et une petite lame de bois aux bran- ches qui se touchent, comme le montre la lig. 189. G.— Greffe Forsyu, 189. Les autres greffes en approche sont en- core moins en usage que celles qui précèdent, lesquelles se pratiquent elles - mêmes très rarement en France, à l’exception de la greffe cauchoise, assez fréquente dans le pays dont elle porte le nom. La greffe en appro- che peut cependant rendre de services réels dans les bosquetsetles vergers, comme moyen prompt et efficace de remplacement. Une branche détruite par maladie ou par acci- dent, n’a pas seulement l'inconvénient de de- former un bel arbre; elle a encore celui, bien autrement grave, de déranger l'équilibre de la sève en la forcant à se porter plus d’un côté que de lautre ; c’est alors le cas de recourir à la greffe en approche pour insérer à la place vide un des rameaux du même arbre, selon le procédé de la greffe Forsyth, représenté ( fig. 190), et très fréquemment employé en Angle- terre. La fig. 191 montre séparément la tige de l'arbre et la branche à greffer, avec les Acux plaies qui doivent se recouvrir. C’est encore par des procédés analogues, susceptibles d’être modifiés à l'infini, qu'on peut rendre à un arbre un ou plusieurs trones nouveaux quand le sien est endommagé, et qu’on tient à conserver sa cime encore vivace. Les autres greffes par approche de racines, de fruits et de fleurs, toutes fondées sur le prin- cipe des greffes Magon et Sylvain, sont des opé- La de pure curiosité, sans aucune utilité réelle. $ III. — Greffe par scions. Les divers procédés de greffe par approche conservent à la greffe et au sujet leur existence séparée pendant le temps de l'opération; sou- vent même, après la reprise de la greffe, celle- ci conserve ses racines et sa vie propre, tout en participant à celle du sujet. La greffe par scions ne peut se pratiquer qu'avec des grelfes TITRE 111. détachées de l'arbre qui les a nourries; ces gref- | fes, jusqu’à la reprise, n'existent qu'aux dé- pens du sujet ; elles vivent ensuite à la fois par le sujet et par les éléments que leur feuillage puise dans l'atmosphère. Parmi les divers pro- | cédés de la greffe par scions, le plus utile se nomme grefle en fente. Il exige la suppression | de la tête du sujet, pour que toute la séve tourne au profit de la greffe, dont la force doit être proportionnée à celle du sujet. On a cru long- temps ne pouvoir la pratiquer qu’au printemps, à la sève montante; on sait aujourd’hui qu’on peut greffer en fente, avec autant de chances | de succès, pendant le repos de la sève. ( Voir Greffe au coin du feu.) Les anciens connais- | saient et pratiquaient la greffe en fente simple; | Atticus la recommande pour greffer la vigne sauvage. Constantin César prétendait commu: | niquer au raisin des propriétés particulières | en greffant la vigne en fente après avoir en- levé la moelle du sujet pour lui substituer des | couleurs, des aromates ou divers médicaments; il prouvait seulement par là sa profonde igno- rance des premiers élements de la physiologie végétale. Dans le midi de la France, le mot greffer s'applique exclusivement à la greffe en fente; les jardiniers de ce pays ne regardent point la grelfe en écusson comme une greffe, et si l’on emploie en leur parlant le mot greffer à la place d’écussonner, ils ne vous comprennent pas. La greffe en couronne parait être l’une des plus anciennement pratiquées ; Théophraste et Pline en font mention. Dans nos départements de l’ouest, où le poirier est cultivé en grand pour la production des fruits à cidre, concurrem- ment avec le pommier, on est dans l’usage de recéper, pour les rajeunir, les arbres épuisés de vieillesse ; on greffe en couronne, exactement d’après le procédé de Pline, les grosses branches qui ne tardent pas à se couvrir de rameaux jeunes et productifs. La greffe de côté, décrite par Térence, était aussi connue de l'antiquité, mais pratiquée très imparfaitement en insérant un rameau dans un trou fait avec une tarière. Nous décrirons les plus utiles des divers pro- cédés de greffe en scions. A. — Greffe Aticus. Insertion dans le sujet (fig. 192), fendu par 195, Fig. 196, 194, 193, 192. PEPINIÈRES, PRINCIPES GÉNERAUX. le milieu, d’une greffe ( fig. 193) munie de trois | yeux au moins, et taillée par son extrémité infe- rieure en lame de couteau. Dans cette greffe, la 69 coupe est horizontale, le sujet est presque tou- jours plus gros que la greffe; dans ce cas, au lieu de l’insérer au milieu, on le rapproche d’un des bords de la fente, afin de faire coïncider les coupures des deux écorces, comme le montre la figure 194. La greffe serait au contraire insérée dans le milieu de la fente du sujet s'ils étaient tous les deux de même grosseur. La greffe At- ticus est éminemment propre à la vigne et aux | sujets dans lesquels la grefle doit être enterrée ; sa solidité la rend également propre à greffer des arbres à fruits à haute tige. Aucune greffe en fente ne reprendrait si on laissait les parties coupées, soit du sujet, soit de la greffe, exposées au contact desséchant de l'air; on bouche avec soin la fente, et l’on re- couvre la jointure avec différents enduits, dont nous indiquerons les plus usités. Onquent de Saint-Fiacre. — On pétrit avec un peu d’eau une partie de terre forte et une partie de bouse de vache, de manière à en faire une pâte de bonne consistance; il ne faut pas que la terre emplovée soit trop argileuse ; elle se crevasserait en séchant, et l'effet désiré serait manqué. Ce mélange, fort simple, qu’on peut se procurer partout et en tout temps, nous parait bien préférable aux compositions plus compliquées qu’on emploie à sa place; c’est toujours lui que préfèrent les vieux praticiens; il justifie la prédilection qu'on lui accorde; ses usages multipliés ont porté nos pères à le consacrer au saint patron du jardi- nage dans toute la chrétienté. Cire à greffer. — La meilleure est celle dont Miller donne la recette; elle est formée de té- rébenthine, de cire jaune et de résine par par- ties égales ; elle partage, avec toutes les com- positions analogues, l'inconvénient très grave de ne pouvoir s’employer qu’au moven de la chaleur. L'application, sur la greffe, de cet en- duit, seulement un peu trop chaud, peut la faire périr. B. — Greffe à l'anglaise. L'inspection de la figure 195 montre la ma- nière de pratiquer cette greffe, la plus solide de toutes ; elie est principalement applicable aux sujets d’un petit diamètre, à bois très dur. La difficulté consiste à tailler le bas de la greffe assez adroitement pour qu’elle puisse s’ajuster dans la taille du sujet; ce procédé n’est prati- cable que lorsque la greffe et le sujet ont le même diamètre. Miller indique une greffe du même genre, moins difficile et presque aussi solide, qu'il nomme greffe en langue d'oiseau ; André Thouin lui a donné le nom du savant jardinier anglais, qui ne s’en prétendait pas l'inventeur ; il importe au succès de cette greffe (fig. 196) que le cran et la coche du sujet destiné à le recevoir s’em- boîtent exactement, résultat plus facile à obtenir par la greffe Miller que par la greffe anglaise. Les pépiniéristes anglais greffent constamment de cette manière les arbres à fruits à haute tige, | exposés à des vents violents; elle est aussi en usage dans nos départements de l’ouest ; elle 70 exige, comme la greffe anglaise, que le dia- mètre du sujet et celui de la greffe soient égaux, ce qui restreint ses applications. CE; == Greffe Lee. Quelques arbres et arbustes délicats ne peu- vent, sans périr, supporter la fente dans le sens du canal médallaire qui occupe le centre de leurs tiges. On les greffe en fente sans endom- mager leur centre, au moyen d’une entaille triangulaire { fig. 197) destinée à recevoir la HN Fig. 203, 202, 291, 200, B 197. greffe taillée en coin triangulaire B. Les deux pièces ne s'ajustent bien que lorsqu'elles ont été faconnées toutes les deux au moven d’un greffoir fait exprès (voir Instruments de jardi- nage, fig. 80). Ce procédé admet des greffes d’un diamètre beaucoup plus petit que celui du sujet. Cette grelfe, pratiquee sur de jeunes oran- gers ou citronniers, exactement de la même manière, mais en employant pour greffe un rameau qui conserve sa lêle, est connue des jardiniers sous le nom de greffe à la Pontoise. D. — Greffe La Quintinie. Cette greffe ( fig. 198) admet quatre rameaux qui peuvent être tous quatre de variétés diffé- rentes, aux quatre extremités de deux fentes qui se croisent en passant par le centre du sujet coupé horizontalement. Elle n’est praticable que sur les sujets d’une grande vigueur dont on veut changer ou varier l’espèce; les sujets délicats ne pourraient la supporter : la même greffe, avec deux rameaux seulement aux deux bouts d’une seule fente, se nomme greffe Palladius (/ig. 199). Pour ces deux greffes, le rameau se taille et s’insère dans le sujet comme pour la greffe Atticus { fig. 192). E.— Greffe Pline. Ce procédé a traversé les siècles sans altéra- tion; il se pratique encore aujourd'hui dans nos vergers de Normandie et de Bretagne exac- tement comme du temps de Pline, qui n’en était pas l'inventeur ; il en parle comme d’une opé- ration usitée de temps immémorial. La greffe Pline ( fig. 200) s'applique aux mêmes sujets que la greffe La Quintinie, avec cette différence qu’au lieu de fendre le bois du sujet, on insère | seulement la greffe ( fig. 201) entre son aubier et son écorce soulevee. Pour peu que l'écorce | manque de souplesse, elle se fend sans qu’il en résulte aucun mal : on enduit les greffes avec HORTICULTURE. LIVRE VIN: | l'onguent de Saint-Fiacre, et on les maintient au moyen d’une ligature. F, — Greffe T'héophraste. La greffe Théophraste est la même que la greffe Pline ; la seule différence, qui n’en est réellement pas une, consiste à fendre l’écorce pour placer les greffes, effet qui se produit pres que toujours de lui-même dans le procédé de la greffe Pline. Le cran ou rebord laissé à la greff (fig. 201) est indispensable pour lui donner sur le sujet un point d'appui sans lequel elle man- querait de solidité. | G. — Greffe Liébault. La greffe Pline, pratiquée au collet de la ra- cine d’un arbre récepé au niveau du sol, four- nit un grand nombre de sujets propres à être marcottés, et qui n’ont plus besoin d’être gref- fés de nouveau; on désigne, sous le nom de greffe Liébault, cette manière de greffer très en usage au seizième siècle, maintenant peu pra- tiquée; on en peut obtenir de très bons résul- tats pour la multiplication des bonnes espèces, mais il ne faut greffer ainsi que des arbres très vigoureux, croissant dans un sol très fer- tile, sans quoi l’on n’en obtiendrait que des su- jets languissants et de peu de durée. Les greffes Pline, Théophraste et Liébaultsont les plus utiles d’entre les greffes dites en têtes ou en couronne. Toutes ces greffes exigent la suppression de la tête du sujet ; les greffes dites de côté conservent au contraire le sujet tel qu'il est, sans aucun retranchement; elles ser - vent surtout à remplacer une branche néces saire sur un arbre déjà vieux, dont la disposi- tion ne se prête pas au remplacement par la greffe Forsyth en approche (#g. 190), et dont l'écorce rabotense rend impraticables les diffé- rentes greffes en écusson. H. — Greffe Richard. C’estun rameau taillé en biseau très prolongé, inséré dans une fente pratiquée en biais-dans le tronc d’un arbre (fig. 202) dégarni d’uncôté.Plus la greffe ( fig. 203) est coupée mince , moins elle nécessite d’écartement entre les deux bords de la fente , plus elle offre de chances de succès. Cette greffe, pratiquée sur des sauvageons vi- goureux, mais jeunes, au moyen de branches à fruit, chargées de boutons tout formés, hâte la fructification des sujets, mais elle ne réussit pas toujours ; on la nomme, dans ce cas, greffe girardin; elle ne diffère de la greffe Richard que parce que celle - ci emploie des rameaux dans le but de réparer un arbre dégarni, et que la greffe Girardin emploie des branches à fruit, dans le but d’accélerer Fépoque de pro- duction chez le sujet. Les différents genres de greffe en fente peu- vent s'appliquer sur les racines des végétaux | aussi bien que sur la tige et les branches ; on peut aussi, dans certains Cas, se servir pour greffer d'un beut de racine au lieu d’un ra- | meau ; mais comme.ces circonstances ne chan- TITRE IH. ent rien à la nature de l'opération, et que es procédés restent les mêmes, nous croyons inutile d’en recommencer la description ; nous | aurons occasion d'y revenir en traitant de quelques caltures particulières ( voir Pivoines, et Dahhas. Ô IV. — Greffe par gemma. Les pépiniéristes et jardiniers de profession font beaucoup plus d'usage des diverses greffes par gemma que de celles qui précèdent, et cela par deux raisons essentielles : d’abord , elles sont très expéditives ; un bon greffeur, en une heure de temps, en peut faire de 50 à 120, se- lon le plus ou moins de facilité que présentent les sujets, et aussi selon le mode d'opérer ; puis, leur perte n'entraine jamais celle du sujet ; il est toujours possible de les recommencer, parce que le sujet conserve sa tête jusqu’à ce qu’on soit certain de la reprise de la greffe; il ya done, en faveur des greffes par gemma, de justes motifs de préférence. Ces greffes rempla- ceraient toutes les autres si elles n’exigeaient dans le sujet une écorce lisse et exempte de gercures; dès que l'écorce a pris un caractère ligneux et un aspect raboteux, elle cesse d’être propre à recevoir la greffe par gemma ; c'est la seule considération qui en borne l’usage. Toutes ces greffes sont comprises dans deux divisions : dans la première se rangent toutes celles qui n’admettent qu’un seul œil ou gemma, dans la seconde toutes celles qui en admettent plusieurs. Les greffes de la première de ces deux divisions sont nommées, par les jardiniers, greffes en écusson, parce que la forme d’écusson ou de bouclier est celle qu’on donne le plus commu- nément au morceau d'écorce portant l'œil des- tiné à être greffé ; celles de la seconde division sont connues sous les noms de greffe en flüte, en sifflet, en chalumeau, etc. On voit par les écrits de Xénophon que les anciens connais- saient la greffe par gemma, bien qu’elle ne fût pratiquée par eux que rarement, et par un pro- cédé assez imparfait. Les écussons portant l’œil ou gemma destiné à être greffé, se prennent sur des bourgeons de l’année qu’on a eu soin de pincer à leur ex- trémité pour les forcer à mürir complétement leur bois. Lorsque les arbres sur lesquels on prend ces bourgeons se trouvent à proximité des sujets à grefler, il ne faut les couper qu’en proportion des besoins; les yeux ne doivent être enlevés qu’au moment de s’en servir ; plus l'opération est menée rapidement, plus le suc- cès en est assuré; il faut que l’écusson passe immédiatement de sa branche native sur le sujet ; nous ne pouvons que condamner la pra- tique de certains pépiniéristes qui, pour avoir lus tôt fait, préparent à la fois un grand nom- re décussons et les tiennent dans l’eau en at- tendant le moment de les placer, ce qui ne peut que les affaiblir. Lorsqu'on doit faire voyager les branches à écussons, on les pique dans une boule de térre glaise humectée, on les émballe avec des herbes fraiches ou des feuilles PÉPINIÈERES , PRINCIPES GÉNÉRAUX. 71 vertes, enfin, on prend toutes les précautions possibles pour prévenir leur desséchement ; Car les yeux des écussons pris sur des branches desséchées ou seulement flétries, ont très peu de chances de succès. C’est encore dans le même but qu'on supprime les feuilles de ces rameaux , En laissant toutefois subsister leur pétiole ou queue, nécessaire pour faciliter la pose des éeussons ; les feuilles sont les princi- paux organes de la transpiration des plantes ; leur suppression ralentit l’évaporation des li- quides contenus dans le rameau et lui permet de rester plus longtemps à l’état frais. Tous les yeux d’un bourgeon ne sont pas également bons pour être employés àla greffe en écusson; les yeux de l'extrémité supérieure ne sont pas assez complétement formés ; ils tiennent d’ail- leurs à une portion de bois qui est encore à demi herbacée; ceux de la partie inférieure, ayant reçu moins de nourriture que les autres, ne sont pas assez vigoureux ; on ne doit lever pour éeusson que les yeux de la partie inter- médiaire. Les greffes par gemma se font & œil pous- sant ou à œil dormant ; ces expressions indi- quent le mode de végétation de l'œil qui, dans le premier cas, commence à devenir un bour- geon, puis un rameau, dans le courant de la saison où ilest greffé, et dans le second cas, reste engourdi jusqu’au printemps de l’année suivante, bien que la greffe ait repris et que Pécusson soit soudé au sujet. On greffe à œil poussant depuis la fin d'avril jusqu'au 15 juil- let; il vaut mieux prendre lavance et greffer pendant le plein de la saison que d’en attendre la fin. On peut juger du succès de la greffe au bout de dix ou quinze jours ; d’une part, l'œil commence à se développer, de l’autre, la queue de la feuille se dessèche et tombe d’eile-même ; si elle se flétrit sans se détacher, la greffe est manquée. On greffe à œil dormant dans le courant du mois d’août : le résultat n’est bien connu qu'au printemps, quand l'œil qui est resté endormi jusqu'alors entre en végétation. A. — Greffe Lenormand. On voit, par l'inspection de la fig. 204 Fig. 204. |.de quelle manière il faut inciser l'écorce pour | enlever avec l'œil une petite lame de l'aubier | sur lequel il repose. Cet aubier en lui-même ne sert à rien: si. par unc entaille mal faite, 79 toute la face interne de lécusson se trouvait garnie d’aubier, la greffe ne prendrait pas; car, ainsi que nous l'avons dit, ce n’est jamais lau- bier ni le bois de la greffe qui reprennent; c’est l'écorce intérieure ou liber, qui recoit la sève de l’aubier du sujet et la transmet à l’œil ou gemma ; toutes les greffes imaginables reposent sur ce principe unique. L’œil tient à l’aubier par son centre où corculum; la conservation du coreulum est indispensable à la greffe; c’est lai qui doit former à lui tout seul l'arbre nou- veau. Or, il arrive assez souvent, pour quelques espèces délicates, qu’en enlevant tout l’aubier au moyen d’un instrument mal affilé, on arra- che le corculum. L’œil alors se trouve vide, quoiqu'il soit difficile de s’en apercevoir, parce que son aspect extérieur n’a pas changé; la reprise des yeux vides est impossible. C’est pour cette raison que, dans les grandes pépinières, où l’on doit faire exécuter rapidement des mil- liers de greffes par des mains plus ou moins maladroites ou négligentes, on donne la préfé- rence à la greffe Lenormand ou greffe & œil boisé ( fig. 205 ct 206 ), qui conserve une por- Fis. 206, tion d’aubier au-dessous de l’œil ; la partie boi- sée ne doit jamais être de plus du tiers de la face interne de l’écusson ( fig. 206 ). L’écusson étant prêt, on prépare la place pour le recevoir en faisant sur l'écorce du sujet une incision en forme de T (fig. 205), dont la plus grande longueur doit dépasser de quelques millimètres celle de l’écusson. Il importe qu’elle soit faite avec un instrument bien tranchant, et qu’elle ne pénètre pas plus avant que l’épais- seur de l'écorce qu'on soulève des deux côtés avec livoire du greffoir; c’est la partie déli- cate de l'opération ; quelque attention qu’on y apporte, il est difficile de ne pas endommager plus ou moins la surface de l’aubier sur laquelle doit reposer l’écusson. Le bout de pétiole qui adhère à celui-ci permet de l’insérer facilement sous les deux côtes de lécorce soulevée; après quoi, on rabat ces deux bords, et on assujettit la greffe au moyen d’une ligature. | L'opération qu’on vient de décrire est la même pour toutes les greffes en écusson. Pour les arbres sujets à la gomme, on pratique l’in- cision en T renversé; c’est aussi la forme d’in- cision la plus usitée dans le midi pour écus- sonner les orangers et citronniers. Les arbres qu’on destine à être conduits en espalier peuvent recevoir en même temps deux greffes en regard l'une de l’autre, afin que les deux branches- mères se trouvent formées à la fois ; on gagne une année par ce procédé dont il ne faut se servir que pour les sujets très robustes. C’est ce qu'on nomme la greffe Descemet; elle ne diffère en rien de la greffe Lenormand. HORTICULTURE. LIVRE VIII. | La greffe en écusson à œil dormant, très usitée à Vitry, porte aussi le nom de greffe Vi- try, bien que la manière dont elle s'opère n’offre aucune particularité. Quand la greffe en écusson à œil poussant ou à œil dormant ne réussit pas, la faute en est presque toujours au corculum de l'œil qui s’est trouvé plus ou moins endommagé. On évite ce danger par la greffe Lenormand qui nous sem- ble dans ce cas préférable aux autres du même genre. Mais, quand il s’agit de lever un écusson sur une tige d’un très petit diamètre, elle offre beaucoup de difficultés; on a recours alors au procédé suivant. Après avoir cerné avec la pointe d’une lame bien affilée, le contour de l’écusson, on détache sa partie supérieure dans laquelle on insère un crin ou un fil de soie (fig. 207), dont les deux bouts sont attachés à un bouton du gilet de celui qui opère; il Jui suffit d’éloigner la branche et de reculer la poitrine pour que l’écusson se trouve détaché avec le corculum de l'œil parfaitement intact. La figure 208 montre l’écusson posé et liga- turé. Les greffes en écusson reprennent aussi bien et souvent mieux sur le jeune bois du sujet que sur sa tige principale; quand on se propose d’opérer ainsi, il faut s’y prendre d'avance pour ne conserver des rameaux formant la tête du sujet que celui qui doit recevoir la greffe. Le retranchement de plusieurs rameaux trouble toujours la marche de la végétation du sujet ; il faut laisser entre cette taille et la greffe assez d'intervalle pour que la vie végétale ait repris son cours régulier. La tête du sujet se supprime en entier, au niveau de la greffe, dès que celle- ci est décidément entrée en végétation; mais si l’on a greffé sur une seule branche, on ne la supprime d’abord que partiellement, en lais- sant au bas quelques yeux qu’on nomme yeux d'appel, parce que leur destination est d'ap- peler vers l'œil de l’écusson la sève du sujet ; il importe de surveiller les yeux d'appel pour qu'ils ne s'emportent pas aux dépens de la greffe, ce qu'il est aisé d'éviter en les pinçant dès qu’on remarque en eux une disposition à absorber trop de nourriture. Tous les bour- geons qui peuvent survenir sur la tige au-des- sous de l’écusson doivent être supprimés à me- sure qu’ils se montrent. PB. — Greffe Sikler. La greffe en écusson, telle qu’elle vient d’être | décrite, se pratique à œil poussant sur racine —————_ TIFRE NT. avec autant de facilité que sur tige; dans ce cas, on laisse ordinairement subsister la feuille ( fig. 209) dans l’aisselle de laquelle Pœil a pris Fig. 209. paissance, afin de lui donner plus de moyens d'attirer à lui la sève. Les écussons destinés à ètre posés sur racines doivent avoir de moin- dres dimensions que les autres, surtout en lar- geur ; les racines souffrent plus difficilement que les tiges le soulèvement de l'écorce dont le déplacement est toujours en raison de la lar- geur de l’écusson ; cette greffe, assez fréquem- ner employée en Allemagne, se nomme greffe Sikler. C. — Greffe Aristote. Ce procédé peut être considére comme le lus ingénieux qu’on ait jamais imaginé pour a greffe en écusson. On lève avec les précau- tions ordinaires un écusson qu’on taille de forme carrée (fig. 210), on pose cet écusson sur l’é- Fig. 213, 210. Lio. 214, corce de la tige, afin de tracer sa largeur exacte avec la pointe d’un canif, ce qui donne une en- taille horizontale de la grandeur convenable. Aux deux extrémités de cette entaille, on pratique deux autres entailles de deux ou trois millimètres, dans le sens vertical; elles suffisent pour qu’on puisse détacher le bord supérieur de l'écorce quirecouvre la partie de l’aubier des- tinée à recevoir la greffe ; en attirant à soi ce re- bord d’une main. tandis que l’autre main tient l’écusson tout prêt, on découvre l’aubier en dé- chirant l’écorce, juste autant qu'ille faut pour pouvoir appliquer l’écusson qui repose ainsi sur un aubier parfaitement intact, puisqu'on PÉPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. 13 L’ecusson placé se trouverait recouvert en en- tier par l'écorce soulevée, si l’on n’avait soin de raccourcir l’écorce de manitre à laisser œil à découvert, comme le montre la fig. 211. Cette greffe n’est pas beaucoup plus longue à prati- quer que la greffe Lencrmand; elle est à tous égards la meilleure et la plus sûre pour tous les sujets, sans exception, susceptibles de re- cevoir la greffe ea écusson à œil poussant ou à œil dormant; nous n’en connaissons pas qui lui soit préférable. Pour la ligature et les soins ulté- rieurs, elle ne diffère pas des autres greffes en écusson. L’on a peine à concevoir comment M. Charles Petit-Huguenin a pu se laisser at- tribuer, dans l’Almanach du Bon Jardinier, l'invention d’un procédé excellent, sans doute, mais vieux de plus de vingt siècles. ( Voir les figures du Bon Jardinier, planche XVI quater, fig. 1,2, 3,4et 5.) D. — Greffe par plusieurs gemma. Ce genre de greffe ne convient qu’à un petit nombre de végétaux ; parmi nos arbres frui- tiers, le noyer, le châtaignier, le figuier et le mürier sont les seuls auxquels il soit particu- lièrement applicable, bien que toutes, ou pres- que toutes les variétés de ces arbres puissent également recevoir les greffes en fente ou en écusson. La plus usitée des greffes par plusieurs gemma est connue des pépiniéristes sous les noms de greffe en flûte, en sifflet, en chalumeau ou en anneau , elle consiste dans l'application sur l’aubier du sujet d’un anneau ou tube d’é- corce muni de plusieurs yeux; ses principaux avantages sont une grande solidité pour les sujets à haute tige sur lesquels on la pratique le plus souvent, et la formation rapide de la tête au moyen de deux ou plusieurs bourgeons développés à la fois sur l’anneau greffeur. Voici le procede le plus en usage. La tête du sujet étant supprimée, on divise son écorce en plu- sicurs lanières qu’on détache par en haut, comme le montre la fig. 212; on recouvre la partie dénudée du sujet au moyen d’un tube cylindrique d’écorce, représenté fig. 213, en- levé sur un rameau d’un an, appartenant à l’es- pèce qu'on veut multiplier par la greffe. Les lanières d’écorce sont ensuite replacées, mais de manière à laisser à découvert les veux de la greffe. La ligature et l’enduit, qui maintiennent le tout, doivent aussi laisser les veux à Pair libre. Cette greffe n’est possible que dans le plein de la sève ; pour peu que l'écorce adhère au rameau greffeur, le corculum se détache, les veux sont vides, et la greffe manque. Elle n'exige pas que la greffe et le sujet soient du même diamètre; si l'anneau est trop large, on le fend, et l’on en supprime ce qu’il a de trop. pour l’ajuster sur le sujet ; s’il est trop petit, on le fend encore, et l’on supplée à son insuf- fisance par un morceau de l'écorce même du sujet réservé à cet effet. Les immenses chätai- gneraies du Limousin, du Bugey, des Cévennes, de la Basse-Provence et de la Bretagne, sont n’y a porié atteinte avec aueun instrument. | peuplées de sujets greffés par ce procédé, quand DONTIGULIURE, T. V. — 10 74 HORTICULTURE. ils sont greffés ; car le plus souvent. en Breta- gne et en Limousin, on ne les greffe pas du tout. Ce n’est que depuis quelques années qu'on commence à se servir, en France, du procédé suivant, préférable à tous égards, puisqu'il respecte la tête du sujet et n’entraine point sa perte quand la greffe n’a pas réussi. E. — Greffe Jefferson. L'anneau d’écorce destiné à la greffe est en- levé le premier, puis fendu, et posé sur l'écorce du sujet pour être mesuré. S'il est trop petit, ce qui à lieu le plus souvent, on coupe en suivant exactement ses bords l'écorce du sujet, de sorte qu’on est certain d'avance d’avoir réservé juste ce qu’il faut de son écorce pour ne pas laisser de vide; s’il est d’un diamètre égal à celui du sujet, ou plus grand, la coupure cir- culaire de l'écorce se fait toujours le long de ses bords, afin que l'anneau enlevé soit exacte- ment remplacé par lanneau greffeur. Cette greffe, très usitée en Amérique, sert à échanger des greffes entre deux arbres, tous deux de bonne espèce. F. — Greffe par copulation. Ce genre de greffe nous vient, comme le pré- cédent. des Anglo-Américains. Il consiste à ap- pliquer l’une sur l’autre les faces de la greffe ét du sujet, taillées de manière à s’ajuster exac- tement ; les veux ne peuvent pas toujours s’y rencontrer dans le nombre représenté sur la figure 214; plus il est possible de conserver d’yeux, plus la réussite est certaine. On voit que cette greffe doit être pratiquée au niveau de terre; elle peut même, sans inconvénient, être enterrée jusqu’à la moitié de la longueur . de la ligne de jonction. 6 V. — Greffe herbacée ou à la Tschudy. L'horticulture a décerné, avec justice, à la greffe herbacée, le nom du baron de Tschudy, qui, sans en être l'inventeur, s'était constam- ment appliqué à multiplier, étendre et popula- riser ses applications. Sans lui, il est probable ue nous ne verrions pas les pins sylvestres de la forêt de Fontainebleau convertis en pins Lari- cio d’une si magnifique végétation, bien que la greffe herbacée des arbres conifères füt pra- tiquée de tous temps en Belgique, et même en France; mais son usage n’était pas répandu, et ersonne n'avait songé, avant M. de Tschudy, a greffer par ce moyen les végétaux annuels ou bisannuels dont les tiges ne deviennent jamais ligneuses. La greffe herbacée n’est en ellemême qu’une imitation des procédés de la nature ; lorsqu'une feuille ou une tige verte vient à être brisée ou lacérée , la cicatrice se fait promptement par continuation de la végétation; il était naturel, en voyant une Cicatrisation si prompte, d'en espérer une non moins prompte des parties ver- tes des végétaux appliquées l’une sur l'autre. LIVRE VIII. Remarquons que dans tous les procédés de greffe antérieurement pratiqués, il ne se passe pas autre chose ; la soudure a lieu entre les par- ties vertes ou herbacées de la greffe et du sujet ; tout ce qui est ligneux ne reprend pas. Si nous avons recommandé de ne prendre que sur du bois bien aoûté les rameaux pour la greffe par scions; si pour la greffe par gemma nous avons rappelé la nécessité de ne lever les écus- sons ou les anneaux que sur du bois compléte- ment mür, ce n’est pas en raison de la nature même de ce bois; c’est pour que les parties her- bacées mises en contact soient en état de sup- porter le déplacement , d’aspirer la sève, de la transmettre, de continuer enfin la vie végétale. M. de Tschudy avait donc raison de considérer son mode favori de greffe comme susceptible des applications les plus variées; nous ne pen- sons pas qu’il soit destiné à rester dans le cer- cle assez étroit dont il n’est pas sorti jusqu'à présent ; dans les serres, la greffe herbacce pour les végétaux exotiques devient de plus en plus fréquente; si elle est moins usitée qu’elle ne devrait l'être dansles pépinières, c’est qu’elle exige des soins et des précautions qu'il est très difficile d'obtenir des ouvriers aux mains des- quels il faut bien les confier dès qu’on opère un peu en grand; €est un obstacle sans doute, mais il n’est pas insurmontable. Pour se convaincre de la supériorité de la greffe her- bacée sur toutes les autres et de la possibilité d’en généraliser les usages, il suffit de consi- dérer que, par cette greffe, ce n’est plus une mince lisière qui se soude à une autre; c'est par la totalité de leurs surfaces mises en contact que les végétaux s’incorporent et que la vie vé- gétale se prolonge du sujet à la greffe ; la commu- nauté d'existence est donc, par la greffe herba- cée, aussi complète qu’elle peut l'être; c’est pour cette raison qu’elle ne laisse, pour ainsi dire, point de trace extérieure, tandis que la place où un arbre a été greffé de toute autre manière est toujours apparente sur son écorce. $ VI. — Greffe herbacée des unitiges. M. de Tschudy désigne sous le nom d’uniti- ges les végétaux qui s’accroissent par une tige unique dans le sens de leur hauteur; tels sont les arbres résineux conifères ; sur tous ces ar- bres, la greffe s'applique au bourgeon terminal. Il faut observer que ce bourgeon n’est suscep- tible d’être greffé avec succès que quand il est parvenu environ aux deux tiers de son déve- loppement; la greffe peut être posée, soit en sapprimant le bourgeon terminal, soit en le conservant. Dans ie premier Cas, après avoir en- levé les feuilles à la place où l’on doit gretfer, on coupe horizontalement la tête du sujet { fig. 215), et l'on pratique sur la surface am- putée une entaille à angle rentrant, dans la- quelle se loge le bas de la greffe (fig. 216), taillé à cet effet en angle saillant. Ce mode d'opérer suppose les diamètres égaux de part et d'autre, circonstance qui se rencontre fort souvent parce que la grefle et le sujet ne peu- TITRE IH. PEPINIÈRES, PRINCIPES GENERAUX. 75 vent être l’une comme l’autre que des bourgeons | que d’être surveillées pour empêcher le déve- terminaux. 215. Fig. 216, Dans le second cas, on dégarnit seulement de feuilles la place qui doit recevoir la greffe, ct au lieu de la retrancher, on y pratique une entaille latérale, comme pour la greffe Richard ; le bas de la greffe se taille de la même manière. Quand le bourgeon greflé entre en végétation, on retranche celui du sujet. Le procédé de la greffe Lée, par entaille triangulaire au moyen du grefloir Noisette (voir Instruments de jar- dinage, fig. 80). peut aussi s'appliquer à la greffe herbacée des unitiges. Cette greffe est peu usitée dans les pépinières, où Îles arbres conifères ne sont jamais très nombreux. Ces arbres, en raison de leur mode de végétation et de la forme de leurs racines, viennent tou- jours beaucoup mieux quand ils ne sont pas transplantés, de sorte que, pour la décoration des parcs et jardins paysagers, on préfère avec raison semer et greffer en place. Quelques es- pèces précieuses, telles que les giléad et les cè- dres, se sèment en pots et se plantent en motte sans en souffrir, pourvu qu’on les transplante assez jeunes. Quoique sur les espèces rustiques, telles que les pins sylvestres ou maritimes, la greffe réussisse toujours à l'air libre, les espèces plus délicates qu’on élève en pépinière ont be- soin d’être étouffées sous cloche ou sous chäs- sis pour prévenir leur desséchement ; un grand nombre d’espèces se contente d’un simple sac de papier huilé, rattaché sur le sujet au-des- sous de la greffe. Les ligatures ne doivent point être trop serrées; comme on opère sur des parties vertes, et par conséquent molles, on ne saurait prendre à cet égard trop de précautions. se greffent pas indifféremment les unes sur les autres; en général, le plus ou moins d’analogie entre les feuilles est le caractère qui répond le plus exactement aux chances de perte ou de succès de la greffe herbacee. Le mélèze des Alpes est de tous les arbres conifères de nos climats celui qui se prête le mieux à recevoir la greffe du cèdre du Liban, qui se développe très lentement et court risque de mourir jeune | quand on l'élève franc de pied. Les greffes herbacées sur arbres conifères, une fois qu’elles ont repris, n’ont plus besoin loppement des bourgeons latéraux, qui fini- raient par absorber toute la sève. Pendant deux ans de suite, on doit pincer ces bourgeons à mesure qu'ils se montrent; l'arbre peut être ensuite abandonné à lui-même. $ VII. — Greffe herbacée des végétaux omnitiges et multitiges. La première de ces deux dénominations s’ap- plique, selon M. de Tschudy, aux arbres ou arbustes qui n’ont point de tige principale,dans ce sens que tous les bourgeons donnent des rameaux à peu près égaux en vigueur et de di- mensions égales, si on les abandonne à leur libre développement; tels sont. sous le climat de l’Europe tempérée, la vigne, le chèvre- feuille, le jasmin ; ces végétaux peuvent rece- voir la greffe herbacée sur toutes leurs tiges, ce qui justifie leur désignation. Les multitiges sont, selon le système de M. de Tschudy par rapport à la greffe, ceux chez lesquels un certain nombre de branches principales se développent à peu près égale- ment, tandis que toutes les autres leur restent inférieures en force et en volume; la greffe herbacée s'applique aux bourgeons terminaux de ces branches considérées comme des tiges, c’est-à-dire comme un tronc divisé. Le noyer, le châtaignier, le pommier, à partir du point où leurs branches se divisent, en offrent des exem- ples. Pour ces deux classes de végétaux, la greffe herbacée repose sur le même principe et se pratique par le même procédé; c’est une fente latérale, pratiquée dans laisselle d’un œil ou gemma, sur la partie encore verte et herbacée d’un rameau, pour recevoir une grefle dans le même état de végétation; la profondeur de la fente et la taille de la greffe doivent être combinées de manière à ce que leurs deux bou- tons se trouvent sur la même ligne. Les détails suivants, puisés dans le traité de M. de Tschu- dy, mettront chacun à même d'opérer en toute sûreté ; cette greffe ne peut manquer que faute de soin et d'attention chez celui qui la pratique. Elle se fait toujours au printemps, à œil pous- sant; tout son espoir repose sur le bouton à côté duquel elle doit être insérée, et sur la feuille qui l'accompagne ; si par maladresse le bouton ou la feuille sont détachés, la greffe | herbacée échoue nécessairement. Toutes les espèces et variétes de conifères ne | Pour provoquer sur un sujet de noyer de Om,20 à 0m,25 de eirconference des pousses propres à recevoir la greffe herbacée, on lui coupe la tête en mars; avant la fin de mai, il doit avoir donné plusieurs jets dont on réserve un ou deux, selon la vigueur de Farbre, pour être greffés. On coupe la tige à greffer à 0m,03 au-dessus de l'insertion du pédoneule de la einquième feuille, en comptant à partir du bouton terminal; on peut aussi, quand le ra- meau paraît assez gros, et qu'on tient à grefler le plus haut possible, faire ce retranchement à la même distance de la troisième feuille. Si l'on 76 observe attentivement l'aisselle de cette feuille, on y reconnait deux yeux où gemma ; l'un très apparent, l’autre à peine visible, destiné à se développer plus tard ; le plus développé se nomme œil d'hiver ; l'autre est l'œil ou bouton d'été. C’est entre ces deux yeux qu’on pratique une incision en fente oblique, qui doit s’arrêter au centre du sujet; sa profondeur, qu'on ne eut déterminer avec précision, doit pénétrer a 0m,03 ou 0m,05 au-dessous de l’aisselle de la feuille. C’est dans cette fente qu’on insère la greffe; celle-ci consiste en un scion tres court, muni d’un bon œil et de la feuille qui l’accom- pagne, le tout exactement de la même longueur que le chicot réservé sur le sujet au-dessus de ses yeux. Le bouquet terminal du sujet étant supprimé, c’est sa feuille qui devient le centre de la vié végétale ; c’est elle qui doit l'entrete- nir jusqu'à ce qu'il y ait entre la greffe et le sujet commencement d’une vie commune ; c’est la nourrice de la greffe. On ligature avec mé- nagement ; le fil de laine est préférable à tout autre en raison de son élasticité. Quand le dia- mètre de la tige et celui du sujet sont égaux, la greffe herbacee telle que nous venons de l’in- diquer est infaillible S'il est impossible de sa- tisfaire à cette condition, et que le sujet soit beaucoup plus gros que la greffe, on opère exactement de même: seulement, au lieu d'une greffe, on en piace deux, de chaque côté du sujet. Malheureusement pour la propagation de la greffe herbacée, elle ne partage pas avec les autres l'avantage qu’elles ont de pouvoir être impunément abandonnées à elles-mêmes, sauf un peu de surveillance sur les ligatures pour qu’elles ne forment pas de bourrelet ; des soins continuels sont nécessaires pour en assurer le succes. Le cinquième jour, on supprime le bourgeon d’été placé dans Vaisselle de la feuille du sujet au-dessus de la greffe; cinq autres jours plus tard, on retranche les bords des quatre feuilles du sujet, au-dessous de la greffe, en ne laissant subsister que leur côte du milieu; on supprime en même temps les yeux ou gemma qui accompagnent ces feuilles. Dix jours après, il faut visiter les aisselles des feuilles inférieures à la greffe, et, s’il s’y est développé de nouveaux yeux, lessupprimer. Ces divers retranchements ont pour but de forcer la sève à se diriger sur la greffe, non pas de manière à la noyer, ce qui arriverait s'ils étaient opérés sans précau- tion, mais en proportionnant la nourriture au développement progressif de l’œil de la greffe. Il est temps, à la même époque, c’est-à-dire vingt jours après que la greffe a été posée, de supprimer aussi les bords de la feuille nour- rice ; la greffe peut désormais se passer de son secours. Au trentième jour elle entre en végé- tation ; il faut la déshabiller, c’est-à-dire en- lever la ligature qui n’est plus nécessaire, puis la rhabiller aussitôt, c’est-à-dire l’envelopper avec du papier, et ligaturer par-dessus, en lais- sant, bien entendu, l’œil à découvert. Cette greffe ainsi gouvernée est infaillible, et cela HORTICULTURE. LIVRE VIII. sur des sujets de nature entièrement différente puisqu'elle est également propre à grelfer, par exemple, le cerisier et l’hortensia. Pour ces deux arbres, au lieu d'employer pour greffe un scion étêté, il vaut mieux se servir d’une pousse avec son œil terminal. Lorsqu'on agit sur des sujets très délicats, tels que des azaléas ou des rhododendrums, il est utile, quand le soleil est trop ardent, de couvrir momentanément le scion avec une feuille roulée simplement au- tour. Les scions pour la greffe herbacée, comme pour toute autre grefle, ont besoin, en général, d’être transportés le plus rapidement possible du sujet qui les a nourris sur celui qui doit les recevoir; néanmoins, il est utile pour quelques espices dont les veux sont sujets à pousser trop promptement, de les couper dès le mois de f6- vrier; on les conserve au frais; le lieu le plus convenable est une glacière quand on en a une à sa disposition ; les greffes pourraient s’y con- server plusieurs années dans un état d’engour- dissement, sans perdre leur faculté de reprendre s'ils sont posés en temps convenable. $ VII. — Greffe herbacee des végétaux non ligneux. C’est un objet de curiosité plutôt que d’u- tilité dans le jardinage en plein air ; ce n’est à proprement parler que dans la serre qu’elle peut rendre de grands services pour des plan- tes exotiques très difficiles à greffer par tout autre moyen. Elle se fait, comme celle des om- nitiges et multitiges, dans l’aisselle d’une feuille, a côté d’un bourgeon; la mollesse des tiges oblige à ligaturer avec beaucoup de précau- tion. On greffe ainsi non-seulement des scions ou rameaux, mais de jeunes fruits qui n’en parviennent pas moins à leur parfaite ma- turité. Le melon se greffe sur la citrouille, le concombre et la bryone ; la tomate sur la mo- relle, la pomme de terre et toutes les grandes solanées ; dans ce dernier cas, ni la récolte des tomates ni celle des pommes de terre ne sont diminuées, soit en qualité, soit en quantité. Cette expérience est souvent répétée avec avantage par des jardiniers qui ne disposent que d’un irès petit local où l’espace est précieux; ils ont deux récoltes à la même place. En opérant la greffe herbacée sur des végé- taux qui ne sont point destinés à devenir li- gneux, on ne peut réussir qu’en se servant d’une lame très tranchante pour préparer la greffe et le sujet; la lame du meilleur rasoir est à peine assez affilée pour cet usage; si peu qu’elle soit émoussée, c’en est assez pour faire manquer la greffe. Ainsi que nous l'avons dit en commençant, toutes ces greffes, parmi lesquelles nous avons cru devoir décrire celles qui de loin en loin peuvent être utiles au pépiniériste, sont rare- ment employées ; il faut excepter la greffe Le- normand en écusson à œil poussant, la greffe Vitry en écusson à œil dormant, la greffe en | fente simple (greffe Atticus), et la greffe en flûte ou en sifflet: on n'en connaît presque pas TITRE III, PÉPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. T1 d’autres dans les pépinières d'arbres à fruit. | prise, et la consolidation est si prompte que Nousdevons faire observer que pas unede ces greffes n’est intrinsèquement la meilleure pour l'objet auquel on l’applique. Pour greffer en écusson à œil poussant et à œil dormant, les greffes Lenormand et Vitry sont inférieures sous tous les rapports au procédé de la greffe Aristote, plus facile à exécuter, en même temps qu’il est aussi plus sûr et plus solide, puisqu'il ne risque pas d’endommager l’aubier du sujet; il n’a contre lui que d’être trop ancien et trop peu répandu; les diverses greffes en fente se- raient remplacées avec avantage par la greffe par copulation, qui met en contact de plus grandes surfaces susceptibles de soudure ; la greffe Jefferson vaut mieux que la greffe en flûte ordinaire et répond aux mêmes usages ; il y aurait aussi lieu, dans bien des cas, de lui substituer avec avantage la grefle herbacée à la Tschudy. Beaucoup d’horticulieurs parta- gent à ce sujet notre conviction ; mais, dans les pépinières, la coutume l'emporte ; les ou- vriers tiennent trop aux anciens procédés, et ils ont trop de moyens de faire échouer les nouveaux. Nous avons néanmoins à signaler une importante innovation récemment intro- duite dans l’art de grelfer, et déja générale- ment en usage dans les pépinières de nos dé- partements du midi ; c’est la greffe au coin du feu ou sur les genoux, qui ne constitue point un procédé à part, mais une application meil- leure des procédés de greffe en fente, en écus- son et par copulation. Il est évident qu'on opère mieux étant assis à son aise au coin de son feu, ayant près de soi sur une table les sujets, les greffes et les instruments nécessai- res, que quand il faut greffer dehors, à ge- noux sur la terre humide, exposé au vent ou à la pluie. Voici ce qu’écrivait à ce sujet il y a quelques années, M. Van Mons,de Louvain, connu pour avoir peu d’égaux en Europe pour la culture des arbres à fruits : “ Le chanere du bout des branches et le cancer de la tige qui attaquent si fréquemment le poirier et le pommier greffés, surtout lorsque sur l’arbre en sève on exerce une taille de rapprochement, d’amputation ou d’abaisse- ment, dépendent en grande partie de ce qu'on pose leur greffe sur des sujets en sève ou prêts a entrer en sève, et que l'opération oblige de rabattre tout près du sol; le sujet acquiert une concentration de vie, et la vie de la greffe est suspendue ; on sent aisément ce que celte dif- férence de condition peut produire. » «“ La greffe du poirier sur franc et celle du pommier sur paradis doivent être exécutées sur des sujets levés de terre ; on opère sur ses genoux. Le poirier est greffé par copulation, le pommier est greffe en fente; on rabat le sujet jusqu’à 0m,05 au-dessus de la naissance des ra- cines. Les sujets doivent avoir été levés de terre et mis en jauge avant la saison des gelées. On peut commencer à greffer dès la suspension des gelées, el continuer jusqu'en mai. À moins d'accident, aucune greffe ne manque à la re- bientôt les traces de la plaie disparaissent. Le bien consiste en ce que l’état de souffrance est commun aux deux parties; la vie végétale est suspendue dans le sujet comme dans la greffe ; si le sujet est sans branches, il est aussi, à peu de choses près, sans racines; pour faire déve- lopper les yeux de la greffe, des racines courtes se mettent plus tôt à pousser que des racines longues ; un fort appareil de racines n’est pas mis hors d'équilibre avec un appareil nul de branches; enfin, les deux parties se relèvent ensemble de leur langueur commune, et le su- jet n’envoie pas à la greffe plus de sève que celle-ci n’en peut assimiler. Une fois reprise, la greffe marche plus rapidement qu’une au- tres; elle subdivise son bois en raison de ce qu’elle pousse de courtes et nombreuses raci- nes, et bien souvent, au bout de l’année, on a un arbre fait qui, l’année suivante ou la se- conde année, porte déjà fruit. » S IX. — Résumé, Avant de clore ce chapitre, résumons les principes généraux qui doivent présider à la création d'une pépinière. Emplacement.—Le plus convenable est une plaine légèrement inclinée, à l’abri des vents violents de l’ouest et du nord; tout local peut être rendu propre à l'établissement d’une pé- piniére, au moyen des brise-vents ou abris ar- ificiels. Qualité du sol. —Le sol doit être un peu moins fertile que celui où les arbres seront plantés à demeure. Le pépiniériste ne pouvant savoir d'avance où ses arbres iront quand il les vendra, ne doit pas préférer le sol le plus riche possible ; s’il en a de plusieurs qualités, il doit, a l’époque des ventes, avoir égard à ces diffé- rences, par rapport au sol dont disposent les acheteurs. Semis. — Ils doivent toujours être, préféra- blement à tout autre moyen, la base du repeu- plement de la pépinière, pour obtenir des va- riétés nouvelles, régénérer les anciennes, ou seulement pour se procurer des sujets toujours meilleurs que ceux qu’on obtient par marcoite. Il vaut mieux semer en lignes qu’à la volée, à moins que, comme dans le Romois, on ne doive ensemencer en pepins de très grands espaces. Le sol, surtout s’il est léger, doit être raflermi par-dessus les semis au moven d'un rouleau, ou mieux d’une planche qui per - Fig. 219, 13 mette de modifier la pression à volonté. Les figures 217, 218 et 219 montrent les planches généralement employées en Belgique pour cet usage, et la manière de s’en servir en avançant de côté. Sentiers et planches. — Si le sol est argileux, les sentiers qui doivent séparer les planches de la pépinière seront de quelques. centimetres plus bas que ces planches ; ils seront au con- traire un peu plus élevés si le sol est léger et facilement perméable ; la largeur des planches et celle des sentiers seront combinées de ma- nière à ce qu’on puisse sarcler sans être forcé de fouler la terre des semis. Arrosages. — Quand les semis et le jeune lant auront besoin d’arrosages, une eau trou- ble ou même bourbeuse sera la meilleure pour eux. Les arrosages servent à préserver les se- mis des effets désastreux de la sécheresse de rintemps (hâle de mars) et des grandes cha- eurs de l'été; on les donne au printemps le matin et en été le soir, mais jamais sans abso- lue nécessité. Dans le midi, lorsqu'on achète des oliviers ou des müriers pour les planter, on a soin de s’assurer qu'ils n’ont point été arrosés en pépinière ; s'ils Pavaient été, et qu'ils fus- sent plantés à demeure dans un sol d’ailleurs convenable, mais dépourvu de moyens d'irri- gation, on les perdrait presque tous. Sarclages. — Quelque embarrassé que soit le terrain par la mauvaise herbe, on ne commence à sarcler que quand le plant est assez fort pour ne pas en souffrir ; tout ébranlement donné à sa racine pendant la première période de sa croissance peut lui être mortel. Arrachage. — Chaque fois que le plant doit être arrache pour être repiqué, mis en place en pépinière et enfin vendu, l’arrachage doit tou- jours se faire à jauge ouverte, c’est-à-dire que l’on creuse en avant du premier rang, assez profondément pour être assuré de prendre les dernivres racines en dessous, et ne pas avoir à craindre d’arracher leurs extrémités en les en- levant; l’opération ne saurait être menée trop rapidement. Habillage des tiges et des racines. —Il ne faut pas retrancher au tronc du plant ses ra- meaux inférieurs à l’époque du repiquage ; ces rameaux, qui seront supprimés plus tard, sont nécessaires pour appeler et retenir la sève, donner de la force au tronc et l'empêcher de s’emporter par en haut. Moins on touche aux racines, soit au premier repiquage, soit à la transplantation définitive en pépinière, plus l'arbre est assuré d’une bonne végétation ; il ne faut couper que les racines pourries ou endom- magévs, et dans ce cas couper très net. Au pre- mier repiquage, on pince, mais avec réserve, le bout du pivot des fruitiers, principalement de ceux qui proviennent de pepins. | Espacement.—Le plant en pépinière ne doit point être gêné; plus le sol est fertile, plus il faut de place aux racines pour s'étendre. On doit regarder les distances ci-dessous indiquées comme ur minimum. HORTICULTURE. LIVRE VIT. Arbres à fruits à pe; ins. Distance Dist. des arbres Arbres. des lignes. duus les lignes. Poiriers hautes tiges... ... 0,70 0,60 Pommiers HE RS 20: 0,70 0,60 Poiriers, 2° grandeur. .. 0,80 0,80 Pommiers, 1122. «pipe 0,80 0,60 Cognassiers enracinés. . .. . 0,80 0,60 Doucains Je Sete ele 0,65 0,50 Paradis ‘1 NME Re 0,60 0,50 Arbres à fruits à noyau. Pruniers pour pèchers.. .. 0,80 0,60 Amandiers 2d........ 0,80 0,60 Pruniers pour eux-mêmes. . 0,70 0,40 Pruniers pour abricotiers.. 0,70 0,50 Abricotiers pour eux-mêmes 0,80 0,60 Cerisiers. ...... “oc Lire 0,60 0,50 On indique un plus grand espace pour les poiriers et pommiers de seconde grandeur que our ceux de première grandeur, parce que es premiers destinés à être conduits dans la suite en quenouille ou pyramide, ont besoin, pour être dirigés dans ce sens, après avoir été greffés, de commencer à étendre leurs bran- ches inférieures, et prennent par conséquent plus de place que les sujets grelfés à haute tige dans la pépinière. CHAPITRE II. — PÉPINIÈRES D'ARBRES FRUITIERS. SECTION l'°,— Considérations générales. Bien qu'il se trouve dans les différentes ré- gions de la France une heureusediversité de sols et de climats, les arbres à fruits élevés en pé- pinière sous le climat de Paris conviennent à toute cette partie de son territoire, qui s'étend de la frontière du nord jusqu’à la Loire, et des côtes de la Manche aux montagnes du Jura. Sur toute cette étendue, le poirier et le pommier tiennent le premier rang parmi les arbres à fruits à pepins ; Le pêcher et l’abricotier sont les meilleurs des fruits à novaux ; la vigne, exclue seulement d’une lisière assez étroite au nord et à l’ouest, mais presque partout cultivable en espalier, tient peu de place dans les pépinières, chacun pouvant trop facilement la multiplier de greffe ou de bouture; le prunier, l’aman- dier, le cerisier, et de loin en loin, le cognas- sier, le néflier, le cormier, le mürier noir et le figuier y sont aussi élevés pour leurs fruits ; puis, de grandes pépinières de noyers et de châtaigniers alimentent les vastes plantations de ces deux arbres, partout où la récolte de leur fruit forme une des principales ressources de la population. Comme on le voit, le cercle des espèces est assez borné, bien que celui des variétés et des sous-variétés soit illimité; les autres arbres à fruits sont exclusivement réser- vés à nos départements méridionaux ; ils oceu- pent la seconde classe des pépinières d'arbres fruitiers ; nous les envisagerons séparément. Nous avons dit que le sol propre à lélève en temps n'aurait aucune valeur; voici comment TITRE Hi. pépinière des arbres fruitiers à pepins diflère essentiellement de celui que réclament les ar- bres fruitiers à noyaux ; en principe, les amen- dements, surtout la marne, la chaux, les terres calcaires et le plâtre, peuvent corriger le pre- mier de ces deux genres de sol, et le ramener jusqu’à un certain point dans les conditions du second, mais sans réciprocité. Ainsi, dans une pépinière où les poiriers et pommiers prospe- rent, on peut disposer un coin propre à l'élève | du pêcher, de l’abricotier, du cerisier ; mais, si la nature du terrain est spécialement favorable à ces arbres, il serait inutile d'entreprendre d’v PÉPINIÈRES D'ARBRES FRUITIERS. faire prospérer les arbres à fruits à pepins. Aux environs de Paris, bien peu d'arbres à | fruits sont cultivés dans la même pépinière de- puis leur naissance jusqu'au moment de la vente ; cette besogne se partage d'une manière analogue à ce qui se pratique ailleurs pour l'élève du bétail ; c’est une excellente méthode, en ce qu’elle permet au pépiniériste de rentrer plus vite dans ses avances et de donner plus de soins à la partie de l'élevage dont il est chargé; l'acheteur n’aurait rien à y perdre si parmi les égrains, ou sujets de pepins, le pépiniériste n’admettait que des sujets de premier choix, ceux que dans le commerce on désigne sous le noms de baliveaux; mais par une avidité con- damnable, beaucoup de pépiniéristes préfèrent acheter à bas prix les égrains de deuxième ou troisième choix, qui devraient être rebutés. A force de soins et de fumier, ils donnent à ces arbres défectueux une assez bonne apparence pour tenter les acheteurs, et peuplent ainsi nos jardins d’arbres débiles qui ne peuvent ni du- rer, ni récompenser par des récoltes abondantes les travaux du jardinier. La nécessité de choisir les sujets s’applique également aux doucains, paradis et cognassiers élevés de marcotte ; ceux que fournissent des souches-mères épuisées par une longue pro- duction doivent être rejetés. Quant aux sujets obtenus de semis dans la même pépinière où ils doivent achever de croître jusqu’à ce qu'ils soient greffés et mis en place, il faut toujours réserver à part les plus beaux, ceux dont l’ap- parence extérieure se rapproche le plus des bonnes espèces connues, afin de vérifier leur fruit. Il ne s’agit pas d'attendre quinze ou dix- huit ans un fruit qui peut-être au bout de ce | on procède. Sur un sujet de semis de deux ans, on lève un écusson qu'on transporte sur co- gnassier si c’est un poirier, et sur paradis si c’est un pommier ; en deux ans, le fruit se mon- tre sur la greffe tel qu'il doit être sur le sujet, lequel n’étant encore âgé que de quatre ans, peut être greffé lui-même s'il est mauvais, et mis en place s’il est bon. Il est bien entendu que les essais de ce genre ne sauraient être pra- tiqués sur une grande échelle par le pépinié- riste marchand; il peut cependant, comme on | le voit, obtenir ainsi, dans un temps assez court, | des variétés, soit nouvelles, soit améliorées. ! Tous les vrais amateurs de l'horticulture dé- p. 19 plorent la dégénérescence rapide de nos meil- leurs fruits; elle est telle de nos jours, qu’un homme de trente ans reconnaît à peine dans les deux genres, poirier et prunier principale- ment, les fruits qu’il a connus dans son enfance. C’est à ceux qu’une position aisée rend indiffé- rents au résultat pécuniaire, qu’il appartient surtout de régénérer nos vergers par les semis; ce ne sont pas d’ailleurs des essais très dispen- dieux, ils n'exigent que de la persévérance. Lorsque, parmi les plants repiqués, quelques- uns paraissent languissants, il ne faut pas hé- siter à les sacrifier. Dans les pépinières, où les sujets ont toujours trop peu d'espace, si l’un d’entre eux vient à être enlevé ou à périr, ses voisins s'empressent d’allonger leurs racines pour recueillir sa succession, de sorte que pour peu qu’on tarde à lui donner un rempla- çant, les racines faibles de celui-ci ayant à se défendre contre les racines fortes de ses con- currents, ne prennent jamais le dessus: il vaut mieux en prendre son parti, et laisser subsister un vide, quand par négligence on ne s’y est pas pris à temps pour le remplir. La greffe est, après les semis, l'opération la plus importante dans la pépinière; nous en avons décrit les divers procédés en indiquant ceux qui, pour les arbres à fruits, nous semblent mériter une préférence exclusive. On greffe le plus jeune possible les sujets destinés à rece- voir le pêcher, l’abricotier et le prunier ; beau- coup de sujets sont bons à greffer dès la pre- mière année; tous doivent être greffés à la seconde ; si à cet âge ils n’avaient pas la force de supporter la greffe, ils devraient être rejetés. On greffe aussi très jeunes les poiriers et pom- miers qui doivent être conduits en corbeille, en quenouille, en pyramide, ou former des arbres nains, mais on laisse croître jusqu’à l’âge de trois ou quatre ans les sujets destinés à former des arbres en plein vent à haute tige. Les espèces désignées dans la liste ci-dessous ne réussissent jamais bien sur cognassier, ou du moins, elles n’y sont jamais suffisamment productives; on ne peut les greffer que sur franc ou sur épine blanche ; la plupart réussi- raient également sur néflier ; elles y seraient très durables ; mais cette greffe est peu en usage, à cause de la difficulté de multiplier les sujets de néflier soit de semence, soit de marcotte; les os- selets de néflier ne lèvent que la seconde année, et quelquefois à la troisième; on peut aussi greffer les poiriers sur des francs de cormier. | Catillac (ou cotillard). Po re Poire d’une livre. oCS à CUITE... 3 Poire de tonneau. linperiale, Grande Bretagne. S.- ‘ Rousselte d'Anjou. Poires a manger crues.{ , :. 3 | Poire d'épargne. | Royale d'hiver. Puire de la Madelaine. | Beurre gris. D'autres variétés, quoique suffisamment pro- ductives sur cognassier, se greflent mieux sur .— 80 HORTICULTURE, . franc, quand on n’est pas trop pressé de les mettre à fruit, parce qu’elles ont une tendance prononcée à former des arbres très grands et très durables, tendance neutralisée par la na- ture du cognassier ; ce sont principalement les suivantes : Virgouleuse, Bon-chrétien d'hiver. Crassane (vu crésane). Poire de Colmar. Poires à manger til Combien ne serait-il pas préférable de ne ja- mais greffer ni le poirier ni le pommier, de peupler exclusivement nos vergers d'arbres francs de pied, obtenus soit de semis, soit de boutures? On néglige totalement ce dernier mode de multiplication pour les arbres à fruits, tandis qu’on le perfectionne de mille manières pour les arbres et arbustes d'ornement. Nous sommes convaincus qu’on trouverait autant de facilité que d'avantages à bouturer le pommier et le poirier, si l’on voulait s’en occuper sé- rieusement. D’après quelques essais encore trop récents pour offrir des résultats certains, nous sommes portés à croire que les boutures de poirier et de pommier pratiquées avec des bour- geons de l’année en costière, garnie de terreau, bien exposée, mais ombragee, reprendraient aisément ; transplanté en automne en pépinière, ce plant serait ensuite conduit comme le plant de semis, sauf la greffe, dont il n’aurait pas besoin. Le procédé de bouture à l’étouffée, usité dans les serres pour la multiplication des ar- bustes d'ornement, réussirait, sans aucun doute, our la multiplication des arbres à fruit, comme e prouvent les expériences de M. Bertin (de Versailles ) sur les boutures de poirier ; mais il exige tant de frais et des soins si minutieux, qu'il lui faudrait recevoir de grandes modifica- tions avant qu’il pôt faire concurrence aux procédés plus simples actuellement en posses- sion d'alimenter nos pépinières. SecrTion II. — Conduite des sujets en pépinière. Pendant les deux premières années, le plant ne veut que des sarclages et binages assez fréquents pour que le sol soit tenu constamment propre ; il ne faut arroser qu’en cas d’excessive séche- | resse, quand on peut craindre qu’il n’en résulte la perte des sujets; à moins d’un été exception- | nel, ce danger ne se présentera pas si la sur- face de la terre est ameublie par des binages réitérés ; il faut que la terre puisse absorber et | transmettre aux racines des jeunes arbres la | rosée de la nuit, qui ne leur parvient jamais | quand on a laissé se former à sa surface une | croûte imperméable. IL faut avoir pratiqué lhorticulture dans le midi, sur des pentes ou il ne pleut jamais en été, où l’eau ne pourrait | arriver que par un déluge universel, pour se faire une idée des ressources que peut offrir le Dinage comme moyen de combattre les effets de la sécheresse. Au second printemps qui suit LIVRE VIT, le repiquage du plant en pépinière, on ne doit pas attendre que la sève soit en mouvement pour donner à la totalité des sujets leur pre- mière taille; elle consiste à les recéper au niveau du sol qui recoit en même temps un labour superticiel. Cette opération détruit l’é- quilibre entre les racines restées entières et la tige, momentanément réduite à rien. Aussitôt que la sève commence à monter, toute l’éner- gie vitale de lParbre est employée à rétablir promptement l'équilibre; les tiges nouvelles, dont on a provoqué par là le développement, sont plus belles, plus élancées, plus vivaces que celles qu’elles remplacent. Chaque pied en fournit toujours plusieurs ; on choisit la plus vi- goureuse et l'on supprime les autres au mois de juin. $ 1°. — Sujets pour haute tige, Les sujets à haute tige se forment pour ainsi dire tout seuls; il n’y a qu’à laisser leur bourgeon terminal s’élancer verticale- ment, former sa flèche, comme disent les pé- piniéristes. Le seul soin à prendre, c’est de pincer de très bonne heure les bourgeons laté- raux, afin qu’ils ne détournent pas à leur pro- fit une part de la nourriture qu’on a intérêt à diriger de préférence sur la flèche. D'ailleurs, les bourgeons latéraux, lorsqu'on retarde leur suppression, grossissent très vite ; quand il faut les retrancher plus tard, il en résulte sur le tronc du sujet des plaies nuisibles à la crois- sance et désagréables à l'œil. En supprimant les bourgeons pincés, ce qui doit se faire en oc- tobre, à la chute des feuilles, il faut éviter de tailler trop près du tronc; il importe surtout de couper bien parallèlement à l'axe du tronc, pour que l’écorce recouvre facilement et égale- ment les cicatrices. L’elfet naturel de cette taille continuée tous les ans est de donner à la flèche une force telle qu’elle fait dessécher et périr les branches laissées à dessein de distance en distance vers le bas de la tige, dans le but de la faire grossir en y appelant la sève. A me- sure qu’on les voit dépérir, on les rabat d’abord à 0," 10, puis on les supprime tout-à-fait. Si ces divers soins ont été donnés en temps oppor- tun et avec intelligence, les arbres livrés au commerce n'offrent ni nœuds ni défauts : leur tronc droit, recouvert d’une écorce lisse, atteste leur santé vigoureuse. Cette manière d’élever les égrains en pépi- nière s'applique également aux pommiers et aux poiriers à haute tige; seulement, comme le tronc de poirier n’a pas la même tendance que celui du pommier à prendre du corps, on lui laisse un plus grand nombre de branches late- rales ou brindilles, afin de favoriser son gros- | sissement. Dans un sol convenable, les égrains sont bons à vendre au bout de quatre ans; ils peuvent encore attendre deux ans dans la pé- pinière sans beaucoup souffrir; passé la scp- tième année, s'ils ne sont pas enlevés, ils dé- | périssent, Les égrains ne sont pas ordinaire- ment greffés en pépinière; on les met en place, TITRE Hi. après leur avoir coupé latête à 2,50 au-dessus du sol; ils y restent deux ou trois ans avant d'être greffés; la greffe, quand elleréussit, ne montre son fruit qu'au bout de plusieurs an- nées. On voit combien il s’est écoulé de temps depuis le semis du pépin jusqu’à la récolte du premier fruit, et combien il serait à désirer de pouvoir, en élevant des sujets de bouture, ga- gner au moins,.sur des délais si longs, les deux ou trois ans que fait perdre la greffe. Les arbres de plein vent à haute tige, une fois élevés, sortent du domaine de l’horticul- ture; exclusivement destinés à former des ali- gnements le long des chemins ou autour des Pièces de terre dans les grandes exploitations, ils ne sont greffés qu’en fruits à cidre; nous reviendrons sur les avantages qu’on trouve à traiter de même les fruits à couteau en réu- nissant de grands arbres dans de vastes enclos semblables aux mazures de Normandie et aux prairies arborées de Belgique. (Voir Vergers agrestces, t. II, p. 145). Ÿ IE. — Sujets pour pyramides, quenouilles, vases et espaliers. Ces arbres sont exclusivement du domaine de l’horticulture; leur existence commence et s'achève entre les mains du jardinier. On ne doit point leur ménager la distance; plus ils auront d'espace en pépinière, mieux ils vien- dront; il importe également de ne pas les plan- ter pêle-mêle, comme le font presque tous les pépiniéristes marchands ; chez eux, un sujet n’a point d'avance une destination déterminée; se- lon qu’il se montre robuste ou délicat, on le prépare ultérieurement pour telle ou telle for- me; c’est une coutume funeste contre laquelle nous ne pouvons trop fortement nous élever ; chaque forme doit avoir sa division à part, sans quoi, les arbres préparés pour une forme qui prend beaucoup d’espace étouffent les plus petits en leur Ôtant l’air et le soleil. Selon l’usage ordinaire, on laisse le plant se former deux ans en pépinière sans autre soin que de tenir le sol nettoyé. On recèpe au prin- temps de la seconde année pour provoquer l’é- mission du bourgeon sur lequel on greffera en écusson à œil dormant un ou deux ans plus tard. Un amateur peut aussi attendre le som- meil de la végétation, lever tous les jeunes plants en hiver, les greffer par copulation au coin du feu, et les remettre en place. Dans ce vas, on greffe aussi près que possible du collet des racines, afin que la greffe reprise soit à moitié enterrée par la mise en place définitive (voir Greffe, fig. 214). Lorsque la tige produite ar la greffe possède une vigueur suffisante, on la rabat à O0m32 de la greffe, pour favoriser le développement de ses yeux inférieurs ; ils se- ront la base de la charpente du jeune arbre, et permettront de le conduire à volonté selon la ‘& forme qu’on lui destine. Nous insistons sur la nécessité de ne jamais poser sur les poiriers | francs ainsi élevés en pépinière des greffes pri- ses sur des arbres greflés sur cognassier €u'on HORTICULTURES, PÉPINIÈRES D'ARBRES FRUITIERS. 81 ne s’effraie pas de la force extraordinaire des grefles franches de pied posées sur des poiriers également francs de pied; c’est le gage d’une longue durée et d’une fertilité soutenue. « Quel- ques jardiniers ignorants, dit M. Lelieur, se plaindront peut-être de cette vigueur dont ils ne sauront pas tirer parti; ily a toujours moyen de Pemployer à produire des récoltes abon- dantes, tout en laissant les arbres prendre l’en- tier développement dont ils sont susceptibles, ou en les restreignant dans les limites possi- bles, mais toujours en produisant d’abondantes récoltes. » $ IIT. — Sujets de cognassier pour poirier, Nous avons exprimé notre opinion sur la préférence que méritent les sujets francs de poi- rier, comparés aux sujets de cognassier; nous avons insisté sur la nécessité de semer au moins des pepins choisis de cognassiers des bonnes espèces, si l’on tient à greffer sur cognassier. Les avantages apparents du cognassier feront encore longtemps prévaloir son emploi sur celui des sujets francs. Le poirier greffé sur co- gnassier se met vite à fruit et rapporte beau- coup quand le cognassier greffé est robuste et bien portant; mais bientôt il s’épuise, le fruit devient de plus en plus rare et pierreux, l’ar- bre se dégarnit du sommet, et il n’y a pas de soins de culture qui puissent le rétablir. Il n’est réellement à sa place que dans les très pe- tits jardins où l’espace manque, ou bien en- core, dans les jardins qu'un locataire plante pour la durée de son bail, et dont les arbres, pourvu qu'ils rapportent tout de suite, peuvent être promptement épuisés sans porter préjudice au locataire qui est en droit, avant de partir, de les assommer, selon l'expression admise. Signaler une coutume vicieuse, ce n’est mal- heureusement point en assurer la prompte abo- lition. Les pépiniéristes même les plus éclairés, sont forcés de greffer beaucoup de poiriers sur cognassier, parce que, d’une part, on leur en demande beaucoup, et que de l’autre, ils se- raient forcés de faire payer plus cher les sujets greffés sur franc qui, pour cette seule raison ne trouveraient pas d'acheteurs. Voici com- ment on peut gouverner le cognassier en pépi- nière, pour en obtenir les sujets le moins dé- fectueux possible. Il faut d’abord lui accorder beaucoup d’espace et attendre, pour le greffer, qu’il soit solidement fixé dans le sol par de nombreuses et fortes racines. Ensuite, au lieu de greffer selon l'ordinaire en écusson à œil dormant, en juillet pour le prunier et l’abrico- tier, et pour les autres arbres fin août de l’année qui suit celle du repiquage, on attendra l'hiver pour greffer de la même manière, mais au coin du feu, par le procédé de la greffe Aristote, ou à écusson carré, celle de toutes les greffes qui endommage le moins l’aubier, et permet d’es- pérer la plus prompte soudure de la greffe au sujet. On ne balancera pas à retarder d’un an | cette opération pour les sujets qui ne parai- ltraient pas suffisamment robustes. L'année PNR 82 d'après, la greffe sera rabaïtue et conduitè pour être préparée à produire des branches latérales inférieures, comme si c’était un sujet greffé sur franc. $ IV. — Sujets d’aubépine et de cormier pour poirier. On multiplie rarement l’aubépine de semis dans le but d’en obtenir des sujets propres à recevoir la greffe du poirier, Lorsqu'on sème, c’est en place, pour créer une haie vive ; le plus souvent même pour cet usage on ne sème pas lP’aubépine, on met en place le plant sauvage arraché dans les bois. Nous engageons les pé- piniéristes qui se livrent à l'élève en grand du poirier à consacrer toujours un carré aux semis d’aubépine. Les sujets trop faibles pour recevoir des greffes de poirier se vendront tou- jours avantageusement pour plantations de haies; quelques - uns pourront aussi recevoir des grelfes de divers alisiers, sorbiers et né- fliers, qui reprennent très bien sur ce genre de sujets. Le poirier greffé sur aubépine ‘offre à peu près les mêmes avantages, quant à la taille, que la greffe sur cognassier ; sa mise à fruit est seulement un peu plus tardive, mais toujours plus prompte que quand il est greffé sur franc. On greffe bien rarement le poirier sur cor- mier ; cette greffe ne convient que pour les ar- bres en plein vent, à haute tige ; les rares exem- ples de cette grefle, que nous avons eu occasion d'observer en Anjou, en Poitou et en Provence, étaient remarquables par leur fertilité. Nous saisirons cette OCCasion pour exprimer nos re- grets de l'abandon coupable où nous laissons s’éteindre un de nos meilleurs arbres indigènes, le cormier. Il n’y a pas de bois comparable au sien pour le charronnage; son fruit agréable donne une boisson égale au meilleur cidre ; il se contente des plus médiocres terrains ; nul ne résiste mieux que lui aux plus longues séche- resses. Nous l'avons vu dans le Var, croissant entre des roches granitiques, fructifier et con- server la fraicheur de sa verdure sous une tem- pérature plus qu'africaine , après cinq mois de sécheresse continue. Mais notre siècle est égoiste ; il a peur de faire quelque chose pour les générations à venir; le cormier a Île tort impardonnable de croître lentement et de vivre des siècles. Nous le recommandons aux pépi- niéristes comme essentiellement propre à rece- voir la greffe du poirier, partout où cet arbre doit vivre dans un sol médiocre, exposé à souf- frir de ia sécheresse et d’une trop haute tem- pérature. $ V.— Sujets de doucain et de paradis pour pommier. Le doucain possède réellement, pour le pommier, tous les avantages en vue desquels on greffe le poirier sur cognassier, sans avoir aucun des défauts de cet arbre, car le doucain est lui-même un pommier franc de pied, qui se perpétue par ses pépins, mais il est naturelle- meut promptà produire et peu développé dans sa taille. Le plant de doucain, obtenu de mar- cotte, est toujours inférieur à celui que donne- HORTICULTURE. LIVRE VITE. raient les semis ; il peut néanmoins fournir des sujets de bonne qualité, pourvu que les souches- mères ne soient pas épuisées par une trop lon- gue production ; ces sujets se prêtent merveil- leusement à la taille en pyramide, quenouille, vase et espalier. On les garde deux ans en pé- pinière comme les sujets du cognassier, puis on les greffe en écusson à œil dormant ; la greffe au coin du feu est la meilleure et la plus solide ; le peu de temps qu’elle semble faire perdre est plus que compensé par la meilleure végétation des arbres greffes. Les principes pour la con- duite du poirier en pépinière s'appliquent éga- lement au pommier; pour l'un comme pour l’autre, il s’agit de faire développer les bour- geons inférieurs, et d’empêcher la sève de se porter exclusivement vers le haut de l'arbre. Les plus belles pommes de dessert se cueil- lent sur les sujets de paradis, qu’on greffe de préférence en espèces de choix parmi les plus beaux fruits à couteau. Il faut les greffer très jeunes et dès qu’ils montrent une vigueur suffi- sante, en suivant, si on veut, le procéde de la greffe au coin du feu. Si les paradis durent peu, ils produisent en abondance de beaux fruits - le paradis est essentiellement l'arbre des petits jardins. Ii est bon de le planter à demeure dans les deux années qui suivent celle où il a été greffe. Il n’est pas nécessaire de lui former en pépinière une tige principale; on lélève en petit vase ou en buisson, il produit beaucoup sous cette forme. mais la meilleure serait celle em- ployce par M. Jamain, en quenouille sur doucin, de cette manière il se défend même dans les terrains secs, bien qu’en général le pommier préfère un sol frais et substantiel. Cette forme est des plus agréables et donne des fruits en grande quantité et de très bonne qualité. Ÿ VI. — Sujets d’amandier et de prunier pour pêcher. L'amandier et le. pêcher sont, au fond, le même arbre; la chair savoureuse de la pêche n’est que le brou de l’amande amélioré par la culture ; l'amandier est donc, de tous les sujets sur lesquels le pêcher peut être greffe, celui qui offre avec lui Le plus d’analogie. Cependant, en dépit d’une foule de différences des plus saillantes , le prunier prend la greffe du pêcher aussi facilement que l’amandier ; le choix entre ces deux genres de sujets semble tout-à-fait in- différent quant à la qualité du fruit, sur lequel il ne semble pas qu’il influe d’une manière ap- préciable. L’amande douce , à coque dure, est semée communément pour obtenir des sujets destinés à recevoir la greffe du pêcher; il faut y joindre quelques amandes amères pour les es- pèces qui reprennent mal sur lamandier doux. Les noyaux de prunes de Damas et de Saint-Ju- lien sont préférés pour le même usage à ceux des autres espèces. Le choix entre les sujets d'amandier et ceux de prunier est déterminé par la nature du terrain. Les racines de l'aman- dier sont fortes; elles pénètrent profondément dans le sol; elles s'accommodent de presque tous les terrains * l'amandier réussit partoui, à lé nn TITRE III. moins que ses racines ne rencontrent un SOUS- sol de tuf ou d'argile, où elles ne sauraient vi- - vre, Les racines du prunier ne plongent pas ; elles s’étendent en tout sens, à peu de distance au-dessous de la surface du sol; les sujets de prunier doivent être préférés pour multiplier le pêcher dans un sol peu profond, à un sous-sol de tuf ou d’argile. Le pépiniériste, dont la clien- telle est assez étendue, doit toujours être muni de pêchers greffés sur amandier et sur prunier, comme le font ceux de Vitry (Seine), chez les- quels on vient de irès loin acheter des arbres élevés avec beaucoup de soins et d'intelligence. Le prunier se greffe toujours quelques jours plus tôt que l’amandier; l’un et l’autre sont écussonnés à œil dormant, du 15 août au 15 septembre. On greffe l’amandier la première année de sa mise en pépinière; le prunier doit y passer deux ans avant d’être greffe. En Belgique, on greffe très frequemment le pêcher sur lui-même; les semis de noyaux de choix reproduisent très souvent leur fruit, et n'ont pas besoin d’être greffés ; on laisse done un grand nombre de sujets montrer leur fruit avant de les greffer ; mais au lieu de les con- server en place en pépinière, on les plante à Pespalier; si le fruit ne vaut rien, les sujets, ayant acquis beaucoup de force et ne devant plus être transplantés, peuvent supporter deux greffes, une de chaque côte, pour former en même temps les deux branches principales de la charpente. IL faut observer qu’en Belgique on donne aux murs de clôture, construits en briques, plus d’élévation que nous n’en don- nons généralement aux nôtres; les pêchers pierrettes, nom qu’on donne aux sujets francs de pied, ont toujours plus de vigueur que les autres, et couvrent plus vite une grande surface d’espalier. Au rebours de ce qui se pratique en France, on réserve le haut de l’espalier pour le pêcher, qu’on greffe à haute tige sur prunier, quand le mur est décidément trop haut pour qu'il puisse le garnir en totalité; la partie in- férieure est garnie dans ce cas d’abricotiers conduits de manière à ne pas gêner les pê- chers. Lorsque la greffe a repris, on rabat le sujet à 0",08 ou 0” ,10 au-dessus de l’écusson ; on supprime sur le chicot laissé au sujet tous les yeux, à l'exception d’un seul à son extrémité supérieure, près de la coupure ; cet œil est ré- servé comme œil d'appel. IL faut le surveiller de très près pour empêcher qu’il ne s’emporte, et l'arrêter par des pincements successifs ; il n’est là que pour empêcher le chicot laissé au- dessus de la grefte de mourir, afin que, quand on le supprimera, la cicatrisation s’opère plus facilement sansnuire à la greffe. Le point le plus délicat de la conduite du pêcher greffe en pépi- nière, c’est de ménager les yeux placés au bas de la pousse de la greffe; il faut empêcher leur développement anticipé. Ces yeux, sur lesquels repose tout l'espoir du jardinier pour former la charpente de larbre en espalicr, peuvent partir avant le temps lorsqu'il arrive à la greffe PÉPINIÈRES D'ARBRES FRUITIERS. 83 un accident, une rupture, une simple courbure, ou bien lorsqu'on supprime à contre-temps les bourgeons de sa partie supérieure, ce qui fait refluer la sève vers le bas, et provoque le dé- veloppement intempestif des yeux de cette par- tie. Il importe que la greffe soit assujettie de manière à éprouver le moins d'ébranlement possible ; dans les premiers mois, elle adhère faiblement au sujet, et pourrait aisément être décollée. Les espèces ci-dessous indiquées veulent être greffées spécialement sur des sujets d’amande amère : bourdine ou royale, pourpre et häâtive, rouge de la Madelaine. violette hätive (petite et grosse). violette tardive. Pêche Les pêches de Chevreuse et les pêches à peau lisse (brugnons), préfèrent les sujets de prunier de Saint-Julien à ceux de Damas. Le pêcher ne se grefle pas toujours en pépi- nière; lorsqu'on n’est pas pressé, on laisse le sujet s’enraciner au pied de l’espalier avant de le greffer; l'arbre est ordinairement plus vi- goureux et plus durable que s’il avait subi la transplantation après avoir été greffé. $ VII, — Sujets de prunier et d’abricotier pour abricotier. Trois variétés d’abricotier : l'abricot de Hol- lande, l’abricot-pêche et l’alberge, se repro- duisent semblables à elles-mêmes par le semis de noyaux. Les noyaux de toutes les variétés donnent des fruits différents de ceux qui les ont produits, mais mangeables; ce qui fait dire avec raison à M. Lelieur qu’il n’y a pas d’a- bricot sauvage. L’abricotier se greffe soit sur lui-même, soit sur prunier; les sujets de semis de gros damas noir sont les meilleurs, parmi ceux de prunier, pour recevoir la greffe de l’abricotier, mais les sujets de novaux d’abri- cots leur sont toujours préférabies, Ils se gref- fent de la même manière que les sujets de pê- cher et réclament les mêmes soins en pépinière. Ceux qu'on greffe à haute tige pour former des arbres en plein vent ont besoin d’être solide- ment fixés à de forts tuteurs, jusqu’à ce que la greffe soit bien attachée. L’inconstance de notre climat rend les récoltes d’abricots incer- taines sur les arbres à haute tige; il en résulte qu'on cultive de plus en plus Pabricotier en espalier, bien que son fruit soit toujours de beaucoup inférieur à celui des arbres en plein vent. On greffe aussi fréquemment l’abricotier à Om,30 de terre pour le conduire en vase; cette forme réunit aux avantages du plein vent, quant à la qualité du fruit, celui de faire profi- ter plus facilement Parbre d’un abri naturel ou artificiel qui préserve du froid sa fleur trop précoce, souvent détruite par les gelées du printemps. Les abricotiers pour espalier doi- vent être greffés à quelques centimètres au- dessus du sol et sur prunier-cerisette, ar- bre qui a peu de vigueur, mais une longue durée. 84 $ VIII. — Sujets de prunier pour prunier. Bien que la greffe du prunier réussisse sur Pamandier, le pêcher et l’abricotier, c’est sur lui-même que cet arbre se greffe avec le plus d'avantages. Sa multiplication par semis de noyaux est si prompte et si facile, qu’on s’étonne qu'elle n’ait pas fait renoncer à l’usage de greffer le prunier sur ses drageons, nommés Pétrasses ou pétereaux. Ces drageons, toujours inférieurs aux sujets francs obtenus de noyaux, ont l'inconvénient de produire eux-mêmes une multitude de rejetons dont on ne peut se dé- barrasser , Car ils repoussent à mesure qu'on les retranche, ce qui épuise l'arbre au détri- ment de la production du fruit. Les sujets de noyau n’ont jamais ce défaut quand ils pro- viennent de fruits pris sur des arbres francs de pied ou greffés sur franc. Le prunier à haute tige pour plein vent passe deux ans en pépi- nière avant de recevoir la grelle ; on pose sur le sujet deux greffes en écusson à œil dormant , pour gagner du temps sur la formation de la charpente de l'arbre. Comme le prunier se prête également bien à la greffe en fente, les sujets qui n’ont pas pris la greffe en écusson ne sont pas perdus ; on les greffe en fente à la sève du printemps suivant. Parmi les espèces dont le fruit, réservé pour faire des pruneaux, ne se mange pas frais, le quetschier dont la prune est vulgairement nommée couache n’a pas besoin d'être greffé; ses noyaux et ses drageons la reproduisent semblable à elle-même. Les pru- niers greffés ne doivent pas rester plus de deux ans dans la pépinière après avoir été greffes. Les sujets à haute tige provenant du gros da- mas se greffent mieux en place qu’en pépinière, mais ils ne doivent jamais être greffés avant . d’être bien attachés au sol par de nouvelles racines. La greffe du prunier sur le prunellier donne des arbres nains qu'on peut maintenir dans les plus petites dimensions; ils s'élèvent dans des pots qui figurent au dessert sur la table, à l'épo- que de la maturité du fruit et que les convives ont le plaisir de cueillir eux-mêmes. La mira- belle, la reine-claude, et la prune de monsieur, se prêtent à ce genre de greffe, dont un pépinié- riste placé à portée d’une grande ville peuttirer un bon parti. La greffe du prunier sur le pru- nellier n'influe ni sur le volume ni sur la qua- lité du fruit; il garde les caractères de son es- pèce, comme sur les arbres les plus forts. La régénération de nos bonnes espèces de prunes par les semis est urgente; nous n'avons presque plus de bonnes prunes de dessert. Des essais commencés à la pépinière de Versailles n’ont pas été continués. Les pépiniéristes peu- vent d'autant mieux s’y livrer que ces fruits ar- rivent à leur perfection en trois générations, et qu’au moyen de la greffe il est possible de vérifier leur fruit longtemps avant l’époque uù ils commenceraient à rapporter. M. Jamain a ainsi obtenu trois nouvelles et excellentes va- riétés. HORTICULTURE. LIVRE Vili, | $ IX. — Suj.ts de mérisier et de mahaleb pour cerisier, On n’élève guère en pépinière que des méri- siers pour les ccrisiers à hautes tiges, et des mahaleb ou Sainte - Lucie pour les arbres de petites dimensions. Quelques espèces se repro- duisent de novaux et de drageons; elles n’ont pas besoin d’être greffées , entre autres la va- riété hâtive, connue sous le nom de cerise de pied. On se procure des arbres tout-à-fait nains en greffant le cerisier sur le ragouminier ; la cerise anglaise est celle de toutes qui se prête le mieux à cette greffe, parce qu'elle reste très productive sous les plus petites dimensions possibles. Les cerisiers greffés sur le ragoumi- nier s'élèvent dans des pots et font l’ornement des tables de dessert quand ils sont chargés de fruits mûrs. La greffe du cerisier sur ses dra- geons, quoique assez usitée, offre les mêmes in- convénients que nous avons signalés pour le prunier. On greffe toute espèce de cerisiers en écusson à œil dormant, vers la fin de juillet , ou en fente à la sève du printemps, apres qu’ils ont passé deux ans en pépinière. Une fois greffés , ils ne doivent pas attendre au-delà de deux ans leur mise en place définitive. 6 X. — De quelques sujets peu employés. Les divers genres de sujets dont nous venons de passer en revue la culture sont les prinei- paux hôtes de la pépinière dans toutes les con- trées de la France, au nord de la Loire ; rare- ment ils se trouvent tous réunis dans le même local ; chaque pépiniériste consulte à cet égard la nature de son terrain et les chances de pla- cement. Il doiten outre tenir en réserve, comme assortiment, des sujets rarement demandés, dont nous indiquerons les principaux. À. — Cognassier, Parmi ceux qu’il élève pour recevoir la greffe du poirier, le pépiniériste en greffe toujours quelques-uns sur eux-mêmes, afin d’avoir un plus grand nombre de variétés pour les ache- teurs. Ces arbres sont rarement demandés ; l’u- sage économique des coings se borne à la pré- paration d’un sirop, d’une pâte et d’une gelée. B.— Néflier. On greffe sur épine blanche les deux variétés de néflier à gros fruit, dont l’une, la meilleure des deux, n’a point d’osselets. Aucun arbre de nos climats n’exige moins de soins et n’est plus rustique que le néflier. Si on greffe sur co- gnassier et poirier, il dure moins longtemps, mais le fruit est meilleur et plus gros. C. — Cormier. Il ne figure presque nulle part dans nos pépinières, malgré les qualités qui le recom- mandent. Nous ne craignons pas de nous ré- péter en rappelant ici les avantages que les sujets de cormier obtenus de semis peuvent of- frir pour recevoir la greffe du poirier dest né à vivre dans des localités exposées à la séche- resse et à des chaleurs prolongées; ces sujets PÉPINIÈRES D'AI se gouvernent comme les égrains ; ils sont plus lents à croître, mais beaucoup plus durables. TITRE I. D. — figuier. Ë Les diverses variétés de figuiers n’occupent un grand espace que dans les pépinières du midi de la France. On les multiplie de boutures et de marcottes qui n’ont pas besoin d’être greffées. La marcotte simple ou recoachage , sans incision ni ligature, est le seul procédé de multiplication usité des jardiniers d'Argenteuil qui tirent un si bon parti de la culture du figuier pour la consommation de Paris. Nous avons considéré séparément la culture en pépinière du noyer et du châtaignier, arbres qui, une fois hors de la pépinière, sortent du domaine de l’horticulture, mais que le pépinié- riste peut multiplier avec avantage quand ilest assuré du placement (voir t If, p. 130 et suiv.). Nous renvoyons au même volume pour la multiplication en pépinière de l'olivier et du mürier, considérée comme culture industrielle. Quoique le fruit du müûrier noir soit excel- lent à notre avis, et que cet arbre doive rentrer dans la classe des arbres fruitiers propres à notre climat, il est peu apprécié et très peu ré- pandu. Aux environs de Paris les vieux mü- riers noirs ont été détruits par les derniers hi- vers rigoureux , et n'ont point été remplacés. On le reproduit par marcotte et par semis; il peut aussi être greffé sur tous les autres mûriers. Nous devons une mention particulière à quel- ques arbres à fruits, propres aux pépinières du midi de la France. $ XI. — De quelques arbres fruitiers du midi de laf France. A. — Figuier, Cet arbre précieux n’est point aussi mul- tiplié qu'il devrait l'être dans le midi de la France, où l’usage de son fruit , au lieu de se borner à quelques semaines de l'été, se pro- longe toute l’année. Sur tout notre littoral de la Méditerranée, da figue blanche, qui ne se mange qu'après avoir été séchée au soleil, pour- rait être l’objet d’un commerce très étendu ; mais le midi de la France semble ne pas se dou- ter des ressources que peut lui offrir l'extension de la culture des fruits propres à son admirable climat. Nous n’y connaissons point de pépinière où l’on s'occupe de conserver, de propager ou d'améliorer les bonnes espèces de figuier. Les propriétaires du Var, qui veulent former de grandes plantations de figuier à fruit blanc n'en trouvent point à acheter; nous en con- naissons qui sont forcés de commencer par les élever chez eux en pépinière, ce qui recule très loin les premiers produits. Le figuier se multi- plie en pépinière par boutures et marcottes qui reprennent très facilement, et par drageons qui n'ont pas besoin d’être enracinés pour former en très peu de temps des sujets vigoureux; il suffit de les enlever avec uu talon ou fragment de la souche-mère. Les dragcons sont toujours 21] BRES FRUITIERS. Î | | SE nombreux au pied des arbres des bonnes es- pèces, tant qu'ils ne se sont pas formés un tronc assez fort pour absorber toute leur sève. Ceux | qu’on juge à propos de greffer pour en changer l'espèce se greffent mieux en place qu’en pé- pinière. Il ne faut pas les laisser vieillir en pé- pinière ; Ceux qu’on transplante trop vieux re- prennent péniblement. Le figuier se contente du plus mauvais terrain; il brave les plus lon- .gues sécheresses et fructifie même entre des pierres; mais il ne faut pas le faire passer d’un sol fertile et frais dans un terrain aride et in- grat ; la terre de qualité médiocre, plutôt sè- che qu’humide, est la plus convenable pour établir une pépinière de figuiers dans le midi de la France. B. — Oranger. L’oranger, le citronnier et tous les autres arbres de cette famille, se multiplient par semis de pepins ou par boutures; aucun arbre ne se prête plus aisément que l’oranger à ce der- nier mode de reproduction : une feuille, un simple fragment de feuille, est susceptible de s’enraciner. On sème, comme étant d’une crois- sance plus rapide, les pepins des oranges bigar- rades, dont le jus aigre et amer sert d’assaison- nement; aussi, en conserve-t-on toujours quel- ques pieds francs. Les autres sont greffés très jeunes; il suffit qu’ils aient atteint la grosseur d'un tuyau de plume. Les pépiniéristes du midi, qui tiennent aux anciens usages, laissent le plant d'oranger devenir assez gros en pépi- niere pour pouvoir être écussonné à œil pous- sant; la greffe Lefaucheux et la greffe à la Pontoise sont préférables pour l’oranger et tous les arbres de la même famille. On ne greffe pas les sujets obtenus de bouture des bonnes es- pèces. C’est une honte pour notre horticulture, qu’il nous faille recevoir de Gênes et de Nice, chaque année, une quantité de sujets greflés d’orangers et de citronniers, expédiés pour Paris et le nord de la France, tandis que les pépiniéristes de la basse Provence, placés dans les mêmes conditions de sol et de climat, se laissent dérober cetteclientelle. A Hyères (Var), nous avons vu plusieurs fois les pépinières d’o- rangers et de citronniers en pleine terre, ra- vagées par des gelées accompagnées de vents glacés du nord-ouest; chaque fois que ces dés- astres se sont renouvelés à notre connaissance, ils auraient pu être empêchés. Les Génois ne sont pas plus exempts que les Provencaux des ravages du terrible mistral (vent du nord- ouest); mais ils savent en préserver leur plant d’orangers, surtout en empêchant que la gelce ne le surprenne en pleine sève : il est sans exemple qu’un oranger, jeune ou vieux , ait gelé s’il n’était en sève. En 1841, les orangers de Provence furent frappés d'une gelée très vive, quoiqu'elle n’ait pas duré plus d’une heure. Tous ceux qui se trouvaient en fleurs ou en boutons ont plus ou moins souflert: le lendemain de ce sinistre, on voyait sur le même 86 HORTICULTURE. arbre des branches grillées comme si le feu y avait passé: c’étaient celles qui se trouvaient chargées de fleurs et de boutons, et d’autres dans leur état naturel : C’étaient les moins avan- cées en végétation. On doit donc conduire le plant d'oranger en pleine terre de manière à ralentir le plus possible la végétation pour l’é- poque où les gelées peuvent être à craindre ; le moyen le plus simple, c’est d'entretenir le sol meuble, mais sec, pendant toute fa saison froide, et de calculer l’époque de la taille de facon à ne pas exposer aux intempéries de cette saison des pousses trop récemment formées. Ajoutons que les jardiniers du midi, comptant trop sur leur climat, négligent lemploides abris, qui leur sont souvent inutiles, à la vérité, mais dont l'absence leur fait faute et ruine leurs pé- pinières au moment du besoin. C. — Grenadier. Le grenadier, livré à lui-même dans son pays natal, pousse une infinité de drageons qui servent à le multiplier; il se reproduit aussi très facilement de semis. Sous le climat qui lui convient . il n’est pas d'arbre qui exige moins de soins de culture; on prend rarement la peine de l’élever en pépinière. Il s’en trouve cependant quelques-uns chez les pépiniéristes des environs de Toulon; mais sa destination la plus fréquente est de former des haies de clô- ture. Quand on greffe les bonnes espèces de grenadier, on prend pour sujets les pieds francs degrenadier à fruits aigres; on les greffe en fente aussi jeunes que possible, soit en place, soit en pépinière; mais la greffe en place est la plus sûre et la meilleure. D. — Prstachier. Le prix toujours élevé des amandes pista- ches à peau rouge et à chair verte, les plus délicates de toutes les amandes connues, de- vrait encourager les jardiniers du midi de la France à multiplier le pistachier, dont on ren- contre à peine quelques pieds isolés dans leurs jardins. Cet arbre se greffe mieux sur le lentis- que et le térébinthe que sur lui-même; il résiste alors beaucoup mieux au froid, auquel il est très sensible : le lentisque et le térébinthe sont Pan et l’autre très faciles a multiplier de graine, comme sujets propres à recevoir la greffe du pistachier. Les collines incultes du dépar- tement du Var sont couvertes de lentisques inutiles qu’il serait aisé de convertir par la greffe en pistachiers très productifs. Le pista- chier est dioïque; il faut placer à portée des individus femelles quelques mâles pour les fé- conder ; on peut même, en faisant choix des sujets les plus forts, leur donner sur deux bran- ches deux greffes, mâle et femelle. Il est bon de rappeler que le pistachier greffé sur lentisque et sur térébinthe fleurit et fractifie abondam- ment en pleine terre en espalier, sous le climat de Paris; et expérience prouve que ses aman- des ne le cèdent cn rien à celles qui nous vien- ent de l’Orient. Aucune autre culture ne sau LIVRE VIII. rait être plus avantageuse le long d’un mur en plein midi, trop chaud pour la vigne, le pêcher et l’abricotier : il faudrait seulement avoir la patience de l’établir, mais on en serait ample- ment dédommagé. Le tronc du pistachier en espalier, sous le climat de Paris, a besoin d’être empaillé pendant l'hiver; ses racines ne souf- frent du froid qu’autant qu’il les surprend brus- quement à la suite de grandes pluies qui au- raient laissé la terre excessivement humide, inconvénient dont il est toujours facile de les garantir. E. — Jujubier. C’est encore un des arbres à fruits dont il est le plus à souhaiter que la culture se pro- page dans nos départements méridionaux. Dans le Var, le jujubier vient partout; il fruc- tifie dans les mauvais terrains comme dans les bons; seulement, si le sol lui convient, il devient un bel arbre de 10 à 12 mètres de hauteur; dans le cas contraire, il reste à la hauteur d’un grand arbuste, 3 à 4 mètres. Le jujubier ne tardera pas à disparaître des parties de notre territoire où sa culture serait le plus avantageuse; les vieux jujubiers meurent de vieillesse et ils ne sont pas remplacés. Les ra- cines de cet arbre passent pour épuiser le sol ; mais rien ne serait plus aisé que de le bannir des champs cultivés et de le faire servir à uti- liser les terrains incultes, si vastes dans toute la basse Provence; il y viendrait tout seul. Les jujubes (en provencal tchitchoulo) sont suscep- tibles, étant séchés au soleil, de devenir un ob- jet de commerce comme les dattes et les figues. Le jujubier se multiplie facilement de semis et de boutures; il n’a pas besoin d’être greffé, sa croissance est rapide; un pépiniériste du midi qui s’occuperait de lemultiplier, ferait une bonne spéculation. Nous ne pensons pas que le fruit du jujubier puisse mûrir sous le climat de Paris ; nous lavons vu fructifier et mürir parfaite- ment son fruit dans un jardin près d'Amboise (Indre-et-Loire) ; il y en avait plusieurs beaux pieds en espalier à l’exposition du midi. F. — Caroubier. On montre, pour ainsi dire, Comme des cu- riosités, les caroubiers en bien petit nombre, vénérables par leur antiquité, qui subsistent encore sur quelques points de notre littoral de la Méditerranée ; c’est pourtant, après le cèdre du Liban, lParbre dont le bois mérite le mieux le nom d’incorruptible. Son fruit, longue silique remplie d’une pulpe agréable au goût, contient des graines au moyen desquelles il serait facile de le multiplier. Sous le climat qui lui con- vient , il n’exige aucun soin particulier; il n’a pas besoin d’être greffé. G. — Aveliinier. La rusticité de cet arbre, à qui tous les terrains conviennent, et l'abondance de son fruit aujourd hui tres recherché dans le com- merce, Ont appcle sur lui l'attention des pé- ee time mener L TITRE HI. piniéristes du midi qui depuis quelques an- nées lui consacrent de grands espaces. On le multiplie exclusivement, au moyen de ses dra- geons toujours très nombreux. Ils s'élèvent presque seuls en pépinière ; ils craignent seu- lement, durant leurs premières années, l'excès de la sécheresse qu’ils bravent quand ils ont pris le dessus: on les greffe en flûteou en fente, en pe- pinière, à 2 ou 3 ans; ilspeuventétre mis en place l’année qui suit celle où ils ont reçu la greffe. H.— Amandier. Les sujets d'amandier à fruit doux, à coque dure et à coque tendre, connu sous le nom d'amande princesse, disparaissent des pépi- nières de nos départements méridionaux. Quoique le climat ne paraisse pas avoir sen- siblement changé, l’amandier en Provence à pour ainsi dire cessé d’être productif. Le pro- verbe dit : Amandier fleuri en février, se ré- colte sans panier. Ce n’est plus maintenant en février, c’est dès la fin de janvier que l’'amandier fleurit en Provence, et quoiqu'il y gèle à peine sur le littoral, le vent sec et froid du nord- ouest (inistral), qui règne en cette saison, per- met rarement à la fleur de nouer. On a proposé de considérer désormais l’amandier comme ar- bre forestier et de le soumettre tous les trois ou quatre ans à la taille, pour provoquer l'émission de branches propres à faire des fagots, comme le saule et les têtards de peuplier. Le peu de fruit qu'on pourrait avoir accidentellement dans l'intervalle ne coûterait rien, la rente du sol étant payée par les fagots. Nous ne men- tionnons ici cet arbre que pour engager les pé. piniéristes du midi, jaloux de se distinguer dans leur profession, à essayer par les croise- ments hybrides de créer une variété qui fleu- risse seulement 15 ou 20 jours plus tard. Celui qui pourrait doter la Provence d’un amandicr tardif aurait bien mérité de nos contrées mé- ridionales, où l’on renonce généralement à la culture d’un arbre qui ne rapporte plus que par hasard. CHAPITRE III. — PÉPINIÈRES D’ARBRES ET D AR- BUSTES D'ORNEVMENT. Après avoir donné aux pépinières d'arbres fruitiers la première et la principale place, qui leur appartient en raison de leur importance économique, nous avons à nous occuper de la culture en pépinière des arbres et arbustes d'ornement. On peut considérer à la rigueur comme arbres d'ornement dans le vrai sens du mot, les arbres forestiers et les arbres d’aligne- iuent qui tous peuvent concourir à la décora- tion des grands jardins paysagers. Néanmoins, pour ceux qui se cultivent principalement come arbres forestiers dans le but d'utiliser leur bois, nous renvoyons à ce qui a êté ditde leur culture en pépinière dans le 4° vol. p. 1"° etsuivantes. PEPINIERES D'ARBRES FRUITIERS. 87 Le pépiniériste placé à portée d’une grande ville, dont les environs sont décorés d’un grand nombre de jardins paysagers doit, pour se tenir en mesure de fournir aux demandes des nom- breux amateurs de cette partie si intéressante de l'horticulture, réunir dans sa pépinière, si- non la totalité, du moins la majeure partie des genres, espèces et variétés propres au climat sous lequel il cultive. Nous avons divisé ces vé- gétaux par groupes formés d'arbres et arbustes qui, bien qu’appartenant à des genres plus ou moins éloignés les uns des autres, botanique- ment parlant, doivent se trouver ensemble dans la pépinière, parce qu'ils se maltiplient par les mêmes procédés, qu'ils réclament les mêmes soins de culture, et se plaisent dans les mêmes terrains. Classés de cette manière, les arbres et arbustes d'ornement forment dans la pépinière six divisions principales. Arbres et arbustes : 1° De terre de bruyère; 2° A feuilles persistantes; A fleurs odorantes; Aimant le bord des eaux ; A ges sarmenteuses ou grimpantes; Arbustes de collection. 5° 49 5° 6° $ 19. — Arbres et arbustes de terre de bruyère. Les végétaux compris dans ce groupe pour- raient, pour la plupart, vivre et croître jusqu’à un certain point sans le secours de la terre de bruyère ; mais ils ont pour cette terre une telle prédilection, que quand le pépiniériste ne peut se procurer de la terre de bruyère naturelle, il doit, pour cultiver ces végétaux avec succès, leur donner les composts qui en reproduisent le mieux les propriétés (voir Composts, p- 14). Nous donnons ici en faveur des amateurs auxquels il serait trop difficile de se procurer de la terre de bruyère, la recette suivante due à M. Vibert, qui en recommande l’usage pour les rosiers Bengale et Noisette cultivés en pots; elle peut servit” pour bien des végétaux de terre de bruyère: Terreau consommé........ 10 litres. Sable fin siliceux.......... 10 Poudrelled. Sat 314040. 02 5 Bonne terre à blé......,.. 20 On passe toutes ces substances au crible fin, après les avoir mélangées exactement. On ajoute au mélange, mais seulement au moment de s’en servir, quinze litres de mousse séchée au four et hachée aussi fin que possible. La décomposition très lente de la mousse s'oppose au principal inconvénient des com- posts destinés à remplacer la terre de bruyère, défaut qui consiste à devenir excessivement compactes, pour peu qu’on néglige de les ar-. roser. Les arbres et arbustes de terre de bruyère passent l'hiver dehors, moyennant quelques précautions; ils sont par conséquent tous de pleine terre. En Belgique, nous les avons vus, 88 avec de simples couvertures de paille, ré- sister à des froids de 20° à 22° soutenus pen- dant des moisentiers; ils sont, en effet beau- coup plus robustes qu’on ne le croit géné- ralement en France où l’on n'a pas encore renoncé complétement à les traiter comme des plantes de serre temperée. Le pépiniériste, en leur réservant les places les mieux abritées du terrain dont il dispose, peut les élever en plein air ; ils n’en supporteront que mieux la pleine terre lorsqu'ils passeront de la pépinière dans les bosquets des acheteurs. Les sous-arbris- seaux de la gracicuse famille des rosages tien- nent le premier rang parmi les végétaux de terre de bruyère ; quelques-uns seulement peu- vent atteindre aux proportions des arbres de troisième grandeur. Ils se multiplient difficile- ment de bouture; plusieurs ne mürissent que rarement leurs graines sous le climat de Paris; le marcottage est pour ces derniers le mode de multiplication le plus facile et le plus usité. On marcotte les rosages au printemps; ils seraient fort lents à s’enraciner siles marcottes n’étaient incisées (voir Marcottes, p. 62). Les semences de tous les rosages étant fort petites ne lèvent point quand elles sont trop profondément enterrées ; les cotylédons, chan- gés en feuilles séminales par la germination , n’ont pas la force de soulever une couche trop épaisse de terre, quelque légère qu’elle soit; on se borne à les recouvrir de deux à trois milli- mètres de terre de bruyère ou de sable fin, ta- misés par-dessus. Ces semences étant fort du- res, il faut pour solliciter leur germination une température douce, accompagnée d’une humi- dité constante ; les pluies violentes qui tassent la terre et les coups de soleil qui la durcissent leur seraient également funestes. Pour les en préserver, on les sème dans des terrines qu’on ‘peut rentrer à l'abri ou exposer à l’air, selon le besoin. L'époque des semis n’est pas la même pour tous les genres ; les graines des kalmias se sèment aussitôt qu’elles ont atteint leur matu- rité, vers la fin de l'automne; .on est forcé de les rentrer dans la serre tempérée pendant l'hiver, pour les repiquer en plein air au prin- temps de l’année suivante. Les graines de rho- dodendrums peuvent à volonté se semer, soit à l'automne, soit au printemps. Les horticul- teurs Belges et Anglais sèment beaucoup de rhododendrums ; les premiers en possèdent une multitude de variétés, fruit de leurs semis, nouvellement introduites en France et peu ré- pandues dans nos jardins. Il suffit de mention- ner le magnifique rhododendrum en arbre à fleur blanche, qui a fleuri pour la première fois en France en 1833 dans le jardin de M. Noi- sette, à Paris. A la vérité, ces arbustes à fleurs si variées ne sont pas tous des variétés con- stantes susceptibles de se perpétuer par leurs semences; la plupart, de même que les roses, ne se propagent que de greffe ou de marcotte. Les graines de rhododendrums sont, de toutes les graines d’arbustes de terre de bruyère, HORTICULTURE. LIVRE VIII. dant le travail de la germination celles manquent d'humidité seulement durant quelques heures, elles périssent. Le procédé suivant, bien connu des pépiniéristes et des vrais amateurs, est à la fois le plus facile et le plus sûr pour entretenir les graines de rhododendrum dans un milieu toujours également humide, nécessaire à leur germination. On sème dans une terrine (A, fig. 220) dont lefond est percé d’un trou de quelques Fig. 220. centimètres de diamètre. On place cette terrine dans une seconde terrine plus grande B con- tenant assez d’eau pour que la première y soit plongée un peu au-dessous du niveau de la terre qui contient les semences de rhododen- drum; l’eau, en vertu de la capillarité, s'élève par imbibition dans la terre de la terrine A, et maintient les semences dans un état constam- ment humide, condition presque impossible à remplir au moyen de l’arrosoir, parce qu’à moins de tasser trop fortement la terre, on ne pourrait lui donner que très peu d’eau à la fois, en sorte qu’il y aurait toujours des moments où elle se trouverait presque sèche. On traite de la même manière les semis d’azaléas dont on possède des centaines de variétés, toutes obtenues de semis en Belgique, où ce beau genre est fort recherché des amateurs; ces va- riétés se rattachent toutes à deux souches pri- mitives, l’unc à feuilles caduques, dont tous les descendants supportent la pleine terre, l’autre à feuilles persistantes, dont la postérité ne peut sortir de l’orangerie ou de la serre tempeérée. Les andromèdes se traitent comme les rhodo- dendrums; illeur faut seulement encore plus d'humidité pour lever; les variétés d’andro- mède sont fort nombreuses ; les lédums, fort joli genre de la même famiile, se multiplient presque tous par les rejetons qu'ils produisent en abondance ; ils sont tous de pleine terre. Quel que soit le procédé de multiplication employé pour obtenir, le plant de tous ces ar- bustes ne peut sortir de la terre de bruvère; on le repique ordinairement deux fois, à un an d'intervalle. Presque tous ces végétaux ont beaucoup à souffrir de la transplantation ; aussi sont-ils le plus souvent levés en motte pour as- surer leur reprise. L'usage de les repiquer dans des pots présente beaucoup d'inconvé- nients, surtout en ce qu’il gêne les racines qui aiment à s'étendre librement en tous sens; en Belgique on évite cette difficulté par le procédé suivant. Le plant est repiqué, toujours en terre de bruyère, dans des paniers de grandeur con- venable, fabriqués grossièrement, soit en osier brun , soit en bois de saule fendu. Lorsque le plant est devenu assez fort pour être vendu, celles qui lèvent le plus difficilement ; si pen- | l'acheteur enlève avec le sujet le panier dans TITRE HI. aux racines du sujet qui, par Ce moyen, se res- sent à peine de la transplantation. $ 11. — Arbres et arbustes à feuilles persistantes. Les végétaux de ce groupe sont compris dans deux divisions: la première est formée d’ar- bres et arbustes appartenant à la famille des lauriers, ou aux familles qui offrent avec les lauriers plus ou moins d’analogie; la seconde ne contient que des conifères. Les lauriers et tous les genres analogues se multiplient de semences en terre légère; on sème les baies entières dès qu’elles sont müres; le plant, qui peut être repiqué très jeune sans inconvénient, doit passer son premier hiver - dans l'orangerie. Beaucoup d’arbustes appar- tenant à la famille des lauriers ne craindraient pas en pleine terre le froid des hivers ordinaires sous Île climat de Paris, quoiqu’on les range en- core parmi les végétaux d’orangerie. Quelques- uns, comme le laurier noble, ou laurier d’Apol- lon, se sèment rarement, parce qu’ils donnent une quantité de rejetons qui suffit pour les multiplier. On multiplie également par le semis de leurs baies fraiches plusieurs autres arbus- tes compris par les jardiniers parmi les lauriers, bien qu’ilsappartiennent botaniquement à d’au- tres familles. Tel est en particulier le laurier- thym, dont les semences müres, dans le midi de la France, germent presque aussitôt qu’elles sont tombées à terre; de sorte qu’on treuve toujours dans les bosquets de lauriers-1hym une multitude de plants provenant de semis naturels. D’autres arbustes de ce groupe ne peu- | vent se multiplier que de bouture, soit parce que leurs graines ne mürissent pas bien en Eu- rope, soit parce qu’ils ne fructifient pas; tel est spécialement l’aucuba du Japon, remarquable par ses feuilles lisses, panachées de jaune ; l'Eu- rope n'en possède jusqu’à présent que des in- dividus femelles. Heureusement, cet arbuste est très facile à multiplier de boutures et de mar- cottes qui se font au printemps en bonne terre un peu fraiche; elles s'enracinent très aisé- ment. Nous devons une mention particulière à l’ar- bousier, le plus gracieux des arbustes d’orne- ment dont la nature a doté si libéralement nos départements méridionaux. Rien n’égale la beauté de Parbousier commun (arbutus unedo) lorsqu'il porte à la fois ses jolies fleurs, pres- que semblables à celles des kalmias, et ses fruits de toutes les nuances de vert, de jaune et de rouge, jusqu’au cramoisi le plus foncé, ressor- tant sur son feuillage lustre, soutenu par des pédoncules pourpres. Sous le climat de Paris, il semble végéter misérablement; ceux qu’on élève en caisse au Jardin du Roi, à Paris, sont à peine reconpaissables pour qui a vu l’arbou- sier dans son pays natal. Cela tient à la ma- nière dont on le multiplie de semences ti- rées d'Angleterre, où elles ont été obtenues en serre tempérée; l’arbuste est totalement dé- HORTICULTURE. PÉPINIÈRES D'ARBRES ET D'ARBUSTES D'ORNEMENT. 86 lequel il a été élevé; le panier, en achevant de pourrir en terre, fournit un excellent aliment | généré, Si l'on faisait venir du Midi le plant d'arbousier, comme on tire de Nice et même de Gênes le plant tout formé d'oranger et de citronnier, on pourrait, nous n’en doutons pas, obtenir sous le climat de Paris des arbou- SICrS qui, Sans cesser d’appartenir à l’orange- rie, COnserveraient leur beauté naturelle. Nous avons cru devoir signaler ce moyen aux pépi- niéristes; C'est presque une conquête à faire Quant à obtenir des variétés rustiques d’ar- bousier, capables de supporter la pleine terre sous le climat de Paris, on le peut en semant de proche en proche, vers le nord, la graine des arbousiers de Provence, puis celle de leur postérité. Peu d’arbustes en Europe sont. plus dignes que les arbousiers de sortir de l'oubli et de abandon où les laissent les horticulteurs. Dans le même groupe, les magnoliers sup- portent bien la pleine terre sous le climat de Paris, avec fort peu de soins de culture. Le magnolia grandiflora, susceptible de devenir un arbre de dix à douze mètres de haut dans une position abritée et un sol convenable, se multiplie de semences mises en terre, dès qu’elles ont atteint leur maturité. Toutes les terres, excepté celles qui sont trop argileuses. conviennent au magnolia. Ses graines, semées à Paris, donnent des individus de plus en plus robustes. On peut le regarder comme acquis à la pleine terre. Le jeune plant se repique en pots; on le rentre dans l’orangerie pendant ses deux premiers hivers, après quoi, moyennant un léger abri de paille autour du tronc, il ne craint plus rien du freid sous le climat de Paris. 11 faut donner au jeune plant des pots assez spacieux pour qu'il y puisse former de bonnes racines; on le replante avec la terre du pot, sans briser la motte. Les conifères formant à eux seuls la seconde division des arbres et arbustes d'ornement à feuillage persistant, ont pour le pépiniériste un défaut essentiel qui ne permet pas de leur accorder un grand emplacement; ils souffrent difficilement la transplantation ; quelque soin qu'on en prenne, ils languissent toujours pen- dant un an ou deux après être sortis de la pé- pinière ; aussi beaucoup d'amateurs préfèrent- ils, pour former des massifs dans les grands jar- dins paysagers, les semis en place, malgré le temps qu’ils fontnécessairement perdre. Le pépi- niériste ne doit done semer, parmi les conifères, que les arbres et arbustes les plus faciles à faire reprendre parmi ceux qui lui sont le plus sou- vent demandés. On sème en pots, en terre plu- tôt légère que forte; les pots pour les semis de conifères doivent être plus profonds que larges, ces arbres n'ayant qu’une principale racine pivotante. À moins d’absolue nécessité pour des espèces rares dont il ne peut se procurer la graine, le pépiniériste ne multipliera jamais les conifères que de semis, bien que plusieurs es- pèces puissent être bouturées et marcotiées : mais les sujets obtenus par ces procédés ne va- lent jamais ceux qu’on obtient de graine. Quel- ques espèces de conifères doivent être multi- I. V.— 32 90 HORTICULTURE. pliées en assez grand nombre, non pour elles- mêmes, mais pour recevoir les greffes de certains genres qui viennent mieux greffés que | | qualifié de ruberrima. Les lilas viennent par- francs de pied. On sème principalement des mélèzes pour greffer plusieurs variétés de ce- dre, et des épicéas pour greffer des giléad ; on se sert exclusivement, pour les conifères, de la greffe herbacée à la Tschudy (voir Creffes). Les cèdres et les araucarias sont les arbres les plus intéressants et les plus recherchésdesconifères ; parmi ces derniers, Surtout, il y a bien des conquêtes à faire pour les pépiniéristes; ces arbres passent leurs premiers hivers dans l’o- rangerie ou la serre tempérée. 6 Les cèdres du Liban qu’on se propose d’éle- ver francs de pied se sèmententerrede bruyère, au printemps, à l’époque où les graines mûres se détachent facilement des cônes qui les con- tiennent. Le jeune plant doit être élevé au grand air tout l'été, mais à l’ombre; il craint beaucoup les coups de soleil; on le repique au printemps de l’année qui suit celle où il a été semé. $ 111. — Arbustes d'ornement à fleurs odorantes. Le premier rang appartiendrait de droit au rosiér dans ce groupe, s'il ne lui revenait, à plus juste titre, parmi les arbustes de collection. Après la rose, l’odeur la plus agréable appar - tient, à notre avis, à la fleur du calycanthus, trop peu répandu dans nos jardins. Les arbustes de ce genre ont contre eux laspect peu gra- cieux de leur fleur, bien racheté cependant par son parfum. Les pépiniéristes doivent accorder la préférence au calvcanthus du Japon et à ses variétés , dont les fleurs sont plus belles avec une odeur aussi agréable que celles du calycan- thus de Virginie. Les calycanthus dont la graine ne mürit guère en Europe, se multiplient seulement de rejetons et de marcottes: encore ce dernier pro- cédé est-il peu sûr et fort long, puisqu'on n’a pu, jusqu'à présent, décider les marcottes de calycanthus à $’enraciner avant leur seconde année. On marcütte le calycanthus en terre de bruyère; les sujets enracinés se contentent de toute espèce de terre de jardin. Ils supportent bien l'hiver en pleine terre, pourvu que leur osition soit abritée; leur croissance, assez Lente. a besoin d’être activée par des arrosages de bouillon de fumier (eau dans laquelle on a fait infuser du crottin de mouton). Les jasmins, en général, peu difficiles sur le choix du terrain, se multiplient de bouture avec la plus grande facilité. On les bouture au prin- temps en terre légère ordinaire; il faut les ar- roser fréquemment et leur donner une position ombragee quoique aérée. Les lilas se multiplient de leurs rejetons, toujours surabondants, et de leurs graines qu’il faut semer aussitôt qu’elles sont mûres; car elles perdent plus prompte- ment que beaucoup d’autres leurs facultés ger- minatives. Les Belges, fort amateurs de ce beau genre, en possèdent une foule de variétés toutes fort odorantes ; leurs efforts sont prin- LIVRE VIII, | cipalement dirigés vers l'acquisition d’un lilas à fleur rouge qu'ils n’ont point encore obtenu quoiqu’on trouve sur leurs catalogues un lilas tout, mais ils ne prennent un accroissement ra- pide et ne développent toute la beauté de leur fleur que dans une terre à la fois riche et fraîche. On peut les garder longtemps en pépinière et les transplanter fort gros; ils reprennent à tout àge. $ IV. — Arbres et arbustes d'ornement aimant le bord des eaux. Ces arbres possèdent au suprême degré la propriété de se multiplier de bouture, sans tou- tefois se refaser aux autres moyens de propa- gation par grefle, semis et marcotte. On peut bouturer de grosses branches de tous les arbres de ce groupe, mais surtout des genres saule et peuplier; ces boutures prennent le nom de plançons. Elles ont l’avantage de faire gagner du temps; toutefois, le pépiniériste doit tou- jours considérer le placement des végétaux dontil remplit sa pépinière: l’espace lui manque bientôt si, dans les terrains humides dont il dis- pose, il propage en trop grand nombre des ar- bres qui, s’il ne peut s’en débarrasser, devien- dront énormes en pépinière. C’est pourquoi le mode de multiplication par plançons est plutôt à l’usage des propriétaires qui plantent en place, qu’à celui des pépiniéristes. Les arbres à ra- meaux pendants, vulgairement nommés pleu- reurs, sont les plus intéressants de ce groupe. Le saule pleureur n’exige aucun soin particu- lier ; il vient partout où il y a de l’eau, il prend de lui-même les formes les plus gracieuses. Le frêne pleureur a besoin d’être dirigé pour pren - dre la forme de parasol sous laquelle il réunit l'utile à l'agréable. On sème ordinairement en pépinière des graines de frêne commun pour obtenir des sujets sur lesquels on greffe à deux ans les deux variétés du frêne pleureur et ho- rizontal. En Belgique, on préfère obtenir ces frênes francs de pied, de graine ou de bouture, ce qui donne toujours des sujets plus robustes que les sujets greffes. Dès la seconde année, après qu'ils ont recu la greffe, ces arbres doi- vent être préparés, au moyen de cerceaux, à la forme qu'ils doivent avoir, sans quoi leurs branches descendraient irrégulièrement vers le sol et l’on ne pourrait placer un siège sous leur ombrage, but principal pour lequel ces arbres sont cultivés. Ces soins sont encore plus né- cessaires au sophora pleureur, le plus gracieux des arbres inclinés ; s’il était livré à lui-même, ses. branches redescendraient en se coliant, pour ainsi dire, contre le trone, et il deviendrait impossible de leur faire prendre une meilleure direction. Lorsqu'il est bien préparé en pépi- nière , le sophora pleureur forme de lui-même un cabinet de verdure impénétrable, qu’il est aisé de rendre parfaitement cylindrique. Lors- qu'on greffe le sophora pleureur sur le sophora commun, il importe de le greffer le plus haut possible ; on fera donc filer droit les sophora PÉPINIÈRES D’ARBRES ET destinés à recevoir des greffes de sophora pleu- reur. Toutes les greffes de ce groupe se font en écusson, à œil poussant (voir Greffes). TITRE HI. S v. Parmi les végétaux de ce groupe, les uns, comme le lierre, la vigne-vierge et la bignone de Virginie, possèdent la faculté d'émettre, tout le long de leurs tiges sarmenteuses, des racines qui s’implantent dans tout ce qui sert de sup- port à ces tiges ; les autres s’enroulent en spirale le long des supports cylindriques, mais sans s’y attacher. Le lierre commun ne se multiplie point en pépinière; il est trop facile de s’en pro- eurer du plant à l’état sauvage. Le lierre d'Ir- lande, à feuilles plus larges et d’un plus bel effet, et le lierre panaché à feuilles tachées de jaune, se propagent par éclats et séparation des tiges enracinées; ils reprennent partout. La vigne vierge se prête à tous les moyens de mul- tiplication; tous les terrains lui conviennent, elle veut être mise en place très jeune ; du reste, elle n’a jamais une grande valeur, parce que sa fleur est insignifiante et qu’on peut employer au même usage d’autres plantes qui lui sontpré- férables, soit par la beauté deleursfleurs, comme la bignone de Virginie, soit par leur odeur suave, comme la clématite odorante. La bignone de Virginie se multiplie prinei- palement par la séparation des jets nombreux dont les vieux pieds sont garnis; il faut leséclater avec une portion de racine; on peut aussi ob- tenir cette plante de graines qui mettent deux ans à lever (quand elles lèvent) et de boutures faites avec du bois de deux ans, celui des pousses de l’année n’étant jamais suffisamment aoûté pour s’enraciner. Les clématites sont faciles à multiplier par la division de leurs racines tuberculeuses. Les va=t riétés recherchées, particulièrement la variété à fleur bleue presque noire, trèsrépandue en Belgi- que, se multiplient de greffe en fente sur la cléma- tite à feuille crêpueetsurlaclématite odorante. Le chévrefeuille , dont les variétés exotiques ne l’emportent en rien sur le chèvrefeuille in- digène qui décore nos bois et nos haies à l’état sauvage, se mulhiplie aisément de bouture; tous les sols lui conviennent. On doit multiplier surtout en pépinière le chèvrefeuille perpé- tuel qui fleurit tout l'hiver dans une position abritée. Le chèvrefeuille n’est grimpant qu’au- tant qu’on l’abandonne à lui-même: taille de bonne heure en pépinière, il forme facilement une tête sur une seule tige; sa floraison est dans ce cas plus durable et plus abondante, et il se prête mieux à la décoration des parterres. On peut le conserver indéfiniment en pépinière ; il se transplante à tout äge. — Arbustes à tiges grimpantes. $ VI. — Arbustes de collection. La marche progressive de l’horticulture en France tend à maltiplier les collections de plan- tes, d'arbres et d’arbustes, objets de tant de soins chez tous nos voisins; en effet, bien des genres n'ont été portés à leur dernier degré de D’ARBUSTES D'ORNEMENT. 91 perfection que parce qu’un grand nombre d'a- mateurs s’en sont exclusivement occupés et en ont obtenu des variétés assez nombreuses pour pouvoir en former des collections. Le premier rang, parmi les arbustes de collection, ne peut être disputé au rosier , dont la fleur est et sera toujours la reine des fleurs. A. — Rosiers. Nous n'avons à considérer ici que la partie de la culiure du rosier, qui est du domaine du pépiniériste. Il est vrai que, comme le rosier peut se transplanter presque à tout âge, la plu- part des acheteurs préfèrent le prendre tout formé dans la pépinière, de sorte que le pépi- niériste doit le conduire depuis sa naissance jusqu’à son entier développement ; néanmoins, nous aurons à revenir plus tard sur les collec- tions de rosiers et sur l'emploi du rosier comme arbuste d'ornement pour la décoration des par- terres et des massifs dans les jardins paysagers. 1. Multiplication. Les rosiers peuvent se multiplier de semis, de greffes, de marcottes et de boutures. Les semis sont principalement destinés à faire nai- tre des variétés nouvelles ; la greffe sert à pro- pager les variétés qui s’enracinent difficile- ment, et à créer des rosiers à haute tige, dont la tête peut être ornée de plusieurs roses diffé- rentes; les marcottes multiplient rapidement les espèces qui donnent peu de rejetons ; enfin les boutures sont ie moyen de multiplication le plus efficace pour les roses remontantes du Ben- gale et de la Chine 2. Semis. Les rosiers à fleurs simples sont les seuls dont toutes les fleurs donnent un fruit con- tenant des graines fertiles, les roses semi- doubles sont souvent fertiles , et même, parmi les roses doubles, ou presque doubles, il s'en trouve de temps à autre quelqu’une qui donne des graines fertiles. Ces dernières sont celles qu'on sème avec le plus d'espoir d'obtenir de belles variétés ; dans tous les Cas, on est certain que le plant obtenu de leur graine reproduira la mère, ou donnera des fleurs doubles ; mais la rareté de ces graines ne permet jamais d’en former en pépinière des semis un peu impor- tants. On est forcé de s’en tenir principalement aux semis de graines provenant de roses semi- doubles ; le plant de ces graines donne fréquem- ment des fleurs plus doubles que leurs mères. Enfin, on sème des graines de rosier à fleurs simples , dans le but de se procurer des églan- tiers vigoureux, destinés à recevoir des greffes d’espèces de choix ; ce dernier procéde est ex- cessivement lent, et, pour cette raison, peu usité dans les pépinières. Lescynorrhodonsdes rosiers, quelle qu’en soit l'espèce, se récoltent dès qu'ils ont atteint leur | complète maturité, ce qui a lieu depuis la fin | de septembre pour les plus précoces , jusque vers le milieu de novembre pour les varietés les 92 plus tardives. On peut séparer les graines et | les semer immédiatement; elles mettent un an à germer. On peut aussi conserver les graines dans du sable fin jusqu’à la fin de l'hiver, et les semer dès les premiers beaux jours du prin- temps. En Angleterre on préfère souvent con- server les cynorrhodons jusqu’au printemps, sur des dressoirs, dans une cave ou un cellier ; peu importe que ces fruits se gâtent et se moi- sissent, les graines n’en sont point altérées; en février on en extrait les graines par le lavage ; on les sème aussitôt : elles lèvent en mai et juin; quelques-unes seulement ne lèvent que l’année suivante. Le moyen le plus certain d'obtenir des variétés de rosier, c’est comme pour toutes les autres phanérogames, de retrancher les éta- mines des fleurs avant l’époque de la féconda- tion naturelle, et de féconder artiliciellement leurs pistils avec le pollen des étamines des variétés dont on espère par ce croisement ob- tenir des hybrides. Pour les roses, ce procédé est peu en usage; il est d’ailleurs difficile à pra- tiquer, parce que les roses à féconder contien- nent toujours un grand nombre d’étamines ca- chées dans les pétales, et que rien n’est plus facile que d’en oublier quelques-unes. On pré- fère ordinairement planter à portée les uns des autres les rosiers porte-graines, choisis parmi les variétés les plus recherchées, et s’en remet- tre au hasard du soin d’opérer des croisements. En Italie, le célèbre amateur de roses, Villaresi, en semant des graines récoltées sur des rosiers du Bengale, plantés pêle-mêle avec les plus beaux rosiers des variétés européennes, a ob- tenu de magnifiques variétés. Un des moyens les plus fréquemment usités pour favoriser les croisements hybrides en les roses, consiste à planter près l’un de laut au pied d’un mur, les rosiers qu’on veut croi- ser ; on les palisse en espalier en entrelacant leurs branches les unes dans les autres, de sorte que quand les fleurs s'ouvrent, elles sont pour ainsi dire en contact immédiat. On sème les graines de rosier, soit en ier- rine , soit en pleine terre, à l'ombre , dans un sol à la fois fertile et léger, tel que serait un mélange de sable fin et de bon terreau, par parties égales ; les semis ne doivent être recou- verts que de quelques centimètres de terre; toutes les graines n’étant pas de la même gros- seur, doivent être enterrées plus cu moins pro- fondément en proportion de leur volume ; le sol doit être maintenu frais par des arrosages etdes abris, jusqu’à ce que le plant ait atteint la hauteur de Om,20 à 0m,25. Le plant est repiqué en ligne dès les premiers beaux jours du prin- temps de l’année suivante; on repique ordi- nairement à 0m,30 en tous sens; les Anglais repiquent une seconde fois la seconde année, opération qui ne nous semble point nécessaire quand on a semé dans un sol convenable. Le plant de rosier obtenu de semis reste en place, en pépinière, jusqu’à ce qu'il ait montré sa fleur ; quelques rosiers seulement fleurissent à trois ans. presque tous à quatre ans, ct les plus HORTICULTURE. LIVRE VIII. tardifs la cinquième année. La rose du Bengale et quelques variétés de roses de Chine font ex- ception; leurs graines, semées en février ou en mars, lèvent en très peu de temps; les sujets qui reproduisent l'espèce pure fleurissent pres- que tous dès le mois de juillet de la même an- née; ceux qui ont été modifiés par le croise- ment ne fleurissent que l’année suivante. 3. Greffe. La greffe ne donne jamais des sujets aussi vigoureux que ceux qu’on obtient, francs de pied, de semis ou de marcotte ; le véritable amateur , s’il tient à conserver sans altération ses variétés les plus précieuses, aura donc soin de les avoir toujours franches de pied, indépen- damment des sujets greffés. On greffe sur églan- tier; on à peine à comprendre comment la race des églantiers subsiste encore en France , quand on considère le nombre réellement pro- digieux de sujets d’églantier enievés tous les ans à nos bois et à nos haies; aussi commen- cent-ils à devenir rares et chers. Les sujets d’églantier sauvage manquent fort souvent à la reprise, surtout lorsqu'ils ont à supporter un premier printemps très sec après leur mise en place en pépinière pour v être greffes ; d’ailleurs ils proviennent presque tous de souches très vieilles, conséquemment épui- sées, dont les rejetons ne peuvent avoir beau- coup de vigueur ; c’est en partie à cette cir- constance qu’il faut attribuer la perte d’un si grand nombre de rosiers greffés, que les soins les mieux dirigés ne peuvent empêcher de languir et de mourir quelques années après qu'ils sont sortis de la pépinière. L’attention du pépinié- riste doit donc se porter sur ce point essentiel, fin qu’il n’admette que des sujets qu’il puisse rer aux acheteurs en toute sécurité. Nous vons dit pour quel motif le pépiniériste peut difficilement recourir aux semis pour se pro- curer le grand nombre d’églantiers qui lui sont indispensables. Le procédé le plus avantageux consiste à consacrer un carré de bonne terre à recevoir des souches vigoureuses d’églantier auxquelles on ne ménage ni les soins de cul- ture ni les engrais, et qui donnent une foule de beaux rejetons pendant plusieurs années: on les renouvelle quand elles commencent à s’affaiblir. Plusieurs pépiniéristes ont déjà fait usage de ce moyen et s’en sont très bien trou- vés. C’est une erreur de croire que, pour assurer la reprise des sujets ou provoquer la pousse des rejetons, il soit nécessaire de conserver aux souches de longues et fortes racines; ces sou- ches deviennent quelquefois énormes ; il y a quelques années on apporta, par curiosité, à M. Vibert, une souche d’églantier qui pesait plus de 50 kilogr. Les racines trop grosses, par con- séquent trop vieilles, conservées aux églantiers qu'on plante en pépinière, ne tardent pas à pourrir, ce qui entraine la perte des sujets; les jets vigoureux d’églantier peuvent même, à la rigueur, se planter avec un simple talon, ils ne manquent pas de s’enraciner. Toutes les parties TITRE HI. de racine retranchées au moyen de la scie doi- vent être parées avec la serpette; la scie, tout indispensable qu’elle est, n’en est pas moins un instrument destructeur qui déchire les tissus et | causerait infailliblement la mort des souches et des racines, si partout où la scie a passé, la ser- pette ne venait immédiatementunir etrafraichir les plaies ; celles qu’on fait aux branches princi- pales et au tronc, en retranchant la tête, doivent être recouvertes avec de l’onguent de Saint- Fiacre ou de la cire à greffe. L’églantier de force ordinaire passe deux ans en pépinière avant d’être bon à greffer. Divers motifs très plausibles rendront tou- jours les rosiers greffés à haute tige un objet de prédilection pour les amateurs de ce genre admirable; les rosiers ainsi greffés sont les plus faciles de tous à soigner et à disposer sans confusion en lignes dans les carrés qui leur sont spécialement consacrés; ensuite, c’est de toutes les formes qu’on peut leur donner celle sous laquelle ils se prêtent le mieux à concou- rir à la décoration d’un parterre, sans nuire à la culture des plantes annuelles ou vivaces à basses tiges ou en touffes ; enfin, pour ce der- nier objet, rien n’est plus agréable à l'œil qu’une volumineuse tête de rosier de moyenne hau- teur portant huit à dix variétés de roses qui toutes diffèrent de volume, de forme et de cou- leur. L’églantier se greffe d'ordinaire à une hauteur qui varie de 1,50 à 2 mètres; on peut le greffer à la hauteur de quatre à cinq mètres; on voit des rosiers greffés à cette hauteur, à Trianon, à la Malmaison et au Jardin du Roi, à Paris. Il y a des rosiers de quinze à vingt mètres; ce sont des rosiers grimpants, qui mon- tent pour ainsi dire indéfiniment, tant qu’ils trouvent un appui; on ne les arrête qu’en rai- son de la difficulté qu’on aurait à les tailler, On les greffe à quelques centimètres de terre, afin d’avoir une pyramide de fleurs du haut en bas. On cite parmi les plus beaux qui soient en Europe, les rosiers montants du jardin public d’Edimbourg ; ils sont palissés à des peupliers dégarnis de branches jusque tout près de leur sommet. Ces rosiers, très communs en Belgi- que, ne sont point assez répandus en France; on en trouve rarement de tout formés en pé- pinière. Toutes les variétés de rosier se greffent en écusson au printemps, à œil poussant, ou à l’arrière-saison, à œil dormant; c’est surtout pour les grefles de rosiers d'espèces délicates qu’il importe de veiller avec beaucoup d’atten- tion à ne pas vider l'œil en levant les écussons qui sont nécessairement fort petits ; le meilleur procédé consiste à cerner l'écusson et à le dé- tacher au moyen d’un erin, comme Île repré- sente la fig. 207. On pose ordinairement deux écussons en regard l’un de l’autre sur les sujets vigoureux, afin que leur tête soit plus tôt for- mée ; un seul écusson bien venant produit le méme cffet presque aussi promptement. Quand le sujet n'est que d'une force médiocre, il ne faut poser qu'un écusson. PÉPINIÈRES D'ARBRES ET D'ARBUSTES D'ORNEMENT. 93 La greffe en écusson à œil dormant est celle qui offre le plus de chances de succès. On peut greffer à volonté, soit sur une ou plusieurs branches de la pousse précédente, soit sur le tronc même du sujet d’églantier, ce qui, dans | la pratique,est préférable. Plusieurs veux d’ap- pel doivent être laissés au-dessus des écussons, tant pour attirer vers eux la sève que pour empêcher les chicots de mourir et d’entraîner la perte des écussons. Quelques écussons, po- sés à œil dormant sans veux d'appel, peuvent réussir par hasard ; mais en général, tout écus- son placé dans ces conditions se dessèche et meurt. Les yeux d'appel doivent être pincés une ou plusieurs fois, selon leur plus ou moins de dispositions à s’'emporter ; ils poussent tou- jours suffisamment, pourvu qu'ils ne meurent pas; s'ils prenaient trop de force, l'œil de l’é- cusson ne pourrait se developper. On voit, par les anciens traités d’horticul- ture antérieurs à la Révolution, que la greffe du rosier sur églantier, décrite dès 1778, était très anciennement connue, mais peu pratiquée. Les jardiniers hollandais ont eu les premiers l’idée heureuse de former des collections de ro- siers à haute tige greffés sur églantier ; à cette époque la Hollande faisait partie de l'empire français ; les communications entre les jardi- niers des deux pays étaient continuelles ; les premières collections de rosiers greffés sur églantier furent commencées, à Paris, en 1803. Cette méthode ne passa que beaucoup plus tard en Angleterre, où les pépiniéristes francais pla- cent encore aujourd’hui un grand nombre de rosiers ainsi greffés ; les amateurs anglais pré- lerent les rosiers greflés et formés en France à ceux qu'on élève en pépinière dans leur propre pays; les nôtres valent mieux en effet, parce que l’églantier sauvage est plus robuste en France qu’en Angleterre; ce seul article d’horti- culture est l’objet d’un commerce d'exportation fort important. 4. — Marcottes. Ce moyen de multiplication ne s'applique plus aux rosiers de collection que dans quelques circonstances exceptionnelles. Il est quelquefois nécessaire de marcotter des rosiers de collec- tion appartenant à des variétés de prix qui re- prennent difficilement de bouture, lorsqu'on Fig. 221% 94 HORTICULTURE. craint de les perdre et qu'on manque de sujets disponibles pour recevoir la greffe. Dans ce cas, on assujettit à un piquet de hauteur convenable un pot à marcotter ouvert latéralement ; A, (fig. 221) la branche ayant été incisée, est intro- duite dans la fente du pot qu’on remplit de terre mêlée de terreau, maintenue fraiche par de fré- quents arrosages. Afin d'éviter la trop prompte évaporation, on recouvre de mousse la surface de la terre du pot. Ce procédé est en tout sem- blable au mode de marcottage usité pour mul- tiplier les belles variétés d’œillet flamand (voir OEillets ). Le marcottage est encore fort usité pour la multiplication des rosiers qu’on veut élever en buissons destinés à l’ornement des massifs et des parterres. Il y a quelques années ce mar- cottage se faisait à l'automne; on recouchait à cet elfet du jeune bois de l’été précédent; quel- quefois même on attendait jusqu’au printemps de année suivante. Aujourd’hui, l’on a reconnu que les marcottes du même bois, recouchées au moment où les rosiers commencent à fleurir, époque variable selon les espèces, s’enracinent avant l'hiver, ce qui fait gagner une année. Lorsque les branches recouchées ont une lon gueur suffisante, on peut marcotter la partie saillante et obtenir ainsi d’un seul jet deux mar- cottes à la suite l’une de l’autre. On accélère la formation des racines chez les sujets lents a s’enraciner, en incisant la marcotte ét mainte- nant les deux parties écartées au moyen d’une petite cheville de bois { voir Marcottes, fig. 183). Quelques variétés restent en terre jusqu’à l’au- tomne de l’année suivante avant de s’enraciner, mais presque toutes peuvent être levées la pre- mière année ; on les repique en pépinière comme du plant de même force obtenu de semis. Les rosiers de marcotte fleurissent l’année où on les sépare de la souche-mère. L'opération du marcottage fatigue beaucoup les souches-mères; à l’époque où l’on sévre les marcottes, il faut donner aux mères les moyens de se refaire’en fumant abondamment la terre où elles vivent, avec du terreau à demi passé, provenant de couches rompues. 5. — PBoutures. Il n’est pas douteux que ce mode de multi- plication ne puisse remplacer à lui seul tous les autres ; la facilité de multiplier les rosiers par d’autres moyens a empêché les horticulteurs de chercher à perfectionner les moyens d’ohte- nir de bouture les belles variétés de rosiers de collection qui se prêtent difficilement aux pro- cédés ordinaires. On ne multiplie de bouture que les rosiers de Bengale et quelques rosiers de la Chine. Ces boutures se font sous châssis, dans un mélange de sable fin et de terreau ; elles n’exigent aucun soin particulier; elles s’enracinent avec une étonnante facilité. On multiplie de cette manière le rosier commun du Bengale, moins pour lui-même que comme sujet particulièrement propre à recevoir les greffes de tous les rosiers remontants qu’on LIVRE VIII. distingue en rosiers biféres, fleurissant deux fois en un an, et perpétuels, des quatre saisons ou de tous les mois, parce que leurs fleurs se succèdent du printemps à l'hiver. Jamais ces grefles ne réussissent bien sur sujets d’églan- tier ; celles même qui reprennent le mieux ne sauraient vivre longtemps; la végétation de la greffe diffère trop essentiellement de celle du sujet, l’églantier n'étant pas remontant ; elles réussissent très bien au contraire, et se main- tiennent durant longues années lorsqu'on les pose sur des sujets de rosier du Bengale francs de pied, obtenus de semis ou de boutures. Ce rosier étant essentiellement remontant, c’est-à- dire toujours en sève hors le temps des fortes gelées, sa végétation s'accorde très bien avec celle de toutes les variétés dont la vie végétale suit une marche semblable. Quelques variétés délicates de rosiers du Ben- gale et de la Chine, parmi celles qui supportent difficilement la pleine terre, s’élèvent de pré- férence dans des pots, en terre de bruyère ; pour celles qui redoutent le plus un excès d'humidité, on emploie le sable siliceux pur par le procédé suivant, très usité en Angleterre et en Hollande, On remplit les pots de terre de bruyère jus- qu'à la ligne AB (fig. 221 bis); on pose de- Fig. 221 bis. « Il LES bout sur la terre légèrement tassée un cylindre de beis de 0m,10 de hauteur sur 25 millimètres de diamètre; un bout de manche à balai est excellent pour cet usage. On continue à rem- plir le pot de terre de bruyère qu’on tasse autour du cylindre de bois; puis on retire ce cylindre et on remplit de sable pur l’espace qu'il laisse vide. Cest dans ce sable qu’on repique les jeu- nes sujets de rosiers obtenus de bouture. A me- sure que leurs racines se fortifient et s'étendent, elles pénètrent dans la terre de bruyère où elles trouvent une nourriture convenable, B.— Pivoines arborescentes. Les pivoines communes, que les jardiniers désignent sous le nom de pivoines herbacées, sont au nombre des plantes les mieux acclima- tées en Europe et les plus rustiques parmi les plantes de parterre. On ne considère comme plantes de collection que les pivoines arbores- centes ou à tiges ligneuses ; il y a quelques an- nées encore , les amateurs donnaient peu d’at- tention à ce magnifique arbuste, dont on ne possédait que trois espèces introduites de la Chine en France en 1803. Mais depuis qu’on les a reconnues susceptibles de donner par les croisements hybrides un nombre infini de va- riétés, depuis que les semis intelligents et per- sévérants de M. His, dont le nom se rattache à la propagation de ce beau genre en France, ont TITRE HI. introduit dans nos parierres tant de belles pi- voines, remarquables, les unes par leurs formes, d’autres par leur odeur, toutes par la magni- ficence de leur floraison, les horticulteurs , amateurs ou commerçants, se sont empresses de multiplier les pivoines arborescentes, et il n’est plus permis à un pépiniériste qui s'occupe des arbustes d'ornement, de ne pas leur accor- der une large place parmi les arbustes de col- lection, immédiatement au-dessous des rosiers. Les pivoines arborescentes se greffent avec la plus grande facilité sur les tubercules de la pi- voine herbacée ordinaire. Ces greffes se font au printemps ; elles passent l'été en plein air, mais elles ont besoin de passer leur premier hiver en orangerie; les pivoines ligneuses sont d’ailleurs par elles-mêmes des plantes suscep- tibles de passer parfaitement l'hiver en pleine terre sous le climat de l’Europe tempérée, avec le simple secours d’une légère couverture pen- dant les grands froids. On peut aussi les mul- tiplier de marcotte ; mais elles offrent, sous ce rapport, une particularité très digne de remar- que. Les marcottes couchées au printemps, avec ou sans incision, forment promptement des racines fibreuses en assez grand nombre; si, comptant sur ces racines, on sévre les marcottes en les considérant comme enracinées, et qu’on les cultive à part en leur donnant d’ailleurs tous les soins possibles et le sol Ie plus convenable, elles meurent. C’est qu’en effet la première an- née elles ne sont enracinées qu’à moitié; les racines, d’abord fibreuses, sont destinées à de- venir charnaes et à demi tuberculeuses; elles ne passent à Cet état parfait que la seconde année, après le couchage des marcottes ; elles ne peuvent devenir charnues que tant qu'elles ne sont pas séparées de la plante-mère et qu’elles vivent en partie à ses dépens. On ne doit donc les sevrer qu'à deux ans, bien qu’au bout de six mois elles aient poussé beaucoup de racines. Les croisements hybrides, pour obtenir des graines susceptibles de donner des variétés, ont presque toujours pour base la pivoine Mou- tan, c’est-à-dire qu'on réserve les sujets les plus beaux de cette pivoine comme porte-graines, après avoir fécondé leurs pistils avec le pollen des étamines de variétés différentes. Les graines se sèment au printemps, à bonne exposition, mais à l'ombre, dans une terre plutôt substan- tielle que légère; elles doivent être recouvertes de deux ou trois centimètres au plus de bon icrreau, ou mieux, de fumier court très con- somme. Le jeune plant pousse avec vigueur ; il ne craint qu'un excès d'humidité. En général, la pivoine n’a besoin d’eau que pendant la durée de la floraison ; hors de là, il ne faut l’arroser que quand la sécheresse trop prolongée com- promet son existence. Les jeunes pivoines met- tent ordinairement huit ans à montrer leur fleur; on peut hâter la floraison des espèces nouvelles qu’on est toujourspressé de connaître, en les greffant sur tubercules d’autres espèces : dans ce Cas, elles fleurissent deux ou trois ans plus tôt. . PÉPINIÈRES D'ARBRES ET D'ARBUSTES D'ORNEMENT. 95 GC. — De quelques autris arbustes de collection, Plusieurs autres arbustes de collection sont appréciés et recherchés des amateurs avec non moins de goût et de soins que les rosiers et les pivoines arborescentes ; tels sont en particulier les ericas et les camélias. Mais comme les pre- micres appartiennent à la serre chaude et les seconds à la serre tempérée, tous deux sortent du domaine du pépiniériste proprement dit. Nous traiterons séparément ailleurs de la cul- ture de ces deux genres intéressants. Aux environs de Paris et des grandes villes, les pépiniéristes spécialement occupés de la multiplication des arbres fruitiers sont dans l'usage de multiplier ézalement un assez grand nombre d'arbres et d’arbustes d'ornement par- mi les genres et espèces les plus rustiques et les plus fréquemment demandés: c’est ainsi que des semis assez étendus de robinias. de cytises, de lilas, de seringa et d’autres arbres ou ar- bustes d'ornement de même valeur, se ren- contrent parmi les pépinières si renommées de Vitry-aux-Arbres. Les arbres fruitiers à fleur double forment. dans ces pépinières, la transition des arbres à fruit aux arbres d’orne- ment. Quelques-uns sont de la plus rare beauté, principalement le cerisier et le pêcher, aujour- d’hui peu recherchés des amateurs, auxquels ils se recommandent pourtant à l’égal de ceux qu'on leur prélère. Les vieux habitués des jar- dins publics de Paris se souviennent encore de les avoir vus décorés de pêchers nains à fleur double, dont les derniers, morts récem- ment de vieillesse aux Tuileries, n’ont point été remplacés ; leur fleur, d’une nuance admirable, précédant pour ainsi dire toute autre floraison, signalait le retour du printemps. Les arbres fruitiers à fleur double ont droit en France à une place distinguée dans les bosquets et les parterres ; on en trouve toujours quelques-uns dans les pépinières bien assorties, bien qu'ils soient rarement demandes. CHAPITRE IV.— TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. Lorsqu'on a parcouru les vergers des Belges, des Allemands, des Anglais, cultivés dans des conditions de sol et de climat généralement moins favorables qu’en France, on s'étonne et l'on s’afflige de voir chez nous, sauf de bien rares exceptions, les arbres à fruit tellement négligés que des régions tout entières n’offrent pas un seul fruit mangeable, tandis que dans | d’autres. les arbres à fruit sont mutiles plutôt que taillés, ou bien, ce qui ne vaut pas mieux abandonnés à eux-mêmes. La production abon- dante, le volume et la saveur du fruit, sont, si l’on peut s'exprimer ainsi, le résultat d’un svs tème hygiénique imposé par l’homme aux arbres fruitiers ; la greffe, qui le force à vivre sur un autre arbre souvent d’un tempérament con- 96 HORTICULTURE. traire, est une interversion des lois naturelles. L'homme, pour utiliser les végétaux, modifie la nature ; la nature tend constamment à reprendre ses droits, à diriger la végétation, non pas vers la satisfaction des goûts et des besoins de l’homme, mais vers la conservation des individus, et la perpétuité des races ; les végétaux appropriés a nos usages, les arbres fruitiers surtout , ne peuvent donc pas être abandonnés à eux-mé- mes ; de là, la nécessité de tailler et de conduire les arbres fruitiers. i Les principes de la taille, appropriée à cha- que espèce d'arbres fruitiers, reposent sur le mode de végétation qui lui est prapre. Quoi- qu’un traité de jardinage ne soit point un livre de physiologie végétale, nous avons cru devoir appuyer nos conseils de l'exposé des principes sur lesquels ils sont fondés; nous l'avons fait avec d'autant plus de soins que nos conseils dif- fèrent sous plusieurs rapports essentiels de ceux qu'ont donné nos devanciers. Nous regardons la taille et la conduite des arbres fruitiers comme des objets tellement importants dans la pratique de l’horticulture, que nous les isolons entièrement du chapitre consacré à la planta- tion et à l’entretien des vergers, que nous traiterons séparément (voir Jardin fruitier). Section re. — Taille et conduite du pécher; principes Généraux. $ 17, — Végétation naturelle. La taille et la conduite propres à chaque es- pèce d'arbre fruitier ne peuvent avoir qu'une seule base rationnelle : l'étude de son mode particulier de végétation. Plusieurs particula- rités propres au pêcher établissent des diffé- rences importantes entre sa manière de végéter et celle des autres arbres à fruit. Pour nous en former une juste idée, considérons d’abord ce que deviendrait un pêcher greffe, puis livré à lui-même. Pendant les deux ou trois premieres années, il poussera des branches vigoureuses, plus ou moins divergentes, dont les rameaux supérieurs, à l’exclusion des autres, finiront par se charger de fleurs et de fruits tout en con- tinuant à s’allonger. Si après la première ré- colte nous examinons les parties de ces rameaux qui auront porté fruit l’année précédente, nous n’y trouverons ni bourgeon, ni bouton à fruit ; nous verrons toute la sève se porter vers le haut des branches, dont le bas se trouvera dégarni pour toujours. Dans une branche de pêcher, la partie qui a porté fruit n’en portera plus ja- mais, quelle que soit la durée de l'arbre, c’est la Joi dominante et invariable de sa végétation. Au bout de quelques années, il n’a plus à nous mon- trer que des bouquets de rameaux verts suppor- tés par des montants aussi dépouillés, aussi com- plétement nus que des manches à balai. Tel se- rait donc l’aspectd’un pêcher en espalier qu’on se bornerait a palisser contre un mur, et qui se- rait ensuite abandonné au cours naturel de sa végétation; il s’élancerait vers le haut de la muraille qu’il dépasserait presque toujours ; sa LIVRE Vif, partie supérieure se couvrirait seule de feuil- lage, et porterait cà et là quelques fruits; ic bas n’'offrirait que des branches lisses, entière- ment nues, Sans apparence de fruit, ni même de feuillage. Ces faits constatés, il en ressort ce principe, que toute branche de pêcher ayant porté des fruits ou seulement des fleurs, ne pouvant plus jamais en porter, doit être supprimée, et que pour pouvoir espérer une succession de récoltes annuelles, il faut provoquer la formation an- nuelle des branches à fruit. Il en résulte aussi la nécessité de combattre constamment le pen- chant du pêcher à lancer sa sève vers ses ra- meaux supérieurs, au détriment des autres, ct de le forcer à la distribuer également dans tou- tes ses parties, afin d'y produire des branches à fruit en remplacement de celles qui, chaque année, deviennent improduetives après avoir porté une seule récolte. Une autre particularité propre au pêcher n'est pas moins digne de notre attention. Les yeux à bois ou à fruit existant sur une bran- che de pêcher se développent tous, sans excep- tion, à l'époque où il commence à végéter ; il est donc impossible de compter, pour les rem- placements, sur les veux qui pourraient se montrer plus tard ; l'existence de ces yeux la- tents, si précieux pour d’autres espèces d'arbres fruitiers, est incompatible avec le mode de vé- gétation du pêcher; c’est sur la branche à fruit de l’année, et parmi les yeux à bois de cette branche, qu’il faut chercher les movens de la remplacer pour l’année suivante; il n’y a pas d'autre ressource. Les arbres francs obtenus de noyaux ont seuls la faculté de se rajeunir quei- quefois par des yeux latents qui percent le tronc ou les grosses branches supprimées ; mais cette chance n'existe même pas pour les pê- chers greffes qui garnissent nos espaliers. Remarquons en outre que, tandis que chez beaucoup d’autres arbres, la sève éprouve au milieu de la saison un temps d’arrêt qui permet de distinguer la sève d'août de celle du prin- temps, chez le pêcher, la sève ne suspend pas un instant son activité, depuis les premiers jours du printemps jusqu’à l’entrée de l'hiver. Tout le système de la taille du pêcher repose sur ces observations. Nous ne pouvons mieux faire ressortir la nécessité de surveiller sans cesse l'équilibre de la sève entre toutes les par- ties du pêcher, qu’en citant ces paroles si justes et si vraies de M. Lelieur. « La sève peut être considérée comme un torrent qu’il est aisé de maintenir dans le lit que la nature ou la main de l’homme lui a tracé; il faut seulement se porter à temps aux endroits où elle veut faire irruption, la prévenir, obs- truer les passages, en même temps qu’on lui laisse dans le voisinage assez de canaux libres pour s’écouler ; alors elle portera l'abondance et la vie dans ces mêmes canaux qu’elle eût abandonnés, et qui se fussent dessechés si on lui eût laissé la liberté de s’en frayer de nou- veaux selon son caprice. » | TITRE Ji. $ IL. — Principes de la taille du pêcher. L'effet immédiat du retranchement d’une portion d’un rameau de pêcher, c’est de faire affluer la sève sur l'œil le plus voisin de la taille À (fig. 222), et successivement sur tous Fig. 223, les yeux placés au-dessous, de sorte que, si l’on veut les conserver tous, ils croitront inégale- ment en proportion de leur éloignement de la taille, le premier dépassant en vigueur tous les autres, Comme le représente la fig. 223. Plus on se hâte de tailler dès les premicrs symptômes du mouvement de la sève, plus les bourgeons développés par suite de la taille vé- getent avec force ; de là cette règle générale : hâter la taille des arbres délicats pour en obte- nir de bonnes pousses; retarder la taille des arbres trop forts, pour les empêcher de s’em- porter. Un arbre faible taillé tard ne fournit pas assez de branches de remplacement; un arbre fort, taillé trop tôt, donne trop de bour- geons à bois, et si ces bourgeons fleurissent l’année d’ensuite, la sève se trouvant détournée au profit du jeune bois, ils ne retiendront pas leur fruit. L’œil bien conformé sur lequel une branche a été taillée peut dépasser en force cette même branche dans le courant de l’année ; l'œil dé- licat donne, dans les mêmes circonstances, une branche plus faible que celle sur laquelle il s’est développé. Ces effets invariables de la taille sur les yeux du pêcher donnent un moyen assuré de régu- lariser la distribution de sa sève et de rendre égales deux branches inégales destinées à se faire équilibre, Une branche à bois, rabattue sur un bouton à fruit, ne grandit plus, c’est-à-dire qu’il ne s’y forme pas d’œil à bois pour la continuer ; une branche à bois rabattue sur un bourgeon à bois chargé d’un grand nombre de bons yeux, permet à la sève de prendre son cours vers les parties de l'arbre placées au-dessous: cette taille est fort utile pour empêcher la sève de se porter vers le haut du pêcher avec trop d’abon- ance,. Quelques jardiniers recommandent de tailler le pêcher très court; d’autres croient la taille longue préférable ; nous nous sommes toujours bien trouvé dans la pratique d’unetaille longue Sur les sujets forts, et courte sur les sujets faibles, d'après cette remarque si juste de M. Lelieur : « Une taille trop courte donne lieu à des gour- mands ; une taille trop allongée met tout à fruit, arrête l'arbre et l’épuise. » HORTICULTURE, TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 97 À Liége ( Belgique), les religieux du magni- fique monastère de Saint - Laurent récoltaient, dans leur enclos parfaitement exposé, des pé- ches égales à celles de Montreuil: la fertilité du sol et humidité du climat rendant leurs arbres très vigoureux, ils les taillaient toujours très long, tradition qui s’est conservée dans ce pays, où l’on peut admirer des espaliers de pêchers, dignes de rivaliser avec ce que la France offre de plus parfait dans le même genre. Toutes les fois que par une taille peu judi- cieuse on provoque la naissance de parties qui ne seront bonnes qu’à supprimer, on nuit au développement et à la bonne santé du pêcher ; il est évident que la force employée à former ces parties inutiles a été dépensée en pure perte. Supposons la branche A, fig. 224, taillée en B ; Fig. 225, 294. lorsque après le premier mouvement de la sève tous les yeux CC Cse seront ouverts, ils ne pour- ront subsister tous sans faire confusion: toute la sève employée à les convertir en bourgeons sera donc de la sève perdue, qu'il aurait été possible d'utiliser pour l'accroissement de larbre et la production du fruit. C’est ce qui aurait eu lieu si la taille eût été effectuée, comme le re- présente la fig. 225 , sur le dernier œil A, seul nécessaire pour donner naissance à la branche de remplacement. Parmi les yeux très nombreux dont les ra- meaux du pêcher sont couverts au moment de la taille, celui sur lequel doit se fixer constam- ment l'attention du jardinier. c’est l'œil inférieur placé près du talon de chaque branche à fruit. Si cette branche reçoit une taille trop longue en vue dobtenir une abondante récolte . son œil inférieur ne se développera pas: il n’y aura rien pour la remplacer l’année suivante : elle laissera sur l’espalier un vide souvent très dif- ficile à remplir. Cependant , certaines variétés de pêcher ne donnent leur fruit que vers l’ex- trémité supérieure de la branche fruitière qu'on est forcé de tailler long, sous peine de n’avoir pas de fruit. Dans ce cas, on supprime au- dessous des boutons à fruit, A A A (fig. 226), Fig. 226. AA AB TT .B RE Laos QU À AA BBB rai tous les yeux à bois (B B BB), excepté l'œil C qu'on réserve pour le remplacement de la bran - . dE 98 HORTICULTURE. che à fruit. Cette suppression des yeux à peine ouverts se nomme aveuglement. La fig. 227 montre l’état de la branche après la taille et la suppression des yeux éborgnés. Par ce moyen, cette branche, en dépit d’une taille longue, laisse encore à l’œil du talon assez de sève pour qu'il devienne une bonne branche de rempla- cement. Nous ne pouvons trop le répéter, si l’on veut avoir un espalier garni de pêchers bien por- tants, durables et productifs, il ne faut jamais tailler les branches à fruit trop longues , ni les branches à bois trop courtes, mais diriger toute son attention vers le remplacement régulier des branches à fruit et la croissance régulière des branches à bois. Faire naître et grandir les bourgeons à la base des branches à fruit pour pouvoir, sans dégarnir l'arbre, tailler ces bran- ches sur ce bourgeon, c’est là le principe es- sentiel de la taille des branches fruitières du pêcher en espalier. Ajoutons qu’une avidité mal entendue ruine les arbres , par une taille trop longue des branches à fruit, et que moins on laisse subsister de boutons à fleur sur une bran- che, plus on donne de force à l’œil duquel doit sortir le bourgeon destiné à la remplacer. La branche à fruit se taille toujours sur un œil à bois, souvent accompagné d’un bouton à fruit, en sorte que la fleur se trouve précédée d’un bourgeon qui s’allonge en avant du fruit ; cet œil fait pour le fruit le même effet que pro- duit sur la greffe l’œil réservé sur le sujet ; C’est un véritable œil d'appel, qui attire la sève vers le fruit; faute de cet œil , la branche frui- tière taillée sur un œil à fruit, sans œil à bois, se dessèche et meurt jusqu’au premier œil à bois, au-dessous de la taille, parce que cet œil attire à lui la sève et la retient à son profit. + $ LI. — Branches du pêcher en espalier : nomenclature. Avant de passer outre aux détails de la taille du pêcher, il est nécessaire de classer ses bran- ches selon le vocabulaire en usage parmi les jardiniers. A. — Tronc. À moins que le pêcher en espalier ne soit conduit sur une seule tige droite, montant jus- qu’au haut du mur, il n’a de tronc, proprement dit, que 0",30 à 0",40, à partir du sol, jusqu’à la première bifurcation de ses branches princi- pales; le tronc (fig. 228) est souvent même beaucoup plus court. Fig. 229, 228, 230. B. — Branches-mères. Les méthodes les plus usitées pour conduire LIVRE VIII. le pêcher en espalier n’admettent que deux branches-mères ; elles servent de base à toute la charpente et donnent naissance à ses mem- bres ( fig. 229). C. — Membres. Ces branches (A A A A, fig. 230), presque égales en grosseur aux branches-mères qui les portent, complètent la charpente du pêcher. D. — Branches à bors. Leur principal emploi consiste à prolonger les diverses parties de la charpente, sans con- courir pour leur propre compte à la fructifi- cation du pêcher; les extrémités des branches- mères et celles de chacun des membres sont des branches à bois, sur lesquelles il ne se ren- contre pas de boutons à fleur, comme le montre la fig. 231. Fis. 232. Fig. 231. E. — Bourgeons. On désigne sous ce nom tous les scions d’un pêcher, nés d’un œil à bois, entre le printemps et l'automne; tous les bourgeons de l’année seront des branches à fruit l’année suivante (fig. 232). F. — Bourgeons anticipés. Ces bourgeons, que les jardiniers de Mon- treuil nomment redrugeons, naissent sur d’au- tres bourgeons; ils n'auraient dû se développer qu’au printemps de Pannée suivante; mais, par un excès de vigueur du bourgeon sur lequel ils se sont développés, ils n’ont pas pu dormir jusque-là et se sont ouverts avant le temps, ce qui justifie le nom qu'on leur à donné (A, fig. 233). Fig. 233. CT Y & Z T) ( ART LÈLE - Y = k RSS = ES Sa G. — Gourmands, ou branches gourmandes. Les gourmands, ou branches gourmantes, sont des branches à bois qui, en attirant à elles TITRE Ii. plus que leur part légitime de la sève, affa- ment le pêcher et le font dépérir quand on les | laisse s’emporter sans y mettre obstacle; mais comme rien n’est plus facile que de s’opposer à leur accroissement, on n’en voit jamais sur un espalier bien tenu. H, — Branches à fruit. Tous les bourgeons de l’année, même les bourgeons anticipés, quand on les a laissé sub- sister, deviennent des branches à fruit; entre les divers membres de la charpente d’un espa- lier en bon état, il ne doit y avoir que des bran- ches à fruit (fig. 234). 234. Fig. 235, I. — Branches de remplacement. Il est dans la nature des branches à fruit du pêcher, ainsi que nous l’avons dit, de ne porter fruit qu’une seule fois à la même place, de sorte que, si on les laissait se prolonger, toute leur partie inférieure resterait dégarnie de fleurs et de feuillage. Les branches de remplacement obvient à cet inconvénient; on les ménage de manière à n'avoir jamais sur un pêcher une branche à fruit de plus de 18 à 20 mois, qu'on supprime après qu'elle a donné sa récolte. On désigne quelquefois sous le nom de coursons ou branches coursonnes , les branches sur les- ge naissent chaque année les branches à ruit et leurs branches de remplacement ; mais ce nom doit être réservé pour la vigne (voir Vigne). — Bouquets ou cochonnets. Ce sont les plus précieuses des productions fruitières du pêcher; ces petites branches sur lesquelles naïssent en général les plus beaux fruits de chaque arbre, y sont toujours en trop petit nombre; elles se distinguent par leur œil terminal, qui , au lieu de donner naissance à un bourgeon de prolongement, forme seule- ment une rosette de feuilles (fig. 235). $ IV. — Coupe : emploi des instruments. La serpette (fig. 62), le sécateur (fig. 63 65), et quelquefois, pour le retranchement des gros- ses branches, la scie à main ( fig. 72), sont les seuls instruments nécessaires pour la taille du pêcher. Une bonne serpette, bien affilée, est toujours le meilleur de tous les outils pour cette opération; sa supériorité sur le sécateur est incontestable ; tout l'avantage du sécateur con- siste dans la plus prompte expédition de la be- sogne ; aussi ne doit-on l’employer qu'en cas d’absolue nécessité, quand le temps presse et TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 99 qu’il n’y a pas moyen de s’en passer. Indépen- damment de la coupure, le sécateur exerce sur la branche une pression qui l’'endommage tou- jours plus ou moins. Quand on est forcé de re- courir au sécateur pour la taille du pêcher, il faut avoir plusieurs de ces instruments de re- change, afin qu’ils soient fréquemment repas- sés : plus ils coupent, moins ils nuisent aux ar- bres. Les scies de différentes grandeurs pour la suppression des membres morts ou endomma- gés sont plus nuisibles encore que le sécateur, quoiqu’on soit forcé de s’en servir ; elles ne coupent qu’en déchirant les tissus ; leur action ne peut manquer d'être funeste au pêcher, si l’on ne se hâte d’en prévenir les fâcheux effets. Le meilleur moyen, c’est de ne pas laisser pren- dre lair à la plaie faite par la scie, mais de la parer sans retard avec une serpette bien tran- chante, et de la recouvrir aussitôt d’onguent de Saint-Fiacre ou de cire à greffer (voir p. 69). Toute contusion ou déchirure faite, pendant la taille, sur l’écorce du pêcher par la maladresse du jardinier peut occasionner à l'arbre des blessures mortelles. La surface des coupes doit, autant que possible, regarder la surface du mur. Le sens dans lequel la coupe est elfectuée exerce une grande influence sur la santé du pêcher ; la serpette agit tous les ans sur tous les rameaux à fruit et à bois; ilen résulte des cen- taines de plaies qui, selon leur plus ou moins d’obliquité, peuvent différer de plus d’un tiers pour l'étendue de leurs surfaces. On comprend quelle action doit avoir sur toute l’économie du pêcher une si grande étendue de plaies vives exposées à l’action de l'air, et leur plus ou moins prompte cicatrisation. Plus la coupe est oblique, plus la plaie est grande, sa distance de l'œil et son obliquité sont détertninées par la force du rameau retranché ; il ne faut pas qu’il reste au-dessus de l’œil un chicot de bois mort qui, ne pouvant être recouvert par l'écorce, nécessiterait une seconde plaie l’année sui- vante; C’est ce qui a lieu quand la coupe est trop éloignée de l'œil. Lorsque l’obliquité de la coupe prolonge la plaie jusque derrière l'œil, la sève qui doit le nourrir s'évapore à son dé- triment. La fig. 236 montre la distance et l'obliquité convenables pour une branche à | fruit de grosseur moyenne. | À l’aide de ces indications et d’un peu d’ha- : bitude, il est aisé d’opérer convenablement. 100 $ V. — Conduite et taille du pêcher en plein: rapport. Afin de donner à nos explications toute la précision qu'exige leur importance, nous indi- quons séparément la marche à suivre pour tailler et conduire en espalier un pêcher tout formé, en plein rapport, et les mêmes opéra- tions pour un jeune pêcher récemment planté, susceptible par conséquent de prendre toutes les formes qu’on peut vouloir lui donner. Quel que soit le nombre des arbres qu’il di- rige, le jardinier n’est jamais excusable de se laisser gagner par le temps; la besogne doit toujours être réglée de manière que chaque chose se fasse en son temps. La plupart des jardiniers taillent le pêcher trop tard; ils at- tendent ordinairement qu’il soit en pleine fleur, coutume vicieuse qui entraine plusieurs graves inconvénients. D'abord l'œil à bois étant déjà allongé et la fleur épanouie, la coupe, néces- sairement gênée, est toujours trop éloignée de l'œil, et laisse presque toujours un chicot; sil veut néanmoins la faire à sa véritable place, le jardinier court risque de détacher, soit la fleur, soit le bourgeon, et bien souvent tous les deux ; puis, il est évident que la sève employée au profit des bourgeons supprimés pouvait l'être au profit des bourgeons conservés, en taillant avant que ni les uns ni les autres ne se fussent développés; les bourgeons conservés en au- raient eu d’autant plus de vigueur, et l'arbre tout entier aurait eu plus demoyens pour nouer son fruit et le retenir. Nous avons déjà signalé la propension naturelle du pêcher à porter toute sa sève vers le haut de ses branches; en taillant de bonne heure, on l'empêche d’obéir à ce penchant, on prévient un excès de vigueur dans la partie supérieure de l'arbre et un affai- -blissement fâcheux dans ses branches infé- rieures. On doit donc regarder comme une règle qui ne souffre pas d’exception, la défense de tailler le pêcher pendant le plein de la sève. Dès qu’un léger gonflement des boutons indi- que le réveil de la végétation, ce qui, sous le climat de Paris, a lieu d'ordinaire au commen- cement de février, plus tôt ou plus tard en rai- son de l'exposition plus ou moins méridionale de l’espalier, il est temps dese mettre à l'œuvre; mais si l’état de la température donne lieu de craindre un retour d'hiver, ou si les pêchers ont eu à souffrir d’un froid très intense, on peut, sans inconvénient, retarder le commencement de la taille d’une dizaine de jours. La taille faite avant la floraison quand les yeux a bois commencent à peine à partir, est expéditive, parce que rien ne gêne le jardinier pour couper aussi près qu'il est nécessaire de l’œil sur lequel chaque branche est rabattue, sans laisser au- dessus de l’œil ce que les jardiniers nomment un onglet, c’est-à-dire une portion du rameau supérieur. Les jardiniers ne savent pas le tort qu'ils font au pêcher en espalier, et combien de maladies ils peuvent occasionner à ses branches HORTICULTURE. LIVRE Viii. vante le bois mort de onglet ; plus la coupe est rapprochée de l'œil, plus l’écorce a de facilité pour la recouvrir. Avant tout, on ôte toutes les attaches qui re- tiennent le pêcher fixé, soit au treillage, soit immédiatement à la surface du mur : c’est ce qu'on nomme dépalisser. L'opération de la taille doit être précédée de la toilette de l'arbre ; son écorce doit être nettoyée, tant à l'extérieur que du côté du mur ; celui-ci, de même que le treillage, recoit la même inspection de propreté ; on recherche avec la plus grande attention, pour les détruire, les insectes ou les œufs d’in- sectes qui peuvent s’y trouver logés. Cela fait, on considère d’abord les membres symétriques du pêcher, ceux qui se correspondent de chaque côté du tronc. S'il se trouve des branches plus faibles ou plus fortes que celles en regard des- quelles elles sont placées, on se pénètre de la nécessité d’une taille longue pour les faibles et courte pour les fortes. Un autre moyen de réta- blir l'équilibre ne doit point être négligé ; lors- que la différence de vigueur est sensible dans l’ensemble d'un côté d’un pêcher par rapport à l’autre côté, on éloigne les branches du côté fort de la situation verticale, autant que la chose est possible, sans risquer de les faire éclater; les branches du côté faible sont au contraire redressées pour les rapprocher plus ou moins de la situation verticale; ce simple déplacement porte la sève avec plus d’abon dance dans les branches redressées et ne tarde pas à les rendre aussi fortes que celles aux- quelles elles doivent faire équilibre ; parvenues à ce point, les unes et les autres seront repla- cées dans leur position primitive. Le soin de maintenir l’équilibre entre les membres du pê- cher est le premier dont on s’occupe en com- mencant la taille ; la branche à bois qui termine chaque membre et sert à le prolonger, sera te- nue plus courte ou plus longue que celle du membre correspondant, selon le degré de vi- gueur de chaque membre. On procède ensuite a l'examen des branches à fruit de l’année pré- cédente ; elles sont rabattues sur leurs bran- ches de remplacement; celles-ci sont taillées en proportion de leur force avec d’autant plus de soins et d'attention qu’elles seules doivent por- ter toute la récolte de l’année. On ne laisse jamais subsister une branche à fruit qui n’a que des fleurs, sans veux à bois; ses fleurs noue- raient peut-être, mais n’ayant pas de bourgeons d’appel pour attirer la sève de leur côté, elles ne retiendraient pas leur fruit; on les retran- che d’ordinaire en totalité, au niveau de la branche qui les porte; si cependant il se ren- contre près du talon un œil à bois, quelque faible qu’il paraisse, on peut rabattre sur cet œil dans l'espoir d’en obtenir un bourgeon de remplacement. Nous devons insister sur la né- cessité de sacrifier à la taille une partie des fleurs et de se contenter d’une récolte modérée, plutôt que de fatiguer et de ruiner lespêchers par une production surabondante; les fruits en les forcant de renfermer sous leur écorce vi: ! moins nombreux seront meilleurs, et l'ensem- | TITRE fil. ble des produits, pris sur plusieurs récoltes, sera plus avantageux. 3%) Les bourgeons anticipés de l’année précé- dente seront tenus constamment plus courts que le reste des branches à fruits ; le but de la taille à leur égard n’est pas tant d’en obtenir | du fruit immédiatement, que de leur faire dé- velopper de bons bourgeons inférieurs qui de- viendront les branches à fruit les plus produc- tives pour l’année suivante. | On n’attend pas toujours, pour tailler les branches qui ont porté fruit, le retour du som- meil de la végétation ; lorsque l'œil situé au ta- lon de ces branches, et destiné à devenir bran- che de remplacement, n’annonce pasune grande vigueur, On peut, aussitôt après la récolte du fruit, rabattre la branche sur cet œil, afin qu'il profite du reste de la bonne saison pour s’al- longer et se fortifier. Cette taille anticipée des branches dépouillées de leur fruit n’est avanta- geuse que pour les pêchers à fruit précoce qui donnent leur récolte à une époque où la sève peut encore rester en activité pendant plusieurs mois ; elle serait inutile aux pêchers dont le fruit n’est mür que dans le courant de septem- bre. Cependant, si les pêchers à fruit tardif n'ont pas retenu leur fruit, on n’attend pas plus tard que le milieu de l’été pour rabattre sur l'œil inférieur devenu bourgeon de rempla- cement; la branche, n'ayant pas de fruit à nourrir, envoie trop de nourriture au bourgeon terminal, et l’on perd deux récoltes de suite, si l’on ne sait faire tourner la sève au profit du bourgeon de remplacement. La taille qu’on est quelquefois forcé d'opérer sur le pêcher, au plus fort de sa végétation, se nomme rapprochement en vert; elle a pour but d'empêcher les rameaux à bois de s’emporter ; ceux qui sont dans ce cas ont le plus souvent plusieurs bourgeons anticipés, sur l’un desquels on les rabat. Le rapprochement en vert est toujours nuisible au pêcher. On va voir com- ment on peut s’en dispenser au moyen du pin- cement. À. — Pincement. Lorsqu'on taille une des branches principa- les d’un pêcher, par exemple, une branche de prolongement d’un de ses membres, les yeux placés au-dessous de la coupe étant tous des yeux à bois, deviendraient en peu de temps des bourgeons si on les laissait croître en liberté ; l’affluence de la sève aux extrémités supérieures du pêcuer est telle que pas un de ces bourgeons ne deviendrait branche à fruit; tous se forme- raient en branches à bois, et comme il serait impossible d'employer utilement toutes ces branches à l’accroissement de l'arbre, on serait obligé de pratiquer un rapprochement en vert, soit en les retranchant tout-à-fait, soit en les rabattant sur un de leurs yeux inférieurs, ou le plus souvent sur un bourgeon anticipé. L'arbre aurait à en souffrir pour deux motifs : d'abord, ce serait commettre la faute que nous avons déjà signalée, de laisser la sève se perdre à pro- | TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 101 duire des rameaux qu'il faut tout aussitôt sup- primer ; ensuite les plaies nombreuses faites à un arbre en pleine vegétation occasionneraient par évaporation une énorme perte de sève. Le moyen d’échapper à la nécessité de ces tailles désastreuses, C’est le pincement. Un bourgeon provenant d’un œil àboistrès vi- goureux et très bien placé pour recevoir la sève, peut devenir rapidement une branche à bois su- perflue, ou même une branche gourmande, tout comme il peut devenir une précieuse branche à fruit; c’est ce que le jardinier expérimenté sait prévoir longtemps d'avance, en observant le point d'insertion du bourgeon sur le ra- meau qui le porte, point connu sous le nom d’empattement. Si cette base du bourgeon est épaisse et forte, il ne faut pas laisser croître le bourgeon ; si elle est mince et peu développée, le danger est moindre; dans tous les cas, le bourgeon qui doit être pincé ne peut être pincé trop tôt. Un autre signe auquel il faut donner beaucoup d'attention, c’est le plus ou moins de développement des yeux sur le bourgeon lui- même. Un bourgeon, dès qu'il est parvenu à la longueur de 0m06 à OmO8, et qu'il s’est garni de feuilles, contient dans les aisselles de ses feuilles des rudiments d’yeux d’abord très peu apparents, mais faciles à distinguer du moment où le bourgeon dépasse la longueur d’un ou deux décimètres. Si à cette époque de son exi- stence on pince son extrémité ou qu'on la ro- gne avec l’ongle du pouce, l'œil le plus rap- proché de Pextrémité pincée prend, presque sans interruption, la place de l'œil terminal; la même quantité de sève qui aurait été absorbée par le premier est absorbée par lesecond: il n’en est, pour ainsi dire, ni plus ni moins, et le but de l’opération est manqué. Mais si l’on pince l'œil terminal avant la formation des yeux dans les aisselles des feuilles, la végétation du bourgcon pincé est interrompue pendant quelque temps ; la sève se présente bien comme précédemment à l'extrémité du bourgeon; mais là, ne trou- vant pas d’issue pour passer outre au prolon- gement du rameau, elle s’en retourne, sauf une petite portion qui reste pour nourrir et fortifier l'œil le plus rapproché du pincement. L’empat- tement, ne donnant plus passage à une aussi grande abondance de sève, s'arrête dans sa croissance ; la sève tourne au profit des bran- ches utiles qu’elle aurait négligées pour se por- ter vers le rameau pincé. Quand l'œil supplé- mentaire est formé, il rappelle à lui la sève et repart souvent avec tant de force, qu'un nou- veau pincement devient nécessaire. Cette opé- ration bien conduite, a pour résultat définitif de réduire la force de végétation du rameau à ce que le jardinier veut qu’elle soit ; le bour- geon, affaibli par le pincement, se couvre d'yeux à fleurs et devient branche à fruit, de branche à bois ou branche gourmande qu'il aurait pu devenir : tel est le but du pincement ; tels en sont les effets. Le résultat le plus utile du pincement est, comme on le vôit, de faciliter la distribution 102 HORTICULTURE. LIVRE VIII. la plus égale possible de la sève entre toutes les | bourgeon supérieur en force et en longueur au arties du pêcher. en évitant la naissance et le | bourëeon produit par l’œil C, par cela seul que P P ; b développement des branches gourmandes, sans recourir à la taille pendant la végétation, ou rapprochement en vert. Tout le succès du pin- cement dépend de la manière d'apprécier la vigueur du bourgeon, pour en conclure ce qu’il va devenir s’il est livré à lui-même; le jardi- nier attentif ne peut s’y méprendre ; les bour- geons des pêchers qu’il gouverne, étant pincés au moment convenable, ne s’emportent jamais sans sa permission. Le jardinier négligent est souvent étonné, au bout de quelques jours, de trouver une branche toute formée là où il n’a- vait vu qu'un bourgeon naissant, dont il ne prévoyait pas l’avenir; il se trouve alors con- traint d'opérer un rapprochement en vert qu'il aurait évité par un pincement fait à propos. Le pincement du bout d’un bourgeon qui n’a point encore de consistance ligneuse se fait en long, entre les doigts, sur une longueur d’un ou de deux centimètres, comme le repré- sente la fig. 237. Si le bout du bourgeon n’est pas compléte- ment herbacé, ou le rogne avec l’ongle du pouce (fig. 238). 3. — Ebourgeonnement. Les veux et les bourgeons du pêcher naissent sans ordre régulier sur tous les points de ses rameaux ; la conduite du pêcher en espalier ne permet pas de les conserver tous; Ceux qui naissent contre le mur doivent être nécessai- rement supprimés, de même que ceux qui, pla- cés sur la face antérieure du rameau, s’avan- cent en saillie au dehors. Parmi les bourgeons bien placés, ceux de la partie supérieure d’un rameau ont toujours plus de force que ceux de la partie inférieure; cela tient à la nature même du pêcher dont toutes les parties tendent à rendre une direction verticale dès qu’elles en ont la liberté. Ainsi, à la simple inspection de la branche A (fig. 239), on connaît d'avance que Fig. 239, © ee x SRE | het 4 1 pu) ÉPSESS fifi £ MD P RETZ Uawwyr/ l'œil B, dans un temps donné, aura produit un le rameau A étant palissé presque horizontale- ment, l’œil B, placé à sa partie supérieure, peut sans obstacle s’élancer selon la verticale, et que l’œil C, quoique d’égale force, placé à sa partie inférieure, sera forcé de faire un détour pour revenir à la verticale. C’est au jardinier à Calculer le vide qui lui reste à remplir sur l’espalier, les ressources que présentent à cet effet les membres inférieurs et supérieurs, et la force qu’il convient de laisser prendre en con- séquence à l’un ou à l’autre de ces deux bour- geons. Quant à ceux qui semblent placés trop en arrière vers le mur, mais qui pourraient être utilisés pour un vide à remplir, on ne doit pas se bâter de les condamner, parce qu'assez sou- vent le rameau éprouve une sorte de torsion naturelle sur lui-même, qui ramène dans une pesition favorable des bourgeons mal placés à “époque de la reprise de la végétation. On nomme ébourgeonnement à sec, et quel- quefois éborgnage à sec, la suppression des yeux encore endormis, au commencement de février. Cette opération, étendue à tous les ra- meaux d’un pêcher, lui serait funeste, en occa- sionnant un trop grand nombre de plaies par où la sève pourrait se perdre; on la pratique seu- lement, ainsi que nous l’avons dit, sur les bran- ches à fruit des espèces qui portent leurs fleurs à leur extrémité supérieure, ce qui ne permet pas de les tailler assez court pour donner au bourgeon de remplacement la force dont il a besoin ; hors ce cas particulier, on laisse s’ou- vrir tous les yeux, sans exception; puis, dès qu'ils sont parvenus à la longueur de 0m,02 à Om,03, on rogne avec l’ongle ceux qui ne doi- vent pas être conservés, en leur laissant deux ou trois feuilles inférieures. Ces feuilles, qui continuent à végéter, mais sans donner nais- sance à de nouveaux yeux, favorisent sans dé- perdition de sève la prompte cicatrisation des plaies. Ce premier ébourgeonnement tel qu’on vient de l’indiquer ne s'opère que sur les branches à fruit de l’année, peu de temps après la reprise de la végétation. Mais bientôt, les arbres vi- goureux, surtout s'ils ont été taillés trop court, se couvrent de bourgeons chargés eux-mêmes de bourgeons anticipés. Il faut surveiller la naissance de ces derniers bourgeons, et dès qu’ils ont atteint la longueur de 0m,02 à Om03, opérer sur eux Comme au premier ébourgeon- nement. Le pincement et l’ébourgeonnement sont pour la conduite du pêcher en espalier deux moyens qui se complètent Pun par l'autre; on n’a jamais fini de pincer ni d’ébourgeonner du printemps à l’automne, parce que durant tout cet intervalle la végétation du pêcher ne se ra- lentit pas, en sorte qu’il y a toujours des bour- geons à surveiller. La méthode d'ébourgeonnement que nous venons de décrire et qui l'emporte incontesta- blement sur toutes les autres, est celle que TITRE III. preserit M. Lelieur. A Montreuil, chaque jardinier a un si grand nombre d'arbres à ouverner, le temps et la main-d'œuvre ont ’ailleurs tant de valeur, qu'on agit un peu différemment; on supprime en une seule fois par un ébourgeonnement général, à sec, tous les yeux mal placés; puis on laisse les autres s’allonger à leur fantaisie et se charger de bourgeons anticipés qu’on réduit dans de . justes limites par un rapprochement général en vert, au milieu de l’été. Cette pratique fa- tigue beaucoup les arbres et nuit à leur durée en même temps qu’à la qualité du fruit. Si le dommage est peu sensible à Montreuil en rai- son de la bonne qualité du sol et de la perfec- tion des autres soins de culture, l’avantage n’en reste pas moins à la méthode d’ébour- geonnement que recommande M. Lelieur, et c’est a cette méthode que doit s’en tenir le jar- dinier jaloux de gouverner ses pêchers le mieux possible. | L’ébourgeonnement, ainsi pratiqué. permet d'échapper au moins en partie à la nécessité de la taille d'été; s’il reste quelques branches à soumettre au rapprochement en vert, opéra- tion dont nous avons signalé les inconvénients, il faut attendre que les fruits aient acquis pres- que toute leur grosseur; c’est l’époque où la sève du pêcher est le moins active. C. — Palissage. Les principes du palissage sont les mêmes, _ soit qu’il s'exécute sur untreillage, soit qu’il se fasse directement sur la surface nue d’un mur revêtu d’un enduit assez solide pour tenir les clous, méthodes dont nous discuterons plus tard les avantages (Voir Jardin fruitier). L’o- pération en elle-même est des plus simples ; c’est une de celles que les femmes peuvent le lus aisément pratiquer, comme elles le font à ontreuil, avec autant d’agilité que d’adresse, en évitant de prendre les feuilles dans les liens, de serrer trop fortement le bois tendre, et de croiser les branches l’une sur l’autre. Quand les autres opérations de la conduite du pêcher en espalier ont été faites par un jardinier ex- périmenté, le palissage n’est plus qu’une beso- gne toute tracée, qui s’expédie très lestement. Nous avons dit combien il importe à la bonne santé du pêcher, et par suite à l’abon- dance et à la bonne qualité de ses fruits, de maintenir entre toutes ses parties un équilibre constant, qui ne permette à aucune de ses branches d’absorbér au détriment des autres plus de nourriture qu’il ne lui en revient. Quel- que soin qu’il mette à les surveiller sous ce rapport, le jardinier chargé de gouverner un grand nombre de pêchers en a toujours de temps en temps quelqu'un qui s'emporte plus d’un côté que de l’autre. Indépendamment des moyens que nous avons déjà indiqués pour s’v opposer, le palissage offre une ressource de lus qu'il ne faut pas négliger. En maintenant es branches dans une position plus où moins gênée, il ralentit leur développement à tel point TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 103 que, pour donner plus de vigueur au côté faible d'un pêcher en espalier, il suffit bien souvent de le dépalisser. La figure 240 montre com- ment le dépalissage se combine avec le redres- sement que nous avons déjà conseillé; la partie dépalissée, outre qu’elle est dans une position plus rapprochée de la verticale, recoit l'air de tous côtes, et la lumière sur le sommet de ses pousses terminales, ce qui favorise leur prompt accroissement. Ici se présente un inconvénient auquel il importe dobvier dès le principe; la partie dépalissée de larbre A (fig. 240), n’é- tant plus retenue au mur, est attirée en avant par la force végétative de ses bourgeons ; obéis- sant à cette impulsion, elle se tord ; bientôt elle se trouverait tellement déformée qu’on risque- rait de la rompre si l’on voulait la remettre à sa place à l’espalier. Il faut donc planter en terre à 0,m20 ou 0,"25 en avant du mur, quelques perches BBB auxquelles la char- pente du pêcher est assujettie. De cette ma- nière, cette partie de l’arbre recoit assez d’air sur ses deux surfaces et occupe une position assez favorable pour égaler bientôt celle qui est restée palissée à la muraille, sans que ses mem- bres se déforment au point de ne plus pouvoir reprendre à l’espalier leur position primitive. Rien n’est plus contraire à la bonne con- duite du pêcher en espalier que de palisser d’un bout à l’autre tous les arbres en une seule fois et pour toute la saison; le palissage, comme le pincement, comme l’ébourgeonnement, doit suivre la marche de la végétation, et ne peut être considéré comme fini, tant que le pêcher végète; il ne faut pas cesser de surveiller la croissance des bourgeons, et de les palisser, selon le besoin. Ce n’est pas que nous préten- dions blämer le jardinier, alors que surchargé de besogne il la fait, non pas le mieux possi- ble, mais seulement le mieux qu’il lui est pos- sible. C’est à celui qui entreprend de décrire les règles et les procédés du jardinage à démon- trer la manière d'opérer avec toute la perfec- tion que comporte l'état actuel de lhorticul- ture; C’est à chacun ensuite à s’y conformer plus ou moins, selon les exigences de sa posi- tion. Quant au jardinier d’une habitation bour- geoise, qui n’a point à se préoccuper des frais et pour qui le profit n’est qu’un but secondaire, rien ne peut le dispenser de se conformer exac- tement aux principes qu’il sait être les meil- leurs. Les deux principes essentiels d’un bon pa- lissage sont : 1° Maintenir constamment les branches-mè - res et les membres de la charpente en lignes parfaitement droites, quel que soit d’ailleurs leur écartement et l'angle que ces branches forment entre elles. 2° Incliner les bourgeons de la partie supé- rieure de la branche, de manière à les rappro- cher, autant que possible, Ge cette branche, et palisser ses bourgeons inférieurs de manière à les éloigner le moins possible de la verticale. Les bourgeons supérieurs B B BE de la branche 104 HORTICULTURE. (fig. 241), prendraient trop de force s'ils étaient palissés selon les lignes verticales ponc- tuées; en les inclinant, on modère leur végé- tation. Les bourgeons inférieurs C € Cne pousse- raient pas assez vigoureusement pour faire équilibre aux bourgeons B, s'ils étaient palis- ses selon la ligne horizontale. En les mainte- nant dans une situation moins gênée, on favo- rise leur accroissement qui devient facilement égal à celui des bourgeons supérieurs B. $S VI. — Conduite d’un jeune pécher. Une fois les distances marquées et les sujets mis en place (voir Jardin fruitier), il faut ar- rêter d'avance la forme qu’on se propose de leur donner à mesure qu’ils croîtront ; ce point décidé, on commence, dès la première taille, à diriger les jeunes pêchers vers cette forme. Le jardinier doit les façonner à sa volonté à toutes les phases de leur existence, et non pas suivre les caprices de leur végétation, au lieu de la ré- gler à son gré. Le choix d’une forme peut être influencé par plusieurs considérations dont les principales sont la hauteur des murs, leur expo- sition, et la nature des espèces dont on se pro- pose de garnir l’espalier ; il faut aussiavoir égard à la fertilité du sol qui fait prendre aux arbres plus ou moins de développement. Nous pensons que les formes que nous allons indiquer sont les meilleures ; toutes se prêtent à l'application ré- gulière des principes rationnels de la taille et de la conduite du pêcher en espalier. A. — Forme en V ouvert. C’est la plus commode de toutes pour la taille, et la plus facile à établir ; mais elle laisse perdre une grande partie du mur, parce qu’elle ne peut couvrir l’espalier ni entre les bras du V, ni au- dessous des membres inférieurs ( fig. 242). LIVRE VIII. B, — Forme à la Dumoutier. Cette forme convient surtout pour cou- vrir de grands espaces avec un petit nombre de sujets. Un propriétaire dont le terrain est décidément contraire à la culture du pêcher ne peut mieux faire que d’adopter cette forme: au moyen d’un seul sujet planté dans un trou rempli de bonne terre rapportée, il peut garnir 15à 16 mètres d’espalier sur 3,"50 à 4m de hau- teur; lepêcher conduit à la Dumoutier (fig. 243) Fig. 243. == RE NS | LAIT CRE LT PR TAIEBAULT À \# peut couvrir, dans l’espace de 9 ans, 7 à 8 mètres de chaque côté. C’est, pour la même raison, la forme qui convient le mieux aux ter- rains très fertiles où le pêcher est susceptible de prendre de très grandes dimensions: elle laisse pendant plusieurs années une grande partie du mur sans emploi; c’est son défaut capital. Les premiers pêchers sous cette forme ont été établis dans les: jardins de Versailles par M. Dumoutier lui-même, sous la direction de M. Lelieur; ils ont été longtemps les plus beaux de leur espèce qui fussent en France. En atten- dant la croissance des pêchers à la Dumoutier, on plante dans les intervalles d’autres arbres fruitiers très hâtifs qu'on supprime quand les pêchers à la Dumoutier ont aquis tout leur dé- veloppement. C. — Forme carrée. IL n’en est pas de meilleure pour couvrir promptement et en totalité la surface d’un es- palier; mais elle est dangereuse à cause de la position verticale que prennent forcément les membres de l’intérieur du V, AA (fig. 244); ces Fig. 244. 4 EF] H DE PAL CPE L ; us Z ELA 7 DT _ > << RS SE = D À 7#7z2auT A = =— a — membres sont toujours prêts à s’emporter aux dépens des autres. Dans un jardin qui nous a longtemps appartenu, à Sainte-Walburge près Liége (Belgique), nous avons été forcé de re- noncer à cette forme qui nous avait séduit d’a- bord; la fertilité du sol rendait les pêchers trop TITRE HIT. difficiles à gouverner sous cette forme ; il était impossible de se rendre maître des branches qui croissaient verticalement. D. —- l'orme en cordons. Cette manière de conduire le pêcher (fig. 245) Fig. 245. est nouvelle; elle n’a pas encore en sa faveur la sanction d’une bien longue expérience. Nous la croyons bonne, sous tousles rapports, à l'exception d’un seul; elle place les branches à fruit qui naissent à la partie inférieure des branches, dans une position peu favorable à leur accroissement, tandis que celles de la partie supérieure tendent toujours à s’em- porter. E, — Forme en palmetite à double tige. Cette forme (fig. 246) est, à notre avis, la jg. 246. AUGLILUTES PL Dr 5e — ——— en rss meilleure de toutes; elle ne laisse aucun vide sur l’espalier ; elle couvre promptement et éga- lement toutes les parties du mur ; elle n’admet point de membres verticalement placés; tout l'espace entre les deux branches-mères peut être rempli par des branches à fruit. F. — Forme en U. Cette forme (fig. 247) offre beaucoup de rapports avec la précédente, dont elle n’est qu’une simple modification ; elle est seulement un peu plus lente à établir. $ VI. — Taille d'un jeune pêcher. On peut garnir un espalier, soit de pêchers tout greffés pris dans la pépinière, soit de sau- vageons de pêcher, de prunier ou d’amandier. Les raisons qui peuvent déterminer le choix HORTICULTURE, TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUÏTIERS. Fig. 247. A ru pour une plantation neuve seront exposées ail- leurs (voir Jardin fruitier). Lorsqu'on plante en espalier des sauvageons qu’on se propose de greffer l'année suivante, il importe de ne pas les négliger pendant cette première année, qui doit avoir une influence décisive sur leur végé- tation ultérieure. Après les avoir rabattus à la hauteur de Om,30 à 0m,35 au-dessus du sol, la face de la coupe étant tournée vers le mur, on doit s'appliquer à favoriser la croissance de la flèche ou tige principale, et celle de quatre bour- geons latéraux, deux de chaque côté, de facon a ce que le sujet, à la fin de l'automne de sa premiére année, offre à peu près la forme re- présentée fig. 248. Ces bourgeons ne contri- bueront point à former le pêcher, puisqu'ils doivent être supprimés après la reprise de la greffe; ils n’en seront pas moins soignés et sur- veillés de manière à maintenir entre eux le plus parfait équilibre de végétation. Il ne faut pas oublier les racines, dont l'accroissement sou- terrain suit celui des diverses parties extérieu- res du jeune arbre; si le jardinier laisse les bourgeons du sauvageon s’emporter d’un côté, les racines chargées de le nourrir croîtront de ce côté dans la même proportion. Quand le sujet sera greffé, ce côté, pourvu de racines plus fortes que celles de l’autre, tendra toujours à le dépasser, ce qui rendra l’égale distribution de la sève entre eux très difficile à établir. Si l’on se propose de conduire le pêcher en cordons sur une seule tige, il recevra au mois d’août un seul écusson; il lui en faut deux, un de chaque côté, pour toutes les autres formes. Les pousses des deux écussons seront maintenues I, V. — 16 106 dans la plus parfaite égalité ; le pincement, l’é- bourgeonnement, le palissage seront employés a cet effet, selon le besoin : l’avenir du sujet en dé- pend. Les veux les plus importants des rameaux obtenus des deux greffes sont ceux de leur partie inférieure, quidoivent, l’annéed’ensuite, fournir les éléments de la charpente de Parbre; il est essentiel que ces yeux ne s'ouvrent pas avant le temps. Lorsqu'on ne donne pas assez d’at- tention à la conduite du pêcher pendant la pre- mière année après la greffe, il arrive assez sou- vent qu'une des deux branches attire à elle toute la sève, et laisse l’autre dans un état de végétation faible et languissant. C’est un incon- vénient contre lequel il faut se tenir en garde, car le mal est sans remède à cet âge du pêcher ; on ne peut que supprimer la branche faible, re- dresser l’autre, et la rabattre sur deux yeux pour recommencer la charpente; c’est une an- née perdue pour la croissance du pêcher. Les soins et la taille que réclame le pêcher pour prendre la forme d’un V ouvert (fig. 242), sont les mêmes pour la conduite à la Dumou- tier et sous forme carrée pendant les premières années de sa croissance. Après avoir supprimé le chicot A (fig. 249) et recouvert la plaie avec de l’onguent de Saint-Fiacre ou de la cire à greffer, il est temps de tailler les deux branches-mères dans le but de faire développer les yeux qui doivent continuer leur prolongement. Il serait possible, à la rigueur, de ne pas les tailler du tout ; il y a des jardiniers qui n’y touchent ja- mais, et qui les laissent s’allonger en toute li- berté. Par cette méthode, les deux branches- mères et les membres qui doivent sortir de ces branches parviennent très promptement à la longueur qu’ils doivent avoir ; mais ils restent grêles, effilés, peu garnis de branches à fruit pendant plusieurs années. Le premier fruit est moins beau que celui des pêchers soumis à la taille. Tels sont les défauts de cette méthode : en voici les avantages. La sève, livrée à elle- même, allonge outre mesure les branches-mères etles memres du pêcher ; mais bientôt elle se modère d'elle-même ; le pêcher cesse pour ainsi dire de s’allonger par ses extrémités; la char- pente grossit, lesbranches à fruit se multiplient ; le fruit devient plus abondant et de meilleure qua- lité. Au total, on n’a éprouvé qu'un retard dont on est dédommagé. Les principes précédem- ment énoncés pour la taille trouvent d’ailleurs leur application sur les branches à fruit; lar- bre se gouverne par le pincement, l’ébourgeon- nement et le palissage, selon la méthode or- dinaire. Si au lieu de laisser croître en liberté les bourgeons de prolongement, on se décide à les tailler, comme on le fait presque toujours, il faut donner une grande attention aux yeux sur lesquels on les rabat. La longueur de la taille ne peut être fixée avec précision ; elle peut va- rier de 0,40 à 0m,50. Il ne faut pas craindre de tailler un peu plus court quand, parce moyen, on peut rabattre sur deux veux bien placés et d’égale force de chaque côté ; les yeux de de- HORTICULTURE. Ï LIVRE VIII. vant de la branche sont les meilleurs ; s’il ne s’en trouve pas deux qui se correspondent, on taille sur deux yeux de dessous. Le jeune arbre se trouve alors dans l’état que représente la fig. 250. Plus tard, on pince les bourgeons nés des yeux antérieurs et postérieurs, pour ne laisser croître que les yeux latéraux, encore est-il nécessaire de les maintenir soigneuse- ment dans de justes bornes par le pincement et le palissage. Parmi les bourgeons à naître de ces veux, on favorise de préférence les deux bourgeons correspondants (A À, fig. 251), dont 251. Fig. 252, chacun doit commencer un des membres in- férieurs de la charpente. Ni ces membres, ni les branches-mères ne doivent être dans l’origine palissés à la place qu'ils occuperont plus tard ; on aide à leur prompt accroissement en les palissant le plus près possible de la ligne verticale; ce n’est que successivement qu’on écarte ces branches les années suivantes, mais toujours sans les faire dévier de la ligne droite. Les coudes formés par la taille des branches de prolongement disparaissent d'eux-mêmes quand on a soin de tenir les jeunes pousses palissées, sans toutefois trop les contraindre ; autrement elles se tordraient pour se porter en avant, et elles resteraient déformées pour teujours. Le pêcher, deux ans après avoir été greflé, aura, comme le représente la fig. 252, deux branches- mères déjà fortes, AA, et deux mem- bres inférieurs bien développés, BB. Si la végé- tation de la première année a été bien dirigée, les deux côtés de arbre devront offrir la plus parfaite égalité, la symétrie la plus régulière ; le nombre des pousses produites par les yeux des branches-mères, et celui des bourgeons an- ticipés nés sur les deux membres, devront se balancer exactement ; la principale cicatrice e doit avoir disparu. | La taille de cette année diffère essentielle- ment de celle de année précédente. Après avoir raccourci les branches de prolongement selon leur force, toujours dans le but de les maintenir aussi égales que possible, on s’occupera prin- cipalement des bourgeons anticipés de la der- nière pousse; ce sont eux qui doivent com- mencer à fournir des branches à fruit. Dans ce but, on les rabat sur un, deux ou trois yeux, selon leur vigueur et leur position, en obser- vant qu’il faut toujours laisser plus d’yeux aux TITRE III. qu'aux bourgeons b b b b dela partie supérieure. Cette taille se nomme taille en crochet, parce que les bourgeons rabattus près de leur talon forment en effet une sorte de crochet ; ce sont les yeux laissés sur ces crochets qui deviendront les branches destinées à porter les premiers fruits. On ne laissera jamais subsister sur les bour - geons de l’année deux bourgeons anticipés pla- cés en regard lun de l’autre; c’est une loi gé- nérale qui s'applique à toutes les productions fruitières du pêcher; les branches à fruitdoivent alterner le plus régulièrement possible sur les branches principales, sans jamais être opposées l’une à l’autre. Tout bourgeon qui menace de s’emporter, soit en dedans du V formé par les deux bran- ches-mères, soit au dehors ou sur les membres inférieurs, doit être pincé ou rogné dès qu’on s’en aperçoit. L'arbre parvenu à la troisième année après la greffe, s’il doit être conduit en V ouvert sur deux membres de chaque côté, n’a plus besoin que d’être continué selon les mêmes principes. S'il doit recevoir la forme carrée (fig. 244), on fera naître et développer complétement les membres inférieurs avant de laisser croître aucun de ceux qui doivent remplir intérieur du V. Parmi ceux-ci, les membres AA, qu’on ne peut se dispenser de laisser croître dans une situation verticale, seront formés les derniers de tous, afin que la supériorité de force acquise par les autres parties de la charpente y attire la sève et empêche les branches verticales de s’em- porter, ce qui cependant aura toujours lieu, plus ou moins, en dépit de toutes les précautions. La forme à la Dumoutier (fig. 243), qui ne peut être complète qu'au bout de neuf ans, s'obtient par la taille dirigée d’après les mêmes errements; le point principal consiste à bien choisir la place où doit commencer chaque bi- furcation, afin d’y favoriser le développement d’un bon œil par tous les procédés ci-dessus in- diqués, au moyen du pincement et du palissage. Pour donner au pêcher la forme en eordons (fig. 245), on peut, comme pour toutes les autres formes, s'abstenir de tailler et laisser le jet de la greffe s'allonger à sa fantaisie. La hau- teur à laquelle chacun des cordons doit être établi étant d'avance déterminée, à mesure que Varbre avance en âge, on réserve un bon œil pour former successivement chaque cordon, TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. bourgeons a a a a du bas de l’arbre (fig. 253), Fig. 253. 107 en se conformant du reste aux principes que nous avons exposés. Si l’on se décide pour la taille de la pousse terminale, il faut la rabattre sur un bon œil, à 0,50 de terre: l'œil placé immédiatement au-dessous de celui qui, par cette taille, sera devenu l'œil terminal, sera ré- servé pour former le premier cordon à droite. Les autres cordons s’obtiendront de bourgeons nés à quelque distance au-dessous de l'œil ter- minal ou de prolongement, afin que ces deux pousses ne Soient pas obligées de se disputer, pour ainsi dire, la sève dont elles ont besoin. Nous ne saurions approuver le conseil donné par plusieurs auteurs de suppléer par des écus- sons au défaut d’un œil bien placé, pour en ob- tenir un cordon; tout jardinier attentif à pro- fiter des ressources que présente la végétation d’un arbre bien portant saura toujours bien maîtriser celle du pêcher, de manière à faire développer un bon œil à la place où le cordon doit être établi ; en supposant qu'il dût y avoir une différence de distance de quelques centi- mètres d’un cordon à l’autre, un dérangement aussi léger dans la symétrie ne serait point à comparer avec les mauvaises chances d’une grefle, qui, si elle manque, fait perdre un an tout entier pour la formation d’un cordon, et dérange l’économie de la végétation dans tout le pêcher. Les yeux pour les bourgeons de prolonge- ment des cordons sont toujours choisis, autant que possible, sur le devant des tiges. La taille des branches-crochets suit sa marche régulière, comme pour les pêchers conduits sous toute autre forme ; rien ne sera négligé pour provo- quer de la part des bourgeons inférieurs des cordons une végétation égale à celle des bour- geons supérieurs des mêmes branches, toujours disposés à attirer la sève de leur côté, au détri- ment des autres. On aura soin, une fois l'arbre formé, d’entretenir le long de la tige princi- pale (fig. 245) quelques branches à fruit dans l'intervalle d’un cordon à l’autre. Si, par acci- dent ou maladie, les pêchers voisins DD, dont les cordons alternent avec ceux de l'arbre A, venaient à périr, il serait facile de faire ouvrir sur chacune des branches à fruit réservées un bon œil à bois. sur lequel on la rabattrait pour former un cordon supplémentaire ; l'arbre alors deviendrait tel que le représente la fig. 254. Fig. 254. TrOERART Dans la fig. 245, nous avons, à dessein, 108 indiqué seulement la place des cordons fournis par les arbres DD, afin de rendre plus saisis- sable à l'œil l’ensemble de la forme de l'arbre A. C’est par le même motif que, dans les autres figures relatives à la taille et à la conduite du pêcher, nous avons représenté les branches à fruit moins rapprochées qu’elles ne doivent l'être en réalité ; le but de ces figures est moins de calquer la nature avec une exactitude ri- goureuse que de rendre claire et sensible la dis- position des branches les unes par rapport aux autres. La taille et la conduite du pêcher en pal- mette, sur double tige (fig. 246), est, pendant les deux premières années, celle du pêcher en Y ouvert, avec cette seule différence qu’on n’incline les branches-mères ni à droite ni à gauche; la très petite largeur, de 0,30 à Om,40, qu’on laisse entre elles, est remplie dans la suite par des branches à fruit. Les membres de droite et de gauche s’établissent à 0m,45 ou Om,50 de distance l’un de l’autre, à mesure que l'arbre grandit. Il vaut mieux supporter une légère perte de surface dans le haut et le bas de l’espalier, que de donner aux membres du pêcher une position trop rapprochée de la ligne horizontale; l’'inclinaison, telle que nous l'avons représentée sur la figure 246, nous pa- rait préférable à un angle par trop ouvert, qui reproduit en partie les inconvénients de la taille en cordons, quant au défaut de vigueur des bourgeons situés à la partie inférieure des principaux membres de la charpente. Pour obtenir la forme en U (fig. 247), la di- rection est la même, sauf le coude que forment les deux branches-mères. Dans tous les cas, il ne faut jamais laisser entre les branches de l'U -plus d’espace que ne peuvent en recouvrir des branches à fruit de vigueur moyenne dirigées comme le montre cette figure. Lorsque PU est trop large, on est obligé, pour garnir le vide intérieur, de donner aux branches à fruit une direction trop près de la ligne horizontale, ce qui nuit à leur végétation et, par suite, à labon- dance du fruit ainsi qu’à sa qualité. $ VUIT. — Rajeunissement d’un vieux pêcher. Dans les jardins dont les produits sont des- tinés au marché, la vie du pêcher en espalier n’est jamais bien longue; tant qu’il vit, on lui demande tout ce qu’il peut produire ; il est donc promptement ruiné, et ruiné sans ressources. Aussi, loin de perdre du temps à essayer de profiter de quelques branches gourmandes pour refaire un arbre en cet état, vaut-il beau- coup mieux le sacrifier et en planter un nou- veau, en ayant soin de renouveler la terre dans laquelle il doit végéter. Il n’en est pas de même dans le jardin d’un amateur qui tient souvent et avec raison à conserver un vieil arbre dont le fruit a gagné en qualité avec l’âge, avantage dont on n’est pas dédommage par l’abondance du fruit quand le bénéfice n’est pas le but prin- cipal de la culture. Il cherche à prolonger l'existence du pêcher épuise, cn provoquant, HORTICULTURE. LIVRE VIII, par des ravalements sur un bourgeon inférieur disposé à s’emporter, la naissance d’une bran- che gourmande, qui devient promptement une pièce fondamentale de la charpente rajeunie. Si l’on tient à la durée de ces nouveiles bran- ches, refaites sur un vieux pêcher, il faut, sur- tout durant les premières années, les ménager par une taille courte des branches à fruit, et supprimer même une partie du fruit noué pour ne laisser qu’une demi-récolte; nous avons vu des arbres ainsi réparés et ménagés durer au- tant que de jeunes plantations. $ IX. — Pècher en plein vent. Les fruits du pêcher en plein vent sous le climat de Paris ont si peu de valeur qu’on n’en prend aucun soin; les arbres qui sont des su- Jets de noyau non greffés ne sont jamais tail- lés ; à peine les débarrasse-t-on du bois mort. Une culture mieux entendue dans les localités bien abritées pourrait faire produire des fruits excellents au pêcher en plein vent (voir Jardin fruitier). 11 faut dans ce but greffer le pêcher sur franc, à 0,50 ou 0m,60 de terre, le main- tenir bas sur sa tige, et l’éclaircir par l’élagage des branches intérieures qui font confusion. Des plantations de ce genre, établies à l'abri d’un rideau de thuyas ou de cyprès, les arbres étant conduits en vase sur quatre branches, bien dégagés au centre et traités de facon à empêcher une des branches de s’emporter aux dépens des autres, durent de 40 à 50 ans et DEOVERE donner constamment d’abondantes ré- coltes. SEcrION II, — Taille et conduile de la vigne. $ 1°, — Végétation naturelle de la vigne. Les principes qui dirigent la taille et la con- duite de la vigne offrent la plus grande analo- gie avec ceux que nous venons d'exposer pour la taille et la conduite du pêcher; cette considé- ration basée sur la pratique nous engage à placer ici les préceptes de l’art de diriger les treilles, uoique dans l’ordre naturel il eût fallu traiter date de l’abricotier, du prunier et des au- tres arbres à fruits à novau. C’est qu’en effet, pour celui qui comprend bien la conduite et la taille du pêcher en espalier, l’application des mêmes principes à la formation d’une treille n'offre plus aucune difficulté (pour la vigne en grande culture, voir t. II, p. 95). La taille de la vigne conduite en espalier dans le but d'obtenir du raisin de table a cela de commun avec celle du pêcher que, dans l’une comme dans l’autre, le problème à résoudre consiste à faire développer sur la partie infé- rieure de la branche à fruit le bourgeon destiné à la remplacer. Considérons, ainsi que nous l’avons fait pour le pêcher, le mode particulier de végétation propre à la vigne. Un fait principal domine tous les autres, c’est la formation simultanée du fruit et du bois qui le porte. Sur tous les arbres à fruit (la vigne exceptée), la branche existe an TITRE EH}; d’abord, issue d’un œil désigné sous le nom d'œil à bois; puis, sur cette branche naissent des yeux, les uns à bois, les autres à fruit. Ces derniers se rencontrent, soit sur du bois de la dernière sève, soit sur du vieux bois; mais tou- jours la branche à fruit préexiste à tout bouton à fleur, à toute production fruitière. Dans la vigne, le même œil est en même temps à bois et à fruit. L’œil de la vigne, connu dans toute la France sous le nom de bourre, à cause de l’es- pèce de duvet qui le recouvre à l'extérieur, contient toujours ensemble bois et fruit. Il n’y a de raisin que sur le bois de l’année; au ré- veil de la végétation, la grappe et le sarment qui doit la porter poussent ensemble. Quand la sève est trop abondante, elle s’épanche en en- tier à former du bois; dans ce cas, les jeunes grappes naissantes ou lames avortent; elles tournent en vrilles ou longs filaments qui s’ac- crochent à tous les corps environnants, et aident la vigne à grimper partout où elle trouve un point d'appui. Il n’est pas rare dans le midi de la France de voir ainsi des sarments de vi- gne s’emporter et croître en quelques mois de 7 a 8 mètres; ils sont alors presque toujours sté- riles, ou bien le peu de raisin qu'ils portent est de mauvaise qualité. Tous les yeux d’une vigne bien taillée s’ouvrent au printemps ; les yeux du talon ne restent endormis que sur les sarments mal taillés, ou sur ceux qui ne l’ont pas été du tout. La bourre n’est jamais solitaire ; elle a pour accompagnement obligé le sous-œil, soit simple, soit double, ressource qui semble mé- nagée par la nature pour le cas où la bourre au- rait péri par une gelée de printemps ; le sous- œil la remplace alors, et souvent avec avan- tage; parti plus tard que la bourre, il n’a pu être atteint par le froid ; c’est ce qui explique l'abondance d’une récolte de raisin après une gelée qui a détruit les bourres, phénomène dont nos vignobles offrent de fréquents exem- ples. Notons encore un fait qui découle en quel- que sorte du premier, que nous avons signalé ; le raisin ne peut atteindre sa parfaite maturité tant que le bois qui le porte n’est qu’imparfai- tement aoûté ; le bois et le raisin, comme disent les vignerons, mürissent ensemble; si le bois n'est pas mür, le raisin ne peut mürir. L’exa- men de ces faits jette un grand jour sur le mode de culture et de direction le mieux approprié à la vigne; à considérer le mode de vegétation de la vigne, on voit que, livrée à elle-même, elle ne produirait rien ou presque rien, les soins de l’homme lui sont indispensables ; elle l'en récompense largement. Faire croître et mürir de bonne heure le bois pour que le raisin arrive a maturité avant la mauvaise saison ; empêcher un excès de force végétative de détourner la sève du raisin au profit exclusif du bois; tels sont les deux points principaux que le jardinier ne doit pas perdre de vue, et qui doivent le guider dans la manière de conduire la vigne en espalier. C’est pour avoir parfaitement connu et apprecié ces faits, et pour y avoir conformé TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 109 leur méthode, que les jardiniers de Thomery sont parvenus à produire un raisin sans égal en France comme raisin de table. Ni l'air, ni l'exposition, ni le sol n’ont dans tout le canton qui produit le chasselas dit de Fontainebleau, rien de particulièrement favorable à la culture de la vigne en treille; partout ailleurs, les mêmes soins produiraient sans doute les mêmes résultats. Le but de la culture de la vigne en espalier n’est pas d’avoir le plus de raisin pos- sible, d’une manière absolue, mais le plus pos- sible de bon raisin; ni le jardinier qui vend ses produits, ni le jardinier amateur n’ontintérêt à sacrifier la qualité à la quantité, puisqu'un kilogramme de bon raisin en vaut deux ou trois de raisin médiocre. $ 11. — Multiplication de la vigne Les diverses variétés de vigne ne se repro- duisent pas identiques par leurs pepins ; il est probable que des semis répétés et suivis avec persévérance donneraient, par les croisements hybrides, des variétés précieuses propres à rem- placer une partie de celles que nous cultivons pour la table, et surtout à permettre à la culture de la vigne entreille de s'étendre aux contrées qui, comme le nord de la France et une partie de la Belgique, ne connaissent en fait de raisin que du verjus, faute de posséder des variétés à la fois honnes et précoces, car nos raisins très pré- coces sont de qualité médiocre. Un des plus honorables soutiens de l’horticulture en France, M. Vibert (de Maine-et-Loire), a commencé à ce sujet des expériences dont le succès est dé- siré par tous les jardiniers et tous les vigne- rons. On élève rarement la vigne en pépinière, a moins que ce ne soit dans le but de former des collections. Une bonne manière d'établir une plantation en espalier, c’est de planter des bou- tures de bonne espèce ; les plants enracinés ob- tenus de marcotte donnent une jouissance plus prompte. $ III. — Choix et préparation du terrain : plantations, Une terre à la fois fraiche et fertile donne à la vigne une rapidité de croissance, un kxe de végétation, une abondance de produits, dont aucune autre plante cultivée n’approche; mais le raisin est sans saveur. S'il appartient à une variété recherchée, il perd les qualités recom- mandables de cette variété. La vraie terre à raisin doit être parfaitement égouttée, propre à retenir, non pas l'humidité, mais la chaleur. Lorsqu'elle est froide et compacte, il faut l’a- mender avec du sable, de la terre sablonneuse et quelques plâtras concassés avant d’y planter la vigne au pied de l’espalier. On choisit pour boutures des sarments de 0,60 à Om,80 de longueur, en leur laissant au talon une crossette de bois de deux ans. La longueur des sarments plantés n’est point, au reste, ce qui importe le plus; ils peuvent par- faitement reprendre avec deux ou trois yeux seulement en terre, pourvu qu'ils aient deux 110 bons yeux hors de terre. Il n’est pas non plus nécessaire de les enfoncer verticalement dans le sol : il suffit de les étendre dans une rigole de 0m,25 à Om,30 de profondeur, pourvu que le sol ait été profondément défoncé, et que les racines, à mesure qu’elles prennent naissance à la place des yeux enterrés, puissent s’étendre en liberté dans un sol de qualité convenable. Sous le climat de Paris, les boutures de vigne se mettent en place au mois de mars, mieux à la fin qu'au commencement. Les accidents heu- reux que peut présenter un cep de vigne en particulier, quant à la grosseur ou à la préco- cité du raisin, se perpétuent par ses boutures ; le choix des sujets est done de la plus grande importance. On greffe aussi la vigne pour que la jouissance ne soit pas interrompue. Lors- qu’un cep a été greffé à l’espalier, il faut tenir la greffe soigneusement couverte pour qu’elle puisse résister aux effets pernicieux de l’éva- poration et de la chaleur. | On plante presque partout la vigne au pied de l’espalier comme tout autre arbre à fruit; la méthode de Thomery réunit tant d'avantages sur cette routine, que nous croyons devoir la décrire en détail Les boutures ne se placent pas au pied du mur, mais à {",32 en avant du mur, dans la plate-bande. On ouvre à cet effet une rigole (A, fig. 256 ) de 0",50 de large sur Fig. 256. A eo Li RE ju NU EE L à U : ct 7 À 1. Le SC nr, À 2 DM) ZT = He PA en se Om,30 de profondeur. C’est dans cette rigole que se placent les boutures, parallèlement au pied de la muraille, de sorte que, pour faire arri- ver la bouture B sur le point C du mur d’espa- lier, il faut laisser sortir son extrémité supé- rieure vis-à-vis de ce point dont elle est éloi- gnée de 1” à 1mM,32 au moment de sa mise en : place. On se gardera de combler entièrement la rigole À ; il suffit que les boutures y soient recouvertes de 0m,15 de terre mêlée de fumier bien consommé. Si cette rigole était entière- ment remplie, il se formerait nécessairement des racines vers le point D de la bouture B. Mais lorsqu’au bout de trois ans cette bouture aura fourni un sarment propre à être conduit vers le mur au point C, il faudra ouvrir une seconde rigole à angle droit avec la première, allant directement du pied de la bouture vers la muraille, pour étendre le sarment dans cette rigole en laissant sortir seulement son extré- mité supérieure. Il ne faut donc pas qu’à cette époque il se trouve des racines en D, ce qui empêcherait le recouchage du sarment dans le sens selon lequel il doit être conduit; telles sont HORTICULTURE. LIVRE VIII les raisons pour lesquelles on ne comble qu’à moitié la rigole A, quand elle a reçu les bou- tures de vigne. La plantation des boutures doit être calculée de manière à ce que les ceps arrivés au mur y soient à 0,55 lun de l’autre, si le mur est assez élevé pour recevoir cinq rangs de cor- dons, et à 0m,66 si l’on n’en peut placer que quatre, ou un moins grand nombre. Il peut ar- river que la nature du sol ne permette pas de planter les ceps aussi près les uns des autres; dans ce cas, on peut doubler les distances in- diquées, et planter de la même manière, dans les intervalles, un nombre égal de ceps, mais de l’autre côté de la muraille. Les sarments destinés à garnir le mur du côté le mieux ex- posé seront introduits par des trous ouverts pour leur livrer passage, et le mur se trouvera complétement couvert. Ce rapprochement des ceps, qui force leurs racines à se mêler, pour ainsi dire, les unes dans les autres, n’est possible qu’autant que des engrais appropriés à la na- ture de la vigne lui fournissent tous les ans une nourriture substantielle. La vigne ainsi plantée ne s’emporte jamais; sa végétation annuelle commence et finit de très bonne heure ; ajou- tez-y l’applicaiion raisonnée d’une taille réglée sur le principe de légale distribution de la sève dans toutes les parties de la vigne, vous aurez Fexplication de la supériorité des pro- duits des treilles de Thomery, produits qui ne sont égalés nulle part ailleurs, mais qui peu- vent l’être en se conformant aux mêmes prin- cipes. ‘ On ne peut raisonnablement objecter à ce mode de plantation que letemps qu’il fait perdre. Evidemment un locataire, à moins qu’il n’ait un très long bail, ne peut trouver son compte à établir une treille qui commencera seulement à couvrir le mur au moment où il se trouvera menacé d’avoir un successeur ; mais le proprié- taire sur qui ce motif n’a pas de prise ne doit pas craindre de retarder ses premières récoltes pour suivre une méthode qui lui fera ample- ment regagner le temps perdu. On voit (fig. 257) ï = ji la disposition des racines d’un.cep tout formé, palissé sur l’espalier. $ IV. — Formation de la tige et des cordons. La vigne n’arrive au piedde l’espalier qu’a- près trois années de culture, quand ce sont des boutures, et deux années quand ce sont des marcottes ; elle y arrive sous forme de provin à l’époque où elle esc en état de montrer son à TITRE HI. premier fruit. Le provin est taillé sur trois ou quatre veux dont chacun peut porter fruit. Il serait imprüudent de laisser subsister toutes les grappes qui s’y montrent pour la première fois ; ce serait fatiguer le cep et compromettre son avenir; on en retranche plus ou moins, selon - la force du sujet à l’époque où les grains de raisin ont acquis la grosseur d’un pois. Quand la vendange est précoce, on peut tail- ler immédiatement après l’enlèvement du rai- sin ; dans le cas contraire, on remet cette opé- ration au mois de février de l’année suivante, TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. ce qui est préférable sous le climat de Paris : c’est une règle générale à laquelle on doit se conformer durant toute l'existence de la vigne. On ne profitera pas, pour l'allongement de la tige, de toute sa croissance de l’année ; on la rabattra au contraire le plus près possible de la naissance de son bourgeon inférieur. Pendant la végétation de l’année suivante, on se gar- dera bien de supprimer les yeux qui naïtront le long de la tige, dans le but de favoriser ex- clusivement sa croissance en hauteur ; le bois de la vigne ne devient robuste qu’en raison des bourgeons qu’on lui laisse pour y retenir une partie de la sève ; ces bourgeons ne nuisent en rien au bourgeon de prolongement de la tige, pourvu qu’on les empêche de s’emporter, et rien n’est plus facile au moyen de plusieurs pin- cements répétés selon le besoin. À la fin de la 111 seconde année après l’arrivée du cep au pied de l'espalier, on peut commencer à préparer le premièr cordon au moyen d’un bourgeon dou- ble qui donne deux sarments à diriger en sens contraire à une hauteur déterminée d’avance sur le mur. Le premier cordon inférieur s’éta- blit ordinairement à 0m ,32 de hauteur. Quelque fois, à défaut d’un bourgeon convenable, l’opé- ration se trouve encore retardée d’une année ; on rabat sur l'œil qui se trouve le plus rappro- ché au-dessous de la hauteur à laquelle le cor- don doit être établi; cette taille ne manque ja- mais de provoquer la naissance des deux bour- geons dont on a besoin. . Les tiges des autres ceps se taillent d’après le même principe, sur l’œil le plus près de la hauteur où doit commencer le cordon ; mais, au lieu de laisser chacune de ces tiges grandir en liberté et parvenir d’un seul jet à la place que son cordon doit occuper, on aura soin de ne l'y laisser arriver que peu à peu. Le temps que les ceps mettront à faire ce trajet ne sera pas entièrement perdu ; chacun d’eux portera tous les ans une quantité modérée de très beau rai- sin. Les bras ou cordons seront formés avec la même prudence; ils mettront toujours plu- sieurs années à atteindre la totalité de leur longueur, qui ne dépassera pas 1m,32 de cha- que côté, de sorte que, quand les quatre cor- dons seront établis, is offriront l'aspect repré- Fig. 258. SEPT | il ; san 12 Hs RU Re ue VE D à" S "2 72" 2" l'A A "27202 SNS DIS DS: ni —— | IESERTRTSISUSENE | Re CS M A LVL Le a — EE ; tt 1 v# LL} GA À F0 VONN EE | nt Hi | È , Eh EE nd | | | — Î | senté figure 258. Pour éviter la confusion et rendre leur position relative plus facile à sai- sir, nous avons €ru devoir ne représenter qu’un cep de chaque cordon; on se figurera facile- ment l’espalier entièrement couvert de cordons semblables. On ne conservera pas la totalité des bour- geons à demi formés; on réservera seulement, sur le dessus du cordon, un certain nombre d'yeux, de manière à ce qu’ils soient à peu près régulièrement espacés entre eux de Om,16 à 0,20 tout le long du cordon. Les autres se- ront ménagés pour attirer la sève sur le cor- don et fortifier autant que possible cette partie essentielle du cep ; on les arrêtera successive- ment par des pincementsréitérés, pour finir par les supprimer entièrement. Les bourgeons con- servés, rabattus chaque année comme des bran- ”" RL . REINE ZEIN 9) Hot PAU bee à LL . . ET Us Dane . ches fruitières de pêcher, sur un œil de rem- placement, deviendront ce que les jardiniers nomment des coursons. Au bout de quelques an- nées les coursons, auxquels on est obligé de laisser tous les ans un talon qui porte les bour- geons à fruit, espoir de la récolte suivante, se trouveraient assez allongés pour laisser entre eux et le cordon un vide aussi désagréable à la vue que préjudiciable à la production du raisin; l'attention du jardinier se portera sur Îes bour- geons adventifs qui sortent assez fréquemment du talon des coursons. En les rabattant sur ces bourgeons chaque fois que l’occasion s’en présente, on les rajeunit assez à temps pour prévenir leur allongement excessif. Réduite à ces principes, la taille de la vigne en espalier n’a plus rien de compliqué, rien de difficile. Tandis que, selon la méthode ordi- 112 naire, le jardinier doit rester en délibération, sa serpette à la main, avant d’avoir examiné comment il convient de tailler ou de conduire un sarment, cette hésitation n’est plus possible, par la méthode de Thomery; la besogne est toute tracée; il n°y a plus qu’une marche cer- taine et régulière à suivre, sans s’en écarter, pour atteindre le but de toute taille rationnelle, c'est-à-dire pour concilier la bonne qualité et l'abondance du fruit avec la conservation des ceps et l’égale répartition de la sève dans toutes leurs parties. Si, par cette méthode, lespalier de vigne est lent à se couvrir, il faut considé- rer qu'une fois établi, il n’en est point d'aussi productif, car les coursons se trouvent répartis avec une égalité parfaite sur les cordons qui couvrent le mur en entier, sans y laisser aucun vide. La méthode ordinaire donne plus tôt une pleine récolte et couvre plus tôt le mur; mais, comme on a laissé les cordons s'étendre à leur gré et s’allonger outre mesure, les coursons y sont dispersés çà et là; de grands espaces ne produisent rien; la sève se portant toujours aux extrémités, abandonne ou laisse languir les points intermédiaires; le cep ayant trop de branches, et par conséquent trop de fruits à ali- menter, ne peut jamais donner que des pro- duits médiocres; tant de désavantages font plus que compenser une légère perte de temps, il n'y a même pas lieu de discuter la supério- rité de la taille à la Thomery, elle est trop évi- dente. Quoique ces procédés soient connus et pratiqués depuis bien des années, il ne faut pas s'étonner qu’ils soient à peine sortis des trois ou quatre communes où se récolte le rai- sin vendu à Paris sous le nom de chasselas de Fontainebleau, puisque les jardiniers les plus éclairés, confirmés dans leur opinion par celle de plusieurs auteurs dignes à d’autres égards : de leur confiance, croyaient, et croient encore, cette manière de tailler et de conduire la vigne propre exclusivement à ce canton, dont le sol et l'exposition sont à leurs yeux les seules cau- ses réelles de la qualité supérieure de leur chas- selas. M. Lelieur a victoricusement combattu ce préjugé, qui doit finir par tomber devant des expériences après lesquelles le doute n’est plus permis. La contexture du bois de la vigne diffère es- sentiellement de celle du bois des autres arbres fruitiers; elle n’a presque pas d’aubier appa- rent ; le centre des sarments à retrancher cha- que année est occupé par un large canal mé- dullaire qui ne supporte pas le contact de l'air atmosphérique. Ainsi, tandis qu'une branche de pommier, par exemple, rabattue tout près d’un œil à bois, se prolonge par le développe- ment de cet œil, sans éprouver d'autre dom- mage qu'une plaie promptement cicatrisée quand la coupe a été bien faite, le sarment de la vigne, rabattu tout près desa bourre, meurt sur une certaine longueur et détermine la mort de la bourre elle-même. On voit combien il im- porte de laisser une distance suffisante entre la bourre et la coupe; cette distance peut être HORTICUÜULTURE. LIVRE VIII. sans inconvénient de 6",03, et ne doit pas être moindre de 0",02. Par ce moyen, si la coupe, faite avec le plus de soin. avec la lame la mieux affilée, ne peut empêcher le contact de la moelle et de l'atmosphère de faire mourir une longueur d’un et quelquefois deux centimètres du sarment, du moins la mort n'arrive pas jus- qu’à l'œil, et la végétation de la vigne n’en est pas troublée. $ V. — Ebourgeonnement, Les principes de l’ébourgeonnement de la vigne sont les mêmes que ceux de lébourgeon- nement du pécher; dans l’un comme dans l’autre de ces deux végétaux, on ne doit laisser de bourgeons que ce que le sujet peut raison- nablement en nourrir; on doit bien se garder surtout d'exiger de la vigne, par une avidité inconsidérée, des récoltes trop abondantes, prises aux dépens des récoltes à venir ; le déve- loppement des bourgeons de remplacement est, pour la vigne comme pour le pêcher, l’objet es- sentiel de l’ébourgeonnement. Cette opération doit être reprise à plusieurs fois, d’abord quand les bourgeons ont acquis une longueur de 0,15 à 0,20, puis, successivement, à mesure que l’état de la végétation en fait sentir le besoin. Les vignes taillées et conduites à la Thomery ont rarement besoin d’être ébourgeonnées; la sève est si également distribuée, et le nombre des bourres sur les coursons est en rapport si exact avec la vigueur de chaque cep, que l’é- quilibre se maintient de lui-même. Quand l’é- bourgeonnement est jugé nécessaire pour une vigne en espalier à la Thomery, on ne supprime jamais le bourgeon en totalité; on lui laisse un talon muni de sa dernière feuille ; ce talon ne se retranche qu’à la taille d'hiver. Indépen- damment des bourgeons, il naît dans l’aisselle des feuilles de petits sarments, qui sont, à pro- prement parler, les bourgeons anticipés de la vigne; les jardiniers les désignent sous le nom d'ailerons ou entre-feuilles; ils doivent être supprimés à mesure qu'ils se montrent. Dans les premiers temps de leur croissance, ils adhè- rent fort peu au sarment qui les porte; il suf- fit de les tirer de haut en bas pour les détacher. On surveille avec la même attention la crois- sance des vrilles ou longs filaments de la vigne qui, s'accrochant en spirale à toutes les bran- ches qu’ils peuvent atteindre, finiraient, s'ils étaient livrés à eux-mêmes, par faire de la vi- gne une masse végétale impénétrable. Ils ont, en outre, l'inconvénient beaucoup plus grave de détourner à leur profit la sève destinée à l'alimentation du raisin qu’ils exposent à cou- ler. Les vrilles de même que les bourgeons ne se suppriment pas au niveau de l'écorce; il est bon de leur laisser un talon de quelques milli- mètres de longueur. $ VI. — Pincement. Si l’on abandonnait à leur végétation natu- relle les bourgeons conservés sur une vigne ré- gulièrement conduite, ils nc tarderaient pas à SON TITRE III. s’allonger outre mesure; presque tous dépas- seraient en s’élevant vers le haut de l’espalier l’espace de 0"50 laissé entre chaque cordon ; ils iraient par conséquent s’entremêler dans les bourgeons du cordon immédiatement supérieur à celui auquel appartiennent les coursons qui les portent ; ils absorberaient plus de sève qu'il ne leur en revient; les yeux inférieurs, espoir de la récolte suivante, ne pourraient acquérir assez de vigueur pour devenir de bons bour- geons de remplacement : c’est à tous ces in- convénients qu’on remédie au moyen du pincement. L'usage des cultivateurs de Tho- mery est de compter les yeux à partir du bas du bourgeon, et de le pincer au huitième ou neuvième œil. Nous pensons que comme la dis- tance entre les yeux peut être fort variable et que leur nombre n’a ici aucune importance réelle, il vaut mieux prendre pour base l’al- longement des bourgeons et pincer uniformé- ment au niveau du cordon supérieur, c’est-à- dire à0,50, ceux qui dépassent cette longueur ; quant aux bourgeons qui se sont trouvés trop faibles pour s’allonger de 0",50. on les pince selon leur force, dans le but de favoriser les yeux de remplacement qu'ils portent à leur base. Le pincement produit encore un autre résultat non moins important; il permet de contenir les bourgeons situés aux extrémités des bras et disposés à s’emporter aux dépens des autres; il suffit de les pincer à plusieurs reprises pour que l'équilibre de la végétation ne soit point dérangé. On n’attend pas pour soumettre la vigne au pincement qu’elle soit arrivée au mur d’espalier, et qu’elle y ait pris la forme définitive représentée (/ig.257);on commence à la pincer au 12e ou 13e œil, dès la troisième année après qu’elle a subi l'opération du couchage. $ VIT. — Palissage. Cette opération n’a pas sur la végétation de la vigne la même influence que sur celle du pêcher; les sarments peuvent être in- clinés dans toutes les directions, sans que leur force ou leur fertilité en paraisse modifiée d’une manière appréciable; le palissage de la vigne n’exige donc que quelques précautions pour ne pas rompre les bourgeons, toujours assez fragiles tant que leur bois n’est pas com- plétement aoûté. SECTION III. — Taille et conduite de l'abricotier. $ LT, — Végétation naturelle, La végétation naturelle de l’abricotier offre avec celle du pêcher un contraste frappant. Tandis que le pêcher, livré à lui-même, se dé- pouille toujours du bas et pousse toute sa sève vers le haut de ses branches dont la partie in- férieure reste pour toujours nue et dégarnie, l'abricotier suit une marche inverse ; C’est tou- Jours par le sommet que meurent ses branches remplacées par le développement de leurs | bourgeons inférieurs, et cela, pour ainsi dire, | BORTICULTURK, TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 113 | à perpétuité, car la vie de l’abricotier est fort longue, surtout quand il est franc de pied ; nous Connaissons même dans quelques jardins des environs de Paris des abricotiers très vieux, encore vigoureux et productifs bien qu'ils soient greflés, et qu’ils n’aient jamais été tail- lés. Si l’on recherche avec soin la cause de ce phénomène, on remarque en premier lieu un fait très fréquent dans les années favorables : les yeux à bois des pousses de l’année s'ouvrent à la seconde sève ; ils poussent des jets toujours délicats en raison de l’époque tardive à laquelle ils se développent ; ces jets ne peuvent jamais mürir leur bois avant les premières gelées qui arrêtent la sève ; surpris par le froid dans un état encore herbacé, ils meurent et font mourir quelquefois jusqu’à la base la branche qui les porte; les yeux qui s'ouvrent à la base de cette branche ne manquent pas de la remplacer. L'observation de ce premier fait montre com- bien il serait absurde de donner pour base à la taille de l'abricotier les principes qui régissent celle du pêcher, la végétation de ces deux ar- bres étant essentiellement différente. On voit aussi par là vers quel but doit être dirigée la conduite générale de l’abricotier ; il s'agit prin- Cipalement de prévenir la végétation anticipée des yeux supérieurs du bourgeon de l’année, la mort fréquente de ces bourgeons n'ayant pas d'autre cause que la mort inévitable des jets imparfaitement aoûtés produits tardivement par les yeux voisins de leur pousse terminale. Les rameaux de l’abricotier, même quand ce développement prématuré des yeux supérieurs n'a pas eu lieu, meurent souvent par leur ex- trémité supérieure; c'est toujours par là que périssent les rameaux épuisés. Remarquons en- core comme un fait propre à la végétation de l'abricotier, que la mort des rameaux, quelle qu'en soit la cause, va toujours de haut en bas, et s'arrête plus difficilement que dans tout autre arbre fruitier; si la partie morte est retranchée seulement un peu trop court, la branche meurt au-dessous de la coupe. L’abricotier est de tous les arbres à fruits à noyau le plus sujet à la gomme, maladie qui trouble le cours de la vé- gétation et entrave la libre circulation de la sève; aussi la pousse de l’abricotier est-elle ex- cessivement capricieuse ; tantôt il donne des jets de 1,50, tantôt, sans cause apparente, il pousse péniblement des jets de quelques déci- mètres. Les faits que nous venons d’exposer doivent toujours être présents à la mémoire du jardi- nier; la taille et la conduite rationnelles de l’abricotier sont basées sur la connaissance de ces faits. $ IT. — Caractères des branches. Les branches de l’abricotier, considérées sous le rapport de la production du fruit, sont en même temps à fruit et à bois, c’est-à-dire que les yeux à bois y sont mèlés sans régularité | aux yeux à fruit; les uns et les autres, pris dans leur ensemble, sont disposés dans l’ordre J. V. — 15 114 alterne; ils reposent sur un support très sail- lant, surtout ceux qui appartiennent à la pousse terminale, comme on le voit sur la branche À ( fig. 259). Les yeux sur les bourgeons d’abri- Fig. 259. cotier sont toujours très rapprochés ; ils le sont surtout sur les petites lambourdes, productions fruitières représentées en B, même figure. On voit dans lune et l’autre de ces deux branches que les yeux à fruits sont tantôt simples, tantôt doubles ou multiples; les boutons de fleurs s’y forment intérieurement pendant le cours de la végétation annuelle pour s'ouvrir au printemps suivant. L'abondance excessive de la gomme dans l’a- bricotier le range dans la classe des arbres, qui, comme disent les jardiniers, n'aiment pas le | fer, et veulent êtretaillésle moins possible ; à l’ex- ception des branches qui meurent par accident ou maladie, il ne faut retrancher aucune grosse branche à l’abricotier ; le pincement et l’ébour- geonnement doivent suffire pour diriger la vé- gétation de l’abricotier de manière à ce qu'il ne soit jamais nécessaire de lui supprimer de grosses branches bien portantes; ies branches malades se retranchent le plus loin possible au-dessous de la partie endommagée; la plaie doit être immédiatement couverte d’onguent de Saint-Fiacre ou de cire à greffer; moins elle prend Pair, moins l’épanchement de la somme est à craindre, et mieux on obtient la cicatrisation. Ces suppressions ne doivent ja- mais se faire hors le temps du repos de la sève, l'abricotier veut être taillé de très bonne heure. Les branches à fruit de l’abricotier se taillent sur un de leurs yeux à bois inférieurs, qui de- vient leur bourgeon de remplacement ; il faut donner beaucoup d'attention à maintenir par la taille le plus parfait équilibre de végétation entre toutes les parties de Pabricotier. Lors- qu'au bout d’un certain nombre d'années les branches-mères d’un abricotier sont dégar- nies et épuisées, bien qu’elles n’offrent aucun signe de mort prochaine, l'arbre doit être re- cépé; il offre sur le pêcher cet avantage que tandis que le pêcher une fois épuisé n’est plus bon qu'à être remplacé, Pabricotier recépé donne toujours du jeune bôis, quel que soit son âge. On peut voir Fun des exemples les plus remarquables de ce rajeunissement per- pétuel de, Pabrieotier le long du mur en ter- rasse qui soutient la chaussée de Paris à Vin- cennes. Cette chaussée a été construite il y a plus d’un siècle ; les abricotiers dont elle est garnie au sud-ouest ont été plantés à la même énoque partout où les jardins n’ont pas été rempläcés par des constructions, ils subsistent encore ; tous ont été rajeunis bien des fois; il HORTICULTURE. LIVRE VIii. en est qui couvrent plus de 60 mètres carrés de surface et qui, en raison de l'exposition et de l'excellente qualité du sol, se chargent de fruits presque tous les ans. $ III. — Abricotier en espalier. Les auteurs les plus accrédités qui ont écrit sur la taille des arbres fruitiers sont unanimes pour rejeter l’abricotier parmi les arbres de plein-vent, et pour blâmer sa culture en espa- lier; nous ne saurions être de leur avis. Il est bien vrai, comme le dit avec raison M. Le- lieur, que l’abricot mürit rarement bien en espalier, et que même quand il y mürit le mieux, son fruit n’acquiert jamais le degré de saveur qu’il doit au contact de Pair dans toutes les directions sur les arbres en plein-vent ; ainsi l'amateur de fruits se contentera de quel- ques abricotiers en espalier, pris parmi les es- pèces les plus précoces. Mais le jardinier de profession regardera toujours la culture de Pa- bricotier en espalier comme l’une des plus pro- ductives qui puisse utiliser ses murs à bonne exposition. L’abricot manque autour de Paris d'une manière absolue; on en fait venir à grands frais du Bourbonnais et de l’Auvergne ; il n’est donc pas vrai, comme le dit le Bon Jar- dinier, que l’abricot ne mérite pas l'honneur de l'espalier. Sous le rapport du bénéfice, nous di- rons, nous, que pas un arbre fruitier, sans en excepter le pêcher, ne le mérite mieux que lui, puisque pas un n’est plus productif. Nous avons dû appeler sur ces considérations l'attention des jardiniers, et justifier d’avance les détails dans lesquels nous croyons utile d'entrer rela- tivement à la taille et à la conduite de l’abrico- tier en espalier. L’abricotier se plante ordinairement tout greffé, un an après avoir reçu la greffe. Les su- jets franes de pied lors qu’on les obtient de semis aussi bons et aussi productifs que les ar- bres greffés ou non dont ils proviennent, sont préférables aux sujets greffés. L'arbre, planté de bonne heure à l’arrière-saison, se taille de très bonne heure au printemps ; Pépoque ne peut être précisée; elle dépend entièrement de l’état de la végétation qui tient à l’état de la température; on se règle sur ce principe que l’abricotier doit être taillé avant la reprise de la végétation, dont il faut épier Îles premiers symptômes pour les aevancer. La première taille consiste à rabattre la tige à 0m,25 du sol. On surveille les bourgeons qui naissent et qui croissent en très peu de temps. Lorsqu'ils ont atteint une longueur de quelques centi- mètres, ce qui a lieu d'ordinaire en avril sous le climat de Paris, on arrête le choix des bour- geons à conserver pour établir la charpente de l'arbre: on les prend autant que possible vis-à- vis lun del’autre; lereste des bourgeons est sup- primé. Dès que l’un des deux parait plus ou moins fort que l’autre, il faut se hâter de re- courir au pincement ou au palissage pour con- server entre eux la plus parfaite égalité; il n°y a pas d’inconvénient, tant qu’ils se comportent TITRE III. bien, à les laisser croître en toute liberté. Au premier palissage on peut laisser les deux bourgeons dans leur position naturelle qui s’é- loigne peu de la verticale et qui laisse par con- séquent entre eux fort peu d'espace. Au printemps de l’année suivante, le chicot est rabattu au niveau de l'écorce; il s’agit en- suite de tailler les deux membres eommencés l’année précédente. Le but de cette taille doit être de faire ouvrir le plus d’yeux possible, afin de préparer en même temps la formation de la charpente et la mise à fruit de labricotier. Dans ce but, on laisse aux membres environ 0,"25 à partir de leur insertion sur le tronc ; la coupe doit être tournée vers le mur et re- couverte immédiatement comme nous l'avons recommandé. Les deux yeux qui s'ouvrent la- téralement le plus près de la coupe sont les plus importants pour le jardinier, puisque ce sont eux qui continuent la charpente ; on laisse subsister tous les autres, quel que soit leur nombre, à l'exception seulement de ceux qui sont placés en arrière, entre la branche et le cœur. Il n’est point à craindre que les bour- geons provenant de ces yeux s’emportent, si l’on a soin de favoriser la croissance des bour- geons de prolongement ; ceux-ci détourneront toujours à leur profit presque toute la sève ; ils deviendront avant la fin de la saison quatre membres bien formés ; il faut commencer à les éloigner dela verticale , mais avec modération. Les autres bourgeons seront devenus dans le même temps des branches à fruit, c’est-à-dire, que quelques boutons à fruit se seront formés parmi leurs yeux à bois, tandis que les bran- ches de prolongement n'auront que des yeux à bois. Les yeux antérieurs prennent naturelle- ment moins de croissance que les yeux laté- raux; leurs bourgeons s'arrêtent ordinaire- ment à 0,08 ou 0,10 de longueur; dans ce cas on les laisse tels qu’ils sont; ce sont eux qui porteront les premiers abricots. Les bour- geons provenant des veux latéraux sont pin- cés selon le besoin, afin de maintenir dans tou- tes les parties de l'arbre l'équilibre le plus par- fait possible. A la fin de la deuxième année après la mise en place à l’espalier, l'arbre doit présenter les dispositions que montre la fig. 260. Fig. 260. Les membres AA l'emportent de beaucoup en grosseur et en vigueur sur les autres produc- . tions de l’année; les branches latérales BB sont TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 115 | toutes plus où moins branches à fruit; les pe- tites branches antérieures DD sont chargées presque uniquement de boutons a fleur. La taille de l’année suivante se règle sur les mêmes principes; les quatre membres doivent être ra- battus chacun sur un bon œil à bois, autant que possible à la même hauteur, à0",50 ou même 0,60 de leur point de départ de l’année précé- dente. La longueur de cette taille doit être dé- terminée bien moins par la vigueur desmembres qui ont ordinairement plus de force qu’il ne leur en faut pour se prolonger, que par le nombre et la disposition des veux dont ils sont garnis. Ces yeux sont quelquefois assez éloignés les uns des autres dans ces jeunes branches; puis, si par une taille trop longue on en laisse un trop grand nombre, ils ne s'ouvrent pas tous; il en résulte alors des vides qu’on ne peut plus rem- plir. Il vaut beaucoup mieux retarder le plaisir de voir l'espalier promptement couvert, et ne laisser à la taille de la seconde année que le nombre d’yeux en rapport avec le développe- ment régulier du jeune arbre qui d’ailleurs se mettra d'autant plus vite a fruit qu’il sera moins forcé dans sa croissance. L’ébourgeon- nement devient cette année tout-à-fait indis- pensable à deux reprises différentes, la pre- mière à la fin d'avril, pour supprimer les bour- geons superflus ou mal placés, et la seconde au mois d'août, quand on peut juger l’action de la seconde sève sur les bourgeons anticipés. Les pincements se font en proportion du déve- loppement des bourgeons conservés; il y a des années où cette partie de la besogne du jardi- nier est presque nulle, et d’autres où elle exige de lui des soins continuels. On peut sans crainte laisser l’abricotier prendre de grandes dimen- sions; ses branches à fruit restent ordinaire- ment productives pendant six à huit ans; on a donc tout le temps de leur préparer des bran- ches de remplacement, à mesure qu’on prévoit leur décadence. Les vieux abricotiers recepés donnent souvent une quantité de bois dont on pourrait être embarrassé si l’on n’avait soin d’ébourgeonner à temps et de diriger la sève vers les rameaux destinés à lui créer une nou- velle charpente. Quoique moins souple que le pêcher, l'abricotier se prête cependant à beau- coup de formes différentes; la forme en éven- tail (fig. 261) est la plus usitée. On peut sans inconvénient laisser à l'abrico- 116 tier, au moment du palissage, un certain nombre de jets en avapt des branches principales, pourvu qu'ils ne dépassent pas 0” ,08 à 0,10; ce sont toujours ceux qui portent les: plus beaux et les meilleurs fruits; ils représen- tent tout à fait pour l’abricotier les bouquets du pêcher qui sont aussi sur cet arbre les pro- ductions fruitières les plus précieuses. Ces jets, tant qu'ils n’atteignent pas au-delà de la lon- gueur désignée ci-dessus, ne doivent point être taillés ; on ne taille pas davantage les lambour- des ou branches fruitières latérales qui s'arrêtent d’elles-mêmes à 0m,20 ou 0", 25 de longueur, les autres se taillent plus ou moins longues en raison de leur force relative et du nombre d'yeux à fleur dont on les voit chargées. On reproche à l’abricotier de se prêter mal à la conduite en espalier, parce qu'il se dégarnit promptement du bas et laisse de place en place des vides nombreux dépourvus de productions fruitières ; on peut juger par ce qui précède si ce reproche est mérité; on ne doit s’en pren- dre qu'à la négligence du jardinier lorsqu'un arbre aussi docile que l’abricotier, aussi prompt à rejeter du bois jeune et fertile partout où il est convenablement taillé, laisse des vides im- productifs sur le mur d’espalier. $ IV. — Abricotier en plein-vent, L’abricotier en plein-vent n’exige pas moins de soins que labricotier.en espalier, lorsqu'on veut en obtenir des récoltes abondantes et as- surer la longue durée dessujets. Après lavoir greffe à la hauteur de deux mètres, on lui forme, d’après les principes que nous venons d’expo- ser, quatre membres principaux dont on dirige la végétation par le pincement et l’'ébourgeon- nement. Pendant les deux ou trois premières années, il est bon de palisser ces branches au moyen d’un cerceau, afin de les maintenir à égales distances entre elles; on aura soin à la taille de ne pas laisser l’intérieur de la tête ainsi formée s’encombrer de branches super- flues; on préviendra la perte des branches épuisées en les rabattant dès que leur fertilité commencera à diminuer ; on surveillera toutes les productions fruitières pour leur ménager des branches de remplacement. L’abricotier en plein-vent se rajeunit et renouvelle sa charpente aussi facilement que l’abricotier en espalier ; il veut être débarrassé avec encore plus de soin des branches mortes ou malades, parce que la position presque verticale du jeune bois y rend la propagation du mal bien plus rapide que dans les branches de l’abricotier en espa- lier dont la position se rapproche toujours beaucoup plus de laligne horizontale. Dans les pays exposés aux vents violents, on conduit souvent l’abricotier en corbeille ou en vase, après l’avoir greffé tout près de terre. Dans ce cas, on le taille exactement comme nous ve- nons de l'indiquer pour l’abricotier en plein- vent à haute tige, en ayant soin seulement de ne pas lui laisser prendre un trop grand déve- loppement, afin qu’il puisse être plus facile- HORTICULTURE. LIVRE Vijf. ment protégé par une haie ou par un abri quelconque contre le vent dominant, seul but qu'on se propose d’atteindre en donnant cette forme à l’abricotier. SECTION IV. — Taille et conduite du prunier. $ 127. — Végélation naturelle, Si toutes les fleurs du prunier venaient à bien, l'arbre ne pourrait nourrir tous ses fruits, tant sa floraison est abondante; sa végétation naturelle offre cette particularité que les bou- tons à fleur s’y forment d'eux-mêmes sur toute la longueur des branches à fruit (fig. 262), Fi. 262. Le4 o° sans qu'il soit jamais nécessaire de provoquer par la taille le changement des yeux à bois en boutons à fruit, comme on le fait pour le poirier et le pommier, qui, sans cette pré- caution, seraient très peu productifs. Si l’on ajoute à cette propriété naturelle des yeux du prunier celle de former sans aucun secours ar- tificiel une tête gracieuse où les branches sont distribuées souvent avec autant de régularité que si le jardinier avait mis tout son savoir- faire à les disposer par le palissage, on doit en conclure que le prunier sous le double rapport de la production et de la forme, est dè tous nos arbres à fruit celui qui à le moins besoin d’être taillé. En effet, le prunier en plein-vent à haute tige, forme qu’on lui donne le plus souvent, ne se taille presque point. Le jardinier, après l’a- voir établi sur quatre membres, comme nous Pavons indiqué pour l’abricotier, peut le laisser aller ; iln’a plus qu’à le débarrasser du boismort, et à supprimer au besoin les bourgeons qui menaceraient de s’emporter en branches gour- mandes. Si la suppression d’une branche gour- mande ou la mort d’une bonne branche laisse un vide dans la tête du prunier, il suffit de tailler sur un bon œil à bois deux ou trois des bourgeons de l’année les plus voisins du vide à remplir; il en résultera des bifurcations qui ne tarderont point à produire l'effet désiré. $ II. — Prunier en espalier. * La prune, quelle que soit son espèce, mürit plustôt à l'espalier qu’en plein-vent; elle est sous ce rapport le contraire de l’abricot, qui pourtant offre avec la prune de nombreuses analogies. Les jardiniers de profession culti- vent peu la prune en espalier , ils trouvent un meilleur emploi de leurs murs bien exposés, en les garnissant de pêchers et d’abricotiers. Ce- pendant, on obtient un prix fort avantageux des belles prunes précoces récoltées sur les ar- bres en espalier : la reine-claude et la mirabelle sont les prunes les plus recherchées et les plus avantageuses pour le jardinier. L’amateur ne doit point dédaigner de leur consacrer une par- tie de ses murs au midi, s’il tient à les récolter nontodilll TITRE HI. de bonne heure, et au nord-ouest s'il veutpro- | longer sa jouissance. La conduite du prunier en espalier diffère peu de celle de l'abricotier ; | seulement . les branches à fruit étant en grand nombre sur le prunier en espalier, et | constituant presqu’à elles seules les productions fruitières, on peut sans inconvénient multiplier les membres plus que dans l’espalier d'abrico- tier, et. laisser conséquemment un peu moins d'intervalle entre elles. La fig. 263 montre la forme la plus convenable sous laquelle le pru- nier puisse être conduit en espalier ; C’est une forme en éventail un peu serré; on peut laisser prendre aux membres AA une longueur indé- finie, pourvu qu’on maintienne l’égalité de vé- gétation entre les deux côtés qui se correspon- dent. Les bouquets du pêcher sont, comme nous l’avons vu, terminés par un œil à bois qui ne donne que des feuilles et ne se prolonge pas; les bouquets du prunier bien qu’ils offrent exactement la même disposition, et que leur œil à bois terminal ne-s’ouvre d’abord qu’en feuilles, durent néanmoins plusieurs années, pendant lesquelles ils deviennent successive- ment des brindilles, puis des branches, qu’il est nécessaire de rabattre sur un œil à bois. Les productions fruitières du prunier sont fer- tiles comme celles de l’abricotier pendant six ou huit ans; on pourvoit à leur remplacement dès que leur fertilité diminue. Toute petite bran- che ou brindille B placée sur le devant d’une branche principale de l’espalier peut être con- vertie en un bouquet; il suffit pour cela de la rabattre très court; on la traite ensuite comme les autres bouquets formés naturellement. Le prunier se prête également bien à prendre à l’espalier la forme en palmette à tige simple (voir Pêcher, fig. 245), et en plein-vent la forme en quenouille ou pyramide (voir Poirier, fig. 278 ). Ces dernières formes sont celles sous les- quelles on conduit les pruniers nains élevés dans des pots et forcés dans la serre pour figu- rer au dessert à l’époque de la maturité des fruits, qui ne perdent rien de leur volume ni de leur qualité, quelque petits que soient les ar- bres qui les portent. Il n’est point d’amateur ayant une serre qui ne puisse, avec quelques soins, et presque sans dépense, donner cet or- nement à ses desserts. SECTION V. — Taille et conduite du cerisier. $S 197, — Végétation naturelle. TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. | pêcher ou d’abricotier. Rien n’est plus agréable | 117 nier d’être taillé. La taille, sur quelque arbre | qu’on opère, a pour but de donner au sujet une | forme convenable et de provoquer sa mise à | fruit. Le cerisier se met à fruit de lui-même, et prend naturellement la forme qui convient le mieux à son mode de végétation ; comme il est encore plus sujet à la gomme que l'abricotier et le prunier, il craint le fer comme ces deux arbres, et ne doit être privé de ses grosses bran- ches qu’en cas d’absolue nécessité. Lorsqu'on | l'élève en plen-vent, une fois que sa tête est commencée ser quatre bonnes branches, il n°y a plus à s’en occuper; toute branche morte ou endommagée peut être remplacée par le déve- loppement des yeux qui ne manquent jamais de percer l'écorce. quel que soit l’âge du bois. $ II. — Cerisier en espalier. Les cerisiers d'espèces précoces se plantent avec avantage à l'espalier; ils y sont d'une fertilité prodigieuse ; leur produit n’est guère moins lucratif que celui d’un bon espalier de à conduire qu’un espalier de cerisiers; ces ar- bres sont d’une docilité parfaite : leurs jets, longs et souples, peuvent être palissés très près les uns des autres, de sorte que le mur est par- faitement couvert en très peu de temps; on n’a point à craindre, comme pour le pêcher, que les branches palissées dans une situation verticale s’emportent aux dépens du reste de l'arbre ; rien ne s'oppose à ce que le cerisier en espalier soit conduit avec la plus régulière symétrie. Les yeux à fleurs du cerisier mettent trois ans à se former ; mais une fois la mise à fruit bien établie, ils se succèdent sans inter- ruption, et donnent tous les ans. Les produc- tions fruitières du cerisier sont des lambourdes (fig. 264), dont la taiile prévient le prolonge- Fig. 264. ment excessif; on en provoque le remplace- ment avant qu'elles soient épuisées. Les ceri- siers nains, greffés sur mahaleb, cultivés en pots, se conduisent d'ordinaire en quenouille ; cette forme n'offre d'autre avantage que celui de tenir peu de place sur la table où ces cerisiers sont destinés à figurer au dessert avec leurs fruits mûrs; le cerisier ne se plait pas sous cette forme, trop contraire à sa libre végétation. SECTION VI. — Taille et conduite du poirier. $ 17, — Végétation naturelle, Les arbres à fruits à pepins, moins capri- cieux que les arbres fruitiers à noyau, quant à la régularité des récoltes, sont beaucoup plus lents à se mettre à fruit; livrés à eux-mêmes, ils s’y mettraient fort tard ou même ils ne s'y mettraient pas du tout ; les bons fruits à pepins sont, plus que tous les autres, des conquêtes de | l'industrie humaine, conquêtes que l'homme ne Le cerisier a encore moins besoin que le pru-| peut conserver qu'à force de soins. Le poirier 118 est, parle nombre, la variété et les qualités pré- cieuses de ses fruits, le premier d’entre nos arbres fruitiers à pepins. Avant de nous occu- per des moyens d’en obtenir par la taille des récoltes régulières, abondantes et durables, nous devons étudier son mode particulier de végétation. Toute branche de poirier se termine par un HORTICULTURE. LIVRE VIII. œil à bois ; cet œil s’ouvre au printemps pour former un rameau semblable en tout à celui qui l’a porté; la branche, livrée à elle-même, continue à croître ainsi par son extrémité su- périeure. Tous les yeux des pousses de chaque année sont à bois sans exception. Suivons sur un rameau de trois ans (fig. 265) la destinée de ces yeux, en commençant par les derniers. Les traits AA divisent la branche en trois sections, 1,2, 3, dont chacune représente le produit d’une année de végétation. Les yeux de la troi- sième section n’ont subi que des modifications peu apparentes dans le cours annuel de la végé- tation; quelle que soitleur destinée ultérieure, ils ne représentent pour le moment que des yeux à bois. Ceux de la deuxième section sont plus sensiblement modifiés ; nous n’en voyons cepen- dant pas un qui soit devenu bouton à fruit ; quel- ques-uns seulement sont en train de le deve- nir, transformation très lente chez le poirier. De plus, nous remarquons vers le haut de la seconde section plusieurs productions BBB, en tout semblables à la première section, sauf les dimensions ; ce sont des veux à bois qui se sont ouverts en bourgeons; ils sont situés immédia- tement au-dessous de l’origine de la troisième section; ils suivaient avant son développement l'œil terminal, duquel cette section est sortie. Au-dessous de ces bourgéons, nous trouvons, -sur la deuxième section, des yeux plus avancés vers l’état fertile ; plus bas, la place des veux inférieurs est à peine visible ; ils ne sesont point ouverts; ils existent cependant, mais dans un état de sommeil végétal; la sève, attirée trop puissamment par les bourgeons situés au-des- sus d’eux, a passé à côté d’eux sans qu'ils aient pu en profiter. Les derniers, placés tout près du talon, sont tout-à-fait oblitérés. Ceux de la première section ont suivi exactement la même marche, seulement, comme ils ‘ont vé- gété un an de plus, les bourgeons sont plus forts et peuvent avoir déja eux-mêmes des bourgeons développés; les yeux fertiles sont lus avancés vers le moment où ils porteront eurs premières fleurs, bien que ce moment ne soit point eneore venu. Enfin le bas de la branche est complétement nu; on ny distingue aucun des yeux inférieurs, qui, lorsque cette section était encore à l’état de bourgeon, se voyaient aussi apparents que ceux dont est garnie la troisième section dans toute sa lon- gueur. Tels sont les faits qui s'offrent à nous au premier aspect. Un examen plus attentif nous fera reconnaitre, à côté de tout œil à bois ou à fruit, un sous-æil, souvent très peu dis- tinct, mais très vivace, et qui devient un bour- geon vigoureux en fort peu de temps, lorsque son Compagnon vient à périr Où à être retran- ché. Cette ressource précieuse d’un sous-œæil dormant, qu’on peut toujours éveiller à vo- lonté, n’existe que dans les arbres à fruits à pe- pins. Ces arbres ont encoreune autre ressource; les yeux du talon ne sont oblitérés qu’en ap- parence ; ils sont toujours prêts à percer l’é- corce. On peut toujours compter sur eux lors- que, par une taille courte, on force la sève à se porter de leur côté. Après avoir vérifié cette marche constante de la végétation du poirier, nous sommes en état de juger en quoi elle contrarie nos vues dirigées vers la production du fruit, et nous pouvons entrevoir par quels moyens il nous sera facile de favoriser le développement des productions fruitières ; nous n’en voyons en- core aucune bien formée sur la branche que nous venons d'étudier (fig. 265) ; cette branche est trop jeune. $ IT. — Productions fruitières. Les boutons à fruit mettent souvent plus de quatre ans à passer de l’état de boutons à bois à celui de production fruitière. La fig. 266 représente un bouton à fruit parvenu 270. Fig. 268, is. 266, 267, 269. à sa perfection et prêt à s'ouvrir. Les rides de son support sont les traces laissées par les pétioles des feuilles qui l'ont protégé pen- dant le cours de son existence, et sans les- quelles il n’aurait pu attirer la sève nécessaire . à son accroissement. Tout œil à bois, quelle que soit sa place sur le poirier, peut, dans des cir- constances données, devenir un bouton à fruit; s’il n’est point oblitéré comme ceux du bas des rameaux, s’il ne s'ouvre point en bourgeon TITRE III. comme les yeux voisins de l'œil terminal, il : à M peu à peu, prenant tous les ans une ou eux feuilles de plus que l’année précédente, feuilles dont la base du bouton tout formé con- serve la trace. L’œit qui doit fleurir au bout d’un an ne porte pas moins de cinq feuilles ; le plus souvent, il en porte sept. Les bourses (fig. 267) sont des productions fruitières qui naissent à la place d’un bouton, soit qu'il ait porté fruit, soit qu'il se soit seule- ment ouvert en fleurs stériles; elles se cou- vrent d’yeux, qui, selon le cours naturel de leur végétation, se changent tous, au bout d’un temps plus ou moins long, en boutons à fruit : les veux dont se chargent les bourses sont dus aux feuilles qui les ont nourris dans leurs ais- selles. Les bourses ne naissent que sur une branche qui a montré ses premières fleurs. Les lambourdes (fig. 268),sont des branches à fruit qui naissent sur des bourses, soit natu- rellement, soit par suite d’une taille ayant pour but de provoquer leur développement; elles dé- passent rarement la longueur de 0,50 et n'at- teignent quelquefois pas celle de 0" ,05 ; elles se couvrent d’yeux à fruit sur toute leur longueur ; elles peuvent néanmoins être pro- voquées, par la taille, à fournir des rameaux en cas de besoin. Les dards (fig. 269) doivent leur nom à la forme pointue et presque épineuse de l’œil qui les termine ; cet œil devient toujours un œil à fruit ; il ne saurait par conséquent s’allonger. Il se présente quelquelois, dès la première an- née, sousla forme d’un boutonarrondi (fig. 270), qui fleurit au bout d’un an ou deux. Le dard du poirier est dépourvu de rides circulaires à sa base, parce qu’il n’a point été protégé, comme la bourse, par des feuilles tombées suc- cessivement ; il ne se développe jamais que sur un rameau; il ne dépasse point la longueur de 0” ,07 ; il n’a le plus souvent pas plus de 20 à 25 millimètres de long. Les brindilles (fig. 271) diffèrent des lam- Fig. 271. : bourdes en ce qu’elles sont toujours plus min- ces, plus grêles et moins garnies d’yeux dans leur longueur; elles naissent, non pas comme les lambourdes, sur les bourses, mais sur les rameaux qui n’ont point subi de retranche- ment à la taille. Quand leur naissance n’a point été provoquée , elles n’offrent point de rides à la base; elles en ont au contraire un bourrelet bien marqué, lorsque, disposées dans Porigine à devenir des boutons à fruit, la taille du rameau qui les porte a fait refluer la sève vers elles et leur a permis de se prolonger; dans ce dernier cas, elles sont toujours plus productives que les brindilles développées spon- tanément; leurs yeux à fruit mettent moins de temps à se former. Telles sont les productions fruitières du poi- TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 119 rier ; les plus précieuses sont, sans contredit, les bourses, quelquefois réunies en assez grand nombre: elles présentent alors l'aspect repré- senté fig. 212. Les arbres qui contiennent le Fig. 272. plus grand nombre de productions fruitières de ce genre ne sont pourtant pas toujours les plus fertiles; souvent un arbre, près de sa fin, se couvre d’une multitude de bourses ainsi groupées, dont les boutons fleurissent, mais ne portent point de fruit; pour que les fleurs nouent, que le fruit tienne et qu’il puisse arri- ver à parfaite maturité, il faut qu'un certain nombre de lambourdes parmi les bourses, et de brindilles parmi les rameaux, attirent sur les boutons à fleur la sève, faute de laquelle la floraison est toujours stérile. $ LIT. — Taille. Le but de la taille se montre à nous mainte- pant clair et distinct; il s’agit de forcer les rameaux à se couvrir de productions fruitières sur toute leur étendue, de maintenir parmi ces produetions assez de lambourdes et de brin- dilles pour attirer la sève vers les fleurs et le fruit, afin de prolonger les rameaux, méthodi- quement, prudemment, ayant soin qu'ils crois- sent en grosseur en même temps qu'en lon- gueur, et que la sève ne se perde pas à produire une confusion de branches inutiles. La taille du poirier peut être considérée in- dépendamment de la forme à donner à l'arbre, objet dont nous parlerons plus bas. Les prin- cipes de la taille s’appliquent à toutes les for- mes qu’on peut donner au poirier, soit en es- palier, soit en plein-vent. Si nous nous repor- tons au rameau de trois ans représenté (fig. 265), tel que la nature l'a fait croître sans le secours de la taille, nous remarquons d’abord combien les productions destinées à porter fruit y sont rares et peu développées; la faute en est au prolongement excessif du bourgeon ter- minal et au développement trop rapide des bourgeons latéraux immédiatement au-dessous de la naissance de chaque section; ces pousses ont fait l'office de branches gourmandes; elles n’ont presque rien laissé pour les veux à fruit. Si chaque pousse eüt été contenue par une taille raisonnée, et que le bourgeon terminal eût été raccourci à 0m,10 ou 0"',15 de son point de départ, tous les yeux situés au-dessous en auraient profité ; à la vérité, les yeux les plus voisins de la taille, plus favorisés que les au- tres, auraient eu plus de pente à s'emporter ; mais, arrêtés par des pincements donnés à pro- pos, ils auraient formé la base de branches 120 productives dans la suite, ou bien ceux qu'on aurait dû supprimer, étant coupés à quelques millimètres au-dessous de leur insertion, au- raient donné naissance, par le développement ultérieur de leur œil inferieur, à des produc- tions fruitières. Quant aux yeux placés au-des- sous des bourgeons, favorisés dans leur crois- sance par la taille du bourgeon terminal et le HORTICULTURE. LIVRE VIII. pincement des bourgeons 1atéraux les plus voi- sins de la coupe, ils se seraient ouverts les uns en brindilles, les autres en boutons à fleurs, destinés à devenir l’origine de bourses nombreu- ses du sein desquelles de robustes lambourdes n'auraient pu manquer de sortirultérieurement.. L'application de ce système pendant trois ans aurait mis le rameau dans l’état représenté Fig. 273. fig. 213; la comparaison de ce rameau avec | celui que représente la fig. 265, rend sensibles les effets de la taille sur le développement des productions fruitières du poirier. On voit combien est simple la taille du poi- rier reduite à ces principes ; nous n’avons parlé ni des branches gourmandes, ni des branches chiffonnes; ces productions monstrueuses ne | peuvent naître sur le poirier que par lincurie du jardinier. S'il surveille ses arbres avec assez de soin pour tailler et pincer toujours à propos, il n'aura point à s'occuper des branches gour- mandes et chiffonnes; il en aura prévenu la naissance. Observons sur la fig. 273 l’état particulier de chaque section. Les bourgeons superflus taillés à quatre ou cinq millimètres de leur in- sertion sont convertis, lesuns en dards AA, les autres en brindilles BB; les boutons inférieurs sont tous à fruit ; tel est l’état de la première section. Nous voyons aussi beaucoup d’veux à fruit sur la seconde section ; les brindilles doi- vent avoir été Cassées aux points CC pour hâter leur mise à fruit; les simples boutons à fruit qui deviendront des bourses, et les dards qui se couvriront de boutons à fruit, garnissent de distance en distance la seconde section. En avancçant en âge, ils prendront successivement, et sans le secours de la taille, la forme des productions fruitières de la première section ; l2 troisième section est semblable à la troi- sième du rameau non taillé (fig. 265 ); elle n’a | que des yeux à bois. Chaque section est, par | rapport à l’ensemble, plus grosse et plus courte dans la branche taillée, parce qu’on n’a pas laissé la sève s’épuiser à produire des bourgeons superflus. La comparaison entre la branche de poirier taillée ( fig. 273), et la même bran- che non taillée (fig. 265), rend évidente l’ap- plication des principes de la taille du poirier et les effets de cette taille; le jardinier doit tou- jours se reporter à la première de ces deux branches, afin de lui comparer les branches que est occupé à tailler; par là les erreurs eviennent pour ainsi dire impossibles. Les branches qui ont porté fruit pendant plusieurs années se fatiguent d’abord par leurs sections inférieures. Dès qu’on s’en apercoit, on commence par les soulager en sacrifiant à la taille une partie des bourses, afin d’v provo- quer la naissance de quelques lambourdes qui puissent, en attirant et retenant la sève, em- | pêcher le bas des branches de se dégarnir. Une agglomération de bourses, représentées fig. 272, est alors éclaircie par une taille en A et en BP: cette taille lui fait rejeter deux lambourdes qui la mettent dans l’état que représente la fig. 274. Ces lambourdes rabattues sur un œil à bois, deviendraient au besoin des branches nou- velles ; on voit en CC la place des boutons qui ont porté fruit à la dernière récolte. Quand ces moyens ne suffisent plus, et que la branche est décidément épuisée, on la rabat plus ou moins près du tronc ou de la branche-mère à laquelle elle appartient, selon les exigences de la forme de l'arbre, en calculant d’avance la place que vont occuper les bourgeons plus ou moins vi- goureux, provoqués par la taille. Fig. 274. Ainsi, en résumant les principes de la taille du poirier, nous trouvons : 1° qu’on taille les bourgeons terminaux ou de prolongement en- viron au tiers de leur longueur acquise en une année, afin de forcer à s'ouvrir les yeux infé- rieurs à la Coupe ; 2° que parmi ces derniers yeux on raCCourcit Ceux qui sont devenus des brindilles pour faire ouvrir leurs yeux en bou- tons à fruit; 3° qu’on supprime le bois inutile de l’année à quelques millimètres seulement de l'insertion des bourgeons, pour obtenir du dernier œil une production fruitière; 4° enfin, que la vie des productions fruitières se pro- longe au moyen des dards ou des lambourdes, et que le ravalement est la seule ressource pour rajeunir les branches dont les productions fruitières sont épuisées. $ IV.— Pincement. Le pincement qui commence en avrii et mai, lorsque les bourgeons ont de 0,04 à 0",08 de longueur et qu'ils sont encore à l’état her- bacé, n’a pas moins d’importance que la taille TITRE I. TAÏELE’: ET CONBUPDE pour la mise à fruit et la durée üu poirier. le raccourcissement d’une pousse trop longue, comme nous avons déjà dit pour le pêcher ; il a l'avantage inappréciable de changer le mou- vement de la séve, d'en rétablir l’équilibre, de la faire passer au profit des bourgeons qui sont nécessaires à la formation et à la bonne direction de l'arbre , et à faire développer en boutons à fruits les yeux des parties consacrées. Enfin le pincement débarrasse l'arbre des bourgeons inutiles qui empêcheraient la pe- nétration et la cireulation dans l’intérieur de l'arbre, de la lumière et de Pair si utiles au dé- veloppement et à la qualité des fruits. Les bourgeons qui doivent surtout être surveillés et subir le pincement, sont ceux qui se trouvent sur la partie supérieure des branches. Si, pour arriver à ce but, l’on s’avisait d’emplover la taille au lieu du pincement, l’œil placé au-des- | sous de la coupe s’ouvrirait et se développerait si vite en bourgeon que l'interruption de la sève serait à peine sensible, en sorte que l’effet désiré serait manqué. Quant à l’ébourgeon- nement, il n’y a pas à s’en occuper lorsqu'on a pincé à propos ; Les bourgeons pincés peuvent rester sans inconvénient jusqu’à la taille d’hiver. Ÿ V. — Chargement et déchargement. Lorsqu'un poirier vigoureux ouvre trop d’yeux en bourgeons à bois au-dessous de la taille de chaque bourgeon de prolongement, on doit prévoir que le bourgeon provenant de chacun de ces yeux aura la même disposition l’année suivante ; si donc on taillait à quelques millimètres de leur insertion, dans le but d’en obtenir des productions fruitières, il n’en re- sulterait qu’une confusion de bois inutile. parce que l’œil inférieur de chaque talon, par un excès de sève, n’ouvrirait qu’en bourgeon a bois; alors, il faudrait recourir à l’ebour- geonnement. Pour échapper à cette nécessité, DES ARBRES FRUITIECS. 421 , faut charger un arbre sur toutes ses branches Le pincement n’a pas seulement pour objet | s’il en a besoin, ou lui donner la taille ordinaire. On nomme par opposition déchargement d’un poirier la suppression d’une partie des produc- tions fruitières : c’est l'opération dont nous avons indiqué {a nécessité pour faire naître des lambourdes parmi les bourses, et du jeune bois sur les branches qui commencent à se dégarnir. La coupe toujours faite avec une lame d’un tranchant parlait doit être, comme le montre la fig. 275, opposée à l'œil, c’est-à-dire que l’in- | Strument tranchant ne doit jamais appuyer que | sur la face de la branche en regard de celle | qui supoorte l’œif sur lequel on rabat ; il faut | en outre que la coupe ait assez de pente pour | que la pluie ne puisse séjourner sur la surface coupée. La petite portion de bois qui reste en- tre la coupe et l'œil qui lui fait face est nom- mée par les jardiniers onglet ou ergot (A, fig. 275); elle ne doit pas dépasser la longueur de 2 à 5 millimètres; dans ces limites, sa longueur se règle sur la grosseur du rameau coupé. Comme le poirier n’est point gommeux, on S'abstient de couvrir les plaies; c’est un tort. L'exposition de la plaie à l’air, quoique moins funeste pour cet arbre que pour les arbres à | gomme, n’en cause pas moins un mal très réel. “on donne à tous les bourgeons à la taille d'hiver | une taille plus ou moins longue. L'effet d’uue | taille longue sur les arbres fruitiers à noyau est, comme nous l’avons vu, de mettre tout d’un coup tout à fruit, et de ruiner prompte- meut les arbres, comme le font trop souvent les locataires vers la fin de leur bail. L'effet d'une taille longue sur les arbres à fruits à pepins est de provoquer la formation d’une multitude de productions fruitières (dards et brindilles) qui fructifieront plus tard ; la sève trouve une issue dans ces productions, et ne donne plus lieu à une confusion de bourgeons qui rendrait l’é- bourgeonnement inévitable. Cette manière de tailler les poiriers se nomme charger, parce qu’en effet on les oblige à se charger d’une quantité de branches à fruit de beaucoup su- périeure à celle qu’aurait pu provoquer la taille ordinaire. Nous répétons qu'on ne doit charger | ainsi que les poiriers excessivement vigoureux. Le chargementd’un poirier au moyen d’unetaille longue doit être général ; il manque son but s’il Souvent au lieu de couper les dardset les brin- dilles qu'on veut raccourcir, on se contente de les casser ; dans ce cas, la plaie étant plus lente a se cicatriser, la sève est détournée pour pius longtemps vers Le bas de la branche cassée, et çes boutons à fruit profitent davantage. Ÿ VI. — Poiriers conduits en espalier. L'ensemble des données que nous venons d'exposer et qui s'appliquent à toutes les for- mes sous lesquelles il est possible de conduire le poirier, fait déja pressentir comment il est possible de faire naître à volonté sur un jeune sujet les branches nécessaires pour établir sa charpente en espaliea. Les premières sections de ses membres sont données par les bour- geons qui sortent en nombre toujours plus que suffisant. lorsqu'on rabat la greffe sur les huit ou dix yeux inférieurs; les bifurcations s’ob- tiennent de même, immédiatement au-dessous de la taille des pousses terminales ; on les favo- rise en pincant les bourgeons à bois inferieurs. Trois formes sont principalement en usage : la palmette à tige simple, la palmette à double tige, et l'éventail. A. — Palmette simple et double. Nous renvovons aux figures du pêcher pour le poirier à palmettesimpleet double: la forme etla direction sont les mêmes; l’espace à laisser en- tre chaque membre latéral est de Om,30 à 0,40, est appliqué à une branche en particulier ; il ! selon les espèces. En le réduisant à 0,16, on HORTICULTIURE. | U, V. —- 16 122 , obtient une masse de bois presque compacte; quand les membres ont un peu grossi, il ne reste plus de place pour les brindilles et les lambourdes; les productions fruitières se bor- nent donc à de simples bourses, qui, trop mul- tipliées, ruinent l'arbre, et qu’il faut éclaircir de temps en temps au détriment de la produc- tion. La flèche de la palmette à tige simple se prolonge successivement par la taille sur un œil antérieur bien placé, de manière à présen- ter, lorsqu'elle a atteint toute sa hauteur, une ligne parfaitement droite. Les membres ou cor- dons latéraux, une fois commencés, sont exaC- tement dans le même cas que la branche re- présentée isolément (fig. 273); ils se gouver- nent comme nous l'avons expliqué; l’on a soin de pincer de très bonne heure les bourgeons mal placés sur les branches; on les supprime totalement à la taille d'hiver. ILen est de même des membres dela palmette à double tige; les deux branches-mères obte- nues, soit de deux écussons, soit de deux yeux d’une seule greffe, sont redressées peu à peu et se prêtent avec la plus grande facilité à pren- dre la forme du pêcher de même modèle, re- présenté fig. 247. Fig. 276. B. — Poirier en éventail. Le poirier en éventail (fig. 276) se conduit un peu différemment. On laisse pousser libre- ment le jet de la greffe jusqu’à la fin de l'été; on le pince alors à son sommet pour qu'une partie de la sève d’août concoure à la formation des yeux inférieurs. Si quelques-uns s'étaient ouverts en bourgeons, on les pincerait de très bonne heure, pour les supprimer totalement plus tard. A la taille, le jet de la greffe est ra- battu à 0° ,40 ou 0",50 du sol; cette distance varie selon l'écartement des yeux qui diffère d’une espèce à l’autre, mais il ne peut être moindre de 0m,40. IL importe qu'il se déve- loppe le plus grand nombre de bourgeons pos- sible, afin qu'après avoir supprimé ceux des faces antérieure et postérieure , il en reste en- core quatre ou cinq de chaque côté pour com- mencer tous à la fois les membres de la char- pente. Sitous ces bourgeons étaient livrés à eux- mêmes, le bourgeon terminal et les deux bour- HORTICULTURE. LIVRE VIII. geons les plus rapprochés de lui de chaque côté attireraient à eux presque toute la sève; les membres inférieurs croitraient faiblement et resteraient toute leur vie plus faibles que les autres, Car, bien que la position verticale fa- vorise moins la croissance des branches du poirier que celle du pêcher, elle n’en a pas moins, quoique à un moindre degré, l’inconvé:- nient tres réel de développer les branches ver- ticales au préjudice des branches plus rap- prochées de la situation horizontale. On favo- risera donc les bourgeons inférieurs, soit en les palissant les derniers, soit en les maintenant en avant du mur. La fig. 240 montre l’applica- tion de ce procédé aux branches d’un pêcher ; en même temps on palissera de trèsbonne heure, et même on pincera au besoin le bourgeon termi- nal et ses plus proches voisins, afin de les retar- der. À mesure que les uns et les autres s’allon- geront, ils seront palissés en lignes très droites, à des distances égales entre elles, comme les rayons d’un %ventail. Une fois commentés, ces membres se continueront, toujours en lignes droites, comme la branche représentée fig. 276. L'arbre terminé, parvenu à son entier dé- veloppement, présentera l'aspect indiqué par la fig. 217. On peut aussi conduire le poi- Fig. 271. rier en éventail sur deux branches-mères mu- nies chacune d’autant de bifurcations qu’il en faut pour garnir l’espalier, en prenant à peu | près pour modèle le pêcher taillé à la Dumou- tier (fig. 243). La marche que nous avons tracée étant fondée sur le cours naturel de la végétation du poirier et le jardinier pouvanttou- jours, d’après ces indications, prévoir le résnl- tat certain de chaque coup de serpette, il con- duira les espaliers de poirier sans hésitation, une fois qu'il aura arrêté dans sa pensée la forme qu’il veut leur donner. Il y a un demi- siècle, tous les jardins fruitiers étaient remplis d'arbres en éventail, plantés en arrière des plates-bandes du potager sans être appuyés contre un mur, ni même contre un treillage, c’est ce que l’on appelait un contre-espalier ; le poirier, le pommier, le prunier et le cerisier, se prêtaient facilement à ce mode de culture ; les jardiniers modernes s’en servent moins souvent que ceux d'autrefois, quoique les fruits obtenus des arbres conduits de cette manière soient abon- TITRE HIT. dants et d'excellente qualité, particulièrement ; ceux du poirier. La conduite du poirier en | éventail sans espalier est la même que celle du poirier en éventail sur le mur; on a soin seule- | ment de ménager des productions fruitières des deux côtés des branches. l $ VII. — Poiriers conduits en pyramides, quenouilles, vases et girandoles. A. — Poirier en pyramide ou cône. La forme en pyramide est la plus productive de toutes celles qu’on peut donner au poirier lorsqu'il n’est pas possible de lui laisser pren- dre librement sa forme naturelle, en se bornant à lui établir un tronc solide et droit, sur franc, et à l’élaguer de temps en temps pour l’empé- cher de produire trop de bois, tout en avancant l’époque de la mise à fruit. Malheureusement, cette facon de gouverner le poirier n’est pos- sible que dans les grands vergers, où l’espace ne manque pas; de plus, les poiriers en plein- vent vivent à la vérité fort longtemps , surtout lorsqu'ils sont francs de pied ; mais ils font at- tendre bien des années leur premier fruit. On rapproche , autant que possible , le poirier des conditions d’un arbre en plein-vent , en le con- duisant sous la forme pyramidale. Comme dans le plein-vent , le fruit recoit de tous les côtés l'air et la lumière ; l'arbre ayant moins de gros- ses branches à nourrir, quand même il ne serait pas greffé sur cognassier, se met plus vite à fruit; puis, lorsqu'on a soin de ne pas laisser prendre aux flèches des pyramides trop d’élévation, on n’est pas exposé, comme avec les arbres en plein-vent, à perdre par une bourrasque une partie de la récolte presque müre, lorsque les poires, tombant de trop haut, se meurtrissent ou s’écrasent dans leur chute. M. Lelieur définit très bien la conduite du poirier en pyramide, en disant que chaque branche latérale doit être insérée sur le tronc comme les marches d’un escalier en spirale le sont sur la colonne centrale qui les supporte, de facon à ce que pas une de ces branches ne se trouve d’à-plomb au-dessus d’une autre. La tige ou flèche, conduite aussi droite que possible, ne doit être prolongée que successi- vement ; lorsque ses yeux sont de force inégale, il ne faut pas craindre de la rabatire un peu court, surtout aux deux premières tailles, si par ce moyen on peut tailler sur un œil vigou- reux qui la continue en ligne droite, sans cica- trice apparente. Il vaut beaucoup mieux, dans tous les cas, retarder le prolongement de la flè- che que de le hâter; la sève aura toujours assez et trop de pente à se porter vers le haut de Par- bre; le point important, c'est dela forcer autant que possible à se porter vers le bas, en ne per- ant pas de vue que l'arbre, livré à lui-même, n'aurait point de branches inférieures; il n'au- raitqu'untronc droit, sans branches jusqu’à une hauteur déterminée etsupportant une tête rami- fiée ; il s’agit donc, par la taille, de contrarier la nature et de la contraindre à donner au poi- TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 123 rier en pyramide une forme autre que sa forme naturelle. La taille de la flèche fait ouvrir tous les yeux qui sont au-dessous; on favorise de préférence ceux du bas de la tige, en pinçant successivement, pour modérer leur vigueur, les bourgeons les plus voisins de la taille; la pre- mière assise des bras inférieurs doit en contenir six ou sept ; le moins éloigné du sol doit en être à 0m,32. Nous tomberions nécessairement dans des répétitions superflues en suivant pas à pas le développement progressif de la flèche et des diverses assises de ses membres latéraux ; toutes ces branches, considérées individuellement, n’ont rien à nous montrer dans leur croissance que nous n’ayons déjà observé en détail sur le rameau représenté fig. 273; c’est toujours à lui qu'il en faut revenir pour la taille et la conduite du poirier qui, sous quelque forme que ce soit, ne saurait produire que les mêmes phénomènes. Si les places des rameaux latéraux sont choisies avec discernement, on n’éprouvera aucune dif- ficulté à leur faire prendre une direction rap- prochée de l'horizontale, partant de l’axe du tronc, à angle presque droit, comme le rayon d’un cylindre dont cet axe occuperait le centre ; le besoin de chercher l'air et la lumière les poussera presque d’eux-mêmes dans cette di- rection; iln’yaquesurles pyramides gouvernées avec négligence par la taille et le pincement, qu’on observe des bourgeons partant des ra- meaux inférieurs dans une direction rapprochée de la verticale. Les pyramides plantées dans des lieux très découverts poussent toujours un peu plus du côté du midi que du côté du nord; on doit s'opposer par la taille et le pincement à ce qu’il en résulte un dérangement d’équilibre dans la distribution de la sève. La fig. 278 mon- Fig. 278. a S VS NAS 205 ee de il LEP \ d id N É V \# tre la disposition des branches sur un poirier en pyramide régulièrement taillé. Chaque branche latérale en particulier est soumise à la même disposition à se dégarnir du bas, et à porter la vigueur de la sève vers l'ex- trémité la plus éloignee du tronc. Il faut done, sur une échelle plus réduite, employer à leur égard les moyens dont on a fait usage pour 124 forcer le tronc à se garnir de branches par le bas. L'un des moyens le plus fréquemment en usage pour retarder la végétation, soit de la flèche qui continue le trone, soit de la pousse terminale qui prolonge une branche latérale, consiste à détruire l'œil de leur extrémité supé- rieure au moment où il entre en végétation. Pendant le temps toujours assez long que l’un des sous-yeux de l'œil supprimé doit employer | à le remplacer pour prolonger la branche, la sève ne trouvant pas d’issue de ce côte, tourne au profit des yeux situés plus bas, et aide puissamment à maintenir les branches bien garnies vers le bas de bourgeons à bois et de productions fruitières. B.