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Et à Chez : RER ne du à de eo 0e : » Ce MDIOONERS Amsterdam. +. : + . .« + + + S. DELACHAUX. ANGErS. à. + + ++ + + + + + FOURRIER - MAME. Besançon... : .:.... GIRARD. Blois. © 2 2. 2-26 MSC ATEENEERN Bordeaux. . . « . . . . «+ . GASSIOT, fils ainé. Bruges. . . . . ......+ BOGAERT-DUMORTIER. DEMAT. À TARLIER , fils. Clermont-Ferrand. . . . . . ‘'THIBAUD-LANDRIOT. Dijon. J... . .. . . + "V10TéR PAGIER Genève. . - ... . . . . . . . BARBEZAT et DELARUE. Havre: à Ta etoce s «te + ICHRRERNE Lépei is NL. F4 2) DER ; BRONNER - BAUWENS. aille RS Se ë ! { VANACKÈRE. SET DNTATRES Ho, < MIPESCHE. Marseille sy. Nat: ss 0e (GAMOIN, frétee MEL NRA ENT M. HUSSON: Érères MURS ET ER CERN EC TE BoGezz MONS ERREUR DEROUX, Moscou. "0, . . . FR ORiss, pére et fils, Nancy MINS Es 2 ONE Mantes. ..........,. MELLINET-MALASSiS. Pétersbourg. . . . . . . . . SAINT-FLORENT. Rennes. : LL EU TU IDDCHESRE. Rouen. MT.) FRERE IE FÉVRIER. LEVRAUET. Ve le de eo LTJEVERSe sue + +. + GHAREES BOCCA. Bruvelless ue MN 1e Eyon. LE" MANS A ES Strasbourg. 0. 1. …. À Toulouse TEL TuUrUTIL. ES PNETE PARIS. == ]MPRIMERIE DE CASIMIR , RUE DE LA VIEILLE-MONNAIE, N° 12, près la rue des Lombards et la place du Chätelet. MANUEL COMPLET DU JARDINIER MARAICHER, PÉPINIÉRISTE, BOTANISTE, FLEURISTE ET PAYSAGISTE ; PAR M. LOUIS NOISETTE, MEMBRE DES SOCIÉTÉS LINNÉENNE DE PARIS, HORTICULTURALES DE LONDRES ET DE BERLIN, D'AGRICULTURE ET DE BOTANIQUE DE GAND ; ET AUTEUR DU JARDIN FRUITIER : bvec uiv quand nombre de a Lure 2e Le TOME PREMIER. LIBRAE - NET VOKs BOTANICAL GARDEN — 2 ——— PARIS, ROUSSELON, LIBRAIRE-ÉDITEUR, RUE D'ANJOU-DAUPHINE, N° O. ———— 1825 NEA Jo. L'ÉFOR RME AE (2 nd AA DORE CUT 134 1 \: ARE TE aura \T DER TE Ne GREEK BOTANICAL GARDEN Î existe un très-grand nombre d'ouvrages sur l’horticulture ; et cependant, en formant le projet de publier ce Manuel, j'ai cru être utile aux ama- teurs des jardins. Si un praticien versé dans la théorie de son art, et possédant les connaissances nécessaires en his- toire naturelle, en physiologie végétale et en physi- que, eût, avant moi, écrit un Traité complet sur cette matière, trente ans de travaux et d’observa- tions suivies ne m’eussent peut-être pas paru des titres suflisans pour entreprendre cet ouvrage. Mais Olivier de Serre, La Quintinie et les autres anciens auteurs sont trop en arrière des connaissances du jour; le Dictionnaire de Miller, Duhamel, et le Potaniste cultivateur de Dumont de Courcet sont jugés, et la foule des petits écrits publiés depuis, et qui, pour la plupart , n’en sont que des extraits , ne mérite pas de l’être; en en exceptant néanmoins deux ou trois ouvrages qui auraient véritablement Sale l'intérêt, s'ils étaient composés sur un cadre plus ler) cprand. ©? Le nombre des amateurs du jardinage s’est accru (dé L C \ 4 en proportion des richesses végétales que cette science aimable a conquises sur les diverses parties du monde; elle en compte dans chaque pays et dans tous les rangs de la société. Si ce goût est autant ré- pandu aujourd'hui, c'est parce que des ambitions décues et des événemens extraordinaires nous ont ramenés à des occupations plus conformes aux ins- pirations de la nature. Désabusés des illusions de la fortune, les hommes ont voulu se créer des jouis- sances nouvelles et plus vraies, en dirigeant eux- mêmes les travaux par lesquels ils devaient obtenir les fruits délicieux qui font l’ornement de nos tables, et les fleurs éclatantes destinées à la décoration des parterres. Ils se sont bientôt aperçu que la nature est avare de ses faveurs, et ne les prodigue qu'aux cul- tivateurs zélés qui, pendant de longues années, ont consacré leurs veilles laborieuses à lui dérober ses secrets. Manquant d'expérience, ils ont senti le besoin de profiter de celle des autres; mais il leur fallait un bon livre, et je me suis cru capable de le faire. Né au milieu des jardins particuliers du roi, en- trainé par état et par goût vers la pratique d’un art auquel j'ai dû mes plus vifs plaisirs, et qui pour moi est devenu un besoin aussi durable que ma vie, dès ma plus tendre enfance, j’en ai fait mon étude vi] la plus chère. J’ai visité plusieurs fois les jardins les plus célébres de l’Europe; mes correspondances s’é- tendent dans toutes les parties du monde; depuis plusieurs années mon frère exploite les plantes des deux Amériques, et m’envoie les produits de ses re- cherches; je recois annuellement , de la Chine et des Indes , des végétaux, des graines et des dessins qui me mettent à même de juger les cultures en usage chez ces anciens peuples; je recueille enfin de partout des notes et des renseignemens précieux sur l’art de cultiver. Ce n’est pas tout : je mets jour- nellement en pratique et avec des frais énormes, qui sont loin d’être compensés par les résultats de mon commerce, les instructions que j'acquiers de toutes parts; trois établissemens sous différentes latitudes de la France, et dix-huit cents pieds de longueur en serres chauffées à toutes les températures, sont con- sacrés à cet usage ; je possède une école complète de tous les végétaux ligneux qui peuvent croître sous le climat de la France : j'ai réuni et classé métho- diquement , dans mes établissemens, plus de mille espèces et variétés d'arbres fruitiers. Tels sont les titres qui me donnent la hardiesse de publier un ouvrage dont, mieux que beaucoup d’autres, je con- nais les difficultés. Désirant embrasser l’art du jardinage dans toutes vii} ses ramifications, je me suis attaché à présenter son état et ses progrès jusqu'en 1826. Les découvertes et les acquisitions que fera la science seront publiées dans des Supplémens , aux époques que leur importance déterminera. J'ai déposé dans cet ouvrage toute la somme des connaissances que j'ai acquises pendant la carrière que J'ai parcourue; j'ai écrit sans réserve tout ce que mon expérience m'a dicté d’utile, et je le livre- avec confiance au public. Louis NOISETTE. MANUEL COMPLET DU JARDINIER. Br 6 @5 de 6 6 06 0 D De D C9 RG 6 EEE Do 6 À SE 6 D Dh LE VU PEL LH PRINCIPES GÉNÉRAUX. PREMIÈRE PARTIE. CHAPITRE PREMIER. DES JARDINS. SECTION PREMIÈRE. ORIGINE ET HISTOIRE. Aussirôr que les hommes se sont réunis en société, l'art des jardins a dû prendre naissance. A supposer que les premiers habitans de la terre aient commencé à se nourrir de racines, de fruits sauvages et de gibier, comme on nous le raconte, ces ressources précaires ont dû leur manquer dès qu'ils ont été en assez grand nom- bre pour peupler une certaine étendue de pays. Alors il a fallu réunir et élever dans des parcs les animaux sus- ceptibles de se plier au joug de la domesticité, et culti- ver. autour des habitations les plantes destinées à la nourriture de l’homme. Mais les bêtes fauves, profitant des ombres de la nuit, venaient ravager en quelques heures des plantations qui avaient coûté des années d’un travail d'autant plus pénible, que l’agriculture était dans T. I 2 DES JARDINS. son enfance, que le cultivateur, n’ayant pas pour lui l’ex- périence de ses pères, était réduit à un tâtonnement continuel, et qu’enfin il devait plus compter, pour réussir dans ses entreprises agricoles, sur des hasards heureux que sur son talent et ses observations. L’impé- rieuse loi de la nécessité le força donc à clore la petite portion de terrain où ses mains laborieuses avaient su rassembler et multiplier les plantes destinées à nourrir sa famille; il renferma dans le même espace quelques pieds des arbres des forêts dont les fruits lui plaïsaient par leur saveur; de là sont venus les jardins et les parcs: du moins c’est à peu près ainsi qu'Homère le raconte. Bientôt la population s’accrut; les hommes, forcés de donner plus de développement à leur industrie, se rap- prochèrent les uns des autres, afin de se communiquer leurs découvertes, et d'en tirer le parti le plus avanta- geux au bien général; de là naquirent la civilisation , les arts, et toutes leurs conséquences. Il y eut alors des villes, au sein desquelles des hommes furent retenus par leurs occupations. Mais, au milieu des richesses, des agitations d’une vie tumultueuse, et même jusque dans la carrière dangereuse de l'ambition, ils ne purent oublier les douceurs de la vie champêtre ; des lambris dorés, des coussins voluptueux, des mets recherchés, leur laissèrent encore de vifs regrets lorsqu'un souvenir les ramenait sous l’ombrage des forêts, sur un simple banc de gazon, où la nature leur présentait les fleurs charmantes du printemps et les fruits délicieux de lau- tomne. Les plus riches ne se contentèrent plus d’un jardin potager; ne pouvant aller chercher la nature, ils la for- cèrent, pour ainsi dire, à venir les trouver , et les jardins d'agrément furent inventés. Là, ils tâchèrent de réunir dans un petit espace tous Les objets qui leur plaisaient dispersés dans la campagne. Les chaleurs excessives de l’Asie ont peut-être occasioné les premières plantations de ces allées couvertes, de ces quinconces majestueux DES JARDINS. 3 qui décorent aujourd'hui toutes nos promenades pu- bliques : comme le goût de la chasse a pu seul détermi- ner à entreprendre les immenses travaux nécessaires à Ja clôture des parcs, où les souverains et les seigneurs renfermaient les animaux sauvages qu'ils n'avaient pas le temps d'aller poursuivre dans les forêts. On peut conclure de ceci que la date de l'invention des jardins est la même que celle de la civilisation pour tous les pays. Mais quoique les hommes se soient toujours proposé dans leurs plantations l’utile ou l'a- grcable, et plus ordinairement les deux réunis, il ne paraît pas que tous les peuples aient employé les mêmes moyens pour arriver à ce but. Si nous nous en rapportons à quelques poésies nouvel- lement traduites du Sanscrit, les anciens habitans des bords de lIndus et du Gange , dès la plus haute anti- quité, ont cultivé des fleurs dans leurs jardins : ce que n’ont pas fait d’abord tous les peuples. Chez eux la relt- gion avait consacré plusieurs plantes dans lesquelles ils pensaient que résidaient quelques divinités tutélaires. Ils les cultivaient dans des jardins sacrés, où de jeunes vierges , élevées dans le sacerdoce, avaient pour toutes fonctions la charge de les soigner et de les arroser. Les fleurs, qui n'avaient rien de commun avec le dogme , étaient cultivées dans de vastes parterres, et servaient à faire des guirlandes et des couronnes (1). Nous ignorons si, dans la haute antiquité, les Chinois établissaient des jardins paysagers à la manière de Cham- bers, dont nous parlons plus loin ; mais ce qu'il y a de certain, c’est que de tout temps ils onteu pour les jardins une passion excessive , et que leur amour pour les fleurs perce jusque sur leurs étoffes, leurs papiers, et même (1) Voyez Recherches sur les plantes d'ornement, par V'estimable M. Deleuze; et le drame sanscrit, intitulé Sacontala, traduit par M. Bruguiére. 4 DES JARDINS, sur les meubles dont ils ornent leurs appartemens. Si jamais ils ont été atteints de cette manie des fabriques bizarres, ce n’est que depuis leur empereur Kiè. Ce monarque apporta dans ses immenses jardins autant de luxe que de mauvais goût. Il s’y fit construire un vaste palais dont les appartemens étincelaient d’or et de pier- _reries; on y voyait des lacs couverts d’embarcations élégantes, et il poussa même l’extravagance jusqu'à y donner des fêtes, dans l’une desquelles il fit remplir un étang de vin pour désaltérer trois mille hommes couverts de peaux d'animaux sauvages, tandis qu'il se promenait dans une gondole avec une de ses femmes. Les Egyptiens paraissent avoir eu la passion des jar- dins depuis l'antiquité la plus reculée ; et les fleurs en firent toujours le premier ornement. [ls les aimaient jusqu'à l'excès, et, comme les Grecs après eux, ils en faisaient des couronnes dont ils se paraient Fe les jours de fête. Athénée cite, d’après Hellanicus, une anecdote qui, lors même qu'elle ne serait pas vraie, n'en prouverait pas moins le goût de cette antique na- tion (1). Un simple particulier, nommé Amasis, offrit au roi Partamis une couronne composée de si belles fleurs, que le monarque lui donna en échange son ami- tié et L commandement des armées ég gyptiennes. Amasis profita de ce bienfait pour s'emparer du trône. Il est malheureux pour Athénée que ce Partamis ne soit pas connu dans l’histoire, qui raconte cependant que cinq cent quatre-vingt-dix-neuf ans ayant l'ère chrétienne, un Amasis, favori et général des armées d’Apriès, usurpa le trône de son maître. Quoi qu'il en soit, un des monu- mens les plus anciens que nous ayons des Égyptiens , la pierre de Palestrine (2), peut nous donner une idée de (1) Athen. dep Si LP ER (2) Voyez les planches du Dictionyaire encyclopédique, édition en 37 vol. in-fol, DES JARDINS. | 5 la manière dont ce peuple établissait un jardin, car il est évident que cette mosaïque ne représente rien autre chose, comme on peut en juger par les fabriques qu’on y voit, et surtout par le berceau en treillage recouvert de pampres, qui se trouve sur le premier plan. Mais c’est surtout dans la Perse que les fleurs furent cultivées avec autant de soin que de sagesse, et que les Jardins réunirent ce genre d'agrément au but d'utilité pour lequel ils furent d’abord créés. Les hommes les plus riches, les princes même , ne dédaignaient pas de s'occuper de leur culture. Le jeune Cyrus (1) s’'amusait à planter de ses propres mains les arbres dont il ornait ses jardins de Sardes. Les Grecs eurent pendant fort long-temps des jardins dont les Phéniciens et les Égyptiens leur donnèrent le goût lorsqu'ils leur apportèrent la civilisation. Mais ces jardins ne furent d’abord consacrés qu'à Putile, c'est-à-dire qu'ils n'y cultivaient que les légumes et les fruits propres à la nourriture de l’homme. Les choses allèrent ainsi jusqu’à ce que, ayant pénétré en Asie , ils en rapportèrent, avec les riches dépouilles des Perses , la mode des jardins d'agrément. Par une singu- larité inconcevable , ils en exclurent les fleurs, qu'ils aimaient cependant beaucoup, et les reléguèrent dans les champs où l’on consacra des portions de terrain à leur culture en grand. I paraît que leurs jardins n'étaient que ce que nous.appelons aujourd'hui paysagers, c'est- à-dire, des retraites ombragées, décorées de monumens consacrés à de grands souvenirs ou à la volupté. Épicure fut le premier qui en eut un dans l’enceinte même de la ville d'Athènes (2), environ trois cents ans avant Jésus-Christ. Presque tous les écrits des poëtes et des philosophes grecs prouvent que ces peuples, comme (1) Xénophon, Économique. (2) Pline, Liv. 19, chap. 4. / 6 DES JARDINS. les autres orientaux, faisaient un usage journalier des f'eurs. « Non-seulement, dit M. Deleuze, elles étaient comme aujourd'hui la parure de la beauté; non-seule- ment on en ornait les autels des dieux, mais les jeunes gens s’en couronnaient dans les fêtes, les prêtres dans les cérémonies religieuses, les convives dans les festins. Des faisceaux de fleurs couvraient les tables ; des guir- landes de fleurs étaient suspendues aux portes dans les circonstances heureuses ; et, ce qui est plus remarqua- ble et plus étranger à nos mœurs, les philosophes eux- mêmes portaient des couronnes de fleurs, et les guerriers en paraient leur front dans les jours de triomphe. » Malgré cela, les Grecs ne connurent jamais l’art d’aug- menter la beauté des plantes par une culture éclairée, et surtout celui, si répandu aujourd’hui, de faire doubler leurs brillantes corolles. [1 semblerait que cette culture était abandonnée aux mains ignorantes des habitans de la campagne, qui les récoltaient, et venaient les vendre dans les villes par l'entremise de bouquetières dont quelques-unes ont été célèbres par leur beauté. Si nous nous en rapportons à Théophraste (r), ils ne cultivaient qu'un très- petit nombre d'espèces; les roses, les vio- lettes, les giroflées, les narcisses, les iris et les grena- diers étaient les seules qu'ils aient un peu perfectionnées par des soins raisonnés; les trois premières et la der- nière élaient les seules aussi qu'ils soient parvenus à doubler. C'est particulièrement dans les contrées méridionales, sous les influences d’un climat favorable à la végétation, que l’art des jardins a dû se perfectionner le plus tôt. Aussi lisons-nous avec étonnement les descriptions que Ics Grees nous ont laissées des jardins des Hespérides dans la Mauritanie, de ceux d’Alcinoüs dans l'ile de Corcyreet de ceux de Sémiramis à Babylone. Ces derniers (1) Theophr. hist. Plant. lit. 6. DES JARDINS. 7 surtout étaient extrêmement vantés dans l'antiquité. Rollin nous en a donné une idée admirable. Ils for- maient, dit-1l, un carré long, dont chaque côté avait quatre cents pieds. Ils étaient élevés et composés de plu- sieurs terrasses en amphithéâtre, dont la plus élevée égalait la hauteur des murs de Babylone, qui était de cinquante toises. On montait d’une terrasse à l'autre par un escalier large de dix pieds; la masse entière était sou- tenue par de grandes voûtes, bâties l’une sur l’autre, qui formaient des salles magnifiques. Le tout était for- tifié d’une muraille de vingt-deux pieds d'épaisseur. Les plate-formes établies sur ces voûtes étaient cou- vertes d’une épaisseur de terre assez considérable pour y faire végéter les arbres de première grandeur. On ar- rosait les jardins au moyen de pompes qui puisaient l'eau dans l’Euphrate. Lorsqu’Alexandre le Grand s’em- para de Babylone, seize siècles après la construction de ces monumens de la splendeur de Sémiramis, ces jardins existaient encore, et l’on y voyait des arbres de plus de cinquante pieds de hauteur, dont le tronc avait douze pieds de circonférence. Les Romains, d’abord entièrement absorbés par l’es- prit de conquête, sur lequel ils fondaient les bases de leur grandeur future, s’occupèrent très-peu des arts d'agrément, et négligèrent, ou plutôt ne connurent point la culture des fleurs pendant les premiers siècles. Leurs jardins ne consistaient qu’en quelques plantations de légumes, dont les soins étaient confiés à la mère de fa- mille. On sait qu’alors un consul, un dictateur même, ne craignait pas de quitter l’épée avec laquelle il venait de subjuguer une partie du monde, pour prendre la bêche ou conduire la charrue. Cette simplicité de mœurs dura presque autant que la république; cependant ils avaient déjà, sous les derniers consuls, un goût pro- noncé pour les fleurs, et ils ne tardèrent pas à le por- ter à l'extrême. Cicéron, dans sa troisième harangue 8 DES JARDINS. contre Verrès , lui reproche d’avoir parcouru la Sicile dans une litière où il était mollement étendu sur des feuilles de rose, ayant une couronne de fleurs sur la têle et une autre autour du cou. Lors de la défaite de Mithridate, roi de Pont, Lucul- lus apporta de ce royaume divers végétaux utiles par leurs fruits (le cerisier est de ce nombre). Séduit par la magnificence des jardins de l’Asie, il résolut de porter dans sa patrie ce nouveau genre de luxe, et il fit cons- truire ces fameux jardins dont Pline nous a conservé la description. Cet exemple fut bientôt imité, et ce fut surtout pendant le règne des douze césars que ce goût: fut porté jusqu’à l’extravagance. Il n’est personne qui n'ait lu avec surprise jusqu'à quelle folie Néron fut en- trainé pour la construction de ses jardins, dans lesquels il avait fait renfermer des lacs, des montagnes, des forêts et des villages. Bientôt les Romains, nés pour tout porter à l'extrême, ne se contentèrent plus d’em- ployer les fleurs en couronnes ou en guirlandes, comme les Grecs ; ils voulurent les entasser autour d’eux et s’é- nivrer de leur parfum. Ils les effeuillaient dans leurs lits, dans leurs appartemens, et jusque sous ies porti- ques de leurs palais (1). Cependant ils ne songèrent pas non plus à s’en servir pour la décoration des parterres, et l’on se borna à les cultiver dans les champs. D’après ce que dit Pline (2), il paraît qu’ils en avaient encore moins d'espèces que les Grecs, et qu’ils ne possédaient presque que des roses et des violettes. Du moins ces fleurs étaient les plus répandues et Les plus estimées. Mais les Romains, asservis par les empereurs, perdi- (1) On croit que l’usage où l’on est encore aujourd’hui d’efleuiller, de jeter des fleurs devant les processions, est un reste d'habitude des Ro- mains qui en agissaient ainsi devant les statues de leurs dieux. (2) Paucissima nostrigenera coronamentorum inter hortensia novere, ac penè violas rosasque tantum. Pline, lib. 21, cap. 3. DES JARDINS. 9 rent peu à peu le goût des arts, et le temps renversa ces obélisques , ces statues, el tous les édifices dont ils avaient orné leurs pares avec autant de magnificence que de goût. Lorsque les Germains se précipitèrent du Nord pour inonder l'Italie, dont ils firent la conquête, les anciens maîtres du monde ne pensèrent plus à embellir une patrie qu'ils n'avaient pas su défendre, et il ne fut plus question de fleurs ni de jardins. Les Grecs furent alors le seul peuple de l'Europe qui conserva le goût des jardins d'agrément, sans doute parce que les grands, effrayés des factions qui sans cesse déchiraient l'empire , ou lassés des intrigues du palais, avaient contracté l'habitude de passer une grande partie de leur vie dans leurs maisons de campagne , où la cul- ture des fleurs amusait leurs loisirs. Au huitième siècle, les Arabes, sous la conduite des cahfes, s’'emparèrent de l'Espagne, et y rallumèrent le flambeau des sciences. Ils ornèrent la ville de Grenade de palais magnifiques et de jardins superbes, dans les- quels cependant ils ne cultivèrent pas un bien grand nombre de fleurs. Ebn-Alwan, un de leurs auteurs, nous a laissé cette liste fort curieuse des plantes d’a- grément qu'on y soignait; mais quelques-unes ne sont plus connues aujourd’hui : des roses de plusieurs es- pèces ; des giroflées, lis, violettes ; le nymphæa blanc; les narcisses blanc, jaune, et de macédoine; la ca- momille ; la matricaire; sept espèces de basilic; la la- vande; l’acacia à fleurs blanches et odorantes ; l’althæa ; l'hibiseus ; le lavatère en arbre ; le nisrin, le ward, et le Zuani. Lorsque les Arabes se retirèrent de l'Espagne, le goût des jardins allait se perdre en Europe, si les Grecs, chassés de Constantinople par les Turcs , n’eussent ap- porté en [italie leur amour pour les arts. Leurs vain- queurs, lorsqu'ils eurent donné de la stabilité à l'em- pre , occupèrent leurs loisirs à la culture des fleurs dont 10 DES JARDINS. ils ornaient les jardins de leurs sérails. Un gouvernement despotique ayant proscrit chez eux les arts et les scien- ces , ils surent se créer une occupation agréable dans l’in- térieur de leurs palais, et cette occupation consistait àras- sembler à grandsfraisles plantesles plus belles et les plus rares. Les femmes, qu’ils tenaient captives dansde tristes harems, partagèrent leurs goûts, d’abord par désœuvre- ment, puis ensuite pour favoriser les entreprises d’un amour dangereux. Une fleur cessa bientôt, pour elles , de n'être qu’une brillante parure du printemps, elle de- vint la messagère mystérieuse et discrète chargée de faire connaître au dehors les feux secrets qui les consu- maient dans leur étroite prison. C’est ainsi qu’en faisant parvenir àun jeune homme une tulipe en fleur , la plante muette pour les indiscrets, parlait le langage de l'amour et des désirs à celui qui la recevait : «Je brüle d’une flamme aussi ardente que celle que tu vois sur ces pé- tales ; et , si mes feux ne sont partagés, mon cœur sera bientôt consumé comme le fond noirci du calice de cette fleur. » Les Gaulois, sans cesse occupés à défendre leur ré- publique fédérative, ou à subjuguer les nations voisines, conservèrent pendant fort long-temps des mœurs dures et sauvages, et négligèrent entièrement les arts d'agrément ; aussi ne s'occupèrent-ils des jardins et des fleurs que long-temps après les autres peuples. Peut-être aussi doit- on attribuer cette négligence à la rigueur du climat de leur pays, alors couvert de forêts et de marais. Ce ne fut que sous le règne de Charlemagne que la civilisation commença à faire des progrès ; aussi ce n’est qu'a cette époque remarquable que les Français cultivèrent des plantes et tracèrent des jardins ; mais il paraît que leurs fleurs étaient en très-petit nombre et toutes indigènes. Ce prince, dans son capitulaire de ’illis, indique à ses jardiniers toutes les plantes qu'ils doivent cultiver, et le nombre n’en monte pas au-delà de soixante, parmi DES JARDINS. 11 lesquelles on ne peut même regarder comme d'agrément que les lis et les roses. Les choses en restèrent là jusqu'au treizième siècle, époque où les fleurs commencèrent à devenir de mode, grâce aux croisés qui en rapportèrent quelques-unes de l'Égypte et de la Syrie. Les moines surtout charmèrent les ennuis du cloitre par la cul- ture de leurs parterres ; mais le peu de richesses végé- tales qu'ils possédaient resta enfoui dans les jardins de leurs couvens. Tout à coup un homme riche et ami des arts paruten Italie ; le cardinal d'Est, possesseur du terrain où jadis on avait admiré les magnifiques jardins d’Adrien, eut Ja pensée de reproduire ces ombrages délicieux et ces fabriques élégantes dont l'antique Rome avait été dé- corée. En fouillant dans la terre pour obéir à sa volonté, on découvrit une quantité de morceaux de sculpture, chefs-d'œuvre des anciens artistes grecs et italiens. Le cardinal les employa à la décoration de ses jardins, et bientôt il put se vanter d’avoir plus de luxe et de richesses en ce genre, qu'aucun souverain de l'Eu- rope. Les princes italiens suivirent d’abord l'exemple du cardinal d’Est, et le goût des jardins se communiquant de proche en proche pénétra bientôt en France. Ce fut François [°° qui commenca à adopter le genre italien à Villers-Coterets, au bois de Boulogne , à Chambord, à Fontainebleau, etc. Mais Louis XIV, grâce au talent de Lenôtre , surpassa ses modèles et fut le créateur de ce qu'on appelle le genre français, dont Versailles est de- venu le type inimitable. Pendant que Lenôtre s'immortalisait en France en entassant chefs- d'œuvre sur chefs-d’œuvre , monu- mens sur monumens ; pendant que la règle, le com- pas et l’équerre lui servaient à tracer d’une main har- die et savante ces parterres superbes et symétriques, ces co‘onnades de verdure, par lesquels il a prouvé 12 DES JARDINS. que l’art n’est pas, comme on le croit, l'ennemi de la nature, les Anglais transportaient en Europe le goût des jardins chinois, et Kent renchérissait encore sur les peuples de l'Orient en ne cherchant, dans les compo- sitions dont il couvrit la Grande-Bretagne, que l’imita- uon presque servile de ce qu'il appelait la nature; il poussa même cette affectation jusqu’à planter des arbres morts dans les jardins de Kinsington. Depuis ces dernières époques les fleurs furent étudiées et devinrent partie intégrante des jardins, dontelles firent un des premiers ornemens. Jusqu'au seizième siècle, la botanique n'avait été envisagée que sous le rapport de la médecine, et personne ne s'était avisé de voir autre chose que l'envie de se procurer des remèdes plus ou moins salutaires , dans les collections de plantes ras- semblées avec soin par quelques pharmaciens. Le pre- mier exemple de ces jardins de plantes médicinales fut donné par Antoine Castor, le plus célèbre médecin de Rome, du temps de Pline. On attribuait alors aux plantes les vertus les plus merveilleuses, etla crédulité du peuple servit long-temps le charlatanisme des empiriques. fl faut convenir cependant que, si autrefois on leur accor- dait trop de propriétés, aujourd’hui on leur en accorde peut-être trop peu. Ce ne fut guère qu’au seizième siècle que l'amour de la botanique pure s’empara de quelques personnes, et que l’on commença à réunir dans un même lieu toutes les plantes intéressantes pour les comparer entre elles, et les étudier dans un autre but que celui de leur chercher des propriétés médicales. La découverte d'un passage aux grandes Indes par Vasco de Gama, celle de l'Amérique, et les relations commerciales qui s’établirent entre ces contrées lointaines et l’Europe firent connaitre et apporter beaucoup de végétaux inté- ressans par la beauté de leurs fleurs ou la qualité de leurs fruits. Mais la plus grande partie, trop sensible DES JARDINS, 15 aux rigueurs de nos hivers, se montrait un printemps pour ne laisser ensuite que des regrets sur leur perte. Cependant on connaissait déjà, même du temps des em- pereurs romains, une méthode de les abriter par le moyen des verres à vitres. En 1591, Ferdinand [°, fils de Côme de Médicis, fit construire à Pise une serre tempérée, la première qui réunit toutes les conditions nécessaires pour la culture des plantes de la zône tor- ride et autres pays plus chauds que Pltalie. Dès-lors l’horticulture fit de rapides progrès. Quelques particuliers furent les premiers qui fondè- rent des jardins entièrement consacrés à la botanique, et ce fut en 1525 qu'Euricius Cordus, à Erfort, Nor- decius à Cassel, et Gaspard de Gabriel, à Padoue, don- nèrent cet exemple , qui fut bientôt suivi dans presque toute l’Europe. Conrad Gesner rassembla dans son jardin de Zurich toutes les plantes qu'il put se procurer dans ses voyages et ses correspondances avec les pays étran- gers. À peu près à la même époque , les Flamands fai- saient venir du Levant et des deux Indes les végétaux les plus intéressans ; et leurs jardins, renfermant un grand nombre de plantes curieuses et rares, cultivées avec un soin jusqu'alors inconnu, devinrent les plus riches qu'il y eût. Ils parvinrent à augmenter la beauté de certaines fleurs, au point de les faire beaucoup re- chercher par les amateurs des autres pays; et, dès ce mo- ment, les produits de leurs cultures devinrent pour eux une branche considérable de commerce. C'est ainsi qu'ils obtinrent et perfectionnèrent les nombreuses va- riétés de la jacinthe venue d'Orient, de l’œillet, de l'oreille d'ours originaire des montagnes de la Suisse , des tulipes, etc., etc. À peu près vers cette époque, Rome possédait un jardin botanique confié, par les ré- collets auxquels il appartenait, aux soins de Palca et: de Della Villa. On admirait, à Naples, celui de Jean Vincent Pinelli ; à Venise, celui du sénateur Jérôme Cor- 14 DES JARDINS. ner; à Milan, celui de Scipion Simonetta; à Lucques, celui de Vincent de Monte-Cattino ; à Augsbourg, celui de Fugger; enfin, en France, celui de René du Bellay, évêque du Mans. Ce fut aussi dans ce temps-là que des princes fondè- rent les premiers jardins publics, entièrement consacrés à l’enseignement de la science. Côme de Médicis établit celui de Pise, en 1543, ainsi qu'une chaire d’histoire naturelle, qu'il fit remplir par Luc de Ghini , professeur de botanique à Bologne. Celui-ci envoya des voyageurs dans toutes les provinces de l'Italie pour se procurer les doubles des végétaux cultivés chez les amateurs. Le cé- lèbre André Césalpinluisuccédaen 1555, etfutle premier quicréauneméthode philosophique de classement pour le règne végétal ; il la fonda principalement sur la considé- ration du fruit, etnon sur la grandeur etles proprictés de la plante comme avaient fait tous ses devanciers. En 1587, Ferdinand [*, dont nous avons parlé plus haut, envoya le naturaliste Joseph Benincasa, en Crète et dans d’autres parties du Levant, pour y recueillir des graines. Ce voyageur en rapporta une quantité de très-belles fleurs, qui ne tardèrent pas à se répandre en Italie et ensuite dans toute l’Europe. En 1593 on établit une chaire de botanique à Padoue ; et en 1545, un jardin botanique dont Prosper Alpin fut le démonstrateur en 1593. La ville de Bologne en eut un en 1568 sous la direction d'Aldrovande. Déjà on professait depuis long -temps un cours de botanique à Florence, mais l'établissement de son jardin public n’a pas une date bien certaine. Tout ce que l’on sait de po- silif à cet égard, c'est qu'il fut entièrement négligé pendant fort long-temps , et que ce ne fut qu’en 1718 que, par un diplôme du grand-duc, sa direction fut accordée à la société de botanique de cette ville, qui bientôt en fit un établissement considérable, et Jui donna tout le lustre qu'il a encore aujourd'hui. Enfin DES JARDINS. 15 celui du Vatican fut établi environ dans le même temps que celui de Bologne (1). Les Hollandais suivirent bientôt l'exemple des Italiens, et l'université de Leyde eut un jardin botanique en 1533. Vingt-deux ans après on y construisit une serre tempé- rée. Les voyageurs les plus célèbres s’empressèrent à l'envie d'enrichir ce magnifique établissement; et les Benting, les Rheed, les Hermann y apportèrent les végétaux les plus intéressans des quatre parties du monde. Le catalogue de ce jardin, publié par Boerhaave, porte à six mille le nombre des plantes que l’on y cul- tivait. L'Allemagne imita ja Hollande et l'Italie. Leipsick eut un jardin botanique en 1580. En 1605, le célèbre botaniste Jungermann en obtint un pour l’université de Gressen, et en 1625 un autre pour celle d’Altorf, On construisit dix ans après une serre dans ce dernier , et il devint bientôt après Le plus beau de l'Allemagne. En 1621, les villes de Rintlen, de Ratisbonne et d'Ulm eurent chacune le leur. Enfin l’université de [éna fonda le sien en 1629. Lorsque Henri IV eut pacifié la France, ce prince, extraordinaire autant par son goût et ses connaissances dans les sciences et la littérature que par sa bravoure et sa bonté, résolut de ne pas rester en arrière des autres peuples dans les progrès que l’on faisait faire à la bota- nique. En 1597 il fonda le jardin de Montpellier, et celui de l’École de Médecine à Paris. Le premier devint célèbre parce que c’est là que se formèrent les Gessner, L'Écluse, Dalechamp, Lobel, les frères (1) Voyez pour ces dates contestées par quelques auteurs, 1° fasti gimn. patav. Patavii, 1957. — 2° Commentarium inserviturum historiæ Pisanivireti botanici academici. Pisis, 1777.—3° Storia dellaletter. ita- liana, du savant Tiraboschi.— 4° De hortis botanico-med. Germaniæ, et de origine et fatis horti acad. de Baïer. Enfin l'excellent ouvrage , déjà cité, de M, Deleuze. 16 DES JARDINS. , Bauhin, etc. Mais, en 1626, Louis XIII, en créant le Jardin botanique du Roi, appelé vulgairement , sans que nous sachions pourquoi , le Jardin des Plantes, à Paris, éclipsa tous les autres jardins de l’Europe. Nous ne donnerons pas ici l'historique de ce magni- fique établissement, illustré par les hommes célèbres qui l'ont dirigé et par les premiers savans de l’Europe qui l’habitentaujourd’hui.Seulementnousremarquerons que jamais ce jardin n’a été entièrement consacré à la bota- nique, même sous le rapport des végétaux. De tous temps il a été une très-bonne école d'agriculture et de naturalisation, et on lui doit une grande partie des plantes d'ornement qui sont dans les collections des amateurs et dans le commerce. Jusqu'en 1700, et peut- être même plus tard, il n'existait pas de jardiniers fleuris- tes qui fissent le commerce des plantes étrangères; aussi les directeurs de ces établissemens publics attachaient- ils beaucoup d'importance, non-seulement à se procurer une grande quantité d'espèces, mais encore à en mul- tiplier les variétés, même les plus légères. C’est ainsi qu'on y voyait de vastes espaces de terrain destinés à réunir des collections d’oreilles-d’ours, de tulipes, d’œillets, de renoncules, etc. Ce ne fut que lorsque les particuliers commencèrent à aimer et à pratiquer géné- ralement l'horticulture, que les jardins de botanique leur abandonnérent ces brillantes monstruosités, pour s’en tenir au type dont on les avait obtenues à force d’art et de patience. Les autres nations de l’Europe n’eurent que plus tard de semblables établissemens, et encore en petit nombre. Les principaux sont ceux : de Messine , fondés en 1638; de Copenhague, en 1639; d'Upsal, en 1657. Ce der- nier est surtout remarquable, parce que c’est là que limmoftel Linnée professa et réforma la botanique. Enfin on peut encore citer ceux : d'Amsterdam, établis en 168/; de Groningue, en 1641 ; de Chelsea, en 1922; DES JARDINS. 1] d'Oxford, en 1640; de Madrid, en 1753 ; È de Coïmbre, en 1773. C'est dans celui d'Amsterdam que l’on a cultivé le premier pied de café apporté en Europe. Nicolas Witsen, fondateur et directeur de ce jardin, écrivit à Horn, directeur de la compagnie des Indes et résidant à Patavia, pour le prier de faire venir des graines d’Ara- bie, de les semer, et de lui envoyer les jeunes sujets ; ce que celui-ci s’empressa de faire. Ces précieux arbris- seaux se multiplièrent dans les serres chaudes d’Amster- dam, et bientôt M. Paneras, bourgmestre de la ville, put en envoyer un à Paris, en 1714. I fleurit et porta graine la même année, ce qui donna la facilité de le multiplier. Dix ans après, M. Desclieux se chargea d’en transporter deux pieds dans nos colonies. Pendant la traversée l’eau vint à manquer, de manière que non- seulement on en refusa pour arroser les arbustes, mais encore on diminua beaucoup les rations de chaque pas- sager. Cet homme généreux, enflammé par l’idée du bien qu'il pouvait faire à son pays en lui conservant cette source, alors si faible, des immenses richesses que l’Amé- rique en a tirées Œs, eut le courage de se priver de sa part d’eau pour en fournir à ces cafés. C’est de ces deux arbres que sont provenus tous ceux cultivés daris nos colonies. Nous citerions un très-grand nombre de plantes utiles que l’on doit aux jardins botaniques dont nous avons parlé, si Pon pouvait mettre en problème les immenses services que ces établissemens ont rendus aux nations ; mais nous croyons que la chose est trop bien établie aujourd'hui, pour entrer dans de semblables détails, et nous nous bornerons à citer la pomme de terre, seule capable de remplacer la récolte des blés dans une année de disette : les müriers, dont la feuille sert à nour- rir les vers à soie : le pêcher, l'abricoter, et une grande quantité de plantes céréales. D 2 16 DES JARDINS. æ Mais, pour utiliser autant quepossible ces institutions, il ne suflisait pas de charger des négocians et des marins de recueillir des végétaux dans les pays étrangers pour les apporter en Europe. Malgré toute a bonne volonté qu'ils pouvaient y mettre, leurs envois devaient être tou- jours insuflisans pour que l’on püût atteindre le but que l'on se proposait. N'ayant point ou peu de connaissances en histoire naturelle, ils ne pouvaient remarquer et re- cueillir que les plantes usuelles les plus communes dans chaque pays; et, à supposer même qu'ils eussent bien voulu dérober un temps précieux à leurs propres affaires, leurs recherches, dirigées au hasard, eussent été infruc- tueuses. On envoya donc sur tous les points de la terre des hommes instruits, pleins de zèle pour la science et de dévouement pour la prospérité de leur patrie. Ils ne se contenièrent pas d'herboriser dans les jardins des Indes et de l'Afrique, comme devaient nécessairement * le faire les premiers. Bravant avec courage les dangers de toutes espèces qui naïssaient sans cesse sous leurs pas, ils pénétrèrent dans les déserts les plus sauvages; ils surmontèrent les influences terribles des climats enflam- més, et trouvèrent des richesses végétales dans les heux mêmes où les naturels ne les avaient jamais soupconnées. Cependant une autre difficulté existait encore. Beau- coup de graines perdent leurs qualités germinatives si elles ne sont pas semées aussitôt leur maturité ; d’autres les perdent en moins de temps qu'il n’en faut pour faire la traversée de leur pays dans le nôtre; d’autres enfin dès qu'elles ont passé les tropiques. De là il résultait qu'après de longs et périlleux voyages on avait le cha- orin d'en voir les produits réduits à très-peu de chose. En 1950, J. G. Loten, gouverneur de l'ile de Ceylan, fonda un jardin dans lequel il fit semer toutes les graines qu'il put se procurer dans l'Inde; et, lorsque les plans avaient aiteint une certaine force, il les envoyait dans sa patrie, Par ce moyen on évita ce grave inconvénient, DES JARDINS. 19 et l'on put se promettre de réunir un jour dans un seul jardin des échantillons de toutes les plantes connues sar Ja terre. La compagnie hollandaise en forma un au cap de Bonne-Espérance, à peu près vers la même époque, et pour le même but. Il rendit d’abord de grands ser- vices; mais depuis il a été très-négligé, et aujourd’hui - il est à peu près réduit à rien. On sentit les avantages nombreux résultant de ces établissemens ; aussi vers la fin du dernier siècle et au commencement de celui-ci , on s’empressa de les imiter dans la plus grande partie des colonies appartenant aux Européens. C'est ainsi que l'on vit en très-peu de temps des jardins de botanique, ou plutôt d'entrepôt, se former : 1° à Ténériffe, par les ordres du roi d'Espagne ; 2° à Calcuta ; 3° àlaJ amaique ; 4° à Cayenne; 5° à New-Yorck et à Charles-Town; Ge à Mexico , etc. , etc. Il est résulté de tout cecr, que le goût de la botanique est venu se mêler à celui que l’on avait simplement pour les fleurs, et que l’agriculture a considérablement gagné à ce mélange. On veut aujourd’hui posséder des fleurs agréables par la beauté de leurs corolles, des plantes récommandables par leur utilité dans l’économie do- meslique où dans les arts, et enfin des collections purement de botanique. Aussi l'horticulture est - elle devenue un art d'autant plus difficile qu'il embrasse le règne végétal tout entier. Outre cela, on veut que ces collections offrent encore un autre agrément tout-à-fait indépendantde la science, celui d’être présentées comme un objet d'ornement et de fuxe. Il ne suffit pas d’avoir dans son parc les arbres et les arbustes les plus rares de l'Amérique, dans son jardin les plus belles fleurs des Indes et de lAfrique, dans son potager les végétaux servant à la nourriture de l’homme dans toutes les par- ties de la terre ; il faut encore qu'ils se montrent aux yeux dans la place qui leurest la plus avantageuse pour produire de l'effet. Enfin Fon veut avoir de riches col- 20 DES JARDINS. lections et des jardins agréables. On a parfaitement réussi quant au premier point; mais, Sion compare nos jardins, sous le rapport de Dame aux brillantes PO à el que les auteurs nous ont laissées sur ceux des anciens peuples, je crois que, loin de l'emporter sur eux, nous leur devenons de jour en jour inférieurs ; grâce à la manie des petites fabriques, des jardins paysa- gers et anglais, et au mauvais goût qu'ils entraînent le plus souvent avec eux. | ” Ce qu'il y a de fort singulier à présent, c’est qu'à force de chercher pour trouver la perfection de l’art dans la formation des jardins, nous en sommes à ne plus nous entendre, même sur la simple signification de ce mot. Un jardin n’est plus aujourd’hui un enclos d’une éten- due déterminée, consacré entièrement à la petite cul- ture; mais bien une portion ‘de domaine où même uün domaine tout entier, si l’on a cherché à y réunir l’a- gréable à l’utile dans les mêmes proportions. Un cles renfermant des terres en culture et un potager peut n'être pas un jardin , tandis qu'une immense propriété, renfermant des bois, des prés, des terres et des vignes, est considérée comme tel, si l’art s’est employé à em- bellir les sites et les points de vue. Nous avons cru devoir donner cette explication à nos lecteurs, pour les mettre dans le cas de nous comprendre parfaitement dans l'analyse des différens systèmes des auteurs, s'ils ne leur sont déjà familiers. SECTION If. DIVISION DES JARDINS. Personne ne peut mettre en doute les progrès im- menses que l’horticulture et même l’agriculture en gé- néral ont fait depuis un siècle, et à plus forte raison depuis lantiquité ; mais , si l’on envisage seulement Part DES JARDINS. 21 de créer des jardins agréables, ces progrès deviendront peut-être plus sujets à discussion, comme nous croyons l'avoir établi précédemment. Quoi qu'il en soit, si les anciens possédaient des jardins plus riches, plus magni- fiques que les nôtres, en récompense nous avons de plus qu'eux des théories brillantes , et notre amowm-propre se console aisément en réfléchissant que, si les Romains, par exemple, avaient sur nous une supériorité maté- rielle , ils la devaient à des richesses immenses qui leur permettaient de mettre en pratique ce qui, pour nous, est resté en spéculation. Parmi le grand nombre d’auteurs qui ont traité de l'art des jardins, quelques-uns seulement ont établi des règles et des divisions praticables : c’est de ceux-là que nous nous occuperons plus spécialement. Les autres s’a- bandonnant aux agréables prestiges d’une imagination toute poétique, nous ont donné des images charman- tes, des descriptions séduisantes, mais qui s’'évaporent comme de brillantes illusions dès que la froide raison, la règle et le compas à la main, s’avance pour les mettre en pratique (1). (x) Nous n’avons pas cru devoirnousoccuper ici des anciens auteurs, parce qu’ils ont plutôt donné des descriptions de jardins que des règles pour en. établir. Cependant on pourrait en excepter Pierre de CRESCENT, sénateur bolonais, qui, en 1300, publia un ouvrage sur l’agriculture, où un livrésetrouve consacré à la culture des jardins d’agrément.Ilen- seigne les moyensde les construire et de les orner, et les partage en trois classes : 1° ceux des personnes peu riches; 2°ceux desriches; 3° ceux des princes.et des rois. Ces derniers, dit-il, doivent renfermer une ména- gerie d'animaux paisibles, des volières d'oiseaux dont lechant mélodieux fasse retentir les berceaux d’arbres et de vigne ; ils doivent être décorés de gazons, d'herbes aromatiques et de fleurs. Mais Crescent, dans la liste de ses fleurs, ne mentionne que la rue, la sauge , le basilic, la marjolaine , la menthe, la violette, le lis, la rose, et l'iris. Si, le lecteur était curieux d'approfondir la science des jardins de l'antiquité et du moyen âge , voici les auteurs qu’il pourrait consulter : 1° Pur. Il a consacré trois livres de son histoire naturelle aux jardins et aux fleurs; 2° le Poëme des jardins de Corumezze; 3° celui du père, 23 DES JARDINS. Tous ont divisé et sous-divisé les jardins en sections, classes et genres, auxquels ils assignent des caractères qu'ils croient exclusifs. Avant de donner notre opinion propre sur cette matière, nous allons rapidement ana- lyser leurs différens systèmes, en les plagant dans l’ordre de limportance que nous leur accordons. En 1820, M. Gagriez Tnouin publia ses Plans rai- sonnés de toutes les espèces de jardins. IN les divise en quatre sections principales , en raison de leurs divers usages. 1° Les économiques ou légumiers (marais et potagers) ; »° le fruitier ou verger ; 3° les jardins de botanique ; 4° les jardins d'agrément ou de plaisance. Les jardins composant ces quatre sections sont eux- mêmes sous-divisés en trois séries, savoir : 1° « Les jardins symétriques, à la composition desquels procè- dent la règle et le compas, et que l’on exécute au moyen de la toise, des jalons et du cordeau; 2° les jardins chi- nois, anglais ou de genre irrégulier, qui n’ont pour prin- cipes que le caprice ou la fantaisie de leurs constructeurs et les facultés de leurs propriétaires ; 3° les jardins des paysages, paysagistes, paysagers ou de la nature (noms que l’on donne dans les divers ouvrages qui en traitent spécialement ). » « Les jardins symétriques, dit-il, n’admettent dans leur composition que des formes régulières et des sur- faces plus ou moins planes dans leurs parties ou même Rariw, et particulièrement l'excellente dissertation qu’il y a jointe : De univers culturæ hortensis Disciplinä, danslaquelle il compare les jardins des Grecs et des Romains auxjardins modernes; Vamère, Præ- dium rusticum ; 4° Car. Srerxanus, De Re hortensi ; 5° Geswer , Horti Germanie ; G Love ve r'Écruse, Histoire des plantes et de neglectà plantarum Culturd ; 7° Harxer, Bibl. bot. ; 8° Brrow, Remontrances d'agriculture ; 9° GamErArius, Hortus medicus et philosophicus ; 10° Roz- rinc, De Vegetabilibus; 11° Barer, De Hortis botanico-med.\ Germanie, etde Origine et F'atis hortiacad. ; 12° Bocace, Decamerone; 13° Donoess, florum et coronariun: arborum Historia ; et enfin les auteurs cités dans le chapitre précédent et dans la suite de celui-ci. DES JARDINS. 23 dans leur ensemble. Tels sont les jardins du Palais- Royal, du Luxembourg, des Tuileries, de Versailles. L'architecte Lenôtre, au commencement du siècle der- nier, a fourni les plus beaux modèles en ce genre. » « Les jardins de la deuxième série offrent, dans un espace très-rétréci , toutes sortes de formes fantasti- ques, en même temps que les diverses productions des arts et les fabriques de toute espèce, amoncelées sans nécessité comme sans rapport entre elles. Tels étaient les jardins de Mouceaux et de Chavilles ; tels sont encore une grande partie de ceux qui ont été exécutés, à Paris, dans les temps modernes. » « Enfin le caractère de la troisième et dernière série des jardins d'agrément, est d’imiter les plus belles scènes de la nature, en faisant disparaître l’art qui à servi à les établir. Ceux d'Ermenonville, de Guiscard , de Méréville, de Trianon, de Jambeville, de Moulin Joli, construits par Watelet, Girardin, Morel, etc., ofiraient ou présentent encore de beaux exemples de cette série de jardins chantés avec tant de grâces par Delille. » M. Thouin ajoute que ceux-ci ne doivent pas être confondus avec les jardins qu'on nomme communément anglais ou chinois, puisque c’est la nature qui a fourni leurs modèles , et que les principes d’après lesquels ils sont établis ont été posés en France, dès le commen- cement du siècle dernier, par Dufreny. Jusque-là la distribution de M. Thouin est méthodi- que et parfaitement raisonnée ; mais voyons si cet esti- mable auteur n’a pas voulu trop sacrifier aux préjugés établis par ses devanciers, lorsqu'il traite des genres que présente le jardin paysager. : « Cette série des jardins paysagistes de la nature, dit-il, offre cinq sections diflérentes, qui comprennent jes jardins champêtres, sylvestres, pastoraux, ro- mantiques , et les parcs ou carrières. Ges noms leur 21 DES JARDINS. ont été donnés en raison des caractères qui les distin- guent dans leur ensemble, et dont nous tracerons ici une légère esquisse. » « Un sol plane ou peu tourmenté, des prairies, des terres labourables, des cultures économiques, des ver- gers agrestes, des bouquets de bois, des masses fleu- ries, une culture soignée, des eaux vives, des fabriques agricoles et des vues ménagées sur tout le pays environ- nant avec lequel ils paraissent se confondre, constituent les jardins du style champêtre. » « On donne le nom de sylvestres à ceux dont le sol àpre et tourmenté présente des rochers, des chutes d’eau, des forêts d’arbres estivaux et résineux, des clairières tapissées de gazon et émaillées de fleurs des diverses sai- sons ; des fabriques appropriées au site, des chaumières agrestes de bücherons et decharbonniers augmentent les caractères distinctifs des jardins de cette section. » « Ceux de la troisième, ou du style pastoral , exi- sent des terrains unis où un peu Concaves , traversés par des eaux vives , formant des ruisseaux , de petites riviè- res, des lacs bordés de pelouses, de prairies, d’oseraies , de saules, de bouquets d'arbres aquatiques variés par leur port et leur hauteur, des ponts, des moulins, des bestiaux de plusieurs espèces, des cabanes rustiques propres aux animaux qui animent la scène, et aux hommes qui les gouvernent. » « On appelle jardins romantiques ceux dont le sol, très-varié dans son plan, ainsi que dans ses élévations et ses contours, présente des pièces de gazon, des tapis de fleurs, des masses d’arbustes, des bouquets d’arbres d'agrément de toutes les saisons, des bois dans leurs différens âges, des futaies , des eaux dans les divers états dans lesquels on les rencontre dans la nature. Ces jardins admettent pour ornement, des vases, des sta- tues, des colonnes , de grottes, des ruines, des tom- beaux et des temples. » DES JARDINS. 25 Dans l’énumération des caractères qui constituent les jardins paysagers, M. Thouin s'étend beaucoup : nous n'en donnerons que l’analyse. Ce genre nécessite les plus grandes dimensions dans son ensemble ; il comprend souvent un pays entier. Il admet tout ce qui distingue _les quatre précédens, tous les genres de culture et de bâtimens , les eaux sous toutes les formes, toutes les usines, fabriques, les animaux domestiques et sau- vages, toutes les serres propres à la conservation des végétaux exotiques. Mais il faut que chaque scène, encadrée dans ses limites, n’oflre ni contradiction, n1 contrastes choquans ; il faut qu’elle soit liée aux autres par des transitions ménagées avec art, de manière à inspirer et soutenir l'intérêt. Ces compositions doivent rassembler les sites les plus gracieux et les plus surpre- nans, et emprunter aux arts mécaniques, à l’architec- ture , la peinture, la sculpture, ce qu'ils offrent de plus approprié aux différentes scènes et de plus séduisant. Quoique nous ne soyons pas toujours du même avis que M. Thouin, surtout quand il s’agit de ses dernières divisions , la justice nous oblige à dire que les deux pages dont nous venons de faire l’analyse donnent plus de préceptes vrais, clairs et faciles à mettre en prati- que, que tous les autres ouvrages qui sont tombés entre nos mains. Nous croyons faire plaisir à nos lecteurs en mettant sous leurs yeux le tableau résumé de ses genres, sections et sortes de jardins. IL DIVISE LES JARDINS EN: De légumes rusti- ques. MARAIS. . . . : . À À couches, clo- ches ou châssis. Privés ou ordinai- ÉCONOMIQUES OU LÉGUMIERS. res. Des grands jar- POTAGERS. . « « - € Mdins, avec serres à primeurs, bA. ches à ananus, orangerics. 26 DES APR: {Es lignes. En quinconce. , En quenouilles. FRUITIERS OU VERGERS. . . En vases ou buis- SOUMIS À LA TAILLE. 4 SOUS. | En éventails ou espaliers. AGRESTES. . è Pharmaceutiques. MÉDICINAUX, « .… « { D'étude. Ne ‘ contenant qu’une série de lautes. Générale. Pour la naturali- sation. De ville. SYMÉTRIQUES. . . . 4 Public. De palais. Chinois. | DE GENRE. . . . .4 Anglais. PLAISANCE OÙ D'AGRÉMENT. . Fantastiques. Champèêtres. Sylvestres. DE LA NATURE. . .4 Pastoraux. Romantiques. Parcs ou carrières. MOTANNORE HS NANTES D'INSTRUCTION. . En 1824, M. Parrzy, dans un bon ouvrage sur le jardinage (1), a donné des conseils assez judicieux sur la manière de tirer parti avantageusement dés différens sites qui donnent aux jardins d'agrément les caractères propres à chaque genre. Mais après avoir divisé en Jar- dins utiles, renfermant le potager et le fruitier, et jar- dins d'agrément, il entre, à propos de ceux-ci, dans des sous-divisions tout aussi arbitraires que celles de ses devanciers, et beaucoup moins méthodiques. « Nous divisons, dit-il, les jardins d'agrément d’après l'étendue qu'ils comportent, en jardins fleuristes et en jardins paysagers. » « Le jardin fleuriste ou d'agrément proprement dit, est celui dans lequel la rareté et la beauté des végétaux qu'on y cultive, la variété et la recherche dans la dis- (1) Manuel théorique et pratique du jardinier. DES JARDINS. 27 position de cesvégétaux ; suppléent au peu d’étendue que ce jardin comporte. » M. Bailly intitule ensuite un chapitre II, du jar- din paysager et naturel, puis, sans en donner nulle raison , il place en tête de ce chapitre. 1° Le jardin sy- métrique ou français , « qui se distingue , dit-il, par son ordonnance régulière et jamais conforme à la nature : c'est l’art seul qui en fait les frais, et il se montre de tous côtés à découvert. De vastes allées droites, coupant des carrés ou des massifs, formant des quinconces ou des étoiles, des bosquets, des palissades, des arbres taillés régulièrement sous diverses formes, des terras- ses, des statues, des bassins toujours de forme régulière, le plus souvent entourés de marbre et ornés de jets d’eau , telles sont les parties dont se composent ces jar- dins. » 2° Le jardin italien, dont le caractère le plus distinc- üf, «est la prodigieuse quantité de monumens et de bâtimens de toute espèce qui y sont disséminés. Gra- dins, théâtres, cirques , amphithéâtres, bains, temples, monumens, statues antiques , y sont accumulés souvent avec profusion. » 3° Le jardin chinois , que cet auteur regarde « comme le type des jardins naturels et en même temps comme le plus haut degré de perfection auquel ils puissent at- icindre. » Îlen fait une assez longue description extraite de Chambers, et que nous donnerons aussi plus loin, lorsque nous parlerons de cet architecte anglais. 4° Enfin les jardins naturels ou paysagers, dits an- glais, d'ornement, de plaisance, modernes , pitto- resques , qui , selon lui, ne sont que des jardins chi- nois, mais qui ne sont pas arrivés à leur plus haut point de perfection, et.se bornent à profiter habilement de la disposition du sol, desaccidens du terrain, ainsi que des scènes que peuvent faire naître les plantations et les ac- cessoires d’un jardin. 26 DES JARDINS. En 1806, Morez publia une seconde édition de sa Théorie des Jardins, qu'il avait donnée au public en 1776. Dans cet ouvrage, plus poëtique qu’élémen- taire, plus plein de phrases que de principes, l’auteur ne s'occupe que des jardins de la nature ou paysagers et les divise en quatre genres. 1° Le parc; 2° le jardin proprement dit; 3° le pays ; 4° la ferme. Le parc a pour caractères la noblesse et la grandeur. Il lui faut un local étendu, divers tableaux et plusieurs scènes ; 1l admet de vastes pelouses, de grandes masses de bois, des eaux en grands volumes, ses tableaux veu- lent être. largement dessinés; les effets en doivent être grands et nobles. Le jardin proprement dit demande de la grâce et de l'élégance. « Plus ressérré dans ses limites et plus ré- servé dans ses effets, il se distingue par l’élégance, la fraicheur et la propreté ; il se prête aux détails; il se contente d’un petit nombre de scènes, mais il les veut voluptueuses et riantes. Il fuit les grands contrastes, les perspectives négligées , âpres ou sauvages, etc. » « Le pays s’approprie le pittoresque et la variété. Il admet toutes les scènes de la nature, quel qu’en soit le caractère ; il ne connait de limites que celles que pose la nature elle-même; il s'empare de tout ce que l'œil peut embrasser ; il n’a pas de point principal qui soit le centre de la composition et auquel elle se rapporte. Le manoir même du propriétaire n'est qu'un accident dans l’ensemble. Les aspects riants, les tableaux sombres, le cultivé, le sauvage, les scènes les plus vastes, les effets les plus hardis, les perspectives les plus pittoresques, sont de son ressort, etc. » « La ferme, dont le principal objet est l'économie et l'utilité, s’annoncera par son air champêtre et négligé. Sans prétention, sans art apparent, sans ornemens af- fectés, la ferme , ainsi que la naïve bergère qui Pha- bite, tire son plus grand charme de sa simplicité, Ge DES JARDINS. 29 genre de jardin admet plusieurs espèces; il recoit son caractère de celui de ses cultures et du site sur lequel il est assis; ses scènes , animées par le travail et le mouvement, enrichies par la variété des productions, peuvent être quelquefois rustiques mais jamais sau- vages, etc. » Dans son dernier chapitre, Morel semblerait recon- naître que le jardin paysager pourrait encore avoir d’au- tres caractères que les quatre qu'il lui assigne; et qu’on diviserait en poëtique , romanesque , pastoral et imi- tatif. « Dans le jardin poëtique, dit-il , on se propose de mettre en action quelques événemens des temps hé- roïques, quelques mystères du paganisme ; c’est dans la mythologie, dans les fables anciennes qu'on va chercher les sujets; mais pour réaliser ces fictions qui n'ont point de modèles dans la réalité, pour leur don- ner de l'existence, l'artiste s’en fait, d’anrès son imagi- nation, un tableau à son gré; en conséquence il se fi- gure des sites analogues aux scènes qu'il prétend repré- senter; il transporte le spectateur au loin et dans les siècles reculés; il l'envoie en Égypte, en Grèce, dans l’ancienne Rome ; pour produire cette illusion, il élève des temples, des gymnases ; il plante des bois sacrés ; il les peuple de divinités. » « Le romanesque est une autre espèce de jardin qui a pour objet de réaliser tout ce qu’il est possible à l’ima- gination d'enfanter.… Dans l’immensité de sujets qu'il a le pouvoir d’embrasser, il comprend non-seulement les événemens les plus extraordinaires, mais les enchante- mens , les rêves de la féerie, les prodiges de la magie. 11 faudra pour de tels jardins trouver des sites singuliers, dont le caractère se prête à la scène, des déserts, des antres, des cavernes souterraines, de vieux donjons asiles des follets; de brillans palais, séjour des fées ; enfin il faudra des sites qu’on ne voit nulle part, et qu’on ne rencontre Jamais. » 30 DES JARDINS. « Le jardin pastoral paraît au premier coup d'œil tenir de plus près que les autres à celui de la nature, puis- qu'il ne suppose que des scènes champêtres ; il a pour objet de rappeler ces temps où les hommes, ne connais - sant d'occupation que celle de la garde de leurs trou- peaux, n'ayant d'asile que les champs, vivaient dis- persés dañs les campagnes sous d’heureux climats. Quoique la scène soit un site champêtre , elle ne saurait peindre le genre pastoral si elle n’est peuplée de bergers, de bergères et de troupeaux; ce sont eux qui la carac- térisent : sans eux le site Le plus champêtre, d’après les idées qu’on s’est formées de ce genre, n’aurait rien de pas- ioral. Il faut donc avoir recours aux statues et faire in- tervenir des acteurs. » « Le genre imitatif est restreint aux imitations des sites étrangers aux nôtres. Quelques artistes et quelques amateurs ont imaginé de transporter sur leur terrain les accidens et les bâtimens des pays éloignés. Veulent-ils supposer le spectateur en Égypte, en Turquie, ils élè- vent des pyramides; s'ils font un lac, c’est le lac Mœris; s’ils ont une rivière, elle sera, comme le Nil, séparée en trois branches, et formera le Delta : ils la voudraient peupler de crocodiles, d’hippopotames. Veulentls trans- porter le promeneur à 1x Chine, ils construisent des tours de porcelaines, des kiosques, des pagodes; les ponts, les barques, les barrières sont soumis aux formes chinoises. » Rendons justice à Morel; s’il cite ces quatre derniers genres, c’est plutôt pour en faire la critique que pour les recommander. S'il se fût moins livré à la métaphy- sique de son art; si, au lieu d'écrire en poëte, il eût serré son style et se fût particulièrement appliqué à donner des règles claires, faciles dans application, son livre , moins volumineux, serait le meilleur que l’on eût fait sur cette matière. Wareser, assez bon peintre, membre de l’Académie DES JARDINS. 31 francaise, auteur d’un dictionnaire de peinture très- estimé, a publié une petite brochure sous le titre d'Essai sur les Jardins. Il divise les jardins d'agrément en ferme ornée, dont il fait un tableau riant et gracieux , mais dans lequel il oublie complètement ce qui constitue par-dessus Lout le genre, c'est-à-dire, les cultures. Il assigne à la ferme ornée deux caractères différens, le champétre et le pastoral. Viennent ensuite le parc ancien et le parc moderne. Le premier est formé des jardins symétriques, tels que les Kent et les Lenôtre les ont dessinés; le second n’est rien autre chose que ce que l’on appelle jardin anglais. À ce dernier s'appliquent les trois caractères qu’il nomme poétique , romanesque et pittoresque; puis il subdivise le pittoresque en noble, rustique, agréable, sérieux, triste, magnifique, terrible, voluptueux. Il décrit ensuite ce qu’il appelle les jardins de plai- sance, puis les jardins chinois. Watelet, en écrivant cét ouvrage charmant , s’est montré peintre, poêle, et plus encore philosophe, mais pas du tout jardinier. Il manque à ses tableaux de genres, pleinsde fraîcheur et de coloris , d'observations fines et piquantes sur le cœur humain, sur les douceurs dela vie champêtre; il leur man- que un point essentiel : c’est d’être définis d’une manière assez rigoureuse pour être compris, et, dans le cas en- core où ils le seraient, de pouvoir être mis en pratique. Les Anglais comptent comme nous plusieurs auteurs _qui ont écrit sur l’art des jardins et sur leur distribution en genres et en espèces. Wazpore, dans son Æssai sur l'art des Jardins modernes (1), après avoir épanché sa bile sur les jardins symétriques qu'il déteste, divise le jardin paysager en jardin-parc, ferme ornée, et forét ou jardin agreste. WU ne définit pas les trois genres, (1) An Essay on the Art of modern gardens. 32 DES JARDINS. mais il cite leurs inventeurs, et donne un exemple de chacun. Kent, dit-il, est l'inventeur du premier, dont il cite les jardins de Kinsington pour exemple; Philip Southcote a créé le second à Woburn, et le troisième sur la côte de Pain’s hill. Du reste l'ouvrage de cet Anglais est fort intéressant, parce qu'il est écrit par un homme qui connaissait par- faitement l'antiquité, et qui tire parti de ses connais- sances, si ce n’est en jardinier, au moins en historien agréable et piquant. Warezy a publié à Londres un des meilleurs ouvrages que l’on ait écrit sur cette malière (1), quoique ses sous- divi$ions soient établies sur des caractères peut-être én- core plus fugitifs qu'aucuns de ceux dont nous avons déjà parlé. Il divise les jardins en quatre genres, qui sont : la ferme, le jardin, le parc, la carrière, aux- quels il assigne à peu près les mêmes caractères que Morel, à cette diflérence près que sa carriere, dont Morel ne fait qu'une dépendance du parc, est, chez l'Anglais, ce que le premier appelle le pays. Les pre- miers agrémens de la carrière sont, comme on peut facilement le deviner, les rochers ; mais il leur assigne des caractères assez difliciles à comprendre ; ils doivent être majestueux, terribles ou merveilleux. Quant au pare, les eaux en augmenteront beaucoup le mérite, qu'elles aient le caractère tranquille, murmurant , mugissant, etc. Le Jardin ne peut être réellement agréable qu’autant qu'il aura un de ces trois caractères : emblématique, imitatif ou original. Crawsers , architecte anglais , plus homme de lettres que jardinier, a donné au public une dissertation sur les jardins de l'Orient (2), dans laquelle il prescrit des règles fort amusantes, mais qui certes ne sont pas des (1) The Art of modern gardens. (2) Dissertation on the orient’s gardening. DES JARDINS. ‘33 règles de bon goût. En lisant son ouvrage original , on ne sait si l’on doit plus s'étonner du dérèglement d'ima- gination de l’auteur , que de la hardiesse avec laquelle il donne pour des réalités un roman évidemment de son invention. Il ne connaît que trois espèces de jardins: r° Le symé- trique , qu'il ne peut supporter ; 2° le jardin anglais, qu'il trouve trop simple « par la raison , dit-il, qu'il est abandonné aux jardiniers- potagers, fort experts sans doute dans la culture des salades, mais trop peu versés dans les principes du jardinage de décoration; » 3° Le jardin chinois, devant lequel il s’extasie, sans doute « parce que les jardiniers de ce pays sont non-seulement botanistes, mais encore peintres et philosophes; ils ont une connaissance profonde du cœur humain et des arts par lesquels on excite ses plus vives sensations. » Il décrit trois genres de jardins chinois, l’agréable, le terrible, et le surprenant , tous plus ridicules les uns que les autres. Nous sommes assurés d’amuser le lec- teur en lui donnant un échantillon de son genre terrible, extrait du 7raité de la composition et de l’ornement des jardins , par M. Boitard. « Il se compose , dit Chambers, de sombres forêts, « de vallées profondes, inaccessibles aux rayons du so- « leil; de rochers arides prêts à s’écrouler; de noires « cavernes, et de cataractes impétueuses qui se précipi- « tent de toutes les parties des montagnes. Les arbres « ont uneforme hideuse; on les a forcés de quitter leur « direction naturelle, et ils paraissent déchirés par l'effort « des tempêtes; les uns sont renversés : ils arrêtent le «cours des torrens; vous voyez que les autres ont été « noircis et fracassés par la foudre. Les bâtimens sont en « ruines, ou à demi consumés par le feu, ou emportés « par la fureur des eaux. Rien d’entier ne subsiste, sinon &« quelques chétives cabanes dispersées dans les monta- « gues, qui ne vous apprennent l'existence des habitans, r, 3 34 DES JARDINS. « que pour vous montrer leur misère, Les chauve-souris, «les vautours , et tous les oiseaux de rapine, voltigent « dans les halliers. Les loups, les tigres, les jackals hur- « lent dans les forêts ; des animaux affamés sont errans « dans les plaines; du milieu des routes on voit des gibets, « des croix , des roues, et tout l'appareil de la torture : «et dans les plus aflreux enfoncemens des bois , où les « chemins sont raboteux et couverts d'herbes nuisibles , « où chaque objet porteles marques de la dépopulation , «vous trouverez des temples dédiés à la vengeance et à « la mort; des cavernes profondes dans les rochers ; des « descentes qui, à travers les broussailles et les ronces, « conduisent à des habitations souterraines. Près de là «sont placés des piliers de pierre, avec les tristes des- « criptions d'événemens tragiques , el l'horrible récit des « cruaulés sans nombre commises dans ces lieux mêmes « par les proscrits et les brigands des anciens temps ; et, « pour ajouter à la sublime horreur de ces tableaux , des « cavités pratiquées au sommet des plus hautes monta- « gnes, recèlent quelquefois des fonderies, des fours à « chaux, et des verreries , d’où s’élancent d'immenses « tourbillons de flammes et des flots continuels d'une « épaisse fumée , qui donnent à ces montagnes l’appa- « rence de volcans. » Mais ce qu'il y a de plus singulier dans tout cela, c’est que Bailly , dont nous avons parlé plus haut, cite Cham- bers avec éloge, et donne ses descriptions comme des modèles à imiter. Nous allons à présent chercher la raison qui fait que sur tant d'auteurs il n'en existe pas deux qui aient été d'accord, surtout lorsqu'il s'agissait des jardins d’agré- ment, et particulièrement des jardins paysagers. Peut- être cette recherche nous conduira-t-elle à découvrir la vérité dans les principes de Part. La nature à créé des sites de différens caractères, qui produisent sur nous des sensations différentes, mais DES JARDINS. 