ai a atit wom jQ.llâ^..éuhïk. n- jVo%I^S15.Mï V.Z LiBRARY s* MANUEL COMPLET DU JARDINIER MARAICHER, PÉPINIÉRISTE, ROT ANISTE, FLEURISTE ET PAYSAGISTE; PAR M. LOUIS NOISETTE, MEMBRE DES SOCIETES LINNEENNE DE PARIS, HORT1CULTURALES DE LONDRES ET DE BERLIN, D1AGRICULTURE ET DE BOTANIQUE DE GAND , ET AUTEUR DU JARDIN FRUITIER J TOME DEUXIÈME. PARIS, ROUSSELON, LIRRAIRE-ÉDITEUR, rue d'anjou-dauphine, n" g. 1825 *4, MANUEL COMPLET DU JARDINIER. PRINCIPES GÉNÉRAUX. TROISIÈME PARTIE. CHAPITRE PREMIER, DE LA GREEFE. Dès la plus haute antiquité on connaît l'art de la greffe , mais le nom de son inventeur n'est pas parvenu jusqu'à nous. Il est à croire que le hasard en aura fourni le pre- mier exemple, et que les hommes n'auront fait que per- fectionner cette découverte. ■-. (t) Le Botaniste cultivateur. 2. I 2 DE LA GREFFE. de toutes, et a indiqué la possibilité d'en faire de nou- velles. » Qu'il en soit ainsi, ou autrement, il n'en est pas moins vrai qu'un des peuples les plus anciens du monde , les Phéniciens , connaissait cette opération , par laquelle on change à volonté la nature de presque tous ]es végétaux. Ils transmirent la connaissance de la greffe aux Carthaginois et aux Grecs. Les Romains la reçurent de ces derniers et la répandirent en Europe , où elle fit d'a- bord de grands progrès , mais où, bientôt après, elle se perdit presque entièrement , parce que l'on ne sut pas en faire une juste application, et qu'on la regarda plutôt comme une expérience curieuse et amusante que comme une chose utile. Dans le fait , si l'on se donne la peine de lire ce qu'en ont dit les auteurs anciens (i), on verra qu'ils n'ont fait que soupçonner les avantages immenses que l'on pouvait en tirer. Ce fut La Quintinie qui , le pre- mier parmi les auteurs modernes , donna un aperçu de l'importance que la greffe pourrait avoir en agriculture : aussi son ouvrage fit-il une grande sensation , et l'on mit à la mode l'art de greffer. On crut alors qu'il ne s'agis- sait plus que de faire subir cette opération à tous les arbres , de quelque nature que ce fût , pour les métamor- phoser en arbres fruitiers , et changer nos forêts en im- menses vergers . Peu s'en fallut que ces espérances déçues ne fissent une seconde fois abandonner totalement cette (i) Parmi les auteurs grecs, Aristote, Théophraste et Xénophon; Ma- gon chez les Carthaginois ; Virgile, Pline, Varron, Constantin César et Columelle parmi les Romains ; dans des temps moins reculés, Kuffner, Agricola et Sikler en Allemagne 5 plus nouvellement encore, Miller , Bradeley et Forsyth, en Angleterre ; Olivier de Serre, La Quintinie, Duhamel, Rosier , Cabanis , etc., en France. Mon premier maître et mon ami, le vénérable M. ïhouin, que la mort vient d'arracher aux sciences et à ses nombreux amis, a donné au public, dans les An- nales du Musée, une monographie des greffes où il a consignées progrès de cet art étonnant. Enfin , M. le baron Tschudy , en publiant sa mé- thode des greffes herbacées, a complété l'histoire de ce moyen de multi- plier les Variétés. Telle est la nomenclature des auteurs anciens et mo- dernes qui ont donné des détails vraiment intéressans sur cette matière. DE LA GREFFE. 3 méthode ,: comme il était déjà arrivé huit à neuf cents ans avant. « La greffe, dit M. Thouin, est une partie végétale vivante, qui, unie à une autre, ou insérée dedans, s'identifie avec elle , et y croît comme sur son pied natu- rel lorsque l'analogie entre les individus est suffisante. » Il résulte de cette définition, parfaitement juste, que l'art de greffer a pour but de changer , selon la volonté de celui qui fait l'opération , le tronc , ou seulement les branches d'un végétal, en tronc ou branches d'un autre végétal ; du moins c'est là ce que l'on se propose le plus ordinairement. Mais les résultats en sont extrêmement variés , et c'est peut-être pour cette raison que cette voie de multiplication a tant de charmes pour toutes les per- sonnes qui consacrent une partie de leur vie à la cul- ture, et qui en fontleur plus douce jouissance. En effet , quel spectacle plus attrayant pour l'homme pensant, que celui d'une nature sauvage, ne produisant d'abord que des fleurs sans éclat et des fruits amers, obéissant tout à coup à la main puissante qui la dirige , et se parant presque aussitôt des dons les plus brillans de Flore , et de fruits délicieux. On ne peut nier que la greffe , paria- quelle s'opèrent ces miracles, soit une des plus aimables comme une des plus utiles conquêtes que l'art ait faite sur la nature» Par son moyen on conserve et multiplie les variétés et sous -variétés obtenues par d'heureux hasards ou par une fécondation artificielle , lorsque la voie des semis serait impuissante pour les reproduire. C'est par elle que l'amateur a la certitude de faire toujours figurer dans ses collections ces belles roses qui font l'admiration de tous ceux qui les voient, et ces fruits magnifiques dont la saveur exquise le dispute au coloris le plus séduisant. Même, lorsque ces précieuses variétés peuvent se mul- tiplier par d'autres moyens, on a encore recours à celui-ci pour assurer et surtout beaucoup hâter ses jouissances. 4 DE LA GREFFE. Si une maladie, ou un accident bizarre, change jus- qu'à un certain point la nature d'un végétal , mais d'une manière curieuse ou agréable, c'est parla greffe que Ton fixe cette monstruosité, et qu'on la perpétue. C'est ainsi que nous possédons des arbres à feuilles pana- chées ou laciniées, à fleurs semi-doubles , doubles , ou pleines -, à fruits remarquables par leur saveur , leurs cou- leurs, ou leurs singularités. Les rosiers mousseux, à feuilles de laitue ou de chanvre , prolifères ; les érables laciniés , panachés , maculés ; les orangers hermaphro- dites , les cerisiers à grappes , et cent autres anomalies plus singulières les unes que les autres , ne se conservent et ne se multiplient pas autrement. La greffe a encore cet avantage très-précieux , qu'elle hâte de plusieurs années la fructification des arbres pour lesquels on l'emploie. Un amateur remarque-t-il dans ses pépinières un jeune sujet sans épines, dont les feuilles se développent plus amplement, et dont les bourgeons soient plus rapprochés que chez les autres de même es- pèce , il a l'espérance d'en obtenir un fruit nouveau : mais cette espérance flatteuse ne doit se réaliser, ou n'être déçue , que lorsque le végétal aura atteint de dix à quinze ans ( terme moyen pour qu'un arbre franc se mette à fruit ) ; et cette longue attente fait payer bien cher un résultat quelquefois de peu de valeur. Que fait-il ? Il coupe un rameau de son jeune élève , le greffe sur un vieux pied -, et la seconde , ou au plus tard la troisième année , il peut juger du mérite de sa nouvelle acqui- sition. Ce n'est pas tout. Quoique nous ayons dit que la greffe conservait les variétés , elle fait plus encore : elle les per- fectionne. Plus un arbre ou arbuste d'ornement est gref- fé , plus sa fleur augmente de volume et d'éclat -, cette amélioration est moins sensible dans les fruits , mais ce- pendant elle existe. Ce qu'il y a de bien constaté pour ee& derniers , c'est qu'elle augmente leur qualité la première DE LA GREFFE. 5 fois qu'on la leur fait subir, et qu'elle facilite leur matu- rité en en hâtant le moment. Le phénomène de la reprise des greffes s'explique assez facilement par les physiologistes. Les gemmes , disent-ils , sont les rudimens des bourgeons -, comme les semences sont ceux des individus complets ; les premiers ayant la faculté de se rendre propres et d'assimiler à leur nature les fluides qui leur sont fournis par des racines étrangères , la reprise aura lieu toutes les fois que les vais- seaux destinés à charrier ces fluides de la racine aux branches ne se trouveront pas oblitérés et engorgés dans une de leurs parties , et que les sucs nourriciers pour- ront facilement circuler du sujet à la greffe. On conçoit qu'il faut, pour cela, que la partie tronquée des vais- seaux de la greffe se trouve en contact précis avec la partie tronquée des vaisseaux du sujet 5 que les orifices de ces vaisseaux soient appliqués positivement les uns sur les autres , de manière à ce que la sève puisse passer des uns aux autres sans rencontrer d'obstacles. Les liqueurs nourricières déposent , en passant sur la bles- sure, une quantité de matière organique suffisante pour souder les bords de la plaie ; la surabondance passe dans le bourgeon qu elle développe , et la reprise est opérée. Faute d'observations suivies avec discernement et exactitude, on croyait autrefois , et des auteurs, impri- ment encore aujourd'hui (1), que : « quel que soit le mode ( de greffe ) qu'on emploie , il s'agit toujours d'unir le liber des deux individus. » Le liber (première écorce joignant l'aubier) ne joue pas un rôle plus essen- tiel, dans la réussite de cette opération , que toute autre partie d'un végétal dans laquelle s'opère une circulation de fluides nourriciers. Nous demanderons à ces auteurs s'ils n'ont jamais vu pratiquer des greffes de fruits > de feuilles , ou de tiges herbacées, avec un plein succès 5 ils (1) Voyez l'Horticulteur Français. 6 DE LA GREFFE. savent que ces parties n'ont ni éeorce ni liber : comment sera-ce donc le liber qui aura opéré la reprise ? Les plantes nous offrent dans leur organisation un phé- nomène facile à observer : elles ont des parties, que nous appellerons vivantes , dans lesquelles résident tous les principes de la végétation ou de la croissance ; la sève , par des canaux extrêmement fins et déliés, y circule pour les alimenter : aussi sont-elles les seules qui prennent de l'accroissement par leur propre énergie. Les feuilles, les organes de la fructification et l'écorce sont parti- culièrement dans ce cas, ainsi que les tiges dans les plantes herbacées succulentes. Les végétaux ligneux ont des parties mortes qui ne prennent aucun accroisse- ment par leur propre énergie ; ce sont l'aubier et le bois. Par exemple si un tronc d'arbre prend de l'accroisse- ment , il ne le doit qu'à la surabondance des fluides éla- borés par l'écorce. La quantité excédante pour nourrir les parties vivantes s'extravase entre le bois et le liber, s'y épaissit, et devient ce qu'on appelle le cambium, qui bientôt se durcit, se lignifie, et forme une nouvelle couche d'aubier. S'il trouve une ouverture par laquelle il puisse passer à la surface extérieure de l'écorce , il se coagule par le contact de l'air , et forme de nouveaux gemmes, qui bientôt se développeront en branches vi- goureuses ? ou en racines s'ils sont placés dans des cir- constances favorables. Si nous pensions devoir assigner à la greffe un principe particulier qui agît pour sa reprise , nous dirions que ce principe n'est rien autre chose que le cambium , ou , si l'on aime mieux , la sève parvenue à un certain degré d'épaississement ; et par là nous expli- querions toutes les espèces de greffes, puisque la sève se trouve en circulation dans toutes les parties vivantes. Nous concluons que la meilleure manière d'assurer la reprise d'une greffe est : i° de la placer sur un végétal dans la partie où la sève, étant plus élaborée qu'ailleurs, a plus de tendance à s'organiser 5 %° de faire coïncider le DE LA GREFFE. 7 mieux possible les vaisseaux séveux du sujet avec ceux de la greffe ; 3° de choisir, pour greffer , l'époque où la sève a aussi le plus de propension à s'organiser. Mais, avec toutes ces précautions , on ne réussira point encore à opérer la reprise, si les deux individus que l'on soumet à cette expérience n'ont pas entre eux un cer- tain degré d'analogie, que jusqu'ici l'on n'a pas encore pu calculer. Des auteurs disent que, pour assurer le suc- cès de cette opération , il faut la faire sur deux sujets congénères: mais qu'entendent-ils par sujets congé- nères ? C'est ce que nous ne concevons pas , et même ce qu'ils seraient bien embarrassés de nous expliquer. Comme on fait trop généralement aujourd'hui , ils se sauvent d'une difficulté par une équivoque , et cette mé- thode finit par jeter tant de confusion dans la science , que ses progrès s'en trouvent singulièrement retardés. Nous avons fait sur ce sujet une quantité d'expérien- ces qui nous ont conduits à la connaissance d'un grand nombre de faits particuliers -, mais ces mêmes faits , loin de nous éclairer sur le principe général , semblent au contraire le couvrir à nos yeux d'un voile plus impéné- trable. Par exemple : l'analogie existant entre le poirier et le pommier est bien plus saillante que celle existant entre le poirier et le cognassier -, cependant le poirier greffé sur le cognassier réussit parfaitement , tandis que, sur le pommier , il végète un an ou deux sans donner de fruit, et périt ensuite. Quelle peut en être la cause ? Voilà qui paraîtra plus extraordinaire : ce poirier, que nous n'avons jamais pu faire complètement reprendre sur le pommier , réussira jusqu'à un certain point si on le greffe sur le néflier, l'azérolier et même sur l'épine, toutes espèces qui paraissent avoir beaucoup moins d'a- nalogie avec lui. Les cerisiers ne peuvent s'unir aux pruniers, avec lesquels ils ont des rapports nombreux, ni aux abricotiers , pêchers et amandiers ; et le chionanthe de Virginie , dont le fruit est une baie , réussit très-bien 8 DE LA GREFFE. sur le frêne, dont le fruit est une capsule. Un auteur , estimable d'ailleurs , a tort lorsqu'il dit que la théorie de Fart consiste : « A ne greffer les unes sur les autres que <( des variétés de la même espèce , des espèces du même « genre, et , par extension , des genres de la même « famille. » Si l'on soumet cette théorie à la pratique , on verra que les exceptions , ou plutôt les faits qui la démentent , sont cent fois plus nombreux que ceux qui ont servi à l'établir. Il est vrai que l'auteur ajoute qu'il faut encore : « Observer l'analogie des arbres dans les « époques du mouvement de leur sève , dans la perma- « nence ou la chute de leurs feuilles , et dans les quali- « tés de leurs sucs propres , afin de mettre toutes ces « choses en rapport entre les sujets et les greffes. » Dans le plus grand nombre de cas , l'analogie entre la perma- nence ou la chute des feuilles est de toute inutilité ; il y a plus : dans quelques circonstances un arbre à feuilles persistantes reprend sur un autre dont les feuilles tom- bent chaque année ; mais ce n'est pas de cette erreur que nous devons nous occuper à présent. Seulement nous ferons remarquer que , lorsqu'il parle de chercher de l'a- nalogie entre les sucs propres , il est beaucoup plus con- séquent que les auteurs à espèces congénères, sans pour cela avoir fait faire un pas de plus à la science : car com- ment reconnaître l'analogie dans les sucs propres? Faut- il les soumettre à une analyse chimique , le résultat, d'ail- leurs très-4ifficile à obtenir, serait de toute inutilité. Faut-il s'en rapporter aux analogies que l'œil peut saisir, toutes les sèves limpides se ressemblent, ainsi que toutes les sèves laiteuses , gommeuses et résineuses. Si l'on pouvait raisonnablement recommander à des jardiniers une étude qui leur serait peut-être plus préjudiciable qu'utile, à cause d'une perte de temps précieux qu'elle leur occasionerait , nous leur conseillerioifs de chercher ces analogies plutôt dans le système vasculaire des végé- taux , dans les formes des étuis médullaires , etc. , et DE LA GREFFE. \) peut-être ces recherches, aidées de l'expérience , leur feraient - elles faire quelques découvertes précieuses à l'art de greffer. Quant à nous, nous nous bornerons à la théorie que nous avons donnée plus haut , et nous ajouterons seulement que , pour assurer le succès , on fera l'opération très-lestement, afin de ne pas donner le temps aux parties amputées de se dessécher ; on met- tra le plus de justesse possible dans leur réunion ; on les garantira des influences météorologiques qui pour- raient leur nuire , et on tâchera de les faire profiter de celles qui pourraient leur être favorables. Les autres dé- tails seront donnés à l'article de chaque greffe en particu- lier, et les sujets à choisir pour placer les espèces et variétés seront énumérés dans la culture de chaque individu. Faute de connaître les degrés d'affinité nécessaires entre deux arbres pour la réussite de la greffe , on avait accrédité autrefois, sur ce sujet, un grand nombre de contes ridicules. C'est ainsi que l'on prétendait qu'en greffant le pécher sur le saule on obtenait un fruit d'une grosseur prodigieuse , mais dont la chair n'était pas man- geable. On a débité que, pour soustraire l'oranger aux effets de la gelée , il ne s'agissait que de le greffer sur le houx; qu'un rosier greffé sur le groseillier-cassis don- nait des fleurs noires : enfin quelques auteurs se sont , même de nos jours , laissé persuader par des charlatans que le rosier greffé sur le houx produisait une rose verte. Dumont de Courcet îui-même, tout en réfutant ces erreurs , paraît y croire jusqu'à un certain point ; et , dans le fait, il faut avoir pour soi plusieurs années d'ex- périence pour n'être pas tenté de se laisser séduire par l'apparence de naïveté avec laquelle grand nombre de personnes vous affirment l'avoir vu. On a , étourdiment ou par ignorance , avancé un fait faux ; on le soutient par amour-propre : tel est l'esprit des hommes ordinaires. On aime mieux soutenir une sottise contre l'évidence IO DE LA GREFFE. même , qu'avouer qu'on s'est trompé , ou qu'on a pu l'être! Les résultats de la greffe sont peut-être encore plus difficiles à expliquer que les rapports d'analogie qu'il lui faut pour reprendre, Cette opération modifie telle- ment le caractère de certains arbres , qu'elle semble en changer la nature. Par exemple, les pommiers greffés sur franc s'élèvent à une hauteur prodigieuse 5 sur paradis ils atteignent à peine quelques pieds; et il en est à peu près de même pour tous les arbres greffés sur rejetons. Le sorbier des oiseaux greffé sur l'aubépine s'élève , en quelques an- nées , à vingt-cinq ou trente pieds de haut ; venu de se- mences, il reste fort long-temps un arbrisseau médiocre. Le ragouminier produit par ses graines rampe sur la terre et atteint rarement plus de deux pieds de haut ; greffé sur prunier ses tiges se redressent, se réunissent en faisceaux et s'élèvent à quatre ou cinq pieds. Ce qui est plus singulier , c'est que plusieurs arbres qui ne peuvent supporter le froid de nos hivers lors- qu'ils sont francs de pied , cessent d'y être sensibles lorsqu'ils sont greffés 5 c'est ainsi que l'on voit le néflier du Japon , greffé sur aubépine , passer l'hiver depuis quelques années en pleine terre, avec la simple précau- tion de couvrir ses branches d'un peu de paille , tandis que ceux provenus de semences n'ont pu résister à la gelée , quoiqu'on ait pris pour eux des précautions plus minutieuses. Le vrai pistachier, greffé sur térébinthe , n'est pas sensible à un froid de dix degrés 5 s'il est produit par ses graines, il périt à six , dit un célèbre professeur (M. Thouin.) Enfin tous les arbres, sans exception , produisent plus de fruits , d'un plus gros volume et d'une qualité meil- leure , lorsqu'ils sont greffés 5 et plus on les greffe sou- vent, plus ces qualités augmentent. Comme c'est ici le résultat le plus utile et le plus ordinaire que l'on se propose d'obtenir , c'est aussi le seul phénomène que DE LA GREFFE. 1 1 nous allons chercher à expliquer. Si nous réussissons à lever un coin du voile dont la nature se plaît à cou- vrir ses opérations les plus essentielles , nous croirons avoir rendu un véritable service à la science, parce que nos conjectures mettront peut-être sur la voie quelqu'un plus habile que nous, qui plus tard achèvera de répan- dre entièrement la lumière sur cette partie de l'art du jardinier. Alors, l'expérience se trouvant toujours d'ac- cord avec la théorie , on ne marchera plus en tâtonnant , et l'on obtiendra tout d'un coup les précieux résultats qui peuvent encore nous être cachés. Avant tout il faut pré- ciser les effets de la greffe sur les organes de la fructifica- tion, et n'admettre que ceux constatés par l'expérience. i° II est certain que les péricarpes charnus de tous les fruits à pépins et de la plupart des autres sont pres- que toujours, d'un cinquième, d'un quart, et même quelquefois d'un tiers, plus volumineux sur les individus greffés , même de la même variété , que sur ceux qui résultent de semences. 2° Les semences, loin d'être altérées par ce dévelop- pement du péricarpe , sont au contraire plus grosses , en même nombre, et aussi fertiles. Ce principe a des exceptions dont nous parlerons plus tard. 3° La greffe influe sur la saveur du fruit, en la rendant plus douce , plus parfumée , enfin plus agréable au goût , mais simplement par l'altération des tiges, sans parti- cipation des sucs du sujet. Des auteurs prétendent que le sujet modifie la saveur du fruit de la greffe , ou même qu'il la change. Ils disent que la prune reine-claude, greffée sur différentes variétés de sauvageons de son es- pèce , est insipide sur les uns et d'une saveur délicieuse sur les autres; que les cerises greffées sur le mahaleb, le laurier-cerise, ou le merisier des bois, ont un goût tout-à- iait différent. Mais plusieurs fois nous avons tenté des expériences qui nous ont appris que c'était une erreur. Nous allons développer les résultats de nos observations,. 12 DE LA GREFFE. Dans le plus grand nombre des végétaux , et particu- lièrement dans ceux qui reprennent de boutures , de marcottes, et qui se prêtent à la greffe (peut- être dans tous ) , toutes les parties qui les composent sont douées , par l'effet de leur organisation particulière , de la faculté d'élaborer les sucs nourriciers qui leur sont transmis par des matières quelconques , et de les assimiler à leur propre nature, sans que ces sucs conservent jamais la moindre analogie avec ce qu'ils étaient avant (i). La seule influence qu'ils peuvent avoir sur un végétal , c'est de produire chez lui un plus grand développement de végétation, s'ils sont abondans, et ctla par la seule raison que la plante s'en approprie une plus grande quantité. (i) Nous ne prétendons pas dire par là que le terroir n'a aucune in- fluence sur la qualité' des re'coltes ; l'expérience nous donne en chaque lieu la preuve contraire , et certes on ne niera jamais que le vin de Bor- deaux ne soit meilleur que celui de Surène. Mais ces différences ne sont que de légères modifications dans la saveur du fruit, et ne peuvent suf- fire pour caractériser des variétés. En outre, si l'on mettait en compte les influences résultant du climat, de l'exposition , des météores, de la culture, des méthodes employées pour la fabrication des vins, de l'é- poque plus ou moins avancée delà maturité, des espèces de plants, la part du terrain se réduirait à bien peu de chose , peut-être à rien ; il est à peu près sûr que, si l'on apportait à Paris de la terre du clos Vougeot, les vignes qu'on y planterait ne produiraient pas du vin meilleur que celui de Surène. Nous savons qu'on pourra nous faire d'autres objections : par exemple, les légumes qui croissent dans des terres fumées avec des excrémens en contractent assez ordinairement le goût; du moins ceux dequelques plai- nes des environs de Paris en ontla réputation. Cela ne vient pas, comme on le croit, des sucs nourriciers qui leur sont fournis par l'engrais , mais bien des miasmes qu'il exhale, qui s'attachent à la surface des feuilles et des autres parties des plantes, etlesimprègnentd'une mauvaise odeur. Il serait plus difficile d'expliquer , dans de certains vins, ce que Ton appelle le goût de terroir. Cependant on a souvent remarqué que les vignes placées dans les environs d'un four à chaux communiquaient au vin une saveur désagréable , occasionée par les sédimens que la fumée dépose sur le raisin, et pas du tout par des sucs nourriciers; n'en se- rait-il pas de même dans ce cas, et ne pourrait-on pas attribuer ce pré- tendu goût de terroir à des brouillards méphitiques qui agiraient de la même manière que la fumée du four à chaux ? DE LA GREFFE. l3 C'est ainsi qu'un arbre planté dans un bon sol prendra des dimensions beaucoup plus considérables que s'il était planté dans une terre médiocre ou mauvaise. Ce principe de physiologie végétale est prouvé par l'expérience , et nous ne concevons vraiment pas com- ment on a pu le mettre en doute, lorsque l'on s'est demandé , si la sève d'un sujet sur lequel on a placé une greffe influerait sur la forme , la couleur et la saveur d'un fruit , au point d'en faire une nouvelle espèce , ou au moins une nouvelle variété. La sève du sujet agira sur la greffé précisément de la même manière que les sucs nourriciers de la terre agissent sur une bouture ou une marcotte. Que ces sucs soient fournis à un végétal par de l'argile , de la silice, de l'alumine , par une terre calcaire , sablonneuse ou granitique , par un humus provenant de décompositions animales ou végétales, dès l'instant qu'ils seront absorbés par la bouture , ils se métamorphoseront en sa propre substance, ils de- viendront de même essence qu'elle , sans égard pour ce qu'ils étaient avant l'absorption ; et l'œil le plus exercé n'apercevra aucune différence dans les formes et les tissus des deux boutures de même espèce croissant dans des terrains de nature différente. Or , la greffe n'est rien autre chose qu'une bouture , qui , au lieu d'être faite dans la terre et d'absorber les fluides nourriciers par des racines , est placée sur une écorce dont elle absorbe les fluides nourriciers en met- tant en rapport ses vaisseaux séveux avec ceux du sujet. . Enfin, pour trancher le mot, une greffe n'est qu'un vé- gétal parasite , vivant aux dépens d'un autre , sans ja- mais former avec lui un même et seul individu. Pour s'assurer de la vérité de cette assertion , il ne s'agit que de prendre un arbre greffé, à quelque âge que ce soit, et de décoller ses greffés. On verra très-bien que les fibres des vaisseaux séveux du sujet et de la greffe sont superposées, mais jamais continues. Autre preuve plus 1^ DE LA GREFFE. convaincante encore : si la greffe n'était pas parasite , lorsque, par exemple, elle est placée à moitié de hauteur de tige sur un sujet de trois ans ayant déjà six couches ligneuses, vingt ans après elle ne pourrait plus se décoller, parce qu'il y aurait quarante couches ligneuses non interrompues, depuis la racine de l'arbre jusqu'à sa tête , et que les six premières couches superposées se trouveraient renfermées sous les quarante autres couches continues. Il n'en est point ainsi : chaque couche li- gneuse partant de la racine conservera la nature du su- jet jusqu'à la greffe 5 là il y aura solution de continuité 5 non-seulement elle changera de nature , mais elle s'in- terrompra brusquement , et une autre couche tout-à-fait distincte , et de la nature de la greffe , sera superpo- sée de manière à s'emparer de ses sucs nourriciers sans qu'il y ait prolongement de la première , ni même le moindre entre-croisement dans leurs fibres réciproques. Une greffe, enfin, ne tient au sujet que par une espèce d'engrenage et un engluement particulier. Nous concluons de tout ceci , que la sève du sujet n'a aucune influence sur la forme , la saveur , la couleur des fruits ; qu'elle ne peut modifier la nature de la greffe , et que le sujet n'influe sur elle que par la quantité plus ou moins grande de nourriture qu'il lui fournit ■ ce qui peut s'estimer, à peu près , sur la même échelle que les influences d'un terrain sur la bouture qu'on y a placée , selon sa bonne ou mauvaise qualité. 4° Les arbres dont la greffe a le plus d'effet sur le développement du fruit vivent beaucoup moins long- temps que les autres. La pomme venue sur paradis est la plus grosse , l'arbre ne vit que vingt- cinq ans au plus ; celle venue sur doucin est souvent moins grosse et l'arbre plus vigoureux ; celle venue sur franc est moins grosse encore , l'arbre vit jusqu'à cent vingt ans -, celle produite par le sauvageon est la plus petite , et l'arbre vit deux cents ans. DE LA GREFFE. l5 5° Plus la greffe développe la grosseur du fruit , plus aussi elle arrête le développement général de l'arbre : et ce phénomène suit la même progression que la lon- gévité. On a cru que de certains arbres étrangers semblaient se soustraire aux principes généraux que nous venons d'établir; par exemple, on a cité les pavias rouge et jaune qui, greffés sur le marronnier d'Inde, vivent, dit-on, plus long-temps que ceux provenus de graines ; le sorbier des oiseaux et celui de Laponie qui sont dans le même cas, etc. ; mais il nous serait facile d'établir que , si ces faits sont vrais , ce sont de simples anomalies que l'on doit attribuer à des causes particulières , et nous pouvons affirmer que les individus provenus de semences sont toujours les plus vigoureux et les plus durables. A présent cherchons à trouver les causes auxquelles on doit attribuer ces phénomènes. Il faudrait n'avoir jamais observé la nature pour n'avoir pas remarqué une loi invariable à laquelle elle s'est soumise : c'est de tout sacrifier , même les individus , pour la conservation des espèces ; et cette loi s'applique à tous les êtres organisés. C'est en conséquence de ce principe que l'on voit les ani- maux les plus gros et les plus robustes, ceux qui par con- séquent peuvent le plus facilement éviter les dangers, ou résister aux accidens qui les détruiraient , ne produire que peu de petits. Leur force individuelle suffît pour conserver l'espèce ; il n'était donc pas nécessaire d'en multiplier les individus. Mais lorsque des êtres n'ont que la faiblesse en partage , sans cesse en butte à tous les accidens , succombant au moindre choc , l'espèce se- rait bientôt détruite si les individus n'étaient très-nom- breux. La baleine et l'éléphant ne font qu'un petit , le hareng en produit par million 5 le papillon par centaine , et la souris en fait de cinq à huit tous les mois. Il en est à peu près de même dans les végétaux. Ceux annuels, qui par conséquent sont les plus hasardeux l6 DE LA GREFFE. sous le rapport de leur conservation, sont ceux qui gé- néralement donnent un plus grand nombre de graines. C'est ainsi qu'un pavot en fournira cent ou deux cents fois plus qu'un chêne ou un châtaignier -r encore ceux-ci peuvent être comptés parmi les arbres qui multiplient leurs semences en plus grand nombre ; et la raison en est que, ne se trouvant que dans le nord , ils ont à redouter la rigueur des hivers que les arbres du midi n'ont point à craindre. Aussi ces derniers sont-ils généralement moins féconds, quoique leurs fruits soient ordinairement plus gros. Il suit de ce principe , que , la nature ayant en vue la multiplication des espèces , et rien autre chose , elle a dû veiller aussi à ce que chaque individu se soit repro- duit plusieurs fois avant sa destruction. Aussi voit-on que , lorsqu'un être quelconque , animal ou végétal , est altéré dans sa constitution, les principes organiques qui devaient , dans son état de santé , se distribuer dans toutes ses parties pour les entretenir dans leurs pro- portions et leur vigueur , prennent un autre cours et se concentrent pour ainsi dire sur les organes de la repro- duction , afin d'assurer l'existence future des petits êtres qui remplaceront celui qu'elle abandonne à la mort. Cette loi générale s'étend jusque sur les hommes. Les naturalistes et les médecins ont remarqué que les per- sonnes rachitiques, phthisiques , ou attaquées d'une ma- ladie chronique ayant pour cause un vice d'organisation, sont celles qui ont le plus de propension à l'acte vénérien. Les animaux qui vivent depuis long- temps dans la do- mesticité sont les plus altérés dans leur nature , et aussi ceux qui se reproduisent en plus grand nombre. C'est surtout dans les végétaux que cette observation est frap- pante : un arbre est - il très - vigoureux , il porte peu de fruits ; mais , lorsqu'il a été mutilé par la taille , par l'amputation de quelques-unes de ses racines , par plu- sieurs transplantations , ou même par une blessure faite DE LA. GREFFE. jj à son tronc ; lorsqu'on l'a soumis à l'incision annulaire , à l'arcure ; lorsqu'on l'a altéré enfin , la nature fait un effort ; elle semble appréhender la destruction de l'individu avant qu'il ait rempli le but qu'elle en at- tend , et elle le couvre de fleurs et de fruits. On peut conclure de ceci un fait assez prouvé par l'expérience ; c'est que le nombre , la grosseur et sou- vent la qualité des fruits sont en raison inverse de la vi- gueur de l'individu qui les produit 5 que, par conséquent, plus le sujet sera altéré dans son port, plus il se mettra à fruit. Cependant il ne faut pas que cette altération soit portée jusqu'à un commencement de désorganisation , car la nature épuisée ferait de vains efforts , l'arbre donnerait des fruits avortés et périrait promptement. La greffe est une opération par laquelle on altère la constitution d'un arbre , en entravant la marche de la sève des racines aux branches ; plus l'arbre sera greffé , plus il sera altéré. Donc , selon le principe établi , la greffe doit augmenter la grosseur et le nombre des fruits. Ceci est d'autant plus vrai que l'on voit l'altéra- tion même du sujet sur lequel on greffe, influer déjà au moins sur leur volume. Suivons notre première comparaison : que l'on prenne , par exemple , deux greffes de pommier sur la même branche ; que l'on place la première sur paradis , la seconde sur franc 5 on obtiendra de la première un arbre s' élevant rarement à la hauteur de quatre ou cinq pieds 5 mais les fruits seront beaucoup plus gros. La raison envient de ce que le paradis est une marcotte naturelle détachée du pied d'un arbre et déjà beaucoup altérée , fournissant par conséquent moins de sève. La seconde s'élèvera de vingt à trente pieds , et les fruits seront beaucoup moins gros que sur la précédente. Pour réussir parfaitement dans l'opération de la greffe, il faut encore qu'il y ait entre les deux sujets d'autres analogies, mais beaucoup plus faciles à saisir. Si l'on 2. 2 l8 DE LA GREFFE. greffait un individu robuste sur un sujet d'une croissance faible ou languissante, il en résulterait que les racines, et le tronc au-dessous de la greffe ne se trouveraient jamais en proportion avec la tête de l'arbre; les pre- mières, trop grêles, ne l'attacheraient pas assez forte- ment à la terre, et laisseraient assez de prise aux vents pour l'arracher ou au moins l'ébranler fortement ; le se- cond , fluet et maigre , finirait , au bout d'un certain laps de temps, par ne plus pouvoir transmettre de nourriture aux branches , et l'arbre périrait. Outre que l'endroit où la greffe serait attachée sur le sujet formerait un énorme bourrelet , qui bientôt deviendrait chancreux , présente- rait un coup d'œil désagréable, et enfin entraînerait la perte du végétal. Il convient aussi de placer les variétés sur les sujets d'autres variétés que l'expérience nous a démontré leur convenir davantage , soit par leurs propres affinités , soit à cause de la qualité du terrain dans lequel on plan- tera. Par exemple , on greffera l'abricotier de Provence sur prunier venu de noyau , les albergiers sur la pêche - amande , et l'abricot de Portugal sur le gros damas. Dans un terrain sec et sablonneux on greffera les pêchers sur amandier ; dans les terres humides on les greffera sur prunier; et encore faudra-t-il assortir les variétés des greffes avec les variétés des sujets. Tous ces cas particu- liers seront prévus et traités dans tous leurs détails aux articles de nos cultures particulières. Nous venons de voir les effets généraux de la greffe ; il nous reste à parler de ceux moins étudiés qui tien- nent plus particulièrement à la physiologie végétale, mais qui sont cependant indispensables à connaître , même au plus simple praticien. i° La greffe, quel que soit le sujet sur lequel on la place, comme nous Pavons dit, ne change point ou change très-peu le fruit et la grandeur de l'arbre. Les formes , le port , la santé et les maladies persistent sans aucune différence, à très-peu d'exceptions près. Il n'est DE LA GREFFE. 19 donc pas indifférent , quand on veut multiplier une espèce ou une variété , par cet ingénieux moyen , de choisir les greffes sur des sujets vigoureux , n'ayant aucuns vices particuliers, et possédant toutes les qualités que l'on veut fixer dans ses enfans. Par la même raison, si l'on veut perpétuer une maladie ou une anomalie , comme par exemple des panachures, des fleurs dou- bles, etc. , on le pourra par la greffe ; et l'on réussira d'autant mieux , que l'on choisira le rameau sur lequel ces accidens seront le mieux déterminés. Une observa- tion essentielle, c'est que les maladies ne se perpétuent par cette opération que lorsqu'elles sont constitution- nelles, c'est-à-dire, lorsqu'elles appartiennent à une modification d'organisation dont la cause est presque toujours ignorée, et non à une lésion accidentelle. La réussite sera certaine lorsque la maladie sera générale ; mais , si elle ne modifie qu'une partie de la plante , elle deviendra douteuse , à moins qu'on ne soit certain d'a- voir inséré un gemme modifié. Supposons qu'il se trouve dans une pépinière un sujet ayant développé deux bran- ches , dont l'une portera des fleurs simples , l'autre des fleurs doubles, et qu'on veuille multiplier la variété à fleurs doubles. Si, pour greffer, l'on prend indistinctement un bourgeon , même sur la branche à fleurs doubles , il est possible qu'on le choisisse au-dessous de l'endroit où l'organisation est modifiée, quand même ce serait le bour- geon le plus près de l'anomalie , et l'opération serait man- quée. Mais, si l'on prend un bourgeon du même rameau, et placé au-dessus , la réussite est sûre. Non-seulement ces modifications se transmettent par la greffe , mais encore celles qui sont dues à la nature et à la vigueur des gemmes ; d'où il résulte qu'il faudra, au- tant que possible , choisir les yeux à greffer sur des ra- meaux sains, d'une grosseur proportionnée à l'espèce de greffe et à la grosseur du sujet. 20 La greffe , par une réaction particulière%ur le sujet 20 DE LA GREFFE. qui la reçoit, peut en modifier la nature jusqu'à un point qui n'est pas encore connu, faute d'expériences à ce su- jet. D'après quelques faits que nous avons observés, il paraît que la greffe en écussonxagit , sur le végétal qui la reçoit, de la même manière que l'inoculation sur les animaux. 11 nous est arrivé plusieurs fois de greffer une variété panachée sur une espèce qui ne l'était pas; la greffe, après avoir poussé pendant quelque temps, péris- sait par un accident , ou était décollée entièrement , et le sujet qui l'avait reçue n'en avait pas moins contracté des panachures. Les maladies peuvent se perpétuer par cette espèce d'inoculation , mais nous ne croyons pas qu'il en soit de même pour les anomalies. Avant d'entrer dans les détails relatifs aux différentes manières de greffer , nous devons décrire les insti umens les plus nécessaires pour opérer, et indiquer les sub- stances dont on se sert , soit pour maintenir les parties à leurs places, soit pour faciliter la cicatrisation de la plaie. Il existe deux espèces de greffoir. i° Le greffoir ordi- naire 5 c'est une espèce de petit couteau , dont la lame , longue d'un pouce et demi à deux pouces , est un peu arrondie sur le bout , du côté du tranchant. Le manche doit être en corne de cerf et raboteux , afin de se fixer plus facilement dans la main. Au talon est implantée une spatule en buis, en ivoire , en os, et quelquefois, mais à tort, en cuivre, formant un ovale, aplatie sur ses bords, mais non tranchante. Cet instrument est trop connu pour demander une plus longue description ; seu- lement il doit être tranchant comme un rasoir pour cou- per très-net, et la lame sera toujours tenue très-propre. On aura grand soin de l'essuyer toutes les fois que l'on viendra de s'en servir sur un arbre d'une espèce, pour l'employer sur un autre d'une espèce différente. i° Le greffoir angulaire , que nous avons inventé et fait figurer , pi. 6, fig. 7. Il consiste en une lame de quinze lignes de longueur, creusée en gouttière triangulaire a, dont DE LA GREFFE. 21 l'extrémité plus large , tronquée , est tranchante ; elle est fixée à vis dans un manche de quatre pouces de longueur, et un petit couvercle ou étui b , en cuivre, sert à la dé- fendre quand on met l'instrument dans sa poche. La fig. 8 représente le même instrument, renversé pour en- tailler plus commodément près de terre. La lame a est placée , par le moyen d'une vis , sur un pivot , tournant sur un ressort, lorsqu'on l'enfonce. Cette mécanique sert à replacer la lame perpendiculairement sur le manche , pour pouvoir la recouvrir d'un étui , comme nous l'avons représenté par despoints. Lajïg. 7 est réduite d'un quart, hîjig. 8 est dessinée de grandeur naturelle. Les autres instrumens se bornent à quelques coins en bois , de diverses dimensions , pour placer dans la fente faite à un fort sujet, et la tenir ouverte pendant qu'on y enfonce la greffe 5 et en un marteau pour ouvrir cette fente en frappant sur un instrument tranchant, quand on opère sur un tronc d'arbre déjà parvenu à une certaine grosseur. Les matières que l'on emploie le plus ordinairement pour faire les ligatures qui doivent maintenir les parties en place jusqu'à ce qu'elles soient soudées, sont : i° la laine grossièrement fdée et peu tordue. Elle est très- avantageuse, parce que son élasticité lui permet de se relâcher à mesure que le sujet prend de la croissance , ce qui empêche les étranglera ens et les nodosités. Elle a encore l'avantage de prendre difficilement l'humidité, mais aussi, lorsqu'elle en est imprégnée, elle la conserve long-temps. Cette substance nous paraît préférable à toutes celles employées jusqu'à ce jour. i° les lanières d'écorce. Elles ont le défaut d'être difficiles à atta- cher, de se pourrir trop vite, et de ne pas se relâcher lorsque le sujet grossit. 3° le chanvre , ne se relâche ja- mais, et, par cette raison, produit presque toujours des étranglemens qui non - seulement occasionent des no- dosités, mais nuisent même à la reprise de la greffe. 22 DE LA GREFFE. 4° les joncs, conservent trop l'humidité, pourrissent rapidement, et manquent de solidité. 5° les osiers, fen- dus et trempés dans l'eau pendant quelque temps pour les ramollir, sont employés pour les sujets très-forts , et dont les écorces sont peu délicates. 6° la toile goudron- née : celle-ci offre le précieux avantage de maintenir les parties , et de les préserver de l'humidité et du contact desséchant de l'air atmosphérique. Comme elle n'est point encore en usage , nous allons indiquer la manière de la préparer et de s'en servir. On prend de la toile fine , on la coupe en rubans plus ou moins larges , selon le besoin ; puis on fait fondre dans un vase de terre deux parties de poix noire , une de suif et une de cire , et on en couvre les rubans , mais d'un côté seulement. Ainsi pré- parés, on peut les conserver très-long-temps; quand on veut les employer , on les réchauffe simplement avec les mains ou l'haleine , et on les applique avec la précaution de passer les doigts dessus à plusieurs reprises pour les attacher à l'écorce du sujet greffé. 70 enfin, à défaut des substances que nous venons d'indiquer, on peut em- ployer avec plus ou moins d'avantages tout ce qui peut servir à faire une ligature. Quelquefois il n'est pas nécessaire de lier pour mainte- nir la greffe sur le sujet, mais on doit toujours la garan- tir des influences atmosphériques et particulièrement d'une humidité trop long-temps soutenue , occasionée par les pluies. On se sert alors de la cire à greffer, ou de ce que les jardiniers appellent l'onguent de Saint- Fiacre. La première se compose de plusieurs manières : i° on fait fondre, dans un vase de terre, un mélange de poix résine et de cire jaune, en égale quantité-, 20 ou cinq huitièmes de poix noire, un huitième de résine, et un huitième de cire jaune ; 3° ou une livre de poix de Bourgogne , un quart de poix noire , deux onces de cire jaune , deux onces de résine , une demi-once de suif de mouton. Cette composition, employée dans notre DE LA GREFFE. 23 établissement et dans celui du Luxembourg , est excel- lente : on fait fondre à très-petit feu dans une marmite de fonte , et on fait réchauffer sur un fourneau portatif, pour s'en servir au besoin -, 4° ou deux tiers de cire jaune et un tiers de suif-, 5° ou enfin un tiers de poix noire , un tiers de cire jaune et un tiers de suif, auxquels on ajoute une quantité à peu près égale de briques pulvérisées le plus fin possible. Ce dernier moyen nous paraît très-bon aussi , parce que la poussière de briques donne de la so- lidité en même temps qu'elle apporte de l'économie. On se sert de la cire à greffer quand elle est chauffée assez pour devenir liquide et s'étendre facilement sur l'é- corce par le moyen d'un pinceau 5 mais il faut prendre garde qu'elle soit trop chaude , car elle dessécherait les bords de Fécorce, et l'opération serait manquée. L'on- guent de Saint-Fiacre n'est rien autre chose qu'un mé- lange de terre glaise et de fiente de vache. Dans les temps pluvieux, il a le grave inconvénient de retenir une trop grande abondance d'humidité et de pourrir la greffe ; dans les saisons sèches, il a l'avantage de mainte- nir la fraîcheur , et d'aider par conséquent à la reprise. Enfin quelques personnes emploient simplement une argile pure , lorsqu'elle a été assez battue pour ne plus se crevasser en séchant. Chacune de ces méthodes est à préférer dans de certaines circonstances particulières, mais celle qui offre le plus d'avantages généraux est l'em- ploi de la cire. S'il arrivait que l'on eût à greffer dans un lieu éloigné des habitations , où par conséquent on n'aurait pas la commodité d'avoir du feu pour ramollir les différentes .cires dont nous venons de donner la composition, on préparerait d'avance celle dont voici la recette : une livre de cire jaune , une livre de térébenthine grasse , une demi -livre de poix blanche ou de Bourgogne, et un quart de suif de mouton. Quand la composition est fon- due , bien mélangée et refroidie , on la pétrit en se mouil- 2/} DE LA GREFFE. lant les mains pour qu'elle ne s'y attache pas , et on la met en petits pains, que l'on emporte avec soi pour s'en servir au besoin. Il ne s'agit que de la pétrir de nouveau pour la ramollir et la rendre propre à s'attacher parfaitement sur les écorces où on l'applique. Peu d'auteurs ont cherché à classer méthodiquement les différentes sortes de greffes , et un seul a réussi à donner des divisions vraiment analitiques; nous vou- lons parler du professeur Thouin. Duhamel est le pre- mier qui ait essayé : il les a divisées en cinq sections aux- quelles il a donné les noms de greffes par approche, en fente, en couronne, en flûte, et en écusson. Ces sections n'ont aucuns caractères qui puissent les faire distinguer les unes des autres , par conséquent elles sont arbitraires et mauvaises; mais c'est déjà beaucoup que d'avoir indiqué , aux auteurs qui devaient écrire après lui, la route méthodique qu'ils devaient suivre pour atteindre un but utile que lui-même a manqué. Rosier, venu après lui , aurait peut-être dû s'emparer de la con- ception de Duhamel , et la perfectionner -, il n'a fait qu'a- jouter une sixième section, tout aussi arbitraire, àlaquelle il a donné le nom de greffes par juxta-position. Enfin M. Thouin inséra, dans les mémoires du Musée d'histoire naturelle, son classement analitique (i) , le meilleur que l'on pourrait adopter, selon nous, dans un ouvrage qui serait moins pratique que celui-ci. Nous allons l'ex- traire textuellement de son excellent ouvrage , avant de donner le nôtre fondé sur des bases tout-à-fait diffé- rentes. « Nous restreignons à trois sections , dit M. Thouin , le genre des greffes , et nous les nommons , savoir : la pre- mière , greffes en approche; la deuxième , greffes par scions ; et la troisième , greffes par gemmes, (1) Monographie des greffes , ou Description technique des diverses sortes de greffes employe'es pour la multiplication des ve'getaux. DE LA GREFFE. 25 « La première réunit toutes les sortes de greffes qui s'effectuent au moyen de quelques-unes des parties des végétaux qui tiennent à leurs pieds enracinés. « La deuxième rassemble toutes celles qui se prati- quent avec des parties ligneuses séparées d'un individu et transportées sur un autre. « La troisième et dernière comprend toutes celles qui s'opèrent au moyen de gemma ou yeux , levés avec la portion d'écorce qui les environne , sur un végétal et posés sur un autre. « Ces trois sections sont elles-mêmes divisées en sé- ries , lesquelles ont aussi des caractères secondaires qui servent à les faire distinguer entre elles. a Celles-ci se divisent en sortes avec des caractères particuliers qui les différencient les unes des autres. « Enfin les diverses variétés et sous-variétés qu'offrent quelques-unes de ces sortes , sont distinguées par des définitions particulières, et sont rangées à la suite de leurs sortes principales. « Les greffes par approche présentent cinq séries , ou cinq groupes différent , en raison des diverses parties des végétaux avec lesquelles on les effectue, savoir : « iere série , greffes par approche sur tiges. « ie série , greffes par approche sur branches. « 3e série , greffes par approche sur racines. « 4e série , greffes par approche de fruits. « 5e série, greffes par approche de feuilles et de fleurs. « Les greffes par scions s'effectuent avec de jeunes pousses boiseuses , telles que bourgeons , ramilles , ra- meaux, petites branches, et racines qu'on sépare de leurs individus pour les placer sur un autre , afin d'y vivre et d'y croître à ses dépens. » « Les sortes de greffes appartenant à cette section étant nombreuses, on les a divisées en cinq séries, en raison des parties des arbres avec lesquelles on les ef- fectue , et des opérations qu'elles nécessitent. » 26 DE LA GREFFE. « La première réunit celles connues sons la dénomi- nation de greffes en fente , et qui se pratiquent ordi- nairement au moyen de jeunes pousses produites par la dernière sève. « La seconde rassemble celles nommées habituelle- ment greffes en couronnes , qu'on pratique presque tou-^ jours avec déjeunes rameaux produits par l'avant-der- nière sève , et dont l'âge est de douze à dix-huit mois. ce La troisième comprend les greffes en bouts de bran- ches, ou celles formées de rameaux garnis de leurs ramilles , de leurs feuilles , souvent de leurs boutons à fleurs, et quelquefois de leurs jeunes fruits. « La quatrième renferme les greffes que l'on nomme de côté , qui s'effectuent sur les tiges , sans exiger l'am- putation de la tête des individus sur lesquels on les pratique. « La cinquième et dernière est composée des greffes de racines sur des parties aériennes des végétaux , et de celles de jeunes scions sur des souches de racines. « Les greffes par gemma consistent en un œil , bou- ton ou gemma , porté sur une plaque d'écorce plus ou moins grande , et de différentes formes , transportée d'une place à une autre sur le même ou sur d'autres individus. « Comme cette section offre une assez grande quantité de sortes et de modes de greffes difïerens , on l'a divisée en deux séries : « La première comprend toutes les greffes en écusson qui s'effectuent au moyen d'un gemma isolé , ou de plu- sieurs réunis en un seul bouton. « La seconde rassemble toutes les greffes en flûte et par juxta-position, qui peuvent réunir plusieurs gemma écartés les uns des autres , sur un même tube d'écorce.» Le lecteur peut voir, par cet extrait, avec quelle pré- cision et quelle justesse M. Thouin a créé des divisions auxquelles se rapportent aisément les 202 greffes qu'il DE LA GREFFE. 27 connaissait , celles qui lui étaient inconnues , et même celles que Ton pourra inventer par la suite. Si nous n'a- vons pas adopté sa classification , c'est que nous avons voulu présenter les espèces de greffes autant que pos- sible dans Tordre de leur usage. Notre intention étant de faire un ouvrage utile , nous devons sacrifier toujours la marche théorique à celle pratique ; du reste , il sera fa- cile de classer toutes nos greffes dans les divisions de M. Thouin , et c'est dans ce but que nous avons rap- porté les caractères qu'il assigne à chacune de ses princi- pales divisions. PREMIÈRE SECTION. GREFFES DES ARBRES FRUITIERS. PREMIÈRE DIVISION. GREFFES DES ARBRES FRUITIERS EN GENERAL. Lorsque l'on greffe un arbre fruitier, on se propose un ou plusieurs buts, mais qui ne peuvent être que ceux-ci : 10 multiplier une variété ou une espèce , en la plaçant sur une variété ou une espèce différente $ 20 pla- cer plusieurs espèces ou variétés sur un seul sujet 5 3° ra- jeunir un arbre en tout ou en partie 5 4° réparer un dé- faut de forme dans son port 5 5° augmenter sa vigueur-, 6° obtenir des fruits sur un arbre très-jeune ; 70 aug- menter la qualité et la grosseur du fruit d'une manière particulière 3 8° réparer une blessure faite àl'écorce d'un arbre précieux -, 90 obtenir un grand nombre de francs sur une seule souche. 2^ DE LA GREFFE. Greffes pour multiplication des variétés. ( I. Greffes en écusson. On appelle écusson une petite plaque d'écorce, imitant un écu ou bouclier, sur laquelle se trouve un gemme vulgairement appelé œil ou bouton. Plusieurs sortes de greffes, que nous allons décrire , ont tiré leur nom générique de cette plaque , et s'exécutent selonles mêmes principes généraux. Elles sont ordinairement employées sur les jeunes sujets , d'un à cinq ans , et même davantage si leur écorce s'est con- servée mince , lisse et saine 5 elles conviennent , non- seulement aux arbres fruitiers, mais encore à tous les autres arbres , arbustes et arbrisseaux non résineux , dont l'écorce a les qualités que nous venons d'indiquer. Elles se font au printemps, lorsque la végétation com- mence et que les arbres sont bien en sève 5 ce qui se re- connaît à la grande facilité que l'on trouve à détacher l'écorce du bois , ou pendant la sève du mois d'août. La première attention que doit avoir le jardinier , c'est de choisir avec réflexion le rameau de l'arbre dont il veut multiplier la variété , et sur lequel il doit lever l'écus- son. Il faut que ce rameau soit une pousse de l'année précédente , bien aoûtée, et munie d'yeux parfaitement formés. Si l'on craignait que les boutons ne fussent pas assez mûrs , on pincerait l'extrémité de la branche pour arrêter son accroissement , forcer la sève à se porter vers les yeux , et l'on retarderait sa coupe jusqu'à ce que la maturité fût parfaite. Quand le rameau est coupé , on retranche les feuilles , mais avec la précaution de laisser attachée au bois une portion du pétiole longue de deux ou trois lignes ; elle servira à tenir récusson avec deux doigts, lorsqu'il sera enlevé, et à le placer plus com- modément daus l'incision préparée pour le recevoir : en outre, lorsqu'après être desséchée elle tombera de la greffe en s'en séparant net et sans efforts, elle sera l'au- gure le plus favorable pour le succès de l'opération. DE LA GREFFE. 