— Porrier en quenoutlle. La forme en quenouille a été longtemps, et est encore, pour beaucoup d'amateurs peu éclai- rés, la forme de prédilection adoptée pour le poirier. Presque tous les pépiniéristes prépa- rent leurs arbres pour cette forme ; ils y trou- vent cet avantage, que les branches inférieures ont de très bonne heure des productions frui- tières très développées qui flattent les acheteurs, charmés dé ce qu'ils regardent comme un signe de fécondité précoce. Ces arbres en effet se met- tent très vite à fruit lorsqu'on les conduit en quenouille; mais l'excès des productions frui- tières dans le premier âge ne permet pas que l'arbre se forme de bonnes et vigoureuses ra- cines, malheur qui, dans la suite, ne peut ja- mais être répare. Au bout de quelques années d'une trop précoce et trop abondante produc- tion, les arbres épuisés languissent, et comme ils sont d’une part trop jeunes pour périr, de l’autre trop fatigués et trop mal enracinés pour se refaire, le jardinier, nourrissant toujours l'espoir de les réparer, les conserve en les tour- mentant de mille manières pour les forcer à se remettre à fruit, sans jamais en venir à bout. Nous imiterons donc la réserve de M. Dalbret, qui, blämant d’une manière absolue la forme en quenouille pour le poirier, s’abstient de la décrire, se contentant d'exposer, ainsi que nous venons de le faire, les motifs qui le portent à la condamner. La Pomone Francaise ne parle point de la quenouille pour les mêmes raisons; l'autorité de deux horticulteurs du mérite de M. le comte Lelieur et de M. Dalbret doit suf- fire pour nous justifier. Quant à ceux de nos lecteurs qui, ayant acheté pour garnir leurs jardins fruitiers, des arbres disposés pour être conduits en quenouille, les auraient commencé sous cette forme défectueuse, nous n’avons qu’un conseil à leur donner; c’est d’en faire des pyramides. Voici comment cette transforma- tion peut s’opérer. Il faut commencer par sacrifier, sans balan- cer, toutes les productions fruitières chargées de boutons à fruit, quelque part qu’elles soient placées; c’est du bois vigoureux et non du fruit que le poirier doit produire pendant les premières années de sa formation. Du dévelop- pement de la charpente dépend celui des raci- HORTICULTURE. LIVRE VIII. nes qui, si elles ne se forment pas durant le premier âge de l’arbre,ne vaudront jamais rien. On retranche ensuite tous les bourgeons de la partie supérieure de l’arbre, et comme toute la sève se portant de ce côté ne manquera pas de leur susciter bientôt des remplacants, on les arrêtera par le pincement à mesure qu'ils se développeront. On taillera de même très court les branches établies immédiatement au-dessous des bourgeons supérieurs, et si quelqu’une de ces branches paraît trop rapprochée de celles du bas qu’il faut faire croître à tout prix, on n’hé- sitera pas à la supprimer. Quant aux branches inférieures, qui ne devaient être pour la forme en quenouille que de courtes productions frui- tières, leur rapprochement sur un œil à bois coïncidant avec le traitement que nous venons d'indiquer pour les branches et bourgeons su- périeurs, ne manquera pas de leur faire donner, soit des bourgeons, soit des lambourdes sus- ceptibles par une seconde taille de donner des bourgeons. C’est ainsi qu’en suivant du reste la marche tracée pour les poiriers conduits en pyramide dès le moment de leur mise en place, on aura au bout de quelques années des arbres réguliers, à la fois fertiles et durables. C. — Porrier en vase. Après les détails dans lesquels nous venons d’entrer sur la conduite du poirier sous diffé- rentes formes, quelques mots suffiront pour faire comprendre comment on peut lui donner la forme de vase ou corbeille qui réunit à peu près les mêmes avantages que celle en éventail sans espalier. Le sujet de deux ans de greffe rabattu sur un bon œil à 0",30 ou 0m,35 du sol, pousse des jets nombreux dont les deux meilleurs sont choisis pour base de la char- pente. L'année suivante, on rabat ces deux membres principaux à 0,20 ou Om,25 de leur naissance. Parmi les bourgeons qu’ils dévelop- pent, on en choisit trois sur chacun des deux membres ; on laisse les membres se prolonger par un des trois bourgeons qui doit dominer les deux autres; le commencement du vase s'établit ainsi sur six pousses, dont deux prin- cipales portent chacune deux bourgeons. A l’époque du palissage, ces six pousses, dont les quatre secondaires et les deux principales doi- vent être égales entre elles si elles ont été bien conduites par des pincements judicieux, sont assujetties sur deux cercles de bois, le supé- rieur un peu plus grand que Pinférieur (/ig. 279). Les années suivantes, les branches-mères Fig. 279. it ms mé te lt tt ct TITRE IE: continuent leur prolongement; on a soin, à mesure qu’elles s’élèvent, de leur faire porter, ainsi qu'aux quatre membres inférieurs, autant de ramifications ou bifurcations qu’il est né- cessaire pour que le vase soit garni jusqu'au sommet. Chacune des branches qui le compo- sent ayant été originairement palissée pendant qu’elle était encore souple et flexible, a pris sans peine sa place sur le vase; il faut toujours se reporter, pour leur taille et leur développe- ment successif, à la branche de poirier repré- sentée fig. 213. Les jardiniers n’aiment pas la forme en vase, qui permet difficilement de tail- | ler les arbres en dedans; ils préfèrent de beau- coup les pyramides, qui sont en eflet à tous égards les meilleurs de tous les poiriers, bien entendu après les plein-vent. D. — Poirier en girandole. On donne quelquefois au poirier la forme dite en girandole, représentée (fig. 280); c’est une Fig. 280. bles capables de faire équilibre aux rameaux * plus forts rabattus sur un œil faible; tout dé- pend de l’observation rigoureuse de ce précepte (voir Jardin fruitier). $ VIII. — Recépage et restauration d’un vieux poirier. Il n’y a aucun profit réel à user les arbres TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 125 jusqu’au bout. On peut bien, pendant un temps plus ou moins long, prolonger leur âge fertile | en renouvelant les rameaux fatigués; mais, en définitive, ces rajeunissements ont un terme : la sève finit par ne plus trouver de passage dans les rameaux épuisés ; les racines, affaiblies par l’âge, ne peuvent plus envoyer une sève suf- fisante à la charpente à demi desséchée; les extrémités meurent les premières; la vie se retire peu à peu vers la partie inférieure de l'arbre qui finit par mourir. Longtemps avant sa fin, il n’a plus la force de produire : s’il fleurit encore, la fleur ne noue pas, ou s’il en noue quelqu’une, le fruit tombe avant maturité. Quel- quefois, quand le sol est bon et que l’arbre ap- partient à une espèce vigoureuse, les yeux qui | sommeillaient à la base des branches s’ouvrent en bourgeons; c’est un effort de la nature vers la rénovation du poirier ; le jardinier doit sui- vre cette indication. Dès qu’un poirier donne des signes évidents de décadence, il faut, sans balancer, quelle que soit sa forme, le recéper. On nomme recépage un ravalement sur le tronc ou sur les branches- mères, qui ne laisse à l'arbre rien de sa vieille charpente. Voyons de quelle manière on peut lui en former une nouvelle. Si la terre est très fertile et que le poirier ait été recépé dans un âge qui lui laisse encore de la vigueur, il suffira d’unir avec la serpette ou le planeur les plaies des amputa- tions, et de les recouvrir d’onguent de Saint- Fiacre ou de cire à greffer. Dès que la sève entrera en mouvement, les racines n'ayant plus à nourrir que les yeux latents, leur enverront une telle abondance de sève qu'il en résultera des bourgeons vigoureux, lesquels se mettront promptement en équilibre avec les racines ; il n'y aura plus dès lors qu’à traiter ces bour- geons exactement comme ceux d’un jeune ar- bre, selon la forme qu’on lui destine; l'arbre se refera promptement. Quand les choses se passent ainsi, la besogne est fort simple: la place laissée vide par le recépage du vieil arbre est bien plus tôt remplie que si l’on eût mis un jeune arbre à la place de l’ancien. En général, à moins de changer le sol, ce qui dans une grande plantation est toujours très dispendieux et quelquefois impossible, rien n’est plus dif- ficile que de faire pousser d’une manière satis- faisante un jeune arbre dans la terre où un autre arbre de la même espèce vient d’achever le cours entier de sa végétation. Mais, le plus souvent, le recépage tel que nous venons de l'indiquer, ne réussit pas: les bourgeons pro- venant d’yeux longtemps endormis n’ont pas une vigueur suffisante; après avoir langui quelque temps, ils se dessèchent et meurent. Si l’on arrache un de ces poiriers qu'on aurait ainsi essayé de rajeunir, on voit que les jeunes rameaux, avant de mourir, ont essayé d’en- voyer dans le sol de jeunes racines, et qu'ils sont morts dans ce travail trop fort pour eux, sans pouvoir l’accomplir. Si l'on sacrifie un des arbres dont le recépage a réussi, l’on peut sui- vre les traces visibles de la formation des ra- 126 cines par les branches rajeunies; la vie de l’ar- bre n’est restaurée que parce qu'il s’est refait des racines en rapport avec sa nouvelle char- pente. Quant aux vieilles racines, elles se dé- truisent, et leurs débris décomposés servent de nourriture aux jeunes racines : telle est la marche du rajeunissement du poirier. Ainsi, au bout de quelques années, il ne reste plus rien du vieil arbre, ni racines ni branches; la souche seule sur laquelle on a recépé subsiste comme souvenir de l’arbre renouvelé. Rien ne montre mieux que ce fait intéressant et peu connu la nécessité de maintenir l'équilibre en- tre les diverses parties d’un arbre; car tou- tes les fois qu'un arbre s’emporte d’un côté, les racines correspondantes s’emportent de même sous terre; on a beau ensuite rappro- cher et rogner les branches gourmandes, on n’ôte rien à la force des racines qui tendent toujours à envoyer plus de sève au côté qui les a formées. En un mot, si les racines font les branches, les branches font les racines. On vient de voir que quand on s’en remet à la fertilité du sol et à la vigueur de Parbre, du soin de lui refaire à la fois une charpente et des racines, le succès du recépage est très aventuré; le plus souvent, l’opération est manquée. On est au contraire certain du succès lorsque, au lieu de laisser la souche développer en bour- geons ses yeux latents, on pratique sur le tronc ou les grosses branches recépées la greffe en couronne (voir greffe, fig. 200 ). On place dans ce cas autant de grefles que la circonférence du tronc recépé en comporte ; il n’en faut pas moins de six sur une branche-mère de 0m ,08 de diamètre. Dès que ces greffes ont repris , elles poussent avec une énergie extraordinaire, parce qu’elles ont pour se nourrir toute la sève que leur envoie un système de racines tout formé et encore vivace. Mais, peu à peu, les greffes qui sont de véritables boutures sur bois pro- longent, sous l'écorce, des racines qui, plon- geant dans le sol, déterminent successivement la mort de toutes les vieilles racines. L'arbre renouvelé complétement a plus de force qu'un jeune sujet; ce sont plusieurs boutures vigou- reuses qui, se soudant l’une à l’autre par leurs racines, mettent en commun leur énergie vitale. De toutes ces greffes on n’en laisse pousser que ce qu’il en faut pour rétablir la charpente du poirier ; les autres, conservées d’abord pour attirer la sève , mais pincées pour arrêter leur croissance, sont supprimées plus tard, lorsque celles dont on a besoin ont décidément pris le dessus. Nous ne saurions assigner de limites à la durée des arbres rajeunis par le recépage ; nous en connaissons en belgique, où ce système est pratiqué de toute antiquité, qui ont eté recépés au moins quatre fois, et qui sont certainement plus que séculaires; ils paraissent fort-en état de supporter encore au moins un renouvelle- ment. Dans les contrées de l’ouest, où la cul- ture des arbres fruitiers pour la production du cidre est considérée comme un objet de la HORTICULTURE. LIVRE VIII. plus haute importance , c'esttoujours parlerap- prochement, suivi de la greffe en couronne , que les arbres épuisés, soit pommiers, soit poiriers, sont rajeunis ; cette coutume est générale dans la Beauce, la Normandie et la Bretagne; elle paraît s’y être perpétuée depuis les Romains, qui la connaissaient. Les auteurs anglais sont una- nimes pour conseiller le rajeunissement partiel des vieux poiriers ; selon Rogers, dont les ou- vrages sur la culture des arbres à fruit sont très estimés dans toute la Grande - Bretagne, l’opé- ration doit durer quatre ans; on retranche chaque année le quart de la charpente qu’on renouvelle par la greffe en couronne. Les An- glais trouvent dans l'emploi de cette méthode un avantage réel, en ce que les récoltes ne sont pas interrompues. Il est probable que les suc- cès qu'ils en obtiennent sont dus à la nature du sol et du climat de la Grande- Bretagne. Nous avons fait plusieurs fois, en France et en Belgique, l'essai du renouvellement partiel du poirier ; le résultat a été constamment inférieur à celui du rajeunissement général par un recé- page complet. SecTioN VII. — Taille et conduite du pommier. $ IT. — Végétation naturelle. La végétation naturelle du pommier est de tout point semblable à celle du poirier ; comme lui, le pommier ne développe au sommet de chaque section de ses branches que des bour- geons à bois; comme lui, il ne donne ses pro- ductions fruitières que sur la partie intermé- diaire de chaque section, entre le sommet qui ne porte que du bois et le bas qui ne porte rien, parce que ses yeux sont endormis ou oblitérés. Tout ce que nous avons dit des pro- ductions fruitières du poirier, lambourdes, dards, bourses, bouquets, s'applique mot pour mot aux productions fruitières du pommier. La taille de ces deux arbres repose donc sur des principes absolument identiques, et nous avons peu d'espace à accorder à la taille et à la con- duite du pommier, après ce que nous avons dit du poirier ; en un mot, les titres de ces deux sections pourraient être transposés sans incon- vénient. Nous croyons donc devoir nous abste- nir de reproduire , dans de nouvelles figures, les branches à fruit et les rameaux du pommier ; l'inspection des figures analogues pour le poi- rier suffit pour s’en former une idée exacte. $ IL. — Pommiers nains. Les pommiers greffés sur franc et sur dou- cain, se taillent et se conduisent en plein vent, en pyramide, en vase et en espalier, comme les poiriers de même forme; ils ont seulement moins de propension à s'élever et beaucoup plus de souplesse, ce qui tient à la nature moins rigide de l'écorce et à la plus grande abon- dance du Liber. C’est pour cette raison que deux branches de pommier croisées l’une sur l’autre, soit qu’elles appartiennent au même arbre, soit qu’elles vivent sur des arbres diffé- RE RSS ee TITRE III. rents, s’'anastomosent inévitablement ,. et cela pour ainsi dire à tout âge, ce qui rend le pom- mier très propre à la greffe en approche, dont nous avons donné, pour le pommier, l’une des plus utiles applications (voir Greffe, fig. 189). La seule forme qui mérite une mention spéciale, parce qu’elle est particulière au pommier, € est celle de buisson nain (fig. 281). Ce buisson se Fig. 281. prépare sur deux branches dont chacune porte trois yeux bien conformés , comme le pcirier en vase, forme que le pommier sur doucain prend également avec la plus grande facilité. Mais comme il est dans la nature des sujets de paradis de ne jamais former qu’une petite quan- tité de racines presque à fleur de terre, ils ne sauraient être en état de nourrir une tête aussi forte que celle qu’exige la forme en vase; les trois yeux de chaque membre sont donc main- tenus à peu près à la même hauteur ; l'arbre, à aucune époque de son existence , ne doit s’éle- ver au-delà d’un mètre 50 cent. Les pommiers sur paradis, ou, comme disent les jardiniers par abréviation, les pommiers-paradis, ont pour mérite essentiel de se mettre à fruit immédiate- ment et de porter les plus beaux fruits de leur espèce (voir Jardin fruitier). Les pommiers ne se prêtent point, comme le poirier, au rajeu- nissement par recépage, pas plusles arbres sur franc et doucain que les pommiers - paradis ; mais comme ils meurent ordinairement par parties, en conservant toujours une portion, ou tout-à-fait saine, ou du moins plus vivace que le reste, ils se maintiennent longtemps par le rajeunissement partiel. Les pommiers-paradis n'ont jamais une longévité bien grande, défaut largement compensé par leur étonnante ferti- lité et la promptitude de leur mise à fruit; ils montrent toujours à deux ans leur premier fruit; à trois ans, c’est-à-dire trois ans après leur mise en place, ils sont en plein rapport. Dans la plupart des jardins fruitiers, les pom- miers-paradis ne meurent avant le temps que parce que le jardinier n’a presque jamais le Fig. TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. oo 127 courage de leur retrancher une partie des bou- tons à fruit pour leur faire pousser de bonnes branches à bois; ceux qui savent se contenter d’une production modérée, en rapport avec la force des sujets, n’y perdent rien, car les arbres durent plus longtemps et les fruits plus beaux ont plusde valeur. Les branches qui, sur le pom- mier-paradis, exigent lors de la taille la princi- pale attention du jardinier, sont les brindilles et les lambourdes. Les brindilles du pommier, toujours terminées par un bouton à fruit, ne se taillent pas avant que ce bouton n’ait produit une récolte; on les rabat ensuite sur un bon œil, dans le seul but de maintenir la production des fruits le plus près possible des branches principales ; plus le fruit naît loin de ces bran- ches, moins il doit avoir de volume et de qua- lité. Les lambourdes n’ont jamais besoin d’être rabattues sur leur œil inférieur; ayant pris naissance sur une bourse, elles ne peuvent don- ner, quand on les taille, que des rameaux de dimensions moyennes, toujours plus disposés que les autres de même force à se charger de boutons à fruit. Pour tous les autres détails de la taille et de la conduite du pommier, nous ne pouvonsque nous en référer à ce que nous avons dit de la taille et de la conduite du poirier. SECTION VIII. — Taille et conduite du groseillier. $ 17. — Vegétation naturelle, Groseillier à grappe. Le groseillier à grappe est un arbrisseau tel- lement fertile, qu’on lui fait rarement l’honneur de raisonner sa taille, attendu que, de quelque manière qu’on legouverne, il rapporte toujours; il peut cependant v avoir d'énormes différences dans la quantité et la qualité des produits, selon la manière dont le groseillier a été traité. Dans quelques communes voisines de Paris, la cul- ture du groseillier, menée de front avec celle des arbres fruitiers en plein-vent à haute tige, sur le même terrain, donne des produits fort importants avec la plus grande régularité. La groseille est un si bon fruit quand , par la cul- ture, on sait la conduire à sa perfection ; elle se vend d’ailleurs toujours avec tant &’avan- tages, que nous croyons devoir indiquer ici les moyens très simples de l'obtenir en abon- dance et de première qualité. Considérons d’abord le mode de végétation du groseillier. A l’époque de la chute desfeuilles, le bourgeon de l’année, A (fig. 282), porte à la 282. fois des yeux à bois et des yeux à fruit; les uns | toujours à bois. Les sections B et C de la même et les autres ont été formés pendant l’année | branche nous montrent des groupes d’yeux dans l’aisselle des feuilles ; l’œil terminal est | presque tous à fruit ; ils sont plus nombreux sur 128 la section B que sur la section À; ils le sont | plus encore sur la section C. Quant à la section D, il est facile de voir qu’ils ont été sur cette partie de la branche en aussi grand nombre que sur celle qui la précède immediatement; mais elle a commencé à se dégarnir. Plus bas, la section E qui a passé par tous les états repré- sentés par l’état actuel des sections supérieures, et qui était à la fin de la première année de son existence un bourgeon semblable de tout point à la section A , est totalement dégarnie d’yeux ; c’est une section épuisée qui ne peut plus se remettre à fruit; seulement, il en pourra sortir quelque bourgeon adventif, sur lequel on pour rait la rabattre dans le but de la rajeunir. L'examen des différentes sections decettebran- | che nous montre clairement la marche de la végétation du groseillier à grappe. Lesboutons à fruit s’y faconnent dans les aisselles des feuilles pendant la première année de l’exis- tence du bourgeon; durant la seconde année, le bourgeon terminal prolonge la branche et commence une nouvelle section. Le bois de deux ans a formé, toujours à l’abri des pétioles des feuilles, des yeux groupés en assez grand nombre, surtout vers le bas de cette section. Il en est de même du bois de trois ans; c’est sur | lui que la récolte promet d’être le plus abon- dante. Il y a encore beaucoup de bons yeux sur le bois de quatre ans; mais comme Pa- bondance des fruits qu’il portait quand il était comme celui qui le précède, à sa troisième an- née, s’est opposée à la naissance des feuilles, il n’a rien laissé pour l’année suivante, il est épuisé; Car, pour les rameaux du groseillier à grappe, on peut poser comme une règle qui n’admet point d'exception: Pas de feuilles, pas de fruit. $ II. — Taille et ravalement. La Connaissance de ces faits montre le but de la taille et de la conduite du groseillier ; pro- longer les tiges autant que possible en lignes droites, les remplacer par un bourgeon sorti d’une des sections inférieures quand ce bour- geon peut être provoqué à sortir, sinon les sa- crifier à la cinquième ou au plus tard à la sixième année de leur existence. En effet, par- venues à cet âge, les tiges du groseillier ont en- core deux sections en plein rapport; mais elles : en ont deux épuisées, une trop jeune pour pro- duire, et une autre dont les produits sont en- core faibles. Si l'on conservait cette branche pour attendre la pleine mise à fruit des sections supérieures, On n'y gagnerait rien, parce que, d’une part, les pousses annuelles diminuent con- sidérablement de longueur en s’éloignant de la souche, et que de l’autre, elles portent un moins grand nombre de boutons à fruit. C’est donc le moment de les rabattre ou de les sacrifier. Les tiges du groseillier n’ont pas toujours sur leurs sections inférieures un bon bourgeon de rem- placement sur lequel on puisse les rabattre, et le ravalement de la branche ne provoque pas | toujours la naissance de ce bourgeon: c’est par ! HORTICULTURE. LIVRE VIT, ce motif que dans les plantations de groseilliers, les cultivateurs qui traitent cet arbuste en: grande culture, au lieu de le planter par pieds isolés comme on le fait dans quelques jardins, pour lui établir une tête, forme à laquelle il se prête avec beaucoup de docilité, plantent trois ou quatre groseilliers ensemble dans la même fosse; sur ce nombre, il s’en trouve toujours assez qui donnent des bourgeons inférieurs, pour que la touffe, sans cesser d’être produc- tive, ne soit jamais dégarnie. Pendant la saison de la maturité des gro- seilles, la population ouvrière de Paris se porte en foule le dimanche et même le lundi vers les | communes peuplées de guinguettes où le gro- seillier à grappe se traite en grande culture pour la consommation de ia capitale, et on voit sou- vent le soir revenir des milliers de femmes et d'enfants portant à la main de grosses bran- ches de groseillier garnies de leur fruit mûr. Ce sont des branches qui, à la taille prochaine, de- vraient être supprimées comme ayant fait leur temps; elles se vendent de 5 à 15 centimes ; celles qui avaient des bourgeons de remplace- ment ont été rabattues sur ces bourgeons, qui par ce moyen profitent d'autant mieux de la dernière sève; on ne remarque point que les groseilliers souffrent de cette taille donnée au moment de la maturité des fruits; cependant, hors ce cas exceptionnel justifié par un motif d'intérêt, il vaut mieux tailler en hiver, pen- dant le repos de la sève. La taille qui suit immédiatement la planta- tion consiste à rabatire sur trois ou quatre bons yeux qui donneront naissance à autant de bran- ches destinées à parcourir les phases que nous venons de décrire. Afin d’assurer aux bour- geons qui sortiront de ces yeux une végétation vigoureuse, on supprime avec soin tous les yeux qui pourraient exister sur la souche au- dessous des trois qui suivent la taille, ou qui viendraient à s’y développer plus tard. Les bourgeons de prolongement qui doivent chaque année former successivement les sections de chaque branche ne doivent point être livrés à leur végétation naturelle; il ne faudrait même pas les tailler trop long, pour ne pas donner trop d’élévation au groseillier tout formé, et aussi pour éviter d’avoir dans chaque section un trop long espace vide de boutons à fruit. Lorsqu'une branche forme la sixième pousse et qu’on prévoit la nécessité de son ravale- ment pour la remplacer par un bourgeon infé- rieur, on ne laisse pas la sève se perdre dans les deux sections supérieures qui ne sont pas destinées à vivre; dès que la floraison est ter- minée et que le fruit est noué, on taille dans le bois de deux ans, un ou deux centimètres au- dessus de la grappe la plus rapprochée du haut; le fruit de cette branche qu’on n’a aucun inté- rêt à ménager puisqu'elle est condamnée, pro- fite de cette suppression; elle sert aussi à pré- parer le bourgeon de remplacement. Les indications qui précèdent se rapportent exclusivement au groseillier à grappe, à fruit TITRE HI. rouge, couleur de chair, et blanc; les autres espèces de groseillier ont une végétation dif- férente et demandent d’autres soins. quoiqu'en France on soit dans l'habitude de ne leur en | donner aucun. A. — Groseillier à fruit noir, cassis. Ce groseillier végète tout autrement que le groseillier commun à grappe; les veux à fruit existent tout formés sur le bois de l’année; tous les yeux sont à fruit excepté le terminal d'un bout à l’autre du bourgeon. Les branches du cassis sont épuisées à la quatrième année; elles fournissent à volonté des bourgeons de rem- placement: elles n’ont pas besoin d’être rac- courcies comme celles du groseillier commun ; on peut les livrer au cours naturel de leur vé- gétation. B. — Groseïllier épineux. L'emploi desfruits verts de ce groseillier pour lassaisonnement du maquereau lui a fait don- ner le surnom de groseillier à maquereau, sous lequel il est connu dans nos jardins. Sa végéta- tion suit la même marche que celle du cassis; l'œil terminal est seul à bois ; tous les yeux le long du bourgeon de l’année sont des yeux à fruit, quelquefois doubles, le plus souvent simples. Quand l'extrémité des rameaux tres flexibles de cet arbrisseau arrive à terre, elle s’y enracine pour peu qu'elle y rencontre un peu d'humidité. La multitude de jets épineux chargés de fruits que ce groseillier pousse dans tous les sens quand il est livré à lui-même, rend sa touffe impénétrable, ce qui nuit à la qualité du fruit en le privant d’air et de lu- mière, et occasionne la perte d’une partie de la récolte qu’il devient impossible de cueillir. Les branches qui ont fructifié pendant trois ans ont besoin d’être rajeunies ; les touffes doivent toujours être élaguées pour que la main pénè- tre sans piqûre dans leur intérieur. SECTION IX. — Taille et conduite du framboisier. 6 1°, — Végétation naturelle. Le bois du framboisier est à peine du bois; son canal médullaire, très large par rapport à la grosseur des tiges, occupe plus de la moitié de leur diamètre ; aussi le framboisier quoiqu'il puisse dépasser la hauteur de deux mètres, n'est-il en effet qu'un sous-arbrisseau, Ses dra- geons prennent en un an toute la longueur qu'ils doivent avoir; l’année d’ensuite ils fleu- rissent, fructifient et meurent. Il ne reste de vivant qu’une souche garnie de nombreuses racines traçantes; le framboisier se continue ainsi d'année en année par ses drageons tou- jours surabondants; rien ne peut empêcher le framboisier de deux ans de mourir. Telle est la marche invariable de la végéta- tion du framboisier. Les productions fruitières sont des brindilles ordinairement fort courtes, quoique dans des circonstances très favorables, TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. | à Om,20 ; elles naissent toujours dans tes ais- 129 selles des feuilles, comme le montre la fig. 283; Fig. 283. tous les yeux du framboisier sont à fruit. Le framboisier présente en outre un phénomène très remarquable et qui lui est propre, il peut donner des fruits sur une tige encore herbacée; son bois, pour porter fruit, n’a pas besoin d’être aoûté; il fait exception à la règle qui veut que le bois et le fruit mürissent ensemble, et qu’il ne puisse se trouver des boutons à fruit que sur du bois parfaitement mûr. $ IL. — Taille et élagage. La taille est nécessaire au framboisier pour faire naître les fruits sur la partie de la tige la plus capable de les porter et de les nourrir ; s'ils n'étaient point taillés, les jets de l’année ne fleuriraient qu’à leur extrémité supérieure; les yeux du bas et même ceux du milieu de la tige ne s’ouvriraient pas; le fruit, à l’époque de la maturité, ayant fort peu d’adhérence à son support, serait presque entièrement perdu, le moindre balancement suffisant pour le déta- cher. Si l’on donnait au contraire une taille trop courte, le framboisier ne fleurirait que du bas de sa tige; Le fruit trop près de terre serait sali par lerejaillissement de la pluie; il importe donc de faire ouvrir et fructifier de préférence les yeux le plus favorablement placés. On taille le framboisier à 1,30 du sol; les tiges les plus fortes peuvent se tailler à 1m,50 et les plus faibles à un mètre seulement. Lorsque l’état de la température fait craindre des gelées tardives, on peut différer la taille du framboisier jusqu’à l’époque où les reprises du froid ne sont plus à craindre; le framboisier ne gèle jamais que par le sommet des tiges; la taille enlève la partie endommagée. Il ne faut cependant recourir à ce procédé qu’en cas de nécessité; une taille a fatigue beaucoup les souches de fram- boisiers ; on s’en aperçoit à la faiblesse des re- jetons et à la diminution des produits de l’an- née suivante. Il est remarquable que le fram- boisier gèle assez fréquemment en France, tan- dis qu'en Laponie, son pays natal, il ne gèle jamais. C’est qu’en Laponie, quoiqu'il gèle huit mois de l’année , une fois le degel venu, le froid ne reprend plus jusqu’à la fin de la saison ; le framboisier supporte impunément le froid le plus intense quand il ne végète pas; mais une fois entré en végétation, quelques degrés de froid détruisent tous les yeux ouverts. Les souches de framboisiers seraient promp- elies puissent atteindre une longueur de 0m,15 | tement épuisées si l'on laissait fructifier tous HORTICULTURE, Es, Ne = 130 les jets de chaque année; le fruit serait petit et de mauvaise qualité ; pour l'obtenir dans toute sa perfection, il ne faut laisser à chaque sou- che qu'une quantité modérée de pousses an- nuelles: les jets doivent être éclaircis de ma- nière à n'en laisser que quatre ou cinq au plus sur les plus fortes souches et deux ou trois sur les autres. $ IT. — Framboisier des Alpes. Cette variété peu cultivée porte le nom de framboisier des quatre saisons, bien qu’elle ne produise que deux fois l’année ; elle n’est ce- pendant pas remontante dans le vrai sens du mot; seulement les jets de l'année, qui dans le framboisier commun ne fleurissent que l’année suivante, devancent dans cette espèce l’époque habituelle de la floraison du framboisier ; les yeux du sommet s'ouvrent en brindilles et por- tent fruit avant l'hiver qui les surprend tou- jours chargés de fleurs. On les raccourcit à la longueur ci-dessus indiquée dès que leur végé- tation parait suspendue; ils portent une se- conde récolte au printemps et meurent aussitôt après avoir donné leur fruit plus petit, mais plus parfumé que la grosse framboise rouge et jaune des jardins. Ÿ LV. — Arbres fruitiers qu'on ne taille pas, Nous avons à dessein rejeté à la fin de ce chapitre les arbres à fruit, soit à noyaux, soit à pepins qu’on ne taille point et qu’il suffit d’a- bandonner à leur végétation naturelle en les débarrassant du bois mort; ce sont l’amandier, le cognassier, le néflier et le noisetier. L'amandier végète absolument comme le pé- cher ; lorsqu'on l'élève en espalier pour en ob- tenir des fruits précoces destinés à être mangés verts, on le conduit exactement d’après les principes que nous avons indiqués pour le pê- cher. Ces deux arbres sont d’ailleurs tellement identiques au fond, qu’il n’est pas rare de voir les fruits de l’amandier-princesse raccourcir leur noyau, arrondir leur pulpe, et présenter tous les caractères d'une véritable pêche. L’a- mandier en plein-vent ne se taille point ; on se borne à lui enlever le bois mort. Le cognassier ne peut être taillé, par la rai- son qu'il fleurit exclusivement par l'extrémité des branches dont l’œil terminal se faconne en œil à fruit accompagné d’un sous-œil à bois; il forme sa tête de lui-même et a rarement be- soin d’être éclairci. Le néflier fleurit comme le cognassier et ne se taille point, pour la même raison. Le noisetier n’a besoin que d’être débarrassé tous les ans des drageons dont les souches s’entourent chaque année pendant tout le cours de leur existence. L’enlèvement des drageons suffit pour forcer la sève à se porter sur la tige principale qui forme naturellement sa tête sans avoir besoin d’être taillée ; livré à lui-même, le noisetier croîtrait en buisson, Comme le cou- drier dans les bois, maisil serait moins fertile. HORTICULTURE. LIVRE VIII CHAPITRE V. — JARDIN FRUITIER. Nous avons considéré les arbres à fruit de- puis leur naissance jusqu’à leur déclin; nous avons passé en revue les soins qu’ils réclament aux diverses phases de leur existence, en y comprenant les moyens de renouveler ceux qui sont susceptibles d’être rajeunis. Dans tout ce qui précède, nous avons dû ne voir que des arbres isolés, envisagés sous tous leurs aspects en rapport avec l’horticulture. Il nous reste à les introduire dans les jardins : c’est le sujet de ce chapitre. Les arbres fruitiers, dans la plupart des jar- dins, sont rarement l’objet d’une culture spé- ciale; on ne leur consacre point un local sé- paré; les plates-bandes du potager sont garnies d'arbres fruitiers conduits en pyramides, quel- quelois en éventail ; les murs à bonne exposi- tion sont couverts d'arbres en espalier. Ajoutez- y un carré de pommiers-paradis, c’est tout ce qu’on accorde aux arbres fruitiers. Pour nous, dans le double but de ne rien omettre dans cette partie de l’horticulture, et d'éviter tout ce qui pourrait détourner vers d’autres objets l’at- tention du lecteur, nous entendrons toujours par jardin fruitier un local exclusivement des- tiné aux arbres à fruit, et où, par conséquent, tout est subordonné à leur culture. Nous aurons d’abord à nous occuper des vergers proprement dits, comprenant sous ce nom les jardins, trop rares en France, où les arbres à fruit à couteau sont conduits en plein- vent, à haute tige, sur un sol ordinairement gazonné , ils peuvent être protégés par une simple haie vive ; les murs ne leur serviraient que de clôture ; l'ombre projetée par les têtes des arbres rendrait les murailles inutiles comme espalier. (Pour les vergers agrestes plantés d'arbres fruitiers à cidre, voir tome IL, p.145). Les jardins fruitiers proprement dits, moins étendus quoique pouvant être aussi productifs que les vergers, sont peuplés d'arbres conduits en pyramide, en vase et en éventail ; les murs dont ils sont enclos peuvent recevoir des es- paliers. Les jardins à la Montreuil, coupés de dis- tance en distance par des murs garnis d’espa- liers, appelleront ensuite notre attention. Ils auront à nous montrer tout ce que l’industrie horticole peut obtenir de produits par la cul- ture la mieux raisonnée, appliquée aux arbres à fruit en espalier. Nous traiterons séparément de la culture forcée des arbres à fruit, soit dans les serres, soit sous des vitrages mobiles, Secrion 1'°. — Verger. & 197, — Choix et préparation du sou. A.— Choix du sol. Toute bonne terre à blé peut produire de bons fruits; ce dicton populaire est d’une vé- rité incontestable. Le meilleur sol pour les ar- TITRE III. bres à fruits à pepins est une terre à blé où le calcaire n’est point abondant; le meilleur sol pour les arbres à uits à noyaux est une terre à bié très riche en calcaire. Il ne faut point es- pérer de bons fruits à pepins des arbres plantés dans une terre où domine le sulfate de chaux ou gypse (plâtre); les terrains gypseux au con- traire sont essentiellement propres à tous les arbres à fruits à noyaux. Telles sont les consi- dérations générales qui doivent présider au choix du sol pour l'établissement d’un verger. Mais, en dehors de ces natures de terrains pour ainsi dire privilégiés, on peut, avec quelques soins, obtenir de très bons fruits des terrains plus médiocres, en S'appuyant, pour le choix des espèces, sur les principes que nous venons d’énoncer. Les terres alumineuses et celles où la silice domine, quoique impropres à la culture des céréales, peuvent fort bien nourrir des ar- bres fruitiers très productifs. Le sous-sol exerce sur la végétation de ces arbres une influence au moins aussi grande que la qualité du sol. Aucun arbre à fruit, soit à pepins, soit à noyaux, ne résiste ni à l’excès de l'humidité, ni à l’excès de la sécheresse; il est donc ab- surde de planter un verger dans une terre, as- sez bonne d’ailleurs, mais dont le sous-sol re- tenant l’eau est pourrissant en hiver et brûlant en été. C’est presque la seule nature de sol qui soit absolument impropre à la végétation des arbres fruitiers. Les Anglais, chez qui des ter- rains semblables se rencontrent fréquemment, mais qui ne craignent pas la dépense quand il s’agit de lutter contre la nature, établissent un pavage à un mètre sous terre, au-dessous de la place que chaque arbre doit occuper, remplis- sent le trou de bonne terre, et plantent par là- dessus, On conçoit que ce moyen de triompher de l'humidité du sous-sol ne saurait être à l'usage de celui qui plante des arbres dans l’es- poir de porter un jour les fruits au marché. Il ÿ à un autre moyen de préserver les racines des arbres fruitiers de l’influence pernicieuse d’un sous-sol peu favorable : c’est d'empêcher ces racines d'y pénétrer; il ne faut pour cela que deux choses : ne pas toucher au sous-sol, et rendre la couche supérieure si bonne, si fer- tile, que les racines, toujours attirées de pré- férence vers la meilleure terre, au lieu d’aller chercher le tuf pour y périr, s'étendent en tout sens à peu de distance au-dessous de la surface du sol, dans sa couche supérieure. B. — Exposition. Toutes les expositions peuvent convenir à l'établissement d’un verger, même celle du nord, pourvu qu’on fasse choix d’espèces convena- bles. La meilleure exposition est celle du sud- est pour toute la partie de la France où les vents d’ouestrègnent habituellement et soufflent avec violence aux équinoxes; tous les départements voisins des côtes de la Manche et de l'Océan sont dans ce cas. Dans l’est de la France, Fex- position sud-ouest est préférée avec raison. Les pentes bien exposées, quelle que soit leur rapi- JARDIN FRUITIER. 131 dité, conviennent aux arbres fruitiers, pourvu que le solsoit de bonne qualité. Lorsqu'on plante un verger à l'exposition du nord ou à celle du nord-est, il faut le peupler exclusivement des espèces qui fleurissent tard, afin que les bou- tons n'aient point à supporter l'effet perni- cieux des vents froids, aux approches de la floraison. C. — Préparation du sol. La terre où l’on se propose de planter un verger doit être ameublie par un labour pro- fond, et fumée largement un ou deux ans d’a- vance. Les racines des arbres fruitiers n’ai- ment pas le fumier frais en fermentation. tel qu’on le tire de l’étable ou de l’écurie pour l’em- ployer directement à une culture de céréales ou de légumes. Lorsqu'on fume immédiatement avant de planter, il faut que ce soit avec du fumier très consommé, mis d'avance en tas pour cet usage. Si l’on n’a à sa disposition que du fumier très chaud comme celui d’écurie ou de bergerie, dans la crainte que, même à unétat de décomposition très avancé, il ne nuise aux racines fibreuses (chevelu), il est bon de le mélanger avec deux parties de terre fraiche de nature argileuse; la poussière ou la boue des- séchée des routes à la Mac-Adam convient bien aussi pour ces mélanges. Nous l’indiquons d'autant plus volontiers qu’on s’en sert très rarement en France, bien qu’elle soit très employée en Angleterre, en Allemagne et en Belgique. Sous tous les autres rapports, il: faut considérer la terre d’un verger comme celle d’un jardin potager , et la traiter en con- séquence; lorsqu'elle n'indique pas de traces de chaux, en faisant effervescence avec les acides, il n’y a pas d’inconvénient à lui don- ner un chaulage ou un marnage modéré, a Ja dose de 10 à 12 mètres cubes par hectare, pourvu que ces substances soient bien pulvé- risées, et mélangées le plus exactement possi- ble avec la couche superficielle du sol, sans être enterrées trop profondément. Une dose mé- diocre de sable siliceux (10 à 15 mètres cubes par hectare) produit un excellent effet sur un sol compacte, de nature argileuse. Si le climat et les circonstances :ocales font préférer ies fruits à noyaux aux fruits à pepins, les amen- dements calcaires, surtout le sulfate de chaux, soit cru, soit calciné (plâtre), pourront être employés à haute dose dans les terres qui en seraient dépourvues. Il faut ajouter à ces pré- parations l'établissement d’un nombre suffisant de fosses et de rigoles d’égouttement, pour peu que le sol montre de disposition à retenir l’eau; disposition, qui, si elle n’est combattue par des soins intelligents, cause infailliblement l& perte des arbres à fruit quels qu’ils soient : D. — Défoncements. Les opinions sont très divisées quant aux défoncements. Tous les anciens auteurs qui ont écrit sur la culture des arbres fruitiers, soit en France, soit à l'étranger, et le plus grand 152 nombre des auteurs modernes, ont insisté sur la nécessité de défoncer le plus profondément pos- sible la totalité du terrain destiné à recevoir une plantation d'arbres fruitiers; mais les au- teurs les plus accrédités parmi les modernes, particulièrement Abercrombie, Rogers, Neill, Loudon, qui font autorité en Angleterre, où la culture des arbres fruitiers est portée à un très haut degré de perfection, rejettent les dé- foncements profonds, comme plus nuisibles qu'utiles. Une longue pratique nous force à nous ranger completement à cette dernière opi- ion. Un bon labour à la charrue, suivi d’une facon convenablement soignée à la bêche, ne dépassant pas Om,25 à 0m,30, produit en ré- sultat des effets évidemment meilleurs qu’un défoncement à la pioche à 0,40 ou 0m,50, tels qu’on en donnait autrefois à la totalité du terrain destiné à une plantation d'arbres frui- tiers. Il est bien entendu que nous parlens ici uniquement de l’ensemble du verger; la place occupée par les trous ne peut se passer d’un défoncement, quoique moins profond qu’on n’a coutume de le pratiquer. E. — Trous, tranchées, distances. Les trous ne sauraient être creusés trop long- temps d'avance; plus la terre des trous reste exposée aux influences atmosphériques, mieux elle agit sur la végétation des jeunes arbres. Il est inutile de donner aux trous plus d’un mètre de profondeur; en pénétrant plus avant dans le sol, on ne fait que solliciter les racines à s’en- foncer ; or, l'expérience démontre que plus les racines, au lieu de plonger dans la terre, s’éten- dent horizontalement dans la couche supé- rieure, plus les arbres sont vigoureux et pro- ductifs. Si le lecteur se reporte à ce que nous avons dit du traitement des arbres fruitiers en général, il verra qu’en suivant nos conseils, jamais le jardinier n’aura lieu de se plaindre d’un excès de force dans les arbres fruitiers, puisqu'il ne tient qu’à lui de faire servir cette force exubérante à la production du fruit. Mais, dans l’ancien système, la taille des ar- bres était conduite de telle sorte que le jardi- nier ne savait que faire d’un arbre trop vigou- reux; il cherchait donc à l'empêcher de déve- lopper cette richesse de végétation qu’une taille raisonnée ne laisse jamais devenir embarras- sante. Ces motifs, quoiqu’ils ne fussent pas ex- plicitement énoncés, étaient la véritable cause des recommandations des anciens auteurs , tant sur la nécessité des défoncements que sur celle de donner aux trous, pour les plantations, la plus grande profondeur possible. Nous n’hési- tons pas, quant à nous, à reconnaître que des trous de 0” ,80, et même de 0°”,60, sont très suffisants quand le sous-sol est, ou très humide, ou d’une nature complétement stérile. Il arrive assez souvent qu'un propriétaire aisé, ne vou- lant pas se priver des plaisirs que procure un verger, bien que la terre dont il dispose soit absolument impropre à la culture des arbres à fruit, ne recule pas devant la dépense néces- HORTICULTURE. LIVRE VIli. saire pour remplir les trous de bonne terre rap- portée; dans ce cas, nous lui conseillons de dis- poser cette terre végétale, plutôt en étendue qu'en épaisseur. Ainsi, toutes choses égales d’ailleurs, un arbre à fruit végétera mieux dans 4 mètres cubes de terre, remplissant-un trou d’un mètre de profondeur et de 2 mètres de côté, que dans un trou de même surface, cubant 6 mètres de la même terre, sur une pro- fondeur de 1M,50, Nous indiquons la profon- deur d’un mètre, comme un maximum qu’on n’a presque jamais intérêt à dépasser ; le plus souvent il vaut mieux que les trous aient plus d'ouverture et moins de profondeur. On donne ordinairement aux trous la forme carrée ; c'est la moins rationnelle de toutes ; une forme cir- culaire convient mieux au libre développement des racines et met, avec une dépense égale de main-d'œuvre, un plus grand espace à leur dis- position. Si la végétation de l'arbre est régulièrement conduite , ses racines , bien que dans un trou carré, n’en prendront pas moins une disposi- tion circulaire; les angles, qui ont coûté le plus de temps à faconner, et qui augmentent beaucoup le prix de la main-d'œuvre, sont à peu près en pure perte, comme le montre la fig. 284 ; les racines ne prennent jamais d’elles- mêmes une disposition carrée que quand les trous trop petits, creusés dans un sol humide, sont comme des caisses, dont elles ne peuvent sortir; mais, même dans ce cas, elles seraient mieux dans un trou circulaire de grandeur équivalente. Toutefois, les trous ne sont pas ce qu’il y a de mieux pour les plantations d'arbres fruitiers. Lorsqu'on n’est point arrêté par les considérations d'économie, il est de beaucoup préférable d’ouvrir des tranchées continues, de 0,80 à 1 mètre de profondeur et 2 mètres de large, sur toute la ligne que les arbres doivent occuper. Ces tranchées s'ouvrent en rejetant sur les berges toute la terre à droite et à gau- che; on retire, pendant cette opération, les pierres trop grosses et les vieilles racines vi- vaces qui peuvent s’y rencontrer; les pierres qui ne dépassent pas la grosseur du poing, à moins qu'elles ne soient trop abondantes, ne doivent point être rejetées en dehors ; on en for- mera un lit au fond de la tranchée ; il sera bon, s’il est possible , d’y mêler quelques plâtras ou décombres de démolitions grossièrement con- cassés ; ces débris sont surtout efficaces quand : ils proviennent de bâtiments anciennement ha- bités, parce que, dans ce cas, ils sont toujours imprégnés d’une plus ou moins grande quantité TITRE HI. JARDIN FRUITIER. de sous-nitrate de potasse (salpètre). Dans tous : les cas, ils servent, ainsi que les pierres, à as- surer l’égouttement des eaux de pluie surabon- dantes. Les pierres de plus petites dimensions ne doivent point être séparées de la couche de terre où les arbres seront plantés, excepté lors- que cette terre est par trop graveleuse; si le sol argileux était passé à la claie, il deviendrait pendant les sécheresses si dur et compacte, que la pluie le pénétrerait difficilement, et que les influences atmosphériques ne sauraient ar- river jusqu’aux racines des arbres. Les arbres fruitiers en plein-vent, a haute tige, dont se compose un verger, se plantent à des distances variables qui ne doivent pas dé- passer 12 mètres en tout sens, et ne peuvent être moindres de 10 mètres. Ces arbres doivent vivre au moins 4 ans avant de montrer leur premier fruit, en supposant qu’on les plante tout gref- fés ; si lon plante des égrains ou sauvageons, il faut attendre 2 ou 3 ans de plus. Dans les circonstances les plus favorables, les arbres d’un verger ne donnent que des récoltes de peu de valeur, jusqu’à leur huitième ou dixième année, à dater de la plantation: ils ne sont en plein rapport qu’à quinze ans ; ils continuent à croître en grandeur et en fertilité jusqu’à trente ans ; tout cela est bien long. Pour ne pas at- tendre si longtemps le prix de sa peine et la rentrée de ses avances, le jardinier a recours à plusieurs moyens. D'abord, il plante entre les arbres à haute tige des lignes alternatives d’ar- bres en pyramides ou en vases, et d’arbres nains, qui, après 2 ou 3 ans de plantation, commencent à rapporter. Comme il n’y a pas de raison pour les ménager, on les taille de manière à leur faire produire le plus de fruit possible ; à 8 ans, les arbres nains sont épui- sés ; en les supprimant, on dégage d’autant les plein-vents qui sont déjà forts ; 4 ou 5 ans plus tard, c’est le tour des arbres de moyenne taille, les plein-vents restent alors définitivement en possession du sol. C’est surtout lorsqu’on fait usage de ce moyen, que les tranchées conti- nues sont préférables aux trous. En supposant une distance de 12 mètres entre chaque arbre en plein-vent , il peut y avoir dans l’intervalle un arbre en pyramide et deux arbres nains. L'arbre en pyramide, comme l'arbre en plein- vent, réclame un trou de 2 mètres de côté, sur 0",80 à 1 mètre de profondeur; les arbres nains veulent chacun un trou d’un mètre carré; ainsi, pour la plantation dans des trous, on aura remué en tout 14 mètres cubes de terres, et pour la plantation en tranchée on en aura déplacé 24. La dépense est plus forte, mais le produit est pre grand et plus durable. Le second moyen de recouvrer les avances faites pour la plantation d’un verger, sans at- tendre la mise à fruit des arbres, consiste à cultiver en jardin potager le sol entre les lignes, ce qui suppose qu’on n’a planté que des arbres en plein-vent. Dans ce cas, comme d'une part le fumier chaud appliqué aux cultures jardi- nières endommagerait les racines des jeunes 133 arbres, et que de l'autre les récoltes de légumes leur enléveraient une portion de leur nourri- ture, on laisse au pied de chaque arbre un es- pace vide qu'on a soin d'entretenir constam- ment net de mauvaises herbes, et dont on ra- fraichit la surface par de fréquents binages. Cet espace doit être d’un mètre de côté, la pre- mière année, de 1,50 la seconde, de 2 mètres la troisième ; les cultures jardinières ne doivent jamais se prolonger au-delà de la quatrième ou cinquième année, après quoi le sol est converti en prairie naturelle à perpétuité, l'espace de 2 mètres carrés restant toujours libre au pied de chaque arbre. $ II. — Choix des arbres en pépinière, arrachage, Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit, relativement au choix des égrains, lorsqu'on veut greffer en place les arbres dans le verger , après 2 ou 3 ans de plantation (voir Pépinière). Il faut visiter au moins deux fois dans la pé- pinière les arbres qu’on se propose de planter tout greffés : la première visite doit avoir lieu un peu avant la chute des feuilles; la seconde aussitôt que les arbres sont dépouillés. A la première visite , on examine soigneusement la qualité du sol de la pépinière, pour la compa- rer à celle du sol du verger projeté. A mérite égal, les arbres venus dans une terre moins bonne que celle qu’on leur destine, sont préféra- bles aux sujets élevés dans une terre de qualité supérieure, On tient note des arbres qui se dé- pouillent de leurs feuilles avant les autres de même force apparente et de même espèce : c’est toujours un signe de faiblesse dans les racines ; tous ceux qui, bien que robustes en apparence, auront perdu les feuilles de leurs pousses termi- nales avant celles des branches inférieures , doivent être rejetés ; l'arbre qui se dépouille du haut plus tôt que du bas manque de tempéra- ment. A la seconde visite, les sujets complétement dépouillés laisseront mieux voir leurs imper- fections. On cherche d’abord les traces, s’il en existe, d’une ou plusieurs greffes manquées ; on voit aussi comment et combien de fois l’ar- bre a été taillé depuis qu'il a reçu la greffe. Les sujets qui n’ont pas pris la greffe du pre- mier coup à moins qu'ils n’offrent d’ailleurs des marques évidentes de vigueur et de santé , ne doivent point être choisis. On passe ensuite à l'examen des productions fruitières. En géné- ral, tout arbre à fruit, soit à pepins, soit à noyaux, si dans la pépinière, il est trop avancé vers l’époque de sa fructification , ne sera ja- mais un bon arbre dans le verger ; les arbres à fruits à pépins, s'ils ont en pépinière des bou- tons à fruit en abondance, ne peuvent que lan- guir dans le verger, quelque soin qu'on en prenne. C’est ce que savent très bien les hommes du métier ; mais la plupart du temps Facheteur inexpérimenté est au contraire séduit par ces marques de fécondité précoce, et le pépiniériste fait valoir comme une qualité ce qu’il sait bien 134 être un défaut, afin de se débarrasser des su- jets médiocres. C’est du bois et non du fruit que l'arbre doit avoir produit en pépiniére et qu'il doit continuer à produire durant les pre- mières années qui suivent sa plantation; le fruit venant en son temps, sur des branches robustes et bien formées, sera plus beau et plus abondant ; on obtiendra ainsi des récoltes du- rables et soutenues. L'arbre qui montre son fruit en pépinière, après quelques récoltes pré- maturées, cesse bientôt de produire, et ne pourra plus se remettre à fruit. Ceci doit surtout s’en- tendre des arbres à fruits à pepins à haute tige, destinés à être cultivés en plein-vent dans le verger. nn Lorsque les choix sont arrêtés, il importe de surveiller deux opérations essentielles, l'arra- chage et le transport des arbres de la pépinière dans le verger. Un temps humide et doux, mais couvert, est le plus favorable; il faut se garder d’arracher et d’enlever les arbres par un temps sec et froid, sous l'influence des vents glacés du nord ou du nord-est. On doit veiller à ce que les sujets soient arrachés à jauge ou- verte, c’est-à-dire à ce que l’ouvrier enlève, en avant du premier rang des jeunes arbres, assez de terre pour prendre leurs racines en dessous, sans couper leurs extrémités, et pour pouvoir les enlever sans leur faire éprouver aucune se- cousse. Une gratification, accordée à l’ouvrier pour qu'il donne à cette partie de son travail toute l'attention nécessaire, est de l'argent très bien dépensé. L'écorce des sujets doit être ménagée lorsqu'on les attache en paquets pour les charger sur la charrette ; chaque écorchure qu’elle recoit peut devenir l’origine d’une plaie dangereuse. L'orientation des sujets, utile pour tousles arbres, est surtout nécessaire pour les ar- bres du verger, qui auront bien des années à pas- ser exposés a tous les vents, avant d’être devenus assez forts pour pouvoir se prêter réciproque ment un peu d’abri ; le côté du tronc tourné vers le nord dans la pépinière sera noté par une mar- que (la meilleure est un léger trait de pinceau avec du blanc de plomb), afin qu’on puisse lui donner, lors de sa plantation définitive, une situation de tout point analogue à celle à la- quelle il est habitué. Il faut, disent les jardi- niers, que l'arbre ne s’aperçoive pas qu'il a changé de place. Dans ce but, on eflectue le plus rapidement possible le passage de la pé- pinière au verger ; les trous ou tranchées étant prêts à l'avance, et le choix des arbres arrêté, on a soin de n’enlever à la fois que ce qu’il est possible de planter immédiatement, sauf à faire un plus grand nombre de voyages à la pépi- nière. Plusieurs auteurs conseillent de mettre les arbres en jauge dans de bon terreau, pour ne les planter qu'au printemps, un peu avant la reprise de la végétation ; cette pratique peut ître utile, par exception, pour quelques arbres a fruits précoces, originaires du midi, qu’on désire abriter du froid pendant l'hiver, afin que, lantés au printemps, ils prennent pendant Pate la force nécessaire pour résister au froid HORTICULYTURE. LIVRE VIII. de l'hiver suivant; mais, en général, on ne doit regarder la mise en jauge des sujets des- tinés au verger que comme une ressource dont il ne faut user qu’en cas de nécessité, par exem- ple quand on est surpris par un froid vif au milieu de la plantation ; hors cette circonstance toute exceptionnelle, moins il y a d'intervalle entre l’arrachage et la mise en place des arbres, plus la reprise en est assurée. $ LIT. — Habillage des racines. Lorsque nous reconnaissons la nécessité d’ex- poser quelques notions de physiologie végétale, indispensables à l'intelligence des principes sur lesquels est fondée la pratique rationnelle du jardinage, nous les placons près des opérations auxquelles elles se rapportent, afin que le lec- teur saisisse mieux leurs liens de relation. Nous croyons les notions suivantes sur le mode de formation et d’action des racines, dignes de toute l’attention des amateurs de la culture des arbres à fruit. Lorsqu'une semence d’un arbre quelconque commence à germer, le germe (embryon), avant de rien emprunter à la terre, envoie vers le sol une petite racine (radicule) qui s’y implante en vertu de l'énergie vitale qui lui est propre. Eu même temps, la partie supérieure du germe s'allonge en sens contraire, emportant avec elle les cotylédons de la semence ; c’est le commen- cement du tronc. Si, par une cause quelconque, le haut du germe vient à être détruit , la radi- cule meurt ; dans les premiers temps de leur existence ces deux parties ne peuvent vivre que l’une par l’aatre. La nourriture qui sert à leur aceroissement n’est point encore tirée du de- hors ; pour que la radieule, devenue racine, et la tige munie de ses premières feuilles, com- mencent à puiser des alimenis, l’une dans la terre, l’autre dans l'atmosphère, il faut qu’elles se soient d’abord incorporé la substance des lobes de la semence (cotylédons), passés à l’état de feuilles séminales; ces feuilles une fois épui- sées se dessèchent et tombent. Jusqu'ici, que s'est-il passé dans la végétation de ce jeune arbre ? La racine ne s’est formée que par des courants descendants, par lesquels le germe lui envoyait sa part de la substance des feuilles séminales. Ces feuilles n’existant plus, la racine, qui se subdivise et s'étend, prend maintenant dans la terre un liquide (sève) qu’elle envoie à la tige par des courants ascendants. Celle-ci, après en avoir absorbé ce qui lui convient pour son propre ageroissement , renvoie le surplus à la racine par des courants descendants non in- terrompus. Ainsi, les racines ne se forment pas par elles-mêmes; elles doivent leur aceroisse- ment à la substance que leur transmettent la tige et ses ramifications ; € est pourquoi, comme nous l’avons déjà fait remarquer , une branche qui s’emporte, si on la livre à elle-même, trans- met aux racines qui lui correspondent un ex- cès de nourriture qui ne tarde pas à augmenter dans la même proportion leur force d’aspira- tion et leur volume. Une fois cet échange de ue de ce. ml mr mat pes TITRE JII. substance établi entre les racines et la tige , il n’est plus interrompu tant que dure l'existence de l’arbre ; en hiver, il est seulement ralenti; le peu de sève que les racines envoient aux branches dans cette saison est employé à nour- rir les veux, à leur donner la force nécessaire pour qu'ils puissent s'ouvrir au printemps et devenir soit des fleurs, soit des bourgeons; telle est la marche invariable de la végétation des racines. La faculté absorbante des racines réside dans les extrémités de leurs subdivisions les plus déliées ; elles sont-munies d'organes particu- liers, nommés spongioles, ou petites éponges, parce que, comme les éponges, ces organes s'imbibent de toute substance liquide placée à leur portée; cette partie des racines est molle et n’a pas encore d’épiderme imperméable ; quand elle passe en viellissant à l’état ligneux, elle n’absorbe plus rien par elle-même, elle ne sert plus que de passage aux liquides absorbés par les spongioles et transmis à la tige ainsi qu’à ses ramifications, jusqu'au sommet des plus hautes branches des plus grands arbres. Ce qui précède suffit pour faire comprendre toute l'importance du rôle que joue dans la vie végétale la partie fibreuse des racines des ar- bres, connue sous le nom de chevelu, dont toutes les extrémités sont des spongioles. Revenons aux arbres qu’il s’agit de planter dans le verger. Quelque soin qu’on ait pris de ménager les racines à l’arrachage, il suffit que l'arbre soit déplacé pour que les fonctions des spongioles soient interrompues; une fois in- terrempues, ces fonctions ne reprennent point leur cours ; il faut que l'arbre forme de jeunes racines terminées par des spongioles nouvelles, pour que le cours de la vie végétale soit com- plétement rétabli. La raison pour laquelle nous avons pris tant de ménagements pour enlever le sujet, dans la crainte d’endommager ses racines, C’est que les racines blessées ou rom- pues violemment deviennent par cela seul moins propres à donner naissance à de nouvelles ra- cines ; car il importe à l’avenir de l’arbre qu’il y ait le moins d'interruption possible dans la . circulation de la sève, et que par conséquent l'arbre planté soit bientôt muni d’un nouveau système de jeunes racines fibreuses pourvues de nombreuses spongioles ; l'arbre vit par elles principalement. Nous voici donc éclairés, par des faits nom- breux et certains, sur la marche à suivre dans l'habillage des racines au moment de la plan- tation ; nous connaissons le but de cette opé- ration, nous en prévoyons les conséquences avec certitude. D’abord, il faut supprimer tou- tes les parties des racines endommagées ou malades ; nous savons que de ces parties il ne Fe naître aucune racine utile à la reprise de ’arbre; il en est de même des extrémités des principales racines qui, malgré toutes les pré- cautions qu’on a pu prendre, ont toujours plus ou moins souffert. Il résulte aussi de ce qui précède, qu’il importe de trancher dans la par- JARDIN FRUITIER. 135 tie des racines la plus saine et la plus vivace, afin qu'il s’y forme promptement des racines nouvelles. La nécessité de couper net avec une lame bien affilée n’est pas moins évidente ; les plaies déchirées par un tranchant émoussé s’opposeraient à cet accroissement rapide qui est le but même du retranchement. Quant à la longueur à laisser aux racines amputées, elle dépend entièrement de la force relative du su- jet et de celle des racines. Autrefois on ne con- naissait point de milieu ; les uns posaient sur un billot les racines de l'arbre, et là, à grands coups de serpe, ils coupaient tout, sans di- stinction, au niveau du tronc; les sujets les plus robustes résistaient seuls à une rutilation pareille, encore étaient-ils longtemps à se ré- tablir d’un traitement aussi sauvage ; quelques jardiniers, au contraire, rognaient à peine le petit bout des plus longues racines. Quant à cette dernière méthode, les expériences de M. Lelieur ne laissent aucun doute sur ses fâcheux résultats, faciles à prévoir d’après le | mode bien connu de végétation des racines. Les arbres objets de ces expériences avaient été arrachés dans les pépinières dépendantes des jardins de la couronne, avec des soins mi- nutieux ; aucune racine n'avait été ni blessée ni endommagée, aucun effort n'avait été em- ployé pour enlever les sujets avant que toutes leurs racines fussent entièrement détachées du | sol; et pourtant, dit M. Lelieur, ces arbres n’ont jamais végété convenablement, ils ont été dépassés par les arbres de même force plantés à côté d’eux après que leurs racines avaient été raccourcies aux endroits d’où Pon pouvait espérer le plus de jeunes racines et de spongioles. Ces résultats sont d'autant plus dé- cisifs, qu’ils ont été constamment les mêmes dans une série d’essais comparatifs renouvelés pendant vingt-cinq ans. Dans l'usage habituel des praticiens éclairés, on laisse à l'arbre assez de racines pour qu’é- tant posé sur le sol il puisse s’y tenir debout, ce qui suppose une égale quantité de bonnes racines à peu près d’égale force dans toutes les directions. Cela suffit, si l’on considère que ces troncons amputés ne seront plus que les sup- ports des racines à venir, véritablement char- gées de prendre dans le sol la nourriture de l'arbre ; si ces supports étaient trop longs, les spongioles naïîtraient sur eux frop loin du trone qu’elles doivent nourrir ; la sève ayant à parcourir un trop long trajet serait aspirée avec moins de force, et la santé de l'arbre en serait compromise. On ne peut apporter trop de soins à l’habil- lage des racines; il n’en est pas de cette opé- ration comme de la taille des branches qui, mal faite une année, peut plus ou moins se réparer les années suivantes; une fois l'arbre planté, les racines deviennent ce qu’elles peuvent. Les conséquences d’une taille mal faite ne se voient pas directement, on les présume seulement, d’après la langueur de l'arbre, mais on ne peut y remédier. 136 $ IV. — Plantation. Il ne reste plus qu'à mettre en place l'arbre ainsi prépare, en ayant égard à lorientation du tronc. On brasse avec la terre du trou une brouettée de fumier très consommé, pour cha- que pied d'arbre ; on remplit le trou de ce mé- lange, jusqu’à ce que, larbre étant posé à sa place, le collet des racines se trouve à 0m08 ou 010 au-dessous du niveau du sol. Avant de recouvrir de terre les racines de l'arbre, on les plonge dans un baquet rempli d’un mélange de bouse de vache et de terre franche délayées avec assez d’eau pour former une bouillie claire. Nous ne saurions trop insister sur cette pratique trop souvent négligée; elle influe puissamment sur la reprise des sujets. On achève alors de remplir le trou, en ayant soin de faire entrer la terre dans les intervalles des racines, de facon à ce qu’il n’y reste pas de vide; un peu de terreau, lorsqu'on peut s’en procurer, produit un excellent effet. On tasse modérément la terre sur les racines, en ap- puyant dessus tout autour avec le talon. La terre, fraîchement remuée et fumée, étant plus volumineuse qu’elle ne doit l'être quand elle aura pris son assiette, cette circonstance, Jointe au volume des racines, forme toujours autour du trone-un léger talus qui plus tard s’affaisse de lui-même et revient à peu près de niveau avec le sol environnant ; la coupe du terrain (fig. 285) montre la disposition la plus conve- Fig. 285. nable de ce talus ; elle consiste surtout à laisser autour du tronc un léger enfoncement circu- - laire, en forme de bassin, destiné à faciliter les arrosages, si, par suite d’une longue séche- resse, il devenait nécessaire d’v avoir recours. Dans les pays découverts, exposés à des vents violents, il est bon de donner aux jeunes arbres deux et quelquelois trois tuteurs, ce qui n'em- pêche pas d’entourer le tronc avec des ronces ou des épines, pour préserver leur écorce de tout accident. Lorsque le verger est dans une situation abritée, un seul tuteur suffit à cha- que pied d'arbre: il faut prendre garde, en plaçant. les tuteurs, de blesser les racines. La fig. 286 montre un arbre assujetti à deux tu- teurs placés assez loin de lui pour ne pas of- HORTICULTURE. | fenser ses racines. L'usage de brüler à ja sur- LIVRE VEST, face l'extrémité des tuteurs qui doit séjourner en terre les rend plus solides et plus durables. Les liens qui retiennent l'arbre assujetti aux tuteurs ne doivent être ni assez serres pour le gêner, ni assez läches pour risquer de nuire à l'écorce par le frottement ; dans ce but, de bons liens de paille tordue, tels qu’on les emploie dans les vergers de la Belgique, sont préféra- bles à des branches d’osier. L'époque la plus favorable pour planter les arbres fruitiers est un point de la science hor- ticulturale sur lequel les auteurs et les prati- ciens différent d'opinion. Les uns plantent le plus près possible de la reprise de la végéta- tion, par conséquent au printemps, plus tôt ou plus tard, selon le plus ou moins de précocité des espèces; les autres plantent indifférem- ment durant tout le sommeil de la végétation ; d’autres enfin pensent qu’on ne saurait planter trop tôt, et qu’aussitôt que la chute des feuilles annonce le sommeil de la végétation, il est temps de planter les arbres à fruit. Nous som- mes entièrement de leur avis. En principe, l'arbre qui a le temps avant les grands froids de commencer à former ses racines, en profi- tant d’un reste d’arrière-saison, est mieux dis- posé à végêéter au printemps de l’année sui- vante que l'arbre arraché et planté au mo- ment où le travail de la végétation va recom- mencer. C’est done, à notre avis, une règle générale qui, pour les contrées méridionales et tempérées de la France, y compris le climat de Paris, ne souffre pas d'exception. Dans le nord de la France, principalement dans le nord-est, où les hivers sont souvent très rigou- reux, les jeunes arbres ont quelquefois tant à souffrir du froid, qu’il peut être préférabie de les laisser en pépinière jusqu'au printemps ; dans ce cas, on se hâte de planter aussitôt après les fortes gelées, en saisissant un intervalle fa- vorable, lorsqu’à la suite d’un dégel la terre s’est ressuyée et raffermie; car, s’il fallait at- tendre la clôture définitive de l'hiver, qui se prolonge le plus souvent jusqu’en avril, on planterait beaucoup trop tard. Nous ajouterons qu’en Belgique, il nous est arrivé bien des fois de planter des arbres fruitiers au mois de no- vembre, contrairement à l’usage du pays, et que les arbres, après avoir essuyé plusieurs mois de gelées de 15 à 20°, ont végété au printemps avec plus de vigueur que d’autres mis en place au mois de mars. Nous devons donc considérer le mois de novembre comme le plus convenable de tous pour planter les arbres à fruit; on peut planter dès la fin d’oc- tobre les arbres d’espèces précoces qui per- dent leurs feuilles de bonne heure; car, dès qu’un arbre a perdu ses feuilles, c’est que sa végétation est engourdie; il n’y a pas d’incon- vénient à le déplacer. $ V. — Soins généraux, Les arbres du verger réclament peu de soins entre l'époque de la plantation et celle de ieur TITRE II. mise à fruit ; si les racines ont été bien prépa- rées, leur végétation peut être à peu près li- vrée à elle-même. Nous avons vu comment ils veulent être conduits pour favoriser la forma- tion de leur tête. Les pommiers et la plupart des poiriers forment leur tête naturellement ; le jardinier n’a besoin de s’en méler que pour supprimer les bourgeons surabondants qui fe- raient confusion, et tenir toujours l intérieur assez dégagé pour que l'air y puisse circuler librement. Les arbres à fruits à noyaux ne sont pas tous aussi dociles ; les cerisiers, particuliè- rement, ont besoin-d’être aidés pour prendre une bonne forme; s'ils ne sont dès l’origine conduits sur trois ou quatre branches tenues à distance convenable au moyen d’un petit cer- ceau, les cerisiers à fruit ferme, ayant leurs branches naturellement redressées, poussent en droite ligne une flèche peu garnie qui prend en peu d’années une élévation telle qu’il faut une échelle de couvreur pour aller chercher les cerises, au risque de se rompre le cou. Cet excès de vigueur, réparti entre trois ou quatre bonnes branches dont on favorise les ramifica- tions, n'a pas d’inconvénient; les arbres n’en sont que plus productifs. Les Anglais, dans le but de faciliter lentre- tien des arbres et la récolte du fruit, ne lais- sent jamais prendre aux poiriers de leurs ver- gers plus d’élévation qu'aux pommiers: ils ont soin pour cela de former au jeune arbre cinq ou six branches d’égale force, entre lesquelles la sève se partage ; ces branches, placées dès Porigine dans des directions divergentes, ne prennent jamais une très grande élévation. Tous les arbres du verger, quelle qu’en soit l'espèce, veulent être débarrassés soigneuse- ment des drageons qu'ils rejettent du pied et des pousses qui percent le bois au-dessous de la greffe. Ces pousses, enlevées avant d’être passées à l’état ligneux, ne laissent pas de trace; mais si l’arbre appartient à une espèce dont le bois est sujet à la gomme, et qu’on tarde assez à enlever les pousses du sujet pour être forcé de recourir à l'emploi de la serpette tandis que l’arbre est en pleine sève, il en peut résulter un écoulement de gomme, et par suite une plaie très préjudiciable à l'arbre. Quand ces accidents ont lieu, c’est toujoufs par la faute du jardinier. La meilleure manière d'utiliser le sol d’un verger, lorsque les arbres ont pris assez de force pour qu’il ne soit plus possible d'y conti- nuer les cultures jardinières, c’est, comme nous l'avons dit, de le convertir en prairie naturelle. Il importe que cette prairie soit maintenue exempte de plantes à racines pivotantes; la carotte sauvage, la centaurée, la chicorée, les patiences et toutes les espèces de chardons en doivent être soigneusement exclues ; toutes ces plantes, outre qu’elles nuisent à la qualité du fourrage, plongent dans le sol assez avant pour rencontrer les racines des arbres à fruit et leur disputer leur nourriture. On doit à cet effet imiter la sagacité des Belges et des Hollandais BORTICULTURE, JARDIN FRUITIER. 137 | qui utilisent, pour nettoyer leurs prairies, l’in- stinct vorace du cochon. Les prairies arborées de la Belgique offrent des tapis d’un vert aussi uniforme que celui du boulingrin du pare le mieux tenu ; c’est qu'après y avoir fait paitre les vaches, puis les moutons qui tondent l'herbe de très près, on y lâche des pores qu’on a laissé jeñner à dessein; ceux-ci arrachent avec plus de soin que le jardinier le plus attentif toutes les racines pivotantes, sans en laisser une seule. La terre au pied des arbres ne doit recevoir que des binages superficiels, donnés avec des instruments à dents émoussées, pour ne pas blesser les racines. Quelques personnes sont encore dans l’usage de fumer de temps en temps le pied des arbres à fruit du verger parvenus à toute leur grosseur. Nous leur ferons observer, selon la remarque du professeur anglais Lind- ley, que c’est à peu près comme si elles pré- tendaient nourrir un homme en lui mettant des aliments sous la plante des pieds. L'arbre, on ne peut trop le répéter, ne se nourrit que par les extrémités de ses racines; les racines n'ont point de spongioles près de leur insertion sur Le tronc de l'arbre ; elles ne peuvent donc profiter du fumier qu’on enterre hors de la portée de leurs spongioles. Cependant, une cou- verture de fumier long, ou bien, à défaut de fumier, une couche épaisse de feuilles sèches ou de litière, est utile aux arbres fruitiers de tout âge, en hiver pour diminuer l’action du froid, et en été pour conserver à la terre un peu de fraicheur. La véritable manière de fu- mer les arbres d’un verger, c’est de donner tous les deux ou trois ans à toute la prairie une bonne couverture de fumier à demi con- sommé ; l’eau des pluies, en délayant les par- ties solubles de l’engrais, les fera pénétrer dans le sol, et les racines des arbres en prendront leur part. Si l’on juge nécessaire de fumer un arbre fatigué par une production de fruits trop abondante, il faut enterrer le fumier, par un labour superficiel, dans un espace circulaire plus ou moins large en raison de la grosseur de l'arbre, én commencant à 1 mètre ou même à 1m50 de distance, à partir de sa base. Le fu- mier de pore, pourvu qu'il ait jeté son feu et qu'il ne soit plus en fermentation, est celui de tous qui refait le plus promptement les arbres fruitiers malades ou fatigués. Lorsque les arbres du verger ont atteint seu- lement la moitié de leur grosseur, il faut pour les tailler, s’il en est besoin, en faire le tour au moyen d’une échelle double ; le plus sou- vent on se contente d'appuyer sur les plus for- tes branches une échelle simple. De quelque facon qu’on s’y prenne, on détruit ainsi inévi- tablement beaucoup deproductions fruitières, surtout dans les arbres à fruits à pepins dont les boutons à fruit sont placés sur des supports très fragiles. Il vaut beaucoup mieux, lorsqu'il ne s’agit que de supprimer des branches mor- tes, malades ou superflues, qu'il est facile de distinguer du pied de l'arbre, se servir de T.V.— 18 138 l’un des deux instruments représentés fig. 68 et 69; ces instruments peuvent s'adapter à des manches aussi longs qu’il est nécessaire ; en appliquant leur tranchant sur le talon de | la branche à supprimer, il suffit de frapper avec un maillet sur le bout de ce manche pour cou- per la branche aussi net qu’avec la serpette la mieux affilée; par ce procédé, l'arbre se trouve convenablement élagué, sans qu’un seul de ses boutons ait été détaché. On a lieu de s’étonner que cette excellente méthode, connue et re- commandée par tous les bons auteurs, soit si peu usitée en France; elle est généralement en usage en Angleterre, en Belgique et en Alle- magne; on croit qu'elle a été originairement pratiquée dans les vergers de PAmérique sep- tentrionale. Les arbres, une fois qu’ils commencent à rapporter, veulent être tous les ans visités et nettoyés de toute branche morte ou mal placée ; ces branches se coupent au niveau des bran- ches latérales auxquelles on ne touche jamais ; on les laisse pousser en toute liberté. Quelque- fois les productions fruitières se montrent en si grand nombre, qu'il faut en supprimer une partie ; on retranche alors de préférence celles qui sont placées le moins favorablement pour mûrir leur fruit. On ne doit tailler les arbres fruitiers qu’en hiver, pendant le repos de la sève. Si toutefois on craint de se trouver en retard, on commence toujours par les arbres à fruits à noyaux; ces arbres étant sujets à la gomme soulfrent plus que les arbres fruitiers à pepins d’une taille tardive, qui coïnciderait avec le premier mouvement de la sève de printemps. Parmi les arbres du verger, les moins vigou- reux de chaque espèce se taillent aussitôt après la chute des feuilles; les arbres du verger n'ont besoin que d’une légère taille de rafraïchisse- ment tous les ans, et d’une taille à fond tous les trois ou quatre ans. Lorsqu'on ne laisse pas trop vieillir les branches des arbres du verger et qu’on à soin de pourvoir à leur remplace- ment par du jeune bois, longtemps avant qu’el- les soient épuisées, les récoltes sont plus égales, le front est plus beau et de meilleure qualité. Du moment où les arbres fruitiers ont ter- miné leur croissance, et quelquefois même beaucoup plus tôt, leur écorce se gerce en tout sens; les fentes servent d’abri aux insectes ; les portions d’écorces mortes et à demi déta- chées ‘se pourrissent par-dessous et nuisent à la santé de l’arbre. Il est bon d’en débarrasser le tronc et les branches principales en les frot- tant avec le dos d’une serpe, avec assez de mé- nagements pour ne pas attaquer l'écorce vive et le bois. Cette opération doit se faire un peu avant la reprise de la végétation au printemps ; on choisit un temps humide et couvert. C’est aussi le moment d’enlever les mousses et li- chens qui s’attachent aux arbres dans les lieux humides. Lorsque par négligence on a laissé cette végétation parasite envahir Pécorce des arbres, le moyen le plus prompt de les net- tover consiste à les enduire de lait de chaux HORTICULTURE. LIVRE VIII, avec un gros pinceau de badigeonneur ; la chaux éteinte, délayée dans l’eau, n’ayant au- cune consistance, n’adhère point à la surface du tronc et des grosses branches ; les alterna- tives de temps sec et pluvieux la font prom- ptement disparaître; elle entraine en tombant les lichens et les mousses, en même temps qu’elle sert à la destruction des larves d'insectes. Un arbre languissant, lorsqu'il n’a pas plus de einq ou six ans de plantation, peut être ar- raché en novembre ou décembre sans inconvé- nient. On le traite alors exactement comme s’il sortait de la pépinière ; on visite avec soin les racines pour en retrancher les parties endom- magées qui sont ordinairement la cause de son état maladif ; on taille les branches assez court pour les mettre en harmonie avee les racines raccourcies; la terre du trou est remaniée à fond et renouvelée au besoin; on s’assure s’il n'existe pas dans le sous-sol quelque infiltration qui aurait causé la pourriture des racines, et l’on à soin d'y porter remède, au moven d’un lit de gravier et de plâtras. L'arbre est ensuite remis en place; on redouble de soins envers lui pour qu'il regagne le temps perdu. Lorsqu'un jeune arbre pousse inégalement avec une vigueur désordonnée, c’est Le plus souvent parce qu'une de ses racines, par une cause accidentelle, par exemple, quand elle rencontre une veine de terrain plus fertile que le reste du sol, a grandi outre mesure, ce qui a forcé les branches qui lui correspondent à en faire autant. Dans ce cas, on déchausse l'arbre pendant l'hiver, et on met à découvert les prin- cipales racines ; celles qui ont causé le désordre sont retranchées, et par des amendements con- venables on empêche que celles qui prendront leur place fassent le même effet. La récolte des fruits des arbres du verger doit se faire avec toutes les précautions néces- saires pour ne pas nuire aux boutons à fruit, espoir de la récolte prochaine. Les fruits à novaux exigent sous ce rapport moins d’atten- tion, parce que les’ yeux à fruit sont peu déve- loppés à l’époque de la récolte. Mais les fruits à pepins veulent être cueillis avee les plus grands ménagements, par la raison que leur pédoncule est entouré à sa base de boutons qui sont ou seront des productions fruitières, et qui, à cause de la nature fragile de leurs supports, se déta- chent au moindre choc. Le moment favorable pour la récolte n’est indiqué par la parfaite maturité du fruit que pour les fruits à noyaux ; plusieurs variétés de fruits à pepins d’été sont meilleurs lorsqu'on les eueille un peu avant leur maturité complète, pour les laisser ache- ver de mürir sur une planche ; tous les fruits d'hiver sont dans ce cas. On ne peut indiquer que d’une manière gé- nérale les espèces de fruits convenables pour créer un verger; chacun se décidera d’après les circonstances locales de sol, d'exposition et de température ; le jardinier de profession plan-- tera de préférence les arbres dont le fruit lui promet un débit plus profitable. Nous donne- TITRE Iil. rons à la fin de ce chapitre des listes détaillées des arbres à fruit susceptibles d’être cultivés dans les vergers, sous le climat des differentes régions de la France. Disons dès à présent que presque tous les fruits à pepins qu’on récolte sur des pyramides pourraient être récoltés en bien plus grande abondance sur des arbres en plein-vent dansles vergers, absolument comme les fruits à cidre; les fruits à couteau ne sont en général rares et chers que parce qu’un pré- juge que les démonstrations de l’expérience devraient avoir fait disparaître, empêche la plupart des cultivateurs de greffer en espèces de choix des arbres de première force, dont un seul parvenu à toute sa croissance enverrait au marché autant de beaux et bons fruits que tou- tes les pyramides d’un jardin. $ VI. — Vergers d’arbres à fruits à noyaux. Tout ce que nous avons dit précédemment sur les vergers s'applique à tous les arbres à fruit, sans distinction ; nous devons compléter ces notions par quelques observations sur la formation d'un verger exclusivement peuplé d'arbres à fruits à noyaux. Trois principales espèces d’arbres à fruits à noyaux peuplent les vergers des contrées tem- pérées de la France : le cerisier, le prunier et l’a- bricotier. Au nord du bassin de la Seine l’abrico- tier portesi rarement en plein-vent quedanstous les départements, entre Paris et la frontière du ncrd, on ne rencontre l’abricotier en plein-vent que dans quelques localités privilégiées , dont le sol et l'exposition sont spécialement favo- rables à sa fructification. Le cerisier et le pru- nier, bien qu’ils soient. comme labricotier, originaires de l’Asie-Mineure, sont fertiles en plein-vent jusqu'en Russie, par la seule raison qu’ils entrent en végétation plus tard que l’a- bricotier, et que lorsqu'ils sont en fleur, les gelées tardives peuvent bien rarement les at- teindre, même dans les pays du nord. C’est uniquement en raison de sa floraison trop hä- tive que l’abricotier noue rarement son fruit : il lui faut, en effet, pour cela une température de printemps pour ainsi dire exceptionnelle. Dans la vallée de la Loire et au sud de cette vallée, les vergers d’arbres à fruits à noyaux sont principalement peuplés d’abricotiers et dalbergiers ; l'amandier commence à s’y mon- trer ; les pruniers et les cerisiers d’espèces à fleur précoce, y remplacent les espèces tardives des vergers du nord ; les pêchers y prospèrent en pleine terre, mais ce sont les espèces dont le fruit adhère au noyau et dont la chair blanche ou jaune a beaucoup de consistance ; la peau de ces fruits ne se détache pas à l’époque de la maturité comme celle des pêches obtenues à l’es- palier sous le climat de Paris. Enfin, dans les | vergers des bords de la Méditerranée, le pêcher et le brugnonier dominent dans les vergers, à côté de l’amandier et du grenadier; ils y at- teignent les dimensions de nos pommiers et de nos poiriers en plein-vent, partout où il est possible de les arroser en été; car aucun arbre | JARDIN FRUITIER. 139 à fruit, excepté le figuier, ne résiste sans le se- cours de irrigation à la sécheresse des étés de Provence. Des vergers spéciaux sont consa- crés aux arbres de la famille des aurantiacées, orangers, Citronniers et leurs variétés; ces ar- bres y sont traités en grande culture et sont l’objet d’une branche importante de l'hortical- ture du midi de la France (voir tome II, p. 68). Avant de planter un verger d'arbres frui- tiers à noyaux , il faut arrêter le choix des es- pèces et déterminer l’espace à laisser à chaque pied d'arbre, Les plus forts n’exigent point au- delà de 10 mètres en tout sens; huit mètres suffisent aux arbres de dimensions moyennes ; les cerisiers greffés à demi-tiges, tels qu’on en plante beaucoup dans les terres légères aux en- virons de Paris, n’exigent pas au-delà de 6 mètres ; on ne leur en donne souvent pas plus de quatre, mais cette distance est trop petite. L’abricotier est comme le pommier, disposé à étendre presque horizontalement les branches de sa tête. Les pruniers prennent d'eux-mêmes une forme un peu moins évasée, à l'exception des reines-claudes, dont les têtes s’étalent à peu près comme celles de l’abricotier, ce qui tient surtout à la pesanteur du fruit, parce que ces arbres chargent beaucoup dans les années abondantes, de sorte que les branches, forcées de s’incliner sous la charge, ne reprennent point après la récolte leur position primitive et s’éloignent de plus en plus de la verticale à mesure que l’arbre avance en âge. Les cerisiers, considérés par rapport à leur forme et à l’es- pace qu'il convient de leur accorder dans le verger, rentrent dans deux divisions distinctes. Les arbres de la première ont pour type le me- risier sauvage à fruit noir ; livrés àeux-mêmes, ils se ramifieraient fort peu et s’élèveraient ra- pidement à la hauteur de 15 à 18 mètres. Arrêtés dans leur croissance par les moyens que nous avons indiqués, leurs branches n’en conservent pas moins une disposition à mon- ter qui rend toujours leurs têtes peu évasées ; ces branches sont grosses et fortes par rapport à leur longueur ; elles plient difficilement sous la charge du fruit, quelle que soit l’abondancede la récolte ; s’il survient un grand vent à l’époque où elles sont très chargées de fruits mürs ou presque mûrs, elles cassent au lieu de plier. Cette considération doit engager à réserver à ces arbres, ainsi qu'aux abricotiers, les parties les mieux abritées du verger. Les fruits des cerisiers à branches fortes et redressées sont en général doux et à chair ferme (guignes, bi- garreaux, Cerises anglaises). Les cerisiers de la seconde division portent en général des fruits aigres à chair molle (ce- rises proprement dites); leurs branches souples et minces fléchissent aisément sous le poids du fruit et du feuillage; leur tronc, au lieu de monter droit, se ramifie naturellement à partir de la greffe; il leur faut dans le verger plus d'espace (ju’aux cerisiers de la premiere divi- sion. Les vergers de pêchers en plein-vent peuvent 140 être d’un produit très avantageux , même sous le climat de Paris; en faisant choix d’une si- tuation favorable , il est possible , expérience le prouve, d'obtenir des pêchers en plein-vent des fruits, sinon égaux en qualité à ceux des péchers en espalier, du moins qui en diffèrent très peu. Dans ce but, il ne faut planter que les espèces qui fleurissent tard; les sujets doivent être ou francs de pied, provenant des noyaux des plus belles pêches de chaque espèce, ou grelfés sur franc, à 0",50 de terre. On forme leur tête sur quatre branches bien espacées ; on a soin qu’elle s’évase convenablement , qu’elle ne prenne pas trop d’élévation et que les bran- ches intérieures ne forment point confusion puis laisser partout un libre accès à l'air et à a lumière. Ces vergers réussissent parfaite- ment quand, dans une position naturellement abritée, telle que le pied d’un coteau regardant le sud ou le sud-est, on protége en outre Îles pêchers par des lignes de thuyas ou de cyprès, ou par des haies vives de 1°°,50 à 2 mètres d’é- lévation. Le pêcher en plein-vent ne conserve la qualité de son fruit que lorsqu’on a soin de ne pas le fatiguer par une production excessive, et qu'on ne lui laisse tous les ans qu'une récolte modérée, proportionnée à la force des sujets. $ VII. — Clôtures. Les haies vives épineuses sont les meilleures des clôtures pour les vergers. Lorsque dans les intervalles des arbres en plein-vent on ne plante que des poiriers sur cognassier et des pommiers sur doucain , ces clôtures peuvent être établies par la voie des semis ; la lenteur de ce procédé est dans ce cas sans inconvénient; les premiers fruits des arbres en pyramide les plus précoces ne paraissent pas avant la quatrième année après la plantation ; on a tout le temps de lais- ser croître la haie; elle devient de plus en plus défensive à mesure que les arbres deviennent plus productifs. Quand les arbres en plein-vent seront en plein rapport, la haic parvenue de- puis longtemps à toute sa croissance vaudra comme clôture la meilleure muraille. Mais si dans les intervalles des arbres en plein-vent, plantés à 12 mètres les uns des autres, en tout sens, on a créé des lignes provisoires de pom- miers-paradis ou de groseilliers qui rapportent au bout de deux aps, ou bien si, en attendant le fruit des arbres en plein-vent, on emploie le sol du verger à des cultures jardinières, il vaut mieux former la haie par plantation que par semis; le verger sera fermé deux ans plus tôt. Les haies d’aubépine, de houx et de robinia, soit semées, soit plantées, sont les meilleures de toutes comme haies défensives. L’églantier, qui, lorsqu'il est seul, végète trop inégalement pour former de bonnes haies, produit un bon effet lorsqu'on en mêle quelques pieds de dis- tance en distance, parmi les autres essences épineuses. Ces haies doivent être tondues deux fois par an, de manière à les maintenir sous la forme que représente la fig. 287. Cette forme est celle de toutes qui s'accorde le mieux avec HORTICULTURE. LIVRE VIII, la défense du verger, en occupant le moins de terrain possible. Dans la Belgique wallone et dans le nord-est de la France, on plante beau- coup dehaies en cornouiller (cornussanguineà); elles ont l'avantage de formeravec le temps une clôture très solide, parce que les tiges se gref- fent naturellement en approche à tous leurs points de contact des unes sur les autres; mais n'étant point épineuses, elles sont faciles à fran- chir. Les haies de charme ou charmilles, fort en usage autrefois pour enelore les jardins et les vergers, ont le défaut de s’arrêter difficile- ment à la hauteur voulue et d’étendre au loin leurs racines, ce qui fait perdre une trop grande largeur de terrain. Les haies d’arbustes de sim- ple ornement ne sont point en usage autour des vergers; toutefois, il existe à notre connais- sance, dans la commune de la Valette (Var), un verger enclos par une haie de rosiers du Bengale , régulièrement taillés à la hauteur de 1" ,30. Cette haie longe la grande route sur une étendue de pres de 100 metres, et bien qu’elle soit toute l’année en proieaux dévastations des passants et à celles de plusieurs centaines de mille moutons transhumans, sur le passage desquels elle est malheureusement placée, elle subsiste depuis plus de 30 ans. Cet exem- ple montre les services que lerosier du Bengale peut rendre comme clôture dans nos départe- ments du midi. SVIIL. — Frais. Nous ne pouvons, à moins de multiplier les calculs à l'infini, donner des indications pré- cises que pour une localité spéciale ; nous choi- sissons les conditions ordinaires de la culture des arbres à fruit dans l’un des départements qui avoisinent Paris; chacun pourra comparer nos chiffres, dont nous garantissons l’exacti- tude, avec ce qui existe dans chaque localité. Nous nous proposons principalement de faire comprendre, par ces chiffres, aux propriétaires placés à portée de Paris ou d’une grande ville, quels avantages ils peuvent obtenir d’une bran- che de culture aujourd’hui trop négligée ; nous voulons leur faire toucher au doigt ces avan- tages, autant dans leur propre intérêt que dans celui du public. Nous considérons à part les frais et produits des vergers d'arbres à fruits à pepins; nous répétons les calculs analogues pour les vergers d'arbres à fruits à noyaux. A. — Frais d'établissement d'un verger d'arbres a fruits à pepins. Lorsque le sol est très fertile et de nature a faire présumer que les arbres v prendront un TITRE III. très grand développement, on ne peut leur donner moins de 12 mètres d’espace en tout sens. Une distance de 10 mètres est suffisante quand le sol est un peu moins fertile, surtout si l’on plante plus de poiriers que de pommiers, ces derniers étant plus portés que les poiriers à étendre horizontalement les branches de leur tête ; nous examinerons séparément ces deux conditions pour un verger d'un hectare: Poiriers et pommiers en plein-vent, à 12 mètres en tout sens, 64 à 4 fr. 25 C. .. 80f » Pommiers greffes sur paradis, 1,540 à 50 c., 770 » Un labour à la charrue.............. Sac 25 » Une seconde facon à la béche, à 1 f. par are,. 100 » Fumier 10 mètres cubes, à 12 fr., transport et'épandage compris ................ 120 Facon des tranchées et plantation. ..... 300 Terreau pour les plantations, 5 mètres cubes AN iPogesorcock eco de rose Co 25 » Piquets pour tuteurs, 128, à 2 par plein-ven!, Hoseleormprise AD... 2.00... 58 40 Toraz.... 1,458 40 En portant le total des dépenses à 1,500 fr., nous croyons être très près de la vérité. Les pommiers-paradis sont plantés à deux mètres en tout sens les uns des autres, espace plus que suffisant pour ces arbres qui ont peu de racines ; il reste autour de chaque pied d’arbre en plein vent un espace libre de huit mètres en tout sens; C’est ce que représente la fig. 288; Fis. 288. B % B C HSobbebEDersbrDÉ SE bLeLEEzx pr 22 2% & .& © - SE _# ss, 2 px 5 Es —# _— 40 D 5 RP. GG D 45 QD D D Lo © DE. À | PLReE 2. EDG Gus (3 DOS EE GES SL HOLDEESCS SE CHE LES GE 2 © rl 22 Des Lib D LL £&æ, e") _E-< à 0 LL & 24m ir DEEE G LE SE. D LL 40, k ts bbbbbbbbbhbbbbbehbbt Æ » = #5 LELELDEEES S LEGS DOS LÉRPGeSNPLsrEtSossescesgez C : w 22 200 je D Es er PVR. TES DE SLR nr] z > & SOLDES IRPLOES ES Ces SELLE D on a laissé tout autour du verger, entre la haie BB et le premier rang de pommiers-paradis, une largeur de quatre mètres CC pour la cireu- lation ; c’est aussi pour servir de dégagement que deux allées de quatre mètres de large DD traversent le verger, en se coupant à angle droit au point A qui occupe le centre de quatre carrés semblables qu’il eût été inutile de reproduire ici. Au bout de huit ou dix ans, les pommiers-paradis, épuisés ou non, seront sup- primés; le sol recevra une bonne fumure d’en- grais bien consommé etsera converti en prairie naturelle pour demeurer en cet état à perpétuité. Les pommiers-paradis ne commenceront à pro- “duire qu'à deux ans; on aura donc à supporter, k. bèb À b Ls JARDIN FRUITIER. 141 avant de rien récolter, outre les avances por- tées au compte précédent : Compris. 5.5 SR DOCconobal ic 520[ » Intérêts de 1,500 fr., à # 0/0, en 2 ans... 150 #» Ce qui, joint à la somme ronde de 1,500 fr. précédemment déboursée, ci... .. SOC 1,500 » Donne pour le total de la mise dehors... 1,970 » Somme qu'en raison des frais imprévus, on peut porter à........ ELLCELE-CeRE 2,000 » Si le degré un peu moindre de fertilité du sol engage à donner seulement aux arbres 10 mètres de distance en tout sens (fig. 289) , b h b P ? b Se GERS ni & L'E ESRI EE 2e À mu À as 4 di 3 < sed B 8 E à & s: Fax & de 8 æ } à Had ÉEdE 2e à œe dun un à “iii iii on ne pourra point remplir les intervalles par des lignes de pommiers-paradis; cette nature de sol étant présumée plus favorable au poirier, on plantera à égale distance, entre deux lignes d'arbres en plein-vent, une ligne de poiriers greffés sur cognassier, espacés entre eux de 5 mètres dans les lignes, et alternativement, une ligne de pommiers greffés sur doucain, à la même distance. Nous n'avons repré- senté ici qu'un des quatre compartiments du verger, distribué comm: dans l'exemple pré- cédent ; chacun d’eux sera entouré d’une ligne de buissons de groseilliers, à 2°,50 l’un de l’autre. On aura donc, dans cette supposition, 100 arbres en plein-vent, 144 poiriers en pyra- mide greffés sur cognassier, 90 pommiers gref- fés sur doucain et 288 touffes de groseillier. L'espace laissé libre autour du verger aura ",50 de large ; les allées de dégagement au- ront une largeur de 5 mètres: Poiriers et pommiersen plein-vent, à 40 mé- tres en tout sens, 100 arbres à 4 fr. 23 c. 125 » Poiriers sur cognassier, 144 arbres à 75 c. . 108 » Pommiers sur doucains, 90 arbres à 73 €... 67 50 Groseilliers, 288 toufles à 50 c.......... 144 » Engrais, façons el fraisdivers, comme ci-dessus 570 200 tuteurs, à 2 par plein-vent, à 50 c., pose COMPTrISE . ..... ess me nes ss ns se see 60 » Torar.... 1,074 50 On sera très près de la vérité en adoptant le chiffre rond de 1,100 fr. pour le total des pre- 142 pourra être espérée avant la quatrième année, il faudra ajouter à cette somme: Loyer de 4 ane, à 60 fr., impôts compris... 6400 » Intérêts à 5 0/0 de 1,100 fr., pendant 4 ans 220 » 860 » Ce qui, joint aux déboursés précédents mon- EU CÉ FO A 0 E OT 5 3010 6 DANSE 1,100€ » Donne pour la dépense totale avant toute ré- colle. as. Se ser ep t 1,960 » Que nous porterons en raison des cas im- prévus dites des: Ru. 03e 2,000 » Ainsi, dans les deux suppositions que nous Fig. din.» 9 2 2 QE à he. 2 D 5 9» 2) —# À Er s —» ip 2.1 44,5 D,4- 8.0.9 2 5.5.2 9 2 D Hi Wii 8: wi 6: 2 Pi gi gi w: 3 à _#” D - T# "4 a #52 © 5 % 5 DS à 04 D 5 "2. y 5 49 de. L _ # à a ns Ms 6 és ds ? —% ss —# —$ #r = 9548 5 9, D G-S.2 1. D, D © M D DE D,» æ ÈS Sr Fr = sé 6, ee de > — — # D + tés 2 595 de » D 5, D 8 SE DS 2 4 - S + + 2 À Se de ee 4 dc D —© —% en a, #5 =5-#5.5-0 160 ES 46 2 SD BE 4 di 5 ee Ur B ur DE Se DT DES De D 7 dx D en plein-vent, à dix mètres en tout sens les uns des autres; un carré semblable, que nous avons jugé inutile de représenter, est occupé par vingt-cinq cerisiers à branches flexibles, espacés comme les abricotiers; le carré B est plante en cerisiers à branches droites; il en peut admettre trente-six, espacés entre eux de huit mètres en tout sens. Dans un carré sem- blable sont plantés trente-six pruniers espacés comme les cerisiers à branches droites. Dans les intervalles des lignes d’arbres en plein-vent des carrés A, on peut planter deux lignes de groseilliers à deux mètres l’une de l’autre; les touffes de groseillier sont à deux mètres dans les lignes. Les intervailes des ar- bres en plein-vent dans les carrés B ne peuvent admettre qu’un seul rang de groseilliers, à deux metres de distance dans les lignes; un rang de groseilliers à la même distance les uns des au- tres entoure les quatre carrés, ce qui donne un total de 1,240 touffes de groseillier. 25 abricotiers en plein-vent, à 1 fr. 50 ©... 37 50 61 cerisiers en plein-vent, à 4 fr, 23 ©c.... 76 » S6ipiubiers a ufr 49 C4e.31; 2 124 SNA 45 » 1,240 toulles de groseillier à 50 c..... s#. 620 » Engrais, facons et frais divers... ,...,.... 600 » 24% tuteurs à 50 C., pose comprise. . . . ‘ Sp L® Toraz des déboursés..,. 1,481 50 SOIR, SOMME MONABE A ele à etc urie pe too à 1,500 50 Les cerisiers et les groseilliers commencent HORTICULTURE. miers déboursés; comme la première récolte ne : LIVRE VIII. venons d'examiner, On peut , avec une avance de 2,000 fr. intérêts compris, créer un verger d’un hectare. B. — Frais d'établissement d'un verger d'arbres a fruits a noyaux. Le terrain que nous supposons d’un hectare peut être disposé comme pour un verger d’ar- bres à fruits à pepins ; deux grandes allées de six mètres de large, se coupant à angle droit, | le partagent en quatre compartiments égaux ; une allée de trois mètres de large règne le long de la haie, en dehors de ces compartiments. Le | carré A (fig. 290) reçoit vingt-cinq abricotiers 290 0 SR 34588 5.2 06 2e se LÉ rre ab —S$ 2% de ES D 95% 8 VY D D y DD 27-250 27 CET S ER RAA ARE SUR ELA EE Da d HO, Dh 4 200 an D ses déco Mans Je 26 5 SS 2 D RE EFTENTET TER TITI TS TETE TS LR DL D 5 DS.S D D, D DVD D Sd 27.0 O6 EXT CR) dE ons D on db HTLS _bS CR Mr) LE ED SE ou” ur: HSDÉSYTDSVSS ASSŸDS HD, D 5 420% SV GS DÉ.É àY 5.0 0-Y.2.0 0 D 9 1 Ed où DS eo HÙ . =. 2TR VER 77 DSra L'or 7) 6 $ +. =2S 7 S ab DDSES.SS 60 55.ÿ D e6 6 2.0.8 20 27 © 0.5.5 D 55 Sd Sp D 9.0 ses. æ ose Pro ses owysé RISSNQ SSP ESYÉLS A à porter fruit à deux ans; il faut donc ajouter aux déboursés : Deux ans de loyer d’un hectare, à 140 fr., | impôts compris... .... RE RS UN SU » Intérêts de 4,800 fr. à 5 0/0, pour deux ans. 150 Ensemble.... 450 » Cette somme jointe aux déboursés précédents Mon(aAnt Le saut. detecte 1,500 » Donne ün tufal dé... 04,930 » Ou, somme ronde. 5. 40e ose etaelerstete 2,000) » Nous devons une mention particulière aux vergers plantés uniquement en cerisiers grellés | à demi-tige, à 1,50 de terre, espacés à SIX. mètres en tout sens. Un hectare ainsi planté contient seize lignes de seize arbres chacune, soit 256 cerisiers ; il reste en dehors de la plan- tation un espace libre de trois mètres de large le long de la haie. Les intervalles peuvent ad- mettre des lignes simples de groseillier à deux mètres en tout sers, ce qui, en laissant pour le service deux allées à angle droit, donne | 1,140 touffes de groseillier. 256 cerisiers à demi=tige, à 4 fr.......:4. 2561 » 1,140 toutfes de groseillier à 50 c......... 570 Eugrais, façons et frais comme ci-dessus ... 600 » Toraz.... 41,426 a —————— Soit, somme ronde.......,...4 reporter, 1,500 » TITRE III. Les arbres à cette hauteur n'ont pas besoin de tuteurs. Report... 1,500 En ajoutant deux ans de loyer et les intérêts des deboursés pendant deux ans, montant DRDNEa. :....../......-0-.-..0 430t » On trouve untotalde........... ...... 1,950 » Soit, somme ronde. ................... 2,000 » Nous arrivons, comme on le voit, au même chiffre pour tous les genres de vergers d'arbres à fruits à pepins ou à noyaux. SIX. — Produits. Le sol du verger, lorsqu’en attendant la mise à fruit des arbres en plein-vent on le cultive en jardin potager, donne des produits impor- tants, dont nous n’avons point à nous occuper ici, pour ne pas multiplier les chiffres sans né- cessité (voir Jardin potager). Nous devons seulement rechercher quels sont les produits des vergers dont nous avons évalué les frais sous quatre conditions différentes : 49 Vergers d'arbres à fruits à pepins en plein-vent et de pommiers-paradis; 29 Vergers d'arbres à fruits à pepins, en plein-vent et en pyramides; 3° Vergers d’arbres à fruits à noyaux et degroseilliers ; 4° Vergers de cerisiers et de groseilliers, 1° Les produits sont nuls la première année : les paradis montrent leur fruit après leur se- conde feuille; cette première récolte est peu importante ; nous ne la portons point en compte, afin de ne pas avoir non plus à compter les frais d'entretien qu’elle couvre et au-delà. Dès la troisième année, les paradis sont en plein rap- port; chacun de ces petits arbres peut donner, année commune, dix fruits qui valent de 5 à 10 c. En portant le produit annuel de chaque pommier-paradis à 60 c., nous sommes au-des- sous de la moyenne, car beaucoup d'arbres pro- duisent plus d’un franc par an. Le compte de ce verger donnera à la fin de la cinquième année après la plantation les résultats suivants : Fruits de 1,840 pommiers-paradis à 60 c. par an, récolles des 3° 4° et 8€ années.. 92,772 » A déduire : loyer, impositions et intérêts com- me au compte des frais, à 260 fr. par an, DOUAI UN. tree been ce à à» 780 » 1. 2015 DETTES 0e fr MAS Jen 4,992 |» Ces recettes balancent à huit franes près les dépenses, de sorte que le propriétaire aura créé, sur un hectare de terrain, avec un déboursé de 2,000 fr., qu'il aura recouvré intégralement, y compris les intérêts, un revenu porté, pour là cinquième année à 564 fr., ou, somme ronde, 550 fr., en déduisant de la recette annuelle, montant à 924 fr., Loyer, impositions et intérêts. , ..,....... 260f » Frais de culture et d'entretien, ......... 100 » TOTAL... . 360 » Jusqu'ici, les arbres en plein-vent qui doi- JARDIN FRUITIER. 143 vent finir par rester seuls en possession du ter- rain, n'ont encore rien produit, ou le peu de fruits qu'ils ont pu donner ne peut être porté en compie. À partir de la sixième année, les produits de ces arbres croîtront rapidement, celui des pommiers-paradis restant toujours le même ; les frais n'auront point d'augmentation à subir, de sorte que jusqu’à la dixième année le revenu net ne cessera pas de s’acrcoître. Puisle moment viendra où les arbres en plein-vent, parvenus à leur dixième année, rapportant déjà, année commune, 5 fr. par an, exigeront la: sup- pression d’une partie des pommiers-paradis. En en arrachant deux lignes sur trois, dans l’intérieur des carrés, et conservant les lignes extérieures, il en restera provisoirement 800 qui donneront, à 60 €. par arbre, 480 fr. ; le compte de la dixième année donnera par con- séquent : Fruits des arbres en plein-vent, à 5 fr. par APTE DR an eee ess à ae à 2 Sn eus à 01 à 207 » Fruits des paradis à 60 c. par arbre...... 480 » Toraz..:. 800 » A déduire : frais, comme ci-dessus.,...... 360! » Il reste, de revenu net pour fa 10° année.. 440 » Mais cette diminution momentanée du re- venu, causée par la suppression d’une portion des paradis, sera bientôt compensée par l’ac- croissement rapide du produit des arbres en plein-vent qui, une fois mis à fruit, eroitront en fertilité Chaque annee. A quinze ans. quand les dernières lignes de pommiers-paradis seront supprimées, les plein-vents pourront donner chacun de 200 à 300 poires ou pommes valant de 5 à 10 c. la pièce, produit qui, lorsque les arbres seront dans toute leur force, vers l'âge de vingt-cinq à trente ans, pourra facilement être doublé. De plus, la suppression de tous les pommiers-paradis aura permis de convertir le sol du verger en prairie pouvant donner an- nuellement 3,000 kilogr. de foin à 100 fr. les 1,000 kilogr. Le compte de la quinzième année donnera par conséquent : Fruit des arbres en plein-vent, à 20 fr. pararbre 4,280f » Foin, 3,000 kil. à 100 fr. les 1,000 kil..... 5300 » ToTar...: 1,580 A déduire: frais, comme ci-dessus. . 560 » Ilreste de benelice net... SM 52 1,220 » Les bonnes années compensant les mau- vaises, ON aura un revenu moyen de 1,000 fr, par an, tous frais déduits. Il faut observer que nous avons porté en dépense l'entretien du ver- ger pour 100 fr. par an; une fois les paradis supprimés, lentretien devient pour ainsi dire tout-à-fait nul. La prairie, famée en couver- ture tous les deux ou trois ans, se maintient en bon état, et les arbres en plein-vent,conve- pablement soignés, peuvent vivre un siècle. Nous devons appeler l'attention des proprié- taires sur une autre considération non moins importante : C’est l'augmentation du eapital 144 foncier. Nous supposons l'emplacement du ver- ger acheté comme terre de première qualité sur le pied de 3 p. 100; étant loué 150 fr., im- pôts à charge du locataire, il aura pu coûter 5,000 fr. Parvenu à un revenu net de 550 fr. dès la troisième année, ce terrain aura presque doublé de valeur. Supposons en effet qu’il soit loué 300 fr., ce qui, en raison des produits, se- rait un loyer raisonnable, il vaudrait. au taux de 3 p. 100, 10,000 fr. Pour tout propriétaire possédant un terrain dans des conditions favo- rables, et assuré, soit de louer à un prix àvan- tageux le verger en rapport, soit d'en vendre aisément les produits, il n’y a pas de meilleure spéculation. Ajoutons que le père de famille, travaillant pour ses enfants autant que pour lui-même, peut, dans ces circonstances, leur créer à bien peu de frais un capital certain, que le temps, en développant la fécondité des arbres, ne fait qu'augmenter d'année en année. 20 Les produits de ces vergers sont nuls pen- dant la première et la seconde année. Les gro- seilliers sont en plein rapport trois ans apres la plantation. Leur produit, comme celui des pommiers-paradis dans le compte précédent, n’est pas susceptible d'augmentation; il devient tout d’un coup à peu près ce qu’il doit être dans la suite. Chaque touffe de groseillier peut donner annuellement 2 kilogr. de groseilles, ce qui, pour 288 touffes, donne un total de 576 kilogr. de groseilles valant, au prix moyen de 30 c. le kilogr., 172 fr. 80 c. Nous n’avons point porté en compte le peu de groseilles qu’on a dû récolter la seconde année; cette récolte, peu importante, couvre les frais, d’ailleurs très mi- nimes, de la taille des arbres pendant les deux premières années. Les arbres fruitiers en plein- vent feront encore attendre leur premier fruit - plusieurs années ; les arbres fruitiers en pyra- mides donneront à cinq ans leur première ré- colte. À la fin de la cinquième année, le compte de ce verger présentera les résultats suivants : Fruits des groseilliers pendant 5 ans, à 172 fr. Par an Recette chente CE BA6GÉ » Fruits des pyramides, à 60 c. par arbre.... 140 40 ToTAr. .. 656 40 Avances d’après le compte des frais....... 2,000 » Différence des dépenses et des recettes. . ... 1,543 60 Les frais annuels s’élèvent, d’après le compte précédent, à : Loyer, impôts et intérêts des avances, .,.... 260! » iii te, SRE ; 100 » Torar 560 » Mais il faut porter en recette un autre pro- duit dont nous n'avons pas fait mention. Toute la partie du verger qui n’est pas occupée par les arbres à fruit et les chemins, est convertie en prairie. Les arbres et les chemins occupent 2,230 mètres carrés ainsi répartis : HORTICULTURE. LIVRE VII. Arbres en plein-vent, à 4 mètres carrés par anne. ses ire nerve 4001" Arbres en pyramides à 2 mètres 25 c...,.. 585 Groseilliers à un mètre carré par touffe. ... 288 Chemins "Free Fe rEre EEE sn 987 TorTaz.... 2,230 Cette somme, retranchée des 10,000 mètres carrés que contient un hectare, laisse à la pro- duction du fourrage 7,760 mètres carrés dont on peut évaluer le produit à 2,000 kilogr. de foin valant, à 100 fr. les 1,000 kilogr., 200 fr. Cette récolte a dû commencer la troisième an- née ; il faut donc ajouter aux recettes précé- dentes : Foin des 5°, 4€ et 5° années, à200fr. par an. 600! » Ce qui porte le total des recettes au bout de Blans'a. mer estrererrer eee rer li208040 À cette époque, le propriétaire, au moyen d’une avance de 2,000 fr., dont il aura recou- vré plus de la moitié, indépendamment des in- térêts, aura créé, sur un terrain d’un hectare, un revenu net de 252 fr., revenu encore peu considérable, mais qui tous les ans s’accroitra dans une très forte proportion, les frais restant les mêmes ; on en jugera en jetant les yeux sur le relevé suivant : SIXIÈME ANNÉE. Groseilles, comme ci-dessus . . . ... . . . 179 » Fruits des pyramides, à 1 fr. 20 c. par arbre. 280 S0 Fruits des plein-vents, à 80 c. par arbre.. . 80 » Foin comme ci-dessus ERP EN 200 » Toraz.. 7132 80 SEPTIÈME ANNÉE, Groseilles. RENTREE See Fruits des pyramides, à 2 fr. 50 c. par arbre 585 » Fruits des plein-vents, à 4 fr. 50 c. par arbre. 150 » OC PE D D 1 oO to © 00 0 à 200 » ToTAL,.., 4,107 » HUITIÈME ANNÉE. Groseiiles PME RENE EN RRENIRRE 472 7» Fruits des pyramides. à 3f, 80 c. par arbre. 819 » Fruits des plein-vents, à 2 fr. 30c. par arbre. 250 >» Foins Fe RTC ET 200 » TorTaz.... 1,441 » Le produit du verger est destiné à s’aug- menter encore ; les arbres en pyramides qu’on ne ménage pas puisqu'ils doivent être suppri- més à 15 ans, donnent de plus en plus; les ar- bres en plein-vent, une fois qu’ils se mettent à fruit, arrivent, après 10 ans de plantation, a un produit de 5 fr. par an, et les frais n’augmentent pas d’un centime. En tenant compte seulement des récoltes réalisées pendant les 8 premières années, nous trouvons un total de 4,546 fr. Nous n'avons à déduire de cette somme que les frais pour loyer, impositions, intérêts eten- tretien j'endant les 4 dernières années ; pour les 4 premières ces frais ont été portés en compte ; ils font partie des avances dont le total se monte, pour ces 4 ans, à 2,000 fr. C’est à TITRE NII. raison de 360 fr. par an, comme ci-dessus, 1,440 fr. qui, retranchés de 4,546 fr. , laissent comme produit net, 3,106 fr. Cette somme, répartie entre les 8 années qui se sont écoulées depuis la plantation, donne un revenu moyen de 388 fr. 25 c. , ou somme ronde, 380 fr. Quant au revenu actuel du verger, il est de 1,400 fr. ; à 10 ans il dépassera 1,500 fr. pour atteindre 2,000 fr. lorsqu’à l’âge de 25 ou 30 ans, les arbres en plein-vent, restés seuls dans le verger, auront atteint leur plus grand degré de fertilité. En appliquant à ce verger l'observation que nous avons faite sur le premier, quant à l’ac- croissement du capital foncier, nous trouve- rons qu’une propriété rapportant au proprié- taire qui l’exploite lui-même 1.500 fr. de re- venu net, peut être louée 800 fr., en laissant au locataire une juste part des produits, les frais étant presque nuls, ce qui, au taux de 3 p. 100, lui assigne une valeur de 26,600 fr. 3° Les explications données pour les 2 pre- méersgenres de verger nous permettront d’abre- ger le compte du 3°. Ce compte, 6 ans après la plantation, présentera les résultats suivants : {re et 2° années, pas de produits. TROISIÈME ANNÉE. Groseilliers, 1,240 touffes donneront à rai- son de 2 kil. de groseilles par touffe, 2,480 LISE ETES . 0e. CT EME | LME, 61 cerisiers, 2 kil, par arbre, 122 kil. à 25 c. 50 50 Toraz 1. 774 50 Les abricotiers et les pruniers ne portent pas encore. QUATRIÈME ANNÉE. Groseilliers, comme ci-dessus. . . . . . . . 744f » DIICELISIE ES AS Ile 12510... .…-c0 te Doit one 45 75 Premier fruit des pruniers et abricotiers, à BOICAPAMANDTENS. à > cie » DE 30 530 Toraz 820 95 CINQUIÈME ANNÉE. CO Le eo 744 » Gerisiers, à 4 fr. 25 c. par arbre... . . . . 76 25 Pruniers et abricotiers, à 1 fr. par arbre. . . 61 >» HOTAT. 881 25 SIXIÈME ANNÉE, PR 2... . nd ulatas ‘ 744 » DEnBiers air. par arbre, : . . . .... - 499 .» Pruniers etabricotiers à 4 fr. 80 c. par arbre. 91 50 NOTA SE 957 80 La recette totale s'élève pour les 6 premières années à la somme de 3,433 fr. 50 c., dont il faut retrancher pour les frais annuels des 4 dernières années seulement , à 360 fr. par an, comme pour les comptes précédents, 1,440 fr. Il reste de produit net 1,993 fr. 50 c. Cette dernière somme, répartie entre les six ans écoulés depuis la plantation du verger, donne pour revenu net 332 fr. 25 €., soit, somme ronde 300 fr. par an. Les arbres en BORTICULTURE, JARDIN FRUITIER. 145 plein-vent avancent vers leur maximum de fécondité; le revenu croit rapidement, jusqu'à ce que chaque arbre en plein-vent donne en moyenne 10 fr. par an, résultat au- quel tous les arbres doivent arriver entre la 12me et la 15m année. Si les arbres à fruits à noyau ne rapportent jamais autant que les arbres à fruits à pepins, ils font attendre moitié moins leur complète mise à fruit ; ils ont en outre cet avantage, que leurs racines occupant moins d'espace, on peut maintenir à perpétuité les groseilliers qui seuls donnent un revenu impor- tant. Quinze ans après la plantation, les pro- duits annuels de ce verger pourront être : Gross ER NEC. à: 744f » Fruits des arbres en plein-vent, à 10 fr. par ArDrer Me 1,220.» Fur ets) Use) ve. « HLROTAS- Déduction faite des frais, montant à. . . . . 1,96% 7» 560 » Ilresteratdenrevenunets 2.7. 0:01. 15604: » Comme ces récoltes sont plus sujettes à man- quer que celles des arbres à fruits à pepins, nous ne compterons en moyenne que 1.000 fr. de revenu pour ce verger, parvenu à son plus haut degré de fertilité. Ce produit suppose une valeur locative de 600 fr., et une valeur fon- cière de 20,000 fr. 4° Les produits de ce verger ne peuvent exac- tement se déduire des comptes des autres ver- gers. Le principal avantage de ce genre de plantations c’est de s’accommoder d’un terrain de médiocre qualité, où les autres ne pourraient prospérer ; le loyer et les frais sont moins éle- vés et les produits moins considérables. Les cerisiers, très rapprochés les uns des autres, ne prennent jamais un grand développement ; quand ils sont en plein rapport, ils donnent moitié moins que les arbres en plein-vent du verger n° 3, mais ils arrivent beaucoup plus tôt à leur maximum de fécondité. Les groseilliers, plus ou moins génés par l’ombre des cerisiers, sont aussi moins productifs que ceux des ver- gers dont nous venons d'examiner les comptes. A six ans, les cerisiers greffés à demi-tige sont en plein rapport. 1° et 2m années, produits nuls. TROISIÈME ANNÉE. Groseilliers, 14,140 touffes, donnant 45 c. partouffe . ... . . 1. MIE de BAS » Cerisiers, 286, à 4 fr par arbre . . . . . HITeSG US Torar 769 * QUATRIÈME ANNÉE. Groseilliers 2 313 » Cerisiers, à 4 fr. 50 c. par arbre. . . . 5S4 » LOTARS Se S97 » CINQUIÈME ANNÉE, Gros ER RL 0 4 à «ts 813 » Cerisiers à 2 fr. 50 c. par arbre. . . . . 512 » TorAL.... 41,025 » 146 SIXIÈME ANNÉE, GTDEUIMErS EU UE IRON 35 615 » Cerisiers, à 2 fr. par arbre. . . . . . . . 640 » Tonir M4 185 Ces recettes additionnées donnent un total de. 3,904 » Le terrain étant de qualité médiocre, sa va- leur locative, avant la création du verger, n’e- tait que de 140 fr., impôts compris ; les frais à déduire se réduisent donc à : ak (OM B6OË » 400 150 Loyer et impôts pour 4 ans, . . . . Intérêts de 2,000 fr. à 5 0/0 pour 4 ans. . Frais de;pullapes MEME EME. Dr. nn TOTAL... 4440 Les recettes, déduction faite de cette somme, s'élèvent à 2,794 fr. Ces recettes réparties entre six ans écoulés de- puis la plantation du verger, forment un resénu et annuel de =. Net Soit, somme ronde 450 » À 10 ans les arbres de ce verger ont atteint le maximum de production qu’ils ne doivent pas dépasser ; les cerisiers peuvent donner 4 fr. par an: les groseilliers donnent toujours les mêmes produits; la meilleure récolte qu'on puisse attendre d’un verger semblable est donc de : Groseilles. ea tle 10 CR Daertarett 5131 » Cenisese- Phone tel el Eu 2e 1,024 » TOTAL... 1,557» Et, déduction faite de 590 fr. de frais. . . . 1,147 » Soit, somme ronde . . . . . . Sie Le de Vehite 1,100 » En moyenne, les bonnes années compensant les mauvaises, ce verger, en plein rapport, ne peut donner au-delà de 900 fr. de produit net, ce qui suppose une valeur locative de 500 fr. , et une valeur foncière de 16,600 fr. VX. — Choix des espèces. La plus déplorable eonfusion règne dans la nomenclature des fruits en France ; des réu- nions de jardiniers qui ouvriraient entre eux une correspondance suivie, et se communique- raient les fruits de chaque région, pourraient seules, avec beaucgup de temps et de travail, rétablir la synonymie et permettre à l’amateur de se reconnaître avec certitude dans les cata- logues du commerce, tandis qu'aujourd'hui , grâce à l'arbitraire de la nomenclature, l’ama- teur éloigné des pépinières fait souvent venir à grands frais ce qu’il a déjà, ou bien le con- traire de ce qu’il a demandé. 11 n’est pas en notre pouvoir de remédier à un tel désordre : forcés de nous déterminer, nous adoptons les noms le plus généralement recus ; tout ce que nous pouvons garantir à nos lecteurs, c’est que nos indications sur les qualités des fruits et l’é- poque de leur maturité sont de la plus scrupu- leuse exactitude. HORTICULTURE. LIVRE VIII. A. — Fruits a pepins. Nous n'avons point la prétention de donner — | des catalogues complets des fruits à pepins di- gnes d’être cultivés dans les vergers; nous nous bornons à indiquer, avec des remarques sur chaque série, les espèces dont on peut composer un verger irréprochable, où les plein-vents doi- vent rester définitivement maîtres du terrain. 1. Poiriers en plein-vent, espèces précoces. Epoque Noms des espèces. . de la maturité des fruits, Petit muscat (dit 7 en gueule). . . 1 fin de juin. Petite blanquette Grosse “blanquette. MEN PRO Blanquette à longue queue. . . . . Epargne (beau présent, cuisse ma- eos. ete foi + fin de juillet. dame}i. ner EN RE Rousselet hatif.. 5220 RER Madelëéme 4 220 LASER Toutes ces poires sont médiocres, à l’excep- tion du rousselet hâtif, le meilleur de toute cette série, poire rare en France et moins bonne qu’en Belgique, où elle est très recherchée; les amateurs qui désirent l’avoir franche d’espèce doivent s’en procurer des greffes de Belgique ; la meilleure variété est celle qu’on trouve dans tous les jardins de la vallée de la Meuse, depuis Dinant jusqu’à Maestricht ; elle y est connue sous son vrai nom de Rousselet d’été ou hâtif. Après elle, la meilleure de cette série est la poire d'épargne, belle et bonne quand elle est prise à son point, mais elle n’a qu’un moment. Les autres conviennent plutôt au jardinier de profession qu’à l'amateur, parce que les arbres de ces espèces chargent beaucoup et que leur fruit, bien que médiocre, se vend très bien, par cela seul qu’il précède d’un grand mois toutes les autres poires. Il ne doit pas y avoir dans un verger d’un hectare plus d’un arbre de chacune de ces espèces ; un seul des deux Saint-Jean, et une seule des trois blanquettes permettent de se passer des autres variétés de leur espèce, pour laisser la place à de meilleures poires. Les poi- res comprises dans le tableau ci-dessous suivent immédiatement les précédentes sous le rapport de la précocité ; elles leur sont de beaucoup su- périeures en qualité; les arbres chargent un peu moins, toute proportion gardée, et si la vente des fruits ne peut être faite au moment opportun, les poires ne peuvent se garder seu- lement 24 heures après leur-parfaite maturité. Le jardinier prudent doit done se régler sur le débit présumé et ne pas s’encombrer d’une trop grande quantité de fruits excellents, mais dont chacun n’a pas plus de 10 ou 15 jours pour être mangé à son point, et peut être considéré comme perdu le lendemain du jour où il est mûr, s’il n’a pu être vendu. EE TITRE HIT. Nums des espèces Epoque j de la maturite des fruits Pelle dé Bruxelles. . . . . . . du 48 août au 17 sept. Bou-chrétien d'été, Gratiole, fin d’août, (Gracioli des Italiens.) Bon-chrétien ture ou d'Orient, dem. Bon-chrétien William, . . . . Idem. DAME PEE 20. 20. Idem. Beurré d’été.. . . . . . , . . fin d’août et septembre. | Beurré de Morfontaine , . , . {dem. Idem. | Beurré magnifique (poire melon) dem. Idem. | A l’exception de la dernière, qui est plutôt belle que bonne, toutes les autres sont excel- lentes ; le bon-chrétien d’été l'emporte sur tou- tes les autres; il convient surtout en plein-vent dans les vergers au sud de la Loire; sous le elimat de Paris, l'arbre vient tres bien et son fruit est parfait ; mais il fleurit peu et ne donne pas tous les ans. Sur le littoral de la Méditer- ranée, de Toulon à Antibes, et en Italie jusqu’à Livourne, dans les vergers de la côte, ce poi- rier est presque seul cultivé en plein-vent. 2. Poires d'automne. Noms des espèces. Epoque de la maturité des fruits. . . septembre. . septembre et octobre. Capiaumont . . (LU CERCLE PR +. à Idem. Idem. galeux ou erotté, . Idem. Idem, Beurrés ( de Beaumont . . . septembre, d'Angoulême , . . septembre. d'Angleterre. . . . septembre et octobre. d'Amanlis. . . .. Idem. Idem. \ Spence . . . . . . octobre et novembre. { de St.-Michel, ou d’automne. . . . octobre, Doyenné / Seutelet, . . . . . octobre. musqué . . - . . . octobre et novembre. calebasse . . . . . septembre et octobre. Mouille- bouche verte-longue. . octobre. Mouille-bouche panachee (cu- lotte de Suisse). . . . . . . octobre. Seule M0. - . -. . .« . octobre et novembre. Messire-Jean. . . . . . . . . Octobre. Sanguine d'Italie septembre. note, mue". » Toutes les variétés de beurré veulent être dé- tachées de l’arbre au moment où elles quittent facilement la branche ; autrement, le moindre vent les fait tomber, elles se meurtrissent et perdent beaucoup de leur valeur: elles achè- vent de mürir sur les dressoirs du fruitier. Leur peau contient un principe astringent peu agréa- ble au goût; on ne les mange pas sans enlever la peau. Toutes les poires de doyenné se man- gent avec la peau, qui est excessivement mince ei qui contient un arome particulier, de sorte que ceux qui pèlent ces poires pour les manger perdent le meilleur; ce sont de toutes les poires celles qui sont le moins sujettes à ces concré- tions de silice si désagréables à rencontrer sous la dent. Ces concrétions abondent trop souvent dans la poire de messire-Jean, qui sans cela se- rait beaucoup plus recherchée ; elle est la meil- leure de toutes pour la préparation du raisiné. Le doyenné-calebasse, l’une des meilleures poi- res qui existent, n’est guère connu hors de la Belgique, son pays natal; la variété la plus par- JARDIN FRUITIER. a ———————————————_——_———.— —…— ——…——————————————— 147 | faite existe dans les jardins qui environnent Malines (Belgique). La mouille-bouche rayée ou culotte de Suisse, espèce excellente, mais peu productive, est presque abandonnée pour cette raison. La poire sieulle est une des meil- leures acquisitions récentes de nos vergers. La | poire sanguine d'Italie, dont la chair est mar- brée de rouge. est plus curieuse que bonne ; sous le climat de Paris, elle produit rarement, parce que sa floraison est trop précece. 3, Poires d'hiver. Epoque Noms des espèces. FARARECES de la maturité des fruits. d'Hardampout | (goulu morceau). de décembre en mars. Beurré { de Malines . . . . décembre, |Farenhers + + janvier. Rancé, . . . , . . ‘février. Doyenné d'hiver . , . . . . . de janvier en avril. Saint Germain , . . . . . . . de novembre en mars. Crassane ou cresane. . . . . . de novembreen janvier. LETTRE . de décembre en mars, Bergamotte de Pâques. . . . . de décembre en avril. Ron { d'hiver. LIBRE de janvier en juillet. PRIS d'Espagne HS ETE décembre et janvier. | Jaspé. +. + + - . février et mars. L'époque indiquée pour la maturité des fruits désigne la durée du temps pendant lequel cha- que fruit peut être mangé dans toute sa perfec- tion ; quelques fruits durent beaucoup plus long- temps que nous ne l’indiquons; mais, sans être gâätes, ils ont perdu toute leur saveur. Toutes les poires comprises dans les listes qui précèdent se mangent crues; les espèces suivantes se mangent crues, mais elles sont meilleures lorsqu’elles sont cuites, et on les ré- serve ordinairement pour cet usage; on leur fait aussi subir une préparation qui les conver- tit à l’état de poires tapées. 4. Poires meilleures cuiles que crues. y 2 Evoque Noms des espèces. de la maturité des fruits. Marins Rte les e 2 de janvier en avril, Rousselet de Reims. Bergamotte de la Pentecôte. -.. de décembre en mars, . . de janvier en avril. MARÉES PS PE de décembre en mars. HeonLeéclere, NM LS NON Idem. Idem. Duchesse de Berry d'hiver. . . Idem. Idem. Toutes ces poires, lorsqu'on veut les manger cuites, doivent être employées un peu avant leur maturité. Presque toutes se conservent au- delà des époques indiquées sur les listes; mais passé ces époques elles perdent leur goût, se flétrissent et n’ont plus aucune valeur. La liste suivante contient les meilleures d’entre les poi- res qui ne peuvent être mangées crues. 9. Poires à cuire. Nom des cpeces de la ne des fruits. Fsane Real. Lee . de norembre en mars. Catillac ou cotillard, . . . . . de décembre en avril. Impériale ESA . de janvier en avril. Dane Hyeres à de janvier en mai. Dé tonneat te < Idem. Idem. De Chap RE 0. Ken. ae: Rome AMEN IE 2! Idem, Idem. 148 HORTICULTURE. LIVRE Viit. Avec quelques soins, la plupart de ces poires | tous les fruits précoces, ils ne se gardent pas, se conservent d’une année à l’autre sans se rider ni s’altérer en apparence; mais passé le mois de mai elles deviennent pâteuses et n’ont plus de saveur. L’excessive dureté de ces poi- res au moment où on les cueille fait qu’on s’y prend d'ordinaire avec très peu de soin, etc’est à tort; l'effet des contusions, peu visible d’a- bord, ne tarde pas à se manifester ; les poires se gâtent précisément au moment où elles se- raient vendues avec le plus d'avantages. Les poires d'automne et les poires d'hiver, tant celles qui se mangent crues que celles qui ne peuvent être mangées que cuites, constituent la partie la plus riche de la récolte du verger; parmi ces poires, le beurré, le bon -chrétien, le saint-germain et la crassane doivent être les plus nombreuses ; toutes ces poires se cueillent un peu avant leur maturité: elles offrent l’a- vantage de mürir, non pas toutes à la fois, comme les poires d’été, mais successivement, selon l’âge des branches qui les ont portées et leur exposition plus ou moins méridionale. Cette particularité est également précieuse pour l’a- mateur qui jouit de ses fruits pendant tout l’hi- ver, et pour le jardinier de profession qui vend quandil veut, et ne se trouve jamais, pour cette partie de sa récolte, à la discrétion des ache- teurs. Les arbres de la dernière liste (poires à cuire) chargent beaucoup et tiennent beaucoup de place ; ils doivent être exclus des vergers où l'on n’accorde que 10 mètres en tout sens à chaque pied d'arbre; ce n’est pas trop pour eux d’une distance de 12 mètres en tout sens d’un arbre à l’autre. Nous avons donné (page 79) la liste des es- pèces qui ne viennent pas bien sur sujets de . Cognassier ; toutes les poires à cuire sont plus ou moins dans ce cas. Nous croyons inutile de dresser des listes séparées des espèces greffées sur cognassier, qu’on peut planter provisoire- ment entre les lignes d'arbres en plein-vent ; à l'exception de celles qui ont été signalées comme se refusant à vivre sur des sujets de cognassier, toutes les espèces de poirier peuvent s'élever indistinctement en plein-vent et en pyramide, ainsi qu’en vase ou corbeille; on peut donc, quant au choix des espèces, être guidé par les considérations que nous venons d'exposer. 6. Pommes hatives. Epoque Noms des espèces. sal s i [ de la maturité des fruits. Rambour d’eté.. . . . , . . . août et septembre. Pomme-framboise, . , . . . . août et septembre. Pomme de neige . , août et septembre. Calville d'été . . -. fin de juillet. Passe-pomme rouge. . . . . . août. . + + Toutes ces pommes sont médiocres, à l’ex- ception de la pomme-framboise et de la pomme de neige, parfaites l’une et l’autre, mais qui ont le tort de paraître à une époque où les bons fruits de toute espèce sont dans leur plus grande abondance ; ces fruits sont d’ailleurs comme on doit donc planter fort peu d’arbres apparte- nant aux espèces hàätives. 7. Pommes d'hiver. Epoque de la maturité des fruits de décembre en avril. -Noms des especes blanc, ou à côtes. , Calville se lrouge d'hiver. . . de novembre en mars. {franche, . .,. . . d'octobre en octobre, blanche, . . . . . de décembre en avril. grise. . . . . . . de janvier en janvier. dorée:yf. sai amitre de décembre en avril, Reinette | "USE. + + +: . . de novembre en mars. de novembre en mars. de décembre en mars. d'octobre en janvier. de janvier en avril. de novembre en mars. pepin d’or, . . . . d'Angleterre, . . . de Brelagne rouge. de Portugal. . .. \du Canada . . .. La liste suivante ne contient que des pom- mes plus recherchées pour leur beauté que pour leur bonne qualité: - ï : Epoque NoHs/EseapEs. de la maturité des fruits. Pomme d’api. . . . . . . «+ .« de novembre en mars, de février en avril. de février en mai. D’'Astrakan ou transparente . . D’Eve (monstrueuse) . . . . . Joséphine. . . . . . . . . . . d'octobre en janvier. Azérolly. , . . . . . .« . . . de novembre en mai. Des quatre goûts . . . . . . . d'octobre en décembre. 8. Pommes meilleures cuites que crues. Epoque de la maturité des fruits. décembre et janvier. Noms des espèces. Rambour d'hiver. . . . . , . Belle eur EP EMPROPRE . - de novembre à janvier. Châtaignier . . . . . . . . . de décembre en mars. Court-pendu (kapendu). . . . de décemb. en décemb, Pomme d'érable, , . . . . . . décembre et janvier. Pomme de fer, . . . . . . « . de novemb. en novemb. Les meilleures espèces pour greffer sur para- dis, sont les calville et les plus grosses d’entre les reinettes, particulièrement celles d’Angle- terre et du Canada. Quelques-unes des pommes que nous avons indiquées comme pouvant se conserver d’une année à l’autre, durent souvent plusieurs an- nées; mais les plus durables, après une année | révolue, restent sans saveur. Les pommes de fer se conservent jusqu’à trois ans ; mais elles sont d’une qualité très inférieure. La reinette rise réunit à une très longue durée une saveur fine et délicate; elle supporte de longs trajets par mer sans éprouver d’altération. B. — Fruits a noyaux. La nomenclature des fruits à noyau n'offre pas plus de certitude et de régularité que celle des fruits à pepins; ce que nous avons dit des premiers doit s'entendre également des seconds. 1, Pechers, Nous n’avons point fait figurer le pêcher dans le compte des frais et des produits d’un verger sous le climat de Paris, parce que l’en- trée du verger lui est interdite; néanmoins, comme dans quelques localités favorables on peut obtenir des produits très avantageux d’un EE Ti —— TITRE III. verger de pêchers en plein-vent, nous devons indiquer les espèces les plus convenables pour ce genre de plantation. Ce sont, de préférence à toutes les autres, les pêches à floraison tar- | dive qui craignent moins que les pêches pré- | coces l’action funeste des derniers froids. JET Peches en plein-vent ( sous le climat de Paris) | Epoque Noms des espèces. de la maturité des fruits. Belle den ss 2. Bourdine de Narbonne... . . . Telon:de Venus: st. ler. « « fin de sept. et octobre. Pourprée tardive . . . . . . . octobre. de la Toussaint. . . . . . . . fin d'octobre. . . du 15 sept. au 15 octob. fin de septembre. 2. Abricotiers. Epoque Noms des espèces. = Me P de la maturité des fruits. Abricot hâtif (abricolin) . . . fin de juin, et juillet. Abricot commun . . .. . . . fin de juillet. Abricot de Hollande, . . . . . fin de juillet, Abricot de Portugal. . . . . . 15 août. Abricot-Alberge . . . . . . . Idem. Alberge Moutgamet. . . . . . Idem. Abricot-Pèche . . . . . . . . fin d'août. Abricot royal (nouveau), . . . dem. Abricot Pourret (nouveau), . . Idem. Abricot Noor . . . . . . . . . fin de juillet. M. Lelieur conseille de s’en tenir au seul abri- cot Noor, le meilleur de tous; cet abricot est en effet excellent, mais iln’a qu’un moment, et tous ses fruits mürissent à la fois. Pour le jardinier de profession, le meilleur de tous est l’abricot commun, auquel il peut associer dans le verger un ou deux pieds d’abricotier hâtif et quelques abricots-pêches. L’alberge est très peu pro- ductive au nord de la Loire; ce fruit n’est à sa place, sous le climat de Paris, que dans le ver- ger de l'amateur. Les amandes de tous ces abricots sont amè- res; l’abricotier de Hollande est le seul qui donne des fruits à amande douce. 3. Pruniers. Epoque de ]1 maturité des fruits. Reine-claude verte . , . . . . du 18 août au 40 sepl. Reiue-claude violette , , . . . fin d'août. fin de juillet, . du 4*T au 43 juillet, . du 47 au 15 août. Idem. fin d’aout. août. Noms des espèces. Mirabelle. . ETS LUS Double-mirabelle (drap d’or). . Prune d’Altesse (impériale). . . Perdrigon (de Brignoles). . . . Cette liste ne contient que des fruits de ta- ble : les vergers dont nous nous occupons ici n’en comportent pas d’autres. Les pruniers, dont les fruits sont exclusivement destinés à | faire des pruneaux, rentrent dans la grande culture. Parmi les prunes de la liste précedente, ! la jaune hâtive, la prune d’altesse et la prune | perdrigon, quoique fort bonnes à l'état frais, | font aussi d'excellents pruneaux; les autres | espèces sont exclusivement des fruits de table. ! JARDIN FRUITIER. 149 4, Cerisiers. Epoque de la maturité des fruits set chjullet Noms des espices. Montmorency. . . . Gros gobet (courte queue). . . juillet. Grosse précoce de Chàtenay . . fin de juin. Grosse tardive (de la Madeleine) fin de juillet. REA ESNE OENENÉ fin de juin. CETREHE DEN EE EE fin de juillet. Toutes ces espèces sont des cerises propre- ment dites, à fruit plus ou moins acide, plus rond qu’allongé, à chair molle et demi-trans- parente. La cerise de Montmorency ne se ren- contre plus que dans les vergers d'amateurs; les jardiniers de profession y ont renoncé ainsi qu'a la belle de Choisy, parce que ces arbres chargent trop peu; ce sont cependant les deux cerises les plus parfaites qui existent. La cerise de pied est préférée à toutes les autres pour former les vergers de cerisiers et de groseilliers; l'arbre qui la porte ne se greffe pas et reste toujours fort petit; c’est un usage que nous rapportons sans l’approuver, car cette cerise, qui à la vérité charge beaucoup, est de qualité médiocre. Guigniers et Bigarreautiers. CARE de la here fruits, Cerise-guigne (anglaise)... ... du 4°° juin au 4€ août. Petite guigne rose précoce. ... 45 juin (15 mai dans le midi). Grosse suignenoire (mauricaude) fin de juin. Gros bigarreau rouge........ fiu de juillet. GAS CEE PES Eee août, Les fruits de tous ces arbres ont la chair ferme et opaque; le meilleur de cette série est la cerise anglaise , qui joint à une saveur très délicate la propriété précieuse de fleurir tard, lentement, et de mürir son fruit successive- ment dans l’ordre de l’âge des branches, de sorte que sur les arbres tout formes, on a des fruits mûrs à cueillir pendant deux mois. Ces motifs la font préférer à toute autreen Belgique, où elle est devenue meilleure que dans son pays natal, l'Angleterre. A Liége, on la nomme en patois wallon tempe et tard (précoce et tardive); en effet, lorsqu'elle est à bonne exposition, elle est la première et la dernière sur le marché, ce qui en rend les produits fort avantageux. On en plante beaucoup autour de Paris depuis quelques années ; l'arbre se met vite à fruit, il est très fertile. SECTION II. — Jardin fruitier. Ÿ If, — Distribution. Le jardin fruitier diffère essentiellement du verger en ce qu’il n’admet pas d'arbres à fruits à pepins autres que des vases et des pyramides ; les plein-vents à haute tige en sont exclus, à l'exception de quelques arbres à fruits à noyaux qui ne réussissent pas sous toute autre forme. IL doit être fermé de murs destinés à recevoir des espaliers. Les notions qui précèdent sur le 150 choix et la préparation du terrain, le choix des arbres en pépinière, l'habillage des racines et la plantation dans le verger s'appliquent au jardin fruitier; nous n’avons point à les ré- péter. A moins que le sol n’en soit absolument im- propre à la végétation des arbres à fruits à noyaux, le jardin fruitier doittoujours avoir l’un de sescompartiments occupé par quelques abri- cotiers, pruniers et cerisiers en plein-vent. Le surplus est rempli, moitié par les poiriers, moi- tié par les pommiers. Lespoiriers sont conduits en pyramides et en vases, par lignes alternati- ves. Quelques arbres des espèces originaires du midi sont taillés en girandoles ; ces arbres sont espacés entre eux de 5 mètres en tout sens. Le compartiment consacré aux pommiers est 0C- HORTICULTURE. LIVRE VIII. cupé moitié par des pommiers greffés sur dou- cain et conduits en pyramide, moitié par des pommiers-paradis. Les pommiers en pyramide occupant moins d’espace que les poiriers, peu- vent être plantés à 4 mètres en tout sens; les pomniers-paradis peuvent se contenter d’un espace de {1m,50 en tout sens dans un très bon terrain ; dans un terrain ordinaire , il leur faut 2 mètres. Cet espacement nous semble le meil- leur dans la pratique, pour toute espèce de sol. La partie du jardin fruitier remplie par les pommiers est désignée dans son ensemble sous le nom de Normandie. Le sol du jardin fruitier ne devant pas être gazonné, on le divise, pour la facilité du service, en plates-bandes séparées par des sentiers. Toute cette distribution du jardin fruitier, est indiquée dansle plan, fig. 291. | | La forme de ce jardin n'étant pas rectangu- laire , les compartiments irréguliers sont occu- pés par des plantations de pommiers-paradis, de groseilliers AA et de framboisiers B. Les plates-bandes du jardin fruitier peuvent être entourées de bordures de fraisiers, non pas en vue d’y récolter des fraises, mais pour préser- ver les jeunes racines des arbres à fruit des ravages du ver blanc. Ce ver a une telle prédi- lection pour les racines du fraisier, que, tant qu’il en trouve à sa portée, il est attiré vers elles et respecte celles des arbres. Les meilleurs fraisiers pour cet usage sont les caprons, dont les racines sont très volumineuses. Comme ces fraisiers ne remontent pas et qu'ils ne donnent par conséquent qu’une récolte, aussitôt après cette récolte on peut arracher tous les pieds qui paraissent souffrants et détruire les vers blancs occupés à ronger leur racine. Ces fraisiers sont si robustes , qu’à moins que le ver blanc n’en ait dévoré la racine jusqu’au collet, ils ne meu- rent pas. Nous avons conseillé de planter, entre les lignes des arbresfruitiers en plein-vent du ver- ger, des lignes alternatives de pommiers greffés sur doucain et de poiriers grelfés sur cognas- = TUE) l - +. == Z petit nombre d'espèces, nous devons insister ici de nouveau sur la nécessité d’exclure du jardin fruitier les poiriers greffés sur cognas- sier. Ce conseil, nous ne l’ignorons pas, est contraire à la pratique de la plupart des jardi- niers ; on ne trouve, pour les formes en vase et en pyramide. dans les pépinières, que des arbres greffés sur cognassier. Mais, appuyés sur l'autorité de M. Lelieur, dont une longue pratique personnelle nous a mis à même de vérifier les assertions, nous sommes convaincus de la supériorité des arbres greffés sur franc, et nous désirons faire partager cette conviction à nos lecteurs. Dans ce but, nous ajouterons quel- ques développements à ce que nous avons déjà dit sur le même sujet en traitant des pépinières. En Angleterre, on sème pour sujets propres à recevoir la greffe de toute espèce de poires, les pepins de la bergamotte d’été et ceux de la poire de Windsor (beurré d'Angleterre). « La vigueur relative des sujets, dit J. Rogers, peut influer sur la végétation des greffes et le âéve- loppement ultérieur des arbres de première, deuxième ou troisième grandeur. Il est proba- ble, ajoute cet auteur, que les sujets obtenus des pepins du petit muscat auraient, à peu de sier, arbres destinés à être conduits en vases ou | chose près, l'effet des sujets de cognassier pour! corbeilles et en pyramides. A l'exception d’un modérer la végétation des pciriers et hâäter léur : TITRE III. mise à fruit sans en avoir les inconvénients. » Les poiriers greffés sur épine blanche, et, dans certain cas, sur cormier, sont préférables à ceux greffés sur cognassier. Il n’y à d’excep- tion que pour les jardins placés dans des con- ditions de sol et d’exposition tellement favo- rables, que le plus mauvais arbre est pour ainsi dire forcé d'y fructifier. Qu’on suive exactement nos instructions , qu’on accorde à chaque arbre assez d'espace pour son libre dé- veloppement; qu’on lui laisse assez de bois pour absorber toute sa sève, qu'on ne cherche point, par une avidité mal entendue, à lui faire devancer l’époque naturelle de sa fructifi- cation, et l’on aura en peu d’années des pyra- mides et des corbeilles franches de pied , plus robustes, plus durables et deux fois plus pro- ductives que les arbres des mêmes espèces gref- fés sur cognassier. $ Il. — Espaliers. Nous avons décrit précédemment la ma- nière de tailler et de conduire les arbres frui- tiers en espalier, ainsi que la plantation, la taille et la conduite de la vigne à la Thomery ; il nous reste à exposer le mode de construc- tion des murs d’espalier, les divers genres de treillages, les divers procédés de palissage, le choix des espèces et les détails de ia plantation des arbres au pied du mur. Nous n'avons à nous occuper ici que des murs d’espalier pro- pres à servir de clôture au jardin fruitier ; nous décrirons séparément les autres genres d’espalier en traitant des jardins à la Montreuil et de la culture forcée des arbres fruitiers en espalier. Le jardin fruitier peut n'être entouré de murs qu’au nord, à l’est et à l’ouest; le côté sud peut être protégé par une simple haie à hauteur d’appui qui, donnant moins d’ombrage, fera perdre moins de terrain. Si le jardin n’est pas exactement orienté vers les quatre points cardinaux, on a soin de n’entourer de murs que les côtés dont l'exposition permet de les couvrir d'arbres en espalier. Les murs au midi, au sud-sud-ouest et au sud-sud-est, faisant face au nord, au nord-nord-est et au nord-nord- ouest, ne sont pas seulement inutiles ; ils pri- vent en outre une partie du jardin fruitier de l'influence directe des rayons solaires. Néan- moirs une muraille de peu d’étendue, à une exposition plus ou moins septentrionale, n’est pas sans utilité dans le jardin fruitier; on y plante à l’espalier les arbres dont on désire re- tarder la fructification dans le but d'en pro- longer la récolte. Les auteurs anglais considèrent la protec- tion accordée aux arbres fruitiers en espalier ‘7 une muraille à bonne exposition, comme ’équivalent de sept degrés de latitude méri- dionale ; ils en donnent pour exemple la eul- ture de la vigne en espalier aux environs de Londres ; les espèces qui réussissent le mieux | dans cette partie de l'Angleterre sont celles qui fructifient en plein air aux environs de Bor- JARDIN FRUITIER. 151 deaux, situés à sept degrés de latitude au sud de Londres. En Angleterre, comme dans les régions tempérées de la France, on a longtemps con- sidéré l'exposition du plein midi comme la meilleure de toutes; on est aujourd'hui bien revenu de ce préjugé; les arbres en espalier au plein midi sont souvent grillés par la chaleur excessive des rayons solaires au milieu du jour; ces rayons cessent de les échauffer de- très bonne heure dans après-midi; les murs légèrement inclinés au sud-est ou au sud-ouest sont donc réellement meilleurs, et lorsqu'on a le choix, c’est l'exposition qu’on adopte géné- ralement. A, — Hauteur des murs. La hauteur des murs peut varier entre 3 et 4 mètres ; elle se règle sur l'étendue du jardin fruitier ; un petit jardin entouré de hautes mu- railles est sombre et d’un aspect désagréable; si sa forme est celle d’un rectangle très allongé, la hauteur des deux murs parallèles des côtés les plus longs ne pourra dépasser 3 mètres : s’il est carré et de grandeur moyenne (40 à 50 ares), des murs de 3,50 seront d’une hauteur bien proportionnée à son étendue; s’il dépasse 50 ares, on pourra donner aux murailles de elôture 4 mètres de hauteur. Les jardiniers anglais ne donnent pas la même élé- vation aux murs de tous les côtés du jardin; le mur du nord, dont l’espalier fait face au midi, a d'ordinaire 0,50 ou 0m,60 de plus que les autres ; c’est une coutume dont nous ne pou- vons que conseiller l'adoption, non pas pour le nord d’une manière absolue, mais pour le côté qui correspond aux vents qui règnent le plus habituellement aux deux époques de la florai- son et de la maturité des fruits. Tout le monde connaît la mauvaise réputation de la lune d’a- vril, surnommée en France la lune rousse, parce que sous l'influence des vents du nord- nord-ouest qui règnent à cette époque, les pé- tales des fleurs des pommiers, des poiriers, des pruniers et des cerisiers, changent du blanc au roux ; cette considération doit engager les pro- priétaires à élever davantage les murs du jar- din fruitier dans la direction des vents que les jardiniers nomment les vents roux. En Belgique et en Angleterre on utilise comme espaliers des murs bien exposés qui n’ont pas plus de 2 mètres ou 2",32 de haut; les pêches et les brugnons y réussissent très bien ; on peut aussi couvrir ces murs de vignes, de figuiers et de cerisiers ; mais l’abricotier, le prunier et le poirier, ce dernier surtout, exi- gent plus d'espace ; lorsqu'on les tient palissés sur des murs aussi bas, ils sont lents à se mettre à fruit et ne chargent jamais beaucoup. Les auteurs anglais préconisent les murs très bas pour toute espèce d’espalier; un espalier | de 20 mètres de long sur 2 de haut, dit J. Rogers, donne plus de fruits, toutes choses égales d’ailleurs qu’un espalier de même sur- ‘face ayant 4 mètres de haut sur 10 de long. 152 Mais cela tient en grande partie, comme l’ex- plique cet auteur, à ce que le jardinier soigne toujours mieux l’espalier plus bas, par cela seul que toutes les parties de ses arbres sont mieux à sa portée, tandis qu’il perd souvent de vue des soins urgents à donner aux parties des arbres qui garnissent le haut d’un mur trop élevé; en principe, les murs trop bas n’ont donc réellement pas l'avantage que les Anglais leur attribuent. B. — Choix des matériaux. Le choix des matériaux pour la construction des murs est d’une grande importance ; les meil- leurs murs sont ceux qui exigent le moins de ré- paration; les macons introduits dans le jardin fraitier pour réparer un mur dégradé sont es- sentiellement destructeurs. C’est pour cette raison qu’on doit préférer les briques, partout où ilest possible de s’en procurer, aux pierres grossièrement taillées (moellons), générale- ment en usage autour de Paris. Il ne faut pas épargner la largeur et la profondeur aux fon- dations, surtout quand le sous-sol n’est pas des plus solides. Quelques arêtes en pierres de taille, de distance en distance, rendent les murs plus durables lorsqu'ils sont construits en briques. Ce genre de construction n'exige pas un enduit continu sur toute la surface du mur; il suffit de reprendre les joints avec de bon ciment pour boucher tous les interstices où les insectes pourraient se loger. Les murs en moellons ne peuvent se passer d’un enduit continu assez solide pour recevoir, sans se dé- tacher ni se fendre, les crochets pour tenir le treillage ou les clous pour le palissage au mur. En Belgique on place d'avance, en construisant la muraille, soit des crochets, soit des os de pied de mouton cuits qui durent autant que le fer. On les dispose d'ordinaire de quatre ,en quatre rangs de briques; ils sont espacés entre eux dans les lignes de 0,50 à 0,60, comme le montre la fig. 292. Ces distances sont celles Fig. 292. qui se prêtent le mieux au mode de palissage usité en Belgique ; nous le décrirons en détail (voir Treillages ). C. — Chaperons. Les murs destinés à recevoir des espaliers doivent être munis d’un chaperon à leur partie supérieure. Les Anglais rejettent l'emploi des chaperons permanents; ils les regardent comme nuisibles pendant l’été, et en effet, sous leur climat, les arbres en espaliers n’ont jamais, durant la belle saison, trop de chaleur ni de lumière; les auteurs anglais sont unanimes pour donner la préférence aux chaperons mo- biles qu’on enleve aussitôt que les froids ne HORTICULTURE. LIVRE VIII. sont plus à craindre. En France, dans les dé- partements au nord de Paris, l’usage anglais des chaperons temporaires offre des avantages réels sur celui des chaperons permanents ; mais sous un ciel moins sombre, sous un climat moins humide, il est nécessaire, à notre avis, que le mur d’espalier ait un chaperon à de- meure (fig. 293) formé de tuiles en recouvre- Fig. 293. ment maintenues par une faitière; ce chape- ron n'a pas besoin d’être saillant de plus de 0,25 à 0,30 en avant de la surface du mur dans les espaliers ordinaires. Si l’on doit y ajouter une couverturetemporaire,on plante au- dessous du sommet du mur, dans la maconne- rie, des montants quelquefois en fer (fig. 294), on établit des paillassons, au moment où leur protection peut être utile (voir Jardins à la Montreuil). La principale utilité des chape- rons permanents en tuiles consiste à éloigner les eaux pluviales du feuillage et du fruit en été, et de la souche de l'arbre en toute saison. On avait imaginé, il y a quelques années, en Angleterre, de construire pour servir d’espa- lier des murs formés de montants en fonte de - fer, établis sur des dés en pierre et croisés par de légères traverses de fer forgé ; l'intervalle était rempli par des plaques de pierres plates ou d’ardoises ; on avait même proposé de les former de carreaux de vitres comme des fenê- tres ; cette invention n’a pas eu de suite, bien que l’inventeur se fût muni d’un brevet. D. — Treillages. Les treillages les plus usités sont formés de montants croisés à angles droits, par des traverses horizontales. de manière à former des rectangles ou mailles, de 0,22 de large, sur 0m,25 de hauteur ; les brins de treillage ont | Om,01 d'épaisseur ei 0m,027 de large; ils sont TITRE HI. JARDIN FRUITIER. 155 fixés les uns sur les autres par des attaches en | 296) sourincontestables ; aucuntreillage ne peut fil de fer à tous leurs points d’intersection. Pour le palissage de la vigne à la Thomery, des montants de bois de 0®,04 ou 0,05 e large, sur 0,015 d'épaisseur, sont placés per- pendiculairement à côté de chaque cep de vi- gne, C'est-à-dire à 0m,55 ou à 0,66 l’un de l'autre, selon l’espacement des ceps. Ces mon- tants sont coupés à angle droit par des tra- verses en bois de treillage ordinaire, disposés horizontalement à 0,25 les uns des autres. La fig. 258 (pag. 111) montre cette disposition et la manière dont la vigne est palissée sur ce genre de treillage. En Belgique, on remplace le treillage destiné au palissage des arbres en espalier, par une méthode simple, économique, facile à pratiquer partout; nous croyons devoir la faire con- naître en détail. D'abord, en règle générale, un mur construit en briques et garni de jeunes arbres fruitiers ne recoit, l'année de la plan- tation, ni treillage, ni rien qui doive en tenir licu. On a soin seulement , comme nous l'avons indiqué, de planter dans le mur, en le con- struisant, des crochets de fer ou des os de pieds de mouton, par lignes régulières. Quand les arbres commencent à avoir besoin d’être palissés, on forme avec une simple baguette souple, un ou deux demi-cereles concentriques, proportionnés à la grandeur de l'arbre qui se palisse dessus sans difficulté. Le nombre des demi-cercles s’accroit d'année en année, en proportion de la croissance de l'arbre : les cro- chets ou les os de pieds de mouton servent à les assujettir. Si les arbres sont conduits en pal- mette, les baguettes sont posées horizontale- ment sur les mêmes supports ; le treillage gran- dit avec l'arbre et l’on n’a point à supporter, en pure perte, des avances toujours très lour- des pour un jardin fruitier seulement de 50 ares. Les baguettes employées à cet effet sont des tiges de cournouiller (cornus sanguinea), dépouillées de leur écorce, comme l’osier pour les ouvrages de vannerie. Ce bois à la fois sou- ple et dur comme de la corne, employé seul à faire des flèches, avant les armes à feu, résiste est général dans la Belgique wallonne. De très grands bois, dans les provinces de Luxem- bourg, de Liége, de Namur et du Hainaut, plantés uniquement de cette essence, se cou- pent tous les trois ou quatre ans, et rappor- tent plus que les meilleurs taillis. Il n’est pas un canton du territoire français où l’on ne puisse, à très peu de frais, établir un bois de … cornouiller. En Belgique , les baguettes de cor- ) nouiller se vendent par paquets semblables à . des bottes d’osier; elles ont de 3°",50 à 5 mètres de long. Pour le palissage des arbres en éven- | tail de grandes dimensions, on emploie deux très longtemps à l’action de l'air. L'usage en ! ou trois baguettes à former un demi-cerele. Le | | même effet peut être obtenu avec de gros brins - d'osier; seulement, ce bois dure moins en - plein air que le cornouiller. Les avantages de ce mode de palissage (fig. HORTICULTIURE, Fig. 296. supporter la comparaison avec les baguettes de cornouiller. Les avances qu’il exige sont pres- que nulles; les frais ne deviennent sensibles que quand les arbres peuvent déjà les rembour- ser par leurs premières récoltes. La surface cylindrique et naturellement polie des ba- guettes ne peut servir de retraite aux insectes nuisibles, toujours si nombreux entre les brins de treillage et le mur. Mais l'avantage essen- tiel des baguettes, c’est que, sans déranger l’ar- bre , on peut les ôter, les remettre ou les rem- placer à volonté, à toutes les époques de la vé- gétation, tandis que pour nettoyer la surface postérieure du treillage plat, ou pour lui don- per une couche de peinture au printemps, il faut dépalisser tout l’espalier , précisément au moment où les yeux qui commencent à s’ou- vrir se détachent au moindre contact. Il ne manque à la méthode belge, pour devenir d'un usage général, que d’être plus connue. Un se- mis de noyaux de cornouiller donne à 4 ans une premiere coupe ; les souches durent des siècles ; nous citerons à ce sujet le bois de Cor- nillon , commune d’Angleur, près Liège, qui, d’après des titres authentiques, est en essence de cornouiller, depuis le temps de Charlema- gne. Pour le treillage ordinaire en cœur de chêne , on a beau faire choix de bois de la meilleure qualité, on a beau le recouvrir de plu- sieurs couches de peinture, on est à peu près certain qu'avant que les jeunes arbres soient assez grands pour couvrir seulement la moitié de l’espalier, le treillage sera pourri. Le bois de chêne. exposé aux alternatives de tempéra- ture froide , chaude, sèche ou humide, se dé- jette, setord, entraine avec lui les crochets qui le maintiennent, et se détache du mur; il faut à tout moment le réparer, ce qui ne peut se faire sans exposer les arbres de lespalier à toute sorte d'accidents. Le treillage n’a réelle- ment en sa faveur que la coutume et le coup d'œil. Un propriétaire qui n’a pas de motifs pour regarder de trop près à la dépense est flatté de voir autour de son jardin, de création récente , un mur bien blane, garni d’un treil- lage tout neuf, peint en vert, en attendant la verdure des arbres; mais cette petite satisfac- tion est le seul avantage qu'il en puisse espé- rer. Ajoutons qu'un bon treillage, bien solide, est une échelle en permanence pour le passage des voleurs. Le jardinier amateur et le jardi- nier de profession, doivent déne bannir des T. V. — 20 154 espaliers du jardin fruitier le treillage ordi- naire. S'ils ne peuvent se procurer des baguettes de cornouiller, de coudrier ou même d’osier pour le palissage selon la méthode belge, ils peuvent toujours adopter le palissage sur fil de fer, aujourd'hui fort usité en Angleterre et en Allemagne; il commence aussi à se répandre en France. On établit à cet effet des montants espacés entre eux de 1 mètre, et percés de trous pour le passage des fils de fer ; ces trous doivent être à 0m,25 ou Om,30 l’un de l’autre sur les montants. On fait faire au fil de fer un tour sur lui-même à son passage par les trous des montants, comme le montre la fig. 297, Fig. 297. pour lui donner plus de solidité. IL est bon, lorsqu'on établit un semblable treillage, de lais- ser le fil de fer se recouvrir d’une couche de rouille par l’effet de la rosée des nuits; on donne alors par-dessus cette rouille une ou deux couches d’huile de lin bouillante ; il en résulte une peinture presque inaltérable. La meilleure grosseur pour le fil de fer destiné à cet usage est de 0",002 de diamètre. En Angle- terre on assujettit le treillage en fil de fer au moyen de forts clous, dont la tête est un petit anneau. Le fil de fer est certainement préférable au treillage plat ordinaire; il offre, entre autres avantages, celui de pouvoir s’établir partielle- ° ment à mesure que les arbres grandissent ; toutefois, l’élasticité du fil de fer occasionne aux espaliers un balancement préjudiciable aux jeunes branches dont l’écorce encore ten- dre souffre du frottement continuel contre le fer, parce que sa surface polie ne permet pas de donner aux attaches assez de fixité. On di- minue cet inconvénient en placant les montants ou les attaches pour le fil de fer à des distances plus rapprochées ; celle d’un mètre, que nous indiquons, doit être regardée comme un maxi- mum qu'il ne faut pas dépasser. E. — Palissage à la loque. Lorsque la nature des matériaux employés à la construction des murs et celle des enduits dont ils sont revêtus permet d’y fixer des clous sans les dégrader, on peut se passer de toute espèce de treillage et palisser directement sur le mur. Il y a dans ce genre de travail deux écueils à éviter ; le plus dangereux c’est la dé- gradation du crépissage des murs, lequel, bien que de très bonne qualité, se fendrait et se dé- tacherait par plaques, si l’on n’usait de beau- coup de précautions pour enfoncer les élous: le second , c’est le défaut d’adhérence des clous dans le mur, qui ne permet pas de compter sur HORTICULTURE. LIVRE VIII. le palissage et laisse à tout moment des branches dépalissées. Aux environs de Paris, le crépis- sage à chaux, sable et plâtre, le moins cher et le plus usité, ne se détache pas aisément, pourvu qu'on n’emploie pas de trop gros clous ; mais comme on ne peut les enfoncer qu’à 0",01 ou 0" ,02 au plus, ils n'auraient aucune solidité sans le secours des chiffons de laine. Voici comment on les emploie : les jardiniers se pro- curent à très bas prix, chez les tailleurs, des rognures de drap ; pendant les jours où le mau- vais temps retient la famille à la maison, les femmes et les enfants découpent tous ces mor- ceaux de drap en petites bandes de 0,03 à 0,04 de large, sur 0",05 à 0°,06 de long, les bouts étant rognés à angle droit. Au moment du palissage, le jardinier enveloppe dans une de ces loques la branche qu'il s’agit de fixer au mur ; il en réunit les deux bouts, qu’il pose, pliés l’un sur l’autre, sur la place où le clou doit être planté; le clou traverse d’abord la double épaisseur de la loque, ce qui amortit le coup et ménage le crépissage du mur ; puis, le clou ne pénètre dans le mur qu’en entraïinant avec lui dans le trou où il se loge une partie de l’étoffe de laine. Bientôt l’humidité, que la laine attire, fait rouiller la partie du clou qui est enfoncée dans le mur; la rouille bumide penètre la loque et l’enduit du mur, de sorte que le clou s’y trouve comme scellé. Tels sont les avanta- ges du palissage à la loque ( fig. 298); telle est Fig. 298. la cause de sa grande solidité. Nous avons fait des recherches inutiles pour découvrir l’inven- teur de ce mode de palissage, aussi simple qu’e- conomique ; nous savons seulement qu'il était connu sous Louis XIV, et qu’il ne passait pas pour nouveau à la fin du dix-septième siècle. Le palissage à la loque est circonscrit dans un rayon de quelques myriamètres autour de Pa- ris; nous le recommandons comme venant im- médiatement après le palissage sur baguettes selon la méthode belge. Il n’y a pas de mode de palissage plus économique que celui-là : sous ce rapport, nous souhaitons que l'usage puisse s’en répandre; il y a plus de petites bourses que de grandes. F.— Choix des espèces pour espalier. Le jardinier de profession doit faire choix, pour garnir ses espaliers, des espèces dont le fruit peut être vendu avec le plus d'avantages ; à moins que le sol ne s’y refuse absélument, le pêcher est toujours, près d’une ville, Parbre, à TITRE I. tout prendre, le plus profitable en espalier ; en y joignant quelques abricots-pêches, une ou deux variétés de cerises précoces et quelques oires hâtives de premier choix, il a l'espalier e mieux garni dans son intérêt. Le jardinier amateur, guidé par d’autres considérations , cherche à réunir le plus grand nombre possible de bonnes espèces, dans le but d’avoir une suc- cession non interrompue des meilleurs fruits. Nous placerons donc ici une liste raisonnée des arbres à fruit, soit. à pepins, soit à noyaux, qui peuvent être plantés en espalier ; chacun choi- sira, d’après sa situation, la nature de son ter- rain et le but de sa culture. A, — Fruits à noyaux pour espalier. PÈCHES. Les espèces les meilleures pour la vente sont celles qui joignent une grande fertilité aux avan- tages d’une belle forme et d’une coloration flat- teuse ; à fertilité égale, on doit donner la pré- férence aux espèces qui rapportent également tous les ans et qui, soit en raison de leur flo- raison tardive, soit par leur tempérament, crai- gnent moins que les autres les retours d'hiver, si redoutables à tous les pêchers en général. Ces considérations réduisent dans d’étroites li- mites les choix du jardinier qui cultive pour le marché; à Montreuil, surnommé à si juste titre Montreuil-aux-Pêches, on ne plante que quatre espèces, les plus avantageuses de toutes sous le climat de Paris. 1. Grosse mignonne. On connaît aussi cette pêche sous les noms de belle Bausse et de pêche vineuse. Le nom de belle Bausse est celui d’un jardinier qui a ob- tenu de semis la grosse-mignonne dans toute la pureté de son type primitif, type altéré à te! point que chez les pépiniéristes, on n’obtenait plus sous ce nom que des sous-variétés de qua- lité fort inférieure. La grosse-mignonne est une des variétés les plus anciennement perfection- nées; nous ferons observer toutefois que ce mot ne doit pas se prendre dans le sens d’une antiquité bien reculée. Sous le règne de Hen- ri IV, on ne connaissait pas en France de pé- ches semblables à celles qu’ont obtenues les jardiniers de Montreuil un demi-siècle plus tard ; les meilleures pêches pour la table de ce prince venaient de Corbeil: c’étaient des pavies a chair ferme adhérente au noyau, espèce qui ne mürit qu’imparfaitement sous le climat de Paris. A Liége, les religieux du monastère de Saint-Laurent avaient créé une excellente va- riété de grosse-mignonne hâtive qui s’est per- pétuée en Belgique sous le nom de triomphe de Saint-Laurent ; elle est très productive et mérite d’être propagée en France. La grosse- mignonne mürit dans le mois d'août, du 10 au 20, selon l’état de la température. On peut planter à côté de la grosse-mignonne qui mérite la meilleure part de l’espalier, quel- . ques pieds de mignonne-hâtive presque aussi JARDIN FRUITIER. 155 bonne mais moins productive; elle mürit dans les premiers jours d'août; mais comme elle fleurit de très bonne heure, sa récolte manque assez souvent. La grosse-mignonne et la mi- gnonne-hâtive sont au nombre des pêches qui, dans une situation convenable , réussissent le mieux en plein-vent. 2. Peche bourdine. Cette pêche est une des meilleures parmi les pêches tardives; le fruit est gros et le novau fort petit; il mürit vers le milieu de septembre ; il réussit en plein-vent mieux encore que la grosse-mignonne. 3. Péche Madeleine a moyennes fleurs, ou Madeleine tardive. Elle mürit quinze jours plus tard que la bourdine à laquelle elle ressemble beaucoup pour le goût ; c’est parmi les pêchers à fruit tar- dif celui auquel il faut laisser le moins de bois si l’on veut que le fruit soit beau et de bonne qualité; l'arbre charge beaucoup, mais il ne faut lui laisser qu’ane quantité modéréedefruits. 4. Pêche de Chevreuse tardive. Elle est meilleure que les deux précédentes, et produit davantage ; comme ses fleurs ne s’ou- vrent jamais toutes à la fois, le fruit mürit suc- cessivement depuis le 20 septembre jusqu’au 10 octobre. Ce choix est parfaitement calculé pour avoir des pêches à vendre sans interruption depuis le commencement d'août jusque vers le milieu d'octobre. Il y a quelques années, on cultivait beaucoup, aux environs de Paris, l'avant-pêche blanche, fruit médiocre qui n'avait en sa fa- veur que sa précocité; il mürit en juillet, à bonne exposition. Mais comme sa production est très capricieuse et qu’il a réellement peu de valeur, les jardiniers de Montreuil y ont renoncé. Sur un mur de longueur suffisante pour ad- mettre douze pêchers, les quatre espèces de choix que préferent les jardiniers de Montreuil sont plantées dans la proportion suivante: Grosse mignonne (belle Bausse). . ..., 6 Peéee DOUTTUIDE. «et 5» see ESS 2 Madeleine à moyennes fleurs. ....,... 1 Ulievrenée tardives : 2426 PEUMERR 1° 5 TOR NE REER eS. 12 Mais l’espalier d’un jardin d’amateur peut et doit offrir plus de variété. Le tableau sui- vant contient les noms des meilleures pêches divisées en deux classes; la première comprend les fruits dont la peau recouverte de duvet s’en- lève aisément. A l’époque de la parfaite matu- rité, toutes les pêches de cette classe quittent le noyau; leur chair est fondante et de peu de consistance. La seconde classe ne contient que des fruits à chair ferme adhérente au noyau. PREMIÈRE CLASSE, Epoque de la maturité des fruits. 1€T août, 45 juillet. 10 août. Noms des espèces. Avant-pèche rouge (de Troyes). Avant-pêche blanche... ..... Grosse mignonne (belle Bausse). Triomphe de Saint-Laurent ( de zelgique)............ ne Vineuse de Fromentin. ...... Pêche Desse! 15 220. 20Le Pourprée hative-- CR" r0re selle beauté. SAS ROES Belle de Paris (ou de Malte)... Belle de Vitry (ou admirable). . Pêche Sieulle. CPP APrES..- Madeleine à moyennes fleurs. . Madeleine de Courson (ou pay- {5 août. 45 août, fin de juillet, fin de juillet. fin d’août. fin d'août et septembre, 15 septembre. 15 septembre, fin de septembre, SAUAE) ES ee ere AE 47 septembre, Chevreuse hâtive. ........ .. 147 septembre. Chevreuse tardive..... ..... du 20 septembre au 10 octobre. Chanrelières. ARR PTE 45 septembre, Galande (ou Bellegarde)... ... 4 septembre. Bourdine FE: bte se 415 septembre. Téton de Vénus...... ...... fin de septembre. Pécheroyale. 01: -7 ....... dela fin de septembre au 15 octobre. Pèche abricotée ( admirable lauDe) Rec rene cer .. 45 octobre. Albergeljauness "et .. fin d'août, Quelques pêches de cette classe trouvent place sur l’espalier de l'amateur uniquement comme objets de curiosité; telles sont en par- ticulier : 10la pêche-cardinale de Furstemberg, beau fruit, dont la chair rouge de sang est mar- brée à l’intérieur comme celle d’une betterave; 20 la nivette, ou veloutée tardive, gros fruit vert-foncé, d’un côté, violet de autre, qui mürit difficilement : 30 la pêche à feuilles de saule, qui ne prend de couleur qu’à la Tous- saint et ne mürit que dans les premiers jours de novembre quand elle mürit, ce qui, sous le climat de Paris, lui arrive rarement. La pêche- cardinale n’est pour ainsi dire pas mangeable crue ; elle ne se mange qu’en compote; la feuille de saule, dans les années où la belle saison se prolonge, procure à l'amateur l'agrément d’ot- frir à ses amis d'assez bonnes pêches cueillies sur l’arbre après la Toussaint. La meilleure et la plus précieuse de toute la liste précédente, sans excepter la grosse-mi- gnonne, est la pêche-galande, qui doit son sur- nom de bellegarde à sa rusticité. Dans les an- nées pluvieuses où toutes les autres pêches, surtout aux approches de leur maturité, sont plus ou moins endommagées, la pêche-galande est aussi belle que par le temps le plus favo- rable ; l'absence ou la rareté du soleil ne l’em- pêche point de se colorer ; sa fleur résiste à de petites gelées; nous l’avons vu nouer bien souvent alors que les autres variétés gelaient sur le même espalier ; elle réunit à toutes ces qualités précieuses une floraison prolongée qui rend la récolte de ses fruits successive comme celle des fruits de la Chevreuse tardive. On a lieu de s'étonner qu’eile ne soit pas plus cul- tivée ; Montreuil et Bagnolet commencent à l’a- HORTICULTURE. LIVRE VIII. dopter en concurrence avec la belle Bausse; nous lui devions une mention particulière. DEUXIÈME CLASSE, Noms des espèces. Epoque de la maturité des fruits. Pavie Madeleine... ....... .. du 40 au 50 septembre, Pavie de Pomponne. ..... ... 45 octobre. Pavie jaune ou alberge jaune. . 25 septembre, Pavie tardive...... Et . du 10 au 20 novembre, La Pavie de Pomponne est la plus volumi- neuse et la plus belle des pêches tardives ; il n’est pas rare d’en voir qui dépassent la grosseur des deux poings. Sous le climat de Paris, elle n’at- teint pas sur l'arbre sa parfaite maturité avant les premières gelées blanches ; dans les années ordinaires, on est forcé de la cueillir à moitié mûre et de la laisser mürir dans le fruitier: quand il survient des froids précoces, on en perd la plus grande partie ; on ne peut la man- ger dans toute sa perfection que de loin en loin, quand on est favorisé d’une prolongation extraordinaire de la belle saison. Telles sont les raisons qui rendent cette pêche si rare sur les espaliers des jardins au nord de la Loire ; dans le midi, l'arbre en plein-vent est très ro- buste et charge beaucoup, ses récoltes ne man- quent presque jamais, ce qui tient à sa floraison tardive. La Pavie jaune, ou alberge jaune, sous le nom de perséque ou pességue, domine dans tous les vergers de la Basse-Provence où elle est exclusivement de plein-vent ; sous le climat de Paris, il lui faut l’espalier au plein midi, ainsi qu’à toutes les pavies, encore ne mürissent elles que très imparfaitement ; la tardive ne mürit presque jamais. Les Anglais cultivent les pavies avec des soins particuliers, dans les serres à forcer; ils donnent le nom de pavies à toutes les pêches dont la chair adhère au novau. 5. Brugnons. Ce fruit diffère si essentiellement de la pêche sous les rapports du goût, de la forme et de la couleur, qu’on a peine à comprendre comment ila pu recevoir la dénomination de pêche à peau lisse, et être incorporé sous ce nom par- mi les pêches. Il est à remarquer que cette er- reur est le fait des pomologistes, car partout où le brugnon est cultivé, jamais les jardiniers ne se sont avisés de le nommer autrement que brugnon; il n’a pas d’autre nom en Touraine, où il est aussi commun que la pêche, soit en plein-vent, soit à l’espalier. Ce nom prévaut également en Belgique et en Allemagne. Les jardiniers anglais désignent tous les brugnons sous le nom de nectarines, nom qui peint le cas qu’ils en font ; c’est en effet un des fruits qu'ils estiment le plus, et ils ne conçoivent pas com- ment nos auteurs en ont fait une pêche. Peut- être est-ce tout simplement parce que les livres de pomologie se font à Paris où les brugnons sont à peine connus. Quel que soit notre respect pour les décisions des auteurs qui font autorité en pomologie, nous ne pouvons admettre les brugnons parmi les pêches. Botaniquement par- ver TITRE HIHI. lant, c’est bien à peu près le même arbre, mais | ce n’est pas le même fruit. Noms des espèces. Brugnon jaune (pêche jaune lisse) fin d’octobre. Brugnon blanc (pèche Després). 18 août. Epoque de la maturité des fruits. | Brugnon rouge (pèche cerise).. fin d'août. | Brugnon violet hätif......... du 1°" au 48 septembre. Gros brugnon violet......... du 15 au 30 septembre. Brugnon musqué. .......... fin de septembre. Les espèces de brugnons sont bien plus va- riées en Angleterre qu’en France; l’une des meilleures a étéobtenue par M. Fair-Child, habile jardinier des environs de Londres; elle porte son nom dans les catalogues anglais ; c’est un brugnon presque entièrement rond, jaune du côté du mur, rouge du côté qui recoit le soleil; ce fruit, très hâtif, et qui mürirait très bien à lespalier au midi, sous le climat de Paris, mé- riterait d’être propagé. Le fruit de tous les brugnons n’est bon qu'autant qu'il est venu près de terre et près du tronc ; si l'arbre, d’ail- leurs peu disposé à s'étendre. est conduit sur une trop grande surface, le fruit du haut et ce- lui des extrémités des membres latéraux sera toujours inférieur à celui du reste de l’arbre. Cette observation que nous avons eu occasion de répéter constamment pendant 15 ans, lors- que nous Cultivions les brugnons en espalier en Belgique, fait préférer le brugnon à tout autre fruit pour garnir en espalier les murs bien ex- posés, mais peu élevés, ou bien la partie infé- rieure d’un grand mur dont le haut est occupé par des poiriers ou des pêchers greffes à haute tige. On ne greffe les brugnons que sur pru- nier. Les Anglais cultivent exclusivement, pour recevoir la greffe du brugnon, une va- riété de grosse prune jaune allongée qu’ils nom- ment pear-plum (prune-poire), dont le fruit ne se mange pas. Nous donnons ici en faveur des amateurs qui pourraient désirer de les intro- duire en France la liste des meilleurs brugnons anglais et italiens peu répandus ou totalement inconnus sur nos espaliers. Fair-child précoce (Angleterre) ; ce brugnon est très productif; sa chair est jaune, et quitte le noyau; il mürit dans les premiers jours du mois d'août. Dutilly (Angleterre) ; rouge foncé au soleil, vert clair du côté du mur. Le fruit mürit vers le 15 août; il est de première qualité, mais sujet à tomber si l’on n’a soin de donner pen- dant les longues sécheresses un peu d’eau au pied de l'arbre qui, comme le fair-child, charge excessivement. Brugnon d'Italie. 11 mürit à la fin de sep- tembre; sa chair est jaune et sa peau jaune et rouge comme celle du fair-child ; mais la pulpe adhère au noyau; les Anglais lui donnent le nom de nectarine-brugnon; il ne faut pas le confondre avec le suivant qui en diffère es- sentiellement par le goût, la qualité et l’exté- rieur. Brugnon de Gênes. Son fruit ne mürit qu'en octobre; le fruit mür reste vert, avec seule- JARDIN FRUITIER. 157 ment quelques stries rouges du côté exposé au soleil; il ne vaut pas les précédents, mais sa | rusticité et la maturité tardive du fruit qui succède à tous les autres lui méritent une place à l’espalier de l'amateur. Les catalogues an- glais contiennent plus de 100 variétés de bru- gnons dont une vingtaine de très bonne qua- lité. 6. Abricots. Nous avons donné pour les abricotiers en plein-vent la liste des meilleurs abricots; ces fruits à l’espalier sont plus régulièrement abon- dants, mais moins délicats, moins colorés, et au total moins bons que ceux des arbres en plein-vent. L’amateur ne leur accorde donc qu’une place très restreinte sur ses murs bien exposés, en donnant la préférence à l’abricot- pêche. Le jardinier de profession peut au con- traire, si le placement du fruit est assuré, planter presque autant d’abricotiers que de pé- chers en espalier. Noms des espèces. Epoque de la maturité des fruits. Abricot blanc....... ee fin de juillet, Abricot de Provence........ fiu de juillet. Royal-Orange. ..... noce du 10 au 45 juillet. Abricotiaveline 22e 17.0: 15 août, Abricot romain. ........... du 15 août au 197 sep- tembre. Abricot moorpark........., . du 13 août au 48 sep- tembre. Abricot musch........... .- 15 juillet. L’abricot musch mürit difficilement même à l’'espalier le mieux exposé; son fruit est plus curieux que bon; il offre cette particularité que sa chair d’un beau jaune est assez transpa- rente à l’époque de sa maturité pour qu'on puisse distinguer au travers le noyau qu'elle renferme. Nous appelons l'attention des horticulteurs francais sur l’abricot royal-orange, le meilleur des abricots précoces. En choisissant pour prendre des greffes les sujets les plus hâtifs, et donnant toujours à cet arbre la meilleure place de l’espalier, on arriverait très prompte- ment à lui communiquer le même degré de précocité qui fait tout le mérite de l’abricotin, et cette espèce, réellement de peu de valeur, disparaîtrait de nos espaliers. L’abricot royal- orange est très productif, l'arbre se met très vite à fruit. Il a besoin de beaucoup d’espace; le fruit le meilleur est toujours celui des extré- mités des branches les plus éloignées du tronc. L'exposition qui lui convient le mieux est celle du sud-sud-est. L'abricot romain porte aussi le nom d’abri- cot de Bruxelles, parce qu'il est très commun sur les espaliers dans toute la Belgique; les Anglais le nomment abricot de Turquie ou d'Alger. Il a beaucoup de goût, mais peu de jus ; c’est un des meilleurs à confire. L’abricot moorpark, originaire de Hollande, est celui de tous que les Anglais préférent; il ressemble beaucoup à l'abricot-pêche, il se met lentement à fruit et ne charge jamais beaucoup, 158 mais ileraint moins que les autres les gelées de printemps, et, quelque défavorable que soit la saison , il mürit toujours assez pour être man- geable. Ces deux qualités le recommandent aux jardiniers qui cultivent les arbres à fruit en espalier au nord du bassin de la Seine. 7. Prunes. On ne cultive guère en France à l’espalier que les prunes de reine-claude, de mirabelle et de monsieur; l’amateur peut y joindre la précoce de Tours et la tardive de Roche-Corbon pour avoir sur la table les premières et les dernières prunes. Nous recommandons comme curiosité la prune bifèrequi donne une première récolte vers le15 juillet, etune seconde récolte souvent aussi abondante que la première à la fin de septem- bre. A la vérité ce frait n’est pas très bon, mais nous le eroyons très susceptible d’être amé- lioré par des croisements judicieux ; on eréé- rait ainsi une variété remontante digne d’être cultivée pour la qualité de son fruit comme pour la singularité de sa végétation. La prune de Brignolles, près de s’éteindre dans son pays natal, n’est connue dans le nord de la France que sous la forme de pruneaux ; c’est en outre un excellent fruit de dessert qui mürirait très bien à l’espalier à bonne exposition sous le cli- mat de Paris. 8. Cerises. La meilleure de toutes les cerises pour les- palier est la belle cerise royale hâtive, dont la variété la plus parfaite est connue en Angle- terre sous le nom de May-Duke ; c'est la même que nous avons signalée comme surpassant tou- tes les autres pour l'abondance et la qualité de son fruit et par la propriété précieuse de mürir successivement , ce qui rend cette cerise à la ‘fois précoce et tardive, la première et la der- nière. Le doyen des arbres de cette espèce existe en espalier, à l’exposition du midi, dans le jardin de la résidence royale de Richemond, en Angleterre; il a été planté sous le règne de Georges 1°", vers l’année 1720. Son fruit, qui passe pour le plus parfait de son espèce , est exclusivement réservé pour la table royale; il est d’étiquette que le souverain en mange au dessert le jour de sa fête (bien entendu quand elle tombe en été). J. Rogers a consigne dans son Traité de la culture des Arbres à fruits le récit des soins qu’on prenait pour conserver les fruits de ce cerisier sur l'arbre, jusqu’à la fête anniversaire du roi Georges IV, qui était né le 12 du mois d’août ; on faisait garder la récolte à vue par une escouade de garçons jardiniers, pour la défendre des oiseaux ; malheur à celui des gardiens qui aurait cédé à la tentation d’en goûter ! Le cerisier de Richemond est depuis plus d’un demi-siècle, entièrement creux en dedans: il ne reste plus, pour établir la communication entre le tronc et les racines, qu’un peu de bois vivant et d’écorce du côté de la muraille, Il ne pousse que bien peu de bois tous les ans, mais HORTICULTURE. LIVRE. VIII. il est toujours fertile, et son fruit n’a rien perdu de sa qualité. Une variété nouvelle, obtenue il y a quel- ques années en Angleterre, par la fécondation artificielle des fleurs du bigarreau avec le pollen de la royale hâtive, y est fort estimée ; on la cultive exclusivement à l’espalier ; son fruit a le volume des plus gros bigarreaux, avec la couleur et le goût de la cerise anglaise (May-Duke). Nous avons dit, en traitant de la taille des arbres, avec quelle facilité le cerisier se conduit en espalier; ni le jardinier de profession, ni l'amateur de fruits, n’ont intérêt à planter à l’espalier d’autres variétés que les deux précé- dentes, les plus précoces de toutes ; les autres venant à maturité au milieu de la saison des fruits, n’ont pas besoin du secours de l’espalier pour hâter la récolte. B. — Fruits à pepins pour espalier. 1. Poires. Presque toutes les poires de table, de pre- mière qualité, comprises dans les listes que nous avons dressées pour le verger, s’obtiennent en- core meilleures à l’espalier. Mais comme on a toujours trop peu de place sur les murs bien exposés pour les pêches, les brugnons, les abri- cots et les autres fruits à noyaux, l’on accorde rarement les situations les plus favorables sur l’espalier aux fruits à pepins qu'il est facile d’obtenir en abondance sur les arbres en plein- vent, en vase ou en pyramide. On doit en effet se faire une loi de n’admettre à l’espalier que les poires qui mürissent mal en plein-vent, parce qu’elles sont originaires du midi; on peut aussi garnir de poiriers très productifs la sur- face la moins bien exposée des murs dont l’au- tre côté est couvert de pêchers et d’abricotiers ; il n’y a que le nord-nord-est et le plein nord qui leur soient décidément contraires. La liste suivante contient les espèces qui conviennent le mieux pour espalier à toute exposition, sous le climat de la France, de la frontière du nord jusqu’au bassin de la Loire. Poires d'été. Poires d'hiver. Poire d'épargne. Grosse blanquette. Gratiole ou gracioli, Beurré d’éte Beurré d’Avranches (bonne- Louise), Beurré gris. Saint-Germain. Crassane ou crésane, Chaumontel, Bon-chrétien d'hiver, Colmar. Passe- Colmar. Marie-Louise. 2. Pommes. C'est de tous les fruits celui qui a le moins besoin du secours de l’espalier. Le pommier convient mieux que le poirier pour garnir avec avantage les faces mal exposées des murs d’es- palier ; il peut être productif, même aux plus mauvaises expositions, quoique dans ce cas ses fruits soient moins bons que ceux de même es- pèce, récoltés sur les pommiers-paradis. Le jardinier de profession ne plante point de pom- TITRE IIS. miers en espalier ; l’amateur doit au contraire réserver un pan de mur à une exposition un peu méridionale pour avoir de bonne heure, et dans toute leur perfection , la pomme de neige et la pomme framboise. Sous le climat de Paris, la pomme d’api, la plus jolie de toutes, quoique de qualité médiocre, ne parvient à toute sa beauté que sur un espalier au sud-est. $ III. — Plantation. Les détails dans lesquels nous sommes en- trés sur le choix en pépinière des arbres des- tinés au verger, l’arrachage de ces arbres, et l’habillage de ieurs racines, s’appliquent éga- lement aux arbres destinés à garnir l’espalier du jardin fruitier. Le tableau ci-dessous indi- que la moyenne des distances pour les diverses espèces d'arbres à fruits; ces distances ne sont pas absolues; il y a dans les pêchers et les abri- cotiers des arbres qui, prenant beaucoup plus de développement que les autres, exigent beau- Coup plus d'espace ; mais, en général, on peut s’en tenir aux espacements que nous indiquons. Péclers. Pour la forme à la Dumoutier....... 10 à 12 mèt, Pour toutes les autres formes. ....... A 4% Brugnons. Sur les mursde moins de 2 m. de hauteur. Ga u7 Sur les murs de plus de2 m. de hauteur. SIAUNO Abricotiers. Sur les murs de moins de 4 m. dehaut, 8 à 40 Sur les murs de plus de 4 mètres. ..... 6 à 8 Le royal-orange et le moorpark...... 2m. deplus. Prunters et cerisiers. Même espacement que pour les abricotiers, Poiriers. Les espèces les plus vigoureuses...... 10 à 12 mèt, Les mêmes en éventail sur des murs très ETC EN RE a 260 ao 8 à 10 Les espèces les moins vigoureuses. .... TRANS Pommiers. Sur les murs de moins de 5 m, de haut, 7 à 8 Sur les murs de plus de 3m. dehauteur. 6 à 7 Pour le creusement des trous, ces distances doivent s'entendre du milieu de chaque trou. $ IV. — Préparation du sol et mise en place des arbres en espalier, Le succès d’une plantation d'arbres en espa- lier est soumis à tant de chances contraires, qu'il doit être préparé de longue main ; la moin- dre négligence suffit pour lecompromettre, Les arbres en espalier sont dans une situation tout- à-fait contre nature; leurs racines ont derrière elles les fondations du mur qui ne leur laissent pours’étendreque la moitié seulement de l'espace circulaire naturellement occupé par les racines des arbres en plein-vent. La gêne qui en résulte ne peut être compensée que par l’art du jardi- JARDIN FRUITIER. 159 amender le sol en le défoncant et l’exposant à l'air. Nous ne saurions trop insister sur l’op- portunité des tranchées continues substituées aux trous pour la plantation des arbres au pied du mur d’espalier. Le peu d’argent qu’on dé- pense de plus en main-d'œuvre est bientôt re- gagné par la plus prompte mise à fruit des arbres et par leur plus grande fertilité. Au moment où l’on ouvre les tranchées. c’est-à- dire un an avant l’époque de la plantation, on incorpore à la terre une forte famure d’engrais bien consommé, dans la proportion d’une ‘brouettée de fumier pour deux mètres cubes de terre déplacée; par ce moyen, le fumier, au moment où il se trouve en contact avec les ra- cines des arbres, a épuisétoute sa fermentation; il est également réparti dans toute la plate- bande en avant de l’espalier; il rend la terre de cette plate-bande aussi favorable que possible à la bonne végétation des arbres. Le sable fin qu'il convient d'ajouter comme amendement aux terres trop compactes, la chaux, le plâtre, l'argile dont les terres trop légères ont besoin, doivent aussi être mêlés un an d’avance à la terre des tranchées. La largeur de la tranchée ne peut être moindre de 1®,50, la meilleure lar- geur moyenne est de 2 mètres. Nous avons dé- duit précédemment les raisons pour lesquelles le défoncement ne doit pas dépasser la profon- deur d’un mètre. Lorsque le sous-sol est un tuf tout-à-fait stérile ou bien une couche de terre glaise imperméable à l’eau , une couche de 0°”,08 ou Om,10 de gros gravier ou de plâtras est indispensable pour l’égouttement de la terre. Ce qui précède ne doit s'entendre que d’une terre neuve qui n’a point encore nourri d’ar- bres du même genre que ceux dont on se propose de garnir l’espalier ; lorsqu'il s’agit au contraire de replanter un espalier dont les arbres sont usés, on doit être bien convaincu qu’il n’y a ni main-d'œuvre, ni engrais, ni amendement quelconque qui puisse y faire végéter conve- nablement les mêmes espèces d’arbres fruitiers : ce serait de la peine et de l’argent perdus; la terre de la plate-bande doit être renouvelée. Cette opération n’est pas en réalité aussi lon- gue et aussi Coüteuse qu’on pourrait se le figu- rer; on ouvre dans le carré du jardin faisant face à l'espalier, le plus près possible pour écono- miser les transports, une tranheée de même lar- geur que celle de la plate-bande à laquelle elle doit être parallèle. À mesure qu’une brouettée de terre est retirée d’une de ces deux tranchées, elle remplace une brouettée de l’autre, et comme elles ont toutes deux la même profondeur. il ne reste pas de vide à combler ; seulement. comme la terre de la plate-bande, une fois la planta- tion établie, doit avoir une assez forte pente en avant, à partir du pied du mur, et que ni le famier ni les amendements ajoutés ne sauraient augmenter d’une quantité suffisante le volume des terres remuées, on ne pourra se dispenser d'un léger rechargement de terre rapportée au nier. Ce n’est pas trop d’un an d'avance pour ! moment de la plantation. Ce rechargement ne 160 doit pas excéder 0m,10 d’épaisseur sur la tota- lité de la surface de la plate-bande ; ainsi, pour un espalier de 200 mètres de développement, embrassant les deux côtés bien exposés d’un jardin fruitier d’un hectare de superficie, le re- chargement de la plate-bande de 2 mètres de large n’exigera pas plus de 40 tombereaux de terre d’un mètre cube chacun, dépense légère si on la compare aux avantages qu’elle pro- cure. Au moment de la mise en place des arbres, on ne perdra pas de vue le tassement que la terre fraichement remuée doit éprouver au bout d’un certain temps. Les terres légères s'affaissent dans une plus forte proportion que les terres fortes ; mais dans tous les cas, il y a affaissement inévitable du sol: il en résulte que l'arbre planté, par exemple, à 0" ,10 au-dessous de la naissance des racines, se trouvera par le fait enfoncé à 0,15 ou même à 0,20 un mois ou deux plus tard; c’est ce qu’il faut prévoir en plantant. A l'exception de nos plus habiles pra- ticiens, le plus grand nombre des jardiniers en France enterre trop profondément les racines des arbres en espalier. Dans les terres légères, le dommage qui en résulte est peu considérable; mais dans les terres fortes et sous un climat humide, il n’en faut pas davantage pour faire languir et dépérir toute une plantation, surtout lorsque les pêchers y sont en majorité. Les ar- bres plantés trop profondément sont sujets au chancre et à toute sorte de maladies qui pro- viennent de ce que leurs racines sont trop loin de la surface du sol pour que les influences at- mosphériques leur parviennent directement. L’arrangement des racines est la partie la plus délicate de la plantation; les racines souples, comme sont celles du pêcher, du brugnonier, . du prunier et de l’abricotier, ou celles des su- jets qui leur servent de supports, doivent être disposées également à droite et à gauche, de facon à ce qu'aucune racine ne prenne sa di- rection vers le mur et que pas une des princi- pales ne se dirige en avant, direction dans la- quelle elle rencontrerait bientôt le bord anté- rieur de la tranchée. Tous les auteurs recom- mandent de ne point enterrer la greffe des arbres en espalier; nous sommes de leur avis quant aux pêchers et à tous les arbres à fruits à noyaux, tous plus ou moins sujets à la gomme ; pour les fruits à pepins, la greffe peut être en- terrée sans inconvénient lorsque l'arbre a été greffé par copulation à quelques centimètres de terre. Dans ce cas, la partie enterrée de la greffe fait l'effet d’une bouture ; elle s'enracine en peu de temps, ce qui donne à l’arbre une énergie de végétation extraordinaire. Ce pro- cédé est donc particulièrement convenable pour les arbres qui doivent garnir des murs très élevés et qu’on se propose de conduire sous des formes qui permettent de leur laisser prendre beaucoup d’extension. Les arbres ne doivent point être plantés trop près de l’espalier; une distance de 0,20 ou même de 0",25 en avant du mur, est la plus HORTICULTURE. LIVRE VIII. convenable; la tige dans son jeune âge recoit l'air de tous les côtés et les racines sont moins contrariées par le voisinage du mur. Lorsqu'on plante à l’automne, il n’est pas nécessaire de mouiller les racines au moment de la mise en place; mais si lon plante au printemps et que le hâle de mars se soit fait sentir de bonne heure, il faut à deux ou trois reprises donner de 8 à 10 litres d’eau à chaque pied d'arbre afin d’accélérer la reprise des ra- cines. $ V. — Soins généraux. L’espalier est la partie du jardin fruitier qui procure le plus d'agrément au jardinier ama- teur, et celle quirapporte le plus au jardinier de profession; c’est aussi celle qui exige les soins les plus assidus. Nous ne craignons pas de nous répéter en rappelant aux horticulteurs qu’il y a toujours de l'ouvrage à l'espalier, et que pour tailler, palisser. pincer, la besogne ne doit jamais être considérée comme finie. La plate-bande dans laquelle vivent les ar- bres en espalier ne doit jamais être labourée, à proprement parler ; les racines des arbres, s’y trouvant pour ainsi dire à fleur de terre, au- raient trop à souffrir du contact du fer de la bêche. Mais de fréquents binages, donnés avec précaution chaque fois que la sécheresse suc- cédant à des pluies violentes a scellé la surface du sol, sont indispensables ; ces binages se don- nent avec précaution au moyen d’une fourche à dents plates, dont les bords sont émoussés ; ils ne doivent pas pénétrer à plus de 0,05 ou 0,06 au-dessous de la surface du sol; les mottes de terre sont brisées au fur et à mesure avec le côté de l'instrument ; on a soin de con- server à la plate-bande son inclinaison en avant. Il est essentiel à la santé des arbres que la plate-bande ne nourrisse jamais aucune es- pèce de plantes, soit sauvage, soit cultivée; les binages doivent donc être assez fréquents pour détruire les mauvaises herbes qui dans un sol souvent remué et nettoyé cessent bientôt de se montrer. Un binage est nécessaire toutes les fois que la culture des arbres a forcé le jardi- nier à fouler la terre de la plate-hande, soit pour la taille, soit pour le palissage; les mau- vais effets de ce tassement inévitable sont fort affaiblis quand le jardinier prend la précaution de placer sous ses pieds une planche mince pendant tout le temps qu’il passe à travailler à l'espalier. Ces soins sont surtout nécessaires aux plates-bandes des espaliers plantés de pé- chers ; il ne faut pas oublier que depuis les pre- miers beaux jours du printemps jusqu’à la chute des feuilles, cet arbre est toujours en sève, et que par conséquent il ne peut, sans en souffrir beaucoup, être privé durant tout cet intervalle des influences atmosphériques sur ses racines qui n’ont point de temps de repos du printemps à l'hiver. Il ne faudrait, s’il était possible, jamais fu- mer les arbres en espalier autrement qu'avec du terreau. Aux environs de Paris on peut LS TITRE III. presque en tout temps se procurer à 5 fr. le JARDIN FRUITIER. ! 161 Lorsqu'on a trop attendu pour arroser les mètre cube du terreau de couches rompues, | pêchers souffrant par suite de la sécheresse parce que les maraïichers ne peuvent utiliser | pendant les chaleurs de l'été, c'est une faute tout le terreau de leurs couches épuisées ; par- tout où l’on peut s’en procurer. c’est le meil- leur de tous les engrais pour entretenir la fer- tilité du sol où vivent les arbres à fruit de toute espèce en espalier. L’amateur éloigné de Paris doit réserver pour cette destination la plus grande partie du terreau provenant de ses vieilles couches. Lorsqu'il y a nécessité de recourir au fumier, et qu’on ne peut se le pro- curer assez longtemps d'avance pour le laisser parvenir presque à l’état de terreau, il faut se borner à l’étendre en couverture sur la plate- bande après la récolte des fruits ; on lui laisse ainsi passer l’hiver et on l’enfouit au printemps par une facon superficielle donnée à la plate- bande après la taille des arbres. Nous croyons devoir insister sur le tort irréparable qu’on fait aux arbres en espalier en chargeant leurs racines de fumier à demi consommé. L'arbre se met tout d’un coup à pousser de tous côtés des branches inégales qu’il faut réduire; ces re- tranchements opérés pendant la pleine végéta- tion de l'arbre rendent le fruit petit et de qualité médiocre, et les récoltes s’en ressentent plu- sieurs années de suite. M. Lelieur cite lexem- pie d’un jardinier qui, ayant à sa disposition une grande quantité de fumier provenant d’un champ voisin, crut faire merveille en fumant avec profusion ses arbres en espalier, ajoutant à cette faute celle de tailler aussi court que s'ils n’avaient point été fumés. Ces arbres, qui de- puis dix ans de plantation n’avaient jamais mon- tré la moindre apparence de gomme, en furent. couverts dès le mois de juin: l’espalier fut gâté pour longtemps et ne reprit que bien des an- nées plus tard sa fertilité et «a belle végétation. Tant que la production du fruit et la lon- gueur des pousses annuelles, sont ce qu'elles doivent être d’après l’âge des arbres, il ne faut pas fumer l’espalier, à moins qu’on ne dispose de boue d’étang desséchée ou de terre limoneuse déposée par le débordement d’une rivière; ces amendements, les meilleurs de tous pour les arbres en espalier, peuvent être donnés en tout temps, de même que les rechargements de terre neuve. Dans ce cas, on enlève quelques centi- mètres de terre sur toute la surface de la plate- bande ; on en forme des tas de distance en dis- tance, et à mesure qu'on les enlève on les rem- place par une égale quantité de boue desséchée, de limon ou de terre neuve qu’on incorpore avec le sol par une légère facon avec la fourche à dents plates. Les pêchers et les brugnoniers sont les seuls d’entre les arbres à fruits en espalier qui puis- sent avoir besoin d’être arrosés pendant les grandes chaleurs; les autres arbres dont les racines sont plus fortes et plongent plus avant dans le sol, ne souffrent de la sécheresse que dans les années d’une température tout-à-fait exceptionnelle, encore est-il très rare qu'ils en meurent. EORTICULTURE, dont il faut subir les conséquences ; il n’y à pas de remède; des accidents de cette nature n’ar- rivent jamais aux espaliers gouvernés par un jardinier soigneux qui remue assez souvent la terre au pied des arbres pour reconnaître quand elle est sur le point d’être tout-à-fait desséchée ; c’est le moment où, sans attendre que le feuil- lage s’affaisse et se flétrisse, il est temps de donner soir et matin à chaque pied d’arbre de six à huit litres d’eau. La partie de la plate- bande sous laquelle courent les racines des ar- bres en espalier doit être couverte à cette épo- que, soit de paille, soit de litière sèche, tant pour empêcher les arrosages de tasser trop for- tement la surface du sol, que pour prévenir une trop prompte évaporation. En arrosant les pêchers, on ne doit pas perdre de vue que l’eau est essentiellement nécessaire aux extrémités des racines les plus éloignées du tronc. Ainsi, un jeune arbre peut être suffisamment arrosé par l’eau versée dans un creux circulaire au- tour de sa base; mais, pour un arbre assez vieux, dont les racines se sont emparées du terrain environnant, ce mode d’arrosage ne suffit plus; l’eau n’arriverait pas à sa vérita- ble destination, c’est-à-dire au chevelu des ra- cines et à ses spongioles. C’est pour cela que nous avons prescrit de donner à la plate-bande une pente inclinée en avant; on creuse au bord antérieur de la plate-bande une petite rigole parallèle au mur d’espalier; on prolonge les deux extrémités de cette rigole en remontant de 0m,30 ou 0®,40 vers le mur, puis l’on verse l'eau à l’aide de larrosoir, au sommet de la plate-bande, c’est-à-dire au pied du mur. En vertu de la pente du terrain, l’eau descend vers la rigole qui recoit tout ce qui n’a pas été ab- sorbé par la partie supérieure du terrain; cette quantité d'eau, qui forme toujours la plus grande partie de l’eau repandue, est, à proprement par- ler, la part des spongioles. On n’a point encore suffisamment éclairci la raison physiologique pour laquelle l'eau versée pendant les fortes chaleurs au pied d’un pé- cher déjà frappé par la sécheresse, loin de ra- nimer la végétation, ne fait que häter sa perte. M. Lelieur s’est assuré, en plongeant un ther- momètre dans la terre au pied d’un pêcher flétri qui avait été copieusement arrosé, que cet arro- sage déterminait dans le sol une élevation con- sidérable de température ; nous pensons que la terre observée par M. Lelieur devait contenir des éléments fermentescibles à la présence des- quels la production de la chaleur doit être at- tribuée, chaleur qui a pu être une cause de destruction pour les racines du pêcher; mais un fait qui se reproduit constamment dans toute espèce de terrain est trop général pour n'avoir pas aussi des causes générales qui méritent d'être étudiées. Il n’en est pas moins certain que l’eau donnée trop tard aux pêchers en es- palier, loin de contribuer à les sauver, ne peut D PE + 162 HORTICULTURE. qu'accélérer leur destruction; une fois l’arbre attaqué, la sève arrêtée, le feuillage flétri, il n’y a rien à faire; le pêcher doit être abandonné à lui-même; il ne meurt pas toujours, mais on ne peut rien pour l'aider à en revenir. Nous avons dû insister sur ce fait, parce qu'il est de nature à faire sentir au jardinier la nécessité de veiller sur ses arbres, et de prévenir des ac- cidents qui ne pourraient plus être réparés. Tant que durent les chaleurs de léte, rien n’est plus salutaire pour le pêcher en espalier que de rafraichir toute sa surface par des on- dées de pluie factices, données avec une pompe à main, munie d’une boule d’arrosoir; cette opération doit avoir lieu avant le lever ou après le coucher du soleil. Bien peu de jardiniers en gouvernant leurs arbres en espalier, auront égard au conseil qu’il nous reste à leur donner; nous les enga- geons à sacrifier, sans balancer, une partie de la récolte, lorsque le fruit est trop abondant ; au fond, ce n’est pour ainsi dire pas un sacri- fice; on ne gagne rien à laisser venir à bien tous les fruits d’un arbre trop chargé ; à la vé- rité, la récolte est plus considérable en quan- . tité, mais linfériorité des produits rend le bé- néfice presque nul, et bien souvent les récoltes suivantes sont compromises pour plusieurs an- nées. Les cerisiers et les arbres à fruits à pe- pins se dépouillent d'eux-mêmes du fruit sur- abondant ; il n’y à jamais de fruits à ôter au cerisier ; il est bien rarement nécessaire d’é- claireir les fruits du poirier ou ceux du pom- mier. La nécessité de supprimer une partie des fruits à demi formés du pêcher, du brugnonier, de Pabricotier et du prunier, résulte de la na- ture de leurs productions fruitières, dont les plus fertiles sont, comme on l’a vu, en traitant de la taille de ces arbres, des dards ou bou- quets et des lambourdes. Ces branches, tou- jours fort petites, sont souvent chargées de huit ou dix fruits pressés les uns contre les autres, qui se disputent la nourriture, de sorte que pas un pe peut atteindre la perfection de son es- pèce à l’époque de sa maturité. Après la sup- pression d’une partie du fruit, ce qui reste doit se trouver réparti le plus également possible entre les branches de l’espalier qui se corres- pondent. $S VI. — Contre-espaliers et éventails. On désigne sous le nom de contre-espalier les arbres en éventail dont on garnit le bord extérieur d’une plate-bande, en ligne parallèle à un mur d'espalier. La plate-bande ne peut dans ce cas avoir moins de 2m,50 ; une largeur de trois mètres est la plus convenable pour que ombre du contre-espalier ne nuise point à l’es- palier, et qu'ils n’aient point à souffrir récipro- quement du voisinage de leurs racines; les ar- bres du contre-espalier ne doivent pas dépasser la hauteur de 1m,70. La vigne et tous les ar- bres à fruit , soit à pepins soit à noyaux, peu- vent être cultivés en contre-espalier; mais LIVRE VIII. qui, sous cette forme et dans cette situation, réussissent le mieux. On fait choix d'arbres vi- goureux greffes sur franc, susceptibles par conséquent de prendre une très grande exten- sion à droite et à gauche : par ce moyen, un petit nombre d'arbres suffit pour que le contre- espalier soit complétement garni, sauf les in- tervalles ménagés pour le service de l’espalier. Durant tout le dernier siècle, en France, en Allemagne, en Belgique et en Angleterre, on plantait beaucoup d'arbres fruitiers en éventail, disposés par lignes parallèles. Ces lignes, espa- cées entre elles de 4 à 5 mètres, etaient di- rigées de l’est à l’ouest; elles se servaient l’une à l’autre d’abri et de brise-vent. Cette manière de planter les jardins fruitiers est passée de mode en France, bien qu’elle convienne mieux que toute autre aux jardins de peu d’étendue ; elle est encore très pratiquée en Angleterre, surtout dans les comtés du sud. Les éventails veulent être soutenus pendant leurs premières années ; on emploie à cet effet, comme pour les arbres en espalier, soit un treillage maintenu par des piquets, soit du fil de fer fixé à des tiges de fer percées que supportent des dés en pierre ou des pieux enfoncés dans le sol jusqu’à fleur de terre. Les jardins ainsi plantés ont un aspect propre et régulier qui flatte l’œil, sur- tout à l’époque où les deux côtés des arbres, conduits et taillés exactement comme des es- paliers, sont couverts de fruits mürs. Les treil- lages ne servent que quelques années pendant la formation de la charpente: celle-ci, une fois établie, se soutient d'elle-même. Les jardiniers anglais donnent de préférence à leurs arbres en éventail la forme de palmette simple, sur une seule tige, avec des cordons latéraux à angle droit en nombre suffisant. La forme en palmetie double nous semble préférable parce qu’elle permet de supprimer plus tôt les treillages ; i> charpente de l’arbre sous cette forme avant naturellement plus de solidité. M. Loudon cite comme l’un des plus beaux qui existe en Angleterre un pommier en éven- tail qui n’a pas moins de 31 mètres d'une ex- trémité à Pautre; il a été planté en 1786; il est d’une étonnante fertilité; le propriétaire le laisse aller par curiosité; sa eroissance ne sem- ble pas près de s'arrêter. $ VII. — Frais et produits. Les calculs dont nous avons donné les résul- tats pour les arbres en pyramide et les paradis provisoirement plantés dans le verger, nous dispensent d'entrer dans de grands détails au sujet des frais et produits du jardin fruitier, puisqu'il est facile, en les prenant pour base, d'arriver pour ce genre de jardins à des résul- tats analogues. Nous donnerons, en parlant des jardins à la Montreuil, le produit des espaliers, Les lignes de poiriers et de pommiers en pyra- mide peuvent alterner avec des lignes d'arbres conduits en vase ou corbeille, comme on le voyait dans l’école des arbres fruitiers récem- Je poirier, le pommier et le prunier sont ceux j ment arrachés au Jardin des Plantes; il vaut TITRE III. mieux quand on adopte ces deux formes, planter les vases et les pyramides alternativement dans les lignes, de façon à ce que ni les arbres ni les vases ne se trouvent vis-à-vis les uns des au- tres; on évite par ce moyen l’encombrement causé par la trop grande largeur des vases parvenus à toute leur croissance. Nous ne terminerons pas ce chapitre sans rappeler aux jardiniers la nécessité de ménager les arbres en pyramide plantés à demeure dans le jardin fruitier, principalement quand ils commencent à se mettre à fruit ; le produit de ces arbres arrivera donc aux chiffres que nous avons posés, mais il y arrivera un peu plus tard que celui des mêmes arbres dans le ver- ger; ces arbres, ne devant pas durer, ont été taillés en conséquence. Lorsque le jardin fruitier est consacré ex- clusivement aux pommiers-paradis, un enclos de 50 ares de superficie peut recevoir 2,178 pieds d’arbre à 1",50 les uns des autres en tout sens. Les allées et la plate-bande néces- saire aux espaliers occupent environ un sixième de la surface totale du terrain, ce qui réduit le nombre des pommiers-paradis à 1,800 ; dès la deuxième année après la plantation ils don- nent, année commune, un produit brut moyen de 60c. chaque, soit pour 1,800 arbres, 1,080 fr., sans compter le produit de 150 mètres de murs garnis d'arbres en espalier. Quant aux frais d'achat et de plantation des arbres, ils forment d’après le tableau que nousavons donné, p.142. un total de 1,000 £. pour 50 ares; les frais annuels de taille, de culture et d’entretien s'élèvent, y compris les intérêts des avances, à la somme de 180 fr.; c’est donc un revenu net de 900 fr. crée sur un demi-hectare de terrain au moyen d’une avance de 1,000 fr. Les paradis donnent tous les trois ans d’une manière à peu près ré- gulière une récolte extraordinaire ; la moyenne que nous posons est au-dessous de la réalité. Nous souhaitons que beaucoup de propriétaires aux environs de Paris et des grandes villes véri- fient par expérience l'exactitude de nos chiffres. $ VIII. — Maladies des arbres fruitiers. Les arbres à fruits à noyau sont sujets à des maladies différentes de celles qui attaquent les arbres à fruits à pepins ; les principales mala- dies des arbres à fruits à noyau sont la | gomme, le blanc, le rouge et la cloque; les deux dernières sont particulières au pêcher. Les arbres à fruits à pepins sont particulière- ment sujets à deux affections, le chancre et le Charbon. Le pêcher est de tous les arbres à fruits à noyau le plus sujet aux diverses maladies propres à cette classe d'arbres fruitiers. A. — Maladies des arbres à fruits à noyau. 1. Gomme. La présence de la gomme dans les arbres à fruits à noyau n’est pas toujours un symptôme de maladie; ces arbres, malades ou non, sé- JARDIN FRUITIER. 163 crétent naturellement de la gomme. Cette sé- crétion ne devient pour eux une maladie que quand il y a engorgement. Le prunier et le ce- risier dont l’écorce est douée d’une certaine souplesse , se débarrassent d'eux-mêmes de la gomme lorsqu'elle est surabondante chez eux ; leur écorce se fend pour lui livrer passage. 11 n’en est pas de même du pêcher et de l’abrico- tier; la gomme s’accumule souvent sous leur écorce dure et rigide; ces engorgements gom- meux se manifestent pendant toute la durée du mouvement de la sève qui, chez ces arbres, n’est jamais ralentie du printemps à l'hiver, quoique sa marche soit fort inégale. Lorsque la sève du pêcher monte avec une fougue extraor- dinaire, on remarque sur l'écorce des branches des taches livides recouvrant de légers gonfle- ments peu apparents. Si l’on appuie le doigt sur les parties gonflées, on reconnait au tou- cher la présence d’un amas de suc gommeux extravasé qui grossit rapidement. Le mal qui pourrait en résulter est prévenu par de légères incisions pratiquées en long, soit sur les côtés de la branche, soit sur la face postérieure qui regarde le mur; il ne faut inciser qu'avec beaucoup de précautions pour ne pas pénétrer plus avant que l'épaisseur de l'écorce. L’af- fluence de la gomme passée à l’état de maladie est souvent la suite des contusions faites à l'é- corce des jeunes arbres, soit en les arrachant, soit en les transportant sans précautions de la pépinière au lieu où ils doivent être plantés à demeure. Son premier effet est de faire périr par le bas les branches attaquées qui se dégar- nissent de productions fruitières ; les rameaux d’un an perdent de même par la gomme leurs yeux inférieurs. En se reportant aux principes que nous avons exposés pour la taille du pê- cher, on comprendra combien il est important de prévenir l'invasion de la gomme dont la sur- abondance détruit les yeux faute desquels on ne peut espérer de bonnes branches de rem- placement. La gomme n’attaque en général que les pêchers qu’on n’a pas eu soin d’inciser à temps, et ceux chez qui elle est une maladie constitutive, provenant soit d’un noyau, soit d’une greffe pris sur un arbre atteint de la gomme ; cette maladie peut aussi, comme nous l'avons vu, provenir d’une fumure donnée mal _à propos avec de l’engrais en fermentation. 2. Blanc. La physiologie végétale n’est point encore parvenue à rendre compte d’une manière plei- nement satisfaisante des diverses affections maladives des arbres fruitiers; celle que les jardiniers connaissent sous le nom de blanc ou meunier, se manifeste sous la forme d'une sorte d’efflorescence blanchâtre. Le blanc commence toujours par se montrer sur l'extrémité supé- rieure des jeunes bourgeons; puis il descend le plus souvent tout le long des rameaux, jus- qu'à leur insertion sur la branche principale. Le blanc arrête d’abord tout court le mou- vement de la végétation du pêcher; ses fruits, 164 s’il en reste quelques uns sur les branches les moins endommagées, se couvrent de taches qui les rendent pâteux et amers. L’exposition in- flue puissamment, sinon sur la maladie en elle-même, au moins sur son intensité. L’ex- position de l’ouest est sous ce rapport préférable a celle de l’est; M. Lelieur cite exemple d’un pêcher palissé sur un pilier carré; les bran- ches exposées à l’est étaient en proie au blanc, dont on voyait à peine quelques traces sur les branches palissées à l'exposition du couchant. On ne connaît malheureusement point de re- mède contre le blanc ; cette maladie se trans- met par la greffe et par les semences. Les pê- chers de la Madeleine et leurs variétés passent pour être plus sujets au blanc que les autres; nous avons cependant observé bien des fois ce fléau sur des pêchers d’espèces différentes, en Allemagne , en Belgique et dans le nord de la France. 3. Rouge. Quelques espèces de pêchers, particulière- ment celles qui portent les pêches royales et les pêches admirables, sont sujettes à cette affec- tion, qui se manifeste par unecouleur d’un rouge vif, passant au rouge obscur très foncé, sur l'écorce des branches malades; cette coloration est bientôt suivie de leur mort quelquefois in- stantanée, au moment où ils sont chargés de fruits prêts à mürir. Quelquelois les arbres ré- sistent au rouge un an où deux, pendant les- quels ils végètent avec une grande énergie et portent même des fruits assez nombreux, mais détestables, et qui ne conservent aucun des ca- ractères de leur espèce. Dès lors, comme le rouge est, ainsi que le blanc , une maladie in- curable , il faut remplacer sur-le-charip le pé- cher malade; on ne ferait que perdre inutile- ment un temps précieux en essayant de le re- faire. 4. Cioque. La science des physiologistes n’a pas mieux déterminé les causes de cette maladie que celles du blanc et du rouge; mais l’art du jardinier peut du moins en prévenir et en réparer en par- tie les ravages. La cloque est regardée, par les uns, comme un simple accident causé par le trouble de la végétation du pêcher, à la suite des brusques variations de la température at- mosphérique ; les autres la regardent comme une maladie constitutive comme le blanc, ca- pable, de même que cette affection, de se trans- mettre par les semis et la greffe ; dans cette hy- pothèse , le temps contraire ne serait qu’une des causes déterminantes de l'invasion du mal dont l'arbre porterait le germe en lui-même. Quoi qu’il en soit, la cloque se montre toujours en premier lieu aux extrémités des bourgeons de l’année, quand ils ont été frappés par des pluies froides, accompagnées de vents glacés , succédant à plusieurs jours d'une température humide et tiède. On voit très souvent un arbre protégé par un abri qui n’en garantit «w’une | HORTICULTURE. | LIVRE VIII, partie, rester sain dans la partie abritée, tandis que le côté découvert est en proie à la eloque. L'utilité des chaperons, permanents ou tem- poraires (fig. 293 et 294), comme préservatifs de la cloque, ne saurait donc être révoquée en doute. La cloque, de même que le blanc, ar- rête tout court le mouvement de la sève: les bourgeons attaqués de la cloque cessent de s’al- longer ; ils se boursouflent, se contournent et perdent leurs feuilles. Tant que le mal ne s’est point arrêté de lui-même, il serait inutile cet même dangereux de tailler ces bourgeons au- dessous de la partie attaquée, dans l'espoir d’en obtenir de bonnes pousses. Quand la cloque cesse de s'étendre et qu’on reconnaît sur les bour- geons endommagés les premiers symptômes de la reprise de la végétation, c'est le moment qu'il faut saisir pour rabattre ces bourgeons sur un bon œil. Si la saison n’est pas trop avan- cée, cette taille pourra donner naissance, avant la fin de la belle saison, à des bourgeons pro- ductifs pour l’année suivante; mais la durée du mal se prolonge quelquefois si avant dans l’été, que le bourgeon rabattu n’a pas le temps de se refaire avant la chute des feuilles. Dans le premier cas, le mal causé par la cloque est à peu près réparé, dans le second, l'arbre est beaucoup plus sérieusement endommagé; on veut regarder comme perdue la récolte de l’an- née suivante ; les bourgeons attaqués ne peu- vent plus être rabattus qu’à la taille d'hiver, ils n’ont par conséquent pas de branches de remplacement, et la floraison est presque nulle. B. — Maladies des arbres à fruits à pepins. 1. Chancre. Cette maladie peut être une affection consti- ‘tutive dès arbres, ou bien l'effet accidentel de la piqûre d’un insecte. (Voir insectes nuisibles aux arbres à fruit). Ces deux espèces de chan- cre attaquent le pommier plus souvent que le poirier; parmi les pommiers les arbres greffés sur paradis sont plus sujets au chancre que les arbres greffés sur doucains; les différentes va- riétés de calville sont plus souvent attaquées du chancre que les autres espèces de pommiers. Le chancre constitutif provient toujours d’une faiblesse organique; c’est une dégénérescence des tissus engendrée par l’altération des sucs contenus dans les vaisseaux de l'arbre; il en ré- sulte des ulcères qui gagnent de proche en pro- che si l’on ne se hâte de les arrêter en retran- chant jusqu’au vif toute la partie endommagée; il n’y a pas d'autre remède. Les plaies doivent être immédiatement recouvertes de cire à gref- fer ou d’onguent de Saint-Fiacre. Le chancre attaque presque toujours les racines avant de se montrer sur les parties extérieures des arbres; c’est ce qui a lieu surtout lorsque cette maladie est occasionnée par la nature imper- méable du sous-sol qui maintient les racines dans un milieu constamment humide. On ne peut douter que l’humidité constante n'en- gendre le chanere, lorsqu'on voit cette grave TITRE 111. maladie disparaitre par le seul fait de la trans- plantation des arbres d'un sol bas et mareca- geux dans une terre saine et aérée. D’ailleurs on voit souvent des arbres provenant des mêmes semences, élevés dans les mêmes pépi- ! nières, d'âge et de force absolument sembla- bles, dont les uns plantés dans un terrain mal égoutté se couvrent de chancres, tandis que les autres, dans un emplacement convenable, res- tent parfaitement sains. On peut donc mettre au premier rang des moyens de prévenir l'in- JARDIN FRUITIER. vasion du chancre dans le verger et le jardin fruitier, l'assainissement du sol par un nombre suffisant de rigoles et de tranchées. Lorsque l'arbre attaqué du chancre n’a pas plus de cinq à six ans de plantation, on peut l’arracher, re- trancher toutes les racines attaquées, raccour- cir les branches pour les mettre en rapport avec le volume des racines, et remettre l'arbre en place, immédiatement après avoir amendé ou même renouvelé la terre du trou; si l'arbre est plus âgé, on se contente de le déchausser pour mettre à nu les plaies des racines qu’on retran- che sans déranger l'arbre. Lorsque le sol est bon et qu’il reste à l’arbre une vigueur suffi- sante, les plaies ne tardent pas à se cicatriser. 2. Charbon. Cette maladie ne devrait pas exister puis- qu’elle ne provient que de la mauvaise qualité des sujets élevés en pépinière, et de l'inégalité d’énergie végétative du sujet et de la greffe. Les arbres qui en sont atteints se dépouillent de très bonne heure de leurs feuilles en com- mencant par le sommet; leurs pousses termi- nales se dessèchent et deviennent noires comme si le feu y avait passé; le mal est sans remède; ce sont des arbres qu’il faut se hâter de rem- placer; mais jamais le charbon n’envahit une plantation d'arbres fruitiers , quand les arbres en ont été choisis avec soin et mis en place dans un état de santé vigoureuse; le pépiniériste au- uel on s’adresse se montre indigne de con- fiance s’il livre à l'acheteur des arbres portant en eux le germe de cette maladie, car il lui est impossible de Pignorer. Nous rappelons à ce sujet les conseils que nous avons donnés pour le choix des arbres dans la pépinière (Voir page 133). C.— Insectes nuisibles aux arbres à fruit. Le nombre des insectes qui attaquent de ma- nière ou d'autre l’ecorce, le feuillage ou les fruits des arbres de nos vergers est si grand que si nous voulions tous les décrire, nous sor- tirions des limites dans lesquelles nous sommes forcés de nous restreindre. D'ailleurs ce travail, aussi complet que possible, naurait d'intérêt que sous le rapport de l'histoire naturelle ; les moyens de préservation ou de destruction sont ou très insuffisants, ou tout-à-fait nuls. Que faire contre des millions d'animaux dont les uns nous échappent au moyen de leurs ailes, et | dont les autres se dérobent même à la vue par leurs couleurs obscures et leur excessive peti- 165 tesse, En nous bornant à décrire ceux des in- sectes contre lesquels il est possible de défen- dre les arbres de nos jardins fruitiers, nous croyons remplir les obligations que nous nous sommes imposées vis-à-vis des horticulteurs. 1. Tigre. Les jardiniers désignent sous ce nom deux insectes du genre tingis détachés par les ento- mologistes modernes du genre cimex (punaise). M. Dalbret dans son traité de la taille des ar- bres fruitiers indique une troisième espèce de tigre qui n'existe reellement pas; il a pris pour une espèce distincte le tingis à son dernier état de développement. Ces insectes sont si pe- tits qu’il est fort difficile de les distinguer sur l'écorce du pêcher et du poirier qu’ils atta- quent de préference. Le fait le plus remarqua- ble de leur mode d'existence, c'est leur état de parfaite immobilité pendant la plus grande par- tie de leur vie; ils s’attachent à l’écorce des ar- bres, toujours dans le sens longitudinal, et ils restent la des mois entiers, occupés à sucer la substance de l'arbre auquel ils occasionnent des plaies dangereuses qui ont l'apparence de blessures ou meurtrissures causées par des con- tusions. M. Dalbret compare avec raison l’es- pèce la plus commune de tigre à une petite graine de reine-marguerite; cet insecte en a la forme et la couleur. On ne peut essayer de le détruire que pendant son état d’apparente immobilité ; une fois que ia jeune gcnération des tigres ou tingis s’est répandue sur les feuilles de l’arbre pour en dévorer la substance, il n’y a plus de remède. Il semble alors que le pêcher ou lepoirier en proie aux ravages du tigre soitat- teint d’une maladie particulière; en peudejours, on voit toutes ses feuilles dont le parenchyme vert (chlorophylle) a été complétement sucé par les tigres, changer de couleur, sans toute- fois se détacher. Rien n’est plus triste pour l'œil du jardinier que cette disparition subite de la verdure dans le jardin fruitier. On dit alors communément que les arbres sont frappés de la grise, et beaucoup de jardiniers sont encore convaincus que la grise est une maladie du poirier et du pêcher. Plusieurs au- teurs conseillent le recépage et le rajeunisse- ment des arbres par la greffe en couronne ; c’est un remède violent, pire que le mal, et dont nous ne saurions conseiller l'emploi que quand, après avoir épuisé tous les moyens de se délivrer du tigre, il reparaît plusieurs an- nées de suite et prive le jardinier de tout es- poir de récolte. Alors, il faut en effet recéper, puis greffer immédiatement en courcnne, en ayant bien soin de brûler sans retard jusqu’au dernier vestige des branches retranchees. Mais la plupart du temps, une taille un peu plus courte qu’à l'ordinaire et un nettoyage à fond de l’écorce des arbres un peu avant le départ de la sève du printemps, font disparaitre le tigre. Lesarbres peuvent être nettoves soit avec un lait de chaux très clair, soit avec divers li- quides appropriés à cet usage, dont nous don- 166 nons ci-dessous les recettes les meilleures et les plus usitées. 4 litres. 500 gr. 1 lil, Lessive de blanchisseuse (ou eau simple). Savon noir (savon de potasse)...... Chan Vives MULLER MERDE k La quantité de chaux peut varier selon sa qualité; toutes les espèces de chaux ne se dé- litent pas avec la même consistance ; il faut que le liquide ait la consistance du lait de chaux des badigeonneurs. COMPOSITION DE M. TATIN. Savon dé pOlASSe nn ee. ........ 1Kk500 Champignons écrasés... ...,.......... ! Fau LOMME TER Mr reste te 50 litres. On met ces ingrédients mêlés dans un ton- neau ; l'on prend d’autre part : 15500 30 litres. DIEUTIUESDUINE Sam ee IRD ete On fait bouillir dans l’eau la fleur de soufre enfermée dans un nouet maintenu par un poids au fond de la chaudière. Après vingt mi- nutes d’ébullition, on mêle ce liquide au pre- mier. Il sy établit bientôt une fermentation pu- tride qui se manifeste par une odeur infecte ; plus cette odeur est forte, plus la composition est efficace pour la destruction des insectes ; on doit la préparer longtemps d'avance pour qu’elle acquière en vieillissant plus de fétidité. On peut l'employer au pinceau sur les arbres dépouillés de feuilles ; on peut aussi la répan- dre sur les feuilles des arbres, au moyen d’une pompe à gerbe d’arrosoir percée de trous très fins. On borne le plus souvent l'usage de ce li- quide au nettoyage des plantes précieuses dans la serre et l’orangerie; son prix de revient n’est pas tellement élevé, que le jardinier jaloux de conserver ses arbres ne puisse y recourir pour les délivrer des attaques du tigre. Quand le tigre est assez multiplie pour occasionner la grise, les pertes causées par ses ravages sont hors de toute proportion avec la dépense que nécessite l'emploi du liquide de M. Tatin. On peut substituer dans cette recette les cham- pignons sauvages aux champignons cultivés ; les plus vénéneux sont aussi bons que ceux des espèces mangeables. L'huile de lin et l'essence de térébenthine étendues au pinceau sont des remèdes fort ef- ficaces, mais fort chers, applicables seulement aux jardins de peu d’étendue où l’on n'a qu'un petit nombre d'arbres à préserver. | M. Lelieur assure qu'il s’est bien trouvé d’un mélange d’eau et d’acide sulfurique em- ployé en lotion pour la destruction du tigre; il ne précise pas la dose d'acide; nous pensons qu’on ne peut, sans danger pour les bourgeons, dépasser la proportion de 4 soit un litre d’a- cide sulfurique pour 300 hectolitres d’eau; il nous semble douteux qu’ainsi délayé l'acide sulfurique puisse opérer la destruction com- HORTICULTURE. LIVRE VIII. ception du liquide de M. Tatin qu'on peut em- ployer plusieurs fois de suite sans altérer le feuillage des arbres, tout liquide acide ou al- calin, assez énergique pour agir sur le corps du tigre, opère bien plus sûrement encore la destruction du feuillage, et fait aux arbres un | tort bien plus grave que celui que les tigres auraient pu faire. Les personnes placées à portée d’une usine de gaz pour l'éclairage peuvent se procurer à très bas prix de l’eau saturée de gaz hydrogène; cette eau, employée pure pour laver les bran- ches des arbres pendant le repos de la’ végéta- tion, ou leur feuillage pendant l’été, est excel- lente pour la destruction du tigre; elle entre aussi dans la composition suivante qui s’appli- que au pinceau. Eau byürogénee. 0 HUB Fleur de souire- es" 2 rE CIRE .. B00gr Savon de potasse. ..:..... PS0 3kil, On mêle ces substances à froid, et on les fait fondre sur un feu doux; le liquide s'emploie refroidi. Tant de recettes, dit M. Loudon, ont été proposées par divers auteurs pour la destruc- tion des insectes nuisibles aux arbres à fruit, qu’on a lieu de s’étonner que leurs races sub- sistent encore. C’est que pas une de ces recettes n’est applicable assez en grand pour opérer une destruction complète de l'ennemi contre lequel on les emploie, et que cet ennemi se reproduit avec une prodigieuse rapidité. 2, Kermes. Cet insecte, plus connu des jardiniers sous le nom de punaise, appartient au genre coccus. De même que le tigre, il passe une partie deson existence dans un état d’immobilite, collé sur l'écorce de l'arbre qu’il suce et détruit en y oc- casionnant des plaies fort préjudiciables à sa santé. On détruit difficilement le kermès en frottant les branches avec une brosse; cet in- secte adhère avec tant de force qu’il faut, pour le détacher, frotter de manière à endommager l'écorce au détriment de larbre. L’emploi des liquides dont nous avons donné la recette, sur- tout celui de l’eau hyarogénée, est le seul moyen qu’on puisse mettre en usage avec quel- que espoir de succès pour la des-ruction du ker- mès. La petite fourmi, qu’on a d’ailleurs des raisons pour détruire à cause des ravages qu’elle exerce dans les jardins, est l'ennemi le plus redoutable du kermès. Lorsque cet insecte suce les jeunes branches du pêcher en pleine végétation, il leur fait exsuder un suc brun, sucré, semblable à du caramel, dont les four-. mis sont fort avides; attirées par ce régal, elles enlèvent en même temps les œufs des ker- mès qui, par une loi singulière de l’organisa- tion de cet animal , ne sont jamais pondus; les petits n’éclosent qu’après la mort de leur mère, dans son corps desséché qui leur sert de de plète du tigre sur l’ecorce des arbres. Ajoutons | meure, jusqu’à ce qu’ils soient assez développés que, d’après notre propre expérience à l’ex- | pour en sortir. Les œufs de kermès sont d’ure TITRE 11. petitesse extrême , ils sont à peine visibles à l'œil nu, sous la forme d’une poussière rou- geâtre très divisée. C’est à cette destruction des œufs de Kermès par les fourmis qu’on doit d'en être délivré, souvent pour plusieurs an- néés, parce qu’à l’époque où elle à lieu, les mâles et la plupart des femelles sont morts. Il nous est arrive bien des fois de transporter au pied d’un pêcher attaqué des kermès une four- milière que nous avions l’ingratitude de dé- truire après qu'elle avait fait disparaitre les œufs de kermes. 3. Pucerons. Parmi les insectes ennemis des arbres à fruit, les pucerons sont, sinon les plus redou- tables, au moins les plus nombreux, sil est vrai, comme le prétendait Réaumur qu'un pu- ceron puisse avoir en cinq générations seule- ment 5,904 ,900,000 descendants, et que dans le cours d’une année dix générations de cet in- secte puissent se succéder. On ne peut tenter d’arrêter cette prodigieuse multiplication que sur les arbres en espalier; ceux qui attaquent les arbres en plein-vent sont si nombreux, les fentes de l'ecorceet les surfaces des feuilles leur offrent tant de retraites, que les lavages et les aspersions en épargnent toujours quelques-uns ; c’en est assez pour qu’en peu de jours l'arbre en soit de nouveau tout couvert. Il n’en est pas de même sur l’espalier ; étendue d’espalier occu- pée par chaque arbre en particulier peut être soigneusement close avec un drap qu'on a soin de mouiller pour le rendre plus imperméable à la fumée; on introduit alors entre le drap et le mur un réchaud ordinaire rempli de charbons allumés sur lesquels on jetre plusieurs poignées de tabac à fumer; le plus fort est le meilleur. La fumée caustique du tabac maintenue pen- dant une demi-heure, détruit complétement les pucerons qui n’ont contre elle aucun lieu de refuge. Ce procédé est sûr ; mais on comprend combien il est dispendieux et difficile à prati- quer lorsqu'il s’agit de délivrer des pucerons des centaines de pêchers couvrant plusieurs ki- lomètres de murs d’espalier, tels qu’on en voit à Montreuil et dans les communes voisines. On ne peut alors recourir qu'aux aspersions avec l’un des liquides caustiques indiqués plus haut. De toutes les variétés du puceron la plus re- doutable est le puceron surnommé par les na- turalistes laniger ou porte-laine, à cause d’une sorte de duvet blanc très fin dont il se recou- vre ; duvet qui parait être fabriqué en commun par ces pucerons, comme les toiles dont s’en- veloppent certaines tribus de chenilles, Par- tout où des groupes de pucerons lanigères s’é- tablissent sur l'écorce d’un pommier, leurs pi- qüres produisent des tumeurs qui dégénèrent en ulcères en tout semblables au chancre cons- titutif que nous avons décrit. Les ravages du puceron lanigère sont sans remède sur les grands pommiers en plein-vent du verger: elles entrainent fort souvent la perte des arbres. Mais sur les pommiers greffes sur paradis et JARDIN FRUITIER. 167 même sur douçain, on peut parvenir à les en- lever à mesure qu’ils se montrent, parce qu’ils vivent toujours par groupes, sans jamais se disperser. Les plaies produites par ces insectes doivent être traitées exactement comme des chancres. 4. Chenilles et vers. Il n’y a réellemeut que iles arbres en espa- lier, en pyramide, en vase et en buisson qui puissent être échenilles avec quelque succès. Les chenilles les plus faciles à détruire sont celles dont les œufs, enveloppés d’un enduit glutineux, sont collés sous forme d’anneaux autour des jeunes branches des arbres. Toutes ces branches, à la taille d'hiver, doivent pas- ser l’une après l’autre sous les veux du jardi- nier ; il peut, avec un peu d’attention, aperec- voir et enlever, les anneaux d'œufs de che- nilles; ceux qui lui auraient échappé éclosent sous l'influence des premières chaleurs du prin- temps, avant que le feuillage des arbres frui- tiers se soit assez développé pour les dérober à la vue; ces chenilles sont donc les plus aisées à détruire. Quant à celles qui attaquent les ar- bresen plein-vent, il est presque impossibled’ at- teindre leurs œufs, et fort difficile de détruire les chenilles écloses ; on ne prend le plus sou- vent que les chenilles processionnelles, vulgai- rement nommées Lvrées, qui se filent une sorte d’enveloppe analogue à une forte toile d’arai- gnée, sous iaquelle elles s’abritent en commun. Nous ne mentionnerons les vers qui atta- quent les fruits que pour nous borner à cons- tater l’impossibilité de les détruire; la plupart de ces vers naissent d’un œuf solitaire déposé par une mouche dans l'ovaire peu de temps après la fécondation qui l’a transiormé en fruit; le fruit attaqué n’en parcourt pas moins le plus souventtoutesles phases de son developpement ; la présence du ver contribue seulement à le faire mürir et tomber un peu plus tôt que les fruits sains: C’est un mal sans remède. Un autre ver particulier au pommier se loge dans les boutons à fruit ou à bois, d'ordinaire dans les plus gros; l'œuf de ce ver est déposé par un très petit insecte, soit au sommet, soit à la base du bouton; le mal qu'il fait à l'arbre ne se borne pas à la perte de l’œil attaqué; il en résulte toujours une plaie qui, lorsqu'on la ne- glige, devient un véritable chancre; il n'y à d'autre remède que de rabattre la branche sur un bon œil au-dessous du bouton endommage. à. Hannetons. Nous avons dit combien les attaques des vers blancs ou tures (iarves du hanneton) sont fu- nestes aux racines des Jeunes arbres; on les en préserve jusqu’à un certain point en plan- tant le long des plates-bandes du jardin fruitier des bordures de fraisier, ainsi que nous l'avons recommandé ; mais dans les années où les han- netons pullulent, ce moyen est très insuffisant : c'est un mal qu'il faut se borner à déplorer, sans pouvoir en arrêter les ravages. 168 G. Perce-oreilles, Les fruits mürs de toute espèce sont la proie des perce-oreilles qui multiplient facilement sur les murs d’espalier dont la maçonnerie laisse dans le crépissage des fentes et des crevasses où ils trouvent un asile. Ces insectes ont une prédilection marquée pour la corne du pied des animaux de boucherie. On en détruit une grande quantité en suspendant de distance en distance quelques-unes de ces cornes le long de l’espalier ; les perce-oreilles ne manquent pas de s’y réunir tous les soirs; il faut les enlever dès le point du jour, avant qu’ils se soient dis- persés de nouveau sur l’espalier. Tous les autres insectes, malheureusement trop nombreux, qui attaquent de manière ou d’autre les arbres fruitiers, tels que la pyrale de la vigne, le bombix caya, le charançon et une foule d’autres, sont des ennemis contre les- quels, jusqu’à présent, l'homme ne peut rien. Nous ne pouvons qu’engager les amis de l’hor- ticulture à étudier les mœurs et les allures de ces insectes, seul moyen d'arriver un jour à la découverte des moyens d’en arrêter la multi- plication. L'un des plus efficaces de ces moyens, quand la science aura fait assez de progrès pour en étendre les applications, c’est d’opposer aux espèces nuisibles les espèces voraces qui vivent à leurs dépens. Ainsi le carabe vert-doré, connu sous le nom de jardinière, fait une guerre à mort aux fourmis; ainsi le joli insecte que tout le monde connait sous le nom de bête à Bon-Dieu, détruit lestigres et les pucerons sans attaquer lui-même aucun végétal, puisque son instinctle porte à se nourrir exclusivement d’in- sectes. C’est une voie encore très peu explorée où nous ne doutons pas qu’il n’y ait à faire de nombreuses et utiles découvertes, telle que se- rait celle d’un procédé de propagation prompte et certaine des insectes qui peuvent servir à la destruction des espèces nuisibles. Nous nous abstenons, par respect pour le public, de re- produire ici les recettes pour détruire un à un des animaux dont ii existe des millions à la fois; il en est dont la naïveté rappelle le grain de sel à mettre sur la queue de l'oiseau pour le pren- dre vivant, et qui n’en sont pas moins Constam- ment reproduites dans les ouvrages en posses- sion de la faveur du publie horticole. . SECTION III, — Jardins à la Montreuil. IL n’existe en aucun lieu du monde civilisé de culture d'arbres à fruits en espalier con- duite avec autant d'intelligence et de perfection que celle de Montreuil. La description dé- taillée des procédés suivis par les jardiniers de Montreuil, et l’exposé des résultats qui ré- compensent leurs travaux, nous semblent le complément indispensable du tableau que nous avons tracé de la culture des arbres fruitiers. Nous serions heureux de penser qu’il nous a été donné de contribuer à en répandre le goût en en vulgarisant les principes et les procédés. HORTICULTURE. LIVRE VIII. Nous désignons sous le nom de jardins à la Montreuil des jardins fruitiers exclusivement consacrés à la culture des arbres à fruits en es- palier. $ 1°7. — Construction des murs. Les jardins de Montreuil sont coupés de dis- tance en distance sur toute leur surface par des murs qui n’ont pas d'autre destination que celle de supporter des espaliers ; ces murs, dans les enclos les mieux tenus, sont a douze mètres les uns des autres. Ils sont construits avec beau- coup d'économie en moellons que fournit le sol; on leur donne un enduit de plâtre sur leurs deux surfaces qui sont ordinairement utilisées toutes Les deux. L’épaisseur de ces murs est de 0,32 et leur hauteur de 3 mètres à 3m,50; ils reposent sur des fondations de 0m,40 à 0,50 de profondeur. Le mètre courant de ces murs ne coûte, à Montreuil, crépissage compris, que 15 fr., malgré le prix élevé de la main- d'œuvre aux environs de Paris. Il y a probable- ment en France bien peu de localités où il soit possible d’établir pour ce prix des murs aussi parfaitement appropriés à la culture des arbres en espalier, parce qu'à Montreuil, il n’y a au- cun transport à payer ; la pierre, la chaux et le plâtresetrouventsurle lieu même où ils doivent être employés. Les jardiniers de Montreuil ne donnent aucune couleur à leurs murailles; mais comme le palissage à la loque exige l'emploi d’un nombre prodigieux de clous qui dégradent promptement le crépissage, on est force de le renouveler souvent ; il arrive rarement que le crépissage à plâtre, qui est d’un blanc parfait au moment où il vient d’être posé, ait eu le temps de perdre sa blancheur lorsqu'il devient nécessaire de le réparer; de cette façon, les espaliers repo- sent toujours sur des murstrèsblancs, quoiqu’on ne songe point à les faire blanchir à dessein. Les murs des jardins de Montreuil sont coupés de quinze en quinze mètres par des pans de murs à angle droit avec la muraille principale; ces murs, Construits des mêmes matériaux, ayant la même hauteur et la même épaisseur; leur longueur n'excède pas la largeur de la plate- bande, largeur qui est ordinairement de 2”,50. Les murs de clôture de chaque propriété sont construits avec plus de solidité en raison de leur destination; on leur donne ordinairement quatre mètres de hauteur et 0,40 d'épaisseur ; les fondations ont 0,50 à 0°,60 de profon- deur., selon le plus ou moins de solidité du sous- sol. La direction générale des murs d’espalier des jardins de Montreuil varie à l'infini; les jardiniers de cette commune sont convaincus u’à Montreuil on peut obtenir en abondance L bonnes pêches à toute exposition; en prin- cipe c’est une erreur, mais Ce n'en est point une à Montreuil dent les jardins, ainsi que ceux des communes voisines, s'étendent au bas et sur la pente d’une série de coteaux inclinés du sud-sud-est au sud-sud-ouest, et sur une grande longueur, au plein midi. Cette circonstance lo- cale, jointe à la nature d’un sol à la fois riche, TITRE HI. léger et très charge de sulfate de chaux, per- met en effet de faire réussir le pêcher à toute exposition; mais le même succès ne pourrait être espéré ailleurs, en l’absence de l’une ou l'autre de ces conditions. ssl Le plus grand nombre des murs est dirigé du sud au nord, faisant face à l'est et à l’ouest ; les murs ainsi exposés sont garnis de pêchers des deux côtés; quelques-uns sont dirigés de l'est à l’ouest, faisant face au sud et au nord; le côté sud est seul garni de pêchers; néan- moins, il y à à Montreuil un Certain nombre de pêchers exposés au plein nord, dont le fruit ne nous a jamais paru de qualité sensiblement inférieure à celui des pêchers mieux exposés ; seulement il mürit plus tard, et les fleurs sont plus souvent détruites par la gelée. Tous ces murs, quelle que soit leur direction, étaient en- core, il y a trente ans, garnis de chaperons d’après le système represente fig. 294; ces chaperons recevaient au besoin une couverture temporaire de paillassons. On à renoncé pres- que entièrement à cette coutume depuis qu'on a reconnu qu'à Montreuil, elle favorisait la multiplication des insectes, particulièrement celle d’une espèce de ver fort nuisible au jê- cher, et qu'on nomme à Montreuil véro ou verreau. Tous les murs de construction ré- cente sont garnis de chaperons en plâtre qui varient de 0,10 à 0,15 de saillie en de- hors de l’aplomb du mur. Ce changement, fondé sur une raison toute locale, la rapide multiplication des insectes, due à la présence d’un si grand nombre de murs très près les uns des autres, n’infirme en rien ce que nous avons dit de l'utilité des divers genres de chaperons dont l’usage est sans inconvénient pour les murs qui servent à la fois de clôture et d’es- palier. Nous ferons connaître le mode de construc- tion des murs de Montreuil ; chacun en voyant avec quelle sagacité les jardiniers de cette com- mune, savent tirer parti des ressources locales, pourra regarder autour de lui pour agir d’une manière, sinon semblable, du moins analogue. Peu d’entre eux construisent la totalité des murs à chaux et à sable ; ’usage le plus général est d'employer tout simplement comme mor- tier la terre retirée du fossé qui reçoit les fon- dations. Mais comme le mur ainsi maconné dans son entier manquerait de solidité, on lui substitue un bon mortier à base de plâtre, sur une largeur d’un mètre, de deux en deux me- tres de distance ; de sorte que sur trois mètres de longueur de mur, deux sont maconnés en simple terre et le troisième en mortier de plâtre. Ces intervalles, plus solides que le reste, se nomment, à Montreuil, des chaines. Les murs ainsi établis avec leurs chaperons de plâtre, restent sans enduit pendant deux ans. Lors- qu'au bout de ce temps les pêchers ont be- scin d’être palissés, on commence à crépir les murs par le bas; on augmente le crépissage d'année en année, de sorte qu’il gagne le haut du mur en même temps que les pêchers. Cette HOR1ICULTURE, JARDIN FRUITIER. 169 pratique est fondée sur deux considérations, l’une d'économie, l’autre de solidité. L’écono- mie est très importante; il est tel propriétaire à Montreuil à qui le crépissage de cinq ou six mille mètres de murs offrant une superficie de trente à trente-six mille mètres carrés sur leurs deux surfaces, coûterait un capital considéra- ble qu’il n’est pas obligé d'avancer au moment de la plantation, et qu'il n'avance ensuite par- tiellement qu'à une époque où il en est pour ainsi dire immédiatement remboursé par les récoltes. Quant à la solidité, celle des murs ne perd rien par le retard qu’on met à les crépir, la partie inférieure étant toujours cré- pie la première, et la partie supérieure étant protégée par la saillie du chaperon; mais Ja solidité du crépissage perdrait beaucoup à at- tendre cinq ou six ans que les pêchers fussent assez grands pour couvrir toute la surface des murs; les clous pour le palissage à la loque tiennent beaucoup mieux dans un enduit ré- cent. L’enduit de plâtre est le meilleur; il doit être préféré à tout autre lorsque, comme à Montreuil, il n’est pas plus dispendieux ; on lui donne trente-cinq millimètres d'épaisseur. La Pomone française indique un mode de bâtisse économique praticable partout, et d’au- tant plus digne d’être connu, que la dépense nécessitée par la construction des murs d’es- palier est la cause principale qui rend si rares en France les applications des procédés de cul- ture du pêcher usités à Montreuil, malgré leurs avantages évidents. On établit d’abord les fon- dations comme pour un mur ordinaire; on peut seulement leur donner un peu moins de profondeur. On les élève jusqu’à 0m,25 au-des- sus du niveau du sol, puis on pose dessus des moules en bois comme pour le pisé ou le bé- ton. Ces moules sont remplis de pierres gros- sièrement brisées par-dessus lesquelles on coule du plâtre liquide en quantité suffisante pour remplir tous les interstices. La forme des moules doit être telle que le mur se trouve un pea plus mince à sa partie supérieure que vers le bas. C’est un véritable béton à plâtre. M. Lelieur assure que le mèêtre courant d’un mur ainsi construit, ayant 2,65 de hauteur, ne coûte pas plus de G fr. 50 €. à 7 fr., ce qui met le mètre carré de superficie de ce mur de 2 fr. 45 €. à 2 fr. 60 €., prix très modique, offrant en outre une économie importante sur le crépissage, car les murs ainsi construits n’ont besoin que d’être légèrement repris dans les intervalles peu nom- breux qui restent dégarnis de plâtre lorsqu'on retire les moules. La construction des murs selon la méthode des jardiniers de Montreuil est-elle la meilleure d’une manière absolue? Non sans doute; mais elle est la meilleure dans les circonstances où ils-opèrent, et c’est en ce point que nous con- seillons de les imiter. Nous placons ici, pour n'v plus revenir, quelques observations sur les murs d’espalier et leurs chaperons, qui compiéteront tout ce que nous avons à dire à ce sujet, TV. = "es 170 Les Anglais qui, à l'exception des pommes et de quelques espèces de poires, ne récoltent pour ainsi dire pas un fruit passable hors de lespa- lier, et qui consacrent aux meilleures espèces | de pommiers une partie de leurs murs à bonne exposition, apportent à la culture des arbres en espalier des soins tout spéciaux. Ils ont fait une multitude d’essais pour arriver à la meilleure direction possible des murs d’es- palier; les uns, pour multiplier les surfaces et varier les aspects, ont élevé des murs en lignes flexueuses ; d’autres en zigzag, ou sous toute sorte de plans bizarres ; tous ces plans ont été bientôt abandonnés pour en revenir, comme à Montreuil, aux murs en lignes droites, les plus favorables de tous à la distribution de la cha- leur solaire sur la surface de l’espalier. Les murs en lignes flexueuses ou brisées offrent, dans les pays sujets comme l’Angleterre à des coups de vent violents dont hors des contrées maritimes on ne peut se faire une idée, un in- convénient qui seul suffirait pour Îles faire proscrire; le vent frappe avec tant de fureur sur les surfaces qui lui font obstacle que, ni fleurs, ni fruits, ni feuilles même ne sauraient lui résister ; dans les essais tentés en Angleterre, il y a eu des arbres devenus en plein été aussi nus qu'à Noël. Nous rappelons ces essais pour engager les jardiniers qui font construire des murs pour les garnir d’espaliers, àavoir égard au vent le plus habituellement régnant aux épo- ques de la floraison et de la maturite des fruits; les murs des jardins à la Montreuil doivent lais ser entre eux un libre passage à la tempête qui ne doit frapper que sur les surfaces des pans de mur à angle droit avec les lignes principales. Nous connaissons près de Lille (Nord) de vastes jardins fruitiers établis soas la direction de M. de Rouvroy, amateur distingué de lhor- ticulture. La partie de ces jardins consacrée aux espaliers a la forme d’un vaste demi-cercle, dont l'arc fait face au plein midi; tous les murs sont des demi-cercles concentriques, de sorte qu'ils présentent successivement 1outes les ex- positions possibles. Les pêchers n’occupenti que les expositions plus ou moins méridionales ; le reste est garni de toute sorte d’arbres fruitiers, parmi lesquels les poiriers sont en majorité. Cet exemple ne peut guère être imité que par de riches amateurs ; à mérite égal, les murs en lignes droites pour espalier sont toujours les plus économiques à construire. Les personnes que les considérations d’éco- nomie n’arrêtent pas, se trouveront bien de donner aux chaperons permanents en tuiles (fig. 293) un épais crépissage en dessous, de facon à faire disparaitre les joints et les saillies sous une surface plane ; c’est le meilleur moyen d’en bannir les insectes qui, sans cette précau- tion, s’y établissent, et sont très difficiles à dé- loger. $ IT. — Abris. Les chaperons et les pans de mur à angle droit avec l’espalier sont des abris fort utiles, HORTICULTURE. LIVRE VIII. mais souvent insuffisants. Sous le climat de Paris, les arbres en espalier à floraison pré- coce, très sensibles aux froids Ge printemps et fréquemment ravagés par la grêle qui ac- compagne les giboulées de mars, réclament en outre d’autres moyens de protection. Long- temps on n’a connu, à Montreuil comme ail- leurs, d’autre abri pour les pêchers en fleurs que de longs rideaux de paillassons attachés latéralement les uns aux autres, et fixés à la partie la plus saillante des chaperons. Ce genre d’abri, pour produire de bons résultats, veut être employé avec des soins minutieux ; pour peu qu’il ne soit pas maintenu avec assez de solidité, et que les paillassons dérangés par un coup de vent viennent à frapper contre les ar- bres en espalier, ils font tomber en quelques secondes plus de fleurs que la gelée n’en au- rait pu détruire. En outre, en raison de leur épaisseur, les paillassons ont l'inconvénient de retenir trop de chaleur ; sous l'influence de cette chaleur les bourgeons s’allongent et s’at- tendrissent ; lorsqu’ensuite on les expose à l'air libre, le moindre changement brusque de tem- pérature les endommage beaucoup plus que ceux des arbres qui n’ont point été abrités. On évite une partie de ces inconvénients en sub- stituant aux paillassons des toiles qu’on fait monter ou descendre au moyen de cordes qui mettent en mouvement des cylindres sur les- quels les toiles sont enroulées. Mais, au total, ces moyens, dans la culture en grand, sont in- applicables. Il ne faut pas qu'un jardin à la Montreuil ait une bien grande étendue pour que lemploi des toiles, et même celui des pail- lassons, entraine des frais énormes ; il y a dans Montreuil tel jardinier qui cultive 6,000 mètres d’espalier ; pour les abriter sous des toiles seu - lement d’un côté, il lui en faudrait 18,000 mè- tres qui , au prix très modéré de 60 c. le mètre, exigeraient une mise dehors de 10,800 fr., dépense qu’en raison des cordes , des poulies , des cylindres et de leur mise en place, on peut hardiment porter à 12,000 fr. On n’abrite sous des toiles à Montreuil que quelques-uns des pêchers les plus délicats, et c’est en effet tout ce que peut se permettre le jardinier de pro- fession, qui ne veut pas se ruiner. Quant au jardinier amateur, s’il a 50 ares de jardin à la Montreuil, il pourra avoir, y compris les murs de clôture, un développement d'espalier de près de’600 mètres ; s’il en consacre seulement le cinquième aux pêchers d'espèces précoces, les seuls auxquels les toiles soient réellement fort utiles, il lui faudra 360 mètres de toile qui pourront lui ecûter, pose comprise, 240 fr. ; cette dépense, pour un objet qui exige peu d'entretien et qui peut durer fort longtemps, n’est pas exorbitante. On ne peut trop recom- mander d’ôter les toiles dès que la température le permet; du moment où elles ne sont plus nécessaires contre la gelée, elles sont nuisibles, car les fleurs des arbres ont encore plus besoin du contact de l'air et de la lumière qu’elles n’ont peur du froid et de la grêle. TITRE II. En Angleterre et en Ecosse, partout où il est possible de se procurer en abondance des éla- gages d'arbres conifères et des feuilles de fou- gère, on s’en sert pour abriter les arbres en espalier. Des branches de pin sont coupées d’a- vance; on à soin avant qu’elles se soient dur- cies en se desséchant , de les comprimer forte- ment sous des planches chargées de grosses pierres, dans le double bat de les aplatir et de les empêcher de perdre leurs feuilles qui , par une dessiccation lente, sous le poids qui les comprime, gardent leur adhérence à la bran- che, mais qui tomberaient si elles se dessé- chaient promptement à l'air libre. La manière | la plus simple et la plus usitée d'employer comme abri, soit les branches de pin, soit la fougère , consiste à passer leur extrémité infe- rieure entre le mur et les branches de Parbre qu'on veut garantir du froid ; on en forme des rangées par étages, de telle sorte que l'arbre en soit parfaitement couvert. Cette couverture une fois établie sur lespalier, après qu'il a été taillé, ne peut plus s’enlever ; il faut la laisser jusqu’à ce que l’époque des gelées soit passée. Lors- qu'on l’enlève il est impossible, quelque soin qu’on mette à cette opération , de ne pas déta- cher un grand nombre de fleurs et de bour- geons; en outre, l'arbre souffre tellement de cette charge qu'on lui impose au moment où il va entrer en végétation, que le fruit en est tou- jours petit et médiocre, au total, on n’y gagne pas grand chose ; il eût valu presque autant laisser les fleurs courir la chance d’être gelees ; néanmoins cette méthode, usitée de toute anti- quité en Suède et en Danemarck, d’où elle a été importée dans les Iles Britanniques, est d’un usage très fréquent dans toute l'Écosse et le nord de l'Angleterre. En voici une autre, plus perfectionnée, presque aussi économique, et dont nous conseillons l'adoption à tous les ama- teurs placés à portée des landes ou des forêts où la fougère et les ramilles de pin ne coûtent que la peine de les prendre. On forme avec des perches, grossièrement faconnées, des Cadres ou châssis A, fig. 299, de la hauteur des arbres à Fig. 300, 299. A DT P1rr3 rotéger. On assujetlit à leurs traverses BBB les ranches de pin ou les paquets de fougères C attachés Pun à l’autre par un lien-quelconque, et formant des espècesde guirlandes telles qu’on en voit à la porte des herboristes ; seulement, il ne doit pas rester de vide entre les touffes de fougère où Îes branches de pin. Quand tout le | chässis est garni, on le pose debout devant l’es- | JARDIN FRUITIER. 171 palier, en lui donnant un peu de penteen avant; la partie supérieure s'appuie sur le bord du chaperon du mur, comme le représente la fig. 800. On assujettit les châssis le plus solidement possible, pour qu’ils ne soient pas renversés par les vents violents qui règnent souvent dans la saison où l'abri des châssis est utile aux es- paliers. Les châssis ont l'avantage de se dé- placer à volonté; tant qu'on ne craint ni grêle ni gelée, on les ôte tous les matins ; l’espalier n’est couvert que pendant la nuit. Ces châssis coûtent fort peu, durent plusieurs années, et rendent un bon service dans les pays du nord, où ils ont été inventés. L’effet le plus précieux de cet abri est de retarder souvent de plus d’un mois la floraison des arbres en espalier, sans que l’époque de la maturité des fruits en soit sensiblement retardée, parce que les arbres venant à fleurir dans une saison où la tempé- rature leur est tout-à-fait favorable , leur fruit a bientôt regagné le temps perdu. $ LIL. — Détails de culture. Les jardiniers de Montreuil accordent en général très peu d’espace à leurs arbres; sans l'excellence du sol , de l'exposition et des pro- cédes de culture, des arbres qui n’ont en moyenne pas plus de 4 ou 5 mètres de l’un à l’autre ne sauraient prospérer. Mais il faut considérer que les pêchers de Montreuil ne sont pas, en général, destinés à une bien longue existence; on aime mieux avoir souvent à les renouveler que de prolonger leur durée, ce qui serait facile en leur accordant plus d’espace et en les ménageant davantage. Le pêcher est préféré à tous les autres arbres dans les jar- dins de Montreuil ; néanmoins, les jardiniers ne s’entêtent pas à cultiver le pêcher lorsqu'il ne vient qu'à moitié bien. Il y a déjà bien des parties du territoire de la commune de Mon- treuil qui sont fatiguées de nourrir des pêchers ; on s’en aperçoit à la langueur des arbres ré- cemment plantés, bien qu’on ait rempli toutes les conditions qui pouvaient faire espérer qu’ils végéteraient vigoureusement. Partout où l’on peut craindre un mécomptie de ce genre, on plante les pêchers à 8 mètres l’un de l’autre, et l’on remplit les intervalles avec des poiriers à fruit précoce, des cerisiers hâtifs et quel- ques abricotiers choisis parmi ceux qui se met- tent le plus vite à fruit. Si les pêchers viennent bien, on hâte par tous les moyens possibles la mise à fruit des autres arbres, on les assomme, comme disent les jardiniers, et du moment où ils gênent les pêchers, on les supprime. Cette méthode prudente peut être proposée pour exemple, dans tous les cas où le succès d'une plantation récente de pêchers en espalier peut être douteux, surtout quand de vieux pêchers sont morts à la place où l’on en plante de jeu- nes ; s'ils ne réussissent pas, on les supprime et l’on a d’autres arbres toui formés pour les rem- placer. Nous n'avons rien à dire de nouveau sur la manière dont les espaliers de Montreuil 172 sont taillés et conduits. C'est pour ainsi dire au pied des espaliers de Montreuil que nous avons décrit la taille du pêcher en espalier sous toutes les formes. Ce n'est pas que les jardi- niers de Montreuil suivent exactement tous les procédés que nous avons indiqués. Ainsi que nous avons eu déjà l’occasion de le faire obser- ver, nous sommes dans l'obligation de tracer le tableau de ce qui peut se faire de mieux en horticulture dans un sens absolu ; dans la pra- tique, chacun est forcé de se renfermer dans les limites du mieux possible. C’est ce que font les jardiniers de Montreuil. Ceux qui n’ont pas un très grand nombre de pêchers à conduire mettent à leur besogne un soin et une perfec- tion dont on n'a point d'idée ailleurs ; les bour- geons pincés à temps, palissés à propos, visités tous les jours, se façonnent avec une docilité parfaite sous les doigts du jardinier ; toutes les Émaehes à fruit disposées en ordre alterne de chaque côte des rameaux , palissées à des dis- tances égales, présentent la disposition d’une arêle de poisson , terme par lequel on désigne a Montreuil un palissage bien exécuté. Les jardiniers surchargés de besogne, bien que guidés par les mêmes principes , les appli- quent moins rigoureusement ; disons cepen- dant que, dans nos départements du centre,un espalier de pêcher tenu comme le plus négligé de ceux de Montreuil serait encore un modèle, une curiosité citée à plusieurs myriamètres à la ronde. À Montreuil, les plates-bandes au pied des espaliers sont tenues constamment propres ; on n'y cultive aucune plante potagère; on n’y laisse croître aucune plante sauvage. Si, dans quelques endroits particulièrement favorables, on sème quelques rangées de pois de primeur, ces lignes n’approchent jamais de plus de 0",50 du pied de l’espalier; les plates-bandes sont d’ailleurs couvertes d’une couche de terreau assez épaisse pour que les pois vivent aux dé- DE de cette couche, sans nuire aux pêchers. our plus de ménagements, cette culture n’a jamais lieu deux ans de suite à la même place. On ne rencontre nulle part à Montreuil, sur la partie supérieure des murs destinés au pêcher en espalier, de ces cordons de vigne que main- tiennent au-dessus de leurs pêchers nombre de propriétaires, bien que les traités les plus ré- pandus , d'accord avec les meilleurs praticiens, soient unanimes pour blämer cet usage. L'air doit circuler librement entre le dessous des chaperons et le sommet des branchesdes arbres en espalier; la vigne, lorsqu'on la cultive pour la production du raisin de table, mérite bien qu’on lui consacre exclusivement une partie de mar en éspalier dont elle doit couvrir, non pas le sommet seulement , mais toute la surface (voir Treilles à la Thomery, p. 175). Les femmes prennent une part très active à la culture du pêcher en espalier dans les jar- dins de Montreuil ; nous connaissons de jeunes et très jolies personnes qui, si on les laissait faire , tailleraient ct conduiraient Ics arbres HORTICULTURE. LIVRE VIII. tout aussi bien que leurs pères, dont elles sui- vent journellement les travaux depuis leur en- fance. Nous avons dit la part qu’elles prennent au palissage du pêcher ; il nous reste à parler des opérations dont elles sont exclusivement chargées; il y en a deux principales : l’effeuil- lage et la récolte des fruits. L’effeuillage se fait au moment où les pêches sont parvenues à toute leur grosseur ; donné plus tôt, il fatigue- rait les arbres à qui l'abondance de leur feuil- lage est nécessaire pour achever de bien nour- rir leur fruit. Nous avons souvent admiré avec combien de prestesse et de discernement les femmes de Montreuil, chargées de ce travail, enlévent ou écartent les feuilles qui couvrent les fruits. À Montreuil, on ne se hâte jamais d’effeuiller ; on sait quel tort ferait aux arbres un elfeuillage prématuré; d’ailleurs, il suffit de quelques jours d’un temps favorable pour que les pêches prennent, sous l'influence di- recte des rayons solaires, la couleur qui leur eût manqué, si l’on n’avait eu soin d’éclaircir le feuillage. La Pomone française conseille d’effeuiller quinze jours avant leur maturité les pêchers à fruit très rouge; à Montreuil, les pêches aussi parfaites que leur espèce le com- porte sont souvent cueillies après être restées 8 ou 10 jours seulement exposées au soleil. Lorsqu'on a intérêt à prolonger la récolte, on ne découvre les pêches que successivement ; on découvre au contraire toutes à la fois les pêches d’espèces hâtives dont le prix dépend en grande partie de leur précocité. Les feuilles ne doivent point être arrachées; ce serait dé- truire l’œil qu’elles nourrissent dans leur ais- selle, œil qui peut porter fruit l’année suivante; on les coupe, soit avec une petite serpette, soit avec l’ongle du pouce , en laissant subsister le pétiole , et, s’il est possible, une portion de la feuille ; plus on en laisse, moins l’effeuillage est préjudiciable aux yeux, qui pourtant ont tou- jours plus ou moins à en souffrir. Ces ménage- ments ne sont employés que pour les branches qui doivent être conservées à la taille; quant à celles qui doivent être supprimées, s’il y a lieu de les effeuiller, on enlève leurs feuilles sans cérémonie, ce qui abrège d’autant l'opération. C'est pour ce motif qu’il importe que l’effeuil- lage ne soit point confié à des mains inhabiles qui pourraient détruire tout l’espoir de la ré- colte à venir. Les femmes de Montreuil ont un art tout particulier pour juger à la vue de la maturité des pêches et les cueillir sans les froisser, en les faisant tourner sur elles-mêmes, ce qui permet de les détacher sans donner aucune secousse à l'arbre et sans faire tomber celles qui les avoi- sinent. On n’attend jamais la complète matu- rité des pêches pour les cueillir ; elles sont ainsi plus faciles à transporter ; d’ailleurs, lorsqu’el- les sont tout-à-fait mûres, elles ne peuvent sup- porter l'opération du brossage qui, si elle ne contribue pas à rendre les pêches meilleures, | met à découvert, en enlevant leur duvet, l’éclat ! de leur couleur appétissente. Chaque pêche est EL ee D RP FN REMRENCEER "4 TITRE HF. JARDYN FRUITIER. 155 prise délicatement et frottée légèrement avec | le sous-sol la pierrea bätir,vaut environ 6,000 fr. une brosse douce avant d’être enveloppée d’une feuille de vigne, exempte d'humidité, et déposée dans le panier pour être portée au marché. Le duvet de la pêche est d’une nature caustique; il serait dangereux à respirer ; les femmes qui brossent les pêches ont soin de se placer dans un courant d’air; le duvet qui s'attache inévitablement à leurs mains y cause des démangeaisons très vives. On ne peut que louer la dextérité avec laquelle un fruit si deli- cat est emballé dans les feuilles de vignes et si bien assujetti, sans pourtant éprouver aucun froissement , qu’il supporterait, dit M. Lelieur, un voyage de plusieurs jours. Cette partie de l'éloge est peut-être exagérée, mais il est cer- tain qu’il vient à la halle de Paris des pêches cueillies etemballées à la manière de Montreuil, qui, après un trajet de 2 myriamètres, sont aussi fraiches que si l’acheteur les détachait lui-même de l’espalier. SECTION IV. — Frais et produits des jardins de Montreuil. $ 19, — Frais. Le terrain présumé propre à la culture du pêcher est fort cher à Montreuil et aux envi- rons ; nous disons présumé, Car il n°v a jamais de certitude à cet égard; celui qui fait l’ac- quisition d’un terrain dans le but d’y élever des murs et d'y planter des pêchers, ne sait jamais d'avance d’une manière certaine si son projet réussira ; il arrive très souvent, par des cir- constances qu'il est impossible de prévoir, que le pêcher ne prospère pas là où tout semblait devoir faire espérer de cet arbre une riche vé- gétation et une fructification abondante. Dans ce cas, la dépense des murs d’espalier n’est pas perdue; mais i! faut les planter à neuf , en abricotiers, cerisiers et poiriers des meilleures espèces ; c'est bien du temps perdu pendant le- quel les intérêts des sommes avancées pour les constructions , Pachat du terrain et la planta- tion des pêchers, courent en pure perte. C’est pour cette raison que beaucoup de propriétaires plantent entre deux pêchers un autre arbre à fruit, sauf à l'arracher si les pêchers viennent à souhait; par ce procédé, on s'expose sans doute à perdre les frais d'achat et de culture des arbres qu'il faudra supprimer avant leur mise à fruit; mais si ce sont les pêchers qui doivent être supprimés, l’espalier se trouve garni sans perte de temps. Cette végétation ca- pricieuse du pêcher, cette impossibilité de compter sur le succès d’une plantation faite dans les conditions en apparence les plus fa- vorables, ôte une partie de leur valeur aux terrains voisins de Montreuil, où l’on se pro- pose de cultiver le pêcher en espalier ; cette valeur se règle sur l'état des pêchers voisins, dont la vigueur est pour l'acquéreur la plus forte garantie de succès. Un hectare de terrain dans de bonnes condi- tions, nu et sans Clôture. mais renfermant dans ! h … au moment où nous écrivons (1843). La con- struction des murs est le principal article de dépense pour l'établissement d’un jardin frui- tier à la Montreuil. Les marchés pour ces constructions se passent à diverses conditions ; l’arrangement le plus simple et le plus usité consiste à donner à l’entrepreneur une somme déterminée par mètre courant; cette somme est en Ce moment de 15 fr. pour des murs de 3 mètres de hauteur, chaperons compris , ayant 2°,70 sous chaperon ; le propriétaire n’a dans ce cas à s’'embarrasser de rien ; l’achat de la chaux, du plâtre, des tuiles pour le chape- ron, l'extraction de la pierre, le crépissage des murs, tout regarde l'entrepreneur ; il est même chargé du transport et de l'approche des maté- riaux. Quoique ce prix soit extrêmement mo- dique, les propriétaires qui ont des chevaux ct des charrettes nous ont assuré qu'ils trouvaient encore de l’économie à se charger des trans- ports et à fournir la chaux, le plâtre et la tuile; dans ce cas, ils ne paient que 9 fr. le mètre Courant, pourvu toutefois que la pierre se trouve sur le terrain; mais c’est ce qui a lieu partout sur leterritoire des trois ou quatre communes qui suivent la culture de Montreuil. Le calcul des propriétaires qui prennent ce se- cond arrangement n’est juste que parce qu’ils font l'approche des matériaux en hiver, épo- que où leurs chevaux resteraient à l'écurie. Pour ne pas multiplier inutilement les chiffres. nous prenons pour base le prix de 15 fr. le mètre courant, à forfait. ï Un hectare de jardin à la Montreuil exige : 1° Murs de clôture de 4 mètres de hauteur, .. 400 m. 2° Murs intérieurs, à 42 m. de distance, 3 IMÉHESICEHAIEUR- te ce. .. 5° Contreforts à angle droit avec les murs d'El eptbosoecece Lecce Sococ oc 200 800 Les murs de clôture, plus élevés et plus épais que les murs intérieurs, coûtent 25 fr. le mètre courant, tout compris, Ce qui donne pour la dépense totale : Quatre cents mètres de murs de clôture, AI ONE M es ee sretelel ae de à de 10,000 Huit cents mètres de murs intér., à 45f... 42,000 Contreforts, comme les murs de clôture, DONÉMEILES Es ete cute ele aalr cioe se ee 3,000 ToTar FES 25,000 Les murs construits, il s’agit de les garnir d'arbres en espalier. Les murs de clôture ne peuvent être plantés que d’un côté, quelle que soit leur exposition ; ils peuvent recevoir qua- tre-vingt pieds d'arbres à 5 mètres les uns des autres. Les murs intérieurs peuvent être plantés des deux côtés; nous ferons obser- ver à ce sujet que les jardiniers de Montreuil n’ont, avec raison, aucun égard à la symétrie, non plus qu'à la direction des murs de clôture; ils ne cherchent que l'exposition la plus favo- rable, de sorte que le plus souvent leurs lignes 174 ce murs intérieurs ont des longueurs inégales (fig. 301), parce qu’elles ne sont pas parallèles aux mursdeclôture. 800 mèt. de mursintérieurs garnis d’arbres des deux côtés, à 5 mètres les uns des autres, exigent 320 pieds d'arbres, nombre que nous portons sans exagération à 350, parce qu'on utilise presque toujours la partie bien exposée des contreforts, en plan- tant un arbre dans l'angle que le contrefort forme avec le mur, afin de pouvoir palisser une de ses ailes sur le contrefort, et l’autre sur le mur. Il faut donc en tout, pour un jardin de 1 hectare, 430 pieds d'arbres qui à raison de 1 fr. 25 la pièce, coûtent 537 fr 50. Les frais de transport et de mise en place, l’achat du terreau et les autres menus frais, occasion- nent une dépense d'environ 75 €. par arbre, soit pour 430 arbres, 322 fr. 50. En réunissant ces dépenses, on trouve que 1 hectare de jar- din à la Montreuil, tout planté, a coûté : Achatidu terra. Mu MR Eee 6.000! Gonshchiontdes murs EE eee 25,000 Achat et plantation des arbres. ......... 860 HOmATI ete 51,860 ou, somme ronde, 32,090 fr. Il faut ajouter à cette somme les intérêts jus- qu’à l’époque de la mise à fruit, ainsi que les frais de culture. A 5 ans, les arbres étant en plein rapport, le jardin d’un hectare, à la Mon- treuil, aura coûte : Premiers frais, comme ci-dessus, .... 32,000 f Intérêts peudant six ans, à 5 p. 1400..... 2,600 AS INONS.,.. .... 040 CORTE ER 600 Frais de culture, clous, recrépissage, etc... 3,600 TOTALE EEE 45,800 Nous évaluons les frais comme si toute la main-d'œuvre devait être payée, mais c'est ce qui n’a jamais lieu ; ce qui fait la richesse des jardiniers de Montreuil, €’est que, de même que tous ceux qui vivent du jardinage aux environs de Paris, ils se marient jeunes, élèvent de nom- breuses familles et font presque toute leur be- sogne par eux-mêmes, avec plus de soin, d’ac- tivité et d'économie que s’ils la faisaient faire HORTICULTURE. LIVRE VIII. par des ouvriers à gages ou à la journée. Comme nous exprimions à l’un de ces habiles prati- ciens notre étonnement sur la rapidité et la perfection de son travail, qui ne laissait pas prise à la plus légère critique : « C’est que ce sont mes arbres, nous répondit-il ; nous nous connaissons ; je les taillerais les yeux fermés ; quand je vais en journée pour des jardins bour- geois, si je veux faire aussi bien, il faut que j'aille moitié moins vite. » Ces frais énormes deviendraient bien plus légers si l’on adoptait partout où cela est pos- sible le mode de construction en béton à plâtre ou à chaux, selon les localités. tel que l’indique M. Lelieur; le mètre courant de ce mur ne coûtant que 7 fr., il y aurait, sur ce seul ar- ticle, une économie de 14,000 fr. , et une ré- duction proportionnelle dans les intérêts. $ II. — Produits, Un espalier en plein rapport donne de 15 à 20 pêches par mètre carré, ce qui, pour un jardin d’un hectare, présentant, y compris les murs de clôture, une surface d’espaliers de 7,000 mètres, donnerait de 105,000 à 140,000 pêches. Mais ce nombre est exagéré, d’abord parce que la forme carrée et la forme en pal- mette à double tige, les seules qui ne laissent presque point de vide sur l’espalier, ne le cou- vrent jamais complétement vers le bas: en- suite parce que sur un si grand nombre d’ar- bres, il est impossible que tous produisent éga- lement et soutiennent leurs récoltes tous les ans sans interruption. En portant la moyenne à 80,000 pêches pour un hectare, nous croyons être fort près de la réalité ; sans doute, il y aura des années où ce chiffre sera de beaucoup dé- passé ; cet excédant de production compenseles mauvaises années. Les pêches se vendent en moyenne, année commune, 80 fr. le mille ; il y a des pêches vendues 18 fr. la douzaine, et d’autres 3 c. la pièce ; soit, 30 fr. le mille. Une moyenne de 80 fr. donne pour le produit brut d’un hectare 6,400 fr. La comptabilité est une chose totalement étrangère aux jardiniers de Montreuil ; le mot et la chose leur sont également inconnus ; on ne doit donc point attendre de nous des chif- (res précis, d’une exactitude irréprochable ; en tablant sur ceux que nous venons de poser, on trouve qu’un propriétaire ayant dépensé en six ans, y compris les intérêts des premiers frais, une somme d'environ 56,000 fr., dont les ré- coltes des 3e, 4° et 5° années lui ont fait re- couvrer un cinquième, a créé sur un terrain d’un hectare, avec un déboursé réel qui n’ex cède pas en tout 36,800 fr. , un revenu brut de 6 à 7,000 fr. , revenu qui lui permet de louer le jardin en cet état, de 3 à 4,000 fr. , en lais- sant encore au locataire un bénéfice suffisant. La valeur foncière du sol a passé de 6,000 à 70,000 fr. dans l’espace de 4 ans. Nous ne comptons le capital que sur le taux de 5 p. 100, en raison des frais d'entretien des murs , dont | le propriétaire supporte sa part. Un chef de fa- TITRE III. mille qui loue à ces conditions deux hectares de jardins vit dans l’aisance et fait des écono- mies qui lui donnent la perspective assurée d’être propriétaire à son tour, et lui permettent de voir arriver sans effroi la vieillesse; c’est plus que ne peuvent promettre et tenir à larti- san laborieux des villes la plupart des profes- sions industrielles. SEecrion 1V. — Treilles à la Thomery. $ 127. — Construction des murs. La distribution générale d’un enclos destiné à la culture des treilles à la Thomerv, est la même que celle d’un jardin à la Montreuil ; les murs intérieurs y sont de même disposés en lignes parallèles entre elles, à 12 mètres les uns des autres: la direction de ces lignes est celle qui donne l'exposition la plus favorable, sans égard à la direction des murs de elôture; les contreforts usités à Montreuil, comme brise- vents, ne sont point en usage à Thomery. Dans la plupart des enclos on adopte, comme à Mon- treuil, la direction du nord au sud, faisant face à l’est et à l’ouest, pour pouvoir utiliser les deux côtés de l’espalier ; mais les jardiniers qui tiennent à donner à leurs produits toute la per- fection dont ils sont susceptibles, construisent leurs murs intérieurs de l’est à l’ouest , faisant face au sud et au nord ; le meilleur chasselas est toujours celui qui se récolte à l’exposition du plein midi. Par cette distribution on prend une des surfaces de l’espalier pour la culture de la vigne; le côté du nord peut néanmoins être garni de poiriers et de pommiers. Les murs destinés à recevoir les treilles en espaliers n’ont pas plus de 2m,15 de hauteur ; les murs de clôture ont 2",70. Les chaperons sont en tuile; ils ont une saillie de 0",30 de chaque côté du mur. Le plâtre étant moins commun à Thomery qu'à Montreuil, ces murs sont crépis avec un mortier de chaux et blan- chis avec un lait de chaux lorsque le crépis- sage est sec; on à soin de renouveler ce badi- geonnage aussi souvent qu'il est nécessaire ; le crépissage est entretenu avec des soins minu- tieux. Nous avons &erit le treillage le mieux adapté au palissage des treilles à la Thomery (voir pag. 111, fig. 258 ). A Montreuil, les arbres devant être plantés aupied du mur d’espalier, il faut nécessaire- ment que la construction du mur précède la plantation ; à Thomerv, la vigne étant plantée en avant du mur, on la laisse végéter pendant trois ans avant de s'occuper d'élever les mu- railles qui doivent la soutenir ; on épargne ainsi les intérêts d’un capital important qu’il serait inutile de débourser au moment où l’on plante la vigne; on ne construit les murs que quand la vigne arrive à la place que le mur doit oc- cuper. $ II. — Coutre-espaliers. L’intervalle de 12 mètres d’un mur à l’autre recoit plusieurs rangées de contre-espaliers; la JARDIN FRUITIER. 175 première rangée s'établit à 2 mètres de l’espa- lier ; les autres se suivent en lignes parallèles, à 2%,50 dedistanceles unes des autres.Cescontre- espaliers sont ordinairement formes d’un simple treillage en tout semblable à celui de l’espalier, maintenu par des piquets de distance en dis- tance. La promptitude avec laquelle ces treil- lages se détériorent et les frais continuels qu’en- traine leur renouvellement, ont engagé depuis quelques années les jardiniers de Thomery à leur substituer des montants en fer, soudés dans des grès de forme prismatique ; ces mon- tants percés de trous, supportent des fils de fer disposés comme le montre la fig. 297 ; quoique l'établissement d’un contre-espalier ainsi cons- truit coûte le double du prix d’un treillage en bois, sa durée et sa solidité le rendent réelle- ment économique; il offre d’ailleurs pour la conduite des cordons de vigne les mêmes faci- lités que le contre-espalier en treillage. Quel-- quefois, mais rarement, la première rangée de contre-espalier la plus rapprochée de l’espalier est un mur véritable, en maçonnerie très lé- gère de 0,20 d'épaisseur tout au plus et de 1,16 de hauteur; cette hauteur doit être con- sidérée comme un maximum qui ne pourrait être dépassé sans nuire à l’espalier. Les contre- espaliers ainsi construits admettent deux rangs de cordons de vigne dont les produits peuvent être égaux à ceux de l’espalier ; le chaperon du contre-espalier est à un seul versant. L'intervalle entre les lignes de contre-espa- liers est rempli par des rangées de ceps de vi- gne eultives isolément, comme dans les vigno- bles. Il résulte de ce système de culture trois qualités de chasselas ; le meilleur est le produit des espaliers; les contre-espaliers donnent le raisin de seconde qualité; les ceps isolés don- nent la troisième qualité. Les jardiniers qui comprennent le mieux leurs intérêts ne mêlent pas ces trois sortes de chasselas ; ils les ven- dent séparément; le plus grand nombre gar- nit le fond des paniers avec le raisin de troi- sième qualité. III, — Soins généraux. Les détails dans lesquels nous sommes en- trés en traitant de la conduite et de la taille de la vigne à la Thomerv (voir p. 110 ) nous laissent peu de chose à ajouter; néanmoins ce sujet est d’une telle importance, ilest si rare de rencontrer du bon chasselas hors des commu- nes voisines de Fontainebleau, que nous croyons ne devoir rien omettre de ce qui peut aider nos lecteurs à obtenir les mêmes résultats. Ainsi que nous l'avons conseillé pour le pê- cher, nous insistons sur la nécessité de dégar- nir la treille à l’époque du premier palissage, en ne lui conservant qu’une quantité de raisin en proportion avec sa force et son étendue ; les grappes conservées gagnent en qualité plus que l'équivalent des grappes sacriliees. Lorsque le raisin approche de sa maturité, il faut écarter ou retrañcher les feuilles qui s'opposent à l’ac- tion directe des rayons solaires sur les grappes ; 176 il faut beaucoup de discernement pour ne dé- couvrir que les grappes assez avancées, ce qu'on reconnait à la demi-transparence des grains; les raisins découverts trop tôt sont ex- posés à être grillés; ceux qu’on découvre trop tard, quoique bien mürs, restent verts, et sont moins avantageux pour la vente; ils sont en outre réellement moins bons que les raisins do- rés par le soleil. L’épamprement, à Thomery et aux envi- rons, est confié aux femmes ; l'expérience leur a très bien enseigné le moment opportun; elles s’y reprennent ordinairement à trois fois diffe- rentes, parce que toutes les grappes d’une treille ne mürissent jamais en même temps; on ferait beaucoup de tort à la vigne en enlevant avec les feuilles les pétioles qui les supportent ; la feuille doit être coupée à la naissance de la queue; celle-ci reste attachée à la branche et continue à nourrir dans son aisselle l'œil ou bourgeon qui doit s'ouvrir l’année suivante. C’est encore des femmes de Thomery qu'il faut prendre lecon pour l'emballage et l’arrange- ment du raisin dans les paniers. La fougere (pteris aquilina) qui sert à cet emballage est récoltée avec beaucoup de soin; dans les an- nées où le raisin est très abondant, les femmes et les enfants de Thomery vont quelquefois à la fougère, comme on dit dans le pays, à 3 et 4 myriamètres de distance. Pour que la fougère ait Le degré de souplesse convenable, on enlève les plus grosses tiges , et l’on attache le reste par paquets qu’on fait sécher à moitié à Pair libre; en cet état, la fougère est très élastique, elle prévient le tassement du raisin dans les paniers, mieux que ne pourrait le faire la paille ou le foin. Nous ne saurions trop le répéter, la perfec- tion du chasselas récolté sur les treilles de Tho- mery et des environs ne peut être attribuée à aucune circonstance particulière de sol, de cli- mat, ou d'exposition ; elle est entièrement due aux soins que les industrieux habitants de Tho- mery donnent à leurs vignes, soins Compara- bles à ceux que les jardiniers de Montreuil prennent de leurs pêchers. L’indigne verjus dont , à l’exception des années extraordinaire- ment favorables, les rucs de la capitale sont inondées pour la consommation du peuple qui ne connait pas d'autre raisin, pourrait être remplacé, pour le même prix, par du raisin ana- logue à celui de Fontainebleau, si les procédés de culture en usage à Thomery pouvaient être généralement adoptés par ceux qui cultivent le raisin de table. Le produit des treilles de Thomery ne perdrait à ce changement rien de sa valeur actuelle; ce chasselas d’élite serait toujours réservé pour la table du riche; mais du moins, le peuple pourrait connaître un rai- sin mangeable au lieu de ce fruit aigre et mal- sain, qui cause tant de fièvres et de dyssente- ries souvent mortelles. Tout le monde ne peut pas, sans doute, aborder la dépense des murs à la Thomery; mais il n’est pas de jardinier, pas même de simple vigneron qui ne puisse faire HORTICULTURE. | LIVRE VII. les frais d’un contre-espalier, soit en treillage, soit en fil de fer, sur lequel il pourrait prati- quer la culture à la Thomery; il ne lui en coû- terait pas beaucoup plus que pour les échalas dont il est habituée à se servir; cela suffirait pour rendre le bon raisin tellement abondant sur le marché que le mauvais n’oserait s’y pré- senter ; les vignerons insouciants seraient alors contraints à sortir de leur routine, ou bien à se contenter de faire de leur verjus du vin de Su- resne. $ IV. — Frais et produits, À. — Frais. La construction des murs est à Thomervy, comme à Montreuil, le principal article de dé- pense. Un enclos d’un hectare exige 400 mètres de murs de clôture, 800 mètres de murs inté- rieurs, et 3,200m de contre-espalier; chaque intervalle entre deux lignes de murs admet qua- tre rangées de contre-espaliers. Les frais d'établissement d’un enclos d'un hectare consacré à la culture des treilles à la Thomery peuvent être représentés par ap- proximation par les chiffres suivants : Murs de clôture de 2",70 de hauteur, 400 mètres à 45 fr..." tel no oisos . 6,000€ Murs intérieurs de 2,18 de hauteur, 800 m. ER TMS os de POIDS 0.01 0 ...--0040,400 Contre-espalier en fil de fer, 3,200 mètres EU MAO 2 00 cou 0 c SOU CA OLIS-S00 Achat du terrain... ........" ce Le 4,000 Fumier et main-d'œuvre. ........ Lébte 800 Toraz...... 26,000! La plantation se faisant toujours de bouture, l’achat du plant n’est pas porté en compte. Les prismes de grès supportant les montants en fer sont placés à 1,70 les unsdes autres ; ils coûtent à Thomery tout ferrés1 fr. pièce ; le prix du mètre courant peut varier selon la grosseur du fil de fer qu’on emploie, artiele dont le prix est lui-même très variable, selon la distance où l’on se trouve des lieux de fabrication. Lors- qu'on se contente d’un treillage en bois sou- tenu par des piquets, la dépense n’est que de 75 c. le mètre courant, ce qui réduit dans ce cas le total de la dépense à 23,600 fr. Dans le compte de cette culture, il n’y à point lieu de tenir compte des intérêts pour les trois premières années, puisque les avances pendant ces trois ans se réduisent au loyer du terrain et à la main-d'œuvre. La vigne à la Thomery ne couvre la totalité des murs qu’à sept ans. À cette époque, un enclos d’un hec- tare dont les murs intérieurs faisant face au levant et au couchant sont utilisés des deux côtés, présente une surface de 4,520m d’espa- lier, et 3,712 mètres de contre-espalier. 1l a coûté pour parvenir à cet état : Achat du terrain. "tee cie 4,000: Plantation et entretien pendant trois ans... 1,600 Intérêts du prix d'achat, à 5 p. 100...... 600 A reporter"... 6,200 TITRE HI. JARDIN FROITIER. 117 Beport...... 6,200 | monde, qui soit comparable à ce chasselas Frais d'établissement des murs et contre- | Comme raisin de table, sans excepter les qua- espaliers. .......... ..... ASE 00 | lités les plus sucrées et les plus renommées de | Entretien pendant quatre ans, à 400 f, par an. 1,600 la Provence, de l'Espagne Le Ans: Intérêts à 5 p. 100 des avances antérieures, ? , US Les le jardinier de profession n’en doit point ad- ERQUATE ANS... scies ee 30 ; ; : —— | mettre d'autre sur ses treilles; aucune ne lui Torar...... 34,480 | serait plus profitable. L’amateur, guidé par d’autres considérations, peut désirer réunir sur ses espaliers les meilleures variétés de rai- A partir du moment où la vigne atteint le sin de table autre que le chasselas; il pourra pied de l'espalier, elle donne des produits qui | choisir dans la liste suivante : ne peuvent être évalués ue ESRI, US / de Fontainebleau, le meilleur de tous. qui vont en augmentant jusquà ce qu’à l’âge violet (du Piémont). de sept ans elle couvre tout l’espalier. Dans noir (du midi de la France). l'intervalle, les contre-espaliers et les ceps iso- rose ( du Piémont). lés ont aussi commencé à produire; on peut, petit hâtif. B.— Produits. Chasselas, sans exagération, porter ces divers produits doré (de Champagne). pour quatre ans au quart des sommes avancées Lronse (éd). qui, au moment où l’enclos est en plein rap- HN PRESS port, setrouvent, par ces rentrées, réduites à la pe, 1 UT ee ronusnane somme de 26,000 fr. di VORIE ART Le produit brut des treilles peut être repré- D NLeneue dues senté par les chiffres suivants : colomban de Prorchees de Corinthe blanc. de Corinthe violet. de Frankenthal. cornichon. Espaliers...... Chasselas, 1'© qualité.... 8,000 k Raisin. . Contre-espaliers Zd., 2 qualité..., 6,000 Ceps isolés... .. 1d., 3° qualité... 2,000 ARR AOENR 16, 180 Tous ces raisins sont d'autant meilleurs qu’on Valant au prix moyen de 40 c. le kil..... 6,400f les place à une meilleure exposition; le verdal : LE Le ne mürit pas tous les ans sous le climat de Pa- Ce produit brut permet au propriétaire d’en | ris; les deux corinthes sont dans le même cas; obtenir un prix de location de 3,500 fr. en lais- | le raisin cornichon est plus curieux que bon en sant une juste part de bénéfice au fermier ; la | lui-même. Il en est de même des variétés très valeur foncière de sa propriété a été poriée en | hâtives dont les plus fréquemment cultivées sept ans, de 4,000 fr. à 70 mille francs, en ne | sont les deux variétés de la Madeleine, le blanc la comptant qu'au taux de 5 0/0, pour les mê- | et le noir, qui, à part leur précocité, n’ont in- mes raisons qui nous ont fait adopter ce chif- trinsèquement aucune valeur. fre comme base de l'évaluation de la valeur La collection du Luxembourg à Paris, qui foncière des jardins à la Montreuil. est loin d’être complète, compte plus de 500 va- Nous ferons observer en terminant qu’un | riétés de raisin mangeables. propriétaire de moyenne fortune peut, avec une avance qui ne dépasse pas ses facultés, trouver | Srcriox V. — Culture forcée des arbres à fruit. dans la culture du chasselas à la Thomery, seulement en contre-espalier, une ressource | La culture forcée des arbres à fruit est par- très importante qui lui permettrait de se livrer, | ticulièrement avantageuse dans le nord de la sans s’obérer, à son goût pour les cultures de | France et chez nos voisins de Belgique et d’Al- pur agrément. Nous citerons parmi les faits à | lemagne; on ne connaitrait pas ce que c’est notre connaissance personnelle, un jardin d’un | qu'une pêche, un abricot ou une grappe de peu moins de 66 ares, au Grand Montrouge; ce | raisin en Hollande et dans le nord de l’Angle- jardin cultivé par M. Roboam, israélite pas- | terre, si l’on n’y consacrait à la culture de ces sionné pour le jardinage, est occupé en entier | fruits de grandes serres (forcing-houses) dont ar des lignes de contre-espaliers de treilles à | nous avons donné les modèles (voir page 39). É Thomery; M. Roboam nous assure qu’il en | Ces fruits paient d’ailleurs largement les frais obtient année commune 2,400 fr., et souvent | de leur culture forcée. 