35 toutes agréables. Chaque point de vue, chaque scène font maître dans le cœur une émotion; mais, comme ces scènes sont infiniment variées, les émotionsle sont aussi. Outre cela, les hommes ne sentent pas de la même ma- mère , parce que les sensations sont toujours soumises à une organisation particulière , à l'éducation et à l’habi- tude. Par exemple, un Parisien, peu accoutumé aux beautés sauvages de la nature, trouvera très-pittoresques einq ou six arbres maigres et chétifs , couvrant à peine de leur ombre un berceau de lilas et de syringas ; il n’en faudra pas plus pour faire éclore dans son âme les mêmes sensations que le campagnard éprouve à la vue d’une côte agreste couverte d'arbres majestueux et de retraites charmantes, impénétrables aux rayons du soleil ; voilà Fhabitude. Qu'un homme instruit et bien élevé se pro- mène avec son voisin sans Connaissances n1 éducation : la vue d’un peuplier , d’un chêne ou d’un laurier, rappel- lera au premier les travaux d’Hercule, la couronne civique d’un citoyen de l’antique Rome , ou les malheurs de Daphné ; l'enthousiasme s'emparera de son esprit, et le paysäge s'embellira à ses yeux de ces nobles et grands souvenirs. Le voisin, au contraire, calculera le nombre de planches que lui fonrnira le tronc du peuplier, la quan- tité d'écorce que le tanneur retirera du chêne, et peut- être dérobera-t-11 quelques feuilles du laurier pour les porter à sa cuisinière; voila l'éducation. Deux jeunes gens, l’un fort, robuste, vigoureusement organisé, l'autre faible, cacochyme , d’une complexion débile, partent ensemble pour visiter la Suisse. Les voilà arrivés près des glaciers aussi anciens que le monde ; là il faut abandonner et voiture et chevaux, il faut gravir à pieds les montagnes rudes et escarpées. À la vue de ces roes taillés à pic et s’élevant jusque dans les nues ; en enten- dant le plaintif murmure des vents agitant la cime des noires forêts de sapins ; en'traversant , sur un frêle pont de corde et de fagots , les profonds abimes au fond des- 36 DES JARDINS. quels se précipitent en mugissant les ondes écumantes d’un torrent, le premier sera saisi d’admiration , son es- prit s’échauffera d’un sublime enthousiasme; et, devenu poëte ou peintre pe inspiration , il MM LR sur la toile ou le papier les scènes terribles ou majestueuses qui rem- plissent son âme; le second, effrayé, fatigué , découragé, abandonnera son compagnon et reviendra en poste ad- mirer , beaucoup plus commodément , les grands acci- dens de la naturesur les décorations de l'Opéra : voilà les résultats de l’organisation. Les mêmes objets peuvent donc faire naître dans les hommes dessentimens tout-à-fait différens. Cecireconnu, il nous est on ne peut plus facile d'expliquer la grande dissidence d'opinion qui existe chez les auteurs qui ont voulu caractériser exclusivement chaque genre de jar- dins. Tous ont pris leurs sensations particulières pour des sensations générales et communes à tous les hommes ; ils ont étudié le nombre de ces sensations, les causes qui les ont produites; et, partant de ce faux principe, ils ont déterminé selon leur calcul le nombre des genres , et, selon les causes de sensations , ils ont établides prin- cipes pour les reproduire. En un mot leurs erreurs vien- nent de ce qu'ils ont pris des émotions pour des règles : de là sont nés leurs genres fantastique, merveilleux, romanesque , sylvestre, emblématique , ete. , etc. Il résulte de tout ce que nous venons de dire que nous rejetons, comme impraticables, une grande partie des genres établis par nos devanciers; et nous rejetons sur- tout ce prétendu principe par lequel ils font aux artistes une obligation de renfermer les cadres de leurs jardins dans la même unité d’action et de caractère qui enchaîne un poëte dramatique, où un auteur romancier. Nous croyons que tout l’art des jardins consiste dans Part de plaire, et que l’on aura atteint son but quand on aura produit des scènes agréables à tous, et intéressantes pour le plus grand pe DES JARDINS. 37 Nous avons visité, et en homme intéressé à tout voir et à bien voir, les jardins les plus fameux de la France , de l'Angleterre, de l'Écosse et de l'Allemagne ; nous pouvons assurer que nous y avons vu toujours des choses agréables et souvent même admirables, quoique nous n'ayons jamais pu exclusivement assigner à aucun les ca- ractères qui constituent la ferme, la carrière, le parc, le pays, ni même le pastoral, le romantique, etc. Nous croyons fermement que l’on peut faire un jardin enchanteur en réunissant dans une enceinte convenable toutes les scènes dont les auteurs ont fait leurs genres exclusifs, pourvu néanmoins que les transitions , pour passer de l’une à l’autre , ne soient pas trop brusques, et qu'elles aient été ménagées avec art; pourvu que le goût ait présidé à leurs compositions et que l'artiste ait scru- puleusement observé toutes les convenances locales. Nous allons donner le tableau de nos divisions ; puis nous enseignerons à notre tour les principes qui doivent guider le jardinier ou l’architecte dans la formation de chacun de nos jardins. LES JARDINS SE DIVISENT EN: Marais. De primeur. Avec verger. Sans verger. POTAGERS» « » « « { POTAGERS-FRUITIERS. { 3 4 a. . gécole JARDINS D UTILITÉ. FRUITIERS. «+ «+ Verger: : 4 D’étude. PHARMACEUTIQUES. « D’usage. D’étude. BOTANIQUES* + + “| De naturalisation. Potager-fleuriste. MIXTES. Ain ete Nallin 04°» je, Le Sense Potager-orné. , | Public. SXMÉTRIQUES. « + +] Privé. . . . . . . f De palais. 4 , De ville. D AGREEMENT. . . . | Naturel. PAYSAGERS. « + » Orne 38 DES JARDINS. Nos divisions , Comme on voit, n’ont aucune préten- tion à l'innovation; nous les avons établies, non pas comme des théories lumineuses , enfans caressés d’une féconde imagination, mais comme le résultat de ce qui a été pratiqué jusqu’à ce jour. On ne verra pas figurer dans notre tableau les jardins fantastique, énigmati- que, merveilleux des auteurs; mais on pourra facile- ment y rapporter tous les genres de jardins qui existent sur le terrain. $ I. Des Jardins d'utilité. Nous donnons cette épithète à tous les jardins consa- crés uniquement à la culture des végétaux alimentaires, ou employés dans les arts et dans la médecine, ou enfin à ceux destinés à réunir des collections propres à fa- ciliter l'étude de la botanique, ou à tenter la naturalisa- tion des plantes exotiques. Les jardins d'utilité convien- nent particulièrement aux environs des grandes villes qui favorisent leur exploitation. 1°. Le jardin potager est celui dans lequél on cultive exclusivement les plantes herbacées dont les racines, les tiges, feuilles, fleurs, ou graines, sont d’usage pour la nourriture de l’homme. Sa formation, quant à sa dis- tribution , est la plus simple de toutes. Perdre le moins de terrain possible; consacrer à chaque végétal la por- tion du jardin la plus favorable à sa végétation , c’est-à- dire, les expositions chaudes ou sèches à celui qui aime la chaleur ou craint l'humidité, les places regardant le nord ou celles humides à celui qui aime la fraîcheur ou l’eau : tout se borne là. Mais s’il est facile d'établir ce jardin , qui ne demande pour toute condition qu’un bon terrain plus ou moins léger, mais substantiel, et une ex- position favorable , il n'en est pas de même pour sa cul- ture, si on attache de l'intérêt à la qualité et à la quan- tité de ses produits. DES JARDINS. 39 Les hommes ont le malheur de se blaser prompte- ment sur les jouissances faciles. Ils dédaignent les dons de la nature au moment où elle les leur présente pleins de qualités et de saveur, et ils payent au poids de or des productions éliolées , sans parfum et presque sans goût, mais qui ont à leurs yeux le précieux avantage d’être un résultat que l’art a dérobé à la nature pour satisfaire à la fois la gourmandise et l’ostentation. Les jardiniers ont profité de cette faiblesse des gens riches pour tirer un part plus lucratif de leurs jardins. De là s’est formé Part de forcer les plantes, c’est-à-dire, de leur faire produire leurs résultats alimentaires dans une autre saison que celle marquée par la nature. Les couches chaudes, sourdes, les cloches , les châssis, les serres vitrées et chauffées se sont emparées du potager, et l’on à eu des jardins de primeur, où se sont bientôt montrés les fruits que leur organisation semblait condamner à ne jamais müûrir que sous les influences brülantes du ciel du midi. Les légumes indigènes et rustiques, auxquels tout cet appareil de luxe est inutile , se sont trouvés relégués dans le marais destiné à Arte la table de l hbnste sobre et celle du pauvre ; mais aussi ils ont conservé leur saveur et leurs qualités sanitaires. ». Le potager- fruitier appartient moins au com- merce que le précédent. IL accompagne assez ordinai- rement l’habitation rurale du riche , etse trouve relégué dans un coin de terrain d’où sa vue ne puisse pas dé- truire leffet pittoresque d’un jardin anglais ou chinois : du moins c’est toujours ainsi que nous l'avons vu placé dans le domaine des gens qui, dans leurs parcs, pays ou carrière, courent après le romantique ei l’'allégo- rique. A est certam qu’un carré de choux n’a rien de romantique, et que, si on y cherche quelques allégories, on ne pourra trouver que des choses peu PA PEN car, en nous rappelant les peines et les sueurs qu’il en éañte pour procurer à notre faible humanité un des moins 4o DES JARDINS. importans de ses alimens, nous ferons sur nous-mêmes un retour qui ne sera rien moins que gracieux. Le pota- ger-fruitier réunit à la culture des plantes du potager celle des arbres dont les fruits parfumés et pleins d’une agréable saveur sont une des plus précieuses con- quêtes que l’art ait faites sur la nature sauvage des forêts, qui nous les ont d’abord offerts avec toute leur amer- tume et leur âpreté originaires. Ces arbres sont quelquefois réunis dans une partie du jardin entièrement consacrée à leur culture ; alors.le potager-fruitier est avec verger ; mais, si on les a dissé- minés dans les plates -bandes des carrés où l’on cultive des légumes, ou quand même ils seraient placés en quinconces de quenouilles, de pyramides ou de buissons dans quelques-uns de ces carrés, ils ne formeraient pas verger, et le jardin conserverait simplement son nom de potager-fruitier. Ces sortes de culture exigent un terrain aussi substantiel que les précédentes, mais plus fort et surtout plus profond. Le choix , les plantations et la conduite des arbres, surtout dans leurs premières nnées, demandent aussi, dans celui qui entreprend de former ce genre de jardin, des connaissances plus va- rices et plus approfondies en horticulture. 3. Le jardin fruitier peut être considéré.sous le rap- port de la science et sous celui du produit. Cultivé sous ce premier rapport, il prend le nom d'école; sous le second, il prend celui de verger. Une école du jardin fruitier peut se proposer deux buts : 1° de réunir dans un petit espace toutes les espèces et variétés, afin de juger par comparaison des qualités de chacune d'elles, des différences qui les ca- ractérisent , et de fixer une synonymie par le moyen de laquelle les espèces et variétés les meilleures puissent être connues et se répandre; 2° de réunir dans un espace plus grand toutes les espèces et variétés , afin d'étudier l’organisation, la physiologie, ou même, si DES JARDINS. 41 j'osais me servir de cette expression, le tempérament de chacune d'elles, les différences qui existent entre elles, et décider, au moyen de cette étude appro- fondie, le genre de culture qui leur convient le mieux ; c'est-à-dire, le sol , la température, la greffe , la taille et la forme les plus appropriés à leur nature, sous le triple rapport de la vigueur, du produit et de la longévité. L'école du jardin fruitier exige un sol riche et varié, ofirant dans un espace donné toutes les expositions possibles. Les plantations doivent se faire dans un ordre déterminé qui rapprochera, méthodiquement et par sé- ries (autant que la nature du terrain le permettra), les classes, les ordres , les familles, les genres, les espèces, les variétés et sous-variétés , selon qu'elles auront entre elles plus ou moins d’affinités. Dans notre jardin fruitier, formant la dernière partie de noire second volume , nous avons classé les arbres à fruits dans le même ordre mé- thodique que nous avons adopté pour notre école, comme étant celui qui nous a paru le plus naturel. Le verger, n'étant formé que pour le produit, veut un bon terrain, mais moins varié dans sa qualité et son exposition que pour l’école, parce qu'ici on a le choix des espèces, et qu’on peut les approprier au sol ; au lieu que dans l’autre c’est le sol qui doit être approprié aux espèces, puisqu'on n’a pas la faculté de les choisir. Nous aurions bien pu, comme M. Thouin, diviser notre ver- ger, en prenant en considération les différentes formes de tailles, en guenouilles, vases ou buissons, éven- tails ou espaliers ; mais l'expérience nous a trop appris que , pour adopter exclusivement un de ces genres, il faudrait renoncer à cultiver, ou au moins à voir pro- duire , une grande quantité d’arbres fruitiers, dont quel- * ques-uns même non-seulement se refusent à la taille en quenouille, comme par exemple tous les arbres à fruits à noyaux, mais encore à toute espèce de taille. Tous ceux dont les fleurs naissent au sommet des ra- 42. DES JARDINS. | meaux sont dans ce cas. Ce serait, à notre avis, une triste chose qu'un verger qui ne renfermerait que deux ou trois espèces de fruits. 4°. Le jardin pharmaceutique se divise naturelle- ment en jardin d’éfude et jardin d'usage. Le premier doit renfermer non-seulement les plantes dont les qua- lités salutaires sont reconnues, mais encore tous les végétaux formant la branche la plus considérable de la matière médicale: On doit même y trouverles plantes vénéneuses qui n'entrent dans la composition d’aueunmé- dicament, parceque l'étude des effets pernicieux qu'elles produisent est du ressort de la médecine légale. C’est là que les jeunes élèves iront acquérir les connaissances nécessaires pour empêcher les funestes quiproquo: qui peuvent sorlir de la boutique d’un herboriste ignorant. Hs étudieront le facies des plantes, afin de les recon- naître lors même que la dessiccation leur aura enlevé leurs caractères botaniques. Ils les étudieront sous les rapports de leurs formes, afin de les reconnaitre dans tous les lieux où ils pourraiént en avoir besoin , et sous celui de leur analyse chimique pour en faire toujours une heureuse application. Le jardin pharmaceutique d'étude n’exige pas un très-grand espace de terrain, parce que le nombre des plantes médicmales, quoique assez considérable, est cependant limité. Il est néces- saire qu'il y ait une pièce d’eau, afin d’y faire croître les nénuphar, ménianthe , iris, faux-acore, cresson et autres plantes aquatiques; tandis que la renouée bistorte, les menthes et les cardamines fleuriront sur ses bords marécageux. La nature et les expositions du sol doivént être extrêmement variées , quoiqu'il n’y ait pas nécessité que la terre y soit de première qualité. Les végétaux y seront classés méthodiquement, dans un ordre botanique ou dans celui de leurs propriétés. Le jardin pharmaceutique d'usage appartient plutôt à l’herboriste qu'à l’homme qui aime et cultivela science. DES JARDINS. 43 Son but est de multiplier le plus possible les plantes médicinales usuelles, afin de tirer parti de leur récolte. Aussi ne cultive-t-il guère que celles dont lusage est le plus répandu. Généralement, dans ces sortes de jardins, les plantes sont placées sans ordre dans les parties du terrain les plus favorables à leur végétation. L’art n'entre presque pour rien dans les jardins pharmaceutiques qui ne sont guère en convenance qu'avec les écoles de mé- decine et les hôpitaux. 5°. Le jardin botanique est entièrement consacré à la science. Nous le divisons en jardin d'étude botanique, et en jardin de naturalisation. Tous deux exigent un espace immense, toutes les natures de terrain, les ex- positions les plus varices , et la culture la plus savante comme Ja plus soignée. Quant à leur formation, elle peut être envisagée sous deux rapports, celui de la méthode, dans lequel les plantes seront placées selon la série de leurs aflinités physiologiques , et celui de Fagrément, dans lequel on les groupe de manière à produire un eflet agréable, sans cependant les confondre au point que les individus soient tout-à-fait isolés de la famille à laquelle ils appartiennent. Comme le jardin botaniqne renferme des végétaux de serre-chaude, d’orangerie, de pleine- terre’; des plantes qui se plaisent sur les rochers Les plus secs et les-plus arides, d’autres qui ne croissent que dans le séin des ondes : comme la mêmé famille renferme assez ordinairement des individus auxquels il faut appliquer tous les genres de cultures qu’exigent leurs diverses ha- bitudes,, l’ordre méthodique par séries entières est aussi difhcile que peu usité. Du reste, tous les prineipes d’'hor- ticulture que nous donnons dans cet ouvrage doivent être familiers au chef des travaux d’un semblable établis- semen£. : 44 DES JARDINS. S IT. Des Jardins mixtes. Nous renfermons dans cette division les jardins qui ont été formés avec l’intention de réunir l’utile à l’a- gréable dans un espace borné. Tels sont, pour la plu- part , les jardins qui accompagnent les maisons bour- geoises des heureux habitans de la campagne. Quelque- fois les carrés destinés à la culture des légumes utiles sont renfermés dans de larges plates-bandes où lœillet , la primevère , les juliennes, les giroflées et mille autres plantes toutes plus jolies les unes que les autres , recoi- vent les soins de l’amateur ; la sensitive, les gardénias ;- peut-être même le cafeyer et la canne à sucre, auront une place réservée dans la bâche des ananas; quelques bruyères, des amaryllis et des ixias disputeront un ou deux châssis aux melons et aux primeurs , tandis que la tulipe éclatante, la jacinthe à la douce odeur et les narcisses élégans, obtiendront une place dans la plate- bande exposée au midi, où le jardinier fait les semis de plantes moins séduisantes, mais plus utiles. Là tout est mélangé : le rosier croît entre le groseillier et Pépi- ne-vinette ; le jasmin tapisse les murailles entre le pêcher et l’abricotier , tandis que la bignone grimpante entre- lace ses rameaux fleuris autour des pampres de la vigne. Tels sont les jardins que nous nommons potagers-fleu- ristes : la régularité les caractérise. Mais, si un homme de goût veut tirer d’un espace borné toute la somme d'agrément qu'il peut produire, la partie potagère de son jardin deviendra la moins essentielle , et son étendue sera restreinte et calculée juste sur les besoins de sa famille. Le reste du petit clos se dessinera avec grâce en parterres réguliers, ou se divisera em massifs, en bosquets, en tapis de gazon émaillés de fleurs se succédant sans interruption toute l’année. L'ordre, l'élégance, et surtout une extrême propreté DES SARDINS. #°N 46 sont ici de rigueur. Les côtés et le fond , s'ils sont fermés par des murs, seront masqués par des palissades d'arbres verts ou par des arbustes grimpans ; si étendue de votre terrain vous permet quelques bosquets, que la hauteur desarbrisseaux soit calculée sur cette étendue; évitez de planter des arbres que vous serez contraint d’arracher avant qu'ils aient pris la moitié de leur accroissement , sous peine de les voir écraser de leur ombre votre jardin tout entier, qui, d'autre part, en paraîtrait beaucoup plus petit. Que vos fleurs soient mélangées avec art, selon leurs différentes nuances, dans la platetbande de terre de bruyère, dans la corbeille ou le massif ; surtout que les plus basses soient sur le premier rang , les moyennes sur le second , les hautes sur le troisième, et ainsi de suite, de manière à ce qu’elles ne se masquent pas les unes et les autres. Que les premiers plans du jardin soient ornés par les arbrisseaux et les plantes rares cul- tivés en caisses et en pots; que l’orangerie ou la serre tempérée, destinée à les abriter des rigueurs de l'hiver, soient les seules fabriques qui osent s’y montrer. Cepen- dant ce jardin est très-propre à recevoir des ornemens, mais ils doivent être choisis avec goût et conserver les convenances avec le local, et principalement avec l’ar- chitecture plus ou moins élégante de la partie de l’habi- tation faisant face au jardin. Les bancs de gazon, les salles de verdure , les berceaux de treillages artistement entrelacés, conviennent dans tous les cas; mais encore faut-il que leurs places soient choisies avec discerne- ment. Ces sortes de repos ne sont bien placés que dans les endroits qui offrent un point de vue intéressant , soit sur le jardin ou au dehors, ou dans un lieu solitaire et reliré , consacré à la lecture et à la méditation. L'eau, agréable partout, peut ici produire un effet charmant si elle ne s’y montre pas avec des prétentions ambitieuses. Point de lac, de rivière, de torrent ni de cascade, mais simplement un bassin régulier, orné sur ses bords de \ 46 DES JARDINS. quelques saules pleureurs, et, dans le milieu, d'un vase, d’une coquille, ou d’une figure jetant de l’eau. Tels sont les caractères que nous assignons au pola- ger-orné, le plus commun, et peut-être le plus sage des M us privés. S HT. Des Jardins d'agrément. Comme les auteurs qui ont écrit avant nous sur ce sujet, nous comprenons sous_ce litre tous les jardins qui« n'offrent aucun but d'utilité réelle, au moins sous les rapports des produits alimentaires et de l’étude des sciences naturelles; car les jardins publics contribuent à entretenir la salubrité de l'air dans les grandes wil- les (1), et fournissent en outre , aux habitans , des lieux de promenades aussi agréables que nécessaires à la santé, Nous les avons distingués en symétriques et paysagers ; il nous reste à établir leurs subdivisions , et à esquisser les caractères essentiels qui constituent chaque genre. 1°. Les jardins symétriques ou français ont com- mencé à orner les palais pendant le siècle de Louis XIV. Lenôtre fut le fondateur de cegenre, dont Leblond , son élève, nous a laissé une savante théorie. Bientôt les simples châteaux ont voulu avoir aussi leur jardin fran- cais; puis on à cherché à en tirer parti pour la décoration (r) Les arbres surtout contribuent beaucoup à entretenir la pureté de Pair , ou, pour parler avec plus de justesse, à le rendre plus propre à la respiration. L'air respirable, destiné à entretenir la viechez lhômme ct les animaux, a pour base principale loxigène. L'air que les végétaux aspirent pour entretenir leur végétation est le carbone. Tout animal, plongé dans de l'air privé d’oxigène, mourra subitement asphixié; tout végétal, plongé dans une atmosphère privée de carbone, languira d’a- bord et finira par périr. L’homme renvoie après chaqueaspiration une assez grande quantité de carbone dont les poumons se débarrassent et que les arbres s’approprient; ceux-ci exhalent , pendant la nuit , une quantilé considérable d’oxigène qui, se mêlant à la masse de Pair , la rend plus propre à la respiration. DES JARDINS. 47 des habitations de la ville, et enfin les promenades pu- bliques se sont métamorphosées en jardins symétriques. Il est résulté de là deux genres différens que nous avons nommés jardins symétriques publics, et jardins symé- triques privés. Le jardin public cst ordinairement sans clôtures; il est ouvert tous les jours, à toute heure , à tout le monde; enfin ce n’est rien autre chose qu'une promenade pu- blique, qui, au lieu de consister simplement en quel- - ques rangées d'arbres, a été embellie par des quinconces, des gazons, des statues, ou des monumens. Plusieurs villes nous en offrent d'assez beaux modèles; mais les Champs-Élysées à Paris sont peut-être ce qui existe de mieux dans ce genre. Le jardin symétrique privé prend quelquefois le nom de jardin public, quoiqu'il ne le ‘soit que par to- lérance; ceux des Tuileries et du Luxembourg en sont des modèles superbes. « Lorsque vous aurez à Said des jardins pour l'embellissement d’un palais ou d’un chi- teau pour lequel un architecte aura déjà employé toute la richesse , toute l'élégance de son art , c’est alors que vous oublierez les beautés pittoresques mais simpies du paysage, pour vous élever à des conceptions moins gracieuses peut-être, mais pleines de grandeur et de noblesse. C’est alors que vous déploierez toutes les ressources de votre génie pour élever ces terrasses majestueuses où les orangers, les myrtes, les grena- diers s’étonnent de fleurir et de prospérer loin de leur pays natal; d'immenses parterres réguliers brilleront . de tout l'éclat dont la nature a paré les fleurs les plus belies, apportées à grands frais des quatre parties du monde ; ils orneront le devant des serres chaudes où l'art est venu à bout de renfermer et de multiplier les plantes rares et curieuses que leur organisation semblait condamner à n’épanouir leurs brillantes corolles , à ne mûrir leurs fruits délicieux que sous les rayons enflam- 48 DES JARDINS. mcs du soleil de la zone torride. C’est dans ces lieux que tous les prestiges d’un art magique doivent se déployer. Les ondes ne rouleront plus en murmurant sur le sable argenté de la prairie ; prisonnières dans des tuyaux d’ai- rain , elles s’en échapperont en mugissant; s’élanceront jusque près de la nue en colonnes éblouissantes, ou jail- liront de la gueule des dauphins , de la conque dutri- ton, pour retomber en Jets, en nappes argentées,, en génie de mille formes diflérentes, dans des bassins de rasé ou de granit. Ces bassins, de forme élégante et. géométrique , que le génie di sculpteur ornera de naïades et de néréides, ne seront pes peuplés par la truite rougeûtre et lécrevisse à Ja marche insidieuse : le poisson doré et argenté de la Chine montrera ses écailles brillantes à travers le cristal des eaux ; le ca- nard, la sarcelle et la poule d’eau n’en rideront pas la surface, mais le cygne majestueux , au plumage blane comme de la neige, y nagera avec grâce. Là des avenues de tilleuls , de platanes ou de marronniers d'Inde , s'é- tendront à perte de vue, des quinconces magnifiques, des voûtes de verdure, des allées couvertes, protége- ront de leur ombre les chefs-d'œuvre des Phidias anciens et modernes. Si quelques fabriques trouvent place dans ces lieux, où tout doit respirer la richesse et la magni- ficence , ce ne seront plus les châlets rustiques où les ermitages pittoresques. Des temples de marbre, des pa- villons d'une architecture légère et savante , voilà les seules fabriques qui puissent convenir à ce genre, dont le luxe dans les monumens fait un des principaux carac- ières. Tels sont les jardins propres à la décoration des palais ou des grands châteaux. » Mais il est encore un genre de jardins symétriques des- tinés plus pertinent à orner les hôtels habités par les gens riches que leurs occupations ou leurs habitudes retiennent continuellement à la ville. Ceux-là, bornés à une petite étendue, ne peuvent afficher le même luxe DES JARDINS. 49 que ceux que nous venons de décrire; vous chercherez dans leur distribution plus de grâce que de majesté, plus d'élégance que de noblesse ; enfin dans leurs ornemens vous vous attacherez plus au bon goût qu’à la richesse : une grande propreté, un entretien soigné, des allées bien sablées, des palissades de verdure régulièrement tail- lées et masquant les murailles , quelques pelouses, peu de bosquets , quelques vases, peu de statues et sculptées dans des proportions moindres que la nature; pas le plus léger vestige de montagnes, de rochers, de rivières, ni de fabriques, mais des parterres bien dessinés et en- richis des fleurs les plus brillantes dans toutes les sai- sons, "tels sont les caractères qui nous paraissent devoir constituer ce genre de jardin. Un emplacement d’un demi-arpent, ou même beaucoup plus grand, entouré de quatre murailles resserrées elles-mêmes par les mai- sons de quatre rues, ne doit jamais être dessiné qu’en jardin symétrique. Si vous avez la prétention, malheu- reusement trop commune, de vouloir y transplanter une seule scène de paysage dont le fond pittoresque, formant perspective, sera quelque vieille muraille bien noire, bien enfumée, des toits et des cheminées, malgré tout l'art que vous pourrez y mettre, vous n'aurez fait qu'un objet ridicule inspirant le rire de la pitié. 2°, Le jardin paysager, ou paysagiste, est sans con- tredit le plus agréable de tous quand un goût pur l'a tracé, et surtout quand les convenances locales et autres ont été scrupuleusement observées. Ici une grande que- relle s’est élevée entreles auteurs qui tous en leur particu- lier ont exclusivement ce qu'ils appellent le bon goût. Les uns ont dit : Un jardin paysager ne sera vraiment agré:- ble et de bon goût que lorsque la nature seule aura fait tous les frais de ses ornemens; nous ne voulons, disent- ils, que des bois, des forêts, des montagnes, des ro- chers, des rivières, des fleuves, des torrens, des grottes etdes cavernes, parce que c’est notre goût, qui certaine- 1. 4 5o DES JARDINS. ment est le bon goût. Enthousiastes de ce qu’ils appellent la belle nature, ils ont rejeté de leurs jardins tout ce qui en faisait autrefois le charme et la richesse; ils ne par- donnent pas à Delille d'aimer les statues, les vases, les bronzes, le marbre; d’avoir vanté en vers pompeux les jets d’eau, les cascades artificielles, qu’ils appellent de fastidieux efforts de l’art. « Comment, disent-ils, le « chantre des jardins va-t-il prodiguer son encens au « genre fastidieux des jardins de l’art, leur plus grand « ennemi (des charmes de la nature), usurpateur 1n- « signe qui, après avoir chassé la nature de son do- « maine, a eu l'audace de se mettre à sa place? » Ils lui reprochent surtout d'admettre les urnes, les tombeaux , les temples, les églises ; de proposer des ruines, un fort , une abbaye antique ; de conseiller une cabane de pêcheur, et même une serre chaude, qui, assurent-ils, n’a jamais prétendu à l'honneur de faire fabrique. Les autres, au contraire, veulent entasser fabriques sur fa- briques, et renfermer dans un espace de deux cents pas des salles de danses et des tombeaux, des ruines et destemples, deschaumières et des glacières, etc., etc. Mais tous s'entendent assez bien relativement à la haine qu'ils portent à la symétrie. Ils ne peuvent souffrir une avenue, un quinconce, un parterre tracé géométrique- ment , enfin tout ce qui sent l’ordre et l’arrangement. Aussi ne trouvent-ils rien que de monotone et d’insigni- fiant dans nos jardins publics tels que ceux des Tuile- ries et du Luxembourg, et ils ne font pas plus de grâce à ceux de Versailles. Nous ne pensons pas plus comme eux , sur cette ma- tière, que quand il s’agit de leurs genres exclusifs; mais seulement nous adoptons deux divisions de jardins pay- sagers. Le premier sera le jardin paysager naturel, qui répondra au parc , à la carrière, et au pays de Morel et de Wately ; le second, sous le nom de jardin paysa- giste orné, offrira les jardins anglais, chinois, ou la 1 DES JARDINS. Si ferme ornée des auteurs, selon qu’on y placera plus ou moins de fabriques, dont le but sera seulement l’orne- ment, ou l’ornement et l’utile. Le Géddiu paysager naturel appartient tout entier à Ja nature, et l’art, qui doit ne jamais y paraître , ne sera employé qu’à en faire ressortir davantage les accidens pit- toresques. Îl exige un emplacement extrémementgrand, offrant les sites et les points de vue les plus agréables et lesplus variés ; il admettousles genres de scènes naturel- les, tels que les sombres forêts, les coteaux rians et cou- verts de vignobles, les rochers sauvages , les montagnes, les profondes vallées, les eaux sous soutés leurs formes, ruisseaux, rivières, torrens, cascades, cataractes, étangs, lacs , ete. ; maisil doit toujours les présenter ane point de vue le plus piquant et le plus original, et c’est là le travail de artiste. Ménager ses plans, ses perspectives, de manière à renforcer le caractère de chaque scène ; embellir la nature sans la changer; profiter de toutes les circonstances locales ; en créer d’accidentelles pour produire des effets agréables et variés, telles sont les rè- gles qui doivent diriger dans la formation du jardin naturel. : Le jardin paysagiste-orné exige moins d’étendue, mais plus encore de variété dans le site, si l’on doit y placer des fabriques de différens caractères. Du reste , il demande les mêmes conditions que le précédent, et de plus unestricte convenance morale dans les scènes qui se présentent sous le même point de vue. L’art de créer un jardin paysagiste -orné , agréable, gît tout dans l’ar- rangement et la composition des tableaux dont il est composé, dans les contrastes doux et bien amenés de chaque scène, et surtout dans la manière ne dont elles seront caractérisées. Les jardins paysagers, naturels ou ornés, se compo- sent, comme on le voit, de différentes scènes ou tableaux dont chacun a son caracttre saïllant et particulier. Les 52 DES JARDINS. auteurs, voulant un seul genre, dans leur cadre, c'est-à- dire, un seul caractère, une unité d’action, sont partis de ce point pour établirleurs divisions de jardins de genres , en majestueux, terrible, pittoresque, rustique, cham- pétre , tranquille , riant, mélancolique , ete. En reje- tant toutes ces divisions quant aux genres, nous les adoptons, et mille autres encore dont ils n’ont pas parlé résultant de différens mélanges de celles-ci, mais seu- lement comme caractères de scènes partielles, qui toutes peuvent également trouver place dans le même jardin. Nous allons décrire les principales, et ce sera, je crois, la meilleure méthode de faire concevoir parfaitement les principes que l’on doit suivre dans la formation des jar- dins paysagers. Scènes majestueuses. La nature seule les compose. Fout ce qui est noble et grand, ce qui nous inspire un sentiment élevé d’admiration et d'enthousiasme , voilà ce qui constitue le majestueux. Une silencieuse forêt dans laquelle des arbres aussi vieux que le monde balanceront leur tête élevée jusque près de la nue, et formeront des voûtes épaisses d’une verdure impénétrable aux rayons du soleil ; des lacs d’une étendue considérable, reflétant sur le cristal de leurs eaux la voûte azurée des cieux, et l’image renversée des futaies couronnant les coteaux qui forment le fond du tableau ; une rivière large et tranquille promenant ses eaux profondes au milieu d’une vaste prairie, ou se précipitant en cataracte sur toutesa largeur; un point de vue géographique, si je puis me servir de cette expression , nous montrant, au bout d'un immense horizon, une des principales chaînes de monta- gnes qui partagent les provinces, limitent des royaumes, ou égarant notre œil sur l'immensité des mers, voilà des tableaux majestueux. Aucune fabrique ne peut figurer que d’une manière mesquine dans de semblables ta- bleaux. Scènes terribles. Comme pour le majestueux , la na- DES JARDINS. 53 ture en fait tous les frais. Les scènes en sont grandes et quelquefois sublimes. C’est surtout dans les montagnes de la Suisse, de la Savoie et du Puy-de-Dôme que l’ar- uste ira les étudier. Là ce sont des montagnes escarpées dont les flancs déchirés sont quelquefois entr’ouverts en larges précipices , dont on n'ose sonder la profondeur sans frémir ; leur cime est hérissée de rochers taillés à pic et formant une barrière insurmontable du haut de la- quelle le vautour affamé brave la balle meurtrière du chasseur. Les vents mugissent à travers le feuillage noi- râtre des sapins qui ombragent leur base, et marquent l'entrée d’uneprofonde caverne (1). « Le curieux, assez « hardi pour pénétrer dans les entrailles de la terre, « confiera son existence à la bonne foi d’un guide qui « Jui est inconnu ; et celui-ci, muni d’une torche rési- « neuse dont la lumière sinistre se reflète sur les angles « saillans des rochers, conduira ses pas mal assurés à « travers le labyrinthe des voûtes sombres et humides « que la nature s'est plu à décorer de brillantes sta- « lactites, affectant les formesles plus bizarres.» Plusloin, un torrent impétueux roulera , en mugissant, ses ondes noirâtres de précipice en précipice , un frêle pont sus- pendu par des cordes offrira le seul moyen de franchir ces dangereux abimes, où l’eau s’engouffre en formant d’épouvantables tourbillons. Il serait inutile de pousser plus loin la description de ces tableaux ; seulement nous recommanderons à l'artiste auquel une heureuse localité permettrait de s’en servir, de ne pas faire comme Chambers. Point de loups effrayans, point de plantes vénéneuses, encore moins de spectacles dégoûtans tels, que ses potences et ses roues; que la femme la plus ti- mide puisse parcourir le paysage sans éprouver la moin- (1) Extrait du Traité sur la composition et l’ornement des jardins , par M. Boitard, comme tous les morceaux de ce chapitre resserrés entre deux guillemets. 54 DES JARDINS. dre crainte. De la surprise et de l’admiration , voilà ce que doivent inspirer ces scènes , que du reste on ne doit pas beaucoup multiplier si on veut qu’elles ne devien- nent pas fatigantes. Scènes pittoresques. À la rigueur, le pittoresque peut appartenir à toutes les scènes; mais comme les auteurs n'ont pas donné à ce mot sa signification tout-à-fait vraie, pour nous conformer à leur pensée , nous en don- nerons les caractères tels qu'ils les ont concus. Ce qui pour eux constitue le pittoresque, est l'originalité du site, du point de vue, d’une fabrique, ou simplement d’un accident. « Quelquefois un arbre isolé, jeté par le « hasard au milieu d’une clairière, produira un effet pit- « toresque, sans que l’on puisse en assigner précisément « la cause. Un pont rustique, un kiosque, une rocaille, « le feuillage blanchâtre d’un peuplier se dessinant sur « le flanc rembruni d’un rocher, une simple guirlande « de lierre tapissant le tronc d’un vieux chêne ou pen- « dant avec grâce de ses branches, un buisson , un câ- « prier étendant ses rameaux et développant ses fleurs « d’un blanc de neige au sommet d’une ruine couverte « de mousse et de lichens; tous ces objets peuvent êtré « très-pittoresques, surtout quand Part ne peut y être « soupconné. » Un écucil qu’il faut éviter lorsque l’on veut produire le pittoresque, c’est de tomber dans le bizarre en cherchant l'original. Ce n’est qu'après avoir observé beaucoup la nature, après lavoir long-temps méditée, que l’on peut se promettre de reproduire avec succès dans nos jardins les scènes de ce genre dontelle est d'ailleurs si peu avare. Scènes rustiques. Celles-ci sont principalement ca- ractérisées par les fabriques. Avant que les hommes aient perfectionné les arts, lorsque manquant d'expérience et d’instrumens ils construisaient grossièrement leurs habi- tations , et employaient pour cela les matériaux bruts, tels que la nature les leur présentait, ils ne pouvaient ni DES JARDINS. 55 exceuter ni même concevoir le beau; la solidité seule était objet de leur sollicitude. Les fabriques rustiques doivent avoir les mêmes caractères que nous supposons. à ces premiers essais de l’industrie humaine. Cependant, en cherchant comme eux le solide, il faut prendre garde à faire lourd ; car ce genre peut avoir une élégance de forme d'autant plus agréable qu'elle est plus rare et sup- pose des combinaisons plus difliciles. « Le rustique ne « se compose pas seulement de fabriques, il faut que le « style ait avec elles ses convenances; peu d’accidens « dans le terrain, point d’ambition dans les plantations ; « que tout ait l'air d’être là pour l’utile. Ce ne sera plus « le ginkgo exotique, dont le feuillage ombragera le « toit de chaume ; la bignone ne grimpera pas autour « des piliers de la construction, mais le poirier croîtra « devant sa porte , et le pampre de la vigne entourera « ses fenêtres , et tapissera les murailles de sa riante ver- « dure. I] faut encore auimer le tableau pour donner « à ce genre toutes ses convenances. On aime à voir la « chèvre agile grimper avec adresse l’escalier raide et « tournant qui la conduit jusqu’au dernier étage d’un « pavillon dont elle habite le sommet, tandis que la « poule ou le faisan occupent le premier, et que la « douce brebis allaite ses agneaux au rez-de-chaussée. « Les scènes rustiques sont d'autant plus faciles à animer, « qu'on peut, sans manquer aux Convenances , les iso- « ler, pour ainsi dire, par le moyen de palissades, de « barrières, ou de treillages artistement entrelacés, et « en former ainsi de petits parcs, très-propres au loge- « ment des animaux domestiques. » Le Jardin du Roi, à Paris, offre de charmans modèles des différentes cons- tructions de ce genre , et de la manière dont on peut les utiliser. Scènes champêtres. Elles veulent du mouvement. II faut que les vastes cultures, les gras pâturages et les prai- ries qui les composent , soient animés par la présence des 56 DES JARDINS. hommes et des animaux ; il faut entendre le chant joyeux du pâtre conduisant son troupeau, les bêlemens de la brebis, et les mugissemens du taureau. Il faut que l'ad- miration se partage entre la beauté du point de vue et la belle culture du vignoble riant qui s'élève à mi-côte, et se confond dans la perspective avec les bois et les bo- cages formant le cadre du tableau. « Éloignez de ces « scènes tout ce qui sent le luxe et l'affectation; point « de temples, d’obélisques ; point d’ermitage, de rochers « ni de grottes; la première et même la seule fabrique « que le goût vous permette, c'est la ferme ornée; en- « core faut-il que ces ornemens appartiennent au carac- « tère de la composition. N’ailez pas, comme ont fait « quelques Anglais , masquer votre bâtiment rural « par la voûte gothique d’une église tombée en ruine ; « que vos poules ne soient pas logées dans une chapelle, « vos pigeons dans un clocher, et vos bœufs dans une « sacristie. Ces contrastes puérils annoncent un absolu « manque de goût et une imagination déréglée. Les « habitations des hommes et des animaux doivent être « d’une architecture simple, villageoise, si on peut se « servir de cette expression, mais élégante, et, pardessus « Lout, commode. Chaque bâtiment doit être rigoureu- « sement approprié à l'usage auquel on le destine; et, «dans les plantations, on ne doit jamais perdre de « vue que Putile doit toujours marcher de front avec « l’agréable. » Scènes tranquilles. Des bocages frais et rians, un ruisseau qui serpente avec un doux murmure au fond d’un vallon solitaire; l’aune, le saule au feuillage ar- genté, ombrageant les tranquilles réduits de verdure qui parent ses rives fleuries, où le chant de la fauvette trouble seul le silence de la solitude ; des pentes adou- cies, des sentiers faciles, et enfin toute la variété que des groupes de fleurs, des massifs d’arbrisseaux, des gazons d’une brillante verdure, pourront jeter dans une DES JARDINS. 57 composition pleine de grâce; voilà ce qui constitue le caractère tranquille. Quelques fabriques placées et choi- sies avec goût viendront augmenter le charme de ce sé- jour de Ja paix et du repos. « Éloignez tout ce qui peut « rappeler des idées de tristesse ; surtout point de tom- « beaux, d’urnes, ni de funèbres cyprès, car ces lieux « sont principalement consacrés à la méditation de la « vieillesse, et rien ne doit lui rappeler qu'il faudra « bientôt voir'se briser les derniers liens qui lattachent « encore aux objets de ses affections. Quels que soient les « orages qui aient traversé la vie d’un vieillard , rappelez « dans son cœur des souvenirs, mais ne déchirez jamais « d’une main barbare le voile, prêt à tomber, qui lui « cache l’avenir. » Près du berceau où chaque jour il viendra s'asseoir, « vous entasserez, pour ainsi dire, « les souvenirs agréables ou glorieux. Une simple guir- « lande ou une inscription lui rappellera le jour où sa « destinée fut unie à celle d’une épouse chérie qui lui « consacre encore les derniers momens de sa vie. Un « monument, un canot ou une cabane de bouleau, le « reporteront à l’époque où, dévoré par l'envie d’ac- « quérir des connaissances, il parcourait des climats « lointains, et bravait les glaces et les frimas du Canada. « Si par hasard son œil découvre à quelque distance « un sphinx de pierre dont la figure devient encore plus « singulière en se dessinant sous le feuillage d’un pal- « mier, son cœur palpitera de plaisir, son sang rajeuni « circulera dans ses veines avec une nouvelle vitesse, «et fera revivre dans son cœur cet enthousiasme pour « la patrie, cet amour de la gloire, qui lui firent jadis «combattre les Arabes dans les déserts brülans de « l'Égypte. » Scènes riantes. Elles ont une grande analogie avec les scènes tranquilles, mais cependant elles se caracté- risent par des différences assez tranchantes. Jamais elles ne se présentent que dans des sites découverts, o‘rant 58 DES JARDINS. en perspective des vues pittoresques et gaies. Elles doi- vent être animées par le mouvement des eaux. Un ruis- seau limpide se précipitant en cascade peu élevée, puis côtoyant des sentiers fleuris; des massifs d’arbrisseaux choisis parmi ceux dont les fleurs ont le plus d'éclat ; des fabriques élégantes décorées avec goût et fraîcheur; quelques marbres, des statues, mais en petit nombre et toujours dans une position bien motivée ; un parterre soigné, enfin beaucoup de grâce et de brillant dans tous les objets que l’on fait entrer dans la composition, telles sont les nuances qu’elles présentent. Les scènes riantes plaisent particulièrement à la jeunesse ; aussi doit-on y conserver une place pour la consacrer aux exercices gymnastiques, et aux jeux qui demandent de l'adresse et de l’agilité. Scènes mélancoliques. Le cœur humain est extré- mement bizarre. On éprouve un plaisir inexplicable, mais vrai, à se rappeler les événemens malheureux qui ont aflligé de certaines époques de notre vie, quand même ce souvenir nous coûte encore des larmes. Les scènes mélancoliques sont destinées à faire naître dans le cœur ces émotions profondes ; mais il faut pour cela qu’elles soient parfaitement dans les convenances locales, et qu’elles aient été dessinées avec cette ex- pression de sensibilité et de tristessse qui leur sont par- ticulières. Loin du bruit importun et de l’agitation d’un monde indifférent, au fond d’une vallée solitaire dont l'horizon est bornée, on se plaît à aller rêver, sous l’om- brage sombre des ifs et des cyprès, aux amis que l'on a perdus. La le romarin et la verveine croissent le long des chemins silencieux ; les immortelles, le souei et la pensée parlent à nos yeux un langage mélancolique. Lei, sous un massif de peupliers, un obélisque de granit nous rappelle les héros morts pour la patrie; plus loin, une urne funéraire paraît au milieu du feuillage d’un chêne vert : c'est le modeste monument que la reconnais- DES JARDINS. 59 sance a élevé à la mémoire d’un homme obscur, mais vertueux. « Est-il sur la terre un seul ue qui, « même avant d’avoir parcouru le quart de sa carrière, « m'aitversé des larmes sur la perte d’un être qui lui fut « cher? en est-il un seul auquel la vue de la dernière « demeure de l’homme ne soit un objet de pieuses me= « ditations ou d’attendrissans souvenirs ?» Aussi lorsque, parvenu dans une île romantique, un tombeau de marbre blanc se présentera tout à coup à nous sous les rameaux pendans du saule-pleureur, un sentiment incompréhen- sible de douleur, d’attendrissement et de plaisir s'em- parera de notre cœur. « Mais souvenez-vous que l'esprit «tue le sentiment, que le cœur et la sensibilité seuls « doivent vous inspirer une épitaphe simple, courte, et « sans nulle prétention littéraire. Point de latin, point « de grec; ces langues, peu familières au commun des « hommes, exigent encore, chez ceux qui les connais- « sent le mieux, un moment d'étude pour être parfai- « tement comprises, et ce moment suflit PSE détruire « l'illusion et empêcher l'émotion. » Les scènes mélan- coliques ne doivent pas se multiplier, quoi qu'en disent les amateurs de genres exclusifs; car on courrait la chance de faire un cimetière au lieu d’un jardin d’agré- ment. C’en est assez sur le caractère des scènes pour guider l'homme de goût dans tous les genres qu'il désirera créer. Nous donnerions mille fois plus de détails sur cette matière , que ce serait toujours trop peu pour celui au- quel la nature a refusé le sentiment du beau et du Yral. SECTE IONETET: DE L’ORNEMENT DES JARDINS. * La nature a mis à la disposition de l’homme quatre sortes d'objets généraux, qu'il peut à son gré employer à l'embellissement d’un jardin. r° Les sites; 2° les végé- 60 DES JARDINS. | taux; 3° les eaux; /° les constructions. Du choix et de la combinaison de ces matériaux l’homme de goût obtiendra tous les effets agréables, capables de produire dans notre cœur et dans notre esprit ce vif sentiment de plaisir inspiré par le beau. Nous allons traiter chacun de ces articles dans ses détails les plus nécessaires à con- naître, et enseigner les moyens que nous croyons les plus propres à en tirer parti. S L. Des Sites. Ils se composent de plaines, de coteaux, et de mon- tagnes, ayant leurs caractères particuliers que l’on ne pets changer , mais que l’art embellit. La plaine est un terrain plat, d’une plus ou moins vaste étendue. Si elle se trouve couronner unemontagne, ou au sommet d’une côte, elle prend le nom de plateau. Dans ce cas, elle a l'avantage d'offrir un point de vue le AE mais souvent elle manque d’eau , et cet inconvénient est un des plus graves. Lorsque la plaine se trouve assise au pied d’une colline , ou resserrée en- tre deux montagnes, il est rare qu'elle n'ait pas une ri- vière ou un ruisseau qui la traverse ; assez ordinaire- ment elle est même marécageuse. L'on peut tirer un parti assez avantageux de ces deux sites. Mais si la plaine offre un horizon sans limites, si son immense éten- due ne comprend aucune chaîne de montagnes , aucun coup d'œil pittoresque qui en rompe la monotonie, c’est de toutes les positions la plus triste et la moins propre à former un jardin d'agrément, surtout si l’on a la préten- tion de le faire paysagiste. Cependant, si l’on n’a pas le choix dans l’emplace- ment, on pourra encore dessiner un jardin agréable. L' die ne cherchera que l'élégance dans les contours, de lacommodité dansles Le MUR de la fraicheur M les omhrages , et de la variété dans la forme et dans l’es- DES JARDINS. Gi pèce de ses plantations. Il peut donner un peu de mou- vement au terrain , mais seulement en créant quelques pentes douces pour jeter de la diversité dans les prome- nades. Surtout qu'il ne cherche pas à dessiner, dans la plaine , des scènes dont le caractère appartient au site montagneux ; il ferait une dépense énorme pour en- tasser les uns sur les autres des milliers de tombereaux de terre , et ne produirait cependant que des inégalités ridicules , qu'il décorerait en vain des pompeuses épi- thètes de montagnes et de vallées. C’est dans la plaine particulièrement que des rochers ne doivent jamais éle- ver leur tête hétérogène au milieu des vertes pelouses qui font le principal ornement de ce genre de site ; loin de produire un effet agréable , ils ne feraient que dénoncer d'une manière bizarre le mauvais goût de celui qui les y aurait apportés. On doit encore en éloigner les fabriques d’un caractère trop pittoresque ; et, si l’on s’y permettait un ermitage , une chaumière ou un chalet, ce ne serait que dans le cas où le jardin serait d’une immense étendue , et où l’on pourrait masquer ou ca- cher ces compositions dans l'épaisseur d’un bois, ou dans une clairière isolée; enfin les seules scènes qui puis- sent convenir sont celles que nous avons appelées rus- tiques. Si la plaine est peu avantageuse au jardin paysager , en récompense elle convient assez bien aux jardins symé- triques , et mieux encore à ceux d'utilité, dont la créa- tion est entièrement soumise aux effets de l’art. Une col- lection d'arbres fruitiers s'y déploiera en longues allées tirées au cordeau et offrant d’un seul coup d'œil le spec- tacle intéressant et entier de toutes les espèces de fruits , de tous les genres de tailles et de formes. Le potager en deviendra d’autant plus productif qu'il sera plus facile à cultiver, et enfin une collection botanique sera très- bien placée dans le jardin de plaine, parce qu'on aura plus de facilité à y ranger les végétaux de manière à 62 DES JARDINS. figurer sur le terrain l’ordre méthodique du système que l'on aura choisi. Le coteau n’est pas assez élevé , ni d’une pente assez raide , pour être confondu avec la montagne. C’est une simple éminence , plus où moins prolongée, mais trop éloignée d’une autre pour former vallon entre deux , ce qui lui donne le précieux avantage du point de vue. Il peut offrir un site varié dans ses accidens de terrain; si, joint à cela, on peut y amener des eaux , on en fera un jardin paysager charmant : la gaîté en sera le principal caractère , et les objets placés à son sommet auront plus de dignité. On évitera autant que possible les formes ME et anguleuses , ainsi que les pentes régulières. Les lignes y seront ondoyantes, convexes à mesure qu’elles approcheront du sommet, et concaves vers la base, où elles se perdront insensiblement sur le niveau. Le coteau convient parfaitement à la formation des jardinsréguliers et de luxe, que nous avons appelés symétriques privés. La facilité d'y élever des terrasses majestueuses, d'y former des jets d'eau d’une grande hauteur, afin d'y former des scènes pleines de grâce et de noblesse, semble avoir marqué le coteau pour les jardins de luxe dont on accompagne les châteaux habités par les riches. Les montagnes diffèrent des coteaux en ce qu 'ellés sont plus élévées , rapprochées les unes des autres de manière à former les bassins des vallées ou le cours des vallons; ce sont elles qui, par la variété des sites qu’elles présentent, offrent le plus de ressources au développe- ment de l’art des jardins, parce que ordinairement elles sont susceptibles de se prêter aux scènes de tous les caractères. C’est au fond des vallées, entre les pentes des montagnes que serpentent et coulent les ruisseaux et les rivières, premier ornement d’un paysage quand on sait en tirer parti ; c’est sur leur sommet que l’on ren- contre ces crêtes de rochers dont la perspective s’enri- DES JARDINS. 63 chit, tandis que leurs flancs recèlent ces grottes pro- fondes , ces accidens variés que l’art peut embellir, mais qu'il chercherait vainement à imiter si la nature n’en avait fait d’abord les premiers frais. C’est là qu’elle semble avoir fait tous ses efforts pour produire les effets pittoresques les plus saïllans. L'artiste qui saura profiter de mille hasards heureux que de telles positions présen- tent à chaque pas, qui saura prononcer les accidens sans essayer d'en changer le caractère, enfin qui sera susceptible d’un sentiment vrai du beau naturel , devra nécessairement y créer un exemple du zec plus ultra de l'art. Les fabriques de tous genres pourront avantageu- sement figurer dans sa composition , pourvu que le goût et la raison en aient combiné la place , l’arrangement et la forme. Nos lecteurs concevront aisément qu’en décrivant d’une manière aussi rapide la plaine, le coteau et la mon- tagne , notre intention n’a pas été de parler de tous les sites que l’on peut y rencontrer, mais seulement de gé- néraliser. Il serait d’ailleurs impossible de rien écrire de complet sur cette matière , car la nature a tellement varié ses points de vue, elle a tant de diversité dans la manière dont elle se présente à nos yeux, qu'il n’est pas dans le monde deux sites qui se ressemblent. SIL. Des Fégétaux. La végétation est à la terre ce que la vie est aux êtres or- ganisés. Sans elle l’espace, quels que soient d’ailleurs les mouvemens du terrain , ne présentera que la triste image de la monotonie et dela mort. Maisil est peu deterrains, du moins en Europe , qui soient assez arides pour étre en- tièrement dépouillés de verdure, et l’on ne sera jamais tenté d'établir un jardin dans ces landes que la nature a frappées du fléau de la stérilité. C’est par le choix et l’arrangement des plantes que l'artiste donne à sa com- 64 DES JARDINS. position toute la fraicheur, toute la grâce et le coloris dont les puissans attraits frappent et émeuvent l’homme le plus insensible aux beautés simples et touchantes de la campagne. Les végétaux se présentent à nous sous deux formes différentes. Lorsqu'ils atteignent une certaine hauteur , que leurs tiges sont dures, ligneuses, fortes et suscep- tibles de braver les rigueurs de plusieurs hivers, on les nomme arbres, arbrisseaux et arbustes : lorsqu’au contraire elles sont faibles, peu élevées, d’une sub- stance plus ou moins succulente, ne paraissant que l’es- pace de temps nécessaire pour fleurir, et mürir une seule fois leurs graines, puis mourant ensuite avec ou sans leurs racines, on nomme les végétaux plantes herbacées. Ainsi toute la végétation se borne donc à nous offrir deux genres de matériaux : 1° Les végétaux ligneux ; 2° ceux herbacés, auxquels on donne vulgai- rement le nom de fleurs. Avec les premiers on forme différentes scènes qui toutes peuvent se rapporter à ces principales divisions : 1° L'arbre isolé; 2° les groupes; 3° les bosqueis ; 4° les bocages ; 5° les massifs ; 6° les bois; 7° les forêts; 8° les palissades ; 9° les haies; 10° l'allée couverte; 11° l’ave- nue; 12° le quinconce; 13° le berceau; 14° le rideau. Les plantes herbacées nous offriront : 1° Les pelou- ses, prairies et gazons ; 2° les plates-bandes, corbeilles, massifs et planches ; 3° les fleurs en vases; 4° les bor- dures. Ces objets, par leur assemblage ou leur ‘opposi- tion, par leur diversité et le nombre infini de leurs combinaisons, fournissent à toutes les compositions que l'imagination la plus fertile peut enfanter. Mais, pour en tirer un parti aussi avantageux que possible, il faut que l'artiste connaisse parfaitément la dendrologie, afin de placer dans chaque plantation les espèces qui lui con- viennent par leurs dimensions , leur forme, la couleur des feuilles, celle des fleurs et l'époque à laquelle elles DES JARDINS. 65 épanouissent ; il faut encore qu'il sache les placer à l’ex- position et dans le sol qui leur convient. Quant à la den- drologie, nous en offrirons une table complète à la fin de cet ouvrage, afin de donner aux amateurs la facilité d'exécuter eux-mêmes leurs conceptions. Pour lex- position et la qualité du terrain, on les trouvera , ainsi que la culture particulière, aux articles de chaque plante. ù Un arbre isolé peut produire un effet très-agréable, selon la place qu'il occupe et son port particulier. S'il présente en lui-même quelque chose de singulier ou de pittoresque, soit par ses feuilles ou par ses fleurs, ilfaudra l’isoler davantage que si on le plaçait seulement pour interrompre des lignes droites, ou pour conduire l'œil vers un point de vue ou une fabrique intéressante. Un saule pleureur , un sophora à rameaux pendans, par exemple, feront toujours un effet charmant lorsqu'ils seront isolés, tandis qu'ils seront entièrement perdus pour l’agrément s'ils se trouvent confondus dans un bos- quet ou un massif. On emploie assez ordinairement un arbre isolé pour donner un peu d'ombre sur l’avant-scène d’une pelouse, et dans ce cas il forme un ornement dont le naturel et la simplicité manquent rarement de pro- duire un effet charmant ; d’autres fois il sert à masquer un point de vue inconvenant. Enfin on l’emploie pour in- diquer, à une certaine distance, la place d’une fabri- que. C’est ainsi que l’on ombragera avec le feuillage d’un chêne , ou même d’un arbre fruitier, le banc de pierre placé à la porte d’une humble chaumière; un cyprès couvrira de son feuillage mélancolique l’urne funé- raire ou la pierre sépulcrale ; un saule croîtra près d’une fontaine rustique ; le tilleul servira de but à la carrière ouverte pour les exercices gymnastiques, et le peuplier d'Italie annoncera de loin, au voyageur qui cher- che les consolations de la piété, l'asile solitaire où un saint ermite est venu se refugier. F. 5 66 DES JARDINS. Un arbrisseau, et même un simple arbuste, peuvent encore étre Aplopée isolés s'ils ont quelque chose de remarquable soit dans leur forme ou dans leur cou- leur. Mais, pour les uns comme pour les autres, il ne faut pas que la fleur entre pour beaucoup dans le choix que l’on fait de l'individu, ou de la place qu'on lui destine, parce que, durant fort peu de temps, la scène manquera de caractère pendant la plus grande partie de l’année. Les eflets de longue durée doïvent toujours obtenir la préférence, quoique peut-être moins brillans. IL faut une grande finesse de goût pour placer conve- nablement l'arbre isolé dans d’autres circonstances que celles que nous venons d’énumérer. Par exemple, on s’en est servi quelquefois très-heureusement pour établir une liaison entre des parties séparées, et, en en plaçant quelques - uns sur le devant d’une laid quis’enfonce dans l'épaisseur d’un bois, pour en éloigner la pers- pective. Les groupes ne peuvent se composer qu'avec des ar- bres à tiges, dont les têtes , réunissant leur feuillage , formeront des masses de verdure soutenues dans les airs par les troncs nus ou seulement entourés de plantes grimpantes, pour leur donner l'apparence de colonnes. pittoresques isolées les unes des autres. On conçoit ai- sément que les groupes ne souffrent pas le mélange du tailhis, des arbrisseaux , et enfin d’aucune chose qui puisse leur donner un air de pesanteur en les rem- plissant dans le bas; il faut que l’on puisse librement circuler à travers les arbres, et qu'ils s'élèvent sans bran- ches, jusqu'à une certaine hauteur, au-dessus d’un ga- zon où d’ane prairie. On peut rendre beaucoup plus pi- quans les eflets d’un groupe, en choisissant la couleur des feuilles qui doit dominer dans sa masse, selon la place qu'il occupe et les contrastes agréables qui peuvent en résulter. Par exemple, devant le rideau noirâtre que forme le sombre feuillage d’une forêt de sapins, un DES JARDINS. G- groupe de peupliers blancs et de peupliers trembles se détachera d’autant plus agréablement que l'agitation continuelle de leurs feuilles contrastera d’une manière plus frappante avec la masse rembrunie et immobile des arbres résineux. On emploie le plus ordinairement les groupes isolés sur la cime ou le penchant des collines, sur le bord des eaux dont ils servent quelquefois à masquer l'étendue trop bornée, et quelquefois encore au milieu d’une prairie, d’une pelouse ou d’un gazon pour motiver une fabrique. Une des règles caractéristiques que les auteurs ont indiquée dans ce genre de plantation, c’est que l’es- pace de térrain qu'un groupe couvrira soit égale en diamètre à la hauteur des arbres qui le composent. Les bosquets doivent offrir beaucoup de variété, dans leurs masses, c'est-à-dire qu’on y fera entrer tous les arbres et arbustes à fleurs et à feuillages remarquables, et qu'on les y entremélera de la manière la plus avanta- geuse pour les faire réciproquement valoir. Un bosquet n’est rien autre chose qu’une réunion de massifs, de buis- sons, et d’arbresisolés, heureusement combinée, enfin un agréable mélange de tous les genres de plantations. On les emploie assez souvent à masquer les murs de clôture d’un jardin, et dans ce cas il faut beaucoup d’art pour cacher les irrégularités du terrain et sa limite. Il faut surtout qu'ils soient dessinés de manière à lier les ob- jets extérieurs à la composition, et à les faire paraître appartenir au jardin dont l'œil ne devra pas soupconner le terme. Un bosquet , dont l’emplacement n’est pas in- diqué par la nécessité, doit se planter dans la position la plusriante du local et près de l'habitation, pour le mettre à portée d'offrir une promenade faciletautant qu'agréa- ble. Les clairières y seront ornées d’un ou de plusieurs arbres isolés , mais toujours remarquables par quelque caractère particulier et très-saillant ; les allées, ou plu- tôt les sentiers en seront très-soignés ct décorés par des 68 DES JARDINS. arbustes à fleurs apparentes ou odorantes ; les plantes herbacées, les gazons même peuvent figurer avanta- geusement dans ce genre de composition, dont le plus grand mérite est la grâce, la fraîcheur, et la variété du coup d'œil. Le bocage se forme d’un certain nombre de groupes, tantôt espacés avec goût, d’autres fois assez rapprochés les uns des autres pour former ensemble de grands grou- pes composés. « Quoiqu'un bocage soit beau en tant qu'objet de perspective, dit Whately, il est encore déhi- cieux comme lieu de promenade ou de repos ; le choix et la disposition des arbres pour les effets intérieurs doivent donc entrer en considération. Les arbres seront rassem- blés en groupes ou plantés sur des lignes variées et irré- oulières, quidécriront diverses figures ; leurs intervalles seront contrastés tant dans les formes que dans les di- mensions ; il y aura dans quelques endroits de grands espaces entièrement découverts; dans d’autres les ar- bres seront si rapprochés qu'a peine laisseront-ils un pas- sage entre eux, et dans d’autres encore ils seront aussi éloignés qu'ils peuvent l'être en formant un même groupe. C’est dans les formes et la variété de ces grou- pes, de ces lignes et de ces espaces vides que consiste principalement la beauté d’un bocage. » S'il estbien plan- té, il en résultera de larges clairières, danstoutesles for- mes et toutes les directions , produisant cette multiplicité d'effets qui en font tout le charme. Un arbre seul ne peut être admis que très-rarement dans l’ensemble d'un bocage, et seulement pour rapprocher des parties trop éloignées, ou pour remplir un trop grand vide. Ce genre de composition peut être plus clair ou plus épais selon l’exigence des situations ; mais danstous les cas ses con- tours seront gracieux et arrondis. Les arbres formant les différens groupes dont on la composera doivent être d’un caractère à peu près semblable sous les rapports de leurs formes, de leurs dimensions, de la direction de DES JARDINS. 