29 Si l'on ne doit pas greffer de suite et que l'on ait à con- server, pendant un jour ou deux , les rameaux coupés , on les piquera dans de la terre humide , et on les tiendra dans un lieu frais. Si on doit les garder plusieurs jours, il faut plus de précautions : on les enveloppe dans un linge ou de la mousse mouillés. Enfin , si elles doivent voyager , on les pique dans une boule de terre grasse humide , on les enveloppe de mousse mouillée , et on les renferme dans une boîte de fer-blanc. M. Thouin recommande , pour un voyage de quatre ou cinq jours , de les piquer dans un concombre ou dans un autre fruit aqueux ; et , pour des distances plus éloignées , de les mettre dans un bain de miel : mais ces précautions nous paraissent surabondantes et même hasardeuses. Si l'on doit greffer de suite, on peut enlever les écus- sons et les jeter à mesure dans un vase d'eau, afin d'em- pêcher l'air et la chaleur de les dessécher : du moins cette méthode est employée par quelques jardiniers. Mais le plus sûr est d'y plonger seulement les rameaux , et de les en retirer les uns après les autres, et à mesure qu'on en a besoin pour lever les écussons et les placer de suite dans leur incision. Celle-ci se fait en coupant l'é- corce du sujet depuis l'épiderme jusqu'à l'aubier, d'abord par une entaille transversale , puis par une autre longitu- dinale qui commence vers le milieu de la première et se prolonge , en descendant ou en montant , dans une lon- gueur proportionnée à celle de l'écusson, de manière" à former la figure d'un T droit ou renversé. Pour placer l'écusson , on écarte , en commençant par le haut, avec la spatule ou lame d'ivoire du greffoir , les deux lèvres de l'incision, et on soulève l'écorce avec la plus grande attention de ne pas la déchirer ni la blesser. L'écusson, que l'on avait placé entre ses lèvres pour avoir les mains libres, est saisi par le pétiole et glissé sous l'écorce : on fait coïncider parfaitement le liber de sa partie coupée transversalement , avec le liber de Fin- 3û DE LA GREFFE. cision transversale du sujet-, puis on rapproche par des- sus les lèvres de l'écorce du sujet, de manière à ce qu'il n'y ait aucun vide entre les parties , par lequel des corps étrangers pourraient s'introduire. On fait la ligature en enveloppant le tout , excepté le bouton , de plusieurs tours de laine ou de chanvre 5 on ne serre pas trop pour ne pas blesser l'écorce en la comprimant , et l'opération se termine là. Il ne reste plus qu'à visiter quelquefois les greffes pour s'assurer que la ligature ne forme pas des étranglemens ou des bourrelets ; et, si cela arrive, on les défait sur-le-champ pour les refaire moins serrées. Au bout de quinze jours ou un mois la réunion des écorces est opérée, et la greffe est reprise. Nous allons énumérer et décrire les greffes en écusson le plus ordinairement employées à la multiplication des espèces ou variétés de fruits. ) Nota. Toutes les greffes marquées d'une aste'risque * sont employées dans la pratique journalière ; celles marque'es de deux** le sont plus géne'ralement. jo ** Qre£jTe en écusson boisé. Greffe Lenormand , de Thouin. PL ire,/%. 3. c, l'incision ; a, l'incision ouverte ; &, l'écusson (1). On lève un écusson sur un rameau. Pour cela on fait, au-dessus d'un œil sain et vigoureux , une incision trans- ni : : " ^1) Nous avons fait figurer les tailles de toutes les espèces de greffes que nous connaissons, et nous avons rapporté à la Synonymie de M. Thouin toutes celles qui étaient connues par ce savant professeur. Cependant nous devons avertir nos lecteurs qu'ils trouveront quelque- fois des différences de coupes , s'ils comparent nos figures à celles citées par cet homme respectable ; en voici la raison : M. Thouin, en rédi- geant sa Monographie des greffes, écrivait plutôt l'histoire de l'art, qu'il ne voulait en enseigner la nouvelle application à la pratique actuelle. Il lui a donc fallu citer les figures des auteurs sans se permettre d'y faire de changemens. Notre but étant différent du sien , nous avons cru de- voir figurer nos greffes telles qu'elles sont employées dans la pratique actuelle , soit dans notre établissement, soit chez d'autres agriculteurs, sans nous embarrasser beaucoup des figures des anciens aiîteurs. DE LA GREFFE. 3l versale et profonde ; puis, en reportant la lame du greffoir un peu plus haut que cette entaille , on enlève une la- nière de trois à quatre lignes de largeur , sur un pouce ou un pouce et demi de longueur-, on la termine en pointe par le bas , et la première incision fait qu'elle se trouve coupée transversalement dans le haut. Il faut que l'œil se trouve placé à peu près vers le tiers supérieur , et que les stipules ou autres membranes accompagnant quelquefois le pétiole que l'on a laissé , les aiguillons ou autres appendices, soient ôtés avec précaution. Avec la pointe du greffoir on enlève le bois de l'écusson , en en laissant une légère lame dans le tiers de son étendue. On insère cet écusson sur le sujet , et on fait la ligature comme nous l'avons dit plus haut. Cette greffe convient à tous les arbres fruitiers à pé- pins et à noyaux, ainsi qu'au plus grand nombre des arbres forestiers et d'agrément ; aussi est-elle la plus générale- ment employée dans les environs de Paris. 2° ** Greffe en écusson à œil poussant, Greffe Jouette, de Thouin. PL ire,Jig. 3. a , incision du sujet ; b , l'écusson . L'écusson s.e taille et se pose de la même manière que pour la précédente-, mais, aussitôt qu'il est placé, on coupe la tête du sujet , et l'on abat journellement tous les bour- geons qui croissent sur la tige. Cette greffe, faite au printemps, offre un véritable avantage, celui de forcer le bouton inséré à se développer de suite , et par conséquent de hâter la jouissance d'une année ; cependant il arrive quelquefois que , si la greffe ne reprend pas , la sève , ne trouvant pas à se faire jour , fait périr le sujet de plénitude , au moins dans une grande partie de sa longueur. Faite au mois d'août , il est rare quelle réussisse , parce que la jeune pousse de l'écusson, n'ayant pas le temps de s'aoûter, périt par la gelée et entraîne assez souvent le sujet dans sa ruine. 32 DE LA GREFFE. 3°** Greffe en écusson à œil donnant. Greffe Vitry, de Thouin. PI. ire, Jig. 3. a , l'incision du sujet ; b , l'écusson. Elle se fait comme les précédentes, mais à l'époque de la sève d'août , et l'on ne retranche rien au sujet qu'au printemps suivant , afin d'empêcher le développement du bouton avant cette saison. En retardant la jouissance d'une année, cette greffe l'assure davantage. Elle a encore le mérite de ne pas nuire au sujet si elle ne reprend pas. Les habitans de Vitry, qui font le plus grand commerce d'arbres fruitiers , aux environs de Paris , l'emploient presque exclusivement. C'est aussi celle qui paraît le mieux convenir à la multi- plication du pêcher. 4° Greffe en écusson à rebours. Greffe Knoop, de Thouin. PI. ir%fig.5. a, incision renversée ; b, l'écusson taillé à rebours. On lève l'écusson de manière à ce que la pointe de l'œil, lorsqu'il sera placé sur le sujet, se trouve renversée et regardant la terre , soit que l'incision du sujet soit faite à la manière ordinaire , ou en T renversé ( jj). Par cette méthode on oblige les bourgeons à croître dans une direction opposée à celle qu'ils devaient avoir naturellement -, mais ils se redressent bientôt aussi , et le but qu'on attendait de cette greffe , celui d'augmenter la grosseur des fruits en entravant la marche de la sève, a- t-il été manqué ou à peu près. (II. Greffes en fente. Elles se font avec des rameaux ou jeunes pousses de la dernière sève, bien aoûtés , ayant depuis un jusqu'à six ou sept yeux. On coupe un de ces rameaux , dans le bas , en forme de lame de couteau revêtue de son écorce du côté où l'on a conservé de l'épaisseur , ou en biseau avec de l'écorce des deux côtés. On coupe la tête du sujets on unit la plaie , et on y pratique des fentes latérales que l'on descend droit, DE LA GREFFE. 33 à une longueur plus ou moins considérable. Avec la pointe de la serpette, ou un coin de bois , on tient cette fente entr' ouverte , pendant qu'on y introduit le biseau de la greffe. Il faut , pour assurer la reprise , que , sans égard pour la partie extérieure de l'écorce , on fasse coïncider le liber du rameau et celui du sujet de la manière la plus exacte. Il ne reste plus qu'à faire une ligature pour empêcher les fentes du sujet de laisser échapper les greffes en s'écartant, et à recouvrir la plaie avec la cire à greffer, ou l'onguent de Saint-Fiacre. Quand on se sert de cette dernière composition, on l'enveloppe d'un morceau de toile ou de canevas , lié par-dessous , pour empêcher les eaux de pluie d'entraîner ou au moins de dégrader cet appareil ; et dans ce cas on donne quelquefois à cette greffe le nom de poupée. La greffe en fente se pratique^ au printemps , dans les premiers instans où la sève commence à paraître. Elle s'emploie pour tous les fruits à pépins , pour une gran- de partie de ceux à noyaux, baies, etc. On s'en sert le plus ordinairement pour former des arbres à hautes tiges. ) 5.** Greffe en fente simple. Greffe Atticus, de Thouin. PL i^fig. i. a , sujet fendu pour recevoir la greffe ; b, b , rameaux taillés en biseau, d, ou en biseau avec retraite , c ; c, e, rameau ajusté dans la fente. On prépare un jeune rameau d'un diamètre plus petit que celui du sujet, en y laissant deux ou trois boutons , et en le taillant à trois ou quatre lignes au-dessous du dernier œil; on coupe ensuite la tige du sujet, soit au collet de la racine, soit à différentes hauteurs , jusqu'à celle de huit pieds 5 on la fend dans le milieu de son diamètre , et on y insère la greffe avec les précautions indiquées plus haut. Cette greffe, étant une des plus faciles et des plus 2. 3 34 D'E LA GREFFE. sûres, est généralement répandue, surtout dans les pro- vinces. Elle réussit parfaitement sur les arbres à pépins ; moins bien sur ceux à noyaux, si l'on en excepte les ce- risiers et quelques pruniers. Elle est propre aux arbres dont les greffes doivent être enterrées, et à ceux que Ton veut élever à baute tige pour former des vergers. On l'emploie aussi pour beaucoup d'arbrisseaux et d'ar- bustes d'ornement, parce qu'elle offre le précieux avan- tage de fleurir et de former une jolie tête dans le cou- rant d'une année. Les rosiers greffés en fente simple fleurissent presque toujours la même année et souvent le même printemps. Mais les amateurs, qui tiennent plus à posséder un arbre robuste et d'une belle venue qu'à une jouissance prématurée, ont le soin d'enlever le bouton à fleurs, aussitôt qu'il paraît, soit d'un rosier, d'un arbrisseau d'agrément , ou d'un arbre à fruit 15 la sève , qui se serait portée sur les organes de la floraison et de la fructification , profite aux branches et aux ra- meaux. 6. * Greffe en fente Ferrari. Thouin.P/. z,fig. 3. On prend un jeune rameau exactement de la même grosseur que la tige du sujet 5 on le taille en biseau des deux côtés, ou plutôt en bec de hautbois , avec la pré- caution de conserver l'écorce de chaque côté comme on Fa conservée sur un seul dans la précédente. On coupe le sujet et on le fend dans le milieu de son diamètre ; puis on y insère la greffe avec la précaution de faire par- faitement coïncider , des deux côtés, les écorces du ra- meau et du sujet. Cette manière de greffer , très-employée clans l'Italie , et particulièrement à Gênes, convient très-bien aux jeunes sujets d'arbres fruitiers , ainsi qu'à plusieurs ar- brisseaux d'ornement, tels que les jasmins des Açores, d'Espagne, d'Arabie, etc. Elle hâte la fructification des premiers , la floraison des autres , et n'a pas l'in- convénient d'occasioner aussi souvent des bourrelets DE LA GREFFE. 35 desagréables; mais les arbres sur lesquels on l'emploie prennent moins d'accroissement et durent moins long- temps. 7. * Greffe en fente latérale, à un rameau. PL 2, Elle se fait comme la précédente , excepté que , la moelle du sujet devant rester intacte , la fente , au lieu de couper le sujet positivement dans le milieu de son diamètre, le coupe à peu près vers le tiers de son épais- seur , de manière à passer à côté de la moelle sans l'en- dommager. Du reste, elle est employée aux mêmes usages que la précédente, et convient parfaitement aux jeunes arbres , fruitiers ou d'ornement , dont la moelle épaisse et spon- gieuse a besoin d'être ménagée. 8.** Greffe en fente à deux rameaux. Greffe Palla- dius, de Thouin. PI. z,jîg. 7. On prépare , comme pour la greffe en fente simple , no 5 , deux rameaux au lieu d'un 5 puis on fend la tige du sujet dans le milieu de son diamètre , et on insère les deux rameaux à l'opposé l'un de l'autre, c'est-à-dire, sur les deux bords extérieurs de la fente, de manière à oc- cuper chacun la demi-circonférence de la coupe du sujet. Cette greffe se pratique sur des sujets dontla tige offre déjà la grosseur d'un pouce de diamètre , ou même con- sidérablement davantage. La chance de succès est dou- blée , par la raison qu'il est rare que les deux greffes pé- rissent, s'il n'y a pas de cause particulière pour que cela arrive. On peut, si on le désire, placer sur le même arbre deux variétés différentes de fruits ou de rieurs. Cette manière de greffer est aussi généralement em- ployée que la greffe en fente simple. 9.* Greffe en fente latérale à deux rameaux. Comme la précédente, à cette différence près, que la fente du sujet se fait un peu latéralement pour ménager la moelle. 36 DE LA GREFFE. Du reste , elle sert aux mêmes usages que la précé- dente, et n'en est qu'une modification. 10.** Greffe en fente à quatre rameaux . Greffe La- quintinie, de Thouin. PL 2 ,Jïg. 8. On prépare quatre rameaux de la même manière que pour les précédentes, puis on fait sur la coupe du sujet deux fentes qui se croisent au milieu de son diamètre et le partagent en quatre parties égales; on prolonge les deux fentes , en descendant , d'un à trois pouces de longueur, et on y introduit les quatre rameaux; après quoi on en- veloppe le tout d'une poupée. Elle est précieuse pour greffer de vieux arbres dont on veut changer la tête en une espèce ou variété plus agréable ou plus utile. Elle quadruple les chances de succès, et, mieux que les précédentes, fournit en peu de temps une tête bien garnie. Elle peut encore servir à faire porter plusieurs espèces sur le même indi- vidu. On conçoit qu'elle n'est exécutable que sur des sujets ou des branches parvenues à une certaine gros- seur. ( III. Greffes en fente par racines et sur racines. Celles-ci se font de plusieurs manières ; tantôt ce sont des rameaux que l'on greffe sur des racines laissées à leur place-, quelquefois ce sont des racines séparées de leurs souches que l'on greffe sur des tiges ou des branches ; ou enfin ce sont des racines d'arbres différens que l'on greffe les unes sur les autres. Elles se font au commencement de la sève du prin- temps , et de la même manière que les autres greffes en fentes. Quoique peu en usage, elles mériteraient peut-être de l'être, parce que plusieurs espèces de végétaux s'en ac- commodent très-bien. Outre cela elles perfectionneraient sans doute les fruits, parce qu'elles entravent davantage la sève dans sa, marche , et doivent par conséquent la forcer à se porter plus particulièrement aux organes de la fructification. Mais, pour parvenir à ce but, il faudrait DE LA GREFFE. 3j que l'opération fût double. Par exemple , on grefferait une tige d'espèce différente sur les racines d'un indi- vidu; puis, lorsque cette tige serait assez forte, on la grefferait à son tour en y plaçant une autre variété. ) 1 1 . Greffe en fente sur le collet d'une racine, Grefîé Guettard , de Thouin. PL i,fig- 10. On prépare un ou plusieurs rameaux comme pour les autres greffes en fente ; puis on coupe le sujet sur le collet de la racine, on y fait une ou plusieurs fentes, dans lesquelles on place les rameaux à la manière ordinaire. On peut encore se contenter de faire des incisions à l'é- corce comme pour la greffe en couronne. Lorsqu'un sujet fort, et en place, a une tige contre- faite, malade, ou enfin sur laquelle on ne peut placer des greffes pour quelque autre raison , loin de l'arra- cher, comme on fait assez ordinairement, on doit pro- fiter de sa racine vigoureuse pour greffer dessus , et obtenir en fort peu de temps un arbre robuste et d une très-belle venue. Si un accident brise un arbre rez terre, c'est encore le cas d'employer cette greffe. (IV. Greffes par approche. Les greffes par approche ont quelque analogie avec les marcottes ; comme elles, elles se nourrissent des racines de leur mère jusqu'à ce qu'elles soient reprises de manière à pouvoir s'en passer. Elles conviennent très-bien aux jeunes arbres , et même à ceux qui ont atteint le quart, le tiers, ou la moitié de leur grosseur. Elles s'effectuent dans toutes les saisons , pourvu qu'il ne fasse pas une chaleur excessive, ou qu'il ne gèle pas; mais le temps le plus favorable pour leur assurer une prompte reprise est pendant le mouvement de la sève , surtout dans son commencement. Ces greffes ne sont rien autre chose qu'une soudure de deux parties du même végétal , ou de deux végétaux différens , dont la nature nous offre assez souvent des exemples. Pour opérer , on pratique à la partie que l'on veut greffer, une plaie bien nette et proportionnée à 38 DE LA GREFFE. sa grosseur : on fait au sujet une plaie semblable et cor- respondante 5 puis on les réunit de manière à ce quelles se recouvrent réciproquement , que les libers de la greffe et du sujet se trouvent en contact sur le plus grand nombre de points possible , et qu'il n'y ait aucun vide entre deux. On fixe les parties par des ligatures solides , et on les maintient au moyen de forts tuteurs, afin d'em- pêcher tout mouvement qui pourrait les faire disjoin- dre. Enfin on les préserve du contact de l'air, de l'eau et même de la lumière , en les recouvrant d'un emplâtre d'onguent de Saint-Fiacre lorsqu'elles sont faites sur des sujets gros et robustes, ou d'une épaisse couche de cire à greffer si elles sont délicates. Comme dans les autres greffes qui exigent une liga- ture , il faut veiller avec attention aux nodosités ou aux étranglemens qui pourraient s'y former, et défaire la ligature pour la refaire moins serrée si on en apercevait. Cette opération , si on la fait avant que la greffe soit sé- parée de dessus son pied, demande beaucoup de précau- tions ; car les tiges , que l'on a courbées pour les rappro- cher, feront ressort 5 et, si on n'y prend garde , elles.se décolleront et déferont la greffe pour reprendre leur position naturelle. Lorsque la soudure est solidement opérée , il s'agit de sevrer la greffe en la détachant de la branche ou de la tige qui l'a fournie. Si on la coupait tout d'un coup, on courrait la chance de la perdre, parce que la sève du sujet ne s'y porterait pas encore avec assez d'abondance pour la nourrir entièrement 5 on commence donc par une petite entaille faite au-dessous, et de temps à autre on l'agrandit, jusqu'à ce qu'enfin 011 coupe tout-à-fait. Alors on rapproche la plaie de la greffe , en enlevant le talon qu'elle forme à sa base ; on unit la plaie le plus près possible de la soudure , et l'opération se borne là. La greffe par approche sur tige s'effectue sur des tiges ou des troncs de différentes grosseurs. ) DE LA GREFFE. 89 1 1* Greffe par approche en langue. Greffe Bradeley , deThouin. PL^/fig. 5. a, tige à greffer; d, son esquille enfoncée dans la fente du sujet; b, le sujet ; c, l'esquille , formée par la coupe de l'é- corce, enfoncée entre l'esquille et la plaie de la tige à greffer. On coupe la tête d'un jeune sujet -, on fend Faire de la coupe comme pour exécuter une greffe en fente , puis on enlève un morceau d'écorce sur un des côtés , comme pour une greffe ordinaire en approche. Cela fait , on prend la branche ou la tige à greffer , on y établit une esquille, et on enlève au-dessous une plaque d'écorce de la même dimension que celle ôtée au sujet ; puis on en- fonce l'esquille dans la fente du sujet , on unit les plaies , et l'on termine par une ligature. Très -bonne pour les arbres à bois dur, et surtout très -solide. (V. Greffes par approche sur branche. Elles diffè- rent de la précédente en ce que , au lieu de souder les arbres par leurs tiges ou par leurs troncs, elles s'opè- rent en greffant une branche ou un rameau à un tronc , une tige, ou une branche. Elles sont plus faciles', plus sûres , que celles sur tige, et fournissent davantage à la multiplication. ) 1 3 . * * Greffe ordinaire par approche . G reffè A gricola , de Thouin. PL i,Jïg. 9. a, ay le sujet et la greffe ; b, jonction. Elle consiste à rapprocher une branche de la variété que l'on veut greffer , contre une branche ou la tige du sujet. On les entaille Tune et l'autre longitudinalement jusqu'à l'étui médullaire ou un peu moins, et l'on unit les deux plaies comme nous l'avons dit. C'est particulièrement pour cette espèce de greffe, que le greffoir angulaire, de notre invention, rend un véritable service au cultivateur, en facilitant beaucoup la réunion des libers parla justesse qu'il permet de mettre 4o DE LA GREFFE. dans les deux entailles. Il fait gagner beaucoup de temps et assure la reprise. La greffe ordinaire par ap- proche est très-employée pour multiplier toutes les es- pèces et variétés délicates d'arbres, d'arbrisseaux et d'ar- bustes , sur lesquelles les greffes en fente et en écusson reprennent difficilement. Elle s'emploie le plus ordinai- rement sur celles dont l'écorce est mince, le bois dur, et les gemmes sans enveloppe écailleuse. 1 4-* Greffe par approche en entaille. Greffe Cabanis, de Thouin. Elle se fait comme la précédente, à cette différence, que l'on pratique une simple entaille qui doit pénétrer jusqu'à la moelle du sujet. Du reste, elle s'emploie aux mêmes usages. Greffes pour obtenir differens fruits sur le même pied. Il arrive assez souvent que , soit comme objet d'expé- rience , soit comme objet de curiosité , l'on veut avoir des fruits d'espèces différentes sur un seul individu. Pour rassurer une réussite satisfaisante , il ne faut pas prendre indistinctement les premières variétés venues : il faut au contraire mettre beaucoup de discernement dans son choix , afin d'établir dans les diverses greffes un équilibre de sève sans lequel les plus vigoureuses auraient bientôt étouffe les autres. Si l'on avait placé, par exemple , un bigarreautier et un griottier-nain sur le même sujet , ou un pommier de calville et un pommier d'apis sur un franc , il n'y a pas de doute que le bigar- reautier et le calville , malgré toutes les précautions que l'on prendrait à la taille , auraient bientôt affamé les deux autres en s'emparant de toute la sève , et les fe- raient promptement périr. Il faut encore choisir le sujet sur lequel on doit opérer , et donner la préférence à celui dont la vigueur sera en harmonie avec la force de végétation des greffes que l'on y placera. Du reste, mal- DE LA GREFFE. 41 gré les soins que Ton prendra en taillant, malgré la pré- caution de ne soumettre à cette opération que des arbres propres à la taille, on ne doit jamais attendre un produit de longue durée , surtout lorsque Ton aura placé plus de deux espèces. Un autre inconvénient grave , c'est que , chaque variété d'arbre fruitier affectant un port parti- culier , et ne poussant pas ses bourgeons sur le même angle d'inclinaison , il est presque impossible de sou- mettre ces individus hétérogènes à une forme régulière. On peut employer , pour arriver à ce but , toutes les manières de greffer qui permettent de placer plusieurs écussons , ou rameaux , sur le même sujet : mais il en est quelques-unes plus particulièrement destinées à cet usage. i5. Greffe en écusson au bout des branches. Greffe Jansein, de Thouin. Elle se fait en écusson à œil poussant ou dormant , et se pratique sur des bouts de branche dont l'écorce est encore lisse et verte. Si on l'effectue au mois de mai , on coupe l'extrémité des branches aussitôt l'opération faite , mais cependant avec la précaution de laisser pen- dant quelque temps un œil à bois un peu au-dessus , afin d'y attirer la sève , ou au moins d'empêcher qu'elle abandonne le bout de branche , et par conséquent l'é- cusson j pour se retirer sur des bourgeons inférieurs. Si l'on a greffé au mois d'août en rabattant les bouts de branche l'année suivante , cette méthode n'est pas néces- saire, parce que, la soudure étant parfaitement opérée , le bourgeon de la greffe se développe en même temps que les autres, et suffit pour maintenir l'équilibre de la sève. On emploie ce procédé pour toutes les espèces de fruits. 16. Greffe en fente au bout des branches. Elle s'exécute à la même époque et de la même ma- nière que la greffe en fente ordinaire, mais avec la pré- caution de ne laisser aucun bourgeon au - dessous des greffes. 42 1>E LA GREFFE. On s'en sert plus ordinairement pour se procurer des prunes ou des cerises de diverses formes et couleurs, et mûrissant à des époques différentes. 17. Greffe en approche par compression, PL 5, fis- *• On plante dans le même trou plusieurs sujets d'es- pèces différentes et de même hauteur $ on les espace le moins possible , afin , lorsque la reprise est certaine , de les réunir en un seul faisceau, que Ton maintient au moyen d'un fourreau d'écorce fraîche de tilleul , ou de toute autre matière. A mesure que les sujets croissent , leurs tiges se compriment et se soudent en un seul tronc. Les anciens, et Olivier de Serres entre autres, croyaient que , les sèves se mêlant , il en résultait des fruits métis, participant de la nature de tous , sans appartenir plus spécialement à celle de l'un qu'à celle de l'autre. Mais on est revenu de cette erreur 5 chaque espèce conserve sa tige et ses racines particulières , et fournit les fruits qui lui sont propres. 1 8. Greffe en approche, en spirale. Greffe Diane , de Thouin.PZ.5,/%. 3. Comme pour la précédente , on plante dans le même trou plusieurs sujets d'espèces différentes, de même âge , de même hauteur, et, autant que possible, de même force. Lorsqu'ils sont parfaitement repris, et surtout bien en- racinés , on contourne leurs tiges les unes sur les autres , à peu près comme les brins d'une grosse corde , suivant la marche du soleil, c'est-à-dire, du levant au couchant, et à la hauteur de sept ou huit pieds , plus ou moins. Les tiges se soudent et ne forment plus qu'un seul tronc, imitant une colonne torse. La tête offre le coup d'œil le plus varié dans son feuillage , ses fleurs et ses fruits , et peut , par la suite , fournir un bois tortillard extrêmement fort, DE LA GREFFE. 4^ Greffes pour multiplier en franc de pied. Si l'on tenait à se procurer des variétés sur francs , on pourrait employer les marcottes et boutures sur de cer- tains sujets 5 mais, comme ce genre de multiplication est toujours long , et souvent difficile , on peut se servir de la greffe avec beaucoup plus d'avantage. (VI. Greffes en couronne. Ce sont des greffes en fente, mais qui diffèrent de celles ordinaires par quel- ques particularités. i° On les fait avec des rameaux de l'avant dernière sève et même quelquefois avec du bois de dix-huit mois. 20 Elles se placent sur des sujets qui ne sont pas fendus dans tout leur diamètre , et dont le cœur surtout n'est pas attaqué. Elles servent principalement à greffer de vieux arbres fruitiers de la division de ceux à pépins , dont les tiges ou les branches sont trop grosses pour être écussonnées ou pour recevoir la greffe en fente ordinaire. On les em- ploie aussi sur les jeunes sujets dont l'écorce est mince et Je bois très-dur. ) 19/ Greffe en petite couronne. Greffe Liébault , de Tliouin. On déterre un arbre jusque sur ses racines, et on le coupe. Avec de petits coins en bois on soulève l'écorce, et l'on place entre elle et le bois autant de rameaux , taillés comme pour la greffe en fente , qu'on peut en faire tenir. On recouvre de terre , avec la précaution de ne laisser sortir au-dessus de la surface du sol que le tiers, ou à peu près, de la longueur des greffes. Elles poussent avec beaucoup de vigueur, et' on supprime les bourgeons latéraux à mesure qu'ils croissent. Au bout de trois ans on les déterre , et on enlève celles qui sont enracinées. On marcotte les autres , et , par le moyen de la strangulation , on leur fait émettre très-facilement des racines. Les sujets francs , obtenus par cette méthode, forment 44 PE LA GREFFE. de très-bonnes mères marcottes qui pendant fort long- temps fournissent , par rejetons , de jeunes individus francs de pied. (VII. Greffes de côté. Ces greffes sont distinguées des autres greffes par scions , en ce quelles n'exigent pas l'amputation de la tête du sujet, et que, comme la greffe en approche , elles se font sur le côté de sa tige. Ellei diffèrent aussi des greffes en approche, en ce que le ra- meau à greffer est détaché de dessus sa mère. On les emploie plus ordinairement pour remplacer une branche manquante que pour multiplier des variétés, et elles sont d'une reprise beaucoup plus rare que Jet autres , quoi- qu'elles soient assez faciles à exécuter. On doit rigou- reusement les faire au premier mouvement de la sève du printemps , avant que les boutons aient commencé à se développer. ) 20. * Greffe par approche en bouture. Greffe Pépin, de Thouin. PL 5 ,Jlg. 6. a, la bouture plantée dans un pot ; b, c, coupe. On coupe un rameau d'une longueur suffisante pour faire une bouture , et on le plante auprès du sujet. On le greffe en approche aux trois-quarts de sa hauteur, et on le rogne à trois yeux au-dessus de son union avec le sujet. L'humidité de la terre entretient la vie dans la greffe jusqu'à ce qu'elle soit soudée 5 et, lorsqu'elle est reprise , le sujet fournit de la sève au rameau jusqu'à ce qu'il ait pris racine. Il en résulte qu'en coupant le rameau au-dessous de la soudure , on a un sujet franc de pied , et que le sujet, sauvageon avant l'opération, se trouve changé en un individu de bonne espèce 5 et l'on possède deux arbres au lieu d'un. DE LA GREFFE. ^5 Greffe pour obtenir du fruit sur déjeunes arbres. On peut forcer, par différens moyens, un très-jeune arbre à donner du fruit, mais presque toujours c'est aux dépens de sa durée. Cependant la greffe que nous indi- quons ici ne l'altère que jusqu'à un certain point ; et , lorsqu'il est taillé avec discernement , il peut continuer à fructifier pendant plusieurs années. 2 1 . Greffe de coté, insérée en manière dïécusson. Greffe Girardin , de Thouin. PL 3,Jig. 8. a, biseau de la greffe ; b, incision du sujet et insertion de la greffe. On choisit un rameau portant des boutons à fruits , et l'on coupe sa base en biseau prolongé. On fait sur le sujet une incision en forme de T , comme pour placer un écusson ; on soulève l'écorce avec la spatule du greffoir, et on y introduit le biseau de la greffe. Puis on fait une ligature de la même manière que pour la précédente. Cette greffe en scion appartient à la série de celles de côté. Greffe pour augmenter la qualité des fruits. Des auteurs accrédités , tels qu'Olivier de Serres , Miller, Duhamel, Rozier, etc., ont cru qu'il ne s'agis- sait que de placer plusieurs greffes les unes sur les autres, pour hâter la fructification d'un arbre , augmenter beau- coup le volume et la saveur des fruits , ainsi que hâter l'époque de leur maturité. La plupart dçs cultivateurs de nos jours sont encore imbus de cette croyance^ qui devient une erreur si on lui donne la même extension que les anciens. Dans notre Théorie des greffes nous avons dit que plus un arbre était altéré , plus son fruit gagnait en qualité , et c'est par l'abus de ce principe vrai que l'on a tiré une fausse conséquence en di- sant : Si une première greffe augmente le volume d'un 46 DE LA GREFFE. fruit par l'altération d'un végétal, une seconde greffe, augmentant l'altération , augmentera sa grosseur ; une troisième , encore davantage ; ime quatrième de même , et ainsi de suite indéfiniment, ou au moins jusqu'à ce que , la nature ayant fait ses derniers efforts , les fruits soient parvenus à des dimensions monstrueuses. Ils n'ont pas fait attention que cette altération, parvenue à un certain degré , produirait un effet absolument con- traire à celui qu'ils ont supposé , et que l'arbre , à la quatrième , peut-être même à la troisième greffe , cesse- rait de porter fruits , languirait quelque temps dans l'épuisement, et périrait à la longue. Mais supposons qu'il résiste à ces mutilations , grâce aux longs intervalles de temps que l'on pourrait mettre entre chaque opération , on n'obtiendrait toujours que le degré d'altération qu'on lui procure ordinairement par d'autres moyens, tels que la bouture et la marcotte , et que l'on rencontre naturellement dans les rejetons. Supposons , par exem- ple , que l'on greffe un pommier sur sauvageon : on aura la première fois un degré d'altération-, sur cette greffe on en placera une seconde , et l'on aura un second degré d'altération que nous comparons à celle du franc ; une troisième altérera dans le degré du doucin-, une quatrième, dans celui du paradis , et une cinquième ne produira plus rien, puisque l'altération du paradis, ré- duisant sa taille à deux ou trois pieds , est le dernier degré de dégradation qu'un arbre puisse supporter sans périr, ou au moins sans rester stérile. La preuve, c'est que des paradis qui n'atteignent pas ce développement , et cela^ arrive assez souvent dans les terrains médiocres , cessent de porter fruit , ce qui oblige à les arracher . Comparons actuellement les fruits obtenus par les greffes, et. ceux obtenus par le choix des sujets : leur augmenta- tion de volume suivrait la même marche , et la cinquième greffe ne produirait précisément que le même fruit que l'on se procurerait à la première sur le paradis 5 après DE LA GREFFE. ^J quoi il ne faudrait plus attendre de résultats , puisque l'arbre serait entièrement épuisé. Quand même l'altéra- tion par les greffes ne marcherait pas exactement dans les mêmes proportions que celle du sauvageon au franc, de celui-ci au doucin, et du doucin au paradis, les deux points extrêmes étant les mêmes, le dernier résultat serait aussi le même. Ainsi donc , en supposant que les greffes-sur-greffes aient sur les fruits l'influence que les auteurs leur accor- dent , ce qui nous paraît plus que douteux , le produit en serait peu intéressant, puisqu'on peut l'obtenir de suite par une autre méthode plus simple et surtout beaucoup moins longue. Aussi n'allons-nous donner ces greffes que pour compléter notre monographie , et en même temps fournir aux cultivateurs les moyens de s'assu- rer de la vérité de notre assertion. 22. Greffe-sur- greffe en fente. On greffe en fente à la manière ordinaire. Lorsque la greffe est assez poussée , on prend un de ses propres rameaux , et on le greffe sur sa pousse de l'année pré- cédente. On recommence l'opération, toujours en pre- nant le rameau sur les pousses de la dernière greffe , jusqu'à ce qu'il y en ait plusieurs les unes sur les autres. 23. Greffe-sur-greffe en écusson. Greffe Duroy , de Thouin. On greffe de la même manière que la précédente, à cette différence près , que l'on emploie la greffe en écus- son au lieu de la greffe en fente '. Il paraît que M. Thouin ne nie pas positivement l'u- tilité de ces deux greffes , car il recommande de laisser des branches à fruit au-dessous de chacune d'elles , afin d'avoir des points de comparaison irrécusables , qui ré- soudront aisément cette importante question. 48 DE LA GREFFE. Greffes pour augmenter la vigueur d'un arbre, ou le rajeunir. Les descriptions de ces greffes, fort peu employées pour la plupart , indiqueront suffisamment le parti plus ou moins avantageux que le cultivateur peut en tirer. î>.4« Greffe Noël par approche. Thouin. On plante , une année d'avance , plusieurs arbres de hauteurs différentes , mais de mêmes espèce et variété. On les greffe les uns sur les autres par le procédé de la greffe suivante , par approche en forait de coin. M. Thouin prétend que, par ce moyen, on donne aux arbres une vigueur extraordinaire , et que l'on mo- difie la saveur et la grosseur de leurs fruits. Ce dernier point ne nous paraît pas suffisamment prouvé, et nous croyons encore moins qu'on peut en obtenir de nouvelles races. 2.5. Greffe par approche en forme de coin. Greffe Monceau, de Thouin. PL b,Jig. n. a, entaille triangulaire du sujet ; b, extrémité du sujet taillé en coin. On coupe la tête d'un sujet en coin très-allongé, puis on fait à l'arbre qui doit fournir la greffe une profonde entaille triangulaire , en sens inverse du coin : on in- troduit celui-ci dans l'entaille, et on affermit la réunion des parties au moyen d'une ligature. On donne par ce moyen une vigueur extraordinaire à un arbre qui reçoit la nourriture de deux appareils de racines, quoiqu'il n'ait qu'une seule tête. La greffe précédente augmente encore davantage, dit-on, la force de végétation , parce qu'elle donne plusieurs appareils de racines à la même tête , tandis que celle-ci n'en donne que deux. 26. Greffe Buffon, par approche. Thouin. Lorsqu'un arbre fruitier étend ses branches horizon- DE LA GREFFE. 49 talement, on plante sous chacune des plus grosses un sauvageon d'une certaine force -, on arque les sommités des branches des gros arbres ; on coupe l'extrémité que Ton taille en biseau. Cela fait , on entaille les sauvageons, on réunit les biseaux aux entailles , et on les y maintient au moyen de la ligature. En peu de temps on a un arbre extrêmement singulier , et dont la tête est d'autant mieux fournie, qu'elle est alimentée par plusieurs troncs. Cette greffe pourrait être très-avantageusement employée dans les jardins paysagers, où l'on cherche des effets pitto- resques : en outre, elle fait produire un plus grand nombre de plus beaux et de meilleurs fruits. (VIII. Greffes, par approche sur racines. Leur nom indique assez ce quelles sont, et en quoi elles diffèrent des autres greffes par approche. Elles pourraient être très-utiles pour rétablir un arbre qui serait malade par l'épuisement ou toute autre altération de ses racines ; mais jusqu'à présent elles n'ont point été employées dans la pratique habituelle de l'horticulture. ) 27. Greffe par approche de racines. Greffe Lemon- nier, de Thouin. On creuse deux trous, un de chaque côté, au pied d'un arbre malade dont on aura un peu découvert les racines. On plantera dans ces trous deux souches de racines, choisies dans les espèces reconnues pour fournir de bons sujets à greffer l'espèce ou la variété de l'arbre atteint de maladie : puis sur l'aire de la coupe des deux souches on greffera, par incrustation, l'extrémité des deux principales racines de l'individu que l'on veut guérir , de manière à lui conserver sa tige et toutes ses parties ascendantes. Cette incrustation se fait au moyen d'une entaille du sujet, dans laquelle on intro- duit le bout de la racine taillée en biseau , comme pour une greffe en fente ordinaire. On recouvre de terre , et l'opération est finie. On prétend que cette méthode , fournissant à l'arbre 4 50 DE LA GREFFE. des racines saines et vigoureuses, non-seulement le rétablit en pleine santé , mais augmente encore sa fruc- tification. 28/ Greffe en couronne pour rajeunir. Greffe Pline, deThouin. PL 3,fig. 3. «, bec de flûte avec son cran. Pline a décrit cette greffe , et l'appelle incisio inter corticem et lignum. On coupe , à différentes places , les branches ou même le tronc d'un vieil arbre, qui commence à ne plus rapporter de fruits $ sur le tour de l'aire de la coupe on soulève l'écorce 5 on taille les rameaux à greffer en forme de bec de flûte -, on fait un cran à la partie supérieure de l'entaille où commence le bec de flûte , puis on les introduit entre l'écorce et l'aubier du sujet. Ces nouveaux rameaux croissent avec beaucoup de vigueur , et fournissent en peu de temps une belle tête , ou des branches vigoureuses qui se chargent de fruits pendant plusieurs années. 29,* Greffe en couronne dans l'écorce. Greffe Théo- phraste , de Thouin. PL 3 ,fig. 4» Comme dans la précédente , on coupe les branches ou le tronc du sujet 5 mais, au lieu de soulever l'écorce, on la fend verticalement dans toutes les parties du pour- tour où l'on veut placer des greffes. On taille les ra- meaux de la même manière , et on les insère entre l'aubier et l'écorce aux places où celle-ci a été fendue, de ma- nière à ce que les deux lèvres de la fente recouvrent les deux côtés dubec de flûte fait à la base de chaque greffe. Elle est plus avantageuse et plus sûre que la précé- dente , en ce qu'elle permet de placer un plus grand nombre de rameaux , et parce que , l'écorce n'étant point détachée du bois à côté des greffes , l'air ne peut s'y in- troduire pour dessécher le cambium et empêcher la re- prise. Du reste , elle sert aux mêmes usages. DE LA GREFFE. 5l 3o. Greffe de côté en couronne. Greffe Richard, de Thouin. PL SJig. 8. a , biseau de la greffe; b, incision en T, dans laquelle le rameau est inséré. On prend un rameau que Ton taille, à sa base, en biseau long et aplati. On fait au sujet une incision en forme de T , comme pour placer un écusson ; on détache l'écorce de l'aubier avec la spatule du greffoir , et Ton fait glisser entre deux le biseau de la greffe , que l'on y maintient avec une ligature. Elle convient parfaitement pour remplacer la greffe en écusson sur les arbres dont l'écorce trop vieille a acquis de l'épaisseur et de la solidité. On s'en sert pour placer des branches où il en manque , ou pour rempla- cer celles qu'un accident ou une maladie aurait forcé d'abattre. Avant la découverte des greffes herbacées , on s'en servait assez avantageusement pour les arbres rési- neux. 3i. Greffe de côté en couronne , 2me sorte. PL 3, fig- 8- c, incision en T, sur laquelle le morceau d'écorce circu- laire est enlevé. Elle se fait comme la précédente, mais on enlève une petite partie circulaire d'écorce sur la barre du T , de manière à pouvoir faire coïncider le liber de la partie supérieure de l'entaille du sujet avec le liber de la partie supérieure du biseau de la greffe. Elle est propre aux mêmes usages que la précédente. 3a. Greffe de côté en cheville. Greffe Térence , de Thouin. PL 3 , fi g. 9. a, trou fait dans la tige ; b, rameau aminci en cheville ; c, rameau inséré dans le trou. On coupe une petite branche , un rameau , ou une ra- mille ; on l'étête par un bout, et on taille et amincit la base en forme de cheville. Puis avec un vilebrequin 52 DE LA GREFFE. on fait un trou dans la tige ou le tronc d'un arbre, et on y enfonce la greffe, toujours avec la précaution de faire coïncider les écorces. On recouvre hermétiquement la plaie avec la cire à greffer. Elle sert aux mêmes usages que les précédentes , et offre beaucoup plus de solidité . 33. Greffe de côté en cheville et à rebours. On la fait absolument de la même manière ; mais , au lieu de tailler le rameau en cheville à sa base , on le taille à son extrémité supérieure , de manière qu'il se trouve inséré à rebours. Les Romains pratiquaient de préférence ces deux greffes pour multiplier les variétés les plus précieuses de vignes et d'oliviers. Aussi Térence en recommande-t-il spécialement l'usage. 34. Greffe de côté, simple, par entaille. PL 5, te- 7- On prend un rameau un peu moins gros que la tige à gretfer, on le taille en coin mince et allongé à sa base , et l'on coupe sa partie supérieure à deux ou trois yeux au-dessus du biseau. On fait au sujet une entaille plus profonde à mesure qu'on la descend à un pouce ou un pouce et demi , mais jamais assez profonde pour atteindre le cœur du bois. On place la greffe de manière à ce que les écorces des deux côtés de l'entaille coïncident par- faitement avec les écorces des deux côtés du coin, et l'on assure la solidité par une ligature. Cette méthode, simple et d'une exécution facile, offre beaucoup de chances de succès , et forme des têtes assez solides. 35. Greffe de côté , double, par entaille. Les rameaux se taillent en coin comme pour la précé- dente , mais on ne laisse de l'écorce que sur un des côtés -, ou mieux on les taille en lames de couteau , n'ayant de l'écorce que sur la partie épaisse opposée au tranchant. On fait, sur un sujet beaucoup plus gros que DE LA GREFFE. 53 les greffes, une entaille semblable à la précédente , aussi longue, mais moins profonde, et l'on insère deux greffes, une de chaque côté de l'entaille , avec la précaution de faire coïncider parfaitement les écorces. Il faut que la largeur de l'entaille et la grosseur des greffes aient été combinées de manière à ne laisser aucun vide entre les deux rameaux lorsqu'ils sont mis en place. On maintient par une ligature. Aussi facile que la greffe simple , celle-ci mérite la préférence, parce qu'elle présente une double chance de succès. 36. Greffe de côté par entaille en travers. Greffe Roger Schabol, deThouin. PL 3 , fig. 10. a, entaille du sujet; b, rameau taillé en spatule $ c, son insertion. On taille le rameau en forme de bec de flûte ou de spatule , et l'on entaille le sujet en travers, en gagnant directement le milieu de son diamètre sans monter ni descendre l'entaille ; pais on y insère la greffe de la même manière qu'un tenon dans sa mortaise. On couvre la plaie avec la cire à greffer. Cette méthode, beaucoup plus difficile que les pré- cédentes , n'est pas d'un succès aussi certain , et on l'emploie rarement. On s'en sert aux mêmes: usages. Ces sept greffes sont rangées dans la série des greffes en couronne , parce que Ton peut en placer plusieurs au- tour de la même tige, lorsqu'elle est assez forte pour cela. 37. Greffe en écusson à emporte-pièce. Greffe Mus- tel, de Thouin. PL 1 , fig. 4. a, plaie du sujet ; b^ lame d'écorce. On doit avoir un emporte -pièce fait exprès, avec lequel on enlève une plaque d'écorce sur un sujet. Avec le même outil, ou la lame du greffoir, on lève Técusson ou la lame d'écorce, au milieu de laquelle est un œil 54 DE LA GREFFE. vigoureux. Il faut qu'elle soit exactement de la même grandeur que la plaie faite au sujet, afin de la remplir avec la plus grande précision. Lorsqu'elle y est bien ajustée , on la maintient au moyen de cire à greffer , ou de cire molle. Cette méthode est excellente pour placer des écussons sur un vieil arbre, dontl'écorce épaisse et raboteuse ne se prêterait pas à la greffe en écusson ordinaire. Greffes pour maintenir les formes d'un arbre, et son équilibre de végétation , Par défaut d'avoir, sur un sujet, des branches bien placées pour être pliées à Ja forme que Ton destine à un arbre, soit quenouille, gobelet, espalier, etc., il arrive que l'on est forcé de lui conserver une forme vi- cieuse, ou de placer des bourgeons où la nature lui en avait refusés. Pour cela on emploie plusieurs espèces de greffes, selon les diverses circonstances que le hasard peut présenter , et l'on parvient, avec du temps et de la patience , à rendre à un individu précieux toute la ré- gularité et la grâce dont il était privé. On voit encore , assez souvent, un arbre perdre sa forme régulière , parce que la sève, s'emportant dans quelques branches sans que l'on puisse en deviner la cause , abandonne d'autres parties qui maigrissent d'abord et finissent par se dessé- cher au bout de quelque temps. 38. Greffe par approche de gourmands. Greffe Malesherbes, de Thouin. PI. 4, fi g- i- a, branche gourmande ; b, son insertion dans la tige. On mesure la longueur des branches vulgairement appelées gourmands , croissant sur quelques parties d'un arbre aux dépens des branches utiles qu'elles affa- ment. On voit si leur sommet peut atteindre facilement , par le moyen d'un peu d'inclinaison ou d'une légère arcure, la tige principale, ou les branches souffrantes, DE LA GREFFE. 55 On fait à ces parties une entaille , pour recevoir l'extré- mité des gourmands que l'on a taillés en biseau, et on les soude par le moyen de l'incrustation ou de la greffe en approche ordinaire. Il en résulte que la sève, qui se portait en trop grande abondance dans les gourmands, est restituée par eux aux parties qui en étaient privées , et que l'équilibre se rétablit promptement. 39 . Greffe par approche de rameaux. Greffe Forsyth , de Thouin. PL k,jig> 2 , a, branche manquant de rameau ; b, rameau qu'on y greffe en approche , en c;d, coupe du rameau quand la reprise est parfaite. Sur les tiges et les branches d'un sujet, partout où il manque des rameaux, on fait des entailles dans toute la profondeur de l'aubier jusqu'au bois. On choisit des ra- meaux à proximité , on les entaille en sens inverse , on réunit les parties plaie sur plaie , avec la précaution de les faire recouvrir exactement, et de faire coïncider les écorces ; puis on maintient l'appareil au moyen de ligatures. Lorsque la reprise est opérée, on coupe les rameaux au-dessous de la greffe , et l'arbre s'en trouve bien garni partout où il en manquait. On emploie particulièrement cette greffe sur les arbres fruitiers taillés en gobelet, en espalier, en éventail, et surtout en quenouille , pour les garnir de rameaux dans les places où il en manquait, les rendre plus réguliers et plus agréables à la vue , et enfin augmenter leur produit. 40.* Greffe par approche pour remplacement de tête. Greffe cauchoise, de Thouin. PL /\,Jig. 4- a, entaille triangulaire du sujet ; b, entaille du jeune sujet qui doit fournir la nouvelle tête ;-c, la même entaille vue de face. 56 DE LA GREFFE. On coupe la tête d'un sujet , ou on unit la plaie lors- que l'arbre a été brisé par un accident , puis on fait sur Taire de la coupe une entaille triangulaire. Le plus près possible de son pied, on plante un jeune sujet dont la tête commence à se former 5 on l'incline sur la coupe du premier ; et , au moyen d'une entaille en forme de coin faite à sa tige, on fixe celle-ci dans l'entaille triangulaire du sujet , et on fait une ligature pour main- tenir le tout jusqu'à la reprise parfaite. Alors on coupe le jeune arbre au-dessous de la greffe , et le vieux tronc , fournissant une sève abondante à la nouvelle tête, lui a bientôt fait développer des dimensions égales à celles de la première qu'il a perdue. S'il arrive que le vent, ou tout autre accident, brise ou détruise la tête d'un arbre dans une avenue, un quin- conce ou un verger , il vaut beaucoup mieux la remplacer par une autre, en employant cette greffe, que de la remplacer par un jeune sujet dont la croissance sera très-longue, à supposer même que les arbres voisins ne l'étouffent point. Les habitansde la Normandie , de la Picardie , etc. , n'emploient pas d'autres moyens pour réparer le dégât que le vent occasionne parfois dans leurs immenses plantations de pommiers à cidre. 4i. Greffe par approche en étaie. Greffe Duhamel, deThouin. PL 5 ,Jig. 8. a, un vieil arbre , dont le tronc détruit par l'âge , en b , est remplacé par les jeunes sujets , c, c, c, c. Autour du tronc d'un gros arbre on plante plusieurs sujets d'une certaine force. L'année suivante, lorsqu'ils sont parfaitement repris , on leur coupe la tête , et on taille l'extrémité de leurs tiges en forme de tenon. On creuse dans le tronc du gros arbre des mortaises dans lesquelles on fait entrer et fixe les tenons. 11 faut que les jeunes sujets soient plantés à une distance du vieux tronc, calculée de manière à ce qu'en les courbant pour DE LA GREFFE. 5j les y fixer, ils ne forment pas un angle de plus de 35 à 4° degrés. On fait sur les plaies une ligature extrê- mement solide , avec des chiffons et de vieilles cordes par-dessus. Si, lorsque le tronc d'un vieil arbre est détérioré , on tient à le conserver, soit parce qu'on y attache des souve- nirs agréables , soit à cause de son produit, on le reprend en sous-œuvre de cette manière, et l'on augmente beau- coup sa vigueur en même temps que l'on prolonge son existence. 4a. Greffe par approche en écusson. Greffe Denain- villiers, de Thouin. PL 4, fig> *4' a, incision du sujet et insertion de la greffe ; b, biseau du N jeune sujet. On coupe en biseau allongé et plat , sur le bourgeon de la dernière ou de l'avant-dernière pousse , la tête de jeunes sujets que l'on a plantés l'année d'avant autour d'un arbre moins vieux que celui de la greffe précédente. Sur l'écorce de l'arbre à greffer on fait deux incisions en T renversé (jj, on soulève l'écorce avec la spatule du greffoir- après quoi on introduit, entre le liber et l'aubier , les biseaux des tiges des sujets , et on fait une ligature solide , comme pour la greffe en écusson. Cette greffe offre les mêmes résultats que la précé- dente, mais elle a l'avantage d'être beaucoup plus facile et d'une reprise plus sûre. On l'emploie sur les jeunes individus d'arbres fruitiers, et plus souvent encore sur les arbres d'ornement dont on veut augmenter la crois- sance en même temps que leur donner une forme pit- toresque. 4^. Greffe par approche en étaie par accolade- Greffe Fougeroux, de Thouin. PL 4,Jïg. i5. a, sujet; b, b, jeunes sujets greffés en c, c. On plante autour d'un arbre encore jeune des sujets jeunes aussi, comme pour les greffes précédentes. Lors- 58 DE LA GREFFE. que leur reprise est parfaite , on les courbe sur l'arbre du milieu, et l'on entaille leur tige ( sans couper la tête ) depuis la première couche d'écorce jusqu'à l'aubier. On fait sur le tronc de l'arbre des entailles correspondantes à celles des sujets , on les couvre les unes par les autres , et on fait la ligature comme pour la greffe ordinaire en approche. Lorsque la reprise est parfaitement opérée, on coupe les têtes des sujets. Elle s'emploie pour les mêmes usages que les trois précédentes , et a sur elles cet avantage que , si L'opéra- tion ne réussit pas, les sujets ne sont point ou très-peu endommagés 5 mais aussi elle est un peu moins solide et beaucoup moins propre. 44- Greffe par approche compliquée. Greffe Rozier , de Thouin. PL 5, fig. 5. b, b, les mères branches; a, a, etc., points de section où sont greffés les bourgeons. On plante en ligne des sujets greffés sur franc; et, à la taille , on établit deux mères branches opposées , palissées horizontalement et le plus près de terre pos- sible. On laisse croître sur les branches des bourgeons, que l'on tâche de tenir à une distance égale les uns des autres autant que possible. Dès qu'ils ont atteint dix-huit pouces ou deux pieds de longueur , on les incline , l'un à droite , l'autre à gauche , et ainsi de suite , de manière à leur faire former une espèce de grille en lozange sur chaque branche mère-, leur inclinaison ne doit jamais être que de 3o à 45 degrés. A chaque point de section on incise les bourgeons jusqu'à l'étui médullaire , et on unit les plaies de la même manière que nous avons dit pour la greffe ordinaire par approche. A mesure que les bourgeons augmentent en longueur, on greffe de nou- veau leurs sommités. Celle-ci est extrêmement agréable pour former dans les vergers , surtout dans les jardins paysagers d'un DE LA GREFFE. % genre champêtre , des haies et des palissades qui se couvrent de fruits. De tous les arbres fruitiers le pom- mier est celui qui se prête le mieux à former ainsi des clôtures solides , d'une bonne défense , et d'un grand produit. Greffe pour couvrir une amputation, 45. Greffe par écorces rapprochées. PL i,Jig- 7. fig- 10. a,a, a, etc. , les esquilles vues séparément sur un des sujets br et réunies sur les deux en e. On rapproche les tiges de deux jeunes arbres , comme dans la greffe précédente 5 mais, au lieu de leur faire si m- 86 DE LA GREFFE. plement une entaille longitudinale, on enlève sur chacun d'eux , et à la même hauteur , une pièce d'écorce seule- ment; on établit sur chaque plaie deux esquilles de bois en sens inverse , c'est-à-dire, dans l'un, l'esquille supérieure tournée la pointe en bas, et l'inférieure la pointe en haut ; dans l'autre , l'esquille supérieure tour- née la pointe en haut , et l'inférieure la pointe en bas. On les enchâsse les unes entre les autres en les faisant entrer par le côté , et l'on fait la ligature. Elle convient aux mêmes usages que la précédente 5 et, si elle est un peu plus difficile à faire, elle est aussi beaucoup plus solide. 83. Greffe par approche en bec de plume. Greffe Vrigny , de Thouin. PI. 4,Jîg. 12. b, biseau du jeune sujet ; a, entaille de l'arbre porte-greffe. Au pied d'un arbre déjà d'un certain âge on plante un jeune sujet. L'année suivante, lorsqu'il est parfaite- ment repris , on lui coupe la tête , et l'on taille l'ex- trémité de sa tige en biseau très-prolongé , n'ayant que l'écorce dans le dernier tiers de sa longueur. Dans 1 e-? corce du tronc de l'arbre à greffer on fait, une entaille jusqu'à l'aubier , exactement de la même forme et dans les mêmes dimensions que le biseau du sujet , et on l'y applique solidement au moyen d'une ligature. Cette greffe donne une vigueur extraordinaire à un arbre , parce que , par son moyen , il se trouve alimenté par deux appareils de racines. Elle est encore propre à fournir , avec le temps , du bois anguleux pour la marine, et peut être remplacée par la greffe par approche en écusson. (n° 42.) 84. Greffe par approche de gemmes. Greffe Mu- séum de Thouin. PI. 4 ,Jig- 16. a, a , rameaux terminaux des deux sujets ; &, b, réunion des. deux portions d'yeux. On plante deux jeunes arbres à peu de distance l'un DE LA GREFFE. 