3,000 fr. de revenu net; il est vrai qu'il est à Sous le climat de Paris, la culture forcée des la porte de Paris et qu'on vient lui acheter sur | arbres à fruit n'offre, comme spéculation, que la treille même son chasselas, qui ne lecède en | de médiocres avantages; aussi n’y est-elle pas rien à celui de Fontainebleau de seconde qua- | pratiquée sur une bien grande échelle. On force lité, obtenu sur les contre-espaliers. principalement des pêchers en espalier, au Nous donnons ici la liste des meilleures espè- | moyen de châssis mobiles établis temporaire- ces de vignes qui peuvent être cultivées entreille | ment; on force en même temps, entre le châssis pour la table. Il n’y a pas de meilleure vigne | et le mur d’espalier, des arbres nains en pots sous le climat de Paris que le chasselas de Fon- | (pruniers et cerisiers). Ces deux cultures se tainebleau ; nous pourrions ajouter qu'il n’en | conduisent simultanément. existe nulle part ailleurs, en aucun pays du Les arbres à fruit ne sont forcés, à propre- BORTICULTURE, 'OVÈ—— 45 178 went parler, que lorsqu'on les contraint à don- ner leurs fruits à une époque très différente de celle de leur maturité naturelle; on ne peut donc forcer, dans le vrai sens du mot, que les arbres cultivés, soit dans des bâches, soit dans les serres à forcer. Les pêchers en espalier, de- vant lesquels on place des châssis temporaires, sont seulement hdtés; leurs fruits, au lieu d’être désaisonnés comme ils le sont par la culture en serre chaude, sont simplement des primeurs qui, quant à la qualité, ne le cèdent en rien aux pêches de saison, parce que le soleil a con- tribué plus que la chaleur artificielle à leur maturité. $ 1°. —— Fruits à noyaux hâtés à l’espalier. Ce procédé n’est guère appliqué, près de Pa- ris, qu'aux pêchers choisis parmi les espèces les plus précoces. On fixe à cet effet, au moyen de crampons scellés dans le mur, un nombre suffisant de châssis vitrés à la partie supérieure de lespalier. L’extrémité inférieure de ces châssis repose sur une bordure en planches, semblable au bord antérieur du cadre d’une couche ; cette bordure est établie à 2 mètres en avant du mur. Les châssis vitrés sont en outre soutenus par des montants en bois partant du pied du mur, dans une situation inclinée. La fig. 302 montre la disposition de cet appareil. Les deux ouvertures latérales sont bouchées soigneusement avec des cloisons de planches, revêtues de doubles paillassons, de manière à exclure la température extérieure. On ne met les châssis devant l’espalier de pécher qu'à la fin de février ou dans les premiers jours de mars, aussitôt après avoir taillé les pêchers et faconné la terre de la plate - bande. Un four- neau portatif, ou un poêle de terre, est placé au dehors; les tuyaux, remplis d'air chaud mêlé de fumée, sont disposés le long de l'appui antérieur des châssis, le plus loin possible des arbres, et parallèlement au mur d’espalier. On n’allume le fourneau que quand la température l'exige ; on soulève les châssis chaque fois que le soleil donne; on évite par - dessus tout les coups de feu, c’est-à-dire les élévations subites de température, suivies de refroidissement ; rien n'est plus funeste aux arbres hâtés que ces brusques changements. Les bourgeons à bois et les boutons à fleur s'ouvrent promptement , et comme les fleurs n’ont rien à craindre du mau- vais temps, elles nouent presque toutes ; en même temps les insectes, particulièrement les HORTICULTURE. LIVRE Ville pucerons, multiplient avec une prodigieuse ra- pidité; c’est le cas d'employer contre eux les fumigations de tabac, renouvelées aussi sou- vent qu'on s’apercoit de la présence de ces in- nombrables ennemis ; ilest bon aussi de placer de distance en distance des fioles pleines d’eau miel- lée, pour attirer et détruire les fourmis qui pullu- lent toujours au pied des espaliers hâtés. Plus tard, on éclaircit les fruits surabondants, et lon traite du reste le pêcher par le pincement et le palissage, comme les espaliers à Pair libre. Dès le 15 mai, les châssis vitrés doivent rester ouverts toute la journée ; au commen- cement de juin on les ôte tout-à-fait, pour que le soleil achève de mürir les pêches qu’on a soin de découvrir, en enlevant les feuilles su- perflues. Les pêchers recouverts de châssis ont besoin d’arrosages modérés, surtout pendant le mois qui précède la maturité desfruits, parce que leurs racines sont privées, par la présence des chàs- sis, .de l'influence des pluies et des rosées; il leur faut, par la même raison, des aspersions générales plus fréquentes qu'aux pêchers à l'air libre. L’eau dont on se sert pour ces deux opé- rations doit être restée entre les châssis et le mur d’espalier, assez longtemps pour s'être mise à la température de l'air renfermé dans cét espace. Les pêches hâtées arrivent sur le marché en- viron trois semaines avant les fruits Les plus précoces des meilleurs espaliers à Pair libre; cela suffit pour que leur prix dédommage am- plement le jardinier des frais de ce mode de culture. Les pêchers hâtés, loin d’en souffrir, ne s’en portent que mieux ; on peut, sans in- convénient, les hâter ainsi plusieurs années de suite. $ IT. — Cerisiers et pruniers nains hâtés. A l’époque où l’on met en place les châssis devant l’espalier, on peut placer entre le mur et le vitrage une rangée de cerisiers et de pru- niers nains en pots; ces arbres n’exigent, pour ainsi dire, d’autre soin que quelques arrosages de temps à autre: ils profitent de la tempéra- ture entretenue pour les pêchers, de sorte qu’ils devancent d'un mois l’époque naturelle de la maturité de leurs fruits. Si lon dispose d’une serre, on y porte les arbres nains les plus avan- cés, afin d'accélérer la formation des fruits commencés à l'abri du châssis placé devant l’espalier. Comme les pots qui contiennent ces arbres ne peuvent être placés que très pres des tuyaux de chaleur, il arrive assez souvent qu'on en perd quelques - uns si l’on chauffe le poêle un peu trop fort pendant le jour, et qu’il survienne ensuite une auit très froide ; la pré- sence des arbres nains en pots est donc un mo- tif de plus pour redoubler de soins dans la con- duite du fourneau; d’ailleurs, ces arbres étant un objet de fantaisie qui se paie toujours fort cher, valent la peine qu’on ne ménage rien pour les amener à bien, et assurer leur fructi- fication précoce. "x | TIFRE TTE. $ III. — Vigne hätée à l'espalier. Les dispositions des châssis sont les mêmes que pour hâter les pêchers en espalier (voir fig. 302 ). Ils doivent être mis en place devant les treilles dès le 15 février, plutôt avant qu'après, dès que la vigne a reçu la taille et les facons qu'elle recevrait si son fruit devait mürir à l'air libre.” Le traitement ultérieur de la vigne sous le châssis est d’ailleurs exactement le même que celui des treilles livrées au cours ordinaire de leur végétation. La vigne hâtée par ce pro- cédé doit être fréquemment arrosée et bas- sinée, même pendant la floraison, avec de l’eau mise à la même température que l'air environ- nant; les châssis ne doivent être soulevés qu'avec beaucoup de précautions, et par un temps tout-à-fait favorable : habituellement on ne renouvelle l'air que par les deux extrémités de la partie couverte de l’espalier. On n’enlève jamais les châssis, même aux approches de la maturité du raisin ; on les soulève pendant le jour ; ils sont tenus constamment fermés pen- dant la nuit. Il serait dangereux de laisser trop de fruit aux vignes hâtées à l’espalier, qui chargent toujours beaucoup ; on rend le grain plus gros et les grappes plus belles en ôtant avec discernement une partie des grains de chaque grappe, lorsqu'ils sont à demi formés. L'espace libre entre la treille et le devant du châssis peut servir à forcer des arbres nains en pots, ou des fraisiers également en pots, dont les fruits sont, dans ce cas, de grande pri- meur. $ 1V. — Arbres à fruit forcés dans la serre. Bien peu de jardiniers en France forcent les fruits par spéculation; c’est une branche de l’horticulture qui tend à devenir de moins en moins avantageuse aux environs de Paris, les lignes de chemins de fer ne peuvent manquer de mettre, dans un avenir très prochain, les fruits du midi aux portes de la capitale. Mais beaucoup de riches propriétaires aiment à voir figurer sur leur table des fruits obtenus artifi- ciellement hors de leur saison. C’est en leur faveur que nous exposons ici la méthode an- glaise pour forcer dans la serre les arbres frui- tiers, méthode suivie de point en point en Hol- lande, en Allemagne, et jusqu’au fond de la Russie. Les Anglais ne forcent jamais plusieurs es- pèces d'arbres à fruit dans la même serre; ils ont une serre à part pour chaque espèce ; un établissement bien monté doit avoir : 1° la serre à la vigne (vinery); 2° la serre aux pêchers peach-house) ; 3° la serre aux cerises (cherry- house) ; 4° la serre aux figues (/ig-house). Pour la construction et les dimensions de la serre an- glaise à forcer les arbres à fruit (/orcing- house). Voir p. 39, fig. 157 et 158. A. — Vigne. Tandis que les riches propriétaires anglais aiment à se faire honneur d’une vaste serre à | JARDIN FRÜITIER. 179 forcer, dont l'intérieur puisse servir de lieu de promenade, le jardinier de profession a soin de diviser sa serre en plusieurs compartiments séparés, de dimensions movennes, dont chacun est échauffé par un foyer. Cette disposition permet de graduer la température et de régler la végétation de telle sorte que le praticien habile puisse avoir du raisin à cueillir, depuis les premiers jours de mai jusqu’a la fin de dé- cembre. Le mur antérieur de la serre est ordinaire- ment percé d’arcades ou d'ouvertures qui per- mettent aux racines de la vigne plantée à linté- rieur de s'étendre au dehors dans la plate-bande qui règne le long de la serre, plate-bande dont le sol doit être riche, profond, exempt d’un ex cès d'humidité, et convenablement engraissé ou amende selon les exigences de cette cul- ture. Quelquefois on plante les ceps au dehors et on les fait passer par les ouvertures du mur antérieur pour les introduire dans la serre; mais le premier mode de plantation est préfé- rable ; il est le plus généralement usité en An- gleterre. Les treilles sont palissées sur des lattes fixées au-dessous des châssis à 0,30 de distance l’une de l’autre ; par ce moyen elles ne perdent rien de l'influence de la lumière exté- rieure. En général, le défaut de lumière suffi- sante est le grand obstacle au succès de la eul- ture forcée des arbres à fruit en Angleterre, en Hollande et même dans le nord de la France; on peut bien régler la température de la serre ; mais on n’a pas le soleil à commandement, et s’il reste caché plusieurs jours de suite à l’épo- que où le raisin forcé approche de sa maturité, le raisin manque de couleur et de saveur. Afin de gagner du temps, on élève d’avance en pots, pendant deux ou trois ans, des bou- tures de vigne qu’on plante en motte dans la serre à forcer; il faut deux ceps par châssis de 1m,32 de large. Nous renvoyons pour le choix des espèces à nos observations sur le même su- jet à la suite de la culture des treilles à la Tho- mery. Toutes les bonnes variétés de raisin peuvent être forcées. En Angleterre, on donne une préférence presque exclusive à notre chas- selas de Fontainebleau que les jardiniers an- glais nomment muscadine. En Belgique et en Hollande, on force de préférence le raisin de Frankenthal, espèce peu connue en France, qui offre sur toutes les autres l'avantage de donner un raisin doux et très mangeable longtemps avant qu'il ait atteint sa parfaite maturité, de sorte que le jardinier marchand n’a jamais rien à perdre avec le Frankenthal, quand même il ne parvient pas à l'obtenir complétement mûr dans la serre. Ce raisin n’est cultivé en France que dans nos départements du nord et du nord- est; il y en a peu d’aussi bons lorsqu'il peut parvenir à son point de maturité. Les ceps transplantés en motte peuvent re- prendre en toute saison ; toutefois le printemps et l'automne sont les deux époques les plus fa- vorables pour la mise en place des ceps dans la serre ; il ne faut pas que les racines soient trop 180 profondément enterrées ; plus elles courent près de la surface du sol, plus la maturité du raisin est précoce. Pour la taille et la conduite de la vigne dans la serre , les meilleurs auteurs an- glais modernes, Loudon, Patrick Neill, Rogers, renvoient à la Pomone française, et recon- naissent la supériorité de la méthode de Tho- mery que les plus habiles praticiens adoptent aujourd'hui en Angleterre, à l'exclusion des méthodes antérieurement usitées. Toutefois ils n’ont pas su jusqu'à présent se défendre de donner aux bras de leurs vignes une longueur démesurée, quelquefois 3 à 4 mètres de cha- que côté de la tige; ils dérogent ainsi en un point très essentiel à la méthode de Thomery qu'ils suivent en tout le reste. Le vrai jardi- nier, dit Patrick Neill, aime toujours mieux voir sa treille chargée d’un nombre modéré de très belles grappes, que de la voir surchargée de petites grappes dont les grains ne peuvent acquérir ni volume ni saveur. On commence en janvier à chauffer les serres à forcer la vigne. Dans les premiers temps, la température ne doit pas dépasser 10 degrés le matin et le soir. On la porte successivement à 15 degrés quand les Zames se montrent, et jusqu'à 18 degrés quand la vigne est en fleurs. Tant qu’on entretient cette température, il faut que l’atmosphère de la serre soit main- tenue constamment très chargée de vapeur. On cesse d'introduire la vapeur dès que le raisin commence à prendre couleur; c’est aussi le moment de donner à la serre le plus d’air possi- ble pendant le jour. Le compartiment consacré a la vigne la plus précoce est chauffé sans in- terruption jour et nuit; celui dont le raisin doit mürir le dernier n’a besoin que d’être chauffé de temps en temps pour modérer la végétation de la vigne, et amener la maturité du raisin à l’époque où on la désire, La récolte est d’un peu moins de 2 kilogr. par mètre carré de treillage, comme celle du chasselas sur espalier à l'air libre. On peut avec beaucoup moins de frais obte- nir des résultats à peu près semblables en for- ant, où comme disent les jardiniers, en chauf- fant la vigne, non pas dans une serre, mais simplement sous une bâche. Ce qui détourne beaucoup d'amateurs de l’empioi de ce pro- cédé, c’est qu’il faut préparer cinq ans d'a- vance les ceps destinés à être ainsi forcés ; voici comment l’opération doit être conduite. Les vignes plantées d’abord en lignes à 3 mè- tres l’une de l’autre, et à 2 mètres dans les li- gnes, restent en cet état pendant 3 ans. A cet âge on les provigne de facon à établir par les provins une ligne intermédiaire formée de ceps à 2 mètres les uns des autres. Quand ces provins sont sevrés, on a des rangées de ceps à 1°,50 les uns des autres; les ceps sont espacés entre eux de 2 mètres dans les lignes. On conduit ces vignes sur de legers treillages qui ne dépassent pas la hauteur d’un mètre ; quand elles sont formées, à l’âge de cinq ans, elles doivent représenter exactement les ceps HORTICULTURE. LIVRE VIII. inférieurs de la treille à la Thomery, chaque cep ayant deux bras latéraux parfaitement égaux, disposés horizontalement et bien garnis de coursons, espacés de 0",16 entre eux sur les cordons. C’est alors seulement qu'il est temps de songer à forcer la vigne. On pose par- dessus Ces coffres de 3 mètres de long sur 1,50 de large; le plus grand côté de ces cof- fres doit se trouver immédiatement derrière le treillage qui soutient la vigne, dont un seul cep est enfermé dans chaque coffre; le grand côté est élevé d’un mètre comme le treillage; le petit côté est élevé seulement de 0",32. Les châssis vitrés qui recouvrent le coffre ont 1,32 de large sur 1m,50 de long: il en faut deux semblables pour chaque coffre. Il est essentiel de ne pas employer à la con- struction des coffres d’autres matériaux que du bois blanc, afin de les rendre aussi perméables que possible à la chaleur des réchauds de fu- mier dont on les entoure extérieurement ; ces réchauds se placent dans des rigoles de 0,50 de large sur 0m,32 de profondeur. La vigne est en outre échauffée par des tuyaux de cha- leur, ou mieux par un thermosiphon , dont le foyer est au dehors. On construit en zine des appareils de chauffage à l’eau chaude, qui peu- vent échauffer neuf coffres, et ne coûtent pas, tout placés, au-delà de 150 fr. La vigne se conduit sous les bâches comme dans la serre à forcer ; le raisin y mûrit seule- ment un peu plus tard ; si l’on n’a pas soin de donner, pendant les beaux jours, assez d'air | pour dissiper l'humidité surabondante à l’inté- rieur des bâches, le raisin a beaucoup de peine à y mürir; mais c’est un inconvénient dont il dépend du jardinier de se garantir. B. — Péchers, Les serres à forcer les pêchers diffèrent des serres à forcer la vigne, en ce que les arbres y sont le plus souvent traités en espalier, sur le mur du fond ; néanmoins, on palisse aussi fort souvent le pêcher sur un treillage fixé à la face intérieure du chässis vitré de la serre, ce qui met les fruits, aux approches de leur maturité, dans les conditions les plus favorables pour ne rien perdre des influences bienfaisantes de la lumière extérieure. Patrick Neill s'élève avec raison contre la coutume des riches proprié- taires anglais qui font construire à grands frais des serres, où tout est sacrifié au coup d'œil ; elles servent, à la vérité, de décoration à leurs jardins, mais ils ne sauraient y obtenir une bonne pêche. Le même auteur conseille à ses compatriotes d’imiter l'exemple des Hollandais qui, dans des conditions de climat encore plus défavorables qu’en Angleterre, obtiennent de bien meilleures pêches par la culture forcée, non dans des serres, mais dans de simples bà- ches, chauffées en partie par le fumier, en par- tie par des tuyaux de chaleur, par le procédé que nous avons décrit en détail, pour forcer la vigne. « Ces bâches, dit-il, n’ont rien d’agréa- ble à l'œil; mais elles remplissent le but de leur TITRE LH. construction, elles renferment des arbres vigou- reux, chargés d'excellents fruits. On commence à chauffer la serre à forcer le pêcher vers le 15 février; si cependant on pratique cette culture en grand, dans plu- sieurs serres séparées, celles qui contiennent les pêchers les plus précoces peuvent com- mencer un mois plus tôt à recevoir la chaleur artilicielle. La température est maintenue pendant quelques jours à 10 degrés, pour être portée successivement à 15 degrés. Quand les arbres sont en pleine fleur, on commence à in- troduire un peu de vapeur dans la serre, opéra- tion qu’on renouvelle de temps en temps, jus- qu’à ce que le fruit soit bien formé; si la serre n'est point chauffée par la vapeur, on se con- tente d’arroser fréquemment le feuillage des arbres avec de l’eau dégourdie , que la tempé- rature de la serre ne tarde pas à convertir en vapeur. Lorsque, par accident, l’air de la serre se trouve tout à coup tellement sec que les ar- bres puissent en soulfrir, ce dont on est averti par l'hygromètre, on fait promptement rougir une pelle, ou le premier morceau de fer qu’on peut avoir sous la main, et l’on produit instan- tanément, en versant de l’eau dessus par pe- tites portions, autant de vapeur que l’état de l'atmosphère de la serre en exige. Quand le noyau est formé dans le fruit, il est temps de porter la température de la serre à 15 degrés; on peut dès lors donner de l’air chaque fois que le temps est favorable. A partir de la fin d'avril, il ne faut plus que très peu de feu, pendant le jour, dans la serre a forcer les pêchers; on chauffe le soir, pour maintenir une bonne température durant la nuit, et le matin avant que le soleil se fasse sentir. Les pêchers forcés dans la serre sont fort sujets aux attaques du blanc ou meunier, quand on néglige de leur donner de l'air et qu'on n’a pas soin de maintenir dans la serre la plus rigoureuse propreté. Nous ferons observer aux jardiniers francais combien ils ont tort de négliger, dans les serres à forcer, la culture des arbres à fruit des ré- gions tropicales. En Angleterre, une serre à forcer le pêcher, gouvernée comme nous ve- nons de l'indiquer, sans autres soins que ceux qu’exige la culture forcée du pêcher, donne en même temps des fruits de jambos, ceux de di- verses passiflores, des bananes, des mangues, des goyaves, et vingt autres variétés de fruits connus à peine de nom de nos jardiniers; ces fruits, nous le répétons, ne sont pas plus diffi- ciles à obtenir que les pêches forcées; il ne se- rait pas non plus fort difficile d’y accoutumer les consommateurs, si nous savions, comme les jardiniers anglais, faire venir ces fruits presque aussi bons que dans leur pays natal. C. — Cerisiers. La serre à forcer les cerisiers ne diffère de la serre à forcer le pêcher que parce que le de- Yaat est occupé par des dressoirs sur lesquels on JARDIN FRUITIER. — ——— ———.——" "— ————————…—…—…—…—……—.….——……——.….. …..."…._…. —.. . —————————————————————.——…—…—…——…—…—…—…— 181 place plusieurs rangées de pots contenant des fraisiers dont on force les fruits en même temps que les cerises. Les cerisiers sont palissés sur le mur du fond ; on commence à les chauffer au mois de janvier ; ils n’exigent pas une tem- pérature aussi élevée que celle que réclament les pêchers. Quand le fruit approche de sa matu- rité, on maintient l'atmosphère de la serre à la température de 18 degrés, le plus également possible. La ceriseroyale anglaise est celle qu’on préfère pour forcer. Ses fruits paraissent sur la table des riches , conjointement avec les fraises forcées, du 1° mars à la fin d'avril. D. — Figues. Ce fruit n’est pas assez recherché en France pour qu’on lui consacre une serre à forcer ; il n’en est pas de même en Angleterre, où le jar- din royal de Kew contient une serre de seize mètres de long, exclusivement remplie de fi- guiers forcés. La végétation des figuiers dans ces serres est conduite de manière à les placer autant que possible dans les conditions de tem- pérature de leur pays natal; par ce moyen, on obtient une première récolte au printemps et une seconde à l’automne. Le figuier ne se taille point ; la température de la serre à forcer le figuier est celle de la serre à forcer le pêcher. On se contente le plus souvent de placer dans la serre de la vigne ou dans celle des pêchers quelques figuiers, ordinairement dans des pots. La figue blanche et la petite figue de Marseille sont celles que les Anglais forcent de préfé- rence. Patrick Neill assure que les figuiers forcés dans la serre de Kew peuvent produire dans les bonnes années, pour les desserts des tables de la cour, 50 paniers de figues au printemps, et 150 à l'automne; quoiqu'il ne désigne pas la grandeur des paniers, ce chiffre de 200 pa- niers, pour une serre de seize mètres de long, indique une production très abondante. TITRE IV. — CULTURE DES VÉGÉTAUX COMESTIBLES. Le voyageur qui voit pour la première fois les jardins potagers des environs de Paris, quand même il serait totalement étranger au jardinage, ne peut s'empêcher d'admirer la rare perfection de leurs cultures ; ce sont en effet, sous tous les rapports, des jardins mo- dèles. Avant êté originairement établis sur des marais déssechés, ils en ont conservé le nom ; là point de routine, point de préjugés ; un pro- céde nouveau est-il reconnu avantageux dans la pratique ? on l’adopte tout aussitôt; une plante cultivée peut-elle être remplacée par une autre variété meilleure ? on ne balance noint à l'abandonner. Le mot culture maraichère exprime done ce que l'on connaît en France, | nous pourrions dire en Europe, de plus perfec- 182 tionné en fait de procédés applicables à cette branche essentielle de l’horticulture. Avant detraiter en détail des diverses parties de la culture maraïchère, donnons une idée de ses principes généraux, principes qui sont de véritables lois pour tout bon jardinier. Le plus important de tous, c’est la prodigalité en fait d'engrais et d’arrosages; le potager a rarement trop d’eau ; il n’a jamais assez de fumier. C'est en suivant cette règle invariable que des ter- rains stériles en eux-mêmes, et qui partout ailleurs n’auraient été jugés dignes d’aucune espèce de culture, sont devenus avec le temps les marais les plus productifs des environs de Paris; c’est une expérience que la création de nouvelles cultures maraïchères confirme chaque année. Le second principe, non moins important, c’est de ne pas s’entêter à continuer ane culture qui ne prospère pas. Ainsi le maraicher, même quand il ne cultive pas de primeurs, a toujours sur couches sourdes ou sur plate-bande exposée au midi, du plant tout prêt pour remplacer celui qui, selon l'expression recue, ne travaille pas bien. Il y a en effet, pour qui n’épargne pas sa peine, plus de profit à sacrifier tout de suite une planche de légumes atteints par la gelée, la grêle, les insectes, ou qui languissent pour une cause quelconque, qu’à s’obstiner à vouloir la rétablir, pour n’en obtenir que des produits de qualité inférieure. La prévoyance est la qualité la plus néces- saire au maraîcher dans sa culture ; aucun accident ne doit le prendre au dépourvu ; aucun revers de température nedoit l'empêcher de remplacer une récolte détruite ou détérioree, par une autre que ses soins amèneront à bien: Le maraicher sait choisir le moment précis qui convient dt partie de son travail; il prend ses dispositions de manière à pouvoir faire chaque chose en son temps. C’est ainsi que, pour les salades, par exemple, il combine les semis de manière à ce que les repiquages tombent dans un moment où toute autre beso- gne peut être laissée pour celle-là; en un mot, il fait en sorte que ce qui ne peut attendre se fasse d'urgence, sans pourtant laisser en souf- france aucune autre partie de son travail. Le maraicher ne prend jamais un terrain trop étendu relativement à ses facultés. On ne compte guère par hectares dans la culture ma- raichère; un marais de 66 ares (deux arpents de Paris) est déjà d’une grande étendue ; il n’exige pas moins de 12 à 15 mille francs pour être mis complétement en valeur et rendre tout ce qu’il est susceptible de produire. Mais il est presque sans exemple que le maraïcher s’em- barque dans une opération qu’il ne pourrait mener à bien ; si les fonds lui manquent, il aime mieux n’avoir point de verre, c'est-à-dire se passer de cloches et de chàssis, hors du simple nécessaire, s'abstenir de toute culture forcée, et se borner à la culture naturelle, mais pou- voir la conduire dans toute sa perfection. Tout ce que nous avons à dire sur la culture HORTICULTURE. LIVRE VIN. des légumes est emprunté aux excellentes pra- tiques usitées dans les marais des environs de Paris. Nous indiquerons séparément les cultures qui, sousdes climats différents, exigent d’autres procédés. L’exposé complet de la culture ma- raichère exige seulement deux divisions: la première comprend les cultures naturelles, qui font arriver les récoltes à l’époque voulue par la nature; la seconde comprendles cultures forcées ayant pour but d'activer la végétation de manière à faire devancer aux produits l’époque naturelle de leur maturité. CHAPITRE LT. — CULTURES NATURELLES. SECTION I". — Légumes proprement dits. Dans le sens rigoureux du mot légume, les naturalistes comprennent seulement la forme particulière de quelques fructifications dont les pois et les haricots sont les types les plas con- nus ; les plantes qui les produisent sont pour cette raison nommées par les botanistes plantes légumineuses. Selon son acception ordinaire, le mot légume désigne toute espèce de plante de jardin propre à la nourriture de l’homme, soit en totalité, soit en partie; c’est dans le second sens que nous employons cette expression. Afin d’eviter la confusion entre des cultures très différentes, nous indiquons séparément la culture des légumes proprement dits, et la cul- ture des plantes potagères dont la racine seule- est comestible, et que par ce motif nous dési- gnons sous le nom de legumes-racines. Quant à la place que nous avons assignée à chaque plante en particulier, nous avons cons- tammeut donné la priorité aux plus importantes comme aliments, sans avoir égard aux classifi- cations de la science. $ 197. — Choux. Le chou est le légume européen par excel- lence ; tous les autres sont modernes en compa- raison de celui-là. On sait que Rome se passa de médecins durant quatre siècles ; le chou fat pendant cette longue période le médicament universel, et il ne parait pas qu’il mourût alors plus de malades que quand les médecins et les pharmaciens pullulèrent dans la capitale du monde. Les nombreuses variétés de légumes dont l’horticulture s’est successivement enri- chie n'ont rien fait perdre au chou de son ir- portance ; l'abondance, le bas prix et surtout la rare salubrité de ses produits lui méritent encore le premier rang dans nos potagers. A. — Travaux préparatoires. Tous les terrains Conviennent au chou; il n’y a guère que dans le sable siliceux pur qu’il reluse de croire ; à laide d’une grande abon- dance de fumier, certaines terres sablonneuses peuvent même produire d'excellents choux d’ar- rière-saison. Le succès de cette culture sera cer- tain dans le sol le plus sablonneux possible, si l'on peut l’amender avec de l'argile ou de la boue TITRE IV. de mare et d’étang en suffisante quantité ; il faut que cette boue ait été exposée depuis un an à l'air libre, désséchée et pulvérisee, pour pouvoir s’incorporer parfaitement avec le sable. Nous placerons ici une observation qui nous a toujours paru dans la pratique d’une très haute importance, relativement à l'emploi des amendements et des fumiers. Ces précieux moyens de féconder le sol sont très souvent employés en pure perte dans la culture jardi- nière. Supposons que, pour amender {0ares de terre sablonneusedestinée à la culture du chou, l’on dispose de 3 mètres cubes de boue dessé- chée. Si on la répand en poudre sur toute la surface du sol, il est de toute évidence que le sable n’en recevra partout qu’une proportion très minime, et que laracinepivotante du chou ne pourra pas en retirer un grand avantage. Mais si, après avoir labouré convenablement le sol, on indique par de légers rayons croisés la place du plant de chou, et que l'amendement soit réparti exclusivement entre ces places, chaque chou végétera dans un mélange où l'argile se trouvera en bien plus forte propor- tion; la différence de produits dans les deux cas sera telle que la main-d'œuvre se trouvera largement payée. 10aresrecoivent 4,000 choux, espacés de 50 centimètresen tout sens ; chaque pied de chou pourra donc profiter de plus de 7 décimètres cubes d’amendement enfoui à une profondeur proportionnée à la longueur de la racine. Il en est de même de l’emploides engrais; d’autres légumes, les artichauts par exemple, se plantent à 80 centimètres ou même un mètre de distance en tout sens ; on conçoit combien d'engrais se trouvera perdu pour leur végéta- tion, si au lieude le leur appliquer directement, on le répand sur toute la surface du terrain, comme sil s'agissait d'y semer une céréale. Cette fumure générale ne convient réellement que pour les plantes potagères très rapprochées les unes des autres comme les ognons, les por- reaux, les carottes ou les scorsonères. Le fumier d’étable est le meilleur pour la culture du chou dans toute espèce de terrain ; néanmoins le fumier d’écurie pourra en tenir lieu si le sol est argileux, froid et lent à pro- duire. Dans tous les cas, il ne faut pas songer à obtenir une récolte de choux seulement passable sans fumier, à moins que ce ne soit sur le sol entièrement neuf d’un défrichement récent, ou sur la boue d’une mare ou d’un étang amendée à l'air libre pendant au moins une année, et ameublie par plusieurs labours à la bêche, donnés avec soin. Les choux peuvent acquérir un volume énorme quand on les plante dans cette boue pure sans mélange d’autre terre, et que l’eau ne leur manque pas. Le sol destiné à la culture des choux doit recevoir au moins deux bons labours dont Pun au moins doit être donné à la bêche. Ceci ne duit s’en- tendre que de la culture du chou en grand, soit en plein champ, soit dans un jardin très spacieux ; dans les jardins ordinaires, une culture succédant continuellement à l’autre, le CULTURES NATURELLES. | Il 183 sol bien ameubli pour la plante qui a précédé le chou, n’a besoin que d’un seul labour, pourvu qu’il soit profond et que les mottes soient parfaitement rompues; car si la racine pivotante du chou rencontre une motte dure qu’elle ne puisse percer, le chou languit et meurt très promptement. Les planches de choux peuvent être labou- rées à plat quand on n’a pas à redouter un ex- cès d'humidité, car le chou est sujet à la pour- riture lorsque l’eau séjourne sur sa racine. Quand le sous-sol n’est point perméable, et que les pluies semblent devoir être très abondantes, on doit faconner le sol en talus de 0,50 de base, dont la fig. 303 montre le profil. NN" AK AA APE AN ANA NA La pente de ces talus doit, autant que le permet la nécessité de favoriser lécouiement des eaux, être inclinée au midi: le plant de chou se place vers le milieu de cette pente. La neige, plus à craindre pour le chou que le froid le plus rigoureux, se trouve arrêtée par la pente opposée, parce qu’elle est ordinairement amenée par le vent du nord. PE. — Choix de la graine. Lorsqu'on ne peut élever des porte-graines et récolter soi - même de la semence parfaite- ment franche d'espèce, on ne doit pas regarder au prix pour s’en procurer de première qualité en s'adressant aux maisons de commerce juste- ment investies de la confiance des horticul- teurs. La bonne graine de chou est d’une teinte uniforme, presque noire ; si elle est inégale et qu'il s’y trouve beaucoup de grains d’un brun- rougeàtre , C’est qu’elle a été récoltée avant sa parfaite maturité; dans ce cas, elle lèverait fort inégalement. Le même inconvénient serait à craindre si la graine était ridée à sa surface, quoique de la nuance convenable; il faut la choisir pleine et lisse. C. — Semis. On s’est beaucoup occupé de nos jours de la destruction d’un insecte nommé altise, tiquet ou puce de terre, ennemi principal des semis de toutes les plantes crucifères, et des semis de choux en particulier. Selon quelques natura- listes, les œufs de l’altise adhèrent au tissu de l'enveloppe qui recouvre la graine des cruci- fères; ils éclosent au moment même où la graine lève, et les jeunes insectes se trouvent tout portés pour dévorer les feuilles séminales dont ils sont très avides. Quelque attention que nous ayons apportée dans nos observations microscopiques, d'abord en Belgique et plus tard en France, nous n’a- vons jamais pu nous assurer personnellement de la présence des œufs d’altise à la surface des graines de crucifères ; nous sommes loin ce- endant de douter des résultats des observa- tions sur lesquelles eette opinion est fondée. Il 184 est certain que nous avons vu l'altise paraitre tout à coup sur un terrain occupé par un semis de choux, terrain où jamais laltise ne s'était montrée. Il sera donc prudent de laisser trem- per pendant 24 heures la graine de chou dans une forte saumure, ou dansunesolutionalcaline concentrée avant de la confier à la terre ; quoi- que cette précaution soit souvent inutile, nous x recommandons parce qu’elle n’entraine ni grand embarras ni grande dépense. On sème ordinairement les choux à la volée, en plate - bande bien fumée; on choisit à cet effet un terrain un peu frais et ombragé parmi le meilleur dont on puisse disposer. Ces semis ont, comme on vient de le voir, un ennemi re- doutable dans l’altise ; il n’est pas rare que cet insecte les détruise entièrement sans qu'il soit possible de l'empêcher. On a conseillé comme moyen de destruction de l’altise la fumée d'herbes fraiches; ce remède est en réalité pire que le mal; cette fumée, mêlée d’une grande quantité de vapeur d’eau à une haute température, tue le plant de choux encore plus efficacement que l’altise. On ne peut recourir à ce moyen que lorsqu'on est décidé à sacrifier un semis qu'on désespère de pouvoir rétablir. Dans ce cas, il faut disposer le long de la plate- bande de petits tas de paille ou de branches sè- ches places au-dessus du vent ; on les recouvre avec des herbes fraichement arrachées, puis on y met le feu. La famée en courant sur le sol tue toutes les altises. Dès que l'opération est terminée, on peut donner un léger labour à la houe, et semer de nouveau à la même place ; l’altise ne reparaîtra pas. Cette expérience que nous avons maintes fois renouvelée tend à prouver que les œufs de laltise ne sont pas toujours adhérents aux semences des plantes crucifères. Du reste, ce moyen de destruction n’est pas sûr, il occasionne une grande perte de temps, et il double la dépense en semence et main-d'œuvre. Le seul moyen réellement pra- ticable, sinon de prévenir les ravages de lal- tise, au moins d'en neutraliser l'effet, c’est de faire végéter le plant de chou très rapidement. Dès que ce plant est à sa quatrième feuille, il n’a plus rien à craindre; les mandibules de laltise n’ont plus la force de l'entamer. Le meilleur procédé pour une quantité médiocre de plant consistera toujours à faire les semis sur couche sourde; rarement l’altise envahit les couches; d’ailleurs, en supposant qu’elle s’y montre, le plant s’y développe si promptement qu'on s'aperçoit à peine des ravages de laltise. Pour les cultures très étendues où les semis sur couche sourde sont impraticables, on obtient à peu près les mêmes résultats par le procédé suivant dont une longue pratique nous permet de garantir l’efficacité. Le sol qu’on se propose d’ensemencer en choux est labouré profondément, mais sans re- cevoir de fumier. On ouvre ensuite avec la binette large ou la houe, des sillons espacés entre eux de 0m,33, profonds de Om,95, et larges de 0”,33. On remplit ces sillons presque HORTICULTURE. LIVRE VIIT. | jusqu'au bord avec de bon fumier qu’on foule _—————]—]—_]——]—]—]]]_]]—]———————]—_—_——_]_]——]—] —]— —— — — — — ——— ——————— —— —— ——————————”—”’ ——————….….….’…-.…"—…’….……..…’…’…’.….…."…’-…….-..…"…’….’-’ - - légèrement, et qu'on reccuvrede quelques cen- timètres de terre; puis l’on sème par-dessus, assez serré. Il suffit alors d’abattre la crête des sillons et d’égaliser le sol au râteau pour en- terrer la semence. Si Ie fumier a été enfoui pendant qu’il était en fermentation, les choux lèveront au bout de 5 à six jours; l’ältise pourra s’y mettre el en détruire quelques-uns, mais bientôt le plant ayant sa racine dans le fumier sera devenu assez fort pour braver l’al- tise qui disparaîtra, morte probablement de faim. Ce mode de semis offre encore un autre avantage nor moins important: c’est que le plant y croît inégalement, en sorte qu’on en trouve de bon à prendre pendant 5 à 6 se- maines ; on n’est pas alors forcé de précipiter les plantations, qui ne peuvent se faire tout à la fois. Le plant ainsi obtenu emporte à sa racine, quand on l’arrache avec précaution, une petite portion de fumier qui contribue puissamment à sa reprise et à sa rapide végétation durant le premier âge, époque de sa croissance de la- quelle dépend entièrement le succès de cette culture. D. — Repiquage. A lapproche d’un hiver qui s'annonce comme devant être rigoureux, au lieu de mettre le plant en place à l’arrière-saison, on le repi- que en pépinière à Om,08 de distance en plate- bande bien abritée. On dispose desrames à pois de manière à pouvoir garantir le plant de choux de la neige ou des froids excessifs en étendant sur ces rames des paillassons. Ce plant profite peu pendant l'hiver. Si, contre les prévisions du jardinier, l'hiver se trouvait être doux et que le plant prit trop d’accroissement, on r’attendrait pas le printemps pour le mettre en place. Dans le cas contraire, on gagne tou- jours par cette précaution le temps qu'il fau- drait perdre à attendre le plant provenu des se- mis de printemps, et l’on évite une perte im- portante en main-d'œuvre à l’automne. E. — Plantation. La plantation des choux, lorsqu'ils sont l’objet d’une culture de quelque étendue, est tellement importante que tous les détails de cette opération exigent impérieusement l'œil du maitre. Il doit veiller avant tout à ce que l’arrachage suive constamment la plantation, de facon à laisser le plant hors de terre le moins de temps possible, pour qu’il ne soit pas flétri quand on le met en place. Le plant semé en planches à la volée a besoin plus que tout autre d’être arraché avec soin; ses racines ont souvent rencontré en terre des mottes dures qu’elles ont bien pu percer, mais qui les rom- pent quand on les arrache sans précaution. Le plantoir ordinaire à manche courbe , à pointe souvent garnie de fer, est à peu près le plus mauvais instrument qu'on puisse em- plover, et l’on n’en emploie pas d'autre. Il n’y TITRE IV. a que la grande rusticité des plantes pour les- quelles on s’en sert qui puisse expliquer com- ment il peut encore, tel qu’il est, rendre d'assez bons services. Il tasse fortement la terre autour de la racine qui se trouve avoir à percer un sol rendu compacte, précisément à la place où il serait le plus nécessaire qu’il fût parfaitement ameubli. Lorsqu'on doit exécuter de grandes planta- tions, il faut, outre celui qui arrache le plant et l'apporte sur le terrain, un bon ouvrier servi ar deux enfants. Le premier enfant passe dans es lignes avec le plantoir a deux branches ; il fait deux trous à la fois, sans avoir besoin de mesurer les intervalles avec une jauge; le se- cond enfant porte une brassée de plants dont il dépose un pied vis-à-vis de chaque trou ; l'ou- vrier les suit et achève la mise en place. La principale précaution à prendre dans cette dernière partie de l'opération consiste à main- tenir la racine parfaitement droite dans le trou ouvert par le plantoir : si elle se trouvait re- piiée sur elle-même, la reprise serait moins certaine, ou bien le plant ne ferait que lan- guir, sans pouvoir vegéter convenablement, quelles que soient d’ailleurs la fertilité du sol et la bonne qualité des engrais. A moins que les choux n’aient été plantés par un temps pluvieux, il faut les arroser immé- diatement. Lorsqu'on en a seulement un carré de peu d’étendue, on peut donner ce premier arrosage avec de l’eau dans laquelle on aura d'avance délavé du fumier court : c’est un moyen assuré de hâter la végétation des choux. La distance entre les lignes de choux varie de 0*,40 pour les plus petites espèces, jusqu’à 1 mètre pour les plus volumineuses ; on leur donne dans les lignes des distances semblables ; la plantation en quinconce donne, pour des distances égales, plus d’aisance au développe- ment des choux. F. — Details de culture. Les choux se sèment et se plantent à deux époques, au printemps et à l’arrière-saison. Choux de printemps. Toutes les variétés à feuilles plus ou moins cloquées ou frisées se sément au printemps, depuis février jusqu’en mai, de sorte que les choux semés les derniers ne sont bons à cueillir qu’en décembre et jan- vier, On pourrait les semer en automne, et ils viendraient à bien comme les choux cabus, quoique un peu plus tard ; mais on perdrait ainsi l'avantage qu’ils possèdent par-dessus tous les autres choux de résister au froid, et même de devenir plus tendres et meilleurs après qu’ils ont éprouvé l'effet des premières gelées sé- rieuses. Les choux à feuilles cloquées portent en gé- néral le nom de choux de Milan ; en Belgique, on les nomme avec plus de raison des savoie, puisque c’est de la Savoie qu'ils paraissent s'être répandus en France, en Italie et en Alle- magne. Deux variétés sont plus cultivées que les autres en France; ce sont le milan commun HORTICULTURE CUERURES TAN EURELEES. | | 185 et le milan des Vertus, ou chou frisé d’Alle- magne. Le milan commun pomme très lentement ; ses pommes sont petites et ses feuilles très clo- quees ; sa rusticité est si grande, qu’il continue à grossir sous l'influence d’un froid de plusieurs degrés au-dessous de zéro ; c’est son principal mérite. Le milan des Vertus est le plus avantageux de tous pour le jardinier marchand; il tient le milieu entre les choux à feuilles cloquées et les cabus dont il a le volume, avec une saveur plus délicate. On ne doit pas le semer plus tard que la première quinzaine d'avril. On sème de même au printemps le chou pré- coce d'Ulm, le pancalier de Touraine et le mi- lan nain, dont la pomme se forme rez-terre. Le chou à jets, où spruyt de Bruxelles, occupe chaque année plus d'espace dans nos potagers ; les semis de ce chou commencent au printemps, pour se continuer jusqu’en été, afin de fournir à la consommation d'hiver ; les der- niers semis doivent être les plus abondants ; ce sont les plus avantageux pour le jardinier. Le chou spruyt résiste au froid mieux encore que les milans des variétes les plus rustiques; les jets repoussent, quelque froid qu’il fasse, à me- sure qu’on les enlève. On n’a pas réussi jusqu’à présent à obtenir le chou spruyt parfaitement frane d’espèce au moyen de sa graine récoltée en France ; on est toujours dans la nécessité de faire venir la semence de la Belgique, son pays natal. Toutes les variétés de choux peuvent pom- mer sur semis en place. Lorsqu'on pratique les semis sur fumier en rayons, comme nous l’a- vons indiqué , on peut en laisser quelques-uns convenablement espacés, ils pommeront comme les autres. L'usage de les transplanter est fondé principalement sur l'impossibilité d'éviter par le semis en place la perte d’une grande quantité de semence. Les plantations de choux de printemps se règlent sur l’époque des semis successifs ; dans les terrains secs, et où de vastes plantations ne pourraient être facilement arrosées , il est bon de planter assez tôt pour que le plant ne soit pas surpris par les chaleurs de l’été avant d’a- voir acquis la force de leur résister. Choux d'automne. Les choux d’arrière - sai- son, où à feuilles lisses, aussi désignés en général sous le nom de choux cabus, se sèment depuis la fin de juillet jusqu’au 15 septembre. Deux variétés l’emportent sur toutes les autres, ce sont le chou blanc d'Alsace, aussi nommé chou à choucroute et chou quintal , et le chou blanc de Bretagne ou chou nantais, qui peut dans les bons terrains égaler le chou d'Alsace, avec l'avantage de réussir dans des terrains médiocres où le chou d'Alsace ne viendrait pas. Son défaut est de ne pas résister aux fortes ge- lées. On sème à la même époque le chou blane de | Bonneuil, ou de Saint- Denis. le gros cabus de Hollande et le chou trapu de Brunswick. 1. V, — 24 186 Ces variétés sont les seules cultivées parmi les cabus, et, sous le rapport du produit, les seules qui méritent de l'être ; quelques autres, comme le chou conique de Poméranie, pour- ront devenir communes; elles ne sont encore que des objets de curiosité et ne figurent point sur les marchés. Chou rouge. Ce chou n’est guère usité à Pa- ris et au sud de Paris, que comme médica- ment ; mais dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, il se mange aussi communé- ment que le chou blanc d'Alsace, dont il n’est qu’une variété; sa culture est exactement la même que celle du chou blanc. Dans le nord de la France, de même qu’en Belgique et en Angleterre, on sème beaucoup de choux rouges au mois d'août, pour pouvoir repiquer le plant en automne, et livrer les choux à la consom- mation à la fin de l'hiver, époque de l’année où ce chou est principalement employé comme salade, soit seul, soit avec des endives ou sca- roles, et des betteraves rouges cuites au four ; on le mange cru, coupé par tranches très min- ces, assaisonné de vinaigre, de sel et de beurre fondu , au lieu d'huile ; €’est un mets auquel il faut être accoutumé. En Angleterre, on cultive de préférence un chou rouge nain, de couleur pourpre très foncée, qu’on fait confire dans le vinaigre, et qu’on sert en hors-d'œuvre sur toutes les tables, comme des cornichons. Chou vert, non pommé. Ces choux sont peu cultivés en France, excepté dans l’ouest; ils ont pour caractère de n'être bons à manger que quand ils ont été attendris par les gelées, et de ne jamais pommer, de quelque manière qu’on les cultive ; ce sont des sous-variétés du chou branchu du Poitou, du chou cavalier, . moellier, caulet et autres, cultivées principale- ment pour la nourriture des bêtes à cornes. Les Anglais font aussi un cas particulier du chou vert; ils en cultivent seize variétés, dont la plus estimée est le chou vert d’Ecosse. On la sème au printemps et en été, de manière à pouvoir repiquer le plant successivement, pour avoir des choux verts bons à couper , depuis les pre- mières gelées jusqu’à la fin de l'hiver. Les choux d'automne se sèment quelquefois au printemps ; mais comme les semis faits dans cette saison font arriver les produits à une époque où leur valeur vénale est moindre de : près de moitié, à cause de l'abondance et du bas prix des autres légumes , on ne doit semer des choux d'automne au printemps que quand l'hiver a détruit le plant mis en place ou en pépinière à l’arrière-saison, inconvénient qu'il est presque toujours possible d'éviter avec un peu de soin. Si, par exemple, après avoir planté sur un labour à plat, on voit les vents se fixer au nord et à l’est, de très bonne heure en décembre, signe à peu près certain d’un hiver abondant en neige, il est encore temps de former des talus derrière les lignes de choux, pour les garantir du côté du nord et empêcher la neige de s’accumuler à leur pied et sur leurs feuilles, HORTICULTURE. LIVRE VII!. ce qui leur serait bien plus funeste que les plus rudes gelées. Avec cette précaution, et celle de tenir en tout état de cause le pied des choux bien garni de fumier, il arrivera à peine une fois en vingt ans qu'on soit forcé de semer des choux cabus en février et mars, pour tenir lieu du plant d’arrière-saison. On sème aussi en septembre toutes les va- riétes de choux précoces à pomme allongée ; les principales variétés sont, le chou d'York, le chou pain de sucre, le cœur de bœuf et le mi- lan à pomme longue. 11 importe de faire ces semis, soit sur couthe sourde, soit sur fu- mier en rayons, et non pas à la volée, si Pon veut en retirer un bénéfice important ; dé la force du plant dépend la précocité des produits, qui seule détermine leur valeur vénale. Il faut que leur végétation soit, sinon complète, au moins assez avancée en avril et mai, pour qu'ils puissent paraître sur le marché à demi pommés avant la grande abondance des légu- mes frais de toute espèce au printemps. Il est très vrai que les choux hâtifs vendus à cette époque ne valent rien, n’ayant au lieu de pomme que quelques feuilles centrales à peine fermées ; mais, tels qu'ils sont, ils trouvent des acheteurs à un très bon prix, et c’est tout ce qu’il faut au jardinier marchand intéressé à rendre le plus tôt possible son terrain libre pour d’autres cul- tures. Peu de consommateurs savent que les choux , d’York, pain de sucre et cœur de bœuf sont préférables sousle rapport de la saveur a toutes les autres espèces, quand on les laisse pommer complétement. Le chou d’York, le meilleur de tous, forme une tête petite, mais serrée, plus tendre et plus délicate que celle de pas un des choux le plus communément livrés à la con- sommation. On ne les vend jamais en cet état ; le jardinier perdrait trop à leur laisser long- temps occuper le sol ; d’ailleurs, des choux d'un si petit volume ne pourraient être prisés et payés convenablement que par un très petit nombre de connaisseurs. Mais tout jardinier amateur qui veut savoir ce que c’est qu'un chou pommé de toute première qualité, doit planter du chou d'York frane d'espèce, et le laisser pommer pour le manger à la fin de juin. Nous devons une mention particulière à deux espèces de chou, l'une et l’autre également employées comme légumes par les Chinois, le pé-tsai, et le pak-choï. ; Le pé-tsai, plus spécialement nommé chou de la Chine, connu depuis bien des années en Europe, n’est devenu commun dans nos jardins potagers que depuis peu de temps par les soins des missionnaires français. Au premier aspect on le prendrait plutôt pour une salade que pour un chou ; sa feuille, d’ailleurs très variable, a d'ordinaire la forme, la consistanceet le vert- blond de la laitue-romaine. C’est sous tous les rapports un des meilleures légumes connus, beaucoup plus convenable aux estomacs déli- cats que nos meilleurs espèces de choux. Le | pé-tsai a très peu de racines; il pivote moins TIRRE 1V: que les choux d'Europe ; il peut réussir dans les terrains les plus légers ; une couche de terre végétale de Om,08 à Om,10 lui suffit : telles sont les principales qualités qui le recomman- dent. Néanmoins, le pê-tsai n’a point encore pris place parmi les cuitures maraichères, pour plusieurs motifs qui l’en éloigneront encore longtemps selon toute apparence. D'abord le pé-tsai n’a presque pas de consistance ; à l’épo- que où il doit être repiqué, les racines ne sont que de simples filaments, les feuilles sont moins solides que celles de la romaine cultivée sous chässis, le tout est si fragile que pour peu qu'on y touche sans précaution, lon ne peut manquer d’écraser la plante en la repiquant. Ensuite, il est très difficile de le décider à pommer ; nous avons toujours éprouvé plus de facilité à faire pommer le plant de pê-tsai prove- nant de graines de 2 ans, bien qu’il nous ait été impossible d'empêcher le plus grand nombre des pieds de monter. Le mode de culture qui convient le mieux au pê-tsai, est de point en point celui que les maraîchers suivent pour la culture en grand de la laitue-romaine ( voir Laitue ). Le pak-choï est aussi un chou, botanique- ment parlant ; comme légume, la grosseur de ses côtes blanches et re et l’aspect de ses feuilles lisses, luisantes, d’un très beau vert, lui donnent la plus grande ressemblance avec la carde-poirée de nos jardins. Sa culture est la même que celle du pê-tsai; il a, comme ce lé- gume, une disposition à monter qu’il est très difficile de combattre. Les plantations de choux, quelle qu’en soit l'espèce, doivent être visitées peu de temps après leur reprise; il ne faut pas balancer à sa- crifier ceux qui ne végètent pas convenable- ment ; on doit toujours avoir du plant en réserve à cet effet. Les choux plantés à la fin de septembre ou dans le courant d'octobre ne réclament plus de soins particuliers jusqu’au printemps ; ils passent ordinairement très bien l'hiver en pleine terre, à moins que les neiges pe soient très abondantes, et qu'il ne survienne un trop grand nombre de gelées et de dégels successifs. Dans ce cas, l’eau de la neige fon- due s’introduit entre les feuilles qui environ- nent la pomme du chou, et lorsqu'elle n’est qu’à demi formée, elle ne peut résister à l’ac- tion de cette eau convertie en glace à plusieurs reprises ; c’est du reste une circonstance qui se présente rarement sous le climatde Paris ; lors- qu’elle a lieu, il n’y a pas de remède ; tous les choux assez avancés pour pouvoir être vendus un prix quelconque, doivent être sur-le-champ portés au marché ; le reste est perdu. On voit combien ilimporte, à tout événement, de planter de bonne heure, et de faire avancer fe plus ossible la végétation des choux aussitôt après eur plantation, afin qu’ils aient au moins une certaine valeur, s’il arrivait qu’un hiver désas- treux obligeät à essayer d'en tirer parti avant leur’ entier développement. Les choux entièrement pommés sont plus CULTURES NATURELLES. 187 difficilement atteints par la gelée ; cependant la neige fondue et gelée successivement leur est quelquefois funeste. La perte est peu considé- rable quand le jardinier est assez à portée d’une grande ville pour trouver immédiatement le débit de ses choux. Ils doivent être arrachés deux jours d'avance ; on les fait dégeler lente- ment sous un hangar ou dans une cave, puis on les porte aussitôt au marché. Le consomma- teur ne trouvera aucune différence appréciable entre ces choux et ceux que la gelée n’aurait pas atteints, pourvu qu'il ne les garde pas au- delà de deux ou trois jours, car ils tomberaient alors infailliblement en putréfaction. Au printemps, les choux doivent être binés dès les premiers beaux jours, pour que le sol profite des rayons du soleil; il faut ensuite bi- ner les carrés de choux aussi souvent que l’état de la saison le fera juger néceSsaire jusqu’à la récolte. En général, pour le chou comme pour beaucoup d’autres cultures, un binage dans la saison sèche vaut plusieurs arrosages. Deux carrés de choux placés côte à côte dont un seulsera biné présenteront, après unesécheresse opiniätre, une différence de valeur de 50 pour cent. La culture en grand des choux pour la consommation de Paris ne permet pas les arro- sages : en 1840, Bonneuil, Aubervilliers et le Bourget, qui contribuent le plus à l’approvi- sionnement de Paris pour ce genre de légume, ont perdu presque tous leurs choux par la sécheresse du printemps; ceux-là seuls qui ont recu plusieurs binages ont résisté à l'action desséchante des vents d’est,que les autres n’ont pas pu supporter. G. — Conservation. Lorsqu'on ne cultive pas les choux assez en grand pour faire de leur conservation l’objet d’une spéculation pendant l'hiver, on peut se borner à arracher les choux à l’approche des premiers froids, vers la fin de novembre ou dans le courant de décembre, et à les replanter côte à côte, inclinés au midi, dans des jauges ‘ou fosses peu profondes, de sorte que le som- met des pommes se trouve au niveau du sol ; on les laissera découverts tant que la tempéra- ture le permettra; on les garantira de l’atteinte des grands froids, avec des paillassons ou de la litière. Il ne faut pas compter sur leffet de ce procédé au-delà des premiers jours de janvier ; il est impossible d'empêcher linfiltration de Phumidité dans le sol, et par conséquent la pourriture des choux ; on aurait tort cepen- dant de regarder comme perdus les choux dont les feuilles extérieures seraient pourries ; le chou présente cette particularité que le cœur ne contracteaucune saveur désagréable, quand même ses feuilles extérieures sont en putré- faction. Si l’on veut tirer de la conservation des choux tout le parti possible et ne pas commencer la vente de la provision réservée avant fevrier et mars, voiei, entre divers moyens proposes, Ce- lui qu'une constante expérience en France et 188 en Belgique nous permet de recommander comme le plus avantageux. Dans le courant du mois d'octobre, on fait choix d’un are de terrain dans la partie la plus saine du potager; au centre de ce terrain on plante une perche effilée et charbonnée à son extrémité inférieure ; elle ne doit pasexcéder de plus de trois mètres le niveau du sol; quatre au- tres perches plantées aux quatre coins du carré sont inclinées de manière à se rattacher à la perche du milieu. On garnit les intervalles avec un treillage formé de tout ce qu’on peut avoir de vieux échalas ou de vieilles lattes de rebut ; il suffit que le tout présente assez de solidité pour pouvoir porter des paillassons; l'ouver- ture doit être placée du côté du midi (fig. 804). Fig. 304. Quelle que soit la température, le terrain ainsi couvert sera parfaitement sec, longtemps avant la saison convenable, pour y placer les choux en réserve. Ce moment venu, on {race dans l’intérieur de la réserve deux sentiers qui se croisent à angle droit pour faciliter la circu- lation ; le reste de l’espace est occupé par les choux. On ouvre un premier sillon dans lequel on place, non pas droits, mais dans une posi- tion inclinée, les choux arrachés avec toutes leurs racines; les têtes doivent se toucher, mais sans être trop scrrées; il ne faut leur ôter qu'une partie des feuilles extérieures. En creu- sant le second sillon, la terre rejetée couvre les racines du premier rang, et ainsi des autres. Une réserve de 10 mètres en tout sens, ainsi remplie, peut recevoir 1,600 choux, chaque tête de chou pouvant occuper un carré de 0%,25 de côté, et chaque mètre carré conte- nant 16 carrés semblables; mais, déduction faite de l’espace pris pour les sentiers, ce nom- bre se réduit à 1,500. Les choux, au moment de les mettre en réserve, valent, année com- mune, de 5 à 7c. la pièce, moyenne 6 ce. ; con- servés jusqu'en février et mars, ils ne seront pas vendus moins de 15 à 25 c., moyenne 20 c.; c’est une valeur de 90 fr. convertie en une va- leur de 300 fr. On voit qu'il v a beaucoup de latitude laissée au chapitre des accidents. Lorsqu'on peut conserver plusieurs ares de terrain à ce mode de conservation, on donne à la réserve la forme d’un toit, en donnant aux perches la disposition que représente la fig. 305. La réserve économique dont nous donnons HORTICULTURE. ici le modéle, offre à très peu de frais au jar- dinier les moyens de se ménager des reccites | | LIVRE VIII. Fig. 805. pour une époque de l’année où il n’a presque plus rien à porter au marché; elle n’entraine pas de mise dehors considérable, et laisse le terrain libre au moment où il doit être mis en culture ; elle s'applique avec le même avantage à la conservation de plusieurs autres espèces de légumes. Durant les fortes gelées, il est pru- dent de former tout autour, extérieurement, un talus de litière de 0" ,50 de hauteur, et de dou- bler la couverture du côté du nord. H. — Frais et produits, Lorsque le chou est cultivé en grande cul- ture en plein champ, ses frais et ses produits diffèrent essentiellement de ceux de sa culture jardinière proprement dite. Dans le premier cas, le terrain lui est consacré exclusivement toute l’année ; dans le second, il se mêle à d’autres cultures, ou bien il leur succède, ce qui complique la comptabilité relativement à cette production, considérée séparément. Les choux précoces, dans la culture maraïi- chère, s’allient ordinairement aux fraisiers de première année (voir Fraisiers). Loin de souf- frir de ce voisinage, la fraisiére ne s’en trouvera que mieux pendant l'hiver. Supposons 30 ares ainsi cultivés ; chaque planche de fraisiers lon- gue de 10 mètres, large de 1,40, pourra rece- voir trois rangées de choux précoces, de 20 choux chacune, soit 60 choux. Un are compre- nant six planches semblables, 3G ares recevront 10,800 choux, susceptibles, s’ils viennent bien, d’être vendus de 5 à 10c. la pièce,moyenne8c., soit, pour 10,800 choux, 864 fr. Cette recette importante n'ôtera rien aux produits des frai- siers, car elle sera réalisée avant l’époque où la présence des choux pourrait être nuisible au développement des fraises. La même opération se répète avec le même avantage sur les plan- ches de fraisiers de troisième année qui doivent être détruits après avoir donné leur troisième récolte. Les frais à déduire de ces produits sont difficiles à évaluer. Presque tous, hors le prix du plant et la main-d'œuvre pour la plantation des choux, pourraient, à la rigueur, être portés au compte de la culture des fraisiers; car, en supposant qu'on n’y mêle pas de choux, cette culture n’exige ni moins de fumier, ni moins de frais de toute espèce. Voici, par approximation, la part de ces frais qui nous semble pouvoir être attribuée aux choux précoces. Sur le loyer. ...,:...... rad et 48€ Sur la main-d'enyre ere. HE 120 Plant: 2 EP DECE 200 TEE AS OC UO 54 319 TITRE IV. Cette somme retranchéce du produit brut indiqué ci-dessus laisse 645 francs de bénéfice net. Ce chiffre est plutôt en-decà qu’au-delà du béné- fice réel ; ainsi, par exemple, le jardinier achète rarement du plant de choux; quand il l'élève lui-même, il ne lui coûte presque rien. Nous l'avons compté au prix ordinaire de vente, 50 c. le cent, ou 1/2 centime la pièce, prix evi- demment trop élevé pour le jardinier. Le chou ne se prête à sa reproduction fré- quente sur le même sol qu’à la condition qu’on lui prodiguera les meilleurs engrais. En prenant la précaution de planter la seconde récolte dans les intervalles des rangées de la première, on peut planter des choux deux fois dans une an- née sur le même sol ; voici, dans ce cas, lemaxi- mum de production d’un hectare de très bon terrain. FRAIS. Loyer et impositions. .................. 500 Trente mètres cubes d'engrais, à 8 fr. lem.c. 240 Labour et plantation. ...,.............. 160 RAT ist epafeye ne ue . 250 950 PRODUITS. PREMIÈRE RÉCOLTE, Deux cents rangées de choux de 200 chacune, à 0,50 de distance, donnent 40,000 choux, CAIRN 7,000 SECONDE RKCOLTE. Gent rangées de choux de 100 chacune, à 1 mètre de distance, donnent 40,000 choux, DOC EE ne se sd» » 800 2,800 Frais comme ci-dessus, .., 930 Bénéfice net.......... . 4,880 Ces chiffres, nous ne pouvons trop le répéter, ne peuvent être que des approximations ; il n’y a peut-être pas une seule des vastes cul- tures de choux qui approvisionnent Paris de ce légume, dont il soit tenu une exacte compta- bilité ; mais nous sommes certains de n’avoir point exagéré les produits. Lorsqu'un terrain ne donne qu’une récolte de choux, les produits sont encore à peu près les mêmes, parce que les choux n’occupent pas le terrain toute l’an- née, et qu'ils sont remplacés par une autre récolte aussi avantageuse. $ IL. — Choufleur. Nosjardins potagers ont peu de produits aussi sains que le choufleur : sa culture, également profitable au jardinier marchand et agréable au jardinier amateur, réussit toujours avec un peu de soin; l'ignorance des bons procédés, et surtout la crainte de prendre un peu plus de peine qu’on n’en prend d'ordinaire pour la culture potagère loin desgrandes villes, sont les seules causes des mécomptes de beaucoup de jardiniers des départements, qui pensent qu’en faisant venir la graine de choufleur de Paris ou CULTURES NATURELLES. 189 | de Hollande, et la traitant comme de la graine de chou, ils doivent avoir des pommes sembla- bles à celles qu'obtiennent nos laborieux ma- raichers. A. — Choix de lu graine. Lorsqu'on se propose de récolter la graine de choufleur, il faut faire choix des plus belles pommes, et. prendre dans celles-ci les plus blanches, portées sur les tiges les plus courtes. On n’oubliera pas de ne laisser à proximité des porte-graines aucune autre espèce ou variété de chou en fleur, car le choufleur est très sus- ceptible de croisement. Le premier effet de tout croisement du choufleur avec un autre chou, c'est de le rendre sujet à borgner, mot qui ex- prime la division et le développement séparé des boutons, à l’époque où ils devraieñt former la pomme du choufleur. La graine, dont les oiseaux et particulièrement les linots sont fort avides, ne doit être écossée que quand elle est parfaitement müûüre ; mais dès que les siliques ont acquis une couleur jaunäire, il n’y a pas d’inconvénient à arracher les pieds avec pré- caution, et à les transporter en un lieu abrité où, pourvu qu’on leur garnisse la racine de terre ou de sable un peu frais, ils achèverontde mürir leur graine tout aussi complétement qu’en plein air et avec plus de sécurité. La graine de choufleur dans le commerce est toujours d’un prix élevé; mais comme on n’en emploie jamais une grande quantité à la fois, on ne doit pas regarder au prix pour l'avoir de première qualite. C’est d’ailleursunedesgraines potagères qu’on doit «cheter de confiance, car rien ne la distingue de celle des autres choux ; la couleur d’un noir luisant est l'indice d’une maturité complète. Le choufleur, botaniquement parlant, n’a pas de variétés, ni de sous-variétés;il n’est lui- même qu'un accident, sans caractères botani- ques qui lui soient propres, à l'exception de ses pommes de fleurs étiolées qui constituent la partie comestible. On distingue dans la culture maraichère les choufleurs à pomme tendre, demi-dure et dure. 1° Le choufleur à pomme tendre est le plus facile de tous à cultiver, il lui faut peu de temps pour former sa pomme; il est peu difficile sur la qualité du terrain; mais, dans la culture ma- raichère on lui préfère les autres variétés, parce que sa pomme, toujours peu serrée, est très sujette à s'ouvrir, ce qui lui ôte toute va- leur pour la vente. La plante est petite ; ses feuilles sont plus étroites que celles des autres choufleurs; le choufleur à pomme tendre con- vient particulièrement aux jardins bourgeois. 2 Le choufleur à pomme demi-dure est le plus cultivé, et, à tout prendre, le meilleur de tous; la plante est forte, à feuilles larges et longues, un peu lente à former sa pomme qui, par compensation, se maintient plus longtemps que celle du choufleur tendre, et acquiert par une bonne culture un plus gros volume. 3° Le choufleur à pomme dure est le moins 190 culuvé dans les marais des environs de Paris, parce qu’il occupe trop longtemps le terrain; il est d’une lenteur desespérante à former sa pomme qui,une fois formée, devient plus grosse, plus blanche et plus ferme que celle du chou- fleur demi-dur. Dans les jardins bourgeois, on plante toujours quelques choufleurs durs d’arrière-saison ; ils succèdent à tous les autres et résistent bien aux premiers froids, même en plein air. B. — Semis. La bouse de vaches, sans mélange de litière, est pour le choufleur, durant la première pé- riode de sa croissance, le plus favorable de tous les engrais. Les maraichers des environs de Paris n'en font point usage parce que leurs autres cultures laissent toujours assez d'espace libre sur de vieilles couches épuisées qui font le même effet pour les semis de choufleurs. Il n’en est pas de mêmedans les départements, où bien des amateurs qui font la dépense de 2 ou 3 couches sont regardés par leurs voisins comme des prodigues en train de se ruiner. Dans les pays où les bêtes à cornes sont en grand nombre, il est aisé de ramasser, soit dans les étables, soit sur les pâturages, quel- ques brouettées de bouse qu’il est bon de laisser sécher à l'air, afin de la pulvériser grossière- ment avant de lemployer. Trois brouettées suffisent pour une planche de 4 mètres de long sur un mètre 50 de large, espace pour lequel 16 grammes de graine sont plus que suffisants. Les semis, quant à la distance des rayons et à la préparauon du terrain, se font exactement cowme les semisdechoux en rayons, avec cette seule différence que la bouse y remplace le fu- mier, et que les rayons en doivent être rem- plis, de manière à ce qu’on en puisse recouvrir très légèrement la graine en rabattant la terre de la crête des sillons ; cette graine ne doit pas être foulée (voir Choux). Lorsqu'on sème sur couche sourde ou sur plate-bande garnie de Om,10 de bon terreau, il faut semer à la volée, le plus également possible ; la quantité de graine est la même que pour le semis en rayons sur bouse de vache. L’altise n’est pas moins avide des cotylédons du choufleur que de eeux de tous les autres choux ; nous avons dit, en traitant de la culture du chou, ce que nous pensons des moyens de détruire cet insecte qui multiplie avec une prodigieuse rapidité. Les semis en sont d'autant moins endommagés que la végé- tation du plant est plus rapide; les semis en rayons sur bouse de vache équivalent, pour la promptitude de la végétation, à ceux qu’on fait sur les meilleures couches où l’on puisse semer la graine de choufleur. On sème le choufleur à 3 époques principales. Les premiers semis ont lieu à la fin de fevrier ou au commencement de mars; ce sont les plus avantageux, mais le plant, quoique abrité, est quelquefois détruit par les gelées tardives ; les choufleurs de ce premier semis se cueillent en automne. Les seconds semis se font à la fin HORTICULTURE. LL LIVRE VIII. de mai, pour donner leur pomme à la fin de l'automne; ils ont contre eux les chaleurs pré- coces, qui pourtant ne leur sont pas funestes quand on se donne la peinede les arroser suffi- samment. On sème une troisième fois du 15 au 25 du mois d'août pour se procurer le plant destiné à passer l'hiver ; les pommes provenant de ce dernier semis se récoltent les premières au commencement de l'été de l'année suivante. C. — Repiquage. Le plant de choufleur passe rarement de la plate-bande sur laquelle il est né, à la place qu'il doit occuper jusqu’à son entier dévelop- pement, sans avoir été mis quelque temps en pépinière, opération qui contribue dans tous les cas au succès de sa culture. Le plant des- tiné à passer l'hiver en pleine terre se repique en plate-bande à l'exposition du midi; il lui faut plutôt du terreau que du fumier. afin qu’il ne soit pas surpris par le froid dans un état trop avancé de végétation , auquel cas il serait exposé à fondre et à périr. On plante ordinai- rement par groupes très rapprochés les chou- fleurs repiqués pour qu'ils puissent recevoir l'abri d'une cloche de verre; il vaut mieux ne les abriter qu'avec des paillassons et leur don- ner un peu plus d'espace. Le meilleur mode de conservation du plant consiste à le repi- quer dans la bäche économique, en ayant soin de la découvrir la nuit comme le jour, tant qu’il ne gèle pas, car le plant est très sujet à s’étioler faute d’air (voir Bâche économique). Les autres repiquages ont lieu quand le plant a atteint la hauteur de 0m,12 à 0,15 ; le plant qu’on se propose de repiquer ainsi au prin- temps doit recevoir très peu d’eau jusqu’au moment du repiquage, et être ensuite fréquem- ment arrosé tant qu'il reste en pépinière ; il se repique, en lignes, à 0",10 en tout sens. D. — Plantation. La plupart des choufleurs qui se mangent à Paris sont mis en place sur couche; c’est le moyen le plus fréquent d'utiliser les couches après qu’elles ont donné une récolte de melons ou d’autres produits qui les laissent libres de bonne heure (voir Culture forcée). La terre qui convient aux choux convient également aux choufleurs plantés en pleine terre ; ils se dis- posent en quinconce, à Om,50 dans les lignes espacées entre elles de 0®,40. De quelque ma- nièere que le plant ait été élevé, il faut l’arracher de manière à ce qu'il emporte à sa racine le plus possible de fumier ou de terreau ; la rapi- dité de la plantation en assure le succès. A moins que le temps ne soit excessivement hu- mide, on donne un léger arrosage pour atta- cher la racine du plant à la terre; puis on laisse le plant manquer d’eau pendant une quinzaine de jours. L'expérience à démontré qu'après avoir ainsi langui quelque temps , il donnait | plus promptement des pommes de meilleure | qualité, et qu’il était moins sujet à borgner TITRE 1Ÿ. que si on l’arrosait largement aussitôt après l'avoir mis en place. E. — Détai!s de culure. Les choufleurs demandent des arrosages d'autant plus abondants que la formation de leurs jommes est plus avancée ; vers la fin, ils ne peuvent en recevoir moins de deux par jour, et si la température est chaude ou très sèche , il leur en faut bien trois ou quatre. | Dans ces arrosages, l’eau ne doit point être versée sur la pomme, qu'il faut également pré- | ont 1 | pour l'amateur d’horticulture. Les jardiniers server de la pluie et du soleil; dans ce but on la couvre avec une feuille prise sur sa tige. : On peut laisser les choufleurs découverts la nuit, à moins que le temps ne soit à la pluie ; de ces précautions dépend en grande partie | le succès de cette culture. Lorsque, par des causes quelconques, la végétation du choufleur CULTURES NATURELLES. se trouve retardée à larrière-saison, ou que l'hiver devance son époque ordinaire, ce qui n’est pas rare sous le climat inconstant de la France centrale, il est facile de hâter la forma- tion des pommes de choufleur en déchaussant chaque pied pour lui donner une poignée de noir animal, qu’on recouvre de terre en tassant légèrement ; il faut dans ce cas arroser plus largement que de coutume. F. Conservation. Les plantations de choufleur doivent avoir été calculées de manière à ce qu’en novembre il y ait des planches prêtes à être récoltées, et d’autres à peu près à moitié de leur végétation ; c'est la provision d'hiver. Les choufleurs en- tièrement mürs se conservent bien pendant un mois ou deux, posés simplement sur des ta- blettes ou dressoirs dans un lieu bien sec, où ils ne puissent être atteints par la gelée. On peut aussi les suspendre, la tête en bas, à des clous disposés de manière à garnir les dres- soirs dessus et dessous. Dans tous les cas, on coupe la tige le plus près possible du collet de la racine , et l’on retranche les feuilles en leur laissant 0,08 de la côte qui les supporte. Lors- qu’on veut les vendre ou les employer, il faut, un jour ou deux d’avance, faire tremper les tiges dans l’eau jusqu’à la naissance de la pomme ; ils sont alors presque aussi bons qu’au moment de la récolte, pourvu qu'on les con- somme immédiatement ; car s’ils attendent seu- lement 48 heures, ils fondent en cuisant et ne laissent qu'un paquet de filaments dont il est impossible de tirer aucun parti. C'est ce qui arriverait infailliblement par suite d’une con- servation trop prolongée. Les choufleurs , au bout d’un temps plus ou moins long, devien- nent hors d’état de reprendre leur fraicheur, et restent nécessairement filandreux. Comme rien ne l’annonce au dehors, l'acheteur peut _ aisément y être trompé, mais il n'est trompé qu’une fois, et le jardinier qui se respecte doit, même dans son intérêt, s'abstenir d'une fraude si coupable. Les choufleurs dont les pommes sont à demi | 191 formées s'enlèvent avant les premiers froids, soit en motte, soit avec le plus de terre possi- ble à la racine ; on les dégarnit de feuilles et on les dispose côte à côte dans la réserve écono- mique, absolument comme les choux ( voir Choux, conservation ). Ils continuent de gros- sir, sans toutefois atteindre au volume qu’ils auraient acquis en suivant le coursordinaire de leur végétation; mais comme ils dureront bien plus avant dans l'hiver que ceux qu’on a cueil- lis à parfaite maturité, ils se vendent toujours un bon prix, et sont une ressource précieuse anglais ne repiquent pas les choufleurs qu’ils se proposent Ge conserver pendant l'hiver, ils les sèment en place à bonne exposition, dans les premiers jours de juillet, à 0®,35 en tout sens , et les arrosent modérément pour obtenir les premières pommes à la fin de septembre; c'est toujours le choufleur à pomme tendre qu’ils cultivent de cette manière. Vers le pre- mier novembre les pommes de ces choufleurs ont atteint leur développement complet ; on les dépouille de leurs grosses feuilles ; ils sont en- suite levés en motte avec le plus de terre pos- sible, et placés à l'abri dans un lieu où ils ne puissent être atteints par la gelée ; le plus sou- vent dans une cave exempte d'humidité. Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire de s’abste- air de repiquer les choufleurs semés en juillet pour arriver au même résultat ; la transplanta- tion qui hâte la formation des têtes ne peut être au contraire que favorable. G.— Frais et produits. La culture des choufleurs cffre toujours ae très grands bénéfices quand elle est bien con- duite; les frais et les produits sont très dif- ficiles à bien apprécier dans les environs de Paris, parce que rarement un terrain leur est consacré en entier et pendant toute l’année, ce qui complique les comptes du loyer et du fumier. On plante les choufleurs à 0®,50 en tout sens; un are de terrain en recoit par conséquent 20 lignes de 20 chacune, soit 400 pieds de choufleurs. Le prix est à Paris excessivement variable, de 10 à 60 c.; quel- quefois un beau choufleur forcé, de grande primeur, se vend jusqu'à 1 fr. 50 €. Une moyenne de 30 €. approche beaucoup de la vé- rité comme prix de vente pour les jardiniers qui, ne consacrant à la culiure du choufleur qu'un espace borne. les obtiennent tous dans leur plus grande perlecuon. Un are de chou- fleurs donne done 120 fr. de produit brut réa- lisé au milieu de la belle saison , lorsque le soi peut encore porter, soit une seconde récolte de choufleurs, soit une ou deux autres récoltes d’une valeur égale, Les frais sont, par approxi- mation : ÉOYER RER RE net a-mou ose 9 fr. Fumier. ose 248 2, ht 28 Mare Sen MEL) IS LU 22 23 Foraé Sox 60 192 a déduire de 120 fr. de produit brut, reste pour bénéfice net, 60 fr. par are, ou pour 33 ares (ancien arpent de Paris) 1,980 fr. Les cul- tures successives peuvent donner dans la même année un profit aussi considérable que celui des choufleurs ; on voit combien il est avantageux de faire entrer ce légume dans la rotation des cultures maraichères de pleine terre. $ LIT, — Brocolis. Le brocoli, variété de chou qui offre avec le choufleur la plus grande analogie, n’en est qu'une sous-variété. Considéré comme légume, ilest préférable au choufleur sous le double rapport de la délicatesse et du volume de ses têtes. Le brocoli, originaire d'Italie, est peu cultivé en France, non pas que sa culture offre plus de difficulté que celle du choufleur, mais parce qu'il est moins généralement apprécié des consommateurs au goût desquels le jardi- nier de profession est obligé de se conformer. On peut lui appliquer de tout point les procé- dés de culture que nous indiquons pour le choufleur, en lui réservant dans le potager la situation la mieux abritée et l'exposition la pe méridionale; il se conserve pendant hiver de la même manière que le chou et le choufleur quand il est tout formé à l’époque des premiers froids; mais un grand nombre d'espèces n’achèvent de former leur tête qu’au printemps de l’année qui suit celle où elles ont eté semées. Les brocolis les moins avancés à l'entrée de l'hiver doivent être levés en motte avec le plus de terre possible; on creuse à la même place un trou assez profond pour que la plante dégarnie de ses feuilles inférieures y puisse tenir à l’aise, en laissant seulement au . dehors la tête qu’on a soin de couvrir de litière sèche pendant les gelées. Les brocolis ainsi traités végètent lentement pendant l'hiver, et terminent leur croissance au printemps. Un habile jardinier anglais, M. Wood, qui pendant 14 ans s'est occupé spécialement de la culture du brocoli, a reconnu que le meil- leur engrais pour cette plante consiste dans un mélange de sable de mer et de crottin de che- val. Les jardiniers éloignés de la mer rempla- cent facilement le sable de mer par du sablon fin arrosé d’eau salée. Le brocoli peut être cultivé sans transplan- tation, par semis en place. A cet effet on mar- que les places comme pour une plantation, à 0,65 de distance en tout sens, et à un mètre pour les deux espèces les plus volumineuses. On sème quatre graines à chaque place pour ne conserver que le pied le plus vigoureux, qu'on traite du reste comme du plant trans- planté. Les Anglais, très amateurs de brocolis, en ont un grand nombre de variétés, toutes déri- vées du blanc et du violet par des croisements hybrides, soit accidentels, soit artificiels. Les amateurs de cet excellent légume, trop peu ap- précié en France, nous sauront gré de leur in- diquer les meilleures espèces de brocolis cul- HORTICULTURE. Li LIVRE VIF, tivees en Angleterre ; il est facile de s'en pro- curer de la graine à Paris. Le brocoli, avec des soins convenables, peut réussir partout en France; au sud de la Loire, il réussit mieux que le choufleur. 1° Brocoli pourpre d'automne. Sa tête est d’un vert mêle de violet ; on le sème en mai: il donne successivement ses têtes depuis la fin d'août jusqu'au commencement de décembre. 20 Brocoli pourpre hâuf. Il s'élève à près d'un mètre; il donne, outre sa tête principale, de petites têtes latérales dans les aisselles des feuilles qui sont comme les fleurs d’un vert clair mêlé de violet. ; 3° Brocoli pourpre nain. C'est le plus lent à croitre de tous les brocolis ; il ne finit de former sa tête qu’en avril et mai de l’année qui suit celle où il a été semé; la plante tout en- tière n’a pas plus de 0".,32 de hauteur; la pomme qui affecte une forme presque coni- que est assez grosse et d’un goût délicat. 4° Brocoli vert à tête serrée. Sa tête ne de- vient jamais très grosse; elle est d’un beau vert ; elle mrit en janvier et février. À 5° Brocoli jaune soufre. Il se sème en avril pour donner ses têtes au mois d'avril de l'année suivante. Les jardiniers anglais le distinguent entre les meilleurs. . 6° Brocoli à grosse têle. On le sème en mars pour obtenir sa tête à la même époque de l’an- née suivante. Ce brocoli pousse avec beaucoup de vigueur; les pieds doivent être espacés à un mètre les uns des autres en tout sens. T° Brocoli de Portsmouth. C'est le plus gros des brocolis connus ; les têtes ont souvent jus- qu'à 0,65 de circonférence; il doit être comme le précédent, espacé à 1 mètre. 8 Brocoh à bractées. M. Knight, célèbre horticulteur anglais, a obtenu récemment cette belle variété; chaque ramification de sa tête est protégée par une bractée qui se rabat par- dessus et la couvre presque en entier. 9% Brocoli de Danemarck ou de Sibérie. Excellente variété tardive. Il serait à désirer que la culture de ce brocoli se répandit dans le nord de la France; elle résiste parfaitement en plein air, sans aucun abri, aux hivers les plus rudes du climat de la Grande-Bretagne ; ses têtes, d’un vert pâle, ne le cèdent en rien pour le volume et la qualité à celles des autres bro- colis. $ IV. — Pois. La culture des pois, même aux environs des villes qui absorbent d'énormes quantités de pois verts, est une des moins lucratives pour le jardinier de profession ; il est probable qu’elle serait depuis longtemps abandonnée, si ce lé- gume ne possédait au plus haut degré la faculté de croître et de fructifier sans aucune espèce d'engrais. Les pois cultivés avec une dose de fumier d’écurie semblable à celle qu’exigent les autres légumes, poussent de larges feuilles, des tiges d’une longueur démesurée, et donnent | à peine quelques fleurs stériles pour la plupart; TITRE IV. c'est done le meilleur produit pour lequel on puisse utiliser les terrains qu’il est impossible de fumer. Paris ne doit qu’à cette seule cir- constance les millions de litres de pois verts livrés chaque année à sa consommation. Parmi les diverses espèces de pois qui sont l’objet de la culture jardinière, le plus grand nombre est cultivé exclusivement pour sa graine à demi formée : quelques-unes sont cultivées à la fois pour leur graine et pour la cosse qui la renferme; celle-ci étant dépourvue de parche- min intérieur, est mangeable, et donne aux pois qui la produisent le nom de mange-tout. Enfin, deux ou trois variétés ne sont cultivées que pour leur graine entièrement mûre; mais ces dernières sont plutôt l’objet de la grande cul- ture que de la culture jardinière. A. — Pois «à ccoïser:. 1. Pois de Marly. Si le goût public ne de- vait pas être le seul arbitre de la qualité d’un mets, nous dirions que le meilleur de tous les pois à écosser, quant à la finesse de la saveur et à l'abondance des produits, est le pois de Marly, à grandes rames, espèce tardive qui n’est presque consommée que par le peuple, atterdu qu’elle vient sur les marchés à une époque où les pois sont à si bas prix que les riches les dédaignent. 2. Pois Michaux. Cette espèce, que nous mettons seulement au second rang, se place ordinairement en première ligne; la variété précoce à rames constitue à proprement parler le petit pois de Paris. Nous ne connaissons à ce pois d'autre défauts que sa propension à con- tracter une amertume peu agréable quand il est cultivé plusieurs années de suite dans le même terrain, surtout si ce terrain n’est pas de première qualité; mais convenablement cultivé et intercalé entre d’autres cultures, il est excel- lent. Le Michaux nain de Hollande, très re- cherché comme précoce, produit fort peu. 3. Pois de Clamart. C’est le meilleur d’entre les pois tardifs après le pois de Marly. C’est celui qu’il faut semer lorsqu'on désire prolon-* ger les récoltes par les semis les plus tardifs. 4. Pois de Knight ou ridé, importé d’Angle- terre. en 1810, par M. Vilmorin. Ce pois est tardif et très productif; il est excellent, œuoi- que un peu gros, ce qui lui nuit pour la vente. C’est une des varietes les plus précieuses pour les amateurs comme pour les cultivateurs, car il vient facilement et produit beaucoup; il en, existe une variété à grains verts. 5. Pois Prince- Albert, importé d'Angleterre par M. Bossin, en 1842. Il est nain et plus pré- coce de 7 à 8 jours que tous les autres pois. B —— Pois mance-tout. La saveur et les qualités de toutes les va- riètés de pois sans parchemin différent peu entre elles; le blanc à grandes cosses est le | meilleur pour la pleine terre; nous recom- mandons surtout l'excellente variété connue à Nantes sous le nom de pois sans parche, et le -t BORTICULTUREF, CULTURES NATURELLES. 193 | turc ou couronné dont les gousses sont d’une exquise délicatesse. C. — Pois a écosser secs, Pour toute la France septentrionale et cen- trale, le gros pois vert normand à très grandes rames est celui qui produit le plus en sec; il est | presque le seul employé à la préparation des farines de légumes cuits. Dans nos départements du midi, ce pois ne résiste pas à la sécheresse ; il est remplacé par le pois montant de Provence, dont le grain très gros est assez bon , quoique moins délicat que le pois vert ou garvance. Le pois chiche, connu aussi dans le midi sous le nom de pois pointu, en raison de sa forme, est un des plus recherchés pour manger en sec; on l’emploie aussi réduit en farine; il ne rame | point et diffère beaucoup des autres plantes du même genre ; il constitue une espèce botanique distincte du pois; contrairement aux autres pois, il ne réussit qu'avec beaucoup d’engrais. Les espèces que nous venons d'indiquer sont les seules qui nous semblent mériter d’être cul- tivées ; toutefois, le jardinier, pour se confor- mer au goût des consommateurs, est souvent forcé d'adopter des variétés de pois peu recom- mandables en elles-mêmes. C’est ainsi qu’un de nos confrères, placé près d’une petite ville du Morbihan, fut tout désappointé, 1l y a quel- quesannées, de ne pas trouver d’acheteurs pour d'excellents pois Michaux dont il avait fait venir la graine de Paris. Les palais peu délicats des consommateurs bretons n’en appréciaient nul- lement le mérite; ils préféraient des pois durs et coriaces, gros comme des balles de pistolet; les autres. disaient-ils, fondaient en cuisant, et il ne restait rien à manger. D. — Choix de la graine. Peu de semences sont plus exposées que les pois secs aux atteintes des bruches, surtout dans | les espèces de choix ; mais ces insectes ne s’en prennent ordinairement qu'aux cotylédons, en respectant Île germe qui est apparemment moins de leur goût, en sorte qu’on aurait tort de re- jeter comme impropres à être semés les pois percés par les vers; la plupart du temps ils lèvent tout aussi bien que ceux qui n’ont point été attaqués. Le meilleur moyen de conserver aux pois leur faculté germinative, c’est de ne les écosser qu'au moment de les semer, et de garder les cosses pleines étendues sur un plan- cher parfaitement sec. E. — Préparation du sol. Aucun terrain ne convient mieux aux pois qu'un sol entièrement neuf, soit qu’il ait été récemment défriché, soit que pendant plusieurs années il n’ait porté aucune récolte. Nous avons dit combien une fumure d'engrais récent d’é- table ou d’écurie est contraire à la fructifica- tion des pois ; quand le sol semble trop maigre, le seul engrais qui influe d’une manière ellicace sur la production des pois, est le terreau de feuilles mortes ou tout autre terreau de nature l. V. — 25 194 purement végétale, appliqué soit seul, soit en mélange avec des cendres de bois, de tourbe ou de houille. Les cendres de toute espèce, mais principa- lement les cendres de bois, conviennent très bien aux pois et activent leur végétation avec beaucoup d'énergie. Le meilleur moyen de les employer à cette culture consiste à les répan- dre sur le sol après qu’il a reçu deux facons à la bêche ; on enterre alors les cendres par un léger hersage au râteau, et l’on sème immédia- tement. Mais, pour opérer de cette manière, il faut posséder une assez grande quantité de cendres, car, pour en obtenir un résultat sen- sible, il n’en faut pas moins de 15 à 20 litres par are. Si l’on n’en a qu’une quantité médio- cre à sa disposition, il vaut mieux ne pas ré- pandre les cendres sur tout le terrain et les ré- | server pour les appliquer sur la semence au moment de la recouvrir. Dans les pays exposés à des pluies surabondantes, on assure légout- tement du sol destiné à la culture des pois, en le formant en gros billons dont on creuse légè- rement la crête pour y semer des lignes de pois; dans le midi, au contraire, on faconne toute la surface du sol en rigoles, au fond desquelles on sème, afin de mieux préserver les pois des ef- fets de la sécheresse. F. — Semis. On sème les pois, soit en lignes espacées entre elles de 0",16 à0",32, selon les espèces, soit par touffes espacées dans des propor- tions analogues. La première méthode convient mieux aux pois nains qui n’ont pas besoin d’é- tre ramés ; la seconde s'applique de préférence aux pois à rames. Dans les localités où l'excès de l'humidité est à craindre, les semis en lignes valent mieux pour toutes les espèces, ramées ou non, parce qu'il s'établit toujours entre les lignes des courants d’air qui facilitent lévapo- ration. On a soin de donner aux lignes la di- rection la plus conforme à celle des vents qui règnent ordinairement dans la contrée. Les pois de toute espèce doivent au contraire être semés par touffes plutôt qu’en lignes, dans les lieux où l’on craint l’excès de la sécheresse. Les iouffes conservent mieux l’humidité au pied des lantes réunies plusieurs ensemble. Dans ce 3 on fait les trous plus profonds qu’il n’est nécessaire, pour qu'après avoir recouvert suf- fisamment les pois, il reste un rebord saillant qui puisse servir à butter les pois quand ils ont atteint la hauteur de 0,10. Par ce moyen, la racine est préservée le plus longtemps possible des effets du manque d'humidité. Sous le climat de Paris, on sème les premiers pois, vers le 25 novembre, sur plate-bande ou costière bien abritée, à l'exposition du midi; on les nomme vulgairement pois de Sainte-Cathe- rine. Le pois de Hollande et le pois Michaux à rames sont les meilleures espèces pour les se- mis destinés à passer l'hiver en pleine terre ; la seconde de ces deux espèces nous à toujours paru, quant au produit, préférable à la pre- # HORTICULTURE. LIVRE VIII mière. Les pois de Sainte-Catherine gèlent tou- jours pendant l'hiver. mais non pas jusqu’à la racine ; dès les premiers beaux jours de la fin de février, deux tiges latérales remplacent de chaque côté la tige principale atteinte par la gelée. Excepté dans quelques localités privilé- giées, ces tiges sont toujours peu productives; c’est une culture d’amateur, sur les produits de laquelle le jardinier de profession ne peut pas compter. Les seconds semis, presque aussi aventures que les premiers, se font dans les premiers jours de février; on les nomme communé- ment pois de la Chandeleur. On y emploie les mêmes espèces que pour les semis de la Sainte- Catherine ; ils ont en général un peu plus de chances de succès que les premiers. Comme primeur, leurs produits ne sont guère devancés par ceux des autres que de quelques jours, après un hiver doux ; quand l'hiver a éié rigoureux, les seconds semis remplacent les premiers qui sont entièrement perdus. Ces époques ne sont que de simples indica- tions peu précises ; il arrive souvent à Paris que les froids les plus rudes viennent en février ; nous avons vu bien des fois la Seine prise pen- dant ce mois justifier le proverbe : À {a Chan- deleur, grande douleur. Dans ce cas, on ne peut semer les premiers pois en pleine terre qu'à la fin de février. L'époque la plus générale des semis de pois en pleine terre, à toute exposition, commence à la fin de mars et dure jusqu’à la fin d'avril (de la Saint-Joseph à la Saint-Marc). On peut continuer à semer des pois de quinze en quinze jours, pendant tout l’été, en ayant soin de ré- server les pois de Clamart, de Knight, de Marlv pour les derniers semis. Les autres espèces lè- vent, poussent et même fleurissent aussi bien à l’arrière-saison qu'au printemps, mais leurs fleurs sont presque toutes stériles. Les pois, même ceux des espèces tardives, ne peuvent être semés plus tard que la fin de juillet, encore ceux qu’on sème dans la dernière semaine de ce mois sont-ils fort exposés : les nuits froides de l’arrière-saison, même lorsqu'il ne gèle pas, suffisent pour arrêter la fécondation des fleurs et rendre nulle la récolte des pois confies trop tard à la pleine terre. G. — Dérails de culture. La première partie de la culture des pois est la plus importante; quand ils ont été semés convenablement dans un sol bien préparé, le succès en est certain. Les pois de toute espèce ont besoin d’un binage lorsqu'ils atteignent la hauteur de 0m,10 à 0m,15; avant de Îles biner, si le sol est maigre et que la végétation semble languissante, on peut leur donner au pied un peu de terreau ou de cendres qu'on enterre par le binage Les pois nains veulent être binés deux fois à quinze ou vingt jours d’intervalle. Les pois à rames ne peuvent guère être bines qu’une fois, parce que les rames une fois pla- cées s’opposent aux binages successiis. à ie | TIPRE IV. On doit pincer les pois des premiers se- mis quand ils sont en fleurs, afin d’en hâter la fructification. Cette opération consiste à en- lever les sommités des tiges pour les empêcher de s’emporter, et faire tourner toute la sève au profit des fleurs développées les premières à la partie inférieure des plantes. On diminue ainsi la production, mais on gagne du temps, et c’est beaucoup quand on cultive pour les marchés des grandes villes. À Paris, il n'est pas rare de voir les pois vendus 5 et 6 fr. le litre le lundi, ne valoir que 50 à 60 e. le samedi de la même semaine; les premiers arrivés ont donc un im- mense avantage, et l’abondance des produits ! n'est plus, dans ce cas, qu’une considération d'une importance tout-à-fait secondaire. Lorsqu'on veut cultiver sans rames des pois destinés à être ramés, on peut y suppléer jus- qu’à un certain point en couchant sur le sol les tiges lorsqu'elles commencent à fleurir; leur extrémité se relève d’elle-même; elle se sou- tient mieux et produit davantage que si la plante n’avait point été couchée. Il suffit pour cela de maintenir les pois avec des bouts de lattes ou de treillage. Ce mode de culture ne peut être recommande; lorsqu'on manque de ra- mes. il ne faut cultiver que des pois nains; nous l’indiquons seulement comme un moyen de ren- dre l'absence de rames moins désavantageuse. Les jardiniers qui emploient, à la récolte des pois, des femmes à la journée, doivent veiller avec soin à ce qu’elles ne déracinent pas les plantes qui adhèrent fort peu au sol à cette époque de leur végétation. H. — Frais et produits. FRAIS. Location de 35 ares, à 500 fr. l’hectare. , .. 100f Semences, 109 litres à 90 c.............. 90 Gendres:2:2 42 babe me Grass roc 50 MANS OŒURTE Eee so usces se s ‘ : 120 HMOTAL. 5. 360 L'article main-d'œuvre comprend les la- bours, les binages et la récolte. Pour les pois à rames, il faut ajouter environ 60 fr., montant de l’intérêt et du dépérissement des rames, ce qui porte le total des frais à 420 fr. PRODUITS. On ne peut guère obtenir de 33 ares de bon terrain au-delà de 1,200 litres de pois écossés vendus en pleine saison de 40 à 50 c., moyenne 45 c.; c’est un produit total de 540 fr., qui ne dépasse les frais de culture des pois à rames que de 120 fr., ce qui ne laisse qu'an bénéfice net très inceriain et très minime pour le jardinier. ‘I arrive très souvent qu'on obtient à peine de 33 ares 800 à 900 litres, les frais restant les mêmes. Tout l'espoir d'un profit quelconque: réside uniquement dans le prix élevé qu’on peut obtenir des 50 ou 60 premiers litres de la | récolte, susceptibles d’être vendus depuis 6 jus- qu'a 3 fr., en moyenne 5 fr. 50 c., soit 275 fr.; CULTURES NATURELLES. 195 | mais c’est un profit des plus aléatoires. Ainsi que nous l’avons dit, la culture des pois en | grand ne paierait pas ses frais si elle n’utilisait | des terrains momentanément impropres, faute | d'engrais, à d’autres cultures: elle offre aussi | l'avantage d’une récolte réalisée assez tôt pour être suivie d’une autre plus productive avant | la fin de la saison. Dans la grande culture, les | frais sont diminués de 50 fr. parce qu’on n’em- | ploie point de cendres; le sol est aussi rare- | ment loué sur le pied de 300 fr. l’hectare. Mal- | gré tout cela, il reste sur la culture des pois en pleine terre très peu de bénéfice réel (voir Culture forcée). $ V. — Fèves. | Les fèves sont peu cultivées dans les jardins | du nord et du centre de la France ; à Paris, ce légume ne figure sur les bonnes tables que comme primeur ; il est du reste classé parmi les légumes communs traités en grande culture. Dans tout le midi de la France les fèves sont, au contraire, l’un deslégumes les plus recherchés ; néanmoins nous n'avons rencontré presque partout dans les jardins du midi, que la va- riété de feve cultivée aux environs de Paris sous le nom de fève de marais ; plusieurs autres fèves seraient cependant préferables à la fève de marais pour l’usage qu’en font les méridio- naux qui les mangent crues, sans aucun assai- sonnement. En Angleterre, où les fèves se man- gent cuites, comme à Paris, on cultive plusieurs variétés de ce légume ; on estime particulière- ment les fèves précoces, et, parmi celles-ci, celles dont le grain reste petit et l'enveloppe tendre assez longtemps pour qu’on en puisse jouir à l’état frais pendant six semaines. A. — Choix des espèces. Il doit être déterminé d’après le goût des consommateurs quand on cultive pour le mar- ché ; nous n’avons à indiquer ici que les espèces jardinières. 1. Fève de Mazagan, ou de Portugal. Lenom de cette fève est celui d’un petit établissement que possédaient autrefois les Portugais sur la côte d'Afrique, près du détroit de Gilbraltar. La fève de Mazagan reste toujours petite; c’est la plus précoce et en même temps la meilleure de toutes. En Angleterre, elle perd en quelques générations sa précocité; les relations fréquentes entre l'Angleterre et le Portugal permettent de renouveler la semence en la tirant de son pays natal. 2. Fève verte de Gênes. Elle est seulement un peu moins précoce et un peu plus grosse que la précédente ; c’est une des meilleures à man- ger crues; elle est peu productive, chaque sili- | que ne contenant au plus que 3 fèves, et bien souvent deux seulement. 3. Fève verte de la Chine. Elle diffère peu, quant au goût, de la fève de Gênes, mais elle est très tardive. La fève verte de la Chine reste | toujours d’un beau vert, même quand elle est | müre et sèche, couleur qu’elle conserve en eui- 196 sant ; dans une terre fertile elle est très pro- ductive. 4. Fève à fleurs rouges. Elle se recommande par sa précocité; sa saveur particulière, très prononcée, n’est pas du goût de tout le monde : | les Anglais, qui pourtant font grand cas decette fève, l'ont surnommée avec raison early asper, âpre et précoce. 5. Fève de Windsor. Elle est connue en France sous le nom de fève à longues cosses. Dans la culture en grand, elle mérite une pre- {érence exclusive, parce qu’elle est aussi bonne et d’un tiers plus productive que la fève de ma- rais, qu'on lui préfère sans autre motif que l'habitude. 6. l'ève en éventail. C’est la plus petite de toutes les fèves et l’une des meilleures. Elle ne dépasse jamais la hauteur de 0,15 à 0m,20 ; elle pousse du pied des tiges latérales qui attei- gnent presque la hauteur de la tige principale, | et donnent à l’ensemble de la plante la forme à laquelle elle doit son nom. Cette fève n’est point assez productive pour le jardinier de pro- fession ; le jardinier amateur ne peut en choisir une plus agréable au goût et plus curieuse par son aspect bizarre ; elle est la plus avantageuse à forcer sans châssis comme grande primeur. B. — Détails de culture. La fève, quelle qu’en soit l'espèce, a besoin de beaucoup d’espace; sielle est semée trop serrée, et que l'air ne circule pas librement autour de chaque plante, elle s’allonge outre mesure, elle fleurit très peu, et ses fleurs netiennent pas, de sorte qu'onn’obtientqu’une récoltede fourrage. Dans la culture jardinière, on sème par touffes à Om,95 de distance dans un sens et 0m,50 dans l'autre; les espèces naines précoces ont besoin, pourètre productives,de presque autant d'espace ‘que les plus grandes. On sème en novembre les feves précoces, au pied d’un espalier au plein midi; il suffit de les abriter sous des paillassons pendant les fortes gelées. Si lon ne sème qu’un rang ou deux très près du mur, il suffit pour les abriter d’un seul rang de paillassons appuyés contre le mur, comme le montre la fig. 305 b.;sidans la crainte de nuire aux ar- Fig. 305 bis. bres en espalier, on sème les fèves plus près du bord de la plate-bande, on les couvre pendant les gelées sous deux rangs de paillassons, dis- posés comme le représente la fig. 306. Ce genre d’abri est le plus facile de tous à placer et HORTICULTURE. LIVRE VII. à déplacer au besoin ; à défaut de paillassons, on peut employer des rames à pois sur lesquelles on jette de la litière sèche pendant les froids rigoureux. Les sommités des fèves doivent être pincées au moment de la floraison pour empêcher la fleur de couler; l'impossibilité de pratiquer cette opération dans la grande culture explique la différence énorme du produit des fèves traitées en plein champ, comme toute autre récolte agricole, et des fèves cultivées dans les jardins. En Angleterre, on fait souvent marcher de iront la culture des fèves et celle des pommes de terre jardinières sur le même terrain; dans ce cas on donne aux lignes de pommes de terre | un mètre de distance; les lignes de fèves s’éta- | blissent au milieu de cct intervalle, non par sc- | mis, mais par repiquage; les jardiniers anglais considèrent la fève comme aussi facile à trans- planter que le chou. En France, lés petits cul- tivateurs, dans leurs cultures de pommes de terre en plein champ intercalent souvent aussi des fèves semées en général dans le même trou et en même temps que les tubercules. Pour les vrais amateurs, les fèves tardives ont autant de prix que les précoces; on les rend aussi tardives que possible en coupant au niveau du sol toute la plante au moment où elle commence à fleurir. Si l’on a soin ensuite de l’arroser largement pendant les chaleurs, la plante reforme promptement des tiges qui frueti- lient à l’arrière-saison; ce traitement peut s’ap- pliquer avec succès à toutes les espèces de feves pourvu que la suppression des premières tiges soit faite assez tôt pour laisser aux secondes le temps de porter fruit. La plupart des variétés précoces peuvent n'être retranchées qu'après avoir donné en vert une première récolte; si l’automne se prolonge, on peut espérer en no- vembre une seconde récolte égale à la première. Ÿ VI. — Haricot, La culture de ce légume, introduit depuis la plus haute antiquité, de l’Inde son pays natal, dans le midi de l’Europe, est une des plus pro- ductives de toutes celles que peut pratiquer un jardinier. Aux portes d’une grande ville, les siliques à demi formées, si connues sous le nom de haricots verts, obtenues presque toute l’an- née par la culture artificielle, sont pour l’hor- ticulteur-marchand la plus avantageuse et la moins aventureuse des primeurs; dans les lieux éloignés des grands centres de consommation, le grain récolté sec est d’une conservation fa- cile ; il se transporte aisément et trouve partout des acheteurs. Peu de plantes légumineuses ont été plus diversement modifiées par la culture ; chaque grande division de notre sol possède sa variété de prédilection qui dégénère plus ou. moins en se déplaçant. Nous indiquerons les principales. en groupant séparément les hari- cots dont on recherche particulièrement le grain, soit frais. suil SCC, Ceux qui se mangent seulement en vert, et ceux dont la cosse restant verte et tendre jusqu'au moment où le grain TITRE IV. l est entièrement formé, sont appeiés mange- tout. A. — Haricots & écosser. 1. Haricot de Soissons. Nous devons placer en premiere ligne le haricot de Soissons: ce n’est pas une variété distincte, c’est le haricot blane commun à grain plat. Mais, à Soissons, une culture très soignée, dans un sol très fa- vorable, a porté le haricot à son plus grand degré de perfection; en sorte que, partout ail- leurs. la même variété, quoique très bonne, est inférieure au véritable haricot de Soissons. On cultive dans l’Aisne les deux variétés du haricot blanc commun, l’une à très grandes rames, l’autre naine et très basse; la première est de beaucoup la meilleure. 2. Haricot sabre. 1 doit son nom à la forme et à la longueur de ses cosses qui atteignent souvent la longueur de 6,25 à 0®,30. On en connait deux variétés, l'une à grandes rames, l’autre naine. Leurs produits sont également bons, mais le haricot sabre nain offre l'incon- vénient fort grave de ne pas soutenir ses cosses. qui, en raison de leur longueur, traînent sur le sol et y pourrissent, pour peu qu’il soit humide; on ne peut done le cultiver avec succès que sur un sol parfaitement sain. Le haricot sabre à grandes rames est au moins égal au haricot de Soissons, quoiqu'il ne soit pas aussi estimé. En Belgique et dans le nord de la France, on coupe en minces lanières ses siliques avant que le grain n’y soit formé; elles se mangent ainsi, soit fraiches, soit conservées avec du sel; c’est une ressource précieuse pour l'hiver. 3. Haricot blanc d'Espagne. Ce haricot, le : plus productif de tous, quoiqu'il ne soit pas le plus délicat, a contre lui sa susceptibilité à l’é- gard du moindre froid qui le fait périr en un | instant. et la nécessité où l’on est de lui donner de très fortes rames, ce qui rend sa culture très coûteuse. Néanmoins, même sous le climat de Paris, sa culture offre de grands avantages; son grain très volumineux est très convenable pour la préparation des farines de légumes | cuits dont l’usage devient de jour en jour plus commun. 4. Haricot gris rayé. Tout l’ouest ne con- nait presque pas d'autre haricot; on l’y nomme | pois gurs Quoique peu productif, il convient au climat de ces contrées et au caractère des habüants, en ce qu’il vient presque sans eul- ture, dans des circonstances où tout autre ha- ricot refuserait de croître. 5. Haricot flageolet. Ce haricot de six se- | maines, où nain hätif de Laon, est d'une eul- ture très facile et fort recherché a juste titre pour être mangé en grain vert. ]l conserve | bien mieux que le Soissons ses excellentes qua- | lites, lorsqu'on le change de sol; les terres lé- | gèrement calcaires lui sont très favorables. | Les meilleures variétés de haricots à écosser, | après ceux qui précèdent, sont le flageolet des environs de Paris, le gris de Bagnolet, le rouge - d'Orléans, le rouge de Suisse. le ventre de-hi CUBEURES NATURELLES. 197 che, connu dans l'ouest sous le nom de vois de | sivon, le blanc d'Amérique et le mohawk. 3. — Haricots verts. Tous les haricots, à l’exception de ceux d’Espagne et du Pérou dont la cosse est recou- verte d’une peau chagrinée, peuvent être man- | gés en vert, de même que tous les haricots verts peuvent être consommés en sec; mais quelques espèces sont plus spécialement recherchées pour la délicatesse de leurs siliques vertes. 1. Haricot nain de Hollande. Les jardiniers des environs de Paris ne cultivent presque pas d'autre variété pour grande primeur; ils ont | reconnu qu’à égalité de frais et de soins, ce ha- ricot devance toujours les autres de 8 à 10 jours. . Haricot nègre de Touraine. Ce haricot rain, aussi bon que le précédent pour être mangé en vert, est moins hâtif. Il faut le cueillir très fin ; il perd une partie de ses qualités lorsqu'on laisse prendre aux siliques vertes trop de dé- veloppement. 3. Haricot nain jaune du Canada. X se re- commande par l'absence des filaments et de la membrane intérieure ou du parchemin qui se rencontre dans les siliques des autres espèces quand le grain commence à s’y former. C. — Haricots mange-tout, 1. Haricot prudhomme ou predomme. C’est le mange-tout le plus complétement digne de ce nom ; ses siliques restent tendres et charnues jusqu'au parfait développement de la graine qui d’ailleurs, récoltée sèche, réunit toutes les qualités des meilleurs haricots, mais on lui donne rarement cette destination. En Belgique, on en cultive une excellente variété sous le nom de haricot princesse. 2. Haricot rouge de Prague. Presque aussi productif, mais moins délicat que le précédent. l’un et l’autre ne réussissent bien que dans un sol très riche et frais; en terre sèche et maigre ils donnent peu et deviennent coriaces. 3. Haricot Lafayette. Introduit à Paris, en 1845, par M. E. Lefèvre, on croit qu'il avait été envoyé d'Amérique au général Lafayetie. Nous ne connaissons pas de haricot aussi avan- tageux pour les cultures jardinières de la cam- pagne ; sa gousse, large de 2 doigts et longue de 0,20, est extrêmement plate, d’un vert très intense, presque sans filament et très ten- dre. Le produit de chaque pied est conside- | rable, il rame très haut ; le produit en grain est mediocre : cest done uniquement comme mange-tout qu'il faut le cultiver. 4. Haricot translucide. Introduit aussi à Paris par le même cultivateur, nous le recom- mandons à tous les vrais amateurs comme di- gne de figurer dans les potagers les plus re- cnerchés. On ne doit le manger que lorsque sa gousse à acquis tout son développement : elle est alors ronde , très charnue, cassante, d’une belle couleur jaane beurre frais; en cuisant, cile devient blanchâtre, ce qui est un inconvé- pieni pour la vue, mais lorsqu'on ‘a mange, on 198 la trouve d'un moelleux sans égal et jamais accompagné de ce goût de vert qui gâte sou- vent l’agrément des autres variétés. Il ne faut pas la semer de bonne heure, car elle craint le | froid. Son grain est bon en sec. Cette liste pourrait être beaucoup plus nom- breuse ; nous croyons devoir nous borner aux espèces et variétés réellement dignes d'être cultivées. Les haricots de Lima et du Cap ne peuvent occuper une grande place dans nos jardins, tant qu’on n’en aura pas obtenu par la leur faut un espalier en plein midi, même dans le centre de la France, ils ne réussissent en plein champ que dans le midi. Haricots à très grandes rames. d'Espagne blanc et violet. de Soissons. Haricot! RUE prudhomme, | Lafayette. translucide. Haricots a rames moyennes. { rouge de Prague, Haricot | savon, ou ventre-de-biche, riz, Haricots nains. nain de Hollande. flageolet. nègre de Touraine. nain jaune du Canada (le plas nain des haricots). gris rayé (pois gars de Bretagne). blanc d'Amérique. Mohawk. noir de Belgique (le plus précoce des ha- | ricots). ‘ Haricot CULTURE DU HARICOT. D.— Préparation du sol. Un ou deux labours préparatoires et une fu- mure composée d'engrais bien consommé suf- fisent au haricot lorsque le sol est de bonne qualité; s’il est maigre ou trop compacte, c’est une excellente précaution que de faconner en gros billons, avant l'hiver, la terre qu'on se propose d’ensemencer en haricots au printemps. Le haricot peut occuper 3 ou 4 ans de suite le même sol, sans que la quantité et la qualité de ses produits soient altérées. E. — Semis. Il n’est point indifférent, comme l’ont assuré mieux l'humidité du sol, est préférable partout où le climat et la nature du terrain font redouter une trop rapide évaporation ; en Belgique et en Hollande, où l'humidité est toujours surabon- dante au point que-quelquefois la fleur du ha- ricot ne peut nouer , On favorise l’évaporation par les semis en lignes. Les semis par touffes se pratiquent dans des HORTICULTURE. LIVRE VIII. fosses disposées en quinconce. On place dans chaque trou, profond de 0,10, depuis 3 jusqu’à 7 haricots, selon la vigueur des espèces ; cha- que trou est rempli de la terre prise dans celui qui le suit. L'espace entre les lignes de trous varie de 0",16 à 0"®,32. Lorsqu'on ne dispose que d’une petite quantité d'engrais pour la cul- ture du haricot, on peut se dispenser de fumer la terre en la labourant, et réserver l'engrais pour le placer dans les trous, en même temps | que les haricots au moment des semis. A défaut culture une variété moins sensible au froid ; il de bon fumier, la cendre de bois, même en très petite quantité, produit sur la végétation des haricots un effet très énergique. Les cendres de | tourbe, et même celles de houille, grossièrement tamisées, sont également utiles, quoique à un moindre degré; on les applique directement sur la graine avant de la recouvrir de terre. Voici le meilleur procédé pour les semis de | baricots en plate-bande au pied des murs d’es- palier à l’exposition du midi. On sait que le moindre froid tardif détruit les haricots, qui ne supportent pas la température inférieure à zéro; il arrive donc très souvent que les semis trop bâtifs sont faits en pure perte. ‘Afin d’obvier à cet inconvénient, on répand sur le sommet d’un tas de fumier quelques centimètres de bon | terreau; l’on y sème les haricots très près les | uns des autres, et l’on humecte légèrement ; en | peu de jours les haricots lèvent. Si le temps se . montre propice, quelques arrosages favorisent l’action de la couche, les haricots prennent leurs premières feuilles en très peu de jours. Ils sont alors bons à repiquer en place, en lignes, à bonne exposition. Mais si etat de la saison fait craindre quelques gelées, on s’abstient d'ar- roser les semis de haricots et on les recouvre de quelques centimètres de litière sèche. Is bravent en cet état une gelée de 2 ou 3 de- grés ; leur végétation est en quelque sorte sus- pendue ; au premier beau temps on la ranime en un moment en découvrant et arrosant à propos. Les haricots, ainsi repiqués, devancent toujours ceux qu’on sème en place dans les mêmes conditions. Ce procédé, très simple, évite toute chance de perdre la semence par une gelée imprévue, sans occasionner aucun retard préjudiciable à la vente des produits. L'époque des premiers semis de haricots en pleine terre varie selon la température; on peut regarder | la semence comme perdue lorsque le haricot, sorti de terre, peut être atteint par une gelée | blanche. On peut ensuite semer tout l'été, de 15 en 15 jours, jusqu’au mois d'août. Les semis J ; aré | d’août ne donnent que du haricot vert. quelques auteurs, de semer le haricot en touffes | ou en lignes. La première méthode, conservant | FE. — Duails de culture. Les haricots de toute espèce doivent être bi- nés dès qu'ils ont pris leur quatrième fetille, ou même plus tôt, si la terre a été battue par les pluies, puis durcie par la sécheresse. Les variétés montantes recoivent alors leurs rames: si l’année s'annonce comme devant être plutôt humide que sèche, et que la végétation des ha- | ricots semble languir, on fera bien de répandre TUTRE IV. au pied de chaque touffe un peu de cendre ou de bon terreau sec, qu'on recouvrira par un léger buttage. Cette opération doit être faite avec grand soin, car, une fois les rames mises en place, il est difficile de la renouveler. Dans les pays exposés aux vents violents, on incline les rames, au lieu de les planter verti- calement, et l'on ajoute à leur solidité en les croisant et les liant deux à deux près de leur sommet, comme le représente la fig. 306 bis. Il Fig. 306 bis. SENS NS Al est bon de charbonner les rames par l'extrémité qui doit séjourner en terre, afin d'en prolonger la durée. Les perches de chêne et de hêtre sont les meilleures pour les haricots de grandes di- mensions: elles ne doivent pas avoir moins de 2 mètres à 2m,50 hors de terre. Les haricots nains veulent être binés au moins deux fois, et trois ou quatre fois quand la sécheresse se prolonge et qu'il est impossible de les arroser. Nous ne pouvons trop insister sur ce fait trop peu apprecié des horticulteurs, que les binages reiterés suppléent jusqu’à un certain point au défaut d’eau. On ne peut nier qu'une terre absolument dessechée ne soit im- propre à toute espèce de végétation ; mais c’est un prejugé de croire qu’en remuant fréquem- ment sa surface on augmente les effets perni- cieux de la sécheresse. L'expérience prouve au contraire que les racines des plantes, surtout celles qui, comme les racines du haricot, ne pénètrent pas très avant dans le sol, souffrent moins de la privation d'eau, lorsqu'on ue per- met pas à la surface du sol de se dureir et qu'on donne accès aux influences atmosphé:i- ques toujours si puissantes sur toute espèce de végétation. Ainsi, dans un sol sec et qui n’a as éte biné, les racines sont comme étranglées à leur collet; la plante devient malade; les feuilles qui devraient lui puiser sa principale nourriture dans latmosphère, sont troublées dans leurs fonctions par l’état maladif des ra- cines ; il en résulte trop souvent la mort du vêgétal, détruit bien moins par la sécheresse en elle-même que par le défaut des soins de culture, destines à en combattre et à en atté- nur les fâcheux effets. CULTURES NATURELLES. | 199 La fleur du haricot est fort peu adhérente ; elle se détache aisément, surtout quand la plante a souffert de la sécheresse. IL importe done beaucoup de ne pas lui imprimer de trop fortes secousses pendant la récolte du hari- cot vert, récolte qu’on commence quand la plante estencore chargée de fleurs. Les femmes chargées de ce soin aux environs de Paris laissent croître pour cet usage l’ongle de leur pouce, en sorte qu’elles coupent net le support du haricot vert, sans ébranler la plante. Ces détails ne doivent point sembler minutieux, car les produits peuvent être diminués de plus de moitié, à frais égaux, faute de précautions suffisantes dans la manière de les récolter. Dans nos départements méridionaux où les haricots font constamment partie de la nourri- ture des habitants des campagnes, des essais suivis d’un plein succès ont démontré la possi- bilité de cultiver très en grand les haricots d’Espagne, de Lima et du Cap, dont les racines sont vivaces. Il suffit de les butter après la récolte, et de les préserver de la gelée avec de la litière ou des feuilles sèches ; les rejetons qu’elles produisent au printemps sont aussi productifs que les haricots semes chaque an- née ; il y a économie de main-d'œuvre, et l’on épargne la semence. Pour répéter cette expé- rience sous le climat de Paris, il faut arracher al’arrière-saison les racines desharicots vivaces après avoir retranché les tiges desséchées, les conserver à la cave dans du sable frais, les replanter à la fin d'avril, et leur donner du reste les mêmes soins qu’exigent les haricots annuels. G. — Frais. Ils sont peu considérables lorsqu'on traite le haricot en grande culture, et qu’on laisse au ciel le soin de l’arroser, mais aussi, les produits sont réduits dans une proportion équivalente. 1. Haricots nains non arrosés. Nous les sup- posons assez près d’une ville pour pouvoir être vendus en partie en vert, en parlie en grain frais écossé et le surplus en sec, ainsi que cela se pratique dans les villages à quelque dis- tance de la capitale ; voici par approximation les frais pour 33 ares ( un arpent de Paris, an- cienne mesure) : Location du terrain, à raisou de 300 fr. lhect. 400€ Deux labours, dont un à la bèche,......... 40 Father éL'CÆRITES TES ESS 2e = . - 120 Semence, un hectolitre. :...........,.... 40 Semis et biñages.: 4: 922.000 . 40 Récolte hf NES DM RS. 00 ass se 60 2. Haricots nains arrosés. Ce mode de cul- ture n’est avantageux qu'aux portes d'une grande ville; la presque totalité des produits se vend en vert: rarement on en rencontre plus de 8 ou 10 ares traités de cette manière dans un seul jardin. 200 Location du terrain { 35 ares)............ 100€ Deux labours à la bèche....,........., ss 60 Humiernet cendres..." plc: steel 160 Semences... 5: Mme) one + Lee lleleieis 50 Semis el binages. .........: ee. 60 Arrosages. .........s.sseeeorsees 150 Récolte. ct. ses celceccome cree. 100 (MOTAE A. 0% « 680 3. Haricots à rames en grande culture. Loyer de 53 ares, à 100 fr. l'hectare. ...... 55 Trois labours à la charrue, ....... REC OS 50 EDSTAISS EEE crée 60 SEMENCES cp De ose ele 40 SEMIS EUIDMABES EEE eee ses os e one = 0 50 Intérêt des rames. ..... A AAA ES PRET 140 Recollefetihattane tin. Rene MN 50 HDOrALEEL RE 585 L'article de 140 fr. pour l'intérêt des rames a besoin d'explication. 33 ares reçoivent à rai- son de 400 rames par are à 0,50 de distance en tout sens, 13,200 rames qui à 5 fr. le cent, valent environ 560 fr., dont l'intérêt à 5 0/0 donne seulement 28 fr. Mais il faut ajouter à cette somme un cinquième du capital, lesrames ne pouvant durer au-delà de 5 ans ; le dépé- rissement annuel est donc de 112fr. qui, ajoutés a 28 francs, valeur de l'intérêt du prix d'achat des rames, donnent 140 fr. Nous avons supposé les rames de chêne ou de hêtre, à 2",60 de lon- gueur. H. — Produits. Le prix du haricot vert varie souvent à Paris de plus de moitié d’une année à l’autre. Depuis quelques années seulement, l'usage s’est établide vendre ce légume au poids, ce qui facilite l'évaluation des produits. En 1839, les haricots verts se sont vendus à la halle 25 c. le kilogr. : en 1840, ils ont valu 50 e. Nous ne parlons ni des haricots verts de primeur, ni des derniers récoltés, presque aussi chers à la fin d'octobre qu’au printemps, mais de ceux qui se sont vendus par grandes masses en pleine saison. Une moyenne calculée sur les six der- nières années donne 35 c. le kilogramme. 1. Haricots nains non arrosés. Un are peut rendre dans une année de fertilité ordinaire 50 kil. de haricots verts à 35 c., soit 17 fr. 50 ; 8 litres de haricots écossés frais à 25 c., soit 2 fr. et 2 litres de haricots secs à 40 c., soit 80 c. C’est un produit total de 20 fr. 30 c., par are, soit pour 33 ares, 669 fr. 90 c. Les frais ci-dessus évalués à 400 fr. laissent un bénéfice net de 269 fr. 90 c. pour 33 ares; c’est environ sur le pied de 900 fr. de bénéfice set par hectare. 2. Haricots nains arrosés. verts, 80 kil. par are, à 538 c.lekil, 2gf», Haricots { écossés frais, 15 litres à 25 ec, le lit, 5078 sues, 4 litres à 40 c. le litre. . ... : 4 60 Torar des produits d'un are, 33 355 C'est pour 33 ares 1,100 fr. 55 c.; déduction HORTICULTURE. LIVRE VIII. | faite des frais montant à 680 fr., il reste 420 fr. de bénéfice net. Ce serait 1,261 fr. par hectare. En outre, cette culture commence tard | et finit de bonne heure; en sorte qu’elle est | précédée et suivie d’autres récoltes accessoires très productives. 3. Haricots à rames en grande culture. Le produit d’un hectare, lorsque la saison est fa- vorable, varie de 20 à 30 hectolitres. Les prix sont très variables : en 1843, l'hectolire de bons haricots de Soissons valait à Paris de 60 à 80 fr. ; habituellement il vaut de 45 à 50 fr. Nous pensons être fort près de la vérite en évaluant le produit moyen d’un hectare à 900 fr. ; les frais montant à 383 fr., il reste donc 517 fr. de bénéfice net, etc. $ VI bis, — Doliques. Les doliques (dolichos) forment un genre de légumineuses très voisin du haricot ; ils lui res- semblent, presque à s’y méprendre, par le feuillage, la fleur, la gousse et la forme du grain; ils servent au même. usage culinaire. Leur culture est assez difficile sous le climat de Paris, mais ils réussissent bien dans le Midi. En Provence, on cultive le dolique à onglet ou à œil noir sous les noms de mongette et bon- nelte, et l’on en tire un bon produit. Les amateurs des pays moins chauds ne peu- vent se dispenser d’avoir au moins le dolique à longues gousses dont le légume, extraordi- nairement long, est une véritable curiosité ; il se mange en vert et peut du reste mürir à Paris si on le fait grimper contre un mur bien ex- posé. On le désigne vulgairement sous le nom de haricot-asperge. La culture des doliques réussit toujours lorsqu'on les avance sur cou- che et qu’on les repique selon la méthode indi- quée, page 98, pour le haricot. $ VII. — Epinards, Tétragone, Arroche. Peu de plantes potagères sont plus rustiques que l’épinard commun. Des plantes alimen- taires cultivées dans le potager, c'est la seule dont les fleurs mâles et les fleurs femelles nais- sent sur des pieds séparés. La culture de l’épi- nard a pour but d'obtenir des feuilles larges et succulentes, et de retarder l’époque de sa fructification, ou, comme disent les jardiniers, d’empéeher les épinards de monter ; ce qui est toujours fort difficile, et même impossible, lorsque l'été est sec et chaud. L’épinard a l'avantage de fournir à nos cui- sines un légume frais, à une époque de l’année où il n’v en a presque pas d'autre; sous ce rap- port, les semis d'automne, doni les produits se récoltent tout l'hiver, sont les plus utiles au jardinier. Lorsque ces semis sont levés, et que l’'épinard montre sa quatrième feuille, on paille, c’est-à-dire on couvre le sol de litière ou de fumier long, afin de diminuer l’action du froid sur les racines des plantes et de rendre leur végétation plus active pendant l'hiver. Les feuilles exposées à l’air prennent après les fortes gelées toute l'apparence extérieure des plantet TIÈRE IV, détruites par le froid ; elles se flétrissent, chan- CULTURES NATURELLES. gent de couieur et acquièrent une demi-trans- | parence, indice ordinaire de lPaction funeste du froid sur les feuilles des autres plantes; elles ne sont cependant pas gelées. On leur rend : leur aspect naturel en les faisant tremper une ! heure ou deux dans de l’eau à quelques degrés seulement au-dessus de zéro; on les étale en- suite sur de la paille pour les faire sécher, ou plutôt ressuyer avant de les porter au marché. Les épinards ainsi traités sont plus verts et beau- coup meilleurs que ceux qu’on aurait cueillis par une forte gelée, sans prendre aucune pré- caution pour les faire dégeler. Les trois prin- cipales variétés d’épinards cultivées dans les jardins sont l'épinard à feuille ronde, ou plutôt émoussée, et l’epinard à feuilles aiguës trian- gulaires:; on connaît sous le nom d’epinard de Hollande ou de Flandre, une variété de l’épinard triangulaire à feuilles plus larges: on la sème très clair. L’épinard d'Esquermes, à feuille de laitue, est une sous-variété de l’épinard de Flandre. L’épinard a pour succédanée la tétragone, plante de la Nouvelle-Zélande, aujourd’hui très commune dans nos jardins où elle tend à rem- placer l’épinard, au moins pendant l’été ; elle le remplace avec d'autant plus d'avantage qu’elle a le goût et la couleur de lépinard , et monte plus difficilement; sa tige n’est pas dressée, elle pousse des touffes très vigoureuses qui s’é- talent au loin et repoussent à mesure qu’on les coupe, toujours tendres, malgré les chaleurs les plus ardentes, pourvu qu’on arrose. On la sème à demeure sur une vieille couche ; un seul pied peut couvrir un mètre carré de surface. On peut aussi la semer dans des trous remplis de terreau et espacés de 0m,50. Les premiers froids la détruisent. Pour la consommation, on cueille l'extrémité des branches avec les feuilles. On mange quelquefois comme des épinards les feuilles de larroche ou belle-dame, plante peu cultivée et peu digne de l’être, dont l’usage principal se borne à adoucir la trop grande acidité de l’oseille pendant l'été ; l’arroche se cultive comme l’épinard. $ VIII. — Oseille, Les feuilles d’oseille cuites et hachées comme les épinards, sont un aliment végétal très sa- lubre. Les sous-variétés de l’oseille sont peu tranchées quant aux caractères extérieurs; on préfère à Paris l’oseille de Belleville, à large feuille et peu acide. Elle est sujette à dégénérer de graine, mais elle garde ses qualités spéciales quand on la multiplie seulement par séparation des racines. Aucune plante potagère n’est plus rustique que l’oseille, et n’exige moins de soins de culture : les gelées ralentissent sa végétation sans l'arrêter complétement; ses feuilles ne gèlent pas. On commence à eultiver en Suisse l’oscille des neiges, dont les propriétés semblent être les mêmes que celles de l’'oseille des jardins, avec _cettedifférence qu'elle pousse même sous la neige avec presque autant d'énergie qu'au printemps. HURT CULTURE, oo 201 $ IX. — Bette ou ponee. Cette plante est si peu emplovée, elle tient ordinairement si peu de place dans les jardins, où elle est seulement cultivée comme aecom- pagnement de l’oseille dont elle adoncit laci- dité, que nous nous serions abstenus d’en faire mention si elle n’était l’une de celles dont il serait le plus à souhaiter que la culture s'éten- dit assez pour qu'elle fit partie des aliments or- dinaires du peuple des villes. La poirée à gros- ses côtes, ou carde-poirée, peut, par sa rusticité et la facilité de sa culture, fournir à très bas prix un aliment sain et agréable, très usité en Franche-Comté et en Angleterre où elle est sur- nommée l’asperge des pauvres. Les côtes sé- parées du reste de la feuille et liées par paquets comme des bottes d’asperge, se mangent de la même manière, se prêtent aux mêmes assaisonne - ments, et coûtent cinq ou six fois moins cher. La bette à côtes, ou carde-poirée, vient partout, sans autres soins de culture que quelques arrosages pendant l'été; lorsqu'on prend la précaution de couvrir les plantes de litière sèche avant les premiers froids, on peut en manger pendant tout l'hiver. $ X. — Ognon. L'histoire ne fait mention d'aucune culture jardinière dans laquelle l’ognon ne figure pas au premier rang, dès la plus haute antiquité ; l’'Ecriture a consacré la réputation méritée des ognons d’Egvpte, si regrettés des Israélites. Le climat des pays chauds convient mieux à l’ognon que celui des contrées septentrionales ; en ac- quérant une maturité plus parfaite, il perd en grande partie cette âcreté qui provoque les larmes et rend son goût peu agréable lorsqu'il est mangé cru. En Italie, en Espagne, et même dans le midi de la France, on peut peler et cou- per des ognons sans pleurer, et les manger crus sans répugnance. L'ognon à produit par la culture un très grand nombre de variétés, dont les plus culi- vées sont, dans les pays tempérés, le blanc, le rouge et le jaune; ce dernier, plus facile à con- server, est préféré par la plupart des horticul- teurs ; il occupe des champs d’une très grande étendue dans le voisinage de toutes nos gran- des villes. Presque toutes les espèces d’ognons se multiplient exclusivement de graine; l’ognon bulbifère se multiplie en outre par les bulbilles croissant le long de sa tige, et l'ognon-patate produit à sa base, lorsqu'il est butié, un très grand nombre de cayeux. Malheureusement. ces deux ognons ne peuvent acquérir toutes leurs qualités que dans les pays chauds ; dans la France centrale, et à plus forte raison dans le nord de l'Europe, ils ne donnent que des pro- | duits inférieurs en qualité à ceux des autres es- pèces. A. — Semis. L'ognon, quelle qu’en soit l'espèce, entre de lui-même en végétation, soit au printemps, soit > \. : sf 202 même en hiver lorsque les froids tardent à se faire sentir. Il faut dans ce cas planter ceux qu’on destine à servir de porte-graines, dès qu'ils commencent à végéter, sans quoi ils s'e- puiseraient, et ne pourraient fructifier au prin- temps suivant. On les plante en bonne terre de jardin, douce, meuble et fumée l'année précé- dente; ils se placent à 0",32 en tous sens, en lignes parallèles. Une couverture de litière sè- che est nécessaire pour les garantir de la gelée. Lorsqu'il règne des vents violents à l’époque où leur graine approche de sa maturité, il faut sou- tenir par des tuteurs les tiges fistuleuses, sans quoi la graine serait perdue. Elle se conserve très bien un an dans ses capsules; il est bon de ne pas tarder plus de deux ans à s'en servir, quoiqu'elle puisse conserver pendant trois ans sa faculié germinative. Le sol bien labouré et surtout débarrassé soigneusement des pierres et des cailloux qui peuvent s'y rencontrer, est ratissé el divisé en planches, après qu’on l’a laissé se tasser pendant une huitaine de jours. Quelques horticulteurs fument immédiatement avant de semer, mais nous eroyons qu'il vaut mieux que la terre ait dejà produit une récolte sur la fumure avant de recevoir un semis d’ognon. En Angleterre, il existe aux environs d'Hexham, de vastes champs consacres à la culture de l'ognon ; on étend le fumier 1rès consommé sur la surface du sol ämeubli par un labour donne avec beau- coup de soin, on sème sur le fumier, et l'on recouvre la graine en répandant dessus, à la main, de la terre prise dans les sentiers qui se- + parent les planches. Cette culture offre cela de particulier que le même sol produit sans inter- ruption pendant vingt ans et plus des récoltes :d’ognon dont la dernière n'offre pas de dilfe rence sensible avec la première. Les jardiniers anglais dont cette euliure est la principale ac cupation regardent comme le meilleur de tous les engrais, quaad ils peuvent s’en procurer, le sang de boucherie, mêlé à de la chaux vive avec une petite quantité de terre franche; ce mélange préparé un an d'avance, s'emploie en poudre très sèche, repandue en même temps que lo graine; il a perdu au bout de ce temps toute odeur ammoniacale. Ils font aussi un usage fréquent d’un compost de gazons entassés avec des lits de chaux et conservés un an avant d'être employés. La quantite de semence à employer par are varie selon les espèces et aussi en raison de l'usage auquel on destine l’ognon. Lorsqu'il doit être en partie où en totalité consommé avant d’avoir atteint toute sa grosseur, il faut semer deux fois plus serré que quand l’ognon doit achever touie sa croissance sans avoir besoin d’être éclairci. Aux environs de Paris, on sème a raison de 30 grammes de graine par planche de 10 mètres de long, sur 1,32 de large , toutes les espèces d’ognon d'hiver, et de 60 grammes de graine pour les planches des mêmes dimensions en- semencées en ognon blanc, dont la moitié HORTICULTURE. A ——_—_————pa eq, LIVRE VIII. s’arrache pour être vendue à demi formée vers le milieu de Peté. Quelque soin qu'on apporte à semer l’ognon, il ne lève jamais assez également pour qu'on ne soit pas forcé d’eclaircir le plant au moins une fois, quelle qu’en soit la destination. Un horticulieur des environs d'Orléans (Loiret), M. Nouvellon, a trouvé moyen le premier de parer à cet inconvénient en semant la graine d’ognon tellement serrée qu’il est impossible aux bulbes de se développer ; devenus gros comme des pois, ils cessent de croître ; ils sont alors arrachés et conservés au see pour être employés comme plant l’année suivante ; on les plante en rayons à 0",16 ou 0"20 de distance en tout sens, selon la grosseur des espèces ; ils donnent des récoltes abondantes ei plus assu- | rees que celles qu’on obtient des semis ordi- naires. Dans la culture en grand de l’ognon, les premiers éclaircis peuvent être utilisés exactement de la même manière: que les pus bulbes obtenus par le procédé de M. Nou- vellon. Détails de culture. B. — L'ognon, sous le climat de Paris, ne se re- pique pas; dans le midi de la France on ne sème ordinairement qu’en pépinière pour repi- quer en lignes à 0.20 en tout sens ; il résiste bien a la stcheresse et devient fort gros quand le sol lui est favorable. Il arrive très souvent sous un élimat humide et froid et dans un sol lent à produire, que la mauvaise saison sur - prend l’ognon encore vert, en pleine végétation. S'iletait récolté dans cet état, il ne pourrait se conserver, inconvénient d'autant plus fächeux que la principale consommation de ce légume a lieu pendant l'hiver. On hâte sa maturite en tordant les feuilles pourenarrêter la végétation. Cette opération se fait à la main dans les cuk- tures de peu d’étendue ; dans la grande cul- ture, ce serait une besogne interminable ; on la fai! moins bien à la vérité, mais plus vite et à moindres frais, au moyen d’un rouleau de bois léger, ou mêmetout simplement, d’une futaille vide qu'on promène sur les planches d’ognon. Ce mode de culture pratique aux environs de Paris, l’est aussi sur une très grande échelle près de Guérande ( Loire-Inférieure ) dans un sol riche quoique mêlé de sable ; Pognon y acquiert une qualité même supérieure à celle de l'ognon des environs de Paris. La conserva- tion de l'ognon est assez difficile à la suite d'un été pluvieux; il moisit, se ramollit, et entre promptement en décomposition. Le meil- ieur moyen pour le garder le plus longtemps possible consiste à le suspendre par ses fanes tressées en bottes, et accrochées par des clous. à une perche placée perpendiculairement dans un lieu sec et bien aéré ; les jardiniers de Gué- rande qui entendent fort bien la conservation de l’ognon, ayant à lutier contre le climat le plus humide de l’Europe, n'emploient pas d’autre procédé, et ils approvisionnent pendant l'hiver les deux départements du Morbihan et de la D TITRE IV. Loire-Inférieure sur les limites desquels leurs jardins se trouvent placés. C. — Frais. La culture de l’ognon exige heaucoup de! main-d'œuvre et n’est pastoujours avantageuse | parce que très souvent, sous le climat de Paris, ! malgré tous les soins possibles, la récolte man- que, soit par la sécheresse, soit parles attaques des insectes ; puis, une récolte abondante se perd aux trois quarts par la pourriture dans les greniers, avant le moment de pouvoir être ven- due. Malgré tous ces désavantages, la culture de l'ognon peut se continuer avec bénéfice, les bonnes années compensant les mauvaises ; mais elle ruinerait le cultivateur qui s'y livrerait exclusivement, s’il manquait des ressources CULTURES NATURELLES. nécessaires pour en supporter les revers inévi- tables. Tout cela rend le produit net de la cul- | ture de l’ognon fort difficile à déterminer ; nous ne donnons donc les chiffres ci-dessous que comme approximatifs ; les fraiset produits sont ceux d’une année favorable; il est clair que les frais doivent être doublés et les produits réduits de moitié lorsque sur deux années, il y en a une mauvaise. Location d'un hectare de terre............ 3o0o0f PRESSE ERNR 2 N. SUITE JE. 150 Mad ŒnMEeN 2e 0 Nelson: us 250 rails iacetssoitesses da de 3 sense. it is. 50 ÆOPAE "2: 4. 750 Ce dernier artiele comprend le lover du local destiné à la conservation des ognons pendant l'hiver, et les autres menues depenses qui s’y rattachent. La main-d'œuvre est grossie par les soins de surveillance et l’arrangement pour la vente, car il n’y a que les plus petits ognons qui se vendent au décalitre ; ‘les autres doivent être triés et parés pour paraître sur le marché, soit verts, soit secs. D. — Produits. L'ognon blanc, semé assez serré pour être éclairei lorsqu'il a atteint la moitié de sa gros- seur, donne un produit à peu près certain, parce qu’il sert d’assaisonnement obligé aux petits pois dont on sait que la consommation est énorme. Mais il ne peut être ainsi traité que dans la petite culture, parce qu’il exige trop de soins et de main-d'œuvre pour arriver pre- cisément au moment convenable pour être vendu avec avantage. Un are de terrain ainsi employé peut produire environ 60 boites d’ognon blanc à demi grosseur, dont le prix ne descend pas au-dessous de 25 €. la botte et va souvent à 50 ç. En 1840, il ne s’en est pas vendu à Paris au-dessous de 40 c. En prenant 30 c. pour moyenne, cette première recette est de18 fr.; l’ognon qu'on laisse achever sa crois- sance peut valoir de 20 à 30 fr., movenne 25 fr. : un are aura done produit 43 fr.; ce serait sur le pied de 4,300 fr. l’'hectare ; mais dans la culture par hectares, on ne peut pas compter sur plus de 2,500 fr. de produit brut ! 203 pour trois ans dont une bonne, une médiocre et | une mauvaise année, la moyenne ne peut guëre | s'élever au-delà de 1,800 fr. qui, déduction faite de 750 fr. de frais qui sont à peu pres les mêmes tous les ans, laisse un benefice net de 1,050 fr. pour un hectare deterre consacré à la culture de l'ognon. $ XI. — Poireau ou porreau Paris et les autres grandes villes consom- ment des quantités énormes de poireaux; ce légume, dont le goût ne plait pas à beaucoup de palais délicats, offre au peuple l'avantage d'une saveur forte et généralement recherchee qu'une petite quantité de poireaux , toujours à bas prix, communique à la soupe, ce mets dont personne en France ne peut se passer. La cui- ture du poireau est simple, facile, peu coû- teuse, et sujette à peu de chances de perte; les gelées ordinaires, sous le climat de Paris , ne l’'endommagent pas sensiblement, de sorte que sa conservation n’exige presque ni soins ni dépense . et que le prix du poireau ne devient jamais très éleve, si ce n’est dans les hivers très rigoureux et très prolonges. Tous ces avantages justifient suffisamment l'espace con- sidérable consacré à la culture du poireau dans les plaines au nord de Paris ; on en trouve là des champs de plusieurs hectares, sans que jamais il en résulte aucun encombrement de produits sur le marche. Le poireau est bisannuel, c'est-à-dire qu'il ne monte en graine que la deuxième an:ee de sa Croissance; mais Comme ce sont NS 7 les tiges qu’on emploie. il n'a pas linconvéz nient des autres plantes bisannuelles qui oceu- pent trop long temps le sol ; on en obtieur même facilement deux récoltes successives dans le cours d’une année. A. — Semis. Les pieds réservés pour porte-graines au printemps de leur seconde annee doivent être mis dans une terre fertile, mais fumée seule - ment de l’année précedente. Quelques jours avant la parfaite maturité des graines ; or cueille les têtes du poireau ; que l’on conserve au sec, sans les égréner, si ce n’est au moment d'employer les semences qui achèvent de mürir dans leurs capsules et s’y conservent mieux que de toute autre manière. Au-delà de deux ans, une grande partie de la graine de poireau ne lève pas. On sème en lignes, distantes entre elles de Om,08 seulement ; il n’y a aucun inconvénient à semer très serré pour ménager l’espace. La croissance du plant est beaucoup plus rapide lorsqu'on répand sur la graine, avant de la re- couvrir de terre, un peu de cendres de bois ou même de charrée ayant servi à faire la les- sive. B. — Préparation du Sul. Une terre fertile et substantielle est neces- saire au poireau pour qu'il prenne tout son de- 204 veloppement : mais il est SOUVENT A: attageux de le cultiver. même en terre légère, sauf à l'obtenir moins gros, lorsque le débit est assuré à un prix convenable ; c'est au jardinier à tra- vailler, comme disent les maraïchers de Paris, « les yeux tournés vers la halle ». Le poireau, de même que toutes les plantes bulbeuses, craint le contact des fumiers en fermentation, surtout lorsqu'ils sont fortement imbibés d’u- rine de bétail : le dégagement du gaz ammo- niac est funeste à toute cette tribu de végé- taux. Telle est la raison qui fait considérer comme pernicieux pour le poireau l’engrais d’etable toujours très humide, tandis que le fu- mier plus sec des chevaux et des bêtes à laine ne lui fait aucun tort. Dans la culture jardi- nière, où les récoltes se succèdent sans inter- ruption , il est toujours facile de laisser passer sur une culture précédente l'effet du fumier frais ; si l'on est obligé de fumer immédiatement avant de planter le poireau, on ne donne à cette plante que du terreau, ou au moins du fumier très consommé. On a pu voir dans la lettre de M. le superieur de la Trappe, insérée dans la première partie de cet ouvrage (voir Notions préliminaires), combien les habiles horticul- teurs qui ont créé les admirables jardins de La Meilleraie trouvent l’engrais exclusivement formé de débris végétaux, supérieur à tous les engrais trop animalisés pour les cultures jardi- nicres. Près des grandes villes, on ne peut ap- pliquer ce principe d’une vérité évidente, parce que les cultures de pleine terre vivent des restes des cultures forcées, lesquelles ne peuvent être alimentées que par les fumiers animalisés, seuls propres à la construction des couches; on s’en rapproche cependant par le grand nombre d’usages auxquels s'emploie le terreau dans le- quel les principes animalisés ont presque dis- paru; mais, dans les localités plus isolées, l'engrais provenant des végétaux décomposés peut être préparé en grande quantité et appli- qué presque seul aux cultures maraïicheres. Cet engrais. donné en abondance au poireau, peut en doubler les produits. D a C. — Plantation. Le plant du poireau doit être arraché et paré à mesure que le jardinier le met en place, ce qui n'offre aucune difficulté pour celui qui sème lui- même la graine de poireau, à portée du terrain destiné à recevoir les plantations. Lorsqu'on l’achète, il faut, sous peine de per- dre son argent, choisir le plant fraichement arraché et le planter immédiatement. Les ra- cines fibreuses sont raccourcies, et les feuilles supérieures rognees brin à brin; cette partie de l’opration exige déjà une depense considé- rable en main-d'œuvre. En effet, le poireau se plante par lignes parallèles, à 0" ,10 de distance en tout sens; ainsi, une planche de 10 mètres de long, sur 1,40 de large , en recoit 1,400; un are comprenant six planches semblables en exige 8,400, et il n’en faut pas moins de 840,000 pour planter un hectare. Un temps HORMMMPEUTTORF. LIVRE VIII, humide et couvert est ie plus favorable à ce travail ; à moins qu'il ne soit décidément à la pluie, il faut attacher le plant à la terre par quelques arrosages. Il n’a plus besoin ensuite, jusqu’à la récolte, que de plusieurs sarclages et binages superficiels pour maintenir la propreté des planches, et d’un peu d'eau sil survient de grandes sécheresses. Le poireau, traité en grande culture, ne peut presque pas être ar- rosé ; il est vrai que le développement de ses feuilles donne en cette saison au sol un om- brage qui s'oppose en partie à l'évaporation ; le poireau périt rarement par la sécheresse. Les jardiniers qui ne consacrent au poireau qu'une petite étendue de terrain peuvent aisé- ment en obtenir deux récoltes par an, mais ra- rement elles se succèdent sur le même terrain; on sème a différentes époques, en ayant égard au temps où l’on prévoit que le terrain ser- libre entre deux cultures d’autres légumes. D. — Frais. Le poireau étant, comme le chou et les autres légumes communs, traité en grande culture pour la consommation de Paris, on a des don- nées précises seulement sur la comptabilité de ce genre de culture; car, pour les planches de poireaux qui tiennent leur place parmi toute sorte d’autres légumes dans les jardins-marai- chers, il est impossible d'évaluer avec quelque certitude les frais de culture. Location d'un hectare de terrain. ......... 500! Plant... crtéectRhe ELEC EL 100 Fumier: is ne ai cite e ect Ce LEE 200 Main-d Œuvres. 2eREeEEe ssh 500 TOTALE et 100 E.— Produits. 840,000 poireaux, divisés en 33,000 bottes de 25 chacune, vendues en moyenne 10 c. la pièce, donnent de produit brut 3,380 fr.; après avoir soldé le compte des frais ci-dessus, mon- tant à 1,100 fr. , il reste de bénéfice net 2,200fr. pour un hectare de terrain de première qualité cultivé en poireaux. L'article main-d'œuvre porté à 500 fr. peut sembler un peu élevé; mais nous pensons qu'il en coûte cette somme, soit 5 fr. par are, en nous basant sur le temps ordinairement em- ployé par les habiles ouvriers des environs de Paris pour préparer le plant, le mettre en place, arracher le poireau parvenu à maturité et le soigner jusqu’au moment de la vente. En retranchant des produits 200 fr. pour les 18 à 20.000 poireaux qui peuvent manquer accidentellement dans les 600 planches d'un hectare, il reste encore environ 2,000 fr. de produit net. ht: alla Au moment où nous écrivons (février 1843) le poireau de grande eulture se vend à la halle de Paris de 30 à 40 c. la botte, et le poireau des maraîchers, de qualité supérieure , de 50 à 60 c.:; mais il ne s’en vend à ce prix que de petites quantités. Le produit d'un hectare TITRE I. vendu sur ce pied donnerait pour la grande culture 11,500 fr. , et pour la culture marai- chère 18,150 fr. de produit brut; mais cette cherté ne se présente que rarement, et ne se prolonge jamais pendant plus de 10 ou 15 Jours. S XIE La culture de l’ail n'a pas une grande im- portance dans le nord de la France, où, de même qu'en Angleterre et en Belgique, on ne fait usage de l'ail que comme assaisonnement, et toujours en très petite quantité ; il n’en est pas de même dans nos départements du midi, où, de même qu’en Espagne et en [talie, l'ail fait partie essentielle et indispensable de la nourri- ture du peuple Sa culture est la même que celle de l’ognon ; il se plait dans les mêmes terrains, se plante et se récolte aux mêmes époques. L’ail ne se reproduit pas ordinairement de semences, même dans les pays où il est traité en grande culiure; on se contente de séparer les caïeux dont la réunion, sous une seule tu- nique, prend l’apparence d’un ognon; ces caïeux tiennent lieu de plant; on les met en place au mois d'avril, sous le climat de Paris, et dès le mois de février dans le midi de la France. L’ail se plante en lignes, à 0,15 en tout sens, dans les terres médiocres, et à 0m,20 dans les terres très fertiles, où les plantes pous- sent avec plus de vigueur. On connait, sous le nom de rocambole, une variété d’ail originaire du Danemarck, impro- prement nommée ail d'Espagne, avant pour caractère propre de produire le long de sa tige des bulbilles dans les aisselles des feuilles; ces bulbiiles peuvent être emplovés comme plant, de même que les caïeux ; la culture de la ro- cambole est la même que celle de l'ail ; on l’em- ploie aux mêmes usages. $ XII!. — Echatote. On cultive en France deux variétés d’écha- lote : l'une, originaire du nord de l’Europe, fleurit de bonne heure et donne des graines fertiles ; l’autre , originaire de la Palestine, fleurit tard et donne rarement de bonnes grai- nes ; On la multiplie, comme l'ail, par la sépa- ration des caïeux. L’échalote est une plante plus délicate que l'ail ; les caïeux, s'ils sont un peu trop enterrés, sont sujets à pourrir ; ils doivent être plantés presqu’à fleur de terre dans un sol plutôt sec qu'humide , à l’exposi- tion du midi. Du reste, les procédés de culture et les usages de l’échalote sont les mêmes que ceux de l’ail. $ XIV. — Ciboule et civette, La ciboule est un véritable ognon ; son goût et ses propriétés alimentaires sont exactement les mêmes que celles de l’ognon. La culture de la ciboule est très avantageuse aux environs des grandes villes, où elle est employée pendant tou l'été comme assaisonnement. La ciboule de- CULTURES NATURELLES. 205 mande la même nature de terrain que l’ognon; on la multiplie de graine semée une première fois à la fin de février, et une seconde fois à la fin de juillet, sous le climat de Paris ; dans le midi, les semis de ciboule peuvent se faire beau- coup plus tôt. Le plant se met en place six se- maines environ après qu'il est levé ; la distance est de Om,15 en tout sens; on plante crdinai- rement deux plants à la même place, dans le but de forcer les feuilles à s'allonger, cette par- tie de la ciboule étant utilisée presque en entier comme le bulbe. Trois espèces de ciboule sont généralement cultivées ; la ciboule commune, la blanche hâtive, un peu plus petite, et la ci- boule, dite vivace, qui tale beaucoup et donne rarement des graines fertiles ; on la multiplie par la séparation de ses caïeux. La civette ou ciboulette , aussi connue sous le nom d'appétit, n’est cultivée que pour ser- vir d’assaisonnement à la salade ; on en plante quelques toulfes dans le potager, en bordure le long des plates-bandes; elles se muhiplient par séparation. La civette est la plus petite des plantes alliacees cultivées dans le potager; ce n’est qu'une variété naine de la ciboule, dont elle a Le goût et les propriétés. $ XV. — Asperges. L'asperge se rencontre à l’état sauvage en Sicile, en Italie, et dans toute la partie de la Basse - Provence comprise entre la mer et les montagnes, de Toulon à Antibes; elle se plait de préférence sur les bords incultes des ruis- seaux et des ravins. L'asperge sauvage ne dépasse pas la grosseur d’un tuyau de plume, mais elle s'élève aussi haut, et même plus haut que l’asperge cultivée; son goût est plus relevé, et incomparablement plus délicat que celui des meilleures asperges de nos jardins. L’asperge ne se mange pas partout au même point de végétation ; en Belgique, et dans tout le nord de l'Allemagne, on n'attend pas que l’asperge sorte de terre et qu’elle contracte par son exposition à l'air une couleur verte ou vio- lette; dès que le soulèvement de la terre indi- que la place d’une asperge prête à sortir. on va la chercher sous terre, en la coupant avec précaution le plus près possible du collet de la racine; elle est alors entièrement blanche, tendre, mangeable jresque en entier, mais d’une saveur peu prononcée. Il faut beaucoup d'adresse et d'habitude, en recoltant les as- perges de cette manière, pour ne pas blesser les griffes et couper les asperges du même pied, qui sont à moitié chemin, entre la griffe et la surface du sol. La récolte des asperges hors de terre évite celte chance de perte. Les produits de l’asperge cultivée sont telle- ment avantageux, sa durée prolongée par des soins bien dirigés offre des bénélices si cer- tains, qu'on a lieu de s’étonner du peu d'espace qu’elle occupe en général . et spécialement du peu d’extension que sa culture a prise aux en- virons de Paris, dont lapprovisionnement en asperges se tire en grande partie des environs 206 d'Orléans (Loiret). La cause en est uniquement dans les frais et les avances nécessaires pour la formation des planches d’asperges , avances dans le-quelles on ne peut commencer à ren- trer qu'au bout de trois ou quatre ans. Néan- moins, il n'y a pas en jardinage d’avances mieux employées, comme nous le démontrerons en traitant des frais et produits de la culture de l’asperge. Le mode le plus avantageux de former les planches d’asperges consiste dans les semis en place ; néanmoins, comme on gagne deux ans sur l'epoque des premières récoltes , en se ser- vant de plant elevé en pépinière. ou pris dans des planches en plein rapport, ce dernier pro- céde est encore fort en usage. La partie essen- ticlle de l'asperge, par rapport à sa culture, consiste dans son tubereule, nommé griffe par les jardiniers; la griffe est composée d'un grand nombre de ramifications divergentes, cylindriques, obtuses à leur extrémité el pour- vues d’un nombreux chevelu qui seul constitue, à proprement parler, les racines de la plante : ces ramifications se nomment doigts. Les grif- fes d’asperge ont un mode de vegétation qui leur est propre ; à quelque profondeur qu'’elies soient enterrées, elles tendent constamment à se rapprocher de la surface du sol, comme si, s’'appuvaot sur les extrémités obtuses de leurs do gis,elles se soulevaient par un effort volon- taire. Si l’on examine attentivement la cause de ce phénomeéne, on verra qu’il provient tout estier de la manière dont les doigts de la griffe ser nouvellent. Ces doigts meu:ent en partie tous les ans; 1ls se vident et ne laissent sub- sister qu'une peau semblale à une partie d’in- testin, espece de sac qui ne tarde pas lui-même à se detruire. Les doigts vides sont remplacés chaque année par de jeunes doigts partant du bas des tiges, immédiatement au-dessus de celui qui vient de mourir. Ce seul fait explique com- ment la grille, si elle n’était constamment re- chargée de terre et de fumier, sortirait de terre; elle aurait surtout à souffrir du vide formé sous le collet ou plateau, par la destruction successive des doigts inférieurs. C’est sur la connaissance de ces faits que sont basés les principes de la culture de l’asperge. A. — Préparation du terrain. Les semis d’asperge en pépinière réussissent parfaitement en bonne terre de jardin, sans autre préparation qu’un bon labour à l’au- tomre et un autre au printemps, avec une bonne fumure d'engrais d’écurie ou d’étable, selon la nature de la terre. Les semis en place exigent au contraire les mêmes préparations du sol que les plantations des griffes qui ont passé deux ans en pépinière ; nous devons done d'abord faire connaitre ces travaux prépara- toires. Le sol destiné à la culture de l’asperge doit êtré defonce en automne à la profondeur de 0Om,65 à 0",70 ; on enlève toute la terre et on Ja passe à la claie, car aucune pierre ne doit y HORTICULTURE. LIVRE VII. rester; cette opération de criblage n’est pas nécessaire quand le sol est très doux et ne con- tient que quelques pierres faciles à enlever pendant qu'on travaille les défoncements. Le fond des fosses, rendu aussi uni que possible, est garni d'un lit de gravier, mêlé de menus branchages brisés, épais de 0",05. On ne doit se dispenser de cette précaution que dans un sol naturellement très sain, et sous un climat peu sujet à un exeès d'humidité, toujours fu- neste aux planches d’asperges. Par-dessus ce lit de gravier et de branchages, on en étend un second de bon fumier d’écurie, à demi con- sommé, épais de 0m,32, fartement comprimé. C’est sur ce deuxième lit de fumier qu’on place la terre criblée destinée à recevoir, soit les se- mis, soit les plantations d’asperges. L’excédant de la terre non employée reste en ados des deux côtés de la planche; c’est un inconvé- nient pour les semis, car les jeunes asperges, lorsqu'elles sortent de terre, n'ont jamais 1rop d'air et de lumière; pour en diminuer les fà- cheux effets, on doit laisser entre chaque plan- che d'asperges, outre le sentier, une autre planche de même largeur, sur laquelle on re- jette la terre enlevée qu’on y répand selon le besoin. De cette manière, la terre, répartie sur une grande suriace, ne forme point d’ados et ne donne point d'ombrage. Le procédé que nous venons de décrire est, à notre avis, et d’après une longue expérience, le plus rationnel. Beaucoup de jardiniers sont encore dans l’usage de défoncer le sol à 1 mètre et d’y enfouir 0",66 de fumier avant d’y cul- tiver des asperges ; des fosses si profondes et une si grande quantité d'engrais ne sont autre chose que de l'argent et du travail dépensés en pure perte. Les griffes d’asperge ne s’enfon- cent point perpendiculairement dans le sol ; elles plongent dans une position inclinée, qui donne à leur ensemble l'apparence d’un enton- noir renversé, mais très évasé , Car les doigts s’écartent peu de la situation horizontale. Il est donc inutile de placer au-dessous une épais- seur de fumier avec lequel les griffes ne sont jamais en contact, et qui par conséquent ne contribue en rien à la végétation des asperges. Il suffit qu'il s’en trouve assez pour que les fila- ments ou racines fibreuses, portant des griffes, puissent y plonger et y trouver une nourriture convenable. La largeur des planches ne doit pas excéder 1,32, de manière à ce que, pour | cueillir les asperges, on ne soit jamais obligé de poser les pieds sur la planche dont le sol ne doit pas être foulé. En général , les fosses doi- vent être calculées de manière à ce que, les se- mis ou plantations étant terminés, leur niveau soit encore à 0,10 au-dessous du sentier. En Angleterre, dans les environs de Londres, où la culture de l’asperge occupe des centaines d'hectares et où il n’est pas rare de voir un seul jardinier consacrer 50 ou 60 hectares à cette culture, on prépare le terrain comme nous venons de l'indiquer, avec cette seule dif- férence que les fosses sont comblécs dès la pre- TITRE IV. CULTURES NATURELLES. 207 mière annee jusqu'au niveau du sol , de sorte | des autres; de cette manière. si l’on emploie que, par les rechargements suceessifs , elles fi- nissent par prendre une forme bombée, plus élevée que le niveau des sentiers de service ménagés tout à l'entour. ro On ne doit pas croire, d’après ce qui pre- cède, qu'il soit impossible d'obtenir de tris bonnes asperges sans emplover des procédés de préparation du sol aussi dispendieux ; en Lorraine, principalement aux environs de Nanci, on se contente de labourer profonde- ment le sol et de lui donner une bonne fumure ; les produits de l’asperge violette, seule cultivée dans cette partie de la France, n'en sont pas moins satisfaisants. Mais, près des grandes villes, les fosses garnies de fumier donnent une plus grande quantité de grosses asperges, pour lesquelles on trouve toujours des acheteurs; ce mode de préparation du sol doit être préféré. Tout sol fertile, à moins qu'il ne contienne une trop grande quantité de pierres et de cail- loux , est propre à la culture des asperges. L'opinion qui exclut cetie culture des terres fories et compactes est un pur prejugé; seule- ment un sol de cette nature doit être mélange avec une forte proportion de bon terreau. Pour obtenir de belles asperges dans une terre forte, i faut la diviser à lauiomne en billons de 0",40 d’elévation, sur 0",50 de iarge, afin que l'action des gelees e1 des dég Îs pendant Fhiver contri- boue à Pameublir. Au printemps suivant, on prépare les los-es comme ci-dessus, au moment des semis ou ces plantations. B. — Choix de lu gramme. 5 Lorsqu'on se propose de récolter soi- même la graine destinee aux semis, on reserve les asperges les plus belles et les mieux formees parmi celles qui sortent de terre les premières. Comme rien n distingue des autres celles qui ne doivent porier que des fleurs mäles et par conséquent stériles, on doit en laisser plutôt plus que moins, afin de n'en pas manquer. Les premières asperges ont sur celles qui sortent plus tard, Vavantage d’un plus long espace de temps pour mürir leur graine. Les baies se ré- coltent en novembre, où à la fin d'octobre, lorsque la température a éié longtemps douce à l'arrk re-saison, Dès qu'elles sont cueillies, on les met tremper pendant 12 où 15 jours dans de l’eau , pour que leur pulpe s'y décompose ; on les lave ensuite à grande eau, et on les laisse sécher dans un lieu bien aére; elles conservent plusieurs années leur faculié germinative, C. — Semis en pépinière. On sème les asperges en mars et avril, sur Le) , volee, soit en lignes ; la seconde methode est la meilleure, non pas quant à la végétation du plant qui reussit bien dans tous les cas, mais parce qu’elle permet d'enlever plus facilement les grif- fes sans les endommager. Les graines doivent être espacées dans les lignes de 0,08 à 0,10 environ, les lignes étant à 0,16 les unes un peu plus de terrain, les griffes peuvent s’é- tendre à l’aise ; lorsqu'on les arrache, elles ne sont point enchevêtrées les unes dans les autres, et l'on n’est point exposé à briser leurs doigts, ce qui leur fait toujours un tort considérable. Les semis n’ont besoin que de sarclages fré- quents ; il ne faut les arroser qu’en cas de sé cheresses très prolongées. Si, à l'époque des premiers sarclages, on trouve des graines res. tées à decouvert, il est encore temps de les re- couvrir de terre, elles ne tarderont pas à re- gagner les autres. La graine d’asperges doit être très peu couverte: le meilleur procedé, lorsqu'on dispose d’une quantite sulfisante de terreau, consiste à en repandre quetques centimètres sur la graine deposee dons les rayons, sans rabattre la terre par dessus. D, — Semis en place. La méthode des semis en place commence à se substituer à celle des jlantations de griffes partout où l'asperge est eultivee en grand, en Hoilande , en Angleterre et en Fraice, Il est évident que, pour nos jardiniers, dont les res- sources Sont beaucoup plus bornées que eclles de nos voisins, un procédé qui diminue les avances presque de moitie doit contribuer puissamment à étendre la culture des asperges ; son seul defaut c’est de faire attendre 4 ans les premières rentrées. Aussi, tout amateur pressé de jouir, et ne voulant cultiver Pasperge que pour les besoins de son ménage, preferers tou- Ours à vec raison les plantations dont on com- mence à recolter les prolcits au bout de deux ans. Le sol étant disposé convenablement, dans les premiers jours d'avril, on 1race sur les planches, de 1,40 de largeur, trois ravons , le premier au milieu de la planche, les deux auires à 0M.25 des bords de chaque côte. Les semences y sont deposees à 0,50 l'une de l’autre, en echiquier. On les recouvre en répan- dant du terreau par-dessus, comme pour les semis en pépinière Lorsqu'on sème deux grai- nes à chaque place, au lieu d’une, afin de lais- ser en place seulement la plante la plus vigou- reuse, 11 ne faut pas les semer trop près l'une de lPautre , afin de pouvoir enlever cells qu'on supprime, sans endommager la griffe con- servee ; mais COMME On ne sait jamais d'avance laquelle des deux graines donnera le meilleur plant, et qu’on ne peut par conséquent sup- primer toutes les doubles du même côté, ilen résulte dans les lignes une irrégularité d’espa- cement qui peut devenir très préjudiciable : ux | asperges, quand leurs griffes ont pris tout leur un sol riche et leger, fortement fumé, soit à la | developpement, Lorsqu'on est sûr de la graine qu’on emploie , il vaut mieux ne mettre qu'une seule semence à chaque place, sauf à remplir les vides au moyen du plant élevé en pepiniere. Les grilles supprimées dans îes semis à de- meure sont utilisées pour les plantations apres avoir été élevées en pépinière pendant deux anus, 208 E.— Plantauon. Les griffes de deux ans provenant des semis en pépinière doivent être préférées pour les plantations d’asperges ; celles de trois ans sont plus sujettes à manquer, parce que les doigts des asperges se sont tellement allougés qu'il est presque impossible de n’en point casser une partie, soit en les arrachant, soit en les-plan- tant. Ces deux parties de l’opération doivent autant que possible être conduites à la fois; le succès est d'autant plus assuré que la grille passe moins de temps exposée à l’action de l'air. On plante avec les mêmes chances de reussite, soit en automne, vers la fin de septembre, soit en mars et même en février, pour les départe- ments au sud de la Loire. En Angleterre, le climat, plus humide que le nôtre, ne permet pas de planter en automne. Les soins donnés à la plantation des griffes sont le point le plus essentiel de toute la cul- ture de l’asperge. Après avoir tracé les lignes sur le sol bien préparé, et marqué sur les lignes la place de chaque griffe, on y dépose une bonne poignée de terreau ou de très bonne terre de jardin, de manière à former une pe- tite éminence de forme conique. On pose sur cette éminence le plateau de la griffe, dont les doigts étalés en tout sens, de facon à ne pas se croiser, sont ainsi placés dans leur position la plus naturelle. On se hâte de recouvrir la griffe avec une ou deux poignées de terre, afin qu'elle ne souffre pas du häle ; quand toutes les griffes sont placées , on achève de charger la planche pour que le sommet des griffes soit recouvert de 0",05 à 0",08 d'épaisseur. Ce procédé, qui demande seulement un peu d’at- tention , évite la plupart des chances de des- truction des griffes qui périssent presque tou- jours lorsque , placées horizontalement tout à plat, il se forme un vide sous leur plateau et que leurs doigts fragiles, forcés de céder au poids de la terre dont on les recouvre, sans être soutenus par-dessous, se rompent au point de leur insertion sur le plateau. F. — Détails de culture. Les premiers frais étant faits, il n’y a pas de culture moins dispendieuse et plus facile que celle de l'asperge : elle ne demande qu’un léger binage donné au printemps, avec une fourche à dents recourbées, et d’assez bonne heure pour ne pas endommager les pousses sous terre, une fumure par-dessus ce binage , étendue sur les planches sans l’enterrer, une autreen automne, après qu’on a retranché les tiges des asperges montées, et des rechargements de terre pour maintenir la hauteur des planches, à mesure que le fumier placé au fond des fosses s’affaisse en se décomposant. La récolte exige de grandes précautions dans les pays où, comme en Bel- gique éten Hollande, on va chercher l’asperge en terre dès que sa tête commence à fendre le sol , afin de l'avoir parfaitement blanche, sans HORTICULTURE. LIVRE VII. : France, où elle dépasse le sol de plusieurs cen- timètres, avant d’être récoltee, il est aisé de la couper entre deux terres sans atteindre le pla- teau ni endommager les pousses qui sont à moitié chemin, entre le plateau et l'extérieur. Dans nos départements méridionaux, on donne quelques légers arrosages aux planches d’asperges à la suite des grandes sécheresses qui feraient périr les griffes si elles y restaient trop longtemps exposées ; dans le centre et le nord de la France, les asperges n’ont jamais besoin d’être arrosées. G. — Culture de l'asperge en terre forte. Nous donnons ici, en détail, la culture des asperges en terre forte et compacte, telle qu’eile est pratiquée avec un succès remarquable , par M. Michel, habile horticulteur des environs d’Aix ( Bouches-du-Rhône). Les jardiniers qui cultivent dans des conditions analogues ne peu- vent mieux faire que d’imiter les procédés sui- vis par M. Michel. Le sol, préalablement défoncé en automne est mis en gros billons pour qu’il puisse profiter de l’action des gelées et des dégels; au printemps il se trouve très bien ameubli: on établit les fosses en fevrier; elles ont environ 0°,50 de profon- deur ; elles recoivent 0m,32 de fumier de brebis, imbibé d'engrais liquide, et sont ensuite com- blées jusqu’au niveau du sol. Les griffes y sont placées en lignes séparées entre elles par des intervalles de { mètre, et à 0" ,32 de distance dans les lignes. Cet arrangement, qui donne trop d'espace dans un sens er trop peu dans l’autre, est nécessaire pour la suite de la cul- ture. Au mois d'octobre on répand 0,25 de terreau ou de fumier très consommé, seulement sur les lignes des plantations, sur une largeur de 0",32. On ouvre alors une rigole à égale distance de deux lignes parallèles, et on en re- jette la terre sur le terreau dont on vient de charger les asperges ; il ne faut donner à cette rigole que 0,32 de large et n’y prendre que la terre exactement nécessaire pour enterrer le terreau, parce que les mêmes rechargements de terreau et de terre doivent se renouveler chaque année à la même époque, de sorte qu’au bout de quelques années il se sera formé ainsi, sur les asperges, des ados ou billons séparés par des rigoles, disposition inverse de celle qu'on suit en terre ordinaire. Les asperges ainsi traitées en terre compacte sont fort belles; elles durent environ 10 ans en bon rapport. On peut en prolonger la durée en les ména- geant, c’est-à-dire en laissant monter une par- tie de la récolte. C’est une précaution que, dans tous les cas, nous recommandons aux jardi- niers jaloux de leurs véritables intérêts. M. Mi- chel ne plante de cette manière que des griffes | de 3 ans ; il commence à récolter dès la seconde année. H. — Culture de l'asperge dans les vignes. à | Dans quelques communes au sud du dépar- quoi elle ne trouverait pas d'acheteurs, Mais en | tement de la Seine, et sur une grande partie TITRE IV. CULTURES NATURELLES. 209 des coteaux qui bordent la Loire dans les en- ; provigne dans toutes les directions, à travers virons d'Orléans (Loiret), la culture de las- perge en plein champ s'allie avec celle de la vigne par un procédé très simple, très avanta- geux, et dont la pratique prendrait une grande extension sans la difficulté de se procurer les engrais quil exige. Le sol destiné à cette double culture est dé- foncé à 1 mètre s’il est possible, sinon, aussi pro- fondément que le permet l’état du sous-sol. Ces défoncements se font, soit avec deux charrues qui se suivent, soit avec la houe à deux longues dents. On faconne les planches à l'ordinaire, en leur donnant une largeur de 1",40 et laissant, entre chaque planche, des sentiers de 0,40 sur lesquels on laisse en ados une partie de la terre des planches pour la leur rendre les an- nés suivantes, en sorte que les planches se trouvent à environ 0",16 au-dessous du ni- veau du sol environnant. Les asperges s’y plan- tent à la profondeur de Om,25, en échiquier, sur trois lignes, à la distance d'environ 0,50 dans les rangs et entre les rangs. Cette partie de la besogne terminée, on plante la vi- gne le long d’un des côtés de la planche seule- ment, soit de boutures, soit de plantes enraci- nées, espacées entre elles de 1 mètre, ou même de 1",32. Cette plantation se fait dans l’angle de la planche et du sentier, de manière à laisser la libre disposition des ados pour recharger les planches d’asperges ; le sol ainsi employé ne recoit point de fumier. Dès la seconde année on lui rend quelques centimètres de terre prise sur les ados. La troisième année les ados doi- vent avoir disparu; la vigne commence à avoir besoin d’échalas. La quatrième année on enlève avec une petite houe plate, à bord bien affilé, toute la surface des planches d’asperges, à 0,10 d'épaisseur ; cette terre s’entasse dans les intervalles des planches. Si l'hiver s’annonce comme devant être doux, on donne cette facon dès la fin de décembre; si l’on craint un hiver rigoureux, on attend la fin de février. Aussitôt l'opération terminée, soit en hiver, soit au printemps, on remplace la terre enlevée par une égale quantité de bon fumier, soit d’étable, soit d’écurie, mais abondant en matières ani- males et débarrassé de litière longue, non dé- composée ; c’est la partie la plus dispendieuse de toute cette culture. Tous les ans, au mois d’oc- tobre ou vers le 1° novembre , on rejette par- dessus le fumier la terre enlevée avant la fu- mure ; tous les ans on la déplace de nouveau pour fumer. Les asperges ainsi traitées durent 16 ans, dont 12 en plein rapport. Au bout de ce temps, elles commencent à s’éclaircir ; dès lors, comme elles ne rapporteraient plus la va- leur du fumier dont elles ont recu pendant 13 ou 14 ans une abondante ration annuelle, on cesse de leur en donner et de s'occuper de leur culture; elles durent encore souvent 8 à 10 ans avant de disparaître tout-à-fait. On re- porte toute l'attention sur les vignes, qui, con- venablement traitées, ont commencé à produire à 3 ans et sont dans toute leur vigueur ; on les BORTICULTURE, les asperges, de manière à avoir en 3 ou 4 ans une vigne pleine, où les ceps sont espacés de 0°" ,50 en tout sens. Quand cette jeune vigne est en plein rap- port, il n’y a plus d’asperges. Cependant, nous en connaissons dans la commune de Vitry, ou chaque année au printemps on a récolté des asperges dans des vignes si vieilles, qu'il a fallu finir par les arracher; personne ne se sou- venait d'y avoir vu planter les asperges. Dans le departement de la Seine, comme dans celui du Loiret, la culture de l’asperge dans les vignes se rattache à une particularité des mœurs de famille que nous croyons bonne à faire connaître. A la naissance d’un garcon, on consacre 33 ou 66 ares de terrain (1 ou 2 arpents) à cette double culture; c’est la part de l’enfant ; il s'élève sur le produit dont l’ex- cédant est mis de côté pour l’établir. Parvenu à l’âge de 20 ans, il trouve une bonne vigne pleine , avec quelques restes d’asperges , à l’é- poque où ses bras ont acquis toute leur vigueur pour la bien travailler. Le proverbe dit que, par celte culture, un arpent élève un homme. I. — Frais. Nous avons exposé les motifs pour lesquels l’asperge ne doit pas, à notre sens, être cul- tivée en planches contiguës les unes aux au- tres. Il nous semble en effet préférable, sur- tout pour les semis en place, de faire suivre une planche d’asperges d’une planche consa- crée à d’autres cultures. De cette manière, non-seulement la terre n’est point accumulée dans d’étroits intervalles en ados élevés qui interceptent l'air et la lumière, mais encore on double le temps pendant lequel le même sol peut être utilise pour cette culture. La terre qui a produit des asperges dont la durée varie de 15 à 30 ans, cesse de pouvoir en produire pen- dant un temps qu'on ne peut fixer à moins de 12 ou 15 années. Nous avons vu, près de Brie-sur-Marne, une grande culture d’asperges, parfaitement conduite, échouer complètement, parce que le jardinier qui la dirigeait ignorait que le même terrain avait porté pendant 25 ans des plantations d’asperges, détruites depuis 11 ans lorsqu'il les recommenca. Si toutes les planches se touchent et qu’elles occupent la totalité du sol, la culture une fois épuisée ne peut plus être renouvelée à la même époque ; si elles n'en occupent que la moitié, on peut, lorsqu'on les détruit, les refaire dans les inter- valles et continuer ainsi à perpétuité. = Les calculs que nous donnons ci-dessous pour un hectare de terrain s'appliquent donc en réalité à deux hectares de superficie , dont les planches d’asperges couvrent seulement la moitié. Les trois principaux objets de dépense pour l’etablissement d’une culture d’asperges sont: le loyer du sol , la main-d'œuvre et le fumier ; leurs prix varient tellement d’un lieu àun autre, TJ, V.— 27 210 qu’il est impossible d’établir une moyenne qui n’aurait pas de sens concluant. Nous donne- rons ces prix pour trois cultures: l’une, aux portes de Paris ; l’autre, dans l'arrondissement de Montdidier (Somme); la troisième, près de Nancy ( Meurthe). Chacun pourra les modifier selon les circonstances locales de sa situation. Nous indiquerons aussi les frais comparatifs des planches établies par plantation de griffes élevées en pépinière, et par semis en place. CULTURE D'ASPERGES PRÈS PARIS. PREMIÈRE ANNÉE. Loyer d’un hectare . 300! » FUMIEr. 02 ER 5 s MÉEMEÉ 4,300 » NAINSŒUVIE En --lete ns. ei MAI GCUDRE» Griftes d'asperges. . . . . . 45Q :» TOTAL "06 SL 0RUx DEUXIÈME ANNÉE, Loyer . 300 » NES per ee EE 200 » NTALA=UŒUVIE CCE Ne 00 40 » TorTaLz. . . 540 » La dépense totale sera donc à la fin de la se- conde année, de.. . . . . she Ur 80 70e Somme à laquelle il faut ajouter, pour les in- térêts à 5 p. 100 de 3,150 fr. . . . . . 157 50 Tozir.u. 5,847 50 Cette somme a été réellement dépensée en deux ans, avant la réalisation d'aucun produit. Les années. suivantes resteront grevées pen- dant tout le cours de la culture, de l'intérêt à 5 p. 100 des frais des deux premières années, c’est-à-dire de 192 fr. 25 c. Les frais annuels -seront done, pendant 12 ans : POVEREe ee N. A ae Ie TE PME 500 » lomier LUN HE OMS: RURTRMSARS 2Inp: 200 » NITID = LŒUVEA EEE ERENNE CET NE ET 5O » IntGuetSRe TOUT LT MT in 22 192 50 MOPAT ES ME. 742 50 La main - d'œuvre est augmentée de 10 fr., à cause du temps employe nécessairement à cueillir et arranger les produits ; on peut ex- primer les frais annuels par le chiffre de 750 fr. à cause des faux frais, comme liens d’osier pour les bottes d'asperges , transport au mar- che et autres dépenses minimes qui pourtant doivent être comptées. Au bout de 14 ans, dont 12? seulement auront donné des récoltes, on aura dépensé une somme totale de 13,597 fr. 50 €. Nous avons vu des cultures d’asperges con- tinuées, sans diminution sensible dans la qua- lité ni dans la quantité des produits, depuis plus de 30 ans ; mais c’était dans des jardins où l’on ne demandait aux planches d’asperges que la consommation d’un ménage, et où la récolte s’arrêtait dès la fin de mai. A Aubervilliers, la durée moyenne est de 12 à 14 ans, y compris les deux premières années improductives. HORTICULTURE. LIVRE VIII. Les semis en place réduisent les dépenses de la première année, et par conséquent les inté- rêts des avances pendant les 14 années sui- vantes ; les frais sont représentés par les chif- fres suivants : PREMIÈRE ANNÉE. Doger _ M . : . 1 OUTRE TRE | LEE ENIMNIGIS Re 2 00 SERVER RUE : 1,800 » Mained'œuvre: 141.100 0 CICMOC PACS 400 » Semence , halte De 1 . . ° 25 » TOTAL. à see DD" 9 DEUXIÈME ANNÉE. LOYER OM RNA ET EPS 300 » Fumiérs "OEM TL 'ÉRSTMERRES 200 #» Main-d'œuvrets 4200: te PR le rs 40 Intérêts de 2,825 fr., à B p. 400.. . . 126 25 TOTRE:". ee 666 26 TROISIÈME ANNÉE. Lôyerianins SP SSL OCR TA NIARENTE 300 » Fumer: 26m se EUR 200 » Main=d'œnvre. Sheet ent 40 » Intérêts de 3,191 fr. 28 c., à 8 p. 100. . .« 159 55 TOTÂE, CU 699 58 Ainsi les frais des trois années qui précèdent la première récolte s'élèvent ensemble à la somme de 3,890 fr. 80 c. , dont les intérêts à 5 p. 100 grèvent les 12 années suivantes, le cours entier de la culture étant dans ce cas de 15 ans. Les frais annuels sont donc pendant 12 ans exprimés par les chiffres suivants : Loyer ele" Meta ide c-lalte ‘stieterisl'eteint sets 300 » Puniar:te té 08e. M SR PR 2 00 Le Main-d'œuvre. , . . RE TS 50 » Tntér Elsa le Le etes ce Red: ass D Ur DU TDOTALE ENS 744 50 En portant cette somme à 750 fr., comme | dans le compte précédent, on trouve une dé- pense totale de 12,824 fr. 80 c., au lieu de 13,597 fr. 50 ce. Cette différence est en réalité plus considérable; plusieurs articles pourraient être supprimés ou réduits, comme la semence qu'on récolte ordinairement soi-même, et le fumier qu’on prend souvent sur des couches démolies, où il a rendu plus que sa valeur; on peut donc être assuré de ne trouver aucun mécompte en agissant d’après nos Calculs. CULTURE D’ASPERGES PRÈS MONTDIDIER. PREMIÈRE ANNÉE. Loyer d'un heCla Te RER nine 150€ » Fumier, . LC MERE : . 600 » Main-d'EUVré RE see 500 + Griflés d'ASDÉTRES CONTRER ENS: 5 500 » MOAPALS suis 1,580.» DEUXIÈME ANNÉE. Loyer 2 ERP opel 3 Fumier. , 20e eee ee ele 420 Maïn=d'ŒUVre MO EN MEN RC RE 50 » Intérêts de 1,550 fr., à 5 p. 100 . . . « . 77 50 TOTAL 577 dv TITRE IV. CULPURES NATURELLES. 211 TROISIÈME ANNÉE. l DEUNIÈME ANNÉE, Re tte ce oil Ve 150! » LOYER, 122,0 CRM ME ETS 100€ » RER 0 =... de JR UC dobes luPFumier.r. 115. 2000 POPPE PR BU PRE HEUNTE. 2 à à eo MU lee 401» |:Mainsd'œuvre: sl." 20m eEe RE dE 50 » lutérêts de 1,827 fr. 30 c., à 5 p. 400 . 91.55 | Intérêts. ve store Et 51 25 ToTar.". e + SES Torsees on 231 25 Cette dernière somme de 401 fr. 35 c. repré- sente donc la dépense annuelle pendant tout le cours de la culture, de sorte qu'au bout de 14 ans, la somme totaledes frais estde6,643f.70 c. La culture à laquelle nous avons emprunté les chiffres ci - dessus a été établie par planta- tion ; si elle l’eût été par semis, les frais au- raient été diminués de 4 à 500 fr. En réalité, il n'a pas éte dépensé par hectare autant que nous l’avons indiqué; le fumier et les griftes d’asperges sont portés en compte comme s'ils avaient été achetés aux prix du pays ; mais les griffes étaient élevées en pépinière, et le fumier produit en partie dans l'exploitation , ce qui rendait la somme des frais beaucoup moins élevée que celle à laquelle nous avons cru de- voir les porter ; nous supposons ceux qui vou- draient opérer d’après nos chiffres, obligés de tout acheter. Il existe à notre connaissance, dans les en- virons de Londres, de grandes cultures d’as- perges destinées à l’approvisionnement de cette Capitale ; chacune d'elles occupe en moyenne 50 hectares ; quelques-unes sont beaucoup plus étendues. Le ‘fumier et la main - d'œuvre sont certainement plus chers à Londres qu'à Paris, qu’on juge de la masse de capitaux dont l'hor- ticulture dispose dans ce pays. Si on la com- pare à l’exiguité des ressources de nos horti- culteurs, on ne s’étonnera pas de la cherté des asperges à Paris et du pea de terrain consacré à leur culture, comparativement aux besoins. Ce n’est point à un capitaliste français qu'un jardinier fera comprendre qu'une avance de 300,000 fr., improductive pendant 2 ans, de- viendrait une source de fortune pour lui comme pour le travailleur chargé de la faire valoir. Dans la culture de l’asperge, telle que nous venons de la décrire, tous les travaux s'exécu- tent à bras, sans le secours de la herse ni de la charrue. Dans la Meurthe il existe d’assez grandes cultures d’asperges, près de Nancy ; elles ont été établies sur des labours profonds à la charrue, suivis de hersages ; le sol a été lar- gement fumé, mais sans aucun déplacement de terre, remplacée par un lit de fumier. Les as- perges y viennent fort belles. Cette méthode est fort économique ; les frais indiqués dans un excellent travail de M. Chaillon, ancien jardi- nier de M. Rotschild, aujourd’hui jardinier- maraicher près Nancy, ne se montent, par hectare, qu'aux sommes ci-dessous exprimées : PREMIÈRE ANNÉE, LOMME RSR EE ... ... oe où « 100f HMS. rt BRON 590 » MORE UNE RAR 0 510 » Griffes obtenues en pépinière. ........-. ABN > MORALE . 0 °° 13020 2 Cette derniere somme, portée à 240 fr. pour les années suivantes, à cause des frais de ré- colte et de vente, donne par approximation 4,400 fr. de frais pour tout le cours de la cul- ture, somme très différente du total des frais précédemment indiqués. Mais, comme on le verra par les produits, cette méthode écono- mique est celle par laquelle les asperges re- viennent le plus cher au culiivateur; ce qui n'empêche pas qu'elle ne soit pratiquée avec avantage par celui dont les ressources ne lui permettent pas d’en adopter une meilleure ; en horticulture comme en toute autre industrie, les bénéfices sont proportionnés aux avances aussi bien qu’à l'intelligence et à l’activité du travailleur. J. — Produits. Avant de rechercher le produit en argent d’un hectare cultive en asperges, considerons d’abord la quantité d’asperges qu’on peut ré- colter annuellement dans un hectare. L'espacement qui nous semble le plus con- venable comporte 60 griffes par planches de 10 mètres de long sur 1,40 de large; un are contient 6 planches semblables, soit 360 griffes; 1 hectare en recoit donc 36,000. L’asperge violette ordinaire donne de 25 à 30 jets par griffe ; il en faut laisser à la fin de la saison environ un cinquième; c’est donc une récolte de 20 asperges par griffe. Un hectare donne, d'après cette base, 720,000 asperges. Un quart de ce nombre, soit 180,000, sont de première grosseur ; elles se divisent en bottes, dont cha- cune contient en moyenne 75 asperges. Le surplus , soit 540,000 se divise en bottes, dont chacune en contient environ un cent, tant moyennes que petites ; beaucoup de bottes, for- mées d’asperges de moyenne grosseur, n'en ont que 80 ; mais les petites, vendues pour être mangées aux pelits pois, ont souvent plus de 120 brins à la botte. Un hectare rend done an- nuellement 2,400 bottes de grosses asperges, et 5,400 bottes d’asperges petites et moyennes. Ces produits sont ceux des cultures des en- virons de Paris et de l’arrondissement de Mont- didier, conduites l'une et l’autre d’après le même système. Lorsqu'on cultive exclusivement la grosse asperge de Hollande ou de Gand , qui ne pro- duit que des jets de première grosseur, parce qu’on doit laisser monter tous les petits, le nombre des griffes n’est plus que de 45 par planches, soit 270 par are et 27,000 par hec- tare. Chaque griffe ne donne en moyenne que 12 asperges; un hectare en produit donc seu- lement 324,000 , qui, divisées par bottes de 75 brins, donnent un total de 4,200 bottes, au »“ ? 212 lieu de 7,800 ; mais la valeur de chaque botte est plus considérable et il n’y à pas de diffé- rence bien sensible. Dans la culture telle qu’on la pratique aux environs de Nancy, le nombre des griffes étant le même, on ne peut en espérer plus de 8 à 10 iets par griffe, en moyenne9; un hectare en produit done 324,000 ; mais au lieu d’un quart en première grosseur, on en obtient tout au plus un sixième, soit 54,000, formant 720 bot- tes ; les 270,000 asperges, petites ou moyennes, forment 2,700 bottes; mais comme les petites y sont en majorité, la valeur vénale n’en est Jamais très élevée. M. Chaillon porte de 8090 fr. à 1,000 fr. le produit brut d’un hectare, ce qui, pour 3,420 bottes, donne un prix moyen de 30 à 32 c.; quoique les prix de Nancy et ceux de Paris soient très différents, ilest évident qu’une moyenne aussi basse suppose une proportion très faible de grosses asperges. En résumé, nous trouvons pour résultat de la culture des as. perges les produits suivants, comme moyenne du rendement d’un hectare : PARIS et MONTDIDIER. Bottes par hectare. ë HAL lo 9 0 oiéto à do D Asperge violette. ... Pre : De moyennes et pelites.. 5,400 Asperge de Gand, grosses, .....,...,..... 4,200 NANCY. : HNOSSES een. el 2 Asperge violette... L sinsses Ê 18 moyennes et peliles.. 2,700 La valeur de ces produits en argent est dif- ficile à établir avec précision. Les asperges pré- coces sont toujours à Paris d’un prix élevé; les grosses asperges ne descendent jamais au-des- sous d’un fr. ; les petites descendent très rare- ment au-dessous de 40 c. En considérant le nombre des grosses asperges proportionnelle- ment aux petites et moyennes, un prix Commun de 60 c. nous semble très rapproché de la vérité. 7,800 bottes à 60 c. forment une recette an- nuelle de 4,680 fr., pendant douze ans, soit 56,160 fr. Les asperges cultivées près de Montdidier sont vendues à Amiens, à Abbeville, et dans les autres villes des environs; il n’en vient point à Paris. Des calculs établis comme ci-dessus nous portent à croire que le prix moyen obtenu du cultivateur doit être fort près de 40 c. 7,800 bottes à 40 c., forment une recette annuelle de 3,120 fr. , pendant douze ans, soit 37,440 fr. Le prix moyen de 30 c. la botte, obtenu à Nancy, donne pour 3,420 bottes, 1,026 fr. de recette annuelle, soit pour 12 ans 12,312 fr. Mettant en regard les frais et [es produits, on trouve que les capitaux avancés pour ces trois cultures ont donné les bénéfices indiqués dans le tableau ci-dessous : CULTURE PRÈS PARIS. PrOUIS EC RRE RP EE ele : . duits , 56,190! » Frais, intérêts compris. . . . 15,597 50 Bénéfice . . . 42,592 50 HORTICULTURE. LIVRE VIII. CULTURE PRÈS MONTDIDIER. Produits et 00 FTAIS . ee Me EURE PEUR 37.440! » CG FASO Bénéfice. 0. EEE PRES OT ENS D CULTURE PRÈS NANCY. Produits. EVE Re NS Bénéfice: ns SM EMRNEE D 2 Le $ XVI. — Artichaut. Ce légume est un de ceux qui, sous le climat de Paris et du centre de la France, exigent le plus de soins, de frais et de main-d'œuvre, tandis que sous le climat du midi, il croît pour ainsi dire tout seul : nous indiquerons les deux méthodes. L’artichaut est d’une digestion facile et d'un goût généralement recherché ; les deux variétés principales que distingue seulement la forme de leurs feuilles calicinales jouissent des mêmes propriétés; l’une et l’autre tiennent par- tout une grande place dans le jardin potager, et se prêtent à la grande culture en plein champ avec beaucoup de facilité. A. — Multiplication. L’artichaut se multiplie, soit de graine, soit de drageons que les jardiniers nomment œæille- tons. Le dernier mode de multiplication est le meilleur à tous égards, tant à cause de la plus forte végétation du plant provenant d’æilletons, qu'en raison du retard que les semis occasion- nent dans la récolte; mais, dans les contrées sujettes à des hivers très longs, tour à tour froids et humides, l’artichaut est exposé à tant d'accidents qu'on est quelquefois heureux d’a- voir recours aux semis. 1. Semis. — Les têtes d’artichaut dont on se propose de récolter la graine pour la semer doivent être choisies parmi les plus belles de chaque espèce; lorsque: la fleur commence à s'ouvrir et que les fleurons du centre ont acquis une belle couleur violette, on tord la tige de manière à donner au calice une situation ren- versée qui met la graine à l’abri du bec des oi- seaux, particulièrement des chardonnerets qui en sont fort avides. Les porte-graines ne doi- vent avoir qu’une seule tête; toutes les pous- seslatérales sont supprimées avec soin à me- sure qu’elles se montrent. La graine d’artichaut se sème à la fin d'avril ou dans la première se- maine de mai, selon l’état de la température, soit en place, soit en pépinière; les semis en place sont les meilleurs ; il faut semer trois ou quatre graines, à 0m,08 de distance, en trian- gle ou en carré; la meilleure distance est celle d’un mètre en tout sens entre le milieu de cha- que semis particulier; si le sol est très favora- ble, et les engrais abondants, comme aux en- virons de Paris, on peut donner aux rangées de semis un mètre dans un sens et 0,50 dans l’autre. Les semis en pépinière, soit en lignes, soit à TITRE IV. la volée, ne peuvent avoir quelque chance de succès que dans un sol léger, mêlé de fumier très consommé, et recouvert à la surface de 0,10 de bon terreau. La graine est déposée dans le terreau à la profondeur de 0,05; elle doit être un peu comprimée ; quelques arrosa- ges lui sont nécessaires quand le temps est tres sec avant le moment où elle sort de terre; elle met de vingt à trente jours à lever. Le grand inconvénient des semis, C’est qu'ils ne repro- duisent pas les espèces franches; leurs feuilles deviennent souvent longues et grêles, armées de piquants aux extrémités de leurs divisions; ies jardiniers disent dans ce cas que l’artichaut file et qu'il tourne au chardon. Dès qu'on s’en aperçoit, il faut sans retard supprimer les pieds qui tournent au chardun, parce qu'étant tou- jours beaucoup plus forts que les autres, ils ne pourraient manquer de les étouffer et de les faire périr. Dans les semis en place, on peut choisir des que les feuilles ont acquis seulement 0,10 de longueur ; on conserve le pied le plus fort, pourvu toutefois que les feuilles ne mon- tirent point un commencement d’épines, auquel cas, le pied le plus faible, mais sans piquants, devrait être préféré. Le plant élevé en pépi- nière se met en place à la fin du mois d’août, pour donner une récolte de bonne heure en juin de l’année suivante. 2. OEïilletons. — Les terres cultivables de toute la France suffiraient à peine à employer les œilletons d’artichaut qu'on supprime cha- que année, s'ils devaient être plantés en totalité: rien n’empêche donc, d'apporter le plus grand soin dans le choix des œæilletons, et dans la ma- nière de les séparer de la plante-mère, qui ne doit en conserver aue deux ou trois; nous pen- sons qu’en général, il ne faut pas en laisser plus de deux et qu'on ne doit en laisser trois qu'aux pieds les plus vigoureux; il n’y a d’ailleurs aucun inconvénient à n’en pas Conserver da- vantage; accroître la quantité des produits aux dépens de leur qualité est une méthode vicieuse qui ne donne en dernier résultat aucun béné- fice réel. Les œilletons destinés à être plantés doivent être choisis sains, droits, charnus et pourvus de jeunes racines; on les détache de la tige- mère en lestirant du haut en bas, de manière à leur laisser toujours un talon qui donnera bien- tôt naissance à des racines nouvelles; le plant pourvu d’un bon talon reprend souvent sans racines. Les œilletons les plus forts en appa- rence, mais dont les feuilles sont coriaces et les racines presque ligneuses, doivent être rejetés; ils ne donneraient, sur destiges hautes et fortes, que des artichauts mal conformés, petits, durs, et de nulle valeur. B. — Préparation du terrairi. Le sol destiné aux plantations d’artichaut doit être labouré profondément et fumé sans parcimonie, ar c'est, comme disent les jardi- niers, une plante dont les racines mangent beaucoup. Lorsqu'on destine à cette culture CULTURES. NATURELLES. 213 un terrain qui n'a pas encore été cultivé en jardinage, il est bon de le défoncer un an d’a- vance à la profondeur de 0",40, et de lui faire produire avec une demi-fumure une récolte quelconque; l’artichaut ne réussit jamais bien sur un sol neuf, pas même sur une prairie rom- pue. Dans les contrées septentrionales, la dis- position que nous avons recommandée pour les plantations de choux d'hiver est excellente pour les artichauts, et préférable aux planta- tions à plat (voir Choux, fig. 303). Dans les pays méridionaux, on faconne le sol en plan- ches étroites avec des rigoles d’arrosage, dis- position représentée fig. 1 et 2 (voir page 15). C. — Plantatio'. On plante les artichauts, soit au printemps, soit en automne, quand le plant provient d’œil- letons, et en automne seulement lorsqu'il pro- vient de semis. La température et la nature du sol doivent servir de règle à cet égard ; néan- moins, les plantations de printemps nous ont toujours -paru préférables quant à la beauté des produits; elles ont de plus l'avantage d'’é- viter les vides que l'hiver laisse toujours dans les rangs des plantations d’automne; mais celles-ci donnent des produits un peu plus hà- tifs. Dans la France centrale, on plante géné- ralement à un mètre en tout sens ; nous croyons cette distance trop grande; d’autres plantent à un mètre dans un sens et à 0,50 dans l’autre; nous croyons la distance de 0",80 en tous sens de beaucoup préférable. La première donne par hectare 10,000 pieds, la seconde 20,000, la troisième 15,625. Un sol de fertilité ordinaire, convenablement défoncé, amendé et fumé, peut recevoir ce dernier nombre de pieds d’artichaut par hectare, et donner une récolte de qualité sensiblement égale à celle que produiraient 10,000 pieds sur le même sol à un mètre en tout sens. Beaucoup de jardiniers sont encore dans l'usage de planter deux pieds au lieu d’un, à quelques centimètres l’un de l’autre; la gros- seur des artichauts en est tellement diminuée, qu'il y a perte réelle à suivre cette méthode; les inconvénients en sont peu sensibles sur un sol particulièrement favorable et engraissé avec prodigalité; les mêmes ressources mieux em- ployées donneraient des résultats encore plus avantageux. On doit assurer la reprise du plant par de bons arrosages renouvelés une ou deux fois par jour, selon la température, jus- qu'à ce que les feuilles nouvelles annoncent la formation des jeunesracines. En Angleterre, on donne aux rangs d’artichauts 1",32 d’inter- valle; les pieds y sont espacés entre eux de 0,60; il y en a par conséquent 12,250 par hectare; mais on cultive les intervalles: cette méthode n’a rien qui doive la faire préférer à celle qu’on suit en France. Dans nos départe- ments du midi, la culture de l’artichaut s'allie avec celle du melon en pleine terre, lorsqu'on dispose d'une quantité d’eau suffisante; les planches sont séparées par des rigoles d’arro- sage; elles ont ordinairement 1,40 de largeur, 214 mais les artichauts n’en occupent qu'une par- tie; les pieds sont espacés entre eux de 0,75. D. — Détails de culture. Les artichauts n’ont réellement besoin d’ar- rosages qu'au moment de leur plantation, et 25 ou 30 jours avant le développement des pommes. On conçoit que cette partie de leur culture devient excessivement dispendieuse lorsqu'on la pratique sur une très grande échelle, comme dans les plaines au nord de Paris, et dans celles des environs de Laon (Aisne); aussi, les jardiniers dont la culture de l’artichaut est la principale industrie en lais- sent-ils la majeure partie venir selon qu'il plait | à Dieu de les arroser, reportant sur une por- tion seulement la main-d'œuvre dont ils dispo- sent. De cette manière, ils ont une quantité limitée de très beaux artichauts, et quelquefois une récolte passable d’artichauts médiocres; quelquefois aussi, quand la température est très sèche, comme elle l’a été en 1840 et en 1842, la récolte est presque nulle partout où larro- soir n’a point passé. Il faut convenir aussi que ce n’est pas une petite besogne que de mouiller à fond deux fois par jour, à raison de 12 litres à chaque fois, les 12 à 15,000 pieds d’artichauts qui couvrent un hectare de terre ; pendant un mois environ que dure la saison des arrosages pour Partichaut, un hectare n’absorbe pas moins de 3,600 hectolitres par jour, soit, pour 80 arrosages, l’énorme quantité de 10,800,600 litres d’eau ; et bien des jardiniers de Gonesse, du Bourget et des communes voisines, en ont plusieurs hectares ! L’artichaut végète fort inégalement; cette circonstance contribue à rendre sa culture en grand avantageuse, parce qu’elle évite l’en- .combrement d’une récolte arrivant toute à la fois. Pour la récolte de printemps, rien n’est lus profitable au jardinier. On doitretrancher, e plus près possible de terre, les tiges qui ont donné leur pomme, et ne pas permettre que les pommes accessoires, ordinairement peu déve- loppées lorsqu'on coupe la première, achèvent leur croissance complète, ce qui épuiserait la plante. Ces pommes sont vendues à moitié de leur grosseur, pour être mangées crues sous le nom d’artichauts à la poivrade. Lorsqu'on veut obtenir de chaque pied une seule pomme aussi volumineuse que possible, ce qui est le plus avantageux pour les artichauts arrosés, on re- tranche toutes les pommes accessoires à mesure D se montrent. On les laisse au contraire evenir aussi grosses que le sol et la vigueur de la plante le permettent, lorsqu'on se pro- pose de supprimer un carré d’artichauts qui a fait son temps. L’artichaut pourrait durer un grand nombre d'années; mais au bout de trois ans, la qualité des produits diminue tellement, qu’il vaut mieux renouveler la plantation: il H a même beaucoup de terrains où Partichaut égénère après deux hivers et veut être ra- jeuni. Pour la récolte d'automne, l'inégalité de la HORTICULTURE. LIVRE VEII. végétation des artichauts expose une partie des têtes à être surprise par les premiers froids avant d’être assez développée pour pouvoir paraître sur le marché. Dans ce cas, on coupe les tiges près de terre et on les porte à l'abri, soit sous un hangar, soit dans la réserve éco- nomique: les tiges sont plongées dans du sable frais, à la profondeur de 0°,25; lartichaut continue à grossir, sans toutefois devenir tel qu'il aurait été en pleine terre par un temps | favorable. En décembre et janvier, les têtes de grosseur médiocre se vendent facilement à un bon prix; le jardinier amateur ne doit pas né- gliger ce moyen de prolonger la consommation d’un légume frais à l'époque de l’année où l’on est presque réduit aux légumes secs. Les arti- chauts ainsi traités restent frais pendant 50 à 60 jours; plus tard, leurs feuilles calicinales se raieraient de brun, et la partie mangeable de- viendrait coriace, ce qui ôterait aux artichauts toute leur valeur. Au mois d'octobre , on sup- prime dans les pieds de trois ans destinés à être arrachés tous les œilletons défectueux, afin que les bons profitent seuls des derniers beaux jours; on a par ce moyen du plant de première qualité pour les plantations du printemps sui- vant. À l’approche des premiers froids, il faut s’oc- cuper de butter les artichauts qui ont souvent bien moins à souffrir du froid en lui-même que des précautions prises sans discernement pour les en préserver. La gelée ne fait pas un tort sensible à l’artichaut, tant qu’elle n’atteint pas ses racines. L'opération du buttage a pour but de mettre une plus grande épaisseur de terre entre lesracines de l’artichaut et l'air extérieur. Elle remplit parfaitement cet objet quand le buttage est donné par un temps sec, la terre étant suffisamment égouttée ; la gelée pénètre d'autant moins avant dans la terre, qu’elle la trouve moins humide. Mais le buttage seul ne suffit pas à la conservation des pieds d’artichaut pendant l'hiver; il faut encore préserver les feuilles de la gelée et de la pourriture. A cet effet, on les raccourcit en ne laissant entières que celles du centre, et on les recouvre soit de paille sèche , soit de feuilles mortes qu’on dé- place toutes les fois que le temps le permet. Dès le mois de février, il faut découvrir les ar- tichauts la nuit comme le jour, tant qu’il ne gèle pas, sous peine d’en perdre les trois quarts par la pourriture. On ne saurait apporter trop de soin à éviter, en buttant les artichauts, de laisser pénétrer de la terre, soit entre les côtes des grosses feuilles, soit sur les feuilles du centre. Au printemps, lorsqu'on œilletonne les arti- chauts, il faut mener l'opération très vite , dé- chausser le pied, ôter les œilletons en en lais- sant seulement un ou deux, pris parmi les meil- leurs, et remettre la terre en place; tout cela ne demande pas plus de 25 à 30 secondes lorsque deux jardiniers opèrent à la fois sur le même pied, ce qui est nécessaire, surtout quand on œilletonnelesartichauts pendantlehäle de mars. | TITRE IVe. CULTURES NATURELLES. 215 Si les artichauts semblent souffrir de la sé- | que les œilletons mis en place sans être bien cheresse, il ne faut pas craindre de les arroser en mars, quand même le climat ferait appré- hender des gelées tardives ; dans ce dernier cas, ‘on augmentera la couverture de manière à em- pêcher la gelée d'atteindre les racines. On voit combien de main-d'œuvre exige la conservation des artichauts en hiver ; ces pro- cédés sont presque impraticables dans la cul- ture en grand. À la suite des hivers longs et rudes , les artichauts en plein champ , quoique buttés et couverts, meurent presque tous, soit parce que les couvertures n’ont pas assez d’e- paisseur, soit parce que les feuilles du cœur, trop longtemps couvertes, s’étiolent et pourris- sent. Mais dans un carré de jardin de dimen- sions moyennes. il est facile de donner à quel- ques centaines de pieds d’artichaut tous Îles soins qu'ils réclament. Rien n’est plus nuisible aux artichauts que de les couvrir avec du fu- mier en fermentation : la litière sèche, la paille et les feuilles, surtout celles de châtaignier, plus faciles que les autres à déplacer sans les disperser, doivent seules être mises en contact avec le cœur de l’artichaut ; si l’on se sert de fumier, ce ne doit être que pour recouvrir les racines; s’il touche aux feuilles, il ne peut que faire pourrir la plante. Pour la culture d’artichauts limitée à un pe- tit nombre de pieds, il y a un procédé plus sim- ple et plus sûr, mais impraticable en grand. On enlève à l'automne les artichauts avec toutes leurs racines, et on les plante dans de la terre sèche dans une cave qui ne soit pas trop humide. Il n’y a plus à s’en occuper jus- qu'au printemps. Dès que les gelées ne sont plus à craindre, on remet les artichauts en place après les avoir œilletonnés; on leur garnit le pied de bon fumier et l’on arrose largement. La récolte de ces artichauts devance de 15 jours au moins celle des artichauts qui ont passé l'hiver en pleine terre. Les jardiniers maraichers des environs de Paris, qu'une lon- gue habitude d'observation met à même de prévoir les hivers rigoureux, se ménagent par ce procédé une provision précieuse d’œilletons qui quelquefois, après un rude hiver, sont pavés 40 et £0 fr. le mille à ceux qui ont pu en con- server, de sorte que, pour garnir un hectare, le plant seul occasionne une dépense de 700 à 800 fr. Dans les contrées méridionales, l’artichaut n’a besoin pour passer lhiver que d’un léger buttage qu’on défait au printemps. La manière d'œilletonner est la même ; Parrosage au moyen des rigoles se donne par imbibition à très peu de frais; la culture de lartichaut est donc beaucoup plus facile dans le midi que dans le centre et le nord de la France; mais aussi, elle n’est praticable que la où l’on dispose d’une assez grande quantité d’eau vive , ce qui n’est pas nécessaire sous un climat moins exposé aux terribles secheresses de nos Gépartements méridionaux. Le printemps est ordinairement si sec dans le Var et les Bouches-du-Rhône, enracinés d'avance périraient presque tous. On les plante à 0®,10 les uns des autres dans des carrés coupés de rigoles qu’on remplit d’eau deux fois par jour ; en moins de 15 jours, les œilletons ainsi traités ont poussé de fortes ra- cines ; ils peuvent alors être mis en place et résister à la sécheresse. Ce procédé est princi- palement en usage à Hyères , où la culture de Partichaut occupe plus de 150 hectares de terres. Les feuilles de l’artichaut liées et blanchies comme les cardons, les remplacent avec avan- tage au goût de beaucoup d'amateurs; leur sa- veur est seulement un peu plus forte (voir Car- dons). La fleur d’artichaut est la meilleure de toutes les présures; elle ne communique aucun mauvais goût au fromage ; elle est préférable sous tous Îles rapports à la présure ordinaire. On fera bien, à la campagne, d'en réserver toujours une provision pour cet usage. E. — Frais et produits. FRAIS. Nous les avons calculés pour une culture continuée pendant trois ans, durée ordinaire des plantations d’artichauts. PREMIÈRE ANNÉE, Boyenietimpesitions ang usine. à 500 f 60 metres cubes d'engrais, à 8 fr. le m, eube.. 480 AchAbduNpDlant PME Er P et eee Je 250 Main-d'œuvre.....,...... S'éleites ARE À 500 Paille et feuilles pour abris, .,............. 100 ÆOÔPARTE 253% 1.450 DEUXIÈME ANNÉE, Loyer et impositions. ........... se À 5u0 28 mètres cubes d'engrais. .....,........ 200 Mae ŒUNréS MEME EN S. chlos ir de 200 Paille et feuilles...,.... Der suolu avobe Less 100 DoTAgt: $00 TROISIÈME ANNÉE. Frais égaux à ceux de la deuxième année, . ... Su0 Toras des frais pour trois aus. 5,050 Plusieurs articles auraient pu être ou sup- primés ou diminués; tels sont l'achat du plant que le plus souvent on n’achète pas: nous le portons au prix du marché aux fleurs à Paris, en 1343; les feuilles qui ne coûtent rien à la campagne ; la paille pour couverture, qui sert plusieurs années de suite ; nous les portons en compte pour compenser mille faux frais qu’on ne peut évaluer, et qui grossissent toujours d'une manière imprevue, les frais de culture calculés d'avance. PRODUITS. Un hectare de terre reçoit, comme on l’a vu, en moyenne, 15,000 pieds d'artichaut. Sup- posons qu'il en manque 1,000 , restent 14,000. Chaque pied peut donner, soit une grosse 216 HORTICULTURE. pomme et deux moyennes, soit deux moyennes et trois ou quatre petites. Le prix moyen est très difficile à déterminer. A Paris, les arti- chauts les plus gros et les plus précoces se vendent aux revendeurs de 20 à 30 centimes la pièce; le paquet de 8 à 10 artichauts à la poivrade vaut, en primeur, de 40 à 50 c. En pleine saison, les gros valent de 10 à 15 c.; les moyens, de 5 à 10 c.; les paquets de petits artichauts, de 10 à 15 c. Les derniers arti- chaats et ceux que l’on conserve pour être vendus en hiver, dépassent quelquefois le prix des plus précoces. D’après ces données, une moyenne de 30 c. par pied n’est pas trop éle- vée pour le produit annuel des cultures d’ar- tichaut qui approvisionnent Paris. 14,000 pieds d’artichaut à 30 c., portent le produit brut d’un hectare à 4,200 fr. Ce produit doit être diminué de 800 fr. pour la première an- née, en raison du nombre de pieds qui ne mon- tent pas. Le produit brut des trois années au bout desquelles on détruit les plantations d’ar- tichaut peut donc s'élever approximativement a 11,800 fr. Nous pourrions citer telle culture de 33 ares (un arpent de Paris), qui a produit 2,000 fr. par an ; telle autre culture de 16 ares, qui a donné en un an 1,200 fr. Ce serait sur le pied de 6,000 fr. et de 7,200 fr. par an par hectare, ou pour trois ans, 18,000 à 21,000 fr. On concoit aisément que les produits d’une culture de plusieurs hectares ne peuvent se comparer à ceux d’une petite culture, où cha- que pied est soigné individuellement comme une plante de collection; c’est l’histoire des mécomptes qui suivent tous les calculs basés sur des essais en petit. Le jardinier qui consacre un hectare de terre à la culture de l'artichaut, en soigne ordinai- rement de son mieux 16 ares; le produit de cette partie de son champ lui rapporte, à moins derevers extraordinaires, de 800 fr. à 1,000 fr.: moyenne, 900 fr. par an, et pour trois ans, 2,700 fr. C’est le plus certain de sa récolte. Les artichauts des84ares restant, peu ou point arro- sés en été, rarement découverts et recouverts à propos en hiver, ne lui donneront pas tous les ans un produit brut aussi élevé que celui de 16 arestraitées avectous les soins nécessaires. Une bonne année compensant une mauvaise , cha- que pied de ces 84 ares donnera en moyenne 10 c. par an, soit pour 11,760 pieds, 1,170 fr., et pour trois ans, 3,510 fr. qui, ajoutés à la recette de 2,700 fr. obtenue des 16 ares bien soignés, porte le produit brut total à 6,210 fr., même en faisant au chapitre des accidents une très large part. Nous ne portons point en re- cette les æœilletons, qui ont souvent à Paris une valeur considérable. Les pieds d'artichaut avant souffert cette année (1842) par la séche- resse et les pucerons, le plant ne peut valoir, au printemps de 1843, moins de 2 fr. le cent, etil n’y en aura pas pour tous les amateurs. En résumé , nous trouvons pour produit net d'un hectare d’artichauts traités selon la ma- oière ordinairement en usage autour de Paris, LIVRE VIII. la différence entre 3,030 fr. de frais et 6,210 fr. de recette, soit 3,180 fr. En nombres ronds, c’est 3,000 fr. de frais et 6,000 fr. de recette brute en trois ans; soit 1,000 fr. de produit net par an par hectare. $ XVII. — Cardons. Les côtes blanchies de cette plante, dont la saveur a beaucoup de rapports avec celle de lartichaut, ne sont pas assez généralement goûtées pour que la consommation en soit fort étendue ; les cardons ne peuvent donc occuper qu'un espace très limité dans le potager du jardinier de profession. Quatre espèces sont principalement cultivées: le cardon d’Espa- gne, le cardon de Tours, le cardon à côtes rouges et le cardon inerme ou à côtes pleines. Ce dernier est le meilleur à tous égards; il est. comme son nom l'indique, tout-à-fait sans piquants et presque dépourvu de fils inté- rieurs, toujours désagréables à rencontrer dans les côtes des cardons des autres espèces. Il est à désirer que le cardon inerme soit substitué dans la culture au cardon de Tours qu’on lui préfère généralement ; ce cardon n'offre sur le cardon inerme aucun avantage; les piquants dont il est armé causent souvent aux jardiniers des blessures très lentes à guérir. On ne mul- tiplie le cardon que de semences, tellement semblables à celles de lartichaut, qu'il faut beaucoup d'habitude pour ne pas les confondre. Ces semences se récoltent comme celles de l’ar- tichaut, sur des fleurs dont on a eu soin d’in- cliner la tige en la tordant, afin qu'elles soient tournées vers la terre, pour les préserver de la pluie qui nourrit souvent, la graine quand on les laisse dans leur situation naturelle. Le cardon se sème en place, comme l’artichaut, dans les mêmes conditions et à la même dis- tance entre chaque pied ; on accélère sa crois- sance par des arrosements d’autant plus abon- dants que l'été est plus chaud. Vers le milieu de juin, le cardon n’a encore poussé que des feuilles souvent longues de 1,50 à 2° ; c’est à ce moment de sa végétation qu’il faut l'arrêter pour le rendre propre à l’usage auquel on le destine. A cet effet, on réunit les feuilles par leur sommet au moven d’un lien de paille tor- due, sans trop les comprimer. On enveloppe ensuite toute la plante , maintenue dans une position verticale, d’une chemise de paille lon- gue, placée dans son sens naturel, les épis vers le haut ; plusieurs attaches en paille maintien- nent cette couverture. On butte ensuite la terre autour du pied, ce qui recouvre de 0,05 à 0,06 de terre l'extrémité inférieure de la paille et l'empêche d’être déplacée par le vent. Le cardon ainsi couvert blanchit et s’étiole d'autant plus vite et plus complétement , que son enveloppe de paille est plus épaisse. 11 ne faut lier les cardons que successivement , en donnant à leurs chemises de paille des épais- seurs différentes. Cette précaution est très né- cessaire pour que les cardons ne blanchissent pas tous à la fois; car, une fois blanchis, ils ne TITRE IV. restent pas en cet état; ils pourrissent très ra- pidement s’ils ne sont consommes, el, Comme nous l'avons dit, la consommation en est tres limitée. A l'entrée de l'hiver, on enferme dans une cave sèche ou dans la réserve économique quelques touffes de cardons qu’on a eu soin de semer assez tard pour qu'ils soient bons à lier vers la fin d'octobre: c’est la provision d'hiver. On se garde biende lier les pieds qu’on destine à porter graine l’année suivante; on les traite comme des pieds d’artichaut. $ XVIII. — Géleri. Nos voisins de l’est et du nord font plus de cas que nous de cet excellent légume, dont les propriétés digestives ne sont pas assez génc- ralement appréciées en France. A Paris, le céleri n’est guère employé is comme assai- sonnement accessoire dans la soupe grasse et la salade, ce qui ne permet pas à sa culture d'occuper un grand espace. Néanmoins, depuis quelques années, la consommation du céleri tend à s’accroître, surtout depuis l’introduetion en France d’une excellente espèce connue de toute ancienneté en Allemagne sous le nom de céleri-rave. Le céleri est une des productions indigènes de notre sol; on le trouve à l’état sauvage dans les parties humideset marécageuses des dépar- tements des Bouches-du-Rhône et du Var; la pature l'avait doué de toutes les propriétés qui le rendent utile comme aliment. Du jeune plant de céleri sauvage, transporté dans les jardins et cultivé comme le plant obtenu de semis, n’en diffère pas essentiellement. Sur tout le littoral francais de la Méditerranée, le céleri sauvage est si bien apprécié , que les paysans 3 Va a le nomment par excellence la bonne herbe. À. — Semis, La récolte de la graine de céleri n’exige au- cun soin particulier, et n’est point sujette, comme beaucoup d’autres, à dégénérer par le croisement, parce que cette plante a peu de va- riétés ; néanmoins, on fera bien de ne pas pla- cer les porte-graines du céleri-rave trop près de ceux du céleri commun, qui pourraient les faire dégénérer. On sème les premiers céleris sur couche sous châssis, à la fin de février et dans les premiers jours de mars; les premiers semis en pleine terre se font en avril et peuvent être continués jusqu’en juin. La graine doit être fort peu recouverte; il faut entretenir sur les semis une humidité constante nar de fré- quents arrosages, même avant que le plant ne commence à se montrer, sans quoi la graine ne lèverait pas. B. — Préparation du sol. La nature du terrain sur lequel le céleri croit naturellement indique pour sa culture un sol fertile, profond et humide , ou très largement arrosé s’il se prête trop facilement à l’evapo- ration. Quelle que soit sa constitution, on doit BORTICULTURE, CULTURES NATURELLES. 28 le défoncer à la profondeur de 0°,60 et le fu- mer sans parcimonie avec du fumier à demi consommé. On laisse le sol ainsi remué se ras- seoir pendant une semaine ou deux; puis on ouvre des fosses larges de 1m,40 et profondes de 0",50 ; la terre qu’on en extrait est déposée en ados sur les deux bords. C. — Plantation. La préparation du terrain en fosses, telle uenous l'avons indiquée, est destinée au mode e plantation qui réunit le mieux les conditions essentielles de production et d'économie ; cha- que fosse recoit trois rangs, l’un au milieu, les deux autres à 0",32 de chaque côté. Les pre- miers semis sur Couche donnent dans les pre- miers jours de juin du plant bon à mettre en place; les autres semis fournissent à des plan- tations successives qui se prolongent jusqu’en automne, de sorte qu’on peut jouir de cette production presque toute l’année. Dans les jardins de peu d’étendue destinés seulement à une production restreinte, on ob- tient le céleri plus promptement et plus beau, en plantant les rangs sans fosse, sur un sol bien engraissé, à la distance de 0",80 ; mais ce mode de plantation , quoique préférable en lui-même, ne serait pas assez avantageux pour le jardinier de profession. D. — Détails de culture. Le céleri demande beaucoup d’eau à toutes les époques de sa croissance; lorsqu'il est mis en place par un temps sec et chaud, il ne lui faut pas moins de trois ou quatre arrosages par jour ; plus il est mouillé, plus il atteint promp- tement la longueur de 0m,30 à 0,40. Par- venu à cette dimension, on attache toutes les feuilles de chaque plante avec un lien de jonc ou de paille; on commence alors l’opéra- tion essentielle de cette culture, qui consiste à butter le céleri en lui rendant la terre prise, soit sur les ados, soit dans les intervalles des lignes lorsqu'elles sont suffisamment espacées. Le buttage ne doit laisser à découvert que l’extrémite supérieure des feuilles; la terre mêlée de fumier ne tarde pas à activer la vé- gétation, de sorte qu'au bout de huit jours un second buttage devient nécessaire ; il est suivi d’un troisième huit jours plus tard, après quoi le céleri est bon à récolter. Le sol peut être tout aussitôt disposé pour recevoir une nouvelle plantation qui réussira comme la première. Le céleri récolté le dernier en automne se con- ser\e très bien à la cave dans du sable frais pendant l'hiver. La culture du céleri-rave est la même, à l'exception des buttages dont il n'a pas besoin, parce que la partie comestible con- siste dans le collet de la racine, tendre et volu- mineux par lui-même sans être butte. E. — Frais et produits. La culture du céleri n’a pas assez d'impor- tance et n’oceupe pas le sol assez constamment pour que son compte puisse être bien exacte- TV 195: 218 ment établi, surtout quant aux frais; le plant s'élève sur des couches qui ont servi avant et qui servent après à une foule d’autres usages : le fumier mis dans les fosses de céleri n’est pas épuisé par cette récolte ; on ne lui consacre pas non plus des journées entières de travail, si ce n’est quelquefois à l'époque des labours et des plantations ; les évaluations, même approxima- tives, sont donc très difficiles à établir. Quant aux produits, un are de terrain peut recevoir en juin, dans 5 fosses, i5 rangées de céleri de 30 plantes chacune, soit 450 pieds, vendus de 5 à 10 centimes la pièce à leur ma- turité; C’est un produit brut de 30 à 33 fr. pour une récolte qui se renouvelle au moins deux fois dans une saison et qui a déjà été précédée ‘ d’une ou plusieurs autres récoltes de plantes potagères plus ou moins productives. 6 XIX. — Laitues. Il n’existe aucun pays dans le monde où il se consomme autant de salades qu’en France, un dicton populaire assure que le soldat fran- cais ne réclame pour nourriture que deux cho- ses : soupe et salade. Parmi les salades , la lai- tue tient sans contredit le premier rang. La lai- tue n’est connue en France que depuis le règne de Francois 1°"; les premières graines de laitue semées en France avaient été envoyées de Rome à Paris, au cardinal d'Estrées, par Rabe- lais, vers l'an 1540: les lettres de Rabelais en font foi; en 1562 la laitue fut introduite en Angleterre ; avant la fin du seizième siècle elle était commune dans toute l'Europe. A. — Choix des espèces. Aucune plante potagère n’a varié par la cul- ture autant que la laitue. Le choix des espèces -à cultiver doit être déterminé en partie par la nature du terrain, en partie par le but dans lequel on cultive. Toutes les laitues montent vite et pomment difficilement dans les sols chauds, trop secs et trop légers ; dans les terres fortes et froides, elles poussent avec une len- teur désespérante. Le jardinier marchand fait choix des espèces les plus avantageuses pour la vente : ce sont toujours celles dont la végéta- tion rapide laisse le terrain le plus tôt libre pour d’autres cultures. Les listes suivantes in- diquent les meilleures variétés de laitues, clas- sées sous les rapports qui doivent le plus in- fluer sur le choix du jardinier. Laitues à pommes rondes (laitues proprement dites). LAITUES DE PRINTEMPS, dauphine . , , . , . . . graine noire. Laitue gotte{ cordon rouge, . . . , . , graine blanche. petite blonde (monte vite). id. Ces trois variétés ont toutes plus ou moins le défaut de monter très souvent avant d’avoir formé leur pomme, ou très peu de temps après l'avoir formec; ce que les jardiniers expriment HORTICULTURE. LIVRE VIII. est de beaucoup la meilleure sous ce rapport ; les Anglais ne cultivent presque pas d'autre laitue de printemps. LAITUES D ÉTÉ. { blonde de Versailles, . . . graine blanche. aAue TUE CN CR PI HINÉINOIE Lde/Génest FER NN id. Ces trois variétés sont les laitues d'été par excellence: toutes trois forment des pommes à la fois grosses et tendres, qni se font très vite et montent très difficilement; elles sont donc les plus avantageuses pour le jardinier-mar- chand. On cultive aussi dans les marais les espèces suivantes parmi les laitues d’été : { blonde de Berni . . . . . graine noire, + royale. 24e er — lrapue, . . . . graine blanche, Laitue...… — de Malle en RTL de PANIER id. chou dE PATATE, SEPT 7 Ces deux dernières laitues d’été deviennent énormes, mais leur saveur est peu recherchée, légèrement amère ; elles ne sont réellement bon- es qu’à être cultivées en plein champ, comme cela se pratique en Angleterre, en Belgique et dans le nord de la France, pour la nourriture des pores qui en sont très avides ; aussi, après avoir eu un moment de vogue extraordinaire, ces deux laitues ont-ellesété bannies des jardins pour res- ter dans le domaine de la grande culture. Dans les terrains médiocres, surtout lorsqu'on veut avoir de la laitue mangeablie sans se donner beaucoup de peine, on peut choisir la laitue rousse de Hollande, la plus rustique de toutes, et la laitue blonde paresseuse, qui pourrait se nommer aussi lailue des paresseux, puisque, sans aucune espèce de soin, livrée à sa végé- tation naturelle, elle finit toujours par pommer. LAITUES D'HIVER, de la Passion. . . . . . . graine blanche. Edifue. 44114 mortes AMENER crêpe, ou petite crêpe, . . &/, Petite laitue noire, . . . . . . + . graine noire. Ces laitues n’ont d’autre mérite que leur très grande rusticité, qui leur permet, moyennant quelques abris, de passer l'hiver en pleine terre, dans une plate - bande à bonne exposi- tion, et de pommer de très bonne heure au printemps. Elles conviennent spécialement comme laitues de grande primeur sur couche, sous cloche ou châssis (voir Cultures forcées). Les maraichers nomment lailues à couper celles qu'on sème fort épais, pour les couper au collet de la racine, dès qu’elles ont leur qua- trième feuille. Toutes les laitues, sans distinc- tion, peuvent être traitées ainsi. Deux variétés, la laitue-chicorée et la laitue-épinard, sont en outre particulièrement propres à cette destina- tion; la laitue-épinard repousse du pied et en disant qu’elles ne {iennent pas. La premiere | peut être coupée plusieurs fois. TITRE IV. Laiues a formes allongées | laïtues romaines). verte bâtive, de printemps et d'été. verte maraïichère, d'été. grise maraichère (la plus grosse connue). rouge d'hiver, peu sensible au froid. alphange, à feuilles épaisses. blonde maraichère. blonde de Brunoy. Rom:me., Toutes ces romaines sont bonnes et méritent d'être cultivées ; les plus avantageuses sont la romaine verte maraichère d’été et la grise- maraichère , qui est d’été et d’arrière - saison. Les Anglais cultivent plusieurs variétés de ro- maine, égales en bonté aux nôtres, mais peu connues en France ; la brune de Hambourg et la romaine de Kensington sont les deux meil- leures. Nous devons une mention spéciale à la ro- maine à feuille d’artichaut, vulgarisée par M. Mathieu de Dombasle; elle est tendre ct fort bonne ; elle devient fort grosse lorsqu'on a soin de la lier de bonne heure; elle résiste bien aux premières gelées blanches, de sorte qu’on peut en manger fort tard en automne, avantage que ne possèdent pas les autres ro- maines d’été. On la mange aussi, cuite. B. — Semts et repiquages. Les laitues, quelle qu’en soit l'espèce, se sè- ment en bonne terre de jardin, plutôt légère que forte; la graine doit être fort peu recouverte, surtout si la terre est tant soit peu argileuse. On sème à la volée, très clair, à moins que la laitue ne soit destinée à être coupée à sa qua- trième feuille. Les laitues à pomme ronde n’ont pas néces- sairement besoin d’être repiquées ; elles pom- ment très bien en place comme on le voit par celles qu’on laisse de distance en distance sur la planche où les laitues ont été semées en pé- pinière, et qui ne présentent aucune différence avec les laitues transplantées. Le plus souvent, les laitues ne se sèment point en pépinière; on se contente de mêler un peu de graine de laitue dans les semis d'ognon; quand le plant est bon arepiquer, on l'éclaireit en en laissant seulement cà et la quelques pieds qui pomment sans nuire beaucoup aux ognons, surtout quand on a soin de faire choix des espèces qui croissent vite et ne font pas de trop grosses pommes; elles sont enlevées de trop bonne heure pour gêner la vé- gétation des ognons. Les laitues se plantent en quinconce, les plus grosses à 0",40, les moyen- nes à 0",30, et les plus petites à 0m,20 les unes des autres. La principale précaution à prendre consiste à éviter de tasser trop fortement la terre; laracine pivotante de la laitue veut plon- ger facilement dans un sol pénétrable; moins elle trouve derésistance, plus la végétation de la plante est vigoureuse etrapide. C'est pour la même raison qu’on a soin de pailler les plan- ches de laitue avec de la litiére sèche ou du fumier long, pour empêcher l'eau des arrosages de rendre la terre trop compacte. CULTURES NATURELLES. 219 Leslaitues de printemps se sèment en mars, pour être repiquées en avril; les laitues d’été se sement depuis le 15 avril jusqu’à la fin de juil- let, pour se succéder sans interruption et don- ner tout l'été du plant bon à repiquer, à mesure qu'on récolte les laitues pommées; les laitues d'hiver se sèment à trois où quatre reprises entre le 15 août et le 15 septembre, pour être transplantées avant la Toussaint et passer l’hi- ver en place; on les recouvre de paillassons ou de litière pendant les grands froids qu’elles sup- portent bien, sous le climat de Paris, dans une position abritée; en général, les dernières se- mées et par conséquent les dernières repiquées, ont plus de chances pour résister que les laitues qui, mises en placetrop tôt, sont surprises par lefroid dans un état trop avancé de végétation. La laitue à couper, qui ne se repique pas, se sème au mois de janvier, sur couche sous châs- sis. Quand l'hiver n’est pas rigoureux, on peut semer dès le mois de décembre, sur couche sourde, dans la bâche économique. Au prin- temps on recommence les semis en plein air sur plate-bande recouverte de terreau; on peut les continuer pendant tout l’été, de 15 en 15 jours. C. — Details de culture. La laitue mise en place à l’arrière-saison n’a besoin que d’un peu d’abri durant les plus mau- vais jours de l'hiver, et d’un peu d’eau pendant les premières sécheresses de printemps. La ra- cine de laitue est, après la racine de fraisier, celle que les tures ou vers blancs (larves du hanneton) attaquent le plus volontiers. Le mal est sans remède pour les laitues d'hiver, parce qu’à l’époque de leur mise en place, les vers blancs se tiennent dans le sous-sol à une pro- fondeur telle qu’on ne peut les y aller chercher Mais quand on faconne le terrain au printemps pour recevoir du plant de laitues d’été, les vers blancs qui se tiennent à cette époque de l’année beaucoup plus près de la surface du sol devien- nent très visibles, parce que leur couleur tran- che sur le brun foncé de la terre de jardin ; on peut done, avec un peu d'attention, en détruire au moins la plus grande partie. Plus tard, si l’on voit une laitue languir et se flétrir presque subitement, il ne faut pas hésiter à larracher; on trouve presque toujours le ver blanc occupé à ronger sa racine. Quelques arrosages, d'autant plus fréquents que les lai- tues sont plus avancées dans leur végéta- tion, rendent les pommes plus blanches et plus tendres; les sarelages sont inutiles, que le terrain ait été ou non paillé au moment de la plantation; les laitues plantées aux distances que nous indiquons s'emparent du terrain as- sez promptement pour étouffer toute autre vé- getation. D. — Culture maraïchere de la laïtue romaine. Les procédés usités par les maraichers des environs de Paris pour la culture @e la romaine, dont la capitale et ses flaubourgs consomment des millions tous {es ans, sont peu connus et 220 peu pratiqués ailleurs; nous en devons à nos lecteurs la description abrégée; les jardiniers qui cultivent à portée des villes industrielles ou des villes de garnison ne peuvent faire mieux que de les mettre en pratique: la salade de romaine est celle que le soldat et l’ouvrier préfèrent à toutes les autres. Cette culture pourrait à la rigueur prendre place parmi les cultures forcées; mais comme elle se termine toujours en plein air, bien qu’elle se commence avec le secours des moyens arti- ficiels d'accélérer la végétation, nous croyons pouvoir la placer ici, sans déroger à notre plan. Les semis de romaines d’hiver se font en trois fois, à cinq jours d'intervalle, en com- mencçant au 4 et finissant au 15 du mois d'oc- tobre; ce n’est pas qu’on s'attache à ces dates précises avec une exactitude superstitieuse ; c'est uniquement parce que, presque toujours, sous le climat de Paris, ces époques coïncident avec une température convenable. Quant à la division des semis en trois fois différentes, elle est fondée sur le nombre réellement prodigieux de romaines que chaque maraïcher aurait à re- piquer à la fois, s’il semait tout le même jour; car le plant de romaine parvenu au point de croissance qui permet de le repiquer, ne peut pas attendre; tout le succès ultérieur de cette culture est fondé sur le tact infaillible qui fait reconnaître au maraicher le moment précis où il convient de repiquer la romaine, opération qui doit être enlevée le plus rapidement pos- sible. On n’emploie pour ce mode de culture que deux variétés de romaine, la verte hâtive, et la grosse romaine grise. Quelque bonne que puisse être la qualité de la terre où l’on doit semer la romaine en octobre, il faut toujours lui incor- - porer moitié de son volume de bon terreau de couches rompues; pour une planche de 10 mè- tres de long sur un mètre 30 de large, la cou- che végétale, étant supposée de 0,50 d’épais- seur, il faut environ trois mètres cubes de ter- reau, qu’on ne laisse point étendu sur la sur- face du sol labouré; on le répand au contraire le plus également possible avant le labour, puis on le mélange exactement avec la couche vé- gétale en la labourant. La planche ainsi prépa- rée est garnie d'autant de cloches de verre qu’elle en peut recevoir; on sème sous ces clo- ches, médiocrement serré; la romaine verte peut être sans grand inconvénient semée un peu moins clair que la romaine grise. La graine se recouvre très légèrement d’un peu de terre mélée de terreau, tamisée par-dessus ; les clo- ches sont replacées à mesure sur les espaces semés; on à soin que leurs bords entrent de quelques millimètres dans le sol pour prévenir l’évaporation. Le plant lève au bout de quatre ou cinq jours; il craint les coups de soleil; on doit avoir soin de l’en préserver en couvrant au besoin les cloches avec des paillassons. On peut ordinairement commencer à repiquer le HORTICULTURE. LIVRE VIII, délicate de la culture de la romaine d'hiver les mains adroites des femmes ct des enfants la pratiquent avec plus de succès que les doigts rudes des hommes ; car rien n’est moins résis- tant et plus fragile que le plant de romaine ob- tenu sous cloche, lorsqu'on l’arrache pour le repiquer, sept ou huit jours seulement après qu'il est sorti de terre. Les repiquages se font comme les semis, sous cloche, sur une terre préparée dela même manière ; on a soin de donner aux planches un peu de pente au midi. Si l’on craint les atta- ques des taupes-grillons (courtilières), on en- léve toute la terre de la planche, comme s’il s'agissait d'ouvrir une fosse pour une plantation d’asperges; on garnit le fond et les côtés avec de vieux paillassons, et l’on replace la terre qu’on laisse se rasseoir un jour ou deux, pour éviter que le plant ne se trouve déchaussé par le tassement qu’éprouve toujours naturellement un sol ainsi remué. Il y a d'ordinaire de 1,000 à 1,200 plants de romaine à prendre sous une cloche; on peut calculer sur cette base l’espace qu’exigent les repiquages. Le plant se repique en lignes, en échiquier, à environ 0m,04 de distance; chaque cloche conserve un espace circulaire vide d’en- viron 0,05 tout autour de son bord intérieur; elle peut admettre 30 plantsrepiqués. On compte ordinairement sur 36 cloches pour recevoir le plant repiqué d’une clochée de semis. Les trous pour le repiquage se font avec le doigt, en évi- tant sur toutes choses de tasser trop fortement la terre et de froisser le plant et sa racine qui n'ont presque pas de consistance ; il importe que chaque trou soit assez profond pour que la racine ne s’y trouve pas repliée à son extrémité inférieure. Les repiquages par ce procédé peu- vent se faire aussi bien sous châssis que sous cloche ; mais si l’on repiquait de cette manière du plant élevé en plein air, il ne pourrait man- quer d'y languir et d’être attaque d’une mala- die particulière, connue des jardiniers sous le nom de blanc, ou meunier. Il faut que le plant de romaine repiqué sous châssis ou sous clo- che ait commencé sa végétation dans les mé- mes conditions. Les soins à donner au plant repiqué se bor- nent à couvrir les cloches de paillassons ou de litière longue qu’on déplace pendant le jour, tant qu'il ne gèle que modérément. Si le froid devient plus vif, cet abri ne suffit plus; il faut remplir les intervalles des cloches avec de bon fumier d’écurie, qu’on retire aussitôt que le temps se radoucit, pour le replacer en cas de besoin. Le plant de romaine ne souffre pas sensible- ment du défaut d’air sous la cloche tant qu'il n’a pas pris l'air, ct c’est ce qu’on a soin d’é- viter tant que la chose est possible; mais il arrive assez souvent que le mois de décembre étant doux et humide, le plant prend un accrois- sement tel, sous les cloches, qu’il ne saurait plant de romaine dix ou douze jours après qu'il | attendre le mois de mars, époque à laquelle il aété semé; cette opération est la partie la plus | doit &re confié sans abri à la pleine terre; on 0 TITRE IV. est forcé dans ce cas de l'endurcir peu à peu en soulevant le bord des cloches du côté du midi, afin d'y laisser pénétrer l'air extérieur chaque fois que le temps le permet. C’est une très grande augmentation de main-d'œuvre, car une fois qu’on a commencé à soulever les cloches par le beau temps, il faut continuer, sous peine de voir le plant fondre et dépérir. A mesure que la saison avance, l’intérieur des cloches se trouve naturellement dégarni par l'enlèvement successif du plant qu’on trans- plante à différentes époques, soit sous cloches, soit sous châssis, sur couche froide, tiède ou chaude, afin d’en avoir une suite de recoltes non interrompue. On plante ordinairement quatre plants de romaine sous une cloche. La romaine sous cloche ou sous châssis ne pourrait pas se fermer, ou, commedisent les maraïchers, se coiffer d'elle-même ; on la lie avec un brin de jonc lorsque sa végétation est assez avancée. La laitue gotte et la petite laitue crêpe peu- vent être soumises exactement au même traite- ment que la romaine; on en plante également quatre pieds sous une cloche; on y peut ajouter une romaine au milieu. Le plant de romaine élevé sous cloche peut être risqué dès la fin de décembre en plein air à bonne exposition; il réussit quelquefois, mais c’est une partie de la récolte sur laquelle on ne peut compter ; le reste se plante d’abord dans les plates-bandes les mieux abritées, puis dans tous les carrés du marais, depuis le 15 février jusqu’au 15 avril. On ne doit pas négliger, pour ces dernières plantations, de découvrir tout-à- fait le plant plusieurs jours à l’avance, en ôtant les cloches d’abord le jour, ensuite jour et nuit. Les semis sur couche sourde découverte, puis sur simple plate-bande à l'air libre, com- mencés en mars, et renouvelés à dix ou quinze jours d'intervalle, fournissent du plant pour continuer la culture de la romaine en été quand le plant élevé sous cloches est épuisé. Presque toutes les romainesse ferment d’elles- mêmes; mais comme pour le maraïicher le temps vaut de l'argent, il n'attend pas que les romai- nes soient coiffées naturellement ; il leur donne un et quelquefois deux liens de jonc, qui for- cent leurs feuilles intérieures à blanchir et hà- tent le moment où elles pourront paraître sur le marché, en cédant la place à d’autres cultures. Si l’on tient à conserver pures les bonnes qualités de laitues à pommes rondes et de Jai- tues romaines, on réservera pour porte- graines les plus beaux échantillons, en choisis- sant ceux qui se coiffent le plus vite, sans avoir besoin d’être liés; on leur donnera de temps en temps quelques arrosages avec du jus de fumier étendu d’eau. De toutes les graines, la graine de laitue est celle dont les oiseaux sont le plus avides ; elle est particulièrement du goût des chardonnerets contre lesquels il est assez diffi- cilede la défendre. On peut, sans inconvénient, un peu avant la maturité complète des graines, lever les pieds en motte, les transplanter au pied d'un mur, et placer au-devant des branches CULTURES NATURELLES. 321 d'arbres (bourrées) qui, sans les ombrager trop fortement, empêchent les oiseaux d’y arriver. | Nous avons eu recours, pour l’exposé de la culture maraïchère de la romaine, à l'excellent travail de M. Poiteau sur le même sujet, publié dans le Journal d'Agriculture pratique, tome IT, p. 57. E. — Frais et produits. Les frais de la culture dela laitue sont comme ceux de toutes les cultures maraïchères, com- pliqués de frais relatifs à d’autres cultures, pour le fumier, la main d'œuvre, l’usage des cloches et des chässis, de telle sorte qu’il estpres- que impossible de les déterminer exactement. La laitue à pomme ronde demände le même sol et la même quantité d'engrais que l’ognon, à la culture duquel elle est souvent associée, Les frais pour dix ares de terrain sont donc à peu près représentés par les chiffres suivants : Loyer sur 1e pied de 300 fr. l'hectare...... 30 Fumier et terreau. .....,..... RES GPU LENS 200 Main-d'œuvre........ MUR IEL. see = 60 Frais accessoires. . ..% à 1. te, HT as 60 330 Ces frais pour dix ares semblent énormes, puisqu'ils ne s'élèvent pas à moins de 4,500 fr. pour un hectare, si l’on comptait par hectares dans la culture maraïchère. Ils ne sont cepen- dant pas exagérés, si l’on songe que dix ares de terrain admettent 1,500 cloches (15,000 par hectare), ou 700 mètres courants de châssis vitrés, représentant un capital dont il faut por- ter en compte, non-seulement l'intérêt, mais aussi le dépérissement. Il est vrai que les clo- ches et les châssis, de même que le fumier et le terreau, servent dans le cours d’une année à lusieurs cultures; il est très difficile d’assigner à chacune la part des frais qu’elle doit réelle- ment supporter. Le maraicher d’ailleurs ne s’en met nullement en peine; il lui suffit de savoir en gros à la fin de l’année ce qu'il a dépensé, et ce qui lui reste, quand il lui reste quelque chose. Dix ares de terre sont divisées en 80 planches, dont chacune admet en moyenne 90 pieds de laitue, soit pour les 80 planches 7,200, réduits à 7,000 par celles qui ne viennent pas à bien. Dans les six mois que dure la grande consom- mation de ce genre de salades à Paris, la plan- tation se renouvelle trois fois ; on a donc 21,000 laitues sur 10 ares de terrain ; c’est sur le pied de 210.000 par hectare, quantité qui peut être portée à 280,000 si l’on continue à cultiver le même terrain de la même manière pendant toute la saison; mais c’est ce qui ne se fait pres- que jamais, le sol étant occupé par d’autres produits non moins avantageux. 21,000 laitues ou romaines, à 2 c. 4/2 valent. .525 Ce produit est donc sur le pied de 5,250 fr. par hectare, ce qui laisse, tous frais deduits, 1,750 fr. de produit net; mais cette somme ne 222 représente pas la totalité du bénéfice obtenu sur les produits d’un hectare de terrain cultivé en laitue, puisque cette culture n’occupe le terrain que pendant six mois de l’année. $ XX. — Chicorée, La chicorée cultivée présente deux espices tellement distinctes, que beaucoup de jardiniers ‘les regardent comme des plantes fort éloignées l’une de l'autre, quoique botaniguement par- lant, elles soient très rapprochées; lune porte le nom de chicorée proprement dite, l’autre celui de scarole. Dans le nord de la France, de même que dans la Belgique wallonne, la scarole est connue sous le nom d’endive. Ces deux plantes se mangent crues, en salade, ou cuites, apprêtées comme des épinards; en France, on fait cuire de préference la chicorée, quoique la scarole soitégalement bonne iorsqu’elleest cuite, Peu de plantes potagères sont aussi salubres que la chicorée ; elle possède naturellement une saveur amère très forte dans la chicorée sau- vage, à peine sensible dans la chicorée cultivée, surtout lorsqu'on en mange seulement le cœur étiolé, dont la culture a fait presque compléte- ment disparaître l'amertume. A.— Choix des espèces. La chicorée frisée, cultivée dans les jardins, offre trois variétés principales : La chicorée de Meaux, longtemps cultivée seule autour de Paris ; La chicorée d'Italie, qui remplace aujour- d’hui la première; La chicorée rouennaise ou corne de cerf, moins répandue que les deux autres. En substituant, dans la culture en grand, la chicorée d'Italie à la chicorée de Meaux, les -maraichersdes environs de Parisont fait preuve de discernement ; le mérite de ces deux variétés, quant au goût et à la grosseur des têtes, est à peu près égal; mais la chicorée de Meaux, se- mée de bonne heure au printemps, monte sou- vent en graine sans vouloir pommer, tandis que la chicorée d'Italie, à quelque époque qu’on la sème, ne monte pas; c'est un avantage in- appréciable dans la culture maraichère. La chi- corée rouennaise est, comme celle de Meaux, très sujette à monter. Il ne faut pas semer la graine de chicorée nouveliement récoltée, le plant provenant de ces semis aurait deux fois plus de disposition à monter que celui qu’on obtient en semant la graine conservée pendant trois ou quatre ans. On croit communément que la graine de chicorée frisée ne cosserve pas au-delà de six ans sa faculté germinative ; nous en avons semé très souvent de beaucoup plus ancienne, dont pas une n'a manqué. La même observation s'applique à la graine de scarole. On cultive principalement deux varié- tés de scarole; l’une, connue sous le nom de grande scarole, tale beaucoup et donne des pommes très volumineuses : c’est la plus répan- due ; Pautre qui porte le nom de scarole ronde, est aussi bonne, mais un peu plus petite que HORTICULTURE. das LIVRE VIil. la première, sur laquelle elle al’avantage d’une végétation un peu plus rapide. Depuis quelques années, M. Marin a obtenu une excellente va- riété de scarole, dont la fleur est blanche; les fleurs des autres scaroles et celles de toutes les chicorées cultivées sont bleues comme celles de la chicorée sauvage dont toutes ces plantes ne sont que des variétés perfectionnées par la culture. On connait aussi dans les jardins d’a- mateurs une scarole blonde, à feuilles très larges, dite à feuilles de laitue; elle ne se recommande par aucune qualité spéciale; sa délicatesse et sa promptitude à pourrir la font exclure avec raison des cultures maraichères. B. — Détails de culture. La graine de chicorée veut être fort peu re- couverte; tout ce qui est enterré un peu trop profondément ne lève pas. On sème clair en plate-bande située dans la partie la plus décou- verteet la mieux aërée du jardin potager. Lors- qu’on veut semer de bonne heure au printemps, on ne peut employer que de la graine de chi- corée d'Italie; on ne peut semer la chicorée de Meaux avant le mois de mai, sous peine de la voir monter en graine et se refuser absolu- ment à pommer. Les semis en pleine terre se continuent tout l'été; les plus avantageux sont ceux qui se font les derniers pendant le mois d'août; le plant qui en provient donnant ses pommes à une époque où il n’y a plus ni laitues rondes ni romaines pour salades, se vend plus facilement et à un prix plus élevé. On peut laisser sur les planches des semis un nombre suffisant de pieds de chicorée pour les garnir ; ces pieds formeront des têtes aussi fortes que celles des pieds transplantés. (Pour les semis sur couches, voir Cultures forcées.) On transplante le plant de chicorée environ un mois après qu'il est levé; s'il a été bien traité, il doit avoir à cet âge de Om,10 à 0",15 de hauteur. La chicorée se plante en quinconce à 0®,35 en tout sens; lorsque le terrain est paille, sa végétation est rapide. Cette plante demande beaucoup d’eau jusqu'au moment où les touffes semblent assez fortes pour être liées. On réunit toutes les feuilles extérieures étalées sur le sol et on les attache avec un brin de jonc, de manière à renfermer les feuilles inté- rieures; il leur faut 12 à 15 jours pour blanchir. Il ne faut lier la chicorée que par un temps sec; si l’on renferme de l'humidité dans les touffes, elles pourrissent infailliblement. Les arrosages dont la chicorée a besoin, après être liée, doi- vent se donner au pied des plantes avec le bec de l’arrosoir prive de sa gerbe : si les têtes étaient mouillées intérieurement, comme il arrive quelquefois après de fortes pluies , elles pourriraient. Lorsque les premiers froids pré- coces surprennent les chicorées dans un état très avancé, on se contente de les couvrir de paillassons; mais si leurs têtes ne sont qu’à demi fermées, comme la gelée les prenant en cet état les détruirait en quelques jours , voici comment on prévient cette perte: toutes les TITRE IV. chicorées sont liées, quel que soit leur volume, puis arrachées et posées la tête en bas sur la place oùelles ont végété. À moins qu'il ne sur- vienne une série de temps froids et pluvieux, les chicorées blanchissent très bien dans cette position ; les têtes sont moins fortes, mais aussi tendres, et au total aussi bonnes que si elles avaient achevé de se former dans leur position naturelle. Leschicoréeset les scaroles d’arrière- saison se conservent très bien dans la réserve économique. Les procédés de culture de la chicorée s’appliquent, sans aucune différence, à la scarole. C. — Chicorée sauvage. Cette plante, telle que la nature la produit, telle que la grande culture l’obtient en masses pour fourrage ou pour convertir sa racine en café indigène, est admise dans la culture ma- raichère. Lorsqu'on désire la manger verte, cornme salade de printemps et d’eté, on la sème très serré pour la couper comme la petite laitue, lorsque ses feuilles ont 0,05 ou 0,06 de longueur ; elle forme en cet état une excel- lente salade, un peu amère, maissaine et agréable quand on y mêie des tranches debetterave cuite au four. Cette salade est fort recherchée des Parisiens au printemps ; c’est pour les gens du peuple une sorte de médicament autant qu'un aliment. Le second usage de la chicorée consiste à la convertir en barbe de capucin, nom sous lequel on désigne les longues feuilles étiolées de la chicorée sauvage, obtenues par divers procédés qui méritent d'être connus, car cette feuille constitue la plus salubre et la moins coûteuse des salades d'hiver. Il s’en fait tous les hivers à Paris une énorme consommation ; elle s'allie fort bien à la mâche et à la betterave cuite. Les jardiniers de Montreuil et de Bagnolet, les mieux placés de tous pour cette culture, louent à assez bons prix les plus mauvais terrains des environs, spécialement les parties graveleuses de la plaine qui s'étend entre Montreuil, Vin- cennes et Saint-Mandeé. Ils y sèment au prin- temps de la chicorée sauvage; ces semis se font très épais, et assez tard pour que la chi- corée ne monte pas. En novembre, soit au commencement , soit à la fin du mois, selon l’état de la température , on arrache avec soin toutes les plantes avec leurs racines ; ces ra- cines sont en général simples et droites, l’e- paisseur des semis ne leur ayant pas laissé d'espace pour s'étendre et se ramifier. Alors, hommes, femmes et enfants prennent chaque plante une à une, et suppriment toutes les feuilles, excepté la feuille centrale naissante w’il importe de respecter; cette opération se ait avec une promptitude et une dextérité mer- veilleuses ; LR travailleur, à mesure qu’il à effeuillé une plante, la pose à côté de lui de manière à former un tas où toutes les racines sont disposées dans le même sens. Quand tout est effeuillé , on en forme des bottes d’environ 0w,20 de diamètre. CULTURES NATURELLES. 223 Des couches de fumier chaud ont été pré- parées d'avance dans des caves ou dans de vastes Carrières abandonnées où elles occupent un espace considérabie à l'abri de la lumiereet de l'air extérieur ; les bottes de chicorée sau- vage sont plantées debout dans ces couches, très près les unes des autres. Au bout de quel- ques jours, la chicorée pousse des feuilles par- faitement blanches, longues, minces, demi- transparentes; quand elles ont atteint la lon- gueur de 0" ,15 à 0",20, on retire les racines de la couche et on les nettoie pour la vente. Afin de ne pas avoir à vendre toute la récolte à la fois, on dresse les couches l’une après l’au- tre et l’on arrache la chicorée successivement, de manière à en avoir à vendre tout l'hiver, Ce procédé serait excessivement coûteux pour d’autres que ceux qui l’emploient; mais le fumier des couches qui ont donné cette ré- colte sertensuite, soit pour des couches à cham- pignons, soit pour d’autres cultures forcées. Quant à la main-d'œuvre, cette culture vient à l’époque où les maraichers sont le moins pressés de besogne ; ils sont d’ailleurs les gens du monde qui regardent le moins à leur peine. Les jardiniers qui cultivent dans d’autres conditions peuvent se borner au procédé sui- vant, moins coùteux et moins compliqué. Les pieds de chicorée préparés comme ci-dessus, sont étendus dans une position horizontale, tous du même côté; on les recouvre de lits al- ternatifs de terre légèrement humide, en lais- sant seulement le collet de la racine à décou- vert. Ces lits doivent être établis comme les couches, dans des caves ou des souterrains parfaitementobseurs, à l'abri des courants d’air. Les pousses nouvelles ne tarderont pas à se montrer. À Paris, la chicorée ne donne qu’une récolte, parce que l’usage veut qu'on vende la barbe de capucin avec ses racines ; les acheteurs la préfèrent en cet état. Si l’on ne consomme pas en une fois la totalité des feuilles, le surplus gardant ses racines se conserve frais deux ou trois jours, avantage qu'on perdrait en ache- tant les feuilles sans les racines, quoique les racines soient sans usage. Mais si l’on peut débiter les feuilles séparément, on obtient deux ou trois récoltes successives des mêmes racines qu’il suffit de laisser en place sans les déranger. C’est ce que font les marins dans les voyages de long cours, afin d’avoir de temps en temps un peu de salade à distribuer aux équipages. La chicorée disposée, comme on vient de le voir, avec des lits de terre , est placée à fond de cale dans des caisses sans couvercle, posées sur le flanc (fig. 307). Fig. 307. 224 S'ils’agir d'obtenir ce produit en petite quan- tité pour la consommation d’une seule famille, on dispose tout simplement dans un coin de cave quelques cercles de tonncau posés sur des lits de terre de jardin. Les plants de chicorée y sont placés de telle sorte que tous les collets des racines soient en dehors des cercles, et toutes les racines en dedans. On empile à hauteur d'homme les couches successives de racines et de terre : la récolte se fait tous les huit jours, très commodément, sans déranger les cercles (fig. 308). Des soins judicieux de culture et une série de semis effectués avec les graines des plantes les plus développées, ont fait obtenir à M. Jac- quin (de Paris) une variété de chicorée sauvage remarquable par le volume extraordinaire de ses touffes et l’ampleur de son feuillage; il est probable que, traitée par lun des procédés décrits ci-dessus, elle donnerait en hiver une excellente salade de feuilles étiolées. $ XXI. — Dent-de-Lion (Pissenlit). Depuis quelques années, cette plante recher- chée de tout temps à l’état sauvage comme sa- lade de printemps, est l’objet de soins de cul- ture qui peuvent faire espérer de la voir figurer parmi nos salades les plus salubres. On avait remarqué que les meilleurs pissenlits sauvages étaient ceux dont les taupes, dans leur travail . Souterrain, avaient recouvert le cœur d’un et quelquefois de deux décimètres de terre; des pissenlits semés à dessein et recouverts d’une couche de 0,20 de terre légère au moment de leur entrée en végétation, ont donné des feuilles longues, minces, blanches, analogues à la barbe de capucin. Pour les avoir en cet état, il faut, dès que la pointe des feuilles se montre au de- hors, les couper entre deux terres. Nous ne doutons pas qu’en choisissant toujours les grai- nes des plus beaux échantillons et les semant dans le terrain le plus favorable, on n’obtienne du dent-de-lion rechargé de terre au printemps une salade aussi bonne et moins embarrassante à faire croître que la chicorée barbe de capucin. La saveur de ces deux salades, que nous avons goütées comparativement , est à peu près la même ; celle du pissenlit étiolé est cependant un peu moins amère. $ XXII. — Cresson de fontaine. On connaît la salubrité proverbiale du cres- son de fontaine que les revendeuses colportent au printemps dans les rues de Paris en l’an- noncant sous son antique surnom, la santé du corps. La consommation toujours croissante de cette plante, qu'on s’est contenté longtemps de cueillir à l’état sauvage dans les bassins des | HORTICULTURE. LIVRE VHS. sources et le lit des ruisseaux, a fait naître l’idée de la soumettre en grand à une culture régulière, idée mise d’abord à exécution en Allemagne. Aujourd'hui, de vastes cressonières assurent l’approvisionnement de la capitale ; nous avons fait connaître les procédés de la culture du cresson établie depuis 1811 à Saint- Léonard près Senlis (Oise), par M. Cardon, maire de cette commune (voir tome IE, p.160). Cette culture sort par son importance et l’é- tendue de terrain qu’elle occupe , du domaine du jardinage. Elle peut cependant être imitée en petit, partout où le moindre filet d’eau peut être conduit dans un fossé dont on égalise le fond qu’ou recouvre de 0",05 de bon terreau. Les plants de cresson posés simplement à plat sur le fond de ce fossé, s’y enracineront d’eux- mêmes. If faut prendre garde d'introduire dans les plantations de cresson de fontaine le siwm nodiflorum, plante dangereuse qui ressemble beaucoup au cresson. $ XXII. — Mâche. La mâche (valerianella) indigène en Europe, est une petite plante annuelle très usitée en France comme salade ; en Angleterre on la mange aussi cuite, hachée comme des épinards. Dans le nord de la France on la nomme dou- cette ; la variété à larges feuilles, la seule qu’on rencontre dans les jardins de toute la Belgique wallonne, y est connue sous le nom d’oreille de lièvre. Deux variétés de mâches sont cultivées dans nos jardins, la mâche commune et la mâ- che d'Italie, dont les feuilles sont plus larges et d’un vert moins foncé. La semence de mà- che est la plus menue des graines potagères; il faut avoir soin, pour la récolter, de secouer sur un linge, sans les arracher, les tiges de la plante encore verte, car les graines mürissent succes- sivement. Plus tard , on arrache avec précau- tion les porte-graines qu’on laisse sécher à l’om- bre dans un lieu un peu frais ; on les secoue de nouveau pour obtenir le reste de leurs graines, dont on perd toujours, de quelque manière qu'on s’y prenne, la plus grande partie. Cette graine, perdue ou dispersée par le vent, se conserve très bien en terre d’une année à l’au- tre, aussi est-on assuré de retrouver à perpé- tuité des mâches dans un jardin où quelques pieds ont une fois porté graine. Les semences de mâches conservent pendant bien des années leur faculté germinative. On peut semer des mâches tous les 15 jours, du printemps à l’automne, à la volée, parmi d’autres cultures, quand on n’en veut qu’une petite quantité, ou séparément quand on les cultive pour le marché ; elles n’exigent du reste aucune qualité particulière de terrain, aucun soin spécial de culture. Les semis du mois d'août donnent des mâches à cueillir succes- sivement tout l'hiver. Les mâches possèdent au suprême degré la propriété de résister au froid ; les plus fortes gelées interrompent leur végétation, mais elles repartent à chaque dégel. Le nom de cette salade indique la nature un a —— TITRE IV. peu coriace de ses feuilles quand elle eroît sans soin sur un terrain médiocre ; elle est au con- traire tendre et excellente lorsqu'elle végète sur un bon terrain, avec le fumier et les arrosages que réclament toutes les autres salades. $ XXIV.— Raiponce. Les feuilles et la racine de cette jolie plante bisannuelle, indigène en Europe, sont excel- lentes en salade. En Angleterre, où l’on en fait un cas particulier, la raiponce paraît en outre comme hors-d’œuvre sur les meilleures tables, à côté des petites raves et des radis. La rai- ponce , semée trop tôt au printemps, monterait en graine à l’automne, et périrait immédiate- ment après ; on ne doit pas commencer à semer avant juillet; on continue ensuite, de 15 jours en 15 jours, jusqu'à la fin d'août. Les racines et les feuilles naissantes forment une excellente salade de printemps. La graine de raiponce n’a pas besoin d’être enterrée ; il suffit de l’atta- cher à la terre par un léger arrosage. On ac- corde rarement un local séparé à la culture de la raiponce ; on l’associe à celle des autres plantes potagères ; elle profite des engrais et des arrosages qui ne lui sont pas exclusivement destinés. Semée sur une vieille couche, la rai- ponce est plus tendre et meilleure qu’en pleine terre, pourvu qu’on l’y sème assez tard pour qu’elle ne monte pas avant la fin de l’automne. $ XXV.— Persil. De toutes les plantes potagères employées comme assaisonnement, le persil est la plus usitée; il mérite donc une place spéciale dans le jardin potager. Durant toute la belle saison, on se contente d’en avoir quelques bordures qui profitent par contre-coup des arrosages destinés à d’autres cultures. Mais en hiver, son prix est quelquefois si élevé sur les marchés de Paris, que peu de produits de cette saison sont plus avantageux pour le jardinier. Pour avoir en hiver de belles récoltes de persil, on sème, plutôt clair que serré, dans la seconde quin- zaine de juillet, en terrain léger, qu’on arrose de temps en temps ; le persil reste souvent plus de 40 jours en terre sans lever. On soigne ces planches au moyen d’un bon paillis et d’arro- sages fréquents, jusqu'à l'approche des pre- miers froids. On les couvre alors pendant la nuit avec des paillassons ou de la litière longue qu’on enlève pendant le jour quand il ne gèle pas, et même la nuit lorsque le temps est déci- dément doux et humide. Il faut avoir soin, quand on cueille le persil en hiver, de ne pas enlever les feuilles trop petites, ce qui empêche- rait les autres de repousser. Nous avons vu souvent, pendant les hivers rigoureux, le persil payé à la halle de Paris à un prix équivalent à celui des légumes les plus chers de cette saison, et trois ou quatre fois plus élevé que celui des épinards ou de l’oseille, eu égard à l'étendue comparative du terrain consacré à sa culture. Le persil commun, dont les feuilles sout sup- portées sur de très longs pétioles, n'a en sa fa- HORTICULTURE, CULTURES NATUR ELLES. 225 | veur que sa grande rusticité; le persil à feuille frisée et le persil à larges feuilles, dont la sa- veur est la même, lui seraient préférés s’ils n'étaient beaucoup plus délicats et plus sensi- bles au froid. D'ailleurs ce sont de simples sous- variétés, dont la graine reproduit souvent le persil Commun. La seule espèce réellement distincte est le persil à grosse racine, dont la racine charnue, peu employée en France, si ce n’est sur notre frontière du nord, est fort usitée en Belgique et en Hollande, comme assaison- nement indispensable pour le poisson. Toutes les variétés de persil sont bisan- nuelles ; les pieds qu’on destine à porter graine doivent être mis à part à l’automne et soignés pendant l'hiver, surtout s’ils appartiennent aux sous-varietés sujettes à dégénérer. En coupant fréquemment les feuilles du persil ordinaire et lui donnant de l’eau en abondance pendant les chaleurs de l’été, on peut le maintenir plu- sieurs années et l'empêcher de monter ; mais une fois qu’il a porté graine il meurt. 6 XX VI. — Cerfeuil, Cette plante annuelle, indigène en Europe, croit partout, presque sans soins de culture ; elle monte en graine très facilement ; il faut la semer en été tous les 15 jours si l’on veut jouir sans interruption de ses feuilles, très usitées comme fourniture de salade. Dans quelques parties de l’est de la France, principalement dans les Vosges et la Haute-Saône, on ne mange jamais la soupe grasse en été sans y mêler une dose de cerfeuil cru, haché, suffisante pour la rendre toute verte. Les semences du cerfeuil doivent être fort peu recouvertes ; elles lèvent au bout de quelques jours. On connaît dans les jardins une variété de cerfeuil à feuilles frisées , qui dégénère encore plus facilement que le persil frisé; lorsqu'on veut la conserver, il faut choisir les graines des sujets les plus étoffés et les semer très clair à part, dans un endroit ombragé, le plus loin possible des planches de cerfeuil commun. Le cerfeuil et le persil se confondent souvent avec la petite ciguë (œthusa cynapium ) qui , lors- qu’elle est peu développée, ressemble beau- coup à ces deux plantes ; ses feuilles sont seu- lement plus aiguës, et d'un vert plus foncé ; la petite ciguë est un poison très dangereux; les planches de cerfeuil, comme celles de persil , doivent, pour cette raison, être sarclées avec un soin minutieux. $ XXVII. — Pourpier. La cuisine, et par une conséquence né- cessaire, le jardinage, ont presque entièrement abandonné cette plante que nous ne mention- nons que pour mémoire. Sous Louis XIV, le pourpier figurait comme légume cuit ou comme salade, sur les meilleures tables ; les deux salades du diner décrit par Boileau se composaient : L'une de pourpier jaune, et l’autre d'herbes fades, ce qui semble indiquer que ie pourpier commun T. V. — 29 996 (portulaca olereaca) dont la feuille est verte, était regardée comme préférable au pourpier doré (portulaca sativa), le seul qu’on rencontre encore dans quelques jardins. Le pourpier est cependant en lui-même un fort bon légume, aussi sain qu’agréable lorsqu'on le mange cuit à l’étu- vée, bien que, comme salade, il ne soit pas du goût de tout le monde. En Belgique et sur toute : notre frontière du nord, on cultive beaucoup le pourpier doré; Il forme la base d’un potage très connu dans tout le nord de la France sous le nom de soupe verte. Le pourpier commun est passé à l’état de mauvaise herbe dans tous les jardins où il a été cultivé; sa graine tres fine conserve indéfiniment dans le sol sa faculté germinative, ce qui le rend indestruetible. On pe sème le pourpier doré qu’au mois de mai ; la plus petite gelée le fait perir ; il n’exige aucun soin spécial de euliure; la terre légère lui con- vient mieux que la terre forte. Secrion 11, — Légumes-racines. 167, — Carottes. Parmi Îes légumes-racines, la carotte tient à juste titre le premier rang , tant pour son goût agréable que pour son extrême salubrité comme aliment. Pendant quatre siècles Rome n’a n2s eu d'autre médicament que le chou; il ne serait peut-être pas plus difficile de maintenir la santé publique sans autre secours que celui de la carotte. La culture a produit un grand nombre de variétés de carottes; des essais récemment renouvelés prouvent que la carotte sauvage peut, selon les terrains et le mode de culture, redevenir semblable à la plupart des variétés cultivées. Nous n'avons pas à nous occuper de celles qui, comme la jaune du Palatinat, la rouge et la blanche de Flandre, la blanche à collet vert, sont traitées en grande culture pour la nourriture du bétail. Les Flamands partagent avec leur bétail leur provision de carottes; ils ont un goût si prononcé pour leurs excel- lentes carottes crues, que personne ne résiste à la tentation d’en arracher quelques-unes en passant le long d’un champ. Le fermier, lors- qu’il sème des. corottes près d’un chemin, dit tour à tour, en jetantchaque poignée de graine: | « Voilà pour moi, voilà pour les passants. » La meilleure des carottes jardinières est la toupie de Hollande. Les maraichers de Paris en ont créé une sous-variété très supérieure même à son type originel ; ils apportent le plus grand soin à n’en pas laiser altérer la graine, qui ne tarderait pas à dégénérer en d’autres mains. Cette graine n’existe pas dans le com- merce, On ne peut se la procurer qu’en s’adres- sant aux maraichers. Après la précédente, les meilleures carottes jardinières sont la jaune, la blanche de Breteuil, courte et ramassée, obtuse par le bout. On a prôné nouvellement la carotte violette d'Espagne à chair jaune ; nous lui avons reconnu, sous le climat de Paris, deux | défauts qui s’opposeront longtemps à sa culture HORTICULTURE. LIVRE VITE | en grand : elle ne se garde pas et elle est très difficile sur le choix du terrain ; mais elle peut devenir précieuse pour le midi ; elle est tendre et très sucrée. A. — Choix de la graine, préparation du sol. Aucun caractère extérieur n’annonce avec quelque certitude depuis combien de temps la graine de carotte a été récoltée; on ne peut donc l'acheter que de confiance ; passé quatre ans, elle ne lève plus. Lorsqu’on la seme au bout d’un an seulement , elle leve à la vérité, mais de bisanuelle. la plante devient annuelle, et en conséquence elle monte des la fin de son pre- mier été, ce qui rend les racines ligneuses et sans valeur. Le jardinier ne peut être parfaite- ment en süreté contre l’un ou l’autre de ces deux inconvénients qu’en récoltant lui-même la graine de carotte qu'il se propose de semer. Deux bons labours à la bêche et une bonne fumure sont nécessaires pour les semis de ca- rottes. Les légumes-racines en général et les ca- rottes en particulier demandent l’engrais le | plus animalise possible. Lorsqu'on ne peut leur donner qu'un engrais où les substances végé- tales dominent, nous conseillons, d’apres notre propre expérience. d'y mêler une petite quan- tité de noir animal, qu’on peut se procurer pres- que partout ; la meilleure manière de l’em- ployer eossiste à en saupoudrer le fumier étendu sur le sol, au moment de l’enfouir à la bêche : on trouverauneeénormedifférence daus les produits obtenus avec ou sans addition de noir animal. à. — Semis. La graine de carotte, surtout celle des es- peces les plus délicates, est tres sujette à nuiler, c'est-à-dire qu’apres avoir levé, les jeunes plan- tes se flétrissent et meurent sans cause appa- rente. On ne doit donc pas craindre de semer très serré, sauf à éclaircir plus tard ; ce qui, dars tous les cas, est inévitable, la nature et la conformation de cette graine ne permettant ja- | mais, même à la main la plus exercée, de rendre des semis assez parfaits pour qu’il n’y ait plus à y retoucher. La graine, dans son état naturel, est entourée de cils tres nombreux qui s’ac- crochent entre eux et empêchent de répandre régulièrement la semence ; aussi les jardiniers ont-ils soin de la frotter fort et longtemps dans la main pour briser les petits crochets et dé- truire toute agglomération. Pour ceux qui n'ont pas une grande habitude de ce.genre de semis, nous conseillons, comme excellente. la pratique de mêler la graine avec partie égale en volume, de sable fin ou de terre sèche pulvérisée. Ou seme la carotte en place, à la volée; il faut ré- couvrir très légerement la semence et arroser même avant qu’elle ne commence à lever, pour en hâter la germination, parce que beaucoup d’insectes en sont avides ; quand elle séjourae trop longtemps en terre avant de lever , il n’en reste presque plus ; tout est dévoré. On peut aussi semer en lignes dont la distance varie se- lon le volume des especes, de 0",15 à 0,25 ; | : ] TITRE IV: mais dans ce cas, il est difficile d'empêcher qu'en plusieurs endroits les semis ne soient beaucoup trop serrés dans le rayon, ce qui rend plus difficile l'opération de l’éclaircissage. Le meilleur de tous les procédés pour re- couvrir la graine de carottes, c’est de répandre par-dessus de bon terreau, à 0",02 ou 0,03 d'épaisseur; mais on n’en a pas toujours à sa disposition. Dans ce cas, un peu de bonne terre franche de jardin, répandue le plus également possible sur la graine de carottes, produit à peu près le même elfet. On commence les se- mis de carottes dès le mois de février, sur plate- bande bien abritée à l'exposition du midi; on continue les mois suivants jusqu'en juin; les premiers et les derniers semis sont principale- ment destinés à donner des carottes qui se con- somment à moitié de leur grosseur. On sème aussi dès la fin du mois d'août des carottes qui doivent passer lhiver en terre pour donner une récolte de bonne heure au printemps. Ceite mé- thode est excellente quand le climat ne fait point appréhender des froids excessifs, Car la carotte, pourvu qu’elle ait acquis assez de force avant l’hiver, ne craint pas les gelées ordinai- res sous le climat de Paris. Il est bon de donner aux planches de carottes semées avant l'hiver, une couverture de fumier long, moins pour les préserver du froid qu’elles pourraient suppor- ter sans cette précaution, que pour activer au printemps leur végétation, et rendre la première récolte plus hâtive, ce qui, près des grandes villes, influe beaucoup sur les prix. C. — Détails de culture. Les quinze jours qui suivent la levée de la graine de carotte sont l’époque critique pour cette culture ; le jeune plant est souvent détruit presque en entier par une petite espèce d’arai- gnée qui multiplie prodigieusement, surtout dans les terrains où le calcaire domine. Les entomologistes rendraieni un grand service au jardinage, s'ils trouvaient un procédé sûr et facile de la détruire. On en diminue les ravages au moyen d’arrosages fréquents avec de l'eau dégourdie au soleil, ou mieux, mise à une tem- pérature douce en la faisant séjourner dans la serre, quand on en a une-à sa disposition. Il faut se hâter d’éclaireir les semis de ca- rottes qui en ont besoin, sans attendre que le | plant enlevé soit assez gros pour pouvoir être vendu ; le plant arraché, même très jeune, peut être repiqué dans les endroits trop clairs. Il reprend aisément, pourvu que la racine ait été enlevée sans se rompre et qu’en la mettant en place on ne replie pas sur elle-même son ex- trémité inférieure, ce qui l’'empêcherait de pro- fiter. La difficulté d'échapper à ces deux incon- vénients est la seule qui s'oppose à la culture de la carotte par le moyen du repiquage, pro- cédé qui serait sans cela beaucoup plus avan- tageux que les semis en place; mais il ne peut reussir que par des soins trop minutieux , qui occasionneraient une trop grande dépense en main-d'œuvre. CULTURES NATURELLES. 227 Dans la culture maraichère, la carotte toupie de Hollande ne reste jamais en terre jusqu'à ce qu’elle ait acquis tout son volume ; on la vend par bottes, lorsqu'elle est parvenue à la moitié ou aux trois quarts de sa grosseur. Les autres espèces destinées à devenir très volumineuses, sont éclaircies successivement à quatre ou cinq reprises différentes. Celles qu’on enlève ainsi pour faire place aux autres peuvent déjà pa- raitre sur le marché, en concurrence avec les toupies de Hollande, quoiqu'elles soient d’un goût moins delicat. La conservation des carottes durant l'hiver est très facile, pourvu qu’on les préserve des atteintes de l'humidité dans une cave ou dans la réserve économique. Si l'hiver est très doux, comme cela a lieu très souvent sous le climat de Paris, les carottes poussent à la fin de dé- cembre ou dans le courant de janvier des feuilles étiolées qui finiraient par rendre les racines coriaces et de nulle valeur; il ne faut pas hé- siter, dans ce cas, à défaire les tas ou les silos et à retrancher le collet de toutes les racines qui commencent à végéter. Dans des silos bien construits, semblables à ceux où l’on conserve les pommes de terre, les carottes jardinières peu- vent se garder d’une année à l’autre sanséprou- ver aucune altération. La carotte toute formée a de nombreux ennemis; les vers, les mille- pieds et plusieurs espèces d'insectes apitères, l'attaquent avant l'époque de larrachage et défient tous les procedés de destruction qu’on pourrait essayer contre eux. La larve d’un in- secte diptère ronge aussi fort souvent le collet des racines de cette plante. Cet insecte n’est à craindre que pour les récoltes de carottes pré- côces; les carottes tardives n’en sont jamais attaquées, parce qu’à l’époque où leurs racines commencent à grossir, l’insecte qui s’en nour- rit a subi sadernière transformation et est passé depuis longtemps à l’état de mouche. On conserve ordinairement les porte-graines dans une jauge à part, pour les mettre en place au printemps vers la fin de février, à 0°,50 de distance en tout sens. Les maraichers des en- virons de Paris et les cultivateurs de la vallée de Saint-Chéron, spécialement adonnés à la cul- ture de diverses graines potagères , mettent actuellement en place avant l'hiver les carottes destinées à porter graine , avec la seule pré- caution de les couvrir durant les fortes gelées ; elles souffrent moins que dans les jauges ou à la cave, et donnent de la graine de meilleure qualité. Il ne faut récolter que la graine des principales ombelles de chaque tige, quand on tient à conserver chaque espèce ou varicté de carotte dans toute sa pureté. D. — Frais et produits. FRAIS. Layer dan ae de ersain se : 10: SRIDUNCÉ.. a SE RTE. one 5 Engrais. 208. Re - ee cum eue 25 Main = ŒUNERSR ER PTE AE 10 à ne ToTai. des frais jour uu àre. 0 298 Ces frais sont moindres en réalité, tant parce que le jardinier récolte lui-même la graine de carotte dont il a besoin, que parce que lengrais a déjà servi avant d’être applique aux carottes qu'on sème rarement sur une fumure neuve. Quant au loyer, quoique ce soit sur le pied de 1,000 fr. l'hectare, il n’y à pas d’exagération, parce que nous n’entendons évaluer ici que la culture de la carotte printanière, à laquelle il faut et le meilleur sol et la meilleure exposi- tion. PRODUITS. 1 Le grand avantage de cette culture, sous le rapport de son produit en argent, consiste dans la précocité. L'évaluation en est pour ainsi dire impossible, tant les prix sont variables ; nous donnerons comme maximum de production ra- rement dépassé, mais assez souvent atteint, le produit d’un are dans notre propre culture, à Saint-Mandé, en 1840. Une planche de 10 mè- tres de long sur 1,32 de large, ensemencée en février, a donnésuccessivement, depuis Le 20 mai jusqu'à la fin de juin, 30 bottes de carottes dont 5 ont été vendues 1 fr. 50 c., 12, 1 fr., et les autres depuis 30 jusqu’à 80 c. la botte, en movenne, 55 €. Le total du produit de cette seule planche, très bien placée à Pabri du mur en terrasse du cours de Vincennes , a donc été en 1840 de 26 fr. 65 c. Un are contenant 6 planches semblables a dû donner, dans les mê- mes circonstances, 159 fr. 99 €. Un hectare de la même culture aurait rendu 15,990 fr. qui, déduction faite de 5,000 fr. de frais à 50 fr. par are, laissent 10,990 fr. de bénéfice net. Mais, dans ce genre de culture, on ne compte pas par hectare; celui qui en a plus de deux ou trois ares à la fois, en a trop, en raison de la main- d'œuvre interminable qu’il faut dépenser pour éclaircir, sarcler, arroser, cueillir, habiller et vendre les carottes printanières. Le prix dépend chaque année de l’état des cultures de petits pois; quand ce légume man- que autour de Paris, la carotte le remplace, Les maraichers savent très bien prévoir, d’a- près la température , une récolte de petits pois “bondante où médiocre, et régler leurs semis de carottes en conséquence. En 1840, il n’y a presque pas eu de petits pois autour de Paris. Partout ailleurs et dans les années ordinaires, c’est toujours une très bonne culture qui laisse au milieu de la saison la place libre pour une ou même deux récoltes d’autres légumes. $ II. — Salsifis et scorsonère, La culture de ces deux racines est la même, ainsi que leur usage alimentaire. Elles offrent une particularité qui ne se reproduit dans au- cun autre légume-racine; elles restent tendres et continuent à grossir sans se dessécher après une première floraison, et n’atteignent leur dé- veloppement complet qu'après avoir porté graine deux fois de suite, Depuis 25 à 30 ans, les cultures maraïchères qui approvisionnent de légumes Paris et nos HORTICULTURE. LIVRE VIIf. grandes villes du nord, de l'ouest et du centre, jusques et y compris Lyon, ont adopté le scor- sonére à l’exelusion du salsifis, non pas qu'il lui soit supérieur en qualité, mais parce qu’a- vec des soins convenables, le scorsonère peut donner des racines assez grosses pour être vendues dès la première année, tandis que le salsifis ne peut réellement être vendu que la seconde année de sa culture. Nous croyons utile de faire connaître ici l'excellente coutume des revendeuses de légumes à Lyon et dans les autres grandes villes du midi; elles livrent aux consommateurs les salsilis et les scorsonères tout épluchés, ratissés, lavés, prêts à être cuits; elles n’y perdent rien, puisque le temps qu’elles y emploient se passerait toujours à attendre les chalands dans l’inaction; le consommateur y . gagne, outre un temps précieux, l'avantage de ne point acheter les racines gâtées. Quiconque établirait cet usage à Paris y trouverait assu- rément son compte. C’est de cette manière seulement que la classe cavrière de Lyon, si nombreuse et si occupée, peut profiter de ce légume dont tant de ménages se privent à Paris, faute de temps nécessaire pour le préparer. A. — Préparation du sol, choix de la graine. Une terre légère, fumée seulement l’année précédente avec un engrais riche en substances animales, convient particulièrement au salsifis et au scorsonère ; il leur faut un labour profond, surtout au dernier, lorsqu'on ne veut lui laisser occuper le sol que pendant une seule saison. La graine de ces deux plantes est une de celles qui conservent le moins longtemps la fa- culté germinative et qui la perdent le plus faci- lement; la graine de deux ans est rarement bonne; dans celle d’un an, on peut toujours compter sur un cinquième et quelquefois sur un quart de graine stérile qui ne lève pas. Pour en juger à peu près, on coupe transversalement une vingtaine de ces semences vers le milieu de leur longueur et l’on compte celles dans les- quelles le germe est apparent. Quant à l’âge qu’elles peuvent avoir, nul caractère certain ne permet de l’apprécier. B. — Semis ; détails de culiure. Lorsqu'on peut consacrer au salsifis ou scor- sonère un terrain d’une assez grande étendue et dont le prix de location n’est pas trop éleve, on sème très épais au printemps afin qu'à l’au- tomne de la première année il se trouve environ la moitié des racines assez grosses pour être récoltées. Les autres continuent à profiter jus- qu’à l’année suivante. Si l’on sème dans le but de tout récolter dès la première année, ce qui est le plus avantageux dans les terrains très chers, près des grandes viles, il faut semer beaucoup plus clair. Les semis en ligne sont préférables aux semis à la volée , cette graine étant du nombre de celles qu'il est le plus facile de répandre uniformément. Dans un bon sol ! convenablement préparé, on peut ne laisser que 0,15 de distance entre chaque ligne; il | TITRE IV. en faut un peu plus dans une terre médiocre. On sème depuis les premiers jours de février jusqu’à la fin d'avril; les semis les plus avan- tageux sont ceux qu'on fait vers le milieu de mars. Une fois que la graine lève, elle n’exige presque plus de soins de culture; sa végétation devient promptement assez vigoureuse pour s'emparer totalement du sol et étouffer la mau- vaise herbe. Lorsque le printemps est sec, on est souvent forcé d’arroser plusieurs fois les semis qui ne lèveraient pas s'ils n'étaient ar- rosés. Le salsifis et le scorsonère peuvent rester tout l'hiver en terre sans inconvénient; leur racine ne gèle pas, pourvu qu’on ait soin, cha- que fois qu’on en arrache en hiver, de n’y point laisser çà et là des vides et d’enlever par ordre les rangées de racines qui se suivent. C. — Frais et produits. La culture du scorsonère est plus avanta- geuse dans une terre de fertilité moyenne et d'un prix modéré, que dans les terres de pre- mière qualité qui se louent près des villes à des prix exorbitants. Dans ces circonstances , les frais répondent à peu près aux chiffres suivants : Location de 33 ares (arpent de Paris), pour HEUCANS Te 2e Del sie core re : 86f Enmier Ve esse" NE RE eee 100 SOMENCR Lee ee mlelee elelale sreiera ee s ele sie e Se © 24 Main-d'œuvre, ....... L'ÉRERIO OO SOC bic 50 Torar. des frais pour deux ans. 220 Produits : environ 3,000 bottes, vendues en moyenne au prix actuel, 25 c. la pièce, soit 750 fr. qui, déduction faite de 220 fr. de frais, laissent 530 fr. de bénéfice net pour deux ans ou 265 fr. par année. La culture de ce légume est en réalité plus avantageuse que ce chiffre ne semble l'indiquer, tant parce que le produit se réalise souvent en entier dès la première année, que parce qu’elle laisse Le terrain libre de bonne heure la seconde année et qu’elle exige peu de main-d'œuvre. Elle offre de plus très peu de chances de perte et peut se traiter fort en grand sans qu’on ait à craindre l’encom- brement des produits dont le débit est assuré dans les villes pendant hiver. $ III. — Navets. Il n’est pas de plante potagère plus facilement et plus profondément modifiée que le navet par le sel et le climat. A l'exception de quatre ou ci2q variétés réelles et persistantes, les diffé- rentes sortes de navets changent de facon à devenir méconnaissables, d'un lieu à un autre, et ne se reproduisent pas identiques par leurs semences. On ne peut regarder comme des va- riétés véritables que le blanc allongé, le navet à collet rose du Palatinat , le navet noir d’Al- sace, le gris de Morigny, le jaune de Hollande, le jaune long des Etats-Unis, récemment im- porté d'Amérique, et le turneps ou rabioule du Limousin, qui constitue une espèce tout-à-fait distincte, à laquelle sc rattachent tous les na- CULTURES NATURELLES. 229 vets dont la forme se rapproche plus ou moins de celle d’un ognon. Les autres navets ne sont, a proprement parier, pas même des sous-va- riétés ; ce sont tout simplement des produits accidentels d’une localité particulière ou d’un mode spécial deculture ; aussi les désigne-t-on avec raison par le nom des lieux où ils ont été obtenus et conservés, mais dont ils ne peuvent sortir sans altération. Tels sont , aux environs de Paris, le navet de Ferneuse, le plus doux des navets à chair ferme, et le navet de Claire- fontaine, le meilleur des navets a chair fon- dante ; ni l’un ni l’autre ne persistent hors des territoires de Ferneuse et de Clairefontaine ; encore le navet de Ferneuse n'est-il déja plus ce que nous l’avons vu il y a trente ans. On a cherché à l’obtenir plus volumineux et il a dé- généré. A. — Choix de la graine. On doit attendre la graine de navets au moins deux ans avant de s’en servir. Lors- qu'on la sème l’année qui suit immédiatement celle cù elle a été récoltée, les navets montent et n’atieignent pas leur grosseur ordinaire. C’est que le navet n’est réellement pas une plante naturellement bisannuelle; il ne le de- vient que par la précaution que prennent les cultivateurs de le semer a l’arrière-saison, afin de porter l'effort de la végétation sur la racine, seule partie utile de la plante. S'il est semé au printemps, il redevient annuel et monte avant d'avoir formé sa racine, quel que soit l’âge de la graine ; cependant, la graine du navet long blanc à collet rose, semée de bonne heure au printemps, donne quelquefois de bons navets. Il est donc très important pour cette culture de s'assurer de l’âge de la graine; les caractères extérieurs ne l’indiquent point avec certitude. B.