69 leurs branches, et de la nuance de leur verdure, afin de former toujours un ensemble harmonieux. Le massif est un groupe touflu, garni dans toutes ses parties de taillis, d’arbrisseaux et d’arbustes à fleurs. Il exige de belles masses d’une verdure bien variée. On le forme d'arbres, d’arbustes, et même de plantes de di- verses élévations, groupés et réunis avec goût et intelli- gence. Les végétaux les plus bas doivent toujours occuper - la lisière, ceux plus hauts le second rang, et ainsi de suite, mais cependant sans former gradin, ni présenter l’image d’un arrangement combiné. Les massifs sont très- employés aujourd’hui, parce qu'ils peuvent avoir beau- coup d'agrément , quoique d’une étendue très-bornée. Répandus çà et là sur un vaste espace et autour d’une place découverte, entremélés de quelques groupes, ils formeront un ensemble de plantations qui souvent peut remplacer, d’une manière assez avantageuse , le bocage et le bois. Ils ont encore le mérite de présenter de grandes ouvertures qui , si elles sont ménagées avec art, permettront à l'œil de parcourir toutes les perspectives agréables qu’on aura dans les environs. Le bois est un terrain planté, sans dessein apparent, en mélange de taillis et de futaies, ne laissant pénétrer la vue qu’à une très-petite distance. Par cette raison il peut être employé à masquer un petit espace, ce que ne peuvent faire aussi bien les autres plantations. Le bois peut se former d'arbres d’une certaine hauteur, pourvu qu'ils soient assez rapprochés pour ne laisser aucun es- pace vide entre les branches ; c’est alors qu’il prend le nom de futaie. Si les arbres se trouvaient trop éloignés, on les réunirait par le moyen du taillis; celui-ci n'est autre chose que l’assemblage d'un grand nombre d’arbres sans têtes élevées, d’arbrisseaux et d’arbustes. Dans toutes les plantations, de quelque genre qu’elles soient, on doit s'appliquer beaucoup à donner à la ligne extérieure tout l'agrément, toute la grâce dont elle est no DES JARDINS. susceptible, et c’est là que l’on reconnaît particulière- ment le bon goût de l’artiste. « Lorsqu'un bois est situé sur une colline, dit le jardiniste moderne, il doit s’é- tendre jusque sur le sommet ; car, s’il laissait apercevoir un espace vide au-dessus de lui, il paraîtrait petit et per- drait le caractère principal qui lui convient ; mais il peut très-bien rester suspendu sur le penchant, cette situation ayant beaucoup de grâce quand quelques parties, des- cendant plus et d’autres moins, forment, par ce moyen, plusieurs enfoncemens qui, se présentant dans diverses directions, produisent un mélange de lumière et d'ombre répandues sur les contours extérieurs du bois ; effet qui est bien préférable à l'aspect d’une ligne uniforme égale- ment éclairée, Les intervalles qui se trouvent entre les parties saillantes et le point le plus reculé de ces en- foncemens, lorsqu'on, observe les bois en face ; ou entre les différentes saillies, lorsqu'on les aperçoit de côté, donnent aussi beaucoup d'agrément à la ligne horizon- tale que la cime des plantations dessine sur le ciel , cha- que partie fuyant l’une derrière l’autre à mesure qu’elles s'éloignent de l'œil, et présentant des masses distinctes qui prolongent et varient les perspectives. » Le dedans d'un bois est susceptible de recevoir tous les genres d’embellissemens. On peut y placer des scènes de diffé- rens caractères, des boulingrins, des quinconces, ete. Quelquefois il est particulièrement destiné à fournir des promenades ombragées; dans ce cas les allées princi- pales ne doivent pas y rester renfermées pendant un long trajet, parce que lépaisseur du bois y jetterait une mo- notonie bientôt ennuyeuse. Elles doivent au contraire traverser des clairières bien ménagées, conduire à des élévations d’où l'œil puisse jouir d’un horizon agréable et varié, enfin aboutir à des fabriques pittoresques ou à des lieux de repos. On se plait quelquefois à y tracer des chemins insidieux qui, se croisant eb se mêlant les uns avec les autres , laissent le promeneur dans le doute DES JARDINS. 71 sur la route qu ‘il doit suivre pour arriver au but qu'il se propose ; on donne à cette composition le nom de labyrinthe. Mais, pour qu’elle soit marquée au coin du bon goût, il lui faut une condition essentielle : c’est que l'on soit embarrassé pour y trouver une fabrique que l’on y cherche, mais jamais pour en sortir. Quand on est dans l'attente d’un objet agréable, le désir em- pêche lennui ; mais, quand les yeux et l'esprit sont satisfaits, la satiété amène l'indifférence ; on cherche la variété; et si, dans ce cas, on se trouvait retenu dans le labyrinthe, on éprouverait une contrariété qui détruirait tout le plaisir de la promenade. Le moyen d'éviter cet écueil, c'est de ménager de distance en distance des échappées de vue qui permettront au promeneur de toujours s'orienter sur les objets extérieurs. L'entrée d’un bois demande aussi à être ménagée avec beaucoup d'art. Par exemple, un enfoncement entre deux petites collines serait l'endroit le plus favorable pour la placer. « Des lignes d'arbres, dit M. Viart (1), peuvent dès le commencement suivre quelque temps les sinuosités de cette route, en se developpant avec elle sur le milieu d’une soce limitée de chaque côté par des bois touffus , et dont les bords se formeront au moyen de grands Mssife séparés par des intervalles toujours moins étendus que la clairière où se dirige le chemin, afin de ne point distraire du but principal. A mesure qu'on avance, les bois venant à se rapprocher, la ligne d'arbres qui faisait la bordure ira se perdre et se fondre dans celle du bois qui servira pendant quel- que temps de cadre à l'avenue. L'espace s’élargira insen- siblement, et donnera naissance à plusieurs elairières , qui s'enfonceront de côté et d'autre dans le fourré, dont (1) Propriétaire et créateur des charmans jardins de Brunehaut , au- teur du Jardiniste moderne, 72 DES JARDINS. les entrées seront divisées tantôt par de petits massifs, d’autres fois par des arbres jetés en avant, mais toujours disposés de manière à ne point interrompre la marche de la route , surtout si elle est destinée à former avenue , mais plutôt à la déterminer. Si l'emplacement vient à s'élargir davantage, des groupes d'arbres d’un côté , un arbre isolé de l’autre, que quelque singularité fasse remarquer, ressortiront avec grâce sur la pelouse, et serviront à indiquer la continuité du chemin. Plus loin un buisson aidera à fondre la ligne de ces groupes dans celle que formeront quelques arbres qui se trouveront détachés du bois, quoiqu’ils en suivent les contours. La route , qui jusque-là a parcouru les sinuosités du petit vallon dans lequel elle s'était engagée et a monté peu à peu, arrive à un plateau où la clairitre pourra s’élar- gir de différens côtés, par la réunion de plusieurs che- mins qui viendront se joindre à la route principale ou à l'avenue. » Nousajouterons, pour terminer, que l’on ne doit jamais planter un bois entièrement en taillis, afin d'éviter une monotonie qui deviendrait insupportable malgré les. scènes et les fabriques que l’on emploicrait pour jeter un peu de variété. Les foréts n’appartiennent qu'aux grandes-composi- tions, et rarement on a à les planter. L'artiste doit s'ap- pliquer à en tirer le meilleur parti possible, soit comme aspect, soit comme site, si un heureux hasard le met dans le cas d’en avoir une, ou seulement une portion , dans le terrain abandonné à sa disposition. Une forêt se compose de grands arbres d’une végétation vigoureuse ; pour qu'elle ait toute la majesté de son caractère il faut leur conserver cet air antique que leur donne la mousse, les lichens et les plantes grimpantes dont leur énorme tronc est couvert. C’est par l'épaisseur de leur feuillage, par la fraîcheur qui règne sous leur ombre silencieuse, qu'ils nous inspirent ces sentimens de plaisir DES JARDINS. 73 et d’admiration que nous éprouvons en parcourant la solitude mystérieuse où la hache du bûcheron ne s'est _pas fait entendre depuis de longues années. Nul arbuste, nulle plante exotique à fleurs remarquables , ne doivent se montrer dans la sombre épaisseur d’une forêt, parce que, rappelant à l’homme ses travaux et ses conquêtes dans les pays lointains, ce souvenir étoufferait dans son cœur le germe des sublimes méditations que doit faire naître la vue d’une nature vierge et sauvage. La ligne extérieure ne veut pas être enjolivée comme dans les autres genres de plantations, mais elle doit offrir des contours grands et majestueux , des arbres élevés four- nissant une ombre épaisse. Si l’on avait l'intention de placer quelques fabriques, soit sur la lisière, soit à l’in- térieur, on les choisirait d’un caractère noble et grand, de manière à être en harmonie avec la majesté du lieu. Une ruine peut aussi y figurer avec avantage, mais il faut qu’elle rappelle à notre esprit des époques mémo- rables de notre histoire. Un reste de couvent gothique, un château féodal, ou même les antiques ruines d’un temple de Teutatès n’y seront jamais déplacés. Une forêt, s'étendant au nord d’une habitation , donne toujours au tableau un caractère grave et imposant ; mais c’est sur- tout par les promenades étendues et variées qu’elle de- vient du plus grand intérêt. Souvent, pour la facilité de la chasse , on la perce par des allées droites et d’é- gale largeur, et cependant cet exercice offrirait le même charme si l’on y formait des routes légèrement sinueuses, d’une largeur plus considérable dans des endroits oùelles formeraient clairière, et où de vastes pelouses pourraient être décorées par des groupes et des arbres isolés. Les chasseurs au tir en trouveraient leur exercice plus fa- cile, la monotonie des allées droites serait détruite, et l’on y gagnerait quelques points de vue intéressans. Ce dernier objet surtout devrait entrer dans le plan pour quelque considération, parce qu’il préviendrait linquié- 14 DES JARDINS. tude que l'on éprouve naturellement en parcourant une grande étendue de bois. Les Palissades vertes sont des lignes d’arbres qui : se prêtent facilement à une taille régulière. On leur donne diflérentes figures ; celle d’un mur, d’une rampe , d’arca- des , etc. ; on les emploie ordinairement pour masquer les murailles , les maisons, et tous les objets extérieurs dont la vue n’a rien de pittoresque. On peut pratiquer dans leur épaisseur des jours de différentes formes aux- quels on donne le nom de ka-ha ; ils servent à procurer aux promeneurs la faculté de voir les passans sans en être vus. Les palissades appartiennent exclusivement aux jardins réguliers ; aussi ne sont -elles plus guère de mode. Autrefois on les employait beaucoup, et on ne se servait guère pour les planter que de charmilles et d’ifs. Les haies sont à présent beaucoup plus employées que les murs pour clore les jardins, surtout ceux paysagers. Ou leur a donné la préférence, parce qu’elles se confon- dent facilement avec les autres plantations, et par ce moyen ne fixent aucune borne apparente à une compo- sition. On peut quelquefois les employer à clore une fa- brique rustique dans laquelle on tient des animaux ren- fermés , et alors on les soigne davantage, parce qu’elles deviennent plus spécialement un objet d'ornement L’allée couverte appartient plus particulièrement aux jardins publics , et à ceux du genre régulier. Elle con- siste en deux ou quatre rangs d'arbres à feuillage épais et brillant. On tond ces arbres de manière à ne laisser joindre que leur sommet, et à dessiner une voûte de verdure sur la tête des promeneurs. Quelquefois leurs troncs sont dépouillés de branches jusqu’à une certaine hauteur ; d’autres fois on tâche de leur conserver de Ja verdure , assez pour faire palissade ; et l'on forme alors des berceaux. L'avenue diffère de l'allée couverte en ce que sa lar- geur est beaucoup plus considérable, Les arbres qui la DES JARDINS. 75 forment plus élevés, et sou style plus grand , plus majes- tueux. La longueur d’une avenue en fait la principale beauté. Plus les arbres dont on la plantera seront sus- ceptibles de grandes dimensions, plus l'effet qu'ils produi- ront par la suite sera imposant. Rarement on les soumet à la tonte , et jamais on ne doit y faire que les élagages inépéneibles au maintien de leur vigueur et de leur santé. L’avenue ne s'emploie guère que pour encadrer ,. pour ainsi dire, la perspective d’une facade d’une ar- chitecture remarquable ; elle doit conduire à l'entrée de l'habitation principale, sans quoi elle est de nul effet et hors des convenances. Les arbres qui servaient le plus fréquemment autrefois à ce genre de plantation ctaient le tilleul, le marronnier d'Inde, le hêtre, le platane et l’orme. Aujourd'hui on emploie avec plus d'avantages un grand nombre d'espèces exotiques qui ont le mérite précieux de joindre la beauté des fleurs à celle du feuillage. Le quinconce est une plantation d'arbres le plus or- dinairement élevés, toujours à haute tige, et placés en échiquier comme les cases d’un damier. On ne peut l'employer avantageusement que sur un grand espace de terrain ; aussi n'est-il guère d'usage que pour l’orne- ment des places publiques et des jardins de palais. On le plante avec les mêmes espèces que l'avenue. Le berceau, comme nous l'avons dit plus haut, est une espèce d’allée couverte dont Les côtés, au lieu d’être à jour, sont garnis d’une verdure aussi épaisse que Ja voûte. Il y a cette différence que l'allée couverte est toujours faite avec des arbres, au lieu que celui-ci con- siste quelquefois en une charpente légère de menuiserie, de treillage ou de fer, sur laquelle on dispose de la ma- mère la plus avantageuse les branches sarmenteuses des arbrisseaux grimpans. On peut donner à un berceau toutes les dimensions que lon désire; mais cependant sa longueur ne doit guère dépasser cent ou cent ciu- 76 DES JABDIRS. quante pas, parce que a detintiat fées espace suffisant seulement pour prendre l'exercice de la promenade sans cependant se promener , c'est-à-dire que c’est plutôt un lieu d'attente que l'on parcourt par des allées et des venues, sans intention de porter'ses pas dans un autre lieu. Le béton a cet avantage sur l'allée couverte, qu'offrant la même fraicheur dans ses om- brages, les yeux et l’odorat y sont encore flattés par le brillant coloris des fleurs et par leur doux parfum. Les tonnelles , cabinets, salles couvertes , etc. , se com- posent de la même manière, et peuvent, quant au Carac- tère, se rapporter à ce genre de plantation à toutes les espèces de jardins. Nous devons faire ici une observation essentielle , c'est que toutes les fois que l'on pourra se procurer de r ombrage dans une salle de verdure sans la couvrir, on fera bien de prendre ce parti à cause du nombre prodigieux d'insectes que la fraicheur y attire , ce qui en rend le séjour désagréable. Si un groupe d'arbres voisins étend son ombre sur cette plantation , ne fut-ce que pendant une partie du jour, on fera très-bien d'en élever les côtés en palissade, et d'é- laguer le dessus : ceci est surtout nécessaire lorsqu'une salle est formée avec des arbres tels que charmille”, ete- Enfin, les végétaux se prêtent encore à une décoration charmante à laquelle nous donnons le nom de rideau. Souvent la vue d'une muraille triste et enfumée, mais qu'il n’est pas en notre pouvoir d’abattre , vient détruire l'illusion enchanteresse qui, même au sein d’une grande ville, nous transportait au milieu d'un paysage Char- mant et nous faisaît jouir , dans un jardin au milieu du tumulte , de douces émotions que la campagne manque rarement de développer dans notre cœur. C'est surtout alors qu'un rideau de verdure est d’une nécessité absolue. Par le moyen du lierre grimpant, de la bignone aux fleurs écarlates, et de cent autres arbustes tous plus agréables les uns que les autres, on parvient non-seule- DES JARDINS. 77 ment à se sauver de ce grave inconvénient , mais on fait même un objet charmant de ce qui, sans cela, nous eût inspiré de l'ennui et du dégoût. Si les végétaux ligneux offrent, comme on vient de le voir par cette rapide esquisse , les plus grandes ressources aux décorateurs des jardins, les plantes herbacées n'en sont pas moins un des premiers ornemens, quand elles sont distribuées avec intelligence. Ce sont elles qui don- nent les fleurs les plus belles et les plus attrayantes par leur vif éclat et leur enivrante odeur. Ce sont elles en- core qui fournissent ces prairies émaillées sur lesquelles l'œil aime tant à se reposer , enfin elles forment le fond du tableau dont toutes les autres productions ne sont pour ainsi dire que les épisodes. Nous allons présenter à nos lecteurs les principaux modes de les employer avec le plus d'avantage. Les prairies. Nous comprenons sous ce titre les prai- ries naturelles, les pelouses, les gazons, les tapis, et nous entrerons dans quelques détails sur les plantes dont on doit les former , sur la manière de les semer, et sur les moyens de les entretenir. Nous placons ici ces ren- seignemens, parce que tout leur effet , toute leur beauté dépendent de leur culture, et parce que nous n'aurons plus occasion de revenir sur ce sujet. Les prairies naturelles sont aussi nécessaires dans une grande composition de jardin paysager , que les massifs et les gazons le sont dans un espace plus borné. Elles se sèment et cultivent comme les prés ordinaires; ainsi nous n’entrerons pas ici dans des détails qui appartiennent plus spécialement à la grande culture ; seulement nous nous bornerons à quelques observations sur ce sujet, et nous nous étendrons un peu plus sur la manière de l'encadrer agréablement dans un tableau. On doit se proposer, en créant une prairie, de réunir l'agréable à l'utile ; ainsi , lorsqu'on fera le choix des semences, on aura égard au plus ou moins de produit qu'elles pourront donner , et 78 DES JARDINS. à la qualité des alimens qu’elles fourniront aux animaux domestiques. Chaque espèce devra aussi être placée dans le terrain qui lui convient davantage : nous allons tâcher de donner un tableau exact qui puisse diriger le culti- vateur. 1°. Terrain bon et médiocrement humide. Fro- mental (avena elatior); avoine vubescente (avena pu- bescens); fétuque élevée (festuca elatior); flouve odorante (anthoxanthum odoratum); dactyle pelo- tonné (dactylis glomerata); houque laineuse (kolcus lanatus); paturin des prés (poa pratensis); paturin à feuilles ovales (poa angustifolia) ; ivraie vivace (Lo- lium perenne); crételle cynosure (cynosurus crista- tus ); brise tremblante (briza media), agrostis chevelu (agrostis capillaris); fom rouge (agrostis rubra); brome gigantesque (bromus giganteus ). 2°. Terrainmarécageux.Fétuqueflottante(festuca fluitans); vulpin des prés (alopecurus pratensis); vulpin genouillé (alopecurus geniculatus); fléole des prés (phleum pratense); mélique blanc (melica cæ- rulea); paturin aquatique (poa aquatica); paturm des marais (poa palustris); agrostis genouillé (agrostis geniculata); orge des prés (hkordeum secalinum); canche aquatique (aira aquatica); houque odorante ( holcus odoratus ). 3°. Terrain sec et sablonneux. Avoine des prés (avena pratensis ); fétuque des brebis (festucaovina); fétuque couchée ( festuca decumbens ); fétuque durète (festuca duriuscula); fétuque rougeâtre (festuca rubra); vulpin des champs ( alopecurus agrestis); houque soyeuse ( Lolcus motlis); mélique ciliée (meliea ciliata); paturin commun (poa trivialis ; paturin bul- beux (poa bulbosa) ; cancheflexueuse (aira flexuosa); canche blanchâtre (aira canescens); agroslis traçant (agrostis stolonifera). 4°. Terrain de toutes sortes. Flouve odorante (an- DES JARDINS, 79 thoxanthum odoratum) ; dactyle pelotonné (dactylis glomerata); houque laineuse (holcus lanatus) ; mé- lique penchée (melica nutans); paturin des prés (poa pratensis); paturin annuel (poa annua); agrostis des chiens ( agrostis canina ). Nous ne prétendons pas avoir cité dans cette liste toutes les plantes graminées qui peuvent entrer dans Ja formation d’un fond de prairie ; seulement nous avons indiqué celles qui passent généralement pour fournir le foin le meilleur et pour en donner le plus abondam- ment. . Lorsque l’on sèmera une prairie naturelle, la surface du sol sera préalablement nivelée et aplanie autant que possible, épierrée , afin de ne point gêner le fauchage, Les graines fines ne seront jamais semées que sur un hersage, et très-peu recouvertes de terre; pour cela on se sert d’une herse à dents courtes ou d’un rouleau. Dans le cas où l’on aurait des graines fines et des grosses, on sèmerait les grosses les premières, on herserait ; on sèmerait ensuite les fines, puis on passerait le rou- leau. On peut-méler aux semences d’une prairie naturelle des graines de plantes légumineuses vivaces et d’autres familles, telles, par exemple, que des mélilots, trèfles, louers, luzernes, sainfoins, spergules, pimprenelles, scabieuses , boucages, etc. , etc. Outre qu’elles Porneront par leurs fleurs , elles en augmenteront encore le produit et la qualité. Quelques liliacées rustiques y feront aussi un Charmant eflet par l'éclat et la vivacité de leurs gran- des corolles; enfin les orchis, les néottes et les par- nassies, qu'on y rapportera avec la motte, y figureront d'une manière d'autant plus agréable, qu’on n'a guère d’autres moyens de les cultiver. Loin de détruire, dans une vaste prairie, les plantes qui y croissent spontané- ment, on doit au contraire aider à leur multiplication, en tant qu'elle ne nuirait pas à la qualité de la récolte ; 80 DES JARDINS. les irrégularités produites par ces végétaux sont trop peu importantes pour modifier l'effet du plan général , et néanmoins ils jettent mille agrémens dans l’ensemble et les détails par la multitude de teintes dont ils parent, selon les saisons, les tapis de verdure. Les prairies doivent occuper les terrains un peu hu- mides placés au fond des vallons, le long des rivières ou ruisseaux, entre les bois, etc. On peut détruire leur uniformité par quelques arbres isolés ou groupés, par des massifs ou des bosquets ; mais jamais les fabriques ne doivent figurer dans le milieu, ou même près de la lisière, à moins qu'elles ne soient tout-à-fait appropriées aux convenances locales. Leur ligne extérieure doit être dessinée avec grâce dans les contours; mais plus ordi- nairement c’est la lisière voisine qui la détermine , celle d’un bois, par exemple, parce que rarement la prairie est considérée comme sujet principal. Nous avons dit qu'elle sera en terrain humide, par la raison qu'il n'est pas possible de l’arroser artificiellement, comme on peut le faire pour un gazon ou un tapis. Du reste, tout son entretien se borne à quelques coupes tous les ans, à réparer par des semis les places dégarnies, et à donner des fumures quand elles sont nécessaires. Les pelouses tiennent de la nature des gazons et de celle des prairies. Elles ne diffèrent des premiers que parce que ceux-ci exigent des soins, tandis que les troupeaux et la nature font tous les frais de l’entretien des pelouses. Comme les prairies , elles peuvent être se- mées de toutes les espèces de plantes graminées et au- tres appartenant à la section des fourrages ; mais, pour être belles et bien garnies, elles ne doivent être fau- chées que par la dent des animaux. Les pelouses peuvent occuper les terrains secs et élevés, et présenter dans ces positions les mêmes avantages que la prairie dans les lieux bas et marécageux. Comme les plantes qui les composent n'arrivent jamais à tout leur développement, DES JARDINS. 8t il est assez inutile d'y mêler des fleurs qui ne parvien- draient pas à leur épanouissement. Les gazons s'emploient ordinairement dans tous les jardins d’une petite étendue, où on les destine à ména- ger des points de vue, ou à figurer une vallée ou une petite prairie. Le plus souvent ils occupent la partie centrale de la composition, et le devant de l'habitation qu'ils découvrent de manière à permettre à l'œil de saisir d’un des appartemens l’ensemble du jardin et ses prin- cipaux détails. Le premier mérite d’un gazon est de présenter une verdure brillante et uniforme ; pour cela il faut l’entretenir avec grand soin, le tailler souvent, et le purger minutieusement des mauvaises herbes. Ses contours irréguliers peuvent être accompagnés de mas- sifs d’arbustes à fleurs brillantes, et entourés cà et là de plates - bandes que le bon goût et les localités déter- minent. C’est du choix des plantes dont on le forme, et surtout de leur analogie de culture avec la qualité du terrain où l’on doit les semer, que dépendent tous les agrémens d'un gazon. On doit donc, avant de se déterminer sur le choix , examiner les plantes graminées qui conviendront le mieux à la nature du sol. Les plus ordinairement employées sont : l’'ivraie vivace (lolium perenne), vul- gairement connue sous le nom de ray-grass, et de gazon anglais ; la fétuque ovine ou coquiole (festuca ovina); la fétuque glauque (festuca glauca), et la fétuque rouge (festuca rubra). On est dans l’usage de méler à leurs semences un peu de graines de lotier corniculé, de trèfles blanc, rouge, et fraise, et d’autres plantes très- basses et à fleurs apparentes. On y ajoute, depuis quel- que temps, des colchiques, safrans ou crocus, orchis, et autres végétaux analogues. Les gazons se font de deux manières, par semis et par placage. Le semis ne doit se faire que sur un terrain parfaite- ment préparé par des labours et des fumures, exacte- A (® 82 DES JARDINS. ment purgé de toutes pierres et racines, et nivelé au râteau autant que possible. Les graines , très - bien nettoyées et épluchées, afin de les rendre nettes de toutes mauvaises herbes, sont semées à la volée, dans la proportion de cent livres de ray-grass par demi-hectare; de cinquante livres de fétuque ovine , et de soixante et dix livres de fétuques rouge et glauque. On choisit pour faire ce semis un jour pluvieux du printemps. Lorsque les semences sont jetées sur le sol, on les recouvre légè- rement à la herse ou au râteau, et l’on passe le rouleau. Cette dernière opération se répétera le plus souvent pos- sible, afin de faire beaucoup taller lesplantes, et d'obtenir par ce moyen une verdure épaisse et umforme. Les soins qui restent à prendre consistent à le peigner et nettoyer souvent, à le tondre au moins quatre fois par an tou- jours avant l'époque de la fructification , et enfin à l'arroser pendant les sécheresses. La mousse vient sou- vent s'en emparer et le détruire en peu detemps, si on ne prend le plus gçand soin de l'en extraire dès qu’elle se montre, ou au moins à l'automne ; on passe à plu- sieurs reprisesun râteau dont les dents serrées retiennent et arrachent la mousse sans nuire aux autres plantes. Le meilleur moyen serait d'empêcher qu'elle y erût, et l’on y parviendrait en répandant chaque année une certaine quantité de terreau consommé, ou de plâtre, de chaux, ou de cendres noires ; on y trouverait encore cet avantage, qu'en préservant le gazon des plantes pa- rasites, ces engrais augmenteraient la. vigueur et Ja beauté de sa végétation. Enfin, quand malgré toutes ces précautions la mousse, favorisée par quelques circons- tances particulières, s’est trop multipliée , 4l ne reste plus qu'un moyen; c'est de retourner le gazon par un bon labour, de laisser reposer quelque temps le terrain, et de semer de nouveau. On gazonne en placage lorsque l’on veut former des talus, des bancs, des bordures, ou enfin lorsque l’on DES JARDINS. 83 veut couvrir de verdure un plan incliné quelconque, sur lequel les graines glisseraient ou seraient entraïînées par la pluie. On enlève dans une prairie, ou sur le bord des chemins, des plaques de gazon de deux pouces d'épaisseur ; on rapporte ces morceaux les uns auprès des autres comme des dalles, on les réunit le mieux possible, et l’on bouche les interstices qui peuvent exister entre eux avec de la terre, sur laquelle on jette un peu de graine. Pour les ajuster et les mettre bien de niveau, on glisse plus ou moins de terre dessous, selon le besoin ; et enfin, si la pente est très-rapide, on les fixe par le moyen de chevilles en bois que l’on enfonce au marteau. Ces opérations faites, on aplanit le tout au rouleau ou à la batte; on arrose copieusement, et l’on donne ensuite les mêmes soins que pour les autres gazons. On emploie quelquefois le procédé du placage, dans un petit espace, pour se procurer un gazon dont on veut jouir de suite. Il est encore un autre moye de semer un talus, si l'on n'avait pas la facilité de se procurer des plaques de gazon. On prend de la terre un peu argileuse, mais cependant d’une bonne qualité végétale, on la délaie dans un baquet ou un tonneau avec une sufli- sante quantité d’eau pour la mettre en une espèce de mortier épais et liant; on y ajoute des graines de ray- grass ou de fétuque, et on mélange bien le tout. Après avoir préparé le talus que l’on veut semer, en donnant de la solidité à sa surface par le moyen d’une batte, on le couvre, avec la truelle, ou même les mains, d’une couche d’un pouce ou deux de mortier de terre. On a soin d’arroser peu et doucement, seulement pour main- tenir le terrain dans une humidité suffisante à la végéta- tion , et pour ne pas entrainer le semis, qu’il faut même garantir des grandes pluies jusqu'à ce que les plantes aent acquis assez de développement pour maintenir le tout au moyen de leurs racines. 54 DES JARDINS. IL arrive parfois qu'un gazon, de quelquemanière qu'il ait été fait , se dégarnit dans quelques places ombragées, ou même sans causes apparentes. Dans le premier cas on se contente de remuer légèrement la terre où sont les taches, de semer et recouvrir ; dans le second on agit de même, mais avec la précaution d’enlever une cer- taine épaisseur de la surface du sol et de remplacer avec de la nouvelle terre, ou d'y mélanger une bonne quantité de terreau à moitié ou aux deux tiers consommé, parce que ces taches ne peuvent être occasionées que par la mauvaise qualité ou la médiocrité du terrain. Les tapis se composent de toutes les espèces de plan- tes, vivaces , annuelles , rampantes ou érigées , offrant de l'intérêt dans leurs fleurs ou leur feuillage. Ils servent à parer le sol sur lequel s'élèvent les groupes, les bos- quets et massifs. Ils ont cela de particulier qu'ils peu- vent offrir un coup d'œil pittoresque dans leurs détails comme dans leur ensemble. L'artiste, qui voudra les re- produire dans les jardins paysagers avec tout leur agré- ment, doit aller étudier dans les champs et dans des sites analogues à ceux qu'il veut décorer, les espèces qu'il choisira ; s'il y admet des plantes exotiques , il aura le soin de ne pas y mettre celles dont les fleurs trop bril- Jantes fixeraient l'attention aux dépens de l'effet général: celle-ci sont destinées à composer des groupes ou des massifs dans des places réservées. Le tapis, étant formé de différentes fleurs , dont chacune doit avoir sa place particulière marquée par le goût, ne peut être semé comme les gazons ; il se cultivera donc et se sèmera ou plantera commele parterre; mais, autant qu’on le pourra, on cachera les traces de culture au moyen de plantes très-basses et rampantes qui couvriront la surface de la terre, et déroberont aux yeux les marques récentes de la main qui les a plantées. Les végétaux herbacés , que l'on appelle vulgairement fleurs , offrent encore un bien plus grand avantage que DES JARDINS. 85 ceux dont nous venons de nous occuper, parce qu'ils servent également à la décoration des grandes composi- tions, et qu'ils sont à la fois le principal ornement des petits jardins. Les fleurs ont tant de charmes , tant d’em- pire sur nos sens, qu’elles sont toujours bien places dans quelque lieu qu'on les mette ; elles appartiennent à tous les caractères de scènes , à tous les genres de com- positions , ne blessent les convenances nulle part, et plaisent partout. Mais cependant il est des moyens d'augmenter beaucoup le plaisir qu’elles nous donnent, et ces moyens consistent à les placer, isolément ou groupées, dans les circonstances les plus favorables pour se faire remarquer ou se faire valoir les unes et les autres. La nature a divisé les plantes en annuelles et vivaces ; ce sont ces dernières surtout que l’on destine à Vornement des plates-bandes et des massifs très-grands , placés dans l’intérieur du jardin. Le milieu de ces plan- tations est ordinairement garni par de petits arbrisseaux à fleurs brillantes , entremélés entre eux et avec les plan- tes vivaces les plus hautes. Ils forment ensemble la ligne intérieure principale, qui doit toujours suivre les mêmes courbes, les mêmes sinuosités que la ligne extérieure. A mesure que l’on rapproche les lignes du milieu à la circonférence, les végétaux dont elles sont compo- sées doivent diminuer de hauteur, et finir, de dégra- dation en dégradation, par n'être guère plus élevés que ceux formant la bordure dont on entoure ordinaire- ment ces petites compositions. Soit que l’on plante les fleurs dans un ordre régulier ( en rang , en échiquier ou en losange) , soit qu'on les y place dans un ordre irrégu- lier et comme au hasard, on doit laisser entre elles un espace assez grand, jamais moindre d’un pied, afin d’avoir de la place pour y intercaller, lorsque leurs fleurs seront passées , des plantes en pots, ou annuelles, des ognons, des griffes, etc. , dont les brillantes corolles feront un effet charmant au travers du feuillage des vé- 86 DES JARDINS. » gétaux vivaces. Par cette méthode on se ménage des jouissances pour toutes les saisons. Les plates - bandes sont très en usage dans les jar- dins fleuristes proprement dits : ce sont des espèces de rubans, autrefois en ligne droite, aujourd’hui ainflé- chis , serpentant dans tous les sens et suivant toutes les sinuosités des lignes des allées, bosquets, massifs et autres dessins. Leur longueur n’a pas de dimension dé- terminée, mais leur largeur est calculée sur la facilité que le jardinier doit avoir pour arroser, biner et soigner les plantes que l’on y cultive, sans être obligé d’y entrer. Cette largeur , par conséquent , ne peut jamais excéder six pieds, et n'être jamais moindre de quatre, sous peine de produire un effet mesquin : elle doit aussi être la même dans toute la longueur, car c’est là le caractère qui détermine la plate - bande. Les plantes n’ont pas ri- goureusement besoin d'y être placées dans Pordre de leur élévation, parce que souvent on y plante des col- lections (tulipes, jacinthes, renoncules, etc. ), dont les tiges sont toutes à peu près de la même grandeur ; mais la plate-bande sera élevée de deux ou trois pouces au-dessus du niveau des allées, et le centre s’exhaussera en dos d’âne de six ou huit pouces. La corbeille ne se place que dans un lieu remarqua- ble ; c’est Le luxe d’un parterre. Elle forme le plus ordi- nairement un cercle parfait, quelquefois un polygone, et très-rarement une étoile, ou une autre figure, mais affectant toujours la forme circulaire. Le centre sera en- core plus élevé que dans la plate-bande, et marqué par un arbuste des plus remarquables par ses fleurs, ou par une belle plante d’un choix recherché. L'espace du mi- lieu à la circonférence sera garni de plusieurs rangs de plantes de collection, ou d'anives mais alors se fai- sant distinguer parmi toutes celles du jardin par leur éclat et leur rareté. La corbeille, pour produire toutson effet d’apparat, doit être entourée d’une bordure élé- DES JARDINS. 87 gante, d’un beau vert, et assez solide pour soutenir les terres ; le buis est fe seul végétal qui remplisse parfaite- ment toutes ces conditions. Le massif n'affecte aucune forme particulière, et n’a pas de place déterminée. On le jette cà et là, selon que le goût indique l'endroit où il produira un eflet agréa- ble. On doit le composer de plantes vivaces , les plus élevées dans le milieu et les plus basses sur les bords. Comme il est essentiel qu'il conserve une belle verdure pendant une grande partie de l’année, on est assez dans l'usage d'y planter quelques arbrisseaux des plus petits, mais dont le feuillage et les fleurs offrent de l'intérêt. Les planches , formant un carré long régulier , étaient autrefois très - employées ; mais aujourd'hui elles sont entièrement passées de mode. Si on en fait quelquefois dans un jardin , ce n’est guère que dans une place écartée, et seulement pour y semer les plantes annuelles que l'on doit repiquer en place dans les plates-bandes, corbeilles ét massifs : on s’en sert encore comme pépinière, ou comme lieu de dépôt. Les fleurs en vase ou en pots produisent toujours un effet charmant dans les jardins mixtes ou réguliers ; mais on peut les envisager de deux manières sous Île rap- port de l’ornement : 1° sous celui de leur beauté propre ; s° sous celui de l'élégance et de la richesse des vases qui les contiennent. C’est sous le premier point de vue que nous devons les considérer ici. Le plus souvent on ne cul- tive en pots que les plantes deserre et celles de collection, telles qu'auricules , œillets, etc.; celles-ci doivent être placées sur un gradin en amphithéâtre , près de l’habi- tation. On mélange leur couleur de deux manières qui produisent chacune également de l'effet : 1° par dégra- dation de couleur , c’est-à-dire, que l’on réunit toutes les corolles de la même nuance, sur le même rang, eu commencant par la teinte la plus foncée, puis celle qui l'est moins , et ainsi de suite de dégradation en dégra- pi 88 DES JARDINS. dation jusqu'à la nuance la plus pâle et la plus fugitive : ces rangs peuvent se faire dans le sens de la longueur du gradin, mais ordinairement ils plaisent davantage dans le sens de sa largeur ; 2° par opposition : dans ce cas on place l’une à côté de l’autre les couleurs les plus oppo- sées , les plus tranchantes, celles qui sont le plus sus- ceptibles de se faire réciproquement valoir. On tire encore pari des fleurs en pots pour l’ornément des murs de ter- rasse : mais alors, comme nous l’avons déjà dit, c’est plu- tôt pour la beauté des vases que pour celle des plantes, car on se contente d’y placer quelques géraniers rus- tiques , des aloës, et autres végétaux peu précieux. Les bordures nous offriront un article d'autant plus intéressant qu'il a étéoublié , ou au moins fort négligé par les auteurs qui ont traité de l’art des jardins. Cependant rien n’est utile comme une bordure bien faite et soignée, ear c’est elle qui seule peut arrêter les contours d’une composition, les dessiner avec netteté, et leur donner toute leur grâce, outre qu'elle contribue à maintenir la propreté des allées et à donner à un jardin ce coup d'œil d'élégance recherchée qui plaît à tout le monde. Nous diviserons les bordures en annuelles et vivaces, par la raison que non seulement elles ne se composent pas des mêmes végétaux, mais encore qu’elles ne sont pas destinées tout-à-fait aux mêmes usages. Les bordures annuelles ou lignes ne s’emploient que très - rarement pour dessiner la ligne extérieure d’une composition quel- conque, mais Le plus souvent en ce qu’on appelle contre- bordure, ou second rang, espacé de la véritable bor- dure par une plate-bande plus où moins large. On les plante encore quelquefois pour accompagner des lignes intérieures tracées dans des massifs ou des gazons. La ligne doit se composer de plantes à tiges droites, très-garnies de fleurs dans diverses nuances. Le pied d’alouette nain est très -avantageux pour ce genre de décoration ; on le sème en place , ou on le repique. La DES JARDINS. 89 bordure vivace peut réunir l’utile à l’agréable , c’est-à- dire qu’on peut faire choix de plantes dont les fleurs auront du mérite , soit par leur beauté, soit par leur odeur, en même temps que leurs tiges auront assez de fermeté pour former des touffes capables de soutenir les terres. Le premier mérite d’une bordure vivace, c’est d’être d’une belle verdure, taillée parfaitement net des deux côtés , de manière à former une ligne de quelques pouces d'épaisseur , ayant en hauteur le double de sa largeur, et n’offrant aucun rameau qui la dépasse. Plus ses côtés seront droits etunis, plus la composition qu’elle entourera sera pure dans ses contours. Le buis nain pa- raît le végétal le plus approprié à prendre cette netteté de forme ; aussi , malgré toutes les tentatives que le goût de la nouveauté a fait faire, on a toujours été obligé d’y revenir, faute d’avoir pu trouver une plante pour le remplacer plus utilement. Lorsqu'une bordure est bien entretenue, souvent taillée , son agrément et son utilité marchent de pair ; mais, pour peu qu’on la néglige, l'agrément disparait et les inconvéniens naissent : la bordure s'étale , se dégar- nit , perd sa régularité ; elle forme des toufles épaisses, qui se peuplent bientôt d'insectes pernicieux et de co- limacons extrêmement nuisibles aux jeunes plantes. Il résulte de tout ce que nous venons de dire que l'on a deux précautions essentielles à prendre lorsque l’on veut faire de jolies bordures : 1° d’en avoir le plus grand soin en les nettoyant de toutes les mauvaises her- bes qui croissent au travers, et en les taillant trois ou quatre fois par an; 2° de faire un bon choix de plantes lorsqu'on les forme. Nous allons nous arrêter un peu sur ce dernier point. Les bordures annuelles, oulignes, appartiennent à de grandes ou à de petites compositions ; et, pour con- server leurs convenances , il faut qu’elles soient hautes pour les premières, basses pour les secondes. Le pied 99 . Ù DES JARDINS. d’alouette peut convenir à ces deux lignes à cause de sa variété élevée et de sa variété naine; la balsamine forme des bordures moyennes; la reine - marguerite offre deux variétés, l’une haute et l’autre basse ; les gi- roflées sont dans le même cas, et ces quatre espèces ont sur toutes les autres plantes l'avantage d’offir des fleurs lrès-apparentes, d’un bel effet, ayant un grand nombre de nuances toutes très-vives ; aussi doivent-elles être employées de préférence. Les plus intéressantes qui se présentent ensuite sont : l’athanasie à fleurs jaunes, les juliennes , et le mélilot à fleurs bleues ou trèfle musqué. Il est un autre genre de bordures annuelles que l’on fait avec des plantes bulbeuses, telles que tulipes, nar- _cisses, bulbocodes, colchiques, galanths, iris, jacin- thes, safrans, etc. Elles sont fort agréables sous le rap- port des innombrables et brillantes couleurs dont leurs corolles sont ornées ; mais elles ne durent que quelques jours , et leur feuillage est à peu près de nul effet. Les bordures vivaces sont celles qui offrent pour le choix le plus grand nombre de plantes, les unes in- téressantes par leur feuillage seulement, les autres par leurs fleurs, et d’autres enfin par leur odeur aromatique ou par leurs fruits; Ja fraise est dans ce dernier cas. Parmi les plus basses nous citerons l’anémone hépati- que, dont les fleurs , affectant trois ou quatre nuances, tranchent d’une manière charmante sur le vert brillant de ses épaisses touffes de feuillage ; la marguerite vi- vace et ses nombreuses variétés ; les primevères et les oreilles d'ours dont on peut avoir d'immenses collec- tions ; les staticés ou gazons d’olympe, d’une verdure irès-agréable et très-fournie, mais ayant le défaut de loger beaucoup d'insectes ; l’anthémis odorante ; l’alysse saxatile ou corbeille dorée, dont les charmans corym- bes d’un jaune éclatant couvrent entièrement Ja plante pendant fort long-temps, mais qui, plus encore que la stalicé, a le défaut de s’élargir beaucoup ; plusieurs DES JARDINS. gt espèces de saxifrages bleus, blancs, où violets; le draco- céphale d'Autriche, dontles larges touffes se couvrent d’é- pis d’un très-joli pourpre bleuâtre; la linaire à feuilles d’orchis; les œillets mignardise, de poëte, de la Chine, et de mai; enfin la violette et ses espèces et variétés, de toutes les saisons, blanche, tricolore, odorante, etc. Les bordures vivaces plusélevées se feront avec des végétaux dont les fleurs ne sont pas toujours très - remarquables , mais qui répandent une odeur aromatique de toutes les parties de la plante ; tels sont : les absinthes ; l’hysope ; la sauge, dont le feuillage glauque, presque argenté, fait un effet pittoresque en se détachant sur les masses vertes des groupes d’arbrisseaux ; la camomille romaine ; la lavande; la mélisse ; la matricaire ; l'origan ; le ro- marin , le thym, etc. $ Il. Des Eaux. Après les végétaux , les eaux sont ce qu'il y a de plus agréable pour la décoration des jardins , quel que soit leur genre. Elles figurent avec avantage dans toutes les scènes , et jettent sur les tableaux une vie , un mouve- ment, qui agissent sur notre imagination Comme la fraicheur de leurs bords agit sur nos sens. Nous divi- sons les eanx en naturelles et artificielles ; et ces deux divisions se subdivisent encore en z0n - fluentes , c'est- à-dire , n'ayant par elles-mêmes aucun mouvement sen- sible, en courantes et jaillissantes. Les eaux naturelles nous offriront les sources, fontaines , lacs, étangs; ruisseaux , rivières, Marais, MAITes, LOTTEnS; C4- taractes et cascades. Les eaux artificielles nous don- neront le bassin , le jet d’eau, et la rivière an- glaise. La source n’a pas de bassin, c’est le commencement d’un ruisseau qui prend sa marche et fuit à travers le paysage dès l'endroit même où il sort de terre. Une 92 DES JARDINS. source peut être jaillissante , mais cette circonstance est si rare que l'artiste doit la regarder comme une faveur extraordinaire que lui fait le hasard. Dans de certains terrains il est possible , par le moyen d’un tuyau de bois enfoncé dans la terre jusque sur un courant souterrain, d'interrompre son eours, et de le forcer ;à s’élancer au dehors en gerbe ou même en jet. Mais, abstraction faite de ces heureuses circonstances , si une source se pré- sentait dans une partie élevée du terrain, on pourrait facilement , en la masquant aux yeux pendant un certain espace , la faire reparaitre dans desrochers ou des rocail- les, la faire tomber de quelques pieds d’élévation , et lui donner une expression pittoresque pleine de grâce et de vérité. Mais il faut pour cela conserver les convenances, et que le rocher ne paraisse pas plus avoir été apporté là pour la source, que la source amenée pour le rocher. La nature seule peut fournir des modèles de ce genre de composition , et tout artiste qui prétendra suppléer à l'observation par les combinaisons de l’art où de l’ima- gination , sera certain de manquer son objet, qui est la représentation parfaite de cette nature qu'il n'aura pas étudiée. La fontaine à de grands rapports avec la source; mais ce qui la caractérise, c’est le bassin dans lequel séjourne ses ondes limpides, soit que leur surabondance alimente un ruisseau à sa naissance, soit qu'elle s’infiltre-et dis- paraisse dans la terre. Dans le jardin paysagiste, si la fontaine se trouve dans une parlie découverte et fréquen- tée, on doit lorner parune fabrique élégante ; mais si, plus heureusement située, elle se trouve ombragée par les arbres d’une forêt , par ceux d’un bois ou d’un bosquet, si son lit est placé dans le fond d’un vallon solitaire, les embellissemens qu’elle exige doivent sembler être en- tièrement l'ouvrage de la nature : un saule pleureur dont l'extrémité des rameaux tombera en longues guirlandes , un gazon, un bocage et quelques fleurs ) DES JARDINS. 93 des champs, voilà ce qui plaira davantage lorsqu'on ira se reposer sur ses bords. Le lac est un bassin naturel dans lequel des eaux tranquilles séjournent, sans que l'on puisse leur trou- ver d’issue en cas que l’on voulüt les en faire échapper. S'il n’auneimmense étendue , si la nature n’en a fait tous les frais , il n'est plus qu'un objet mesquin et ridicule , qu’une marre insignifiante , quoique décorée d’un nom pompeux. Ordinairement un lac est formé par un cou- rant d’eau qui, rencontrant un bassin plus profond que son lit et sans ouverture par où il puisse continuer sa course, le remplit et s'y élève jusqu'a ce que les eaux couvrent un espace assez grand pour que l'infiltration et l'évaporation puissent absorber la même quantité d'eau que le courant y amène. Il résulte de ceci que les îles formées dans un lac, n'étant que des monticules que les ondes n’ont pu atteindre, ne doivent pas avoir de figure déterminée comme celles des rivières, mais bien affecter des formes irrégulières, peu allongées, n'ayant point de rapport dans leurs contours avec ceux des bords du lac. Les rives de ces pièces d’eau, ayant les mêmes causes de formation que les îles, doivent aussi présenter une suc- cession de baïes et de caps extrêmement variés dans leur ligne, et produisant une multiplicité d'effets dans leur étendue. L'artiste mettra son talent à prononcer davantage le caractère de ces sinuosités , mais en suivant la même marche que la nature, c’est-à-dire qu'il pourra avancer davantage les caps pour les rendre plus pit- toresques , enfoncer davantage les baies, et couvrir leurs rives de frais ombrages et de quelques fabriques. Il est encore une chose sur laquelle il doit porter son atten- tion : c’est l'ouverture par laquelle entrent les eaux, et celle par laquelle elles sortent, si toutefois une rivière ou un ruisseau traversent le lac. L'ouverture par où elles s'échappent n’est ordinairement qu’un effet de leurs efforts , effet qui produit le plus souvent des chutes et 94 DES JARDINS. des cascades que l’art peut imiter d’une manière très- vraie. L'entrée doit avoir un caractère tout différent : la rivière et le ruisseau , en versant leurs eaux dans le lac, les dirigent toujours au centre, et, loin d’altérer les rives, les fortifient en y déposant sans cesse les limons et les terres qu'ils charrient avec eux; d’où il résulte qu'on peut sans pécher contre la vérité, y former quelques avancemens en forme de jetée plate, imitant des allu- vions naturelles. L'étang est formé, comme le lac, par un courant ar- rêté-dans sa course ; il n’y a que cette seule différence , c'est que l'étang a une digue bâtie par la main des hommes, et sur laquelle on peut très-avantageusement placer des usines utiles et faisant fabrique. Ordinaire- ment d'une assez médiocre étendue, il est diflicile d'y créer des îles , et de lui donner l’apparence d’un lac. Ce- pendant ou y réussit quelquefois en masquant sa chaus- sée , et en déguisant toutes les formes qui lui sont ordi- naires. Pour cela, on élargit la partie qui fournit entrée au ruisseau, on donne à ses rives des développemens arrondis et naturels, on détourne le courant formé par la surabondance des eaux; et, au heu de le laisser s'échapper par une vanne de la chaussée, comme c’est l'usage, on creuse vers le milieu d’un des côtés de l'étang un lit artificiel dans lequel on le fait passer en formant un ruisseau qui, après avoir serpenté un instant, se précipitera en cascade à une distance assez éloignée de la pièce d’eau pour donner le change à l'esprit de Pob- servateur. Du reste, les rives de l'étang sont susceptibles de recevoir les mêmes embellissemens que celles du lac; les saules pleureurs, argentés, le peuplier, laune , le tupelo et le cyprès chauve , fourniront sur le bord de ses eaux transparentes un ombrage pittoresque et déli- cieux. Le ruisseau est l'âme d'un paysage; de toutes les eaux ce sont celles qui se présentent avec le moins de DES JARDINS. 95 prétentions, et cependant qui produisent l'effet le plus séduisant. On aime à suivre son cours sinueux au milieu de la prairie émaillée où ses ondes, transparentes comme du cristal, roulent paisiblement sur un sable pur; on le suit à travers les bocages où sa marche, tantôt arrêtée, tantôt précipitée par les accidens du terrain , s'annonce par un murmure qui porte l'âme à une douce rêverie ; mais c'est surtout lorsque , surmontant un obstacle, il s’élance en bouillonnant à travers les rochers , et se pré- cipite en cascade dans le bassin que ses ondes écumeuses se sont creusé dans les fissures de la roche; c’est alors qu'il déploie tous les charmes mystérieux que la nature lui a donnés pour émouvoir le cœur, pour plaire et séduire les hommes les plus indifférens. L'artiste s'em- parera de son cours pour le diriger avec goût et le faire serpenter dans tous les lieux de la composi- tion où il se trouvera en convenance; mais il ne faut pas pour cela croire pouvoir conduire sa marche ar- bitrairement. Pour atteindre le naturel, dans un jardin paysager, il ne faut pas violer les lois de la nature : les eaux tendent toujours à s'échapper dans une pente par le chemin le plus droit et le moins long : il ne faut donc pas leur faire louvoyer une colline sous le vain prétexte d’allonger leur cours. Si on veut leur faire parcourir un grand espace, il faut que ce soit sur un terrain en pente insensible , afin que l'œil ne puisse s’apercevoir de cette contravention envers les lois de la gravité. Les bords d’un ruisseau ne doivent pas se montrer toujours faciles : il faut quelquefois qu'un accident de terrain ou de plantation oblige le promeneur à s'éloigner de son lit pour le retrouver plus loin avec un nouveau plaisir. C’est dans cet espace dérobé aux yeux indiscrets par des mas- ses épaisses de verdure, par des buissons impénétrables à celui qui n’en connait pas les détours, que l’on peut placer ces berceaux mystérieux, favorables aux doux épanchemens du cœur et aux tendres confidences. Le 96 DES JARDINS. 7 ruisseau sera embelli, sur ses rives, de fleurs d’un co- loris brillant, de plantes grimpantes dont les tiges sar- menteuses embrasseront le tronc brunâtre des arbres voisins. L’aune étendra ses racines jusqu'au milieu des ondes , tandis que la fleur argentée de la circée se penchera pour se mirer à leur surface. La rivière, moins agréable peut-être que le ruisseau, est plus majestueuse , plus noble, et produit plus d'effet dans une grande composition. Ses bords , le plus sou- vent parallèles, ne doivent pas cependant l'être assez pour lui donner de la ressemblance avec un canal. Mille accidens, un tronc d'arbre renversé, un rocher et même un banc de terre plus compacte, suffisent pour détruire cette umiformité, parce que le courant, rencontrant un obstacle, attaque et creuse les rives dans ces endroits- là. C'est ce que l'artiste imitera avec la plus grande facilité. Lorsqu'une rivière parcourt le fond d’une col- line, elle rencontre des parties plates et d’autres pro- fondément creusées : dans les premières, elle s’élargit considérablement ; dans les autres, elle se resserre en raison de la profondeur de son lit; c’est une indication dont on ne s'éloignera jamais, si l’on veut faire un ou- vrage imitant parfaitement la nature. Les fles font une charmante décoration au milieu d'une rivière. Elles plaisent d’abord par elles-mêmes, puis par les fabriques qui les décorent, et surtout par les ponts pittoresques ou rustiques qui les'attachent au con- tinent. Nous avons vu que dans un lac elles doivent affecter des formes irrégulières; il n’en est point de même ici : formées par l'accumulation lente et succes- sive des sables charriés par les courans, elles s'élèvent peu , et prennent une figure allongée dans le sens du courant. On sent que des rochers, qui peuvent être bien placés dans l’île d’un lac, seraient inconvenans et ridi- cules dans celle d’une rivière. Une chaumière de pé- cheur, un obélisque sépulcral ou une autre fabrique du DES JARDINS. 97 même genre y figureront d'une manière très-pittores- que, pourvu que l'étendue des terres d’alluvion soit suflisante pour les motiver. Une île fort petite, sans monumens, ne présentant aucun objet d'utilité qui puisse déterminer à aller la visiter souvent, ne doit point avoir de pont pour communiquer, sous peine d’invrai- semblance. On réservera son abordage pour la pro- menade en bateau. Du reste, le bord des rivières, commeles îles qu’on y voit, sera riches en végétation. Les arbres, les arbustes et les plantes aquatiques fleuriront sur leurs rives, et les couvriront d’un épais ombrage, de dessous lequel le pêcheur, abrité des rayons brülans du soleil, tendra ses hamecons perfdes, ou lancera sur le brochet et la carpe, attirés par un appât trompeur, le filet dans lequel son adresse cherche à les enlacer. Les marais ne se rencontrent que trop fréquemment dans les pays cultivés, où ils annoncent que l’agriculture est loin encore d’avoir atteint le degré de perfection dont elle est susceptible. Presque toujours il serait facile de les dessécher pour enfaire des terres labourables, ou au moins d’excellens pâturages ; mais c’est dans un jardin qu'il est aisé d'en tirer un charmant parti en les conver- tissant en une espèce de petit archipel. Il ne faut pour cela que donner plus de profondeur aux parties entière- ment submergées, et jeter la vase et la terre qu’on en tire sur les endroits les plus élevés. On forme ainsi une quantité d’ilots fort agréables, lorsqu'ils sont couverts de plantations. La marre est un réservoir naturel où l’eau des pluies et celle filtrée par un terrain plus ou moins humide se conservent dans un état perpétuel de stagnation. On peut, si elle est considérable , en faire une pièce d’eau intéressante en lui donnant la forme d’un petit lac, et à ses bords des inflexions gracieuses et variées. Une marre est toujours parfaitement placée dans une scène £ 98 DES JARDINS. champêtre, auprès d’une ferme, où elle sert à désalté- rer les troupeaux ; on la rencontre encore avec ses con- venances sur la lisière d’un bois, et dans les pâturages. Le grand inconvénient des marres est que l’eau, ne s'y renouvelant jamais, se trouble, se corrompt, et non- seulement perd tous ses agrémens, mais encore con- tracte une odeur désagréable : les miasmes qui s'en exhalent sont très-dangereux pour la santé des hommes et des animaux. Il est une manière fort simple de main- tenir sa limpidité ; elle consiste à y planter des végé- taux aquatiques et à la peupler de poissons. Les plantes, en s'emparant du carbone surabondant, empêchent en grande partie la décomposition; agitées par le vent, . elles communiquent à l’eau un mouvement qui, augmenté par les poissons, remuant sans cesse la vase du fond, produit l'effet d’un léger courant suflisant pour la main tenir dans son état de limpidité. Il est inutile de re- commander à l'artiste d'y placer les végétaux dont les tiges s'élèvent au-dessus de la surface des ondes; il comprendra parfaitement que les vents auront plus de prise sur ceux-ci, et que, par conséquent, ils rempliront mieux ses intentions. Les roseaux, massette, jonc, iris faux-acore, etc., mériteront la préférence sous ce rap- port. Cependant celan’empêchera pas d’orner la marre de quelques nénufars ou autres plantes à feuilles larges et flottantes et à fleurs apparentes; seulementon en éloïgnera la macre, parce que, multipliant beaucoup, elle se serait bientôt emparée de toute Ja pièce , et couvrirait entière- ment sa surface de verdure, ce qui en détruirait l'effet. Le torrent diffère du ruisseau et de la rivière par l’impétuosité avec laquelle ses ondes précipitent leur cours toujours resserré entre deux bords élevés formant ravin. Dans une agitation continuelle, toujours bouil- lonnantes, ses eaux roulent avec bruit à travers les ro- chers qui forment leur lit : l'oreille doit en être frap- pée long-temps avant que l’on arrive sur ses bords. DES JARDINS. 99 Aussi cèt accident de la nature, d'autant plus à désirer qu'il est plus rare et d’an effet plus majestueux et plus terrible, ne figure-t-il avec toutes ses convenances que dans les scènes sauvages et pittoresques, éloignées de l'habitation pour ne pas en troubler le tranquille si- lence. Un pont d’une architecture hardie et légère, une digue pour retenir les eaux et former une chute, quel- ques arbres penchés sur le ravin, voilà tous les ornemens qui conviennent au torrent, qui, du reste, ne peut Jamais être un objet d'imitation. Cataractes et cascades. Les obstacles qu’un cou- rant d’eau rencontre dans sa marche forment les cata- ractes et les cascades. Les premières tombent d’un seul jet en une seule nappe, du haut en bas : les secondes jaillissent d'obstacles en obstacles, se divisent en plu- sieurs nappes ou gerbes, et n’atteignent le fond du bassin qu'après plusieurs chutes. Le caractère de ces accidens est sublime lorsque la chute appartient à une rivière d’une certaine largeur ; il peut devenir terrible si les eaux se précipitent avec fracas d’une hauteur considé- rable, mais il est toujours pittoresque , la chute ne fût- elle que de quelques pieds, ou celle d’un simple ruis- seau. L'art peutimiter la nature pour produire ces effets, mais l'artiste doit dans ces occasions développer tout son génie pour ne pas outrepasser les règles strictes de Ja vraisemblance. [n’entassera pas rochers sur rochers pour établir sa digue : quelquefois une simple pierre en tra- vers du ruisseau paraîtra plus naturelle que tout l'appareil compliqué d’une composition la mieux combinée. Si la chute est considérable, on peut lui donner la forme de cascade en lui présentant plusieurs obstacles. On peut encore avec de l’art la faire paraître beaucoup plus large qu'elle n’est réellement ; il ne s’agit que de la diviser par une roche placée avec vraisemblance. Il faut employer, dans ces constructions, des rochersirréguliers, de grandes dimensions, paraissant opposer à la force des eaux un 100 ji ‘ DES JARDINS. obstacle inébranlable sur lequel elles viendront se briser avec fracas, en lançant au loin d’éclatans bouillons d'écume. L'endroit d’où elles se précipitent simulera une montagne qu'elles auront creusée en ravin pour se frayer une issue. Telles sont les différentes formes sous lesquelles se présentent les eaux naturelles; leur abondance, leur limpidité, sont des caractères qui les distinguent tou- jours, et d’une manière extrêmement avantageuse , des eaux artificielles. Celles-ci, obtenues par le moyen de pompes, conduits et autres machines hydrauliques, seront d'autant plus ménagées qu’on se les procurera avec plus de dépenses et de difficultés. Cependant nous ne conseillerons jamais de les tenir prisonnières dans des bassins de plomb, comme on en voit dans de certains jardins : l'aspect de ce métal détruit toute illusion, ne nous fait plus admirer que les effets de Part et de lopu- lence ; et si ces effets ne sont pas assez grands pour pro- duire l’étonnement et l’enthousiasme, ils cessent de plaire, et tombent même dans le mesquin. Si le terrain où l’on creusera des pièces d'eaux aruficielles est trop poreux pour les retenir, on emploiera les procédés en usage pour la maconnerie, tels que Les couches d’argile, le ciment, le pavé même, mais on aura le plus grand soin de masquer ces travaux dans la rivière anglaise et autres compositions où l’on cherchera limitation des eaux naturelles. Le bassin accompagne les jardins réguliers les plus élégans. Sa forme est ordinairement circulaire ou en poly- gone, rarement carrée. Le granit, le marbre ou la pierre de taille dessinent ses bords ornés de moulures et de tout le luxe de l’architecture. Nous n’entrerons dans aucun détail relativement à sa construction, à sa place et à ses dimensions, parce que ces combinaisons apparliennent à l'architecte qui a tracé le pian de l'habitation, avec laquelle ces sortes de décorations doivent être en par- DES JARDINS. 101 faite harmonie. Seulement nous dirons que nous y avons toujours vu nager le cygne dont la tournure noble et majestueuse est très-bien en convenance avec le gran- * diose des châteaux et des palais. 1! n’en est pas de même de la rivière anglaise, ou à eau dormante , qui convient très-bien aux jardins paysa- gers d'une petite étendue. Quoiqu’elle ait beaucoup d’a- nalogie avee l'étang, que ses rives se prêtent aux mêmes décorations , 11 y a cependant cette différence essentielle que le faible filet d'eau qui l’alimente doit être déguisé avec le plus grand soin, tandis qu’au contraire Je ruis- seau qui se jette dans l'étang se montre orné de tous les agrémens dont il est susceptible. La forme de la rivière anglaise doit être allongée, et ses rives parallèles comme celles de la rivière naturelle. Le grand art consiste à masquer de la manière la plus vraisemblable possible , l'endroit où elle commence et celui où elle finit. I} est pour cela trois moyens, dont le moins bon nous a tou- jours paru le plus employé, sans que nous puissions en expliquer la cause. Celui - ei consiste à placer un pont rustique construit sur des rochers, et caché d’un côté par une épaisse plantation, où une autre fabrique, telle qu'une ruine, un moulin, etc. Un autre moyen préfé- rable est de faire décrire à la rivière beaucoup de si- nuosités, et de faire perdre ses deux extrénrités dans un bosquetimpénétrable, où l’æil même ne pourra la suivre. Enfin on peut encore, si le terrain est vaste, la faire serpenter par un grand nombre de contours, arranger les plantations de ses rives de manière à empêcher le promeneur de pouvoir les suivre sans interruption et à lui faire perdre la trace de son cours de temps à autre ; puis “on réunira les deux extrémités , ce qui formera une île dans le milieu, mais assez irrégulière pour qu’on n’en puisse pas saisir le caractère. Du reste, la stagnation des eaux est presque insensible dans la rivière artificielle , parce que le moindre vent , ridant leur surface, pousse 102 :. s DES JARDINS. toujours les ondulations du même côté, ce qui prête singulièrement à l'illusion, et figure un courant. Dans les fortes chaleurs elles seraient sujettes à se putréfier comme celles dela marre, si on n’employait les mêmes moyens pour les en préserver. . Lejet d'eau, comme les morceaux de sculpture lan- cant de l’eau, appartient aux jardins réguliers et de luxe. Il est d'autant mieux placé qu'il fait point de vue et termine un tableau en se dessinant sur un fond de verdure. On ne doit se le permettre que lorsqu'on a une chute considérable, qui donne la facilité de le faire s'élancer au moins à quinze ou vingt pieds; moins élevé, il a peu d'effet ; de trois à six pieds, al est mesquin et ridicule. Si on ne peut lui donner une plus grande hauteur, il vaut beaucoup mieux s’en passer, où le métamorphoser en fontaine que l’on fera tomber d'un vase, d'une coupe, d’un animal, ou même d'un groupe sortant des mains d’un habile sculpteur. En voilà assez sur le chapitre intéressant des eaux ; c’est à l’artiste à savoir profiter sur le terrain de toutes les circonstances imprévues qui peuvent augmenter leur effet agréable. Nous ne donnerons pas ici les moyens de les diriger pour les amener dans la composition, soit qu'on les fasse venir d’un lieu éloigné par le moyen de Luyaux de conduite, de siphons, etc., soit qu’on les force à monter à la surface de la terre par des pompes ou des machines hydrauliques. Cette science, toute physique, s'éloigne trop de notre sujet, outre que, pour l’exposer d’une manière utile, elle demanderait à elle seule un volume. D'ailleurs nous n’engagerons jamais un amateur de jardins à employer des machines extré- mement dispendieuses , dont le résultat. est souvent incertain, et toujours peu satisfaisant. Dans le cas où l'on serait obligé d’avoir recours à des eaux de puits, nous conseillons très-fort de s’en tenir à l’eau nécessaire aux arrosemens , et à renoncer à l’espérance d'en tirer DES JARDINS. 