87 de l'antre ; l'année suivante , on fend en deux parties leur bouton terminal , avec la précaution de laisser une por- tion de gemme dans la moitié que l'on conserve. On en- lève une des portions fendues, ainsi qu'une petite lanière d'écorce et de bois en dessous. On rapproche les deux demi-boutons des deux sujets , on les ajuste l'un contre l'autre de manière à couvrir réciproquement leurs plaies et à ne plus former qu'un œil. On fait la ligature avec beaucoup de précaution en commençant plus bas que la greffe et serrant solidement, puis serrant moins à mesure que l'on monte , enfin ne serrant que suffisam- ment pour opérer la réunion des deux demi-boutons lorsqu'on y est parvenu. On recouvre le tout d'une bonne couche de cire à greffer , excepté sur l'œil où on l'appli- que très-légère, et seulement jusqu'à la hauteur du tiers inférieur. Elle est plus propre que les autres à réunir d'une ma- nière très-intime deux individus de sexe différent. Elle produit un effet pittoresque dans les jardins , et fournit aux arts des bois anguleux très-solides et de formes rares. Son seul inconvénient est d'être minutieuse et difficile à faire, mais elle reprend avec assez de facilité, comme on a pu s'en assurer au Jardin du Roi , où M. Thouin Ta fait exécuter pour la première fois en juin 1 8o5. 85. Greffe par approche en arc. Greffe en arc , de Thouin. Gomme dans la précédente , on plante deux jeunes sujets à une certaine distance ; et , après la reprise , on les courbe l'un sur l'autre en les arrondissant en demi- cercle. On leur coupe la tête, et l'on réunit les tiges au moyen de deux entailles correspondantes , avec ou sans agrafe, se recouvrant mutuellement, ou par deux bi- seaux , ou enfin par la greffe en fente. Elle fournit des bois courbes pour les constructions navales , et pourrait servir , dans un jardin paysager , à former des ponts vivans d'un effet aussi singulier que 88 DE LA GREFFE. pittoresque , surtout si l'on greffait les branches latérales en lozanges , pour faire une grille naturelle qui rempla- cerait le plancher. Nous supposons pour cela que Ton aurait établi deux arcs parallèles , et que la grille serait formée avec les rameaux latéraux qui croîtraient entre les deux arcs. Greffe des arbres à feuilles persistantes et à bois dur. Celle-ci peut être remplacée par la greffe en ap- proche ordinaire , même assez souvent par la greffe en fente ou en écusson , mais avec beaucoup moins de chances de succès. 86. * Greffe par approche d'un rameau latéral sur tige. Greffe Varon, de Thouin. PL 5,Jîg. i3. a, insertion de la greffe 5 b, son entaille en coin ; c, entaille triangulaire du sujet. On élève de jeunes sujets en pots; et, lorsqu'ils ont atteint une grosseur convenable, on leur coupe la tête. On fait sur l'aire de la coupe une entaille triangulaire , et dans le fond une fente coupant le sujet dans tout son diamètre. On approche le pot de l'arbre sur lequel on doit prendre la greffe , et l'on choisit un rameau conve- nable. On l'entaille dans la moitié de son épaisseur en forme de coin, et l'on fait entrer la moitié entaillée dans la coupe du sujet , de manière à représenter une greffe en fente ajustée sur son côté seulement. On fait une ligature, et on lute avec la cire à greffer. Lorsque la reprise est opérée , on détache le rameau de l'arbre en le coupant au-dessous de la greffe , et on unit la plaie. Elle est propre à multiplier les arbres toujours verts y tels que les cassinés, houx, phyllirea, etc., et ceux à bois dur , tels que charmes , chênes , hêtres , et autres analogues. DE LA GREFFE. 89 TROISIÈME SECTION. GREFFES POUR LES ARBRES ET ARBRISSEAUX D'ORNEMENT. 87 . Greffe par fragment de rameau, sans gemme. On l'exécute de la même manière que la greffe en fente ordinaire -, mais on peut se servir , pour greffer , d'un rameau dépourvu d'oeil, comme, par exemple, le pédoncule d'une rose, dont on aurait coupé la fleur. On porte l'appareil sur une couche tiède et sous un châssis ou sous un verre, parce que la reprise dépend presque entièrement de la privation d'air et de lumière. La sou- dure opérée , il se forme bientôt des gemmes , qui se dé- veloppent en très-peu de temps à la manière des autres greffes. Cette méthode est utile pour multiplier une espèce dont le hasard n'aurait mis entre nos mains qu'une fleur avec son pédoncule. 88. * Greffe en fente à V anglaise. Greffe anglaise, de Thouin. PL %,fîg. 6. a. le sujet ; b, la greffe ; c, esquille de la greffe ; d, esquille du sujet. On coupe la tête d'un jeune sujet en biseau très-allongé, et l'on fait une fente dans le milieu de la longueur de la plaie , de manière à former une esquille. On choisit un rameau de l'année précédente , on le coupe sur deux ou trois yeux , et on taille sa base comme la tête du sujet , mais en sens inverse , et on fend la plaie delà même ma- nière pour former une esquille. On ajuste la greffe dans le sujet en faisant entrer les esquilles l'une sur l'autre dans les deux fentes. On fait la ligature , et on lute avec la cire à greffer. 90 DE LA GREFFE. Cette greffe , très-solide , est très -propre à la multi- plication des arbres exotiques et à bois dur. 89. * Greffe en fente à F anglaise en langue. Greffe Miller , de Thouin. PI. 2 ,fig. 5. a, le sujet ; b, cran du sujet et dent de la greffe ; c, base de la greffe taillée en langue d'oiseau. Elle se fait presque de la même manière que la greffe en ramille pour les orangers , 3e sorte , n° 71, mais , au lieu de choisir une ramille garnie de feuilles et de fleurs , on prend un rameau de l'année précédente , on le taille à sa base en langue d'oiseau surmontée d'un cran saillant ; l'on creuse dans le sujet une hoche correspondante pour le recevoir , on lui fait une plaie longitudinale pour être couverte par la languette , on ajuste et on lie. Cette greffe convient au plus grand nombre d'espèces d'arbres et arbrisseaux à écorce mince et bois dur. 90. Greffe en fente à sujet taillé en biseau. Greffe Bertemboisè,.de Thouin. PI. %,Jîg. 2. On taille le rameau de la greffe en lame de couteau , et on l'introduit clans une fente faite sur Faire de la coupe du sujet, après lui avoir enlevé la tête. Elle diffère d'une greffe en fente ordinaire , en ce que l'on taille en biseau long la coupe du sujet qui n'est pas recouverte par la base du rameau. Elle facilite la cicatrisation de la plaie, empêche les bourrelets désagréables , et forme des tiges plus droites , sans défectuosités. Aussi doit-on l'employer toutes les fois que la greffe devra fournir une portion de tige avant de former la tête de l'arbre. C'est surtout dans les ar- bres d'alignement et d'avenue qu'elle est vraiment utile, 91. Greffe en fente par juxta- position. Grefïè Kuffner, de Thouin. PI. 2 , fig. 1 1 . On choisit un rameau exactement de la même gros- seur que le sujet , on le coupe bien net à sa base , puis , à six ou huit lignes au-dessus, on l'entaille transversale- DE LA GREFFE. ()l ment dans la moitié de son épaisseur -, on enlève l'éclat , parle moyen d'une fente, sur la moitié du diamètre de l'aire de sa coupe, et l'on unit bien la plaie. On fait au sujet la même. opération , mais en sens inverse, et on réunit de manière à ce que ce qui a été supprimé dans l'un se trouve dans l'autre. Elle est très - rarement employée, cependant elle convient assez aux arbrisseaux à écorce mince. Si on n'en fait pas un bien grand usage , c'est qu'elle peut être avantageusement remplacée par d'autres dans toutes les circonstances. 92. Greffe en fente par juxta-position en biseau. PL 2,fig. 12. Elle a beaucoup d'analogie avec la précédente. 11 faut de même que les sujets soient exactement de la même grosseur. On coupe la base du rameau et la tige du sujet en langue d'oiseau, et on les fait recouvrir l'un par l'autre. En faisant la ligature , il faut avoir le plus grand soin de ne pas déranger la coïncidence des écor~ ces , ce qui n'est que trop facile. Aussi peu employée que la précédente, elle est propre aux mêmes usages. g3. Greffe en fente par juxta-position en biseau et à cran. PL ^^fig. i3. Même condition de grosseur que dans les précédentes , et même taille en langue d'oiseau 5 mais on coupe l'ex- trémité de la languette de la greffe en biseau , et l'on pratique une entaille au bas de la plaie du sujet pour la recevoir. Si le sujet se trouvait plus fort que le ra- meau , cette greffe serait encore praticable en laissant une retraite sur l'aire de sa coupe , comme nous l'avons figurée 5 mais, pour que les écorces puissent coïncider, il faut que la tige du sujet soit un peu aplatie , ce qui arrive assez souvent dans quelque partie de sa longueur. On ajuste ; on fait la ligature ; et , dans ce dernier cas, on couvre avec la cire à greffer. 92 DE LA. GREFFE. Elle est peu employée , quoique d'une reprise facile , et très-convenable pour les arbustes délicats et en pots. 94. Greffe en fente par juxtaposition avec biseau et dent. PL z/fig- i5. Elle se fait à peu près comme la greffe par juxtaposi- tion en biseau ; seulement, au milieu de la longueur de la coupe du sujet, on creuse une hoche dans laquelle vient s'ajuster une dent ou cran saillant , pratiqué au milieu du biseau de la greffe. Moins employée encore que les précédentes , elle est propre aux mêmes usages. 95. Greffe en fente à œil dormant. Greffe Maupas, de Thouin. PL k,fig> 6. « , fente du sujet , représentée avec ses lèvres écartées ; b, ra- meau taillé en coin sur un côté, ou plutôt en lame de cou- teau, pour être inséré en c. A la sève tombante , au mois d'août , on fait à un jeune sujet , sans lui couper la tète , une profonde incision dans l'épaisseur de sa tige , ou plutôt une fente. On choisit un jeune rameau de la pousse de l'année précédente , et on tâche de le trouver ayant une inflexion naturelle , ce qui est mieux, parce que , ajusté, il se trouvera moins serré contre la tige du sujet; on le taille en lame de couteau , dont on implante le côté tranchant dans la fente; on fait la ligature , et on recouvre la plaie ^surtout le haut de la fente , avec la cire à greffer. Au printemps suivant on supprime toutes les branches et les bourgeons au-dessus et au-dessous de la greffe , pour déterminer la sève à s'y porter. On peut encore employer, pour exécuter cette greffe , la méthode de la greffe en fente au milieu du bois , n°. 5i, et pi. 2; jig. 16. Quoique plus en usage que les précédentes , sa pratique est néanmoins très-limitée ; elle pourrait cependant être employée avec espoir de succès pour la multiplication DE LA GREFFE. g3 d'arbres exotiques, mais robustes et de pleine-terre, dont les gemmes seraient écailleux. 96.* Greffe enf ente par entaille triangulaire. Greffe Lee, de Thouin. PL z,fig. 4- a, entaille triangulaire n'atteignant pas le cœur du sujet ; b , rameau taillé en pointe triangulaire , vu du côté opposé à l'écorce. On coupe la tête du sujet, et l'on pratique sur un des côtés une entaille triangulaire et longitudinale , n'attei- gnant pas l'étui médullaire qui doit rester intact. On taille la base d'un rameau en pointe triangulaire de même proportion que l'entaille du sujet, afin de la remplir le plus exactement possible. On fait la réunion des parties et une ligature. Cette greffe est généralement employée pour les arbres très-jeunes ou délicats, dont on ne doit jamais attaquer la moelle. On s'en sert aussi pour les vieux arbres dont l'écorce durcie offre peu de sève. 97. Greffe en couronne par enfourchement. Greffe Dumont , de Thouin. PL $,fig- 2. Après avoir coupé la tige d'un jeune sujet , on la taille en forme de coin prolongé , en laissant les écorces de chaque côté. On choisit un rameau de même grosseur , et on entaille sa base par une profonde échancrure triangulaire , de manière à s'enfourcher sur le coin et le recevoir dans toute sa longueur. On unit les deux plaies, on fait une ligature ; ou, si l'on ne craint pas quelque choc , on se contente de couvrir avec la cire à greffer. On avait indiqué cette méthode pour greffer la vigne entre deux terres ; mais , la greffe ordinaire en fente pré- sentant un résultat aussi et peut-être plus avantageux , celle-ci a été reléguée dans les jardins, où on l'emploie à la multiplication des arbres exotiques greffés sur de très-jeunes sujets. 98. * Greffe à la Varin, en ramïlle entre Vécorce et le bois. Greffe Varin, de Thouin. PL 3 ,fig. 4- t)4 DE LA GREFFE. On coupe la tête du sujet et on soulève l'écorce sur un des côtés de la coupe , après quoi on la fend longitu- dinalement. On choisit une ramille munie de ses feuilles et de ses boutons à fleurs , on la taille en bec de flûte à sa base , et on ménage une entaille à la naissance de sa partie supérieure pour l'asseoir sur le sujet; onTintroduit dans l'incision , entre l'écorce et l'aubier , de la même manière qu'une greffe en écusson , et l'on fait la ligature. Cette greffe se conduit sous cloche et sur couche. Elle convient très-bien aux arbres et arbrisseaux exoti- ques à yeux non-couverts d'écaillés , ainsi qu'à ceux à bois dur. 99. Greffe en ramille sur bouture et faite en même temps. On choisit une jeune branche bien saine et très-vi- goureuse , d'oranger , par exemple ; on coupe son extré- mité , et l'on pratique une fente sur l'aire de sa coupe , ou sur le côté une entaille triangulaire longitudinale. Dans le premier cas on taille la ramille de la variété que l'on veut multiplier , en lame de couteau -, dans le second on la taille en pointe triangulaire. On l'ajuste , on fait la ligature , et on couvre de cire à greffer. Cela fait , on taille la base de la jeune branche en biseaupour empêcher l'action pernicieuse de l'humidité ; on couvre la plaie d'un peu de cire, puis on fait un trou dans une bonne terre préparée dans un pot , on jette dans ce trou un peu de sable, toujours pour empêcher l'hu- midité ; on recouvre de terre , et on porte le tout dans une bâche sur une couche tiède ; on couvre la bouture avec un entonnoir de verre , et on l'étouffé jusqu'à la reprise : alors on l'accoutume peu à peu à l'air et à la lumière. Propre à multiplier les variétés rares et délicates. 100. Greffe en fente sur racine tenant au sujet. Greffe Hall, de Thouin. PL 3,Jîg. 12. On découvre une racine sans la détacher de son sujet , DE LA GREFFE, g5 et on relève de terre son extrémité que l'on coupe et fend dans le milieu de son diamètre , pour y établir un rameau de l'avant -dernière sève, à la manière de la greffe en fente ordinaire , c'est-à-dire , taillé par sa base en lame de couteau ; après quoi on recouvre de terre. Cette méthode est très-peu employée , parce que son utilité est très-accidentelle. Elle est propre à multiplier des arbres rares qui n'ont pas d'analogues et qui se re- fusent aux autres moyens de multiplication. On a cru aussi qu'elle pouvait servir de preuve à l'existence de la sève descendante , mais elle prouverait seulement que la sève n'a pas un cours de circulation réglé. i o i . Greffe en couronne sur racine. Greffe Saussure, de Thouin. PI. Zijïg- 10. On détache une grosse racine près de la souche du sujet-, on relève un peu le gros bout au-dessus de la sur- face du sol , on unit la plaie, et on y établit une ou plu- sieurs fentes pour recevoir autant de rameaux taillés en lame de couteau, et insérés de la même manière que la greffe en fente ordinaire. On lute avec l'onguent de Saint-Fiacre , et on recouvre de terre. Propre, comme la précédente, à la multiplication d'arbres rares qui n'ont point d'analogues , elle a l'avan- tage d'être plus prompte et plus facile à faire , et d'offrir une reprise beaucoup plus sûre. 102. Greffe en fente sur racines séparées. Greffe Cels, de Thouin. PL3,Jïg. i5. a, réunion des deux sujets; b, b, niveau du sol. On sépare des racines de leur souche , on les trans- plante, et on les greffe par la même méthode que la greffe en fente à l'anglaise en langue, n° 89. On a soin de ne les enterrer que jusqu'à l'avant-dernier œil du rameau de la greffe. Elle fournit. le moyen facile de multiplier les végétaux dont on n'a pas d'espèces analogues , et pourrait servir à 96 DE LA GREFFE. multiplier plus abondamment et plus sûrement les autres. io3. Greffe en fente de racines sous le collet des tiges. Greffe Bourgdorf , de Thouin. PI. 3 ,Jig. i3. a, entaille du sujet , et insertion de la bonne racine b. On déterre le collet de la racine d'un arbre , et l'on pratique une entaille pénétrant à moitié d'épaisseur, un peu au-dessus de l'enfourchure des grosses racines, plus haut ou plus bas , selon le cas ordinairement résultant d'une maladie. On choisit à un autre arbre d'espèce analogue une bonne racine , bien saine et bien garnie de chevelu. On la sépare et on la taille en coin à son gros bout, de manière à remplir exactement l'entaille du sujet ; on l'y ajuste, on la maintient au moyen d'une ligature et d'onguent de Saint-Fiacre , et l'on recouvre de terre. Si un arbre a eu ses racines brisées par un accident , ou détruites par le ver blanc ; si elles sont attaquées d'une maladie dont les progrès menacent de les détruire entiè- rement en gagnant leur collet, on emploie cette méthode, avec une presque certitude de succès , pour les remplacer par d'autres. Ce moyen peut encore servir à augmenter et à accélérer la végétation d'un individu précieux. 104. Greffe en fente de racines sur racines. Greffe Chomel, de Thouin. PI. 3 ,fig. 16. a, insertion de la racine du sauvageon. Sans la détacher de sa souche, on lève de terre l'extré- mité d'une racine d'arbre , on la coupe transversalement dans un endroit où elle ait au moins la grosseur d'un tuyau de plume , et on la fend dans le milieu de son épaisseur. On prend une racine vigoureuse sur un sauva- geon de même espèce , on la taille par son gros bout en bec de flûte , on l'insère dans la fente du sujet à la manière ordinaire , on fait une ligature et l'on recouvre de terre. On l'emploie pour augmenter la vigueur d'un jeune individu , ou pour remplacer ses racines malades. 1 05 . Greffe en approche de racines sur des branches DE LA GREFFE. 0,7 tenant à leur arbre. Greffe Palissy _, de Thouin. PL 3 , fig- *4- On choisit une branche jeune et d'une belle venue sur l'arbre que l'on veut multiplier , et l'on fait dans son écorce une entaille, ou simplement une incision en coulisse. On prend sur le même arbre une racine vi- goureuse, très- garnie de chevelu, et à peu près de la même grosseur que la branche. On la détache du sujet, on la taille en languette par le gros bout , et on la plante avec précaution dans un pot rempli aux trois quarts de bonne terre. On rapproche le pot de la branche , on ajuste la languette dans l'entaille ou dans la coulisse de son écorce , et l'on fait une ligature, ou l'on couvre de cire à greffer. On achève de remplir le pot de terre , de manière à ce que l'endroit greffé s'en trouve recouvert d'un doigt à peu près 5 puis , de temps à autre , on arrose pour maintenir l'humidité, mais seulement en quantité suffisante pour entretenir la vie de la racine. Quand la reprise est opérée , on détache la branche de l'arbre en la coupant près de la greffe. Cette méthode , peu usitée , peut cependant devenir d'une nécessité indispensable , si l'on veut multiplier un individu exotique rebelle à la bouture et à la marcotte , et dont on ne posséderait pas d'espèces congénères sur lesquelles on puisse le greffer. 106.* Greffe en écusson par inoculation. Greffe Xénophon, de Thouin. PL 1 ,Jïg. 2. a, plaie du sujet ; by œil avec son liséré d'écorce. Avec la pointe d'un greffoir, ou mieux d'un canif, on cerne un bouton en laissant autour un petit liséré d'é- corce , et en enlevant une portion de bois qu'on lui con- serve. Sur le sujet à greffer on fait une plaie de la même largeur que celle du bouton et de son liséré, et d'une profondeur égale à la longueur du morceau de bois laissé. On ajuste le tout de manière à ce que l'œil rem- 2. 7 C)8 DE LA GREFFE. plisse parfaitement la plaie , et l'on couvre les scissures avec la cire à greffer. Cette greffe est employée à transporter des boutons à fleurs, dune place où il y en aurait trop, sur une au- tre où il en manquerait. 107. Greffe en é eus son sur racines. Greffe Sickler, de Thouin. Au printemps, à l'époque où l'on fait les greffes à oeil poussant , on découvre les racines d'un arbre, et l'on greffe dessus, en éensson, un œil pris sur ses branches. On laisse la greffe découverte , mais on remet de la terre sur toutes les autres parties. Au printemps de l'année suivante, lorsque la greffe, bien reprise, a poussé un beau jet , on coupe la racine au-dessus de la greffe , on l'arrache avec précaution , et on la transplante ailleurs. On possède , par ce moyen, un individu que l'on n'au- rait pu multiplier ni par marcottes ou boutures, ni par la greffe ordinaire , faute d'avoir des sujets propres à la recevoir. 1 08 * * . Greffe en écussons opposés. Greffe Descemet, deThouin. Elle se fait comme les greffes en écusson à œil dor- mant et à œil poussant ; il y a seulement cette différence , qu'au lieu de n'en mettre qu'une sur la tige d'un sujet, on en place ordinairement deux opposées l'une à l'au- tre , quelquefois trois , ou même davantage , posées en forme de couronne autour de la tige. Elle a l'avantage d'assurer le succès en multipliant les chances favorables , et elle convient parfaitement pour former de belles têtes aux arbres pleureurs, tels que frênes, robiniers, cytises, etc. 109. Greffe en écusson couvert. Greffe Sintard, de Thouin. PI. 1 ,Jig. 7. a, œil poussant par le trou de la plaque ; b, plaque percée. On la fait comme la greffe en écusson ordinaire 5 mais , lorsque l'œil est placé , au lieu de faire une ligature , DE LA GREFFE. 99 on bouche les scissures avec la cire à greffer -, on enlève sur un autre arbre une plaque d'écorce , on la perce d'un petit trou au milieu, et on l'applique sur la greffe de manière à la recouvrir, excepté le bouton qui se trouve découvert par le trou. On fait une ligature pour mainte- nir l'appareil. Cette greffe , beaucoup trop minutieuse , est rejetée de la pratique ordinaire , parce qu'elle peut être remplacée par plusieurs autres avec les mêmes avantages. On l'in- diquait comme devant servir aux arbres rares et délicats. no. Greffe en écusson par poition d'yeux termi- naux. Greffe Sennebier, de Thouin. PL i ,jig. 9. £, œil terminal fendu; b, le même vu par devant; «, son insertion. On coupe la sommité d'un rameau à la longueur de six ou huit lignes , et on la fend en deux , en partageant l'œil terminal exactement par son milieu. On fait à un sujet une incision en T, et on y insère cette moitié d'œil de la même manière qu'une greffe en écusson. En cas de besoin, on peut partager l'œil terminal en quatre par- ties égales. On doit greffer à œil poussant, si l'on veut être plus assuré du succès; cependant cette greffé réussit aussi à œil dormant. Cette méthode peut être très-utile, si l'arbre à multi- tiplier n'offre pas de jeune bois assez fort pour qu'on y puisse enlever un écusson. Elle convient surtout aux arbres rares , à boutons écailleux et à branches opposées. ni. Greffe eri ramille placée en flûte. PL 5,fîg. 14. a, sujet taillé en flûte ; bi base de la ramille dépouillée d'é- corce, ets'ajustant dans la fente du sujet. On coupe la tige d'un très-jeune sujet, par exemple d'un oranger de trois ou quatre mois , à deux ou trois pouces de terre. On fait dans l'écorce une incision lon- gitudinale de cinq à six lignes; on détache l'écorce du bois dans toute cette longueur, et on l'écarté ou ren- verse de manière à pouvoir amputer net le bois avec la IOO DE LA GREFFE. pointe d'un canif ou d'un greffoir , précisément à l'en- droit où finit l'incision. On prend une ramille de l'espèce à multiplier, exactement de la même grosseur que le sujet; on enlève à sa base un anneau d'écorce de la lon- gueur juste de l'incision du sujet, et on enfonce la partie de bois dépouillée , dans la flûte du sujet , de manière à remplir avec précision la place du bois ampu- té, et à faire coïncider les écorces. Cette greffe , d'une exécution facile , s'emploie très- avantageusement pour la multiplication prompte des espèces délicates. On l'exécute sur couche tiède, et on la conduit de la même manière que la greffe en ramille sur bouture , n° 99, 112. Greffe en flûte à œil donnant. Greffe de Pan, de Thouin. Elle se pratique de la même manière que la greffe en flûte par juxta-position, n° 62 -, mais, au lieu de la faire au printemps , on la fait au mois d'août , et avec des boutons produits par la première sève de la même an- née, tandis que pour l'autre on choisit des yeux de l'année précédente. On l'emploie très-peu dans la pratique journalière > cependant elle peut êt,re utile à Ja multiplication des arbres à bois très-dur. m 1 13. * Greffe en flûte et en lanière. Greffe de Faune, de Thouin. PL i,Jig. i3. Elle se fait comme la greffe en flûte ordinaire, n° 63 ; mais , lorsque la ligature est faite , on coupe 1 ecorce et le bois en bec de flûte , au-dessus du dernier œil de la greffe , et on lute avec la cire à greffer 5 en outre , le tuyau à greffer doit porter cinq ou six yeux au moins , ce qui le rend très-difficile à détacher. Cette greffe est excellente pour multiplier des arbres étrangers à bois dur; elle servirait de même pour les arbres fruitiers, si le temps qu'elle fait perdre, et la difficulté qu'on rencontre en la faisant , n'avaient déter- DE LA GREFFE. IOI miné les jardiniers à l'abandonner pour la remplacer par d'autres. 1 14. * Greffe en approche par le moyen de Veau. On coupe sur l'arbre que l'on veut multiplier un ra- meau d'un pied à dix-huit pouces de longueur ; on fait à sa partie supérieure une entaille de côté longitudi- nale, de six ou huit lignes de longueur, au-dessous de deux ou trois bons yeux ; on en fait une semblable à la tige d'un sujet , et on unit les parties par le procédé ordinaire de la greffe en approche. Cela fait, on fixe au- près de la tige du sujet un petit vase r une tasse ou une fiole, selon la circonstance ; on le remplit d'eau, et on y fait tremper, jusqu'à la reprise, la base du rameau greffé , afin d'empêcher qu'il ne se dessèche. Ce procédé est excellent pour greffer en approche deux arbres trop éloignés pour pouvoir réunir leurs ra- meaux. 11 5. Greffe en approche sur bouture. On plante une bouture dans un pot; on pratique une plaie longitudinale sur un des côtés de sa tige , et on approche le pot d'un rameau tenant à l'arbre que l'on veut multiplier ; on fait à ce rameau une plaie sem- blable à celle de la bouture, on les réunit, on fait la ligature, et on applique la cire. On a soin d'entretenir la terre du pot dans une humidité modérée , mais conti- nue, afin de faciliter la sortie des racines. Cette greffe fournit le moyen de se procurer, en très- peu de temps, des individus complets des espèces les plus rares et les plus difficiles à multiplier. La greffe et la bouture se prêtent un mutuel secours : la première pour faire percer des racines à une espèce difficile à re- prendre en bouture , la seconde pour maintenir l'humi- dité et la vie jusqu'à ce que la soudure soit opérée. Cette greffe offre la différence avec la greffe en bouture , n° 20 , que dans celle-ci la bouture devient le sujet , au lieu que dans l'autre elle fournit seulement la- greffe, 102 DE LA GREFFE. Greffes pour treillages et palissades, n 6. *. Greffe par approche en berceau, Thouku pi.5,/ig.*: b,by greffe des tiges des sujets c, a ; e, c, c, etc. , greffe des branches à leur point de jonction. On plante de jeunes sujets d'espèces analogues , sur deux lignes parallèles \ on courbe leurs têtes en berceau , et on les maintient an moyen d'une légère charpente. A mesure que leurs sommets s'allongent et se croisent, on les coupe à leur point de jonction, et on les greffe par les procédés de la greffe par approche en arc y n° 85. On dispose les branches latérales de manière à leur faire former avec leurs tiges des angles de 45 degrés, et on les greffe par le procédé de la grefïe par approche sur tronc y n° 8o. Par ce moyen on met tous les arbres d'une tonnelle en communauté de sève, de manière que, si les racines de quelques-uns viennent à mourir, les tiges sont nourries par les autres. En outre, les berceaux sont impénétrables, bien garnis de verdure , et avec le temps fournissent aux arts des bois courbes d'un grand prix. 117. * Greffe par approche en losanges. Thouku On plante de jeunes sujets en ligne et à huit ou dix pouces de distance les uns des autres. Lorsqu'ils sont parfaitement repris, on les incline de manière à former un angle de 4<> à 45 degrés , l'un à droite , l'autre à gau- che , et on les greffe à tous les points de section , les uns sur les autres , par le procédé de la greffe en approche sur tronc, n° 80. On obtient encore le même résultat par une autre mé- thode. On plante des jeunes sujets de la même manière que les précédens , mais on les coupe à six pouces de terre , sur deux yeux tournés l'un à droite , l'autre à gauche , dans le sens de la ligne. A mesure que les deux bourgeons croissent , on les palisse en leur faisant former DE LA GREFFE. lo3 un angle de quarante - cinq degrés, et on les greffe par approche , selon le même procédé , à tous leurs points de rencontre. On greffe de nouveau à mesure que les branches s'allongent et se croisent. Ces deux manières de greffer sont excellentes pour former des haies impénétrables, des palissades, et enfin des clôtures pittoresques pour les jardins paysagers. QUATRIÈME SECTION. GREFFES HERBACÉES DES PLANTES VI VACES OU ANNUELLES. C'est ici que viennent se placer les greffes herbacées de M. Tschudy , dont nous avons parlé plus haut. Cet habile amateur les a employées sur des plantes potagè- res, dans l'intention d'augmenter la quantité et la qua- lité de leurs produits -, mais , la mort l'ayant enlevé à ses utiles travaux , le résultat positif de ses expériences n'a pas été publié, et nous ignorons encore jusqu'à quel point on pourrait en tirer parti pour perfectionner l'horti- culture. Nous regrettons que le genre de nos travaux ne nous ait pas permis de suivre nous - même ces expé- riences, et nous engageons beaucoup les amateurs à s'en occuper. 118 *. Greffe des plantes grasses. Greffe Noisette, de Thouin. PL 5,Jig. i5. On prend une jeune tige ou une feuille de plante grasse, par exemple d'un cactus ou d'un opuntia, on la taille en biseau à sa base , et on l'implante dans une fente pratiquée sur la tige ou la feuille d'un sujet d'autre es- pèce, mais du même genre. M. Thouin, en classant cette greffe dans sa monogra- phie a s'est trompé sur ses résultats , et l'erreur de cet lo4 DE LA GREFFE. homme , aussi savant en agriculture que respectable par ses vertus privées, vient sans doute de ce que ses jardi- niers , en l'exécutant dans les serres du Jardin du Roi , n'ont pas exactement suivi les renseignemens qu'ils ont dû venir chercher dans notre établissement. M. Thouin dit : « Les parties insérées vivent et poussent, non pas à la manière des greffes , mais bien des plantes parasites. » Cela peut être si , comme il le recommande plus haut , on greffe des crassula et des cotylédons sur des cactus et des opuntia ; la raison en est, que , ces espèces n'ayant pas assez d'analogie, les greffes , au lieu de se souder, poussent des racines. Mais, lorsque les espèces sont ana- logues, la soudure s'opère , et la greffe est réelle. 119. * Greffe sur racines charnues ou tubercules, Pl.6,Jig.i. a, tubercule; b,b, les greffes. Il arrive assez souvent qu'un tubercule de dahlia , se trouvant dépouillé d'yeux , soit par un accident qui aurait brisé le collet de sa tige , soit que la nature lui en ait refusé, malgré tous les soins de l'amateur reste un ou deux ans , et même davantage , sans pousser , et finit par pourrir. Rien n'est facile comme de s'en apercevoir, si l'on visite avec attention son collet , car c'est toujours à cette place que les gemmes sont placés. Dans ce cas, on attend qu'un bouton d'un autre dahlia ait commencé à se développer , on le cerne avec la pointe du greffoir , et on l'enlève en laissant au-dessus un petit morceau du tubercule. On fait au collet du tubercule stérile un petit trou dans lequel on enfonce la greffe , mais de ma- nière à ce que la base de l'œil se trouve parfaitement de niveau avec la surface du tubercule , et on lute avec la cire à greffer. On plante ce tubercule dans un pot, avee la précaution de ne point enterrer le collet où est la greffe, et on enfonce le vase sur une couche chaude et sous châssis. Lorsque la reprise est parfaite , on dépote avec la motte, et on plante en pleine terre. DE LA GREFFE. Io5 Cette greffe sert à l'usage que nous venons d'indiquer ; elle peut s'appliquer aussi à d'autres plantes tubercu- leuses, et principalement aux grandes pivoines. On peut l'employer à multiplier les espèces précieuses aux dépens de celles qui sont communes. 120. Greffe sur tige de plantes annuelles ou vi- vaces. Pl.Syfig- 2. a, tige ; b, greffe ; c , son insertion près d'une feuille- On choisit le moment de la plus grande végétation d'une plante , c'est-à-dire , quelques jours avant sa florai- son. On coupe sa tige net, au-dessus d'une feuille, le plus près possible de l'attache de son pétiole , et l'on pratique une fente sur l'aire de la coupe du sujet. On prend auprès de la racine un bourgeon de l'espèce que l'on veut multiplier , on taille sa base en biseau , et on l'insère dans la fente du sujet en ménageant bien la feuille , parce que c'est elle qui doit nourrir le bourgeon, jusqu'à sa parfaite reprise, en y maintenant la circula- tion de la sève. On fait une ligature, et on couvre les scissures avec la cire à grefïër. Lorsque la reprise est certaine, ce qui se reconnaît à l'accroissement qu'elle prend , on défait la ligature , on coupe la feuille , et l'on abat les bourgeons inférieurs. M. Tschudy greffait ainsi des artichauts sur des char- dons, et d'autres plantes sur leurs espèces congénères. 121. Greffe du melon. PL 6yfig. 3. a, tige de concombre ayant un fruit ; b, insertion de la greffe de melon d'eau , avec un jeune fruit c. Sur une tige de concombre , ou d'une autre plante de la famille des cucurbitacées , mais ayant de l'analogie avec le melon , on choisit un endroit vigoureux et muni d'une feuille bien développée. On fait à l'aisselle de cette feuille une entaille oblique à demi-épaisseur. On coupe sur une branche de melon un bourgeon assez dé- veloppé pour avoir déjà son fruit tout formé , et on le taille en biseau à deux pouces au-dessous du fruit. Iû6 DE LA GREFFE. On l'insère clans l'entaille du sujet , toujours en ména- geant la feuille jusqu'à la reprise parfaite ; on fait la liga- ture , et l'on conduit l'opération comme la précédente. Cette greffe réussit assez bien ; mais a-t-elle un véri- table but d'utilité, au moins jusqu'à présent? On peut greffer ainsi des tomates sur des pommes de terre , et autres plantes d'espèces différentes , mais ayant suffisam- ment d'analogie -, et c'est ce que l'expérience seule peut apprendre à reconnaître. Greffes herbacées -pour arbres fruitiers ou d'ornement. Nous les plaçons ici , parce que jusqu'à présent elles ne sont que des objets de curiosité. Si on voulait les re- garder comme utiles , on trouverait à leur comparer un grand nombre d'autres greffes qui rempliraient le même objet , et qui sont en même temps plus sûres et plus fa- ciles. Elles se font sur des bourgeons pendant que leurs tissus sont encore d'une nature succulente et herbacée. 122. Greffe herbacée en rainure pour les omni- tiges. PL6,Jig.^. ay rainure du sujet ; b, base de la greffe. M. Tschudy donne le nom iïomnitiges aux végétaux dont toutes les branches affectent la même disposition sans qu'aucune paraisse vouloir s'élever plus vertica- lement que les autres, et s'emparer d'une plus grande portion de sève. Dans ce cas, leur vigueur étant égale , on peut greffer sur toutes indistinctement. On coupe l'extrémité d'un bourgeon , à un pouce au moins d'un bouton muni de sa feuille comme dans les précédentes; on fait à l'aisselle de la feuille, à coté du bouton, une incision en rainure triangulaire, creusée jusque près du milieu de la tige , et descendant à un pouce ou dix-huit lignes. On choisit sur l'arbre à grefter un bourgeon vigoureux, on taille sa base en pointe DE LA GREFFE. IO7 triangulaire en laissant intact un des côtés, et on l'insère dans l'incision de manière à ce que son extrémité se trouve au même niveau que l'œil du sujet. On fait la li- gature et on applique la cire. Lorsque la greffe pousse, on défait la ligature, on abat le bouton et la feuille du sujet, et l'on retranche les bourgeons inférieurs. Cette greffe réussit non -seulement sur les bourgeons d'arbres , mais encore sur les tiges des plantes annuelles ouvivaces. i23. Greffe herbacée pour les bourgeons à feuilles opposées. PL (y^fig. 5. Au milieu de la tige, entre deux yeux opposés, on fait une incision longitudinale et angulaire, traversant la tige de part en part. On taille la greffe en coin à sa base et à son sommet, et on l'insère parle côté, de manière à ce que les deux yeux se trouvent sur le même niveau que ceux du sujet, et forment une verticille avec eux. On fait la ligature , on applique la cire, et l'on conduit jusqu'à la reprise comme pour les précédentes. Propre aux espèces d'arbres et de plantes annuelles ou vivaces, dont les gemmes sont opposés sur la tige, ce qui arrive plus particulièrement aux végétaux multiliges. M. Tsclmdy donne ce nom à ceux dont les branches centrales, tendant à s'élever plus verticalement que celles latérales, ont aussi plus de vigueur 5 et c'est sur celles-ci que l'on doit greffer. CINQUIÈME SECTION. GREFFES D'EXPÉRIENCE. Celles-ci ne sont d'aucune utilité dans la pratique ha- bituelle du jardinage, mais elles sont curieuses et d'une exécution amusante , outre qu'elles servent à expliquer 108 DE LA GREFFE. quelques phénomènes de physiologie végétale, dont la connaissance peut conduire à des découvertes précieuses pour l'agriculture. 124. Greffe par approche de branches de plusieurs arbres sur une seule tige. Greffe égyptienne, de Thouin. Ou plante deux jeunes sujets d'arbres fruitiers à trois pieds de distance d'un sujet du même genre, mais d'es- pèce ou variété différente. Sur la tige de l'arbre du mi- lieu , on pratique deux plaies longitudinales , correspon- dant à deux branches des jeunes sujets que l'on y greffe par approche de la manière ordinaire. On ne coupe aucune des autres branches qu'on laisse croître selon leur nature. On a cru que cette greffe opérait un changement dans la grosseur, la saveur et la couleur des fruits, et même dans ia dureté du bois ; mais cette erreur ne mérite plus aujourd'hui la peine d'être réfutée. i-25. Greffe en approche de racines entre elles. Greffe Malpighi , de Thouin. On déterre les racines de deux ou plusieurs arbres voisins, on les rapproche les unes des autres, et on les grefïe selon le procédé de la greffe par approche sur tronc , n° 80 , ou par approche par accolement de tronc, n° 81 . Puis on les remet en place , et on recouvre de terre. Par ce moyen , on met en communauté de sève les ra- cines de plusieurs arbres , et l'on pensait autrefois que leurs fruits en éprouveraient quelques changemens avan- tageux. On en a reconnu l'erreur. 126. Greffe par approche de fruits dans leurs bou- tons. Greffe Pomone , de Thouin. Dès leur naissance on rapproche deux embryons de fruits, avant ou aussitôt que les fleurs éclosent , et on les comprime l'un contre l'autre, afin que, ne pouvant s'écarter , ils soient forcés de se souder en grossissant. Celte greffe, ainsi que la suivante, se rencontre sou- DE LA GREFFE. IO9 vent naturellement , produite par un accident ou parce que les fruits ont été gênés dans leur développement par une branche ou une autre cause. On est parvenu à imiter la nature en reproduisant à volonté ces monstruosités remarquables. 127. Greffe par approche des fruits d'un arbre sur un autre. Greffe Leberriays , de Thouin. On rapproche deux arbres d'espèces ou variétés dif- férentes, mais analogues ; par exemple, un oranger et un citronnier-, et, lorsque leurs fruits ont atteint la cinquième partie ou îe quart de leur grosseur, on leur fait deux plaies correspondantes, et on les réunit-, mais il faut avoir le plus grand soin de ne pas faire pénétrer la coupure jusque dans les loges qui renferment les graines : ainsi , dans l'exemple cité, on n'enlèvera qu'une légère partie de ce qu'on appelle vulgairement l'écorce du fruit. Cette greffe peut encore s'opérer par la simple com- pression. Pour cela, on rapproche un jeune fruit tenant à sa branche, du rameau d'un autre fruit d'espèce ana- logue ; on réunit les deux fruits , qui , dans ce cas , doivent être à peine formés, et on les maintient par un moyen quelconque, de manière à ce qu'ils ne puissent pas se séparer en prenant leur croissance. Ces deux manières de greffer n'ont aucun but d'utilité; aussi ne les fait-on que pour servir d'objet de curiosité. 128. Greffe par approche de feuilles et de fleurs. Greflè Adanson, de Thouin. Sur de jeunes tiges encore herbacées, sur des feuilles, des fleurs ou des fruits , on fait , aux places que l'on juge les plus convenables, de petites incisions dans lesquelles on introduit de jeunes feuilles ou des fleurs tenant à leurs pieds. On fait l'opération avec autant de délica- tesse que de précision , et on maintient avec de la cire à greffer. La reprise s'effectue rarement; mais, lorsque l'opéra- IIO DE LA GRFFFE. tion réussit , on peut en tirer de très-curieuses observa- tions relativement à la physique végétale. 126. Greffe en fente à rameau inséré sens dessus dessous. Greffe Lenôtre, de Thouin. On coupe la tête d'un sujet , et on pratique une fente longitudinale sur l'aire de sa coupe. On choisit un ra- meau de l'avant-dernière sève ; et , au lieu de le tailler à sa base , on le taille au sommet en lame de couteau , et on l'insère dans la fente, de manière à ce que les yeux se trouvent renversés. On ligature et on couvre avec la cire à greffer. On croyait anciennement qu'on obtiendrait par ce moyen des arbres pleureurs , mais l'expérience prouve que les rameaux se redressent aussitôt. Une erreur plus importante à signaler , c'est que presque tous les auteurs ont indiqué cette méthode comme devant servir à hâter la fructification. Nous en avons souvent fait l'expérience sans en avoir obtenu d'autres résultats que ceux de la greffe en fente ordinaire. La seule conséquence remar- quable qu'on puisse en tirer s'applique à la manière incertaine dont se fait la circulation de la sève dans les végétaux ; aussi n'est-elle de quelque utilité que pour l'étude de la physiologie végétale. i3o. Greffe de coteau moyen d'unplançon. Greffe Grew, de Thouin. On choisit une branche de six ou sept pieds de long, on l'aiguise en pointe triangulaire à sa base , et on la taille en bec de flûte à son sommet. On l'enfonce en terre, par sa pointe triangulaire, au pied d'un gros arbre ; on fait dans le tronc de celui-ci une entaille pénétrant jusqu'à l'étui médullaire , et on la remplit exactement avec le bec de flûte duplançon. On croit assez généralement que cette greffe sert à multiplier des arbres qui n'ont pas de congénères sur lesquels on puisse les greffer; et ce qui a donné lieu à cette erreur , c'est que l'on attribue la reprise du plançon DE LA GREFFE. II I à la sève que lui fournit le tronc d'arbre , tandis que réellement ee n'est qu'une reprise de bouture ordinaire. Ainsi les conséquences que l'on en tirait , pour prouver la descente de la sève sur les racines, ne prouvent rien ? puisqu'elles sont fausses. 1 3 1 . Greffe de trois pièces. Greffe Muzat, de Thouin. PLGJig.6. On choisit une racine vigoureuse , bien saine et munie d'un bon chevelu ; on la plante dans un pot rempli aux trois quarts d'une bonne terre appropriée à la nature du végétal. Le gros bout de la racine , qui est saillant hors de terre, se taille en coin. On choisit un rameau d'une espèce congénère , on l'échancre à sa base de manière à l'asseoir ou plutôt à l'enfourcher sur le coin de la racine, et on l'y fixe par le moyen d'une ligature et delà cire à greffer. Cette première greffe terminée , on fend le sommet du rameau dans le milieu de son diamètre. On choisit sur un arbre de même famille une ramille munie de ses feuilles, de ses boutons à fleurs, et même de jeunes fruits. On la taille à sa base en biseau très-prolongé , et on l'ajuste dans la fente du rameau de la même manière que la greffe en fente ordinaire. Lorsque la ligature est faite et la cire posée , on remplit le pot de terre et on le porte sur une couche tiède , dans une bâche ou un châssis; on prive le végétal d'air et d'une lumière trop vive par le moyen d'un entonnoir de verre dépoli, et on ne lui rend l'un et l'autre que peu à peu , lorsqu'on con- naît à sa végétation que les deux greffes sont parfaite- ment reprises. Cette grefïe extrêmement curieuse est peu utile dans l'usage habituel , mais elle sert à l'étude de la physiologie végétale. i32. Greffe composée en êcusson, en approche et en fente. Greffe Lambert , de Thouin. On plante, à dix -huit pouces ou deux pieds l'un de l'autre, deux sauvageons jeunes et vigoureux. Onles greffe I 12 DE LA GREFFE. en écusson en regard l'un de l'antre avec des gemmes pris sur des arbres dont les fruits seront remarquables par leur saveur et leur parfum. Lorsque les greffes auront poussé deux beaux scions, on les greffera par approche en opérant leur réunion sur une longueur la plus grande possible. Aussitôt que la soudure sera parfaite , on cou- pera cette nouvelle tige dans l'endroit où la réunion sera le plus intime , on pratiquera sur l'aire de la coupe une fente longitudinale , et l'on y ajustera un rameau d'une espèce à fruit insipide et sans aucune saveur. M. Thouin a proposé ce moyen pour savoir a si le mélange des sèves et des sucs propres de différens arbres ne modifierait pas la saveur des fruits, et n'établirait pas de nouvelles races domestiques , plus perfectionnées pour la qualité des fruits , que celles que nous possé- dons. » L'expérience nous a appris que la sève du sujet n'influait en rien sur la qualité des fruits. i33. Greffe composée de Duhamel. On choisit un sujet, jeune et robuste, de poirier sauva- geon. On greffe dessus, en fente ou en écusson, un co- gnassier 5 sur celui-ci une aubépine ; sur l'aubépine un néflier, et enfin sur le néflier un poirier de bon chrétien. Cette greffe est proposée par Duhamel pour le même objet que' la précédente 5 et, quoique nous n'en ayons pas fait l'expérience , l'analogie nous fait présumer , ou plutôt nous donne la certitude que le résultat n'en serait pas plus avantageux. 134. Greffe de plantes ligneuses sur racines de plantes vivaces. Greffe nébuleuse , de Thouin. On déterre le collet de grosses racines de plantes vi- vaces , et l'on y place , soit en fente , soit en écusson , des espèces du même genre, mais ligneuses. Si on a greffé en écusson, on recouvre de terre jusqu'au niveau de la greffe , mais sans l'enterrer ; si au contraire on a greffé en fente , on enterre la greffe , et on n'en laisse sortir que deux yeux hors de terre. DE LA GREFFE. 1 l3 Olivier de Serre recommande cette méthode pour se procurer des fleurs d'œillets , de violiers , de passe-roses et passe -velours de différentes couleurs. Nous ne voyons là dedans que des plantes vivaces, et non pas des plantes ligneuses : ainsi donc il serait à peu près impossible de les greffer en écusson -, et , à supposer qu'on y parvînt , nous avons la certitude qu'elles ne reprendraient pas. Quant à la greffe en fente, nous concevons très -bien quelle peut reprendre , même avec des espèces ligneu- ses, mais seulement à la manière des boutures ordinaires, c'est-à-dire qu'elle poussera des racines, mais ne se sou- dera pas. Dans tous les cas, les espèces ou variétés res- teront intactes. i35. Greffe en écusson d'espèces non analogues. Greffe Butret, de Thouin. On choisit un sujet à feuilles non persistantes, et l'on greffe dessus une espèce du même genre , mais dont les feuilles ne tombent pas l'hiver ; ou bien on fait servir de sujet le dernier, et l'on place dessus une greffe du premier. On fait encore cette expérience d'autres manières : i° sur un sujet dont la végétation est lente et tardive, on en greffe un autre dont la sève se met en mouvement avec activité et de très-bonne heure ; i° sur un individu dont la sève est douce et insipide , on place une greffe dont la sève est acre et corrosive. M. Thouin propose ces moyens pour prouver qu'il ne suffit pas de greffer l'un sur l'autre des arbres de même famille , de même genre et de même espèce , pour ob- tenir une réussite complète dans l'opération ; mais qu'il faut encore que les mouvemens de la sève , dans son ascension et sa descente , ainsi que les qualités des sucs propres, soient à peu près les mêmes ; sans quoi ces greffes mal assorties périssent en peu d'années. Nous ne sommes pas du tout de l'avis de M. Thouin , et nous pouvons assurer que de certains arbres à feuilles 2. 8 Il4 DE LA GREFFE. persistantes réussissent très -bien sur d'autres à feuilles caduques ; nous citerons pour exemple le néflier du Ja- pon sur l'aubépine , le buisson ardent sur le même , les oliviers sur les troènes, etc. Quant à la différence des sèves, on sait que les poires sont délicieuses sur le co- gnassier, dont les fruits sont d'une âcreté insupportable , et mille fois on greffe avec succès des espèces à sève tardive sur des espèces à sève hâtive, et vice versa. i36. Greffe de semence en écusson. Greffe Bonnet , de Thon in. Cette greffe et la suivante ont été proposées par M. Thouin pour résoudre quelques questions de physio- logie végétale , importantes pour l'agriculture ; nous allons les extraire textuellement de sa monographie , et donner notre opinion sur les questions proposées. a Pratiquer dans l'écorce d'un sujet, soit de plante annuelle ou vivace herbacée , soit d'un arbre ou arbuste, abondant en sève , une incision jusqu'à la profondeur des fibres ou des couches ligneuses. Introduire dans cette plaie, soit une semence entière avec ses enveloppes ou dépourvue de ses tuniques , soit privée de ses cotylé- dons, et réduite à son germe. Recouvrir la plaie d'un emplâtre, et maintenir les parties à leur place , au moyen de ligatures qui ne puissent gêner le développement du germe. « Usages. Pour savoir : i° si ces germes se dévelop- « peront ? » — Nous croyons que les germes se dévelop- peront, mais de la manière ordinaire , c'est-à-dire , par l'effet de l'humidité entretenue par la sève, et la végétation ne durera qu'autant de temps que cette hu- midité ; ils périront lorsque la sève sera passée. « 20 Si les plantes qui en naîtront vivront à la manière « des parasites ou des fausses parasites ? »— Il est certain que , pendant le peu de temps que végéteraient les ger- mes , leur radicule coulerait entre l'écorce et l'aubier , et pousserait peut-être quelques racines, pour chercher DE LA GREFFE. I l5 l'humidité sur une plus grande surface. Elles vivraient donc à la façon des fausses parasites. « 3° Et enfin quelle modification leur feront éprouver « les sujets sur lesquels elles croîtront? » — Aucune modi- fication , soit quelles végètent comme greffes ou comme parasites. Nous en avons donné les raisons , pages 1 1 et suivantes. 187. Greffe de feuilles en manière d'écusson. Greffe Bosc, de Thouin. « Choisir de jeunes sujets dans le plein de la sève , et vieux repris dans des pots 5 faire à leur tige des incisions en T et proportionnées à la grosseur des pétioles qu'elles doivent recevoir 5 prendre sur des espèces congénères peu en sève , des feuilles au quart, au tiers , à la moitié de leur grandeur , ou sur le point d'y arriver 5 les séparer de leurs arbres avec leur pédicule dans toute sa longueur, et son appendice , mais sans gemma 5 poser ces greffes dans les incisions faites aux sujets , et placer ceux-ci sur une couche tiède couverte d'un châssis ombragé, et sous lequel sera entretenue une atmosphère vaporeuse , humide et chaude, pendant la reprise des greffes. » « Usages. Pour savoir : i° si les feuilles repren- dront sur des espèces voisines, ce qui est probable? » — Elles reprendront avec les mêmes conditions que de- mandent les greffes en écusson ordinaire, c'est-à-dire, sur des sujets analogues. « 20 Si elles se refuseront sur des sujets disgénères? » ■ — Il n'y a aucun doute. « 3° Si ces feuilles produiront dans leurs aissêïles des gemma, comme si elles eussent resté sur leur pied Lau- rel? » Comme nous l'avons dit à l'article de la greJe sans yeux, n° 87, toutes les parties vivantes des vé- gétaux , l'écorce , les feuilles , les pédoncules , les péta- les, etc. , peuvent avec de certaines précautions former des gemmes qui se développeront et reproduiront un individu complet de même espèce. Ainsi donc, il est hors I l6 DE LA GREFFE. de doute que la feuille produira, non-seulement à son aisselle, mais dans toutes ses parties, des gemmes sus- ceptibles de développement parfait. L'expérience nous l'a prouvé plusieurs fois, comme on pourra le voir au chapitre des boutures. Cependant, dans l'opération de la greffe, les pédicules seulement, se trouvant dans les circonstances favorables , formeront des embryons. a 4° De quelle nature seront les bourgeons qui se dé- velopperont de ces gemma ? — D'après les principes éta- blis , page it, les bourgeons ne peuvent être que de même nature que celle des greffes qui les auront fournis. 11 n'y a pas de raison qui puisse faire croire qu'un végétal produira des êtres différens de lui , plutôt dans une partie que dans l'autre. « 5° Et enfin , si ces gemma existent dans la graine , et ne font que se développer par l'acte de la végétation ; ou s'ils sont produits , chaque année , par les feuilles des végétaux? » — Nous regardons cette solution comme absolument inutile à l'agriculture : aussi ne nous hasar- derons-nous pas à donner notre opinion. Cette question appartient plutôt à la philosophie qu'à la matière que nous traitons , et les philosophes de tous les siècles l'ont agitée tour à tour , sans jamais avoir pu la résoudre. Ici finit la nomenclature des greffes que nous con- naissons et que nous avons presque toutes exécutées dans notre établissement , soit dans notre pratique ha- bituelle, soit comme objet d'expérience. Il nous reste à en présenter le tableau dans l'ordre analytique de leurs affinités -, et c'est ce que nous allons faire en adoptant le classement de M. Thouin, comme celui qui nous a parule plus naturel. Quoique nous ayonsdécrit trente-cinq greffes de plus que ce patriarche de l'agriculture , toutes se rapporteraient exactement à sa classification , si , à DE LA GREFFE. I 17 l'époque de la publication de sa monographie , il eût connu les greffes herbacées ; mais cette découverte pré- cieuse nous a contraints à changer un peu ses grandes divisions, et à en établir de nouvelles dans lesquelles viennent naturellement se ranger quelques-unes des siennes. Nota. Le numéro placé après clîaque greffe est celui d'ordre sous le- quel on doit la chercher dans les descriptions. CLASSE PREMIÈRE. GREFFES LIGNEUSES. Elles se font avec des parties boiseuses , où par application sur bois. PREMIÈRE SECTION. Greffes par approche. PREMIÈRE SÉRIE. Greffes par approche sur tiges. 1 . Greffe par approche de gourmands. 38. 2. — par approche de rameaux. 39. 3. — par approche de branches sur le sujet qui les four- nit. 79. par approche pour remplacement de tête. 4<>. par approche en langue. 12. par approche d'un rameau latéral sur tige. 86. par approche sur tronc. 80. par approche par accolement de tronc. 8t . par approche avec quatre esquilles. 82. par approche en forme de coin. 25. Noël par approche. 24- par approche en bec de plume. 83, par approche en étaie. 4 1 * par approche en écusson. ^1. par approche en étaie par accolade. 4^° par approche de gemmes. 84. 4 5 6 7 8 9 10 11 12 i3 >4 i5 16 I l8 DE LA GREFFE. 17. Greffe par approche en arc. 85. 18. — par approche en berceau. 116. 19. — par approche par compression. 17. 20. — L par approche en spirale. 18. 21. — par approche de plusieurs tiges écorcées. 66* 22. — par approche chinoise compliquée. 56. 23. — par approche sur racines disgénères. 68. 