— Préparation du sol; sernis. Les terres fortes ne conviennent point au navet: il ne prospère que dans un sol léger et sablonneux ; il peut croître dans du sable sili- ceux presque pur et même y devenir excellent ; mais alors il lui faut une bonne fumure d’en- grais substantiel. Les terres où le navet croit de préférence n’ont pas besoin de labours multi- pliés et profonds; un seul labour suivi d'un hersage leur suffit. GC — Ditail de cuire Le navet est un légume trop commun pour ue le jardinier lui consacre des soins assidus ; une fois semé, il ne veut plus qu'être éclairci; il détruit ordinairement de lui-même les mau- vaises herbes qui l’environnent, ce qui dispense de le sarcler, à moins que, dans le but de l’ob- tenir très gros, on ne l’ait seme fort clair. Le navet paraît rarement dans le jardin potager ; il est du domaine de la grande culture. Ceux qu'on destine à l'approvisionnement de Paris sont l’objet d’une culture à part, sans mélange avec d’autres légumes. Lorsque les araichers sèment des navets, c’est toujours pour utiliser 230 les dernières semaines de beaux jours qui pré- cèdent la mauvaise saison ; le sol a déjà produit largement de quoi payer les labours, l’engrais et le loyer: il ne reste au compte des navets qu'un peu de main-d'œuvre pour semer, éclair- cir et récolter ; le tout ne compose que des fractions de journées de travail. C’est un pro- duit qui, comme les derniers épinards, rapporte peu, mais ne éoûte presque rien. Le navet possède, à l'exclusion de tous les autres légumes-racines, la propriété très re- marquable de ne pas sé détériorer pendant l'hiver, après avoir poussé des jets étiolés qu’on utilise commé aliment en Angleterre, quoique ce soit, à notre avis, un mets détestable. On sait que la pomme de terre et la carotte, après qu’elles ont produit des pousses étiolées dans les caves où on les garde en hiver, perdent toutes leurs qualités alimentaires; le navet, au contraire, n’en est point sensiblement altére; sa conservation n'offre de difficulté que sous le rapport de l'humidité, dont les atteintes le font pourrir plus promptement que les autres légu- mes-racines. D. — Frais et produits. A Clairefontaine, dont presque tout le sol sa- blonneux est consacré aux navets, 50 ares de terrain (arpent de Beauce, grande mesure) sont loués 36 fr. ; les frais de semences, labours, engrais et récolte, ne dépassent pas 100 fr. ; la principale dépense en main-d'œuvre consiste dans le temps perdu pour conduire les navets à Paris, dont Clairefontaine est éloigné de 5 my- riamèêtres; le tout ne dépasse jamais 150 fr. On peut récolter, sur 50 ares, 1,500 bottes de navets vendues aux revendeuses à raison de 15 à 20 ec. la botte. C’est un produit de 225 à 300 fr.; qui, déduction faite des frais, ne laisse vas plus de 100 à 150 fr. de bénéfice net. Ÿ IV. — Scolyme d'Espagne, Cette plante a tous les caracteres extérieurs d’un chardon ; elle est connue dans tout le midi de la France, et particulièrement aux environs de Montpellier, sous le nom de cardouille. De- puis quelques années seulement, on à songé à lintroduire dans les jardins comme succédanée du salsifis et du scorsonère; mais ses pro- priétés alimentaires sont connues et utilisées de toute antiquité. La racine sauvage du scolyme d’Espagne, dépouillée de son centre ligneux et coriace, se vend par paquets sur les marchés de nos villes du midi; ce centre ligneux dimi- nue et finit par disparaître par la culture. Aux environs de Toulon (Var), nous avons eu sou- vent occasion de manger des racines de sco- lyme cultivée; elles nous ont paru égales aux salsifis et aux scorsonères, lorsque la plante avait cru dans un terrain frais où arrosé pen- dant l’éié; la racine du scolyme venu dans une terre graveleuse et sèche conserve, du moins dans le midi, une saveur forte, peu agréable, et ane consistance fibreuse et coriace. Le scolyme sient également bien partout avec de l’eau. HORTICULTURE. LIVRE VIT. On sème le scolyme en mai et juin; semé plus tôt, il monte immédiatement, et sa racine n’est plus mangeable : cependant, même dans je midi, toutes les plantes ne montent pas la première année ; les graines récoliées sur les pieds qui ne portent graine qu’au bout de deux ans ne peuvent manquer de donner naissance à des plantes régulièrement bisannuelles, tandis que, dans son état actuel, unë planche de sco- lyme contient toujours des pieds annuels en Majorité, un assez grand nombre de pieds bis- annuels, et enfin des pieds vivaces. La culture du scolyme d’Espagne est la même que celle du salsifis et du scorsonèré, sauf l’époque des seiis , parce que les graines confiées trop tôt à la térre donnent presque toutes des plantes annuelles, qui montent eu graine avant d'avoir formé des racines mangeables. Le scolyme d’Espagne prefère à tout autre sol une terre légère et profonde; mais il peut également bién réussir dans une terre forte, pourvu qu'il soit abondamment arrosé pendant l'été. Quoique ce légume soit une production des pays chauds, il ne craint pas les hivers ordinaires sous le climat de Paris; il suffit de le couvrir de litière pendant les plus grands froids; il est facile de prévoir que, lorsqu'il se sera multiplié assez longtemps par ses graines récultées dans nos départements septentrio- naux , il deviendra tout aussi rustique que le scorsonère qui, comme lui, nous est venu d’Es- pagne, et qui pourtant passe l'hiver en terre sans être altéré par la gelée. La Société royale d’horticulture entretient, depuis deux ans, une planche de scolyme dans son jardin d’essai au Luxembourg; les plantes sont devenues très vigoureuses, mais la tige, toute hérissée d’ai- guillons très piquants, nous a paru fort difficile à manier et les jardiniers n’y touchaient qu'avec répugnance. Les cuisinières, du reste, ne con- sentiraient pas volontiers à acheter une racine dont la préparation est d’une longueur déses- pérante et qui, pour le goût, ne surpasse pas le salsifis. Il faudrait que la culture produisit une variété complétement comestible pour que ce légume püt être généralement accepté à Paris. Quelques-uns des auteurs qui ont écrit sur la culture du scolyme d’Espagne recom- mandent de le semer en lignes espacées entre elles de 0,50, et de l’éclaircir ensuite de ma- nière à ce que les plantes se trouvent à 0",25 l’une de l’autre dans les lignes. Un tel espace- ment, dans une bonne terre ordinaire de jar- din, a pour résultat de faire croître des racines longues et grosses comme des panais; elles ne sont jamais aussi délicates que lorsqu’en se- mant plus serré on ne permet pas aux racines de dépasser le volume ordinaire des salsifis. Dans ce but, il faut semer, soit en lignes, soit à la volée, assez clair pour que le plant se dé- veloppe promptement; quinze où vingt jours après qu'il est levé, on léclaireit pour que chaque plante ait seulement un espace de 0,20 en tous sens. Le scolyme d’Espagne n’est pas | encore aussi répandu dans nos jardins qu'il Gé TITRE 1V. mérite de l'être. Nous avons vu dans le midi les médecins l'ordonner aux convalescents, qui s'en trouvaient fort bien. Quelques essais, dans le but de s'assurer de la conservation des racines du scolyme, ont donné des resultats satisfaisants; des caisses ont ete remplies de bottes de ces racines avec un peu de sable frais ; les racines ont très bien supporté une assez longue traversée pendant la saison la plus défavorable de l'année 1841. $ V. — Fenouil. Les feuilles et Les tiges de ceite plante meu- rent tous les ans après avoir fleuri et porté graine; la racine seule est vivace. Le fenouil est originaire d’Espagne, mais naturalisé de temps immemorial dans le midi de la France, où il sé rencontre dans tous les iieux incultes. Il croit egalement dans toute espèce de terrains, même au milieu des pierres, mais il ne prend tout son développement que dans une terre pro- fonde et substantielle. Le fenouil infeste souvent les prairies de la Basse-Provence, au bord de la Mediterranée, au point de donner à leur foin une forte odeur d’anis, qui en diminue beaucoup la valeur. On le recherche dans tous nos départe- ments du midi pour la nourriture des lapins; il donne à leur chair une saveur fort agréable. La culture du fenouil est fort simple; il se sème au printemps, aussitôt après les gelées, et se transplante un mois plus tard, en terre ordi- faire de jardin ; plus elle est fraiche et profonde, plus le fenouil y prospère. On ne cultive guère le fenouil en France que pour ses graines, qui sont employées a quelques usages domestiques et fort usitées dans la médecine vétérinaire. En Lialie, on mange les tiges du fenouil coupées avant la floraison. Plus la plante à été arrosée, plus ses tiges sont grosses et charnues. Elles peuvent se manger apprêtées comme les car- dons ; les Italiens les préparent comme du ma- caroni, avec du fromage parmesan. Les Anglais font servir les feuilles de fenouil hachées à l'assaisonnement de certains poissons; ils les emploient aussi comme fourniture de salade. De quelque manière qu’on veuille apprêter les tiges de fenouil, il faut toujours commencer par les faire blanchir dans l’eau bouillante et par jeter la première eau, pour leur enlever l'excès de saveur aromatique qui les rend désagréables à beaucoup de personnes en France. C’est tou- jours un aliment très échauffant, dont l'usage fréquent serait nuisible aux estomacs qui n’y Sont point accoutumés. Nous avons voulu nous assurer Si le fenouil cüliivé en Italie comme plante foutragère con- Stitüait une espèce ou une variété différente du fenouil sauvage Les deux graines semées comparativement ont donné des plantes sans dfférence appréciable. Ÿ VI. — Radis. CULTURES NATURELLES. 251 a la forme du turneps, l'autre les petites raves dont la racine a la forme du navet long. Les radis et les petites raves sont originaires de la Chine, d’où ils ont été apportés en Europe à la fin du moyen-âge; on à des traces de leur culture en Angleterre dès l’année 1584, époque à laquelle leur introduction en Europe n’est pas représentée comme récente. Les principales variétés de radis cultivées en France sont le rose commun, le blanc commun, le blanc hâätif de Hollande, le rose demi-long de Metz, le vio- let et le jaune à chair blanche, assez rare dans nos jardins. Le rose commun est le plus géné ralement préféré ; Le rose demi-long de Metz est très répandu depuis quelques annces. Le radis est peu difficile sur le choix du ter- rain; un sol ferme et un peu frais est celui qui lui convient le mieux. Lorsqu'on le sème en terre légère, il est bon de comprimer fortement le sol en y passant le rouleau; si l'on n’opère que sur un terrain de peu d’étendue, on peut se contenter de le prétiner le plus également possible avant d’y répandre la graine de radis qui doit être très légèrement recouverte. On sème des radis tous les huit jours pendant la belle saison, à partir du mois de mars; il ne faut leur ménager ni le fumier ni les arrosages si l’on tient à les avoir tendres et pleins: leur qualité dépend surtout de la rapidité de leur croissance. Les semis d’été doivent être faits dans un en- droit ombragé : les radis trop exposés au soleil d’êté Se fendent vers la base et se vident à l’in- térieur ; en cet état ils ne sont plus mangeabies. Les principales sous-variétés de la petite rave sont la rose, la blanche et la violette ; une terre légère leur convient mieux qu'aux radis; le sol où on les sème n’a pas besoin d'être comprime. La dernière récolte des radis et des raves semés en automne peut être arrachée et mise en jauge pour passer l'hiver ; ils se conservent fort bien par ce procédé, moyennant une le- gère couverture pendant les grands froids. En Angleterre, on les place à la cave dans du sable frais. Mais en France, les radis sont toujours à si bas prix en hiver et il est toujours si faeile de les forcer en toute saison, qu’ils ne valent pas la peine qu’on prendrait à les conserver. (Voir Cultures forcées.) Les Anglais ont longtemps fait usage des jeunes feuilles de radis cuites apprètées comme des épinards; ils les mangent encore crues en salade, soit seules, soit mêlees à des mäches ou à du cresson Ils tirent aussi parti des graines vertes du radis; elles sont confites au vinaigre avec leurs cosses à demi formées : on les em- ploie en cet état comme des cäpres. Les missionnaires français ont introduit ré- cemment de la Chine un gros radis violet de la grosseur des navets longs ordinaires : ce radis | est excellent ; il se mange eru ou cuit. apprête comme les navets. IL convient pour les semis d'automne. En 1839, le capitaine Geoffroy a Les différentes variétés de radis se rangent | aussi rapporté de Chine un excellent radis en deux divisions naturelles, dont l’üne com- | d'automne désigné sous le nom de radis blanc prend les radis proprement dits dont la racine | à feuilles longues. Sa racine tourne prompte- 232 ment et ressemble à une toupie renversée; la feuille est presque entière, étroite et allongée, la chair fine et légèrement piquante. Le radis rose d'hiver, du même pays, propagé par l'abbé Voisin, a les qualités du radis noir commun, mais plus perfectionnées; il devient moins gros. Nous recommandons très spécialement ces deux dernières espèces aux amateurs. On désigne improprement sous les noms de radis noir, radis gris, gros radis ou radis d’hi- ver, le raifort cultivé, grosse racine qui se garde aisément tout l'hiver dans du sable frais. On mange les raiforts crus comme les radis dont ils ont le goût ; ils ne conviennent qu'aux esto- macs robustes. Le raifort cultivé ne doit pas être semé avant le mois de juin ; semé plus tôt, il monterait en graine et sa racine ne serait plus mangeable. Les semis ne peuvent se pro- longer au-delà du mois d'août; semé plus tard, le raifort n'aurait pas le temps de former sa racine avant l'hiver. Il ne faut pas confondre les diverses variétés du raifort cultivé. avec le raifort sauvage, à ra- cine longue, jaune au dehors, blanche à linté- rieur. d’une saveur très àcre, qui cependant est du goût de quelques amateurs et se rencontre dans quelques jardins; le railort sauvage se plait sur le bord d’un fossé traversé par un filet d’eau vive. On l’emploie räpé, réduit en pulpe, avec du vinaigre, pour remplacer la moutarde; aussi porte-t-il dans le nord et l’est de la France les noms demoutarde d'Allemagne et de moutarde de capucin. $ VII. — Panais. Les usages de ce légume sont assez restreints en France; on en fait encore une assez grande consommation en Bretagne, où le panais s’ac- commode à l’étuvée comme la carotte. Aux environs de Paris, le panais est fort peu cul- tivé, parce qu’on Île fait seulement servir à donner du goût au bouillon gras. Cependant le panais, lorsqu'il n’est encore que de la gros- seur du doigt, n’a pas cette saveur fortement aromatique et excessivement sucrée qu’il con- tracte en vieillissant et que peu de personnes trouvent de leur goût; il n’a pas à cet àge un goût beaucoup plus fort que la carotte; il est, comme la carotte, salubre et de facile digestion. Les semences dé panais ne sont pas toujours fertiles ; on doit, pour cette raison, semer epais, sauf à éclaircir plus tard. La graine ne doit pas être trop profondément enterrée; il faut cependant qu’elle soit exactement recouverte, sans quoi elle ne lève pas; le meilleur mode de semis, pour échapper à cet inconvénient, con- siste à semer en rigoles de 0",03 de profon- deur, qu’on remplit de bon terreau. Les meilleurs panais caltivés viennent des îles de Jersey et Guernesey; les jardiniers an- glais ne manquent jamais de tirer de ces iles la graine de panais dont ils ont besoin. On cultive dans ces îles le panais long. le seul générale- ment répandu en France, deux autres variétés longues, le panais coquin et ie panais de Lis- HORTICULTURE, LIVRE VII, bonne, et une variété courte qui a la forme et le volume de la carotte-toupie de Hollande. Cette dernière est la meilleure de toutes quand on se propose de manger les panais à demi formés. Nous engageons les amateurs français à en essayer la culture; iis auront un bon lé- gume de plus dans leurs jardins. Le panais long de Guernesey parvient quel- quefois à la longueur de 1,33; on en voit souvent du poids de 2 kil. à 2 kil. 500 gr. Lorsqu'on veut obtenir des panais de ce poids et de ce volume, il faut les semer dans un sol riche, profond et bien défoncé. Les semis se font dans les premiers jours de mars ; on éclair- cit six semaines après, pour laisser les plantes espacées entre elles de 0m,10 à O0m,15 dans les lignes. Lindley conseille de laisser au premier éclaireissage deux plantes à chaque place et d'en supprimer une lorsque, sans avoir toute sa grosseur, elle peut pourtant déjà être utilisée. Le panais cultivé à sans doute pour origine le panais sauvage. Des essais récents ont fait connaître la possibilité d'obtenir des graines du panais sauvage des racines mangeables. Les graines de panais sauvagesemées au mois d'août avaient déjà donné, au mois de mars de l’année suivante, des racines dont la récolte s’est pro- longée jusqu’au mois de mai. Cette nouvelle variété parait avoir la propriété remarquable de continuer sa végétation pendant l'hiver, de manière à permettre à la plante semée très tard de former ses racines en dépit du froid. Ces faits ne reposent encore que sur un trop petit nombre d’expériences ; ils ont besoin d’être vé- rifiés. $ VIII. — Pomimnes de terre, Quoique la pomme de terre appartienne es- sentiellement à la grande culture, une place doit cependant lui être réservée dans le jardin potager; nous n’avons à nous occuper ici que de la culture des espèces de pommes de terre que nous nommerons jardinières. Rarement ceux qui cultivent la pomme de terre en plein champ lui accordent assez de soins pour l’ob- tenir mûre de très bonne heure. Cependant, comme les premières pommes de terre se ven- dent toujours très bien , ils apportent au mar- ché des tubercules à demi mürs, qui ne sont pastoujours sans danger pour la santé publique. La culture jardinière de la pomme de terre a pour but de parer à cet inconvénient ; comme emploi du sol, elle ne peut offrir quelque avan- tage qu'autant qu'eile donne les produits les plus précoces possibles. Le jardinier fait choix, pour cette raison, des variétés les plus hâtives, et il ne néglige rien pour en accélérer la vé- gétation. Les pommes de terre jardinières les plus hätives sont, dans l’ordre de leur précocité: La naine hàtive. La marjolin (4idney early des Anglais). La pomme de terre petit-æil (pink eye). La shaw. Le doigt de dame, le fine hätive. | | | TT TITRE IV. On peut aussi planter de bonne heure pour succéder aux précédentes comme pomme de terre d’été, la pomme de terre aux yeux bleus, de Belgique, la meilleure de toutes; elle est mûre au milieu de juillet. Les amateurs qui tiennent à avoir tout l'hiver pour la table les meilleures pommes de terre possibles, doivent accorder tous les soins de la culture jardinière aux trois espèces ci-dessous, toutes trois également bonnes: Jaune plate de Hollande, dite langue de bœuf. Vitelotte ou videlotte de Paris. Cornichon de terre, ou corne de chèvre de Belgique. La naine hâtive, la marjolin et le doigt de dame, ont sur toutes les autres l'avantage d’oc- cuper très peu d'espace, de prendre peu de développement et de pouvoir se planter très serrées, soit en touffes, selon l'usage des en- virons de Paris, soit en lignes, selon l’usage d'Angleterre. Pour obtenir des pommes de terre müres de très bonne heure, on plante des tubereules en- tiers dans du terreau, sur couche tiède, à fleur de terre, et l’on pose des cloches par-dessus. Les jets nombreux que ces tubercules donnent en quelques jours, sont détachés et traités comme des boutures. On les met en place à bonne exposition, dans une position presque horizontale qui ne laisse dehors que lextré- mité supérieure; le reste est recouvert seule- ment de quelques centimètres de terre. Le sol où l’on plante ces boutures ne doit point avoir éte récemment fumé ; les produits, moins abon- dants que ceux qu’on obtienürait sur une fu- mure récente, seront beaucoup plus hâtifs, par conséquent plus avantageux pour la vente. De plus, ils atteindront promptement leur parfaite maturité; ils n'auront point cette saveur vi- reuse qu'on remarque chez toutes les pommes de terre livrées trop tôt à la consommation ; ils pourront aisément paraitre sur le marché depuis la fin de mai jusqu’à la fin de juin. Les Anglais font un cas particulier des pom- mes de terre récemment récoltées ; ils les pré- férent de beaucoup, pour l'usage de la cuisine, aux espèces d’arrière-saison conservées pour la consommation d'hiver. Voici par quel pro- cédé ils se procurent tout l'hiver des pommes de terre à l’état frais. On choisit de très gros tubercules réservés à dessein parmi ceux des espèces les plus pré- coces; on les enterre à la profondeur de 1,50, dans une terre parfaitement sèche , à l’abri de toute infiltration d'humidité; on foule forte- ment la terre pour ôter tout accès à l'air ex- térieur et empêcher les pommes de terre en- fouies d'entrer en végétation. Vers le milieu de juillet de l’année suivante, on déterre ces tu- bercules et on leur ôte à chacun tous leurs yeux, à l'exception d’un seul réservé à égale distance des deux extrémités. On les plante en cet état dans une terre plutôt sèche qu'humide, dans une plate-bande à l'exposition du midi; cette plate-bande ne doit point être fumee. On HORT'!CUITURE, CULTURES NATURELLES. 253 a soin que l’œil unique laissé à chaque tuber- cule soit tourné en dessus; ils se placent, se- lon leur volume, à 0,20 ou 0” ,25 les uns des autres, à quelques centimitres seulement de profondeur. A mesure que la tige se développe, on doit la butter solidement, car sa végétation est rapide, et si le vent la détruisait, Popération serait manquée. Vers la fin d'octobre, les jeu- nes tubercules auront déjà ia grosseur d’un œuf de pigeon. Il n’y aura plus qu'à couvrir les plantes de litière longue et plus tard de fumier chaud pour les préserver des gelées. Les tu- bereules continueront à grossir; on pourra les recolter successivement tout l'hiver; ils auront exactement le même goût que les pommes de terre précoces récoltées dans leur saison na- turelle. Dans les comtés du sud de lAngleterre, on sème les pommes de terre précoces à l’arrière- saison, à la même époque que les céréales d’hi- ver; on les couvre comme des artichauts pen- dant la mauvaise saison; elles passent ainsi fort bien l'hiver; leurs tubercules sont mürs dès les premiers jours de mai. Le climat du sud de l'Angleterre est à peu près celui de la vallée de la Loire; à partir de cette vallée, il n'est pas douteux que dans tous nos départements méridionaux la pomme de terre ne puisse être traitée de la même manière dans les jardins. En Provence, on a reconnu par expérience la possibilité d'obtenir dans les terres arrosables deux récoltes de pommes de terre précoces | dans la même année, en semant immédiate- ment les tubercules récoltés au mois de juin. (Pour la culture en grand de la pomme de terre, voir tome I, page 425.) $ IX. — Oxalis crenata. Les Péruviens cultivent de toute antiquité l'oxalis crenata comme plante alimentaire; ses feuilles, d’une acidité agréable, très peu différente de celle de l’oseille, se mangent de la même manière et quelquefois aussi en salade, mais avec de l'huile et du sel seulement, sans addition de vinaigre; ses tubereules se man- gent apprêtés comme des pommes de terre. L'oxalis crenata, quoique déjà parfaitement naturalisée en Europe, n’a pas encore pris dans nos potagers la place qui lui reviendra peut- être un jour; on n’a pas le dernier mot de cette culture. Ce qui permet d’en attendre beaucoup dans l'avenir, c’est sa disposition naturelle à dévier de son type primitif, disposition qui , lorsqu'on pourra la multiplier de ses graines müries en Europe, doit donner lieu à de nom- breuses variétés parmi lesquellesil s’en trouvera sans doute chez qui disparaîtront les défauts de celle qu'on connaît actuellement dans nos jar- dins. On plante l'oxalis crenata à un mètre de distance en tout sens, en terre legère, mais substantielle, exempte autant que possible de pierres etde gravier. Dans les departements au | sud de la vallée de la Loire, on peut la meitre en place au printemps aussitôt que les gelées ne T. V. — 50 234 semblent plus à craindre; au nord de cette vallee, il vaut mieux avancer en la jil cant sur couche tiède, vers le milieu de mars; comme on ne pourrait la planter à demeure à l'air libre avant le mois de mai, les tübercules. très lénts à se former, seraient surpris par le froid, et la révolte serait nulle. Les tubercules hâtes sur couche donnent une muliitude de uges qu'on peut detacher pour les planter isolement. comme des boutures. A mesure qu'elles se ramifient , il faut les étendre sur le sol et les charger de terre, en ne laissant de- hors que Pextrémié de chaque pousse: elles se rédressent en continuant à croitre dans des directions divergentes ; on continue à les butter de 15 en 15 jours, jusqu’à la fin du mois d'août. Alors la plante emploie sa sève à former ses tubercules et ses tiges ne s’allongent presque plus. C'est pour pouvoir recevoir ces buttages réitéres que celte plante, d'abord fort petite, a besoin d’un si grand espace; si le sol lui est favorable , tout le terrain finira par être cou- vert de buties coniques se touchant par la base et pleines de tubercules d'oæalis crenata. On en obtient communément de 500 à 600 pour un ; cette production extraordinaire peut, dans des circonstances particulièrement favorables, être portée jusqu’à 1,800 fois la semence ; aussi, dans la grande culture , l’oxalis crenata peut- elle être appelée à rendre de très grands ser- vices, si l’on peut parvenir à créer une variété dont les tubercules soient plus gros, plus pré- coces, et qui exige moins de main-d'œuvre pour sa culture. Considérée comme légume-racine, l’oxulis crenataestuntubercule aussi bon etaussisalubre que la pomme de terre dont il s’éloigne par une saveur particulière, mais agréable. Ceux qui trouvent son acidité trop prononcée peuvent le faire d'abord blanchir dans l’eau bouillante pour l’en debarrasser. Les tubercules d'oxulis crenala peuvent recevoir autant d'assaisonne- ments divers que la pomme de terre. La cou- leur des tubercules d'oxalis crenata n’est pas persistante; souvent, après avoir semé seu- lement des tubercules jaunes, couleur nankin, on en trouve à la récolte un grand nombre dé parfaitement blancs; ils ne diffèrent en rien des jaunes quant à la qualité. Comme les tubercules d’oralis crenata ne commencent à se former en terre que fort tard en automne, il est bon de les y laisser le plus longtemps possible ; tant que l’état de la tem- pérature ne donne pas lieu de craindre de fortes gelées, ils profitent dans le sol. Une fois arra- chés, ils se conservent aisément dans une cave saine, si on à soin de les stratifier dans du sa- ble sec; ils passent ainsi très bien l'hiver sans altération. $ X. — Topinambour, Lorsqu'on a goûté sans prévention cet ex- cellent tubercule, analogue jour le goùt aux fonds d’artichauts avec lesquels un aveugle, jugeant seulement d’après li saveur, pourrait HORTICULTURE. LIVRE VIH. facilement les confondre, on s'étonne que son usage soit si peu répandu. Le topinambour pa- rait en assez grande quantité au printemps sur les marchés des petites villés de la Basse: Pro- vence; il s'y vend communément aü prix tres modique de 10 à 15 €. le kilogr. ; il n’est acheté que par les pauvres gens. Un motif, assez plausible du reste, fait ex- clure cette plante de beaucoup de jardins; c'est la difficulté de s’en débarrasser : une fois qu’elle s’est emparée du terrain, il semble que ce soit à perpetuité ; le moindre fragment de tubereule suffit pour la reproduire; rien n’egale l’energie et la ténacité de sa végétation La culture du topinambour est la même que celle de là pomme de terre; si l’on peut lui accorder un bon terrain largement fumé, il peut donner d’enormes produits; livré à lui-même, sans soins de culture, dans le coin le plus stérile du jar- din, il viendra toujours, et donnera une recolte passable, là où nulle autre plante utile ne sau- rait vegéter. Nous avons dû mentionner le to- pinambour à cause de toutes ses qualites recom- imandables comme plante potagère, et parce qu'il nous semble mériter une place parmi nos legumes-racines; du reste, de même que la pomme de terre, C’est une plante essentielle- ment propre à la grande culture pour les usa- ges industriels et l'alimentation Gu bétail. Quoi- que le topinambour soit originaire du Brésil, on ne connait pas de racine plus complétement insensible que la sienne aux gelées, quelle que soit leur intensité; lon n'a donc point à se préoccuper de sa conservation pendant l'hiver ; on la laisse en place pour l’arracher au moment de s’en servir. La plante paraît fort disposée à varier par la culture; on en possède déjà quel- ques variétés dont la chair est jaune ou d’un blanc tirant sur le jaune; elles ont eté obtenues de semis par M. Vilmorin. Ces semis, poursuivis avec perseverance, feraient probablement ac- quérir une variété à tubercales plus gros que ceux du topinambour commun, et exempis de cette persistance qui est un des principaux obs- tacles à la propagation de sa culture. (Pour la culture en grand du topinambour, voir tome I‘, page 451.) $ XI. — Betterave. De même que la pomme de terre et le topi- nambour, la betterave est une plante de grande culture ; nous n'avons à traiter ici que des es- pèces jardinières, et de leur culturé dans le jardin potager. On cultive dans les jardins pour l'usage alimentaire quatre variétés dé bette- rave, la grosse rouge commiüne, là petite roüge de Castelnaudary, la jaune commune et la jaune de Castelnaudary ; la seconde et la quatrième, moins volumineuses que la première et la troi- sième, ont une saveur beaucoup plus délicate ; elles méritent une préférence exclusive comme légumes-racines. On sème les betteraves én pé- pinière, sur couche sourde, où sur platé-bande bien garnie de terreau, à bonne exposition, depuis le 15 avril jusqu’à la fin de mai; semée D Re TITRE IV. CULTURES NATURELLES. 235 trop tôt, la betterave monte et sa racine est | rieur, mais elles ne dépassent pas le double du perdue. Elle n’exige aucun soin particulier de culture et n’est pasdifficile surle choix du ter- rain ; toute bonne terre de jardin lui convient. Dans les contrées maritimes, un peu de vase de mer desséchée et pulvérisée est un excellent amendement pour le terrain où l’on doit planter des betteraves. Il est bon de les repiquer trés jeunes, les grosses espèces à Om 50 les unes des autres, et les plus petites à 0® 35 en tout sens, en évitant avec soin de retourner dans le trou le bout de la jeune racine sur lui-même. Une lois reprise, la betterave n’exige plus que quelques binages. À moins d’absolue nécessite, il ne faut point arroser la betterave qu’on destine à la provision d'hiver, elle se conserverait diflici- lement ; les deux variétés rouge et jaune de Castelnaudary conviennent surtout dans les terrains légers; elles supportent facilement la sécheresse et sont de très bonne garde, pourvu qu'on les conserve à l'abri de l'humidité. On mange la betterave cuite au four, mêlée avec différentes salades d'hiver ; elle est aussi fort usitée comme légume dans l’ouest de la France, où l’on est dans l'usage de l’assaisonner avec beaucoup d’ognon; c’est un aliment très salubre. (Pour la culture en grand de la betterave champêtre, voir tome II, page 37.) SECTION III. — Culture des plantes potagères à fruits comestibles. $ 1°7. — Citroville ou potiron. geu de fruits offrent un plus grand nombre de variétés et sous- variétés que la citrouille ; dans la grande culiure, à partir de la vallée de la Loire en s’avançant vers le midi, la citrouille est d’une grande ressource comme nourriture pour les bêtes bovines; sous le elimat de Paris on ne la cultive que comme fruit alimentaire pour la nourriture de l’homme. L'espèce la plus cultivée aux environs de Paris, est la grosse citrouille jaune , originaire d'Amérique ; elle peut acquérir un volume enorme; elle atteint fréquemment dans nos marais le poids de 100 kilogr. Depuis quelques années, on a substitué à la citrouille presque Sphérique la citrouille de forme aplatie, connue sous le nom de boule de Siam; ellé a les mêmes qualités que la ci- trouille sphérique , avec l’avantage de se con- server plus longtemps, parce qu'en raison de sa forme, elle n’a presque pas de vide in- térieur. La nomenclature des citrouilles ou potirons, nommés courges dans le midi, est assez mal établie; les variétés les plus recommandables sont, outre la grosse jaune sphérique et la boule de Siam : 1° La courge messinèze , à peau blanchâtre, unie, à chair rouge ; 2° La courge muscade, en forme de poire, à peau jaunâtre, lisse, à chair couleur de sang : l’une et l’autre n’ont presque pas de vide inte- —————— — volume d’un gros melon cantaloup ; 3° La grosse courge blanche. presque aussi grosse que la jaune des environs de Paris, mais vide en dedans, et par conséquent peu profi- table ; 4° La grosse verte, à peau lisse, sonvent marbrée de vert plus clair, un peu moins vide que la précédente : 5° La verte à côtes, l’une des plus suerees,. employée dans son pays natal (la Hongrie) à la fabrication du sucre. Chacune de ces citrouilles a de nombreuses sous-varietes : celles des n° 1, 2 et 5, sont de beaucoup préférables à la grosse citrouille jaune; quiconque a mange de ces courges [rires à la manière provençale. pe peut se figurer que ce soit le même fruit, Cultivées sous le elinat de Paris, avec des soins convenables, lexpe- rience prouve qu’elles ne dégénerent pas; si elles sont exclues des cultures maraichères, c’est uniquement en raison de leur volume trop petit et de leur produit hors de proportion avec les conditions sous lesquelles cultuivent les ma- raichers dés environs de Paris; en les irndi- quant, nous avons cru rendre service aux ama- teurs qui, n'étant point arrêtés par les mêmes considerations , peuvent trouver dans la cul- ture des bonnes courges du midi, dont il est facile de se procurer la graine, d’abordantes ressources pour varier leurs aliments végétaux pendant l'hiver. Toutes ces citrouilles se con- servent parfaitement ; il faut les cueillir un peu avant leur parfaite maturité, avant que leur feuillage n'ait commencé à se fletrir. Toutes les courges se cultivent par les mêmes procédés. Ces plantes, comme toutes celles de la famille des cucurbitacées, sont constituees de telle sorte que leurs racines ne craignent pas le contact immédiat du fumier en pleine fermentation, qui ferait pourrir ou mourir d’in- digestion tant d’autres plantes potagères. On pourrait done , sans inconvénient, les semer à même le fumier, et c’est ce que font beaucoup de maraichers lorsqu'ils ont un tas de fumier qui ne doit pas être employe avant le temps qu’exige la végétation des citrouilles ; elles y deviennent monstrueuses. On sème les citrouilles en place, dans des fosses de 0,50 de diamètre, sur 0®,40 de pro- fondeur, dont le fond est garni de 0m,30 de bon fumier fortement comprime, recouvert de 0m,05 à 0”,08 de terreau. Chaque trou recoit deux ou trois graines ; on ne laisse subsister que le pied qui semble le plus vigoureux. On donne ordinairement deux tailles à la citrouille : la première, pour la faire ramilier, consiste à supprimer la pousse terminale, quand la plante a environ 0", 30 de longueur ; la seconde, pour arrêter sa croissance et forcer la sève à se por- ter vers le fruit, consiste à supprimer la partie supérieure de chaque tige sur laquelle il y a un fruit noué; cette suppression doit laisser au moins une tige de 0,40 au-dessus de chaque fruit. Lorsqu'on tient à obtenir les plus grosses 236 HORTICULTURE. citrouilles possibles, on ne provoque point la ramification des plantes; on ne leur laisse croi- tre qu’une seule tige, à laquelle on ne laisse qu'un seul fruit; dans la culture ordinaire, chaque pied porte deux tiges et deux fruits. Aucune plante potagère n’exige des arrosages aussi fréquents et aussi abondants que la ci- trouille; ce n’est qu'à force d’eau qu’on peut hâter assez sa végétation pour que les fruits soient mürs au moment des premières gelées ; avant de les rentrer, il est bon, lorsque le temps est sec, de laisser les citrouilles achever de mürir au soleil. Le plus souvent, au lieu d'attendre l’époque où il est possible de semer les citrouilles en pla- ce, on les sème en pots dès le mois de mars; les pots sont enterrés dans une couche tiéde recouverte d’un châssis; quand la saison lui permet de supporter le plein air, le plant est déjà tout formé ; il gagne ainsi deux mois sur les citrouilles semées en place. Le plant de ci- trouille, même lorsqu'on le transplante avec toute la terre du pot dans lequel ila erû, souf- fre toujours plus ou moins au moment de sa mise en place; on a eu soin de laccoutumer au plein air plusieurs jours d'avance ; la trans- plantation doit se faire par un temps couvert, mieux le soir que le matin. Si le temps est beau, on place au-dessus de chaque plant trois ba- guettes réunies par le sommet, comme le mon- tre la fig. 309 ; on jette, en cas de besoin, sur Fig. 310, 309. ces baguettes un morceau de vieux paillasson, qui doit, sans recouvrir le plant en entier, l’ombrager seulement, en lui laissant le contact de Pair dont il a besoin, La fig. 310 montre cette disposition. Le mode de culture que nous venons de dé- crire s’applique detous points aux plantes de la même famille dont les fruits, dans la première période de leur croissance, seraient tous ali- mentaires, si nous voulions en faire usage. Il en est de même, pour le dire en passant, des fruits superflus que nous retranchons aux pieds de citrouille trop chargés; ces jeunes fruits, de la grosseur d'un melon ordinaire, pourraient être utilisés de la même manière que les con- combres, dont ils ont à peu près la saveur. La seule variété de petite taille assez com- munément cultivée aux environs de Paris est le Giraumon, plus connu des maraïchers sous le nom de bonnet turc, parce que son fruit of- fre une ressemblance grossière avec un turban fig. 311. Il est fort sucré et de très bon goût quand il parvient à parfaite maturité, ce qui lui arriverait rarement sous le climat de Paris, si l’on ne prenait la précaution de l’avancer en élevant le plant sur couche. LIVRE VII. Parmi les espèces de courges grimpantes, les plus dignes d’être cultivées, sont les suivantes, dont le fruit ne se mange pas: Courge congourde, ou gourde de pèlerin (fig. 312). Courge massue, à fruit très allongé (fig. 513)... Courge calebasse (fig. 514). Le Fig. 314, 312, 311. Toutes ces courges ont besoin d’être ra- mées ; la dernière, qui peut acquérir dans des conditions favorables un volume énorme, doit être conduite en espalier le long d’un mur et solidement assujettie, sans quoi le poids du fruit détacherait et romprait la tige qui n’a Jamais beaucoup de consistance. On pratique au sommet de toutes ces courges une ouver- ture qui permet d’y introduire un instrument quelconque pour les vider et les nettoyer à l’intérieur ; elles retiennent très bien les liqui- des ; elles tiennent lieu de boîtes et de tiroirs pour conserver toute sorte de graines jardi- nières qui y sont parfaitement à l'abri de l’hu- midité et des atteintes des souris. $ II. — Concombres et cornichons. La culture de ce fruit, originaire d’Asie, est encore la même que celle de la citrouille ; comme il mürit plus vite, le concombre peut se semer un peu plus tard que la citrouille, mais toujours de la même manière, dans des trous remplis de fumier comprimé et recouvert de terreau. Ce n’est guère que dans nos dépar- tements au sud de la Loire que le concombre est cultivé en grand dans les jardins, et qu’il fait partie des aliments les plus usités ; sous le climat de Paris, sa consommation est très li- mitée. Les concombres ne supportent pas tous la pleine terre ; plusieurs espèces ne sauraient donner leur fruit par la culture naturelle, on est forcé de les semer et de les élever plus d’à moitié sur couche avant de les risquer en plein air. Les concombres qui supportent le mieux la pleine terre sont : Le concombre blanc long. Le blane hätuif. Le gros blanc de forme ramassée. Le hâtif de Hollande, tournant du blauc au jaune en mürissant. Le concombre serpent. Le coruichon. Les trois premières espèces sont les plus ré- pandues; on cultive, en outre, mais plutôt comme curiosité que pour l’usage alimentaire, quelques variétés, à très petits fruits, propres TITRE IV. seulement à être confits dans le vinaigre, telles sont : Le concombre à bouquet, dit de Russie, très hätif. Le concombre arada, à fruit hérissé. Le concombre du Liban. (Pour les concombres de primeur, voir Cultures forcées.) Le seul de tous ces concombres qui ait réel- lement une grande importance, en raison de l’espace qu'on lui consacre et des bénéfices de sa culture, c’est le cornichon. A la rigueur, tout concombre a commencé par être corni- chon; le fruit vert de toutes les espèces de concombres peut être cueilli fort jeune, lors- qu’il est seulement de la grosseur du petit doigt, et être confit au vinaigre. Mais l'espèce, par- ticulièrement réservée pour cet usage à cause de son goût délicat et de sa belle nuance verte, porte spécialement le nom de cornichon. Le cornichon se sème toujours en place, en pleine terre, dans des trous pleins de fumier recou- vert de terreau; il serait imprudent de hasar- der ces semis avant le milieu de mai, la moin- dre gelée blanche pouvant détruire sans re- mède la plante nouvellement levée. Les corni- chons sont d'autant meilleurs qu’ils sont cueillis plus jeunes ; il faut mettre beaucoup de soin à la récolte, qui dure plusieurs mois; pour ne pas trop endommager les plantes, les cornichons doivent être cueillis à la naissance de leur pédoncule. Après le petit concombre vert, le plus usité comme cornichon, le concombre serpent est celui qui convient le mieux pour être traité de la même manière; l’un et l’autre veulent beau- coup d’eau pendant tout le cours de leur végé- tation; c’est le point essentiel de cette culture qui, bien conduite, peut être très productive. Pour obtenir la graine de toutes les espèces de concombres parfaitement müre, il faut laisser pourrir sur place quelques uns des plus beaux fruits, et ne récolter la graine que quand la pulpe est presque entièrement détruite. La graine de concombres conserve plusieurs an- nées sa faculté germinative. $ IT. — Melon. Nous avons maintenu, pour nous conformer à l’usage adopté par les jardiniers, et aussi pour eviter de créer un terme nouveau, la dis- tinction admise entre la culture naturelle du melon et sa culture forcée. Il n’y a pas de culture naturelle du melon en France ; pour obtenir le fruit de cette plante dans toute la erfection qu'il est susceptible d’acquerir , il ui faut toujours des soins qui constituent réel- lement une culture artificielle. Il est vrai que, dans beaucoup de départements, ces soins sont entièrement négligés; mais alors les résultats sont tels, qu’un auteur moderne, M. de Plancy, à eu raison de dire: « Quand on demande à nos jardiniers des melons ou des conseils, ils les donnent aussi mauvais les uns que les autres. » CULTURES NATURELLES. 231 Nous donnerons la culture forcée du me- lon avec tous les procédés propres à en faire avancer la fructification. (Voir Cultures for- cées.) Nous donnerons, sous le nom de culture naturelle du melon, celle que chacun peut pra- tiquer , queue limitée que soit l'étendue de son jardin et de ses ressources; culture n ayant pas pour but d'obtenir des melons mûrs avant l’époque qui doit en amener naturelle- ment la maturité. Nous y joindrons les procé- dés de la culture dite de pleine terre, parce qu'elle occupe des champs d’une grande éten- due; mais nous ferons observer au lecteur que, même pour ce genre de eulture, les racines de la plante ne devraient jamais se trouver en contact avec le sol; elles ne devraient végéter que dans le fumier. A. — Travaux préparatoires. Le jardinier doit consacrer aux melons deux couches : l’une chaude, l'autre sourde (voir Couches). Leur étendue est proportionnelle à la quantité de melons qu’on se propose d’ob- tenir; dans tous les cas. la couche chaude ne doit pas dépasser le quart des dimensions de la couche sourde. Il est quelquefois assez difficile, loin des grandes villes, dans les localités éloignées des grands établissements d'horticulture, de se procurer du terreau de bonne qualité en quan- tité suffisante pour couvrir les couches à me- lons. Cet embarras n’existe jamais que pour les deux premières années; car au bout de cetemps, les premières couches, devant être démontées, fournissent une provision de terreau qui se renouvelle constamment de la même manière. Le terreau ne doit pas être employé pur; il faut le mélanger, ou, selon l'expression reçue, le couper avec partie égale de bonne terre de jardin passée au crible. A défaut de terreau, voici comment 6n peut en préparer artificiellement, en avant soin de s’y prendre six mois d'avance. On enlève sur le bord des chemins et le long des haies des gazons qui ne doivent pas avoir plus de 0m,08 a 0,10 d'épaisseur; on les stratifie en lits de 0,30 avec toutes les mauvaises herbes qu'un jardin de quelque étendue ou un champ occupé par une recolte sarelée fournissent tou- jours abondamment à l’état frais. Chaque lit doit être recouvert de débris de chaux qui coûtent meilleur marche que la chaux en pier- res, et produisent le même effet, pourvu qu'ils soient assez recents pour conserver leur caus- ticité, ce dont il est facile de s'assurer avant de s’en servir. Le lit de chaux peut avoir 0®,04 à 0" ,05 d'épaisseur, plutôt plus que moins, l'excès n'étant pas à craindre. On donne au tas un volume proportionné au besoin pré- sumé de terreau; on le termine par un dernier lit de gazons plus épais que les autres, le tout doit avoir la forms d’un toit arrondi au som- met. Après avoir abandonné à elle-même l'ac- tion de la chaux sur les matières végétales 238 HORTICULTURE. pendant quinze à vingt jours, on démonte le tas ; on en mélange exactement toutes les par- ties, en reportant vers le centre tout ce qui semble moins avancé en décomposition ; si la temperature est sèche, il est bon d'humecter légèrement ; puis, le tas est reconstruit et livré de nouveau à la réaction lente de ses éléments jusqu'au moment où on l'emploie. I suffit alors de passer le terreau artificiel à la claie, et de le mélanger par partie égale avec du fumier à demi consommé, qui ne doit pas être trop im- bibe d'urine de bétail. M. le marquis de Cham- bray donne cette recette dans son Traité de la culture du m lon: dans la pratique, nous nous sommes toujours bien trouvés d'ajouter à ce mélange, au moment d’en garnir la couche, une assez forte dose de colombine sèche en poudre, provenant du nettoyage du colombier et du poulailler. Le melon, de même que les autres cucurbitacées, ne craint nullement Paction di- recte des engrais les plus chauds ; la colombine est celui de tous qui semble convenir le mieux à sa végétation. Après que le fumier de la cou che a été humecté, et foulée de manière à pré- senter une surface aussi unie que possible, il doit être recouvert de ce mélange à l'épaisseur de 0",18 ou 0m,20. B. — Choix de la graine. Lorsqu'on mange un bon melon, parfaite- ment à son point de maturité, réunissant tou- tes les qualites qu’on demande à l'espèce ou à la variété qui convient le mieux au pays, ou à celle qu'on prefère, soit comme la plus mar- chande, soit comme la plus agréable au goût, on ne saurait mieux faire, pour s'assurer du olant exactement semblable, que d’en recueil- ir la graine et de la laisser sécher à l'ombre. Ce n’est pas à dire pour cela que tous les pieds obtenus de ces semences donneront des fruits parfaitement identiques avec celui qui les aura produites; souvent la reproduction du melon offre de singulières anomalies. Il ne faut donc pas trop se hâter d'accuser de négligence les marchands de graines à qui lon s’est adressé our avoir telle ou telle variété, lorsque toutes es semences ne donnent pas les produits qu'on en attendait ; C’est une particularité inhérente à la nature du melon, comme nous en avons fait mile fois l'expérience. Cette considération doit engager à semer toujours plus de graines qu'il n’est nécessaire; avec un peu d'habitude d'ebservation, on reconnaitra sans peine, dans la forme et la nuance des premières feuilles du plant, des differences qui sont toujours l’an- nonce de différences encore plus prononcées dans le fruit; ces pieds, fussent-ils les plus vi- goureux, doivent être supprimés, si lon tient à maintenir la pureté d’une variété particu- lière. C'est ainsi qu’en agissent les maraichers des environs de Paris pour leurs cantaloups si justement regardes comme égaux aux meiileurs qui se mangent à Rome, leur pays natal; les cultivateurs normands en font autant pour la variété qui porte le nom de Honfleur, variété si LIVRE VIII. bien appropriée au goût des consommateurs anglais auxquels elle est destinée. Les procédés indiqués dans les traités de jardinage pour distinguer la graine bonne ou mauvaise, soit au poids, soit par l'essai dans l'eau, les semences qui surnagent étant suppo- sées délectueuses, sont tous ou puérils, ou il- lusoires. La graine de melon, pourvu qu’elle n'ait pas élé exposée à une température trop élevée qui, en faisant rancir l’huile qu’elle con- tient, en aurait endommagé le germe, lève très bien après dix ans et plus de conservation, et le plant qu’elle donne n’a pas dégénéré. Le pré- jugé qui veut qu'on garde cette graine au moins trois ans avant de l'employer, n'est pas mieux fondé en raison; laissez pourrir en place un melon d’arrière-saison, ses graines lèveront au printemps suivant; il n’est pas rare dans le midi de voir du plant ainsi obtenu accidentel- lement. servir pour la grande culture, et don- ner des melons supérieurs en qualité à ceux ‘qui proviennent de graine conservée trois ans. Le seul indice à peu près sûr de la bonté de la graine de melon, c’est son épaisseur; lors- qu’elle est trop plate et semble vide à linté- rieur, il est très probable qu’elle ne vaut rien, et que le germe et les cotylédons en étant des- séchés, cette graine ne lèverait pas. C. — Semis. ‘Trois méthodes sont généralement en usage pour semer les melons sur couche; toutes trois ont leurs avantages ; nous indiquerons les cir- constances qui peuvent faire préférer l’une ou l’autre. Le procédé le plus généralement em- ployé par les jardiniers de profession comme le plus expéditif et le plus économique, consiste à semer tout simplement sur la couche chaude, dans le terreau qui la recouvre, à quelques cen- timètres de profondeur. Quant a la distance, elle est déterminée par le mode de transplanta- tion qu'on se propose d'employer plus tard. Si l’on doit faire usage des instruments nommés transplantoir et lève-melon, (voir ces mots au chapitre des Instruments de jardinage), il est nécessaire, pour pouvoir s’en servir avec facilité, de laisser entre les semis un certain es- pace; on commence done par prendre sur le terreau l'empreinte de la base du cylindre de fer-blanc formant le corps de linstrument, et l’on fait autant de semis de trois ou quatre graines chacun, que la couche peut recevoir de ces empreintes circulaires, en laissant cinq à six centimètres d'intervalle entre chacune d’elles. La distance peut être un peu moindre, quand on sème dans l'intention de lever le plant avec la truelle de jardinier, pour le trans- planter. La seconde méthode non moins usitée, con- siste à semer en pots, deux ou trois graines dans chaque pot. Le fond du pot, muni de son ouverture ordinaire, doit être garni à l'intérieur d'un morceau de tuile arrondi, pour faciliter le dépotage. On enterre les pots bord à bord dans la couche, jusqu’à l'époque de la transplanta- TiTRE IV. tion. Une partie des jardiniers des environs de Paris, et presque tous ceux de la Normandie, sont dans l'usage de semer ainsi. La troisième méthode, un peu plus minu- tieuse à pratiquer, est surtout à l’usage du jar- dinier amateur; elle serait difficilement appli- cable à une grande culiure, quoique, sous tous les autres rapports, elle emporte sur les mé- thodes précédentes. On taille à cet effet des gazons carrés, 0m,10 de côté sur 0,055 d'épaisseur, dans les racines de ces gazons retournés, on pratique avec une serpette bien tranchante une ouverture en forme d’en- tonnoir, qui doit pénétrer jusqu'aux tiges, afin qu'elle puisse plus tard laisser égoutter l’eau des arrosages. Les gazons ainsi préparés sont remplis de terreau et enterrés dans celui de la couche de manière à ce qu'il les recouvre à quelques centimètres d'épaisseur; on y sème alors la graine de melon, comme si elle était semée en pots, selon la seconde méthode. Les parties végétales de ces mottes de gazon for- ment en se décomposant, indépendamment de la terre à melon, une excellente nourriture pour les jeunes plantes; elles attirent à elles les ra- cines latérales qui deviennent plus fortes aux dépens du pivot central ; l'influence salutaire de cetie action se fait sentir pendant tout le cours de la végétation du melon. Quel que soit le mode de semis que l’on ait adopté, il faut avoir soin de placer la pointe de chaque semence dirigée vers le bas, pour en faciliter la germination ; il en est de même des graines de toutes les plantes cucurbitacées. D. — Transplantation. Les trois manières de semer que nous venons de décrire correspondent à trois manières de transplanter ; toutes trois ont pour but et pour condition essentielle de déranger ei même de secouer le moins possible la jeune plante, en la transportant de la couche chaude sur la cou che sourde, en sorte que l’action de ses racines ne soit ni troublée ni suspendue. Rien ne rem- plit mieux ce but que l’emploi du transplantoir ou, à son defaut, celui du lève-melon, qui n’est qu'un transplantoir simplifié. Il ne faut pour s'en servir avec succès qu’un peu d'adresse qui S'acquiert en une seule lecon. La transplantation des plantes semées en pot est la plus facile de toutes. On place le pot dans la paume de la main gauche de maniere à ce que l'axe du pot occupe une position ho- rizontale; avec la main droite, or introduit un petit bâton dans le fond du pot, on pousse la tuile qui en bouchait l'ouverture, et la terre se trouvant ainsi détachée d’un seul coup, le me- lon est transplanté en motte sans éprouver le moindre dérangement. . Lorsque les semis ont été faits dans des ga- ZOns, 1l faut que la main plonge avec dextérité dans le terreau, pour soulever le gazon sans CULTURES NATURELLES. 239 un peu dérangés, ils auront plus de vigueur pour se refaire que ceux qui proviendront des autres modes de semis. Unie quairieme méthode employée surtout par les jardiniers de profession consiste à tran- cher avec la truelle tout autour du plant le ter- reau inaintenu suffisamment humide, et à en- lever la motte ainsi formée, avec le même ins- trument. Un maladroit perdrait une partie de son plant en essayant cette méthode; quand on en possède l'habitude, elle est très expedi- tive; elle ne s’applique qu'au plant semé à nu sur le terreau de la couche chaude. La transplantation n’est pas toujours néces- saire ; il y a des semis en place qui réussissent bien, mais ils ne doivent être faits que dans le courant du mois de mai. Les trous destinés à recevoir les melous transplantes sur la couche sourde doivent êire prêts d'avance ; chaque pied sera arrosée moue- réement une fois ou deux; le plus souvent un seul arrosage suffit ; l’eau ne doit être versee qu'avec beaucoup de précautions, et jamais re- pandue sur le cœur de la jeune planie; il faut arroser tout autour, à une certaiue distance du collet des racines. La distance pour le repiquage varie selon le développement propre à chaque espèce de me- lon , elle peut aussi varier selon l’espace dont on dispose. Lorsqu’on peut éterdre les couches à volonté, il est bon de donner aux espéces les plus vigoureuses 1 mètre 25 €. en tous sens, et un mètre seulement à celles qui s'étendent un peu moins. E. — Epoques des semis et transplantations. Dans la culture naturelle du melon, le temps convenable pour ces deux opérations est res variable d’une année à l’autre, la temperaiure seule en decide. Les semis se faisant toujours sur couche chaude abritee, on pou‘rait semer de tres bonne heure au printemps, mais il y aurait plus. de perte que de profit. Le plant ne pouvant être risque sur la couche sourde que: quand les intemperies des saisons qu'il ne peut supp rier ne sont plus à cramure, il arrive quand on sème trop Lôt, qu'il reste trop long- temps sur la couche chaude; alors les jreds s'allongent outre nesurë, ils devienne ni lan guissants et presque incapables de supporter la transplantation, Si cependant on les iran plante en cet etat, leur frugtification, deja tres tardive dans les circonstances les plus favora- bles, sera tellement retardee que les fruits pour- ront très bien arriver à Pepoque où leur matu- rite est impossible. La transplantation doit se faire environ trois semaines après que la graine est sortie de terre; mais quand le temps est delavorable ou que le plant parait encore trop delicat, on peut diffe- rer cette opération d’une semaine ou di ux sans ébranler les racines du plant. Avec un peu ! grand inconvenient. La transplantation pour d'habitude, ce moyen réussit aussi bien que les | la culture naturelle peut être considérée comme autres ; d’ailleurs, si quelques pieds se trouvent | faite en temps convenable, tant que pour l'ef- 240 fectuer on n'a pas différé plus tard que la fin du mois de mai. EF. — Z'arlle du melon. Nous ne sommes plus au temps où chaque jardinier faisait un secret des notions que le hasard où l'expérience pouvait lui avoir fait acquérir. L'art de tailler les melons est presque deveiu de nos jours l'art de ne pas les tailler. jar liniersles plus expérimentés reconnats- sent aujourd’hui Pinutilité de ces rognures per- petuelles qui n’aboutissent qu’à développer une foule de branches se croisant dans tous les sens et n’ajoutent rien ni à l'abondance du fruit ni à sa qualité, fait dont tout jardinier exempt de préjugés peut se convaincre par la pratique. Nous prendrons donc, en ce point comme en tout le reste, la science où elle en est de nos jours, et nous donnerons en premier lieu la taille qui nous semble la plus rationnelle dans l’état avancé de notre horticulture. 1. Taille moderne. De toutes les opérations de la taille, la plus nécessaire est celle de l’ététement, par laquelle on supprime la tige provenant directement du germe dela graine et sortie la première d’entre les cotylédons. Cette tige livrée à elle-même absorberait toute la vigueur de la plante et ne souffrirait, pour ainsi dire, aucune branche accessoire ; elle fructifierait, mais très tard, et Jamais ses fruits n’auraient ni le volume ni la qualité des melons produits par les branches latérales. Ce retranchement peut avoir lieu sur la plante très jeune, même avant sa transplan- tation, ce qui a toujours lieu quand la saison contraire force le jardinier à laisser grandir le plant plus qu’il ne le voudrait sur la couche chaude. Il vaut mieux, sous tous les rapports, ne faire cette première taille qu'après que la reprise de la plante est complète et que le dé- veloppement de nouvelles feuilles montre qu’elle est en pleine végétation. Cette suppression opérée, on pourra laisser la plante croître et s'étendre sans la gêner en rien, et attendre pour la tailler de nouveau que les fruits soient non-seulement noués, mais encore assez développés pour permettre de dis- tinguer aisément ceux qui annoncent la végé- tation la plus vigoureuse. Ce choix fait, on arrête la branche à fruit à deux nœuds au-des- sus du melon conservé. Si l’on veut que ces fruits aient toute la qualité désirable, il n’en faut laisser que trois ou quatre sur les pieds les plus forts, deux ou trois sur ceux d’une force moyenne et un seul sur les plüs faibles, quelle qu’en soit l'espèce. Dans le cas où, cultivant pour la vente, on devrait tendre vers une pro- duction plus abondante, il vaudrait mieux en- core accorder moins d'espace à chaque pied de melon que de lui laisser plus de fruits qu’il n’en peut convenablement nourrir; la qualité du fruit en serait moins détériorée. À mesure que la végétation développe de nouvelles branches à fruit, il faut les suppri- HORTICULTURE. LIVRE VIII. mer; ces branches ne cessent entièrement de se montrer que quand les melons réservés sont devenus assez forts pour attirer à eux toute la sève. Chaque plaie causte par la suppression d’une branche doit être immédiatement sau- poudrée de terreau"bien sec pour en accélérer la cicatrisation. Telle est, pour le melon, la taille la plus simple; elle n’exige ni longues études ni sur- veillance perpétuelle ; chaque jour elle fait de nouveaux prosélytes parmi les cultivateurs maraichers, et tout le monde est d’accord sur ce point, que jamais Paris n’a été approvisionné en melons de qualité plus parfaite. 2. Taille ancienne. Beaucoup de jardiniers tiennent encore pour l’ancienne méthode; des ouvrages assez récents ont même été consacrés à la préconiser ; nous croyons donc ne pouvoir nous dispenser de la décrire sommairement. Après l’étêtement tel que nous l'avons indi- qué, il se développe deux branches latérales; ces branches sont taillées au-dessus de leur second nœud, dès qu’elles ont montré leur cin- quième feuille. Chacune d'elles, ainsi arrêtée dans sa croissance, en produit deux autres qu’on laisse croître de même jusqu’au déve- loppement de leur cinquième feuille ; on les ra- bat encore sur leur second nœud, et chacune d’elles donne encore ses deux branches laté- rales, en sorte que le nombre total des branches qui se bornait à deux à la première taille, est de 4 après la seconde et de 8 après la troi- sième. On continue ainsi jusqu’à une cinquiè- me taille, après laquelle on n’a pas moins de 32 branches. Alors seulement, on choisit, parmi les fruits déjà assez gros, ceux qu'on juge à propos de conserver, et l’on sacrifie les autres avec les branches qui les portent. En résultat, il ne reste toujours que le nombre nécessaire de branches à fruit; tout ce qui survient plus tard est supprimé, comme dans la taille mo- derne; on ne voit donc pas la nécessité d’une si grande complication de besogne pour arriver à un but qu’on peut atteindre bien plus simple- ment. G. — Boutures. A l’époque de la taille du melon, si la saison n'est pas trop avancée, on peut utiliser les branches retranchées et s’en servir pour multi- plier le plant au moyen des boutures. Il ne faut pourtant user de ce procédé qu’après avoir cal- culé s’il reste encore assez de beaux jours pour qu’on puisse espérer de récolter les fruits de ces boutures. Dans ce cas, on supprime les feuilles infé- rieures et les boutons de fleurs qui les accom- pagnent; puis, on plante les boutures dans le terreau de la couche , non pas droites, mais dans une position légèrement inclinée; il ne faut laisser qu'un œil au dehors; en sept ou huit jours, elles sont parfaitement enracinées. On pourrait traiter ces boutures comme le TITRE IV. plant venu de semence et les lever en motte pour les transplanter; mais il vaut beaucoup mieux Les faire en place, sur la couche sourde ; elles y reussissent très bien. Une fois qu’elles ont repris, on les traite pour le reste de leur culture exactement comme on traite le plant après sa transplantation. H, — Détails de culture. Il ne suffit pas au melon d’être semé en ter- reau bien préparé à l'époque la plus convena- ble, repiqué en place avec précaution et taille conformement à sa nature; il lui faut encore des soins journaliers desquels dépend entitre- ment la qualité du fruit. On peut, en s’abste- nant de la plupart de ces soins, obtenir des melons en même nombre et d'aussi belle appa- rence que par la boune culture; seulement, ils seront fades et vides, tandis que dans les au- tres la pulpe abondante et parfumée ne laissera libre à l'intérieur que la place occupée par les semences. ; Du moment où les semences sont confiées à la couche, soit à nu, soit en pot, soit en ga- zon , il faut tenir le chässis constamment fermé jusqu'au moment où les cotylédous, portant avec eux leur enveloppe, soulèvent le terreau. Si le temps est beau, comme il arrive souvent au commencement de mars, on donnera un peu d’air en soulevant légèrement le châssis entier, ou mieux en ouvrant un carreau mobile, lorsqu'on s’est ménage cette facilité. A partir de ce jour, si les châssis sont vitrés, on les essuiera soigneusement tous les deux jours pour le moins, afin d'enlever l'humidité qui sv condense ; si elle tombait en gouttes sur le plan récemment levé, elle le ferait fondre et périr. Si le terreau devient trop sec, on bassinera légèrement la couche avec de l’eau dégourdie au soleil, mêlée d’un peu de colombine. Il faut être très sobre d’arrosages à l'égard du plant de melon; pendant toute la duree de sa végé- tation, cette plante craint l’eau surabondante beaucoup plus que la sécheresse. Quand le plant commencera à montrer sa seconde feuille, on rechargera la couche tout entière avec de bon terreau, afin que les jeunes pieds de melon en soient rechaussés jusqu’à la hauteur des cotylédons ou feuilles séminales. Il est bon de ne pas opérer ce rechaussement lrop tôt, dü-t-on dépenser plus de terreau et de main-d'œuvre en s’y prenant un peu plus tard ; le plant ne pourra qu'y gagner. Peu de jours après, il est bon à être mis en place. Après la transplantation, on laissera les me- lons reprendre à couvert, sous cloche, et quand le soleil sera trop piquant, on étendra sur les cloches des paillassons ou de la litière. Cette seconde opération est inutile dans le cas où le temps se maintient chaud et couvert; mais ces conditions de temperature se rencontrent ra- rement au mois de mai sous le climat de Paris. Dès que les melons sont bien noues, ou, comme disent les jardiniers, bien attachés, les branches . étant sorties de tous côtes de dessous les clo- HORTICUITURE. CULTURES NATURELLES. 241 ches, on pourra sans inconvénient laisser les plantes et leurs fruits à l’air libre, sauf le cas d'un été qui serait excessivement pluvieux ; mais alors, de quelque façon qu’on ‘es cultive, les melons ne vaudgront rien. On tiendra tou- jours à portée des planches de melon de vieux paillassons qu'on puisse jeter rapidement par- dessus si l’on êtait menace d’un orage; car tout orage peut être accompagné de grêle, et la moin- dre grêle peut endommager les tiges du melon au point de faire périr le fruit presqu’au mo- ment de la récolte. A partir de l'enlèvement des cloches, les arrosages seront donnés en courant ct en tenant l’arrosoir aussi élevé que possible, pour produire l'équivalent d'une pluie très divisée. L'eau, ainsi que nous l’avons déjà dit, aura été d'avance exposée au soleil, cir- constance qui établit seule une distinction en- tre le vrai sens des mots bassinage et arrosage qui sont quelquefois employés indifféremment l’un pour l'autre. Nous n'avons pas indiquédans ce qui précède le choix à faire entre les cloches et les chässis garnis soit de verre, soit de papier ou de cali- cot imbibés d'huile, pour la première partie de la culture du melon; elle réussit également bien, même sur une grande échelle, par l'un ou l’autre de ces deux moyens. Presque tous les melons de Honfleur viennent sous du papier huilé ; tous ceux desenvirons de Paris viennent sous verre; les uns ne sont en rien meilleurs que les autres. Nous conseillerons toujours au jardinier de profession qui cultive pour la vente, de preferer le verre lorsqu'il peut s’en procurer. Les panneaux vitrés ont l'avantage de ne pas se renouveler fréquemment et d'exiger peu de frais d'entretien; il en est de même des cloches. Le papier, quoique en Normandie on le fasse servir deux ans de suite, n’est réellement bon que pour un an; le calicot peut durer trois ans s’il est de bonne qualité. Ces matières con- viennent surtout au jardinier amateur qui peut s'occuper lui-même pendant l'hiver à en cou- vrir ses cloches et ses chàssis et qui sait les tenir en bon état à très peu de frais. (Voir Instru- ments de jardinage. } Quand le fruit approche de sa maturité, une tuile, ou mieux une petite planche passée entre la couche et le melon, empêche de mürir trop inégalement. On peut, lorsqu'il est très volu- mireux , sans donner une torsion trop forte à la tige, exposer successivement plusieurs côtés du melon à la chaleur directe du soleil. Plusieurs variétés de melons n'annoncent leur maturité que par l'odeur qu’ils répandent ; la plupart des cantaloups en mürissant restent d'un vert pâle ; quand ils jaunissent, c’est qu'ils sont trop mûrs. Les sucrins d'Angers et plu- sieurs autres, restent d’un vert très foncé jus- qu'à ce qu'ils tombent en corruption lorsqu'on les abandonne à eux-mêmes. L'instant de la maturité doit être saisi à point nomme, Car il passe très vite. En Touraine, on cueille de pre- férence les melons entamés par les chats qui ne leur font jamais de bien grandes blessures, mais T. V. — 31 242 HOR'TICULTURE. LIVRE VII, qui goûtent un peu à tous les meilleurs fruits ! ment le pied échauffé par les engrais les plus de la melonière, sans jamais sy tromper. actifs. I. — Culture du melon en pleine terre. J. — Coriservation des melons. La culture naturelle du melon, même lors: qu'elle a le mieux réussi laissetoujours beaucoup à désirer sous un rapport essentiel; les fruits viennent tard et l’on a bien peu de temps à en jouir. Les chaleurs du mois d'août, pendant lesquelles le melon bien mür est un aliment aussi sain qu'agréable, sont passées lorsque commence la récolte du melon obtenu par ce mode de culture; il est rare que cette récolte puisse se prolonger au-delà des premiers jours d'octobre; ainsi, sous le climat de Paris, lors- qu'on traite le melon de cette manière, on n’en peut manger que pendant environ quatre à cinq semaines, et Cela à une époque où la tempéra- ture moins élevée en rend la consommation moins utile. C’est là sans doute un inconvénient des plus graves : les départements du midi n’en ressentent point les effets, mais pour ceux du centre et du nord, ils sont assez sensibles pour donner, indépendamment de la mode et du bon ‘on, une valeur réelle aux produits plus pré- coces de la culture forcée. Par compensation, les melons provenant de la eulture naturelle, arrivant les derniers à l’arrière-saison, sont les meilleurs de tous pour la provision d'hiver. IL est bon d’observer que, dans les pays tempérés ou froids, les personnes aisées passant en hiver la plus grande partie de leur temps au coin du feu, ont aussi grand besoin des fruits rafraichissants en hiver qu’en plein été; le jar- Cette culture a toujours* pour point de dé- part la culture artificielle sur couche chaude, au moins pour élever le plant. Après la trans- plantation, l'emploi des cloches est encore né- cessaire ; les melons en plein champ comme sur couche sourde, ne peuvent être abandonnés à eux-mêmes en plein air que quand ils ont acquis toute leur force. La culture des melons en Normandie, culture si justement renommée, offre l’équivalent d’une culture sur couche sourde. On commence par former le plant sur couche chaude couverte, et quand on le met en place en plein champ, à laide du transplantoir et du lève-melon, c’est dans des fosses remplies de 50 à 60 centimètres de bon fumier garni de terreau. Quelques cultivateurs de cette partie de la France sèment le melon en place; ils ne peu- vent, dans ce cas, commencer leurs semis que fort avant dans le mois de mai, quand il n’y a plus aucun retour de froids tardifs à redouter. Ces semis, protégés par des cloches, sont trai- iés pour la taille, les soins et la conduite gé- nérale de leur culture, conformément aux prin- cipes que nous avons exposés. Dans le midi de la France, à partir de Lyon, on cultive le melon en plein champ et réelle- ment en pleine terre, c’est-à-dire qu'après avoir élevé le plant sur couche chaude, on le confie à des sillons profonds en terre légère fortement | dinier cultivant à proximité d’une grande ville fumée ou bien à des trous circulaires pleins peut done se tenir pour assuré de vendre ai- de fumier recouvert de la terre du champ. | sément, et à un prix avantageux, les melons | | On ne donne ensuite aux melons aucun arro- qu'il aura su conserver pour les débiter à cette sage, hors les cas d’excessive sécheresse, en époque. Parmi les divers modes de conserva- supposant que l'eau soit à portée ei que la | tion usités ou proposés, nous en indiquerons main-d'œuvre ne soit pas à trop haut prix. On | trois qui nous semblent tous mériter, sous dif se dispense aussi de les tailler, sauf le retran- | férents rapports, l'attention des jardiniers. chement du premier jet et quelques suppres- sions sur les branches à fruit. C’est ainsi qu’on en use en Dauphiné et en Provence, ainsi qu’en Roussillon et dans tout le Bas-Langue- doc; mais dans tous nos-départements du midi, même en y comprenant les villes, on trouve difficilement un acheteur pour les melons qui dépassent le prix de 50 c.; il est naturel que les jardiniers tiennent peu à la qualité et que la cuiture tende uniquement vers la plus grande production possible. En effet, la consommation est immense ; à la vérité, tous ces melons ne valent rien. Le meilleur ne supporterait aucune comparaison avec ceux qu'une culture plus soignée sait obtenir dans des contrées beaucoup moins favorisées sous le rapport du climat, spécialement aux environs de Paris. De tous ces faits nous paraît résulter ce que nous regardons Comme un axiome de jardinage 1. Procédé provencal pour conserver les melons. Nous donnons à ce moyen de conserver les melons le nom de procédé provencal, parce que nous l’avons vu pratiquer en Provence; toutefois, nous ne pourrions affirmer qu’il soit originaire de cette contrée. Les melons doivent être cucillis ur peu avant leur complète maturité; on leur laisse un bout de tige de quelques centimètres de longueur qui sert à les suspendre à la place où ils doi- vent passer J’hiver. Des clous à crochet fixés aux pièces de charpente dans un grenier, con- viennent très bien pour cet usage dans les pays et de peu de durée. Chaque melon ainsi sus- pendu est revêiu d’une enveloppe de pailte attachée d’abord autour de la tige, puis retenue par un nœud de ficelle à la partie inférieure, de pour la culture du melon, savoir, que la terre | manière à préserver du contact de l'air toutes la meilleure et la mieux fumée ne suffit pas à | les parties du melon. la végétation du melon, et que, pour don- | Ce procédé ne fait que retarder la maturité ner de bons fruitf, il faut qu'il ait constam- ! du melon ; plus l'enveloppe de paille estépaisse, où, comme en Provence, les gelées sont rares TITRE I. CULTURES NATURELLES, plus le melon parviendra promptement à son | point de maturité parfaite, après quoi il com- mencerait à se gâter. Les melons empailles doivent donc être visités très souvent pour être livrés à la consommation à mesure qu’ils mû- rissent. Sous le climat de Paris, ils ne vont pas beaucoup au-delà du mois de janvier; on a tout le mois de décembre pour les vendre avec autant d'avantages que ceux qu’on obtient à la même époque par la culture forcée en serre chaude, et ils leur sont évidemment de beau- coup préférables. Le mode de conservation des melons dans la paille peut se pratiquer sur une grande échelle sans beaucoup de frais et d’embarras ; dans les contrées exposées à des hivers longs et rigou- reux, il a l’inconvénient d’exiger un très grand local préservé de la gelée, condition quelquefois très difficile à remplir. 2. Procede suisse. On place dans le fond d’une caisse carrée, en bois blanc, de dimensions convenables, un lit de feuilles sèches de pêcher, de 5 à 6 centi- mètres d'épaisseur, sur lequel on dispose les melons de manière à ce qu’ils ne se touchent point entre eux et qu’ils ne soient point en contact avec les parois de la caisse. On remplit avec les mêmes feuilles les interstices que laisse cet arrangement, et l’on en recouvre les me- lons de manière à ce qu’il ne reste aucun vide dans la caisse, sans trop fouler les feuilles. Il se forme dans la caisse, fermée hermétique- ment , une atmosphère mêlée d’acide hydro- cyanique en vapeur ; il est probable que cette atmosphère s'oppose à la fermentation qui doit amener à l'air libre la maturité du melon. Si l'on trouvait quelque difficulté à se procurer des feuilles de pêcher en quantité suffisante, cet arbre n'étant pas aussi commun qu'il de- vrait l'être, on pourra, dans nos départements du midi, les remplacer par des feuiiles d’aman- dier. Quoique la recette que nous reproduisons recommande d'employer des caisses, nous pen- sons que des tonneaux plus faciles à fermer exactement, seraient préférables. 3. Procede italien. Ce procédé consiste à renfermer les melons dans des cendres séparées, par le tamisage, des fragments de braise qui y sont ordinaire- ment mêlés ; dans la pratique, il exige quelques précautions desquelles depend entièrement le succès. Les cendres doivent être parfaitement sè- ches ; le contrairé arrive souvent, lorsque les cendres contiennent beaucoup de sous-carbo- naie de potasse, sel qui s’y trouve toujours en | plus ou moins grande quantité, et qui attire x Ms l'humidité atmosphérique. Dans es localités voisines des grands établissements de buanderie, on fera bien de préférer aux cen- dres meuves les cendres lessivées (charrée) qui ne contiennent presque plus de potasse. 243 On choisit des futailles en bon état, pour qu’elles ne puissent donner aucun accès à l’air extérieur, Les feuillettes sont préférables aux grands tonneaux; les melons en plus petit nombre s’y conservent mieux, et si quelque cause accidentelle introduit la pourriture dans une pièce, la perte est moitié moins consi- dérable. Le fond de chaque futaille est garni d’un lit de cendres de 0,08 à 0,10 d’épaisseur. On y pose une première rangée de melons. exacte- ment débarrassés de toute humidité extérieure, et qu'on a brossés pour déloger les insectes qui pourraient s'être cachés dans les rugosités de leur écorce. Les melons doivent laisser entre eux et le bois de la futaille un espace de 0,04 à 0w,05 ; ils doivent être séparés entre eux par le même intervalle . On continue à tamiser des cendres par-dessus les melons, jusqu'a ce qu’elles les recouvrent, à l’épaisseur de 0",08 ou 0,10. Pour établir un second rang , il est bon de fixer dans la futaille, au moyen de petits tas- seaux, soit des bouts de latte disposés en croix, soit des claies d’osier. à claire-voie, si l’on veut en faire la dépense ; on évite par là de faire supporter aux melons Ges rangées inférieures le poids de toutes celles qu’on place au-dessus. Tous les rangs étant établis de même jusqu'à l’orifice de la pièce, on termine par une couche de cendres, on ferme la futaille et on la con- serve dans un lieu sec, à l'abri de la gelée. On a proposé de remplacer les cendres par du son ou de la sciure de bois ; mais d’une part, ces substances moins divisées que la cendre, admettent plus d’air entre leurs fragments, de l’autre elles sont sujettes à s’échauffer, le son surtout. Le sable et la terre pulvérisée qui pour- raient suppléer aux cendres ont pour défaut essentiel leur trop grande pesanteur. Quand on entame cette réserve, il faut rem- placer par une égale quantité de cendres cha- que melon qu’on enlève , jusqu’à ce que toute une rangée soit Ôtée ; on abaisse alors le dessus de la futaille, et comme en raison de la forme du tonneau, ce couvercle se trouve insuffisant pour recouvrircomplétement la rangée suivante, on répand tout autour des cendres disposées en talus, de 0",15 à 0",29 de hauteur. Chaque couche est successivement traitée de la même manière. C’est faute d'avoir pris toutes les précautions que nous venons de décrire sommairement , que beaucoup d’expérimentateurs négligents | chargeant souvent des domestiques insoueiants Î de soins qu’ils devraient prendre eux-mêmes, ont discrédité ee mode de conservation, parce qu’il ne leur a pas réussi. Nous pouvons affirmer que, pratiqué de point en point comme nous l’indiquons, il réussira toujours. On peut conserver par le même procédé des œufs, et des fruits à pepins de toute espèce. K.— Frais et produits. Les frais de la culture des melons, soit natu- 244 relle, soit artificielle, sont toujours très élevés, et les produits en sont toujours soumis à beau- coup de chances défavorables; c’est cependa nt, à tout prendre, l'une des branches les plus lu- cratives de l’industrie maraichère. Nous täche- rons d'en évaluer les bénéfices pour un are de terrain, supposé dans le voisinage de Paris. FRAIS. 2 Nous pensons qu'ils peuvent être assez CXaC- tement représentés par les chiffres suivants : Lover, à raison de 1,000 fr. l'hectare...... so Lamier elterreal tetes rene. ce él. 155 Main-d'œuvre. . :....…. RE LEE + 45 188 Essayons de justifier ces chiffres. Un are de superficie doit, pour la culture naturelle du melon, être divise en 6 planches, ayant cha- cune une largeur de 1,33, sur une longueur de 10 mètres ; ces planches sont séparées par des sentiers de 0®,40 de largeur ; la facilité du ser- vice exige en outre un sentier de la même lar- geur, coupant les autres à angle droit, à égale distance des deux extrémités de la planche. Les 6 grandes planches se trouvent ainsi subdivisées en 12 petites, dont chacune, pour être convertie en une couche sourde, emploie une charretée de fumier, valant au prix actuel (1843) la somme de 14 fr. Mais il n'est pas nécessaire d'employer aux couches sourdes du fumier neuf (voir Couches). Le fumier dont on se sert, ayant déjà été utilisé, et pouvant l'être encore à l’état de terreau, cet articie n’excé- dera pas, pour chaque planche, 20 fr. et pour les 6 planches, 120 fr. Le terreau nécessaire pour les recouvrir peut être évalué à 6 fr. On ne peut porter au compte de la culture naturelle des melons la dépense de la couche chaude, qui n’est employée que temporairement à nourrir le plant. Une seule couche chaude suffit pour fournir du plant à un are de ter- rain en couches sourdes; la couche chaude coûte environ 35 fr. àaétablir; en raison du temps pendant lequel elle est occupte par le plant de melons, on ne peut mettre à sa charge au-delà du cinquième de cette somme, soit Her: La semence ne peut être évaluée; le plus souvent elle ne coûte rien du tout La main- d'œuvre est l'article le plus difficile à bien ap- précier ; le caractère propre de la culture ma- raichère c’est de passer incessamment d’un objet à un autre, en ne consacrant à chacun que des fragments de journée. A la fin du mois, le maraicher comparant à la totalité de la be- sogne faite les journées qu'il a payées, pour- rait à peine arriver à établir le compte exact de la main-d'œuvre pour chaque produit ; ce calcul d’ailleurs ne lui servirait à rien, et il n’y en a pas un qui songe à y perdre son temps; voici cependant quelques données. A Paris, il n’y a pas une journée d’ouvrier jardinier qui coûte moins de 3 fr.; on donne ordinairement 2 fr. et la nourriture aux ou- HORTICULTURE. LIVRE Vis. vriers employés soit au mois, soit à la semaine. Les soldats qui travaillent passagèrement re- coivent 20 et 25 €. par heure, selon leur acti- vité, s'ils travaillent plus de 6 heures, ils ont droit à un demi-litre de vin. Un arpent, com- posé de 33,33 ares, ou du tiers de 1 hectare, coûte en moyenne. pour toute sorte de culiures maraichères, environ 500 journées à 3 fr., soit 1,500 fr. C’est à peu près par are 15 jour- nées, soit 45 fr.; mais les jardiniers, dont le terrain n’est pas fort étendu, font eux-mêmes la majeure partie du travail que réclame la cul- ture du melon, et comme ils ne tiennent jamais compte de leur propre peine, tous ceux qui sont dans ce cas, s’ils tenaient une comptabilité, ne porteraient rien au compte de main-d'œuvre pour cet article. Les couches sourdes peuvent durer deux ans ; la majeure partie des frais ne se reproduit pas la seconde année pour laquelle la dépense se borne aux chiffres suivants : Loyer. ..shemomsecn--HCRR eee RE.CE of Lerreaus. rs R eee RE EE LEUR. G Matn=d Œuvre. 7 02 Eee CNET CEE 45 61 La dépense totale des deux années s’élevant à 249 fr. , chaque année n'est grevée que de la moitié de cette somme, soit 124 fr. 50 c PRODUITS. Rien n’est plus variable que le prix des me- lons, sans parler des années pluvieuses et froi- des, où ils ne valent rien et ne trouvent point d'acheteurs; nos chiffres ne sont que des à peu près : 96 melons à 1 fr. 80 c. la pièce.....,..... üL pour TCUX MECOILES SE SERRES ST 144 288 D'où il résulterait clairement que le marai- cher aurait donné sa peine presque pour rien ; un bénéfice de 39 fr. par an, représentant à peine l'intérêt de ses avances et l'entretien de son matériel; et pourtant il ÿ a un profit reel beaucoup plus considérable ; en voici l’explica- tion : Les {2 compartiments de couches compris dans un are ne donnent réellement que 96 me- lons par an; déja même, chez la plupart des jardiniers, ils n’en donnent que 48, car on s'est apercu de l'amélioration sensible qu'apporte dans la qualité du fruit la suppression de tous les melons, à l'exception d’un seul par pied, et il n’est pas douteux que tous les maraichers ne suivent incessamment celte méthode, l’es- prit de routine leur étant totalement étranger. Mais la couche sourde a été établie dès le mois de mars; elle n’est pas restée inoccupée jusqu'au moment où elle a reçu les melons ; longtemps avant l’époque de la récolte des me- lons, du plant de choux ou de choufleurs, pré- paré d'avance, est mis en place et commence à croître pendant que les melons. finissent de mürir. Sans entrer dans des détails reproduits TITRE IV: ailleurs, nous pensons que ces produits acces- soires ne sauraient donner moins de 80 fr. par are, tous frais particuliers deduits, ce qui porte la recette annuelle à 224 fr. , soit, pour 2 ans, 148 fr., donnant sur 249 fr. de dépenses un excédant de 199 fr., ou pour un arpent de 33 ares, un bénéfice net de 6,567 fr. Nous le répétons, tous ces chiffres ne sont que des approximations, qui toutefois ne peu- vent s'écarter beaucoup de la réalité sur une période de plusieurs années; mais il y a sou- vent des dilférences de plus de moitié d’une année à l'autre. Il ne faut pas perdre de vue que la culture naturelle du melon est le mode le moins lucra- tif d'obtenir cet excellent fruit ; si les marai- chers la pratiquent, €’est que d'une part elle fait suite à la culiure artificiclle ou forcée, dent les produits sont épuisés de bonne heure, ct que de l'autre, elle entre comme élément principal dans un système de rotation de cul- tures sur couches sourdes, qui permet d’utili- ser ces couches toute l'année, sans interrup- tion. Ce qui précède doit s'entendre exclusive- ment de la culture maraïchère des environs de Paris ; le jardinier amateur, S'il a un chevalet qu'il n'achète pas le fumier nécessaire aux cou- ches, obtiendra, en soignant lui-même ses me- lons, une recolle plus que suffisante pour la consommation de sa maison, sans autres frais que ceux de premier établissement des châssis et des cloches, depense qui sera très légère s’il remplace le verre par du papier huile où du calicot gommé, selon la méthode de Honfleur (voir Instruments de jardinage). Dans le cas où il achéterait le fumier, rien ne l'empéche- rait de suivre l'exemple du jardinier marchand, en obtenant sur les couches une foule d’autres produits dont la valeur, quoiqu’elle ne doive pas être réalisée en argent, n'en serait pas moins une compensation très réelle des frais, et permettrait de manger de très bons melons à très bon marche. Supposons qu'il consacre à cet objet 6 planches, occupant 50 centiares de superlicie, la dépense évaluce comme ci-dessus sera, pour deux ans, de 124 fr. 50 c. En re- tranchant de cette somme 80 fr., valeur des produits autres que les melons, il reste à la charge de cette culture 44 fr. 50 €. à répartir entre 96 melons, ce qui les met au taux très modique de 46 €. la pièce; ils reviendront à 92 e. si, pour les avoir plus beaux et meilleurs, on se contente d’en laisser un seul sur chaque pied. Dans les localités éloignées de Paris et des grandes villes, la dépense pourra être diminuée de moitie, en raison de la moindre valeur des terrains, et du prix moins élevé des fumiers. Aux environs de Marseille, où la culture na- turelle des melons est très suivie, le prix d'un are de terrain propre à cette culture cest de 8 fr. 80 c. , sur le pied de 880 fr. l'hectare. La main - d'œuvre n’est pas très dispendieuse, parce que ious les arrosages se donnent par CULTURES NATURELLES. 245 infiltration, au moyen de rigoles où l’eau cir- cule entre les planches. Les couches sourdes sont remplacées par des trous remplis de fu- mier recouvert de terreau , où l’on transplante les melons élevés sous châssis ; la dépense en fumier est donc assez faible. Quoiqu’on ne puisse évaluer tous ces frais avec exactitude, parce que les jardiniers de Marseille ne s’oc- eupent pas plus de comptabilité que les marai- chers de Paris, nous pensons que les chiffres suivants approchent beaucoup de la vérité : IMitléouooecodoeco de DDC por EC 8{80 ENS LAIS EE EEE CE eeepc. 50 » Main EU CEE 5e ete ous RTE RE 20 » 78 80 Les melons ne sont pas cultivés à part ; les planches dont ils occupent le milieu sur un seul rang nourrissent en outre des deux côtés deux rangées de salades ou de légumes divers, selon la saison. Le produit de ces cultures peut être évalué à 40 fr. par an; il reste 38 fr. 80 c., à la charge de 96 melons. ou même de 144, car à Marseille en laisse souvent 3 melons à chaque pied. Dans la première supposition , 96 melons reviennent à 41 C., et dans la seconde, 144 melons reviennent à 27 c. On en vend beau- coup à Marseille, au prix de 25 à 30 c.; ils sont venus presque sans soins et sans fumier ; à la vérité, ils ne valent rien du tout. Les bons melons, inférieurs pourtant aux cantaloups de Paris, se vendent de 40 à 60 c. en moyenne, car, dans la primeur, ils valent jusqu’à 1 fr. On a donc pour le produit d’un are : Légumes et salades... ... > thotoooniontet 40€ « 96 melons à 60 c., ou 444 à 40 c.......... 57 60 97 60 Les recettes excédant les dépenses de 19 fr. 60 c. pour un arc de terrain, C’est pour un ar- pent de Paris (33 arcs), environ 612 fr. de bénéfice net. Quoique la culture soit différente et la main- d'œuvre moins ménagce, les résultats sont à peu près les mêmes pour la culture du melon en Normandie. Des calculs analogues à ceux qui précèdent donnent 80 fr. 50 e. de frais, et environ 100 fr. de recette par are, soit 19 fr. 50 e. de bénéfice net. On voit que, malgré l’élévation des frais et l'incertitude des recettes, il n’y a pas de cul- ture qui soit, à tout prendre, aussi productive, et il faut bien qu'il en soit ainsi, car elle ne peut jamais être pratiquée que sur une petite ctendue de terrain; les soins constants qu'elle exige ne seraient pas suffisamment récompensés par de moindres bénéfices, et cette culture se- rait abandonnée. $ IV. — Melon d'hiver. Les melons d'hiver, connus aussi sous le nom de melons d'eau, parce qu’en effet leur chair se résout presque en entier dans une eau plus ou mains sucrée, ont des proprietes tota- 246 lement différentes de celles des melons culti- vés sous ls nom de cantaloups ou de melons brodés; on ne les cultive que dans nos dépar- tements les plus méridionaux, sur le littoral de la Méditerranée. Ils se distinguent exté- rieurement par une écorce lisse, ordinairement verte, ou bigarrée de vert foncé et de vert clair; leur chair est ou rouge où d'un blanc verdà- tre; leur saveur très sucrée, mais un peu fade; ils sont dépourvus d’odeur. Ces melons se re- commandent par deux qualités précieuses : d’une part, ils se conservent très facilement, et sont pour cette raison réservés pour fa con- sommation d'hiver; de Fautre, ils ne sont pas fiévreux comme les autres variétés de melons ; on peut en manger impunément des quantités illimitées, sans s’exposer ni à la fièvre ni même à une simple indigestion ; dans la Basse-Pro- vence, les enfants en mangent pour ainsi dire toute la journée ; il est sans exemple que per- sonne en ait jamais été incommodé. Les Pro- vençcaux disent proverbialement : que c’est plutôt boire que manger. Ces deux considérations peuvent faire dési- rer que la culture des melons d'hiver se propage sous le climat de Paris; avec des soins conve- nables elle y réussirait aussi bien qu’en Pro- vence. Aucun melon d'hiver ne vaut assuré- ment ni le cantaloup, ni même le melon brodé, aujourd'hui banni des jardins par le cantaloup ; mais c’est quelque chose d’avoir en été des melons qui désaltèrent sans donner la fièvre, et d'en prolonger la consommation jusqu’à la fin de février. Les espèces cultivées en France sont : 1° Le melon d'hiver proprement dit, ou me- lon de Cavaillon, du nom des jardins de Ca- vaillon qui en approvisionnent tout le midi de la France jusqu’à Lyon; la chair est d’un blanc verdâtre ; 29 Le melon de Malte à chair rouge; 30 Le melon de Malte à chair blanche ; 4 Le melon d'hiver à chair rouge, le plus difficile de tous à faire fructifier, même dans le midi, où il est rare pour cette raison ; 5° Le melon du Pérou; . 69 Le melon-muscade des Etats-Unis ; 1° Le melon d'Odessa, originaire de Perse ; très gros, rayé de vert et de jaune. Les trois premières espèces sont seules gé- néralement cultivées; la première est la plus répandue. Pour obtenir sous le climat de Paris de bons melons d'hiver, il faut les semer dès la fin de décembre, où au plus tard dans les premiers jours de janvier sur couche chaude: dès que le plant montre sa quatrième feuille, il est bon à repiquer, Les repiquages peuvent se faire éga- lement bien, soit à même la couche, soit dans des pots qu’on enterre jusqu’au bord dans la couche; cette dernière méthode est préférable, parce que les melons d'hiver souffrent moins à l'époque de leur mise en place définitive, quand ils peuvent être transpiantés avec toute la terre du pot où ils ont été repiqués. Dans l’un et HORTICULTURE. LIVRE VIII. l’autre cas, la terre où ces melons sont repi- qués doit recevoir une bonne poignée de co- lombine en poudre; il est bon de délayer aussi de temps en temps un peu de colombine dans l’eau dont on se sert pour les arroser. On les met en place vers le 15 mai, en leur réservant l'exposition la plus chaude de tout le jardin; comme les plantes prennent beaucoup de dé- veloppement, il leur faut beaucoup d’espace ; on ne peut leur donner moins de 2 inètres d’in- tervalle entre chaque pied sur une plate-bande d’un mètre 40 de large. On les taille comme les cantaloups sur deux branches, puis on les laisse aller; on pourrait également se dispenser de les tailler, mais ils se ramifieraient moins et seraient moins productifs. Nous avons insiste sur la nécessité de ne laisser à chaque pied de melon cantaloup qu’un ou deux fruits au plus, si l’on tient à les avoir dans toute leur perfection ; on peut, au contraire, laisser aux melons d'hiver tous les fruits qui nouent, sans qu’il en résulte aucune diminution appréciable ni dans leur grosseur ni dans leur qualité; il suffit d'arrêter les branches à fruit à deux yeux au-dessus du dernier fruit noué. Les engrais les plus chauds, tels que la co- lombine, ou, à son défaut, le crottin de lapin, de chèvre ou de mouton, doivent être prodi- gués aux melons d'hiver, ainsi que les arrosa- ges qui ne sauraient être trop abondants. Ce n’est pas que ces melons ne résistent parfaite - ment à la sécheresse; ils la supportent même beaucoup mieux que toutes les autres qualités de melons, mais leur fruit est d'autant plus gros et d'autant meilleur qu’ils ont été mieux arrosés. À Cavaillon, les jardins où l’on traite cette culture en grand sont, non pas arrosés, mais submergés, et cela aussi souvent qu’il est nécessaire pour que le sol, sous un soleil ar: dent, soit maintenu constamment humide. $ IV bis. — Pastèque. La pastèque, ou courge-pastèque, est une véritable courge; c’est elle qui mérite réellé- ment le nom de melon d’eau. Elle ressemble beaucoup, par sa forme et par les qualités de sa pulpe, aux melons d'hiver dont elle se dis- tingue par son volume souvent énorme et par ses grosses graines noires ou rouges contenues dans une chair rouge, très aqueuse, demi-trans- parente. On la cultive comme le melon d’eau. $ V. — Tomate, ou pomme d'amour. Cette plante, originaire du Mexique, est annuelle et très sensible au froid ; il suffit d’une nuit très fraiche pour la faire périr, même quand le thermomètre ne descend pas à zéro. Dans presque toute là France, ses fruits ne servent que d’assaisonnement ; aussi la culture en est bornée. Dans le midi et en Italie, les to- mates, frites dans l'huile avec des ognons, sont un mets très commun, qui fait partie en été des aliments habituels du peuple. Dans ces con- | trées, on ne cultive en grand que deux espèces de tomates : la rouge et la jaune à gros fruit. me tt TITRE IV, A Paris, on cultive en outre la rouge bâtive à feuilles légèrement crispées; e’est la meilleure our grande primeur (voir Cultures forcées). Les tomates à fruit peu volumineux, la petite jaune, la petite rouge, la tomate-poire et la to- mate-cerise, n’ont aucune propriété particu- lière qui les recommande; elies ne sont que de pure curiosité; leur goût ne diffère en rien de celui des autres tomates à gros fruit. Dans le midi, les tomates cultivées en plein champ, presque sans soins de culture, donnent tou- jours à l’arrière-saison, lorsqu'elles ont souf- fert de la sécheresse, une dernière récolte de fruits peu développés qui ressemblent parfaite- ment aux tomates à petit fruit ; leurs graines, comme nous nous en sommes assurés, donnent des plantes qui, convenablement traitées, por- tent des tomates aussi grosses que leur espèce le comporte; les sous-variétés de tomates nous ont toujours paru avoir une très grande pro- pension à varier par la culture, quant à la forme du fruit ; elles pourraient bien n'être pas autre chose que de simples accidents. Les tomates pourraient rarement parvenir à parfaite maturité en pleineterre, sous le climat. de Paris, sans le secours des couches sur les- quelles on les fait lever dès le mois de février, pour être mises en pleine terre à bonne expo- sition vers le 15 du mois de mai. La place qui convient le mieux aux tomates est le pied d’un mur d’espalier au plein midi: mais comme la tomate est une plante fort avide, et qu’elle fe- rait un tort considérable aux arbres à fruit dont un mur d’espalier bien exposé est ordi- nairement couvert, il ne faut accorder aux to- mates un tel emplacement qu'avec précaution, c’est-à-dire en les plantant à égale distance entre deux arbres, ou-bien en avant sur le bord de la plate-bande. Dans tous les cas, on aura soin de lever le plant en motte, et de donner à chaque pied une bonne quantité de fumier à demi consommé. La distance entre chaque pied doit être au moins de 0m,40. A Paris, on est dans l’usage de palisser les toma- tes sur des bouts de treillages, ou mieux sur le mur lorsqu'il y a moyen; on pourrait égale- ment, en donnant à la terre un bon paillis, suffisamment épais pour conserver la propreté du fruit, laisser les tiges courir sur le sol, sans que la maturité soit retardée ; on effeuille lors- que le fruit commence à se colorer. On supprime les extrémités des tiges quand elles portent un assez grand nombre de fruits bien noués; si elles continuaient à croître et à fleurir, le fruit formé tardivement ne müûrirait pas et le fruit noué le premier serait moins eau. Quand la mauvaise saison surprend les tomates à peu près formées, mais non colorées, on peut les détacher de la plante, en leur lais- sant à chacune un bout de tige de quelques centimètres de longueur, les déposer sur des dressoirs dans une serre tempérée et les pré- server d’un excès d'humidité; elles achèveront d'y mürir, et ne présenteront que bien peu de différence avec les tomates qui achèvent en CUETURES: NATURELLES. 247 plein air sur leur tige leur maturation com- plète; ce procédé est fort usité en Angleterre ; il pourrait l'être également sous le climat de Paris; ce serait le moyen de prolonger de plus d’un mois l’usage des tomates. La tomate reprend sur la pomme de terre par la greffe herbacée avec une telle facilité qu'il semble que ce soit la même plante. Cette greffe doit se faire, pour que l'expérience réus- sisse, à une époque qui laisse à la tomate, dont elle retarde un peu la végétation, le temps de mûrir ses fruits. Ce n’est qu’un objet de curio- sité qui peut cependant être utile dans un très petit jardin où l’on peut ainsi obtenir deux récoltes à la même place, l’ane de tomates, l’autre de pommes de terre; car la récolte des tubereules n’est en rien diminuée par la pro- duction dés tomates. $ VI. — Aubergine ou melongène, Cette plante annuelle, originaire d'Afrique, donne un fruit oblong, d’un violet obscur, qui, dans le midi, se mange coupé par tranches et frit dans l'huile; c’est un alimént indigeste dont peu d’estomacs s’accommodent ; on le voit quelquefois figurer sur les marchés à Paris, mais toujours en très petite quantité. On mange aussi une variété à fruit blanc, ayant la gros- seur et la forme d’un œuf de poule. Ce fruit, encore plus indigeste que l’aubergine violette, contient un principe vireux qui en fait un véritable poison, quoique peu violent; aussi l’aubergine à fruit blanc, également connue : sous le nom d'herbe aux œufs, est-elle plutôt cultivée comme curiosité que pour l'usage ali- mentaire. La culture de ces deux plantes est la même que celle de la tomate; seulement, sous le cli- mat de Paris, il est prudent de repiquer chaque pied séparément dans un pot de grandeur suf- fisante, afin de pouvoir les rentrer en cas de mauvais temps à l’arrière-saison, car le moin- dre froid les ferait périr. $ VII. — Fraisier. A. — Travaux préparatoires. Le terrain où l’on se propose d'établir une fraisière doit être découvert, à l’exposition du sud ou de l’est. Quant à sa nature, toutes les variétés ne prospèrent pas dans le même sol. Le plus grand nombre récherche une terre riche et substantielle, plutôt légère que trop compacte ; une ou deux variétés, par exception, demandent une terre forte, avec peu d'engrais et beaucoup d'humidité; quelques autres ne se plaisent que dans les schistes feuilletés alumi- neux en décomposition. Nous indiquerons en premier lieu la culture des espèces qui donnent plusieurs récoltes à la suite les unes des autres, et que pour cette rai- son les jardiniers ont nommées perpétuelles ou | remontantes. Les procédés généraux de cette | culture s'appliquent à tous les fraisiers. Nous : donnerons séparément les indications qui con- # 248 cernent la culture de quelques espéces qui exi- gent des soins spéciaux. Le terrain doit être préparé par un bon la- bour à la bêche et une fumure abondante en fumier d’écurie à demi consommé; cette facon doit précéder la plantation de quiuze jours pour le moins. On donne aux planches une largeur de 15,30 et aux sentiers qui les séparent, 0,40 à 0",45. La crainte de perdre du terrain ne doit jamais engager le jardinier à donner aux planches plus de largeur ; il faut qu’étant placé sur le bord, son bras atteigne aisément au mi- lieu, sans qu’il soir obligé de poser le pied sur la fraisière ; car, si la culture est bien conduite et que le sol lui soit favorable, les fraisiers, même en supposant qu'on enlève les coulants à mesure qu'ils se forment, doivent couvrir la terre de facon à ce qu’on ne puisse y marcher sans les endommager. Pendant ces travaux préalables, il faut re- chercher avec le plus grand soin les vers blancs ou turcs, destinés à devenir des hannetons; la racine du fraisier est celle que ces animaux destructeurs prélérent à toute autre: il leur arrive assez souvent de Gétruire complétement des fraisières d'une grande étendue. Lorsqu'on ne cultive que quelques planches de fraisiers pour la consommation d’un ménage, on se dé- livre à coup sûr des turcs en défonçant le sol à 0,40, et garnissant le fond de la fosse avec 0,08 à 0,10 de feuilles sèches de châtaignier, de platane ou de sycomore ; les premières sont les mcilleures ; toute espèce de feuiiles autres que celles que nous indiquons ne serait pas assez coriace pour remplir le but qu'on se propose datteindre. Les vers blancs sont dans l'usage, pour éviter le froid, de s’enfoncer en terre aussi avant qu’ils trouvent du sol pénétrable. Au retour de la belle saison, ils se rapprochent de la surface du sol pour chercher les racines dont ils se nourrissent; s'ils rencontrent un obstacle qu'ils ne puissent franchir, il faut qu'ils périssent. Ce procédé est sûr. mais im- praticable sur une grande échelle. 1! en est un autre d’un succès non moins assuré, dont nous conseillons emploi aux jardiniers de profes- sion qui cultivent le fraisier en grand, lorsque le grand nombre des hannetons leur donnera lieu de craindre une multiplication extraordi- naire des vers blancs pour l’année suivante. Il s’agit seulement de semer dès que les chaleurs du mois d'août sont passées, du £olza assez clair pour que les plantes avant l'hiver aient déjà pris un développement considérable; alors on les enterrera soigneusement par un bon la- bour à un fer de bêche de profondeur, et tous les vers blancs périront. Le suc âcre du colza frais en décomposition tue rapidement les vers blancs, comme nous nous en sommes souvent assurés par des expériences directes. Quant aux lombrics ou vers de terre, bien que plusieurs traités de jardinage en conseil- lent la destruction dans les fraisiers, nous pen- sons que cette opération serait de la peine in- utile, d’abord, parce que les vers naissants, HORTICULTURE, LEVRE VIII. toujours cent fois plus nombreux que les vers tout formés, échapperaient à l'attention la plus scrupuleuse; ensuite, parce que les lombrics ne nuisent en rien à la végétation du fraisier, puisqu'ils n’attaquent aucune substance végé- tale. Il est rare que la sécheresse se fasse sentir à époque où l’on plante les fraisiers : si la terre ne se trouvait pas assez humide, on la mouille- rait légèrement, non pas au moment de planter, mais vingt-quatre heures auparavant. B. — Choix du plant de fraisier. 1. Plant de semence. On doit regretter que les jardiniers amateurs ne multiplient pas davantage les semis de frai- siers; il est probable qu’ils modilicraient essen- tiellement plusieurs des variétés actuellement cultivées, et qu’ils pourraient, soit en obtenir de nouvelles, soit rendre remontantes quelques- unes de celies qui ne produisent qu'une récolte par an. Il est remarquable en effer que le long catalogue des fraises n'offre que quatre var étés remontantes, encore pourraient-elles en réalité se réduire à deux. La rareté des semis à pour cause principale la facilité de multiplier à vo- lonté, en les maintenant parfaitement pures, les variétés de fraisiers, au moven des jets produits par leurs fils où coulants, où par le déchirage des toulfes des deux espèces qui ne tracent pas. Les semis peuvent se faire indistinetement en automne et au printemps. Dans le pre- mier cas, le plant doit passer l'hiver sans &re replanté. Si l'on ne veut pas obtenir une très grande quantité de plant, on peut semer en terrine, à lombre; il faut arroser au moins une fois tous les jours jusqu'à ce que la graine soit levée. Une bonne terre franche, mêlce de moitié de terreau, convient parfaitement à ces semis. Plusieurs praticiens conseillent, pour se procurer de la graine de fraisier de bonne qua- lité, d'écraser le fruit bien mûr dans un peu d’eau, et de recueillir les semences ainsi lavees. Nous croyons qu’à Pexception des espèces à fruit très charnu, comme les caprons et les ananas, il vaut mieux laisser sécher à l'ombre, mais à une température assez élevée, le fruit tout entier, dont on détache ensuite les semen- ces ; elles reçoivent dans ce cas un complement de maturité qui fait qu'on n'en trouve pour ainsi dire pas une seule qui ne lève, ce qui n’a pas lieu par l'emploi de la méthode de lavage. Le plant provenant de semis faits au prin- temps peut être transplanté très jeune sans in- convénient; celui qui provient de semis d’au- tomne est toujours plus fort, parce qu'il a passé l'hiver avant d'être transplanté; il faut donc semer beaucoup plus clair à l’automne qu'au printemps. 2. Plant de coulants et de souches-méres. Lorsqu'on se propose de prendre du plant dans une planche de fraisiers traçants, on en- lève, à mesure qu'ils se montrent, tous les cou- TITRE IV. CULTURES NATURELLES. lants, jusque vers le milieu de juillet. On ôte | dans le courant du mois d'août, après les plus fortes chaleurs, le paillis dont le sol avait été jusqu'alors recouvert, et on laisse tracer les fraisiers, en les arrosant largement. Dès la fin de septembre, les coulants ont produit une grande quantité de jeune plant bon à être repi- qué; souvent même, la fraise des Alpes des quatre saisons donne, dans l’espace de €inq à six semaines, des rejetons qui s'enracinent, fleurissent et portent fruit comme la souchedont ils proviennent. Il ne faut pas les enlever tous indistinctement, à moins qu’on n'ait une très grande plantation à faire et que l'espace con- sacré à la production du plant ne soit un peu trop borné; on doit préférer ceux qui sont nés le plus près de leur pied central, et rejeter comme moins bien disposés pour une fruetifi- cation abondañte ceux qui naissent à l’autre extrémité des coulants. Ceci doit s'entendre de tontes les fraises tracantes, sans exception. Lorsque la plantation doit être retardée jus- qu'au printemps de l'année suivante, on laisse subsister tous les coulants sans v toucher, jus- qu'au moment de les repiquer en place; dans ce cas, il est bon de répandre sur la planche quelques centimètres de bon terreau ; le plant en recevra plus de force pour résister à l'hiver. C. — Transplantation. Le plant, arraché avec précaution après une bonne pluie ou un arrosage équivalent, doit être immediatement replanté, sans qu’on laisse ses racinesse fletrir par le contact de l'air. On le débarrasse soigneusement de toutes les feuilles jaunes ou pourries; on ne lui en laisse ordi- nairement que deux, y compris celie du cœur ; toutes les autres sont retranchées; il faut aussi raccourcir les fibres des racines lorsqu'elles dépassent 0,05 à 0",06. La né- cessité de cette dernière préparation résulte de la crainte que les racines trop longues ne se retournent dans le trou pratiqué par le plan- toir, accident très fréquent qui fait souvent périr une partie du plant. Les racines, suf- lisamment raccourcies, ne tardent pas à en produire de nouvelles qui assurent la reprise du plant en le rendant moins susceptible de se soulever hors de terre par l'effet des gelées et des dégels successifs. Le fraisier, de même que plusieurs autres plantes, s’il n’est pas bien at- taché à la terre par ses racines à l’époque des petites gelées suivies de dégels au printemps, est sujet à sortir de terre, comme si quelque force inconnue le repoussait par-dessous; il importe donc que le sol soit rendu facilement pénètrable par un bon labour, et que les raci- nes, au moment de la transplantation, restant parfaitement droites, comme nous l'avons dit, donnent promptement naissance à un nouveau chevelu. La distance pour les fraisiers de petite dimension est de 0,33; pour les grandes es- pèces, elle peut être portce jusqu'a 0,50 en tous sens; le plant doit être disposé en quin- conce. HORTICULTURE. 249 D. — Epoque des semis et plantations. On peut semer et planter le fraisier, soit au printemps, soit à l’automne, et obtenir de ces deux méthodes des résultats également satisfai- sants. Lorsque l'hiver s'annonce comme devant être rigoureux, et qu'on n’a pas de puissants motifs pour désirer de se hâter, on doit retar- der ie semis jusqu'au printemps. pour trans- planter en automne. Lorsque le plant de semis est prépare d'avance où qu’on se propose d’em- ployer du plant provenant de coulants, les mé- mes considérations doivent déterminer le choix entre le printemps et Fautomne, La plantation d'automne peut faire gagner une année aux espèces qui ne remontent pas; il leur arrive souvent, lorsqu'on les plante au printemi:s, de ne rien donner, non-seulement la premicre an- née, mais encore la seconde, et de ne montrer leur fruit que la troisième année, en sorte qu'elles occupent le terrain deux ans et demi sans rien produire, Etant plantces à l'automne, elles donnent très peu de chose au printemps suivant, sauf quelques exceptions que nous si- gnalerons, mais elles donnent à coup sûr une pleine récolte année d'ensuite: elles n’ont donc occupé le terrain que dix-huit mois inutile- ment ; c’est une considération importante pour établir le prix de revient de leurs produits. On ne doit done pas semer et planter à la même époque touies les espèces de fraisiers. En thèse générale, Fagtomne est préier. ble av prin- temps pour planter les fraisiers qui ne remon- tent pas. Les fraisiers remontants sont si fertiles qu'on s’apercoit à peine d'une différence appréciable entre le produit definitli des plantations faites soit au printemps, soit en automne. Quelques jardiniers des environs de Paris ont l'habi- tude de planter leurs fraisiers des 4 saisons en automne, entre les rangs des choux d'York les plus précoces. Ces choux, arrachés et ven- dus longtemps avant qu'ils aient formé leur pomme (voir Choux), donnent un produit avan- tageux, et ne nuisent en rien aux fraisiers. Pendant les mois de mars et d'avril, si le prin- temps a été froid et tardif, comme il l'est d’or- dinaire sous le climat de Paris, il faut être jar- dinier et avoir planté soi-même les fraisiers pou les retrouver dans les planches de choux, tant ils sont languissants et chétifs; mais, dès que les choux sont enlevés, les fraisiers cou- vrent tout le sol en quelques semaines, et don- nent du fruit avec profusion. Les plantations de fraisiers au printemps se font en avril. I n’y a aucun avantage à les faire plus tôt. Le plant mis en place à l'entrce de la bonne saison profite immédiatement, ou, comme disent les jardiniers : /{ part tout de suile, et ne reste point à languir. 1l donne quelques semaines plus tard que le plant d’au- tomne; en récompense il produit davantage à l’arrière-saison, et le résultat est le même. Le printemps est plus favorable que l'au- © tomne à la reprise du plant provenant des sou- M ES © 250 HORTICULTURE. LIVRE VIII. ches de fraisiers dépourvues de coulants. Dans | sante, peuvent former d'excellents paillis ; ce cas, on choisit pour les déchirer le moment où la végétation commence à y développer les premières feuilles nouvelles. Il ne faut pas craindre de mettre en place le plant de ces sortes de fraisiers, quand même il n'aurait pres- que pas de racines détachées du talon; la re- prise est assurée , pourvu que la transplanta- tion ait lieu immédiatement , et en terre suffi- samment arrosée. E. — Détails de culture. Le fraisier, indépendamment de l'excellence de son fruit, pour lequel il est le plus généra- lement cultivé, est en outre un objet de curio- sité, une plante de collection. Les Anglais et les Belges portent le goût de cette cullure beaucoup plus loin que les jardiniers du reste de l'Europe. L'une des collections les plus com- plètes que nous connaissions en ce genre est celle de M. Garnier, jardinier-fleuriste à Sainte Walburge, près Liége, en Belgique. En France, et principalement aux environs de Paris, la fraise des Alpes remontante, con- nue sous le nom de fraise des 4 saisons, a tué pour ainsi dire toutes les autres. Elle est la première, comme précoce, et la dernière comme tardive ; elle l'emporte sur toutes les fraises, en saveur et en parfum ; aucune ne résiste mieux au climat et ne se maintient mieux sans dégé- nérer ; ajoutons à tous ces avantages sa fécon- dité prodigieuse, et nous ne serons pas surpris de n’en rencontrer presque pas d’autre sur les tables les plus somptueuses comme sur les plus modestes. Le but que le jardinier se propose doit beau- coup influer sur le mode de culture qu’il con- vient d'appliquer aux fraisiers; nous croyons devoir nous attacher surtout à décrire les pro- -cedés de la culture la plus productive, sans omettre d'indiquer ensuite ceux qui ne peuvent que contribuer à varier les jouissances du jar- dinier-amateur. Aussitôt après la reprise du plant. quelle qu’en soit lespèce, il faut, avant de lui donner les premiers arrosages dont il a toujours besoin, pailler les planches de fraisier , dans le double but d’y maintenir une fraicheur nécessaire à la végétation, et d’obtenirle fruit dans un tel état de propreté qu’on n’ait pas besoin de le laver au moment de le servir, ce qui lui ôte toujours une partie de sa valeur. Le paillis le plus con- venable se fait avec du fumier long ; les arro- sages font pénétrer dans la terre toutes Îles parties solubles et fertilisantes de ce fumier ; la paille brisée qui reste sur le sol forme une ex- cellente couverture. On aura soin de ne pas laisser les cœurs du jeune plant engagés sous le paillis: ils ne tarderaient pas à prendre le dessus, mais ils auraient beaucoup à en souffrir. Lorsqu'on manque de fumier long, du chaume récemment arraché, des herbes sèches, de la mousse , si la proximité d'une forêt per- | met de s’en approvisionner en quantité suffi- | chaque jardinier se décidera d’après les res- sources à sa disposition, mais dans aucun cas le sol de la fraisière ne peut se passer d’une couverture quelconque, si l’on veut avoir de bonnes fraises en abondance. Les fils ou coulants se montrent en même temps que les hampes ou tiges à fleurs. Lors- qu’on tient à la première récolte, on retranche les coulants à mesure qu’ils se montrent, et l’on favorise le développement des fleurs et des fruits par des arrosages fréquents. On peut mouiller les fraisiers en plein soleil, pourvu qu'on mouille largement; ils n’en profitent que mieux. Si l’on se propose, en sacrifiant la première récolte, d’en obtenir de très riches à Parrière- saison, il faut laisser se développer les cou- lants ainsi que les premières fleurs; puis, au moment de la pleine floraison, on coupera à quelques centimètres au niveau du sol toute la plante, coulants, fleurs et feuilles. On donnera tout aussitôt un bon arrosage, et l'on conti- nuera à {raiter comme les autres planches de fraisiers celles qu'on aura soumises à cette opération. Il leur faut ordinairement de six se- maines à deux mois pour revenir au point où elles étaient quand elles ont été tondues; alors elles restent couvertes de fleurs et de fruits qui se succèdent avec profusion jusqu’aux pre- mières gelces. Il ne faut jamais compter sur la pluie pour se dispenser d’arroser les fraisiers ; les vieux jardiniers disent que le fraisier aime mieux boire l’eau du puits que l'eau du ciel. En ef- fet, dans les années où les pluies d'été sont fré- quentes , les fraisiers, quoique bien moins mouillés qu’ils ne l’auraient été avec l’arro- soir, jaunissent et ne donnent que des fruits sans saveur. Dans les intervalles des pluies, le jardinier doit forcer les arrosages ; il n’a pas d'autre moyen de combattre l'effet pernicieux de la pluie en été sur les fraisiers. Quelques jours après un orage, un jardinier expérimenté peut affirmer, sans risque de se tromper, en voyant deux planches de fraisiers, que l’une était sèche et l'autre mouillée au mo- ment où elles ont toutes deux recu la pluie ; leur aspect est très différent ; leurs produits ne le seront pas moins durant le reste de la saison. Il est très probable que ce singulier el- fet est dû à la grande quantité d'électricité dont est chargée pendant l'été l'eau des pluies d'o- rage. Il importe donc de mouiller copieusement les fraisiers, lorsqu'on est menacé par l'appro- che des nuées orageuses. La manière de eueillir les fraises influe beaucoup sur la durée et l'abondance des ré- coltes. Chaque hampe porte plus ou moins de fleurs qui se changent en fraises et mürissent l’une après l’autre; quand les fruits provenant des premières fleurs sont mürs, il y à sur la même tige des fleurs et des fruits encore verts. Si l’on enlève le fruit sans couper son support, comme la cuisinière le fait souvent dans les TITRE IV. jardins bourgeois, pour s’épargner la peine | d’éplucher les fraises, on donne, à la vérité, | peu d’ébranlement à la plante, mais le support | qu'on y laisse entraine souvent, en se desse- Chant, la perte de toutes les fleurs et de tous les fruits portés par la même tige. On peut prendre modèle sur la promptitude et la dex- térité des femmes chargées de ce travail déli- cat aux environs de Paris. Il peut y avoir moi- tié de différence dans les produits de deux fraisières de même étendue, cultivées du reste avec les mêmes soins, dont l’une sera récoltée maladroitement, et l'autre par des mains exer- cées. C’est à la fin d'octobre, dans les années or- dioaires, qu'on enlève les derniers coulants produits par les fraisiers d’un an; ces fraisiers passent l'hiver en cet état, sans autres soins de culture. Au printemps on donne un bon bi- page, par-dessus lequel on renouvelle le pail- lis, et l’on recommence la même culture que l'année précédente. Après la récolte des der- nières fraises de la seconde année, on arrache tous les fraisiers, et l’on donne au terrain une autre destination, car il ne faut pas recom- mencer immédiatement une nouvelle fraisière sur le même emplacement où l’on vient d'en détruire une ancienne; il est bon de laisser au moins deux ans le sol se délasser par d’au- tres cultures. Quelques jardiniers laissent subsister trois ans les fraises remontantes ; il vaut mieux les détruire après deux étés. La troisième récolte peut bien quelquefois être aussi abondante que les deux autres sur un sol et dans des circon- siances particulièrement favorables ; mais, en général, on risque de ne pas récolter la troi- sième année de quoi couvrir les frais de cul- ture. Les planches de fraisiers qu’on se propose de détruire parce qu’elles ont fait leur temps, sont celles à qui on laisse ordinairement pro- duire en automne le plant dont on a besoin. Comme elles sont encore dans toute leur vi- gueur après cette production, on peut achever de les épuiser en prolongeant leur fructifica- tion au moyen de quelques abris. Le plus sim- ple de tous se donne avec des paillassons. Dès qu’on a arraché le plant et enlevé tous les cou- lants, on plante entre les rangées de fraisiers deux rangs de piquets qui ne doivent pas avoir plus de 0m,18 à 0,20 hors de terre; ces pi- quets sont espacés entre eux de 0m,50. On en- toure chaque planche d’un gros bourrelet de | paille solidement tordue. Dès que les premières gelées blanches se font sentir, on répand un peu de bon fumier entre les rangs des fraisiers par-dessus le paillis, et on couvre les planches tous les soirs avec les paillassons. Les bourre- lets de paille disposés tout à l’entour, et les piquets dans l’intérieur des planches, soutien- nent les paillassons et les empêchent de frois- ser les fraisiers. De cette manière, à moins | qu'il ne survienne de fortes gelées en novem- bre, ce qui est rare sous le climat de Paris. on CULTURES NATURELLES. 251 peui continuer à cueillir des fraises jusque fort avant dans le mois de décembre, avec la seule précaution de placer et de déplacer les paillas- sons, selon le besoin. Les fraises obtenues par ce procédé sont peu colorées, fort acides, et de peu de valeur réelle, mais elles se vendent très bien, à cause de leur rareté. Beaucoup de jardiniers trouvent cependant plus de bénéfice à détruire dès le mois d'octobre les planches de fraisiers de deux ans, pour consacrer immédiatement le terrain à d’autres cul- tures. Nous avons indiqué l'emploi des paillassons comme le plus économique; le succès serait encore plus certain en se servant de châssis vitrés posés sur les planches de fraisiers à l’é- poque des premiers froids. (Voir Cultures for- cées. ) F. Cultures particulières de quelques fraisiers. 1. Buisson de Gaiïllon. Les fruits de cette variété sont tellement semblables à ceux de la fraise des Alpes des quatre saisons que, lorsqu'ils sont cueillis, il est impossible d’y remarquer la moindre difte- rence ; c’est exactement la même fraise; seu- lement la plante qui la produit n’a pas de cou- lants. Ce fraisier, lorsqu'on le cultive en plan- ches, exige précisément les mêmes soins que celui des quatre saisons: il fleurit un peu plus tard au printemps et se prête mieux que tout autre aux procédés indiqués pour obtenir des fraises jusqu’à l'arrivée des grands froids. Mais on lui donne rarement une autre destination que celle de servir, comme bordure, à garnir les plates-bandes le long des allées. Dans ce cas, on se dispense de le pailler; son feuillage très touffu soutient les tiges chargées de fruit et empêche les fraises de toucher la terre. Ce- pendant, après les arrosages ou les pluies vio- lentes, quelques pieds ont été couchés; beau- coup de fraises chargces de terre ou de sable ne peuvent paraitre sur la table avec cette fraicheur qui distingue les fraises cueillies sur un paillis, et servies sans avoir besoin d'être lavées. On remédierait à cet inconvénient si l’on avait soin, comme le font quelques habiles jar- diniers, de planter le buisson de Gaillon en bordure, au fond d’un large sillon de 30 ceniti- mètres au moins, ouvert à la houe sur le bord de la plate-bande. La forme évasée de ce sil- lon permet d'y placer un paillis à demeure, aussi bien que sur une planche de fraisiers. Si la bordure en paraît un peu moins agreable à la vue, c'est ce dont le jardinier-maraicher ne se met point en peine. Quant au jardinier amateur, il peut avec un peu plus de dépense remplacer la paille par la mousse : l'aspect de ses bordures n’aura plus rien de choquant, en les supposant même placées au bord des pla- tes-bandes d’un parterre, et il pourra en man- cer les fruits sans les dépouiller par le lavage d'une partie de leurs précieuses qualités. Ajou- 252 tons que le buisson de Gaillon, s'il n'est point paille de manière ou d'autre, risque de brûler, en depit de tous les arrosages, et de laisser des vides qui nuisent au coup d'œil bien plus en- core que la vue de la paille ou du fumier. Les fraisiers de cette variété doivent être déchires tous les deux ans et renouvelés au moyen des nombreux rejetons fournis par leurs souches. Si l'on attendait jusqu'à la troi- sième année, les touffes seraient devenues tel- lement serrées que les jets sortant du milieu s’étioleraient comme des cœurs de salade, et finiraient par pourrir, sans donner aucune ré- colte. La distance ordinaire pour les plantations en bordure est de 0".30; lorsqu'on les rajeu- nit, il faut avoir grand soin de disposer le nouveau plant dans les intervalles des places occupées par les pieds qu’on vient de detruire; quelques bagueties plantées dans le sillon serviront de guides pour les premiers plants ; les autres se trouveront à leur place si l’on conserve exactement la distance. On ne doit pas oublier de les fumer et de les arroser lar- gement, si l'on ne veut pas que leur fruit dé- génère. 2. Fraisier de Montreuil ou de Montiherry. La culiure de ce fraisier est la même que celle du fraisier des Alpes des quatre saisons ; mais pour que son fruit développe Les formes bizarres et le volume extraordinaire qui duter- iminent sa valeur sur le marche, 11 faut en re- nouveler f équemment le plant en Île tirant directement du territoire de Montiherv, où cetie variéié a été originairement obtenue par la euliure de la fraise des bois. Il est probable que la beauté de la fraise de Montreuil est due surtout à ce que les jardiniers de ce village sa- crifient le fruit de la première année, en laissant la plante acquérir une grande vigueur sans la pousser à la produetion ; ilsnecommencent à ré- colter réellement qu'à la seconde année. et leurs fraisiers, en durant trois ans, ne leur donnent que deux récoltes. Le plant peut servir à trois renouvellements sans dégénérer, dans l’espace de neuf ans; les jardiniers les plus soigneux ne emploient à cet usage que deux fois en six ans, aprés quoi ils achètent de nouveau plant à Montihérvy La fraise de Montreuil est remontante, mais après qu'elle a donné ses premicrs fruits re- cherches pour leur beauté remarquable, ceux des pousses suivantes ne sont plus que des frai- ses de bois, ayant à peu près le volume et la sa- veur de la fraise des quatre saisons, et con- servant la forme globuleuse, marque de leur origine. Nous ne doutons pas que, dans bien des lo- calités, des jardiniersamateurs ne puissent par- venir à rendre par la culture la fraise des bois égale à la fraise de Montreuil; ces essais auront d'autant plus de chances de suceèsqu’ils seront tentés dans un sol plus chargé de calcaire; celui as environs de Montlhéry contient beau- HORTICULTURE. LIVRE VEII. coup de carbonate de chaux , et celui de Mon- treuil est un humus mêlé de gypse ou sulfate de chaux (pierre à plâtre). C'est aussi dans un sol analogue qu’on devra eultiver le plant tiré di- rectement de son pays natal, afin d'en obtenir des fruits qui ne soicnt point sujets à dégé- nérer. 3. Fraisier wallone ecarlate. La fraise écarlate de Virginieest probablement la souche originaire de la wallone écarlate qui n’est mentionnée dans aucun catalogue, parce que les Belges écrivent fort peu et se conten- tent de très bien cultiver. Ce fraisier transporté de temps immémorial sur les coteaux schisteux des provinces de Liége et de Namur (Belgi- que), y a modifié la couleur, le parfum et même la production de son fruit, au point que nousne craignons pas de le proclamer la meilleure des fraises qui ne remontent pas. Une terre forte, argileuse, amendée avec de l'engrais très con - sommé, tel qu’est celui des couches démontées, avant qu’il soit passé tout-à-fait à état de ter- reau, lui convient mieux que toute autre; mais certe fraise s'accommode de toute espèce deter- rain. Sa végétation est si puissante, et elle s'at- tache si solidement au sol par ses nombreuses et fories racines, qu'on l'emploie eamme le meil- leur des gazons pour empécherléboulement des terrains schisteux en pente rapide: dans ce cas on la laisse filer en liberté sans toucher à ses coulants; elle n'en est pas moins productive, paree que les jeunes pieds finissent toujours par eloulfer les anciens, et se perpéruent ainsisans qu'il soit besoin de les rajeunir. Nous avons ob- servé maintes fois des plantations très ancien- nes de ce fraisier, faites, non point en vue d'en obtenir du fruit, mais uniquement comme ga- zon ; les fraises avaient diminué de volume sans degenérer sous les autres rapports; la produc- Lion était toujours très abondante. On voit combien il serait à désirer que la cuhurede cette variété se propageàt en France; elle est inconnue aux environs de Paris. Le fraisier wallon écarlate doit être planté en sep- tembre; la récolte est dejà très abondante au printemps suivant ; placée à bonne exposition, celte fraise peut être très précore. Les hampes ou tiges à fruit sont basses et le fruit est très pe- sant; il faut. pour cette raison, que le paillis soit plus épais que celui qu'on donne à la fraise des quatre saisons; le paillis serait inutile si on lais- sait pousser tous les coulants; ils couvriraient bientôt le sol; mais ce serait aux dépens de la qualité et de la quantité des fruits. Le fraisier wallon écarlate, bien qu'il ne re- monte pas, donne d'excellents produits qui se succèdent pendant six semaines; €'est à peu près le double de la durce des autres espèces non remontantes. II ne craint ni l’ombre des grands arbres, ni l'exposition du nord ; seule- ment, dans ces circonstances , sa récolte sera plus tardive. , Ce traisier partage, avec tous Ceux qui ne re- montent pas, le défaut d'occuper inutilement Le TITRE IV. sol pendant un peu plus de dix mois sur douze. Pourobvier à cet inconvénient, on peut aussitôt après la récolte arracher les neuf dixiènes des fraisiers : le dixième restant suffira pour four nir plus de plant qu'on ne saurait en employer, et le sol restera immédiatement libre pour d’autres culiures. Ce procédé que nous avons souvent mis nous-même en pratique ne donne qu'une seule récolte, et il oblige à renouveler les plantations tousles ans, mais les autres pro- duits qu’on obtient sur le même sol pendant le reste de l'année forment une compensation plus que suffisante. Dans les localités où le sol est moins précieux, on peut ne sacrifier les planches que tous les deux ans; la seconde récolie sera plus abondante que la première, pourvu qu’on ait eu soin d'enlever les coulants. L’abondance des coulants s'oppose à ce que le fraisier wallon écarlate soit employé comme bordure; si l’on négligeait seulement pendant quinze jours de les ôter, ilscouvriraient de leurs rejetons les allees et les plates-bandes. Les jar- diniers qui ne eraindront pas ce léger surcroît de main d'œuvre pourront maintenir ces bor- dures cinq ou six ans, et même plus; leurs pro- duits n'auront pas sensiblement diminué. Nous les avons vus résister mieux que toute autre variété aux étés les plus secs sans aucun arro- sage. : Ces truis exemples de culiure suffisent pour traiter convenablement la culture naturelle de toutes les variétés de fraisier. Nous avons in- sisté spécialement sur la culture du fraisier des Alpes des quatre saisons, parce que sa fraise est et doit rester en possession presqueexclusivedes marchés; ce que nous avons dit de la fraise wal- lone écarlate s'applique à toutes les fraises non remontantes, nolamment aux caprons et aux ananas. Les jardiniers-maraichers en ont pres- que abandonné la culture, parce qu’elles recla- ment des soins et des frais toute l'année pour ne produire qu’une fois l'an. Il y en a riême plusieurs espèces qui ne donnent aucune ré- colie la première année; ces variétés rentrent dans le domaine du jardinier-amateur. Nous consignons ici une observation que nous n'avons trouvée dans aucun traité. Toutes les espèces de fraisier craignent singulièrement le voisinage de l'hélianthe, vulgairement nommé soleil ; un seul pied de cette plante peut, même a une ceriaine distance, tucr plusieurs rangées de fraisier. Lorsqu'on veut par une expérience directe,que nous avons souvent répétée. mettre ce fait en évidence. on plante un pied de soleil au milieu de la fraisière; il'est bientôt entouré d’un cercle entièrement vide. G. — Procédé anglaïs pour obienir des récoltes de fruits des espèces de fraisiers le plus souvent stériles. Plusieurs espèces de fraisiers qui figurent dans beaucoup de collections produisent un grand nombre de pieds stériles que les jardi- niers nomment plantes miles. Persuadés que ces plantes sont réellem nt mäles, ils croient nécessaire d’en conserver au moins une partie CULTURES NATURELLES. om 253 pour féconder les autres. Or, ces plantes étant stériles, n'avant par conséquent pas de fruit à nourrir, poussent une quantité Surabondante de coulants qui s'emparent promptement de tout le terrain aux dépens des plantes fertiles, et bientôt ces dernières se trouvent anéanties. Il y a quelques années, M. Lindlev, profes- seur et celebre horticulteur anglais, mit en pleine terre quelques pieds de fraisiers d'une variété que les Anylaisnomment haut-bois, fort sujette à cet inconvénient, Soupconnant qu'il s’en trouverait plusieurs de stériles, il n’y laissa se développer aucun coulant la première année, avant soin de les retrancher dès qu’ils se mon- traient La seconde année, cinq plantes sur six | se trouvèrent stériles; elles furent toutes sacri- | liées. et la plante fertile demeura seule en pos- session du sol. A mesure que les coulants de cette plante étaient suffisamment enracinés, on les plantait dans une plate -bande séparée; ils donnèrent une récolte des plus abondantes; tous les coulants qu'ils produisirent à leur tour fu- rent fertiles. Quelques-unes des plus belles fraises provenant de la plante-mère furent choisies pour porte -graines ; leur semence donna, comme on pouvait sy attendre, des plantes, les unes stériles, les autres ferules. Toutes les plantes stériles furent supprimées; M. Lindlev ne conserva parmi les plantes ler- tiles que celles dont le fruit réunissait au plus haut degré toutes les qualités propres à leur espèce. Leurs coulants, traités comme on vient de l'indiquer, donnèrent une excellente récolte; tous les coulants, sans exception, ne produisirent que des pieds fertiles. Il demeure donc prouvé que, dans la culture des fraisiers de eette espèce, on doit arracher tous les pieds stériles et ne prendre des cou- lants que sur les pieds fertiles. Par ce procédé très simple, on pourra cultiver avec autant de succès que les autres, et même faire figurer sur les marchésdes villes, plusieurs variétés de frai- siers négligées précédemment parce qu'il s'y rencontrait trop peu de plantes productives. H. — Fraiset ; roduits. Un propriétaire de la commune de Saint- Mandeé, voulant connaitre à peu près le pro- duit de la culture du fraisier des quatre saisons, fit, en 1838, l'expérience suivante : Un are de terrain, exactement mesuré et divisé en six planches, portait mille pieds de fraisier à leur seconde année; l'hiver ne les avait point endommagés, et ils avaient au printemps la plus belle apparence. Les frais, exactement notes, donnèrent les chiffres sui- vants : Location du terrain, .... : SSP dot s! FURICLS SR ee ss ce Re 42 PUS as ee . 20 MA OUNEE Re resveces 145 Tomate 212 L'article main-d'œuvre a besoin d'être ex- 254 pliqué : il se compose essenticllement de cent arrosages, dont chacun employait le quart d’une journée d’ouvrier à 3 fr., soit 75 fr., et de quatre-vingt-deux eueilles, dont chacune employait une demi-journée de femme, payée 1 fr. 50 e. par jour, soit 61 fr. 50 €. ; le surplus est pour les sarclages, et aussi pour quelques menus frais, tels que le transport et l'achat des paniers Où cagerons. Le produit fut évaiué en argent.,..,....,, 593160 Frais, comme ci-dessus. 5e... 2420» Dilférence, ou bénéfice net. 181 GO La récolte, dont une partie seulement fut rcalisée en argent, et le reste consomme à la maison, se composait de six cent cinquante-six | cagerons de fraises dont les prix, comparés à ceux de la halle, donnèrent en moyenne 60 e., non comme prix payé par les consommateurs, mais comme représentant ee que le jardinier aurait recu des revendeurs auxquels il vend habituellement ses produits. Cette culture ne fut contrariée ni par le ver blanc, ni par les orages; le local bien abrité permit d'obtenir une partie des fraises en pri- meur ; elle fut donc faite dans les circonstances les plus favorables; étant d’ailleurs conduite avec les soins les plus minutieux, ses résultats peuvent passer pour un maximum de produc- tion rarement atteint, et jamais dépassé. Un hectare de fraisiers dans les mêmes conditions aurait rendu 65.600 cagerons de fraises, va- lant 39.360 fr., et réprésentant un produit net, tous frais déduits, de 18,160 fr. L'expérimentateur n'étant pas jardinier de profession, ne pouvait en croire ses yeux ; nous avons eité ce fait pour montrer comment cette cukure, qui exige des frais excessifs, peut néan- moins récompenser le jardinier qui n’y consa- cre qu'une étendue de terrain n'excédant pas quelques ares de superficie, car tout change dès qu’on étend cette culture à plus d’un demi- arpent de Paris, valant 16 ares 66 centiares. Dans ce cas, il est impossible d'obtenir une fraisière également productive sur tous les points; il y en a toujours une partie en souf- france; la destruction du ver blanc devient beaucoup plus difficile, et les chances de perte sont inévitables, les frais restant les mêmes. Quoique dans les communes de Montreuil, Ba- gnolet, Fontenay, et dans celles des environs, le fraisier occupe près de 200 hectares, il est rare qu’un seul jardinier en ait un hectare à la fois. Dès que la fraisière dépasse 33 ares 383 (1 arpent de Paris), on abandonne au ciel le soin “de l’arroser quand il lui plaira ; on réserve pour une partie seulement les arrosages, ce qui di- minue les frais et les produits. Nous allons in- diquer les uns et les autres par approximation. Dans une culture aussi soignée que celle de l'expérience que nous venons de décrire, les frais de la première année sont augmentés du prix du plant et de celui de la main-d'œuvre pour plantation, ce qui les porte à la somme de HORTICULTURE. LIVRE VIII. 240 fr. environ, somme qui scrait plus consi- dérable s’il ne fallait défalquer une partie de la main-d'œuvre, les cueilles étant moins fréquen- tesetmoinsabondantes quedurantla seconde an- née. A ppliquant la même considération à la troi- sième année, nous poserons les chiffres suivants. FRAIS. Premiere année. 2.21. An 2401 » Deuxième £d.,.... APE SAR hi 212% Troisième traits Ie HA si IR LE 188 » Frais des trois années... 640 » Cette somme, répartie entre les trois années que doit durer la fraisière, donne 213 fr. 33 c. par année. PRODUITS. ! Premiere 1nDE0..-. Lee 2 -EEE setitbre-tiSE6l 4 | Deuxième 1d...., NANTES SE, 5935 60 Troisième 21-50 rec Dpesis ser» Li EDDi Produit des trois années... 1,020 » Soit, pour chaque année 340 fr. de produit brut, et 126 fr. 67 c.de bénéfice net, représen- tant 12,667 fr, pour un hectare. Nous sommes certain qu’en réunissant les produits de plu- sieurs petites fraisières de 8 à 10 ares chacune, pour composer le produit d’un hectare, on irait même au-delà de cette somme, dans quelques années particulièrement favorables. Dans la culture en grand les résultats sont bien différents : souvent, comme cela est arrivé celte année (1842), la sécheresse fait périr tous les fraisiers qu’on ne peut arroser ; cette plante est sujette à des maladies dont on ignore .la cause; les vents d’est au printemps la font jaunir et languir ; alors presque toutes les fleurs avortent, et la récolte est nulle. En tenant compte de toutes ces considérations, nous trou- vons, par approximation, les chiffres suivants: FRAIS. Location d’un are de terrain pour trois ans, .. 9€ TNT SPAS 3081 PE c-rche Eee 60 Plant et main-d'œuvre... ...........:.. 219 Torar. pour lois ans... 559 PRODUITS. Premicrne ANNÉE-.- br épraip etre Poele Soiree 150 Deuxième id. ..,.. MINES EL s.e 170 Troisième id, ..... M A Se nf 92 Toraz...... #92 Différence ou bénéfice net pour trois ans. 55 Le produit d’un hectare n’est dans ee cas que de 5,300 fr. pour trois ans, ou 1,776 fr. par année ; mais il y faut ajouter le prix d’une ré- colte de choux d’'Yorck obtenue la première année, à raison de 360 choux par are, vendus de 5 à 10 c. avant la première floraison des fraises, moyenne 8 €., soit 28 fr. 80 c., ce qui porte la recette totale à 8,180 fr., et la recette annuelle à 2,726 fr. Tels sont. à défaut d’une exacte comptabi- TITRE IV. lité presque impossible à obtenir, les produits de la culture du fraisier des quatre saisons aux environs de Paris; elle n’est réellement très | profitable que quand on peut lui consacrer tous les soins et tous les frais qu’elle réclame, ce qui ne peut avoir lieu que sur un espace borné. Pour les caprons. les ananas et tous les frai- siers qui ne remontent pas, le produit est en- core plus faible, à moins qu'on ne prenne le parti de n’en jouir qu'une seule année, et d'en arracher les neuf dixièmes pour disposer du reste du terrain, ainsi que nous l'avons con- seillé. Dans la première supposition, € est-à- dire en laissant la totalité de la fraisière en place pendant trois années, on ne pourra lui consacrer, comme on le fait en Belgique, que des terrains de peu de valeur, et il n'y aura pas beaucoup de main-d'œuvre à y dépenser, si ce n’est pour la plantation et ies récoltes. Quelques espèces durent pour ainsi aire inde- finiment, mais leur durée movenne ne doit pas dépasser celle des fraises remontantes, quand on veut en obtenir des produits satisfaisants; les frais er produits répondent alors à peu près aux chiffreggi-dessous 3 FRAIS. Location d’un are de terrain pour trois ans. . 6€ » | ESS EREEEEENEEREREEEEES 30 » MAIRE AMENER ER SE ERP SEE ed LW. 4 t 69 » Toraz des frais pour trois ans... 96 >» PRODUITS. 1€ année, 6 cucilles à 8 cagerons à 60 ec. 28 S0 22 — 412 cueilles à 10 cagerons à 60 c. Le se — 8 cueilles à 8 cagerons à 60 €. 5S 40 159 20 Différence, ou bénéfice net par are....... 45 20 ONFPDPEMPREMAE se 4,300 Ce qui revient à une recette annuelle de. ,.. 41,455 55 Mais en adoptant un meilleur mode de cul- ture, et donnant, dès la première année, aux fraisiers qui ne remontent pas le fumier et les arrosages dont ils ont besoin pour produire im- médiatement une bonne récolte, on arrivera aux chiffres suivants : FRAIS. Location du terrain. .....,.........., . 11» ER ep ao sue . “(Re MARIANNE. .4 ............0. e 60 » GS » PRODUITS. 415 cueilles à 42 cagerons à 60 c......., s 108 » Différence, ou bénéfice net.............. 48 » ou pour un hectare, en une seule année. ... 4,800 x Il ne faut pas perdre de vue que les neuf dixièmes du terrain restant libres aussitôt après CULPURES! NATURELLES. at” 2359 | la récolte, sont utilisés le reste de l’année pour d’autres produits ; c’est ce qui réduit les chif- fres du loyer de la terre et du fumier. SECTION IV. — De diverses plantes potagères. Avant d'aborder la culture forcée des plan- tes potagères, nous devons mentionner celle de quelques végétaux que leurs propriétés spé- ciales et leurs usages restreints ne nous ont pas permis de classer dans les divisions précé- dentes. Les ures sont principalement employées comme assaisonnement de la salade: elles sont connues des jardiniers sous le nom de fournitures de salade; les autres, par leur odeur pénétrante, éloignent du linge et des vé- tements les insectes nuisibles, où bien elles peuvent être confites au sucre; ce sont les plantes aromatiques; d’autres, enfin, pren- nent rang parmi les plantes médicinales qui, totalement exemptes de danger, sont, pour celle raison, du domaine de la médecine do- mestique. $ I. — Fournitures de salade. À. — Cresson alénois. LJ Cette plante, dont le véritable nom est pas- serage (lepidium sativum), mais dont le pre- mier nom est le plus usité, est annuelle et d’une croissance très rapide. Le cresson alénois ou passerage est regardé avec juste titre comme la meilleure de toutes les plantes employées comme fourniture de salade. 11 relève par son goût prononcé, mais agréable, la saveur -tou- Jours un peu fade des premières salades de printemps, obtenues par la culture forcée: il aide puissamment à la digestion ; l’usage ha- bituel de cette plante est très utile à la santé, C'est cette communauté de propriétés qui, jointe à une certaine analogie de saveur, fait ranger le passerage parmi les cressons, bien qu’il soit, botaniquement parlant, assez éloigné du cresson véritable (cresson de fontaine). On ne cultive guère en France dans les po- tagers qu’une seule espèce de passerage,: le cresson alénois commun ; on en connait cepen- dant trois autres espèces : le passerage doré, le passerage à feuilles frisées et le passerage à larges feuilles. Les Anglais, qui font souvent usage de cette plante, en ont deux variétés de plus qu’ils nomment passerage de Norman- die : l’une à larges feuilles, l’autre à feuilles frisées ; toutes possèdent les mêmes propriétés. Le cresson alénois n’est bon qu’autant que sa feuille est eueillie fort jeune. Souvent en été, dix ou douze jours après qu’il est leve, il monte; puis il fleurit, et porte graine avec une in- croyable rapidité ; une fois monté, il ne vaut plus rien. Il faut donc le semer tous les huit jours, en petite quantité à la fois, depuis les premiers jours de mars, en plate-bande bien exposée. En êté, il lui faut beaucoup d'eau ; plus il est arrosé, plus il reste tendu et déli- cat; la sécheresse le rend fort et coriace. B. — Estragon. Cette plante, originaire de Sibérie, est vi- vace; elle ne dure guere que 4 ou 5 ans, lors- qu’on lui laisse accomplir le cours naturel de sa végétation; mais lorsqu'on l'empêche de fleu- rir, en supprimant à mesure qu’elles croissent les tiges florales, seule partie usitée de la plante, elle peut durer indefiniment. On peut mulii- plier l’estragon de graine semée en mars, en plate-bande exposée au midi: mais comme l'es- tragon n’est pas sujet à dégénérer, il vaut mieux se contenter de séparer les touffes à l'automne, et de les planter en bordure à bonne exposition; car l’estragon, en dépit de son ori- gine boréale, est devenu en Europe assez sen- sible aux froids tardifs qui rendent les prin- temps si funestes à un grand nombre de nos plantes cultivées. Tous les terrains convien- nent à l’estragon, à l'exception seulement des terres trop compactes et trop humides. C. — Perce-pierre où passe-picrre (crthmum maritmun). L'usage de cette plante est de nos jours pres- que enticrement abandonne, quoiqu'elie se re- commande par des proprietés salubres, très réelles, et par une saveur agréable. Elle ne pa- rail presque plus sur nos marchés; on ne la rencontre que rarement dans les jardins de quelques amateurs. Nous nous souvenons en- core du temps, où, durant la saison des corni- chons, on entendait crier dans les rues de Paris par les revendeurs ambulants : passe- picrre à conlire: la passe pierre, conlite au vinaigre avec les cornichons, forme un excel- lent hors d'œuvre; elle communique un très bon goût aux cornichons. Dans tout le nord de la Grande-Bretagne et dans toute la partie ma- ritime de la Bretagne française, la perce-pierre, nonmee aussi passe pierre, où herbe de Saint- Pierre, croil naturellement entre les rochers, sur le bord de la mer ; les jeunes gens mettent souvent une sorte d’amour-propre à s’exposer aux plus grands dangers pour aller cueillir la perce-pierre sur des pentes rapides qui sur- plombent l'Océan. La perce-pierre ne peut être cultivée avec suceës que dans un sol sablonneux, très léger : la place qui lut convient le mieux est le pied d'un vieux mur assez dégradé pour qu'elle puisse implanter dans les erevasses ses nom- breuses et fortes racines. On la sème au prin- temps; elle nexige aucun soin particulier de culture; mais jamais la perce-pierre cultivée ne vaut la passe-pierre sauvage récoltée sur les rochers des bords de l'Océan. D. — Pimprenelle (poterium sangutsorba). Si cette plante n’était pas particulièrement du goût des lapins domestiques, pour l'usage des- quels elle est principalement cultivée, elle aurait disparu de nos jardins et serait abandonnée; ce serait dommage, car bien que sa saveur ne soil pas du goût de tout le monde. elle n’est pas sans ! HORTICULTURE. LIVRE VIII. | utilité comme fourniture de salade: ses pro- priétés astringentes corrigent les propriétés trop laxatives de la laitue pendant les fortes chaleurs. On ignore assez généralement que la racine de la pimprenelle peut être uiilisée comme légume-racine, ainsi que cela se prati- que chez les peuples du nord de l'Asie; c’est, du reste, un mets assez médiocre, quoique très salubre. La pimprenelle se sème en bordures ; lorsqu'on veut l’emplover comme fourniture de salade, on la maintient tendre, en ayant soin de l'arroser et de la couper assez souvent pour l'empêcher de monter. On la mubiplie aussi par séparation des touffes à l’arrière-saison. Tous les terrains lui conviennent. Elle est si peu difficile, sous ce dernier rapport, que, dans la grande euliure, elle offre une ressource pré- cieuse pour convertir les terrains les plus in- grats en bons päturages pour les bêtes à laine. E. — Chenilletie et limaçon. Plusieurs petites plantes légumineuses appar- tenant aux genres Scorpiurus el medicago, in- digènes des contrées méridionales et tempérées de l'Europe, ont leur fruit ou silique de à peu près comme la chenille verte qui rônge les choux et les salades. Ces siliques vertes, quel- quefois contournees en spirale comme un ver roulé sur lui-même, offrant aussi quelque ana- logie avec un petit limaçon, n'ont qu'une sa- veur herbacce qui n’ajoute rien au goût d’une salade; elles n’v paraissent que comme curio- sité pour laisser croire aux personnes delica- tes qu'elles ont mordu dans une chenille ; leur seul mérite est d'être parfaitement innocentes. Elles se multiplient de graine; toute bonne terre de jardin leur convient ; comme les plan- tes qui les portent sont rampantes, elles ont be- soin de beaucoup d'espace; ce n’est pas trop de 0m,30 à Om,40 entre chaque touffe. F.— Capucine et bourrache. Les fleurs de capucine et les fleurs de bour- rache, les secondes ordinairement posées dans les premières, forment un très bel ornement, et ce qui vaut mieux un excellent assaisonne- ment pour les salades d'été. Ni la capucine ni la bourrache ne sont cultivées dans les jardins potagers pour cet usage; l’une à sa place dans le parterre, l’autre a la sienne dans le compar- timent réservé pour les plantes médicinales, nous avons dù seulement les mentionner ici, parce qu’elles sont réellement au nombre des meilleures fournitures de salades (voir Parterre et Plantes médicinales). G. — Fournitures sauvages. On emploie encore comme fourniture de sa- lade quelques plantes trop communes pour va- loir la peine d’être cultivées; les plus usitées sont : la roquette qui se plait dans tous les lieux incultes, sur les terrains secs ; la véroni- que beccabunga, qu’on rencontre avec ie cres- son dans tous les ruisseaux, et le plantain corne de cerf, qui se trouve partout. Le petit TITRE IV. nombre de personnes à qui plaît le goût de cette dernière fourniture, et qui désirent la manger plus tendre qu’elle ne l’est à l’état sauvage, en récoltent la graine et la sèment en terre légère; la plante ne devient tendre que par des arrosa- ges multipliés. $ II. — Plantes aromatiques. A.— Lavande, thym, hyssope, romarin, marjolaine et sarriette. Ces plantes, pour la plupart, n’ont pas assez d'importance pour qu’on leur accorde dans le potager un compartiment séparé; on les obtient en quantité plus que suffisante pour les usages auxquels elles sont propres, en les cultivant en bordures autour des compartiments du pota- ger. Celles de ces plantes qui appartiennent à la famille botanique des labiées (lavande, thym, basilic) demandent une terre légère et une ex- position chaude. La lavande réussit parfaite- ment en bordure en avant de la plate-bande qui règne le long d'un mur d’espalier. Le thym vient à toute exposition et dans toute sorte de terrains; €’est la plus rustique des plantes aro- matiques indigènes. On ne le multiplie, ainsi que la lavande, que par la séparation des toul- fes. La lavande reprend difficilement sans ra- cines; le thym, au contraire, s’enracine tou- jours lorsqu'on le recouche au printemps dans une rigole de 0m,15 de profondeur; les plan- tes doivent y être disposées en ligne continue, sans intervalles entre elles ; il ne faut pas leur laisser plus de 0"05 hors de terre. Le thym et la lavande s’emploient en assez grandes quantités : le thym pour les bains aromatiques, la lavande pour la préparation de piusieurs genres de parfumerie ; il peut donc être avan- tageux de cultiver ces deux plantes aromati- ques en assez grande quantité, lorsqu'on est assuré d'en avoir le placement. La lavande est la meilleure des plantes aromatiques de pleine terre pour la conservation du linge et des vê- tements dans les armoires. On emploie aussi pour le même usage plusieurs plantes qui, dans les départements au sud de la Loire, sont de pleine terre : telles sont en particulier le ro- marin et l’hyssope. Sur notre frontière méri- dionale, ces plantes existent en si grande abon- dance dans les terrains incultes, qu’on ne prend pas la peine de les introduire dans les jardins. Nous mentionnerons ici pour mémoire le basilic et l’aurone ou armoise citronnelle, plan- tes qui sont essentiellement du domaine du jardin sur la fenêtre, du moins sous le climat de la France centrale et septentrionale, dont elles ne peuvent supporter les hivers ; on ne les rencontre, en pleine terre, que dans nos départements les plus méridionaux ; elles veu- lent une terre légère, et ne redoutent pas la sécheresse même très prolongée. La marjolaine et la sarriette, dont la culture est la même que celle des plantes précédentes, sont principalement cultivées comme assaison- RORTICULTURE, CULTURES NATURELLES. 257 nement. Dans le nord de la France, iln’ya pour ainsi dire aucun mets de viande de cochon qui ne soit assaisonné de marjolaine, usage égale- ment suivi en Belgique, en Hollande et dans une partie de l'Allemagne; aussi n’y a-t-il pas de jardin où l’on ne rencontre quelques touf- fes de marjolaine. Sous le climat de Paris, la sarriette est l’assaisonnement obligé des feves de marais; elle est cultivée exclusivement pour cet usage, et toujours en très petite quantité. B. — Angélique, anis, cumin, coriandre. L’arome répandu dans toutes les parties de ces plantes, ainsi que dans leurs semences, est accompagné d’une saveur agréable, dont les confiseurs savent tirer parti; tout le monde connaît l’angélique confite de Châteaubriand, et les dragées d’anis de Verdun. L’angélique croît naturellement dans les ter- rains humides, fertiles et ombragés, de nos dé- - partements du sud et du sud-ouest; elle est bisannuelle ou tout au plus trisannuelle, lors- qu’on lui permet de suivre le cours naturel de sa végétation; mais comme-elle est principale- ment cultivée pour ses tiges à demi développées que les confiseurs emploient, l'enlèvement de ces tiges avant la floraison permet à l’angéli- que de durer plusieurs années; une fois qu’elle a fleuri et porté graine, elle meurt. La culture de l’angélique est des plus simples ; à Château- briand, l’angélique employée par les confiseurs vient avec peu ou point de soins de culture dans les fossés de la ville. Le point essentiel de cette culture, c’est que l’eau ne manque pas à la plante pendant l'été; si elle souffre de la sécheresse, ou même si elle ne végète pas dans un sol constamment humide, ses tiges, bien qu’on ait soin de les cueillir très jeunes, sont minces, dures, Coriaces, et remplies de fila- ments semblables à des ficelles ; en cet état, les confiseurs les rejettent avec raison. L’angéli- que de bonne qualité se vend avantageusement aux confiseurs ; il ne faut pas laisser prendre aux tiges trop de développement avant de les couper; elles se cucillent ordinairement au- dessus de la première gaine, avant que les boutons de la fleur ne commencent à se mon- trer. On sème l’angélique à la fin de juillet, aussi- tôt que la graine est müre; on pourrait aussi la semer au printemps; mais d'une part, la graine perd très vite sa faculté germinative, de l’autre on gagne un an sur la croissance de la plante en la semant en été. La graine doit ètre arrosée constamment en terre, ou bien elle ne lève pas. On repique le plant fort jeune, en ligne, à 0m60 l’un de l’autre. En Angleterre, où cette culture est fort bien conduite, on ne transplante l’angélique que sur le bord d'un ruisseau ou d’un fossé parcouru par un filet d’eau courante. Les tiges sont bonnes à couper au mois de mai de la seconde année, quand on a semé en été, et seulement à la même épo- que de la troisième année, quand on a semé au printemps. TV. — 55 258 L'anis, cultivé seulement pour sa graine dont tout le monde connaît les usages dans la parfu- merie ainsi que dans la préparation des bon- bons et des liqueurs, se traite à peu prèscomme l’angélique, mais il n’a pas besoin d'autant d'hu- midité, bien qu’il réclame des arrosages tres fréquents pendant les chaleurs. La coriandre, dont les graines beaucoup plus grosses que celles de l’anis ont à peu près la même odeur avec une saveur beaucoup plus sucrée, réclame une exposition plus chaude et mieux abritee ; cette plante, originaire de l’Asie, craint le froid et supporte bien la sécheresse. La coriandre veut une terre légère et profonde; les graines se récoltent en septembre. $ III. — Plantes médicinales, Nous sommes de ceux qui croient qu’il faut laisser la médecine au médecin, et recourir, dans tous les cas de maladie sérieuse, aux hom- mes qui ont fait de l’art de guérir l'étude de toute leur vie; rien ne nous semble plus dan- gereux que la simple présence dans les jardins de ces plantes douées de propriétés médicinales tellement énergiques que, même à faible dose, elles peuvent empoisonner, et que le médecin expérimenté n’y a recours qu avec une extrême prudence. Nous n'avons donc rien à dire des plantes narcotiques ou vireuses, telles que la belladone , la jusquiame, la ciguë ; nous pen- sons que le propriétaire, qui n’est ni médecin, ni pharmacien, commet une haute impru- cence, une faute grave, en les admettant dans son jardin, où elles peuvent causer les accidents le# plus fâcheux. Le plus grand nombre des plantes. médicinales dont l'usage est sans dan- ger, se rencontre partout en France dans les licux incultes, malheureusement trop communs et trop étendus dans tous nos départements ; äinsi l’on trouve toujours sous sa main, parmi les plantes émollientes, la mauve, la pariétaire; parmi les dépuratifs, la bardane, la patience; parmi les amers, la petite centaurée, la gen- tiane. On doit se méfier, à légal des poisons, des plantes purgatives de nos climats, telles que la mercuriale et la gratiole; une purgation trop forte où prise à contre temps, est un véritable empoisonnement passager, dont les consé- quences sont souvent très sérieuses. On voit combien est borné le nombre des plantes médicinales dont la présence dans un carré annexé au potager nous semble sans in- convénient ; ces plantes varient nécessairement selon les localités; elles varient surtout en rai- son du nombre des espèces sauvages usitées en médecine, que chacun peut trouver dans les lieux incultes voisins de sa demeure, et qu’il est par conséquent inutile de cultiver. Sous le climat de Paris, nous pensons qu’on fera prudemment de s’en tenir à la liste sui- vante : Llantes à fleurs pectorales. Violette (de Parme, des quatre saisons), Bouillon blanc, HORTICULTURE. LIVRE VIII. Plantes amères (liges ou racines). Absinthe. Gentiane (herbe à la grolle). Petite cenlaurée. Ces deux dernières sont pour ainsi dire in- dispensables quand on ne peut les trouver en abondance à sa portée, à l’état sauvage. Plantes odorantes anti-spasmodiques. Menthe poivrée. (Les menthes sauvages sont aussi efficaces.) Mélisse, ou, à son défaut, dracocéphale, Säuge. Camomille romaine, Valériane officinale, Plantes purgatives. Rhubarbe et rhapontic. Brionne, Plantes astringentes. Bistorte. Tormentille. Quelques plantes médicinales, telles que la camomille romaine et le pavot blane, figurent aussi dans le parterre, comme plantes d’orne- ment. Plusieurs arbustes de Eosquet fournis- sent aussi des fleurs utiles en médecine, comme le sureau; des baies purgatives, comme le ner - prun ; des fruits rafraichissants, comme le ber- beris (épine-vinette); ou des fruits astringents, comme le rosier ; tous ces produits récoltés en temps utile fournissent, sans déparer ni le bos- quet ni le parterre, un supplément aux pro- duits du jardin des plantes médicinales. ( Pour la culture en grand de quelques plan- tes médicinales, voir t. IE, p. 56 et suiv. ) : RÉSUMÉ. Nous terminerons ici la liste des plantes po- tagères dont la culture naturelle en pleine terre présente assez de particularités pour exiger des indications spéciales ; il nous reste à exposer dans un ordre analogue les notions de la culture artificielle des plantes potagères qui, sous le climat de la France, n’accomplissent pas le cours entier de leur végétation. si l’art du jar- dinier ne les y contraint, ce qu’exprime parfai- tement le terme usuel des maraïichers de Pa- ris : Forcer les plantes. Avant d'aborder cette section importante du jardinage, nous croyons utile de résumer ici, sans craindre de nous ré- péter, quelques préceptes essentiels déjà ex- primés, mais non pas réunis, dans le travail précédent. La loi générale qui préside aux assolements s'applique au jardinage de même qu’à la grande culture, quoique d’une manière moins absolue. Supposons, pour achever de bien faire com- prendre le mode de cette application, un jardin- maraicher créé sur un sol neuf, dans toutes les circonstances les plus favorables pour la qualité du terrain, l’eau, les clôtures et l'ex position ; admettons encore que toutes les par- TITRE IV. ties en soient également fertiles, également propres à recevoir les couches pour la culture arulicielle. Ces conditions se trouvent à peu près complétement réunies dans plusieurs ma- rais de la vallée de Fécamp. entre Saiut-Mandé et Bercy ; nous avons particulièrement en vue l’enclos qu’exploitent chacun par moitié avec une rare habileté, MM. Deberg et Dulac fils. Les couches, dans de telles circonstances, sont la base de l’assolement; il est quadriennal si elles occupent le quart du terrain; il est de cinq ou six ans si les couches occupent un es- pace moins étendu. Elles doivent, en principe, couvrir successivement toutes les parties du jardin, soit qu’on les détruise chaque année, soit qu'on juge convenable de conserver plus &’un an des couches usées, comme nous le di- rons en traitant des cultures artificielles. Il n'est pas toujours possible de suivre cette marche quant au déplacement des couches ; très souvent les dispositions du sol ne laissent pas le choix et ne permettent pas de changer la place des couches une fois qu’elles sont éta- blies. Le terrain que ne couvrent pas les cou- ches ne peut être soumis rigoureusement à une rotation régulière des cultures, à cause de la nécessité de se conformer aux besoins de la consommation qui ne sont pas les mêmes cha- que année. Ainsi, les salades, les fraises, les melons couvrent les trois quarts de nos marais durant les étés secs et chauds; un été pluvieux et froid les fait presque disparaître. Mais il n’en est pas du sol d’un jardin potager comme d’un champ qui recoit à peine ou tout juste la dose d'engrais qu’il lui faut pour porter une récolte, et qui l’épuise, pour peu que la même culture y soit continuée un peu trop longtemps ; dans le potager, la terre n’est pour ainsi dire qu’ac- cessoire; si elle est bonne, tant mieux, les ré- coltes n’en seront que meilleures; fût-elle mé- diocre ou même mauvaise, les iégumes y croi- tront toujours, moyennant une dose d'engrais suffisante. En jardinage, l’engrais est tout : bien des plantes, surtout parmi les cucurbita- cées, melons, cornichons, concombres, ci- trouilles, ne se trouvent jamais en contact avec le sol, dont, par conséquent, la qualité importe peu à leurs racines. La principale considération qui doive diri- ger le jardinier-maraicher quant à l'emploi de son terrain, c'est celle du mode de végétation de certaines plantes qui ne peuvent revenir fréquemment à la même place, en raison de leur nature épuisante, et plus encore à cause des sécrétions qu'elles laissent dans le sol. L’asperge est la plus exigeante des plantes à cet égard ; après avoir occupé le sol pendant 12 où 15 ans, elle n'y peut revenir qu'au bout d’un intervalle de temps de même durée : nous avons dit «comment on obvie à cet inconvénient en séparant les planches d’asperges par des espaces de mêmes dimensions, occupés par d’autres cultures, et plantés en asperges quand les premières sont usées, ce qui donne un as- solement perpétuel. CULTURES NATURELLES. 259 La fraisière doit, après ses trois ans révolus, quitter le sol pour trois ans, et le parcourir en entier en neuf ans, s'il lui est propre dans toutes ses parties. Les pois trop longtemps portes par la même terre deviennent amers et durs, comme il est arrivé aux pois autrefois excellents, aujourd’hui dégénérés de Champi- gny (Seine); Clamart, Meudon, Marly, conser- vent, en suivant scrupuleusement le précepte de ne faire revenir les pois que tous les trois où quatre ans à la même place, la réputation méritée de leurs pois, les meilleurs des envi- rons de Paris. L’artichaut, après ses trois ans de culture, veut une année d'intervalle. Le sal- sifis et le scorsonère, après deux ans de durée, veulent également un an de quelque autre cul- ture pour ne pas dégénérer. Les autres légumes reviennent sans incon- vénient tous {es ans sur le même terrain con- venablement engraissé; quelques-uns, entre autres le haricot, semblent même plus produc- tifs quand ils ont été continués à la même place plusieurs années de suite. Ces cultures peuvent donc se passer d’assolement, et se con- tinuer sans interruption à perpétuité. C'est ce qu'on observe autour de Paris dans la petite culture maraïchère comme dans la grande cul- ture des légumes communs. Grâce à l’abon- dance des engrais, Bonneuil, Aubervilliers et les Vertus produisent à perpétuité, sans dégé- nérescence, leurs choux et leurs ognons, les meilleurs de ceux qui se cultivent pour la con- sommation de la capitale. Il en est de même des salades, objet d’un si prodigieux débit; elles reviennent tous les àns à la même place sans altération sensible depuis le règne de Fran- cois I; mais cela n’est possible qu’à force d'engrais. Nous l'avons dit, il faut le répéter, le potager n’a jamais trop d'engrais ; presque toujours il en a trop peu. Si le sol porte trois récoltes dans l’année, il faut qu’il soit fumé trois fois; hors de cette loi, point de jardin po- tager. Bien des amateurs économes hausseront les épaules à cette recommandation, en se prome- nant avec satisfaction au milieu de leurs plan- ches maigrement fumées une fois par an, et qui pourtant se couvrent d’une végétation passa- ble. Mais aux yeux du vrai jardinier, ce n’est point un potager, qu'un enclos ou les légumes font à peine en six mois ce qu'ils peuvent faire en six semaines, et dont il ne sort que des pro- duits bons uniquement à exercer la patience de la cuisinière et à faire renchérir les combusti- bles. Le maraicher n’a pas toujours le choix des fumiers ; près des grandes villes, les boues et le fumier d’ecurie sont à sa portée en grande abondance. Pour les localités moins favorisées sous ce rapport, nous rappelons au jardinier que les légumineuses proprement dites, pois, fèves, haricots, préfèrent aux engrais trop ani- malisés ceux dont les végétaux sont la base ; les cendres de bois sont particulièrement utiles aux pois de toute espèce; l'engrais provenant 260 de végétaux décomposés, soit seul, soit en com- post avec la chaux, est le plus actif pour toute espèce de plantes potagères. Les jardiniers pla- cés à portée d’une huilerie, peuvent tirer un grand parti des tourteaux de colza réduits en poudre, engrais purement végétal. Après les engrais et presque au même degré, l'eau est la base de la culture maraïîchère. Le jardinier des pays chauds et secs ne perdra pas de vue que biner fréquemment le sol, c’est l'arroser, car c’est le rendre accessible aux in- fluences de l'air et de la rosée des nuits qui ne profite point aux racines des plantes quand une croûte dure et impénétrable les en sépare. Quand il peut arroser à son gré, qu’il n'oublie pas de pailler le sol, pour ne pas le durcir, mais surtout qu'il se souvienne qu’en été il vaut mieux ne pas arroser du tout que d’arroser avec parcimonie. CHAPITRE II. — CULTURE FORCÉE DES VÉGÉTAUX COMESTIBLES. L'horticulteur, avec un peu d'argent et beaucoup de soins, ne connaît point de mauvais climat, point de mauvaise saison. La culture forcée des plantes potagères a pour but de faire arriver leurs produits à maturité, soit avant, soit après l’époque fixée par la nature; elle rend possibles des récoltes qui, sans son se- cours, seraient interdites aux climats froids ou tempérés. Longtemps elle a constitué une branche d'industrie importante et lucrative aux environs des grandes villes ; elle tend à perdre de jour en jour de son importance industrielle, à cause de l'établissement des voies rapides de communication; nous voyons approcher le moment où Paris recevra directement les pro- duits du midi de la France à plus bas prix que les maraichers parisiens ne peuvent les obtenir artificiellement. Dès aujourd’hui, la remonte du Rhôneétantassuréeentrois jours parles bateaux à vapeur, les melcns d’hiver de Cavaillon et les cantaloups des environs de Marseillepeuvent être rendus à Paris en 6 jours pour 45 à 50 c. la pièce ; ils coûtent, pris sur place, de 50 à 60 c.; ils ne reviennent donc pas à plus d’un france, rendus à Paris, sauf les déchets et les accidents du voyage; les bons cantaloups de primeur coûtent le double, non pas au consommateur, mais au maraicher parisien. Du jour où un che- min de fer existera seulement de Paris à Chà- lons-sur-Saône, il n’y aura plus d'avantage à cultiver les melons de primeur aux environs de Paris. Mais il restera toujours pour le jardinier- amateur le plaisir que peut lui procurer la cul- ture forcée des plantes potagères, plaisir très vif et très réel, puisqu'il n’est autre que celui de ia difficulté vaincue, du travail couronné de succès; nous croyons donc devoir donner à cette partie de l’horticulture autant de déve- loppements que si l’industrie lucrative dont HORTICULTURE. = LIVRE VIit. elle a été si longtemps la base n'était pas déjà à demi ruinée aux environs de Paris. | Les couches sont la base indispensable de toute culture forcée ; nous avons indiqué leur construction, et tout ce qui tient aux divers procédés pour y entretenir la chaleur (voir Couches). Nous nous bornons à rappeler ici aux horticulteurs placés dans des circonstances où il leur serait difficile de se procurer du fu- mier d’écurie en abondance à un prix raison- nable, le parti qu’ils peuvent tirer du thermo- Siphon qui donne. avec beaucoup d'économie, une chaleur très égale et très facile à régler. SECTION IT€. — Légumes proprement dits. $ I°T. — Asperges. Plusieurs maraîchers des environs de Paris font de la culture forcée des asperges leur prin- cipale industrie pendant l'hiver. Cette culture exige d'énormes avances ; elle n’emploie que des griffes de trois ans élevées dans ce but sans aucun bénéfice jusqu’au moment de les forcer, et qui reviennent toujours à un prix très élevé, soitqu’on lescultive d'avance, soit qu’on lesachètetoutes forméesau moment de s’en ser- vir. Dans le premier cas, on dispose les griffes de manière à ce qu’elles occupent le moins d’es- pace possible, sans cependant se nuire récipro- quement assez pour ne pas atteindre leur gros- seur ordinaire. Dans le second, toutes les griffes doivent se toucher; les asperges deviennent alors minces, effilées, vertes dans toute leur longueur, et néanmoins tendres et de fort bon goût ; elles ne peuvent être mangées que pré- parées de la manière connue en cuisine sous le nom d’asperges aux petits pois. Cette difle- rence dans les produits de la culture forcée de l’asperge en hiver nécessite deux procédés di- vers qui doivent être décrits séparément. A. — Asperges jorcées blanches. Il faut s’y prendre 4 ans d'avance si l’on met en place du plant de 2 ans, et 5 ans d'avance si l'on procède par la voie des semis en place. L’asperge, cultivée d’après la méthode ordi- naire jusqu'à ce qu’elle ait atteint toute sa grosseur, a dû, seulement dans le principe, être disposée en planches de grandeur conve- nable pour recevoir des cadres ou coffres gar- nis de châssis vitrés; ces planches sont espa- cées entre elles par des passages de 0m,60 de large, destinés à recevoir des réchauds. Le mi- lieu de l'hiver étant le moment le plus favora- ble pour vendre les asperges blanches forcées, l’on calcule en-conséquence le commencement de l’opération, qui dure de 30 à 40 jours depuis le placement des châssis jusqu'à la dernière coupe d’asperges. La valeur des produits, à part leur précocité, dépend surtout de la lon- gueur des pousses; il est donc essentiel de charger de terre les planches immédiatement avant de les forcer. On emploie à cet usage la terre des sentiers qu’on défonce à 0",50 au- tour de chaque planche pour y placer les ré- TITRE IV. chaufs comme autour d’une couche chaude ordinaire; quand le sol a de la consistance ct qu'il n’est pas de nature à s’échauffer très ra- pidement, cette profondeur peut être dépassée sans inconvénient. Il ne s’agit plus que de re- pandre sur toute la surface de la planche d’as- perges 0,16 de bon fumier qui ne soit ni trop sec ni trop humide, et de placer sur le tout les coffres et les châssis. Quand il ne survient pas de froid excessif, on peut attendre les premiè- res pousses dix ou douze jours après la mise en place des châssis; on ôte alors le fumier qui garnit le dessus de la plante, et l’on surveille les réchaufs pour les remanier ou même les re- faire à neuf, car l’essentiel, c’est que la tempé- rature ne baisse pas une fois que les asperges ont commencé à donner. Bien qu’elles soient connues sous la désigna- tion d’asperges blanches, il ne faudrait pas of- frir aux amateurs parisiens des asperges for- cées tout-à-fait blanches; ils n’en voudraient pas. On a soin en conséquence de ménager, entre le châssis vitré et la surface de la cou- che, un espace suffisant pour que lasperge, après être sortie de terre, y prenne un certain accroissement et s’y colore en violet clair ti- rant plus ou moins sur le vert, quand l’état de l'atmosphère a permis de retirer fréquemment les paillassons dont les vitrages restent cou- verts pendant les grands froids. Dans le dépar- tement du Nord, de même qu’en Belgique et en Hollande, on mange l’asperge parfaitement blanche, sans aucune nuance de vert ou de violet, tant celie qu’on force en hiver que celle qui se récolte en pleine terre au printemps. Dès que la terre en se soulevant, indique la présence d'une pousse d’asperge à fleur de terre, On va l'y chercher au moyen d’un cou- teau dont la longueur est calculée pour ne pas atteindre le collet des griffes. La culture forcée de l’asperge blanche serait ruineuse et disparaîtrait de tous les jardins à exception de ceux des riches, si les griffes étaient tout-à-fait perdues après avoir été chauffées ; elles peuvent se remettre par une bonne fumure et une année de repos; toute- fois, elles ne reviennent à leur produit ordi- naire qu'avec beaucoup de peines et de soins ; très souvent les planches sont tellement dé- peuplées qu’il faut les détruire. On ne doit donc pas s'étonner du prix quelquefois exorbi- tant des asperges blanches forcées en hiver ; indépendamment du fumier et de la main- d'œuvre, ce produit doit représenter en quel- ques semaines la valeur des récoltes de cinq années, dont quatre de préparation et une de repos. Telle est la marche suivie aux environs de Paris; il faut toute l’habileté de nos marai- chers pour pouvoir réaliser quelquefois de très grands bénéfices ; mais il leur arrive assez sou- vent de ne pas faire leurs frais, meme en ven- dant 18 et 20 francs une botte de soixante à soixante-dix grosses asperges. Un autre procédé, bien moins dispendieux et qui rend les chances de perte presque nulles, CULTURE FORCÉE DES VÉGÉTAUX COMESTIBLES. 261 consiste à forcer sur place de vieilles planches d’asperges qui touchent au terme de leur vé- gétation et sont à demi épuisées. On les traite comme nous venons de lindiquer en rempla- Cant les châssis vitrés par des claies, ou par des châssis recouverts, soit de papier huilé, soit de toile de coton gommée. Les produits ne sont jamais tout-à-fait égaux en qualité à ceux d’une culture forcée régulière ; ils ne parais- sent pas non plus sur le marché juste au mo- ment le plus favorable pour la vente; mais ils ont coûté si peu, qu'il y a plus que compensa- tion. Nous engageons, d’après notre propre expérience. les jardiniers dont les planches d’asperges sont presque épuisées à user de ce moyen d’en utiliser la destruction, alors qu’en prolongeant leur existence, ils n’en obtien- draient plus que des produits insignifiants. B. — Asperges vertes forcées. On plante les griffes sur des couches chau- des ordinaires au moment où leur premier feu est passé; les griffes doivent avoir trois ou qua- tre ans; celles de quatre ans sont les meilieu- res. On les dispose lune contre l’autre pour qu’en se soutenant mutuellement, leurs doigts se trouvent dans une position presque droite, ayant seulement leur extrémité inférieure po- see sur la couche; les collets des griffes sont séparés de la surface de la couche par un es- pace vide qu’on remplit en faisant couler en- tre les doigts des griffes de bon terreau gras en suffisante quantité; les collets doivent res- ter à découvert. Cela fait, on pose les châssis et l’on entretient avec soin la chaleur de la couche; les asperges commencent à pousser dès les premiers jours, aussi leur végétation s’épuise-t-elle très promptement. Ceux qui se livrent en grand à ce genre de culture forcée doivent planter successivement au moins trois ou quatre fois dans le courant de l'hiver. C. — Procédés anglais. Les Anglais pratiquent fort en grand la eul- ture forcée des plantes comestibles ; les pro- duits de ce genre de culture trouvent de nom- breux acheteurs en Angleterre, où toutes les richesses sont concentrées dans un petit nom- bre de mains, de sorte qu’il n’y a, pour ainsi dire, que de grands propriétaires. En outre, la nature du climat dans tout le nord de la Grande-Bretagne est telle que, sans le secours de la culture forcée, on y jouirait à peine pen- dant quelques semaines des produits les plus communs de nos jardins potagers. Les procédés anglais pour la culture forcée de végétaux co- mestibles sont consignés dans un grand nom- bre d'ouvrages fort répandus; ces procédes sont imités en Belgique, en Hollande, en Alle- magne, en Russie; il importe donc de les faire connaître. Ce n’est pas qu’en général, les jar- diniers anglais fassent sous ce rapport mieux que les nôtres, mais ils font autrement, parce qu'ils sont placés dans d’autres conditions; leur 262 exemple peut être profitable à ceux qui se trouvent dans des conditions analogues. Pour forcer l’asperge, les Anglais préfèrent la chaleur de la vapeur ou celle du thermosi- phon, et l’emploi des bâches maçonnées en bri- ques à celles des simples couches recouvertes de châssis. Ils ont raison, Car en derniar résul- tat, cès procédés coûtent moins et donnent des produits plus réguliers et plus certains avec moins d'embarras; mais pour les imiter en ce point, il faut disposer de fonds considérables ; or on sait que les fonds sont le côté faible du jardinage francais. Les griffes sont placées, soit dans du fumier, soit dans du tan, quelquelois dans un mélange de tan et de fumier par par- ties égales ; le tan qu’on emploie à cet usage doit être à demi usé: sa chaleur doit être complétement apaisée. Souvent aussi lon construit avec de bon fumier le dessous de la couche, et avec du vieux tan la partie supé- rieure, sur une épaisseur de 0m,30 à 0,40. Si Pon fait usage de fumier seul, ou bien d’un mélange de fumier et de feuilles, il faut que la fermentation soit calmée, et que la plus forte chaleur soit dissipée. Dans ce cas, on réserve les portions les plus sèches et les plus divisées pour former le dessus de la couche. Enfin, un autre moyen fort en usage consiste à planter les griffes d’asperges dans du tan qui a déjà servi à élever du plant d’ananas de première année, et qui ne donne plus aucune chaleur; on applique aux côtés de cette tannée la cha- leur de la vapeur ou du thermosiphon. Les auteurs anglais ne sont pas d'accord sur l’âge que doivent avoir les griffes d’asperges pour être forcées avec le plus d'avantages; les uns préférent les griffes de deux ou trois ans; d’autres ne forcent que des griffes de quatre ans au moins et de huit ans au plus, qui ont déjà donné en pleine terre une ou plusieurs ré- coltes. Nous pensons que l’asperge parvenue à toute sa croissance, à l’âge de trois ou quatre ans, est au point le plus convenable pour don- ner par la culture forcée un grand nombre de jets vigoureux ; mais si l’on a à sa disposition, à un prix modéré, des griffes un peu plus âgées, pourvu qu’elles ne soient point épui- sées, on peut en espérer des produits satisfai- sants. On commence l'opération dans la première semaine de novembre pour obtenir les premiers produits à Noël, époque de réjouissance et de bonne chère chez les Anglais. La temperature est portée d’abord à 10 degrés; elle doit ne pas dépasser 16 degrés, et être maintenue le plus également possible ; le succès de cette culture en dépend ; un seul moment de refroidissement subit ou bien un coup de chaleur trop vif suffit our tout perdre; c’est ce qui rend si commode a chaleur essentiellement égale et durable du thermosiphon. On donne de l’air, non-seule- ment pour laisser dissiper lhumidité surabon- dante, mais aussi pour colorer les asperges à mesure qu’elles poussent. Quelques arrosages modérés rendent à la couche seulement autant HORTICULTURE. LIVRE VIII. d'humidité que la chaleur lui en enlève par évaporation. Les jardiniers anglais n’emploient pas le cou- teau pour récolter les asperges forcées ; dès qu’elles ont de 0m,06 à 0m,08 hors de terre, ils écartent le terreau tout autour, font glisser leurs doigts le long de la tige jusqu’au collet de la racine, et détachent la base de l’asperge en la tordant; par ce moyen, ils ne risquent pas d’endommager les asperges naissantes , voisines de celles qu’ils enlèvent. En lui donnant les soins convenables, une bâche de 9 à 10 mètres de long sur 1",40 de large, peut fournir assez d’asperges pour la con- sommation d’une famille depuis Noël jusqu’au printemps. On ne la charge d’abord qu’à moi- tié; la seconde partie, qui a servi d'abord à d’autres cultures, recoit les griffes d’asperges assez à temps pour que ses produits succè- dent sans interruption à ceux de la première partie. Les jardiniers anglais qui forcent les asper- ges sur couche ordinaire couverte d’un simple châssis. suivent exactement le procédé en usage à Paris, tel que nous l'avons indiqué. $ LI, — Haricots verts. C’est principalement vers la culture forcée de cet excellent légume qu'est dirigée l’indus- trie des maraîchers spécialement occupés de la culture des primeurs aux environs de Paris. Ce n’est pas seulement, comme on pourrait le croire, un objet de pure gastronomie; le ha- ricot vert est considéré avec raison comme le plus facile à digérer de tous les légumes frais ; les médecins l’ordonnent souvent en hiver aux personnes convalescentes ou valétudinaires assez riches pour le payer. Nous avons dit comment, au moyen de quelques abris peu dis- pendieux, il est facile de prolonger à peu de frais les récoltes tardives de haricot vert, jus- qu’à l’arrivée des premiers froids: les mêmes moyens servent à hâter au printemps les pre- mières récoltes de pleine terre. Il reste néan- moins un long intervalle pendant lequel le ha- ricot vert ne peut être demandé qu’à la culture forcée. Pour forcer le haricot vert, on ne peut se- mer en place, la végétation serait trop lente ; il faut semer très serré, en pépinière sur cou che chaude, dès les premiers jours de janvier. L'usage le plus généralement suivi est de ne semer qu'après le 15 janvier; beaucoup de jardiniers sont encore persuadés que les semis ne réussiraient pas avant cette époque recom- mandée dans les traités les plus répandus ; c’est un pur préjugé. Quand par l’état de la saison et l'espoir d’une vente avantageuse le jardinier eroit avoir intérêt à gagner du temps, il peut sans crainte, sous le climat de Paris, se- mer dès le commencement de janvier le hari- cot nain de Hollande et le haricot flageolet. Le nain de Hollande est un peu plus précoce; le flageolet est plus robuste et sujet à moins d’ac- cidents. Quand les deux premières feuilles sont TITRE IV. bien formées, c’est-à-dire trois ou quatre jours après la levée, le haricot est bon à repiquer ; en tardant davantage, on perd du temps in- utilement. Le plant de haricot craint les cou- ches trop chaudes, un coup de feu suffit pour le faire jaunir et griller ; il faut maintenir en- suite à une bonne température la couche où le plant a été mis en place à demeure. On repique par touffes de quatre plants; ces touffes sont disposées en lignes espacées entre elles de 0,32: on laisse 0m,16 seulement d'intervalle entre les touffes dans les lignes. Il faut bassi- ner légèrement avec de l’eau dégourdie pour assurer Ja reprise; on doit donner de l'air au- tant que la température le permet, principale- ment pendant la floraison. La fructification peut être hâtée en forçant les tiges à se cou- cher, au moyen de bouts de lattes où de treil- läge. L'effet de ce procédé est peu sensible sur le vrai haricot nain de Hollande qui reste tou- jours très près de terre; il n’est réellement utile que pour le haricot flageolet qui s’élève davantage. Les premiers produits peuvent être récoltés au bout de trente-€inq à quarante jours. Les semis des premiers jours de janvier peuvent donner des produits pour la vente vers le milieu de février. Les prix sont très varia- bles d’une année à l’autre; dans le cours d’un hiver ordinaire, ils varient le plus souvent de- uis 25 et 30 francs jusqu'à 5 et 6 francs le Éitugranitit: au total, il y a rarement à perdre sur cette culture forcée qui, bien conduite, n’a contre elle aucune chance défavorable. En Angleterre, le plus souvent, la culture forcée des haricots Se pratique dans le même local que celle des ananas; le haricot est une plante de l’Inde: quoique parfaitement accli- maté, il ne craint pas une température élevée, telle que la veulent les ananas. Lorsqu'on lui consacre un local séparé, les couches sont dis- posées comme celles qu’on destine aux as- perges; elles peuvent sans inconvénient être un peu plus chaudes; au début une température de 15 degrés, portée ensuite et maintenue en- tre 18 et 20 degrés, est la plus convenable. Le dessus de la couche doit être recouvert de bonne terre légère de jardin, celle de toutes que les haricots préfèrent ; on sème comme à Paris, en pépinière, pour repiquer en lignes espaccées entre elles de 0"35 ; leS haricots sont à 008 l’un de l’autre dans les lignes. Le reste de la culture est le même qu’en France; seu- lement, dés que les haricots verts commen- cent à donner, où n’arrose plus les plantes que tous les deux jours; l’arrosage suit immédia- tement la récolte qui se fait de même à un jour d'intervalle. Le haricot souffre difficilement la transplan- tation quand ün la pratique à un état de végéta- tion trop avancé ; les Anglais, pour cette rai- son, sèment en pots (trois haricots dans cha- que pot),au commencement du printemps; ces pots restent enterrés dans la couche, ou placés sur les dressoirs de la serre à forcer, jusqu’à ce que, dans le courant de mai, la température CULTURE FORCÉE DES VÉGÉTAUX COMESTIBLES. 263 soit assez douce pour permettre de risquer les haricots en plein air. On les met alors en place avec toute la terre des pots, sans briser la motte‘ ils supportent fort bien par ce moyen la transplantation qui, sans cette précaution, leur serait funeste ; leurs produits devancent de quinze jours ceux des haricots les plus précoces qu'on puisse obtenir en pleine terre. " $ ILE. — Pois verts. La culture forcée des pois, de mêmequetoutes les eulturés qui ne couvrent pas leurs frais, est interdite au jardinier-marchand ; il doit s’en tenir aux procédés que nous avons indi- qués pour hâter autant que possible au prin- temps la fructification des pois en pleine terre; mais pour l’amateur qui peut en faire la dé- pense, rien n’est plus agréable que d'obtenir, au cœur de l’hiver, le plus délicat de nos légu- mes frais. Les petits pois forcés sont toujours de beaucoup supérieurs aux petits pois conser vés, quelle que soit la perfection à laquelle on a porté de nos jours l’art de préparer les conser- ves alimentaires. La meilleure place pour établir des couches à forcer les pois est sans contredit l’intérieur d’une serre bien aérée, ou d’une bâche ; mais rarement on peut leur consacrer un semblable emplacement réservé pour d’autres destina- tions. On force les pois sur des couches chau- des ordinaires, avec la seulé précaution de leur donner peu d'épaisseur, afin qu'elles ne soient pas sujettes aux coups de feu. Les premiers semis peuvent commencer dès la fin de novembre et se continuer de dix en dix jours jusqu’à la fin de janvier ; ceux qu’on fait vers le 15 décembre sont ceux qui ont le plus de chances de succès. La couche pour les semis doit être garnie à sa surface de 0",10 de bonne terre franche de jardin; le terreau ne convient pas pour cet usage. Il faut semer as- sez clair, afin que le plant prenne de la force en pépinière, car il supporte le repiquage plus difficilement que le haricot. Dès qu'il atteint la hauteur de 0°,06 à 0°”,08, il est bon à mettre en place. La couche destinée au repiquage des pois ne doit être que tiède ; on doit la charger de bonne terre très meuble et pas trop grasse, sans la ménager. L'usage ordinaire est de don- nér au revêtement en terre 0",20 d'épaisseur. Il arrive assez souvént que les fibres des raci- nes, attirées par la chaleur de la couche; ren- contrent le fumier. Dès qu’elles y ont touche, les pois S’emportent et ne peuvent plus pro- duire que du feuillage ; ou bien, si la couche est un peu chaude, ils grillent et meurent; dans l’un et l’autre cas il n’y a pas de récolte. Il est donc plus sûr de recouvrir la couche de 0" ,25 à 0” 30 de bonne terre; on peut alors sans crainte repiquer les pois en donnant à la racine la situation verticale qui lui est natu- relle, au lieu de l'incliner plus ou moins, ce qui retarde la eroissance du plant. On repique deux plants côte à côte, en lignes espacées 264 entre elles de 0,20; on peut ne laisser que 0,10 de distance entre chaque touffe de deux plants. Quand les pois ont 0”,20 de hauteur, il est temps de les coucher en posant sur le bas des tiges des bouts de lattes, comme nous l'avons recommandé pour les haricots verts. 11 faut veiller à ce qu’au moment du couchage, la terre de la couche ne contienne pas trop d'humidité. Cette pratique exécutée au mo- ment convenable, n’a pas seulement pour effet de hâter la floraison ; son but principal est de déterminer l’émission de tiges latérales, sou- vent plus productives que la tige du milieu ; elle a donc une grande influence sur la récolte. Dès que la partie supérieure des tiges s’est re- dressée d’elle-même, il faut retirer les lattes ; l'effet qu’on en attendait est produit ; c’est or- dinairement l'affaire de quatre ou cinq jours ; pendant tout ce temps, si la température est douce, il faut tenir les châssis ouverts pendant le jour. On ne peut se dispenser de coucher les tiges des pois forcés, que lorsqu'on sème sur couche des pois très nains, disposés à {aller naturellement. Chaque tige de pois ne doit produire que trois ou quatre fleurs; aussitôt qu’elles sont suffisamment épanouies, on sup- prime les pousses supérieures, afin de forcer les premières fleurs à nouer; sans cette pré- caution, elles couleraient; la récolte n’en se- rait que plus abondante, parce que d’autres fleurs fertiles en bien plus grand nombre ne tarderaient pas à leur succéder; mais le but de l’opération serait manqué. En Angleterre, les pois se forcent ordinaire- ment dans la plate-bande qui règne au pied de l’espalier, dans la serre à forcer les cerisiers (cherry-house); les pois profitent de la tem- pérature calculée pour la végétation forcée des cerisiers. Quand on leur accorde une bâche séparée, on attache une grande importance à graduer la température en chauffant plus ou moins selon le besoin. On donne en commen- cant de 8 à 10 degrés qu'on porte successive- ment à 12, puis à 15 quand les pois entrent en fleurs, ou enfin à 18 et 20 degrés quand les cosses commencent à s’emplir; ce procédé rend la végétation des pois très rapide ; les ar- rosages doivent être donnés en proportion de l'élévation de la température. On force exactement de la même manière les fèves de marais; elles ne produisent pres- que rien si, au moment de la floraison, l’on n’a pas soin d'enlever les sommités pour forcer les fleurs inférieures à nouer. La meilleure de toutes les variétés de fèves pour la culture forcée est la fève en éventail, dont le grain ne grossit pas et dont la plante reste toujours basse, en donnant deux ou plu- sieurs tiges latérales. $ IV. — Champignons. La culture du champignon, à l'exception des environs de Paris et de quelques grandes villes, est très peu pratiquée en France; elle offre cependant de très grands avantages au HORTICULTURE. LIVRE VIII. jardinier de profession , et une production non moins agréable qu’utile au jardinier-amateur. Nous essaierons de combattre ici des pré- ventions trop répandues contre l’usage d’une substance alimentaire généralement suspecte, et non sans motif, eu égard aux accidents aux- quels elle a fréquemment donné lieu. Les na- turalistes modernes s’accordent pour placer les champignons sur la limite entre le règne végé- tal et le règne animal, mais plus près du règne animal. En effet, leur substance est très azotée: cuits dans l’eau, leur bouillon offre tous les caractères et jusqu’à l’odeur d’osmazôme des bouillons de viande les plus concentrés. Les champignons, quant à leur effet alimentaire, se comportent exactement comme les substan- ces animales ; ils rassasient promptement et ne peuvent être pris qu'en médiocre quantité, comparativement aux autres aliments végé- taux. Pris au moment convenable de leur dé- veloppement, ils ne peuvent faire aucun mal ; ils sont seulement dans le cas de tous les mets très nourrissants ; ils donnent de violentes in- digestions lorsqu'on en mange trop à la fois. Mais, ie même champignon qui, cueilli en temps utile, n'aurait offert qu'un aliment salu- bre, cueilli quelques heures trop tard devient un poison. On sait combien est malsaine toute viande seulement un peu trop mortifiée ; les champignons cessent en fort peu de temps d’é- tre mangeables et passent très rapidement à une putréfaction complète. Il est trop vrai d’ailleurs que les trois espèces de champignons sauvages bons à manger sous le climat de Paris et dans toute la France, le midi excepté, le champignon comestible (fig. 315), le champignon effilé (fig. 316) etle Fie. 815, 316. mousseron (fig. 317), ressemblent, à s’y mé- 317 bis. 2: "Late he oL7E prendre, à des espèces très dangereuses; il n'est TITRE IV. pas moins vrai que les cebs (fig.317 bis)etles oronges , si communs dans le midi , où tout le monde en mange impunément, sont mortels sous le climat de Paris. Pour n’en citer qu’un exemple trop célèbre, nous rappellerons la mort funeste du cardinal Caprara, légat du Saint- Siége pour le Concordat sous l'empire. Ce pré- lai ramassa des oronges dans le bois de Vin- cennes: en dépit de toutes les représentations, il voulut absolument les manger, disant que les Français laissaient perdre, par préjugé, les mets les plus délicats ; il en mourut, ainsi que le cuisinier italien qui les avait apprêtés ; mais tout danger disparait en s’en tenant aux cham- pignons de couches, car les couches ne peuvent produire que des champignons comestibles, et aucune autre espèce ne saurait y croitre. Les champignons cultivés sont exempts de toute espèce de danger, pourvu qu'ils soient cueillis et employés frais, c’est-à-dire avant que leur chapeau ne se soit étalé, et tandis que les bords en sont encore repliés en dedans; il n’y a donc aucune comparaison à faire entre les champi- guons sauvages et les champignons cultivés. Les premiers n’ont sur les autres qu’un seul avantage, immense, à la vérité, aux yeux de bien des gens : ils ne coûtent que la peine de les ramasser ; mais, d’une part, ils ne donnent en tout que pendant 4 ou 5 semaines par an; de l’autre , ils peuvent être mêlés à des champi- gnons nuisibles ; les autres sont tous bons et donnent toute l’année. Dans plusieurs grandes villes, entre autres à Nantes (Loire-Inférieure), les accidents cau- sés par les mauvais champignons étaient de- venus si fréquents depuis quelques années, que l'autorité a dû préposer un pharmacien à leur inspection, opération longue et délicate, qui malgré toute l’expérience de l'inspecteur, peut encore laisser échapper quelques champignons vénéneux. Détails de culture. Les couches disposées comme nous l'avons indiqué (voir Couches), ont surtout besoin d'être tenues à l'abri du contact de l’air et de la lumière. Des celliers parfaitement obscurs, de grandes caves très saines, ou d'anciennes carrières abandonnées, exemptes d'humidité, sont les emplacements les plus convenables pour cette culture. L’obstacle principal, loin de Paris, consiste dans la cherté du blanc de champignon, et dans la difficulté de s’en procurer de bonne qualité. Nous avons décrit le procédé que M. Pi- rolle donne comme le tenant du hasard ; on peut toujours faire prendre ainsi le blanc naturelle- ment à de bon fumier de cheval, d'âne ou de mulet, et en obtenir d'excellents champignons en abondance. On doit apporter beaucoup de soin dans la cueillette des champignons sur la couche ; on est certain d’arrêter la production si l’on ne sait pas détacher légèrement le pied du champignon, en le faisant tourner sur lui- même, sans déranger le blanc duquel il est | HORTICULTURE, CULTURE FORCÉE DES VÉGÉTAUX COMESTIBLES. 965 sorti, et qui doit donner naissance à ses suc- cesseurs. Il faut aux couches à champignons très peu d'humidité et une température aussi égale que possible, qui ne doit pas dépasser 12 degrés centigr., ni descendre au-dessous de 10 degrés. Les Anglais attachent beaucoup d'importance à la culture des champignons, pratiquéechezeux sur une très grande échelle. Nous croyons utile de faire connaître quelques-uns des procédés recommandés par les horticulteurs les plus dis- tingués de cette nation pour la production ar- tificielle et la conservation du blanc de cham- pignon. M. Nicol recommande un procédé usité long- temps avant fui par Miller, et consigné dans son Dictionnaire du jardinage ; il consiste à former les couches, moitié de pur crottin de cheval, moitié de terre légère, par lits de Om, 10 à 0,15 d'épaisseur, sans y mettre le blanc ; les couches se transforment elles-mêmes en une masse de blanc, et donnent une année entière, quelquefois même deux ans de suite; mais elles sont lentes à produire, et il faut les attendre plusieurs mois. On n’obtiendrait aucun résultat si on y employait du crottin d'animaux nourris au vert; il ne viendrait pas de champignons. M. Nicol affirme avoir appris cette particula- rité à ses dépens. * M. Wales emploie un mélange de deux parties de fumier de vaches, une partie de fumier de mouton et une de fumier de cheval. Ces sub- stances, exactement divisées et passées à la claie, sont mises en tas de forme conique dans un lieu sec d’une température de 10 a 12 de- grés; le blanc sy met quelquefois en trois se- maines ; quelquefois, surtout pendant l'hiver, il se fait attendre deux mois et demi. Le blane ainsi obtenu est supérieur à celui qu’on ramasse au pied des champignons sauvages, ou sur les couches épuisées. Le temps le plus convenable pour cette préparation est le mois de mars, avant que les animaux n’aient commencé à re- cevoir une partie de leur ration en fourrage vert. M. Mac Phail construit des briques analo- gues pour la forme et le volume aux briques à bâtir, en se servant d’un mélange de fumier de vache, de mouton et de cheval, par parties égales, avec une partie de feuilles de fougère sèche brisée, et une quantité d’eau suffisante pour donner au mélange la consistance voulue. Les briques étant faconnées, on pratique dans chacune d'elles un trou dans lequel on place un fragment de blanc de champignon qu'on re- couvreavec le morceau enlevé pour faire le trou; les briques sont ensuite placées en tas, mais de manière à laisser entre elles un peu d’espace pour la circulation de l’air ; en peu de temps, chaque brique devient une masse de blanc qu’on peut employer aussitôt pour garnir des couches à champignons. Quoique cette singulière substance soit fort délicate de sa nature, et qu'un rien la fasse périr, néanmoins elle peut conserver pendant 1, V. — 54 266 plusieurs années son énergie productive, pourvu qu’on la tienne en réserve dans un lieu bien sec. J'avais laissé par mégarde, dit Miller, près du fourneau de ma serre, une grande quantité de blanc de champignons; il y était devenu tellement sec que je le regardais comme en- tièrement perdu; j'essayai de m'en servir ; je le trouvai plus productif que tout autre. Les horticulieurs allemands ont emprunté des Russes l'usage de faire venir en hiver des champignons en serre chaude. On utilise à cet effet les places obscures et libres dans la serre, sans nuire au coup d'œil. On y dispose sur des dressoirs des caisses longues et profondes; du reste, le procédé de culture et la couche pour obtenir des champignons sont les mêmes qu’en France. Quelquefois, en Angleterre et en Alle- magne, on consacre à la culture des champi- gnons un local construit exclusivement pour cette destination ; outre les couches posées à terre, il en contient un grand nombre d’autres sur des dressoirs, par étages (voir Serre à forcer, fig. 158, page 39). Champignon effilé (agaricus attenuatus). — Ce champignon, d'un goût presque aussi agréa - ble que le champignon comestible ordinaire, est supporté par un pédoncule long et mince au- quel il doit son nom. Les champs cultivés, spé- cialement ceux qui ont reçu leur fumure l’année précédente, en sont littéralement couverts après la moisson, en Bretagne et dans tout l’ouest de la France, où on le connaît sous le nom très impropre de petit potiron; nous n'avons jamais vu qu’il ait donné lieu à aucun accident. On peut l'obtenir artificiellement par un moyen très simple; il consiste à enterrer à auelques centimètres de profondeur, dans une situation horizontale, en terre légère, des ron- ‘ delles de bois vert de peuplier, depuis la fin d'août jusqu’au milieu du mois d'octobre. Si le temps était excessivement sec, il faudrait ar- roser légérement. Morille (fig. 318).— On n’en a point essayé la culture, quoiqu’elle offre tout autant de chances de succès que celle des champignons; nous ne pouvons qu'engager les amateurs à des essais sur couche, avec plus d'humidité qu’on n’en HORTICULTURE. LIVRE VIII. donne aux champignons. On pourrait employer les germes fibreux ramassés au pied des mo- rilles sauvages pendant le mois de juin. L’En- cyclopédie d'horticulture de Loudon cite, mais sans aucun détail, un jardinier, M. Lightfoot, qui aurait obtenu des morilles de semences; les morilles n’ont point de semences ; peut-être en pourrait-on semer des fragments ; ce serait en- richir nos jardins d’un produit toujours cher, et justement recherché. SECTION Il. -— Légumes-racines et salades. Cette partie de la culture forcée des végé- taux comestibles’ est très négligée en France, bien que peu de jardiniers s’en occupent sé- rieusement ; et pourtant, ceux qui s’y livrent aux environs de Paris, obtiennent des légumes- racines forcés, en hiver. un prix très avanta- geux ; on ne force guère, aux environs de Paris, que deux légumes-racines, la pomme de terre et la carotte. $ 197. — Pomme de terre. On doit préférer, pour la culture forcée, la marjolin, ou l’une des variétés les plus précoces des pommes de terre jardinières. On les plante séparément, vers le milieu de janvier, dans des pots remplis au tiers de leur hauteur avec de bonne terre légère ; puis on achève de remplir les pots jusqu'a ce que les tubereules soient seulement recouverts de quelques centimètres de la même terre. Ces pots sont placés soit dans une couche chaude, soit sur des dressoirs, dans une serre à forcer. A la fin de février, les pom- mes de terre qu’on à eu soin d’arroser modé- rément selon le besoin, sont levées en motte, et transplantées dans une couche préparée comme pour forcer l’asperge ; on les met en place à 0m,30 de distance, en tout sens; il faut avoir soin de leur donner de l'air aussi souvent que la température le permet. Les tubercules sont bons à récolter en mars et avril; ils suc- cèdent à ceux qu’on obtient des pommes de terre profondément enterrées, pour les empé- cher de végéter au printemps, puis déterrées et plantées en pleine terre à l'air libre, vers la fin de juillet (voir Pomme de terre, culture natu- relle, page 232). Le procédé suivant peut être pratiqué à peu de frais par ceux qui cultivent d’autres pri- meurs dans une bâche ou une serre à forcer. Une pousse de pomme de terre détachée du tu- bercule est plantée au fond d’un pot de grandes dimensions, aux trois quarts vide, dans une bonne terre légère de jardin, convenablement arrosée. À mesure que la plante s’allonge. on remet de temps en temps de nouvelle terre dans le pot, jusqu’à ce qu'il soit plein, en laissant dehors seulement l’extrémité supérieure de la plante. Ce procédé réussit particulièrement quand les pommes de terre ainsi cultivées sont placées dans une serre spacieuse à forcer des arbres à fruits, parce que les plantes ont besoin de beaucoup d’air quand elles sont en pleine TITRE IV. végétation. En renouvelant successivement les plantations, on peut jouir des produits pendant tout l'hiver, du 15 janvier au 15 mars. Il arrive assez souvent, quand on conserve des pommes de terre dans du sable frais, qu’elles s’y enracinent, et donnent naissance à de pe- tits tubercules qui sont quelquefois vendus comme des produits de la culture forcée ; c’est une fraude difficile à reconnaitre. Les petites pommes de terre ainsi obtenues ne valent rien, et ne sont mangeables qu’autant qu’on les em- ploie immédiatement ; elles ne peuvent se con- server au-delà de quelques jours. $ IT. — Carotte. On sème les carottes sur couche tiède à la fin de décembre, en ménageant la chaleur dans les premiers temps pour la porter successive- ment de 10 à 18 degrés. On éclaircit de très bonne heure, et l’on entretient une humidité suffisante en donnant de Pair de temps en temps. Les carottes ainsi traitées ne sont pas destinées à devenir plas grosses que le petit doigt ; elles se vendent à cet état à des prix tel- lement avantageux, que peu d’autres cultures forcées sont plus profitables. En semant suc- cessivement à quatre reprises différentes, à dix jours d'intervalle, on prolonge la récolte des carottes forcées jusqu'a celle des premières carottes précoces de pleine terre. La carotte toupie de Hollande est celle de toutes qui se prête le mieux à la culture forcée. On peut forcer exactement de la même ma- nière des panais qui se mangent très jeunes, comme les carottes, des radis et des petites raves. Pour les radis, on couvre la couche, non pas avec du terreau, mais avec de bonne terre de jardin, plutôt forte que légère; le petit radis rose, et le rose demi-long de Metz sont les meil- leurs. pour la culture forcée. III. — Capucine tubéreuse ( w'opœælum tuberosum). P P La culture de ce tubercule se commence sur couche et s’achève en pleine terre; il n’aurait pas le temps de se former sous le climat de Paris si l’on ne hâtait sur couche tiède la vé- gétation de la plante, afin d’en obtenir des pousses nombreuses dont chacune peut deve- nir une bouture qu’on repique en place, à bonne exposition, dès que les gelées ne sont lus à craindre. Les tiges doivent être buttées a plusieurs reprises, à mesure qu'elles s’allon- gent ; elles donnent par ce procédé un grand nombre de tubereules. Leur saveur est forte et piquante, accompagnée d’une odeur musquée qui ne plaît pas en général aux palais euro- péens ; Cependant, plusieurs peuples de l'Amé- rique du Sud font de ces tubercules leur nour- riture habituelle ; on sait d'ailleurs combien les végétaux alimentaires peuvent être profondé- ment modifiés par la culture. Les tubercules de la capucine tubéreuse ont sur tous les autres tubercules alimentaires l'avantage de se con- server d'une année à l’autre, sans s’altérer, sans se flétrir, et de ne point germer comme la CULTURE FORCÉE DES VÉGÉTAUX COMESTIBLES. 267 pomme de terre; il suffit de les garantir de la gelée. En commencant de très bonne heure la culture forcée de la capueine tubéreuse, au plus tard vers la fin de janvier, on est à peu près sûr d'avoir des fleurs au milieu de l'été; ces fleurs ont dans ce cas toutes les chances pour donner des graines fertiles dont on peut espérer des variétés, Comme on en a obtenu en si grand nombre de la pomme de terre. M. Hamon, jardinier en chef du Jardin des plantes de Lyon, qui s’est particulièrement oc- cupé en dernier lieu de la culture du tropælum tuberosum, regarde cette plante comme très facile à cultiver, très productive, très propre à rendre d'importants services, soit dans la grande culture, soit dans la culture jardinière. On objecte, dit M. Hamon, que c’est une plante des régions intertropicales; mais il en est de même de la pomme de terre et du haricot, que cependant nos paysans et nos jardiniers ne songent point à abandonner. S IV. — Batate, Nous adoptons ce nom traduit de l’espagnol (batatas); les Espagnols l'avaient emprunté à la langue des naturels de l'Amérique méridio- nale. On désigne si souvent sous le nom de patate la pomme de terre et ses variétés, qu’il nous à semblé nécessaire d'appliquer exclusive- ment le nom de batate au tubercule du convol- vulus batatas. La destinée de cette plante est assez remar- quable. Introduite en Europe depuis plus de trois siècles, elle y a d’abord joui d’une grande réputation comme objet de gastronomie ; on lui attribuait, en outre, des propriétés médicales imaginaires. Tombée depuis dans l'oubli, la batate, dont la saveur est agréable quoiqu’elle soit un peu trop sucrée au goût de quelques per- sonnes, Commence à être accueillie avec un peu plus de faveur; cependant, la consommation de ses tubercules fait peu de progrès et ne sem- ble pas destinée à devenir jamais fort étendue, au moins sous le climat de Paris. La batate peut donner, par la culture forcée, des tuber- cules bons à être cueillis depuis le 15 juinjus- qu’à l’entrée de l'hiver. Pour obtenir des batates de primeur, il faut commencer à forcer la plante sur couche tiède dès la fin de février; on continue les plantations de quinze en quinze jours, jusqu’à la fin d'avril. On recouvre de 0,04 ou 0,05 de bon terreau une couche tiède ordinaire, sur laquelle on pose les tubercules à plat, très près les uns des autres, en ayant soin toutefois qu'ils ne se touchent pas; on couvre ensuite de 0m,06 à 0®,08 de terreau les tubercules ainsi disposés. Ils ne tardent pas à émettre une multitude de jets dont chacun est déjà garni de racines qui lui sont propres, moins de quinze jours après qu'ils ünt dépassé le niveau de la couche; ces jets sont traités comme du plant enraciné. Si la saison est assez avancée pour qu'il soit possible de les mettre en place en plein air, dans une plate-bande bien exposée, on leur donne depuis 268 Om,50 jusqu’à 0w,80 d'espace en tout sens, se- lon le volume que doivent acquérir les plantes et leurs tubercules, volume très variable d’une espèce à l’autre. Un large espacement est tou- jours nécessaire à la batate pour pouvoir butter les rameaux qui courent dans toutes les direc- tions sur le sol, opération qui se fait à deux ou trois reprises différentes. Les produits, dans ce cas, sont beaucoup plus abondants que quand les pieds sont plantes très près les uns des au- tres, et que les tiges ne sont pas buttées. ; Les batates de primeur, qu’on a commence de très bonne heure à forcer sur couches, ne peuvent être mises en place que sur couche, afin d’y terminer le cours entier de leur végé- tation ; ce sont celles qui ont le plus de chances pour donner des fleurs et des graines fertiles. La batate, au moment où on la transplante, a besoin d’être garantie contre les rayons solaires par un châssis recouvert d’un paillasson, lors- qu’elle est sur couche, et par un abri tempo- raire semblable à celui qu'on donne en pareil cas aux citrouilles lorsqu'elles sont en pleine terre ( voir page 236, fig. 309 et 310). La ba- tate veut beaucoup d’eau à toutes les époques de sa végétation. Les tubereules, au moment de la récolte, doivent, si le temps le permet, rester quelque temps à l'air et au soleil, pour dissiper une partie de leur eau de végétation, ils en sont plus faciles à conserver. Les tubercules des batates de primeur ne se récoltent pas tous à la fois ; comme ils ne se développent que sueces- sivement, on les met à découvert en écartant la terre avec précaution, et l’on enlève seule- ment ceux qui sont bons à être cueillis, ce qui ne nuit pas au développement ultérieur de ceux qui restent. On conserve les tubercules de batate dans du sable fin ou dans de la terre bien sèche passée au crible ; il est bon que la température du lieu où on les garde se maintienne le plus également possible à 8 ou 10 degrés; moins elle varie, mieux les batates se conservent. Dans le midi de la France et dans quelques parties de l'Italie, particulièrement en Toscane, la batate commence à prendre rang parmi les végétaux de grande culture pour la nourriture des hommes et celle des animaux. (Pour la culture en grand de la batate dans les pays méridionaux de l’Europe, voir Journal d'agri- culture pratique, t. V, p. 217.) $ V. — Salades. Si l’on se reporte à ce que nous avons dit (page 219) de la culture naturelle des salades quise commence sur couche sous cloche ou chäs- sis, pour se terminer en pleine terre à l'air libre, on verra que nous avons peu de chose à ajou- ter relativement à ieur culture forcée. En effet, il suffit de semer et de repiquer d’assez bonne heure en octobre et novembre, pour que le plant mis en place sous cloche ou sous châssis, sur couche tiède, y termine sa croissance avant le printemps, et donne des salades dont lesrécoltes HORTICULTURE. LIVRE VIII. rejoignent celles des salades de pleine terre. La laitue crêpe et la romaine verte sont les meil- leures pour la culture forcée; elles ont cela de particulier qu’elles parviennent à toute leur grosseur sans avoir jamais reçu d’air, à aucune époque de leur existence ; aussi ce procédé est-il nominé par les jardiniers culture à l'étouffée. SECTION HI. — Plantes à fruits comestibles. La nature n'offre à l’homme aucune produc- tion qui l'emporte sur les fruits comestibles. Nous avons dit comment on peut prolonger la jouissance des fruits des arbres par la culture forcée (voir Culture forcée des arbres fruitiers) ; c’est encore aux procédés artificiels qu’il faut recourir pour obtenir dans toute leur perfection et dans toutes les saisons de l’année les fruits des plantes, parmi lesquels se trouvent les deux plus délicieux produits. alimentaires du règne végétal, l'ananas des régions tropicales, et la fraise des pays tempérés. & 197, — Ananas, Le fruit de cette plante est sans contestation le meilleur de tous ceux que la nature prodigue à l'homme dans les contrées intertropicales. L'horticulture est assez perfectionnée pour per- mettre d'obtenir ce fruit parfaitement mûr en Europe, quoiqu'il ne puisse être comparé avec celui des plantes venues sur leur sol natal. La consommation des ananas est fort étendue dans les pays riches; bien que la production aug- mente d'année en année, on ne remarque pas une baisse de prix considérable ; la culture des ananas est et sera longtemps encore une des plus productives aux environs des grandes villes. L’ananas, étant originaire des contrées les plus chaudes de l'ancien et du nouveau conti- nent, exige en Europe un plus haut degré de chaleur artificielle que toute autre plante cul- tivée pour ses fruits. Cette circonstance a donné lieu à une erreur encore trop généralement ac- créditée, qui fait regarder l’ananas comme une plante délicate et difficile à cultiver. Il n’y a pas longtemps encore, il ne fallait pas parler en France de cultiver l'ananas sans avoir, sinon une serre chaude, au moins une bâche con- struite et chauffée à grands frais pour ce seul objet. Aujourd’hui, tout horticulteur sait que ce fruit incomparable n’a nullement besoin du secours d’un foyer pour croître et mürir ; une couche chaude avec une bonne tannée lui suffit. L’ananas, pour parvenir à parfaite maturité, n’est pas plus difficile à élever que le concombre de primeur, dit un auteur an- glais; il est moins sujet aux attaques des in- sectes que le pêcher; lesinsectes, lorsqu'ils l at- taquent, lui font moins de tort que les chenilles n’en font au chou, le plus commun de nos lé- gumes ; ses chances de destruction sont donc excessivement réduites, et sa culture, bien di- rigée, réussit constamment. Parmi les espèces les plus avantageuses à cultiver, les plus pré- 2 ET TU DES ei de ee TITRE IV. coces sont celles que les Anglais nomment la reine. et la reine moscovite, peu connues en France, où on leur préfère comme hâtif l’ana- nas de Cayenne sans épines; pour le volume, il faut choisir l'ananas de la Trinité et le vio- leu d’Antigoa ; lorsqu'on tient plus à la gros- seur qu’à la finesse du fruit, c’est l'ananas d’O- taïti et le blanc de la Providence qui doivent être préférés ; enfin, si l'on ne cultive qu'une espèce pour la vente, il n’en est pas qui reu- nisse les conditions de volume et de qualité à un degré plus parfait que l’ananas violet d’An- tigoa; cette espèce et celle que les Anglais nomment blak-Jamaïca, donnent les ananas les meilleurs et les plus parfumés. A. — Préparation de la terre pour les ananas. On forme un mélange intimement incorporé de deux parties de terre normale; une partie de terre de bruyère, une partie de terreau et une partie de fumier gras. Ce compost doit être tenu à l’abri et préparé six mois d'avance; néanmoins, en cas de presse, on n’est pas in- dispensablement obligé d'attendre aussi long- temps, pourvu que l’on multiplie les facons à la bêche. Les Anglais font usage d’un autre mélange moins dispendieux en ce qu'il n'exige pas de terre de bruyère que, dans certaines localités, on ne peut se procurer qu à grands frais. Au mois d'avril ou de mai, on lève sur une pelouse, dont le sol doit être une terre forte et substantielle, des gazons épais seulement de Om,05 à 0,06; les meilleurs de tous sont ceux qui reposent sur un sol d’un brun rou- geätre. On les étend, le vert en dessous, dans une pâture où l’on conduit fréquemment les moutons, afin qu'ils soient bien pénétrés d’u- rine et mêlés d’excréments. A la fin de l’été, on met en tas tous ces gazons bien hachés avec le tranchant de la bêche, et incorporés de ma- nière à former un tout bien homogène. Une fois ou deux chaque mois, on retourne les tas, et on leur donne une facon à la bêche. Au bout de six mois, la terre ainsi préparée est bonne à employer; elle n’en vaut que mieux lorsqu'il est possible de la laisser vieillir d’une année à l’autre; on doit se garder de la passer à la claie, elle deviendrait trop compacte. Cette terre n’est jamais employée pure. Pour les jeu- nes plantes, trois parties sont incorporées avec une partie de terreau de feuilles de chêne pour- ries et une demi-partie de sable grossier ; pour les plantes prêtes à donner leur fruit, les pro- portions sont trois parties de terre et deux de terreau auxquelles on ajoute un vingtième en volume de suie de cheminée. Ces composts se font toujours plusieurs mois d'avance; ils doi- vent être travaillés à plusieurs reprises pour se trouver parfaitement homogènes au moment où l’on a besoin de s’en servir. Les jardiniers français commettent généra- lement la faute de donner aux ananas une terre trop peu substantielle; ils y trouvent, à la vérité, l'avantage d’une fructification plus prompte, CULTURE FORCÉE DES VEGETAUX COMESTIBLES. 269 mais les fruits sont d’une qualité inférieure, soit pour le goût, soit pour le volume. Les An- glais commettent la faute contraire, en don- nant aux ananas une terre trop forte; les plantes y prennent une vigueur excessive qui tourne presque toute au profit des feuilles, et retarde la ffuctification. Aussi, Speechly, celui de tous les auteurs anglais qui s’est le plus spécialement occupé de la culture des ananas, recommande-t-il comme un précepte essentiel de proportionner la dose de sable à la nature de la terre des gazons. Lorsque cette terre est un sol léger, le sable est inutile. Toutefois cet babile praticien préfère un sol plutôt trop léger que trop fort, parce que, dans une terre de cette nature, les jeunes plantes peuvent gagner une année sur le temps nécessaire à leur fructifica- tion. B. — Choix du plant. L’ananas produit rarement en Europe des semences assez müres pour servir à sa mulli- plication ; mais la nature y a pourvu en don- nant à cette plante, outre un grand nombre d’œilletons qui naissent du bas de la tige, une touffe de feuilles surmontant le fruit, et sus- ceptible de donner naissance à une plante nou- velle ; cette touffe est connue des horticulteurs sous le nom de couronne. Les couronnes sont aussi bonnes que les œilletons, pourvu qu’on ne plante que celles qui ont une vigueur suffi- sante; la seule indication qu’on puisse donner à cet égard est prise de la base de la couronne, nommee {alon par les jardiniers; toute cou- ronne dont le talon n’a pas au moins 0m,20 de circonférence doit être rejetée. Les œilletons sont considérés comme d’autant meilleurs qu'ils se sont formés plus haut sur la tige le long de laquelle ils naissent ordinairement; l’expérience prouve que ceux qui partent de la naissance des racines donnent rarement de bonnes plan- tes. Lorsqu'on détache la couronne du fruit ou les œilletons de la tige, comme toutes les par- ties de l'ananas sont charnues et très succu- lentes, le talon du plant est toujours extrême- ment humide; s’il était planté dans cet état, il ne manquerait pas de pourrir en terre, et ne pousserait point de racines. Il faut done, après avoir coupé net le bas du plant avec une lame bien tranchante, laisser ensuite la plaie se ci- catriser pendant huit jours au moins avant de planter. Le plant d’ananas supporterait même un délai d’un mois et plus. Lorsqu'on veut former une nouvelle plantation d’ananas, il faut choisir l’époque de l’année où il s’en consomme le plus, soit au cœur de l'été pour les glaces, soit en hiver dans la saison des réunions et des soirées; on peut alors, en s’entendant avec quelques glaciers ou confiseurs, se procurer à très peu de frais des couronnes; on n’en rece- vra qu’une petite quantité à la fois; mais s'il faut un mois ou deux pour compiéter le nom- bre qu’on désire, on verra que les premières cueillies ne végéteront pas moins bien que les autres. 270 On doit l'introduction de la culture de l’ana- nas en Europe à un hortienlteur de Levde en Hollande, M. Le Court, francais d’origine, qui fit venir des Antilles les premiers plants d’ananas, empaquetés dans de la mousse; il continua longtemps à faire ainsi traverser l’At- lantique au plant d’ananas, sans qu’il parût en souffrir, bien que la navigation d'Amérique en Europe fût dans ce temps-là beaucoup plus lente que de nos jours. Les fins amateurs d’ananas qui tiennent à conserver puresleurs variétés, rejettent, comme mélangées de plusieurs espèces qu'on ne peut distinguer avant la venue du fruit, les cou- ronnes vendues par les consommateurs; il est certain que la reproduction par les œilletons des plantes dont on a vu le fruit n’est pas su- jette à cet inconvénient. C. — Plantation. L’ananas est une plantetriennale quine donne son fruit que la troisième année, sans cepen- dant employer trois années révolues pour son entier developpement. La culture des ananas de variétés très hâtives peut être menée à bien en dix-neuf mois; c’est son terme le plus court; elle dure ordinairement deux années compre- nant la seconde tout entière, six mois de la première et six de la troisième. Les trois épo- ques de la croissance de Pananas obligent à diviser en trois compartiments l’espace consa- cré à sa culture. Dans le premier, il est placé, comme en pépinière, dans des pots ayant 0",10 à 0,15 de diamètre, et 0",18 à 0",20 de pro- fondeur; ces pots ont dans le fond deux ou trois fentes pour l’égouttement de l’eau: ils sont remplis de gros sable à 0,03 ou Om,04 de hauteur ; le reste est occupé par la terre dont nous avons donné la composition. L’on y place - Je plant à 0,03 ou 0%,04 de profondeur, en ayant soin, pour mieux assurer la reprise, de retrancher toutes les petites feuilles du bas en- vironnant le talon. Nous ne saurions 1rop re- commander de bien s'assurer au moment de la plantation que le talon et les coupures sont parfaitement cicatrisés, sans quoi la reprise du plant est presque impossible. Il ne faut pas placer les pots indistinetement dans la bâche ; les plants les plus forts doivent être mis en arriere, et les plus faibles sur le devant. Il est avantageux de tenir le vitrage de la bâche aux ananas de première année aussi bas que possi- ble, sans qu’il puisse néanmoins toucher aux plantes. Les ananas passent sur la seconde division la majeure partie de la seconde année ; ils ne passent à la troisième que quand ils montrent leur fruit. Nous l'avons dit, et nous devons le répéter ici, l'ananas peut croître, prospérer et mürir parfaitement sur une couche chaude ordinaire ; elle lui suffit, sans autre chaleur artificielle à tous les äges de sa croissance; on la fait, pour cet usage, aussi chaude que possible, en par- tant de ce principe que l'ananas ne peut jamais HORTICULTURE. LIVRE VIII. avoir trop chaud sur la couche, et qu’au-des- sous de 25 degrés centigrades il ne peut que languir. Lorsqu'on n’emploie pas d'autre chaleur que celle du fumier, il est bon de renouveler très souvent les réchauds, et d’avoir toujours une bâche disponible pour le moment où la cou- che épuisée doit être démontée et refaite à neuf. Il en est de même de la tannée qui ne garde guère au-delà de trois mois une chaleur suffisante pour les ananas. On combine le plus souvent ces deux moyens en échauffant par la vapeur la bâche aux ananas, et lestenant plon- gés dans une couche de tan dont la fermenta- tion lente est par elle-même une source de cha- leur. La température de la bâche aux ananas ne doit jamais tomber au-dessous de 25 degrés la nuit comme le jour; il faut autant que pos- sible la maintenir à 30 degrés; la plante sup- - porte très bien 10 degrés de plus. Lorsqu'on peut entretenir cette chaleur dans la bâche au moyen des conduits remplis de pierres échauf- fées par la vapeur, ou de couches de pierres sur lesquelles reposent les pots contenant les ananas, la tannée peut être remplacée par de la mousse entassée entre les pots. Sans la diffi- culté de se procurer partout de la mousse en quantité suffisante, la tannée serait supprimée presque partout. On a proposé récemment en Angleterre de substituer au tan le son, et spé- cialement le son d'avoine, très abondant en Ecosse, où le gruau d’avoine forme la base de la nourriture d’une grande partie de la popula- tion. Il n’est pas douteux que le son en fer- mentation ne doive produire une chaleur élevée et durable, mais il doit être excessivement fa - vorable à la production de toute espèce d’in- sectes. Les feuilles de chêne, surtout si on les ramasse au moment de leur chute, lors- qu’elles n’ont encore subi que peu d’altération, sont.à tous égards le meilleur élément de cha- leur artificielle pour les couches destinées aux ananas. D. — Détails de culuure. Les ananas ne se plantent pas forcément dans des pots ; on peut leur faire passer un an dans le terreau de la bâche, ils n’en auront que plus de vigueur. Les ananas passent d’ordi- paire un an, et jamais moins de 10 mois, dans la bâche pépinière. Il n’est pas nécessaire d'attendre, comme on le fait pour d’autres cul- tures, que la couche récemment établie ait jeté son feu; on peut y mettre immédiatement les pots d’ananas, eùt-elle de 40 à 45 degrés, le plant ne s’enracinerait que plus facilement. Après l’avoir légèrement bassiné avec de l’eau à la température de la bâche, il faut le laisser dans un repos parfait, à l'abri de l’air et d’une trop vive lamière, jusqu’à ce que les feuilles en se développant annoncent que les racines sont formées. L'abondante vapeur humide et chaude qui s’exhale de la couche au moment de sa plus forte fermentation, étant concentrée sous le vitrage , est singulièrement favorable à la vé- TITRE IV. gétation des ananas durant leur premier âge. On les arrose ensuite selon le besoïn et on leur donne de l'air quand la température du dehors le permet. Il est bon pendant les nuits d’hi- ver de couvrir les vitrages avec des toiles main- tenues par des cylindres afin de pouvoir, au moyen de deux cordes, les faire descendre ou monter à volonté. Les arrosages peuvent être donnés avec beaucoup de ménagements pen- dant toute la durée de la culture des ananas, pourvu qu’on bassine fréquemment les feuilles, sans humecter la terre, et qu'on entretienne dans l'atmosphère de la bâche une humidité chaude, indispensable à la végétation de cette plante. La plupart des auteurs recommandent un arrosage par semaine, en automne et au printemps, et deux par semaine en été; nous ne conpaissons rien de plus défectueux que ces prescriptions générales ; chaque plante végète a sa manière; il faut les surveiller pour leur donner à boire selon leur soif et non pas avoir des jours d’arrosage pour toutes les plantes altérées ou non. Le principe général que nous avons posé en parlant des arrosages dans l’oran- gerie et les serres, s'applique dans toute sa ri- gueur à la culture des ananas ; dès que la vé- gétation devient stationnaire, il faut cesser d’arroser. Les plantes n’ont rien à gagner à la prolongation forcée de leur végétation par un excès de chaleur dans la bâche, il vaut mieux lui laisser suivre son cours naturel. Les An- glais donnent à leurs ananas, dès la reprise de jeur végétation au printemps, des arrosages nutritifs avec un engrais liquide consistant en colombine mélée de crottin de daim, délayés dans de l’eau. Ce dernier article indique assez que le plus grand nombre des cultures d’ananas en Angleterre est établi chez les très grands seigneurs, dont les pares sont peuplés de daims. En France, le erottin de chèvre ou de mouton peut parfaitement s'unir à la colombine dé- layce dans l’eau. pour former un excellent en- grais liquide à l’usage des ananas. Nos jardi- niers se garderaient bien, pour la plupart , de nourrir aussi fortement leurs plantes; elles en seraient trop retardées; aussi jamais, ou bien rarement, VOyons-nous sur nos tables ces ma- gnifiques ananas que savent faire croître les horticulteurs anglais qui n’en récoltent presque aucun, quelle que soit l'espèce, avant la troi- sième année. De toutes les opérations de la culture de l’a- nanas, la plus importante pour arriver à un bon résultat est celie du rempotage. L’ananas partage avec quelques autres végétaux la fa- culté de remplacer chaque année par de nou- velles racines celles de l’année précédente, qui périssent d’elles-mêmes à mesure que les autres leur succèdent. Lorsque l'ananas a rempli de ses racines le premier pot dans lequel il a été planté, sa croissance serait entravée si on ne se hâtait de lui donner un pot plus grand; toutefois il ne faut pas dans l'opération du rem- potage, lui donner un pot de trop grandes di- mensions ; les racines, en se développant outre CULTURE FORCÉE DES VÉGÉTAUX COMESTIBLES. 271 mesure, ne feraient que retarder la fructifica- tion. En Angleterre, on se contente, avant de rempoter les plantes, de retrancher seulement les racines altérées et vieillies, en conservant soigneusement les nouvelles ; en France, on suit généralement la méthode du rempotage à nu, c’est-à-dire qu’on retranche toutes les ra- cines, jeunes ou vieilles, et qu'on laisse à la force végétative de la plante le soin d’en refaire d’autres. Cette pratique ne paraît pas avoir de grands inconvénients lorsque du reste la cul- ture est bien conduite. Au lieu du gravier qu’on avait dû mettre au fond des premiers pots pour l'égouttement, il vaut mieux, dans le même but, garnir les pots avec des fragments d’os brisés, par-dessus lesquels on pose les ananas dans la terre convenablement préparée. Les os attirent les racines de l’ananas qui puise une alimentation très substantielle dans la décom- position lente de la gélatine. Le même retranchement de la totalité des racines se répète à chaque rempotage, princi- palement lorsqu'on à fait passer aux plantes une partie de la seconde année en pleine terre, soit dans la bâche aux ananas, soit en plate- bande dans le jardin, sous un vitrage, au pied d’un mur, à l'exposition du midi. Dans ce der- nier cas, les racines sont devenues si longues qu'il ne faut pas songer à les faire entrer dans un pot; il n’est pas non plus possible de les rogner ; la moindre coupure leur est mortelle et elles se refont très difficilement ; il faut done les enlever en totalité. Si l’on disposait d’un espace suffisant dans une bonne serre chaude , il n’est pas douteux qu’on n’obtint des ananas beaucoup plus beaux et meilleurs en leur lais- sant achever en pleine terre la dernière année de leur végétation. Nous avons vu pratiquer ce procédé en Belgique, avec le plus grand succès. L'ananas a pour ennemi principal une sorte de punaise blanchâtre, que les jardiniers nom- ment pou. Miller dit que cet insecte, inconnu dans les serres à l’époque où les ananas furent importés pour la première fois en Europe, y est venu avec les premiers plants d’ananas ap- portés d'Amérique en Hollande. L'infusion de tabac est le meilleur moven de s’en débarras- ser. Dans ce cas. on dépote les plantes, on se- coue le terreau adhérent aux racines, on rat- tache les feuilles ensemble , mais sans les pres- ser, et l’on plonge le tout dans un baquet plein de cette infusion. A la température de 30 à 35 degrés, elles peuvent y séjourner sans incon- vénient pendant 8 à {0 minutes. On les sus- pend ensuite la tête en bas, pour les laisser égoutter; puis on les replante, et les insectes sont ordinairement détruits. Bien peu de nos plantes de serre les plus vigoureuses résiste- raient à une pareille opération; l'ananas ne parait pas en souffrir tant qu’il n’a pas encore montre son fruit. Quand le fruit de l'ananas est eueilli, la eul- ture de la plante n’est pas encore entièrement terminée ; il faut, si l’on veut en obtenir du 2e plant de bonne qualité, retrancher tous les œilletons , à l'exception de deux ou trois, cou- per la tige au-dessus du dernier œilleton, et donner quelques arrosages ; en peu de temps le plant est bon à être employé. Cette dernière opération est très importante, car elle peut faire gagner plusieurs mois à la fructification des ananas. E. — Frais et produits, FRAIS. Les frais de cette culture sont presque tou- jours fort élevés, en raison du temps et du lo- cal qu’il faut lui consacrer. Nous avons dit que les ananas exigeaient trois compartiments, l'un pour la bâche-pépinière, l’autre pour les plantes de seconde année, le troisième pour les plantes à fruit. Comme chaque année les plantes acquièrent un volume plus considé- rable, la seconde bâche doit être plus grande que la première, et la troisième plus grande que la seconde, non toutefois dans les propor- tions que les ananas rendraient nécessaires, s'ils croissaient tous de la même manière ; mais lors même qu’on ne cultive qu’une seule espèce, les œilletons n'ayant pas tous la même vigueur végètent fort inégalement; c'est un avantage pour le jardinier qui pourrait être embarrassé d’un trop grand nombre de fruits à vendre à la fois, et n’aurait dans ce cas d’autre ressource que de les retarder en abaissant la température de la troisième bâche, ce qui non-seulement nuit à la qualité du fruit, mais encore peut en faire perdre une partie. Heureusement ces fruits précieux viennent l’un après l’autre, de sorte que le local n’a pas besoin de correspondre exactement pour la 3° année au volume des plantes faites, comparé à celui des œilletons récemment plantés. Nous supposerons en premier lieu que la culture des ananas est conduite par le moyen du thermosiphon, et que la bäche-pépinière ayant à l’intérieur un développement de 10 mè- tres de long sur 3 mètres delarge, peutrecevoir à l'aise 450 ananas. Le local pourra consister, soit en trois bâches séparées, soit en une seule construction à trois compartiments, isolés par des cloisons vitrées. Dans le premier cas, la se- conde bâche aura 13 mètres de long et la troi- sième 16 mètres ; dans le deuxième cas, l’en- semble des trois compartiments aura un déve- loppement de 39 mètres de long, la largeur étant toujours de 3 mètres Deux thermosiphons semblables à celui dont nous avons donné la description (voir Chaleur artificielle, Thermosiphon), suffisent pour chauffer un semblable local. Deux foyers, brü- lant en moyenne pour 40 c. de tourbe par jour, peuvent coûter, à 80 c. par jour pendant six mois, 144 fr., mais comme on ne peut pas se procurer partout de la tourbe, et que tout autre combustible est d’un prix beaucoup plus élevé, cette dépense sera presque partout de 180 fr. par an, et pour deux ans, durée ordinaire de ! HORTICULTURE. LIVRE Vif. la culture des ananas, 360 fr. On peut ne pas tenir compte du plant qu’on se réserve ordinai- rement dans la vente des fruits ; d’ailleurs cette culture une fois établie, on a toujours des œil- letons à jeter. Les pots, dont il faut trois assor- timents au moins, la colombine, qu’on n’a pas toujours gratuitement, la terre d’ananas, le tan ou la mousse, et d’autres menues dépenses de détail, peuvent s’élever ensemble à environ 60 fr. Le jardinier qui n’aurait toute l’année que ses ananas à soigner, se croiserait les bras les trois quarts du temps, mais il lui faudrait des aides à l’époque des plantations et à celle des rempotages. Nous croyons être fort près de la réalité en admettant que le cours complet de la culture des ananas, telle que nous la supposons, demande 80 journées entières, prises par frac- tions, et valant, à raison de 3 fr. par jour, 240 fr. Il faut ajouter à ces diverses dépenses l’en- tretien et le loyer des bâches, ainsi que Pinté- rêt des 400 francs dépensés pour établir les thermosiphons, dont nous ne comptons pas les frais d'entretien, parce qu'ils n’ont presque jamais besoin de réparations. Toutes ces dépenses réunies donnent les chif- fres suivants : Chauffage. 444. NORMES Go Main-d'œuvre "NE CR ReReE Rae 240 Frais divers....... SE D ee 0 Gi ArEiC) 60 Loyer des serres... ....... D 0 do CET 06500 Intérêts du prix du thermosiphon. ....,... 20 MOTARee se 280 PRODUITS. 450 ananas à 5 fr. la pièce... 0... 2000 Différence, ou bénéfice net... 41,270 Chaque ananas obtenu par ce procédé re- vient à un peu moins de 2? francs 18 centimes. Le total du capital employé, en supposant les bâches construites exprès, se trouve, par ap- proximation, de 5,000 francs; il a donc pro- duit un intérêt de 25 fr. 40 cent. pour cent en deux ans, ou 12 fr. 70 cent. par année. D'après la manière ordinaire de compter, ce bénéfice de 12 fr. 70 cent. pour cent étant con- sidéré comme le salaire du travail du produc- teur, le prix des journées devrait être retran- ché de la somme des dépenses, ce qui porterait le bénéfice à 1,510 fr., soit 15 fr. 10 cent. pour cent d'intérêt annuel du capital. Mais ce bénéfice est en réalité beaucoup plus considérable, soit parce que les ananas les plus beaux et les plus précoces sont vendus de 10 à 15 francs et quelquefois davantage, soit parce que, indépendamment des ananas, les bâches contiennent des fraisiers ou des fleurs forcées en pots placés sur des dressoirs, dont les produits obtenus presque sans frais parti- culiers viennent en déduction des frais de cul- ture des ananas. Lorsqu'on chauffe les bäches par le procédé TITRE IV. économique de la vapeur combinée avec l’em- ploi des pierres concassées recouvertes de mousse, les frais d'établissement sont à peu près les mêmes que ceux du thermosiphon ; mais comme on n’a besoin que d’un seul foyer, et qu’on l’allume plus rarement que les deux foyers du thermosiphon dans l’exemple précé- dent, on trouve sur le chauffage une économie de 200 francs, et sur la main-d'œuvre, pour la même raison, une réduction de 60 francs, ce qui porte la dépense totale à 720 francs au lieu de 980, la recette restant la même; dans ce cas, le bénéfice net se trouve porté à 1,530 fr. Il ne faut pas oublier que ces chiffres sont de simples approximations ; la culture de l’a- nanas, une fois en train, il s'établit un roule- ment qui ne laisse jamais vide aucun des trois compartiments, de telle sorte que, si le pre- mier contient 450 ananas, il peut, dans le cours d’une année, en fournir aux bâches sui- vantes trois ou quatre fais autant ; le jardinier, après la première période de sa culture, c’est- à-dire dès la troisième année, aura presque toujours des ananas à vendre; il en vendra plus ou moins, selon son habileté à les faire croître et la qualité des espèces cultivées dans ses bâches; mais il n’y a pas d’exagération à admettre que sa troisième bâche se videra au moins deux fois dans le cours d’une année, et qu’en réalité, il aura vendu par an, non pas 450, mais 900 ou 1,000 ananas. Sans doute, il faut tenir compte du chapitre des accidents, quoique cette culture bien conduite en ait réel- lement fort peu à redouter. Nous avons choisi le compte d’une culture d’ananas durant la première période de deux ans, pour montrer les dépenses qu'elle néces- site; mais, pour les périodes subséquentes, les produits sont nécessairement beaucoup plus élevés que pour la première. Nous donnerons, en faveur des amateurs qui ne disposent que de ressources limitées, le prix de revient de 40 ananas, nombre bien suffisant pour la consommation d’un ménage, et qu’on peut obtenir parfaitement mürs au moyen de la modique dépense de 110 francs répartie ainsi qu'il suit; il est bien entendu que la main-d'œuvre ne doit pas figurer dans ce compte, le plaisir de cultiver soi-même cette ambroisie végétale devrait plutôt compter parmi les bénéfices de sa culture. Trois couches chaudes avec leurs réchauds... 75f Terre, pots, colombine, etc. ............. 5 lutérèts des châssis vitrés,.., os... 50 EOTAR= +. 110 Les couches et leurs réchauds absorbent au moins pour 150 francs de fumier ; mais comme, après avoir servi à cet usage, le fumier qui doit être renouvelé fréquemment a encore au moins la moitié de sa valeur, la dépense se ré- duit en effet à 75 francs. Ilarrive très souvent que le propriétaire, s'il | habite la campagne, possède un cheval, et ne | BORTICULTURE, CULTURE FORCÉE DES VÉGÉTAUX COMESTIBLES. 273 doit pas acheter le fumier; dans ce cas, la dé- pense se réduit presque à rien, puisqu'il n’y a de déboursés réels en argent que le capital des châssis vitrés, et 5 francs de menus frais. Ajoutons qu'il en est de l'amateur comme du jardinier de profession lorsqu'il continue sa culture; les frais pour les années qui suivent les deux premières vont en décroissant, et les produits peuvent aisément être doublés; les prix que nous donnons sont d’ailleurs ceux de Paris, beaucoup trop élevés pour les dépar- tements. Que l'amateur d’horticulture peu favorisé de la fortune ne dédaigne point, quand il est placé près d’une grande ville, la riche culture de quelques bâches d’ananas. Ce travail, qui ne sera pour lui qu’un délassement, lui per- mettra de peupler sa serre des plus belles plantes exotiques, sans grossir son modeste budget. $ II. — Fraisier. La fraise est si généralement estimée que le soin de l'obtenir hors du temps où elle peut être récoltée en pleine terre, fait partie essen- tielle de la besogne du jardinier qui s’occupe de culture forcée; on récolte les dernières frai- ses à l’air libre, en octobre; celles de l’année suivante ne sont müres qu’au mois de juin ; c’est durant cet intervalle que la fraise doit être forcée. L'opération dure de 60 à 70 jours, depuis le moment où les fraisiers entrent dans la serre, jusqu’à la récolte des premiers fruits. On peut, à la rigueur, commencer à forcer le fraisier dès le 15 octobre, mais le succès est très aventuré; rarement on obtient de très bons résultats de la culture forcée du fraisier, lorsqu'on commence avant le mois de janvier ; plus on commence près de l’équinoxe de prin- temps, plus les produits sont abondants et délicats; on doit être approvisionné de frai- siers mis d'avance en pots et prêts à être for- cés, pour pouvoir regarnir la serre de vingt en vingt jours, jusqu’au 15 mars. Les fraisiers qu’on commence à forcer en mars sont tou- jours les plus productifs; leur fruit est beau- coup meilleur que celui des fraisiers forcés pendant l’hiver. A. — Préparation du plant. Les fraisiers qu’on se propose de forcer doi- vent être mis en pots longtemps d’avance ; le jardinier qui n’a point à se préoccuper des | considérations de temps, d'espace et d’argent, met tous les ans au printemps dans des pots de grandeur convenable, des fraisiers qu’il doit forcer l'hiver suivant; c’est la meilleure mé- thode, c’est-à-dire celle qui donne les produits les plus beaux et les plus certains. On choisit du plant de coulants de l’année précédente, sain et vigoureux; on met de trois à cinq plants dans un pot de 0,16 de profondeur sur 0,16 | de diamètre à sa partie supérieure ; la terre dont on remplit les pots doit être la plus fer- tile dont on dispose ; on la débarrasse avec le TV. — 55 274 plus grand soin des vers et des larves d’insectes nuisibles qui peuvent s’y rencontrer. Le plant veut être attaché à la terre par un bon arro- sage au moment de sa mise en pot. On enterre les pots dans une plate-bande bien exposée; on arrose souvent et largement ; les boutons des fleurs sont supprimés ainsi que les coulants à mesure qu’ils se montrent. Le jardinier qui doit forcer les fraisiers dans le but d’en te les produits ne met le plant en pot qu’au mois de juillet ou d'août, soit qu’il se serve de plant de coulants de l’année, soit qu’il mette en pot des fraisiers de deux ans qui ont déjà porté une récolte; dans les deux cas, le résultat est à peu près le même. Lors- que la saison de forcer est commencée, le plant destiné à être forcé le dernier doit at- tendre son tour sous châssis, dans une situa- tion seulement assez abritée pour qu'il ne souf- fre pas du froid; il importe qu'il n'ait pas assez chaud pour entrer prématurément en vé- gétation. B. — Détails de culture. Le fraisier peut être forcé à une très haute température ; c’est ce qui a lieu lorsque le jar- dinier qui s’adonne particulièrement à la cul- ture de l’ananas, garnit la serre aux ananas de dressoirs qu’il couvre de pots de fraisiers. Les fraises ne sont dans ce cas qu'un produit ac- cessoire, auquel on ne peut, bien entendu, sa- crifier la santé des ananas, considérés comme le produit principal. La plupart des fraisiers ainsi chauffés avec excès portent très peu de fleurs; mais comme leur culture ne cause aussi que très peu de dépense et de peine,-on se con- tente du peu de fraises qu’on en obtient, Lors- qu’on accorde aux fraisiers un local spécial, ce qu’on doit faire quand on veut en forcer une bonne quantité, il ne faut leur donner en com- mençant que 10 degrés; au moment de la flo- raison, on porte la température à 15 degrés maintenus pendant la formation du. fruit. Si lon fait marcher de front la culture des frai- siers et celle des ananas, on peut porter dans la serre aux ananas les fraisiers dont les fruits sont à moitié de leur grosseur ; une haute tem- pérature en accélère la maturité. Trois espèces sont essentiellement propres à la culture forcée ; leurs produits se succèdent dans la serre comme ils se succèdent naturel- lement en pleine terre à l'air libre, ce sont : 1° La fraise des Alpes des quatre saisons ; la variété dépourvue de ceulants (buisson de Gail- lon) est la meilleure. ° . | 2° La fraise écarlate ;: la meilleure est l’é- carlate de Virginie. 3° La fraise ananas; le gros capron com- mun est le plus avantageux. ., Les fraisiers forcés doivent être fréquem- ment arrosés; on ne doit, lorsqu'ils sont en fleurs, les arroser qu’au collet de la racine ; l’eau répandue sur les feuilles et les fleurs di- minue sensiblement les produits. Après la ré- colte, les pots contenant les fraisiers qui ont HORTICULTURE. LIVRE VIII. été forcés se placent en terre, dans une posi- tion ombragée ; en leur donnant les soins né- cessaires, ils peuvent être forcés une seconde fois et donner l'hiver suivant une seconde ré- colte aussi abondante que la première. $ III. — Melon. Le melon est, ainsi que le fait observer M. Lindley, la seule plante annuelle cultivée dans les jardins qui donne un fruit mangeable et même assez bon, à l'état sauvage, c’est-à- dire tel qu’il croît dans son pays natal (Asie- Mineure), sans avoir été modifié par la culture. Par compensation, le melon est de toutes les plantes de sa tribu (cucurbitacées) celle qui croit le plus lentement, de quelque manière qu'on s’y prenne pour hâter sa croissance. Ainsi le concombre, plante très voisine du me- lon, botaniquement parlant, peut donner son fruit mûr par la culture forcée 50 et même 45 jours après avoir été semé ; les melons les plus hâtifs, forcés dans les circonstances les plus favorables mettent toujours au moins de 75 à 80 jours avant de donner des fruits mûrs. Mais cetie durée de la végétation du melon peut être de beaucoup augmentée par l’époque à la- quelle on a commencé leur culture forcée. Le minimum de 75 jours ne s'obtient que pour les melons semés en mars, aux approches de Pé- quinoxe, époque à partir de laquelle les jeunes plantes peuvent profiter des longs jours et de la vive lumière qui leur auraient manqué en hiver. Quand on force des melons à partir de décembre, il leur faut de 110 à 120 jours pour donner des fruits mûrs; si l’on commence à la fin de janvier, il faut de 90 à 100 jours. Les melons semés à ces deux époques ne valent pas ceux qu’on commence à forcer un mois plus tard, à la fin de février; ils ne les devan- cent pas de plus de 8 à 10 jours, mais cette dif- férence en donne une très importante sur les prix. Les melons forcés encore plus tard, du 20 mars au 1” juin, sont les meilleurs de tous; mais ils ne sont pas de grande primeur, parce qu’ils ne devancent pas d’assez loin les melons de pleine terre. Ainsi que nous l’avons déjà fait observer, on ne mangerait pas un seul melon mür en France, excepte sur notre extrême frontière du midi, si l’on ne hâtait sur couche les melons destinés à terminer leur croissance en pleine terre. Les procédés que nous avons décrits en traitant de la culture naturelle du melon sont les mêmes pour la culture forcée ; nous m’avons rien à ajouter à ce que nous avons dit des méthodes de transplantation et de taille du melon. (Voir culture naturelle, page 237 et suivantes.) Pour la culture forcée, les semis en pot sont préférables aux semis à même la couche qui exigent plus tard un repiquage en pot, puis une transplantation. Les jardiniers anglais suivent constammentcette dernière méthoderecomman- dée par tous leurs auteurs qui seraient fort embarrassés de la justifier. On enterre les pots jusqu'au bord dans la couche; lotsqu'ils ont — TITRE IV. CULTURE FORCÉE DES VÉGÉTAUX COMESTIBLES. 275 besoin d’être arrosés, on les bassine avec de | avoir des récoltes qui se succèdent sans inter- l'eau dégourdie dans laquelle on a délayé un peu de colombine en poudre pour activer leur végétation. Pendant la première période de leur croissance, depuis les semis jusqu’au moment où le fruit est bien noué, les melons forcés veu- lent une température de 16 à 18 degrés, et plus tard 18 à 25 degrés, en augmentant pro- gressivement jusqu’à l’époque de la maturité des fruits; on ne peut trop recommander de n’arroser les melons forces qu'avec beaucoup de prudence, et seulement pour éviter une sé- cheresse absolue; rien ne nuit plus aux melons forcés que des arrosages trop abondants. Les jardiniers anglais obtiennent de leurs melons forcés deux recoites de suite , et la se- conde de ces deux récoltes est souvent meil- leure que la première. Cette méthode s’appli- que surtout avec avantage aux melons dont les fruits ont müri dans la première quinzaine de juin. Aussitôt que le fruit est cueilli, on taille court pour provoquer deux pousses latérales qu’on taille elles-mêmes quelques jours plus tard, ce qui donne en tout quatre bonnes pous- ses. On renouvelle alors avec précaution le terreau du dessus de la couche autour de cha- que plante qu’on arrose largement jusqu’au moment de la floraison, après quoi l’on n’a plus qu'à traiter ces melons comme du plant de se- mis qui serait parvenu au même état de végé- tation. Quand les nuits deviennent fraiches, on couvre les chässis de paillassons ; on donne de l'air, tant que la température le permet, et de ombre pendant les journées de grande cha- leur, et lon obtient des melons mürs vers la fin de, septembre, quelquefois plus tôt. En France, ce procédé n’est pas suivi, et il mérite peu de l'être, si ce n’est sur notre frontière du nord. Partout ailleurs les melons ainsi obtenus, quoique très bons sans aucun doute, se trou- veraient en concurrence avec la grande abon- dance des melons obtenus en pleine terre par la culture naturelle. En Angleterre, au con- traire, on ne cultive pas de melons autrement que par la culture forcée, par conséquent les fruits de la seconde récolte se placent avec presque autant d'avantages que ceux de la pre- mière. $ IV. — Concombre, La consommation du concombre en France n’est pas très étendue, si ce n’est dans nos dé- partements du midi où la douceur de la tem- pérature et la brièveté des hivers permettent d’en jouir très longtemps sans recourir aux procédés de la culture forcée Sous le climat de Paris il n’en est pas tout-à-fait de même ; mais si les concombres étaient aussi généralement recherchés à Paris qu'ils le sont, par exemple, en Angleterre, rien ne serait plus facile que d’en avoir presque toute l’année. À la fin de janvier et dans les premiers jours de fevrier, on sème sur une couche chaude, préparée comme pour les melons, les con- combres de grande primeur. Lorsqu’on tieat à ruption, on continue de semer de 15 en 15 jours, jusqu’au printemps. Plus les jours allon- gent, plus on avance vers le beau temps, et plus la végétation des concombres forcés est | rapide. Les premiers semés ne mettent pas moins de 60 à 70 jours pour donner leur fruit ; les derniers donnent des fruits bons à être cueillis mürs en 40 ou 50 jours. Les concombres se multiplient également bien de boutures ; il faut les planter dans le terreau de la couche, dans une position très oblique, et les couvrir d’une cloche jusqu’à ce qu’ils aient repris, puis les accoutumer peu à peu au con- tact de l'air, et les traiter ensuite comme du plant de semis. Le concombre forcé veut 14 à 15 degrés la nuit, et 16 à 17 degrés pendant le jour jusqu'à l’époque de sa floraison; on peut alors aug- menter graduellement la chaleur pour la porter à 20 degrés, et l'y maintenir avec beaucoup d'égalité au moyen de réchauls placés à cet effet sur les côtés de la couche (voir Couches, p. 34). Les concombres sont bons à êtrecueillis de 15 à 20 jours après que le fruit est noué. $ V. — Tomates et piment La facilité de conserver pour la consomma- tion d'hiver le suc exprimé à froid des tomates müres à l’arrière-saison donne peu d'intérêt à la culture forcée de ce fruit, culture qui n'offre du reste aucune difficulté. Au lieu de semer au printemps, comme on le fait pour avancer les tomates qui doivent achever de croitre et de fructifier en plein air, on sème dès la fin de janvier, et l’on transplante de bonne heure sur couche tiède. Une tempéra- ture de 10 à 12 degrés suffit jusqu'aux appro- ches de la maturité du fruit; on peut alors la porter à 15 ou 16 degrés. Les tomates forcées n'ont pas assez de valeur pour trouver place dans la serre à forcer ou les bâches du jardi- nier de profession ; elles ne peuvent être qu’un objet d'agrément pour le jardinier amateur. Les piments ou poivrons, dont le fruit, d’une saveur poivrée trèsprononcée, s'emploie comme assaisonnement , ne sont cultivés en grand que dans le midi où l’on en connaît 3 ou 4 variétés qui toutes ont des propriétés identiques. Sousle climatde Parison nepeut obtenir ce fruit quesur couches, exactement comme les tomates. On voit quelquefois figurer comme plante d’orne- ment sur le marché aux fleurs, à Paris, des piments chargés de leurs fruits mûrs d’un beau rouge ; ces fruits séchés au soleil s’emploient comme eépice, mais toujours en très petite quantité. Liste des produits qu'on peut obtenir chaque mois d'un jardin fruitier et potager bien tenu, sous le climat de Paris. Les listes suivantes constituent une sorte de calendrier approprié au jardin fruitier et au potager, inutile sans doute au jardinier qui sait 276 son métier, mais fort utile à tout amateur, à tout propriétaire qui veut n'être pas tout-à- fait à la discrétion de son jardinier, et connai- tre d'avance quelles sont les productions que HORTICULTURE. celui-ci doit savoir lui fournir successivement, | sauf le chapitre des accidents et des mécomptes causés par les intempéries des saisons. Nous considérons, pour plus d'ordre et de clarté, comme appartenant à Chaque mois de l’année, les produits qui, récoltés durant les mois anté- rieurs, peuvent avoir été conservés, et être livrés à la consommation aux époques que nous indiquons. Janvier. a. Plantes de pleine terre, à l’état frais. Chou d’Alsace, de Milan, chou rouge, chou vert, spruyt de Bruxelles, épinards, oseille, persil, poirée, belte, poireaux, mâches. b. Plantes fraiches, sur couches, sous châssis. Laitue, chicorée, céleri, cresson alénois, radis roses, petites raves, radis noirs (raifort), champignons. c. Produits conservés frais. Carottes, navets, pommes de terre, topinambours, oxalis, panais, betteraves, salsifis, scorsonéres, sco- lymes d’Espagne, artichauts, choufleurs, brocolis. d. Produits conservés secs. Haricots, fèves, pois, lentilles, ognons, ail, échalot- tes, coriandre, anis, fenouil, e. Plantes et fleurs sèches. Thim, sauge, marjolaine, mélisse, camomille romaine, fleurs pectorales. Fruits. Pommes, poires, coings, néfles, raisin, amandes, noix, noiseltes, châtaignes. Quelques grappes de raisin, prunes, cerises du nord, et groseilles, peuvent avoir été conservées jus- qu'à cette époque sur la branche qui les a nourries, et paraitre au dessert à l'état frais. g. Produits forcés. Haricots verts, pommes de terre, salades, radis. Ananas, melons d’hiver, raisin, fraises, oranges, gre- nades, et autres fruits des tropiques peu répandus, qui se forcent comme l'orange (jambos ou jamrose, mangue, banane, goyave, etc.), batate. Février. Pour les lettres a, b, d, e, mêmes produits qu’en janvier. ce. Produits conservés frais. Les artichauts, choufleurs et brocolis conservés sont épuisés ; le reste comme en janvier, f. Fruits. Poires, pommes, nèfles, coings, raisins conservés, amandes, noix, châtaignes, g. Produits forcés. Mèmes produits qu'en janvier ; asperges furcées, LIVRE VIfi. Mars. Mmes produits qu'en février; mais les espèces de fruits conservés frais dans le fruitier deviennent moins nombreuses. Il faut ajouter aux fruits forcésles premiers concom- bres ; les fraises et le raisin forcés doivent donner en abondance. Av räl. a. Plantes fraiches de pleine terre. Les choux pommés, y compris les choux rouges, sont épuisés ; il ne reste en pleine terre que les spruÿts, ou choux de Bruxelles, et quelques choux verts. Les premiers choux d’York et cœurs-de-bœuf sont bons à être cueillis à la fin d'avril. Radis et petites raves. f. Fruits. , Poires, pommes, les dernières grappes de raisin, noix À te] » ? noiseltes, amandes, g. Produits forcés. Mèmes produits qu’en mars, auxquels il faut ajouter les premiers melons forcés. Les haricots verts, les pois et les fèves forcés doivent être en pleine ré- colle; prunes et cerises sur arbres nains en pots; le reste comme ci-dessus. L] a. Produits frais de pleine terre. Choux d'York, premiers choux blancs pommés, chou- fleurs, brocolis, premiers pois verts sur les costiè- res bien exposées, radis et petites raves, salades de toute espèce, asperges en pleine récolte, petits ognons, ciboules, civelte, fournitures de salade de toute espèce. e. Plantes et fleurs aromatiques et médici- nales. Sauge, menthe, marjolaine, mélisse, fleurs pectorales à l'état frais. f. Fruits. Derniers produits du fraitier, g. Produits forcés. Haricots verts et en grains frais, concombres, anana, melons, fraises, pêches, figues, cerises, groseilles, prunes. Juin. a. Plantes fraiches de pleine terre. Toutes les espèces de choux d'été, de choufleurs et de brocolis ; haricots verts, et-à la fin du mois ha- ricots en grains ; pois verts, fèves de toute espèce; carottes, turneps, radis ; pommes de terre nouvelles; épinards, tétragone, oseille, arroche, bettes; asper- ges ; artichauts précoces ; salades de toute espèce et fournitures de salades ; ognons, ciboules et civettes, à l’état frais. b. Plantes fraiches sur couches. Champignons. cet d. Les produits conservés secs et frais sont à peu près épuisés. TITRE IV. nales. Angélique pour confire; fleurs et plantes du mois RER ee. PUR précédent, à l’état frais ; on commence à les sécher pour l'hiver. f. Fruits. Premières cerises précoces à l’espalier au commence- ment du mois; pleine récolte de cerises à la fin du mois ; fraises, groseilles, framboises ; le fruitier n'offre plus que les fruits à coque ligneuse (noix, noiseltes, amandes). g. Produits forcés. Les mèmes que pour le mois précédent; de plus, abri- cols. Juillet. a etb. Plantes fraiches de pleine terre et de couches. Tous les produits du mois précédent, moins les asper- ges qui sont épuisées ; cornichons nouveaux ; céleri. cet d. Les produits conservés frais sont épui- sés; les produits en grains secs pour la consommation d'hiver (pois, fèves, hari- cots) commencent à se renouveler. e. Plantes et fleurs aromatiques et médici- nales. Comme le mois précédent. f. Fruits. Pèches, brugnons, abricots, prunes précoces, premières poires d’été, premières pommes précoces, dernières cerises, groseilles, framboises, fraises, melons et concombres. Dans le fruitier, fruits à coque ligneuse. g Produits forcés. Les mêmes que ceux du mois précédent. Août. a. Plantes fraiches de pleine terre. Tous les produits du mois précédent ; de plus, topinam- bours, betteraves jaune et rouge, salsifis, scorso- nère, scolyme, ail, ognons, échalottes, cardons, ci- trouilles et giraumons, tomates et aubergines, b. Plantes fraiches sur couches. Champignons. cetd. Sans usage à cause de la grande abon- dance des produits frais ; récolte de légu- mes secs pour la provision d'hiver. e. Récolte et conservation de plantes aroma- | tiques et médicinales. f. Fruits Pommes, poires, prunes, pêches, brugnons, abricots, figues, groseilles, fraises, framboises ; amandes frai- ches, noix pour cerneaux, noiseltes fraiches; me- lons, fraises, framboises. g- Produits forcés. Batates nouvelles ; ananas, raisin, figues ; oranges, ci- irons, grenades ; goyaves et fruits des tropiques en abondance. CULTURE FORCÉE DES VÉGÉTAUX COMESTIBLES. e. Plantes et fleurs aromatiques et médici- | 277 Sepiembre. a. Plantes fraiches de pleine terre. Tous les produits du mois précédent ; céleri-rave. b. Plantes fraiches sur couches. Champignons. c,dete. Comme le mois précédent. f. Fruits. Tous ceux du mois précédent, moins les variétés pré- coces épuisées ; raisin blanc et noir. g. Produits forcés. Tous ceux du mois précédent. Detobre. a. Plantes fraiches de pleine terre. Choux pommés, choux de Milan, choufleurs, brocolis, derniers pois verts d’arrière-saison, derniers hari- cols frais en grains, haricots verts; pommes de terre, topinambour, oxalis crenala, carottes, navets, pa- nais, salsifis, scorsonère, scolyme, artichauts, car- dons, céleri, céleri-rave ; ail, ognons, poireaux, échalottes; dernières salades de pleine terre ; four- nitures de salades ; màches et raiponces. b. Plantes fraiches sur couches. Champignons. c Produits conservés frais. Citrouilles, giraumons ; pommes de terre et tous les légumes racines. d. Produits conservés secs. Haricots, pois, fèves, et tous les légumes sccs ; graines aromatiques (anis, fenouil, coriandre). e. Plantes et fleurs sèches. Toutes les plantes aromatiques et médicinales récol- tées en été. f-cEraits: Pommes, poires, coings, néfles, amandes, noix et noi- settes fraiches ; premières châtaignes ; dernières pêches d’automne à l’espalier, quelques pêches de plein-vent; prunes et abricots d'espèces tardives, à l'exposition du nord ; figues, groseilles, fraises, der- nières framboises ; raisins blancs en pleine récolte; derniers melons de plein air. g. Produits forcés. Ananas, grenades; fruits des tropiques ; batales. Novembre. a. Plantes fraiches de pleine terre. Toutes celles du mois précédent; premiers choux spruyts; épinards, oseille, persil. b. Plantes fraiches sur couches. Champignons. e. Produits conservés frais. Tous ceux du mois précédent ; plus, choux, choufleurs, brocolis, chicorée, scarole, 278 d. Produits conserves secs. Tous ceux du mois précédent. e. Plantes et fleurs sèches. Toutes les plantes aromatiques et médicinales récol- tées en été. 1. rUIES: Pomines, poires, coings, nèfles, amandes, noix, noi selles, châtaignes ; dernières groseilles en plein air; cerises de novembre (curiosité); raisins conservés sur le sarment; melons conservés g. Produits forcés. Anauas; premières salades et premiers radis forcés ; batates. Décembre. a. Plantes fraiches de pleine terre. Choux d'Alsace, chou de Milan, chou rouge, chou vert, chou spruyt de Bruxelles (en pleine récolte); épinards, oseille, persil, poireaux, mâches. b. Plantes fraiches sur couches. Champignons, satades, radis, petites raves. c. Produits conservés frais. Tous ceux du mois précédent. d. Produits conservées secs. Tous ceux du mois précédent. e. Plantes et fleurs sèches. Toutes les plantes aromatiques et médicinales récol- tées en été. f. Fruits. Pommes, poires, coings, néfles ; châtaignes, amandes, noix, noiselles ; raisin conservé sur le cep, groseilles eimpaillées ; melons empaillés. g. Produits forcés. Ananas, melons d'hiver, batates. TITRE V. — CULTURE DES VÉGÉTAUX D'ORNEMENT. CHAPITRE 1%. — FLORICULTURE. SECTION 1'°. — Fleurs de pleine terre. $ 1°°.— Parterre, Choix du local; préparation du terrain, Nous donnerons à cette partie de notre tra- vail autant de développement que le permet le cadre dans lequel nous sommes forcés de nous renfermer. Les jardins paysagers, avec leurs dépendances d’orangeries et de serres chaudes et tempérées, ne sont accessibles qu’à un bien petit nombre d'amateurs, tandis qu’un parterre s’improvise sur une surface de quelques mètres de terrain ; celui qui dispose seulement de 8 ou 4 ares, et qui peut leur consacrer une dépense annuelle de 100 à 200 fr. , aura certainement, HORTICULTURE. LIVRE VIII. avec un peu de peine, qu’on peut regarder comme le plus agréable des délassements, un parterre aussi beau, aussi riche de fleurs de pleine terre que le possesseur d’un parc de 100 hectares, entretenu par une dépense annuelle de 40 à 50,000 fr. , comme on le voit fréquem- ment en Angleterre. Le mot parterre ne signifie en effet, dans sa véritable acception, qu’une ou plusieurs plates- bandes garnies toute l’année des fleurs qu’a- mène chaque saison. L’heureux climat de la France , sur tous les points de notre territoire, est tellement favorable à toute espèce de végé- tation , que partout l'établissement d’un par- terre est une chose aussi facile qu’agréable ; seulement les départements du midi ont à souf- ffir une moindre interruption de jouissances, en raison de la brièveté des hivers. L’on ne choisit ordinairement l'emplacement d’un par- terre que lorsqu'il est à créer, près d’une habi- tation récemment construite; mais, comme il n'exige aucune disposition spéciale qui rende le sol qu’il occupe impropre à toute autre des- tination, il peut toujours être déplacé, ce qui donne à cet égard une assez grande latitude. La nature du sol et celle du climat doivent influer sur le choix; en général, on place le parterre mieux au nord qu’au midi des bâti- ments habités; la raison en est simple. Les fleurs ont presque toutes une disposition natu- relie à incliner leur corolle vers le soleil, dont plusieurs suivent très exactement la marche sur l'horizon. Supposez le parterre au sud de la maison à la décoration de laquelle il doit con- courir, On ne verra jamais des fenêtres de la maison que l'envers des fleurs, tandis que sil est au nord elles tourneront vers les fenêtres toute leur parure. Si cette condition ne peut être remplie, le parterre doit être mis à l’est ou à l’ouest de la maison, afin que les fleurs montrent leur corolle , sinon de face, au moins de trois quarts. Toutes les formes peuvent être données aux planches du parterre, selon son étendue et le goût de celui qui le dessine ; néan- moins, quelques plates-bandes rectangulaires, dirigées autant que possible de l’est à l’ouest, seront réservées pour les plantes qui, présen- tant dans le même genre un grand nombre d'espèces, ou dans la même espèce un grand nombre de variétés, se cultivent par séries, et portent spécialement le nom de fleurs de col- lection. En général , la forme à donner aux plates- bandes du parterre est subordonnée au point de vue sous lequel ces plates-bandes doivent être vues le plus habituellement ; elles ne doi- vent jamais, quelle que soit cette forme, avoir une largeur telle que les plantes y fassent con- fusion. La plus grande dépense pour la création d’un parterre, comme pour celle de toutes les autres parties du jardin, consiste dans l’amélioration du sol. Tres souvent la qualité de la terre n’est pas prise en assez grande considération lors- qu’on bâtit une maison de campagne; Ja vue, TITRE V. le paysage , la proximité d’une propriété , dé- terminent le choix de l'emplacement , puis , quand la maison est bâtie on songe au jardin , et l’on reconnait la plupart du temps que le ter- rain ne se prête pas au jardinage. Alors, vien- nent les défoncements , les remblais , les terres rapportées; nul ne sait où de telles dépenses le conduiront lorsqu'il entre dans cette voie, même pour un terrain de peu d’étendue. Une faute que nous avons vu se renouveler presque toujours, augmente encore des frais déjà très considé- rables ; on répand la terre rapportée sur toute la surface du parterre, puis on en dessine les allées ; il en résulte que le sol des allées, dont la qualité est évidemment indifférente , recoit autant de bonne terre que tout le reste. Il faut marquer avec des piquets la place des plates- bandes, en extraire, pour consolider le sol des allées, les pierres ou la terre trop compacte, et reporter sur la place que doivent occuper les fleurs, toute la terre de bonne qualité dont on peut disposer. Cette observation est beaucoup plus importante encore pour le parterre que pour le potager, car dans celui - ci on ne laisse que les allées et les sentiers nécessaires au ser- vice, tandis que le parterre est essentiellement un lieu de promenade auquel il faut de larges allées. Lorsque le parterre peut être orné d’un bas- sin alimenté par un filet d’eau vive, cet embel- lissement facilite beaucoup la culture; pour les parterres qui n’ont pas cet avantage, quel- ques tonneaux enterrés, €omme nous l'avons indiqué pour le potager (voir Arrosage), sont indispensables. En les tenant constamment remplis bord à bord, loin de nuire au coup d'œil, ils font au contraire un effet très agréa- ble lorsqu'on a soin de les entourer d’un gazon toujours vert, mêlé d’iris , de glayeuls et d’au- tres plantes amies de l’humidité, munies de larges feuilles qui dissimulent les bords des tonneaux. Une couche sourde est nécessaire pour four- nir toute l’année au parterre le plant de fleurs dont il a besoin, mais quand un potager est joint au parterre, la place naturelle de cette couche cst à la suite des autres, dans le pota- ger ; sinon , il faut la placer dans le lieu le moins apparent du parterre. En Angleterre et en Belgique , on suit à l’é- gard des parterres un usage moins générale- ment répandu en France; il consiste à donner dans les jardins paysagers un très large déve- loppement au parterre, et à en faire, pour ainsi dire profiter le public, en le plaçant dans une situation qui le rende visible du dehors. Tous les voyageurs qui ont parcouru la route de Bruxelles à Malines, pendant l'été, savent qu'elle doit à cette attention de la part des pro- priétaires, l'aspect d’un jardin de 25 kilomètres; nous citerons , entre autres, la propriété de M. le baron de Wellens, à Troisfontaines, qui lait jouir les passants d’un parterre de 2 mètres | de large, parallèle à la grande route, sur une | longueur de 200 mètres. Il est vrai qu’en An- FLORICULTURE. | 219 gleterre, comme en Belgique , il se passe rare- ment, même au cœur de l'été, plusieurs jours de suite sans pluie, ce qui exempte les jardins du fléau destructeur de cette poussière calcaire si préjudiciable à nos fleurs quand le parterre est trop voisin d’une grande route. $ II. — Bordures. La place du parterre étant choisie , dessinée et amendée selon le besoin, il faut s'occuper de le garnir. Le premier objet auquel on doit son- ger, c’est à se procurer des bordures pour les compartiments. L’antique buis nain, jadis en possession exclusive de soutenir les plates- bandes bizarrement dessinées des jardins pri- vés et publics, s’harmonisait assez bien avec la tristesse monotone de leurs longues lignes droites; on le retrouverait à peine dans quel- ques jardins de châteaux habités par d’anciennes familles à idées surannées en horticulture. Dans les parterres de quelque étendue on préfère à toute autre bordure le gazon, fréquemment ar- rosé et tondu très court toutes les semaines, en été, pour qu’il ne vienne jamais à graine, ce qui emplirait les plates-bandes de mauvaises herbes. Pour les parterres de dimensions bor- nées, on emploie de préférence les bordures à fleurs , soit annuelles, soit vivaces; les der- nières ont de plus que les autres l’avantage de soutenir la terre en toute saison, ce qui n’est pas sans importance dans les jardins sables dont les allées ne sont pas très larges ; le peu de terre qui descend perpétuellement des plates- bandes dans ces allées, finit par envahir le sa- ble et par en rendre l'effet presque inutile, quant à la propreté. A. — Bordures vivaces. Les plantes propres à servir de bordures, soit vivaces, soit annuelles, sont nécessaire- ment peu nombreuses; les principales conditions qu’elles doivent réunir sont : 1° une touffe ser- rée qui puisse constituer des lignes parfaite- ment pleines; 2° une verdure agréable, persis- tant après l’époque de la floraison ; 3° une flo- raison suffisamment prolongée ; 4° des tiges ou hampes qui ne s'élèvent pas assez pour mas- quer les fleurs derrière elles dans la plate- bande. Chaque horticulteur doit choisir , selon la localité, les plantes qui rentrent le mieux dans les conditions que nous venons d’énoncer. Nous indiquons ici quelques - unes des plus usitées ; leur mode de culture fera juger , par analogie , de celui que réclament les autres. 1. Thym. On peut, à volonté, planter les bordures de thym (fig. 318 b.,soit au printemps, soit en au- tomne ; mais à l'exception des contrées exposees à des hivers très rigoureux, la plantation en automne est Ja plus avantageuse, parce que les racines étant formées avant l’époque des grands froids, la plante peut au printemps faire servir toute son énergie vitale à la production des fleurs. Pour créer une bordure de thym, ou la ra- jeunir, si le sol et l'exposition sont convena- bles, il ne faut pas s’occuper des racines, mais choisir les touffes, enracinées ou non, qui pré- sentent la végétation la plus vigoureuse et les planter inelinées dans un sillon de 0m,20 à Om,25 de profondeur, en laissant seulement dépasser la partie supérieure des tiges, à la longueur de 0,05. Ce mode de plantation sans racines est un véritable bouturage, qui n’exige d'autre précaution que celle de tasser forte- ment la terre sur les tiges enterrées. Lorsqu'on n’est pas dans l'intention d’utiliser les produits de ces bordures, et qu’on ne cherche pas par conséquent à leur donner le plus grand déve- loppement possible, il est bon de les planter très serrées; le thym reprend toujours, car sa force végétative est très grande; planté trop épais, il donne des tiges moins hautes, ce qui vaut mieux pour les plantes de la plate-bande. Lorsque le thym est tondu très court dès les premiers jours du printemps, ses tiges à fleurs poussent plus nombreuses et plus fournies. Il ne faut jamais attendre plus de trois ans pour arracher et rajeunir les bordures de thym. 2. OEïillet mignardise. De même que le thym, l’œillet - nain, connu des jardiniers sous le nom de mignonette ou mignardise , peut être planté sans racines, et donner des bordures parfaitement fournies; il est seulement un peu plus difficile sur la qua- lité du terrain. Il ne doit pas non plus être planté tout-à-fait aussi épais, parce qu’il tale beaucoup. Du reste, il est rustique et supporte également bien les froids rigoureux et les sé- cheresses prolongées. Sa fleur, dont tout le monde aime l’odeur, analogue à celle du gé- rofle, dure plus d’un mois. Elle est plus durable encore, lorsque les touffes, étant assez épaisses, bordent une plate- bande dirigée de l’est à l’ouest; dans ce cas, les boutons exposés au midi s'ouvrent près de 15 jours avant les au- tres; la floraison, pour l’ensemble, est plus pro- longée. La meilleure variété d’œillet-mignardise pour bordure porte une fleur d’un rose clair, elle est semi-double et faiblement couronnée, c’est-à- dire marquée au centre d’une tache seulement un peu plus foncée que le reste de la corolle ( fig. 319). Les fleurs de cette variété ont l’a- vantage, comme bordures, de résister parfai- tement aux pluies d’orages, et de former de belles lignes sans interruption. La variété du même œillet à fleur très double, à fond blanc, couronnée de pourpre foncé, est incontestable- HORTICULTURE. LIVRE VIII. ment plus belle ; mais pour bordure, elle a l'in- convénient grave de donner des fleurs trop lourdes pour leurs tiges, que la moindre averse suffit pour coucher et salir ; puis elles sont tou- jours moins nombreuses que les fleurs de l’œil- let-nain, semi-double. 3, Bellis. Cette petite plante, plus connue sous le nom de päquerette à fleur pleine (fig. 320), se plait surtout dans les terrains frais, qui lui convien- nent particulièrement ; une touffe peu volumi- neuse suffit pour une grande longueur de bor- dure, parce qu’on peut la diviser presque à l'infini, chaque pied enraciné, si petit qu'il soit, devenant rapidement une grosse touffe qui se couvre de fleurs pendant près de six se- maines ; il ne faut la planter qu’au printemps, pendant les premiers beaux jours du mois de mars. Il faut observer principalement dans cette opération l’état des racines fibreuses ; lors- qu’elles ne sont pas saines, les pieds, même vi- goureux en apparence , ne reprennent pas, ce qui produit des vides dans la bordure. Les bor- dures de bellis doivent être renouvelées tous les deux ans; elles pourraient durer bien plus longtemps, mais à mesure que les toulfes s’é- tendent, les fleurs dégénèrent. Parmi les bordures vivaces que chacun peut se procurer partout, à aussi peu de frais que les précédentes , les plus agréables sont les prime- vères et les violettes simples et doubles, spécia- lement la simple remontante, qu'on peut, avec des soins de culture très faciles, obtenir en fleurs pendant dix mois de l’année. 4. Arenaire ou sabline de Mahon. Rien de plus délicat et de plus gracieux que cette petite plante avec sa verdure d’émeraude rehaussée par le blanc d'argent de ses fleurs (fig. 321). Jusqu’ici, elle n’a guère été employée qu'en raison de la rapidité avec laquelle elle s'étend, presque sans le secours d'aucune terre végétale ; aussi sert-elle avec avantage, dans les jardins paysagers, à masquer ou à dé- corer de belles taches de verdure, des pans de rocher. M. Fion, dans son jardin d'hiver, en a formé des bordures d’un très bon effet. Le sable et la terre de bruyère dans laquelle le sable domine, lui conviennent de préférence aux autres sols ; elle peut done former de char- mantes bordures la où les autres fleurs propres à cet usage auraient beaucoup de peine à croître ; son seul inconvénient paraît être dans la force de sa végétation qui lui fait en peu de TITRE V. temps envahir un grand espace, mais il est fa- cile de la restreindre en rognant ies bordures chaque fois qu’on lestrouve trop larges, comme on le fait pour les bordures de gazon. B. — Bordures annuelles. Ces bordures sont de simpie décoration, elles n'ont point, comme les précédentes, l'avantage de soutenir toute l’année les bords des plates- bandes du parterre ; mais elles ont celui de pouvoir se succéder et de donner ainsi dans l’année plusieurs floraisons. Lorsque les plates- bandes sont très larges, comme elles le sont toujours quand le parterre fait partie d’un grand jardin paysager, on peut, en arrière de la bordure vivace, semer à plusieurs reprises une bordure annuelle, qu’on arrache pour re- nouveler le semis dès que ses fleurs sont flétries. Peu de fleurs remplissent mieux cet objet que la petite hespéride maritime, plus connue sous le nom de giroflée de Mahon (fig. 322); elle est 322. US annuelle, mais remontante, c’est-à-dire suscep- tible de refleurir peu de temps après sa pre- mière floraison, si, dès que celle-ci est passée, on a soin de la tondre immédiatement et de l’arroser selon le besoin. Les semis peuvent être renouvelés trois fois dans l’année; ceux d'automne, destinés à fleurir au printemps, ne périssent que dans les hivers très rigoureux. La culture des bordures vivaces s'allie avec celle des bordures annuelles, quand on emploie les erocus comme bordures (voir Plantes de collection). Les crocus (fig 323) donnent leur fleur dès les premiers jours du printemps, et ne portent qu'un feuillage peu apparent, presque filiforme; on sème derrière eux une bordure annuelle, de manière à pouvoir, sans la déranger, retirer de terre en temps convenable les bulbes de crocus. Section II. — Plantes d'ornement. Ce terme qui comprend à la rigueur tous les végétaux cultivés pour la beauté de leurs fleurs ou de leur feuillage, ne s'applique, selon l'usage des jardiniers, qu’aux piantes de pleine terre, qui peuvent figurer comme ornement dans nos jardins. À part toute division scientifique, ces plantes peuvent être rangées en deux gran- des classes, les plantes de parterre proprement dites, c'est-à-dire toutes les plantes d'ornement de pleine terre, à l'exclusion des plantes de col- lection, et les plantes de collection, c'est-à-dire toutes les plantes d'ornement de pleine terre, dont les espèces et les variétés, sont l'objet BORTICULIURE, FLORICULTURE. 281 d'une culture à part, sans mélange avec d’autres fleurs. Q 127. — Multiplication des plantes de parterre. Les moyens les plus usités pour multiplier les plantes de parterre sont : les semis, les bou- tures. les marcottes, la séparation des rejetons et l’éclat des racines. A. — Sernis. C’est le mode le plus simple et le plus usité, parce qu’il est le moins dispendieux. Les ama- teurs qui ne récoltent pas eux-mêmes toutes les graines de fleurs que réclame l'entretien de leur parterre, doivent apporter une grande at- tention dans le choix des graines achetées, et ne point craindre de s'adresser aux marchands les plus sûrs, quand même ils devraient paver un peu plus cher; car de tous les petits contre- temps qui contrarient la bonne tenue d’un par- terre, il n’en est pas de plus désagréable que celui qui résulte d’un semis de graines dont on attend inutilement la végétation. Les semis qui ne réussissent point en place, se font mieux sur couche sourde que sur le sol le mieux amendé. On peut réserver à cet elfet une couche usée dans le potager, ou, à défaut de cette ressource, enterrer une charretéede fu- mier à demi consommé, à 0,32 de profondeur, le bien fouler jusqu’à fleur de terre et le cou- vrir de 0,15 de bon terreau. Les semis de plantes annuelles sur couches ont surtout l’a- vantage d’en hâter et d’en prolonger la florai- son, de sorte qu’on peut jouir plus d’un mois d'une fleur qui, livrée à sa végétation natu- relle, ne durerait pas plus de huit jours. Le changement brusque et complet de re- gime ne nuit pas moins aux plantes qu'aux animaux. Une balsamine. par exemple, trans- portée peu de temps avant sa floraison , d’un milieu très nourrissant, comme le terreau d’une couche sourde, dans un sol pauvre et dur, en supposant qu’elle n’y périsse pas. n’y donnera qu'un feuillage maigre et des fleurs chétives. Le plant de toutes les fleurs annuel- les, élevé sur couche, doit recevoir, au mo- ment de la transplantation, une bonne poignée de fumier ou de terreau à chaque pied, il faut en outre, en Penlevant avec précaution, con- server autour du chevelu de la racine une por- tion du terreau de la couche. Les semis en place des plantes annuelles qui ne supportent pas le repiquage, telles que le Fig. 325, convolvulus tricolor ou belle de jour (fig. 324), T. V. — 36 282 l'ipomée , belle de nuit (fig. 325), les pavots HORTICULTURE, LIVRE VIII. général, les boutures doivent être prises sur annuels (fig. 326), les lavateres (fig. 327) et des | les rameaux les plus vigoureux , dans le mo- 326. Fig. 327, centaines d’autres, doivent toujours être faits, selon les espèces, soit sur terreau, soit sur fu- mier, recouvert de bonne terre. B., — Boutures. Ce moyen, qui pourrait être employé snr une très grande echelle, le serait en eflet, si les autres n'étaient à la fois plus sûrs et plus fa- ciles. Dans l’état actuel de l’horticulture, lon ne multiplie guère de boutures que quelques plantes annuelles et bisannuelles à fleurs dou- bles, qu’on ne serait pas certain d'obtenir dou- bles de graine ; les boutures de plantes vivaces réussissent moins aisément. Les plantes qu’on bouture le plus communément, sont la lychnide de Chalcédoine (fig. 328), croix de Malte 329. double des jardiniers, en juin, la giroflée ra- meau d’or, brune et pourpre (fig. 329) en mai, quelques mathioles (fig. 330), et d’autres plan- ment de leur plus forte végétation. C. — Marcottes. Les marcottes réussissent principalement sur les plantes à tiges articulées, comme la sapon- naire (fig. 331), l’œillet (fig. 332), et quelques autres. Le renflement des tiges donne très ai- sement naissance aux racines dont la formation peut encore être favorisée par une incision peu profonde, pratiquée à la partie inférieure d’une ou de deux articulations. Parmi les plantes de parterre on ne marcotte guère que les œillets et quelques Iychnis. Le marcottage des œillets est très facile et réussit toujours avec un peu de soin. On déchausse circulairement la plante- mère à quelques centimètres de profondeur, sur un rayon variable en proportion de la lon- gueur des tiges à marcotter ; on étale chacune d’elles séparément, en les débarrassänt des feuilles plus ou moins endommagées, et l’on retranche l'extrémité des feuilles destinées à rester en dehors ; on assujettit les marcottes au moyen de petites crossettes de bois, et l’on butte la terre par-dessus, en la pressant légère - ment. Pour les variétés à tiges minces, comme l’œillet de Condé, l’incision n’est pas néces- saire; elle n’est indispensable que pour les œillets à tige forte et dure, comme l'æillet pro- lifère à fond blanc. La condition principale à remplir pour obtenir des marcottes bien enra- cinées, c’est de maintenir la portion de la tige, d’où doivent naître les racines, dans une posi- tion plus basse que celle de leur insertion sur la plante-mère (fig. 333). Si cette portion res- Fig. 333. tes analogues. On place dans des pots celles | tait dans une position horizontale , la nourri- qui doivent être rentrées pendant l'hiver. En | ture arriverait trop facilement de la plante- TITRE V. FLORICULTURE. 283 mère à la marcotte, et rien ne la solliciterait à chercher dans l'émission de racines nouvelles des. moyens d’existence qui lui soient propres. Un crochet en bois maintient chaque marcotte dans la position convenable. Nous n’entendons point parler ici des œillets de collection et de la manière de les marcotter (voir Plantes de collection). D. — Separation des rejetons. Toutes les plantes traçantes, telles que les potentilles (fig. 334), les achillées (fig. 335) et Fig. 335, 334. (fig. 339) et les delphinium vivaces (fig. 340 Fig. 340. Fis. 337, 336. peuvent être ainsi dédoublés tous les ans, sans qu’à l’époque de la floraison il en résulte dans le volume des touffes une diminution sensible, tant l’activité de leur végétation est prompte à reproduire l'équivalent de la partie enlevée. $ III. — Choix des plantes de parterre. L'horticulteur, surtout quand ses ressources lui permettent de se donner, pendant toute l’an- ‘ : k é née, un parterre aussi complétement garni que d elles-mêmes à ce mode de reproduction. Les | le aps le climat se lequel ï RC es rejetons ou Stolones sont séparés, soit au prin- | doit diriger toute son attention vers le choix et temps, soit à | automne ; ils peuvent l'être en | Ja succession des plantes de parterre de facon été avec le même succès, moyennant des arro- à couvrir ses plates- bandes pendant chaque sages abondants. Ces plantes sont en général | saison de l’année des fleurs le mieux assorties, toujours trop disposées à s'étendre, de sorte | sous les deux rapports essentiels des dimen- que l’on est dans la nécessité, chaque année, | sions et des couleurs de rajeunir les touffes en en retranchant le su- à perflu, sans quoi elles envahiraient prompte- Te SR ment tout le parterre. Lorsque la plate-bande est accessible des deux côtés, les plantes les plus élevées doivent en occuper le milieu, et si l’étendue de a Ce mode de multiplication s'applique à une | plate-bande admet plusieurs rangées parallèles, foule de plantes vivaces d’un très bel effet dans | on dispose les fleurs par rang de taille, en pla- les plates-bandes. On enlève toute la touffe, | cant les moins élevees vers les bords. Si la soit au printemps, soit à l'automne, et l’on en | plate-bande n’est accessible que d’un seul côte, forme deux touffes égales, en déchirant le col- | les fleurs seront en amphithéâtre, les plus let de la racine, mais de manière à ce qu’il | hautes occupant le bord le plus éloigne de l’al- reste suffisamment de chevelu de chaque côte; | lée. Lorsque les plates-bandes ne sont pas rec- l'on peut aussi trancher la touffe par le mi- | tangulaires, la raideur des lignes droites et la lieu, soit avec un couteau. soit avec le tran- | symétrie des espacements égaux ne sont pas chant de la bêche. Les aconits, les asters | nécessaires à la beauté du coup d'œil; on ne (fig. 337) , les polémonium (fig. 338), les phlox | doit avoir égard qu’à la végétation présumée E. — Eclat des racines. 284 des plantes pour leur accorder à chacune un espace tel qu’il n’y ait dans le parterre ni vide, ni confusion. La fig. 341, représentant la coupe d’une Fig. 341. plate-bande occupée par des fleurs de hauteurs diverses, fait suffisamment comprendre le parti qu'on peut tirer pour la bonne ordon- nance d’un parterre des différences de déve- loppement entre les plantes appelées à le dé- corer. | On suppose que cette plate - bande, adossée à un massif, ne doit être vue que d’un côté; nous n’y avons admis, comme exemple, que des plantes annuelles, et parmi celles-ci, les plantes qu’on peut partout se procurer avec le moins de peines et de dépenses. A. Persicaire. B. Nicotiane (tabac) C. Hélianthe (soleil moyen). D. Amarante. E. Tagète (millet d'Inde, passe-velours). F. Lupin à fleur bleue, B. — Couleurs. La floraison de printemps et celle d'été, lais- sent toute latitude au jardinier pour assortir et marier les couleurs des fleurs dont la variété double l'effet dans le parterre ; à la floraison d'automne, les fleurs jaunes sont en telle ma- jorité, qu’on doit ménager avec le plus grand soin celles qui présentent d’autres couleurs. Les lus communes, tels que les liserons et même es haricots à grappes, d’un rouge vif, ne sont point à dédaigner ; des semis tardifs, qui ne sont point destinés à porter graine, remplissent cet objet jusqu'aux premières gelées. On peut aussi employer dans le même but, quand la largeur des plates-bandes le permet, quelques HORTICULTURE. LIVRE VIII. arbustes qui, comme certains chèvrefeuilles (fig. 342), refleurissent à l’arrière-saison. C. — Classement des plantes de parterre. Les traités anglais d’horticulture attachent une grande importance au classement des plantes de parterre, relativement à leur culture. Nous ne pouvons qu'engager chaque horticul- teur, selon sa localité et les ressources dont il dispose, à se former, pour son propre usage, un tableau des plantes qu’il peut introduire successivement dans son parterre, en les clas- sant selon la méthode anglaise, par hauteurs, par couleurs, et par époques de floraison. On eut aussi, pour éviter la confusion, diviser es plantes de parterre en vivaces, bisannuelles, annuelles, et mettre à part celles qui offrent des caractères spéciaux, comme les plantes bulbeuses, ou celles qui ont une destination particulière, comme les plantes aquatiques. Ces tableaux. dont nous donnons ci-après quelques modèles, peuvent être dressés ou mo- difiés pendant la morte saison, et servir de règle au jardinier pour toute l’année, en ren- dant impossible de sa part l'oubli d'aucun des moyens d'embellissement dont son parterre est susceptible; nous en recommandons l’usage avec instance. Ceux que nous donnons sont dressés pour le climat de Paris; ils peuvent servir pour toute la partie de la France qui s’étend depuis la frontière de Belgique jusqu’à la Loire. Nous n'avons pas prétendu les rendre complets; chacun, selon sa localité, remplira facilement les principales lacunes. TITRE Ÿ. FLORICULTURE. 285 PLANTES VIVACES DE PARTERRE. Fioraison de février et mars. ma LA HAUTEUR DES PLANTES. a — ———— DE 0,05 A 0,15. DE 0,15 À 0,32. a M4. | FLEURS ROUGES. Bellis pâquerette (fig. 320). Arabide rose. Hépatique (fig. 545). Tussilage odorant (fig. 545). Primevère. Yiolette de Kroker. Saxifrage (fig. 544). FLEURS BLANCHES. Bellis paqueretle. arabide (plusieurs variétés). Hépathique, Corydale. Heilébore (fig. 346). Potentille. ds Mandragore. Tussilage (2 variétés). Potentille (fig. 554). Valériane. Primevère double. Violeute simple et double. FLEURS VERTES. Adoxa moschatellina. | Hellébore vert. HAUTEUR DES PLANTES. à ! a DE 0,05 À 0,15. DE 0,15 À 0",32. FLEURS JAUNES. Anémone à fleurs de renoncule.| Adonis de printemps. Ficaire. Anémone palmée (fig. 341). Iris jaune. Corydale jaune. Potentille. Potentille. Tussilage à feuilles panachées.