103 parti sous le rapport de lagrément ; rien n'est puérile comme ces rivières que l'on remplit à seau , et ces cas- cades que l’on fait jouer avec une pompe. $ IV. Des Constructions d'agrément. Nous n’entendons parler ici que de celles qui ont pour but la décoration, et non de celles utiles à la conserva- tion des végétaux. Nous traiterons de ces dernières dans la deuxième partie de ce volume. Sous ce titre de cons- tructions nous renfermons les fabriques de tous genres et les rochers. Ceux-ci sembleraient appartenir plutôt à l’amicle des sites qu’à celui-ci, du moins si l’on s’en rapportait entièrement aux auteurs qui recommandent saus cesse de n’en jamais construire, et de s’en passer s’il ne s’en trouve pas sur le sol que l’on métamorphose en jardin." Nous sommes assez de cet avis ; mais cependant, comme nous avons vu quelquefois des rochers factices produire un effet pittoresque, comme aussi on peut creuser dans leurs flancs des grottes et des cavernes, nous éroyons devoir en traiter ici. Les rochers peuvent avoir plusieurs caractères : ils sont imposans par leur masse ; majestueux par leur élé- vaton ; terribles par leur assise, leurs profondes fis- sures et leur âpreté; enfin pittoresques par leur tran- chante opposition avec tous les autres objets entrant dans la composition d’un paysage. Ceux de ce dernier caractère sont les seuls que les hommes puissent tenter de créer; mais avant de commencer une entreprise aussi diflicile et d'une dépense énorme il faudra calculer long- temps ses facultés pécuniaires et ses moyens de réussite. Qu'on ne croie pas qu'il ne s’agit iei que de maçonner les unes sur les autres des pierres brutes et irrégulière- ment pesces ; il faut apporter des roches naturelles , étudier leur position et leur connexité sur leur véritable sol, pour les leur rendre dans la composition. Mais si 104 DES JARDINS. un terrain se trouve en posséder de naturelles, c’est alors que l'artiste montrera son goût en les rendant propres au caractère de la scène qu’il se propose de faire. Tantôt il les mettra à découvert en les décombrant des terres végétales que le temps amoncèle à leur base; tantôt il rendra leurs pentes plus escarpées , plus raides, en employant Ja poudre à canon pour les éclater, et par ce moyen il rompra l’umformité de leur figure si elle était peu pittoresque ; d’autres fois, il en couvrira de certaines parties, pour isoler des groupes, par des plan- tations qui demandent beaucoup de goût et de connais- sances en dendrologie. Il animera ses tableaux : des mousses , des lichens, des plantes grimpantes en tapis- seront quelques portions, tandis qu’un arbre géné dans son accroissement , altéré dans sa forme , se penchera ou se courbera d'une manière singulière, eomme si ses ra- cines , étroitement serrées dans une fissure de la roche , avaient à peine la force de le soutenir. Quelquefois les rochers sont trop isolés, c'est encore par desplantations intercalées dans les espaces vides que l’on fait croire que les masses les plus remarquables tiennent à d’autres non-aperçues. Les sentiers offrent encore un moyen de rendre ces ta- bleaux très-piquans. Tantôt ils serpenteront sur le pen- chant d’une côte escarpée , et rendront accessibles , en louvoyant , les crêtes les plus hautes et paraissant les plus inabordables. De distance en distance ils offriront, en s'élargissant , un plateau d’où la vue se promènera sur un vaste horizon; un simple banc taillé dans la roche et recouvert par une guirlande de lierre, rendra ces lieux de repos extrêmement agréables. D’autres fois ils se re- tréciront et lon geront de profonds précipices , mais dont le danger ne sera qa apparent. Nous ne pouvons donner ici de mel conseils pour la convenance existant entre les rochers et la composi- tion générale, que ceux de Morel. I dit : «Que, si ce- DES JARDINS. 105 pendant, après de mûres réflexions, de faciles ressour- ces, des moyens possibles déterminaient un artiste à jeter des rochers dans quelques scènes de ses jardins pour en fortifier le caractère et lui donner plus d'expression, en- treprise toujours coûteuse et d’un succès presque toujours incertain , il n'oubliera pas du moins que le terrain doit avoir du mouvement , que les productions qui le cou- vrent ne doivent être que du genre de celles qui crois- sent sur un sol sec et aride, qu'il faut enfin que le site soit tel qu'on doute, en le voyant, si l’absence des ro- chers n’est pas un oubli de la nature. Il pourvoira encore à ce que cette scène factice soit amenée par des inter- médiaires qui la préparent et l’annoncent naturellement. Une transition subite, des entours d’un genre disparate, ne présenteraient , dans ce cas, qu'un contraste fait à la main, et détruiraient l'illusion qui dans ce genre ne saurait être trop complète. Bref, à force d’art, il retrou- vera la nature. » Les cavernes, les antres etles grottes appartiennent aux rochers dont ils ne sont que des accessoires; cepen- dant ils peuvent former des scènes tout-à-fait indépen- dantes par leur caractère. Par exemple , la grotte sera toujours pittoresque , mais elle peut avoir la physiono- mie sauvage ou rustique. Dans le premier cas on n'y verra aucun des meubles ordinaires à l'usage de l’homme, et cependant l'artiste trouvera le moyen d'y placer, comme si la nature et le hasard s'en étaient seuls mêlés, quelques bancs de pierreirréguliers, mais commodes, imitant-des fragmens de rochers renversés ou détachés de la voûte par le temps, un bloc qui , au besoin, pourra servir de table, et un coin enfoncé d’où la fumée s’é- chappera par une fente ou un trou ménagé avec adresse, afin de donner la possibilité d'y avoir du feu lorsque, par partie de plaisir, on aura choisi cet endroit pour y prendre un repas champêtre ou quelques heures de repos et de méditation. Plusieurs provinces de la 106 DES JARDINS. France , et particulièrement celles que la Loire arrose dans son cours, ‘sont peuplées par de véritables Troglo- dytes, c’est-à-dire, par des hommes habitant les trous qu’ils ont trouvés ou creusés sur le penchant des mon- tagnes. Si l’on voulait donner à une grotte Ja physiono- mie de ces singulières habitations , elle prendrait alors le caractère rustique. Sur un petit plateau, formé devant l'entrée par les déblaiemens qu’on y aurait jetés et ni- velés en la creusant, on tracerait un petit jardin légu- mier , Où au moins on planterait un arbre pour ombrager un banc ; une treille tapisserait le devant de la grotte, où l’on aurait grossièrement maconné une espèce de mu- raille percée par une porte étroite et par une fenétre plus étroite encore. L'intérieur serait garni d’une table et de quelques meubles rustiques à la convenance des lia- bitans de la campagne, mais d’une propreté égale à leur simplicité. On donnera aux antres et aux cavernes un caraclère tout-à-fait différent; toujours cachés dans lépaisseur d’une sombre forêt, au fond d’une sauvage solitude , ils doivent inspirer la frayeur au même degré que la curiosité. L'entrée en sera basse et étroite , les détours nombreux et hérissés de rochers, les ténèbres les plus profondes règneront sous leurs voûtes humides et silen- cieuses, et la chauve-souris seule fera entendre le bruis- sement de ses ailes lorsque, troublée dans sa sinistre de- meure , elle voltigera autour de la torche du curieux. Presque toujours la nature fait les premiers frais de cette scène ; on peut creuser une grotte, mais si le ha- sard ne présentait une caverne , ce serait en vain qu'on voudrait en avoir une , puisque ce qui Ja constitue plus particulièrement c’est son immense étendue! Cependant, sil arrivait que l’on possédät une vieille carrière cou- verte, avec peu de dépense et beaucoup d’art on pour rait en tirer le même parti que si elle était l'ouvrage de la nature ; si on voulait même lui donner un caractère DES JARDINS. 107 terrible et romantique, il ne serait pas nécessaire de masquer les travaux des hommes, il suflirait d'y placer une fabrique annonçant que jadis il s’est passé, dans ce lieu sinistre, un de ces événemens mystérieux et funestes où l'innocence a succombé sous le poignard du crime. Des Fabriques. On donne ce nom à toutesles constructions bâties pour la décoration d’un jardin, en tant cependant qu’elles sont ou figurent un monument, quel qu'en soit Pusage vrai où supposé. Par exemple, un pont, quand même il serait composé seulement d’un tronc d'arbre renversé , ou même d’une seule planche, est regardé comme fa- brique, parce que, s’il n’est pas un monument, au moins il en tient la place et le remplace sous le rapport de Pu- tilité ; un treillage artistement entrelacé , une palissade, ne feront pas fabrique, parce qu’ils ne forment ou ne sont censés former que clôture, et qu'il n’est jamais venu à l'esprit de personne de regarder les murs d’un pare ou d'un Jardin comme des monumens. Cependant uous ne donnons pas cette définition comme rigou- reuse ; il nous suflit de nous faire comprendre à nos lecteurs. + Comme nous l’avons déjà dit, les fabriques ont pris naissance en Chine, si l'on s’en rapporte aux auteurs ; de là elles ont passé en Angleterre, puis sur le conti- nént. Ce qu'il y a de certain, c’est que le goût s’en est si prodigieusement répandu , qu'il n'existe peut-être pas un village en France où l’on ne trouve un ou plusieurs jardins avec ce genré d'ornement bien ou mal placé. Il en est résulté que, devenu trop commun , les gens ri- ches s’en sont dégoûtés : les artistes, n'ayant plus guëre la prétention de faire du neuf dans ce genre, ont voulu le réformer, et les auteurs, plus faciles peut-être qu'ils ne le pensent à se laisser impressionner, se sont mis , 108 DES JARDINS. pour la plupart, à déclamer contre des décorat'ons dont ils ont jugé sans doute par les plus mauvaises, c’est- à-dire , par le plus grand nombre. Mais les hommes pour- vus d’un goût délicat, uni à un jugement solide, n’en ont pas jugé de même, par la raison que , n'étant jamais portés aux extrêmes comme les personnes engouées de l'esprit de système, ils ont tout vu , tout raisonné , se sont avoué avec bonne foi le plaisir qu'ils ont éprouvé , ne se sont pas dissimulé le ridicule et le mesquin toutes les fois qu'il s’est présenté sous leurs yeux, d'où ils ont fini par conclure qu'il ne faut pas exclusivement adopter le genre chinois, comme l'ont fait Chambers et ses com- patriotes, mi le rejeter entièrement, comme Morel et d’autres artistes. En effet , rien de fastidieux, de ridicule même, comme un jardin dans lequel les fabriques sont entassées les unes sur les autres sans choix ni discernement , et mal- heureusement ces exemples ne sont que trop cCommups ; mais aussi, en ne copiant que la nature , comment pro- duire des effets remarquables et piquans dans un pays où celte nature n'est elle-même qu’une suite de tableaux les plus pittoresques et les plus variés? Par exemple, dans les environs de Lyon, sur les bords de la Loire, dans les Alpes, les Pyrénées, etc. , ete. , si l’on veut créer des scènes d’un caractère différent de celles que l’on rencontre à chaque pas, il faudra de toute né- cessité y placer des fabriques , ou la composition ; quel qu’en soit d’ailleurs le mérite , ne sera ni remarquablemi remarquée. Qu'on place, dans un des pays que je viens de nommer , un artiste avec le livre de Morel à la main, qu'on y place Morel lui-même pour y tracer un jardin, qu'aura-t-il à faire? à clore un espace plus où moins grand , et tout sera fini s’il s’en tient aux règles qu'il a lracées, à moins qu'il ne fasse arracher les arbres et ar- brisseaux indigènes, les chênes, tilleuls, saules , peu- pliers, les chamecerisiers , chèvre-feuilles, cytises , ba- DES JARDINS. 109 guenaudiers , etc., pour les remplacer par des espèces exotiques, plus rares sans doute, mais le plus souvent moins agréables. Nous croyons que des fabriques bien motivées , par- faitement en convenance avec le site, ne peuvent pro- duire qu'un charmant effet lorsqu'elles ne sont pas trop prodiguées. En règle générale, elles doivent être placées de manière à n'être apercues que l’une après l'autre, afin de piquer continuellement la curiosité du promeneur et d'exciter sans cesse son étonnement. Îl est cependant des cas où, pour caractériser davantage une scène, on peut en rapprocher deux ou trois du même genre; par exemple, une chapelle et un tombeau. Enfin toutes les fois que l’on pourra utiliser une fabrique en lui donnant Ja destination indiquée par sa forme, on aura atteint le but le plus favorable pour qu'elle plaise , parce qu’elle aura nécessairement toutes ses convenances. L'habitation ne semblerait pas au premier coup d’œil devoir figurer dans le nombre des monumens destinés à l'embellissement d’un jardin , puisque le plus ordinaire- ment celui-ci n’est qu'une dépendance de la première , déstinée à en rendre le séjour plus attrayant. Cependant il est des circonstances dans lesquelles l'artiste se trouve forcé de caractériser les bâtimens d'habitation de manière à les mettre en harmonie avec le site, et dans ce cas on peut les regarder comme de véritables fabriques. Il faut alors les placer dans les situations les plus favorables pour faire valoir le jardin, c’est-à-dire que l'on doit découvrir, des appartemens, les scènes les plus pittores- ques et les plus propres à donner lPenvie de la prome- nade en faisant naître la curiosité. Or, l'habitation de- vant aussi être en vue, si elle ne se trouve pas en rapport avec les scènes principales du paysage, le con- traste devient choquant , le tout cesse de plaire , et le but est manqué. Il résulte de là que, si les bâtimens existent avant le jardin, il faut, en traçant ce dernier, se con- 110 + y DES JARDINS. ; former à leur caractère , et même sacrifier pour cela tous les heureux accidens que lesite oftrirait ; mais, si on avait à construire l’un et l’autre , ce serait au contraire le style des bâtimens qu’ilfaudrait accommoderaux convenances locales. C’est de cette dernière supposition que nous allons partir pour tracer quelques règles générales. Si le paysage est d’une immense étendue , s'il offre de toutes parts des tableaux intéressans , l'habitation s'élè- vera au milieu de la composition, sur un plateau s'il s'en trouve, ou au moins dans un lieu découvert d'où la vue pourra s'étendre sans obstacle sur tous les points. Dans © le cas où l'artiste n'aurait à sa disposition qu'une étendue de terrain assez bornée, 1l la placera au contraire sur une des lignes extérieures, mais toujours sur une éléva- tion un peu prononcée. Autant qu'on le pourra la facade sera tournée au levant, ou au midi , ou au couchant , et jamais au nord. Toutes les constructions seront appro- priées au but d'utilité qu’on se proposera en les élevant, étonne cherchera point à déguiser leur emploi. Dans un jardin symétrique, d’une grande étendue , on bâtira un château d’une architecture nobleet élégante; dans un jar- din paysegiste, une maison prendra le caractère cham- pêtre d’une ferme, si tel est le caractère principal de la composition ; les écuries , les basses - cours , les pigeon- niers, etc. , lentoureront en partie , ou au moins seront adjacens ; si c’est le caractère rustiqueiqui domine , l'architecture en sera plus simple encore. La véritable place d’une maison bourgeoise est dans le jardin mixte, Enfin, dans un paysage dont les sites seraient durs et anstères, les accidens majestueux ou terribles, rien n’empécherait de nous rappeler l’image d’un de ces ma- noirs féodaux , à créneaux, à donjons et à pont-levis , dont les tours du nord et de l’ouest sont encore en pos- session d’échauffer le cerveau de nos auteurs romanti- ques. Dans tous les cas, quel que soit le caractère que lon veuille donner à l'habitation, on doit respecter DES JARDINS. tit scrupuleusement les lois sévères de l'architecture , ne point faire d’anachronisme, et rejeter, sans autre exa- men, tout projet dans lequel on aurait voulu allier deux genres différens , par exemple , les architectures grec- que et gothique. Nous ne nous étendrons pas davan- tage sur une matière qui se trouve, pour tout le reste , dans les attributions de l'architecture. Les pavillons conviennent parfaitement aux scènes gracieuses et riantes d’une petite étendue. Ils peuvent se prêter à tous les caractères et à toutes Les formes, mais seulement dans le genre gai. Tantôt placés sur une élé- vauion, ils offriront aux promeneurs un charmant lieu de repos, d'où l’œil errera avec complaisance sur un lointain pittoresque. Alors on pourra développer dans leur architecture toute l'élégance et toute la légèreté dont cet art enchanteur est susceptible. Dans le jar- din régulier , deux pavillons peuvent orner les deux ex- trémités d’une terrasse, l’entrée d’une grille, où même le commencement d’une avenue conduisant à l’habita- tion principale ; et dans ce cas leur architecture sera ri- goureusement dans le même style que la maison, par la raison qu'ils n’en sont qu'une dépendance. D’autres fois le pavillon remplace la maison d'habitation; alors il doit être en harmonie avec la composition générale plutôt qu'avec une scère partielle, et il prendra le ca- ractère champêtre, ou rustique, ou pittoresque, etc. ; on lui donnera de l'étendue, et l'on distribuera son inté- rieur en appartemens commodes. Nous n'avons pas be- soin de répéter que c'est toujours de la fenêtre du salon ou de la pièce qui le remplace, que l’on doit jouir du plus beau coup d'œil. On utilise assez ordinairement les pavillons en y établissant des bains, ou une salle de bil- lard ou de danse. Le kiosque et le belvédere ne se distinguent du pavil- lon que par une structure plus légère, et par leurs jours qui tiennent presque entièrement la place des murs. Ils 112 DES JARDINS, appartiennent plus particulièrement au caractère pitto- resque , et nese placent jamais que sur le point le plus élevé du paysage. Il faut que le promeneur, parvenu dans cette construction, puisse, du milieu, découvrir un im- mense horizon de tous les côtés où il jettera la vue. On les orne ordinairement de colonnes légères, de bal- cons, etc. Mais la grande utilité qu’on en peut retirer, c’est d’en faire un préservatif contre les effets terribles de la foudre. Dominant toute la campagne des environs et surtout l'habitation , un paratonnerre s’y trouve par- faitement placé ; près de la nue il agit sur le fluide élec- trique avec plus d'énergie, attire , l’absorbe en grande partie , et prévient non-seulement le danger, mais même les détonations si effrayantes pour de certaines per- sonnes. Les rotondes sont des espèces de larges tours, tron- quées à une petite hauteur, servant à la fois à l'ornc- ment et à l’utile. On peut donner cette forme au loge- ment d’un jardinier, ou à une écurie, en l’entourant symétriquement d’autres constructions plus petites pour loger les différentes espèces d'animaux domestiques. La rotonde ne convient guère qu'aux scènes champêtres et rustiques. Le jardin du roi, à Paris, en offre un très-joli modèle. On donne encore le nom de rotonde à plusieurs es- pèces de constructions d’un genre indéterminé ; il sufht pour cela qu’elles soient basses et affectent une forme ronde. Un cirque, un manége, peuvent se placer avec d'autant plus d'avantage dans une rotonde, que ce bä- timent ne se trouve jamais à une grande distance de l’ha- bitation principale. Le chalet est une maison, ou plutôt une chaumière , placée dans un bois ou au moins à sa proximité , car elle est censée habitée par des bücherons ou des charbon- niers. Son toit de chaume, ses parois en torchis ou en bois, lui donnent un air de pauvreté qui n'en exclut pas DES JARDINS. 113 la propreté. Elle ne peut convenir qu'aux scènes rus- tiques. L'intérieur doit être meublé simplement , et n’of- fiir que les objets de première nécessité, La chaumière a beaucoup de rapports avec le chalet, mais elle peut figurer dans des scènes de différens ca- ractères. On la rencontre avec plaisir dans tous les lieux où le symétrique et le luxe sont prohibés, sur le bord d’une fontaine , adossée contre un rocher, sur la lisière d’un bois, d’une prairie, ou au milieu d’une plantation pittoresque. La maconnerie en pierre n’entrera jamais pour rien dans sa construction ; et, comme pour le cha- let, la paille sera employée pour la couvrir : on peut la bâtir avec du bois revêtu de son écorce, avec de la terre ou du torchis ; mais on en exclura, au moins à l’exté- rieur, ces couches de mousses insignifiantes dont le mau- vais goût l’a quelquefois revêtue. La cabane est un diminutif de la chaumière, comme celle-ci en est un du chalet. Quelques claies recouvertes d’un peu de paille , une perche soutenant le toit, et un côté entièrement ouvert, voilà ce qui la constitue. N’é- tant jamais destinée à être habitée, tout autre meuble qu'un bancy serait superflu. Devant servir à garantir un berger des intempéries de l'air, on conçoit que, pour être dans ses convenances , il faut qu’elle soit éloignée de ioute autre construction où il serait censé pouvoir trou- ver un abri plus commode pendant l'orage ; il faut en- core qu'on la rencontre à proximité des lieux où les troupeaux viennent paitre, Ceci indique assez qu'elle ne convient qu'aux scènes champêtres et agrestes. Elevée près d’une garenne , à côté d’un champ cultivé, elle peut servir à cacher le chasseur qui , le soir, va se mettre en embuscade pour attendre à l’aflüt le timide lapin ou le lièvre plus timide encore. La maison de pécheur se bâtt sur le bord des eaux. Sa position se trouvera très-pittoresque, si, assise sur une digue ou un rocher, elle domine la surface d'un étang ré Ô 114 DES JARDINS. ou d’une rivière, à la hauteur de quelques pieds seule- ment. Partout où l’on aura des eaux naturelles d’une cer- taine étendue , la pêchetie sera dans ses convenances, et elle y sera d'autant mieux qu'en y déposant les filets et autres ustensiles servant à la pêche, on l’utilisera comme elle doit l'être. Du reste, son architecture est à peu près semblable à celle du chalet, mais sa construc- tion en diffère en ce qu’on peut sans inconvénient élever ses murs en maçonnerie et la couvrir en tuiles plates. Comme le pêcheur exerce une industrie qui peut devenir lucrative, une petite salle à manger, meublée sans luxe mais avec une élégante simplicité, n’y sera pas du tout déplacée. Si une des croisées donne sur l’eau , et que de là on puisse jeter des lignes pour prendre du poisson, Ja - fabrique en deviendra d'autant plus agréable. Le moulin ne s’établira sur un@rivière , ou sur un étang , qu'autant qu'on pourra lui donner sa véritable utilité. Tous les bâtimens nécessaires à son exploitation y seront disposés de la manière la plus commode et la plus pittoresque ; leur architecture rustique sera en har- monie avec celle de l’usine principale, mais on leur donnera des formes gracieuses et variées. Lemoulin s’é- lèvera et se fera remarquer au milieu de ces accessoires. Les vannes, les roues , et l’eau jaillissante qui les fait tourner, formeront un tableau dont toutes les combinai- sons produiront le plus charmant effet, de quelque côté qu’elles frappent la vue. Rien ne détruit la monotonie d’un paysage comme cette fabrique animée par la pré- sence de l’homme, des animaux, par le bruit des ma- chines et par le mouvement des eaux ; aussi ne négli- gera-t-on jamais de l’établir, toutes les fois que les cir- constances le permettront. L’ermitage est une des fabriques le plus employées, et c'est cependant une de celles qui sont le plus difh- ciles à placer dans leurs véritables convenances. Un. homme trompé par la société , parce qu’il en attendait DES JARDINS. 115 trop, blessé dans son amour-propre, dans ses affections, trahi par la fortune , prend le monde en horreur, de- vient misanthrope , et rompt ses chaînes faute d’avoir le courage de les porter. Il croit plaire à Dieu en lui re- portant cette part d'affection que le créateur avait placé dans son âme au profit de sa famille, de ses frères ; exalté par le malheur et une religion mal entendue ,1l fuit la société de ses semblables et va cacher son déses- poir et sa piété dans un désert inaccessible et sauvage. Là il cherche dans la solitude un antre de rocher, une grotte sèche et peu profonde qui lui offre un abri natu- rel ; bientôt il l'agrandit , il la ferme aux injures de l’air avec les matériaux bruts que lui offre la nature ; un banc de rocher recouvert de fougères et de feuilles sèches lui sert de lit; un tabouret en bois, une petite table, un coffre et un prie-dieu composent tout son ameublement ; et là , dans la pénitence et la contemplation, il attend que la misère et les privations viennent terminer son suicide. On concoit aisément que son ermitage ne peut être bien placé que dans un lieu sauvage , reliré, et surtout éloigné autant que possible de l'habitation princi- pale et des autres fabriques annonçant une utilité pré- sente et journalière comme celles que nous avons énu- mérées jusqu'ici. Cependant il est arrivé, quoique plus rarement , que des hommes pieux, mais d’un esprit bor- né, enflammés par un zèle peu éclairé, ont adopté ce sin- gulier genre de vie sans pour cela entièrement fuir la so- ciété des humains, auxquels, au contraire, ils consacraient une partie. de leur existence en leur portant les secours consolans de la religion. Leur ermitage, moins retiré que le précédent , offrait aussi plus de commodités : son architecture très-simple avait cependant une sorte d’élé- gance ; on y entrait par une porte étroite dont le fron- tispice portait souvent une inscription courte, mais édi- fiante , et le jour pénétrait dans l’intérieur par une petite fenêtre garnie de vitraux de couleur , enchâssés dans de 116 DES JARDINS. minces lames de plomb. Au dessus de l’édifice s'élevait une espèce de petite tour, d’où une cloche, agitée parl le voyageur, annonçait à l'etmnité es promenade qu'un malheureux avait besoin de son secours. Devant la mo- deste demeure était un jardin où l’on voyait quelques fleurs briller parmi les légumes et les fruits que le saint homme cultivait pour sa nourriture. Souvent un banc de bois , ombragé par un arbre touffu , permettait de se re- poser en attendant l’arrivée du solitaire. Une semblable fabrique produira toujours son effet pittoresque si on la place dans un lieu riant, d’un facile accès , et assez boisé pour ne se montrer aux yeux que lorsque les fa- briques d’un autre caractère auront disparu derrière les arbres. La chapelle plaira toujours par son architectare K£ gère et gothique. Elle se trouve très-bien placée à la proximité d’un ermitage du second caractère, et celui-ei peut même paraître n’en être qu'une dépendance. Sa construction est extrêmement difficile , et nous pouvons même avancer que c’est le tour de force de l'architecte ; aussi ne hasarderons-nous là-dessus aucun conseil. Seulement il faudra, lorsqu'elle sera terminée , lui don- ner une couleur d’un gris brunâtre assez foncé pour qu’elle ait de suite l'apparence d’un antique monument bien conservé. Une église dans un jardin paysager serait une chose ridicule, parce que non-seulement elle n'aurait aucune apparence d'utilité actuelle ; mais on ne pourrait même la motiver pour les temps passés, parce que les églises accompagnaient toujours un couvent, un hos- pice, ou un village , dont on chercherait vainement les traces. À supposer même qu'elle s’élevât à côté des rumes annonçant que les objets dont nous venons de ‘parler existaient jadis dans ces lieux , on se demanderait en- core pourquoi le temps les a détruits, tandis qu'il l'a res- pectée. On concoit que des ruines d'église isolées offri- raient la même inconvenance, et pour la même raison. 1 x DES JARDINS. 117 Dans un paysage , une chapelle sera donc toujours dans de petites dimensions ; mais, lorsqu'elle accompagnera un château et qu’elle devra servir à son véritable usage , rien n'empêche que l'architecte ne se livre à tout le grandiose , à toute la noblesse de ses conceptions. L'ex-voto est, comme la chapelle, un monument élevé par la piété ; mais, n'étant jamais destiné à aucun exercice du culte autre que celui de la prière , sa forme et son caractère deviennent tout-à-fait différens. Quel- quefois c’est une simple croix en bois ou en pierre, plan- tée sur le lieu même où l’on a été sauvé d’un grand dan- ger par une assistance miraculeuse de la Providence; une croisée de chemin , à l'entrée ou dans l'épaisseur d’une forêt, est un endroit où un être timide ne passe jamais, pendant le crépuscule, sans éprouver un sentiment de frayeur :aussi est-ce là que l’ex-voto sera lemieux placé. Mais quelquefois un voyageur, sur le point d’être assas- siné ou de faire naufrage, s’est recommandé à quelque saint, et a vu dans l'instant même fuir les brigands, ou les flots se calmer. La reconnaissance élève un petit monu- ment gothique dans lequel une niche, pratiquée avec goût, sert à loger l’image du saint tutélaire. Ce genre de fabrique, moins sévère que la première, peut se placer partout et produire un effet très-piquant sur une roche, ou sous l’ombrage d’un arbre touffu. Les temples ont plusieurs caractères qu’il est essentiel de déterminer. Un temple peut être un asile consacré à rappeler des événemens ou des temps mémorables de l'antiquité. Sous ce rapport il est impossible de le mettre en convenance avec la localité, car on ne cherchera certes jamais un monument égyptien, ou turc, ou chi- nois , dans les environs de Paris. Or, comme dans le jar- din paysagiste, chaque scène doit emporter avec elle sa vraisemblance , ces sortes de fabriques s’en trouvent na- turellement exclues. Mais, dans le jardin symétrique, ou dans les compositions mixtes , toutes les fois que l’on 118 DES JARDINS. cherchera la majesté et la noblesse dans un tableau, on y placéra cette décoration. L’architecte, qui se chargera d’en faire le dessin, s’attachera scrupuleusement à rendre sa composition absolument semblable à ce qu'elle aurait été, si elle eût été bâtie dans le temps et dans le pays dont on veut rappeler la mémoire. Il étudiera les mœurs, les arts et l’histoire naturelle des lieux et de l’époque, afin dene commettre ni erreurs, ni anachronismes ridicules. Mais les temples offrent encore un caractère extrême- ment gracieux, quand ils sont consacrés à un sentiment ou à une vertu personnifiée par l’ingénieuse mythologie des Grecs et des Romains , outre que leur architecture, pleine d'élégance et de noblesse, prête davantage pour faire naître dans l’âme cette émotion, cette admiration, résultant du vrai beau. Un dôme arrondi, soutenu par des colonnes corinthiennes ou doriques, couvrant une statue de l'Amour, de Vénus ou de l’Amitié , fera éclore dans le cœur plus de sensations agréables, plus de doux souvenirs, que tous les sphinx, les dieux à tête de chien, les croissans, les parasols et les lanternes des premiers. Avant de se déterminer à élever un semblable moau- ment, il faut se décider à faire toutes les dépenses qu'il exigera, car la moindre économie faite , ne fût-ce qu'aux dépens de quelques détails d'ornement, fera tomber la composition dans le mesquin , et lui ôtera tout son mérite. Le marbre, le granit et le fer doré, voilà les seuls matériaux qui doivent y paraître , et les statues qui l’orneront appartiendront au ciseau d’un grand mai- tre, ou au moins, seront d'excellentes copies de ses meilleurs ouvrages. La tente turque est une fort jolie fabrique que l’on peut employer dans un parc ou dans les parties boisées d’un paysage, pour annoncer un rendez-vous de chasse. On l'élève en charpente légère ; on l'entoure d’une balus- trade en fer, et on la couvre, non pas en toile, mais avec des planches légères, où mieux, du métal Jlaminé, du DES SARDINS. 119 plomb, de la tôle, ou même du fer-blanc, recouvert de troïs ou quatre couches épaisses de couleur à l'huile , et peint, par dessus le tout, en manière de draperie. Les croissans , les trophées, et enfin tous les ornemens bril- lans conviennent parfaitement à ce genre de décora- tion. La tour et le phare se bâtiront dans un lieu où la hau- teur ordinaire d'une autre construction ne permettrait pas à la vue de surmonter un obstacle quelconque pour aller au delà jouir d’un spectacle d’une beauté remar- quable , tel que celui de la mer, d’une grande ville, d’une chaîne de montagnes fameuses par leur éléva- tion , etc. , etc. ; la hardiesse de ‘ces monumens en fait le principal mérite, et quelquefois aussi l’architecte se plait à y développer tout son génie pour y créer un es- calier digne d’admiration. La pyramide et l'obélisque se placent le plus souvent dans un carrefour où viennent aboutir plusieurs che- mins. Toute leur beauté consiste dans la légèreté et l’élé- gance de leur architecture. Cependant on peut souvent les décorer de bas-reliefs, d’inscriptions.et de trophées. La blancheur de leur marbre se dessine d’une manière charmante sur le feuillage d’une forêt, et permet de les apercevoir de fort loin ; aussi les emploie-t-on comme des espèces de jalons qui servent à s'orienter et à se re- trouver à la chasse : ils conviennent particulièrement au parc et au jardin régulier. L Les tombeaux ont des formes extrêmement variées et qui ne sont point indifférentes aux caractères généraux d’une composition. On les placera toujours, dans un lieu isolé , loin du bruit et de l'agitation du bâtiment habité. Le fond d’un vallon solitaire et écarté , caché par l'é- paisseur des bocages ou des bois ; une île couverte de saules et de cyprès , voilà les endroits qui leur convien- nent. La terre recèle à jamais l’insensible dépouille d’un enfant que vous avez perdu au berceau, d’un enfant chéri, 120 |! DES JARDINS. l'espoir et la consolation d’une vieillesse qui s’approche; ne mettez aucun faste dans le monument que vous lui élèverez : la véritable douleur est sans ostentation. Une colonne tronquée sur laquelle vous poserez une urne funéraire, une simple pierre tumulaire, voilà tout ce qu'il faut pour faire passer dans l’âme du voyageur une partie des sentimens qui affectent la vôtre. Avez - vous à verser des larmes sur la perte d’un père, d’une épouse adorée, vous devez à leur mémoire un monument plus remarquable. Le marbre et la sculpture l’orneront de tout leur éclat. Mais si un homme marquant dans la so- ciété par son rang , ses richesses ou ses grandes actions, doit dans ces lieux laisser ses restes mortels, c’est alors que , déployant toutes les ressources de Part, son sarco- phage devra surprendre par sa richesse et sa beauté, et mêler dans notre âme l'admiration aux regrets. Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons déjà dit de l’inscrip- tion qui doit être simple et touchante dans le plus grand nombre de cas ; cependant, dans le dernier , il est peut- être permis de rappeler , en style élevé, les grandes ac- tions et les qualités qui ont distingué le héros des autres hommes. Les scènes de tristesse, lorsqu'elles sont bien amenées, produisent de profondes sensations ; mais il ne faut pas trop les répéter, parce que rien ne s'émousse plus vite que la sensibilité ; et, si le prome- neur en vient à ne plus éprouver qu’une simple curio- sité , tout le charme est détruit, lartiste a manqué son but pour lavoir outrepassé. Les ruines sont un genre de monument fort employé aujourd’hui, parce que, naturellement très-pittoresques, elles ajoutent beaucoup de charmes à une scène soli- taire, On aime à trouver sur une roche escarpée les restes de cette forteresse féodale, d’où un chevalier châ- telain , dans les temps reculés et romantiques, oppri- mait ou, plus rarement, protégeait les paisibles habi- tans de la plaine. On voit avec plaisir s'élever , malgré DES JARDINS. 121 les ravages du temps, cette tour à créneaux d’où le cor d’un homme d’armes répondait à celui d’un chevalier demandant l'entrée du château pour y recevoir l’hospi- talité pendant une nuit sombre et pluvieuse, ou pour proposer à un châtelain discourtois le combat en champ clos. L'imagination supplée à ce que le temps a entière- ment détruit; dans un fragment de murailles elle voit un rempart tout entier; elle agrandit, anoblit tout , et jouit de sa propre création comme d’une réalité. Mais, pour la mettre dans le cas de se tromper elle-même , il faut que l'artiste ait combiné sa composition avec beau- coup de talent, et qu'il ait surtout masqué avec une grande sévérité jusqu'au plus petit détail qui pourrait faire soupconner une vieille ruine faite d’hier, comme disent les auteurs. La scène que nous venons de décrire convient parfaitement aux sites remplis de mouvemens, d’un aspect âpre et sévère, aux genres que l’on a nommés romantique , tetrible, sauvage, majestueux , etc. Mais il est d’autres espèces de ruines qui , d’un genre moins noble peut-être, ne sont pas moins très-pittores- ques et peuvent figurer dans tous les tableaux d’un jar- din paysager; ce sont celles dont les formes gothiques nous rappellent quelques constructions de nos pères. Les restes d'un vieux couvent, d’une tour, d’un ancien pont ou d’une chapelle, se rencontrent quelquefois dans nos campagnes ; la faux du temps les eût-elle presque entièrement renversés , l’art restaurant adroitement le peu qu'il en reste, pourra faire revivre lédifice à Fima- gination qui souvent même ira au dela de la réalité. Les ruines de monumens religieux font particulièrement une vive impression , soit qu'elles nous rappellent la vie mys- tique et singulière de leurs premiers habitans, soit qu'elles élèvent notre pensée jusqu'au créateur de toutes choses, le seul être dont la grandeur et la toute-puissance sont impérissables. On peut tolérer dans un jardin un monument chinois, 122 DES JARDINS. \ turc, égyptien ou grec ; mais l'artiste qui placerait en France une ruine dans un genre d'architecture étrangère aurait fait une chose souverainement ridicule, par la raison qu'elle n'aurait pas la moindre vraisemblance, et qu'il n’est pas une seule ligne de lhistoire qui puisse Jui en donner. On voit, dans un grand nombre de jar- dins des ruines solidement bâties, bien crépies , aux- quelles on pourrait rendre en une heure lapparence d’un bâtiment tout neuf ; 1l ne s'agirait que de gratter la mince couche de couleur à l’huile, avec laquelle un peintre a barbouillé des mousses, des. briques, de vieilles pièces de bois, des fentes de mur, et autres mi- sères semblables. Nous nous abstiendrons de juger de semblables conceptions , mais nous recommanderons de les écarter de toute composition où l'on tient un peu aux règles du bon goût. Aucune fabrique, de quel genre. que ce soit, ne doit emprunter des ornemens extérieurs à la peinture. Les fontaines sont ou fluentes ou jaillissantes. Les premières appartiennent aux jardins de la nature ; 1l ne leur faut que rarement des constructions pour augmenter leur effet pittoresque , et même, dans ce cas, ilne s’agit que de creuser et nettoyer leur bassin , en couvrir une partie par une petite voûte gothique, dans laquelle, si on le veut, on pourra former une niche et loger la statue d’une madone ou d’un saint. Cette fabrique sera d'autant plus vraisemblable , qu’autrefois presque toutes les sources étaient mises sous la protection d’un saint, et qu'on attribuait des vertus merveilleuses aux eaux d’un assez grand nombre. La fontaine jaillissante est tout entière un effet de l’art ; aussi n'est-elle par-" : faitement en convenance que dans les grands jardins réguliers où le luxe et la richesse sont une des nécessités de chaque objet. Tantôt l’eau tombe en nappe d’une coquille soutenue par des Nymphes, des Grâces ou des Tritons , tantôt elle s’élance et jaillit de la gueule d’un DES JARDINS. 123 lion , d’un poisson, ou d’un autre animal. Il est mille manières toutes plus agréables les unes que les autres de décorer ce genre de monument dont on doit confier la direction à un architecte habile ; lui seul saura la mettre en harmonie de style et de caractère avec le genre d'architecture de l'habitation principale, et lui donner par conséquent ses véritables convenances. Une voliére se trouve quelquefois placée d’une ma- nière pittoresque dans un jardin ; mais pour cela on mas- quera la triste monotonie de ses grillages, en lui faisant prendre la forme d’une petite tour , d’une rotonde, d’un temple, ou autre chose semblable. Ellesera à proximité de la maison , afin de pouvoir veiller plus facilement sur les petits prisonniers qu'elle renferme, et leur donner des soins journaliers. Nous avons remarqué que la forme carrée est celle qui convient le moins à cette fabrique. Les statues et les vases font la richesse des jardins réguliers et de luxe, mais seulement par la beauté du travail, par leur prix, et non pas par leur nombre. Le bronze, le marbre et le granit sont les seules matières dignes de rendre , dans le fourneau ou sous le ciseau , les belles conceptions d’un artiste distingué. Si la mé- diocrité de sa fortune ne permet pas à l'amateur de pla- cer de bons ouvrages dans ses jardins , il fera très - bien de se passer tout-à-fait de ce genre de décoration. Il n’est rien de plus mesquin que ces plâtres à moitié rongés. par la pluie, malgré les enduits dont on les couvre tous les ans; rien de mauvais goût et de plus misérable que ces ridicules babouins grossièrement ébauchés par un tailleur de pierre qui vousles vend pour des Pomones, des Céres , dés Flores , etc. ; dans tous les cas, il faut être extrêmement sobre de ces riches décorations qui ne conviennent parfaitement qu'en face d’un château de l'architecture la plus élégante, ou du palais d’un prince. La glacière n’est pas une fabrique par elle - même; 124 DES JARDINS. mais, comme elle est extrémement utile dans une maison de campagne, ne fût-ce que pour conserver pendant les chaleurs de l'été des provisions que l’on est quelque- fois obligé de faire venir de loin ; comme aussi on est dans l’usage de la bâtir hors de l’enceinte de l'habitation, elle se trouvera très-bien placée dans le jardin où elle joindra à son utilité le mérite de faire ornement. On peut recouvrir sa voûte de deux ou trois pieds de terre ; pratiquer un sentier tournant pour gagner lesommet, où Jon construit un petit temple ou un kiosque. On plante des arbres et des arbustes sur cette butte, et par ce moyen on acquiert une fraîcheur utile à la conserva- tion de la glace, et un ombrage agréable. Il est vrai qu'en masquant ainsi une glacière, on pêche un peu contre le bon goût qui défend expressément ces monta- gnes élevées à la pelle et à la pioche ; mais l'artiste peut aisément trouver le moyen de motiver ce monceau de terre en le faisant servir de base, comme nous l'avons dit, à une fabrique , eten motivant la fabrique elle-même, c'est-à-dire, en la plaçant près d’un mur, d’une palis- sade par dessus laquelle il fallait l’élever pourse procurer une échappée de vue intéressante. On peut encore don- ner à la glacière la forme d’une rotonde ou de tout au- ire monument , auquel on imprimera le caractère de la scène dans laquelle il figurera. : F Les ponts sont une des constructions les plus multi- pliées et les plus variées, que l’on rencontre dansttous les jardins et les parcs ; mais malheureusement on les y voit souvent placés sans aucune nécessité; et, dans ce cas, malgré l'effet pittoresque qu’ils peuvent produire, ils n’en sont pas moins des objets ridicules. Si un pay- sage semblait demander des ponts pour être davantage caractérisé, quoiqu'ils n’y fussent pas d’un usage indis- pensable , l’artiste combinerait son dessin de manière à les faire paraître un effet du besoin. Pour cela, il don- nerait à ses pièces d’eau la forme de rivière anglaise, DES JARDINS. 12) dont il dissimulerait les extrémités avec un soin extrème; mais, si l'exécution rigoureuse de ce moyen était impos- sible, il renoncerait à ce genre de décoration. Les ponts ont cela de particulier, que la multiplicité de leurs formes, la différence des matériaux avec les- quels ils sont bâtis, leur donnent des caractères tranchés et tellement variés qu'ils sont propres à augmenter l’ef- fet des scènes de tous les genres et de s'offrir dans toutes les positions. Un pont en corde avec quelques planches en travers pourra augmenter l'émotion que fait naître une scène terrible, lorsqu'il sera jeté sur un précipice pour la communication de deux pics de rochers élevés. Deux chênes non équarris , dont les branches forment les garde-fous, jetés sur un torrent impétueux dont les ondes écumantes font retentir les bocages en se préci- pitant en cascades, renforceront considérablement le caractère pittoresque ou champêtre d’une scène. Lors- qu'une rivière large et profonde promènera avec majesté ses eaux calmes au milieu des pelouses, des prairies et des bosquets, un pont en pierres de taille entremêlées de brillans matériaux, et surmonté d’une élégante ba- lustrade , servira de facile communication d’une rive à l'autre , et sera parfaitement dans les convenances. Près d'un bocage du caractère tranquille , un pont gothique trouverait convenablement sa place. Un autre, de plu- sieurs arches en plein cintre ou peu surbaissées, parai- trait avantageusement dans une campagne ouverte , où une belle rivière serait traversée par un chemin fré- quenté. Dans un paysage d’un aspect sauvage, on élè- vera un pont en pierre brute , et enfin une scène rustique sera plus caractérisée si on y rencontre un pont en bois non équarri, couvert de son écorce, et employé tel à peu près qu'on Pa coupé dans la forêt. Les intérieurs de jardins et les points de vue rappro- chés exigent plus spécialement des ponts en bois, parce que la diversité de leurs formes, la combinaison de leurs 126 DES JARDINS. assemblages, la disposition de leurs culées, et le ton de leur couleur, s'associent très-facilement aux effets oppo- sés et variés des petites scènes. Nous recommanderons surtout de rejeter d’une composition de bon goût ces formes étrangères et bizarres, ces ponts chinois, in- diens, etc., qui eurent tant de vogue lors de la naissance de l’art des jardins paysagers ; nous le répétons, l'artiste doit se faire une loi inviolable de suivre strictement les convenances, Il faut donc que toutes ses constructions soient motivées; or nous ne voyons pas trop, ainsi que nous l'avons déjà dit, comment on pourrait rencontrer avec quelque vraisemblance une construction chinoise où indienne dans les environs de Paris. Cette règle n’est pas aussi rigoureuse dans la composition du jardin symé- trique où l’art se montre sans cesse à côté de la nature, comme pour lui disputer son empire sur nos sens. Comme il arrive assez fréquemment qu'un amateur n’appelle pas un architecte lorsqu'il veut élever une de ces fabriques dans un jardin, nous allons donner les principales règles de construction dont il ne doit pas s'é- carter, sous peine de créer des monumens de mauvais goût, sans intérét comme sans effet. Pour qu’un pont soit agréable, il faut que sa longueur soit au moins double de sa largeur, et quelquefois beaucoup plus. S'il arrivait que la largeur d’un ruisseau ou d’une petite rivière ne fût pas assez considérable pour permettre de faire un pont dans les proportions convenables , on remédierait À cet inconvénient en l’étendant , des deux côtés, au delà des rives du courant, jusqu’à ce qu'il ait acquis des dimensions suflisantes. Cette méthode est parfaite- ment motivée par les inondations qui souvent ont lieu l'hiver ou pendant la saison des pluies. La hauteur des arches est assez arbitraire ; cependant elle sera toujours calculée sur la masse de la construction, et sur l’espace qu'elles auront à franchir. Il ne faut pas les multiplier, parce qu’alors elles perdent ces belles dimensions qui DES JARDINS. 127 donnent au pont de la grâce et de la légéreté, et la cons- truction devient lourde et massive. Souvent on calcule la hauteur d’une arche sur la commodité de la naviga- tion ; il faut alors qu'elle soit suflisante pour que les personnes de la plus grande taille puissent facile- ment passer dessous debout dans lembarcation pour pouvoir la manœuvrer. On doit encore prendre en considération la pente de la culée d’un pont , afin de rendre son arrivée aisée, ce que l’on fait en l’adoucis- sant en montée insensible. Les garde - fous et parapets seront proportionnés à sa largeur, et plutôt plus bas que trop hauts, afin de ne gêner la vue en aucune ma- nière. L'aspect sous lequel un pont se présente dans une composition est une chose essentielle ; nous ne pouvons, sur ce sujet, donner de meilleurs conseils que M. de Viart. « Les ponts, dit-il, pour produire tout l'effet dont ils sont susceptibles, devront , autant qu'il sera possible , être posés de manière à marcher avec la pers- pective , étant observés des principaux points de vue, particulièrement de celui de l’habitation; c’est-à-dire que leur entrée , eu partie la plus rapprochée, doit s'appuyer à la vue sur un des côtés du tableau, et l’autre extré- mité, se diriger vers le fond de la composition. Cette situation fera mieux juger de leur forme, en laissant voir une de leurs faces, et permettra à l'œil de pénétrer sous leur voûte, de jouir des coups de lumière et des ombres que les différentes heures du jour leur procurent, et aussi de distinguer les deux côtés de leurs parapets au point où le chemin entre dessus ; ce qui les fera alors re- marquer Comme des corps solides : impression beaucoup plus favorable à l'effet pittoresque, que s'ils étaient vus exactement en face, ou dans la direction d'un passage. » Quelquefois un pont en pierre peut paraître un peu lourd pour être parfaitement en harmonie avec certaines parties de paysage ; et cependant le caractère principal 128 DES JARDINS. de la scène, ou même une utilité forcée, contraint à le construire ainsi. On parvient à le faire paraitre plus léger en employant des matériaux de couleurs différen- tes , disposés en compartimens , qui en diminuent le vo- lume et contribuent à sa décoration. Ces ponts seront placés de préférence dans des expositions où le soleil puisse les éclairer long-temps, car dans l’ombre ils pa- raissent encore plus massifs que lorsqu'ils sont frappés par ses rayons, outre que cette vive lumière leur donne un aspect beaucoup plus pittoresque. Les ponts en bois peuvent être très-avantageux dans une position con- iraire. Les embarcations, barques, bateaux, gondoles, que l’on place sur les pièces d’eau pour se procurer le double plaisir d’une promenade délicieuse et d’un exer- cice amusant, seront, comme toutes les autres choses, ap- propriés au caractère principal des scènes formant ta- bleau et se liant à celui des eaux. Un bateau modestetet simple sera attaché devant la maison du pêcheur ; une barque légère, plus ou moins enjolivée , se promènera sur la rivière qui serpente et se déploie devant une ha- bitation d’une architecture élégante; et la riche gondole, dont la proue se prolonge en statue dorée , dont le mât est paré de banderoles de soie, voguera avec grâce ‘sur le lac majestueux dont les ondes viennent expirer au bas de l'escalier d’un palais ou d’un château habité par un homme puissant. Dans tous les cas, on sacrifiera la légèreté, et même, s'il était nécessaire, l’élégance d’une embarcation à sa solidité. Sur une pièce d’eau , même la moins profonde, on ne doit jamais avoir la moindre crainte d’un accident, ne püt-il être que désagréable, ou le plaisir que l’on peut retirer d’une promenade sur l'eau se métamorphose en un véritable supplice. Les barrières et palissades, quoique paraissant au premier coup d'œil offrir peu d'intérêt, sont cependant susceptibles de donner à une composition des eflets pit- DES JARDINS. 129 toresques aussi agréables que des édifices beaucoup plus importans. Entrevues à travers des groupes , entre des massifs de verdure , entourant une touffe de bois qu'on semble avoir voulu préserver de la dent du bétail ‘an milieu d’une pelouse ou d’une prairie , leur bon effet est immanquable. Dans les jardins réguliers on peut établir ces constructions en bois descié ou de charpente; mais danSle paysage, elles tirent presque tout leur agrément de leur apparente simplicité , et on les fait alors en bois couvert de son écorce, et en baguettes de châtaignier agréablement entrelacées. On peut voir de très- jolis * modèles de ce genre de treillis dans l'ouvrage de M. Ga- briel Thouin, et dans le traité sur la composition et l’or- nement des jardins. ; Les bancs ; destinés à offrir aux promeneurs des lieux de repos , ne doivent pas être jetés au hasard , et peut- être ont plus d'importance dans une composition qu'on ne leur en soupçonne généralement. Les bancs de gazon, par exemple , ne se rencontreront que dans les lieux écartés où l’on ne sera pas à portée de s’en servir sou- vent, et cela par deux raisons : la première et la plus essentielle est qu'ils sont très malsains à cause de leur humidité; la seconde, est que l'usage les dégrade facilement et leur fait perdre tout leur charme. Mais les bancs en bois et les siéges rustiques n’ont Jamais de dé- sagrémens. Leur choix, leur forme et leur construction doivent, de même que pour lesfabriques, être déterminés par le caractère des sites. Les plus grossiers, les plus rustiques et les plus simples sont souvent les plus agréa- bles. C'est dans l'endroit que l'artiste aura marqué pour fixer l'attention du spectateur sur les tableaux nombreux et variés qu'offira sa composition, qu’il doit placer un banc d’où l'œil saisira sans efforts tous les détails. IL n’est rien de tel que des Jeux de diverses sortes, pour augmenter la somme de plaisir que l’on peut at- tendre d’un jardin d agrément. C’est surtout à la jeu- v. 9 130 DES JARDINS. nesse que conviennent ces exercices d'autant plus agréa- bles, qu'ils entretiennent chez elle cette aimable gaîté, compagne inséparable de l'innocence et d’un bon cœur. C’est dans les bosquets rians qu’on les place avec avan- tage. Les plus usités sont : les balançoires, jeux de bague, de paume, de boule, de quilles , ete. Les tirs d'arc, de fusil et de pistolet peuvent aussi y figurer ; mais il faut éloigner les deux derniers déW’habitatïon , parce que le bruit des armes à feu est désagréable pour beaucoup de personnes. Il faut aussi prendre les précau- tions les plus scrupuleuses pour que les balles ne puis- sent se détourner du but et causer des accidens. Ici nous terminerons l’histoire des fabriques , sur les- quelles nous croyons que plus de détails seraient ‘ab- solument inutiles. C’est à l’homme de goût à juger sur les lieux de toutes les circonstances que nous n'avons pu prévoir, et à tirer parti de tous les accidens que peuvent lui offrir le site et la nature du sol. $ V. Desefjets d'optique. Sous cetitre nous entendons traiter de la perspective, et des artifices de plantations par lesquels on vient à bout de faire paraître aux yeux des accidens de terrain qui n'existent pas en réalité, d’allonger la perspective , de créer pour ainsi dire des distances, enfin de faire pa- raitre une composition ou une scène d’une étendue beaucoup plus vaste qu’elle n’est en effet. Toute la perspective gît dans l'opposition qui existe entre les ombres et la lumière , entre les teintes claires ou foncées, et la dégradation, en grosseur, en forme et en couleur, des objets à mesure qu'ils s’éloignent de nous. Nous allons, par un exemple, développer ce prin- cipe, qui renferme tout ce qu'il est nécessaire de savoir au dessinateur de jardin, pour produire avec une DES JARDINS. 131 grande facilité les choses les plus surprenantes dans ce genre. Supposons une avenue de peupliers de deux mille toises de Jongueur, et voyons si nous ne pourrons pas rendre le même eflet sur une longueur de. mille toises seulement. En nous plaçant au milien de l'avenue, entre les deux premiers arbres, nous estimons de suite que l'allée où nous sommes a quarante pieds de large, et que les arbres sont éloignés de quarante pieds les uns des autres en tous sens. Nous apprécions fort bien cette dis- tance du premier au second arbre, mais du second au troisième elle nous paraît un peu moindre, du troisième au quatrième elle nous paraît encore plus petite, et ainsi de suite, toujours en diminuant, jusqu’à ce qu’en- fin, à un grand éloignement, les arbres paraissent se toucher les uns et les autres. La largeur de la route nous paraît aussi diminuer dans les mêmes proportions, et n’a- voir, à son’extrémité que deux ou trois pieds, plus ou moins selon la distance. Les arbres suivent la même progression relativement à leur hauteur, à leur largeur, et généralement à toutes leurs proportions. Mais notre mamière de percevoir les objets produit encore un phé- nomène dont il faut se rendïe un compte exact ; le pre- mier arbre nous présente des détails de feuillage que nous n'apercevons plus que comme des masses légèrement esquissées à un certain éloignement; plus loin encore ces masses se fondent les unes dans les autres pour en former de plus grandes, qui disparaissent à leur tour et ne laissent plus distinguer dans l'arbre entier qu'une seule masse peu arrêtée dans ses contours ; et même si l'éloignement est considérable, les arbres eux-mêmes se fondront les uns dans les autres pour ne plus montrer à notre œil trompé qu'un seul tapis ou rideau d’une verdure fugitive. Les couleurs suivent la même loi de dégradation ; à mesure que les objets s’éloignent de nous , ils perdent cette teinte foncée qu'ils ont sur le 132 DES JARDINS. premier plan du tableau, teinte d'autant plus dure qu'elle est plus rapprochée de nos yeux, et ceci est à re-, marquer. À une certaine distance nous voyons les objets à travers une masse de vapeur atmosphérique, assez grande pour leur communiquer une teinte de bleu qui lui est propre. Plus la distance est grande, plus la teinte bleuêtre devient intense ; et enfin à un éloignement con- sidérable les montagnes même nous paraissent à peu près de la même couleur azurée que le ciel. Ces phénomènes bien connus par l'artiste , il pourra aisément en tirer parti pour éloigner ou rapprocher la perspective à sa volonté. Revenons à notre allée de peu- pliers que nous devons planter sur mille toises, et à la- quelle nous voulons faire prendre l'apparence d’une lon- gueur de deux mille. Nous lui donnerons quarante pieds de largeur à son entrée, et nous rétrécirons peu à peu cette largeur de manière à la réduire de moitié , plus ou moins, à son extrémité ; l'éloignement fera le reste de la réduction. Sur le premier plan nous placerons les ar- bres qui croissent avec le plus de vigueur , et qui s’élè- vent à une grande hauteur, pourvu qu'ils joignent à ces qualités un feuillage d’un vert très-foncé pour faire re- poussoir ; plus loin nous planterons des arbres moins hauts , à feuillage moins étoffé et d’une teinte moins foncée. À mesure que nous nous éloignerons du point de vue, nous placerons, par dégradation insensible, des ar- bres moins haut, à feuillage plus petit et plus pâle ; enfin les nains de l'espèce , choisis parmi ceux dont les feuilles d’un vert glauque imitent un peu la couleur bleuâtre de l'horizon , seront placés à l'extrémité; 1l est entendu que le second arbre sera à quarante pieds du premier, le troisième à trente -neuf du second, le quatrième à trente-huit du troisième, et ainsi de suite, en suivant pour les rapprocher les uns des autres, la même progression que suit la route dans son rétrécis- tement. DES JARDINS. 133 Mais, pour produire une illusion complète , il faut que la même loi de perspective ait été observée dans la plan- tation ou la construction des objets extérieurs , et c’est à quoi l'artiste s’astreindra rigoureusement. On concoit que cette règle de perspective peut s'appliquer dans tou- ies les circonstances et à toutes les ‘choses qui entrent dans la composition et l’ornement des jardins. Cependant il ne faut pas chercher à trop exagérer l'éloignement, surtout dans un espace médiocre; car, si l'œil s'aperçoit d’abord d’un des moyens d'artifice, la pensée lui fera bientôt découvrir tous les autres , et l'illusion détruite, Ôn ne verra plus que l'impuissance de l’art. Souvent un gazon, une pelouse ou une prairie, nous oflriraient une perspective charmante, si elle était moins rapprochée. Comme on ne peut guère calculer sur le vo- lume des plantes qui les composent, et pas du tout sur leur espacement , ce sera la couleur qui se chargera de la plus grande partie de l’artifice. Sur le devant, ou pre- mier plan, on sèmera le lolium perenne ou ray - grass, avec les crocus, safrans, etc.; les toufles épaisses et d'un vert prononcé du premier, et les fleurs très-appa- rentes des autres feront parfaitement repoussoir. Vers le milieu de la longueur du gazon on sèmera la fétuque ovine mêlée au lotier corniculé et au trèfle blanc ; ceux-ci ayant les feuilles beaucoup plus menues, d’un vert plus pâle, et les fleurs moins grandes, fuiront davantage aux yeux. Enfin, vers le dernier quart de la longueur et jus- qu'à l'extrémité, on sèmera la fétuque glauque et les trèfles incarnat et fraise ; la couleur bleuâtre de cette fétuque et le peu d'apparence des deux trèfles , les met- tront parfaitement en harmonie avec le fond plus éloi- gné du paysage, et feront paraître la pièce de verdure d’une étendue beaucoup plus considérable. On conçoit qu'en semant il faut mélanger ses graines de manière à ne pas passer trop brusquement d’une espèce à une au- tre, ce qui formerait des zônes tranchées qui produi- 134 DES SARDINS. raient un effet contraire à celui que l’on en attendrait. S'il arrivait, dans un jardin paysager, que l'habitation fût placée dans un lieu de même niveau que celui où l'on voudrait établir une pièce d’eau , il en résulterait que , quoique très-étendue, elle serait à peine apercue des ap- partemens , si l'artiste ne suivait un principe d'optique indispensable ; dans ce cas , il tracera le cours d’une ri- vière dans une direction qui permette à l'œil de le sui- vre, observé du salon de la maison. Par ce moyen , la vue ne trouvant plus d'obstacle depuis l'instant où elle commence à se fixer sur les eaux, jusqu’à ce qu'elle ar- rive à l'endroit où la rivière se perd à une des extrémités les plus reculées de la grande pièce d’eau, le specta- teur éprouvera uneseule impression, complexe à la vé- rité , mais dont il ne se rendra pas compte ; et cette dis- position des eaux agrandira beaucoup en apparence la principale pièce qu’elle semblera rapprocher de ses yeux. «Les ponts qu’on serait dans le cas d’établirsur ces rivières , ainsi rapprochées de l'habitation, dit M. de Viart , devront toujours être d’une construction légère, pour ne point obstruer le cours des eaux, qui sont dans cette circonstance le point capital. On cherchera aussi , pour cette raison , à les placer sur la portion de rivière qui se trouve le plus sur un des côtés du tableau. En suivant toutes ces dispositions ou d'autres à peu près semblables, que le local pourrait inspirer à une imagi- nation réglée, on tirera le parti le plus avantageux dont soit susceptible une grande masse d’eau située dans la position supposée. » Il arrive fort souvent qu’il est impossible de propor- tionner une pièce d’eau à la majesté ou au caractère de la scène dans laquelle elle se trouve placée. Veut-on en diminuer l'étendue en apparence, on y parvient en rap- prochant artificiellement de l'œil la partie trop éloignée de son rivage. Pour cela on exhausse les bords autant que possible , puis on les rehausse encore en y plaçant DES JARDINS. 139 des objets dont la grandeur des masses permet à la vue d’en saisir les détails ; par exemple, un grand monu- ment , ou des groupes d'arbres très - élevés, dont le feuillage très-ample et d’une couleur sombre fait repous- soir pour les objets placés plus loin. Par des moyens contraires on fait paraître une pièce d’eau plus étendue qu’elle ne l’est réellement ; on abaisse jusqu’au niveau des eaux les rives trop exhaussées , on détruit les objets trop saillans et on les remplace avec ceux dont les for- mes plus confuses et les teintes plus claires se confondent plus facilement avec l'horizon. On peut encore, par des îles artistement placées, masquer les rives d’une rivière ou d’un lac, et laisser, par ce moyen fort simple, limagination leur créer une étendue analogue au carac- tère du paysage. Nous avons dit, à l’article de la rivière anglaise , comment on déguisait ses extrémités. Sur un terrain plat, on peut, par un artifice de plan- tation, simuler un vallon, rétrécir une vallée, etc. , il ne s’agit, pour le premier cas, que de fortifier en appa- rence l'élévation des coteaux, au moyen d’arbres touflus et élevés, plantés par gradation. De chaque CÔLÉ on éLa- blitses dé : én placant en première ligne des ar- brisseaux ou des arbres de la plus petite grandeur, ceux de moyenne grandeur sur la seconde ligne , et les plus élevés sur le derrière. Si l’on a donné au terrain une lé- gère inflexion qui le relève, ne fût-ce que d’un pied où . même six pouces à droite et à gauche du sentier; si des deux côtés le taillis et les arbres sont tellement touflus qu'ils ne laissent apercevoir aucune partie du sol qu'ils ombragent, on supposera le terrain s’élevant danslamême proportion que le sommet des arbres, et l’on se croira dans un véritable vallon. Mais une condition essentielle , c’est de choisir, pour faire cette plantation , des arbres dont les branches et le feuillage aient une grande analogie de forme et de couleur; il faudra encore qu'ils n'aient rien de remarquable qui puisse au premier coup d'œil faire 136 | DES JARDINS. trop facilement reconnaitre leur espèce, et par consé- quent leurs dimensions ordinaires. On conçoit aisément que si, loin de vouloir faire paraître une vallée, on vou- lait au contraire en déguiser une pendant une certaine étendue, il faudrait planter dans le sens absolument con- traire. Les grands arbres seraient, sur le devant , entre- mêlés à d’épais buissons qui masqueraient le terrain ; sur les lignes suivantes seraient d’autres arbres dont les di- -mensions diminueraient à mesure que le sol monterait , et le sommet du coteau serait couvert d’arbustes dont les plus hautes guirlandes se trouveraient au même niveau que le sommet des arbres de première ligne , comme à celui des arbres des lignes intermédiaires. Il résulterait que le promeneur, loin de se croire dans une gorge étroite, penserait se promener dans un chemin couvert tracé au milieu d’une forêt. Quelquefois on désire faire paraître plus épais qu’il ne l'est réellement un massif bordant une clairière; on en vient aisément à bout en donnant du mouvement à sa ligne extérieure par le moyen de saillies et de renfonce- mens tracés avec goût : l'œil, trompé par ses sinuosités, accordera au masssif une profondeur qu'il n’a pas. Ces renfoncemens eux-mêmes, quoique créés comme parties accessoires , peuvent avoir un caractère agréable lors- qu'ils interrompent la ligne extérieure d'une épaisse plantation ; si l’on veut en augmenter en apparence la profondeur , on place en avant des arbres isolés qui font comme une espèce d'échelle servant à mesurer, et, à la fois , à tromper sur la distance. DES JARDINS. 