24. — par approche par perforation. 57. 25. ^ par écorces rapprochées. 45. 26. — par approche chinoise. 55. 27. — par approche hétérogène par perforation. 58, 28. — par approche par le moyen de l'eau. 1 14- 29. — par approche sur bouture. 1 15. 30. — par approche en bouture. 20. DEUXIÈME SÉRIE. Greffes par approche sur branches. 3i. Greffe par approche en entaille. i4- 32. — ordinaire par approche i3. 33. — par approche en langue. 77. 34. — par approche compliquée. 44- 35. — par approche en losange. 117. 36. — par approche de branches de plusieurs arbres sur une seule tige. 124- 37. — par approche Buffon. 26. 38. — par approche en torsion. 5g. TROISIÈME SÉRIE. Greffes par approche sur racines. 3g. Greffe par approche de racines entre elles. 1 25. 4o. — par approche de racines. 27. 4i. — par approche de racines sur des branches tenant à leurs arbres. io5. DE LA GREFFE, XIÈME SECT Greffes par scions. PREMIÈRE SÉRIE. Greffes en fente. 42. Greffe en fente simple. 5. 43. — en fente sur provins. 49- 44- — en fente à sujet taillé en biseau. 90. 45. — en fente par juxta-position. 91. 46. — en fente par juxta-position en biseau. 92. 47. — - en fente par juxta-position en biseau et à cran. 93. 48. — en fente par juxta-position avec biseau et dent. 94 4g. — en fente à œil dormant. g5. 5o. — en fente par entaille triangulaire. 96. 5i. — en fente ferrari. 6. 52. — en fente à l'anglaise en langue. 89. 53. — en fente à l'anglaise. 88. 54. — en fente àrameauxinséréssens dessus dessous. 129. 55. — en fente à deux rameaux. 8. 56. — en fente enterrée, à rainures. 5o. 57. — en fente de la vigne laxative , etc. 60, 58. — en fente à quatre rameaux. 10. 5g. — en fente latérale à un rameau. 7. 60. — en fente latérale à deux rameaux. 9. 61. — en fente au bout des branches. 16. 62. — en fente greffe sur greffe. 22. 63. — en fente en double W. 47- 64. — en fente enterrée. 48. 65. — en fente au milieu du bois. 5i. 66. — en fente en appui à double cran. 52. 67. — en fente par fragment de rameau sans gemme. 87. DEUXIÈME SÉRIE. Greffes en couronne, 68. Greffe en couronne par enfourchement. 97. 69. — en couronne enterrée à incision d'entaille 53. 120 DE LA GREFFE. 70. Greffe en couronne pour rajeunir. 28. 71. — - en couronne dans l'écorce. 29. 72. — en petite couronne. 1 g. 73. -à» en couronne aérienne à incision d'entaille. 54- 74 75 76 77 78 79 80 81 TROISIEME SERIE. Greffes en ramilles. Greffe en ramille , pour les orangers , ive sorte. 69. — id. 2e sorte. 70. — id. 3e sorte. 71. — id. 4e sorte. 72. — id. 5e sorte. 73. — à la Varin en ramille entre l'écorce et le bois. 98. — en ramille sur bouture et faite en même temps. 99. — en ramille placée en flûte. 1 1 1. QUATRIÈME SÉRIE. Greffes de côté. 82. Greffe de côté en couronne. 3o. - 83. — id. 2* sorte. 3i. 84. — de côté en cheville. 32. 85. — décote en cheville et à rebours. 33. 86. — de côté , simple , par entaille. 34. 87. — • de côté, double, par entaille. 35. 88. — de côté par entaille en travers. 36. 89. — de côté au moyen d'un plançon. i3o. 90. — de côté insérée en manière d'écusson. 21 . CINQUIÈME SÉRIE. Greffes par racines et sur racines. Greffe en fente sur racine tenant au sujet. 100. 91 92 93 94 95 96 97 en fente sur racines séparées. 102. eu couronne sur racine, ioi. en fente sur le collet d'une racine. 11. en fente de racines sous le collet des tiges. io3, en fente de racines sur racines. io4> de trois pièces. i3i DE LA GREFFE. 121 TROISIÈME SECTION. Greffes par gemmes, PREMIÈRE SÉRIE. Greffes en écusson. 98. Greffe en écusson sans yeux. 46. 99. — en écusson par inoculation. 106. 100. — en écusson dénué de bois. 74. 101. — en écusson boisé. 1. <>'".i 102. — en écusson sur racines. 107. io3. — en écusson à œil poussant. 2. 104. — en écusson à œil dormant. 3. io5. — en écusson à emporte -pièce» S7. 106. — en écussons opposés. 108. 107. — en écusson renversé. 75. 108. — en écusson à rebours. 4- 109. — en écusson au bout des branches. i5. 1 10. — sur greffe en écusson. 23. m. — composée en écusson , en approche et en fente. l32. 112. ■ — composée de Duhamel. i33. 1 13. — en écusson des arbres résineux. 78. n4- — en écusson couvert. 109. 11 5. — en écusson carré. 67. 116. — en écusson par portion d'yeux terminaux. 1 10. 117. — en écusson d'espèces non-analogues. 1 35. 118. — de semence en écusson. 1 36. DEUXIÈME SÉRIE. Greffes en flûte. 1 19. Greffe en flûte en anneau. 61 . 120. — en flûte par juxta-position ou en sifflet. 62» I2i. — en flûte à œil dormant. 112. 122. — en flûte et en lanière. n3. 123. — en flûte ordinaire. 65. 124. — en flûte fendue. 64. 1 25. — en flûte fendue avec lanière. 65» J22 DE LA GREFFE. CLASSE DEUXIÈME. Greffes herbacées. Elles se font avec des parties molles, herbace'es , non encore parve- nues à leur e'tat ligneux. 126. Greffe herbacée des arbres résineux. 76. 127. — des plantes grasses. 118. 128. — sur racines charnues ou tubercules. 1 ig. 12g. — sur tiges de plantes annuelles ou vivaces. 120. i3o. — du melon. 121. i3i. — herbacée en rainure pour les omnitiges. 122. i32. — herbacée pour les bourgeons à feuilles opposées. 123. i33. — des plantes ligneuses sur racines de plantes viva- ces. 1 34- 1 34- — de feuilles en manière d'écusson. 137. i35. — par approche de fruits dans leurs boulons. 126. i36. — par approche de fruits d'un arbre sur un autre, 127. 137. — par approche de feuilles et de fleurs. 128» DE LA TAILLE. 123 CHAPITRE II DE LA TAILLE. PREMIÈRE SECTION. PRINCIPES GENERAUX. Sous le titre de ce chapitre nous comprendrons non-seulement la taille proprement dite , mais encore toutes les opérations qui ont quelques rapports avec elle -, c'est ainsi que nous traiterons de rébourgeonnement , de la tonte , de l'arcure , de l'incision annulaire, etc. La taille a pour* but , i° de donner à un arbre une forme différente de celle que la nature lui a imposée ; 20 de maintenir l'équilibre de la sève dans toutes ses parties, afin de le conserver dans une santé robuste; 3° de le forcer à donner , chaque année , des récoltes plus abondantes et de meilleure qualité. La taille est une opération toute artificielle , dont la nature n'offre aucun modèle. Cette mutilation agit sur les végétaux de la même manière que la greffe , c'est- à-dire qu'en altérant leur constitution elle les contraint , par le même principe de physiologie végétale, à donner à la production des fruits la sève que la nature destinait à l'entretien et à la croissance du bois. Si elle augmente la qualité ou la quantité d'une récolte , elle le doit à cette cause , et à la main du cultivateur qui , en enlevant le bois inutile , conserve ou retranche , selon les circon- stances , celui destiné à porter du fruit. Il paraît que cette opération était inconnue des anciens. Du moins, si nous nous en rapportons au peu qu'ils nous ont laissé sur 124 DE LA TAILLE. cette matière , ils ne connaissaient que l'élagage et la tonte , et n'avaient pour but que de soumettre leurs arbres à des formes régulières, agréables, et quelquefois bizarres. Beaucoup d'auteurs ont écrit sur cette intéressante matière ; mais presque tous , entraînés par une aveugle routine ^ et n'ayant pas les connaissances suffisantes des lois de la végétation , ont donné des préceptes incohé- rens, décousus, qui, n'étant fondés sur aucun principe, sont d'une application toujours vicieuse et souvent im- possible. Nous devons cependant en excepter Butret : ce cultivateur a publié , en 1 795 , un petit traité , qu'il a intitulé Taille raisonnée des arbres fruitiers, dans le- quel il donne d'excellentes règles fondées sur les vrais principes de la végétation. 11 est malheureux que cet estimable auteur se soit borné à ne décrire que la taille du pêcher , et seulement encore celle pratiquée à Mon- treuil. Des instrumens propres à tailler , et de la coupe du bois, La serpette est le plus ancien dès instrumens dont on se soit servi , et elle est encore le meilleur dont on puisse faire usage. Pour être dans les proportions les plus commodes , son manche doit avoir de 3 à 4 pouces de longueur; il doit être fait en corne de cerf, pour que les rugosités de cette matière le fixe solidement dans la main. La lame , de deux pouces de long , doit être courbée à la pointe, de manière à pouvoir enlever faci- lement une branche , sans que cependant elle accroche trop pour se casser. Elle doit être extrêmement tran- chante , et toujours d'une très-grande propreté , car il est reconnu que la sève de certains végétaux est assez caus- tique pour en attaquer la trempe si elle séjournait long- temps sur l'acier. Depuis quelques années on a prétendu remplacer la DE LA TAILLE. 125 serpette par le sécateur, inventé par M. le marquis Ber- trand de Molleville -, mais cet instrument , dont tout le mérite consiste à faire gagner un peu de temps , offre d'ailleurs tant d'inconvéniens qu'il ne peut être em- ployé dans une bonne culture. Il consiste en deux branches croisées , se terminant en forme de ciseaux courbes par deux lames , dont Tune ovale et tranchante , et l'autre en forme de croissant pour fournir un point d'appui. Du reste , les autres détails de sa forme varient selon l'intelligence de l'ouvrier qui le fait , ou la fan- taisie de l'amateur qui le fait faire. Lorsque l'on se sert du sécateur , on appuie le croissant sur un des côtés du scion à couper ; et , en serrant les branches , on rapproche la lame qui tranche plus ou moins net la portion de bois interposée entre son croissant et elle : mais il résulte de cette opération que, le bois présentant perpendiculai- rement ses fibres à la lame , sa résistance est beaucoup plus grande et occasionne une pression qui, en écrasant le bois , en détache aussi l'écorce jusqu'à quelques lignes au-dessous de la plaie. Le bout de branche ainsi mutilé , loin de se cicatriser, se dessèche , et la mortalité gagne assez ordinairement jusqu'au dessous de l'œil, qui lui- même se trouve souvent endommagé. Le sécateur a en- core d'autres graves inconvéniens dont nous ne nous oc- cuperons pas , parce que celui que nous venons de mentionner suffit pour le faire rejeter de toute bonne culture. Outre la serpette , on se procurera une scie à main ou égohine , à lame étroite , forte et allongée ; elle servira à l'amputation des grosses branches ; une serpe ordinaire ; les cisailles ou ciseaux à tondre les haies et palissades ; des volans , des ébranchoirs , des échenilloirs , etc. La manière de se servir de la serpette , ou plutôt celle de couper le bois, n'est point du tout indifférente. Toutes les fois que l'on opérera sur une espèce à bois dur, peu moelleux, et dont la sève n'afflue pas avec j26 DE LA TAILLE. une trop grande abondance , ramputation se fera au- dessus et le plus près possible d'un œil, mais avec l'ex- trême précaution de ne pas l'endommager. Pour cela on placera la lame de la serpette sur ]a partie de l'écorce opposée à l'œil, et un peu plus haut que lui. On re- montera la lame de l'instrument en coupant de manière à former une plaie oblique et en biseau , dont l'extré- mité supérieure se terminera un peu au-dessus , ou à peu près, au niveau de l'extrémité supérieure du gemme. Un des principes de la coupe , c'est de la faire toujours en biseau lorsque le point de section se trouve dans la longueur d'un scion ou d'une jeune tige ; et, autant que les circonstances le permettront , la plaie sera tournée du côté du nord , afin que , se trouvant naturellement ombragée , elle ne soit pas aussi vite desséchée par les rayons du soleil. Il résulte de la coupe en biseau que , si un épanchement de sève doit avoir lieu , elle coule le long de la plaie sur l'écorce opposée au bourgeon, et ne risque pas de l'atteindre. Sur les végétaux à bois tendre, moelleux, et 'surtout chez ceux dont la sève sera très-abondante , le principe n'est plus le même. Quelle que soit la netteté de la plaie, jamais elle ne se cicatrise sur la coupe même -, l'extrémité du bois se dessèche , meurt ; la mortalité descend de manière a former un chicot de certaine longueur, et elle détruirait l'œil si elle l'atteignait. Le noyer par exemple est dans ce cas. La raison en est sans doute de ce que la grande porosité du bois permet à l'air et à la chaleur de s'introduire jusqu'à une certaine profondeur dans ses fibres, et de détruire leur organisation en desséchant les sucs nourriciers jusque dans leurs vaisseaux les plus fins. L'humidité qui s'y introduit ensuite achève la des- truction de la substance médullaire. 11 paraît que, dans les arbres chez lesquels la sève afflue beaucoup , tels que la vigne et le figuier, une autre cause vient se joindre à DE LA TAILLE, 127 celle-ci. Peu de temps après la coupe la sève se porte en grande abondance sur la plaie , elle s'en échappe et la déborde de tous les côtés -, malgré l'inclinaison du biseau , elle coule sur l'œil et le noie. Ainsi , toutes les fois que l'on opérera sur des individus de cette nature , on coupera en biseau comme pour les précédens , mais à un demi-pouce au moins au - dessus de l'œil. PL 7 ,Jïg. 2. Il en naîtra un petit chicot, qui disparaîtra à la taille suivante , parce qu'on aura le soin de l'enlever pour réparer une difformité désagréable , et donner la faculté aux écorces vives de recouvrir la plaie. Il serait un autre moyen de parer à cet inconvénient : ce serait , en taillant plus près de l'œil , de recouvrir la plaie avec de la cire molle ; mais le temps que cette méthode prendrait la rend impossible lorsque l'on a un grand nombre de sujets sur lesquels il faudrait la pratiquer. Lorsqu'il s'agira de retrancher entièrement une petite branche ou un bourgeon , on le coupera , le plus net possible, tout -à -fait à sa base , c'est-à-dire rez l'é- corce de la tige ou de la branche sur laquelle il était placé. On aura l'extrême soin de parfaitement unir la plaie , afin d'en faciliter le recouvrement par le rappro- chement des écorces du sujet. PL 7 ,/%. 3, a, b, C'est toujours avec étonnement que nous voyons dans les auteurs un grand nombre de cas où ils font excep- tion à cette règle , qui, selon nous, n'en doit point avoir. Par exemple, ils affirment que, dans les arbres sujets à la gomme comme le pêcher , si on coupait une branche ou un bourgeon dans le temps que la sève est en mou- vement, c'est-à-dire, pendant que l'arbre est encore muni de ses feuilles , il faudrait ménager un chicot pour empêcher la gomme , et le chancre qui en est la suite. Nous n'en avons jamais laissé sur les arbres que nous avons cultivés, et nous ne nous sommes pas aperçus qu'il en soit résulté le moindre inconvénient. C'est sur- 128 DE LA TAILLE. tout pour les arbres résineux , tels que pins , sapins, etc., qu'ils recommandent pour toutes les époques de la taille , les chicots , dont le moindre effet est de priver un arbre du coup d'œil agréable qui fait tout son mérite dans un jardin où il ne peut être considéré que comme objet d'ornement. Ils donnent pour raison que la sève s'extravaserait et épuiserait le sujet. Nous le croyons , si l'on avait l'imprudence de tailler pendant la végéta- tion -, mais , dans une saison favorable , nous sommes certains qu'il n'en résulte aucun accident. L'expérience ne nous aurait pas convaincus de ce que nous avançons , que le raisonnement seul nous engagerait à ne pas agir autrement. Il est certain qu'une amputation, telle qu'elle soit , fait toujours souffrir un arbre au moment où on la fait : pourquoi donc se mettre dans la nécessité de faire deux opérations pour une ? Outre cela , dans les arbres résineux , s'il doit y avoir déperdition de sève , elle aura tout aussi bien lieu par une plaie faite à un moignon de six pouces de long, qu'aune plaie plus rapprochée du tronc. Les auteurs disent que l'on doit laisser sécher ce moignon, et le briser ensuite ; ceci est encore plus inconvenant , car il est impossible , dans ce cas, que la cicatrice se recouvre 5 et la mortalité gagnera nécessairement l'épaisseur de la tige. Tous les arbres résineux qui depuis vingt -cinq ans sont sortis de nos pépinières ont été taillés à ras tronc , et certes on ne s'est jamais plaint de leur vigueur. Si une branche à retrancher était trop grosse pour pouvoir être coupée avec la serpette , on la scierait le plus près possible du tronc ; puis on unirait la plaie avec un instrument tranchant, jusqu'à ce qu'on ait fait dis- paraître la plus petite trace de la scie , car sans cela l'amputation ne se guérirait jamais; la carie s'y mettrait promptement, et entraînerait la perte du sujet. Si la plaie n'a pas de grandes dimensions , on la recouvre avec la cire à greffer ; dans le cas contraire, avec l'onguent de DE LA TAILLE. I29 Saint-Fiacre. Si pour rajeunir un arbre on était obligé de le rabattre jusque sur son tronc , c'est-à-dire, d'amputer ses plus grosses branches , on se servirait de la scie comme nous venons de le dire ; on unirait la cicatrice avec un instrument tranchant et fort , par exemple un ciseau de menuisier, et l'on couvrirait l'amputation avec l'onguent de Saint-Fiacre , maintenu par une poupée en grosse toile ou canevas. M, John Robertson, membre de la société d'horticulture de Londres , propose de remplacer l'on- guent de Saint-Fiacre ou la cire , dans ce cas et toutes les fois qu'il faudra traiter une plaie occasionée par l'extirpation d'un chancre ou d'une autre maladie , par un mélange de goudron et de charbon de bois pulvérisé. Nous croyons que cette composition peut être aussi bonne que nos cires à greffer -, mais nous ne voyons pas de raisons qui puissent la rendre meilleure. Si l'arbre était précieux , ou qu'on tînt beaucoup à le conserver , on étendrait sur la plaie une épaisse couche de cire à greffer , que l'on recouvrirait avec une lame de plomb extrêmement mince , semblable à celle dont on enveloppe le tabac. Il faut qu'elle soit d'une épaisseur suffisante pour défendre la cicatrice du contact des mé- téores , mais pas assez pour résister à la nouvelle écorce lorsqu'elle se forme. Enfin , lorsque l'on doit abattre la tête d'un jeune sujet, on peut employer, pour recouvrir la plaie, le procédé de la greffe par écorces rapprochées. Vojr. page 59 , n° 45. Époque de la taille, C'est le moment du printemps où commence la végé- tation qui est le temps le plus favorable pour tailler les arbres-, et, sous le climat de Paris, cette opération s'exécute ordinairement depuis le commencement de février jusqu'au milieu du mois d'avril. Mais ceci ne peut pas servir de règle générale , par la raison que , 2. 9 ]3o DE LA TAILLE. même sans sortir de la France , on trouve des contrées où là végétation est beaucoup plus hâtive qu'aux envi- rons de Paris , et d'autres où elle Test moins. Ainsi donc , c'est dans les principes même de la végétation qu'il faut chercher à étudier l'époque précise à laquelle on doit tailler. Lorsqu'un végétal est dans un état de repos absolu , lorsque la sève , stagnante dans ses vaisseaux ligneux , ne peut porter de la nourriture dans aucune de ses par- ties , il serait absurde de lui faire une plaie qui , ne pouvant se recouvrir de suite , resterait exposée pendant long-temps aux influences pernicieuses de Fair , du froid et des frimas. Le mal pénétrerait jusque dans l'épaisseur du tronc , y formerait des chancres incurables , qui bien- tôt entraîneraient la perte totale de l'individu. Si un arbre est en végétation , l'inconvénient de le mutiler pendant le travail de la nature devient tout aussi grand. On ouvre imprudemment à la sève des canaux par lesquels elle s'échappe et se perd au dehors, au lieu de se porter aux gemmes qu'elle devait développer en feuilles, en bourgeons, ou en fruits. Outre cela, l'individu, interrompu tout à coup dans sa végétation , éprouve une secousse qui peut le faire périr. Si un amateur était assez peu instruit pour tailler un arbre lorsqu'il est dans le plein de la sève , c'est-à-dire , lorsque ses gemmes sont déjà métamorphosés en rameaux munis de leurs feuilles , un danger pins grand viendrait se joindre à ceux dont nous venons de parler. Dépouillé des pores absorbans que la nature a placés à la surface des feuilles pour la respiration des végétaux, l'arbre périrait subitement asphyxié. Il faut donc éviter ces deux écueils également dan- gereux. Pour cela, on profitera du moment où l'arbre commence à végéter assez pour espérer qu'au bout de quelques jours la sève, augmentant de vigueur, pourra facilement réparer les altérations causées par la taille , DE LA TAILLE. l3l moment où la sève n'a pas assez de mouvement pour risquer d'être arrêtée dans son cours , et où elle n'afflue pas assez pour se perdre , et par conséquent épuiser le > sujet. On conçoit que cette époque favorable ne peut être indiquée avec précision , puisque non-seulement elle avance ou retarde en raison des climats divers, des an- nées plus ou moins précoces , mais encore en raison de la santé des individus, et de l'exposition chaude ou froide dans laquelle ils se trouveront placés. Un espalier de pêcher, par exemple, dans un terrain léger et chaud, à l'exposition du midi , entrera en fleurs huit ou même quinze jours avant un autre qui serait dans un terrain moins favorable et à l'exposition du levant ou du cou- chant. Il y a plus ; deux arbres de même espèce et même variété peuvent, par des causes peu ou point connues , fleurir, et par conséquent végéter à des intervalles assez éloignés l'un de l'autre. Mais il est un moyen fort simple de reconnaître, dans tous les climats et dans toutes les circonstances , le vé- ritable moment de la taille \ ce moyen consiste à épier l'instant où les boutons prodigieusement gonflés vont se développer pour fournir des fleurs et des feuilles. Alors on est sûr de ne pas nuire aux arbres soumis à cette utile opération, et l'œil exercé du jardinier , pouvant distin- guer avec certitude l'espèce des boutons , le met dans le cas de diriger son opération avec facilité et discer- nement. Dans une culture un peu considérable , on doit mettre beaucoup d'importance à bien choisir l'instant où l'on taillera, d'abord pour maintenir la vigueur et la santé des arbres , et aussi pour ne point éprouver de perte de temps. Si, par oubli ou par défaut de connaissances, on négligeait de tailler en premier lieu les espèces précoces, et que l'on commençât par les plus tardives , il en résul- terait qu'on se trouverait surpris par la végétation, et l32 DE LA TAILLE. qu'on aurait tout à coup plus d'arbres à tailler qu'on ne pourrait le faire. Forcé de les mutiler pendant leur pre- mière pousse , non- seulement on altérerait beaucoup leur constitution, mais encore on serait exposé à briser et à jeter à bas une quantité de bonnes lambourdes et de boutons à fleurs. Il n'est pas de jardinier qui ne sache que le bois devient beaucoup plus fragile quand il est en sève, et qu'alors le palissage est très-difficile. Pour suivre l'ordre de la végétation , on taillera donc d'abord les abricotiers , par la raison qu'ils entrent en fleurs les premiers, puis le pêcher, ensuite les pruniers, les poiriers , les cerisiers, et enfin les pommiers, parce qu'ils fleurissent les derniers , ordinairement en avril. PRÉCEPTES GÉNÉRAUX DE LA TAILLE. On a cru jusqu'à ce jour quela sève avait deux mou- vemens , un ascendant destiné à la croissance et à l'en- tretien du bois , l'autre descendant chargé par la nature de développer et de nourrir les fleurs et les fruits. Cette doctrine , professée par des hommes instruits et respec- tables , serait un sujet de discussion fort intéressant dans un traité de physiologie , mais que nous ne traiterons point ici , parce que les conséquences qu'on en a tirées relativement à la taille sont mal déduites et d'une ap- plication nulle , tous les phénomènes de la végétation et de la fructification s expliquant fort bien sans le se- cours de ces sèves ascendantes et descendantes. Ainsi, soit que la sève monte et descende par un mouvement réglé ou périodique , ou qu'il n'en soit rien , ce qui nous paraît plus probable , les principes de la taille et de Fhorticulture tout entière n'en sont pas moins les mêmes; de plus ils seront d'une conception beaucoup plus facile, quand nous les aurons débarrassés des rai- sonnemens hypothétiques que Ton déduisait de ce pré-» mm DE LA TAILLE. PREMIER PRECEPTE. La vigueur d'un arbre dépend, en grande partie , de Végale répartition de la sève dans toutes ses branches. Si la sève abandonne quelques branches pour se porter avec plus d'affluence dans les autres , celles délaissées maigrissent d'abord, quelquefois s'épuisent en fruits, deviennent minces et fluettes. La mortalité commence par l'extrémité des rameaux , gagne la branche , bientôt le tronc.; et, soit qu'on y laisse ou qu'on en détache trop tard la partie malade , elle y forme un chancre qui en- traîne bientôt l'arbre dans une ruine complète. 11* n'est personne qui n'ait été à même de faire cette remarque , particulièrement sur les espaliers. Lorsqu'une des deux branches-mères vient à périr, il est impossible de refor- mer l'arbre sur celle qui reste, et l'on es l encore fort heureux si on vient à bout de prolonger son existence à force d'art et de soins. Il est donc nécessaire , si Ton veut conserver à un arbre et sa santé et sa forme , de diriger sa taille de ma- nière à maintenir un parfait équilibre dans toutes ses branches principales; et le jardinier doit y veiller avec une scrupuleuse attention; car, pour peu qu'il néglige un an ou deux de remédier par les moyens les plus effica- ces à la faiblesse d'une branche , il ne sera plus le maître d'y rappeler la sève emportée par les autres parties. C'est surtout pendant les premières années que l'on doit suivre cette règle dans sa plus grande rigueur, car c'est alors que la sève fait le plus de résistance pour se prêter aux formes symétriques et contre la nature que nous impo- sons aux végétaux pour en obtenir plus d'agrément ou d'utilité. Mais cependant c'est aussi le moment où l'on trouve le plus de facilité k la dompter , parce que Fou n'opère que sur peu de bourgeons. 1 34 DE LA TAILLE. DEUXIÈME PRÉCEPTE, La durée et la vigueur d'un arbre dépendent , en grande partie > du constant équilibre existant entre ses branches et ses racines. Il résulte de ce principe, que toutes les fois que l'on soumettra à la taille un arbre nouvellement planté, ses racines ayant souffert, ou même ayant perdu quelques- unes de leurs parties dans la déplantation , ce qui arrive presque toujours, on rabattra ses branches près de la tige , afin qu'elles n'aient pas à dépenser une quantité de sève plus considérable que les racines ne peuvent lui en fournir. On agira de même toutes les fois que ces dernières seront altérées soit par une maladie, soit par la vieillesse. Si l'on agissait autrement, les racines se- raient bientôt épuisées, la sève chargée de leur fournir du chevelu serait absorbée à leur détriment par les branches, et l'arbre périrait après avoir langui quelque temps. Mais il arrive quelquefois que, par une fantaisie ou toute autre cause, on veut amputer les grosses branches d'un arbre. Si ses racines sont vigoureuses et saines ; ce qui se reconnaît aisément à la beauté de sa végéta- tion, on ne les rabattra jamais jusque sur sa tige ou sur son tronc , parce que la sève abondante fournie par les racines , ne trouvant pas d'issue pour s'élancer et se dé- velopper au dehors en feuilles et en bourgeons, séjour- nera dans ses vaisseaux , s'y altérera , et portera à la santé du sujet un coup dont il ne se remettra jamais bien ; encore est-ce à supposer qu'il ne périsse pas de réplétion la première, la seconde, ou au plus tard la troisième année. On laissera donc à la tige une quantité de bran- ches et de bourgeons suffisante pour occuper la sève , et lui fournir un passage au dehors. On peut encore tirer de ce principe la conséquence DE LA TAILLE. 1 35 essentielle qu'un sujet jeune, ayant des racines vigou- reuses, peut nourrir un plus grand nombre de bourgeons qu'un vieux , et par conséquent être taillé plus long, TROISIEME PRÉCEPTE, La sève tendant toujours à monter, des racines aux branches y le plus verticalement possible, elle abonde dans les branches droites au détriment des autres. C'est sur la connaissance de ce principe que l'on a établi l'arcure, moyen par lequel on entrave la marche de la sève, et on la force à se détourner sur d'autres bourgeons. Lorsqu'une branche s'emporte trop en bois, il ne s'agira donc que de l'incliner plus ou moins pour arrêter sa croissance; et, au contraire, lorsque la branche palissée d'un espalier, par exemple, maigrira, on dé- terminera la sève à s'y porter en la redressant dans une position plus ou moins verticale, selon le besoin. Il en résulte que, lorsque l'on craint qu'un arbre se dégarnisse dans îe bas , on empêche la sève de se porter au sommet, en inclinant les branches supérieures. Des auteurs recommandent dans ce cas de tailler long; et, à ce sujet, nous devons faire une observation. Il est certain qu'en taillant long ces branches supérieures , on empêchera qu'elles ne s'emportent en bois vigoureux et gourmands, et la raison en est fort simple; la sève, au lieu de se concentrer sur un ou deux bourgeons (ce qui serait arrivé si on eût taillé court ), et de les dévelop- per en gourmands, sera obligée de se diviser entre douze ou quinze auxquels elle fournira de la nourriture , et ceux-là n'acquerront quim développement convenable ; le fait est certain. Mais la quantité de sève-nécessaire pour quinze petites branches ne sera-t-elle pas aussi con- sidérable, et même davantage, que celle détournée au pro- fit de deux plus grandes? Nous croyons que oui ; et alors l36 DE LA TAILLE. la somme de dépense étant égale, les branches inférieures se trouveront sevrées d'une égale quantité de sève. Ce moyen de rétablir l'équilibre est donc vicieux, et ne doit pas être employé. Si on ne réussissait pas à arrêter la vigueur d'une branche en l'inclinant , il vaudrait mieux employer l'arcure, ou un demi-tour de torsion, ou peut-être encore l'incision annulaire , que de la tailler long. QUATRIÈME PRÉCEPTE. La sève développe des bourgeons beaucoup plus vigoureux sur une branche taillée court, que sur une autre taillée long. La raison en est extrêmement facile à concevoir ; n'ayant à développer qu'un ou deux bourgeons, il est clair qu'elle les développera beaucoup plus forts que si elle avait dû se partager entre quinze ou vingt. Ce pré- cepte n'en est pas moins très-utile , parce qu'une branche vigoureuse ne se mettant que très-rarement à fruit , on taillera court toutes les fois que l'on désirera avoir du bois fort et bien nourri ; mais il ne faut pas croire pour cela , comme le disent quelques auteurs , que la sève se porte avec plus de force dans une branche raccourcie que dans une autre. 11 résulte de ceci que , lorsque la partie quelconque d'un arbre sera moins vigoureuse qu'une autre, soit qu'elle se soit épuisée par une grande production de fruits, ou qu'elle languisse pour cause de maladie, en la taillant court pendant deux ou trois ans , on obtiendra une quantité de bois suffisante pour y ramener la sève , lui rendre sa première vigueur, et par ce moyen réta- blir l'équilibre nécessaire dans toutes les parties du végétal. DE LA TAILLE. 1 37 CINQUIÈME PRÉCEPTE. La sève ; tendant toujours à affluer à l'extrémité des branches , développe le bourgeon terminal avec y plus de vigueur que les latéraux. C'est surtout dans les jeunes arbres que l'on peut faire cette remarque essentielle. Toutes les fois que l'on vou- dra obtenir un prolongement de branche, il faudra donc tailler sur l'œil à bois le plus vigoureux , et ne laisser au-delà ni brindille ni lambourde qui puissent en détour- ner les sucs nourriciers; c'est donc sur cet oeil qu'il faut porter toute son attention. Son choix demande beaucoup de réflexions. Par exemple , si l'on opère sur un espalier, indépendamment qu'il ne faut le conserver que dans l'endroit où l'on aura besoin de bois, soit pour le prolongement d'une branche- mère , ou pour celui d'un membre , il faut encore qu'il soit placé dessus ou dessous la branche, et jamais sur les côtés. Dans une quenouille ce sont d'autres considé- rations : si l'espèce d'arbre tendait à développer ses branches latérales trop horizontalement , ce qui est fort rare , il faudrait tailler sur un bourgeon placé du côté de la tige pour en rapprocher les branches. Mais, ce qui est beaucoup plus commun, si au contraire les branches tendaient trop à se rapprocher du tronc , à monter trop verticalement, on taillerait toujours sur un œil placé en dehors , c'est-à-dire , du côté opposé à la lige. Enfin, les arbres étant sujets à se dégarnir dans quel- ques-unes de leurs parties , soit par un accident , ou par une mauvaise taille de l'année précédente , ou par la mortalité occasionée par une maladie , on cherchera à remplir le vide en taillant sur des yeux tournés du côté que l'on voudra garnir. l38 DE LA TAILLE. SIXIÈME PRÉCEPTE. Si on supprime entièrement une branche , la sève profite aux branches et aux rameaux voisins. Lorsqu'une brandie est épuisée au point de ne pas laisser l'espérance de la rétablir , lorsqu'elle est atteinte d'un chancre ou d'une autre maladie d'une guérison longue ou douteuse , ou enfin, lorsque sur un arbre sou- mis à une forme régulière , elle occupe une place qui dérange la symétrie, il faut l'abattre sans hésiter. Les branches voisines la remplaceront bientôt d'une manière plus avantageuse pour l'élégance des formes; et, si on l'a retranchée pour cause de maladie , ce remplacement sera beaucoup moins long-temps à se faire que si l'on eût essayé de la guérir au lieu de la couper. Cependant nous conseillerons toujours au cultiva- teur de bien réfléchir avant de se déterminer à faire à un arbre l'amputation d'une grosse branche ; car, malgré toutes les précautions qu'il pourra prendre , cette mu- tilation nuira toujours au sujet, et d'autant plus qu'il sera plus vieux, et que la plaie sera plus grande. Il n'y a donc que l'extrême nécessité qui devra l'y détermi- ner. Notre précepte ne doit recevoir une application gé- nérale que sur des branches de deux, trois, ou quatre ans au plus. SEPTIÈME PRÉCEPTE. Les branches dans lesquelles la sève afflue beau- coup, produisent beaucoup de bois et peu de fruits; celles au contraire oie elle ne se porte pas avec une grande abondance produisent beaucoup de fruits et peu de bois. On peut tirer la conséquence de ce principe , que , lorsqu'une branche s'emporte trop en bois , il ne s'agit que d'en détourner la sève par un moyen quelconque , DE LA TAILLE. 13g par exemple, en l'inclinant horizontalement, pour la forcer à se mettre à fruit. Si au contraire on voulait; la mettre à bois, on la redresserait et on concentrerait toute sa sève sur deux ou trois bourgeons , en la taillant court et sur deux ou trois yeux. L'expérience a prouvé que, si l'on taille sur un ou deux yeux , on obtient des brandies à bois fortes et robustes ; si on taille à moitié de longueur, le tiers supérieur fournira des boutons à bois, le tiers intermédiaire des brindilles, et le tiers inférieur des lambourdes; du moins telle est la marche de la nature sur les arbres faits , et sur les branches ordinaires , ni trop faibles, ni trop vigoureuses. Souvent il croît sur un arbre des branches d'une vi- gueur extraordinaire, et que les jardiniers nomment assez mal à propos gourmands. Us s'empressent de les tailler très-courts , et par cette opération maladroite , ils les entretiennent dans une végétation extraordinaire et inutile. 11 est beaucoup plus simple de les tailler très- longs, ou même de ne faire que pincer leur extrémité, de les incliner , et les forcer ainsi à se mettre à fruit. Ces branches peuvent devenir précieuses , et ne doivent se retrancher que lorsqu'elles risquent de déformer l'arbre. HUITIÈME PRÉCEPTE. Plus la sève est entravée dans sa circulation , plus elle produit de rameaux et de boutons à fruits. Ce principe est fondé sur les mêmes raisons physio- logiques que nous avons détaillées à l'article de la greffe , c'est-à-dire , sur cette tendance naturelle qu'ont tous les végétaux à hâter le moment de leur fructification lors- qu'une altération quelconque semble les menacer d'une destruction prématurée. Il explique d'une manière très - naturelle comment l'arcure, la torsion, l'incision annulaire ou longitudi- 1^0 DE LA TAILLE. nale, en entravant îa marche de la sève, déterminent une branche, jusque-là stérile, à se mettre à fruits. Il paraît que les anciens connaissaient , ou au moins soup- çonnaient ce phénomène de la végétation 5 car, lorsqu'ils voulaient forcer un arbre trop vigoureux à se mettre à fruit, ils faisaient à son tronc une profonde entaille, ou un trou dans lequel ils enfonçaient une cheville de bois sec. NEUVIÈME PRÉCEPTE. Toute branche ébourgeonnée ou pincée produit, par la surabondance de la sève qui ne trouve pas à se faire jour en développant du bois ? une grande quantité de rameauoc et de boutons à fruits. Mais , pour que ce principe produise tout son effet et reçoive sa juste application, il faut faire cette opération à l'époque de rébourgeonnement , c'est-à-dire , après la première sève et pendant une partie de l'année ; car, si on la faisait aux premiers jours du printemps, il en résul- terait , ou que le cambium se ferait jour à travers Vê- corce et créerait de nouveaux gemmes qui bientôt se développeraient en bois, ou que le sujet périrait par une espèce de plénitude ; et dans ce cas la maladie s'annonce, par la gomme ou par des chancres incurables. Ainsi donc , lorsqu'on aura épuisé sans succès , sur une branche emportée en bois , les moyens ordinaires d'une taille très -longue, de l'inclinaison, de l'araire ou de la torsion, on pincera son extrémité , et l'on abattra ses bourgeons latéraux -, on la forcera bientôt ainsi à se mettre à fruits. DE LA TAILLE. DIXIEME PRECEPTE. Plus on force un arbre à donner du fruit , plus on T épuise; plus on le maintient en bois , plus on aug- mente sa vigueur. Ce principe indique aux jardiniers comment ils doi- vent se conduire , s'ils veulent obtenir pendant long- temps de bonnes récoltes sur des arbres robustes -, ils ne les surchargeront jamais, et les fruits en seront beaucoup plus gros , de meilleure qualité , et plus abondans. Ce dernier point paraîtrait peut-être extraordinaire si nous n'en donnions l'explication. Tout le monde a remarqué que , lorsqu'un arbre a produit une grande quantité de fruits, il est ordinaire- ment une , deux, ou même trois années sans rien donner. La raison en est que l'arbre fatigué , ayant épuisé toutes ses lambourdes, est obligé d'en reformer d'autres sur du bois nouveau. Or , comme les lambourdes mettent le plus souvent deux ou trois ans à se former , il est clair qu'elles ne donneront pas de fruit pendant cet intervalle de temps. Un arbre , quelque surchargé de fruits qu'il soit , peut-il en produire autant dans une seule récolte que dans trois récoltes ordinaires ? La question n'est pas difficile à résoudre , et nous pouvons affirmer la négative avec une entière certitude. Si trois récoltes meilleures en qualité équivalent , et au-delà , à une dont les fruits seront petits, graveleux et sans parfums, il est donc avantageux au cultivateur d'établir, autant que possible, un équilibre annuel de produits pour tout le temps que vivra un arbre. Pour cela il ne laissera , en taillant, que la quantité de fruits que l'arbre pourra nourrir sans nuire aux branches à bois, et par conséquent sans altérer sa constitution. Nous avons vu souvent des amateurs admirer avec une espèce d'enthousiasme leur jardinier, 1^2 DE LA TAILLE. parce que leurs arbres se couvraient , sous sa main , d'un nombre prodigieux de fruits : si ce même jardinier eût opéré un semblable prodige dans notre établissement , nous l'aurions mis à la porte sur-le-champ ; nous aurions fait tailler après lui, et nous n'aurions pas été dans le cas de conclure , comme les amateurs , qu'un pêcher en es- palier ne vit que douze ou quinze ans , et qu'une que- nouille de poirier n'en dure que vingt ou vingt cinq. La santé et la longévité d'un arbre dépendent beau- coup de l'équilibre raisonné que le jardinier mettra dans la production des branches à fruits et des branches à bois ; et , si l'on devait en sacrifier quelques-unes des unes ou des autres, il vaudrait mieux abattre les pre- mières. Le peu que l'on pourrait perdre une année serait, et au-delà , récupéré parle produit des récoltes suivantes. ONZIEME PRECEPTE. Les boutons à fruits , selon les espèces , naissent ou sur V extrémité des rameaux , ou le long des branches. D'où il résulte que tous les arbres fruitiers ne peu- vent être soumis à une taille annuelle , si l'on veut eu obtenir annuellement des récoltes. Le néflier , par exem- ple , ne peut se tailler -, ses fruits étant toujours portés à l'extrémité des rameaux , on se verrait contraint de les abattre chaque année si l'on voulait corriger les formes bizarres qu'il affecte dans son port. II en est de même du cognassier. DOUZIÈME PRÉCEPTE. Les boutons à fruits y dans les espèces à pépins , naissent le plus ordinairement sur le vieux bois , et dans les fruits à noyaux sur le bois dune année. C'est de la connaissance et de l'application rigoureuse de ce principe que naissent toutes les bonnes méthodes de taille. DE LA TAILLE. lfô Nous avons dit que les boutons à fruits des espèces à pépins se développent le plus ordinairement sur le vieux bois , parce que le pommier et le poirier font quelque- fois exception à cette règle générale. Mais, pour faire mieux comprendre au lecteur les conséquences que nous allons en déduire , nous croyons devoir , avant tout , le mettre dans le cas de reconnaître parfaitement la nature du bois et des boutons , relativement à leur produit , et leurs différences résultant des diverses espèces. TREIZIÈME PRÉCEPTE. Dans les arbres à fruits à pépins tous les gemmes, eiv se développant , sont organisés de manière à pou- voir produire, selon les circonstances , des boutons à bois , des brindilles, ou des lambourdes. Un bouton à bois se reconnaît facilement à sa position : il est toujours appliqué sur la branche , sans aucun sup- port ou pied particulier qui le porte et l'en écarte. Sa forme est mince , fluette , allongée-, il est moins enve- loppé de membranes écailleuses que les autres , et son extrémité se prolonge en une pointe plus aiguë, un peu courbe dans Je commencement de sa végétation. On le trouve le plus ordinairement placé , par inter- valles réguliers , sur les bourgeons de l'année précédente et particulièrement à leur extrémité. ( PL ^^fig* 3, c, d. ) Les boutons à fruit ou àjleur sont portés sur de petits supports d'une forme et d'une nature particulières , aux- quels on a donné les noms de lambourdes et de brin- dilles. Ces supports sont donc dans les arbres à pépins les véritables branches à fruits. On reconnaît les boutons à fruit non-seulement à ces espèces de pédoncules , mais encore à leurs formes. Ils sont beaucoup plus gros que ceux à bois , plus enveloppés d'écaillés , et ils affectent une forme plus arrondie. ( PL 7 ,fig. 3 , e. ) La brindille (PL 7 vJîg. 3. ) est une petite branche, l44 DE LA TAILLE. longue de deux à cinq pouces, qui s'est d'abord déve- loppée d'un œil à bois , et aurait produit une branche si quelques circonstances particulières y eussent attiré une quantité suffisante de sève. Son écorce est assez ordi- nairement lisse , surtout lorsqu'elle a sa plus grande lon- gueur, et elle se trouve placée sur toutes les parties d'un arbre, pourvu qu'elles ne soient ni trop jeunes , ni trop vieilles. Néanmoins il n'est pas rare de voir un bourgeon de l'année produire une brindille à la seconde pousse , et d'en voir sortir d'autres à travers l'écorce rugueuse d'une vieille branche , ou même d'une tige. La brindille est presque toujours munie, surtout à sa base et à son ex- trémité, de deux ou trois yeux, dont, au besoin, on pour- rait obtenir du bois ; mais, pour cela, il faudrait la rabattre sur deux de ces yeux, ety attirer la sève en retranchant les bourgeons placés au-dessus et au-dessous de sa base , ou même en raccourcissant toute la branche. Une bonne brin- dille qui n'a jamais été mutilée peut durer et donner du fruit pendant plusieurs années. La serpette du jardinier doit donc toujours la respecter, à moins qu'elle ne se trouve mal placée , et qu'elle ne déforme l'arbre. Si elle pousse un bourgeon à son extrémité , comme en f, l'an- née suivante, on le casse ou on le coupe près de sa sortie. La lambourde (pi. 7 ,/*§". 3 , g. ) est le support im- médiat d'un bouton à fruit. Elle se développe le plus souvent sur une brindille , mais souvent aussi sur une branche à bois vieille ou jeune. 11 lui faut ordinairement trois ans pour se former , et quelquefois davantage. La première année un bouton , au lieu de développer une seule feuille et un bourgeon à bois dans son aisselle, pro- duit trois feuilles et un petit support long d'une à quatre lignes , qui est le premier rudiment de la lambourde (Jîg. 3 , h. ). La seconde année le bouton, déjà plus arrondi et plus gros qu'un bouton a bois , produit cinq feuilles -, la lambourde s'allonge d'un demi-pouce , plus ou moins , et son écorce se ride circulairement , de ma- DE LA TAILLE. l45 ni ère à former des plis profonds et irréguliers 5 {fig. 3 , g.) L'année suivante elle donne sept feuilles Cet quel- quefois , mais rarement , sa fleur ). Le bouton est alors considérablement plus gros qu'un œil à bois , et ne peut plus être confondu avec lui, même par l'homme le moins exercé $ cependant sa forme est encore allongée. Ses écailles , scarieuses , et brunes à leur extrémité , sont d'un vert pâle à leur base , {fig. 3 , k , k. ) La lam- bourde s'est encore allongée , et laisse paraître sur ses côtés, près delà base du bouton, d'autres gemmes, qui., l'année suivante, produiront à leur tour d'autres boutons à fruits{/?g\ 3, /. ). Enfin, la quatrième année, le bou- ton , prodigieusement enflé , presque rond {fig. 3 , e. ) ., développe un nombre indéterminé de feuilles , et un corymbe de fleurs dans le milieu. La lambourde a atteint toute sa longueur, les plis de sonécorce se sont encore davantage prononcés , et les nouveaux boutons , s'il y en a , sont déjà suffisamment caractérisés pour que l'on puisse juger de l'année à laquelle ils donneront leurs fruits. Les lambourdes nouvelles qui les portent sont beaucoup plus courtes que celles sur lesquelles elles sont placées, et en produisent très-rarement d'antres. Telles sont les règles générales de fructification dans les arbres à pépins ; mais les exceptions sont extrême- ment fréquentes. Les poiriers jeunes et vigoureux déve- loppent souvent des lambourdes et des boutons à fruits sur du bois de l'année. Nous avons même vu quelque- fois un gemme pousser un scion vigoureux pendant le premier mois, puis tout à coup développer, dans le milieu de sa longueur, un bouton à fleurs dont le fruit nouait en juillet et atteignait , avant de tomber , le quart ou le tiers de sa grosseur. Ces anomalies sont plus communes encore sur les pommiers , particulièrement sur les apis greffés sur paradis. Il arrive que, sur le bois de l'année précédente , un ou plusieurs boutons à fleurs se développent au mois d'avril, fleurissent de suite, et 2. IO ï/{6 DE LA TAILLE. donnent leur fruit l'automne suivant. Il résulte que , si l'on veut tirer parti de ces derniers arbres , il ne faut pas les tailler avant que la végétation soit assez avancée pour reconnaître parfaitement ces précieux boutons et ne pas les abattre; ce qui arriverait nécessairement si l'on conduisait sa taille de la manière ordinaire. On est alors dans la nécessité de conserver du bois que l'on eût supprimé sans cela -, mais, lors de rébourgeonnement , on commence à retrancher celui sur lequel les rieurs ou les fruits ont avorté , et à la taille suivante on répare les difformités. Du reste, des circonstances accidentelles peuvent, avec la plus grande facilité, changer la destination d'un bouton à fruit, soit à sa première, seconde, troisième, ou quatrième année. Si la sève y afflue tout à coup , les caractères auxquels on reconnaissait sa prochaine fruc- tification disparaissent, et l'on voit un bourgeon à bois le remplacer. Les indices que nous avons tirés du nom- bre des feuilles qui se développent sur un bouton à fruit sont encore plus incertains , parce qu'il faut des circon- stances moins influentes pour produire des variations remarquables. QUATORZIÈME PRÉCEPTE. Dans les arbres à fruits à noyau les boutons à fleurs naissent ordinairement sur du bois de Vannée;, et ne peuvent se métamoiyhoser en boutons à bois. Le cerisier et quelques autres espèces font très -sou- vent exception à la première partie de cette règle , dont l'application rigoureuse ne doit se faire que sur le pêcher, et dont aussi nous allons donner les principes de fruc- tification. Dans le pêcher on trouve deux espèces de branches très-faciles à distinguer, mais qu'il faut absolument savoir reconnaître avant de commencer à tailler. Les premières DE LA TAILLE. 1^ sont les branches abois, toujours les plus fortes et les plus vigoureuses \ elles sont au moins de la grosseur du doigt, et atteignent souvent un pouce et plus de diamètre si les arbres sont jeunes , et dans une exposition et un terrain qui leur ^conviennent -, leur longueur, dans ce cas , peut atteindre de trois à huit pieds. Mais le caractère auquel on les reconnaîtra mieux encore*, c'est que , dès l'au- tomne de la première année , elles prennent la teinte uniforme et grisâtre du vieux bois. Les branches à fruits sont, dans les pêchers , ce que les brindilles sont dans les arbres à pépins 5 mais il y a cette différence essentielle , qu'elles ne donnent du fruit qu'une fois , et que , si on les conserve , elles ne fournis- sent plus que d'autres maigres branches à fruits. Elles ont rarement moins de six pouces de longueur, et , plus rarement encore , elles atteignent deux pieds et demi. Leur grosseur ordinaire est égale à celle d'un petit tuyau déplume ; et, quelle que soit la vigueur d'un arbre, elle va rarement à celle du petit doigt. Elles ne s'aoûtent pas comme les branches à bois 5 au contraire , elles con- servent une teinte rougeâtre du côté du soleil, et leur couleur verte du côté regardant la muraille. On trouve cependant sur le pêcher une espèce de branche à fruits que l'on pourrait comparer à des lam- bourdes, mais toujours avec cette différence qu'elle ne fleurit qu'une fois ; elle consiste en un petit chicot d'un , deux ou trois pouces de long au plus , garni tout le tour de boutons à fleurs, et se terminant au sommet par un bouton à bois (1). Dans les arbres à noyaux les gemmes destinés à for- mer un bouton à fleurs, comme nous l'avons dit, ne peuvent jamais fournir un œil à bois ; mais il n'en résulte (1) Si nous écrivions un ouvrage de physiologie , nous nous garde- rions bien d'e'tablir des divisions dans la nature des branches ; car re'el- lement il n'en existe pas de deux espèces , toutes pouvant e'galement produire du bois et du fruit sur le pêcher comme sur tous les autres l48 DE LA TAILLE. aucun inconvénient, parce que , les boutons à fleurs étant toujours placés à côté d'un bouton à bois, s'il s'agissait de reproduire une nouvelle branche , on pourrait toujours tailler dessus. Il est indispensable , pour tailler avec connaissance de cause, de savoir parfaitement distinguer un œil à bois d'un bouton à fleur, et la chose n'est pas difficile si l'on y porte un peu d'attention ; car, des le mois d'août , les différences existent déjà suffisamment pour les caracté- riser. Ceux à fleurs sont arrondis , gros, et munis chacun d'une feuille dont les fonctions sont d'y attirer la sève jusqu'à leur parfaite formation, moment où, cessant d'être utile , elle tombe ; ceux à bois sont plus minces , plus allongés et plus pointus. QUINZIÈME PRÉCEPTE. Tout bouton àjleur, dans les arbres à fruits à noyau, reste stérile s' il n'est accompagné d'un bouton à bois. Voici un principe d'une exactitude reconnue, publié depuis long-temps, et cependant que peu de jardiniers connaissent, quoiqu'il soit indispensable à savoir pour diriger la conduite d'une bonne taille de pêcher. Les branches à fruits du pêcher n'offrent pas toutes le même arrangement dans leurs boutons à fleur. Sur les unes un seul est placé à côté d'un bouton à bois 5 sur d'autres deux boutons à fleur sont placés, l'un d'un côté l'autre de l'autre d^un bouton à bois 5 sur une troi- sième espèce de branche le bouton à fleur n'est pas ac- compagné de son oeil à bois, et alors la branche, étant arbres. Seulement , comme il re'sulte de la faiblesse d'une branche qu'elle se mettra plutôt à fruit qu'une autre , nous avons adopté pour celle-ci un nom particulier, et par conséquent une division artificielle de branches à fruits et branches à bois. Nous devions le faire pour pré- senter d'une manière plus claire et plus facile l'opération de la taille. DE LA TAILLE. ifa stérile, doit être retranchée-, car, si le fruit parvenait à maturité, ce qui arrive quelquefois, il serait de médio- cre qualité. Enfin , dans les espèces de lambourdes dont nous avons parlé plus haut , les fleurs ramassées en bou- quet n'ont pas d'yeux à bois à côté de leur bouton 5 mais elles n'en sont pas moins fertiles , parce que le bourgeon, placé au sommet, suffit pour leur fournir la nourriture nécessaire : aussi ne doit-on jamais les tailler, puisqu'on ne pourrait le faire sans abattre l'œil à bois. On conçoit aisément que la nature n'a placé un bour- geon à côté de chaque fleur que pour y attirer la sève et fournir à la dépense du jeune fruit. Lorsqu'il manque, la fleur tombe sans nouer ; si par hasard le fruit se forme , il languit quelque temps, jaunit, se dessèche, et ordinai- rement périt avant d'avoir atteint le tiers ou la moitié de sa grosseur. Il faut donc ne tailler le pêcher que lorsque Ton voit les yeux à bois commencer à se développer ; car, l'hiver les exposant très-souvent à périr, si l'on ne pou- vait reconnaître ceux qui sont vivans et intacts , il arri- verait très-souvent que l'on conserverait comme bonnes des branches à fruits dont les yeux à bois auraient été détruits par la gelée ou les frimas, et il en résulterait que l'on aurait conservé beaucoup de fleurs stériles , tan- dis qu'on en aurait abattu de bonnes. Outre cela, ces branches à bois inutiles resteraient nues, sans fleurs, feuilles ni bois, pendant toute l'année, et formeraient des chicots désagréables et pernicieux. Cependant il ne faut pas non plus attendre pour tailler que l'arbre soit en pleine fleur, parce qu'alors l'opération serait très-diffi- cile pour ne pas en faire tomber une grande partie , sur- tout en palissant les rameaux. 5o DE LA TAILLE. SEIZIEME PRECEPTE, Toute branche à fruit, de pêcher, lorsqu'elle a donné son fruit , n'en rapporte plus . Il est donc nécessaire de la renouveler, c'est-à-dire , de l'abattre pour en avoir une autre qui se développera sur un de ses yeux inférieurs que l'on aura conservé pour cela. C'est la connaissance de ce principe qui a fait trou- ver dans le pêcher cette opération de la taille , que l'on nomme remplacement, et dont nous traiterons avec plus de développement, parce qu'elle est aussi essentielle que peu pratiquée par les jardiniers routiniers. Ce n'est peut-être que dans quelques jardins des environs de Paris et dans le village de Montreuil que l'on a tiré toutes les conséquences importantes de cette règle. DIX-SEPTIÈME PRÉCEPTE. Les feuilles servent à la respiration des végétaux ; tout arbre qui en est dépouillé en partie est altéré dans sa santé; s'il en est dépouillé en totalité, il risque de périr. Ainsi, dans les tailles d'été, les ébourgeonnemens,etc, on n'enlèvera de feuillage que ce qu'il en faut stricte- ment pour arriver au but qu'on se propose. Si un arbre, un pêcher, par exemple, était tellement chargé de fruits qu'il fallût, pour les faire jouir des influences du soleil qui les parfument et les colorent, lui enlever une grande partie de ses feuilles , il vaudrait mieux sacrifier la qua- lité de quelques fruits que risquer de beaucoup fatiguer l'arbre. Ce précepte indique encore que l'on doit, lors de la taille du printemps , laisser à un arbre , quoique formé , une quantité de bois suffisante pour le fournir d'un feuil- DE LA TAILLE. l5l lage bien garni, sous peine de le voir périr peu à peu d'asphyxie. 