| Primevère (plusieurs variétés), FLEURS BLEUES, Hépatique (plusieurs variétés}. |Anémone des Apennins. Gentiane acaule (fig. 548). Iris pumila. Véronique (2 variétés). Véronique. violette simple et double. FLEURS DE PLUSIEURS COULEURS. | Bellis panachée. [ ' Auricule (plusieurs variétés). Violette tricolore (pensée). Pardanthus de Ja Chine. Floraison d'avril. HAUTEUR DES PLANTES. DE 0,25 A 0,50. DE 0.05 A 0,15. | DE 0,15 A 0,25. FLEURS ROUGES. Cortuse de mathio-| Ancolie du Canada le. (fig. 550). Phlox soyeux (3 va-}Gyroselie. rietés). |Aspérule, Primevère (3 espè-|Lychuis visqueux. ces). : Saxifrage (2 espêc.). FLEURS POURPRES. Pulsatille (fig. 351). |Jusquiame d'Orient. Corydales à longues fleurs (fig. 519). Phlox subulé (3 va- riétes). Primevère (6 espè- ces). Iris à liges basses. | Primevere {2 var.).|Cardamine double. |1ris. à Tussilage. |Gyroselle. pulmonaire, Yioleile, \Iris (4 espèces). FLEURS BLEUES. Gentiane. Myosolis. Pulsatille. Giobulaire. Pulmoraire azur |lris du Népaul. Soldanelle (5 espè-| (fig. 352). Polémoine. ces) (fig. 553). Phlox. Pulmonaire. Sauze (2 espèces). HAUTEUR BES PLANTES. DE 0,15 A 0,25. | DE 0,05 4 0,15. DE 0,25 À 0,50. | FLEURS JAUNES. Draba (3 espèces). |Adonis des Apennins|Alyssum (2 espèces). Onosma HR (fig. 554). Phalangère(/1g.555 Auricule (3 variétés); Algshun, corbeille Ancolie. d Renoncule (3 espè-| d'or. |Chélidoine. ces). Anémone (5 var). |Doronic (3 espè- Violette à grandes|Onosma {5 espèces).| ces) (fig. 356) fleurs. Primevère. à Pensée jaune. renoncu!e. | FLEURS BLANCHES, ‘ Anémone {à espè-|Aspérule, ces). |Gyroselle. Cardamine (2 espè-|lris de Swert. ces). Mandrage, Saxifrage(4 v.,f. Jeffersonia (fig.558).| Pulmonaire, Soldanelle. Parrya, (2 espèces).|Tussilage. pigamon à feuilles|Phlox nivea. d'anémone s.et d.|Primevère (2 espè- Yio'ette odorante. ces). Arabide des A!pes. Aréuuire de priut. Bellis. Primevère. _.— 597) 286 HORTICULTURE. Floraison de mai. LIVRE VIII. HAUTEUR DES PLANTES. mm — DE 0,05 4 0,15. DE 0,15 À 0,30. | DE 0,39 A 0.50. DE 0,50 À 0,65. — ——_— — | ———— a Û : FLEURS ROUGES. Authyllide (fig. 359). Bugle rampante (variété) | Ancolie du Canada. Chærophyllum rose. Arénaire. Aneémone. Aster. 3 Géranium (2 espèces). Aspérule d’Arcadie,. Aothyllide, Chrysanthème (fig. 562).|Lychnis (2 espèces). Epimède (/ig. 360). Muguet (variélé). Dentelaire (2 espèces, fig.| Pivoine (8 e-pèces et plu- Erodium. OEillet. 563;. sieurs variétés). Géranium (5 espèces). [Gyroselle. OEillet, fig. 532. Bistorte (fig. 565). Lychnis. Erigéron. Benoite du Chili. Consoude de Bohême. Orchis. Lamie rugueuse Géranium. s Silène de Virginie. Phlox à feuilles épaisses.| Phlox (2 espèces). Pivoine (7 espèces, fig. Primevère (> espèces). |Pulmonaire. rl 5ü4). Saponaire ocymoïde. Tradescance (variélé, Phlox. Siène sans tige. fig. 561). Pulmonaire à grandes f. Valériane (2 espèces). lSaxifrage (4 espèces). TEE 0,65 ET AU-DESSUS. Géranium à feuille d’ané- mone. Hespéride (5 espèces doubles). Mauve (2 espèces). Ononis (2 espèces). Pivoine (2 espèces el plu- sieurs variélés). Pavot à bractées (fig. 366). Valeriane (2 espèces). FLORICULTURE. ÆITRE! V : Eloraison de ra. HAUTEUR DES PLANTES. D CS ASS DE 0,05 À 0,15. DE 0,15 A 0,30 Anthyllide (2 espèces). Alyssum (2 espèces). ) Astragale (2 espèces, fig. Epervière (2 espèces). Lysimaque (2 espêces,| 368). . fig. 567). Cheirante (quarantain). Potentille. Iris. Potentille (3 espèces). lenoncule (2 espèces). ( Renoncule {4 espèces). Saxifrage (5 espèces). Androsace (2esp., f. 424). |Anémone (5 espèces). Auemone. anthyllide (2 espèces). Arénaire. Arubis (4 espèces). Muguet (simple et dou.).|Aspérule odoraute. OEillet. Astrance (fig. 571). Draba (5 espèces). Campanule. Epimède. OEillet. lrebide. Iberide. Iris naine, Tussilage. Saxifrage. S.lène. Ancolie. Phlox de la Caroline. Tradescance {2 espèces). Véronique (5 espèces). Campanule (2 espèces, | fig. 515). Geuliane. l'hlox penché. Polcmoine. Yéronique. DE 0.30 A 0,50. | DE 0,50 A 0,65. | 0,65 ET AU-DESSUS. | FLEURS JAUNES. Corydale. Benoile (3 espèces). Renoncule (5 espèces et pl. variétés doubies). Potentille. Arnica (2 espèces, fig.|Doronic (2 espèces). 569). Sauge. es Consoude. Chélidoine(flcur double).|Pigamon (3 espèces Doronie (5 esp , fig. 570). ë Méi à [eur do (2 espèces à fleur double). FLEURS BLANCHES, Actée (fig. 572). :Asphodèle (fig. 573). | Actée. Anémone (2 espèces). |OEillet. Asphodèle rameuse Campanule (4 espèces). |Géranium. Lupin. $ Gypsophile. Iris (2 espèces). Mauve. Orobe Orobe. Pélunia, Phalangère fleur de lys. |Pivoine (3 variétés). Reniciale {2 espèces à Phalangère rameuse. fleurs doubles). Polémoine (2 espèces). Sauge argentée. Pigamon (2 espèces). Spirée (simp. et double). Sauge. Sceau de Salomon. Valérianee i Saxifrage. |Valériane (fig. 374). Pigamon. Tradescance (2 espèces). | FLEURS BLEUES. Campanule (3 espèces). |Ancolie (nombr. variét.).[fris (5 espèces). lris (4 espèces). Lupin (5 espèces). Nepéta. Polémoipe. Véronique (4 espèces.) Géranium (3 espèces sim- ples et doubles). Iris (4 espèces). Sauge (5 espèces). Véronique (3 espèces). Lupin (2 espèces), Sauge (3 espèces). Consoude (3 espèces). em 283 HORTICULTURE. LIVRE VIS. Floraïson de juin. HAUTEUR DES PLANTES. NET, DE 0,05 À 0,15. DE 0,15 A 0,30. DE 0,30 À 0,50. DE 0,50 A 0,65. 0,65 ET AU-DESSUS. FLEURS ROUGES. Antennaria Alpina (fig.|Anthyllis (3 variétés). Achillée à feuille d'asple-[Muñier (4 variétés). Aconit napel. 576) Circé (fig. 579). Dium Ancolie, Convolvulus scammorée Aspérule (3 variétés, fig.|Clinopode (2 variétés). |Bétoine à grandes fleurs.|Calystégie (2 variétés,| (fig. 582). 571). Dianthus 5 variétés, /ig.|Coronille, fig. 381). Digitale (2 variétés). Pyrole. 380). Echium. Diciame. Monarde (5 variétés, fig. Sempervivum (3 varié-|Silène de Pensylvanie. |Génen du Chili. Digitale. 383). tés, fig. 378). Véronique: du Caucase. |Lychnis (4 variétés). Géraninm (4 variétés). |Pigamon (2 variétés). Silene acaule, Tencrinium multiflore. |Sauge. | Valériane (3 variétés, fig. Stticée. [Stachys. | 384). FLEURS BLEUES. Bugle (% variétés). Astérocéphale (3 varié-|Adénophore (5 variétés, |Aconit (plus. variétés). [Aconit (plusieurs varié- Campanule (4 variétés). tés). LA fig. 589). . JAncolie (2 variélés). tés). Globulaire (5 variétés). |Campanule (7 variétés}. |Asterocéphale (5 varié- |Delphinium (plusieurs va-|Campanule (5 variélés!. loustone bleue (fig. |Dracocéphaled’Autriche.| tés). JORe riétés). Clématite à feuilles en- 585). Hormin des Pyrénées|Campanule (3 variétés). [Iris (2 variétés). MW tières. Polémoine (2 variétés). (/ig. 587). Comméline (fig. 590). Phyteuma (2 variétés). |Delphinium (plusieurs va- Polygala amér (/ig.386) |Scutellaire (3 variétés, |Géranium (5 variétés). |Polemoine (2 variétés). riétés). Pulimonaire-(2 variélés .| /ig. 5881. Phacelie bipinnée(f. 591). Sauge (5 variétés). Lupin polyphille. Yéronique(4 variétés). |Sauge à grandes fleurs. |Sauge (2 variétés). Lchinops épineux (/ig. | Véronique (2 variétés). | Véronique (7 variélés). 594). TITRE V. FLORICULTURE. 289 Floraîison de juin (Suite). HAUTEURS DES PLANTES, BE SSS DE 0,05 À 0,15. DE 0,15 4 0,30. DE 0,30 4 0,50. DE 0,50 À 0,65. mers | 0,65 ET AU-DESSUS. FLEURS JAUNES. Alétris dorée (fig. 395). ]Achillée (4 variétés). Aconil (plusieurs varié-1Aconit (plusicurs varié-'Aconit (plusieurs varié- Anucinone palmec (fe |Alysson | tési. 1és!, lés). 548). Asclépiade Inbéreuse. [Aralie, Asphodèie (2 variétés). |Balsamite (2 variétés, fig Coluria. Phyleuma (/14 3599). Aslragale. Astrasale (7 varietés). 407;. Coroulle Ibérique (fig. {Ca tha à Nour double. |Biphialme (fig. 401). Buplèsre (fig 405). |Cincraire (2 variétés). 591). OEnothère 14 varietés). [Corydale. 1 .. JCéphalaire lisse. lGentiane. Gnaphalium immortelle [onosmodinn fig. 400). [Ekschscholtzia (2 variétés, !Cinéraire (fig. 106). Lysimaque (3 variétés). Hypoxis (fig 395). Trole d'Europe et d'A-! fig: 402). boronic d'Orient. Tanaisie (2 viriétes). Pigamon (plusieurs va- riLés) Ophiogon du Japon (fig. | mérique. Etmerocalle (2 variétés}. |Emérocale (3 variétés). 346). jOrabe (4 varièlés). dŒEnolhère, Potentille {5 variétés). ligamon (2 variétés). Sauge #lutineuse. Sanifrage (5 variélés). Trigonelle (fig. 405). Sedum (2 variétés). |Grémil d'Orient (fig. 404). Sidérite !/ig. LA Uvulaire (fig. 3 401, HORTICULTUNE, HORTICULTURE. Floraïison de juin (Suite). LIVRE VIII. DE 0,30 À 0,50. HAUTEURS DES PLANTES. DE 0,50 A 0,65. 0,65 ET AU-DESSUS. | | PS DE 0,05 A 0,15. DE 0,15 A 0,30. Campanule. Anacyclus (fig. 411). Ceraste (3 variétés). Anenione. Dryas (3 variétés, fig.|Arénaire (2 variétés). 408). Corydalc. Galax (/ig. 409). Gypsophile (fig. 412). OEnothère (2 variétés, fig. |[Onobrychis (fig. 415). 410). Peltaria (fig. 414). Pyrole (3 variétés). Téléphium. FLEURS BLANCHES. Arum taché. Campanule à feuille d’al- liaire. Céraste (2 variélés). Julienne. iris de Florence (fig. 415). OEnothera speciosa. AIkekenge (/ig. 46). Spirée reine des prés. Pigamon (2 variétés, fig. 417). lApocyn (8 variétés, /ig. 418). Asclépiade, Cyniuchusn. Dictame. Phyteuma en épis. |Pyrêtre à grandes fleurs. Sanicle (fig. 419). Spirée ulmaire (fig. 420). 420, Aconit leucanthéme, Asphodèle rameuse. Clématite (plusieurs va- riétés). Lupin polyphille. Monarde. Pigamon (3 variétés). TITRE V. FLORICULTURE. 291 PLANTES BISANNUELLES. Floraison d'été. FLEURS ROUGES, FLEURS BLANCHES, FLEURS JAUNES. FLEURS BLEUES. Acynos palavinus, Ibéride naine. OEnothère (5 var.) {fig. 426). |Campanule en épis. OEïilet de la Chine (fig. 421). à feuilles de lin. Souci. Lobélia brûlante. de Moutpullicr,. Androsace (4 var.) (fig. 42%} |Corydale dorée. Campaonle de Sibérie. pubescenL. Arabide (2 varieles) Palrinia coronata (fig. 427). Mauve de Crèle. ; Silène spatulée (/ig. 422. Sedum (2 variétés,. Reséda phyteuma, Trachélie bleue (fig. 4301. rubeila. Konigia (2 varietés). Vésicaire sinuée. [Anchuse paniculée. Agro-l@imme double. Campanule moyenne Andryale roncinée (fig. 428). Cyuoglose bicolore. Lavalère bisanouclle. S lène d'Italie. Cérinthe :fig. 429). Pelphinium staphisaigre Jusquiame pâle. Verbena (/ig. A des Calliopsis d’Atkinson. Vicia bisannuelle. Crépide bisannuelle. Verbascum macranthum. Mathiole de Tartarie, Lunaire blanche (fig. 423). Muflier (53 variété.) (fig. 435). |Hespéride b'anche. Hespéride bipennée. Sauge blanche. Crutaurée romaine. Cynoglose, | Sauze étalée. | | A Lhéa rose. Digitale pourprée. 292 HORTICULTURE. LIVRE VII. PLANTES ANNUELLES Floraison d'eté. oo = — - a —_ FLEURS ROUGES. FLEURS BLANCIIES, FLEURS JAUNES. FLEURS BLEUES. Eutoca multiflore, Campanule. Alyssum (corbeille d'or). Verveine gentille. Ceutranthus (fig. 452). Clarkia. Capucine. Astragule (fig 458). Seneçon 6 éganL. Omphalade (fig. 456). Linaire. Cléone de Portugal (fig. 439). Convolvulus de Silérie. Dalura, OEnothère. Amethyste (fig. 440). Autirrhynum (nuñier). G lia. Souci. Nigclle. Glaucium (fiq. 435). Lavalère, Méii'ot d'inde. Stige, OEiliel prol fere. Mauve frisée. {Ta ;éte rose d'Inde. Delphinium. Erodium incarnat fig. 454). l'av: { somnifère. |Ketmic musquéc. Campanule. Nicoliatie (tabac; Celsia (fig. 457). Melilot bleu. Malope à gr. fleurs. (fig. 45à). tiélianthe (sotcil). Nolane (fig. 441). Ataranthe | Rudbckia, Némophile /ig. 442). Polygonum d'Orient. | | {Lupin bleu. 440, fITRE v. Nous croyons inutile de pousser plus loin ces : exemples; ce qui précède doit suflire pour mettre les horticulteurs à même de former des tableaux analogues pour toute Fannée. Les ar- | bustes, de jour en jour plus nombreux, eulti- vés pour leurs fleurs, doivent trouver place sur | ces listes. Nos lecteurs remarqueront que nous avons indiqué comme propres à garnir le parterre. plusieurs fleurs sauvages qui n’y figurent point | ordinairement, et quelques plantes de terre de bruyère. Les premicres, telles que la nature les a faites, nous semblent au moins égales à beau- coup de fleurs obtenues par la culture; elles sont d’ailleurs susceptibles de gagner beaucoup par les soins du jardinier. Quant aux secon- FLORICULTURE. des, quoique les plantes de terre de bruvère exigent quelques soins particuliers, et qu'elles | soient l'objet d’une culture à part, on peut néanmoins les mêler aux autres plantes de | parterre, surtout lorsqu'on n’en à pas un assez | grand nombre pour en remplir un compar- | timent séparé. Dans ce cas, il suffit de ls | planter dans une manne d’osier, remplie de terre de bruyère, et enterrée dans la plate- bande; on peut aussi, en leur donnant à cha- cune un espace de grandeur suffisante plein de terre de bruyère, se dispenser d’y joindre un panier; nous avons eu fréquemment occasion | de remarquer que les racines des plantes de terre de bruyère ainsi cultivées, se repliaient sur elles-mêmes, plutôt que de pénétrer dans la terre de la plate-hande quand elle ne leur con- venait pas. La principale utilité du panier con- siste dans le terreau qu'il fournit en se décom- posant au bout de quelques années. SEcTioN IT. — Plantes de collection. Les fleurs de ces plantes sont celles de toutes qui dennent aux amateurs d'horticulture le plus de jouissances ; dans bien des pays, notamment en Belgique et en Hollande, on ne donne le nom d'amateurs, en horticulture. qu'à ceux qui s'occupent exclusivement des plantes de coliec- tion. Ces plantes ont toutes, quoiqu'à des de- grés différents, le défaut essentiel de coûter fort cher. Toutefois, comme il y a plus de pe- tites bourses que de grandes, nous donnerons à la suite de cet article les moyens qu’un ama- teur dont les moyens sont bornés peut mettre en usage pour se former à peu de frais de fort belles planches de toute espèce de plantes de collection. Les plantes dont nous alions décrire la cul- ture sont de pleine terre et n’ont besoin ni des serres ni de l'orangerie pour passer la mauvaise saison. $ 17. — Tulipes. La passion des tulipes, si l’on peut employer cette expression, ne subsiste plus qu’en Hol- ‘lande et en Belgique. Le goût exclusif professé longtemps pour cette fleur en France, en Alle- megne et en Angleterre, s’est graduellement | 293 aflaibli a mesure que s’est accru le nombre des végétaux exotiques introduits en Europe, etque se sont vulgaris les procédés de culture de ces végétaux; beaucoup d'amateurs préfèrent aujourd'hui, la dépense étant la même, une serre garnie de plantes qui se succèdent en fleurs presque toute l’année, à une collection de tulipes dont on ne jouit qu’une fois par an. Telle est la raison principale pour laquelle le prix jadis excessif des tulipes a considérable- ment baissé et doit baisser encore. En Angle- terre, une collection de 700 tulipes de choix qui ecütait encore il y a vingt aus 6.250 fr. ne coûte plus actuellement (1843) que 2,500 fr. En Hollande, une colléetion semblable, un peu moins nombreuse, mais plus riche en beanx échantillons, vaut encore de 3,800 fr. à 4,200 fr. Pour le moment, les pius belles collections, les plus estimées des amateurs, sont moins nom- Preuses en Hollande qu’en Belgique où elles n'ont pas de prix déterminé, parce que presque toutes appartiennent à de riches amateurs qui ne voudraient vendre à aucun prix. A Paris, les collections de tulipes à la disposition du com- merce, peu inférieures à celles de Belgique, va- lent encore de 4 à 500 fr. le cent, en mélange; il y a des variétés très rares dont un seul ognon se paie de 3 à 500 fr. Il existe des collections de 2,000 ognons et plus, mais, quoi qu’en disent ceux quiles possè- dent, elles contiennent des répétitions ; le nom- bre des variétés ne dépasse pas 800, et même, on peut dire qu’au delà de 600 il faut faire de celte culture sa principale occupation pour re- connaitre des differences réellement impercep- tibles. A part toute passion, la réunion de 600 fleurs toutes différentes, avec leurs nuan- ces vives, d’une richesse incomparable, est réellement une des plus belles productions du régne végétal. 11 ne manque à la tulipe que l'odeur; elle a l'éclat des couleurs, l'élégance des formes et la durée de la floraison: elle y joint au plus haut degré la persistance dans la forme, la taille et la couleur, et quoique pour se maintenir dans toute la perfection que les amateurs en exigent, elle réclame des soins assidus, la tulipe n’en est pas moins une plante vigoureuse, peu difficile sur le climat et la qua- lité du sol; nous pouvons rapporter à ce sujet une expérience directe. Un jeune paysan de la province de Liége (Belgique), travaillait comme manœuvre däns le jardin d’un chäteau dont le propriétaire était un riche amateur de tulipes. Iltrouva moyen de soustraire de très petits caïeux négligés comme sans valeur, et s’amusa à les planter dans un coin Gu jardin de son pire, dans un sol maigre et mal cultivé. En quelques années, il eut toute la collection ; les ognons grossirent, leurs fleurs se formèrent et devinrent d’une beauté remarquable, quoique fort inégales, sans aucune espèce de soin, sans même recevoir de couverture en hiver; à la vérité, le coin de terre où elles végétaient était passablement 294 abrité du côté du nord. Cette collection, acquise pour quelques pièces de cinq francs par un con- naisseur, est devenue entre ses mains, par une bonne culture à laquelle nous avons nous-mê- me participé, l’une des plus belles de toute la Belgique. Quoique les ognons eussent souffert pendant bien des années, ils se sont prompte- ment refaits et ont atteint presque tous leur plus grande perfection. On peut conclure de ce fait que la tulipe est une plante essentiellement robuste, rustique, capable de survivre à beaucoup d’accidents que ne suppôrtent pas d’autres végétaux plus vigoureux én apparence. La fig. 443 repre- sente deux tulipes réunissant les conditions exigées des amateurs, À — Muliplicarion. La tulipe se multiplie de graines et de caïeux. Les graines ne reproduisent pas constamment les mêmes nuances dans les fleurs des ognons qui en proviennent; néanmoins, il n’est pas indifférent de semer la graine de telle ou telle fleur ; on ne peut attendre quelque succès que des semis de graines récoltées sur des plantes dont les fleurs avaient le bas des pétales et l'onglet d’un blanc très pur. Les caïeux, au contraire, donnent toujours des fleurs de tout point pareilles à celles des ognons sur lesquelsils sont nés. Malgré cette perpétuité dans la suc- cession des qualités de la fleur, les différences entre ces fleurs ne constituent point aux yeux des naturalistes de véritables variétés : toutes, sans distinction, appartiennent au genre tu- lipa, et à la Variété gesneriana; les mille noms qu’elles portent dans les collections sont exclu- sivement du ressort de l’horticulture. Un fait très remarquable, et qui ne nous paraît pas suf- fisamment étudié, c’est le peu d'influence que la fécondation réciproque paraît exercer sur les tulipes ; comme elles fleurissent toutes à la fois et très près les unes des autres, il serait impos- sible que cette communication eût lieu chaque année sans qu'on en signalät d'effet sensible | sur les produits de leurs graines. HORTICULTURE. LIVRE VIII. B. — Semis. Il importe de laisser parfaitement mürir la graine dans sa capsule avant de la récolter ; au risque d’en perdre une partie, on doit attendre que la capsule soit devenue de couleur brune, et qu'elle commence à s'ouvrir d'elle-même, seul signe certain d'une complète maturité. On sème au printemps, en plate-bande de terre lé- gère mêlee avec moitié de terreau de deux ans; celui qui provient du fumier de vaches est le meilleur ; le fumier de cheval et son terreau sont contraires à la tulipe à toutes les époques de son existence. A la fin de l'été, on laisse complétement dessécher la terre où l’on a semé les tulipes, on la passe au crible fin, et l’on en sépare ainsi les jeunes bulbes qu'on traite en- suite comme les caïeux. En général, les semis en terrine ont plus de chances de succès que ceux qu’on fait en pleine terre, parce qu'il est plus facile de préserver les jeunes plantes d’un excès de chaleur ou d'humidité qui leur nuirait également. Les tulipes obtenues de graines ne montrent leur fleur que la quatrième ou la cinquième année. Cette fleur est, dès la première fois qu'elle s’épanouit, tout ce qu’elle doit être sous le rapport de la hauteur de sa tige et du déve- loppement de sa corolle ; si elle est trop basse, trop petite, ou mal conformée, il n’y a pas de re- mède, elle restera telle toute sa vie, et elle n’est bonne qu’à être supprimée. Mais iln’en est pasde même sous le rapport de la couleur: ses nuan- ces confuses pendant les premières années, de- viennent enfin nettes et vives, en sorte qu’on doit conserver les fleurs d’une belle forme, portées sur des tiges élancees, avec l'espoir fondé de les voir devenir un jour toutes dignes d'entrer dans la collection de l’amateur le plus difficile. C. — Caïèur. La culture des caïeux de tulipes à sur les semis l'avantage de donner des résultats cer- tains et connus d’avance. On ne doit considérer comme mürs et bons à mettre en pépinière que les caïcux qui, quel que soit leur volume, se détachent facilement de l’ognon. Cette sé- paration a lieu à l’époque où l’on déterre les ognons après leur floraison. On les plante dans la même terre dont nous donnerons la prépa- ration pour les plantes parfaites ; la distance et la profondeur se mesurent d’après la gros- seur des caïeux. En Hollande et en Belgique, où l’on change de place les tulipes à fleurs tous les ans ou tous les deux ans au plus tard, on réserve, pour élever les caïeux, la planche que les tulipes viennent de quitter ; ils s’y dé- veloppent rapidement. Il ne faut les arroser que quand une sécheresse très prolongée coïn- cide avec le moment de leur première végéta- tion, car plus tard la sécheresse ne leur est que favorable. On ne doit employer, pour les couvrir pendant l'hiver, que de la litière extré- | mement sèche; on peut les découvrir de très TITRE V; bonne heure au printemps ; ils sont insensibles aux petites gelées. On donne ordinairement à la plate-bande qui recoit les caïeux en pépi- nière une forme bombée, afin de faciliter le- gouttement qui. dans les années pluvieuses, leur est indispensable. D. — Préparation du terram. La tulipe, comme nous l’avons dit, est peu difficile sur la qualité du sol; celui qu’elle pré- fère est un sol substantiel mais sain, ce qu’ex- prime fort bien le proverbe flamand : « Toute terre qui produit de bon froment peut produire de bonnes tulipes. » L'emplacement doit être choisi dans le lieu le plus aéré de tout le jar- din. Dans son pays natal, la tulipe ne se ren- contre à l'état sauvage que dans des lieux dé- couverts. Quelques horticulteurs, lorsque le sol de leur jardin leur semble suffisamment favorable, y plantent tout simplement leurs ognons de tulipe, sans aucun amendement ; ils prolitent des sécheresses de l’été pour pulvéri- ser et passer au crible la terre qui doit rece- voir les tulipes; du reste, ils l’emploient sans mélange. Ce procédé, le plus simple de tous, ne réussit complétement que sur un terrain particulièrement propre à cette culture; en Hollande et en Belgique, où le sol est certaine- ment le meilleur que l’on puisse désirer pour les plantes bulbeuses, on le prépare de la ma- nière suivante. On commence par défoncer les planches à 0,50 de profondeur, puis on en- lève toute la terre qu’on dépose en ados sur le bord de la fosse, au moins six mois à l'avance. Cette terre est passée à la claie pour en séparer exactement toutes les pierres; on a soin en- suite de la remuer fréquemment à la bêche avant de s’en servir. Les fosses sont remplies au moins 15 jours avant le moment choisi pour la plantation qui, sous le climat de Paris, ne doit pas se faire plus tard que le 10 novembre, mieux avant la Toussaint, à moins que l’humi- dité de la température ne s’y oppose. Les fosses recoivent d’abord une couche de terre d'environ 0 ",20 d'épaisseur; si le sol n’était pas parfaitement sain, quelques débris de bran- chages étendus sous cette première couche de terre ne pourraient qu'assurer l’égouttement. On forme ensuite un mélange de terre et de terreau par parties égales, et l’on en remplit la fosse à l’épaisseur de 0m,40. Enfin, par-dessus ce second lit, on en donne un troisième de terre semblable à celle du fond, épais seule- ment de 0",05. Comme la fosse n'avait que 0®,50 de profondeur, ces trois lits successifs dépassent de beaucoup ses bords; c’est pour cette raison qu'on les met en place 15 jours d'avance, afin qu'ils éprouvent un tassement qui ne rende plus les bords de la planche su- périeurs en hauteur au sol de l'allée que de quelques centimètres ; une bordure de pierres lates ou de gazon prévient les éboûlements ; e gazon a l'inconvénient de servir de retraite aux insectes et aux limaces qui peuvent nuire aux bulbes des tulipes. FLORICULTURE. | 295 Beaucoup d'amateurs d’horticulture regar- dent toute espèce d'engrais comme funeste aux tulipes; c'est un préjugé fondé cependant sur un fait, mais sur un fait mal observé. Les plantes bulbeuses d'ornement, tulipes, jacinthes, crocus, lys, fritillaires, meurent très promptement sous l’influence de l'ammoniaque; on peut s’en assurer par des expériences direc- tes. Tout fumier frais, mêlé d'urine de bétail, contenant des sels à base d’ammoniaque, ap- pliqué sur les bulbes, les fait périr. Si, par exemple, pour couvrir pendant l'hiver une planche de tulipes ou de jacinthes, on emploie de la litière trop fortement imprégnée d'urine de bétail, et qu’on laisse les pluies entrainer les sels ammoniacaux jusque sur les bulbes, on en perdra certainement un grand nombre, et tous, sans exception, seront plus ou moins en- dommages. Mais il ne s'ensuit pas que la cul- ture de ces plantes ne comporte la présence dans le sol d'aucune espèce d'engrais ; les ra- cines fibreuses des bulbes ont au contraire à souffrir dans un sol maigre qui se durcit et ne leur offre pas une alimentation suffisante. Le fumier, ayant épuisé sa fermentation pour passer à l'etat de terreau, remplit parfaitement cet objet. Le terreau provenant du fumier de vaches est le meilleur; on doit le conserver trois ans avant de s’en servir; il ne faut l’em- ployer que presque sec; ilest alors d’une grande utilité aux tulipes dont il active la végétation d’une manière très sensible. E. — Plantation. Avant de planter les ognons de tulipe, on doit les passer tous exactement en revue pour rejeter Ceux qui pourraient être endommagés, ce qu'on reconnait à leur ramollissement et à une légère moisissure qui se manifeste autour du plateau. Quant au choix des bulbes, pour en faire l'acquisition, il ne peut être fait que de confiance ; tel ognon rare vaut plusieurs pièces d’or et ne diffère en rien de tel autre qui vaut 30 centimes. On recommande néanmoins de préférer les bulbes de forme allongée terminés par une pointe bien prononcée, à ceux qui sont ramassés et comme aplatis; toutefois, c’est une indication très peu précise. On pres- crit aussi de rejeter ceux qui ont perdu leur tunique brune extérieure; cette pellicule est si mince et si peu adherente qu’elle se brise et tombe en fragments au moindre contact ; des ognons parfaitement sains peuvent en être de- pouillés en tout ou en partie sans avoir rien perdu de leur valeur. Les traités anglais d’hor- ticulture conseillent d'enlever cette tunique au moment de la plantation; nous croyons cette pratique tout-a-fait indifférente. En France comme en Belgique, on ne dis- pose les tulipes que sur cinq rangs, à 20 centi- mètres les uns des autres, ce qui exige une lar- geur totale de 1,25, y compris les deux bords. En Angleterre et en Hollande, on forme les planches de sept rangées avec le même espa- cement, mais seulement pour les collections 296 très nombreuses ; dans ce cas, ilest nécessaire que la planche soit accessible des deux côtés. Ces deux modes de plantation réclament cha- cun une manière différente de disposer les plantes. Pour les plantations sur cinq rangs, on donne au bord de la planche le plus éloigné de l'allée, 8 à 10 centimètres d’élévation de plus qu’au bord antérieur, ce qui donne à la plan- che, du côté du spectateur, une légère incli- naison très favorable à l'effet des tulipes qui se trouvent en amphithéâtre au moment de la floraison; l’on a soin en outre de réserver les fleurs les plus élevées pour les derniers rangs et de planter les plus petites en premitre ligne. Pour les plantations sur sept rangs, on donne à la surface de la planche une forme bombée, en réservant pour le rang du milieu les fleurs les plus hautes. L'on ne peut alors en bien voir que la moitié à la fois; mais, en tournant autour de la planche, on voit à plus petite distance le rang le plus élevé dont l’ob- servateur, dans la plantation sur cinq rangs. est à 1,25, tandis qu'il n’en est qu'a 0,70 dans la plantation sur sept rangs. Toutefois le premier de ces deux arrangements est toujours celui qui donne à la floraison le plus riche coup d'œil. Un amateur anglais a inventé pour la plantation des tulipes sur sept rangs un insiru- ment en bois qu’il nomme strike (fig. 444), Fig. 444, qu’on pourrait appliquer, en lui donnant une forme aplatie, à la plantation sur cinq rangs (fig. 445). La longueur de l'instrument, moins les deux poignées. est de 1,60 dans le pre- mier cas, et de 1.25 dans le second; les rai- nures marquent d’un seul coup la place des rangces de bulbes, et rendent la courbe ou le plan incliné d’une régularité parfaite. On doit autant que possible choisir un temps couvert, mais sec, pour planter les ognons de tulipes. Les places étant marquées, on y pose chaque ognon en appuyant légèrement, car il importe que les racines, en sortant du bourre- let qui entoure le plateau, ne rencontrent pas une terre trop foulée. On verse ensuite sur chaque ognon une ou deux poignées de terre sablonneuse sèche, de manière à ce qu’il se trouve totalement caché dans une petite butte de forme conique; cette précaution est très nécessaire pour la conservation des bulhes qu’elle preserve de beaucoup de maladies. On achève ensuite de charger la planche en v ré- pandant de la terre sans déranger les ognons, HORTICULTURE. LIVRE VIE, de manière à ce que les plus gros en aient 0,10 et les plus petits au moins 0,08 au- dessus de leur partie supérieure. La plantation terminée, on peut passer le strike sur la plan- che, du côté dépourvu de crans, afin de régu- lariser sa surface. Si la planche est bomhée, le milieu ne doit pas avoir au-delà de 0,16 au- dessus des bords; si elle est inclinée, le bord antérieur doit être de 0",10 plus bas que le bord opposé. F. — Détails de culture. Les tulipes ne souffrent sensiblement que pendant les hivers pluvieux, lorsqu'on n’a pas soin de les préserver d’un excès d'humidité qu'elles redoutent par-dessus tout; il ne faut les couvrir que durant les très grands froids, soit avec de la litière bien sèche, soit avec de vieux paillassons ; à cet effet on garnit la plan- che avec des branchages pour que la couverture ne touche pas immédiatement à la terre. Cette couverture, on ne peut trop le répéter, nuit aux tulipes dès qu’elle ne leur est plus néces- saire, et si l'on n'avait pas soin de L'ôter et de la remettre selon le besoin, il vaudrait mieux ne pas couvrir les tulipes du tout ; l'impression d’un froid moderé est plus utile que nuisible aux ognons de tulipe pendant l'hiver. A la fin de fevrier toutes les tulipes mon- trent plus ou moins leur première feuille. La päleur de leur verdure et la maigreur de leur végétation indiquent dès lors suflisamment celles qui ont souffert de l'hiver et qui sont atteintes de pourriture. Il faut tout aussitôt les enlever à l’aide du transplantoir (voir Instru- ments de jardinage, fig. 130), supprimer avec une lame bien tranchante la partie endommagée de l’ognon, et laisser la plaie se cicatriser à l’air libre. Cetie opération ne peut se faire que par une journée très sèche, durant ce que l'on nomme généralement le hdle de mars. Des ac- cidents semblables ont toujours lieu chaque hiver même dans les collections les mieux soi- gnées; pour éviter les vides qui pourraient en résulter dans la planche au moment de la flo- raison, on plante toujours à part une réserve proportionnée au nombre total des bulbes; usage bien dirigé du transplantoir permet de remplacer les plantes nialades par d’autres bien portantes et de tenir constamment la planche au complet. Dès que les plaies des ognons malades sont cicatrisées, on replante ces ognons dans la réserve à la place de ceux qui sont venus les remplacer dans la planche de tulipes. Si par l'effet du häle de mars la terre se recouvre d'une croûte dure, un leger binage à 0,05 ou 0m,06 de profondeur, donné avec précaution, favorise la végétation des tulipes et contribue à assurer la beauté de leur florai- son. Ilne faut laisser recevoir aux tulipes qu'une ou deux ondées de printemps; elles n’ont du reste pas besoin d’arrosagesartificiels. 1lest done utile de placer de bonne heure sur la planche le châssis destiné à recevoir une tente pendant la floraison. On peut ainsi leur ménager selon TITRE V. FLORICULTURE. 297 le besoin l’eau du ciel, en observant de main- | dinaire 12 ou 15 jours après la pleine fleur. On tenir toujours la terre pluiôt sèche qu'humide. ! Sous le climat de Paris la température toujours fort inconstante au printemps est sujette à des retours de gelée 1rès dangereux pour toute espèce de végétation. Les tulipes en souffrent suriout lorsque la gelée, succédant brusque ment à la pluie, surprend remplis d'eau Îles cornets formés par les feuilles naissantes au fond desquels repose le bouton de la fleur. Les vrais amaleurs ne craignent pas, pour prève- nir les accidents qui en résultent, de pomper cette humidité, soit avec un morceau d’éponge, soit avec une petite seringue; le second de ces deux procédes, quoiqu'un peu moins expéditif que le premier, est le plus commode. A la fin d'avril beaucoup de tulipes sont en fleur; il est temps de poser la tente sur le châssis sans attendre la pleine floraison. L'on ne doit bais- ser la tente que pendant les pluies d'orages et lorsqu'un soleil très vif exige un abri momen- tané, encore doit-il être donné avec discerne- ment. Les pluies violentes abattraient et dé- truiraient les tulipes ; il faut donc les en pré- server d’une manière absolue, ce qu’on fait en baissant la tente jusqu’à terre de tous les cô- tés. Les pluies moderées qui leur nuiraient aussi, quoiqu' à un moindre degré, n'exigent pas une clôture aussi complète; la toile ne doit descendre jusqu'à terre que du côté où souffle le vent; l’autre côté doit laisser au moins un mètre entre le sol et le bas de la toile; afin de laisser entrer l'air dont les tulipes ne sauraient se passer. L'effet nuisible du soleil consiste d’une part à altérer les nuances des tulipes, de l’autre à hâter l’épanouissement et la chute des pétales que l'amateur cherche au contraire à retenir le plus longtemps possible. Mais sans le secours de l'air et de la lumière, les tulipes ne sauraient acquérir ni leur complet développe- ment, ni le plus grand éclat de leurs nuances. Quand le temps est beau, la tente ne doit ja- mais être abaissée plus qu'il n’est nécessaire pour préserver les tulipes du contact direct des rayonssolaires; dès qu’ilsontperau de leur force, il laut la relever pour faire profiter les fleurs de l'air chaud et de la lumière dont elles ont besoin. Les tulipes peuvent, sans en souffrir, conserver la tente pendant trois semaines au moins, et ne pas recevoir d'eau pendant tout le temps de leur floraison. Quelques tulipes d’ailleurs fort belles sont sujettes à ce que les amateurs nomment des ca- prices ; elles ne fleurissent pas pendant une an- née, où bien elles ne donnent pendant deux années que des fleurs défectueuses. C'est le cas de recourir à la réserve au moyen du trans- plantoir; les tulipes peuvent avec un peu d’a- dresse être déplacées en pleine fleur sans en souffrir. Du reste les caprices des ognons ne sont jamais durables, et les années suivantes ils se remettent à donner d'aussi belles fleurs qu'auparavant, La tente ne doit être ôtée que quand les pé- tales commencent à tomber, ee qui a lieu d'or- AORTICULTUSE, ne laisse porter graine qu’au petit nombre d’o _gnons dont on veut utiliser la semence; les capsules des autres doivent être enlevées pour ne pas fatiguer inutilement les ognons. L'enlèvement des ognons est une opération lort importante pour la conservation et l’entre tien des collections. Retiré de terre avant le moment convenable, l'ognon devient flisque et dépérit: il ne donne que des fleurs insigni- liantes pendant plusieurs années: retiré trop tard, son suc s’épaissit; il donne à la fleur de l’année suivante trop de matière colorante, les ncances se brouillent, la fleur est aliérée pour longtemps et ne se remet qu'avec peine Il faut choisir, comme pour la plantation, un temps couvert, mais sec, et saisir le moment où les feuilles commencent à jaunir sans être dessé- chées. Comme il est presque impossible que tous les ognons de tulipes aient végété avec une égalité parfaite, on laisse en place ceux qui ne semblent point assez avances lorsqu’en retire de terre le plus grand nombre. Les ognons de ‘ulipes de collection se con- servent dans des casiers dont le devant est à claire-voie pour faciliter la circulation de Pair et prévenir la moisissure. Ces casicrs sont nu- mérotés; chaque ognon y reprend tous les ans la place qu’indique son numéro d’ordre joint sur la liste générale à sa désignation particulière, de sorte qu’à l’époque de la plantation, il est lacile de les remettre dans l’ordre convenable vour faire le mieux ressortir leurs avantages. On cultive aussi, non pas en collection, mais comme plantes isolées, quelques autres tulipes qui sont des espèces distinctes: nous citerons : {0 la tulipe sauvage, à fleurs jaune tendre, très doubles et fort belies: 2° la tulipe duc de Thol ou tulipe odorante, à fleurs rouge vif, bordées de jaune à la pointe. Cette charmante espèce naine exhale un parfum très agréable; elle est très recherchée pour planter dans les pots ou jardinières dont on orne les appartements. Ô 11. — Jacinthes. Les variétés de jacinthes sont encore plus arbitraires et plus difficiles a distinguer que celles de tuhipes’; toutes appartiennent au genre hiacinthus et à L'espèce orientalis. Du temps de la plus grande vogue de cette jolie fleur. vers le milieu du dernier siècle, les catalogues im- primés alors tous les ans en Hollande et en Angleterre portaient plus de 2,000 noms; ils n’en contiennent pas aujourd'hui plus de 400. Il y a eu des exemples d'ognons vendus en Hollande 4,200 fr. Aujourd'hui, les mêmes causes que nous avons signalées en parlant de la tulipe ont influé sur la culture de la jacinthe. Peu d'ognons parmi les plus rares se vendent en Hollande plus de 200 fr.; on peut acquerir | à Harlem, terre classique de cette culture, de | 1rès belles colleciions au prix moven de 300 fr. | le cent. Les colleetions ordinaires, déjà d'une | beauté remarquable, se paient en ce moment à ! Harlem de 60 fr. à 80 fr. le cent. À Paris, elles T. V.—35sS 268 valent de 100 à 120 fr. Quoique la jacinthe simple bleue, jaune, rouge et hanche, ait une valeur réelle à cause du nombre de ses fleurs et de son odeur suave, elle est exclue de la plupart des collections qui n’admettent que les jacinthes semi-doubles er doubles. Longtemps on n’a cultivé que la jacinthe simple : un Hollandais, Peter Voerhelm, obtint vers 1710 la première jacinthe à fleur double. La jacinthe n’a sur la tulipe que l'avantage de l’odeur ; du reste, ses nuances sont beau- coup moins variées; les jaunes surtout sont fort peu nombreuses, de sorte que, dans une planche de jacinthes, trois couleurs seulement dominent, le rouge, le bleu et le blanc. La ja- cinthe est plus difficile que la tulipe sur la qua- lité du sol ; une particularité trop souvent mise en oubli par les horticulteurs , a fait fréquem- ment échouer la culture de la jacinthe sans cause connue : c’est que cette plante est de celles qui ne peuvent s'éloigner de la mer à plus d’une certaine distance sans dégénérer, parce qu’il n’y a pas de soins de culture qui puissent suppléer à l'atmosphère particulière aux con- trées maritimes, à l'air de la mer. C’est ainsi qu’en Angleterre, dès qu’on s’écarte des côtes, les ognons de jacinthe finissent par périr en 4 où 5 ans, et ne durent jamais au-delà, même à Londres, qui n’est pas bien éloigné de la Man- che. En Belgique, pays tout plat, que les vents de mer balaient sans obstacle, la jacinthe est encore très belle et dure de 15 à 20 ans, jus- que dans la vallée de la Meuse, à 140 kilom. de la mer, en ligne directe; en Hollande, la ja- cinthe vit près d'un siècle sans dégénérer. La fig. 446 représente une jacinthe semi-double, digne de figurer dans une collection d’amateur. A. — Muluiplicauon,; semis. La jacinthe, de même que la tulipe , se mul- iplie de semences et de caïeux ; comme la tu- lipe, elle donne des variétés par les semences et se perpétue identique par les caïeux. Le but des semis étant d'obtenir des variétés doubles, les graines des jacinthes semi-doubles sont pré- férables à celles des fleurs tout-à-fait simples. I faut attendre la parfaite maturité de la graine HORTICULTURE. LIVRE VIII. qui se reconnaît à sa couleur d’un noir très fonce. On sème, soit en octobre, soit au com- mencement de mars, presque à fleur de terre, dans des terrines profondes, remplies de vieux terreau mêlé de sable, par parties égales. On pe donne aucun autre soin à ces semis, que de les préserver, soit du froid, soit de la pluie, en rentrant les terrines au besoin. Le jeune plant ne doit jamais être arrosé. Lorsque sa feuille s’est séchee d’elle-même, on recharge les terrines de quelques centimètres de terreau et l’on n’y touche plus, jusqu’à l’année sui- vante. Après la chute des secondes feuilles, on déterre les bulbes qu’on traite ensuite de tout point comme les caïeux. Quelques-uns des ognons obtenus de semis fleurissent la quatrième année ; on peut comp- ter sur la moitié des fleurs pour la cinquième année, et sur la totalité pour la sixième : il se trouve toujours parmi ces premières fleurs des simples, des semi-doubles et des doubles. C’est alors seulement que l'espoir du jardinier se trouve comblé ou désappointé. On regarde les semis de jacinthes de collection comme cou- ronnés d’un plein succès, lorsqu’à l’époque de la floraison l’on possède encore la moitié des plantes qui ont levé, et que parmi les plantes qui fleurissent il s’en trouve, sur cing cents, une seule digne de figurer dans la collection de l'amateur. Ceci ne veut pas dire qu’on en doive jeter 499 ; seulement, celles qui ne sont pas simples font double emploi, en ne reproduisant que celles qu'on possède déjà, et c’est beaucoup d'en avoir, sur cinq cents, une seule réelle- ment nouvelle. B. — Caïeux. On les plante, soit au commencement d’oc- tobre , soit immédiatement après qu'ils ont été séparés des ognons ; les circonstances de loca- lité et de température déterminent le choix à faire entre ces deux époques. On les traite ul- térieurement comme les ognons parfaits; il faut avoir soin de ne les recouvrir qu’en pro- portion de leur grosseur. Dans les pays éloi- gnés de la mer, où la jacinthe de collection dégénère et meurt en quelques années, il faut avoir la précaution d’elever toujours assez de caïeux pour qu'ils remplacent les ognons épui- sés. Quant à la production des caïeux, il suffit pour la provoquer d’enterrer très peu profon- dément les ognons ; ceux qu’on recouvre d’une épaisseur de 0®,08 à O0m,10, n'en produisent point ou presque point. C. — Preparation du terrain. Les Hollandais font une sorte de secret de leur terre à jacinthes, mais ils en divulgue- raient la composition qu’elle ne donnerait pas le moven de les égaler dans la culture de cette plante, puisque avec leur recette ils ne peuvent donner l'air de leur pays, première base de leurs succès. Chacun peut modifier cette com- position, conformément à la nature du sol dont il dispose, en partant de ce principe, que, plus TITRE V. la température est humide, plus la jacinthe réclame un sol léger , qui s’égoutte facilement. Voici les proportions le plus généralement em- plovées en Hollande et en Angleterre; elles sont applicables à un sol substantiel et riche, quoique léger, pour un sol compacte et argl- leux, la proportion du sable peut être augmen- tée avec avantage. D. — Terre à jacinthe. Térre franche de jardin ...... 4 parties. Mabiépnlipetlusins ad SHOOE 4 Terreau de fumier de vaches... 3 Feuilles pourries. ...:....:.. 1 ILOTAE: 250 12 On ne peut faire entrer dans ce compost les feuilles de châtaignier, de noyer, et les autres feuilles trop dures qui se décomposent diffici- lement ; les feuilles de tilleul, d’orme, de bou- leau, sont les meilleures pour cet usage ; les Hollandais y emploient la feuille de tilleul à l’exelusion de toute autre ; elle ne doit pas être entièrement réduite en terreau au moment où l'on s’en sert. Le terreau de fumier de vaches doit avoir deux ans au moins ; s’il en a trois, il n’en vaut que mieux. Ces substances bien in- corporées ensemble sont préparées au moins six mois d'avance et mises à l’abri sous un han- gar ; le mélange conserveses propriétés pendant six ou sept ans. En Hollande, on n’v cultive ja- mais les jacinthes ni la première année, ni deux ans de suite. On commence par lui faire jeter son premier feu sur une culture d’iris, de jon- quilles et de narcisses, culture qui alterne en- suite tous les deux ans avec celle des jacinthes. Le défoncement de la planche se fait au mois de septembre quinze jours avant la plantation; on enlève la terre jusqu’à 0,32 seulement, et on la remplace par le compost auquel on donne au moins 0.08 ou 0,10 d’élévation au-dessus du bord de la planche; le tassement qu'il éprouve réduit son élévation à 0",04 ou 0,05 au moment d'y placer les ognons de jacinthes. La forme convexe ou inclinée se donne régu- lièrement à l’aide du strike, comme pour les planches de tulipes. En Belgique, dans la province de Liége, on obtient de très belles jacinthes de collection avec un compost formé de trois parties de ter- reau de fumier de vache, deux parties de terre de bruyère et une partie de terreau de feuilles ; il doit être, comme celui de la recette hollan- daise, préparé six mois à l’avance. E. — Plantation. Les bulbes de jacinthe, comme tous les au- tres bulbes, ont beaucoup à souffrir lorsqu'ils ne sont pas plantés au moment convenable. Il n’en est pas d’un bulbe comme d’une graine ou comme de certains tubercules dont l’action vé- gétative est interrompue tant qu'ils ne sont pas plantés; le bulbe, planté ou non, pousse quand son temps est venu; s’il attend trop longtemps la terre dont il a besoin, il s’épuise et meurt; | FLORICULTURE. 299 s’il est planté trop tôt, il est surpris par l'hiver en pleine végétation et meurt également. Sous le climat de Paris, l’époque de la plan- tation, variable selon la température, s’etend du 20 septembre au 10 ou 15 octobre. Elle ne peut avoir lieu dans tous les cas que sur un sol modérément humide; si des pluies prolongées menacçaient de causer un retard très préjudi- ciable aux ognons, il faudrait couvrir les plan- ches de paillassons jetés par-dessus des demi- cerceaux fichés en terre par les deux bouts, espèce d’arcade sous laquelle il s'établit un courant d’air qui dessèche très promptement le sol; on choisit ensuite une belle journée pour effcetuer la plantation. Les jacinthes se plantent le plus communé- ment en planche plate, inelinée vers le bord de l'allée, sur quatre ou cinq rangs, à 0,m16 les uns des autres ; les bulbes sont à la même dis- tance entre eux dans les rangs. L'exposition du midi est très favorable aux ognons de jacinthe ; c’est celle qu'on leur donne ordinairement. Dans ce cas, il faut placer chaque ognon, non point à plat sur la planche, ce qui ferait pen- cher son axe en avant, hors de la verticale, mais un peu en arriére, comme le montre la fig. 447. On les recouvre ensuite en répandant Fig. 447. le compost par-dessus avec précaution ; par ce moyen le plateau de l'ognon se trouve mieux exposé aux influences favorables du soleil pen- dant les premiers beaux jours de printemps. Les ognons de jacinthe, classés et numérotés comme ceux de tulipe, se placent autant que possible alternativement, un blane, un bleu et un rouge; les jaunes font suite aux séries blan- ches, et les panaches aux séries de la couleur qui forme leur fond. F. — Détails de culture. Les ognons de jacinthe, une fois plantés, ont beaucoup d’ennemis ; les mulots, les limaces et une foule d'insectes destructeurs en sont par- ticulièrement avides ; on ne peut les en préser- ver que par une surveillance continuelle. Le meilleur remède contre les limaces consiste dans un lit d’ecailles d'huitres grossièrement concassées; les lames coupantes des débris d’écailles sont difficilement franchics par les li- maces, surtout quand les bords de la planche sont soutenus par des bordures en picrres pla- tes qui empêchent ces débris d’être en partie entrainés dans l’allée. Les ognons de jacinthe sont plus sensibles au froid que ceux de tuli- pes ; il n’y a pas d’inconvénient à les couvrir de bonne heure, pourvu que ce soit avec de la litière parfaitement sèche ; encore est-il pru- dent de la soutenir sur des rames à pois, afin qu’elle ne touche pas le sol, car le peu de sub- stances ammoniacales, dont la litière n’est ja- 200 mais énticrement exempte, peut faire aux ja- cintbes un tort irréparable. Lorsque le froid atteint les ognons de jacinthe, ce qui arrive quelquefois en dépit de toutes les précautions | dans les hivers très rigoureux , il produit sur ces bulbes un effet très singulier; dès le pre- mier dégel la fleur sort de Pognon ; mais quelle fleur? A peine s’elève-t-elle d’un décimètre au- dessus du sol; l'odeur et la couleur ne sont pas moins alterées; puis l'ognon gelé est at- teint de pourriture et meurt. Il est souvent très difficile d'éviter de tels désastres parce qu’une couverture trop chaade, telle qu'il la faudrait pour éviter l'eïlet de la gelée durant un hiver très rigoureux, aurait un autre inconvénient; elle ferait partir les jacinthes en hiver; alors feuilles et fleurs s’étioleraient avant la saison de la floraison naturelle, et l'on n’y gagnerait rien. Mais l’ognon de jacinthe, même gelé, même à moitié pourri, n’est jamais entièrement perdu, la vie se relugie dans le dernier fragment de tunique qui n’est pas encore décompose; si ’ognon ne se rétablit pas, il donne au moins des caïeux qui le remplacent au bout de quel- ques années. Il ne faut donc jamais jeter un ognon de jacinthe, quelque endommagé qu'il paraisse; nous en avons eu de très précieux, attaqués par le cœur au point de ne conserver que quelques-unes des tuniques extérieures après l'enlèvement de la partie atteinte de pourriture ; plusieurs, traités comme nous l'a- vons indique pour les ognons de tulipe, se sont entièrement refaits ; les autres ont donné des caïeux en grand nombre. Quelquefois l’ognon, trés sain au moment de la plantation se sépare en deux sans cause apparente, et ne flcurit pas ; il n'y à pas de remède; il n’est plus bon qu’à produire des caïeux. Une réserve nombreuse entretenue par une culture de caïeux en nom- bre suffisant est indispensable pour qu’il n°v ait pas de vides dans la planche de jacinthes de collection. La jacinthe commence à fleurir sous le cli- mat de Paris au commencement d'avril, et beau - coup plus tôt dans les années où le printemps est hàtif; en 1843, il n’était plus question des jacinthes avant la fin d'avril; la température est Encore très variable à cette époque ; les ge- lées blanches et les giboulées mélées de neige et de grêle sont fréquentes. On en préserve les jacintheS au moyen d'une tente; elles suppor- tent Sans paraitre en souffrir une gelée de deux degrés ; ce n’est pas la plante développée, mais seulement le bulbe qui est sensible au froid ; jamais à la fin d'a ril le froid n’est assez intense pour pénétrer jusqu'à l’ognon, surtout quand la terre est préservée d'un excès d'humidité. Les plus belles jacinthes, parfaitement doubles, quoique munies d'une hampe assez volumi- neuse, ne peuvent cependant se soutenir sans appui; on plante à cet effet près de chaque ognon de petits tuteurs, peints en vert pour ne pas nuire au coup d'œil; on recommande en général de les lier à ces tuteurs avec des brins HORTICULTURE. LIVRE VIII, de grosse laine verte; nous avons vu en Bel- gique les plus belles collections maintenues par des cercles de fil de fer peints en vert, fixés aux tuteurs, sans qu'il en résuhät le moindre in- convénient. Les fleurs ne pourraient en souf- frir que dans le cas où, la planche n’étant pas suffisamment abritée, elles seraient souvent et fortement agitées par le vent; elles éprouve- raient alors un frottement violent contre le fil de fer; cet inconvénient est toujours facile à prévenir. La beauté de la floraison et la conser- valion des collections de jacinthes dépendent en grande partie de la manière de traiter les ognons depuis la fin de leur floraison jusqu’au mo- ment de les planter de nouveau. La méthode hollandaise, adoptée par tous les amateurs les plus expérimentes en Angleterre et en Belgi- que, consiste à laisser mûrir les ognons sur le terrain pendant trois semaines au lieu de les faire sécher à Pair libre. Voici comment on conduit cette importante opération. Dès que les feuilles commencent à jaunir, ce qui a licu 15 où 20 jours après la floraison, on retranche avec une lame bien affilée toute la plante, feuilles et tige, à quelques centimètres au- dessus de la naissance du bulbe, puis on lar- rache avec toutes ses racines fibreuses qu’on débarrasse de toute la terre qu'eiles retiennent. On pose ensuite chaque bulbe à côté de la place où il a fleuri, de manière à ce qu'il pré- sente sa pointe au nord et son plateau au sud. On répand sur chaque ognon de la terre sablonneuse très sèche, de manière à en for- mer un cône qui le recouvre complétement; il reste 18 à 20 jours dans cet état. La planche durant ce temps est abritée seulement autant qu'il le faut pour prévenir Peflet des pluies et des rayons d’un soleil trop ardent ; du reste elle ne saurait être trop aérce. On en'ève ensuite les fibres qui se sont complétement séchées, et l’on place l’ogaon dans le casier après lavoir débarrasse de ses caïeux et nettoyé soigneu- sement. La plupart des amateurs enveloppent chaque bulbe séparément dans une feuille de papier. Nous n’avons jamais trouvé cet usage utile ; les bulbes à découvert dans leurs cases sont plus facilement visités ; le contact de Pair sec ne saurait leur être nuisible. Ils se conser- vent aussi très bien dans du sable fin très sec; mais si au moment où ils y sont places quelque ognon se trouve atteint d'une plaie peu appa- rente, elle a tout le temps de s'étendre, et sou- vent l'ognon pourri fait pourrir ses voisins avant qu’on s’en soit aperçu ; la conservation à decouvert nous a toujours semblé la meilleure dans la pratique. Quelques horticulteurs traitent encore les ognons de jacinthe par un autre procédé. Après la floraison ils laissent la tente sur la planche jusqu'a ce que la terre en soit complé- tement desséchée. Les fibres des bulbes ainsi que les feuilles er les fleurs passées ne tardent pas à se dessécher aussi. Alors seulement les bulbes sont enlevés, neltoyés et conservés comme on vient de lindiquer. Cette méthode SE ——————_——— TITRE Ÿ. épargne quelques soins, mais elle est toujours dangereuse en ce qu’elle peut laisser grandir les plaies des ognons endommagés qui auraient dù subir un retranchement immédiat. La ja- cinthe est une si belle fleur, elle récompense si largement les soins du jardinier qu’il ne doit pas les lui ménager avec trop de parcimonie ; nous conseillons done de suivre la méthode hollandaise de préférence à toute autre. $ III. — Renoncules. F LORICULTURE. Cette plante est, comme les précédentes, ori- | ginaire d'Asie, mais plus anciennement impor- tee en Europe. On a des traces de sa culture en Angleterre dès la fin du seizième siècle. Les varietés de cette fleur sont innombrables, mais peu précises et difficiles à classer autrement que par des divisions arbitraires et variables. Des catalogues, imprimés en Angleterre vers 1790, portent plus de 2.000 nom: de renoncules dont on retrouverait difficilement la trace au- jourd'hui. Les collections de renoncules, bien moins coûteuses que celles de tulipes et de ja- cinthes, ne sont pas moins agréables pour l'é- clat et la variété des nuances qu'elles reprodui- sent presque toutes à l’exception du bleu franc; une renoncule parfaitement bleue serait sans prix; mais elle n’a jamais été obtenue. Cette fleur offre une particularité fort singulière; lorsqu’elle est parfaitement double, elle ne de- vient pas pour cela stérile d’une manière ab- solue; les anthères seules sont oblitérées et con- verties en pétales ; les organes femelles subsis- tent avec leur propriété productive. Si l’on féconde artificiellement ces organes en secouant au-dessus le pollen des fleurs semi-doubles qui toutes sont complètes et fertiles, on obtient des graines qui donnent les plus belles variétés. Ce moyen de varier les couleurs et les dimensions des renoncules n’est connu et pratiqué que depuis vingt ans environ ; il permet à l’amateur soigneux de se procurer, pour ainsi dire indé- finiment, des variétés nouvelles. La renoncule nait d’un tubercule que les jar- diniers nomment griffe ; il partage avec les grif- fes d'asperges la propriétéde se soulever spon- tanément pour se rapprocher de la surface de la terre et de se rajeunir en formant tous les ans de nouveaux doigts à la place des anciens qui deviennent vides et disparaissent. La vie végétale sommeille pendant un temps indéfini dans les griffes des renoncules ; si on les con- serve un an ou même deux ans sans les planter, elles ne poussent point d’elles-mêmes comme lesognons ; lorsqu’ensuite on lesremet en terre, leur floraison est plus belle et plus abondante que si elles avaient fleuri tous les ans ; aussi, les nomme-t-ongrifles reposées. Souvent il leur arrive de se reposer d'elles-mêmes; après avoir donné une profusion de belles fleurs dans toute leur perfection, l'année suivante, ou bien elles ne montent pas, ou bien elles ne donnent que quelques fleurs insignifiantes ; mais un an après , elles refleurissent aussi brillantes qu auparavant. Les collections de beiles griffes | 301 de renoncules ne sont pas d’un prix excessif. En Belgique, elles ne dépassent pas 30 fr. le cent, premier choix; on en a de fort belles à 25 et même à 20 fr. A Paris, elles valent de 40 à 50 fr. le cent, et sont moins belles que celles de Belgique sous le double rapport de la va- riété, des nuances et du volume des fleurs. Les renoncules se multiplient de semences prises sur les fleurs semi-doubleset sur les dou- bles dont les ovaires out été artificiellement fécondés; les semis ne reproduisent pas les varictés; on ne peut les perpétuer avec certi- tude que par la séparation des jeunes grilles qui se forment chaque année autour des an- ciennes. A. — Semis. La graine de renoncule est souvent stérile ; les graines fecondes portent vers le bas une petite marque bien connue des jardiniers fleu- ristes. Si, en prenant une pincée de graines qu'on étale sur un morceau de papier blanc, celte marque est apparente sur le plus grand nombre des semences, on doit semer très clair, car elles lèveront presque toutes; dans le cas contraire, on doit semer très serré. Les semis se font, selon la méthode ordinaire, soit en août, soit en octobre, en pleine terre ou en ter- rines profondes. La seconde époque est la meilleure, car dans tous les cas les renoncules ne lèvent qu’en novembre, quand même on en- tretiendrait la terre constamment humide; les semis prématurés ne font donc que donner aux graines plus de chances d'être detruites en terre par les insectes. La graine de renoncule est très lente à germer; il ne faut la recouvrir que fort légèrement, en saupoudrant avec de bon terreau un peu frais la plate-bande sur laquelle on les a répandues. Une fois semées, ces grai- nes ne doivent pas rester à sec jusqu’au mo- ment où elles lèvent; quoique l'excès de l'hu- midité leur soit contraire, néanmoins, comme le travail de leur germination est fort lent, si pendant qu'il s’'accomplit il est interrompu par la sécheresse, le germe naissant peérit: c'est cette circonstance seule qui fait le plus souvent échouer les semis de renoncules. Lorsqu'on place dans lorangerie où dans la serre tempérée les terrines où l’on sème les re- noncules, on peut sans inconvénient différer les semis jusqu'en janvier. Ceux de pleine terre doivent être couverts pendant les grands froids avec de bonne litière; ils ne craignent pas, comme les plantes bulbeuses, le contact des matières animales en décomposition. Les semis de renoncules ainsi traités, donnent leur fleur de la seconde à la quatrième année; c'est-à-dire au plus tard après trois ans révolus. Lorsque le temps n'a pas éte très favorable et que les jeunes plantes ont poussé faiblement au prin- temps, il ne faut pas y ioucher, mais seulement enlever les feuilles desséchées et repandre0"",05 de bonterreau par-dessus et leur laisser passer l'hiver en pleine terre, sauf à les préserver des atteintes de la gelée. 302 Nous devons à l’obligeance de M. Bosset, amateur passionné de cette culture, pour la- quelle il est renommé entre les horticulteurs de Liége (Belgique), la communication d’un autre mode de semis au moven duquel les renoncules atieignent, dans le cours d’une année, toute leur perfection. Il consiste à semer en terrine dans de la bouse de vache, recueillie dans la saison où le bétail est nourri au vert. On laisse cette bouse se dessécher de manière à ce qu’elle se reduise en poudre, qu'on passe au crible grossier ; puis on l'humecte légèrement au mo- ment des semis et l'on continue à la tenir hu- mide par des arrosages donnés avec un arrosoir à boule très fine, pour éviter le tassement. Les graines semées au commencement de mai lèvent à la fin du même mois. Dès qu’on reconnait que le jeune plant a suspendu sa végétation et que ses feuilles jaunissent en automne, on porte les terrines à l'abri pour que le sol où elles ont vécu se dessèche complétement, après quoi on le passe au crible fin pour en séparer les grifles qui consistent en deux ou trois lobes fort petits avec quelques filaments imperceptibles. Au mois d'octobre, on les plante séparément dansd'autres terrines plus grandes ou dans des caisses qu'on place dans lorangerie, le plant repiqué doit êtreespacé en proportion de sa grosseur. Au lieu de bouse de vache sans mélange, on leur donne à l’épouue de cette première transplantation un mélange de celle où les semis ont été faits au printemps et de bonne terre franche de jardin par pärtics égales. Elles y profitent si rapide- ment, qu'au printemps suivant leur floraison, comme nous en avons souvent été témoin, égale ou même surpasse celle des griffes de plusieurs années. Rien n’est plus variable ni plus inégal que la floraison des renoneules ; à une foule de fleurs parfaites, succède un petit nombre de fleurs chétives; la griffe qui a servi de porte-graine est plusieurs années sans donner de bonnes fleurs; en outre, sans cause apparente, les re- noncules, comme nous l'avons dit, se reposent un ou deux ans de suite. Il en résulterait des vides nombreux dans les planches de renon- eules, sans la facilité que donnent les semis de tenir toujours en réserve un assortiment de griffes jeunes et vigoureuses dont la floraison estassurée, pour remplacer dans la planche les grifles dont on se méfie ou qu’on veut laisser se reposer. B. — Jeunes griffes. Elles sont pour les renoncules ce que les caïeux sont pour les plantes bulbeuses; il faut les séparer avec précaution des plantes-mères qui, en perdant un ou plusieurs de leurs tuber- cules, reçoivent une blessure souvent mortelle. Lorsqu'une variété précieuse et rare n’a donné que peu de jeunes griffes et qu’on craint de la perdre, on peut, au moyen d’une lame de canif bien affilée, séparer l’un de l'autre les veux de la griffe-mère. Pourvu que chacuu de ces yeux conserve deux ou trois doigts, il formera une | HORTICULTURE. LIVRE VIfé. plante nouvelle, mais qui ne fleurira qu’une année plus tard. Les griffes séparées se traitent ultérieurement comme celles qu’on obtient par les semis C, — Préparation du terrain. De toutes les plantes de collection, la renon- cule est celle sur la floraison de laquelle la pré- paration du sol exerce le plus d'influence. La raison en est dans le mode de végétation decctte plante, dont les filaments partant de la griffe, vont chercher à plus d'un mètre de profondeur leur nourriture en plongeant perpendiculaire- ment tant qu'ils ne trouvent pas d’obstacle. La force, le volume et la beauté des fleurs, sont toujours en raison directe de la nourriture donnée à ces fibres qui s'arrêtent quand elles rencontrent un sol impénétrable, ou languis- sent dès qu'elles ont atteint la mauvaise terre, quand même les griffes auraient sous elles 0,32 ou 0m,50 de terre de première qualité. La culture des renoncules exige donc le dé- foncement du sol à un mètre de profondeur pour le moins. La terre doit être débarrassée seulement des plus grosses pierres et ameublie par plusieurs labours soignes à la bêche ; mais il ne faut pas qu’elle soit passée à la claie, comme le font quelques amateurs : elle éprouve alors un tassement qui la rend trop compacte, et les renoncules n’y prennent jamais tout leur développement. Les renoncules n’exigent point un compost particulier; une bonne terre nor- male de jardin, fortement fumée avec du fumier de vache et de cheval par égale portion, l'un et l’autre à demi décomposés, mais non tout-à-fait réduits en terreau, leur suffit sans autre sub- stance. Lorsque la terre est trop compacte par un excès d'argile, une petite quantité de sable fin qui ne doit jamais dépasser un huitième de la totalité de la terre évaluée en mètres cubes, ne peut qu'être utile à la bonne végétation des renoncules. Le dernier labour doit précéder de 10 ou 15 jours la plantation des renoncules; sans cette précaution, laterre, venant à se tas- ser après avoir reçu les renoncules, pourrait contrarier leur végétation. Le parlait égoutte- ment du sol est une condition indispensable de cette culture; s’il retient l'eau, les griffes y pourrissent si complétement, qu’à peine en re- trouve-t-on les débris. Si l’on n’avait à sa dis- position qu’une terre marneuse ou crayeuse , absolument impropre à la végétation des re- noneules, on pourrait employer le terreau de gazon préparé en levant, dans une bonne prai- rie ou sur une pelouse de bonne nature , des gazons épais de 0,16. Ces gazons, hachés avec le tranchant de la bêche, et tenus constam- ment humides pendant un mois ou deux , doi- vent être fréquemment retournés et préparés six mois avant le moment de s'en servir. On emploie le terreau de gazons en mélange avec partie égale de fumier de vache très con- sommé; il permet de cultiver partout les re- noncules qui réussissent très bien dans ce sol artificiel. TITRE V: D. — Plantation. | L'effet d’une planche de renonculesdépend en | grande partie du mélange des variétés dont on peut assortir les couleurs de manière à en faire valoir tout le charme. Les plus estimées sont celles de couleur foncée, joignant à ce mérite celui d’une forme régulière et d’un diamètre qui ne doit pas être moindre de 0",05. Les amateurs attachent un grand prix aux varietes dont la fleur d'un brun-violet contraste vive- ment avec le vert-clair de son feuillage et avec les fleurs à fond clair; on en obtient qui, vues à quelque distance, paraissent presque noires. La fig. 448 montre une renoneule de collection semi-double de forme régulière, Les renoncules ayant besoin d’arrosages mo- dérés, mais presque continuels, on ne peut donner aux planches une inclinaison semblable à celle des planches de tulipes et de jacinthes ; l’eau des arrosages y serait trop inégalement répartie, et il serait trop difficile d'empêcher qu’elle n’entrainät continuellement la terre vers le bas. On dresse donc les planches à plat, au niveau du sol. Beaucoup d'insectes recher- chent et dévorent en terre les tubercules des renoncules; c’est toujours une bonne précau- tion de les faire tremper pendant quelques heu- res, au moment de les planter, en se servant pour cet usage d’une eau mêlée de suie de che- minée, dont l’amertume éloigne les insectes. Les lignes se tracent à des distances égales, de 0%,10 entre elles ; les griffes se plantent dans les lignes, à des distances proportionnées à la force qu’elles doivent acquérir en végétant ; si toutes étaient également espacées, la planche serait trop remplie en certains endroits, et dé- garnie dans d'autres. En Belgique, les ama- teurs de renoncules ne manquent jamais, en plantant les griffes, de s'assurer qu'il ne reste point de vide au-dessous, circonstance qui serait très préjudiciable à l'émission des fibres dont la plante doit tirer sa nourriture. Le meilleur moyen pour obtenir ce résultat avec certitude, consiste à poser chaque griffe sur une petite butte de terreau, avant de la recouvrir. On recouvre les griffes de renoncules en ré- FLORICULTURE. 305 pandant par-dessus 0w,04 ou 0",05 de terre mise en réserve à cet effet. L'un des plus précieux avantages des collec- tion de renoncules, c’est de pouvoir être plan- tées à différentes reprises, ce qui leur permet de succéder pendant presque toute la belle sai- son aux plantes de collection dont la floraison est épuisce. Néanmoins, les plus belles fleurs sont toujours celles qui proviennent des plan- tations faites en octobre, et préservées du froid pendant l'hiver, La seconde plantation se fait en avril, quand les gelées ne sont plus à craindre. On peut con- tinuer à planter en mai et juin, pour avoir des fleurs jusqu’en automne; ces plantations tar- dives réussiront toutes également bien, pourvu qu’on les arrose très souvent, en leur donnant peu d’eau à la fois. E. — Détails de culture. Les renoncules, plantées en octobre, com- mencent à se montrer hors de terre en novem- bre. Au lieu de répandre simplement de la li- tière par-dessus pendant les gelées, il vaut mieux se servir de bouts de cerceaux ou de rames à pois, supportant de vieux paillassons ; non que le contact de la litière nuise aux renon- cules comme aux tulipes et aux jacinthes, mais parce qu’il est plus facile par ce procédé de les couvrir et de les découvrir au besoin ; en par- tant de ce principe, qu’elles n’ont jamais trop d'air, et que la couverture leur est préjudi- ciable du moment où elle cesse d’être néces- saire. À l’époque de la floraison, il ne faut pas attendre que les fleurs soient entièrement flé- tries pour les retrancher , afin de favoriser le développement des fleurs successives. On ne doit enlever qu'avec beaucoup de précautions les griffes dont les feuilles jaunissent et se des- sèchent ; la meilleure méthode consiste à lais- ser bien essuyer la terre par un temps couvert, et à la soulever le long de chaque rangée de griffes, de manière à ne pas toucher avec la bêche l'extrémité inférieure des tubercules ; on émiette ensuite la terre doucement entre les mains, on met à part les jeunes griffes récem- ment produites, et l’on retranche avec soin des anciennes toutes les parties attaquées ou en- dommagées. On leur donne ensuite un léger lavage dans un panier à claire- voie, puis on les laisse sécher à l'ombre avant de les enfer- mer dans les tiroirs destinés à ieur conserva- tion. L'usage le plus général est de les conser- ver par séries de couleurs , afin de pouvoir les mélanger à volonte à l'époque des plantations. Les renoncules porte-graines, soit semi dou- bles, soit doubles , artificiellement fécondées, se plantent à part, parce qu'elles ne doivent pas recevoir d’eau à partir du moment de leur pleine floraison, tandis que celles de la collee- tion doivent être arrosées légèrement une ou deux fois par jour, tant qu'elles sont en fleur. $ IV. — Anémones. La culture de cette plante diffère peu de celle 304 de la renoncule que nous venons de décrire en détail. Les griffes d'anémones, plus fortes que celles de renoncules, veulent être plus espacées dans les lignes, et plus profondément enterrees De même que la renoncule, lanémone produit une quantité de racines filamenteuses qui s’en- foncent dans le sol en ligne perpendiculaire; on ne peut en espérer une belle floraison si le sol, préparé comme pour les renoncules, n’a pour le moins 1M,25 de profondeur. Les catalogues les plus récents, imprimés en Angleterre, ne don- nent point au-dela de 74 variétés d’anémones ; nous erovons qu’il en existe au moins le dou- ble , très faciles à distinguer, parées des plus vives couleurs, mais négligées parce qu'elles sont passées de mode. Ces varietés se perpe- tuent par la séparation des grilles ; on en ob- tient de nouvelles au moyen de semis. La /ig. 449 peut donner une idée des conditions de forme et de régularité exigées dans les anémo- nes de collection. On sème la graine d’anémone au mois d’août ; lorsqu'elle lève, ce n’est jamais avant deux mois et demi, et même trois mois, depuis le moment des semis ; très souvent elle passe l’hi- ver en terre et ne leve qu'au printemps de l’an- née suivante, On ne peut obtenir de graine que des fleurs simples ; les doubles ne sont telles que par la conversion des organes femelles en pétales, et la fécondation artificielle est impos- sible. Les semis donnent toujours un assez grand nombre de fleurs doubles. La graine d’anémone est revêtue d’un duvet qui rend les semis fort difficiles a bien exécuter; quand elle n'est pas bien répartie sur la surface du terrain, le jeune plant manque d’espace pour le développement de ses racines. On obvie à cet inconvenient en frottant longtemps entre les doigts la graine d’anémone, mêélee à du sable fin ; elle perd par cette trituration tout son du- vet, et se sème alors Comme toute autre graine. L'anémone se sème mieux en terrines et en caisses, qu’en pleine terre, moins dans le but d'assurer le succès des semis que pour ne pas perdre une partie des griffes vierges. Quoique destinées a devenir très volumineuses, elles HORTICULTURE. LIVRE VIir. sont à la fin de leur premier été encore plus petites que celles des renoncules : lorsqu'on les sème en terrines, le crible les sépare sans en laisser perdre aucune; semées en pleine terre, il s'en perd toujours une partie. Les soins gé- néraux de culture sont les mêmes que pour la renonçule ; on peut également, en plantant à plusieurs reprises, obtenir des floraisons suc- cessives pendant près de trois mois. Les col- lections d'anémones sont d’un effet très riche dans le parterre, à cause du volume des fleurs ei de léciat de leurs nuances. En Angleterre, les griffes d'’anémones de collection sont encore d'un prix assez élevé; en France , sans être moins belles, elles sont à la portée de toutes les bourses. $ V. — OEillet. Cette plante, de tout temps recherchée, et l'une des plus anciennement cultivées pour l’or- nement des parterres en Europe, passe pour être originaire d'Afrique. Sa culture en France est devenue en quelque sorte historique, en servant de délassement au grand Conde, pen- dant sa captivité dans le donjon de Vineennes. Avant la Révolution on montrait encoredans les fossés de cette forteresse desæillets issus en ligne directe de ceux que le grand Condé y cultivait de ses propres mains, sous la minorité de Louis XIV. L’œillet se recommande par la beauté des couleurs , l’élégance de la forme, et surtout par la délicatesse de son parfum. Comme plante de collection , il se recommande par une grande variété de teintes; il n'existe pas d'œillets franchement bleus, quoiqu’on en pos- sède un grand nombre de toutes les nuances, violettes et ardoises, qui se rapprochent plus ou moins du bleu. En Angleterre, où le goût des œillets estirès répandu, parce que cette cul- ture est considérée comme de bon ton, et plait spécialement aux dames de qualité, on a des catalogues de plus de 350 espèces ou variétés d’œillets, divisés par classes que grossissent chaque année les fleurs nouvelles obtenues par les semis. En France, la culture des œillets, mise en oubli pendant assez longtemps, reprend faveur ; la mode, qui exerce son influence capri- cieuse sur le goût des fleurs comme sur toutes les choses de goût, admet actuellement dans les collections d’œillets d’amateur toutes les fleurs réellement belles ei bien conformées, qui en étaient exclues autrefois. Quoique le prix des œillets d’amateur soit moins élevé que celui des tulipes et des jacin- thes, quelques variétés se vendent encore assez souvent fort cher. En 1838, nous avons vu offrir 300 fr. d'un seul pied d'œillet, bizarre- pourpre, récemment obtenu de graine. Les varietés d’œillets de collection sont beau- coup plus fugitives que celles de toutes les au- tres fleurs de collection. Elles ne se perpétuent pas de semence ; les boutures et mareottes re- produisent le plus souvent, mais non pas con- stamment et avec certitude, les fleurs de leur plante-mère ; enfin, les soins de culture les plus TITRE V. minutieux n’empêchent pas toujours les plus beaux œillets de dégénérer sans cause connue , et l’on ne parvient pas toujours à les rétablir de marcottes ou de boutures; c’est donc de toutes les cultures de plantes de collection de pleine terre celle qui exige les soins les plus at- tentifs et les plus Constants : c’est une des rai- sons qui doivent en rendre le goût plus durable. L’œillet de collection, par excellence, a été longtemps exclusivement l’œillet flamand, semi-double, à fleur de grandeur moyenne ; les pétales doivent avoir leurs bords parfaitement entiers, retroussés avec élégance, portant sur un fond parfaitement pur, blanc ou rose, mais pré- férablemeat d’un blanc de lait, des lignes lon- gitudinales d’une ou plusieurs couleurs nettes et tranchées. Les collections d’œillets flamands ne sont jamais très nombreuses, parce qu’elles n’admettent pas les œillets à pétales dentelés ; au contraire, les collections qui admettent toutes les belles variétés peuvent contenir des centaines de fleurs différentes. A. — Multiplication. 1. Semis. Les œillets de collection semi-doubles don- nent des graines fertiles, mais en petit nombre ; ces graines sont toujours fort chères. En Bel- gique, la bonne graine de véritable œillet fla- mand vaut 1 fr. la graine; il est vrai qu’il s’en vend fort peu; la culture des œillets, dans ce pays, est entre les mains d’un certain nombre d’amateurs aisés qui échangent entre eux les semences qu'ils récoltent et en livrent bien peu au commerce. Les œillets obtenus de semis, lorsqu'ils réunissent les conditions exigées pour entrer dans une collection d’amateur, valent mieux que les boutures et marcottes; ils sont moins sujets à dégénérer. Les Anglais, qui sè- ment beaucoup d'œillets , tirent la graine, soit de Suisse, soit de Vienne en Autriche; elle voyage et conserve plusieurs années ses facultés germinatives, pourvu qu’on la tienne dans des flacons très bien bouchés. Dans les pays où automne est froid et humide, la graine, mûre en apparence, n’est pas toujours féconde, et très souvent elle ne lève pas. Les semis se font dans la première quinzaine d’avril dans des pots ou des terrines qu’on place en plein air dans une situation ombragée, mais bien aérée ; on peut aussi semer en pleine terre, mais avec moins de chances de succès, parce que l’æillet, dans son premier âge, a besoin d’être préservé d’un excès de chaleur ou d'humidité, ce qui est plus facile lorsqu'il est en terrine ou en pot. La terre, pour les semis d’œillets , est la même que pour les plantes faites (voir page 306). On sème aussi avec succès en terre franche ou en terre de bruyère, l’une et l’autre mêlées avec partie égale de bon terreau. Nousreproduisons, comme excellents à suivre pour les semis en grand , les détails du procédé indiqué par FLORICULTURE. 305 La terre, égalisée avec soin, doit être com- primée légèrement avec une planche: sur une surface parfaitement unie , il est plus facile de voir si les semences sont répandues bien égale- ment ; elles doivent être recouvertes d’un cen- timètre seulement de terre tamisée pardessus et égalisée avec le dos du râteau. On arrose légèrement et à plusieurs reprises, pour éviter de découvrir les graines et de les déplacer ; on étend ensuite un paillasson par-dessus la plan- che ensemencée, pour empêcher la terre de se dureir et pour favoriser la germination qui s'obtient ordinairement au bout de huit jours. Aussitôt qu'on voit la terre soulevée par les germes, on enlève les paillassons et l’on donne de temps à autre au jeune plant un léger bassinage avec de l’eau dégourdie au soleil. Dès que le jeune plant prend sa sixième feuille et qu'il atteint la hauteur de 0,07 à 0®,08, il est bon à transplanter. Le plant d’œillets se repique à 0",10 ou0m®,12 en toutsens; il n’exige d’autres soins que d’être préservé des grandes pluies et des coups de soleil trop ardents; il ne craint pas en hiver le froid sec, même très intense ; les dégels accompagnés de verglas et suivis immédiatement de gelées, peuvent seuls lui être funestes ; c’est alors seulement qu'il a besoin d’être garanti. Mais si l’on rentrait les pots contenant le jeune plant d’æillet dans l’o- rangerie, ou même dans une chambre habitée, quand la température, quoique très froide , ne peut lui être nuisible, on lui ferait un tort con- sidérable. Les œillets de semis, convenablement traités, fleurissent la seconde année, c’est-à- dire au bout d’un an révolu. On obtient très difficilement des semis des variétés réellement nouvelles ; l'amateur qui s’est livré toute sa vie à cette culture est heureux lorsque, dans tout le cours de son existence, il a pu avoir 5 ou 6 œillets nouveaux ; mais il a eu tous les ans des centaines de très beaux œillets appartenant aux variétés déjà connues. 2. Marcottes et boutures, L’æillet de collection n’est pas ordinairement d’une constitution assez vigoureuse pour don- ner un grand nombre de pousses bonnes à mar- cotter. Lorsqu’à la première floraison des semis, on reconnait une très bonne fleur, il faut pro- fiter, pour la multiplier, des pousses susceptibles d’être marcottées; la plante n’en portera jamais plus tard un aussi grand nombre. Les tiges de l'œillet étant très fragiles, il est bon de s’abste- nir pendant quelques jours d’arroser les piantes qu’on se propose de marcotter, afin de rendre leurs tiges plus flexibles. Les marcottes au pied de la plante se font dans la terre du pot, comme nous l'avons indiqué pour le marcottage des plantes de pleine terre (voir Marcottage ). Beaucoup de traités d’horticulture recomman- dentdejoindre à l’incisionhorizontale desnœuds de la tige à marcotter, une autre incision lon- gitudinale qui fend cette tige sur une petite M. Ragonnot-Godefroi, dans son Traité de la | longueur, ce qui se nomme marcotte à talun. culture des œillets. NORTICUITURE, Nous crayons cette pratique plus nuisible qu’u- T.V.—# 306 tile; les sujets faibles, au lieu de s’enraciner, pourrissent et meurent; il vaut donc mieux s’en tenir à l’incision horizontale. Le plus grand nombre des marcottes ne se fait point dans la terre du pot, mais dans des pots à part, exclusivement adaptés à cet usage (fig. 450). Les plantesd'æilletsde collection, seu- Fig. 450. lement ägées de deux ou trois ans, ne poussent que rarement et faiblement du pied ; les pousses à marcotter sont situées à différentes hauteurs sur la tige; il faut les marcotter sans les dé- ranger. On emploie communément un pot de très petites dimensions, muni d’une fente laté- rale ; la marcotte s’y insère, dégarnie de feuilles, comme le montrelaligure 450; on le remplit en- suite de terre à œillets, on recouvre de mousse sa surface et on l’arrose fréquemment, mais très peu à la fois. Les vrais amateurs ne sauraient employer rien de plus convenable pour cet usage que le cornet double en zinc ou en plomb laminé, s’ou- vrant à Charnière (fig. 451). La seconde cavité Fo. 115 Î ; se tient constamment remplie d'eau; une me- che de coton, en vertu de la capillarité, porte à volonté une humidité’ suffisante sûr la terre de la marcotte. Quel que soit le mode de. marcottage em- ployé, il est bon de séparer les marcottes de la plante-mère aussitôt qu’elles. sont enracinées, cequialieu d'ordinaire au bout de 30 à 40 jours ; HORTICULTURE. Il LIVRE VIIS, centrales, qui ne recommencent point à pousser avant la formation des nouvelles racines. Ce- pendant beaucoup de praticiens ne sèvrent les marcottes qu’à la fin de l'automne, ce qui doit. fatiguer beaucoup les plantes-mères. L'époque la meilleure pour le marcottage est celle de la pleine floraison des œillets. Beau- coup d'amateurs, pour ne pas nuire au coup d'œil de leurs collections, attendent que les œillets à marcotter aient passé fleur; mais alors, leur végétation n'étant plus assez active, le succès de l'opération devient très incertain. Les marcottes enracinées, mises dans des pots de dimensions convenables, suivent le traite- ment ultérieur des plantes parfaites ; elles fleu- rissent au printemps suivant, un peu avant les vieilles plantes ; les boutures se font à la même époqueet dans la même terre que les marcottes. Ce moyen de multiplication est préférable à tout autre pour les variétés plus sujettes que les autres à dégénérer ; elles doivent être mises en terre dans une situation courbée, de ma- nière à ce que la partie qui doit s’enraciner se trouve placée horizontalement. BP. — Préparation du sol, . P En Belgique, la terre pour les œillets est for- mée d’un tiers de terre franche normale et de deux tiers de terreau bien consommé; on pré- pare le mélange bien incorporé plusieurs mois avant de s’en servir. En Angleterre, on com- pose la terre à œillets de 3 parties de fumier de cheval très consommé, deux parties de terre franche et une partie de sable fin. Comme on la prépare un an d'avance, le fumier qu’on prend ordinairement dans les couches épuisées après avoir produit des concombres ou des melons, se convertit en terreau, de sorte que les deux recettes reviennent à peu près au même. Quant au sable, nous croyons que dans toute terre tant soit peu compacteet argileuse, sa présence dans la proportion d’un sixième ne peut qu'être utile aux œillets. Il est à remarquer que, quard les couleurs d’un @illet se brouillent et s’alic- rent, on le rétablit quelquefois en le plantant en pleine terre, en terre franche sans fumicr; mais il ne pourrait continuer à v végéter long- temps sans s’altérer de nouveau. M. Ragonnot- Godefroi, habile horticulteur qui s’est occupé spécialement de la culture des œillets, considère une bonne terre à blé ordinaire, argilo-siliceuse, facile à diviser. comme très convenable à la végétation des œillets. C. — Détails de culture. Les œillets semés en terrines ou dans des | pots sont souvent repiqués pendant la bonne saison en pleine terre avant leur première flo- raison ; on ne met alors en pots que les plantes qui ont donné des fleurs dignes de figurer dans la collection; les autres servent à orner les plates-bandes du parterre. Les marcottes et les boutures enracinées, ainsique les bonnes plantes | de semis, se cultivent dans des pots à la con- on s’en apercoit à l'allongement des feuilles | ditior d’un rempotage annuel. Beaucoup d’a- ; s mg 7 TITRE Y. mateurs eompromettent leurs collections en ne donnant aux œillets que des pots trop petits ; ces pots, sur les dressoirs où on les dispose pendant la floraison, font un meilleur effet que d’autres plus grands, parce qu’ils permettent de rapprocher davantage les fleurs; mais il vaut mieux avoir égard principalement à la conser- vation des plantes. Dans ce but, les dimensions les plus convenables sont 0,25 de diamètre à l'orifice supérieur, 0®,16 de diamètre à la base et 0",20 de hauteur. L'épogue la plus convenable pour mettre en pot les jeunes œillets qui ont donné leur pre- mière fleur et rempoter les anciens, est du 10 au 20 mars, selon la température. Les gradins en bois (fig. 452), sur lesquels ces pots sont ran- Fig. 452. gés, ne doivent être rentrés sous un hangar ou dans une orangerie que passagèrement , pen- dant les fortes pluies ou les orages qui pour- raient les endommager; en tout autre temps, ils doivent rester dehors; l’œæillet ne saurait avoir trop d'air. Pour prévenir la chute des pots par les coups de vent, il est bon d’assujet- tir chaque rangée de pots au moyen de deux cercles en fil de fér peints en vert, adaptés à la planche qui supporte le gradin supérieur, comme le montre la fig. 452. Pour rempoterles œillets on les enlève en motte, en ayant soin de ne pas détacher la terre adhérente aux princi- pales racines; on doit, dans ce but, saisir pour cette opération délicate le moment où la terre despotsest au degré convenable de consistance, plutôt trop sèche que trop mouillée. Tandis qu’on tient la motte dans une position renver- sée , on détache légèrement en frottant avec le dos d’une lame de couteau une petite épaisseur de terre tout autour de la motte ; on place en- suite au fond du pot assez de terre à œillet pour que la motte, replacée sans être brisée, affleure le bord du pot comme avant le dépotage; puis on remplit les vides en répandant de la terre neuve tout autour et en pressant légèrement. On ne laisse point aux œillets de collection toutes leurs fleurs; ils ne doivent en donner que 4 ou 5 chacun pour qu’elles soient dans toute leur perfection. La tige est toujours trop FLORICULTURE. 307 faible pour les soutenir ; on lui donne un tuteur de bois, ordinairement peint en vert; deux ou trois attaches en fil de laiton très mince, suffi- sent pour la maintenir; ces attaches ne doivent point être assez làches pour que la tige agitée par le vent éprouve des frottements qui pour- raient l’endommager. L’œillet redoute excessi- vement l’excès de l'humidité; il a besoin de très peu d’eau, même pendant les chaleurs ; il ne faut jamais submerger la terre des pots, il faut seulement la rafraichir. Les arrosages doi- vent d’ailleurs être proportionnés à la force de végétation de chaque plante en particulier. Les œillets qui languissent et ceux dont on désire obtenir des pousses nombreuses et vigoureuses pour pouvoir les marcotter, se trouvent très bien d’un liquide formé de 20 litres d’eau dans lequel on a délavé 1 kilog. de tourteau de colza ; ce genre de fumure, car c’est un véritable en- . grais, est très usité en Belgique eten Angleterre. Lorsqu’en dépit de tous les soins, une plante d’æillet en pot végète faiblement , on doit pour lui rendre la vigueur la mettre en pleine terre et supprimer, dès qu'il se montre, le bourgeon central qui doit donner naissance à la tige des- tinée à porter les fleurs. La plante n'ayant pas de fleurs à nourrir, se repose et se fortifie; elle donne en outre un grand nombre de drageons qui permettent de la multiplier. Beaucoup d’æillets sont sujets à un incon- vénient provenant de l’abondance et de la pe- santeur des pétales; le calice ne pouvant plus les contenir, se fend entre deux de ses divisions ; la fleur perd dans ce cas la régularité de sa formeetdéparela collection; on nomme crévards les œillets dont les fleurs ont habituellement ce défaut. Lorsqu'on prévoit qu’un œæillet ne s’ou- vrira pas bien, on peut, quelques jours avant la floraison, inciser le calice avec un canif entre chacune de sesdivisions, en faisant les incisions aussi égales que possible; elles ne doivent pas pénétrer plus avant que l’épaisseur du calice. Si, malgré cette opération, l'œillet se déchire encore , on entoure le calice d’une bague en laiton semblable à celles qui retiennent la tige fixée au tuteur. L’œillet en fleur a pour ennemi linsecte nommé perce-oreille; pour len délivrer, on suspend le soir à chaque tuteur un ou deux ergots de veau, de porc ou de mouton; les per- ce-oreilles ne manquent pas de s’y retirer à la chute du jour, et il est facile de les détruire. L'œillet, comme nous l'avons dit, a besoin de beaucoup d'air et ne craint pas le froid sec; il faut le garantir des vents froids et des pluies excessives, et le rentrer lorsqu'il y a apparence de neige ou de verglas. Du reste, il vaudrait mieux qu'il füt exposé tout l'hiver aux in- tempéries de la saison, que de rester enfermé dans une orangerie qui ne serait pas suffisam- ment aérée. La végétation de l’œillet étant complétement interrompue pendant l'hiver, on ne lui donne d’eau durant cette saison que la quantité abso- lument nécessaire pour l'empêcher de se dessé 808 cher complétement. Au retour du printemps, la terre des pots doit être binée avec précaution dès qu’on s'aperçoit que les œillets recommen- cent à pousser. Peu de plantes exigent plüs de soins que l'œillet de collection; les plus habiles horticul- teurs. s'ils n’ont l'habitude de cette culture spéciale, y échouent très souvent. Nous citerons l'exemple récent de la Société d’horticulture de Londres, qui ayant acquis une superbe collec- tion de plus de 300 willéts) les perdit presque tous pour les avoir confiés à un jardinier très babile du reste, mais qui n’avait pas la pratique de ce genre particulier de culture. $ IV. — Crocus. Cette charmante fleur, très peu cultivée en France, se recommande pourtant par une foule de qualités précieuses, au premier rang des- quelles il faut placer la facilité de sa culture, qui réussit dans toute espèce de terrains. Elle précède, au printemps, toutes les autres fleurs de collection ; quand les ognons sont convena- blement assortis, ils restent en fleurs depuis le 15 février jusque dans les premiers jours d’a- vril; les gelées tardives et les mauvais temps n’arrêtent pas leur végétation. On connaît 25 espèces de crocus, désignées sous des noms par- ticuliers; mais il en existe un bien plus grand nombre : et les semis, dont on obtient la fleur au bout d'un an, peuvent donner des variétés à l'infini. Les principales eouleurs sont : le jaune d’or (crocus de Mæsie, fig. 323), le jaune d’or ravé de pourpre (crocus de Suze), le jaune soufre (croeus soufré), le blane rayé de pour- pre et de jaune (crocus à deux fleurs), et le vio- let-pourpre (crocus de Naples) ; tous ces crocus fleurissent au printemps ; quatre ou cinq espè- ces fleurissent en automne. Les semis se font aussitôt que la graine est mûre, vers la fin d’a- vril ou les premiers jours de mai. La culture des erocus est des plus simples ; on ne lève les ognons que tous les trois ans. Dans cet intervalle, chaque ognon a donné assez de caïeux pour pouvoir être remplacé par d’au- tres prêts à porter fleur, pour peu qu’il se trouve endommagé. Les feuilles très menues du cro- eus ne se montrent qu'après la fleur. Lors- qu'on le place en bordure, ce feuillage , paques inapereu, permet de placer en seconde igne des semis de bordures annuelles, après que la floraison du crocus est épuisée. En Hol- lande et en Belgique, où l’on cultive beaucoup de erocus, ils sont touiours à très bas prix; aussi en rencontre-t-on des collections dans presque tous les jardins, où elles réjouissent la vue par l’éclat de leurs couleurs, à une époque où il n’y a presque ni fleurs ni verdure dans les plates-bandes du parterre. $ V. — Auricule ou oreille d'ours. Cette jolie fleur, à laquelle l'odeur seule man- que pour prendre rang parmi les plantes de collection les plus précieuses, est essentielle- ment la fleur de l'amateur peu favorisé de la HORTICULTUR E. LIVRE VII, fortune. En Angleterre, où sa culture est portée à un haut degre de perfection, les plus belles auricules ne se rencontrent ni dans les parter- res des riches, ni même chez les horticulteurs de profession; on va les admirer dans le très petit parterre, ou même tout simplement sur la fenêtre du modeste logement de louvrier ma- nufacturier de Manchester et de Birmingham. Il en est de même en Belgique, où le goût des fleurs est la passion et le principal délassement de l’ouvrier ; goût que nous voudrions voir se répandre en France, au détriment des cartes et du cabaret; nous ne l’avons remarqué, à bien peu d’exceptions près. que chez les populations des départements du nord de la France, où les mœurs sont restées belges sous tant d’autres rapports. Les amateurs d’auricules sont fort difficiles à l'égard des conditions exigées d’une fleur pour qu’elle puisse être admise dans la collec - tion. Les anciens traités admettaient quatre classes d’auricules de collection : les pures, à fleur d'une seule couleur, les liégeoises à deux couleurs, les anglaises ou poudrees, et Les dou- bles. Aujourd’hui les doubles sont entièrement exclues, comme offrant trop peu de variété dans leur floraison; les pures, réellement moins belles que les deux autres, sont peu recherchées, sauf un petit nombre de très belles plantes; l'intérêt se concentre sur les liégeoises et-les anglaises ; la supériorite des premières nous semble in- contestable. Une fleur parfaite d’auricule de collection doit montrer à son centreses étamines (paillettes) et son pistil (clou), au niveau de l'ouverture du tube de la corolle. La moitié de son diamètre doit être ou d’un blane mat pur, ou d’un jaune clair; le reste, c’est-à-dire le bord extérieur, doit être d’une couleur foncée, veloutée, diminuant d'intensité depuis la par- tie qui touche au cercle intérieur jaune ou blanc, jusqu’au limbe qui doit toujours être plus clair. La fig. 452 bis représente une auricule lié- Fig. 452 bis, geoise blanche et bleue, digne d’entrer dans une collection d’amateur; on remarquera la force de la tige florale; elle doit toujours être telle qu’au moment où tous les fleurons sont épanouis, elle puisse en supporter le poids sans cesser d'être parfaitement droite. TITRE V: Les auricules se multiplient, soit de graine, soit par le déchirage des souches, en laissant à chaque morceau une portion des racines; mais le premier moven est le meilleur etle plus usite. On ne doit multiplier par séparation que les variétés difficilement ou rarement obtenues de semence; les séparations se font au printemps, à l’époque, variable d’année en année, dela re- prise de la végétation. A. — Sesnis. Le succès des semis d’auricules dépend , en majeure partie, du choix de la graine. On met à part les sujets qu’on destine à servir de porte- graines, choisis parmi les plantes jeunes et vi- goureuses, qui donnent leur seconde ou leur troisième fleur. Cette séparation a pour but de prévenir les croisements accidentels qui doivent naturellement s’opérer entre un grand nombre de fleurs épanouies dans le voisinage les unes des autres. Ces croisements s’opèrent à volonté, en secouant sur la fleur qui doit porter graine le pollen des étamines d’une belle variété; on peut aussi, selon la méthode anglaise, retran- cher le pistil des fleurs employées à cette fé- condation, afin de favoriser le développement des étamines, ce qui rend le pollen plus abon- dant, et le succès du croisement plus assuré. La terre destinée aux semis doit avoir les mê- mes qualités que celle employée pour les plan- tes faites, La graine müre en juin ou juillet se conserve dans ses capsules jusqu'au mois de janvier ou de février, où elle se sème en terrines, à fleur de terre. Quelques amateurs, pour ne pas s’ex- poser à perdre une partie de la graine, qui ne lève pas quand elle est trop recouverte, ne la couvrent pas du tout : ils exposent les terrines des semis pendant quelques minutes à une pluie douce, dont l’eflet suffit pour enterrer la graine d’auricule. Il faut arroser modérément jusqu’au moment où la graine lève. Le meilleur moyen consiste à placer à côté des terrines un vase rempli d’eau, autant que possible, dégourdie au soleil ; un morceau d’étoffe épaisse, plongeant dans le liquide, est disposé de manière à por- ter, par l'effet de la capillarité, une humidité salutaire sur la terre ensemencée en auricules, sans lui faire éprouver aucun tassement. Sans toutes ces précautions, les semences les plus délicates, qui sont toujours celles des meilleu - res variétés, mettent deux ans à lever, ou même ne lèvent pas du tout. Les semis, convenablement traités, lèvent au bout de trois semaines ou un mois. Il ne faut mettre les terrines à l’air que 15 ou 20 jours après que le plant est levé. Le plant d’auricules est très délicat ; lorsqu'il montre sa sixième feuille, on le repique, en terrines ou en caisses , à 0m,05 de distance en tout sens. L'usage ordinaire est de ly laisser jusqu’à ce que les jeunes plantes se touchent , mais on peut devancer cette époque, au moins pour les sujets les plus vigoureux , car tous ne végétent pas également bien ; au second repi- FLORICULTURE. 309 quage, le plant se met en pot, à demeure. L’auricule, peu sensible au froid, reussirait aussi bien en pleine terre qu’en pots; mais au- eune plante n’a plus d’ennemis : ses feuilles, épaisses et tendres, et ses souches charnues, sont un mets de prédilection pour les limaces et une foule d’insectes dont il est impossible de les débarrasser complétement en pleine terre. La culture en pots offre de plus cet avantage qu'on peut prolonger la floraison en dispo- sant les pots à l'abri sur le dressoir à œillets, tant que les auricules sont en fleur. Ceux qui ne se sont jamais livrés à cette culture ne peu- vent s’imaginer à quel point cette plante bien traitée peut différer d'elle-même; on cite. comme une rareté, une auricule chargée de 133 fleurs, obtenue en Angleterre, par un jar- dinier nommé Henri Show, en 1768 ; on trouve fréquemment en Belgique et en France, à Lille, Douai, Valenciennes, Maubeuge, des auricules réunissant sur un seul pied près de 100 fleurs, principalement dans les variétés bleues. Ces mêmes pieds, négligés seulement pendant une année, donnent à peine 5 ou 6 fleurs pâles et chétives. B. — Préparation du terrain. Le compost servant de terre aux aurieules est assez difficile à bien préparer ; souvent on se borne à mêler de bon terreau de fumier de vaches avec de la terre de bruyère, par parties égales. Ce mélange, bon en lui-même, est seu- lement un peu froid ; les auricules y viennent fort belles, mais elles poussent lentement et fleurissent tard. On préfère généralement aujourd’hui le compost anglais, adopté par les amateurs lie- geois, très curieux de cette culture. COMPOST ANGLAIS POUR LES AURICULES. Terre de bruyère...,...... aus Mes | 4 partis. BOIS) POUTTI dE SAUlE. ee lee ele 1 Sable derTivibreiresifn. ee sc ee 2 Terreau de feuilles. ,....... REA DE 4 Terre franche de jardin. ....... MR» 4 Terreau de fumier de vaches......... 12 34 Les doses de cette recette doivent être prises, non en poids, mais en volume. Les ingrédients de ce compost doivent être plusieurs mois d’a- vance mêles exactement et remués à la pelle, à plusieurs reprises, avant de s’en servir. Dans les pays très humides, et froids au printemps, comme l'Angleterre et la Hollande, on se trouve bien d’humecter ce compost avec du jus de fumier en fermentation, ou avec une légère solution de sous-carbonate d’ammonia- que, afin d'activer la végétation des auricules. On ajoute aussi, dans le même but, au com- post, un peu de crottin de moutons. C’est done bien à tort que quelques praticiens sont dans l’usage, d'éviter pour l’auricule, au- tant que pour les plantes bulbeuses, le contact de tout engrais animalisé, et de n'employer à sa culture que des engrais de nature purement PEL | 310 végétale. Non-seulement l’auricule supporte la présence des substances ammoniacales, mais encore elles sont très utiles au développement complet de sa végétation. C. — Détails de culture. On ne cultive généralement en pleine terre que les auricules communes ; toutes les variétés de collection se cultivent dans des pots dont les dimensions ordinaires sont 0,20 de dia- mètre à l’orifice supérieur; 0",15 de diamètre à la base, et 0m,25 de profondeur. Ces dimen- sions nous ont toujours semblé un peu faibles ; les auricules, selon leur force, se trouvent bien d’un peu plus d'espace laissé à leurs racines. L'opération du rempotage, qui ne doit se faire qu'après la floraison, exige beaucoup d’attentions et de soins. On laisse la terre des pots devenir presque entièrement sèche. de manière à ce que les plantes soient à demi flétries ; en cet état, la motte se détache facile- ment ; il suffit pour cela de renverser le pot en soutenant la terre, et de lui faire faire un tour sur elle-même. Quelle que soit la grandeur du pot, le chevelu des racines de l’auricule le rem- plit entièrement, de sorte que la motte en est entourée, Comme d’un réseau. Il ne faut ra- fraichir que l'extrémité des racines, lorsqu'on les trouve dans un état parfaitement sain ; mais lorsqu'elles sont plus ou moins attaquées, il faut retrancher jusqu’au vif toute la partie endom- magée ; on en agit de même à l'égard de la souche, qui forme une espèce de tubercule ex- térieur. On laisse les plaies se sécher pendant quelques heures à Pair libre, mais hors du con- tact direct des rayons solaires; on les recouvre ensuite avec une composition formée de cire vierge et de poix-résine, par parties égales, espèce d’emplâtre qui tombe de lui - même quand les plaies sont cicatrisées. L’auricule , à toutes les époques de sa crois- sance, craint plus l'excès de l’humidité que ce- lui de la sécheresse ; il ne faut l’arroser que quand les feuilles, en se ramollissant , en indi- quent la nécessité. C’est pour cette raison que beaucoup de jardiniers sont dans l’usage de coucher les pots d’auricules dans une position horizontale, lorsqu'il survient de fortes ondées; il vaut mieux, dans ce cas, prendre la peine de mettre à couvert les pots d’auricules en fleurs, car l’eau surabondante leur serait très nuisible. $ VI. — Dahlia. Cette plante est nouvelle en Europe, compara- tivement aux autres plantes de collection, puis- que son importation du Mexique ne remonte pas au-delà des dernières années du dix-huitième sièele. Retrouvée en 1804, à l’état sauvage au Mexique, son pays natal, par M. de Humboldt, | ce n’est que depuis cette époque qu’elle est réel- | lement devenue plante de collection, et que les | horticulteurs se sont appliqués à utiliser la pro- | priété précieuse dont elle jouit, de donner par | la culture des variétés innombrables, toutes | faciles à conserver et à propager. | HORTICULTURE. LIVRE VITI. Il manque au dahlia deux qualités essen- tielles : l'odeur et la beauté du feuillage. I ra- chète ces défauts par la richesse et la variété des nuances, et plus encore par la flexibilité de sa nature, qui permet à la culture d’en faire presque à volonté une plante naine ou un épais : buisson de plusieurs mètres de hauteur. Le nombre des variétés, actuellement exis- tantes, monte à plus de 1,000; une telle liste, beaucoup trop volumineuse pour prendre place dans cet ouvrage. serait d’ailleurs in- complète, et par conséquent inutile, dès l’année prochaine. Les amateurs, jaloux de se former une belle collection, doivent recourir aux cata- logues imprimés chaque année par les princi- paux horticulteurs-marchands. Le prix des dablias n’est jamais très élevé ; les variétés anciennes sont accessibles aux plus modestes fortunes; on en vend à Paris de fort belles, sur le marché aux fleurs, de 20 à 60 c. le pied, en détail. Pour une collection de 4 à 500 plantes, le prix moyen est de 30 à 40 fr. le 100. Il n'y a que les variétés nou- velles qui, n’ayant qu’une valeur de fantaisie, sont payées de 10 à 25 fr., et même au-delà, par les amateurs riches, pressés de les ajouter à leur collection ; au bout d’un an ou deux, elles ren- trent dans la classe des anciennes, et retom- bent aux mêmes prix. Les qualités que les amateurs recherchent le plus dans la fleur de dahlias, sont la pureté et la vivacité des nuances, la régularité dans la disposition des fleurons et la sphéricité parfaite des fleurs. Ainsi, le volume des fleurs, joint à l'éclat des nuances, ne suffit pas pour faire ad- mettre une plante nouvelle dans les collections d’amateur ; il faut encore que le centre de la fleur ne soit pas déprimé, ce qui arrive le plus souvent aux fleurs très grosses, et que les fleu- rons ou ligules, improprement nommés pétales, soient placés avec la symétrie la plus régu- lière. Les fleurs les plus volumineuses, lors- qu’elles remplissent ces conditions, sont les plus recherchées; ce sont aussi les plus diffi- ciles à obtenir. La fig. 453 montre un dahlia à fleur parfaite. En aucun pays du monde, la passion des TITRE V. dahlias n'est poussée à un plus haut degré qu’en Angleterre. Les Sociétés d'horticulture , tres nombreuses dans ce pays, en encouragent le goût par de fréquents concours où des prix considérables sont offerts aux horticulteurs qui peuvent obtenir des variétés nouvelles, ou perfectionner les anciennes. Ces prix ne sont pas toujours décernés à ceux qui s'en sont rendus les plus dignes par des soins assidus, couronnés d’un plein succès. « Trop souvent, dit M. Paxton, les concurrents de mauvaise foi savent corriger artificiellement les défauts des fleurs mises au concours, en y insérant des fleurons parfaits, à la place des fleurons dé- fectueux ; ils dérobent ainsi des prix qu'ils ne méritent pas, et leurs fraudes sont très diffici- lement reconnues par les juges des concours. A. — Multiplication. Les dahlias peuvent être multipliés soit dans le but de continuer les variétés obtenues, soit dans l'espoir de s’en procurer de nouvelles. Dans le premier cas, on propage cette plante, soit de bouture , soit par la séparation des tu- bereules, soit en greffant sur tubercules; tous ces procédés maintiennent les variétés sans al- tération. Les variétés nouvelles ne peuvent s’obtenir que par la voie des semis. 1. Boutures. Les tiges de dahlias reprennent avec une grande facilité lorsqu’elles sont séparées de la plante-mère peu de temps après leur naissance ; cueillies plus tard, elles peuvent reprendre, mais avec moins de certitude. On place ces boutures dans les conditions les plus favorables, en sa- crifiant sur couche au printemps des tuber- cules qu’on épuise en enlevant toutes les tiges à mesure qu’elles se montrent , et en s’en ser- vant pour boutures. Mais lorsqu'on craint de perdre une variété nouvelle ou très rare, et qu’on désire la multiplier avant de l’exposer aux chances de destruction que l'hiver amène toujours avec lui, on utilise comme bou- tures les pousses de l’année, avant qu’elles aient ressenti les atteintes des premières ge- lées blanches de l'automne ; c’est surtout dans ce cas qu'il convient de bouturer le dablia à l’arrière-saison. Boutures de printemps. — On force les dahlias au printemps sur une couche tiède ordinaire dans laquelle les feuilles doivent en- trer au moins pour un tiers. Sur cette cou- che, parvenue au degré de chaleur conve- nable, on étend un lit de terreau mélangé par parties égales avec du sable fin; quelques dé- bris d’écorces et de bois pourri tels qu'il est facile de s’en procurer dans le voisinage des chantiers où des piles de bois ont séjourné longtemps, ajoutent à l'effet de ce mélange ; la terre normale ou le terreau pur seraient trop pourrissants. Les tubercules des dahlias sont couchés côte à côte par lignes parallèles sur la | couche ainsi préparée, de facon à en recouvrir toute la surface; on les saupoudre ensuite du FLORICULTURE. 311 même mélange pour les recouvrir compléte- ment jusqu’au collet de la racine qu’on nomme couronne ; cette partie doit rester à découvert. La meilleure position à donner aux tubercules pour favoriser l’émission des jeunes pousses est une situation inclinée, afin que les jets, en pre- nant la direction verticale qui leur est naturelle, se trouvent légèrement recourbés à la base, forme favorable à leur reprise. Quelques arro- sages avec de l’eau simplement dégourdie ac- célèrent la végétation des tubercules; néan- moins ils doivent être donnés avec prudence ; si la vapeur condensée à la surface interne du vitrage qui recouvre la couche semble très abondante, il faut s'abstenir d’arroser. Les jets de dahlia s’enlèvent avec une por- tion de la couronne détachée au moven d’une lame bien tranchante, dès qu’ils ont atteint la hauteur de 0m,08 à 0"10. On leur laisse dé- passer cette élévation lorsqu'il s’agit d’une plante peu vigoureuse dont on veut un grand nombre de sujets; on fait alors de chaque pousse deux boutures, en laissant à chaque bouture deux yeux pour le moins; mais la reprise est plus aventurée et le nombre total des plants enracinés n’est pas, en dernier résultat, aug- menté de beaucoup par ce procédé. La méthode précédente de forcer les tuber- cules de dablias à donner un grand nombre de jets propres à être employés comme bouture, est la plus rationnelle et celle qui offre le plus de chances de succès; l’horticulteur de profes- sion et l’amateur assez riche pour posséder tous les accessoires d’une culture jardinière perfec- tionnée, ne sauraient en employer une meil- leure. Mais à défaut de toutes ces ressources, on obtiendra de très bonnes boutures en met- tant les tubercules dans des pots d’une grandeur proportionnée à leur volume, pleins de terreau mêlé d’un peu de sable et de débris d’écorces, et placés dans une chambre modérément chauf- fée. assez près des fenêtres pour profiter de l'influence de la lumière. On aura soin de ne les jamais arroser avec de l’eau trop froide. Les jets obtenus par l’une ou l’autre de ces méthodes, se plantent séparément dans de pe- tits pots ou godets remplis, soit de sable pur, soit de terre de bruyère, afin de leur éviter une humidité surabondante qui leur est toujours nuisible. Ces pots sont placés, soit dans une couche tiède recouverte d’un châssis, soit dans les mêmes conditions que les tubereules. On ne perdra jamais de vue le principe applicable à toutes les boutures des plantes succulentes, savoir, qu’elles perdent toujours par la tran- spiration plus qu’elles ne reçoivent tant qu’elles ne sont pas complétement enracinées ; on évi- tera donc de les exposer à l’action desséchante du hâle et à l'influence directe des rayons so- laires, et elles ne seront exposées à l'air libre que quand la foree de leur végétation indiquera qu’elles sont en état de le supporter. Jusque-là les boutures resteront couvertes, soit d’une cloche, soit d’un chässis. Le plus souvent, pour les boutures délicates, on réunit ces deux au2 moyens; on recouvre d'une cloche plusieurs pots contenant chacun une bouture et enterrés jusqu’au bord dans la couche (fig. 454), puis on Fig. 454. rabat le châssis par-dessus la cloche, ce qui donne une double protection aux boutures, soit contre l’évaporation, soit contre l'action di- recte des rayons solaires. Lestubereules mis en pot ou sur couches en février, donnent au commencement de mars des ousses bonnes à former des boutures; il ne faut es risquer en plein air que quand toute crainte de gelee blanche est évanouie. Les jardiniers marchands ou les amateurs qui possèdent des collections très nombreuses étant forcés de ménager l’espace toujours trop étroit dans la serre ou sous les châssis, font leurs boutures de dahlias dans des pots fort petits, ce qui les met dans la nécessite de leur donner des pots plus grands vers le milieu de l’été pour qu'ils puissent y compléter leur croissance à l'air libre; car une fois qu’ils ont pris racine, le sable et la terre de bruvère où ils ont com- mencé à végéter ne leur suffisent plus; il leur faut un sol plus substantiel. On pratique ce mode de bouturage du commencement de mars au 15 mai; les dablias prennent racine en 20 jours au moins et 40 jours au plus. Les boutures exigent des soins continuels, soit avant, soit après leur reprise ; tous les pots ne doivent pas être arrosés à la fois, tous n’exi- gent pas la même quantité d'eau; l'on en juge au plus ou moins de sécheresse de la terre des pots; quand cette terre est trop humide, l’ex- trémité inférieure de la bouture pourrit et n’émet point de racines. La couche ne doit avoir qu’une chaleur modérée; lorsqu'on emploie la chaleur artificielle du thermosiphon , le sable pur remplace le fumier avec avantage; les pots a boutures y sont plongés jusqu’au bord. Mal- gré la double protection d’une cloche et d’un châssis pour amortir l'effet des rayons d’un soleil trop vif, il faut encore, pendant les jour- nées très chaudes, étendre sur les châssis des toiles ou des paillassons. Lorsque les boutures enracinées recoivent des pots plus grands remplis non plus de sable ou de terre de bruyère, mais de bonne terre franche de jardin , il ne faut pas les exposer immédiatement à l’airextérieur; on les replace sous le chässis pour leur donner de l'air peu à peu, seulement au moment où leur végétation interrompue par le rempotage reprend son cours, ce dont on s’apercoit à l'allongement des pousses terminales. HORTICULTURE. LIVRE VIII. Les tubercules épuisés après avoir fourni ainsi sur couche un grand nombre de pousses propres à faire des boutures, sont ruinés, ils ne peuvent se rétablir par aucun moyen. On sait qu'une culture habile et surtout soi- gnée, peut, avec le moindre fragment d’un végétal, obtenir un individu d'espèce semblable ; avec un seul œil, on peut reproduire ur dahlia. Les boutures avec un seul œil se font en fen- dant une tige de dahlia munie de deux yeux; car les yeux du dablia sont toujours disposés deux à deux vis-à-vis l’un de l’autre. On pra- tique souvent à la base du rameau servant de bouture une fente qui en facilite la reprise (fig. 455). Boutures d'automne. — On choisit pour cet usage les pousses latérales de la tige principale, en réservant leur extrémité supérieure ; elles se taillent au-dessus du troisième ou du quatrième œil, en ayant égard à leur vigueur. Mises en pots sous châssis et traitées comme les précédentes, elles sont ordinairement bien enracinées et peu- vent même fleurir avant l'hiver; il faut se hâter de les accoutumer graduellement à Pair libre, en profitant des derniers beaux jours. Le plant ainsi obtenu peut languir et mourir, s'il n'a pas pris assez de force quand vient la mauvaise saison. La nécessité de propager des plantes rares qu'on craint de ne pas conserver, doit seule faire préférer les boutures d’automne à cellesde printemps, dont la réussiteest beaucoup plus assurée, et qui, dans tous les cas, donnent des sujets plus vigoureux. 2. Separation des tubercules. La méthode la plus rationnelle pour diviser un pied de dahlia en plusieurs touffes au moyen de la séparation de ses tubercules, consiste à planter le pied tout entier dans une plate-bande a l'exposition du midi, en laissant la couronne à air libre; on attend le développement des jeunes pousses, et dès qu’elles paraissent assez distinctes, on divise le collet de la plante-mère avec une lame bien affilée, en laissant à chaque portionmunie d’un œilau moins, un ou plusieurs iubercules. Le plus souvent, on laisse les tu- bercules à l’air libre sur des dressoirs, jusqu’à ce que, l’époque de la végétation naturelle étant arrivée, les yeux se developpent d’eux- mêmes et permettent d'opérer Ja séparation avec discernement. Dans ce cas, il faut se hâter de diviser les pieds, parce que les jets venus aux dépens des tubercules restés à l'air libre, les |ont plus ou moins fatigués, ce qui ne pourrait TITRE V. manquer d'altérer la beauté de leur floraison, si l’on ne se hâtait de les planter. Du reste, il s’en faut de beaucoup que le dahlia, tel que Pa fait la culture moderne, soit une plante délicate ; sauf sa susceptibilité à l'égard du froid, c’est une plante rustique , aussi peu difficile à faire croître que l’humble pomme de terre. 3. Greffe sur tubercules. Les variétés délicates ou les individus peu vigoureux ont besoin de ce mode de propagation qui n’est réellement qu’une bouture rendue plus forte par son insertion sur un tubercule. La greffe ne modifie pas le dablia; les qualités du tubercule greffe n’ont aucune influence sen- sible sur celles de la plante toujours parfaite- ment semblable à celle sur laquelle la greffe a été prise. On réserve donc pour cet usage des tubercules de peu de valeur, tels que les semis les produisent toujours en trop grand nombre. Une fente pratiquée dans le sens de la longueur du tubereule recoit, au moment de la reprise de la végétation, un rameau taillé en coin par son extrémité inférieure. Les deux pièces sont assujetties l’une à l’autre par des ligatures de jonc ou de laine; le point de jonction est en outre mastiqué avec de la terre détrempée. La greffe ainsi préparée est ensuite traitée de tout point comme les boutures; elle ne réussit pas constamment, surtout à cause de l’inégalité de pression qui s’oppose à la prompte soudure des bords de la greffe avec le tubercule. Nons croyons qu’un instrument propre à donner au bas de la greffe une forme exactement sembla- ble à celle de la cavité destinée à la recevoir dans la substance du tubercule rendrait ce genre de greffe d’un succès infaillible. Nous avons figuré un greffoir dans des conditions à peu près analogues; mais pour la greffe du dahlia sur tubereules, il nous semble exiger quelques perfectionnements ( voir Greffoirs, Instruments de jardinage, fig. 80 à 84). À l’époque où les dablias à fleurs doubles étaient encore une rareté , la greffe pour leur multiplication avait beaucoup plus d’impor- tance qu’elle n’en a de nos jours; elle fat prati- quée pour la première fois, en 1824, par M. Blake, horticulteur anglais. Aujourd’hui, lon réserve ce moyen pour propager, de con- cert avec les boutures , les espèces précieuses et nouvelles pour lesquelles les horticulteurs marchands ont souvent un si grand nombre de Gemandes, que tous les modes de multipli- cation employés à la fois sont encore insuffi- sants. On peut greffer en hiver comme en été; dans ce Cas, on force les tubercules à entrer en veé- gétation pour se procurer des greffes, en les traitant comme pour obtenir des boutures. Les FLORICULTURE. pousses peuvent être employées pour grelfer | dès qu’elles ont développé deux paires de feuilles. Les meilleurs tubercules pour recevoir la greffe sont ceux dont le collet est allongé et HORTICUITURE. 315 mince (fig. 456). Il y a cependant des dablias qui 457, 458. Fis. 456, AN IN émettent des jets d’un si gros diamètre, qu'ils ne peuvent être greffes que sur de gros tuber- cules de formes ramassées (fig. 457). Les tuber- cules gros ou petits, sur lesquels on se propose de greffer, ne doivent émettre après l'opération aucun jet qui leur soit propre, jet qui compro- mettrait l'existence du rameau greflé. C’est dans le but de prévenir l’émission de ces pousses, qu’on retranche la tête destubercules ; la fig. 458 montre la manière de disposer les greffes dans la substance des tubercules. Les ligatures les meilleures pour les assujettir, sont des liens de laine dont l’élasticité est d'autant plus avanta- geuse que le rameau greffe grossit davantage ; toutefois, les ligatures ne sont pas de rigueur : nos plus habiles horticulieurs, parmi ceux qui font leur spécialité de la culture du dahlia, ne ligaturent pas leurs greffes : ils se contentent de planter les tubercules greffés dans une terre suffisamment compacte, comprimée tout au- tour ; les greffes ne se dérangent pas. Nousavons dit que les greffes devaient avoir quatre feuilles. Chacune de ces feuilles porte un œil dans son aisselle; deux de ces quatre veux sont enfermés dans la substance du tubercule; ces yeux n'ouvrent pas, ils donnent naissance aux racines; les deux autres constituent la nou- velle plante. Il importe dene pas enfermer dans le tubercule une trop grande longueur de tige au-dessous des deux derniers veux ; les racines qui naïtraient de cette portion detige n'auraient jamais une grande vigueur; l'expérience dé- montre que la beauté des fleurs pourrait en être altérée. D'ailleurs, cette partie de tige superflue ne donne pas toujours naissance à des racines; quelqueloiselle pourrit et compromet l'existence même de la greffe. Lorsqu'on a de pressants motifs pour hâter la reprise d’une greffe de dahlia et éloigner autant que possible les chances défavorables, on pratique une incision latérale dans toute la longueur d’un tubercule , et l’on adapte dans l’incision une greffe qui dépasse son extrémité inférieurede0",02 à0"",03 ; la fig. 459 représente cette disposition. Durant l'annee qui suit la reprise de cette greffe, elle forme de jeunes tubercules qui permettent , à l’arrière- saison, de supprimer le tubercule sur lequel on a greffe. On voit à la partie A du rameau grelle un œil réservé sur ce rameau; C’est une précaution essentielle toutes les fois qu'on pra- tique ce genre de greffe. Supposé que la partie supérieure du rameau vienne. à perir, on de- couvre le tubercule de façon à mettre au jour i T. V. — 40 314 HORTICULTURE. LIVRE VSII. l'œil réservé À (fig. 459); cet œil donne lieu à | charnue du tubercule (fig. 461) une ouverture Fig. 459. une plante aussi bonne que celle qu’auraient pu fournir les yeux supérieurs; c’est donc une ressource qu'il ne faut jamais négliger. La greffe donne un moyen puissant de mo- difier les dimensions des plantes, sans rien changer, du reste, ni à la formeni à la couleur des fleurs. En 1828, quatre ans après le premier essai de greffe du dahlia par M. Blake, la même greffe répétée à Saint-Cloud par M. Da- vid, donna pour résultat une plante semblable de tout point à celle qui avait fourni la greffe, mais beaucoup plus petite. L’horticulture s’em- para aussitôt de cette observation. Aujourd’hui, dit dans son excellent traité de la culture du dahlia, M. Augustin Legrand, ce moyen de ré- duction a reçu de tels perfectionnements qu’on peut réduire à volonté au tiers ou àla moitié, un dablia d’une élévation exagérée, et l’on jouit également de toutes ses beautés. Le procédé le plus usité consiste à tailler en bec de flûte le bas de la greffe, en ayant soin que l’incision pratiquée à l’endroit où se trouvent deux veux placés en regard l’un de l’autre enlève l’un de ces yeux ; le rameau ainsi taillé s’insère dans une entaille de forme et de grandeur conve- nables, pratiquée sur le bord du tubercule, de sorte que l’œil conservé affleure l'écorce du tubereule chargé de nourrir la greffe , disposi- tion que représente la fig. 460. Le tubercule ainsi Fig. 460. traité meurt assez souvent, mais après que la grelfe a repris, et il n’entraîne point la mort de la greffe; souvent aussi il devient énorme. Dans l’un et l’autre cas, soit par sa mort, soit par la nourriture qu’il absorbe pour grossir, il s’oppose à la formation prompte des tubercules propres aux racines de la greffe. Ces lenteurs, ces entravesdiminuent les dimensions du dahlia greffe, qui n’en représente pas moins exacte- ment la variété dont il est originaire. On peut aussi pratiquer dans la substance Fig. 461. très voisine de l'écorce; on insère dans cette ouverture une greffe de forme convenable (A, fig. 461) qui tient parfaitement sans le secours d’une ligature. La grelfe a surtout pour avantage sa grande promptitude comme moyen de reproduction ; tandis que la bouture, ainsi que nous l'avons dit, emploie souvent six semaines pour repren- dre, la greffe en huit ou dix jours peut être parfaitement enracinée. Lorsqu'on recoit à l’arrière-saison, en sep- tembre ou octobre, un dahlia distingué qu’on est curieux de reproduire très vite, on peut, même à cette époque de l’année , recourir à la greffe ; il faut, bien entendu, garantir la plante des rigueurs de la saison. Dès que la tige com- mence à végéter, on la pince pour forcer la plante à faire tourner plus vite sa sève au pro- fit des tubercules. De cette manière, sans sacri- fier en totalité ou en partie les tubercules de la plante-mère en les forcant en hiver pour en obtenir des greffes ou des Boutures, on a pour le printemps suivant des sujets tout formés, dont on peut espérer la plus riche floraison. Une observation importante à signaler, c’est que la greffe, insérée de quelque manière que ce soit dans un tubercule, ne peut produire de tubercules nouveaux que par un œil de la greffe. Ainsi, l’on peut greffer sur un tubercule un rameau de dahlia dépourvu d'yeux à sa partie inférieure, et cette greffe peut reprendre, mais elle ne donnera pas de tubercules capables de perpétuer la plante; sa,seule utilité réelle consiste à donner des jets plus ou moins nom- breux qui, bouturés ou greffés avec des yeux à leur partie inférieure, donneront des tuber- cules vigoureux. Ces secondes greffes ne fleu- rissent pas toujours dans l’année; mais elle: donnent des sujets très robustes pour l’annét suivante. L’amateur qui ne ménage pas sa peine peut suivre le conseil que nous lui don- nons ici de préférer, à la séparation des tuber- cules, ce moyen de maintenir sa collection en rajeunissant les sujets tous les ans et abandon- nant les vieux pieds. Beaucoup d'amateurs doi- vent à ce procédé la beauté de végétation qui distingue leurs collections formées de plantes qui ne sauraient vieillir. La greffe pratiquée avec un rameau dépourvu d’yeux à sa partie inférieure, sans boutons ni bourrelet, dont la TITRE V. base est aussi éloignée que possible des deux yeux ou des deux feuilles laissées à sa partie supérieure, permet de voir fleurir tres promp- tement un dahlia, ce qui convient surtout au commerce journalier des fleurs. La base tout- à-fait nue de la greffe est nourrie par le tubercule pendant toute la durée de la bonne saison, apres quoi, n'ayant pas travaillé pour l'avenir, n’ayant pas produit de tubercules qui lui soient propres, elle meurt, et tout est dit. Ainsi s’ex- plique le bas prix de certains dahlias, souvent très beaux, mis en vente en pleine fleur sur les marchés, pendant la saison : ce ne sont en réa- lité que des plantes annuelles; l’année révolue, il n’en reste rien. Il faut donc, lorsqu'on achète des dahlias en pots. faire bien attention au collet de la racine, afin de vérifier si et com- ment la plante a été grelfée, pour savoir si on achète une plante annüëlle ou une plante vi- vace. B, — Semis. La fleur du dahlia est classée par les bota- nistes parmi les composées, elle est formée d’un grand nombre de fleurs complètes rassemblées dans un réceptacle commun. Les fleurs non composées, les roses, par exemple, deviennent doubles, parce que leurs étamines ou leurs pis- tils, ou leurs étamines et leurs pistils simulta- nément se sont convertis en pétales; il n'en est pas ainsi pour le dahlia. La fleur simple du dahlia contient à son centre un grand nom- bre de très petits fleurons peu développés ; les fleurons de la circonférence ou rayons ont seuls pour envelopper leurs organes sexuels un cornet ou ligule plus ou moins grand; la forme, la couleur, le nombre et la disposi- tion des ligules constituent le mérite des dah- lias; tous les efforts des horticulteurs doivent donc tendre à favoriser le développement des ligules. On ne doit laisser aux dahlias destinés à ser- vir de porte-graines, que quelques-unes de leurs fleurs les plus belles et les mieux formées; les pieds seront choisis parmi les meilleures varié- tés. Quoique le dahlia ne se reproduise point identique de semence, néanmoins on ne peut espérer de bonnes variétés que des plantes déjà parvenues par la culture à leur plus haut degré de perfection. Les porte-graines se plantent dans une situation isolée du reste de la collec- tion ; on ajoute à cette précaution celle d’en- velopper d’une gaze ou d’une mousseline très claire les fleurs au moment de leur épanouisse - ment ; on prévient ainsi tout croisement acci- dentel que pourrait causer le transport du pol- len des autres fleurs par le vent ou par les insectes. On féconde artificiellement les fleurs des porte-graines en secouant sur leur disque épanoui la poussière des fleurs des plus belles variètés prises parmi celles dont le mérite pour la couleur ou la forme contraste le plus vive- ment avec celui de la fleur fecondée. Cette opération se fait de-dix heures à midi, quand FLORICULTURE. 312 la rosée est entièrement dissipée. À l’époque de la maturité de la graine, on rejette les semences du centre qui sont presque toujours stériles, et celles du bord extérieur; la fleur a dû rester enveloppée jusqu'à cette époque. Recueillies par un temps sec, les graines de dablia doivent être séparées immédiatement de leur coque et conservées l'hiver dans un lieu see sans être trop chaud , pour être semées en février de l'année suivante. Les semis se font, soit sur couche tiède re- vêrue de terreau qu’on a soin de n’humecter que légèrement, soit en terrines remplies de terre légère quoique substantielle ; dans ce der- nier cas, on place les terrines très près du vi- trage dans la serre ou de la fenêtre dans l'ap- partement. Le plant se repique très jeune à 0,03 ou 0.04 en tout sens, dans les mêmes conditions observées pour les semis; on doit le mettre en pots dès qu’il a atteint la hauteur de Om,08 à 0.10; le reste de sa culture est semblable à celle du plant obtenu de bouture ou de greffe sur tubercule. On ne peut préjuger d'avance les qualités des fleurs du dahlia ; il faut done attendre, pour se prononcer, la floraison de tous les pieds ob- tenus de semis. Lorsque ces pieds nefleurissent pas la première année, quelques amateurs im- patients les placent en hiver dans la serre chaude pour les forcer à fleurir. Ce procédé compromet des fleurs souvent précieuses dont les tubercules peuvent périr après avoir donné une floraison prématurée ; il vaut mieux laisser leur végétation suivre son cours naturel. On utilise pour la greffe les tubercules des sujets qu’on ne juge pas dignes d’être conservés. C. — Préparation du sol. Le dahlia croît naturellement au Mexique sur des plateaux élevés dont le sol est léger et sa- blonneux. Quelque modifié que soit le dahlia par la culture, ce fait primitif doit toujours être pris en grande considération dans les procédes à employer pour faconner le terrain qu’on lui destine. L'expérience a prouvé que le dablia réussit beaucoup mieux dans un sol maigre et médiocrement fumé que dans une terre trop fertile et trop riche. Dans ce dernier cas, ses tubercules deviennent énormes, ses tiges et son feuillage prennent un développement extraor- dinaire; mais, de toute cette végétation luxu- riante, ilsort à peine quelquesfleurs dépourvues de tout mérite et indignes de figurer dans la collection du véritable amateur. Le dahlia planté dans un sol tout-à-fait maigre et stérile, tombe dans l'excès contraire; ses tiges restent courtes et minces, son feuillage est peu fourni; toute,sa force végétative s’emploie à produire une multitude de fleurs, mais dont chacune est peu développée; il ne peut acquérir toute sa per- fection qu'entre ces deux extrêmes. La terre où l’on se propose de cultiver des dablias doit donc être amenée artificiellement à ce point intermédiaire ; si elleest forte, com- pacte et substantielle, il lui faut une proportion 316 assez considérable de sablede rivière, de feuilles à demi décomposées, de ramilles provenant de la tonte des haies, et d’autres débris végétaux dont la putréfaction lente entretient longtemps le sol dans l’étatde division et d’ameublissement qui suit un bon labour. Le fumier proprement dit, et même le terreau trop graset trop nutritif, doivent être exclus de la terre préparée pour recevoir une plantation de dahlias, à moins que cette terre ne soit excessivement maigre et sté- rile ; encore, dans ce dernier cas, ne faudrait-il pas en être prodigue. La culture du dahlia peut prospérer sur toute espèce de sol convenablement amendé en se conformant à ces indications, et en cherchant autant que possible à placer cette plante dans les mêmes conditions que sur son sol natal. Aucune plante d'ornement n’est susceptible d'être aussi profondément modifiée par l’in- fluence de la terre où elle végète; plus on dé- sire diminuer ses dimensions et accroître le nombre de ses fleurs, plus on doit s'appliquer à rendre le sol maigre, léger et sablonneux ; s’il est humide, il doitêtre parfaitement assaini par des rigoles d'égouttement avant d’y planter les dahlias. Une situation parfaitement aérée de tous côtés , suffisamment éloignée par ce motif des arbres et des habitations, plutôt en pente que plate, plutôt à mi-côte que trop basse ou trop élevée, est la meilleure à tous égards, ce qui n'empêche pas que des collections magnifiques ne prospérent dans des positions privées d’une artie de ces avantages. La disposition à donner a la surface du sol dépend en grande partie de la manière dont la collection doit s’harmoniser avec le jardin où elle est plantée; on ne peut prescrire de règle à cet égard. Si la terre conte- nait une trop grande quantité de grosses pierres ou de cailloux capables d’endommager les tu - bercules des dablias, il faudrait les enlever et les remplacer par de la terre rapportée, appro- priée à cette culture; mais si sa nature est COm- pacte et tenace, la présence d’une certaine quantité de gravier ou de pierres de petites di- mensions ne produit qu’un bon effet quant à la végétation des dahlias. D. — Plantation. Le terrain étant choisi et préparé, on visite avec soin les tubercales, soit qu'ils aient été avancés en pots dans la serre tempérée, soit qu'on se soit borné à attendre l’époque de leur végétation naturelle pour les mettre directe- ment en pleine terre a demeure. Dans tout le nord de la France de même qu’en Belgique et en Angleterre, le premier procédé est le plus avantageux. La précocité des hivers ferait perdre une partie des fleurs surprises par les premières gelées, si les plantes n’arrivaient en pleine terre dans un état de végétation qui leur fait devancer de près d'un mois l’époque natu- relle de leur floraison. Sous le climat de Paris, cette précaution est déjà peu nécessaire; à partir de la Loire jusqu’à nos frontières méridionalcs, HORTICULTURE. LIVRE VIII. elle serait tout-à-fait inutile. Dans tous les cas, il ne faut confier les dahlias à la pleine terre que quand toute crainte de gelée est évanouie; car le nombre infini de variétés de dablias ob- tenu par les semis n’a jusqu'à présent apporté aucune diminution sensible dans la délicatesse de cette plante, quine peut résister au moindre froid , bien qu’elle soit robuste et peu délicate à beaucoup d’autres égards. Toutesles partiesdestubercules endommagées ou malades, sont retranchéesavec soin jusqu’au vif; puis on classe les dablias par hauteurs, pour les disposer en amphithéâtre , afin que les plus élevés ne masquent pas les plus petits, et par couleurs, pour pouvoir les marier de ma- nière à en faire ressortir tous les avantages. L'espacement ne doit pas être moindre d’un mètre en tout sens; la distance de 1,32 n'est même pas trop grande. pour les plantes les plus fortes. On plante les tubercules dans des trous, en laissant la couronne à découvert. Lorsque le sol et le climat sont naturellement secs, on laisse autour de la couronne une petite excava- tion en cuvette, sauf à La combler par un léger buttage, si l'abondance des pluies rend cette précaution nécessaire. Les tuteurs destinés à soutenir les hautes tiges des grands dabhlias doivent être mis en terre en même temps que les tubercules ; c’est le moyen le plus sûr de ne pas blesser les tubercules, comme cela n'arrive que tropsouvent quand les tuteurs sont plantés seulement au moment où les plantes en ont be- soin. Quelques horticulteurs emploient jusqu’à trois tuteurs pour une seule plante de dahlia de première force ; nous pensons qu’un seul tuteur peut suffire aux plantes les plus touffues:; lors- qu’on en donne deux ou trois à chaque pied, il est impossible que le feuillage du dablia les masque complétement, et ils nuisent beaucoup au coup d'œil à l’époque de la floraison. Les riches amateurs anglais ont adopté pour les | dahlias un modèle de tuteur en fer (fig. 462) Fig. 462. \ auquel il n’y a rien à reprocher, si ce n'est son prix élevé qui, pour une collection un peu TITRE N: nombreuse, entraine des frais énormes. Les gros fils de fer qui terminent ses extrémités, et la mobilité des branches latérales qu’on déplace à volônté au moyen de leurs vis de pression, permettent d’assujettir chaque tige de fleur, sans la déranger de sa position naturelle, sans donner par conséquent aux plantes cet aspect gêné et guindé qui nuit tant à leur beaute en leur donnant une certaine ressemblance avec une botte de céleri. E. — Détails de culture. Les dahlias mis en place dans un sol bien préparé, n’ont besoin d’être arrosés que dans les cas de grande sécheresse longtemps pro- longée ; on leur donne alors un peu d’eau, mieux le soir que le matin, et l’on cesse dès que l'hu- midité de l'atmosphère le permet. Des arrosages trop fréquents el trop abondants n’altéreraient pas d’abord les dahlias d’une manière bien sen- sible; mais lorsqu’après leur floraison il s’agi- rait de retirer les tubercules hors de terre pour les conserver, leur substance charnue se trou- verait tellement aqueuse, qu’à peine hors de terre elle commencerait à pourrir et qu'on per- drait ainsi presque toute la collection avant le printemps suivant. Dans les terrains très secs, sujets à se gercer pendant les grandes chaleurs, on peut conserver au pied des dahlias un degré d'humidité suffisant pour sedispenser delesarro- ser, en y déposant une petite quantité de fumier d’étable qui sert de couverture et s'oppose à l’évaporation. Mais cette pratique, bien que bonne en quelques circonstances , est toujours dangereuse, parce que s’il arrive qu’elle soit insuffisante ec qu’il faille en venir à des arro- sages même très modérés, l’eau venant à tra- verser la couche supérieure du sol trop forte- ment engraissée par le séjour du fumier, porte sur les tubercules un excédant de nourriture dont l’effet inévitable est de gâter entièrement la floraison; la plante alors s’emporte, ses tiges et ses feuilles forment une épaisse touffe sem- blable à un gros arbrisseau ; lesfleurs sont rares et tout-à-fait insignifiantes. Entre deux dan- gers, le moindre nous semble encore celui que présentent les arrosages simples, qu'on peut toujours régler à volonté, tandis qu’on ne peut répondre , quand on emploie le famier pour se dispenser d'arroser, que cet espoir ne sera pas déçu et qu’ilne faudra pas recourir à l’arrosoir, au risque de gâter la fleur. Les tiges de dablia doivent être solidement assujetties à leurs tuteurs par des liens de jonc qu’il faut visiter souvent, surtout aprèsdegrands vents et des pluies d'orage , parce que l’inser- tion des tiges sur la couronne est très fragile, et qu’une fois renversée, une tige chargée de boutons et de fleurs est à peu près perdue. L'art de l’horticulteur ajoute beaucoup à la beauté du dablia par une taille raisonnée qui, ne lui laissant qu'un nombre de tiges en proportion avec sa force et sa hauteur lui fait former une tête élégante où le feuillage est ménagé pour faire valoir et ressortir la richesse de la fleur. FLORICULTURE. 317 On ne peut espérer une floraison parfaite en laissant développer tous les boutons de chaque tige; il faut supprimer très jeunes ceux que l’on juge superflus ; on a soin, pour ne pas déparer la plante, de couper les pédoncules de ces bou- tons le plus bas possible dans l’aisselle de la feuille où ils ont pris naissance. Nous avons dit comment par la greffe on peut modifier à vo- lonté les dimensions d’un dahlia trop grand et trop touffu; on peut aussi arriver au même résultat par la taille. À l’époque de la mise en place, on a soin d’enterrer les tubercules assez profondément pour que les deux veux les plus voisins du collet soient recouverts de 0,05 à 0m,06 de. terre. L'effet de ce traitement doit être de faire pousser à la plante une forte tige principale et deux drageons. La tige se taille au niveau du sol lorsqu'elle a atteint la hau- teur de 0m,20 à 0”,25. Huit jours après cette taille, on retranche de même au niveau de terre l’un des deux drageons. Le seul drageon con- servé, affaibli par les deux pertes successives de sève que cause à la plante une taille opérée au moment où la sève est dans sa plus grande activité, ne dépassera pas la hauteur de 1",30 et ne formera point une touffe énorme, comme si la plante avait été livrée au cours naturel de sa végétation. Après la floraison, il n’y a pas d’inconvénient à laisser les tiges se faner sous l'influence des premières gelées blanches qui ne sauraient at- teindre les tubereules. On les déterre après avoir coupé les tiges fletries, et on les conserve dans du Sable sec ou même simplement à dé- couvert, sur des dressoirs, pourvu que ce soit dans un local où ni la gelée, ni l'humidité ne puissent les atteindre. Quand les collections sont nombreuses, on s’épargne une partie de la besogne pour l’époque de la plantation, en dis- posant les tubercules conservés dans l’ordre suivant lequel ils doivent être mis en place. Le même sol peut recevoir plusieurs années de suite la collection de dahlias, pourvu qu'on marque chaque année la place occupée par les tubereules, et qu'on les replante l’année sui- vante dans les intervalles. Pendant le temps que les tubercules du dah- lia passent en pleine terre, ils ont surtout à redouter les attaques des larves du hanneton, connues sous le nom de tures ou vers blancs. Un labour préparatoire, profond et très soigné, par tranches très minces, permet bien de dé- truire tous ceux de ces insectes parvenus à l’état de vers blancs ; mais les jeunes larves peu dé- veloppées et peu apparentes, échappent en grand nombre aux recherenes les plus actives. Le meilleur moyen de destruction pour cesen- nemis du dahlia, est celui qu’indique M. Pirolle ; il consiste à planter de bonne heure au prin- temps, en fraisiers et en laitues, plantes dont les racines sont recherchées avidement par les larves de hanneton, l’espace que les dahlias doivent oceuper plus tard. A mesure qu'en pied | de laitue ou de fraisier se fane et leuguit, on | lenlève et l’on trouve les larves réunies en 318 HORTICULTURE. grand nombre autour de la racine à demi dé- vorée ; lorsqu’ensuite le moment est venu de mettre les dahlias en place, on peut conserver de distance en distance quelques rangs de frai- siers et repiquer autour de chaque dahlia quel- ques pieds de laitue; tant qu’elles trouveront à ronger les racines de l’une ou de l’autre de ces deux plantes, les larves de hanneton n’atta- queront pas les tubercules des dahlias. La courtilière ou taupe-grillon, heureuse- ment moins commune, mais plus destructive encore que la larve de hanneton, est beaucoup plus difficile à détruire. En effet, lorsqu'on doit planter une collection seulement de 600 dahlias espacés à un mètre en tout sens et que le terrain qu’on leur destine est infesté de courtilières, ce n’est pas une petite besogne que d’essayer de l’en débarrasser. M. Pirolle indique un procédé sûr, qui consiste à enterrer des pots exacte- ment bouchés par le fond sur le parcours des galeries souterraines que les courtilières se creusent à fleur de terre. Pour que ces insectes tombent dans ce genre de piége , il faut que le pot soit enterré de facon à ce que son orifice supérieur soit à quelques centimètres plus bas que le niveau du sol. Dans ce but, après avoir enfoncé le pot dans la terre, à la profondeur convenable, on le recouvre d’un pot de même grandeur, en sens inverse; le sol convenable- ment humecté pour lui donner une consistance suffisante, ne s’éboule pas dans le premier pot lorsqu'on retire le second. Quand la courtilière, suivant la galerie, arrive au piége, elle ne ren- contre pas l’orifice du pot, qui la ferait reculer ; elle y tombe nécessairement et elle y tombe rarement seule, parce que, dans sa détresse, elle appelle ses camarades à son secours, de sorte qu'on en trouve d'ordinaire plusieurs dans le même pot. La peine qu’exige ce pro- cédé ne doit point empêcher d'y avoir recours quand on est malheureusement forcé de se dé- livrer des courtilières; nous ne pouvons, à ce sujet, que reproduire les sages paroles de M. Pi- rolle: « Celui-la n’est pas cultivateur, pour le- quel toute peine n’est pas légère, pourvu qu’elle réussisse. » Les perce-oreilles qui mangent les boutons et les fleurs des dablias, se détruisent au moyen des sabots de veau et de mouton, comme nous l’avons déjà indiqué (voir OEillets). Nous ajou- terons que, lorsqu'on a la précaution d'employer ce moven dès le commencement de la saison, en attachant les ergots ou sabots aux tuteurs des dahlias, la destruction des perce-oreilles est complète longtemps avant l’époque de la flo- raison des dahlias. L’amateur jaloux de la conservation de ses fleurs doit aussi donner activement la chasse aux limaçons qui s’en prennent, comme les perce-oreilles, aux boutons du dabhlia. Il y a quelques années, M. Pirolle avait reçu d’An- gleterre un dahlia nouveau dont il attendait la floraison avec impatience: la plante ne portait que trois boutons. Pendant deux nuits consé- cutives, M. Pirolle vit disparaître deux de ces LIVRE VIII. boutons, dévorés par un limacon que les recher- ches les plus minutieuses ne purent lui faire découvrir; la troisième nuit, il veilla avec de la lumière et prit le coupable en flagrant'délit ; ce fut ainsi qu'il sauva le dernier bouton qui allait subir le sort des deux autres. Nous rap- portons ce fait , parce que les limacons ne lais- sent pas toujours après eux ces traces luisantes qui indiquent leur passage et qu'on impute ainsi très souvent à d’autres Causes des ravages occasionnés par les seuls limacons, contre les- quels on ne saurait déployer trop de vigilance. Une poignée de son, ou mieux un peu de colle de pâte, sous de grands pots entrebâillés, sont un puissant moyen d'attirer les limacons et par conséquent de les détruire. $ VII. — Chrysanthème Cette belle plante fut apportée de la Chine en Europe vers 1780. Le jardinage européen n’en posséda longtemps qu’une seule espèce, sans variétés; la fleur primitive, origine de toutes les autres, est encore actuellement Com- prise parmi les plus estimées ; elle est d’un brun pourpre très foncé. Les collections ac- tuelles contiennent des centaines de variétés qui, bien que très persistantes, ne sont cepen- dant pas distinguées par des caractères bota- niques qui puissent les faire admettre comme variétés réelles, scientifiquement parlant; elles n'existent que dans le langage de l’hor- ticulture Ces variétés, dont la fig. 463 indique le port et la forme, sont classées d'après leur plus ou moins d’analogie avec trois au- tres fleurs; la renoncule, la reine-margue- rite et le souci, ce qui donne trois Séries dans lesquelles se rangent toutes les chrysanthèmes connues, et toutes celles qui peuvent être chaque année conquises par la culture. Les chrysan- thèmes offrent toutes les nuances de jaune, de fauve, de rose, de rouge et de pourpre; les tons bleus purs manquent seuls, jusqu’à pré- sent ; mais on a le blanc le plus pur, et le brun- TITRE V. pourpre si foncé que, vu à distance, il semble presque noir. Peu de fleurs de collection ont une floraison plus prolongée et plus variée que celle de la chrysanthème ; l’élégance de son feuillage et l'odeur agréable quoique faible que répand toute la plante ajoutent encore à son mérite ; ces qualités justifient le goût des Chinois pour cette plante qui figure dans tous leurs jardins: c’est leur fleur de prédilection. Mais tous ces avantages sont compenses par un seul défaut ; la chrysanthème ne peut fleu- rir avant l'entrée de l'hiver; elle a de trop en rusticité ce qui manque à tant d’autres belles plantes d'ornement. Les essais pour hâter sa | floraison n’ont pas eu jusqu’à présent beaucoup de succès. Il faut que les premières gelées soient venues pour que les chrysanthèmes fleurissent, et l'observation démontre que quand par ha- sard elles fleurissent d'assez bonne heure en automne, c’est que l'hiver doit être très pré- coce. Cette particularité de leur mode de végé- tation , amène comme on le voit la floraison des chrysanthèmes à une époque où le par- terre dépouillé, les arbres nus, et la tempéra- ture déjà froide , rendent la promenade au jar- din très peu attrayante ; c’est donc une faible ressource pour l’ornement du parterre; mais c'en est une très grande pour l’ornement de l’orangerie. On y transporte à l’entrée de l’hi- ver les chrysanthèmes fleuries ou près de fleu- rir, qu’on a eu soin de cultiver à cet effet dans des pots; elles interrompent la monotonie des masses de feuillage dépourvu de fleurs que présentent en hiver les arbres et arbustes d’o- rangerie. 4. — Multiplication. On multiplie les chrysanthèmes par la voie des semis, dans le but de conquérir des variétés nouvelles, et de bouture où par la séparation des touffes, lorsqu'on veut simplement conser- ver les variétés anciennes. 1. Semis, Toutes les chrysanthèmes, même les plus doubles, peuvent porter graine ; on ne doit ce- pendant choisir comme porte-graines que les fleurs médiocrement pleines, les seules qui of- frent deschances certaines d'obtenir des graines fertiles, quelle que soit leur couleur. On plante les porte-graines dans une situation ombragée, et surtout abritée. Quoique ces plantes aient absoïiument besoin du plein air et qu’elles ne puissent produire de bonnes graines dans un lieu renfermé, néanmoins les fleurs deviennent FLORICULTURE. difficilement fécondes lorsqu'à l'époque de la | floraison elles ne restent pas dans le repos le | plus parfait. Après leur avoir choisi une place bien abritée, telle que l'angle formé par la rencontre de deux murailles à bonne exposi- tion, il faut avoir soin de les assujettir à de bons tuteurs auxquels les tiges florales doivent être fixées en plusieurs endroits, principalement le plus près possible de la naissance des fleurs, 319 avec Ges brins de jonc ou des fils de laine rap- prochés les uns des autres. Les chrysanthèmes poussent naturellement un grand nombre de tiges florales; on n’en laisse subsister qu’une ou deux sur les porte- graines; on retranche en outre aux tiges con- servées tous leurs boutons hors deux ou trois, et l'on active la végétation de la plante par des binages et des arrosages fréquents. La graine de chrysanthème doit être semée aussitôt après la récolte ; elle peut cependant conserver jusqu'au printemps suivant sa fa- culté germinative; mais les semis qui suivent immédiatement la récolte de la graine ont plus de chances de succès que les semis de prin- temps. Le plant forme promptement de fortes racines , il doit être repiqué très jeune; on le traite ensuite comme les plantes toutes for- mées. Les chrysanthèmes obtenues de semis faits à la fin de novembre, garanties du froid dans une orangerie, montrent leur fleur à la fin d'octobre de l’année suivante. Sous le climat de Paris, les chrysanthèmes produisent difficilement des graines fertiles ; cependant quelques tentatives, couronnées de succès, doivent encourager les amateurs. Dans la vallée de la Loire et au sud de cette vallée, les chrysanthèmes donnent des graines fertiles aussi facilement que toutes les autres plantes de pleine terre. Un grand nombre des plus belles chrysanthèmes qui figurent actuellement dans les collections proviennent des semis persévé- rants de M. de Bois-Giraud, professeur à la faculté de droit de Toulouse. L’horticulture a les mêmes obligations à M. de Chabran, offi- cier en retraite, à Bar-sur-Aube; le climat peu favorable sous lequel il cultive ajoute à ses con- quêtes le mérite de la difficulté vaineue; ses semis, quoique moins souvent heureux que ceux de M. de Bois-Giraud à Toulouse, ont pourtant donné assez de résultats pour que nous soyons autorisés à ranger les chrysanthè- mes parmi les plantes qui peuvent être multi- pliées de graine sous le climat de Paris. 2. Boutures. La chrysanthème présente dans son mode de végétation un phénomène très digne de l'at- tention des physiologistes; les tiges de cette plante s’enracinent à tout âge; il suffit de les | pianter dans une bonne terre de jardin conve- nablement arrosée, et de les ombraÿer de ma- nière ou d'autre jusqu'à ce qu'elles aient pris racine; du reste, jeunes ou vieilles, herbacées ou ligneuses, garnies seulement de feuilles ou chargtes de boutons de fleurs déjà très avancés, les boutures de chrysanthème s’enracineront toujours; on peut donc choisir, à volonté, pour boutures, toute espèce de tige de chrysanthè- me. Ce choix n’est cependant pas indifférent ; par un effet très remarquable de leur manière de végêter, ces boutures, selon l’état de la tige mise en terre pour en obtenir des racines, don- nent des plantes destinées à atteindre des de- grés très divers de développement, degrés qu'il + 32) est possible de prévoir d'avance. Ainsi, par un procédé différent, l’horticulture modifie à son ré les dimensions des chrysanthèmes comme celles des dahlias, et cela, sans apporter aucun changement à la beauté de la floraison. Pour obtenir des plantes très développées, de toute la hauteur que la chrysanthème peut atteindre, on prend pour boutures, au mois de mars, des tiges longues et vigoureuses; on les place isolément dans des pots spacieux, rem- plis de bonne terre franche de jardin; on les arrose largement avec de l’eau dans laquelle on à fait infuser un peu de bon fumier; elles doivent être dépotées trois fois dans le courant de la belle saison; on leur donne à chaque fois des pots plus grands, remplis de la terre la plus substantielle possible. Si l’on désire des plantes de moyenne gran- deur, on ne met les boutures en terre qu’au mois de mai: on fait choix dans ce cas de branches un peu moins fortes; on ne les change que deux fois de pot dans le courant de l'été, et on les arrose moins largement, en se servant d’eau pure pour cet usage Enfin lorsqu'il s’agit de se procurer des plantes qui ne doivent pas dépasser la hauteur de 0m,16 à 0,20, on prend pour bouture des extrémités de branches sur lesquelles les bou- tons de fleurs sont déjà très apparents; l’opé- ration se fait dans ce cas au mois d'août. Ces boutures, traitées du reste comme les précé- dentes, ne doivent point être dépotées. Elles s’enracinent très promptement; leur végéta- tion suit son cours régulier; elles fleurissent tout comme si elles étaient restées sur la plante- mère; seulement, elles ne grandissent plus ; elles restent à la hauteur qu’elles avaient au moment de leur mise en terre. sauf le prolon- gement ordinaire des pédoncules des fleurs. Il résulte de ces faits constamment reproduits dans la pratique, que plus les boutures de chrysanthèmes sont prises à une époque rap- prochée du moment de leur floraison, plus leur force végétative se détourne du reste de la plante pour se porter sur la fleur; de là la di- versité de dimension des plantes obtenues de boutures prises à divers degrés de développe- ment. Les plantes naines que donnent les tiges florales bouturées au mois d’août sont éminem- ment propres à décorer les appartements, ou les orangeries et les serres froides et tempé- rées, peu spacieuses, encombrées en hiver que multitude d’autres plantes dépourvues de eurs. B. —— Détails de culture. Les chrysanthèmes qu’on n’élève pas en pleine terre ont besoin de pots très grands, remplis de terre très substantielle, car ces plantes sont d’un haut appétit ; il leur faut des arrosages plus fréquents qu’à toute autre plante de collection. Les chrysanthèmes ont une dis- position naturelle à pousser une multitude de tiges qui, si l’on voulait les laisser toutes croi- tre, formeraient des touffes énormes, mais ne HORTICULTURE. LIVRE VIi1f, porteraient que des fleurs chétives et de peu de valeur. On ne laisse aux belles plantes de col- lection que deux ou trois tiges sur chacune des- quelles on retranche une partie des boutons à fleurs ; les Chinois ne conservent le plus sou- vent qu'une seule tige et deux ou trois fleurs à leurs chrysanthèmes; on obtient ainsi des bou- tons réservés des fleurs parfaites. La chrysan- thème cultivée en pleine terre et livrée à elle- même, porterait des tiges presque ligneuses et deviendrait un sous-arbrisseau, mais ses fleurs dégénéreraient et seraient méconnaissables. On retranche toutes les tiges après la florai- son; elles sont remplacées par de nombreux rejetons qui portent des fleurs l’année suivante. Pour maintenir une collection de chrysanthe- mes dans toute sa perfection, il faut renou- veler les plantes de bouture de manière à n’en avoir jamais de plus de deux ou trois ans; celles qu’on laisse vivre plus longtemps de- viennent trop volumineuses, et gênées dans les pots, elles finissent par ne plus donner que des fleurs insignifiantes. Les chrysanthèmes se recommandent aux amateurs peu favorisés de la fortune; par la modicité de leur prix, au moment où nous écrivons (1843) elles valent en très beau choix de 50 à 100 francs le cent. Leur culture n’est ni compliquée, ni dispendieuse; elles ont en outre un grand attrait pour le véritable ama- teur dans la possibilité d’en conquérir de graine une foule de belles variétés qui se perpétuent ensuite de bouture sans dégénérer. $ VIII. — Pensées. On exige plusieurs conditions d’une belle pensée pour qu'elle puisse être admise dans les collections d'amateurs. La première de toutes, c’est la forme; elle doit être ample, étoffée, et aussi rapprochée que possible du rond parfait, comme le montre la fig. 464. II faut ensuite que la partie centrale, qu’on nomme vulgairement, le masque, soit saillante et bien dessinée; enfin, les amateurs recher- en TITRE V. chent comme une condition indispensable, la distribution régulière des couleurs sur les pe- tales inférieurs et latéraux, les pétales supe- rieurs étant ordinairement d’une seule couleur. Si toute la fleur est bigarrée, comme dans la fig. 465, elle n’en est pas moins reçue, pourvu que les bigarrures se correspondent, et que la fleur n’en soit pas plus chargée d’un côté que de l’autre. Les pensées d’une seule nuance vio- let foncé, ou bleu très foncé, approchant de la nuance du velours noir-bleu, sont également admises dans les collections, pourvu qu’elles réunissent les conditions exigees, de forme et de grandeur. De toutes les fleurs de collection, la pensée est celle qui réunit le plus d'avantages; elle joint à l’élégance des formes, à l’infinie variété des nuances, le privilége unique d’une floraison naturelle qui commence dès les premiers beaux jours du printemps, pour ne s'arrêter qu'aux premières gelées de la fin de l’automne. Si l’on y ajoute la modicité de son prix comparative- ment à celui des autres plantes de collection, et la facilité de sa culture, on aura lieu de s’é- tonner que cette fleur charmante ne soit pas plus commune dans nos parterres. A. — Muliplication. Les pensées se multiplient par la voie des semis qui peuvent, ou reproduire les bonnes fleurs déjà connues, avec toutes les qualités qui les font rechercher, ou donner des variétés nouvelles. On choisit toujours pour porte- raines les fleurs les plus parfaites, et surtout es plus grandes. La récolte des graines de- mande quelque attention. La graine, peu de temps après sa parfaite maturité, s'échappe des capsules qui s’ouvrent d’elles-mêmes, et devient par cette circonstance assez difficile à recueil- lir. On s’est longtemps contenté, pour ebvier à cet inconvénient, de coiffer d’un petit sac en papier les capsules avant la maturité de la raine, méthode fort incommode, qui gênait BORTICULTURR, FLORICULTURE. o2l tion de la pensée, a fait découvrir récemment un moyen sûr de récolter les graines de pensée, sans $’assujettir à des soins si minutieux. La tige florale qui porte la pensée est recourbée par le haut, parce que les fibres végétales qu'elle renferme s’allongent plus rapidement d’un côté que de l’autre jusqu'à l’époque de la pleine floraison; mais du moment où la fleur passe, leffet contraire a lieu : les fibres les plus courtes s’allongentàäleurtour, etlatige,de cour- be qu’elle était, devient droite; la capsule que porte cette tige suit le mouvement; les graines qu’elle contient sont complétement mûres et bonnes à récolter, du moment où la tige est ar- rivée à une situation parfaitement verticale ; cette indication est infaillible. Les capsules sont redressées, et par conséquent les graines sont müres, un jour ou deux avant que les capsules s'ouvrent et dispersent les graines que leur couleur brune rend dans ce cas fort difficiles à retrouver sur le sol environnant ; en les récoltant d'avance, cet inconvénient est évité. Cette observation est due à M. Ragonnot- Godefroi, de Paris, habile horticulteur, qui a obtenu de nombreux succès dans la culture des pensées de collection. On sème les graines de pensée à mesure qu’elles viennent à maturité, depuis la fin de juin jusqu’à la fin d’août ; la graine doit être modérément recouverte. Le plant doit être re- piqué une première fois à un mois, et une se- conde fois à deux mois; ces repiquages acti- vent sa végétation. B. — Détails de culture. Les pensées se plaisent mieux en pleine terre que dans des pots; une bonne terre or- dinaire leur suffit. Il est bon d’enlever à la plate-bande où l’on cultive les pensées quel- ques centimètres de terre, afin qu’elle soit un peu au-dessous du niveau du sol environnant : par ce moyen, l'eau des arrosages ne déborde pas dans l'allée, et le sol de la plate-bande se maintient plus longtemps frais. Si le sol est na- turellement humide, cette précaution devient inutile. $ X. — Lobélias, Quel que soit notre respect pour les botanis- tes, nos indications s'adressant spécialement aux horticulteurs, nous croyons devoir nous conformer à l’usage général des jardiniers, sous peine de n'être pas compris du plus grand nom- bre, toutes les fois que cet usage s’écarte des distinctions introduites récemment par les bo- tanistes, sans être passées dans la langue du jar- dinage. Ce que nous avons à dire des lobélias et de leur culture comprend toutes les plantes du genre originairement dédié au botaniste Lobel, quoique tout récemment les botanistes en aient détaché deux groupes pour en fermer | les genres rapuntium et siphocampilos. a plante, et n’atteignait pas toujours son but. | Une observation attentive du mode de végéta- ! Il n’existe pas dans la nature de plus beau rouge que celui des fleurs de lobélia ; beaucoup V. V, -— 41 322 de personnes dont la vue est délicate ne peu- vent fixer longtemps leurs regards sur les lobé- lias fulgens et splendens. Les plus belles d’entre les lobélias sont de pleine terre, pourvu qu'on leur donne en hiver une légère couverture de litière ou de paille. En Belgique, où ces belles fleurs se rencontrent dans tous les jardins, même dans le plus mo- deste parterre du paysan, comme la giroflée et la julienne en France, on ne cultive les lobélias que dans des pots afin de pouvoir les rentrer en hiver ; il suffit de placer ces pots dans un lieu sec, où la gelée ne puisse les atteindre. A — Multiplication. Les lobélias paraissent avoir peu de disposi- tion à s’écarter de leurs types; les semis repro- duisent toujours l'espèce qui a fourni la graine. On n’a pas, par conséquent, un intérêt direct à propager les lobélias par la voie des semis, et l'on préfère en France la séparation des reje- tons nombreux que donnent tous les ans les vieilles plantes ; on les œilletonne en octobre, comme des artichauts, en laissant à chaque œilleion un talon enraciné. En Angleterre, on regarde comme de meilleure qualité le plant obtenu de graine, et l’on n’emploie presque pas d’autre moyen de multiplication pour les lobé- lias. La graine de lobélia se sème aussitôt qu’elle est mûre, parce qu’elle perd très promptement sa faculté germinative ; elle ne lève qu’au prin- temps suivant. Les semis se font en bonne terre légère, mais riche; ils doivent être très peu re- couverts. Les pots ou terrines dans lesquels on a semé des lobélias doivent passer l'hiver sous un châssis froid ; on ne doit pas laisser la terre se dessécher. Au printemps, quand le jeune plant est levé, on lui donne peu à peu le plein air ; il doit être repiqué dès qu’il montre sa troi- sième feuille. On place chaque pied dans un pot très petit ; on les change de pot deux fois pen- dant l’éte, en leur donnant à chaque fois des pois plus grands; ils atteignent ainsi la force de supporter la pleine terre si Pon juge à pro- pos de les y placer; mais il est toujours plus commode de les laisser fleurir dans des pots qu’on enterre dans la plate-bande, afin qu'ils concourent à l'ornement du parterre. Les œilletons séparés des vieilles plantes se traitent exactement comme le plant obtenu de graine. B. — Détails de culiure. Les lobélias de toute espèce veulent beaucoup d’eau depuis l'instant où les épis des fleurs com- mencent à se montrer jusqu’à la fin de leur flo- raison qui peut durer plusieurs mois, si l’on a soin de les préserver de laction directe des rayons solaires, en les plaçant dehors, dans une position ombragée. Les espèces suivantes supportent facilement la pleine terre sous le climat de Paris : HORTICULTURE. LIVRE VIII. / cardinalis ( fig. 466). fulgens. splendens, Lobelia( iguea. punicea. hybride pourpre. \syphilitica. La première est Ja plus rustique et la plus répandue ; la dernière, quoique moins robuste et plus sensible au froid, s'élève très bien sur ies bords des pièces d’eau ct des réservoirs ou bassins dont le parterre est souvent accompa- gné. Les racines des lobélias syphilitica et ful- gens ne sont point sujettes à pourrir sous l’eau, pourvu qu’en hiver elles soient assez recouver- tes pour que la gelée ne puisse les atteindre; car si elles ne sont garanties que par quelques centimètres d’eau, et que toute l’eau qui les re- couvre soit gelée, elles périssent. Ces plantes n’ont rien à redouter des gelées du printemps, parce qu’elles ne commencent à entrer en vé- gétation que quand l’eau sous laquelle elles sont placées prend une température douce, ce qui n’a lieu qu’à une époque de l’année où les ge- lées ne sont plus à craindre. Les racines des lobélias qui vivent sous l’eau se renouvellent d’elles-mêmes par la formation des œæilletons qui se garnissent de jeunes racines à la place des anciennes, mortes de vétusté. Les autres lobélias ne vivent pas au-delà de trois ans, soit dans les pots, soit en pleine terre; quand on tient à conserver chaque espèce dans toute sa beauté, il faut les œilletonner tous les ans, afin d’avoir toujours de jeunes pieds vigou- reux, prêts à remplacer les vieilles plantes épui- sées; aucune plante ne se prête mieux que les lobelias à ce mode de rajeunissement. Lorsque les lobélias terrestres ont passé fleur, il ne faut pas trop se hâter de retrancher les ti- ges défleuries; les jardiniers anglais et belges ont grand soin de retirer de terre les pots des lobélias à mesure qu’elles ont passé fleur ; ils les rentrent dans un lieu see, et laissent mourir peu à peu les tiges de l’année; ils ne les retran- cheni que quandellessont complétement sèches; c’est une sage précaution que tout jardinier pru- | | TITRE Ÿ, dent doit imiter s’il tient à la conservation de ses plantes. Nous ferons observer à cette occasion com- bien il importe de ne tailler prématurément, ni les lobélias, ni aucune autre plante dont la ra- cine vivace donne naissance tous les ans à des tiges annuelles. La tige retranchée, alors qu’elle conserve un reste d'existence, fait un effort pour revivre, effort inutile qui épuise la racine et très souvent la fait périr. Nous dirons aussi à ce su- jet qu'il ne faut pas attribuer à une autre cause la mort de beaucoup de rosiers de Bengale et de la Chine, qui sont en réalité de serre froide, mais qui peuvent être de pleine terre, à la condition qu’on les tondra rez-terre tous les ans, et de bien couvrir la souche, comme on le fait en Belgique. Tous ces rosiers sont, comme on sait, perpé- tuellement remontants ; la sève n'y est jamais complétement en repos. Si l’on ne saisit pas pour les tailler un moment où le mouvement de Ja sève soit aussi ralenti que possible, les chi- cots meurent au-dessous de la taille et entrai- nent la perte des racines. Les lobélias, convenablement euliivées, peu- vent atteindre de très fortes dimensions. Les Anglais suppriment souvent l’épi terminal avant la floraison, immédiatement au - dessus de la dernière ramification. Cette opération donne aux épis latéraux une force de végéta- tion étonnante; ils forment une touffe magni- | fique, chargée de la plus riche végétation ; leur rouge étincelant contraste admirablement avec le bleu-clair des campanules pyramidales près desquelles on les place dans fe parterre, pour faire valoir leur effet ornemental. Nous elassons les lobélias parmi les fleurs de collection, parce que ce genre compte plus de 150 espèces, dont un grand nombre appartient | à la serre chaude et à la serre tempérée ; toutes ces plantes sont originaires du Nouveau- ! Monde, et particulièrement du Mexique. Toutes les lobélias | | ricure des pétales. Toutes les portent des fleurs rouges ou pourpres, à l'exception de trois espèces (éri- | nus, bicolor et pubescens), qui donnent des fleurs bleues ; ce sont de très jolies petites plan- tes de serre tempérée. $ XI, — Iris Les iris ne sont devenues plantes de collec- tion que depuis peu d'années ; précédemment , ce genre ne Comptait qu’un petit nombre d’es- ! pèces et de variétés, presque toutes de pleine | lerre, parmi lesquelles l’iris naine et iris ger- | manique, plantes robustes, exigeant peu de soins de culture, sont au nombre des fleurs de | pleine terre les plus répandues. Mais depuis que plusieurs horticulteurs distingués se sont adonnés à la culture des iris et en ont obtenu par leurs semis de nombreuses variétés qui se recommandent, les unes par la beauté et les dimensions de leur fleur, les autres par leur | odeur fine et recherchée, beaucoup d'amateurs ont pris goût à cette culture, et l'iris a pris place parmi les plantes de collection. M. Lé- | mon (de Belleville) a concouru très activement FLORICULTURE. 323 à augmenter le nombre des espéces et variétés d'iris, qui dépasse déjà le chiffre de 109 et grossit chaque année. Les graines d’iris se sèment aussitôt qu'elles Sont müres ; le jeune plant ne montre sa fleur qu'au bout de 3 ou 4 ans. On sème dans l'espoir d'obtenir des variétés nouvelles; on propage les anciennes en divisant au prin- temps les touffes de racines tuberculeuses ou bulbeuses. Une terre légère , pas trop substan- tielle , amendée avec du sable lorsqu'elle est top Compacte, et largement arrosée, convient parfaitement aux iris qui, du reste, s'accom- modent de presque tous les terrains sils ne Sont pas trop secs, et de toutes les expositions. Dans les départements du centre de la France, les paysans sont dans l'usage , de temps immé- morial, de garnir deracines d’iris germanique ou d’iris naine, l'extérieur de la voûte de leurs fours ; ces racines, plantées daris une couche de terre souvent fort peu épaisse, ne produisent que des plantes peu développées dont la florai- son na rien d’égal à ce qu’elle pourrait être dans de meilleures conditions ; mais il est re- Mmarquable que les iris, ainsi placées, ne meurent point et fleürissent, bien ou mal, tous les prin- temps: ce fait seul atteste la grande vigueur de végétation des iris, et leur rusticité. Les iris de collection ne sont point classées d’après des caractères botaniques invariables ; toutefois, elles se rangent dans deux grandes divisions, fondces sur un caractère constant : la présence ou l'absence de filaments que les jardiniers nomment barbe, à la partie infé- espèces et variétés d’iris rentrent dans la classe des fleurs barbues (fig. 467) ou des fleurs sans barbe (fig. 468). 468. r LGZ ie. 467, Quand Les jris ont terminé leur floraison , il faut bien se garder de remuer le sol autour des touffes à une certaine distance du collet des racines, c’est le moment où les souches émet- tent, dans toutes les directions, des racines nouvelles , qui préparent la floraison de l'an- née Suivante; si elles sont dérangces dans ce travail, la plante n’aura l’année d’après qu'une floraison avortée. $ XII. — Formation économique des collections. Le riche amateur est et sera toujours le 324 client oblige du jardinier fleuriste ; il veut, la bourse à la main, des jouissances promptes, préparées par le travail d'autrui, travail dont son argent est le légitime salaire. En indiquant, d’après notre propre expérience, les moyens de former à peu de frais de belles collections de plantes d'ornement de pleiné terre, nous ne prétendons pas engager les riches amateurs à sortir de cette voie, qui est dans leurs habitu- des, et qu'ils suivent naturellement ; nous re- gretterions de les en détourner, puisque tout le monde y trouve son compte. | Nous nous adressons uniquement ici aux amateurs dont le modeste budget n’admet pas de dépenses extraordinaires; en suivant nos avis, ils parviendront à posséder chez eux ce qu'autrement ils ne pourraient admirer que chez les autres, et l’on sait que ce n’est pas du tout la même chose. Quant au commerce des fleurs, il n’y perdra rien; nous ne connaissons personne qui ait songé à supprimer son équi- page, parce qu’il y a des omnibus. C’est surtout en hortieulture qu’il appartient an pauvre de vivre des miettes échappers de la table du riche. Les plantes de collections, pos- sédées par des amateurs opulents, donnent Cha- que année une masse de rejetons ou de caieux qui ne sont pas utilisés en totalité. Quand on a réservé les meilleurs pour les élever en pépi- nière, dans le but de réparer les pertes présu- mables et de maintenir les collections au Com- plet, on jette le surplus. C’est à l'amateur éco- nome à avoir l'œil sur les collections de tout genre qui peuvent exister dans son voisinage, dans la possession d'amateurs plus favorisés que lui des dons de la fortune. Ceux ci, le plus souvent, se font un vrai plaisir de distribuer leur superflu; quelquefois aussi les jardiniers sont au- torisés à s’en défaire ; le léger bénéfice qu’ils en retirent ne peut pas rendre les éléments d’une collection inaccessibles aux fortunes bornées. Ce que nous venons de dire des plantes de collection s'applique à bien plus forte raison à toutes les plantes vivaces d'ornement , dont la croissance rapide exige des dédoublements an- nuels; c’est ainsi que le jardin du château peut alimenter de son trop plein le jardin de la mai- son de campagne , lequel peut rendre le même service au jardin de la chaumière , car le goût des fleurs et les plaisirs que ce goût procure ne sont interdits à personne. Nous avons dit à dessein qu’on réunissait ainsi les éléments d'une collection; avec un simple noyau, on parvient facilement à se compléter, pourvu que ce noyau se COMpose en entier d'espèces de choix. Supposons, par exemple, qu’on ait obtenu, comme nous venons de l'indiquer, une vingtaine seulement de caieux de tulipes, parmi lesquelles se trouvent 5 ou 6 échantillons de prix, tels que le feu d’Austerlitz ou le tombeau de Louis XVI. En multipliant uni- quement ces variétés toujours recherchées, on peut échanger ses doubles contre des centaines de caïeux de tulipes moins précieuses, mais qui font nombre. HORTICULTURE. LIVRE VII. En appliquant le même principe aux jacinthes et aux œillets, on verra grossir en quelques an- nées ses collections, et l’on trouvera un plaisir de plus dans les relations toujours amicales que font naître les échanges entre amateurs. La voie des semis, pour les plantes bulbeuses et les œillets, ne doit pas non plus être négligée ; les riches amateurs sèment très peu, parce que, comme nous l'avons dit, on obtient bien rare- ment des variétés réellement nouvelles par ce mode de reproduction, le moins expéditif de tous. Il n’en est pas de même de celui qui tra- vaille à se former des collections de ces plantes. Toute bonne fleur, quoique déjà connue, sans valeur aux yeux de celui qui en possède plu- sieurs échantillons , peut être une acquisition précieuse pour la collection naissante ; les se- mis, s'ils donnent peu de fleurs nouvelles, don- nent toujours beaucoup de bonnes fleurs. Les semis sont la manière la plus économi- que de créer les collections de toutes les plantes qui , comme les renoncules , les anémones, les auricules, et les pensées, montrent leurs fleurs très promptement; il est d’ailleurs toujours facile de s’en procurer des graines. Tournefort rapporte à celte occasion une petite superche- rie dont il avait été témoin; nous la citons en faveur des dames qui pourraient trouver OCCa- sion d’en faire leur profit. « M. Bachelier, grand amateur d’anémones, en avait une superbe collection qu'il cultivait avec des soins jaloux. Un conseiller au parle- ment, à qui il avait refusé constamment des semences de ses belles anémones, ne pouvant en obtenir ni par prières, ni par argent, s’avisa de faire une visite à M. Bachelier, avec quel- ques-uns de ses amis qui étaient du secret. Il sortait de l'audience ; il était en robe; il avait ordonné à son laquais, qui la portait, de la laisser tomber sur la planche des anémones qu'il désirait avoir, et dont les graines étaient mûres. 11 se promena longtemps en conversant sur divers objets, et quand ils vinrent auprès de la planche d’anémones, un gentilhomme de bonne humeur commença une histoire qui fixa l'attention de M. Bachelier. Alors le laquais, qui n’était point un sot, laissa trainer la robe sur la planche ; les semences, garnies de duvet, s’y accrochèrent en grand nombre ; le laquais la ramassa aussitôt, et cacha sa conquête dans un pli. Le conseiller, après avoir pris congé, se retira chez lui, recueillit avec soin les semences fortement attachées à sa robe, les sema et par ce moyen se procura de très belles fleurs.» Nous ajouterons qu’une robe un peu longue, surtout si l'étoffe est de laine, peut donner les mêmes résultats, sans le secours d’un laquais. Secrion {V. — Plantes de parterre remarquables à divers titres. QUO Plantes bulbeuses, Indépendamment des plantes de collection, nous devons une mention spéciale à plusieurs FLORICULTURE. séries de plantes de pleine terre, propres à la decoration du parterre, afin d'indiquer les soins | identiquement la plante qui les a portés. particuliers à donner à plusieurs d'entre elles, | Quelques lis étrangers, particulièrement le et la meilleure manière de tirer parti de leur | lis superbe et le lis de Pensvlvanie, ne pros- effet ornemental; nous commencons par les | pèrent que dans la terre de bruvère pure. Le plantes bulbeuses. | lis du Kamtschatka, malgré le climat presque TITRE V. 3 deux ou trois ans; ils reproduisent toujours 25 AE ETs- Les lis, au nombre de plus de 20, suppor- tant parfaitement la pleine terre sous le climat de Paris, joignent presque tous au mérite d'une floraison riche et prolongée celui d’une odeur suave ; une bonne terre de jardin leur suffit ; si elle est trop compacte , et sujette à retenir l'eau, il faut l’amender avec un peu de sable ou de terre de bruyère avant d'y planter les ognons de lis, qu’un excès d'humidité fait très facile- ment pourrir. Les espèces les plus recomman- dables sont : Lis à fleurs blanches. | à longues fleurs, surnommé trompette du jugement, | Japon (fig. 469), d’un blanc pur en dedans, lé- “erement pourpre en dehors. eximium, à floraison tardive. magnifique, fond blauc, lave de rose, | blanc commun. Lis Lis à fleurs jaunes orangées el rouges. ‘orangé d'Autriche. nain, de couleur safranée, flagellé de rouge. turban, ou de pompone, à pétales roulées en dehors. des Pyrénées, plus jaune que le précédent, du Canada. ; superbe, le plus beau du genre (fig. 470). du Kamischatka, presque égal au précédent. tigré de la Chine, fleur rouge-oraugée, piquelée de noir. marlagon commun, à fleurs roulées en dehors. A nd ou lis jaune commun des Alpes. de Pensylvanie ou de Philadelphie. Lis Fig. 469, 470. Tous ces lis se multiplient par la séparation de leurs caïeux. Le lis prolifère, et quelques autres, se multiplient en outre par les bulbilles qui naissent dans les aisselles des feuilles le long de la tige. Ces bulbilles se détachent d’eux- mêmes, et prennent racine dans le sol. On peut, avec des soins convenables , les faire fleurir en polaire de son pays natal, gèle quelquefois sous le climat de Paris, ce qui ne doit point elonner ceux qui savent qu'au Kamtschatka, l'hiver une fois passé, l'été commence aussitôt, presque sans transition, tandis que pour l’Eu- rope tempérée, l'hiver n’est jamais fini; les froids tardifs surprennent les plantes en pleine végétation, et suffisent pour détruire même celles des climats les plus septentrionaux. B. — Tulipes. En dehors des collections, plusieurs tulipes d'un mérite réel, indigènes du midi de l'Eu- rope, doivent prendre place dans le parterre. Qui ne connait la jolie petite tulipe naine duc de Thol, rouge vif bordée de jaune clair, qui fleurit une des premières à l’air libre, et donne sous châssis ses fleurs si parfumées, au milieu de l’hiver? Les autres tulipes de pleine terre sont : sauvage, à fleur jaune; elle double facilement. | gallique. plus petite, verte en dehors, tachée de rouge. de Gels, jaune, rouge en dehors. de l'Ecluse ( Jg. 471), rose bordée de bleu; tres petite, œil du soleil, rouge-jaune et pourpre; couleurs trés vives, turque (trois variétés de diverses couleurs). \ bossuelle, jaune ou blanche, rayée de rouge. Tulipe { Fig. 471. Toutes ces plantes sont très rustiques et fa- ciles à cultiver ; une bonne terre ordinaire de jardin leur suffit. On peut laisser les ognons en terre toute l'année, mais il vaut mieux, après la floraison, traiter les ognons comme nous l'a - vonsindiqué pour ceux des tulipes de collection, et les replanter avant l'hiver (voir Plantes de collection). | C. — Friullaïrrs. | Trois espèces de fritillaires sont admises dans nos jardins : la couronne impériale, la plas re- 326 fritillaire de méléagre ou damier. La fritillaire couronne impériale (fig. 472) est une très belle plante, précieuse dans le par- terre en raison de la précocité de sa floraison. On en possède une douzaine de variétés, toutes de pleine terre, à fleur orangée, jaune et diver- | sement panachées. Une bonne terre ordinaire | de jardin leur suffit: elles peuvent se passer d'abri pendant l’hiver sous le climat de Paris. La fritillaire de méléagre (fig. AT3), ou fri- Fig. 473. tillaire damier, doit son nom à la bigarrure de sa Corolle offrant desrapports avec les cases d’un damier et le plumage de la pintade (meleagris). Les caïeux qui servent ordinairement à Ja multiplier ne doivent être relevés que tous les trois ans. Cette fritillaire offre un grand nom- bre de variétés qui toutes se ressemblent par la forme et par I disposition des couleurs ; elles diffèrent seulement par les nuances. Elles ont assez de persistance pour se reproduire constamment de graine aussi bien que par leurs caïeux, qui fleurissent deux ou trois ans après leur séparation de la plante-mère. La fritillaire de Perse ne présente avec les deux autres espèces du même genre que des rapports éloignés; sa fleur est d’un bleu vio- lacé d’une nuance très délicate. Elle craint le froid un peu plus que les deux autres, quoi- qu’elle supporte bien les hivers ordinaires sous HORFICULTURE. pandue de toutes, la fritillaire de Perse et la LIVRE Vffr, le climat de Paris. On a soin, par ce motif, de la cultiver dans des pots qu’on rentre dans Po- rangerie ou la serre froide à l'entrée de l’hiver, et qu’on enterre dans la plate-bande au retour du printemps. Le croisement artificiel de la fri- tillaire de Perse (fig. 474) avec les deux autres | espèces de fritillaires donne naissance à des _Sous-variétés hybrides dont on peut toujours espérer d'accroître le nombre, ee qui rend la culture de ce genre très digne d'intérêt. $ IV. — Jacinthes. Si nous nous conformions à la nomenclature adoptée par les botanistes, nous n’aurions qu'une seule jacinthe, la jaeinthe étaléé, jolie fleur odorante d’un bleu clair, à mentionner après la jacinthe orientale où de collection, dont nous avons décrit la culture en détail, Nous préférons suivre l'usage des jardiniers qui continuent à désigner sous le nom de jacinthes les espèces que les batanistes ont détachées de ce genre pour en former le genre musrari. La jacinthe musquée est une petite fleur in- signifiante, de couleur indécisé, entre jaune et | violet obscur; elle n’est précieuse que par son odeur qui tient du muse et de la vanille. Les ognons de cette jacinthe sont très petits et tout-à-fait rustiques. Une bordure de jacinthe musquée répand dans le parterre une odeur très suave pendant près d’un mois que dure sa floraison. Cette plante est peu difficile sur le choix du terrain. On traite les ognons comme ceux de la jacinthe orientale; ils se replantent à la même epoque, mais san exiger les mêmes soins de culture. La jacinthe monstrueuse, aussi nommée ja- cinthe de Sienne ou lilas de terre, n’a de remar- quäble que la bizarrerie de ses fleurs formées de lanières longues et étroites, entortillées les unes dans les autres et présentant l'aspect d’une sorte de plnmet ébouriffé. Les touffes de cette plante font un bel effet dans le parterre ; elle est aussi rustique que la précédente. La jacinthe à toupet, où vaciet, est une plante sauvage indigène dans toutes les eon- trées tempérées de l'Europe. Sa singularité et la nuance admirable des fleurs bleues qui for- | ment le sommet de son épi la rendent très digne PR — TITRE V. de préndre place dans le parterre à côté des autres jacinthes. Elle se plait dans tous les ter- rains frais; sa floraison est très prolongée; elie n’exige aucun soin particulier de culture. $ V. — Tigridia. Cette plante, l’une des plus bizarrés pour 1a forme et des plus riches de couleur de toutes celles qui peuvent orner en été nos parterres, a été apportée, en 1796, du Mexique, Son pays natal; elié à contre elle un grand défaut : ses fleurs. réellement admirables, ne durent que quelques heures. En Belgique, où les tigridias sont fort estimées, on les plante en massifs, en plaçant les ognons en quinconce, à 0®,05 lesuns | des autres; comme les fleurs sont fort larges par rapport au volume total de la plante, cés mas- sifs, pendant cinq à six semaines que dure la floraison des tigridias, ont tous les jours un assez grand nombre de fleurs ouvertes. La ti- gridia présente un phénomène particulier dans son mode de végétation : ses fleurs s'ouvrent successivement, et la tige qui les porte continue à croire et à produire de nouveaux boutons, longtemps après que les fleurs épanouies les premières se sont flétries ; c’est ce qui explique la longue daréé de sa floraison. Les bulbes de tigridia sont très sensibles au froid ; il ne faut pas les confier à la terre avant le milieu de mai sous le climat de Paris. Une bonne terre ordinaire de jardin leur suffit; ils craignent le fumier récent. Si l’on veut les cul- tiver dans un sol maigre, ce sol ne doit recevoir pour engrais que du terreau très consommé. Les tigridias ont une pente naturelle à dévier de leur type primitif; les caïeux reproduisent bien l'espèce, mais la graine donné des sous- variétés quelquefois très cloignées de la plante qui les a fournies. C’est ainsi qu'à Lille M. de | Rouvroy, x obtenu des tigridias dont la fleur, d’ailleurs semblable à la tigridia commune, avait douze divisions au lieu de six. On con- naît deux espècés distinctes de tigridia qui se croisent entre elles très aisément, ainsi que les hybrides provenant dé ces croisements. Il en résulte un nombre indéterminé de sous-varié- tés, dont quelques-unes surpassent en mérite la tigridia pavonia que représente la fig. 475, en Fig. 475. dépit du peu de valeur réelle de la seconde es- ; FLORICULTURE. _———————_—_——> 327 pèce à fleur jaune (tigridia conchiflora) qui sert de base à tous ces croisements. Quoique la tigridia conchiflora aït été con- sidérée Comme une espèce par les botanistes. elle semble n'être en effet qu'une variété et même une variété peu persistante. Un habile horticulteur, M. Jacques, qui sème beaucoup de tigridias, a obtenu des graines de la tigridia conchiflora, en 1842, des tigridias pavonias et dautres sous-variétés lvhrides , dont une ad- mirable qu'il a nommée speciosa. Ces succès doivent encourager les amateurs à chercher par les semis des sous-variétés nouvelles. La | graine se sème en terre légère aussitôt qu’elle est mûre ; les semis réclament les mêmes soins qu’on donne aux semis de tulipes et de jacin- thes de collection; le jeune plant doit être pré- | sérvé avec soin des atteintes des premiers froids auxquels il est très sensible. $ VI. — Campanule pyramidale. L'espèce commune de campanule pyrami- dale peut, lorsqu'elle est bien cultivée, attein- dre la hauteur de plus de 2 mètres, etse couvrir du haut en bas d’une multitude innombrable de clochettes d’un bleu légèrement violacé qui produisent le plus brillant effet dans le par- terre, depuis le commencement de juillet jus- qu'à la fm de septembre. Cette campanule est vivace, mais il lui arrive souvent de se rami- fier, de pousser une énorme touffe de feuilles, et de ne porter qu'un tres petit nombre de fleurs quand on la cultive en pleine terre dans un sol trop gras et trop humide. Il est plus fa- cile de donner à cette plante la terre légère qui lui convient et de lui ménager les arrose- ments, lorsqu'on la cultive dans des pots qu’on énterre dans la plate-bande du parterre au mo- ment de la floraison. La fig. 476 représente le sommet d'une tige de pyramidale. Cette cam- panule se prête facilement aux formes capri- | cieuses que quelques jardiniers aiment à lui | faire prendre en assujettissant ses tiges florales à des baguettes arquées de diverses manières ; 528 toutefois elle n'est jamais si belle que lorsqu'on favorise son plein développement sous la forme parfaitement droite qui lui est naturelle et à laquelle elle doit son nom. Les variétés de campanules, toutes recom- mandables par l'élégance de leurs formes et la durée de leur floraison, sont très nombreuses ; ce soni des plantes rustiques, faciles à cultiver sous tous les rapports; on en compte plus de seize espèces distinctes, dont les plus remar- quables sont la campanule élégante et la cam- panule élevée. Cette dernière, naturellement droite et presque aussi haute que la pyrami- dale, porte des fleurs moins nombreuses, mais plus grandes, et d’une nuance aussi riche quoi- que un peu plus foncée; elle est récemment introduite dans nos jardins. Toutes ces Cam- anules sont de pleine terre sous le climat de aris. $ VII. — Balsamine. Plusieurs qualités précieuses rendent cette jolie plante annuelle indispensable à nos par- terres ; outre la richesse et la variété de ses couleurs uniformes ou panachées, elle a plus que toute autre plante annuelle de pleine terre la faculté de pouvoir être avancée aisément sur couches sous châssis, de manière à prolon- ger pendant tout l’été sa floraison dans le par- terre. Le plant s'élève de graines semées à diverses reprises; on le repique suecessive- ment, à mesure que la floraison des autres plantes d'ornement passe et laisse des vides à . remplir. La balsamine fleurit jusqu'aux pre- mières gelées. L’attention des amateurs d’horticulture s’est portée depuis peu sur ce beau genre, enrichi récemment de plusieurs espèces nouvelles , parmi lesquelles plusieurs ont des dimensions idécuples de celles des balsamines déjà connues. 6 VIII, — Aster. Qui ne connaît l’aster sinensis sous son nom vulgaire de reine-marguerite? Cette jolie plante, si riche de floraison, si variée de couleurs uni- formes ou panachées, n’est pas moins indis- pensable que la balsamine à lornement du parterre. Comme elle, on l’avance en la semant sur couches, afin d’en jouir plus tôt et plus longtemps. Indépendamment de la reine-marguerite, le genre aster fournit à nos parterres un grand nombre d'espèces et de variétés vivaces pour la plupart, c’est-à-dire à racines vivaces, don- nant tous les ans des tiges florales à la place de celles qui meurent après avoir fleuri. Les asters vivaces se contentent de tous les terrains, même des plus maigres; ils résistent à toutes les expositions, même les plus défavorables. Placés dans de meilleures conditions, ils de- viennent méconnaissables par l'ampleur deleurs formes et la richesse de leur floraison : ceux qui, en mauvais terrain, ne forment qu’une touffe médiocre de 0m.60 à 0m,70, s'élèvent à plus de 2 mètres et deviennent dans un bon HORTICULTURE. —_—— qe LIVRE VIII. terrain de véritables buissons de fleurs. Toutes ces considérations les rendent dignes de plus de soins qu’on ne leur en accorde en général dans nos parterres. Nous devons ajouter que les asters vivaces fleurissent, non pas tous à la fois, mais les uns après les autres, et quelques-uns pendant plus de deux mois sans interruption. Tous les asters vivaces sont de pleine terre sous le climat de Paris; les premières gelées n’arrêtent même pas la floraison des espèces les plus robustes qui fleurissent jusqu’à la fin de décembre dans les plate-bandes du parterre, où elles accom- pagnent très bien les chrysanthèmes de collec- tion qui sont à cette époque dans toute leur beauté. La liste suivante indique les plus belles espèces d’asters vivaces, avec l’époque de leur floraison. Aour. cordatus, petite fleur blanche à étamines rouges. à fleur de bellis, fleur blanche. latifolius, fleur bleue, Ast AE. à ; sibericus, fleur bieue azurée. punctatus, couleur lilas, fleurs en larges ombelles, corymbosus, grandes fleurs d’un bleu rougeûtre, SEPTEMBRE, floribundus, larges fleurs d’un blanc pur. blandus, d’un blanc bleuâtre, cyaneus, bleu foncé, rigidus, lilas clair. patens, jolie fleur large, bleu foncé. globosus, très petite fleur blanche à étamines rouges. Aster OCTOBRE. roseus, fleur panachée de rouge. de la Nouvelle-Angleterre, fleur pourpre, Aster { à feuille de saule, bleu pâle. mutabilis, fleurs blanches d’abord, tournant au rouge. Novemere ET DÉCEMBRE, lacteus, ou altissimus, blanc, pouvant dépasser 2m, B0. purpureus, fleurs d’un violet-pourpre, même hauteur. grandiflorus, belles fleurs d’un bleu pur, même hauteur. Aster $ IX. — Plantes aquatiques. Un bassin n’est pas moins agréable qu’utile dans un parterre. Beaucoup de propriétaires s’exagèrent la dépense qu’entraine l’établisse- ment d’un bassin, se le figurant pavé en pierres, avec des bords en maconnerie revêtus de pierres polies ou même de marbre blanc, comme ceux de Versailles et de Saint-Cloud. Des bas- sins ainsi construits sont d’un bel effet dans les vastes jardins publics, où ils s’harmonisent avec les grandes lignes de l’architecture des palais. Mais, à côté du parterre d’une habita- tion champêtre, un bassin ne doit pas figurer autre chose qu’un étang naturel, d’une gran- deur proportionnée à celle du jardin. Une cou- che de terre glaise bien battue, d’une épaisseur de 0m,25 à 0m,30, et des bords revêtus de ga- zon valent à cet effet mieux que les. construc- TIÏRE KV. tions en maçonnerie et les revêtements de mar- bre. Ainsi, pour remplir son double but d’agré- ment et d'utilité, le bassin n’exige pas une très grande dépense; il suffit qu'il retienne l’eau. Les bords du bassin, lorsque celui-ci est une dépendance du parterre, doivent en être, pour ainsi dire, la continuation. Les plantes aquati- ques dont on garnit les bords du bassin peuvent être plantées dans des pots remplis d'une terre convenable; ces pots sont assujettis dans la terre glaise qui forme le fond. L'eau qui les recouvre dissimule cette disposition particu- lièrement convenable pour les lobélias des es- pèces qui se plaisent au bord de l’eau. On peut aussi placer ces plantes dans des espèces d’en- caissements formés par des pierres et des sco- ries incorporées dans la terre glaise. Les ma- rais, sous le climat de l’Europe tempérée, nourrissent une multitude de plantes indigènes à floraison gracieuse, telles que la sagittaire (fig. 477), l'hottonia palustris (/ig. 478), et le Fig. 477, FLORICULTURE. qq mo 329 butôme à ombelle (fig. 479) ; toutes ces plantes Fig. 479. associées aux lobélias et aux autres plantes aquatiques des contrées lointaines, contribuent à orner les bords des bassins joints au parterre, et à donner à ces bords l'aspect d’une riche plate-bande circulaire, garnie de fleurs du prin- temps à l’automne. La grandeur et la forme du parterre déter- minent la forme et la grandeur du bassin: de ses dimensions dépend l'admission ou le rejet des plantes telles que les nymphéas qui occu- pent à elles seules un très grand espace, et sont par conséquent déplacées dans les bassins dont la surface a trop peu d’étendue. La fig. 480 donne une idée de la manière dont peuvent être disposés par étage les pots contenant des plan- tes qui se plaisent sous l’eau à diverses pro- fondeurs ; ces pots ne doivent point être à des profondeurs telles qu’on soit obligé de mettre la pièce d’eau à sec pour les déplacer ou les renouveler au besoin. . 480. Li La liste suivante comprend les plantes aqua- tiques et marécageuses propres à orner sous le climat de Paris les bords d’un bassin ou d’une pièce d’eau. Hydrocotyle, fleur rouge. Calla palustris, fleur jaune lustrée. Caltha, fleur jaune terne, en cornet. Myosotis, fleur bleu de ciel. Butôme à ombelle, fleur rouge pâle (/g. 479). Aclinocarpe, fleur blanche en étoile. Nymphéa, large fleur b'anche ; variéte doub'e, magni- fique; feuilles tres grandes. Villarsia, fleur jaure, forme bizarre, Menyanthe ou trèfle d'eau, {leur blanche. Hottonia palustris, plante é'égante, fleur rose, verti- cillée (fig. 478). HORTICOLYURE, | | Sagittaire, fleur blanche, feuillage en fer de fleche (fig. 477). | syphilitique, fleur rouge. Lobélia ! fulgens, fleur rouge (/g 466). de Dortmann, fleur bleue. Lysimaque, fleur jaune, tiges élevées. Salicaire, fleur rouge en longs épis. Epilobe, fleurs nombreuses, d'un rouge violacé. Cinéraire des marais, fleur jaune. $ X. — Plantes d'ornement pour divers usages particuliers. Le jardinier doit toujours avoir présentes à la pensée toutes les ressources dont il peut dis- poser pour l’ornement du parterre ; S'il s'y ren- | Contre une ruine où un ur d'un aspect peu Dev 57 330 agréable qu’il soit nécessaire de dissimuler, il les fera disparaître sous des rideaux de vigne vierge, de clematites, de bignonia radicans, auxquelles il joindra, si l'exposition est méri- dionale, la glycine de la Chine et le jasmin blanc, consultant à cet égard la nature du sol et la temperature locale; s’il dispose d’un frag- ment de rocher, il en couvrira les anfractuosi- tés avec des plantes grasses, parmi lesquelles la nombreuse tribu des sedams indigènes lui offre une grande variété de fleurs jaunes. blan- ches et roses. S'il veut garnir un petit espace d’un gazon fleuri, il se souviendra de la stel- laire et de l’arénaire. Enfin, parmi les plantes | annuelles dont les semis bien ménagés sur cou- che sourde prolongent la floraison tout l'été, il sera toujours muni dé plant de coréopsis et de zinnia élegants, de plusieurs variétés. Les semis en place de plantes annuelles d’or- nement qui né supportent pas le répiquage ont aussi leur utilité par la variété de riches cou: leurs que donnent plusieurs de ces plantes : telles sont surtout pour le bleu pur, la belle de jour (convoltulus tricolor); pour le rouge et le jaune, la belle de nuit (mirabilis); pour une foule de nuances riches et variées les pavois annuels; pour l'odeur, le précieux réséda, que rien ne peut remplacer sous ce rapport. Dans Pétat avancé de l’horticulture en Fran- ce, le parterre d’un amateur aisé ne peut se passer des plantes exotiques; nous accorde- rons à leur culture lespacé qu’elles réclament; disons dès à présent que toutes cellés de ces plantes qui, comme les verveinés, les pélargo- Diums, les calcéolaires, les cinéraires, et même beaucoup de cactées, d’éricas et d’épacris, sup- portent le plein air pendant uné partie de Pété, peuvent et doivent être à cétte époque mélées dans les plates-bandes du parterre avec les plantes indigènes. Les pots enterrés ne per- mettent pas de les distinguer des plantes de pleine terre, et l’on en jouit momentanément comme si elles vivaient sous leur climat natal, sans compromettre leur existence, puisque les pots peuvent toujours être déterrés et rentrés dans la serre, si la température l'exige. $ XI. — Arbustes d'ornement de pleine terre. Nous avons dit quel parti l’on peut tirer d’un grand nombre d’arbustes d'ornement de pleine terre pour la décoration des parterres à plates- bandes d’une certaine étendue; il est facile d'en juger par ceux qui figurént âvec tant d’a- vantages dans les parterres des jardins publics. En Angleterre, on réserve dans tous les grands jardins particuliers un emplacement distinct pour ces arbustes; cet espace prend le nom de shrubbery, mot pour lequel il faudrait créer le mot arbusterie si l’on voulait le traduire en français, car le mot et la chose qu’il représente nous manquent également. | Parmi les arbustes d'ornement de pleine terre, les uns sont recherchés à cause de la beauté de leurs fleurs et l'élégance de leur feuillage , comme le sureau à feuille laciniée HORTICULTURE. LIVRE VIII. (fig. 481); les autres à cause de leur odeur seu- Fig. 481, 482. lemént, comme le calycanthus (fig. 482): quel- ques-uns à cause de la beauté de leurs fleurs, comme le Stewartsia pentagyna, (fig. 483). Fig. 483. Ces arbustes sont distribués dans des com- partiments dont les formes et les dimensions varient selon la disposition de l’ensemble du jardin. Si l’espace est borné, ils font suite au parterre proprement dit ét lui servent d’enca- drement. Beaucoup d’amateurs préfèrent s’en tenir aux arbustes, pour des jardins de peu d’étendue où, en France. on a le mauvais goût d’entasser sur une surface insuffisante des masses de grands arbres qui s’étouffent réci- proquement , le tout afin de pouvoir dire d’un enclos de quelques ares : mon bosquet, et S'il approche d’un hectare : mon parc. ° Si lé térrain ne manque pas, les hosquets arbustes sérvent très bien dé transition pour rattacher le parterre aù jardin paysager. Dans ce cas, on place en première ligne les moins élevés; les autres les suivent, par gradation ; les plus hauts se confondent avec les massifs d'arbres d'ornement disposés dans le même or- dre, et d’après le même principe. Souvent, une allée principale est garnie des deux côtés de massifs d’arbustes auxquels on donne peu d’épaisseur en leur faisant suivre tous les con- toursdela promenade.Quand la vuenedoit point être masquée, les massifs d’arbustes ne règnent que d'un côté de l'allée principale, et ils se dé- tachent sur une grande pelouse dont lunifor- TIFRE V. mité est rompue par des groupes d’arbres de formes variées. Nous avons aux arbustes d'ornement de grandes obligations, dit un auteur anglais, en raison de la part d'agrément que leur présence ajoute à nos bosquets et à nos jardins. S'ils ne portent pas de fruits mangeables, ils n’en ren- dent pas moins, sous d’autresrapports, de nom- breux services. L'hiver, ils abritent notre pro- menade:; l'été, ils nous prêtent leur ombrage; la variété de fleurs et de feuillages divers que pré- sente leur réunion forme une décoration des plus gracieuses, obtenue avec très peude frais, et presque sans soins de culture. Les massifs d’arbustes sont, dans un grand jardin, un objet de première utilité, soit comme abri, soit en masquant des choses d’un aspect peu.agréa- ble. Ils ont souvent pour objet, soit de décorer le lieu qui sert le plas souvent de promenade à FLORICULTURE. portée de l'habitation, soit de conduire pour | ainsi dire à couvert à un point de vue qui, pour produire tout son effet, veut être démasqué tout à COUP, Sansavoir étéd’avance aperçu nideviné. Distribues habilement, par groupes, pour être vus à distance, les arbustes concourent puis- samment à orner le paysage ; en un mot, sous une foule de rapports, ils ne sont pas moins nécessaires qu’agréables. Nous traduisons avec plaisir ce passage, pour montrer à nos jardi- niers quelle ressource ils négligent en n’accor- dant pas aux arbustes d'ornement de pleine terre la place qui leur appartient, soit à la suite des fleurs, comme complément du par- terre, soit comme intermédiaire entre le par- terre et les bosquets du jardin paysager. Les plantes de parterre, même les plantes vivaces ou bisannuelles, occupent si peu d’es- pace dans le parterre en hiver, qu’à cette épo- que de l’année elles sont à peine visibles. Les arbustes, au contraire, frappent la vue pen- dant toute l’année ; il importe beaucoup, pour cette raison, d'introduire dans les massifs d’ar- bustes une certaine quantité d’arbustes tou- jours verts tels que le laurier-tin (viburnum) (/ia. 484), et l’alisier (cratægus) (fig. 485), qui, 485. sans avoir la tristesse des ifs, des cyprès, des thuvas et des arbres conifères, conservent au | | bosquet un peu de verdure toute l'année. Plus | 331 on avance vers le midi, plus les arbustes à feuilles persistantes peuvent être nombreux et variés dans les massifs; les lentisques ( fig. 486), les arbousiers (fig. 487), les oléandres, les myrtes et toutes les espèces de lauriers sont de pleine terre dans le Var. En Italie, on possède un si grand nombre d’arbustes de pleine terre à feuilles persistantes, qu'il v a aux environs de Rome de très grands jardins paysagers, plantés uniquement d’arbreset d’ar- bustes de cette nature, de sorte que, pour ces jardins, quoique le climat de Rome ne soit point tout-à-fait exempt de froid, on peut dire qu'il n’y a réellement pas d'hiver; sous le cli- mat de Paris, les choix sont nécessairement beaucoup plus restreints; en Angleterre, dans les massifs d’arbustes, les espèces à feuilles persistantes sont employées en nombre égal avec les espèces à feuilles caduqués; les arbus- tes grimpants à tiges sarmenteuses ne sont point compris dans ce calcul. $ XIT. -— Arbustes dé terre de bruyèré. Nous avons décrit en détail les qualités ét les usages de la terre de bruyère et des com- posts qui peuvent en tenir lieu (voir Composts). Des expériences récentes qui n’ont pas encore recu la sanction du temps, donnent lieu d’es- pérer qu’au moins pour un grand nombre de plantes, l’horticulture ne tardera point à être affranchie du tribut que lui impose Fachat de la terre de bruyère qui, à Paris, ne coûte pas moins de 15 fr. le mètre eube. On ne peut nier néanmoins que la terre de bruyère ne soit, quant à présent, le milieu le plus favorable à la végétation vigoureuse des racines d’un groupe | nombreux de plantes et d’arbustes, la plupart à feuilles persistantes, compris pour cette rai- son par les jardiniers sous le nom de plantes de terre de bruvère. Cette terre est aussi nécessaire au plus grand nombre des plantes qui vivent dans la serre tempérée et la serre chaude; nous traiterons séparément de leur culture; nous n'entenGons parler ici que des plantes de terre de bruyère qui supportent l’hiver en plein air sous le eli- mat de Paris, et qui réclament seulement quel- ques abris pendant les premieres années de leur existence, 332 Deux grandes tribus, les rhododendrums et les azalées, dominent dansles massifs de plantes de terre de bruyère. Le plus grand nombre des rhododendrums est de pleine terre; les azalées se partagent en deux tribus, sous le rapport de la rusticité. La première comprend les azalées originaires du Caucase et de l'Amérique, qui perdent leurs feuilles et résistent au froid de nos hivers les plus rigoureux ; la seconde com- prend les azalées originaires de l'Inde, qui con- servent leurs feuilles, et ne peuvent sortir de la serre tempérée que pendant la belle saison. Les rhododendrums et les azalées peuvent figu- rer au rang des plantes de collection, tant les croisements hybrides et les semis en ont mul- tiplié les variétés ; celles du seul rhododendrum arboreum à fleur rouge et à fleur blanche sont au nombre de plus de 150; on en possède en outre une vingtaine d’autres espèces dont cha- eune peut donner par la fécondation artificielle une quantité indéterminée de variétés nou- velles. Les variétés d’azalées ne sont pas moins nombreuses que celles de rhododendrums. (Pour les moyens de multiplication des plantes de terre de bruyère, voir Pépinieres, page 87). | Toutes les plantes de terre de bruvtre exi- gent une situation ombragée; elles craignent en été les ardeurs du soleil; les expositions du nord et du levant leur conviennent mieux que celles du couchant et du sud. La floraison de ces plantes commence dès les premiers jours de mars, par les daphnés; elle se continue en avril et mai par les azalées et les rhododen- drums, auxquels s'associent les kalmias, les lédums, les andromèdes, qui se succèdent une partie de l'été. Beaucoup d'amateurs, principalement ceux qui disposent d’un grand espace, sont dans l'usage de cultiver les plantes de terre de bruyère par séries, dans des compartiments séparés, dont chacun ne contient que des va- rietés d’un seul genre. Ces massifs ont l’incon- vénient de n’offrir qu’une floraison passagere, et de rester par conséquent dépourvus de fleurs endant les trois quarts de la belle saison. Dans rs massifs de plantes de terre de bruyère de divers genres, les mélanges peuvent donner une succession de fleurs depuis les premiers beaux jours jusqu’à la fin de juin. Les plantes de terre de bruyère peuvent fa- cilement être forcées en pots dans la serre; on obtient ainsi un certain nombre de plantes en fleurs dont on enterre les pots dans la plate- bande; on les retire à mesure que la floraison des mêmes plantes en pleine terre rend leur présence inutile. Parmi les arbustes d'ornement de terre de bruyère, nous devons une mention spéciale aux hortensias à fleur rose et à fleur bleue. L’hortensia ou hydrangea, importée en Europe par sir G. Banks, célèbre naturaliste anglais, vers 1788, est originaire de la Chine et du Ja- pon; c’est, dans son pays natal, un arbuste véritable: ce n'est en Europe qu'un sous arbris HORTICULTURE. il | LIVRE VIII. seau, dont les tiges sont à peine ligneuses. Il se distingue des autres plantes de terre de bruvère par sa facilité à supporter l'atmosphère épaisse et concentrée des lieux habités, circonstance qui, jointe à l'absence d’odeur, fait de l’hor- tensia une fleur d'appartement. L’hortensia se multiplie de boutures faites avec de jeunes pousses de l’année, munies de 3 nœuds au moins; on peut aussi marcotter l’hortensia de la même manière que Pœillet. Ces deux moyens combinés peuvent donner du plant dont la flo- raison hâtee ou retardée prolonge la jouissance de cette jolie fleur qui dure peu dans tout son éclat. On a beaucoup disserté sur la faculté que semblent posséder certains terrains riches en oxyde de fer, de donner une couleur bleue à la fleur naturellement rose de l’hortensia : il est certain que M. Fintelman, à Postdam, a longtemps obtenu des hortensias à fleur bleue, en les cultivant dans une terre d'un noir ar- doisé, formée de bois pourri, exposée à Pair et à l'humidite depuis plus de 100 ans, au fond d'une vallée ombragée et obscure ; des bou- tures des mêmes plantes en terre de bruyère ordinaire ne donnaient que des fleurs rosse. Des essais plus récents , renouvelés en France, ont fait croire à quelques horticulteurs qu’on touchait au moment de pouvoir changer du rose au bleu, pour ainsi dire à volonté, non- seulement les fleurs de l’hortensia, mais une foule d’autres fleurs roses. Nous appelons seu- lement sur ces faits l’attention des personnes qui pourraient désirer d’expérimenter dans le but d'avancer la solution de cette question in- téressante qui, même pour l'hortensia, ne nous semble point résolue. En Angleterre, certaines terres particulières à quelques localités ont la réputation de pro- duire des hortensias à fleur bleue ; on cite sur- tout le loam jaune de Hampstead. que les ama- teurs d’hortensia bleu font venir à grands frais de Hampstead à de très grandes distances. En Bretagne, quelques terres légères ferrugi- neuses ont à cet égard la même célébrité, Nous rappelons aux cultivateurs d’hortensia rose qui ne pourraient se procurer aisément de la terre de bruyère, la composition que les jardi- niers anglais lui substituent avec un succès constant pour cette plante, bien plus cultivée en Angleterre qu'elle ne l’est en France; elle est formée de 4 parties de bonne terre franche de jardin, 4 parties de terre de marais dessé- chée et pulvérisée , et 2 parties de sable fin ; le tout parfaitement mélangé longtemps avant de s'en servir. La liste suivante contient l'indication des principales espèces de plantes de terre de bruyère, cultivables en plein air, sous le climat de Paris : Azalées à feuilles caduques, Lédums. Kalinia. Rholora. Daphués. Andromedes, Ex TITRE V. Fig. 488. Rhododendrums (fig. 488). Asclépiade. Cistes. Vacciniums. Calycanthus précox (fig 482). & XIII. — Arbustes d'ornement à floraison remarquable. L’élégante tribu des rosacées fournit à nos jardins une grande partie de leur parure , non-seulement par les collections de rosiers qui lui servent de type, mais aussi par une foule de genres secondaires, parmi lesquels figurent au premier rang, comme arbustes, les pyrus, les cydonia, les mespilus, les cratægus, dont tous les ans l’horticulture multiplie les va- riétés. Les cydonia ou cognassiers du Japon, sont précieux à cause de leur jolie fleur d’un rouge vif (fig. 489), offrant beaucoup d’analogie avec celle du camélia simple. La fleur du cognassier du Japon reste très longtemps en bouton avant de s'épanouir ; à l’époque où les boutons se montrent, les branches sont dégarnies de feuil- les, et l’ensemble du jardin ne montre encore que bien peu de fleurs ; les buissons touffus du cognassier du Japon, couverts d’abord de bou- tons, puis de fleurs innombrables, sont d’un très bel effet, surtout lorsqu'ils se détachent sur la verdure sombre d’un massif de rhodo- dendrums au feuillage épais, dépourvu de fleurs à cette époque. On possède deux variétés de cognassier du Japon, l’une à fleur rose, l’autre rose panachée de blanc, obtenue il y a quelques années par M. Bertin, de Versailles. Lorsqu'on ne dispose que d’un local trop borné FLORICULTURE. pour consacrer un espace suffisant aux buis- | 333 sons de cognassier du Japon, on peut leur ac- corder un coin de muraille à bonne exposition; ils y fleurissent en espalier 10 ou 15 jours avant les buissons privés du même avantage. Les pêchers nains, à fleurs doubles, le pru- nellier et l’aubépine à fleur double, et les nom- breuses variétés de lalisier, sont encore au nombre des plus gracieux arbustes d'ornement de la famille des rosacées. L’aubépine à fleur double offre cette particularité remarquable, que la fleur, d’abord blanche au moment où elle s’ouvre, passe graduellement au rose, et finit par être tout-à-fait rouge avant de s’ef- feuiller ; la variété à fleurs roses simples est plus éclatante et surtout plus gracieuse encore. Depuis dix ans nos jardins se sont enrichis d’une foule d'arbustes d'ornement précieux à di- verstitres. Les tamarix, dont les 16 espèces cul- tivées méritent toutes le surnom d’élégants, ac- corde à l’une d’elles, ne sont plus aujourd’hui l’ornement exclusif des jardins de nos départe- ments méridionaux ; tous réussissent en pleine terre dans une position abritée sous le climat de Paris, et si l’hiver a fait périr une partie de leurs branches, il suffit de les retrancher pour qu’elles soient promptement remplacées. Les groseilliers sanguin et à fleur de fuchsia, le dernier moins répandu qu’il ne mérite de l'être, sont des importations qui datent seule- ment de 10 à 12 ans; riea n’est plus gracieux au printemps que les épais buissons du gro- seillier sanguin, dont les boutons, d’un rouge vif, s’ouvrent en grappes de fleurs du plus beau rose, surtout lorsqu'ils sont mélanges avec l’une des espèces à fleurs jaunes. Les uns et les autres sont très rustiques. { X1V. .— Rosiers, Nous avons décrit en détail la culture des rosiers de pleine-terre dans la pépinière, les moyens de les multiplier par les semis, la greffe, le marcottage et les boutures, ainsi que les soins qu’ils exigent avant d'être en état de figu- rer dans nos parterres au premier rang des ar- bustes de collection. Nous devons maintenant les prendre dans cet état, et les considérer sous le point de vue de leur effet ornemental et des jouissances que les roses procurent aux ama- teurs de l’horticulture, comme fleurs de col- lection. Afin de ne pas confondre des objets entièrement distincts, nous nous occuperons seulement ici des rosiers qui supportent la pleine-terre sous le climat de Paris; les autres trouveront place parmi les plantes d’orangerie et de serre tempérée. A. — Choix de l'emplacement. Une situation aérée, un air pur, qui Se re- nouvelle constamment, sont plus nécessaires aux rosiers qu'à tous les autres arbustes d'or- nement; quelques-uns de ces arbustes, comme lhortensia, supportent même l’atmosphère épaisse et stagnante des lieux habités; pour les rosiers cette atmosphère est mortelle. A Paris, les innombrables rosiers vendus tous les ans 334 HORTICULTURE. LIVRE VII. au marché aux fleurs, pour l’ornement des jar- | origines de tant de noms propres d'hommes et dins sur les fenêtres. vivent rarement plus d’une année; ceux qu’on essaie de faire vivre dans les rares jardins de l’intérieur de Paris, espèce de fonds de puits enfermés de tous les côtés par des murs de 25 à 30 mètres d’éléva- tion, y végètent misérablement et donnent à peine quelques fleurs, entièrement méconnais- sables. La fumée de charbon de terre est par- ticulièrement nuisible à certaines espèces de | rosiers. À Liége (Belgique), la rose double, à fleur jaune, ne fleurit pas sur la rive droite de la Meuse, tous ses boutons avortent, et cela arce qu'à l’époque de la floraison des roses , es vents d'ouest et de sud-ouest, qui règnent constamment, accumulent la fumée des usines de tous les environs au pied des coteaux qui bornent cette partie de la vallée de la Meuse. A Londres, la même cause, mais plus intense et plus développée, produit des effets encore plus remarquables sur la végétation des rosiers; les rosiers de toute espèce fleurissent mal et végètent péniblement , non-seulement dans l'intérieur de Londres, mais dans un rayon de 5 à 6 kilomètres aux environs: la rose jaune double n’y à jamais fleuri à Pair libre; la rose remontante , l’une des plus rustiques parmi les roses cultivées, y perd sa faculté précieuse, qui lui a valu le surnom de rose de tous les mois. Loudon, dans son Encyclopédie du Jardinage, pose en fait qu'il n’y a pas de rosier cultivé, ou même sauvage, qui puisse véyéter avec vigueur, soit dans l’intérieur, soit très près des grandes villes, à cause de la fumee, dont l'air est continuellement chargé; il a suriout raison pour les grandes villes manufacturières de PAngleterre , où il se fait une énorme consommation de houille, de sorie que ce qu’on y respire peut à peine se nommer de l'air. Ces faits suffisent pour dé- montrer qu’on ne peut espérer une belle végé- tation et une floraison parfaite des rosiers plan- tés sous l'influence d’un air concentré, ou charge de fumee et de vapeurs malsaines. Les rosiers n’exigent point un sol d’une na- ture pariiculière ; une bonne terre franche de jardin leur suffit. B. — Arrangement. Les Anglaisexeellent dans l’art de faire valoir, par un mode judicieux de plantation, le mérite de leurs collections de rosiers. Lesol consacré à ces collections est d'ordinaire, dans les grands jar- dins, annexé à la portion du parterre affectée aux arbustes; nos voisins ont adopté, pour dési- gner une plantation de rosiers, le mot latin ro- sarium qui était consacré par Columelle, Pline, Virgile, Ovide: biferique rosaria Pæsti, dit Vir- gile en parlant des bosquets de roses bifères de Pœstum. Pourquoi n'adopterions-nous pas le terme roseraie, par analogie avec les noms déja recus des terrains plantés d’une seule es- pèce d'arbres; on dirait alors roseraie comme on dit oseraie et châtaigneraie, comme on di- sait autrefois pommeraie, saussaie et chénaie, ——@——_—_—_—_—_———— re de lieux; toutefois, nous ne hasarderons pas les premiers un terme nouveau; nous nous bornons à le proposer aux horticulteurs. Don - nons une idée des dispositions principales d’un rosarium anglais. Les rosiers y sont plantés par séries ; une seule série avec ses subdivisions, occupe un compartiment à part; les rosiers qui se res- semblent le plus sont toujours placés à côté l’un de l’autre, afin qu’au moment de la floraison, la différence des roses soit plus facile à saisir. En effet, deux roses très peu différentes, vues séparément , loin l’une de l'autre, passeront aisément pour deux échantillons de ia même fleur, tandis que, vues côte à côte, leurs diffé- rences , si légères qu’on les suppose, seront re- marquées, pourvu qu’elles soient réelles. Quand les plantations ont pour but principal de tirer tout le parti possible de leffet orne- mental des rosiers, on les plante en mélange ; les variétés sont soigneusement assorties ; on réunit celles qui offrent le plus d’analogie entre elles pour la taille et peur le feuillage, tandis que leurs fleurs présentent des nuances vive- ment tranchées. On évite avec soin, dans ce cas, de mêler les rosiers à très petites fleurs avec ceux dont la fleur est très développée, car, ainsi que le remarque Loudon, leffet des gran- des roses n’y gagnerait rien , celui des petites roses serait perdu. On place fréquemment, au centre du rosa- rium, un rocher artificiel, sur lequel s'étendent les rosiers à tiges sarmenteuses, qui ne peuvent trouver place parmi les autres, en raison de leur mode particulier de végétation. Lorsque cette ressource manque, on peut isoler cette partie du jardin par un treillage sur lequel on palisse les rosiers sarmenteux ; ces rosiers for- ment ainsi des haies du milieu desquelles s’élè- vent de distance en distance des rosiers greffés sur églantier à haute tige, ce qui ajoute beau- coup à l'effet ornemental de ce genre de clô- ture. En Belgique, les rosiers sarmenteux , com- pris sous le nom de rosiers pyramidaux, sont plantés séparément en massifs ; chaque pied est supporté par une longue perche ; il se couvre du haut en bas de fleurs innombrables qui se succèdent pendant 5 à 6 semaines. Ces fleurs sont semi-doubles, mais de nuances très va- riées, les unes foncées, les autres presque blan- ches ; elles font un effet très pittoresque dans les grands jardins. Quand le sol et Pexposition leur conviennent, on ne peut se faire une idée du luxe et de la rapidité de leur végétation. En France et en Belgique, la plupart des amateurs de rosiers aiment cet arbuste comme les avares aiment l’argent, €’est-à-dire pour lui-même, sans se mettre en peine de l'effet pittoresque du rosarium, par rapport à l’en- semble du jardin. Les rosiers y sont cultivés dans des plates-bandes toutes droites , telles qu'on en voit au Luxembourg à Paris, dont l'ensemble occupe un espace de forme rectan- { TITRE V. gulaire. Il résulte de cet arrangement qu’à l’époque de la floraison des roses, l'œil ne sait où se reposer ; il faut oublier l'ensemble, cir- culer dans les allées qui séparent les plates- bandes, et admirer chaque rose isolément l’une après l'autre. On peut assurément donner in- dividuellement aux roses toute lattention qu'elles méritent, sans sacrifier ainsi leffet pittoresque d’une partie du jardin ; car, à l’ex- ception des espèces remontantes qui ne sont pas les plus nombreuses, les rosiers ne fleuris- sent qu’une fois tous les ans, après quoi l’espace occupé par la collection est dépourvu de fleurs pour tout le reste de l’année. Les Anglais aiment à donner aux plates- bandes de leurs jardins de roses des formes va- riées et pittoresques ; souvent ils forment de l'ensemble une sorte de labvrinthe, dont les plates-bandes ont assez de largeur pour ad- mettre, Sans nuire aux rosiers, une Succession de fleurs annuelles pendant toute la belle sai- son. Nous avons vu ce système longtemps mis en pratique avec un goût parfait dans le jardin botanique de Nantes, qui possédait, il y à 15 ans, l’une des collections de rosiers les plus remarquables qui fussent alors en France. Les fig. 490 et 491 peuvent donner une idée de cette manière de disposer une plantation de rosiers; les rosiers y sont plantés sur deux rangs qui se contrarient, à 1M,50 l’un de l’autre dans les lignes, dans des compartiments larges de 2 metres, séparés par des sentiers de 0m,80. Dans la fig. 490, le compartiment central est Fig. 490. occupé par cinq rosiers pyramidaux, qui ram- penc le long d’un rocher artificiel; dans la fig. 491, le compartiment du centre est garni Fig. 491. FLORICULTURE. 335 de sept rosiers semblables, dont le plus élevé doit être au point central de toute la plantation. Les rosiers sur églantier à hautes tiges, ap- partenant à des espèces qui forment naturelle- ment des têtes très volumineuses, peuvent être fort bien plantés, soit seuls, soit par petits groupes de quatre ou cinq au plus, dans une pièce de gazon dont le vert uniforme fait res- sortir leur masse fleurie. Les rosiers en buisson se plantent avec avantage en avant des autres arbustes, sur le bord des massifs d’arbustes | d'ornement, et dans une situation analogue dans les massifs du jardin paysager où les ro- siers de toute grandeur ne sont jamais de trop. C. — Détails de culture. Pour produire des fleurs parfaites, les rosiers de collection doivent être taillés avec beaucoup de soin, non dans le but de leur faire porter le plus grand nombre de fleurs possible, mais pour obtenir seulement un nombre modéré de très belles fleurs. Le vieux bois est rabattu tous les ans sur un jeune rameau de l’année, qu’on taille lui-même sur un ou plusieurs yeux, en raison du nombre de roses qu’il doit donner l’année suivante. Les rosiers des espèces déli- cates ont souvent beaucoup à souffrir de la taille d'hiver ou de printemps qu'on denne sans inconvénient à ces deux époques aux variétés plus robustes. Rien n’est plus dangereux que de ne tailler les rosiers qu'au moment où leurs yeux commencent à s’allonger, méthode vi- cieuse pratiquée par beaucoup de jardiniers ignorants, et qui cause la perte d’un grand nombre de rosiers greffés à haute tige. Le mo- ment le plus favorable pour tailler les rosiers délicats, et même toute espèce de rosiers, c'est celui qui suit immédiatement la floraison; on peut alors, sans aucun risque, supprimer le bois épuisé et raccourcir au besoin les jeunes bran- ches qui viennent de porter leur contingent de roses ; on les rabat toujours sur un bon œil ac- compagne d’une feuille en bon état; on les laisse ainsi prendre de la force jusqu’au mois d’octo- bre. On supprime au printemps suivant les branches malades ou défectueuses dans leur forme. En général, lorsqu'une branche faii con- fusion ou qu’elle prend une mauvaise direction sur un rosier bien portant, on peut sans incon- vénient la supprimer quand même elle n’offri- rait point à sa base d'œil pour la remplacer ; le bois manque bien rarement d'émettre plusieurs jets, dont on conserve le mieux placé. Quelques séries de rosiers dans lesquels on recherche la floraison la plus abondante pos- sible, ne se taillent pas du tout, il suffit de les nettoyer des branches mortes ou souffrantes, et de supprimer de temps en temps les rameaux surabondants qui rendraient les têtes trop épaisses et trop volumineuses. Il y a des rosiers qui, comme le rosier à cent-feuilles ordinaire, supportent très bien au printemps le retranche- ment de toutes les pousses destinées à fleurir. Cette suppression les force à émettre de nou- veaux jets qui fleurissent à l’automne; cette 336 seconde floraison est souvent plus belle que n'aurait été la première. Il ne faut pas sou- mettre les rosiers deux ans de suite à ce traite- ment qui ne peut être appliqué qu'aux sujets les plus robustes. | : Quant aux rosiers en buisson qui font partie des massifs dansles jardins paysagers, ilsuffit de les tondre, sans aucunes cérémonies avec une paire de cisailles de jardinier. Rien ne dépare une collection de rosiers en fleurs comme la vue des calices effeuillés et des fleurs fanées; on doit avoir soin de retrancher jour par jour les fleurs à mesure qu’elles passent, à l'exception de celles qu’on réserve pour porte- graines. 3-4 RES Les rosiers greflés à haute tige n ont jamais une bien longue existence: leur courte durée tient surtout à la grande différence que pré- sente le mode de végétation des églantiers servant de sujets, comparés à celui des ro- siers greffés sur ces sujets. Il y a quarante ans on n'avait pas, comme aujourd'hui, le goût des rosiers à haute tige; on cultivait gé- néralement cet arbuste en buissons francs de pied ou greffé très près de terre pour former un buisson ; on n'avait donc presque ja- mais l’occasion d'observer les inconvénients que présente l’églantier lorsqu'il sert de sujet. Le rosier sauvage pousse naturellement des tiges très élevées et qui vivent fort longtemps; mais il a une telle vigueur de végétation qu’il produit constamment des tiges secondaires , et cette faculté devient pour lui un besoin impé- rieux lorsqu'on limite par la greffe le dévelop- pement de sa tige principale. Le nombre des rejetons qui sortent de la souche augmente sans cesse, malgré la surveillance la plus serupu- leuse du jardinier; la tête affamée cesse de croître et finit par périr. En Angleterre les hor- ticulteurs les plus habiles ont trouvé le moyen de prolonger la durée des rosiers greffés sur églantier, en les déplantant tous les trois ans vers le milieu de février, avant la reprise de la végétation. Ce procédé est devenu aujour- d’hui d’un usage général, voici comment on le pratique. On retranche avec le plus grand soin les racines endommagées, on raccoureit toutes les racines bien portantes, on supprime pres- que iout ce qui peut exister de chevelu qui se trouve, à cette époque de l'existence des rosiers, ou nul, ou presque mort; la tête est en même temps soumise à une taille sévère qui provoque une pousse très active; la terre des trous est ou renouvelée, ou engraissée avec du fumier très consomme; le rosier ainsi disposé y est remis en place tout aussitôt ; l'opération doit être con- duite ässez rapidement pour que la racine du rosier ne reste pas exposée à Fair au-delà du temps rigoureusement indispensable. Par ce procédé usité de même en France par un grand nombre d’habiles praticiens, les ro- siers greffés sont totalement rajeunis; ils peu- vent l'être ainsi tous les trois ans, à perpétuité, parce que les souches sont vivement sollicitées à émettre des jets vigoureux qui produisent à HORTICULTURE. LIVRE VII. leur tour de jeunes racines non moins robustes; aussi voit-on les fleurs des rosiers soumis à ce traitement égaler ou surpasser les fleurs des jeunes sujets les mieux portants. Cette maniere de rajeunir les rosiers epuisés n’est point applicable aux rosiers francs de pied ; ils se rajeunissent d'eux-mêmes fort long- temps, comme les églantiers,au moyen de pous- ses annuelles qui permettent de supprimer les anciennes. Quand la fleur dégénère et que la souche semble décidément épuisée, il n’y a d'autre ressource que de la remplacer; il y a toujours dans les massifs un peu anciens de ro- siers francs de pied, un certain nombre de per- tes annuelles; ces pertes étant prévues, le jar- dinier doit toujours avoir en pépinière, assez de jeunes rosiers pour remplacer les morts. Il est toujours utile de tenir en réserve dans des pots un bon nombre de rosiers de la Chine et de Bengale, greftés sur églantier, apparte- nant aux espèces les plus sensibles au froid. On les rentre dans la serre froide ou l’orangerie pendant l’hiver ; ils devancent au printemps la floraison des rosiers de même espèce qui ont passé l'hiver dehors; ils remplacent ceux qui ont pu succomber à la suite des hivers rigou- reux. Dans le nord de l’Allemagne, les nombreux amateurs de rosiers greffes à haute tige entou- rent chaque compartiment planté de rosiers, avec un double treillage assez serré, en osier, soutenu par des piquets ; les deux rangs de ce treillage sont concentriques, à un décimètre seulement l’un de l’autre. On plante en dedans du treillage interne les rosiers grimpants qui craignent le froid, tels que la rose Banks et la rose Bougainville ; on les palisse sur la surface interne de ce treillage. A l'approche des pre- miers froids, on remplit de feuilles sèches l’in- tervalle entre les deux treillages; chaque mas- sif de rosiers se trouve ainsi protégé par un mur de feuilles, impénétrable au froid; on y ajoute l'abri d’un toit mobile formé de perches assujetties aux piquets de l'enceinte; ces perches supportent un treillage à claire-voie et une cou- verture de chaume ou de roseaux. Dès les pre- miers beaux jours, tous ces préservatifs contre le froid sont enlevés pour rendre l'air aux ro- siers, longtemps avant qu’ils recommencent à entrer en végétation. Les auteurs anglais recommandent comme un compost très propre à la végétation des ro- siers un mélange par parties égales de bon ter- reau, et de poussière de grande route; ce com- post est aussi un très bon amendement lorsque ia terre où les rosiers doivent être plantés est compacte et trop argileuse. Cette recette est bonne; toutelois elle ne doit être mise en pra- tique qu'avec beaucoup de réserve et d’atten- tion, la poussière des grandes routes pavées n’est qu'un mélange de la terre des débords avec beaucoup de erottin trituré sous les pieds des chevaux, et une certaine quantité de fer provenant des fers des chevaux et des roues | des voitures; la poussière des routes à la Ma- es TITRE VW. FLORICULTURE. 337 cadam diffère d’elle-même selon la nature des | partements des Parisiens, occupe de très rochesemployées à l’empierrement ; il est aisé de prévoir quelle différence d’action des élé- ments aussi divers peuvent avoir sur la vêge- tation des rosiers, selon que les pierres des routes sont calcaires, granitiques ou siliceuses; c’est ce que le jardinier doit considérer avec soin avant de s’en servir comme amendement pour le sol où doivent végéter ses rosiers. D. — Cudiures particulières de quelques rosiers. Plusieurs espèces de roses ont, indépendam- ment de leur effet ornemental, un but d'utilité qui motive leur culture en grand aux environs des grandes villes; telles sont en particulier la rose rouge de Provins, dont les fleurs semi- doubles, récoltées un peu avant leur complet épanouissement, séparées de leur calice, et desséchées avec soin, sont très usitées en me- decine comme médicament astringent, et la rose bifère ordinaire, employée pour la distil- lation de l’eau de roses et la préparation de l’ather ou huile essentielle de rose, très re- cherchée des parfumeurs. La distillation des roses soit pour l’eau distillée, soit pour l’huile essentielie, en absorbe des quantités énormes; la proportion ordinaire est de 3 kil. de pétales séparés des calices, pour deux litres d’eau dis- tillée. L'huile essentielle de rose n’est contenue dans les pétales de cette fleur qu’en très petite quantité; les variétés les plus odorantes ne donnent pas au-delà de —£= de leur poids par la distillation ; la rose à cent-feuilles qu’on dis- tille communément en France pour cet usage n’en contient jamais plus de 30 grammes pour 100 kil. de pétales; c’est un peu plus de =. A Paris, les parfumeurs et les pharmaciens ne savent jamais positivement à cet égard ce qu’ils achètént , parce que les roses se vendent sans être efleuillées c’est-à-dire avec leurs calices qu'il faut séparer pour distiller les pétales seuls, et dont le poids, très variable, ne peut pas être évalué d'avance avec précision. Les roses pour distiller se vendent à la halle de Paris par lots du poids moyen de 50 kil., elles ont valu cette année (1843) 20 fr. les 50 kil. dans la pleine saison. En Allemagne, on cultive pour distiller une variété de roses connue dans ce pays sous le nom de rose de Francfort: c’est une rose peu méritante comme fleur, elle est semi-double ; son calice turbiné est très gros par rapport au volume de la fleur qui s’ouvre mal; mais son odeur est très forte et elle surpasse toutes les autres roses par l'abondance de sa floraison ; ces deux qualités ont motivé son importation en Angleterre où depuis quelques années la rose de Francfort, peu répandue en France et peu digne de lêtre, est cultivée en grand pour la distillation. Dans plusieurs cantons autour de Paris, la culture des rosiers en plein champ, dans le but unique d’en vendre les fleurs coupées, soit pour distiller, soit pour égayer à peu de frais les ap- BORATICULTURE grands espaces; tout le monde connait de répu- tation la charmante vallée de Fontenay qu’em- bellissent les roses; le village situé au centre de cette vallée se distingue des autres commu- nes du même nom, très nombreuses en France, par Son antique surnom de Fontenay aux roses; toutelois, il n'y a pas de rose de Fontenay pro- prement dite; on ne cultive sur le territoire de cette commune que les roses à cent-feuilles, les roses de tous les mois et les roses de Provins. Une autre commune, celle de Puteaux, possède une variété de roses qui porte son nom. Là des terrains peu fertiles donnent un revenu impor- tant au moyen de la culture des rosiers qui s’y cultivent par longues files continues formant des espèces de haies très basses, espacées entre eiles de 0m,60 seulement: ces rosiers sont re- montants; il serait impossible de calculer le nombre de reses que peut donner un hectare de ce terrain ainsi cultivé ; un habile jardinier de Puteaux, consulté par nous à ce sujet, après examen fait avec nous sur le terrain, en porte le chiffre à environ 50 par mètre carré, ce qui fait 500,000 par hectare, évaluation que nous regardons comme trop faible. Ces millions de roses vont à l’alambic : la rose de Puteaux n’est cultivée que pour être distillée ; la rose à cent- feuilles se vend par bottes de 100 à 120 envi- ron, du prix moyen de 40 à 50 centimes, re- vendues ensuite en détail par petits bouquets de 10 à 12 roses chacun, aux prix de 5 à 10 centimes, par les bouquetières ambulantes ; qu’on juge par là de l'argent que peut rendre un hectare de rosiers! Aussi les terres propres a cette culture, quoique fort maigres, ont-elles une valeur élevée; elles se louent à des prix exorbitants. Les rosiers ne les occupent ce- pendant que 3 à 4 ans, après quoi ils cèdent le terrain à d’autres cultures pour revenir aux roses au bout de 3 ou 4 autres années, par une rotation régulière. Le rosier de Pu- teaux se prête mieux que tout autre à cette ro- tation, parce qu’il est facile à détruire; c’est son principal mérite. Au contraire, le rosier commun à cent-feuilles et le rosier remontant ordinaire (rose des 4 saisons ou de tous les mois), sont pour ainsi dire indestructibles. Lorsque la terre en est lasse au point que leur floraison devient rare et sans valeur, on a beau les arracher ; le moindre filament de racine ou- blié en terre donne des dragcons qui infestent le sol pendant des années, au grand détriment des autres cultures ; la rose de Puteaux mérite donc à cet égard la préférence dont elle est l’objet. E. — Classification des rosiers. Rien n’est plus variable et plus arbitraire que la nomenclature des rosiers telle que l'ont faite les horticulteurs marchands dans leurs catalo- gues ; il en est à peu près des noms donnés aux roses comme de ces figures de cire qui ont été tour à tour le grand Tamerlan et Ibrahim-Pacha: la même rose sera, selon l’époque, l’impératrice l. V. — 45 333 HOR'FICULTURE. LIVRE VIiil. Joséphine, la reine Amélie, ou la duchesse ; gueur de leur végétation, très propres à la dé- d'Angoulême. Mais, en dehors de ces change- ments capricieux, quelques horticulteurs émi- nents, entre autres M. Lindley en Angleterre, et M. Vibert en France, ont cherché à asseoir sur des bases réelles une classification des ro- siers d’après les caractères fixes des principales séries, bien que ces séries ne répondent pas à des variétés et des sous-variétés admises par les botanistes. L'adoption d’une bonne elassifica- tion des rosiers n’est pas sans importance ; une fois les séries admises et leurs caractères essen- tiels bien établis, l'amateur ne sera plus exposé, aussi souvent qu’il l'est actuellement, à faire venir à grands frais de fort loin une rose insi- gnifiante, où bien une bonne rose qu'il a dejà sous un autre nom. Pour ce motif, nous croyons devoir donner un aperçu de la méthode de elas- sification de M. Lindley et des caractères prin- cipaux des tribus de rosiers, selon sa méthode. re TRigu. — Rosiers à fleurs de cisles. Ils doivent leur nom à la ressemblance de leur fleur avec celle des cistes qui, sous le nom de muçugles, décorent au printemps les collines du midi de la France. Les fleurs de ces rosiers sont simples, et leurs pétales plus ou moins échancrées. Les deux principales espèces de cette tribu sont : 1° La rose à feuille de berberis, remar- quable entre toutes par son feuillage simple; la fleur est jaune, les pétales ont une tache pourpre à l'onglet; ce rosier est rare en France. 2 La rose Hardy, récemment obtenue dans les semis de M. Hardy, au Luxembourg; ses feuilles ont sept folioles. lie TRIBU. — Rosiers feroces. Ils méritent leur nom par le nombre et la force de leurs aiguillons; les deux principales espèces sont : 1° La rose du Kamichaika, vio- lette simple; 2° la rose du Parnasse, violette double. IL1C TRIBU. — Rosiers bracléolés. Ils sont caractérisés par la longueur et le dé- veloppement des bractées qui accompagnent le calice. Les rosiers de cette tribu réclament une position abritee; leurs fleurs sont doubles, les unes blanches, les autres carnées. Les deux principales sont : 1° la rose Marie-Léonida, d’un blanc pur; 2° la victoire-modeste, à cœur carné. IVe TRIBU. — Rosiers cannelles. Les caractères de cette tribu sont peu tran- chés; elle comprend des fleurs simples, semi- doubles et doubles, isolées et en grappes. Les plus remarquables sont la rose-soufre, jaune double très pleine, et la rose Boursault, semi- double, qui sert de type à toutes les variétés et sous-variêtés de roses pyramidales. Ces ro- siers, en général, ne font point partie des col- lections et ne se greflent point sur églantier; coration des bosquets dans les grands jardins paysagers; ces rosiers ne se taillent point. Ve TRIBU. — Rosiers pimprenelles. Leur nom est tiré de la ressemblance de leurs feuilles à follioles petits et arrondis, avec la feuille de la pimprenelle (poterium sangui- sorba). Les roses à fleurs simples, assez nom- breuses dans cette tribu, sont fort jolies ct donnent des milliers de fleurs; la plupart des roses pimprenelles sont semi-doubles et dou- bles ; ces rosiers ne se greffent pas, ils s’elèvent en buissons, francs de pied ; il ne faut les tailler qu'avec beaucoup de ménagement pour ne pas puire à leur floraison. Les deux plus belles roses de cette tribu sont : 1° la reine des pimprenelles, rose tendre, semi- double ; 2° la pimprenelle-Hardy, rose blanche très double, rayée de lignes pourpres, d'un très bel effet quoique peu développée. VIS TRIBU. — Rosiers à cent-feuilles. C’est la plus nombreuse de toutes les tribus; la nomenclature en serait plus facile à retenir si l’on en eut composé au moins trois tribus, ayant chacune de nombreuses subdivisions ; toutefois, nous la donnons conformément à l’usage adopté parmi les amateurs de roses. Les rosiers cent-feuilles proprement dits comprennent deux divisions : les roses à calice nu, et les roses mousseuses. Les roses cent-feuilles, à calice nu, réunis- sent dans la même division des fleurs très diffé- rentes ; la plus belle de toutes, celle qui mérite plus que tout autre le nom de reine des fleurs, porte le nom de rose des peintres (fig. 492). Fig. 492. Tout est remarquable dans cette tribu, depuis la belle rose foncée de Nancy, et l’unique blan- che, admirables de forme et de volume, jusqu’à la petite rose pompon, la plus élégante des pe- tites roses, Ces rosiers ne fleurissent qu’une fois, mais leur floraison est assez prolongée. 1. Roses mousseuses. — Ces roses ne diflè- ils sont, par l’ampleur de leurs formes et la vi- | rent des précédentes que par l’espèce de végé- TITRE V. tation en forme de mousse el ses divisions; elles ont d'ailleurs tous les caractères des roses cent-feuilles, à calice nu. La rose mousseuse ferrugineuse, à fleur cra- moisie (de la collection du Luxembourg), et la Loë, dite mousseuse partout, sont les plus belles de cette division. 2. Hybrides de cent- feuilles. — Ces rosiers, peu differents des cent-feuilles proprement dits, proviennent des croisements artificiels ou acci- dentels des roses cent-feuilles des deux divisions précédentes avec toutes sortes d’autres rosiers. On sait qu’il n’y a pas de rose bleue ni verte : c'est parmi les hybrides de cent-feuilles que se rencontrent les nuances violacées les moins éloignées du bleu. Les plus remarquables, sous ce rapport, sont : l’Admiration, d’une belle nuance lilas-foncé, et la rose Laure ou rose lilas. 3. Hybrides de Belgique. — Elles provien- nent des mêmes croisements que celles de la division précédente ; mais comme les horticul- teurs belges ont constamment choisi pour les croisements hybrides les variétés à calice al- longé, ce qui constitue pour eux une beauté de Convention, ils ont donné par là aux rosiers hybrides provenant de leurs semis un caractère particulier qui en fait une division à part. Les fleurs de ces hybrides, au lieu d'être bombées ou creuses au centre, sont ordinaire- ment plates au moment de leur épanouissement complet. La rose miroir des dames, rose blanche à Cœur Carné, et la rose triomphe de Rouen, d’un rose vif, sont les plus parfaites de cette division. 4. Rosiers bifères. — Ces rosiers, par leur mode de végétation et l'abondance de leur flo- raison deux fois renouvelée, diffèrent tellement des cent-feuilles et de leurs hybrides que l’on a peine à concevoir les motifs pour lesquels on les a classés dans une subdivision des cent- feuilles. Leurs fleurs, presque toutes très plei- nes, sont le plus souvent bombées au centre. Les plus parfaites de cette division sont : la rose-Antinoüs, pourpre foncée tirant sur le vio- let, de forme très régulière, et la rose finan- cière, très bombée, d’un rose clair. 5. Rosiers remontants (roses perpétuelles). — Le mérite principal des rosiers compris dans cette division des cent-feuilles . €’est de donner des fleurs pendant toute la saison. Ces fleurs s’ouvrent moins bien que celles des autres divisions de la même tribu; elles sont aussi moins pleines et leurs formes sont, en général, moins régulières, mais la durée de leur floraison compense ces légères imperfections que l’hor- ticulteur peut espérer de faire disparaître par des croisements judicieux et des semis persévé- rants, sans détruire chez ces rosiers la précieuse activité de végétation en vertu de laquelle leurs fleurs se succèdent sans interruption, du printemps à l'automne. La rose du roi, d’un rouge vif, et la rose- prince-Albert, pourpre foncé en dedans et FLORICULTURE. qui garnit la partie | rouge en dehors, supérieure des tiges florales ainsi que le calice | division. ne CR nn cs em en —_—— 339 sont les plus belles de cette 6. Rosiers hybrides remiontants. — Les ro- siers hybrides qui fleurissent sans interruption, ou seulement à plusieurs reprises, et qui pro- viennent de croisements opérés sur des roses cent-feuilles remontantes, sont rejetés dans cette division, moins à cause de leur analogie entre eux que par la difficulté de les classer ailleurs. Ces rosiers se distinguent des autres rosiers remontants par un caractère qui leur est propre : tous leurs rameaux sont florifères, sans exception, de sorte qu'ils n’ont jamais de branche dépourvue de boutons à fleur. La rose comte de Paris, d’un rouge violacé, à fleur très développée, et la rose coquette de Montmo- rency, sont les plus estimées de cette division. T. Rosier de Damas. — Le rosier de Damas, Compris dans la tribu des cent-feuilles selon la méthode Lindley, la plus généralement en usage, constitue une espèce distincte admise par les botanistes (rosa damascena). Ses ca- ractères distinctifs sont : des rameaux de gran- deur inégale, dont les plus longs ont une tendance remarquable à se courber en dehors ; des sépales (divisions du calice) très longs et réfléchis ; un ovaire oblong qui devient, après la floraison, un fruit très allongé. Les premiers rosiers de Damas paraissent avoir été apportés de leur pays natal en Europe vers la fin du sei- zième siècle. Les couleurs rose, rouge vif et carné, do- minent dans les roses de Damas: il y en a aussi de pourpre foncé et d’autres à fleurs panachées sur fond blanc. On remarque entre les plus belles de cette division : 10 l'admirable de Da- mas, blanche bordée de rose: 29 la belle d’Au- teuil rose très clair: 30 la rose-Léda, fond blanc, panachée de lilas clair. 8. Rosiers de Provence. — C'est à cette di- vision que commence la confusion inextricable des caractères, confusion produite par les croi- sements hybrides entre les roses cent- feuilles des divisions précédentes et ceux des divisions suivantes. Les couleurs blane et carné domi- nent dans les roses de cette division qui pour- rait être supprimée puisque les auteurs qui ont traité de la classification des roses ne sont pas d'accord sur les sous-variétés qui doivent en faire partie, non plus que sur leurs caractères distinctifs. On distingue, parmi les plus belles : 1° la blanche-fleur à fleur bombée. d’un blanc très pur ; 20 la rose émerance, d’un blanc jau- nâtre, excessivement double ; 3° {a rose-Néron, très double, panachée de rouge sur un fond cramoisi-violet. 9. Rosiers de Provins. — Cette division est la plus nombreuse de toutes celles de la tribu des cent-feuilles; elle est elle-même pour cette raison partagée en deux sous-divisions, dont lune ne comprend que des fleurs à couleur unie, l’autre que des fleurs panachées. Le type primitif du rosier de Provins. tel qu’on le cul- tive encore pour l'usage médical, donne une rose semi-double ou double, mais peu pleine, 340 d’un rouge foncé tirant sur le pourpre, à ovaire allongé; l’onglet des pétales est blanc. La rose de Provins est très feconde, faculté qu’elle a transmise à ses innombrables sous-variétés hybrides. Cette faculté d’en obtenir un grand nombre de graines fertiles est la seule raison de la préférence que beaucoup d'amateurs ac- cordent à cette rose, dont les semis sont tou- jours plus fréquents que ceux des autres di- visions. On distingue entre les pius belles parmi les provins d’une seule couleur : 1° la belle de Marly, d’un rouge vif tournant au violet; 2° la rose beauté parfaite, pourpre clair ; 3° la rose Lacépède, rose tournant au lilas. Parmi les roses de Provins panachées ou ponctuées, on distingue : 1° la belle de Fonte- nav, rose, tachée de blanc mat; 2° la rose splendeur, couleur rubis-clair, marbrée de blanc; 3° la rose reine-marguerite, pourpre, rayée de blane. Cette dernière est aussi nom- meée tricolore, surnom qu'’eile justifie par deux nuances distinctes de pourpre sur lesquelles tranchent des raies d’un blanc pur. VII TRIBU. — Rosiers velus. Leurs tiges se distinguent par les piquants minces, raides et serrés qui les garnissent, le calice est visqueux et hérissé de piquants plus fins que ceux dela tige, et ressemblant à des poils rudes. Les folioles des feuilles sont ellipti- ques et obtuses. Le plus grand nombre de ro- siers velus porte des roses, soit blanches, soit de nuances carnées, et roses très claires. Les fruits qui leur succèdent sont fort gros et arrondis. Les Anglaisles nomment roses à fruit en pomme (apple bearing). Les plus remarquables d’entre les roses velues sont : 1° la grande pivoine, fleur d'un rose vif, très développée; 2° la rose celeste-blanche, l’une des plus parfaites parmi les blanches. ‘VILLE TRIBU, — Rosiers Rouilles. Ces rosiers sont de véritables églantiers ; ils ont pour caractères distinctifs des aiguillons très recourbés, des folioles rugueuses et des pédoncules hérissés de nombreux piquants très fins ; leurs feuilles, froissées entre les doigts, exhalent une odeur très prononcée de pomme- reinette mûre. Leurs fleurs simples les rap- prochent des églantiers proprement dits, ou rosiers cynorrhodons, avec lesquels nous pen- sons qu'ils pourraient être réunis sans incon- vénient. Tout le monde connaît l’églantine jaune soufre (la toute jaune) et l’églantine jaune en dehors, couleur de feu en dedans (la rose Capucine), l’une et l’autre très répandues | dans nos parterres et nos bosquets ; elles ap- partiennent à cette tribu. La toute jaune donne une sous-variété double qu’il ne faut pas con- fondre avec la cent-feuilles soufre. Tous les églantiers de cette tribu peuvent recevoir les greffes de toute sorte de rosiers, mais le succès est moins certain que lorsqu’on upère sur les églantiers proprement dits, ou , HORTICULTURE. LIVRE VIil. rosiers cynofrhodons, qui, pour cette raison, leur sont généralement préferés. ix° TRIBU. — Rosiers cynorrhodons. Ils ne sont cultivés que pour recevoir la greffe des autres rosiers des espèces les plus vigoureuses. Leurs caractères sont suffisam- ment connus (voir Pépinières, p. 92). xe TRIBU. — Rosiers indiens. Cette nombreuse tribu est partagée en deux divisions que distingue suffisamment l'odeur de leurs fleurs, agreable et très prononcée dans la première dont les fleurs portent le nom de roses thé, et faible ou presque nulle dans la seconde division dont on connait les fleurs sous le nom de roses du Bengale. En Chine , leur pays natal, toutes ces roses sont perpé- tuellement remontantes; l'hiver, sous cet heu- reux climat, étant inconnu, l’on a des roses toute l’année. Les rosiers indiens se distinguent de ceux d'Europe par leurs feuilles luisantes en dessus, glauques en dessous, et leurs folioles oblon- gues, acuminées, à découpures peu profondes. Les premiers rosiers indiens ont éte apportés en Europe en 1805, par un voyageur anglais, I!s se sont promptement répandus dans toute l'Europe. 1. Rosiers-thé. — Toutes les roses-thé sont en général de nuances pâles; le plus grand nombre-offre une forme très évasée, des peta- les grands et peu serrés, un Cœur vert et une nuance d’un blane jaunâtre tout spécial. dont la rose Elisa sauvage est le type le mieux ca- ractérisé. La plus odorante des roses-the, dont le nombre, dejà très grand, s’aceroit chaque année par des acquisitions nouvelles provenant des semis des amateurs , est la rose-Goubault, rouge clair à centre aurore, grande et belle rose très pleine. 2. Rosiers- Bengale. — Ces rosiers sont si connus et si répandus qu'il est inutile de dé- crire leurs caractères. Leurs sous-variétés sont encore plus nombreuses que celles des rosiers- thé. La rose-Cels, très florifère, et la rose-Fré- dérie Weber, sont au nombre des plus belles de cette division. On admet comme subdivision des rosiers du Bengale les rosiers de la Chine à fleur d’un rouge eclatant. plus généralement désignés sous le nom de Bengale pourpres ou sanguins. Ces rosiers sont d’une excessive dé- licatesse; leurs tiges, à peine ligneuses et peu garnies de piquants, ne prennent jamais une grande élévation; les fleurs, souvent solitaires, sont portées sur de longs pédoncules glabres, ainsi que le calice. Les rosiers de la Chine craignent le froid plus que les autres rosiers de l'Inde; ils ne supportent les hivers sous le cli- mat de Paris qu'à la condition d’être rabattus | presque rez terre et couverts de litière, de fa- con à ce que le froid n’atteigne pas leur racine dont le collet donne, du printemps à automne, ! une succession de tiges florifères. En général, les roses-thé, les roses de Chine, et les roses \ SE : = TITRE V. du Bengale des sous-varietés les plus délicates, sont plus parfaites quand les rosiers qui les portent ont été cultivés dans des pots et ren- trés pendant l'hiver dans l’orangerie ou la serre froide. La rose sanguine et la rose éblouissante sont les plus parfaites des roses de la Chine. Les rosiers de l'Inde ont produit par les croi- sements hybrides une foule de sous-varictés dont on forme une division à part sous le titre d'hybrides du Bengale, quoiqu elles aient entre elles très peu de rapport; le seul caractère qui leur soit commun, c’est de ne pas remonter et de ne fleurir qu’une fois par an, encore ce ca- ractère n’est-il pas absolu. Ces hybrides sont pour la plupart de nuances foncées rouges et pourpres tirant sur le violet obscur. La plus re- marquable, sous ce rapport, est la rose gloire des Hellenes, d’un pourpre ardoisé, de gran- dear moyenne, mais très double. On cite en- core, dans la même sous-division, le triomphe d'Angers d'un eramoisi éclatant, et le velours épiscopal, à fleur bombée, d’un beau violet veloute. Les roses-Lawrence, remarquables par leur petitesse et la perfection de leurs formes, sont pour les Bengale ce que les pompons sont pour les cent feuilles; la rose-Desirée est une des plus jolies et des plus petites de cette sous- division. On admet encore, sous le nom de roses de Bourbon, une autre sous-division de rosiers de l'Inde qui renferme un très grand nombre de sous-variétés fort belles, offrant entre elles peu d'analogie; les plus remarquables sont, dans les couleurs foncées, la rose Paul-Joseph, re- montante, pourpre foncé, et, dans les couleurs claires, la jolie rose Poiteau d'un rouge vif, et la rose-Velleda, très double, d’un rose tendre. 3. Rosiers-Noisette. — Ces rosiers, si Ccom- plétement différents de tous les autres, sont classés parmi les hybrides des rosiers de l'Inde, par ce motif qu’ils sont regardés comme obtenus originairement par le croisement hybride de la rose du Bengale et de la rose musquée. Le pre- nier rosier-Noisette a été apporté des Etats- Unis en France, en 1814, par M. Noisette, frère du célèbre horticulteur auquel il a été dédié. Les sous-variétes hybrides obtenues en grand nombre du premier rosier-Noisette, ont con- serve assez de ses caractères généraux pour ne pouvoir être confondus avec les rosiers d’au- cune autre subdivision, il n’y a pas de tribu dont les caractères distinctifs soient plus nets, plus tranchés et plus persistants. Les roses-Noisettes, petites et très doubles, n’ont que peu ou point d’odeur. Les couleurs clai- res dominent dans les roses Noisette; plusieurs se rapprochent plus ou moins du jaune: telles sont en particulier la rose-Chamois et la rose- Desprezdont le fond est jaune, tournant au rose. Le rosier-Noisette a pour caractère essentiel la disposition de ses fleurs par bouquets ou groupes très nombreux sur tous les rameaux, comme le montre la fig. 493; dans les rosiers- Noisette, il est rare que tous les rameaux ne FLORICULTURE. 3 1 soient pas florifères; ils prennent, en général, de grandes dimensions, surtout lorsqu'ils sont conduits en cordons ou palissés en espalier contre un mur. On greffe les rosiers du Bengale sur les grandes variétés de rosiers-Noisette ; ces greffes réussissent très bien et donnent des sujets du- rables, parce qu’il y a beaucoup d’analogie entre le mode de végetation des Bengale et ce- lui des Noisette. XIE TRIBU. — Rosiers & slyles souues. Cette tribu a pour sous-divisions les rosiers toujours verts, les rosiers multiflores et les ro- siers musqués. Tous craignent le froid et ne supportent bien la pleine terre qu’en espalier sous le climat de Paris; l’espalier leur est d'au- tant plus nécessaire, qu’en genéral leurs ra- meaux, très allongés et chargés d’une multitude de bouquets de petites fleurs très doubles, ont peu de soutien. On s’en sert avec avantage pour garnir des palissades où des berceaux. XEIE TRIBU. — Rosiers de Banks. Ils offrent les caractères des précédents à un plus haut degré; leur force de végétation est telle qu'en peu de temps ils peuvent couvrir de leurs innombrables tiges sarmenteuses de gran- des surfaces de muraille. Ces rosiers craignent les fortes gelées, et ne réussissent qu'à une ex- position méridionale. Les deux principales va- riétés de la rose-Banks sont la blanche très odorante, et la jaune beurre frais dépourvue d’odeur. La méthode de classification que nous ve- nons d'indiquer sommairement laisse beaucoup à désirer quant à la désignation des caractères distinctifs des tribus de rosiers et de leurs prin- cipales divisions. Chaque rose en particulier est, en général, mal décrite, mal définie; les noms, livrés à l'arbitraire et au caprice, for- ment un véritable chaos; l'amateur, qui obtient une variété nouvelle ou qu'il croit nouvelle, n’a pas de moven assuré ni pour reconnaitre si cette rose est déjà dans les collections, ni pour la classer convenablement si c’est réellement 542 une acquisition. On sait que les Hollandais, pour conserver la réputation et le prix élevé de leurs plantes bulbeuses de collection, avaient formé un jury d’horticulteurs expérimentés, au jugement desquels toute jacinthe ou tulipe sup- posée nouvelle devait être soumise avant de pouvoir figurer dans les collections. Rien ne serait plus sage et plus facile que d'appliquer cette méthode à la classification des rosiers. Il existe déjà en France un grand nombre de so- ciétés d’'horticulture ; ces sociétés se font ordi- nairement représenter aux congrèsscientifiques qui ont lieu périodiquement sur divers points de la France. Les plus distingués de nos horti- culteurs s’y rencontrent et peuvent aisément s’y concerter pour résoudre les questions de no- menclature. Nous ajouterons que le commerce des rosiers en particulier a bien assez d’impor- tance et remue assez d’argent pour mériter qu’on s'occupe sérieusement de mettre fin à la confusion qui règne dans la classification des rosiers ; nous faisons des vœux pour qu’un Con- grès d’horticulteurs soit appelé à régler ce point et plusieurs autres non moins importants. Dans l'espoir que ce vœu ne peut tarder à se réaliser, nous nous abstenons de proposer ici une ré- forme qui n'aurait pas assez d'autorité pour avoir quelque chance d’être adoptée. F. — Culture forcée des rosiers. Les rosiers des variétés bifères et remon- tantes sont ceux qui, par la culture forcée, donnent le plus facilement leurs fleurs pendant la mauvaise saison; les roses de l'Inde en par- ticulier , lorsqu'on leur donne dans la serre une température convenable, ne font en continuant à végêter et à fleurir que ce qu’elles feraient sous leur climat natal. Le moyen le plus simple, usiiédans ce but, consiste à couvrir d’un châssis vitré, à l’arrière-saison, des rosiers plantés d'avance très près les uns des autres pour cette destination ; on entoure ces châssis de réchaufs de fumier qu’on renouvelle quand le thermo- mètre indique que leur chaleur est épuisée, et l’on donne de l'air assez souvent pour que les rosiers n'aicnt point à souffrir d’un excès d’hu- midité qui engendrerait la moisissure. Les ro- siers soumis à Ce traitement doivent être tenus avec la plus grande propreté ; dès qu’on s’aper- çoit qu'ils sont attaqués des pucerons, ce qui manque rarement d’avoir lieu, on donne sous le châssis une forte fumigation de tabac qui détruit ces insectes, Les rosiers forcés par ce procédé peuvent fleurir tout l'hiver, si l’on a soin de ne pas placer tous les châssis en même temps, [et de régler la température sous les châssis de facon à ne pas avoir tous les rosiers en fleurs en même temps. Mais, le plus souvent, les rosiers ne sont point forcés dans un local à part ; on en place un certain nombre sur les dressoirs de la serre | tempérée pendant l'hiver, principalement par- mi les groupes de plantes dépourvues de fleurs HORTICULTURE. LIVRE VIII. tempérée, sans autres soins particuliers, suffit pour les faire fleurir abondamment tout l'hiver. En Angleterre, on dédaigne de forcer les ro- siers de l'Inde, parce que leur fleur est trop peu odorante; on force de préférence les va- riétés les plus odorantes parmi les roses de Pro- vins. On élève pour cet usage des rosiers de Provins qui passent une année entière en pots, dans une situation ombragée, avant d’entrer dans la serre à forcer. Ils recoivent peu d’eau et: peu de soleil, mais beaucoup d'air; leurs pousses sont pincées à mesure qu’elles se mon- trent, afin de les empêcher de fleurir. Les ro- siers ainsi préparés sont introduits dans la serre à différentes époques, pour donner une succes- sion de fleurs pendant tout l'hiver. On donne à l'atmosphère de la serre à forcer les rosiers une température qui ne dépasse pas d’abord 8 degrés, et qu'on élève de semaine en semaine, pour la porter graduellement à 10, 15 et 20 degrés, chaleur qui doit être maintenue avec le plus d'égalité possible, pendant toute la durée de la floraison des rosiers forcés. L'application de ce procédé ne nous semble convenir qu’aux riches amateurs; d’une part, il ne réussit pas toujours, de l’autre il entraine trop de frais pour être à la portée des hortical- teurs de profession qui veulent forcer les ro- siers dans le but d’en vendre les fleurs coupées pendant l'hiver. Section V. — Plantes d'ornement qui ne suppor- tent pas la pleine terre. Le goût des plantes réellement belles appar- tenant aux contrées intertropicales est telle - ment répandu, ces plantes sont d’ailleurs de- venues tellement vulgaires, que le nombre des serres destinées à leur servir d’abri pendant le temps où la température extérieure descend au- dessous de zéro, s'accroît de jour en jour; on peut même dire qu’au moment où nous écri- vons, il n’y a pas un propriétaire doué de quel- que aisance qui ne songe à joindre à son par- terre l'indispensable ornement d’une serre. * Cette révolution qui s’accomplit actuellement en France est accomplie depuis longtemps en Angleterre et en Belgique. Nos parterres, dit un auteur anglais, nous paraitraient nus et tristes, si parmi les plantes indigènes qui sup- portent nos rudes hivers, ils n’offraient à nos regards pendant la belle saison les élégants pé- largoniums et les aimables verveines. Nous traiterons en premier lieu des plantes de col- lection qui supportent le plein air en été, mais qui réclament l'abri d’une serre pendant l'hi- ver; ces plantes sont, sous le climat de Paris, les pélargoniums, les verveines, les cinéraires, les calcéolaires et les mézembrianthèmes. Les collections de ces plantes forment une série à part, en ce qu’elles peuvent toutes vêgé- ter dans les mêmes conditions de température, passer le même temps en plein air, et se con- server l'hiver dans la même serre, ce qui les en cette saison. La température de la serre | distingue suffisamment des plantes d'orange- TITRE V. rie. Ce n’est pas que beaucoup d'amateurs, n’ayant à leur disposition qu’une orangerie, ne puissent, en les tenant près des jours, y Con- server assez bien les plantes de cette serie ; mais on ne peut néanmoins les considérer comme des plantes d'orangerie, parce qu'elles ne sauraient s’y maintenir toutes dans cet etat de-belle et vigoureuse végétation qu’elles con- servent dans une serre appropriée à leur na- ture. $ i°7. — Pélargoniums. Le genre pélargonium a été détaché par les botanistes du genre géranium ; la première de ces deux dénominations longtemps rejetée des jardiniers, est aujourd'hui généralement ad- mise. Le nom donné à ce genre vers 1750, par un botaniste allemand nommé Burman, re- poussé d’abord par l’illustre Linné, puis réta- bli de nos jours par l’Héritier, est derivé d’un mot grec qui signifie cigogne ; il est justifié par l’analogie de formes que présente avec le bec de cet oiseau la capsule conique allongée et pointue qui renferme la graine des pélargo- niums. Les pélargoniums sont au nombre de ces plantes qui doivent tant aux soins intelligents de l’homme, que Fhorticulture a droit d’en être fière comme d’une véritable conquête. Il y a sans doute de fort beaux pélargoniums sauvages dans leur pays natal; mais aucun n’approche de la perfection que la culture a donnée aux variétés sans nombre qu’elle a su créer par les croise- ments hybrides. Ces plantes ont besoin plus que toute autre des soins les plus assidus. Le plus beau pélargonium acheté en pleine santé, dans tout le luxe de sa floraison splendide, languit et meurt s’il est négligé. Ces plantes li- vrées à elles-mêmes, soit en pots, soit en pleine terre, pendant le temps où elles peuvent se passer d’un abri, deviennent méconnaissables. Si le sol est maigre, elles donnent à peine sur | de longues tiges grêles, quelques fleurs insigni- | fiantes; s’il est au contraire très fertile, elles ne poussent que de grosses tiges chargées d’un feuillage épais, et ne donnent presque point de : fleurs. Les pélargoniums sont presque tous origi- : naires des environs du Cap de Bonne-Espé- | rance ; plusieurs se rencontrent à l’état sauva- ge dans quelques parties de l'Australie et de la Polynésie; enfin on en a trouvé quelques-uns à l’île Sainte-Hélène et dans l'archipel des îles Ca- naries. Le nombre des espèces botaniques sans compter les variétés et sous-variétés, est très considérable ; Decandolle en admettait 369 en 1824, et Robert Sweet n’en comptait pas moins de 730 en 1839. Le nombre des espèces com- merciales est indéfini et varie tous les jours, mais l'amateur qui veut se former une collec- tion remarquable doit se montrer très sévère dans le choix des espèces et en limiter le nom- bre. L’odeur des pélargoniums ne réside pas dans FLORICULTURE. la fleur constamment inodore chez les pélar- 343 goniums de collection, elle est entièrement concentrée dansles feuilles ; odeur des feuilles n’est agréable que chez un petit nombre d'’es- pèces dont par compensation, la fleur est à peine apparente; les autres exhalent lorsqu'on les froisse entre les doigts une odeur forte, analogue à ceile de la térébenthine, et décide- ment mauvaise dans plusieurs espèces. Le goût, où pour mieux dire, le caprice de la mode a fait cultiver exclusivement un certain nombre de pélargoniumset négliger beaucoup d’autres qui, convenablement soignés, ne leur seraient pro- bablement pas inférieurs. Nous ne tenterons même pas de donner une idée de la classifica- tion et de la nomenclature toute arbitraire des pélargoniums de collection; nous nous bor- nons à souhaiter qu’une réunien d’horticulteurs pris parmi ceux dont les noms font autorité, pose à cet égard, comme nous lé demandons pour les rosiers, les bases d'une classification méthodique dans laquelle on puisse toujours se reconnaitre, et qui ne permette pas de faire passer une ancienne variété pour une acquisi- tion nouvelle, à la faveur d’an nom nouveau. Donnons d’abord une idée du genre de serres le mieux approprié à la conservation des pélar- goniums. Le temps qu'ils passent dans la serre est l’époque critique de leur existence ; les ama- teurs , et à plus forte raison les horticulteurs de profession qui en élèvent des collections très nombreuses , doivent leur consacrer un local spécial s’ils veulent les voir prospérer. La serre aux pélargoniums doit être exposée de manière à commencer à recevoir les rayons solaires à 11 heures; elle doit surtout être par- faitement éclairée; la lumière est tellement né- cessaire aux pélargoninms qu’il semble qu’elle soit, selon l’expression de M. Neumann, une partie de leur existence. Si le sol où la serre est construite est sain et exempt d'humidité, on peut , sans inconvé- nient , le creuser de manière à ce que les sen- tiers intérieurs soient à 0m,70 ou même à un mètre au-dessous du sol environnant: cette dis- position augmente l’espace intérieur en hau- teur, sans accroissement de dépense ; elle con- tribue aussi à rendre la température plus douce en hiver dans l’intérieur de la serre, sans le secours de la chaleur artificielle. Mais si le sol offre la moinüre trace d'humidité ou d'infiltra- tion , il ne faut pas hésiter à le remplacer par des plâtras, du gravier, ou une terre rapportée exempte de toute humidité; dans ce cas, le sol de l’intérieur de la serre doit être maintenu au niveau du sol extérieur. Les serres pour les pélargoniums se construisent très bien en ap- pentis, à un seul versant ; les côtés peuvent être en maconnerie, mais ils sont mieux en vitrages; le fover servant à chauffer la serre au besoin doit être placé dans un retranchement sépare, servant de vestibule, à l’une des extrémités. Les proportions ordinaires d’une serre de ce genre sont, pour une longueur de 8 mètres, 3 mêtres d’elévation et 3,50 de large. Les plantes y sont disposées sur des gradins 344 HORTICULTURE. dont la hauteur est calculée de manière à les tenir aussi près que possible des vitrages, afin welles ne perdent rien de l'influence salutaire e la lumière. L'espace libre, peu éclairé, qui reste disponible en arrière des gradins le long du mur du fond , peut être utilisé pour la con- servation des orangers, lauriers, myrtes, gre- nadiers , oléandres , et de toute cette série de plantes et d’arbustes compris sous le nom de plantes d’orangerie, plantes dont la végétation est interrompue pendar Es et qui souf- frent peu de l’hivernage dab s une situation peu éclairée. A. — Multiplication. Les pélargoniums se multiplient de graine et de bouture. Les semis ont pour but unique d'obtenir des variétés nouvelles ; les boutures reprennent avec tant de facilité qu’on n’em- ploie pas d’autre moyen pour propager les es- pèces et variétés anciennes. On laisse souvent à la nature le soin d’opé- rer des croisements qui ne peuvent manquer d’être fréquents entre des centaines de plantes fleuries à la fois, et placées près l’une de l’autre pendant tout le temps de leur floraison ; on eut aussi isoler les plantes et les féconder avec e pollen d’espèces choisies, dans l'espoir d’ob- tenir par le semis de leur graine des variétés mo- difiées d’une certaine manière prévue ou désirée. Lorsqu’on a fait choix de deux variétés entre lesquelles on veut opérer un croisement, il faut considérer d’abord leur force respective ; la plus forte des deux plantes doit être réservée pour porte-graine. Au moment où elle est dans tout l'éclat de sa floraison, on lui retranche, avec les plus grandes précautions, toutes les étamines, sans blesser le style. En même temps on coupe net et sans déchirure le style de la fleur qui doit servir à féconder la première; on ne lui laisse que les étamines. Au moment où l’on s’apercoit de leur plein développement, on détache la fleur ainsi mutilée; on la saisit délicatement par le pédoncule, et l’on frotte très légèrement les anthères de cette fleur sur le style des fleurs de la plante porte - graines, en s'assurant qu’il est resté du pollen attaché au style de chacune de ces fleurs. On laisse toujours plasieurs fleurs aux porte - graines, mais on leur en supprime une partie afin de concentrer leur action vitale sur les fleurs fé- condées artificiellement. Du moment où la fé- condation artificielle est accomplie, on place les porte-graines dans une situation abritée, isolée du reste de la collection. L'heure la plus favorable pour la fécondation artificielle des pélargoniums, est entre 11 heures et midi ; la température de la serre, au moment où l’on opère, ne doit pas descendre au-dessous de 25 degrés. Les capsules qui renferment la graine doi- vent être visitées fréquemment ; dés qu’elles ; s’entr’ouvrent , On saisit la graine par ses ai- grettes et on l’enlève pour la semer aussitôt , à moins que la floraison ayant été très tardive, LIVRE VIH. on ne voie devant soi la mauvaise saison; mais les pélargoniums qui fleurissent tard ne sont pas choisis d'ordinaire pour porte - graines. Toutes les graines récoltées avant le mois d'août peuvent être semées immédiatement ; celles qu’on récolterait plus tard ne pourraient êtresemées qu’au printemps de l’annéesuivante. Les semis se font dans des pots remplis de bonne terre légère de jardin, mélangce par partie égale avec de la terre de bruyère, l'une et l’autre passées au crible, afin qu’il n’y reste ni pierre ni débris ligneux qui puissent gêner le développement des jeunes racines qui sont d’une extrême délicatesse. Il est bon de ne pas emplir les pots jusqu'aux bords, afin de pou- voir plus aisément tenir la terre suffisamment humide par des arrosages abondants. La graine de pélargoniums veut être fort peu recouverte ; on se contente de tamiser par-dessus un peu de terre de bruyère. Cette graine lève fort in- également ; une partie sort de terre au bout de | huit jours; puis on en voit lever successive- ment, pendant plusieurs mois ; il n’est pas rare que la graine de pélargonium lève après être restée en terre pendant 18 mois. On enterre les pots jusqu'aux bords, dans une couche tiède ou même sourde, recouverte d’un châssis vitré, afin de pouvoir lui donner -à volonté de l’om- bre et de l'air, selon l’état de la température. Le jeune plant doit être repiqué tout jeune, dès qu'il prend sa troisième feuille ; on le repique alors, un à un, dans des pots étroits et pro- fonds, qui lui conviennent mieux que les pots trop évasés, ayant peu de profondeur. Les jeunes pélargoniums, récemment repi- qués, veulent être ombragés sous châssis, jus- qu'à leur parfaite reprise, puis, habitués à l'air peu à peu, si la saison le permet, afin que leurs tiges herbacées puissent prendre un peu de solidité avant l'hiver, ce qui contribue puis- samment à la beauté de leur floraison l’année suivante. Les pélargoniums montrent presque toujours leur fleur au printemps de l’année qui suit celle où ils ont été semés ; quelques plantes, parmi celles qui lèvent tard, ne fleurissent qu’au second printemps. La fig. 494 représente Fig. 494. TITRE V. un pelargonium de collection à fleur de forme régulière. B. — Boutures. Les pélargoniums de collection, quels que soient les soins qu’on leur donne, ne vivent pas au-delà de trois ans sans dégénérer; il est donc nécessaire de les renouveler constam- ment de boutures, pour maintenir les collec- tions au complet et dans tout leur éclat. Les boutures reprennent en tout temps avec une étonnante facilité; les deux époques les plus favorables sont les premiers jours du printemps et la fin de juillet jusqu’à la première quinzaine d'août. Plus tard, les boutures n'ayant pas le temps de prendre assez de force avant l'hiver, auraient beaucoup à en souffrir; elles fleuri- raient mal au printemps suivant, et l'on en perdrait une grande partie. Les pélargoniums de collection sont soumis, comme nous le di- rons plus bas, à une taille régulière qui four- nit toujours assez de sujets propres à servir de boutures. A l'époque du rabattage, on met à part les branches les plus saines et les plus vi- goureuses, en terre légèrement humide, dans une situation ombragée; elles y restent jusqu'au moment de s’en servir. A cette époque, on ra- fraichit leur extrémité inférieure au moven d’une lame très aflilée, et l’on supprime en même temps leur pousse terminale, de manière a ce que leur longueur totale n’excède pas 0" ,10 à 0,12. Les boutures se font en bonne terre de bruyère ordinaire; elles ne doivent pas être enfoncées de plus de 0",03. Si les pots où elles sont placées peuvent en admettre plu- sieurs, il faut les espacer à 0m,03 ou 0,04 l’une de l’autre. On peut placer ces pots dehors, à l’ombre ou dans la serre tempérée, égale- ment à l’abri de l’action directe des rayons so- laires ; il suffit ensuite de les arroser de temps en temps avec modération; ces boutures ne manquent jamais de s'enraciner. Lorsqu'on désire hâter la reprise des boutu- res de pélargoniums faites un peu tard, dans le mois d'août, afin que leurs pousses soient con- solidées avant l'hiver, on place les pots qui les contiennent dans une couche tiède recouverte d’un châssis. Cette couche doit être assez rem- plie pour ne laisser entre les pots et le verre du châssis qu’un espace de 0,20 à 0",25 au plus, en sorte que les boutures s’v trouvent très près du verre, ce qui dispense d’ajouter au châssis la protection d’une cloche. On traite d’ailleurs ces boutures, une fois qu’elles sont reprises, comme du plant obtenu de graines. Il arrive assez souvent qu’une variété nou- velle de pélargonium obtenue récemment de se- mis ou bien achetée fort cher à l'étranger, vé- gète faiblement, et ne donne pas assez de pous- ses pour pouvoir être multipliée de boutures. On a recours dans ce cas au bouturage des feuilles, procédé pratiqué avec tant de succès par M. Chauvière, horticulteur, qui s'occupe spécialement des pélargoniums. Chaque feuille détachée avec son pétiole le plus près possibie | BORTICULTURE, FLORICUELTURE. 0 D] - 94 de son insertion, mais sans endommager la ti- ge, est plantée isolément dans un petit pot ou godet, de 15 à 20 millimètres seulement de dia- metre, remplie de terre de bruyère passée ‘au crible fin ; le pédoncule ne doit être enfoncé dans la terre du pot que de 3 ou 4 millimètres. Les pots sont enterrés jusqu’au bord dans une couche tiède recouverte d'un châssis qui ne laisse presque pas d'intervalle entre les feuilles bouturéeset le vitrage. Un œil qui devient bien- tôt une jeune pousse ne tarde pas à se montrer au bas de chaque pétiole des feuilles bouturées ; quand ces pousses prennent leur seconde feuille, il est temps de commencer à leur donner de l’air peu à peu en soulevant les châssis: on les traite ensuite comme des boutures ordinaires. Ce procédé, pour réussir, exige une grande ha- bileté et des soins minutieux. Les boutures de feuilles craignent également la sécheresse et un excès d'humidité ; il est essentiel de ne les déta- cher de la plante qu’au moment de les mettre dans les pots, afin que la surface coupée prenne l'air le moins possible. Les pots sont changés à mesure qu'ils deviennent trop petits en raison de l'accroissement des jeunes plantes. C. — Détails de culture. Les pélargoniums, pour donner des fleurs parfaites, ont besoin d’une terre appropriée à leur végétation; voici la recette donnée par MM. Chauvièreet Lemaire dans leur Traité de la culture des pélargoniums ; elle mérite d’au- tant plus de confiance, que M. Chauvière n’en emploie pas d'autre dans son bel établisse- ment, et ses pélargoniums y végètent admira- blement. Terre de bruyère sableuse,........ 5 parties. Terre franche normale..... .,,.. 3 Terreau de feuilles, très consommé. 3 Poudrette ou colombine, .,.,..... nt 10 parties. Le mélange de ces substances doit être in- time : on le prépare longtemps d'avance et l'on a soin de le remuer assez souvent avant de lemplover. Il ne convient qu'aux plantes que nous pourrions nommer adultes, qui ont atteint tout leur développement: il serait trop exci- tant pour le jeune plant de semis ou de bou- tures. Beaucoup de jardiniers retranchent de cette recette la poudrette et la colombine * au Jardin du Roi, où l'on admire de très beaux pélargo- niums, ces deux ingrédients ne sont jamais employées. La taille est opération la plus délicate de la culture des pélargoniums. Cette plante, ainsi que nous l'avons dit, ne peut être livrée à sa végétation naturelle. Si l’on veut en obtenir une riche floraison, il faut la restreindre dans de justes limites, la forcer à répartir sa sève également entre toutes ses branches, et faire tourner son énergie vitale au prolit de la pro- duciion des fleurs. ‘4 9 o) 46 Les pélargoniums se faconnent avec une grande docilité sous la main du jardinier; le «eune plant , soit de semis, soit de bouture, peut être arrête sans en souffrir à la hauteur qu'on desire lui donner; cette hauieur varie de 0" ,15 à 0,30 jusqu'a la naissance des tiges; elle se calcule d'après la place que les plantes toutes formées doivent occuper sur les gradins. On les laisse filer droites jusqu'à ce qu’elles dépassent cette élévation de 0m,04 ou 0,05: alors on leur supprime la pousse terminale en laissant seulement 2 ou 3 pousses latérales pour former la tête; les autres pousses situées plus bas le long de la tige sont retranchées, en laissant toutefois subsister les feuilles dans l’aisselle lesquelles elles ont pris naissance, parce que à presence de ces fouilles sert à la fois à don- ner de la force à la tige et à favoriser la forma- ion des jeunes racines. L'esoque la plus convenable pour tailler les pelargoniums est le mois d'août et le commen- cement de septembre; ils sont alors depuis longiemps à l'air libre; on a eu soin trois se naines où un mois d'avance de les arroser seu- lement pour les maintenir verts, afin que leurs tiges puissent devenir moins aqueuses et plus consistantes. Deux conditions sont essentielles dans cette opération, l'emploi d’une lame par- faitement aflilée et une coupe exactement ho- rizontale. On ne laisse en général aux plantes dans toute leur force que trois branches, qua- tre au plus, d’égale force, espacées entre elles de manière à donner lieu à une tête de forme régulière. Les plus jeunes ne doivent conserver que deux branches; quant aux pélargoniums de 4 ans ci au-delà, auxquels leur force per- mettrait de laisser un plus grand nombre de branches, nous pensons qu'ils ne doivent plus a cet âge figurer dans la collection, dont les vides annuels peuvent toujours être remplis au moyen d’une pépinière de jeune plant élevé de boutures. Quelques traités conseillent d’utiliser pour faire des boutures les vieilles plantes usées, dont les touffes très ramifiées peuvent en effet fournir beaucoup de boutures; mais comme la matiere pour €@et usage ne manque jamais, puisque toute la collection subit une taille gé- nerale tous les ans, nous ne pouvons conseiller de bouturer les tiges des vicilles plantes; nous sommes d'avis qu'on ne doit au contraire em- ployer pour boutures que les branches prove- nant de la taille des pélargoniums jeunes et dans toute leur force. Les branches conservées aux pélargoniums se taillent sur deux yeux, à partir de leur inser- tion sur la tige principale. Les pélargoniums ont besoin d’être changés de pots tous les ans. soit pour être placés dans des pots plus grands, s'ils sont encore dans leur période de croissance, soit pour recevoir de nouvelle terre dans le même pot; cette plante, en raison de l’activité de sa végétation, épuise très vite la terre. L'opération du rempotage peut suivre im- médiatement celle de la taille: cependant, HORTICULTURE. | LIVRE VII. comme il est avantageux de rempoter les pé- largoniums par un temps pluvieux où du moins couvert, Calme et humide, si au moment de la taille qui ne peut être retardée sans incon- vénient, la température est chaude et sèche, et qu'il règne des vents violents, il vaut mieux laisser s'écouler quelques jours pour opérer par une journée favorable. La motte enlevée du pot et tenue dans une situation renversée, est d'abord grattée légère- ment pour détacher tout autour une portion de l’ancienne terre qui entraine avec elle un peu de racines endommagees ; on coupe net le bout des grosses racines qui peuvent alors se trou- ver à découvert. La quantité d’ancienne terre à supprimer ne peut être précisée; on ôte à peu près les deux tiers de la motte des plantes grandes et vigoureuses, et un tiers seulement de celle des plantes plus jeunes ou plus faibles. Les pots nouveaux où lon va replacer les pé- largoniums, ont ordinairement 0®,01 ou 0m,02 tout au plus de diamètre de plus que les pots d'où les plantes viennent d’être retirées. Le trou situé au milieu du fond des pots doit être bouché avec un morceau de poterie cassée ; il ne faudrait pas qu’il fût fermé trop herméti- quement ; il doit au contraire laisser filtrer l’eau superflue des arrosages. On étend par-dessus ce tesson un lit de mousse très mince, légère- ment comprimée, précaution fort utile qui em- pêche l’eau qui s'échappe par l'ouverture infé- rieure des pots d’entrainer avec elle les parties nutritives du sol qu’elle tient en suspension. Cela fait, on commence à mettre dans les pots assez de terre pour que la motte posée dessus alfleure à peu près l’orifice supérieur du pot qu'on achève de remplir en versant la terre pulvérulente, tout autour dé la motte; un lé- ger arrosage doit toujours suivre lé rempotage pour assurer la reprise des plantes. Si après cette opération il survient des pluies trop prolongées, les pélargoniums ne doivent pas y rester exposés; il vaut mieux, dans ce cas, les mettre momentanément à couvert que de coucher simplement les pots sur le flanc, comme le font beaucoup de jardiniers, pour empêcher la pluie de les mouiller trop forte- ment. ; Quelques anciens jardiniers seulement tien- nent encore à la vieille méthode de ne laisser les pélargoniums en plein air qu’au milieu de la belle saison; les horticulteurs de nos jours, éclairés par l'expérience, savent que ces plantes ne donnent une floraison parfaite que lors- qu’elles ont profité de bonne heure de Pair libre qui ne leur fait que du bien toutes les fois que la température ne descend pas au-dessous de zéro. Les pots contenant les pélargoniums destinés à orner le parterre peuvent être enterrés dans les plates-bandes dès qu’il a cessé de geler. Ceux des pélargoniums de collection qui doivent fleurir sur les gradins de la serre sont placés dehors, dans une position abritée, depuis la fin des gelées jusqu'au commencement de leur TITRE V. de l’effet de leurs fleurs réunies et pour rendre leur floraison un peu plus durable qu’elle ne le serait en plein air. Les panneaux de la serre doivent à cette époque rester ouverts jour et nuit. Quand les fleurs sont passées, on reporte les pots au dehors afin que les plantes, taillées et rempotées comme noûs l'avons dit, profitent du reste de la belle saison pour prendre de la force et préparer leurs jeunes pousses à donner l’an- née suivante des fleurs parfaites. Dans les collections nombreuses, où l’on ne craint pas de sacrifier un certain nombre de plantes, on peut en réserver quelques-unes dans les principales séries, pour hâter ou re- tarder leur floraison, de façon à ce que la serre ne soit jamais complétement dépourvue de plantes en fleurs. D'ailleurs, la plupart des pélargoniums, quoiqu’ils ne soient pas naturel- ‘lement remontants, le deviennent quand on a soin de couper les fleurs à mesure qu’elles se passent, sans laisser aux capsules contenant la graine le temps de-se former. On peut donc leur faire donner ainsi une succession de fleurs, du printemps à l'automne. Ce traitement ne s'applique en général qu'aux plantes épuisées qui doivent être remplacées l’année suivante et qu’on n’a, par conséquent, aucune raison de ménager. Les pélargoniums sont au nombre des végé- taux chez qui l’action vitale n’est jamais inter- rompue; rien n’est donc plus facile que d’en obtenir des fleurs en toute saison par la culture forcée : il suffit de placer les plantes qu’on veut forcer dans la serre tempérée à l'entrée de l'hiver, puis dans la serre chaude au moment où elles montrent leurs boutons. Ces plantes n'exigent du reste aucun soin particulier: il | | | Î leur faut très peu d’eau tant qu’elles n’ont pas | de boutons, et des arrosements fréquents lors- qu'elles sont en fleurs. La floraison forcée des pélargoniums peut ainsi être obtenue tout l’hi- ver et rejoindre la floraison naturelle du prin- temps; dans ce but, il faut n'introduire les | plantes que successivement dans la serre à forcer, afin d’en avoir toujours quelques-unes en fleurs. Pour retarder les pélargoniums, on sacrifie la floraison du printemps en supprimant un peu avant l’apparition des boutons les sommi- tés des tiges qui doivent fleurir. Ces tiges sont promptement remplacées par d’autres qui fleuriront néanmoins, mais d'autant plus tard que leurs pousses florales auront ete retran- chées à un état plus avancé de végétation. Par ce procédé très simple, l'on peut avoir des pe- largoniums en fleur jusqu'à l'entrée de l'hiver ; | les derniers soumis à ce traitement sont encore en fleur au moment où les premiers d’entre ceux qu'on force dans la serre commencent à fleurir. On voit que les pélargoniums peuvent aisément donner une suite de fleurs non inter- rompue pendant toule l'année. Ce résultat peut être obtenu d'autant plus facilement que ’ FLORICULTURE. floraison. On les rentre alors pour mieux jouir | } 347 comme on vient de le voir, on peut toujours, presque sans frais et avec très peu de peine, avoir en réserve une ample provision de bou- tures dont on sacrifie une partie pour la florai- son forcée ou retardce ; c’est un des principaux mérites de cette plante comme fleur de collec- tion : il suffirait à lui seul pour justifier la faveur toujours croissante dont elle est l'objet. Il ne nous reste plus qu’à indiquer comment les pélargoniums doivent être traités pendant l'hiver. Le point important de ieur culture du- rant cette saison, c'est de les empêcher de continuer le cours de leur végétation, de les engourdir en quelque sorte, mais sans com- promettre leur vitalité, afin qu’au retour du | printemps ils puissent fleurir avec toute la per- fection propre à chaque variété. S'ils ont trop chaud dans la serre, ils partent à contre-temps; leurs tiges à demi étiolées sont sans vigueur | pour la floraison du printemps. Il ne faut pas que la température intérieure de la serre des- cende au-dessous de 4 ou 3 degrés au-dessus de zéro; mais il est inutile qu'elle s'élève au- delà. L'appareil de chauffage n’est nécessaire dans la serre aux pélargoniums que pour les cas imprévus, pour les froids intenses ou pro- longés; il ne sert presque pas dans les hivers ordinaires. La serre construite dans les dimen- sions que nous avons indiquées conserve long- temps d’elle-même une température douce tant que le froid n'est pas très vif au dehors; un peu de litière sèche, entassée sur le devant jusqu’à la naissance du-plan ineliné, et des pail- lassons étendus sur les vitrages, maintiennent cette température si le froid augmente sans devenir excessif. Enfin il ne faut recourir au foyer qu’au cas d’absolue nécessité, et dans c2 | cas, chauffer avec le plus de ménagement pos- sible. Tant qu'il ne gèle pas, il est bon de donner de l'air en levant les panneaux vitrés pendan le jour, afin de prévenir un excès d'humidité. Si cependant une suite de temps pluvieux avait rendu trop humide l’intérieur de la serre, ce dont on s'apercevrait sans peine aux goutte- lettes condensées sur les vitrages et jusque sur les feuilles des pelargoniums, il deviendrait nécessaire de faire un peu de feu pour chasser cette humidité qui ferait jaunir et moisir les plantes, et finirait même par compromettre leur existence. Lorsqu'on allume le foyer dans | le but de chasser un excès d’humidite, il faut veiller avec le plus grand soin à ce que le ther- momètre suspendu dans la serre ne monte jamais au-dela de 12 degrés, et qu’il n'y reste que le temps strictement. indispensable pour sécher la serre, sans quoi les pelargoniums. qui ne demandent,pas mieux que d'être forces, partiraient aussitôt, et leur floraison de prin- | temps serait compromise. Nous ne saurions trop insister sur ce point : la chaïeur artificielle, toutes les louis qu'elle n’est pas nécessaire aux | pelargoniems, leur est nuisible et quelquefois mortelle, parce que. si lon ne continue pas à les chair, ce qni les forcerait à fleurir en 548 plein hiver. un seul jour de chaleur un peu trop forte leur fait émettre des commencements de jeunes pousses si délicates que le moindre froid les saisit et entraîne souvent la perte de toute la plante. Du reste, comnie le fait observer M. Paxton, quand il y a dans la serre un excès d'humidité, c'est presque toujours la faute du jardinier; l’air extérieur peut être saturé d'humidité pen- dant plusieurs semaines sans que cette humi- dité pénètre dans une serre bien construite et bien gouvernée. Les pélargoniums ne doivent recevoir d’eau pendant l’hiver que tout juste ce qu'il faut pour les maintenir vivants; de fréquents bi- nages, donnés avec soin à la surface de la terre des pots, permettent d’arroser très rare- ment et seulement quand on voit décidément les p'antes souffrir de la sécheresse. Les arro- sages d'hiver, lorsqu'ils sont nécessaires, ne doivent être donnés qu'avec le goulot de l'ar- rosoir privé de sa gerbe; la terre seule doit être humectée : l’eau qui rejaillirait sur la tige ou sur les feuilles, ne pouvant être en cette saison assez rapidement absorbée par l'air en- vironnant, v séjournerait trop longtemps et pourrait y occasionner des plaies dangereuses. Ce n'est qu’en été que les pélargoniums peu- vent recevoir l’eau sous forme de pluie au moven de la gerbe d’arrosoir ; encore faut-il s'abstenir de ce procédé d'arrosage quand les plantes sont en fleur. 