137 En} 20} 23e De En je }2e De Xe} 2e 20 0 0 D Gp ee ee ce CT ET EL ou ce eq eee CHAPITRE IL. FORMATION DES JARDINS. S1 nous eussions suivi un ordre rigoureusement analy- tique, nous aurions nécessairement placé ce chapitre avant le précédent. Cependant, comme l’art d’orner les jardins appartient plus particulièrement aux jardins de genre, qu'il les caractérise avec plus de précision, nous avons cru devoir l’enseigner à la suite de nos divi- sions et de celles des auteurs, ne füt-ce que pour les faire mieux comprendre. Nous allons supposer, dans ce chapitre, que l’on a le choix du terrain où l’on veut établir un jardin; car, s’il en était autrement, il faudrait bien se soumettre aux cir- constances net se contenter de tirer tout le part possible de ce que l’on posséderait, en faisant une application rai- sonnée des principes que nous allons enseigner. SECTION PREMIÈRE. CHOIX ET PRÉPARATION DES TERRES. On doit se déterminer sur deux considérations princi- pales : 1° sur l’exposition ; 2° sur la qualité du sol. $ I. De l'exposition. On nomme exposition; en jardinage, l’inclinaison plus ou moins grande de la surface du sol vers un des quatre points cardinaux , ou la position de cette surface relativement à un abri. Si le terrain est en pente directement tournée au sud, on dit que lexposition est au midi; sil est en pente 138 DES JARDINS. vers l'est, l'exposition est au levant; s’il est incliné vers l’ouest , elle est au couchant; enfin, si linclinai- son regarde le nord l'exposition est au z20rd. On con- sidère encore si ces exposi üons sont rigoureuses ; si elles ne le sont pas , on dit qu’un terrain est'exposé F3 sud- est ou au 2ord-est, au sud-ouest ou au nord-ouest , selon qu'il est plus ou moins tourné vers ces côtés de l'horizon. Lorsque le sol est plat, de niveau , sans abris, comme par exemple le milieu d’une grande plaine, exposition est libre. Il ne faut pas confondre l’exposition libre avec l’ex- position aérée : cette dernière peut êlre inclinée plus ou moins. Pour être à exposition aérée , il suflit qu'un végétal ne se trouve pas dans une place où l'air ne peut circuler librement , soit qu’il en soit empêché par des rochers, des constructions , des palissades même, ow par d’autres causes. Ainsi, l'exposition découverte ou aérée, diffère donc de l'exposition libre en ce qu’elle s'applique plus particulièrement au végétal qu’au ter- rain. Un quinconce de pommiers, par exemple, peut se planter à exposition libre ; mais chaque pommier, étant ombragé par son voisin, ne sera pas à exposition dé- couverte. L'exposition abritée résulte d’un abri naturel ou ar- üficiel. Une montagne , un rocher, sont des abris na- turels ; des murs, des palissades de verdure, sont des abris artificiels. Les expositions abritées peuvent être en terrain plat ou incliné ; elles sont au midi, quand l'abri est au nord ; au nord, quand l'abri est au midi, etc. On a encore des expositions ombragées , à VEN, au soleil. Les premières résultent d’un abri qui inter- cepte les rayons du soleil pendant la plus grande partie du jour. Si cet abri consiste en l’ombrage d’un arbre ou d’une palissade de verdure, l'exposition peut être fraf- che; sil consiste en un mur, un rocher, une montagne DES JARDINS. 139 ou toute autre chose qui intercepte la circulation de l'air et présente au vent du nord une résistance qui le force à réagir, exposition est froide. L'exposition à mi-soleil résulte d’un abri qui intercepte les rayons de cet astre pendant la moitié du jour, depuis neuf ou dix heures jusqu’à deux ou trois, ou bien depuis le lever du soleil jusqu’à midi, ou enfin depuis midi jusqu’à son coucher. Ces deux dernières expositions répondent à celles que nous avons nommées du couchant et du le- vant. Enfin , il existe des expositions étouffées. Ce sont celles qui sont abritées de tous côtés par des bâtimens très - hauts ou par des escarpemens de terrain, de ma- nière à former des enfoncemens ou des gorges dans les- quelles les rayons du soleil se concentrent pendant une partie du jour. Comme la théorie des expositions est une branche très-importante de l’art du jardinier, nous allons en pré- sentér un tableau méthodique. Il servira à jeter sur Phis- toire de nos cultures une clarté indispensable. NOUS CONSIDÉRONS LES EXPOSITIONS SOUS LES RAPPORTS : EXPOSITIONS. ide SERRE AAA Froide ou du nord. Du nord-est. Du nord-ouest. Du sud-est. Du sud-ouest. ROMtENRE PUR eus. Chaude ou du midi. D'UNE CHALEUR.( Modérée.. . . . . . . . : Circulant librement autour de plusieurs végétaux BTOUPÉS. > +4 » + - +, À Libre. ST, Circulant librement autour L e dun sue rs Lit (He Découverte ou aérée. Concentré dans un petit es- pace et ne circulant pas , Hirement. 0. …… .… : . Z'iouffée. 1FÉiot EE GR PE METRE RE Ombragée. D'UNE car [ot PM UM _Æ mi-soleil. 'etiae ee Cat FONDEMENT Au soleil. 140 DES JARDINS.. Autant qu’on le pourra , on choisira , pour tracer un jardin , une partie de terrain qui offrira le plus grand nombre possible de ces expositions. Si la nature du pays n’était pas assez montagneuse pour cela , ou que l’on ne dût renfermer qu'un petit espace qui ne permit pas de les réunir dans la même enceinte, on se déterminerait sur le genre de culture que l’on voudrait adopter de préférence. | Nous en avons assez dit sur le jardin d'agrément pour diriger l'amateur dans son choix : aussi n’indiquerons- nous ici les expositions les plus favorables que pour les . jardins d'utilité, et pour ceux que nous avons appelés mixtes. Quand on veut établir un marais, on donne la préfé- rence à une exposition libre si on habite le midi de la France, ou à une exposition au midi si c’est dans le nord. Les primeurs réussissent très-bien dans les expositions étouffées où la chaleur devient d’autant plus forte qu’elle est plus concentrée ; à défaut, on les place à l'exposition du midi. Le potager-fruitier exige dans le midi l’exposition du levant. Au nord il lui faut celle du midi. Le fruitier, si on veut y cultiver toutes les espèces de fruits, demande l'exposition libre ; si on le consacre à la culture spéciale de quelques espèces, il faudra lui donner celle qui est le plus favorable à chacune. Par exemple, le levant pour la vigne , le levant ou le couchant pour la pêche et l’abricot , le midi pour l’oranger et le gre- nadier, etc. | Le jardin pharmaceutique exigerait un grand nombre d'expositions ; mais, en en prenant une libre pourterme moyen, on force toutes les plantes à y prospérer au moyen des abris. Le jardin botanique est dans le même cas que le pré- cédent. Enfin, les expositions générales qui présentent le plus DES JARDINS. 141 d'avantages sous le climat de Paris , et par conséquent dans toutes les parties tempérées de l’Europe, sont celles du levant , du midi et du couchant. Mais il ne suffit pas qu'un jardin ait une bonne expo- sition générale, il faut encore en créer d’artificielles. Pour cela on se sert de murs, de paillassons et de palis- sades vertes, comme nous l’avons dit, et l’on obtient par l’art ce que la nature a refusé. Non seulement les végétaux ne réussissent bien que dans une exposition favorable , mais il en est même qui refusent de croître dans toute autre que celle voulue par leur nature. C’est ainsi que les bruyères périront si elles ne sont ombragées pendant une partie du jour, que les rosages n’étaleront leurs charmantes corolles que dans un lieu frais et dérobé à la grande clarté du jour, tandis que les figuiers ne müriront leurs fruits, et les plantes grasses ne montreront leurs fleurs , qu’à la plus forte ar- deur du soleil. La chaleur et la lumière sont indispensa- bles à toutes les plantes, mais il ne leur en faut que la quantité nécessaire à chacune. Si elles en ont trop, elles se dessèchent et meurent; si elles n'en ont pas assez, elles s’étiolent, languissent quelque temps , et pe par périr. Il n’en est pas de même de l'air; car la plupart ne peut jamais en avoir trop , au moins quand elles sont en santé. S'il était possible de donner en même temps aux plantes de l'air et de la chaleur, un grand problème d'horticulture serait résolu, et nous pourrions, au moyen des serres, voir figurer communément sur nos tables les fruits de toutes les parties de la terre , avec le même parfum et la même saveur qu'ils ont dans leur pays natal. Une chose essentielle, c’est d'établir le jar da dans un lieu où l'air est pur; car, s’il charrie avec lui des miasmes -odorans , les fruits pourront s’en imprégner et contrac- ter un mauvais goût. Les terrains bas, marécageux, à 12 DES JARDINS. proximité des marais croupissans ou des voiries, offrent souvent cet inconvénient , outre qu'ils sont sujets à des brouillards froids qui font couler les fleurs , et aux gelées de printemps plus dangereuses encore : le seul avantage qu'ils présentent, c’est qu'ils sont moins exposés à la sécheresse. Les endroits élevés, tels que les plateaux qui couron- nent les montagnes, n’ont pas ces inconvéniens, mais la température y est ordinairement trop froide , et la vio- lence des vents tourmente les végétaux, les déracine , ou au moins arrête la vigueur de leur végétation. C'est au pied des collines, dans les vallons secs, sur le penchant des coteaux, dans la partie la plus élevée des plaines abritées, que l'exposition est la plus favora- ble pour le plus grand nombre des végétaux, et par con- séquent pour l'établissement d’un jardin. Si les terres sont fortes et absorbent difficilement les eaux de pluie, on lui donnera une légère pente; dans le cas contraire, il offrira plus de facilité dans sa culture en le tracant sur un terrain plat ou à peu près. Avant de se déterminer , on prendra en considération la proximité des eaux pour les arrosemens, la facilité des abords et la qualité du terrain. $ IL. Dz Sol. Le choix d’une bonne exposition est indispensable , mais celui du sol l’est encore davantage si on peut le dire. La première qualité qu'il lui faut est d’être profond , afin que les arbres que l’on y plantera puissent y étendre facilement leurs racines verticales. Il faut encore qu'il ne soit n1 trop sec ni trop humide; enfin que la terre en soit d’une bonne qualité. Mais, pour faire comprendre parfaitement ce qui cons- ttiue la bonne qualité d'une terre, nous sommes forcés d'entrer dans des détails chimiques que nous tâcherons DES JARDINS. 143 de rendre avec toute la précision et la clarté qui nous seront possibles. $ Il. Analyse des Terres. Toutes les terres végétales que l’on rencontre dans la nature se divisent en deux classes : les Azumus mi- néraux , et les zwmus résultant de la décomposition des corps organisés. Les humus minéraux résultent de la décomposition des rochers qui forment le noyau et la base de notre globe, et cette décomposition est opérée par de nouselles combinaisons et par le frottement. On sait que toutes les molécules dé blgeaiiel de ma- tière sont soumises à une loi particulière d’attraction qui les contraint sans cesse à se rapprocher les unes des autres et à se combiner. Cette tendance à former de nouvelles combinaisons se nomme affinité. Par exem- ple, si l’on expose un morceau de fer dans un lieu hu- mide, sa surface s’'emparera de l’oxigène de Pair, parce que les molécules de fer ont beaucoup d’affinité avec l’oxigène , et n’en ont pas ou beaucoup moins avec les autres gaz , tels que l'hydrogène, l'azote, qui compo- sent l'air. Cette surface offrira une nouvelle combi- naison pulvérulente et rouge, nommée rouille ou oxide de fer. Les molécules élémentaires , comme on voit par cet exemple , n’ont pas toutes la même affinité. Chacune a les siennes particulières : d’où il résulte qu’elles refusent constamment de se combiner avec de certains corps, et qu’elles se combinentintimement avecles autres. C’est par la connaissance des aflinités que la chimie vient à bout de décomposer tous les corps et d’en recomposer quelques-uns. Ce principe connu, on concevra aisément que la surface des rochers se trouvant sans cessé en contact 144 DES JARDINS. précis avec les météores atmosphériques, tels que l'air , la pluie, les frimas , etc. , doit combiner quelques -unes de ses parties K Dh être toutes, avec les gaz charriés par ces météores, et qui ont de l’aflinité avée chacune d'elles. Il en résulte des efflorescences et des terres qui sont entraînées par les eaux jusque dans le fond des vallées. Voilà l’humus minéral formé par ce que nous avons appelé de nouvelles combinaisons. | L'eau, l'air, et les autres météores atmosphériques, en décomposant les parties de rochers avec lesquelles ilsont le plus d’aflinité, mettent les autres à nu, les minent, les détachent de la masse en détruisant les corps dans les- quels elles étaient agrégées ; ces parties, obéissant aux lois de la pondération, roulent, sont entrainées par les pluies, par les torrens ; elles éprouvent continuelle- ment des chocs qui les brisent en fractions plus ou moins volumineuses. Le frottement les use, émousse leurs angles, et en forme d’abord le galet, qui, entraîné à son tour, devient sable, etenfin, usé davantage et tout- à-fait décomposé, se trouve être une véritable terre ou humus minéral, résultant, comme nous l’avons dit, du frottement. Lorsque l’on connaîtra bien la nature des rochers sur lesquels un pays est assis, on connaîtra donc la nature des terres qui sont accumulées dans ses vallées. Cepen- dant il! faudra encore avoir égard à leur plus ou moins de distance des rochers d’où elles auront été charriées par les eaux; car, leurs principes décomposés n'étant pas tous de même nature , leur pesanteur spécifique et leur aflinité avec l’eau sont aussi différentes: d’où 1l résulte qu'a égalité de ténuité les uns sont déposés les premiers, et les autres sont entrainés beaucoup plus loin. Les à les plus près du point de départ seront donc les oxides de fer, la silice, et successivement Ja chaux , l’alumine et la AS Nous allons d’abord faire connaître la nature des DES JARDINS. 145 rochers dont les masses sont assez considérables pour fournir des couches de terre à l'agriculture ; puis nous analyserons ensuite les résidus des décompositions , ou plutôt des combinaisons dont nous venons de parler. La presque totalité des rochers de notre globe est composée de feld-spath , de quartz, de mica, de chaux carbonatée ou pierre calcaire, et de schiste. Les autres substances qu'on y trouve y sont en trop petite quantité pour qu'on puisse les compter pour quelque chose dans la composition des terres arables. Le feld-spath est un mélange naturel de silice, d’a- lumine et de chaux. Il fait la base des granits; mais les roches grauitiques renferment ordinairement du mica et du quartz mélangés plus ou moins intimement avec lui par petits fragmens. Le feld-spath est mis, par les chi- mistes , dans la classe des pierres dures ; on le trouve sous une forme lamelleuse , ou cristallisé en parallélipi- pède obliquangle, dont deux côtés sont toujours ternes et les autres brillans ( voy. pl. 1°°, Jig. 1 ). Le quartz à pour caractères d’être extrêmement dur, au point de rayer l'acier , et de se cristalliser en prisme à six pans, terminé en pyramide à six faces (voy. pl. 1'°, Jig. 2), souvent adossées base à base (voy. pl. r°?, Ag. 3). H contient beaucoup de silice, un peu d’alu- mine , et souvent des oxides métalliques qui le colorent. Comme il est une des substances les plus dures, qu'il a peu d’aflinité avec les corps entrant dans la composi- tion de l’eau et de l'air , il est plus difficile à se décom- poser par le frottement et par de nouvelles combinai- sons; aussi fournit -1l presque exclusivement la base des terrains sablonneux. Lorsque ses particules de sable sontréunies, par un gluten, en masses plus ou moins dures, il forme le grès ; lorsqu'il est aggloméré en fragmens plus gros et différemment colorés , comme, par exem- ple, dans la pierre meulière, on lui donnait autrefois le nom de silex, La pierre à fusil est un quartz. *. 10 146 DES JARDINS. Le mica est une pierre tendre , que l’on peut diviser en feuillets très-larges et très-minces , et surtout élas- tiques, ce qui est un très - bon caractère spécifique. Quand il est mêlé avec le quartz, il prend une couleur métallique jaune ou blanche, imitant parfaitement l'or ou l’argent ; il est composé d’alumine et de magnésie. La chaux carbonatée ou pierre calcaire est ce que les chimistes appellent un sel terreux. Elle est composée de chaux combinée avec l'acide carbonique. Quand on la rencontre cristallisée, elle a la forme d’un rhomboïde à sommet obtus( voy. pl. 1"°, fig. 4 ), maïs plus souvent on la trouve en masses informes. Les marbre, craie, blanc d'Espagne, stalactite, tuf, pierre à bâtir, etc., ne sont rien autre chose que de la chaux cho tes Nous devons parler ici des différentes combinaisons de la chaux avec des acides , parce qu’on la trouve quel- quefois en grandes masses pierreuses qui fournissent la base de quelques sols cultivés. La chaux phosphatée est combinée avec l'acide phosphorique; elle se eristallise en prisme hexaèdre régulier (voy. pl. 1°, fig. 5), ne fait pas d’effervescence avec les acides , et ses fragmens deviennent lumineux lorsqu'ils sont chauflés ou forte- ment frottés. La chaux est unie à l’acide fluorique dans la pierre autrefois nommée spath fluor, et aujourd’hui chaux fluatée ; alors elle se cristallise en un octaëdre régulier ou en pyramides quadrangulaires adossées base à base { pl, 1°, Jig. 7), quelquefois fort agréablement co- lorées en violet, en bleu ou en vert. La chaux sulfatée est combinée avec une petite quantité d'acide sulfurique. Le gypse, la sélénite et la pierre à plâtre ne sont rien autre chose. Lorsqu'elle est pure, elle se cristalhse en prisme à quatre pans, dont la base est un carré allongé et obliquangle (voy. pl. 1", fig. 6), mais plus ordimar- rement on la rencontre en masses terreuses, combinée avec la chaux carbonatce. Le schiste est une combinaison d’alumine , de silice DES JARDINS. 147 et d’un oxide métallique. Il se présente sous la forme d’une pierre plus ou moins tendre, insoluble dans l’eau , divisée en lames ou grands feuillets fragiles et parallèles entre eux : tels sont les ardoises, le crayon noir, les pierres à rasoirs , etc. Nous roux donc que les Lane qui constituent les roches sont : 1° l’alumine, 2° la silice, 3° la chaux, 4° la magnésie ; plus des acides et des oxides mé- talliques : nous allons à leur tour analyser ces quatre terres. L'alumine pure est une poudre blanche, onctueuse au toucher, happant à la langue, faisant pâte avec l’eau, ayant une odeur particulière, et donnant une apparence lamelleuse aux substances dans lesquelles on la trouve mêlée. Elle se serre et se durcit au feu ; elle est com- posée de 46, 70 d’oxigène , et de 53 , 30 d'aluminium : on la retire de l’alun et de l'argile. La silice est une substance sèche, aride, blanche, rude au touchér , très - dure, usant les métaux, et in- soluble dans l’eau. Elle est composée de 50 d’oxigène, et de 5o de silicium ; elle n’est soluble que dans l’a- cide fluorique , et, unie aux alcalis, elle se fond en verre. On la retire du sable, du cristal, du quartz et des cailloux , où elle est presque pure. La chaux pure est composée de 28, 09 d’oxigène, et de 71,91 de calcium ; elle est âcre, brülante sur la langue, grisatre , et absorbe l’eau avec avidité , sifflement et dé- veloppement de chaleur. La magnésie pure est une poudre blanche, très-légère, sen blable : à de l’amidon, d'une saveur fade. Elle Fu du bleu au vert quelques couleurs végétales liquides. On l'extrait de différens sels dans lesquels elle est com- binée avec des acides : elle est peu utile à la végéta- tion. On voit que ces quatre terres sont blanchâtres lors- qu'elles sont pures. Elles doivent le plus ordinairement 148 DES JARDINS. les couleurs qu’elles possèdent dans leurs différens états de combinaison, aux oxides métalliques qu’elles contien- nent. Le mélange de ces quatre substances a formé des corps composés qui ont reçu des noms particuhers ; deux sont répanäus en grandes masses dans la nature : ce sont l'argile et la marne. L'argile est une terre formée par un mélange naturel de silice, d’alumine et d’oxide de fer qui lui donne sa couleur grise. Les proportions de ces matières varient beaucoup, ce qui fait aussi varier sa couleur. Elle à les mêmes qualités que l’alumine , et sert particulièrement pour la poterie. La glaise, la terre de pipe, la terre à foulon, l'ocre jaune, la sanguine, la éerre si- gillée, etc. , sont des argiles. La marne est un composé, sous forme terreuse ou pierreuse, d’alumine, de silice , et de chaux carbonatée. On la distingue en marne crayeuse quand la chaux carbonatée domine dans le mélange, et en marne ar- gileuse lorsque c’est l’alumine qui fait la plus grande partie de sa base. Ici se borne la nomenclature des humus minéraux. Chacun d'eux, s’il pouvait se trouver seul, fourmrait un sol infertile ; mais il n’en est pas ainsi quand ils sont mélangés dans de certaines proportions. Aussi a-t-on fat des recherches pour s'assurer avec exactitude du nombre des parties de chacune de ces terres entrant dans la composition des meilleurs sols connus; et c’est en comparant les résultats obtenus par plusieurs chi- mistes célèbres, que nous viendrons à bout d'établir notre jugement d'une manière certaine. M. Bergmann a analysé un des sols les plus fertiles de la Suède ; M. Gio- bert a fait la même opération dans les environs de Turin; M. Davy , dans le voisinage de Drayton en Middlesex ; M. Tillet, à Paris; M. Chaptal, sur les bords de la Loire et en Touraine. Nous avons pris le terme moyen de ces DES JARDINS. 149 six analyses, et nous avons trouvé que la meilleure terre arable serait ainsi composée : (AC POMORE EE Sn Alumine 4140.) 19, 55. Carbonate de chaux. 24, Go. Silex grossier.. . . . 17, 65. Sable siliceux. . . . 5, 65. Sable calcaire. . . . 2, »». 100, »». On concoit que le silex et les sables, qui sont à peu près pour un quart, ne sont utiles que pour rendre la terre plus poreuse. Si nous cherchons à pénétrer les causes qui rendent la silice , l’alumine et la chaux carbonatée aussi utiles à la végétation qu'elles le paraissent , nous les trouverons dans l’analyse des végétaux composant la presque tota- lité des grandes cultures. On retire, selon les analyses de Bergmann et de Ruckert , des cendres mélangées de blé, d'avoine, d'orge, de seigle, de pommes de terre et de trèfle rouge, terme moyen : Silice. . . 48, 25. Alumine. 18, 50. Chaux. 33,29: 100, »». Telles sont les matières terreuses que renferment la plupart des plantes ; elles doivent les autres subs- tances qui entrent dans leur composition , à l’humus fourni par le détritus des corps organisés, à l'air et à l’eau. | Les terres dont nous venons de donner les analyses , mélangées les unes avec les autres , deviennent plus ou moins fertiles , et prennent différens noms selon qu’une d’elle domine dans le mélange. Lorsqu'un sol renferme la silice, l’alumine et la chaux carbonatée dans les proportions que nousavons indiquées 150 DES JARDINS. plus haut, on dit que la terre est franche. Elle est ordi- nairement assez compacte, et a besoin d’être divisée au moyen du sable, surtout pour être appropriée à la petite culture. S'il s'y trouve une grande quantité de silex grossier , ou autres débris de roche en assez gros fragmens , on dit qu'elle est pierreuse , rocailleuse ; si c’est le sable qui domine, on la dit sablonneuse ; mais ces dernières qua- lités peuvent appartenir à tous les mélanges. Les terres pierreuses peuvent convenir à la grande culture, les terres sablonneuses valent mieux pour les jardins. La terre franche est ordinairement le détritus des monta- gnes dont la base est le feld-spath, à moins que des pentes opposées aient amené dans le même bassin les décompositions de plusieurs roches qui, réunies, offrent les mêmes principes élémentaires. Lorsque le mica et le quariz se trouvent mélangés en assez grande quantité avec le feld-spath, le premier fournit de la magnésie à la terre, le second y ajoute de la silice. D'où il résulte que le.sol devient plus léger , graveleux et un peu moins fertile : c’est alors un sol granitique. Les terrains qui contiennent beaucoup de silice , peu d’alumine et une grande quantité de sable, doivent leur origine au quartz; aussi, nomme-t-on ces terres quart- zeuses et sablonneuses. Elles sont assez fertiles quand elles reposent sur un fond compact qui retient long- temps l’humidité, ou dans les climats pluvieux; car leur défaut essentiel est de craindre la sécheresse. Les terres composées d’alumine et de magnésie peu- vent appartenir aux roches de mica; mais cette combi- naison se présente rarement en France, sice n’est dans les montagnes qui séparent la Loire de la Saône, sous le 44° degré de latitude. Ces terres micacées sont for- tes, compactes, retiennent l'humidité, et sont peu fer- tiles. On les reconnait aisément, parce que les ruisseaux DES JARDINS. 151 qui les traversent roulent des fragmens de roche res- semblant à des paillettes d’or et d'argent. - Lesterres calcaires, qui doivent leur origine à la chaux, sont ordinairement stériles quand elles sont pures ; par exemple, la craie et le tuf, la sélénite, le plätre, etc. ; mais, mélangées avec la silice et l’alumine, elles for- ment les meilleurs sols, comme nous l’avons dit. Quel- quefois elles se présentent sous la forme d’un sable cal- caire mêlé à une petite quantité de carbonate de chaux ; alors elles sont poreuses , légères, propres à la culture dans les climats pluvieux où elles ont peu à craindre la sécheresse, ou quand elles reposent sur un fond com- pact. Les terres composées de silice, d’alumine et d’un oxide métallique, sont fournies par le schiste; ce qui leur a fait donner le nom de schisteuses. Seules, elles sont peu fertiles. Lorsque l’alumine forme la base d’une terre, elle est argileuse et forte. Mélangée avec la silice , elle devient moins compacte , eile retient moins l'humidité, et ac- quiert un certain degré de fertilité. Selon ses combinai- sons, elle porte les noms de terre glaise, d’ocre, ou de terre sigillée. Le élauts de tite de la chaux carbonatée, et d’une très-petite quantité a silice, forme la marne. Celle-ciest crayeuse ou argileuse, comme nous l’avons dit. Dans le premier cas elle est encore nommée marne calcaire où maigre, et dans le second, marne grasse. Seule, elle est stérile : mais, combinée avec d’autres terres, elle en augmente beaucoup la fertilité ; aussi s’en sert-on comme engrais. Les terres siliceuses, c'est-à-dire , dont la silice forme la base, sont pulvérulentes, très-divisibles, légères | et craignent beaucoup la sécheresse. On les range, en agri- culture , dans la classe des terres légères. Les sols dans lesquels dominent la magnésie et l’oxide 152 DES JARDINS. de fer sont absolument stériles et confondus par les cul- tivateurs avec les tufs sous le nom de cran. Toutes ces terres retiennent plus ou moins l'humidité, par la raison qu’elles sont plus ou moins compactes ; aussi leurs qualités, dans la même espèce, varient-elles selon que la culture se fait dans un pays sec ou humide, sous un climat sain ou pluvieux , selon que les couches de terres sont posées sur des lits perméables ou imper- méables à l’eau. Les terres à bases alumineuses sont celles quiretiennent le plus long-temps l'humidité : elles seront donc fertiles dans les climats secs ; et, pour l’être dans ceux humides , il faudra qu’elles reposent sur un lit de sable qui permette aux eaux un libre écoulement. Ce sera positivement le contraire pour les terres dont la base sera fournie par la silice et la chaux carbonatce. Il résulte de ces différens accidens combinés avec une exposition plus ou moins favorable, qu'on a dù diviser les terres en froides et chaudes. Les terres froides le sont par une ou plusieurs de ces causes : 1° lorsqu'elles sont exposées au nord ; 2° lorsque, composées d’alumine en trop grande proportion, elles sont fortes et compactes , de manière à retenir l'humi- dité; 3° quand elles reposent sur un lit d'argile qui ne permet pas l'infiltration des eaux; 4° quand la couche de terre se trouve trop près de la couche des eaux ; 5° quand des sources multipliées, ou plusieurs courans d’eau les tiennent constamment dans un état de délaye- ment, par exemple, les sols marécageux ; 6° quand leurs élémens sont en trop petit nombre pour former sans cesse de nouvelles combinaisons et dégager du calorique par la fermentation ; 7° enfin, quand des oxides métal- liques y sont en trop grande quantité, comme par exemple dans la tourbe. Ces deux dernières terres froides sont assez généralement confondues par les cultivateurs avec les terres maigres. Les terres chaudes sont celles qui ont les qualités DES JARDINS. 193 opposées à celles que nous venons d'énumérer : ainsi, 1° lorsqu'un terrain sera tourné au midi et abrité des vents du nord ; 2° lorsqu'il sera assez léger et poreux pour laisser facilement évaporer l'humidité et pénétrer la cha- leur à une certaine profondeur ; 3° quand le lit sur le- quel reposera la couche végétale sera sain et facilement perméable ; 4° quand la couche sera assez éloignée de celle des eaux pour n’en recevoir aucune influence ; 5e quand le terrain ne sera abreuvé que par la petite quantité d’eau nécessaire à l'entretien de la fermentation; 6° quand cette fermentation sera continuellement ali- mentée par un grand nombre de principes élémentaires; °enfin, quand ces élémens seront tous de nature à se combiner aisément, un terrain, disons-nous, sera néces- sairement très-chaud. Nous n'avons pas besoin de dire que les terres sont plus ou moins chaudes ou froides, selon qu’elles ont plus ou moins de ces qualités. Quelques personnes font encore entrer la couleur dans les causes qui augmentent ou diminuent la chaleur du sol ; mais des expériences nous ont prouvé que leurs ob- servations sont absolument fausses, et que les terres blanches et noires ne retiennent la chaleur qu’en pro- portion du nombre de leurs principes élémentaires. D’ail- leurs, le célèbre physicien Herschell a établi d’une ma- nière assez plausible que les rayons solaires sont com- posés de faisceaux distincts de chaleur et de lumière, et je serai assez tenté de croire, toujours raisonnant d’a- . près le résultat de mes expériences , que, si le noir ab- sorbe la lumière et le blanc la réfracte, il peut bien en être autrement de la chaleur. D'ailleurs les expériences de Woliaston et Ritter semblent assez confirmer les miennes, ‘241D9709 a2$nauu0]QD L L] LI L2 LA . . L LA LA LL . . . L2 . . . L . L2 L . LIL L LI *991TIS op nod-s2x ‘opyeuoques xneyo ‘opquuoqueo xneyo op 2[qes *2SN97710N() — ÿ : | “asnauuog»@ * ‘aurwnpe.p nod un ‘zjaënb op açqes 2p 49 oo1çis op dnoonvog HA ASVA Y ‘a5n9]20047) à {sarrzuax ZASSY + “anbipupig tresses ss ste eee: -orsouseur ons / ep nod un ‘oggeuoqueo xneo ‘ourunye ‘ootpis op dnoonvog “asnaopQ * "+" ++" * *xneqo ep oyeuoqivo 9p nod un Jo 201IS "USD — *2SN9ÂD1TD) — *241P0]DT — Ta TSYa INANAUIVNIGUO { SIHD —4S LA SAUHOAT SAUVIL F. *aUADJf * "+ + * ourumqe.p nod un 39 spqyeuoqueo xneW)? y fsariuais 5 *2SNONU2]2Q — Q “osnasd{r) Dont. 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En voici les causes : les plantes ne peu- vent se nourrir par leurs racines que des substances so- lubles dans l’eau ; or’, la plus grande partie de celles qui composent les terres dont nous avons parlé, ne le sont pas, ou du moins le sont très-diflicilement. La silice pure, par exemple, ne se dissout que dans l'acide fluo- rique et un peu dans les alcalis. Elle forme la base du quartz et du cristal ; supposons que nous remplissions un vase de quartz ou de cristal pulvérisé , il est clair qu’en y plantant un végétal il n’en tirera aucune nourriture, puisque l’eau dont on l’arrosera ne dissoudra aucune molécule terreuse. Si je mélange à ce sable du spath- fluor, du soufre et un alcali, il se fera, quoique lente- ment, un dégagement de gaz acide fluorique, la silice se décomposera, se combinera d’une autre manière, et deviendra soluble dans l’eau. La plante alors pourra s’en emparer. C’est ainsi que chaque substance, obéissant à la loi des affinités, se combinera avec d’autres subs- tances qu'elle rendra solubles dans l’eau, en le devenant elle-même. Or, plus il y aura de substances différentes, plus il y aura d’affinités, de combinaisons et de matières rendues solubles. Mais il ne nous suffit pas d’enseigner la composition des terres susceptibles de culture, il faut aussi donner la manière de les décomposer , afin de pouvoir les recon- naître sous toutes les formes et s'assurer de leur nature, Nous allons décrire le moyen le plus simple, le seul qui soit exécutable partout et sans instrumens exprès. C’est celui de M. Chaptal, avec quelques modifications. (x) On prend une petite quantité de la terre que l'on veut analyser ; et , après l'avoir exactement mêlée avec les (1) Chinue appliquée à l'agriculture. 156 DES JARDINS. mains, On la pèse, si l’on veut savoir combien elle con- tient d’eau; on la met ensuite dans un vase de grès Ca- pable de résister au feu, et on la fait chauffer jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement sèche. Il faut ménager son feu de manière à ne pas la brûler ; et, pour en juger, on met au fond du vase un morceau de paille ; on retire le tout quand il commerce à brunir. On pèse et l’on connaît, par la différence du poids, la quantité d’eau qu'elle conte- nait, non pas en combinaison, mais simplement par imbibition. On pulvérise la terre et on la délaye dans de l’eau très- pure ; on laisse reposer un instant , et les parties les plus lourdes se précipitent au fond ; On verse dans un autre vase les plus légères et celles qui sont en dissolution avec l’eau. On agite de nouveau le fond , en y mélant de la nouvelle eau, puis on passe à travers un tamis de crins très-serré. Les sables et autres parties grossières restent dans le tamis ; on les ramasse, on les fait sécher, on les pèse, et c’est par elles que l’on commence l’ana- lyse. On les met dans un vase de verre , et on verse dessus de l'acide muriatique étendu dans trois parties d’eau. S'il y a effervescence, c’est qu’elles contiennent de la chaux carbonatée , et celle-ci se dissout entièrement. On lave de nouveau ce qui reste, on le pèse et l’on connaît combien il contenait de chaux. On remet dans un vase: de verre, on y méle de l’eau très-pure, et l’on agite le tout. La silice se précipite, et l’alumine nage quelque temps ; on l’enlève en écoulant doucement l’eau qui la contient, et on lave le résidu de la même manière , Jus- qu'à ce que l’eau en sorte pure et limpide. On fait sécher, et l’on verse dessus une très-grande quantité d'acide ni- W'ique pur. Quelques heures après, celui-ci s’est emparé de toute l’alumine qui pouvait encore être restée; on lave, on fait sécher , et on Juge par le poids de la quan- üté d'alumine qui manque. On remet ce qui reste dans DES JARDINS. 157 un vase de métal ; et , si l'acide fluorique décompose le tout, on peut conclure qu'il n’y avait plus que de la silice. Il reste à s'occuper de la partie pulvérulente contenue dans l’eau. On fait bouillir le tout pendant un quart- d'heure , avec la précaution de remuer ; puis, lorsque la partie la plus pesante s'est précipitée, on verse l'eau sur un filtre de papier gris. On a, par ce moyen, trois nouvelles parties à analyser, le précipité, le dépôt sur le filtre , et l’eau filtrée. Le précipité se traite comme nous l'avons déja dit, et on en obtient les mêmes principes. Le dépôt, après avoir été séché, s’analyse avec de l’a- cide muriatique étendu dans quatre parties d’eau. On le verse dessus jusqu'à ce qu'il n’y ait plus d’efferves- cence , et il dissout le carbonate de chaux, celui de ma- gnésie et l'oxide de fer : on filtre la dissolution et l’on a sur le filtre tout ce qui n’est pas soluble dans cet acide, ordinairement de l’alumine, de la silice et quelques détritus de corps organiques. On lave avec de l’eau , JUS- qu'à ce qu'elle en sorte insipide, on sèche le résidu et on le pèse. On le met ensuite sur un fer rouge que l’on tient au même degré-de chaleur jusqu’à ce que ce résidu de- vienne blanc; s'il s’en dégage une fumée approchant de l'odeur de corne brülée, c’est qu'il contenait des ma- tières animales; si la fumée n’a pas d’odeur , Ce sont des matières végétales. Quand le résidu est devenu blane : on le pèse de nouveau , et le poids qui y manque fait connaître la quantité de détritus organiques qu'il con- tenait. On sépare l’alumine et la silice, comme nous avons dit. Ïl s’agit ensuite de reconnaître les substances en dis- solution dans l'acide muriatique. On y plonge d’abord un morceau d'écorce de chêne : si la liqueur brunit ou noircit, elle contient du fer ; alors on y verse du prussiate de potasse jusqu'à ce qu’il ne se fasse plus de préci- 1 58 DES JARDINS. pité bleu qu’on recueille lorsqu'il est déposé , et que l'on fait chaufler jusqu’au rouge; c’est alors de l’oxide de fer. Il ne reste plus dans la dissolution qu'un peu de car- bonate de chaux que l’on précipite en y versant une dissolution de carbonate de soude jusqu'à ce qu'il ne se fasse plus de précipité. Si ce dépôt est coloré, on peut y -Soupçonner des matières animales ou végétales que l’on fait brûler sur un fer rouge comme nous l'avons dit. Il faut aussi savoir trouver dans la terre qu'on analyse les sels qu’elle contient , surtout quand elle est mélangée à un humus végétal. Et alors l'opération se recommence sur une autre partie de terre prise dans le même lieu. On la fait tremper dans une bonne quantité d’eau, dans laquelle on la délaye parfaitement ; puis on fait bouillir Pendant quelque temps, et ensuite on laisse déposer Jusqu'à ce que la terre soit précipitée et que l’eau soit devenue limpide ; on verse cette eau dans un vase, et on la fait évaporer sur un feu très-doux, ou plutôt sur des cendres chaudes , jusqu’à ce qu'on obtienne des cristaux bien formés. On juge alors, par leur figure et par leurs autres qualités, de l'espèce de sel qu’on a obtenu. Le nitre ou potasse nitratée a une saveur piquante, et la propriété de faire brûler, avec un très-grand éclat et beaucoup de chaleur , les corps combustibles forte- men} échauflés sur lesquels on le place. Il brûle sur les charbons ardens. Lorsqu'il est pur, ilse cristallise én oc- taèdre à base rectangle (voy. pl. 1 fig. 8). Le sel marin, de cuisine où soude muriatée , se re- connait aisément à son goût ; il décrépiteet se divise en éclats sur le feu ; il se cristallise en cube (voy. pl. 1°, J1g. 9). La soude carbonatée ou natron, a une saveur désa- gréable; elle verditle sirop de violette, et blanéhit à l'air. Ses cristaux sont des octaèdres à base rhomboïdale (voy. + 1*, J18. 10 ). Elle abonde principalement dans les « iétritus de végétaux marins. DES JARDINS. 159 La soude sulfatée ou sel de glauber, se boursouflle par Ja chaleur, donne une fumée aqueuse, et laisse un résidu secet blanc. Elle se cristallise en prismes exagones terminés par des pyramides dièdres, ou en octaèdres pris- matiques terminés par deux pyramides tronquées. La magnésie sulfatée ou sedlitz, sel d'Epsom, est d’une saveur très-amère ; elle se fond sur le feu en lais- sant échapper son eau de cristallisation, etse réduit à l’état de sulfure. Quand ce sel est cristallisé, il représente des prismes à quatre pans portés sur des bases carrées (voy. pl. 1°, fig. 12); on en retire la magnésie en unissant sa dissolution à celle d’un alcali. Quelques sels sont peu ou point solubles dans l’eau, tels que par exemple le sulfate et le phosphate de chaux ; et cependant ils ont une grande influence sur la végétation. Pour s'assurer si un sol contient le pre- mier, on prend une petite quantité de terre que l’on mêle avec le tiers de son poids de charbon en pou- dre, et que l’on met dans un creuset; on chauffe rouge pendant une demi-heure. On fait ensuite bouillir le mélange pendant un quart d'heure dans une demi- pinte d’eau ; on filtre et on expose la liqueur pendant quelques jours dans un vase ouvert. Le sulfate de chaux se précipite en une poussière blanche. Lorsqu'il s’agit d'extraire le phesphate , on fait digérer la terre dans une grande quantité d'acide muriatiques on met la dissolu- tion dans un vase sur le feu, et on fait évaporer jusqu’à ce que le résidu reste sec ; alors on le lave dans plusieurs eaux, et le phosphate reste à nu. Mais il est rare que les humus minéraux se rencontrent purs dans une étendue de terrain même assez bornée ; ils sont presque toujours mélangés à une partie d’'humus végétal, et quelquefois à une autre d’humus animal. . Expliquons d’abord ce que nous entendons par hamus végétal, et comment ils’en forme des couches naturelles jusque sur les roches Les plus nus. Dans le principe nous 160 DES JARDINS. avons dit que l'air et les autres météores atmosphériques décomposaient journellement la surface des rochers. Aussitôt que cette surface est en efilorescence , elle ac- quiert la faculté de retenir un peu d'hemidité, et les li- chens s’en emparent. Ils y multiplient rapidement, et, à mesure qu'il en meurt, ils se décomposent et forment un terreau favorable à la végétation des mousses; les détritus de celles-ci fournissent au bout d’un certain laps de temps, par leur décomposition, une couche d’humus végétal assez épaisse pour que de petits arbrisseaux puissent y étendre leurs racines ; et, après un certain nombre d'années, un vieillard pourra rencontrer des ar- bres élevés là où , dans sa jeunesse, pouvaient à peine croître quelques plantes rachitiques. Voilà donc la formation des terreaux naturels; et les ierres de bruyères , aujourd’hui tant et peut-être trop employées dans l’horticulture, n’ont pas d'autre origine. Les humus végétaux agissent sur la végétation de la même manière que les humus minéraux, c’est-à-dire qu'ils fournissent aux plantes des principès de nutri- tion solubles dans l’eau. Mais, outre lasilice, lalu- mine et le carbonate de chaux que l’on trouve en petite quantité dans leur analyse, ils abondent en sels particuliers ; et leur fermentation presque continuelle dégage une assez grande quantité de gaz acide carbomi- que , toutes choses augmentant beaucoup leur fertilité, (Voy. au chapitre de la physiologie végétale, Vartiele nutrition des végétäux.) L'hamus végétal, ou plutôt les débris de végétaux se décomposent très-lentement, d’où il suit qu'il y a long- temps fermentation, long-temps dégagement de gaz, et par conséquent nourriture abondante pendant tout le temps que dure la décomposition ; et cela parce que tant qu’elle n’est pas complète, c’est-à-dire, tant qu'il reste quelques principes organiques qui ne sont pas re- tournés à leur élément primitif, ou, si l’on aime mieux, DES JARDINS. 161: qui ne sont pas complétement retournés à leur état ter- reux , il y a de nouvelles combinaisons avec les gaz at- mosphériques , avec les élémens qui composent le sol , et augmentation de molécules solubles dans l’eau. IL résulte de ceci que les terreaux sont très-fertiles tant qu'ils ne sont pas entièrement décomposés, mais que, lorsqu'ils le sont en totalité , ils perdent cette grande fer- tilité ; et que, si on ne les ranime pas au moyen des en- grais, ils finissent même par être tout-à-fait stériles. C'est ordinairement ce qui arrive aux terres de jardins. Les humus végétaux obtenus artificiellement , tels que le terreau de feuilles, de paille, etc. , offrent les mêmes principes élémentaires, et agissent de la même manière sur Ja végétation. Si quelques matières animales s’y trou- vent mélangées , telles que l'urine ou les déjections des animaux , les cornes, les poils, etc., ils offrent de plus à la nutrition des plantes leurs sels particuliers, et ont, aussi plus d'énergie, parce qu'ils augmentent la fermen- tation, hâtent la décomposition, et dégagent plus de gaz acide carbonique ; mais aussi les mêmes raisons font qu'ils conservent moins long-temps leur fertilité. Les humus végétaux et animaux, lorsqu'ils sont arri- vés à un état de décomposition qui les rend mixtes entre les terres pures et les engrais, portent spécialement le nom de terreaux; et, pour indiquer leur nature précise, on ajoute à la suite de ce mot le nom de l’engrais qui les a fournis, ou celui de l’animal qui a fourni l’engrais. C’est ainsi que l’on dit, £erreau de feuilles, de cheval, de vache , de porc, etc. Is peuvent fournir seuls , sans mélange, à la végétation, puisqu'ils renferment à la fois les élémens des humus minéraux et des engrais ; mais comme leurs molécules ont fort peu d’adhérence entre elles , ils forment une terre extrêmement légère , poreuse , qui laisse facilement évaporer l'humidité , et qui ne permet pas aux racines ligneuses des plantes ro- bustes de s’y implanter solidement. Aussi est-on dans I. IE 162 7 DES JARDINS. l'usage, pour remédier à ces inconvéniens , de les mé- langer avec un humus minéral , le plus ordinairement avec de la terre franche. Cependant, comme toutes les plantes ne sont pas de même nature, les cultivateurs ont dû varier ces mélanges de manière à donner à chaque végétal la terre qui lui est le plus appropriée. Le raisonnement et l'observation n’ont pas toujours présidé à ces combinaisons , et cette branche importante de l’horticulture n’a pas fait les mêmes progrès que les autres parties de la science. Néanmoins, pour être juste, nous devons dire que les cultivateurs ne doivent pas porter à eux seuls tous les torts, mais que l’on pourrait aussi reprocher aux voyageurs d’avoir trop souvent négligé une chose es- sentielle , qui est de prendre note de la nature des terres et de l'exposition dans lesquelles ils ont trouvé les dif- . férentes espèces de végétaux qu’ils nous ont apportés. Quoi qu'il en soit , nous allons donner la composition des différentes terres employées à des usages généraux, nous réservant d'apprendre au lecteur, à chaque article de nos cultures particulières, les modifications qu exige chaque espèce de végétal. S IV. Terres composées ou composts. 1. Terre franche. Nous avons dit de quoi elle est composée. On la choisit ordinairement dans les prés en bon fond , et on lafait entrer dans le mélange des com- posts. Mais il peut'arriver qu'on n’en ait pas à sa portée, ou qu'elle ne soit pas naturellement composée comme nous l'avons dit ; alors c’est à l’art à la rendre propre à la culture. Si'une terre est trop forte, on y mélange du sable pour l’alléger; si, au contraire, elle est trop lé- otre , on y ajoute la quantité nécessaire d'argile pour lui donner de la consistance. Autant qu’on le pourra , on approchera des proportions que nous avons indiquées , “ DES JARDINS. 163 page 154. Si elle manquait de principes calcaires, la marne y suppléerait ; seulement on aurait la précaution de choisir une marne argileuse pour les terres franches légères , et une marne crayeuse pour celles qui seraient fortes et compactes. Quand il s'agirait de se procurer une terre franche pour les poteries, c’est-à-dire, pour les plantes cultivées en pots et en caisses, on prendrait trois parties de terre forte que l’on mélangerait à une qua- trième de terreau de couche; on mettrait le tout en tas à l'automne, on remuerait plusieurs fois pendant l'hiver, et l’on pourrait s’en servir au printemps. Cette terre con- vient parfaitement à tous les végétaux vigoureux, dont les racines fortes et ligneuses aiment à s'étendre dans les terres compactes. 2. La terre franche-légère est celle dans laquelle do- mine le sable siliceux ou calcaire, uni à une certaine quantité d’humus végétal , ce qui lui donne une assez grande porosité. Quand il s’agit de la composer, on mêle moitié de terre franche, un quart de terreau, et un quart de terre de bruyère, ou, à défaut, du terreau de feuilles et de la terre légère de jardin. On concoit que les quan- tités que nous désignons ici pour le mélange sont subor- données au plus ou moins de corps de la terre franche. Onmet en tas comme la précédente, et on remue souvent. Elle n’acquiert toutes ses qualités qu'après un an de fer- mentation. Elle convient à la plus grande partie des plantes , c'est-à-dire, à toutes celles qui ne sont ni très- robustes, ni trop délicates. 3. Terre légere. Celle-ci, composée pour des plantes d'une végétation plus faible, doit être plus poreuse, afin de laisser pénétrer facilement les influences atmosphéri- ques jusque sur leurs racines. On pourra la composer d’un quart de terre franche , un quart terre de bruyère, un quart terreau de vieilles couches, et un quart terreau de feuilles, ou bien encore un tiers terre franche-légtre, un tiers terreau de couches, etun tiers terreau de feuilles. 164 DES JARDINS. 4. Terre de bruyère. Elle est le résultat de la décom- position des bruyères, et on la trouve en couche plus ou moins épaisse dans les forêts, sur les lisières des bois, où ces plantes croissent en grande abondance ; elle a pour base une partie de la terre sur laquelle la couche s'est formée, et une autre d’humus végétal. Celle que nous employons dans les environs de Paris vient, pourla plus grande partie, des forêts de Chantilly, de Meudon et de Fontainebleau. Elle est plus ou moins chargée de terreau de feuilles, selon l'endroit où on l'a prise; mais elle offre pour terme moyen ces deux analyses. TERRE DE BRUYÈRE, NOIRE OU SUBSTANTIELLE. Sable siliceux. . . . 39, 35. Humus végétal. . . 47, 55. Aumine:4: pe 0c1-#r Ty 10. Chaux carbonatée. 6, »». — ———— 100, »». TERRE DE BRUYÈRE, GRISE OU MAIGRE. Sable siliceux. .. , 5o, 55. Humus végetal. . . 36, 20. Alurmine. 7... 9, Chaux carbonatée. 4, 25. »». 100, »». On y trouve aussi de l’oxide de fer, mais en si petite quantité qu’à peine est - il appréciable. Comme la terre de bruyère ne se rencontre pas dans tous les pays, nous avons cru devoir en donner l’analyse afin de mettre les cultivateurs dans le cas de la composer artificiellement. Il ne s'agirait pour cela que de faire un mélange dans le- quel le terreau de feuilles entrerait comme humus végé- tal’; du sable de rivièretrès-fin et très-pur, quelle quesoit sa nature, tiendrait lieu de sable siliceux , et une bonne terre franche fournirait l’alumine et la chaux carbonatée. La terre de bruyère est la plus légère de toutes , celle DES JARDINS. 165 dans laquelle les plantes à racines fibreuses et délicates réussissent le mieux, mais dans leur jeunesse seulement; car, si on en excepte quelques genres des Alpes, du Cap, de la Nouvelle -Hollande et de l'Amérique septentrio- nale, qui aiment une fraicheur et une humidité soute- nues , les autres y prospèrent pendant leur premier âge, passé lequel temps ils ne trouvent plus une nourriture assez substantielle , et ils restent rachitiques si on s’obs- tine à les y tenir toujours. Il en est de la terre de bruyère comme de toutes les bonnes choses : on en abuse. 5. Terre sablonneuse. On la prépare pour cultiver les plantes qui se plaisent dans les sables, et particuliè- rement sur les plages des bords de la mer. On la com- pose moitié de sable fin, et moitié de terreau de feuilles. 6. Terre des plantes bulbeuses. C’est particulière- ment pour la culture des plantes à ognons qu'il est in- dispensable de la préparer, à moins que le sol d’un jardin en ait les qualités. Dans toute autre terre les jacinthes dégénèrent rapidement. On la compose ainsi : moilié terre de bruyère, un quart sable pur et fin, un quart terreau de vache très-consommé et sans litière. Nous observerons qu’on doit en éloigner tous les engrais frais, c’est-à-dire, susceptibles de fermentation putride, sous peine de voir pourrir les ognons. 7. Terre à orangers. Elle doit être forte, afin que les racines puissent s’y implanter solidement , et cependant assez poreuse pour que l’eau des arrosemens puisse la pénétrer. Outre cela , il faut qu’elle soit très - subs- tantielle, et continuellement dans un léger degré de fermentation. Voici comment on lui donne toutes les qualités nécessaires pour résoudre ce problème : terre franche naturelle, moitié ; terreau de vache peu con- sommé, moitié, on mêle et on laisse en tas pendant un an avec la précaution de le remuer deux ou trois fois. L'année suivante, on y ajoute une quantité égale de fumier de cheval que l’on y mélange parfaitement ; 166 DES JARDINS. on le laisse se consommer ainsi pendant un an; puis, un an avant de s’en servir, on y mêle encore un dou- zième de crottin de mouton, un vingtième de colom- bine, et un quarantième de poudrette. Sion trouvait cette terre trop diflicile ou trop longue à préparer , on pourrait employer celle-ci, quoique avec moïns d’a- vantages : moitié terre franche , un sixième fumier de cheval, autant de fumier de mouton et autant de fumier de vache, que l’on peut remplacer avec du mare de rai- sin quand on habite un pays vignoble. On mélange bien le tout et on le remue plusieurs fois jusqu’à ce qu'on s'en serve, ce qui arrive au bout de deux ans. Ces deux compositions sont utiles, non seulement aux orangers, mais à la plus grande partie des arbres et arbrisseaux de serre. 8. Terre à ananas. Comme celle-ci ne convient ri- goureusement qu’à la culture de l’ananas, nous ren- voyons le lecteur à l’article du potager qui traite de cette plante. ( ’oyez le second volume, page 186.) Autant qu'on le pourra, ces mélanges seront faits sous un hangard ou autre endroit abrité de la pluie, mais exposé aux autres influences atmosphériques. On aura la précaution de passer parfaitement les terres à la. claie , afin d’en extraire les pierres, racines, et autres corps étrangers. Les tas ne doivent jamais être absolu- ment secs : à l’aide d’arrosemens modérés , on y entre- tiendra uné humidité légère mais soutenue, favorable à la fermentation. SECTION IT. DES ENGRAIS. Avant de passer à la culture des terres , nous allons traiter de la manière de leur rendre leurs principes nu- tritifs quand elles les ont perdus, ou de les augmen- ter si ellés n’en ont pas assez. Nous parlerons d'abord de DES JARDINS. 167 tous les engrais en particulier ; puis nous traiterons de leur application en général. De même que nous avons trouvé des terres dans les trois règnes de la nature , nous lrouverons aussi des en- grais minéraux , Végétaux et animaux ; mais une qua- trième classe nous fournira des engrais mixtes, c'est-à- dire, composés de matières appartenant à plusieurs règnes. Nous allons en donner le tableau. Marne crayeuse. * {Marne argileuse. ne Sable. Chaux. SÉTSU A ie de Ps Sel marin. Marnes. . «« , ENGRAIS MINÉRAUX : Cendres. RMIES PL LA PUS { Tourbe. ENGRAIS VÈGE Sgiet ENGRAIS VÉGÉTAUX ’ $ & {mares. et feuilles. Marcs. Tannée. En fermentation. Poudrette. Colombine. ENGRAIS ANIMAUX : Os. Chair. Résidus. .. . . . . + .Ç Corne, poils, plumes. — Laine, cuir, etc. Poissons. Sécrétions. « « « + +» { Urine. Animaux et végétaux. Fumier. Végétaux et minéraux. Vases. Animaux et minéraux. ÜUrate. Animaux , végétaux et minéraux. . . . . . Poues de rue. ENGRAIS MIXTES ; MÉLANGE DES DETRITUS DE S I. Des engrais minéraux. Ils agissent de deux manières sur la végétation : 1° en divisant la terre ou la rendant plus compacte; 2° en fournissant aux plantes des sels nutritifs. 1. La marne se présente la première ; nous avons in- diqué ses principes constituans; v07€7 pas: 1 5r,et com- menton l’emploie avantageusement à donner du corps ou 168 DES JARDINS. dela porosité aux terres franches. Elle convient particu- lièrement aux sols froids, légers ou sablonneux , qu’elle détermine à la fermentation ; de plus elle fournit de l’a- cide carbonique et de la chaux à la nourriture des plan- tes. Comme elle est peu employée en horticulture, nous nous en ocCuperons peu, et il en sera de même pour tous les engrais plus spécialement consacrés à la grande culture. 2. L'argile est excellente pour donner du corps aux terres trop légères, mais on ne l’emploie Jamais pure dans les jardins. On est dans l'usage de la mélanger avec des terreaux, et alors elle devient une véritable terre franche. 3. Le sable ne sert guère qu’à donner à la terre Ia légèreté et la porosité qui lui manquent. Toutes les fois qu'on peut le remplacer par une terre de bruyère sablon- neuse , les eflets qu'on en attend n’en sont que plus marqués. 4. La chaux, comme la marne , fournit de l’acide car- bonique, à la nourriture des plantes; mais il paraît qu'elle agit plus en décomposant dans la terre les parties végé- tales et animales que par ses propres principes. De cette manière, elle rend solubles dans l’eau , et propres à être absorbces par les végétaux, des matières qui ne l’eussent été qu'après plusieurs années de fermentation. Aussi convient-elle parfaitement dans les terrains humides et froids où la fermentation a peu d'activité. 5. Le plâtre offre à peu prèsles mêmes principes que la chaux ; il contient, en outre, une légère quantité d’a- cide sulfurique. Dans la grande culture on l’'emploie , cuit ou cru , en poussière que l’on sème à la surface du SO]. Il paraît particulièrement convenir aux plantes de la famille des légumineuses, surtout dans les terrains froids. 6. Le se! marin, employé en petite quantité , soit qu'on Je sème sur le terrain ou qu'on le mêle à l’eau DES JARDINS. | 109 des arrosemens, agit sur les végétaux en leur fournissant de l’acide muriatique, et sur la terre en la disposant à la fermentation ; car cette substance a la singulière pro- priété de hâter la décomposition des matières qui en contiennent en petite partie , et de l'arrêter lorsqu'elles en sont saturées. En horticulture , on n’emploie guère le sel que dans l’eau des arrosemens. S IL. Des engrais végétaux. 7. Les cendres de bois fournissent plusieurs principes favorables à la nutrition des plantes ; les principaux sont le sulfate et le muriate de potasse , le sulfate et le phos- phate de chaux, tous sels utiles à la végétation. Elles ont encore l'avantage de diviser les terres et par consé- quent de les rendre plus légères. Quand elles sont lessi- vées, elles ont perdu une partie de leurs substances nutritives , mais elles forment encore un bon engrais. 8. La sourbe est ce terreau noir ou brun, formé dans le fond des marais par les détritus des plantes aquati- ques , que l’on exploite dans de certains pays pour four- nir au peuple un combustible à bon marché. Elle con- tient ordinairement une grande quantité d’oxide de fer, ce qui la rend froide et stérile. Dans les terres fortes et chaudes, si on la combine avec lachaux, elle peut fournir un assez bon engrais ; mais il vaut beaucoup mieux la brûler pour n’employer que ses cendres. Elles ont assez d’analogie, au moins dans leurs effets , avec les cendres de bois lessivées. 9. La suie contient une assez grande quantité de car- bone , quelques sels volatils des matières qui l'ont fournie, et des alcalis. Elle convient parfaitement dans les terres humides où il s’agit de détruire les mousses, mais elle agit avec plus d'énergie, relativement à la vé- gétation, dans tous les terrains autres que ceux humides et argileux. 170 DES JARDINS. 10. Les feuilles, les chaumes , et généralement tous les débris de la végétation, entassés et en fermenta- tion, forment des engrais d'autant meilleurs qu'ils ont le triple avantage de fournir à la végétation des sels so- .lubles dans l’eau, des gaz, tels que de l’hydrogène et de l'acide carbonique ; et de diviser la terre suffisamment pour laisser pénétrer dans son sein les influences atmos- phériques. Il est vrai qu’ils agissent moins brusquement que les autres, mais aussi leurs effets se font sentir bien plus long-temps. Ils conviennent très-bien à la culture des jardins, et produisent les meilleurs eflets dans toutes les espèces de terrain; ils sont excellens, par- ticulièrement pour les plantes qui craignent le pourri. 11. Les marcs sont de plusieurs natures , selon la matière qui les a fournis. Ils agissent sur la végétation de la même manière que l’engrais précédent, et fournissent à peu près les mêmes principes; mais généralement ils fermentent davantage et plus vite, ce qui les approprie mieux aux terres froides. Les marcs des matières qui ont fermenté avant d’être pressées, par exemple, celui de raisin, sont excellens : mais ceux des matières dont on a tiré de l’huile valent mieux , parce qu'ils dégagent, par la putridité, une plus grande quantité de carbone et d'hydrogène. 12. La {année deviendrait embarrassante dans les jardins, si on ne trouvait le moyen de l’employer comme engrais. Dans la plupart des établissemens du genre du nôtre, on attend qu'elle soit absolument devenue ter- reuse pour la mélanger avec les autres terreaux ; et alors elle ne forme plus qu’un humus végétal privé de fermentation , par conséquent plus nuisible qu'utile dans les terres légères. Si, au contraire, on la met en décomposition avec de la chaux, le principe tannin qu'elle contient et qui nuit à la végétation se combine et se perd ; et, si elle ne devient pas un excellentengrais, du moins elle cesse d’être nuisible. En Angleterre on DES JARDINS. 171 l'emploie beaucoup pour la grande culture dans le comté de Warwick. $ IT. Des engrais animaux. 13. L'urine de tous les animaux, principalement celle de mouton, fournit un excellent engrais par les sels qu'elle contient. Cette dernière épanchée fraîche sur le terrain esttrès-fertilisante pour la grande culture , mais il n’en serait pas de même si on en arrosait des plantes délicates ; elle les brülerait sur-le-champ. Il faudrait donc la laisser fermenter avant de s’en servir , et encore la mélangerait-on avec de l'eau et du terreau pour ne l'employer qu'en arrosement. Du reste, on n’en fait pas ordinairement usage. 14. La poudrette, ou excrémens humains desséchés et pulvérisés, est peut-être l’engrais le plus actif que l'on connaisse; mais il faut l’employer à très-petite dose, sans quoi il brûle les racines des plantes. IL agit sur la végétation en fournissant des sels, du carbone, et en augmentant la fermentation de la terre ; du reste tous les engrais animaux àgissent à peu près de la même manière. Celui-ci convient à toutes les terres, mais plus particulièrement à celles qui sont alumineuses et froides. 15. La colombine, ou fiente de pigeon, s'emploie à petite dose comme la poudrette, parce qu'ayant la même énergie elle a aussi les mêmes inconvéniens ; elle pré- sente à l'analyse une plus grande partie d’alcali. La fiente des autres oiseaux de basse - cour produit les mêmes eflets , mais à plus grande dose. Ces engrais sont excellens dans les terres froides et humides. 16. Les os présentent, à l’analyse dela chaux, d’autres sels , et des substances purement animales, de manière qu'ils fournissent à la végétation les principes réunis des matières animales , végétales et minérales; mais leur 172 DES JARDINS: décomposition est très-longue ; d’où il résulte que, si leur eflet se fait sentir très-long-temps (quelquefois plus de trente ans), 1l est aussimoins marquant. Cette sorte d’en- grais est excellente dans les argiles pures et compactes, parce qu’elle fournit à ces espèces de terres la chaux qui leur manque, et qu'elle les divise pour donner passage à l'humidité. On en fait peu usage en horticulture. 17. Les chairs où cadavres d'animaux fournissent un excellent engrais à cause de la grande quantité d’a- cide carbonique qu’elles dégagent pendant leur dé- composition. Pour éviter l'odeur infecte qu’elles exha- lent , on est dans l'usage de les enterrer à six pouces au moins de profondeur. 18. Les cornes, poils, plumes , rognures de cuir, chiffons de laine, etc., sont d’excellens engrais qui agissent comme les deux précédens, mais dont leffet dure moins que celui des os et a plus d'activité, par la raison que la décomposition en est moins lente. C'est particulièrement aux terres légères, sablonneuses et maigres qu'ils communiquent une grande fertilité. 19. Les poissons, sur les côtes de la mer, peuvent former la base d’un très-bon engrais ; nous en avons pour preuve l’usage qu’on en fait sur les côtes de Cornwall, dans le comté de Dorset, de Cambridge , de Lincoln et de Norfolk, en Angleterre. On les enterre de la même manière que les autres cadavres d'animaux. Toutes les substances animales agissent sur la végéta- tion en lui fournissant à peu près les mêmes principes, dont les plus abondans sont l'hydrogène, l'oxygène, l'azote , le carbone, le phosphore et le soufre. ( Voy. nutrition des végétaux. ) $ IV. Des Engrais mixtes. 20. Les fumiers résultant d’un mélange des excré- tions des animaux, de la paille dont on fait leurs litiè- | DES JARDINS. 173 res et des plantes dont on les nourrit, sont les plus em- ployés en horticulture , et c’est aussi de ceux-là que nous nous occuperons davantage. On les divise en fumiers chauds et fumiers froids : on emploie les premiers dans les terres froides, et les seconds dans celles qui sont trop chaudes. Nous n’agiterons point ici la grande question de savoir si on doit s’en servir sortant de l'écurie, ou lorsqu'on les a laissés fermenter en tas pendant quelque temps : ceci regarde plus particulièrement la grande cul- ture ; car, dans les jardins où les terres sans cesse tra- vaillées ne sont jamais très-froides, les fumiers neufs ne peuvent être que préjudiciables , surtout quand on les met en contact avec les racines des plantes qu'ils brûlent et font infailliblement périr. On ne doit donc s’en servir que lorsqu'ils sont au quart, au tiers, ou à moitié consommés. Le fumier de mouton est le plus chaud de tous ; aussi ne s'emploie-t-il qu'avec précaution , en petite dose, et à moitié consommé, Îl ne peut convenir qu'aux terres froides et humides. Le fumier d'âne et de mulet est le plus chaud après celui de mouton. Il s'emploie de la même manière dans les terres froides et humides. Le fumier de cheval a moins de chaleur que les pré- cédens, mais cependant il en a encore beaucoup. On s’en sert, avant sa décomposition et pendant que la litière qu'il contient a encore de la consistance , pour donner de la porosité aux terres compactes, et pour échauffer celles qui sont un peu froides. Dans les jardins, il est la base de la plupart des cultures, soit qu’on l’emploie neuf à la construction des couches, à demi consommé pour rendre la terre plus substantielle , ou à l’état de terreau pour faire les semis de plantes délicates. Ce qui le rend très-précieux , c'est qu'il convient également aux terres froides et chaudes, légères ou fortes , substantielles ou maigres, selon la manière dont on le prépare pour en 174 DES JARDINS. faire usage, de manière qu'il peut remplacer tous les autres engrais. Le fumier de vache est plus gras, plus onctueux et beaucoup moins chaud que le précédent; aussi est-il excellent pour les terres chaudes et légères, auxquelles il donne du corps. Le fumier de cochon est tout-à-fait froid et ne peut, par conséquent, produire un bon effet que dans les terres très-chaudes. Il est à remarquer que jamais on ne doit l’employer pour les terres dans lesquelles on cultive des plantes bulbeuses, à moins qu'il ne soit entièrement consommé, car il est mortel pour la plus grande partie des ognons à fleurs. ar, Les vases que l’on extrait du fond des éfangs, des mares, des fossés, etc., sont un composé de détritus végétaux et de la terre sur laquelle elles reposent. Sion les emploie de suite, elles sont froides et ne peuvent convenir qu'aux terrains très-chauds ; mais, si on les laisse fermenter pendant un an , exposées aux météores at- mosphériques, elles se mérissent, pour nous servir de l'expression consacrée en culture, se combinent avec dif- férens gaz, et deviennent très-propres à fertiliser toutes les terres, surtout celles qui sont légères. Elles four- nissent à la végétation des sels terreux et alcalins, selon la nature des végétaux qu’elles tiennent en décomposi- tion, et celle des terres qui en forment la base. 22. L’urate, engrais si vanté depuis quelques années, est un mélange de plâtre et d'urine ; ses principes sont, par conséquent, ceux d’une terre calcaire unie à des sels, des alcalis et de l’urée élément de l’urime. Cet engrais fermente rapidement et n’est pas d’un effet de longue durée , mais il fertilise les terres froides et alumimeuses au moins pendant deux ou trois ans. Il convient encore dans les terres siliceuses; mais dans celles calcaires il ne peut que nuire quand son premier eflet est passé, DES JARDINS. 170 parce qu'il y apporte une surabondance de carbonate de chaux. . 