11 résulte encore du principe , que toutes les fois que l'on supprimera en totalité les feuilles d'un rameau ou d'une branche pendant que la sève est en mouvement, si la saison est trop avancée pour qu'il puisse s'y développer des sous-bourgeons , la branche ou le rameau sera abandonné par la sève et se desséchera. DIX-HUITIÈME PRÉCEPTE. Toute branche ou rameau autour duquel l'air, la lumière et la chaleur ne peuvent circuler librement, s'étiole, s'allonge, devient maigre etjluet, et ne pro- duit plus ni fruits ni bois. C'est cette règle de végétation, connue des anciens cul- tivateurs français , qui peut - être a fait naître la première idée de soumettre les arbres à des formes régulières, qui , en plaçant chaque branche et chaque rameau dans une position calculée , permet à toutes les parties d'un arbre de jouir des influences de l'air , de la lumière et de la chaleur. Nous en voyons la preuve dans les gobelets évidésdans l'intérieur, et dans les éventails tant recom- mandés par Laquintinie. Nous tirons la conséquence de ce principe, que ja- mais un jardinier ne doit laisser s'entasser les branches et les rameaux dans le centre d'un arbre , de manière à en faire une masse de feuillage trop touffue et assez épaisse pour empêcher les influences atmosphériques de circuler librement au travers. La nature elle-même a posé ce principe dont elle nous donne un exemple dans tous les individus abandonnés à ses soins. Que l'on suive des yeux le développement d'un pommier , par exemple , pendant tout le cours de sa vie ; on le verra , à mesure que ses branches s'allongent et s'éloignent du tronc , former des dômes de verdure , fournis seulement par les extrémités des branches , et placés de manière à pou- l52 . BE LA TAILLE. voir recevoir les influences de Fair qui peut circuler avec facilité dans l'intérieur dégarni de la tête de l'arbre. On ne nous objectera pas que ceci est un effet du principe et n'en est pas la cause , pour peu que' l'on réfléchisse que les branches se refusent à produire naturellement des boutons à bois sur la plus grande partie de leur lon- gueur , et principalement en se rapprochant de leur base. DIX-NEUVIÈME PRÉCEPTE. Le vieux bois ne produit de bourgeons que lors- qu'il y est forcé par la taille ou par l'altération du jeune bois qui temùne la branche. « Il est donc nécessaire, surtout dans l'espalier , que le jardinier ménage sa taille de manière à conserver des rameaux à la base des brandies principales, à mesure qu'elles s'allongeront , afin d'avoir toujours suffisamment de bois pour garnir l'intérieur de son arbre. Si une fois il en est dépouillé, il sera impossible d'y faire dévelop- per des yeux à bois, et l'arbre occupera inutilement un très-grand espace. Voilà le grand défaut de la presque totalité des pêchers que l'on voit dans les jardins des amateurs. Il n'existe plus qu'un moyen de réparer ce défaut , c'est de rapprocher sur la branche qui manque de bois un bourgeon d'une branche voisine, et de l'y greffer par le procédé deia greffe par approche, page 54, n° 38, ou d'y placer une greffe en écusson si l'écorce est encore assez jeune ; mais jamais cette méthode ne réparera le défaut de manière à rendre la forme de l'arbre aussi belle et aussi régulière que s'il eût été bien conduit dès le principe. DE LA TAILLE. l53 VINGTIÈME PRÉCEPTE. Tout bourgeon développé hors du temps des deux sèves reste le plus souvent stérile, maigre et inca- pable de produire ni bois ni fruits. Ces sortes de productions , auxquelles on a donné le nom de faux-bourgeons , et que nous appelons plus convenablement sous - bourgeons , ne se rencontrent jamais sur un arbre abandonné aux soins de la nature. Elles sont le résultat d'un accident ou d'une taille pra- tiquée dans une saison intempestive. Par exemple , si le palissage d'un pêcher se faisait trop tôt , c'est-à-dire , avant que les bourgeons fussent suffisamment dévelop- pés, le retranchement des bois inutiJes qu'il occasione déterminerait la sève à se porter sur les yeux qui n'au- raient dû se développer que l'année suivante, et ces yeux ne donneraient que du bois avorté , incapable de mûrir et de supporter les rigueurs de l'hiver, par con- séquent des sous-bourgeons. Enfin tout œil qui végète avant sa parfaite maturité, et avant un repos entre deux sèves, produit un sous-bourgeon. Ils doivent tous être supprimés comme stériles et inutiles , ne servant qu'à épuiser un arbre. DEUXIÈME SECTION. DE QUELQUES OPÉRATIONS RELATIVES A LA TAILLE. La bonne conduite d'un arbre fruitier, ou autre, ne se borne pas à la seule taille du printemps pour en obte- nir le résultat que l'on s'en promet. Il faut encore le soumettre à diverses autres pratiques, selon les circon- stances et le but que l'on veut atteindre , et c'est de l'exé- l54 DE LA TAILLE. cution judicieuse et raisonnée de toutes ces opérations que Ton a formé l'art de ia taille. De V Ébourgeonnement. Cette opération essentielle pour toutes les formes d'arbres, indispensable pour les espaliers, consiste à supprimer tous les bourgeons inutiles ou mal placés , avant ou après leur développement. Dans le premier cas , on choisit , en automne ou au printemps, aussitôt après la dernière sève, c'est-à-dire, dès que les feuilles tombent, ou avant que les gemmes se développent, un jour de beau temps, ou au moins sans pluie , et avec les ongles , mieux avec un instrument tranchant , on détache et on enlève tous Jes boutons mal placés. Il en résulte , i° que les plaies se cicatrisent beau- coup plus facilement , et surtout plus promptement que si l'on eût attendu , pour ébourgeonner, que les gemmes eussent commencé à pousser -, cela , par la raison que les blessures sont beaucoup moins larges , et que les premiers efforts de la sève peuvent s'y porter ; i° que la sève, en étant détournée dès le principe, se porte avec plus de vigueur aux bourgeons utiles -, 3° que le second ébourgeonnement devient à la fois plus facile , moins considérable , et par conséquent moins nuisible à l'arbre. La suppression étant beaucoup moindre, l'é- quilibre de la végétation sera moins interrompu, et l'on aura peu de sons-bourgeons. Le second ébourgeonnement, celui qui est presque le seul pratiqué , se fait lorsque les jeunes bourgeons ont atteint le quart , le tiers , ou au plus la moitié de leur croissance , ce qui arrive ordinairement dans le courant du mois de mai , dans les environs de Paris , plus tôt ou plus tard dans les climats plus chauds ou plus froids. On enlève avec un instrument tous ceux qui , sur un espalier , se présentent sur les côtés des branches , pour DE LA TAILLE. l55 ne conserver que ceux qui sont places dessus ou dessous, afin de pouvoir les palisser facilement , ce qui ne serait pas possible s'ils se présentaient en avant , à moins de leur faire former un coude fort désagréable. Ceux placés sur le côté regardant la muraille feraient encore un plus mauvais effet, parce qu'ils seraient froissés dans leur pousse, ce qui les mènerait bientôt à la gomme ou au chancre. C'est surtout sur le bourgeon terminal des branches principales que l'attention doit se porter. Il doit être le plus robuste pour leur fournir un prolongement fort et vigoureux. S'il arrivait qu'il en fût autrement, soit qu'il ait été altéré par un accident et n'ait fourni qu'une faible pousse , soit qu'il ait tout-à-fait manqué , on ra- valerait le bout de la branche jusque sur le plus fort bourgeon inférieur. Il faut que ce bourgeon soit domi- nant sur tous les autres , et c'est cette considération qui déterminerait le jardinier dans son choix. Dans les arbres à fruits à noyau l'ébourgeonnement ne se porte pas seulement sur les branches à bois , mais aussi sur celles à fruits. On ne doit y toucher que lorsque le fruit est noué et parfaitement formé , car sans cela on risquerait de commettre des méprises irréparables pour l'année. On supprimera donc tous les bourgeons à bois qui ne seront point destinés à nourrir des fruits , et même , si ces derniers n'avaient pas tous noué , il faudrait ravaler la branche jusque sur le dernier bour- geon accompagné de fruits 5 enfin , si toutes les fleurs avaient avorté , on la couperait entièrement en ne laissant que les deux bourgeons de sa base , pour fournir de nouvelles branches de remplacement , comme nous le disons à l'article qui porte ce titre. C'est surtout à l'époque de l'ébourgeonnement qu'il faut détacher avec un soin extrême toutes les pousses qui paraissent sur les tiges, et particulièrement sur le collet des racines. Rien n'épuise un arbre comme ces l56 DE LA TAILLE. dernières-, si l'on retardait de les retrancher, elles re- pousseraient sans cesse de] a nodosité qu'elles formeraient à leur base , et il deviendrait très-difficile de les détruire sans faire au sujot une large et dangereuse amputation , qu'il est facile d'éviter pendant que les bourgeons sont encore dénature herbacée. Une autre précaution essen- tielle, c'est de donner aux bourgeons la forme et l'in- flexion qu'ils doivent avoir lorsqu'ils seront devenus de véritables branches ; pour cela , on les attachera dans le sens qu'ils doivent prendre et à la place qu'ils doivent occuper , à mesure qu'ils augmenteront de longueur et de force. Par ce moyen encore on évitera les accidens résultant des grands vents, qui, en les brisant, prive- raient les arbres d'un bois d'autant plus précieux qu'il devrait servir au prolongement des mères-branches. Quelquefois encore il peut être utile de supprimer , pendant rébourgeonnement, une partie des fruits dont un arbre serait surchargé. C'est au jardinier à juger de la quantité qu'il doit en retrancher , selon la nature et la vigueur du sujet. Il s'arrangera toujours de manière à laisser entre ceux qui restent un espace à peu près égal , afin que les sucs nourriciers s'y répartissent également. Il prendra garde aussi en détachant les uns de blesser les attaches ou pèdicelles des autres , et surtout à ne pas les ébranler. Du reste, quoique nous ayons déterminé l'époque la plus favorable pour faire cette opération, on peut la prolonger toute l'année, et la pratiquer aussi souvent que les circonstances l'exigeraient. Du Palissage. Il a pour but, i° de suppléer à rébourgeonnement s'il n'a pas eu lieu ; i° de réparer les défauts ou les oublis ré- sultant de la première opération .\ 3° de faciliter la colo- ration et la maturité des fruits en les découvrant ; 4° ^e DE LA TAILLE. i5^ faire profiter la sève aux branches utiles par la suppres- sion de celles qui ne le sont pas; 5° de préparer la taille du printemps et de la rendre beaucoup moins longue et moins difficile. Cette opération , nommée par quelques auteurs seconde taille, est d'une utilité aussi absolue que la première , c'est-à-dire , celle du printemps, sur- tout dans les arbres à fruits à noyau auxquels on a assi- gné la forme de l'espalier. L'époque à laquelle elle doit se faire dépend entiè- rement de l'espèce, ou même de la variété de l'arbre sur lequel on la pratique. Il est clair que les variétés qui mûrissent leurs fruits de bonne heure doivent être palissées les premières , et les plus tardives les dernières. Cependant ce n'est pas seulement sur le plus ou le moins de précocité des fruits que l'on doit se déterminer dans tous les cas. En voici les raisons : Si le palissage se faisait trop tôt , le grand nombre de bourgeons que l'on est obligé de supprimer ferait porter la sève sur les yeux destinés à ne se développer que le printemps suivant, et il en naîtrait une grande quantité de sous-bourgeons d'autant plus nuisibles qu'ils croî- traient aux dépens du bois de l'année suivante. D'autre part , les bourgeons palissés n'ayant pas encore atteint toute leur longueur, on se verrait obligé de recommen- cer l'opération huit jours après, ce qui doublerait le travail et produirait une grande perte de temps. Le vice serait bien plus grand si on palissait avant que les fruits aient assez de force pour résister aux rayons brûlans du soleil , ou aux influences desséchantes des vents chauds. Jusqu'à ce qu'ils soient parvenus à une partie de leur grosseur, ils ont besoin d'être couverts par l'abri que la nature leur a donné en les faisant naître sous les feuilles. Nous ne dirons donc pas , comme la plupart des au- teurs, que le palissage doit se faire en juin et juillet , mais bien dans le moment qui présente le moins d'incon- l58 DE LA TAILLE. véniens, c'est-à-dire, le plus tard possible. Il faut d'ail- leurs que tous les bourgeons aient acquis assez de longueur et de force pour être attachés avec facilité. L'instant où la première sève finit, et l'intervalle pendant lequel la végétation semble s'arrêter pour ne recommencer qu'au mois d'août , nous ont paru la saison la plus favorable pour le commencer. On fera très-bien , pour éviter le hâle sur les fruits, de choisir un jour sombre ou même pluvieux, afin de les accoutumer peu à peu aux influen- ces de l'air et de la lumière. Cette opération doit se con- tinuer, au besoin , toute l'année sur la plus grande partie des arbres fruitiers , et jusqu'au remplacement pour le pêcher. Les jeunes arbres forts et vigoureux, surtout lorsqu'ils n'auront pas de fruits , pourront sans inconvénient être palissés avant l'époque que nous venons de déterminer. Leurs bourgeons, forts et vigoureux, prendront plus facilement la forme qu'on voudra leur donner, outre que, n'ayant point encore été assujettis à plusieurs tailles régulières et de formation, on les débarrassera d'une grande quantité de branches et de bois inutiles. Comme on n'en attend pas des branches à fruits , et que leurs pousses ont toujours plus de longueur qu'il n'en faut pour leur formation , on craindra moins les sous-bour- geons. L'opération du palissage consiste à fixer aux murs et aux treillages dans les espaliers, aux cerceaux et aux échalas dans les contre-espaliers, gobelets, etc.,, tous les bourgeons que l'on doit conserver, soit pour donner du bois, soit pour fournir des branches à fruits; elle consiste encore, cemme nous l'avons dit, à supprimer tout le bois inutile. Les liens dont on se sert doivent être mous et flexi- bles , pour ne blesser en aucune manière les jeunes écorces. Contre des treillages, des cerceaux ou des échalas, on emploiera le jonc, et contre les murailles , DE LA TAILLE. ï5g on se servira de clous et de loques, ou morceaux de chiffons ; dans tous les cas, on serrera le lien le moins possible. Tous les bourgeons conservés , soit à bois , soit à fruits, seront attachés dans plusieurs points de leur longueur , selon qu'elle sera plus ou moins consi- dérable; ils seront espacés, autant également que pos- sible, à des distances calculées pour ne pas faire confu- sion, et surtout ils ne s'entre-croiseront jamais les uns les autres. Quelle que soit la forme de l'arbre , on les placera de suite dans la position qu'ils doivent toujours conserver pour maintenir cette forme et même lui donner de la grâce. Quant aux bourgeons inutiles qui doivent être retran- chés , il en est de plusieurs espèces dont nous allons nous occuper. On supprimera d'abord tous ceux mal placés , c'est-à-dire, ceux qui nuiraient à la belle forme de l'arbre, à cause de leur mauvaise insertion sur les branches- mères. C'est ainsi que, dans l'espalier perpendiculaire , on enlèvera scrupuleusement ceux qui sortent devant ou derrière les branches , parce qu'ils tendraient à déve- lopper en épaisseur un arbre qui ne doit l'être qu'en largeur et en hauteur. Un bel espalier ne doit avoir pour ainsi dire qu'une surface et point d'épaisseur : du moins celle-ci ne doit pas être plus considérable que le plus grand diamètre du tronc, ou la plus grande longueur d'une brindille. Dans l'espalier horizontal on suppri- mera au contraire tous, les bourgeons qui se trouvent placés dessus et dessous , et cela pour les mêmes raisons appliquées à son espèce. On excepte de cette règle géné- rale les brindilles et lambourdes , ainsi que ces petites branches de fleurs , à un seul bouton terminal , que l'on trouve souvent sur les arbres à noyau , et que , pour le pêcher , nous avons comparées à des lambourdes. Si elles doivent donner du fruit pendant plusieurs années, on les conservera telles qu'elles sont ; dans le cas contraire on les supprimera à la taille suivante. Dans le gobelet on l6o DE LA TAILLE. conservera les bourgeons latéraux nécessaires , et l'on retranchera les autres, principalement ceux qui croissent en dehors et en dedans. La quenouille sera ébourgeonnëe différemment : comme elle doit être garnie intérieure- ment, mais que cependant il ne doit y avoir aucune confusion , si la nature de l'arbre lui donnait de la ten- dance à se garnir trop, on ne laisserait que les bourgeons inférieurs, c'est-à-dire , ceux tournés en dehors; ceci est toujours indispensable pour une pyramide. Tout bour- geon mal placé , ne pouvant se palisser sans former un coude en anse de panier , donne à l'arbre une figure désagréable annonçant l'inexpérience de celui qui le dirige. Les bourgeons qui ne peuvent se palisser sans faire confusion sont mal placés , quelle que soit leur inser- tion : ainsi l'on doit donc les retrancher. Lorsque l'œil destiné à fournir le prolongement d'une branche aura poussé deux ou trois bourgeons , on n'en conservera que le plus fort et le plus long; les autres seront abattus. Mais il arrive assez souvent que ce bour- geon terminal a développé à son extrémité plusieurs petits sous-bourgeons qui lui donnent une figure héris- sonnée et désagréable ; ils ne peuventpas nuire à la forme de l'arbre , puisqu'ils se trouveront abattus à la taille suivante lorsque l'on rapprochera la branche qui les a produits ; outre cela ils peuvent être utiles en attirant la sève dans ce principal bourgeon , ce qui le fortifie d'autant, et en l'y amusant de manière à l'empêcher de développer des sous-bourgeons dans les endroits où ils pourraient nuire -, il ne faut donc pas les abattre. Lors du second ou du troisième palissage , on pourra les en- lever, parce qu'alors la branche, en s'allongeant , en aura produit d'autres qui les remplaceront. Dans les arbres à noyaux, et particulièrement dans le pêcher, on supprimera tous les bourgeons qui seront placés à côté des fruits, mais avec l'extrême précaution DE LA TAILLE. l6l de ne les couper qu'au-dessus de leur troisième ou qua- trième feuille ; car, si on les retranchait entièrement , les fruits manqueraient de nourriture , et pourraient se des- sécher -, au moins ils arriveraient rarement à leur gros- seur naturelle , et seraient sans parfum. Si on coupait au-dessous de la troisième feuille , le résultat serait à peu près le même , parce que le chicot laissé courrait la chance de périr, ou n'attirerait pas une quantité de sève suffisante à la nourriture des fruits. Les trois bourgeons inférieurs , qu'ils accompagnent ou non des fruits , se- ront laissés pour la raison qui va suivre. Dans les arbres de même nature que les précédens on retranchera toutes les branches à fruits sur lesquelles ceux- ci seront avortés, et on les ravalera jusque sur deux ou trois bourgeons inférieurs que l'on conservera et palis- sera pour servir au remplacement. Si les trois bourgeons inférieurs avaient manqué, soit que la branche eût ou n'eût pas de fruits, on conserverait ceux placés plus haut. Mais il est de principe que les plus bas sont tou- jours préférables, parce qu'ils allongent moins cette précieuse branche, qui est d'autant meilleure qu'elle est placée plus près de la tige de la branche-mère.. Les sous-bourgeons, à l'exception de ceux dont nous avons parlé plus haut, seront tous abattus, à moins ce- pendant qu'on en ait besoin dans des places où un heu- reux hasard les aurait mis dans le cas de boucher un vide. Alors on courrait la chance de les voir périr l'hi- ver , faute d'avoir été suffisamment aoûtés ; mais , s'ils résistaient, au moins dans une partie de leur longueur, ce qui arrive assez fréquemment , ils deviendraient ex- trêmement précieux. Ces sous-bourgeons sont ce que les auteurs appellent, sans doute, des branches chiffonnes. On voit souvent une branche malade à son extré- mité, produire, un peu avant l'endroit où commence le mal, un bourgeon vigoureux, d'une croissance ex- traordinaire- en un mot, ce que les jardiniers peu ins- 2. II j62 DE LA TAILLE. traits nomment un gounncuid. Dans ce cas , et même dans le plus grand nombre des autres circonstances , il faut bien se donner de garde de l'abattre , parce qu'il remplacera très -avantageusement la branche malade, ou seulement faible ; presque toujours on trouve sur ses côtes , surtout quand un œil exercé l'a reconnu et pincé lors de rébourgeonnement, des sous-bourgeons forts et bien constitués ; on les conserve pour en faire des branches principales, quand lui-même sera devenu (à la taille suivante) une vigoureuse branche-mère. Il nous reste à faire, sur ce premier palissage, une observation qui nous met en opposition avec les auteurs. Ils prétendent que toutes les fois que l'on coupera un bourgeon sur sa base, c'est-à-dire, rez l'écorce de la branche sur laquelle il sera placé, la sève ou la gomme se portera sur la plaie, à laquelle la saison ne per- mettra pas de se cicatriser , et qu'il en résultera le plus souvent des chancres incurables. En conséquence ils veulent qu'on laisse un petit talon d'un demi-pouce de long, qu'on abattra lors de la taille du printemps. Nous pensons qu'il convient de le couper très-près de la bran- che, parce que la saison est, au contraire de ce qu'ils disent , très-favorable pour opérer la cicatrisation , et que, dans tous les cas possibles, il vaut mieux n'avoir à faire qu'une opération qui fait toujours moins souffrir le sujet. Nous avons dit que le palissage se continuait toute l'année , et cela doit être ainsi dans un jardin bien cul- tivé; mais c'est surtout pour les espaliers de pêchers que ce travail est indispensable. Au second palissage , on aura peu de besogne si le premier a été bien fait. Toute l'opération se bornera à continuer d'attacher les bour- geons à mesure qu'ils s'allongeront , à supprimer les sous- bourgeons à mesure qu'ils seront remplacés par d'autres capables d'amuser la sève, et à palisser ceux que l'on voudra conserver. Au dernier palissage que l'on DE LA TAILLE. l63 fera lorsque la sève sera entièrement retirée , ce qui a lieu clans nos climats aux mois de septembre et d'oc- tobre , on pourra , si l'on veut , supprimer tous les sous- bourgeons du bout des branches, parce qu'on n'aura plus à craindre de faire pousser les yeux d'en bas desti- nés à fournir les jets de l'année suivante. Du Cassement. C'est une opération qui consiste à casser sur trois ou quatre yeux les brindilles que l'on veut mettre à fruit. Nous disons les brindilles, parce que nous entendons parler de branches déjà disposées à la fructification , mais qui ne se mettent pas à fleur , parce qu'elles pos- sèdent une surabondance de sève qui les force à pousser du bois. Il n'y a qu'une longue expérience capable d'é- clairer le jardinier sur le choix des bourgeons à casser, et nous regardons cette méthode comme d'une applica- tion fort difficile , quoique les mauvais ouvriers soient dans l'habitude de l'employer sans la moindre hésita- tion. Toutes les fois qu'on cassera une branche vigou- reuse , ou même d'une force médiocre , on en obtiendra un résultat directement opposé à celui qu'on en attendait^ et, loin de la mettre à fruit, on lui fera développer un grand nombre de sous-bourgeons sur les yeux mêmes que l'on voulait métamorphoser en lambourdes. Le cassement agit sur la fructification en épuisant la branche au moyen d'une plaie qui, ne pouvant se cica- triser à cause de ses esquilles, occasione pendant long- temps une grande déperdition de sève. Ce qui en reste se porte sur les gemmes , les engorge , et les prépare à donner des fruits. On doit bien se donner de garde de pratiquer cette opération sur le pêcher et l'abricotier, car la gomme fluerait sur-le-champ , et l'arbre périrait infailliblement si l'on n'y apportait un prompt remède. C'est plus spé- ï64 DE LA TAILLE. cialement sur les arbres à fruits à pépins quelle peut devenir d'un résultat très-avantageux. Mais on ne l'em- ploiera beaucoup que sur ceux qui, trop vigoureux, s'emportent en bois tous les ans, et ne produisent pas de fruits \ on la ménagera sur les sujets faibles , bien munis de lambourdes et de brindilles. Quoi qu'en ait dit le plus grand nombre des auteurs , ordinairement le cassement ne doit s'opérer qu'à la taille, et très - rarement à l'époque du palissage. Ce- pendant il est quelques circonstances où il devient utile pendant la végétation 5 c'est lorsqu'un arbre in- domptable résiste à tous les moyens employés pour le rendre fertile , comme par exemple à celui d'une taille très-allongée ; alors on cassera seulement l'extrémité de la branche, et elle ne tardera pas à développer des brindilles e t des lambourdes. Lorsque l'on veut faire produire des fruits à une bran- che vigoureuse qui doit être supprimée plus tard, on peut, outre le cassement de son extrémité, employer d'autres méthodes qui consistent à l'inciser transversa- lement, plus ou moins profondément, selon sa grosseur, ou à pratiquer un cran dans l'écorce et l'aubier , ou enfin à lui faire subir l'incision annulaire ou l'arcure , opéra- tions dont nous allons parler. De V Incision annulaire. Cette opération , inconnue aux anciens agriculteurs , a été, comme toutes les découvertes modernes, ou trop blâmée ou trop louée. Il est certain que , si on l'emploie aveuglément dans toutes les circonstances, on outre- passera l'utilité de son but; mais, faite avec discernement, elle peut assurer des récoltes, en augmenter le produit, la grosseur des fruits, et surtout en hâter la maturité. Elle consiste à enlever un anneau d'écorce à la branche sur laquelle on la pratique. On fait au-dessous des fruits DE LA TAILLE. l65 une première incision circulaire, pénëtrant jusqu à l'au- bier , et embrassant toute la circonférence du rameau , au-dessous de celle-ci, à une ligne à peu près, plus ou moins , selon la grosseur du sujet , on en fait une seconde semblable, puis on enlève la lanière d'écorce placée entre deux. On opère, si on le veut, avec la serpette ou le greffoir, mais plus facilement avec Yinciseur annulaire, On peut pratiquer l'opération à toutes les époques , mais on la fait plus particulièrement dans le temps de la sève, au moment où les fleurs vont éclore. Les auteurs ont écrit que l'incision annulaire influait sur la fructification , parce que , prétendent-ils , la sève descendante, étant interrompue dans son cours, se donne toute aux fruits , à la formation et à la nourriture des- quels la nature l'a entièrement consacrée. Nous deman- derons à ces physiologistes , pourquoi , si elle est seule- ment destinée aux fruits , elle se dirige vers les racines lorsque l'incision annulaire vient interrompre son cours ; pourquoi enfin elle descend. Nous leur demanderons pourquoi la branche qui a subi l'incision annulaire ne cesse pas de se couvrir de feuilles et de rameaux qui , selon eux, sont le produit de la sève ascendante. Nous leur demanderens pourquoi une plaie faite à une bran- che, mais qui n'interrompt pas le cours de la sève descen- dante, comme par exemple un trou perçant de part en part , une cheville implantée , l'incision longitudinale , ou la simple torsion , produit le même effet sur la fruc- tification que l'incision annulaire qu'ils citent comme une preuve de l'existence de ces deux sèves. Mais nous ne pousserons pas plus loin ce raisonnement et ces ques- tions embarrassantes, parce que nous n'avons jamais eu la prétention de faire de ce manuel un ouvrage de con- troverse ou de polémique. Nous nous contenterons de donner à ces effets la même cause que celle que nous avons attribuée aux effets de la greffe et de la taille, l'altération. Seulement ici elle n'est que locale, elle l66 DE LA TAILLE. n'existe qu'au-dessus de la plaie ; au lieu que dans la taille elle est générale , et que dans la greffe elle l'est dans toute la partie au-dessus de la soudure, c'est-à-dire, dans toutes les branches formant la tête. Si les effets de l'incision annulaire sont plus marqués, c'est tout sim- plement parce que , la lésion étant plus essentielle , l'al- tération est aussi plus grande. Quoi qu'il en soit , on ne doit faire subir cette opéra- tion qu'aux parties d'un arbre destinées à être suppri- mées le printemps suivant; car, lors même que les écorces se sont réunies, et que la plaie est parfaitement cicatrisée , la branche n'en reste pas moins souffrante et épuisée. Outre cela, un végétal sur lequel on la ferait trop souvent finirait par souffrir dans toutes ses parties , par s'épuiser généralement, et peut-être périrait-il bientôt, ou du moins serait-il affaibli pour tout le temps de son existence, qui elle-même serait beaucoup abrégée. On peut juger, par ce que nous venons de dire , que l'incision annulaire est de peu de ressource sur les arbres dont on doit conserver les branches à fruits plusieurs années , comme , par exemple , ceux à fruits à pépins. Pour les arbres à fruits à noyau elle ne peut guère être employée , parce qu'elle entraînerait avec certitude les sujets à la gomme, et par conséquent au chancre. 11 ne reste donc que la vigne sur laquelle elle soit véritable- ment praticable , et cela parce que les branches à fruits sont alimentées par une sève limpide , et qu'elles se renouvellent chaque année. Aussi n'est-ce guère que sons le rapport de ce précieux végétal que l'incision annulaire a été prônée ou décriée. Toutes les fois qu'une vigne sera vigoureuse , et placée dans un terrain riche en sucs nourriciers , lorsque le bois sera développé et le raisin sur le point d'entrer en fleur, on pratiquera l'opération à peu près vers le milieu de l'intervalle qui se trouvera entre la grappe et le vieux bois, c'est-à-dire, au-dessus du cinquième ou sixième œil, DE LA TAILLE. 167 afin que les deux à conserver pour tailler dessus , au printemps, ne soient altérés en aucune manière. Peut- être serait-il aussi avantageux d'attendre que le fruit fût noué , car l'incision annulaire ne contribue en rien à empêcher l'avortement des germes , avortement connu vulgairement sous le nom de coulure. Les fleurs de la vigne, comme les fleurs de tous les végétaux, n'avortent ou ne coulent que lorsque la fécondation des pistils par les étamines n'a pas lieu , et plusieurs causes peuvent empêcher cette fécondation. Un brouillard froid pendant une nuit , suivi d'un soleil ardent pendant la journée d'ensuite , sont des causes suffisantes pour détruire le pistil délicat d'une fleur , ou au moins son stigmate. Des pluies abondantes pendant la floraison peuvent , en mouillant les anthères , faire crever les vésicules de pollen , et disperser la liqueur séminale avant qu'elle soit parvenue sur le pistil. Or , l'incision annulaire ne peut rien à cela. Nous concluons de tout ceci que, pour la vigne exceptée, le jardinier ne doit considérer cette opération que comme un moyen extrême , capable de dompter dans une branche une sève trop abondante et trop vigoureuse. Il ne l'emploiera donc que lorsque les autres moyens auront été épuisés sans succès. De V incision longitudinale. Nous avons vu avec surprise, dans quelques provinces, employer cette incision pour en obtenir un résultat posi- tivement opposé à celui qu'elle produit réellement. Des cultivateurs la faisaient subir à déjeunes châtaigniers , noyers , et autres arbres fruitiers de grande culture , pour augmenter leur vigueur et faire acquérir de la gros- seur à leur tronc. L'incision longitudinale se fait en fendant l'écorce d'un arbre depuis la naissance des branches jusque près du collet de sa racine. Comme il l68 DE LA TAILLE. faut la pratiquer dans le moment de la sève , si l'on veut que la plaie se cicatrise de suite et n'occasione aucune carie , il s'en fait une grande déperdition qui affaiblit considérablement l'individu. Si cette opération est véritablement utile , c'est pour altérer un jeune arbre et le contraindre à donner du fruit avant l'époque fixée par la nature. Mais le jardinier doit bien se persuader que , s'il obtient par là des récoltes prématurées , c'est toujours aux dépens de la longévité du sujet. L'incision longitudinale peut aussi se faire sur une branche, et alors elle a moins d'inconvéniens , parce que, la tige fournissant toujours de la sève, le mal est plus facile à réparer. Ses résultats , relativement à la fructification , sont absolument les mêmes que ceux de l'incision annulaire. De VArcure. On appelle ainsi l'action de courber une branche en forme d'arc ou de demi - cerceau , afin d'entraver la marche de la sève qui , comme nous l'avons dit , a une tendance à monter verticalement. Aussi, pour quel'ar- cure remplisse l'objet qu'on en attend, faut -il qu'il y ait inclinaison de l'extrémité de la branche vers la terre , et que la corde supposée de l'arc soit au moins parallèle à l'horizon, si elle n'inclinait davantage du côté faible de la branche. Le résultat de l'arcure est de faire développer sur un bourgeon des brindilles, lambourdes et branches à fruits , au détriment du bois; elle ne doit donc être employée sur toutes les branches d'un arbre que lorsqu'il possède une vigueur impossible à dompter par une taille allongée, et qui le rend stérile. 11 est une circonstance où l'arcure devient extrêmement utile ^ c'est quand il s'agit d'obtenir , sur la longueur dune branche principale , un bourgeon fort et vigoureux pour remplacer , à la taille suivante ou plus tard 7 DE LA TAILLE. 169 l'extrémité languissante de cette branche. Lors de Fébourgeonnement, on choisit un bourgeon convena- blement placé et d'une bonne constitution -, on détache la branche et on redresse sa partie inférieure ( c'est-à- dire depuis son insertion à la tige jusqu'au bourgeon ) , mais cependant sans nuire beaucoup à la forme de l'espalier. On l'attache solidement , et on incline le plus possible sa partie supérieure ( depuis le bourgeon jusqu'à l'extrémité ) en lui faisant former , précisément sous le bourgeon , un coude brusque dont l'angle sera autant aigu qu'il sera possible de le faire , sans rien casser ni même trop fatiguer ses fibres ligneuses. La sève aban- donnera de suite l'extrémité inclinée , qui n'en produira pas moins de beaux et bons fruits $ elle fluera avec abondance vers le bourgeon , qui s'allongera , grossira considérablement, et deviendra ce qu'on appelle un gourmand , surtout si on le palisse verticalement. Lors- qu'il aura la grosseur et la longueur suffisantes pour remplacer l'extrémité de la branche , on dépalissera celle-ci tout entière , on redressera un peu le coude , on inclinera la base comme elle l'était avant , et le bour- geon lui formera un prolongement vigoureux , tandis que l'ancienne extrémité servira de branche secondaire très-propre à fournir une quantité de brindilles , lam- bourdes , ou branches à fruits. De FÉ branchement. Dans les arbres fruitiers cette opération a pour but, ou de changer la forme d'un arbre encore assez jeune pour se prêter à une forme nouvelle, ou de rapprocher un arbre vieux et épuisé , mais précieux par quelque qualité particulière. Par le moyen de ce rapprochement , ou , pour me servir de l'expression des jardiniers ,. en le rava- lant jusque sur son tronc, on l'oblige à produire déjeunes jets tjrès- vigoureux , qui ne lardent pas à se mettre à I7O DE LA TAILLE. fruits, et qui prolongent son existence pendant plusieurs années. Ces amputations doivent être faites avec le plus grand soin , et traitées de la manière que nous avons dit à l'article de la coupe du bois , page 1 26. Lorsque l'on voudra rajeunir un espalier , opération qui ne se pratique guère que sur les poiriers et pommiers , on devra tou- jours laisser un pied de longueur à peu près à la base des branches-mères -, car, si on coupait plus près du collet de la racine , on s'exposerait à voir périr la souche. Sur les arbres à plein vent on laissera aussi des moignons plus ou moins longs, parce que les gemmes se formeront et perceront plus facilement leur écorce que celle du tronc , qui toujours est d'une dureté beaucoup plus con- sidérable , outre que la tête nouvelle en sera un peu moins difforme. On laisse même quelques branches secondaires pour attirer la sève dans les moignons ; et , parce moyen , hâter et leur cicatrisation, et le dévelop- pement de la nouvelle tête, Quelquefois on est obligé d'ébrancher un arbre pour des raisons de localité que nous ne pouvons toutes prévoir. Si, par exemple, c'était pour découvrir une propriété voisine à laquelle son ombrage portât préju- dice , on amputerait les branches le plus près possible du tronc , pour leur empêcher de repousser des bourgeons , et pour ne pas se mettre dans le cas de recommencer bientôt ; la sève, par .sa propension à monter, se porterait dans la branche verticale placée le plus perpendiculai- rement sur la plaie , et ne ferait point d'effort pour former de nouveaux gemmes autour de la cicatrice qu'elle abandonnerait dès qu'elle serait recouverte. Mais c'est surtout les arbres d'agrément et les arbres forestiers qui sont sujets à être ébranchés, et c'est aussi pour eux que cette opération , si simple au premier coup d'oeil , demande beaucoup de discernement et des con- naissances en dendrologie. Nous allons le faire com- prendre à nos lecteurs par quelques exemples. DE LA TAILLE. I7I Dans une avenue , ou un quinconce d'arbres élevés , on cherche à se procurer des tiges droites et élancées 5 pour y parvenir, on ébranche les arbres dans leur jeunesse, jusqu'à ce que leur tronc ait atteint la hauteur désirée. Les ébranchemens se font avec modération , parce que c'est au moyen de la sève attirée par les branches en différentes parties du tronc, que celui-ci prend de la force et du diamètre. S'il en était privé avant que sa grosseur fût en équilibre avec le volume de sa tête, il resterait toujours mince et fluet , et risquerait d'être brisé par le moindre orage. Il ne faut pas non plus ébrancher un arbre jusqu'à son extrémité , ce qui le rendrait désa- gréable à la vue , et plus facile à être cassé par les vents, outre que sa tête ne serait jamais proportionnée à la hauteur du tronc. Tout arbre fourchu , qui s'élèverait sur deux tiges , doit en avoir une de coupée, à moins qu'il ne soit des- tiné à produire un effet pittoresque dans un jardin ; et dans ce cas il est sujet à être écartelé par le vent, si ses deux branches principales ne sont pas munies de bran- ches et de feuillage jusque près de leur enfourchure , pour ne présenter à l'orage qu'une seule masse de ré- sistance. Mais ce sont surtout les arbres exotiques , dont le port naturel nous est inconnu , qui demandent de grandes précautions dans leur ébranchement. Si leur nature est de former une tête large et peu élevée , on risquera de les faire périr en les ébranchant pour les faire monter verticalement. Si au contraire ils doivent former des tiges droites et élancées, analogues à celles du peuplier d'Italie , et qu'on les ébranche pour leur donner une tête large et arrondie, contrariés dans leur développe- ment, ils ne seront jamais que des individus languis- sans et rachitiques. Enfin il en est pour qui une amputation peut être mortelle, quand les branches ont acquis une certaine 1^2 DE LA TAILLE. grosseur $ le tulipier et le virgilia surtout nous en four- nissent des exemples. Si on les ébr anche, particulière- ment quand la sève est en mouvement, la plaie refuse ordinairement de se cicatriser, et laisse pendant plusieurs années un passage à la sève , qui s'extravase , se perd , et carie l'écorce autour de l'amputation. Les arbres résineux sont aussi dans ce cas, et ne peuvent être ébranchés sans danger avant qu'ils aient atteint vingt ou trente pieds de hauteur ; et encore ne doit-on abattre , chaque année , qu'une de leurs verticilles débranches, en commençant par celle d'en bas. De l'Élagage. Cette opération consiste à couper sur un arbre toutes les branches malades et le bois mort, ou à le sou- mettre à des tontes régulières , pour se procurer du bois propre à faire des fagots -, c'est particulièrement sur le saule, le peuplier, le frêne, l'orme, etc., qu'on la pratique, afin d'en obtenir ce dernier résultat. Dans le premier cas , l'élagage fait au printemps peut être très- utile pour conserver la santé des arbres d'ornement et augmenter leur vigueur 5 dans le second , on obtient , tous les deux, trois, quatre ou cinq ans, une assez bonne qualité de branches, mais c'est toujours aux dé- pens du tronc , surtout lorsque , pour rendre la coupe plus facile , on étête les arbres et on les maintient à une hauteur beaucoup moindre que celle qu'ils devaient na- turellement avoir. Si l'on veut que l'amputation produise le moins de mal possible , on la fera en temps favorable , avec une serpe extrêmement tranchante , afin que les plaies plus nettes puissent aussi se recouvrir plus facile- ment d'écorce. On ne laissera pas de chicots, mais ce- pendant on ne coupera pas non plus très-près du tronc , sous peine d'occasioner une trop grande déperdition de sève. DE LA TAILLE. 1^3 De la Tonte. Elle se fait à la cisaille ou au croissant , sur les arbres et arbrisseaux d'ornement que l'on veut soumettre à des formes régulières et d'agrément , pour palissade verte , berceau, voûte de verdure , vase et autres figures. Elle ne doit s'exécuter que pendant la stagnation de la sève, et elle se répétera plusieurs fois par an. La première aura lieu , au printemps , avant le développement des bourgeons ; la seconde vers la fin de la sève du prin- temps , et la troisième après la sève d'août , à peu près vers le milieu de septembre. Cette dernière n'est pas de rigueur si l'on se propose de faire celle du printemps-, et par contre , lorsque celle-ci est bien faite , celle du prin- temps se réduit à fort peu de chose. Les arbres et arbrisseaux destinés à former palissade sont sujets à se dégarnir du bas, ce qui est une très- grande défectuosité. Pour éviter cet inconvénient, il faut que leur tonte soit ménagée avec beaucoup d'art pen- dant les premiers temps de leur jeunesse. Avant qu'ils aient atteint le développement qu'on leur destine , il faut les tailler seulement de quelques pouces de lon- gueur , afin de leur faire jeter des rameaux robustes sur les côtés , capables de garnir parfaitement , et d'attirer , par la suite , une quantité de sève suffisante à leur nour- riture ; parvenus au point de hauteur désiré , on taillera toujours sur le même rameau ,, pour les maintenir dans les proportions déterminées. Ce principe, applicable à tous les arbres soumis à la tonte , demande à être plus détaillé. Lorsque les ciseaux ou le croissant coupent toujours un rameau à la même place , il en résulte un chicot désa- gréable , et des nodosités qui noircissent bientôt et de- viennent chancreuses au bout de quelques années ; alors on est obligé de ravaler sur une portion des grosses bran- 174 DE LA TAILLE. ches pour en rajeunir les extrémités. Il en résulte une opération grave, dont les résultats sont souvent dange- reux et toujours désagréables , parce que les arbres ainsi traités manquent de verdure jusqu'à ce qui! s aient fourni de nouveaux bourgeons et sous-bourgeons, ce qui n'arrive pas ordinairement dans le cours de la première année, à moins qu'ils ne soient jeunes et vigoureux. Le moyen d'éviter ce vice, c'est d'allonger la taille de deux à six pouces de longueur , plus ou moins , selon la grandeur des individus , à chaque tonte et pendant trois ans. Au bout de ce laps de temps on rapproche sur le point d'où l'on est parti , on renouvelle les bourgeons , et l'on a constamment un feuillage épais et vigoureux, en même temps qu'on évite les chicots désagréables. Du reste, on n'essaiera jamais de soumettre à une forme régulière et à une tonte périodique, que les espèces que leur nature rend propres à cela ; tels sont , par exemple , les charmes , les troènes , tilleuls , ifs , buis , épines, etc.; ceux qui poussent des bourgeons très- allongés et peu pourvus de sous-bourgeons latéraux s'y refuseront constamment, et jamais on n'obtiendra de leur mutilation que peu d'agrément. Cependant avec des soins et du discernement on peut soumettre la plus grande partie des arbres à la tonte en palissade. Du Pincement. On appelle pincer un bourgeon, couper avec les on- gles , ou un instrument tranchant , sa sommité avant son dernier développement. Cette opération est quelquefois nécessaire, dans les arbres fruitiers, pour arrêter la sève lorsqu'elle se porte trop abondamment à l'extrémité , et lui faire produire des lambourdes, brindilles ou bran- ches à fruits sur les côtés. On pince à toutes les époques de la végétation , et cette opération sera toujours utile quand on n'aura pas besoin d'obtenir le prolongement DE LA TAILLE. 1^5 d'une branche. Un pincement bien fait, et suivi avec exactitude pendant le cours des deux sèves , peut éviter un grand travail lors de la taille , et a encore ce mérite que la déperdition de la sève est presque réduite à rien. Mais cependant il faut le faire avec discernement , pour ne pas donner lieu au développement de sous-bourgeons. C'est surtout pour les arbustes et arbrisseaux de serre que cette opération peut devenir, dans un grand nombre de circonstances , d'une utilité tout-à-fait urgente. Plu- sieurs espèces, parmi celles que l'on ne sort jamais de la serre, tendent à s'élever hors de proportion sur des tiges minces , fluettes , incapables de supporter le poids de leurs rameaux. Il faut donc arrêter ce prolongement contre nature, résultant le plus ordinairement du manque d'air et de lumière ; et pour cela il n'est pas de moyen meilleur et plus facile que le pincement. Aussitôt que leurs jeunes pousses s'élèveront, on les pincera à l'ex- trémité , ce qui fera développer des bourgeons sur les côtés, et détournera la sève sur les branches inférieures. Cette opération est surtout nécessaire pendant la jeu- nesse d'une plante , pour lui faire prendre une forme égale et régulière , et surtout pour établir dans toutes ses parties un équilibre de force et de végétation qu'elle conservera tout le temps de sa vie, pour peu qu'elle soit soignée. Les bourgeons latéraux seraient eux-mêmes pinces s'ils annonçaient une tendance trop prononcée à monter 5 ils en augmenteraient de force , et la plante en serait mieux garnie, à cause des sous -bourgeons que ceux-ci produiraient. Le pincement n'a pas seulement pour but le port et la forme des arbrisseaux desserre , mais encore celui de leur faire produire leurs fleurs plus tôt et plus abondam- ment , et d'assurer la maturité des graines. Il est encore utile pour les végétaux que l'on cultive en vase , parce que par son moyen on parvient à res- treindre leur croissance , et à la tenir en équilibre avec 1*6 DE LA TAILLE. leurs racines. On conçoit aisément que, si on lés laissait aller , leur tête prendrait un grand développement , hors de proportion avec celui que les racines peuvent acqué- rir, d'où il résulterait une forme irrégulière et mau- vaise, parce que ces têtes, ne recevant plus de la tige une nourriture assez abondante, maigriraient, les branches se dégarniraient près de leur base, et n'auraient plus que quelque mince feuillage à leur extrémité. Le mal augmenterait peu à peu, et l'arbre finirait promptement par mourir d'épuisement. Le seul moyen de le ramener à la santé serait de ravaler toutes ses branches jusque sur leur tronc -, et , instruit par l'expérience , on con- duirait la nouvelle tête selon les principes que nous ve- nons de donner , mais on n'en aurait pas moins retardé ses jouissances de plusieurs années. TROISIÈME SECTION. DE LA FORMATION DES ARBRES FRUITIERS. On appelle former un arbre fruitier , lui donner une forme particulière , plus ou moins éloignée de celle qu'il prendrait par lui-même s'il était abandonné à la na- ture. Ces formes varient selon l'espèce de chacun d'eux , et même quelquefois selon les variétés dans la même espèce; aussi ne sont -elles arbitraires que jusqu'à un certain point. Toutes les formes appliquées jusqu'à ce jour aux arbres fruitiers se bornent à celles que nous allons présenter dans un tableau , afin de faire mieux comprendre leurs analogies. DE LA TAILLE. I77 anannoaH 3131 v •aaanaoaani 3131 V 12 178 DE LA TAILLE. 1 . L'espalier naturel est un arbre adossé et palissé contre une muraille , mais auquel on n'a pas cherché à donner une forme autre que celle qu'il doit à sa nature el au hasard ; ce qui est presque toujours l'effet de l'inex- périence de ceiui qui l'a conduit dans sa jeunesse. Du reste, on trouve quelquefois des arbres d'une sève si indomptable, qu'on est obligé de les abandonner sous le rapport des formes , mais jamais sous celui de la fructi- fication. 2. L'espalier à châssis {pi. 10 , Jig. 2) a pour but de faire produire des fruits aux pêchers , abricotiers , et autres arbres fruitiers , dans des climats froids , où ils ne mûriraient pas sans des précautions particulières. IL consiste en une palmette , ou un espalier à. la française , appuyé sur une charpente inclinée dans une proportion calculée sur la hauteur du soleil du climat où l'on est. L'arbre et la charpente se recouvrent , pendant la mau- vaise saison , d'un châssis vitré. 3. V espalier horizontal (pi. 8 , fig. 1 et 2 ) con- vient parfaitement aux poiriers et aux pommiers sur franc et sur doucin , dont les bourgeons trop vigoureux s'emporteraient en bois au détriment des fruits , si on né les inclinait horizontalement. Il se pratique en pa- lissant les branches sur une charpente en forme de toit ]>lat , parallèle à la surface du sol qu'il ombrage. Si l'es- palier est élevé sur tige en forme de parasol , on pourra faire sa charpente avec des cerceaux , soutenus par des . pieux légers jusqu'à ce que l'arbre soit formé et puisse se maintenir par lui-même. 4. L 'espalier oblique (pi. 9, fig. 7 ) convient à tous les arbres qui se prêtent à la forme ordinaire del'espalier. On l'emploie lorsque l'on veut garnir promptement et sans vide un mur tourné à bonne exposition et peu élevé. Il consiste en une branche principale inclinée , et garnie, surtout en dessous , de branches secondaires. Ces espa- liers se recouvrent les uns les autres de manière que, DE LA TAILLE. I 79 lorsqu'ils prennent trop de développement, on en sup- prime un entre deux , et la muraille reste parfaite- ment tapissée depuis la seconde année de la plantation jusqu'à ce que l'on détruise les arbres , avantage que n'offrent pas les autres méthodes. 5. L1 espalier à la française (pl-9,fig- 6) est un arbre adossé contre un mur , et élevé sur trois on cinq branches principales. 11 convient très-bien aux poiriers, pommiers, pruniers, abricotiers, cerisiers et pêchers. 6. V espalier à la Montreuil (pi. g,fîg> 5) est celui qui convient le mieux aux pêchers. 11 consiste en deux branches principales, ouvertes en V, à peu près à l'angle de 90 degrés à leur origine, et garnies régulièrement dessus et dessous de branches secondaires et à fruiîs. C'est la forme de cet arbre qui plaît le plus générale- ment. 7. La patinette à branches droites (pi. 7 fi g. 4- ) consiste en une seule branche droite , élevée perpendi- culairement , et jetant de distance en distance , sur ses côtés , des branches secondaires , palissées horizontale- ment, garnies elles-mêmes de branches tertiaires et à fruits. Cette forme convient aux pêchers, aux pruniers , à quelques espèces de cerisiers et aux poiriers. 8. \j2ipalmette chinoise (pi. lo^fg. 1) ne diffère de la précédente que parce que ses branches secondaires , au lieu d'être palissées droites , le sont en forme d'arc très-prononcé, ou plutôt de demi-cerceau. Du reste , elle est propre aux mêmes espèces que la précédente , mais elle se pratique sur les plus vigoureuses et les plus rebelles à la fructification. 9. Le contre-espalier est un véritable espalier na- turel , ou à la française , ou à la Montreuil, mais qui n'est point adossé à une muraille , et qui se palisse conlre des échalas. 11 ne convient guère qu'aux arbres à fruits à pépins , à moins qu'on ne l'abrite du côté du nord par des paillassons. l8o DE LA TAILLE. 10. Le gobelet (pi. 8 , fig. 3) est un contre-espa- lier à la française , dont les côtés s'arrondissent circu- lairement, et se réunissent de manière à donner à l'arbre la figure d'un vase évidé dans l'intérieur. Il n'est plus guère d'usage , et s'employait ordinairement pour les arbres à fruits à pépins. Il s'élève sur trois, quatre, cinq, six ou sept branches principales. ii. Le vase (pi. 1 1 Jig. i ) appartient seulement aux pommiers greffés sur paradis. Il diffère du gobelet par ses dimensions infiniment plus petites , et par son irré- gularité , car il n'est pas possible de le former réguliè- rement sur des branches principales , avec des mem- bres symétriques. C'est tout simplement un buisson évidé dans l'intérieur pour faciliter la circulation de l'air, avec cette seule différence qu'il peut avoir une petite tige. On en fait des quinconces dans les jardins d'une petite étendue. 12. La treille ( pi. 9 ,fig. 8 ) est une vigne appliquée contre une muraille , et palissée sur deux , quatre , six , ou même huit branches principales et opposées , éten- dues horizontalement et parallèlement les unes sur les autres quand il y en a plus de deux. i3. Le berceau (pi, n, Jig. 3 ) peut consister, s'il est en vigne, en une treille formant , sur une charpente, un rideau horizontal, plan ou voûté 5 s'il est formé par d'autres arbres fruitiers , c'est un véritable espalier ho- rizontal dont le plan est plus ou moins voûté. 1 4- Le cordon {pi. 1 1 ,Jig. 4) consiste en une branche se prolongeant aussi loin que possible sur le jambage d'une légère charpente , et la garnissant , dans toute la longueur , d'une guirlande de feuillage, de fleurs et de fruits. On la fait quelquefois avec des arbres à fruits à pépins, mais plus ordinairement avec de la vigne. Sou- vent, avec ce dernier végétal , on le contourne en guir- lande autour d'un pilier, d'une colonne, etc. (voyez pi. 11, fig. 5) DE LA TAILLE. l8l 1 5. La quenouille (pi. 8 ,jig. 4) , d'origine allemande, consiste en une tige droite et verticale , munie depuis îe basjusqu'ausommet de branches secondaires et tertiaires, s'élevant le long de la tige et formant avec elle un angle plus ou moins ouvert , selon l'espèce ou la variété. Elle convient aux arbres à pépins et à quelques pruniers et cerisiers. L'espalier horizontal , figuré dans la planche, ne s'y adapte que lorsqu'il faut dompter la sève trop vi- goureuse d'un poirier ou d'un pommier greffé sur franc. 16. La pyramide (pi. %,Jïg. 5) ne diffère de la que- nouille que parce que ses branches principales plus inclinées , surtout celles du bas , fournissent la plus grande épaisseur de l'arbre très-près de terre. Du reste, elle convient aux mêmes espèces que la précédente. 17. La girandole (pi. 8 ,fig. 6 ) diffère de la py- ramide et de la quenouille , en ce que sa tige n'est garnie de branches secondaires , et par conséquent de feuillage, qu'à des distances régulières et calculées, de manière à lui former comme plusieurs têtes sortant les unes des autres. Elle est propre aux mêmes espèces que les deux précédentes , mais elle convient plus particulièrement aux variétés dont les fruits ont besoin , pour bien mûrir , d'une plus grande quantité d'air et de lumière. 18. La boule est une forme particulière aux oran- gers , et principalement à ceux cultivés en caisses autant pour l'ornement que pour le produit. Elle consiste à faire prendre à un arbre la figure parfaite d'un globe de verdure. 19. Le plein-vent est un arbre dont la tête, croissant en liberté , est portée sur un tronc autant élevé que le permet la nature de l'arbre. Comme cette forme est celle qui appartient à la nature , c'est aussi celle à laquelle tous les arbres de grande espèce sont le plus disposés. Elle convient donc à toutes les variétés greffées sur sauvageons et sur francs , comme à celles venues de se- mences ou de noyaux. 