9 Nous avons puisé une grande partie des no- tions qui précèdent sur la culture des pélar- goniums dans le traité spécial de cette culture par M. Paxton, et dans l’ouvrage récemment publié sur le même sujet, par MM. Chauvière et Lemaire. $ IT. — Calcéolaires. Ce joli genre de plantes (fig. 495) connu et classé botaniquement depuis 1714, et introduit en Europe en 1173, est resté très longtemps oublié ; la faveur dont il jouit actuellement ne date que de 1830 ; il la mérite surtout par sa propension naturelle à donner d'innombrables HORTICULTURE. LIVRE VIli. variétés de presque toutes les nuances, excepte le bleu, faculté qui donne à l’amateur, occupé de cette culture, le plaisir toujours très vif d’ob- tenir. chaque année dans ses semis des fleurs tout-à-fait nouvelles. Les calcéolaires tirent leur nom de la forme de leur corolle, qui ressem- ble assez à un chausson, conformément à l’éty- mologie latine de son nom. La forme de la fleur et la disposition des organes reproducteurs sont les seuls caractères communs à toutes les cal- céolaires qui diffèrent entre elles sous tous les autres rapports ; les unes sont de très petites plantes à feuillage entier et cotonneux, à tiges molles, herbacées ; les autres sont des sous-ar- brisseaux ou même des arbustes à tiges sous- ligneuses et ligneuses. Elles ne différent pas moins entre elles sous le rapport de la durée; les unes sont annuelles, les autres vivaces. Parmiles calcéolairesde collection,onen compte 60 qui constituent des espèces reconnues par les botanistes ; les autres, au nombre de plus de 200 , et dont la liste grossit incessamment, sont des conquêtes de l’horticulture. Les calcéolaires sont originaires du Chili et du Pérou ; propagées d’abord par les horticul- teurs anglais, elles se sont promptement ré- pandues en France et dans le reste de l'Europe. A. — Multiplication Les calcéolaires se multiplient de graine pour obtenir des variétés nouvelles, et de bouture pour propager les variétés anciennes. Presque toutes les calcéolaires donnent des graines fer- tiles qui ne reproduisent pas constamment la plante sur laquelle elles ont été récoltées. Ces graines, très peu volumineuses, lèvent diffici- lement pour peu qu’elles soient trop enterrées, inconvénient qu’on évite en ne les enterrant pas du tout ; on se contente de les semer à la surface de la terre, qu’on maintient au degré d'humidité convenable par des bassinages fré- quents. La graine de calcéolaire se sème aussi- tôt qu’elle est récoltée : elle lève ordinairement au bout de 15 jours ; la terre la meilleure pour ces semis est la terre de bruyère pure, ou bien celle dont nous avons indiqué les éléments pour la culture des pélargoniums; toutefois il arrive souvent qu'il reste en terre des graines qui lèvent beaucoup plus tard; ceux qui ne veulent rien perdre du plant des variétés rares, sèment en terrine ; quelquefois des calcéolai- res lèvent successivement pendant six mois et plus. Le plant de calcéolaire veut être repiqué très jeune ; cette plante, dont les racines sont fort délicates, même dans les espèces ligneuses n’aime point à être dérangée, n'importe à quelle époque de son existence ; on la repique pour cette raison, soit en pleine terre, à la place où elle doit fleurir dans la bâche de la serre tem- pérée, soit dans des pots assez petits pour que la motte n’ait pas besoin d’être dérangée lors- qu’on la change de pot pour lui en donner un plus grand. La culture à même la bâche donne plus aisément des plantes vigoureuses, qui fleurissent abondamment; la culture en pots TITRE V. calcéolaires et les faire concourir en été à l’ornement du jardin. Le plant repiqué veut être entretenu par des bassinages modérés ; il craint autant l'excès de l'humidité que la sécheresse. Durant l'hiver, les jeunes calcéolaires veulent , comme les pélargoniums, le plus de lumière possible dans la serre, et une température qui ne depasse pas 10 degrés et ne descende pas plus bas que 4 ou 5 au-dessous de 0. Les cal- céolaires anciennes qu’on mulüplie de bou- ture reprennent très facilement, pourvu qu’on prévienue leur desséchement en empêchant la transpiration , jusqu'a ce qu’elles se soient for- mé de jeunes raciñes : c’est ce quon nomme boutures à l’etoulfee. On place sous une cloche plusieurs boutures faites en terre de bruyère | dans de très petits pots; les bords de cette clo- che doivent entrer en terre de quelques millimè- tres tout autour, afin d'empêcher l'introduction de l’air; la couche est en outre recouverte de son châssis vitrée. Quand les boutures mon- trent quelques feuiltes nouvelles, indice cer- tain de leur reprise, on ôte d’abord les cloches en tenant le châssis fermé; puis on soulève par degrés les panneaux pour habituer les jeunes plantes à l'air; on les traite ensuite comme le plant obtenu de semis. Les espèces de calcéo- laires à tiges ligneuses et sous-ligneuses, sont celles qui reprennent le plus facilement de bou- tures; l'époque la plus convenable pour commen- cer à les bouturer est la fin d'octobre; les plan- tes convenablement soignées passent très bien l’hiver ; elles fleurissent au printemps suivant. B. — Details de culiure. Les calcéolaires croissent naturellement au Chili et au Pérou, dans des vallons humides, au pied des montagnes; l'humidité et la cha- leur sont donc les deux bases indispensables de leur végétation ; les espèces sous - ligneuses et ligneuses veulent un sol riche, tel qu’un mé- lange de bon terreau et de terre de bruyère ; ces calcéolaires déploient tout le luxe de leur végétation dans la plate-bande où l’on peut les laisser tout l'été; leurs fleurs s’y succèdent sans interruption jusqu’en automne ; on les rentre à la même époque que les pélargoniums. Le rem- potage est pour les calcéolaires une opération délicate dont elles ont toujours beaucoup à souf- frir à cause de l’excessive délicatesse de leurs racines ; il faut donc ne les changer de pots qu’en cas de nécessité, et les déranger le moins possible, c’est-à-dire laisser leur motte entière en la plaçant dans un pot plus grand , et l’en- tourer de terre nouvelle. Aucune plante n’est plus sujette que les cal- céolaires aux attaques des pucerons ; dès qu’on remarque sur une seule plante une feuille rou- lée sur elle-même, on doit sans tarder donner une abondante fumigation de tabac, renouvelee tant que les pucerons n’ont pas complétément disparu, car ces insectes déiroisent en très peu de temps les calcéolaires sur lesquelles on leur permet de multiplier en liberté. FLORICULTURE. donne plus de facilité pour sortir et rentrer les | 349 Les calcéolaires n’ont une valeur élevée que lorsque des variétés nouvelles sont offertes aux amateurs riches, pressés de les ajouter à leur collection; en Angleterre, à l’époque où paru- rent les premières calcéolaires hybrides , 1832, MM. Young (d'Edimbourg), les ont vendues jus- qu'à 50 fr. la pièce (2 liv. sterl.) ; à Paris. au moment où nous écrivons (1843), une collec- tion de 50 calcéolaires de bon cl'oix, contenant beaucoup de nouveautes, vaut de 50 à 60 fr. Les nouveautes n’ont pas de valeur déter- minée. $ III, — Verveincs, Les verveines, indépendamment de leurs ca- ractères botaniques, se partagent, sous le rap- port de l'horticulture, en deux grandes classes, dont l’une comprend les verveines à tiges li- gneuses qui sont de jolis sous-arbrisseaux de serre tempérée, et les verveines à tiges herba- cées, qui constituent à proprement parler les verveines de collection. Les premières fleuris- sent en épi; leurs fleurs sont peu développées; elles ont une agréable odeur quelquefois répan- due dans toutes les parties de la plante. comme chez la verveine de Miquelon; les secondes fleu- rissent en corvymbe ou en épi serré et touffu ; lears fleurs, plus grandes, sont presque toutes inodores, mais elles se succèdent avec profu- sion pendant tout l'été. Les plus remarquables des verveines herba - cées sont : 1° la verveine Mélindres, dont les graines ont ete envoyées en 1826, de Buenos- Ayres, à M. Perry, horticulteur anglais qui le prernier les a introduites en Angleterre, et a commencé à mettre les verveines en faveur; 2 les verveines à feuilles de chamædrys, toutes plus ou moins odorantes; 3° la verveine élé- gante, inodore, recommandable par l'abon- dance de sa floraison ; 4° la verveine gentille, (pulchella) (fig. 496), la plus répandue dans Fig. 496. les parterres où elle est aussi cultivée sous le nom de verveine de sabine. À. — Muluplication. Les verveines se multiplient exclusivement 350 HORTICULTURE. LIVRE VI. de houture pour la propagation des variétés | peurigoureux. Nousavons va l'hiver dernierles anciennes ; Les semis ont pour but d'obtenir des variétés nouvelles. Ces organes reproducteurs sont très petits chez les verveines ; il faut beau- coup d'adresse pour enlever, sans blesser le pistil, les étamines de la fleur sur laquelle on veut opérer un croisement ; malgré la difficulté de cette opération, elle réussit toujours avec un peu de soin, et les graines de la plante fé- condée artificiellement donnent toujours une hybride qui tient des deux plantes employées pour le croisement. Si toutes les plantes ainsi obtenues étaient admises dans les collections, elles seraient innombrables; mais elles ne font, pour ainsi dire, qu'y passer ; au bout d'un cer- tain temps, les nouvelles font abandonner les anciennes qui passent de mode, ce qui main- tient les collections dans des limites raison- nables. La graine se sème en terre de bruyère aussitôt après la récolte; elle doit être, ou tres peu recouverte, ou répandue seulement sur le sol qu'on tient constamment humide , comme pour les semis des calcéolaires; elle lève aussi for inégalement; une partie de la graine ne sort de terre qu'au bout de plusieurs mois, quoique la plus grande partie ne mette pas plus de quinze jours pour lever. Du reste, il n'y a pas de comparaison à faire entre ces deux plan- tes sous le rapport de la rusticité: les verveines sont fort peu délicates ; quelques-unes, comme la pulchella et ses sous-variétes hybrides, vien- nent partout et se contentent de tous les ter- rains. Le plant se repique fort jeune; il doit passer l'hiver dans la serre, pour fleurir dehors dans le parterre au printemps prochain; il ne faut lui donner que des pots tres petits, placés pres des jours, et frequemment arrosés. Les boutures de verveine se font en pleine terre, à l'air libre, à la fin d’avril ou de mai, à demi-ombre, sans autre précaution que de les arroser très souvent. Les boutures de verveine faites au printemps ne se repiquent pas ; on met seulement les plantes en pots à l'arrière-saison pour les conserver lhiver dans l’orangerie où elles doivent être traitées comme les plantes ob- tenues de semis: elles montrent leur fleur pres- qu’aussitôt qu’elles sont enracinées. B.— Détails de culture. Les verveines, en général, se comportent mal dans les pots ; elles ne doivent y rester que le temps nécessaire pour leur hivernage, car elles ne supportent pas plus de 4 ou 5 degrés de froid en hiver; c’est du moins l'opinion des horticulteurs les plus expérimentés à cet égard. Toutefois, nous avons lieu de penser que cette opinion se modifiera par des essais persévé- rants, et que l’on finira par ranger les verveines parmi les plantes de pleine terre annuelles par leurs tiges, vivaces par leurs racines, sous le climat de Paris, à la seule condition de leur donner une situation abritée et de couvrir les touffes de litière sèche pendant l'hiver, Cette dernière précaution n'est même pas indispen- ‘sable pour plusieurs espèces pendant les hivers toufles de verveine pulchella qui décorent les massifs du Jardin du Roi supporter presque sans couverture » degres de froid, et donner ensuite au printemps la plus riche floraison. Cette ver- veine, dont les tiges rampantes courent dans tous les sens et s'enracinent à chaque articala- tion, donne des centaines de corymbes redres- ses de jolies fleurs écarlates; il y en a une va- riéte à fleur d’un blanc pur. Une seule bouture de cette verveine plantée sur un terrain dé- couvert, garnit, avant la fin de l'été, un espace circulaire de 0m,60 à 0,70 de rayon ; il faut l’arroser avec abondance ; elle vient également bien sur la base d’un rocher qu’elle couvre complétement, pourvu que la touffe soit plan- tée dans un bon terrain tenu toujours frais par des arrosages fréquents. La floraison de toutes les verveines peut être prolongée et rendue plus abondante par l’enlè- vement des premiers boutons à fleurs dès qu’ils commencent à se montrer; plus tard, pendant l’eté, en supprimant l'extrémité des principales tiges florales, on les oblige à se ramifier et à donner un bien plus grand nombre de fleurs. La verveine gracieuse en particulier, si on né- gligeait de pincer ses sommités, ne donnerait presque que des feuilles. Toutes les verveines vivaces se dédoublent facilement ; le moindre fragment de touffe en- racinée produit en peu de temps une plante volumineuse qui fleurit avec profusion. $ IV. — Cinéraires. L’attention des horticulteurs ne s’est portée que depuis quelques années seulement sur les cinéraires, dont l’hybridation a multiplié les sous-variétés au point de les élever au rang de plantes de collection. La plupart des cinéraires de collection n’appartiennent pas, botanique- ment parlant, au genre cinéraire ; elles se rap- portent en grande partie au genre senecio, genre très nombreux, qui ne peut tarder lui- même à être divisé en plusieurs genres secon- daires; ces questions ne sont pas de notre res- sort; nous nous en tenons au langage des jar- diniers, qui donnent à toutes les plantes dont nous nous occupons le nom de cinéraires. Le bleu et le violet dominent dans les nuan- ces des cinéraires de collection ; ces nuances se distinguent par leur vivacité et leur variété graduée pour ainsi dire à l'infini; on en ob- tient beaucoup dont les rayons extérieurs sont de deux couleurs, blancs, bordés de carmin, de pourpre ou de violet. La culture de toutes ces plantes est à peu de chose près celle des pélargoniums et des calcéo- laires. Les semis se font , soit sur couche tiède dans la serre tempérée, soit en terrines, qu’on enterre dans la couche; ce dernier mode est le meilleur, parce que les graines de cinéraires lèvent très inégalement; en semant en terrines, on ne risque pas de perdre une partie du plant comme on y serait exposé en semant à même la couche quand celle-ci doit recevoir une autre TITRE. destination. Les variétés anciennes se propa- gent principalement par la division des toulfes à l’arrière-saison; elles reprennent aussi très facilement de bouture. . Les cinéraires veulent peu d’eau à toutes les époques de leur existence; ilne leur en faut presque pas en hiver; elles vivent très bien dans des pots qu'on enterre dans les plates- bandes du parterre où elles peuvent rester de la fin d'avril au 13 octobre; on les rentre ensuite dans l’orangerie. Il ne faut pas con- server au-delà de deux ou trois ans au plus les touffes des cinéraires, dont la fleur dégénere à mesure que les plantes vieillissent ; on doit tou- jours être muni de jeune plant pour remplacer les plantes épaissies. La fig. 497 représente un cinéraire de collection. Fie. 497. $ V. — Mézembrianthèmes, Le nom de cette plante est formé de deux mots grecs qui signifient fleur de midi, quoi- que beaucoup de mézembrianthèmes ne s’ou- vrent que le soir, et que d’autres ne fleurissent que pendant la nuit. Les jardiniers les dési- gnent plus généralement sousle nomde ficoïdes, ! Dom tire de la ressemblance du fruit de plu- sieurs espèces avec celui du figuier. Aux envi- rons du cap de Bonne-Espérance, les Hotten- toits mangent le fruit du mezembrianthemum edule, fruit assez fade et peu agréable au goût, | mais qui n’a rien de malfaisant. Quelques me- zembrianthèmes sont annuelles et bisannuelles, les autres sont vivaces ; elles se distinguent par la succulence de toutes leurs parties et par leurs feuilles charnues, dont la substance offre | beaucoup d’analogie avec celle des feuilles de plusieurs sedums. Ce sont en général des plantes peu délicates qui résistent bien à la sécheresse | et à la chaleur; on les voit souvent fleurir sur des rochers entièrement dépourvus de terre végétale. Leurs fleurs sont inodores pour la plupart; elles ne sont cultivées que pour la vi- vacité de leurs couieurs rose, feu, ] Pourpre-clair. Quelques espèces indigènes en ‘gypteet en Italie, y croissent en grande abon- dance; on Les brûle pour extraire de leurs cen- dres la potasse qu’elles contiennent en grande quanule, A. — Multiplicaton. La mezembrianthème glaciale et la tricolore, Jaune, et, FLORICULIURE. ou ficoïde annuelle, se muluplient de graines semées aussitôt après leur maturité, en bonne terre ordinairede jardin, etrepiquées fort jeunes dans des pots de grandeur convenable ; il leur faut très peu d’eau à toutes les époques de leur existence. Les autres espèces, quoiqu'elles puis- sent également donner des graines fertiles, se multiplient de boutures qui reprennent très fa- cilement. Il ne faut pas les mettre en terre aus- sitôt après qu’on les a détachées de la tige; on doit laisser la plaie se sécher, ou pour mieux dire, se ressuyer à l'air libre, sans quoi les bou- tures pourriraient et ne formeraient pas de ra- cines. Les espèces de ce genre sont très nom- breuses ; on n’en compte pas moins de 248, admises par les botanistes, sans compter les va- riétés. Toutes les variétés de mézembrianthèmes donnent en abondance des graines fertiles; si l’on préfère les muliplier de bouture, c’est parce que, par ce dernier procédé, on obtient plus promptement des sujets vigoureux, d’une riche floraison. Les croisements hybrides ont déjà donné de fort belles sous-variétés de mézembrianthèmes ; plusieurs hybrides d’une beauté remarquable, ont été obtenues récemment au Jardin du Roi. B. — Détails de culture. La terre qui convient le mieux aux mézem- brianthèmes est un sol léger et graveleux ; les espèces à tiges sous-ligneuses craignent plus que les autres un excès d'humidité; il ne faut les arroser que pendant qu’elles sont en végé- tation; il n’y a aucur danger à laisser la terre des pots se dessécher complétement pendant l'hiver. Plus le sol où végètent ces plantes est pauvre et aride, moins elles prennent de déve- loppement, mais aussi, plus leur floraison est abondante ; cultivees dans un sol riche, elles ne donnent presque que des tiges et des feuilles et ne fleurissent presque pas. Elles ont plus à souffrir de l'humidité que du froid, et quoi- qu'elles ne puissent être considerces comme de pleine-terre, sous le climat de Paris, ilen est beaucoup qui résisteraient , à l'air libre , à nos hivers ordinaires dans une situation abritée. Les mézembrianthèmes à tiges sous - ligneuses passent très bien la belle saison en pleine-terre; on les rentre en hiver dans l’orangerie ; toutes les autres, cultivées dans des pots, peuvent être sorties un peu plus tôt, et rentrées un peu plus tard que les pelargoniums et les calceolaires. Les Anglais tirent un très grand parti des mézembrianthèmes pour décorer la plate-bande qui règne le long du mur antérieur des serres, à l’exposition du midi; ces plantes y sont cul- tivées en pleine-terre, les plus grandes le long du mur, et les plus petites sur le devant ; on choisit pour cette destination les espèces qui contrastent le plus, par la couleur de leur fleur et la forme bizarre de leur feuillage, telles que les meézembrianthèmes, inclaudens, aurentium, deltoïdes , perfoliatum, barbatum. et quelques autres. Leur situation en avant de la serre per- met de leur donner très aisément la protection 332 temporaire d’un chässis mobile pendant l'hiver, châssis qu’on enlève aussitôt que la saison le permet, Par ce moyen ces plantes fleurissent tout l'été. et plusieurs espèces donnent encore des fleurs au milieu de l'hiver. Les mézembrianthèmes pomeridianum , noc- tiflorum et linguiforme, ne s'ouvrent que le soir et ne restent épanouies que pendant la nuit. L'une des plus belles plantes du genre mé- zembrianthème est la ficoïde aurore (fig. 498), dont la nuance indéfinissable, entre pourpre et couleur de feu, est d’une vivacité éblouissante. Les mézembrianthèmes terminent la série des plantes de collection qui, ayant besoin d’abri pendant l'hiver, peuvent passer le reste de l’an- née, soit en pleine-terre, soit dans des pots en- terrés dans la plate - bande, et concourir ainsi à la décoration du parterre, comme les plantes d'ornement de pleine-terre, sous le climat de Paris. $ VI, — Camelias. La culture de cet arbuste n’est point pour les amateurs d’horticulture l’objet d’un goût pas- sager soumis au caprice de la mode, comme celle de tant d’autres plantes jadis en grande faveur, aujourd'hui negligées; la faveur dont jouit le camélia est durable, parce qu’elle repose sur des qualités réelles, précieuses, et qui ne se rencontrent point dans d’autres genres de vé- gétaux d'ornement. Elégance des formes, beauté et persistance du feuillage, variété inépuisable de nuances et de dimensions dans la corolle, maguificence et durée de la floraison, tous ces avantages réunis justifient une prédilection qui semble avoir déjà résisté à l'épreuve du temps. Si le camélia les partage plus ou moins avec d’autres fleurs, il en est un qu’il possède en propre, et qui n'appartient qu’à lui parmi les arbustes de serre tempérée; il peut fleurir en plein hiver, quand la nature est attristée par le sommeil dela végétation. La fleur du camélia n’a réellement qu'un défaut ; elle n’est pas odoran- te. Mais d’une part ce défaut peut être corrigé par la culture; de l’autre il n’est pas sans com- pensation; c’est lui qui rend la fleur du camé- HORTICULTURE. LIVRE VII. lia éminemment propre à la décoration de nos appartements; une fleur odorante n’y pourrait être supportée; supposez. par exemple, l’oranger avec ses émanations enivrantes, doué d’une floraison aussi variée que celle du camélia, il ne pourrait le remplacer dans les lieux habités. Les seules variétés douées d’une odeur faible, mais agréable,sont les camélias myrthifolia, Colvillit, picturata, et Nannetiana-alba; leur parfum très doux n’est sensible que quand leur fleur est exposée à l'action directe des rayons solaires : ces camélias peuvent être destinés à devenir la souche de toute une tribu de camé- lias à fleurs odorantes. On ne doit désespérer d'aucun perfectionnement à introduire dans la culture du camélia, lorsque l’on considère le point de départ de cette culture et combien l'arbuste a dévié de sa souche primitive, et cela dans un espace de temps assez court. Le camélia fut apporté du Japon en Angle- terre en 1739 par le père Camelli, jésuite, qui lui donna son nom. Il paraît que le père Camelli n’importa point en Europe le véritable type original du camélia sauvage, arbre de plus de 30 mètres d'élévation retrouvé plus tard dans les forêts du Japon par un voyageur moderne ; l'Europe ne recut alors qu'un camélia déjà mo- difié par la culture dans les jardins des Japon- nais. Le camélia dans sa nouveauté fut fort à la mode ; il fut promptement importé d'Angleterre en France, en Hollande, en Italie, en Alle- magne; il n’y a pas aujourd’hui de serre en Europe où l’on ne soit assuré de le rencontrer. Quelque temps après, les grandes espérances qu’on en avait d’abord conçues s’évanouirent ; sa vogue fut arrêtée par la difficulté de le faire fructifier, de sorte qu’il resta borné à une seule variété à fleur rouge simple, et tomba bientôt dans l’oubli. En 1806, on en recut de la Chine et du Japon plusieurs variétés nouvelles; les importations se renouvelèrent en 1808, 1809 et 1810; tous ces nouveaux camélias différaient essentiellement entre eux; ils différaient aussi beaucoup du premier camélia connu, délaissé depuis près d’un demi-siècle; plusieurs d’entre eux fructifièrent; nos camélias actuels sont leur postérité. Les amis de l’horticulture se souviennent avec reconnaissance de cette bran- che de camélia donnée par l’impératrice José- phine au jardinier Tamponnet qui sut si bien la mettre à profit. Personne, à cette époque si rapprochée de nous, n’aurait osé prédire les destinées de cet arbuste déjà acquis à la pleine terre dans l'Italie méridionale au moment où nous écrivons, et qui probablement avant que ce siècle s'achève, ornera les bosquets de toutes les contrées tempérées de l’Europe. Le camélia est un végétal singulièrement robuste, capable de vivre ie toute sorte de terrains, et de sup- porter plusieurs degrés de froid. Ce n’est pas que nous donnions à aucun amateur le conseil d’en faire l'expérience; ne pas mourir n’est pas vivre; la culture des végetaux d'ornement a pour but, non de les empêcher de mourir, mais ‘de développer leur parure dans tout son éclat, TUFRETV: seule récompense des soins de l'horticulteur. La fig. 499 représente un camélia de collection. Fig. 499. A.— Choix de la terre. Aucune espèce de terre ne convient mieux au camélia que la terre de bruyère naturelle, et, à son défaut, la terre de bruyère artificielle (vo Composts). Cette terre est en effet la plus favorable de toutes à la végétation de toute espèce de fleurs exotiques. Dans les pays où celle terre manque, le camélia est cultivé dans des terres plus où moins analogues ; à Venise on emploie sans mélange la terre de saule, for- mée de bois pourri et de feuilles mortes dans le tronc creux des vieux saules; à Milan, l’on se sert de la terre de forêt, mélange de sable et de terreau de feuilles; à Florence, on donne au Camélia la terre de châlaignier, mélange de terreau de feuilles de cet arbre avec une terre légère sablonneuse; enfin, les jardiniers anglais préparent pour les camélias un mélange de sa- ble fin de rivière, de terreau de feuilles et de terre légère de jardin par parties égales ; tous ces mélanges se rapprochent beaucoup de la terre de bruytre naturelle qui doit être préférée partout où il est possible de s'en procurer. On doit l’employer aussi récente que possible, c’est- à-dire aussitôt qu’elle a été prise sur les lieux où elle se produit ; la seule préparation à lui donner consiste à la passer à la claie pour en séparer les pierres et le plus gros des mottes et des racines; elle retient ainsi une partie de débris végétaux qui, en continuant à se décomposer lentement, sont très favorables à la santé du camelia: c’est ! donc à tort, à notre avis,que quelques jardiniers mettent en tas la terre de bruyère et la laissent vieillir deux ou trois ans avant de l’employer pour les camélias. Nous avons dit qu'il conve- nait de passer la terre de bruvère à la claie, il faudrait bien se garder de la cribler; elle de- viendrait bientôt trop dure, trop compacte, et les racines du eamélia ne pourraient s’y éten- dre librement. On ne doit cribler la terre de | bruvère que quand on la destine à recevoir des bouiures de camélias. AGRTICULTURT, FLORICULTURE. 353 B. — Choix 4 5 pois el Caisses. Lorsque le camélia dépasse la hauteur d’un | mètre à un mètre 50 cent., ce qui lui convient le mieux, c’est la pleine terre. Les camélias de grandes dimensions, pour être cultivés dans les conditions les plus favorables à leur crois- sante, devraient donc être en pleine terre dans la plate-bande du conservatoire. On peut en voir de très beaux dans le jardin d'hiver de M. Fion, ils ont acquis en pleine terre une beauté peu commune, bien qu'ils soient trai- tés, non dans le but*de leur plus grand déve- loppement, mais dans celui d'en obtenir une multitude de fleurs destinées à la vente journa- lière pendant la saison des bals et des soirées. Mais bien peu d'amateurs peuvent, dans l'état actuel de lhorticulture en France, recourir à ce procédé qui exige au moins un mètre en tout sens pour chaque grand camélia; nos serres sont en général trop petites, et l'espace y est trop précieux. Les camélias vivent donc pres- que tous dans des caisses ou dans des pots. Les caisses ont sur les pots une supériorité incon- testable ; supportées par des pieds qui les isolent complétement, elles ne sont point accessibles aux vers qui s'introduisent souvent dans les pots ; les camélias y sont mieux à tous égards : malheureusement le prix des caisses est telle- ment supérieur à celui des pots, que ces der- niers sont toujours préférés, excepté pour les grands camélias quand on ne les met point en pleine terre dans la serre. La matière des pots n’est point indifférente à la santé des camélias; beaucoup de belles dames en perdent fréquem- ment pour avoir voulu les élever dans de pre- Cieux vases de porcelaine ou de tôle vernissée, ne sachant pas que dans des conditions iden- tiques sous tous les autres rapports, ces mêmes arbustes auraient prospéré dans des pots de terre cuite valant de 10 à 15 centimes. Les di- mensions des pots ne peuvent être déterminées d'une manière absolue; quand l’espace manque, on peut jusqu’à un certain point réduire le vo- lume des pots en en renouvelant fréquemment la terre et se servant pour arrosages de bouillons de fumier très substantiels. Il faut à un camélia de0®,50de hauteur, une caisse de 0" 20 en tout sens où un pot de grandeur équivalente. Quelles que soient les dimensions des pots, le diamètre de leur orifice supérieur doit être des quatre cinquièmes de leur profondeur, le diamètre du foad doit être des quatre cinquièmes de celui de l’orifice supérieur. (fig. 500). Les pots trop Fis. 500. AS - ra 354 crands sont plus nuisibles qu'utiles aux camé- las comme à toute autre espèce de plantes de serre; quand la motte de terre est trop volu- mineuse, il est difficile d'éviter de donner aux racines un excès d'humidité qui n’est jamais à craindre dans des pots plus petits. C. — Serre aux camélias. Les serres à un seul versant ne conviennent point aux camélias ; quelque soin qu’on prenne de les retourner fréquemment, l’'inégale répar- tition de la lumière les fait toujours pousser plus d'un côté que de Fætre; pour peu qu’on néglige de les déplacer, ils deviennent sem- blables à ces bouquets placés sur les autels, qui, devant être vus seulement par-devant, sont totalement dégarnis par-derrière. C’est ce qui n'arrive jamais dans une serre à deux versants; la lumicre plus également distribuée permet au camélia d’y prendre naturellement la forme d’un arbuste gracieux où les branches, le feuillage et les fleurs sont répartis avec la plus élégante symétrie. D — Rempotage. On peut rempoter en toute saison lorsqu'il s’agit seulement de donner un pot plus grand à un camélia qui se trouve à l’étroit; ce besoin de larbuste est indiqué par plusieurs sympt6- mes évidents ; les pousses nouvelles jaunissent, les boutons à fleurs se dessèchent et tombent, les racines sortent par le trou inférieur du pot; alors, en quelque saison de l’année que ce soit, il faut rempoter en évitant d’offenser les ra- cines et en laissant à cet effet la motte aussi entière que possible. Hors ce cas exceptionnel, deux époques sont particulièrement convena- bles pour rempoter les camélias. La première commence aussitôt que la floraison est termi- née, pour durer jusque vers la fin de mai; la seconde commence quand la sève devient sta- tionnaire; elle se prolonge jusque vers le 15 octobre; on ne peut les déterminer ni l'une ni l’autre avec plus de précision; elles varient se- lon la température, d’une année à l’autre. Les tamélias peuvent rester trois ans dans les mê- mes pots; ceux qu’on leur donne au bout de ce temps doivent avoir en diamètre et en pro- fondeur, quelques centimètres de plus que les précédents. Mais, en suivant constamment cette progression pendant toute l'existence des ar- bustes qui peuvent vivre fort longtemps, on ar- riverait à des dimensions colossales; heureu- sement cela n’est pas nécessaire; apres 3 ou 4 rempotages dans des pots toujours plus grands, on peut revenir à d’autres de moindres dimen- sions sans nuire sensiblement aux camélias. On détache alors entièrement la terre adhérente aux racines pour les mettre tout-a-fait à nu: on en retranche une bonne partie, puis on leur rend aussitôt, le plus rapidement possible, une terre plus substantielle que celle qu’on vient de leur retirer ; il ne faut pas oublier de réduire les branches dans la même proportion. Par ce moyen, l’arbuste, sans cesser de se bien porter HORTICULTURE. LIVRE VIIT et de fleurir abondamment, se maintient dans les proportions qu’il ne doit pas dépasser, sous peine de laisser envahir la serre par un petit nombre de très grands camélias. A chaque nouveau rempotage on garnit le fond des pots de gros gravier ou, ce qui est préférable, de fragments de poterie; la motte, soit qu’on ra- fraichisse les racines, soit qu’on s’abstienne d'y toucher, est toujours entourée de quelques cen- timètres de terre nouvelle. E. — Arrosages. Le camélia doué d’un feuillage abondant et persistant, perd beaucoup par la transpiration ; la terre qui le nourrit doit done être tenue cons- tamment humide par des arrosages bien ména- gés, car s'ils étaient trop abondants, les raci- nes, ne pouvant absorber à mesure la quantité d’eau avec laquelle elles se trouveraient en con- tact, ne tarderaient pas à pourrir. Il importe beaucoup de ne point laisser passer plusieurs jours de suite sans arroser les Camélias; faute de cette précaution, il arrive assez souvent qu’un camélia meurt de sécheresse, bien qu’on lui donne de l’eau tous les jours; c'est qu’il avait éte précédemment pris par la sécheresse. La terre de bruyère en se desséchant devient une véritable pierre où les racines du camélia sont comme incrustées; en cet état, elle devient imperméable à l’eau; arrosez la tant que vous voudrez, Peau filtrera le long des parois du pot et s’égouttera par le trou inferieur, sans que les racines s'en ressentent. Dès qu’on soup- conne un tel accident, il faut dépoter sans re- tard, enlever soigneusement toute la terre des- séchée, rafraîchir les racines, et leur donner la meilleure terre nouvelle dont on dispose. L’ar- buste doit alors être rabattu très court et placé sur une bonne couche tiède sous châssis, où il ne tarde pas à se refaire, car il est naturellement très robuste et capable de supporter beaucoup d'accidents sans périr. Un excès d'humidité endommage les camé- lias tout autant qu’une sécheresse trop pro- longée ; le premier effet d’un arrosement mal ménage c’est la chute des boutons, accident irréparable qui détruit pour une année tout en- tière les espérances de l’horticulteur. Les bou- tons du camélia adhèrent très peu à leur pc- doncule; il suffit, pour les faire tomber, que l'atmosphère de la serre soit un peu trop char- gée de vapeurs humides, quand même la terre des pots n'aurait pas recu plus d'eau qu'il ne lui en revient. La couleur des écailles du calice peut faire présager cet accident; lorsqu'elles restent verdâtres, on peut juger que la floraison se fera régulièrement; si elles jaunissent, le bouton, ayant d’ailleurs les apparences de la santé, on peut craindre qu'il ne tombe avant de fleurir ; si elles sont noirâtres, il est à peu près certain que le bouton ne fleurira pas Ces in- dications peuvent servir de règle aux acheteurs inexpérimentés et leur éviter de grands desap- pointements. On a proposé, Comme un move 1 -TITRE ŸV. assuré, de prévenir la chute des boutons de, camélia et de les forcer à fleurir, de les mettre en contact prolongé avec des mèches de coton plongeant dans un vase rempli d’eau; ces me- ches, en vertu de la capillarité, versent sur les | boutons un arrosage très lent, mais constam- ment entretenu. C’est un pracédé pratiqué fré- quemment et avec succès pour arroser certaines marçottes suspendues qui ne reprendraient point autrement, ILest possible qu'il prévienne, dans quelques circonstances particulières, la chute des boutons du camélia; il est impratica- ble sur une grande échelle ; nous ne lindiquons que comme pouvant parfois rendre service. Ajoutons que, ans une serre bien gouvernée, il est rare qu’on ait besoin de chercher un re- mède contre un mal qui, le plus souvent, n’est causé que par une eulture négligée. L'eau dont on arrose les camélias ne doit être ni trop froide ni trop pure,elledoit surtout ne pas être séléniteuse. Une eau de mare un peu trouble est la meilleure de toutes; mais il ne faut l'employer que quand elle a été assez longtemps exposée au soleil ou chauffée artifi- ciellement, de manière à se trouver à@ la même température que la terre des pots; cette condi- tion est très importante pour la santé des ar- bustes. Le moyen le plus simple et le plus sûr c'est d’avoir à cet elfet dans l'intérieur de la serre un réservoir proportionné à la quantité d’eau qu’exigent les arrosages de plusieurs jours ; quand même cette eaù éprouverait un commencement de corruption, elle n’en vau- drait que mieux. À part l'inconvénient de sa mauvaise odeur, Peau croupie, loin de nuire aux camélias, comme le croient quelques jardi- niers, leur est bonne et salutaire ; si elle est corrompue, @’est parce qu’il s’v est engendré une multitude d'animalcules microscopiques qui, n'ayant qu’une existence éphémère, s’y sont promptenfent décomposés. En hiver, c’est-à-dire sous le climat de Pa- ris, du 15 novembre au 1er mars, l’eau ne doit jamais être donnée le soir ; l'heure la plus favo- rable est de 9 à 10, dans la matinée. Au prin- temps et en automne, on arrose aussi le matin, une demi-heure ou une heure plus tôt qu’en hi- ver ; en été, il ne faut arroser que le soir, après le coucher du soleil, afin que l’arbuste en profite pendant la nuit et se trouve mieux prémuni contre la chaleur du lendemain. Ces arrosages sont indispensables ; ils sont de fondation et ne doivent jamais être négligés. Les camélias en réclament quelquefois d’autres qui sont indiqués par l’état de leur végétation où par celui de la température extérieure. Quelque soin qu'on en prenne, il y a toujours quelques malades dans une collection un peu nombreuse de camélias; on peut aussi considérer comme malades, et | traiter en 1 les arbustes qu'on vient de dépoter pour que ceux où ils vivaient précédemment, et re- eur donner des pots plus petits | cas, au lieu d'eau simple, on emploie pour les | arroser la composition suivante : FLORICULTURE. 255 Feuilles mortes, EMMMEN EN, 5 Kilozr. Fumier de moutons Poudrette 20 uires, RTE ANRE LE A ot st Colombie. 4120008 .: 20 à NADS ETS SU ER : 5 EU CR - 1,200 Ce mélange bien brassé est abandonné à lui- même à l'air libre pendant 40 à 50 jours, au bout desquels il forme un bouillon très nourris- sant, qu'en raison de sa nature trop substantielle et trop excitante il faut administrer aux camé- lias avec de grandes précautions. Les arbustes bien portants ne doivent jamais le recevoir dans l'intérieur de la serre, mais seulement pendant le temps qu’ils doivent passer en plein air, épo- que où, perdant beaucoup plus qu’en tout autre temps par la transpiration, un aliment répara- teur leur est salutaire. Indépendamment des arrosages qu’on vient d'indiquer, il faut bassiner fréquemment le feuiilage des camélias avec de l’eau pure, au moyen d'un arrosoir à boule percée de trous très fins. On doit éviter de tasser trop forte- ment la terre des pots en versant dessus sans précaution l’eau des arrosages ; elle doit être ré- pandue de près et très doucement. EF. — Soins généraux. La terre des pots des camélias réclame de fré- quents binages; ils doivent être donnés avec ur instrument quelconque à dents obtuses, pour ne point offenser les racines ; lorsqu'on néglige ce soin, il se forme à la surface de la terre une croûte verdàtre plus dure que le reste; cette croûte ne doit être conservée que pendant les plus fortes chaleurs; alors loin d’être nuisible, elle peut contribuer à conserver par-dessous une fraicheur salutaire et s'opposer à l'endur- cissement complet de la motte. Aussitôt après l’époque des grandes chaleurs, on a soin de la briser avec précaution par un bon binage, et de biner ensuite assez souvent pour qu'elle ne puisse plus se former jusqu’à l'année suivante. Si les camélias pouvaient toujours être élevés dans des conservatoires, ils n'auraient pas be- soin d'être mis en plein air; on peut citer comme un modèle en ce genre celui de M. de Rouveroy près de Lille (Nord) ; presque tous les camélias grands et moyens y sont en pleine terre ; les plus petits seulement vivent dans des pots. La maconnerie est presque nulle; elle se reduit aux appuis indispensables pour la char- pente qui supporte les chässis. Les montants sont dissimules par des plantes grimpantes qu'on rabat près de terre après leur floraison; pendant l’éte les châssis, d’abord partiellement ouverts, sont enleves tout-à-fait : les camélias se trouvent ainsi tout à la fois en pleine terré et en plein air; Peffet désagréable des char- pentes est masqué par des glyvcines de Chine, des bignonias, des thunbergias et d’autres belles | plantes sarmenteuses artistement conduites; trancher une partie de leurs racines. Dans ce | C'est un exemple qui peut être suivi en petit comme en grand, et qu'on ne peut trop reCom- . mander aux véritables amateurs. 856 La place que les camélias doivent occuper dans le jardin doit toujours être abritée, soit naturellement par un mur ou un massif de grands arbres, soit spécialement, par un abri permanent ou temporaire; les abris végétaux sont les plus agréables et les meilleurs. Si les camélias doivent revenir tousles ans à la même place, on peut planter pour leur servir d’abri un rideau de cyprès ou de thuyas en pleine terre; s'ils doivent être changés de place, on dispose dans des pots de manière à les protéger, des plantes grimpantes à croissance rapide qu'on met en place longtemps avant les camé- lias, pour qu’ils trouvent leur abri tout préparé. L'aristoleche à iarges feuilles et la cobéa sont les plantes les plus favorables pour ombrager les camélias. L'époque la plus convenable pour sortir les camélias de la serre ne peut être précisée avec exactitude; elle est variable comme la tempé- rature de chaque année sous le climat de Paris. On se repent souvent de les avoir sortis trop tôt er l’on n’a jamais à regretter de les avoir is trop lard en plein air. Il faut que la tempé- rature soit extraordinairement propice pour qu’ou doive sortir Les camélias avant le 15 mai. Rien n'est plus blämable que la routine de cer- tains jardiniers qui vident et remplissent leurs serres à jour et à heure fixes; la rentrée des ca- mélias ne doit pas être retardée passé le 15 oc- tobre; mais, pour peu que les pluies froides de l’arrière-saison devancent leur époque erdi- naire, il ne faut pas balancer à rentrer les ca- mélias dès les premiers jours d'octobre, ‘en choisissant un beau temps, afin que les feuilles soient rentrées parfaitement propres et sèches. La température ordinaire de la serre froide suffit aux camélias ; quelques jardiniers croient devoir donner un peu plus de chaleur que de coutume aux camélias immédiatement après qu’ils viennent d’être rempotés; nous croyons que c'est une erreur; quelques degrés de chaleur de trop font en elfet végéter rapi- dement les camélias ; mais leurs pousses allon- gées sont pâles et sans vigueur ; elles sont à moitié étiolées. L'époque de l’année où les ca- mélias exigent les soins les plus assidus s’étend du commencement de mars au milieu de juin. Leur végétation est alors en pleine activité, tout leur avenir dépend des soins qu'ils recoivent durant cette période de leurexistence. Rien ne leur est plus nuisible en général que l’action di- recte des rayons solaires, du moment où ils sont devenus vifs et pénétrants, car en hiver, ils ne leur font que du bien. On les en préserve au moyen de toiles ou de paillassons étendus sur les vitrages, précaution surtout nécessaire quand on vient d’arroser les feuilles des camé- lias; car si le soleil les frappe en ce moment, il se ferme sur les feuilles des taches semblables à des brûlures qui les font sécher et tomber. Toutes les fois que le temps le permet, il est bon d'enlever quelques-uns des panneaux vitrés, surtout lorsqu'on approche du moment de mettre les camélias en plein air. Un enduit de HORTICCLTURE. LIVRE VIII. blanc d’Espagne mêlé d’un peu de colle délavee dans de l'eau suffit pour rendre opaques les vitres par lesquelles le soleil pourrait arriver directement sur les camélias, lorsque l’on ne juge pas nécessaire de supprimer tout-à-fait la lu- miere en abaissant les toiles et les paillassons. G. — Muluiplication ; boutures. Les variétés de camélia qui reprennent le plus facilement de bouture donnent leurs fleurs plus promptement que lorsqu’on les propage par la greffe ; c'est pour cette raison qu'on emploie quelquefois ce procédé de multiplication, quoi- que la greffe soit le moyen le plus usité. On choi- sit pour boutures de jeunes pousses de l’année qu'on dépouille de leurs feuilles seulement à la partie inférieure, en ayant soin derespecter cel- les du sommet. Ces boutures se font en terre de bruyère criblée au crible fin, à l’etouffée, soit sous cloche, soit simplement sous châssis, pourvu que le châssis soit bas et qu'il ferme exactement. La terre, pour ces boutures, doit être maintenue plutôt fraiche que trop mouil- lée ; elles craignent le soleil et n'ont pas besoin d'une température élevée. 1, Marcottes. On a rarement recours à ce moyen pour multiplier directement les belles variétés de ca- mélias qui viennent beaucoup mieux de greffe, mais on s'en sert habituellement pour se pro- curer un grand nombre de sujets destinés à être grelles. Dans ce but, on établit, soit en plate- bande dans la serre, soit dans une bäche se- parée à l'exposition de l’est ou du nord, des pieds vigoureux de camélia rose simple, des- tinés à faire l'office de mères; on les rabat à quelques centimètres au-dessus du sol pour provoquer l'émission de rejetons nombreux qui, parvenus à une longueur suffisante, re- prennent facilement par le procédé du mar- cottage simple. Tandis qu'ils s’enracinent, la souche-mère pousse d’autres jets qui renou- vellent chaque année la provision de marcottes pendant un temps indéterminé ; toutefois, il est bon de renouveler les mères quand on s'aper- coit que leur vigueur commence à s’épuiser. 2. Greffe. Il n'existe pas d'arbre ni d'arbuste connu qui recoive la greffe avec une facilité pareille à celle du camélia ; il peut être greffé à tout âge, à toute grosseur, el toujours avec un succès égal; la gretle semble même réussir mieux en- core sur les vieux sujets que sur les jeunes; il en résulte un grand avantage pour l'amateur de ce beau genre. Si son choix a vieilli par suite du grand nombre de variétés nouvelles provenant de semis qui sont tous les ans mises en circulation, il n'a, pour remettre sa collec- tion au courant de ce qu’il y a de plus nou- veau, qu'à couper la tête aux camélias passés de mode, et à les grelfer en camélias plus mo- dernes. On sait que ces derniers se maintien nent longtemps chers, tandis qu'on peut se —. ne. - MIFRE:V" FLORICULTURE, 357 procurer à très peu de frais des greffes pour | des centaines de fruits dont les graines sont rajeunir toute une collection. Lorsque la cultare du camélia était moins raliquee et moins bien connue, on regardait a greffe du camelia comme une opération dif- ficile et d’un succès incertain ; on avait recours à divers procédés spéciaux ; on sait aujourd'hui que presque tous les moyens connus de grelfer peuvent s'appliquer à cet arbuste, pour lequel la greffe Faucheux est la plus usitée. (Voir Grefle.) 3. Semis. Ce moyen de multiplier les camélias devient de jour en jour plus usité; des soins mieux di- rigés permettent d’espérer des fruits d'espèces longtemps considérées comme stériles sous notre climat. Il n'y a pas de camélias réelle- ment stériles: non-seulement les variétés à fleurs simples et semi-doubles, mais même plu- sieurs variétés à fleurs doubles, sont suscep- tibles de fructifier. Celles qui manquent d’éta- mines, on peut les féconder artiliciellement, ou, pour nous servir du terme consacre, les hybrider avec le pollen des espèces pourvues d’etamines. Un fait nouveau, récemment ob- servé en Angleterre, peut rendre ces croise- ments encore plus fréquents et plus faciles. Un jardinier avait recu d’un confrère du pollen d’un cactus cereus, dont il se proposait de fe- conder les fleurs d’un épiphyllum; ces fleurs n'élant point encore épanouies, le pollen, plie dans un papier, fut conservé see, d’abord dans la poche du gilet du jardinier, puis sur le bord d'une cheminée de cuisine. Au bout de quinze jours, l’épiphyllum fleurit, et la fécondation put être tentée; elle réussit beaucoup mieux que si elle eùt été faite selon la méthode ordi- naire, avec le pollen récent. La même expé- rience fut répétée avec le même succès entre les fleurs de deux rosages placés à environ 45 kilom. l’un de l’autre. Cette propriété du pollen est-elle particulière aux cactus et aux rosages, genres bien éloignés l’un de l’autre ? Se retrouverait-elle dans le pollen du camélia ? Combien de temps le pollen ainsi conservé peut-il garder sa faculié fécondante? Toutes ces questions, faciles à résoudre par une série d'essais des plus simples, offrent un grand in- térêt. Si le camélia peut être ainsi fécondé, voilà la porte ouverte à toute une série d'hy- bridations nouvelles, dont on peut espérer un nombre indéfini de nouvelles variétés. Obtenir des camelias nouveaux, tel est le but de tous les semis; si ce but est rarement atteint, si sur mille sujets un seul à peine est jugé digne de s'inscrire au catalogue des nouveautés, les 999 autres sont, ou des reproductions d'espèces connues et méritantes, ou d'excellents sujets pour recevoir la grefle. Aussi l'émulation pour les semis est-elle générale parmi les amateurs de camélias. Dans le midi de l’Europe, beaucoup de ca- mélias sont fertiles; à Milan, à Florence, à Naples, on les voit courber leurs branches sous fécondes ; aussi est-ce par miiliers que se comp- tent les échantillons de camélias dans ce beau pays, où il est sur le point de figurer parmi les arbres de pleine terre complétement natura- lisés. En France, en Belgique, en Angleterre, en Allemagne, les seules espèces dont on puisse raisonnablement espérer des graines fécondes sont celles qu'on a obtenues en Europe, et spe- cialement dans chaque contrée où il s'agit de les faire fructifier. Sous le climat de Paris, les meilleurs camélias à élever pour porte-graines | Sont en ce moment (1843) les camélias pinck, antonia, pomponia, semi-plena, warrata, punc- tata simplex, dianthiflora, papaveracea et sta- minea; mais parmi les nouvelles variétés hv- brides, nul doute qu’il ne s’en trouve incessam- ment qui égalent ou surpassent les précédentes - en fécondité. A Gand (Belgique) de très beaux fruits ont été obtenus en 1840 d’un camélia carnea. Les porte-graines doivent être choisis de moyen àge et de moyenne taille, bien portants, mais sans excès de vigueur; la première chose à faire c’est de leur choisir une place parfaite- ment isolée. Les camélias destinés à recevoir la fécondation hybride ont besoin, pendant cette opération délicate, de beaucoup de lumière et de la plus parfaite tranquillité: la moindre se- cousse, le moindre ébranlement, peuvent rendre la fécondation impossible. On supprime d’a- vance les étamines qui peuvent exister dans la fleur à féconder ; d’une autre part, on doit avoir eu soin de hâter la végétation du camélia dont les fleurs doivent fournir le pollen, afin qu'elles devancent les fleurs à féconder. L'expérience prouve que, bien que les étamines de ces der- nières fleurs aient été enlevées, la fécondation n'est parfaite qu’autant qu’elle peut avoir lieu avant l’époque où ces étamines auraient rempli leurs fonctions si on les avait conservées. C’est le matin, vers l'heure du lever du soleil, que le pollen doit être répandu sur îes fleurs de camélia. Les uns prennent les fleurs mâles bien épanouies et les secouent sur les fleurs à fécon- der ; les autres regardent comme plus sûr d’ap- pliquer directement sur les stigmates le pollen au moyen d'un pinceau fin. L'un et l’autre pro- cédé peuvent également réussir; ils doivent être répétés plusieurs jours de suite, toujours à la même heure. Tant que dure la fécondation, on s’abstient de mouiller le feuillage des eamélias. L'hybridation réussit mal d’une fleur simple sur une autre fleur simple; elle réussit bien d’une fleur semi-double ou double, par le pollen d'une fleur simple. Après la fécondation, il est bon de retrancher en partie, ou même en tota- lité, les boutons à bois du eamélia porte-graines, afin que sa sève ne soit pas détournée au préju- dice des fruits. Le fruit du camélia est un drupe charnu à 3 lobes; ilatteint ordinairement le volume d’une noix, et quelquefois celui d’une pomme d'api. Sa couleur verte, qui tire d’abord sur le rouge, passe au brun à l'époque de la maturité des 358 graines, Il ne faut pas attendre, pour récolter les fruits du camélia (fig 501), qu'ils tombent Fro. 01. d'eux-mêmes; dès que l'enveloppe charnue for- mant le drupe commence à se fendre, la graine est mûre; il faut la recueillir aussitôt, la faire sécher à l'ombre, et la semer sans perdre de temps; c’est une petite amande très bui- leuse, sujette à rancir promptement et à perdre par là sa faculté germinative. On sème en terre de bruyère mêlée avec de bon terreau. Le jeune plant n’est ni délicat, ni difficile à élever ; il faut lui maintenir le pied plutôt frais que trop humide, et le préserver soigneusement des coups de soleil pendant son premier été. Nous avons emprunté une grande partie des notions qui précèdent à l'excellent traité de M. l'abbé Berlèse. SEcTion VI.— Plantes d’orangerie et de serres. Le goût des personnes aisées pour les plantes exotiques, dont la culture exige l’orangerie ou les serres, est en progrès en France; de là la grande extension qu'a prise depuis peu d’années le commerce de ces plantes dont plusieurs séries importantes sont devenues des collections ; telles sont en particulier les cactées et les or- chidées, plantes entièrement dilférentes du règne végétal, et qui n’ont jamais été en plus grande faveur que de nos jours. Conformément à la marche que nous avons suivie pour les autres parties de la floriculture, nous donnerons séparément la culture des plantes de collection qui appartiennent à l’o- rangerie et aux serres ; nous indiquerons en- suite la culture générale des plantes de toute espèce qui peuplent habituellement les divers genres de serres. $ 17, — Culture des plantes d'orangerie. Ces plantes, dans l’ordre naturel de leur im- portance pour l'ornement des jardins, viennent immédiatement après celles dont nous venons de passer en revue la culture ; elles appartien- nent à des familles et à des genres très éloignés les uns des autres; elles ont pour caractère commun le sommeil complet de leur végéta- HORNTICULTURE. \ LIVRE VHI, tion pendant l'hiver sous notre climat, carac- tère qui n’est en elles qu’un accident ; ainsi, sans aller plus loin vers le sud que notre fron- tière méridionale, sur tout le littoral francais de la Méditerranée, loranger, le citronnier , l’arbousier, végètent tout l'hiver et le grena- dier ne perd pas ses feuilles. L’orangerie n’est | à proprement parler qu'un abri pour lPhiver- nage d’un certain nombre de végétaux, ce que les Anglais expriment par le mot conserva- tory; les végétaux ne peuvent en effet que se conserver dans l’orangerie; ils ne peuvent y grandir, ilsne peuvent pas davantage s'y mulii- plier; dès que leur végétation reprend sôn cours au retour de la belle saison, ils ont hâte de sor- tir de l’orangerie, ils ont soif de l'air extérieur. A dépense égale, la serre offre tant d’avan- tages evidents sur l’orangerie , qu’on a lieu de s'étonner qu'on n'ait pas encore renoncé à construire des orangeries. Il y a pour cela une raison, une seule, mais elle est d’un grand poids aux yeux de l’amateur riche de lhorti- culture. Toutes les serres ont pour but princi- pal la vie et la santé des plantes exotiques qui doivent y végéter ; leur construction est su- bordonnée à cet objet essentiel ; pour remplir cette condition, elle est assujettie à des prin cipes, à des règles fixes dont on ne peut s’e- carter (voir Serres, page 38 et suivantes). L’ar- chitecte chargé de bâtir une serre est fort em- barrassé entre le propriétaire qui veut une construction élégante en harmonie avec lha- bitation et les jardins qui en dépendent , et le jardinier qui s'oppose avec raison à tout ce qui pourrait diminuer le bien-être de ses planes. S'agit-il au contraire de construire une ‘oran- gerie, l'architecte a ses coudées franches ; il y peut ajuster tout autant d’ornements d’architec- ture qu’on lui en demande, sans que le jardi- nier ait à se plaindre : telle est la raison qui peut seule expliquer pourquoi il y a encore des propriétaires qui font construire desorangeries. Toutefois, l'exemple des horticulteurs de pro- fession qui ont renoncé aux orangerie depuis longtemps doit finir par prévaloir, par ce seul motif que les plantes d’orangerie passent par- faitement l'hiver dans la serre froide ou tempé- rée, tandis que les plantes de serre végètent mal dans l’orangerie. Le service intérieur d’une orangerie exige deux sentiers où passages, l'un près du mur du fond, l’autre sur le devant. On s’abstient ordi- nairement de placer aucune plante en contact immédiat avec le mur du fond de l’orangerie, qui conserve toujours plus ou moins d'humi- dité, à moins qu'on n’y ait pourvu au moyen d’un enduit hydrofuge. Les Anglais ont à cet égard ane excellente coutume ; le bâtiment dont le devant sert d’orangerie est double; le mur du fond supporte une seconde construction en aypentis; ce n'est souvent qu'un simple han- gar, mais c'en est assez pour préserver de toute humidité le mur du fond de l’orangeric. Le premier rang au fond de l'orangerie, à la place la plus obscure et la plus éloignée des TITRE V: jours, est toujours réservé aux végétaux qui perdent leurs feuilles pendant l'hiver, et n’ont par conséquent pas besoin de lumière durant cette saison. Les autres se placent par rang de taille, les plus grands en arriere et les plus pe- tits sur le devant. Les plantes herbacees oc- cupent, sur deux rangs de gradins, toute la partie antérieure de l’orangerie, le plus près possible des vitrages. La direction des plantes d'orangerie n’exige qu’un peu d'attention ; tant qu'il ne gèle pas, les plantes qui conservent leurs feuilles ont besoin de beaucoup d'air; dès qu’il gèle, il faut s’abs- | tenir d'arroser hors le cas de necessité absolue. Cette nécessité n’existe réellement que quand la terre des caisses et des pots est desséchee jus- qu'au fond, ce dont on peut toujours s'assurer au moyen d'une sonde. Quand le froid se fait sentir, on ferme les châssis et les volets inté- rieurs, si les fenêtres en sont munies, et l’on étend par-dessus des paillassons simples ou doubles ; on n’a recours au poêle que quand le thermomètre descend au-dessous de zéro, en- core ne faut-il chauffer qu'avec les plus grands ménagements. À mesure que le temps devient plus doux, on laisse les fenêtres ouvertes plus longtemps, et l’on finit par les ouvrir même la nuit avant l’époque où les plantes d'orangerie peuvent supporter le plein air, afin de les y habituer par degré. La simple substitution d’un toit en vitrage au toit en tuiles ou en ardoises de l’orangerte, ajoute beaucoup à son utilité, sans en diminuer sensiblement l'effet architectural. L’orangerie à toit vitré rentre tout-à-fait dans les condi- tions du genre de serres, nommées par les An- glais, conservatory ou green-house (maison verte, habitation des végetaux toujours verts). Les camélias , les pélargoniums et les calcéo- laires y trouvent assez de lumière pour s'y con- server jusqu'à l’époque où ils peuvent être pla- cés à l'air libre. Lorsqu'on juge à propos de conserver à l’orangerie son toit en ardoises ou en tuiles, on ne peut du moins se dispenser d'isoler entièrement ce toit du reste de la cons- truction au moyen d’un plancher; les plantes renfermées l'hiver dans l’orangerie ont alors au-dessus d’elles un grenier qui rend l’intérieur du bâtiment beaucoup plus sain et moins aisé- ment pénétrable au froid extérieur, A: — Nériums, lauriers-roses. Parmi les arbustes d’orangerie nous devons une mention particulière aux lauriers -roses (nérium), eleves depuis quelques années par les amateurs au rang d’arbustes de collection. Les nériums tirent leur nom d’un mot grec qui signifie humidité, parce qu’ils se plaisent dans les lieux humides et marécageux; ils sont in- digènes dans tout le midi de l’Europe, à partir du midi de la France; on les retrouve le long des rivières et des torrents dans toute l'Asie orientale. Les longues racines du nérium-olean- der, laurier-rose ordinaire , racines souvent FLORICULTURE. 359 rendent de grands services dans le midi, en prévenant les éboulements sur le bord des eaux torrentueuses. Les nériums de collection se divisent en deux séries, reconnaissables à un caractère très pro- noncé; les nériums d'Europe, formant la pre- mière série, ont l'entrée du tube de leur co- rolle garni d’un cercle de filaments fort courts ; les neriums de j’Inde, formant la seconde série, ont à la même place une frange de longs fila- ments. Les nériums de l'Inde sont odorants ; les nériums d'Europe sont à peu près inodores. Les collections de nériums sont peu répan- dues dans le nord de la France; elles se re- commandent par la variété des couleurs et la longue durée de la floraison, qui se prolonge pendant 3 ou 4 mois, sans le secours de la cui- ture forcée Les nériums se multiplient de boutures, qui reprennent avec une grande facilité, et de se- mis faits au printemps en terrine ou sur cou- che sourde, mais toujours dans la terre à oran- ger, la plus favorable de toutes à la végétation des nériums (voir Composts, pag. 14). Les bou- tures faites avec des jeunes pousses s’enra- cinent aisément à l’air bre, dans une position ombragée , pourvu que l’eau ne leur manque pas; les boutures de nériums de l'Inde ont be- soin, pour s’enraciner, de la protection d’un chässis vitré. La graine des nériums doit être récoltée un peu avant sa complète maturité et conservée dans les capsules où elle achève de mürir. Ces capsules très allongées, sont formées de 4 val- ves qui s'ouvrent latéralement, comme celles de l’epilobe ; les graines sont munies d’aigrettes soveuses ; le vent les disperserait au loin si l’on n’apportait la plus grande attention à les re- cueillir au moment opportun. Les semis ont déjà fait obtenir dans les deux séries d'Europe et de l'Inde un grand nombre de variétés hvbrides ; leurs couleurs varient du rouge vif au blanc pur, avec toutes les nuances intermédiaires de rose ; elles offrent en outre de fort beaux tons jaunes, cuivrés et couleur de feu. Le plant se repique très jeune dans des pots assez profonds pour que ses racines puis- sent s’y développer librement. Les nériums veulent beaucoup d’eau pen- dant tout le temps où ils sont en végétation; mais en hiver, quand leur végétation est inter- rompue , il ne leur faut qu’un ou deux arrosa- ges très modérés pour les empêcher de se des- sécher complétement. On recommence à les arroser peu à peu avant de les mettre en plein air, à mesure qu'ils montrent des dispositions à recommencer à pousser ; du reste, on Îles traite absolument comme les autres arbustes d’orangerie. Depuis une vingtaine d'années on à beau- coup multiplié les nériums rose et carné, à fleur double ; ces arbustes, très recherchés du peuple de Paris, ont l’avantage de résister longtemps à la privation d’air, pourvu qu'ils ne manquent aussi volamineuses que le buisson extérieur, | pas d’eau, et de fleurir bien ou mal tous les ans, 360 HORTICULTURF. LIVRE VIII. soit dans la chambre, soit sur un balcon, même |; faveur des caisses de petites dimensions; ils privé de soleil ; aussi s’en vend-il sur les mar- chés de Paris des quantités prodigieuses. Parmi les plus belles variétés des nériums de l'Inde, on remarque le nérium odorum, à odeur de vio- lette, le splendens. dont on a obtenu une sous- variété panachée de jaune, et le nérium-Ragon- not, dont les fleurs semi-doubles et panachées de rouge et de blane sont d’une rare beauté. Les collections de nériums, déjà fort nom- breuses, le deviennent de plus en plus par les | acquisitions nouvelles que les semis procurent chaque année; l’une des plus belles et des plus complètes qui existent, est celle de la résidence rovale de Neuilly. PB. — Crangers et cihronniers. Ainsi que nous avons eu précédemment oc- casion dele faire observer, le règne des orangers est passé, ils ne sont plus qu'un accessoire dans la culture des végétaux d’orangerie; on leur préfère avec raison une réunion d’arbustes dont les fleurs et le feuillage offrent plus de variété en n'exigeant pas plus de soins et de dépenses. Néanmoins , dans les grands jardins publics, les grands orangers, vénérables par leur haute antiquité et les souvenirs qui s’v rat- tachent , sont encore, avec juste raison , chers aux amis de lPhorticulture; beaucoup de chà- teaux conservent et entretiennent leurs garni- tures de vieux orangers, qui paient si large- ment, par l'odeur délicieuse de leurs fleurs, les soins qu’on leur accorde. Quant aux orangers nains, Sans rivaux parmi les arbustes de leur taille pour la facilité de leur culture et des avantages qu’ils réunissent, ils seront toujours à la mode. On cultive douze espèces distinctes d’oran- gers, dont les variétés sont au nombre de plus de 100, et pourraient encore s’augmenter si l’on s'occupait davantage de leurs croisements ; mais peu d'amateurs s’adonnent à ce genre de culture, d’autres genres sont en possession de la faveur du public. 1. Multiplication. Nous avons indiqué les procédés de multi- plication en usage dans les pépinières du midi pour se procurer du plant d'oranger (voir p. 85). Les jardiniers - fleuristes de Paris sèment dans ce but des pepins de citrons, qu'il est aisé de se procurer à bas prix et en grande quantité. Ces pepins, semés sur couche chaude, lèvent promptement et donnent au bout d’un an ou deux, quelquefois au bout de 8 ou 10 mois, des sujets propres à recevoir la greffe de toutes les variétés d'oranger. On laisse prendre aux sujets de citronnier plus ou moins de force et d’elévation, selon la nature des oranges qu'on se propose de greffer dessus; les oran- gers nains, principalement les charmants pe- tits orangers de la Chine, se greffent à 0,20 ou 0,30 de terre. 2. Rempotage et rencaissement. Les jardiniers ont en général un préjugé en ont raison, sans doute, quant aux orangers qui doivent être contenus dans de certaines limites, à plus forte raison pour les arbres nains; mais s’il s’agit d’orangers de première grandeur, une caisse de 1,30 en tous sens, n’est pas trop grande pour un oranger de 2m,50 à 3 mètres de hauteur; ceux d'une grandeur un peu moindre veulent des caisses de dimensions re- lativement semblables; c’est la proportion qu'on observe dans les grandes orangeries de Paris et de Versailles ; elle a pour elle la sanc- tion d’une longue expérience; il suffit de rap- peler le fameux oranger connu sous le nom de connélable, encore plein de vigueur et de santé ; il est toujours le plus beau de l’orangerie de Versailles, qu'il habite depuis 159 ans : il date, | avec certitude, du commencement du quinzième siècle. Cet oranger, obtenu de pepins vers 1405, à Pampelune, en Navarre, puis envoyé en France sous le règne de Francois I‘", offre tout l'intérêt d’un monument historique ; il passe pour avoir été compris dans la confiscation des biens du connétable de Bourbon. Les jeunes orangers doivent être déportés tous les ans et rempotés aussitôt, après qu'on a visité et rafraichi leurs racines, si l’on v re- marque quelques parties endommagérs ou ma- lades. À mesure qu'ils vieillissent on leur donne des caisses au licu de pots; puis des caisses de plus en plus grandes, qu’on change d'abord tous les deux ans, ensuite, au bout de 6 ou 8 ans seulement. On donne aux grands orangers des caisses dont les panneaux s’enlèvent séparé- ment, ce qui permet de visiter facilement leurs racines , pour s’assurer si elles sont en bon état (voir fig. 138). L'époque la plus favorable pour rempoter ou rencaisser les orangers de tout âge et de toute espice, est le commencement du mois de mars. (Pour la terre à orangers, voir composts, pag. 14.) En général, dit M. Poiteau, on fait aujour- d’hui toutes les terres plus légères qu’autre- fois, et l'on a raison ; on est obligé d'arroser lus souvent, mais les plantes poussent mieux ; eurs racines sont moins grosses et plus nom- breuses. , 3. Taille. La taille de l'oranger en pleine terre se borne à un élagage modérée tous les deux ou trois ans et à la suppression des branches gourmandes qui detourneraient la sève aux dépens du reste de l'arbre ; cette taille a pour but la produc- tion du fruit ; elle sort du domaine de lhorti- culture. La taille de loranger chez les jardi- niers-fleuristes a pour objet unique la produc- tion des fleurs pour la vente, sans se mettre en peine de la régularité de la forme; elle provoque la formation du plus grand nombre possible de branches à fruit qu’on se contente d’arrêter par le pincement lorsqu'elles menacent de s’empor- ter. Ce n’est que dans les orangeries des jardins publics ou dans celles des propriétaires assez riches pour ne pas tenir compte du profit, que la TITRE V. FLORICULTURE. 361 taille de l'oranger est dirigée vers son véritable ! un assez abondant pour que l’eau ressorte par but, la santé des arbres, leur durée et la régu- larité de leurs formes ; l’oranger s’y prête d’ail- leurs admirablement, il n'y a qu'à seconder la nature sans la contraindre, tant cet arbre a de dispositions à répartir également sa sève dans des branches également espacées. Lorsque Îles orangers sont tout formés, on leur donne tous les ans une taille d'entretien qui se borne au retranchement des branches mortes ou malades. et de celles qui font confusion: cette taille se donne en plein air, au mois de septembre; tous les 4 ou 5 ans on les taille à fond, en sup- primant tout autour des têtes les branches qui tendent à faire dépasser aux arbres le volume qu'ils doivent avoir, volume proportionnea celui des racines, telles que les comporte la quantité de terre contenue dansles caisses. An printemps suivant, la tête des orangers tail!és à fond se re- fait très promptement, surtout quand on a soin de pincer, pour les faire ramifier, les branches qui, par leurs bifurcations, peuvent le plus fa - cilement remplir les vides résultant de la taille. Aucun arbre ne se rajeunit plus facilement que l'oranger lorsqu'on veut remplacer par du jeune bois des branches épuisées de vieillesse ; le rabattage provoque toujours l'émission d’un nombre surabondant de jeunes pousses, parmi lesquelles on reserve les mieux placées pour refaire la tête de l'arbre. On emploie le même moyen pour rétablir des orangers souffrants, parce qu'ils ont été mal gouvernés. Dans ce cas, le siége du mal est presque toujcurs dans les racines; on décaisse l'arbre malade: on détache toute la terre adhérente à ses racines, dont on retranche toutes les parties attaquées, en même temps que la tête est réduite par un rabattage sévère sur ses principales branches ; puis l'oranger est remis dans la caisse avec de nouvelle terre, et il s'y refait à vue d'œil. Pour des orangers de dimensions moyennes qu'il s’agit de remettre en bon état, on peut, comme le conseille le Bon Jardinier. apres les avoir traites comme on vient de ledire, les re- planter, non point dans de la terre à oranger, mais dans du terreau pur, à même la bâche d’une serre tempérée; ils S'y refont beaucoup plus vite; on les remet plus tard dans leurs caisses, en ayant soin, au moment où on les retire de la bâche, de leur laisser le plus de ter reau possible après les racines ; le reste de la caisse est rempli avec de la terre à oranger. 4. Details de culture. On sait qu’en général toutes les plantes d'o- rangerie ne veuient presque point d'eau pen- dant le repos de leur végétation; on n'arrose les orangers dans l'orangerie que pour les mainte- nir veris; à mesure que la température s'élève et que le moment approche où les orangers pourront être places dehors, on arrose un peu plus souvent et plus largement. Les orangers ont suriout besoin de beaucoup d’eau pendant qu'ils sont en fleurs; on dit communément que sur trois arrosages, on doit en donner au moins EORTICULTURRE. le fond de la caisse, Mais on ne peut poser de règle fixe à ce sujet, pas plus que pour l’époque à laquelle il convient de sortir et de rentrer les .orangers; tout dépend de la température tou- jours très variable d'une année à l’autre sous le climat de Paris, Pour éviter de rendre par le tassement la terre des caisses d’orangers trop compacte, circonstance qui leur est très nui- sible, on en recouvre la surface avecune couche épaisse de crottin de cheval; l’eau passant à travers cette couche, s’infiltre sans comprimer la terre, et entraine en outre avecelle, au pro- fit des racines de Parbre, les parties solubles du fumier. Lorsque le temps reste longtemps sec, il est bon de donner aux têtes des orangers de fréquentes ondeées factices, pour rafraichir leur feuillage, indépendamment des arrosages don nés à la terre des caisses. Le collet des racines de l’oranger ne doit pas être recouvert de terre; l'influence de l'air sur cette partie de l'arbre est favorable à sa bonne santé; on a soin de la laisser à découvert en for- mant tout autour un creux ou bassin circu- laire. Cette disposition offre encore un avantage en ce qu'elle fait pénétrer plus sûrement l'eau des arrosages au centre de la motte quisouvent, faute de cette précaution, peut se dessécher et se durcir au point de ne plus pouvoir être p:né- trée par l’eau, au grand préjudice des orangers. Les orangers réussissent très bien en espa- lier le long du mur de fond d’une serre à for- cer; dans cette situation, ils peuvent donner des fruits à peu près mûrs, non-seulement sous le climat de Paris, mais même sous le climat humide de la Hollande et sous le climat rigou- reux du nord de l'Ecosse. En Angleterre, les crangers de différentes tailles sont souvent cultivés en pleine terre dans des serres construites exprès. Les plates- bandes de l'intérieur de ces serres sont garnies de primeveres de Chine, de violettes perpé- tuelles, et d’autres fleurs de petite taille mêlees à un gazon qu'on a soin de tondre souvent pour qu'il se maintienne toujours très court et d’un beau vert. La fig 502 montre la coupe et 362 ia fig. 503 le plan d’une serre de ce genre qui Fig. 503. doit être vitrée de tous les côtés, et n'avoir de maçonnerie qu'à hauteur d'appui. On voit dans la fig. 502 la disposition des conduits de cha- leur; ces conduits ne doivent donner en hiver qu’une température habituelle de 5 à 6 degrés, température qui, dans aucun cas, nedoit dépas- HORTICULTURE. ser 10 degrés. Une orangerie de cette espèce forme un charmant jardin d'hiver. Les orangers nains, particulièrement les pe- tits orangers de la Chine. dont la fleur est pré- | ferable a toute autre pour la préparation de l'eau de fleur d'oranger , se placent entre les grands orangers, près des jours; les orangers de grande taille, livrés à leur végétation natu- relle. forment de gracieuses allées couvertes, garnies de fleurs presqu’en tout temps; on peut même y récolter quelques fruits mangeables. La culture des citronniers,cédratiers, limet- tiers, et de toutes leurs variétés, se rapporte de point en point à celle de l’oranger; tous ces arbres exigent la même terre, la même tempé- rature, la même taille, et les mêmes soins gé- neraux de culture. Ils apportent une agréable variété dans les plantations d’orangersen pleine terre sous l'abri d’une orangerie vitrée, selon la méthode anglaise. C. — Grenadiers. Les deux variétés de cet arbre, l’une à fleur d'un rouge éclatant, l’autre d’un blanc jau- nâtre, exigent les mêmes soins de culture que les orangers; ils veulent seulement être taillés un peu différemment, parce qu'il est dans leur nature de ne donner des fleurs que sur l'extré- mité des pousses de l’année; le but de la taille est donc de provoquer sur toutes les parties du grenadier l’émission de jets annuels assez forts pour fleurir, et assez nombreux pour qu'au | moment de la floraison, les fleurs soient égale- ment répartiessur touteslesbranches de l'arbre. Dans ce but, on supprime annuellement un cer- tain nombre de branches secondaires épuisées; elles sont remplacées par de jeunes pousses qui fleurissent abondamment; cette taille se donne en hiver, pendant le repos de la sève ; l’époque la plus convenable est la fin de février. Dans les années chaudes et sèches, le grenadier à fleur simple donne des fruits à peu près mûrs sous le climat de Paris ; il en donne de tout-à- fait mûrs et en grande quantité, lorsqu'on le | LIVRE VII. cultive en espalier sur le mur du fond d’une serre à un seul versant, de même que l’o- ranger. N II. — Ericas. Ce joli genre de plantes, que M. Poiteau a si bien caractérisé en disant que les éricas sont des arbres en miniature ; est en effet composé de plantes à tiges ligneuses, même chez les plus petites espèces. Leur nom est dérivé d’un mot grec qui signifie fragile, parce qu’en effet, leurs tiges très peu succulentes, se cassent facile- ment. Les éricas ont été longtemps fort négligées de Phorticulture qui ne s’attachait point à tirer parti de leur effet ornemental; jusqu’à la fin du siècle dernier, on n’en connaissait que trois ou quatre espèces de petite taille répandues dans toutes les contrées incultes de Pouest et du nord de l’Europe, et une seule espèce de grande taille, la bruyère d'Espagne, qui s'élève à 2,50 sur les collines du département du Var. Mais depuis que le Cap de Bonne-Espérance est tomhé entre les mains des Anglais, les collec- teurs des grands établissements d’horticulture ont envoyé en Angleterre des graines des plus belles espèces indigènes dans cette partie de l'Afrique; dès lors, les éricas sont devenues des plantes de collection. Le goût de cette culture a été tout aussitôt importé en France; on voyait déjà à Parisen 1802 des collections de bruyères de plus de 200 espèces ou variétés. Nous n’insisterons point sur les services que cette jolie plante rend à l'humanité dans les contrées steriles; nous nous bornerons à rap- peler qu’elle forme à elle seule le coucher du montagnard écossais et la toiture de sa cabane; les abeilles réceltent dans ses fleurs un miel un peubrun, maistrès abondant ; les anciens Pictes d’Ecosse fabriquaient une sorte de bière avec | les jeunes pousses de la bruyére de leur pays, usage encore pratiqué de nos jours dansles iles | Westernes; enfin les grandes bruyères sont la base du chauffage dans la Basse- Provence ; le biscuit pour la marine, à Toulon, n’est euit qu'avec des fagots ou fascines, dont la grande bruyère d’Espagne forme la base, associée aux myries et aux arbousiers; ces fascines sont liées ordinairement avec des branches flexibles de laurier rose. Le nom de M. Francis Masson, horticulteur anglais, se rattache à l'importation en Europe des premières bruyères d'Afrique, que cet ex- plorateur zele alla chercher lui-même aux en- | virons du cap de Bonne-Espérance, vers le | commencement du règne de Georges IIE. Beau- coup d’éricas sont de magnifiques arbustes d’une grande richesse de floraison, et d’un luxe étonnant de végétation, lorsqu'on les cultive en pleine terre dans le conservatoire (voir page 47); d’autres sont remarquables par leur pe- titesse et la délicatesse de leurs formes: toutes sont jolies, gracieuses ou bizarres; plusieurs ont une odeur agréable. L'horticulture francaise est dépassée par les TITRE V. Anglais et même par les Belges et les Allemands pour la culture des éricas. « Le climat, ou plu- tôt l’atmosphère trop sèche de la France, dit M. Poiteau, ne leur est pas favorable; ona jugé convenable de renoncer à la culture des espèces difficiles, et de s’en tenir à celles dont la con- servation est plus faeile. » , Quel que soit notre respect pour le vénérable doven de l’horticulture française, nous ne pou- vons être en ce point de son avis; nous pensons avec MM. Henderson et Loddiges, juges très compétents en cette matière, que la culture des éricasde toute espèce, n'est pas plus difficile que celle des géraniums ; seulement, elle exige un peu plus de soin et d'attention, et beaucoup plus de main-d'œuvre; c’est là le fond de la ques- tion, lenœud de la difficulté. Les ericas n’etant point encore en France en assez g'ande faveur pour être payées à un prix proportionne à la peine que donoe leur culture, les horticulteurs- marchands les ont négligées; les amateurs ont suivi leur exemple, leur attention se trouvant détournée vers d’autres genres plus à la mode ; mais il ne s’ensuit pas du tout que les éricas soient plus difficiles à bien cultiver que les plantes que la mode leur préfère. Les éricas sont les seules d’entre les plantes exotiques que les insectes n’atiaquent jamais, ou presque ja- mais. A4. — Muluiplication. La graine des diverses espèces d’éricas con- serve très longtemps sa faculte germinative; la nature semble avoir destiné cette graine à être la provision d'hiver des petits oiseaux chan- teurs, dont plusieurs n’ont souvent pas d’autre ressource. Les capsules qui la renferment sont construites de manière à ne pas s’ouvrir natu- rellement, et à résister fort longtemps aux chocs divers auxquelles elles sont exposées, tant leur tissu est solide, quoique très mince; la graine de bruvere s’y conserve souvent d’une année à lPautre, et même plus longtemps. Quelques espèces seulement donnent en Europe des graines fertiles; la graine des autres espèces s'obtient chez les marchands de graines qui la font récolter au cap de Bonne-Espérance; elle arrive ordinairement en Europe durant l'hiver; les semis ont plus de chances de sucets quand on les remet aux premiers jours de mars. Les graines récoltées en Europe se sèment aussitàt qu’elles ont atteint leur maturité, pourvu que leur maturité n'ait pas lieu plus tard que la fin d'octobre; autrement il vaudrait mieux les conserver dans leurs capsules jusqu’au prin- temps suivant, pour les semer à la même époque que les graines envoyées d'Afrique. On sème dans un mélange de terre de bruyère et de sable fin siliceux, par parties égales, légèrement tasse; les pots ne doivent pas être remplis jus- qu’au bord. La graine veut être fort peu cou- verte par un peu du même mélange qu’on ta- mise par-dessus ; on l’entretient constamment humide par defréquentsbassinages donnés avec FLORICULTURE. EEE EEE EEE ER 363 Les jardiniers anglais ontcoutume de recouvrir d’une cloche et d'un châssis les pots où ils ont semé des graines de bruyère; on rend l'air peu à peu au Jeune plant à mesure qu’il se montre. Lorsque la graine n’est pas trop ancienne- ment récoltée, elle lève presque toute en 6 se- maines. Le plant d’éricas peut être exposé à l'air libre plusieurs heures de la journée, depuis le commencement de l’été jusqu’en septembre; il” est alors bon à être repiqué. Les jeunes plantes se repiquent une à une dans des pots d’un très petit diametre remplis de terre de bruyère pure. On marcotte rarement les éricas, qui ne se prêtent que difficilement à ce procédé de pro- pagation ; les éricas-massonii, relorta, petio- lata, sont les moins difficiles à marcotter, en- core ne mettent-elles pas moins de deux ans à s'enraciner. Les éricas peuvent être bouturées en tout temps ; les Anglais, maîtres en cette matière, ne mettent les boutures d’éricas en terre qu'au mois de juin; en Allemagne on commence en fevrier, pour finir au mois de mai. Les jeunes pousses qu'on emploie pour boutures doivent être cou- pées tres net et horizontalement; il est important pour la reprise qu’elles ne soient ni comprimées ni dechirées. La partie inférieure destinée a être mise en terre doit être dépouillée de ses feuilles, qu'il ne faut point arracher, mais retrancher, soit avec une lame de canif, soit avec des «i- seaux très fins. Les boutures d'éricas se placent dans des pots remplis, soit de terre de bruyère sableuse, soit de sable pur ; on enterre ces pots dans une couche tiède: ils sont ensuite recou- verts de cloches par-dessus lesquelles on rabat les chässis, jusqu’à ce qu’on reconnaisse à l’al- longement de la pousse terminale que les bou- iures sont enracinées. Les boutures d’éricas s’enracinent facilement , mais le temps qu’eiles mettent à former de jeunes racines est très variable. Les unes, c’est le plus petit nombre, sont enracinées au bout de deux mois; les autres emploient à ce travail depuis trois mois jusqu'à un an. Lorsqu'on a mis les boutures en terre au mois de juin, on en à un certain nombre à repiquer à la fin de septembre; presque toutes les autres pourront être repiquées en mars l’an- née suivante. Dès que ces boutures recom- mencent à grandir, signe assuré de leur re- prise, il faut commencer à leur rendre l'air, d'abord au milieu du jour, puis de plus en plus, à mesure que le moment approche où il faudra les repiquer. Les boutures repiquées se traitent comme le plant obtenu de semis. B. — Détails de culture. La terre qui convient le mieux a toute espèce de bruyère, c’est sans contredit la terre de bruyère pure, pourvu qu’elie ne soit pas irop compacie, auquel cas il faudrait v ajouter, comme le font les Anglais, une certaine dose de sable. A défaut de terre de bruyère on peut cultiver avec succes les éricas dans un mélange de terreau de feuilles passé au crible fin, et de un arrosoir à boule percée de trous très fins” | sable siliceux, par parties égales. Le sable 264 emplove pour ces deux mélanges doit être choisi parmi ceux qui ne contiennent pas de traces d’ox vde de fer, car la plus petite quantité de cet oxyde peut faire aux ericas un tort très sensible. La même terre ne convient pas à toutes les bruvères; il en est parmi celles du cap de Bonue-Espérance,qui croissent naturelle. ment dans des crevasses de rochers presque dépourvues de terre ; on doit donner à ces es- pèces une terre plus sableuse, dans des pots plus petits que ceux qui conviennent aux autres éricas ; en général, toutes les bruyères se con- tentent de pots assez petits, relativement au volume des plantes. Elles n’ont pas besoin, comme le pensent beaucoup d'horticulteurs en France et en Allemagne, d'être fréquemment rempotées ; le rempotage n’est nécessaire que quand les racines remplissent exactement toute la capacite du pot. Voici ce que dit à cet égard M. Henderson, habile horticulteur écossais, qui a cultivé pendant 30 ans la plus belle col- lection d’ericas qui fût en Europe. « Jamais je ne donne un nouveau pot à une érica, que celui qu'elle occupe ne soit complétement rempli par ses racines ; quand elles se comportent bien, il y en a que je ne dérange pas pendant 8 et méme 4 ans, et qui, loin d'en souffrir, fleurissent parfaitement. J'ai des pieds d’erica-retorta, dont les toulfes , très serrées , n’ont pas moins de 0"",50 de tour, sur 0.40 de hauteur ; ces plantes sont dans des pois de 0M,15 de dia- mètre; des pieds d'érica-infundibuliformis qui ont 0.80 de tour et 0,90 de hauteur, et d'autres d’érica-pilosa qui n'ont pas moins de 2 metres de tour, sur 1M,80 de hauteur. vivent et prospérent dans des pots de Om,25 de dia- mère ; je ne les dépote que tous les 5 ans; ils végèlent avec vigueur et se couvrent de fleurs depuis le collet de la racine jusqu'au sommet des tiges. » Les éricas végtient plus ou moins en tout temps; elles veulent donc être arrostes toute l'année, en proportion de leurs besoins, très fréquemment et toujours peu à la fois; il ne faut jamais atteudre que la terre soit tout-a- fait seche et que les plantes commencent à se flérrir, Quand ces accidents arrivent, ce qui doit toujours &ire attribué à la négligence du jardinier, il faut se häter d’enterrer dans une couche tiède recouverte d’un chässis les plan- tes qui ont soutfert de la sécheresse ; on peut aussi les porter dans la serre tempérée, et là les arroser largement; elles ne tarderont point à se refaire. Mais si la sécheresse a pris les ra- cines. et qu’elles soient sérieusementattaquées, le mal est sans remède; il ne faut pas attribuer à une autre cause la mort fréquente des éricas cultivées dans des appartements ou confiées à des jardiniers peu soigneux, Les ericas ne sauraient avoir trop d’air et trop de lumière. « Pour moi, dit M. Henderson, je leve les vitrages de la serre aux éricas, même en hiver, 1ant qu'il ne gèle pas et que le temps est clair; je laisse le vent souffler dessus tant qu’il lui plaît, elles ne s’en portent que mieux.» | HORTICULTURE. LIVRE VIII. En effet, partout où croissent les bruvéres, soit en Europe, soit en Afrique, c'est toujours dans des contrées découvertes, exposées pres- que toute l’année aux vents les plus violents ; comment pourraient-elles done supporter la privation d’air ? Les éricas sont d’ailleurs bien moins sensi- bles au froid qu’on ne le pense communément ; des expériences faites en Angleterre ont prouvé que plusieurs d'entre elles , entre autres l’erica- persoluta, peuvent demeurer quelque temps dans de la terre gelée, sans que leurs racines meurent, pourvu qu'on ne les expose pas im- médiatement après à une température élevée . et qu'on ait soin de faire dégeler la terre peu à peu. Il ne faut chauffer la serre aux éricas qu'en cas de grand froid, quand les couvertures de paillassons et de litière sont jugées insuffisantes pour empêcher la gelée d'y pénétrer; le point important c'est d’en éloigner l'humidité et d'y laisser pénétrer en abondance, en toute saison, l'air et la lumière. La fig. 504 représente l'erica grandiflora, l’une des plus belles du genre. Les espèces et variétés d’éricas sont très nombreuses ; elles se classent d’après plusieurs caractères dont le plus saillant est la disposi- tion des feuilles. La première section comprend les éricas à feuilles opposées ; la bruyère com- mune fait partie de cette section, dont la plante la plus remarquable est l'érica lutea ou inbel- lis, à rameaux retombants. à fleurs d’un beau jaune. Dans la seconde section, les feuilles sont ternces, quelquefois quaternées ; l'érica -cine- rea, l'une des plus nombreuses du genre, fait partie de cette section. La troisième section ne comprend que des éricas à feuilles quaternées; l'erica-arborea, la plus grande du genre, ap- partient à cette section. Dans la quatrième sec- tion, les feuilles sont disposées par six ; l'érica- formosa, dont les fleurs pourpres sont longues de 27 millimètres, est comprise dans cette sec tion ; elle passe avec raison pour l’une des plus belles bruvères connues, Les éricas de la cinqaième section ont leurs FiTRE V, feuilles ternées ; leur caractère distinctif est tiré de la disjosition des étamines dont les an- thères sont dépourvues des poils qai les accom- pagnent dans les espèces précédentes, el ren- fermées le plus souvent dans la corolle. On re marque dans cette section l'érica-versicolor, dont les fleurs sont ordinairement de deux cou- leurs. | Les détails dans lesquels nous sommes entres sur la culture des éricas s'appliquent intégra- lement aux epacris, jolies plantes de la Nou- velle-Zelande, aujourd'hui aussi répandues dans nos serres que les éricas. Les épacris, indépen- damment des semis et des boutures qui réussis- sent très bien, se multiplient de marcotte avec beaucoup plus de promptitude et de facilite que les éricas, auxquelles elles ressemblent beau- coup; la fig.505 représente l'épacris grandiflora; ses corolles tubulées rouges, terminées par un limbe découpé, blanc, liseré de vert, nele cèdent en rien aux bruyères les plus remarquables; on compte dix-huit genres distincts d’épacris, tous riches en espèces, sans les variétés dont les se- mis tendent à grossir le nombre. Les épacris, comme les bruyères, semblent se plaire beau- coup entre elles ; avec les mêmes soins de cul- ture dans des conditions parfaitement sembla- bles d’ailleurs, les épacris ne prospèrent pas lorsqu'on les cultive en mélange avec d'autres plautes. $ III, — Cactées. Les plantes de la famille des cactées ne res- semblent à celles d'aucune autre famille végé- tale; la singularite de leur aspect et la varieté de leurs formes bizarres justifient, autant que la rare beauté de leur floraison, la faveur tou- jours croissante dont elles sont l'objet. Certe faveur est portée en Angleterre à un degré in- Connu partout ailleurs ; plusieurs grandes mai- sons d’horticuliure de ce pays font rechercher dans toutes les contrées encore inexplorées des deux hemisphères les cactees nouvelles pour les introduire dans les serres d'Europe; les col lecteurs de cactées s'exposent à toute sorte FLORICULTURE. 368 de fatigues et de périls pour conquérir de temps en temps une fleur inconnue ; c’est dire assez à quels prix elevés reviennent les plantes ré- cemment introduites. Les cactées se prêtent très bien aux croisements hybrides auxquels on doit déjà un grand nombre de très belles variétes dans les plus beaux geures de cette famiile. Les cactées, cactus ou cactiers, car les au- teurs les désignent sous ces differents noms, ont reçu le nom de cacius ou cactos, d un na- turalisite grec, Théophraste, qui lappliquait spécialement au cactus-opuntia, dont le fruit servait de son temps et sert encore aujourd’hui de nourriture aux Siciliens. pendant une partie de l'année. On à étendu plus tard cette déno- mination aux plantes, où, comme chez les opuntias , la tige et les feuilles ne font qu’un; presque loutes sont armées d’epines, les unes molies et inoffensives , les autres dures et pi- quantes, disposées par faisceaux divergents; tel est surtout le melocacte, que Linné nommait le hérisson des végetaux. Le plus grand nombre des cactées habite le nouveau continent, où on les rencontre depuis le cours supérieur du Missouri, dans l'Amérique septentrionale , jusqu’au pays des Patagons, à l'extrémité de l’Amerique meridionale. Ces con- trées immenses, encore imparfaitement connues el très rarement visitées par les naturalistes, doivent contenir bien des cactées inconnues; on pense que nous n’en COnnaissons pas encore tout-à-fait la moitié, bien que les collections contiennent environ 610 espèces, et plus de 100 varietés. Les botanistes ne sont point d'accord sur la classification des caciées , nous devons laisser cette discussion aux botanistes; nous ferons observer seulement qu'il doit nécessairement y avoir beaucoup de provisoire dans la classi- lication regulière d’une famille de plantes dont on connait à peine la moitié; à quoi il faut ajouter cette particularité, que, parmi les cac- tees cultivées dans nos collections, il en est beaucoup qui n'ont jamais fleuri, et dont par conséquent les caractères botaniques les plus importans n ont pas pu encore êlre exactement determines. Les principales tribus de la fa- mille des cactées sont : 1° Melocacres. Ces plantes doivent leur nom à ieur ressemblance avec un melon à eôtes ; les fleurs naissent au sommet, sur une excrois- sance qui semble une plante greffee sur une autre ; 2 Echinocactes. L'ensemble de leurs formes est sphérique, ainsi que celle des melocactes ; leurs arètes très prononcées, sont hérissees d'epines, disposées par faisceaux divergents : 3° Mammuillaires. Leur forme est arrondie ou oblongue; elles sont couvertes de mamelons disposés en Spirales, et dont chacun porte une toulle d'epines ou de poils soyeux : 4 Cierges (cactus proprement dits). Ils se distinguent par l'aspect tout particulier de leurs tiges anguleuses, droites, souvent simples , 366 quelquefois rameuses, avec où sans faisceaux d’épincs, mais toujours sans feuilles distinctes de la tige; 5° Epiphylles. Les fleurs, comme le nom l’in- dique, naissent sur les feuilles, c’est-à-dire sur les bords des tiges aplaties, allongees et décou- pées. qui, superposées les unes aux autres, font en même temps l'office de feuilles chez ces plantes singulières ; 6° Opuntias. La disposition générale de ces plantes est la même que celles des épiphylles:; mais elles s’en distinguent aisément par leur plus grande épaisseur et la ressemblance de chacune de leurs articulations avec une ra- queite ; 7° Pereskies. Ces plantes, par leurs tiges presque ligneuses et leurs feuilles très distinctes, s'eloignent beaucoup de toutes les autres cac- tées, auxquelles elles ne se rattachent que par des rapports peu saillants. 8° Rhipsalis: La difference de ces plantés avec les autres cactées est aussi fort grande ; les rhipsalis vivent dans leur pays natal aux dépens des grands végétaux, comme le gui dans nos forèts. Les pereskies et les rhipsalis s’écartent essen- tiellement des autres cactées; elles exigent d’autres soins de culture. et semblent former Panneau qui rattache la famille des cactées au reste de la végétation. Les mélocactes, dans leur pays natal, attei- gnent quelquefois des dimensions énormes; on en voit souvent à la Jamaïque, dont la masse n'a pas moins de 0",75 de hauteur sur ? ou 3 mèt. de circonférence; ces plantes ne parviennent jamais en Europe à la moitié de cette taille. Leur fruit, d'un beau rouge, de la grosseur d’une prune de mirabelle, se mange en Amérique ; elles fructifient rarement en Europe Les chè- vresrecherchent les melocactes, qu’elles savent très bien detacher avec leurs cornes, des ro- chers auxquels ils sont fixés par les racines ; puis elles les roulent sous leurs pieds pour en détacher les piquants qui ne tiennent pas beau- Coup , et pouvoir manger le reste sans se bles- ser la bouche. Quelques cierges ou cactus, proprement dits, portent des fruits mangeables dans leur pays natal; tels sont en particulier ceux du cactus Répandus. D’autres, tels que les opun- tias , ont une grande importance economique ; On sait que la cochenille vient sur un opuntia; les fruits d’une autre espèce d’opuntia sont tel- lement sucrés qu’on en peut extraire du sucre tres pur en grande abondance : ces deux es- pèces forment des clôtures à la fois fruitières et défensives, en Afrique, en Grèce et en Sicile; elles réussissent également bien en pleine terre à l'air libre, dans nos départements méridio- näaux. Les plus belles plantes d'ornement de la fa- mille des cactées appartiennent au genre cé- reus (cierges ou cactus, proprement dits). Le régne végétal possède peu de productions aussi remarquables que la fleur du céreus - grandi- HÔORTICULTURE. LIVRE Viil. florus ; malheureusement ce cactus, comme presque tous ses congénères, fleurit pendant la nuit, et ses fleurs ne restent ouvertes que pen- dant quelques heures seulement; mais elles valent bien la peine qu’on veille pour les ad- mirer; elles n’ont pas moins de Om,30 de lon- gueur y compris le calice; le diamètre de la corolle, dont les pétales sont d’un blanc pur, dépasse souvent 0",25; elles commencent à s'ouvrir entre 7 et 8 heures du soir; vers 11 heures elles sont tout-à-fait épanouies; elles s’affaissent entre 3 et 4 heures du matin, et sont tout-à-fait flétries avant le jour. Le cactus- grandiflorus fleurit en juillet ; il a souvent jus- qu'à 7 ou 8 fleurs ouvertes à la fois, et quand la plante est vigoureuse, ces fleurs se succèdent plusieurs nuits de suite. Elles répandent une odeur délicieuse, analogue à celle de la vanille. Depuis quelques années, rien n’est plus com- mun que le céreus-speciosissimus dont la fleur | rouge et pourpre n'a pas d'égale dans cette famille, quant à l’éclat des couleurs. Plusieurs épiphylles en approchent beaucoup, sans toute- fois l’égaler. Le cactus flagelliformis fleurit avec une excessive abondance au mois de mai; ses fleurs restent ouvertes pendant plusieurs Jours; ses tiges arrondies et molles, couvertes de piquants mous et inoffensifs, ont besoin d’être soutenues. Tous ces cactus contribuent puissamment à l’ornement des jardins et des serres, tant par la richesse de leur floraison que par le contraste de leurs formes avec celles | des autres végétaux. A. — Mulüplication. Tous les cactus se multiplient très aisément de boutures ; quelques-uns d'entre eux, surtout parmi les opuntias , ont une disposition éton- nante à émettre des racines et à s'attacher au sol sur lequel on dépose, même sans l’enterrer, le moindre de leurs fragments. Nous avons vu, dans le Var, des débris d’opuntias provenant de l’élagage de quelques plarites endommagées qu'on avait dû tailler pour les rétablir, s’enra- ciner sur les bords d’an torrent, parmi des cailloux roulés après avoir été entraînés, pen- dant plus de 20 kilom., par une pluie d'orage, et devenir en peu de temps des plantes vigou- reuses ; On n'avait pourtant retranché et jeté à l'eau que des parties malades sur la reprise des- quelles on n'aurait certes pas dû compter, si elles avaient été plantées comme boutures. On emploie ordinairement pour boutures les extrémités des tiges âgées d’un an, extrémités que, dans quelques espèces, on retranche pour forcer les plantes à fleurir. I faut laisser la plaie se cicatriser à l'air libre avant de mettre la bouture en terre; faute de cette précaution elle pourrirait et ne donnerait pas de racines ; ces boutures se font dans des pots, en terre de bruvère, sous cloche ou sous châssis; pour les espèces delicates provenant des contrées équa- toriales, il est bon d’enterrer les pots dans une couche tiède pour faciliter leur reprise. On multiplie de graines les espèces dont le * | MIRE Ve fruit peut mürir dans nos serres ; elles se prêtent très bien aux croisements qui ont déja donné en Angleterre des variétés hvbrides. Les cactus sont au nombre des plantes dont le pollen, ou poussière fecondantedesétamines,peut être con- servé longtempssecet employé ensuiteavec suc- cès à la fecondation artificielle. Les semis se font en terre de bruvère , aussitôt après la maturité des graines qui sont quelquefois très lentes à | lever. Excepté l'espoir d'obtenir des variétés hybrides, les amateurs de cactées n’ont d’ail- leurs aueun motif pour les multiplier de graines qu’on pourrait obtenir de leur pays natal, le moindre fragment bouturé pouvant servir à les propager. B. — Détails de culture. Les cactées dont se composent les collections d'amateurs sont originaires de climats si divers, clles végètent dans des conditions si variées sous leur climat natal, qu’on est convaincu, dès qu’on essaie de les cultiver et qu'on en possède un certain nombre, de la nécessité de leur consacrer au moins deux serres, l’une chaude, l’autre froide ou tempérée, ou bien d'isoler par une cloison deux ou plusieurs par- ties de la même serre, dont chacune est main- tenue à une température différente de celles des deux autres. Les cactées, même celles des con- trees équatoriales, qui vivent à une grande élé- vation sur les hautes montagnes, y endurent souvent plus de froid qu'elles ne peuvent en avoir à souffrir durant les hivers du elimat tempéré de l’Europe centrale. La même obser- vation s'applique au sol qui leur convient; les unes vivent dans des terres fortes, argileuses, FLORICULTURE. sur un sol riche et fertile, d’autres sur des ter- | rains arides, entre des crevasses de rochers, où il existe à peine des traces de terre végétale ; elles puisent toute leur nourriture dans l’at- mosphère ; quelques -unes se plaisent dans les terrains gypseux ; d’autres enfin prospèrent au bord de l'océan, dans des terrains foriement imprégnés de sel. Et pourtant, ces plantes eul- tivees dans la même terre, soumises à la même température. vivent très longtemps et fleuris- sent quelquefois; e’est que peu de plantes pos- sèdent une énergie de vitalité égale à celle des cactées ; elles peuvent beaucoup souffrir sans mourir; mais, comme nous l'avons déjà fait observer, ne pas mourir n’est pas vivre ; le but de l’horticulture doit être de faire vivre les plantes, de leur faire développer tout le luxe de leur végétation. En France et en Angleterre, on traite les cactées comme plantes de serre chaude sèche. Les serres où l’on cultive les cactées sont cons- truites à un seul versant, à l'exposition du plein midi; lon n’y construit point de bâches à l’in- térieur ; toutes les cactées y sont dans des pots, sur des tablettes ou des gradins qui remplissent toute la serre. On donne à toutes les cactées indifféremment , une terre composée d’un tiers de terre franche et de deux tiers de terre de bruyère. En hiver, la température de la serre 3067 aux cactées ne descend pas au-dessous de 10 degrés, bien que beaucoup de cactées puissent supporter une température beaucoup plus basse; mais on pense que plusieurs echino- cactes, mélocactes et mammillarias, souffri- raient si le thermomètre de la serre descendait au - dessous de 10 degrés. On regarde comme très favorables à la santé des cactées pendant l'hiver, les émanations du sol; on a soin en con- séquence de ne couvrir le sol de la serre d’au- eun pavé ni plancher, et de poser seulement sur les sentiers, soit des grillages plats, en fonte de fer, soit des cadres à jour en bois. Les serres aux cactées doivent être parfaitement saines ; l'humidite est mortelle aux cactées pendant l'hiver ; on les arrose rarement, depuis le mois | d'octobre jusqu’au printemps; on ne les arrose fréquemment que quand elles sont en végeta- tion. Il est quelquelois utile de les bassiner pour dégager leur epiderme de la poussière qui s’y attache; cette opération doit être faite le matin d'une belle journée, afin que l'humidité soit promptement séchée et ne séjourne pas sur les plantes ; on établit un courant d’air pour faciliter lévaporation. Les cactées ne sortent de la serre qu’au mi- lieu de l’été, à l'époque des grandes chaleurs; les plus délicates n’en sortent jamais ; les autres ne sont exposées à l'air libre que dans la situa- tion la mieux abritée. Quelques jours avant de les SYtir, on les habitue à l'air en les couvrant d’une, *le pour les préserver des coups de so- leil quoi, segarde comme nuisibles à plusieurs d’entre elles. Les épiphylles et les rhipsalis qui, dans leur pays natal, ne vivent qu'à l'ombre des grands bois au en parasites sur des arbres à feuillage | touffu, ont toujours besoin de protection contre | l'action directe des rayons solaires. On rempote les cactées au printemps, au | moment de la reprise de leur végétation ; quand les racines sont attaquees de pourriture, on les retranche en entier, puis on pose la plante sans terre, sur une table dans un lieu sec; elle ne tarde pas à émettre de nouvelles racines. Dès que ces racines se montrent, on les met en terre et l’on commence à donner aux plantes rem- potées des arrosages modérés. Le traitement que nous venons de décrire est celui auquel on soumet les cactées dans les serres du Jardin du Roi, où leur végétation est très satisfaisante; en Angleterre, la culture des cactées est conduite d’après les mêmes erre- ments; mais en Allemagne, on traite les cactées d’une manière entièrement opposée, et il ne pa- rait pas qu’elles s’en trouvent moins bien. Dans un traité publié par les journaux d'hor- tieulture d'Allemagne, et reproduit en français par l’Horticulteur üniversel, M. le docteur Al. Berg, de Berlin, expose son procédé de culture et les résultats qu'il en obtient sous un ciel beaucoup plus rigoureux que le climat de Londres et de Paris. Cet horticulteur pose d’a- bord en fait que toutes les cactées, quel que soit leur climat natal ont forcément une période 368 de repos absolu, les unes par le froid, les autres par la sécheresse. Celles des pays dans lesquels l’ordre des saisons est l'inverse de ce qu'il est en Europe, peuvent être très facilement ame- nées à sommeiller completement pendant nos hivers, et à végéter seulement pendant nos étés: elles peuvent en conséquence supporter impunément pendant l'hiver une sécheresse absolue, et être privées totalement d'humidité, sans qu’il en résulte le moindre inconvénient ; la langueur apparente dont elles sont frappées disparait au printemps du moment où on leur rend l’eau dont elles ont besoin seulement pen- dant qu'elles sont en végétation. Il n°y a d’ex- ception que pour les cactées parasites, dont la culture est celle des orchidées (voir Orchidées). Par suite du même principe, il ne faut pas don- ner aux cactées originaires des pays temperés, plus de 4 à 6 degrés au-dessus de zéro pendant l'hiver, ei 3 ou 4 degrés de plus seulement aux cactées des pays les plus chauds. Lorsqu'on donne à ces plantes en hiver un peu d'humidité et une temperature trop douce, elles continuent à végéter à demi, au détriment de leur florai- son l'eté suivant. {l y a des mammillaires du Mexique et plusieurs échinocactes qui suppor- tent très bien une température beaucoup plus basse pendant tout l'hiver; une gelée passa- gère, qui ne se prolonge que quelques heures ne leur fait aueun tort, même quand le thermo- mètre descend à plusieurs degrés au-dessous de zéro ; plusieurs opuntias passent très bien l'hi- ver en pleine terre sous le climat de Berlin. Les cactées en Europe sont en végétation depuis avril jusqu'en octobre ; elles veulent alors beau- coup d’eau; il faut les arroser copieusement , et plusieurs fois par jour. M. Berg a observé que quand les racines des cactées pourrissent en eté, ce n’est jamais par excès d'humidité, c’est par suite des alternatives d'humidité et de sé- cheresse. Souvent après avoir été bien mouil- lées, les racines des Cactées en contact avec les parois des pots sont frappées d’un coup de cha- leur trop vive qui les surprend dans un milieu trop sec ; lorsqu’ensuite on songe à les arroser de nouveau, elles pourrissent, ce qui n'aurait pas eu lieu si elles avaient été maintenues suffi - samment humides, sans interruption. Rien ne favorise tant la végétation des cac- tées, suivant M. Berg, que de leur faire passer l'été en plein air et en pleine terre; à l’époque où elles sortent de la serre pour être mises en pleine terre à l'air libre, elles ne font pas d'a- bord de bien rapides progrès; leur végétation n'a pas d’abord, en apparence, la même acti- vite que celle des ecactées qui restent dans leurs pots dans la serre ; mais c’est qu’elles commen- cent par se fortifier, par devenir en quelque sorte ligneuses. ce qu'elles ne font pas dans la serre; un peu plus tard, elles regagnent en peu de jours le temps perdu. M. Berg prépare pour mettre ses cactées en pleine terre ce qu’il nomme une couche; est tout simplement une plate-bande défoncée à 0,30 de profondeur dans laquelle il place un HORTICULTURE. LAVRE VIFS. lit de p'ätras de 0®,15 d'épaisseur, recouvert d'une égale épaisseur de bonne terre de jardin, sans autre cérémonie. Toutes les cactées y sont plantées indistinctement au mois de mai, après qu'on a visité soigeusement leurs racines ct supprimé toutes les parties malades ou endom- magées ; elles forment de nouvelles racines au bout de quinze jours. Il faut avoir soin d’étaler leurs racines en les plantant, et de leur donner relativement à leur grandeur, un espace pro- portionné à leur accroissement présumé, car elles deviennent toujours beaucoup plus volu- mineuses en pleine terre que dans des pots. A partir du jour où elles sont mises en pleineterre, les cactées doivent être arrosées copieusement malin et soir, de manière à ce que la terre soit saturée d’eau; ces arrosages abondants sont continués jusqu’au mois de septembre; on ne donne aux cactées, durant tout cet intervalle, aucune espèce d’abri, ni contre la pluie, ni contre le soleil; elles restent à l'air libre la nuit comme le jour. En cet état, elles végètent avec une grande énergie; presque toutes fleurissent ; plusieurs donnent des fruits mûrs et des graines fertiles. M. Berg cite une mammillaria longi- mamma qui, bien qu’à une exposition peu mé- ridionale, doubla de volume en deux mois et demi. Des cactées du Mexique. arrivées au mois d'août, mises sans retard en pleine terre et trai- tées comme les autres, s’enracinèrent aussitôt et végétèrent avec vigueur, principalement des céreus senilis et des pilocéreus. Vers le 15 septembre, les cactées sont re- mises dans des pots proportionnés au volume des racines qu'il faut bien se garder de blesser en les arrachant. Chaque plante est d’abord mise dans son pot vide; puis on fait couler entre les racines de la terre pulvérisée parfaitement sèche, qu’on attache aussitôt aux racines par un bon arrosage. Il est inutile de placer au fond des pots un lit de tessons de poterie; il suffit d'en poser un seul fragment au-dessus de l'ouverture du fond du pot. Les pots contenant les cactées qui ont passé l’été en pleine terre ne sont pas rentrés immédiatement; on laisse la terre se ressuyer à l'air libre; on les rentre ensuite, non dans une serre, mais tout simple- ment dans une chambre bien éclairée, exposée au midi; là les cactées, disposées sur des gra- dins près des jours, ne recoivent pas une goutte d'eau jusqu’au printemps suivant. Il importe que la chambre soit saine et exempte d'humi- dité : on n°y allume un peu de feu que quand on le juge nécessaire pour en éloigner la gelée ; la température ne doit pas s'élever au-delà de 4 à 8 degrés. Les cactées ainsi traitées se rident et prennent un aspect languissant, mais il ne faut pas s’en inquiéter. Au printemps, dès qu'on re- marque en elles les premiers symptômes de la reprise de leur végétation, on commence par les bassiner légèrement avec de l’eau dégourdie au soleil, ce qui fait promptement disparaitre leurs rides et leur aspect fatigué ; on les accou- | tume à l'air par degrés; elles sont arrosées plus | souvent et plus largement, à mesure que le mo- | TITRE V. FLORICULTURE. 369 ment approche de les remettre en pleine terre | detoutes les orchidées dignes de figurer dansles pour les y traiter comme l’année précédente. Assurément, cette manière de cultiver les cactées choque toutes les idées reçues à égard | de la culture de ces plantes, surtout en ce qui | d’orchidées ont encore plus à grossir. Les plus concerne la sécheresse absolue de leur terre pendant l'hiver; néanmoins elle a pour elle le succès, et les horticulteurs les plus éclairés en France et en Angleterre, quoiqu'ils suivent une autre méthode, doutent depuis longtemps que la culture de serre chaude, continuée par habitude, soit la meilleure pour les cactees. mense qu’elle met la culture des cactéés à la portée de tous ceux qui disposent en hiver d’une chambre saine et bien éclairée, et en été d’une plate-bande de parterre exposée au midi, tandis que cette culture, en restant confinée dans la serre chaude, n’est permise qu'aux amateurs favorisés de la fortune. On sait que les cactées, de même que les plantes bulbeuses, entrent en végétation au printemps, même quand on ne | collections. Nous avons dit que les collections | de cactées comprenaient probablement à peine la moitié des cactées existantes ; les collections belles orchidées sont ce qu’on nomme épiphy- | es, terme qui exprime leur végétation parasite sur et aux dépens d’autres végétaux. Les orchidées épiphytes ne $e rencontrent | que dans les lieux à la fois les plus chauds et tes plus malsains du globe, au fond des vallées ses. | les plus écartées des deux continents, où Pair La méthode allemande offre cet avantage im- | leur donne ni terre ni humidité; ilen est qui, | conservées depuis des années dans une armoire. | émettent tous les ans des racines qui meurent faute d’aliment ; mais les plantes ne meurent pas, quoique, bien entendu. elles ne fassent au- | cun progrès, et il n’est pas douteux qu'avec des soins convenables, ces plantes qui ont tant souffert ne soient toujours prêtes à végéter et à fleurir : quelle énergie de force vitale! Ces faits et d’autres de même nature nous donnent lieu de penser que les cactées pour- raient être traitées sous le climat de Paris comme elles le sont à Berlin, et se comporter | en pleine terre mieux qu’en pots, dans une chambre mieux qu’en serre chaude. C’est dans : cette conviction que nous avons cru devoir décrire en détail le procédé de M. le docteur | Berg, pour la culture des cactées. Ÿ IV. — Orchidées. Rien de plus bizarre, de plus étrange, de plus | excentrique sous tousles rapports que les plantes de la famille des orchidées ; elles semblent s’é- carter encore plus que les cactées du reste du | règne végétal. Tout est curieux dans ces sin- gulières productions, et leurs formes, et leurs | couleurs, et leur mode particulier de végétation; plusieurs ont une odeur enivrante plus ou moins analogue à celle de la vanille. Il n’y a pas encore bien des années, la cul- ture des orchidées était le partage exclusif de quelques adeptes; il fallait presque être sorcier | pour réussir dans cette culture; aujourd’hui, l'on n’est pas véritablement horticulieur si l’on ne sait faire fleurir les orchidées ; on n’est même plus véritablement amateur de fleurs si l’on n’attache pas de prix aux admirables plantes de . cette famille. Elles ont en effet tout l’attrait des k plus belles plantes des autres genres, et en outre celui d’une grande difficulté de culture dont il faut triompher, et d’un grand nombre de nou- veautés à acquérir, car il s’en faut de beaucoup que l’horticulture européenne soit en possession BORTICULTURE, stagnant et les exhalaisons marécageuses con- centrent une chaleur humide tellement dange- reuse pour l'homme, qu'il a fallu pour les aller chercher dans une pareille situation cette ardeur passionnée du naturaliste qui ne calcule ni les obstacles ni les dangers. Avant de nous occu- per de la culture des orchidées, nous devrions donner un aperçu de leurs principales espèces et des bases de leur classification ; mais leur no- menclature est fondée sur des caractères si com- pliqués, qu’il nous faudrait entrer à ce sujet dans des détails de pure botanique; nous de- vons donc nous borner à signaler les genres les plus remarquables, en renvoyant pour les des- criptions scientifiques aux traités spéciaux. Oncidium. Ce genre est un des plus bizarres parmi les orchidées épiphytes: loncidium altis- simum et l’oncidium carthaginiense s’élèvent à près d’un mètre de haut; l’oncidium papilio res- semble, à s'y méprendre, à plusieurs papillons de l’ordre des bombyx; la fig. 506 représente Fig. 506. l'oncidium lindenii, remarquable par la vivacité de ses nuances jaune et pourpre. La floraison des oncidiums est très prolon- gée; mais, par compensation, elle se fait quel- quefois très longtemps attendre; il y a des oncidiums, d’ailleurs très bien portants, qui restent 3 ou 4 ans sans fleurir. Dans ce cas, on ne risque jamais rien de les inonder fréquem- ment de vapeurs tièdes, et de les tenir cons- tamment à une température très élevée; cela seul peut les décider à fleurir. Les pseudo- bulbes ou rhizômes des oncidiums ont une très grande énergie de vitalité; quelque flétris qu'ils paraissent, il ne faut jamais désespérer de les rétablir par des soins convenables. T. V.— 47 370 Cattleya (fig. 507). Remarquable entre les Fig. 507. orchidées par le développement de ses fleurs jaunes ou violettes. Dendrobium. Demi-terrestre et demi-épi- phyte, ce genre comprend des plantes qui, comme le lierre de nos climats, peuvent prendre naissance dans le sol, mais qui à mesure qu’elles croissent vivent aux dépens des plantes aux- quelles elles s’attachent, la fig. 508 représente le dendrobium formosum, d’un blane pur, mar- que au centre d’une tache couleur de feu. Stanhopéa. Les fleurs d’une odeur très suave naissent sur des hampes pendantes, plus bas que le niveau du collet des racines ; on les cul- tive pour cette raison dans des vases suspendus. Les nuances indécises, d’un blanc jaunâtre, de l’ensemble de la corolle sont rehaussées par des stries d’un pourpre très foncé d’un effet admirable. C’est parmi les stanhopéas qu’on peut espérer le plus de nouveautés dans la fa- mille des orchidées ; il est probable que les plus belles fleurissent encore à l’ombre des forêts impénétrables des parties inexplorées du Mexi- que; comme les oncidiums, elles sont très len- tes à fleurir. La fig. 509 représente la stanho- péa calceolata, l’une des plus belles du genre. HORTICULTURE. | LIVRE VIII. Fig. 509. Brassia. Lesfleursde ce genre, peu nombreux en espèces, sont d’un jaune pâle ou d’un vert jaunâtre, tachées de brun; elles se recomman- dent par la bizarrerie de leurs formes. La /iq. 510 représente la brassia maculata. Fig. 510. = ES us brillants parmi Maxillaria. L'un des pl les genres de cette famille, le genre maxillaria donne des fleurs à pétales charnus, très déve- loppées et d’une odeur très suave. La fig. 511 représente la maxillaria d'Harrison. " Fig. 511. TITRE v. A. — Serre aux orchidées. Les conditions d’existence des orchidées exi- gent une serre qui leur soit, sinon exclusive- ment, du moins principalement consacrée. Nous donnons ici en faveur des amateurs de cette cul- ture deux serres également bonnes dans ce sens que toutes les deux remplissent également bien leur but, et que les orchidées y croissent aussi bien qu’on peut le désirer : elles sont cependant l'opposé l’une de l’autre. Dans la construction de la première on a eu seulement en vue la pros- périte des orchidées, sans s'arrêter aux consi- dérations d'économie : dans celle dela seconde, on a cherché à obtenir au contraire le meilleur résultat aux moindres frais possibles; la pre- mière a été construite à Chatsworth en Angle- terre, l’autre à Paris, dans le jardin de l'Ecole de médecine: elles caractérisent assez bien la manière de procéder de l’horticulture anglaise, comparée à l'horticulture francaise. La serre aux orchidées, à Chatsworth, ( fig. #12), a 20m de long, et 4m de large. Le mur du Fig. 512. fond est élevé de 3m,59; celui du devant n’a que 0,75 ; mais commeil est surmonté d’un vitrage droit, de 0m,65 de hauteur, le point de départ du vitrage incliné est à 1m.40 du sol, ce qui donne à ce vitrage une inclinaison de 25 degrés. La serre contient à l’intérieur , au lieu des bä- ches, deux espaces vides maconnés sur les cô- tés, et recouverts en dalles minces; ces deux espaces d’inégale grandeur renferment des con- duits de chaleur AA, qui échauffent leur atmo- sphère particulière ; c’est ce qu’on nomme, en Angleterre, chambre à air chaud. L'air échauffé est introduit dans la serre par les bouches de chaleur BB, quis’ouvrent sur le passage régnant dans toute la longueur de la serre : fa largeur du passage est de 1,20. Les orchidées sont placées dans des pots, sur le dessus des cham- bres à air chaud, ou bien elles sont cultivées dans des vases suspendus aux châssis des vitrages. On a utilisé en outre les montants de ces châssis en les faisant servir de support à des orchidées à tiges grimpantes. Trois bassins ornés de plan- tes aquatiques contribuent par une évaporation continuelle à entretenir une grande humidité dans l’atmosphère de cette serre ; le plus grand FLORICULTURE. 571 a 2®,80 de long sur un mètre de large; il est placé au centre de la serre ; les deux autres, un peu moins grands, occupent les deux extrémités opposées. Une petite bâche règne en avant de cette serre, le long de son mur antérieur : elle est destinée aux orchidées de l'Amérique du Nord, qui ne supportent pas une température aussi élévée que les orchidées des contrées tro- picales ; il suffit de leur donner de l’ombre en été et une couverture de paillassons en hiver. La serre aux orchidées, au jardin de l’École de médecine de Paris, est construite comme la précédente, à un seul versant : elle est adossée à un mur en terrasse très élevé, à l'exposition du plein midi. Les orchidées y sont disposées en majeure partie sur des bûches de bois de chêne, placées les unes horizontalement, au milieu de la serre, les autres perpendiculaire- ment le long du mur du fond: quelques frag- ments de terre de bruyère tourbeuse garnissent la base de leurs pseudo- bulbes , qui sont fixés aux bûches par des liens de fil de plomb: mais ces liens deviennent bientôt inutiles, tant les orchidées s’attachent fortement au bois par les racines qu’elles poussent dans toutes les direc- tions. Quelques autres, principalement des Stänhoptas, sont suspendues par des fils de fer aux montants des vitrages ; elles vivent dans de petits paniers à claire-voie, remplis de frag- ments de terre de bruyère tourbeuse : la serre est échauffée par un thermosiphon. Son extrême | simplicité contraste vivement avec le luxe de la | serre anglaise pour les orchidées, plantes qui pourtant ne se portent pas plus mal dans la serre du jardin de l’École de médecine que dans celle de Chatsworth. B: — Muluplication. On ne saurait douter que les orchidées ne se multiplient de graines dans leur pays natal, c’est la marche uniforme de la nature pour tous les végétaux; mais l’art de l’horticulture n'a pas jusqu’à présent utilisé pour les orchidées ce moyen de multiplication ; elles ont d’ailleurs plus de facilité que beaucoup d’autres à se re- produire par la séparation de leurs parties. Il semble que la nature ait voulu par-là compenser en quelque sorte la difficulté avec laquelle fone- tionnent leurs organes reproducteurs, qui don- nent très rarement des semences fertiles, en raison de leur conformation différente de ce qu’elle est dans les autres plantes phanéro- games. Quelques horticulteurs anglais, entre autres M. R. Brown, auraient, s’il faut les en croire, obtenu des graines fertiles des orchidées aussi facilement que de toute autre famille de végé- taux ; néanmoins tous les horticulteurs en gé- néral, même les Anglais de bonne foi, convien- nent de cette vérité, que les organes reproduc- teurs de la plupart des orchidées ne sont encore que très imparfaitement connus, et qu'on ne peut leur faire porter graine dans nos serres, quelque soin qu’on mette à les cultiver. Les orchidées grimpantes, à longues tiges 372 sarmenteuses, telles que les renanthéra et les vanilles, se maltiplient en divisant tout simple- ment leurs tiges en plusieurs morceaux garnis de racines, selon la nature particulière des tiges de ces plantes ; chaque fragment, consi- déré comme une bouture, n’a pas besoin d’être mis en terre ; on le suspend dans une situation convenable, avec la seule précaution d’entou- rer de mousse son extrémité inférieure ; pourvu qu’il soit placé dans une atmosphère suffisam- ment chaude et humide, il végète aussi vigou- reusement que s’il n’eût point été détaché de la plante-mère. Les autres genres, tels que les oncidiums et les catasetums, sont munis d’or- ganes particuliers, nommés rhizômes ou pseudo- bulbes, qui diffèrent des bulbes véritables en ce qu’ils ne sont formés ni d’écailles ni de tu- niques. Chacun de ces pseudo-bulbes est ordi- nairement muni à sa base d’un œil ou bour- geon ; il donne naissance à une plante nouvelle lorsqu’on le détache pour le planter séparément. On doit éviter avec le plus grand soin de mul- tiplier les orchidées avee des pseudo - bulbes trop petits ou trop peu vigoureux, comme on le fait communément ; on doit choisir au con- traire les meilleurs pseudo - bulbes pour pro- pager les orchidées , tout comme on fait choix des meilleurs caïeux pour multiplier les plantes bulbeuses. Les pseudo-bulbes détachés se trai- tent de tout point comme les plantes parfaites. C. — Détails de culture. «La première connaissance que doit acquérir un cultivateur habile, dit M. Paxton, c’est celle des circonstances au milieu desquelles chaque espèce de plantes croît naturellement ; cette connaissance doit servir de base à sa ma- nicre de les cultiver.» Guidé par cette règle fon- damentale, le jardinier donne à ses orchidées des situations diverses, conformément à ce qu'il sait de leurs habitudes natives. Au Jardin du Roi, où cette culture est conduite avec une rare perfection, beaucoup d’orchidées ‘sont placées dans des pots ou dans des terrines sem- blables à celles qui servent pour les semis; d’autres sont fixés par des fils de plomb à des branches d’arbres; la ligature est enveloppée de mousse; d’autres enfin sont suspendues en l'air, dans des petits paniers en fil de fer, garnis de mousse, disposition qui convient particu- lièrement aux stanhopéas, aux érias. à plu- sieurs épidendrums , et au plus grand nombre des dendrobiums. Tant que les orchidées sont en végétation, la mousse dont leur base est garnie doit être entretenue constamment hu- mide. Les pots et les paniers où l’on place les or- chidées sont remplis de fragments de terre de bruvère tourbeuse, de la grosseur d’une noix. La fig. 515 représente un de ces paniers rem- pli de mousse et de terre tourbeuse. M. Pax- ton fait remarquer avec raison que la terre de bruyère convenable aux orchidées doit être employée pour leur culture immédiate- nent après avoir été enlevée sur le terrain ; HORTICULTYURE. LIVRE VIH. plus elle est récente, meilleure elle est pour ect usage. Après avoir coupé les mottes de terre de bruyère tourbeuse, de la grosseur néces- saire, on en remplit les pots et les terrines beau- coup au-delà de leurs bords supérieurs ; ils y doivent être disposés en forme de pyramide, dépassant l’orifice des pots d’environ les deux tiers de leur profondeur ; c’est dans cette pyra- mide qu'on assujettit la plante au moyen d’un tuteur qui doit plonger jusqu’au fond du pot. Cette sorte d’échafaudage aurait très peu de slidité et se dérangerait au moindre choc, si les fragments de terre de bruyère n'étaient joints les uns aux autres par de petites che- villes de bois qui les traversent dans différentes directions. Ces fragments, ainsi disposés, ne se touchent que par un petit nombre de points, et laissent entre eux de nombreux intervalles ; les racines des orchidées, qui s'emparent bientôt de ces espaces vides, s’y trouvent en contact immédiat avec l'air chaud, chargé de vapeurs humides, qui contribue autant que la terre à leur alimen- tation. Il n’y à pas d'époque fixe pour changer la terre des orchidées; on ne doit pas les déran- ger tant qu’elles sont en végétation ; or, comme la marche de leur végétation varie d’une espèce à Pautre, il n’y a jamais dans la serre aux orchi- dées comme dans les autres serres, de rempo- tage général. Quand une orchidée a pris dans la terre de bruyère, en contact avec ses racines, tout ce que cette terre contenait de substances nutritives à sa convenance, on reconnaît qu’elle a besoin de terre nouvelle au ralentissement de sa végétation et à la päleur de sa verdure; il faut se hâter de ie changer de terre, quelle que soit la saison. Après cette opération, les orchi- dées ne doivent être arrosées que très sobre- ment pendant un certain temps. La position que réclament les orchidées doit être conforme à leur nature, et surtout à celle qu’elles auraient dans les forêts où elles crois- sent à l’état sauvage. C’est ainsi que les orchi- dées épiphytes languissent dans une position redressée , tout en recevant d’ailleurs les soins les plus judicieux ; elles ne prennent jamais cette position naturellement sur le tronc ou les bran- ches des arbres qui leur servent de support. En $ “ TITRE V. FLORICULTURE. en recherchant la cause, M. Neumann a recon- | nu par une observation attentive que l’eau qui séjourne entre les écailles des bourgeons de ces orchidées lorsque leur situation est trop droite, | les empêche de se développer; la nature Y avait pourvu enles faisant croitrenaturellement dans une position assez inclinée pour que cette humidité nuisible puisse aisément s’égoutter. Plusieurs orchidées préfèrent à toute espèce | de terre la mousse à demi décomposée; la meil- | leure mousse pour cet usage appartient au genre sphagnum. On en forme des paquets d’un vo- lume en rapport avec celui des plantes; elles ne tardent pas y étendre leurs racines dans | tous les sens; elles v végètent parfaitement, pourvu que la mousse soit maintenue toujours humide par de fréquents arrosages. Ce milieu singulier convient spécialement aux racines des orchidées appartenant aux genres vanda, aëri- des, vanille, sarcanthus, saccalobium, renan- thera ; plusieurs épidendrées et quelques onci- diums s’en trouvent également bien. On a longtemps admiré dans la serre du ce- lèbre horticulteur anglais Cattley, une caisse peu profonde, de près de dix mètres de long, suspendue en l’air par des fils de fer fixés aux montants des vitrages, et remplie de toute une collection d’orchidées qui y étalaient tout le luxe de leur étrange floraison; cette boîte était à de- mi pleine de bois pourri recouvert d’un lit épais de mousse verte. Ce système, étendu à toute la | longueur d’une serre, permettrait d’y loger convenablement une collection très nombreuse d’orchidées, dans un local très restreint. $ V. — Serre froide, bâche froide, chässis froid, On nomme, en général, serres froides, toutes les serres dans lesquelles il n’est jamais néces- saire de faire du feu. La plus simple des serres froides est une bâche qui, réduite à ses plus pe- tites dimensions, n’est plus qu’un châssis froid, suffisant cependant pour protéger, contre les hivers des contrées tempérées de l’Europe, un grand nombre de plantes dignes d’intérêt, qui ne supportent pas la pleine terre. A.— Bäche froide et chässis froid. Les Anglais, qui font un grand usage de ces sortes de bâches, emploient différents procédés pour empêcher la gelée d'y pénétrer; le plus simple de tous consiste à les entourer tout au- tour d’un fossé profond de 0,40 à 0",50. Ce fossé, soit qu’on le laisse vide, soit qu’on le remplisse de feuilles ou de litière sèche pendant l'hiver, contribue puissamment à préserver de | la gelée l'intérieur de la bâche. Tous les jardi- | niers savent que lorsqu'il gèle dans l'intérieur d’une bâche ou d'une serre quelconque, la gelée se communique toujours du sol extérieur au sol intérieur à travers l'épaisseur des murs. Cet effet doit avoir lieu bien plus rarement lorsque la couche de terre, placée au dehors et refroidie jusqu'au degré de congélation, est en contact avec un espace vide ou avec une épaisseur suf- 319 naturellement une température plus élevée. Le second procédé consiste à construire Ja maçonnerie en deux parties distinctes qui iais- sent entre elles un espace rempli d’air, comme le montre la fig. 514. On concoit faci'ement comment le froid est arrêté par le milieu vide de ce genre de maçonnerie ; il est à remarquer, en outre, que le vide commencant beaucoup au- dessous du niveau du sol, à une profondeur où il ne gèle jamais sous le climat de Paris, rien n’empêche les émanations de l’intérieur de la | terre de se répandre dans cet espace vide et d'y maintenir une température de beaucoup supé- rieure à celle de l'air extérieur. Lorsque le sol est assez sain pour permettre de creuser la bâche à une profondeur plus con- sidérable que celle que nous avons indiquée, il s'établit dans son intérieur une atmosphère hu- mide et douce, particulièrement favorable à certains genres de végétaux. Les nériums qui, partout où ils vivent à l’état sauvage, envoient leurs racines chercher à une grande profondeur un sol humide et frais pendant la sécheresse, et qui habitent de préférence le bord des eaux, ve- gètent parfaitement sous le climat de Paris lors- qu’on leur fait passer l'hiver dans une bâche froide creusée à près d’un mètre au-dessous du niveau du sol environnant. Le châssis qui re- couvre toutes ces bâches de petites dimensions est toujours à un seul versant ; il ne doit être incliné que de 10 ou 15 degrés tout au plus; ses vitrages doivent fermer hermétiquement. Les plantes bulbeuses, et spécialement lesliliacéesdu cap de Bonne-Espérance, que l’on cultive ordi- nairement dans ce genre de bâche, ont besoin de beaucoup de jour; il ne faut les couvrir que quand la température extérieure l'exige impé- rieusement , et se hâter de les découvrir toutes les fois qu’elle se radoucit; l’intérieur de la bà- che ne doit contenir ni terre ni tannée. Toutes les plantes qui doivent y vivre se cultivent dans des pots ; il vaut mieux pour les plantes conte- nues dans ces pots que la terre soit remplacée par du sable pur ou par du màchefer, dans lequel les vers et les insectes ne peuvent pas se multi- plier. Les châssis restent ouverts pendant toute la belle saison, le jour comme la nuit, à l’ex- ception des jours très pluvieux pendant lesquels ils doivent rester fermés, pour ne pas exposer les plantes bulbeuses aux inconvénients d'une hu- midité excessive. Lorsque l'hiver est très rigou- reux, il devient quelquefois nécessaire de subs- tituer aux feuilles et à la litiere sèche desrechaufs de bon fumier en pleine fermentation. On re- nouvelle ces réchaufs au besoin, en observant fisante de feuilles et de litière qui conservent | seulement qu'ils ne doivent pas produire à l'in- 374 térieur de la bâche une élévation detempérature de plus de 4 ou 5 degrés au-dessus de zéro. Lesplantes bulbeuses, cultivées dans la bâche froide, se rempotent au mois de juillet en terre de bruyère pure, plutôt un peu sablonneuse que trop compacte. Elles ne veulent en toute saison que des arrosages modérés; elles pourraient, pour ainsi dire, se passer d’eau d’une maniere | x absolue à l’époque où elles ne sont point en vé- gétation. Nous avons reconnu, en parlant de la culture des plantes bulbeuses de collection (jacinthe et tulipe), l'impossibilité d'empêcher ces plantes d'entrer en végétation lorsque l’époque naturelle du mouvement de leur sève est arrivée ; on ne peut done retarder la floraison des plantes bul- beuses, mais on peut facilement la hâter en donnant de bonne heure, au moyen des ré- chaufs, une température douce au châssis froid, et beaucoup d'air, tant qu'ilne gèle pas ; ces plantes fleurissent par ce moyen dès les pre- miers jours du printemps. | Les genres ixia (fig. 515), gladiolus et lache- nalia, sont ceux auxquels convient le mieux la culture que nous venons d'indiquer dans le chäs- sis froid. B. — Serre froide. Toutes les expositions conviennent à la serre froide, excepié l'exposition du plein midi, en- core cette dernière exposition n’a-t-elle d’incon- vénient réel que celui d’obliger à ombrager les plantes au moyen des toiles ou des paillassons. Elle se construit ordinairement à deux versants, l'un et l’autre inclinés de 30 à 40 degrés. Le toit n’est pas terminé par un angle, mais par une petite plate-forme (A fig. 516) de Om,60 à Om,80, qui règne sur son sommet dans toute sa Jongueur ; une balustrade en fer, légère mais so- lide, lui sert de couronnement des deux côtés. Cette disposition, qui permet à un ouvrier de marcher au besoin sur le sommet de la serre p urle service des toiles et des paillassons, sup- pose qu'on lui a donné une assez grande solidité pour supporter celte charge. On construit or- HORTICULTURE. LIVRE VIH. dinairement ce genre de serre en bois, en lui donnant de distance en distance des ares-bou- tants, ou jambes de force en fer. Les jardiniers nomment cette construction bâche hollandaise, bien qu'actuellement en Hollande on construise fort peu de serres de ce modèle. La serre froide, fig. 516, est principalement destinée à recevoir Fig. 516. ! donné le plan et la coupe (voir fig. 502 et 503, p. 361) pour laculturé des orangers en pleine terre. Dans l’un et l’autre cas, elle admet les mêmes plantes qui doivent y recevoir les mêmes soins de culture ; seulement, la serre froide en fer laisse plus facilement pénétrer le froid extérieur, | et certaines variétés délicates parmi les plantes de serre froide ne réussissent pas dans cette serre aussi bien que lorsque sa charpente est en | bois. La serre froide est principalement destinée aux camélias, aux azalées de l’Inde, aux espèces délicatesde rhododendrums, aux magnoliacées, et à un grand nombre d’arbustes des genres voi- sins, à feuilles persistantes. Quelques degrés de froid n’endommagent pas sensiblement ces végétaux, pourvu néanmoins que l’action des petites gelées ne se prolonge pas; il vaut toujours mieux ne négliger aucun moyen d'empêcher d’une manière absolue qu'il ne gèle dans la serre froide, en évitant toutefois la nécessité d’y allumer du feu. Toas les moyens que nous venons d'indiquer pour les châssis froids sont excellents, et peuvent être employés dans ce but pour la serre froide. En hiver, les deux versants de la serre froide ne sont pas trai- tés de la même maniere; le versant, dont l’ex- position est la plus méridionale, n’a besoin que d'une couverture de paillassons qu’on ne place que quand la gelée vive se fait sentir, et qu’on retire aussitôt qu’il ne gèle plus, afin de laisser les plantes profiter librement de l'influence sa- lutaire de la lumière; le côté le plus exposé au vent froid recoit ordinairement une couverture de planches’ou de voliges par-dessus un lit épais de feuilles sèches. Le tout ensemble forme un excellent abri sous lequel la gelée pénètre fort difficilement dans (a serre froide; mais aussi il en résulte une obscurité complète qui TITRE V. FLORICULTURE. | 275 serait funeste aux végétaux de serre froidesielle | une atmosphère chargée de trop d'humidité, il se prolongeait au-delà de trente-cinq à quarante jours. Sous le climat de Paris, il est rare que les gelées durent aussi longtemps sans interrup- tion. On aura donc grand soin même lorsqu'on jugerait imprudent de découvrir le côte exposé | au froid, d'enlever au moins pendant la journée les paillassons du versant opposé. Du moment où les fortes gelées ne sont plus à craindre, on découvre la serre froide des deux côtés, sauf à y replacer les paillassons, s’il survenait des froids tardifs qui, sous le climat de Paris, ne peuvent jamais être bien rigoureux. Ces plantes n’ont besoin en toute saison que d’arrosages très modérés. Les soins ordinaires de propreté et d'entretien leur suffisent ; en un mot, la serre froide est celle de toutes qui peut procurer à amateur le plus d'agrément avec le moins de peine et de dépense. Une serre semblable à celle dont nous indiquons la construction, mais dou- ble, c'est-à-dire à quatre versants, dont le mi- lieu est supporté par un rang de piliers, couvre un assez grand espace pour constituer un très beau jardin d'hiver, genre de serre dont le goût se répand de plus en plus depuis queles progrès de l’horticulture ont fait reconnaitre la possibi- lité de cultiver convenablement dans la serre froidé un grand nombre de végétaux que pen- dant longtemps on n'osait pas laisser sortir de la serre tempérée. Lorsqu'on voit les camélias, les eucalyptus, et lesmétrosideros résister en pleine terre ainsi que beaucoup de cactées, dans le dé- partement du Var, pourvu qu’on leur accorde une situation abritée, comment douter que ces végétaux ne se trouvent encore mieux dans une serre froide, où ils ont la même température en été, et une protection bien plus efficace en hiver? Lorsqu'on veut convertir une serre froide en serre tempérée, où même en serre chaude-sè- che, en y adaptant un appareil convenable de chauffage, il n’y a rien à changer à sa construc- tion ; il suffit de quelques modifications dans les distributions intérieures pour placer les bâ- ches et les tablettes destinées à recevoir les plantes en pots. Une serre à deux versants ren- tre alors dans toutes les conditions d’une bonne serre tempérée ou chaude. $ VI. — Serre tempérée. Les serres tempérées peuvent être construites sous toutes sortes de formes, angulaires ou cur- vilignes, à un ou plusieurs versants. Leur char- pente peut être en bois ou en fer; les plantes y peuvent être cultivées en pleine terre ou dans des pots, dans des bâches, sur des gradins ou sur des tablettes. La serre tempérée se prête jusqu’à un certain point à l’ornementation ar- chitecturale, et il est toujours possible, sans | nuire aux plantes, de la construire avec assez d'élégance pour qu’elle contribue à la décora- tion du jardin dont elle fait partie. L'exposition d’onze heures est celle qui convient le mieux a la serre tempérée. Les plantes de serre tempérée n’'exigeant pas est inutile de creuser le sol de cette serre au- dessous du niveaa du sol environnant; il est bon, au contraire, d'élever le sol de la serre de quelques centimètres au-dessus de ce niveau dans le cas où l’on pourrait craindre qu’il ne fût pas parfaitement sain. La température moyenne de la serre tempérée doit être de 10 à 12 degrés en hiver, et de 20 à 25 en été; elle ne doit pas dépasser 30 degrés sous l'influence de la plus forte chaleur extérieure. Les plantes de sérre tempérée ne doivent pas être mises en contact avec l'air extérieur toutes les fois que le thermomètre placé dehors, à ombre et à Pair libre, descend au-dessous de 6 degrés. Si,comme il arrive quelquefois, la température de l'inté- rieur de la serre se trouve être momentanément un peu trop élevée alors que celle du dehors est inférieure à 6 degrés, et qu’il soit nécessaire d'ouvrir les châssis pour laisser échapper la chaleur superflue ou pour faire évaporer un excès d'humidité, on ne doit ouvrir que les ven- tilateurs situés à la partie supérieure de la serre; on se gardera bien, dans ce cas, d'établir aucun courant d’air froid que les plantes de la serre tempérée ne pourraient pas supporter. On peut, pendant la belle saison, tenir les pan- neaux de la serre constamment ouverts pen- dant le jour; ils pourraient impunement rester ouverts pendant la nuit, la plupart du temps, sous le climat de Paris; cependant ce climat est tellement variable et sujet à des transitions si brusques du chaud au froid, qu'il est toujours plus prudent de tenir les chässis férmés pendant la nuit. La serre tempérée admet, en général, toutes les plantes originaires de l'Afrique méridionale, du Mexique et des parties montagneuses du Brésil ; elles ne réclament que des arrosements modérés, qui pourraient même être supprimés impunément pendant une partie de l'année pour celles d’entre ces plantes dont le feuillage n’est pas persistant, et dont, par conséquent, la végétation est presque complétement suspendue pendant tout l’hiver. Tant que dure la belle saison, il faut seringuér fréquemment, autant dans le but de maintenir le feuillage parfaite- ment propre que pour le rafraichir par une hu- midité salutaire. Dans tous les cas, l’eau em- ployée aux arrosages comme aux seringages doit toujours être à la température de la serre, qui sera munie d’un réservoir où l’eau doit se- journer assez longtemps avant d’être employée pour prendre la température convenable. Quel- ques plantes de serre tempérée exigent des soins particuliers de culture; nous entrerons à ce sujet dans quelques détails. La famille des protéacees renferme un grand nombre d'espèces remarquables par la beauté de leur floraison; ces plantes ne veulent être arrosées que graduellement, à l’époque de la reprise de la végétation. Toute transition brus- que de la sécheresse à l'humidité, et recipro- quement, peut leur être funeste ; ainsi, aux ap- proches de l’époque où leur végétation est sus- 376 pendue, il faut s’y prendre de longue main pour diminuer successivement les arrosages; on les rend de plus en plus rares et modérés, pour finir par ne plus donner aux protéacées que la quan- tité d’eau strictement nécessaire afin de pré- venir un desséchement complet. Les protéacées ne peuvent rester dans une terre épuisée sans commencer immédiatement à dépérir ; ce dépé- rissement, dont le jardinier doit surveiller avec attention les symptômes, est le seul indice ra- tionnel de la nécessité de les rempoter et de leur donner une nouvelle terre. Ces plantes sont du nombre de celles qui n'aiment point à être dérangées, et qu’il faut s'abstenir de rem- poter tant que cette opération n’est pas absolu- ment nécessaire. Il est probable que l'attention continuelle que les protéacées exigent de la part du jardinier est la seule cause pour laquelle elles sont jusqu’à présent si peu répandues dans nos serres; mais ces soins, pour le véritable amateur, ne doivent être considérés que comme un plaisir de plus; on en est d’ailleurs ample- ment récompensé par la magnificence de leur floraison. La terre de bruyère sablonneuse, mêlée avec un peu de sable de rivière lorsqu'elle paraît trop compacte, est celle qui convient le mieux aux plantes de la famille des protéacées ; c’est celle qui offre le plus de rapports avec le sol dans lequel elles croissent naturellement dans l'Australie et l'Amérique méridionale, ainsi qu'aux environs du cap de Bonne-Espérance. La serre tempérée a toujours besoin d’un certain nombre de plantes grimpantes ou volu- biles qui concourent puissamment à sa décora- tion. Lorsqu'on veut les avoir dans toute leur beauté, il faut leur ménager un espace où elles puissent végéter en pleine terre; leur végéta- tion sera toujours beaucoup plus belle qu’elle ne peut l’être lorsqu'on les cultive dans des pots. Parmi ces plantes, plusieurs bignoniacées se recommandent par la beauté de leur floraison et l’élégance de leur feuillage. Le mannettia cordiflora a besoin d’appuis cylindriques au- tour desquels ses tiges volubiles puissent s’en- rouler. Il ne faut pas oublier de suspendre dans la serre tempérée quelques-unes de ces plantes qui vivent dans ur vase ou dans une corbeille remplie de bois pourri et d’écorce d’arbre mêlée de mousse; leurs rameaux, chargés de fleurs qui retombent avec élégance tout autour du vase, produisent le plus brillant effet. Parmi les plantes de ce genre, les œschinantus ramosis- simuset grandiflorus, plantes récemment intro- duites, sont au nombre des plus dignes d’orner la serre tempérée. Toutes ces plantes craignent en toute saison les coups de soleil; elles veulent, par consé- quent, être préservées, au moyen des toiles, de l'action directe des rayons solaires. Cette pro- tection leur est surtout indispensable au mo- ment de la reprise de la végétation, On peut cultiver dans la serre tempérée toutes les protéacées du cap de Bonne-Espé- France; HORTICULTURE. | LIVRE VIH, Les plantes du genre bégonia qui eroissent au Mexique ; Lespassiflores, princeps, kermésinaet édulis. Tous les aloës; Toutes les agavés; Le plus grand nombre des mélocactes, échi- nocactes et mammillaires; Toutes les péresciacées; Toutes les broméliacées du Mexique et du Cap; Le thamnus elephantipes; Trois espèces d’angelonia. Les plus belles plantes grimpantes et volu- biles propres à la serre tempérée sont la man- nettia cordiflora et plusieurs espèces de bigno- niacées. $ VII. — Serre chaude. Ce genre de serre est celui qui permet de cultiver le plus grand nombre de plantes exo- tiques de grandes dimensions, indigènes dans les parties les plus chaudes des contrées tropi- cales. La serre chaude est plus coûteuse à cons- truire et à entretenir que la serre tempérée ; les végétaux dont elle est remplie ont en général, une valeur plus élevée ; la direction d’une serre chaude exige aussi de la part du jardinier plus de soins et une connaissance plus approfondie des détails les plus délicats de la science horti- culturale, Toutes ces raisons réunies expliquent suffisamment pourquoi les serres chaudes sont rares en France ; néanmoins, beaucoup d’ama- teurs opulents ont pris goût de nos jours à la culture des plantes tropicales, et il n’est plus permis à un jardinier de bonne maison de ne pas savoir gouverner une serre chaude. Ajou- tons en faveur des amateurs moins favorises de la fortune que, pour l’homme retiré des affai- res, qui fait de la culture des fleurs sa principale occupation, et qui veut être lui-même son jar- dinier, iln’est ni très coûteux, ni très difficile de se donner la jouissance d’une serre chaude de moyenne dimension ; et quant à l'acquisition des végétaux souvent fort chers dont cette serre doit être garnie, la patience et le travail peu- vent suppléer à l'argent; tous ces végétaux précieux se propagent , les uns de graine, les autres de bouture ; les graines et les boutures s'obtiennent souvent pour rien, toujours à un prix modique; le plaisir de voir croître les plantes et la satisfaction de pouvoir les regar- der comme son propre ouvrage, doublent aux yeux de l'amateur le prix des végétaux dont à force de soins il a réussi en quelques années à peupler sa serre chaude. Toutes les plantes de serre chaude ne peu- vent pas végéter dans les mêmes conditions ; si l’on voulait leur donner aussi exactement que possible celles de leur pays natal, il faudrait au moins quatre serres chaudes séparées, ou, comme le font les Anglais, quatre divisions dans la même serre, soumises chacune à un régime différent. On ne peut se dispenser de cultiver les plantes de serre chaude en deux grandes séries au moins, l’une comprenant TITRE v. FLORICULTURE. 377 celles qui recherchent la chaleur sans humidité, l'autre, celles qui se plaisent Cans une atmo- sphère à la fois humide et chaude. La premiere de ces deux séries se plait naturellement dans une serre chaude-sèche, et la seconde dans une serre chaude-humide. A. — Serre chaude-seche. Elle se construit à l'exposition d’onze heures ou à celle du plein midi; cette dernière expo- sition n’a pas en réalité l’inconvénient qu’on lui attribue dans plusieurs traités spéciaux, de soumettre les plantes à l’action trop vive des rayons solaires qui peuvent les flétrir et même les griller. Que la serre soit bâtie à l’exposi- tion d’onze heures ou qu’elle soit au plein midi, il est nécessaire, dans un cas comme dans l’au- tre, d'étendre des toiles sur les vitrages pen- dant les grandes chaleurs ; toute la différence c’est que la serre, à l'exposition du midi, a be- soin d’être ombragée plus tôt et plus longtemps. Le mur du fond de la serre chaude-sèche doit avoir une grande épaisseur, surtout lors- qu'il est extérieurement exposé à l'air libre, et qu'un bâtiment quelconque ne lui est point adossé du côté du nord. On donne ordinaire- ment à ce mur une épaisseur de 0m,50 ; il doit être construit avec des matériaux essentielle- ment propres à exclure le froid et l'humidité. et à retenir la chaleur ; des briques de bonne qualité, recouvertes d’un enduit hydrofuge, et liées entre elles par un bon mortier de chaux hydratée, forment une excellente maçonnerie pour les murs de la serre chaude. La charpente peut être en fer lorsqu'on veut lui donner la forme curviligne ; mais on la cons- truit le plus communément en bois. Dans ce cas, le vitrage antérieur peut avoir une ineli- paison de 50 degrés et même plus, afin que les grands végétaux à tiges élancées se trouvent à l’aise dans l’intérieur de la serre. Mais comme sous une inclinaison semblable il faudrait don- ner au mur du fond une hauteur prodigieuse pour que le vitrage puisse finir par le rejoindre, on arrête le vitrage à la hauteur convenable, Fig. 517. BORTICULTURE. [et on le rattache au mur du fond, au moyen d’un toit également vitré, incliné seulement de 15 à 20 degrés, comme on le voit dans la serre chaude dont la fig. 517 représente la coupe. Les plantes de serre chaude végètent ordinaire- ment dans des pots ou des caisses disposés dans des bâches et sur des tablettes ou des gra- dins. Beaucoup de jardiniers sont encore dans l'usage de garnir l’intérieur des bâches où les pots sont plongés, avec une couche épaisse de | fumier ou de matières quelconque en fermen- tation, dans le but de faire profiter les plantes de la chaleur que cette couche dégage. Cette disposition nous semble essentiellement vi- cieuse. Les plantes, dans leur pays natal, ne recoivent pas de chaleur souterraine ; ce n’est pas du dedans au dehors, mais bien du dehors au dedans, que la terre où elles vivent est échauffée. Nous pensons donc que les plantes de serre chaude doivent recevoir toute la cha- leur dont elles ont besoin , non du milieu dans lequel leurs pots se trouvent plongés, mais ex- clusivement de l’atmosphère de la serre, échauf- fée elle-même par un appareil de chauffage arti- ficiel , approprié aux dimensions de la serre. Les couches de matières en fermentation ont en outre un inconvénient très grave; les ma- tières qui fermentent, telles que le fumier, la tannée, ou toute autre substance du même genre, diminuent de volume; elles s’affaissent sur elles-mêmes, ce qui dérangenécessairement les pots; dès que la situation de ceux-ci n'est plus parfaitement horizontale. l’eau des arro- sages glisse en partie à leur surface, sans péné- trer dans la terre qu’ils contiennent, de sorte que bien des plantes souffrent de la soif, alors qu’on croit leurs racines suffisamment humec- tées. Enfin, la chaleur des couches, par cela seul qu’elle est le résultat de la fermentation, ne saurait être que fort inégale, comparée à la marche si sûre et si facile à régler du thermo- siphon, le meilleur de tous les appareils de chauffage pour toute espèce de serres. Les bâches de la serre chaude ne doivent être remplies que de bonne terre de jardin dans laquelle croissent librement un certain nombre de plantes grimpantes qui concourent à Por- nement de la serre; ces plantes végètent tou- jours beaucoup mieux en pleine-terre que dans des pots. On peut aussi, pour éviter la présence des vers de terre, remplir seulement dans la bâ- che un espace suffisant de bonne terre pour les plantes grimpantes, et garnir le reste de la bâ- che avec des scories de forge de maréchal (md- chefer), dans lesquelles les vers ne peuvent se multiplier. Nous devonsdire à ce sujet, pour n°y plus revenir, qu'il est très vrai et parfaitement constaté que les vers de terre (lombrics) ne peuvent attaquer directement aucune plante de serre; ils sont même absolument depourvus | d'organes propres à cet usage. Mais quand ils | pénètrent dans les pots, surtout dans ceux de | petites dimensions où vivent des végétaux dé- | licats, ils leur font un tort très réel en en bou- | leversant la terre, en dérangeant les racines fi- LV. — 15 378 breuses, en s’appropriant les parties nutritives du sol qu'ils digèrent, et qui sont leur seule nourriture. Les jardiniers ont done parfaitement raison dans leur aversion pour les lombrics, et la guerre qu’ils leur font est fondée sur des griefs très légitimes. Une tablette en bon bois de chêne, ayant de 07,40 à 0,50 de large, règne sur le devant de la serre, ayant pour appui son mur antérieur. Comme cette partie de la serre est toujours la moins échauffée, on y place de préférence les plantes à floraison brillante qui n’exigent pas une irès haute température, et qui ne s'élèvent pas très haut; telles sont principalement les plantes comprises dans la liste suivante : Lantana (plusieurs espèces). Augelonia salicarioïdes, Gesneria (plusieurs espèces). | helleri, Sintiingia ! velutina, hirsuta, | lonsiflora. | surinamensis; Columnea scandens: Hibiscus fulgens. \ peruvianum, ! grandiflorum. formosa, | varians, Mentzelia hispida. reginæ. fulgida. Lobelia . Heliotropium Ruellia., A maryllis Ces plantes , les moins sensibles au froid de toutes celles qui vivent dans la serre chaude, ne doivent pas éprouver pendant les plus grands froids une température inférieure à 8 degrés ; le maximum de la chaleur qu’elles éprouvent en été ne doit pas dépasser 35 degrés. Il est presque impossible d'empêcher que, durant les fortes gelées, les plantes posées sur la tablette de la partie antérieure de la serre chaude n’é- prouvent par moments un refroidissement pas- sager qui fait baisser le thermomètre jusqu'à 7 et même 6 degrés; pourvu que ce froid momen- tané ne se prolonge pas, et qu’on s'occupe, aussi- tôt qu’on s’en aperçoit, de le faire cesser, les plantes n’en souffrent pas sensiblement; mais S'il se prolongcait, elles ne pourraient le sup- porier. Tant que dure la belle saison, les plantes de serre chaude veulent être arrosées très large- ment, et surtout très souvent ; un arrosage le matin ét un autre le soir ne sauraient leur suf- fire; il faut, surtout à l’époque des grandes chaleurs, visiter les pots plusieurs fois par jour, et arroser Ceux qui paraïtront en avoir besoin. C’est aussi la saison de l’année où le feuillage des plantes à besoin d’être rafraichi par des se- ringages fréquents. Lorsqu’en été l’on voit le ciel, couvert pendant la matinée, s’éclaireir peu à peu, lorsque les nuages semblent se fondre en s’elevant dans l'atmosphère, on peut être cer- tain que la journée sera chaude et sèche; c’est le moment où les plantes de serre chaude veu- lent être seringuées au moins deux fois par | HORTICULTURE. LIVRE VIIX. jour, le matin et le soir. Il faut observer, quant au seringage du matin, que lorsque le soleil donne directement sur les feuilles des plantes de serre chaude, pendant qu'elles sont encore mouillées, ces feuilles sont comme brûlées par le double effet d’une chaleur trop vive et du re- froidissement produit par une rapide évapora- tion ; il est donc nécessaire de tenir les serres ombragées jusqu’à ce que leau des seringages se soit peu à peu dissipée, et que le feuillage des plantes ait eu le temps de se ressuyer, comme disent les jardiniers. Il n’y a pas d'indication précise pour l'heure à laquelle il convient d’ombrager les serres; tout dépend de l'état de la température exté- rieure, qui doit seule servir à cet égard de règle pour le jardinier attentif. La plus grande partie des plantes de serre chaude-sèche peuvent être rempotées aussitôt après la fin des grands froids, vers la fin de fé- vrier ou dans les premiers jours de mars. Le mouvement de la sève, en quelque sorte sus- pendu chez ces plantes, permet alors de rogner sans inconvénient les racines et d’en renouveler la terre, soit partiellement, soit en totalité. Quel- ques plantes ne supportent pas ce renouvelle- ment complet de la terre où elles végètent: on ne peut qu'enlever leur motte sans la briser, et en retrancher avec beaucoup de prudence les parties qui ont été en contact avec les parois du pot; puis on replace dans son pot la motte di- minuée, et l’on remplit le vide qui en résulte avec de la terre neuve. Ce mode de rempotage convient particulièrement aux plantes eom- prises dans la liste suivante : Clusia (toutes ies espèces). Chrysophyllum (toutes les espèces). Borragiuées (plusieurs espèces). lauriers, Myristicées ou muscadiers, Caryophyllus on gérofles, | toutes les espèces. Les liliacées de serre chaude supportent bien un rempotage complet tous les ans, mais seu- lement après leur floraison, lorsque les feuilles commencent à jaunir. Les crinums n’ont besoin d’être rempotés que tous les deux ou trois ans; dans l'intervalle d’un rempotage à l'autre. on enlève chaque année une portion de la terre de leurs pots, qu'on remplace par de nouvelle terre. Parmi les plantes de serre chaude, les gloxi- nias et les gesnerias, genres très en faveur aujourd’hui à cause de la beauté et de la du- rée de leur floraison, exigent quelques soins particuliers. Ces plantes préfèrent en général, à toute autre situation, une position ombragée où les rayons du soleil ne les frappent jamais directement. À mesure qu’elles approchent de l’époque du repos de leur végétation, on les ar- rose de moins en moins; quand elles ont per- du leurs tiges, ce qui a lieu vers la fin d'octo- bre ou dans les premiers jours de novembre, il ne leur faut plus que très peu d’eau; mais elles ne peuvent cependant supporter une sécheresse TITRE V. absolue. On perd souvent des gloxinias, des gesnerias, et aussi des martinias, rien que pour avoir négligé trop longtemps de les arroser pendant le repos de leur végétation. Ces plantes doivent être rempotées au prin- temps, dès qu’on s’apercoit qu’elles vônt ren- trer en végétation. La terre qui leur convient est un mélange par parties égales de terre lé- gère sablonneuse et de terreau de feuilles. Elles ont besoin d’arrosages très fréquents et très abondants à l'époque où elles commencent à emettre leurs tiges florales. Le même traitement convient aux plantes appartenant aux genres Caladium, arum et à plusieurs bégonias, dont la base est formée d’un tronc charnu ; la mantizia salvatoria, et la me- thonica simplex exigent aussi le même mode de culture. Ces plantes ne sont, à proprement par- ler, ni de serre chaude-sèche, ni de serre chaude- humide ; à défaut de cette dernière serre, il faut leur donner dans la première les places les plus humides pendant l’été. Les mantizias, les methonicas, les plantes appartenant aux genres kempfæria (zédoaire) zingiber (gingembre) et quelques plantes du genre maranta, ne perdent leurs feuilles dans la serre chaude que dans le courant de novembre et de décembre, et ne recommencent à végéter que dans le mois de mars; les arrosages et l’épo- que du rempotage de ces plantes doivent être ré- glés en conséquence de la marche de leur végé- tation. La liste suivante contient les noms des plantes de serre chaude les plus remarquables par la richesse de ieur floraison. augusta. ovala. reginæ. major. juncea. spatulata. angustifolia. / taintense. amabile, : wallichianum, Crinum .: Pa commelini. erubescens, \giganteum. Poinselia pulcherrima, | breonii, splendens, jacquiiflora. Ravenala madagascariensis. Carolinea princeps. Strelitzia Euphorbia À indica. Mangifera dica racemosa, Euphoria li-tchi. es istata. Justicia .. | nod a+ nodosa. Methonica superba. On peut joindre à cette liste le latania rubra, les dracænas; les jatrophacées, les bignoniacées en arbre, les jasminées et les capparidées. Les plantes de cette dernière famille demandent au moins 15 degrés de chaleur; au-dessous de cette température, elles dépérissent. FLORICULTURE. 319 Les expériences récentes de M. Neumann, chef des serres au Jardin du Roi, prouvent que toutes les plantes du genre strelitzia qui figu- rent sur la liste précédente, pourraient égale- ment prospérer dans la serre tempérée: elles aiment par-dessus tout à vivre dans un air sec et chaud, en ayant leurs racines dans une terre toujours humide; elles vivent en effet dans leur pays natal le pied dans l’eau et la tête au soleil. Nos insistons sur le conseil que nous avons donné de décorer la serre chaude-sèche au moyen des plantes grimpantes qu’on peut faire courir le long d’un fil de fer partout où leurs guirlandes de fleurs peuvent se déployer sans nuiré aux autres plantes; la liste suivante com- prend les noms des plantes grimpantes et volu- biles qui croissent le mieux dans la serre chaude- sèche. Combreium purpureum. Quisqualis indica. Stephauotis floribunda. graudifolia. venus!a. alliacea. speciosa. cquinoxialis, paniculata, purpurea. Letionia ornala. Convolvulus nervosus. Allamanda cataartica. Ipomæa horsfolliæ. Mimosa scandens Clitoria ternata. Abrus precatorius, Passiflora ( dix espèces). Aristolochia ire {trilobata, Bougainvillea spectabilis. Bignonia. . B. — Serre chaude-humide. Ce genre de serre convient particulièrement aux végétaux des contrées les plus fertiles des régions tropicales, surtout à ceux des contrées marécageuses et des vallées des grands fleuves, où la réunion d’une température élevée et d’une atmosphère humide développe un luxe dé végétation inconnu partout ailleurs. Aucune situation ne convient mieux à la serre chaude- humide qu’un mur en terrasse exposé au midi ou au sud légèrement sud-est; la masse de terre que soutient ce mur Contient toujours néces- sairement plus ou moins d'humidité ; il en ré- sulte un état permanent de moiieur dans l’at- mosphère de la serre ; état spécialement favo- rable à la sante des plantes qui doivent v vivre. On ajoute encore au besoin à cette humidité en creusant le sol de la serre à quelques déci- mètres au-dessous du sol environnant. La charpente de la serre humide, !orsqu’on la construit en bois, est très promptement dé- truite, même quand on choisit du cœur de chène de première qualité, tandis qu’une char- pente en fer: revêiue d’une peinture conve- nable, peut durer indeliniment. Nous avons déjà exprimé notre opinion relativement aux 350 HOKTICULTURE. inconvénients que présente le fer employe à la | construction des serres; ces inconvénients sont surtout sensibles à l’egard des châssis vitrés; mais rien n’est plus facile que de les éviter en associant le bois au fer dans la con- struction de la serre chaude-humide,. Il suffit, dans ce but, de construire en fer toutes les pièces principales de la charpente, et en bois le meilleur qu’il soit possible de se procurer les châssis destinés à recevoir les vitrages. Par ce moyen, les plantes dans l’intérieur de la serre n’ont point à souffrir de l’excès d'ombre résultant du trop grand volume d’une char- pente en bois qui intercepterait trop de lumière, et les vitrages ne risquent pas d’être cassés par l'inégalité de dilatation du verre et du fer. Les châssis de la serre chaude-humide doi- vent être ajustés avec le plus grand soin, afin de procurer à l'intérieur de cette serre une clôture hermétique; ils doivent tous les ans recevoir une ou deux couches de peinture, tant pour assurer leur conservation que pour empé- cher qu’il ne s’y établisse quelque fente par laquelle un courant d’air froid pourrait s’intro- duire dans la serre. Aussitôt qu’on reconnait l'existence d’une semblable fente, il faut s’em- presser de la boucher avec du mastic. Les chässis de la serre chaude-humide exigent, sous ce rapport, une surveillance de tous les jours. Les bäches doivent être construites en dalles minces, d'une grandeur proportionnée à celle de la serre et aux dimensions des végétaux qu’on se propose d’y cultiver. Les observations que nous avons faites relativement à la pro- duction de la chaleur dans les bäches de la serre chaude-sèche, au moyen des matières animales et végétales en fermentation, s’ap- pliquent également aux bâches de la serre chaude-humide; ces bâches n’ont pas besoin de chaleur interne; il suffit que les plantes re coivent, par l'intermédiaire de l'atmosphère, une Chaleur suffisante provenant d'un appareil de chauffage convenablement dirigé. La tem- pérature moyenne de la serre chaude-humide ne peut pas descendre à moins de 10 degrés ; elle ne doit pas non plus dépasser un maximum de 30 degrés. Les bàäches sont tout simplement remplies de terre, sur laquelle sont placés les pots dans lesquels vivent les plantes. Cette disposition serait inutile si la serre chaude ne devait contenir que des plantes de pleine terre, à qui la température et l'humidité de cette serre conviennent en toute saison ; mais, Comme on l’a vu précédemment, beau- coup de plantes, pour végéter convenablement, veulent passer dans la serre chaude-humide tout le temps que dure leur état de végétation, et dans la serre chaude-sèche l'époque de leur sommeil, ce qui n’est possible que pour les plantes cultivées dans des pots. Les pots ne sont pas moins nécessaires pour les plantes de petite taille, qu’il faut à cer- taines époques rapprocher des jours en les po- sant sur la tablette qui règne le long du vitrage. LIVRE VIII. les annecs pluvieuses, un excès d'humidité dans l'atmosphère de la serre chaude - humide. Dans ce cas, il ne faut pas craindre de faire du feu dès le mois de septembre, pour dissiper ces vapeurs surabondantes, quoique la température intérieure de la serre ne soit pas assez basse pour exiger à cette époque de l’an- née le secours de la chaleur artificielle. Nous avons vu comment certaines parties de la serre chaude-sèche réunissent jusqu'à un certain point les conditions d’une serre chaude- humide : il en est de même de la serre chaude- humide, dont toutes les parties ne sont pas humides au même degré. Cependant , si l’on peut, dans de certaineslimites, faire d’une serre chaude-sèche une assez bonne serre chaude- bumide, cette dernière serre ne peut jamais devenir une bonne serre chaude-sèche ; trop de causes dont on ne peut modifier les effets, concourent à tenir son atmosphère constam- ment chargée de vapeurs humides. Les parties les plus ombragées, où l’air est plus stagnant et l’'évaporation plus lente que dans le reste de la serre, conviennent de préférence à tout autre emplacement, aux fougères, aujourd’hui fort cultivées comme ornement dans les serres chaudes, en raison de la beauté de leur verdure et de l'élégance de leur feuillage. Il en est qui croissent très bien le long d’un mur humide ; tels sont entre autres les polypodiums phymo- todes et scandens. Quelques plantes qui recherchent l'ombre, accompagnée de la chaleur humide, peuvent très bien servir à tapisser le mur du fond de la serre, auquel elles s’accrochent par les racines qu’elles émettent en grand nombre le long de leurs tiges. comme le lierre de nos cli- mats ; c'est ce que ne manquent pas de faire les piper nigrum et bétel, le ficus scandens, et la vanilla aromatica , ou planifolia , ainsi que la vanilla pomponia. Toutes ces plantes crai- gnent beaucoup le soleil; le renouvellement fréquent de l’air ne leur est pas nécessaire comme à beaucoup d’autres végétaux ; elles ne semblent pas souffrir sensiblement du défaut de ventilation ; mais les arrosages et les serin- gages doivent leur être prodigués. Il ne faut seringuer les plantes de serre chaude - humide que lorsque le soleil est déja assez bas sur l'ho- rizOn. I ny a pas pour les plantes de la serre chaude - humide d’époque de rempotage gené- ral; comme toutes ces plantes végèlent avec une très grande activité, elles ont bientôt épuisé les parties nutritives de la terre de leurs pots ; dès qu’on s’en aperçoit au ralentissement de leur végétation, on doit remplacer, soit en totalité, soit partiellement, la terre épuisée, en usant des mêmes précautions que nous avons précédemment indiquées. La liste suivante contient les noms de quel- ques-unes des plantes exotiques les plus remar- quables parmi celles qui se plaisent dans la ; LUE (3 | serre chaude-humide. Il règne quelquefois à l'arrière saison . dans | TITRE V. ‘sardnerianum. flavescens. angustifolium, |coronarium. | zebrina. « truncala, bicolor. : seguinum, seguinum variegalum. odorum. { violaceum. macrophyllum. rugosum, | sagittæfolium. Hedychinm Marauta, . Caladium.. Les plantes de la liste précédente sont à feuilles persistantes, ou, si elles perdent leurs feuilles, c’est insensiblement, celles qui tom- bent étant remplacées aussitôt par celles qui repoussent ; toutes ces plantes, dans une serre chaude-humide bien gouvernée, végètent avec autant d’activité et de vigueur que dans leur pays natal. Les végétaux de la liste suivante, apparte- nant à la famille des palmiers, les rois du règne végétal, ne se plaisent dans la serre chaude-hu- mide qu’autant que l'humidité n’y est point en excès. [ coccinea (bananier). sapientum. discolor. sinensis ( bananier nain). bihai. speciosa. pulverulenta. psittacorum. brasiliensis. regine. reginæ-lajor. ovala. spatulacea juncea. augusta. Begonia (toutes les especes à feuilles persistantes), Blakea trinervia, utilis. inermis. bromæliæfolia. reflexa. sylvestris latifolia. Musa. .. Heliconia. . _. Strelitzia. . Pandanus. . Les plus remarquables d’entre les plantes qui se plaisent, en été, dans la serre chaude-hu- mide, mais qui veulent passer l'hiver dans la serre chaude-sèche, sont comprises dans la liste suivante : | speciosa. | acatangulala. Couroupila Guyanensis. Cecropia peltata. Carica popaya. Coffea arabica (caffeier). Barringlouia Il faut ajouter à cette liste toutes les plantes appartenant aux genres psidium, astrapæa, pterespermum et combretum. Les notions qui précèdent sur la culture des FLORICULTURE. 381 ! plantes de serre sont puisées en grande partie | dans le traité des serres par M. Neumann, chef des serres au Jardin du Roi; nous em- pruntons à un excellent article du même horticulteur les détails suivants sur la culture de la vanille, plante que ses usages économi- ques rendent digne à tous égards de fixer l’at- tention des amis de la culture des plantes exo- | tiques. $ VIII. — Culture de la vanille, Peu de plantes sont aussi rustiques et exigen moins de soins que la vanille dans son pays na- | tal; l'odeur exquise de ses siliques, objet d’un commerce très important, les fait rechercher ct payer fort cher par les confiseurs, les distilla- teurs et les glaciers; elle entre aussi, comme assaisonnement, dans plusieurs mets sucrés. A Cayenne, la culture en grand de la vanille se pratique tout-à-fait sans cérémonie. « Cette plante, dit M. Neumann, ne demande pas de grandes avances à ceux qui l’exploitent ; il ne lui faut ni labour, ni taille, ni échalas ; plantée | sous des bois, dans des ravins très chauds, elle pousse avec vigueur sur les guazuma à feuilles d’orme et sur tous les arbres à écorce molle et spongieuse. » Pour un horticulteur intelligent, ce seul fait, observé sur les lieux par l’'habile horticulteur qui le rapporte, vaut toute une instruction dé- taillée sur la culture de la vanille ; on voit, en effet, que cette plante, sur son sol natal, se de- veloppe sous les mêmes conditions et dans les mêmes localités que les orchidées, à la famille desquelles elle appartient ; sa place est donc toute marquée dans la serre chaude-humide et dans la serre aux orchidées pour ceux qui | s’'adonnent à la culture spéciale de cette famille de végétaux ; l'ombre, la chaleur et l'humidité | sont les éléments de son existence. On ne peut se faire une idée de sa force de végétation, à moins de l'avoir observée; dans les serres du Jardin du Roi, la vanille pousse des racines | aériennes qui s’allongent jusqu’à 2 mètres et au-delà, cherchant une terre où elles puissent s’enfoncer. Ces racines s’accrochent à tout ce | qu’elles rencontrent, même à du bois couvert | de peinture; si deux d’entre elles viennent à se croiser, elles reprennent l’une sur l’autre. La vanille se multiplie très aisément de bou- tures faites en terre franche à la fois légère et substantielle ; elle n’exige, pour se développer rapidement, aucun soin particulier de culture ; il lui faut, comme à toutes les plantes de serre | chaude-humide, beaucoup d’eau pendant l'été let très peu pendant l'hiver, tant que dure le sommeil de la végétation. Mais le point impor- | tant n’est pas seulement de faire végeter et fleurir la plante, on cherche surtout à en obte- nir ces siliques qui portent dans le commerce le nom de vanille, comme toute la plante qui les produit. La floraison de la vanille est très | rapide ; les fleurs s'ouvrent l’une après l’autre ; chacune d’elles ne dure pas au-delà de vingt- | quatre heures. La conformation particulière 382 des organes reproducteurs de la vanille rend presque impossible la fécondation naturelle, du moins dans la serre, en Europe; or toute fleur qui n’a pas été fécondée tombe sans donner naissance à une silique, circonstance d’autant plus regrettable que les siliques récoltées dans les serres, en Europe, ont exactement la même odeur et pourraient avoir dans le commerce la même valeur que la vanille d'Amérique; pour mieux dire, il est impossible de distinguer l’une de l’autre. Les fleurs ne produisent des siliques que lorsqu'elles ont été artificiellement fécon- dées, opération assez délicate à cause de la manière dont ces fleurs s’épanouissent. Si la floraison est trop avancée, la fécondation ne réussit pas; elle réussit encore moins si la fleur n’est ouverte qu’a demi. Après de nombreux essais, M. Neumann s’est assuré que l'heure la plus favorable pour féconder artificiellement la vanille est entre dix heures du matin et midi. Les siliques qui succèdent aux fleurs fécondées ne sont müres qu’au bout d’un an; eiles sont, nous devons le répéter, parfaitement sembla- bles et égales en parfum comme en qualité à la meilleure vanille du commerce. À Cayenne, on prépare les siliques de vanille par le procédé suivant : on les récolte avant leur maturité, lorsqu'elles ont acquis tout leur volume et que leur couleur passe du vert au jaune ; on les en- file ordinairement douze par douze, comme on le fait en Europe pour les haricots verts qu’on se propose de faire sécher pour les conserver. Ces chapelets de vanille sont trempés quelques ins- tants seulement dans de l’eau en ébullition, puis retirés aussitôt et suspendus à des cordes dans une chambre où le soleil puisse avoir ac- cès pendant plusieurs heures de la journée. Le lendemain, toutes ces siliques sont huilées le- gèrement l’une après l’autre, tant pour en éloi- gner les mouches qui craignent Phuile, que pour que les siliques, en perdant leur humi- dité, conservent encore une certaine souplesse. Elles perdent, par la dessiccation, environ les trois quarts de leur volume; elles contractent en même temps une couleur d’un brun presque noir, et leur arome devient beaucoup plus pro- noncé qu'il ne l'était à l’époque de la récolte. On les frotte d'huile une dernière fois avant de les détacher pour les renfermer dans des pots de terre vernissée, où on les conserve jusqu’à ce qu’elles soient livrées au commerce. Ces procédés de préparation n’ont rien que de fort simple. Il n’est pas douteux pour nous que la culture de la vanille ne soit non-seule- ment possible et facile, mais même très profi- table dans une serre bien dirigée. Les produits de cette culture ont toujours une grande va- leur; l'amateur peu favorisé des dons de la fortune peut, s’il consacre à la vanille la moitié de sa serre chaude-humide, y trouver une res- source suffisante pour peupler l’autre moitié des orchidées les plus précieuses. Les succès obtenus par M. Neumann en fé- condant artificiellement la vanille ne sont point un fait isolé; à Liège, M. Morren, professeur HORTICU LTURE. LIVRE VIH. de botanique, a obtenu par le même procédé des siliques parfaitement mûres d’une autre espèce de vanille; le résultat ne peut donc être douteux. Trois espèces, ou plutôt trois variétés de vanille, sont cultivées dans nos serres; leurs siliques ont également les qualités exigées de la vanille comme produit commerçable. La fig. 518 représente la vanille à feuilles planes. $ IX. — Plantes aquatiques de serre chaude. Bien peu d'amateurs s’adonnent en France à la culture des plantes aquatiques de serre chaude ; ces plantes se recommandent pourtant par la réunion d’un nombre de qualités pré- cieuses dout la première est d'exiger peu de soins, et de venir pour ainsi dire toutes seules. Les plantes aquatiques, une fois qu’on leur a donné la quantité d'eau nécessaire, n’ont plus besoin que d’une ventilation fréquente et d’une température égale à celle de la serre chaude- humide, chaleur qu'il est facile d'entretenir au moyen d’un appareil de chauffage approprié à l'étendue de la serre. Du reste, il ne leur faut ni arrosage, ni nettoyage, ni rempotage, ni taille fréquente des tiges et des racines, ni au- cun de ces soins ininutieux que réclament tou- tes les autres plantes de serre à divers degrés, et qui rendent leur culture si assujettissante pour le jardinier. Voici quelques indications sur la manière dont on gouverne en Angleterre les plantes aquatiques de serre chaude. La serre chaude aux plantes aquatiques ne peut avoir trop de lumiere : par ce motif, elle se construit mieux à deux versants qu’à un seul ; l'inclinai- son des deux versants ne doit pas dépasser vingt à vingt-cinq degrés, parce que ces plan- tes ne veulent pas être trop éloignées des vi- trages : elles en seraient trop loin dans une serre dont les panneaux seraient inelinés. La longueur de cette serre est tout-à-fait arbitraire; elle dépend du nombre des plantes qu’on se propose d'y culiver ; la hauteur ne doit pas dépasser trois mètres au centre ; les bâches se- ront remplacées par deux bassins séparés par un passage. L’eau de ces bassins sert à la fois de nourriture aux racines des plantes aquati- TITRE v. ques et de support aux feuilles de ces plantes qui flottent à la surface de l’eau. On les place sous l’eau dans des pots, afin de pouvoir retirer de l’eau celles dont les racines sont tubercu- leuses pendant le sommeil de leur végétation et les déplacer toutes à volonté à mesure qu’elles fleurissent ou que leur floraison est passée. Les plus grandes peuvent se placer dans des baquets ou dans des pots très évasés. Quant à la terre où plongent leurs racines, sa qualité est à peu près indifférente aux plantes aquatiques; elles tirent toute leur nourriture de l'air et de l’eau. On multiplie ces plantes soit de graine, soit | | celte plante dont la fleur est souvent ouverte par la séparation de leurs racines. Les graines de presque toutes les plantes aquatiques de serre chaude perdent leur faculté germinative très promptement et veulent être semées au | moment même où on les récolte. La graine du nelumbium speciosum peut se conserver long- temps et même voyager sans s’altérer, pourvu | qu'on la conserve dans des bouteilles bien bouchées et remplies d’eau. On sème les grai- nes des plantes aquatiques sous l’eau, dans des pots ou des baquets remplis de terre; la terre des marais est celle qui leur convient le mieux ; elles lèvent promptement et végètent sans soins particuliers. On repique le plant fort jeune dans des pots séparés. Les genres suivants sont, parmi les plantes de cette catégorie, ceux qui se propagent le mieux de graines : nymphea, limmocharis, menyanthes, pontederia, nelumbium, apono- geton et eurvyale. On y peut joindre, a cause de leur intérêt historique et économique, le cy- | perus papyrus et le riz. Les plantes des genres limmocharis, menyanthes, pontederia et apo- nogeton se multiplient en outre très aisément par la séparation de leurs racines, opération fréquemment nécessitée par leur rapide végé- tation. Les deux derniers genres sont assez rustiques ; ils supporteraient à la rigueur les hivers doux sous le elimat de Paris, dans une pièce d’eau à Pair libre, quoiqu'il soit toujours plus prudent de ne pas les y exposer. Les plantes du genre nymphea ont de grosses racines tuberculeuses; tous les ans, à la fin de l’automne, on examine ces racines, afin de séparer les plus petites, qui tiennent licu de plant, pour la multiplication de ces plantes, et les plus grosses, qui forment des plantes toutes faites devant fleurir l’année suivante. Ces ra- cines se placent dans des pots de grandeur con- venable remplis de terre légère; on les tient presque à sec durant tout l'hiver, dans le but de les empêcher de végêter; au printemps. on recommence à les arroser largement jusqu’à ce que les feuilles se montrent; alors on place Les pots au fond de l’eau, près des jours; les nym- pheas ainsi traités fleurissent toujours abon- damment. Par ce motif, les nelumbiums, dont les fleurs magnifiques peuvent être obtenues en été lors- qu'on sème la graine au commencement du printemps, se multiplient toujours de semence ; FLORICULTURE. | Nelumbium jamaicense...,... 383 c’est presque la seule des plantes aquatiques dont les graines conservent indéfiniment leur faculté geriainative. On sème en bonne terre légère, dans des pots plongés dans l’eau de manière à ce que la surface de leur terre m’ait au-dessus d’elle que 0®,05 à 0,06 d’eau main- tenue à une bonne température. Le plant doit être repiqué très jeune dans des pots qu’on place au fond de l’eau ; les feuilles ne tardent pas à atteindre la surface du bassin où elles s'étendent horizontalement. Peu de plantes aquatiques vivaces ont une floraison plus prompte et une végétation plus rapide que le nelumbium ; on voit pour ainsi dire pousser moins de quatre mois après que la graine a été semée. Il n’est pas nécessaire d’avoir une serre sem- blable à celle que nous avons décrite, et que les Anglais nomment aquarium, pour cultiver avec succès les plus belles d’entre les plantes aqua- tiques. Elles prospèrent également, soit dans le bassin de la serre chaude, soit même dans des baquets de grandeur convenabie, enterrés dans la bâche de la serre tempérée ; elles contrastent par l’ampleur de leur feuillage et de leurs fleurs avec les autres végétaux qui peuplent les serres. La liste suivante comprend les plantes les plus dignes d’être cultivées parmi les plan- tes aquatiques qui ne supportent pas le plein air sous le climat de Paris. Plantes aquatiques à fleurs bleues. Noms des plantes. Epoque de la floraison. Heterenthera reniformis. ..... Juillet et août. a cexulea- ESA jui Ë ù Nymplien | ulea De juin en septembre. craner ere Id. Herpestris stricta. ........ .. Août, De juin en août. Mhalia dealbata. © : .. . :..: . Juillet et août, aeurea: 7 2.2.1 Id. ’ dilatata Mai et juin Pantedera memes T2 mar - ” Jlanceolata, ..... D'août en octobre, KGLASSIRES here te - Septembre et octobre. Elantes aquatiques a fleurs blanches. | distachyon...... Mai et juin. |angustifolia. .... D'avril en septembre. Nymphea ampla............ De juin en septembrr. À ponogelon pauciflora....... Juillet et août. Drosera... 4 acaplis. De juin en août. | pinoatà . Id. Cephalotus follicularis. . ..,.. Juiu. Desmanthus triquelris.. ..... . Juillet et août. . . . . ] . . Villarsia indica.......... ... De juin en septembre, Victoria resina............. Janvier. Le] Plantes aquatiques à fleurs jaunes. Limnocharis plumierii. ...... De juin en novembre. Nelumbium Iuteum, ...,..... De juin en août. Jussiœa nalans, ......,..... Août et septembre. Nepenthès phyllomphæa, ..... Juillet et août, Plantes aquatiques a fleurs rouges. Euryale ferox....,..,,..,... De juillet en septembre. Impatiens natans. .....,.... Id. Nymphea rubra.,,.,,,.,,.. Juillet et août, 384 La plus admirable des plantes aquatiques est sans contredit celle que les botanistes anglais ont nommée, en l'honneur de leur reine, Victo- ria regina. Cette plante fut découverte, en 1837, par M. Schomburgk, sur la rivière de Berbice, dans la Guiane anglaise. Les feuilles de cette plante gigantesque n’ont pas moins d’un mètre 50 de diamètre dans son pays na- tal; la fleur est formée de plusieurs centaines de pétales passant du blanc pur au rose clair ; elle n’a pas moins de 0",30 à Om,35 de diamè- tre; c’est par conséquent la plus grande fleur de tout le règne végétal. La culture de cette plante est celle de l’euryale et du nelumbium. CHAPITRE II. — JARDINS PAYSAGERS. SECTION 1'°. — Notions générales. Le style des grandes compositions pour les jardins, a varié d’âge en âge, comme les idées dominantes de chaque siècle. Le moyen-âge dédaigna l’art d’orner de vastes espaces pour en former des jardins publics ou particuliers d’un grand style; en France, les Francs eurent bientôt laissé tomber dans l’oubli ce que les Romains leur avaient légué de remarquable en ce genre, comme dans toutes les branches des arts. La chronique nous montre le roi Franc Childebert allant de son palais à la messe, ma- ritalement avec la reine Ultrogotte, à l’église de Saint-Vincent, aujourd’hui Saint-Germain- des-Prés, sans sortir de ses jardins. Ce roi ha- bitait l'ancien palais des Thermes de l’empe- reur Julien, palais dont les débris subsistent encore rue de La Harpe; les jardins du palais des Thermes s’étendaient donc sur tout l’espace compris entre la rue de La Harpe et Saint-Ger- main-des-Prés, ayant au nord la Seine pour limite. C'était une trace du passage de la gran- deur romaine ; un roi Franc n’aurait certes pas eu l’idée d’une création semblable. Quelques siècles plus tard, le Louvre, rési- dence féodale des rois de France, n’avait pro- bablement pas de jardins ; du moins la chroni- que mentionne en plusieurs passages les vignes qui couvraient la rive de la Seine devant le Louvre, situation qui aurait dû être naturelle- ment celle du jardin, s’il y avait eu un jardin. Sous les premiers Valois, l'hôtel Saint-Paul, demeure habituelle de ces princes, sur l’empla- cement actuellement occupé par le collége Charlemagne, eut de très grands jardins qui rejoignaient le bord de la Seine jusque vis-à-vis de l’île aux Anguilles, qui fut depuis l'ile Lou- viers, aujourd’hui réunie à la rive droite de la Seine. Les noms des rues du Figuier et de la Cerisaie, vestiges historiques des jardins de l'hôtel Saint-Paul, rappellent un verger plutôt qu'un parc; les rues du Fauconnier et des Lions montrent l'emplacement d’une ménagerie jointe au verger royal, objet d’admiration sous le rè- gne du sage roi Charles V. HORMCULTURE. LIVRE VHi. Les jardins ornés ne commencent en France que sous Îles derniers Valois, à la suite des guerres d'Italie, quand nos rois eurent la mal- heureuse idée d'associer les Médicis à leur trône. A cette époque, l'Italie avait depuis long- temps de très beaux jardins, où le charme naturel des sites était rehaussé par le luxe mer- veilleux de la sculpture et de larchitecture ; c'était la tradition des jardins antiques dont Rome avait emprunté l’art à la Grèce, qui l'avait recu des Orientaux, en le modifiant selon son génie. Cette tradition, en Italie, n'avait jamais été complétement perdue; elle fut l’origine des jardins symétriques, dont l'époque brillante fut en France le long règne de Louis XIV. À Les jardins francais, ainsi qu'on les nommait alors, furent de bon ton dans toute l'Europe, surtout en Angleterre, où Charles IL en avait importé la mode. L’exagération des défauts propres à ce genre de jardins fut bientôt portée, en Angleterre, jusqu'aux dernières limites de l'absurde. Le dégoût très naturel que ces com- positions inspiraient aux hommes de bon sens de ce pays, venant à coïncider avec les ambas- sades célèbres des Anglais en Chine, on se mit aussitôt à imiter les jardins du céleste empire avec la même exagération qu'on avait mise à copier les jardins français symétriques; de là les jardins anglais adoptés avec enthousiasme par la mode en France. Aujourd’hui, le mot et la chose commencent à passer. Les contemporains anglais, français, allemands, adoptent d’un commun accord le terme, très rationnel à notre avis, de jardin paysager ; Ce terme nous parait être la. seule vraie définition des grands jardins ornés de notre temps. C’est de ce point de vue que nous donnons un aperçu de l’état actuel de cette branche de notre horticulture. Les notions que nous nous proposons d’ex- poser à ce sujet sont puisées en partie dans l'excellent traité de M. le chevalier Van Sckell, directeur des jardins royaux en Bavière. Ce livre, dicté par le bon sens et le bon goût, est le seul sur cette matière qui résume les idées et les besoins de notre époque, à l'égard des jardins paysagers. Afin de mieux établir la limite qui sépare le stvle des anciens jardins de celui des jardins modernes, et de montrer comment et dans quelles proportions nous concevons l'alliance des arts et des beautés naturelles pour lorne- ment de ces Compositions, nous ferons voir comment le retour à des idées moins exclu- sives s’est opéré dans les jardins de la Grande- Bretagne, cette terre classique des parcs et des vastes jardins, parce qu’elle est aussi celle des fortunes colossales. Dans ce but, nous tradui- sons, en les abrégeant, les passages suivants d’un écrit très remarquable publié sur ce sujet, en anglais, par M. Hope, il y a vingt-cinq ans. « C'était la grande mode, il y a quelques an- nées, en Angleterre, de rechercher dans la composition des jardins tout ce qui pouvait les TITRE V. faire prendre pour des produits de la nature, | sans le secours de l'art et de l’industrie hu- maine ; la mode d’alors blämait sans distinction toutes traces de la main de l'homme dans le | dessin d’un pare ou d’un jardin; elle avait surtout proscrit tout ce qui pouvait ressem- bler à une intention de symétrie et de régula- rité. Peut-être, en recherchant mieux qu’on ne l’a fait jusqu’à ce jour, le but et la destination d’un jardin, trouverait-on peu rationnel de renfermer les formes et les ornements des jar- dins dans des règles si strictes et si limitées. « Quelle fut, dans les temps primitifs, l’ori- gine des jardins? La difficulté d'aller récolter à de grandes distances des plantes usuelles et cueillir des fruits mangeables sur des arbres épars çà et là, parmi un grand nombre de plantes et d’arbres inutiles ou nuisibles, a dû probablement donner la première idée d’un jardin, en faisant sentir la nécessite de réunir près de la demeure de l’homme les végétaux, base de sa subsistance. Ce point de départ du jardinage est encore, de nos jours, l’objet de cette branche importante de l’horticulture con- temporaine, qui a pour but d’approvisionner l'office et la table. La portion du jardin chargée spécialement de satisfaire, non pas seulement la vue, mais encore l'estomac, a dù nécessaire- ment rejeter le désordre et la confusion de la simple nature; il a fallu isoler entre eux les vé- gétaux utiles de chaque espèce, après les avoir séparés des végétaux inutiles ; il a fallu consa- | crer à chaque genre de plantes un espace de forme régulière pour lui donner des soins spé- ciaux de culture, conformément à sa nature et à son genre d'utilité. Nous voici conduits à conclure de cet exposé de l’origine du jardinage, que l’une des beautés les plus réelles parmi celles que nous pourrions nommer intellectuelles, c’est celle qui résulte, dans toute œuvre de l’art ou de la nature, de l'accord parfait, de lexacte relation entre le but proposé et les moyens employés pour at- teindre ce but. De même qu’on peut regarder l'opposition des formes et des couleurs comme l’un des éléments essentiels de la beauté dans les objets qui frappent la vue, de même une beauté très réelle résulte de l'opposition entre le vague, les lignes mal arrêtées d’un paysage dépourvu de symétrie, et les couleurs vives, les formes distinctes, la gracieuse mosaïque d’un sol soigneusement cultivé par compartiments réguliers et symétriques; il semble que ce soit une pierre précieuse qui brille dans un mon- ceau de minéraux bruts, ou mieux, un riche tapis étendu sur un Coin d’une agreste vallée. Can voit ainsi clairement, qu’au moins dans la partie du jardin consacrée aux productions utiles, nous pouvons produire accessoirement un aspect satisfaisant, non-seulement pour la vue, mais aussi pour l'intelligence, sans nous astreindre aux formes irrégulières de la nature livrée à elle-même. Il reste maintenant à rechercher s'il vaut mieux laisser paraüre l'intervention de l’art BORTICULTURK JARDINS PAYSAGERS. 383 . dans le dessin des parties du jardin constituant, à proprement parler, le jardin d'agrément, ou dissimuler cette intervention ; dans le dernier cas, l'emploi des moyens artificiels tend à pro- duire des effets susceptibles de plaire aux yeux et à l'intelligence, mais seulement en se rap- prochant le plus possible des formes irrégu- lières et indéterminées de la nature entièrement libre ; dans la seconde hypothèse, on emploie ouvertement, et sans chercher à les masquer, les ressources de l’art, et l’on fait contraster vivement l’irrégularité des lignes du paysage naturellement agreste, avec la symétrie des ou- vrages réguliers de l’art humain. Ne perdons pas de vue cette vérité, que la symétrie entre aussi bien dans le plan des œuvres de la na- ture que dans celui des travaux de l’homme: seulement, la nature n’en fait l'application qu’à ses plus petits ouvrages, admirables par leur régularité; elle cesse de s’y astreindre dès qu’elle opère sur des masses plus considérables, sur des espaces plus étendus. Nous avons dit qu’il fallait rechercher dans la création du jardin paysager le plaisir des yeux et celui de l'intelligence, En effet, l’ab- surde ne saurait satisfaire l'esprit; il choque et déplaît partout où il se montre. Or, rien ne semble plus absurde aux veux de l’homme de bon sens, que ces efforts dispendieux pour imi- ter la nature dans ce qu’elle a de laid et de dés- agréable, tandis, qu’au contraire, l'esprit est satisfait à l’aspect des travaux d’art qui, par exemple, auront réussi à convertir un aride co- teau dépouillé de végétation en un riant et frais | paysage. Bien loin d'ajouter à la beauté de son œuvreendissimulant l'intervention de la mainde l’homme, l’auteur d’une création de ce genre n'aurait fait par là, à ce qu'il nous semble, qu’en diminuer le prix, en retranchant quelque chose du plaisir qu’on éprouve toujours natu - rellement à l'aspect d’une œuvre bien exécutée, d’un travail couronné de succès. Voudrions- nous que chacune de nos maisons construites en pierre, ressemblät le plus possible à une ca- verne, Où que nos vêtements de laine offrissent la plus exacte ressemblance possible avec une toison non lavée? Ce serait pourtant l’applica- tion du même principe. Ce n’est pas à dire que nous voudrions que la terre dans nos jardins lüL toujours et partout disposée en terrasse, que l'eau figurât seulement sous forme de jet d'eau, que toutes les plantations fussent des avenues ou des quinconces, pas plus que nous ne pour- | rions souffrir à l'Opéra une interminable série d'entrechats, de menuets, ou de pas graves. L’imitation du paysage naturel doit à notre avis se réduire à la reproduction de ce que la nature offre de véritablement beau, sans entre- prendre de ces monstruosités extravagantes qui n’atteignent qu’au ridicule; car en cherchant l’imitation des grandes scènes de désordre, dont la beauté tient à cette grandeur qu’il est hors du pouvoir de l’homme d'atteindre dans ses œuvres, le travail de l'homme dégénère com- | plétement en caricature. Sans doute, du sein 1. V. —- 49 386. des scènes les plus sauvages de la nature in- culte, il jaillit souvent des effets grands, impo- sants, sublimes ; mais l’art ne doit point aspirer à les reproduire. S'il existe dans quelques parties reculées de notre domaine une roche sourcilleuse, un pré- cipice effrayant, un torrent qui gronde, une sombre et impénétrable forêt séculaire, c’est une faveur de la nature: gardons-nous d’en gâter les sublimes impressions en y mêlant les conceptions rétrécies de l’art humain : il serait là hors de sa place: Mais ce sont là de ces objets que nous ne voulons pas avoir constamment sous les yeux ; ils perdent tout leur prix en ces- sant de nous impressionner, s’il nous faut, bon gré malgré, les regarder chaque fois que nous ouvrons la fenêtre. D'ailleurs, si dans les alen- tours de l’habitation, nous disposons toujours d'un espace suffisant pour les ouvrages d’art appropriés au jardinage, la place manque évi- demment pour de véritables précipices, pour des rochers dignes de ce nom. Ce qui convient autour de la maison, c’est un choix judicieux de plantes et d’arbustes indigènes ou exotiques, dont les fleurs joignent à l’elégance des formes l'éclat des couleurs et la suavité de leurs par- fums; la place de ces plantes est là dans des pots, dans des caisses comme les orangers, ou dans les plates-bandes d’un parterre, comme les rosiers et les jacinthes. Comment pourrait- on entreprendre de les faire passer pour les productions naturelles d’un sol abrupte et tour- menté? Trouverait-on plus agréable un torrent qui se précipite de rocher en rocher à la porte de la maison, qu’une paisible rivière bordée de fleurs, déployant ses gracieux contours près d'une habitation élégante? Nous concevons l'application à la composition du jardin pay- sager du principe de limitation de la nature inculte, mais nous la concevons seulement dans des limites rationnelles; nous rejetons d’une ma- nière absolue l'exclusion de Part, la loi qu’on veut lui imposer de se cacher comme un intrus qui n’a que faire dans le dessin et l'ordonnance des jardins paysagers. Nous admettons ouverte- ment et de plein droit les objets d’art dans ces jardins, comme ornements dé détail. La profu- sion de ces objets est là sans doute un luxe de très mauvais goût ; mais pourquoi, par exemple, verrions-nous avec, moins de plaisir le crisial d’une source parce qu'il s'échappe d’une urne réellement belle en elle-même, pour retomber dans un bassin d’un dessin irréprochable? Si l'emplacement est bien choisi, si le dessin en est élégant et correct, un objet d’art renfer- mant en lui-même une beauté réelle ne peut de- venir laid et déplaisant, par cela seal qu'il con- court à la décoration d’un jardin paysager. Les voyageurs qui n’ont pas fait abstraction de leurs propres sensations pour s’en tenir à de vaines et étroites théories, ne peuvent re- fuser leur admiration aux jardins suspendus de Gênes et aux splendides villas des environs de Rome; c’est. quelque chose d’admirable, en effet, que ce contraste tranché des marbres les HORTICULTURE. LIVRE VIII. plus riches qui se détachent sur la plus riche verdure. Comment ne point admirer ces sta- tues, ces balustrades, ces vases artistement entremélés aux massifs d’arbres verts: ces montagnes vues dans l’éloignement, à travers les longues colonnades des portiques; ces ran- gées de cactus et d’aloës, étalant le luxe de leur végétation dans des vases de granit et de por- phyre, vases aux formes régulières, mais moins symétriques, pour ainsi dire, que celles dont la nature a paré ces magnifiques végétaux? Et qui ne serait frappe des oppositions entre les chefs-d’œuvre de l’art et ceux de la nature, se prêtant l’un à l’autre un charme de plus par le contraste de leur genre de beauté, surtout quand ces beautés se déploient sous le ciel de l'Italie, dans cette contrée considérée à si juste titre comme la première école du vrai beau ? Mais il faut que le goût, ce sixième sens si dé- veloppé chez les Italiens, préside à toutes ces choses. C’est précisément l’absence de goût qui avait fait adopter en Angleterre, avec pas- sion, la symétrie et la régularité dans l'arran- gement de nos jardins, tellement encombres d'objets d'arts de toute sorte, entassés avec profusion, sans harmonie avec la nature du paysage environnant, qu’à la fin nous nous en sommes trouvés rassasiés, rebutés; C’est en- core la même absence de goût qui nous a fait, dans ces derniers temps, nous précipiter dans l'excès contraire. Repoussant tout vestige de l’ancienne régularité des lignes de nos jardins, comme on repousse un fantôme dont on a éié longtemps obsédé, nous avons construit nos demeures champêtres dans des sites si peu faits pour le séjour de l’homme, qu'elles y semblent tombées des nues; puis, sans prendre plus de souci du vrai beau que de l’agrément reel de nos maisons de campagne, nous avons rendu le paysage, vu de l'habitation dans toutes les directions, aussi dépourvu d'harmonie dans sen ensemble que discordant avec le style ar- chitectural de lhabitation elle-même. Dans cette confusion de lignes sinueuses, irrégu- lières, qui serpentent sans but, nous n’avons pu déraciner tout-à-fait les traces de Part; il s’y laisse apercevoir, mais sous ure forme à la fois insipide et ridicule ; le style de ces compo- sitions rappelle ces vers blancs, qui ne sont pas de la prose, et sont encore moins de la poésie: Est-ce là imiter la nature? La nature a pour elle l’espace, l'étendue, la grandeur; dans ses plus grandes scènes, elle ne déploie que ces vagues, mais inimitables beautés, résultant de l'opposition des formes et des couleurs des grandes masses. La nature, dans ses plus petits ouvrages, dans ce que nous pourrions nommer ses œuvres de prédilection, appartenant à cha- que règne, prodigue la régularité, la symétrie, dans la disposition des formes et des couleurs. Examinez les rayons des paillettes du givre, les facettes du cristal, les pétales de la fleur, les organes des insectes dans leurs diverses méta- morphoses; contemplez la figure humaine , ou seulement la configuration de l'œil; partout TITRE V. vous serez frappé de la régularité, de la symé- trie, de l'harmonie des œuvres de la nature. S'il est vrai que l’art ne soit autre chose que le developpement des règles posées par la na- ture elle-même, il n’est pas vrai que ces règles excluent la symétrie, il n’est pas vrai non plus quel’étrangetéet le caprice soient des sourcesde beauté réelle pour les jardins paysagers. A force de renchérir sur la sauvagerie des sites, ne pouvant les mettre en harmonie avec nos habitations, ce sont nos demeures champêtres que nous voudrons mettre en harmonie avec n0S parcs; alors, il n’y aura pas d’autre moyen que d’en faire des antres ou des carrières. $ IT. — Scènes naturelles propres à entrer dans la composition du jardin paysager. À. — Examen du terrain. Si nous examinons les paysages tels que les forme la nature avec une variété infinie sur toutes lesparties de la surface de notre mère commune, la terre, nous reconnaissons dans quelques-unes de ces scènes la nature à peu de choses près dans son état primitif; d’autres nous la montrent plus ou moins modifiée par les diverses révolutions qui ont bouleverse la surface du globe à différentes époques ; à peine trouve-t-on deux sites qui offrent exactement le même caractère. Le règne végétal contribue pour sa part à cette variété, non-seulement par les différences €normes qui exisient entre les genres et les espèces, mais aussi par la répartition des plan- tes entre les différentes contrées. Ainsi, tandis que dans les régions boisées, les masses végé- tales sont l’objet le plus apparent du paysage, d’autres régions semblent dépourvues de vé- gétaux, et l’aspect de ceux qu’elles contiennent se perd dans l’immensité des plaines ou des montagnes arides; le sommet des plus hautes montagnes à pourtant sa végétation qui lui est propre, mais cette végétation est formée de plantes qui, par leur petitesse, échappent à l'œil de l'observateur placé au bas de la montagne, et ne concourent point à l'effet du paysage. Parmi tous ces objets si différents les uns des autres, il n’y a rien dont le jardinier paysagiste ne puisse tirer parti d’une manière quelconque ; l'esprit d'observation, le talent de saisir du premier coup d'œil les ressources naturelles propres à donner du charme à ses compositions, constituent l'une des qualités les plus indispen- sables du jardinier paysagiste ; c’est toujours, armi les talents qu’il doit avoir, celui dont il ui faut faire preuve avant de songer à en dé- ployer aucun autre. Il faut qu'il se préoccupe avant tout de la nécessité de mettre son œuvre en harmonie avec les scènes romantiques de la nature qui l’environnent. . Ce principe, généralement adopté, établit une différence très notable entre la somme de tra- vail et aussi la somme d'argent qu’exige, pour une égale étendue de terrain, un Jardin paysager dans le goût moderne, JARDINS PAYSAGERS. mm em comparé aux anciens 387 jardins symétriques. Dans l’ancien système, on ne pouvait établir que des dignes droites sur des surfaces planes; les accidents de terrain, trop considérables pour qu’il fût possible de songer à les faire complétement disparaitre, devaient être convertis en terrasses; le reste du sol était, avec des frais énormes, déblayé de tout ce qui pouvait interrompre l’uniformité de sa surface. Or, on sait que dans toute créa- tion de jardins paysagers, la plus grande dé- pense est toujours celle qu’entrainentles déblais et les remblais; les autres dépenses ne sont rien, comparées à celle-là. De plus, il était im- possible de profiter de manière ou d’autre pour les jardins symétriques des arbres qui pouvaient se rencontrer d'avance sur le terrain; comme on ne pouvait se permettre de sortir des plan: tations en ligne droite, tout arbre hors de l'alignement du tracé, quelque regrettable qu’il fût d’ailleurs , devait disparaître; et c'était le plus grand hasard du monde si tous ne se trou- vaient pas dans le cas d’être supprimés. Le jardinier, plus libre dans ses allures lorsqu'il s’agit pour lui de tracer un jardin paysager, regarde au contraire les accidents de terrain, les pentes, les monticules, les vieux arbres, s’il en existe, comme des hasards heureux qui fa- cilitent son travail, et qu'il est heureux d’en: châsser dans sa composition. B. — Dimensions des jardins paysagers. Il y a sans doute des proportions au-dessous desquelles un jardin paysager devient ridicule de petitesse ; mais c’est une erreur de croire, comme quelques auteurs l'ont avancé, qu’il faut au jardin paysager un très grand espace, comme si la nature ne produisait pas très sou- vent, sans l'intervention de l’homme, des effets réellement beaux et pittoresques sur des ter- rains de peu détendue, Lorsque la contrée en- vironnante est riche en effets de ce genre, et que le jardinier sait combiner ses plans de‘ma- nière à suppléer à l’espace qui lui manque. en faisant concourir à l’ornement du jardin l’as- pect des objets extérieurs, il n’a pas besoin d’un grand espace pour réunir les effets les plus gracieux que ce genre comporte; seulement il évitera d’entasser sur une surface de moins d’un hectare des scènes qui veulent 1 ou 2 ki- lomètres de développement ; il se souviendra qu'il est de ces beautés d’un ordre supérieur qu’il faut laisser à la nature, et qu’il est hors de la puissance de l’homme de reproduire. C. — Choix d'objets pittoresques. Les plus hautes élévations artificielles dans un jardin paysager, soit pour rompre l’unifor- mité d’un sol trop peu accidenté, soit pour pro- curer un beau point de vue, ne peuvent guère dépasser dix mètres de hauteur perpendicu- laire. Une rivière artificielle est très large quand elle a de quinze à vingt mètres de largeur ; un lac creusé de main d'homme est immense, et coûte des sommes exorbitantes, s’il couvre seu lement dix à douze hectares. Ni l’un ni l’autre 388 de ces deux objets ne peut être trop petit sans tomber dans le ridicule; il y a d’ailleurs des moyens, dont nous parlerons ailleurs, d’aug- menter leur étendue apparente par les illusions d'optique. Il ne faut point creuser de lac arti- ficiel si l’on ne peut lui accorder une étendue d'au moins buit hectares ; au-dessous de cette étendue, ce ne sera qu’un étang ou une pièce d’eau, qui n’exige pas de si larges proportions. On doit regarder comme les très bienvenus, dans le site où l’on doit créer un jardin paysa- er, les ruisseaux et les cours d’eau de toute espèce ; les uns seront dirigés autour des bois et des bosquets, tantôt s’éloignant, tantôt se rapprochant des allées, ou s’enfoncant sous d'impénétrables ombrages ; les autres, s’échap- pant d’entre les masses de rochers, iront par un Cours paisible et des contours gracieux, s’encadrer dans un vallon plein de charmes, où leurs bords seront pour ainsi dire masqués sous des masses de fleurs offrant la plus bril- lante variété de couleurs et de formes, puis ils se perdront dans le lac ou la pièce d’eau qu’ils serviront à alimenter; d’autres glisseront sans bruit entre des rives ombragées d’arbustes hauts et touffus, invitant aux plaisirs du bain, de la pêche, ou de la promenade en nacelle; tous ces genres de cours d’eau rentrent dans la classe des objets qué l’art peut imiter dans leurs proportions naturelles, avec une parfaite vérité qui permet à peine de reconnaitre s'ils sont l'ouvrage de l’homme ou celui de la nature; ils donnent de la vie et de l’activité aux scènes du paysage. Une cascade naturelle est encore une bonne fortune dans un jardin paysager ; un groupe de saules pleureurs, une urne, sont des ornements à leur place près d’une cascade naturelle; ils sont un attrait de plus pour le promeneur ; ils l’obligent, en quelque sorte, à s’y arrêter. Les bosquets, les épais fourrés, les massifs d’arbustes florifères, les tapis de verdure des rairies naturelles, les vallons émaillés de fleurs, es collines aux pentes adoucies, couronnées d'arbres et d’arbustes d'ornement, sont encore de ces éléments de beauté naturelle que Part peut et doit imiter dans la composition des paysages artificiels. Les rochers artificiels ne doivent pas non plus en être exelus, bien qu’il soit fort difficile de leur donner une apparence naturelle ; nous y reviendrons. - Les grottes sont, de tous les objets naturels qui peuvent entrer dans un paysage, le plus difficile à imiter d'une maniere satisfaisante, c’est-à-dire sans trop laisser apercevoir l’imita- tion ; on en voit en Angleterre quelques exemples qui font la plus complète illusion ; ces œuvres d’art sont toujours excessivement dispendieu- ses. Nous ne parlons point ici de ces grottes de marbre sculpté, ornement des jardins sy- métriques avec leur accompagnement obligé de niches et de statues ; c’est là ce que M. Th. Le- clerc, nomme à si juste titre du naturel de con- vention; il ne peut en être question dans les jardins paysagers; M. Von Sckell les carac- HORTICULTURE. LIVRE VIif. térise parfaitement en leur donnant le nom de grotles grotesques. $ IT. — Constructions et ornements d'architecture, Quoiqu’un jardin paysager bien composé doive satisfaire l’esprit et les yeux sans le secours de l'architecture, les ornements d’ar- chitecture emplovés ävec discernement peu- vent cependant ajouter beaucoup aux ressour- ces dont on peut disposer pour son embellisse- ment ; ils servent d'autant mieux à lui donner un caractère déterminé, que lorsqu'ils se ren- contrent dans les paysages naturels, c’est pré- cisément là leur destination, et l'effet qu’ils produisent inévitablement. Il faut beaucoup de tact et de goût pour que les édifices adaptés à la décoration d’un jardin paysager soient dans . de justes proportions avec son ensemble; ces édilices ne doivent pas non plus être en trop grand nombre, ou trop rapprochés les uns des autres, faute que peut à peine racheter la per- fection de ce genre d’ornement dans quelques- uns des jardins paysagers les plus célèbres de l’Europe. Il est inutile de dire que les ruines et les monuments de l'antiquité, lorsqu'on est as- sez heureux pour en rencontrer sur sen terrain, doivent être soigneusement encadrés dans le paysage, au sein duquel ils produiront toujours les scènes les plus pittoresques. À. — T'emples. Les temples sur le modèle de ceux que lan- tiquité païenne consacrait au culte de ses dieux, se présentent en première ligne ; c’est là que les Grecs et les Romains déployaient tout le luxe de leur architecture; c’est là qu’étaient employés ces modèles variés de colonnes et de pilastres qu’ils ont légués à l'architecture mo- derne. C’est dans ce genre de construction que l’œil saisit le mieux l'effet des divers ordres d'architecture, parce que rien qui leur soit étranger n’attire et ne détourne l'attention de l'observateur. Les temples, dans les jardins modernes, peuvent être consacrés aux divinités que personne ne prend au sérieux, Flore, Pan et Pomone; ils le sont aussi très souvent à deux divinités dont le culte ne passera pas, l'Amour et l’Amitié. L'architecture romaine diffère peu de celle des Grecs ; les ouvrages des Romains se dis- tinguent toutefois par un caractère particulier de solidité et de durée. Le style gothique est principalement propre aux constructions adap- tées au service des cultes chrétiens ; une cha- pelle privée dans un parc ne peut être conve- nablement construite que dans ce style éminem- ment religieux. Nous ne pouvons que blämer l'introduction dans nos jardins paysagers de l'architecture dépourvue de grâce et de goût des Chinois: celle des Arabes et des Hindous est moins connue et rarement en usage, quoi- qu’elle soit beaucoup plus digne d’être étudiée et imitée. Le choix de la situation d’un temple n’est pas sans importance; on peut se conformer à Tr uns TITRE V. l'usage des anciens qui construisaient la façade de leurs temples à lorient. Un temple dédié à l'Amour ou à quelque autre aimable divinité, n’est point à sa place au fond d’un sombre tail- lis, où rien n’invite à l'aller visiter ; il lui faut la place la plus gaie et la plus engageante de tout le jardin, celle où la nature étale tout le luxe de sa parure sur les plantes et les arbustes couverts de fleurs, celle où le murmure d’un ruisseau semble inviter les oiseaux à animer de leurs concerts le bosquet sacré dont le tem- ple est toujours environné. Un temple consacré à Bacchus est bien placé, si de son portique la vue s’étend sur des vignobles ; on peut consa- crer à Cérès un temple dont la situation do- mine de vastes plaines chargées d’épis. B. — Obélisques, colonnes, colonnes tronquées. Les jardins paysagers peuvent emprunter à l'architecture égyptienne des obélisques ; indé- pendamment des inscriptions dont on peut cou- vrir ses surfaces, un obélisque peut aussi fort bien recevoir en Europe son antique destina - tion; les Egyptiens orientaient les angles d’un obélisque aux quatre points cardinaux, et s’en servaient comme de Paiguille d’un cadran so- laire. Quelques pierres plates disposées à cet effet à des distances convenables sur le sol, peuvent marquer le passage de l’ombre de l’obé- lisque aux différentes heures de la journée. La place d’un obélisque dans un jardin est sur la pente douce d’une colline, ou pres des eaux, par exemple sur la rive d’un lac, dont la surface réfléchit ce monument. Quant aux pyramides que Pline nomme des monuments de la folie du despotisme, parce que cent mille hommes ont été, dit-on, employés pendant vingtans pour en construire une seule, ces constructions, une fois qu’elles sortent des proportions colossaies propres à étonner par leurs masses imposantes, n'ont plus aucune valeur architecturale; des: pyramides en miniature, telles qu’on en voit dans quelques grands jardins, ne sont que ri- dicules. Les colonnes isolées sont plus usitées et d’un meilleur effet dans les jardins; elles peuvent être surmontées du buste ou de la statue d’un personnage historique à la mémoire duquel elles sont ordinairement consacrées. Lorsqu'on leur donne d’assez grandes proportions, elles contiennent un escalier et sont couronnées d’une plate-forme entourée d’une rampe; dans ce cas, on les construit sur les points du jardin qui dominent la vue la plus étendue ; lorsqu'on leur donne cette destination, elles ne peu- vent avoir moins de trois mètres de diametre, afin que l'escalier intérieur puisse avoir une largeur suffisante. On dispose aussi avec avan- tage, dans des parties écartées et solitaires du jardin paysager, des colonnes tronquées, peu élevées, qui supportent, soit des urnes de forme ets soit des bustes de personnages célè- res. JARDINS PAYSAGERS, 389 C. — Statues. Les jardins modernes rejettent ce peuple de statues dont les jardins symétriques de l’ancien style étaient encombrés ; sur les deux côtés d’une avenue, sur une place carrée ou circu- laire , au milieu d’une pièce d'eau grande ou petite, partout des groupes et des statuesétaient jugés indispensables ; la nécessité de réunir un nombre si prodigieux de statues dans un grand jardin faisait que, le plus souvent, on était peu difficile sur l’exécution ; la quantité engageait à fermer les yeux sur la qualité; on peut voir, à la honte du goût français, un exemple déplo- rable de cette prodigalité de figures (car ce ne sont pas des statues) dans l’un des plus beaux jardins publics de la capitale, au jardin du Luxembourg. S'il est vrai que le médiocre soit pire que le mauvais, C’est assurément dans les productions des arts; le médiocre est là tout- a-fait intolérable; n'avez point de statues dans un jardin, ou, si vous en avez, que ce soit des chefs-d'œuvre. Le dieu Pan sur un rocher près d’une fontaine, une nymphe qui se baigne dans une rivière que surmonte une roche, dans un bosquet sous un épais ombrage, un faune épiant la nymphe au bain, ces statues et beaucoup d’autres en harmonie avec chaque site, s’en- cadrent fort bien dans le jardin paysager, et peuvent contribuer à l’embellir ; hors de là , il ne faut de statues que dans les temples , et comme il n’en faut qu’un tres petit nombre , il est moins difficile d'exiger en elles un haut de- gré de perfection artistique, que lorsqu'il en fallait toute une armée. D. — Bâtiments isolés. Les jardins paysagers admettent encore, en nombre proportionné à leur étendue, quelques- unes de ces constructions isolées qui peuvent recevoir diverses destinations, soit pour un salon de lecture, soit pour une salle de bain, décorés l’un et l’autre d’ornements analogues à leur usage. Les constructions de ce genre, destinées seulement à réunir quelques amis pour une aimable causerie , rappellent par des in- scriptions ou quelques bas-reliefs leur consé- cration à l’étude , à l'amitié, à la constance. Chacun de ces détails mis en sa place, concourt à l'effet pittoresque de l’ensemble , mais tou jours et seulement à la condition que le goût le plus épuré préside au choix de l'emplacement, au style de architecture. et surtout à celui des ornements , dont la profusion , dans un jardin paysager, est toujours déplacée. E. — Chaumière. Dans un parc d’une grande étendue, on aime à rencontrer, au sortir des jardins somptueux décorés du luxe des arts, une modeste habita- tion rustique, dont le toit de chaume et les ac- cessoires champêtres doivent être d'une pro- preté coquette et d’une simplicité soignée, rappelant à l'esprit, non la misère contrastant 590 avec l’opulence , mais bien le bonheur et l’ai- sance acquis, bien rarement, hélas! par le tra- vail dans l’humble condition du laboureur ; tel doit être, à ce qu’il nous semble, le caractère d’une chaumière véritable dans un parc. Nous ajouterons que l'impression en est encore plus certaine et plus satisfaisante pour l’esprit comme pour les yeux, quand le propriétaire d’un vaste jardin paysager établit réellement dans la chau- mière qui contribue à décorer son parc une fa- mille laborieuse dont l’aisance n’est point une fiction, et qui peut figurer naturellement le bonheur de la vie champêtre. F. — Constructions diverses ; maison d'habitation. Toutes les constructions indispensables, la maison du jardinier, les serres, l’orangerie , peuvent et doivent servir d'ornement, chacune dans le style qui lui est propre; mais € est sur- tout la maison d'habitation qui, par le choix judicieux de son emplacement et le caractère de son architecture, doit être l’ornement prin- cipal du jardin paysager, celui qui, des parties les plus reculées, sert de point de vue, celui, enfin, vers l'agrément duquel tout l’ensemble de la composition doit converger. La place na- tureile d’une maison dans un pare, est au point d’où l’on découvre la plus belle vue, à labri des vents violents qui règnent le plus habituel- lement, à l'exposition du midi dans les pays froids et tempérés, à celle du sud-est ou du sud- ouest dans les pays chauds , à l’est plein sous les climats ardents où le soleil de midi doit être évité comme un fléau. La hauteur de ce bâti- ment principal, sa forme , son étendue, son caractère enfin , doivent être étudiés selon les règles du bon sens et du bon goût, et s’harmo- niser parfaitement avec le paysage. Soyez sûr que vous aurez mal choisi la place de votre ha- bitation, si partout ailleurs que sur l’emplace- ment dont vous avez fait choix, une personne de goût trouve qu’une autre habitation pourrait être à sa place, et cadrer tout aussi bien avec lensemble du jardin paysager. G. — liuines. Les ruines produisent un effet très pittores- ge quand leur situation est choisie avec assez e discernement pour qu’il semble naturel qu’on y ait jadis élevé un édifice actuellement ruiné ; elles sont un contre-sens alors qu’on les ren- contre là où rien n’a pu, dans aucun temps, justifier l’existence de la construction dont elles figurent les vestiges. La grande difficulté con- siste à leur donner une apparence telle qu’elles puissent paraître l'ouvrage du temps et non celui de l’art, ou d’une destruction violente et récente. On choisit ordinairement pour con- struire une,ruine artificielle des pierres brutes qui ont l'air d’avoir été rongées de vétusté; on donne aux murs une grande épaisseur, en y pratiquant des crevasses et d’autres marques extérieures de l’action destructive du temps, comme si elles avaient résisté à ses eflorts pen- HORTICULTURE. LIVRE VIII. d’une ruine, l'imagination puisse reconstruire sans effort l’édifice en son entier, et qu’il ne soit pas possible de se méprendre sur ce qu'a dû être cet édifice avant de tomber en ruines. Les débris de ruines, tels que des fûts et des chapiteaux de colonnes ou des fragments de corniches qui peuvent être dispersés aux alen- tours, doivent porter le même caractère que les parties qu’on suppose restées seules debout ; l'illusion cesse à l’instant si l'œil ne retrouve pas, pour ainsi dire, la place qu’ont dû oecu- per ces débris dans l'édifice, lorsqu'il subsistait en entier; à plus forte raison, il n’y a pas d’il- lusion possible quand on entasse au pied d’une ruine des fragments d'architecture ou de sculp- ture en désaccord par leur style ou seulement par leurs proportions, avec le bâtiment tel qu’il peut être reconstruit par la pensée. Dans le but de rendre l'illusion aussi com- plète que possible, une ruine artificielle doit être construite d’après le plan d’un bâtiment complet, et la place de ce qui manque doit être, sinon visible distinetement , au moins suffisam- ment accusée sur le terrain. Une précaution non moins indispensable, c’est de calculer la construction des ruines de manière à ce que leur défaut de solidité ne soit qu’apparent, et que même quand elles ont l'air prêtes à s’é- crouler sur Îles passants , on puisse néanmoins s’en approcher et pénétrer sans danger au mi- lieu de leurs débris. C’est seulement quand l’ensemble de la ruine est bâti, qu’on s'occupe de donner aux parties saillantes et anguleuses, telles que sont les cor- niches, les chambrañles des portes et les em- brasures des fenêtres. l'apparence des dégrada- tions causées par l’action lente des siècles. Cette apparence est plus naturelle et semble mieux causée par le temps lorsqu'on frappe au hasard sur ces parties saillantes avec un corps obtus, que lorsqu'on a reccurs au marteau du tailleur de pierre ; dans ce dernier cas, il est presque im- possible qu’on ne reconnaisse pas quelque part d’une manière évidente les traces de la main de l’homme, là où pour conserver l'illusion, il faut ne voir que la main du temps. L'architecte chargé d’élever une ruine fac- tice dans un jardin paysager ne perdra pas de vue l'effet que doivent produire leurs débris et les signes de leur dégradation, vus à diverses distances. La place des ruines artificielles doit être éloignée de lhabitarion et du centre des jardins, autant que possible dans un lieu élevée, qu’on puisse apercevoir de loin, dans plusieurs directions, etsousplusieursaspects. Lepaysage, aux environs des ruines, doit avoir un £carac- tère grave et solennel, ce doit être une solitude silencieuse, où nul autre bruit ne se fait en- tendre que celui d’une harpe éolienne, où des taillis mêiés de ronces et de broussailles for-, ment un fourré impénétrable, où quelque érable antique, quelque chêne séculaire, croissant à travers les crevasses des murs tapissés de mousse et de lierre, semblent des témoins vi- dant des siècles. I est essentiel qu'à l'aspect | vants de leur antiquité. C'est dans des licux TITRE V. pareils que l'esprit est tout disposé à accepter , comme antiques des ruines artificielles ; C’est là que ces ruines produisent la plus complète illusion. H. — Ponts. Les formes gracieuses et variées que peuvent recevoir les ponts construits sur les cours d’eau dont le jardin paysager peut être traverse, concourent à sa decoration, dont ils sont une partie indispensable. On peut employer à leur construction le bois, le fer ou la pierre ; tou- tefois, les culées doivent toujours être en pierre, afin que lorsqu'il y a des réparations à faire au pont, cette partie plus solide et plus durable que le reste, ne soit pas dérangée; car la con- struction des culées d’un pont entraine forcé- ment la dégradation des rives sur une assez rande étendue. Un pont de bois reposant sur des culées de pierre de taille pourra être ainsi renouvele bien des fois avant qu'il y ait aucune réparation à faire à ses culées. M. Von Sckell bJâme avec sévérité les ponts formés de pieces de bois revêtues de leur écorce, laquelle ne tarde guère à se couvrir de mousse et à occasionner la pourriture du bois qui garde une apparence de solidité, et s'écroule un beau jour sous les pieds des promeneurs. Il saisit cette occasion pour signaler le ridicule de cer- tains monuments indignes de figurer dans les jardins d’un homme de bon sens, et dont la seule présence est un indice assuré du défaut absolu de goùt et de jugement chez le proprié- taire qui leur donne accès parmi les scènes d’un jardin paysager. J’ai vu, dit M. Von Sckell, dans un parc dont le propriétaire me faisait les honneurs, un ermite logé dans le creux d’un chêne colossal ; on n’avait oublie pour Fillusion qu’une circonstance : c’était d'éclairer l’inté- rieur de l'arbre creux; il y régnait une obscu- rité telle que l'ermite (qui, du reste, était de bois) n’aurait pu lire le texte sacré. Plus loin, une tour isolée était consacrée à la mémoire du duc de Marlborough, si popu- laire sous le nom de Maïbrouck. Une fenêtre entr'ouverte laissait entrevoir la duchesse, poupée habillée de satin rose, tenant un téles- cope, et s’écriant (comme lindiquait une.in- scription): «Je vois venir mon page. » Les murs de la tour étaient tapissés d'inscriptions reproduisant tout au long la chanson de : Hal- brouck s’en va-t'-en guerre. Dans le même pare, on introduisit M. Von Sckell dans une sorte de trou fort obscur, dont l'entrée représentait une arcade tapissée de vigne peinte à la détrempe; il faisait très noir dans cette cavité décorée du nom de grotte; là, on présente au-visiteur un grand fauteuil muni d’un coussin épais ; à peine assis, il se lève ef- frayé, croyant avoir écrasé sous le coussin un chat qui pousse des hurlements atroces ; le fau- teuil contenait un appareil destiné à imiter les cris d’un chat qu’on écrase ; ingénieuse et pi- quante surprise ménagée par le propriétaire à ses hôtes! JARDINS PAYSAGERS. 391 De telles niaiseries n’inspirent aux gens sen- | sés que du dégoût ; elles doivent être hannies d’un jardin paysager, où les beautés de la na- ture sont prises au sérieux, où tout est calculé pour que la poésie des arts et celle du paysage se prêtent un mutuel secours, où rien ne peut être admis de toutes ces’ choses ridicules mar - quées du cachet de la grossièreté, du mauvais goût et de la sottise. SECTION Il. -— Plan sur le papier; tracé sur Le terrain. Nous avons dit à quel point il importe, pour la création d’un jardin paysager, que celui qui entreprend étudie à fond tous les détails du terrain, tous ses accidents, l’effet général du site, et ce qu’il peut renfermer d'avance d’oh- jets pittoresques à conserver, à encadrer dans sa composition, et de ressources naturelles à utiliser dans le but de ne rien perdre des beautés de tout genre que peut admettre le jardin pro- jeté. Ce n’est qu'après ces études préliminaires qu'il faut songer à arrêter les principales lignes d’un plan, d’abord sur le papier, et plus tard sur le terrain. Plus ces premières études au- ront été faites avec soin, plus il sera facile d'obtenir tout l'effet désiré de la composition, avec le moins possible de frais et de travaux. Ce qui grossîit outre mesure le chiffre de la dé- pense présumée pour la création d’un jardin paysager, c’est la nécessité de modifier le plan primitivement concu, de défaire ce qui avait eté fait, parce que dans lexécution il se ren- contre des obstacles sur lesquels on n’avait pas compté; quand on en est là, on ne sait plus où les frais s’arrêteront. Mais ces circonstances fâcheuses ne se présentent jamais que faute d’un examen assez approfondi de la localité: on doit avoir tout prévu et préparé avant de mettre les ouvriers sur le terrain. $ IF, — Plan sur le papier. En dessinant le plan d’un jardin paysager en projet, il faut, si l’on ne veut agir au hasard, se représenter les objets tels qu’ils seront, non pas au moment où l'exécution du plan sera termi- née, mais plusieurs années après, quand le tra- vail de la nature aura complété le travail de l’homme, que les arbres et arbustes auront grandi et se seront mis en rapport avec la place qu’on leur accorde; ce sont ces rapports auxquels il faut d’avance avoir égard pour ne pas tomber dass la suite dans l’un ou l’autre da ces deux inconvénients : l’encombrement ou la nudité. Quant au premier, il est évident que des bosquets trop près l’un de l’autre, des ar- bres trop rapprochés dans le même bosquet, ne paraîtront tels qu'après un assez long espace de temps, au bout duquel on peut, à la vérité, supprimer les arbres superflus, mais non chan- ger l'ordonnance du jardin sans tout boulever- ser. Si vous avez mis deux massifs d’arbres ou d’arbustes là où le terrain n’en comportait qu'en seul, vous pourrez bien éclaircir la plan- 392 HORTICULTURE. tation dans chacun de ces deux massifs, mais ils subsisteront tous les deux alors que vous aurez reconnu qu'il vaudrait mieux n’en avoir planté qu'un seul dans l’origine. Nous ferons encore observer, eu égard à la croissance des arbres, toujours trop lente au gré du proprié- taire pressé de les voir grandir, que cette croissance est ralentie dans les premières années quand les arbres, trop rapprochés, se nuisent mutuellement. Le second inconvénient, la nu- dité, peut plus aisément disparaître lorsque le temps, par une cause quelconque, ne fait pas acquérir aux arbreslesdimensionssur lesquelles on avait compte ; il ne s’agit que de replanter dans les intervalles. Toutelois, ces repeuple- ments tardifs d’un bosquet trop maigre dans l'originene remplissent pas toujoursle but qu’on se propose en replantant. Parmi les arbres comme parmi les hommes, les gros mangent les petits; un jeune arbre, planté tardivement entre des arbres déjà forts, trouve la place déjà en partie occupée par les racines de ses voisins ; à mesure que les siennes s’étendront, il faudra qu’elles disputent leur nourriture à celles d’ar- bres beaucoup plus forts que lui, et jamais, pour cette raison, l'arbre planté après coup ne re- joindra, à moins de soins particuliers, ceux qui ont sur lui seulement quelques années d’a- vance. L’accroissement probable des arbres d’après la nature du sol, celle du climat, et celle aussi de chaque espèce d'arbre employée dans les plantations du jardin paysager, est au nombre de ces faits connus d'avance, sur lesquels le jardinier expérimenté ne saurait se tromper de beaucoup. C’est au moment où il trace son pro- jet sur le papier qu’il doit se figurer ce que sera son œuvre dans trente ou quarante ans, afin de calculer sa composition dans la prévision des divers états par lesquels elle doit passer à des époques déterminées. Sans doute il ne faut pas sacrifier complétement le présent à l’ave- nir ; mais il faut encore moins sacrifier totale- ment l'avenir au présent, et abuser de la con- fiance d’un propriétaire, en lui livrant des bos- quets en fort bon état, à l’usage de trois ou quatre ans, mais qu’il lui faudra refaire dix ans plus tard. .Il y a des circonstances où le plan est, pour ainsi dire, tout tracé, où l’art ne peutquesuivre les indications de la nature; c’est lorsque la dis- tribution naturelledeseaux, desrochers,des bois et des prairies est déjà par elle-même pleine de poesie et de charme sans l'intervention de la main de l’homme. Il lui suffit dans ce cas de faire mieux ressortir par quelques moyens arti- ficiels les beautés naturelles du site, en démas- quant les objets trop peu apparents, donnant une direction plus favorable aux eaux vives, et distribuant avec goût les objets d’art; c’est là tout ce qu’il peut avoir à indiquer sur le plan, ainsi que le tracé des allées et des sentiers ; les trois quarts de la besogne sont faits avant qu'elle soit commencée. Mais on conçoit com- bien il est rare d’avoir à créer un jardin paysa- LIVRE VIN. ger dans des circonstances aussi favorables. Disons-le toutefois, à la honte d’un grand nom- bre de propriétaires opulents, ce ne sont pas les sites pittoresques qui manquent, c'est la vo- lonté de débourser quelque argent pour les embellir. Nous avons des départements entiers où l’on ne rencontre pas un seul jardin paysa- ger, et où, pour ainsi dire, tout est jardin dans le paysage; il ne s'agirait que de tirer parti, souvent à très peu de frais, des beautés natu- relles de la contrée, beautés qui, faute de goût, ne sont pas même remarquées la plupart du temps. 6 IT. — Tracé sur le terrain. Une fois le plan arrêté après des études sé- rieuses et approfondies, il est temps de com- mencer à le mettre à exécution ; il faut d’abord en transporter le tracé sur le terrain. Un pre- mier tracé n’est qu’une ébauche incapable de donner une idée de ce que sera l’œuvre ache- vée, surtout en raison des mouvements artifi- ciels du terrain, des collines et des vallons arti- ficiels, dont on ne peut què marquer la posi- tion par des piquets, de même qu’il est impos- sible d'indiquer autrement les modifications qu’on se propose d'apporter par des déblais et des remblais, à l’inclinaison des pentes natu- relles dont le terrain sur lequel on opère peut être accidenté. Des pieux de hauteur suffisante doivent indiquer les points culminants des parties du terrain qu’il faudra exbausser; ces points et ceux qui marquent la profondeur des excava- tions à effectuer seront géométriquement déter- minés, afin que l’ouvrier, agissant seulement des bras, ne soit pas exposé à grossir les frais par un travail inutile. Le tracé de la place que doivent occuper les bois et les bosquets se fait différemment; les lignes de ce tracé doivent être attaquées avec hardiesse sur le terrain, au moyen du bâton ferré ; elles ne doivent figurer que les princi- paux contours, sans s'arrêter aux détails ; ce premier travail fait, les lignes sont indiquées par des piquets éloignés l’un de l’autre de 5 à 6 mètres; pour des lignes d’un très grand déve- loppement, ils peuvent même être beaucoup plus écartés. Dans l’exécution, on ne perdra pas de vue que la nature ne dessine pas les limites des forêts et des champs découverts, par des lignes nettement arrêtées, mais par des tran- sitions que ne peut représenter une ligne ré- gulière. né Lorsque quelque portion des limites exté- rieures de la forêt semblera, d’après le trace sur le terrain, trop monotone, et dépourvue d'effet pitorresque, on marquera sur divers points choisis avec discernement, à 15, 20 ou 30 mc- tres de la lisière du bois, la place de divers arbres isolés, ou de groupes d'arbres, choisis parmi ceux dont la verdure ou plus claire ou plus foncée que celle des massifs en avant des- quels ils sont destinés à être vus, permet à leurs formes de se dessiner sur ces massifs avec plus TITRE V. d'avantages que s’ils étaient de la même nuance. En général, la variété des tons dans les masses de feuillage qui doivent se détacher les uns sur les autres est un objet très important, auquel on ne peut se dispenser d’avoir égard dans la composition des bosquets qui font partie d’un jardin paysager ; une trop forte proportion de feuillage d’un vert sombre auriste le paysage et lui donne une teinte mélancolique; le veri clair, si bien nommé par les peintres vert gai, pro- duit dans le paysage l'effet contraire. On peut aussi tirer un très bon parti sur la lisière d'un | bosquet, de ces arbres qui, comme le sumac de Virginie, sans perdre leur feuillage de très bonne heure, prennent dès le mois d’août une teinte jaune passant au rouge vif, et conservent cette riche nuance jusqu’à ce que leurs feuilles | tombent à l’entrée de l'hiver. Nous placerons iei quelques observations sur les lignes onduleuses, ces lignes pleines de charmes qui se représentent si fréquemment, et toujoursavec grace, dans les paysagesnaturels. La plupart des jeunes jardiniers dépourvus d'expérience, dit M. Von Sckell, ne voient au- | cune difficulté dans le tracé des lignes ondu- leuses; le compas à la main, ils combinent des le terrain une multitude de contours semblables à un $S majuscule, et croient avoir atteint la perfection du genre. Mais, qu’ils étudient la nature ; partout où elle nous charme par des lignes onduleuses répandues largement à tra- part passé, elle ne procède pas par des cour- es géométriques ; elle ne cree pas de portions de cerele; elle apporte dans cette partie de ces œuvres celte variété qui ne permet pas que deux grains de sable soient identiquement sem- blables; c’est cette variété, source du pittores- que, qu'il faut savoir imiter dans les ligneson- duleuses qui entrent dans le plan d'un jardin paysager. $ LIL. — Tracé des rivières et des ruisseaux. Les rivières dont la largeur approche de 30 mètres sont rarement admises dans la compo- sition des jardins paysagers, d’abord parce qu’elles exigent, pour ne pas dégénérer en ma- res d’eau croupie, une masse d’eau vive con- stamment renouvelée dont on ne peut disposer que dans des circonstances tout-à-fait excep- tionnelles; ensuite parce qu’il en coûte des telle largeur sur une grande étendue. Les lignes qui dessinent les bords des rivières artificielles ‘une grande largeur doivent être tracées har- diment ; elles ne peuvent présenter qu'un pe- tit rombre de détours peu rapprochés les uns des autres; les rivières étroites, au contraire, peuvent offrir dans leur passage à travers le jardin paysager des sinuosités très multiplices. Cette règle est fondée sur l'observation de la nature; une masse d'eau d’un certain volume ne se laisse pas facilement arrêter par les obs- tacles qu’elle peut rencontrer sur son cours: HORTICULIURE, JARDINS PAYSAGERS. 293 elle les déplace, au contraire, sans beaucoup de peine, pour continuer à couler selon la pente générale du terrain. Une masse d’eau moins importante cède forcément à tous les accidents de terrain qu’elle rencontre sur son passage et qui lobligent à multiplier ses détours. Les rivières d’une médiocre largeur offrent donc plus de variété et plus de ressources pour la décoration du jardin paysager que n’en peu- vent présenter les rivières d’une trop grande largeur; mais, grande ou petite. il faut une ri- vière dans un jardin paysager, quand ce ne serait qu’un ruisseau; il ne peut pas être dé- pourvu d’eau d’une manière absolue; c’est l’eau qui anime les scènes de paysage artificiel ; c’est encore l’eau qui attire et qui retient dans le jardin paysager les rossignols et toute la tribu des oiseaux chanteurs. Les bords des rivières artificielles doivent offrir des pentes adoucies plutôt que des pen- tes abruptes. Les bords escarpés, outre l’incon- vénient très grave de dérober à la vue une portion de la largeur de la nappe d’eau, en ont un autre bien plus grave en raison des acci- dents nombreux dont ils peuvent être cause. : il | Mais quelques roches couronnées d’arbres verts portions de cercle de manière à reproduire sur à leur sommet, entourées à leur base d’une cein- ture d’arbustes florifères, s’avancant jusque dans la rivière artificielle et la forçant à former un gracieux détour pour continuer à couler plus loin entre des rives dépourvues d’escar- P | pements, apportent à la fois de la variété et du vers les paysages où la main de l'homme n'a charme dans la décoration du jardin paysager. Lorsqu'une rivière artificielle ne dépasse pas la largeur de deux mètres à deux mètres cin- | Quante, on peut, vers le milieu de son cours la partager en deux bras égaux embrassant un espace de forme oblongue, ordinairement con- sacré à un parterre garni de fleurs en toute saison. Lorsqu'on adopte cette disposition, il ne faut pas que les deux bras de la rivière of- frent en regard l’un de l’autre des sinuosités disposées dans le même ordre; leurs détours doivent être distribués avec goût , mais en évi- | tant soigneusement une symétrie trop régulière qui ne pourrait sembler naturelle, On n’ou- bliera pas de combiner le tracé des allées et celui de la rivière artificielle de telle sorte que celle-ci soit alternativement visible et cachée, tantôt s’éloignant, tantôt se rapprochant des allées et des sentiers , et ramenant à chaque dé- | tour le promeneur vers une partie de ses bords sommes énormes pour leur creuser un lit d’une | ornée de quelque objet digne de fixer l’atten- tion. Tantôt la rivière disparaîtra sous d’épais buissons, tantôt elle se montrera à découvert , cllet dont la répétition qui prête à un très grand nombre de scènes pittoresques, offre un attrait particulier, et inspire toujours au promermur le desir de les visiter de nouveau. $ IV. — Lacs et pièces d'eau ; illusions d'optique, Les pares des particuliers ont rarement des dimensions assez vastes pour admettre dans leur enceinte un véritable lac naturel: la dé- pense nécessaire pour creuser une pièce d'eau TE. V. — 59 394 digne du nom de lac sort d’ailleurs des limites d’une fortune privée, fût-ce une énorme for- tune de finance. Lorsqu'un pare aboutit aux rives d’un lac naturel, les points de vue vers une | vaste nappe d'eau ordinairement bornée par des accidents de terrain pittoresques et variées doi- vent être ménagés en grand nombre dans la distribution du jardin, surtout dans ses parties couvertes et ombragées où se trouvent les sta- tions et les lieux de repos. Quant aux pièces d’eau artificiellement creu- sées dans un parc. lorsqu'elles ont assez d’é- tendue pour figurer un lac, il faut toujours qu'un de leurs bords au moins soit découvert et permette à la vue d’embrasser un vaste hori- zon. Les autres parties des rives du lac doivent être parsemees de grands arbres isolés, dispersés cà et là avec des touffes de buissons et d’arbus- tes à tiges peu élevées ; quelques fabriques font un très bon effet en animant le paysage. Il arrive très souvent que la pièce d’eau, dans un jardin paysager, ne peut pas recevoir l'étendue qu’il serait désirable de lui donner. C’est alors qu’il faut recourir aux moyens ar- tificiels d'en dissimuler la petitesse par des illu- sions d'optique. La portion des rives de l'étang artificiel où l'œil plonge à perte de vue sur un horizon découvert doit être tout-à-fait unie, basse, et presque au niveau de la surface de l'eau, de telle sorte que le spectateur, placé dans une barque, sur l'étang, à quelque dis- tance de la rive, ne puisse aisément en discer- ner les limites et soit, par ce moyen, trompé sur son étendue, qui doit lui paraître avoir bien au-delà de sa grandeur véritable. Lors- qu'on veut produire une illusion complète, par rapport à l'étendue véritable d’une pièce d’eau ou d'un étang, il ne faut laisser subsister aux alentours, à portée de la vue, aucun de ces objets dont les dimensions réelles sont trop counues, tels qu’un buisson ou une chaumière; il serait trop facile de juger, par comparaison avec ces objets, de l'etendue de la surface qu’on désire empêcher le spectateur d'apprécier avec précision. C’est ainsi qu'un chêne colossal, de trente mètres de haut, s’il se trouve au bord d’un étang artificiel, dans un parc, fera paraître cet étang plus petit qu’il ne l’est en effet. C’est au jardinier paysagiste à connaître les ressources que les lois de loptique et de la perspective lui offrent pour grandir ou diminuer les objets. L'optique et la perspective, comme sciences, ne peuvent être connues que par des études spéciales ; les lois de ces sciences ne sauraient trouver place ici; rappelons toutefois quelques- unes de ces données, qui, par leur precision et leur simplicité, mériteraient d'être vulgaires. Si les décorations d’un théâtre d’enfants sont en proportion avec la taille des acteurs, elles feront disparaître leur petitesse aux yeux des spectateurs, par Cela seul que le spectateur manquera d'objets de comparaison; qu’un homme de taille ordinaire vienne à se montrer au milieu desenfants sur un théâtre ainsi decoré, cet bomme vu de-la salle fera l’effet d’un géant. HORTICULTURE. LIVRE VIII De même, dans un paysage, une petite tour placée près d’une grande semble moitié plus pe- tite; de deux hommes, dont l'un est vu près d’un vaste palais, autre près d’une cabane, à la même distance, le premier, quoique de même taille, paraîtra beaucoup plus petit que le se- cond. De même, des figures de grandeur colos- sale, sculptées sur la facade d’un bâtiment, l’écrasent et diminuent en apparence ses pro- portions. Le soleil, à son lever ou près de son coucher, parait beaucoup plus grand que lors- qu'il est élevé sur l'horizon, et cela uniquement parce que son disque est vu du même coup d'œil avec des objets terrestres dont il fait res- sortir la petitesse. Les illusions de ce genre sont innombrables ; il serait superflu d'en muitiplier les exemples ; le dessinateur de jardins paysagers doit savoir en tirer parti d'une manière judicieuse. Voici quelques points essentiels qui peuvent le guider dans cette partie importante de ses opérations. Un temple de douze à quinze mètres de haut, dont la facade est supportée par des colonnes de 0m60 à 0"70 de diamètre, proportions très convenables dans un jardin paysager d’une étendue médiocre, sera complétement écrasé et paraîtra d’une petitesse choquante s’il est dominé par de grands arbres ayant près du double de sa hauteur. On doit éviter par la même raison de planter sur une éminence de 2" 50 à 3 mètres de haut des arbres destinés à devenir avec le temps sept ou huit fois plus hauts, sous lesquels cette éminence finirait par disparaître ; au contraire, la même élévation, garnie seulement d'arbrisseaux à fleurs, choisis parmi ceux qui nes’élèvent pas, conservera son caractère, et l’œil du spectateur ne perdra rien de l'effet qu’elle est appelée à produire dans le paysage. En général, les arbres très élevés ou destinés à le devenir sont bannis des petits jardins, qu’ils tendent à faire paraître encore plus Jetils. Il est toujours facile de dissimuler par des plantations artistement ménagées la clôture servant de limite au jardin paysager; dans ce cas, aucun sentier ne doit régner ni le long, ni trop près de cette clôture. Le paysage extérieur semble une dépendance, une continuation des bosquets, lorsque ceux-ci ont été dessinés et plantés par une, main habile, et qu’on n'a né- gligé aucun moyen de grandir pour l'œil du spectateur l’étendue véritable du jardin paysa- ger; cette ressource ouvre un Champ sans limites à l’exercice du talent du dessinateur toutes les fois que les jardins à créer se trou- vent encadrés dans une contrée pittoresque. Le bon sens et le bon goût permettent assu- : rément de produire artificiellement des illusions d'optique qui trompent sur la distance de la- quelle sont vus les objets, et ne permettent pas d'apprécier du premier coup d'œil leurs vraies dimensions ; le bon goût est au contraire blessé autant que le bon sens par ces facades posti- ches de temples derrière lesquelles il ny a pas TITRE V. de temple, ou par ces ponts figurés sur lesquels on ne passe point; ce sont là des illusions qu’il n'est pas permis d'admettre dans la composi- tion dès jardins paysagers, et qui n’ont d’autre caractère que célui du ridicule. Les rives du lac artificiel doivent être peu élevées sur la plus grande partie de leur con- tour; les avantages de cette disposition sont évidents; d’abord, il y a moins de terre à dé- placer, et la dépense, toujours très lourde de quelque façon qu’on s’y prenne, est diminuée d'autant; ensuite les personnes qui se promè- nent en bateau sur le lac lorsque ses bords ont peu d’élévation, ne perdent rien de l'aspect du paysage, tandis qu’elles n'en voient rien ou presque rien, si les rivages du lac ont seule- ment quelques mètres au-dessus du niveau de | la surface de l’eau. Si l'on a profité de la masse considérable de terre déplacée par lecreusement du lac, et qu’on s’en soit servi pour former une colline artifi- cielle, cette colline devra être assez loin du lac et séparée de ses bords par assez d'objets diffe- rents, pour éloigner toute idee de relation en- tre l’un ei l’autre ; car si l'aspect de la colline rappelle de quelque manière qu'elle est l’ou- vrage de l’homme, et que les matériaux pour la former ont été pris à la place occupée par le lac, l’un et l’autre cessent aussitôt de faire il- lusion, et il n’est plus possible de les prendre pour des ornements naturels du paysage. Le lac, lorsqu'il vient d'être creuse et que Peau n’v à point encoreété amenée, paraît tou- jours avoir beaucoup au-delà de son étendue véritable; une fois rempli d'eau, il paraîtra sensiblement diminué. Cet effet d'optique tient uniquement à ce que le lac vide offre aux re- gards une surface creuse, concave, surface réellement plus grande que ne peut l'être la sur- face plane de l'eau, lorsque le lac en est rem- pli. Rien n’est plus facile que de se laisser prendre soi-même à cette illusion, et de se trouver désappointé en voyant combien le lac qui semblait si grand lorsqu'il était vide, paraît rapetissé dès qu'il est plein. Pour apprécier sans grande erreur leffet d'un lac avant d’en commencer le creusement, on marque ses contours avec des piquets, puis on ouvre d’abord quelques tranchées dans les- quelles on établit au moyen du niveau à bulle d’air des lignes de piquets dont le sommet est exactement à la même hauteur que doit attein- dre le niveau de l’eau du lac. L’apparence pers- pective de ces lignes de piquets donne une idée assez exacte de l’étendue apparente que doit avoir le lac terminé et rempli d’eau. * La prise d’eau du lac et son dégorgeoir doi- vent offrir une différence de niveau suffisante | pour que le lac puisse être aisément mis à sec, soit pour la pêche, soit pour le curage lorsqu'il est nécessaire. SECTION [IL — Chemins, allées, sentiers. Il est impossible de marquer d'avance par JARDINS PAYSAGERS. 395 | des piquets la place des divers genres de che- | mins et d’allées nécessaires dans le tracé d’un | jardin paysager; il y & toujours des mouve- ments artificiels de terrain à produire par des déblais et des remblais; les chemins ne peu- vent être définitivement dessinés sur le sol que quand ces travaux ont été exécutés. Aucun chemin, sentier ou passage n’est l'ouvrage de la nature; tous sont l'ouvrage de l’homme et quelquefois celui des animaux. La ligne droite est celle que les chemins suivent naturellement quand divers genres d'obstacles naturels ne s’y opposent pas, ou que le but auquel abounit le chemin n’est pas hors de vue. Les jardins dans le goût moderne rejettent | d’une manière absolue les allées en ligne droite; c'est à tort chaque fois que des motifs plausi- bles ne rendent pas raison de leurs détours. Aussi, les allées tortueuses sans motif sont-elles généralement négligées par ceux qui fréquen- tent le jardin; ils coupent au plus court à tra- vers les pièces de gazons, quand la chose est possible, plutôt que de s’assujettir à parcourir inutitement le double de l’espace nécessaire pour se rendre d’un point à un autre. Un che- min étant et ne pouvant être que l’ouvrage de l'homme, l’industrie humaine peut s’y montrer à découvert; ceux qui traversent le jardin paysager doivent être dessinés avec goût et tou- jours avec symétrie, leurs bords restant exac- tement parallèles entre eux sur toute la lon- gueur de leur parcours, quels que soient d’ail- leurs leur forme et le nombre de leurs circuits. $ 1*7. — Largeur et tracé des divers genres d’allées, Les allées d’un pare destinces au passage des voitures portent le caractère des routes ordi- naires dont elles ont la largeur et la solidité ; quand elles ne sont pas en ligne droite ou pres- que droite, elles n’admettent pas de détours aussi multipliés que peuvent l'être ceux des allées destinées seulement aux promenades à pied ; ces détours seraient dangereux dans les allées de ce genre, parce qu’ils ne permettraient pas aux piétons de voir venir d'assez loin dans une direction opposée, les cavaliers et les voi- tures, ce qui pourrait donner lieu à de déplo- rables accidents. Voici la largeur la plus con- venable pour les divers genres d’allées : Chemins pour les voitures. ,.. .. 5" à gm allées pour les piétons seulement... 2,50 à 4 Sentiersse siens SOS ARR EAINNU 9 0: à 4,50 Les sinuosités trop multipliées dans les allées | sont fatigantes et n’offrent aucune beauté réelle; elles ne sont supportables que dans le tracé des sentiers étroits, qui serpentent ordinairement, soit entre des rochers, soit dans les parties les moins praticables du jardin paysager, où les difficultés du terrain justifient suffisamment les détours que font ces sortes de sentiers. | Une allée de 300 mètres à un kilomètre de developpement, à travers un vaste pare, a bien plus de grâce quand elle se déploie en une 396 son Changement de direction, que quand elle est compliquée d'un grand nombre de détours sans objet; son effet pittoresque est plus agréable à la vue; il est aussi plus rationnel, plus con- forme au bon sens comme au bon goùt, par conséquent plus satisfaisant pour lintelli- gence. Le tracé des allées d’un jardin paysager est plus que toute autre partie du dessin laissé au jugement et à lappréciation du dessinateur ; c’est à lui de diriger ses allées vers les objets les plus variés, les plus agréables à la vue, les plus séduisants pour les promeneurs. Les lignes des allées qui montent sur la pente d’un coteau ou qui descendent vers un vallon sont moins faciles à bien tracer que celles qui rencontrent sur leur parcours un terrain tout uni, parfaite- mentnivelé; c’est pour cela que des allées, fort belles et fort gracieuses en apparence sur le papier, font souvent un si mauvais effet sur le terrain; c’est que le papier est une surface plane, qui ne peut donner une idée exacte d’un terrain accidenté. On ne triomphe de ce genre de difficultés que par des essais, des tâtonne- ments répétés jusqu'à ce qu'enfin on s’en tienne à un tracé qui semble satisfaisant, qui donne aux allées dans leur passage à travers les col- lines et les vallées la direction la plus gracieuse, la plus conforme à la nature du terrain. On aura égard, en traçant sur le terrain toute es- pèce d’allées, à trois points principaux qu’il est essentiel de ne pas perdre de vue : 1° préférer aux sinuosités non motivées des courbes pures et correctes; 2° à chaque changement de di- rection laisser distinctement voir la raison du détour, et justifier sa nécessité; 3° motiver l'existence des principales allées par celle des objets auxquels elles aboutissent. Les allées d’un jardin paysager sont des ou- vrages d'art, qui doivent garder leur caractère sans jamais emprunter celui des sentiers irré- guliers,tantôtlarges.tantôtétroits,tracés comme au hasard à travers les bois, les champs et les prairies. Quand leur tracé est bien arrêté, on le dessine des deux côtés sur le terrain , dans toute la longueur de chaque allée, par une pe- tite rigole de quelques centimètres seulement de profondeur, dans laquelle on répand des se- mences de gazon mêlées de graines de trèfle. Dans la suite, la nécessité de tondre fort sou- vent ces gazons, jointe à diverses autres causes accidentelles, peut altérer les contours des al- lées et y produire des déviations désagréables à la vue; pour les prévenir, il suffit de planter quelques piquets peints de la couleur du sol, et enfonces presque jusqu'à fleur de terre; de cette manière, ils ne sont pas assez ap- parents pour produire un effet disgracieux , etils remplissent le but qu’on s'était proposé en permettant d’apercevoir er de rectifier sur- le-champ toute deformation du dessin primitif des allées. On peut donner à ces piquets un ecartement de six à dix mètres, le long des grandes allées ; ils doivent être plus rapprochés HORTICULEURE. courbe majestueuse prenant insensiblement : LIVRE VIII. les uns des autres quand les allées sont étroites et qu’elles font de fréquents détours. $ If. — Chemins creux, allées creuses. On rencontre souvent dans les paysages na- turels des sentiers ou chemins creux , dirigés à travers des rochers abrupts; quelquefois ils passent sous la voûte d’une roche percée, soit naturellement, soit de main d'homme; ces sen- tiers doivent être ménages de telle sorte que, dissimulés par les accidents de terrain , ils ne permettent pas de distinguer comment un pro- meneur, vu à quelque distance, a pu arriver jusqu’à un lieu qui paraît inaccessible. Ce sont de ces effets dont on doit profiter quand la dis- | position des lieux s’y prête, mais que l’on a bien rarement lieu d'imiter quand les éléments n’en existent pas tout disposés d'avance. Les jardins paysagers peuvent au contraire recevoir un embellissement qui n’est point à | négliger, par la création artificielle d’un autre genre d’allées creuses. Ces chemins sont creu- sés dans des parties du terrain où il n’existe point de rochers. Les deux pentes qui les en- ferment sont couvertes de toute sorte d’arbus- tes et d'arbrisseaux à tiges sarmenteuses , tels que des chèvrefeuilles et des clématites , aux- quels se joignent d’autres arbustes florifères indigènes, l’aubépine, l’églantier, le prunellier, le cornouiller ; on leur associe une profusion de fleurs sauvages des champs et des prairies. Du milieu de cette masse de plantes et d’ar- bustes entrelacés les uns dans les autres, et qu’on laisse croître en toute liberté sans les tailler, s'élève de distance en distance, un pru- nier, un amandier, un cerisier. Quelquelois aussi un érable-sycomore, et quelque autre grand arbre forestier croit au milieu de ce fourré; la pente du terrain ne lui permet pas de se for- mer un tronc perpendiculaire; sa tige et ses branches s’inclinent et semblent se balancer gracieusement au-dessus du chemin creux. Les allées creuses ont un genre de beauté qui leur est propre; elles ont un caractère con- templatif et solitaire , qui invite aux épanche- ments et aux confidences de l'amitié; ce carac- tère tient à ce que les pentes qui les dominent cachent à l’œil tout le paysage environnant; ces allées doivent aboutir, s’il est possible, à un point d’où la vue peut s'étendre au loin sur un paysage qu’on avait à dessein évité de laisser soupeonner au promeneur, avant qu il fût sorti de l'allée creuse. Ces allées pleines de charmes sont de celles dont on ne s’éloigne jamais sans se promettre d’y revenir. Nous recommandons au jardinier de couvrir leurs deux pentes op- posées de plantes et d’arbustes aussi variés que possible, en calculant toutefois leur distance d’après la force relative de leur végétation , et les dimensions que chacun d’eux , selon sa na- ture, doit atteindre dans la suite, afin que les plus petits et Les plus délicats ne périssent point étouffés par les plus vigoureux. Quand l'allée creuse se prolonge suffisam- | ment, les pentes latérales ne sont pas garnies | TITRE V. sur toute leur étendue d'un fourré semblable de plantes et d’arbustes divers ; de distance en distance, les arbustes font place à des groupes de grands arbres à tiges élancées, dont les têtes se confondent à une grande hauteur au-dessus de l'allée; les rayons du soleil glissant à tra- vers le feuillage et entre les branches de ces grands arbres, versent des flots d’une lumière vive et dorée sur les touffes d’arbustes , ce qui double leur effet pittoresque aux veux du pro- meneur solitaire. Les pentes latérales des allées creuses ne sauraient avoir une inclinaison de plus de qua- rante-cinq degrés; c’est un maximum qu'elles ne doivent pas dépasser si l’on ne veut qu'elles soient dégradées à tout moment par de fré- quents éboulements. Les indications qui précèdent s'appliquent seulement aux allées creusecs de main d'homme sur un sol naturellement dépourvu d’élévations et de dépressions, allées où par conséquent tout est artificiel. | D’autres allées creuses se rencontrent plus fréquemment dans les jardins paysagers , avec un caractère romantique dû entièrement à la nature. Deux pentes naturelles peu distantes lune de l’autre, gracieusement inclinées et ar- JARDINS PAYSAGERS. rondies, couvertes d’un gazon fin et frais, om- bragées de groupes de grands arbres formant | une sorte de bosquet transparent qui laisse entrevoir ou deviner la suite du paysage, sont séparées par une sorte d’enfoncement qui, sans avoir les caractères abrupts d’un ravin , en a cependant à peu près la situation. C’est là que Partiste sait faire serpenter une allée, ou, sui- vant l'espace, un simple sentier, qui devient l’une des parties de toute sa composition les plus fréquentées des promeneurs, surtout si la | pente en est ménagée de manière à pouvoir être gravie sans trop de fatigue. On doit recommander comme une règle ap- plicable à toute sorte d’allées dans tous les genres de jardins paysagers , de ne pas multi- plier à l’excès les allées ni les sentiers ; quand un trop grand nombre d’allées coupe trop fré- quemment les massifs d’arbres et les bosquets, elles font paraître les plantations maigres et morcelées ; elles en diminuent par conséquent l'effet pittoresque. C’est principalement par la distribution des allées qu'il est possible, comme nous l'avons dit, de grandir en apparence un terrain de peu d'é- tendue consacré à un jardin paysager, en dissi- mulant avec soin les clôtures qui ne doivent être aperçues d’aucun point, d’aucune des al- lées, grandes ou petites ; les allées ne doivent, par conséquent, aboutir ni les unes ni les autres aux limites du jardin, et celles qui conduisent aux portes n’y doivent arriver que par un deé- tour, afin que la porte ne soit aperçue que d’une petite distance ; tout ce qui tend à la faire soupconner détruit toute illusion à l'égard de l'étendue réelle du jardin paysager. Si du côte du jardin règne uu coteau qui n'en fait pas partie, et que, comme il arrive 397 presque toujours, un sentier serpentant sur la, pente de ce coteau se voie distinctement de l’intérieur du jardin, on peut, sans en dé- ranger en rien l’ordonnance, dessiner une ou plusieurs des principales allées, de telle sorte qu'en vertu des lois de la perspective, elles semblent devoir, derrière un massif d'arbres et d’arbustes rendu à dessein impénétrable à la vue, rejoindre le sentier comme s’il en était la continuation; cet artifice très naturel, lors- qu'il est employé avec goût, aide puissamment à l'illusion. Nous pourrions citer un grand nom- bre de parcs en Belgique dans lesquels un moulin, une maisonnette gracieuse, une cha- pelle isolée, situés hors de l'enceinte du jar- din paysager, s’y rattachent si naturellement en apparence, uniquement par la distribution | des allées combinées avec les sentiers décou- verts au dehors, qu’il faut aller se heurter contre une haie ou contre un mur de clôture pour se persuader que ces objets extérieurs ne font pas partie intégrante du jardin paysager Lorsque le jardin paysager est en lui-même assez étendu pour qu'il ne soit pas nécessaire de recourir aux moyens artificiels de le faire paraitre plus grand, il est bon de faire en sorte qu’à travers les intervalles entre les massifs et les plantations, une allée fréquentée soit visible d'une autre allée à quelque distance ; les pro- meneurs, tantôt cachés, tantôt découverts, animent le paysage. Cette disposition serait blämable dans un jardin trop peu étendu, parce | que, dans ce cas, les personnages étant vus de trop près, leur taille bien connue servirait de point de comparaison, et rendrait plus sail- lant encore le défaut de grandeur et d'espace | dans l’ensemble de la composition. Une allée qui gravit la pente d’un coteau par des sinuosités Calculées pour en adoucir la roideur, est surtout agréable, lorsqu’à me- sure qu'on la parcourt on découvre, en appro- chant du sommet du coteau, une partie d’un beau paysage dont la vue inspire nécessaire- ment le désir de voir le reste. Quelquefois la pente trop rapide ne peut être suffisamment adoucie que par des allées en zigzag, avec des angles très multipliés; on peut aussi, dans quelques passages, recourir à des marches d'escalier, soit en pierre, soit en bois de chêne. Dans ce cas, chacune de ces marches n’aura pas une hauteur de plus de 0",15 ; une distance de Om,40 à Om,60 entre chaque marche doit être suffisante. Le point de rencontre de deux al- lées ne doit former ni un angle droit, ni à plus forte raison un angle obtus; leurs lignes se joindront avec beaucoup plus de grâce si en se rencontrant elles ne forment qu'un angle plus ou moins aigu. $ III. — Methode de M. Von Sckell. Nous devons ici faire connaître à nos lec- teurs la méthode employée par M. Von Sckell pour tracer sur Île terrain les allées des jardins paysagers. Avant de dessiner leurs contours par des lignes de piquets, conformément au 398 plan le plus détaillé possible, tel qu'il doit avoir été tracé d'avance sur le papier, M. Von Sckell détermine par des jalons les points les plus saillants, les parties les plus importantes du jardin en projet. Il ne faut pas, dans cette partie de l'opération, s’astreindre à suivre le plan avec une exactitude trop scrupuleuse. S'il se trouve dans l’axe d’une allée un arbre précieux à conserver, l'allée se dérange pour respecter l'arbre ; on modifie de même, si la nécessité s’en fait sentir dans l’exécution, le tracé des cours d’eau ou de toute autre ligne du plan sur le papier. Ce plan ne doit être considéré que comme une base d'opérations, admettant toutes les modifications qui peuvent parailre utiles dans l'application sur le terrain; il détermine seulement l'emplacement des dé- tails principaux, tels que lacs, rivières, colli- nes, vallons, temples, ponts et chutes d’eau. L'instrument employé par M. Von Sckell pour le tracé des jardins sur le sol, est un bä- ton cylindrique ferré à son extrémité inférieure, long de 1m,80 à 2 mètres, et d’un diamètre proportionné à sa longueur. On tient ce bâton ferré la pointe sur le sol, de maniere à ce qu’elle porte à terre à Om,80 ou 0” ,40 en ar- rière de celui qui s’en sert. Au moyen des points détermines d'avance sur le passage des lignes d’après le plan, on peut, en marchant droit devant soi, la tête haute, sans regarder en arrière, donner aux lignes toute la grâce et à leurs sinuosités tout le naturel désirables. L'artiste est suivi de deux ouvriers qui plan- tent des piquets sur les lignes à mesure qu'il les indique ; mais il ne faut d’abord que poser ces piquets, sans les fixer à demeure, parce qu’il peut y avoir lieu plus tard à des rectifi- cations. Lorsqu'il a conduit une ligne jusqu’au bout, il revient sur ses pas, et peut déja, par l'aspect des piquets, juger l’effet de son tra- vail ; il lerectilie, s’il y a lieu, et fait marquer définitivement les lignes sur le terrain par un travail superficiel à la bêche ; les piquets sont alôrs plantés à demeure sur les lignes, à l’ex- ception des lignes provisoires telles que celles qui marquent les limites des massifs d'arbres et des bosquets. « Ce procédé, dit M. Von Sckell, exige sans doute un sentiment parfait des beautés natu- relles, développé par la pratique, et une con- naissance approfondie du dessin ; mais aussi, il l'emporte sur toutes les autres manières de tracer. sous le double point de vue de la grâce des contours et de l’imitation de la nature ; quarante ans de pratique et de succès me fer- mettent d'en garantir la superiorité. » D’après le procedé ordinairement en usage, celui qui transporte sur le sol les lignes princi- pales du plan d’un jardin paysager se sert d’un bâton ferré de la longueur d’une simple canne: ilest par conséquent obligé de marcher penché vers la terre, et de relever de temps en temps la tête pour recommencer ensuite à re- garder en marchant la pointe de son bâton; il est impossible qu’il n’en résulte pas de nom- HORTICULTURE. LIVRE VIN. breuses déviations qu’il faut corriger plus tard ;. la méthode de M. Von Sckell permet au con- traire de marcher debout, de promener ses re- gards sur le paysage placé devant soi, de les arrêter sur le but auquel aboutit la ligne qu’on trace, et cela sans interrompre le tracé ; il est done beaucoup plus facile, par %e procédé, de mettre du premier trait le tracé de chaque ligne en harmonie avec l’ensemble de la com- pôsition. On sait qu'en peinture, la correction du dessin concourt à la perfection plus encore que la vérité du coloris, laquelle ne peut faire ex- cuser les fautes graves du dessin; de même, la correction des lignes importe essentiellement à la beauté du jardir paysager, et les incorrec- tions dans cette partie de la composition ne peuvent être rachetées par la beauté des dé- tails. Nous insistons sur la nécessité de ne pas re- garder en arrière en tracçant les allées sur le terrain, afin de ne pas perdre par l’aspect d’autres objets, la pureté de la ligne dont on est occupé. Les allées les plus larges peuvent être bom- bées lorsque l'écoulement des eaux l'exige, pourvu que la courbe de leur section ne soit pas assez forte pour devenir désagréable au promeneur. La proportion la plus convenable est 0,10 d’élévation au milieu pour une allée de trois mètres de large, et 0"”,15 pour une allée large de cinq mètres, SEcrTion IV. — Deblais et remblais. Lorsque le tracé est achevé, le travail doit commencer par les déblais et les remblais, par ce motif que la terre, les pierres et le sable provenant du creusement dés lacs, des pièces d’eau, des rivières ou des vallons artificiels, sont immédiatement conduits là où, d’après le plan, ils doivent être utilisés pour combler des enfoncements d’un effet peu agréable, donner de la solidité aux allées, et former des éléva- tions artificielles. Cette partie du travail est, nous l'avons dit, la plus dispendieuse de toutes celles qui se rattachent à la création d’un jar- din paysager ; c’est aussi celle où les fautes commises sont les plus difficiles et les plus coûteuses à réparer ; elle exige donc beaucoup de réflexion et une surveiliance continuelle. On aura soin que la place où les matériaux dé- blayés doivent être utilisés soit assignée d’a- vance, afin qu’ils ne soient jamais déposés sur une partie du terrain où ils ne pourraient pas rester. Une fois les terrassements commencés, on regardera le plan comme une règle désor- mais invariable à laquelle on n’apportera plus aucune modification ultérieure en ce qui tou- che aux détails qui nécessitent dès déplace- ments de terre; ce sont ces changements après coup qui grossissent outre mesure les frais de ce genre de travaux. Un point très essentiel, c’est d'organiser le service des tombereaux par les remblais, de manière à ce que les allées et TITRE Ÿ. les venues se suivent sans interruption, et que les charretiers ne perdent pas de temps à at- tendre tes chargements ; il importe aussi de ré- gler les transports de facon à rendre les trajets à parcourir aussi courts que possible; car il arrive assez souvent que, faute de surveillance, des terres qu’on pouvait emplover très près du lieu d’où on les avait enlevées, sont inutile- ment transportées au loin; c’est Gu temps et de l'argent dépensés en pure perte. & I€r, — Collines artificielles. Les collines rompent l’uniformité du sol; elles donnent de la variété et du charme au paysage ; lorsque leurs formes sont gracieuses, elles empruntent un attrait particulier de leur situation sur la lisière d’un bois où bien en avant d’un bois à quelque distance ; les masses du feuillage servent dans ce cas à faire ressor- tir avec avantage les contours de la colline. On éprouve toujours du plaisir à gravir une col- line dont le sommet promet un riche point de vue ; une Construction ornée, quand elle occu- pe le sommet d’une colline, produit plus d’effet quant à la décoration du paysage que lors- qu’elle est placée sur un terrain peu elevé. Il ne suffit pas qu’une colline élevée de main d’homme réunisse les conditions de forme et de situation qui répondent le mieux au but qu’on s’est proposé en l'élevant, il faut encore, et c’est la le plus difficile, que sa place soit si bien choisie qu’il semble qu’une colline en cet en- droit a dû nécessairement être l'ouvrage de la nature. Le sentiment du vrai et du beau est, on doit en convenir, la plus sûre des règles à cet égard; on peut cependant être guide par quelques considérations qu’il n’est pas inutile de faire connaitre. Il est impossible qu’une colline artificielle soit prise pour un ouvrage de la nature dans une vaste plaine uniforme, au milieu d’unican- ton où la nature n’a créé aucune élévation. Si cependant on juge à propos d'élever sur un ter- rain uni une Colline artificielle, on la placera, non pas au centre, mais vers l’une de ses ex- trémités; d’autres monticules de grandeur in- égale. et de simples ondulations de terrain, ser- viront à mettre cette élévation en harmonie avec le paysage environnant ; elles lui donne- ront une apparence naturelle que ne pourrait avoir dans une situation semblable une coiline isolée. Les dimensions de tous ces mouvements artificiels d'un sol qui manque naturellement de mouvement, doivent être calculées d’après l'étendue totale du paysage. La création d’une colline artificielle rencon- tre dans l’exécution un obstacle difficile à vain- cre; ce n’est pas une de £€es opérations que puisse accomplir lui-même celui qui en a le plan dans la tête ; il faut qu'il fasse agir des bras souvent inintelligents, et il sait d’avance que pas un de ceux dont il est forcé de se ser- vir n’est accessible au sentiment des beautés naturelles d’un paysage, et ne sait distinguer un pli de terrain d’un effet pittoresque, d’une JARDINS PAYSAGERS. 399 ligne dépourvuede grâce et de naturel. Cet obs- tacle serait presque nul s’il était possible de donner aux ouvriers un plan auquel ils au- raieut à se conformer; presque lous les ou- vricrs terrassiers ont l’intelligence d’un plan, et savent le mettre à exécution. Mais pour une colline à élever de main d'homme, cette res- source manque; le plan ne peut indiquer par des lignes des formes en relief; un mât élevé au point central marque la hauteur que doi- vent atteindre les remblais ; quant au resie, | c’est à l’auteur du plan à en assurer le suecès par une surveillance continuelle: il ne perdra done point de vue ses ouvriers, et dirigera lui- même !ous les travaux de terrassement. Avant de façonner les surfaces d’une colline artificielle, et de leur donner les formes les plus agréables conformément à leur situation et à l'effet qu’on en espère, on considère de diverses distances la masse des terres rappor- tées, afin de faire recharger ou rabaisser les parties qui sembleraient en avoir besoin; il est bon aussi de laisser reposer quelque temps cette masse afin que le tassement s'opère avant de donner à la colline artificielle les façons ex- térieures, plantations, tracé des allées et des sentiers, Constructions ou autres ornements que le tassement des terres pourrait déranger plus tard, s’il n'avait eu lieu d'avance. Un tem- ple ou toute autre construction élevée sur une colline artificielle doit avoir des fondations très solides, à une grande profondeur dans le sol, si l’on ne veut s'exposer à le voir s’écrouler d'un moment à l’autre. $ IE. — Vallons artificiels. Il est inutile d’insister sur le charme des val- lées naturelles ombragées d'arbres touffus, ta- pissées d’un gazon émaillé de fleurs, et traver- sées par le cours sinueux d’une rivière ou d'un ruisseau; les jardins paysagers leur doivent, | Comme on sait, leur attrait principal, et il est presque indispensable de créer des vallons ar- tiliciels lorsqu'on doit composer un jardin pay- sager sur un sol auquel manque ce genre d'or- nement naturel. L'opération du creusement d’un vallon arti- ficiel doit être menée rapidement; il ne faut pas permettre que les ouvriers attaquent les terrassements sur plusieurs points et comme au hasard, il pourrait arriver aisément dans ce cas que le sol se trouverait en certains endroits creusé trop profondément. La meilleure ma- nière de creuser un vallon artificiel, @’est d’at- taquer le creusement par des tranchées trans- versales, ouvertes dans le sens de la largeur du vallon; par ce moven on a toujours devant les yeux une ligne concave dont les moindres ir- régularités sont faciles à apercevoir; On ester outre guidé par la coupe du terrain non encore attaque, qui prévient toute erreur sur la pro- fondeur du creusement. La terre des déblais est rejetce sur les côtés, de façon à prolonger les pentes du vallon artificiel; il en résulte une profondeur double de celle du creusement , 409 profondeur qui doit avoir été calculée en con- séquence et non pas comme si, après l’enlè- vement des terres, le sol environnant devait conserver son niveau primitif. Une forme compassée et régulière est un dé- faut qui dans un vallon creusé de main d’hom- me décèle aussitôt son origine, et s’oppose absolument à ce qu’il puisse passer pour l'ou- vrage de la nature qui varie à l'infini les formes des vallées et les sinuosités des lignes de hau- teurs dont elles sont environnées. Lorsque le sol est naturellement humide et marécageux, Ce qui rend tout creusement im- possible, les vallons artificiels deviennent beau- coup plus dispendieux, parce qu'ils doivent être formés en entier de terres rapportées pri- ses souvent à une assez grande distance. Dans ce cas, la terre entassée sur le sol non remué forme une ligne qu’il faut dissimuler avéc soin, car lorsqu'elle reste visible, cette ligne est un indice frappant de l’origine artificielle du val- lon, et toute illusion à cet égard cesse d’être possible ; des plantations et des pièces de gazon artistement disposées, masquent très bien ces lignes qu'il importe de ne laisser apercevoir sur aucun point. Nous devons insister sur la nécessité de rom- pre, par quelques mouvements artificiels de terrain, l'uniformité monotone d’une surface toute unie, réellement intolérable dans un jardin paysager, quelle que soit son étendue; qu’on ne suppose pas qu'il en résulte toujours nécessai- rement d'énormes déplacements de terres qui ne peuvent avoir lieu sans des frais exorbi- tants; il suffit souvent d’une ondulation dont la profondeur totale est de moins d’un mèire, pour produire l’eflet désiré; une trentaine de tombereaux de terre remuée suffisent pour cela ; mais il faut que ces déplacements soient opérés avec discernement, avec goût, là où ils concou- rent avec le plus de puissance à détruire l’uni- formité de la surface, privée de plis et d’acci- dents de terrain. Nous ferons remarquer ici, comme un point très important, la nécessité de faire ressortir, avant de songer à lui créer des formes nou- velles, tout ce que pouvait avoir de pittoresque la forme ancienne et primitive du terrain sur lequel on opère. Par exemple, une pente adou- cie et gracieuse dans l’origine a été dégradée et défoncée par des éboulements, ou par les ravages des débordements d’une rivière; avant de créer des collines artificielles par de dis- pendieux remblais, reconstruisez cette pente naturelle par l’imagination; figurez-vous son état primitif, et rétablissez-le tel qu’il était avant les dégradations qui l'ont rendu mécon- naissable. C’est en faisant disparaître ainsi les traces de destruction provenant de causes vio- lentes et accidentelles qu’on peut souvent ré- tablir l’harmonie dans les diverses parties du pavsage naturel, sans recourir à de nouvelles creations, c’est un grand art, en toute chose, que celui de savoir ne rien perdre des ressour- ces que nous offre libéralement la nature. HORTICULTURE. LIVRE VIff. Il est souvent utile de sacrifier u: ornement naturel, quelle que soit sa valeur pittoresque, lorsqu'il détruit par sa présence dans un lieu quelconque un autre effet pittoresque d’une plus grande valeur. Ainsi la colline naturelle la plus gracieuse, le rocher aux formes les mieux adaptées à l'ornement du paysage environnant, seront abaissés ou mêmé-supprimés compléte- ment, s’ils masquent par leur position une chute d’eau ou quelque grand effet de paysage dont la perte ne pourrait être compensée par la con- servation des objets sacrifiés. Nous en disons autant de toute espèce de colline ou d'élévation naturelle; il faut, avant d’en arrêter la con- servation, s'assurer, quel que soit leur charme individuel, s’il n’y à pas plus à perdre qu’à ga- gner à les maintenir,et s’il n’y a derrière elles rien qui soit plus digne et plus capable de con- courir à la décoration du jardin paysager. La présence d’un marais dans un jardin paysager ne peut être supportée ; un ruisseau décrivant de nombreux meandres en fera écou- ler les eaux stagnantes; les terres égouttées doi- vent être ensuite. rechargées des terres rap- portées sous lesquelles disparaît toute trace du marécage primitif. Lorsqu'il s’agit de créer une grande compo- sition pittoresque sur un sol généralement stérile et pauvre, où les plantations auraient peu de chances de succès, on peut, après exa- men fait des points les plus fertiles du sol, y prendre la bonne terre qui s’y rencontre, et en recharger les parties du jardin qu’il est indis- pensable de garnir de bosquets et de planta- tions. Il m'est arrivé souvent, dit M. Von Sckell, de me décider à creuser un lac ou une vallee artificielle, uniquement par le besoin de rc- charger certaines parties du terrain avec de la terre fertile que je ne savais où me procurer par tout autre moyen, et faute de laquelle il aurait fallu renoncer à la création d’un jardin paysager. On ne doit recourir à cet expédient qu'autant que la nature et la disposition du paysage environnant peuvent s’y prêter ; mais lorsqu'il réussit, on y gagne non- seulement sous le rapport de l'effet pittoresque du lac ou du vallon artificiellement creuses, mais aussi sous le rapport non moins essentiel de la vi- gueur de la végétation sur les points peu fer- tiles de la composition, car rien n’est plus triste dans un jardin paysager que l’aspect de ces bosquets d'arbres souffrants dont la végé- tation misérable accuse un sol impropre à leur nourriture, sur lequel ils ne peuvent que lan- guir quelque temps, et périr avant d’avoir at- teint la moitié de leur croissance. $ III. — Creusement des lacs et pièces d'eau. Nous avons dit combien l’eau est indispen- sable pour donner la vie au paysage; le reflet dans le miroir liquide d'un lac des objets en- vironnants, diversement éclairés aux diffé- rentes heures du jour, est un des effets les plus pittoresques et les plus agréables de tous ceux que le jardin paysager peut offrir aux re- TITRE V. gards des promeneurs. Sous un autre point de vue, quoi de plus agréable pendant une belle journee d’été, qu’une promenade en bateau sur un lac parsemé d’iles, où des musiciens cachés | par des massifs d'arbustes font retentir Pair d’une harmonieuse symphonie? L'hiver lui- même qui détruit le charme de toutes les autres parties du jardin paysager, donne au lac un attrait d’un autre genre, quand la glace forme à la surface un solide cristal sur lequel les pa- tineurs aiment à déployer leur adresse. L'emplacement de la pièce d’eau artificielle doit être choisi dans la partie la plus basse du terrain, assez loin de l'habitation pour qu’on n’y soit point indisposé par l'humidité et les brouillards. Toutefois, on ne doit pas négliger de profiter d’une dépression de terrain située à mi-côte, lorsqu'il s’en rencontre une de gran- deur suffisante, et qu’il y a moyen d’y conduire Peau sans trop de difficulté; le dégorgeoir de la pièce d’eau donne lieu, dans cette situation, à une cascade qui semble tout-à-fait naturelle, et dont on peut obtenir des effets très pitto- resques. Quelle que soit l'étendue d’une pièce d’eau et sa situation, elle ne sera jamais assez profon- dément creusée pour présenter aucun danger réel dans le cas du AUfrage d’une nacelle char- gée de promeneurs, ou de la rupture de la glace sous les pieds des patineurs imprudents. Par la même raison, ses bords ne présenteront nulle part une pente abrupte; ils seront creusés à fond de cuve, la plus grande profondeur au centre, de telle sorte qu’un enfant même, venant à y tomber par accident, en puisse être facile- ment retiré. L'opération du creusement se conduit d’après les mêmes principes que celle du creusement d’un vallon artificiel, c’est-à-dire par bandes transversales ; pour faciliter le travail, on doit toujours commencer par déblayer un espace suffisant pour que les tombereaux puissent tour- ner et circuler sans obstacle. Lorsqu'une pièce d’eau d’une grande étendue est creusée dans un bon terrain et qu’elle est alimentée par l’eau vive d’un ruisseau couvert sur ses deux rives de plantes aquatiques, il ar- rive assez souvent que ces plantes s'y multi- plient avec excès; alors, la surface de l’eau dissimulée sous leur feuillage exubérant, n’offre plus que l'apparence d'un marais. C’est un in- convénient sérieux, Car il détruit en grande partie l’effet pittoresque du lac artificiel; on ne peut y remédier qu’en ayant soin de vider le lac au moyen des écluses et de le remplir en- suite assez souvent pour troubler la végétation des plantes aquatiques, afin qu’elles n'aient pas le temps de s’y multiplier. Sur un bassin de peu d’étendue, un ou deux couples de eygnes qui vont avec leur long col chercher au fond de . Peau les jeunes plantes à mesure qu’elles pous- sent, suflisent pour entretenir l’eau constam- ment nette de plantes sauvages aquatiques. RORTICOLTURE, JARDIN FRUITIER. | 401 SECTION V. — Emploi des arbres d'ornement dans le jardin paysager. $ 17, — Distribution naturelle des arbres. Avant de rechercher la distribution la plus avantageuse dans les diverses parties du jar- din paysager, des espèces nombreuses d’ar- bres d'ornement qui supportent la pleine terre en hiver sous le climat des contrées tempérées de l’Europe, jetons un coup d'œil sur cette dis- tribution dans la nature, et sur les causes qui la déterminent, sans l'intervention du travail | de l’homme. La nature a paré la surface du globe d'un luxe de végétation si riche et si varié qu’il n'y a pas de partie du jardin paysager, quelle que soit la nature du sol sur lequel on opère, qui ne puisse être plantée conformément àdesexemples de terrains analogues, pris dans la nature in- culte. Souvent elle se plaît à couvrir les flancs des montagnes par des rideaux de forêts dont l'œil ne peut sonder la sombre profondeur ; ailleurs, ce sont seulement les sommets, les crêtes des élévations, qu’elle couronne de grou- pes d'arbres aux formes hardies et élancées, qui solidement accrochés aux interstices des ro- chers défient les efforts de l'ouragan; plus loin, ce sont des groupes d'arbres, ou des arbres iso- lés qui servent comme de décoration à la toile du fond d’un vaste paysage, tandis que sur le premier plan, des saules et d’auires arbres aux tiges minces et souples, ornent le bord des eaux vives serpentant dans la vallée. La nature prodigue sur les pentes des rochers le lierre et la clématite ; elle a pour décorer leurs crevasses les berberis et tous les arbustes si communs dans le midi qui n’ont besuin que de très peu de terre pour végéter. Les pins et l'in- nombrable famille des conifères décorent natu- rellementles hauteurs inaccesibles et les rochers abruptes au bord des précipices; le platane, le bouleau, le sorbier, parent de leur verdure les terrains ingrats et bravent les plus longues sé- cheresses. Mais la nature ne fait point de plan- tation ; elle ne multiplie les végétaux que par leur semence dispersée par toutes sortes de causes accidentelles; c’est pour cette raison que des cantons fort étendus se trouvent oceupés par une seule espèce, ou, comme on le dit vul- gairement, par une seule essence d’arbres fores- tiers; il se trouve ainsi d'immenses forêts exclu- sivement composées les unes de chêne, les autres de frênes, de hêtres, de charmes, de bouleaux ou de pins, sans mélange avec des arbres appartenant à d’autres espèces. Chacune de ces espèces finit par s'emparer exclusivement de tous les terrains particulièrement favorables à sa végétation et par étoufler tous ceux qui voudraient lui disputer la place. En parcourant l'intérieur des antiques forêts où la main de l’homme n'a point pénétré, on rencontre çà et la des espaces où l'essence dominante est rem- placée par une autre qui forme ordinairement avec elle le plus agréable contraste. Si l’on FT. V. — 51 402 examine attentivement ces portions des forêts naturelles, on voit que le passage d'une espèce à une autre ne s'est point opére brusquement et sans transition. On n’y rencontre nulle part un espace de forme déterminée où, par exemple, les chônes finissent et les hêtres commencent ; on trouve d’abord quelques chênes parmi les hètres, ou réciproquement; puis un peu plus loin, sans lignes nettement arrêtées, on ne ren- contre que l’une ou l’autre de ces deux espèces d'arbres. C’est ainsi qu’il faut procéder dans la plantation des bois et des bosquets qui font par- tie du jardin paysager. Il ne faut pas non plus que les limites exté- rieures des bois et des bosquets plantés de main d'homme se présentent sous des formes plus nettement arrêtées que ne l’est. parexemple, la lisière d’une forêt qui, en approchant de ses li- mites, présente à la vue des arbres de plus en plus elair-semés, puis des groupes de moins en moins nombreux, jusqu’à ce qu’on se trouve sur un terrain tout-à-fait découvert, où quel- ques vieux arbres seulement, épars çà et là, semblent les sentinelles avancées de la forêt. IL est essentiel de bien étudier ces exemples que nous donne la nature, pour les reproduire dans la composition des jardins paysagers. $ II. — Manière de grouper les arbres et les arbustes. Il est bien entendu que les principes qu'on vient d'exposer ne sont applicables qu'aux jar- dins paysagers où l’espace ne manque pas. Les lignes indécises, les massifs de formes mal ar- rêtées, porteraient la confusion dans l’ordon- pance d’un jardin paysager peu étendu, auquel par conséquent ces données ne sont point ap- plicables. Tels sont surtout les bosquets dans lesquels chaque plantation, considérée isolé- ment, n'a pas plus de vingt à trente mètres de diamètre. Ces massifs de dimensions bornées qui n'ont pas la prétention de passer pour des bois ou des forêts, puisent leur elfet pittores- que dans le mélange des arbres et arbustes de différente taille et de feuillages variés dont on a soin de les composer. Dans cette alliance des ressources de l'art avec celles de la nature, il ne faut point agir au hasard; quelques prin- cipes doivent être observés. Les formes particulières de chaque massif doivent être assez correctes et en même temps assez naturelles pour qu’un peintre de paysage, sans savoir que ces formes sont l'ouvrage de l'art, puisse les admirer en les prenant pour des productions de la nature. Le choix des for- mes des arbres et arbustes et de leur fenillage doit être fait de manière à produire lelfet le plus pittoresque , principalement par l’harmo- nie des différentes nuances de verdure; enfin, on se gardera bien d'associer dans les mêmes massifs des arbres dont la force de végétation serait tellement différente, que les plus vigou- reux ne pourraient manquer de tuer les plus faibles, ce qui donnerait lieu à des vides tou- jours choquants et désagréables à la vue. En dirigeant la plantation d’un jardin paysager, le HORTICULTURE. jardinier aura toujours present à l'esprit le double but qu'il doit chercher à atteindre; ce but consiste, d’une part, à donner à chaque es- pèce d'arbre la plus riche végétation possible, en lui accordant le sol le plus convenable à sa nature, et d'autre part, à en obtenir lPeffet le plus pittoresque en l’associant, autant que sa nature le permet , aux végétaux dont les for- mes offrent avec les siennes le plus d'accord et d'harmonie. Il s'agit de satisfaire à la fois le peintre paysagiste qui doit envisager de loin et d’un seul coup d'œil Pensemble de la plan- tation, et l'amateur d’horticulture qui, en con- sidérant de près les plantations, aime à y trouver la réunion la plus variée d'arbres et d’arbustes indigènes et exotiques. Il importe de considérer surtout, relative- ment au choix des arbres , l'étendue des mas- sifs; si dans un compartiment de quinze à vingt mètres de large sur une longueur égale , on entasse un amalgame de vingt ou trenie arbres différents, pris au hasard, sans égard à leur force de végétation ni à la taille qu'ils doivent atteindre en vieillissant , non plus qu'aux for- mes et aux nuances diverses de leur feuillage, quel peintre voudrait reproduire un assem- blage aussi confus, aussi hétérogène, et quel elfet pourrait-on en attendre dans le jardin paysager ? C’est ce que M. Von Sckell nomme avec raison un gdchs d'arbres ; ce n’est pas là une plantation raisonnée. Lorsque l’espace à planter se déploie sur de larges surfaces, c’est alors qu'on peut assortir avec goût les arbres en formant souvent des massifs d'arbres sem- blables , là où il importe que leur croissance ne soit point inégale; on évitera surtout de disperser dans un bosquet épais quelques ar- bres isolés, différents de ceux de lessence do- minante, ce qui produit toujours un effet peu agréable. C’est ainsi qu'un érable ou un syco- more égaré et comme perdu parmi des cen- taines de tilleuls ou de marronniers, excite presque un sentiment de pitié par sa végétation languissante et misérable : on est d’abord tenté de le déplanter, pour le sauver d'une mort pré- maturée. Chaque genre d’arbres a son caractère qui lui assigne sa place dans le jardin paysager ; le chêne aux formes robustes, à la cime large et arrondie ; l’orme au feuillage foncé, aux formes régulières; la tribu nombreuse des peupliers d'Europe et d'Amérique, la famille innombrable des conifères aux formes hardies et élancées, ont tous leur genre de beaute et leur destination spéciale. Les arbres conifères, malgré les ressources qu'ils offrent par la vigueur de leur végétation dans des terrains et des situations où d’autres végéteraient à peine, ne doivent être ME FA dans les plantations qu'avec ménagement.et dis- crétion ; leurs masses sombres et leurs formes presque géométriques, très peu variées si ce west dans un petit nombre d’espèces, rendent leur aspect triste et mélancolique. Les sapins, les plus pittoresques de cette tribu, ne perdent LIVRE VE. TITRE V. la raideur de leurs rameaux à angles droitsavec le tronc, et ne deviennent réellement pitto- resques, qu'à un âge très avancé; les cèdres qui seraient aussi fort pittoresques, croissent avec une lenteur si désespérante, que lorsqu'on en plante il faut avoir en vue l’agrément qu'ils pourront procurer à nos petits fils. C’est le cas de dire avec La Fontaine: Mes arrière-neveux me devront cet ombrage. Ces irconvénients sont nuls quand on plante des arbres appartenant à d’autres familles ; la largeur et la variété de leurs feuilles rend leur effet pittoresque tellement supérieur à celui des conifères, que le peintre de paysage, lorsqu'il a le choix, ne reproduit jamais de préférence sur sa toile des arbres de cette dernière famille. Le seul avantage réel des arbres conifères consiste dans la persistance de leur feuillage qui se maintient épais et verdoyant alors que les ar- bres à feuilles caduques sont entièrement dé- pouillés. S'il ne faut pas prodiguer les arbres à feuilles persistantes de la famille des conifères, on peut, par compensation, user largement des res- sources que présentent les arbres toujours verts appartenant à d’autres familles ; ilest vrai que sous les climats tempérés et septentrionaux, le nombre de ces arbres capables de résister aux hivers est très limité; ceux même qui les sup- portent passent, comme le laurier, du rang d'arbres à celui d’arbustes (voir Arbustes d’or- nements, page 330). Les conifères et les autres arbres à feuilles persistantes font un très bon effet lorsque plan- tés par groupes de cinq, dix ou quinze arbres de même espèce, leurs masses sombres ont der- rière elles pour les faire ressortir les masses d’un vert clair d’un bois ou d’un bosquet d’arbres à feuilles caduques. Les arbres qui s’associent le mieux entre eux Fig. construction insignifiante en elle-même, peut acquérir une valeur pittoresque, lorsque des ar- bres groupés avee art en font valoir le dessin. Le bâtiment représenté n’est qu'une habitation de jardinier ou de garde-chasse, d’une grande simplicité; vue à travers des massifs d'arbres JARDIN PAYSAGER. 