23. Les boues de rue sont un mélange de toutes les matières que nous avons mentionnées , et agissent selon qu'une d'elles y domine. Elles fournissent un excellent engrais, mais qui n’acquiert toutes ses qualités que lors- qu'il a fermenté en tas pendant six mois au moins; employées de suite, elles sont très-chaudes. $ V. Préparation et emploi des engrais, ou amen- dement des terres. La marne se trouve en couches plus ou moins épaisses et enfoncées dans la terre. On l’en tire au moyen des fouilles, et on la laisse en tas pendant sept à huit mois, ou on l’étend de suite sur le terrain à fertiliser ; mais alors elle doit y rester exposée à l’air pendant le même espace de temps avant d’être enterrée par des labours. Comme tous les engrais minéraux , elle a de la propen- _sion à s’enfoncer : aussi ne doit-on l’enterrer que le moins possible. La meilleure saison pour marner est l'été pour les terrains humides et gras; dans les autres on peut marner l'hiver ou dans toute autre saison. Nous n'indiquerons pas la quantité d'engrais qu'il faut à chaque sol, parce que ceci est le résultat de leurs dif- férentes natures, et que l'expérience seule peut guider le cultivateur. L'argile et le sable ne demandent aucune préparation ; il ne s’agit que de les étendre sur le terrain et de les in- corporer avec lui le mieux possible, au moyen de plu- sieurs labours. La chaux s'emploie cuite et en efforescence ; pour la faire arriver à ce dernier état , on la laisse pendant plus ou moins de temps exposée , en petits tas, à l'influence de l'air et des météores. Elle s’étend ensuite sur la sur- face du sol, et on l’enterre peu en labourant. 176 DES JARDINS. Le plâtre se jette à la main sur les semis, lorsque les plantes ont atteint un certain développement ; on laisse ordinairement à la pluie le soin de l’enterrer, et très- rarement on le répand avant de labourer; il convient donc de plâtrer dans un temps pluvieux, Le sel se répand comme le plâtre, et ne s’enterre pas non plus. Celui obtenu par l’évaporation des eaux de mer est préférable à celui des mines ou des fontaines salées. Les cendres s'étendent de la même manière que le plâtre, et ne s'enterrent que très-légèrement, surtout quand elles n’ont pas été lessivées. La tourbe ne s'emploie jamais pure ; ou on la brüle pour ne se servir que de ses cendres , ou on la combine avec la chaux. Voici comment on agit dans le dernier cas : on étend d’abord sur un terrain sec un lit de tourbe de trois ou quatre pouces d'épaisseur, et on jette dessus une couche de poussière de chaux épaisse de trois lignes au moins ; on fait un second lit de tourbe et une seconde couche de chaux, et ainsi de suite, jusqu'a ce que le tas ait au moins quatre pieds d'épaisseur. En cet état on l’abandonne à la fermentation pendant six mois au moins. On étend sur le terrain cet engrais ainsi préparé, et on l’enterre de suite par un labour. Si on avait à l'em- ployer sur le sol même où on l’aurait enlevé, on pour- rait le réduire en cendre par le moyen de l’écobuage. Les végétaux, ou fragmens de végétaux, doivent être préparés convenablement. Pour cela, on fait un trou dans un endroit sec et à l’abri des rayons du soleil, et on y entasse des feuilles, de la fougère , les mauvaises herbes arrachées dans le jardin, les gazons, les raclures d’ai- lées, etc., et même les petits rameaux ligneux résultant de la taille et de la tonte des arbres. On peut hâter leur décomposition au moyen de quelques arrosemens, et plus encore en les mettant par lits avec un peu de pous- sière de chaux vive entre chacun. Il faut les employer un peu avant qu'ils soient réduits en terreau, sans quoi DES JARDINS. 177 ils perdent une grande partie de leur action, Dans la grande culture, on a une méthode d’écobuer les gazons, les bruyères et autres plantes, pour les réduireen cendres et brûler la terre dans laquelle ils végètent., On les en- lève en espèce de galettes, avec un pouce et demi à deux pouces de terre; on les retourne, les racines en l'air, et on les laisse ainsi sécher pendant quelques jours. On les réunit ensuite en petits tas, auxquels on donne la forme de dômes ou de cônes , avec un espace vide dans le milieu et un très-petit soupirail dans le haut; on place quelques brins de bois sec dans le vide intérieur, et on y met le feu. Lorsque le dôme est assez échaufté pour qu'où soit sûr que les racines brüleront, on bouche le soupirail , et on laisse aller le feu Ju à ce qu 1l s'é- teigne naturellement, ce qui n'arrive guère qu’au bout de deux à trois jours. On étend la terre brûlée et les cendres sur le terrain, et on les enterre par un léger labour. Les marcs s'emploient sans autre préparation que de les briser et de les réduire en très-petits fragmens, en poussière s’il est possible. Ceux formant le ie des matières fermentées font un très-bon effet quand ils sont légèrement enterrés par un labour. Si on s’en rapporte à des expériences faites en Angleterre , il paraît que ceux provenant de matières oléagineuses produisent plus d'effet quand , réduits en poussière, on les sème sur le terrain en même temps que les semences. La tannée employée seule est mortelle pour les plantes. Quand on l’enlève des couches, on la met dans un trou , et par lit, avec de la poussière de chaux vive, et on ne l'en sort que lorsqu'elle est presque entièrement dé- composée. On l’étend sur le terrain, et on l’enterre par un labour, ou on la mélange avec du terreau de fumier pour recevoir les semis. On ne se sert guère de l’urine que comme nous l'avons dit à son article, et pour composer l’urate. F: 12 178 DES JARDINS. La poudrette ne peut servir seule, à moins que ce ne soit pour répandre, mais en très-petite quantité et par un temps humide et pluvieux, surun semis pour hâter sa végétation. Le plus ordinairement elle ne s'emploie qu'en mélange dans les composts. La colombine et les autres excrémens purs sont dans le même cas. Les os se jettent sur leterrain tels qu’on se les est pro- curés, ets’enterrent par le moyen des labours. Sion pou- vait les concasser, leur effet n’en sérait que meilleur, Ceux qui ont fourni du noir de fumée par la calcination sont dépouillés d’une grande partie de leurs principes: fertilisans , et n’agissent plus sur la végétation que comme : la chaux et autres sels terreux. Quant aux chairs et autres débris d'animaux , on les emploie tels qu'on les a, et on les enterre de suite assez profondément pour que les gaz délétères qu'ils exhalent ne se mêlent pas à l’air atmosphérique, ce qui produi- rait une odeur désagréable et peut-être dangereuse pour les hommes et les animaux domestiques. Quelquefois on entasse les os, la corne, les vieux cuirs, ét autres résidus, en les plaçant par couches, alternativenient avec un lit de terre, et on les laisse fermenter ainsi pendant six mois. Les fumiers demandent surtout à être bien préparés et employés à propos, pour produire tous les excellens effets qu’on en attend. À mesure qu’on les sort de l’écu- rie, on doit meltre à part chaque espèce, si on veut tirer partie des qualités qui sont propres à chacune. Si on n'avait pas la facilité de s’en procurer de toutes les espèces pour les placer dans les natures de terres où chacune serait le plus convenable, on pourrait, avec celles que l’on a, remplacer les autres en les employant pendant qu’elles ont un certain degré de chaleur. Par exemple, le fumier de mouton, lorsqu'il a fermenté quel- ques jours , perd une grande partie de sa chaleur, et de- vient semblable au fumier de cheval ; celui de cochon, DES JARDINS. 1759 ù au contraire, acquiert de la chaleur par la fermentation, et peut, après avoir reposé cinq ou six mois en tas, rem- placer le-fumier de cheval consommé. Mais le point essentiel est d'élever les"tas de fumier de manière à leur laisser perdre le moins possible de leur substance. Un creux en terrain sec, muré sur les côtés et pavé au fond, peut assez bien remplir ce but. On place sur le pavé une couche de six pouces de terre, Let on y entasse le fumier à mesure qu’il sort de l’écu- rie. Quand il est consommé convenablement pour la cul- ture à laquelle on se propose de l’employer, on l’enlève, et la couche de terre , saturée de tous les liquides nutri- tifs qu'il y a déposés, devient un engrais aussi fertilisant que le fumier , et même plus facile à ameublir dans une plate-bande que lon veut tenir propre. 11 serait un autre moyen de tirer un parti plus avan- tageux encore des urines et autres liquides qui décou- lent des fumiers, surtout en hiver , saison pendant la- quelle ils sont exposés aux pluies qui les délayent. Ce serait de donner au pavé de la fosse une pente qui se terminât à une fosse plus petite, bien cimentée, de manière à ne point laisser échapper les liquides qui s’y rendraient de toutes parts. Toutes les fois que cette fosse serait pleine , on la viderait pour arroser du plâtre avec son eau, et en former une espèce d’urate plus substan- tielle que celle préparée avec de l'urine pure. Quoi qu'il en soit , il faut éviter de mettre les fumiers en tas sous un égout, ou dans un lieu oules eaux peuvent se ramasser. Il serait bon, si on le destinait à faire des couches, de le tenir à l’abri de la pluie jusqu’au mo- ment de l’employer. Si on devait le conserver long-temps avant de s’en servir, etque l’on craignît qu'il fermentât trop vite, on pourrait l'en empêcher en le plaçant par couches , entre lesquelles on interposerait une certaine quantité de terre. Les fumiers s’emploient soit sur la terre pour l’'empé- 180 DES JARDINS. cher de se plomber ou de se battre par les pluies, soit en mélange avec elle; et alors on se sert des plus chauds et des moins consommés pour les terres fortes et froides, et vice wversä. On les convertit aussi en éerreaux que l’on emploie purs, ou en mélange pour former des composts. Les fumiers au quart ou au tiers consommés pourraient être utiles dans les terres légères et même. chaudes, si l’on prenaitla précaution de les émietter en les coupant avec la bêche. Les vases que l’on voudrait employer de suite cesse- raient d’être froides si on les mélangeait à une certaine quantité de chaux vive ou de poussière de plâtre, et dans ce cas leurs qualités fertilisantes en acquerraient plus d'énergie. L'urate a, comme on a pu le voir à son article, le défaut de ne convenir parfaitement qu'aux terres argi- leuses et froides. Si on combine cet engrais avec un tiers ou moitié de marne argileuse, il produit un très-bon effet dans les terres légères et calcaires, et devient excel- lent dans celles dont la silice fait la plus grande partie. Du reste, on le jette sur le sol, et on l’enterre aussitôt, mais à une petite profondeur. Enfin les boues de rue, les balayures de maison, et tous lesimmondices, se déposent dans des trous en terre, d’où on ne les sort pour les employer que lorsqu'ils sont presque entièrement décomposés. On les enterre aussitôt qu’on les a transportés sur le terrain, car sans cela l’air les dessèche , leur enlève une partie de leur gaz etpresque toutes leurs qualités. Si, faute d'espace ou par d’autres raisons, on ne séparait pas chaque espèce d'engrais, et qu'on voulût en faire des composts, on devrait toujours les diviser en trois parties. Les engrais animaux et les immondices seraient jetés dans une fosse à mesure qu’on se les pro- curerait; et, pour éviter les exhalaisons fétides, chaque foisque la couche aurait une certaine épaisseur ; on éten- DES JARDINS. - 181 drait dessus deux ou trois doigts de poussière de chaux vive, et on recouvrirait avec un lit de terre de quelques pouces. Ainsi préparé, cet engrais produirait un très-bon effet dans toutes les espèces de terrain, et plus particuliè- rement dans les sols froids. ‘Dans une seconde fosse on déposerait les excrémens purs, les colombines, les balayures de maison et Îles marcs. On n’y mélange pas de chaux, mais on les couvre de terre pour la même raison que le précédent. Ce mé- lange, quand il est à moitié ou aux trois quarts consommé, forme un engrais chaud et très-fertilisant, qui convient à toutes les terres meubles et aux plantes les plus dé- Lcates. Dans une troisième fosse on entassera les fumiers et on les manipulera comme nous l’avons dit. Nous. avons traité dans ce chapitre des composts et des engrais , parce que, ne pouvant guère s’employer de suite, on fera très-bien de commencer à les préparer aussitôt que l’on sera déterminé sur l'emplacement d'un jardin. SECTION lil. TRAVAUX PRÉPARATOIRES. Nous supposons que le choix d’un emplacement est fait, et qu'il ne reste plus qu’à clore le jardin , àle tracer et à préparer la terre à recevoir les plantations. Ces trois choses vont nous occuper dans la suite de ce chapitre. $ [. Des clôtures. On a plusieurs méthodes pour clore les jardins, et tou- tes ont leurs avantages comme leurs inconvéniens. La première consiste à les entourer de murs, la seconde de haies , la troisième de palissades. Les murs font certainement la meilleure clôture 162 . DES JARDINS. pour défendre une enceinte contre les entreprises des hommes et des animaux, surtout lorsque l’on a hé- rissé leur chaperon avec des morceaux de verre de bou- teilles ; ils ont encore cet avantage de servir d’abris aux espaliers que l’on palisse contre , mais aussi ils masquent | entièrement la vue; et, si le jardin n’est-pas très-grand, on y est comme emprisonné. La hauteur la plus convenable à leur donner est celle de dix pieds ; plus haut , les espaliers n’en seraïent que mieux, mais ils masqueraient davantage et occasione- raient une augmentation de dépense qui peut-être ne pourrait pas être compensée par le produit des cordons de vignes ou autres arbres fruitiers que l’on y établirait. Si on donnait beaucoup d'importance aux espaliers , on orienterait le jardin de manière à pouvoir en placer sur toutes les surfaces des murailles. Pour cela, en suppo- sant qu'il soit de forme carrée, un de ses angles regar- derait le midi, tandis que l’autre correspondant re- garderait le nord. Il en résulterait qu’une ligne , allant directement dunord au midi, le couperait en deux parties égales , formant chacune un triangle semblable à l’autre. Par ce moyen on n'aurait ni l'exposition du nord , ni celle du midi , mais celles du nord-est, du nord-ouest , du sud-est, et du sud-ouest, toutes quatre favo- rables. Le mur doit être solidement bâti, bien crépi pour empêcher les rats et les insectes de se loger dans l’inté- rieur, et recouvert d’un chaperon qui débordera de cinq à huit pouces, selon que les espaliers devront être palissés à la loque ou contre un treillage. Ce chaperon servira à les abriter et à empêcher le mur d’être gâté par l'humidité. | C'est une grande question , agitée aujourd’hui par nos théoriciens , que de savoir si le mur doit avoir une cou- leur blanche ou noire , pour favoriser la végétation. Le blanc , disent les uns, reflète la chaleur, mais ne s'en DES JARDINS. 183 imprègne pas ; d'où il résulte qu’aussitôt que les rayons du soleil ont abandonné une muraille blanche , elle est refroidie et ne renvoie plus de calorique. Ils ajoutent : Je noir absorbe la chaleur pendant le jour et la reflète pendant la nuit; donc il faut peindre les murailles en noir! Ce raisonnement nous paraissait assez singulier ; mais, pour nous conformer à notre habitude, nous avons voulu nous éclairer par l'expérience avant de rien déci- der. En conséquence , nous avons mis un thermomètre contre un mur blanc, dans une niche fermée par une légère couche de plâtre ; nous en avons placé de la même manière un second contre un mur crépi en noir; el, quoique nous ayons renouvelé l'expérience plusieurs fois, les deux instrumens ne nous ont guère donné que la même température. Nous en avons conclu que Les murs de notre établis- sement ne seront pas peints en noir , et qu'ils resteront tels qu'ils sont. En effet , il est bien prouvé que le blanc n’absorbe point ou peu de lumière , mais il ne l’est pas qu'il n’absorbe point de chaleur. Ensuite , quand même les choses seraient comme ils le disent , les observations que nous avons faites sans discontinuer depuis notre en- fance, nous portant à croire que la circulation de la sève dans les végétaux n’est due qu’à la transition Jour- nalière du chaud au froid, comme nous le prouverons dans notre article de physiologie végétale , nous laisse- rions encore ces murs blancs, afin d’avoir cette transition naturelle , que nous n'obtenons qu'artificiellement dans nos serres ; car il n'est pas un jardinier qui ne sache très- bien, sans pouvoir peut-être en déduire les raisons, que, si l’on chauflait une serre au même degré le jour et la nuit, les végétaux languiraient d’abord, s'épuiseraient et finiraient par périr. à Les haies , lorsqu'elles sont bien plantées et bien en- tretenues, font de très-bonnes clôtures, mais qui deman- dent des soins assidus pour les empêcher de se dégarnir, 184 DES JARDINS. surtout dans le bas. Les arbrisseaux les plus propres à les rendre impénétrables sont : le houx dans les sols granitiques et montagneux où il peut réussir , le prunel- lier, et le néflier aubépine. Ce dernier a l'avantage de se très-bien garnir et de réussir à peu près dans tous les terrains : aussi mérite-t-il la préférence. On en fait des baies simples ou doubles, c’est-à-dire, plantées sur un ou deux rangs. Pendant les deux ou trois premières an- nées on leur donne deux bons labours par an, une fu- mure si le terrain est médiocre, et on les taille très-bas pour les forcer à se garnir. On peut ensuite les aban- donner à la nature, avec la précaution cependant de les tondre régulièrement, et de remplacer les pieds morts. La haie convient beaucoup mieux que les muraîlles pour les jardins d'agrément, parce qu’elle ne géne pas le coup d'œil , et qu’elle est beaucoup plus pitto- resque. La palissade ne peut remplacer la haie que lorsque le jardin est renfermé dans un clos; elle n’est utile dans ce cas-là que pour marquer les limites de la grande et de la petite culture. Elle se plante sur un ou deux rangs comme la haie , s'élève de même, mais demande un entretien beaucoup plus soigné, parce que toute sa beauté dépend de la régularité et de la propreté de sa tonte. ( Voyez page 74 de ce volume, et page 173 du second volume }. SIT. Manière de tracer un Jardin. Le jardin une fois fermé , il s'agira de le tracer , et nous ne donnerons pas d’autres préceptes, pour le genre de la composition, que ceux compris dans les chapitres deux et trois de cette première partie. Seulement nous recommanderons de ne rien exécuter sur le terrain avant que d'en avoir parfaitement arrêté le plan sur le papier ; DES JARDINS. 185 car c’est le seul moyen de ne pas faire de l'ouvrage inutile, que peut-être on serait obligé de recommencer. On fait d’abord une esquisse générale, ou plutôt la carte topo- graphique du terrain, sans y oublier le moindre accident, un arbre , un buisson , un fragment de rocher , etc. ; ce plan doit être géométrique, et les distances seront ob- servées à la rigueur. Si on ne l’a pas levé soi-même, il faut se familiariser avec lui en s’attachant à reconnaître au premier coup d'œil sur le terrain tous les détails qu'il indique, et à en saisir facilement l’ensemble. Alors seulement, on commence à fixer sur le papier, au moyen du pinceau et des couleurs, les conceptions inspirées par le goût et les convenances. Si on a un peu l'habi- tude du dessin, on fera très-bien de figurer en éléva- tion les fabriques , et généralement toutes les construc- tions ; ce sera le vrai moyen de se rendre compte des effets généraux aussi bien qu'il est possible sur le pa- pier. Avant de déterminer le genre d’une fabrique, il serait bien de chercher à se former une idée juste de l'effet qu'elle produira sur le terrain. Pour y parvenir, on pourra employer l’ingénieux moyen que voici, inventé par M. de Viard, auteur du J'ardiniste moderne. Dans l’en- droit même que doit occuper la fabrique, on plante deux jalons éloignés l’un de l’autre dans la même pro- portion que celle que le monument doit avoir en largeur, On dessine celui-ci sur une feuille de carton , on le co- lore des teintes qu'il doit avoir, puis on le découpe avec précaution et exaclitude. Cela fait, on le fixe au bout d’un jalon que l’on va planter en terre devant et à quel- que distance des deux premiers. Alors on s'éloigne à reculons jusqu’à ce que la base des deux côtés du des- sin paraisse toucher aux deux jalons; et, en prêtant un peu à l'illusion, on obtient un eflet semblable à celui que produira la fabrique lorsqu'elle sera bâtie. Une fois assuré de son effet , il sera moins nécessaire 186 DES JARDINS. de la dessiner en élévation sur le plan. Nous ne don- nerons point de principes sur l’art de lever la carte du jardin, parce que tout ce que nous pourrions dire serait te pour les personnes qui ne savent pas des- siner, et inutile pour les autres. Nous nous bornerons à dire qu’on lave les constructions avec du rouge de car- min; les terres cultivées en jaune et en bistre, une raie de l’un et une de autre pour imiter des sillons ; les prairies en vert de vessie ; les arbres en vert foncé du côté ombré et en vert jaunâtre du côté du jour; les terres en friches en bistre, et les eaux en vert de cuivre ou vert d’eau. Les allées et les chemins restent en blanc. Lorsqu'un plan est définitivement arrêté, au moyen d’un compas, d’une échelle de proportion , d’une toise ou d’une chaîne de géomètre , on le reporte sur le ter- rain, et on en marque toutes les sinuosités avec des ja- lons plantés de distance en distance, et des petits piquets très-rapprochés. SECTION IV. DES OUTILS. Avant d'enseigner la manière de rendre le terrain propre à recevoir les plantations, nous allons parler de quelques outils qu’il faut d’abord se procurer pour le défrichement , les labours et binages ; puis, pour ne pas revenir sur cette matière, nous y aJouterons tous ceux nécessaires à la culture du jardin. SI. Outils propres aux labours et défonçages. 1. Le presson ou levier. C’est une barre de fer plus ou moins forte et longue, de forme cylindrique, garnie d'acier à une de ses extrémités qui est aiguisée en biseau. DES JARDINS. 187 Il sert à détacher les rochers de dessus leur lit, à soule- ver les pierres, etc. 2. Le pic. C’est un outil qui tient du levier et de la houe. Il consiste en une barre de fer carrée, finissant en pointe à une de ses extrémités, courbée en arc comme la lame d’une houe, et emmanchée de même à son autre extrémité. On s’en sert pour arracher les pierres enter- rées, pour ouvrir les sols rocailleux , et pour remplacer le levier. 3. La hachette de Forsith. C'est une houe à lame forte et étroite, propre au défrichement, ayant, du côté opposé à la lame, une petite hache très-commode pour couper les racines d’arbres qui embarrassent le ter- rain. 4. La pioche. C’est une houe, mais dont la lame très- longue, très-forte et très-étroite , décrit avec le manche, qui na pas plus de dix-huit pouces de longueur , un angle très-resserré. Cet instrument , très-pénible, est particulièrement employé dans les terrains pierreux et forts. 5. La pioche à deux taillans. C’est une espèce de houe ayant deux lames, dont l’une est ovale finissant en pointe , l’autre comme dans une houe ordinaire , mais un peu plus étroite. La première sert dans les terres rocailleuses, l’autre dans celles qui sont fortes et com- pactes. 6. La houe à lame carrée est l'instrument le plus généralement employé dans tous les jardins. Sa lame doit former avec le manche un angle de 45 degrés. 7. La houe triangulaire ne diffère de la précédente que parce que sa lame triangulaire finit en pointe. Elle convient dans les terres compactes. 8. La houe fourchue a ‘sa lame formée de deux dents longues, plates, d’un pouce environ de largeur. On’ l'emploie dans les terrains pierreux, et pour Îa- 188 DES JARDINS. bourer au pied des arbres dont on craint de couper les racines. 9. Le hoyau diffère de la pioche en ce que sa lame, ordinairement longue de quinze pouces sur quatre de largeur, forme presqu'un angle droit avec le manche, qui est long. On s’en sert dans les terrains légers et pro- fonds. 10. La binette est une petite houe dont la lame , un peu moins courbée , n’a guère que six ou sept pouces de longueur sur quatre à cinq de largeur. 11. La serfouette, ou sarcloir, ou béchèlon, est une très-petite binette dont la lame double offre un taillant d’un côté, et deux longues dents de l’autre. Elle sert à ouvrir les pores de la terre entre les plantes assez serrées pour qu’on ne puisse pas se servir de la binette. 12. La béche, connue de tout le monde, a diffé- rentes formes, selon l'usage des différens pays. Dans les terres ordinaires sa lame est totalement en fer; dans les terrains très-légers et sablonneux , comme par exemple dans la Bresse, elle peut être en bois et n’avoir en fer que le taillant et les côtés. La bêche est le meilleur de tous les outils pour ameublir la terre en lui donnant de profonds labours. 13. La béche à dents est à la bêche ordinaire ce que la houe fourchue est à la houe à lame carrée. On s'en sert de même pour labourer au pied des arbres et pour arracher les récoltes consistant en racines, en bulbes ou en ognons que l’on craint de couper. Il est encore beaucoup d’outils qui peuvent appartenir à cette section; chaque pays en possède que le besoin et l'expérience ont appropriés à la nature du sol, et aux- quels nous conseillerons de donner la préférence quand on ne leur reconnaitra pas de défauts essentiels ; l’ou- vrier, accoutumé à s’en servir dès son enfance , en tra- vaillera mieux et plus proprement. Tous doivent être corroyés avec de l'acier. Nous n'avons point indiqué DES JARDINS. 189 de proportion, parce que leur poids et leur grandeur doivent être mesurés sur la force de celui qui les em- ploie ; et cette force peut différer de moitié, selon l'âge ou le sexe. $ IL. Outils propres à entretenir la propreté d'un jardin. 14. Le râteau doit être armé de dents en bois ou en fer, plus ou moins longues, plus ou moins espacées entre elles, selon l'usage auquel on l’emploiera. Il faudra donc en avoir de plusieurs dimensions. Ceux à longues dents en bois serviront à réunir en bottes les fanes des plantes que l’on aura laissées sécher sur la terre pour en recueillir les graines ; ceux à longues dents en fer se- ront très-commodes pour rapprocher en tas les mauvaises herbes que l’on aura coupées avec la ratissoire ; et on emploiera celui à dents courtes et en fer, pour unir la surface d’un carré nouvellement labouré , ou pour re- couvrir légèrement les graines d’un semis. 15. La ratissoire à cheval. Elle est faite sur Les mé- mes principes de mécanique que la charrue à roue. Au lieu d’avoir un soc long et pointu, elle n’a qu'une lame de fer haute de sept ou huit pouces, et large de trois ou quatre pieds, selon l’écartement des roues qui’ doit être calculé sur la largeur des allées. On y attèle un cheval qu'un enfant conduit par la bride, tandis qu’un homme , au moyen d’une queue , fait mordre plus ou moins la lame sur la surface du sol , afin de la râcler parfaitement, et de couper un peu au-dessous du collet toutes les herbes que l’on veut enlever d’une allée. Cette machine n’est d’une véritable utilité que dans les très- grands jardins. 16. La ratissoire en brouette consiste en une roue de quinze à dix-huit pouces de diamètre, placée au bout d’un cadre en bois, comme la charpente d’une brouette 190 DES JARDINS. « plate. A l’extrémité opposée et au-dessous du cadre est une lame de fer de vingt pouces de largeur sur cinq on six de hauteur, ajustée au moyen de bras en fer, de manière à présenter obhiquement son tranchant à Ja sur- face du sol. Vers le tiers postérieur du cadre se trouvent emmanchés deux bras inclinés comme la queue d'une charrue , terminés par des manettes. Pour se servir de l'outil , on saisit les deux manettes et on pousse devant soi en appuyant plus ou moins la lame sur la terre. 17. La ratissoire en houe. Elle consiste en une lame de deux à trois pouces de hauteur, sur dix à douze de largeur , ajustée au bout d’un manche, de manière à dé- crire avec Jui le même angle que la houe. Quand on s’en sert, on ratisse les allées en marchant à reculons. 18. La ratissoire en béche. La lame, faite comme la précédente, est presque parallèle à la ligne du manche, de manière à être obligé de pousser devant soi quand on veut s’en servir. C’est la moins commode de toutes, et cependant la plus employée dans le midi. L’esherboir (pl. 2, fig. 4) est une espèce de très-grande tenaille en bois dont les deux mords sont plats, larges de trois à quatre pouces. On saisit avec, le collet d’une plante dont la racine très - longue et pivotante ne peut être arrachée à la main , par exemple, le chardon, la bardane ; on appuie le manche sur un billot ou une pierre , et en le baissant vers la terre comme un levier, on arrache aisément, et sans la casser , une racine longue de plusieurs pieds. S'il arrive qu’elle se rompe , c'est toujours assez profondément pour que la partie qui reste en terre ne puisse plus repousser, On concoit qu'on ne peut se servir avantageusement de cet instrument que lorsque la terre est bien imbibée d’eau. L'arrachoir ou pied de chèvre est un instrument qui sert au même usage que le précédent, maïs pour arra- cher les racines ligneuses des arbrisseaux et arbustes que J'on ne pourrait extraire qu'en minant, si l’on ne possé- a DES JARDINS. LL dait pas cette machine. Sa confection est assez simple pour que nous n'ayons pas besoin de l'expliquer autre- ment que par notre gravure ( pl. 2, fig. 5). a est la ra- cine saisie par la corde b, au moyen d'un nœud cou- lant ; cette corde, en se roulant autour du cylindre c, que l’on fait tourner au moyen des leviers d d, se rac- courcit et entraine la racine hors de terre. On emploie beaucoup ce pied de chèvre dans le midi pour arracher les vignes, les oliviers et les buissons. Son avantage est d’être très-expéditif. 21. Le rouleau est un très-gros cylindre en fonte , muni à chaque extrémité d’une oreillette arrondie , tour- hant comme un essieu dans une boucle en fer. Les deux boucles tiennent à un harnais de manière que, lorsqu'un cheval qui y est attelé marche, le cylindre roule sur le terrain, le nivelle et le rend plus compacte. $ Il. Outils propres aux transports et aux char- gemens. 22. La pelle en bois est nécessaire pour ramasser les immondices, et les jeter sur la charrette ou la brouette qui doit les transporter. La pelle est dans des propor- tons un peu plus grandes qu'une bêche ordinaire , sur- tout en largeur ; le manche à ordinairement trois pieds de longueur. 23. Le roché ou féchou, généralement employé dans _ les environs de Lyon, n’est rien autre chose qu’une lame * de houe, mince , presqu'aussi large que longue, mais emmanché comme une bêche. Le manche doit être long de quatre pieds et demi, légèrement arqué, et d’un bois léger tel que le saule ; la lame n’est pas tout-à-fait parallèle au manche , mais elle forme avec lui un angle extrêmement ouvert. Cet outil est très-commode pour curer les marres, fossés, enlever les terres, les boues , et les charger sur un tombereau. 192 DES JARDINS. 24. La fourche à manche très-long, ht comme celui du roché et un peu arqué, sert au chargement des fumiers. 25. Le trident est une fourche à trois dents, À manche court comme celui d’une bêche, ou guère plus long. Il sert à remuer les fumiers pour ralentir leur fermenta- tion , à les sortir de l’écurie, etc. da Les panniers et les mannes sont très-commodes pour enlever les pierres que l’on ôte à la main, pour transporter les plantes dans l'endroit où on veut les re- piquer , etc. 27. La hotte est indispensable pour le transport des terres, des terreaux , des fumiers, partout où le tombe- reau ou la brouette ne peuvent pas passer. 28. La brouette. Son usage est connu de tout le monde. 29. Le tombereau. I doit être léger pour moins fa- tiguer le cheval , et bas sur roues, afin qu'on puisse le charger aisément: il en est de même de la charrette. 30. Le chariot d’orangerie. Celui-ci sert à transpor- ter les caisses d'onbisdre ou d’autres plantes, quand elles sont trop lourdes pour être portées à bras. On en fait de plusieurs sortes, mais nous allons indiquer seu- lement le plus simple (Voyezpl. 2, fig. 1.). 4,4, 4, 4, est un cadre en bois composé de deux fortes pièces de bois, à, a, a, a, et d'une traverse également forte, b. ILest supporté à sa partie postérieure par deux roues, e,e, aumoyen d’un essieu en fer, f, ajusté dans une en- taille semblable à celles g, g, que l’on voit sur le devant du cadre. À chaque extrémité des pièces de bois est un montant k, h,h,h, soutenu par des bras deforce à, à, ë, 1. Toutes ces pièces sont ajustées solidement à tenons et mortaises. Dans deux trous k,k, percés au bout des mon- tans, est un rouleau en bois autour duquel deux cordes L, L, sont roulées. Lorsqu'on veut se servir du chariot, on le place de- DES JARDINS. 193 vant une caisse d'orangers, on soulève les deux extrémi- tés antérieures du cadre, et on fait avancer le chariot de manière à ce que la caisse se trouve placée entre les deux pièces de bois a, a, a, a, et à peu près au milieu de la machine , comme nous l'avons figurée par des points ; alors on fait approcher l’avant-train du chariot, fig. », et on ajuste les entailles g, g, sur l’essieu en fer m. On prend ensuite le rouleau 7, on l’ajuste dans les deux bras antérieurs au moyen de l’entaille o.:On passe sous la caisse les deux bouts de corde p, p, et on vient les ajus- ter au rouleau comme ils Le sont à l’autre. Alors avec des leviers passés dans les trous des rouleaux, comme r,r, on tend les cordes et on soulève la caisse. Quand elle est à la hauteur du cadre, on fait glisser un fond mobile fig. 3, sur les rainures s, s; on détend les cordes, et la caisse se trouve chargée ; il ne reste plus qu’à la conduire où l’on veut. Au moyen de cette mécanique, que le plus simple ouvrier peut exécuter, surtout si on y met des roues pleines, un homme seul peut aisément charger et transporter une caisse d’un millier pesant, et même davantage. SIV. Outils propres à la Plantation et à la Trans- plantation. 31. Le transplantoir à tubes, décrit par Dumont de Courset , nous a paru le plus commode de tous quand il s’agit de transplanter, avec précaution et pendant sa floraison, une plante délicate, et surtout un ognon à fleur. Il consiste en deux tubes de tôle cylindriques, entrant l’un dans l’autre. Le premier est tranchant à son pourtour inférieur ; on fait passer dedans la tige et le feuillage de la plante, puis on lappuie sur la terre, et on l’enfonce de manière à lui faire cerner les racines sans les endommager. Quand il est à une profondeur conve- nable , on lui donne deux petites secousses en l’inclinant FR 15 194 DES JARDINS. à droite et à gauche, afin de détacher la base de la motte; puis on le lève avec la plante et la terre, ce qui est fa- . cile en l’inclinant. On fait un creux dans l'endroit où on veut repiquer la plante, on y place le transplantoir, puis on fait entrer dedans le second tube qui, au lieu d’être tranchant sur son pourtour inférieur, est au contraire muni d’un petit rebord intérieur qui appuie sur la motte de la plante, et la force à rester en place à mesure qu’on retire le premier tube. 32. Le transplantoir à pince est composé de deux lames de houlette auxquelles on a ajouté des tiges croi- sées en forme de longue pince. On ouvre le transplantoir, on enfonce les deux lames de chaque côté de la plante, on serre la motte, et on l’enlève. 33. La houlette consiste en une lame longue de six à sept pouces, large de trois ou quatre, repliée eylindri- quement sur ses côtés de manière à représenter la moitié d’un tube. Son extrémité doit être plus étroite , afin de pouvoir plus aisément être enfoncée dans la terre. 34. Le plantoir ou fichet est un piquet long de quel- ques pouces, pointu à une de ses extrémités , recourbé à l’autre en forme de manette pour être aisément saisi. C’est un mauvais outil dont on ne doit faire usage que dans le jardin maraicher, pour avancer l'ouvrage quand on a une très-grande quantité de repiquages à faire dans un espace de temps borné. $ V. Znstrumens servant aux Arrosemens. 35. Les arrosoirs sont ordinairement en cuivre, om en fer-blanc ; mais alors on a la précaution de les peindre à l'huile pour empêcher la rouille de les percer. L’es- sentiel est qu'ils aient chacun plusieurs têtes et plusieurs becsde rechange. Les têtes serontau nombre detroiïs : une grande percée de trous moyens pour arroser dans les pépinières ; une seconde plus petite et criblée de très- LA DES JARDINS. 195 petits trous pour arroser en forme de pluie fine sur les semis et sur le feuillage des plantes; enfin une troisième semblable, mais beaucoup plas petite pour arroser le feuillage d’une plante de serre, sans mouiller les plantes voisines. On aura deux becs : un ayant dix-huit pouces de longueur pour mouiller la terre des premier et se- cond rangs de pots ; un autre beaucoup plus long , afin d'atteindre et de porter l’eau jusque sur les derniers rangs, sans crainte d'en épancher sur les premiers. 36. La seringue est mdispensable dans une serre pour porter l’eau sur la terre des pots placés hors de l'atteinte des arrosoirs. Quand on l’emploie à cet usage, on ajuste au bout un long tuyau dont l'extrémité touche à la terre du pot que l’on veut mouiller. On s’en sert aussi pour ar- roser les feuilles de quelques plantes; mais alors on ajuste, au lieu de tuyau, une tête percée de petits trous comme celle d’un arrosoir. La seringue doit être longue de deux pieds et demi à trois pieds, sur deux pouces à deux pouces et demi de diamètre. : 37. La pompe à main. Elle doit être assez forte pour lancer l'eau à vingt pieds de hauteur , afin de pouvoir servir à l’arrosement du feuillage des arbres fruitiers où de serre les plus hauts. Afin que l’eau ne s’élance pas en colonne , on ajuste, au bout du tuyau par où le jet s’é- chappe, une petite lame de cuivre qui divise l’eau et la fait retomber sur les arbres en forme de pluie. On possède plusieurs espèces de pompes à main, c’est-à-dire , qui peuvent aisément se transporter. Les unes sont fixées à leur vase monté sur de petites roues , et, au moyen de longs boyaux en cuir au bout desquels on ajuste une pomme d’arrosoir, elles servent à arro- ser les gazons. Nous n’entrerons dans aucun détail sur ces différentes machines, parce qu’on en trouve de très- bien faites pour tous les usages, chez les marchands de Paris. 106 DES JARDINS. $ VI. Znstrumens propres à la Taille des Arbres et à entretenir leur propreté. s Dans le chapitre de la taille des arbres, volume 2e, page 124, nous traitons des instrumens propres à cette opération ; à la page 20 du même volume, nous décri- vons ceux que l’on emploie pour greffer ; ainsi nous n’en parlerons pas ici. Mais il nous reste à décrire les émoussoirs de notre invention , instrumens indispen- sables, si l’on ne veut voir les arbres fruitiers rapide- ment dévorés par les mousses et les lichens. 1° Les émoussoirs(voy.pl.2, fig.6,7,8 eto).On doit enavoiren crochet pour nettoyer les branches d’espaliers du côté où elles touchent au mur; d’autres en pointes plus ou moins allongées pour atteindre dans toutes les bifur- cations ; d’autres enfin montés comme un couteau à deux manches, pour racler les fortes tiges et les troncs. Un des côtés de chaque lame sera uni et un peu tranchant pour enlever les lichens sur les écorces lisses ; l’autre sera finement denté, et servira sur les écorces dont l'épiderme ! desséché rend la surface raboteuse. Nous n'avons pas besoin de dire qu’on possédera plusieurs de ces instru- mens dans différentes dimensions, afin de pouvoir tou- jours proportionner leur grosseur à celle des arbres sur lesquels on les emploiera. 2° Les échenilloirs sontencore des instrumens dont on ne peut se passer dans toute bonne culture. On en fait de plusieurs sortes; mais les meilleurs sont ceux qui, em- manchés au bout d’une longue perche et jouant aumoyen d’une corde ou d’une ficelle, saisissent, après l'avoir coupé net , le rameau attaqué par les chenilles , et don- nent la facilité de le déposer sans secousse , de manière à ce que ces insectes malfaisans ne s’en échappent pas en tombant. DES JARDINS. 197 " S VII. Znstrumens divers. Nous ne grossirons pas cette liste de beaucoup d’us- tensiles qui servent continuellement dans un jardin, mais qui sont employés également à d’autres usages en économie rurale; tels sont par exemple, les échelles simples et doubles, les scies, cordeaux, couteaux à scie, hachetteset haches, piéges pour prendre les animaux nui- sibles , serpes, vans pour nettoyer les graines, etc. , etc.; mais nous croyons devoir entrer dans quelques détails relativement aux claies et cribles dont on fait usage pour passer et préparer les terres , ainsi que sur les marques dont on se sert pour étiqueter les plantes et les retrou- ver sur le catalogue du jardin. La claie consiste en un cadre solide en bois, ayant ordinairement de cinq à six pieds de haut sur une lar- geur indéterminée , mais qui ne peut guère être moindre de quatre pieds. IL est garni, dans le sens de la hauteur, de tringles en fer , distantes les unes des autres de six, sept ou huit lignes. Ces tringles sont soutenues par une traverse en croix dans toute la hauteur et la largeur du châssis. Pour se servir de cet instrument, on l’appuie sur deux bons piquets , non pas verticalement, mais un peu incliné , et, avec la bêche ou la pelle, on jette la terre contre les tringles. Celle qui est la plus meuble passe au travers, et s’entasse derrière la claie ; la plus grossière, les pierres , les mottes roulent dessus, et tombent sur le devant. Si l’on veut faire un mélange parfait, rien n’est meilleur que d'employer la claie , et de jeter alternative- ment une pelle d’une espèce de terre, et une pelle de l'autre. Le crible est une espèce de claie, et s'emploie de la même manière ; mais, au lieu d’être fait avec des trin- gles en fer , il est garni de mailles en fil de fer plus ou 198 DES JARDINS. 4% moins larges , selon que l’on veut plus ou moins ameu- b'ir la terre qu'on y passe. , Les marques ou étiquettes sont un objet essentiel dans un jardin bien tenu, où l’on cultive un grand nom- bre d'espèces. Celles que l’on emploie pour les plantes en pots’ consistent en une lanière de plomb laminé , pointue par le bout que l’on enfonce en terre , arrondie au sommet , et marquée d’un numéro d'ordre qu'on y a gravé au moyen d’un poinçon d'acier. Si on veut mettre une certaine élégance dans ces étiquettes, on les fait faire en porcelaine ou en faïence, sur laquelle l’ouvrier écrit avec de l'émail le nom ou le numéro du végétal ; les plaques sont percées d’un trou, dans lequel on passe l'anneau d’un gros fil de fer qui leur sert de pied. : Pour les arbres et arbustes, on est quelquefois dans l'usage de leur donner une étiquette en plomb laminé, que l’on attache à une des branches avec une lamière de plomb. Quelques personnes remplacent cette lanière par un fil de fer; mais cette méthode a un inconvénient , celui de faire un bourrelet à la branche, si on oublie de desserrer à mesure qu’elle grossil. Il vaut beaucoup mieux placer l'étiquette au pied de l'arbre , en l’enfon- gant dans le terrain. Nous avons long-temps employé à ce dernier usage, dans notre établissement, des ardoises gravées (pl. ze, 1g. 12) ; des lattes de douze à dix-huit pouces de lon- gueur, dont le sommet uni et peint portait un numéro noir ; des planchettes aussi peintes à l'huile ; des plaques de fer-blanc peintes de même( fig.13) ; du plomb laminé (fig. 14), etc. ; mais aucune de ces méthodes ne nous satisfaisait entièrement, parce que chacune offrait plus ou moins ‘d’inconvéniens qu'il serait inutile de détailler ici. Enfin nous nous sommes imaginé d’en faire faire en terre cuite (fig. 15), dont le sommet, assez large et carré, porte un très-grand numéro imprimé, et dont l’autre extrémité, finissant en pointe longue de dix pouces, DES SARDINS. 199 s'implante dans le sol au pied de l'arbre. Il est vrai que ces éliquettes sont un peu massives, et qu'elles ont peut- être moins de grâce que d’autres; mais, par compensa- tion , eiles durent beaucoup plus long-temps, se dé- rangent moins, et leur apparente fragilité fait que les ouvriers y font plus d’atteution , les changent moins de place, et, par conséquent , occasionent moins d’er- reurs. On pourrait aussi employer très - avantageuse- ment , dans les grands établissemens, des morceaux de douves de tonneau taillés comme la Jig. 13, et dont le sommet porterait les numéros imprimés au moyen d'un fer rouge. SECTION V.- CULTURE DES TERRES. Nous appelons ainsi la méthode de préparer les terres, seulement par le travail, à recevoir les plantations et les semis de la manière la plus avantageuse à la végé- tation. La première chose dont on s occupera , lorsque l'on établira un jardin dans un terrain qui n'aura jamais été consacré à cet usage, ce sera de riveler la surface du sol. Mais un nivellement ne doit pas s’entreprendre à la légère , car ce qui souvent paraissait peu de chose à exéeuter devient , lorsqu'on est à l'œuvre, un objet de dépenses considérables. C'est en vain que l’on aura cal- culé , avec la plus grande précision, le nombre de pieds cubes de terre à enlever, les moyens de transport, la distance des charrois ; on pourra s'être trompé de la moitié et même des trois quarts dans la somme totale des frais , eten voici une raison entre plusieurs. Lorsque la terre est long-temps sans être remuée , elle seresserre, se tasse , et ses molécules se rapprochent considérable- ment ; selon sa nature elle devient plus ou moins com- pacte, et remplit un plus ou moins grand espace. Qu’arri- 200 DES JARDINS. ve-t-ilde là? Qu'en la minant et piochant pourla transpor- ter, on détruit l'ouvrage du temps , de sa pesanteur et des pluies : elle se desserre, se gonfle, si on peut se ser- vir de cette expression, et une quantité qui n’occupait qu'un pied cube d’espace, avant d’être remuée, peut, sur les brouettes et les tombereaux, en occuper un et demi, deux, et même trois : de manière que, si l’on a calculé sur les frais de transport deux mille voitures de terre, il est très-possible qu’on ait à en payer trois, quatre ou même six mille voitures. Quelle que soit l'habitude que l’on ait de juger ces espèces de travaux, il faut toujours s’en défier, parce que, comme nous l'avons dit, le tas- sement des terres peut être plus on moins grand , et ap- partenir à des causes dont nous ne pouvons apprécier la puissance. Si l’on s’était déterminé à faire un nivellement, et que la couche de terre végétale ne fût pas très-profonde , on ferait bien de l'enlever sur les hauteurs à abaisser et dans les enfoncemens à combler. On mettrait la terre en tas, et on l’étendrait ensuite où il en manquerait quand le ni- vellement serait fait. Il reste ensuite à miner, c'est-à-dire, à ameublir la terre à une certaine profondeur , afin que les racines des plantes puissent aisément la pénétrer pour y aller cher- cher leur nourriture. Les sels les plus utiles à la végéta- tion sont aussi ceux qui se dissolvent Le plus facilement dans l’eau , d’où il résulte que , si une terre n’a pas été retournée depuis long-temps, les pluies les ont entraînés à une assez grande profondeur. Il faut donc aller eher- cher à dix-huit pouces au moins , quelquefois à deux ou trois pieds, la terre qui en est imprégnée, et la ramener à la surface. Ceci est un des principaux objets du minage ; mais il en est encore d’autres : par exemple, si le sol contient une quantité de roches, de pierres, si ony a nouvellement défriché un bois et qu'il y soit resté des racines , enfin s’il renferme des corps étrangers nuisibles DES JARDINS. 201 ou inutiles à la végétation , c’est en minant qu’on les en extrait. C’est encore en faisant cette opération indispen- sable qu'on corrige la nature du sol en y mélangeant, dans des proportions judicieusement calculées , de l’ar- gile s’il faut le rendre plus compacte, ou du sable si on doit lui donner de la légèreté. Le minage ou défoncage se fait en toutes saisons, mais plus avantageusement en automne, parce que la terre se fait, se müûrit pendant l’hiver, et se trouve plus appro- priée aux différens genres de semis quand vient le prin- temps. Si la couche végétale n’avait que quelques pou- ces de profondeur , il ne faudrait pas défoncer plus bas dans la crainte d'y mêler ou d’amener à la surface une couche de terre stérile ; cependant, si la couche au des- sous était susceptible d'être fertilisée au moyen des mé- langes ou des engrais, on ferait très-bien de l’attaquer, de manière à former un fond végétal de dix-huit pou- ces au moins. C’est la moindre profondeur dans laquelle on puisse cultiver des arbres fruitiers et des arbustes d'agrément. | Néanmoins ceci ne dispenserait pas, toutes les fois que l'on planterait un arbre, de lui creuser une fosse profonde que l’on remplirait de bonne terre, comme nous le dirons à l’article de la plantation. Si, au contraire, la couche végétale à trois ou quatre pieds, ilne faudra pas craindre de la défoncer à cette profondeur, si on a intention de cultiver des arbres. Le sol absorbera plus facilement les météores atmosphé- riques, et les racines trouveront un supplément de nour- riture qui augmentera beaucoup leur vigueur. Si l’on craignait une trop grande dépense, qui cependant se trouverait bien compensée par la beauté et le produit des arbres fruitiers, on pourrait se borner à ouvrir des tranchées de quatre ou cinq pieds de largeur et trois ou quatre de profondeur , sur les lignes de plantation. On 202 DES JARDINS. comblerait ces tranchées avec une bonne terre prépa- rée , passée à la claie, et convenablement amendée. Un jardin, ou la partie d’un jardin, spécialement destiné à la culture des plantes annuelles, dont les racines pivotent peu, n’a pas besoin d’être aussi profon- dément défoncé ; et dix-huit pouces sont suflisans. Enfin, quand on fera cette opération , on prendra en considération le genre de végétal que l’on devra placer dans chaque partie du jardin , et l’on calculera la pro- fondeur du minage sur la nature des racines ou pi- votantes ou traçantes. Voici comment on s’y prend or- dinairement pour miner. On ouvre une tranchée plus ou moins large sur toute la longueur du terrain à défoncer ; et, après en avoir passé les terres, on les dépose en tas dans un lieu d’entrepôt. À côté de celle-ci on en ouvre une seconde , on passe les terres à la claie et on les jette dans la première tranchée ; on en ouvre ‘une troisième dont les terres servent à combler la seconde, et ainsi de suite jusqu'a ce qu’on soit arrivé à la dernière , que l’on comble avec les terres de la première. - Le labour se fait avec la bêche ; il a pour objet de retourner les terres et de les ameublir, afin de laisser à l'air et aux autres météores la facilité de les pénétrer. Plus il est profond, meilleur il est ; mais ce n’est qu'au- tant qu'on n’attaque que la couche végétale. On ne la- boure guère, cependant, qu’à la profondeur d'un fer de bêche. Nous n’indiquerons pas la manière de bécher, elle est connue par tous les ouvriers ; mais nous dirons à quoi on pourra reconnaître quand un labour a été bien fait. En béchant, l’ouvrier doit scrupuleusement en- lever les pierres et extirper les racines, surtout celles des plantes qui pivotent ou repoussent facilement , celles de chiendent, de chardon, par exemple ; 1l doit aussi s'attacher à détruire les insectes nuisibles, tels que vers blancs (larves de hanneton), courtillières, et vers de terre (lombrics) ; mais, pour ce dernier, 1l ne doit pas DES JARDINS. 203 se contenter de le couper en deux avec le tranchant de la bêche, comme font quelques personnes ; car, au lieu de Moir détruit, il aurait multiplié son être, ces ani- maux ayant, comme les polypes, la faculté FA er de se reproduire entiers d’une de leurs parties. Il doit briser les mottesà mesure qu’elles se montrent, ünir et niveler son ouvrage; enfin, si en enfonçcant un bâton dans différens endroits on rencontrait de la résistance , qu'en donnant quelques coups de bêche après: l'ou- vrier et ramenant à la superficie la terre qu'il a mise dessous, on trouvât des pierres, des racines ou des mottes , on serait forcé de conclure qu'il n’a pas soigné Fontenablenient son travail. Quelquefois on cultive dans des terrains tellement rocailleux , que le labour ne peut pas se faire à la bêche, au moins pendant les premières années, c’est-à-dire, jusqu’à ce que le sol soit déblayé ; alors on se sert de la houe et de la pioche pour entamer le terrain , et de la brouette ou du panier pour enlever les pierres ; le travail n’en demande pas moins les mêmes soins et la même profondeur que celui fait à la bêche. Un bon la- bour se fait en automne et au printemps. Le binage est un labour qui se répète plusieurs fois par an, deu d'ouvrir les pores de la terre, de l’'ameu- blir à une certaine profondeur, de la rendre plus propre à s'emparer des influences atmosphériques , et de dé- truire les herbes parasites qui s'emparent de ses sucs nourriciers au détriment des plantes cultivées. Le binage, se faisant pendant que le terrain est occupé, demande des précautions afin de ne pas froisser ni dé- couvrir les racines des plantes ou blesser leur collet, leur feuillage ou leurs tiges. Le temps auquel on doit biner est aussi d’une grande importance; si dans les grandes sécheresses on ouvrait les pores de la terre, ce serait le moyen de faire évaporer un reste d'humidité indis- pensable à la végétation , et cette opération serait alors 204 DES JARDINS. préjudiciable. Si, au contraire, on binait pendant des vents froids, des givres, des neiges ou des gelées , on refroidirait le sein de la terre , la fermentation s’arrête- rait , et les plantes en souflriraient considérablement. Il ne faut donc faire cette opération que lorsque les in- fluences atmosphériques sont favorables à la végéta- ton. Quant à la profondeur d’un binage, elle doit se eal- culer sur la nature des plantes cultivées. Celles dont les racines pivotent verticalement sans jeter beaucoup de chevelu sur les côtés , peuvent être binées plus profon- dément que celles dont les racines tracent ou s’éeartent beaucoup. On se sert ordinairement de la binette, d’une petite pioche ou d’une petite houe pour exécuter ce tra- vail ; la seule chose à observer , c’est que la largeur de la lame soit en harmonie avec la distance existant entre chaque plante, afin de ne pas être exposé à en couper si l'instrument était trop large, ou à perdre du temps, ce qui arriverait s’il était trop petit. C'est en faisant les labours et les binages que l'on amende les terres, c'est -à- dire, qu'on y incorpore les engrais qui conviennent à chacune ; comme nous l'avons dit, page 155, on étend les fumiers à lasurface, et on les enterre à la bêche ou à la binette. Le serfouissage se fait encore plus souvent que le binage, puisqu'il a pour but d'empêcher la germination : et la croissance des mauvaises herbes, d'enlever celles qui ont poussé depuis le dernier binage , d'empêcher la terre de se plomber ou se battre par les pluies, ou de briser la croûte dure qui s’est formée à la surface du sol. Du reste, cette opération se fait dans les mêmes princi- pes que la précédente , et ne saurait être trop souvent répétée. Le rätelage a pour but de donner un coup d'œil de propreté à la terre, en unissant sa surface. Le râtelage se fait principalement après avoir labouré, avant ou après DES JARDINS. 205 avoir semé, ou après un binage. Dans les terres très- légères ou sablonneuses on peut encore se servir avan- tageusement d’un râteau à dents de fer pour arracher les herbes , et faire une espèce de léger serfouissage. C'est en préparant les terres à la culture que l’on s'occupe des allées d’un jardin. Si l’on est riche en terre végétale, il faut bien se donner de garde de les dé- foncer, parce que ce serait le moyen d’ôter au sol sa solidité , et de le rendre gras et boueux. On se contente de les niveler, s’il est nécessaire, de couper avec les ra- üssoirs le collet de toutes les herbes qui s’y trouvent, et de les recouvrir de deux ou trois pouces de gravier ou de gros sable pur ; ceux de rivière auront toujours la pré- férence quand on sera à portée de s'en procurer. Mais, si l’on manquait de terre végétale, l'opération deviendrait tout-à-fait différente. On enlèverait toute la couche des allées pour la transporter où il serait né- cessaire , et on la remplacerait par les pierres , les tufs ou les sables que l’on extrairait des endroits mêmes où on aurait porté la bonne terre. Si ces tufs étaient sus- ceptibles d’être détrempés par les eaux de pluie , on leur donnerait de la solidité en battant les allées avec des masses de paveurs, puis on étendrait ensuite la couche de sable ou de gravier. Il ne reste plus, pour les entre- tenir très-propres, que d’y passer la ratissoire et le râteau toutes les fois que des herbes s'y montrent. Quelquefois, dans un vaste jardin ou dans un jardin paysager, on donne aux allées une très-grande largeur ; et, au lieu de les couvrir en sable , on y sème des gazons. Comme cette dernière opération demande quelques soins , nous renvoyons le lecteur à ce que nous avons dit page 8r de ce volume. 206 DES JARDINS. # CHAPITRE III. DES CONSTRUCTIONS UTILES ET DES ABRIS. Nous entendons parler des châssis, bâches , serres, et autres constructions consacrées : 1° à la conservation des plantes qui demandent plus de chaleur que n’en à le climat où se trouve placé le jardin; 2° à faire donner à différens végétaux leurs fleurs, leurs fruits, ou leurs autres produits comestibles, dans une saison autre que celle marquée par la nature. Ici, nous serons obligés d'abandonner l’ordre que nous imposerait une rigoureuse analyse, et de parler de différens objets que le lecteur est encore censé ignorer; mais, si nous laissons quelques instans la marche régulière et logique qui doit con- duire du connu à l’inconnu, c’est parce que nous ÿ trouvons l'immense avantage dé ne pas faire , dans les cultures particulières de chaque plante, des répétitions qui, outre qu'elles deviennent fastidieuses , emportent encore avec elles une perte d’espace et de temps. Nous supposerons donciciqu'on a déjà quelques connaissances de l’organisation et de la physiologie des végétaux, quoi- que nous ne devions en parler que dans le chapitre sui= vant, et nous enseignerons quelques détails de culture qui ne devraient point appartenir au chapitre des cons- tructions. C’est ainsi que nous allons débuter par les couches. DES JARDINS. 207 PREMIÈRE SECTION. DES COUCHES. Elles ont pour objet de suppléer, par une chaleur ar- üficielle , à la chaleur naturelle qui manque dans un climat où dans une saison. 1] serait impossible d'entendre parfaitement la construction d’une serre chaude ou tem- pérée, d’une bâche, ou même d’un simple châssis, si l’on ne savait pas parfaitement comment s'établit une couche. On en distingue plusieurs espèces : 1° les couches chaudes, 2° les couches tièdes , 3° les couches froides. $ I. Couches chaudes. Celles-ci s’établissent à l’air libre ou dans la serre, et ces deux méthodes demandent deux modes différens dans la manière de les élever. Les couches chaudes à l'air libre ne doivent, autant qu’on le peut, s'établir qu’à une exposition chaude et abritée. Si l’on ne pouvait disposer d’un emplacement au pied d’un mur au midi, on y suppléerait en élevant au nord , au nord-ouest et au nord-est de la couche des paillassons formant un abri de cinq à six pieds de hau- teur. Cependant on fait très-souvent des couches à expo- sition libre , mais elles ont l'inconvénient de conserver beaucoup moins long-temps leur chaleur. Une attention que l’on doit encore avoir, c’est d’asseoir la couche sur un terrain très-sec, qui ne puisse lui renvoyer aucune humidité. Si le sol est sablonneux, et qu’il absorbe rapi- dement les eaux de pluie , il n’a besoin d’aucune prépa- ration ; mais , s’il est compacte , argileux ou humide, il faut le préparer ainsi qu'il suit. On fouille et on enlève un pied de terre environ sur toute la surface du sol que la couche doit couvrir , et on le remplace par des gravois ou de la pierraille que l’on ferait très-bien de recouvrir d'un lit de gros sable. On donne à cette espèce de plan- 208 DES JARDINS. cher une pente suflisante pour permettre un libre écoulement aux eaux; et, si le'terrain n’était pas as- sez incliné pour les faire écouler à une certaine distance , on pratiquerait , dans l’endroit le plus bas , un puisard pour les faire perdre. Si l’on ne prend pas scrupuleusement toutes ces précautions, les fumiers se pourrissent sans s’'échaufler, l'humidité. et le froid gagnent les plantes , qui périssent promptement malgré les réchauds que l’on tenterait d’y mettre. On pratique deux sortes de couches à l'air hbre. 1° Les couches sourdes, ou encaissées ; 2° les couches bor- dées. Toutes deux se préparent avec du fumier d'âne, qu’on regarde comme le plus chaud , de mulet, ou, plus généralement , de cheval. On doit l’'employer sortant de l'écurie , et avant qu'il ait séjourné et commencé à fer- menter en tas. La litière imbibée d'urine est excellente pour cet usage. Quant à la grandeur que doit avoir cha- que couche, elle varie selon l’usage auquel on la des- tine; mais elle doit toujours être suflisante pour que son volume permette la fermentation du fumier. De décembre en février on ne leur donnera que deux pieds et demi à trois pieds de largeur, afin de pouvoir plus aisément leur communiquer une nouvelle chaleur , au moyen de réchauds , quand elles commenceront à la perdre. À cette époque leur hauteur doit être de trois pieds de fumier au moins. Celles que l’on fait dans les autres mois de l'année ont moins besoni de réchauds, parce que les rayons du soleil ont déjà pris de la force ; aussi pourra-t-on leur donner de quatre à quatre pieds et demi de largeur, et une épaisseur de deux pieds sera suffisante. Dans tous les cas elles devront avoir plus d'épaisseur, quand elles seront posées sur un terrain humide , que quand elles le seront sur une terre sèche et poreuse. Rarement on fait une seule couche ; plus ordinaire- ment on est dans l'habitude d’en dresser trois , quatre, DES JARDINS. 209 ou davantage, placées par rangs parallèlement les unes aux autres. L'intervalle que l’on doit laisser entre cha- cune n'est point indifférent , parce qu'il sert à placer de temps à autre le fumier neuf pour réchauffer les couches. Cette distance sera donc d’un pied pendant la belle sai- son, et de dix-huit pouces en hiver. On observera que , si on élevait une couche seule , il faudrait qu'il y eût un espace de deux pieds libre tout autour, afin de pou- voir placer un réchaud de cette larg@ur. On nomme réchauds des cordons de fumier dont on entoure les couches, afin de leur communiquer la cha- leur qui résulte d’une nouvelle fermentation. Is doi- vent avoir la largeur que nous venons d'indiquer , mais leur hanteur doit dépasser celle de la couche, parce qu'ils baissent beaucoup et qu’on est même obligé de les re- charger peu de jours après. Lorsqu'ils sont achevés et bien piétinés, si on veut hâter la fermentation, on jette quelques arrosoirs d’eau dessus, et cela a encore l’avan- tage d'empêcher le fumier de se brüler. Si l’on étend dessus deux ou trois pouces de crottin, ils se réchauf- fent plutôt, et conservent leur chaleur plus long-temps. L'essentiel est de ne pas attendre, pour les placer, que les couches soient tout-à-fait refroidies; car, pendant qu'ils acquerraient leur chaleur pour la communiquer, les plantes souffriraient et périraient peut-être ; l’expé- rience et une surveillance exacte peuvent seules instruire le jardinier du moment auquel il doit travailler à cette opération. Si on fait les réchauds avec du fumier sor- tant de l'écurie , ils ont plus de chaleur, et elle dure da- vantage; mais il lui faut pluslong-temps pour se dévelop- per, ce qui est quelquefois un désagrément. Les fumiers qui ont été entassés pendant quelque temps, quoi- que ayant moins de chaleur, sont cependant préférables, parce que leur action est plus prompte : on en est quitte pour les renouveler plus souvent. Si on ne désire pas un très-haut degré de température , on peut faire les nou- I, I - mn 210 DES JARDINS. veaux réchauds avec moitié de fumier neuf mélangé à moitié de l’ancien. Enfin, il suflira de les remamier en- tièrement , si l’on ne veut avoir que huit ou dix jours d'une chaleur modérée. Des couches sourdes, ou encaissées. On creuse une fosse de deux pieds de profondeurenviron, dansunterrain léger et très-sec, et on en garnit le fond avec des plâtras, des gravois. ou mêmeavec du bois de fagotage. La largeur etla longueurde la fosse sont inditférentes, parcequ'onn'y place jamais de réchauds, mais cependant la largeur ne peut être moindre de deux pieds et demi. Si l'on erai- gnait l'humidité, on couvrirait les parois du trou avec des planches, en laissant entre celles - ci et la terre un espace vide d’un pouce à peu près. Ensuite on étend au fond un lit de cinq où six pouces de famier chaud, que l’on tasse le mieux possible en le piétinant ; sur celui- ci on en met un second que l’on traite de même ; sur ce second un troisième, puis un quatrième qui doit élever la couche au-dessus du niveau du sol. Si l’on avait du marc de raisin ou des feuilles sèches , on ferait très-bien d’en mélanger avec le famier dans la proportion d’un quart , ou d'en composer le troisième lit tout entier; ce serait le véritable moyen de maintenir long-temps la chaleur. On égalise parfaitement le dessus de la couche, et on y étend un lit de terreau ou de terre préparée, d’une épaisseur calculée sur la nature des plantes que l'on doit y cultiver, et dépassant de beaucoup la surface du sol, parce que, lorsque la couche se sera baissée, elle se trouvera de niveau et souvent même enfoncée, car il n’est pas rare de voir le fumier s’affaisser de la moitié de son épaisseur. Pour hâter la fermentation , on peut, si le fumier de la couche estsec, jeter dessus quelques arrosoirs d’eau avant d'y placer le terreau. Quelquefois, dans les terrains très-humides, au lieu de creuser les couches sourdes dans la terre , on les éta- blit dans un encaissement en maçonnerie , formé par des DES JARDINS. 