182 DE LA TAILLE 20. Le mi-vent ne diffère du précédent que parce que son tronc moins vigoureux n'atteint pas la hauteur de l'autre , ni sa tête une ampleur aussi considérable. Cette forme convient très-bien aux arbres greffés sur doucins, sur des sujets moins abondans en sève que les précédens, ou ayant déjà subi quelques altérations par la culture. Le plein-vent et le mi-vent , à cause du grand espace qu'ils occupent et de l'ombre qu'ils pro- jettent assez loin, ne sont en usage que dans les vergers , ou dans les jardins d'une vaste étendue. 21. Le buisson (pi. 11 ,Jig. 2) est un arbre que l'art ou la nature a privé d'une tige. Ses branches princi- pales, partant d'une greffe placée près du collet de la racine , prennent la direction qui leur est ordonnée par la nature, et ne sont soumises à aucune forme particu- lière. On ne les taille que pour les débarrasser du bois inutile et pour les mettre à fruits. On forme plus parti- culièrement en buissons les individus greffés sur paradis et autres sujets analogues , c'est-à-dire , fournissant peu de sève. Ces arbres, occupant peu d'espace et produisant de très-beaux fruits, sont devenus très à la mode depuis quelques années. On fait des plantations en quinconce de pommiers ainsi élevés , et on leur donne le nom de Normandie. Nous avons énuméré et défini toutes les formes usitées auxquelles on a soumis les arbres fruitiers en général $ il nous reste à indiquer les moyens par lesquels on parvient le plus facilement à leur donner celle que l'on choisit, et à diriger l'amateur dans ce choix. DU PÊCHER. l83 PREMIÈRE DIVISION. DE LA FORMATION ET DE LA TAILLE DES ARBIIES A FRUITS A NOYAU. La section des arbres à fruits à noyau, se compose, i° du pêcher, i° de l'abricotier, 3° de l'amandier, 4° du prunier, 5° du cerisier. Nous traiterons séparément de la taille de ces cinq espèces, en commençant parle pêcher, parce que non- seulement il est le plus important parla beauté et la bonté de ses fruits , mais encore le plus délicat et le plus difficile à bien conduire. Formation et taille du pêcher. Cet arbre précieux ne réussit parfaitement qu'en es- palier à la Montreuil ou à la française, et en piein-vent ou mi-vent dans les climats favorables. Vainement on a essayé de lui faire prendre des formes autres que celles- ci, on n'a jamais obtenu que des demi-succès fort peu satisfaisans ; mais, sous d'autres climats que celui de Paris, nous sommes persuadés que cela vient plutôt de l'inexpérience de ceux qui les conduisent que de la nature de l'arbre. Nous avons formé en quenouille des pêchers qui nous eussent toujours donné beaucoup de fruits , si les gelées (peu ou point à craindre au-dessous du 44e degré) ne les eussent détruits très-souvent. Comme la pleine réussite, dans la formation de ces arbres délicats , dépend beaucoup de la nature des sujets sur lesquels on opère, nous allons indiquer les conditions nécessaires sans lesquelles ils ne doivent pas être choisis, et celles qu'ils doivent réunir pour mériter la préfé- rence. Le pêcher se greffe sur amandier, sur prunier et sur pêcher -, quelques variétés se reproduisent franches de j84 de la taille semence. Les sujets qui fournissent les plus beaux arbres sont ceux greffés sur amandiers, surtout sur Y amandier à coque dure et à amande douce, mais ils ne réussissent bien que dans les terrains légers, profonds, chauds et un peu secs 5 ils sont aussi beaucoup moins sujets à la gomme que les autres. Viennent après les sujets greffés sur pruniers ; ils réussissent mieux que les premiers dans les terres fortes, un peu froides et humides, ou dans celles légères , qui n'ont pas assez de profondeur pour l'amandier. Enfin, ceux greffés sur pêchers sont les moins estimés, parce qu'ils sont très-sujets àl a gomme et ne pous- sent jamais vigoureusement. Ceux provenus de semen- ce, et par conséquent francs de pieds , sont les meilleurs pour le plein-vent et le mi-vent , mais malheureusement on ne peut se procurer ainsi que quelques variétés. Lorsque, par des considérations fondées sur la nature du terrain et sur la forme à donner aux arbres , on se sera déterminé pour l'une de ces trois natures de sujets, il faudra voir si les autres conditions sont remplies. Pour cela, la greffe devra être placée de quatre à six pouces au-dessus du collet de la racine , chez ceux destinés à l'espalier , et de quatre à six pieds de haut sur la tige pour ceux à mi-vent ou plein-vent. Une seule tige bien droite devra sortir de la greffe , et ses yeux inférieurs seront gros, bien formés et vigoureux. La greffe n'aura jamais plus d'un an 5 et l'on prendra bien garde à ce qu'elle n'ait pas été ce que les cultivateurs de Montreuil appellent rebottée, c'est-à-dire, coupée la pre- mière année au-dessus du premier œil , pour obtenir la seconde année une tige plus vigoureuse. Ces sujets, étant attaqués dès le principe dans leur organisation , pro- duisent rarement de bons arbres et doivent être rigou- reusement rejetés. Enfin on visitera scrupuleusement les racines pour s'assurer qu'elles n'ont pas été brisées ou froissées quand les arbres ont été déplantés. Lorsque le terrain sera parfaitement préparé pour DU PÊCHER. l85 recevoir les jeunes élèves, on les plantera à cinq ou six pouces du mur, et on les enterrera de manière à ce que la greffe se trouve à deux ou trois pouces au-dessus de la surface du sol. Les racines resteront intactes, à moins qu'il n'y en ait quelques-unes gâtées ou froissées , et celles-là seules seront retranchées. Quant à la distance à mettre entre chaque pied , elle doit se calculer sur l'espèce de sujet que l'on a choisi, sur la qualité du terrain, et sur le genre d'espalier pour lequel on se déterminera. Ceci, étant une chose des plus essentielles, demande un plus grand développement. Si l'on établit, contre un mur, des pêchers seulement, on les placera de dix - huit à vingt pieds s'ils sont sur prunier, et de vingt-cinq à trente s'ils sont sur amandier. Ces variations de distance tiennent à la qualité du terrain. Si l'espalier se forme avec pêchers et abricotiers entre deux, les arbres greffés sur prunier seront espacés de vingt à vingt -cinq piecls , ce qui supposera un pêcher d'abord , puis un abricotier à dix ou douze pieds plus loin ; un autre pêcher à la même distance , ensuite un se- cond abricotier, et ainsi de suite jusqu'au bout du mur. Les abricotiers devront être sur tige , élevés de six pieds au moins, et taillés de manière à ce que le côté gauche de leur éventail couvre le côté droit de l'éventail d'un pêcher, tandis que le côté droit couvrira le côté gau- che d'un autre. Cette méthode suppose un mur de quinze ou dix -huit pieds de haut. Si les arbres étaient gref- fés sur amandier, on espacerait les pêchers de trente à trente- cinq pieds, ce qui placerait les sujets à quinze ou dix-sept pieds. Dans un excellent terrain , on peut encore, en les espa- çant davantage , planter entre chaque pêcher un pied de vigne, que l'on élèvera sur un ou deux rangs de cordons au-dessus des espaliers , et jusque sous le chaperon de la muraille 5 ce qui suppose un mur de vingt à vingt-cinq pieds de haut. Mais on ne doit employer cette méthode l86 DE LA TAILLE que dans les petits jardins où l'on manque d'espace, parce qu'elle a des inconvénîens. Comme l'automne est la saison la plus favorable pour planter le pêcher, si la plantation s'était faite à cette époque, on se donnerait bien de garde de couper la tige de la greffe; cette opération, en fatigant davantage l'in- dividu transplanté, le rendrait plus sensible au froid , et on serait dans le cas de le voir périr par une forte gelée. On ne le rapprochera donc qu'au printemps, et c'est là la première opération de la taille. De l'espalier à la Montreuil. Première année. Comme c'est celle de la plantation , le travail se borne à fort peu de chose. On coupe la tige à huit ou dix pouces au-dessus de la greffe (PZ. g,jig. i , a) en bec de flûte court , et la plaie tournée du côté de la muraille. On enlève les bourgeons qu'elle pourrait avoir poussés (b), mais avec la précaution de ne point endommager l'écorce delà tige, ni le petit bourrelet que l'on voit à l'insertion de ces bourgeons . car c'est de là que doivent sortir les jeunes branches les plus es- sentielles pour la formation de l'arbre. A mesure que les bourgeons se développeront, oiï supprimera ceux qui croîtront devant et derrière la tige, etl'on palissera ceux des côtés à mesure qu'ils s'allonge- ront. Peut-être serait-il avantageux, cette première an- née, de laisser croître tous les bourgeons bien placés, pour laisser au sujet le temps d'assurer parfaitement sa reprise. L'époque de la fructification n'en serait pas retardée. Dès ce moment on doit se déterminer sur le choix des bourgeons devant former les deux branches-mères (pi. 9, Jig, 2, a, a), et les palisser en conséquence, c'est-à-dire, en les inclinant à l'angle de quatre-vingt-dix degrés à peu près. Dans ce cas on supprime les autres, ou on les DU PÊCHER. 187 incline davantage pour qu'ils n'attirent pas une trop grande quantité de sève, au détriment de ceux-ci. S'il arrivait que la greffe n'ait poussé qu'un seul bour- geon, mais vigoureux , on le palisserait verticalement 5 et, l'année suivante, on opérerait dessus comme nous ve- nons de dire pour la tige , dont il deviendrait un pro- longement en le redressant en conséquence. C'est de lui qu'on attendrait les deux bourgeons devant fournir les mères-branches ; ainsi la formation de l'arbre se trouve- rait donc retardée d'un an. Toute l'attention du jardinier doit se porter, princi- palement cette première année, sur l'équilibre de végé- tation à établir sur les deux boiirgeons. S'il s'aperçoit que l'un a plus de force et de vigueur que l'autre, il se hâtera de l'incliner davantage et de redresser le plus faible. Ce dernier se fortifiera bien tôt; et, lorsque l'éga- lité sera parfaitement établie , il les palissera à la même hauteur. Si l'on négligeait cette opération indispensable pendant les deux premières années, toute la sève s'em- porterait d'un côté , et il serait impossible , ou du moins fort difficile , par la suite , de rétablir l'égalité. En inclinant les deux branches-mères en forme de V très-ouvert , on prendra garde à les courber ou arquer de la moindre des choses : ceci est d'une observation rigoureuse pendant tout le temps de la vie d'un arbre. Si l'on agissait autrement , les branches secondaires (1) entraîneraient toute la sève et ruineraient les branches- mères , à supposer même que l'on parvînt à les former , ce qui nous paraît fort douteux. ie Année. Si l'un des bourgeons palissés l'année pré- cédente pour former les branches-mères était mort pen- (1) Les branches principales prennent indifféremment les noms de branches-mères ou premiers membres. Celles qui croissent dessus sont les branches secondaires, tertiaires, etc. (seconds membres, troisièmes membres, etc.), selon que leur insertion est directement sur une branche principale ^ ou qu'elle en est plus ou moins rapproche'e. l88 DE LA TAILLE dant l'hiver , on redresserait l'autre , et l'on pourrait encore obtenir un bel arbre en le traitant comme nous l'avons dit pour la première année 5 mais, si cet acci- dent arrivait plus tard , l'arbre serait défiguré pour toujours. On ne doit , cette année, chercher qu'à se procurer la branche secondaire inférieure ( a , a, pi. 9,Jig. 3 ), et le prolongement, b, b, des branches principales. On taille donc ces deux branches principales fort près de la tige (pi. 9 ,Jig. i,b,b ,\ sur deux yeux, dont l'un , en dessous et ]e plus rapproché de la tige, fournira la branche secondaire inférieure ; et l'autre , en dessus et le plus rapproché de la coupe , fournira le prolongement de la branche-mère. On coupera l'extrémité de la tige ( pi. 9 ,fig. 1 , c) , que l'on aura laissée l'année précédente au-dessus des deux bourgeons principaux , et l'on unira parfaitement ]a plaie pour lui donner la facilité de se recouvrir. On palissera , lors de leur croissance , les deux bour- geons que chaque branche fournira; celui inférieur presque horizontalement,, mais cependant plutôt relevé qu'incliné , et le supérieur dans la direction exacte de la branche-mère dont il forme le prolongement. On aura soin de ne courber ou arquer ni l'un ni l'autre , à moins que l'on n'ait besoin de donner cette disposition à l'un d'eux pour arrêter une végétation trop vigoureuse , qui détruirait l'équilibre de la sève. Au palissage on supprimera rigoureusement tous les bourgeons placés devant ou derrière , mais on pourra en laisser quelques-uns des plus faibles sur les branches , pour y attirer plus de sève et les faire profiter en gros- seur comme en longueur 5 néanmoins on aura la précau- tion de les pincer à l'extrémité. Ceci est surtout néces- saire pour les arbres faibles et délicats. On pourra déjà conserver les deux branches à fruits , c, c , de l&fig. 3 , si l'arbre est très- vigoureux. DU PÊCHER. 189 3e Année. L'ébourgeonnement du printemps peut déjà se faire avantageusement. On taillera la branche - mère pour en obtenir une branche secondaire supérieure {pi. g>/ig. 4? a ?a) -, et pour prolonger la branche principale b, b. Pour cela on la rapprochera sur deux bons yeux supérieurs {pi. 9, fig. Z , d, d); et sur trois, s'il ne s'en trouvait pas deux de suite, on en serait quitte pour ébourgeonner celui inférieur, placé entre les deux autres. Le bourgeon de l'extrémité fournira la prolongation de la branche-mère , et sera palissé dans sa direction \ l'autre bourgeon sera incliné et palissé pour former la première branche se- condaire supérieure. L'inclinaison des branches secondaires supérieures et inférieures se calcule sur l'espace que doivent occuper les branches à fruits {fig. 4 5 c 1 c •> c -> eic- ) 5 pour pou- voir être palissées régulièrement sans se chevaucher les unes et les autres. Comme celles-ci atteignent ordinaire- ment de dix-huit pouces à deux pieds de longueur , c'est aussi l'intervalle qu'il faut laisser entre les branches se- condaires et les principales. Moins grand , on ne pour- rait y placer les branches à fruits sans les chiffonner ou les trop raccourcir; plus grand , il y aurait du vide que l'on ne pourrait boucher , ce qui serait un très - grand défaut. On conçoit aisément que , pour espacer ces branches secondaires avec grâce et régularité , il faut quelles se trouvent placées à des intervalles réguliers sur les bran- ches principales. C'est ici la pierre d'achoppement contre laquelle beaucoup de jardiniers viennent faire naufrage , parce que tous les arbres ne se prêtent pas également à acquérir de belles formes. Il faut, pour cela , qu'ils poussent assez vigoureusement pour fournir chaque année un bourgeon terminal long et fort , sur lequel on pourra obtenir la longueur voulue entre la naissance de chaque branche , longueur qui ne doit jamais être igo DE LA TAILLE moindre de dix-huit pouces , et qui peut quelquefois excéder deux pieds. Sur des arbres faibles , il vaudrait donc mieux attendre une année que de former une branche secondaire trop près d'une autre. Il est vrai que cette méthode retarderait l'entier développement de l'éventail pendant plus ou moins de temps , mais l'arbre ne s'en porterait que mieux, et n'en donnerait pas moins de fruits pendant qu'on relèverait. Ce serait aussi aug- menter sa durée. La branche secondaire, formée l'année précédente, donnera des branches à fruits cette année , ainsi que des bourgeons à bois. On la conduira , pour obtenir son prolongement , comme labranche principale, c'est-à-dire, qu'on la taillera sur un bon oeil à bois (fig- 4 ? d, d) , et qu'on lui laissera une longueur en harmonie avec les autres branches. Il est de principe que jamais elle ne doit être aussi longue que la branche principale , afin de se trouver à peu près au même niveau qu'elle sur la ligne formée par la circonférence de l'éventail. Cette année rébourgeonnement demande beaucoup de soin , d'attention et d'intelligence. Ordinairement dans le mois de mai , lorsque les bourgeons ont atteint de dix pouces à un pied de long , on enlève tous ceux inutiles, et on ne laisse que ceux qui doivent fournir du bois nécessaire à la formation de l'arbre -, ils en seront beaucoup plus vigoureux et produiront aussi plus de branches à fruits. Du reste, l'opération se conduit comme nous l'avons dit à l'article de Yébourgeonnement , page i54- A la fin du mois de juin , et mieux au mois de juillet , on fera le palissage avec toute l'attention possible , et selon les principes que nous en donnons, page i56. Le jardinier peut être persuadé que cette opération est presque aussi nécessaire que la taille , et ne peut être remise sous aucun prétexte. Outre les raisons que nous avons rapportées pour re- DU PÊCHER. jQI tarder le palissage , Butret en donne une autre qui nous paraît d'autant plus vraisemblable quelle se rapproche assez de la marche apparente de la nature. « Le palissage, dit-il , se diffère ordinairement au mois de juillet , pour ne pas le faire avant que les fruits soient assurés , ce que l'on ne peut savoir qu'après le solstice , parce que c'est dans ce temps que la nature , qui ne travaille que pour la fécondité des germes, est occupée à former l'amande des fruits : tous ceux dont l'amande est viciée tombent dans ce temps : on en voit beaucoup par terre , que l'ignorance des lois de la nature attribue si mal à propos aux mauvais vents et aux intempéries , tandis que cette chute ne provient que du vice des germes reproductifs -, ce qui fait que tous ces fruits inféconds , abandonnés par la nature , qui ne veut point opérer pour l'infertilité , meurent et tombent. Ouvrez tous ces avortons , et vous verrez la vérité de ces justes observations. » D'où il conclut que le palissage doit être retardé jusqu'à la pousse d'août , afin de pouvoir juger des fruits à con- server 5 ce que l'on ne pourrait faire avant, ou alors on courrait le risque de supprimer ceux qui eussent tenu, et délaisser ceux qui doivent tomber. 4e Année. On conduit l'arbre comme l'année précé- dente, et l'on se procure la prolongation de la branche- mère et la deuxième branche inférieure secondaire. Un arbre parvenu à cet âge commence quelquefois à ne plus donner des bourgeons aussi forts et aussi longs que les années précédentes ; d'autres fois il est au con- traire plus vigoureux , et pousse des jets de quatre, cinq et même six pieds de longueur : les principes de coupe varient dans ces deux cas. Lorsque son bois est d'une force ordinaire , on le taille du fort au faible , c'est-à- dire, dans l'endroit où le bois commence à diminuer de grosseur. Pour s'assurer du point précis , on courbe , si l'on veut, le bourgeon en demi-cercle, et on le taille dans l'endroit où il forme un coude appréciable. 19?- DE LA TAILLE Dans le second cas, l'arbre étant pourvu d'une vigueur suffisante, cette taille se trouverait beaucoup trop courte 5 on l'allonge donc, mais néanmoins en conservant les belles formes, et l'on peut même laisser dessus les sous- bourgeons , qui forment quelquefois des branches à fruits bien garnies de bons yeux, et qui se taillent selon leur force. Ce principe doit diriger à toutes les époques , c'est-à-dire , depuis la seconde année d'un arbre jusqu'à son- entière formation. Dans un terrain de première qualité , et dans un es- palier bien dirigé , il n'est pas rare de voir des jeunes arbres pousser avec une si grande vigueur, que leurs jets atteignent six, sept et jusqu'à huit pieds de longueur. Ceci arrive particulièrement aux espèces provenues de semence. Dans ces heureuses circonstances , on peut allonger prodigieusement la taille, et allonger chaque année les branches - mères de trois à quatre pieds; mais alors il faut sur chaque taille se procurer deux branches secondaires , ce qui n'est pas toujours facile. Si l'on y réussit , on peut , au bout de cinq ou six ans , avoir des éventails de trente pieds de longueur et de dix à douze de haut. Sur un arbre robuste , il faut bien se donner de garde de couper les bourgeons vigoureux qui poussent verti- calement sur les branches secondaires supérieures -, ce serait le moyen de faire avorter les yeux inférieurs. On se contentera , à la taille , de les incliner presque hori- zontalement. On ébourgeonne et on palisse comme l'année précé- dente , mais avec d'autant plus de soins que l'opération se complique davantage. C'est aussi la quatrième année que le remplacement prend une grande importance : nous en traiterons dans tous ses détails à la fin de cet article. L'attention se portera plus particulièrement que les années précédentes sur les branches à fruits. Nous avons DU PÊCHER. 193 dit, dans le quinzième précepte , page 148, que , pour être productif , le bouton à fruit du pêcher devait être accompagné d'un œil à bois : ainsi , soit que le bouton à fleur soit simple ou double , on s'assurera, avant de tailler dessus , qu'il est accompagné d'un œil à bois. On ne doit jamais laisser sur une branche à fruits, quelle que soit sa force , que quatre boutons à fruit au plus , et on n'en laissera que deux sur celles d'une vigueur ordinaire. Le principe est de tailler toujours le plus court possible , c'est-à-dire, sur Jes boutons les plus rapprochés de l'in- sertion de la branche : mais il arrive parfois qu'ils ne sont pas accompagnés d'yeux à bois , et alors on est bien forcé d'allonger sa taille sur d'autres plus éloignés et qui en sont munis. Cet inconvénient peut se prévenir lors du palissage , si l'on a la précaution de ne conserver que du bois bien nourri et par conséquent fructueux. Si une branche à fruits a des boutons à fleurs sans bou- tons à bois à côté , elle sera retranchée sans hésitation ; seulement, lorsque sa suppression occasionera un vide , on la rabattra sur le bouton à bois le plus près de son insertion , afin de se procurer une nouvelle branche à fruits pour l'année suivante. Ces petits bouquets de fleurs , de deux ou trois pouces de longueur , surmontés d'un bon œil à bois , que nous avons comparés aux lambourdes des arbres à fruits à pépins , doivent rester intacts partout où ils se trouvent placés , même sur le devant des branches 5 leurs fruits , suffisamment alimentés par le bourgeon terminal , man- quent rarement, et deviennent presque toujours les plus beaux. Après leur maturité on supprime la petite branche qui les a portés. Enfin , lorsqu'on aura laissé deux branches à fruits l'une à côté de l'autre, pour opérer comme nous le dirons à l'article du remplacement, on ne taillera jamais sur les deux , afin de ne pas former une fourche désagréa- ble ; mais on ravalera sur la plus basse. 2. i5 194 DE LA TAILLE 5€ Année. Même conduite et mêmes soins que pour les années précédentes. On taillera les branches-mères de manière à obtenir leur prolongement , et la deuxième branche secondaire supérieure , dans les mêmes principes que pour la pre- mière , c'est-à-dire , sur deux yeux supérieurs. A toutes les tailles , mais particulièrement lorsque l'ar- bre sera déjà parvenu à une partie de son développe- ment , il faudra , avant de commencer à couper le moin- dre bourgeon, le dépalisser en coupant tous les liens qui le retenaient contre la muraille, le visiter scru- puleusement dans toutes ses parties , afin de s'assurer s'il n'a aucun chancre , aucune maladie à laquelle on puisse porter remède, soit en amputant la partie infectée, soit par d'autres moyens. Cela fait , on le débarrasse de toutes les ordures qui peuvent s'être amassées aux ais- selles de ses grosses branches ; on le nettoie surtout des mousses et des lichens qui se forment , assez rarement il est vrai , sur le pêcher, soit à la base des branches prin- cipales , soit au collet de l'éventail ; après quoi on taille. Lorsque l'on a fini l'ouvrage de la serpette , il reste à le repalisser et à l'attacher avec de l'osier , en conser- vant aux branches leur première position : ou , si la chose est nécessaire , en leur donnant une inclinaison plus ou moins prononcée , selon l'urgence. Nous avons dit que les deux branches-mères doivent toujours être dominantes ; et c'est sur cela que le jardinier doit , en tout temps , porter sa sollicitude. S'il arrivait par hasard qu'une branche secondaire supérieure s'em- parât tout à coup de la sève et parvînt à égaler en grosseur sa branche principale , elle ne tarderait pas à la sur- passer, et à l'épuiser entièrement si l'on n'y prenait garde, ainsi que les branches secondaires placées au- dessous. Pour arrêter sa croissance , on l'inclinera beau- coup , même au-dessous de la ligne horizontale s'il était nécessaire , et l'on ne craindra pas de la croiser sur une DU PÊCHER. 1^5 autre, parce que cette position, désagréable à l'œil, ne devra durer que le temps nécessaire à la mère-branche pour reprendre sa supériorité. Outre cela , lors du pa- lissage , on mettra la branche-mère sur le plus fort bourgeon qui aura poussé à l'extrémité , tandis qu'on mettra la branche secondaire sur un bourgeon plus faible. Dans le cas où ces précautions ne réussiraient pas en- core , on laisserait à l'extrémité de la branche secon- daire quelques petites branches à fleurs pour amuser la sève. On serait maître de les supprimer au palissage , ou de les laisser jusqu'à la maturité des fruits si elles avaient noué. Enfin , dans le cas où tous ces moyens seraient insuffisans , il ne resterait que la ressource d'in- cliner cette branche secondaire sur la même ligne que la branche principale , dont l'extrémité deviendrait branche secondaire inférieure ; tandis que le gourmand la remplacerait dans cette partie , et formerait son pro- longement. 6e Année (pi. g,fig> 5 ). La taille s'exécute absolu- ment comme l'année précédente , et les soins sont les mêmes. On obtient la troisième branche secondaire infé- rieure, et l'arbre peut dès lors être regardé comme formé. Les années suivantes, on s'occupera moins à gagner des branches secondaires qu'à maintenir celles existantes. Si l'on a toujours choisi des bourgeons de même force pour former les membres correspondans 5 si on les a tous conduits de même manière et taillés de même longueur -, si on a taillé long les boutons à bois , et court ceux à fruits 5 enfin, si l'on n'a pas sacrifié l'élégance des formes à une fructification prématurée , on aura un éventail superbe , garnissant de dix-huit à vingt-cinq " pieds de muraille , sans le moindre vide. La figure 5 représente un arbre formé , où l'on a marqué en a , a, etc. , les tailles de chaque année. Il ne faut pas croire que Pespalier à la Montreuil soit 196 DE LA TAILLE établi sur une forme arbitraire , dictée seulement par le goût , ou, si Ton veut, le caprice, et consacrée parce que l'expérience en a constaté les heureux résultats. Elle a été indiquée par la nature même de l'arbre que l'on y soumet. Voyez un pêcher croître librement dans les vignes du Maçonnais, du Lyonnais, ou dans le midi de la France : une tige vigoureuse et droite forme la branche- mère , des branches moins fortes naissent autour et s'é- lèvent obliquement pour former les branches secondaires ; et celles-ci produisent abondamment des branches à fruits. Lorsque M. Thouin disait que , dans un arbre bien taillé , chaque branche principale devait avec ses ra- meaux avoir la même disposition qu'un arbre entier, il donnait le meilleur précepte à suivre pour assigner une belle forme à un espalier ; et dans le fait , lorsqu'il est taillé à la Montreuil , ce n'est rien autre chose que deux arbres inclinés en sens contraire , et soudés à leur base , ou plutôt sortant du même collet. Du Remplacement. Cette opération est particulière au pêcher. Elle con- siste à retrancher les branches qui ont donné du fruit , pour les remplacer par des bourgeons de l'année , et elle se fait aussitôt que les fruits ont été cueillis. Elle est le résultat de nos douzième et quinzième préceptes. Beaucoup de jardiniers , faute de connaître les vérita- bles lois de la végétation , taillent fort long les branches à fruits du pêcher-, outre cela, l'année suivante, ils conservent le faible bourgeon qui a poussé à leur extré- mité , le taillent long , et laissent ainsi pendant plusieurs années ces branches s'allonger outre mesure, jusqu'à ce qu'elles se dessèchent etmeurent, ce qui arrive la qua- trième année au plus tard. Comme le fruit du pêcher ne vient que sur le bois de l'année , il résulte que les trois quarts de la branche fructueuse restent nus, ce qui forme DU PÊCHER. IQ7 un vide très-désagréable dans l'arbre -, qu'elle ne pousse que de faibles bourgeons à l'extrémité , incapables de nourrir le fruit 5 enfin que celui-ci n'acquiert jamais une belle grosseur, et encore moins delà délicatesse dans son parfum; mais l'inconvénient le plus grave vient de ce que le pêcher repoussant difficilement sur son vieux bois , lorsque la branche est morte, le vide de l'arbre ne peut jamais se réparer. Ainsi donc , toutes les fois qu'une branche à fruits aura donné sa récolte , on la coupera sur les deux ou trois meilleurs bourgeons^ choisis le plus près possible de son insertion à la branche-mère. Ces bourgeons d'ailleurs auront déjà été conservés pour cette destination , lors- que , pendant l'ébourgeonnement et le palissage , on aura retranché les autres sur les branches à fruits. Si nous recommandons d'en laisser deux ou trois, ce n'est pas qu'ils doivent rester l'année suivante ; on les abattra à la taille pour n'en conserver qu'un : mais , comme il arrive assez souvent que les gelées les attaquent et détrui- sent leurs yeux à bois , il est plus prudent d'avoir , au printemps^ à choisir sur trois , afin de tripler les chances favorables. L'opération du remplacement , faite d'abord après la cueillette des fruits , fait profiter la sève aux bourgeons qui doivent remplacer les branches à fruits , et , de plus , facilite beaucoup la taille. De V Espalier à la française. if* Année. Le sujet choisi et planté comme pour la forme précédente , on coupera sa greffe à dix ou douze pouces au-dessus de son collet , plus bas si l'on est assuré d'avoir sept ou huit bons yeux à bois. (PL g,Jig. 1, a). A mesure que les bourgeons se développeront, on sup- primera ceux de devant et ceux de derrière , mais on conservera scrupuleusement ceux des côtés. Cependant si le bourgeon supérieur se montrait fort et vigoureux £ *$&■ DE LA TAILLE dans tons les cas on pourrait le conserver avec assez d'avantage , parce que , devant être palissé dans une position verticale, on ne sera jamais obligé de le plier en anse de panier, soit qu'il se trouve placé devant la tige dont il doit devenir le prolongement, soit qu'il se trouve placé derrière. On palissera ces bourgeons en les inclinant fort peu , et seulement pour établir entre eux un parfait équilibre de sève , mais , à l'époque de cette opération , on n'en conservera que trois , quatre ou cinq, destinés à fournir les branches principales, et l'on supprimera les autres. Si ces bourgeons étaient très- vigoureux , ils pousse- raient peut-être des sous-bourgeons sur leur longueur ; alors on pincerait ceux-ci à mesure qu'ils se présente- raient , mais à deux ou trois yeux seulement , parce qu'ils feraient prendre du corps aux branches en y ar- rêtant la sève , et en l'empêchant de se porter avec excès aux extrémités. A l'automne on couperait très-près les petits chicots résultant du pincement , mais avec l'extrême précaution de ne pas attaquer l'écorce des branches. * Lorsqu'un accident quelconque aura cassé une des branches , on la ravalera de suite sur le plus fort bour- geon au-dessous de la plaie , et on le palissera vertica- lement pour tâcher de lui faire acquérir de la force, et le remettre en équilibre de végétation avec sa branche correspondante que l'on inclinera en conséquence. Si, malgré ces moyens , on ne pouvait venir à bout de lui rendre une vigueur suffisante , on supprimerait entière- ment la branche. Si l'arbre n'en avait que trois, on re- noncerait à en faire un espalier à la française, et on le conduirait àlaMontreuil. S'il en avait quatre ou cinq, l'accident serait très -facile à réparer, en rapprochant l'une de l'autre les deux branches entre lesquelles celle supprimée se serait trouvée placée , si elle n'eût pas manqué. DU PÊCHER. 199 ie Année. Après avoir ébourgeonné avant la sève , on se préparera à faire la taille. Pour cela on détachera les trois , quatre ou cinq branches principales , pour les repalisser dans une autre position. On les placera à des distances égales les unes des autres , en élevant celle du milieu verticalement, si elles sont en nombre impair. Dans tous les cas, on palisse les deux branches in- férieures en forme de V très-ouvert, et formant un angle d'un peu plus de quatre-vingt-dix degrés ; les deux branches supérieures se palissent aussi en V , mais beaucoup moins ouvert. La distance entre la branche verticale et la première branche supérieure doit être égale à celle qui existe entre la première et la seconde branche. Enfin l'arbre doit avoir la figure exacte d'un éventail aux deux tiers développé. Les branches , si elles sont d'une bonne venue , peu- vent s'allonger beaucoup à la taille 5 mais, dans le cas où elles sont faibles ou médiocres, on les coupe du fort au faible , c'est-à-dire , au point où elles commencent à s'amincir sensiblement. Elles peuvent avoir , par consé- quent, de deux à quatre pieds de longueur, plus ou moins. Quelquefois, dans un arbre vigoureux , elles poussent quelques petites branches à frftits , qui doivent être en- tièrement supprimées, parce qu'en occasionant une déviation de la sève elles nuiraient à la végétation des bourgeons destinés à former les seconds membres. C'est principalement la deuxième année que l'on doit rigou- reusement soigner l'ébourgeonnement , par la raison que l'on choisit alors les bourgeons, premiers rudimens des branches secondaires. On supprime tous ceux qui pous- sent devant et derrière, et l'on en conserve deux des plus vigoureux sur les côtés de chaque branche , si elles ont quatre pieds de longueur ; un seul de chaque côté , si elles n'ont que deux pieds. Quoi qu'il en soit, les branches secondaires doivent être espacées à deux pieds les unes des autres , et dans une position alterne. 20Q DE LA TAILLE C'est-à-dire que , si la première branche secondaire du côté droit prend naissance à un pied de la greffe , la première secondaire à gauche en sera à deux pieds , la seconde à droite à trois pieds , la seconde à gauche à quatre pieds , la troisième à droite à cinq pieds , et ainsi de suite. Si deux branches secondaires étaient opposées, elles attireraient une trop grande quantité de sève , et l'extrémité supérieure de la branche principale pourrait en souffrir. On veillera donc à ce que les bourgeons des branches secondaires aient cette disposition , ou du moins s'en rapprochent le plus possible . et l'on supprimera les autres. L'attention doit encore se porter sur le bourgeon destiné à fournir le prolongement de la branche princi- pale ; il sera choisi parmi les plus vigoureux , et, dans le besoin , il vaudrait mieux ravaler l'extrémité de cette branche jusque sur un bourgeon très-fort, que d'en laisser un faible dans le bout. On conçoit que , devant être palissé droit, sa distance de la dernière branche secondaire n'est pas nécessaire à déterminer -, cependant il ne faudrait pas qu'il en fût assez rapproché pour faire une fourche avec elle , afin qu'ils n'aient pas be- soin de se disputer la sève l'un et l'autre. Son insertion devant , derrière , ou sur les côtés , est à peu près in- différente ^ néanmoins il vaudrait mieux qu'elle fût devant. A mesure que tous ses bourgeons prendront de la force , on les attachera dans la position qu'ils doivent avoir ; c'est - à - dire que l'on inclinera ceux des bran- ches secondaires , et que l'on fera prendre à celui du prolongement une direction droite et parallèle à celle de la branche principale. Au palissage , il faudra détacher les branches de la muraille , et donner à toutes , en les palissant de nouveau, la position définitive qu'elles doivent avoir ; DU PÊCHER. 201 pour cela , on inclinera les branches inférieures princi- pales presque horizontalement ; mais cependant assez relevées pour former encore la figure d'un V extrême- ment ouvert , et pour que leurs branches secondaires inférieures soient parfaitement horizontales, et jamais plus inclinées. C'est en leur donnant cette direction, la seconde année , que Ton parvient à leur faire prendre assez de force pour ne pas se laisser affamer par celles dont la position est plus ou moins verticale. Les branches à fruits qui auront poussé à la première sève seront ménagées, mais seulement en petit nombre, pour ne pas épuiser l'arbre avant sa formation. Du reste , on les conduira de la même manière que nous l'avons dit pour l'espalier à la Montreuil. 3e Année. On taille les branches-mères de manière à obtenir leur prolongement , et pour gagner des seconds membres ou branches secondaires. L'on agira dans les mêmes principes que l'année précédente. Comme on doit déjà avoir des pêches, on s'occupera particulière- ment des branches à fruits , et on les traitera ., à l'au- tomne , par la méthode du remplacement. C'est surtout sur la branche-mère verticale , s'il y en a une , que les soins doivent se porter pour empêcher que , favorisée par sa position , elle ne s'empare de toute la sève. Pour éviter ce grave inconvénient , on la taillera sur un faible bourgeon , pourvu cependant qu'il soit sain , et l'on choisira le plus bas possible 5 on conservera des branches à fruits en plus grande quantité que sur les autres , et on alongera davantage leur taille 5 lors des ébourgeonnemens , on laissera quelques sous-bourgeons sur les côtés , afin d'amuser la sève et de l'empêcher de se porter à l'extrémité. Si toutes ces précautions n'étaient pas suffisantes , on arquerait le bourgeon supérieur , et on redresserait les seconds membres. Enfin cette branche principale doit se conduire de la même manière qu'une pal mette. 202 DE LA TAILLE L'arrangement des branches secondaires, et la place qu'elles doivent occuper pour ne pas se nuire ni s'entre- croiser mutuellement , doivent être prévus d'avance. En les distribuant entre les deux lignes formées par les pre- miers membres , on prendra grand soin de ne pas les faire rencontrer -, et, pour cela, il faut que leurs inser- tions sur les branches principales ne soient jamais perpen- diculaires les unes sur les autres, mais bien alternes. Supposons que les seconds membres inférieurs de la seconde branche principale soient ainsi placés : le pre- mier à un pied, le second à trois, le troisième à cinq, etc. *, les seconds membres supérieurs de la première branche principale devront être ainsi : le premier à deux pieds, le second à quatre, le troisième à six , et ainsi de suite. 11 est inutile de dire que les seconds membres inférieurs de la branche du dessus seront inclinés un peu au- dessous de la ligne horizontale , et les seconds membres supérieurs de la branche d'en bas inclinés un peu au- dessus. Il faut qu'il reste entre deux l'espace suffisant pour palisser les branches à fruits de la même manière , et surtout sans confusion. 4e Année, On taille comme l'année précédente ^ mais on a de plus à soigner le prolongement des bran- ches secondaires , afin de ne pas les laisser se dégarnir de branches à fruits ; car , si une fois il en manquait , le pêcher ne produisant plus de gemmes sur le vieux bois , la perte serait irréparable. On ébourgeonne et palisse ; enfin on conduit l'arbre de la même manière qu'il devra être gouverné pendant tout le cours de son existence -, car , s'il n'est pas entiè- rement formé , il ne lui manque que des seconds mem- bres que l'on obtiendra chaque année. Seulement, à mesure qu'il vieillira et perdra de sa vigueur , on raccourcira la taille , et on le chargera moins de fruits. Le point essentiel est de maintenir le mieux possible la régularité de sa forme , parce que DU PÊCHER. 2(>3 c'est d'elle , en grande partie , que résulte le parfait équilibre de la sève. Nous avons figuré (pi. 9, //g. 6) un espalier à la française , sur lequel nous indiquons en a , a, a, etc. , les tailles annuelles des branches prin- cipales B, B , etc. , et en d, d, d , etc. , les tailles des branches secondaires E,E, etc. De V Espalier à châssis. Le pécher, étant très-sensible aux gelées, réussit mal dans le nord de la France , et ne peut guère se cultiver en pleine terre à une température plus froide , à moins que l'on ne prenne des précautions particulières pour assurer sa conservation. 11 est aussi très-sensible aux cha- leurs immodérées , de manière qu'il ne réussit pas mieux dans le midi , en Italie, par exemple , que dans le nord. Dans cette antique patrie des maîtres de la terre on n'en obtient que des fruits petits et sans saveur , parce qu'on ne peut le cultiver qu'en plein vent ; en espalier contre un mur, il se dessèche et meurt ; ou, si on le place à une exposition fraîche , le peu de fruits qu'il rapporte est d'une qualité au-dessous du médiocre. L'a- bricotier est à peu près dans le même cas. Nous avons cherché pour ces deux arbres précieux les moyens de réparer, à force d'art, les rigueurs dont la nature s'est armée dans certains climats 5 et nous avons l'expérience que , lorsqu'on voudra obtenir des fruits de bonne qualité partout où la température (trop chaude ou trop froide ) semblera s'y opposer , on parviendra à vaincre ses influences pernicieuses , au moyen de l'es- palier .à châssis , figuré {pi. 10, Jîg. 2). Dans un pays trop chaud , il s'agit de pouvoir placer et conduire un pêcher en espalier, sans l'adosser à une muraille , et de manière à le faire jouir de toutes les in- fluences atmosphériques , principalement de l'air et de la lumière , sans laisser aux rayons du soleil la faculté de 204 DE LA TAILLE brûler sa fleur, ou de dessécher ses fruits. Pour arriver à ce but , on fait établir une charpente, inclinée plus ou moins, formée par deux plans, a , a, a, a, et b, b, b, b, appuyés l'un sur l'autre. Ces plans offriront leur surface, l'un au levant, l'autre au couchant ; et leur inclinaison formera , avec la surface du sol , un angle de 45 degrés , plus ou moins. Ils auront de dix à douze pieds de lon- gueur , depuis la terre jusqu'à leur sommet, et leur lar- geur sera calculée sur le nombre d'arbres que l'on vou- dra cultiver. Ces charpentes légères seront formées avec des planches larges de deux ou trois pouces au plus , et laissant entre elles un espace vide au moins de même largeur. Lorsque ces châssis seront solidement établis, on plantera de chaque côté , à deux ou trois pouces de dis- tance de leur base, les sujets que l'on aura choisis en conséquence 5 et ce choix n'est pas arbitraire comme on pourrait le croire. Dans les climats chauds on s'atta- chera à donner la préférence aux sujets greffés sur amandier , parce qu'ils craignent moins la sécheresse, et que leur développement, plus considérable que celui des individus sur prunier , sera moins embarrassant -, la raison en est que la charpente , ne devant jamais être recouverte de châssis vitrés , peut sans beaucoup d'in- convéniens être établie dans de grandes proportions. On peut donner à l'arbre la forme d'un espalier à la française ; mais celle de la palmette lui convient davan- tage, parce qu'elle est plus propre à être maintenue dans un espace dont l'étendue médiocre est déterminée. Dans les deux cas on l'élèvera selon les principes que nous avons donnés, à cette différence qu'on le contiendra autant que possible dans des bornes étroites, et qu'au palissage on ménagera les feuilles , afin que le bois et principalement les fruits s'en trouvent ombragés , au moins jusqu'à l'époque à laquelle commencera la ma- turité. DU PÊCHER. 205 Pour maintenir la fraîcheur, on arrosera souvent , et surtout sous la charpente , parce que l'humidité s'y con- servera plus facilement , et que l'évaporation , se faisant entre les vides de la charpente et à travers le feuillage, y portera une fraîcheur vivifiante entretenue par l'air, qui non-seulement circulera en pleine liberté sur les deux surfaces de l'arbre , mais formera encore , à travers les interstices des planches , des courans susceptibles de balancer les influences desséchantes de la chaleur, et d'entretenir la vie et la santé dans toutes les parties de l'arbre. Si , dans le milieu du jour et pendant l'été, les rayons du soleil , quoique frappant obliquement sur le feuillage de l'espalier , devenaient assez ardens pour lui être nuisibles , on devrait chaque jour , et au moins pen- dant quelques heures , étendre une toile pour ombrager l'arbre. Mais il faudrait qu'elle en fût éloignée de quel- ques pieds au moins pour ne pas gêner la libre circula- tion de l'air, le premier agent de la végétation. S'il s'agit de cultiver le pêcher dans des pays froids , il faut baser ses opérations sur des considérations beau- coup plus minutieuses. La charpente se construira de la même manière, mais sans vides entre les planches, et dans de plus petites dimensions , parce qu'elle devra se recouvrir de châssis vitrés pendant une partie de l'année , et que, ces châssis devant offrir une surface beaucoup plus grande que la sienne , il serait très-difficile de les assembler solidement s'ils avaient trop de longueur. Quand il s'agira de planter l'arbre , le choix deviendra beaucoup plus important que précédemment. Soit qu'on l'ait tiré d'un pays peu éloigné , ou qu'il soit resté plu- sieurs jours en route, ses racines seront visitées avec la plus scrupuleuse attention, afin d'en retrancher toutes les parties fracturées ou desséchées. Si l'on avait le moin- dre doute sur sa santé , on le planterait en panier, que l'on plongerait dans une couche tiède jusqu'à sa parfaite 2o6 DE LA TAILLE reprise. La saison avancerait pendant ce temps -là, et l'on aurait bientôt à l'air libre un degré de chaleur suffi- sant pour le mettre en place avec son panier. On l'enterrerait à la même distance de la charpente que le précédent , mais de manière à ce que la greffe ne fût qu'à un pouce ou deux au-dessus de la surface du sol ; car , dans ce genre d'espalier , il faut être avare de l'espace. Soit qu'on le fasse reprendre en panier, ou qu'on le place de suite en pleine terre , on coupe le bourgeon de la greffe , lors de la plantation , sur deux , trois ou quatre bons yeux au plus. Pendant sa végéta- tion on le conduit et soigne absolument comme les autres espaliers , c'est-à-dire , en pinçant les bourgeons mal placés , et palissant les autres selon les positions voulues par la forme que l'on adoptera. Pendant toute la belle saison les soins se borneront là; mais , aussitôt que les nuits commenceront à devenir froides, il faudra s'occuper de placer les châssis vitrés. Dans les pays excessivement froids , où le pêcher ne résisterait pas l'hiver , on élèvera une espèce d'encaisse- ment en planches épaisses de deux ou trois pouces, et à la hauteur de dix-huit à vingt pouces. Cet encaissement s'étendra devant et derrière l'espalier dans toute sa lon- gueur , et sera assez éloigné des arbres pour qu'il y ait une distance d'un pied au moins entre les verres et les pêchers , lorsque les châssis seront placés sur rencaisse- ment, et appuyés l'un sur l'autre selon les mêmes prin- cipes que la charpente. Il y aura cependant cette diffé- rence qu'ils seront portés , en haut , sur des supports attenans à la charpente, afin que l'on puisse en ouvrir un , selon le besoin , sans être obligé de déplacer l'autre sur lequel il est appuyé. On fermera les côtés de cette espèce de bâche avec des planches ou des châssis vitrés. L'essentiel est que le tout ferme hermétiquement, afin que l'air et par conséquent le froid ne trouvent aucun accès pour pénétrer à l'intérieur. DU PÊCHER. 207 On établira dessous la charpente , et entre les deux rangs d'arbres, le passage d'un tuyau de fourneau ou de poêle. Lorsque le froid deviendra intense, on jettera contre l'encaissement et en dehors une quantité de fumier suffisante pour former , tout le long de la bâche, un lit épais de deux pieds et large d'autant. On chauffera les poêles de manière à tenir toujours la température à deux ou trois degrés au-dessous de zéro , afin de ne pas pro- voquer la végétation ; et l'on couvrira les châssis avec de bons paillassons. Pendant les beaux jours de l'hiver , lorsqu'il ne gèlera pas et que les rayons du soleil paraîtront , on donnera de l'air en entrouvrant les châssis par le haut , selon qu'on le jugera convenable. Avant de refermer, on ôtera avec soin toutes les gouttes d'eau que l'humidité aurait attachées au verre. On ne doit pas perdre de vue que les châssis et les fourneaux ne sont pas établis pour empêcher le froid , mais seulement pour qu'il ne descende pas à plus de dix ou douze degrés. Ainsi toute la difficulté consiste donc à empêcher que le thermomètre descende plus bas , sans jamais monter au-dessus de glace ; car la chaleur ferait plus de mal que deux ou trois degrés de froid de plus y à moins qu'on ne voulût forcer les arbres pour en obte- nir des fruits dans une saison prématurée -, mais alors ils exigeraient des soins particuliers dont nous ne devons pas nous occuper ici. Dès les premiers jours du printemps , si la saison n'est pas trop rigoureuse , il faudra donner souvent de la lumière en enlevant les paillassons , et de l'air toutes les fois qu'on pourra le faire sans danger. Alors on forcera un peu la chaleur , afin de préparer les arbres à la vé- gétation. Lorsque l'on s'apercevra du premier mouvement de la sève , on visitera le pêcher dans toutes ses parties , et F on retranchera sans hésiter les rameaux moisis ou même 208 DE LA TAILLE souffrans. C'est le moment de faire le premier ébour- geonnement pour préparer l'arbre à la taille. Celle-ci s'exécutera peu de jours après , et on la conduira selon les principes ordinaires de l'espalier. Cependant il y a cette différence , que , ne devant occuper qu'une place très-limitée , loin de chercher à étendre les branches , on tâchera , au contraire , de les maintenir dans leurs plus petites proportions , et l'on multipliera davantage celles à fruits. Ce n'est pas qu'on doive laisser toutes ces dernières , car l'arbre s'épuiserait encore plus facilement qu'un autre qui végéterait sans soins dans un climat fa- vorable -, mais , comme il peut survenir beaucoup plus de chances pour faire avorter les ovaires au moment de la fécondation, on attendra, pour retrancher les bran- ches à fruits surabondantes, que les pêches soient par- faitement nouées et assurées. A mesure que la saison deviendra chaude , on dimi- nuera la chaleur artificielle *, on pincera les bourgeons inutiles , et l'on donnera de l'air plus souvent. Enfin , lorsque le froid ni les moindres fraîcheurs ne seront plus à craindre pour les nuits, que le thermomètre se soutiendra constamment, pendant le jour, de six à dix degrés et au-dessus , on enlèvera les châssis pour ne les replacer que l'automne suivant. C'est alors que l'on fera le palissage , et avec d'autant plus de soins que le moment est le plus favorable pour cicatriser les plaies. Aussi ne doit-on laisser aucun chi- cot, et couper toujours rez les écorces. L'opération du remplacement ne se fera qu'au printemps , pour empê- cher les plaies de se mettre à la gomme ; ce qui arriverait nécessairement si l'humidité du châssis séjournait dessus pendant l'hiver. Soit pour abricotier ou pour pêcher , on combinera, pour cette raison , les différentes opéra- tions de la taille , de manière à n'avoir à couper aucune branche, ni bourgeon, dans tout autre moment que pendant le temps où les arbres jouissent souvent des in- DU PÊCHER. 209 influences de Pair libre. Enfin on combinera la culture générale selon les besoins et les circonstances. Dans une contrée qui ne serait point assez froide pour faire périr un pêcher en pleine terre, mais où les gelées du printemps détruiraient sa fleur , on se servirait de même des châssis vitrés 5 mais on remplacerait les tuyaux de chaleur par une couche de fumier chaud , large de deux ou trois pieds, épaisse de dix-huit pouces, et placée sur la terre entre les deux plans de l'espalier. Pendant l'hi- ver on se contente de réchauffer cette couche deux ou trois fois avec du fumier neuf 5 mais , aussitôt qu'arrive l'époque de la végétation, on la renouvelle et on la refait entièrement tous les quinze jours , et même plus souvent si on le juge convenable. Alors on profite de tous les instans où le soleil se montre pour donner de l'air , et l'on a le plus grand soin d'essuyer sur les verres la vapeur humide que fournit le fumier, ainsi que d'en- lever, aussitôt qu'elle paraît, la moisissure qui aurait de la tendance à s'emparer de quelques branches. Dès que la végétation s'annonce, on taille et l'on retranche scrupuleusement toutes les branches malades ou seu- lement souffrantes , et l'on nettoie l'arbre des ordures et autres corps étrangers qui pourraient s'être amassés aux bifurcations de ses rameaux, Dans toutes les circonstances on traite les arbres en espalier à châssis , selon les principes que nous avons enseignés pour les formes à la Montreuil , à la française , ou en palmette. De la Palmette à branches droites. Contre un mur très-élevé et n'ayant pas une grande longueur , cette forme est une des plus avantageuses qu'on puisse donner au pêcher. Nous l'avons figurée , pi. 7 Jig. 4. ire Année. On choisit et plante le sujet comme pour l'espalier à la Montreuil 5 mais on peut , si l'on veut , ne 2. i4 2IO DE LA TAILLE laisser que quatre ou cinq yeux en rabattant le bourgeon de la greffe , afin d'avoir deux jets latéraux très-vigou- reux pour former les deux premiers membres inférieurs. Cependant il faut s'assurer , avant la coupe , si les yeux sont sains et bien placés. Lorsqu'ils se développeront, on choisira les trois bourgeons les plus forts , l'un à droite , l'autre à gauche, et un supérieur, pour former les deux premières bran- ches latérales, et la tige verticale qui doit les fournir toutes. Celle-ci se palisse le plus droit possible et per- pendiculairement ; les deux autres seront attachées dans une position horizontale , mais seulement lorsqu'elles auront acquis assez de force pour disputer la sève à la première , ce qui n'arrive quelquefois qu'au printemps suivant. Tous les bourgeons inutiles doivent être sup- primés. Lorsque l'on établira ces deux branches principales , on prendra garde à ce qu'elles ne se trouvent pas oppo- sées , mais placées l'une un peu au-dessous de l'autre , ne fut-ce que de quelques pouces. Sans cette précaution elles se disputeraient la sève et se nuiraient mutuelle- ment. 11 faudra aussi égaliser leur végétation , en redres- sant un peu la moins vigoureuse et inclinant davantage l'autre. ie Année. Si l'arbre a poussé vigoureusement , on s'occupera des deux secondes branches principales, et des branches secondaires des deux premières. Pour cela on taillera la tige sur trois forts bourgeons , l'un pour son prolongement , les deux autres pour branches. Si les branches principales inférieures avaient poussé des bourgeons bien placés pour fournir les seconds membres, on conserverait et palisserait ces bourgeons en conséquence, et l'on raccourcirait les branches jusque sur deux yeux bien placés , pour se procurer leur pro- longement et un second membre inférieur ou supérieur, selon le besoin. DU PÊCHER. 21 I On conservera quelques branches à fruits, si l'on veut, ou au moins on les rapprochera sur deux yeux à bois inférieurs, afin d'en avoir de bonnes l'année suivante. Du reste , on conduira les branches principales et secon- daires comme pour la formation d'un espalier à la Mon- treuil , à cette différence près que les premières seront toujours palissées horizontalement , et les autres un peu redressées au-dessus de la ligne parallèle des premiers membres , lorsqu'elles se trouveront placées dessus , et un peu au-dessous lorsqu'elles se trouveront dessous. 