403 sont ceux dont le feuillage offre le plus d’ana- logie; ainsi le robinier (faux acacia), le frêne, le vernis du Japon (ailanthus glandulosa), le sorbier, le sumac et les gleditzia, joignant la variété de taille et de nuance à l’analogie des formes, puisque tous sont doués de feuilles pin- nees, Composent par leur réunioa des groupes fortharmonieusement assortis. Ilen est de même du cytise (faux ébénier) rapproché du ptéléa, lun et l’autre à feuilles trifoliées; le hêtre. le charme, l’orme et le bouleau vont aussi fort bien à proximité les uns des autres, par la mê- me raison. Cette loi d'analogie convient aux grandes masses, aux vastes plantations que l’œil saisit au premier aspect, en embrassant d’un regard l’ensemble d’un jardin paysager. Le contraste entre les formes est au contraire, par exception, d’un effet 1rès pittoresque dans les situations analogues à celles où la nature se plait quelquelois à grouper une grande variété d'arbres et d’arbustes divers, dans un très pe- tit espace, comme au fond d’un vallon bien abrité, au pied d’un rocher exposé au sud- ouest, où il semble que les eaux pluviales, les vents et les oiseaux aient apporté de tous cô- tés des graines d'arbres et d’arbustes qu’on est étonné d'y rencontrer ensemble. Telles sont les données principales qui concernent l'emploi des arbres dans la composition des jardins paysa- gers. Un bel arbre, dans toute la grandeur que comporte sa nature, est une de ces merveilles de la création trop communes pour Cire admi- rées comme elles le méritent. « L'arbre considéré en lui-même, dit M. Lou- don, est la plus noble des créatures inanimées ; il réunit tous les genres de beautés, depuis l’ef- fet imposant de ses masses, jusqu'aux beautés de détail de ses feuilles élégantes; c’est l’al- liance de la majestueuse unité et de la variété illimitée, essence de la beauté relative. » La fig. 519 montre comment l’aspect d’une 519. qui lui donnent du relief, elle devient de divers points d’un jardin paysager un agréable point de vue. $ IIT. — Plantations. La belle végétation des arbres et leur rapide 404 croissance sont des objets tellement importants pour la beauté du jardin paysager que nous croyons utile d'entrer dans quelques details sur les soins et les précautions qui peuvent en as- surer le succès. Une partie seulement de ce que nous avons dit de la manière de planter les ar- bres fruitiers s'applique aux arbres d'ornement qui végètent dans des conditions entièrement différentes de celles des arbres fruitiers. A. — Age et force des sujets. La plupart des propriétairesen France croient gagner du tempsen plantant de très gros arbres, avant passé plusieurs années dans la pépinière ; il est certain que ces sujets déjà forts peuvent reprendre dans un bon terrain, sous l'empire de conditions particulièrement favorables, et donner de l’ombrage quelques années plus tôt que des arbres plantés beäucoup plus jeunes. Les promenades de Paris en offrent deux exem- ples frappants, l’un au boulevard Bourdon, le long du grenier de réserve, l'autre au Jardin du Luxembourg, dans la grande allée de POb- servatoire. Les tilleuls du boulevard Bourdon, p'antés vers 1807, avaient peu profité lorsqu’en 1814 ils servirent de piquets aux chevaux des Cosaques bivouaqués sur ce boulevard, ils eu- rent tous leur écorce plus ou moins endomma- gée ; plusieurs périrent ; ceux qui survécurent, ayant plus ou moins souffert, ne sont pas de- venus, à peu d’exceptiens près, ce que doit être une plantation de tilleuls dans des conditions ordinaires dans le même espace de temps; ces tilleuls n’ont jamais été tailles. Les marronniers de l’allée de l'Observatoire ont été plantés à peu près à la même époque. Nous nous souvenons des propos des oisifs té- moins de cette plantation; €’était à qui prédi- rait la mort prochaine de ces arbres qui ne semblaient pas avoir moins de 10 à 12 ans; peut- être étaient-ils plus âgés, au moment où ils fu- rent mis en place; leur tête avait été légère- ment éclaircie, mais non taillée. Ils languirent longtemps; ils n’ont jamais eu le feuillage aussi développé que ceux du reste du jardin; ils ont formé une multitude de petites branches et peu de rameaux vigoureux ; néanmoins, ils ont {ous survécu, et dans leur état actuel, ils offrent une égalité de végétation très remarquable; ils n'ont pas atteint des proportions en rapport avec leur âge; ils montrent déjà une disposi- tion évidente à se couronner, et nesemblent pas destinés à vivre l’âge ordinaire des arbres de leur espèce. Nous avons cité ces deux exemples parce qu’ils nous semblent concluants, le dernier sur- tout; l'arbre souffre toujours d’être planté à un âge trop avancé; il peut reprendre, et il re- prend presque toujours dans des conditions fa- vorables de sol et d'exposition ; il atteint diffi- cilement la taille que doivent avoir les arbres de son espèce; il ne vit jamais ni aussi bien. ni aussi longtemps que les arbres plantés plus jeunes. À l'appui de notre opinion sur ce point es- HORTICULTURE. LIVRE Viif, sentiel, nous pouvons citer celle des auteurs anglais, dont la compétence ne peut être contes- tée en pareille matière; nous donnerons plus bas le résumé de leurs usages relativement à l’âge des sujets de toute espèce pour la planta- tion des jardins paysagers. Notons à ce sujet que tous les auteurs anglais qui traitent des plantations les considèrent à la fois sous le point de vue de l'agrément et de Putilité. Tout arbre qu’on plante doit en effet être abattu un jour, et jusqu’à ce qu’il le soit, ses fur- mes n’en seront pas moins pittoresques par- ce qu'en le plantant on aura eu égard eux cir- constances qui peuvent contribuer à lui don- ner le plus de valeur possible à l’époque où il devra être abattu. La nature du sol et l'espèce des arbres à planter, sont les deux points prin- cipaux qui déterminent l’âge qu'ils doivent avoir pour être plantés avec le plus de chances de succès. Les arbres résineux, à feuilles persistantes, de la famille des conifères, reprennent mal, ou même ne reprennent pas du tout, lorsqu'on Îles plante à l’âge de plus de 4 ans. Ils peuvent re- prendre à 4 ans dans un sol passable, bien pré- paré par un défoncement donné en éte, pourvu que leur tronc n’ait pas pris trop de grosseur, car s’il dépasse 0m.03 ou 0m,04 de diamètre, l'arbre résineux, n’eut-il que trois ans, ne re- prendra presque jamais. Les arbres conifères âgés de quatre ans et bauts seulement de 0,m 40 à O0," 50, plantés en même temps que d'autres arbres de même espèce âgés de six à sept ans, hauts de 2m, 50 à 3 mètres, les dépasseront dans l’espace de six à sept ans, et les laisseront loin derrière eux pour la taille et la grosseur, pendant tout le reste de leur croissance. Les propriétaires qui créent des jardins paysagers répugnent en gé- néral à former leurs massifs d'arbres conifères par la voie des semis; ce procédé est cepen- dant à tous égards le plus sûr et le meilleur; jamais un pin transplanté ne vaudra celui qui grandit à la place où son pivot s’est formé sans êcre dérange. On ohjecte la perte de temps, et c’est en effet une raison plausible; mais la graine d'arbres résineux coûte si peu, qu’il se- rait facile, sans accroître la dépense, de com- biner les deux procédés, en plantant pour les couvrir immédiatement les terrains ensemencés en arbres conifères, sauf à supprimer plus tard les arbres languissants de la plantation, quand i:s seraient dépassés par les arbres vigoureux obtenus de semence. Un grand nombre d'espèces résineuses ou autres donnent, par les semis, du plant bon à être mis en place au bout de deux ans. Le mé- lèze, s’il a recu les soins convenables en pépi- nière, est assez fort pour être planté à cet âge. Si le sol de la pépinière est de très bonne qua- lité, le plant pourra même être aussi bon à la fin du second été que s’il avait passé dans la pépinière ses deux années complétes. Le frêne, lorme et le sycomore n’ont pas be- soin de plus d’une année de pépinière, il leur TITRE V. JARDIN PAYSAGER. 105 faut tout au plus deux ans, quand le plant ne | vrier peut faire toute l'opération. Pour les ar- ‘semble pas très vigoureux. Le hêtre, le chêne et le châtaignier, si leur plant a été repiqué à un an dans un sol riche et profond, et qu’ils aient ensuite passé deux ans en pépinière, sont bons à être mis en place. Les principales espèces d'arbres à feuilles ca- duques sont dans le même cas. Plus le sol est riche, plus il donne de chan- ces de succès aux plantations d'arbres cultivés en pépinière assez longtemps pour y devenir grands et forts. B. — Epoque des plantations. Les arbres d'ornement se plantent comme les arbres fruitiers, soit au printemps, soit en automne. Les plantations de printemps réus- sissent bien quand le sol est bon, et que les sujets sont vigoureux; les plantations d’au- tomne ont plus de chances de succès quand la terre est médiocre on décidément mauvaise, et que les sujets n’ont pas une très grande vi- gueur. Mais la nécessite d’obéir aux circon- stances, décide bien plus souvent qu’une vo- | lonté raisonnée, du moment où s'exécute une plantation : elle peut être faite entre la fin d’oc- tobre et le commencement d’avril, en choisis- sant un temps Couvert, mais doux et sans pluie. Quand les plantations couvrent une grande étendue de terrain, elles ne doivent pas être faites toutes à la fois sur les parties du terrain de nature diverse ; on plante en décem- bre ou janvier dans les terrains les plus légers et les plus secs; on ne plante qu’en février ou mars dans les terres les plus fortes, sujettes à retenir l’eau ; nous devons dire cependant que les praticiens les plus expérimentés préparent leur terrain en décembre, et plantent les ar- bres d'ornement au printemps; nous sommes entièrement de leur avis; une plantation d’au- tomne peut réussir sans doute, et c’est ce qui à lieu quelquefois; une plantation de printemps réussit toujours. Les conifères se plantent avec avantage quand le printemps est déjà assez avancé, du 15 au 30 avril; il ne faut les laisser hors de terre que le temps indispensable à l’o- pération ; on risque de perdre tout le plant qui n'est pas mis en place dans la journée où il a été arraché. Quand le sol est très sec et sablon- neux, le plant conserve très peu de terre à ses racines ; dans tous les cas, il faut éviter soi- gneusement d’en détacher la terre qui peut y adhérer; plus les conifères emportent avec elles de leur terre natale attachée à leurs raci- nes, plus la plantation a de chances de succès. C. — Diverses manières de planter. Deux personnes sont ordinairement em- ployées à planter; l’une maintient l'arbre dans la position qu’il doit avoir, pendant que l’autre comble le trou, et comprime la terre avec le pied, autour du collet des racines. L'emploi de deux ouvriers est indispensable quand on plante des sujets ayant hors de terre un mètre ou au- delà ; pour les arbres plus petits, un seul ou- bres délicats qui exigent des soins particuliers on prend quelques précautions qui ne doivent jamais être négligées; telle est surtout celle de remuer à la bêche la terre déposée sur le bord des trous, et de la retourner comme du mor- tier, avant d’en remplir les trous. Telle est en- core la coutume de plonger les racines des ar- bres dans une bouillie liquide formée de bonne terre mêlée de bouse de vache délayée dans l'eau. Nous rappelons ici la recommandation que nous avons €ru devoir faire, contrairement à la coutume généralement pratiquée de ne pas remuer le sous-sol lorsqu'il est de nature à re- tenir l’eau, et de ne défoncer qu’à une profon- deur bornée à lépaisseur de la couche à la fois pénétrable et saine; par le même motif, les An- glais sont unanimes pour blämer les trous aux- quels on donne trop de profondeur, pour la plantation des arbres d'ornement comme pour celle des arbres fruitiers. Nous devons faire connaître la méthode ex- péditive suivie en Écosse pour les grandes plan- tations ; partout où le sol est de bonne nature, reposant sur un sous-sol qu’il vaut mieux ne pas entamer, on peut trouver beaucoup d’a- vantages à se servir de la méthode écossaise pour planter rapidement de grandes surfaces dans les jardins paysagers d’une grande éten- due. On donne d’abord à l’ensemble du terrain un défoncement général à Om, 40 ou 0", 50 de profondeur ; on laisse le sol se rasseoir pen- dant quelque temps, puis on marque la place des arbres à planter. Alors un ouvrier armé d’une bêche flamande à lame très large et bien tranchante, donne à la place destinée à chaque arbre trois coups bien perpeadisulaires, qui se croisent comme le représentent les lignes de la fig. 520, de manière à figurer une étoile, et Fig. 520. qui pénètrent dans le sol de toute la longueur du fer de bêche. Cela fait, l'ouvrier donne un quatrième coup qui coupe à angle droit l'une des fentes précédentes, précisément au point où l'arbre doit être planté, en A, fig. 520. Avant de retirer la bûche de terre, il attire le manche vers lui, ce qui produit un écartement suflisant pour y introduire les racines du jeune arbre ; mais en même temps que la terre s'écarte au point A, les autres fentes produites par les coups de bêche croisés s'entr’ouvrent égale- ment; on y introduit les racines du jeune ar- bre; puis on retire la bêche, et les fentes se re- ferment d’elles-mêmes. On recouvre ensuite le 406 terrain environnant avec des gazons retour- nés qui s'opposent à l’action dessechante de l'air et maintiennent une fraicheur favorable à la reprise des arbres. SECTION V. — Exemples de jardins paysagers publics et privés. Nous avons en France bien peu de jardins publics; nous n'en comptons pas un par chef- lieu ; la plupart de ceux qui ornent nos villes du second ordre servent en même temps à réu- nir les plantes nécessaires à l'étude de la bo- tanique ; l’arrangement de ces plantes exclut toute possibilité de donner à ces jardins le ca- ractère pittoresque d’un jardin paysager. On peut dire que parmi le petit nombre de jardins publics des grandes villes de France, il n’y en a pas un qui puisse passer pour une véritable composition du style pittoresque naturel; ce style semble être exclu de nos jardins publics ; HORTICULTURE. LIVRE VIII. nous ne discutons point ici un fait qu’il nous suflit de constater ; nous y reviendrons. Disons seulement qu'à l'exception des jardins destinés à réunir les jours de fêtes la population d’une très grande ville, les jardins publics nous sem- blent pouvoir être tout aussi bien et mieux des- sinés dans le style moderne des jardins paysa- gers que dans l'ancien style des jardins fran- Cais, où il ne pouvait entrer que des surfaces plates et des lignes droites formant ce que les Anglais nomment avec raison des jardins géo- métriques (geometrical gardens). Nous citerons deux belles applications du système pit toresque aux jardins servant de promenades publiques, l’une en Angleterre, l’autre en Allemagne. Il était naturel que la capitale du pays où le Style paysager a été et est encore le plus sou- vent appliqué à la composition des grands jar- dins, reçût la première application de ce genre de composition à la décoration d’un jardin pu- blic. Le parc Saint-James fig. 521, n'a pas une tres grande étendue; une vaste pièce d’eau cou- vre une grande partie de sa surface; c’est son principal embellissement, le sol en étant peu accidenté. Les autres parcs de la capitale sont du même style; celui du Régent (Regent’s park) a été fort agrandi depuis dix ans; mais une partie des plantations est trop jeune encore pour produire tout son effet; le pare de Green- wich, sur un terrain accidenté, jouit d’une vue magnifique : on y découvre, dit M. Loudon, une partie seulement des édifices de la ville de Lon- dres; car le reste est caché dans une fumée permanente. Nous nous plaisons à traduire ici les réflexions pleines de sens du même auteur sur la tenue des-jardins publics en Angleterre. « Les jardins de Kensington n’appartiennent as à proprement parler au public; mais comme e palais dont ils sont une dépendance a cessé depuis longtemps de servir d'habitation au sou- verain, le public en jouit par tolérance, sous certaines restrictions; on ne peut y être ad- mis en livrée ou sous un costume peu soigné ; on n'y peut entrer avec un paquet. Ces res- trictions ont pu avoir leur raison autrelois, mais elles sont indignes du temps où nous vi- vons. Le parc Saint-James est le plus ancien des jardins publies de Londres ; jusqu’en 1832 le public était exclu de la plus grande partie de ce parc déjà fort limité; depuis cette épo- que quelques allées sablées ornées de groupes “arbustes exotiques sont livrées aux prome- neurs à pied. Les étrangers qui visitent Lon- dres ne peuvent s'empêcher de remarquer que tout dans les jardins publics est sacrifié à ceux qui ont des chevaux et des voitures, et qu’on n'a pris aucune mesure pour qu’il puisse y avoir un peu d'air, pour les piétons, les infir- mes et les enfants. Dans le parc du Régent il n'y a pas une seule allée sablée, pas une place ombragée, réservée aux piétons; ils ont à peine pour s'asseoir quelques banes grossiers sur les côtés des allées où passent les équipages. De tout ce que ce parc renferme d’agréable, frais gazons, épais ombrages, parterres fleuris, le pu- blic est exclu par des barrières et des portes fermées. Cependant, au point où la civilisation est parvenue, les riches, les hautes classes de la société, devraient comprendre que tout, dans les lieux publics, ne doit pas être sacrifié à leur agrément, ct qu'il est de leur devoir comme de leur intérêt de songer au bien-être de toutes les classes de la société. » Le second exemple que nous donnerons d'une tres belle application du système pittoresque à un jardin publie, est le jardin paysager de Magdebourg (Prusse }, deja assez ancien pour que ses arbres, aussi variés que le sol et le cli- mat l'ont permis, produisent tout leur effet. Ce jardin est si beau qu'il est toujours respecté, bien que les barrières, grilles et balustrades entre les fleurs et les promeneurs y soient en- tièrement inconnues, La ville de Magdebourg TITRE V. JARDIN PAYSAGER. 497 a consacré à son jardin public (fig. 522) une étendue de soixante hectares, environ sept fois celle du Jardin des Plantes de Paris; 30,000 promeneurs y cireulent sans encombrement. Le but principal de cette composition était de faire jouir les habitants de Magdebourg de l'aspect de la contrée environnante, où la vallée de l'Elbe forme de magnifiques tableaux; le terrain très accidenté s’y prétait admirable- ment; l’art a su tirer le meilleur parti des avantages naturels de la situation. Le jardin paysager de Magdebourg est une composition digne d’être étudiée comme un modèle du genre ; on y rencontre les applications les plus Jjudicieuses de l’emploi des arbres et arbustes le long des allées et au bord des eaux, pour en faire ressortir les lignes avec tous leurs avan- tages; pas un massif, pas un groupe d'arbres ou d’arbustes, pas un arbre isolé, n’est là sans une raison qui justifie sa présence là plutôt qu'ailleurs, pour produire un effet toujours cal- culé et toujours naturel; chaque detail se rat- tache à l’ensemble de la composition, sans rien perdre de sa valeur individuelle. M. Linné, auteur de ce beau plan qu’il a su mettre à exé- cution avec tant de bonheur et de talent, n’a pas de rivaux en Europe dans l’art difficile de créer des jardins paysagers: les auteurs anglais eux-mêmes, c’est tout dire, lui rendent ce té- moignage. Les édifices en petit nombre qui or- nent le jardin de Magdebourg sont décorés avec autant de simplicité que de bon goût; la salle des festins À (fig. 522) a pour dépendance un jar- din fruitier et potager; un temple B, occupe la placed’où la vue domine sur le plus riche paysa- ge ; des massifs habilement ménagés dissimulent l’aspect pénible des fortifications (car ces mer- veilles sont sous lecanon du roide Prusse); la vue plonge librement au contraire de toutes les par- ties du jardin sur le cours majestueux de l'Elbe; le dôme de la grande église de Magdebourg et les principaux édifices de cette ville sont pre- sentés avec avantage dans les intervalles des massifs ; on a tiré le même parti de tout ce qui dans la contrée environnante pouvait servir de pointde vue, La rivière artificielle C et les pièces d’eau qui communiquent avec elle servent aux plaisirs de la promenade en bateau: le port D, réunit un grand nombre de nacelles élégantes à la disposition des promeneurs. On peut recon- naître, par l'inspection du plan, le soin, tres es- sentiel dans un jardin public, que l'artiste a pris de disperser la foule, en lui offrant sur des points opposés divers buts de promenade également attrayants. . Les plantations du jardin publie de Magde- bourg se distinguent des autres du même genre par la grande variété des espèces, les unes dis- posées par groupes séparés, les autres en me- langes assortis avec beaucoup de goût et de discernement ;on n'y compte pas moins de 193 espèces distinctes d'arbres et d’arbustes d’or- nement, sans compter les variétés. Ce jardin réunit à peu près tous les arbres et arbustes d'ornement qui supportent la pleine-terre sous le climat du pays où il est placé. La croissance et la culture de ceux de ces arbres récemment introduits en Europe y peut être étudiée com- parativement avec les espèces indigènes, et con- tribuer à faire adopter dans les plantations les arbres offrant des avantages réels. C’est ainsi qu’un but d'utilité très important peut toujours être atteint, sans rien ôter aucharme des com- positions de pur agrément, comme doit être un jardin paysager. Nous ne regardons point comme un malheur pour la France la divisiou des propriètes, suite inévitable de l'abolition heureusement irrévo- 408 HORTICULTURE. LIVRE VIH. cable du droit d’ainesse ; il en résulte l'impos- | des métairies ; bien peu de propriétaires son- sibilité actuels de la propriété, d'enlever d'immenses terrains à la production agricole, pour leur sa- tisfaction personnelle; les très grands jardins paysagers ne sont plus guëre possibles en France ; la Bande noire en a fait des fermes et resque absolue pour les détenteurs | geront à détruire ces utiles créations pour en refairedes parcs Mais, comme nous l’avons dit, on peut, dans une contrée naturellement pitto- resque, réunir sur un espace d’une étendue limi- tée tous les agréments que comportent les jar- dins paysagers. Le jardin dont la fig. 523 donne Fig. 523. re plan est d’une contenance d’environsix hecta- res, y compris le verger et le potager. La même distribution pourrait être appliquée à une me- sure beaucoup moins étendue. La maison d’ha- bitation A ne fait point face à la grille d'entrée B; on l’apercoit seulement à travers les arbres, et l’on y arrive par une allée circulaire; la grille ne se voit point de l’habitation, afin de ne pas rappeler le peu d’étendue du jardin paysa- ger et d’en reculer perspectivement leslimites, en y joignant pour le coup d’œil les parties les potager plus rapprochées du paysage environnant. La rivière traverse deux pièces d’eau dont l’une est parsemée de plusieurs iles; l'ile C est réunie aux allées par deux ponts rustiques. Un belvédère D occupe le point le plus elevé de la colline boisée E; les bois qui la terminent se confondent perspectivement avec ceux qui forment le fond du paysage. Ce plan est ex- trait du traité de la composition des jardins, par M. Audot. COUP D'ŒIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE Parvenus au terme de la partie didactique de cet ouvrage, il nous reste à en esquisser la partie descriptive. Que ce mot n’alarme pas le lecteur; nous ne lasserons pas son attention en l’appelant sur une interminable série de tableaux plus ou moins incapables de donner une juste idée des objets décrits; c’est au pu- blic horticole francais que nous nous adres- sons; notre but doit être de satisfaire dans le cercle de nos attributions ses goûts, ses dé- sirs et ses besoins. Le célèbre horticulteur an- glais Loudon, écrivant principalement pour des lcrds qu’une dépense d'un ou deux mil- tisfaire un caprice sans se préoccuper des pro- létaires qui viennent expirer de besoin à la porte de leurs parcs, Loudon consacre plus des deux tiers de son volumineux ouvrage à met- tre sous les yeux de son public la description et les dessins des jardins et des pares les plus renommés du monde connu : €’était pour son livre la principale condition de succès. Nous l'imitons en ce point que, comme lui, nous de- crivons de préference tout ce qui, dans le jar- dinage européen, nous semble offrir à la majo- rité de nos lecteurs intérêt et utilité. Le jardinage proprement dit, celui qui a lions ne fait pas reculer dès qu’il s’agit de sa- | pour but la production des végétaux utiles à COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. l'homme. est né primitivement là où de nom- breuses populations industrielles offraient à ses produits des débouchés avantageux et certains. L'art d'embellir les sites naturellement pitto- resques ou de les créer au besoin, a pris nais- sance là où des fortunes colossales mettaient à la disposition de leurs possesseurs de vastes terrains à orner et des sommes illimitées à dépenser. La culture spéciale des plantes d’or- nement a dù naître avec le goût des fleurs par- tout où l’opulence manquant, comme en Hol- lande, d’espace pour créer des parcs, a dû se contenter d’une serre et d’un parterre. Le gé- nie de chaque peuple imprime à chacune de ces créations diverses un cachet particulier : l'orgueil anglais, la patience hollandaise, l’ac- tivité beige, le goût français, la paresse espa- gnole, ont leur reflet dans les jardins. L’antiquité n’a rien légué au jardinage des peuples modernes ; les pares immenses qui cou- vraient et affamaient PItalie du temps des em- pereurs ne sont pas connus ; à peine les fouilles récentes dans les ruines de Pompéi et d'Her- culanum ont-elles fait entrevoir dans ces der- niers temps ce que pouvaient être les parterres joints aux habitations bourgeoises d’une petite ville romaine sous Vespasien. De longs siècles de dévastations avaient passé sur tout cela quand les moines créèrent autour des monas- icres les premiers jardins. Plus tard, les répu- bliques municipales en Italie, en Allemagne, en Flandre surtout, avec leurs populations com- pactes d'ouvriers, et leurs puissantes fortunes commerciales, appelèrent autour des grandes cités l’industrie du jardinage, et créerent l’art des jardins. Nous retrouverons les tracesde cette marche liée à la nature des choses, dans notre excursion rapide, pour considérer comme à vol d'oiseau les jardins des divers peuples, et en faire connaître les traits essentiels. HOLLANDE Er BELGIQUE. Nous ne commençons point par la France ; la priorité appartient de droit au pays où l’art du jardinage est porté à son plus haut degré de perfection. Le jardinage, dont il n'entre pas dans notre plan de tracer ici l'historique, est un art tout moderne. On connaît la date pre- cise de l'envoi en France des premières graines de laitues, vers le commencement du seizième siècle ; nos salades actuelles peuvent être con- sidérées comme la postérité de ces laïtues ; pres- que tous nos légumes un peu recherches ne sont pas plus anciens; sous Charles IX, le chanoine Charron, auteur du livre de la sa- gesse, les regardait tous comme des objets de luxe, hors le chou et la rave, productions gau- loises ; on sait qu’il résumait la sagesse hu- maine dans ces deux monosyllables : paix et peu; il avait adopté pour armoiries le navet, comme symbole de la frugalité. La Hollande, avant la grande révolution qui la constitua en république indépendante, au BORTICULTURE. 409 seizième siècle, avait peu de jardins; son sol ma- récageux, alors presque dépourvu de grandes villes, semblait peu propre à lhorticulture ; la Belgique était au contraire comme un vaste jardin plus de deux siècles auparavant; le goût du jardinage y était genéral avant même que toutes ses provinces ne se trouvassent réunies sous le sceptre de la puissante maison de Bourgogne. Mais du moment où une grande partie de la population riche et éclairée de la Belgique, fuyant le joug de l'Espagne et les persécutions religieuses, se fut refugiée en Hol- lande avec d'énormes capitaux, les moindres bourgades de ce pays devinrent des villes im- portantes ; les besoins de toutes ces populations urbaines, plus nombreuses de beaucoup que les populations rurales, et fort en état, grâce au commerce, de bien payer les travaux du jardi- nier, firent prendre au jardinage un très grand développement. Plus tard, toutes les contrées de l’ancien et du nouveau continent où les Hollandais entretenaient des relations de com- merce, devinrent, ainsi que ieurs nombreuses colonies, tributaires des jardins de la Hol- lande, qui en recurent une foule de végétaux exotiques répandus aujourd'hui dans toute l’Europe. Il était naturel que, sous l'empire de ces circonstances, la Hollande devint la terre classique du jardinage. On nomme encore les pois, les choufleurs, les haricots nains, et une foule d’autres légumes des variétés les plus re- cherchées, légumes de Hollande, ce pays étant celui de tous où leur euliure a été portée au plus haut point de perfection. Ces légumes etaient presque tous venus de Belgique en Hollande. En Belgique de même qu’en Hol- lande, un sol fertile, un climat constamment humide, des grandes villes les unes sur les au- tres, avaient, comme nous l'avons dit, donné lieu aux cultures jardinières les plus florissantes, bien avant l’existence de la Hollande comme état indépendant. Considérons dans leur état présent les jar- dins de ces deux contrées naguère dépendances du grand empire, puis un moment réunies sous le sceptre de la maison de Nassau. Nous fai- sons choix pour donner un coup d'œil aux jar- dins de la Frise et de la Nord-Hollande, par où doit commencer notre excursion, d’un de ces rares beaux jours de la fin de mai où le soleil triomphe pendant quelques heures des brouil- lards constamment assis sur la Hollande pen- dant les trois quarts de l'annee. Ici, le climat est si rude et l'hiver si long, que les habitants ne comptent pas au-dela de quarante beaux jours par an, constituant à la fois le printemps et l’ete : c'est ce temps que les jardiniers nom ment les six semaines aux légumes. Après avoir admiré l’art infini que mettent les jardiniers à triompher d’un ciel si austère, nous donnons un coup d'œil aux belles serres et aux planches parfaitement tenues du jardin botanique de l’université de Groningue. nous consacrons une matinée au parc de la résidence royale du Loo, | dont l’ensemble a conservé le style des jardins D AC 410 du dix-septième sièele ; nous y remarquons ce- pendant des bosquets dans le style moderne, dessinés avec beaucoup de goût, deux fort belles fontaines et d’autres ornements de sculpture et d'architecture, dignes de la demeure d'un prince éclairé. Puis nous reprenons le chemin de la Hollande proprement dite, et nous ne nous arrêtons qu'aux portes d'Amsterdam. Si du haut d'un de ses principaux édifices nous pla- nons sur cette ville immense, nous avons peine à croire que ses 300 000 habitants tirent les légumes dont ils absorbent de si énormes quan- tités, de ces tout petits compartiments de ver- dure qui l'environnent vers le sud. Descendons dans un de ces admirables potagers ; nous ne reverrons les mêmes prodiges de produciion que dans les marais des environs de Paris. Mais ici, les peines du jardinier hollandais ne sauraient être comparées à celles du maraicher parisien ; l'arrosoir est inutile en Hollande où les pluies sont toujours surabondantes. L’en- grais employé avec profusion dans un sol déjà très riche, est très chargé de matières animales, car le pays abonde en fourrages de toute es- pèce, tandis que les pailles et les autres res- sources pour la litière du bétail y sont généra- lement rares; on ne voit pas qu'il en résulte d’altération dans laqualité des légumes. C'est un exemple que, dans notre sol brûlant, trèschargé de principes calcaires, nous ne pourrions imi- ter; nos jardins veulent au contraire des fu- miers où les matières végétales soient en excès et qui laissent un terreau presque tout végétal quand ils sont arrivés au dernier terme de leur décomposition. Nous ne quittons pas Amster- dam sans visiter les serres du jardin botanique, afin d'y saluer de tres vieux pieds de cafcier, conservés dans ces serres depuis 1690 ; un seul plant provenant des graines de l’un de ces ca- lviers, fut envoyé d'Amsterdam à Paris en 1514; 12 ans plus tard, en 1726, deux plants, provenant des graines de ces cafeiers, furent envoyés à la Martinique: tous les caféiers de celle colonie descendent de ces deux plants. En avancant vers le sud, nous verrons près de Harlem et de Leyde ces célèbres collections de tulipes, de jacinthes, de renoncules et d'ané- mones, dont les plus belles n'appartiennent point au commerce; elles font les delices de quelques riches amateurs. Félicitons-nous de pouvoir sans nous ruiner faire l'acquisition de ce que le commerce a de plus rare à nous of- frir en ce genre; il y a 60 ans, un de ces ognons qui nous coûtent quelques francs, nous en eût coûté 2 ou 3 mille. Les regis- tres des recettes publiques de la ville d'Alkmaar font foi qu'en l’année 1637, 120 tulipes ont été vendues au profit de l'hospice des orphelins pour la somme de 9,000 florins, environ 20 mille franes, qui en représentaient au moins 40 de la monnaie actuelle, en raison du prix moyen des denrées ; un seul de ces ognons, nommé le vice-roi, avait été payé 4,203 florins, près de 9,000 francs, qui en vaudraient près de 20,000 de nos jours. Du reste, comme l'avait HORTICULTURE. si victorieusement démontré dans la pratique feu notre habile confrère, M. Tripet, les Hol- landais n’ont d'avantage sur nous, quant aux plantes bulbeuses, que par le climat; c'est le voisinage de la mer qui conserve leurs ognons indéfiniment, tandis que sous notre climat mé- | diterrancen, les mêmes végétaux dégénèrent en quelques années et veulent être maintenus par des rajeunissements continuels qui permet- tent à nos collections de rivaliser avec celles de Hollande, sauf par la durée. Nous rencontrons au bord des canaux et des rivières des bateaux chargés de cendres de bouille; elles viennent de Belgique ; Anvers, Gand, Bruxelles, et une foule d’autres villes en- voient en Hollande le superflu de leurs cendres dont une partie seulement est employée par lhorticuliure et l'agriculiure de la Belgique. Cet amendement tres excitant, soigneustinent debarrassé des scories à demi vitrifiées aux- quelles il est toujours mêlé, est pour les jardi- niers hollandais un moyen puissant d’activer la végétation. Les produits forcés sur ceuches ou dans la serre sont beaucoup plus abondants, toute proportion gardée, en Hollande qu’en France ; le goût des fleurs y est particulièrement l'objet d’un luxe fort élégant. Grâce au talent des hor- ticulteurs, elles y sont en abondance et à des prix assez modérés en toute saison. Nous arrivons en Belgique par Anvers; les potagers des environs de cette ville nous offrent tous les produits de ceux de Hollande qui sont semblables à ceux des nôtres. Nous y remar- querons, en outre, de grands carrèes de choux rouges ; leur culture est de tout point semblable à celle de nos choux pommés. On en mange une grande partie crus, à la manière de nos sa- lades:; mais, faute d'huile, on les assaisonne avec du beurre fondu mêle de vinaigre. Comme ce mets se mange tro d, il faut se häter de l’'a- valer avant que le beurre ne se fige ; la salade de chou rouge eru n’est réellement supportable que pour les palais qui en ont l'habitude. Nous goûtons à Gand un légume plus généralement estimé; c’est la grosse asperge qu'on n'obtient nulle part ailleurs aussi belle et d'aussi bonne qualité. Toutefois, ce n’est pas à Gand même qu'il faut manger l’asperge de Gand, à moins d'être du pays. Pour les consommateurs fran- cais, l'asperge n’a toute sa valeur que quand elle a passé au moins un jour hors de terre, et que son extrémité y est devenue verte ou vio- lette; les Flamands la préfèrent blanche; ils vont la chercher entre deux terres, avant au’elle se soit colorée par l'influence du soleil ; elle est alors plus tendre, mais elle a moins de saveur. On suit la même méthode dans toutes les autres provinces belges. A Bruxelles, nous ne pouvons oublier de goù- ter les spruyt ou jets de choux, improprement nommés choux de Bruxelles, car les meilleurs croissent aux environs de Malines et de Lou- vain. L'ordre, la régularité, l’absence de toutes mauvaises herbes, et une succession noninter- COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. rompue de légumes, distinguent les potagers flamands, dans lesquels l'arrosoir n’est pas beaucoup plus en usage ni plus nécessaire qu’en Hollande. Néanmoins, chaque jardin à son puits toujours peu profond, car dans toute la Belsi- que, l’eau se rencontre à fleur de terre. Il n’est encore question ici, ni de norias, ni de mani- velles pour élever l’eau ; arrosage proprement dit est inconnu ; seulement, par un temps très sec, on est quelquefois oblige de mouiller lége- rement le plant pour assurer sa reprise, tandis qu'en Hollande, il y a au contraire le plus sou- vent des précautions à prendre pour lempé- cher de pourrir par excès d'humidité. Plus nous avancons dans la partie de la Bel-° gique désignée sous le nom de Pays Wallon, s’élevant par des pentes de plus en plus pro- noncées jusqu’au plateau des Ardennes, plus les jardins nous offrent d’analogie avec le jar dinage du nord et du centre de la France. Ce sont à peu près les mêmes légumes, à lex- ception de lartichaut qui n'y figure que ra- rement, quoiqu'il y soit d'excellente qualité. L'un des points les plus intéressants de cette contrée pour le jardinage, c’est la vallée de la Meuse, aux environs de Liége. Les moines du moyen âge l'avaient surnornmée, à cause de sa prodigieuse fertilité, la vallée bénite (Le Val- Benoît), nom qu'elle a conservé sans altération dans le patois du pays. Outre la population de Liège, qui compte au-delà de 60,000 habitants, les jardins de cette vallée déivent encore four- nir de fruits et de légumes les 12 à 15,000 ou- vriers de Verviers, ville manufacturière dont ils sont séparés par une distance de 3 myria- mètres. Verviers, admirablement située pour l'industrie à cause de ses innombrables chutes d’eau, n'est d’ailleurs environnée que de co- teaux arides, entièrement rebelles à la culture jardinière. Il n'existe point en Europe de femmes d'une constitution plus vigoureuse et mieux faites pour supporter toute espèce de fatigues que les jardinières des environs de Liége. On designe sous le nom de Dotresses, celles de ces femmes qui font le commerce des legumes frais. L'é- tranger s'etoune de les voir marcher lestement porlant sur leur 1ête, que couvre un feutre à larges bords, une charge capable de faire plover un homme de force ordinaire ; elles vont à Ver- viers où à Spa durant la saison des eaux, fai- sant, ainsi charzces, 3 à 4 myriamètres pour réaliser un modique bénélice sur la vente du produit de leurs jardins. Parmi ces produits. nous distinguons la belle fraise écarlate de Vir ginie, d'une variété trop peu connue en France; les Botresses ont l’art de balancer sur leur tête leurs pesants paniers avec tant d'adresse, que ces fraises arrivent à Verviers el à Spa sans avoir souffert le moindre froissement. Les divers instruments de jardinage des Hol- landais et des Belges nous ont offert bien peu de différence avec ceux dont l’usage nous est familier. La pelle ou bêche flamande merite cependant notre attention, Sa forme atteste à 4i1 la fois le discernement et la vigueur de ceux | qui l'emploient; elle est large et longue, propre a donner des labours profonds. Au lieu d’une surface entièrement plate, elle offre une légère courbure vers le milieu de sa longueur (voir Instrument de Jardinage). Quelque peu consis- tant que soit le sol, quelque poli que soit le fer de l'instrument par un long service, jamais la charge soulcvée par le jardinier ne retombe dans la jauge sans avoir été complétement re- tournée, ce qui, pour les terres légères, s’ob- tient difficilement avec la bêche plate, surtout quand elle est plus étroite du bas que du haut. C’est un inconvénient grave; la 1erre remuéc sans être retournée laisse constamment à la même couche le soin de nourrir les vézétaux ; un bon bêchage ne doit pas seulement ameublir la terre, il doit la rajeunir. La manière de bê- cher diffère aussi de la nôtre en deux points qu'il est utile de noter. D'abord, le jardinier hollandais ou belge n’appuie pas le pied sur le bord de sa bêche pour la faire entrer dars le sol; il n’en a jamais besoin, parce que d’une part, il travaille une terre peu compacte en elle- même, et que de l’autre, cette terre est si sou- vent et si bien remuée qu’elle n’a pas le temps de durcir. Puis, si nous considérons attentive- ment sa manière de bêcher, nous verrons qu'au lieu de soulever de gros blocs de terre d'un seul coup, il a soin de ne prendre à la fois qu'une tranche d’une épaisseur médiocre qu'il enlève sans effort, et qu'il place dans la jauge, en la renversant sens dessus dessous. Ce mode de labour est très bien adapté au jardinage dans un sol léger, quoique pour une terre com- pacte, il puisse ire utile, surtout pour les la- bours d'hiver, de lever de grosses mottes, qu'on livre à l’action des gelces et des dégels. Alors, le vigoureux coup de talon aidé d’un lourd sa- bot n’est pas de trop pour faciliter le labour, Mais ee cas excepté, la pelle flamande lem- porte sur la béche et le louchet de la France centrale, et la manière flamande de Sen ser- vir sans s’aider du pied pour deplacer plus de terre à la fois est preferable à celle de nos jar diniers. Un volume de descriptions ne suffirait pas pour exposer toutes les richesses hortieuliurales de la Belgique ; presque toutes ses villes du pre- mier el du second ordre ont des societies de Flore et des expositions périodiques des plus rares VOLÉIAUX. En 1817. un vovageur anglais visitant la pe- tite villed'Enghien(Hainaut), s'etonna d'y 1rou- ver reunis dans le jardin de M. Parmentier, alors maire de cette ville, une reunion de plan- tes rares plus complète que ce qu'il y avait alors de mieux en Angleterre : ce jardin n'a ce- pendant guère plusde 60 ares; mais il est pres- que en entier couvert par desserres magailiques peuplées de plantes du plus grand prix. La seule ville de Gand, cenire de l'horticul- ture belge, possède au-delà de 400 serres ap- partenant à des amateurs. Rien n'egale la beauté des serres des jardins publics ; nous ad- 412 mirons par-dessus tout celles de la Societé d'horticulture de Bruxelles; sans déranger les plantes de leurs dressoirs, ce somptueux local recouvert en vitrages sert à donner des bals ou 1,500 personnes circulent sans encombre- ment. La Société d’horticulture de Bruxelles est une des plus actives de l'Europe; disons aussi qu’elle est une des plus nombreuses et des plus riches. C’est en Belgique que les sociétés d’hor- ticulture ont pris naissance sous le nom de confrérie de Sainte-Dorothée. Nous crovons que la confrérie de Sainte-Dorothee constituée au moyen-âge à Bruxelles, n'avait pas de pré- cédents; elle serait donc le modèle et l’origine de toutes les autres. Sous la domination autri- chienne, elle comptait au nombre de ses mem- bres des princes, des grands seigneurs, des ma- gistrats et des artistes pêle-mêle avec des jar- diniers de profession qui, formant la majorité, prenaient d'ordinaire dans leurs rangs le doyen ou président de la confrérie. Cette société pacifique céda la dernière de toutesaux orages révolutionnaires ; ses registres font foi de son existence en 1793; il y a des noms de confrères reçus en 1794 ; cette date en dit beaucoup sur le caractère et les mœurs du peuple belge. C’est avec le noyau de l’ancienne confrérie de Sainte-Dorothée, dont les membres avaient continué à se voir et à s'occuper en- semble d’horticulture, que fut reconstituée en 1826 sur de larges bases, la Société d'hortieul- ture de Bruxelles. Cette société ne peut que continuer à prospérer à la faveur de la paix, sous un prince amateur passionné de l’horti- culiure. A Gand, le jardin botanique récemment agrandi renferme aussi de très belles serres qui servent aux fêtes périodiques données tous les cinq ans sous le nom de Festival, par la société d’horticulture de cette ville. Les Gan- tois n’ont point oublié que leur jardin botani- que eut pour fondateur Napoléon, alors pre- nier consul ; ce fut lui qui en désigna l’empla- cement, et qui voulut qu'il servit en même temps de promenade publique dont la ville de Gand etait alors dépourvue; cette fondation remonte à l'année 1801. Dans les parterres, nous retrouvons les mê- mes collections qu’en Hollande; à Bruxelles, à Louvain et principalement à Liége, nous ren- controns de plus les collections d’æillets d’ama- teur, nommés par excellence œillets flamands. Quant aux jardins anglais de toutes dimensions, depuis celui du château de Laken, jusqu'aux plus charmants bosquets en miniature, ils sont ré- pandus dans le Brabant et les Flandres avec profusion. Les deux rives du canal de Bruxelles à Boom, sur une longueur de 3 myriamètres, n’offrent qu’une succession de parcs et de jar- dins d'agrément. Nous sommes frappés en pé- nétrant dansces jardins dont, plusieurs sont des- sinés avec un goût parfait, d'y retrouver l’em- prie du caractère belge dans l'alliance de ‘agréable et de l’utile; personne mieux que HORTICULTURE. les jardiniers de ce pays ne sait tirer parti des localités pour placer: à l’abri d’un pli de ter- rain ou d'un massif d'arbres conifères, quel- que arbre fruitier sensible aux impressions du froid et au souffle des vents d’ouest si violents en Belgique. C’est ainsi qu’en regard de divers groupes de rhus cotinus, d’acacia inermis, de mélèzes et de sumacs de Virginie, des compar- timents de forme élégante réunissent les meil- leures espèces de poiriers, pommniers, pruniers, cerisiers et abricotiers en plein-vent. Regardez sous ces massifs; le sol y est caché sous des touffes bien entretenues de muguet et de vio- lettes de Parme; un recoin peu fréquenté et mal exposé reçoit des buissons de framboisiers ; et les meilleures variétés de fraisiers bordent la lisière des bosquets. Le jardinier d’une grande maison, et nous en connaissons qui sont des hommes fort distingués, ne veut pas que les visiteurs aient besoin de passer par le verger pour admirer et goûter les meilleurs fruits de la saison, prétendant que les arbres qui les pro- duisent, étant mis à leur place. sont d’un effet tout aussi pittoresque que les autres dans le jardin paysager. Cela n'empêche pas qu'un verger special ne soit joint au parc comme ac- cessoire indispensable. Les jardins du duc d’Aremberg à Enghien contiennent une des plus belles orangeries qui existent, en exceptant celles des palais des sou- verains ; elle a 55 mètres de long sur 9 mètres de large et renferme de nombreux orangers respectables par leur long äge; le plus grand nombre dépasse deux siècles ; il y en à qui n’ont pas moins de 300 ans; enfin quelques- uns des plus beaux, donnés autrefois par les rois d’Espagne aux ancêtres du duc actuel, datent authentiquement de quatre siècles. La culture des arbres fruitiers mérite une mention particulière. Qui ne serait frappé, dans le pays Wallon, à l'aspect de ces vergers im- menses qui sous le nom de prairies arborées, couvrent les vallées de la Meuse. de la Sambre, de l’Ourthe et de leurs affluents? On se croirait au centre d’une grande production de cidre; mais les diverses qualités de bière sont si bonnes et à si bas prix dans toute la Belgique, que le cidre se vendrait difficilement. Tous ces pommiers dont le dénombrement donnerait un chiffre incroyable, ont une autre destination. L'espèce la plus généralement répandue est une pomme de belle-fleur, bien digne de son nom par les dimensions de ses corolles pourprées au dehors et d’un blanc de neige à lintérieur. Le fruit joint au volume de la pomme de rembour les lignes veineuses de la pommedechâtaignier; il est employé de préférence à la préparation d’une sorte de sapa, connu dans toute la Bel- gique- Wallone sous le nom de sirop de pommes; il s’en fait une consommation prodigieuse. Ce sirop fait avec le suc épaissi des pommes écra- sées auxquelles on ajoute une petite quantité de carottes râpées, se conserve plusieurs années sans altération; c'est un aliment agréable et fort sain équivalent à notre raisiné, mais pré- COUP D'OFIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. paré avec infiniment plus de soin et de propre- té. Nous sommes convaincus que la pomme de belle-fleur wallone, très grosse et très produc- tive, serait pour nos vergers de Normandie une excellente acquisition , elle est moins sujette que toute autre aux attaques des vers et à l’action des derniers froids. Parmi les plantations de pommiers de belle- fleur, il se trouve toujours quelques pommiers de court-pendu. Cette pomme plate éomme un ognon et presque dépourvue de support, possède par-dessus toute autre la faculté precieuse de se garder un an et même deux sans se rider et sans rien perdre de ses qualités recommanda- bles. Quoique nous soyons trois degrés plus au nord que Paris, toutes les varietés d’autres fruits soit à novau soit à pepins, ne le cèdent guère à celles que Paris tire de ses environs. C'est que partout où un pan de mur bien ex- osé peut recevoir un arbre à fruit, il est uti- fie: c’est ainsi que Bruxelles, Malines, Gand, et même Anvers sont fournies à bas prix de fraits excellents parmi lesquels nous recom- mandons aux amateurs français la poire de ca- lebasse et le beurre d'hiver, connu dans le pays wallon sous le nom de goulu -morceau. Tout le monde, connaît en France les succès obtenus dans la propagation des arbres fruitiers par M. Van-Mons à Louvain; les jardins du duc d'Aremberg, à Enghien, sont aussi l’une des pépinières de l'Europe les plus renommées pour la perfection des variétés qu'on y crée fré- quemment ; il suffit de rappeler le beurré d’A- remberg, aviourd'hui répandu dans toute la France, l'Allemagne et l’Angleterre; il sort des pépinières d'Enghien. Le climat et le sol du Hainaut font de cette province, mais spéciale- ment des environs de Tournay, le canton du nord de l’Europe où les fruits acquièrent le plus de volume et de saveur; on se souvient qu’en 1816, la Société d'horticulture de Gand mettait au concours l'examen de ceite question : Re- chercher pour quelles causes les poires de toute espèce acquièrent aux environs de Tournay plus de volume, de couleur et de saveur que dans tout le reste des Pays-Bas? Donnons, avant de quitter la Belgique, un souvenir aux reli- gieux du monastère de Saint-Laurent, à Liége; la Belgique leur doit la belle pêche de Saint- Laurent, soigneusement conservée sur saterre natale; ce n’est pas la pêche de Montreuil, sans doute; mais c’est presque aussi bien, et pour le climat de Liége, c’est un tour de force. Les jardins de la Belgique exportent avec avan- tage sur les marches de Londres de grandes quantités de fruits d’une rare beauté; Gand et Anvers ont plusieurs grands établissements dont les produits forcés, ananas, melons, pé- ches, abricots et raisin, sent presque en entier vendus à Londres à des prix contre la modéra- tion desquels les producteurs anglais ne peu- vent soutenir la concurrence. En traversant la Belgique de l'est à l'ouest pour passer le détroit et visiter l'Angleterre, 413 nous ne trouverons, sur une longueur d’envi- ron 25 myriamètres de Verviers à Ostende, pas une ferme, pas une simple chaumière, qui n’ait son jardin d’une propreté coquette, entouré de haies vives d'aubépine ou de cornouiller, régu- lièrement taillées en forme de murs à angles vifs, à hauteur d'appui. Nous aimerions à voir plus généralement adopté en France ce mode de clôture suflisant pour protéger les produits du jardin, sans empêcher de communiquer avec les voisins, et surtout sans manger un espace énorme, comme les haies abandonnées à elles- mêmes. Dans les jardins de chaque presbytère, nous voyons croître à côté des plus beaux fruits et des meilleurs légumes quelques plantes mé- dicinales d’un usage salutaire, secours souvent utile que le paysan belge est toujours certain de trouver chez M. le cure. GRANDE-BRETAGNE. Nous voici sur le sol de la vieille Angleterre, sur la terre classique des jardins paysagers. Chaque comté nous en offre plusieurs, grands comme trois ou quatre de nos communes de dimensions moyennes. Les dessinateurs de ces jardins, taillant en plein drap, ayant à discré- tion l’espace et l'argent, ont exécuté de fort belles choses. Les scènes variées d’une belle nature, la fraicheur incomparable du feuillage et des gazons ; le choix et l'assemblage des ar- bres et arbustes les plus précieux, disposés de manière à faire ressortir tous leurs avantages, voilà ce qui nous saisit d’abord dans les vastes jardins anglais. Nous admirons le parti que les jardiniers anglais savent tirer des beautés na- turelles de chaque site, et des moindres ressour- ces de chaque localité. Dans ceslarges et belles créations l'emploi de l’art ne laisse rien à dési- rer. si ce n’est quelquefois quant aux fabriques répandues avec plus de profusion et surchar- gées de plus d’ornements qu’un gout sévère ne lexigerait peut-être. En Ecosse et en Irlande, contrées moins favorisées de la nature que la fertile Angleterre, on rencontre souvent autour des pares immenses des grands seigneurs, de grands espaces nus et dépouillés; la misère est là tout près du luxe le plus splendide ; à côté d’une serre grande comme tout un village, il n’y a pas de village; il y a le plus misérable amas de cabanes près desquelles la hutte d’un sauvage semblerait un palais. Connaissant la délicatesse de leurs maîtres, les jardiniers an- glais savent, au milieu des contrées ou règne le plus affreux paupérisme, ménager les points de vue de manière à dissimuler tout objet pro- pre à blesser les regards. Si l'œil decouvre quelque pauvre et sale chaumière, c’est de si loin que sa laideur disparait; souvent même pour la faire contribuer à l'effet pittoresque du paysage on l'entoure d'arbres exotiques ; rare- ment on songe à la réparer ou à l’assainir. Tout a éte ditsur le mérite des jardins pay- sagers de la Grande-Bretagne; c’est là qu'il 4t4 HORTICULTURE. faut aller chercher des modeles pour les plus | pour plusieurs années les plus propres et les vastes et les plus parfaites créations en ce gen- re. H n'y a plus guire en Europe que l'aristo- cralie russe qui prisse faire aussi bien ou mieux peut-être, grâce à ses esclaves dont le travail ne coûte rien: west ce qu'on verra sans doute quand le sud de la Russie sera plus fréquenté de la haute noblesse russe, attirée et retenue jusqu'ici dans le nord par le génie maritime de Pierre-le-Grand qui n'espérait pas voir la Mer Noire devenir un lac russe. Ajoutons pour dernier éloge que peu d’entre les plus beaux jardins paysagers d'Angleterre se ressemblent ; le voyageur etranger peut en visiter un grand nombre sans y rencontrer l'ennui que cause toujours Punilormité. Les grands jardins paysagers d'Angleterre ne sont pas tous des créations spéciales ; plu- sieurs ne sont autre chose que d'anciens jar- dins géométriques restaurés à la moderne, mais conservant dans quelques-unes de leurs parties des traces de leur état precedent. Tels sont en particulier les magnifiques jardins du due de Devonshire à Chatsworth, et le pare non moins célèbre de Claremont, propriete du roi des Bel- ges; ce dernier pare a été entiéremert refait dans le style pittoresque sous les yeux de ce prince, et en grande partie d’après ses dessins. | Nous citerons encore le jardin publie de la ville de Birmingham, bien qu'il soit déparé par quel- ques ornements de fort mauvais goût. En Ecosse, le parc de Duddingston d’une etendue d'environ cent hectares, est l'un des plus beaux et des mieux ornés; il est surtout riche en ar- bres et arbustes exotiques cultivés en pleine terre; des soins minutieux ont été pris pour les préserver des rigaeurs du rude climat d'Ecosse auquel ils résistent depuis 1770. Sous un autre point de vue, le jardinage appli- qué à la production des fruits et des légumes a recu de très bonne heure une grande extension en Angleterre et s'est approprié l’un des pre- miers lesperfectionnementsinventés en premier lieu en Hollande, terre classique du jardinage européen. L’'Irlande, arriérée sous tous les rap- ports à cause de l'oppression qui pèse sur elle, n’a qu'un très petit nombrede jardins ; ceux qui entourent les châteaux des grands propriétaires anglais maitres des plus belles terres de lPIr- lande, ont été créés par des jardiniers envoyés d'Angleterre, et dessinés exclusivement dans le goût anglais. Le paysan irlandais est en gé- néral trop malheureux pour songer à joindre an jardin, quel qu’il soit, à sa misérable chau- mière. En Angleterre et en Ecosse au contraire, toute chaumière a son jardin; les fermes de quelque importance ont toujours un très beau jardin bien tenu; les fermiers placés à portée d'une grande ville ne négligent pas, comme le font généralement les nôtres, les avantages de leur situation: ils consacrent toujours un es- pace considérable à la production en grand des légumes communs, sachant fort bien que les parties de leurs terres qui ont servi pendant une année ou deux à ce genre de cullure, sont meilleures de toute leur exploitation, pour la production des céréales. Nous pourrions citer plusieurs fermiers intelligents qui avant d’em- ployer leur fumier à la grande culture, utilisent sa chaleur pour forcer le long d’un espalier garni d’un vitrage mobile du raisin, des pê- ches, des cerises précoces. Quand la bonne sai- son arrive, que le fruit est noué, et qu’il peut, gräce à la protection du châssis, arriver en- core assez lt à maturité pour procurer un bé- nelice très raisonnable, ils enlèvent le fumier qui avait jusqu'alors servi à hâter la végétation de ces arbres au moyen de sa chaleur artifi- cielle, et ils en disposent pour les cultures de pommes de terre, de betteraves ou de légumes de toute sorte, culture qu’il est encore temps de commencer à cette époque. Le luxe des serres est ici porté à son plus haut degré de somptuosité ; il suffit de rappe- ler que ile simples amateurs expédient vers les points les plus éloignés et les moins explorés du globe, de savants naturalistes pour leur rap- porier des varietés nouvelles de végétaux exo- tiques ; il y a tel cactus dont on peut évaluer le prix à 30 ou 40 mille francs en calculant Lout ce que coûte sa conquête ; car ces expé- ditions aventureuses ne sont pas toujours heu- reuses; on veut du neuf, n’en fût-il plus au monde. Au premier rang des plantes de collection, dont on ne saurait trouver ailleurs qu'en An- gleterre un aussi grand nombre de beaux échan- tillons, considérons d’abord celles qui appartien- nent à la serre chaude-humide, dont elles ne peuvent jamais sortir : ce sont principalement des orchidées, parmi lesquelles se distinguent les oncidiums. Ce genre, l'un des prodiges du règne végétal, approche, en Angleterre, du prix extravagant payé jadis en Hollande pour certains ognons de tulipes. Nous avons vu en 1835, à Liége (Belgique), entre les mains de M. Makoua, amateur aussi distingué qu’habile horticulteur, trois plantes, qu’il venait de rece- voir d'Angleterre, pour le prix exorbitant de 90 Liv. sterl. (2,250 fr.) : l’une de ces trois plantes, qui fleurirent seulement l’année sui- vante, était un oncidium papilio ; les deux au- tres etaient des épidendrées très rares. L'Angleterrenousmontre réunis, dans un très petit espace, des végétaux d'un prix tellement élevé, qu'une serre de 6 mètres de long sur 4 de large peut en contenir pour plus de 3,000 liv. sterl. (75,000 fr.). Ces plantes justifient l'espèce de passion dont elles sont l’objet par un grand nombre d'avantages précieux, formes bizarres, couleurs variées, odeur des plus suaves ; mais par compensation, il est impossible d’en jouir comme des autres plantes. La chaleur humide, jointe à l'effet enivrant d’un parfum très fort, quoique agréable, rend dangereux un séjour de plus d’un quart d’heure dans la serre aux or- chidées. 11 semble que, même sous leur climat natal, la nature ne les ait pas destinées aux plaisirs de l'homme : leurs fleurs admirables ne COUP D OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. decorent que des lieux tellement malsains qu'il faut, pour les y aller chercher, le courage pas- sionne du naturaliste. De ces collections précieuses, partage exclu- Sildes plus riches amateurs, passons a quelques- unes de celles que toutes les fortunes peuvent se permettre. Nous visions. à cet effet, Preston, dans le comte de Lancastre. Une réunion nom- breuse, composee en majeure partie de fermiers et de gentilshommes campagnards (country- genilemen }, circule devant une longue file de caisses, COntenant plusieurs centaines d'arbus- tes epineux, lous appartenant au méme genre, à la même espèce, à la même variéte. Chacun raisonne sur le plus ou moins de mérite des échantillons exposé. ; on discute leurs chances pour obtenir les prix offerts aux sous-variétes nouvelles, prix tres dignes d’être disputés, in- dependamment des médailles. En approchant, nous reconnaissons. non sans surprise, le plus modeste et le moins estimé de nos fruits. Fhum- ble groseille à maquereau. Il n'y a qu’en An- gleterre où il soit possible de s’en donner une indigestion en en mangeant plusieurs centaines Jont pas une ne ressemble à l’autre, et qui por- tent toutes un nom particulier. Les differences sont, à la vérité, fort légères, imperceptibles méme pour tout autre que pour un amateur an- glais. Les collections de rosiers sont ici aussi ri- ches qu’en Belgique et en Hollande ; nous de- vons un coup d'œil à la rose blanche à cœur couleur de chair, si connue sous le nom de rose d'York. et répandue dans tout le reste de l’Eu- rope. C’est dans son pays natal qu'il faut lui voir déployer toute sa beaute ; partout ailleurs, quoique fert belle encore, elle degénère plus ou moins, Dans les collections anglaises de rosiers, nous cherchons en vain la rose jaune-soufre à cent-feuilles, si riche de floraison dans la France centrale, Iei,de même qu'en Belgique, le rosier jaune double pousse tous les ans des rameaux charges de nombreux boutons ; mais pas un ne s'ouvre régulièrement; tous se fendeat sur le côie pour ne donner qu’une floraison avortée. L'art des horticulieurs anglais et belges n'a pu, jusqu'à present, réussir à remedier à cet incon- venient, dont la cause est probablement la va- peur de charbon de terre, dont l'air est habi- tellement melangé. Nous avons acquis la cer - titude qu'elle ne cepend pas d'une piqûre d’insecte. Dans le nord de la France, jusque vers le bassin de la Somme, le rosier Jaune double fait également le desespoir des amateurs jaloux de posseder la reine des fleurs sous tou- les ses parures. Voici encore de belles collections de géra- niums et de pelargoniums dont les fleurs n’au- raient pas d'egales si elles joignaient une bonne odeur à leurs autres qualites ; puis d'innombra - bleseollections de camelias. d'ericas, deliliacees. Plusieurs amateurs accordent exclusivement leurs soins aux plantes et arbustes de terre de bruyére : rhododendrums, azaleas, kalimias, audromèdes, les uns dans l'oraugerie, le plus 415 grand nombre en pleine terre, où ils résistent aux hivers les plus rigoureux, avec la seule précaution de les coucher et de les couvrir de paille sèche à l'arrière-saison, comme le font pour les figuiers les jardiniers d'Argenteuil. Nous ne pouvons oublier les collecrions de frai- ses el celles d'ananas, si cheres aux £asIrono- mes. C'est en Angleterre qu'il faut venir pour goûter, en Europe, ce roi des fruits, sinon tel que dans son pavs, du moins aussi parfait qu'il est possible de lobtenir de ce côté de l'Attanti- que, et n’en déplaise à nos hortieulteurs. supé- rieur à la plupart des fruits du même genre ré- collé en France. Toutes les variétés connues d'ananas à fruit jaune ou violer sont fr quem- ment rassemblées dans la même serre sur le sol britannique : on en mange en toute saison, à des prix proportionnellement bien plus faibles qu'en France. Parcourons rapidement les vergers anglais ; nous n'hésiterous pas à les recor naître pour les plus beaux et les mieux tenus de l'ancien conti- nent. Pour en voir de semblables, il faudrait traverser l'Atlantique et visiter les vergers des Cats Sepientrionaux de lÜnion-Américaine : rien en Europe, dans le même genre, ne peut leur être comparé. La pomme, sous toutes ses varictés, est la reine des vergers anglais : c’est en effet le fruit qui, sous le climat de la Grande- Bretagne, atteint le plus complétement sa ma- turité. Les poires, sans avoir en général la sa- veur de nos bonnes espèces, sont nombreuses eu fort bonnes, Ce qui place surtout les vergers anglais au premier rang de ceux d'Europe, c'est leur ordre, leur tenue, leur culture, qui ne lais- sent rien à desirer, La taille des arbres frui- tiers y est portée au plus haut point ce perfec- tion; elle est constamment dirigée vers une abondante production eonciliée avec la durée des sujets. Observons qu’en Angleterre, on ga- gne fréquemment des variétés nouelles sans jamais laisser degénérer les anciennes, tandis que nos jardiniers, plus par avidité que par né- gligence, poussant exclusivement à la produc- tion, laissent disparaître nos fruits les plus pré- cieux. I suffit de rappeler la cerise de Mont- morency et la prune de Brignolles, qui, à Montmorency et à Brignolles, ne sont plus que des souvenirs. Nous goûterons ici l'excellente petite poire de beurre d'Angleterre. Il y a trente ans à peine, les vergers des départements qui approvisionnent en fruit la capnale lui en en- voyaient de tout-à-fait semblables à celles-ci ; aujourd'hui, pour retrouver la véritable poire d'Angleterre, il faut passer le détroit. En Fran- ce. le peu qui se vend encore sous le même nom n'est plus reconnaissable : on a trouvé cette poire trop peu productive; elle est presque aban- donnée; €'est un fruit perdu si l'on re se hâte de le tirer de nouveau de son pays natal. Les jardins potagers sont nombreux aux en- virons de Londres: ils portent, comme toutes les branches de l'industrie anglaise, un cachet de grandeur qu'ils n'ont dans aueun autre pays; ce n'est qu'aux environs de Londres, de Liver- 416 pool et des autres grandes villes de l’Angle- terre, qu’on rencontre des cultures qui, unique- ment pour produire des légumes destinés à la consommation journalière, couvrent des cen- taines d'hectares, disposent d'un capital de 3 à 400,000 fr., et occupent plusieurs centaines d'ouvriers. Au moment où nous écrivons, un déplacement qui, 1ôt ou tard doit s’opérer de même parlout, sous l'empire des mêmes causes, s’effectue en Angleterre; les jardiniers, qui eul- tivent en grand les légumes communs pour les marchés de Londres, vont établir leurs cultures à 80 et même 100 kilom. de cette capitale, à portée d’une ligne de chemin de fer ; ils ont, par ce moyen, des terres à très bon marché com- parativement à leur valeur autour de Londres, et ils composent pour les transports par les lu- comotives à des prix très modérés. Aussi une baisse très sensible et très profitable au peuple de Londres s’est déjà fait sentir dans ce genre de denrées depuis que ce déplacement est com- mencé. Il ne restera près de Londres que les genres de culture dont les produits ont toujours une valeur élevée et se transportent difficile- ment, tels que les fraises et les framboises, et aussi ceux qui, comme les ananas, exigent des constructions impropres à tout autre usage. Nous n’avons pas d’idée en France de l’impor- tance de certains établissements anglais d’hor- ticulture ; nous citerons seulement MM. Lod- diges, fleuristes et pépiniéristes, dont les opé- rations roulent sur un capital de 600,000 fr. ; il y a quelques années, cette maison fortement compromise, obtint du gouvernement un se- cours de 250,000 fr., et se releva. Quel est en France l'établissement d’horticulture qui, menacé dans son existence, aurait seulement la pensée de s'adresser au gouvernement ? Un examen détaillé des procédés de culture suivis dans les jardins potagers et dans les pé- pinières d'Angleterre, ne nous montrerait rien de plus parfait que ce qui se pratique en Fran- ce; les instruments de jardinage sont les nôtres à bien peu de différence près; l’art de forcer les fruits et les plantes alimentaires est non pas précisément plus perfectionné, mais pratiqué beaucoup plus en grand qu’en France, parce que le nombre des consommateurs des produits de la culture forcée est très grand en Angleterre ; la construction des serres de toute grandeur y est aussi fort bien entendue, ainsi que celle des divers appareils destinés à les chauffer. La seule plante alimentaire cultivée très en grand pour les marchés des grandes villes d’An- gleterre et presque inconnue en France, c'est la rhubarbe. Les côtes succulentes des feuilles de la rhubarbe se vendent par petites bottes et servent à garnir Cette prodigieuse quantité de tartes que consomment les Anglais; ce mets, dont la saveur se rapproche de celui des gro- seilles à moitié mûres, est un de ceux qu’on ne saurait trouver agréables à moins d’y être ha- bitué ; les essais tentés pour en introduire l’u- sage en France n’ont pas réussi jusqu’à pré- sent, moins encore par la difficulté d'habituer HORTICULTURE. | les consommateurs à une saveur qui n’a rien de mauvais en elle-même, que parce que notre : manière de nous nourrir n’admet pas cette énorme absorption de pätisserie sucree, indis- pensable dans un ménage anglais. L'horticulture emploie en Angleterre un nombre très considérable d'individus de tout rang, depuis l'apprenti qui s’élève rarement au- dessus de la condition de journalier après son apprentissage, jusqu'aux chefs des grands éta- blissements d’horticulture qui sont ordinaire- ment des hommes très distingués ayant recu éducation libérale la plus étendue. La profes- sion de botaniste voyageur à la recherche des plantes nouvelles est encore une de celles qui se rattachent à l’horticuliure et que l'opinion entoure d’une grande considération; presque tous ceux qui occupent des chaires de hotani- que en Angleterre ont commencé par la profes- sion de Collecteurs de plantes. Nulle part ailleurs qu'en Angleterre, les pro- priétaires n’ont un goût aussi général pour le jardinage. Tout acquéreur d’an domaine au- quel tient un jardin, dit M. Loudon, soit que ce jardin renferme seulement quelques ares, soit qu'il couvre quinze ou vingt hectares de superficie, songe d’abord, en quelque état qu’il le trouve, à y faire des changements et des: embellissements, au grand profit du jardinage et des jardiniers” Le même auteur remarque avec raison, que les riches, les hommes d’état, les puissants du jour, blasés sur toutes les jouis- sances, sur toutes les sensations, ont cependant encore du plaisir à s'occuper de leurs jardins. On trouve dans les lettres du prince de Ligne le passage suivant qui semble avoir été écrit par un lord anglais : « Après mes enfants ct deux ou trois femmes que j'aime ou crois ai- mer à la folie, mes jardins sont ce qui me fait le plus de plaisir au monde; il y en a peu d'aussi beaux. » Beaucoup de jardiniers anglais, parvenus à force de talent et d’activité au poste honorable et lucratif de jardiniers d’un grand domaine, tombent dans une indolence complète; c’est pour eux un canonicat, le terme de leur ambi- tion; ils ont un second, chargé d’avoir de l’ac- tivité pour eux jusqu’à ce qu'il devienne chef à son tour ; quelques-uns seulement ont à cœur l'honneur de leur profession et travaillent sans relâche à s’y distinguer; ceux-là tiennent le premier rang parmi ceux qui honorent, en Europe, la profession d’horticulteur. Les appointements d’un jardinier en chef, dans une grande maison, ne sont jamais au- dessous de 3,000 fr. par an; souvent ils s'élèvent au double de cette somme, sans compter la jouissance d’un logement, et divers autres avantages. Malgré le prix élevé des denrées et de tous les objets usuels en Angleterre, l'espoir d’une telle position suffit pour déterminer des jeunes gens instruits et intelligents à se consa- crer à la profession de jardinier. Mais pour qu’ils puissent aspirer à un poste semblable et s’y maintenir, il ne suffit pas qu’ils possèdent l COUP D’OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 41; toute l’industrie désirable dans leur état, il faut ; ailleurs, nous ne saurions trouver tant de col- encore que, par des études continuelles, ils soient au courant de tous les progrès, de toutes les innovations utiles; il faut qu'ils soient en état de faire face à toutes les difficultés que peuvent faire naitre les circonstances. Les jardins des résidences royales sont peu dignes de l’état avancé de l’horticulture en An- gleterre; celui de Windsor n’avait pas même de serre il y a quelques années; les serres à Hamptoncourt sont exclusivement occupées par les ananas et la culture forcée de la vigne; à Kensington, une partie du jardin est encore cultivée à la charrue, et il n’y a pas de serre consacrée aux plantes d'ornement. Les jardins de Kew, récemment refaits sous la direction de M. Hoockers, très habilehorticulteur, étaient encore naguère dans un état d'abandon déplo- rable ; on relève, au moment où nous écrivons, les serres qui tombaient en ruines; on semble prendre peu de soin de rendre ces jardins di- gnes de l’attention du public et de remplir leur véritable destination, qui devrait être de mettre sous les yeux du public des exemples de l’état le plus avancé de l’horticulture dans toutes ses branches. Autrefois les jardiniers en chef des jardins royaux étaient consultés comme des oracles, et leur opinion faisait loi pour tout ce qui se rattache à leur profession ; aujourd'hui ce sont encore des hommes fort distingués, mais leur talent n’a pas lieu de s’exercer, et le moin- dre des jardiniers marchands déploie forcément plus de connaissances et d'expérience pratique. Il y a peu de jardins publics en Angleterre ; il y aurait même absence complète sans les jar- dins des universités et ceux des sociétés d’hor- ticulture, très nombreuses en Angleterre. Ces sociétés remontent à une époque fort reculée dans le moyen-âge ; on suit leur trace jusqu’au milieu du seizième siècle. Pendant tout le cours du dix-septième, elles donnaient des fêtes bril- lantes, accompagnées de représentations dra- matiques, espèces d’allégories dans le goût du temps. Aujourd’hui, les plus importantes de ces sociétés sont, pour l'Angleterre, la Société royale d’horticulture de Londres, et pour l'E< cosse la Société calédonienne. Toutes ces sociétés ont leurs expositions pé- riodiques des produits de l’horticulture ; en ou- tre, toute personne, possédant un local conve- nable, peut exposer chez elle des fleurs que chacun peut venir admirer en payant, bien en- tendu. Ces spéculations privées, ajoutées aux’ expositions placées sous le patronage des so- ciétés d’horticulture, rendent ces exhibitions tellement mulipliées, qu'un voyageur allant en Angleterre, de ville en ville, peut, selon M. Paxton, en trouver une à visiter pour chaque jour de l'année. Un dernier coup d’œil donné à l'ensemble du - jardinage, dans la Grande-Bretagne, nous mon- tre le luxe des jardins porté, chez nos riches voisins, à son plus baut degré de splendeur ; le goût de ce luxe y est généralement répandu parmi toutes les classes de la nation. Nulle part HORTICOLTURE., lections de toute sorte de végétaux. Rendons Justice aux services que le goût des collections, même quand il dégénère en manie, rend à l’hor- ticuliure ; celui qui concentre sur un seul genre toutes ses ressources, tous ses efforts, qui s’en occupe avec persévérance, exclusivement et sans distraction, peut mieux que tout autre per- fectionner ses procédés, et conquérir des varié- tés nouvelles, conquêtes pacifiques dont, grâce à la presse agricole, toute l’Europe ne tarde pas à profiter. FRANCE. Nous voici parvenus au jardinage francais, le plus digne pour nous d’un examen appro- fondi. Si quelque geographe dressait une carte de France ou les jardins seulement seraient indi- qués, que d’espaces resteraient vides! Que de départements où un bon jardin et un bon jar- dinier sont de ces choses dont on a seulement entendu parler sans savoir précisément ce que ce peut être! Et pourtant la France, elle aussi, a tenu le sceptre du jardinage : Le Nôtre et La Quintinie ont été de grands hommes, sans égaux de leur temps. Sans en reproduire ici l’historique, rappelons-nous seulement ce siècle, où, pendant que la perruque française fai- sait le tour du monde, l’Europe entiere, l’An- gleterre en tête, tenait à honneur de copier gau- chement nos longues lignes droites, si solennel- lement ennuyeuses, nos cascades de rocailles, le fatras mythologique de nos statues, les mas- sifs lugubres de nos ifs, bizarrement façonnés, les bordures non moinslugubresde buisnain,des- sinant les compartiments de nos parterres,toutes chosesquicomposaient l’essencedesjardinsfran- çais comme nous en pouvons juger par les gravu- res du temps. Cet ensemble, il faut en convenir, offrait une certaine harmonie avec les costumes d'alors : tout y semblait calculé pour rendre la nature le moins naturelle possible. La mode des jardins paysagers à l'anglaise commencait à faire fureur quand la révolution éclata. Par- mi les jardins de ce genre, qui venaient d’être créés, bien peu survécurent à 93; le reste eut à soutenir les formidables attaques de la bande noire. Les grands propriétaires ne reprirent goût aux jardins paysagers qu’à la paix défini- tive; le plus grand nombre des créations nou- velles de ce genre ne date que de 1818 et 1819, alors que le congrès d’Aix-la-Chapelle et l’'éva- cuation complète du sol français par les troupes étrangères semblaient présager un long avenir de sécurité. Considérons de ce point de vue les traits principaux de la physionomie de nos parcs. Quelques sombres et majestueuses allées d'arbres séculaires, rares débris échappés à la hache dévastatrice, çà et là un reste de terrasse, une antique charmille, un bassin, dont l’eau ré- fléchit jadis le teint farde. la poudre et les mou- 1. V. — 535 418 ches de nos aïeules, quelque pauvre statue hon- teuse, le plus souvent veuve de ses doigts et de son nez : c'est tout ce qui rattache la chaine des temps. Mais presque partout, Ces souvenirs manquent, comme les tourelles, les ponts-levis et les voûtes ogivales, manquent à nos modernes châteaux, maisons de plâtre décorées de noms historiques. Ces vestiges, lorsqu'ils subsistent, sont enchâssés dans les lignes onduleuses, les massifs d'arbres variés et les gazons bien pei- gnés, imités de l'Angleterre : Part du jardinier paysagiste a su bien souvent en tirer le parti le plus avantageux, soit comme contraste, soit comme point de vue. En général, à l'exception des résidences royales et princières, où rien n’est épargné, ce qui nous frappe dans une vue d'ensemble des pares et grands jardins français, ce sont les marques évidentes d’une pitoÿable parcimonie. Dans les grandes créations horti- culturales, de même que dans toutes les créations des arts, l’économie n’atteint qu’au ridicule. Ne pouvez-vous supporter une dépense? Ne la faites pas. Ayez, au lieu d’un pare mesquin, un bon potager, un verger bien planté, un joli parterre avec ce que votre terrain peut admettre d’ar- bres exotiques, groupés avec simplicité, sans profusion ni prétention : c’est ce que les hom- mes de goût ne sauraient trop répéter aux pro- priétaires. Observons d’abord aux alentours de la capitale ce nombre presque infini de jardins paysagers, dits anglais, qui, selon lexpression de Talma, sentent le renfermé. Là, des nym- phes de terre cuite se mirent dans des lacs de la grandeur d’une table à manger; là, un pont * de trois pas de long réunit les deux bords d’une rivière factice, encadrée dans des rochers de la grosseur d’un pavé, incrustés de scories ramas- sées devant la forge du maréchal ferrant ; tout cela choque à la fois le bon goût et le sens com- mun, conséquence naturelle de ce mal éminem- ment français, la vanité. Cette part faite à la critique, nous rendons hommage aux proprié- taires, hélas !'bien clair-semés, qui, secondés par le talent de jardiniers habiles, soutiennent en- core en France la gloire éclipsée de nos vieux parcs, remplacés par des créations plus confor- mes à la nature. Qu'il nous soit permis d'émettre ici un vœu pour lavenir. * : ” L'idée-mère des anciens jardins français ne subsiste plus en application que dans nos pro- menades publiques. Les Tuileries et le Luxem- bourg sont comme Versailles, Saint-Cloud et la terrasse de Saint-Germain, de ces dieux où Louis XIV et Louis XV, avec les seigneurs et dames de leur cour, reviendraient se promener sans y rien trouver qui fût en désaccord avec leurs costumes, ou qui choquât les idées du beau, tel qu’on le concevait de leur vivant. Rien west mieux adapté que ces promenades aux besoins des nombreuses populations qui viennent. y respirer un peu d’air mêlé de beau- coup dé poussière ; l'affluence des promeneurs éloigne l'ennui; la police, premier besoin des e HORTIEULTURE. les connaissent aussi bien que les plus fins ama- foules les jours de fête, s'exerce sans peine à la faveur des lignes droites et des larges déga- gements. C’est tout un système à conserver, à imiter, partout où des circonstances semblables sont réunies; C’est dans ce sens qu’il faudra opérer, lorsqu'on songera tôt ou tard à doter de promenades et de jardins publics nos plus grandes cités qui en manquent. Quant aux vil- les du second ordre, celles surtout qui sont na- turellement le rendez-vous des étrangers, là où, d’une part, le terrain ne manque pas, tandis que de l’autre, on n’a point à se préoccuper de la nécessité de maintenir l’ordre parmi des mas- ses plus ou moins turbulentes, on peut, en créant des promenades nouvelles, les encadrer dans le pavsage, et leur donner le caractère des jardins paysagers : c’est ainsi qu’Aix-la- Chapelle (Prusse rhénane) est entourée d’une ceinture de bosquets, de gazons et de parterres, dessinés avec le meilleur goût; Louvain (Bel- gique) a effectué de grands embellissements du mêmé genre. Peut-être est-ce là que doivent finir par se réfugier les jardins paysagers, quand la division des fortunes aura fondu ce qui reste de nos grands jardins. Simplicité confortable pour les particuliers, luxe grandiose pour le pu- blic, tel nous semble l'avenir prépare aux jar- dins en France par nos mœurs et nos institu- tions. Reprenons par la frontière du nord la revue du jardinage français. Sous le rapport du cli- mat comme sous celui des mœurs, des costumes et du jardinage, la Belgique va jusqu’à la Som- me. Ici, le caprice d’un riche ne peut plus, comme en Angleterre, dérober à la production agricole d'immenses espaces de terrain fertile pour son agrément personnel. Nous trouvons peu ou point de grands jardins paysagers dans les départements formés des anciennes provin- ces de Flandre et d'Artois. Mais nous y admi- rons le luxe de végétation des jardins légu- miers autour des villes qui sont, comme en Belgique, les unes sur les autres. Les popula- tions industrielles de cette partie de la France sont approvisionnées en fruits et en légumes à des prix modérés, quoique les jardiniers de pro- fession vivent dans une grande aisance. Remar- quons le goût des fleurs universellement ré- pandu jusque chez le paysan et l’ouvrier de cette partie de la France; presque tous ont un parterre garni de fleurs en toute saison; tous teurs, et savent parfaitement les cultiver quand | ils peuvent en avoir. Il est vrai que, chez plu-. sieurs, ce goût dégénère en une manie quel- quefois assez dispendieuse ; mais le temps qu'ils passent à soigner leur parterre n'est-il pas mieux employé là qu’au cabaret ? Et s'ils y dé- pensent quelque argent, n’ont-ils pas de moins | l'ivrognerie avec ses tristes conséquences ? Parvenus au bord de la Somme, nous voyons sans peine que nous sommes chez un autre peu- ple. Le mauvais état des jardins justifie le re- proche d’insouciance adressé au Picard par un dicton populaire : Picard, ta maison brûle! COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. Je m'en moque, j'ai la clef dans ma poche. Un mur de pise à hauteur d'appui tombant en ruines, ou bien une haie qui, n'ayant jamais été taillée, couvre trois ou quatre fois plus d'es- pace qu’elle n’en devrait raisonnablement oc- faper et n’en livre pas moins passage à la vo- laille par une quantité de trous qu'on ne songe point à boucher, voilà les clôtures du jardin du paysan picard, quand il a un jardin ; . le plus souvent, il n’en a pas. Quelques choux et quelques navets croissent comme il plait à Dieu dans un coin de champ à côte de sa chau- mière. Les animaux domestiques en consom- ment la majeure partie; le reste sert à la nour- riture de la famille; si parfois elle goûte des légumes de meilleure qualité, c’est quand une affaire l’appelle à la ville voisine dont les envi- rons offrent des potagers en bon état. Deux points de la Picardie méritent sous ce rapport une mention spéciale, ce sont les vastes et belles cultures d’asperges des environs de Montdidier, et les hortillons aux portes d’A- miens. Rien de mieux tenu que ces derniers jardins dont le nom est également porté par ceux qui les cultivent. Comme aux portes de Paris, les hortillons d'Amiens devraient se nommer maraichers, puisque ce sont des ma- rais desséchés qui depuis des siècles sont le théâtre de leur industrie, favorisée par des ca- naux étroits, mais navigables en tout temps, qui servent à la fois de moyen d'irrigation et de transport pour les engrais et les produits du jardinage. Ne nous étonnons pas de l’étendue des hortillons, tout-à-fait hors de proportion avec la consommation des habitants d'Amiens. Si nous suivons du regard le cours de la Som- me, il ne nous montre plus de jardins jusqu’à son embouchure; il faut que les hortillons ap- provisionnent en légumes Abbeville, Saint-Va- lery, ainsi que tous les bourgs et villages de cette populeuse vallée. Si nous suivons la ligne qui sépare la Pi- cardie de la Normandie et de l'Ile-de-France, et cette dernière province de ‘la Champagne, toutes les contrées au nord-est de cette ligne ont peu de jardins à nous montrer ; la moitié de la Champagne si connue sous le nom de Pouilleuse, quoique bien changée par d’im- menses améliorations agricoles n’en est point encore aux jardins : il y a absence complète. L'autre moitié, si bien traitée par [a nature, se ressent encore, après plus de 30 ans, du passage de nos amis les ennemis; de beaux parcs dévastés à cette époque désastreuse n'ont point été replantés. De belles prome- nades à l’est des vieux remparis de Reims semblent poser la limite des jardins vers le nord de cette partie de la France; en avançant au nord-est dans les Ardennes, nous n’avons plus rien à visiter de digne de notre examen. Ce ne sont pas les ressources qui manquent, c’est le goût. Rien de plus pittoresque en France que cette jolie chaîne des Ardennes avec ses pentes arrondies, ses belles vallées de la Meuse et de ses affluents, ses bois si profonds ————————_—_—_—_——Z——pZEZEE rm —————————————————— 419 et si touffus, ses ruisseaux dont un si grand nombre forme une foule de cascades naturelles, Il semble que l’art du jardinier paysagiste au- rait ici bien peu de chose à faire pour produire les plus délicieux effets; mais quoiqu'il ne man- que pas de châteaux et de riches propriétaires, cet art n'est point invoqué. Un simple sentier gracieusement dessiné sor le flanc d’une colline boisée, quelques groupes de ces arbres qui viennent partout, des cytises, des robinias. des lilas, une cabane rustique au sommet du co- teau, souvent un point de vue admirable, moyennant le léger sacrifice d’un demi-stère de bois, voilà de quoi doubler le charme d’une habitation rurale dans un pays comme les Ar- dennes. Mais ces embellissements ne se présen- tent à l'esprit de personne. Combien l’ensemble de notre territoire serait embelli si chacun pensait à réaliser les effets proportionnés à ses moyens et aux ressources de chaque localité! C’est ce que nous verrons dans quelques parties de l'Alsace et de la Lor- raine. La race germanique, plus soigneuse et plus laborieuse que la race gallo-romaine, est aussi moins insensible aux beautés de la na- ture, plus accessible au sentiment du beau sous tous les rapports. Les deux grandes branches des Vosges en offrent un remarquable exem- ple ; sur le revers alsacien, tout est pour ainsi dire bosquet et jardin paysager ; la moindre chaumière a son jardinet en bon état ; sur le revers lorrain, l’on rencontre à peine çà et là quelques bosquets pour le riche; des jardins pleins d’orties ou de ronces actusent la négli- gence du pauvre. Il faut excepter les environs des grandes villes, pourvus de beaux potagers, et en particulier ceux de Nancy, où la culture maraichère est très perfectionnée. Revenons à l'Ile-de-France : la banlieue de Paris est digne de toute notre attention. En approchant de la Capitale, un fait nous frappe tout d’abord, c’est cette large ceinture de terrains qui ne sont, à proprement parler, ni ville ni campagne, comme leurs habitants ne sont ni citadins ni paysans. Hâtons-nous, hélas! avant qu'ils dis- paraissent, de donner un coup d’œil de regret à ces monuments de l’industrie horticole prêts à s’effacer pour faire place à de gigantesques fortifications. Sous le rapport du goût, ces mai- sonnettes et leurs parcs en miniature laissent sans doute beaucoup à désirer, mais l’ensemble, vu du haut de Montmartre ou des collines de Fontenay-sous-Bois, avait peu de points de comparaison en Europe. Evidemment, tout cela s’en va. Le parisien aisé n'ira plus chercher un peu d’ombrage et la paix des champs sous la bouche du canon. Si nos prévisions sont justes, l’industrie faira de même le régime des places fortes, la population ouvrière suivra : l'herbe croitra sur nos places comme dans le somp- tueux Versailles. Alors, le maraïcher, lui aussi, s'en ira, n'ayant plus personne à nourrir. Ainsi, vite à nous le Daguerréotype! consta- tons pour la génération suivante ce qu'était ce beau jardin de 60 kilometres de cireuit, qui 420 HORTICULTURE. : disparait enseveli dans les fossés des bactions ! ture, il taille ses melons avec une prompti- en construction. Voici d'abord Montreuil avec ses immenses espaliers qui, commencés sous Louis XIV, ont envahi de proche en proche les deux tiers des communes voisines de Charonne et de Fonte- nav. C'est ici qu'il faut venir pour se former une juste idée de la perfection que peut attein- dre l’art de tailler et de conduire les arbres à fruits ; c’est encore ici que nous pouvons goû- ter les plus belles et les meilleures fraises du monde, quoique nous puissions regretter de n’en pas rencontrer au delà de deux ou trois variétés généralement cultivées. Le chasselas, peu inférieur à celui de Fontainebleau, étale de toutes parts ses grappes dorées; ces trois pro- duits, pêches, fraises et chasselas, donnent sur le seul territoire de la petite commune de Mon- treuik un revenu égal à celui de bien des arron- dissements. Traversons la plaine de Vincennes, c’est-à-dire ce qui en reste, et parcourons sur les communes de Bercy et Saint-Mandé la belle vallée de Fécamp, la terre classique de la cul- ture maraichère, aujourd’hui grevée des servi- tudes de l’esplanade d’une place de guerre. Le soleil d'un beau jour de printemps nous montre celte vallée comme un lac enflammé : c’est le reflet du soleil sur les millions de cloches et les milliers de châssis vitrés sous lesquels croit tout ce que la gastronomie peut désirer de plus parfait en légumes recherchés et en melons. La connaissance qu'une expérience de plu- sieurs siècles a donnée aux jardiniers de la banlieue du gênre spécial de culture le mieux approprié à chaque fraction de leur territoire, a Cantonné tout autour de Paris les fruits et les légumes ; le chou, l’ognon, le poireau con- tinuent à couvrir la plaine des Vertus; Fon- tenay reste célèbre par ses roses, Aubervilliers par ses asperges, les Prés Saint-Gervais par leurs groseilles ; les pépinières de Vitry et Villejuif sont toujours renommées pour les fruits à noyaux comme celles de Châtillon et Bagnolet pour les fruits à pepins. Qui pour- rait envier à toute cette active population son aisance aujourd’hui bien diminuée et bien com- ! promise? C’est le fruit d’un travail de 14 heu- res par jour en hiver, et 16 heures en été; et quel travail! Il n’y a qu’une habitude contrac- tée d'enfance qui puisse y résister. Quelques particularités de la culture marai- chère sont dignes d'intérêt. Voici un vieux maraicher que nous trouvons occupé à arra- cher du plant de choufleur hâtif qu’il jette au fumier. Ce plant nous semble à nous, jardi- niers vulgaires, très passable, et d’une venue bien suflisante pour justifier son maintien; mais il n’en est pas ainsi aux yeux du vieux maraicher ; il n'hésite pas à sacrifier ce qui ne vient qu'à moitié bien; il ne lui faut que des produits de toute première qualité; son indus- trie manque rarement de les obtenir. En voici un autre qui parcourt presque sans s’arrêter le bord de ses couches à melons; il fait en cou- rant l’opération la plus délicate de cette cul- tude telle qu’à peine pouvons-nous compren- dre comment elle peut se concilier avec l’exacte précision de la besogne où pas un coup de ser- pette n’a été donné sans motif. Pour prendre une idée d’un autre genre de perfection, fruit d’études plus difficiles et plus approfondies, visitons à l'intérieur des barriè- res, dans le vaste quartier qui sépare le fau- bourg du Temple du faubourg Saint-Antoine, quelqu'un de ces beaux jardins fleuristes diri- gés par des hommes réellement dévoués à la culture des végétaux d'ornement, capables par leurs connaissances en botanique de raisonner leur travail et d'étendre les limites de la science. Nous ne saurions mieux choisir que l’établis- sement de notre vénérable confrère, M. Fion; entrons dans son orangerie, nous y pouvons cueillir des oranges mûres sur ses beaux es- paliers en pleine terre sous châssis. Nous pou- vons nous promener dans son jardin d'hiver au milieu des fleurs sous la neige; nous ver- rions peut-être ailleurs mieux sous le rapport de l'étendue, mais non sous celui de la perfec- tion. | N'oublions pas les divers marchés aux fleurs de la capitale; celui du quai Desaix qui fut longtemps le seul, est encore le mieux appro- visionné. C’est là que le pauvre artisan, pour 10 ou 15 centimes, garnit de fleurs son humble fenêtre; c’est aussi la que descend de son équi- page la plus élégante de nos belles dames pour choisir ce que chaque saison offre de plus re- | cherché dans le domaine de Flore; les gros sous sont ici reçus avec autant de politesse que les pièces de 20 fr. Les femmes et les filles des jardiniers fleuristes vendent elles mêmes les produits de leur culture, sans passer, comme en Angleterre, par l'intermédiaire des reven- deurs qui ranconnent à la fois le producteur et l’acheteur définitif. Quelques quartiers ont en- core des restes de jardins, objets de convoitise pour les architectes et les spéeulateurs, à l'af- fût de tout ce qui peut porter une construc- tion, pour achever d’exclure de la capitale toute trace de vie végétale hors des promena- des et des jardins publics. | Nous avons déjà parlé de ces jardins juste- ment enviés par plusieurs capitales. C’est ici le lieu de dire un mot du Jardin du Roi, sans avoir la prétention dele décrire; ilnous faudrait plusieurs volumes. Laissons de côté les lon- gues allées allant de la rivière à l’ancien Musée d'histoire naturelle. Nous ne pouvons que re- gretter la décadence et la mort probablement peu éloignée des tilleuls qui les ombragent de leurs voütes déjà bien dégarnies. Donnons toute notre attention à cette portion du Jardin du Roi qui sert d’asile à tant d'animaux divers dont chacun est doté d’un enclos d’élégant treillage avec un logement très confortable. Le soin qu’on a pris d’y réunir, autant que le per-. mettaient le sol et le climat, les arbres appar- tenant au pays natal de chaque famille d’ani- maux, rend la Vallée suisse non moins remar- COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. quable sous le rapport de la botanique, que sous celui de la zoologie; chaque animal $v trouve entouré de quelques-uns au moins des | végétaux au milicu desquels il est né, et comme | l'a dit un poëte : Chacun d'eux y respire un parfum de patrie. De tous les jardins de la capitale c’est le Jardin du Roi qui a reçu depuis quelques an- nées le plus d’embellissements; les serres nou- velles sont à l'extérieur des modèles d'élégance, comme de bonne tenue à l'intérieur. Montons au labyrinthe récemment restauré; saluons en passant la tombe modeste de Daubenton, et le cèdre du mont Liban, le plus beau de son es- pèce en Europe. On ignore à quelle hauteur cet admirable végétal aurait pu atteindre sans l'accident qui l’a privé de sa cime ; le cèdre ne s'élève que par sa pousseterminale ; cette pousse retranchée, il ne croît plus qu horizontalement. Un oiseau très rare s'étant posé sur cette cime il y a environ 50 ans, un naturaliste qui se trouvait là par malheur avec son fusil chargé, le visa, l’abattit, et blessa mortellement la pousse terminale du cèdre qui dès lors s'arrêta dans sa croissance verticale. Ces vieux végétaux des- tinés à survivre à tant de générations et d’ins- titutions humaines sont toujours, aux veux du jardinier comme du naturaliste, des êtres di- gnes de vénération. Combien de fois doit être renouvelé par la mort ce cercle de vieillards qu'on pourrait nommer les habitués du cèdre du Jardin du Roi? La petite coupole de bronze qui le termine est digne du lieu qu’elle décore: tout ce qui l'entoure rappelle un sol consacré à l’étude de Ja nature. Rendons hommage à la simplicité noble des bâtiments neufs qui contiennent les collections et la bibliothèque ; ils concilient les besoins des sciences avec l’embellissement du jardin ; €’est ici, nous ne pouvons trop le ré- péter, que le luxe splendide d’une riche archi- tecture est tout à fait à sa place; rien ne doit être ménagé quand il est question des études publiques. Le Jardin du Roi termine digne- ment Paris de ce côté; l’on regrette seulement qu’il soit si voisin de cet indigne mur d'octroi, dernier acte des fermiers généraux d’odieuse mémoire; il n’est aussi que trop voisin des for- tifications ; en admettant qu’elles doivent ja- mais servir à défendre Paris, les bombes des assiégeants écraseraient arbres, serres, oran- gerie, ménagerie, bibliothèque et collections de tout genre; il y en a qu’on ne referait jamais. Laissons, non sans regret, ces lieux si chers à tout horticulteur, si précieux à tous les amis des sciences naturelles, et ne quittons pas Pa- ris Sans visiter en détail les jardins de la pépi- nière, aujourd'hui dépendance du Luxem- bourg. Si nous n'avons pas l'avantage de con- naître le directeur de ce jardin ou de lui être recommandés, nous ne prendrons qu’une idée impärfaite des richesses horticulturales qu'il renferme, en nous bornant à parcourir les al- lées livrées au public. La collection de rosiers 421 et la collection de dablias, lune et l’autre fort riches et admirablement cultivées, n’ont au- cunce valeur, et ne représentent rien, vues dans un trop grand éloignement; impossible pour les promeneurs d’en apprécier le mérite; à moins qu'ils n'aient pris la précaution de se munir d’une lunette d'approche. Heureusement, ces collections précieuses sont sous la direction de l’homme le plus obligeant de France, et nous obtiendrons sans peine l’autorisation de les voir de près, tout en regrettant d'avoir be- soin de cette autorisation. Nous ne pouvons oublier la belle et utile col- lection de plants de vignes, réunissant le plus grand nombre des espèces et variétés dignes d’être cultivées, soit pour la cave, soit pour la table ; nous nous rappelons en voyant l'exten- sion qu’elle prend par des acquisitions annuel- les, le nom de Chaptal qui la commença sous l'empire, par ordre de Napoléon. L'école des arbres fruitiers n’est pas moins digne de notre attention; elle continue digne- ment l’œuvre jadis célèbre des Chartreux qui avaient réuni. sur ce mème sol la plus riche collection d'arbres à fruits qui existàt en Eu- rope avant la révolution. Nous avons maintenant à parcourir la vaste et fertile vallée de la Seine, jusqu'à la mer. En descendant la vallée de la Seine, nous admirons avant tout au milieu des pares et des jardins les plus variés de style et de dessin, la residence royale de Neuillv, mélange de plu- sieurs genres, où domine le goût moderne, une pensée d’utilité se fait jour à travers toute cette création. Voici Meudon si riche de son encadrement et de ses sites pittoresques, Saint Cloud, pour qui l’art a beaucoup fait, mais moins que la nature et la magie des souvenirs; un léger détour nous conduit au type des jardins francais du grand siècle; nous sommes à Versailles. Rien n'a été ni changé, ni modifié dans la pensée primitive de cette large création. Les chevaux de Neptune reniflent toujours la même eau bourbeuse ; les tritons crachent dans les mêmes conques, les ifs étalent tristement les mêmes angles périodiquement régularisés par le ciseau du tondeur ; tout est resté à la même place. Le temps a fait sentir sa bienfaisante influence au pare de Versailles; ce peuple de statues épar-- pillées originairement parmi de jeunes planta- tions dont Louis XIV, même dans sa vieillesse, ne pouvait que pressentir les effets par l'ima- gination, se détache aujourd'hui sur des mas- sis d'arbres séculaires ; leur aspect, dit un voya- geur anglais, ferait mourir de joie Le Nostre, s’il revenait au monde pour les voir. C’est ici, le premier dimanche du mois de mai, quand les grandes eaux jouent, quand des milliers de promeneurs ne peuvent réussir à former nulle part l'apparence d’une foule, qu'il est aisé de voir d’un coup d'œil tout l'avantage de l’ancien style des jardins français comme lieux de promenade pour les grandes popula- tions. Amenez dans les jardins de Versailles 422 tout le peuple de Paris, ce million d'individus s’y promènera sans confusion, sans encombre- ment; l’évidente facilité de réprimer dans ces masses toute tentative de désordre dans un pa- reil local, suffira pour y maintenir l’ordre et la sécurité. Mais, ce parc immense, créé pour les plaisirs d’un seul homme et de ses courtisans, est tout-à-fait hors de proportion avec le nom- bre de promeneurs que Versailles peut fournir; la tristesse et l’ennui vous saisissent en présence de ces chefs-d’œuvre qui n’ont pas de specta- teurs; Versailles n’est supportable qu’avec un renfort de 30 ou 40 mille Parisiens. Nous visi- tons avec intérêt l’orangerie et le potager de Versailles, ce dernier surtout, véritable pota- ger-modèle; l'emploi du thermosiphon pour chauffer les couches à primeurs y a été essayé pour la première fois sur une grande échelle avec le plus remarquable succès. Voici le long d’un magnifique espalier, les arbres à fruits les mieux conduits de France, sans faire tort à Montreuil. Ne passons pas, sans lui accorder un coup d'œil, devant ce jeune abricotier qui n’a encore porté que quelques fruits; c’est le seul représentant en France de l’abricot de Sy- rie à amande douce, envové par l’illustre ama- teur anglais, M. Barker, de Damas. Saluons en lui l’aïeul présumé d’une postérité nombreuse, destinée à augmenter bientôt par la greffe et les semis les richesses de nos vergers. La vraie destination des jardins potagers joints aux ré- sidences royales, c’est de recevoir ainsi, pour les propager , les nouveautés utiles en horti- culture. De Versailles, une excursion de quelques heures sur la gauche nous mène au pare de Dampierre; nous rendons hommage au goût parfait de son propriétaire actuel; tandis qu’il convoque les premiers d’entre nos artistes pour décorer sa demeure, il rend les jardins dignes des nombreux visiteurs que les chefs-d’œuvre de nos peintres et de nos sculpteurs les plus cé- lèbres ne peuvent manquer d'y attirer. Nous laissons sur la gauche Rambouillet et Mainte- non, répétitions de ce que nous avons déjà vu; nous regagnons à Saint-Germain la vallée de la Seine. L'aspect de Saint-Germain justifie as- sez l'ennui qu’il inspirait à Louis XIV. Néan- moins, la vue qu’on découvre de sa terrasse reste toujours digne d’admiration, surtout de- puis que le paysage est animé par la première de nos lignes de chemin de fer. Laissons derrière nous dans le rayon de ta capitale, le Raincy, Saint-Leu, Chantillv, Gros- bois, Ermenonville, lieux enchanteurs si sou- vent chantés, dont les descriptions sont partout et que tout le monde a visités. Ces parcs sont à peu près ce que nous avons de mieux à opposer a l’aristocratique Angleterre; félicitons la Fran- ce de les avoir; félicitons-la surtout de n’en pas avoir davantage. Voici devant nous la jolie petite ville de Mantes, l'une des plus gracieuses de toutes celles qui se mirent dans les eaux de la Seine, au-dessous de Paris. La population de Mantes HORTICULTURE. est en grande partie composée de jardiniers ; elle contribue pour des quantités notables à l’approvisionnement de Paris en légumes. Ce ne sont pas tout-à-fait les prodiges de la culture maraichère; le terrain n’est pas si cher, la dis- tance ne permet pas non plus certains produits trop délicats; c’est un vaste espace occupé par un jardinage fort bien conduit. Venez ici, gas- tronomes qui tenez à savourer dans toute leur fraicheur les petits poisles plus exquis du mon- de connu. Nous pourrions suivre ainsi bien loin encore dans toutes les directions le rayonne- ment du jardinage destiné à combler le gouffre toujours ouvert de la consommation de Paris; il est surtout sensible le long des vallées qui aboutissent à la Seine, notamment sur l'Oise et sur l'Aisne, son principal affluent. Entrons en Normandie: sur toute cette terre plantureuse, le jardinage est en honneur, mais c’est le jardinage utile; partout, dans les cinq départements de l'antique Neustrie, on fait un cas particulier de tout ce qui se mange. Aussi, les marchés de Rouen, de Caen et des autres grandes cités normandes, sont-ils au nombre des mieux approvisionnés de France en légu- mes et en fruits, parmi lesquels domine la pomme. Nous voyons embarquer à Rouen pour la Russie des caisses de pommes de reinette emballées comme des oranges, chacune dans sa feuille de papier ; ce fruit seul est l’objet d’un commerce fort étendu. Les vergers normands offrent la plus grande analogie avec les vergers anglais, ils méritent les mêmes éloges; ce sont des deux côtés de la Manche le même sol, le même climat, les mêmes espèces, et presque les mêmes soins de culture. Nous voudrions pouvoir étendre l'éloge aux parties du jardina- ge offrant un aspect moins prosaique, bien que nous accordions un côté très poétique aux cho- ses vraiment utiles. Mais, à notre avis, l’un n'exclut pas l’autre. Par exemple, à côté de ces légumes parfaits, de ces fruits excellents que donnent en abondance le jardin et le verger de la Ferme normande, pourquoi n’y aurait-il pas, comme en Flandre, une plate-bande de fleurs, quelque chose qui rappelle un parterre? Il y en a, sans doute; ce n’est pas une absence com- plète que nous déplorons; mais ici, le gout des fleurs est rare, c’est une sorte de singularité; tandis que sur notre frontière du nord, c’est celui qui néglige les fleurs qui se singularise. Rouen nous montre de belles promenades sans promeneurs, un beau jardin public fré- quenté seulement de quelques étudiants, des si- tes enchanteurs pour les étrangers, vus par les habitants avec indifférence; ce sont les symp- tômes d’un peuple tout à son commerce et à son industrie; on ne peut espérer que chez lui le travail de l’homme s'applique à beaucoup ajou- ter aux beautés naturelles de la contrée; mais. la nature a tant fait pour elle que le pays tel qu’il est, vu des hauteurs qui dominent Rouen, représente un vaste jardin. L'indifférenee des Roucnnais pour les char- \ mes pittoresques de cette belle contrée se révèle COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. par l’absence de jardins paysagers; par Com- pensation, les parterres sont trèsnombreux aux environs de Rouen; la culture des plantes de collection y est particulièrement en honneur; Rouen est la ville de France qui peut se glori- fier des plus belles collections de dahlias; nous en pouvons juger en visitant à la lumière éblouis- sante de plusieurs centaines de becs de gaz la salle d'exposition de la Société d’horticulture ; nous n’y verrons pas moins de 16,000 fl. de dahlia, dont 2,400 ont la prétention , peut-être un peu exagérée, de constituer des variétés ou sous-variétés distinctes. Examinons avec un som particulier, tout près de l'embouchure de la Seine les cultures jardinières des environs de Honfleur; voici une eulture que nous rencontrons pour la première fois: ce sont des melonières de plusieurs hec- tares, en pleine terre. Goûtons au hasard un de ces cantaloups; nous le trouvons peu inférieur aux produits de la culture savante des marai- chers parisiens. Nous apprécions ce qu'il faut de soin et de travail pour arriver à ce résultat sous ce ciel brumeux, sous €e climat océanique, sur cette terre où le fruit de la vigne refuse de mürir. Le prix élevé de toutes les denrées en Angleterre permet aux melons de Honfleur de paraître avec avantage sur les marchés de lau- tre côté de la Manche, en dépit des frais de transport et des droits d'entrée qu'ils ont à sup- porter. Grâce à ce débouché, la culture da me- lon en pleine terre se soutient et même s'étend aux environs de Honfleur, surtout depuis que le calicot remplace le verre pour les abris in- dispensables au jeune plant de melon. | Traversons la Normandie en nous dirigeant vers la Bretagne. Quelques beaux parcs, de jolis jardins, de superbes vergers, décorent le paysage sans interruption; les Mazures, vastes enclos renfermant des plantations de pommiers à cidre ou à couteau, nous rappel- lent trait pour trait les prairies arborées de la Belgique wallone. Les environs de Caen et ceux de Bayeux ont en outre à nous montrer | de très belles cultures de fleurs de pleine terre ; les collections d’anémones, de renoncules, de pensées, d'auricules, de tulipes et de jacinthes, sont plus nombreuses sur ce point de la France que partout ailleurs; un grand nombre de beaux et florissants établissements d’horticul- ture attestent le goût généralement répandu dans ce pays des fleurs et arbustes d'ornement. Nous ne sortons des mêmes cultures que pour passer de la presqu'île du Cotentin dans la pres- qu’ile Armoricaine, l'antique Bretagne, ce pays à part, que M. Michellet a si bien caractérisé en expliquant par l'âpreté du sol et du climat la rudesse des habitants. Toutefois, ce n’est pas ce qui nous frappe d’abord; nous abordons la Bretagne par son beau côté. Du fond de la baie de Saint-Malo jusqu’à Pextrémité des côtes du nord, c’est ce qu’on | nomme la ceinture dorée de la Bretagne; tout | ce littoral est fertile et bien cultivé : c’est pres- que la Normandie. Remarquons à Roscolf des | 423 cultures spéciales de ,choufleurs et d’arti- chauts dignes de rivaliser avec ce que la France offre de mieux dans le même genre. Les mai- sons de Nantes, qui se livrent en grand à la préparation des conserves alimentaires pour les voyages de long cours, tirent de Roscoff une grande partie de ces légumes, bien que la distance en ligne directe ne soit pas de moins de 20 myriamètres. La variété d’artichauts cultivée en Bretagne est déjà celle qui se cul- tive exclusivement dans nos provinces du midi ; ses têtes sont arrondies: ses écailles sont collées l’une contre l’autre et le plus souvent échan- crées à leur sommet. En avançant vers le sud, nous ne retrouverons plus nulle part en France l’artichaut à écailles pointues, divergentes en dehors, connus dans le nord de la France sous le nom d'artichauts de Laon. En dehors de sa ceinture dorée, la Bretagne n'offre plus que quelquespoints très clair-semés, dignes de l'attention de l’horticulteur. Nous devons à Brest une visite au Jardin de la ma- rine. C’est une pensée de bien public qui a placé à nos principaux points de communica- tions maritimes ces jardins entretenus aux frais de PÉtat, à portée de recevoir les végétaux exo- tiques suscéptibles de prendre rang parmi nos plantes usuelles, à quelque titre que ce soit, dans un but d’utilité ou d'agrément. Ce sont, sil est permis d'employer cette figure, des hô- telleries qui leur donnent l'hospitalité sur la terre de France. Plusieurs partiront d'ici pour faire leur tour de France et même d'Europe, avec le temps. Formons des vœux pour que | dans tous nos ports de mer les jardins de la marine reçoivent les développements dont ils ont besoin; le but de l'institution n’est atteint qu’à moitié si l’espace leur manque, si l'arbre ou la plante reconnus susceptibles d’être appro- priés à nos usages et de se multiplier sur notre sol ne sortent de la pépinière en assez grand nombre pour assurer le succès et la durée de ces pacifiques conquêtes. De Brest, nous pou- vons à volonté nous diriger sur Nantes ou sur Rennes par deux routes royales; le long de ces deux routes, ce qui domine dans le paysage, ce sont les landes, ces vastes déserts, fertiles mais incultes, à la honte de la France, On sent bien qu'il n’est pas question ici d’horticulture ; le mot et la chose sont généralement inconnus, surtout en approchant de la côte méridionale habitée par la population celtique sans mélange. A l'exception des abords de quelques villes comme Quimper, Lorient, Vannes, nous ne trouvons littéralement ni fruits ni légumes. Que de fois nous avons vu vendre au poids (20 et 30 ce. le kilogr.), sur les marchés de La Roche-Bernard, Ponchâteau et Savenay, des pommes et des poires de la grosseur d’une noix, provenant d’arbres non greflés ! Impossible d'y toucher si l’on n’est pas né Breton. Le paysan breton préfère la saveur de ses choux cavaliers et de ses longues raves à collet violet, nourri- ture habituelle de son bétail, à celle des légumes plus délicats que sa terre fertile et toujours ar- 424 rosée produirait pour ainsi dire d'elle-même. En 1837, un paysan du pays d'Armor, de la commune de Penestain, ayant reçu en présent quelques plants de choufleurs, les oublia dans un coin de jardin; ils y devinrent superbes. Ayant eu occasion de l’aller voir, il nous les montra comme une grande curiosité, il n’en avait jamais vu auparavant; il ne savait s’il fallait les faire cuire; ils étaient si blancs et si appétissants qu’il avait essayé de les manger crus en salade : ils lui avaient paru détestables. Les restes de la population celtique en Bretagne s'en tiennent au chou et à la rave, légumes gaulois. Les environs de Rennes nous montrent des jardins bien tenus, mais insuffisants pour l'ap- provisionnement de cette ville importante; elle tire de fort loin des fruits et des légumes facilement transportables. Rennes possède une belle promenade et un petit nombre d'amateurs zélés de lhorticulture. Si de ce point central nous planions à vol d’oi- seau sur l’Armorique, ilne nous resterait à voir que les jardins de Guérande, principalement consacrés aux oignons dont ils fournissent la moitié de la Bretagne, et de belles collections de rosiers dans la petite ville de Chäteaubriand. Çà et là nous apparaîtraient, comme des points perdus dans une immensité de déserts entiere- ment nus, les jardins de quelques châteaux avec | leurs sombres compartiments de bois, et les parterres de quelques curés de campagne qui font les plus louables mais le plus souvent les lus inutiles efforts pour prêcher d’exemple à fé ouailles le goût du jardinage. Ce triste ensemble ne finit qu’à Nantes. Si nous arrivons à Nantes par la route royale HORTICULTURE. les vaches de ses étables. Un beau melon est à Nantes une chose inconnue; nous disons un beau; on en mange de fort bons, mais très pe- tits , de l’espèce connue sous le nom de suerin vert : elle a sur toutes les autres l’avantage de n'exiger presque pas de soins de culture. Nantes, ville plus populeuse et non moins commerçante que Rouen, est, sous le rapport de l’horticulture, exactement l'inverse de la ca- pitale de la Normandie; l’agréable est ici pré- féré à l’utile; les potagers sont médiocres; le | goût ou, pour mieux dire, la passion des fleurs y est générale. Commencons par visiter le marché aux fleurs; ceux de Paris sont plus vastes, ils ne sont pas mieux approvisionnés. Autour d’une belle promenade ombragée d’an- tiques ormeaux et fermée d’une grille vis-à-vis l’élégant édifice de la Bourse, s’étalent sur plu- sieurs rangs des fleurs de tout genre; les élé- gantes tribus des camélias , des pélargoniums, des eucalyptus, des métrosidéros, des cactus, des cotyledons, des fuchsias, ont là leurs repré- sentants à la portée de toutes les fortunes; les raretés, les nouveautés en horticulture, s’y montrent plus souvent qu'ailleurs; nous n’hési- tons pas à placer le marché aux fleurs de Nantes immédiatement après ceux de la capitale. Le jardin botanique réclame, après Le marché aux fleurs, notre première visite. Nous y rencon- trons une collection aussi riche que bien tenue de rosiers greffés sur épine, et une autre de vi- gnes, déjà fort nombreuse, qu’il est à désirer de voir bientôt se compléter. Mais ce qui frappe tout d’abord le visiteur venant du nord, c’est ce bel arbre isolé au centre du jardin; son tronc n'a pas moins de 50 centimètres de diamètre à de Brest, les landes touchent à ses portes; par | celle de Rennes, elles n’en sont qu'à quelques kilomètres; des deux côtés, la culture empiète d'année en année sur le désert. Un seul des abords de cette grande ville présente une série de maisons de campagne et de jardins ; c’est le cours de la rivière d’Erdre, à partir de la petite ville de Nort, lieu de plaisance, rendez-vous des promeneurs nantais. Un élégant navire à vapeur nous conduit de Nort à Nantes entre deux lignes de jardins; les plus agréables sont groupés dans le site charmant de La Chapelle- sur-Érdre. A l'embouchure de cetterivière dans | la Loire, nous trouvons les jardins potagers de | Barbin, que les Nantais montrent avec orgueil : c’est seulement une preuve de la vérité du pro- gnes sont rois. La tenue des potagers de Bar- bin n’a rien de remarquable; leurs produits péchent sous deux points essentiels : qualité médiocre et quantité insuffisante ; les cent mille habitants de cette grande cité manquent sou- vent des légumes les plus communs et les plus indispensables ; nous citerons un fait à l'appui de cette assertion. En 1836, l'établissement agricole de Grand-Jouan réalisa des bénéfices importants en envoyant à Nantes la majeure partie des choux plantés originairement pour | 2 mètres au-dessus du sol; sa hauteur totale est de près de 10 mètres, vingt personnes sont parfaitement à l'abri sous son épais feuillage ; il est impossible de compter ses larges fleurs d'un blanc de neige : c’est un magnolia grandi- flora. Nous voyons en lui le doyen de son es- pècc en France. Une centaine d'arbres sembla- bles, dont il semble le patriarche, forment à droite et à gauche deux allées latérales; on nous en fait remarquer une douzaine qui ont été transplantés déjà vieux et fort gros; leur végé- tation n’en a point souffert. On a lieu de s’é- tonner, d’après une expérience si concluante, confirmée par une si longue série d'années, de rencontrer si rarement le magnolia grandiflora dans les jardins des départements au sud de la | Loire; il végète avec la plus grande vigueur; verbe : Dans le royaume des aveugles. les bor- | il se prête à toutes les formes que la taille veut lui donner, avec une facilité surprenante; ses autres avantages sont assez connus. À la vé- rité, il croît lentement, surtout durant les pre- mières années, C’est son principal défaut. En le faisant alterner avec des arbres à croissance rapide, il formerait avec le temps de belles ave- nues bien ombragées, à l’époque où les peu- pliers et tilleuls seraient bons à supprimer. Nantes possède trois belles promenades, le cours Saint-Pierre, le cours Henri IV et la Fosse: toutes trois sont plantées d'arbres COUP D OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. dans un état déplorable de vétusté et de dépé- rissement; on prévoit le moment, très peu éloigné, où leur ombrage, déjà dégarni, fera place à une nudité absolue, comme cela ne peut tarder à arriver aux tilleuls des Tuileries et du Jardin des Plantes et aux sycomores du Luxembourg. Il eût été facile, en choisissant les espèces qui supportent le mieux le voisinage des vieux arbres, d'obtenir des arbres à moitie venus pour le moment où les anciens auront fait leur temps. L’acacia inermis, qui donne après deux ou trois ans de plantation un om- brage touffu , est éminemment propre à servir ainsi d'arbre transitoire; l'expérience en a été faite avec un plein succès en Belgique, spécia- lement sur la place du Peuple à Louvain. Les magoolias du jardin botanique de Nantes sont une innovation heureuse, bonne à imiter par- tout où le climat permet de sortir du cercle si restreint des arbres ordinairement employés pour nos promenades. Il nous faudrait séjour- ner longtemps à Nantes pour passer en revue toutes ses richesses horticulturales. Parmi ses établissements particuliers, bornons-nous à mentionner les riches pépinières du faubourg du Marchix, et la tenue Bruneau qui sert de promenade. Remontons la Loire : le panorama de ses ri- ves nous offre un spectacle unique en Europe. Jusqu’aux frontières de PAnjou, l'œil s'arrête encore de distance en distance sur d’antiques manoirs qu’environnent encore des jardins dans l’ancien style français, avec de hautes charmil- les et des terrasses en maçonnerie. Dès qu’on entre en Anjou, le nombre des anciens châteaux diminue; ils.sont remplacés par d’élégantes mai- sonnéttes, nombreuses, propres, coquettes, avec leur jardin ou tout au moins un parterre devant la principale entrée. Nous voici à Angers, point central pour l'horticulture francaise; ce que nous avons dit du goût des Nantais pour les fleurs est dépassé par les Angevins, qui ne sont pas distraits par les préoccupations du com- merce maritime. La section d’horticulture de la Société d'agriculture d'Angers cest une des plus active de France. Nous assistons à une de ses séances solennelles ; à voir le nombre et l’im- portance des prix qu'elle distribue, nous pour- rions nous croire en Angleterre ; mais la Gran- de-Bretagne ne nous offrirait ni ce soleil, ni cet air si transparent, ni ce doux climat, ni cette terre st riante, si gracieusement enchaïinée à la Touraine, le jardin de la France. Saumur ot une série de châteaux, tous ornés de beaux jar- dins, rattachent l’Anjou à la Touraine. Le nom de jardin de la France est dignement porté par la Touraine, pourvu qu’on ne le sorte pas des trois riches vallées de la Loire, de l'In- dre et du Cher, au-delà desquelles on trouve- rait en Touraine de vastes espaces stériles, peu en harmonie avec sa réputation. Nulle part en France les légumes et les fruits n’entrent pour une si forte proportion dans l’alimenta- tion de toutes les classes de la société. Les es- paces immenses consacrés au jardinage se nom- BORTICULTURRE, 425 ment varannes ; ceux qui les cultivent portent le nom de zaranniers ; ils jouissent en général d'une heureuse aisance; l’ordre et la propreté la plus exquise règnent dans leurs habitations ; ils ne se font point faute de réserver pour leur propre consommation une juste part de ce que leur jardin produit de plus beau et de meil - leur. Parmi les produits les plus recherchés de leurs vergers, goûtons particulièrement l’al- berge. Cet excellent fruit est resté comme can- tonné en Touraine; les essais pour le multi- plier ailleurs n’ont pas été heureux ; souhaitons qu’ils soient repris et qu'ils réussissent. L'œil se repose avec satisfaction sur les paniers de beaux fruits symetriquement disposés par les varan- niers pour être portés à la ville; ils ont été cueil- lis avec tant de précaution que le consomma- teur les recevra aussi frais que s’il les détachait lui-même de la branche. Nous pouvons placer dans notre estime la population des varanniers de Touraine sur la même ligne que les hortil- lons d'Amiens et les maraichers de Paris ; c’est la même activité laboriéuse, la même régularité de mœurs; jamais on n’a entendu dire qu’un varannier ait Comparu devant un tribunal cri- minel ou correctionnel; rien n’est plus rare même que de les voir plaider au civil. Ne dé- daignons pas d’entrer dans quelques boutiques de eonfiseurs de la ville de Tours. Là, dans la saison des fruits, se rassemble l'élite des pro- duits des vergers de la Touraine. Ces fruits, sous la main de l'habile artiste en sucre, pren- nent une grande valeur gastronomique : c’est leur principal débouché. Pour nous, toute sen- sualité à part, nous ne pouvons regarder que comme une chose utile et louable l'impôt pré- levé sur les jouissances du riche au profit du laborieux jardinier et de l'industrieux confiseur. Nous continuons à remonter la Loire jusqu'à Orléans, toujours accompagnés, comme le dit M"° de Sévigné,des mêmes bosquets à droite et à gauche, et des mêmes rossignols. Les pares et les châteaux se touchent sans interruption dans les intervalles des charmantes villes d’Amboise, Blois et Beaugency ; nous donnons en passant un coup d’œil à Chenonceaux, Céran, Menars : il faudrait tout citer. Arrêtons nous à Orléans ; avant de passer la Loire, nous jeterons un re- gard derrière nous sur l’horticulture des con- trées centrales, entre le bassin de la Seine et celui de la Loire. Avant de poursuivre nos investigations au nord de la Loire, nous avons à voir le château de la Source et le phénomène si frappant d'un fleuve (le Loiret) sortant de terre assez fort pour porter bateau immédiatement à sa nais- sance. L'art a su ajouter aux beautés naturel- les du site les beautés artificielles d’un pare di- gne d’être visité pour lui-même. La vallée de la Loire, aux environs d'Orléans, nous montre la singulière alliance du jardinage avec la cul- ture de la vigne, alliance que nous ne rencon- trerons plus en France, si ce n’est dans deux ou trois communes aux portes de Paris. Ici, de vastes vignobles sont conduits de façon à laisser TV. — 54 426 HORTICULTURE. entre les rangées de ceps l’espace nécessaire à des cultures d'asperges, source de richesses pour les vignerons. Ces asperges , dont nous pouvons apprécier l'excellente saveur, ne sont pas destinées à la table du riche; elles n’attei- gnent jamais un volume considérable. Leur ar- rivée sur le marché permet, durant la pleine saison, au peuple de Paris de connaître cet ali- ment aussi agréable que salubre, dont il ne goû- terait jamais sans cela. Nous avons cherché à savoir si la petite asperge d'Orléans constituait une sous-variété; des graines récoltées dans le val Saint-Denis d'Orléans nous ont donné, par la culture aux environs de Paris, de très belles asperges, absolument semblables à la grosse as- perge d’Aubervilliers. La nature médiocre du sol et le peu de soin qu’on en prend sont donc les seules causes de leur petitesse. Laissons au couchant la plaine de la Beauce, cet océan d'épis, cet inépuisable grenier de la capitale; traversons, à l’est, la plaine moins riche, mais plus variée du Gâtinais, ou de grands espaces, cultivés par plates-bandesexac- tement comme des jardins, offrent l'aspect du plusriant parterre : ce sont des champs de safran; nulle part nous ne reverrons en France ce pro- duit cultivé avec des soins aussi judicieux et sur une aussi grande échelle. Voici la jolie ville de Montargis, avec son canal bordé de jardins ; nous suivons, toujours entre des jardins, la vallée du Loing et le canal du même nom, qui nous conduisent par Nemours à Fontainebleau, ou, suivant l’ancienne orthographe, Fontaine- Beile-Eau. Là, indépendamment de la treille classique de Thomery, nous passons en revue les fruits à couteau les plus délicats, réunis dans des ver- gers, dont tous les produits sont destinés à Pap- provisionnement de la capitale. Nous voyageons sans interruption de jardins en jardins jusqu’à Corbeil, où nous retrouvons le terrain que nous avons précédemment exploré : iei, une station est nécessaire. Nous traversons la Seine vis-à- vis du bourg d’Essone ; nous n'avons sous les yeux aucune des grandes scènes de la nature, ni rochers, ni lacs, ni mer, ni montagnes ; mais un de ces gracieux paysages où les larges pro- portions d’un sol ondulé, que borne, à l’ouest, la forêt de Sénart, couvert partout ailleurs d’un luxe incomparable de végétation, arrosé par la Seine majestueuse et la gentille rivière d'Esso- ne, forment un ensemble non moins frappant, non moins digne des pinceaux de l'artiste. Entrons dans l'établissement horticole de Fromont; nous lui devons bien une journée ; rendons justice au goût parfait qui, dissimulant habilement ses clôtures, a su si bien l'encadrer dans le paysage que de quelque côte qu’on porte la vue, on peut eroire les sites environ- pants des dépendances des jardins de Fromont ; les étrangers, toujours empressés de les visiter, ne peuvent qu’y prendre une idée favorable de l'état de l'horticulture en France. Plus loin, au sud-ouest, les coquettes vallées de l'Essone et de la Jaine se montrent à nous parées d’une sé- rie de parcs et de jardins du meilleur goût. Revenons sur nos pas, et retournons à la Loire. Voici Sully, avec sa terrasse où se pro- menait l'ami de Henri IV, méditant sur la pros- périté publique, à Fombre d’une charmille sé- culaire qui subsiste encore : les voyageurs em- portent comme des reliques saintes quelques feuilles de cette charmille. fl faut savoir gré au propriétaire actuel du pare de Sully de s'être appliqué à lui conserver, autant que possible, en le restaurant, le style du temps de Henri IV, et de préférer aux agréments d’un jardin mo- derne la poésie d’un grand souvenir. A mesure que nous remontons le fleuve, les parcs et les jardins deviennent plus rares ; nous longeons sur la droite la sablonneuse Sologne, non sans remarquer avec satisfaction que si cetie partie de la France centrale n’en est pas encore à l’horticulture, du moins elle s’est dé- pouillée depuis trente ans de son aspect nu, stérile et desolé; les deux tiers du sol ont été défrichés ; la population s’est accrue ; l’œil n’est plus attristé par l’aspeet monotone d’une plaine inculte à perte de vue. Rien ne devrait nous at- tirer vers cette plaine; nous la traverserons cependant après avoir passe la Loire au pont de Gien; nous devons un coup d'œil à un phé- nomène unique en France. Faisons une excursion vers la forêt de San- trange; cette forêt ne ressemble à aucune au- tre ; elle n’est composée que d'arbres fruitiers. Personne ne peut dire comment ces innom- brables pommiers, poiriers, pruniers, cormiers et cerisiers, se sont emparés de cette vaste éten- due de terrain, comment et depuis quand ils sv perpétuent de génération en génération. Quoique pas un de ces arbres ne soit greffe, nous sommes portés à croire, en goûtant leurs fruits, qu’ils descendent de sujets originaire- ment greflés ; les prunes et surtout les cerises sont très mangeables ; il s’en perd une quantité prodigieuse ; la plus petite partie seulement est récoltée par les rares habitants des villages voi- sins, qui trouvent à les vendre, quoique à bas prix, à Gien et à Bourges. Revenons au val de Loire, que nous retrou- vons au Bec d’Allier : un convoi de bateaux, arrêté au confluent de cette rivière, dans la Loire, attire notre attention; il est chargé de paniers artistement disposés, d’où s'exhale une odeur des plus agréables : ce sont des car- gaisons de poires et d’abricots. y Depuis longtemps. le prix du terrain, aux en- virous de Paris, est devenu tellement élevé, que les jardiniers ont dù forcément choisir entre les diverses cultures les plus lucratives, sous peine de se ruiner. A part quelques localités privilégiées, comme Montreuil, Charonne et Fontenay sous-Bois, on a renoncé, autour de Paris, à la culture de labricotier, qui, même en espalier, donne des produits trop incertains. Quand il faut payer tous les ans un loyer exor- bitant, on ne peut laisser le sol occupé par des abricotiers en plein-vent, qui, sous le climat de Paris, donnent tout au plus , en moyenne, une COUP D’OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. récolte en trois ans, et restent souvent quatre ou cinq ans sans rien produire. L’Auvergne et le Bourbonnais, dans leurs val- lées bien abritées, ont des vergers d’abricotiers qui portent régulièrement tous les ans. Ces val- lées approvisionnent Paris de cet excellent fruit : il y a tel abricot qui, avant de paraitre sur la table du riche, n'a pas eu moins de 4 ou 500 kilomètres à faire pour venir se faire man- ger à Paris. Nous voici à Moulins, antique ca- pitale du Bourbonnais; nous pouvons nous y régaler de beau fruit à bon marché. Un étranger arrivant en diligence à Moulins un jour de marché, frappé de la beauté des poires, des prunes et du chasselas exposés en vente, donne à une paysanne une pièce de 50 centimes, et, s’en rapportant à sa bonne foi, il tend la main, croyant emporter le fruit qu’il vient d'acheter. La paysanne lui présente une manne d’osier dont un àne aurait eu sa charge, remplie de fruits parfaits qui, rendus à la halle de Paris, auraient peut-être valu 15 ou 20 fr. L’étranger ne pouvait revenir de sa surprise. Le fruit est délicieux et pour rien dans ce bon pays de Bourbonnais ; il ne pourra beau- coup augmenter de valeur jusqu'à ce que le superflu de la production ait pris son cours vers Paris ; le pays est couvert d’arbres frui- tiers ; le sol et le climat rendent chaque an- née ce genre de récolte immanquable : le bas prix tient à l'abondance de la production. Mais pour voir des arbres fruitiers à profusion, pour goûter des fruits aussi bons qu’en Tou- raine avec plus de variété et en plus grande abondance, entrons dans cette belle et vaste contrée qui conserve son antique dénomination de Limagne d'Auvergne. Ici le produit des ar- bres fruitiers n’est plus comme dans le Bour- bonnais exclusivement réservé pour la con- sommation locale. Clermont (Puy-de-Dôme) est une ville de confiseur. Les excellents pro- duits de leur industrie gastronomique s’expor- tent au loin; les jardiniers y trouvent le place- ment assuré de leurs fruits à des prix conve- nables. Si de Clermont nous nous dirigeons droit à l'ouest vers l'Océan, à travers les montagnes de l'Auvergne, les forêts du Rouergue et du Quercy, et les collines du Limousin, nous ne trouvons presque pas trace de jardinage avant d'entrer dans le Périgord et la Saintonge. Une fois sortis de la Limagne, à peine quelques re- coins des vallées de la Corrèze, de la Creuse et des affluents de la Haute-Vienne auront à nous montrer ça et là quelques jardins assez mal tenus. Limoges, malgré son importance, voit rarement sur son marché de beaux fruits et des légumes recherchés. On ne rencontre dans la Haute-Vienne qu'un fruit, la châtaigne, et “qu’un légume, le navet ; le proverbe dit en pa- tois que le Limousin demande seulement deux choses à Dieu : la castagne et la rabioule. Le sol, il est vrai, se prête peu au jardinage; néanmoins, avec un climat humide et tem- péré, le terrain le plus rebelle peut encore pro- 497 | duire, sous la main d’un bon jardinier. de bons fruits et de beaux légumes. En quittant le Limousin, les parcs, les ver- gers et les jardins nous avertissent que nous sommes en Périgord; plusieurs parcs de l’an- cien style français s’harmonisent avec de vieux manoirs seigneuriaux échappés à 93. Nous voici en Saintonge, pays plantureux où le pro- verbe dit qu'un homme maigre peut se mon- trer pour de l’argent : c’est une curiosité. Ce qui se rattache à la vie matérielle est ici la grande affaire de tout le monde ; aussi le jardi- nage, dans ses rapports avec la gastronomie, est-il traité de main de maître. A la faveur des rapides marées de la Gironde, les jardiniers saintongeois peuvent porter à Bordeaux le su- perflu de leurs denrées ; les Bordélais, gens fort entendus dans l’art de bien vivre, font avec raison un Cas particulier des légumes et des fruits de la Saintonge. Si nous revenons à Clermont (Puy-de-Dôme), notre point de départ, l’est de la France que nous parcourons à vol d'oiseau nous montre le jardinage en honneur dans la Bourgogne, la Bresse er la Franche-Comté, à l'exception des contrées montagneuses de l’Ain, du Doubs et du Jura. La spacieuse et riche vallée de la Saône s'ouvre devant nous comme un jardin de plus de 300 kilomètres du nord au sud. Dans la Haute-Saône, les environs de Gray, dans Saône-et-Loire, ceux de Tournus, sont de ces lieux dont on ne s’éloigne qu’à regret quand on les à visités. Les coteaux verdoyants qui forment un vaste amphithéâtre autour de Tour- nus sont parsemés d’une multitude de maisons de campagne toutes plus gracieuses les unes que les autres. Les propriétés y sont trop divi- sées pour admettre l'existence des grands pares et des vastes jardins paysagers; il semble que toute la contrée soit un parc immense où les habitations champêtres sont placées comme autant de fabriques disposées à dessein par un homme de goût pour embellir le paysage. Hâtons-nous d’arriver à Lyon, la seconde ville de France. Dans toutes les directions nous rencontrons aux approches de Lyon les preu- ves de l'importance que les Lyonnais accor- dent à toutes les branches de l’horticulture. Ici de belles pépinières renferment les collections les plus riches d’arbres fruitiers et d’arbres d'ornement ; là, des serres spacieuses fournis- sent à l’amateur des végétaux de tous les cli- mats ; plus loin, ce sont des cultures exclusives de plantes de pleine terre ; enfin, de vastes po- tagers capables de garnir de légumes en toute saison à un prix modéré le marché de la grande cité lyonnaise, Un établissement entre tous a droit à notre première visite; la culture des végétaux exotiques s’y joint à celle des ananas, des primeurs de toute espèce et des légumes les plus délicats; une machine à vapeur élève l’eau et la distribue à toutes les parties d’un vaste enclos. Nous pourrions nous croire en Angle- terre Chez quelqu’un de ces capitalistes qui ex- ploitent en grand pour le marché de Londres 428 la fabrication des légumes, comme d’autres exploitent la fabrication des tissus. En effet, le capital engagé dans cette entreprise suffirait, si nous sommes bien informés, pour mettre en activité une fabrique du premicr ordre. Descendons la vallée du Rhône. Les bords de ce fleuve, si escarpés et si resserrés qu’en bien des endroits ils lui livrent à peine pas- sage, n'offrent quelque peu de jardinage qu'aux approches des villes. Vienne, Tournon, Va- lence sont dépourvues de grands jardins. A peu de distance de la rive droite du Rhône, les pépinières d’Annonay méritent d’être vues. Dès qu’on a dépassé Lyon, on est au milieu des populations méridionales; les vues d'intérêt dominent trop exclusivement toutes les classes de la société, eriches où pauvres; il nous faut dire adieu aux jardins d'agrément proprement dits. À part un très petit nombre de parcs de grands seigneurs, d'ici à la Méditerranée, plus de jardins paysagers. De belles maisons de campagne, de somptueux châteaux se présen- tent en foule sur notre passage, soit au bord du fleuve, soit sur les coteaux voisins de son lit; ils ont pour tout jardin une étroite ter- rasse ; la vigne, le mürier, le figuier, Polivier ont envahi l’espace où devrait être le jardin ; ce qui manque par-dessus tout, c’est le goût des cultures de pur agrément. Une heure de pro- menade dans la pépinière d'Annonay suffit pour nous faire pressentir cet état de choses; un pépiniériste conforme toujours ses cultures aux demandes habituelles de ses clients; la pe d’Annonay, en relations suivies avec a plupart des grands propriétaires du midi de la France, ne contient pas en arbres et arbus- tes d'ornement de quoi créer un bosquet de 30 à 40 ares de superlicie. Nous entrons par le département de Vaucluse sur le territoire de la Provence: la vallée du Rhône s’élargit ; les jardins sont moins rares, jardins potagers, bien entendu, car de jardins d'agrément, il n’en est pas question. Les jardins potagers occupent une grande partie des ter- rains susceptibles d'irrigation. Voici pour nous quelque chose d'entièrement nouveau; les procédés du jardinage n’ont presque rien de commun avec ce qui se pratique dans le nord et le centre de la France. D'abord, plus d’arro- soirs ; On n'aurait jamais fini, s’il fallait entre- tenir par arrosage à la main la fraicheur et l'humidité dans les jardins d’un pays où lon est souvent cinq mois de suite sans avoir une goutte de pluie, sans voir même un nuage à l'horizon ; puis, quand même le travail de lar- rosage à la main ne serait pas intolérable sous ce climat, la terre se trouverait trop tassée: on ne peut pas non plus pailler les plates-bandes; la paille est trop rare et trop chère. Le jardi- nage n’est possible en Provence que dans les terrains naturellement assez frais pour se pas- ser d'arrosage, ou dans ceux sur lesquels on peut faire courir un filet d’eau ; dans tout le midi de la France, les jardins ne s’arrosent que par imbibition. Les légumes. disent les jar- HORTICULTURE. diniers provençaux, aiment l’eau et le fer. En effet, la terre imbibée d’eau, puis soumise à l’action d’un soleil dévorant, deviendrait comme de la brique, si elle n’était fréquem- ment binée. L’instrument employé à cet usage se nomme béchard ; C’est une houe à deux dents, à man- che court; on emploie aussi des houes de di- verses formes et grandeurs, qu’on nomme ici tranches. La bêche plate, sous le nom de lichet ou louchet, est aussi en usage, mais seulement au printemps ou en automne pour les labours profonds; toutes les facons d’été se donnent comme les binages, à la tranche et au béchard. Le premier jardin potager que nous visi- tons en Provence ressemble à tous ceux que nous pourrions voir dans la suite ; les piments ou poivrons, les tomates, lail, Pognon, les choufleurs et les artichauts couvrent presque tout le terrain; peu de fraises, peu de bonnes salades ; point d’asperges, excepté aux envi- rons d’Aix (on récolte les asperges sauvages, excellentes il est vrai, mais grosses comme des tuyaux de plumes); point de primeurs, point d'ananas, pas un melon supportable ; tel est l’état du jardinage en Provence. Les melons des meilleures espèces, particulièrement les canta- loups, ne sont pas recherchés des consomma- teurs provençaux qui préfèrent généralement les melons d’eau etles pastèques; ils ont raison, dans ce sens qu’ils ignorent ce que c’est qu’un bon melon. Ces fruits, en général, tiennent peu de place dans nos jardins; on leur consacre de grands espaces en plein champ, sans en pren- dre aucun soin ; il en résulte que, malgré leur bas prix, ils sont encore assez chers puisqu'ils ne valent rien, et cela sous un climat où ils devraient être les meilleurs du monde entier. Nous avons à voir à Avignon le jardin de l'Hôtel des Invalides ; c’est une simple prome- nade ombragée par des platanes et des ormes ; mais elle est entourée d'un immense berceau de lauriers : l'arbre symboïe de la gloire ne sau- rait être mieux à sa place. A Carpentras, nous verrons avec un vif in- térêt la pépinière départementale, en regrettant de n’en pes voir en France une par départe- ment. Dans celle de Vaucluse, l'olivier. source de richesse pour la Provence, est l’objet de soins assidus ; on y suit avec persévérance une série d'essais déjà encouragés par le succès, dans le but de remplacer les variétés trop sen- sibles au froid ou trop peu productives, par d'autres plus avantageuses et moins exposées à périr dans les hivers rigoureux. Le long es- pace de temps que réclament de telles entre- prises les rend impossibles pour un particulier ; mais l'état ne meurt pas : nos neveux profite- ront un jour de ces conquêtes que nous leur léguerons à compléter. Plus loin, en descendant vers le littoral, le bourg de Cavaillon, célèbre dans tout le midi de la France par sa population de jardiniers, nous montre comme Annonay, dans ses vastes pépinières, tous les arbres utiles que compor- COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. tent son sol et son climat, et point d'arbres ni d’arbustes d'ornement qui ne trouveraient pas d'acheteurs. Tous les méridionaux vantent les melons de Cavaillon ; malgré toute notre bonne volonté, nous n'avons jamais pu réussir à les trouver bons: c’est sans doute affaire de goût ; nous ne saurions avoir raison contre tout le monde. Ces melons ont d’ailleurs un mérite incontestable, celui de se conserver et de se transporter facilement sans s’altérer, de sorte qu'à Lyon, par exemple, on mange des melons de Cavaillon, non-seulement en été, mais même pendant presque tout l'hiver. Voici Marseille avec sa ceinture de collines couronnées par des rochers d’un gris uniforme, sans végétation; ces collines ont jusqu’à mi- côte plus ou moins de terre végétale : c’est là que tout bon bourgeois de Marseille a sa mai- son de campagne, sa bastide, dans la langue du pays. Les bastides innombrables dissémi- nées dans le terroir de Marseille ont toutes leur jardin, grand ou petit; les plus grands ne dépassent guère 25 ou 30 ares de superficie ; ceux-là ont de l’eau; on y cultive des légumes. Les plus petits ont seulement quelques mètres carrés ; deux ou trois ceps de vigne, un figuier, un müûrier, un olivier garnissent l’étroit espace attenant à la bastide : c’est assez pour pouvoir dire : mon jardin.Néanmoins,ily en atantettant de ces petits jardinets, de ces petites maison- nettes toutes blanches, que l’ensemble forme un aspect agréable et décore bien le paysage. Nous entrons dans Marseille le jour de la Saint-Antoine : c’est la foire aux arbres; nous y voyons exposés en vente des milliers d’ar- bres fruitiers de toute espèce, d'innombrables lots de mürier, peu ou point d'arbres et d’ar- bustes d'ornement, à peine quelques fleurs de pleine terre : tout est donné à l’utile, rien à l’a- gréable. Parcourons la partie de la Basse-Provence qui longe le littoral de la Méditerranée ; nous ne sommes presque plus en France ; le paysage tient de l'Espagne, de Plitalie, de la Grèce en certains endroits; on y trouve même quelque- fois un reflet de l’Afrique dont nous sommes à peine séparés par deux journées de navigation. Que de choxes à faire en horticulture dans un tel pays! Malheureusement tout est à faire. Prenons un apercu du peu de jardinage que ce vaste espace peut avoir à nous montrer de loin en loin. Entre Marseille et Toulon, voici le bourg d'Ollioules et son défilé pittoresque do- miné par des rochers que surmonte un antique monastère des Templiers. Au fond de ces gor- .ges si bien abritées, nous saluons les premiers orangers en pleine terre donnant en abondance des fleurs et des fruits. Ils ont pour compa- gnons des figuiers à petit fruit blanc d’excel- lente qualité. Un ruisseau qui ne tarit point en été arrose ces plantations assez bien tenues. Les fruits de toute espèce que devrait produire cet excellent terrain et qui y seraient parfaits, ne se font remarquer que par leur absence. Observons en passant que si la culture de 429 l'oranger en pleine terre occupe une si étroite lisière sur notre littoral de la Méditerranée, c’est que cet arbre délicat exige, indépendam- ment d’une température douce en hiver, plu- sieurs autres conditions, dont les principales sont l’eau à discrétion en été, et un abri contre le terrible vent de mistral. Marseille n’est pas plus au nord qu’Ollioules; mais les bastides de Marseille manquent d’eau en été; elles sont en tout temps balayées par le mistral qui des- sèche tout, brûle tout, et ne permet pas à l’oranger de tenir en pleine terre. L’oranger, à l'abri du vent, supporte très bien un froid de plusieurs degrés, sauf le cas assez rare où ce froid le surprend en pleine fleur ; encore, dans ce cas, les branches fleuries sont seules at- teintes, l’arbre ne meurt pas. Mais que par un froid d’un seul degré, l’oranger, fleuri ou non, soit frappé du mistral, il périt. Sans cette par- ticularité, nous aurions rencontré l’oranger en pleine terre jusque sous la latitude de Lyon. Le vallon circulaire de Cujes nous offre les premiers cäpriers, dont la culture rentre dans le domaine du jardinage ; elle est nouvelle pour nous; saisissons-la au passage dans une pé- riode de prospérité. Les càpres sont plus que tout autre produit cultivé sujets à de grandes variations dans leurs prix; tantôt ils montent à un prix exorbitant, et chacun se met à plan- ter des câpriers; tantôt ils tombent à quelques centimes le kilogramme, et les cäpriers sont arrachés, ce qui relève les prix au bout de quelques années. En ce moment, la faveur dont jouit ce produit parait plus durable que par le passé. La médecine a constaté et préconisé avec raison les cäpres comme le plus puissant anti- scorbutique qu’on puisse donner aux marins pour maintenir leur santé pendant les voyages de long cours. Les lieux de production sont bornés, les demandes sont fréquentes; nous trouvons beaucoup de jardiniers occupés à planter du cäprier; ils en verront dès la pre- mière année les premiers produits; les planta- tions seront en plein rapport au bout de trois ans, pour Continuer à perpétuité, pourvu qu'on en prenne soin. La culture du cäprier, quand le placement des produits est assuré, offre une foule d'avantages; tous les terrains lui con- viennent ; elle réussit même dans les plus ari- des: puis la récolte qui se prolonge pendant plus de deux mois, donne aux femmes et aux enfants une occupation très peu fatigante et bien rétribuée; c’est aussi un moven d'utiliser une partie du vinaigre dont il se perd tous les ans, dans le seul département du Var, de quoi assaisonner pendant cinquante ans toutes les salades de France. Nous verrons difficilement un câprier fleuri, à moins que le hasard ne nous en fasse rencon- trer quelque plante sauvage croissant entre les fentes d’un rocher ou les crevasses d’une ruine; le produit utile consiste dans les boutons des fleurs non épanouies. Le câprier cultivé ne montre donc presque jamais sa jo'ie fleur blan- | che, assez semblable, sauf la couleur, à celle 430 HORTICULTURE, du grand hypéricum. On multiplie le câprier | camélia serait acquis à l'ornement des jardins par l'éclat de ses racines. En automne, on re- tranche les pousses de l’année, et lon butte la souche, qui reste l'hiver recouverte de 0°,25 à 0®,30 de terre; on la déchausse au prin- temps. La récolte du cäprier exige beaucoup d'habitude et d'attention ; l'épine du câprier est peu apparente, mais très aiguë, et sa piqûre est fort douloureuse. De Cujes à Toulon, le pays offre les beautés naturelles les plus variées. Qu'un amateur pa- risien serait heureux, lui qui croit figurer des rochers avec des morceaux de vieux pavés et les scories de la forge du maréchal, s’il avait au bout de sa propriété ces belles masses de roches calcaires avec leurs bouquets de chênes verts et leurs admirables points de vue! comme il s'empresserait de les rendre partout accessi- bles en y traçant des sentiers aux gracieux dé- tours! que de kiosques élégants, de bancs ombragés, de grottes tapissées de jasmin! Ici, il ne vient à l’idée de personne qu'on puisse tirer parti de tout cela; le genre d'agrément qui en résulterait ne serait goûté par personne ; le sentiment du beau, en fait d’'horticulture et de paysage, est totalement étranger aux méri- dionaux. L’amphithéâtre de rochers qui envi- ronne Toulon au nord, quoique beaucoup moins étendu que le terroir de Marseille, n’est pas d’un aspect moins agréable ; les bastides parsemées sur la pente des collines sont, en général, plus élégantes et d’un meilleur style. qu'aux environs de Marseille; c’est d’ailleurs, quant à l’horticulture, la même absence de plantes d'ornement, la même monotonie de cul- tures, les mêmes lignes droites, les mêmes ter- rasses-en pierres sèches, dont il serait si facile de voiler la nudité sous des rideaux de plantes sarmenteuses à fleurs odorantes. Le jardin de la Marine, à Toulon, renou- velle les regrets que nous inspirait celui de Brest ; il est parfaitement tenu, il renferme une foule de plantes rares; mais on y étouffe, il n'y a pas de quoi s’y retourner. Quand on songe à la marche suivie par tous les fruits qui, depuis les Romains, font les délices des pays tempérés; quand on se représente les générations succes- sives de pêchers, pruniers, cerisiers, abrico- tiers, voyageant de proche en proche des bords du golfe Persique à ceux de la Baltique et de la mer du Nord, comment ne pas gémir en voyant cette enceinte de moins de 50 ares accordée comme à regret à cet établissement qui devrait et pourrait être le point de départ de tant de conquêtes en horticulture? Le camélia, par exemple, est acquis à l’Italie, comme le rosier du Bengale au reste de l'Europe. Naples a com- mencé par se lapproprier; il y a porté des graines fertiles qui se sont répandues du pied du Vésuve au bord du Pô et de l’Adige. Ces graines, récoltées sur des individus nés en Italie, sous une latitude peu différente de celle de Toulon, y donneraient, à n’en pas douter, des graines également fertiles; ce serait la sou- che de toute une génération acclimatée, et le de tout le midi de la France. Combien de fleurs charmantes, de fruits précieux, de produits utiles en tout genre, pourraient suivre le même chemin! n’y aurait qu’à vouloir pour réaliser des prodiges avec moins de dépense que n’en causent les émoluments annuels d’un danseur de l'Opéra. Deux platanes et un cyprès devant la porte d’une bastide des environs de Toulon dénotent la demeure d’un propriétaire opulent; s’il ne l’est pas, ses voisins blâäment son luxe et sa prodigalité ; s’il tient à reconquérir leur estime, il doit sacrifier ces arbres qui ne rapportent rien. De Toulon à Hyères, une vaste plaine se dé- roule devant nous; c’est le territoire le plus fertile de tout le département du Var; il ne lui manque que d'être plus judicieusement cultivé. Cette plaine, parfaitement arrosée, couverte partout d’un sol riche et profond, comprend les communes de Lagarde , Lavalette, Solliès, Cuers, Pierrefeu et Hyères; elle devrait être d’un bout à l’autre consacrée au jardinage. Le peu de légumes qu’on y récolte est de première qualité; les ognons de Lagarde et les artichauts d'Hyères sont connus dans tout le département ; Toulon et Marseille offriraient aux produits des cultures jardinières un débouché certain ; mais l’habitude l'emporte; la vigne et l'olivier ap- portés par les Phocéens sont encore en posses- sion exclusive du sol; on les cultive à peu de chose près comme 500 ans avant J.-C. Nous voici à Hvères, vis-à-vis des îles Stæ- cades; quelques jardins potagers d’un très grand produit, quoique assez mal dirigés, des vergers où manquent les meilleures espèces de fruits à couteau, des pépinières médiocrement soignées, montrent ce qu’on pourrait faire du reste de cette plaine où l’eau vive circule toute l’année dans une foule de canaux d'irrigation à travers les compartiments d’un sol de la plus grande richesse. Les orangers n’en occupent qu’une portion bien minime; ils y gèlent quel- quefois, en dépit de l’abri que leur prêtent de hautes collines contre le souffle du mistral ; l'hiver de 1841 a été funeste à plusieurs plan- tations d’orangers ; la richesse de leurs produits devrait pourtant bien engager à les multiplier. M. F., propriétaire d’un verger d’orangers d’un peu moins de 3 hectares, a vendu sur pied sa dernière récolte 22,000 francs; quoi- qu'une partie des oranges ait été bientôt après frappée par la gelée, lacheteur n’y a point perdu. On n’a point multiplié ici l’oranger de la Chine dont la fleur est la meilleure pour la distillation de leau de fleurs d'oranger; à peine en rencontrons-nous quelques rares échantillons. Ne cherchons à Hyères et dans ses environs ni parcs, ni jardin d'agrément; les riches pro- priétaires de ce canton privilégié pourraient avoir les plus délicieux bosquets de toute la France ; M. F. a des métrosidéros et des mé- laleucas en pleine terre; M. le comte D. de B. COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. possède une vingtaine de palmiers aussi beaux, aussi vigoureux que s'ils croissaient sur le sol Africain ; ils s'élèvent majestueusement au-des- sus d’un vaste carré d’artichauts. En entrant dans la ville, la première promenade que nous rencontrons nous frappe surtout par l'aspect oriental des arbres dont elle est ornée : ce sont des palmiers. A l'est d'Hyères, les terrains en friche l’em- portent en étendue sur les terrains cultivés; pu de jardinage, ni pour le produit, ni pour ‘agrément. Il y a lieu de s’étonner que quelques amateurs étrangers n'aient pas songé à créer dans les délicieuses vallées du Gapeau, du Pan- sart, de la Maravenne ou de la Bataille, quel- ques jardins paysagers dont le reste de la France ne pourrait offrir l’égal quant à la va- riété de la végétation. Le long de tous les! ruisseaux, l’oléandre des deux variétés, à fleurs rose et blanche, croît avec profusion et fleurit trois mois sans interruption ; le myrte, le lentisque, l’arbousier couvrent les collines ; les cistes à fleurs blanches et violettes, semblables à de larges églantines, décorent les pentes des coteaux dès la fin de mars; le genêt d'Espagne parfume l'air de son odeur délicate. Ces plantes, objet de tant de soins dans les serres des ama- teurs dans les pays septentrionaux, sont ici la matière ordinaire dont on fait la litière pour le bétail; ces arbustes servent à chauffer le four. Ne poussons pas plus loin notre exploration de ce côté ; jusqu’à la frontière du royaume de Sardaigne, nous n’aurions plus rien à voir que de vastes forêts de pins dont les rares clairières sont occupées par de misérables hameaux ; re- plions-nous sur Grasse, cette gracieuse petite ville toute peuplée de parfumeurs; l'odeur du jasmin et de la tubéreuse nous prend à la gorge plusieurs kilomètres avant d’y arriver. La cam- pagne de Grasse est un magnifique parterre. Nous y rencontrons des plantations importantes d’orangers de la Chine dont le fruit amer se confit avant sa maturité; cette variété est sur- tout cultivée pour sa fleur plus abondante et d’un parfum plus délicat que celle des autres orangers ; l’eau de fleurs d'oranger est une des branches principales du commerce de Grasse, où l’industrie active des jardiniers ct des par- fumeurs entretient une heureuse aisance. Si toute la Provence ressemblait au canton de Grasse, elle mériterait son antique surnom ; ce serait réellement la gueuse parfumée. Hà- | nage y est en progrès; on utilise l’eau vive | partout où il y a moyen de la conduire, tandis tons-nous de jouir du coup d’œil enchanteur de ces belles cultures et de la prospérité qui en ré- _sulte: tout cela menace de disparaître; d’affreux incendies ont changé en roches arides et nues les collines boisées dont les sources arrosaient amoindries, sont destinées à tarir tout-à-fait | très prochainement, pour peu que les incendies déboisement des hauteurs voisines. Franchis- | 431 reconnaitre à la variété des cultures, à la pro- prete des habitations, aux jolis jardins qui lesen- tourent, que nous ne sommes plus en Provence. Toutefois, le jardinage, quoique très répandu, est loin d’avoir atteint en Dauphiné une grande perfection, Ainsi, par exemple,on mange rare- ment un bon melon à Grenoble , quoique le sol et le climat soient des plus favorables à ce fruit si l’on savait ly cultiver. La gloire du Dauphi- ne en fait de jardinage est dansses arbres frui- tiers ; la vaste et belle vallée du Grésivaudan s'offre à nous comme un immense verger, com- parable à ce que nous avons vu de mieux ence genre dans la Touraine et dans la Limagne d Auvergne. Deux immenses contrées, le Languedoc et la Guienne, nous restent à explorer. Commen- cons par le Languedoc; nous y pénétrons par le Pont-Saint-Esprit; ce que nous devons y voir en horticulture sera bientôt visité. Nous pouvons laisser à droite la longue chaine des Cévennes ; ses habitants, bien peu favorisés de la nature, ont assez de peine à arracher au sol de leurs pauvres vallées les produits de pre- mière nécessité; l’horticulture y est inconnue. Entrons dans la plaine du Bas-Languedoc; elle se prolonge à travers les départements du Gard, de l'Hérault et de l'Aude, jusqu'au pied des branches les plus avancées des Pyrénées. Les procédes et les instruments de jardinage, de même que le système d'irrigation, sont sem- blables à ce que nous avons décrit en abordant l’horticulture méridionale. Les environs de Nimes, d’Alès, d'Uzès et de quelques villes moins importantes ont d'assez beaux jardins, en petit nombre; Montpellier n’a que tout juste l'établissement botanique indispensable à sa célèbre école de médecine. Plus loin, dans le Haut-Languedoe, Toulouse a longtemps dédaigné les avantages de sa posi- tion pour l'horticulture; nous aimons à signaler sur ce point une tendance vers le goût du jar- dinage parmi les propriétaires aisés; de beaux jardins paysagers de création toute récente, et mieux encore, deux établissements de pépinie- ristes spécialement consacrés aux arbres et ar- bustes d'ornement, sont des symptômesévidents de progrès. Au midi, nous ne pouvons trouver à reposer un instant nos regards qu’au pied des Pyrénées orientales, dans la plaine voisine de Perpignan, assez semblable à la plaine d'Hyères; le jardi- qu'à une époque encore assez récente il s’en perdait une grande partie. Faisons volte-face ; nous aurons devant nous le bassin de la Ga- | ronne avec ses nombreux affluents, vaste ét les jardins de Grasse; ces sources, déjà bien | fertile contrée, bien plus semblable au centre et au nord de la France, quant à l'horticulture, | que le reste de nos départements méridionaux. qui se renouvellent tous les ans achèvent le Parmi de gras pâturages et des champs bien cultivés, nous voyons des jardins potagers en sons une branche latérale des Alpes et péné- | rapport avec les besoins dé la population, de trons dans le Dauphiné. Nous pouvons aisément | gracieux parterres autour de chaque habitation 132 rurale, enfin de somptueux châteaux où nous retrouvons avec bonheur les frais ombrages des jardins paysagers qui nous ramènent jus- qu'aux portes de Bordeaux. La triste et mono- tone étendue des landes elles-mêmes, qui tend à changer d'aspect grâce aux louables efforts des compagnies de défrichement, nous permet de donner un coup d'œil d'espérance aux jar- dins naissants qui bientôt vont se développer et s'étendre autour de l'étang de Sainte-Eulalie et du bassin d'Arcachon. Admirons encore, avant de franchir la frontière d'Espagne, la propreté, l’ordre et la bonne tenue des jardins si productifs de la Biscaye francaise. Nous re- marquons entre les mains des jardiniers bas- ques, outre les divers instruments que nous avons déjà vus employés dans tout le midi, une fourche à deux dents droites, munie d’un long manche, instrument d’une haute antiquité. Il sert, avant la saison des pluies, à lever en gros blocs le sol durci par la sécheresse; il vaut mieux pour cet usage que le béchard dont on ne peut se servir que dans une situation très courbée ; il fait la même besogne avec une dé- pense de forces beaucoup moindre. Quant à la bêche , il serait impossible de s’en servir dans les circonstances où les Basques emploient la fourche; elle ne pourrait entamer la terre. D'ailleurs, quand même le sol des jardins de la Biscave pourrait être travaillé à la béche à la fin de l'été, cette facon lui serait plus nuisible qu’utile; le sol mis à l'arrière saison dans un état meubie et bien divisé, puis tassé par les pluies violentes, se trouverait ensuite, à raison de sa nature compacte, en pire état que s’il ravait pas été labouré du tout. Au contraire, les gros- ses moltes levées par la fourche des Basques sont, après qu’elles ont subi l'influence de la saison pluvieuse, parfaitement disposées pour les semis du printemps. Le souvenir tout récent des jardins de la Biscaye française nous rendra plus frappante. par le contraste, l’'aride nudité et l’absence d’horticulture sur presque toute la surface de la péninsule espagnole. Si nous résumons l'impression produite sur nous par cet aperçu de l'état de l’horticulture en France, nous avons à regretter bien des ressources perdues, bien des moyens négligés d'étendre par le jardinage la production des denrées nécessaires à la vie, et le cercle des plus douces jouissances destinées à l’embellir. Néanmoins, sur bien des points, beaucoup de bons esprits tournent leurs vues de ce côté; le goût de l’horticulture n’a jamais été plus ré- pandu; jamais plus d’efforts n’ont été dirigés dans ce sens : bien qu’ils ne soient pas tous aussi judicieux qu'ils pourraient l'être, lhorticulture française ne s’en montre pas moins fidèle à sa mission de concourir à fertiliser et à embellir le sol de la patrie. ESPAGNE. L'aspect général de la péninsule ibérique a bien peu de jardins à nous montrer. C’est ce- HORTICULTURE. pendant le pays de l'Europe où le goût du jar- dinage devrait être le plus répandu. Pour les riches, la nature accidentée du sol, la richesse naturelle du paysage, le besoin d’ombrage, de fraicheur et de repos, semblent provoquer le goût es jardins paysagers; pour le peuple, le besoin d’une nourriture plus végétale qu’ani- male, sous un climat brûlant, devrait avoir donné lieu à une production très abondante de fruits et de légumes. C’est ce qu’avaient si bien compris les Arabes; ils avaient fait un jardin de la partie de l'Espagne soumise à leur domina- tion; ce qui reste des jardins mauresques à Grenade n’a pas de point de comparaison dans les jardins créés depuis l'expulsion de la race arabe. Considérons les traits genéraux du jar- dinage espagnol. Une fois qu’on a franchi les Pyrénées, quoi- que les Basques espagnols offrent une analogie frappante avec les Basques français,sous le rap- port des mœurs, du costume et du langage, on reconnait la vérité du proverbe répandu sur toute notre frontière : Les Pyrénées sont bien hautes pour se donner la main par-dessus! L’aversion réciproque des Basques espagnols et français les uns pour les autres s'annonce déja par l’aversion des premiers pour le tra- vail. Rien de plus négligé que leurs jardins; toutefois ils en ont encore quelques-uns; les Asturies et la Galice n’en sont pas non plus to- talement dépourvues; mais si nous pénétrons au cœur de l'Espagne par la Navarre et les deux Castilles, n’y cherchons pas de jardins. Ces plaines à perte de vue se couvrent à l’ar- rière-saison d’une verdure uniforme , signe de fécondité, dont ia végétation n’est point inter- rompue par un hiver peu rigoureux; au prin- temps les moutons ont achevé de tout dévorer; puis vient la sécheresse; alors le pays passe du vert au brun. En Castille, du printemps à l’au- tomne, tout est brun, d’un brun uniforme; les chaumières rares et misérables construites en pisé, couvertes en chaume, les vêtements et Jusqu'au teint des habitants. Ne cherchez pas de traces de jardinage autour de leurs chau- mières; l'ail et l'oignon crus, leurs mets de prédilection, leur sont fournis par des mar- chands ambulants qui les apportent souvent de fort loin; les jardins de la Véga de Valence (la huerta de Valencia) en fournissent une partie de l'Espagne. Pour prendre une idée de l’état le plus avancé de dégradation et de dépopulation de ce beau pays, passons directement en Estramadure. Ob- servons en passant que cette vaste province, jadis très peuplée, contient aujourd’hui si peu de monde que lorsque les cortès se sont occu- pées de refondre les divisions administratives de l'Espagne pour donner à leurs provinces des dimensions analogues à celles de nos départe- ments, ils n’ont pu établir en Estramadure que deux divisions d’une immense étendue; en en faisant un plus grand nombre, les préfets et sous-préfeis (chefs politiques) n’auraient eu personne à administrer. COUP D’OEIL SÛR LE JARDINAGE EN EUROPE. Si nous demandons notre chemin en Estra- madure, on nous répond : Vous laisserez trois despoblados à droite et deux à gauche, et vous traverserez la grande route de Badajoz. Qu'’est- ce qu'un despoblado? La place encore visible où il y a eu autrefois un village ; la population s’est éteinte, le village est resté là; ses ruines, à demi cachées sous une végétation sauvage très vigoureuse, servent de renseignement pour | arriver au petit nombre de bourgades et de villes encore habitées. Où chercher les jardins dans un tel pays? Entrons dans cette sombre fo- rêt qui couvre une partie de la contrée. A l'ombre des hautes futaies, nous remarquons de singulières ondulations de terrain, de forme régulière; ce sont les anciens sillons creusés par la charrue des Arabes il v a bien des siè- cles; ces chênes antiques ont eu le temps de croître et de mourir de vieillesse, et la trace de la charrue arabe n’est point effacée sous leur ombrage séculaire, Des haies de petits chênes verts désignent encore les enclos qui furent des jardins; c’est le seul souvenir qui montre qu’il y eutdes jardinsen Estramadure; nousn’enretrou- vons quelques-uns qu’aux portesde Badajoz. En examinant le travail des jardiniers espagnols, non pas seulement ceux de Badajoz, maisceux de toute l'Espagne, nous remarquons la longueur des manches adaptés à tous leurs instruments de jardinage ; il en est pour lesquels cette lon- gueur est sans inconvénient; mais, par exem- ple, comment sareler avec quelque soin en se servant d'un sarcloir dont le manche n’a pas moins d’un mètre 60 c.? Évidemment le tra- vail du sarclage veut être fait de très près pour être convenablement exécuté. Mais l'Espagnol croirait manquer à sa dignité s’il se baissait vers Sa terre, si riche et si fertile, pour la cul- tiver ; aussi est-elle couverte de despoblados, et toute l'Espagne ne sera bientôt qu'un despo- blado d’un bout à l’autre, si cela continue. Et pourtant l'Espagnol n’est point insensible au charme des jardins; tout jardin en terrasse | au bord d’un cours d’eau quelconque, d’où l'on découvre une vue agréable, se nomme en espa- gnol carmen (charme, chose charmante). A Séville, les bosquets senomment délices. A part | la peine qu'il faut prendre pour les cultiver, l'Espagnol trouve les jardins délicieux ; mais il a trop d’autres choses à faire, entre autres, fu- mer et faire la sieste, et aussi la guerre civile. L'Espagnol est en général si mal chez lui, | dans sa chambre malpropre et nue, qu'il vit le plus qu’il peut dehors: de là le grand nombre | de promenades publiques, dont bien peu mé- ritent le nom de jardins; ce sont tout simple- ) ment de longues allées droites, ordinairement plantées d’ormes, comme l'indique leur nom ( alamedas, allées d’ormes ). Chaque ville, grande ou petite, a ordinairement son alameda.. , Les grands jardins joints aux résidences royales de l'Escurial, de Saint-lidefonse, de | Buen-Retiro, de la Granja, sont exclusivement dans le goût du dix-septième siècle ; leurs lon- gues lignes droites de terrasses et d’allées d'ifs, | | HORTICULTURE, | | 433 encadrant de sombres compartiments de buis. s'accordent assez avec le souvenir des généra- tions qui s’y sont promenées en vêtements sombres et en fraises sales. Il ne faut excepter que la résidence d’Aranjuez ; le dessin des jar- dins n’est ni plus varié, ni de meilleur goût, et les objets d’arts dont ils sont décorés avec pro- fasion ne sont pas moins médiocres que dans le reste de l'Espagne ; mais il y a là tout au- tour de frais et délicieux ombrages, des eaux d'une admirable limpidité, et enfin la vallée du Tage, une des plus belles de l’Europe, et qu’il n'a pas été possible de défigurer. L'abondance des eaux est aussi le principal ornement des jardins immenses, ou plutôt du parc de Saint-lldefonse, dont les allées droites, décorées à droite et à gauche d’un peuple de Statues détestables, n’ont pas moins de 3 à 4,000 mètres de long. Toutes les sources du pied des montagnes voisines ont été amenées à Saint-Ildefonse pour former une rivière artifi- cielle qui, après avoir alimenté une foule de fontaines peu remarquables isolément, mais agréables dans leur ensemble, forme une fort belle cascade. Les compartiments du parc de Saint-Ildefonse sont encadrés dans des haies de myrtes et de lauriers; on v trouve réunis tous les genres de décorations que comportait le goût de l’époque à laquelle ce pare a été créé, temples, grottes, labyrinthes, parterres, le tout de formes symétriques et géométriques, d’au- tant plus tristes que ce pare est, comme celui de Versailles, constamment veuf de cette foule qui, seule, pourrait l’animer s’il était livré au public et qu'il se trouvât aux portes d’une grande ville. Pour passer en revue ce que l'Espagne offre de plus digne d’attention en fait de jardins par- ticuliers, il faut faire le tour de son littoral, de- puis les côtes de la Catalogne jusqu'au-delà des colonnes d’'Hercule; les villes maritimes et Commerçantes d’Espagne ont seules une bour- geoisie opulente et éclairée à qui ses relations au dehors ont pu inspirer le goût des choses d'agrément en même temps que ses richesses lui donnent le moyen de le satisfaire : quelques très beaux jardins appartiennent aussi à la no- blesse et aux corporations religieuses, dont les loisirs ne sauraient être mieux employés qu'aux paisibles travaux de l’horticulture. Voici d’a- bord Barcelonne avec sa ceinture de jardins attenant à des maisons de campagne tout-à-fait analogues aux bastides de Provence: elles por- tent ici le nom de torres. Le jardin du La- byrinthe jouit d’une juste célébrité, bien que le dessin en soit symétrique ; mais ses fontaines et ses statues, exécutées par les meilleurs ar- tistes d'Italie, sont de très bon goût ; les plantes et les arbustes rares, propres au climat de la Catalogne, s’y trouvent groupés avec art; ce jardin, ainsi que deux ou trois autres parmi les- quels il faut citer celui des Pères Capucins, donne une idée favorable de l'horticulture es- | pagnole; c’est dommage que les échantillons en soient si rares, Le jardin des Capucins de TV. —5s 34 Sarria, près Barcelonne, est du style paysager; ses bosquets, plantes principalement en evprès et arbres conifères à feuillage sombre, sont dessinés dans le but d’inspirer le recueillement et d'inviter aux pensées religieuses ; il est fà- cheux que les bons pères aient jugé à propos de les peupler de détestables images de saints de plâtre qui font plus d'honneur à leur piété qu’à leur talent pour la sculpture. Barcelonne contient dans son enceinte plu- sieurs beaux jardins ; l’un des plus beaux tient à l'hôtel du gouverneur (capitaine général); il est ouvert au public. Valence et sa plaine renommée dans toute l'Espagne sous le nom de Jardin de Valence, ont aussi de fort beaux jardins à nous montrer; nous y trouvons surtout beaucoup de jardins fleuristes, et nous ne sommes pas surpris d’ap- prendre qu’à Madrid et dans tout l’intérieur de l'Espagne, quand on veut un bon jardinier, on le fait venir de Valence. De toutes les fleurs qui se cultivent avec succès à Valence, lœillet est celui dont la culture est la plus perfec- tionnce. Un voyageur anglais assure avoir vu à Valence des œillets parfaitement bleus; c’est dommage qu'il n’en ait pas rapporté la graine dans son pays; il a sans doute pris pour bleus les ardoïscs, qui sont pourtant bien éloignés du bleu franc. Nul doute que s’il existait un œillet réellement bleu dans les jardins de Valence, il ne se répandit promptement en Europe; un pa- reil œillet dans sa nouveauté n'aurait pas de prix. Nous retrouverons quelques jardins autour de Malaga, de Carthagène et d’Alicante; mais ulle part nous ne reverrons cette profusion de fleurs de pleine terre qui décorent en toute sai- son les jardins de Valence. | Arrêtons-nous un moment à Gibraltar. Voici lalameda que les Anglais ont nommé le Paradis de Gibraltar. L’allée principale n’a pas plus d'un kilomètre de longueur, mais elle est coupée par des allées transversales plantées en figuiers, en orangers, en acacias-julibrissins, en arbres rares de toute espèce, et bordées de chaque côté de parterres où les fleurs les plus belles que comporte le climat, principalement les fuchsias, les éricas et les pélargoniums, erois- sent en pleine terre. Tout cela sans doute est admirable, surtout par la situation de cette promenade entre une roche de 500 mètres de haut et l’une des plus belles baies de la Médi- terranée ; toutefois il est triste de penser que ce jardin, l'un des plus délicieux de l'Espagne, n'appartient point aux Espagnols, et qu’ils ne peuvent s'y promener que sous le canon de l'Angleterre. A Cadix, où l’espace manque pour les jar- dins. nous visiterons cependant le jardin de l'hôpital, où nous verrons de fort beaux bana- niers en pleine terre, chargés de fruits presque aussi bons que dans leur pays natal. La riche bourgeoisie de Cadix aime les fleurs avec passion; les principaux négociants ont de très belles maisons de campagne sur la terre HORTICULTURE. ferme, à Port Sainte-Marie et à-Chiclana. Ces jardins fournissent de fruits et de fleurs les marchés de Cadix ; la provision du maitre ré. servée, le jardinier vend le reste à son profit, en donnant toutefois une part au propriétaire. En Angleterre, aux environs de Bristol et de Liverpool, ce sont aussi les villas des négo- ciants qui approvisionnent en fleurs, fruits et légumes les marchés de ces deux grandes villes. Un de nos amis, qui visitait récemment l’An- gleterre sous le point de vue de l'horticulture, s’étonnait de voir ses marchés si bien garnis, bien que les environs manquent presque totale- ment de jardins fleuristes et maraichers; il est pourtant du plus mauvais ton dans ce pays de faire vendre au marché le superflu des pro- duits de son jardin ; mais les fortunes y sont très mobiles, et les banqueroutes très fréquen- tes ; il y a beaucoup d’expropriations, beaucoup de villas à vendre ou à louer; durant les len- teurs des liquidations, les jardiniers vendent les produits des jardins qu’ils continuent à soigner pour leur compte, et il y en a assez pour ali- menter en fleurs, fruits et légumes ces deux villes populeuses. Ce fait caractéristique méri- tait d’être consigné dans notre tour horticole. Les maisons de campagne de la baie de Cadix ont toutes des galeries ou de grands balcons couverts, dont les montants sont garnis des plantes ou arbustes les plus rares; on trouve dans leurs jardins une profusion de cactées, de mezembryanthèmes et de plantes bulbeuses du Cap, cultivées en pleine terre. L'intérieur de l'Espagne avait encore à nous montrer les bosquets d’orangers de lAlcazar de Séville, et les nombreuses villas des fau- bourgs de cette ville renommée par sa beauté entre toutes les villes d'Espagne : nous n’en verrions plus aujourd’hui que les débris. Peu s’en est fallu qu’il n’en arrivât autant au jar- din botanique de Madrid, ce qui eût été d’au- tant plus regrettable qu’il n’y en a pas d’autre sur le territoire de la monarchie espagnole. Ce jardin, fondé d’abord en 1755, à quelque dis- tance de Madrid, fut transporté, en 1788, à la place qu’il occupe actuellement sous les murs de la capitale ; une élégante grille de fer le sé- pare de la belle promenade du Prado. Son éten- due est de vingt-huit fanégadas d'Espagne, va- lant environ vingt-deux hectares. Ce jardin est publie l'après-midi; c’est le rendez-vous de la bonne compagnie de Madrid; toute personne décemment vêtue y entre librement. La ma- tinée est réservée aux personnes qui y vien: _— - = —— nent étudier la botanique; elles doivent avoir : des cartes d’entrée délivrées par le professeur. attaché à l'établissement. Un singulier usage ne permet pas aux dames | d'entrer dans le jardin botanique de Madrid la tête couverte de leur mantille qu’elles quittent ! si rarement ; elles sont obligées, en y entrant, de porter leur mantille sur le bras, et de se promener la tête découverte. Toutes les plantes médicinales cultivées au jardin botanique de Madrid sont distribuées | COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. gratuitement aux pauvres; l'administration de cet établissement distribue aussi gratuitement les semences de toute espèce d'arbres, d’ar- bustes et de plantes utiles et d'ornement, et ne néglige rien pour en propager la culture. Dans toutes nos explorations de l'Espagne, nous n'avons rencontré que bien peu de serres dignes de fixer notre attention; les cultures forcées sont inconnues dans ce pays; on prend les produits à l'époque où la nature les envoie, bien que sur les plateaux élevés du nord et du centre de l'Espagne les hivers soient souvent assez longs pour faire regretter l'absence de beaucoup de produits de tout genre qu’il serait facile de demander à la culture forcée; il est vrai que pour la pratiquer avec succès il fau- drait appeler des jardiniers du dehors. Quand l'Espagne pacifiée sera ce qu’elle peut et doit être, le goût de l’horticulture ne pourra manquer d'y multiplier les serres qui pourront contenir les végétaux de tous les pays du globe, sans avoir besoin, comme en France et dans le nord de l’Europe, d’une chaleur artifi- cielle entretenue toute l’année. Sous le climat de Séville et de Gibraltar, une serre froide est l'équivalent d’une serre tempérée à Paris; elle devient serre chaude pour peu qu’on y fasse du feu pendant la mauvaise saison. PORTUGAL. Notre tournée en Portugal nous montrera des jardins bien autrement rares qu'en Es- agne. On nomme ici quinta ce que les Cata- ans nomment t{orre, et les Provencaux bastide. Quelques quintas aux environs de Lisbonne et d’Oporto ont d'assez beaux jardins ; elles ap- partiennent à des négociants la plupart étran- gers; les autres, sans en excepter les jardins des résidences royales, sant mal tenus et déla- brés ; les finances de ce malheureux pays sont trop obérées, et la civilisation v est trop arriérée sous tous les rapports, pour que les jardins publics ou privés ne se ressentent pas de cette décadence générale dont le Portugal ne semble pas près de se relever. Lisbonne a des serres assez étendues qui dépendent de son jardin botanique, mais tout y est négligé. À Coïmbre, ville celèbre par son université, le jardin botanique était, il y a quelques années, totalement abandonné. Lors- qu'on s’est occupé de le remettre en ordre, il s’est trouvé rempli de très beaux arbres et ar- bustes d'Amérique et d'Australie, qui, livrés à eux-mêmes pendant nombre d'années. avaient fini par prendre le dessus et par former de très beaux bosquets; il a fallu les dégager des ronces et des broussailles dont ils étaient en- combrés. Le sol et le climat sont admirables en Por- tugal: les jardins, si l’on songeait à en planter, seraient les plus beaux de l'Europe; mais l'hor- ticulture est complétement mise en oubli pre- cisément là où elle pourrait et devrait être le plus florissante. 435 Hätons-nous de nous embarquer à Lisbonne pour Gênes, afin de prendre un aperçu de l’état de l’horticulture dans la péninsule italique. ITALIE. En arrivant à Gênes, même avant de débar- quer sur ce port, un des plus beaux du monde, nous sommes frappes de la beauté de cette ma- gnifique ceinture de jardins dont est entourée cette ville, surnommée la superbe, et qui, bien que déchue de son antiquesplendeur porte pour- tant encore très bien ce beau surnom. Ces jar- dins, vus de près, ne perdent rien de leur char- me ; toute villa est un palais rehaussé de tout le luxe des arts ; chaque jardin, considéré séparé- ment, offre une réunion de marbres admira- blement sculptés qui semblent des monuments bien conservés des bons temps de l’art antique. Les jardins de Gênes sont ceux de toute l'Eu- rope qui répondent le mieux à l’idée que rous pouvons nous former des jardins de l'antiquité, d’après les descriptions parvenues jusqu’à neus ; il semble que ce soit là que la tradition s’en soit le mieux conservée. En parcourant rapidement le nord de l'Italie soumis au roi de Sardaigne et à la maison d'Autriche, nous remarquons l’état avancé de l'agriculture, les grands établissements d’hor- ticulture à peine inférieurs à ceux de la Grande- Bretagne, le nombre des jardins de toute na- ture, depuis la villa du grand seigneur jus- qu'au modeste jardin du paysan. Tout cet ensemble satisfaisant pour le voyageur étran- ger le force de reconnaître un peuple laborieux et jaloux, comme les Belges et les Hollandais, d'accroître son bien-être par le travail, de ren- dre son chez soi, grand ou petit, le meilleur et le plus agréable possible. Aux environs de Turin, nous visitons avec intérêt ces immenses pépinières si bien piacées là, dans un sol frais, riche et profond parfaitement arrosé ; les ar- bres utiles, müriers, orangers, Citronniers, et toute sorte d'arbres à fruits, y tiennent le pre- mier rang ; néanmoins, il y a place aussi pour les arbres et arbustes d'ornement, et bien que cette production énorme pour un petit royaume trouve en partie son débouché dans l’exporta - tion, elle pourrait se soutenir sur un pied déja respectable, rien qu'à l’aide du marché inté- rieur. Le goût des fleurs est général en Pie- mont; les jardins de tout genre y sont très multipliés ; les pares dessinés sur les pentes sud et sud-est des Alpes sont d’une rare beaute; ils ont, comme les jardins de Gênes, mais dans un autre genre, le privilége d’une vue magni- fique dans toutes les directions, et d’un climat qui admet une végétation très variée. En Lombardie, le goût des jardins paysa- gers est général parmi la riche noblesse de ce pays ; toutefois, les compositions de ce genre que nous avons à visiter ne nous satisfont pas toutes également. Un grand seigneur des envi- rons de Milan, dans un pare situe au milieu 436 d’une plaine, a voulu absolument avoir une grotte et des rochers, le tout dans de grandes proportions ; il n’a rien trouvé de mieux qu’un | échafaudage en charpente recouvert de toile peinte, une décoration d'opéra. « Cela me pro- cure l'avantage, disait-il dernièrement à un voyageur de nos amis, de Changer à peu de frais mes rochers quand j'en suis las : il ne s’a- git que d'en faire peindre d’autres. » Parvenus au bord de lAdriatique, nous y trouvons, sur les rives de la brenta. les traces de l'antique splendeur des villas de la noblesse vénitienne. Entrons à Venise. Nous ne devons pas nous attendre à rencontrer beaucoup de jardins dans une cité dont le sol est à peine d’un ou deux mètres au-dessus du niveau de l’eau salée. Nous n’en sommes que plus agréablement surpris en y trouvant un grand nombre de très beaux jardins. L’horticulture fut de tout temps en honneur à Venise ; dès le milieu du qua- torzième siècle, les opulents Vénitiens son- geaient à créer au milieu de leurs lagunes de très beaux jardins qui subsistent encore. Nous nous étonnons de la vigueur et des dimensions colossales des antiques platanes qui décorent plusieurs de ces vieux jardins; la terre où vi- vent ces arbres n’a nulle part au-delà d’un mètre de profondeur; il faut se rappeler que cette terre a été apportée en bateau du conti- nent voisin, et que l’eau dont on arrose cette pro- fusion de belles fleurs qui nous charment dans les parterres de Venise vient aussi du conti- nent; un pont aqueduc gigantesque, ouvrage actuellement en construction, doit incessam- ment apporter à Venise la Belle une rivière tout entière. Les deux principaux jardins pu- blies de Venise datent de 1808 ; c'est une créa- tion de Napoléon; les arbres des bosquets, surtout les ailanthus (vernis du Japon), ont acquis dans un intervalle de temps fort court comparé avec la durée de l'existence de ces arbres, des dimensions tellement colossales, qu'on à peine à croire à la date pourtant très certaine de leur plantation. Les jardins publics de Venise peuvent servir de modèle sous le rapport des siéges, des ombrages et de tout le comfort dont est susceptible un lieu public de promenade ; aussi sont-ils très fréquentés en toute saison. On pense bien que le nombre des espèces d'arbres qui s’accommodent d’un sous-sol d’eau salée ne peut être que très borné; on trouve au contraire dans les jardins de Venise la plus riche variété de plantes et d’arbustes d'ornement. De Venise à Florence, nous rencontrons par- tout de beaux et vastes jardins; les vergers réunissent une foule de variétés de fruits incon- | [ | y a quatre ou cinq ans, à propager la culture nus à la France; d’autres espèces, qui chez nous fructifient rarement et difficilement, don- nent ici des fruits tous les ans, et en grande abondance. Parmi ces derniers, nous remar- quons la poire que les Italiens nomment grac- coli, nom qui se reconnaît encore dans le mot français graciole ou gratiole : c’est un bon-chré- HORTICULTURE, tien d’été. En France et en Belgique, on estime beaucoup cette poire, aussi belle que bonne, qui mürit de très bonne heure; mais elle ne fructifie qu’à l'abri des murs d’espalier. En Ita- lie, des vergers entiers sont uniquement plantés en poiriers de cette espèce; ces arbres, greflés sur franc, deviennent forts comme des chênes, et poussent avec une incroyable vigueur. Dans les potagers, les légumes sont les mé- mes que les nôtres. Les brocolis de toutes les nuances sont plus souventcultivés que les chou- fleurs, dont ils tiennent la place ; nous n’avons à signaler qu’une seule plante, qui chez nous ne figure pas comme légume sur nos tables : c’est le fenouil doux, dont les côtes et les raci- nes se consomment en très grande quantité dans toute l'Italie. Florence est toujours la ville des fleurs. 11 n’y a pourtant pas bien longtemps qu’elle possède quelques établissements d’horticulture , dont le premier, si nos souvenirs sont fidèles, fut fondé il y à quelques années par un Français : cette anomalie s'explique d'elle-même. Le goût des fleurs, en ‘Toscane, est resté longtemps l’apa- nage exclusif des classes opulentes : tout ama- teur avait son jardin, ses serres et son jardi- nier, dans la villa, centre de ses domaines; des échanges entre voisins, et des achats en Pié- mont, ou même en France et en Angleterre, complétaient les collections. Mais bientôt, les inconvénients d’un tel état de choses ont fait sentir le besoin de créer à Florence même un centre de production dont le débouché était assuré d'avance. Les établissements actuclle- ment existants sont en pleine prospérité; gràce à eux, le goùt des fleurs s’est propagé parmi toutes les classes de la population. Remarquons, avant de quitter Florence, les belles pépinières de camélias que possèdent les environs de cette ville. Ces pépinières n’appar- tiennent point au commerce : de très grands seigneurs, de très grandes dames, marquises ou duchesses, ont pris plaisir à récolter et à se- mer de leurs propres mains des milliers de grai- | nes de camélias; il est des pépinières qui n’en comptent pas moins de 15,000. Celle du grand- duc régnant, amateur et protecteur éclairé de l’agriculture et de l’horticulture, est une des plus aombreuses. Le camélia est devenu arbre de prédilection des horticulteurs italiens. Il sup- porte bien l’hiver en pleine terre, sous le climat de Florence, dans toutes les situations abritées. De Florence à Rome, nous avons à traverser la Toscane dans sa partie la plus fertile. Cha- que grand domaine a des jardins presque tous du style paysager, et des serres très bien te- nues. La culture forcée est ici très en honneur, et fort habilement pratiquée. On a commencé, il en plein champ de la batate, qui tend à devenir, en Toscane , l’objet d’une branche importante ! de l’agriculture. Cette belle et utile culture au= rait échoué si les nombreux jardiniers des vil- les , habitués à gouverner des serres et à plus forte raison des couches, n’avaient enseigne COUP D’OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. aux métayers à monter des couches pour faire germer les tubercules des batates, afin d'en ob- tenir, au moment opportun, des milliers de boutures. Aujourd'hui, ce procédé est devenu familier aux paysans toscans, qui commencent à apprécier la valeur alimentaire de la batate, soit pour eux, soit pour leur bétail. Rome et ses environs, avec leurs palais en- tourés de magnifiques jardins, nous rappellent les terrasses de Gênes : c’est le même style an- tique, le même emploi judicieux des objets d'art du plus grand prix. Remarquons le jardin du duc de Bracciano, qui ne contient pas un seul arbre à feuilles caduques ; tous les végé- taux qui le décorent sont choisis parmi les ar- bres et arbustes à feuilles persistantes ; les coni- fères y sont pourtant en minorité; les magno- lias, les rhododendrums, les azalées, les lauriers, les viornes, composent le fond des massifs. On doit au souverain pontife actuellement régnant la restauration des jardins du Vatican, qui depuis longtemps étaient presque abandon- nés. Des massifs de buis séculaires, peut-être les plus anciens de l’Europe, donnent à ces jar- dins un caractère de tristesse et de mélancolie ; mais la sombre verdure des buis et d’admira- bles chênes verts font parfaitement ressortir de très beaux morceaux de sculpture, presque tous antiques, distribués avec goût : les jardins du Vatican semblent véritablement romains, » mais romains du siècle d'Auguste. Parmi les fruits les plus communs sur les marchés de Rome, remarquons les melons de toute espèce, et surtout les cantaloups, à peine meilleurs ici, sur leur sol natal, qu'aux environs de Paris. Des échoppes décorées avec une sorte de luxe , ornées de guirlandes de fleurs natü- relles et de rubans fanés, étalent aux yeux des amateurs des piles de melons qu’on vend en dé- | tail aux passants, au prix le plus modique; ce fruit se consomme sur place, devant l’étalage | dumarchand,quivousdoit,par-dessusle marché, - un verre d’eau à la glace et l'anecdote du jour. | Tous ces melons sont venus presque sans cul- ture, en plein champ; ils doivent leur qualité au sol et au climat ; l’horticulture maraichère, malgré le débouché que lui offrent les 200,000 | habitants de Rome, est on ne peut plus négligée autour de cette grande ville. Hätons-nous de traverser les pays infestés par la malaria (mau- vais air); ne nous arrêtons pas trop à considé- rer les sites pittoresques le long de la route, de ) peur qu’une balle de carabine ne trouble nos réveries poétiques en présence de ce pays ad- mirable, et hâtons-nous d'arriver à Naples, ce pays des anges habité par des démons, comme " dit le proverbe italien. Jci, la nature a tout fait pour l’homme, et | homme continue à faire le moins qu'il peut … pour tirer parti des dons de la nature. Il n’y a * de jardins réellement beaux que ceux des rési- | dences royales et des palais de quelques grands seigneurs. Le pays autour de Naples devrait être uu jardin : ilest à peine cultive; il est vrai | que tout y vient presque sans culture. Dans | | 437 l'intérieur de la ville, lusage général de garnir les toits ou terrasses d’une bordure de vases et de caisses, où l’on cultive des plantes d’orne- ment, produit un très bel effet. Peu de villes aux environs de Naples ont des jardins dans le style paysager ; €’est toujours, comme autour de Gênes et de Rome, l'alliance de l'architecture et de la sculpture avec l’hor- ticulture qui constitue la beauté des grands jardins. Saluons, dans celui de la résidence royale de Caserta, le doyen des camélias, plan- tés en pleine terre en Europe ; ce n’est plus cet humble arbuste, qui, chez nous, passe pour très grand des qu’il approche des dimensions d’un oranger de taille ordinaire; c’est un bel et grand arbre de plus 8 mètres de haut, large à proportion, portant à la fois des milliers de fleurs que remplacent plustard des fruits remplis de graines fertiles, et pouvant abriter plusieurs personnes sous son épais feuillage. Guand on voit ce camélia, l’on ne peut plus douter que ce bel arbre ne soit acquis à l’Italie comme ar- bre de pleine terre. Naples devrait être le premier jardin de natu- ralisation de l’Europe : c’est du jardin botani- que de Naples que les végétaux de tout genre importés des contrées tropicales devaient se ré- pandre dans tout l'Occident. Naples possède à la vérité un jardin botanique; ce jardin n’a point de serres; il a pour directeur un abbé plein de zèle et de bonnes intentions, mais qui ne sait pas le premier mot de la botanique non plus que de l’horticulture. Les jardins de Caserta sont dessinés dans le goût anglais; ils sont l'ouvrage d’un jardinier de cette nation envoyé de Londres au roi de Naples, Ferdinand IV, par le célèbre botaniste et naturaliste anglais sir Joseph Banks. Ce mal- heureux jardinier, par parenthèse, fut poi- gnardé, en 1816 , par ses confrères de Naples, dont son talent avait excité la jalousie. On ad- mire dans les bosquets qu'il a plantés un choix de beaux arbres exotiques, tous de la plus ri- che végétation. Nous quitions Naples pour nous diriger vers l'Allemagne par la Suisse. Nous n’avons à voir en passant que les jardins publics de Bologne, peu spacieux, mais bien tenus, et les iles Bor- romées, sur le lac Majeur, si souvent décrites, si souvent figurées, que nous les savions par cœur avant de les voir. Après avoir admire le riche point de vue qu'offrent le lae Majeur et ses îles, vus de l’intérieur du nez de la statue colossale de saint Charles-Borromée, nous en- trons en Suisse par la vallée du Tésin. SUISSE, TYROL Er ALLEMAGNE. Ne nous arrêtons point à passer en revue les jardins paysagers que nous pourrions trouver en Suisse ; quoique fort agréables et d’un très bon style, ils seraient vus avec trop de désavantage en présence des plus belles scènes de la nature. Quel propriétaire oscrait placer une pièce d’eau 428 dans son parc à côté du Léman, ou une cascade en vuedu Reichenbach? Disons seulement qu’au- tour des villes, le jardinage utile est aussi avancé qu’en Allemagne, que le goût des fleurs est très général, et qu’on trouve de très beaux jardins d'agrément dans toutes les situations pittores- | ques des rives du Léman et du lac de Con- stance. Quelques-unes de ces villas sont visitées, moins pour elles-mêmes que pour les souvenirs qui s’y rattachent. Les admirateurs de M“° de Staël manquent rarement d'aller au château de Coppet, qu’elle a longtemps habité, et qui sans | cela ne vaudrait guère la peine d’être visité. Les jardins paysagers sont de même écrasés par le paysage naturel dans le Tyrol, la Car- niole et le pays de Salzbourg ; il faut entrer dans l'Allemagne proprement dite, et s’eloigner des beautés imposantes prodiguces par la na- ture à ces contrées pittoresques, pour que l’art du jardinier paysagiste puisse se déployer sans craindre une si écrasante rivalité. Nous regrettons, en quittant la Suisse, le soin qu'ont pris les habitants de cet admirable pays d'en exploiter les merveilles. IL faut nous enfoncer dans les cantons les plus reculés des montagnes de la Suisse pour jouir à notre aise et sans trouble de l'aspect de la nature sauvage. Sur la route suivie habituellement par les tou- risles, nous trouverions partout des sentiers sa- blés avec des garde-fous dans les passages dan- gereux ; partout un loueur de chaises viendrait tendre la main en nous offrant un siége pour voir Commodément un glacier ou un precipice, Dans le Tyrol, moins fréquenté des étran- gers, mais DON moins pittoresque que la Suisse, on se souvient encore des visites annuelles du lord H. qui tous les étés revenait le parcourir a pied dans tous les sens. Quand ce seigneur y vint pour la première fois, €’était avec l’inten- tion d'y acheter une terre et de s’y établir; mais jamais il ne put se décider à choisir entre des milliers de sites toùs également pittoresques ; cette incertitude dura plusieurs années, pendant ‘esquelies lord H. dépensa des sommes incroya- bles pour faire abattre ici un bouquet d’arbres, ailleurs une chaumiére, ou un pan de rocher ; plus loin, il faisait jeter un pont sur un torrent, ou bien detourner plusieurs ruisseaux pour gros- sir une Cascade trop peu fournie à son gré, le tout pour donner à chaque coin de vallée qu’il avait momentanément en vue pour sy fixer toute sa valeur pittoresque. Après tant de fa- tigues et de dépenses, lord H. se trouva dé- goûté du pittoresque en général et du Tyrol en particulier; il revint habiter son hôtel à Londres, et se promener dans Hyde-Park. Si nous voulons prendre une idée de l'état le plus avance de lhorticulture en Allemagne, commençons n0s explorations par la Bavière ; c'est là que nous verrons les plus beaux jardins paysagers qui soient en Europe, sans excepter ceux de la riche Angleterre. Le souverain ac- tuel de la Bavière est un des protecteurs les plus éclairés du jardinage; il est surtout ama- leur passionné des grands jardins du style pit- HORTICULTURE. toresque. Nous remarquons dès notre entrée dans ses états, le long des grandes routes, des arbres exotiques de toute espèce choisis parmi ceux qui supportent le climat du pays; ces arbres se recommandent les uns comme ornement, les autres par leurs usages économiques ; c’est par ses ordres qu'ils ont été plantés afin de mettre | tout le monde à même de juger de leur degré d'utilité et d'agrément. Un pareil système de- vrait être adopté et pourrait l'être à bien peu de frais dans toute l’Europe ; ce serait une dé- pense publique bien légère et très utile. Nous voudrions aussi voir s'étendre à tousiles états de l’Europe l'institution des commissions per- manentes d'améliorations, chargées par le gou- vernement bavarois de proposer tous les em- bellissements que chaque partie du pays peut recevoir, tels que fontaines, jardins, promena- des ou constructions d'utilité publique; un recueil périodique publie les travaux et les rap- ports de ces commissions, qui ont rendu et continuent à rendre à l’horticulture bavaroise de très importants services. Notre première visite est due au jardin de Nymphenbourg, à quelques kilomètres de Mu- nich. Ce jardin était dans l'origine un jardin géométrique, une espèce de petit Versailles, selon la mode du temps où il fut planté. Vers l'époque de la révolution française, il changea de forme en partie, pour prendre celle d'un jar- din paysager. Malheureusement, le sol est tout plat à plusieurs myriamètrés à la ronde, de sorte que l'artiste chargé de dessiner les bos- quets a êté privé de la principale source du pit- toresque, de celle qui résulte d’un terrain acci- denté ; à cela près, il a su en tirer tout le parti possible. Nulle part ailleurs nous ne trouverons une plus riche variété d'arbres et d’arbustes de pleine terre; nulle part aussi l'on n’a pris plus de soin de tout ce qui peut rendre un jardin agréable au promeneur : c’est ce luxe dans les choses publiques, toujours louable là ou tout le monde est OU à en profiter. Le même éloge est dû au jardin publie de Mu- nich, dessiné exclusivement dans le style pay- sager. C’est la plus grande composition de ce genre en Allemagne; il n’a pas moins de 200 hectares ; l’eau en occupe une très grande par- tie; un beau lac et une jolie rivière servent aux plaisirs de la promenade sur l’eau. 11 y a dans ce parc des allées de deux à trois kilomètres de développement; on y retrouve la même diver- sité de végétation qu’au jardin de Nymphen bourg. On trouve en Bavière un très grand nombre de beaux jardins publics; en outre, les grandes routes sont pour la plupart de véritables pro- ‘ menades, avec des bas côtés bien entretenus, des lignes d'arbres d'ornement très variés, et de distance en distance, des demi-cercles de ga- zon ombragés de grands arbres, avec des sièges commodes pour le repos des voyageurs. Nous n'oublions pas de rendre justice au soin judi- cieux qu’on à pris de joindre un jardin spacieux et agréable au grand hôpital de Munich, jar- COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. din exclusivement réservé aux convalescents, et entretenu avec un luxe de fleurs qui ne sau- rait être mieux à sa place. En France, beau- coup de grands hôpitaux, à commencer par l'Hôtel-Dieu de Paris, n’ont pas de promenoir où les convalescents puissent prendre l'exercice dont ils ont si grand besoin. Dans tout le reste de l'Allemagne, deux clas- ses de jardins méritent surtout notre attention ceux des résidences princières, Comme on sait très multipliées, et ceux des villes où des eaux mixérales attirent un grand concours d’etran- gers ; le style paysager domine dans toutes ces compositions. Nous avons parlé des promena- des publiques dont les principales villes d’Alle- magne sont décorées par les soins de leurs au- torités municipales; le plus beaa de ces jar- dins, dont nous avons donné le plan, /ig. 522, est celui de Magdebourg. A Francfort, le sénat voulant mettre un obstacle de plus à la fantaisie qui pourrait prendre aux grandes puissances d’emprisonner dans des fortifica- tions les citoyens de cette ville libre, ont fait jeter les remparts dans les fossés, et convertir e tout en jardins dans le goùt angiais. C'est une ceinturede bosquets de plusieurs kilomètres qui entoure la ville ; on n’y saurait entrer d’au- cun côté sans traverser un jardin. Nous avons cité deux exemples de la même sagacité, à Aix- la-Chapelle (Prusse-Rhénane) et à Louvain (Belgique). En Prusse, les beaux jardins sont les uns sur les autres ; le rude climat de la partie septen- trionale de ce royaume y a multiplié les serres dans tous les jardins de quelque importance. L'hortieuliure européenne devra le plus beau jardin d'hiver qu’elle ait posséde jusqu’à ce jour, à la libéralité du roi de Prusse, qui con- sacre en ce moment irois millions de sa fortune privée à faire construire à Berlin une serre co- lossale où le public se promènera sous la neige au milieu des arbres et des fleurs de tous les climats, végétant comme dans leur pays natal, en pleine terre. Cette serre laissera loin derrière elle celle de Schæœnbrünn,résidence impériale prèsdeVienne, qui passait pour la plus spacieuse de toute l'Allemagne. Vienne et les principales villes de l'empire d'Autriche ont leurs jardins, les uns symétriques, les autres paysagers. En Hongrie, le goût symétrique domine encore dans la plupart des grands jardins, de même qu’en Pologne et en Russie, sauf quelques rares ex- ceptions. Dans le duché de Bade et dans le Wurtem- berg, les pentes des Alpes de Souabe et les as- pects pittoresques de ce qui reste de la Forêt- Noire sont utilises pour un grand nombre de très beaux parcs. Dans le jardin public de Carlsrühe, nous ne devons pas manquer de voir un singulier phénomène de végétation, @est un saule pleureur de fort grande taille, planté en 1787 ; un coup de vent le renversa en 1816. Une de ses branches fut retranchée : l'autre recut pour l’étaver un tronc de chêne 439 solidement fixé dans le sol; ce chêne était re- couvert de son écorce. Le saule poussa une racine entre le bois et l’écorce pourrie de son étai; la racine, parvenue à la grosseur du bras, fendit l'écorce et descendit jusque dans la terre où elle s'enfonca d'elle-même, rendant ainsi à l'arbre un appüi naturel qui rend inutile celui qu’on lui avait donné. Sous le point de vue de la production des fruits et des légumes, l'Allemagne est au ni- veau des pays les plus avancés de l’Europe ; les vergers de l'Allemagne méridionale produi- sent en abondance d’excellents fruits; la cul- ture forcée, très répandue dans l’Allemagne du nord, y donne ses produits en toute saison, et à des prix assez modérés. Les jardins potagers sont proportionnés aux besoins de la consom- mation, et chaque habitation champêtre a sa plate-bande de fleurs. Quelques localités sont renommées pour la culture de certains légumes; dans les environs d’Ulm (Bavière), les asperges passent pour être de meilleure qualité que dans tout le reste de l'Allemagne: les amateurs de cet excellent légume font venir d'Ulm des graines et même des griffes de ces asperges pour leurs plantations. C’est une grosse as- perge violette qui ne diffère pas essentiellement de la grosse asperge de Gand. L'Allemagne possède un grand nombre de sociétés d’horticulture bien organisées ; l’une des plus célèbres est celle de Frauendorf, qui possède un immense verger planté de toutes sortes d'arbres à fruits; c’est la collection de ce genre la plus complète de l'Allemagne. La société d’horticulture de Frauendorf publie deux recueils dont l’un hebdomadaire est inti- tulé Gazelie des Jardins (Garten-Zeitung), et l’autre mensuel et spécialement consacre aux vergers, sous le nom de l’Ami des arbres fruitiers (der Obstbaum Freund). Ces deux re- cueils sont lun et l’autre très répandus en Al- lemagne. Quelques jardins fruitiers, potagers et pay- sagers en Allemagne rappellent de grands souvenirs : tels sont, en Saxe, les vergers d'Er- farth, déjà célèbres du temps de Charlemagne, et en Prusse les bosquets de Sans-Souci, créés par le grand Frédéric, La profession de jardinier offre un grand débouché en Allemagne ; ceux qui sy distin- guent parviennent tous à une honorable ai- sance. Les Allemands appliquent à la profession de jardinier la coutume que quelques profes- sions seulement suivent en France : après trois ans d'apprentissage, il faut que le jeune jardi- nier voyage, et il ne peut espérer de se placer avantageusement s'il n’a fait son tour d’Alle- magne, comme nos tailleurs et nos cordonniers font leur tour de France. Beaucoup de grands propriétaires, lorsqu'ils ont reconnu dans un jeune jardinier un degré suffisant d'intelligence et d'aptitude à s’instruire, le font voyager pen- dant deux ou trois ans en Hollande et en An- gleterre, dans le but de l’elever à son retour au grade de jardinier en chef. 440 L'Allemagne a produit un grand nombre de bons ouvrages sur différentes parties de lhor- ticulture: les écrits de Sickler et ceux de Von Sckelt sont les plus connus et les plus estimés hors de l'Allemagne; ils sont traduits en an- lais, et les horticulteurs anglais en font autant e cas que des meilleurs auteurs de leur nation qui se sont occupés d’horticulture. POLOGNE ET RUSSIE. Le poëme de Delille sur les jardins a rendu célèbres les parcs attenant aux palais de l’aris- tocratie polonaise, les uns dans le goût symé- trique des anciens jardins français, les au- tres dans le style pittoresque; cet état de choses a peu changé depuis les descriptions de l'abbé Delille ; seulement, les troubles civils et la dévastation qui s’en est suivie ont dispersé la noblesse polonaise, dont les propriétés, en changeant de maîtres, ont en partie changé d'aspect : les Russes ne sont pas renommés pour la pureté de leur goût, pas plus en jardi- nage qu’en toute autre matière. Les autres bran- ches de l’horticulture sont du reste, en Pologne, au niveau de l’état des connaissances actuelles dans les pays voisins. En Russie, la rudesse du climat donne aux serres une importance qu’elles n’ont point ail- leurs; pendant plus de sept mois de l’année, la promenade au dehors n’est pas tenable ; les ser- res, assez spacieuses pour servir de promenade d'hiver, ont, sous un tel climat, plus de valeur que partout ailleurs. Le jardin botanique de Pétersbourg contient des serres d’une longueur immense ; elles for- ment un parallélogramme coupé par une ligne intérieure de constructions semblable à celle dont se composent les côtés. Tous ces bâtiments, mis l’un au bout de l’autre. auraient environ 1,200 mètres de longueur totale. L'aspect de l’ensemble a quelque chose d'imposant par son étendue. Mais lorsqu'on examine ces serres en détail, et surtout lorsqu’on les compare à celles des pays plus avancés que la Russie en civili- sation, on y reconnaît la grossièreté et l’imper- fection, jointes à la prétention, qui caractéri- sent en général les ouvrages des Russes dans tous les genres : ainsi, les chässis joignent mal ; le verre n’est qu'à demi transparent et rempli de défauts ; le mode de ventilation est défec- tueux ; on ne sait couvrir pendant l'hiver et ombrager pendant l'été qu'avec des planches qu’il faut continuellement ôter et remettre, non sans casser beaucoup de carreaux de vitre. La végétation des plantes exotiques, dans de pa- reilles serres, est ce qu'elle peut être, cC’est-à- dire assez misérable ; c’est quelque chose pour les Russes; mais en Europe, cela ferait hausser les épaules. Depuis Pierre-le-Grand, la Russie a vu s’é- lever et disparaitre bien des fortunes exorbi- tantes. Pour n’en citer qu’un exemple fameux, relatif au jardinage, on a vu les magnifiques jar- HORTICULTURE. dins d'hiver de Potemkin, qui lui avaient coûté des sommes extravagantes, servir, sous le rè- gne suivant, de caserne et d’écurie aux soldats de Paul Ier; il n’en reste plus que les débris.Rien n’est plus commun en Russie que ces ruines mo- dernes de constructions que souvent même leur fondateur n’a pas eu le temps d'achever avant d’être atteint par la disgräce et l'exil en Sibérie. Dans le midi de la Russie, il pourrait y avoir de magnifiques jardins ; la noblesse sédentaire des provinces méridionales de l’empire russe est en généraltrop peu civilisée pour comprendre les jouissances que peut procurer l’horticulture. Il ne faut pas chercher de jardins autour des cabanes russes ; esclave ne songe guère à em- bellir une terre qui ne peut pas plus lui appar- tenir qu’il ne s’appartient lui-même. Ainsi, au lieu de faire croître à portée de sa chaumière sa provision de légumes tels que les admet le climat , le paysan serf se contente de ramasser sur les landes les champignons comestibles qu'il conserve en les faisant fermenter, mets repous- sant qu'on ne saurait manger ni digérer à moins d’être russe. On trouve autour des villes quelques pota- gers et un certain nombre de jardins fleuristes : ils sont cultivés presque tous par des Allemands; la cerise du nord et quelques espèces de pom- mes sont les fruits qui y mürissent le mieux. Parmi les variétés de pommiers cultivés dans ces vergers, nous remarquons celle dont le fruit, connu sous le nom de pomme de Moscou, dépasse le volume des plus grosses pommes connues : c’est du reste son seul mérite. Le peu de valeur réelle de ce fruit monstre est la seule raison qui l’ait empêche de se propager dans les vergers d'Europe. Dans tout le nord-ouest de la Russie, jusqu’en Livonie et en Courlande, on cultive, sous le nom d'arbre aux pois, l'acacia caragana, qui réussit assez bien dans les situations abritées. Ses graines, écossées vertes, forment un mets assez peu agréable, plus propre à la nourriture du bétail qu’à celle de l’homme, mais qui n’a rien de malfaisant quand on parvient à le di- gérer. Jusqu'à ces derniers temps, la pomme de terre ne s’est propagée que très difficilement en Russie. Encore aujourd’hui, les paysans russes refusent absolument d’en manger, par suite de leur aversion naturelle pour tout ce qui est nou- veau; «ils prétendent, dit un voyageur anglais, que toute nouveauté mise en avant par leur maitre doit être à l’avantage du maitre, et ne peut être, par conséquent, qu’à leur préjudice. » Le peu de légumes d'Europe qu’on rencontre cà et là en Russie a été apporté par les étran- gers, toujours en grand nombre au service russe, et presque seuls en possession du com- merce des villes. Le houblon est indigène en Russie; on en mange les pousses au printemps en guise d’as- perges, comme cela se pratique en Belgique et dans le nord de la France; C’est un mets aussi sain qu’agréable. COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. Nos arbres d'ornement les moins sensibles au froid de nos plus rudes hivers gèient en Russie. On ne peut avoir à Pétersbourg ni lilas, ni cy- tises, ni syringas, autrement qu’en les traitant comme plantes d’orangerie ; il faut les cultiver dans des caissès, et les rentrer pendant l'hiver. On conçoit combien doit être borné le nombre : des arbres et arbustes qui supportent la pleine terre sous un pareil climat. Dans quelques loca- lités très bien abritées, on voit çà et là un poirier en espalier : rien n'est plus rare que de le voir fleurir et fructifier. Tous les autres fruits d’Eu- rope ne viennent à maturité que dans la serre. SUÈDE, NORWÉGE, DANEMARK. Quand même nous n’aurions à voir que le seul jardin de l’université d’Upsal,en Suède dans tou- te la Péninsule scandinave, nous ne pourrions nous dispenser de traverser la Baltique, et de vi- siter, en terminant notre revue du jardinage eu- ropéen, le théâtre des travaux du premier bota- niste des temps modernes, du célèbre Linnée, dont nous trouvons le souvenir encore vivant à Upsal. Ce jardin botanique, le dernier de l'Eu- rope vers le nord, est tenu avec un soin et un talent remarquables. Au nord d’'Upsal, nous trouvons encore de beaux jardins et des ver- gers productifs près de Drontheim, en Norvège, dans des vallées très abritées : nos légumes v croissent, mais ne durent qu'un moment ; On v supplée par la culture forcée. Au nord de Drontheim, nous pouvons saluer, près du cap Nord, en Laponie, les derniers choux et les dernieres pommes de terre du con- tinent européen. Nous trouverions encore des traces du jardinage autour des cabanes des paysans islandais; il y en a même beaucoup plus au nord que l'Islande, dans les ctablisse- ments danois sur la côte du Groënland ; mais l'Islande et le Groënland n’appartiennent réelle- ment pas à l’Europe. Quelques beaux jardins aux environs de Stockholm méritent que nous les visitions, bien que le style symétrique y do- mine : tous sont ornés de fort belles serres, riches en plantes précieuses de tous les pays, et parfaiteinent cultivées. Nous donnerons un coup d’œil au jardin bo- tanique de Christiania avant de passer le Sund pour voir les jardins du Danemark. Nous trou- vons dans ce royaume l’horticulture en progrès. Copenhague a vu se former tout récemment sa Société d'horticulture, qui doit, au moyen d’une souscription promptement remplie, doter cette vira en même temps de promenade. La botanique et l’horticulture ont été de tout temps en honneur en Danemark. Les parcs, joints aux châteaux et aux résidences royales, sont dessinés dans le meilleur style : les jardins botaniques , dont le plus remarquable est celui de Charlouenbourg, qui sert à l’enseignement HORT.CUILIURE, 441 de l’université de Copenhague, sont dirigés par des jardiniers du premier mérite : c’est déja le jardinage allemand, d'autant plus digne d élo- ges pour ses efforts et ses succès, qu’il doit lut- ter contre des conditions de climat plus défavo- rables à l’horticuliure. En Danemark, nous retrouvons en abondance les légumes de Hol- lande, les meilleurs et les plus délicats de tous ceux du nord de l’Europe. Les arbres à fruits, cultivés presque tous en espalier, y donnent, à l’aide de quelques abris momentanés au prin- temps, des fruits très passables. Des serres sont consacrées à tous les genres de culture forcée. Nous avons aussi à saluer en Danemark de nombreuses collections de plantes d'ornement ; le goût des plantes de collection n’est pas moins répandu dans ce pays qu’en Angleterre. Ici se termine notre revue du jardinage eu- ropéen. Nous pourrions encore en montrer le rayonnement sur tous les points du globe, par- tout où la race d'Europe à pris possession du sol. Les Etats-Unis nous montreraient la répé- tition des vergers et des parcs de l’Angleterre ; nous pourrions suivre jusqu'à Ceylan lhorti- culture anglaise avec ses collections, ses par- terres et ses jardins paysagers. L'Amérique espagnole nous montrerait la répétition des jar- dins géométriques solennellement ennuyeux, de l’Escurial; enfin, pendant l’occupation de l'Egypte par les Francais, nous pourrions mon- trer nos jeunes états-majors dansant à la clarté des illuminations en verres de couleur sur la terre des Pharaons, dans un tivoli improvisé aux dépens des jardins du sérail de Mourad- Bey, le dernier chef des Mamelucks. En résumant nos impressions, la revue du jardinage européen nous le montre avec une ten lance remarquable à rentrer dans ses veri- tables limites, à cesser, même dans les pays de baute aristocratie, de dérober à la culture de vastes espaces pour les jouissances d'un seul, à satisfaire pleinement, largement à des prix raisonnables, le goût de tous pour les végétaux d'ornement, et les besoins de tous par la pro- duction des végétaux alimentaires : c'est une bonne voie, c’est celle du véritable progrès. L'horticulture doit y persévérer. L'horticulture française, moins avancée que celle de beaucoup d’autres pays sous certains rapports, s’avance dans toutes les directions d’un pas si rapide qu’elle voit approcher avec certitude linsiant où la première place ne pourra lui être disputée. Cette place lui appar- tient déjà pour toute la partie utile de l'horti- | culture ; sous un autre point de vue, nos horti- ville d’un très beau jardin botanique, qui ser- ; culieurs n’ont pas de rivaux dans l’art si difficile de la multiplication des plantes exotiques, et ils perfectionnent de jour en jour leurs procédes. Qu'il nous soit permis d'exprimer en termi- nant l'espoir de concourir, nous aussi, à la marche progressive de cet art qui, comme une dérivation de l’agriculture, a egalement pour objet de fertiliser et d'embellir le sol de la patrie CALENDRIER DU JARDINIER JANVIER. $ 1°7. — Jardin potager. Asperges. — En même temps que l’on con- tinue à forcer les asperges pour les vendre comme primeurs, on doit songer à préparer Pemplacement que doivent occuper au prin- temps les plantations de nouvelles griffes dont on ne recueillera les fruits que dans trois ans, ou les semis en place dans le même but. Les fosses doivent être creusées à un mètre de pro- fondeur ; la largeur varie à volonté, mais, en principe, elle ne doit pas dépasser le double de l’espace où peut atteindre le bras d'une per- sonne de taille movenne, agenouillée sur le bord, afin que, soit pour la plantation, soit plus tard pour la récohe, il soit toujours facile d'arriver au milieu du futur carre d’asperges sans être force de marcher dessus. Les alterna- tives de froid, de chaud, de sécheresse et d’hu- midité, sont fort utiles à l’amélioration des terres retirées des fosses, terres qui serviront ensuite à recouvrir les asperges. Quant au fond de la fosse, il est indifférent qu’il s'améliore ou non, puisque les asperges ne seront jamais cn contact avec lui. Artichauts. — Le mois de janvier peut leur être funeste si l’on n’a pas soin de leur donner de l'air en les découvrant chaque fois que le temps le permet; il faut surtout se défier des pluies abondantes, mêlées de neige fondue, qui très souvent, sous le climat de Paris, rempla- cent les gelées dans les mois de décembre et de janvier. Les pieds d'artichauts trop forte- ment buttés et trop garnis de litière ne peuvent alors manquer de pourrir si l'on ne les dégarnit promptement, tout en laissant à leur portée de quoi les regarnir si le temps se remet au froid. Quelques précautions que l’on prenne, une gelée subite de quelques degrés seulement. succédant à des pluies prolongées, éclaircira toujours les rangs des artichauts. C’est en janvier qu’il faut vendre ou manger les artichauts serrés avant l'hiver avec leur tête à demi formée; si l’on at- tendait plus tard, quoiqu’ils fussent encore mangeables, leurs feuilles calicinales se raie- raient de bran, et ils ne pourraient plus parai- tre sur la table autrement que frits. Oignons.— Lorsque le temps est doux et qu’il s’est passé quelques jours sans pluie et sans forte gelée, on peut hasarder quelques graines d'oignons en pleine terre, sur les plates- bandes les mieux abritées; ces oignons vien- dront de bonne heure et seront bons à être em- plovés à la moitié de leur grosseur, avec les premiers petits pois de pleine terre dont ils sont l’assaisonnement le plus général. L’oignon blanc est préférable aux autres espèces pour ces premiers semis. Fèves. — Les amateurs de ce légume peu- vent semer les premières fèves à l'abri, en pleine terre, dès le milieu de janvier en con- sultant moins la date du mois que la tempé- rature. On aura soin de les couvrir en cas de gelée, lorsqu'elles seront sorties de terre. De même que les pois de pleine terre, elles gèle- ront toujours, mais non pas de manière à périr, et elles pourront donner leur grain en vert dpuze ou quinze jours avant celles qui seraient semées à la fin de février, avance qui n’est point à dédaigner. Les meilleures espèces de fèves pour les semis de janvier sont la fêve Julienne et la naine hâtive. La fève à longue cosse, beaucoup plus productive, est presque aussi précoce que les deux précédentes. Carottes. — La culture de ce légume est tel- lement importante aux environs de Paris, que tout jardinier lui doit une large place sur ses couches comme en pleine terre, au retour de la belle saison. Les premières carottes se se- ment sur couche tiède au commencement de janvier; il vaut mieux semer trop serré que trop clair. Nous engageons les jardiniers ama - teurs qui habitent les départements à se pro- curer de confiance auprès d’un maraicher, ou dans une des grandes maisons de graineterie de Paris, de la véritable graine de carottes de l’excellente variété obtenue par la culture, provenant dans l’origine de la carotte toupie de Hollande. Cette variété, loin de perdre sa saveur par la culture forcée, n’est pas moins agréable lorsqu'elle est obtenue sur couche que celle qu'on obtient au printemps en pleine terre. Si les consommateurs de Paris n’en fai- saient pas un Cas particulier, ce qui la maintient toujours à un prix raisonnable, le temps qu’elle met à croître en rendrait la culture forcée peu avantageuse: mais on ne doit pas regretter sa peine lorsqu'on vend, comme Pan dernier, 80 centimes et 1 franc un paquet de carottes recueilli sur un carré de 0"',50 de côté, ce qui donne de 3 fr. 20 c. à 4 fr. par mètre carré. Les carottes doivent être bassinées même avant la levée de la graine, et maintenues ensuite dans un état constant de fraîcheur par des arrosages souvent répétés. On ne doit pas craindre de renouveler fréquemment les ré- chauds autour des couches consacrées aux Ca- rottes ; elles ne redoutent point la chaleur de la couche, pourvu qu’on ne les laisse pas man- quer d'humidité. Haricots. — On commence à récolter les ha- ricots verts provenant des premiers semis sur CALENDRIER DU JARDINIER. 443 couche; cette récolte doit se faire avec précau- tion, en se servant de l’ongle du pouce; si l’on n’y mettait pas les ménagements nécessaires, la récolte serait presque nulle, car la fleur de haricot, qui tient fort peu à la tige quand il croit en pleine terre, y adhère encore bien moins quand cette plante est elevée sur cou- ches. On continue les semis pour remplacer les plants épuisés et ne pas éprouver d'interrup- tion dans les récoltes. Choux et Choux- fleurs. — Le mois de jan- vier doit être utilise pour réparer, au moyen des couches, les pertes que la mauvaise saison peut avoir fait éprouver au plant de choux ct de choux-fleurs venu en pleine terre, soit en pépinière, soit en place. Dans ce cas il faut se contenter de semer sur couches les espèces hà- tives, choux d’York ou cœur de bœuf, et chou- fleur demi-dur ; mais il se passe souvent plu- sieurs années sans qu’on ait besoin de sacrifier des couches et des châssis pour cet usage. Melons. — Le mois de janvier est la véritable époque pour les semis des melons cantalous , les seuls dont on fasse cas actuellement dans la culture maraichère des environs de Paris. Besucoup de jardiniers sont encore dans l'usage de semer chaque graine séparément dans un petit pot qu’on enterre dans la couche; quand le plant est assez fait pour être mis en place, o:1 le plante avec toute la terre du pot, sans causer aucun dérangement à la vegétation. Dans la culture en grand on peut se dispenser de cet embarras; il suffira de semer assez clair, à même la couche, et surtout, ce qui est le plus essentiel, de tenir le terreau dans un état moyen de fraicheur qui permette d'enlever le plant de melon en motte sans difficulté. Replanté à l'instant même et assuré par un léger arrosage, il n’en souffre pas ; sa croissance n’en est pas essentiellement retardée. Les défoncements et les labours d'hiver dans le jardin potager doivent être achevés en jan- vier ; la pleine terre ne réclame plus sur aucun point la présence du jardinier, ‘out occupé de la culture artificielle des primeurs sur cou- ches. Les travaux de ce mois, pour cette cul- us sont les mêmes que ceux du mois précé- cnL. $ 11. — Jardin fruitier, Le nombre des arbres susceptibles d'être tailles augmente à mesure que la saison avance ; le sécateur et la serpette sont en pleine activité ; cependant il est prudent de ne pas toucher jus- qu'à la fin de février aux arbres fruitiers à noyaux, non plus qu’à la vigne. Chez les uns comme chez l’autre, il faut laisser les boutons bois ou à fruits devenir plus faciles à distin- guer, ce qui ne peut manquer (d'arriver, puis- que l'hiver, quelque rude qu’il soit, ne les em- pêche pas de grossir, bien que l'arbre qui les porte semble avoir du reste complétement in- terrompu sa végétation. Presque tous les arbres à fruits peuvent être plantés en janvier, excepté lorsque la gelée pourrait endommager leurs ra- cines. Nous ferons ici, relativement à la vigne, une observation basée sur des faits que nous avons eu plusieurs fois occasion de vérifier par nous-mêmes. La vigne, quel que soit son âge, supporte bien la transplantation durant le temps où sa végétation est suspendue. En voici deux exemples. En 1814, nous trouvant au mois de janvier au hameau des Bordes (Seine- et-Oise), nous vimes arracher un très beau cep de chasselas, fort vieux, adossé à un ancien bâtiment qu'on devait reconstruire au prin- temps. Ce cep avait des racines si nombreuses et si fortes que nous conseillâämes à un fermier d'essayer de le planter contre le pignon de sa grange, à l'exposition du midi. Des tranchées profondes d’un mètre furent ouvertes dans trois directions, et l’on y disposa les racines de la vigne dans de bonne terre rapportée; la vi- gne fut aussitôt taillée fort court. Elle reprit avec une merveilleuse facilité; dès la seconde année elle couvrait un grand pan de mur et donnait en abondance d’excellent raisin. En 1832, faisant construire une terrasse de- vant une maison de campagne sur un Coteau au pied de la citadelle de Liége (Belgique), nous ne voulümes pas sacrifier un cep de vigne de Frankental d’une qualité supérieure. Vers le milieu de janvier, nous fîimes dépaver et creuser le sol pour mettre à nu les racines de la vigne; elles furent dérangées avec précau- tion et disposées de manière à ne pas rencontrer les travaux de maçonnerie qui eurent lieu au printemps suivant. La vigne fructifia Comme * l'ordinaire, sans qu’on remarquät aucun chan- gement, soit dans la qualité, soit dans la quan- tité du raisin; elle continua de végéter avec la même vigueur. Si l’on rapproche ces faits des expériences d’un agronome de Saône et-Loire qui a déterré toutes les racines de plusieurs ceps en hiver pour les enduire d’une solution d’alun, opération qui depuis trois ans n a pro- duit sur la vigne d’autre effet qu'une augmen- tation remarquable dans la quantité du raisin, sans en altérer la qualité, on en conclura que les plantations d'automne ne sont pas de ri- gueur pour la vigne, comme le pensent la plu- part des praticiens, et que, lorsque le besoin l'exige, on peut traiter une vigne, même très vieille, comme un végétal rustique plein de res- sources, pouvant reprendre à tout âge, au grand avantage du jardinier, qui, par ce procede, s’assure une récolte abondante et prochaine. Les moments d’inaction rendus inévitables par le mauvais temps doivent être utilisés pour des travaux de prévoyance qui peuvent s’exe- cuter à la maison. Ainsi, Pon pourra s'occuper activement de la construction des treillages destinés à des murs neufs ou récemment garnis de jeunes arbres en espalier. A Paris et aux en- virons, la profession de treillageur constitue un état à part; mais ailleurs le jardinier doit, au- tant que possible, tout faire par lui-même. Nous ferons connaitre, à cette Occasion, quelques usages locaux qu'il nous semble utile de répandre, relativement au palissage des ar- 444 bres en espalicr. Pour commencer par Paris, nous dirons qu'on devrait imiter partout la coutume des jardiniers de la banlieue, qui, lors- que les murs ne sont point garnis de treillage, palissent à la loque. Ce terme très expressif désigne en effet l'emploi d'une immense quan- tité de loques de drap vendues par les tailleurs. Pendant les longues soirées d'hiver, on les coupe en carrés longs; pour s’en servir, on en passe un morceau autour de la branche, on reunit les deux bouts, et on les fixe l’un sur l'autre par un clou dans la muraille. Les bran- ches, par ce procédé, ne craignent aucune écorchure ; la laine qui pénètre avec le clou dans l’enduit du mur amortit le coup de mar- teau, et empêche le crépissage de se détacher. En l’absence du treillage, nous ne connaissons de meilleur procédé que celui que nous allons décrire; mais le palissage à la loque est prati- cab'e partout, tandis que le procédé suivant ne peut être mis à profit que dans quelques loca- lités. Les jardiniers de toutes les provinces wal- lonnes de la Belgique, même dans les jardins des châteaux où l’on ne regarde pas à la dé- pense, se servent pour palisser leurs espaliers d'un moven bien moins coûteux que le treillage a demeure. Dès qu'un arbre a pris sa seconde feuille après sa mise en place, on fixe perpen- diculairement sur l’un de ses côtés, a l’aide d’un clou à crochet très recourbé, une baguette de cornouiller d’une longueur proportionnée aux dimensions de l’arbre. D’autres crochets forcent la baguette à décrire une courbe sur la- quelle lespalier est palissé avec des attaches d'osier fin. À mesure que l'arbre grandit, on fixe sur le mur de nouveaux demi-cercles de baguettes. On peut aussi les placer horizonta- lement pour la conduite de la vigne et des poi- riers à angle droit. Rien de plus facile et de plus économique que ce mode de palissage; si une baguette est cassée ou pourrie, on la remplace sans déran- ger l'arbre en toute saison de l’année, et l'on n’expose pas à l'action destructive de l’atmo- sphère tout un treillage d’un prix très élevé, dont les 9 dixièmes resteront plusieurs années sans emploi, en attendant la croissance des arbres. Le cornouiller, bois d’un tissu très dur, ré- siste indéfiniment aux intempéries des saisons ; il dure au moins le double du meilleur treillage en bois de chêne, sous le climat pluvieux de la Belgique. Des bois entiers de cornouiller sont cultivés en taillis pour cette destination; on trouve partout à en acheter des bottes de ba- guettes dépouillées de leur écorce, comme l’o- .sier préparé pour la vannerie. Ces taillis, cou- pes à 5 ans, donnent des pousses parfaitement droites et flexibles, qui ont depuis deux jusqu’à cinq mètres. Quand clles sont anciennement coupées, il faut les humecter avant de s’en servir. Dans nos départements du midi, l'usage des | roseaux pour treillage devient fréquent ; cette CALENDRIER matière doit être aussi durable et moins dispen- dieuse que le treillage en cœur de chêne. Dans toute la basse Provence, les roseaux, qui de tout temps remplacent les lattes pour le plafonnage, doivent avant peu devenir pour treillage d'un usage universel ; comme leur prix est toujours assez élevé, on les fend dans leur longueur, par économie, au lieu de les em- ployer tout entiers. Quelques touffes de cannes de Provence cultivées depuis plusieurs années autour du réservoir du labyrinthe au Jardin des Plantes, prouvent que cet utile roseau peut être cultivé avec succès sous le climat de Paris, quoiqu'il n’y parvienne pas à la hauteur qu’il atteint sur les côtes de la Méditerranée. $ III. — Parterre. Les rares beaux jours du mois de janvier permettent encore de rendre une visite au par- terre; on y trouvera en fleur en pleine terre les deux perce-neige (le leucoïum et le galan- thus) , le tussilage odorant, l’ellébore noir, les daphnés et la violette que le moindre abri, comme nous l’avons indiqué, peut forcer à fleurir tout l'hiver. Le jardinier peut commen- cer dans les beaux jours de janvier la taille de ses rosiers de collection; cette opération a été si souvent décrite que nous eroyons pouvoir nous dispenser d’en reproduire ici les détails; elle n'offre d’ailleurs aucune difficulté sérieuse ; il suffit de savoir apprécier à la vue la force des sujets, force très variable selon les espèces, et de tailler les plus robustes plus longs que les faibles. En général, nous nous sommes tou- jours bien trouvé d’une taille courte pour pres- que tous les sujets ; c’est un principe admis par les horticulteurs belges. | Quant aux rosiers en buisson, ils seront ton- dus, sans cérémonie, avec les cisailles qui ser- vent à tondre les haies. $ IV. — Jardin paysager. Le jardin paysager, quoique privé de sa principale parure, méritera pourtant aussi d’ê- tre visité, ne fût-ce que pour respirer l'odeur des fleurs du calycanthus précoce (calycanthus Japonica), odeur analogue à celle de quelques : mets recherchés, excitant, comme la vanille, la sensation d’une saveur en même temps que celle d’un parfum. D'ailleurs, le cognassier du Japon, dans une situation bien abritée, et Îe magnolia à fleur violette donneront déjà des espérances de floraison dont l’horticulteur se plait à suivre les développements. Dans les situations abritées, les araucaria et les autres arbres exotiques qui passent l'hiver en pleine terre moyennant un abri, ont besoin d’être à demi découverts pour profiter des belles journées, quand la température le permet ; ils doivent toujours être recouverts avant la nuit. $ V. — Orangerie et serres, * La grande analogie de température des mois de décembre et de janvier sous notre climat | DU JARDINIER. rend les occupations du jardinier presque sem- blables à ces deux époques de l’année, dans l'orangerie et les serres. Il aura soin d’entre- mêler aux végétaux dépourvus de fleurs ceux dont la floraison commence en janvier, des Ca- mélias, des strélitzias, des éricas en grand nombre, et s’il n'en possède pas assez pour la décoration de sa serre, il y pourra joindre des lilas forcés en pots ou en caisse, et les diverses plantes bulbeuses dont on obtient aisément la floraison artificielle pendant tout l'hiver. FÉVRIER. $ IfT. — Jardin potager. Pois. — Les semis de pois en pleine terre : dans les premiers jours de février sont une opération très importante, soit pour le jardinier | marchand voisin d’une grande ville, soit pour en pleine terre, sont souvent entravés par la l'amateur jaloux de tirer parti de toutes les res- sources de son art. ‘Les petits pois risqués jus- qu'’alors en pleine terre ne promettent que tement le goût des pois venus en pleine terre ; mais les semis des premiers jours de février, 445 soin d'aucun abri; les froids qui ne manque- ront pas de se faire sentir plus tard, à moins qu'ils ne soient d’une rigueur extraordinaire, ne pourront en arrêter la végétation. Haricots. — Plusieurs mois se passeront en- core avant qu’on puisse confier le haricot à la pleine terre; on aura donc soin de renouveler les semis sur couches à peu près tous les quinze Jours, en donnant aux plantes les soins que nous avons indiqués. Le haricot vert de grande primeur est toujours très recherché en hiver, principalement pour les riches eonvalescents auxquels il offre un mets de très facile diges- tion; on peut donc, près des grandes villes, | compter sur un débit avantageux de ce pro- duit, et continuer à forcer des haricots sur couches jusqu’au moment où ils auraient à soutenir la concurrence des haricots de pleine | terre. Oignons: — Les semis des pois et des fèves rigueur du froid. Le proverbe à Paris et dans les départements voisins dit avec raison : À la | Chandeleur, grande douleur ; en effet, les ge- des produits fort incertains; ceux qu’on élève | sur couches ne reproduisent que fort imparfai- qui portent en jardinage le nom de pois de /a | Chandeleur, offrent la perspective d'une récolte à la fois assurée, abondante et de bonne qua- lité. Il est bon d’en activer la végétation avec des cendres de bois, si l’on peut s’en procurer, ou même avec de la charrée, nom qu’on donne aux cendres après que les blanchisseuses en ont fait usage pour coulér la lessive. On ne doit pas craindre de consacrer aux pois de la Chandeleur toutes les plates-bandes bien expo- sées qui restent libres à cette époque. Bien qu’on doive préférer pour ces semis le pois nain | de Hollande, qui n’est jamais très productif , néanmoins on ne sera pas dans la necessité de | le pincer d'aussi bonne heure que le même pois élevé sous chässis ;il portera donc un plus grand nombre de fleurs, et les cosses qui les suivront seront mieux remplies. Il ne faut pas coucher ces pois, mais au contraire les garnir de ra- mes courtes, qui favorisent leur fructification. | Beaucoup d'amateurs préfèrent au pois nain | de Hollande le pois Michaux hâuf: il s'élève un peu plus haut et donne davantage, mais | le nain de Hollande et le pois prince Albert | le devancent de plusieurs jours. On n’en conti- nue pas moins les semis de pois sur couches ; les premiers doivent être alors en pleine récolte. Fèves de marais. — Dans la première quin- zaine de février , on peut effectuer tous les se- mis de fèves de marais en pleine terre , soit en bordure, soit en planches. Les terres relevées en ados, entre les fosses d’asperges récemment creusées , conviennent parfaitement à ce le- gume ; si ces terres n'étaient pas abondamment fumées quand elles ont été déplacées , il fau- drait garnir de bon fumier chaque trou destiné a recevoir deux ou trois fèves. Elles n’ont be- ices les plus fortes viennent fréquemment à cette époque. Mais quand le 15 février est passé, laissant derrière lui le nombre de jours de fortes gelées ordinaires sous le climat de Paris, alors on peut se regarder comme hors de l'hiver et ne plus s'attendre qu'à des gelées blanches, dont les plus à craindre sont celles de la fin d'avril ou des premiers jours de mai. C’est donc | vers le 15 février qu’on peut raisonnablement commencer à semer en pleine terre l'oignon blanc, qui n’est pas destiné à atteindre toute sa grosseur. Ces semis sont le plus souvent ac- compagnés d’une petite quantité de laitue. On choisit de préférence la laitue gotte, qui tourne facilement sans devenir très grosse ; c’est celle de toutes qui nuit le moins aux oignons, parce qu’elle leur abandonne le terrain quand ils sont encore très jeunes; cependant il vaut mieux, sous tous les rapports, s'abstenir de ce mélange et cultiver séparément ces deux produits. Arhichauts.— Dans la dernière quinzaine de fevrier les artichauts doivent rester découverts toute la journée ; on les recouvre seulement le soir, Chaque nuit pouvant être accompagnée de gelée blanche. Cette besogne n’a rien d’ef- frayant ; il ne s’agit que d'exposer à l'air ou au soleil le cœur de chaque plante, pour éviter la ourriture bien plus à craindre encore que là | gelée. D'ailleurs, négliger ces soins essentiels en cette saison, c’est perdre toute la peine prise précédemment au moment d’en recueillir les fruits. Epinards. — Les derniers épinards semés à l'arrière-saison ne sont bons à être coupés que vers le milieu de l'hiver; on aura soin de les ménager pour la saison la plus rigoureuse de l’année. L’épinard possède par-dessus toutes les autres plantes potagères le singulier privilège de geler et de degeler sans en souffrir, quoique, sous l’action d’un froid vif, ses feuilles devien- | nent d’un vert noirâtre avee une demi-trans- 146 CALENDRIER parence qui porterait à croire qu'au dégel elles vont entrer en décomposition. Les maraichers des environs de Paris ont un talent tout parti- culier pour faire dégeler dans l’eau froide les feuilles d'épinards, les laisser ressuyer et leur rendre l'aspect de la fraicheur nécessaire pour en faciliter la vente. Nous avons dit précédem- ment qu'on devait, pendant les chaleurs de l’été, préférer à l’épinard la tétragone, qui est moins sujette à monter. On doit bien se garder d'ap- pliquer ce précepte à la culture des épinards pour l'hiver; la tétragone ne résiste pas au froid. Choux spruyt ou de Bruxelles. — On réser- vera une bonne provision de ce chou pour la récolter pendant le mois de fevrier. Plus la ge- lée passe dessus, plus il devient tendre et deli- cat; d’ailleurs, la rareté des autres légumes verts augmente le prix de celui-ci; sa conser- vation ne cause auçun embarras, il n’y a d’au- tre peine à prendre que celle de cueillir les jets à mesure qu’ils se forment. Le choux spruyt ne craint ni la neige ni les fréquents degels ; mais il faut pour cela qu’il soit parfaitement franc d’espèce. ce qu’on ne peut espérer que quand la semence vient directément de son sol natal: pour peu qu’il commence à dégénérer, il n’est pas plus insensible à la neige que tous nos autres Choux. Du 15 février au 1° mars, le jardinier dont le terrain a été préparé d'avance par des dé- foncements et des labours pendant les mois précédents , ayant fait sa provision de divers engrais, reprend sa besogne dans le jardin po- tager et commence à lui donner sa tenue de printemps. Les couches usées sont demolies, elles fournissent du terreau et du fumier à demi décomposé pour garnir les plates-bandes; des couches neuves sont construites selon Île besoin. Le commencement de février est pour Paris et les grandes villes une époque essentiel- lement gastronomique; la grande consomma- tion des champignons de couche doit engager les jardiniers à en multiplier la production; Montrouge, Arcueil et Gentilly en fournissent à cette époque des quantités prodigieuses. Ce sont ces communes qui envoient aux amateurs des départements le blanc de champignon le plus estimé. Si la saison se comporte bien, la fin du mois ramènera sur les carrés du potager une belle verdure partout où auront leve les premiers semis en pleine terre de cerfeuil, cres- son alenois, poireau pour repiquer, et toutes sortes de légumes de printemps. C’est le mo- ment convenable pour mettre en place les pre- mières laitues romaines dont on a prépare le plant sous cloches, à l’étouffée; on peut en- tourer les planches de plantations d’ail, d’écha- lottes et d’oseille provenant de l'éclat des vieux pieds. La chicorée sauvage, dont les feuilles cueillies très jeunes fournissent une excellente salade, doit être à cet effet semée en fevrier: ces semis doivent se faire aussi serrés que pos sible, sans quoi la feuille de chicorée devient trop dure et trop amère. $ IT. — Jardin fruitier, Quelle que soit la nature du terrain où l’on plante, le mois de février est le terme de ri- gueur pour les plantations de toute espèce. Si l'on n’a pas pu, sur un sol trop compacte rete- nant l'humidité, suivre notre conseil en plan- tant de bonne heure, au moins devra-t-on mettre à profit les premiers beaux jours de fé- vrier pour cette importante opération. Les ar- bres à fruits à noyaux en plein vent, spéciale- ment les cerisiers et les abricotiers, doivent être enterrés plus profondément que les arbres à fruits à pepins ; leurs racines doivent se trou- ver d'autant plus avant dans le sol qu’il est de plus médiocre qualité. Ces arbres sont bien plus sensibles à l'exposition qu’à la nature même du terrain; on peut en obtenir des fruits abondants et d'excellente qualité en les plan- tant dans des terrains fort peu fertiles, mais on risque de perdre une partie des jeunes sujets pendant les fortes chaleurs de l’éte qui suit leur plantation si les racines sont assez rapprochées de la surface de la terre pour éprouver l’action des rayons du soleil. Quelques gazons épais posés sens dessus dessous sur la terre qui cou- vre immédiatement les racines de ces arbres, et recouverts eux-mêmes de 0",10 de terre, sont un excellent préservatif contre Pexcès de la sécheresse et de la chaleur. Février est le mois par excellence pour le choix des jeunes branches réservées pour greffes ou pour boutures. Les traités de jardinage les plus justement accrédités conseillent de couper et de mettre à part ces branches avant l'hiver, ou tout au plus tard en décembre: on les con- serve, dans ce cas, en les plantant en paquets à l'abri, le gros bout en terre. Nous ne pou- vons, sur ce point important, être de leur avis; nous n'avons jamais éprouvé Gans la pratique qu'il y eût le moindre avantage réel à laisser souffrir tout un hiver les greffes et les boutures séparées prématurément des arbres dont elles proviennent. Le moment où s'opère la taille générale des arbres à fruits et de la vigne, c’est- à dire la première quinzaine de février, met à la disposition du jardinier un choix de rameaux propres à former des grefles et des boutures ; les greffes n’attendront pas bien Jongtemps pour être employées; les boutures, mises im- médiatement en terre, s’enracineront avec la plus grande facilité. IL nous est souvent arrivé d'en planter ainsi plusieurs milliers à la fois au moment même où elles venaient d’être séparées de leur arbre, et de n’en pas perdre une seule. On ne saurait en dire autant des boutures qui ont souffert pendant plusieurs mois avant de pouvoir être plantées. La fin de février est l’époque la plus favo- rable pour la formation des grandes plantations de groseilliers par boutures qui s'enracinent avec la plus grande facilité. C’est aussi à cette époque qu'on peut, avec le plus de chances de succès, essayer les boutures de toute espèce d'arbres fruiticrs, moyen de multiplication ex- DU JARDINIER. cellent quoique trop peu usité. Il faut excepter le mürier, dont les boutures, sous le climat de Paris, ne peuvent pas être mises en terre à l'air libre avant le commencement d’avril. 6 IIT. — Parterre. Vers la fin de février, le jardinier doit avoir donné au parterre comme au potager sa tenue de printemps. Ainsi les allées nettoyées, re- chargées de sable selon le besoin, les plates- bandes bien labourées et garnies de plantes qui donneront leurs fleurs dans les mois suivants, doivent rendre dès cette époque la promenade du parterre la plus agreable de la saison. Les plantes vivaces empaillées pendant l'hiver ne pourront être découvertes définitivement, elles recevront seulement de l’air pendant les heures les plus tempérées de la journée ; le moment est favorable pour mettre en place dans les plates- bandes les plantes, soit vivaces, soit annuelles, comme les campanules, œillets de poëte. hé- liantes vivaces, et une foule d’autres, à qui l’on a dû faire passer l'hiver dans une place bien abritée pour qu’elles fleurissent mieux et plus tôt au printemps. Les œillets de pleine terre se- ront couverts avec soin dès qu’on pourra pré- voir le dégel ; c’est, comme nous l’avons dit, le moment critique pour cette jolie fleur, insen- sible du reste au froid sec le plus intense. Les semis de fleurs annuelles de pleine terre peu- vent se commencer à la fin de février. On com- mencera à la même époque à découvrir les carrés de jacinthes et de tulipes ; les premiers montreront déjà leurs boutons avec leurs pre- mières feuilles. Le jardinier aura soin de multi- plier dans le parterre les hépatiques doubles rouges et bleues, sans négliger la variété à fleurs simples bleues, dont la nuance d’outre- mer est plus fraiche et plus éclatante que celle de la variété double. Le sol nouvellement retourné des massifs d'arbres et d’arbustes sera garni de plantations nombreuses de muguet, dont le parfum pré- cieux ajoutera beaucoup, dans la saison de ses ficurs, à l'agrément de cette partie du jardin. $ IV. — Orangerie et serres. Aux travaux du mois précédent s’ajouteront les soins particuliers que réclament les camé- lias, dont plusieurs espèces fleurissent à la fin de février. Il n’y a pas d’inconvénient à porter les pots qui les contiennent dans les jardinières pour la décoration des appartements, où leur feuillage foncé et leurs larges fleurs contras- tent avec le vert päle et la nuance délicate des lilas dont la fleur a été forcée en serre: il faut éviter seulement que les chambres où ces plan- tes sont placées pour le temps de leur floraison soient trop fortement chaulfees. Le nombre des plantes en fleur augmente de jour en jour dans la serre ; les arrosages doi- vent être plus fréquents pour ces plantes que pour les autres, toutes doivent être débarras- sées avec une attention minutieuse des feuilles mortes ou jaunes et des insectes que la chaleur RE EE mms tee a 447 artificielle multiplie quelquefois dans les serres à cette époque, et qui pourraient y exercer de grands ravages si les végétaux qu’elles renfer- ment n’étaient l’objet d’une surveillance conti- nuelle. MARS. $ 17, — Jardin potager. Artichauts. — On a pu voir dans les travaux des mois précédents que le jardinier ne doit négliger son carré d’artichaats en aucune sai. son de l’année : c’est au mois de mars que cette culture exige les soins les plus assidus ; l’arti- chaut redoute bien moins les grands froids, dont il est toujours facile de le préserver, que les petites gelées suivies de dégels, avec des in- tervalles de chaleur sèche, très fréquents en mars sous le climat de Paris. On connaît sous le nom de hdle de mars cette propriété exces- sivement desséchante que possède l’atmosphère quand les vents de nord et nord-est soufflent constamment dans cette saison. Il faut toujours se tenir en garde contre le hâle de mars, quoi- qu'il ne se reproduise pas tous les ans; il lui arrive assez souvent de détruire une grande partie des plantations d’artichauts qui appro- visionnent la capitale. On s’empresse dans ce cas de creer des plantations nouvelles, et l’on s'efforce par tous les moyens possibles d’en ac- tiver la végétation pour obtenir une récolte d'automne; celle du printemps est perdue, il n’y a pas de remède. On commence vers le 15 mars à débutter les artichauts, c’est-à-dire à dégarnir la souche de la terre et du fumier entasses au pied à l’ar- rière-saison. La litière sèche doit toujours res- ter à portée des artichauts pour qu’ils puissent être couverts et découverts aussi souvent que la température pourra l’exiger. Quand le hâle de mars ne semble plus à craindre , on enlève avec précaution à Chaque souche les œilleions superflus , en ne lui laissant que les deux plus beaux. La plupart des traités de jardinage re- commandent d’en laisser quatre, et il n’est pas douteux que chaque pied ne puisse nourrir quatre tiges à fruit, surtout lorsqu'il n’est pas destiné à durer plus de quatre ans; mais il n’y a auCun avantage réel à accroître la quantité des produits aux depens de leur qualité; la somme des benéfices en est plutôt diminuée qu'augmentée. La France entière se couvrirait d’artichauts si l’on employait chaque année tout le plant que donnent les vieilles souches; on ne peut donc trop blämer la négligence des jardiniers qui n’apportent pas la plus scrupuleuse atten- tion au triage du plant d’artichaut , soit pour la vente, soit pour leur propre usage. Il ne faut pas craindre d’arroser largement les arti- chauts, soit avant, soit après le retranchement des @illetons ; on doit aussi mouiller abondara- ment deux fois par jour les plantations récen- tes , sans craindre l'effet des gelées sur la terre 448 trop humide. Ces gelées seraient funestes à la plante, même sur le sol le plus sec; une cou- verture lui est indispensable dans tous les cas; l'humidité ne peut donc que favoriser la végé- tation. Les artichauts conservés dans du sable, à la cave, avec tous leurs œilletons, ne doivent être sortis que par un beau temps, au plus tôt vers la fin de mars; on les traite comme ceux qui ont passé l’hiver en pleine terre. Il est essentiel de les exposer le moins de temps possible à l’air libre et de conduire la plantation très rapide- ment. Les pieds dégarnis, mis en place, fumés et arrosés sans parcimonie, reprennent en deux ou trois jours ; ils devancent les autres de près de trois semaines dans leur fructification. Asperges. — Le moment approche où les as- perges de pleine terre, en bonne exposition, vont commencer à végéter pour donner en avril leurs pousses les plus précoces ; il est bon de favoriser cette végétation en donnant aux planches d’asperges une bonne couche de fu- mier à demi consumé; le fumier de cheval est le meilleur pour cet usage, à moins que le sol ne soit excessivement sec ; dans ce Cas, on pré- férera le fumier de vaches, en ayant soin de ne pas l’employer sortant de lecurie, mais à demi décomposé. Dans tous les cas, cette fu- mure ne se donnera pas sur le sol sans prépa- ration ; les planches d’asperges recevront aupa- ravant un bon binage, à 8 ou 10 centimètres de profondeur. Ce binage s’exécute très bien avec une fourche à trois dents suffisamment rapprochées ; il doit, quand le temps le permet, précéder de huit ou dix jours la fumure : on évite ainsi le danger de rencontrer en binant les tiges d’asperges les plus avancées. C’est en automne que quelques praticiens don- nent cette facon aux planches d’asperges ; mais alors l'effet de la fumure est manqué en partie, tandis qu’en l’appliquant en mars, les pluies mettent la racine de l’asperge en contact avec le suc de l’engrais, précisément au moment où la végétation des tiges a le plus grand besoin d’être aidée ; la beauté et l'abondance des pro- duits ne peuvent manquer de s’en ressentir. Les asperges en pépinière se sèment en mars, mieux à la fin qu'au commencement; il faut éviter de les semer trop serrées, quand même on aurait l'intention d’en vendre les grif- fes ; la nature de ces racines est telle qu’étant trop rapprochées, leurs ramifications s’enche - vêtrent les unes dans les autres, et il est impos- sible de les démêler sans en rompre une partie, ce qui fait aux asperges un tort irréparable. La graine d’asperge veut être très légèrement re- couverte ; les sarclages sont plus faciles quand on exécute les semis en rayons, espacés entre eux de 25 centimétres. Si lorsqu'on donne le premier sarclage on trouve des semences restées à découvert sur le sol, ilest encore temps de les recouvrir deterre; elles ne tarderont pas à rattraper celles qui au- ront levé les premières. On peut continuer en 0 mars de forcer des asperges,comme nousl'avons | CALENDRIER indiqué ; elles rejoindront les premieres aspcryes de pleine terre. Choux-fleurs. — De tous les semis de choux- fleurs en pleine terre, ceux qu’on fait vers le milieu de mars ont le plus de chances de suc- cès. Nous rappelons ici la propriété particulière au terreau de bouse de vache, sans mélange d’autres substances, de produire en peu de temps du plan de choux-fleurs d’une vigueur remarquable. Il faut semer très clair et mouiller peu à la fois, mais fréquemment. L’iltise ou puce de terre attaque souvent les choux-fleurs nouvellement levés; elle ronge les cotylédons et en fait périr une grande partie ; le seul remède consiste à arroser avec de l’eau où l’on délaie de la suie de cheminée, encore son efficacité n’est-elle pas constante. Les ge- lées tardives peuvent aussi détruire le plant de chou-fleur, lorsqu'elles le surprennent encore faible et trop jeune; les terrains bas et humides sont les plus sujets à ces deux fléaux ; on évi- tera en partie les effets du second en abritant les semis avec des rames à pois, supportant des paillassons. 11 n’est pas indifférent d’atten- dre jusqu’en avril pour semer les choux-fleurs en pleine terre; le plant obtenu des semis ainsi retardés rencontre les grandes chaleurs au mi- lieu de sa croissance, el souvent, malgré les arrosages, il borgne en majeure partie. Les choux-fleurs risqués en pleine terre sur plate- bande bien abritée ont besoin de recevoir en mars un bon binage; si l’on peut donner en même temps à chaque pied une ou deux poi- gnées de bon fumier de cheval, on en hâtera la végétation. Choux. — L'épuisement de toutes les réser- ves de ce légume, longtemps avant le mois de mars, rend très avantageuse au jardinier la vente des premiers choux à peine formés; il s’en vend déjà à Paris dès la fin de mars; ce sont des choux d’York dont le plant a passé l'hiver, soit sur.une vieille couche, soit au pied d’un mur à l'exposition du midi, sur une plate- bande fortement fumée; à peine offrent-ils quelques feuilles vertes, dures, coriaces et sans saveur. Mais avec des binages réitérés, du fumier, et des arrosages fréquents pendant le häle de mars, On pourra vendre à la fin d'avril des choux d’York et des choux cœur-de-bœuf, sinon parfaitement pommés, au moins très présenta- bles. Les choux de Milan, surtout ceux de la variété nommée Milan-des-Vertus, se sèment durant tout le mois de mars; ils craignent un peu moins que les semis de choux-fleurs les effets des gelées, mais les ravages de Paltise leur sont également funestes. Nous avons indi- qué précédemment la meilleure manière d’ef- fectuer ces semis dans des sillons remplis de bon fumier. Le chou est de toutes les plantes potagères celle dont la végétation est le micux assurée de réussir dans toute espèce de terrains, pourvu qu’elle ait à discrétion l’eau et les en- grais ; il n’y a guère que les sables siliceux purs où le chou refuse de croître, + DU JARDINIER. Pois. — Le mois de mars est l’époque criti- que pour les pois semés en pleine terre en no- vembre et en février (pois de Sainte-Catherine et de la Chandeleur). Leurs produits seront satisfaisants si les pousses latérales, succédant à la première pousse qui gèle inévitablement, ont assez de force pour résister aux gelées tar- dives. On en active la végétation en répandant au pied un peu de cendres de bois qu’on recou- vre par un léger buttage. Les pois semes sur couches sous châssis commencent à donner leurs premières cosses; malgré le prix élevé de ces primeurs, elles seraient souvent insuffi- santes pour payer les peines et les avances du jardinier, s’il ne se hâtait d’utiliser les couches pour d’autres cultures moins ingrates. Les pois qu’on sème en mars en pleine terre, à l’exposi- tion du midi, ont plus de chances de succès lorsqu'on attend jusqu’à la fin du mois, ce qu’on doit faire surtout quand on a semé suc- cessivement des pois de primeur, depuis no- vembre jusqu’en février. Les pois semés en mars les suivent de près ; ils peuvent encore, s'ils sont bien conduits, arriver sur le marché avant la grande abondance de ce légume. On ne perdra pas de vue que, pour ces premières récoltes, la quantité des produits importe beau- coup moins que leur précocité ; on aura donc grand soin de hâter la fructification en pinçant le sommet destiges dès que chacune d'elles aura montré la quatrième fleur ; il y a plus de bénéfice à vendre un litre de pois 5 fr. qu’à en vendre deux litres à 1 fr. 50 c. Fèves de marais. — Quoique ce légume soit . peu recherché, et que sa consommation ne soit jamais aussi étendue que celle des pois, il est on d’en être toujours fourni tant qu’elles sont de primeur et que leur prix se soutient, car la fève est très productive. Les derniers semis ne doivent pas dépasser le 10 ou le 15 mars, au plus tard, quelle que soit la température. On sème de préférence en terre forte, humide, bien fumée. Les fèves de marais viennent très bien sur les ados qui séparent les fosses d’asperges nouvellement établies ; dans ce cas on sème sur le fumier même; lengrais de vache convient mieux que celui de cheval. Les fèves semées en février ont besoin d’être buttées au commencement de mars. Dans les années hâtives les fleurs se montrent dès la fin de ce mois; il faut se hâter de pincer les som- mités dès que les fleurs du bas de la tige, qui sont seules productives, sont entièrement épa- nouies. Les fèves de primeur doivent être es- pacées en tout sens de 0",35 à 0m,40. On place ordinairement deux semences à côté l’une de l’autre, à la distance de 0m,10. L'expérience a démontré qu’en les semant plus rapprochées on en obtient des produits plus tardifs et moins abondants. Carottes. — Nous avons déjà eu occasion de signaler l'importance de la culture de la ca- rotte, l’une des plus productives de toutes celles auxquelles se livrent les maraichers près de Paris. Les plus avantageuses pour la vente HORTICULTURE, 449 sont celles qui se récoltent avant la grande abondance des pois, des choux et des choux- fleurs. Dès les premiers jours de mars, à moins que le temps ne soit décidément à la gelée, on sème la carotte toupie de Hollande, soit sur vieille couche, soit en pleine terre abondam- ment fumée, recouverte de 0",06 de bon ter- reau. Il ne faut pas épargner la semence, tant parce que les insectesen détruisent toujours une grande partie, que parce qu’elle est très sujette à nuiler, c’est-à-dire à fondre et disparaître sans Cause apparente. Si les carottes tardaient plus de huit jours à se montrer et que le temps füt au sec, il faudrait arroser les semis de ca- rottes, mais avec précaution, en se servant ‘d’un arrosoir à boule fine, pour ne pas trop tasser le terrain. Le jardinier a besoin, durant le mois de mars, de déployer toute son activité; il n’est presque pas une plante potagère qui ne réclame ses soins pour des semis, repiquages et trans- plantations. La récolte des radis et des princi- pales espèces de laitue-crêpe et gotte est en pleine consommation ; il en faut semer et re- planter tous les huit jours. C’est le moment de semer l’oignon en place et le poireau en pépi- nière; déjà même, à la fin du mois, il y a du poireau bon à être transplanté. Une des opérations les plus importantes de ce mois, dans le jardin potager, consiste dans le choix et la mise en place des porte-graines de toutes espèces de légumes. On évitera avec le plus grand soin de placer à portée les unes des autres les plantes qui, devant fleurir en même temps, altéreraient réciproquement la pureté de leurs variétés. Ainsi l’on tiendra les choux-fleurs éloignés des choux, et les diverses salades à distance suffisante entre elles; sans cette précaution, leur poussière fécondante (pollen) opérerait des croisements qui feraient dégénérer les graines et nuiraient à la qualité des produits. Dans la commune de Champigny (Seine) où la culture des porte-graines de plantes potagè- res est traitée fort en grand, des navets cultivés côte à côte avec des choux se sont croisés na- turellement; les abeilles allant d’une fleur à l’autre y ont aussi contribué; les graines de ces plantes croisées, achetées par les marchands de graines, puis revendues aux jardiniers, ont inondé la France de navets à moitié choux, et de choux à demi navets. Ce fait, objet de plaintes récentes de la part des acheteurs, mé- rite d’être signalé à l'attention de tous ceux qui occupent de la culture des porte-graines. Le jardinier n’a pas moins de besogne au- tour des couches; les laitues-crêpes et romai- nes cultivées à l’étouffée, le plant de melons, les premiers concombres, les pois, haricots verts et choux-fleurs de grande primeur, sous cloches et châssis, demandent des soins conti- nuels. Les débutants que ne guide pas encore une longue expérience, doivent se mélier des coups de chaleur auxquels les couches sont su- jettes lorsqu'on leur donne des réchauds trop T. V. — 57 450 forts en cette saison ; il pourra leur arriver de voir jaunir et périr en un jour toutes les plan- tes d’une couche dont ils auraient imprudem- ment augmenté tout d’un coup la chaleur outre mesure. $ II. — Parterre, La saison la plus rigoureuse de l’hiver ne laisse jamais le parterre entièrement veuf de ses fleurs; des ellébores, des galanthus, des violettes abritées, d’autant plus précieuses qu’elles sont plus rares, ont dû continuer la série des floraisons qui ne doit pas être totale- ment interrompue. Dès les premiers jours de mars, le jardinier songe à mettre son parterre en tenue de printemps. Après avoir donné à toutes les plates-bandes un bon labour avec une dose convenable d'engrais et de terreau, opéra- tion pendant laquelle il dédouble les plantes vivaces dont les touffes ont pris trop de déve- loppement, comme les vieux pieds de phlox, d’aconit, d’hélianthe, d’aster et de campanules vivaces, il multiplie autant que possible, dans les endroits bien abrités, les plantes à fleurs récoces, au premier rang desquelles se place a modeste hépatique rouge et bleue, plus con- nue sous le nom d’alléluia. Avant la fin du mois, on doit voir briller de tout leur éclat, dans le parterre, le tussilage à odeur de vanille, le narcisse de Constantinople, la tulipe duc de Thol, les erocus et la fritillaire impériale ; le parterre revêt alors sa première parure de fleurs ; elle doit se renouveler cons- tamment jusqu’à l'hiver. Lés plantes bulbeuses de collection promettent déjà leurs fleurs pré- cieuses; les jacinthes qu’on a pu découvrir dès la fin de février doivent être découvertes, dans tous les cas, durant la première quinzaine de mars. Si l’on tardait davantage, les feuilles, soulevant la litière, ne seraient vertes qu’à leur extrémité supérieure; le bas resterait jaune, étiolé, sensible au moindre froid tardif, et la fleur perdrait en partie son éclat et son parfum. Les grands amateurs de jacinthes couvrent les planches d’une tente pour en prolonger la durée ; ceux qui ne peuvent faire cette dépense doivent y suppléer par des piquets auxquels on fixe des derai-cerceaux pour pouvoir y jeter des paillassons quand les giboulées de mars amènent avecelles des grêles funestesaux jacinthes. Dans les années ordinaires , les boutons se montrent dès le 15 mars, et vers la fin du mois les plan- ches, sans être entièrement fleuries, offrent déjà le coup d’œil le plus flatteur. On peut en jouir près de six semaines, si l’on en prend les soins convenables. Les tulipes ne sont qu’en béüton dans le mois de mars ; elles ne doivent commencer à fleurir ue dans le courant de mai. Souvent labon- ance des pluies en mars et avril fait avorter la floraison, moins encore par la pourriture qui gagne une partie des oignons, qu’en raison e l'effet pernicieux du séjour prolongé de l’eau dans l'espèce de cornet formé par les feuilles autour de la tige et du bouton à fleur. C’est mr 2 CALENDRIER donc une très bonne précaution que de placer, dès le 15 mars, la tente de toile au-dessus des planches de tulipes. Si l’on s’est trompé et que le printemps soit sec, on en est quitte pour tenir les toiles constamment roulées, jusqu’au mo- ment de la pleine floraison des tulipes. Les collections de lis, de fritillaires, d’au- ricules, exigent en mars des soins du même genre. À la fin du mois on peut mettre en place les griffes d’anémones et de renoncules. C’est aussi le moment convenable pour renouveler les bordures d’œillets nains, parmi lesquels le double commun, connu sous le nom de mignar- dise couronnée, se recommande par l'odeur suave et l'abondance de ses fleurs. Les plantes annuelles semées en été et repiquées en au- tomne pour passer l'hiver en pépinières, comme les œillets de poëte, les grandes campanules et lychnis croix de Malte, peuvent être mises en place à la fin de mars. On fait en même temps dans les plates-bandes les premiers semis de plantes annuelles, et sur couche sourde les se- mis d’aster de Chine, de balsamine , de tagtte et des autres plantes qu’on doit successivement replanter en place dans le parterre. Les arbustes d'ornement de pleine terre, transplantés l’année précédente, tels que lilas, syringas, loniceras, doivent être tenus très courts ; il vaut mieux se priver d’une floraison toujours maigre , et donner à ces arbustes une vigueur qui assure la beauté des floraisons sui- vantes à perpétuité. Les arbustes de pleine terre de bruyère n’ont besoin que d’être rechargés, après un bon bi- nage , avec de la terre nouvelle; si l’on avait cru devoir empailler quelques rosages et quel- ques andromèdes, on les dégarnira sans incon- vénient dans la dernière semaine de mars. $ LIT, — Jardin fruitier. La taille et le palissage des pêchers et abri- cotiers est, dans le jardin fruitier, l’opération principale des travaux de mars ; ces arbres oc- cupent toujours la place la mieux exposée, le long de l’espalier. Il faut saisir le moment où la floraison est assez pleine pour diriger la taille, et où cependant la pousse des jeunes yeux à bois n’est pas encore trop avancée. Dans ce dernier cas on détacherait inévitable- ment un grand nombre de ces pousses fragiles, | et les arbres s’en ressentiraient pendant plu- sieurs années. Les poiriers en espalier doivent être prêts longtemps d'avance; cependant, le jardinier qui se trouve accidentellement arriéré aura soin de ne laisser à tailler au mois de mars que les poiriers des espèces les moins précoces ; ils au- ront moins à souffrir que les autres d’une taille tardive qu’il faut toujours éviter autant que possible. 4eme Le jardinage moderne apprécie mieux que ne le faisaient les anciens les avantages qu'on peut retirer de la multiplication des arbres frui- | tiers par le moyen des boutures; elles se pré- parent en janvier et février, et se conservent | . DU JARDININR. par bottes, dans du sable frais, pour être mises en place en pépinière dans les mois de mars et d'avril, selon l'usage le plus généralement suivi. Nous pensons qu’il vaut mieux, au moins pour les arbres dont on peut retarder la taille jus- qu'aux premiers jours de mars, mettre immé- diatement en pépinière les boutures, au moment même où on les détache de l’arbre. On doit butter dès le commencement de mars les mères destinées à la multiplication des coignassiers et des doucins. $ IV. —- Jardin paysager. On termine au commencement de mars la tonte des haies de clôture et celle des arbustes servant de limites aux massifs qu’on veut em- pêcher de s’emporter du sommet et de se dé- garnir du bas. Il n’y a plus, pour le moment, d’autre soin à prendre que celui des gazons. Il ne faut pas hésiter à sacrifier en mars, mieux au commencement qu’à la fin, les gazons ap- pauvris par un trop long hiver, ou infestés de mauvaises plantes vivaces. La multiplication des mousses sur le sol, entre les touffes de gra- minées, est un indice certain qu’un gazon doit être renouvelé. Dans ce cas on lenterre par un bon labour à la bêche, on foule le terrain le plus également possible avec le rouleaude pierre ou de fer, et l’on sème le nouveau gazon après avoir donné au sol les amendements que sa na- ture peut exiger. Les semis ne peuvent , pour ainsi dire, être trop épais, parce que la semence devant être à peine recouverte, il est impossible d’empêcher les oiseaux d’en dévorer une grande partie. $ V. — Orangerie el serres, Quelque soin que le jardinier ait pu prendre de ses serres, il est impossible que l'hiver ne lui ait pas légué un grand nombre de plantes et d’arbustes malades, surtout si, ne disposant que d’un local restreint , il lui a fallu faire su- bir la même température à des plantes qui en auraient exigé une toute différente. On con- sacre donc une bâche, ou une bonne couche tiède recouverte d’un châssis, à servir dinfir- merie. Dès le milieu de mars on y transporte, après les avoir dépotés, les jeunes orangers languissants, et en général tous les végétaux languissants de la serre tempérée; ils s’y refe- ront pendant la belle saison, pourvu qu’on charge la couche d'assez de terreau mêlée de bonne terre pour que leurs racines s’y étendent à l'aise. Ils seront rempotés en automne, étant redevenus assez forts pour passer l'hiver dans la serre sans inconvénient. C’est en mars que les collections de camélias sont dans toute leur beauté ; il faut durant tout e mois donner à cet arbuste des arrosages modérés, et entretenir avec soin la propreté de son feuillage. Les autres soins à donner aux plantes de serre chaude sont les mêmes que pour le mois précédent ; on veillera à modérer Île feu durant 451 les jours de chaleur précoce qui pourront sur- venir ; les toiles seront tendues sur les vitrages pour éviter l'effet trop vif des coups de soleil. AVRIL. $ 197, — Jardin potager. Asperges. — Le mois d'avril est l’époque la plus favorable pour les semis d’asperges en place ; les plantations faites pendant ce mois peuvent également réussir. La méthode des se- mis d’asperges en place commence à prévaloir dans la pratique sur celle des plantations de griffes toutes formées ; elle est en effet plus sûre, plus expéditive et moins dispendieuse ; nous en- trerons à cet égard dans quelques détails. Les préparations à donner au sol étant les mêmes dans les deux cas, nous renvoyons le lecteur à ce que nous en avons dit page 206. Il est essentiel pour les semis en place de ne point entasser en ados, entre les fosses, la terre qu’on en a retirée; les jeunes asperges, lors- qu'elles lèvent, ne sauraient avoir trop d’air et de lumière : ce sont les deux éléments essen- tiels de leur végétation. Il ést inutile, nous ne pouvons trop le répéter, de creuser à une gran- de profondeur les fosses d’asperges et d'y en- tasser une énorme épaisseur de fumier, qui, ne devant jamais être en contact avec les griffes d’asperges, ne sert absolument à rien. La dé- pense excessive qu'entraine cette erreur, en- core accréditée chez beaucoup de jardiniers, est le principal obstacle qui s’oppose à l’extension de la culture de l’asperge, dont la production est toujours au-dessous des besoins de la con- sommation, non-seulement autour de Paris, mais encore près de toutes les villes importan- tes. Nous ne craignons pas d’avancer qu’en re- tranchant la moitié de la dépense en fumier et main-d'œuvre, on peut arriver au même-résul- tat. Il est très vrai, comme l'ont observé les au- ieurs qui recommandent de placer sous les as- perges jusqu’à 70 et 80 centimètres de fumier, que les racines de cette plante, placée dans des conditions favorables, peuvent acquérir une longueur de 60 à 70 centimètres, ce qui pour- tant est très rare; mais leur croissance a lieu presque horizontalement et non verticalement. La griffe d’asperge, ainsi que nous l'avons dit, tend constamment à se rapprocher de la surface du sol, comme si, s'appuyant sur les extrémités de ses ramifications, elle se soulevait par un ef- fort volontaire. Pour les semis en place faits dans une terre convenable, c’est-à-dire meuble, très douce, un peu sablonneuse et mêlée de beaucoup de ter- reau, il suffit d’un défoncement à 0”,66; on garnit le fond de la fosse avec 0”,05 ou 0m,06 de gros sable ou de branchages brisés recou- verts de 0m,25 ou 0,30 de bon fumier d’écu- rie; puis on recharge le tout de 0,30 de terre passée à la claie; c’est sur cette terre qu’on dé- pose les semences d’asperges espacées exacte- l'ment comme le seraient les griffes dans une 452 plantation. Quelques jardiniers donnent moins d'espace à l’asperge commune qu'à la grosse as- perge violette; nous pensons que l’une et l’autre ont également besoin d’une place suffisante pour s'étendre à l'aise; quoique l’asperge commune soit plus petite, en lui donnant le même espace qu’à la grosse, elle prendra plus de force et ses produits seront plus abondants. Quand la graine est de bonne qualité il n’en faut que trois à chaque place, on les dispose en triangle à 0,10 de distance les unes des au- tres. Dans le courant du mois de mai on choi- sira entre les trois la plus vigoureuse et l’on arrachera les deux autres; si l’on tardait da- vantage, les griffes, se formant très rapidement, se trouveraient entremélées, et la griffe conser- vée aurait beaucoup à souffrir de l'enlèvement des deux autres. Celles qu’on supprime peu- vent se mettre en pépinière ; elles seront bonnes à planter l’année suivante. Quelques centimè- tres de terreau répandu à la main, sans rechar- gement de terre, suffisent pour couvrir la graine d’asperges. Ce procédé laisse sans emploi une épaisseur: d'environ 0,35 de terre enlevée de la fosse: on peut la répandre sur les deux planches à droite et à gauche de la fosse d’asperges ; on gonsacrera ces planches à d’autres cultures, et l'on y reprendra la terre chaque fois que les as- perges auront besoin d’être rechargées. Nous conseillons comme excellente dans la pratique, surtout pour la culture de la grosse asperge, la méthode de séparer chaque planche d’asperges par des planches emplovées à une autre cul- ture. On choisira de préférence les légumes qui, ne prenant pas au printemps une grande élévation, ne pourront donner trop d’ombrage aux asperges. Salades. — L’élévation de la température rend déjà dès la fin d'avril les salades de toute espèce très recherchées des consommateurs; le jardinier soigneux de ses intérêts aura donc eu soin de se munir d’une provision suffisante de plants de laitue romaine, gotte et rousse, pour en planter dès les premiers jours d'avril des planches nombreuses qui, bien gouvernées, commenceront à se débiter à la fin du mois. Pour ne jamais manquer de plant, il doit semer tous les quinze jours des mêmes salades sur plate-bande au midi, ainsi que de la chicorée frisée dite chicorée d’été. La culture de toutes sortes de salades n’est avantageuse qu’autant que le jardinier sait en rendre la végétation très rapide et qu’elles cèdent promptement la place à d’autres produits; d’ailleurs, la salade n’est réellement bonne et tendre qu’autant qu’elle a été largement arrosée et qu’elle a recu tous les soins que sa culture exige. C’est en avril qu’elle récompense le mieux les travaux du jardinier. Choux-fleurs. — Les couches fournissent encore du plant de choux-fleurs, qu’on met en place à plusieurs reprises dans le courant du mois d’avril,afin que les pommes ne se forment pas toutes à la fois. Rien n’est mieux entendu CALENDRIER que la méthode des maraichers qui transportent leurs plants de choux-fleurs de la couche tiède sur les couches sourdes en plein air, destinées à recevoir plus tard les melons d’arrière-saison. Les jardiniers-amateurs qui ne se livrent point à la culture forcée du melon ne peuvent mieux faire que de suivre cet exemple; en transplan- tant les choux-fleurs sur les couches sourdes, ils en auront une abondante récolte avant qu’il soit temps d’y transplanter ou d’y semer en place les melons élevés d’après la méthode de culture naturelle. Choux. — On continue à semer toutes les espèces de choux blancs et de choux de Milan. Les choux à jets ouspruyt de Bruxelles sesèment ; vers le 15 avril, selon la méthode que nous : avons indiquée. Ils ont plus que tous les autres à redouter les attaques de l’altise. Il leur faut | beaucoup d’eau pendant les quinze jours qui | suivent leur sortie de terre ; faute de quoi, ils ! languissent et ne donnent jamais de bons pro- duits. Le plant de choux d’York et de choux ! cœur de bœuf, tenu l'hiver en pépinière ou élevé sur couches et mis en place le mois précédent, ! réclame durant tout le mois d’avril de fréquents ! arrosages et des binages réitérés. Si dans la | dernière quinzaine d’avril le soleil se montre k plusieurs jours de suite, il faut forcer les arro- » sages. Ces choux précoces se ferment presque k à vue d'œil; ils peuvent être livrés à la con- M sommation dès qu'ils offrent la moindre appa- M rence de cœur. Nous renouvelons au jardinier- 4 amateur le conseil de garder quelques choux | d'York jusqu’en juin; peu de jardiniers con- | naissent la supériorité de saveur de ce chou sur | toutes les autres espèces quand on lui à laissé | former complétement sa pomme peu volumi- | neuse, blanche, tendre et très délicate. Carottes. — La carotte-toupie de Hollande partage avec le chou-fleur les couches sourdes # du maraïicher, en attendant qu’elles soient oc-M cupées par les melons tardifs; souvent même" on ne doit pas dédaigner de la couvrir d’un! châssis pendant les nuits fraîches du mois d’a-! vril, principalement quand la température a été contraire à la végétation des pois, que les ca-| rottes remplacent comme premier légume prin-: tanier abondant et à bas prix. Il s’en consomme alors à Paris des quantités incroyables. Quand on a intérêt à rendre leur croissance le plus. rapide possible, il faut éclaircir au commence- ment d'avril les premiers semis et traiter de même les autres successivement, sans attendre que celles qu’on arrache soient bonnes à autreh chose qu’à être données aux lapins qui en sont fort avides. On‘se guide dans cette opération sur la vigueur des feuilles qui correspond assez# exactement avec la grosseur de la racine; on", réserve, bien entendu, les plus avancées. On peut encore semer deux fois des carottes ef pleine terre en avril, à dix ou douze jours d’in-M, tervalle; elles ont à cette époque l’avantage dt nettoyer parfaitement le terrain en étouffan les mauvaises herbes longtemps avant qu’elle puissent se reproduire. DU JARDINIER. Citrouilles. — Les plantes cucurbitacées en général, et les citrouilles en particulier, n’ont jamais trop de fumier ; il n’y a pas pour elles d'engrais trop actif; leur vigueur correspond toujours exactement à l'abondance de la nour- riture qu’on leur a fournie. Sous le climat de Paris il serait imprudent de les risquer à lair libre avant la fin d'avril. L'usage ordinaire est d'utiliser, pour obtenir du plant de citrouilles, le reste de chaleur des couches qui ont nourri pendant l'hiver, soit des primeurs forcées, soit d'autre plant de toute espèce. Dans les premiers jours du mois on sème sur ces couches les citrouilles à la distance de 0" ,50, en mettant dans chaque trou deux se- mences la pointe dirigée vers le bas ; elles lè- vent promptement. Le plant est bon à être mis en place à la fin du mois ou, au plus tard, au commencement de mai. On se gardera bien de transplanter les ci- trouilles en pleine terre. Elles pourraient y croître, y fructifier même; mais leurs fruits, lé- gers et vides quoique assez volumineux, ne se- raient point de vente. Pour les obtenir pleins, pesants et de bonne qualité, on creuse, à la dis- tance de 3 mètres les unes des autres, des ran- gées de trous séparés entre eux par un espace de 1,50; ces trous doivent avoir environ 0",50 de profondeur et 1 mètre de diamètre ; on les remplit de bon fumier recouvert par 0" ,25 de terreau; l’on y transplante les ci- trouilles levées en motte par un temps couvert. Dans le cas où il surviendrait du hâle ou de forts coups de soleil, on plante en terre, près de chaque pied de citrouille, deux bouts d’é- chalas qui se croisent à leur extrémité supé- rieure. En cas de besoin, on jette sur ces échalas un morceau de vieux paillasson ; cette précau- tion n’est nécessaire que pendant la première semaine après la transplantation des citrouilles. (Voir fig. 209 et 310.) La disposition du sol est la même pour les semis en place qui ne doivent jamais précéder le 25 avril. Sans attendre que les citrouilles soient levées ou reprises, on couvre d’un paillis épais les intervalles des rangées, afin que les tiges en s’allongeant ne rampent pas sur la terre nue. On réserve toujours pour cette culture la partie la moins fertile du potager, la citrouille pouvant végéter dans le fumier sans toucher à la terre. Les jardiniers utilisent souvent cette propriété de la citrouille en la semant sur des tas de fumier mis en réserve; il suffit que la graine trouve au-dessus du tas quelques poi- gnées de terre où elle puisse germer ; ses ra- cines s’enfoncent ensuite dans le fumier pur et la plante prend un accroissement extraordi- maire. Dans ce cas, ses fruits deviennent si vo- lumineux et si pleins qu’un seul forme la charge d'une homme vigoureux. Pois. — Les petits pois de grande primeur forcés sur couches sous châssis s’épuisent pen- dant le mois d'avril ; les pois semés en pleine terre ne tardent pas à leur succéder. Des bi- nages réitérés et des arrosages modérés favori- 453 sent leur végétation ; on peut encore donner de la cendre au pied de ceux qui n’en auraient pas recu le mois précédent. Les pois qui montrent seulement leurs fleurs dans la seconde quin- zaine d'avril n'ont pas besoin d’être pincés aussi Courts que ceux qui ont fleuri sur cou- che ou en pleine terre à la fin de mars. La température étant plus chaude et la végétation plus active, on peut leur laisser an plus grand nombre de fleurs sans retarder leur fructifica- tion; mais si l’on s’abstenait entièrement de les pincer, les tiges s’emporteraient et leurs fleurs seraient stériles. Haricots. — La culture forcée des haricots sur couche pour obtenir du haricot vert pen- dant la mauvaise saison se continue en avril et donne ses derniers produits en mai. À Paris, le prix des haricots verts de primeur se soutient plus longtemps que celui des pois, parce qu’on ne peut semer les premiers haricots de pleine terre que dans les derniers jours d’avril, encore gèlent-ils le plus souvent. Le mieux est de se borner en avril, comme le font les maraïîchers de Paris, à semer sur couche en pépinière; si le temps est défavorable, on laisse languir le haricot en le tenant presque sec et constam- ment couvert ; s’il devient favorable, on active en un jour ou deux la végétation des haricots et on les met aussitôt en place. A partir de la fin d'avril, les semis de haricots doivent se continuer de quinze jours en quinze jours, en pleine terre jusqu’à l'automne. Les semis de toute espèce de plantes pota- gères sont encore plus fréquents en avril qu’en mars. On met en place les premiers concom- bres élevés sar couche, d’après une méthode semblable de tout point à celle que nous avons décrite pour les citrouilles; les trous doivent être moins grands et moins profonds, espacés seulement d’un mètre, dans les lignes qui ne doivent être séparées entre elles que par un in- tervalle de 1",50. Les premiers semis de cor- nichons se font à la fin d'avril, sur un terrain disposé exactement comme pour replanter les concombres. Les épinards épuisés peuvent être remplacés avec avantage dès cette époque, par des semis de tétragone moins sujette à monter en graines. On sème du 15 au 2» avril les pre- miers navets et les premières betteraves. La culture du céleri et des cardons commence à prendre place à la suite des premières cultures de printemps. L’oignon blanc, déjà fort, doit être avancé par de fréquents arrosages, afin que, parvenu à peu près à la moitié de sa gros- seur, il soit en état de paraître sur le marché en même temps que les pois, dont il est à Paris l’assaisonnement le plus ordinaire. La besogne du jardinier dans le potager est presque aussi urgente en avril qu'en mars; néanmoins, sans les couches, les cloches et les châssis, il y aurait encore dans le potager bien peu de choses; dans certaines années tardives, il n’y aurait même rien du tout. Ce n’est qu'à la fin d'avril qu'on peut compter, sous le climat de Paris, sur la reprise complète de la végétation. 