211 murs en pierres ou en briques, ayant deux pieds de hau- teur, sur un d'épaisseur. Quelquefois encore on creuse dans laterre, mais on élève ce mur contre les parois du trou ; ou enfin, on se contente d’un simple encaissement en planches. Les avantages des couches sourdes sont de demander moins de temps et de soins pour les faire , et de fournir plutôt du terreau , parce qu'on à la facilité d'y laisser le fumier s’y consommer un temps convenable pendant le- quel on cultive dessus des plantes qui demandent peu ou point de chaleur. Mais aussi elles ont l'inconvénient de se refroidir plus vite que les autres. Des couches bordées. Après avoir marqué , avec des Piquets et un cordeau , la place qu'une couche doit oc- cuper, on y étend un premier lit de fumier chaud , COm- posé de grande litière. Avec une fourche on retrousse la paille sur les côtés, de manière à ce que tous les bouts se trouvent en dedans, et que le surplus fasse une espèce de dos en dehors sur les côtés ; on refait un second lit que l'on range de même, puis on unit, On bat avec la fourche, et on piétine en reportant un peu de fumier dans les endroits où il en manquerait pour que l'épaisseur fût parfaitement égale. La couche doit étre également garnie partout ; car, s’il en était autrement , quand elle s’affaisserait, elle le ferait plusdans les endroits faibles, et le terreau de dessus formerait des trous ou s'entasserait dans ces places. On continue à ranger des lits les uns sur les autres jusqu’à ce qu'elle ait la hauteur suffisante. Il est essentiel de charger davantage le milieu; car, sans cela, ils formeraient des creux à cause de la grande épais- seur que la paille ployée donne aux côtés. Après qu’elle a été bien marchée et piétinée, on l’arrose s’il est néces- saise , et on la charge aussitôt de terreau , que l’on ne dresse et unit qu'au moment de semer, c'est-à-dire, quand là plus forte chaleur est passée, On se sert pour cela d'une planche large de dix pouces ou un peu plus, que 212 DES JARDINS. l'on place sur les côtés, à deux pouces environ du bord; on la maintient ferme avec la main gauche et le corps, et, avec Ja main droite, on tasse le terreau contre, afin de lui donner assez de solidité pour se soutenir seul ; et, pour plus grande sûreté, on forme ce bord de terreau un peu en talus. Quand il est ainsi dressé, on enlève la planche pour la reporter plus loin et opérer de même, et ainsi de suite jusqu’à ce qu'on ait fait le tour de la cou- che. Il faut, lorsque tout est fini, que le terreau ait en tous sens un demi-pied de moins en stuface que la base de la conche, et il doit être parfaitement uni: Si l'on trouvait trop de difficultés à retourner le bout du fumier en forme de dos, soit parce que la litière serait trop courte , soit parce qu'on y aurait mêlé d'autres fu- miers sans paille, tels que poudrette, marc de raisins , colombine, etc., on emploierait Ja méthode hollan- daise ; c’est-à-dire, qu'on formerait simplement les lits sur les côtés comme à l'intérieur ; puis, quand la couche serait élevée , on les unirait en coupant avec des cisailles tous les brins qui déborderaient. | Lorsqu'une couche est établie, il faut, avant de semer dessus, que la chaleur soit tombée à un degré convena- ble, ce qui arrive ordinairement après six à douze jours, selon la température de l’atmosphere et la qualité du fumier. Pour s'en assurer, on enfonce de temps en temps la main dans le terreau ; et, lorsqu'on en peut aisément coutenirla chaleur, on sème sans inconvénient ; plus tôt, les graines brûleraient et ne germeraient pas ; plus tard , elles risqueraient de pourrir. Si l'on doit faire un semis de plantes délicates qui demandent un degré déterminé de chaleur , on y enfonce un thermomètre. Quatre ou cinq jours après le semis, si on veut écono- miser les réchauds pendant quelque temps, on place des accots, c'est-à-dire, qu'on adosse tout autour un peu de fumier long pour soutenir la chaleur ; et par ce moyen, au lieu de mettre Îles réchauds dix à douze DES JARDINS. 213 jours après le semis, on peut en attendre quinze ou vingt. Par fois il arrive qu'une couche, après avoir été plan- tée ou semée , se remet de nouveau à fermenter et déve- loppe une chaleur considérable , nuisible aux jeunes plants , et que l’on doit attribuer à l’eau des arrosemens. Dans ce cas, il faut la /arder, c'est-à-dire, y ouvrir des ventouses avec un bâton pointu ; puis, quand son grand feu est évaporé , on les rebouche exactement. Mais d’au- tres fois, au contraire, on a pu la laisser surprendre par le froid , faute d’y avoir placé les réchauds en temps opportun. En attendant que ceux-ci puissent commu niquer de la chaleur à la couche , on tire par le côté une poignée de fumier à deux ou trois pouces en dessous du terreau sur lequel est placée chaque plante qui pourrait en souffrir ; cela forme comme une espèce de fourneau où la première chaleur des réchauds dégorge et se con- centre plus promptement qu'ailleurs, et se communique aisément au plant qui est dessus. Si, pour former des couches, on n’avait pas du fu- mier également chaud , que tout ne sortit pas immédia- tement de l'écurie, il faudrait le mélanger très-exacte- ment ; car, s’il s’en trouvait plus d’un côté de la couche de celui qui serait resté quelque temps en tas, ce côté s'échaufferait plus vite, mais aurait moins de chaleur et la conserverait moins long-temps; d’où il résulterait que, la température de la couche n'étant pas égale, des plantes pourraient fondre par le froid , tandis que d’autres se- raient brülées. Les couches chaudes pour serres, bâches ou châs- sis, se font toutes à peu près de la même manière. Comme ellesse trouvent nécessairement encaissées, onse contente d'y jeter le famier par lit que l’on piétine au- tant que possible, Mais il n’est pas indifférent d'employer tel ou tel fumier ; car, étant destinées à la culture de plantes délicates , on en exige un degré de chaleur plus 2.1 DES JARDINS. rigoureusement déterminé, et qui se soutienne long- temps. Si l’on veut une chaleur considérable, on em- ploie ceux de mouton, d'âne, ou plus ordinairement de cheval sortant de l'écurie ; et, pour qu’elle se conserve long-temps, on y mélange des feuilles sèches, du mare de raisin, ou autres matières végétales susceptibles de fermentation. La couche élevée, on la couvre d’une bonne épaisseur de tan (1), calculée sur la profondeur des pots qui doivent y être enfoncés de manière à ce que leur fond ne porte pas sur le fumier, comme nous Pavons figuré pl. 12 du second volume, fg. 3, a, a, a. Le tan a l'avantage de donner une chaleur douce, égale, sans une trop grande humidité, et de la maintenir pendant un espace de temps considérable. Dans tous les cas, les couches chaudes doivent être maintenues autant que possible de vingt à trente degrés, selon la uature du végétal qu’on y cultive, et selon la saison. Quand une couche se refroidit, on la défait de fond en comble; on remanie entièrement le fumier , et on y en ajoute du neuf, par tiers ou par moitié, selon que le vieux est plus ou moins consommé. On remanie de même le lit de tan, en y en mélant du nouveau dans les mêmes proportions; on peut même se contenter de lui donner un bon labour dans toute son épaisseur, de bien l’émietter et le mélanger pour le réchauffer au moims pour trois mois. La chaleur des couches s'élève et se conserve en rai- son des matières qu'on emploie ; et, comme on s’est assuré par l’expérience que chaque espèce de végétal en demande plus ou moins, il est nécessaire de connaître et le degré et la durée de chaleur que peuvent fournir (1) Écorce de chêne que l’on va chercher dans les tanneries où elle a déjà servi à la préparation des cuirs. On l’emploie, pour les couclies , après l’avoir fait sécher eu l’étendant à l’air et au soleil. DES JARDINS. 215 les différentes matières dont on fait le plus ordinaire- ment usage. Les fumiers de moutons peuvent faire monter le ther- momètre de 6o à 75 degrés de chaleur, mais ils ne la conservent que trois ou quatre mois. Les fumiers d’ânes, de chevaux et de mulets, donnent de 55 à 6o degrés, et la conservent environ six mois. Les tannées donnent de 35 à 4o degrés, et la conser- vent aussi pendant six mois. Les fumiers mélangés par moitié avec des feuilles sèches donnent de 40 à 50 degrés, et la conservent de sept à neuf mois. Les feuilles sèches, mélangées à un tiers de fumier, donnent de 30 à 4o degrés, et la conservent de neuf à onze mois. Les feuilles sèches, seules donnent de 35 à 4o degrés, et la conservent un an. La poudrette , dont on commence à faire usage dans les jardins fleuristes destinés à forcer , donne de 50 à 60 degrés , et la conserve un an. Les marcs d’œillettes, de pommes, d'olives et de noix , donnent de 25 à 30 degrés et la conservent pen- dant dix-huit mois. Enfin le marc de raisin donne de 40 à 5o degrés de chaleur, et la conserve quelquefois pendant plus de vingt mois. | Au moyen des mélanges de ces différentes matières, on peut arriver à obtenir d’une manière assez durable les différens degrés de chaleur que l’on désirera ; mais en observant que, pour l'avoir constamment égale, il faudra remanier souvent, afin de renouveler la fermen- tation. Sans cela les couches perdraient peu à peu ; et, vers la fin des époques déterminées , la température se- rait presque baissée au degré de Pair atmosphérique. On concoit aussi que les degrés que nous avons déter- minés peuvent beaucoup varier en raison des climats, des. 216 DES JARDINS. saisons , des localités, et du plus ou moins d'humidité répandue dans l’atmosphère. L'état des matières elles- mêmes peut encore être une cause du plus ou moins d’élévation du thermomètre. Le jardinier intelligent étu- diera toutes ces causes, et apprendra, au moyen de l’ex- périence, à en combiner les effets d’une manière ayan- tageuse. Dans notre Jardin potager, tome second, page 298, à l’article ananas, nous entrons , relative- ment aux couches chaudes , dans des détails que nous croyons suffisans pour compléter cet article. « $ IE Des Couches tièdes. Celles-ci diffèrent des couches chaudes par lusage auquel on les emploie. Elles ne sont pas dressées pour forcer les plantes, ni pour cultiver lés végétaux exoti- ques qui demandent beaucoup de chaleur ; on ne les destine pas à faire obtenir, pendant les rigueurs de lhi- ver , les produits que la nature ne donne qu’au printemps, mais seulement à en hâter un peu la récolte, et plus particulièrement à favoriser la germination des graines délicates, et la reprise de la plupart des boutures. Comme les couches chaudes , on les fait à Pair libre ou dans des serres, et on les distingue en bordées et'en encaissées. Quant à la manière deles établir , elle est absolument la même, à cette différence près que l’on emploie des fumiers moins chauds, ou des matières d’une fermentation moins active, Du reste , on peut les recou- vrir de terreau ou de tannée, selon l'usage qu’on en veut faire. Le degré de chaleur qu’elles doivent avoir est de 15 à 20 degrés du thermomètre de Réaumur. Les fumiers d’une couche chaude que l’on détruit, mélangés à une pue partie de fumier neuf, sont excellens pour les établir. | DES JARDINS. 217 { S I, Des Couches froides. Elles se font à l'air libre , sous châssis, dans les bà- ches, et d'une manière particulière pour les champi- gnons; mais nous ne traiterons pas de cette dernière ici, parce que, ne servant qu'à une culture particulière, nous avons trouvé plus convenable d'entrer dans les détails de sa confection à l’article champignon du J'ar- din potager; voyez le second volume , page 332. Les couches froides, ou plutôt sans chaleur artificielle, servent à faire les semis de plantes délicates et à graines très-fines, à cultiver les végétaux qui, sans aimer la chaleur, craignent cependant beaucoup la gelée, comme par exemple la plupart des ixias et autres liliacées ve- nant du Cap, les bruyères, etc., etc., et ceux dont les racines faibles ne peuvent s’accommoder de la pleine terre. Lorsque la couche froide est en plein air, elle prend assez ordinairement le nom de plate-bande. On lui donne de quatre à six pieds de largeur sur une longueur indéterminée. Dans l’endroit le plus sain du jardin, à une exposition convenable, le plus ordinairement à demi ombragée, on creuse une fosse de deux pieds à deux pieds et demi de profondeur. Si l’on craint l’humi- dité , on étend , dans le fond, six pouces de pierrailles, de gravois ou de gros sable, et l’on jette par dessus les debris de racines et de branchage que l’on extrait de la terre de bruyère , en la passant à la claie; on piétine le tout, et l’on achève de remplir la fosse avec une de ces différentes matières : 1° de la terre de bruyère pure et très-fine ; 2° de la terre de bruyère mélangée avec un tiers ou moitié de terre franche ou légère ; 3° de Ja terre de bruyère mélangée avec un tiers ou moitié de terreau de couche ou de feuilles très - consommé ; 4 avec du terreau pur de couche ou de feuilles ; 5° enfin, avec du 218 DES JARDINS. | terreau consommé , mêlé à un tiers ou moitié de terre franche ou légère. C’est le genre de culture que l’on veut faire qui doit déterminer sur le choix. IL arrive assez souvent que l’on plante à demeure et en pleine terre, dans la plate-bande de terre de bruyère, des arbrisseaux qui craignent le froid. Alors on prépare la couche de manière à pouvoir l’abriter avec des châssis pendant l'hiver ; et pour cela on a deux moyens. Le premier consiste à établir quatre murailles, d’un pied d'épaisseur , contre les parois de la fosse , et à les élever hors de terre suffisamment pour y placerune char- pente qui so ob des panneaux vitrés, que l’on y ajus- tera dès les premiers froids pour les cnlètes le printemps suivant. Nous avons figuré (pl. 3, fig. 1 et 2) la plate- bande dans laquelle nous cultivons des rosiers délicats. À est le mur de devant élevé de trois pieds et couvert de dalles, D, sur lesquelles sont posées les traverses c ; ces traverses sont unies et très - plates en dessus pour recevoir les panneaux vitrés qui doivent s'y ajuster parfaitement pour ne laisser aucun joint , aucun petit trou , par lesquels l’air et le froid puissent s’introduire. Fest le mur de derrière, auquel nous avons fait don- ner six pieds d’élévation, afin de procurer aux châssis une pente de trente degrés, regardant le levant. G est la'couche de terre de bruyère ayant deux pieds et demi d'épaisseur ; elle est posée sur un lit de gravois k, de six pouces d'épaisseur. Le niveau du terrain que l'on voit en 4, &, montre que la couche est enfoncée un peu au des- sous de la surface du sol. En K , nous avons figuré un panneau placé comme ils le sont l’hiver. Si lesfroids de- viennent rigoureux , pour empêcher la gelée de péné- trer sur les plantes, on établit tout le tour des panneaux un accot épais de litière ou de feuilles sèches; on en jette sur les vitres cinq ou six pouces que l’on garantit des pluies au moyen de paillassons , ou que lon change lors- qu'elle est mouillée. L'essentiel, lorsque l’on prive ainsi DES JARDINS. 219 les plantes d'air, c’est que la terre de la couche n'ait que très-peu d'humidité , seulement celle nécessaire aux racines pour ne pas se dessécher. Toutes les fois que la température se radoucit, il faut avoir le soin d'enlever ou au moins de soulever les panneaux, afin de donner aux plantes de l'air et de la lumière. Le second moyen d’abriter les couches froides consiste à les encaisser , non pas dans des murailles, mais sim- plement avec des planches épaisses et solides, parfaite- ment jointes, et formant un châssis à demeure. Cette petite construction se fait absolument comme un châssis (voyez cet article), et sa culture se dirige de la même manière. La couche froide, que l’on établit dans une bâche, consiste tout simplement en de la terre de bruyère que l'on jette dans des encaissemens préparés pour la rece- voir dans une serre construile en conséquence ; VOyez l'article bâche. $ IV. Des Cloches et l’errines. La cloche de verre (pl. 3, fig. 4, 5) est le plus simple de tous les abris, l’un des plus anciens, et peut-être encore aujourd'hui un des plus généralement employés. Il paraît que le châssis, qui le remplace si avantageu- sement sous le double rapport de l’économie et des résultats qu'on en obtient, n’a commencé à s'intro- duire dans nos cultures qu’à l’époque où de Combles a publié son École du Jardin potager, c'est-à-dire , en 1749 ; jusque-là , il fallait opter entre les cloches et les serres. La cloche est une pièce be verre soufllée , ayant à peu près la forme évasée d’une cloche de métal, d’où son nom. On en fabrique quelques-unes à Paris, mais la plus grande partie sort des verreries de la Champagne et de la Lorraine. On en a de plusieurs grandeurs et de 220 DES JARDINS. différentes formes, que l’on adapte à diverses cultures. Toutes les fois qu'il s’agit d’étouffer une bouture ou une plante nouvellement repiquée , on peut se servir de celles dont les dimensions sont petites : mais, quand il s’agit d'élever un végétal, et de le cultiver dessous pendant toute sa durée, on ne saurait les choisir trop grandes. Cependant celles dans la grandeur moyenne de quatorze à quinze pouces peuvent , en cas de besoin , ser- vir à tous les usages. Si l’on avait à s’en procurer , il faudrait choisir celles dont le verre d’un blanc plus ou moins transparent ne tire jamais sur le bleuâtre , car l'expérience a démontré qu'elles concentrent moins la chaleur que les autres. L’épaisseur du verre doit aussi entrer en considération : elle doit être assez forte pour donner de la solidité sans trop nuire a la transparence. Les cloches sont surmontées d’un bouton en verre, qui sert à les saisir pour les trans- porter : il faut donner la préférence à celles qui l'ont gros. et solide. On prendra garde à ce qu’elles ne soient pas fêlées, ce dont on s’apercevra très - facilement en les sonnant avec le doigt. Elles sont assez sujettes à se plomber et se ternir au bout de quelques années, effet que l'on attribue à Vhu- midité et à la poussière qui, en s’incrustant dans le verre , le dépolissent et lui ôtent sa transparence ; une cloche dans cet état a perdu sa qualité de réfléchir les rayons du soleil, et de concentrer la chaleur de cet astre. Il faut donc , au moyen de quelques soins, empêcher ou au moins retarder cet inconvénient. Il suflit, pour y parvenir, de ne jamais les recouvrir qu'avec de la litière sèche et propre, de les garantir des pluies continues de l'hiver ; et, lorsqu'on ne s’en sert pas, de les tenir dans un lieu sec et abrité de la poussière. On doit aussi avoir la précaution de les Javer de temps en temps, et de les essuyer tous les matins avec un morceau d’étoffe ou une éponge, après qu’on a enlevé les couvertures. S'il s'en DES JARDINS. 221 trouvait quelques-unes de cassées dans les cultures, et que les morceaux fussent assez grands pour être rajustés, on pourrait encore en tirer parti en les recollant avec du.blanc de plomb délayé dans du blanc d'œuf, eten ob- servant qu'il n'y ait point d'humidité sur le verre lors- qu'on en rassemble les fragmens., Les cloches se placent sur les semences, les plantes , boutures , etc., qui demandent de la chaleur : aussi ne les emploie-t-on guère que sur les couches chaudes. Lorsque la gelée est rigoureuse, et qu'elle menace de pénétrer dessous le verre, on les entoure avec de la litière sèche, dont on remplit exactement les intervalles qui se trouvent entre les cloches: et, sile froidaugmente, on les en recouvre entièrement jusqu’à un pied ou deux d'épaisseur. Lorsque le temps se radoucit, on enlèvela litière pour donner de la lumière et empêcher aux plantes de s’éuioler. Lorsqu'il est nécessaire de leur pro- curer de l'air, on soulève la cloche du côté opposé au vent, ou du côté du soleil si le ciel est calme, et on la soutient élevée au point convenable par le moyen d’une crémaillère. La crémaillère (pl. 3, Jig. 6) est un morceau de planchette ou de latte, long de huit à dix pouces, taillé d’un côté en crans profonds a, a, sur l’un desquels on appuie le bord de la cloche. Si on veut que celle-ci soit entièrement suspendue, on place trois crémaillères pour la supporter. Les verrines( pl. 3, fig. 7) sont des espèces de clo- ches faites de plusieurs pièces de verre ou vitres assem- blées avec du plomb. On leur donne ordinairement une forme octogone. Elles concentrent moins de chaleur que les cloches, maison a l’avantage de les avoir aussi grandes qu'on le veut ; et elles ne sont pas sujettes à se ternir. Du reste, on les emploie aux mêmes usages, et on les traite de la même manière. 222 -DES JARDINS. $ V. Des Paillassons et des Cages. Pour être assuré d’un plein succès dans la culture que l'on fait sur couches chaudes ou tièdes , il ne suflit pas d'employer seulement les cloches, les verrinés, ni même les châssis portatifs. La litière , il est vrai, peut garantir les plantes du froid ; mais elle ne peut empêcher la pluie de pénétrer sur la couche, ce qui arrête sa fermentation, détruit par conséquent sa chaleur , et expose les plantes à la pourriture. Les paillassons ont seuls la précieuse qua- lité de maintenir la chaleur en écartant leseaux; aussi ne peut-on pas s’en passer dans une culture un peu soignée. De Combles, que nous avons cité plus haut, a très-bien traité cette partie essentielle de la culture , et nous ne saurions mieux faire que de rapporter ce qu'il en dit : « On fait des paillassons de deux manières. Beaucoup de jardiniers, pour avoir plus tôt fait, les font en treillage avec des échalas en travers, liés par des osiers : rien n’est plus meurtrier pour les cloches , rien de plus em- barrassant en même temps ; il vaudrait mieux n'en avoir pas du tout. La seule bonne facon de les faire est avec de la ficelle. Je dirai d’abord qu'il faut les disposer pour servir aux couches, non pas étendus en longueur, comme font encore plusieurs jardiniers malentendus , mais pour embrasser la couche en travers, de manière que les deux bouts portent sur les sentiers, ce qui la dé- fend bien mieux de tous les mauvais vents, et ce qui procure en même temps l'écoulement des eaux dans les sentiers. Pour rendre cet écoulement encore plus certain, | il y a une précaution de plus à prendre , c’est de mettre une latte courante de bout en bout de la couche dans le milieu entre les deux cloches, qui soit soutenue et hée à de petits piquets échancrés qu'on enfonce dedans , de distance en distance : cette latte doit être élevée de six pouces plus que les cloches, pour former une pente à DES JARDINS. 223 . droite et à gauche aux paillassons qui portent dessus, et on peut l’élever plus haut , lorsque la rigueur du temps demande une grande charge de litière sur les cloches. Quant aux châssis , on est dispensé de celte précaution : leur disposition favorise l'écoulement des eaux , on ne fait qu'étendre les paillassons dessus : revenons à la fa- con des paillassons. « I! faut régler leur longueur sur la largeur des cou- ches , et leur donner deux pieds de longueur de plus que leur largeur, pour qu'ils retombent d’un pied de chaque côté sur les sentiers ; et, pour la largeur, elle est bonne à quatre pieds. « Pour les faire justes dans les mesures qu'on veut, on marque ses longueurs et largeurs sur terre, dans quelque serre ou écurie qui ne soit pas pavée, et on divise ensuite les traits de ficelles proportionnément à la lar- geur : il en faut cinq, savoir , un dans le milieu , deux à six pouces des bords , et les deux autres dans le milieu des intervalles , de sorte qu'ils se trouvent à neuf pouces de distance. On enfonce ensuite des chevilles de bois ou de fer aux cinq places marquées aux deux bouts de Ja longueur , et on y attache cinq morceaux de la même ficelle bien tendus d’une cheville à l’autre. On coupe après cela cinq autres morceaux de la même ficelle , qui aient deux fois la même longueur, qu'on tourne chacun séparément autour d’un morceau de bois que les jardi- niers appellent des navettes; ces morceaux de bois ont quatre pouces de longueur, évidés à mi-bois à un demi- pouce près des deux: bouts, de manière que ces deux bouts forment deux boutons qui empêchent la ficelle de glisser ; on approche en même temps la paille qui doit être de seigle bien secouée, et la plus longue qu'on puisse trouver. « Lorsque tout est ainsi préparé , un ou deux hommes se mettent à deux genoux à un bout, et une femme ou un enfant fait les poignées de paille , qu'il leur étend 224 DES JARDINS. devant eux sur les ficelles tendues ; ils les prennent l’une après l’autre et les lient à ces ficelles avec celles de leurs navettes, en faisant une espèce de nœud coulant qui les arrête et les serre en même temps les unes contre les autres, À mesure que l'ouvrage avance , ils avancent de même, et se trouvent à genoux dessus dès qu'ils en ont fait quinze à dix-huit pouces. Arrivés au bout de leur longueur, ils nouent les deux ficelles ensemble, et détachent Le paillasson qui se trouve fait. Avec des ciseaux à tondre ils égalisent ensuite les bords, en cou- pant de même dans toute l'étendue les épis et les bouts de paille qui se trouvent volant cà et là. « La difficulté de cet ouvrage est de serrer également les cinq nœuds coulans qu’on fait pour chaque poignée de paille, en sorte qu'on soit Juste des deux côtés quand on arrive au bout. « Une autre attention importante , c’est de faire les poignées de paille bien égales , et médiocrement fortes : douze à quinze brins sont suflisans ; ils deviennent trop lourds à manier, surtout quand ils sont mouillés, si on en met davantage. Ce nombre de brins se partage par la moitié, et se croise de manière que les épis se trouvent tous en dedans, et le pied aux deux extrémités : ce qui fait que l'épaisseur est à peu près égale partout. « IL y a encore plusieurs précautions à prendre pour la conservation de ces paillassons. 1° Il faut que la ficelle soit à trois bouts pour résister aux injures du temps; c’est elle qui est l'âme de l'ouvrage qui ne périt jamais que par là. 2° Après que les paillassons sont faits, il faut frotter tous les traits de ficelle des deux côtés avec du goudron préparé , tel qu’on l’emploie pour les cordages de la marine, et on se sert d’un pinceau pour l’étendre ; cela empêche que l’eau ne la pénètre et ne la pourrisse. 3° Autant de fois qu'on les ôte de dessus les couches , il faut les étendre debout le long des murs ou d’une es- pèce de treillage grossier qu’on fait exprès avec des DES JARDINS. 225 perches pour les adosser ; ils sèchent dans cette situa- tion : mais si on les jette sur terre, ou qu’on les roule les uns sur les autres, ils sont bientôt ruinés. 4° Il faut : les mettre à couvert dès qu’on n’en a plus besoin, et les fermer bien secs ; mais on doit prendre garde qu'il n’y ait ni rats ni souris dans la serre où on les met ; ces animaux les coupent et les ruinent. Si on ne peut pas s’en défendre, il faut en ce cas tendre des cordes très- élevées de bout en bout de la serre et les mettre à che- val dessus, de manière que ces animaux ne puissent pas y atteindre. Faits et soignés, comme je viens de dire ; ils peuvent durer trois ou quatre années : négligés, ils ne vont pas à la seconde. » Nous avons figuré (pl. 4, fig. 2) la manière dont on les fait, et en a, a, a, de nœud dont on serre la paille. Les cages sont des ustensiles dont on fait usage comme des cloches , quand il s’agit d’abriter des végétaux d’une certaine hauteur, que ces dernières ne pourraient pas couvrir. On les fait, comme les verrines , en verres de vitre montés sur du plomb, et on leur donne une lar- geur et une hauteur calculées sur les dimensions de la plante. On est dans l’usage de laisser un des côtés mobile en forme de porte, afin de pouvoir soigner le végétal sans avoir l'embarras d’enlever la cage chaque fois qu’on veut y toucher. Quelquefois on peut avoir besoin d'isoler une plante, soit pour la défendre de l'attaque des animaux, soit pour empécher les oiseaux de dévorer ses graines ; où enfin, si elle est vénéneuse, pour la mettre hors de l'atteinte des enfans. On se sert alors d’une cage en osier, faite sur le modèle de celle que nous avons figurée , pl. 4, Ji8- 4. 226 DES JARDINS. SECTION II. DES CHASSIS. Ïls tiennent le milieu entre les cloches et les serres, et peuvent, à la rigueur, remplacer , pour les plantes bas- ses, les unes et les autres. On s’en sert très-avantageuse- ment pour faire des primeurs sur couches, pour cultiver les plantes qui demandent beaucoup de chaleur , et pour abriter, pendant Phiver, celles qui sont délicates et craignent Îa gelée sans aimer la chaleur. Les châssis, dont on s’est servi la première fois en Hollande, se font de deux manières différentes. Ceux le plus généralement employés pour le jardin potager sont portatifs, et les plus utiles pour le jardin fleuriste sont fixes : nous allons traiter de ces deux sortes. Le châssis portatif (pl. 5, Jig. 2) se compose, comme l’autre , de deux parties : la caisse et les pan- neaux (pL. 9 J8 NA): La caisse varie dans sa longueur et sa fargeur,, mais on lui donne toujours les mêmes dimensions que celles des couches sur lesquelles doivent se placer les châssis. Par conséquent, elle n’aura que de trois à quatre pieds de largeur si l’on doit s’en servir pourles couches d'hiver, et de quatre à cinq pour les couches d’été. On pourrait, dans la belle saison , lui donner une plus grande dimen- sion ; mais alors elle deviendrait embarrassante à trans- porter quand on voudrait la changer de place. Quant à sa longueur , elle est tout-à-fait indifférente ; elle peut varier depuis quatre pieds jusqu’à huit. La hauteur à donner à la caisse d’un châssis demandé à être plus mürement examinée, par la raison qu'il faut, autant que possible , que les vitres des panneaux soient rapprochées du feuillage des planies , si l’on veut que celles-ci profitent de toutes les influences des rayons du soleil. Comme le châssis doit porter positivement sur le \ DES JARDINS. 227 fumier de la couche et non pas sur le terreau , on prendra d’abord en considération l'épaisseur de ce dernier , puis la hauteur ordinaire des plantes que l’on cultivera. Par exemple, quelques-unes, telles que la rave, demandent huit à neuf pouces de terreau ; les concombres et les laitues en ont assez de six; les semences se contentent de quatre , et les melons n’en veulent que deux outrois ; toutes les plantes peuvent se rapporter à ces quatre es- pèces sous ce rapport. Voilà donc de huit à deux pouces déterminés, auxquels on ajouterala hauteur du feuillage, plus deux pouces pour qu’il ne touche pas le verre. Mais comme les panneaux doivent être inclinés au midi, si l’on donnait sur le derrière du châssis la hauteur calculée, il en résulterait que le devant se trouverait trop bas : pour éviter cetinconvénient, on prendra le termemoyen, c’est-à-dire que l’on donnera la hauteur convenue vers le milieu ; il ne restera plus qu'à repiquer les plants les plus vigoureux sur le derrière et les moins avancés sur le devant. Tous ces calculs faits et arrêtés, on se procurera des planches de chêne , bien sèches et épaisses d’un pouce, pour établir les caisses en les faisant assembler à la ma- nière ordinaire par un menuisier ou un charpentier. Mais ici se présente une difliculté : quel degré d’in- clinaison donnera-t-on aux bords supérieurs de la caisse, et comment le mesurera-t-on? Un ouvrier ordinaire sait rarement se servir du quart de cercle et du rappor- teur : s’il m'a un châssis pour modèle , il tâtonnera et inclinera ses panneaux au hasard , d’où il résultera que l'on aura plus de chaleur qu'il n’en faut pour de certaines plantes, et pas assez pour d’autres ; car plus les verres pré- sentent perpendiculairement leur surface aux rayons du soleil, plus le calorique se concentre sous le châssis ; et, par la raison imverse , il y a moins de chaleur lorsque les rayonssolaires frappent les verres obliquement. Ceci s'ap- plique plus particulièrement aux serres qu'aux châssis, - 228 DES JARDINS. 4 Pour mettre tout le monde dans le cas de donner aux panneaux d’une serre, d’une bâche ou d’un châssis, l’inclinaison nécessaire sans être obligé de se servir d’instrumens, nous avons dressé une table (pl. 5, Jig. 1), dans laquelle nous avons indiqué toutes les proportions. Nous allons citer deux exemples pour faire parfaitement concevoir la manière de s’en servir. Supposons que l’on veuille établir quatre châssis , le premier de trois pieds de largeur avec dix degrés d’in- clinaison ; le second, de quatre pieds avec quinze degrés d’inclinaison ; letroisième, de cinq pieds, incliné de vingt degrés ; et le quatrième, de six pieds, incliné de vingt- cinq degrés. 1° Pour le premier , on commence à établir le devant (Jig. >, a, a, a, a), auquel on donne la hauteur déter- minée, comme nous l'avons dit , par l'épaisseur du ter- reau et la hauteur du feuillage des plantes que l’on doit cultiver. On établit ensuite les côtés comme celui &, b, a,c, auxquels on donne, ainsi qu'au derrière, la même hauteur que celle de devant. On a une caisse de trois pieds de largeur , dont les quatre côtés, tous de la même hauteur, vont servir de base pour calculer lin- clinaison. La ligne a, b, nous servant de base , repré- sente la ligne A B de notre table. Comme dans notre première supposition notre châssis doit avoir trois pieds de largeur, nous cherchons à la base de la table le chiffre 3, en d, qui nous donne trois pieds ; nous cherchons aussi le rayon qui marque dix degrés, puisque e’est l'inclinaison déterminée , et nous le trouvons d’A en H. Alors, en cherchant le point où la perpendiculaire d, d, coupe le rayon À, H, nous trouvons le chiffre 7, qui nous indique que la hauteur de la perpendiculaire de- puis sa base jusqu’au rayon est de sept pouces : or, comme cette hauteur représente celle du derrière du châssis, nous savons que nous devons lui donner (de à en, fig. 2), sept pouces de hauteur si nous voulons L DES JARDINS. 229 obtenir ( de z en &, fig. 2 ) une inclinaison de dix de- grés. 2° Pour le second châssis de quatre pieds de largeur et de quinze degrés d’inclinaison , on agit de la même manière ; et, quand la caisse 4, a, b, ©, est faite, il s'a- git de recourir à la table pour savoir de combien on élèvera le derrière. On trouve, à la ligne formant la base de la table , la largeur de quatre pieds en 4 e ; le point. où le rayon de quinze degrés À , K , coupe la perpendi- culaire e , L , indique 13 pouces; donc il faudra élever de treize pouces le derrière de la caisse D, à , fig. 2, pour obtenir, d'a en :, une inclinaison de quinze degrés. 3° Le troisième châssis ayant cinq pieds de largeur et vingt degrés d’inclinaison, on trouvera les cinq pieds à la table en 5 f, et le rayon de vingt degrés d'A en M. Le point de section de la perpendiculaire f, n, indiquant vingt-deux pouces, on élèvera d’autant le derrière du châssis b,i, fig. 2. 4° On cherchera de la même manière les proportions du quatrième châssis, en observant que depuis la per- pendiculaire 9, 0, jusqu’à la dernière p, q , notre ta- ble n'indique plus des pouces seulement , mais des pieds et des pouces séparés par un trait d'union. Aïnsi, si on nous a bien compris, on trouvera , pour les six pieds de largeur et les vingt-cinq degrés d’inclinaison, deux pieds dix pouces d'élévation , ainsi marqués 2-10, qui seront la hauteur du derrière D ,i, du châssis. Pour le second exemple, nous supposerons qu'il n’est plus question d’un châssis, mais d’une serre. Le pro- blème à résoudre sera celui-ci : construire une serre de dix pieds de largeur , dont les panneaux seront portés , sur le devant, par un mur de trois pieds de haut, et déterminer la hauteur du mur du fond pour procurer aux panneaux une inclinaison de 45 degrés ? On com- mence par tracer sur le terrain les dimensions de la serre, 230 DES JARDINS. d puis on fait élever le mur de devant, Jig. 3, À, et celui du fond B, jusqu’à la hauteur de l'horizontale c, d, c’est-à-dire , à trois pieds. Alors on a recours à la table où l'on prend la perpendiculaire 10, e , et le rayon À, N; le point de section donne neuf pieds onze pouces, qui, ajoutés aux trois pieds du mur déjà bâti , donneront un total de douze pieds onze pouces depuis E jusqu'a F, et le panneau c, F; par ce moyen se l'ouvera incliné de manière à former un angle de 45 degrés. Mais il arrive quelquefois que l'on veut donner une erande profondeur à une serre, douze ou quinze pieds par exemple, comme il lui faudrait une élévation consi- dérable pour que les panneaux, inchincs supposons à 55 degrés , pussent porter sur le mur de devant et celui de derrière, et qu'outre cela il ne serait pas possible de les faire solides à cause de leur grande longueur , on est dans l’usage de placer un toit sur le derrière , comme nous Pavons figuré par des points en g, , fig. 3: Pour obtenir linclinaison des panneaux à 45 degrés , il ne s'a- git plus de savoir la hauteur que l'on donnera au mur du fond, mais bien celle qu’aura le toit au point i , ’est- à-dire, au sommet des panneaux. Pour y arriver, on com- mencera par déterminer avec justesse la largeur de la serre qui en sera couverte ; supposons que celle (fig. 3 } ait quinze pieds de profondeur, et que l’on veuille don- ner Cinq pieds au toit g , À, il restera à couvrir avec des panneaux la largeur de dix pieds d’A en K, qui, cherchés à la table, donneront quatorze pieds deux pouces d'élé- vation de K en £. On peut calculer de la même manière lincl'inaison du toits, À, afin de lui faire former un an- gle plus ou moins ouvert avec les panneaux. Ilen sera de même pour une serre chinoise, ou un jardin d'hiver vitré des deux côtés, c’est-à-dire, couvert par deux panneaux appuyés l’un sur l’autre comme €, é, L Après avoir élevé les deux murs &, ©, l, m, on prendra le mieu K, el par le moyen de la table on déterminera DES JARDINS. 231 la hauteur du faîte 2 , de Ja serre, selon le degré d’incli- naison que devront avoir les deux panneaux. Dans notre table des inclinaisons nous avons négligé de marquer les hauteurs que donneraient des fractions de pieds; mais il estun moyen très-facile de remédier à cet inconvénient. Nous allons supposer qu'on veuille établir une serre de dix pieds et demi avec des panneaux inclinés à l'angle de 55 degrés. La table donne pour hau- teur , à dix pieds, quatorze pieds deux pouces, et à onze, quinze pieds six pouces ; OT, il est clair qu'en prenant le terme moyen entre ces deux nombres, c’est-a-dire , quatorze pieds dix pouces, le rayon À g, se trouvera coupé enr, par la perpendiculairer, $, s'élevant sur dix pieds six pouces : le calcul sera le même pour les fractions plus petites. On s'apercevra que notre table n’a pas une parfaite justesse mathématique ;, en voici la raison : dans ce genre de construction tine précision à six lignes près , surtout en élévation, est tout-à-fait inutile ; partant de là, nous avons omis les fractions du pouce comme ne pouvant être d'aucune utilité à ouvrier, et pouvant em- barrasser notre table de chiflres qui l'eussent rendue plus difficile dans l'usage. Toutes les fois que la fraction est de plus de six lignes, nous avons ajouté le pouce tout en- tier ; quand elles est de moins de six lignes, nous avons retranché un pouce. Mais ces omissions n’ont été faites que sur la figure de notre tableau ; car, pour arriver à dé- terminer avec exactitude ces termes moyens , nous avons été obligés de mettre la plus grande précision dans notre calcul. Revenons à présent à la construction des châssis. Lors- que la caisse sera faite , et que ses bords auront une incli- naison convenable , il s'agira de faire les panneaux. Comme ceux des serres, des bâches et des châssis se construisent dans les mêmes principes, nous n'en fe- rons qu'un seul article. 232 / DES JARDINS. Un panneau (pl. 6, fig, 1), pour avoir toutes lés con- diuons requises, doit : 1° être fait sur des dimensions exactes, afin de s’adapter parfaitement sur des traverses ou sur les bords d’un châssis, de manière à ne laisser aucun jour , aucune fente, par où l'air et le froid puis- sent s’insinuer ; °° le bois dont on le fait doit être très- sec, afin de n’être pas sujet à travailler, eton lui don- nera l'épaisseur convenable pour qu'il ait une grande solidité. Cette épaisseur peut varier depuis un pouce jusqu'à deux selon la longueur et la largeur du panneau; c'est à l’ouvrier intelligent et qui connaît la force du bois qu’il emploie, à déterminer les proportions voulues pour donner à son ouvrage la force et la légèreté néces- saires ; 3° les montans doivent être espacés de manière à augmenter la solidité du panneau , et en même temps à laisser un libre passage aux rayons du soleil. C’est de ce troisième point que nous allons particulièrement nous occuper. Autrefois, lorsqu'un cadre de panneau était fait, on y ajustait des montans en fer sur lesquels on mastiquait les carreaux de verre; on s'était déterminé à cela pour avoir plus de soleil, mais cet avantage ne pouvait être mis en balance avec le peu de solidité qu’offrait cette méthode. On remplaca les verges de fer par un assemblage en me- nuiserie, fait sur le même modèle que celui d’une fe- nêtre , d’où il résultait que l’eau des pluies, ne pouvant trouver un écoulement, s’amassait devant les traverses qu'elle pourrissait bientôt , pénétrait dans l’intérieur, où elle noyait les plantes et refroidissait les couches. De Combles , en 1750, perfectionna les châssis , et depuis lui ils n’ont point éprouvé de changement dans la plu- part des jardins. Aussi allons - nous extraire textuclle- ment de son ouvrage tout ce qui se rapporte à celte matière. « Lorsque les châssis, dit-il, ont plusde dix-huit pieds, qui est la longueur des plus grandes planches de chêne; DES JARDINS. 233 on emboîte les planches les unes sur les autres, pour ne former qu’un seul corps ; ce qui se peut faire de plusieurs manières : mais la plus simple est d’entailler les deux bouts à mi-bois, et de les assembler l’un sur l’autre avec deux ou trois forts clous à vis, qui aient des écrous au bout pour les retenir. On continue la même opération de planche tant qu'il y ena; car, quoique j'aie dit ci- dessus que la longueur était indifférente, il est entendu que le châssis doit être de la même grandeur que la cou- çhe ; et, quand il aurait quinze toises , il doit être d’une seule pièce, sans quoi les séparations qui se trouveraient dans le dedans, si on voulait en accoler plusieurs ensem- ble, nuiraient infiniment aux plants par leur ombrage ; et ce n’est pas le seul inconvénient qui en résulterait. « La partie supérieure est liée comme au-dessous par des traverses semblables de deux pouces , assemblées de même, qui servent tout à la fois à retenir les planches et à porter les panneaux de verre; mais ces traverses (pl. 6, Jig. 2, A), doivent être cannelées ; ou, pour m'expli- quer autrement, creusées d’un demi - pouce dans le milieu, tant en largeur qu’en profondeur , en forme de gouttière D, b, pour recevoir l'eau des pluies, qui passe entre les deux panneaux qui s’assemblent dessus (comme nous l'avons figuré par des points en €, €, C, C); et au bout de ces traverses, sur le devant, on met une petite gouttière de fer-blanc qui passe dans la tringle qui arrête les châssis et qui jette les eaux dehors; 1l suffit qu’elle ait une saillie d’un demi-pouce hors de la tringle. «Ces traverses (pl. 6, fig. 3, À, et pour le détail Jig. 2, A), doivent être posées à quatre pieds l’une de l'autre, les épaisseurs comprises ; et les panneaux , par conséquent , se trouvent de la même largeur de quatre pieds ; plus grands, ils deviennent trop difficiles à ma- nier ; et, plus étroits, ils occupent trop de place en bois, qui diminue beaucoup l'action du soleil sur les plants. 234 DES JARDINS. | « Le cadre de ces panneaux doit être de deux pouces de largeur sur un pouce et demi d'épaisseur , assemblé solidement par les coins , et fortifié par des équerres de fer entaillées dans le bois (fig.1,4a,a,a,a). « [ls sont portés par les côtés, comme Je viens de le dire, sur les traverses, et ils reposent par les deux bouts sur les deux planches de la caisse; mais comme ils glis- seraient s'ils n'étaient retenus , attendu la pente, on pose dans le bas une tringle qui excède d’un pouce et demi la superficie de la planche, et qui se trouve par consé- quent de niveau avec le châssis : les eaux qui coulent dessus , et qui passent entre cette tringle et le cadre du châssis, tombent dans une petite gouttière qu’on creuse sur l'épaisseur de la planche, semblable à celle des traverses, et se perdent en dehors par les mêmes issues. « Ces panneaux ont , conséquemment à ce que Je viens de régler, trente - deux pouces dans œuvre à remplir, sur quarante-quatre environ, déduction faite des deux pouces de bois que prennent les cadres tout autour. [ faut diviser d’abord ces trente-deux pouces de largeur en trois , et placer de dix pouces en dix pouces un petit montant d’un pouce de largeur sur un pouce et demi d'épaisseur, pour qu'ils ne fléchissent pas, avec une feuillure des deux côtés peur recevoir ies carreaux. « On divise ensuite la hauteur, qui est de quarante- quatre pouces, en quatre, pour former quatre carreaux seulement qui remplissent toute la longueur ; et il faut y donner an pouce de plus pour qu’ils chevauchent tes uns sur les autres, de manière.que l’eau des pluies coule.de l'un sur l’autre comme sur les tuiles d’un toit, et se perde dans le bas. Sur ce chevauchement des deux car- reaux, ou, pour mieux dire, entre les deux verres, on peut introduire légèrement un peu de mastic, pour qu'il n’y passe aucun air ni neige subülisée , lorsqu'elle est fouettée par le vent; mais, quand les deux verres DES JARDINS. 239 s’approchent bien, on peut n’y rien mettre, d'autant plus que ce mastic ôte toujours du soleil. J'ai omis de diré que, sur la partie antérieure du cadre, il doit y avoir une feuillure en dedans, de trois lignes au moins, pour y recevoir les carreaux qu'on y mastique de la même manière que sur les montans ; et, par cette dis- position , le verre se trouve presque de niveau avec le cadre. « Le mastic est une composition de blanc de céruse, de litarge et d'huile de lin, assez connue partout; mais il est bon que je dise que, pour le faire durer plus long- temps , il faut y passer, aussitôt employé , une couche de couleur. | « Pour la facilité de placer et déplacer ces panneaux , on attache aux deux extrémités et dans le milieu deux anneaux de fer, de force et grandeur suffisantes pour y passer deux doigts; deux hommes les prennent cha- cun par un bout, et les portent sans peine ni risque. Ils servent également à tirer à soi quand on veut donner de l'air aux plants, ou quand on les veut travailler ; on pousse le bout du panneau dans le sentier opposé à celui où on est; ce côté fait, on passe de l’autre, et on y fait la même opération. Pour empêcher, dans les grandes tempêtes, que le vent ne les enlève, quoique baissés , il faut arrêter chaque panneau par un crochet que l'on attache sur la caisse, et qui s'accroche à un piton à vis qu'on’ perce dans l'épaisseur du cadre sur le derrière. Pour les élever, lorsqu'on veut donner de l'air aux plantes sur le derrière , on a, pour en donner plus ou moins à sa volonté, des morceaux de bois entaillés comme une crémaillère , qui s’enfoncent dans le sentier et sur lesquels on repose le panneau lorsqu'il convient de donner de l'air de ce côté ; car ce sont les vents et les saisons qui doivent régler à cet égard ; s’il con- vient de le donner du côté du midi, on n'a qu'à re- pousser les châssis du côté du nord, plus où moins, 236 DES JARDINS. suivant que le besoin l'exige. La règle générale est de le donner du côté opposé au vent , quel qu'il soit, lors- qu'il est froid ou qu'il souflle avec violence. Cependant, dans les grandes chaleurs , quand il ne fait'aucun vent, il est plus avantageux aux plants de tirer l'air du côté du nord, qui tempère mieux l’ardeur du soleil , et ce mé- lange d’air avec le soleil leur est très-favorable. » Long-temps nous avons fait construire nos châssis, comme le dit De Combles ; mais l'expérience nous y a fait faire ensuite quelques changemens que nous croyons avantageux. [l conseille de maintenir les panneaux au moyen de tringles ; nous avons trouvé plus commode et plus simple de les maintenir en bas par le moyen de petits morceaux de bois solidement cloués, comme on le voit dans la fig. 3 de la pl. 6. Ils ne s'ouvrent plus en glissant sur les traverses , mais en se soulevant par der- rière ou par devant, et ils se maintiennent ouverts par de petites crémaillères , comme en D, fig. 3. Il résulte de cette méthode que, lorsqu’on donne de l’air, il pénètre autour des trois côtés du panneau, et se renouvelle en- tièrement dans le châssis en formant un léger courant qui emporte avec lui l'humidité, ce qui n’arrivait pas lorsqu'on se contentait de découvrir une partie en fai- sant glisser le panneau. De Combles recommande de placer les montans des panneaux à dix pouces les uns des autres , ce qui exige des carreaux de verre de cette largeur , et par consé- quent une grande dépense pour peu qu'un établissement soit considérable. Nous avons trouvé beaucoup plus d'avantages, sous plusieurs rapports, de faire rappro- cher les montans de cinq à neuf pouces, selon que les plantes exigent plus ou moins de lumière. Les verres en acquièrent une solidité capable de les faire résister à une grêle légère ; ils sont beaucoup plus économiques, parce que les petits fragmens que les vitriers amassent peu- vent servir, pourvu qu'ils aient de cinq-à neuf pouces DES JARDINS. 237 de longueur , leur largeur ne fûüt-elle que de trois ou quatre pouces. Quoi qu'en dise De Combles , la chaleur qu'ils concentrent dans l’intérieur du châssis est tout autant considérable, les plantes craignent moins les coups de soleil, et le panneau est beaucoup plus solide. Cependant , quand il s’agit de cinq à sept pouces de lar- geur, nous n’entendons parler que des panneaux de châssis, et seulement pendant l'été ou pour les plantes qui ne demandent pas une très-grande lumière. Une condition essentielle pour assurer la conservation des verres, c’est d’avoir toujours à portée, soit pour châssis , bâches, ou pour serres, des paillassons dont on les couvre à la première apparence d’un orage. Si on se trouvait surpris, et que l’on n’eût pas de paillassons prêts, on se hâterait de jeter dessus de la litière , du fu- mier , des feuilles , de la paille, ou autre chose capable de les garantir , et qui se trouverait sous la main. Leur entretien demande aussi quelques soins ; on les nettoie avec un chiffon et de l’eau chaque fois qu’un peu de crasse se montre à leur surface supérieure et inférieure ; on essuie , au besoin , les vapeurs humides qui s’y sont attachées pendant la nuit ; et ceci est de rigueur, non- seulement pour conserver la transparence des verres, mais encore pour garantir les plantes de la pourriture. Si un accident brise un carreau, il faut le remplacer sur- le-champ ; on en taille un autre avec un diamant de vi- trier , on l’ajuste entre les feuillures des deux montans ; on le maintient de chaque côté avec deux petits clous à pointe sans tête , et on lui donne de la solidité avec le mastic ; chaque carreau doit déborder de trois ou quatre lignes au moins sur celui qui se trouve après lui, et même de sept ou huit si le panneau n’a que très - peu de pente , mais il n’est jamais nécessaire de les mastiquer l'un sur l’autre , comme le dit De Combles. Quant au bois , si on tient à conserver long-temps un châssis ou toute autre construction de ce genre , il fau- 238 DES JARDINS. dra d’abord lui donner trois bonnes couches de couleur à l’huile , et tous les ans on en appliquera une nou- velle. Le chässis fixe( pl. 6, fig. 3) diffère peu du châssis portatif ; cependant on a pour le construire plusieurs manières qui vont nous fournir quelques détails. Après avoir déterminé sa largeur et sa longueur en raison de la culture à laquelle on le destine, on creuse, en terrain sec et à exposition favorable, une fosse dans les mêmes dimensions , à laquelle on donne la profondeur déter- minée par l'épaisseur de la couche que l’on doit y faire. On enfonce aux quatre coins un pieu équarri propre- ment , d’une hauteur déterminée sur celle que doit avoir la caisse, tant sur le devant que sur le derrière. Depuis le fond de la fosse jusqu’au sommet du pieu on as- semble des planches que l’on cloue solidement de ma- nière à former une caisse de châssis à moitié ou aux trois quarts enterrée, d'où il résulte que la couche se trouve encaissée. Par un autre moyen on atteint le même but , mais d’une manière plus satisfaisante, parce queles bois , ne se trouvant pas enterrés, ne sont pas sujets à se pour- ir. On creuse la fosse de la même manière, mais on élève contre ses parois un petit mur de briques sur lequel re- pose la caisse du châssis à fleur de terre. Enfin une troisième méthode consiste à remplacer toute la caisse par cette construction en briques, que l’on élève hors de terre en conséquence. On ajuste dessus un cadre en charpente pour porter les traverses et les panneaux. Du reste, tout s'achève comme s’il s'agissait de faire un châs- sis portatif. L'usage des châssis est presque universel, parce qu'é- tant peu dispendieux ils peuvent néanmoins remplacer les serres jusqu’à un certain point, comme nous l'avons déjà dit. On peut cultiver dessous non-seulement les plantes d'orangerie et de serre tempérée, mais encore Ja plupart de celles de serre chaude. Il est vrai que ce DES JARDINS. 239 que l’on gagne en économie, on le perd bien par les soins continuels qu’elles exigent. On prépare sous châs- sis des couches sans chaleur , des couches tièdes , chau- des et des tannées ; mais, dans les unes comme dans les autres, les plantes sont beaucoup plus sujettes que dansles serres à être attaquées par l'humidité , la moisissure et le pourri, outre les coups d'air, les coups de soleil et l’étiolement. Nous allons exposer les précautions géné- rales qu'il faut prendre afin d'éviter ces inconvéniens. Pour éviter l'humidité, il faudra d’abord prendre les moyens que nous avons indiqués à l’article couche, c'est-à-dire, avant de faire celle-ci, placer au fond des plâtras, de la pierraille ou du sable , et assurer à l’eau un écoulement facile. Toutes les fois que l’on verra des gouttes d’eau amassées contre les parois intérieures des panneaux , on les essuiera avec un linge ou une éponge; en arrosant, on ne donnera jamais aux plantes que la quantité d’eau nécessaire, et l’on aura grand soin de ne pas en laisser tomber sur la couche , ou de la faire dé: border par-dessus les pots. On enlèvera scrupuleusement toutes les ordures qui auront pu s’amasser sur le feuil- lage des plantes et aux bifurcations des branches et des tiges, ainsi que les feuilles et tiges moisies ou pourries. On espacera les plantes de manière à ce que l’air puisse facilement circuler autour de chacune. Toutes les fois que le thermomètre ne marquera que » ou 3 de- grés au-dessus de glace, on tiendra les châssis exacte- ment fermés; et, si le froid prend de l'intensité, on couvrira les panneaux avec des paillassons et de la li- tière sèche ; on entassera une bonne quantité de celle- ci contre les côtés de la caisse, et enfin on prendra toutes les précautions nécessaires pour empêcher la gelée de pénétrer dans l'intérieur. Mais , si les plantes restaient ainsi privées d'air et de lumière pendant un certain espace de temps, elles s’é- tioléraient et périraient infailliblement. Il faudra donc 2/10 DES JARDINS. profiter de tous les momens de soleil pour les faire jouir de ‘ses rayons en découvrant les panneaux, et profiter avec plus d'empressement encore des instans où le thermomètre montera à 5 ou 6 degrés au-dessus de glace pour soulever les panneaux et donner de l'air. Mais , lorsque les plantes auront été long-tempsétouflées, il ne faudra les mettre en contact avec l'air extérieur que peu à peu, afin de ne pas les exposer à périr subite- ment par un coup d'air. On ouvrira donc peu le pan- neau le premier jour, un peu plus le second , et ainsi de suite pendant une huitaine de jours, c’est-à-dire, jusqu'à ce qu’elles ysoïent accoutumées , et que le danger soit passé, et avec la précaution de jeter devant l'ouverture un peu de litière, ou d’y placer des paillassons. Dès le mois de mars les rayons du soleil prennent une force qui devient funeste aux plantes de châssis et de serre, si l’on n’y prend garde. Aussi, dans cette saison etpendant tout l'été, on couvrira les verres des panneaux avec des toiles ou des paillassons pendant la partie du jour la plus chaude, c’est-à-dire, depuis onze heures du matin jusqu’à deux pendant le printemps, et depuis neuf heures jusqu'à cinq pendant l'été, Enfin, l'expérience enseignera encore beaucoup d’autres précautions dont aucune n’est à négliger, quelque minutieuse qu'elle paraisse. SECTION III. DES SERRES. Lorsque l’on veut posséder des végétaux appartenant aux différentes parties du monde, il faut avoir des serres de plusieurs sortes, afin de donner à chaque plante les soins et la température qui lui conviennent. De même que notre globe se divise en zones glaciale ; tempérée et torride, on a aussi construit des serres froides , c'est-a- dire, sans chaleur artificielle , tempérées et chaudes. Au premier coup d'œil quelques personnes.ne regar+ DES JARDINS. 241 deront pas ce rapprochement comme très-juste : com- ment , diront-elles, comparer la température de la zone glaciale à celle d’une orangerie ? Des végétaux qui crois- sent à la baie d'Hudson , dans le Groënland, en Sibérie, peuvent-ils craindre le froid sous le ce de Paris ? Oui; la preuve, c’est que la plupart des plantes qu'on nous apporte de ces contrées périssent l'hiver dans nos jardins si on les met en pleine terre ;'et la raison en est fort simple. Dans le nord les approches de l'hiver s’an- noncent par des neiges considérables qui s’amoncèlent à six, dix et même quinze pieds d'épaisseur sur la terre ; les végétaux qui ne dépassent pas cette hauteur se trou- vent ensevelis et par conséquent abrités du froid. On sait combien une semblable couverture est favorable à Ja végétation ; ses effets sont encore plus remarquables dans ces contrées glaciales que chez nous, puisque, lorsque le printemps fait fondre les neiges , il n’est pas rare de voir sortir de dessous des violettes, des ané- mones et des primevères en fleurs. Cependant il doit y avoir encore d’autres raisons qui font que telle plante résistera mieux au froid dans certain pays que dans un autre ; par exemple, nous avons vu'en Angleterre des arbres, et entre autres des camellia, des magnolia, des araucaria imbricata, etc. , qui passaient ab bient hiver en pleine terre, quoiqu'il n’y eût que peu de neige , tandis que sous le climat de Paris ils exigent rigoureusement l’orangerie. Peut-être un jour les hrs logistes feront-ils des che à ce sujet, et découvri- ront-ils la cause cachée qui produit de si singuliers effets: On a aussi construit des serres aquatiques pour les plantes qui ne peuvent croître que dans l’eau, mais ce genre de construction n’a guère été berfeer nel qu'en Angleterre. Nous en avons figuré une dans la pl. 4, Ag. 1. Les serres sans chaleur artificielle comprennent les jardins d'hiver, pl. 3, fig. 1 ; les serres chinoises, pl, ne. 16 242 DES JARDINS. 8, Jig. 1 ; l'orangerie, pl. 7, fig.2; les pis , pl. 9 » far: 1 serre à géraniums, pl. 9, fig. Les serres tempérées renferment (aie serre tempérée ordinaire, pl. 10, fig. x ; et la serre tempérée pour plantes grasses. Les serres chaudes comprennent la serre à boutures, ! pl rx, fig. 2 ; la serre des jeunes plantes, pl. 10, fig. x; et la serre des plantes faites ou de la zone torride, pl. ig. 25 etpl. 1r, fig. x. Ces diverses serres diffèrent par leurs formes, mais principalement par la température qu’on y entretient continuellement au moyen des fourneaux et des tan-' nées. Les fourneaux ou poëles doivent être en maçonnerie de briques et de terre. Leur grandeur et leur nombre se- ront calculés sur la grandeur des serres où on les pla- cera, ainsi que sur le degré de chaleur qu'ils devront leur communiquer. Dans tous les cas, il sera essentiel de les construire de manière à ce qu'il ne puisse pénétrer aucune fumée dans la serre ; et pour cela leur ouverture doit être dehors, ou, ce qui vaut beaucoup mieux, dans un petit cabinet vitré joignant la serre, et que l'on peut utiliser en y placant des rayons sur lesquels on dépose des plantes grasses d’orangerie. Si Pon dev bâtir deux corps de serre, on construi- rait ce cabinet entre les deux, de manière à y placer l'ouverture des deux Hans l’une à droite, l’autre à gauche. L’utilité d’un cabinet ne se borne pas à mettre à couvert des intempéries de l'air l’homme chargé d’en- trelenir le feu des fourneaux , il sert encore à empêcher les vents froids de pénétrer dans la serre lorsqu'on en ouvre la porte pour y entrer, ce qui évite aux plantes le danger des coups d'air, bi assez souvent les tuent subilement. Aussi RG no ces pelites construc- tions dans tous les cas, mais surtout pour les serres chaudes et tempérées , où les plantes, étant continuelle- DES JARDINS. 243 ment en état de transpiration, sont beaucoup plus sensi- bles à la transition subite du chaud au froid. Long-temps on a distribué les tuyaux des poëles le long des muis de la serre et à une certaine hauteur; mais cette méthode est vicieuse en ce que la chaleur, Éidant plutôt à monter qu'a descendre, abandonne les couches ou au moins ne les pénètre pas. Îl vaut donc beaucoup mieux les faire passer sous les sentiers pratiqués entre les couches, comme nous l'avons indiqué en A dans la coupe, fig. 1, pl. rr. Ces tuyaux doivent être en terre cuite et épaisse, afin qu'ils conservent plus long-temps leur chaleur et qu'ils la répandent plus également. Ceux en tôle ou en fer ne valent absolument rien pour cela, outre qu'ils sont dangereux sous le rapport du feu. S'il arrivait que la fumée refusât de prendre son cours dans le tuyau d’un fourneau , et qu'elle refluât par la porte, on ferait chauffer le tuyau à dix-huit pouces ou deux pieds de son embouchure dans le fourneau ; et par ce moyen, en raréfiant l'air, on le forcerait à former un courant qui donnerait cours à la fumée. Si cet inconvé- nient se renouvelait, on ferait bien d'établir un réchaud à demeure , avec des briques; et, toutes les fois qu'on voudrait allumer le poële, on commencerait par y faire brûler un peu de charbon pour chauffer le tuyau. Le bois est le seul combustible dont on doivese servir pour chauffer une serre , à moins que ce ne soit dans un pays où son excessive cherté en défend l'usage. Dans ce cas on donnerait toujours la préférence aux matières qui : ont le moins d’odeur en brûlant, et l’on n’emploierait la houille que dans le cas où l’on ne pourraitfaire autrement. A Ja rigueur on peut se dispenser de maçonner des fourneaux dans les jardins d'hiver et dans les orangeries; maïs cependant on est obligé d’y avoir du feu quand les gelées sont très-fortes, non pas pour y entretenir de la chaleur, mais seulement pour empêcher le thermomè- tre de Réaumur de descendre au-dessous de zéro. Quel- 244 DES JARDINS. ques personnes se contentent d’y allumer des terrines qu’elles y déposent pendant la nuit, mais les vapeurs du charbon sont très-nuisibles aux plantes ; comme l’acide carbonique y domine, il agit sur elles en stimulant la végétation dans une saison où toute l’industrie du cului- vateur doit s'employer à l'empêcher. On remplacera ces terrines par des poëles en faïence, sans tuyaux, dans lesquels on renfermera de la braise recouverte de cendres chaudes, prises dans un foyer où dans les fourneaux des serres chaudes. Les poëles roulans dont on se servait autrefois pour chauffer les salles à manger pendant le repas, sont excellens pour cet usage. Si l’on n'avait pas de braise à sa disposition, et qu'il fallüt absolument se servir de charbon, on aurait au moins la précaution de l'allumer en plein air, et de ne l’apporter dans la serre que lorsqu'il serait assez consumé pour ne pas exhaler de vapeurs suflocantes. y $ [L. De la Serre aquatique. Les Indes, l'Égypte, l'Amérique méridionale et beau- coup d’autres pays chauds, possèdent un grand nombre ‘ de plantes superbes qui ne croissent que dans l’eau, et qui pour cette raison sont restées rares en Europe ; tels sont un grand nombre de souchets, de nénufars et autres végétaux. Les Anglais seuls, jusqu’à ce jour, ont établi des serres entièrement consacrées à la culture de ces plantes, et celle que nousavons figurée, pl. 4, fig. x, a son modèle dans les environs de Londres. Sa largeur est de douze pieds, et sa longueur de cin- quante ; un bassin en plomb, de huit pieds de longueur sur trois de profondeur, règne sur toute sa largeur ; à côté de la porte se trouve un fourneau sur lequel une très-grande chaudière est fixée à demeure au moyen d’une maconnerie en terre et en briques; un robinet en cuivre est soudé dans le fond, et en verse l’eau dans un DES JARDINS. 245 tuyau de plomb qui la conduit dans le bassin ; tout Le reste est construit sur le plan d’une serre chaude ordinaire. Les plantes croissent en pleine eau ou dans des pots et des baquets qui y sont plongés. Pour les premières , on étend au fond du bassin une couche de terre de six ou huit pouces, dans laquelle s’implantent leurs racines toujours traçcantes. On conçoit qu'aucun engrais ne doit y être mélé pour ne pas troubler et corrompre l’eau. Les secon- des se plantent dans des baquets en chêne remplis de terre tourbeuse, ou, à défaut, de terre de bruyère mé- langée par moitié avec de la terre franche. Une chose essentielle , c’est de tenir toujours l’eau limpide autant que possible, ce à quoi on parvient en la renouvelant quand il est nécessaire et par parties. Pendant l'été on peut remplacer celle que l’on enlève par de l'eau de ri- vière, ou de marre si elle est claire ; faute de celle-ci, on se sert d’eau de puits et de fontaine; mais, avant de la jeter dans le bassin, il faut la laisser pendant trois où quatre jours dans des tonneaux, pour qu’elle se réchauffe et se mette en équilibre avec la température de l’atmos- phère. L'hiver onen remplit la chaudière et on la lâche dans le bassin lorsqu'elle est un peu plus que tiède : en se mélangeant avec celle dont il est rempli, elle perd la chaleur qu’elle avait de trop et la communique à l’autre. On aura deux thermomètres , dont l’un sera constam- ment plongé dans l’eau du bassin, et l’autre attaché con- tre le mur à l'extrémité de la serre opposée au poële. Le thermomètre plongé dans l'eau marquera constam- ment ro degrés, et l’on maintiendra à 15 ou 20 celui qui sera contre la muraille. Il est de rigueur que la tem- pérature de l'air soit toujours à quelques degrés au-des- sus de celle de l’eau; car sans cela il s’élèverait de cette dernière des vapeurs qui s’attacheraient partout et pour- riraient les bois des panneaux et des traverses. Quoique l'eau de la chaudière répande peu de va- peurs à cause du peu de degrés auxquels on fait montez 246 DES 4ARDINS. sa chaleur , néanmoins il faudra toujours la tenir cou- verte au moyen d’un rondeau en planche qui la mas- quera. On conçoit aisément qu'elle n’occasionera au- cune dépense, puisque ce sera le feu que l’on est obligé d'entretenir dans le fourneau qui la chaufféra. La chau- dière sera en fer et non en cuivre, parce que, se trouvant souvent chauffée à vide, ce dernier métal serait bientôt brülé. Il faut bien se pénétrer d’une chose , c’est que l’on ne jette pas de l'eau chaude dans le bassin pour en réchauffer l'eau, mais seulement pour ne pas la laisser refroidir. Ain- si, tant qu'elle se maïntiendra limpide et qu'il n’y aurapas besoin de la changer, on se donnera bien de garde d'en augmenter la chaleur autrement qu’en augmentant celle de l’air. L'équilibre nécessaire qui doit exister entre sa température et celle de la serre s'établit naturellement, et toujours de la manière la plus avantageuse aux plantes. Il est un moyen fort simple de s'assurer quand Peau se décomposera et cessera d’être favorable à la végéta- ton : il ne s’agit que d’y mettre des poissons rouges, ou d'autre espèce ; tant qu'ils seront vifs et bien portans, l'eau aura toutes les qualités désirables; mais, dès qu'on s'apercevra qu'ils viendront chercher l'air à la surface, que leurs mouvemens deviendront lourds, ou qu'ils na- geront un peu sur le côté, ce sera une preuve que l’eau aura perdu de ses principes, et qu’elle sera sur le point de se corrompre. C’est alors qu’on se hâtera de la re- nouveler. Quant aux soins à donner aux plantes, ils se bornent à enlever scrupuleusement les feuilles pourries , avec l'extrême précaution de n’occasioner aucune déchi- rure, surtout aux parties submergées. Lorsqu'on sera obligé d'y porter la serpette, il faudra avoir soin de couper toujours au-dessus de la surface de l’eau, pour ne pas donner à celle-ci un passage qui puisse la laisser pénétrer dans le tissu cellulaire de la plante. DES JARDINS. 