3e Année. On obtiendra de nouvelles branches secon- daires , le prolongement des branches principales, et sur la tige , les deux troisièmes branches principales , ainsi que le prolongement de la tige. On conçoit aisé- ment que cette branche verticale ou tige , ayant beau- coup plus de sève que les autres , ne doit pas se con- duire , pour en obtenir des membres , de la même ma- nière qu'on fait pour obtenir des branches secondaires sur les branches principales. Sur ces dernières on ne s'en procure qu'une tous les ans , et sur l'autre on doit en former deux. Cependant , comme il faut pour cela que le jet terminal atteigne au moins trois pieds, afin que les membres soient espacés de deux pieds pour four- nir de la place entre eux aux branches secondaires et à fruits, il arrive parfois que, n'atteignant pas cette lon- gueur , on se voit contraint de le rapprocher beaucoup et au-dessous de la distance voulue. Dans ce cas on n'en exige point de branches principales , et l'on se contente d'obtenir son prol ongement , afin d'avoir deux bons bourgeons latéraux l'année suivante. Si le hasard avait fourni une longueur de tige suffisante pour espacer et former une seule branche principale , on en profiterait, et l'on taillerait, pour son prolongement et pour obtenir cette branche , comme l'on taille les autres branches pour former leur prolongement et une branche secon- daire. 212 DE LA TAILLE Quant au reste des opérations -, elles s'exécutent abso- lument comme pour les autres espaliers. 4e Année. On ébourgeonne au printemps avec beau- coup de soins. On taille de la même manière que Tannée précédente, pour obtenir une ou deux branches prin- cipales , et des branches secondaires. On palisse ; et l'attention doit se porter , principale- ment cette année , sur les branches à fruits , parce que , si l'arbre n'a pas été retardé par quelques causes parti- culières , il doit déjà être fructueux. Le sujet ayant acquis sa forme , il ne s'agira plus, les autres années, que de favoriser son développement régu- lier, en le conduisant toujours selon les mêmes principes. De la Quenouille. On croit assez généralement que le pêcher ne se prête pas à cette forme, et l'on a tort. Les personnes qui au- ront parfaitement compris nos principes de taille devi- neront aisément d'où provient cette erreur. Comme nous l'avons dit, le pêcher ne produit que très- rarement des yeux à bois sur le vieux bois , et jamais des boutons à fruits ; d'où il résulte que , si on laisse déve- lopper en longueur les branches qui doivent être rac- courcies , elles se dégarnissent à la base , et forment un vide désagréable dans un espalier, et destructeur du fruit dans une quenouille. Cette forme d'arbre n'ayant, dans toute sa beauté, que de cinq à six pieds de diamètre vers sa plus forte épaisseur, il en résulte que les branches principales , dans leur plus grande croissance , ne peuvent s'allonger que de trois pieds à trois pieds et demi , grâce à leur obliquité 5 car, si elles s'éloignaient horizontalement de la tige , elles ne pourraient prendre que deux pieds et demi à trois pieds au plus. Jusque-là les jardiniers peu instruits ne sont point en défaut -, et , à force de taillader les membres , ils les main- DU PÊCHER. 2l3 tiennent assez facilement dans ces proportions. Ne sa- chant pas discerner les espèces de branches, ils conservent du bois inutile en nuisant au bon $ et cela n'est encore que demi-mal \ parce que c'est réparable. Mais voici la raison qui fait que le pêcher en quenouille ne peut don- ner du fruit entre leurs mains : les branches à fruits dans tous les arbres , et particulièrement dans le pêcher, tendent rarement à s'élever verticalement 5 plus souvent elles affectent une position horizontale. La première année elles pousseront de dix-huit pouces , et donneront du fruit sur toute leur longueur, ou seulement à l'extré- mité 5 le jardinier ignorant se gardera bien de les rac- courcir par la méthode du remplacement ; il les lais- sera au contraire s'allonger encore d'un pied l'année suivante : alors elles se dégarniront de bois dans les trois quarts de leur longueur -, et l'on sait que nul moyen n'en pourra désormais faire pousser. Qu arrive-t-il ? Elles ont atteint la surface extérieure de la quenouille , qu'on ne peut leur laisser dépasser, et l'on est obligé de les abattre. 11 ne s'en forme plus de nouvelles , puisque le vieux bois n'en produit point ; et comme on ne peut con- server celles qui pourraient croître à l'extrémité des branches principales , parce qu'elles dépasseraient la for- me de l'arbre , il en résulte que le pêcher demeure stérile pour sa vie entière. Quelle que soit l'habileté de celui qui voudrait bien se charger de sa conduite dans ce moment, il ne lui resterait que peu de moyens de le ramener -, il tenterait de le greffer en écusson ou en approche sur toutes les places où devraient se trouver de bonnes bran- ches à fruits , si l'arbre eût été formé avec discernement ; ou, en le rapprochant jusque près de la tige , il pourrait peut-être en obtenir de nouveaux bourgeons si l'écorce n'était pas trop vieille. Mais l'arbre n'en serait pas moins gâté, et il faudrait autant de temps pour le remettre que pour former un jeune sujet. A présent que nous avons fait connaître les causes fort 2<4 DE LA TAILLE simples d'un préjugé qui frappait de réprobation le pê- cher en quenouille, nous allons indiquer la manière de le plier à cette forme pour laquelle la nature l'a disposé aussi bien, et peut-être mieux , qu'aucune autre espèce d'arbres fruitiers, mais qui ne convient cependant parfai- tement que dans les pays où il n'a pas à craindre les ge- lées de printemps qui , à Paris, détruisent souvent ses fleurs. ire Année. On plante un sujet ayant poussé un jet ver- tical droit et robuste. On coupe ce jet à un pied de la greffe, et même plus haut s'il est vigoureux. A mesure que les bourgeons se développent , on choisit les mieux placés et les plus forts pour former les membres , et l'on retranche les autres. Pour que ces membres soient bien placés , il faut que la ligne qui passe sur leurs insertions tourne régulièrement en spirale au- tour de la tige, en commençant sur l'insertion du premier membre, puis, passant sur celle du second , ensuite du troisième, et ainsi de suite jusqu'en haut de l'arbre. Iî faut encore que les branches soient espacées de manière à ce que la première soit parfaitement recouverte par une autre à un pied plus haut, Ja seconde par une autre à la même distance , etc. Si les bourgeons , en prenant leur croissance , annon- çaient de la tendance à s'élever verticalement et à se rapprocher trop de la tige , on les maintiendrait écar- tés en les attachant à des échalas ; si , au contraire , ils s'en écartaient trop, on les en approcherait par les mêmes moyens. Il faut que chacun forme avec la tige un angle de quarante-huit degrés à peu près. Le bourgeon termi- nal doit s'élever droit , et on le maintiendra dans cette direction au moyen d'un tuteur, s'il en est besoin. 2e Année. On peut faire rébourgeonnement du prin- temps , si l'on veut 5 et alors on supprimera tous les yeux placés dessus et dessous les membres , pour ne laisser que ceux des côtés , c'est-à-dire que l'on n'agira en sens DU PÉCHER. 2l5 inverse que pour les espaliers. En voici la raison : toutes les parties de l'arbre, et particulièrement celles les plus rapprochées de la tige, puisque ce sont elles qui don- neront le fruit , comme nous le dirons dans un instant , doivent jouir des influences de l'air et de la lumière, si l'on ne veut les voir languir d'abord , et se dégarnir en- suite. Or, le seul moyen de les en laisser jouir, c'est de donner à chaque branche la forme aplatie d'une palme horizontale , afin que les rayons du soleil et l'air puissent facilement pénétrer entre chacune d'elles. Si l'on agis- sait autrement, l'arbre n'offrirait qu'une masse épaisse de verdure } les fruits ombragés ne prendraient ni couleur, ni parfum, et Fhumidité , séjournant sur les écorces de la tige , favoriserait bientôt la végétation des mousses , lichens, et autres plantes parasites. A la taille, si les branches inférieures sont vigoureuses, on laissera le bourgeon terminal d'une certaine longueur pour en obtenir plusieurs membres, outre son prolon- gement. Si au contraire elles sont faibles , on ravalera le bourgeon supérieur de la tige sur deux ou trois yeux au plus, afin de les faire profiter de la portion de sève dont il se fût emparé sans cela. Dans tous les cas on taillera les membres plus ou moins long, mais toujours de manière à forcer les yeux inférieurs à se développer en branches à fruits. On les surveillera pendant les pre- miers jours , afin de voir s'ils poussent ou s'ils dorment ; s'ils ne partaient pas , on les y forcerait en pinçant les bourgeons supérieurs , ou même en ravalant la branche entière s'il était nécessaire. C'est du développement de ces yeux en branches à fruits que dépend la fertilité de la quenouille , et par conséquent le succès de la taille. On fait l'ébourgeonnement dans le même temps que le palissage des espaliers ; et, pour cette année, tous les soins se bornent là. 3e Année. On ébourgeonne comme l'année précé- 2l6 DE LA TAILLE dente , mais en ne touchant aucunement aux branches à fruits placées latéralement sur les membres. On taille pour se procurer le prolongement des mem- bres et celui de la tige , ainsi que quelques branches de plus dans le haut. On abat toutes les branches à bois , parce que ce genre de forme ne veut point de membres secondaires. C'est surtout sur les branches à fruits que l'attention doit se porter ; car de cette taille va dépendre entière- ment la fertilité future de l'arbre. On conservera pré- cieusement celles qui seront insérées le plus près de la tige; et, sans considération pour la quantité du fruit, on les taillera le plus court possible , afin de déterminer la végétation de leur premier œil à bois , c'est-à-dire , de celui placé le plus près de leur base. Expliquons-nous : si les quatre boutons inférieurs à fleurs étaient bons , munis de leur œil à bois, on taillerait dessus 5 s'ils ne valaient rien , on ne tenterait pas d'allonger davantage la branche , et l'on couperait sur les deux ou trois yeux à bois de la base , selon qu'ils seraient plus ou moins sûrs. On nous observera que cette branche , qui aurait porté du fruit si on l'eût tenue de quelques pouces plus longue, en manquera ; il est vrai, mais il vaut beaucoup mieux qu'elle n'en ait pas une année, et qu'elle en pro- duise ensuite pendant vingt ans , que d'en donner quel- ques-uns aujourd'hui pour n'en plus rapporter, faute de pouvoir être remplacée. Au palissage , on attachera de nouveau à des échalas tous les membres qui dévieraient de la position qu'ils doi- vent avoir , et l'on ébourgeonnera comme pour les es- paliers. Après la récolte des fruits on fera le remplacement, comme nous l'avons dit à son article, page 196 , et avec autant et plus de rigueur que pour l'espalier à la Montreuil. 4e Année. Même conduite que l'année précédente. DU PÊCHER. 217 S'il s'était développé beaucoup de branches à bois sur la longueur des membres , on ménagerait toujours par préférence celles placées le plus près de la tige, afin de les conserver long-temps sans qu'elles atteignent la sur- face extérieure de l'arbre. Du reste , on continuera les mêmes soins que les autres années. Par la suite , lorsque les membres seront parvenus à une longueur suffisante pour former une quenouille de cinq ou six pieds de diamètre , il sera nécessaire de les maintenir dans cette proportion que cette forme d'arbre ne permet guère de dépasser , à moins que le sujet n'ait atteint une hauteur considérable. Pour cela on taillera très-court tous les ans , en ravalant le bourgeon de l'an- née précédente sur un seul œil à bois. Si, malgré cette attention, l'arbre prenait de l'épaisseur, on ravalerait les membres sur la première branche à fruits , et l'on taillerait celle-ci sur son œil à bois inférieur. Ce gemme, recevant tout à coup une grande abondance de sève , se développerait entièrement en branche à bois, et four- nirait une nouvelle extrémité au membre. Conclusion : pour forcer une quenouille de pêcher h donner du fruit en abondance , il ne s'agit donc que de tenir les branches à fruits aussi rapprochées que possible du tronc de l'arbre , afin de les conserver pendant toute la durée de l'existence du végétal \ ce que l'on ne pour- rait faire sans la méthode du remplacement -, car , lors- qu'elles auraient atteint deux pieds et demi de longueur, il faudrait ou les conserver stériles , ou les abattre, et l'on ne pourrait par aucun moyen s'en procurer de nou- velles. Le pêcher ne peut guère se cultiver en quenouille que dans les pays où il réussit en plein vent , c'est-à- dire , au-dessous du quarante-quatrième degré. Du Contre-espalier. Le pêcher ayant besoin de beaucoup de chaleur pour mûrir ses fruits, on ne le place jamais en contre-espalier ? 2l8 DE LA TAILLE à moins qu'on ne l'abrite du côté du nord , en l'ap- puyant contre des paillassons à demeure. Ainsi c'est un véritable espalier palissé contre un treillage ou des échalas, au lieu de l'être contre une muraille. En Autri- che , et particulièrement dans les environs de Vienne , on a renoncé à cultiver le pêcher contre des murailles , parce que les rayons du soleil nuisaient aux fruits pen- dant l'été. On établit en plein air deux charpentes so- lides et perpendiculaires, formant comme deux treillages adossés, mais cependant séparés par un intervalle de huit ou dix pouces. Une face regarde le midi, et l'autre le nord , ce qui est assez maladroit , car les arbres que l'on y élève en espalier se trouveraient également bien placés si l'un regardait le levant • et l'autre le couchant. Mais la plus grande maladresse encore , c'est que les ar- bres sont plantés directement en face l'un de l'autre , d'où iî résulte que leurs racines, se touchant, sont obligées de se disputer le terrain qu'elles épuisent en fort peu de temps. Il vaudrait beaucoup mieux les alterner pour éviter ce grave inconvénient. Malgré cela ils produisent des pêches superbes. Dans tous les cas, abrité ou non, le contre-espalier se conduit absolument comme l'espalier à la Montreuil ou à la française, selon le goût de celui qui le dirige. Du Plein-vent et du Mi-vent. C'est particulièrement pour élever un arbre en plein vent à haute tige ou demi-tige , qu'il faut choisir un in- dividu robuste et greffé sur le sujet le plus capable de lui fournir une sève abondante. S'il a été greffe sur place, ce qui est toujours le meilleur, dès la première année on s'occupe du prolongement du bourgeon de la greffe , en ébourgeonnant comme nous le dirons -, mais, lorsqu'il a été transplanté , on ravale la greffé sur un bon ceil placé plus ou moins haut , selon que les racines du sujet auront souffert dans la déplantation et le transport. DU PÊCHER. 219 Lorsque les bourgeons auront atteint une partie de leur croissance , on choisira le plus fort pour continuer la tige ; on le palissera le plus droit possible -, et l'on pincera les autres à six pouces , pour les empêcher de s'emparer de la sève. A cette longueur ils conserveront assez de végétation pour forcer les fluides nourriciers à s'arrêter en quantité suffisante dans la tige , et favoriser son développement en grosseur. Cette opération se nomme taille en crochets. On pince de même tous les bourgeons qui poussent sur les crochets, et ceux qui croissent sur le bourgeon de prolongement. A l'automne ou au printemps suivant, on rabaisse tous les crochets jusque sur la tige 5 et , si celle-ci n'a pas encore la hau- teur voulue , on continue , cette seconde année , à la conduire comme l'année précédente. Si un accident cassait la tige , ou affaiblissait son extrémité par une ma- ladie , on la ravalerait sur un œil ou un bourgeon vi- goureux placé au-dessous du mal. Si elle se bifurquait , on choisirait le jet le plus robuste , on le redresserait et on le maintiendrait dans une position verticale au moyen d'un tuteur ; on pincerait l'autre , on l'inclinerait même si la chose était nécessaire , et on l'enlèverait à la taille suivante. Aussitôt que la tige a acquis la longueur désirée , on pince son bourgeon terminal , si c'est pendant la végé- tation 5 dans le cas contraire , on coupe son extrémité à l'époque de la taille. 11 est essentiel de surveiller attentivement les bour- geons qui se développeront à l'extrémité pour former les principales branches , afin d'en choisir quatre ou cinq des plus vigoureux, et de supprimer les autres. Au- tant qu'on le pourra, on conservera ceux dont la position approchera le plus de la verticille , ou , si l'on veut , qui s'éloigneront de l'axe de la tige en rayons régulièrement espacés entre eux. Dès cet instant on peut abandonner la conduite de 2.20 DE LA TAILLE l'arbre à la nature • mais cependant , si l'on sacrifiait en- core quelques momens pendant les deux ou trois années suivantes y il ne pourrait qu'y gagner beaucoup. Dans ce cas , on traiterait chaque branche comme nous l'avons dit à l'article de la quenouille, mais avec éette différence que l'on se procurerait des branches secondaires , alter- nant les unes avec les autres comme pour un espalier & la française. Pendant toute la durée de l'arbre, durée qui peut aller à un siècle et au delà , selon l'espèce et le sujet sur lequel il est greffé , on n'aura plus qu'à enlever les, branches mortes en les rabattant jusque sur le vif pour que les plaies puissent se cicatriser , et à couper celles qui , se trouvant mal placées ou trop vigoureuses, pour- raient attirer toute la sève à elles , au détriment des. autres , ce qui détruirait l'équilibre de la végétation , déformerait l'arbre , et hâterait sa vieillesse. Quant aux branches nommées gourmands, si on parvient à arrêter leur végétation par les moyens , déjà cités , de l'ai- cure , etc. , on les conservera précieusement , parce qu'elles ne tarderont pas à produire beaucoup de fruits ; dans le cas où elles se trouveraient indomptables ou niai disposées pour en remplacer de plus faibles , on les supprimerait entièrement. Formation à la Sieulle. Nous ne terminerons pas l'histoire de la taille du pêcher sans parler de la méthode de formation inventée par M. Sieulle, publiée par lui dans une petite brochure intitulée Avis aux Jardiniers , et approuvée par trois rapports de la société d'agriculture de Paris, l'un en 1 8 1 1 , le second en i8i3, et le troisième en 1820. M. Sieulle dirige , chez le duc de Praslin , à Vaux- Praslin, un espalier de pêchers que nous avons déjà men- tionné dans un de nos ouvrages comme un des plus beaux qu'il y ait eu en Europe. Les arbres soumis à la DU PÊCHER. 221 culture de cet habile jardinier ont atteint, en vingt-cinq ans, un développement de soixante-cinq à soixante et dix pieds, ce qui prouve assez, quelle que soit la qualité du terrain , que sa méthode est bonne et mérite d'être connue pour être mise en usage dans les circonstances favorables. Voici un des passages du dernier rapport fait par la commission de la société d'agriculture : « La vue « des espaliers de Vaux-Praslin nous fit impression , et « cette impression fut d'autant plus frappante , que tous <( ces arbres , sans aucune exception , nous présentèrent « la plus belle et la plus riche végétation. De beaux a membres , une écorce lisse , sans aucune apparence « de chicots, de cicatrice, ni de gomme, de belles pousses, « de larges feuilles d'un vert foncé ; tels se présentent « les pêchers de M. Sieulle. Tous en général nous ont « paru tapisser également le mur contre lequel ils sont « appliqués. Nous ne nous sommes pas aperçus , comme « nous avions lieu de le craindre d'après ce qu'on nous « avait annoncé , que leur partie inférieure fût dégarnie « ou tendît à se dégarnir, etc. » Cette citation vaut mieux sans doute que tous les raisonnemens que l'on ferait en faveur de sa méthode. Si l'on veut conduire un pêcher à la Sieulle , on le dirige , la première et quelquefois la seconde année , de la même manière que l'espalier à la Montreuil , dont il doit à peu près acquérir les formes. On en obtient par les mêmes procédés les deux branches-mères {fi g. i ,b,b, pi. 9). Dès que l'on a gagné ces deux premiers membres, on choisit , au printemps avant la végétation , deux yeux à bois bien placés pour développer les deux pre- mières branches secondaires inférieures et supérieures : on les laisse intacts, et on enlève tous les autres avec un instrument tranchant , en coupant même jusqu'au petit bourrelet qu'ils ont à leur base et sur lequel d'autres pourraient se former. On laisse l'œil terminal du bour- geon pour fournir le prolongement de la branche , et 22!a DE LA TAILLE l'opération se borne là pour la première année. À mesure que les yeux laissés poussent et se prolongent, on les pa- lisse en V un peu plus ouvert que /\5 degrés , parce que l'arbre devant prendre de très-grandes dimensions , si , le V n'était pas assez ouvert , le sommet des branches dépasserait la muraille en fort peu d'années. Si , par ha- sard, on avait oublié d'éborgner quelques yeux , on les ferait sauter à mesure qu'ils paraîtraient , car jamais on ne doit être obligé d'ébourgeonner soit à l'époque du palissage , soit dans d'autres temps ; et c'est pour ainsi dire cette particularité qui distingue la méthode de M. Sieulle de toutes les autres ; ou au moins celle qui paraîtrait devoir la faire préférer , parce qu'il n'y a aucune déperdition de sève et point de végétation inutile. L'année suivante on taille à moitié longueur les deux branches secondaires , mais on ne touche jamais au bour- geon terminal de la branche principale, parce que c'est toujours par son dernier oeil qu'elle doit prendre son prolongement. On retranche tous les yeux comme l'an- née précédente , en en laissant encore deux sur le pro- longement de la branche-mère pour fournir deux nou- veaux seconds membres. On éborgne de la même manière les branches secondaires en laissant deux yeux pour fournir des branches tertiaires. Ici nous devons faire une remarque , c'est que ces deux yeux laissés sur chaque branche , ce qui se renou- velle chaque année , étant toujours accompagnés de boutons à fruits , sont aussi les seuls qui doivent fournir des pêches , puisque tous les autres sont enlevés , que l'on ne fait aucune distinction de branches à bois et branches à fruits , que , par conséquent , on ne pratique pas l'opération du remplacement. Cependant , lorsqu'il se rencontre des branches courtes , chargées de fleurs , on les laisse dans leur entier, ce qui augmente un peu le produit de l'arbre. DU PÊCHER. 223 Tous les ans l'opération se conduit de la même ma- nière, d'où il résulte : i° Que les branches-mères, n'étant jamais taillées, se prolongent avec rapidité et garnissent un grand espace en peu de temps 5 20 que, n'ayant jamais aucune cicatrice , car la plaie faite par l'éborgnement se recouvre avec promptitude et ne laisse aucune trace , les arbres ne sont pas sujets à la gomme ni au chancre; 3° que, ne se faisant aucune amputation considérable , il n'y a presque pas de perte de substance organique , ce qui maintient la vigueur et la jeunesse de l'arbre ; 4° que -> le sujet ayant un bien plus grand nombre de branches formant des troisièmes , quatrièmes , cinquièmes mem- bres , etc. , la muraille se trouve beaucoup mieux garnie; 5° mais aussi que , n'y ayant jamais que deux fleurs conservées sur chaque nouvelle branche , les pêches , quoiqu'un peu plus grosses que sur des individus autre- ment conduits , sont en moindre quantité comparative- ment au développement de l'espalier. Nous avons dit que l'on coupait les branches secon- daires à moitié longueur, mais il n'en est pas de même des branches tertiaires et des autres qu'elles fournissent ; on les taille court , afin d'éviter que l'arbre ne se dé- garnisse dans le bas. En les rabattant, par exemple, sur les deux premiers yeux munis de boutons à fleurs , on pourrait les maintenir courts pendant fort long-temps. Nous ne verrions même pas d'inconvénient à les traiter par la méthode du remplacement , en n'éborgnant pas le bouton à bois le plus près de l'insertion de ces branches. Lors du palissage, il arrive fréquemment que l'on trouve des sous-bourgeons qui se sont développés au bout des jets poussés depuis le printemps; on peut les laisser si on le veut , parce qu'ils seront enlevés à l'épo- que de la taille ; mais , s'ils privent les fruits d'air et de lumière , ils doivent être supprimés. En résumé , la formation à la Sieulle ne diffère essen- tiellement de celle àlaMontreuilquepar ces deux points ; 224 DE LA TAILLE on ne raccourcit jamais les branches-mères, et on em- pêche de croître le bois mutile au lieu de le supprimer lorsqu'il est déjà formé. L'abricotier, et même les arbres à fruits à pépins , peuvent se traiter de la même ma- nière. Formation et taille de ï Abricotier. Cette espèce, étant plus hâtive que le pêcher , doit aussi se tailler, s'ébourgeonner et se palisser la première. Les seules formes auxquelles on l'a soumise, jusqu'à présent , sont l'espalier et le plein-vent. De V Espalier. L'abricotier se distingue du pêcher en ce qu'il repousse facilement sur le vieux bois , et c'est cette seule faculté qui amène quelque différence dans sa taille ; du reste , il se conduit de même, soit qu'on le forme en espalier à la Montreuil , à- la française , en palmette , etc. Aussi ne ferons-nous qu'un seul article de toutes ces méthodes de taille , en renvoyant le lecteur à chaque forme par- ticulière du pêcher. C'est vainement que l'on attendrait d'un abricotier cette régularité et ces belles formes si faciles à donner au pêcher^ son bois, ne poussant jamais très-long, et ra- rement droit, s'y oppose naturellement. Ainsi, l'on se contentera d'en approcher le plus possible, en tournant ses principales vues sur la fructification. Le second but essentiel que doit se proposer le jardinier est de ne laisser aucun vide, sans cependant occasioner de la confusion. 11 lui sera facile d'y parvenir , car rien n'empêche qu'il n'allonge ou raccourcisse la taille à volonté, puisqu'il est certain d'obtenir du bois partout où il viendrait à manquer. Pour cela il ne s'agira que de ravaler sur les vieilles branches , et il en verra bientôt sortir une quan- tité de bourgeons. DE L'ABRICOTIER, 225 Les boutons à fleurs se trouvant groupés par cinq, six , et même jusqu'à quatorze ou quinze ensemble sur de petites branches à fruits , il sera nécessaire de tailler court celles-ci , et même quelquefois d'enlever une par- tie des abricots lors du palissage. Cet arbre se couvre de petites lambourdes, longues d'un pouce ou deux , qui produisent une quantité de bons fruits ; on les laissera intactes jusqu'à ce qu'elles aient fructifié : après quoi on retranchera toutes celles mal placées et qui feraient confusion. Si un abricotier avait donné beaucoup de fruits une année , il est évident qu'il faudrait le tailler très-court l'année suivante, pour empêcher qu'il ne s'épuisât et ne se mît à la gomme , à laquelle il est très-sujet. Ses fruits , pour acquérir toutes leurs qualités , doi- vent recevoir directement , comme ceux du pêcher , les influences du soleil 5 mais ils sont très-délicats 5 et , si on les découvrait tout à coup, ils seraient brûlés et tomberaient. Ce n'est donc qu'avec beaucoup de ména- gement que l'on effeuillera 5 et , autant qu'on le pourra , on choisira pour cela un temps pluvieux , ou au moins un jour où le ciel sera couvert de nuages. On découvrira d'abord légèrement, puis un peu plus deux ou trois jours après , et ainsi de suite pendant plusieurs jours , jusqu'à ce qu'ils soient entièrement exposés aux rayons du so- leil. C'est principalement pour les espaliers tournés au midi que cette précaution est indispensable. L'abricotier et les autres arbres à fruits à noyau ne sont pas sujets , comme le pêcher , à l'opération du remplacement. Du Plein-Vent. On l'élèvera comme le pêcher 5 mais , si on veut le conserver long-temps., il faudra le tailler tous les ans dans les mêmes principes que l'espalier , sans quoi il se dégarnira rapidement dans les parties basses , ses bran- 2. _ i5 2^6 DE LA TAILLE ches s'allongeront outre mesure , ne végéteront plus que faiblement à l'extrémité , et l'on sera obligé, au bout de peu d'années, de les rapprocher jusque sur le tronc, opé- ration qui porte infailliblement un préjudice considérable à un arbre , en altérant pour toujours sa santé. On peut allonger la taille d'un plein-vent pendant les premières années , un peu plus que celle d'un espalier. Lorsqu'il menace de se dégarnir on taille plus court, ou même on ravale pour forcer la sève à refluer dans les parties in- férieures des branches , et l'on a soin d'éviter assez la confusion pour que l'air puisse facilement et librement circuler dans l'intérieur de l'arbre. Les sujets pour espalier peuvent être greffés sur pru- nier et amandier $ mais les meilleurs pour le plein-vent sont ceux provenus de noyaux semés en place. Formation et Taille de l'Amandier. Ce n'est guère que dans les pays très-froids que l'on soumet cette espèce à la forme de l'espalier ; dans ce cas, si le terrain est humide , on choisit des sujets greffés sur prunier. Mais, si le sol se trouve sec et sablonneux, on donne la préférence à ceux provenus de semence, ou greffés sur leur propre espèce. L'amandier en espalier se conduit comme le pêcher. En plein vent on le cultive comme l'abricotier , si le cli- mat ne lui. est pas favorable, et dans le cas contraire, après avoir élevé sa tige comme nous l'avons dit pour les autres pleins- vents , on l'abandonne à la nature. 11 repousse sur le vieux bois, ce qui modifie sa taille en conséquence. Formation et Taille du Prunier. Le prunier, n'entrant en végétation qu'après l'abrico- tier et le pêcher, ne doit aussi se tailler qu'après eux. Jusqu'à présent cet arbre n'a été formé qu'en espalier \ DU PRUNIER. 227 contre-espalier , en quenouille et plein-vent. Comme sa taille ne diffère que très-peu de celle des deux espèces que nous venons de citer _, nous nous bornerons à indi- quer les légères différences qu'elle nécessite. Le choix du sujet est rigoureux. Pour plein-vent on préférera les individus greffés sur sujets provenus de se- mence 5 on se servira encore de ceux-ci , lorsque l'on voudra obtenir des espaliers ou contre-espaliers capables de garnir un très-grand espace. Ceux greffés sur rejetons seront plus propres à former des quenouilles et des es- paliers dans de moindres .proportions. Le premier soin du jardinier sera de couper, jusque sur les racines du prunier , les bourgeons ou rejetons qu'elles manquent rarement de pousser. Il s'y en montrera d'autant moins que les premiers auront été coupés plus près, et qu'on aura enlevé jusqu'à la petite couronne d'écorce existant ordinairement à leur insertion, et déve- loppant de nouveaux gemmes avec la plus grande facilité. Ces productions , en s'emparant d'une grande partie de la sève , nuisent beaucoup au sujet qu'elles épuisent. Lorsque l'on taillera une branche , il faudra bien prendre garde à ne couper que sur un bouton muni d'un œil à bois , car sans cela la branche se dessécherait et formerait un chicot désagréable. Il faudra donc attendre le moment où les yeux commencent à se développer , afin de pouvoir disposer avec discernement la longueur et l'arrangement du bois. On peut allonger beaucoup plus la taille que dans le pêcher , par îa raison qu'il repousse très-facilement sur le vieux bois. Il arrive parfois que le prunier donne beaucoup plus de fruits qu'il ne peut en nourrir en conservant sa vi- gueur et sa santé 5 d'où il suit que des branches épuisées se dessèchent pendant l'hiver. On devra donc, à rébour- geonnement, supprimer une bonne partie des fruits, et mieux vaudrait encore les avoir empêchés de se former en taillant les branches à fruits comme celles du pêcher. 228 Ï)E LA ÎÀltLE Formation et Taille du Cerisier. Cet arbre se cultive le plus ordinairement en plein- vent ; cependant on le forme parfois en quenouille d'un charmant effet , en girandole , et en*espalier. Ce sont particulièrement les cerisiers précoces d'Angleterre, etc. , que Ton soumet à la taille , Le choix des sujets sur lesquels on greffera doit être fait ainsi qu'il suit : Pour plein-vent on greffe sur sujets venus de noyaux ; pour mi-vent, sur rejetons-, pour que- nouille, sur griottier ; et , pour espalier , sur mahaleb ou Sainte-Lucie. On remarquera que les individus sur re- jetons sont plus délicats, et surtout plus sujets à la gomme. Le cerisier en plein-vent , surtout lorsqu'il n'est greffé qu'à hauteur de tige , pourrait être abandonné à la nature avec la seule précaution de retrancher exactement le bois mort; mais il sera toujours plus avantageux, pour lui former une tête régulière, de le soumettre pendant trois ou quatre ans à la taille ; et dans ce cas on relèvera ab- solument comme nous avons dit page 2 1 8 , en allongeant un peu plus la taille. Comme il pousse très-aisément sur le vieux bois, lorsque par la vieillesse ou par un acci- dent sa tête se dégarni t , on ravale ses branches , et elles fournissent bientôt des jets vigoureux qui lui en forment uue nouvelle. En espalier il est beaucoup plus facile à conduire que les espèces précédentes, parce que ses rameaux longs et flexibles se prêtent à toutes les formes, et se plient à toutes les positions qu'on veut leur faire prendre. Ici la dis- tinction artificielle , mais indispensable dans le pêcher , des branches à bois et des branches à fruits _, devient de toute inutilité , parce que le cerisier se garnit, même sur du bois assez vieux , d'une quantité considérable de petites lambourdes qui fournissent plus des trois-quarts de ses récoltes. DU CERISIER. 229 Toute l'opération de ]a taille se bornera donc à sup- primer les branches mal placées , à palisser les autres de manière à bien garnir la muraille sans faire confusion, à retrancher tous les bourgeons ou rameaux qui s'avan- ceraient sur le devant et tendraient à augmenter l'épais- seur de l'espalier, enfin à ménager tous les petits bouquets à fleurs , dans quelque place qu'ils se trouvent. S'il se formait quelques vides , il serait très-facile de les rem- plir en rapprochant les branches qui seraient sur les côtés. Si une branche souffrante menaçait de périr, ou du moins de ne jamais atteindre la vigueur des autres , il faudrait sans balancer la rabattre jusque sur un chicot de quelques pouces-, par ce moyen on aurait bientôt produit des jets robustes capables de remplir la place dégarnie. De la Palmette chinoise. Plusieurs espèces de cerisiers ont de la propension à laisser pendre leurs rameaux 5 on peut former avec celles- ci des palmettes chinoises ( pi. i.o,fig. 1 ), pleines de grâce , d'un coup d'ceil très-pittoresque , susceptibles de produire des effets variés et piquans, si on les entremêle avec d'autres espaliers pour en détruire la monotonie. Les individus trop vigoureux , greffes sur noyaux , pour- ront aussi être soumis très - avantageusement à cette forme, lorsqu'il s'agira de dompter leur végétation. Pour cela on les traitera comme nous avons dit à l'article de la palmette page 209, mais avec cette différence que l'on arquera toutes les branches , bourgeons et rameaux , à mesure qu'ils se développeront, et que l'on ébourgeon- nera avec grand soin pour empêcher les yeux placés sur le milieu des branches d'attirer toute la sève au détri- ment des extrémités. 23o DE LA TAILLE DEUXIÈME DIVISION. TAILLE DES ARBRES A FRUITS A PEPINS. Nous avons vu, page i43, treizième précepte, que la fructification des arbres à pépins est tout-à-fait diffé- rente de celle des arbres à noyaux : aussi ne se traitent- ils pas de même sous ce rapport dans l'opération de la taille. Quant à ce qui tient à leur formation , les diffé- rences sont peu de chose, si l'on en excepte cependant ceux qui donnent leurs fruits à l'extrémité des rameaux: par exemple , le cognassier. Taille et Formation du Poirier. Les variétés de cette espèce précieuse sont multipliées d'une manière étonnante, et la culture a tellement mo- difié leur nature que chacune d'elles préfère une ex- position et une forme particulières pour réussir complè- tement 5 il en est même quelques-unes qui se refusent absolument à des formes auxquelles les autres se sou- mettent avec la plus grande facilité. Ainsi donc , avant de déterminer si l'on mettra telle ou telle espèce jar- dinière en quenouille , en gobelet , en espalier ou en plein-vent, il faudra s'assurer non-seulement qu'elle y est propre, mais encore, sous le rapport de la produc- tion , quelle est la forme qui lui convient le mieux parmi celles auxquelles elle peut se plier. On dirige les poiriers en espalier , en quenouille , en pyramide , en girandole , en gobelet , en plein-vent à haute tige et basse tige , et chacune de ces formes exige qu'ils soient greffés sur des sujets propres à cela. Le plein-vent sera greffé sur sauvageon ou sur franc ; l'espa- lier , lorsqu il aura suffisamment de place pour acquérir un grand développement , sera aussi sur franc , et dans le cas contraire sur cognassier de Portugal ; pour couvrir DU POIRIER. 23l une très-petite étendue de muraille, il sera sur le petit cognassier. Les quenouilles , girandoles , gobelets et pyramides seront choisis parmi ceux greffés sur franc, si on veut les avoir très-grands -, sur cognassier de Por- tugal, si on les veut dans des proportions ordinaires, et sur petit cognassier, si on les désire nains. Cependant on prendra en considération la qualité du terrain et du climat ; car , dans un sol maigre et peu profond , il est quelquefois nécessaire de greffer sur franc, pour ob- tenir des arbres de même grandeur que ceux greffés sur cognassier dans une terre riche en sucs nutri- tifs. En outre , plusieurs espèces , réussissant mal sur cognassier, ne peuvent être que sur franc , quelle que soit l'espèce de taille à laquelle on les soumette. Nous observerons que les arbres greffés sur petit cognassier valent mieux dans les pays froids , parce que cette es- pèce de sujet est plus robuste , et résiste mieux aux rigueurs de l'hiver. Pour les espaliers l'exposition n'est pas non plus in- différente -, en général les fruits greffés sur cognassier se plaisent beaucoup au levant et au couchant , et craignent l'exposition du midi, parce que leur écorce est sensible aux rayons du soleil pendant les grandes chaleurs, et que leurs racines, plus à la surface de la terre , sont aussi plus exposées à se dessécher. Le levant convient plus particulièrement aux fruits qui mûrissent pendant l'été ; mais le midi est plus favorable aux fruits d'hiver. Avant de planter un jeune sujet, on visitera ses racines comme nous l'avons dit pour le pêcher , et l'on prépa- rera la terre convenablement pour qu'il puisse étendre à son aise son nouveau chevelu. La greffe se trouvera tou- jours hors de terre , afin qu'elle ne puisse émettre aucune racine, ce qui occasionerait un bourrelet désagréable, et nuirait même à la quantité et à la qualité du fruit. 232 DE LA TAILLE De V Espalier. Rarement on lui donne la forme de l'espalier à la Montreuil , mais ordinairement celle de l'espalier à la française. Quelquefois encore on le laisse croître à sa volonté , avec la seule précaution de le palisser et de l'étendre en surface, en l'empêchant de prendre de l'épaisseur; alors il forme ce que nous avons appelé l'espalier naturel. Supposons qu'on veuille le conduire à la française, voici comment on agira. iere Année. Si le jet de la greffe était pourvu de trois, quatre ou cinq bourgeons vigoureux, capables de four- nir le commencement de trois , quatre ou cinq premiers membres, on pourrait les conserver en les ravalant sur quatre ou cinq bons yeux. Dans le cas contraire , on rabat le bourgeon de la greffe à sept ou huit pouces de longueur. Pendant la végétation on surveille le développement et la croissance du bois, en ébourgeonnant tous les jets mal placés , c'est-à-dire , poussant devant et derrière les branches. Lorsque les jeunes pousses ont acquis une fermeté suffisante pour être inclinées sans se rompre, on les incline et on les palisse selon les principes que nous avons donnés à l'article du pêcher, et tout se borne là pour cette fois. 2e Année. On doit avoir obtenu les membres princi- paux formant déjà la figure qu'aura l'espalier par la suite. On peut dès lors traiter l'arbre à la Sieulle, c'est- à-dire, par l'éborgnement ou suppression des bourgeons avant leur végétation. Lors de la taille on se procurera, si l'arbre a suffisamment poussé pour cela , un long pro- longement des premiers membres, et au palissage, les premiers membres secondaires inférieurs et supérieurs. Si la végétation a été faible, on taillera court, afin de se procurer du bois vigoureux. DU POIRIER. 233 La troisième et la quatrième années, on agira selon les mêmes principes , mais toujours en se procurant des se- conds, troisièmes et quatrièmes membres, etc., diffé- rence essentielle qui caractérise les arbres à pépins. 11 est possible qu'il se soit déjà montré des brindilles et des lambourdes , car la fructification de ces arbres n'a pas une époque fixe et déterminée comme celle des arbres à noyaux -, elle est hâtive ou tardive , en raison du plus ou moins de vigueur de chaque individu. S'il ne s'eu est pas encore développé, on allonge la taille , et surtout on cesse d'ébourgeonner sur le devant des branches , parce que c'est particulièrement là que croîtront les lambourdes. On pincera les bourgeons afin de leur faire pousser des yeux à fruits , et au palissage on cassera sur quatre ou cinq yeux , comme nous l'avons dit à l'article du cassement. Koj. pag. i63. Si un des membres principaux semblait vouloir s'em- parer d'une trop grande quantité de sève et dominer sur les autres, on le détacherait du mur, et l'on arrêterait sa croissance par le moyen de l'inclinaison et de l'arcure , en même temps que l'on redresserait les membres les plus faibles. Enfin , quant à la forme, on conduit ces ar- bres selon les mêmes principes que les arbres à noyaux, et la seule différence qu'on y apporte résulte de leur manière de fructifier. En règle générale, on doit tailler court les premières années, afin de former l'arbre sur du bois vigoureux, et tailler long les autres années, pour le mettre à fruits. Mais il faut pourtant que la longueur de la taille soit tou- jours calculée sur la santé et l'état du sujet. Par exemple , si un espalier extrêmement vigoureux n'a pas fructifié depuis long-temps, non seulement on allonge beaucoup la taille, mais encore on peut se contenter de couper ou seulement casser le bout des branches , et l'on attend pour cela que la végétation ait commencé ; ce moyen est certain pour réduire les arbres les plus rebelles. Si le sujet 234 DE LA TAILLE est réglé dans ses produits, et d'une vigueur ordinaire , on le taille du fcrt au faible , c'est-à-dire , à peu près à moitié longueur des bourgeons 5 si au contraire le sujet est faible, ce qui arrive très-souvent à ceux greffés sur cognassier, on taille court, c'est-à-dire, sur trois, quatre ou cinq yeux, plus ou moins, selon les circonstances. Comme il n'est pas un œil sur le poirier qui ne puisse fournir , selon la volonté de l'homme intelligent qui le conduit, une lambourde , une brindille ou une branche à bois, on parviendra donc toujours à rendre fructueux un individu qui , entre les mains d'une personne peu instruite, serait resté stérile un grand nombre d'années. Aussi tout jardinier qui accuse un arbre de stérilité i lorsqu'il est depuis deux ou trois ans sous sa direction , ne fait à nos yeux que dénoncer son ignorance. Lorsqu'un arbre se trouve trop chargé de brindilles sur le devant , ce qui augmente son épaisseur et lui donne mauvaise grâce , lorsqu'on l'a laissé trop chargé de branches et qu'elles font confusion , enfin lorsque l'arbre languit pour quelque cause particulière , prove- nant le plus ordinairement d'épuisement ou de vieil- lesse, on raccourcit toutes ses branches pour les renou- veler , ou même on rabat jusque sur les premiers membres • ou, si le mal est grand, on ravale ces premiers membres eux - mêmes plus ou moins près du collet , selon que l'individu est plus ou moins altéré. Il repous- sera sur toutes les parties du' vieux bois un grand nom- bre de bourgeons , que l'on conduira comme ceux d'un jeune sujet, mais avec la précaution de les ménager davantage. Enfin, nous observerons que plusieurs va- riétés de poiriers , entre autres le bon chrétien d'été , qui fournissent le plus grand nombre de leurs boutons à fruits sur le bout ou au moins près de l'extrémité des rameaux, doivent être conduits de manière à ce qu'on ne soit obligé de rabattre les branches qu'après la fruc- tification. DU POIRIER. 235 Les poiriers enpalmette , àla Montreuil, et en espalier naturel , se conduisent absolument comme nous venons de le dire , àla différence des formes près. Du Contre- Espalier. Celui-ci, n'étant rien autre chose qu'un espalier, doit, en règles générales, se conduire de la même manière. On agit sur les deux surfaces , comme sur une seule dans le précédent, et l'on ébourgeonne , selon les mêmes principes, le bois mal placé poussant sur les côtés des branches, en ménageant néanmoins les lambourdes et les brindilles. Comme on ne peut donner à un contre -espalier la même hauteur qu'à un espalier , par la raison qu'il faut que l'oeil puisse par-dessus découvrir le jardin, on ne le conduit guère que sur deux branches principales, selon la forme affectée aux espaliers à la Montreuil (pi. 9., fig. 5);' et encore, pour que les membres ne dépassent jamais quatre pieds de hauteur, il faut que les branches principales soient en V beaucoup plus ouvert. Pour maintenir l'inclinaison des membres, on les pa- lisse contre des échaias ; ou , si l'on aime mieux , on peut tailler court pendant deux ou trois ans, afin de donner aux branches principales assez de force pour se main- tenir seules. Dans les bons terrains, surtout si l'on a né- gligé de choisir des sujets greffes sur petit cognassier, il arrive assez souvent qu'on ne peut obtenir facilement du fruit si l'on veut maintenir les arbres à la hauteur indiquée-, alors on est bien obligé de les laisser monter, et la vue se trouve masquée. Cet inconvénient , joint à ce que cette forme gêne beaucoup pour cultiver les carrés de jardin en entravant le passage et embarrassant les plates-bandes , sont cause que l'on ne voit plus guère de contre-espaliers dans les cultures bien tenues. 236 DE LA TAILLE De V Espalier oblique. Si Ton veut jouir promptement et couvrir un mur dans l'espace de trois ou quatre ans , aucune forme ne convient mieux que celle de l'espalier oblique. On choisit des sujets greffes sur cognassier, et on les plante comme pour un espalier ordinaire , à cinq ou six pieds les uns des autres. On les forme à la Montreuil , mais seulement sur une seule tige inclinée , la tête regardant le levant et la racine au couchant , représentant un seul côté de l'espalier ( pi. g^Jig- 7). Les arbres, par ce moyen, en se recouvrant les uns et les autres, garnissent en peu de temps toute la surface du mur. A mesure qu'ils devien- nent grands et menacent de se nuire en croisant leurs branches, on en supprime un entre deux, et l'espalier n'en reste pas moins sans aucun vide. Ces arbres se conduisent dans les mêmes principes que l'espalier ordinaire ; mais , ayant beaucoup plus de facilité à se garnir en bas , on peut beaucoup allonger la taille les premières années , et par conséquent en obte- nir du fruit beaucoup plus tôt. La seule chose que Ton ait à surveiller , c'est que la branche secondaire supé- rieure a, a, se rapprochant beaucoup de la ligne ver- ticale, n'entraîne à elle une trop grande quantité de sève. Si , malgré les moyens connus pour l'arrêter, on ne pouvait y parvenir, on la supprimerait entièrement, et on ferait garnir sa place par les. membres b, b> de l'arbre voisin , que l'on allongerait en conséquence. Toutes les espèces d'arbres propres à l'espalier se prêtent volontiers à cette forme, et sont même beaucoup plus faciles à conduire de cette manière que de toute autre. Leur produit est aussi plus considérable par la raison fort simple que l'espalier est mieux garni. En outre , cette forme convient mieux pour les murs peu élevés. DU POIRIER. 237 Du Gobelet. Il s'emploie pour les arbres dont les branches par- tent du collet de la racine, et pour d'autres dont les tiges s'élèvent d'un, deux, trois ou même quatre pieds. Dans l'un et l'autre cas ils se conduisent de la même manière. Un gobelet (pL Sjjîg-- 3 )se conduit absolument comme un contre-espalier , à la différence qu'on l'élève sur trois, quatre ou cinq branches-mères , dont les seconds mem- bres se palissent sur des cerceaux y afin de faire prendre à l'arbre la forme d'un cône renversé , dont l'intérieur est évidé comme un vase. Il ne doit pas offrir plus d'é- paisseur qu'un espalier ordinaire , et doit être bien garni de lambourdes et de brindilles , tant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Lors de la taille et du palissage , on aura grand soin d'enlever tous les bourgeons qui pourraient remplir le vase en se développant à l'intérieur. Un principe auquel on doit aussi le soumettre , e'est d'espacer également ses branches principales, et de n'en laisser aucune dominer sur les autres. Du reste , le gobelet , prôné par les anciens auteurs , offre la forme la plus vicieuse que l'on puisse donner à un arbre, et cela pour plusieurs raisons. La première, c'est que sa taille demande beaucoup de soins et de temps pour n'offrir que les résultats d'un mi-vent abandonné à la nature 5 la seconde , que deux de ces arbres placés vis-à-vis l'un de l'autre dans deux plates -bandes, ont obstrué en très-peu d'années le passage dans une allée de cinq ou six pieds ; enfin les fruits qui croissent à l'intérieur et du côté du nord, se trouvant ombragés une grande partie du jour, n'ont jamais le coloris et le par- fum de ceux qui mûrissent sur les autres points de sa surface extérieure ; outre que l'époque de leur maturité peut se trouver retardée d'une manière sensible. 238 DE LA TAILLE De la Quenouille. Cette forme (pi. 8>Jîg. 4 ) est une des plus à la mode aujourd'hui, et elle est aussi la plus avantageuse, en ce quelle fructifie très-promptement , qu'occupant très-peu de place elle ne cause aucun embarras dans les plates- bandes , et que par conséquent on a la facilité de varier beaucoup plus ses jouissances en renfermant dans un petit espace un bien plus grand nombre d'espèces et de variétés de fruits. On peut planter des quenouilles à huit, dix ou douze pieds les unes des autres , selon la nature du terrain _, soit en rang dans une plate-bande , et alors on place ordinairement un paradis , un cep de vigne , ou un groseillier entre deux, soit en quinconce, en échiquier, etc. Lorsque mon père apporta d'Allemagne en France , dans les jardins royaux de Brunoy et de Gros-Bois, la méthode de tailler en quenouille , elle eut pendant les quinze ou vingt premières années la plus grande peine à se répandre. Des jardiniers routiniers soutinrent que ces arbres ne dureraient pas long-temps, et qu'ils produiraient peu. Ces deux erreurs ont été réfutées par l'expérience toutes les fois que des arbres se sont trouvés entre les mains d'hommes qui avaient quelques notions des lois de la végétation, et elles ne peuvent plus être appuyées que par l'ignorance et ]a mauvaise foi. Il est certain qu'un arbre de quelques pieds de hauteur et d'épaisseur ne peut pas produire autant qu'un plein-vent -, mais que l'on cal- cule l'ombre portée par ce dernier et l'espace de terrain qu'il enlève à la culture -, qu'on établisse autant de que- nouilles qu'il en faudrait pour faire compensation , nous répondons que celles-ci produiront trois fois autant que l'autre -, outre que le fruit en sera beaucoup plus beau, de meilleure qualité; et d'espèces autant variées qu'on 3e voudra. Si l'on tient à posséder des quenouilles atteignant jus- DU POIRIER. 239 qu'à vingt-cinq pieds de hauteur et davantage, on choisira des sujets greffés sur franc ; pour obtenir des arbres de grandeur moyenne, on préférera ceux sur cognassier. Il faut cependant supposer qu'on doit les placer dans un bon sol ; car, dans un très-mauvais terrain, celles greffées sur franc ne formeront que des arbres ordinaires, et celles sur cognassier peuvent ne jamais dépasser cinq ou six pieds de hauteur. C'est au jardinier à étudier la qua- lité de ses terres avant de se déterminer ; il doit y mettre d'autant plus d'attention , que sans cela il n'at- teindra jamais le but qu'il se propose. Le sujet greffé à trois ou quatre pouces de terre doit avoir une tige forte, droite , et bien garnie de branches , surtout dans le bas 5 car la plus grande partie des que- nouilles que l'on trouve dans tous les jardins , ont le grand défaut d'être dégarnies près de terre , et c'est un vice irréparable. Cependant on voit souvent, dans les terrains froids et humides , les basses branches d'une quenouille souffrir considérablement du voisinage de la surface du sol : les fleurs coulent tous les ans , les ra- meaux sont maigres , comme étiolés , et les écorces se couvrent de mousses. Dans ce cas , qui fait exception à la règle , loin de maintenir une quenouille ou une pyra- mide garnie près de terre , on l'élève sur une tige de dix- huit pouces ou deux pieds. Comme il est fort rare d'avoir des sujets bien dirigés dans les pépinières , nous allons mettre l'amateur dans le cas de surveiller lui-même ses jeunes arbres jusqu'à leur troisième année de greffe, époque à laquelle on les met en place. ire Année. On conduira absolument comme nous l'avons dit pour la quenouille de pêcher. On ne calcu- lera pas l'inclinaison des membres de manière à fournir, comme dans cette dernière , un angle de quarante- cinq degrés avec la tige , parce que les poiriers forment , selon la variété , un angle ouvert à de certains degrés déterminés , et qu'il serait inutile de les contrarier sous 2/{o DE LÀ TAILLÉ ce rapport. Ainsi , on ne palissera donc jamais îes mem- bres, et on les laissera se développer selon leur nature. On doit en obtenir deux ou trois cette première fois , et un bon bourgeon terminal pour former le prolonge- ment de la tige. C'est principalement cette année qu'il faut surveiller ces membres, et leur donner tous les moyens d'acquérir assez de force pour toujours dominer sur les autres, et ne jamais être abandonnés par la sève. C'est d'eux seuls que dépendra la beauté de la que- nouille pendant toute sa durée ; et , s'ils venaient à man- quer, elle serait irréparablement et pour toujours défec- tueuse , comme nous l'avons dit. Pour les protéger dans leur développement , on supprimera donc minutieuse- ment tous les bourgeons qui pourraient leur nuire, en attirant une partie de la sève. ie Année. Si les membres sont vigoureux, on conser- vera sept ou huit yeux sur le bourgeon terminal , afin d'en obtenir trois ou quatre nouveaux membres , et on taillera court ceux de la première année, pour augmen- ter encore leur vigueur. Dans le cas où l'arbre n'aurait fait qu'une faible pousse , on ravalerait le bourgeon terminal , pour n'en obtenir cette année que le prolon- gement, ou tout au plus un ou deux membres. On ébour- geonnerait encore selon le même principe que l'année précédente , c'est-à-dire , en faveur des membres infé- rieurs , qu'on laisserait garnis de tous leurs bourgeons afin d'y attirer la sève. 3e Année. On pourrait, à cette troisième taille, arrêter le bourgeon terminal à un pied ou dix-huit pouces , si l'arbre était vigoureux , et obtenir par ce moyen quatre ou cinq nouveaux membres. Dans le cas où sa végétation aurait été faible, on continuerait à tailler court. Nous n'avons pas besoin de dire que les membres doivent être placés par étage et alternes sur la tige ; que les infé- rieurs , se trouvant les plus vieux , doivent aussi être les plus longs et les plus forts, et que ceux obtenus d'année DU POIRIER. 