454 $ II. — Parterre. Le plus fort de la besogne a été fait dans le parterre pendant le mois précédent; il n’y a plus en avril qu’à donner des sarclages et des arrosages, et à renouveler les semis de plantes annuelles. C’est l'époque la plus convenable pour sarcler à fond les allées en se servant du grattoir, avant de les charger de sable si elles en ont besoin. Cette besogne, exécutée trop tôt, serait. à recommencer, parce que la plupart des graines de mauVaises herbes ne sortent de terre que pendant le mois d'avril. Lorsqu’elles n’ont pas été soigneusement détruites avant que le sable ne soit étendu sur les allées, elles font le désespoir du jardinier en reverdissant tous les 15 jours; il est alors obligé de sarcler à fond tout de nouveau, et la dépense du sable se trouve perdue en majeure partie. $ IE. — Jardin fruitier. Il ne doit plus rester à tailler en avril dans le jardin fruitier que quelques pêchers très tar- difs. L'opération la plus importante de ce mois est l’ébourgeonnement. Pour les arbres très vi- goureux, il n’y aurait pas grand inconvénient a laisser les bourgeons se développer un mois, et même deux, avant de les supprimer; mais pour le plus grand nombre, surtout pour les espaliers, il faut, dès la première quinzaine d'avril, choisir entre les bourgeons ceux qui doivent être conservés, et ôter tous les autres. Le mois d'avril est l’époque la plus convenable pour la greffe en fente de tous les arbres frui- | tiers à pepins. Les premiers coups de soleil pi- quants peuvent être funestes aux semis de l'année précédente dans la pépinière, si lon n’a soin d’y maintenir une fraicheur salutaire au moyen d’arrosages modérés. On se procurera une récolte abondante de framboises en cour- bant les branches au moment où la sève com- mence à monter. $ IV. — Jardin paysager. A la fin d'avril, les gazons doivent être fau- chés le plus près possible de terre, quand même un printemps très sec ne leur aurait pas permis de produire une herbe abondante, parce qu’il importe à sa conservation que les graminées dont il se compose ne portent pas de semences. Les chenilles commencent à faire une guerrê dangereuse aux feuilles naissantes des arbres et arbustes d'agrément. Quelle que soit la pa- tience du jardinier à rechercher les chenilles, son travail ne vaut pas celui de quelques fa- milles de fauvettes et de rossignols établies à demeure dans les bosquets. Il suffit pour les y fixer, de préserver leurs nids des atteintes des chats et des enfants, et de placer à leur portée, dans une écuelle de bois, une petite provision de vers de farine dont ces oiseaux sont très friands. On sait qu'ils sont purement insectivo- res, et qu'ils n’attaquent jamais, ni les produits du verger, ni ceux du potager. En Belgique, où les parcs et les jardins © CALENDRIER aysagers sont plus communs que partout ail- eurs en Europe, il n’y a pas de boulanger qui ne joigne à son commerce celui des vers de fa- rine dont on a soin d’approvisionner les oiseaux chanteurs, tant on attache de prix à la pré- sence de ces hôtes ailés, non moinsutiles qu’a- 4 gréables. Il est bon, pour les empêcher de s’é- Carter, de placer dans le plus épais du bosquet, une auge en pierre constamment remplie d’eau propre; la facilité de trouver à s’abreuver près de leur nid contribue beaucoup à les fixer. $ V. — Orangerie et serres. Le feu doit être entièrement supprimé dans l’orangerie et dans la serre tempérée ; dès la fin d'avril, la serre chaude-sèche ne veut être chauffée que pendant la nuit ; la serre chaude- humide doit continuer à l’être constamment, mais plus la nuit que le jour. Déjà la tempéra- ture extérieure permet de sortir de la serre les plantes les moins délicates ; on profite de ce dé- barras pour multiplier de boutures et de mar- cottes les végétaux exotiques. On greffe par approche ou de toute autre manière les plantes qui en sont susceptibles. Les châssis de la serre tempérée peuvent rester.ouverts une partie de la journée dès la fin d'avril; ceux de l’orangerie ne doivent être replacés que le soir. MA. $ 1°7. — Parterre, Le mois de mai est celui où l'amateur des fleurs de pleine terre est le plus constamment et le plus agréablement occupé. Les fleurs qu’on nomme de collection sont en pleine flo - raison, principalement les tulipes, jacinthes, anémones et renoncules. La floraison des jacinthes est déjà fort avan- cée dans les derniers jours d'avril; les soins à leur donner consistent dans l'entretien d'une humidité modérée et le placement des tuteurs que le poids des tiges chargées de fleurs rend tout-à-fait nécessaire. On ne doit pas non plus négliger, mais en dehors de la collection, la jacinthe simple à fleur blanche, celle de toutes qui donne l’odeur la plus suave. L’abri d’un 4 mur au midi convient très bien aux jacinthes, tandis que les tulipes veulent la place la plus acrée de tout le jardin. L'usage d’une toile ou tendelet placé au-dessus des tulipes pour les préserver des pluies violentes ou de la grêle, et prolonger leur floraison, leur est encore plus nécessaire qu'aux jacinthes; faute de cette précaution, un orage ne laisse rien dans une planche de tulipes ; la jacinthe au contraire peut être abattue par le mauvais temps et se relever dans tout son éclat. Rien n’est plus k agréable dans le parterre dun véritable ama-. teur que la réunion de deux collections sem- blables à proximité l’une de l’autre, de sorte qu’on puisse jouir en même temps de l'odeur agréable des jacinthes et des couleurs variées des tulipes. DU JARDINIER. Les anémones et les renoncules peuvent don- per des jouissances plus prolongées lorsqu'on a soin de ne pas les planter toutes à la fois; on peut en planter en mai à deux ou trois re- prises et les avoir en fleur durant tout l'été, .Mmais le véritable amateur préfère les avoir en planches, toutes ensemble. Les griffes d’ané- mones et de renoncules plantées avant l'hiver exigent quelques soins durant la mauvaise sai- son, mais leur floraison est de beaucoup supé- rieure à celle qu’on obtient en les plantant au printemps; dans le premier cas elles fleurissent en mai, dans le second elles retardent jus- qu’à juin, et leurs fleurs ne sont jamais aussi belles. C’est dans le mois de mai qu’il convient de semer les renoncules pour obtenir des variétés qui souvent mettent deux ou trois ans à mon- trer leur fleur. 11 y a cependant un moyen de les obtenir en fleur au bout d’un an, du moins ce moyen a constamment réussi dans le jardin de M. Bosset, à Liége en Belgique ; nous en de- vons la communication à l’obligeance de cet horticulteur distingué. M. Bosset fait dessécher à l’air libre, sous un hangar, de la bouse de vache qu'il réduit en poudre et passe à la claie ; c’est dans cette poudre légèrement humectée qu’il sème ses renoncules en terrines. A la fin de l'été, quand les feuilles des jeunes plantes se flétrissent , il laisse dessécher compléte- ment le contenu des terrines et le passe au cri- ble fin ; les griffes vierges, comme on les nomme à cet âge, sont composées de deux lobes fort petits, rarement de trois, et de quelques fila- ments imperceptibles; elles sont replantées une à une à 0m,05 ou 0" ,06 de distance, dans de grandes terrines pleines de bouse de vache du semis mêlée avec une égale quantité de terre franche pulvérisée. Les terrines passent l'hiver dans l’orangerie; il faut avoir la précaution d’arroser modérément et de donner de Pair le plus souvent possible. Au printemps, les griffes sont parfaitément formées et bonnes à être mi- ses en place; presque toutes fleurissent en mai; on peut planter à part les moins vigoureuses : elles fleuriront en automne. Toutes les fleurs annuelles de pleine terre ont pu être semées dès le mois précédent, soit sur couche, soit en place; ces semis peuvent être renouvelés en mai, afin de tenir les plates- bandes constamment garnies. L’on ne peut trop recommander de renouveler, tant sur la couche wen pleine terre, les semis des deux plantes détiement dont les couleurs variées peuvent décorer le plus longtemps le parterre : ce sont les asters de Chine (reines-marguerites), et les balsamines. En Belgique, on obtient dans les grands jardins des masses d’un effet très agréa- ble, dont la floraison dure longtemps, en se- mant près les uns des autres des capucines (tropælum), des liserons (convolvulus) et des haricots à grappes. Ces graines sont disposées sur un espace circulaire qu’on entoure de ba- guettes de Cornouiller très rapprochées l’une de Fautre; un lien d’osier les réunit toutes par 455 le sommet; le cône qui en résulte se couvre pendant près de trois mois de fleurs dont les nuances Contrastent vivement, et dont le feuil- lage masque complétement les baguettes. A mesure que les plantes annuelles d’orne- ment qui ne se sèment point en place deviennent bonnes à être replantées, on doit les disposer dans le parterre selon la variété de leurs formes et de leûrs dimensions, non pas toutes ensem- ble, mais successivement; c’est ainsi qu’on peut avoir tout l'été le parterre garni de cam- panules, d’œillets de poëte, et d’une foule d’au- tres fleurs qui, sans cette précaution, n’y pa- raissent, pour ainsi dire, qu’un moment. Les amateurs qui possèdent une serre peu- vent à cette époque de l’année enterrer dans les plates-bandes du parterre les pots où végè- tent plusieurs genres de plantes de collection, et jouir ainsi tout l’été des pélargoniums, cal- céolaires, cinéraires, verveines, etc., comme si ces plantes étaient en pleine terre ; cet usage est généralement pratiqué en Angleterre et en Belgique. Les collections de dahlias sont ordinairement en place avant les premiers jours de mai ; cette méthode ne serait dangereuse que dans le cas où les tubercules ne seraient pas assez profon- dément enterrés ; ear les gelées de mai, lors- qu'il en survient, ne pénètrent jamais bien avant dans la terre ; quant aux tiges, elles sont assez longtemps à se développer pour ne pas courir grand risque de la part des froids tar- difs. Mais il n’en est pas de même des pousses tendres et frêles des dahlias placés d’avance dans la serre pour en hâter la végétation; il ne faut les risquer en pleine terre que quand toute crainte de gelée, même de gelée blanche, est définitivement passée, ce qui a lieu pour notre climat dans la dernière quinzaine de mai. $ II. — Orangerie. C'est vers le 15 mai que l’orangerie se dé- garnit, sans toutefois se vider entièrement ; car elle doit toujours conserver celles d’entre les plantes qui ont souffert pendant la mauvaise saison, et admettre de plus toutes les plantes de serre qui ne se trouveraient pas assez ro- bustes pour supporter l’air extérieur. Sous un climat aussi inconstant que le nôtre, il ne peut du reste y avoir d'époque rigoureuse- ment déterminée pour l'évacuation des oran- geries ; il y a toujours moins d’inconvénients à diminuer de quelques jours la jouissance des plantes d’orangerié, comme décoration de nos grands jardins , qu’à risquer de les endomma- ger, ou même de les perdre. Après les gelées tardives , ce que les plantes d’orangerie redoutent le plus c’est la grêle. IL ne faut pas songer à en préserver d’une ma- nière absolue les orangers, citronniers, grena- diers, oléandres, ni même les plus grands d’en- tre les camélias ; tout ce qu'on peut faire pour eux, c’est de leur réserver une place abritée par un mur ou un massif d'arbres contre la vio- lence du vent durant les grands orages. mesure 456 insuffisante que leur emploi comme décoration rend souvent même impossible. Quant aux plantes de moindres dimensions elles sont ordinairement en trop grand nombre pour qu'on puisse les rentrer à l'approche de chaque orage. Le mieux est donc de garnir l’espace qu’on leur destine de montants en fer propres à recevoir au besoin un abri de toile ou de paillassons; ces montants, très légers et peints en vert, ne nuisent nullement au coup d'œil ; c’est une dépense qui ne se renouvelle pas et qui seule peut prévenir bien des désas- tres. Les greffes, boutures et marcottes de plantes et d’arbustes d’orangerie sont dans ce mois en pleine activité. Les plus grands arbustes sont visités à leur sortie de l'orangerie, et taillés s’il y a lieu ; non que le moment soit très favora- ble, mais parce que, pour les grands orangers, par exemple, l’espace manquait dans l’oran- gerie et ne permettait pas de les faconner si facilement qu’en plein air. Lorsqu'il n’y à pas urgence absolue, nous pensons qu’il vaut mieux différer un peu cette opération quand il n’a pas été possible de la faire un mois ou six se- maines plus tôt dans l’orangerie. Il faut se hà- ter de profiter des premiers jours après léva- cuation de l’orangerie pour y faire exécuter les réparations dont elle peut avoir besoin ; car il est impossible, quand elle est garnie, qu’un ou- vrier quelconque y mette le pied sans y causer du dégât. $ III, — Serre tempérée, Une grande partie de ce que nous venons de dire au sujet de l’orangerie s'applique à la serre tempérée; à moins que le temps.ne soit très favorable, il vaut mieux se contenter de donner toute la journée de l'air à la serre, et de transporter dans l’orangerie’, où la place ne manque pas, les plantes gênées dans la serre par la chaleur trop forte et le défaut d'espace, que de les exposer aux nuits froides du mois de mai, souvent même du mois de juin. Le mois de mai est la saison par excellence pour la mul- tiplication des plantes de serre tempérée par boutures et marcottes, de même que pour les greffes herbacées. Les essais de semis des graines exotiques ont plus de chance à cette époque qu’à toute autre, parce que les plantes sont moins serrées et que l'air circule mieux dans la serre. Pour les graines fines, qui germent difficile- ment et qui ont besoin d’une humidité constam- ment entretenue, il est bon de tenir couverte de paillassons la terre où elles sont semées; cette privation de lumière ne nuit point à la germination, mais elle ferait périr la jeune plante, quelle qu'elle soit, si l’on ne se hâtait de découvrir les semis, dès que la graine com- mence à lever. En général, excepté dans les établissements publics ou chez les amateurs très riches, c’est toujours l’espace qui manque dans l’orangerie comme dans la serre, parce qu'on préfère un CALENDRIER très grand nombre de végétaux languissants et presque étouffés les uns par les autres à un nombre plus borné de plantes d’une végétation vigoureuse. $ IV. — Serre chaude. Les plantes de la serre chaude-sèche pren- nent rarement l’air autrement que par l’ouver- ture des croisées : encore doit-elle se faire avec beaucoup de précautions; les plantes de la serre chaude-humide n’en sortent jamais. Nous n'avons jamais vu de collection de ces derniè- res plantes plus riche et en meilleur état que celle de M. Jacob Makoy, à Sainte-Véronique, près Liège en Belgique ; les épidendrées les plus rares y végétaient avec la plus étonnante vi- gueur, mais à une température si élevée qu’il était impossible de la supporter pius de cinq minutes sans suffoquer. Les soins de propreté, d'arrosage et de rempotage des plantes y sont coutinuels durant tous les mois de l’année. La plus intéressante de toutes les cultures de la serre chaude-sèche est celle de la vanille ; cette plante, qu’on est parvenu à faire fructifier en Europe et dont les produits diffèrent peu de ceux de son sol natal, a besoin de beaucoup d’eau dans son jeune âge; il est à souhaiter que tous ceux qui disposent d’une serre chaude contribuent à en propager la culture. Nous terminerons cet exposé par quelques considérations sur la culture de l'ananas, dont le succès dépend en grande partie des soins qu’elle recoit durant le mois de mai; on peut même dire que c’est pour cette plante l'époque décisive de sa végétation. La grande consom- mation d’ananas qui se fait malgré le prix très élevé de ce fruit, le meilieur peut-être de tous ceux que la nature prodigue à l’homme, per- met à ja production de s’étendre avec des bé- néfices considérables. La culture de l'ananas dure trois ans ; au mois de mai des deux pre- mières années il faut changer de pot les jeunes plantes dont les racines se trouvent trop à l’é- troit. L’étonnante vigueur de cette singulière végétation permet d'employer un procédé qui tuerait toute autre plante : il consiste à enlever chaque fois la totalité des racines pour ne lais- ser que le talon, ce qui se nomme rempoter à nu. Lorsqu'on a fait passer un été en pleine terre aux ananas sous châssis entourés de fu- mier chaud fréquemment renouvelé, il est de toute impossibilité de les mettre en pot en con- servant leurs racines; on ne peut pas non plus les raccourcir, la plante périrait ; it faut donc, comme on vient de le dire, les supprimer toutes et attendre que la plante en ait produit de nou- velles dans le pot où on la place. On gagnerait une année sur cette culture importante si l’on pouvait ménager aux ananas une place à de- meure dans une serre chaude et les y gouver- ner en pleine terre; nous avons vu ce procédé appliqué en grand dans les serres de MM. Van- develde, à Vilvorde, près de Bruxelles ; les pro- duits surpassaient en beauté et en qualité ceux des autres serres, et les consommateurs bruxel- DU ZARDINIER. lois, principalement les glaciers, savaient très bien en faire la différence. $ V. — Jardin potager. Le mois de mai n’a pas souvent, aux envi- rons de Paris, cette douceur de température et ce luxe de végétation chantés par les poëtes ; le jardin potager offre quelquefois en mai une triste nudité; c’est l'époque où, pour tous les départements du nord de la Loire, les retours subits de froids imprévus peuvent causer les plus grands désastres dans les jardins. Le jar- dinier prévoyant observera donc avec un soin assidu les variations de la température; il ne négligera aucun moyen de protection pour les plantes potagères dont la végétation, fort avancée à cette époque, peut être détruite, en moins d’une heure de temps, par un seul de- gré de gelée. Carotte. — La culture la plus importante de ce mois est celle de la carotte, vulgairement nommée toupie de Hollande. Une excellente variété, originaire de Hollande, mais profondé- ment modifiée par la culture aux environs de Paris, v occupe un grand espace. Elle doit être, pendant tout le mois de mai, sarclée et arrosée, selon le besoin. Lorsqu'on prévoit la rareté des petits pois, par suite des gelées tar- dives, on sème au printemps une quantité pro- digieuse de cette carotte ; elle devient une com- pensation salubre et peu dispendieuse à la pau- vreté de la première récolte des pois verts. Etant très sujette à nuiler, on a été forcé de la semer très serrée; il devient donc néces- saire de l’éclaircir, même avant le temps où, ayant acquis la grosseur du petit doigt, elle peut paraître sur le marché. La récolte com- mence d'ordinaire en mai; dans les années tar- dives on ne peut espérer d'en manger que fort avant dans le mois de juin. Radis. — Les radis roses et blancs, ainsi que les raves roses et violettes, venus sur couche, sont épuisés en mai ; les couches ont déjà recu une autre destination. C’est le tour des radis de pleine terre, dont la culture exige peu de soins; souvent, aux bonnes expositions, on a mêlé la graine de radis à celle de carotte ou d’ognon. La prompte végétation du radis devant bientôt laisser le terrain libre, on en sème au moins une fois dans le courant du mois pour n’en être pas au dépourvu, et l'on réserve de la première récolte les pieds destinés à servir de porte- graines. Choux. — Les seuls choux de cette saison sont les choux d’York, les pains de sucre et les cœurs de bœuf. On ne peut se faire une idée | de la rapidité avec laquelle, en huit ou dix jours, leurs feuilles se développent et couvrent tout le terrain; c’est le moment qu'il faut choisir pour les arroser fréquemment et large- ment. Il est rare qu'a Paris on leur laisse prendre tout leur accroissement avant de les porter au marché; ils viennent à l’époque où | les choux manquent, et trouvent des acheteurs à moitié de leur développement ; d’ailleurs, le HORTICULTURE, 457 maraicher est pressé de disposer de son terrain; mais partout ailleurs, et dans d’autres circon- stances, nous croyons que tous ces choux pré- coces feront plus de profit si l’on attend un peu plus tard que leur pomme soit bien formée ; elle devient très serrée et d’un goût excellent, sur- tout celle des choux d’York de race pure, dont les pommes sont obtuses par le bout, et qui montent très difficilement. Choux-fleurs. — On peut avoir déjà, dans le mois de mai, des choux-fleurs à cueillir :; ce sont des durs et demi-durs, des premiers sur- tout, qui passent aisément l'hiver. Toutefois, les jardiniers qui cultivent pour le marché ne consacrent jamais à cette culture une très grande étendue de terrain. Il n°v a pas de vé- gétation plus capricieuse que celle de ces pre- miers choux-fleurs, et il arrive très souvent qu'après des peines et des soins infinis ils ne viennent à maturité qu’au moment de la grande abondance de toute espèce de légumes frais, pois, fèves, haricots verts; alors ils ont perdu toute leur valeur, et il est même souvent diffi- cile de s’en défaire. Mais le jardinier amateur, qui tient à avoir sa table garnie de légumes va- riés ne doit pas dédaigner les choux-fleurs de printemps, qui sont toujours les plus délicats. Les choux-fleurs destinés à donner leur fleur en automne se sèment vers le 15 mai, mieux en ligne qu’à la volée, sur du terreau pur. Lorsqu'on a à sa disposition une étable à va- ches, on obtient du plant de choux-fleurs très vigoureux et d’un succès presque certain en mêlant au terreau une égale quantité de bouse de vache récente, et donnant très peu d’eau au jeune plant jusqu'à ce qu’il ait acquis Om,12 à 0m,15 de hauteur. Brocolis. — On ne peut les risquer en pleine terre qu'à la fin de mai, quand il n’y a plus à craindre ni gelées blanches ni nuits trop frai- ches, qui leur sont également funestes. Il est toujours prudent de ne pas se presser afin d’ar- river après la grande affluence des légumes verts. Les brocolis ne craignent pas les fortes chaleurs, pourvu que l’eau ne leur manque pas. L'exposition la plus chaude du jardin potager leur convient parfaitement. Il est bon de faire observer qu’en Angleterre, sous un climat plus rigoureux que le nôtre, on cultive beaucoup plus de brocolis que de choux- fleurs ; la culture de l’un de ces légumes n’est réellement pas plus difficile que celle de l’autre. Pé-tsaï ou chou de la Chine. — Cette plante, toute nouvelle dans nos potagers, ne se cultive encore que par tâtonnements ; elle craint peu les gelées et pourrait être semée à la fin d'avril; néanmoins, nous croyons qu’elle réussit mieux | lorsqu'on !a sème dans la première quinzaine de mai. Parmi les divers procédés de semis dont nous avons fait l'essai, voici celui qui nous a offert les meilleurs résultats. Une tranchée de 18 à 20 centimètres de largeur et d'autant de profondeur a été ouverte dans une bonne terre très fertile et remplie presque jusqu’au bord de fumier court très consomme ; quelques centi- T. V. —58 458 mètres de terre ont été jetés par-dessus pour recevoir la semence répandue très clair à la volée, et recouverte avec une égale épaisseur de terreau. Les racines de la plante s’y sont: mieux développées que sur la couche, avantage important, car la disproportion entre les ra- cines presque nulles dans le premier âge, et les feuilles, qui prennent en peu de jours un rapide accroissement, rend l'opération du repiquage fort délicate et d’un succès incertain. Les pé- tsai semés au commencement de mai, par le procédé que nous indiquons, peuvént être mis en place dès la fin du même mois; plus on les replante jeunes et mieux ils profitent. Toutes les espèces de choux de Milan, chou blanc à grosse tête, chou à jets, ou spruyt de Bruxelles, se sèment dans le mois de mai; nous recommandons, d’après notre propre expé- rience, d'appliquer à toutes les espèces le mode de semis indiqué pour le chou de la Chine; il n’est ni difficile ni coûteux, et réussit toujours parfaitement. Cornichons et concombres. C'est en mai, soit à la fin, soit au commencement, selon la température, qu’on sème ces deux légumes qui n’en font réellement qu'un; car tout cornichon, si on le laissait grandir, deviendrait concombre. On creuse, à 80 centimètres de distance, des trous circulaires d'environ 40 centimètres de diamètre sur 20 de profondeur; on les remplit de fumier à demi consumé, qu’on recouvre de 5 ou 6 centimètres de terreau. Quelques prati- ciens mêlent de la terre du jardin au fumier dont ils remplissent les trous; nous pensons que, sans ce mélange, la plante végète plus ra- pidement et produit davantage; nous n’avons jamais remarqué que la qualité des produits en fût altérée d’une manière sensible. Citrouilles ou potirons. Paris consomme une quantité prodigieuse de ce fruit, auquel la ‘culture maraïchère sait donner un volume énorme. On sème les citrouilles vers le 15 mai, absolument de la même manière que les cor- nichons et concombres; seulement on donne plus de profondeur et de largeur aux trous. Cette plante ne végète que dans le fumier ; on lui réserve pour cette raison la place la moins fertile du jardin potager ; la qualité de la terre, à laquelle ses racines ne touchent jamais, lui esttout-à-fait indifférente. Il est bon de placer les semences en terre en dirigeant le germe vers le bas, pour ne pas contrarier la germination, quelquefois très lente. On ne saurait prendre trop de précautions pour isoler les espèces où variétés qu'on désire conserver pures ; le croi- sement s'opère par le pollen, même à grande distance. Nous avons vu dans un marais, à Saint-Mandé, tout un carré de grosses ci- trouilles dénaturées, produire des fruits bizarres et de nulle valeur, et cela par le seul effet de trois ou quatre giraumons placés dans un ma- rais voisin, qu'une simple barrière d’échalas séparait de celui qui contenait les citrouilles ; la distance entre celles-ci et les giraumons n’était pas de moins de 200 mètres. Le vent CALENDRIER avait porté le pollen des giraumons sur les fleurs femelles des potirons ; il ne S'en trouva pas un seul qui ne fût déformé et impropre à la vente, il fallut les donner aux vaches d’un nourrisseur du voisinage. Melons. On sème en place toute espèce de melons d’arrière-saison, soit sur couches sour- des, soit, comme les cornichons, dans des trous remplis de fumier; mais dans ce dernier cas nous conseillons de donner aux trous 50 à 60 centimètres en tous sens, et de les charger de fumier à 30 centimètres au-dessus du niveau du sol environnant. On dresse, pour recevoir les melons élevés sous châssis, des couches sourdes qu’on recou- vre de 15 centimètres de bon terreau. La lar- geur de ces couches ne doit pas excéder 80 centimètres, pour recevoir un rang de melons, à 80 centimètres l’un de l’autre. Les soins à leur donner pendant ce mois consistent à les préserver du contact de l'air au moyen des cloches, tant qu’ils ne paraissent pas parfaite- ment repris; il ne faut pas les arroser trop abondamment; ce n’est que dans le mois sui- vant qu'on commence à les tailler. Epinards et tétragone. On continue dans le mois de mai les semis d’épinards commencés le mois précédent; ils se sèment plus ou moins serrés, selon la vigueur des espèces. Vers la fin de mai, si la température fait prévoir un temps orageux et chaud pour le mois de juin, il faut préférer à l’ép nard la tétragone, aujourd’hui assez répandue pour que sa graine soit à la portée de tout le monde. Cette plante offre ab- solument les mêmes conditions de saveur et de couleur que Pépinard ; elle a de plus Pavantage de ne pas monter, quelle que soit l'intensité de la chaleur, tandis que souvent les semis des meilleures variétés d’épinards sont perdus, parce qu’ils montent pendant les chaleurs ora- geuses, avant d’avoir pu donner une coupe de feuilles de quelque valeur. Laitues. Les romaines sont en plein rapport durant tout le mois de mai, il ÿ en à toujours à replanter, à lier et à vendre. Les laitues rondes de toutes les variétés commencent aussi à produire abondamment et se représentent à tous les etats de végétation. L’on ne peut trop récommander pour ce genre de culture, comme pour toute espèce de salade, l'excellente cou- tume des maraïchers des environs de Paris, qui jamais ne repiquent une salade en été sans avoir largement paillé la terre. Chicorées. On cueille encore durant tout ce mois la chicorée qu’on a semée très épaisse pour lui faire pousser une multi,ude de feuilles très petites et très tendres. C’est aussi le mo- ment de semer, mais un peu.plus clair, la chi- corée qu’on destine à donner en hiver la sa- lade connue sous le nom de barbe de capucin. Au commencement de ce mois la chicorée fri- sée est bonne à être replantée en pleine terre ; il y en a toujours, comme des romaines, à tous Les degrés de développement, pendant la durée du mois. Les soins à leur donner consistent DU JARDINIER. également à les arroser abondamment et à les lier pour les faire blanchir. Pois. Les premiers pois, dits de sainte Ca- therine, semés en novembre, commencent à | donner leurs fruits ; les seconds, dits de la Chandeleur, semés au commencement de fe- vrier, rejoignent les autrès à quelques jours près. Ceux qui ne sont qu’en fleur dans le mois de mai doivent être pincés par le haut; si on les laissait s’emporter, ils donneraient si tard que leurs produits offriraient peu de bénéfice. Les moins avancés sont bons à être ramés dans le courant du mois ; il est bon de leur rendre la terre au pied avant de leur donner les rames. Pour n’en pas être au dépourvu, on en sème au moins deux fois dans la première et dans la seconde quinzaine de mai. Haricots.— On risque dès les premiers jours de mai quelques haricots en pleine terre ; mais comme la moindre gelée leur est funeste, il vaut mieux ne semer la majeure partie-que vers le 15 du mois, et continuer au moins une fois par mois durant le reste de la saison, pour avoir toujours des haricots verts jusqu'aux pre- mières gelées. Les maraichers des environs de Paris ont à cet égard une excellente coutume. . Ils répandent, sur le sommet aplani d'un tas de fumier long, quelques centimètres de bon ter- reau; ils y sèment très serrés des flageolets | hätifs qu’ils recouvrent de litière sèche. Ces haricots sont ensuite replantés en ligne en pleine terre, et ne souffrent point de cette opé- ration qui leur fait gagner buit jours, quelque- fois quinze, quand le temps est favorable, et qui, dans tous les cas, n’expose pas les jardi- niers à perdre la semence. Si le froid a endom- magé partiellement les haricots risqués en pleine terre, ils ont une réserve pour remplir les vides sans perte de temps. Fèves.— Vers le milieu de mai on pince les sommités des tiges pour accélérer la fructifica- tion ; quand même le pincement ferait tomber quelques-unes des fleurs les plus élevées, il n’y aurait pas d’irconvénient, parce que ces fleurs sont le plus souvent stériles. Les premières fèves sont bonnes à être récoltées à la fin du mois quand elles ont atteint le quart de leur grosseur. On peut couper immédiatement au niveau du sol les tiges de celles qu’on a récoltées ainsi avant maturité, elles repousseront du pied, et donne- ront une seconde récolte en vert à l’automne. Cependant cette pratique est un objet de cu- riosité plutôt que de produit; il est rare que le jardinier n’ait pas un emploi plus avantageux à faire de son terrain; la seconde pousse a rare- ment le temps de donner sa graine avant les premières gelées, qui, si elles ne tuent pas la plante, suffisent pour faire avorter et tomber presque toutes les fleurs et rendre la récolte nulle. Asperges. — La récolte des asperges se pro- longe durant tout le mois de mai et même au- dela ; la seule précaution à prendre, C’est de ne pas endommager en les coupant le collet de la racine, et aussi de ne pas fatiguer le plant par 459 une coupe trop prolongée, qui rendrait nulie celle de l’année suivante. Les semis, soit en place, soit destinés a être replantés, doivent être tenus très proprement ; les premiers n’ont besoin que de très peu d’eau, pourvu qu'ils soient fréquemment sarclés et binés, avec les précautions nécessaires pour ne pas endom- mager les racines. Arlichauts. — Si la température est sèche, les artichauts ont besoin dans ce mois de fré- quents arrosages ; on ne peut 1rop insister sur ce point qu'il vaudrait mieux ne pas leur don- ner d’eau du tout que de leur en donner trop peu. C’est au commencement de mai qu’on sème la graine d’artichaut quand on manque d’œilletons pour les multiplier; en général, les variétés d’artichauts les plus estimes étant su- jettes à retourner au chardon, il vaut beau- coup mieux les multiplier d’œilletons que de graines. Les semis réussissent mieux en place qu’en pépinière; dans les deux cas ils deman- dent une épaisseur de 8 à 10 centimètres de bon terreau. L'on ne doit pas craindre de bien recouvrir la graine ; il faut arracher aussi jeu- nes que possible les pieds qui tournent au char- don, ce qu’on reconnaît au piquant de leurs feuilles; comme ils sont. toujours les plus vi- goureux, ils tueraient infailliblement les autres. Les semis peuvent avoir beaucoup d’impor- tance après des hivers rigoureux où les vieux plants ont péri; les œilletons sont alors si ra- res qu’ils deviennent hors de prix; nous les avons vus en 1830, après le grand hiver de 1829, valoir 50 et 60 francs le mille. On en plante ordinairement 10,000 dans un hectare; il y a donc eu beaucoup de bénéfice à semer des artichauts en mai 1830. Cardons.— Touteslesespècesde cette plante, très voisine des artichauts, se sement en mai, mieux à la fin qu’au commencement du mois, soit en place, soit en pépinière. Les semis en place se font à 80 centimètres de distance ; ils demandent peu d’eau dans la première quin- zaine après leur sortie de terre. Fraisiers. — La fraise des Alpes, dite des quatre Saisons, qui pourrait, comme le dit M. Noïsette, remplacer à elle seule toutes les autres, Commence à montrer ses premiers fruits vers la fin de mai. Il ne faut l’arroser que sur un sol parfaitement paillé, surtout pour le plant dont on attend la première récolte. Dans les temps orageux il faut arroser abondamment les fraisiers quand les nuées montent et que le tonnerre gronde, sans compter sur l'effet des pluies d’orages; l'expérience prouve que ces pluies, si elles ne trouvent pas la terre suffi- samment mouillée d'avance, sont funestes aux fraisiers dont elles font jaunir la feuille et avorter la fructification. Toutes les espèces qu'on veut multiplier de semence doivent être semées dans le courant de ce mois, sur terreau, à l'ombre, et repiquées 15 jours ou 3 semaines après qu’elles sont levées. Lorsqu'on veut s’as- surer pour l'automne une récolte abondante de fraises des quatre saisons, l’on sacrifie la pre- 460 mière en coupant à > à 6 centimètres au-dessus du sol toute la plante, feuilles et tiges, au mo- ment de la floraison, au commencement de mai. Cette opération donne un produit encore plus certain quand on l’applique à la fraise des quatre saisons dépourvue de coulants, connue sous le nom de buisson de Gaillon. Ognons. — Les blancs sont déja bons à être cueillis à la fin de mai; ils ont alors à peu près la moitié de leur volume. Cette récolte est d’au- tant plus avantageuse qu’on a eu soin de semer assez serré pour ne rien perdre sur les ognons destinés à parvenir à toute leur grosseur. Poireau. — Si les semis n’ont pas été faits tous à la fois, il y a en mai du plant de poireau à mettre en place. Comme cette plante demande à être cultivée en rangs très serrés, elle étouffe promptement les herbes nuisibles; néanmoins un ou deux binages dans le mois de mai lui sont fort utiles. Ciboules, — Pendant tout le courant de mai, selon la température, on replante la ciboule à 15 centimètres de distance, en lignes. IL faut choisir de préférence, pour cette opération, le moment où la terre n’est que médiocrement humide. Champignons. — Il y a dans ce mois peu de soins à donner aux couches à champignons ; elles sont en plein rapport. Les jardiniers qui en font le commerce spécial, et qui approvi- sionnent le marché pendant toute l’année, doi- vent, durant le mois de maiet le mois suivant, travailler leurs fumiers de facon que leurs cou- ches se succèdent sans interruption dans la ré- colte. Ce travail est admirablement traité dans les carrières communes de Montrouge, d’Ar- cueil et de Gentilly, qui de temps immémorial sont en possession decetie branche de jardinage. Patate ou Batate. — On plante sur une cou- che de fumier de cheval, recouverte de 12 à 15 centimètres de bonne terre, des tubercules de batates en lignes plus ou moins rappro- chées, selon leur grosseur. 1l ne faudrait pas placer ces tubercules dans le terreau; leur vé- gétation ne sy développerait pas aussi bien; les premiers jours de mai sont l'époque la plus favorable à cette culture. Au bout d'une se- maine on voit poindre de jeunes pousses très nombreuses qu’on détache pour les replanter une à une à 30 centimètres les unes des autres, en espacant les rangées d'environ 1 mètre. La consommation de la batate s’étend d'année en année à mesure que son prix diminue; elle occupe déjà une place importante dans nos po- tagers, et elle tend à devenir d’un usage géné- ral. Il faut la préserver avec soin des gelées, qui lui sont mortelles. Tomates. — On met en place vers le 15 mai, en bonne exposition, les tomates élevées sur couches; il convient de ne pas se presser quand le temps n’est pas très favorable. Dès que la plante monte et fleurit, il est temps de lui donner des tuteurs, ce qui hâte la maturité du fruit et en améliore la qualité. Estragon. — On éclate les pieds d’estragon CALENDRIER pour les replanter ordinairement en bordure il ne faut pas attendre trop tard, de peur que les jeunes plantes ne soient trop peu avancées à l’époque où l’on confit les cornichons au vi- naigre, l’estragon étant le principal assaison- nement de cette préparation. Pourpier.— Ce n’est guère que dans les dé- partements au nord de Paris que le pourpier, étant généralement employé, tient une place obligée dans tous les jardins. On le sème en mai, très clair, à toute exposition; le plus sou- vent il se ressème de lui-même; ses graines se conservent l'hiver en terre et lèvent au prin- temps, elles couvrent promptement le terrain et n’exigent pas de grands soins de la part du jardinier. Muiïs ou blé de Turquie. — Cette plante de grande culture ne figurerait point ici sans l’ex- cellence de ses épis cueillis avant maturité et confits au vinaigre de même que les cornichons, auxquels bien des personnes les préfèrent. On peut donc, pour cet usage, consacrer un coin du jardin à semer quelques poignées de maïs de l'espèce naine qu'on nomme quarantain ou mais à poulets. N’étant pas destinée à donner sa graine, cette plante n’a pas besoin d’être semée avant la fin de mai; ses produits seront plus abondants que si elle était semée plus tôt ; il lui faut beaucoup de fumier. Nous avons mentionné séparément les plan- tes dont la culture semblait exiger quelques in- dications spéciales ; nous nous bornerons à com- prendre les autres d’une manière générale dans l'énoncé des travaux du mois, car nous sommes forcés de nous restreindre dans des limites qu’il nous est interdit de dépasser. La végétation, activée par les premières chaleurs, favorise le développement des plantes nuisibles aux dépens des plantes utiles; le po- tager a donc besoin dans toutes ses parties de binages et de sarclages qui ne sauraient être trop fréquents. On doit surtout recommander les binages aux jardiniers qui, par quelque cir- constance locale, ne peuvent donner autant d’eau que certaines plantes en demandent ;elles auront d'autant moins à souffrir de la séche- resse que le soloü elles végètent aura été remué plus souvent. Il est peu de plantes potagères qui ne puis- sent être semées en mai, indépendamment de celles dont nous avons exposé le mode de eul- ture, c’est pendant ce mois qu'on réservera dans chaque espèce les porte-graines des plan- tes annuelles. Les semis de persil, pimprenelle, cerfeuil et cresson alénois seront d'autant plus souvent répétés que les chaleurs les feront mon- ter plus rapidement. Les salsifis, scorsonères et betteraves, qui sont, aux environs des gran- des villes, cultivés en grand pour l'usage ali- mentaire, se sèment dans le courant du mois de mai. DU JARDINIER. 461 QUIN. $ 1€, — Jardin potager. Pois. — Ce légume est le plus productif et le plus abondant de ceux que fournit le mois de juin, durant lequel presque tous les produits du potager sont livrés successivement à la con- sommation. C’est au 15 juin que commencent, pour les Hollandais, les six semaines aux pois, expression consacrée dans leur pays, supérieur à tout autre pour la perfection des jardins po- tagers. À Paris, le prix des pois écossés descend ra- pidement de 3 fr. à 40 c. le litre ; l'avantage est donc à ceux qui peuvent en hâter la vége- tation. Le prix excessif des pois pour semence dans les années qui, comme celle-ci, ont vu périr tous les premiers pois semés soit en no- vembre, soit en février, rend leur culture fort ingrate; ainsi, cette année, le mois de juin fera rentrer les jardiniers dans leurs frais, mais presque sans bénéfice. Si cette culture se sou- tient, c’est uniquement parce qu’elle n’a pas besoin de fumier et qu’elle peut donner des pro- duits très importants sur un sol fumé trois ans auparavant, où l’on ne retrouve pas trace d’en- grais. Sans cette particularité le peuple de Paris ne verrait pas les pois verts inonder les marchés et les rues en juin, juillet et août. Il faut apporter beaucoup d’attention dans la manière de cueillir les pois, pour ne pas en- dommager les tiges et empêcher le développe- ment des gousses, qui se remplissent d’un jour à l’autre ; ces précautions sont surtout néces- saires quand les gousses bonnes à être cueillies sontencoreen petitnombreet queles plantes sont couvertes de fleurs. On peut citer comme mo- dèle la dextérité des femmes employées à ce travail à Marly et aux environs ; elles donnent si peu d’ébranlement à la plante que pas une seule fleur n’est perdue. On sème des pois dans tout le courant de juin, en donnant la préférence aux espèces tar- dives; aux environs de Paris on choisit pour les semis de la fin de juin le pois de Clamart, le plus tardif de tous. Nous pensons que c’est une erreur, et qu’il y aurait bénéfice, non-seu- lement à semer les pois les plus hâtifs, mais en- core à en accélérer la végétation au moyen de la cendre de bois, seul amendement qui con- vienne en général à toutes les variétés de cette plante. L'espèce la plus productive pour les semis de la fin de juin est celle dont la cosse ne con- tient point de parchemin et qu’on nomme pour cette raison pois mange-tout, quoique, lorsqu’on veut l’écosser, le grain en soit aussi bon seul que celui de toute autre espèce. En général, les nuits trop fraiches empêchent la fleur de nouer, en sorte que, sans que la plante paraisse avoir souffert du froid, elle ne rapporte rien, ou pres- que rien, si les gelées blanches de septembre la surprennent en fleur. Voilà pourquoi les semis de jaillet, pour récolter en octobre, sont ordi- nairement stériles ; nous recommandons, même pour les semis de juin, de ne semer que des pois hätifs, sous peine de ne rien récolter. La cendre hâte beaucoup la croissance des pois, mais appliquée en trop grande quantité elle les brûle; la meilleure manière de l'employer con- siste à la répandre, à la main, dans le sillon où l’on dépose la semence ; deux ou rois centimè- tres d’épaisseur sont plus que suffisants; la cendre se trouve recouverte en même temps que les pois. Les pois semés en jain doivent être ramés presque au sortir de terre, huit ou dix jours au plus après qu'ils sont levés. Il est toujours utile de laisser un espace suffisant pour que l'air circule entre les lignes ; on éco- nomise ainsi la semence, et les produits n’en sont pas sensiblement diminués. Nos lecteurs qui habitent au nord de Paris doivent donc se tenir pour avertis que, s'ils semaient des pois tardifs à la fin de juin et au commencement de juillet, comme on le fait sans grand inconvénient aux environs de Paris à bonne exposition, ils s’exposeraient à n'avoir pour tout produit que des fleurs. Céleri. — Le céleri, par ses propriétés diges- tives trop peu appréciées en France, mérite une mention particulière. En Belgique, où on l’em- ploie souvent, soit seul, soit joint au pourpier, pour des potages maigres et des plats de légu- mes fort recherchés, il passe pour posséder des vertus exCitantes analogues à celles de la truffe. C'est en juin que l’on commence à pouvoir faire usage du céleri semé sur couche, sous châssis, en février et mars; on doit en recom- mander l'usage dans la salade, dont il corrige la crudité, souvent nuisible aux estomacs pa- resseux. Il faut avoir soin de ménager les se- mis et repiquages de céleri de manière à n’en manquer en aucune saison de l’année. La meilleure méthode de buttage pour obte- nir le céleri parfaitement blanc et tendre, c’est de laisser assez d’espace entre les rangs pour pouvoir tirer des intervalles la terre dont on le recouvre par degré, à trois reprises différentes, à huit jours de distance ; mais cette méthode, pratiquée dans les jardins bourgeois, ne vau- drait rien pour les maraichers, parce qu’elle fait perdre trop de terrain. La culture du céleri en fosses est la plus avantageuse; les fosses recoivent trois rangées de plants, qui peuvent y être mis en place dès le mois d'avril. Lors- qu’on les juge assez avancés, on les lie et on leur rend la terre à trois reprises différentes. Il y a dans ce procédé économie de terrain et de main-d'œuvre. Le céleri, qu’on trouve à l'état sauvage dans les lieux humides et frais du département des Bouches-du-Rhône, veut un sol riche et beau- coup d’eau, à toutes les époques de sa crois- sance. Le céleri semé en juin pour la consom- mation d'hiver veut être arrosé, même avant d’être levé, lorsque le temps est sec; souvent, sans cette précaution, il ne lèverait pas. Le céleri-rave, espèce à racine charnue, im- 462 CALENDRIER portée d'Allemagne depuis quelques années, commence à devenir commun en France. C’est un excellent légume; il demande encore plus d’eau que le céleri commun, mais il n’a pas be- soin d’être butté. Champignons. — Les soins à donner aux couches à champignons sont les mêmes pour ce mois que pour le précédent. La récolte est en pleine activité; mais c’est l’époque de Pan- née où elle est le moins productive, parce que les prix sont généralement très bas. C’est dans le mois de juin qu’on peut tenter, avec le plus de chances de succès, le procédé que donne M. Pirolle, comme le devant au hasard. Du fu- mier de cheval peu consommé, mais humide, fut oublié dans un souterrain ; il y prit le blanc de lui-même. Ce fumier ayant été disposé en tas régulier, sans autre but que de lui faire oc- cuper moins de place, se couvrit spontanément de très bons champignons, et continua à en donner pendant trois mois en aussi grande abondance qu'aurait pu le faire une couche sa- vamment travaillée. Nousavons renouvelé bien des fois cette expérience ; elle ne coûte rien en réalité, car si le fumier se refuse à prendre le blanc, il n’en a pas moins toute sa valeur, et la main-d'œuvre est presque nulle ; elle nous a réussi presque toujours, mais non pas Constam- ment. C’est toujours en juin, surtout quand la température de ce mois se trouvait chaude et orageuse, que nous avons obtenu le plus de champignons par ce procéde. Pommes de terre. — On donne , en juin, la seconde facon aux pommes de terre tardives. Quelques jardiniers commettent l’imprudence de livrer à la consommation, dès les derniers jours du mois de juin, des pommes de terre très hâtives, qui se vendent à un prix très élevé. Il serait à désirer que la police des mar- chés de Paris s’empressât de prendre des mesu- res à cet égard ; ces pommes de terre, vendues ainsi avant leur maturité complète, sont nuisi- bles à la santé ; s’il n’en résulte pas d'accidents plus graves, c’est qu’elles s’emploient ordinai- rement mélangées avec d’autres aliments, ce qui en diminue les propriétés pernicieuses. Quand les premiers semis de pommes de terre ont été fortement endommagés par les gelées tardives, on peut, dans le courant de juin, mais mieux au commencement qu’à la fin de ce mois, semer une espèce très hâtive, introduite depuis quelques années, sous le nom de Segonzac ; elle végète assez rapidement pour qu’on puisse es- pérer la récolter avant les fortes gelées, en même temps que la vitelotte, pourvu qu’elle soit placée dans un sol frais et abondamment fumé ; car la pomme de terre Segonzac est, plus que toute autre, sensible aux effets de la séche- resse. Oxalis crénelée. — On doit, dans le courant de juin, veiller attentivement sur cette plante, our la butter chaque fois que la végétation ’exige. Quand l’horticulture aura forcé cette plante à fleurir et à porter graine, on en peut espérer des tubercules volumineux , dignes de | rivaliser dans la grande culture avec la pomme de terre. Elle offrira un avantage considérable par sa propriété de s'étendre en tout sens, en sorte que les pieds doivent être plantés à tres grande distance. Nous pensons que pour ense- mencer une égale étendue de terrain, il faudrait cinq à six fois moins d’oxalis que de pommes de terre. Mais, avant d'appliquer à l’oxalis cré- nelée la grande culture, il faudrait parvenir à en étendre la consommation, qui ne paraît pas devoir devenir prochainement d’un usage gé- néral. Artichaut. — Si les plants ont été bien con- duits, ceux de l’année dernière sont, durant le mois de juin, en plein rapport. Pour ne pas épuiser les pieds dont on veut prolonger la du- rée, on ne leur laissera qu'une tête à chacun et l’on coupera la tige au niveau du sol sitôt après la récolte. Près des villes, où tout se dé- bite, il y a bénéfice à laisser au moins une par- tie des têtes secondaires, qu’on vend pour man- ger en hors-d’œuvre, à la poivrade ou en friture. Dans ce cas, les pieds qui dégénèreraient doi- vent être sacrifiés ; on les consacre à fournir des œilletons pour les plantations de l’automne ou du printemps de l’année suivante. On ne peut trop largement arroser l'arti- chaut ; on est bien récompensé par la beauté des produits, qui peuvent, par une culture soi- gnée, doubler de valeur. Melons. — C'est dans le mois de juin, que les melons réclament les soins les plus assidus ; c’est en même temps le mois où commence pour eux le danger des grands orages accompagnés de grêle. La fréquence de ces orages aux envi- rons de Paris a fait préférer, pour cette culture, les châssis aux cloches par tous les maraichers aisés ; en eflet, les châssis résistent beaucoup mieux que les cloches à la grêle, dans des cas imprévus. Deux fois en 1838, la grêle, grosse comme des noisettes, est survenue à l’impro- viste par des coups de vent qui ne laissaient pas le temps de faire usage des paillassons, pas une seule cloche ne fut épargnée ; les châssis ne furent que partiellement endommagés. Les châssis sont aussi beaucoup plus faciles à cou- vrir rapidement à l’approche d’un orage; à quoi il faut ajouter que les melons obtenus sous châssis valent toujours mieux que ceux qu’on obtient sous cloche, par cette seule considéra- tion que le jardinier craindra de dépenser un temps précieux à soulever l’une après l’autre des centaines de cloches, tandis qu’il ne regar- dera pas à un quart d'heure de travail pour sou- lever quelques châssis. C’est en juin qu’ont lieu les principales opé- rations de la taille des melons. On revient tous les jours de l’ancien préjugé qui faisait regar- J prejuge q der cette taille comme une sorte d’arcane, ré- vélé seulement à quelques adeptes. Le Bon Jardinier a contribué puissamment à faire voir que la nature n’a pas besoin d’être contrariée par une taille minutieuse, aussi fréquemment que le recommandaient les anciens traités, qui semblaient embrouiller à dessein une chose fort DU JARDINIER. simple en elle-même, comme pour dégoûter les amateurs et les mettre hors d’état de faire croître un bon melon sans le secours d’un mai- tre jardinier. On doit jouir durant tout le mois de juin et les trois mois suivants des melons de bonnes espèces, pourvu que les semis et repi- quages soient conduits en conséquence. Nous recommandons aux amateurs qui ne cultivent as pour la vente le petit melon sucré vert, de à variété nantaise ; jamais il ne s’en rencontre un mauvais. Ils seraient communs à Paris sans la petitesse de leur taille, que la culture n’a pas réussi jusqu’à présent à développer, ce qui les rend peu avantageux pour la vente. Le petit melon sucré vert a le mérite d’être à la fois, selon l’époque des semis, le premier et le der- nier ; il égale, pour la finesse de la saveur, les meilleurs cantalous, et la plante est beaucoup moins délicate. Fraises. — Les fraisiers exigent, durant le mois de juin, des soins multipliés. Lorsqu'iis ont été plantés sur un sol bien nettoyé à l’a- vance, et que ce sol a été garni d’une quantité de litière sèche suffisante pour étouffer les grai- nes de mauvaises herbes à mesure qu’elles lè- vent, il n’y a pas lieu de les sarcler; il faut seulement les arroser sans profusion, mais avec discernement, avec l’attention de donner tou- jours un peu plus d’eau à ceux qui montrent plus de fruits que de fleurs, et un peu moins à ceux chez qui les fleurs sont en plus grand nombre. Quelques personnes sont dans l’usage, en cueillant les fraises, pour s’épargner ensuite la peine de les éplucher, d'enlever le fruit sans son pédoneule et de laisser le support attaché à la tige: rien ne fait plus de tort à la fructifi- cation des fraisiers. Les jardiniers ont grand soin de couper net avec l’ongle du pouce le pé- doncule au-dessous du fruit; ils savent par ex- périence que sans cette précaution ils perdraient la moitié de leur récolte. On voit souvent, dans les premiers jours de juin, tous les fraisiers jaunir et languir, malgré les arrosages et les soins ordinaires que récla- me leur culiure; dans ce cas, c’est qu'ils sont attaqués à la racine par le turc ou ver-blane (larve du hanneton). Il n'y a guère d'autre re- inède que de détruire la planche endommagée, de labourer avec soin la terre et d’y rechercher les turcs. Mais comme il est encore temps de replanter des fraisiers des quatre saisons pour én jouir à l'automne, et que, d’une autre part, quelque soin qu’on ait mis à exterminer les vers- blancs, la seconde plantation peut avoir le même sort que la première, nous rappellerons au lec- teur le procédé suivant; nous l’avons essayé plusieurs fois, et il a toujours réussi. Le hanneton pénètre en terre aussi avant que possible pour déposer ses œufs. Quand le sol est profond, les larves de hanneton doivent donc éclore à une grande distance au-dessous de la surface de la terre; leur instinct les porte à remonter pour chercher les substances végé- tales, principalement les racines tendres, dont | Il 463 elles se nourrissent; mais si elles rencontrent sur leur chemin un obstacle qu'elles ne puis- sent percer, elles périssent. Pour préserver les fraisiers, on défonce le sol à 0m,40 ou 0,50 de profondeur, et l’on garnit le fond dela planche d’une couche de 0” ,03 ou 0m,04 de feuilles sè- ches de châtaignier, de platane ou de sycomo- re; celles d’orme ou de cnêne seraient insuffi- santes. On rejette ensuite la terre et on réta- blit le plant de fraisiers qu’on soigne comme à l'ordinaire: il n’est plus question de vers-blancs. On conçoit que ce procédé n’est pas praticable en grand, lorsque les produits sont destinés à la vente; mais il arrive souvent, à la campagne, qu'on est forcé d’acheter des fraises, parce que les tures détruisent les fraisiers dans les jardins particuliers. On peut, par le moyen que nous rappelons, s’assurer une bonne provision d’un des meilleurs fruits de nos jardins durant les chaleurs de l'été. Les fraises de collection sont épuisées dans le mois de juin, hors celles des quatre saisons, et quelques caprons tardifs qui peuvent se prolon- ger jusqu’en juillet, aux expositions de l’est et du nord. Nous recommandons, tant aux amateurs qu'aux jardiniers, une fraise peu cultivée aux environs de Paris, et cependant bien digne de l'être. C’est une variété d’origine anglaise, mais profondément modifiée par une longue culture dans les provinces wallonnes de la Belgique: elle est très rustique et très productive; son fruit est de moyenne grosseur, d’un rouge oran- gé, d’une saveur parfaite, intermédiaire entre celle de la fraise ananas et celle de la fraise des Alpes. À Liége, où le sol lui convient par- ticulièrement, elle donne pendant près de six semaines, avec une abondance réeilement pro- digieuse. Son seul défaut, pour les jardiniers, c'est de ne produire qu’une fois et d’occuper inutilement le sol pendant le reste de l’année. Voici, d'après notre propre expérience, com- ment cet inconvénient peut disparaître. Suppo- sons 10 ares de terrain employés à la culture de la fraise wallonne; après la récolte, c’est-à- dire vers la fin de juin, on en peut arracher neuf, et ce qui restera aura produit, avant l’au- tomne, un si grand nombre de coulants, que vers le 15 septembre on en pourra replanter, si Pon veut, 20 ares au lieu de 10. En renouve- lant la plantation tous les ans, les produits se- ront aussi abondants que si on laissait les plan- tes achever le cours ordinaire de leur durée, qui est de trois ou quatre ans. Aux environs de Liége et de Namur, sur les terrains schis- teux en pente, très sujets aux éboulements, on laisse cette fraise s'étendre librement, sans l’ar- racher ni la rajeunir ; les jeunes plantes étouf- fent les vieilles, et 1l n°y a jamais un centimètre de terrain à découvert. On récolte avec profusion, dans le mois de juin, les fèves, les haricots verts, les choux- fleurs et toute espèce de salade; on voit même déjà quelques haricots blancs écossés des espè- ces hâtives. Les choux manquent sur le mar- ché; les premiers sont épuisés, les tardifs n’ont 464 pas encore formé leur pomme ; mais leur ab- sence n’est pas remarquée. La récolte des jeunes carottes se prolonge durant tout le mois de juin et une partie du mois suivant, si les semis ont été ménagés en conséquence. Lorsqu'on se propose d’obtenir en automne une récolte de carottes parvenues à toute leur grosseur, il faut cesser de récolter dès qu’on voit le plant suffisamment éclairei ; mais dans la culture maraïchère on n’admet pas cette méthode. La carotte destinée à la consom- mation d'hiver est cultivée en plein champ; celle qui paraît sur nos tables comme légume d’été est arrachée avant d’avoir atteint tout son vo- lume, et le terrain reçoit une autre destination. Les asperges donnent encore durant une par- tie du mois de juin; les pousses des griffes les plus faibles sont les dernières à se montrer; il vaut mieux les ménager que d’en continuer la récolte; il ne faut pas perdre de vue qu’une planche d’asperges peut prolonger son exis- tence, avec très peu de frais, pendant 25 à 30 ans en plein rapport, pourvu qu’on ne lui de- mande pas plus qu’elle ne doit raisonnablement produire. Le mois de juin est la saison convenable pour lier les cardons afin de les faire blanchir. Il y a souvent de la perte sur cette plante, dont la consommation n’est pas très étendue; cette perte provient de ce que le cardon, parvenu au point d’étiolement qui le rend propre aux usa- ges de la cuisine, n’y reste pas; il faut néces- sairement qu'il soit consommé ou qu’il pour- risse si l’on n’en trouve pas le débit; on ne doit donc pas lier les cardons tous à la fois. Un moyen excellent, quoique peu usité, de les ob- tenir successivement, c’est de varier l'épaisseur de l'enveloppe ou chemise de paille ou de litière sèche employée pour les faire blanchir; plus cette couverture est épaisse, plus le cardon blan- chit promptement. Ilest bon de visiter souvent les cardons pour s'assurer de leur état. L’oseille à larges feuilles, semée au prin- temps, donne en juin les meilleurs produits; le mode de multiplication par semis est de beau- coup préférable à l'éclat des racines; l’oseille jeune a toujours moins d’âcreté et moins de propension à monter pendant les chaleurs. La récolte de l'ail, très importante dans les départements au sud de Paris, doit se faire à la fin de juin; si la végétation de cette plante se trouvait retardée, il faudrait la hâter en nouant les feuilles toutes ensemble; en tout cas, il est bon de les coucher, comme on le fait pour l’o- gnon, vers le 15 juin. C’est vers le milieu de juin queles tiges d’an- gélique sont bonnes à être coupées pour être confites au sucre ; nous recommandons aux amateurs la culture de cette plante, dont les semences sont également favorables aux estomacs débiles: elle: n’exige aucun soin et peut être abandonnée à elle-même dans un fossé humide, pourvu qu’elle y soit à l’abri des vents du nord et d’est. CALENDRIER $ IT, — Jardin fruitier, La récolte des fruits rouges commence ordi- nairement en juin ; cette année il ne faut pas les attendre avant juillet, mais C’est une exception. La culture des arbres et arbustes à fruits rou- ges est d’une telle importance pour la santé pu- blique, aux environsdes grandes villes, que nous croyons utile de donner à cet égard quelques indications spéciales. Groseilliers. — Peu de cultures sont plus avantageuses que celle des groseilliers aux en- virons de Paris; elle est portée au plus haut point de perfection par les habitants du village des Prés Saint-Gervais, qui en font leur princi- pale occupation. Les groseilliers à grappe y sont plantés dans des rigoles peu profondes, à la dis- tance de 1",50 en tous sens; ils tes bêchent sou- vent, leur donnent assez fréquemment des en- grais au pied, et ny laissent jamais de bran- ches âgées de plus de deux ans. Un terrain de 33 ares (arpent de Paris, petite mesure), planté en groseilliers, en contient 1,450, dont chacun donne, année commune, 1K,500 de groseilles, et dans les bonnes années 2 kilogr.; au prix moyen de 30 cent., c’est un produit de 650 fr., pouvant aller jusqu’à 950 fr.; ilest vrai que la main-d'œuvre pour cueillir les groseilles en- traine des frais considérables. Vers la fin de juin, quand les groseilles com- mencent à mürir, on réserve pour la récolte d'automne quelques-uns des groseilliers les plus chargés de fruits; on les recouvre d’une botte de paille retenue en haut et en bas par deux liens, et l’on a soin que cette couverture ne soit jamais dérangée. Les groseilles se conservent sous cet abri, sans s’altérer ni se rider, jusqu’au mois de novembre. L’arbuste est assez vigou- reux pour ne pas souffrir sensiblement de cette clôture, pourvu qu’il n’y soit pas soumis deux années de suite. Framboisiers. — Le fruit du framboisier, au moins égal aux meilleures espèces de fraises, est cependant moins estimé à cause d’un défaut qui révolte la délicatesse de bien des gens ; il ne peut se conserver que quelques heures après avoir été cueilli; la moisissure et les vers s’en emparent presque aussitôt. Le peu de consis- tance de ce fruit le rend aussi très difficile à transporter; néanmoins, son goût délicieux et ses propriétés bienfaisantes lui méritent une place dans tous les jardins. Cette place peut être choisie à l'ombre et dans l’endroit où le sol est moins fertile; le framboisier peut s'en conten- ter; mais de même que toute autre plante, il produit en raison de la nourriture qu’on lui donne, et, quoique bien peu de jardiniers son- gent à fumer leurs framboisiers, c’est une at- tention que nous recommandons aux amateurs, surtout à ceux qui ne peuvent disposer que d’un espace limité pour cette excellente production. On jouit pleinement des framboises dans les premiers jours de juin, surtout si l’on a eu soin d’incliner ou de courber légèrement les pousses de l’année précédente, dont on attend la fruc- DU JARDINIER. tificat'on. Les framboises veulent être eueillies | au moins une fois tous les jours, durant la sai- | son, si l’on tient à n’en pas laisser perdre. Cerisiers. — On commence à jouir dès Îles | remiers jours de ce mois des cerises en espa- lier. et vers la fin du mois de toutes les autres, dans les années ordinaires. Les soins à donner aux cerisiers, durant le mois de juin, se bor- nent à l'attention qu’il faut apporter à ne point endommager les arbres en cueillant le fruit; fort souvent, sur les arbres à haute tige, l'ap- plication imprudente des échelles occasionne | aux embranchements des fentes qui donnent lieu à la gomme et peuvent causer plus tard la | perte des arbres. Nous rappelons aux amateurs que c’est à eux surtout qu’il appartient de conserver à lhorti- culture la reine des cerises de France, la belle, grosse et excellente cerise de Montmorency. Dans sa vallée natale, cette cerise est sur le point de disparaître; elle est si peu productive qu’on n’en a pas renouvelé les antiques planta- tions. Les motifs d'intérêt auxquels le jardinier marchand est forcé de céder ne doivent point arrêter l'amateur, surtout quand il s’agit de ne pas laisser périr une des meilleures variétés de nos fruits rouges, variété dont la réputation est européenne. C’est vers le milieu de juin qu’il convient de s'occuper du pincement des bourgeons sur- abondants et des branches gourmandes, prin- cipalement sur les arbres cultivés en espalier. Quelques auteurs conseillent de commencer cette opération dès le mois de mai; nouseroyons | cette pratique nuisible aux arbres, excepté dans quelques années où le printemps aurait été très précoce. Les greffes en écusson, à œil poussant, sur toute espèce d'arbres fruitiers, réussissent très bien dans tout le courant de ce mois. Depuis un certain nombre d’années, les greffes d’ar- bres à fruits au bas de la tige, destinées à être cnterrées, obtiennent une préférence marquée sur toutes les autres, même pour les arbres à haute tige. Après avoir longtemps défendu d’enterrer les greffes, on a remarqué que les greffes enterrées ne tardent point à s'enraciner, et qu’elles donnent naissance à des sujets qui ont tous les caractères des pieds francs; à la vérité on en obtient le fruit beaucoup plus tard, mais les arbres sont plus robustes et du- rent plus longtemps. Les semis de pepins effectués soit au prin- temps, soit à l'automne de l’année précédente, souffrent déjà de la chaleur et de la sécheresse au mois de juin. S'ils n'ont pu être placés à l'ombre, ou s’il est trop difficile de les arroser, on peut H suppléer en partie en semant en bor- dures le long des planches quelques-unes de ces “HS qui végètent rapidement et donnent eaucoup d’ombrage ; ainsi, par exemple, des soleils semés très serrés en avril peuvent déjà donner aux semis de pepins un abri suffisant avant les fortes chaleurs de la fin de juin. 465 S11f. — Parterte, Les fleurs de collection sont passées des la fin du mois précédent, à l’exception des œillets, dont la floraison commence à la fin de juin. Si les œillets n’offrent jamais à la vue cette riche variété de couleurs qui fait tout le prix des tulipes et des renoncules, ils ont par compen- sation l'élégance des formes et l’odeur la plus délicate peut-être de tout le règne végétal. On peut, dans tout le courant de ce mois, les mul- tiplier au moyen des marcottes. Lorsqu'on s’a- percoit à la grosseur des boutons que la fleur fera crever le calice et que les pétales, s’'échap- | pant par cette crevasse, perdront leur symétrie, on pratique de légères incisions longitudinales au point de jonction de chacune des divisions du calice; si, malgré ces précautions, la fleur conserve son défaut, elle ne peut plus figurer dans la collection. Parmi les insectes, l'ennemi le plus à crain- dre pour les œillets est le perce-oreille ; le meil- leur préservatif connu consiste à suspendre des ergots de veau ou de mouton aux œillets des baguettes qui servent de support aux tiges; chaque soir les perce-oreilles ne manquent pas de s’y retirer, et il est facile de les détruire. En dehors des collections d’œillets, on ne doit pas négliger l’œillet rouge pur, ou œillet des distillateurs, le plus odorant de tous, l'œîllet commun, blanc pur, ou panaché blanc et rose, remarquable par le volume de ses fleurs, et enfin l’œillet de Condé, jaune, frangé de rouge. Toutes ces plantes sont rustiques; elles sup- portent 10 et 12 degrés de froid; nous les avons vu résister parfaitement à 18 degrés Réaumur au-dessous de zéro, durant le grand hiver de 1829 à 1830, à Liége (Belgique). Ce qui tue les œillets, ce sont les dégels suivis de verglas; il est donc utile de tenir toujours la litière sèche à leur portée pour les couvrir en cas de besoin. Il est bien reconnu que la gelée sèche, quelle que soit son intensité, ne leur fait aucun mal. Les lis de toutes les variétés sont en pleine fleur durant le mois de juin. Quoique ce genre magnifique ne fasse point collection, les lis blancs et jaunes n’en sont pas moins, avec les émérocalles, les martagones et les tigridia, le plus bel ornement de nos parterres dans cette saison. Le lis de Pensylvanie, fort estimé en Belgique, est moins commun dans nos jardins, malgré la beauté de sa fleur. Les tigridia n'ont contre elles que le peu de durée de leur fleur : quelques heures suffisent pour les faner ; on peut cependant en former de beaux massifs, toujours garnis de fleurs durant la saison ; les bulbes, étant fort petits, peuvent être plantés très près les uns des autres, et chaque tige donnant successivement trois ou quatre fleurs, il y en a toujours un assez grand nombre d’é- panouies à la fois. Parmi les fleurs simples, nous n'avons rien qui surpasse en beauté la corolle mouchetée de cette plante éblouissante. | Quoïque les bulbes de tigridia puissent rester BORT!CUITURE, T, V. — 59 466 en terre toute l’année, pourvu qu’on les couvre pendant l'hiver, nous avons toujours trouvé leur floraison plus belle quand on les traitait comme les oignons de tulipe. Dans ce cas, il ne faut les mettre en terre qu’au printemps, quand toute crainte de gelée est passée. Les oignons de tulipes et de jacinthes doivent être relevés dès que les feuilles commencent à jaunir, à l'exception des oignons de tulipe qu’on destine à servir de porte-graines. L'usage hollandais de laisser ces oignons en tas sur le terrain pendant quelques jours, si le temps le permet, avant de les mettre au sec, est excellent en lui-même; il faut seulement veiller les oignons de très près pour prévenir la pour- riture qui pourrait les attaquer. Les renoncules ont donné leur plus belle flo- raison ; il est cependant possible à ceux qui, par leurs semis, s’en procurent de grandes quan- tités, de réserver une partie des griffes pour planter dans les premiers jours de juin et en jouir le mois suivant. Les griffes de renoncules ont sur les oignons l’avantage de ne pas végéter quand on ne les met pas en terre, et de se re- poser un an sans inconvénient ; on peut donc, sans les détériorer, en retarder la plantation, ce que les plantes bulbeuses ne souffrent pas, parce que les bulbes, plantés ou non, poussent et s’épuisent quand leur saison est venue. On greffe les rosiers dans tout le mois de juin, mieux dans la première quinzaine que dans la seconde. C’est le moment de la grande jouissance des amateurs sous le climat de Paris. Les soins à‘donner aux rosiers eÀ cette saison se bornent à les débarrasser des insectes nuisi- bles et des calices des fleurs passées, excepté celles qu’on réserve pour semences. $ IV. — Orangerie. Les granus orangers mis en plein air le mois précédent poussent durant le mois de juin avec vigueur, et réclament des arrosements modé- rés, mais fréquents. Les soins à donner aux Jantes d’orangerie pendant leur séjour au de- 1ors se bornent à des arrosages, selon le be- soin, et à une surveillance continuelle pour les préserver des attaques des insectes. L’oran- gerie étant alors presque vide et très aérée, c’est le moment d’y faire les boutures des plan- tes qui aiment l’ombre. C’est aussi l’époque la plus convenable pour les boutures d'oranger ; elles reprennent très facilement en bonne terre neuve d'oranger qu’il faut tenir constamment humide, mais sans excès. Les feuilles détachées avec leur pétiole entier, et traitées comme des boutures, ne tardent pas à s’enraciner et à donner naissance à de jeunes plantes; la tige nouvelle se forme au bas du pétiole, sur sa face antérieure. Si ce mode de multiplication est peu usité, c’est qu’il est plus lent que les autres rocédés ; cependant l'amateur possédant seu- ement quelques orangers ne peut, sans les dé- te leur demander même un petit nombre de outures ; il peut au contraire retrancher des feuilles en grand nombre sans inconvénient, et CALENDRIER s’il les soigne attentivement, la croissance des jeunes sujets n’en sera pas de beaucoup re- tardée. $ V. — Serres chaudes et tempérées. Les soins que réclament, durant le mois de juin, les serres chaudes et tempérées sont assez limités; ce n’est qu'une simple surveillance, plus nécessaire aux orchidées, et surtout aux épidendrées, qu’à toutes les autres plantes. Comme elles ont, en général, une grande va- leur, on ne doit pas perdre de vue qu'un coup de soleil trop vif peut en tuer un grand nom- bre, soit parce qu’elles végètent à l’ombre dans leur pays natal, soit parce qu’elles n’ont jamais dans la serre une vigueur égale à celle qu’elles auraient sous le climat des tropiques. IL faut donc, autant que les dispositions du local peu- vent s’y prêter, placer à part ceux des végétaux à qui l'ombre peut être nécessaire, et couvrir au besoin la partie de la serre qui les contient, laissant l'air et le soleil aux plantes assez ro- bustes pour ne pas en souffrir. Les serres où les plantes vivent toutes en pleine terre, serres aujourd’hui fort à la mode sous le nom de jardins d'hiver, peuvent à cette époque de l’année être dégarnies de tous leurs panneaux, la nuit comme le jour, jusqu'aux premières nuits froides du commencement de septembre. Les boutures de plantes de serre chaude et tempérée réussissent mieux dans le mois de juin que dans tout autre, pourvu qu’on évite de leur donner trop d’eau et trop d'air ; elles ont besoin de la cloche, même dans la serre, et ne doivent la quitter que quand on est. certain qu’elles sont enracinées, soit dans la terre de bruyère, soit dans tout autre mélange approprié à leur nature. Ananas.— Les plantes les plus vigoureuses, et, ce qui n’est pas à dédaigner, celles dont la croissance est le plus rapide, proviennent, non des œilletons assez souvent employés à les re- produire, mais des couronnes ou touffes de feuilles, semblables à un œæilleton, placées par la nature au sommet de ce singulier fruit. On est revenu de bien des préjugés en horticulture depuis qu’un plus grand nombre de personnes éclairées ont trouvé leur bonheur à s’y livrer. La possibilité, pour quiconque dispose d'un ! jardin et peut y établir une couche sous châssis, d’avoir de très bons ananas, n’est plus l’objet d’un doute, tandis qu’autrefois il ne fallait pas y songer, à moins d’avoir à sa disposition, soit une serre chaude, soit tout au moins une bä- | che construite exprès pour cet usage. Le petit propriétaire ou le jardinier qui ne possède ni un grand local, ni beaucoup d'argent, doit | choisir le mois de juin de préférence à tout : autre s'il veut se créer une couche d’ananas. Aux environs de Paris et des autres grandes | villes, la consommation des ananas, qui est déjà considérable en juin, permet de se procurer des | couronnes d’ananas en grand nombre et à bas | prix; il suffit pour cela de s’entendre avec les | DU JARDINIER. glaciers et quelques-uns des principaux restau- rateurs. Les couronnes se gardent un mois et même plus, sans aucune autre précaution que de les tenir au sec; elles se transportent dans de la mousse, même à de grandes distances, et n’en valent que mieux pour la plantation ; Car, dans tous les cas, il faut, avant de les planter, laisser cicatriser et sécher le talon; sans quoi il ne pousserait point de racines. On peut donc, durant le mois de juin, s’'approvi- sionner de couronnes et les tenir en état d’être plantées vers la fin du mois. On prépare pour recevoir les pots une couche chaude ordinaire, mais la plus chaude possible, en partant de ce principe que les ananas ne peuvent jamais avoir trop chaud sur la couche, et qu'au-dessous de 25 degrés centigrades ils ne peuvent que lan- guir. On prend ordinairement de la tannée neuve pour couverture de la couche d’ananas. Un horticulteur écossais a proposé récemment d’y substituer avec avantage le son humide, spécialement le son d'avoine, qui prend effec- tivement une chaleur très remarquable ; nous craignons que ce moyen, dont nous n'avons pas fait personnellement l’essai, n’engendre une multitude d’insectes qui parviendraient facile- ment jusqu'aux racines des ananas, au moyen de fentes qu’on ne peut se dispenser de laisser au fond des pots. Le succès de l’opération dépend surtout de la bonne nature de la terre dont on remplit les pots après avoir préalablement garni le fond avec du gravier, à 0,04 ou 0".,05 d'épaisseur. Nous ne croyons pas qu’il soit indispensable de préparer cette terre six mois à l'avance, selon l’usage des jardiniers; c’est toujours une excellente pratique, à laquelle nous ne pou- vons qu’applaudir; mais nous avons vu des ananas végéter parfaitement dans un mélange de terreau, de terre franche et de fumier de cheval, mélange opéré seulement huit jours avant la plantation des ananas; à la vérité, le fumier était très consommé. La terre pour les ananas doit être tenue plu- tôt trop sèche que trop humide, pourvu que la chaleur soit suffisante ; il ne faut arroser que modérément, et quand on est assuré que les jeunes plants, soit d’œilletons, soit des cou- ronnes, sont enracinés. JUILLET. 6 IF, — Jardin potager, Choux. — C’est dans les premiers jours de juillet que les jardins commencent à livrer à la consommation les premiers choux véritables, pommés, nourrissants, dignes de figurer sur toutes les tables; C’est aussi l’époque où les villages à l’ouest et au nord de Paris commen- cent à fournir les marchés de choux pommés ; jusqu'alors les maraichers ont rempli la halle de prétendus choux d’York ou choux-pins, à peine à moitié de leur croissance; le jardinier amateur peut dédaigner ce genre de produit, mm es PR 467 qui ne vaut réellement rien du tout, et attendre pour avoir des choux pommés les derniers jours de juin; à partir de cette époque, il n’en doit plus manquer pendant tout le reste de la saison. Nous recommandons à tous ceux de nos lec- teurs qui dirigent de grandes cultures, l’excel- lente coutume des fermiers de la Beauce pour la culture des choux. Dans tous les jardins des grandes fermes, on dispose à l'avance un vaste carré de ce légume qu’on soigne le mieux pos- sible, et auquel on se ferait scrupule de toucher pour la consommation journalière ; c’est la pro- vision des moissonneurs. L'époque de la plan- tation de ces choux a été calculée pour les faire arriver à leur complet développement vers le 15 juillet, lorsqu'on commence à couper les seigles, et pour en continuer la récolte pen- dant tout le mois d'août. On croit généralement dans la Beauce, et sans doute avec raison, que le chou, le seul médicament usité, dit-on, jadis pendant des siècles dans l’ancienne Rome, con- tribue puissamment à entretenir les travail- leurs en bonne santé, en dépit des fatigues excessives de la moisson. Dans les derniers jours du mois, ceux qui traitent le chou en grande culture en plein champ font leurs semis destinés à être repiqués en plates-bandes et à l'abri pour passer l'hiver, et être mis en place au printemps, afin d’arri- ver sur le marché en juillet et août ; quelque- fois même ils les repiquent en place, au risque d'en perdre quelques-uns par les gelées; ce mode de culture, dans lequel l’engrais et la main-d'œuvre sont ménagés avec beaucoup de parcimonie, occupe le terrain toute une année. Quoique les traités de jardinage préconisent cette méthode, nous pensons qu’elle ne doit point être à l'usage des jardiniers tant soit peu diligents. Les choux plantés en juillet, et conve- nablement soignés, doivent pommer en novem- bre et décembre, et fournir à la consommation de tout l'hiver. Les choux qui proviennent des semis de printemps leur succèdent, et le même sol, suffisamment fumé, peut, sans inconvé- nient, en donner ainsi deux récoltes dans le cours d’une année. Melons. — Les jardiniers- marchands ont déjà livré à la consommation leurs melons de primeur, fort avantageux pour le maraïcher parce qu'ils se vendent très cher, mais de beau- coup inférieurs à ceux qui leur succèdent. Toute production de la terre a sa saison hors de laquelle on peut lobtenir artificiellement, mais toujours moins parfaite que lorsqu'elle n’a point éte forcée. Les melons de seconde récolte qui presque toujours sont les premiers dans les jardins des amateurs, à l'exception de ceux qui entretien nent un jardinier à l’année, n’ont besoin que de quelques arrosages durant ce mois. La meil- leure manière de les mouiller, selon le besoin, c’est d’arroser en plein midi, mais en courant entre les couches, et en élevant l’arrosoir aussi haut que possible pour imiter leffet d'une grosse pluie de courte durée. Le melon près de x 168 donner ses fruits n’a réellement pas besoin d’être arrosé, à moins d’une sécheresse extra- ordinaire ; il ne faut que rafraichir ses feuilles et ses tiges, et les débarrasser de la poussière. Qu'on nous permette une courte digression relativement à la grêle; c’est le seul ennemi que craignent les melons en juillet et août. A cette époque, sous le climat de Paris, on enlève comme inutiles les cloches et les châssis des melonnières, et on les serre sous le hangar ; il n’est pas de traité de jardinage où cette prati- que ne soit indiquée. Cependant, les orages sont fréquents dans cette saison ; tout orage peut amener une grêle qui détruit en quelques minutes une récolte longuement préparée. Nous pensons donc que quand le moment est venu de tenir les melons constamment à décou- vert, parce que les nuits sont chaudes et que pendant le jour ils ne sauraient avoir trop d'air et de soleil, il faut disposer les châssis en tas à portée des couches à melons, afin de pouvoir les couvrir à l’approche de l'orage. Sans doute, par cette méthode, les châssis exposés aux al- ternatives de la chaleur et de l’humidite se dé- tériorent, et il ne faut pas chercher d’autre cause à l’usage de les rentrer à l’abri. On rend le dommage moins sensible en les couvrant de paillassons, et dans tous les cas, il ne peut y avoir de comparaison entre les deux chances de perte. Les effets pernicieux de la grêle sont en gé- néral mal appréciés. Ce n’est pas sans motif que les jardiniérs et tous ceux qui travaillent à la terre parlent du venin contenu dans la grêle. Ce propos peut faire hausser les épaules à l’ob- servatour inattentif; il est pourtant fondé sur une propriété très réelle de la grêle. Dans les pays accidentés la grêle s’amoncelle souvent en masses considérables au fond des ravins ex- posés au nord ; elle peut, même durant les cha- leurs, s’v conserver plusieurs jours sans se fon- dre entièrement ; elle prend alors une couleur terreuse et elle exhale une odeur cadavéreuse très prononcée. Ayant observé ce phénomène très souvent et avec beaucoup d’attention, cette odeur nous a paru provenir d’un dégagement de gaz nitreux, dans des proportions si faibles qu'elles échappent à l'analyse chimique, de même que les principes d’une foule d’autres odeurs ; c’est là ce qui fait dire au paysan que la grêle porte son venin. C’est donc une grande erreur de croire que l’action de la grêle est purement mécanique, et qu’elle se borne à briser ou déchirer les parties tendres des végétaux ; tel est sans doute, lors- qu’elle est très grosse, son principal moyen de destruction ; mais elle nuit encore indépendam- ment de son action mécanique, ainsi qu'il est facile de l’observer lorsqu'elle tombe fine et serrée, au lieu de se montrer en gros fragments. L’orage du ? juin 1840 nous a offert un exem- ple frappant de cet effet particulier de la grêle dans nos melonnières de Saint-Mandé. Ceux de nos voisins qui ne les ont pas Couvertes en temps utile ont perdu une grande partie de | f CALENDRIER leurs melons, pour ainsi dire äu moment de {eg envoyer au marché. La grêle, de grosseur moyenne, mêlée de beaucoup d’eau, n’a pas duré plus de 3 à 4 minutes, et n’a donné que par places. Les pieds des melons grêlés sem- blaient après l'orage parfaitement sains; rien n'y indiquait la moindre trace de dépérisse- ment. Le lendemain toutes les tiges Irappées portaient une petite tache brune à l'endroit at- teint par les grêlons ; quelques jours plus tard elles étaient tombées en sphacèle, et il fallait les retrancher avec le fruit prêt à mürir sous peine de perdre la plante tout entière. Si nous avons insisté sur cet objet important, c’est que le mois de juillet est le plus dangereux sous ce rapport, et que d’ailleurs le remede est facile. Les cloches et les châssis pour les me- lons et quelques plantes susceptibles, la litière sèche pour les autres productions moins déli- cates, préviendront tout accident. Il est bien entendu que lorsqu'on craint la grêle on couvre de paillassons les cloches et les châssis vitrés. On fera bien de suivre à cet égard l’usage des maraîchers de la banlieue qui, par une sage prévoyance, ont toujours un ou plusieurs tas de bonne litière sur divers points de leur ter- rain, selon son étendue. Le peu de main-d’œu- vre qu’exigent ces précautions n’est point à comparer à la chance de perdre toute une ré- colte. Fraises. — La fraise des Alpes des quatre saisons est en plein rapport durant le mois de juillet. Si la sécheresse a nécessité des arrosa- ges très fréquents, il est bon de renouveler la couche de paille dont le sol doit avoir été re- couvert dès le printemps ; on évite par ce moyen le tassement de la terre; les fils, ou coulants, ne trouvant point à s’enraciner, sont plus faci- les à enlever ; enfin la plante se trouve placée dans les meilleures conditions de végétation, chaleur au dehors et fraicheur à la racine. Lorsqu'une fraisière est frappée de grêle, il faut la détruire et la remplacer par une autre cul- ture ; elle ne ferait plus que languir et ne don- nerait aucun produit ; C’est dans ce cas un mal sans remède. Oignons.—Les semis d’oignon blane, destiné à être consommé frais, doivent être épuisés dès la fin de juin. Dans les premiers jours de juillet on tord les tiges des oignons destinés à prendre tout leur accroissement pour être con- servés pendant l'hiver. Comme cette opération serait trop longue pour la culture en grand de ce légume dont la consommation est immense, on y supplée par le rouleau; ceux qui man- quent de cet instrument peuvent le remplacer sans grand inconvénient par un tonneau qu’on rend suffisamment lourd au moyen de quel- ques cailloux. On renouvelle au commencement de juillet les semis d’oignon destiné à être em- ployé frais; il se repique en octobre et peut rester sur le sol jusqu'aux fortes gelées. Scorsonères. — Peu de légumes offrent un aliment aussi salubre que les scorsonères et les salsifis ; ces derriers, plus sujets à devenir fi- . ne nds e ones ais DU SARDINIER. landreux et aussi plus difficiles à conserver, ont presque partout cédé le terrain aux SCorso- nères, qui leur sont préférés à juste titre. C’est en juillet, mieux au commencement qu’à la fin, après une bonne pluie, qu’on sème les scorso- nères. Dans les jardins de peu d’étendue, on peut semer en lignes très rapprochées ; on sème à la volée en grande culture. Dans les deux cas il est bon de semer très serré. La plante étant bisannuelle, on l’éclaircira avant l'hiver, en enlevant ies raciaes déjà bonnes à être consom- mées ; elles se conserveront aisément dans du Sable frais à l’abri de la gelée. On sait que cette plante jouit du singulier privilége de ne pas mourir après une première floraison, et de porter graine deux fois de suite ; la graine qui provient de la seconde floraison passe pour la meilleure. Poireau. — La consommation de ce légume, objet d’une culture très importante aux envi- rons des grandes villes, n’est jamais interrom- pue ; le poireau provenant des semis de prin- temps n’est pas encore épuisé au mois de juillet. On renouvelle durant ce mois les semis pour la provision d'hiver; s’ils ont été faits dans les premiers jours de juillet et que la saison ait été favorable, le poireau est bon à repiquer dès la fin du mois. Il faut lui donner un peu plus d’es- pace qu'aux repiquages de printemps. Cette lante, étant du petit nombre de celles qui gè- ent très difficilement, passe impunément lhi- ver en pleine terre; elle continue même à vé- géter dans la mauvaise saison, à l'exception des froids les plus rigoureux. En lui donnant les soins convenables dans le premier âge, on peut la conserver aisément jusqu’en fevrier et mars, époque où la vente est la plus avanta- geuse, tous les autres légumes étant épuisés. Les légumes frais de toute espèce, pois, ha- ricots, fèves, artichauts, choux-fleurs, sont en pleine récolte durant tout le mois de juillet; c’est le moment d’arracher l'ail et les échalot- tes. L'usage de l’ail n’est rien dans nos dépar- tements du nord et du centre, comparé à son emploi dans le midi de la France. Là cette plante occupe des champs entiers : elle se con- serve très bien à l’air libre, liée en paquets peu serrés, qu’on suspend aux solives d’un gre- nier ou d’un hangar, à l'abri de l'humidité. Les premières pommes de terre déjà man- geables à la fin de juin sont parfaitement müres en juillet. Les jardiniers, assez modérés pour attendre la maturité parfaite des espèces pré- coces de ce tubercule, y perdent moins qu’on ne pourrait le croire; si les premières appor- tées au marché se vendent plus cher. chaque pied n’en fournit qu’un très petit nombre : il y a presque compensation. Quant au jardinier amateur, le soin de sa santé doit lui interdire l'usage prématuré des pommes de terre pré- coces. On a, pendant le mois de juillet, des céleris à butter, des chicorées et des scaroles à lier pour les faire blanchir, des semences de toute espèce à recueillir, Le jardinier n'a guère de 469 repos durant ce mois, mais aussi c’est l'époque de sa moisson. II. — Parterre. Le mois de juillet continue à amener la flo- raison des plantes d'ornement de pleine terre, delphinium, thalictrum, œænothéra, hélianthes. et une foule d’autres; la beauté du coup d'œil exige qu’on enlève avec soin les fleurs passées qui ne sont pas destinées à porter graine; ilen est de même des grappes défleuries des lilas et des syringas dont la graine est inutile et dés- agréable à la vue: on respectera au contraire, tantqu'ils voudronttenir,lescalicesdéfleurisdes calicanthus, à cause de leur précieuse odeur. Parmi les plantes de collection, les œillets seuls sont encore en pleine fleur : on peut les multiplier de marcottes durant tout le mois de juillet ; les premiers fleuris peuvent déjà donner des graines bonnes à récolter. Quelques horticulteurs sont dans l’usage de replanter, dès la fin de juillet, les ognons de jacinthes et de tulipes à peine ressuyés, sans autre précaution que de les débarrasser des caïeux; nous croyons que quelques mois de repos sont favorables à la belle végétation des plantes bulbeuses au printemps suivant, pourvu qu’on les préserve des atteintes de la grande chaleur qui les ferait pousser prématurément et les épuiserait en pure perte. On fera donc sagement d’attendre jusqu'en septembre pour planter les bulbes à fleur. Quant aux caïeux, on peut profiter du reste de la belle saison pour leur laisser prendre de la force en pépinière; à l'approche de l’hiver, il faudra les couvrir d’une litière abondante, sans quoi les plus avancés risqueraient de périr. Les collections de dahlias, sans être parve- nues à toute leur beauté, donnent déja quel- ques belles fleurs. Il est bon de rapprocher les variétés les plus précoces les unes des autres; car ces fleurs éclatantes, dont le feuillage sur- abondant n’est guère plus gracieux que celui de l'humble pomme de terre, ne décorent bien un parterre que lorsqu'elles y sont réunies en grandes masses de couleurs variées. On met en place, en juillet, les plantes de pleine-terre qui fleurissent jusqu’à la fin de l'automne, les asters, balsamines, tagètes, éle- vées sur de vieilles couches usées. Si l’on veut rendre leur floraison plus belle, il faut les en- lever avec le plus possible de terreau à la ra- cine, et ne pas trop tasser la terre au pied en les replantant. On renouvelle les semis en place de plantes annuelles, dont la première floraison est épuisée, les zinnia, belle de nuit, belle de jour; ces plantes donneront encore une belle floraison, pourvu qu’on ne leur ménage ni le terreau ni les arrosements. De cette manitre le parterre sera toujours abondamment garni de fleurs jusqu'aux gelées, ce qui doit être le but constant des soins du jardinier amateur. $ LIL. -- Jardin fruitier. Les chaleurs de juillet brûlent souvent les 470 racines très délicates des pêchers et abricotiers en espaliers; dans ce cas, l'arbre périt quel- quelois en peu de jours, avec tout son fruit prêt à être cueilli. Il ne faut donc pas attendre que les feuilles commencent à se faner pour donner de l’eau au pied de ces arbres durant les séche- resses trop prolongées; un peu trop d’eau ne ouvant leur être fort nuisible, on déchaussera égerement le bas du tronc, et l’on mouillera largement un peu après le soleil couché, tandis qu'avec un arrosoir à boule percée de trous très fins, on humectera le feuillage et les fruits qui ne pourront qu'y gagner. Il est bon de ne pas trop se hâter d’enlever les feuilles qui couvrent les pêches. principale- ment celles des espèces tardives. Il est temps | de les exposer au soleil quand elles approchent de leur maturité; si le feuillage leur ôte un peu de couleur, il peut en récompense les préserver des atteintes de la grêle lorsqu'elle n’est pas trop violente. L'on a souvent à regretter après un orage d'avoir dégarni trop tôt les pêches tardives. Les limaçons et les perce-oreilles sont les | plus dangereux ennemis des abricots et des pé- | ches, même avant leur parfaite maturité. La chasse aux limacons se fait le matin, avant que | le soleil n’ait dissipé la rosée, et à toute heure du jour après une pluie abondante où modérée. Nous rappelons, pour la destruction des perce- oreilles, l'emploi des sabots de veau et de mou- {On, que nous avons déjà conseillé en traitant de la culture des œillets de collection; nous ne COnnaissons pas de procédé d’un succès plus Certain; on trouve le matin les sabots remplis de ces insectes nuisibles. Quelques praticiens greffent en écusson à œil dormant, dès la fin de juillet, les arbres à fruits en pépinières. Ces greffes réussissent rarement ; il faut pour y avoir recours qu'on en ait un très grand nombre à faire à la fois et qu'on soit pressé par le temps : dans tous les autres cas, il est préférable de les différer jusqu’après la sève du mois d’août ; assuré. Les premières poires mûres, à la fin de juil- let, sont un produit important pour le jardi- nier-marchand et une grandé jouissance pour le jardinier-amateur. La meilleure des poires précoces, trop peu multipliées dans nos jardins, est la poire d'épargne ou de cueillette, qu’on peut avec des soins obtenir parfaitement mûre à la fin de juillet, non-seulement en espalier, mais même en quenouille. Les boutons à fruit de cette précieuse variété sont assez allongés et peu adhérents ; on doit donc avoir soin de ne pas les endommager en cueillant les fruits. Les alternatives de bonnes et de mauvaises récoltes n’ont souvent pas d'autre cause que la destruc- tion d’une partie des boutons fertiles dans les années d’abondance. $ IV. — Orangerie et serre, L’orangerie est à peu près vide; on arrose modérément les boutures de Cactus et autres le succès en est alors | CALENDRIER plantes grasses faites le mois précédent ; on préserve des insectes les plantes en pots et caisses placés en plein air, et on les arrose selon le besoin, La serre chaude-humide qui contient les épidendrées reste seule garnie, et très sou- vent la chaleur extérieure, même en juillet, est insuffisante; un peu de chaleur artificielle est indispensable de temps en temps. Malgré les dépenses énormes qu’entraîne ce genre de serres, le moment approche peut-être où elles deviendront un objet de produit. Les essais tentés pour la culture de la vanille, essais cou- ronnés d’un plein succès, pourront, sinon don- ner de grands bénéfices, du moins couvrir les frais, et permettre à un plus grand nombre d'amateurs les jouissances de la culture dispen- dieuse des plantes intertropicales. La vanille parait n’exiger que de l'humidité et une cha- leur constante ; il faut soutenir ses tiges grim- pantes, mais sans leur faire éprouver aucune torsion. AOÛT. $ 197, — Jardin potager. Cornichons. — Les cornichons , dont la ré- colte a commencé dès le mois précédent, sont encore en pleine récolte dans le mois d'août. Nous ne parlons, bien entendu, que des corni- chons venus en pleine terre, d’après les procé- dés que nous avons indiqués. Quant à ceux qui ont eté forcés sur couche sous châssis, et re- piqués au commencement de la belle saison pour être vendus comme primeurs, il y a long- temps qu’ils sont épuisés. Les cornichons peuvent être cultivés avec grand avantage dans le voisinage de toutes les villes importantes. Le concombre, dont la cul. ture est la même, n’est cultivé très en grand que près des grandes villes du midi de la France ; ailleurs, et spécialement à Paris, sa consom- mation n’est pas fort étendue. Peu de plantes sont aussi prodactives , et si lon ne tenait pas à la qualité du fruit, ses pro- duits pourraient être encore plus abondants. L'usage ordinaire est de pincer les branches principales au sixième œil, pour provoquer le développement des branches latérales, qu’on arrête de la même manière,en supprimant même tout-à-fait celles qui s’éemportent Cette taille n’a rien de difficile, la plante n’est point délicate. Nous avons vu des jardiniers, pour ne pas prendre la peine de se baisser, raccourcir les jets, à peu près à la longueur voulue, à l’aide d’une bêche bien tranchante ; leur récolte n’en paraissait pas sensiblement diminuée. L’essen- tiel, c’est que les cornichons et concombres aient reçu au moment de leur mise en place une quantité suffisante de bon fumier, et qu’ensuite l'eau ne leur ait pas manqué selon le besoin. Pendant le mois d’août il faut arroser large- ment, sans Compter sur les pluies d’orage or- dinairement fréquentes dans cette saison. L'eau | très chargée d'électricité nuit plus qu’elle ne JU JARDINIER. sert à la végétation de ces plantes, et comme elles ne sont jamais trop mouillées, peu importe qu'elles reçoivent une pluie abondante un quart d'heure après qu’elles auront été arro- sées ; elles n’auront point à en souffrir. IL faut une certaine dextérité pour cueillir les cornichons bons à être employés, sans en- -dommager les tiges. L'espèce la plus robuste, aujourd'hui généralement en faveur dans les marais de Paris, est celle qu’on nomme vul- gairement cornichon serpent, dont le fruit af- fecterait, si on le laissait grandir et devenir concombre, des formes très bizarres, mais qui possède sur toutes les autres variétés l'avantage de rester longtemps long, mince, tendre et d'un très beau vert, qualités recherchées dans ce genre de production. Comme il peut arriver que les premiers cor- nichons plantés paraissent les plus francs dans leur espèce, et qu’on désire en conserver quel- ques pieds pour porter graine, leur maturité arriverait alors vers la fin d'août. Nous rap- pelons aux amateurs qu’il ne faut pas toucher aux Cornichons qu’on veut laisser venir à graine avant que les fruits ne tombent en pourriture, sans quoi la graine ne lèverait pas. Il faut avoir soin aussi, pour conserver la pureté de l’espèce, de ne laisser à chaque pied porte-graine qu'un petit nombre de fruits, proportionné à sa vi- gueur. Melons. — Toutes les espèces de melons sont en pleine consommation durant le mois d'août, et l’époque des grandes chaleurs est celle où les classes moyennes de la société dans les villes peuvent jouir de cet excellent fruit. Il n'ya plus d’autres soins à leur donner que de sur- veiller leur maturité successive, et d'empêcher, au moyen de tuiles ou d’ardoises, la partie en contact avec la couche de se détériorer. Un procédé de conservation très répandu dans les départements du midi, permet de jouir du melon sans interruption jusqu’à l’époque des grands froids, quelquefois même au delà. Les jardiniers de nos contrées méridionales ne font usage de ce procédé que vers la fin de septembre; mais nous l’indiquons dans les tra- vaux du mois d'août, parce que nous pensons qu’eu égard à la différence du climat, Paris et les départements au nord de la capitale peuvent prendre leurs précautions un mois d'avance. On choisit les melons les plus sains, quelle qu’en soit l'espèce, un peu avant leur parfaite matu- rité. On leur laisse 0,07 à 0”,08 de tige, à la- quelle on attache une ou deux poignées de aille parfaitement sèche , disposée de manière à envelopper le melon de toutes parts. On sus- pend le melon soit à une solive de grenier, soit dans un lieu quelconque, où il soit également à l'abri des dernières chaleurs et de l’humidité de l’arrière-saison. Lorsque le melon est mis en place, on réunit tous les brins de paille à sa par- tie inférieure, et on les rattache de manière à ce que le melon soit totalement enfermé. Comme la consommation doit toujours être successive, on a soin de donner un peu plus de at paille à ceux qui doivent être consommés les premiers, c’est-à-dire aussitôt que cesse la sai- son de ce fruit. On en donne un peu moins aux autres pour ne pas trop hâter leur maturité. Les précautions à prendre dans la suite sont fort simples ; si quelque melon avance trop, on en est quitte pour le mêler à ceux des ventes journalières, ou pour le manger si l’on n’est pas jardinier-marchand ; on n’aura perdu que la peine de l’habiller. Si l'on prend la précau- tion de donner souvent de l'air pendant la jour- née au local où l’on conserve les melons, et de les garantir exactement des atteintes du froid, on aura la satisfaction de servir à ses amis ou de vendre à un prix très avantageux des me- lons aussi bons qu’en pleine saison, dans les mois de décembre et janvier, quelquefois même au delà. Nous connaissons des confrères qui ont vendu des melons conservés par ce simple procédé, en les donnant pour des primeurs for- cées dans une serre; la tige, seul indice de la conservation, avait été soigneusement retran- chée. Fraises. — Les vrais amateurs de fraises, et même ceux d’entre les jardiniers-marchands qui tiennent à la perfection de leurs produits, ne gardent point la fraise des quatre saisons au dela de sa deuxième année. Comme on a eu soin jusqu'alors de détruire les coulants à mesure qu’ils se sont développés, on les laisse, dès les premiers jours du mois, s’étendre à leur aise dans les planches qu’on destine à fournir du plant ; alors on diminue le paillis, afin que les nœuds des coulants puissent plus aisément prendre racine; un léger binage, qui mêle ce qui reste de paille avec le dessus du sol, favo- rise beaucoup la végétation des coulants, quoi- que cette végétation soit par elle-même si ac- tive que cette précaution soit souvent jugée inutile. On continue à arroser les planches, mais seulement pour qu’elles ne souffrent pas de la sécheresse ; les plantes-mères continuent à don- ner leurs fruits, mais avec moins d’abondance, et il n’y a aucun inconvénient à en profiter. Il n’est même pas rare de voir dans les coulants des nœuds qui ne sont pas encore enracinés porter des fleurs et des fruits, fort petits à la vérité, mais tout aussi bons que les autres. Il ne faut pas attendre trop tard pour enlever et repiquer le jeune plant; vers la fin d’août, si les grandes chaleurs ont cédé, il est temps de commencer les planches pour l’année sui- vante; le fraisier a d'autant plus de chances de réussir que le plant a pris plus de force avant Phiver. Si les froids le surprennent dans un état de végétation languissante, les alterna- tives de gelées et de dégel le soulèvent hors de terre et en détruisent la majeure partie. Le jeune plant ne doit être ni paille ni trop abon- damment arrosé, pour qu'il ne s’épuise pas à produire des coulants avant l'hiver, ce qui ar- rive quelquefois quand la terre est très fertile. Quant aux planches qui ont fourni le plant, on leur rend la paille et on tâche d’en tirer le 472 CALENDRIER meilleur parti possible jusqu'à l'hiver, époque à laquelle il convient de les détruire. On pourra commencer également dans les derniers jours du mois d'août l'arrachage et la mise en place des jeunes plants de fraisiers de collection qui ne sont pas remontants; nous re- commandons particulièrement cette méthode pour la fraise anglaise perfectionnée par la cul- ture en Belgique, espèce dont nous avons déja eu occasion de faire ressortir les excellentes qualités. C’est la meilleure variété obtenue en Europe de la fraise écarlate de Virginie. Toutes les espèces de fraisiers qui ont, comme les caprons ct les ananas, des racines volumi- neuses et très longues, supportent sans en souf- frir le retranchement d’une partie de ces or- ganes; le plant, dans ce cas, reprend beaucoup plus sûrement que si, en s'obstinant à laisser aux racines toute leur longueur, on les expo- sait à se replier dans le fond du trou fait par le plantoir, inconvénient qu'il faut éviter avec le plus grand soin. On peut différer jusque dans le courant du mois prochain à éclater, pour se procurer du jeune plant, la fraise des quatre saisons sans coulants, principalement la varicté précieuse nommée Buisson de Gaillon. La plupart des variétés remontantes ne dé- génèrent pas en bon terrain ; il suffira de les rajeunir de graines tous les huit ou dix ans. Nous connaissons des cultures très étendues de fraisiers des quatre saisons qui, depuis plus de vingt ans, conservent toutes leurs qualités sans jamais avoir été renouvelés autrement que par les coulants. Mais quelques sous-variétés moins persistantes dégénèrent au bout de quatre ans et ne se reproduisent même pas très bien de semis, excepté sur le sol où elles ont été primi- tivement obtenues. C’est ainsi que la belle fraise bizarre de Montreuil, sous-variété de la fraise des Alpes des quatre saisons, ne supporte pas plus de deux renouvellements par coulants sans revenir à la forme et au volume de la fraise des Alpes ordinaire. Les jardiniers de Montreuil eux-mêmes ne la conserveraient pas s'ils n’al- laient tous les quatre ans acheter du plant à Monthléry et dans les communes voisines, d’où cette sous-variété tire son origine. Ainsi les amateurs des départements qui feraient venir la fraise de Montreuil, si justement recher- chée, seraient dans la nécessité, après deux re- nouvellements, de tirer de nouveau leur plant des environs de Paris. Haricots. — L'abondance des produits que donnent durant ce mois toutes les espèces de haricots n'empêche pas qu'on ne puisse en- core en semer dans les premiers jours du mois d'août. La récolte ne peut avoir lieu qu’en vert; ele n’est même jamais très assurée pour des semis aussi tardifs ; néanmoins, si on les place à bonne exposition, ils arriveront encore à un développemeut suffisant, et cette dernière ré- colte scra surtout précieuse pour être conservée de différentes manières et destinée à la con- sommation d'hiver. Il est évident que, si l’on conserve, soit dans la saumure, soit en les passant à l’eau bouil- lante, soit enfin par le procédé d’Appert, des haricots verts pris sur la première récolte de ce légume, ils auront contre eux trois mois, et trois mois de fortes chaleurs, à supporter de plus que ceux qui seraient pris sur la dernière récolte. Dans ce but on peut donc semer encore durant la première semaine d'août : mais alors il ne faut ménager ni le terreau ni les arro- sages. léves. — Les amateurs qui ne craignent pas de sacrifier une certaine étendue de terrain, au risque de ne rien avoir, et qui ont couché ou coupé leurs fèves de printemps après une pre- mière récolte en vert, peuvent avoir, au moyen d’arrosages et de binages fréquents, de nou- velles pousses de fèves en fleur vers la fin de ce mois. Il conviendra alors de coucher ces tiges, en les retenant au moyen de lattes atta- chées l’une au bout de l’autre, comme cela se pratique pour les pois forcés sur couche. Les produits qui pourront venir en septembre ne seront ni très beaux ni fort abondants, excepté dans quelques années spécialement favorables ; mais l'expérience est curieuse, et l’on est tou- jours certain de manger peu ou beaucoup de jeunes fèves dans une saison où les jardins en fournissent très rarement. Salades. — Les chaleurs du mois d'août sont l’époque à laquelle les salades de toute espèce sont le plus utiles et le plus recherchées: c’est donc alors surtout que les soins du jardinier doivent tendre à en avoir en plus grande abon- dance, et de toutes les variétés. La grosse lai- tue anglaise, quoique d’une saveur médiocre et qui n’a rien de fort distingué, se recommande pour la consommation de ce mois par le vo- lume de ses pommes rondes et serrées, et sur- tout par sa propriété de monter très difficile- ment, tandis que les meilleures laitues des au- tres variétés montent pendant le mois d’août avec une rapidité que le plus habile jardinier ne peut pas toujours arrêter. Toutes les espèces de chicorée, principale- ment l'excellente chicorée frisée fine et blanche des environs de Paris, doivent partager avec les laitues les soins du jardinier. 11 est déja temps dans le courant du mois d'août qu'il s'occupe de sa provision de salade pour l'hiver. Il sèmera done pour repiquer en bonne exposi- tion des laitues d'hiver, dont les premières formeront leurs pommes avant la mauvaise saison, et les autres seront conservées pour pommer dans les premiers jours du printemps, avec des soins de culture que nous indiquerons à leur époque. Mais la véritable salade d'hiver, c’est la scarole, doublement précieuse par sa faculté d'arriver à maturité en automne, quand les autres salades commencent à s'épui- ser, et de se conserver sans pourrir pendant presque tout l'hiver. C’est même une propriété remarquable de cette salade que de ne pas com- muniquer à l’intérieur de ses pommes l'odeur et le mauvais goût résultant de la pourriture DU JARDINIER. 473 de ses feuilles extérieures, lorsqu'elles en sont | cette plante, qui fournit une grande abondance atteintes accidentellement pendant l'hiver. Le jardinier devra donc se munir durant le mois d'août d’un bon nombre de planches de sca- roles, ainsi que de chicorée frisée, qu'il plan- tera successivement, ayant soin de conserver la dernière récolte pour prendre place dans la serre aux légumes. ! Nous devons mentionner ici une très bonne variété de scarole peu commune en France, cultivée en Belgique sous son nom gaulois d’en- dive. Moins dure et plus cassante que les va- riétés cultivées autour de Paris, elle résiste encore plus facilement à toutes les variations de température des plus rudes hivers; cuite dans l’eau et hachée, elle est de beaucoup su- périeure à la chicorée cuite qui figure sur nos tables, et l’usage de ce mets pendant lhiver est très utile à la santé. On ne lie pour les faire blanchir qu’une partie des endives; il s’en trouve toujours dans les planches un grand nombre qui se referment d’elles-mêmes, et dont les cœurs deviennent parfaitement blancs. Artichauts. — Les pieds d’artichaut qui ont donné leurs pommes les premiers sont epuisés dès le commencement du mois d'août; on doit couper immédiatement les tiges au niveau du sol, en observant seulement de ne pas endom- mager les œilletons qui commencent à se déve- lopper; car désormais le seul service que.ces plantes puissent rendre consiste à fournir du plant qui portera fruit l’année suivante. Ceux dont on attend encore les produits seront arro- sés largement; ils n’exigent pas dans le mois d'août d’autres soins de culture. Choux et choux-fleurs.— On hâtera par tous les moyens possibles la végétation de ceux qu’on espère récolter à l’arrière-saison. Le meilleur moyen que nous connaissions consiste - à les déchausser environ quinze jours après leur reprise, et à répandre autour du collet de la racine une bonne poignée de noir de raffinerie qu’on recouvre de terre, et dont on favorise l'action par des arrosages modérés, mais fré- quents. Si l’on cultive dans une localité où il soit trop difficile de se procurer ce genre d’en- grais très actif, on aura recours à la colombine ou à du crottin de mouton pulvérisé et mélangé avec du terreau. L’on se trouvera pleinement récompensé de ses soins par l’avantage de re- cueillir sur le même sol une double récolte; car les choux et les choux-fleurs ainsi traités lais- seront le terrain libre à une époque où le plant préparé pour l'hiver les remplacera, et fournira une récolte de printemps aussi abondante que si ces produits avaient constamment occupé la terre pendant près de dix mois. La récolte des graines de toute espèce ré- clame durant le mois d’août l'attention con- stante du jardinier ; la plus difficile à préserver de la voracité des oiseaux est la graine de lai- tue, celle de toutes les semences potagères dont ils sont le plus avides. Nous avons vu employer avec succès, pour parer à cet inconvénient, le grand soleil (heliantus). Quelques pieds de | la tige rendent plus assurée la formation des ra- BURTICULTURE, | | de graines, attirent les oiseaux, et comme les graines de soleil sont beaucoup plus nutritives que celles de laitue, il est rare, tant queles pre- mières donnent, que les autres soient attaquées. Les semis des scorsonères peuvent encore se prolonger dans les premiers jours de ce mois; plus tard ils auraient moins de chances de suc- cès. On continue à butter le céleri en lui tenant le pied toujours frais; on blanchit les cardons comme nous l'avons indiqué dans un article précédent. Quoique la plupart des auteurs re- commandent de renouveler et de rajeunir les bordures aromatiques de thym et de lavande durant le mois d'août, nous pensons qu'il vaut mieux attendre pour cette opération le mois de septembre, durant lequel les pluics seront plus fréquentes et les autres travaux de jardinage moins multipliés. Si des récoltes terminées laissaient des places vides dans le potager à la fin de ce mois, on peut les garnir de tétragone ou d’épinards, dont la végétation rapide profitera avec avantage du reste de la belle saison. A mesure que les carrés du potager se dégar - nissent, on doit en profiter pour la plantation des choux, poireaux, chicorée frisée, et pour les semis de persil destiné à la consommation d'hiver. 6 II. — Parterre. Les plantes de collection bulbifères peuvent se mettre en place dans les derniers jours du mois d'août, s’il n’y a plus à craindre de fortes chaleurs. L'usage ordinaire est de renouveler la terre pour les jacinthes et les tulipes. Si l’on n’en a que deux planches, on porte sur un bout de la seconde la terre de la première enlevée à 0° ,14 ou 0°,16 de profondeur. On égalise bien le fond de la fosse, on le garnit de terreau s’il est nécessaire , et l’on aligne les oignons au cor- deau, en les espaçant selon leur volume. Plusieurs amateurs, pour ne pas être obligés de préparer un espace de terrain plus grand que ce qu’il faut pour loger les oignons à fleur, placent dans les intervalles les caïeux qui ne doivent pas fleurir ; mais il est infiniment pré- férable de les placer à part en pépinière, pour qu'ils ne nuisent pas à la beauté du coup d'œil pendant la floraison du printemps. Les œillets flamands marcottes dès le mois précédent peu- vent être sevrés dès le mois d'août. La meil- leure méthode pour obtenir des marcottes vi- goureuses sur les sujets précieux consiste à sus- : pendre au tuteur de l’œillet un petit pot à fleur profond de 0",05 à 0m,06 et d’une largeur égale. Ces pots, bien connus de tous les ama- teurs d’œillets, sont percés à leur partie infe- rieure d'un trou par lequel on introduit la branche qu’on veut marcotter sans la déranger de sa position naturelle. Une ou deux très lé- gères incisions pratiquées avec un Canif très coupant au-dessus et au-dessous du nœud de 1. V. — 60 474 cines. Il ne reste plus qu’à remplir le petit pot de terre à œillets qu’on tient médiocrement hu- mide. Il faut aussi avoir soin de boucher l’ou- verture inférieure du pot avec de la terre glaise, en ne laissant que la place de la tige à marcot- ter. Quant aux œillets de pleine terre, ils n’exi- gent pas tant de cérémonie; après la floraison, on étale tout autour du pied les branches à marcotter qui n’ont pas fleuri, et l’on déchausse le pied de manière à former un creux cireulaire. On incise les nœuds, quoique les œillets rusti- ques s’enracinent bien sans cette précaution, et l’on recouvre le tout de terre, en laissant seu- lement sortir l'extrémité des branches, dont on a soin de raccourcir les feuilles. Les grandes plantes de parterre annuelles et bisannuvclles sont encore dans tout leur éclat, qu’elles conserveront jusqu'aux premières ge- lées de la fin de septembre; il faut veiller avec soin à la récolte des graines sujettes à s’échap- per de leurs enveloppes ou de leur réceptacle, comme les ancolies les polémoines, les reines- marguerites, et par-dessus tout les balsamines. Une petite fleur très humble, très modeste et précieuse à tous égards, ne doit point être ou- bliée du jardinier. Le réséda, appelé presque seul à corriger dans nos parterres l’odeur peu agréable des tagètes ou œillets d'Inde, se res- sème de lui-même partout où il a été une fois introduit. L'art de conserver cette plante pen- dant tout l'hiver est pratiqué avec une grande perfection en Belgique et dans le nord de la France. Là on peut voir derrière les car- reaux d’une double croisée, sur des supports de verre, des résédas devenus arbustes, avec un tronc de la grosseur du poute et une tête régulière formée d’une douzaine de branches qui fleurissent jusqu’au printemps. Lorsqu'on lui a donné cette forme, la plante a acquis une assez grande valeur pour figurer parmi les plantes rares dont les Belges et les Allemands des provinces rhénanes se plaisent à décorer leurs appartements pendant l’hiver. Toutes les roses dites perpétuelles donnent de temps en temps quelques fleurs à peu près insigniliantes, à l’exception de la rose noisette, de la rose Bougainville jaune beurre frais, et par-dessus tout de la rose du Bengale, qui méri- tent seules, sous notre climat, le nom de perpé- tuelles. On doit entretenir ces charmants arbustes par une coupe modérée des fleurs et des bran- ches accessoires; il faut surtout ménager les va- riétés foncées de rose de Bengale, dont la flo- raison sera très pauvre au printemps si on leur a demandé trop de fleurs durant la saison pré- cédente. On n’oubliera pas dans une place bien abri- tée du parterre, de planter en août une planche de violette de Parme qu’on entretiendra par des arrosages modérés, afin d’en obtenir des fleurs tout l’hiver, s’il n’est pas trop rigoureux. Q III. — Jardin fruitier, La grande affaire de la fin de ce mois, dans CALENDRIER le jardin fruitier et dans la pépinière, c’est la greffe à œil dormant, lorsque le bois sur lequel on veut la pratiquer est parfaitement aoûté. Nous ne pouvons entrer ici dans les détails que nous avons donnés ailleurs: nous ferons seu- lement observer combien l’ancien onguent de Saint Fiacre, appliqué à toute espèce de greffes, est inférieur à la composition donnée par Mil- ler, et que nous avons déjà reproduite (voir p. 69). Les fruits à noyaux et à pepins donnent ac- tuellement en grande abondance, et le jardi- nier se livre durant le mois d’août à la plus agréable de ses occupations, celle de récolter. Il faut profiter de la nécessité où l’on se trouve durant le mois d’août, d’être constamment au- tour des espaliers pour découvrir les fruits, les cueillir, et visiter avec un soin minutieux tou- tes les branches qui pourraient être affectées de gomme, de chancere ou de toute autre ma- ladie. Toutes les branches de l’espalier peuvent paraître en très bonne santé tant qu’elles sont couvertes d’un feuillage abondant; puis, à la chute des feuilles, on découvre des plaies qu’il eût fallu arrêter à leur naissance, et auxquelles il n’y a plus moyen de porter remède. On doit avoir soin, en récoltant les fruits en plein vent dont les arbressont sujets à la gomme, comme labricotier et tousles pruniers, dene pas placer l'échelle sur des branches trop faibles, à l'insertion desquelles il se formerait d’abord des fentes imperceptibles, mais qui pourraient les faire périr l’année suivante. La récolte des poi- res se Continue avec les précautions que nous avons indiquées pour le mois précédent. On re- grette de rencontrer trop rarement dans nos jardins la pomme neige et la pomme framboise, excellents fruits communs en Belgique et en Angleterre, et qui se récoltent pendant tout le mois d'août. $ IV. — Orangerie et serre. Orangerie. — Les boutures et marcottes de plantes de serre tempérée, faites les mois pré cédents dans l’orangerie pour profiter de les pace qui s’y trouvait libre, doivent être enraci nées, si elles ont recu les soins convenables Toutes celles qui ont réussi seront reportées à leur place, de crainte qu’elles ne souffrent de la fraicheur des nuits des derniers jours du mois d'août. Ce mois et le suivant sont l’épo- que la plus en pour l'éducation des végé- taux étrangers de serre ou d’orangerie; c’est alors qu’on est exposé à en perdre un plusgrand nombre par une opération qui est cependant indispensable, celle du rempotage. Pour les grands végétaux d’orangerie, orangers, citron- niers, grenadiers, oléandres, il n'y à pas un danger réel, et d’ailleurs, lorsqu'ils ont atteint une certaine croissance, on peut laisser passer bien des années sans renouveler la terre de leurs caisses ; ceux des Tuileries et de Versailles ne sont changés que tous les huit ou dix ans. Il y a aussi des familles entières de plantes, comme les pélargoniums et les eucalyptus, dont la vé- DU JARDINIER. 15 gétation vigoureuse est à l'épreuve de tout; il | gèneralement les moyens simples et faciles de s’en perd très peu par le rempotage. Mais pour les plantes délicates, le jardinier ou l’amateur, étant obligé de se faire aider par des mains souvent inhabiles, pour peu que sa collection soit nombreuse, est forcé de confier à la ser- pette inexpérimentée de ses aides les racines des plantes qu’il s’agit de changer de terre, et même leurs têtes, auxquelles il faut faire des retranchements proportionnés à ceux qu'on a faits aux racines. Si après cela la terre n’est pas suffisamment tassée autour de la motte et qu'il subsiste des vides, la plante souffre beau- coup et très souvent elle périt. Comme il importe que toutes les plantes changées de pots aient poussé de jeunes racines dans leur nouvelle terre avant la mauvaise saison, et qu’on n’a que de la fin d’août au 15 septembre pour lo- peration du rempotage, il vaut mieux sv pren- dre quelques jours plus tôt que de perdre un temps favorable. On a discute la question, qui ne saurait en être une, de l'avantage qu'il v au- rait à renouveler la terre des plantes de serre | et d’orangerie au mois de mai, au lieu d'atten- dre l’arrière-saison. Sans doute au printemps les plantes se referaient beaucoup plus vite, mais l’opération serait impraticable, parce que, du moment où la végétation d’une plante a re- commencé, on ne peut plus la déranger, et rien n'est plus capricieux que la végétation des plantes exotiques cultivées en serre. On ne sau- rait jamais quand on pourrait avoir fini, et cela au moment de l’année où le jardinier a le plus d'occupations diverses. Le rempotage | du printemps n’est donc possible que dans les établissements au compte de l'Etat, où la dé- pense et la main-d'œuvre sont des considera- tions secondaires, ou bien encore pour l’ama- teur qui, logeant une vingtaine de plantes ra- bougries sous un appentis vitré, se donne la sa- | 8 tisfaction de dire : Ma serre. SEPTEMBRE. $ 17, — Jardin potager. Haricots. — Les soins à donner à cette plante pendant le mois de septembre consistent à ré- colter successivement les haricots des espèces à rames à mesure qu’ils viennent à maturité. Aux environs de Paris et des grandes villes on trouve du bénéfice à vendre la majeure par- tie des haricots pour être consommés en grains frais écossés; il n’en reste donc qu’une partie à récolter à l’arrière-saison. Les siliques qu’on laisse parvenir à leur parfaite maturité doivent être récoltées avant qu'elles s'ouvrent d’elles- mêmes pour laisser echapper les haricots, ce qui a lieu fréquemment lorsqu'il survient un coup de soleil un peu vif dans les Journées chaudes de septembre. l'en préserver. Une petite digression à ce sujet ne sera pas sans utilité pour un grand nombre de nos lecteurs. Les traités de jardinage, pleins de notions du plus haut intérêt et réellement indispensa- bles sous tous les rapports, ont cependant, lors- qu’on veut se conformer à la lettre à leurs in- dications, un inconvénient que sans doute bien des amateurs de jardinage auront senti comme nous. Leurs auteurs ne supposent jamais qu’on puisse vouloir faire de l’horticulture sans con- sacrer un Capital considérable à tout lattirail d’une grande entreprise de culture jardinière ; ils sont donc placés, par rapport à l’ama- teur dont les moyens sont limités, absolu- ment au même point de vue où l’auteur du Cuisinier royal, par exemple, s’est placé par rapport à une ménagère de la bourgeoisie: il faut tant d’ustensiles et d'ingrédients pour le moindre ragoüt, qu’elle jette le livre et en re- vient à ses procedés ordinaires. De même, l’'horticulteur marchand, ou le jardinier du chà- teau d’un grand propriétaire, monté de tous les ustensiles de sa profession, couches, bâches , chässis, orangerie, serre, n’est jamais embar- rassé. L’amateur qui n’a rien de tout cela, sur- tout s’il demeure loin des grandes villes, y sup- pléera jusqu’à un certain point, presque sans frais, avec un peu d'industrie. On place des deux côtés de la planche de ha- ricots qu’il s’agit de préserver des rames avant servi pour les pois; on les incline assez pour qu’en s'appuyant les unes sur les autres elles puissent supporter des abris, soit paillassons, soit litière seche, qu’on déplace à volonté. Les haricots ainsi garantis des premières ge- lées fleurissent et donnent une pleine récolte en vert jusqu’à l’arrivée des grands froids. On peut remplacer les rames à pois par des | tiges de soleil ou de maïs, selon les localites. : Dans ce cas on les incline comme nous l'avons | dit, et on les rattache à leur sommet à une suite d’autres tiges semblables posées horizontaie- ment au point de rencontre de celles des deux rangées qui bordent la planche. Si l'on désire prolonger plus avant dans l'hi- ver la végétation des haricots, on les sème, non pas sur couche, mais en ravons fortement fu- més en fumier court. On entoure la plate-bande de piquets saillants hors de terre de 30 à 40 centimètres d’un côte de la planehe, et de 25 à 35 centimètres de l’autre côté. Lorsque le bois dont on dispose consiste en rondins un peu gros, il y a économie à les fendre, de sorte que le bout qui n'est point effilé pour être enterre présente une surface demi-circulaire. On en- trelace autour de ces piquets des cordons de paille tordue, ou, si la paille est rare et chère, de longues branches de genêt, dont l'effet est | le même. On peut, selon les facilités que cha- Les semis de haricots destinés à être mangés | que localité met à la disposition de l’horticul- en vert peuvent encore se continuer jusqu’au | teur, remplacer la paille ou les genêts par du 15 septembre. On sait combien cette plante est | gros jonc, des roseaux, ou toute autre plante sensible à la moindre gelée; on connaît moins | pouvant s'adapter au même usage. L'on a ainsi 476 ce que nous nommerons une bâche économi- que, susceptible de durer quatre ans. On la couvre avec tout aussi peu de dépense. Il s’a- git d'y ajuster un cadre en lattes ou en treilla- ge, ou simplement en petites perches de sapin jointes ensemble, ayant précisément la force suffisante pour porter un paillasson. Les hari- cots parfaitement abrités, recevant l’air et le soleil chaque fois que le temps le permet, pré- servés de la pluie quand elle est trop abondante, résistent et fructifient jusque fort avant dans l'hiver, tout aussi bien que sous des châssis vi- trés posés sur couches. Ceux qui ne craignent pas un peu plus de peine et de dépense peuvent faire leurs châssis en treillage bien droit, avec un nombre de tra- verses suffisant pour pouvoir les garnir de pa- pier huilé. Ils peuvent compter dans ce cas sur presque tous les produits qü’on obtient sous les châssis vitrés; car il y a moins de différence qu'on ne peut le supposer, à moins d’en avoir fait l'épreuve, entre l’effet du verre et celui du papier huilé quant à la végétation, tandis qu'il y a dans les prix une énorme différence. Sous notre climat inconstant le jardinier ne doit jamais se laisser surprendre ; il vaut mieux placer et déplacer vingt fois les abris sans né- cessité que de perdre, faute d’un peu de pré- voyance, une récolte de haricots toute venue. Salades. — Le commencement du mois de septembre est l’époque la plus convenable pour les semis de laitue, dite de la passion; cette salade n’exige que peu de soins, soit qu’on se propose de conserver le plant pour le mettre en place au mois de mars, soit qu’on possède des plates-bandes bien exposées au midi pour la re- planter dès qu'elle a acquis la grosseur néces- saire, et luilaisser passer ainsi l'hiver afin d’en obtenir les pommes de bonne heure. Cette der- nière méthode est de beaucoup la meilleure pour la culture en pleine terre. Si l’on dispose d’un bon nombre de couches avec leurs cloches et leurs châssis, on repiquera sur ces couches le plant de laitue en novembre et décembre pour en jouir tout l'hiver. Il est bien entendu que dans ce cas les semis auront été faits succes- sivement dans le courant -du mois de sep- tembre. La chicorée, la scarole et l’endive plantées à la fin du mois dernier ont à craindre les ge- Jées de la fin de septembre; on les en préser- vera au moyen de paillassons jetés le soir sur les planches et retirés le matin dès que le soleil a dissipé la gelée blanche. La végétation de ces plantes peut ainsi se prolonger assez pour qu’elles profitent des derniers beaux jours as- sez fréquents en octobre sous le climat de Pa- ris ; elles arrivent ainsi à toute leur grosseur avant la saison des fortes gelées. C'estun des premiers devoirs du jardinier de se tenir constamment pourvu de plant de toute espèce prêt à être mis en place en temps con- venable; c'est une des marques auxquelles se reconnait un homine capable et attentif à sa vesogne. Il doit spécialement avoir calculé ses CALENDRIER semis de chicorée, de scarole et d’endive de fa- çon à pouvoir en planter tous les cinq à six jours dans le courant de ce mois. Comme ces salades ne sauraient atteindre un volume con- sidérable, on les espacera à 0",25 en tout sens; une couverture de paillassons où même de li- tière sèche suffira pour les garantir des gelées. A moins de froids excessifs et prématurés, ces salades végèteront tout l'hiver, et l’on en pourra cueillir de la fin de décembre à la fin de mars. Quelque rude que soit l'hiver on peut espérer, en y mettant les soins nécessaires, d’en conser- ver au moins les trois quarts. Leurs produits, principalement destinés à être mangés cuits, offriront à l'amateur un mets agréable et très salubre pendant l’hiver, et au jardinier mar- chand placé près d’une grande ville un bénéfice d'autant plus opportun qu’il vient dans une saison où celui qui n’est pas assez riche pour se livrer à la culture coûteuse des primeurs a peu de chose à porter au marché, et peu de recet- tes à réaliser jusqu’au retour de la belle saison. La mâche ou doucette, dont le vrai nom est valérianelle, se sème en septembre et même dans les premiers jours d’octobre ; cette salade ne gèle pas, et l’hiver n’arrête point sa végéta- tion. Elle n’est pas sans mérite, quoiqu’elle pa- raisse rarement sur la table du riche; mêlée à la betterave ou à la pomme de terre cuite, elle forme une excellente salade à très bon marché; le jardinier marchand ne doit donc pas en dé- daigner la culture. Radis. — La fin des grandes chaleurs per- met de recommencer en septembre la culture du radis un moment interrompue; car si l’on avait continué à en semer en juillet et août, il serait devenu creux et dur, à moins de soins minutieux qu’un produit de si peu d’impor- tance ne merite pas. À partir du premier sep- tembre on sème de semaine en semaine, sur plate-bande garnie de terreau, du petit radis rose qui lève et grossit avec une promptitude incroyable au moyen de quelques arrosages. Si le mois de septembre est chaud et see, il ne faut pas attendre pour récolter ces radis qu’ils dé- passent la grosseur du bout du doigt ; sans quoi ils deviendraient creux, insipides et de nulle valeur. Les petites raves longues, roses et vio- lettes, aujourd’hui généralement négligées aux environs de Paris par un caprice de la mode, quoiqu’elles soient pour le moins aussi bonnes que les radis, se sèment et s’obtiennent en sep- tembre exactement de la même manière queles radis. Choux et choux-fleurs. —Les choux d'York cœur de bœuf, et le chou-fleur demi-dur, peu- vent encore être semés successivement dans le courant de septembre au moyen des abris que nous avons indiqués pour les haricots, tani ceux qu’on réservera pour mettre en place au printemps que ceux qu’on pourra planter à de- meure en octobre dansles bâches économiques; ils ne rivaliseront pas de précocité avec les produits forcés sur couche, mais ils gagneront |une avance notable sur les produits de pleine DU JARDINIER. terre, et ils n'auront rien à craindre de l'hiver | le plus rigoureux. Persil. — C’est au commencement de sep- tembre qu’on sème clair eten bonne exposi- tion le persil destiné à fournir ses feuilles en hiver. Ces semis doivent être faits sur plates- bandes abondamment fumées ; il est méme utile de répandre en outre par-dessus un peu de fu- mier très consommé. On n’attendra pas, si le temps est sec, que le persil soit levé pour lar- roser modérément, Car sa graine reste souvent très longtemps en terre sans cette précaution. On la garantira du froid tout l'hiver, soit avec de la litière sèche, soit avec des paillassons. Cette branche inapereue de l'industrie marai- chère donne des bénéfices très satisfaisants tous les hivers, et quelquefois hors de proportion avec toute autre culture d’hiver dans les envi- rons de Paris. Durant l'hiver de 1844 à 1845, le persil s’est vendu à la halle de Paris jusqu’à 30 et 40 francs la manne contenant de 3 à 4 kilogrammes. Quoique ce soit une année excep- tionnelle, la culture du persil en hiver autour de Paris est toujours assez lucrative pour payer largement le jardinier des frais et des soins qu’elle réclame. Le jardinier-maraicher commence à respirer vers la fin de septembre ; le plus fort de la be- sogne d’été est terminé; il peut laisser reposer ses arrosoirs. Récolter ses graines de toute sorte, conserver dans leurs Cosses les pois et les haricots destinés à servir de semences, et dans leurs enveloppes les graines d’oignon ou de poireau, veiller à la dessiccation et à la par- faite conservation des autres graines, ainsi qu’à celle des bulbes de toute espèce emmaga- sinées pour l'hiver, récolter et vendre les pro- duits préparés par les travaux des mois précé- dents, telles sont ses principales occupations. Dans toutes les localités où la température le permet, le jardinier fera bien de cultiver quelques pieds de coloquinte, courge -cou- goude, courge-massue, et d’autres plantes du même genre ; leurs fruits lui serviront de boites pour conserver ses graines potagères. Non- seulement ces fruits, séchées, vidés et convena- blement fermés avec des bouchons de liége, sont supérieurs aux sacs pour préserver les graines du contact de l'atmosphère, mais ils ont en outre l'avantage de repousser, par l’a- mertume qui leur est propre, la dent des sou- ris, rats et autres rongeurs qui se hasardent bien rarement à les attaquer. Ÿ IT. — Partcrre. Le mois de septembre voit les dernières splendeurs du parterre. À la fin de ce mois, le jardinier en faisant sa ronde matinale trouve les tagètes, les balsamines et d’autres plantes délicates saisies par la gelée au milieu de leur floraison ; il n’y a plus moyen de les remplacer. Les dahlias sont parmi les fleurs de collec- tion les derniers à soutenir l’honneur du par- terre. Les premières gelées blanches n’offen- sent que quelques variétés plus sensibles que 41 les autres, mais en général on en jouit durant tout le mois de septembre et une partie du mois suivant. On doit assurer avec de forts tuteurs les tiges cassantes des dahlias contre les vents quelquefois très violents de l’équi- noxe d'automne. On soigne par des arrosages fréquents les campanules, les œillets de poëte et autres plan- tes de pleine terre qu’on doit repiquer en oc- tobre pour obtenir leur floraison de bonne heure au printemps. Dans les derniers jours de septembre on éclate les pieds de violette de Parme, des quatre saisons, pour replanter, soit en bordure, soit en plates-bandes, si l’on désire en avoir les fleurs tout l'hiver. Il faut à cet effet garnir le tour de la planche d'un bour- relet de paille haut de 0,07 à 0m,08; on y plante en outre à l’intérieur, entre les lignes de violettes, quelques lignes de petits piquets pour soutenir les paillassôns et ne pas froisser le jeune plant. On couvre et l’on découvre se- lon le besoin, et l’on a des violettes en abon- dance, depuis la fin de septembre jusqu’à l’é- poque de leur floraison naturelle, à la fin de mars. Près des grandes villes, cette culture, facile et peu dispendieuse, peut être d’un grand produit. Dans la saison des bals il se fait à Paris une énorme consommation de bouquets de violettes. $ IT. — Jardin fruitier. L'importante opération de la grefle se pro- longe durant le mois de septembre pour les su- jets dont on pouvait craindre que la sève n’eût trop de vigueur dans le mois d’août. Les pêchers ont besoin d’une exacte surveil- lance si l’on veut maintenir autant que pos- sible un juste équilibre dans la végétation de toutes les branches, et préparer par des soins judicieux la production des années suivantes. La récolte des pêches d'automne, que beau- coup de personnes trouvent préférables aux pêches hâtives, se continue durant tout le mois de septembre. Il faut bien se garder d’endom- mager ces beaux fruits, les plus précieux de la saison, en les froissant trop fortement pour les cueillir; ceux qui ne se détachent pas au pre- mier effort doivent être laissés sur la branche, quand même leur odeur et leur couleur sem- bleraient annoncer une maturité complète. Les pêches d'automne sont couvertes d'un duvet plus abondant que celui des autres es- pèces ; on enlève ce duvet avec une brosse douce, ce qui rend le fruit beaucoup plus beau pour la vente. En faisant cette operation, il faut se placer dans un courant d'air qui puisse emporter ce duvet dangereux à respirer. Les dernières prunes de plein-vent, quelques pommes précoces, le chasselas blanc et rouge, et toutes les espèces de poires, fournissent à la consommation du mois de septembre. La récolte des poires, sur les arbres taillés en pyramide, auxquels on a laissé prendre une trop grande élévation, offre souvent beau- coup de difficultés et occasionne des pertes 418. considérables, les plus beaux fruits, placés sur les branches supérieures, ne pouvant manquer de s’écraser en tombant. On voyait encore, il y a deux ans, au Jardin des plantes, à Paris, des poiriers taillés en pyramide qui n’avaient pas moins de 20 à 25 mètres d’élévation ; comment irait-on chercher les poires au sommet de ces arbres ? Le jardinier qui aurait dans son verger quel- ques-uns deces mâts de navire se servira de l’é- chelle double pour cueillir les fruits à la main aussi haut qu’il lui sera possible d'atteindre, et il tâchera d'enlever les autres au moyen d’un entonnoir ajusté au bout d’une perche; mais, quelle que soit son adresse, il ne pourra éviter d’en perdre beaucoup. La récolte du raisin de table est une des plus importantes du mois de septembre. Ce fruit a pour ennemis les insectes, les oiseaux et même les rats, lorsque les treilles en espa- lier sont établies sur de vieux murs dans le voisinage des habitations. Les filets destinés à couvrir les treilles en espalier sont d’un grand secours contre les in- sectes et les oiseaux, surtout pour les espèces tardives dont on doit attendre longtemps la maturité, mais ils occasionnent une dépense qui ne peut être supportée que par les amateurs riches, parce qu’elle est hors de proportion avec la valeur des produits que les filets doi- vent garantir. On emploie avec succès les sacs en crin; ils ont le même inconvénient que les filets, ils sont d’un prix trop élevé. Les sacs en papier, beaucoup plus économiques en appa- rence, ne le sont pas en réalité; ils ne remplis- sent pas leur but, car ils ne peuvent résister ni à la pluie ni même au bec des oiseaux. Il est à souhaiter qu’on adopte généralement, our la conservation du raisin sur les treilles, es sacs très économiques faits de calicot gros- sier et à bas prix, enduit d’une solution de gomme élastique dans l’essence de térében- thine. Cette étoffe, préparée d'avance et conve- nablement séchée, ne conserve aucune odeur et ne communique au chasselas aucun goût désagréable. Les sacs ainsi préparés sont plus durables que ceux de crin ; leur prix est si mi- nime que la dépense qu’il faut faire pour un cent de sacs de crin permet d’avoir quatre cents sacs de calicot enduit de gomme élastique. $ IV. -- Orangerie et serre, L'opération délicate du rempotage se ter- mine dans la première quinzaine de septembre. Nous croyons devoir répéter ici l'avis que nous avons donné ailleurs aux amateurs de végé- taux exGtiques : ayez plutôt un moindre nombre de belles plantes, d’une végétation vigoureuse, qu'une confusion de plantes languissantes et chétives qui n’auront pour ainsi dire ni fleurs ni verdure à vous offrir en récompense de vos soins. Ainsi, en changeant de pots les plantes d’orangerie et de serre tempérée, on consultera moins la nécessité de loger un nombre déter- miné de pots dans un espace donné que la | CALENDRIER quantité de terre réellement necessaire à cha- que végétal pour se développer à l'aise, et con: tribuer par une belle et complète floraison à l’ornement de la serre. Les plantes de serre chaude, du moins celles qu’il a été possible de laisser quelque temps en plein air, doivent être rentrées dès les premiers jours de septembre; nous ne saurions approu- ver l’usage indiqué dans plusieurs traités de les rentrer à l’époque fixe et invariable du 15 sep- tembre. Ces plantes, ayant presque toutes une assez grande valeur, ne doivent jamais être aventurées; on pourra du reste enlever mo- mentanément les panneaux de la serre s’il sur- vient quelques beaux jours dont les plantes puissent profiter. Il faut toujours les traiter comme des malades qu’une imprudence peut faire périr, et pour qui l’on ne se repentira jamais d’un excès de précaution. Vers la fin du mois on profite de quelques belles journées pour visiter, nettoyer et tenir en bon état les plantes d’orangerie, spéciale- ment les pélargoniums et les camélias formant collection, car une fois rentrés dans l’orange- rie ils sont beaucoup plus difficiles à soigner. Lorsqu’on lave les feuilles des camélias, il faut éviter avec le plus grand soin de détacher les bourgeons qui adhèrent très peu à la plante; une fois tombés ils ne repoussent plus, et l’on peut perdre ainsi la pousse et la floraison de toute une année. OCTOBRE. $ IfT. —- Jardin potager. Artichauts. — La première quinzaine d’oc- tobre est l’époque la plus convenable, sous le climat de Paris, pour arracher les pieds d’arti- chauts dont on a obtenu deux récoltes; en les conservant davantage ils ne pourraient que dé- générer. On détache de la souche principale les œilletons bien formés; ils servent à établir des plantations nouvelles. Ces plantations doi- vent se faire avec abondance de bon fumier, en espacant les pieds à un mètre en tous sens ; il faut les mouiller fréquemment pendant les pre- miers jours qui suivent leur plantation; si le temps est favorable, quand' même ils auraient été mis en terre sans racines, mais avec un ta- lon sain et vigoureux, leur reprise est assurée. Il est nécessaire qu’elle soit complète avant les fortes gelées, non pas pour les rendre capables de résister au froid, car il est facile de les en préserver, mais bien pour qu’ils survivent aux moyens employés afin de les en garantir. L’artichaut offre au jardinier-marchand un avantage sur beaucoup d’autres légumes; il ne donne ses produits que successivement, même dans une plantation faite toute à la fois, ce qui épargne au jardinier l'embarras de planter à plusieurs reprises, et lui évite en outre pour la vente les difficultés résultant d’un trop grand encombrement d’un même produit. Cet avan- tage deviendrait à l’arrière-saison un grave in- DU JARDINIER. convénient, si les procédés de conservation des artichauts pour la vente d’hiver n’étaient aussi simples que faciles. En effet, les gelées de la fin d'octobre sont funestes aux artichauts arriérés qui commencent seulement alors à former leurs têtes, ce qui arrive souvent à ceux dont la plan- tation à été un peu tardive au printemps, ou qui n’ont pas recu assez d’eau en été. Ce pro- duit ayant à cette époque une valeur impor- tante, le jardinier doit songer à ne pas le laisser perdre. On a proposé, dans différents traités de jardinage, de couvrir les têtes au moyen de cloches de verre soutenues par trois ou quatre baguettes fichées en terre, ou même simplement avec un panier d’osier brun, supporté de la même facon; ce procédé est excellent pour l'amateur qui veut conserver quelques douzaines d’artichauts jusqu’à l’époque des grands froids ; mais dès qu'il s’agit d’en garantir des centaines, il ne faut plus y penser. Le plus simple estde couper le plus tard pos- sible en octobre la tige au niveau du sol, sans retrancher les têtes accessoires qui peuvent sv trouver. Les pieds d’artichauts ainsi détachés de la souche sont portés dans la serre aux lé- gumes, ou simplement sous un hangar à l’abri du nord, dans une cave exempte d'humidité, ou tout autre local convenable qu’on peut avoir à sa disposition. On les enterre à la profondeur de 0,08 à 0" ,10 dans du sable frais, en ayant soin qu'ils ne soient pas trop pressés les uns contre les autres et qu’ils se trouvent autant que possible dans leur position naturelle, c’est- a-dire selon la ligne verticale. Dans cet étatles artichauts peuvent se conserver frais et verts pendant plusieurs mois ; ils peuvent même con- tinuer à grossir sans toutefois acquérir le volume que leur eût fait atteindre, dans la saison favo- rable, leur végétation en pleine terre. Ils n’en ont pas moins une valeur considérable dans les mois de novembre, décembre et janvier, épo- que à laquelle la rigueur de la saison doit les rendre précieux, même au jardinier amateur. Si ce mode très simple de conservation n’est pas plus généralement usité aux environs de Paris, c’est que les jardiniers, grevés de loyers exorbitants et de frais énormes de toute espece, pe pouvant se soutenir que par le produit des ventes journalières, sont toujours pressés de vendre. Le défaut de localest aussi tres souvent un obstacle à la conservation des légumes frais en hiver, dans une proportion un peu large. Cet obstacle n’est pas insurmontable ; nous don- nons, d’après notre propre expérience, un pro- cédé qui nous a constamment réussi; pratiqué avec intelligence, il n’entraîne pas des frais bien considérables. On choisit dès les premiers beaux jours d’oc- tobre un espace carré de 10 mètres en tout sens ; au point d’intersection des diagonales de ces carrés on plante une forte perche, de. la grosseur du bras, effilée et charbonnée à sa “partie inférieure ; on la fixe solidement dans le sol. Il suffit qu’elle s’élève au-dessus de sa sur- face à la hauteur de 2,50. Quatre autres per- 479 ches beaucoup plus faibles se rattachent à celle du milieu, et se plantent, convenablement in- clinées, aux quatre coins du carré. Quelques lat- tes, des brins de treillage défectueux, des rames à haricots hors de service, servent à remplir les intervalles sur les quatre faces de la pyramide et figurent la charpente excessivement légère d’une sorte de toit sur lequel on attache de vieux paillassons. L’espace ainsi recouvert se dessèche promptement, quelque temps qu'il fasse, et comme on ne doit s’en servir qu’à la fin du mois, le sol en est à cette époque parfai- tement sain. Alors on entoure les quatre côtés du carré avec de bonne litière sèche, à la hauteur de 0" ,50, et l’on peut commencer à y introduire les légumes à conserver. S'il s’agit d’artichauts, on creuse à la bèche un sillon parallèle à l’un des bords, on y pose les plantes, puis on re- couvre leur pied en ereusant le second sillon, et ainsi de suite. Il va sans dire qu’on a ménagé une ouver- ture au midi, et que deux sentiers en croix ont été tracés dans l’espace couvert pour pouvoir y circuler. Cette serre économique pour les légumes peut contenir vingt-cinq artichauts par mètre carré, en leur donnant à chacun un carré de 0,20 de côté, ce qui suffit à des artichauts de grosseur ordinaire. L'espace couvert contenant 100 mètres carrés, on peut, même en retranchant la place exigée pour la circulation, y mettre à l'abri 2,000 arti- chauts, lesquels seront facilement vendus en hiver de 20 à 25 centimes la pièce; c’est une valeur totale de 400 à 500 franes, prix double de celui que l’on en aurait pu obtenir dans la pleine saison. On est donc largement indemnisé de ses frais et de la perte du terrain, qui d’ail- leurs est libre dès le milieu de l’hiver et peut être utilisé pour y établir des couches. Durant les grands froids, quand les vents du nord et de l’est soufflent avec violence, il faut doubler la couverture de paillassons dans la direction du vent. La gelée la plus intense at- teint difficilement les légumes ainsi protégés, qu’on peut d’ailleurs garantir par une couver- ture immédiate, si l’on croit qu’elle soit néces- saire ; nous en avons fait l’épreuve à Liége, en Belgique, durant le rude hiver de 1829-1830, par un froid qui dura neuf semaines et se sou- tintà vingt degrés centigrades pendant quatorze jours; ilest vrai que nous n’avions pas ménagé la litière et les paillassons, et que la réserve, comme nous-l’avions nommée, ne fut pas ou- verte tant que dura la plus grande rigueur du froid. Si nous avons insisté sur ce procédé, c’est qu'il est à la portée de tout le monde, et que c’est l’un des travaux les plus essentiels du mois d'octobre, à notre avis; il s'applique à la con- servation des choux pommés, des salades, des choux-fleurs même, pour lesquels l’espace man- que souvent dans les bâtiments d'exploitation. Plusieurs jardiniers y suppléent par des fosses recouvertes de litières sèches ; ce moyen réussit 480 quelquefois, mais dans les hivers humides, | comme ils le sont fréquemment sous le climat de Paris, la pourriture se met souvent dans ces fosses et l’on en est à regretter des produits qu’on aurait pu vendre un prix quelconque au moment où ils ont été récoltes. Aux environs de Paris, on emploie pour la conservation des choux un procédé beaucoup plus simple ; on arrache tout bonnement les choux, et on les laisse à la même place, la racine en l’air. Ce moyenne réussit guère que pour les choux de Milan qui ne gèlent pas; comme ils redoutent uniquement la neige introduite entre leurs feuilles. et convertie en eau, puis en glace, par les alternatives de dégel et de gelée, une position renversée peut les en préserver. Mais ce moyen a le grand inconvénient d’en- combrer le terrain, qu'il est impossible de tra- vailler avant l’enlèvement des choux. Asperges. — Les carrés d’asperges, oubliés depuis longtemps du jardinier, doivent être, à la fin d'octobre, l’objet de soins destinés à as- surer la récolte du printemps suivant. Ces soins consistent à couper les tiges au niveau du sol, sans oublier de récolter la graine des pieds les plus vigoureux, et à donner un léger labour, en se gardant bien d’offenser les griffes qui, dans les plantations un peu anciennes, peuvent se trouver à cette époque très rapprochées de la surface du sol. On les rechargera de quelques centimètres de bonne terre; on attendra la fin du mois suivant pour y ajouter une légère cou- verture de bon fumier. Si, comme le pratiquent beaucoup de jardiniers, on appliquait le fumier immédiatement, et qu’ensuite le temps se main- tint pendant un mois doux et pluvieux, une partie des griffes pourrait s’épuiser à pousser en pure perte des jets de nulle valeur. Les grandes plantations d’asperges se font en octobre; quoique ce procédé tende mainte- nant à être universellement remplacé par le se- mis en place, qui lui est préférable à tous égards, cependant plusieurs jardiniers, pressés de jouir, pouvant facilement acheter du plant d’asperges de deux ans, qui rapportera deux ans plus tard, sont encore dans l'usage de planter au lieu de semer; c’est pour eux que nous indiquons la plantation des asperges parmi les travaux du mois d'octobre. On peut consulter l'excellent article de M. Chaillon, jardinier des environs de Nanci, sur la culture en grand de l’asperge comestible (voir Joùrnal d'agriculture, t. TI, p. 253). Nous avons donné dans les traväux du mois d'avril la meilleure manière d'opérer les semis d’asperges en place. Quant à la plantation, nous insisterons ici sur deux particularités essentielles. Après avoir marqué la place de chaque griffe on doit y dé- poser, en monceau conique, une poignee de terreau; sans cette précaution, la griffe d’as- perge, qui tend naturellement à s'appuyer sur les extrémités obtuses de ses rayons pour se soulever et se rapprocher du niveau du sol, n’aurait sous son plateau central rien qu'un: CALENDRIER espace vide, ce qui la ferait rapidement fanguir et périr, quelque charge de terre qu'on puisse lui donner par-dessus. D’ailleurs il est contraire au mode de végétation de l’asperge que les rayons de sa griffe occupent une positiôn ho- rizontale ; si on la leur impose de force, plu- sieurs s’éclatent près du collet et meurent, au détriment de la plante. La seconde observation, non moins essen- tielle, c’est de ne pas entasser une masse énorme d'engrais sous la griffe de l’asperge, engrais qui ne lui profite nullement, car les racines n’y pé- nêtrent qu’à une profondeur médiocre; la plante cherche évidemment et constamment à remon- ter et non à s’enfoncer dans le sol. C’est un préjugé de l’ancien jardinage; on ne peut, en s'y conformant, que supporter une dépense complétement inutile. Nous donnerons ici un avis aux jardiniers amateurs dont les ressources sont bornées. Lorsque leur terrain offre assez d’étendue, qu'ils en consacrent un demi-arpent de Paris (17 à 18 ares) à la culture des asperges ; ce pro- duit, sans une grande dépense de temps ni d'argent, leur rapportera, pendant douze à quinze ans, de 300 à 400 francs par an. Que de fois l'amateur peu fortuné n’a-t-il pas occasion dans le cours d’une année de manquer de quel- ques centaines de francs pour ses fleurs ou ses arbres favoris! Qu'il ne craigne pas la concur- rence ; les asperges sont toujours trop chères et trop peu abondantes; Paris en recoit des envi- rons d'Orléans Loiret) pour des sommes consi- dérables ; un cultivateur des environs de Mont- didier (Somme), n'ayant pour débouché que les villes de son département, en entretient 8 # 10 hectares; il ne lui en reste jamais, et il en tire un énorme revenu. On vend en octobre les griffes obtenues pour plantations, soit de semis, soit par l’arrachage des griffes épuisées dont on détache les rejetons; les premières sont infiniment préférables aux secondes, Les semis d’asperges destinés à la vente, quoiqu’ils occupent le terrain deux ans desuite, peuvent être d’un grand rapport, quand le débit en est assuré. Nous avons vu en 1837 les religieux trappistes de la Meilleraic, en Bre- tagne, les plus habiles jardiniers que nous ayons jamais connus, vendre, à raison de cing cen- times les deux griffes, des milliers de plants d’asperges obtenus de semis; nous avons cal- culé par approximation qu’ils n'avaient pu re- tirer moins de 1,800 francs de 50 ares de terrain consacré à ces semis; il y avait des acheteurs pour le double de ce qu'ils avaient à vendre, Il est vrai que tous leurs produits, admirablement soignés, étaient d’une qualité réellement supé- rieure. Fraises. — Le procédé que nous avons indi- qué le mois précédent, pour obtenir des fleurs de violette pendant l'hiver, s’applique sans au- cun changement à la fraise des quatre saisons. Il est possible d'en prolonger ainsi la fructifi- cation jusqu’en décembre. À la vérité, ces der- nières fraises, toujours fort acides, n’ont pres- DU JARDINIER. que ni couleur, ni odeur, ni saveur agréable; mais enfin ce sont des fraises; avec de bon vin et force sucre en poudre elles peuvent être mangeables. Si l’on dispose de quelques chässis | vitrés ou simplement recouverts de papier huilé, qu’on puisse poser sur les planches de fraisiers dès le 15 octobre, leurs produits seront un peu moins défectueux. En fait, à partir de la fin d'octobre, il n'y a de bonnes fraises que celles qu'on force dans des serres convenablement chauffées ; on con- çoit que ces fraises sont exclusivement à l’usage e quelques personnes opulentes dont les serres spacieuses offrent beaucoup de localdisponible ; car, pour obtenir une ration présentable de fraises forcées dans des pots dont chacun con- tient un fraisier donnant une ou deux fraises mûres à la fois, il faut des régiments de petits pots qui tiennent une place énorme. La culture de la fraise en hiver, objet de fantaisie très re- cherché des riches Anglais qui possèdent des serres de dimensions colossales, est peu usitée en France, même près de Paris; ses produits, d’un prix trop élevé, trouveraient peu d’ache- teurs. Pommes de terre. — Lorsqu'on dispose d’un local suffisant pour mettre à l'abri la provision de pommes de terre, on doit l’arracher en oc- tobre, non point à époque fixe, mais quand les fanes en se flétrissant annoncent l’entière ma- turité des tubercules. Si l’on manque de local et qu’on soit obligé de recourir à un autre moyen de conservation, il faut laisser les pommes de terre en place le plus longtemps possible, tant que les gelées rigoureuses ne paraissent pas à craindre. Il est bien entendu que nous ne par- lons ici que des espèces jardinières, la vitte- lotte, la jaune de Hollande, et quelques autres ; le reste appartient à la grande culture. Divers traités de jardinage, les plus répandus et les plus estimés, indiquent comme procédé pour garantir les pommes de terre des effets du froid, de placer sur le sol qui les renferme, dès les premiers jours d'octobre, des châssis vitrés recouverts de litière ou de paillassons; le sol, disent-ils, se dessèche complétement et rend les tubereules inaccessibles à la gelée. C’est encore un de ces moyens, bons en eux-mêmes, mais hors de la portée de la plupart des horticul- teurs. Si la provision des pommes de terre est seulement de quelques hectolitres, il faut bien des chässis pour les recouvrir; en supposant qu’on eût des châssis de trop, on leur trouvera toujours un emploi plus profitable que celui de protéger des pommes de terre. A défaut d’une cave où d’un hangar suffi- samment à l’abri du froid et de l’humidité, une fosse de 2m,50 à 3 mètres de profondeur, garnie de paillassons au fond et sur les côtés, recou- verte de paille sèche et d’un monticule de terre battue en forme de toit, pour l'écoulement des eaux pluviales, est ce qui convient le mieux pour la conservation des pommes de terre; c'est le procédé le moins coûteux et le moins embar- | | 481 pas les gelées on ne placera pas les pommes de | terre dans la fosse; mais pour m’être pas pris au dépourvu, on la tiendra toute prête dès la fin d'octobre. La besogne du jardinier dans le potager di- minue de jour en jour à mesure que l’hiver ap- proche. Les plants récemment mis en place ou en pépinière pour le printemps suivant récla- ment ses soins principaux. Les derniers hari- cots et les salades d'hiver, qu’il faut couvrir et découvrir à propos, prennent encore une partie de son temps. Les derniers céleris doivent être buttés à cette époque, puis transportés à l’abri pour être consommés successivement tout l’hi- ver; leur conservation n’offre rien de difficile. On peut rentrer avant qu’ils soient compléte- ment blanchis ceux qu’on destine à être gardés le plus longtemps; ils blanchissent très bien dans la cave, pourvu qu’on leur garnisse le pied de sable frais et qu’on les tienne dans l’obs- curité. La fin d'octobre est le moment convenable pour démolir les vieilles couches qui ont fait leur effet et dont la chaleur est épuisée. Le ter- reau qu’on en retire est très ulile pour garnie les plates-bandes exposées au midi; on en ré- serve une partie pour les semis de printemps. La portion du fumier des couches qui n’est pas totalement consommée sert à couvrir le sol dans les intervalles des plantations de salades d’hi- ver, de choux et de choux-fleurs; les pluies ne tardent pas à entraîner dans le sol toutes les parties grasses de ce fumier; il ne reste sur la terre que les débris de paille non décomposées ; ils forment un excellent paillis très favorable à la conservation et à la végétation de ces plantes pendant l'hiver. Ô II. — Jardin fruitier, Quelques pêches arriérées, d'autant plus pré- cieuses qu’elles sont devenues plus rares, peu- vent avoir été ménagées par le jardinier atten- tif, pour figurer encore dans les desserts du mois d'octobre. Les meilleures espèces de raisin arrivent seulement alors à leur complète ma- turité ; les soins que nous avons recommandés dans les travaux du mois dernier pour conser- ver les raisins sur pied le plus longtemps pos- sible, s'appliquent surtout aux espèces tardives. Les oiseaux et ies insectes sont principalement avides de l’excellent raisin noir de Frankental, très répandu en Belgique, où il mürit très bien dans les provinces wallonnes, et moins com- mun en France, malgré sa saveur délicate, le volume de ses grappes et ses excellentes qua- lités. On commence à s’oceuper en octobre de la conservation des raisins pendant l'hiver. Tous les procédés employés à cet effe doivent avoir pour but deux objets distincts : prévenir la moi- sissure et la putréfaction, empêcher l’évapora- tion du sue des raisins de manière à les main- tenir dans un état le plus rapproché possible de celui où ils étaient au moment de la ven- . . | rassant, Aussi longtemps qu’on ne craindra | dange BORTICOLTURE. . — 61 482 Nous ne dirons rien de l’usage si commun de suspendre le chasselas à des fils, dans une chambre bien aérée; si l’on attend plus tard que le mois de novembre pour consommer ces raisins, en supposant qu'ils ne soient pas pour- ris, ils n’offriront plus qu’une peau ou plutôtun parchemin coriace renfermant les pepins, dé- pourvu de pulpe et de saveur; mieux aurait valu assurément consommer ces raisins au mo- ment de la récolte que de les faire figurer au dessert dans un si piteux état, Toutes les espèces de raisin Queillies bien mûres par un temps sec, débarrassées des grains gätés et des insectes avec un soin scrupuleux, se maintiendront pendant plusieurs mois pres- que à l’état frais, si on les suspend à des ficelles tendues d’étage en étage dans des futailles; on tamisera par-dessus, sans aucun tassement, soit du son, soit de la cendre de bois ; on re- couvrira le tout d’un couverele en bois, pour éviter l'introduction de l’air. Chaque fois qu’on enlèvera une rangée de grappes, on fera des- cendre le couvercle au niveau de la couche de cendre ou de son qui recouvre la rangée sui- vante. Ce procédé n’exige qu'un peu de soin ; quant à la dépense, elle est presque nulle; la cendre, le son et les futailles conservent toute leur valeur primitive après avoir servi à cet usage. Les jardiniers marchands peuvent trou- ver un grand avantage dans l’empioi de ce pro- cédé ; car le raisin, non pàs flétri et ridé, mais frais et sain, vendu en cet état en janvier et février, offre des bénéfices hors de comparai- son avec ceux de la vente de cet excellent fruit au moment de sa plus grande abondance. Quant aux fruits d'hiver à pepins, pommes et poires de toute espèce, nous n'avons vu nulle part, et nous n’avons jamais expérimenté par nous-mêmes de mode de conservation compa- rable aux boîtes portatives de M. de Dombaslef, Ces boîtes réunissent à toutes les meilleures conditions pour la garde des fruits l'avan- tage d’une économie de local qui devrait enco- . re, à mérite égal, les faire préférer à tout autre procédé, spécialement aux fruitiers à dressoirs, qui laissent les fruits exposés à la dent des sou- ris et à l’action de l'atmosphère. Nous recommandons aux dames, mais sans espoir d’en être écoutés, de faire figurer dans leurs desserts chaque espèce de fruits à mesure que sa maturité lui a fait acquérir toutes les qualités qui lui sont propres. Nous n’osons nous flatter de contribuer à détruire l’usage peu ra- tionnel de garder toujours le fruit le plus iong- temps possible, et de ne manger que celui qui commence à s’altérer, Or, comme aucun fruit n’est éternel, tous arrivent à leur tour à ce point fatal. Nous pourrions citer des maisons opulentes où, en vertu de ce système, on n’a jamais servi sur la:table que des fruits gâtés. $ III. — Parterre. Les dahlias, quelques hélianthes vivaces, de ‘1) Journal d’Agriculiure pralique, 1. 1, p. 562. CALENDRIER nombreuses variétés d’asters vivaces à hautes tiges, à petites fleurs très nombreuses, les unes blanches, les autres blanches et roses, des bor- dures de giroflées de Mahon , et surtout des touffes multipliées de réséda, forment, avec les rosiers de Bengale toujours en fleurs jusqu’au cœur de l'hiver, le fond de la décoration du parterre pendant le mois d’octobre. Chacune de ces fleurs succombe à son tour sous les coups de la gelée ; il en reste bien peu au premier novembre. Le jardinier coupe au niveau du sol les tiges des plantes dépouillées de fleurs; il prolonge autant que possible, par des soins assidus, l'existence de celles qui sur- vivent. Une seule fleur de collection rivalise en oc- tobre avec les dahlias et leur succède en no- vembre, quelle que soit la température : c’est la chrysanthème,dont on ne connaissait en France qu’une seule espèce il y a cinquante ans, et qui, grâce à une culture bien dirigée, se reproduit aujourd’hui sous presque toutes les nuances. Elle y joint l’avantage d’une odeur douce et suave, approchant de celle de la lavande. La chrysanthème offre la singularité de ne pouvoir fleurir que quand les gelées ont arrête la flo- raison de la plupart des autres végétaux d’or- nement ; les essais tentés pour la forcer à fleurir plus tôt ont été jusqu’à présent infructueux. Il est certain que cela ôte à la chrysanthème une grande partie de sa valeur comme plante d'ornement de pleine terre, quoiqu’elle soit ex- trêmement rustique ; il est peu agréable de se promener dans le parterre durant les mauvais jours de novembre et décembre, pour y admi- rer des fleurs d’ailleurs d’une beauté inçontes- tfble. Il faut, pour prolonger la jouissance du parterre, tenir les chrysanthèmes en pots, dans un coin écarté du jardin, jusqu’au mo- ment où les boutons des fleurs commencent à se montrer; ces plantes, ayant beaucoup de racines et végétant avec une grande vigueur, ne veulent pas être gênées dans les pots ; elles ont besoin d’une terre très substantielle. On enterre ces pots dans les plates-bandes du par- terre vers le 15 octobre; ils y viennent fort à propos pour remplir des videsnombreux. Quand la saison devient rigoureuse, on rentre les chrysanthèmes dans l’orangerie, dont elles font l’ornement, jusque fort avant dans l'hiver. Les chrysanthèmes veulent beaucoup d’eau; elles ne redoutent que l’excès de la chaleur, qui n’est jamais à craindre à l’époque de leur floraison. $ IV. — Orangerie et serre. La prudence oblige souvent le jardinier à de- vancer l’époque du 15 octobre, ordinairement fixée pour rentrer les orangers, grenadiers, oléandres, et tous les grands arbustes d’oran- gerie. Si des pluies froides les fatiguent avant cette époque, on ne doit pas les laisser plus longtemps en plein air; on risquerait de les en- dommager tous, et même de perdre les moins vigoureux. DÜ JARDINIER. 483 Le transport des grands végétaux d’oran- gerie est une opération toujours délicate, qui blesse plus où moins le chevelu des racines par les secousses inévitables qu’il leur fait suppor- ter. Un bon labour dans les caisses, suivi d’un arrosage modéré, suffit d'ordinaire pour établir l'équilibre; cet arrosage doit être le dernier. Dans les hivers excessivement doux, quand la températureextérieure permet d’aérer fréquem- ment l’orangerie, un second arrosage peut être jugé nécessaire au milieu de la mauvaise sai- son; dans toute autre circonstance il serait non-seulement inutile, mais nuisible, aux plantes d’orangerie. Dans la serre on sera également sobre d’ar- rosements pendant l'hiver; on se gardera sur- tout de donner la moindre goutte d’eau aux Cactus et à toutes les plantes grasses : elles ne fleuriraient pas dans leur saison. Il ne faut pas perdre de vue que ces plantes, dans leur pays natal, supporteñt des sécheresses bien plus pro- longées, pendant lesquelles elles vivent uni- quement aux dépens de l'atmosphère. On préparera, par des soins attentifs, la flo- raison d'hiver des végétaux de serre chaude et tempérée, floraison dont les premiers symptô- mes s’annoncent déjà chez beaucoup de plantes dès la fin d’octobre. Les vitres sont tenues constamment nettes et claires. Les cyclamens, lachénalia, thunbergia, et autres plantes de petites dimensions , qui périraient étouffées et fleuriraient inapercues parmi les grands végé- taux, seront placées sur les dressoirs disposés le long du vitrage. Dès le milieu d’octobre la fraicheur des nuits exige que les paillassons soient établis à demeure sur les châssis supé- rieurs de la serre ; on les y tient roulés le jour et déroulés la nuit, selon le besoin, en obser- vant qu’il n’y a pas d’inconvénient à les éten- dre sans nécessité, et qu'il y a danger à négli- ger cette précaution un seul jour où la tempé- rature extérieure l'exige. NOVEMBRE. $ I€T. — Jardin potager. Asperges. — On commence à la fin de no- vembre à s'occuper de forcer l’asperge pour en obtenir les produits au milieu de lhiver; on continue successivement, afin de prolonger jusqu’au printemps cette récolte artificielle. Deux procédés sont principalement en usage : le premier consiste à transporter sur couche chaude sous châssis des grifles d’asperges dans toute leur vigueur; par le second on établit un réchaud de bon fumier, sous châssis, sur la planche d’asperges en pleine terre. Tous deux réussissent également bien; ils ont seulement lun et l’autre l'inconvénient grave de détruire la majeure partie des griffes forcees. Les jar- diniers des environs de Paris appliquent ces deux méthodes indifféremment, mais à des as- perges élevées dans ce but, sans autre destina- tion. On les fume dans les premières années encore plus abondamment que les autres, et à la troisième ou quatrième pousse on les force en place ou sur couche. Dans ce système de culture il faut toujours qu’une seule récolte cou- vre les frais de trois années au moins, avant de donner aucun bénéfice réel; il est vrai que cette récolte se vend à des prix toujours très élevés, et quelquefois incroyables. Si l'on choisit pour les forcer des asperges d’une végétation très vigoureuse, qu’on ne les force Jamais qu’en place et qu’on modère la ré- colte, on peut espérer qu'après un an ou deux de repos la planche d’asperges se rétablira, et si l’on n’a pas obtenu les produits d'hiver les plus abondants possibles, on en sera bien dé- dommagé par la conservation des asperges. C'est done cette méthode que nous considérons comme préférable à toute autre pour forcer l’'asperge en hiver. Mais il peut arriver que, par quelque cir- constance particulière, on n’ait aucun intérêt a ménager les griffes d’asperges; alors il faut forcer sur couche la plus chaude possible, et s’y prendre dès le milieu de novembre. Nous pouvons citer un exemple remarquable d’une telle circonstance. Il y a environ douze ans, un maraïîcher du voisinage vint nous demander conseil; il avait commis la sottise de planter en asperges un peu plus d’un hectare de terrain vers la fin de son bail, comptant sur une promesse de renouvel- lement que le propriétaire, parfait honnête homme, avait sans doute l'intention de réaliser. Avec la négligence en affaires, commune chez tous ceux qui travaillent plus des bras que de la tête, le jardinier remit de jour en jour à faire signer son nouveau bail ; le propriétaire mou- rut sur ces entrefaites. Les asperges de notre confrère prenaient quatre ans; il venait de porter à la halle leur premier produit, quand le fils, moins délicat que son père, refusa net de réaliser la promesse d’un nouveau bail, comptant bien profiter des asperges qui de- vaient, pendant douze à quinze ans, lui assurer | une grande augmentation de revenu. Après avoir examiné le bail, qui avait encore un an à Courir, nous conseillämes à notre con- frère de faire la dépense de forcer en hiver toutes ses asperges, et de les détruire en en tirant tout le parti possible. Comme il avait eu la sage précaution de faire dresser à son entrée en jouissance un état des lieux où il n’était pas question d’asperges, il pouvait agir sans crainte. Il lui fallut des avances considérables en fumiers et main-d'œuvre; mais, tout calcul fait, il eut un bénéfice net de 4,500 fr., l'hiver s'étant trouvé long et rigoureux; les asperges furent entièrement détruites. Cette fois du moins un propriétaire eupide ne profita pas des sueurs et des avances d'un cultivateur laborieux. Artchauts. — Il ne faut se hâter de butter les artichauts en novembre que quand il y a menace évidente de froids prématurés ; on doit surtout éviter, non-seulement de laisser la 484 moindre parcelle de terre s’introduire sur la feuille centrale de lartichaut, mais même d'en laisser pénétrer dans l'intervalle des grosses feuilles. On coupe les plus grandes, mais sans toucher à celles du centre, et l’on rassemble la | terre autour du pied, en choisissant autant que possible un temps sec pour cette opération. Il faut tout aussitôt apporter sur le terrain la li- tière ou les feuilles nécessaires pour couvrir les artichauts en cas de gelée: car, dans cette sai- son, on doit la craindre d’un moment à l’autre. | | volumineux, et ils pourront être vendus en hi- C'est une règle essentielle de culture pour cette plante de ne jamais regarder sa couverture comme posée à demeure ; on en perdra toujours infailliblement un grand nombre si l'on n’a pas la précaution de les découvrir dès que le temps le permet, sauf à replacer la couverture quand la température l’exige. Un moven beaucoup plus simple, bien connu des cultivateurs des environs de Paris, consiste à transporter le pied d’artichaut tout entier dans une cave avec ses racines garnies de terre, qu’on place tout aus- sitôt dans du sable frais; on n’a plus besoin de s’embarrasser de ces plantes jusqu’au prin- temps. Remis en place en avril, les artichauts ainsi conservés forment leur tête trois semaines au moins avant ceux qui ont passé l’hiver en pleine terre, quoiqu’ils semblent à moitié morts quand on les sort de la cave ou de la serre aux légumes. Mais cet excellent procédé est inap- plicable dans la grande culture; que faire des 10,000 pieds d’artichauts d’un seul hectare, surtout quand on a des plantations de cinq ou six hectares à conserver? Il faut donc s’en tenir au premier moyen, qui donne beaucoup de besogne au cultivateur soigneux pendant tout l'hiver. Quant à la seconde méthode elle convient parfaitement à la petite culture: on peut, à défaut d'autre emplacement, utiliser pour cet objet la réserve économique décrite par nous dans les travaux du mois d'octobre. Ilest bien entendu que nous parlons unique- ment ici des pieds d’artichauts qui ont porté fruit et dont on attend une seconde récolte pour l’année suivante, et non pas de ceux dont on, veut conserver les têtes, comme nous l'avons recommandé pour le mois précédent. Cette précaution de mettre à couvert quel- ques centaines de pieds d’artichauts, quand on craint un hiver trop long ou trop humide, est excellente en elle-même dans la grande culture. En 1850, presque tous les artichauts ayant péri à la suite d’un hiver désastrueux, les pieds con- servés à l'abri, fournissant chacun une douzaine d’æilletons, servirent à repeupler les planta- tions, conjointement avec les semis, et donnè- rent dans la même année un produit d'autant plus cher qu’il était plus rare. Choux-fleurs. — Lorsque ce légume com- mence à former sa pomme, il a Lesoin d’être garanti contre les gelées séricuses. IL est bon de calculer toujours la plantation de quelques planches de choux-fleurs de manière à en avoir la moitié prête à être cueillie et la moitié à peu CALENDRIER de novembre. Ceux qui se trouveront à ce der- nier état de végétation passeront dans la serre aux légumes: ils seront levés en motte autant que possible, ou du moins avec toutes leursra- cines, et garnis au pied de sable frais. On ro- gnera seulement les feuilles principales; du reste on leur appliquera de point en point le mode de conservation que nous ayons indiqué pour les artichauts dont la tête est à demi for- mée en octobre. De même que ces derniers ils grossiront, sans toutefois devenir jamais très ver aussi cher que les plus beaux peuvent se vendre en été. Ce sera une ressource précieuse pour la provision d'hiver du jardinier-amateur. Quant aux choux-fleurs parvenus en novem- bre à leur volume ordinaire, on coupera leur tige le plus près possible du sol, on lui laissera seulement les grosses côtes de ses feuilles, et l’on disposera les choux fleurs sur des tablettes dans un local sain et sec, sans être trop chaud ; ils pourront s’y conserver six semaines environ, ce qui les conduira sur le marché vers la fin de décembre, époque où la vente en est très avan- tageuse. Ils pourraient conserver plus long- temps leur apparence de fraicheur ; mais étant flétris intérieurement, ils ne donneraient plus en cuisant qu’un paquet de filaments coriaces ; et le jardinier se compromettrait s’il les livrait en cet état à la consommation. Ilne faut pas songer à leur appliquer le mode de conservation qui convient à ceux dont la végétation est moins avancée; la pourriture les détruirait à coup sûr. Chou spruyt ou chou de Bruxelles. — Ce chou, variété précieuse du chou de Milan, se distingue de tous les autres choux par la nature des jets, qui se montrent aux aisselles de ses feuilles. Tous les choux sont susceptibles, lors- qu’ils montent, de produire des pousses axillai- res ; mais le spruytest le seul en qui ces pousses prennent d’elles-mêmes la forme d’une pomme | de choax de Milan en miniature. Cette variété, propre au sol de la Belgique, n’est point per- sistante; elle dégénère non-seulement sous le climat de Paris, mais même dans les départe- | ments bien plus voisins de la frontière belge. Il est donc nécessaire d’en renouveler la se- mence, en la tirant des environs de Bruxelles ou de Louvain; du reste la culture du spruyt n'exige aucun soin particulier; tout ce que nous avons dit du semis et de la transplanta- tion des autres choux s'applique à celui-ci. Il continue à végéter, quelle que soit la rigueur du froid ; on peut le planter plus rapproché que les choux pommés; on jouira tout l'hiver de ses pommes axillaires, le meilleur de tous les lé- gumes frais qu’on puisse avoir dans cette saison de l’année. Pour en prolonger la récolte on plantera tard, de facon à ce que les premiers produits se montrent seulement vers le 15 no- vembre ; alors on peut espérer qu’ils continue- ront jusqu’au printemps. Chicorée, barbe de capucin.— Paris fait en près de la grosseur du poing au commencement | hiver une énorme consommation de cette chi- DU JARDINIER. coree, dont les feuilles étiolees, blanches, ten- dres, conservant seulement une légère amer- tume qui n’a rien de désagréable, se vendent à très bon marché durant toute la saison où il n'y a presque pas d'autre salade; elle s'allie fort bien à la mäche et à la betterave cuite. Les maraichers des environs de Paris, principale- ment ceux de Montreuil, les mieux placés pour ce genre de culture, arrachent en novembre les racines de chicorée sauvage semée assez serrée en terre médiocre; ils suppriment toutes les feuilles à l'exception du cœur, opération minu- tieuse qui exige beaucoup d'habitude; puis ils forment des bottes de ces racines d’environ 0,20 de diamètre: ils les placent debout, ran- gées l’une près de l’autre, enterrées dans des couches de fumier chaud; ces couches sont établies dans des caves ou dans de vastes car- rières abandonnées, où elles occupent un espace considérable, à l'abri de la lumière et du contact de l’air extérieur. Ce procédé serait excessive- ment coûteux pour d’autres que Ceux qui l'em- ploient ; mais le fumier qui a donné cette récolte sert ensuite, soit aux couches à champignons, soit à d’autres cultures forcées; quant à la main-d'œuvre , nous regardons peu à notre peine, surtout dans la saison où la besogne n’est pas très pressante. Produire le plus rapidement possible, et obtenir, même avec beaucoup de frais et de peine, des récoltes multiplices, au lieu de récoltes uniques venues lentement avec peu de soins et de dépenses, telestle principe in- variable de notre culturemaraichère, dont nous sommes fiers à jusie titre, car iln’en existe point ailleurs de plus perfectioonée. Une longue ex- périence, celle de nos pères ajoutée à la nôtre, nous à appris que, tout calcul fait. notre mé- thode est encore la plus avantageuse ; maiselle tient à notre position à portée de ce gouffre de Paris où tout s'absorbe, sans que jamais le ma- raicher ait à craindre de ne pas vendre ses produits. Quant aux jardiniers placés dans d’autres circonstances, ils étendront simplement les ra- cines de chicorée dans une position horizon- tale, par lits recouverts de terre légèrement humide, en laissant passer seulement de quel- ques centimètres le collet dégarni de ses feuilles ; les pousses nouvelles ne tarderont pas à se montrer; on en pourra faire deux ou trois coupes pendant l'hiver, pourvu qu’on les pré- serve avec soin du contact de l'air extérieur et de la lumière. C’est ainsi qu'on procède à bord des navires pour avoir, dans les longues tra- versées, un peu de salade à distribuer aux équipages ; les caisses pleines de terre et de ra- cines de chicorée sont placées à fond de cale. Lorsqu'on n’a qu’un très petit emplacement à consacrer à ce produit, et qu’il ne s’agit que de pourvoir à la consommation d’une famille, on se sert de cercles de tonneau sur lesquels on dispose les racines de telle sorte que tous les collets soient posés sur le cercle et toutes les racines en dedans. On empile à hauteur d homme les couches de racines et de terre et 485 les rangs de cercles ; la récolte se fait commo- dément, sans rien déranger. Pois. — Les jardiniers qui tiennent à obte- nir des pois de primeur, au risque de perdre leur peine, commencent dès la fin de novembre à semer du pois Michau hâtif en pleine terre, sur plate-bande exposée au midi. Ils doivent | être ramés {rès jeunes, non qu’ils en aient es- senticllement besoin, car ilsne s'élèvent jamais bien haut, mais pour qu’on puisse les couvrir et les découvrir avec plus de facilité. Malgré toutes les précautions qu’on peut prendre, il est certain que les pois semés en pleine terre en novembre sont toujours fort aventurés. Il n’en est pas de même de ceux qu’on sème sur couche à la même époque; leur récolte est plus as- surée. Il ne faut pas perdre de vue que le pois, quelle qu’en soit l'espèce, est une plante qui n'aime pas le fumier. En semant des pois sur couches, la terre qui recouvre l’engrais doit toujours être assez épaisse pour que dans aucun cas les racines de la plante ne se trouvent en contact avec le fumier ; si cela arrivait, le pois nain cesserait d’être nain ; il pousserait des tiges vigoureuses, de larges feuilles, et ne donnerait ni fleurs ni fruits. Le fumier n’est pour les pois qu'un simple réchaud, encore ne doit-il donner qu’une chaleur modérée. La culture du pois de primeur forcé sur couches n’est réellement avantageuse que quand on peut lui donner une grande exten- sion ; chaque plante doit être pincée quand elle montre 3 ou 4 fleurs : chaque fleur est suivie d’une cosse qui donne de 3 à 4 pois : ilen faut beaucoup de pieds pour donner un litre de pois écossés. Le jardinier qui force les pri- meurs en grand peut seul v trouver son compte; il ne regarde dans ce produit que la rapidité de sa croissance; en six semaines, s’il est bien conduit, le pois donne son grain et cède la place à d’autres cultures; il se vend alors très cher, au poids, par petites portions; les plus productifs sont toujours ceux qui proviennent des semis faits sur couche en novembre. Le jardinier amateur ne doit pas songer à essayer cette culture s’il ne peut y consacrer un nombre suffisant de couches pendant les mois de no- vembre et décembre. Le jardin potager commence en novembre à revêtir sa tenue d'hiver ; il n’est pourtant pas encore dépouillé de verdure; le poireau, le céeri, la chicorée, la scarole et la laitue d’hi- ver couvrent encore une partie du terrain. Le poireau passe l'hiver en terre sans craindre les gelées ; il doit y en avoir en novembre de bons à être cueillis; cette récolte, toujours très pro- ductive, est une ressource que le jardinier doit s'être menagé pour le temps où il aura peu d’autres légumes à porter au marché. Ses loi- sirs augmentent de jour en jour; il en profite pour réparer son matvriel, renouveler ses pail- lassons, et travailler le fumier pour les cou- ches destinées aux cultures forcées pendant l'hiver, Ces euliures, s'il est en état d'en faire 486 CALENDRIER les avances, l’occuperont presque autant que | seulement peut planter sans crainte, pourvu celles de pleine terre en été; toutelois, c’est en novembre et décembre qu'il peut prendre le plus de repos. Ô II. — Jardin fruitier. La récolte des fruits est terminée en novem- bre; le fruitier doit être dans son plus grand état de richesse par l’abondance et la variété des fruits. Quelques noix gardées dans leur brou se maintiendront encore à l’état frais; es châtaignes en retard, conservées dans leur en- veloppe épineuse, achèveront d’y atteindre leur parfaite maturité. Dans nos contrees me- ridionales, les marrons et les olives termine- ront le cours annuel des récoltes, plus variées que celle du nord; partout il sera temps de s'occuper, non plus des produits de la sai- son écoulée, mais de ceux de l’année suivante. Deux opérations essentielles, la taille et la plantation, appellent en novembre le jardinier près de ses arbres à fruit. On ne peut encore tailler qu’un petit nombre de vieux sujets parmi les arbres à fruit à pepins épuisés par de longs services; il importe que leur bois superflu soit supprimé immediatement. Les sujets plus jeunes et plus vigoureux peuvent attendre; on a pour les tailler tout le temps qui s'écoule entre la chute des feuilles et les derniers jours de février, sauf les jours de gelée rigoureuse. Les plantations se font avec grand avantage à la fin de novembre, de préférence à toute autre époque. Les traités de jardinage conseil- lent de ne jamais replanter un jeune arbre à la place d’un ancien, mort de vieillesse ou par accident ou tout au moins de laisser reposer le terrain en le consacrant pendant plusieurs an- nées à d’autres cultures. Pour nous qui savons ar expérience combien lœæil est attristé par a vue des vides nombreux dans une plantation d'arbres à fruit, nous dirons qu’il n’y a aucun inconvénient à remplir immédiatement ces vides, pourvu qu’on renouvelle la terre des- tinée au jeune arbre, et qu’on lui creuse un trou plus grand qu’il ne le serait en d’autres circonstances, proportionnellement à son es- pèce et à la taille qu’il doit acquérir. Ce chan- gement de sol n’est impraticable que quand toute une plantation meurt à la fois, soit de vieillesse, soit par suite d’un froid ou d’une sécheresse extraordinaires; alors la dépense deviendrait excessive, et il faut choisir un autre emplacement pour une nouvelle planta- tion. Mais s'il s’agit de quelques pieds d'arbres à remplacer, on ne doit point être arrêté par la nécessité de remuer quelques brouettées de bonne terre. Nous saisirons cette occasion de donner au lecteur notre opinion relativement à la ques- tion si controversée des plantations sur le ter- rain d'autrui; les esprits les plus judicieux ont toujours conseillé aux locataires de s’en abste- nir; nous sommes d’un avis différent, et nous ne craignons pas de le motiver. Le jardinier muni d’un bail de douze ans qu’il ait stipulé qu’en fin de bail on lui tiendra compte de la valeur qw'auront, à sa sortie, les plantations faites à ses frais, risques et périls. En Angleterre !, des stipulations de ce genre sont très en usage ; elles augmentent également la fortune des propriétaires et celles des fer- miers. Il en est qui, après vingt ou vingt-cinq ans de jouissance, ont droit à un capital égal à plusieurs années de leur fermage; le proprié- taire, de son côté, y gagne assez par l’accroisse- ment de valeur de son domaine, sans aucune avance de sa part. La plantation des arbres fruitiers, la seule qui doive nous occuper ici, présente des avan- tages en général trop peu appréciés; nous en- trerons à ce sujet dans quelques détails. Nous supposerons un hectare de terrain consacré à une plantation formée en partie de pommiers nains, dits de paradis, et en partie de pruniers de mirabelle et de reine- claude, greffés sur épine noire. Un espace de deux mètres en tous sens, en terrain bien fumé, leur suffit et au-delà ; on a donc sur un hectare 50 rangées de 50 arbres chacune, soit 2,500 pieds d'arbres. Si le jardinier les greffe lui- même, il aura moins de dépense à faire, mais plus de temps à attendre les produits; s'il prend les sujets tout greffés en pépinière, il les paiera de 25 à 35 €. la pièce, en moyenne 30 c., ou, pour 2,500 pieds d'arbres, 750 fr. En y ajoutant les frais de transport, de fumier et de plantation, ils peuvent lui revenir, mis en place, à 1,000 fr. Dès la seconde année les paradis montre- ront leur fruit; dès la troisième fleur ils se-- ront en rapport; s’il sont tous d’espèces de choix, ils pourront produire chacun 40 cen- times par an, les bonnes années compensant les mauvaises. Un paradis de reinette de Ca- nada, par exemple, peut facilement porter huit pommes à 10 centimes, lorsqu'on les vend en hiver, soit 80 centimes; le chiffre de 40 centimes fait done une large part au chapitre des frais et des accidents; €’est un produit de maille francs par an pendant 8 ou 9 ans. À la fin du bail, il faut que les arbres soient en bien mauvais état pour qu’à l'estimation ils ne re- présentent pas le double de ce qu’ils ont coûté à planter, soit 2,000 francs ; le propriétaire, à qui cette plantation en plein rapport offrira un accroissement immédiat de revenu, paiera volontiers cette somme, et y gagnera, soit qu'il vende son terrain, soit qu'il le loue à un autre, soit qu'il l'exploite par lui-même. Le locataire suffisamment indemnisé, pourra re- commencer ailleurs la même opération sur deux hectares, sans y mettre de son argent. Nous n'avons pas besoin d’insister sur la facilité du placement des fruits en hiver à Paris; les fruits de choix sont toujours trop peu abondants sur le marché. On aura soin, en choisissant les arbres à (1) Voir Journ, d'Agriculture pratique, t. II, p. 554, et t. IV, p. 100. DU JARDINIER. fruit dans la pépinière, de marquer sur lé- corce le côte du nord, afin de les orienter en les plantant comme ils l’étaient sur leur sol natal, La plantation à la fin de novembre, sans dépasser le milieu de décembre, peut faire ga- gner une année sur la mise à fruit des arbres nains. J Quoique la plantation des autres arbres à fruits puisse être différée, nous pensons que, pour les poiriers et pommiers, spécialement quand ils doivent être taillés en quenouille ou pyramide, la dernière quinzaine de novembre et la première de décembre sont l’époque la plus favorable. Ô III. — Parterre, On y vient encore, durant les derniers beaux jours connus dans toute la France sous le nom d'été de Saint-Martin, chercher les derniers asters, les chrysanthèmes alors en pleine fleur, les derniers brins de réséda, et quelques roses du Bengale. Le jardinier, après avoir recépé les rosiers du Bengale et recouvert de feuilles les sou- ches les plus délicates, dédoublé les pieds trop vigoureux de phlox. d’héliantes et d’autres plantes vivaces, arraché pour les rentrer dans l’orangerie les tubercules des dahlias, dit adieu pour longtemps au parterre qui n’a plus besoin de sa présence. Il n’y reviendra plus que de loin en loin pour tailler les rosiers greftés sur églantier, soigner ses violettes perpetuelles, et visiter quelques rares fleurs d'hiver en pleine terre, comme les perce-neige et les hellébores, jusqu’à ce que le printemps revienne, avec son | cortége de fleurs, le rappeler à la partie la plus agréable de ses travaux. Les planches de violettes plantées au mois d'août doivent être entourées d’un bourrelet de paille et recouvertes de paillassons pendant la nuit seulement ; des piquets, plantés de distance en distance dans la plate-bande, supportent ces paillassons et les empêchent de froisser les violettes. $ IV. — Orangerie et serre. L'hiver est la saison de l’année où l’orange- rie et la serre exigent la présence la plus assi- due du jardinier. Dans l’orangerie il aura bien rarement l’occasion d’allumer du feu en no- vembre; il n'aura même recours plus tard à la chaleur artificielle que pendant les froids les plus vifs. Pour décorer et parfumer en même temps l’orangerie, il y tiendra quelques rosiers de Bengale en caisse, des résédas et des hélio- tropes; mais ces derniers réussiront mieux dans la serre tempérée pour donner leurs fleurs en hiver. Les camélias dont on possède main- tenant un si grand nombre de belles variétés, ont une orangerie à part chez les jardiniers marchands et chez les riches amateurs; la pré- caution d’humecter souvent leur beau feuillage contribue beaucoup à les entretenir dans un état de vigoureuse végétation pendant l'hiver. Dans là serre temperée et la serre chaude, 487 le mois de novembre verra commencer la flo- raison d'hiver. Tout le monde ne peut pas avoir une serre, ni même une orangerie, mais bien des gens peuvent se permettre une jar- dinière, joli meuble en bois vernis par-dessus son écorce, avec un vase en zinc destiné à re- cevoir des fleurs vivantes pour la décoration des appartements. Chaque année la mode des jardinières fait des progrès à Paris; beau- coup de jardiniers trouvent du bénéfice à forcer dans la serre tempérée des bulbes de jacinthes, de tulipes et d’amaryllis, pour entre- tenir les jardinières garnies de fleurs pendant toute la mauvaise saison. Parmi les personnes opulentes, l'usage s’est établi à Paris de ne plus donner un bal, une soirée, une réunion, en hiver, sans une profu- sion de fleurs rares, soit Cueillies, soit vivan- tes; il faut des caisses d’arbustes sur lescalier et dans le vestibule ; il faut des bouquets écla- tants et parfumés pour masquer l'odeur des mets sur la table du festin; toutes les dames joignent un bouquet à l’inévitable éventail. C’est pour les jardiniers-fleuristes l’occasion d’un bénéfice qu’ils ne doivent pas négliger ; mais la réalisation d’un gain passager ne doit pas les porter à risquer de déplacer par un temps trop rigoureux des arbustes délicats, objets de soins et d’avances depuis nombre d'années, le prix élevé des fleurs cueillies ne doit pas leur faire mutiler des plantes qui ont ensuite bien de la peine à se refaire après une coupe inconsidérée de leurs rameaux char- gés de fleurs. Quant au jardinier amateur, nous n’avons pas besoin de lui adresser une telle recom- mandation ; il n’est jamais trop porté à dégar- nir son orangerie ou sa serre pour offrir des bouquets qui seront flétris au bout d’uneheure. En Belgique, le salon, situé au rez-de-chaus- sée, est souvent de plain-pied avec l’orangerie ; les jours de réunion, on place dans l’orangerie un tapis et des siéges ; les dames viennent s’y délasser, au milieu des fleurs, des fatigues du bal. On a soin de n’y laisser que les plantes assez robustes pour ne pas trop souffrir de la chaleur et du mauvais air produits par les lu- mières et une nombreuse assemblée. C'est un moyen simple et naturel pour les amateurs de se faire honneur de leurs plus belles plantes aux yeux de leurs amis. DÉCEMBRE. $ I9T, — Jardin potager. Choux. — Le chou, dont plusieurs espèces n'ont acquis toutes leurs qualités qu'après avoir ressenti les effets d une gelée moderée, ne craint que la neige, surtout lorsqu'après avoir sé- journé longtemps sur le sol, elle fond, non pas toute à la fois, mais par une suite de degels et de gelées ; il arrive alors que Feau provenant de la neige fondue s'insinue entre toutes les feuilles des pommes de chou, à l'exception de 188 celles qui en occupent le centre : cette eau, con- vertie deux ou trois fois de suite en glace, agit lus énergiquement sur le chou que n'aurait pu e faire un froid sec de dix ou douze degres, température qui n’altère pas le chou d’une ma- nière sensible. Il doit se trouver en décembre, dans le potager, des carrés de choux à deux états différents : les premiers ont leur pomme tout-à-fait formée, ils sont prêts à être livrés à la consommation, et c’est parmi eux qu’on a pris ceux qui ont été mis à l'abri pour les be- soins journaliers ou pour en prolonger l’exis- | tence; ils appartiennent, sous le climat de Paris, aux trois espèces connues sous le nom de chou blanc ou d’Alsace, chou de Milan frise, et Milan desVertus. Les autres dont l'hiver n’inter- | rompt pas la végétation seulement ralentie, sont à demi formés: ils doivent arriver des pre- miers sur le marché au printemps, et n'ont pas en décembre et janvier des pommes plus gros- ses que le poing. Les choux entièrement pommés doivent être, dès les premiers jours qui suivent le dégel, portés au marché, après avoir passé un jour ou deux, suspendus par la racine, la tête en bas, sous un hangar ou dans un autre lieu abrité; ils sont encore excellents, pourvu qu'on les mange immédiatement; mais s'ils attendaient huit jours, ils entreraient en décomposition. Les choux à demi pommés sont à peu près perdus; on doit seulement cueillir les plus avancés ; ils trouveront des acheteurs dans cette saison où le chou est généralement recherché ; ceux qui ne pourront être vendus périront presque tous sur place: iln’ya pas de remède; on aura soin, dans ce cas, d'élever sur couche une quantité de plant proportionnée à ce qui devra être remplacé pour regarnir les carrés au printemps. Ces pertes causées par la neige sont rares, et elles n’entrent point dans les calculs ordinaires de la grande culture poar Papprovi- sionnement de Paris. Ceux qui ont une assez parfaite connaissance du temps pour prévoir en automne un hiver abondant en neige s’abs- tiennent de planter en pleine terre, et réservent tout leur terrain pour pouvoir planter au prin- temps. Dans la petite culture, un peu de litière, de vieux paillassons, ou toute autre couverture appliquée au moment où la neige commence à tomber, parent facilement à ces pertes, souvent inévitables pour les cultures plus étendues. Choux-fleurs. — Le plant repiqué sur plate- bande bien fumée et exposée au midi a cout autant de chances que celui qu’on repique sur couches, pour bien passer l'hiver, si l’on prend les précautions que nous avons indiquées pré- - cédemment. Néanmoins, comme cette culture est d’un très bon rapport, et qu’on ne peut pas toujours disposer d’un emplacement convena- ble en pleine terre, les jardiniers sont dans l'usage d’élever toujours une bonne provision de plant de choux-fleurs sur couches, sous châssis. Ce plant n’exige pas un grand espace; il se repique très rapproché presque sans in- convénient, parce qu'il ne fait pour ainsi dire "remember ere reprenne era CALENDRIER que se maintenir en hiver, sans prendre un grand accroissement. Mais il doit être l’objet de soins continuels, à cause de sa facilité à s’é- tioler lorsqu'on le tient trop longtemps privé d’air et de lumière. Il faut donc naviguer entre deux écueils, la gelée et l’étiolement; le second est le plus à craindre. Souvent une demi-heure d'exposition à l'air libre, au moment le plus doux d’une journée froide suffit pour conserver le plant de chou-fleur. Dans tous les cas, il faut le surveiller continuellement et s’en munir en quantité plus grande que le besoin, afin que, même après l'hiver le plus défavorable, il en reste encore assez pour qu'on n’en soit pas au dépourvu. Salades. — Nous nous sommes dispensés, en indiquant les travaux des mois d'octobre et de novembre, de donner dans tous ses détails l’im- portante culture du plant de romaine sous clo- ches pour être en partie forcé en hiver comme primeur, en partie mis en place en pleine terre, depuis février jusqu’en avril; c’est qu’il ne reste rien à apprendre sur ce sujet quand on a lu le travail aussi complet que possible de M. Poiteau sur la culture maraïchëre de la ro- maine; nous ne pouvons qu'y renvoyer nos lecteurs; c’est un ancien maraicher qui raconte ce qu’il a fait et ce qu’il a vu; on ne saurait choisir de guide plus sûr et plus fidèle. C’est une propriété bien remarquable, chez certains végétaux appropriés à nos usages, que celle de croître sans le contact de Pair, ce qu'on nomme en terme technique à l'étouffée, et cela sans s’étioler ni paraître souffrir de la priva- tion d’air. Ainsi, la romaine verte, ordinaire- ment consacrée de préférence à toute autre à la culture forcée en hiver, reste verte quoique depuis le moment où la semence a été mise en terre jusqu’à celui de la vente elle ait été con- stamment tenue sous cloches, sauf le temps très court employé au repiquage ; cette même ro- maine, par une sorte d'énergie de végétation qui lui est propre, s’accoutume très bien à la pleine terre et au grand air en sortant de des- sous la cloche, et acquiert au printemps ce vo- lume et cette saveur qui en font une de nos meilleures salades. La laitue crêpe veut également être élevée à l'étouffée ; elle se repique au nombre de trois ou cinq pieds sous chaque cloche, selon le volume qu’on la croit susceptible d'atteindre; elle y forme de petites pommes fort tendres qui n’ont guère d’autre mérite, car elles n’ont pas grande saveur; mais elles viennent en plein hiver et donnent en abondance depuis décembre jus- qu’en février ; elles sont d’ailleurs beaucoup plus communes et moins chères que les romaines forcées, ce qui en rend le débit toujours facile, IL ne faut pas dédaigner la laitue crêpe qu’on sème tous les quinze jours en hiver et qu’on mange en salade même avant qu'elle ait acquis la grosseur qui la rendrait propre à servir de plant; c’est une salade beaucoup moins chère (1) Journal d'Agriculture pratique, t. AIT, p. 87. PRESS = É : un: _ DU JARDINIER. et au moins égale à la petite laitue crèpe pommée. Pois. — Lorsque l'hiver s'annonce comme devant être doux, on prolonge jusque dans les premiers jours de décembre les semis de pois en pleine terre au pied des murs, à l'exposition du midi; tous ces pois sont désignés par les jardiniers sous le nom de pois de sainte Ca- therine, quoique la température engage souvent à les semer avant ou après le 25 novembre. Ceux qu’on a semés le mois précédent ne de- vanceront guère en résultat les semis de dé- cembre et n’ont pas beaucoup plus de chances de succès. De quelque facon qu'on s’y prenne, la gelée les atteindra nécessairement ; seule- ment, si elle n’est pas violente, la tige princi- pale périra seule; la racine et son collet résis- teront ; deux pousses latérales se développeront, et leurs produits pourront devancer de quelques jours seulement les pois dits de la Chandeleur, semés au commencement de février : il est vrai que ces quelques jours ont une grande impor- tance sur le marché de Paris, où nous vovons souvent les pois se vendre cinq francs le litre le lundi et soixante-quinze centimes le samedi de la même semaine. Ceux qu’on a semés sur couche sous châssis vers le quinze novembre doivent être assez avancés en décembre pour avoir besoin d’être couchés, ce qui se fait au moven de lattes ou de bouts de vieux treillages qu’on appuie sur le milieu de la longueur des tiges. L’extrémité supérieure de la plante ne tarde pas à se relever ; l’opération du couchage hâte le développement. des fleurs ; il faut alors saisir le moment favorable pour supprimer le sommet des tiges, afin de forcer les premières à nouer, sans quoi elles pourraient fort bien se trouver stériles; c'est ce qu’on nomme pincer les pois. Du moment où les pois montrent leurs fleurs, il faut éviter de les mouiller trop abon- damment. Haricots. — Les derniers semés en pleine terre, convenablement abrités, ainsi que nous l'avons dit dans un précédent article, donnent encore en décembre et ne cessent de fournir du haricot vert qu’au moment où le froid prend subitement une grande intensité. Quoique les traités de jardinage, d'accord en cela avec la pratique la plus générale, conseillent de ne commencer que vers le 15 janvier les semis de haricots sur couche sous châssis pour primeur d'hiver. nous avons souvent semé de cette ma- nière dès le 25 décembre du haricot nain de Hollande, et il a constamment gagné plusiears jours sur les semis faits au 15 janvier. À moins que le froid ne soit très rigoureux, on donnera de l'air, au moins pendant quelques heures, vers le milieu du jour, aux couches semées en ha- ricots. Quelques jardiniers ont cru remarquer une plus grande abondance de produits et quel- ques jours de précocité de plus dans les haricots nains de Hollande semés sur couches et repiqués fort jeunes sur une autre couche plus chaude que la première. Pour nous, en renouvelant assez souvent les réchauds et donnant du reste HORTICULTURE, 489 à cette culiure les soins qu’elle exige, nous n'a- vons pas observé un retard sensible dans la ré- colte des haricots semés en place. Il est bon de les coucher de la même manière que les pois, un peu avant l’époque de leur floraison. Persil. — Le mois de décembre est le mo- ment critique pour cette culture, qui, comme nous l'avons dit, procure en hiver plus de bé- nélices que le public étranger zu jardinage ne peut se le figurer ; les charcutiers et les restau- rateurs ne peuvent se passer de cet assaisonne- ment; il leur en faut à tout prix. Les planches de persil semées en octobre doivent être en plein rapport en décembre; on aura le plus grand soin de leur ôter ou de leur donner la li- tière, afin que le persil ne jaunisse pas; on évitera de cueillir les feuilles trop peu déve- loppées, ce qui nuirait à la pousse des autres ; enfin on soignera ce produit comme l’un des meilleurs de la saison dans les environs de Paris. Fraises. — Nous avons exprimé notre sen- timent sur la culture des fraises forcées en hi- ver; il y a Cependant une circonstance où les frais peuvent en être tellement diminués que les produits, bien que très faibles, valent en- core Ja peine d’être récoltés : c’est lorsqu’on cultive en grand les ananas dans des bâches assez spacieuses pour qu’on puisse établir tout autour des pots de fraisier sur des dressoirs. On fait choix dans ce cas du buisson de Gail- lon; on le met en pot dès le mois de novembre; on le rentre en decembre dans la bâche, où il donne jusqu’au printemps des fruits mangea- bles, quoique peu colorés. Melons.— On peut commencer en décembre à semer sur couche les premiers melons qu’on repiquera en place le mois suivant ; néanmoins l’état de la saison doit être pris en grande con- sidération pour régler l’époque de ces semis; si l’on craint que, malgré tout l’art du jardi- nier, le plant soit exposé à fondre ou à languir, il vaut mieux retarder les semis jusqu’en jan- vier. Les légumes de pleine terre ont presque tous disparu peu à peu dans le courant du mois pré- cédent ; ceux qui restent n’ont plus besoin des soins du jardinier, à l'exception des salades d'hiver, qu'il doit couvrir et découvrir selon la température. Le défoncement des terrains qui ne sont plus occupés est le travail de pleine terre le plus essentiel durant le mois de de- cembre; mais c’est autour des couches que le jardinier doit trouver ses principales occupa- tions ; réchauffer les premières construites, en établir de nouvelles, veiller à la prospérité d'une végétation contraire à la marche ordi- naire de la nature, récolter déjà quelques pro- duits, des radis, des salades. tout cela ne le laisse pas dans l’oisiveté ; il n’y a pour lui de repos absolu que durant les jours de pluie, où l'entrée du potager lui est interdite. Ÿ LE. — Jardin fruitier. Les plantations et la taille des arbres à fruits sont, comme dans le mois précédent. les deux T. V. — 63 490 opérations principales du jardinier dans cette partie de son domaine. S'il y a joint une pépi- nière, il sera alors en pleine moisson. On ne peut trop recommander aux acheteurs de se hâter quand ils ont à faire des acquisitions im- portantes dans les pépinières; si le sol destiné aux plantations est compacte et qu’il convienne d’y retarder la mise en place des jeunes arbres, cela n'empêche pas de les choisir d'avance, sauf à ne les enlever qu’au moment favorable. Ilarrive trop souvent que, faute de s’y être pris à temps, ayant d'ailleurs les trous préparés, et ne voulant pas perdre une année, on se con- tente d'arbres de second choix qui ne donnent que des résultats inégaux et peu productifs. Ÿ IT. — Parterre, Il n’y a pour le moment rien à faire dans le parterre; mais le jardin paysager, dont le par- terre fait ordinairement partie, offre déjà une besogne d’un grand intérêt pour ses beautés De au printemps suivant. On élague es arbres qui en ont besoin; on recèpe ceux qui doivent être formés en buisson; on regarnit par des plantations les vides laissés par les ar- bres ou arbustes qui n’ont pas réussi. C’est aussi le moment d’empailler les plantes et arbustes de terre de bruyère, andromèdes, azaléas, kalmias, qui redoutent les longs hivers. Quant aux rhododendrons, depuis que nous les avous vus en Belgique résister à des hivers vraiment russes, nous les regardons comme aussi bien acclimatés que les lilas et les rosiers. En 1829, le jardin d'un de nos amis, grand amateur d'horticulture, à la Boverie, près Liége, fut inondé à deux reprises, avant les ge- lées et après le dégel ; ce jardin resta dix-buit jours recouvert de 2 mètres d'eau à une très basse températuré. Le propriétaire regardait bien toutes ses plantes de bruyère Comme per- dues; il se trompait; toutes fleurirent au prin- temps comme elles eussent fleuri à la suite d’un hiver ordinaire; à l’exception d'une ou deux andromèdes, aucune ne paraissait avoir souffert. Ce fait montre assez qu’on peut traiter les plantes de bruyère avec des soins moins minutieux que ceux qu’on leur donne ordinai- rement sous le climat de Paris. La terre de bruyère doit être amassée et mise en tas à l’air libre au commencement de dé- cembre. Nous pensons qu’on a tort de la passer immédiatement à la claie comme le font quel- ques jardiniers; il vaut mieux la laisser en CALENDRIER DU JARDINIER. monceau telle qu’elle est, la retourner plusieurs fois pendant l'hiver, et la passer seulement au S ] , P | printemps, au moment de s’en servir. $ IV. — Orangerie, Les plantes et arbustes d’orangerie sont bien moins sensibles que ceux de serre chaude ou tempérée aux variations de température, ce qui, indépendamment de leur plus grande rus- ticité, tient surtout à ce que leur végétation est engourdie et comme suspendue pendant l’hi- ver. L'influence de l'air extérieur leur sera donc favorable, soit que le soleil fasse monter le thermomètre à 8 ou 10 degrés, soit que le brouillard le fasse descendre à 3 ou 4 au-dessus de zéro. De tels changements seraient au con- traire funestes aux plantes de serre. $ V. — Serres, Le soin principal du jardinier doit être d’en- tretenir la plus grande égalité possible de tem- pérature dans les serres et dans la bâche aux ananas. S'il peut chauffer à la vapeur tout son local, il ne eraindra ni la fumée, ni la dégrada- tion des fourneaux, qui les met quelquefois hors de service au moment où ils sont le plus nécessaires. Le chauffage à la vapeur évitera surtout lé grave inconvénient d’avoir dans la serre une différence de 5 ou 6 degrés, et même plus, entre l’air du centre et celui qui touche aux vitrages. Après l'égalité de température, l’objet le plus important des soins du jardinier doit être la distribution de l’eau aux plantes exotiques. Il faut, pour ainsi dire, s’en rapporter sur ce point aux plantes elles-mêmes; il est de prin- cipe que , tant qu’elles ne végètent pas, il ne leur faut que de fréquents binages au pied ; l’eau ne leur devient nécessaire que quand leur végétation se met en activité. Dans la serre chaude et dans la bâche aux ananas, On entretiendra la température la plus élevée possible. On ne pénètrera pas sans pré- caution dans la serre aux orchidees. dont une partie montrera ses fleurs à cette époque; le jardinier soigneux de sa santé comme de celle de ses plantes aura soin que la serre chaude soit préservée par une double porte de l'intro: duction de l'air extérieur: il se munira de vê- tements chauds au sortir de cette serre où il esi impossible de travailler quelque temps sans mettre habit bas. CALENDRIER DU FORESTIER Les Allemands, toujours méthodiques dans l'application de leurs idées et dans leurs occu- pations, ont imaginé de distribuer d’une ma- nière périodique et régulière, les travaux fo- restiers qui doivent être exécutés dans chacun des mois de l’année. En France, la même division n’est pas tou- jours praticable; d’abord en raison de la diffé- rence du climat, ensuite à cause de la diversité qui existe entre les méthodes usuelles de traiter les forêts dans chacune des régions de notre sol, méthodes qu’il est extrêmement difficile de ramener à l'unité. D'ailleurs les travaux de semis, de planta- tions, d'exploitation par coupes de réensemen- cement naturel, n'ayant pas encore pris en France une grande extension, rien n’est plus , variable que notre mode d'opérer. Il est done bien difficile de présenter quelque chose de positif qui soit parfaitement adapte à nos besoins lorsqu'on veut former un calendrier français de culture forestière. Cependant, c’est précisément parce qu’il n’y a encore rien d’uniforme dans la pratique qu’il convient de faire des efforts pour y introduire de l’ordre dès à présent ; l’ordre est un genre de division du travail qui le rend moins dis- pendieux, d’une exécution meilleure et plus fa- cile; chaque ouvrage est fait précisément en son temps et avec la moindre dépense de forces possible ; chaque ouvrier habitué à un travail qui revient uniformément, l’exécute mieux ; il y à épargne de peine, de temps et d’argent ; perfectionnement et réussite. Tant d'avantages méritent que l’on établisse parmi nous quelque chose de semblable à cet ordre admirable que suivent les Allemands dans leur culture forestière, à laquelle ils se livrent sans efforts, sans écarts, avec une: persévé- rance et une attention soutenues et avec un succès toujours croissant. Il est un fait reconnu généralement, c’est que dans certains travaux l’ouvrier francais exécute, dans un temps donné, moins d’ou- vrage que l’ouvrier allemand ; ce n’est pas que l’ouvrier français soit moins laborieux où moins intelligent, c’est qu’il apporte moins de régula- rité, moins d'ordre dans son ouvrage; les dis- tractions, les mouvements faux et inutiles, la mauvaise qualité des outils, le défaut d’arran- gement, une dépense inutile de forces employées d’une manière irrégulière et souvent en sens opposé; tout cela opère une sorte de disconti- nuité dans le travail et une grande perte de temps. L'introduction de la méthode aura donc pour effet d'accroître la masse de l'ouvrage avec une somme égale de travail. Les époques de la cul- ture forestière étant déterminées d'avance, les ouvriers feront coïncider leurs travaux agri- coles ou industriels, de la manière la plus con- venable à leurs intérêts, avec les travaux fores- tiers qui seront à leur portée. ILest d'autant plus important d'introduire un bon ordre dans la culture forestière, qu’elle doit prendre un développement proportionné à nos besoins croissants de bois de toute espèce, développement qui s’accroîtra encore par le bon marché du travail résultant, non d’une baisse des salaires, mais d’une pratique plus habile. Nous sommes arrivés à une époque où l’on sent la nécessité d’opérer des repeuplements, des nettoiements, des semis, des plantations et des remplacements d’essences inférieures par de meilleures espèces. On commence à exécuter ces travaux dans une partie de la France, et leur bonne distribution doit être précédée né- cessairement de la connaissance des époques les plus convenables pour les exécuter. C’est dans cette vue que nous indiquons la répartition suivante, dans laquelle nous avons eu en vue de réaliser le plus promptement pos- sible l’idée d’une périodicité qui assurera le succès de la culture forestière. JANVIER. Bans les parties montagneuses de notre sol et dans nos contrées septentrionales, les exploi- tations des coupes sont interrompues; les grands froids endommageraient les souches. Cepen- dant on s'occupe du transport des bois coupés; on profite des gelées dans les endroits maréca- geux , et des neiges dans les montagnes, pour opérer plus facilement la traite que dans les autres saisons. Nous remarquerons que l’on w’établit pas généralement assez d'ordre dans la distribution des diverses parties de la coupe entre les bù- cherons ; que l’on pourrait favoriser les trans- ports et le débit en rangeant les bois abattus et faconnés de manière à laisser toujours des pas- sages praticables. Si de fortes gelées et la neige ne font pas obstacle aux travaux de labour, soit à la houe, soit à la pioche, soit à la charrue, on peut en exécuter dans Ce mois. C’est aussi l’époque la plus convenable pour opérer des nettoiements dans les taillis, surtout si les ouvriers sont occupés aux travaux de l’agriculture dans les autres saisons. Dans les régions méridionales, on peut par le même motif s'occuper presque continuellement 4192 CALENDRIER des travaux préliminaires des semis et planta- tions. Nous devons remarquer qu’une cessation absolue du travail préparatoire des semis et plantations dans le cours de ce mois serait sou- vent préférable à des ouvrages exécutés diffi- cilement et avec des interruptions fréquentes; les ouvriers doivent employer ce temps à leurs occupations sédentaires, pour se livrer avec plus de suite aux travaux forestiers lorsque les jours deviennent plus longs et les intempéries plus supportables. FÉVRIER. Comme les froids sont, en moyenne, moins rigoureux dans le mois de février que dans le mois de janvier, le travail prend du dévelop- pement ; les bücherons travaillent sans relâche à l'abattage des taillis et des arbres lorsque le sol n’est pas couvert de neige. On veille, comme on a dü le faire depuis la récolte, à la conservation des graines, en ayant principalement le soin de les préserver à la fois de la sécheresse et du contact de l'humidité. On peut commencer les plantations qui n’ont pu être exécutées en automne. Les labours dans les terres qui se gonflent ne doivent être faits qu’à la profondeur de 0®,03 ou 0",04, parce que la radicule ayant une fois atteint le sol non remué, se consolide de ma- nière que le dégel ne peut enlever le jeune plant. Les travaux d’émondage, d’élagage se pour- suivent. On prépare l’écorcement du chêne dans cer- taines contrées en coupant les brins de taillis de manière à laisser une partie de l'écorce ad- bérente à la souche ; les avantages qui en ré- sultent sont d’abréger la durée du travail de l'exploitation définitive et de disposer la souche met en mouvement. Lorsque le mois de février est pluvieux, le sol des forêts situées dans les plaines basses est ordinairement inondé. C’est à cette époque que les gardes doivent observer le cours des eaux et le marquer par des jalons, afin de tracer plus tard les fossés de desséchement dans la direction convenable pour procurer l’assainis- sement. Les travaux préliminaires de la carbonisation commencent à la fin de février ; on scie le bois qui doit être mis en charbon, de manière à le réduire en büches de 0m,65 à 0m,80 de lon- gueur. MARS. C’est ordinairement l’époque du développe- ment d’une grande activité dans les travaux. Les gelées d’hiver n'étant plus à craindre, l'abattage se poursuit avec activité dans les coupes. On donne les derniers labours aux terrains qui doivent être ensemencés. à pousser des rejetons aussitôt que la sève se Lorsque les semis forestiers se font avec un mélange d'orge ou d'avoine, l’opération s’exé- cute dans la dernière quinzaine de mars, après que le sol a été labouré plusieurs fois. On passe ordinairement un rouleau sur le terrain après le semis et le hersage, surtout dans les terres qui se gonflent après les gelées ou les pluies. La récolte des céréales viendra en déduction des frais de semis qui se réduisent souvent à très peu de chose, et qui sont même compensés quelquefois par le produit net de cette récolte. On à soin de ne pas labourer à la charrue les terrains situés en coteaux ; on les divise en bandes alternées, larges d'environ 1 mètre, lesquelles sont disposées de manière que les eaux n’entrainent ni les graines ni les terres; l’une de ces bandes est cultivée à la pioche, tan- dis que le sol de la bande voisine reste inculte. Les plantations sont, en général, préférables aux semis lorsque l’on peut se procurer du plant à bon marché. C’est par ce motif que l'établissement d’une pépinière doit être consi- déré comme indispensable lorsqu'on possède une forêt. On trouve toujours un espace con- venable pour l’établir, dans la forêt même ou dans son voisinage immédiat. On épargne les fraisetles inconvénients du transport des plants. Si le sol n’est pas d’assez bonne qualité, on l'amende par des mélanges de terres; cette opé- ration ne peut deveair dispendieuse, car l’éten- due d’une pépinière, considérée uniquement comme accessoire d’une forêt, est ordinaire- ment suffisante si elle est d’un millième de l'étendue de cette forêt. La condition la plus importante du succès d’une plantation consiste à n’avoir que des plants garnis, autant que possible, des racines entières et de leur chevelu; on est dispensé d’étêter les tiges. Les plantations de boutures de peupliers, de saules, de marsaulx s’exécutent dans ce mois; on doit préférer les boutures aux plancons par plusieurs raisons connues des planteurs. On récèpe les plantations en observant de ménager la souche, de ne couper ni trop haut ni trop bas, et de repiquer du plant dans les places qui ne sont pas suffisamment garnies. On fait ouvrir des fossés de desséchement dans les endroits où ils sont nécessaires, si ce travail est praticable. Nous ferons observer à ce sujet que les travaux d'assainissement ne se faisant ordinairement que dans les coupes en exploitation, les eaux s'arrêtent dans les coupes voisines, et qu’il serait bien préférable d'établir dans la forêt entière un système complet d’écou- lement des eaux qui serait mis à exécution dans le cours de deux ou trois années. On achève la récolte des cônes de pins et de mélèzes. AVRIL. C'est dans ce mois que doivent se terminer | la plupart des grands travaux forestiers. Sr DU FGRESTIER. Les nettoiements des taillis s'achèvent ; cette operation doit être surveillée avec le plus grand soin. Le meilleur mode consiste à faire couper le bois par des bûcherons payés à la journée, et à le faire metire en fagots par des ouvriers payes à la tâche; on doit faire, autant que pos- sible, arracher les épines. Les semis naturels ne tardent pas à paraître et à se développer au bout de quelques années pour repeupler la fo- rêt de bonnes essences. IL est constaté que le produit d’un taillis qui a été éclairci excède d’un quart, à l’âge de 25 ans, le produit d’un taillis qui a été abandonné à lui-même. On peut ne terminer cette opération qu’à la fin d'avril. L’abattage des taillis cesse ordinairement avant le 15 avril, excepté dans les parties où l’écurcement doit être pratiqué. On procède à l’extraction des graines d’es- sences résineuses dont on a conservé les cônes pendant l'hiver. Cette extraction peut se faire en exposant les cônes au soleil ou en les placant dans un lieu échauffé; si la graine ne s’échappe pas toute d'elle-même, on frappe légèrement les cônes pour la faire sortir. Les semis de ces essences commencent à la fin d'avril, mais on achève les plantations et les semis des bois feuillus. Excepté dans les terres siliceuses assez com- pactes, les semis d’arbres résineux ont besoin d’abri ; c’est par cette raison que dans les terres légères les plantations sont préférables aux se- mis. Quant aux semis de pépinières, il est facile de les couvrir de branches d’arbres verts ou de feuillages. On commence le binage des semis qui ont été faits dans l’automne. On commence la plantation des arbres rési- neux, qui réussit toujours à l’époque où le bourgeon terminal commence à s’allonger. Le cultivateur forestier doit apprendre à dis- cerner le mode qui convient le mieux pour les boisements, suivant lexposition du sol, sui- vant le climat et aussi d’après les besoins de la localité. Il ne perdra pas de vue qu’une condition es- sentielle de la réussite consiste à tenir le terrain couvert autant que possible, pour prévenir l’évaporation de l'humidité. Les opérations d’écobuage s’achèvent dans le cours du mois d'avril, en prenant toutes les précautions qu’elles exigent. La traite et vidange des coupes doit être terminée avant le 15 avril; mais si les mar- chands n’ont pu vendre tous leurs bois, le restant est déposé sur le bord des chemins ou dans des clairières, vers les extrémités de la coupe. MAT. Les charbonniers dressent les fourneaux pour la carbonisation des bois. On continue les semis et les plantations d'ar- | 193 bres résineux. et on termine ces travaux vers la fin de mai. Lorsque la eulture forestière sera plus avan- cée, on sèmera des graines de pins, d’epicéas et de mélèzes dans les places vagues des bois feuillus ; ces essences remplaceront les épines et les arbustes inutiles. Le taillis donnera l’om- brage nécessaire aux semis; on exécutera cette opération immédiatement après l'achèvement des nettoiements et éclaircies. Le mois de mai est l'époque de l’écorcement du chêne, du bouleau, de l’aune et du tilleul ; tous les brins de taillis et les arbres qui ne peu- vent donner de l’écorce ont dû être abattus avant le 15 avril. L’écorcement ne doit avoir lieu que lorsque l’arbre ou le brin de taillis est abattu. Une méthode déplorable subsiste encore dans quelques forêts du midi; le chêne vert est écorcé sur pied au commencement de mai, et on ne le coupe que dans le cours de l'hiver sui- vant. On ne peut trop s’empresser d’abolir en- tièrement cet usage. L’abattage des arbresa dû être terminéavani le 15 mai. On récolte la résine dans les forêts de pins, de sapins et de mélèzes. On continue les sarclages et binages. Les semis d'arbres résineux devront être légère- ment couverts de branches feuillées, de feuilles mortes ou de paille, s’ils n’ont pas d’autre abri contre l’ardeur du soleil. JUIN. Les travaux du charbonnier se poursuivent avec activité. Plusieurs méthodes nouvelles de carbonisa- tion ont été essayées; mais l’ancien mode a prévalu, parce qu’il occasionne peu de frais et qu’il serait très difficile dans la plupart des coupes de se servir d'appareils dont le trans- port serait pénible et trop coûteux. Mais cette ancienne méthode est susceptible de perfectionnements tels que la quantité de charbon produite par le même volume de bois pourrait être augmenté d’un cinquième au moins. Le salaire des charbonniers est réglé ordi- nairement sur la quantité de bois qui est car- bonisée ou sur la quantité de charbon qu'ils fabriquent. Dans le dernier cas, ils ont intérêt à rendre le plus grand volume possible; mais souvent ils négligent les soins nécessaires pour donner un charbon de bonne qualité. Dans l’un et l’autre mode de travail, l’ouvrier confectionne la plus grande quantité possible ; il surveille à la fois un trop grand nombre de fourneaux ; il accélère la cuisson. Or, il est re- connu que lorsqu'elle est lente et qu’on lui donne tous les soins nécessaires, le charbon est beaucoup plus abondant et de meilleure qualité que si l’on eût suivi la méthode ordi- naire. Il conviendrait done de paver les charbon- 494 niers à la journée et non d’après la quantité de travail; le salaire pourrait être augmenté de moitié, avec un assez grand bénéfice pour le fabricant de charbon, car le prix d’un stère de charbon est ordinairement de 18 francs et les frais de carbonisation n’excèdent pas 90 cen- times. Le volume de charbon est ordinairement de 27 à 30 p. 100 du volume du bois carbonisé ; on peut le porter à 35 p. 100. On doit avoir soin que les bûches soient coupées à la scie, que celles qui sont courbes soient sciées en deux, de manière que l’empilage soit régulier et ne présente que des intervalles à peu près égaux; que dans la combustion la chaleur soit répartie le mieux possible dans toute l’étendue du fourneau: par cette raison, les petits fourneaux sont les meilleurs. On répare les chemins de traite et d’exploi- tation. On continue les labours et binages. On écobue les terrains destinés à l’ensemen- cement et qui sont chargés d'herbes touffues, de bruyères ou de genêts. On s’occupe de la destruction des insectes nuisibles dans les pépinières. Les ramilles des coupes doivent être enlevées ou mises en fagots et bourrées dans la première quinzaine de juin. JUILLET. On donne le dernier binage aux semis des années précédentes. On laboure les terrains qui doivent être en- semencés en automne. Ces labours se font, soit à la charrue, soit à la pioche, suivant l'étendue, la nature et l’ex- position du sol. Les propriétaires ou leurs agents procèdent au martelage ou au balivage de leurs coupes. A cette époque, les bois feuillus sont d’un plus difficile accès qu’ils ne le seraient après la chute de la feuille; mais il est plus facile de juger si les arbres sont en plein état de croissance ou s'ils dépérissent lorsqu'on les examine en été, que si l’on attendait qu’ils fussent entièrement dépouillés de leur feuillage. On fait mesurer la grosseur et évaluer la hauteur des arbres réservés et des arbres dési- gnés pour être abattus ; ceux-ci sont marqués au flanc et les autres au pied. Pour mettre dans cette opération le meilleur ordre possible, on fait numéroter à l’ocre, sur l'écorce, tous les arbres de réserve qui ont un mètre de circonférence et au-dessus, et on les inscrit sur un registre préparé à cet effet. On procède au récolement des coupes dont la traite et vidange est terminée. Cette opéra- tion a pour but de compter les arbres de réserve et les baliveaux, et d'en vérifier l'identité: de reconnaitre si l’exploitation a été bien faite, s’il n'en est résulté aucun dommage, et si les tra- vaux d'assainissement et de clôture ont été bien exécutés. Dans les forêts soumises à l'exercice du pâ- CALENDRIER turage, on redouble de surveillance pour éviter que les bestiaux ne s’écartent des parties re- connues défensables pour broûter les jeunes taillis. Lorsqu'il croît beaucoup d’herbe dans les dernières coupes, on permet aux habitants du voisinage de la couper ou de larracher, moyennant un prix déterminé ; cette opération doit être surveillée avec le plus grand soin. On fait remuer la surface du sol, soit au rà- teau, soit à la pioche, pour favoriser les ense- mencements naturels de bouleau et d’orme dans les lieux déjà peuplés de ces essences, mais non suffisamment garnis. AOÛT. Les travaux forestiers ont peu d’activité dans le cours de ce mois ; cependant on pour- rait occuper les bûcherons qui ont faconné les bois, fagots et bourrées, ete, à préparer le sol des clairières qui doivent être ensemencées dans le cours de l’automne ; à labourer ou pio- cher le terrain, et à ouvrir les trous pour re- cevoir les plants. On termine les travaux d’écobuage. On continue le sarclage dans les pépinières et la destruction des chenilles et autres insectes nuisibles. Les bois doivent être en grande partie fa- connés dans les coupes ; on a soin que les stères de bois de chauffage et les fagots ne soient pas déposés sur les souches. On récolte à la fin d’août la graine de bou- leau. La carbonisation s'opère avec activité; une grande vigilance est nécessaire pour éviter les incendies qui résultent du contact des four- neaux avec l'herbe qui croît sur le sol et qui est ordinairement desséchée dans cette saison. Le moyen le plus prompt et le plus sûr pour arrêter ces incendies, c’est de former à une cer- taine distance des espèces de tranchées de 4 à 5 mètres de largeur, dans lesquelles on enlève à la pioche toute l’herbe qui garnit le sol. SEPTEMBRE. Dans les contrées où les feuilles d’arbres for- ment une partie de la nourriture des moutons durant le cours de l'hiver, on enlève cette feuille dès le commencement üe septembre ; l'opération s'exécute de la manière suivante : On coupe les rameaux des branches les plus basses dans les taillis; on les met en petits fa- gots du poids de 4 à 5 kilogrammes, que lon enlève immédiatement et que l’on fait ensuite sécher au soleil avant de les entasser dans un lieu couvert. Le feuillage que les animaux pré- fèrent est celui de frêne, de charme et de chêne. La chasse est ouverte dans le cours de ce mois. Les conditions des ventes des coupes sont rédigées ; on a soin de désigner clairement la situation et l’étendue de chaque coupe, d’en in- DU FORESTIER. diquer les limites, de désigner le nombre et l'essence des arbres de réserve et des bali- veaux ; de fixer le mode d'exploitation, de traite et vidange, le prix et les époques des paiements, et de stipuler les sûretés convenalbles. L'époque du commencement des abattages peut sans inconvénient être fixé au 15 sep. tembre. On fait la récolte des graines de bouleau et de sapins. On commence à planter les arbres résineux, à l'exception des mélèzes. Les travaux de préparation du sol conti- nuent pour les semis. C’est la saison de la chasse aux oiseaux. On doit la défendre ou la restreindre autant que possible par les motifs que tout le monde con- nait, Dans les forêts de quelques régions méridio- nales, on coupe les broussailles, les genêts, les buis; une partie de ce bois est destinée au chauffage ; mais le buis est employé avec plus de profit à servir d’amendement dans les plants d'olivier, après qu'il a subi les préparations convenables. OCTOBRE. Le mois d'octobre est l’époque de la récolte du gland et d’autres graines de bois à feuilles caduques. Si l’on permet l'enlèvement des glands, on a soin d’en réserver une bonne pariie pour en- semencer le sol; on peut favoriser l’ensemen- cement naturel en faisant piocher le terrain à la surface dans les clairières de la forêt. On permet ordinairement l'enlèvement de la faine, mais il faut en réserver une partie pour que le sol puisse se réensemencer naturellement. Lorsqu'on met des porcs dans les coupes dé- fensables, il est important de régler le mode et la durée du pacage; ces animaux doivent être conduits, autant que possible, de manière à ne pas repasser plusieurs fois sur les endroits qu’ils ont déjà parcourus, car ils ar.acheraient les glands qu'ils auraient enfouis, et par là le re- peuplement ne pourrait s’effectuer. La glandée et l'enlèvement des graines sont interdits dans les coupes qui doivent être pro- chainement exploitées. Les semis s’opèrent dans les pépinières. On ouvre des rigoles d'assainissement dans toutes les parties du sol où l’on craint que les eaux ne séjournent. On s'occupe sans relàche des plantations de bois feuillus. Le mode le plus sûr et le moins dispendieux consiste à passer un marché avec des entre- | preneurs habitués à ces sortes de travaux ; on | peut leur permettre de semer une fois du blé dans les terrains situés en plaine, pour en faire | la récolte à leur profit. Aussitôt que cette se-.| maille est faite, ils plantent les sujets forestiers | u’on leur fournit ou qu’ils se procurent à leurs rais; le paiement integral des frais de planta- 495 tion n’a lieu que lorsque la réussité est cons- tatée ou lorsque les entrepreneurs ont remplacé les plants manquants par d’autres plants qui ont réussi. Dans beaucoup de contrées, on trouve des planteurs habiles, et lon obtient ainsi une plantation aux moindres frais possi- bles. Le mois d'octobre est la meilleure saison pour les semis de bois feuillus; les graines récem- ment récoltées sont toujours meilleures que celles qui ont été conservées pendant toute la durée de l'hiver. Les labours du terrain à ensemencer doivent être, en général, peu profonds; on évite ainsi des frais, et on assure la réussite des semis. Chasse. — La chasse est ouverte ; on doit veiller au braconnage, surtout lorsqu’il s'exerce en tendant des collets ou lacets, abus qui dé- truirait presque complétement le gibier. NOVEMBRE. Les travaux de l’agriculture étant terminés, le prix de la main-d'œuvre baisse, et un plus grand nombre d'ouvriers peuvent être employés dans les forêts. C’est l'époque la plus favorable pour entre- prendre les nettoiements des taillis et la con- fection des fosses de clôture. Les fossés d'assainissement devront être net- toyés si le niveau des eaux est assez bas pour que cette opération puisse être exécutée sans trop de difficultés. On ouvre aussi les nouveaux fossés qui pa- raissent utiles. ( Voir Février et Mars.) On continue la récolte des graines d’arbres résineux ; on achève la récolte des semences de bois feuillus, des châtaignes, du gland, de la faine ; on a soin de favoriser le reensemen- cement naturel, en laissant sur le sol une par- tie des graines et en remuant la surface du ter- rain, soit à la pioche, soit avec un fort râteau en fer. On peut semer ces graines lorsque le terrain est préparé, mais après les avoir exposées à l'air dans un lieu abrité. Les semis seront exécutés avec un soin mi- nutieux dans les pépinières, ce qui sera facile puisque l’on opère toujours sur un petit espace ; on Couvrira de feuilles mortes tous ceux pour lesquels on craint les rigueurs de l'hiver. C'est ordinairement dans le cours de ce mois que s'exécute la plus grande partie des abat- tages ; dans les coupes, la surveillance la plus assidue est nécessaire pour que ce travail soit bien fait. On aura soin que les bücherons soient pour- vus d'outils bien tranchants; qu'ils récépent proprement les jeunes plants de semis qui crois- sent dans les taillis; que les souches soient taillées de manière qu'il n’en périsse d’autres que celles qui sont absolument usées. Le taillis sera coupé aussi bas que possible, mais de manière que les souches ne soient pas | endommagées. 496 CALENDRIER DU FORESTIER, Quant aux bois résineux, ils seront coupés aussi basque possible ou mêmeentre deuxterres. On cesse la fabrication du charbon. On élague les jeunes bois de pins; on coupe les plants les plus faibles pour donner un es- pace suffisant aux plants restants ; on coupe les branches inférieures de eeux-ci, le plus près possible de la tige. Cette opération est produc- tive, et on peut y soumettre les plants qui ont atteint 0m,80 à 0m,90 de hauteur. DÉCEMBRE. On achève les semis et plantations, si la ge- lée n°y met obstacle; ordinairement ces travaux ne peuvent être faits avec succès au mois de décembre que dans les contrées méridionales. On continue de curer les anciens fossés et d’en ouvrir de nouveaux. Le prix de ces travaux se paie au mètre courant, lorsqu'on a fixé les dimensions de l’ouvrage et le mode d'exécution. On répare les chemins en déposant des cail- loux ou des pierres cassées dans les ornières, pour préparer les voies d’extraction des pro- duits de la coupe. L’abattage des taillis cesse aussitôt que le sol est couvert de neige ou que la gelée est trop forte; mais cette opération continue ordinaire- ment dans les contrées méridionales, et son exécution y est encore bien imparfaite dans un grand nombre de localités. Les ouvriers se ser- vent de mauvais instruments et coupent sou- vent les souches de manière à les enlever, ce qui dégarnit le sol; il est donc essentiel de prescrire la conservation des souches et d’em- pêcher qu’elles ne soient éclatées ou écuissées. L’inobservation de ce soin est une cause active du dépérissement des forêts où il est négligé. Il est des essences, comme le chêne vert (yeuse), qui craignent les gelées d’hiver après l'exploitation, dans les forêts des montagnes ; on doit prévenir cet accident en couvrant les souches de terre après l’abattage. Dans les forêts soumises soit au pâturage, soit à l'enlèvement du bois mort ou à tout autre droit d'usage, on fait un examen attentif pour reconnaitre si l’exercice de ces droits n’entraine aucun dégât. A la fin de l’année on réunit les actes et documents, tels que les déclarations de défensabilité, les tableaux de martelage et ré- colement, les ventes des coupes, les menus marchés, les états de recettes et de produits divers et autres pièces relatives au service de l’année, et l’on reconnaît si rien n’a été négligé dans l'administration de la forêt. Noixor, Ingénieur forestier, à Dijon. CALENDRIER DU MAGNANIER JANVIER. Avant d'entrer en matière nous devons faire une observation générale qui servira à guider le lecteur dans ses recherches. Le travail que nous entreprenons est destiné à toutes les localités où l’on s'occupe de l’industrie de la soie : il doit donc pouvoir s’appliquer en même temps au midi, au centre et au nord de la France. Les différences importantes qui existent dans le sol et le climat de ces points éloignés, ne nous ont pas permis d'indiquer d’une manière précise l’é- poque ou tels ou tels travaux devaient être exé- cutés. Ce sera au lecteur à modifier nos conseils suivant les exigences de la localité. Nous avons tâché de nous tenir dans des limites moyen- nes, représentant à peu près le climat du centre. Le premier mois de l’année est en général un des plus stériles pour les travaux séricicoles, à cause des pluies et des gelées. Cependant le cultivateur laborieux pourra souvent mettre à profit cette saison rigoureuse, en s’occupant du labour et de la fumure de ses müriers. On transporte de préférence le fumier dans | plus généraie consiste à étendre le fumier entre les arbres sur toute la superficie du sol, puis à l’enterrer par un labour profond. L’autre mé- thode consiste à placer les engrais dans une fosse circulaire, assez éloignée du tronc de l’ar- bre, pour ne découvrir que les plus jeunes ra- cines, les seules qui puissent profiter des bien- faits de la fumure ; car C’est par ses extrémités surtout que l’arbre se nourrit et se développe, et c’est précisément pour cela qu’il est la plupart du temps inutile de mettre de l’engrais sur les anciennes racines trop voisines du tronc. En général, il suffit de fumer les mûriers tout les quatre ans,quandduresteles plantations sont convenablement entretenues par des façons. Il faut toujours employer du fumier très dé- composé , et le mêler en outre à la terre. Le moindre contact du fumier en fermentation avec les racines du mûrier suffit pour y déve- lopper des maladies quelquefois mortelles. On laboure les müriers, où à la main ou à la charrue. Le travail exécuté à la main est toujours plus parfait, parce qu’il est plus intel- ligent ; mais comme il est beaucoup plus coû- les plantations, lorsque la gelée durcit la terre. | teux que celui fait à la charrue, on doit en gé- Il yadeux manières de fumer. La première et la |! néral donner la préférence à ce dernier, pourvn | CALENDRIER DU MAGNANIER. toutefois que les arbres soient distants de10 mè- tres au moins les uns des autres. On doit épar- gner une bande en terre d’un mètre environ au- tour du mürier ; cette bande se cultive à la main. Le magnanier, doit pendant ce mois comme pendant tout l'hiver, exposer de temps en temps ses graines de vers à soie à l’air extérieur, etau froid même autant que possible. FÉVRIER. On continue pendant ce mois à exécuter ceux des travaux que l’on n’a pas pu achever dans le mois précédent, c’est-à-dire les fumures et les labours. On commence à préparer la terre dans laquelle on veut au printemps faire des semis de graines demüriers. Il faut, dans ce but, que le sol soit défoncé à 0", 60 au moins, et qu’il soit surtout bien ameubli et divisé. On peut généralement commencer la taille des arbres vers la fin de février. On choisit de préférence les plus belles journées. Le succès et la durée des plantations dépen- dent le plus souvent de la bonne ou mauvaise. taille des müriers. C’est, nous le répétons, sur cette opération que repose non-seulement l’es- poirde la récolte prochaine, mais l'avenir même et l’existence des arbres. On ne saurait donc y apporter trop de soins et de surveillance. Il existe deux époques où l’on taille les mü- Ra l'hiver, ei l’été après la cueillette des feuil- es. La taille d'hiver, que nous croyons préféra- ble en ce qu’elle fatigue moins les arbres, entraine naturellement le sacrifice de la récolte de l’année. Mais on est presque toujours dé- dommage, au printemps suivant, par une pro- duction de feuilles deux fois plus abondante. Dans ce système, on taille donc le mürier une année, et on le cueille l’année d’après. On épuise ainsi beaucoup moins ses plantations, et l’on obtient à peu près, d’aussi fortes récoltes. Nous ne pourrons entrer ici dans les détails pratiques de la taille, une pareille opération se démontre surtout la serpette à la main.Nous nous bornerons à quelques avis généraux, qui pour- ront également s'appliquer aux tailles prati- quées à d’autres époques de l’année. Le tailleur de müriers doit surtout avoir en vue d'établir le plus parfait équilibre entre tou- tes les parties du sujet ; il faut que les branches soient non-seulement placées autant que possible à la même distance, mais il faut surtout qu’elles soient toutes soumises à une inclinaison égale. C’est là un des points les plus importants. C’est moins en raison de leur grosseur que de leur direction, que la séve se répand dans les ra- meaux avec plus ou moins d’abondance. Laissez ar mégarde au centre d’un arbre une faible ranche verticale, et bientôt, grâce à sa posi- tion seule, cette branche attirera à elle toute la - sève, et l’emportera sur toutes les autres. Ainsi | | | | | | | & on doit donc d’abord extraire sans pitié tous les rameaux intérieurs, et conserver les bran- ches qui s’inclinent à l'extérieur. On obtient HOK1ICULTURE. | | l 497 ainsi des arbres dont toutes les parties sont dans une heureuse harmonie, et au centre desquels l'air et la lumière ont un libre accès. Il faut pratiquer la taille immédiatement au- dessus d’un œil, pour ne pas laisser, comme cela se fait quelquefois, une certaine portion de bois qui meurt et forme des chicots. La section doit être légèrement inclinée pour faciliter l'écoulement de la pluie ou de la rosée. On n’est pas d’accord sur le nombre d’yeux qu'il convient de laisser aux branches qu’on taille. Il est réellement impossible de dire rien de précis à cet égard, car tout dépend de la variété de müriers, du plus ou moins de fécon- dité du sol, et d’une foule d’autres circonstan- ces que le cultivateur seul peut apprécier. Mais nous dirons cependant que nous préférons en général conserver un petit nombre d’yeux, afin de ne pas donner à nos rameaux une longueur inutile. Comme c’est des yeux supérieurs seu- lement que doivent partir chaque année les branches nouvelles dont le sujet s'enrichit, toute la partie inférieure de ces mêmes bran- ches resterait nécessairement nue et stérile ; si on laissait pousser tous les boutons d’un ra- meau, les yeux supérieurs profiteraient beau- coup moins, et l’arbre n’offrirait bientôt qu'un buisson épineux. On conçoit donc combien il peut y avoir d’inconvénients à conserver des scions trop allongés, qui ne donnent pas plus de feuilles, et étendent l’arbre en peu d’années au-delà des limites raisonnables. La taille qui conserve de 3 à 6 yeux nous paraît, en résumé, celle que l’on doit préférer. Lorsqu'il s’agit de tailler un jeune sujet et de lui donner la première direction, il convient, en général, de l’établir sur deux branches seu- lement, c’est-à-dire de conserver deux rameaux opposés, afin de ne pas former au centre de l'arbre, par une plus grande réunion de bran- ches unies, une espèce de cuvette où l’eau sé- journe, corrompt le bois et donne naissance à des chancres et à des plaies souvent incurables. Le meilleur instrument pour la taille est la serpette. Le sécateur est dangereux, parce qu’il comprime le bois et peut faire périr l'œil. Le magnanier doit exercer une continuelle surveillance sur les graines de vers à soie. MARS. A mesure qu’on s'éloigne de la saison la plus rigoureuse pour entrer dans le printemps, les travaux se multiplient et exigent un surcroît d'activité de la part du cultivateur. Ce mois-ci est particulièrement consacré aux plantations. On ne doit donc pas laisser passer un seul beau jour sans le mettre à profit. Nous supposons que les trous, ou le défon- cement partiel, ont êté faits à l’automne préce- dent; car il convient toujours de laisser le plus longtemps possible la terre dans laquelle on veut planter, exposée à toutes les influences atmosphériques, surtout aux gelées de l'hiver. Quelle que soit la nature du müûrier qu’on LV. V. — 65 498 qu'il est nécessaire d'observer. On doit d’abord sacrifier impitoyablement touies les petites racines formant le chevelu ; il faut retrancher avec le même soin les racines plus grosses qui ont été un peu endommagées, ou qui ne paraissent pas bien portantes. On ne doit pas s'inquiéter de cette suppres- sion extrême ; car elle est nécessaire. C’est sur- tout par de nouvelles racines que l’arbre va re- prendre et se développer. Le pivot se retran- che en général; à moins toutefois qu’il ne s’a- gisse d'établir un mürier à haute tige, dans un de ces sols profonds et généreux où la racine verticale peut descendre à plus d’un mètre sans obstacle. Mais comme, par malheur, cescas sont rares, il vaut mieux couper le pivot et s'occuper seulement de l'avenir des racines horizontales dont le mürier est abondamment pourvu. En général, au moment de planter. on a soin de faire subir aux branches la même opération qu'aux racines. En les ravalant, on doit suivre les indications données pour la taille. La première chose à faire quand on plante, c’est de remplir à moitié le fond de la tranchée avec la meilleure terre, celle de la couche su- périeure; c’est elle qui doit entourer les racines. Les trous étant ainsi comblés jusqu’à la hau- teur où le sujet doit rester, on le place avec soin ; on étend horizontalement et dans la di- rection la plus convenable les racines qu’on lui a laissées. Puis, quand le sujet est bien établi, on achève de combler le trou avec la terre de la couche inférieure (il va sans dire que dans la préparation première du terrain, on a mis ces deux couches à part). Il faut se garder de tirer l’arbre à soi par de petitessecousses, comme cela se pratique pour faire descendre la terre entre les racines. Cette habitude est très vicieu- se, car dans cet effort on dérange la position naturelle que les racines doivent occuper, et on les rend plus ou moins verticales. Pour dé- terminer la parfaite adhérence de la terre avec les racines, on doit se borner à fouler le sol avec les pieds. Il n'importe pas seulement de choisir pour la plantation les plus belles journées de mars; il faut aussi que le terrain soit le plus sec pos- sible. Il vaudrait souvent mieux remettre à l’année suivante des plantations qu’on serait forcé de faire dans une terre humide; car c’est là une condition détestable. Nous voici à l’époque où l’on s’occupede lever desscions pour faire desgreffesou des boutures. La réussite des greffes dépend la plupart du temps de l’état des boutons. Il faut une grande habitude pour distinguer le moment précis où il convient de faire cette précieuse récolte. Voilà l'observation fondamentale qui peut servir de guide. Pour que le bouton à greffe ou à bouture soit bon à prendre, il faut qu’il commence seu- lement à ressentir l’effet de la sève ascendante; mais qu’il n’ait pas cependant en lui-même assez de vie pour éclore, il faut en un mot CALENDRIER plante, il est certaines conditions générales | qu'il puisse avoir la sève nécessaire pour son développement futur, sans faire craindre un épanouissement spontané et trop prompt. Le bouton choisi doit conserver sa couleur brune ordinaire; il doit cependant être légèrement gonflé. Les scions une fois coupés, on les couche ho- rizontalement dans du sable ou de la terre par- faitement desséchée et placée sous un bangar, à bon abri. L’humidité nuit à la conservation de ces rameaux, on doit donc l’éviter avec le plus grand soin. Comme l’époque où l’on coupe les scions à greffe et à bouture coïncide parfaitement avec celle de la taille des müriers, il est facile de faire un choix des meilleurs rameaux et de les mettreenréserve,commenous venons deledire. Lorsque quelques sécheresses prématurées sont venues en mars durcir la terre, il convient de donner un premier binage pour détruire les mauvaises herbes, et pour ouvrir le sol aux in- fluences bienfaisantes du soleil de printemps. Cette façon se fait, suivant le mode de plan- tation, ou à la main, ou avec un instrument extirpateur. La taille des müriers se continue avec acti- vité, si elle n’a pu être achevée en février. On doit donner les mêmes soins aux graines de vers à soie. AVRIL. La taille doit toujours être terminée en avril, car la sève alors monte avec vigueur, et cette saison réclame d’autres travaux. Quand les boutons des arbres commencent à se développer vers le milieu ou la fin de ce mois, il faut redoubler d’activité pour accom- plir en même temps trois opérations impor- tantes, la greffe, le bouturage et l’ébourgeon- nement. On sort au fur et à mesure des besoins les scions qu’on a coupés et mis en réserve dans le mois précédent, et on commence à greffer en choisissant les journées les plus belles. Les greffes en écusson et en flûte sont celles qui se pratiquent le plus pour le mûrier; tout dépend de l'exercice et de l’habileté du greffeur dans l'une de ces méthodes. Le point principal est que l’œil soit sain et bien conservé, et qu’il adhère parfaitement au sujet qu’on greffe. Nous dirons, au surplus, en ce qui concerne l’art de la greffe, que c’est pour ainsi dire une branche spéciale de notre industrie, qui re- garde particulièrement le pépiniériste de pro- fession, et que le cultivateur de müriers ferait, en général, mieux de lui abandonner; car rien ne retarde l'établissement des plantations comme le parti qu'ont pris quelques proprié- taires de semer et de greffer eux-mêmes leurs müriers. Peu instruits dans la pratique de la greffe, ils manquent souvent plusieurs saisons de suite, et finissent par perdre beaucoup de temps et d'argent. Nous pensons donc qu'il ne faut pas se mêler de greffer si l’on n’a une ex- périence pratique de cette opération, dd. DU MAGNANIER. Il n'en est pas de même pour l'ébourgeonne- | ment, que tout le monde doit pratiquer avec d'autant plas d'empressement qu’on fait ainsi la plus grande et la plus utile économie sur des travaux futurs. | On cherche, en effet, en ébourgeonnant a détruire dans le germe, pour ainsi dire, une | foule de branches inutiles que, plus tard, on aurait été obligé de couper. Cette opération se pratique surtout sur les arbres nouvellement tailles, sur Ceux récem- ment plantés que l’on forme, et sur les jeunes müriers greffes. Quant à ceux dont on doit récolter la feuille dans la même année, on ne doit pas songer à les ébourgeonner, si ce n’est au pied seulement. Dès le premier mouvement de la sève, on voit poindre de tous côtés sur les sujets des bourgeons inutiles et parasites ; il faut aussitôt les détruire en passant le pouce dessus et par ce seul moyen. Peu de temps après, on doit re- commencer une visite sévère, et supprimer en- core tous les boutons superflus. On ne s’arrête enfin qu’au moment où le bourgeon trop dé- veloppé exigerait l'emploi de la serpette. On retire d'immenses avantages de cetie mé- thode : d’abord on dirige ainsi les arbres à son gré; on évite d’être forcé, plus tard, de couper et de retrancher une multitude de branches inutiles, et l’on fait profiter les scions que l’on conserve de toute la sève qui se serait vaine- ment perdue dans d’autres rameaux. Par l'é- bourgeonnement bien fait on réduit la taille à fort peu de chose, et l’on simplifie au plus haut degré la direction des arbres. C’est, en général, dans le commencement d'avril que l’on met les boutures en terre ou que l’on fait les couchages ; le bouturage s’opère ainsi : on place dans un sol bien préparé et amende les boutures de müriers multicaules, ou de toute autre variété, qui se perpétue facilement par cette méthode. La bouture, conservée comme nous l’avons dit, doit avoir à peu près 0,15 et être garnie de trois ou quatre yeux ; il faut avoir soin d'in- cliner un peu la bouture en terre, et de ne ja- mais la mettre dans une position tout-à-fait verticale, car on croit avoir remarqué qu’une légère inclinaison facilite la reprise. Le couchage s'opère comme le provignage. On recourbe une branche jusqu’à une fosse voi- sine, où on l’étend, et on la recouvre ensuite de terre. Cette méthode n’est réellement fructueuse que pour le multicaule ou le mürier Lhou. C’est ordinairement dans la première quin- zaine d’avril que l’on fait les semis de graines de mürier. Tout depend, au reste, de la tempé- ralure; mais plus tôt il est possible d'exécuter ce travail, et mieux cela vaut. La terre a dù être préparée longtemps d’a- vance, comme nous l’avons dit. Plus elle est divisée et profonde, plus le semis sera fait en bonnes conditions. On sème de plusieurs ma- 199 afin de la répandre plus également. On la re- couvre d'environ Um,03 à 0,04 de bonne terre. Il est indispensable de donner aux müriers en avril la facon que l’on n’aura pas pu exécu- ter en mars. Ce devra être un binage, destiné à détruire toutes les mauvaises herbes et à ameublir le terrain. Bien que dans un grand nombre de localités les travaux de la magnanerie commencent à la fin d'avril, nous avons préféré n’en parler qu’en mai, qui se trouvera complétement rem- pli par les soins de l'éducation des vers. Pendant toute la durée du mois d’avril, le magnanier doit surveiller ses graines avec une plus grande vigilance. Car à l'approche du prin- temps, le germe travaille et les moindres cha- leurs pourraient le faire éclore avant la feuille du mûrier. Il faut l’exposer à l’air pendant les matinées fraiches et la conserver le reste du temps dans l’endroit le plus froid possible. MAI. Quand les premiers bourgeons en s’allongeant ne permettent plus d’ébourgeonner, comme nous l’avons dit, toutes les greffes doivent être terminées, et le cultivateur n’a plus à songer qu’à la récolte des feuilles et aux soins de l’e- ducation des vers. Le moment où l’on doit mettre la graine à l’éclosion est déterminé par la végétation desar- bres. Il faut queles vers et lesrameaux naissent et croissent ensemble, et qu'ils soient ainsi tou- jours du même âge. C’est là une observation fondamentale à laquelle on ne saurait trop avoir égard. Pourobtenir cette heureuse simultanéité, il faut mettre les graines à l’incubation dès que les premiers bourgeons vont s'épanouir. Car les vers n’éclosent en général que le huitième jour, inter valle pendant lequel les rameaux commen- cent à se développer. Les premiers soins du magnanier doivent être d’aérer quelque temps à l'avance, et de bien purifier les locaux où il compte élever des vers. Les fumigations produites par la combustion du soufre, le lavage à la chaux des murs et du mobilier sont, dans beaucoup de cas, des pré- cautions qu’il est bon de prendre. Quand le local est bien préparé, et que la végétation a donné le signal, le magnanier se met à l'œuvre, et il prepare ses graines pour les mettre à l’éclosion. Ces graines, au choix desquelles on ne saurait apporter trop de soins, ont dù être conservées sur la toile même où les papillons les ont déposées; car il ne convient pas de les en détacher plus tôt, afin d'éviter une agglomération toujours nuisible. Quelques éducateurs font éclore leurs graines sur la toile même, après avoir eu seulement la précaution de tremper cette toile dans l’eau, afin de la nettoyer Cette méthode est certai- nement préférable à toute autre, d’abord parce que les œufs se trouvant isolés, sont tous ex- nières. La plus usitée consiste à mêler la graine | posés à la même température, et ensuite parce de mürier à du sable ou de la terre bien fine, | que la larve sort plus aisément de la coque, 500 lorsque celle-ci est fixée et ne peut être entrai- née par les efforts de l’insecte. L'autre procédé, et le plus généralement mis en usage, consiste à détacher d’abord la graine de dessus la toile. Pour cela il suffit de la tremper dans de l'eau à 20 degrés environ, jusqu'à ce que la gomme qui fixe la graine se trouve dissoute. On enlève avec soin cette graine à l’aide d’un couteau de bois, et on la fait sécher à l'air exté- rieur le plusrapidement possible. Aussitôt qu’elle est sèche, on la place dans des boîtes dont les couvereles sont à jour, et on la met, comme on le ferait, au reste, si elle fût restée sur toile, ou dans une chambre à éclosion, ou dans un ps pareil quelconque où l’on puisse facilement ob- tenir la température nécessaire. Quel que soit le moyen que l’on emploie pour faire éclore les graines, lesdeux pointsauxquels il faut s'attacher, C’est que tous les œufs soient soumis à la même chaleur, et que cette chaleur puisse être graduée à volonté et augmenter peu à peu. L'air doit être numideetsouventrenouvelé. On commence généralement lineubation à 16 ou 17 degrés; puis on élève chaque jour la température d'un degré, jusqu’à Peclosion. Si les premières larves qui naissent sont en très petit nombre, on les sacrifie; car il est nécessaire d’avoir des vers parfaitement égaux, c’est-à-dire nés ensemble, et marchant jusqu'au bout du même pas. C’est là une des plusimportan- tesconditions du succès. L'éducateurrecueillera donc seulement deux éclosions, représentant chacune les naissances d’un jour; et si, par malheur, le principe de l'inégalité se maniles- tant dès le debut faisait éclore successivement les graines pendant plus de deux jours, il de- vra cependant, autant que possible, ne conser- ver, que les deux éclosionsles plus importantes ; c’est dans la prévision d’un accident de ce genre, qu’il convient toujours de mettre à l'in- cubation plus de graines qu’on n’en veut con- server, afin de pouvoir sacrifier sans hésitation tous les retardataires. Plus une graine est de bonne race et bien faite, plus les naissances sont simultanées. Les vers une fois éclos, on doit abaisser et maintenir la température à 20 ou 21 degrés. Les deux divisions sont soigneusement tenues à part jusqu'à la fin. La feuille, pendant ce premier âge, doit être coupée très menue, afin qu'on puisse la répandre - plus également sur les vers ; mais comme dans cet état de division elle se dessèche et se fletrit plus vite, il convient de multiplier les repas, en avant soin de les donner plus légers. Le troisième ou quatrième jour, les vers se disposent à faire leur première mue. C’est alors qu'il faut redoubler de zèle et de soin pour en- dormir les retardataires, en leur distribuant des repas de plus en plus nombreux et légers. En général, on ne cesse de leur donner des feuilles que lorsque l’on en voit quelques-uns qui ont changé de peau. On s'arrête alors afin de ne pas s'exposer au danger d’inégaliser ses vers, en offrant de la nourriture à ceux CALENDRIER qui sont déjà réveilles; car c’est ainsi que l'on a coutume de désigner ceux qui, après avoir dépouillé leur ancienne enveloppe, sor- tent de cet engourdissement, que longtemps on a regardé à tort comme un sommeil. La plupart des vers changent quatre fois de peau; quelques-uns n’accomplissent que trois mues, mais c’est l’exception. On doit a chaque nouvelle mue suivre exactement la même mar- che, en tendant toujours, et par tous les moyens possibles, à maintenir la plus parfaite égalité dans chaque division. Après le premier âge, c’est-à-dire dans l’in - tervalle de la première à la deuxième mue, on doit donner des repas un peu moins fré- quents, et couper la feuille moins menue. On ne peut guère se servir du filet pendant les deux premiers âges, à moins toutefois qu’on en ait de très légers à petites mailles; il est du reste superflu de déliter les vers avani la première mue; et il suffit de faire cette opéra- tion une seule fois pendant le deuxième âge. soit au moyen de petits filets, soit avec des ra- meaux de mürier. Mais à partir du troisième âge, l'usage du filet devient indispensable, car le moment est venu où il faut entretenir la plus extrême pro- preté dans la chambrée, et ne jamais y laisser accumuler la litière. On se sert de filets de fil ou de papier. Les filets en fil, d’un achat plus coûteux, sont peut- être en définitive plus économiques que ceux en papier, parce qu’ils durent plus longtemps que ces derniers. Que chacun consulte donc l’état de sa bourse, mais d’une facon ou d’une autre, qu’on se procure des filets ; car c’est un usten- sile dont nul magnanier ne peut se passer. A mesure que les vers avancent en âge, on diminue le nombre des repas, de telle manière, toutefois, que vers la fin, ce nombre ne soit ja- mais moindre de 6 ou 8. L'espace qu'occupent les vers augmente de jour en jour: on les dé- double au moyen des filets, en plaçant sur une même claie deux filets ployés en deux; la claie se trouve ainsi partagée. Au reste, quand on a l'habitude de se servir de filets, on peut, par ce moyen, éclaircir les vers à volonté. Du moment où les vers commencent à rem- plir une grande partie de la magnanerie, on doit, autant que possible, renouveler l'air fré- quemment, tout en maintenant une tempéra- ture égale dans toute la magnanerie. On rem- plit ce but d’une manière plus complète, quand on dispose d’un local pourvu d’un bon appa- reil de ventilation. Mais comme un semblable établissement, bien que fort simple et peu coù- teux quand il est bien fait, ne convient cepen- dant ni à toutes les positions, ni à toutes les fortunes ; nous dirons aux petits propriétaires, aux métayers surtout, qu'ils peuvent sans nul doute accroître beaucoup le succès de leurs éducations, en ne laissant jamais de litière s’accumuler dans leurs chambrées, et en faisant bon usage des soupiraux, des portes, des fené- tres, et des cheminées, où. dans les moments DU MAGNANIER. de touffe et d'orage, is entretiendront con- stamment des feux clairs. Chacun doit com- rendre qu’un air pur est nécessaire aux vers asoie ainsi qu’à tous les êtresanimés, et que l'im- mense agglomération de tant d'individus dans un étroit espace, rend encore plus indispensa- ble une ventilation réelle, de quelque facon qu’on la produise. “ On se sert, en général, de la feuille de mürier sauvage pour nourrir les vers dans le commen- cement. Cette feuille, très légère et très sub- stantielle à la fois, est meilleure que toute au- tre pour les premiers âges. Plus tard on est obligé d'employer la feuille du mürier greffe, parce que celle du sauvageon est trop longue et trop coûteuse à cueillir. Mais le magnanier doit avoir soin de ne pas faire passer brusquement les vers d’une espèce de feuilles à l’autre, il doit les y habituer peu à peu et avec ménage- ment. Pendant toute la durée de l’éducation, on peut couper les feuilles, c’est-à-dire réduire la dimension des rameaux, qui ont quelquefois jusqu’à 060 de longueur. En donnant quel- ques coups de tranchant à intervalles réguliers on obtient des rameaux plus courts, et qu’il est plus facile de distribuer également aux vers. Cette opération doit varier suivant l’âge des insectes, et en proportion de leur grosseur. Nous allons supposer maintenant, que grâce aux bons soins de l’éducateur, les vers sont heureusement parvenus à leur maturité ; c’est le moment où le magnanier doit redoubler de zèle; car, bien que sur le point de posséder la récolte, la moindre négligence peu faire éva- nouir ses plus beaux rêves. Dès que les premiers vers commencent à sortir des claies, et qae l'œil vigilant du ma- gnanier a reconnu les symptômes avant-cou- reurs du dernier travail, il doit se hâter de rassembler tous ses moyens pour encabaner le plus rapidement possible. Ii importe que cette opération soit faite au dernier moment seule- ment, pour ne pas intercepter la circulation de l'air longtemps d'avance, et qu’elle soit accom- plie avec rapidité, afin d'éviter la perte d’un rand nombre de vers, qui, faute d'un point Safpei et d’un asile, meurent misérablement en tombant des claies. Il existe un grand nombre de systèmes d'en- cabanage. Un des plus ingénieux est celui de M. Alph. Davril. Les meilleurs, au reste, sont ceux qui, au mérite d’une rapide exécution. joignent l’avantage d'offrir aux vers unemontée facile et un grand nombre de points d’appui pour construire leurs cocons. Quand les vers ont commencé à filer, on doit éviter tout ébranlement, toute secousse dans l’intérieur de la chambrée, afin de ne pas in- terrompre le travail. La ventilation est plus que jamais nécessaire, et doit être entretenue jusqu’à ce que les cocons soient finis. Il faut done veiller aussi à la propreté de l'atelier. Vers les derniers jours, la température doit être plus élevée qu'au milieu de l'éducation »01 pourvu toutefois que l’on ait assez de feuilles de mûrier; car l’alimentation ou le nombre des repas doit toujours être en rapport avec la cha- leur, l’un guide l’autre et lui sert de règle. Sous une température moyenne de 20 à 22 degrés, l'éducation dure à peu près 28 à 30 jours; si done nous supposons qu’elle ait com- mence au premier mai,ce serait seulement dans le mois suivant que nous devrions parler du décoconnage et de l’étouffage ; mais la plupart du temps les éducations sont terminées bien avant la fin de ce mois, nous parlerons done tout de suite de ces dernières opérations qui complètent les travaux du magnanier, en lui permettant de se défaire de la récolte. Le décoconnage s’opère dès que tous les vers se sont métamorphosés en chrysalides. En enlevant les cocons de la bruyère, il faut mettre à part les cocons très faibles, afin qu'a l'étouffage ils ne puissent tacherlesautres ens'é- crasant. C’estdureste dansles ventes une condi- tion que l’acheteur ne manque jamais d'exiger. Avant de vendre et d’étouffer ses cocons, l’éducateur doit mettre à part ceux dont il veut obtenir de la graine. Ce choix est de la plus haute importance. Nous ne saurions donc trop insister pour qu'il soit confié aux mains les plus habiles et les plus vigilantes. C’est en pré- parant les éléments de ses récoltes prochaines, que le magnanier doit avoir en vue l’amélio- ration et l’épuration continuelles de la race. Il devra donc choisir de préférence les cocons les mieux faits, et dont le tissu est le plus fin, tous ceux enfin qui, par leur forme et leur nuance semblables, témoignent d’une originecommune. Nous n'avons rien dit jusqu'ici de la récolte de la feuille. C’est là un point important que nous ne pouvons omettre. Le magnanier doit apporter le plus grand soin à ce que la feuiile soit toujours de bonne qualité, et qu’elle n’ait pas été mouillée par la pluie et encore moins par la rosée. L’éducateur devra de pius se pour- voir toujours de feuilles à peu près 24 heures à l'avance, afin de n'être jamais prisau dépourvu. Le cultivateur de mürier, qu'il soit ou non magnanier, ne saurait trop surveiller la cueil- lette de ses feuilles. Cette opération est déjà, par elle-même, fort cruelle pour l'arbre. Il faut donc que le cueil- leur évite avec scrupule de détruire ou de bles- ser Îles sous-yeux, espoir de la récolte future; de briser les branches, ou d’enlever des lanières d’écorce, en tirant maladroitement la feuille de haut en bas. La feuille se récolte dès que la rosée a dis- paru, et on la conserve dans des locaux frais, en ayant soin de la retourner fréquemment. On ne doit jamais couper les branches pour les dépouiller après. Cette méthode très funeste pour les arbres qu’on mutile la plupart du temps en aveugle, nuit aussi à la qualité des feuilles, qui se flétrissent rapidement, pour peu qu’on néglige de les détacher aussitôt de la branche. Pendant tout ce mois, on doit surveiller les jeunes semis de mürier en les sarelant et en les 02 protégeant au moyen de paillassons, contre les ardeurs du soleil. Il est nécessaire de les arro- ser de temps en temps. Aussitôt que les müriers ont été récoltés, il convient de leur donner une facon, pour net- toyer la terre, et pour rendre plus meuble le sol que les cueilleurs de feuilles ont foulé. JUIN. Quand l’éducateur à choisi les cocons desti- nés à produire la graine, il doit les mettre soi- gneusement à part, dans une chambre où la température se maintienne la plus égale pos- sible. Il faut en général une quinzaine de jours aux chrysalides pour se changer en papillons. Le magnanier, dans cet intervalle, prépare les toiles où les graines seront pondues ; il doit en avoir un assez grand nombre pour ne pas être forcé de laisser les premitres graines pondues dans le même local pendant plusieurs jours, jusqu’à ce que la ponte soit finie. Il arrive en effet ordinairement que l’éclosion des papil- lons dure une semaine et même plus. On a lieu de s'étonner qu’à la suite d’une éducation, où l'égalité la plus parfaite a régné parmi les vers, la dernière métamorphose seule s’accomplisse aussi peu régulièrement, cela tient sans doute à quelque cause que l’on n’a pas suffisamment étudiée. Dès que les premiers papillons sont sortis, on les classe suivant leur sexe, et on les ac- couple. Au bout de vingt-quatre heures on sé- pare le mâle de la femelle, et on place celle-ci sur la toile; quant au mâle on le jette, à moins cependant que la proportion plus considérable des femelles ne force l’éducateur à se servir plusieurs fois des mêmes mâles. Il faut environ un kilogramme de cocons pour produire 60 à 80 grammes de graines. En choisissant les papillons, il faut rejeter sans pilié tous ceux qui ne sont pas bien com- formés ou qui ne semblent pas vigoureux. On doit entretenir une obscurité assez pro- fonde dans la pièce où se fontles accouplements. Chaque toile ne doit recevoir que les femelles nées dans le même jour. Au fur et à mesure que ces diverses toiles se garnissent de graines, on se hâte de les mettre en un lieu plus froid, afin de les préserver de l'influence, même pas- sagère, des chaleurs de l’été. - Une fois que le magnanier a fait sa graine, qu'il a mis en ordre sa magnanerie, et vendu ses cocons, il ne lui reste plus guère de travail jusqu’à la saison suivante. Il se borne à sur- veiller la conservation de sa graine, en qui re- pose tout l'espoir de sa prochaine récolte. C’est dans des caves qu’on conserve en gé- néral les œufs de vers à soie. L’usage d’une gla- cière commune, où chaque magnanier du même canton viendrait déposer sa graine, rendrait un immense service à beaucoup de localités du midi, où la conservation de la semence est tou- jours difficile, et qui ont souvent à déplorer des eclosions spontanées et trop hâtives. CALENDRIER Les toiles garnies de graines doivent être placées dans des boîtes où elles soient bien à l'aise. L’air doit être fréquemment renouvelé. Il faut de plus, et c’est là la condition princi- pale, que la température ne s'élève pas au- dessus de 8 ou 9 degrés, car plus de chaleur développerait prématurément l'embryon. L'œuvre du magnanier accomplie, la longue série des travaux du filateur commence. Il doit d’abord s'occuper de l’étouffage des chrysalides ; cette opération réclame d'autant plus de soins, que c’est elle qui assure aux co- Cons une Conservation plus ou moins longue, et plus ou moins parfaite. Il existe plusieurs méthodes pour tuer les chrysalides. La vapeur est Pagent le plus gé- néralement employé. On Pintroduit dans un coffre à tiroirs rempli de cocons et herméti- quement fermé. Quelques minutes suffisent pour l’étouffage; mais par ce procédé les co- cons sortent de l'appareil tout trempés et tel- lement ramollis qu’il faut les exposer longtemps à l’air pour les ramener à leur état naturel. Parmi les autres systèmes employés, nous recommanderons d’une manière particulière celui qu'on a mis en usage aux bergeries de Sénart, et qui consiste à faire passer, à travers des couches minces de cocens, de Pair chaud et sec. Il faut un peu plus de temps que si l’on employait la vapeur, mais immense avantage que l’on retire de cette méthode, c'est que les cocons sortent de l’appareil sans s’être ramol- lis, et que par conséquent les faibles et les fon- dus, s’il s’en trouve (et il s’en trouve toujours), n’ont pas pu salir et gâter les autres par leur contact. La conservation de la chrysalide est aussi plus parfaite, et les cocons étouflés de cette manière sont moins sujets dans la suite à être attaqués par les mites, petits vers qui nais- sent du sein de la chrysalide en corruption, et qui, perçant bientôt l'enveloppe du cocon elle- même, en rendent la filature impossible. Les cocons enfin se dévident mieux, et leurs brins se cassent moins souvent que s'ils avaient été passés à la vapeur, dont l’action trop vive dissout la partie gommo-résineuse de la soie, et en rend le tirage plus difficile. Dès que les chrysalides sont étouffées, le fi- lateur s'occupe du triage et de la classification de ses cocons. C’est un travail auquel il doit donner tous ses soins; car il importe beaucoup d’assortir chaque nature de cocons, afin de fa- voriser la besogne de la filature, et d'obtenir des soins parfaitement homogènes. Ce serait ici le moment de décrire le travail de la filature; mais un tel sujet entraînerait à des développements beaucoup trop considéra - bles; nous nous bornerons done à un petit nombre de recommandations générales. L'art de la filature consiste en deux points principaux : le maintien constant de la gros- seur du brin de soie qu’on veut obtenir, et la parfaite adhérence entre eux des différents bouts ou fils dont chaque brin se compose. Quand la soie est régulière et qu’elle est bien | a a LA DU MAGNANIER. 503 croisée, c'est-à-dire que les différents fils dont | elle est formée se sont bien soudés, elle réunit les deux qualités les plus essentielles. Si nous ajoutons à cela une grande élasticité du brin, qui est due surtout à la qualité du cocon et un peu aussi à la température de l’eau dans la- quelle on file, nous aurons à peu près dit tout ce qui constitue une soie parfaite. La nuance, fort importante quant au prix, ne signifie rien quant au mérite intrinsèque de la soie. Il existe un nombre considérable de métiers ou tours différents. Les meilleurs, à notre avis, sont les plus simples et ceux qui peuvent se réparer le plus vivement. La véritable machine d’où tout depend, c’est la fileuse. Tout lui est subordonné, et elle influe si bien sur les résul- tats par la plus ou moins grande habileté, que telle bonne fileuse obtiendra de meilleure soie avec des cocons médiocres et un tour imparfait, qu'une mauvaise avec d'excellents cocons et le tour le plus perfectionné. C’est d’elle encore que dépend l’économie de la soie, source unique, souvent, de la perte ou du gain du filateur. Les chrysalides et tous les résidus des bas- sines étant des engrais très puissants, on doit les recueillir avec le plus grand soin. Dès que les plantations de mürier ont été récoltées, le cultivateur doit se hôter d’v entrer la serpette en main, soit pour les tailler, soit pour réparer les dégâts commis par les cueil- leurs de feuilles. Nous avons déjà dit que la taille d'hiver était celle à laquelle on devait donner la préférence, nous dirons aujourd’hui à ceux qui tiennent toujours à tailler après la récolte, qu’ils ne sauraient du moins trop tôt se mettre à la besogne, car il faut profiter de tout le reste de la saison et de la sève. On doit done autant que possible, dans cetordre d'idées, tailler les müriers dès qu’ils auront été cueillis, en suivant au reste toutes les indications que nous avons données pour la taille d'hiver. Quant à la pourette et au müûrier multicaule, on doit toujours les couper après la cueillette. Si, suivant notre conseil, le cultivateur a | raillé en février ou mars une partie de ses mü- tiers, il n’aura d’autre peine à prendre que de retrancher soigneusement toutes les byanches cassées ou endommagées par les cueilleurs. Si l’on n’a pas eu le temps de donner un bi- nage en mai, il est convenable de le faire en juin, afin de maintenir toujours la terre meuble et exempte de mauvaises herbes. Dèsles premiers jours de ce mois, il faut éclair- cir les jeunes semis, de marière à espacer con- venablement chaque pourette. On continue à les sarcler, à les arroser, et à les garantir de la trop grande ardeur des rayons du soleil. JUILLET. Les travaux de la filature se continuent avec une activité d'autant plus grande, qu’il importe de mettre à profit les longs jours. Le magnanier borne ses soins à la surveil- lance de sa graine. Le cultivateur s’occupe de l’ébourgeonne- | ment de ses arbres, s’il les a taillés après la -cueillette. Il observe à cet égard ce que nous avons dit pour l’ébourgeonnement que l’on pratique au printemps. On greffe aussi pendant ce mois, dans l’es- pérance de gagner ainsi une année, en profi- tant des dernières ressources qu'offre la sai- son. Mais on ne doit tenter alors cette opéra- tion qu'avec la plus grande réserve, car elle est loin d’offrir à cette époque autant de chan- ces de succès qu’au printemps. Il en est de ces greffes tardives, comme de la taille après la cueillette ; dans l’un et l’autre cas, la sève n’est souvent pas assez généreuse, ni la belle saison assez longue, pour aoûter et mûrir suffisamment le bois des jeunes bran- ches, et elles périssent quelquefois toutes à l'automne, victimes des premières gelées. On doit donner aux pourettes les mêmes soins que dans les mois précédents. En général, c’est pendant ce mois que l’on récolte la graine de mürier. Un doit attendre pour cela que la maturité soit parfaite, et que les baies tombent d’elles-mêmes. On choisit les variétés les plus belles et les plus pures. Quand on a recueilli les baies. on les laisse légèrement fermenter, puis on les lave, jus- qu’à ce que la graine paraisse bien netiovée. On la fait sécher à l’ombre, et on la conserve à l’abri de l'humidité. La graine de mürier n’est bonne que pendant un an. AOUT. En général, la filature continue encore pen- dant ce mais entier. Le filateur, au surplus, n'est arrêté dans ses travaux que lorsque sa provision de eocons est terminée ; car on peut filer en toute saison, en ayant seulement soin de prendre certaines précautions contre l’in- fluence de l'humidité sur la soie, comme le font quelques filateurs du midi, qui travaillent pen- dant la plus grande partie de l’année. Lorsque l’on a le dessein de faire des plan- tatiens à l’automne, il est bien de s’y prendre longtemps à l’avance, et dans ce mois-ci même, pour préparer le terrain. SEPTEMBRE. Il y a peu de travaux à faire dans ce mois. La filature des cocons est généralement ter- minée, et les soins du cultivateur se bornent à peu près à une seule facon ou binage, qu'il donne à ses müriers, pour leur rendre plus pro- { fitables, en ameublissant la terre, les dernières { faveurs de la belle saison. On doit se hâter d'achever la préparation du terrain pour les plantations d’automne. On le fait de plusieurs manières, comme nous l'avons déjà dit à l’occasion des plantations du printemps. Nous n’avons done pas à y revenir ; oÛU4 nous ferons seulement observer qu'il est im- portant de surveiller la manière dont ce tra- vail s'exécute, afin que toute la bonne terre soit mise à part, ou que le défoncement ait bien toute la profondeur convenable. On continue de donner aux jeunes plants de müriers les mêmes soins que dans les mois précédents. Les jeunes sujets nés du bouturage ou du couchage doivent aussi, comme pendant toute la saison, être soigneusement binés et cultivés. Le magnanier continue, comme pendant tout le reste de la saison, à surveiller sa graine, et à l’exposer à l’air de temps en temps. OCTOBRE. La fin de ce mois demande presque toujours à être bien employée. Aussitôt, en effet, que la sève, refoulée par les premiers froids, abandonne les rameaux, et que la feuille jaunit et tombe, il faut se hâter de faire une seconde cueillette afin de ménager une aussi précieuse nourriture à ses vaches, à ses moutons ou à ses chevaux. Mais cette ré- colte, nous le répétons, ne doit être faite que lorsque la sève a entièrement abandonné la branche du mûrier; exécutée plus tôt, elle au- rait des conséquences funestes, car la sève ne manquerait pas de développer les sous-yeux, ce qui détruirait l'espoir de la saison future. C’est aussi le moment d'entreprendre les plantations d'automne, car il faut les faire dès que la sève est rentrée dans le repos, et avant cependant que la gelée ne s’empare du sol. Les plantations d'automne, auxquelles nous préférons en général celles faites au printemps, réclament les mêmes soins et les mêmes précau- tions que ces dernières. On doit les surveiller d'autant plus qu’elles ont à affronter toutes les chances d’un hiver souvent froid et humide. NOVEMBRE. Il est assez rare que l'automne se prolonge de manière à ce que les travaux indiqués pour le mois précédent soient renvoyés à celui-ci. C’est en tout cas une fort heureuse circonstance, car plus la durée des beaux jours et des cha- leurs est longue, plus le bois du mürier mürit et mieux il soutient ensuite le froid de l’hiver. Quand on le peut, il est bien de commencer dans ce mois à préparer le sol dans lequel on compte planter des müriers au printemps sui- vant; si surtout quelques froids précoces sem- | CALENDRIER DU MAGNANIER. blent annoncer un hiver rigoureux. Rien d’ail- leurs ne prépare et n’ameublit mieux la terre que l’action de la gelée. DÉCEMBRE. On continue à s'occuper de la préparation du sol pour les plantations du printemps, autant que le permet la saison. On peut commencer aussi vers la fin de ce mois à transporter les fumiers dans les müraies. L'année séricicole, comme on le voit, offre bien des phases diverses, et le travail se trouve fort inégalement réparti. A des mois pleins de labeur, et où l’activité même est souvent au- dessous de la tâche, succèdent tout à coup de longs moments d’un repos presque absolu. C’est peut-être là un des charmes de cettein- dustrie, qui, par la variété des occupations qu'elle procure, n'engendre jamais ni ennui ni dégoût. D'ailleurs, les mois eux-mêmes que nous avons dû indiquer comme les plus pauvres en travaux séricicoles peuvent cependant être utilement employés par le cultivateur de müû- riers, le magnanier, ou le filateur. N’a-t-on pas toujours à s'occuper de la bonne direction de ses müriers? L’observateur ne trouvera-t-il pas sans cesse au milieu de ses plantations mille sujets d'études intéressantes ? | Le magnanier songe tantôt à construire quel- que atelier nouveau, tantôt à perfectionner ceux qu’il possède; il veille à la bonne conservation de tout son matériel et de ses graines. L'hiver venu, il peut donner une occupation utile à ses ouvrières en employant leurs longues veillées à la confection des filets, et il prépare ainsi pour la saison suivante un de ses plus puissants auxi- liaires. Enfin, pendant la plus grande partie de. l’année, le filateur a de nombreux et importants travaux qui commencent à l’achat des cocons et se terminent par la vente des soies grèges. Nous avons dû passer sous silence un grand nombred’observationssemblables parce qu’elles n'appartiennent à aucun mois en particulier, et qu’elles n’offrent aucune base régulière. Nous ne les signalons ici que pour prouver que toys les travaux de l'industrie séricicole ne sont pas et ne pouvaient être compris dans le cadre que nous devions remplir. Nous n’avons pas voulu enseigner, mais seu- lement venir en aide à la mémoire de ceux qui savent. EmiLe BEAUVAIS. Magnanier, aux Bergeries de Sénart, “ À Li Ro N er "7: D F Qu RE Te Er Î NET UR L FO UE ù 1/) 0) 2 = È ets] ar 4 F. A ” 6 e% 0 (des | . > , - KA <: se & 4e FERA Le Ad ASS 2 Ds De.0 de MAL A A7 5 ‘ Ch \ , °° @. % G PA { 7 h , d Pie h A e db — »' « “ 0 ù ” Vu F 4t Ep bi : nl < D. * F g \ + é THON VX LZ ALT ; 1 g Q b D De À = (2 . % Le 5 À ,,27. she ” Pa à