247 Les végétaux aquatiques ne peuvent guère se multi- plier que par graines, par drageons et par l'éclat des touffes. Pour le premier cas on fera très-bien de semer les plantes précieuses dans des pots, que l’on tiendra submergés dans des baquets ou des terrines. N’étant couvertes que d’un ou deux pouces d’eau, 4 sera beau- coup plus facile de suivre les progrès de la germination et de donner aux jeunes sujets les soins que les circons- tances exigeront. À mesure que la plante croîtra et pren- dra de Ja force, on la submergera davantage ; et, lors- qu'elle sera parvenue à une certaine grandeur, on la mettra dans le bassin pour être abandonnée à sa propre vigueur. S'il s'agissait de l’ôter de son pot pour la mettre en plein bassin, on la tiendrait pendant quelques heures hors de l’eau , afin de donner à la terre du pot le temps de se raflermir; puis on dépoterait à la manière ordi- : naire, et un homme entrerait dans l’eau du bassin pour enfoncer la motte, sans la briser, dans la vase du fond. Lorsqu'on multiplie une plante aquatique, en éclatant . une touffe ou en séparant les drageons, il faut que cette opération se fasse par déchirement, sans employer d’ins- trument tranchant, à moins que ce nesoit indispensable. $ IL Du Jardin d'hiver. Nous avons figuré , pl. 7, fig. 1, celui de notre éta- blissement. Deux murs de quatre pieds d’élévation por- tent un premier rang de panneaux légèrement inclinés, afin de laisser à l’intérieur plus de place pour le déve- loppement des arbres. Sur ceux-ci sont posés d’autres panneaux formant le faite de la construction, et incli- nés à l'angle de 4o degrés. Le sens de la longueur est de l’orient à l'occident, de manière que les panneaux sont tournés au nord et au midi : dans une localité plus convenable, il sera mieux de la mettre du nord au midi, afin que les deux côtés jouissent des rayons du soleil, 248 DES JARDINS. l’un le matin, et l’autre l'après-midi. La charpente se compose des traverses destinées à soutenir les panneaux, qui s'enlèvent et se placent à volonté. L'intérieur de la serre est divisé en deux larges plate- bandes de terre de bruyère, séparées par une allée sa- blée et sinueuse. Nous avons planté, en pleine terre, dans tout l’espace de la serre, des arbrisseaux et plan- tes fleurissant depuis le commencement de novembre jusqu’en avril, de manière à jouir de toute la beauté du jardin d'hiver à une époque où la terre, dépouillée de verdure, est couverte de tristes frimas. Cependant nous avons plus spécialement destiné cette serre à la culture des camellia, des pivoines et des magnolia de la Chine, qui y acquièrent toute leur beauté , et y produisent un effet charmant. Les plantes cultivées dans le jardin d’hiver n’exigent pas d’autres soins que celles cultivées en pleine terre à l'air libre ; seulement on a la précaution de ne laisser aucunes feuilles pourries, et de couper scrupuleusement le bois mort et les parties où se montre de la moisissure. Lors- que les froids deviennent rigoureux, on couvre les deux rangs de panneaux exposés au nord, avec une bonne épaisseur de litière ou de feuilles sèches bien compri- mées sur les verres, et l’on jette par-dessus un double rang de paillassons pour en détourner les eaux de pluies, qui pourriraient la litière, et la rendraient moins propreà conserver la chaleur. Ces deux rangs de panneaux res- tent ainsi couverts pendant tout le temps que les gelées sont rigoureuses. Mais 1] n’en est pas de même de ceux regardant le midi; on se contente le plus souvent d'y étendre un peu de litière et des paillassons, que l’on en- lève toutes les fois que le soleil paraît sur l'horizon, pour ne les replacer que la nuit. Lorsqu'il cesse de ge- ler, ne fût-ce que pendant quelques heures, on se hâte de profiter de ces heureux momens pour donner de l'air en soulevant quelques panneaux, Néanmoins ceci ne DES JARDINS. 249 doit se faire que par un temps sec, sans vent et sans brouillard. % Dans un jardin de luxe cétte serre permet à un archi- tecte de déployer toute l'élégance, toute la richesse de son art. Sa hauteur, sa largeur et sa longueur sont ab- solument arbitraires, de manière qu'on peut l’enrichir de statues, de bassins et de jets d’eau, de colonnes, etc. Quoique les plantes qu'on y cultive n’exigent pas de chaleur , cependant elles craignent le froid, et jamais le thermomètre ne doit y descendre au-dessous de 2 ou 3 degrés au-dessus de zéro. Lorsque la serre est enter- rée de trois ou quatre pieds, on peut à la rigueur se passer de fourneau , et se contenter, lors des fortes ge- lées, d'y déposer pendant la nuit des poëles roulans remplis de braise. Si on y construit un fourneau, il faut que le tuyau de chaleur passe dans la muraille et non pas dans le sen- tier, parce que celui-ci se trouve sur la pleine terre et non recouvert de planches. On ménage donc, dans un des murs, un canal carré, voyez pl. 9, fig. 3, qui re- coit le tuyau, et laisse échapper la chaleur dans la serre par des ventouses hautes de six pouces et larges de six à dix lignes, comme nous les avons figurées, PL. 9, fig. 4. On a soin de ne pas trop pousser le feu, afin que la chaleur ne fasse jamais monter le thermomè- tre au-dessus de cinq ou six degrés. Si l’on chauffait davantage, les plantes, au lieu de fleurir, pousseraient des bourgeons minces et étiolés , qui épuiseraient les tiges et les exposeraient à périr. - Dans un coin de cette serre, comme dans toutes les autres, on placera un tonneau masqué par le feuillage de quelques arbustes ; on y déposera trois ou quatre jours d'avance l’eau destinée aux arrosemens, afin de lui donner le temps de s’échaufler au même degré que la température où les plantes se trouvent. La terre des plate - bandes se cultive avec la béche, la binette et la Ci RS nn ne 250 DES JARDINS. serfouette de la même manière qu’à l'air libre, mais avec la précaution de ne jamais la remuer en hiver, c'est-à-dire, tant que les couvertures des panneaux in- terceptent l’air et la lumière. | S III, De /a Serre chinoise. Nous avons figuré la nôtre, pl. 8, fig. 1. Elle con- siste en deux murs de quatre pieds d’élévation, sup- portant des panneaux formant le faîte et inclinés à l'angle de 4o degrés. Son exposition est la même que celle du jardin d'hiver, c’est-à-dire qu’une des lignes des panneaux regarde le nord , et l’autre le midi. Celle du nord se couvre de la mème manière pendant l'hiver. La serre chinoise est destinée à l'éducation des plantes délicates d’orangerie. On les y place dès leur première jeunesse, et on les y laisse (pendant le temps où les plantes sont rentrées ) jusqu’à ce qu’elles aient pris assez de force, que leurs tiges soient devenues assez ligneuses pour pouvoir sans inconvénient se passer d’une grande somme de lumière; car cette serre n’a pas d’autre but que de les faire jouir de son influence au plus haut degré. De chaque côté, contre des murs, sont des encaisse- mens en planches pour contenir des couches sans cha- leur, consistant en fumier à demi consommé, recouvert de sept ou huit pouces de terre de bruyère. Ces conches s'élèvent à deux pieds et demi, ce qui laisse dix-huit pouces de mur entre elles et le point le plus bas des panneaux , distance suflisante pour le développement du feuillage des jeunes plantes. On peut, si on le veut, y enterrer les pots, ce qui maintient une humidité favo- rable autour des racines des végétaux qu’ils contiennent ; ou bien, ce qui vaut mieux, quand on met beaucoup de soins dans les arrosemens, on étend sur la couche un lit d’un demi-pouce de gros sable, et on place les pots DES JARDINS. 251 dessus sans les y enfoncer. Ce sable empêche la terre de se mastiquer au trou du fond du pot, et de le bou- cher ; accident qui arrive souvent quand on n’a pas cette précaution, et alors l’eau des arrosemens, ne trou- vant plus d’issue, s'amasse au fond , s’y croupit, et noie ou pourrit les racines des plantes. On ne s’en aperçoit qu’au moment où le feuillage jaunit et tombe, et déjà il n’est plus temps d'y porter remède: la plante périt, malgré toutes les tardives précautions que l'on peut prendre. La serre chinoise n’exige pas plus de chaleur que le jardin d'hiver et moins encore , car on ne cherche pas à faire fleurir les plantes , et tous les soins consistent au contraire à empêcher la végétation pendant l'hiver. On se bornera donc à maintenir le thermomètre à deux ou trois degrés au-dessus de zéro. Si la serre est enterrée, on peut s'abstenir d’y cons- truire un fourneau ; dans ce cas on oppose des poëles roulans aux efforts de la gelée. Mais, s’il en est autre- ment , on y en établit un , dont on fait passer le tuyau sous le sentier , et avec l'extrême précaution ( ce qui se doit dans toutes les circonstances ) de l’isoler des plan- ches et des fumiers des couches, au moyen de briques qui le maintiennent dans une disposition solide ; sans cela on courrait la chance de mettre le feu. Du reste les plantes se soignent de la même manière que celles d’orangerie, $ IV. De l'Orangerie. C’est assez ordinairement dans la construction de ce genre de serre que la richesse du propriétaire d’un jar- din aime à se montrer. La raison en est qu'une orangerie se prête avec facilité à toutes les formes qu’on veut lui donner , et permet à l’architecte d'employer les règles sévères de proportion que son art exige. Aussi cette 252 DES JARDINS. construction appartient-elle, pour ainsi dire, plus à l'architecture qu’au jardinage , et c’est pour cette raison que nous ne traiterons ici que des conditions essentielles pour l'entretien et la santé des plantes , laissant à l’ar- chitecte le soin de lui donner l'élégance et le genre de beauté qui appartiennent à l’art. Une orangerie (pl. 7, fig. 2») doit être assez spacieuse pour que tous les végétaux qu’elle renferme aient de l'air et de la lumière , pour qu’on ne soit pas obligé de les y entasser les uns sur les autres de façon à les étoufier. Sa hauteur doit être, calculée de manière à ee que les plus grands végétaux destinés à y passer l'hiver n’en at- teignent pas le plafond ; entre celui-ci et le sommet des plus hautes branches, il faut qu'il y ait au moins trois ou quatre pieds d'intervalle, et que l'air puisse circuler librement. Une des qualités essentielles, qu’elle doit avoir est d'être parfaitement sèche. Aussi la construira-t-on sur un terrain très-sain ; et, pour plus grande précaution , on fera très-bien de l’exhausser de quelques pouces au dessus du niveau du sol. Mais alors on arrangera son en- trée en pente douce pour éviter d'y mettre une marche d'escalier , ce qui nuirait beaucoup à la facilité du trans- port des grosses caisses d’orangers. Pour peu que le ter- rain fût humide , on y construirait plusieurs petits ca- naux que l’on remplirait de pierrailles, et que l’on ferait aboutir, par une pente assez raide , à des puisards , ou dans un endroit où les eaux trouveraient un facile écou- lement. Nous n'avons pas besoin de dire que sous aucun prétexte elle ne doit être enterrée comme beaucoup d'autres serres. Il faut qu’elle soit close de manière à ce que jamais le froid ne puisse y pénétrer ; et cette raison fait que sou- vent on la voûte en maçonnerie, ce qui ést excellent sans être indispensable. On peut se contenter d’un pla- fond en planche , sur lequel on jette une bonne épais- DES JARDINS. 253 seur de feuilles sèches, et l’on s’en dispense même si l’on fait un toit épais et en chaume ; dans ce cas quelques lattes et un peu de plâtre sont suflisans pour établir le plafond. Il est nécessaire que les fenêtres soient extrêmement grandes , de toute la hauteur de la serre s’il est possible. Plus elles auront de jour, plus elles seront adaptées à une bonne culture. L'architecte, en déterminant leurs proportions, se pénétrera de l’idée que, s’il pouvait vi- trer la plus grande partie de la façade , l’orangerie n’en serait que meilleure. Cette facade sera tournée au midi; néanmoins l'exposition du levant et même à la rigueur celle du couchant peuvent suffire. Dans les contrées placées au-dessus du cinquantième degré de latitude, un fourneau est indispensable dans une orangerie ; alors on fait passer le tuyau dans les murs, de la même manière que nous l’avons dit pour le jardin d'hiver et que nous l'avons figuré (pl. 9, Jig. 3 et 4); mais nous ne conseillerons pas de faire d’un poële un objet d'ornement, comme on n’en voit que trop dans la plupart des serres. Les végétaux doivent toujours jouer le premier rôle dans une scène semblable : si vous y pla- cez des objets capables d’en détourner l'attention , votre maladresse détruit tout le piquant d’une scène dont le sujet principal est éclipsé. Notre avis est au contraire qu'on doit masquer le moyen artificiel par lequel on maintient , dans toute sa beauté, une verdure d’autant plus agréable que sa gaîté contraste davantage avec la tristesse de la saison. Dans les climats où l’on peut se passer de fourneau , on doit, en cas de froids extraor- dinaires, employer les poëles roulans. Plus encore pour l’orangerie que pour les serres pré- cédentes , on se donnera de garde d'élever la chaleur. S'il était possible de toujours maintenir le thermomètre à 2 degrés au - dessus de zéro , les arbres ne s’en porte- raient que mieux; mais , dans tous les cas, on veillera 254 DES JARDINS. scrupuleusement à ce qu’il ne monte jamais au-dessus de 4 à 5 degrés, surtout quand les arbres auront encore quelque temps à rester renfermés. Nous pensons qu’une négligence qui laisserait le froid pénétrer dansl'orangerie au point de faire baisser le thermomètre à 2 ou 3 degrés au-dessous de glace, serait moins préjudiciable aux plan- tes qu'un excès de précaution qui le maintiendraît pen: dant quelques jours seulement à 6 ou 8 degrés au-dessus; car alors la végétation se développerait infailliblement ; Jes gemmes s'allongeraient en bourgeons languissans qui énerveraient le végétal , se dessécheraient rapidement à l'air , et affaibliraient l'arbre pour plusieurs années. Un point rigoureux pour assurer la conservation des plantes dans l’orangerie , c'est de choisir avec discerne- ment le moment de les rentrer. Quelques auteurs ont fixé cette époque au 15 octobre, qui , en effet , est assez ordinairement le moment favorable à la température de Paris , mais qui ne peut convenir tous les ans ni partout. Aussinousrecommanderonsau jardinier intelligent de ne point prendre pour guide tel quantième de tel mois ; mais l’état de l'atmosphère et de la saison , deux choses qui varient constamment selon les lieux et les années. Si l’on attendait les premières gelées, il serait trop tard, pour deux raisons ; la première , c'est que l’on courrait risque de se laisser surprendre et de voir les arbres at- teints avant qu'on ait pu les soustraire à leurs pernicieux effets; la seconde, et peut-être la plus grave , c’est que l'on serait obligé de fermer la serre dès que les arbres y seraient placés : n'ayant point été accoutüumés peu à peu, comme cela doit être , à la privation d'air, ils éprouve- raient une espèce de suffocation qui les fatiguerait con- sidérablement , les rendrait plus susceptibles de moïsis- sure , et pourrait peut-être les exposer à périr. Le véritable moment de rentrer les arbres d’orangerie est indiqué par la cessation totale de la végétation dans ces mêmes arbres , et par la première chute des feuilles DES JARDINS. 255 des arbres de pleine terre , particulièrement des arbres fruitiers ; d’où il résulte que la rentrée aura lieu plus tôt ou plus tard , selon que la saison aura été plus ou moins tardive. Cette règle recoit aussi son application dans tous les climats. Pour rentrer les plantes, on choisira un jour serein, sans brouillard ni aucune humidité , afin que les feuilles soient parfaitement sèches. Quant à la terre des caisses ou des pots , on aura pris quelques jours d'avance la pré- caution de modérer les arrosemens, pour qu’elle ne porte pas dans l’orangerie une humidité beaucoup plus perni- cieuse que le froid. Avant de rentrer les plantes, on les éplachera exactement , c’est-à-dire qu'on enlèvera les branches mortes , les feuilles et les bourgeons malades ou moisis , les ordures qui pourront s'être amassées aux bifurcations des branches , etc. ; mais il faudra le moins possible couper sur le vif, parce que cette saison n'est favorable ni au dessèchement de la plaie, ni à sa ci- catrisation ; ainsi on renverra au printemps toute opé- ration de taille. On binera la terre des pots avant de les rentrer, et même trois ou quatre fois pendant leur sé- jour dans la serre , pour favoriser l’évaporation de l’eau, L'arrangement des plantes dans la serre est. encore une chose quidemande à être raisonnée, afin de mettre chacune d'elles à la place qui lui est le plus favorable. Les arbres qui se défeuillent ont moins besoin de lufnière ; aussi les place-t-on dans le fond. Ceux à feuilles persis- tantes sont de plusieurs natures, que l’on peut réduire à trois classes. La première renfermera les arbres dont les feuilles sont d’une substance sèche et coriace et le bois dur et peu moelleux ; le myrte et l’oranger , par exemple : ils supporteront l’obscurilé moins que les grenadiers et autres arbres nus, mais beaucoup mieux que les suivans ; aussi formeront-ils le second rang. La seconde classe renferme les arbres à feuilles molles, d’une substance aqueuse , et dont le bois est tendre et 256 DES JARDINS. moelleux : par exemple, le datura arborea. On placera ceux-ci sur le troisième rang , et devant eux on ména- | gera un sentier pour favoriser la promenade des curieux, la circulation des jardiniers, et un courant d'air. La troisième classe comprend toutes les plantes dont les feuilles sont d’une nature très-délicate ou d’une sub- stance charnue, et dont les tiges sont herbacées et succu- lentes ; par exemple, la capucine à fleur double, quel- ques mesembrianthemum, les ficoïdes, etc. Celles-ci se placent au quatrième rang, c'est-à-dire, le plus près des verres qu'il est possible. Mais il ne suffit pas que chaque classe soit à son rang, il faut encore les mettre dans un certain ordre , ménagé pour que celles de devant n'interceptent ni l'air ni la lumière à celles qui sont derrière. Par conséquent , en comptant les rangs à commencer devant , les plantes les plus basses seront les premières , celles un peu plus hautes viendront après, les moyennes seront sur un troisième rang, les grandes sur un quatrième , les très- grandes sur un cinquième ; viendront ensuite les arbus- tes et les arbrisseaux aussi par rangs de taille , etenfin les arbres rangés selon le même principe. Si la hauteur des plantes ne se trouvait pas en bar- monie avec les rangs des classes, on y remédierait en élevant sur des gradins celles qui se trouveraient trop basses® Enfin, lorsque toutes sont en place, elles doi- vent ne laisser apercevoir qu'un amphithéâtre de ver- dure parfaitement aligné, et dont la surface régulière s'élève uniformément et en pente également inclinée sur toute la longueur, formant avec l'horizon un angle plus ou moins aigu depuis le devant de la serre jusqu’au fond.-Par ce moyen la tête d’un premier arbre cache le tronc du second , celle du second la tige du troisième , et ainsi de suite ; de manière que toutes les têtes jouis- sent, par-dessus les unes des autres, des influences de l'air et de la lumière. DES JARDINS. 257 Ce n’est que peu à peu que l’on prive les plantes d’air, pour les raisons mentionnées plus haut. On laisse d’a- bord l’orangerie entièrement ouverte le jour et la nuit, jusqu’à ce que l’on ait à redouter les gelées. Alors on commence à la fermer pendant la nuit, puis enfin pen- dant le jour, lorsqu'il gèle. Mais, toutes les fois que le thermomètre exposé à l'air libre marque un ou deux degrés au-dessus de glace, on s'empresse d'ouvrir, ex- cepté cependant quand l'atmosphère est chargée d’hu- midité, ou quand les vents sont trop violens. IL est de principe de diminuer de beaucoup les ar- rosemens l'hiver dans toutes les serres; mais c’est sur- tout dans celles qu’on appelle froides, c’est-à-dire, dans celles où l’on ne fait pas monter le thermomètre à plus de 3 ou 4 degrés, que cette règle doit s’observer à la ri- gueur. Dans l’orangerie, ainsi que dans la serre chinoise, les bâches, etc., on ne doit arroser la terre que pour empêcher les plantes de se dessécher, et rien de plus: C’est ici que cette routine malheureuse, qui fait arroser à des époques périodiques et régulières, peut devenir funeste à beaucoup de-végétaux. Il n’est pas un jardinier qui ne sache parfaitement que toutes les plantes n’ai- ment pas également l’eau, que toutes les terres, soit à cause de leur composition, soit à cause de la grandeur des vases, ne se dessèchent pas dans le même espace de temps ; et cependant beaucoup ont cette fatale habitude de tout arroser dans de certains jours déterminés à l’a- vance pour tout un hiver, et de donner la même quan- tité d’eau à toutes les plantes. Nous ne saurions trop insister sur ce point : on n'ar- rosera chaque plante que lorsqu'elle en aura besoin, et on ne lui donnera que la quantité d’eau absolument nécessaire à son entretien. On se servira pour cela d’un arrosoir à très-long goulot, afin de porter l’eau jusque sur la terre du pot le plus éloigné derrière les rangs, sans courir la chance de mouiller, ni ses feuilles, ni celles T: 17 258 DES JARDINS. des plantes voisines. On prendra garde à ne pas fire | épancher l’eau par-dessus les bords du vase, afin de maintenir toujours le plancher très-sec ; enfin l'eau que l'on emploiera pour les arrosemens d'hiver ne sera ja- mais mélangée, et aura séjourné pendant quelques jours dans un tonneau placé dans un coin de la serre. Tous les jours on visitera les plantes, et on épluchera les parties moisies ou pourries. Si l’on s’'apercevait qu'une plante dépérit sans que la cause en fütapparente, on l’enlèverait , on la sortirait de son pot, et l’on trou- verait certainement le principe du mal en visitant ses racines. Alors on la transporterait dans une bâche ou sous un châssis, et on la traiterait en raison de sa ma- ladie, comme nous le dirons à l’article Maladie des plantes. Si le moment pour rentrer les plantes dans la serre est difficile à choisir, celui de les en sortir ne l’est pas moins. Îl faut attendre que la végétation commence à montrer de la vigueur dans les arbres à Pair libre, et que leurs jeunes bourgeons développent les premières feuilles, ce qui répond au commencement du mois de mai pour la température de Paris. Il vaut beaucoup mieux cependant garder les plantes en orangerie quel- ques jours de plus, que de les exposer à être saisies par une gelée tardive du printemps. C’est en sortant de la serre que les plantes sont ex- trémement sensibles aux influences atmosphériques; aussi faut-il user de tous les moyens pour les y accoutu- mer peu à peu. Pour cela, on commence à leur donner Jong-temps d'avance dans l’orangerie le plus d'air qu'il est possible , puis on attend un jour sombre et pluvieux pour les y exposer tout-à-fait en les sortant. Dans cette circonstance , si elles sont frappées par les rayons du so- lei], il est rare qu’elles aient la force de leur résister, el elles sont brülées dans un instant au point d’en périr. S'il arrivait donc que le ciel se découvrit, et que, loin DES JARDINS. 259 d’avoir du brouillard ou de la pluie, on eût à craindre le soleil, il faudrait nécessairement les en garantir, soit en les déposant dans un lieu ombragé, soit en les couvrant avec des toiles. Après quelques jours de plein air elles sont ordinairement hors de danger, à moins que le “ain n'ait une chaleur très-vive. $ V. De la Serre à géraniums. “Un assez grand nombre de plantes , quoique n’aimant pas la chaleur, sont cependant trop délicates pour passer facilement l'hiver dans une orangerie, surtout quand celle-ci est peu sèche et peu éclairée. Beaucoup de géra- niums sont particulièrement dans ce cas. Nous avonsfait faire pour ces végétaux une serre appropriée à leur na- ture, et nous lévous figurée pl. 9, f1g. 2. 14 mur du fond, élévé de sept pieds, recoit un gra- din sur lequel sont blicés sept rangs de pots. Le devant est formé par un mur de trois pieds, garni d’un seul rayon en planche et sablé, sur lequel on dépose les jeu- nes plantes qui demandent à être plus rapprochées des verres. Les panneaux sont inclinés à l’angle de 35 de- grés , afin d’être le plus possible rapprochés du feuillage des plantes. Nous tenons cette serre à la même tempé- rature que la serre chinoise, et nous metions autant de précautions à la garantir de l'humidité que de la gelée. Quelques amateurs s’étonneront peut-être quand ils verrontqu'une serre, entièrement consacrée à la culture desgéraniums, est sans couches chaudes et sans fourneau, car la nôtre n’en a pas. Pour peu qu'ils aient visité les tablissemens des marchands qui portent les produits de leur industrie au marché aux fleurs, ils nous demande- ront compte de ce qu'ils regarderont d'abord comme une singularité dans nos cultures. Voici ce que nous leur répondrons : la chaleur agit sur quelques végétaux , et particulièrement sur les géraniums, d’une manière toule 4 260 DES JARDINS. particulière ; au lieu de développer également la végé- tation dans toutes les parties de la plante, elle dirige les efforts de la nature sur les organes de la génération, et cela par la raison que la plante est , si ce n’est dans un état de souffrance, au moins dans celui de contrainte ; d’où il suit qu'elle fait un eflort pour fructifier. Nous donnons les développemens de ce principe dans notre second volume, page 16. Or les cultivateurs qui veu- lent obtenir des corolles dans des dimensions fort grandes, pour satisfaire les amateurs de bouquets , font très-bien de cultiver ces plantes en serre chaude, et de “sacrifier au goût de ces amateurs et la santé de leurs plantes et leurs caractères botaniques : d’ailleurs cela donne lieu à de nouvelles sous-variétés , éphémères à la vérité , mais qui n'en ont pas moins le mérite d’être fort belles tant qu'on les cultive dans la serre chaude, quoi- qu'elles disparaissent aussitôt que l’on rend à la plante sa véritable culture , c’est-à-dire , celle de l’orangerie. Comme nous l'avons dit, nous n'avons pas de fourneau dans notre serre à géraniums, et lorsque les gelées sont très-rigoureuses, nous nous contentons de couvrir les panneaux avec une bonne couche de litière et de feuilles sèches, sur laquelle nous jetons quelques paillassons ; au moyen d'un poële roulant nous empéchons le froid d'y pénétrer. Du reste, les plantes que l’on y met n’exigent aucun autre soin que ceux de l’orangerie. On les rentre et'on les met dehors à la même époquè que les autres. Les ar- rosemens se font avec l’arrosow à long goulot pour les irois premiers rangs de pots qui sont à la portée de l'homme qui arrose ; pour les quatre rangs plus hauts, on se sert de la seringue, au bout de laquelle est ajusté uu tuyau assez long pour porter l'eau jusque sur le pot le plus élevé. re : DES JARDINS. 261 © SVI. De la Bâche. Cette espèce de serre , que nous avons figurée, pl. 9, Jig- », est indispensable si l’on veut cultiver les bruyè- res, les ixias. un grand nombre de liliacées délicates, et généralement toutes les plantes qui craignent égale- ment la chaleur et le froid. La bâche est une espèce de châssis, avec cette diffé- rence qu'on y a pratiqué un sentier, et qu'on y pénètre par une porte comme dans une serre. Ea culture en bâche se fait de deux manières, en pleine terre de bruyère ou en pot; mais dans l’un et l’autre cas sur couche froide, c'est-à-dire, faite avec de la terre de bruyère pure, ou seulement mélangée avec très-peu de terre franche, ou de terreau très-consommé. Cette couche se fait dans un encaissement , soutenu par unléger mur debriques, ou simplement par desplanches. Le mur de derrière de la bâche et celui de devant doi- vent être élevés de manière à ce que le panneau vitré, incliné de dix à quinze degrés, soit le plus près possi- ble du feuillage des plantes, afin de conserver à la lu- mière toutes ses influences. Les bâches ne se chauftent jamais ; aussi, pour empé- cher la gelée d'y pénétrer, on est dans l'usage de les enterrer jusqu à la hauteur des panneaux. On profite au- tant que les circonstances le permettent d’une pente de terrain , pour que le mur de derrière se trouve enterré comme celui de devant, c'est-à-dire, jusqu'aux pan- neaux , comme nous l'avons figuré, pl. 9, fig. rx, en A etB. Les serres enterrées ont cet avantage sur les autres, que la température en est beaucoup moins variable ; mais par compensation, si elles ne sont pas dans un ter- rain sablonneux et très-sain, il est fort difhcile d'en écarter Fhumidite. 262 DES JARDINS. La longueur d'une bâche est tout-à-fait indifférente, mais il n’en est pas de même de sa largeur. Comme la couche est assez élevée pour qu’un homme puisse aisé- ment passer dans le sentier sans heurter avec la tête les traverses des panneaux , il en résulte qu’il ne peut guère cultiver qu'à la distance de quatre ou cinq pieds, et qu'une couche plus large deviendrait incommode. Qu'on ajoute deux pieds pour le chemin, et l’on trouvera que la plus grande largeur d’une bâche bien construite ne doit pas excéder sept pieds. Pendant les gelées, pour défendre les plantes de la rigueur du froid , on couvre les panneaux d'un pied d’é- paisseur de litière ou de feuilles sèches, et même de dix-huit pouces si on le juge nécessaire. On étend des- sus des paillassons, afin d'empêcher les eaux de pluie de pénétrer cette couverture. Sans autres précautions le thermomètre se maintient assez régulièrement à 2 ou 3 degrés au-dessus de zéro. Quelquefois on destine une bâche à la multiplication par marcottes des plantes d’orangerie , telles que les ca- mellia, pivoine, ete. : dans ce cas on est forcé d'élever davantage les deux murs , ou de faire la couche moins épaisse, afin que les vieilles plantes que l’on y dispose pour être marcottées y trouvent une place suflisante. ( Voyez pl. 9, fig. 1.) On peut alors donner un peu moins d'inclinaison aux panneaux, et leur faire former avec l'horizon un angle de 30 degrés. $ VIE. De la Galerie d'hiver. Ce genre de serre fait le passage entre la bâche et la serre tempérée. Comme elle est destinée à recevoir les jeunes élèves des plus grands végétaux d’orangerie , et qu'on les y laisse pendant un certain nombre d'années, elle doit être construite dans de plus grandes dimen- sions. Nous avons figuré , pl. 8, fig. 2 , une de celles de DES JARDINS. 263 notre établissement, et nous allons en donner les pro- portions. Le mur de derrière a six pieds d'élévation; il supporte un toit incliné au nord, formé par une légère charpente, recouverte par un toit épais en chaume ; la partie intérieure de cette charpente est plafonnée en Jattes et en plâtre. Ce toit est soutenu devant par les traverses des panneaux et par de petites colonnes eu bois, de quatre pouces de diamètre, qui viennent s’ap- puyer à l'intérieur sur le bord interne de la couche de terre de bruyère ; elles ont six pieds dix pouces de hauteur, ce qui, ajouté à l'épaisseur de la couche, donne à la serre neuf pieds dix pouces dans sa plus grande hauteur. Le mur de devant est élevé de quatre pieds et demi, et les panneaux forment avec l'horizon un angle de 5o degrés. Le long du fond de la serre règne un gradin, ou plu- tôt un banc en terre sablonneuse, de dix-huit pouces de hauteur sur quatre pieds huit pouces de largeur. La terre dont il est formé est soutenu par un petit mur en brique comme la couche de devant ; on a répandu des- sus un demi- pouce de gros sable pour faciliter par les trous des pots l'écoulement des eaux d’arrosement. Les plantes s’y arrangent dans le même ordre que nous l'avons dit pour l’orangerie, c’est-à-dire, les plus délicates et les plus basses sur le devant, celles qui le sont moins sur un second rang , et ainsi de suite. Si les plantes n'avaient pas des dimensions favorables , et qu’on ne puisse les étager de manière à les faire jouir toutes des influences de la lumière, on les placerait sur un gradin en planches- élevé en conséquence. Sur le devant de la serre est une couche de terre de bruyère, large de quatre pieds et demi, et haute de trois, dans laquelle on plante à demeure les végétaux que l’on veut marcotter ou grefler par approche. Les plantes destinées à cette serre étant un peu plus délicates que celles d’orangerie, on est obligé d'y éta-- 264 . DES JARDINS. blir un fourneau, dans lequel on ne fait du feu que pendant les grands froids. La chaleur peut s'y élever jusqu'à 5 ou 6 degrés, mais jamais davantage. $ VIIL. De la Serre tempérée. Nous avons fait figurer une des nôtres, pl. 10, fig. 1. Ce genre de serre ne diffère des autres serres chaudes que par la température qu'on y entretient constamment au moyen des fourneaux, des couches et des traverses. En hiver le thermomètre doit y marquer 5 degrés pen- dant la nuit, et ro pendant le jour. Un homme, chaque nuit, veille à ce que la chaleur se maintienne toujours réglée ainsi ; pour peu qu’elle baisse, 1l la fait monter en mettant du bois dans le fourneau : si, au contraire, elle monte plus haut que nous avons dit, il se hâte de re- tirer le bois, et d’étoufter la braise en fermant la petite porte du fourneau. Lorsqu'une serre tempérée est con- fiée à un homme vigilant, 1l y a peu de dangers à redouter; mais il doit bien se pénétrer que si, par une négligence impardonnable, il n'avait pas soin de son feu pendant une partie de la nuit seulement, il pourrait le lendemain matin avoir perdu la plus grande partie de ses plantes. Dans nos établissemens, où nous sommes obligés d'employer un grand nombre d'ouvriers, chacun d’eux veille une nuit à tour de rôle; et les soins de nosserres, se trouvant ainsi partagés entre une quinzaine de Jardi- niers, sont beaucoup moins pénibles. Nous-concevons parfaitement qu'il n’en est pas de même dans un jardin bourgeois qui n'occupe que deux ou trois personnes : aussi nous ne donnerons pas le conseil impraticable de faire passer toutes les nuits à deux hommes, pendant trois ou quatre mois que peuvent durer les gelées ; mais nous regardons comme indispensable de les faire lever au moins deux fois pendant la nuit pour aller visiter les 4 fourneaux : ils les verront en se couchant, à minuit, DES JARDINS. 265 et à quatre heures du matin. Avec un peu d'habitude, ils viendront facilement à bout de gouverner leur feu de manière à maintenir la chaleur au degré déterminé sans y toucher pendant trois ou quatre heures. Tout individu qui répugnerait à s'imposer rigoureusement cette tâche, doit renoncer à gouverner une serre tem- pérée ou chaude. Comme les plantes de ces sortes de serres sont tou- jours en végétation, la lumière leur est indispensable en tout temps ; aussi ne couvre-t-on jamais les panneaux avec de la litière, mais seulement avec des paillassons que l’on déroule pendant la nuit et qu’on roule pendant le jour, pour donner de la [lumière quand le froid n’est pas excessif. Mais, avant d’entrer dans des détails relatifs à la manière de gouverner les plantes, nous allons don- ner les dimensions que l'expérience nous a montrées les plus favorables dans la construction d’une serre tempérée. On donne au mur de derrière onze pieds d’élévation, et trois à celui de devant; la serre ayant huit pieds et demi de largeur, cela donne aux panneaux 45 degrés d'inclinaison. Si l’on augmentait la largeur de la serre, il faudrait aussi augmenter l'élévation ira mur de ne rière, afin de retrouver la même inclinaison qui nous a paru "A meilleure. . On pratique sur le devant, comme sur le derrière, un encaissement en planches, de trois pieds de hauteur et autant de largeur, ce qui laisse entre deux un sentier suflisamment large pour pouvoir aisément culti- ver. Tous les ans, dans le commencement d'octobre, on établit dans les encaissemens une couche chaude de bon fumier de cheval mélangé à un tiers de feuilles sèches, et on la recouvre de ln pouces à un pied de tan sf , et davantage s’il est nécessaire, dans lequel on enfonce les pots lorsque la plus grande chaleur du fumier est passée , et avec la précaution de toujours meltre la couche de tan assez épaisse pour que Île 266 DES JARDINS. fond des pots ne touche pas au fumier. Si la couche se refroidit pendant l'hiver, il ne s’agit que de la remuer entiñrement pour lui faire acquérir une nouvelle cha- leur, et de la traiter comme nous l'avons dit à l’article des Couches chaudes, voyez page 207. Au mois de | mars on la refait entièrement avec du fumier neuf et du nouveau tan mêlé moitié par moitié avec l’ancien. Les plantes s'arrangent sur ces couches de la.même manière que nous l'avons dit pour l’orangerie, les plus basses et les plus délicates devant, et ainsi de suite, et l'on enfonce leurs pots dans la tannée jusqu'à un demi pouce au plus de leur bord. L’eau des arrosemens doit avoir séjourné au moins cinq où six jours dans la serre avant d’être employée ; et, en la donnantaux plantes, on aura le plus grand soin de n’en point épancher sur Ja couche, de crainte de la refroidir ; pour cela on seservira de l’arrosoir à long goulot et de la seringue. L'hiver on ne donnera de l'air que lorsque le soleil brillera de tout son éclat, et lorsque le thermomètre montera au-dessus de glace à l'air libre. Enfin on éplu- chera soigneusement les plantes pour ne leur laisser au- cunes parties moisies ou pourries, car sans cela le mal s'étendrait rapidement, et même deviendrait contagieux pour les plantes qui se trouveraient en contact avec celles infectées. Les plantes de serres tempérées et chaudes étant dans un état de végétation et de transpirations continuelles sont très - susceplibles de coups d'air et de coups de soleil. On évite les premiers en refermant la porte du cabinet qui précède la serre, aussitôt qu'on est entré et avant d'ouvrir la seconde porte. Cette précaution est surtout indispensable quand il règne des vents secs et froids. Quant aux coups de soleil , ils ne commencent guère à être dangereux , au moins sous le climat de Pa- ris, que dans le mois de mars ; depuis Ja fin d'avril jus- qu'au commencement de juillet, ils le sont peu; mais, DES JARDINS. 267 lorsque les chaleurs sont très-grandes pendant ce mois et celui d'août, ils le redeviennent. Quand une plante a recu un coup de soleil, ses feuilles rougissent d’abord ; puis elles sèchent, ainsi que les jeunes tiges, et souvent le végétal périt en deux ou trois jours. On évite cet ac- cident en étendant des toiles ou des paillassons sur les vitraux, toutes les fois que les rayons du soleil devien- nent trop piquans. Ce n’est que lorsque la température à l'air libre se tient assez constamment à 14 ou 15 degrés du thermo- mètre , que l’on peut sans danger donner beaucoup d'air aux plantes, en soulevant entièrement les panneaux, mais avec la précaution de ne jamais les enlever ; car il est toujours prudent de les baisser le soir pour abriter les végétaux des pluies et des brouillards qui peuvent survenir pendant la nuit. Les plantes, ne sortant jamais de la serre , se trou- vent privées des influences atmosphériques si utiles à la végétation : il faut employer l’artifice pour les en faire jouir. On profite d’un tempssec et chaud , pendant lequel les panneaux sont ouverts, pour arroser leur feuillage au moyen d’une pluie artificielle. Pour cela on se sert de la seringue, au bout de laquelle on ajuste une pomme d'arrosoir criblée de très-petits trous. Cette opération se répète plusieurs fois pendant les grandes chaleurs, mais avec l'extrême précaution de ne jamais mouiller les plantes grasses et celles dont les feuilles en faisceau ter- minal pourraient retenir l'eau dans le milieu de la rosette qu'elles forment. Les végétaux couverts d’une pous- sière glauque, et ceux revêtus d’une épaisse fourrure laineuse ou soyeuse , doivent aussi être ménagés. En gé- néral les plantes auxquelles ces sortes de bains sont le plus salutaires, sont celles dont le feuillage est d’un vert gai, lisse et brillant. Dans tous les cas on choisira son moment pour faire cette opération , de manière à ce que les feuilles soient parfaitement essuyées, le soir, lorsque 268 DES JARDINS. FA l'on baissera les panneaux. Quand l’air est sec, chaud ettendu, dans une serre chaude, il faut non-seulement arroser le feuillage des plantes, mais encore répandre de l'eau dans les chemins intérieurs, et même sur le terrain devant la serre , pour rendre à l'atmosphère l'humidité nécessaire à la respiration et à l'entretien des végétaux. Il est encore une précaution à prendre, qui est indis- pensable pour les plantes de serres chaude et tempé- rée, et fort utile à celles des orangerie, bâche, etc. Elle consiste à profiter d'un jour sec et chaud pour les sortir de la serre, et laver leur feuillage. On emploie pour cela de l’eau tiédie au soleil, des chiffons, une éponge et une brosse très-douce. On visite toutes les feuilles les unes après les autres : on écrase avec un pe- tit morceau de bois aplati les insectes qui y sont atta- chés, puis avec le chiflon ou l'éponge, selon qu'on a plus de facilité, on lave les deux surfaces de la feuille , et on enlève toute la poussière et la crasse qui s’y sont amassées. Avec la brosse mouillée on frotte légèrement les tiges dont l'écorce est peu unie, et on les nettoie par- faitement. [Il faut observer que tous les végétaux dont les feuilles sont munies à leurs surfaces de pores, sous forme de poils ou autres aspérités, ne doivent éprouver aucun frottement, car la moindre lésion, une simple compression même sur ces organes délicats, altère le feuillage à l'instant , et nuit àla végétation. Lorsqu'une plante a° été ainsi lavée, on la met sécher à l'ombre pendant quelques heures; puis, lorsqu'elle n’a plus au- cune humidité, on la reporte dans la-serre. Les autres soins à donner aux végétaux appartenant aux cultures particulières, nous n’en traiterons pas ici. Quand on veut donner à la serre tempérée une largeur qui excéderait la longueur ordinaire d’un panneau, on est obligé d’en mettre deux rangs l’un au-dessus dé l’au- ire, Comme nous l'avons figuré, pl. 10, f£. 1 ,en A et B. On les fait porter par la même traverse entaillée, en DES JARDINS. | 269 ©, de manière à ce que le panneau À re couvre de deux ou trois pouces le panneau B. Mais de là résulte la difficulté de l'ouvrir, parce qu'on ne peut l’atteindre. On ajuste alors une bascule contre la traverse, et on l'y fixe au moyen d’une vis comme en e; la tête de la bas- cule appuie sur le cadre du panneau; et, lorsqu'on tire la corde f, l'extrémité de la bascule baisse, et sa tête en se levant soulève le panneau , comme nous l'avons figuré par des points. Ce moyen, aussi simple que d’une exécution facile, s'emploie dans toutes les circonstances pareilles. Ce panneau supérieur sert de ventilateur pour renouveler l'air toutes les fois qu’il en est besoin ; aussi fera-t-on bien d'en établir dans toutes les serres chaudes et tempérées, quand même ils devraient être fort étroits et n'avoir pas d'autre utilité. La dalle plate qui couronne les murs de derrière de la plupart des serres que nous avons figurces, sert à fournir un sentier sur toute la longueur du mur, pour donner la facilité de couvrir les vitraux avec les paillässons. Du reste , on peut encore donner à la serre tempérée les mêmes for- mes et proportions que .celles que nous avons figurées, pl. 10, fig. 2; ebph vtr, Jig. r. S IX. De La Serre chaude. On l'établit de différentes manières. Quelquefois on la construit absolument comme la serre tem pérée, pl. 10, 19. 1 ; mais on élève davantage le mur de derrière, afin de donner aux panneaux une inclinaison de 55 degrés ; telle est Ja serre dans laquelle nous cultivons les végé- taux de la zone torride. Mais plus souvent, afin de ga- gner de la largeur sans être obligé de beaucoup élever le mur du fond et de poser plusieurs rangs de panneaux, on les construit sur les modèles que nous en donnons, Pl. 10, fig. 2;et pl. ANT Dans la première, un mur de sept pieds et demi sup- 270 DES JARDINS. porte une toiture plafonnée à l’intérieur en lattes et en plâtre. L'autre extrémité de ce toit incliné n’est portée que par les traverses des panneaux ; mais néanmoins cette construction est solide, parce qu’on a donné aux traverses une épaisseur suffisante, et qu'elles ne sont inclinées qu’à l'angle de 60 degrés. Nous remarquerons ici que l'ouverture de cet angle est la plus grande que l’on puisse donner utilement aux vitraux d’une serre ; passé ce nombre de degrés, il devient indiflérent de mettre les panneaux dans une position inclinée, ou tout- à-fait perpendiculaire. Sur le devant de la serre, dont le mur est élevé de quatre pieds, est un rayon large de près de trois pieds, couvert d’un demi-pouce de gros sable, sur lequel on dépose les plantes basses , et qui ont besoin d’être près des jours. Le long du fond de la serre est un encaissement de trois pieds de hauteur, dans lequel est une couche chaude avec tannée, pour recevoir les plantes. Si l’on possédait des individus d’une très-grande taille, on ferait construire une serre de la même manière, mais que l’on exhausserait beaucoup au moyen d’un rang; ou même , s’il était nécessaire , de deux rangs de panneaux perpendiculaires. (pl. 11, fig. 1.) La seule différence qui existe entre la serre tempérée et la serre chaude, c’est que cette dernière exige beau- coup plus de chaleur. Le thermomètre doit constam- ment être à ro degrés au-dessus de glace pendant la nuit, et à 15 pendant le jour. Qu'un jardinier mal adroit n’aille pas s’imaginer qu'en tenant les serres tempérée et chaude au même degré de température la nuit et le jour, il n’aura plus de dangers à redouter. Ce passage alternatif et journalier de 5 à 10 degrés ou de 10 à 15, ce changement périodique de température est aussi né- cessaire à l'entretien de la vie des plantes, que l'eauet l'air sont nécessaires à leur nourriture, et la lumièrevà leur coloration. Si une plante était constamment chauf- DES JARDINS. 271 fée au même degré, elle végéterait d’abord avec une vigueurextraordinaire ; mais bientôt ses fibres perdraient leur élasticité, ses vaisseaux s’engorgeraient , et elle ne tarderait pas à mourir. Nous développerons davantage ce principe de physiologie, dont la connaissance est ir- dispensable à toat cultivateur, dans la seconde partie de ce volume. Quant à la conduite de la serre chaude et aux soins à donner aux végétaux qu’on y cultive , ils sont absolu- ment les mêmes que ceux que nous avons détaillés pour la serre tempérée. S X. De la Serre à boutures. Celle-ci, figurée pl. 11, fig. 2, n’est utile qu'à la multiplication des plantes de serre chaude, ou à faire réussir des expériences de cultures, telles que la repro- duction des végétaux par leurs feuilles, leurs écailles, par grefles en rameaux sans yeux, etc., etc. ; toutes choses dont nous traiterons dans les plus grands détails et d’une manière absolument neuve, du moins nous le pensons , à l’article de la Multiplication des plantes , nous nous bornerons ici à faire la description de la serre et des appareils qu’elle doit renfermer. Dans un terrain léger et très-sec, on creusera une fosse de neuf pieds de largeur, sur quatre et demi de profondeur. On soutiendra ses parois par un mur solide, d'un pied d'épaisseur. Le mur de devant ne s’élèvera qu’à cinq ou six pouces de la surface du sol; il aura par conséquent quatre pieds et demi ; celui de derrière s’é-- lèvera à deux pieds huit pouces au-dessus du niveau du sol , c’est-à-dire qu'il aura sept pieds deux pouces. Il ré- sultera de là que le panneau se trouvera incliné à l’an- gle de 18 degrés. Cette serre doit nécessairement être enterrée pour avoir un degré d'humidité nécessaire. Le long du mur de devant on établit un encaissement : LA 272 DES JARDINS. x de trois pieds de hauteur, de manière à ce qu'il ny ait que deux pieds et demi, au plus, d'intervalle entre les verres et la superficie de la couche, dans Pendroit où elle s'en trouve le plus éloignée. On donne à cet en- caissement deux pieds et demi de largeur, eton yéta- blit une couche faite avec le fumier le plus chaud que l'on puisse se procurer, et recouverte de huit ou dix pouces de tan neuf. Contre le mur de derrière on fait un autre encaisse- ment de la même largeur, mais on lui donne trois pieds et demi de hauteur, afin de rapprocher davantage des vitraux la surface de la couche qu’on y établit de la même manière que l'autre. On creuse un escalier sou- terrain à une des extrémités de la serre, pour y péné- trer par une porte double et fermant hermétiquement. Si la serre est creusée dans un terrain humide , il est nécessaire d'y construire un fourneau ; mais, dans le cas contraire, on peut s’en dispenser. Îl ne s'agit plus ici de faire varier les degrés de chaleur le jour et la nuit, il faut au contraire la soutenir le plus également possible, et elle ne doit jamais être moindre de 20 degrés. Jamais on ne soulève les panneaux, car on a pour but d'étouffer les plantes. Tout doit être calculé : le degré de lumière, celui de la chaleur , de l'humidité, la den- sité de l'air , de sa pesanteur ; aussi se pourvoira-t-on de toiles pour donner à volonté plus ou moins d'obscurité , selon le besoin , en les étendant sur les vitraux ; on aura plusieurs thermomètres , des hygromètres , et un excel- Jent baromètre pour s’en servir comme nous le dirons à l'article Boutures. On se munira de bocaux, de cloches dans les deux formes figurées, pl. 3, fig. 4et5 ,et d’en- tonnoirs ; on aura ces diflérens objets dans toutes les di- mensions ; les uns seront-en verre très - blanc et très- transparent, les autres en verre dépoli et par conséquent trouble. | Comme les plantes de cette serre n'y. sont déposées DES JARDINS. 273 que fort peu de temps, c'est-à-dire, jusqu'à la parfaite reprise des bouiures et des grefles, ou jusqu'à ce que certaines graines soient développées, les soins à leur donner appartiennent entièrement à notre chapitre de la multiplication des plantes. Néanmoins nous ne fini- rons pas cet article sans recommander de ne jamais ex- poser à l'air un végétal sortant de cette serre. Non seu- lement il ne peut résister à l'air libre du dehors , mais pas même à celui de la serre chaude. Si c’est une plante de pleine terre, on la portera d’abord dans la serre tem- pérée, et on la recouvrira d’une cloche pendant quel- ques jours; en soulevant peu à peu celle-ci, on lac- coutumera lentement et insensiblement à Pair; puis, quelque temps après, on la transportera dans la serre chinoise, ou tout autre ayant beaucoup de lumière et une chaleur de 5 à 6 degrés , si c’est en hiver. On ne la ris- quera en pleine terre qu'au printemps suivant. Si c’est une plante de serre chaude ou tempérée, on l'y trans- portera de suite, mais avecla précaution de la placer pen- dant quelque temps dans un endroit peu éclairé, et de l’accoutumer peu à peu à l'air, au moyen d’un enton- noir ou d’une cloche, et comme nous l'avons dit. S XI. De la Serre voûtce. Dans quelques pays le froid a une telle intensité, que les couches et les tannées ne conservent que très-peu de temps leurchaleur, quand elle n’est pas soutenue par des fourneaux; et les châssis, dans lesquels on ne peut en construire, deviennent à peu près inutiles pendant une parte de l'hiver, faute de pouvoir renouveler les cou- ches. On obvie à ce grave inconvénient par le moyen de la serre que nous avons figurée, pl. 12, fig. 1. Nous allons la décrire en en indiquant l'usage. Le mur de devant est élevé de six pieds, et celui de derrière de neuf; ce qui, sur six picds de largeur que 1. 18 24 DES JARDINS. l'on donne à la serre, fournit aux panneaux une incli- naison de 20 degrés. On construit une voûte en briques, de quatre pieds et demi dans sa plus grande élévation, ei on Ja cintre le moins possible, sans cependant nuire à sa solidité. Dans le dessus de la voûte on laisse des trous carrés, de quatre ou cinq pouces de diamètre, sur trois rangs, et à un pied de distance dans le sens de la longueur de la voûte ; 1ls servent de soupiraux pour laisser passer la chaleur, et doivent être garnis, à la partie supérieure de leur ouverture, d’un petit grillage en fer. La serre ainsi construite, on pénètre sous la voûte par deux petites portes laissées à ses deux extrémités, et on la remplit de fumier chaud , que l’on y tasse le plus qu'on peut. On étend’ sur la voûte un lit de trois ou quatre pouces de litière longue, servant à retenir une tannée de huit pouces d'épaisseur, et à distribuer éga- lement sous toute cette tannée la chaleur que la couche inférieure du fumier envoie par les soupiraux de la voûte. Toutes les fois qu’un thermomètre plongé dans la tannée indique que la chaleur commence à tomber, on pénètre sous la voûte pour en changer ou remanier le fumier, selon les principes que nous avons enseignés à l'article des couches chaudes, et l’on n'a pas besoin de sortir les plantes de la tannée, ni de la serre; ce qui dans aucun cas n'est possible lorsqu'il gèle. Les végétaux de cette serre s2 gouvernent du reste comme ceux des autres serres chaudes. Les personnes qui ne craindraient pas de faire la dépense d’une sembla- ble construction , seraient certaines d’une parfaite réus- site dans la culture de l'ananas, par la raison que, n'étant pas obligé de déranger les plantes pour refaire les cou- ches, il est beaucoup plus facile d'entretenir d’une ma- nière égale le haut degré de chaleur nécessaire à la cul- ture de ces végétaux. DES JARDINS. 275 D $ XII. De la Serre à vapeur. Nous avons figuré, pl. 12, fig. 2, cette serre d’un usage habituel en Russie, et qui peut devenir fort utile dans les pays très-froids, où , comme nous l’avous dit pour la serre précédente, les couches de châssis ne con- servent pas leur chaleur pendant l'hiver. On la construit dans les mêmes dimensions que l’au- tre , et l’on donne aux panneaux le même degré d’incli- naison. On établit, dans le fond et sur toute la longueur, un bassin en plomb laminé , soutenu par une maconne- rie en briques ; il doit avoir de vingt à vingt-et-un pou- ces de profondeur, sur trois pieds ou un peu plus de largeur. Sur le derrière de la serre, en dehors, on bâtit de petites constructions souterraines, assez spacieuses pour contenir un fourneau sur lequel une chaudière est à de- meure. Îl faut qu'il y ait la place d’une provision de bois pour vingt-quatre heures au moins, et celle de l’homme chargé d'entretenir le feu. Si la serre était fort longue , il faudrait plusieurs fourneaux, et par consé- quent autant de ces constructions. Les chaudières doi- vent se trouver absolument sur le même niveau que le bassin de plomb, et de la même profondeur , afin que par des tuyaux en cuivre l’eau , par la simple loi de l'équilibre des fluides, puisse passer de l’un dans l'autre. Dans la serre, à cinq ou six pouces au-dessus du bas- sin, on établit une forte grille en fer, capable de sup- porter le poids d’une couche, et des pots qui y seront enfoncés. On recouvre cette grille avec une bonne épaisseur de litière ou mieux avec des planches très- minces et criblées de petits trous, et l’on fait la couche chaude par-dessus à la manière ordinaire. Les tuyaux qui partent de la chaudière pour se rendre’ dans le bassin doivent être très-courts , c’est-à-dire qu'en pratiquant une niche dans le mur on rapproche la 276 DES JARDINS. chaudière le plus possible du bassin. Les tuyaux ne se termineront pas à leur entrée dans le bassin, mais ils se diviseront chacun en trois branches qui s’y promène- ront, comme nous l'avons figuré, l’espace de quelques ‘pieds, et auront leurs trois ouvertures distancées non- seulement dans le sens de la largeur du Vassin, mais aussi dans celui de sa longueur, On les soutiendra au moyen de verges de fer, comme nous l'avons figuré en a, a, a. Cet arrangement est indispensable pour répan- dre également partout la chaleur qu'ils sont chargés de communiquer à toute l’eau de la serre, On tient l’eau des chaudières dans un état continuel d’ébullition ; et, pour faciliter son mélange avec celle du bassin, de temps à autre on en tire une certaine quantité de celui-ci au moyen d’un robinet, et, en la versant dans la chaudière, on force celle qui y est bouillante à passer dans le bassin pour la remplacer. La chaudière étant couverte, la chaleur comprime la surface de l’eau et la force à passer dans la serre pour se renouveler par d’au- tre moins chaude qui prend sa place. Enfin il faut con- tinuellement entretenir le feu, pour que toute l’eau de la serre soit constamment au degré de température le plus près de l’eau bouillante. L'espace vide entre la grille en fer et le bassin se remplit d’une vapeur épaisse et très-chaude ; elle pénè- tre dans la couche, et la maintient toujours à un haut point de chaleur. Il faut avoir le plus grand soin de ne jamais laisser refroidir le fumier, car l'humidité dont il estimprégné ne lui permettrait de se réchauffer qu'après un laps de temps considérable , suflisant pour que la -gelée pénètre jusque sur les plantes. Le grand inconvé- ment de cette serre est l'humidité ; aussi doit-on lui donner de l'air toutes les fois quele temps le permet, et cesser de la chauffer à la vapeur quand une couche or- dinaire peut suflire. On concoit que dans ce cas il faut cutièrement refaire Les couches avec du fumier neuf. Du DES JARDINS. 277 reste, tout ce que nous venons de rapporter sur cette serre nous à été transmis par un horticulteur de St.-Pé- tersbourg, et nous n’en avons pas fait l'expérience ; aussi ignorons-nous les avantages que l’on pourrait en retirer sous le climat de la France. S XII. De la Resserre. On donne ce nom à une construction destinée à ser- rer les légumes pendant l'hiver , à conserver les fruits , et à mettre à l’abri des intempéries de lairles graines , bulbes et ognons , et les instrumens aratoires toutes les fois qu’on ne s’en sert pas. Rarement on fait construire une resserre ; on emploie ordinairement à cet usage des bâtimens auxquels on fait les réparations nécessaires pour les rendre propres à cela. Dans le cas même où l’on en bâtirait une , sa dis- tribution entre dans les attributions de l'architecture ; aussi n'en donnerons-nous aucun plan, et nous nous bornerons à énumérer les conditions qu’elle doit avoir pour être appropriée à ses divers usages. Si la maison du jardinier ne fait pas partie du corps de bâtiment formant la resserre, elle doit au moins en être le plus près possible , afin qu'il puisse employer les journées que le mauvais temps lui laisse libres pendant l'hiver , à mettre de l’ordre dans ses outils et ustensiles à raccommoder ses cloches, à confectionner des paillas- sons , etc., sans être obligé à un grand dérangement. La resserre se compose : 1° d’une cave dans laquelle on conserve les plantes potagères craignant le froid et destinées à la consommation d'hiver, ou à être replan- tées au printemps. Elle doit être voûtée, sèche, et à l'abri de toute gelée, sans être trop chaude. 2° Une seconde cave, destinée aux couches à cham- pignons. /’oyez pour cet article le Jardin potager, tome 2, pag. 339. | 278 DES JARDINS. 3° Un hangard pour déposer les instrumens de trans- ports, tels que civière, charriot d’orangerie, etc. , les claies, cribles, et enfin tous les objets qui ne risquent pas de se détériorer au grand air, C’est aussi là que l’on fait le mélange des terres , les rempotages, etc. 4° Une pièce au rez-de-chaussée , dans laquelle on serre les outils qui ont des dangers à redouter , ou qui se détériorent à l'air ; les cloches , verrines , panneaux de châssis ; les arrosoirs, les outils en fer , bêche, bi- nette, etc. Il est bon d’avoir dans cette pièce quelques outils de menuisier, marteau , rabot, banc, scie, râpe à bois, limes , tenailles, etc., objets dont on a conti- nuellement besoin, soit pour raccommoder les caisses d’orangers, soit pour faire les caisses d'emballage, ete. 5° Dans une seconde pièce, au rez-de-chaussée, seront déposés les étiquettes , le plomb laminé pour en faire, les marques, poinçons, lettres et numéros en acier ser- vant à imprimer sur le plomb, et les vignettes en cuivre pour écrire les adresses sur le bois, la toile ou le papier. C'est aussi là que l’on déposera les vitres de réserve pour réparer les accidens qui peuvent arriver aux pan- neaux des châssis et des bâches, les mastics , cire à gref- fer, et généralement tous les petits objets qui peuvent facilement s’égarer , ou dont la conservation exige quel- ques soins. Le premier étage se composera de trois pièces : 1° une consacrée à la conservation des graines. Elle sera rayon- née en planches, de manière à former un très - grand nombre de cases. Les graines , renfermées dans des sacs de papier ayant chacun une étiquette annonçant l'espèce, et l’année dans laquelle elle a été recueillie, seront placées dans ces cases avec le plus grand ordre, afin de ue laisser aucune équivoque , aucun sujet d’erreur. Cette pièce doit être très-sèche , hermétiquement fermée , et à l'abri dé toute gelée ; 2° une autre pièce sera consa- crée à la conservation des ognons de tulipes , jacinthes DES JARDINS. 279 et autres plantes bulbeuses qui se plantent à l'automne. On les y déposera sur des rayons disposés à cet effet. Cette pièce doit être sèche et acrée. Elle doit avoir plu- sieurs fenêtres, afin de pouvoir y établir un courant d’air à volonté ; 3 une pièce servant à conserver les fruits, et ceci demande un peu plus de développement. Les fruits se conservent plus ou moins bien, selon diverses circonstances. Quand ils ont mûri pendant une saison sèche, leur pulpe étant moins aqueuse renferme peu de principes de fermentation, et ils se conservent bien; mais il faut qu'ils aient été cucillis un peu avant leur parfaite maturité, et avec précaution, pour qu'ils n'aient éprouvé ni chocs, ni blessures ; il faut encore qu'ils soient parfaitement sains et non attaqués des vers. L'air est le principe qui hâte le plus la fermentation des fruits et leur décomposition ; par conséquent la frui- terie sera parfaitement close. Cependant elle aura des ouvertures, afin que l’on puisse changer l'air quelque- fois, parce que , lorsque les fruits l’ont respiré pendant quelque temps et se sont emparés d’un de ses élémens, les autres ont plus de tendance à former de nouvelles combinaisons, ce qui hâte la putréfaction. Il résulte de ceci quil faut donner le moins d'air possible, en le renouvelant néanmoins de temps à autre, mais alors on ouvre toutes les croisées et pendant fort peu de temps. On choisit pour cela un moment durant lequel l'air est sec et le ciel serein. La chaleur est encore un des grands agens de la pu- tréfaction, parce que , tenant les molécules de matière dans un mouvement continuel, elle favorise les nou- velles combinaisons. Aussi la meilleure fruiterie sera celle où le thermomètre se maintiendra le plus constam- ment à 2 ou 3 degrés au-dessus de zéro. Pour arriver aussi près que possible à établir cette température , les fenêtres doivent être tournées au levant. La plus petite geléene doit jamais pénétrer jusque sur les fruits ; mais, 280 DES JARDINS. ; si cela arrivait, il se pourrait que quelques espèces, dans les pommes surtout, ne fussent pas perdues, en ayant la précaution de les laisser lentement dégeler, sans les toucher en aucune manière. Les fruits s’arrangent sur les rayons en planches qui garnissent la fruiterie, de manière à être placés très- près les uns des autres, mais sans se toucher. Quelques personnes les posent sur un lit de paille, d’autres se contentent de les mettre à nu sur les planches. Dans tous les cas on ne doit les rentrer que lorsqu'ils sont très-secs, et pour cela on les cueille pendant le moment le plus chaud de la journée. En les transportant, il ne faut jamais les entasser, et on prend toutes les précau- tions, même les plus minutieuses, pour ne pas les blesser. Nous finirons le chapitre des constructions utles, en conseillant aux cultivateurs qui mettent de l'intelligence dans le jardinage, d'élever au-dessus de la resserre un observatoire d'horticulture. On lui donnera la forme d’une petite tour ronde et vitrée, afin d’avoir toutes les expositions. Quatre thermomètres seront placés en dehors aux quatre points cardinaux : leur élévation au- dessus du sol les mettra hors de l’atmosphère formé par la chaleur réflétée, et l’on sera sûr d’avoir toujours le véritable degré de chaleur de Pair libre. Dans l’intérieur seront placés un hygromètre pour juger de l'humidité de l'atmosphère, et un baromètre pour connaître sa pe- santeur. On en tire des conséquences utiles, selon les principes que nous enseignerons à l’article des influences atmosphériques. Enfin , une girouette placée au sommet indiquera de quel côté de l'horizon viendra le vent, chose dont on tire dans tous les pays des pronostics presque certains pour la pluie ou le beau temps, le froid ou la chaleur. Cristalsatonet étiquettes L'ig. ô. Cris talisation de la chaux phosphate. Fig. 8.Cristalkration de Wpotasse nitrate , Lig.9. Cristaliration de la soude muriatee.. Fig-lo.Cristalisation de la soude carbonatee. Hig.1. Créstaliration du leld-spath Wig. 2. Crestalhsation du Quarts , * Fig. 3. L.en pyramides adossees . Fig.4 . Crietaksation de la chaux carbonate A /nstrumens. Pl2. ET TA SRE” | fl | hi Pr po HT, PEN EP Æ | A EL ue, di ee ‘RES = Me RS e Li L 7 ci l'A Bache el cloches. PL;3, Pig. 2. £lepaton à Fg.6. À CT. —- à 1) Il i\ \ \L ’ : MANS ! \\| Î tr À f | AL D | 1h. NI BL 1 N 1 2) NN QUIL NA. = e UE "+ PR RE AS RM UE POULE gts \brées fa) Di * ? n Jerre. aqualique PL (TN ul Il Pa (LUN Al _ Ju (I) 4 10 pieds + DUR; Waruel complet di Jardinter LA 4 Le] he me lente te x Lt an + F9 LEP . 5 : . Es ee de dire rues à 2 di ce 4 t : W # " ( « r f = “ e 4 \ 2" ‘ I : « D \ 2 î € / : l Ne Le : L æ Zableau des inclnarsons . PL. 6. | 56 degres | Hi Il : 12-10 # 45 degré 1%! pal N ; 25 % F g A VA Ne DE m2) Z nt! Far ve à PRES RU ae | à Ai E ELLE N TRE A ROUE PS ec PLAT A ’ Chassis, PL 6. LE EE | En EE L. CEE | | JL É | B| | RE LL | EEE EEE | EIRE EEE HF UE OT se ne TE EE SERRES | | | Pig. 2 D y WE % 3 Fa j R LES "sh nr nr MR PERS CE M3. ut < ve É à # CURE n . Jerres. Pl. UT) 7 RE — —————— —, | TAVAATEMRE: PR te F1 : f | | Echelle de sir Toires. Pig. DE ) Jerres , ze. K *é Le Pr psème if FRERE, :æ Echelle de 12 Pieds, pour les deux coupes , Manuel complet du Jardvuer . \ 7 à dr 4 ri AA *) ‘ , t CL SR œu 208 m2 Pb | RTS Le AR a 2 di 1 ne 060 er des A en LÉ Be 7 ee Cd hondé va na r: ‘ \ \ a Ets x . x =. re i CEA e Î Lay eh th tan Le dan ESA mue A j RAS CE Ro + x h w « * : Î } à * PAT LOU NL Nr. La t ë Tv NET ar: 1 " “t 1 ! Fe * 1 à | 1 L2 ) 6 4 e TT Upes . Be s deux ‘ Na ’ Ra ANY ; S IS QIR DZ ae, || S = ES A / 7) AA FER | ts TON | NE272 1 \P F ED» 2 DD DS ÿ g Ne » XZOALLTLNC 2ZL 2% CAE Z WZZ 2 LR Le chelle de 6 pieds, pour le co Verres ; ÉLRELT EURE NE ani E | nn ” a À] 3 I ==: || LAN À LU qe “nu ÿ 3 HA Sie | ML “| * Jerres . PE: + 4 4 dE pr 8 q 10 1 R Echelle de io pieds =ùS II > > ——— SR 6 7 8 4 @_# 32 pied ; ner > ni] ï guess me «6 OL > U , ; 1 ; 3 4 ! 4 Jerres . Plu. TE EE << =| || \II=Z< —= |@ === A EU fui Tr CAN hr ru RAT NU VAR Manuel complet du Jardnter . LE MANUEL COMPLET DU J ARDINIER ‘enale & voa in-8r de 500 à 700 pages, ornés du portrait de l'auteur et des. planches nécéssaires à l'intelligence du texte. Ces quatre | volumes paraîtront en huit livraisons à à trois mois ones | valle ; la seconde a paru en août 1825. Prix de chi +: livraison : 5 fr., et 6 fr, franc de port: s FE or he livraisons. ite zuvraïsox. Histoire, composition et ornement 4: jardins; leur formiation, choix du terrdin, travaux PRÉRERRÉE a” hi sol , et constructions. > | LivRAISON. Principes de physiologie Vote: 4 multiplication des espèces et variée tés; entretien et scins des végétaux 1° VOLUME. “pendant toute leur durée. * Livnasox. Traité et monographie de la greffe Ha 2* VOLUME, : de la taille. SE Se nn % ES LAyRAISON, Planies potagères et rh früitiers, | +: ETTRAISON. Plantes. et arbres “d'agrément, classés. 4 3° VOLUME. SRE (1 Rares des familles nanrefles, | LIVRAISON: : « + « » id. : eu 7 JTE LIVRAISON, +. + » dd. “sl ke ; a. G° voLuE. : SL A AAVRAISON. - +: NT TAN. 7 ON TROUVE A LA MÈME LIBRAINE | eee e Et chez madame Huzinp imprimeur libraire; rue: de r Éperon, we 75 1° Le Cararocus. des Arbres fruitiers. Prix ::1 fre + + Le = 2 > Le Cararocvt des Rosiers, Dablia, PRE ; Chryssnthèmes ét. 5 Camellia, Prix : 55e. 3 Le Cararocue GÉNÉRAL des Arbres, Arbustes et Plantes, o td serre que de pleine-terre ; . Cultiyés dans l'établissement de M. 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