1^1 €ii année doivent diminuer proportionnellement de io li- gueur et de force. Assez souvent un membre , contrarié dans sa croissance par quelques circonstances particulières , dévie de sa position qui doit toujours s'éloigner régulièrement de la tige comme un rayon de son axe. S'il paraît vou- loir se jeter à gauche, on le taillera sur un bourgeon placé du côté droit, afin de regagner sa direction ; si , au contraire, il se jette sur la droite, on le taillera sur un bourgeon à gauche. Lorsqu'il paraîtra vouloir quitter le degré d'inclinaison naturelle à la variété, on agira de même, c'est-à-dire qu'on le mettra sur un œil supérieur s'il faut le relever, ou sur un œil inférieur s'il faut l'abais- ser. Quelquefois , pour rendre ce procédé plus efficace , on taille à sept ou huit lignes au-dessus du gemme , pour forcer le bourgeon à se détourner de la direction droite qu'il pourrait prendre en prolongeant la branche , s'il n'en était empêché par la rencontre du petit chicot que l'on supprime à la taille suivante. 4* Année. Nous supposons que l'arbre est mis en place. S'il a été élevé dans le même terrain, on le dé- ' plantera et replantera sur-le-champ, à l'automne , avec le plus grand soin, et l'on pourra conduire sa taille de la même manière , sans raccourcir beaucoup , parce qu'on sera assuré de la reprise. Si, au contraire, l'arbre a voyagé, que ses racines aient souffert, on rapprochera beaucoup la taille, mais en le maintenant dans sa forme. Enfin, si le sujet était déjà dégarni dans le bas, il faudrait le ravaler jusqu'à un pied de la greffe , plus ou moins , selon que la tige serait forte , et on le formerait de la même ma- nière que s'il était greffé de l'année. Nous allons conti- nuer à décrire les opérations comme si la reprise était assurée. • On taillerait le bourgeon terminal et les membres comme l'année précédente ; mais , à rébourgeonnement , on ménagerait des yeux pour former des brindilles et des 2. 16 2Zf2 DE LA TAILLE lambourdes , et on les choisirait toujours placés sur les côtés, afin que chaque membre restât entièrement dégagé de ceux qui sont placés dessus et dessous-, qu'il n'ait qu'une surface développée sur ses côtés en forme d'ailes et sans épaisseur ; enfin , que l'air et la lumière puissent facilement circuler dans l'intérieur, seul moyen de pré- server les écorces de la tige des mousses , des lichens et des chancres que l'humidité y attirerait et y maintien- drait sans cela. 5e Année. C'est la seconde de la plantation; et, si la reprise a été bonne , l'arbre doit déjà produire des fruits. On le dirigera dans les mêmes principes que les années précédentes ; mais on aura de plus à surveiller les brin- dilles et les lambourdes, selon les règles que nous avons établies précédemment. D'année en année on agira comme nous venons de dire, en ne perdant jamais de vue que l'arbre doit constamment rester bien garni du bas ; que la tige doit toujours s'élever perpendiculairement et en ligne aussi droite que possible; que les membres doivent être régulièrement espacés, qu'ils ne doivent porter aucun membre secondaire , mais seulement des brindilles ; enfin , que la plus grande épaisseur de l'arbre soit à l'endroit où se trouve l'extré- mité des membres inférieurs ; que depuis ce point jusqu'à son sommet , l'arbre aille en diminuant régulièrement et progressivement d'épaisseur, de manière à former la fi- gure d'un cône allongé. Un poirier en quenouille , conduit comme nous venons de dire , pourra rester vigoureux pendant un grand nombre d'années , et fournira des fruits d'autant meil- leurs qu'ils recevront avec la plus grande facilité toutes les influences atmosphériques , et particulièrement celles résultant des rayons du soleil. DU POIRIER. 24^ De la Pyramide. Ce n'est rien autre chose qu'une quenouille , dont la plus grande épaisseur se trouve près de terre , et qui a la figure régulière d'un cône , à partir de sa base. Du reste, la pyramide se taille et conduit comme la que- nouille, sans aucune différence, et offre les mêmes rér sultats avantageux. Lorsqu'on l'élève , il est un peu plus difficile de la bien garnir en-bas, à cause de l'inclinaison des branches; mais on y parvient en allongeant davan- tage la taille des branches inférieures pendant la seconde et la troisième années {pi. 8 ,Jig. 5). Cette forme offre de l'avantage pour mettre à fruits les espèces rebelles. On l'emploie aussi sur les variétés dont les branches ont une propension naturelle à former avec la tige un angle de quarante-cinq degrés. De la Girandole. Nous possédons , sous le climat de Paris , des espèces qui, pour mûrir parfaitement et acquérir tout leur par- fum, ont besoin -d'une plus grande quantité d'air et de lumière que les autres ; et c'est faute de distinguer ces espèces que l'on a dit que les fruits venus sur plein-vent étaient plus parfumés que ceux récoltés sur d'autres su- jets. La girandole ayant l'avantage de faire jouir les fruits de toutes les influences atmosphériques, et de les en faire jouir au même degré que les pleins- vents , peut donc les remplacer dans le même but; mais elle a sur eux une qualité , c'est que, soumise à la même taille et à la même culture que la quenouille et l'espalier , ses fruits acquièrent le même volume que ceux de ces derniers. La girandole se taille et conduit comme la quenouille et la pyramide ; mais elle en diffère par l'insertion de ses membres sur la tige. Nous avons dit que , sur les deux dernières , les branches devaient être alternes , et ?_44 DE LA TAILLE qu'une ligne qui passerait sur l'insertion de toutes tour- nerait en spirale autour de la tige -, ici , au contraire , on obtiendra quatre ou cinq membres dont les insertions opposées formeront , autant que possible , la verti- cale {pi. 8 , fi g. 6). La tige se prolongera ensuite sans branches ni rameaux , jusqu'à dix-huit pouces de hau- teur si les membres sont inclinés horizontalement, et jusqu'à deux pieds si on leur laisse leur inclinaison na- turelle, comme dans la quenouille. Là sera placée une autre verticille 5 une troisième à dix -huit pouces ou deux pieds au-dessus , et ainsi de suite jusqu'à l'extré- mité de l'arbre. JXous avons fixé la distance des verticilles, dans la supposition que l'on opère sur un poirier greffe sur co- gnassier et dans un terrain ordinaire ; mais , dans toute autre circonstance, c'est au jardinier à déterminer cette distance , selon le développement présu niable de ses arbres. On peut la rapprocher sur les sujets greffés sur petit cognassier en terrain maigre 5 et il faudra beau- coup l'écarter pour ceux sur franc et en bonne terre. Chaque verticille doit aussi s'éloigner de sa voisine en raison de son ampleur , et les distances se rapprocheront de la base au sommet, en suivant la dégradation pro- portionnelle des verticilles. 11 est possible , par exemple, que l'on ait trois pieds entre la première verticille et la seconde; deux pieds et demi entre la seconde et la troisième ; deux pieds entre la troisième et là qua- trième , etc. Des Plein-vent et Mi-vent. Le plein-vent est fourni par un sujet greffé sur sau- vageon ou sur franc ; le mi-vent l'est par un sujet greffé sur cognassier de Portugal, dans les terrains excellens et chauds, et par un sujet greffé sur franc, dans ceux qui sont médiocres ou mauvais. Le sujet peut être greffé au haut de la tige pour l'un comme pour l'autre 5 mais il vaut mieux du poMMiEn. a45 qu'il Je soit près de terre , parce que, si un coup de vent vient à le casser, on a la ressource de reformer sa tête au-dessous de la plaie , sans être obligé de le greffer de nouveau. On élève la tige, et on forme l'arbre absolument de la même manière que nous l'avons dit pour le pê- cher ( a)oj. pag. 218)5 mais on pince, un peu plus long , les bourgeons quelle produit , et l'on taille en crochets les sons-bourgeons, à deux pouces de longueur au plus. L'arbre formé , on l'abandonne à la nature, avec la seule précaution d'enlever chaque année le bois mort et les bourgeons qui se développent Je long de la tige. Si une branche , en s'emparaut de la sève , menaçait de détruire l'équilibre de la végétation , on l'en empêche- rait par les moyens ordinaires de l'arcure , de l'incision annulaire, etc. Souvent un mi-vent se charge de fruits avec tant d'abondance, que l'arbre en est épuisé, et ne produit plus rien la seconde et même la troisième année ; il serait bien d'en retrancher une partie lorsqu'ils ont atteint le quart ou le tiers de leur grosseur : ceux qui resteraient seraient plus gros, moins graveleux, pïtis parfumés , et l'on s'assurerait une récolte pour l'année suivante. Formation et Taille du Pommier. Le pommier prend toutes les formes que Ton veut lui donner, sans aucune exception, et réussit également avec toutes lorsqu'il est hien conduit ; mais, pour se plier à chacune , il faut rigoureusement qu'il ait été greffé sur le sujet qui lui est propre. i° Les pleins-vents les plus durables et les plus grands , ceux que l'on élève ordinairement pour former les pom- miers à cidre , seront greffés sur sauvageons pris dans les bois, avec l'attention de ne choisir que ceux pré- venus de semence, et non ceux sur souche : ils se re- connaissent facilement aux racines. lùfi DE LA TAILLE i° Pour former les pleins- vents de bons fruits à cou- teau, on greffera sur égrins , c'est-à-dire , sur des sujets pro venus de pépins de pommes à cidre semés et cultivés dans la pépinière. 3° Pour obtenir des mi - vents , grandes quenouilles , gobelets , espaliers horizontaux à tige , on greffe sur des sujets provenus de pépins de bons fruits à couteau , semés et cultivés comme les précédens. 4° Si Ton veut former des quenouilles et des pyrami- des de grandeur Ordinaire , des espaliers perpendiculaires et horizontaux , on greffe sur doucins. 5° Enfin pour les nains de l'espèce, les buissons, vases, les très-petites quenouilles et pyramides , les espaliers de trois ou quatre pieds de développement , on greffe sur paradis. Quelle que soit la nature du terrain dans lequel on plan- tera, il faut choisir ses sujets selon l'indication que nous venons de donner, ou jamais on ne réussira à établir, dans les arbres soumis à la taille , un constant équilibre entre la fructification et la végétation. Par exemple , les espaliers greffés sur sauvageons ou sur égrins ne donne- ront jamais que du bois ; et, s'ils se mettent à fruits ce ne sera que lorsque la vieillesse viendra diminuer leur vi- gueur. Si , au contraire, on les place sur paradis, de quel- que manière que le jardinier conduise et ménage sa taille, il ne réussira jamais à leur donner plus de quatre ou cinq pieds de développement-, encore n'atteindront -ils cette grandeur que dans un terrain de première qualité. De V Espalier. Selon l'espace de mur qu'on doit garnir, on choisit un sujet greffé sur franc , sur doucin ou sur paradis , et l'on conduit l'arbre de la même manière que le poirier. Cependant il y a cette différence que , le pommier rap- portant souvent du fruit sur le jeune bois , on ménagera DU POMMIER. ll\n sa taille de manière à conserveries bourgeons de Tannée précédente où Ton remarquerait des lambourdes ; on aurait toujours le temps de les raccourcir , ou de les supprimer à l'automne. Il arrive souvent que les pommiers sur franc ou sur doucin ont beaucoup de peine à se mettre à fruits , surtout lorsqu'on lésa taillés court et avant la végétation. Il est un moyen bien simple de les réduire -, il consiste à ne tailler que lorsque la floraison se manifeste , et à tailler fort long. Si cela ne suffisait pas , on arquerait toutes les brandies sans exception , et on ne ferait que casser l'extrémité. De V Espalier horizontal. Cette forme convient parfaitement aux arbres greffés sur franc et sur doucin , auxquels on voudrait donner un aspect pittoresque en augmentant leur produit. On peut leur faire prendre plusieurs figures , mais celle du parasol ( pi. S,Jig. i ) nous paraît une des plus agréa- bles. Si nous nous en rapportons à des dessins que nous avons reçus de la Chine, il paraît que ce genre d'arbre est très à la mode clans ce pays, et peut-être est-ce une recom- mandation , car on sait que les Chinois sont plus avancés que nous , relativement à la culture des arbres fruitiers , dont ils font à volonté des géans ou des pygmées (i). Pour former un parasol , on élève la tige comme nous l'avons dit pour les pleins-vents , et on l'arrête soit en pinçant au mois d'août, soit entaillant au printemps, à une hauteur suffisante pour que l'on puisse passer aisé- ment sous sa tête lorsqu'il est formé. On se procure quatre ou cinq bourgeons le plus près possible les uns (i) Les Chinois ont su dompter la ve'ge'tation des arbres fruitiers, au point de les maintenir tous à douze ou dix-huit pouces de hauteur, dans des vases de sept ou huit pouces de largeur. Ces charmantes miniatures se placentsur la table au dessert, et chaque convive est le maître de 24§ DE LA TAILLE des autres , afm d'avoir comme une verticille. On palisse ces bourgeons destinés à former les branches-mères , sur un cerceau soutenu par des tuteurs , jusqu'à ce que les branches soient assez fortes pour le porter elles-mêmes. On conduit ces premiers membres comme pour former un espalier, c'est-à-dire que chaque année on se procu- rera leur prolongement et des seconds membres pour garnir entre deux. On ébourgeonnera avec attention , en ne laissant développer , pendant les deux ou trois premières années de formation , que les bourgeons placés sur le côté des branches , ce qui est le contraire dans l'ébourgeonnement de l'espalier perpendiculaire. Lorsque les membres auront pris de la longueur , on placera de nouveaux cerceaux que l'on soutiendra comme le premier ; mais celui-ci n'aura, plus besoin de tuteur , ce qui débarrassera déjà d'autant le dessous de l'arbre. Alors on cessera d'ébourgeonner les yeux placés à la surface supérieure , parce qu'il faudra en obtenir de courtes brindilles et des lambourdes ; pour cela on pincera les bourgeons à quatre ou cinq pouces , et l'on cassera pendant la taille si la chose paraît nécessaire. On agira de même d'année en année jusqu'à ce que l'arbre ait atteint le développement nécessaire. Les branches seront alors assez fortes pour se maintenir elles-mêmes en position , et l'on pourra enlever les tu- teurs des cerceaux , mais ceux - ci devront toujours rester afm de servir au palissage des jeunes rameaux. Une chose extrêmement essentielle , c'est de ne jamais laisser croître un bourgeon dans une position verticale, car il aurait bientôt affamé les autres. Si l'on veut arrêter la végétation d'une quenouille et la forcer de se mettre à fruits , on peut étendre quelques- unes de ses branches inférieures en espalier horizontal , comme nous l'avons fait figurer {pi. S./ig. 2). Les fruits venus sur les arbres conduits de cette manière sont d'une qualité supérieure , par la raison qu'ils jouissent entiè- DU POMMIER. 249 rement du grand air et des rayons du soleil. On peut couvrir des berceaux , des allées, des avenues, etc., avec cette espèce d'espalier dont la forme convient plus ou moins à tous les arbres fruitiers, si Ton en retranche le pécher et l'abricotier. Dans les situations battues par les vents , en élevant seulement l'espalier horizontal , de deux , trois ou quatre pieds au-dessus de la surface du sol , on s'assurera des récoltes qui seraient fort dou- teuses si l'on donnait aux arbres une autre forme. Du Vase. On donne ce nom à de très-petits pommiers greffés sur paradis , et atteignant rarement plus de trois pieds de hauteur. On les taille et conduit selon les mêmes prin- cipes que le gobelet 5 mais, comme ils affectent de pousser très-irrégulièrement , il est difficile de leur donner une forme symétrique. On se contente donc de les palisser sur un ou deux cerceaux ( pi. 11, Jig, 1 ) , et de les évider dans l'intérieur à la manière du gobelet. 11 arrive assez fréquemment que ces petits arbres se mettent à fruits dès la seconde année $ dans ce cas on les ménage à la taille 5 mais , lorsqu'ils se mettent à bois et deviennent indomptables , il n'est pas de meilleur moyen que de les laisser un an sans les tailler , et de se contenter de casser très -long toutes les branches à bois à l'époque du mois de mai. Il arrive plus souvent aux pommiers sur paradis qu'à toute autre espèce d'arbres , de produire des boutons à fleurs sur du jeune bois. On agira de manière à conserver ces petites lambourdes au moins jusqu'après la récolte des pommes. Les vases, occupant fort peu de place, peuvent se planter à trois ou quatre pieds l'un de l'autre sans se nuire. On les met en ligne 5 souvent on en garnit les plates-bandes en en mettant un entre chaque quenouille, 25o DE LA TAILLE plus souvent encore on en forme des massifs en quinconce ou en échiquier , et alors le carré qui les renferme prend comme nous l'avons dit, le nom de normandie. Ces pommiers, vulgairement connus sous le nom de paradis, produisent peu de fruits, mais d'une grosseur surprenante et de première qualité. Du Buisson. C'est un arbre greffé sur paradis que l'on taille seu- lement pour sa fructification , sans égard pour sa forme que l'on abandonne au hasard et à la nature. Du reste , on le conduit comme le vase , et quelquefois on lui donne aussi le nom de paradis {pi. 1 1 ,Jïg. a). On le destine à occuper les mêmes places dans le jardin, et on en fait aussi des normandies. Si l'on désire donner au pommier une autre forme que celles que nous venons de décrire , on agit dans les mêmes règles que pour les espèces dont nous avons parlé précédemment , en se conformant aux différences qu'entraîne nécessairement son mode particulier de végétation et de fructification. Il n'est pas rare de voir un pommier à plein-vent former une tête si touffue , que les branches inférieures s'inclinent beaucoup pour croître et développer leurs rameaux dans une atmosphère plus aérée -, il en résulte qu'elles empêchent l'air de circuler librement autour de la tige , ce qui occasione Jes mousses , les lichens , et souvent des chancres auxquels cette espèce est assez sujette. Pour obvier à cet incon- vénient , on élague les branches basses , mais avec les précautions que nous avons recommandées à l'article de ï'ébranchement. {Voj. pag. 169.) Taille et Formation du Cognassier. Cet arbre ne se taille guère, et cela pour plusieurs raisons : la première, c'est que, poussant très-irrégulière- ment , il serait fort difficile de le soumettre à une forme DU SORBIER. 25l régulière ; la seconde et la pins importante , c'est que , ne donnant son fruit qu'à l'extrémité des rameaux , il serait impossible de conserver sa récolte en le taillant. Cependant , on peut le mettre en espalier et en que- nouille -, mais, pour cela, il faut le conduire par le moyen de l'éborgnement avant la végétation , palisser les bourgeons laissés à mesure qu'ils se développent, et ne se servir de la serpette , lorsqu'une fois il est formé, que tons les deux ou trois ans. On en sera quitte pour perdre une grande partie de ses fruits une année sur trois. En plein vent , on se contente d'enlever le bois mort et de supprimer les branches mal placées et difformes ; pour le former en quenouille ou en espalier, on peut se le procurer de bouture ; mais, pour lui former une tige , on doit l'obtenir de semis. On n'est pas dans l'usage de le greffer. Taille et Formation du Néflier. Celui-ci , plus difforme encore que le cognassier, don- ne, comme lui, ses boutons à fruits au bout des rameaux ; d'où il résulte qu'on ne le soumet à la taille que pour le mettre sur tige -, après quoi on l'abandonne à la nature. Les seuls soins à lui donner consistent à le nettoyer de son bois mort , et à enlever , au printemps , les fruits avortés qui ont séché et sont restés à l'extrémité de quelques branches. Il se refuse absolument à toute forme régulière. Taille du Sorbier. Nous n'entendons parler ici que du sorbier domestique, dont les fruits , très -acerbes , ne sont mangeables que lorsqu'ils sont parvenus à l'état que l'on nomme blette dans les poires et les nèfles. Cet arbre est extrêmement précieux , mais pour son bois seulement ; aussi l'élève- t-on toujours sur un tronc droit et aussi haut qu'il est possible. Comme il est d'une croissance très-lente , on 2.5l DE LA TAILLE mettra plusieurs annëes à lui former une tige droite , que l'on maintiendra dans cette position au moyen d'un bon tuteur. On taillera en crochets comme pour les autres arbres; mais, comme il faut plusieurs années pour lui faire acquérir une hauteur suffisante , c'est-à-dire , de dix à douze pieds , on laissera trois ou quatre bourgeons se dé- velopper près de l'extrémité , pour lui former une es- pèce de tête factice , que l'on élèvera chaque année en retranchant les branches les plus basses à mesure qu'il s'en formera de nouvelles le long du bourgeon terminal , que l'on soignera et palissera toujours verticalement. Par ce moyen la tige prendra du corps en raison de son élé- vation. Lorsqu'elle aura atteint la hauteur désirée , on l'arrêtera comme dans les autres espèces , et on laissera l'arbre croître en liberté en ne lui donnant plus que les soins d'usage pour tous les pleins -vents. Taille et Formation de V Oranger. Nous devons considérer l'oranger sous plusieurs faces différentes : i° comme arbre fruitier , et alors nous indi- querons la manière de le conduire par la taille pour en obtenir de bons fruits dans les climats favorisés où il croît en pleine terre ; 20 comme arbre d'ornement , élevé en caisse , et renfermé l'hiver dans une serre pour le dérober aux rigueurs de la gelée qui le ferait périr dans nos climats. Dans ce cas il faut encore considérer si on ne doit en tirer que de l'agrément , ou si la récolte de ses fleurs doit réunir en lui l'agréable à l'utile. Dans chacune de ces circonstances il doit être dirigé d'une manière différente. Dans le midi , en Italie et en Espagne , par exemple , soit qu'on l'élève à tige ou qu'on le maintienne en espalier, on est assez dans l'usage de le greffer sur citronnier, ou autre espèce à fruit aigre ; pour l'avoir d'une croissance de l'oranger. 253 plus prompte , et sur lui-même pour l'avoir plus robuste. En espalier on se contente de lui laisser prendre sa forme naturelle; mais sur tige on lui assigne assez ordinairement une tête régulière , et alors on le taille comme nous le dirons plus bas. Seulement , comme la floraison est plus régulière dans ses époques , le temps de la taille varie aussi beaucoup moins. Les gens, qui spéculent et sur sa fleur et sur ses fruits , ménagent à la taille d'hiver toutes les brindilles qui marquent fleur, et ne l'en débarrassent que lorsque les fruits sont assurés, c'est-à-dire, à l'époque de Fébourgeonnement. Alors ils n'en laissent que ce qu'il en faut pour assurer la récolte de l'année suivante : du reste , ils taillent dans les mêmes principes que pour les autres arbres fruitiers , c'est-à-dire , court les individus faibles , et long* ceux qui sont très-vigoureux. Dans nos pays on ne doit rien toucher à l'oranger pendant qu'il est dans la serre , parce que l'humidité qui pourrait séjourner sur les plaies lui deviendrait plus dangereuse que le froid lui-même. On doit pendant l'hiver se contenter d'enlever scrupuleusement toutes les feuilles moisies , et d'essuyer la moisissure partout où elle se rencontre. Â Paris on donne la préférence aux orangers greffés sur limoniers , parce que leur croissance est beaucoup plus rapide. Supposons que le sujet soit greffé à six ou huit pouces de terre , et qu'on veuille l'élever à tige. Chaque année , en le sortant de la serre , on taillera les bourgeois latéraux de la greffe , mais sur quatre ou cinq yeux , afin que la tige puisse prendre du corps ; ce qui n'arriverait pas si l'on n'y arrêtait la sève par le moyen de la taille en crochets. Lorsqu'il aura la hauteur désirée , on pincera le bourgeon terminal , afin d'obtenir trois ou quatre branches principales. Si l'on avait ainsi élevé un sauvageon , il faudrait at- tendre pour le greffer que sa tige ait acquis au moins la grosseur du doigt, pour pouvoir y placer deux écussons , 254 DE LA TAILLE l'un d'un côté, l'autre de l'autre. Soit que l'on ait soi- même amené un oranger à cet état , soit qu'on l'ait fait venir de Gênes, on agirait comme nous allons le dire. On taille les deux greffes chacune sur deux yeux, afin d'en obtenir quatre bourgeons pour former parla suite les branches principales, et l'on a un sujet dans le même état que celui que nous avons supposé, plus haut, greffé près de terre. On le conduit de la même manière. Si l'on veut obtenir promptement de la fleur et du fruit, on taille très-long dès la seconde année, ou même on ne fait que pincer l'extrémité des branches ; les années suivantes on laisse l'arbre croître à sa fantaisie, et l'on ne fait que pincer le bout des rameaux qui ten- draient à s'éloigner trop de la tige pour former sa tête en boule. Au bout de fort peu de temps l'arbre s'arrête de lui-même et se met à fruits , surtout si ses racines sont un peu gênées dans leur caisse. Mais lorsque , plus sage dans ses désirs , on préfère un arbre bien formé , d'une santé vigoureuse , on taille très- court les trois ou quatre premières années afin de don- ner à la tête une forme régulière , et aux branches une force suffisante pour leur faire conserver pendant des siècles un équilibre de sève sans lequel l'oranger ne sera jamais véritablement beau. A rébourgeonnement on ne laisse jamais que le bois utile et bien placé, et d'année en année on allonge la taille jusqu'à ce qu'enfin on mette l'arbre à fruits. C'est alors que l'on dirige l'oranger sur des principes différens, selon que l'on veut obtenir une récolte de fruits ou de fleurs. Dans le premier cas, aussitôt que l'arbre , sorti de la serre , est accoutumé à l'air libre , on taille sans égard pour les fleurs , selon les, mêmes prin- cipes que les autres arbres fruitiers. Toutes les branches faibles et celles qui auraient pu végéter dans l'orangerie, sont taillées court , et l'on supprime tout ce qui paraît étiolé. On retranche les brindilles surabondantes, et l'on de l'oranger, 255 raccourcit les branches qui s'éloigneraient de la figure sphérique que doit avoir la tête. On nettoie l'intérieur des branches chiffonnes et autres mal placées qui in- tercepteraient la circulation de l'air, et enfin on ne lais- se que du bois vigoureux et bien formé. Lors de i'ébour- geonnement on ne laissera sur l'arbre que la quantité de fruits qu'il peut nourrir , et à l'automne on retran- chera tous les bourgeons inutiles qui auraient pu se développer en trompant l'attention du cultivateur. Si quelques branches s'emportaient en sève au détriment des autres, il faudrait voir si on ne pourrait pas les uti- liser pour en remplacer d'autres languissantes que l'on supprimerait, ou pour boucher un vide en les dirigeant dans la position nécessaire pour cela; dans ces deux cas on les taille^ppit fort long, ou même on ne ferait que les pincer à l'extrémité pour arrêter leur végétation. S'il fallait absolument les retrancher , on aurait le soin de les couper à leur insertion rez l'écorce , pour être assuré qu'elles ne repousseraient pas. Si l'on destine les orangers à fournir d'abondantes récoltes de fleurs, on se dirigera sur d'autres principes. On ne touchera point aux arbres après les avoir sortis de la serre, parce qu'on ne pourrait tailler alors sans enlever une partie des brindilles sur lesquelles on voit déjà paraître les jeunes boutons à fleurs. On se contentera de retrancher tout le mauvais bois que l'on pourra sup- primer sans toucher aux brindilles , et l'on attendra que la récolte soit faite pour tailler dans les mêmes prin- cipes que nous venons de donner. Mais il en résulte tou- jours un grave inconvénient 5 c'est que, la saison étant très-avancée lorsque l'on taille, les jeunes bourgeons n'ont pas le temps de prendre de la force avant l'hiver -, ils ne mûrissent pas leur bois , et restent pendant toute la mauvaise saison dans une espèce d'hésitation de sève qui les rend extrêmement sensibles au froid et à l'hu- midité. 256 DE LA TAILLE Lorsqu'un oranger se trouve gêné clans sa caisse , ce qui se reconnaît aisément à la teinte jaunâtre de son feuillage et à la faiblesse de ses pousses, il faut ou lui donner un vase plus grand, ou rapprocher ses racines. Cette dernière opération détruit l'équilibre de sève si nécessaire à la végétation , et c'est la taille seule qui peut le rétablir. Dans cette circonstance on raccourcit toutes les branches, plus ou moins selon l'urgence, et l'on di- rige l'arbre de la même manière qu'on l'avait déjà fait lors de sa formation, jusqu'à ce que l'équilibre soit ré- tabli, et que sa nouvelle tête se mette à fruits. Cette taille doit se renouveler chaque fois que l'on fait un rempotage dans le même vase. Taille et Formation du GrejiacfJ^r. Cet arbre , se trouvant absolument dans le même cas que l'oranger, doit se diriger selon les mêmes règles; seulement on a moins besoin d'y porter la serpette , parce qu'on le dirige assez facilement par le moyen du pince- ment. Pour l'avoir sur tige , il faut se le procurer de se- mence -, mais, en buisson, il réussit parfaitement de bou- tures ou marcottes. Pour en obtenir de beaux fruits, il faut l'évider à l'intérieur , retrancher au printemps toutes les branches faibles qu'il multiplie avec profusion , et le pincer lorsque ses bourgeons ont atteint la moitié ou les deux tiers de leur longueur , afin de le mettre à fleur. Dans les pays où le grenadier peut passer l'hiver en pleine terre , il se prête fort bien à la tonte , et peut former de charmantes palissades. DE LA VIGNE. 25^ TROISIÈME DIVISION. TAILLE ET FORMATION DES ARBRES A FRUITS EN BAIE. Cette division renferme des arbres et des arbrisseaux dont la végétation et la fructification varient beaucoup selon les espèces , et par conséquent exigent des métho- des de taille tout-à-fait différentes. Si Ton en excepte la vigne et le groseillier , aucun n'a été soumis à des formes régulières , et on ne leur fait subir qu'une taille d'éducation. Taille de la Peigne* Soit que le jeune sujet ait été obtenu de marcotte ou de bouture, qu'il ait été greffé ou non, lors de sa plan- tation, on ne doit lui laisser, la première année, que deux ou trois bourgeons, quelle que soit la forme que l'on veuille donner à l'arbre. Au-dessus de la latitude de Paris on ne peut guère espérer une parfaite maturité dans le raisin que lorsque la vigne est étendue en espalier contre un mur tourné au midi. Passé le quarante-hui- tième degré on ne peut même cultiver que des espèces vigoureuses et hâtives. Dans le Nord , et particulièrement en Angleterre , on ne les élève que dans des serres cons- truites exprès; mais, dans tous les cas, on taille selon les mêmes principes : parla raison que, dans les climats qui sont favorables à la vigne, sa taille varie comme dans les serres, selon son plus ou moins de vigueur. On se souviendra qife nous avons recommandé de ne jamais couper trop près d'un œil , toutes les fois que l'on portera la serpette sur du nouveau bois, pour éviter la mortalité qui descend toujours de quelques lignes au dessous de la plaie ; mais bien de tailler à un demi-pouce à peu près au dessus du gemme, en biseau dont la base lui sera opposée (pi. 7 , Jig. 2), afin que l'écoulement 2. 17 258 DE LA TAILLE de la sève, très -abondant dans la vigne, trouve faci- lement à s'échapper sans mouiller l'œil qu'il pourrait noyer. L'époque à laquelle on taille est très- essentielle à connaître, quoiqu'elle varie selon les différons climats. Dans les pays où il gèle peu ou point , on taille dès le commencement de l'hiver ; et cette méthode est excel- lente, parce que les plaies ayant le temps de se sécher avant la végétation , il se fait une moindre déperdition de sève ; le végétal en est plus vigoureux , et sa végéta- tion est beaucoup plus hâtive^ ce qui assure la matu- rité des espèces de raisins qui ne mûrissent ordinairement qu'à la fin de l'automne. Dans les pays où le froid a de l'intensité , on retarde plus ou moins le moment de la taille , afin de s'assurer qu'il ne gèlera plus lorsqu'elle sera faite ; car, s'il en était autrement, l'humidité apportée sur la coupe, soit par la sève , soit par le brouillard ou la pluie , formerait un glaçon qui désorganiserait le gem- me par le froid , ou en faisant éclater le rameau. Outre cet inconvénient , les bourgeons, en se développant beau- coup trop tôt, seraient plus exposés aux gelées blanches qui se prolongent souvent jusqu'à la fin d'avril. Dans la partie de la France au-dessous de la latitude de Lyon, on peut commencer à tailler dès la fin de janvier; un peu pins au nord on retarde cette opération jusque vers le milieu du mois de février ; il est rare qu'on puisse la faire dans les environs de Paris avant le mois de mars; et, si Ton se trouve plus au nord, on pourra la reculer jusque vers la fin d'avril. C'est l'intelligence du cultiva- teur qui doit lui faire choisir le moment le plus favo- rable, selon la température ordinaire du climat qu'il habite. De la Treille. On donne généralement ce nom à toutes les vignes développées , comme l'espalier , en surface sans épais- DE LA VIGNE. 1^ seur. La treille s'étend le plus ordinairement contre une muraille ou contre une charpente formant berceau ; et , dans ces deux cas, on la dirige de plusieurs manières, selon le goût de la personne qui taille ; mais cependant il en est de plus avantageuses les unes que les autres , et nous allons décrire ces dernières. Pour obtenir une belle treille (pZ. g,fig. 8) qui tapisse parfaitement une grande étendue de mur , et fournisse une abondante récolte , on doit donner la préférence à la méthode qui suit, adoptée par les habitans de Tho- mery. On plante le sujet contre la muraille , ou mieux, si l'on veut se conformer aux principes de culture des habitans du village que nous venons de citer , à trois ou quatre pieds de distance, dans la plate-bande , en le cou- chant du côté dumur. La première année on ne lui con- serve qu'un seul jet , que l'on enterre de nouveau à un pied de profondeur , et de manière à ne laisser sortir son extrémité hors de terre qu'à six pouces du mur. Ce n'est qu'alors que l'on commence à le diriger pour former la treille. iere Année. On taille sur trois ou quatre yeux, qu'on laisse se développer jusqu'au moment de rébourgeonne- ment, qui doit avoir lieu en juin et juillet, au moins sous le climat de Paris. A cette époque on ne conserve qu'un seul bourgeon , le plus vigoureux des trois , que l'on palisse verticalement , afin d'obtenir la tige c. 2e Année. On taille très-long , afin de mettre, cette année même , la tige sur toute sa hauteur , et l'on ébour- geonne ou l'on pince tous les sarmens latéraux. Si l'on désire former une tige très-haute, capable d'étendre ses branches latérales sur des espaliers, on sera obligé de négliger les seconds membres pour ne s'en occuper qu'au printemps suivant 5 mais, si l'on a une hauteur de tige suffisante , on ménage les trois bourgeons supérieurs , afin d'en obtenir les deux branches latérales inférieures d, d , et le prolongement de la tige e. 260 DE LA TA1LLX 3e Année. On taille le sarment vertical à deux pieds de longueur, pour obtenir son prolongement À, et deux nouvelles branches latérales J^, f. Cependant, s'il n'était pas très-vigoureux , il vaudrait mieux le rappro- cher sur ses deux yeux inférieurs pour en obtenir un nouveau plus robuste, que l'on taillerait, l'année suivante, comme nous venons de dire. Les deux premiers mem- bres d, cl y se laissent plus ou moins longs, selon qu'ils sont plus ou moins vigoureux ; mais cependant il est tou- jours plus prudent de les maintenir à un pied au plus pour cette fois. On ébourgeonne rigoureusement tous les jets inutiles, mais on peut en conserver deux, g, g, pour fournir les deux premières branches à fruits. Nous n'avons pas besoin de dire que cet ébourgeonnement doit se faire indispensablement tous les ans, et à toutes les époques, depuis que le .fruit est noué jusqu'à sa matu- rité. Dans cette opération on ne ménagera jamais que les bourgeons destinés à fournir le prolongement de la tige, des branches latérales, et des branches à fruits ; tous les autres seront supprimés sans exception , et l'on agira dans les mêmes principes pendant toute la durée du végétal. 4e Année. Si l'on veut former la treille sur plusieurs rangs de cordons, on continue à prolonger le sarment vertical , et à lui faire produire de nouvelles branches latérales. Dans le cas contraire, on le supprime en i, en le coupant rez l'écorce , c'est-à-dire , au-dessous de son oeil inférieur , afin qu'il cesse entièrement de donner des bourgeons qu'il faudrait retrancher avec grand soin. On se procure le prolongement des membres d9 d,f,f9 et l'on ménage dessus les branches à fruits k , k , etc. Celles e, e, obtenues l'année précédente, se taillent sur deux yeux, qui formeront deux nouvelles branches à fruits , que l'on palissera presque verticalement pour gar- nir l'espace vide, de deux pieds de largeur, entre les branches latérales. DE LA YIGNB. 2.6l 11 est de règle de toujours tailler les branches à fruits sur deux yeux , afin de n'avoir que deux branches dont on supprime la plus haute , chaque année , en la ravalant jusque sur la plus basse , afin d'allonger le moins possible le chicot ou courson o, o, etc., qui les fournit. Ces coursons eux-mêmes se raccourcissent lorsqu'ils fournis- sent un bon bourgeon capable de les remplacer , et inséré près de la branche-mère. Les sarmens à fruits seront es- pacés plus ou moins sur les branches latérales, selon que celles-ci seront plus ou moins vigoureuses ; mais ils ne seront jamais à moins de six pouces les uns des au- tres, ni à plus de dix-huit. On les palissera régulière- ment, de manière à ce qu'ils ne fassent pas confusion , et qu'ils ne se croisent pas les uns les autres. Tous ceux faibles ou mal placés seront retranchés. 5e Année. On agira, comme dans les tailles précéden- tes, en s'attachant principalement au prolongement des branches latérales. Pour l'obtenir , on choisit le bourgeon le plus vigoureux et le plus près de l'extrémité p , p; on l'incline horizontalement , et on le taille court ou long selon sa vigueur r car il doit d'autant plus être ménagé ,, qu'il est destiné à fournir du bois à conserver , et du fruit. Si on le raccourcissait trop, il donnerait une quan- tité de bois superflu et point de raisins; si on le laissait trop long, il formerait beaucoup de grappes, mais petites et d'une qualité inférieure , outre qu'il n'y aurait point de bois_, et que la vigne serait bientôt épuisée. Cette règle est applicable à toutes les branches et à toutes les vignes. Enfin on continue, chaque année , à conduire la treille comme nous venons de dire ; et, lorsqu'on veut l'arrêter , on rapproche à toutes les tailles le sarment terminal des branches latérales p, p, sur un courson, comme nous l'avons dit pour les branches à fruits. Le palissagède la vigne ne doit jamais se commencer que lorsque le fruit est bien noué, à moins que quel- 262 DE LA TAILLE ques sarmens ne se trouvent en danger de se rompre, car dans ce cas il y a nécessité de les soutenir. Si l'on opérait avant cette époque , il en résulterait que la sève des bourgeons que l'on enlève se porterait dans les grappes, les allongerait beaucoup en vrilles, et ferait avorter le raisin. L'effet est le même lorsque l'on taille trop court sur du bois très-vigoureux. Il importe beau- coup aussi de ne pas trop serrer les attaches des pampres, afin de ne point entraver la végétation , ce qui don- nerait lieu à des sous-bourgeons de se développer avant l'hiver au-dessous de la ligature , et ils priveraient le sarment de bons yeux pour l'année suivante. Quelque temps avant la maturité des fruits on fait un ébourgeonnement général , et l'on enlève les feuilles qui empêchaient les raisins de jouir des rayons du soleil et du grand air. Pour la vigne , comme pour tous les autres arbres , on n'ôtera de feuilles qu'autant qu'il faudra pour parvenir à son but et jamais plus , parce que cela deviendrait dangereux pour le végétal , comme nous l'avons déjà dit. Les bourgeons qui croissent au bas des tiges et sur les racines seront enlevés jusque sur 3e vif. Une vigne, conduite de cette manière sur deux ou trois rangs de cordons , peut garnir une longueur con- sidérable de muraille, si le terrain lui convient parfaite- ment. On en eite un cep en Hollande qui s'étend sur cent vingt pieds de longueur, et un autre en Angleterre , qui forme un cordon de cent cinquante pieds. Quoique nous ayons dit que cette méthode était celle adoptée à Thomery , quelques habitans la modifient pourtant de la manière suivante : au lieu de former quatre ou cinq cordons sur la même tige, ils n'en for- ment qu'un qu'ils étendent à droite et à gauche , et d'autres ceps fournissent les cordons supérieurs. Ainsi ils plantent autant de sujets qu'ils veulent établir de cor- dons , et les espacent en conséquence. Le premier cep DE LA VIGNE. 2Ô3 fournit le cordon inférieur à huit ou dix pouces de hauteur ; le second fournit le deuxième cordon à dix- huit pouces au-dessus du premier 5 le troisième cep fournit le troisième cordon distant du deuxième comme celui-ci Test du premier y et ainsi de suite , jusqu'à ce qu'ils aient garni toute la hauteur du mur. Ce genre de treille convient très-bien dans les terrains d'une mé- diocre profondeur, où un seul cep ne trouverait pas à plonger assez loin ses racines pour fournir à la végé- tation de quatre ou cinq rangs de branches. Du Berceau. La manière de conduire la vigne, pour couvrir les ber- ceaux et autres salles de verdure , est assez arbitraire 5 cependant il faudra toujours chercher à lui faire prendre une forme régulière {pi. n-,Jig. 3 ) , et la tailler se- lon les principes établis. Seulement , comme on a moins de membres principaux à obtenir , on peut tous les ans allonger davantage la taille, afin de faire couvrir plus tôt la charpente qui doit la soutenir. Cette méthode est moins avantageuse que lés autres pour la qualité du fruit, parce que les grappes, pendant toujours dans l'intérieur, ont peu d'air , de chaleur , et point du tout de soleil. Si on tentait de leur en donner en effeuillant , le but qu'on se propose , celui de se procurer de l'ombrage lorsque l'on établit ces petites compositions , serait entièrement manqué. Du Cordon. Cette manière de conduire la vigne est extrêmement avantageuse pour garnir le chaperon d'un mur contre lequel on cultive un espalier , et mieux encore pour former un rideau devant la plate-bande où l'on craindrait de porter un ombrage nuisible sur les arbres de cet espalier. 264 DE LA TAILLE Pour établir un cordon sous le chaperon d'une mu- raille , on plante comme nous l'avons dit dans l'article de ]a treille ; mais pourtant, si le terrain de l'autre côté dépendait du jardin , il vaudrait mieux , pour le cordon comme pour la treille , planter de l'autre côté et faire passer la tige par un trou oblique percé dans la muraille à cet effet* Il en résulterait que les racines de la vigne et de l'espalier ne pourraient se nuire réciproquement. Quand même Je mur sépareraitle jardin d'une cour pavée, on n'en agirait pas moins de même, car la vigne réussit également bien lorsqu'elle étend ses racines sous des pavés et même des dalles. Pendant les premières années onélèveraitla tige comme nous l'avons dit; et, lorsqu'elle serait parvenue à la hauteur du chaperon, on l'arrêterait pour ne lui laisser pousser qu'un membre à droite et un à gauche. On gouvernerait ces branches pour les prolonger et en obtenir du fruit, de là même manière que les cordons de la treille -, mais, comme il n'y en aurait qu'un rang, on allongerait beaucoup plus la taille sans craindre d'épuiser le cep. Dans notre pi. n ,Jïg. 3, a, nous avons figuré , contre un berceau , un membre de vigne développé en cordon \ il y a cette différence qu'au lieu de palisser les branches à fruits sur une charpente , comme dans la figure, on les inclinera davantage pour qu'elles ne dépassent pas le mur, et on les attachera à la loque, sur le chaperon au-dessous. SI l'on veut établir le cordon à l'air libre, ou, pour m'expliquer plus clairement, former un contre-espalier, on plante en ligne, le long d'une plate-bande, des piquets espacés de huit ou dix pieds les uns des autres , et on leur fait supporter une traverse , qui ne doit être élevée qu'à trois pieds et demi ou quatre pieds au plus. Au- près de chaque piquet on plante un sujet que l'on élève à la hauteur de la traverse, et que l'on palisse dessus \ on peut le palisser droit {pi. n ,y%. 4)? et dans ce cas on courbe les branches à fruits autour de la traverse ; ou DE LA VIGNE. - 265 le palisser en spirale autour de la traverse , et alors les branches à fruits se palissent droit , mais toujours in- clinées horizontalement. Lorsque l'on veut avoir un confre-espalier mieux fourni , on établit deux rangs de cordons , l'un à deux pieds de hauteur sur une première traverse , l'autre a quatre sur une seconde. Dans l'un et l'autre cas on taille et gouverne la vigne comme la treille , et l'on calcule la longueur de la taille de for- mation , sur la vigueur des ceps et la qualité du terrain. Cette méthode s'emploie pour la grande culture dans quelques cantons du Maçonnais, du Beaujolais et du Lyonnais. Chaque rang de vigne est espacé de vingt ou vingt-cinq pieds, et l'on cultive des céréales entre deux. On ne récolte que du vin blanc sur les cordons nommés hautains par les habitans de ces pays-là. Il peut arriver que l'on ait à garnir des piliers, co- lonnes , et autres choses semblables {pi. 1 1 , fîg. 5 ). On suit les mêmes principes que pour les cordons que nous venons de décrire , à la différence que la tige doit toujours embrasser le corps autour duquel il faut qu'elle étende ses pampres. On doit donc la conduire en spirale. Mais , si la colonne était très-grosse , pour la garnir par- tout il faudrait deux ou plusieurs ceps ; alors on pourrait allonger les tiges en spirales opposées, comme nous l'a- vons figuré , et à chaque tour elles se croiseraient; ou. bien on les mettrait en spirales dans le même sens , et dans ce cas il faudrait veiller à espacer les deux tiges toujours dans la même proportion depuis le bas jus- qu'au haut. En tout état de cause les branches à fruits se palissent verticalement. Il nous reste à parler de la taille que l'on fait subir aux vignes cultivées isolément dans des jardins , ou en plein champ pour en obtenir des récoltes de vin. Elle varie considérablement selon les lieux et les usages 5 mais , comme ses principes sont toujours basés sur les lois de la végétation , on ne peut pas mal faire si l'on a parfaite- 266 DE LA TAILLE ment compris ce que nous ayons dit précédemment , en prenant en considération le peu de règles générales que nous allons ajouter ici. i° La vigne ne pouvant produire dans un an que du bois d'une grosseur déterminée , n'excédant jamais ou au moins très-rarement celle du pouce , on peut la tenir dans de petites proportions, ou lui faire couvrir un grand espace] à volonté , en rapprochant ou en allongeant la taille. Elle produit également dans l'un et l'autre cas, si ses racines peuvent se mettre en équilibre avec sa tête. D'où l'on tire la conséquence que dans tous les terrains on peut la tenir très- courte , mais qu'on ne peut pas lui faire prendre un grand développement dans les terres peu profondes. 2° La vigne étant toujours plus vigoureuse dans les bons terrains que dans les médiocres , on peut davantage allonger la taille dans les premiers que dans les seconds, indépendamment de la profondeur du sol. 3° Poussant plus vigoureusement dans les climats chauds que dans les pays froids , on allongera plus sa taille à mesure qu'on se rapprochera du midi , et on la raccourcira beaucoup dans le nord. 4° Trop de chaleur nuit à la maturité du fruit en le desséchant ; s'il n'y en a pas assez, il ne mûrit pas. Il fau- dra donc ombrager ses pampres dans les climats très- chauds, et ne pas blâmer leshabitans du midi, qui mêlent ses rameaux à travers le feuillage des ormeaux autour desquels ils font grimper leurs vignes. Dans les pays tempérés , c'est-à-dire , au-dessous du 446 degré , on pourra les cultiver à toute exposition ; plus rapprochées du nord , on les exposera au midi en les plantant sur le flanc des coteaux suffisamment inclinés pour recevoir plus ou moins perpendiculairement les rayons du soleil. Les conséquences à tirer de ce principe, pour l'opération de la taille , sont très-essentielles. On sait que la terre refîel te les rayons du soleil et la chaleur ; que plus un DE LA VIGNE. 267 objet est rapproché de sa surface (lorsqu'elle n'est pas humide), plus il éprouve de chaleur. Ainsi^ dans les tem- pératures très-chaudes, on cultivera la vigne à une grande élévation comme font les habitans du midi ; dans un climat tempéré, on ne l'élèvera que de quelques pieds , et dans les températures plus froides , comme celle des environs de Paris , on la tiendra très-bas. 5° Plus la vigne sera basse , moins on y laissera de bourgeons ; et c'est la conséquence naturelle des prin- cipes que nous venons d'établir. Nous avons figuré {pi. n;, Jig. 6) un cep taillé comme on doit le faire dans les pays tempérés , depuis le 44° degré jusqu'au 46e et au-delà ; mais en modi- fiant cependant la taille selon l'exposition , la tempé- rature qui en résulte , et la qualité du terrain : a , est 3a tige élevée de quelques pouces seulement*, b, b, b, sont trois membres que l'on allonge le moins possible : dans une température très-favorable et dans un terrain excellent on peut conserver quatre membres-, dans les climats froids et en terre médiocre il serait mieux de n'en avoir que deux, c , c , c, etc. , sont les branches à fruits taillées sur deux yeux \ elles sont portées sur des coursons très-courts et que l'on renouvellera souvent. Chacune de ces cornes fournira deux branches à fruits , dont on retranchera la supérieure à la taille suivante , pour ne pas augmenter le nombre des coursons , car sans cela ils se trouveraient doublés chaque année. Un cep de vigne tel que celui que nous avons figuré y s'il est taillé , ébourgeonné , comme nous l'avons dit plus haut, produira douze branches à fruits dont chacune pourra aisément fournir deux belles grappes -, total , vingt- quatre raisins , qui fourniraient une énorme récolte de vin , si chaque cep d'un vignoble en donnait autant. Lors du palissage, on agira selon les principes établis, en attachant les sarmens à des échaïas ; et l'on effeuillera dans la saison. 268 DE LA TAILLE Taille de l'Olivier. Cet arbre précieux ne se conduit qu'en plein vent , et l'on n'est guère dans l'usage de le tailler que pendant les trois ou quatre premières années $ après quoi on l'a- bandonne à la nature , en se contentant d'élaguer les branches mortes , défectueuses ou mal placées. Il en résulte que souvent il porte une grande quantité de fruits petits et mal nourris , qu'il s'épuise, et que l'année suivante il reste stérile. Nous pensons que, si on le sou- mettait à une taille régulière et raisonnée, basée sur les lois de sa végétation , on rétablirait l'équilibre dans ses récoltes, qui n'en seraient que meilleures , parce que la grosseur et la qualité des fruits compenseraient assez la quantité , surtout si on prenait le parti de le multiplier par les semis et la greffe. Du reste, il se traite comme les autres arbres à noyaux. Taille du Figuier. Jamais on ne cherche à donner une forme régulière à cet arbre , parce que la grande quantité de sève qu'il perd chaque fois qu'on lui fait une amputation, rend sa taille dangereuse. On se contente de supprimer au prin- temps un peu avant la sève, les branches mortes et celles qui sont stériles. On ne coupe jamais qu'à un demi- pouce au-dessus d'un œil , parce que la mortalité le gagnerait , comme dans la vigne , si l'on coupait dessus. On n'abattra jamais une branche en la coupant rez tronc, pour la même raison. Lorsqu'on veut l'élever à tige, on le conduit comme les autres arbres 5 mais il vaut mieux se servir du pincement que de la serpette , et mieux en- core de l'éborgnement. En le soumettant à cette der- nière pratique , on parviendrait à le former sans beau- coup l'épuiser. DU FRAMBOISIER. 269 Taille du Mûrier. Rarement on le soumet à une taille régulière , à moins que ce ne soit pour ea former des avenues , allées cou- vertes , etc. ; et dans ce cas on opère par la tonte ( voyez page i^3) comme pour les autres arbres d'ornement. Si on le taille, ce n'est guère que pour retrancher le bois mort , les branches inutiles , ou pour le rajeunir lorsqu'il est trop vieux ou que ses fruits ont dégénéré. Dans ce cas on agit comme nous avons dit à l'article ébranche- ment , page 169 . Le broussonnetier se conduit de la même manière. Taille et formation du Groseillier. Cet arbrisseau charmant ( les espèces à grappes ) se prête avec la plus grande facilité à toutes les formes que l'on veut lui donner. Placé dans une plate-bande entre des quenouilles , on le met en buisson , en quenouille , en girandole et en boule. Le long d'un mur à hauteur d'appui il forme de très-jolis espaliers 5 enfin on en fait des palissades fort agréables pour diviser des massifs et autres petites compositions. Sa taille se fait en février ; et, indépendamment de la figure régulière qu'on désirera lui donner , on retranchera le bois mort, et l'on rabattra les vieilles branches qui cesseraient bientôt de donner du fruit. Les autres opérations de la taille se dirigeront d'après les principes généraux de la végétation. Taille du Framboisier. Le framboisier ne porte jamais de fruits que sur le bois de l'année précédente , et c'est là-dessus que le jardinier se dirigera dans sa pratique. Lorsqu'il est dans un terrain qui lui convient, tous les ans il pousse des rejetons vigoureux , longs de trois ou quatre pieds et davantage , qui sont très-précieux pour le renouveler. On choisit 270 DE LA TAILLE les plus vigoureuses de ces jeunes pousses , on les taille par le bout , et on les palisse en les courbant en demi- cerceau à leur extrémité. Elles ne tarderont pas à émettre dans lé tiers supérieur de leur longueur une quantité de petites ramilles couvertes de rieurs, et plus tard de fruits. Lorsque Ton a une quantité suffisante de ces rejetons pour garnir la palissade que l'on fait avec le framboisier , on supprime rez terre les tiges qui ont fructifié l'année précédente 5 s'il n'y en avait pas assez on rapprocherait les vieilles tiges sur le bourgeon le pîus vigoureux , que l'on arquerait et palisserait comme les rejetons. Les uns et les autres s'arquent dans le même sens et sur une seule ligne , de manière à former la figure symétrique d'un treillage en cerceau. Les rejetons, trop petits pour qu'on puisse en espérer du fruit dans l'année , se taillent à quinze ou dix-huit pouces de long , afin d'en obtenir des bourgeons fructueux pour l'année suivante. Taille du J^inettiei\ L'épine-vinette ne se taille guère que pour former des haies qui deviennent impénétrables en fort peu de temps. On opère avec des cisailles , comme nous avons dit à l'article de la tonte. Cependant avec un peu de soin , et en se bornant à retrancher les branches qui font confusion, celles qui , trop vigoureuses , entraînent à elles une grande portion de sève , et détruisent par conséquent l'équilibre de la végétation , on réussit toujours à aug- menter son produit. DES NOYER, CHATAIGNIER, ETC. 27! QUATRIÈME DIVISION. TAILLE DES ARBRES A FRUITS A ENVELOPPE. Dans cette division nous comprenons les noyers , noisetiers et châtaigniers. Comme aucun de ces arbres n'a été soumis à une forme régulière , nous n'en ferons qu'un seul article. Le noyer se cultive pour son fruit et pour son bois. Pour obtenir le premier résultat de la manière la plus avantageuse , il faut le greffer, afin d'augmenter le nom- bre , la grosseur et la qualité des noix. Dans le second cas on se contente de l'élever de semence. Si l'on voulait obtenir à la fois la qualité du bois et celle du fruit , on relèverait de semence jusqu'à ce que sa tige fût formée , et on la grefferait au sommet pour former sa tête. De quelque manière que l'on se détermine, on élève le jeune sujet comme les autres arbres fruitiers , c'est-à-dire , en taillant en crochets jusqu'à ce que la tige ait atteint lalon- gueur voulue ; alors on l'arrête ; et, soit qu'on la greffe ou non, on abandonne l'arbre à sa nature. Il ne reste plus qu'à* supprimer les branches mortes, et à le rapprocher, par le moyen de l'ébranchement , lorsqu'il devient vieux et que ses branches commencent à se dessécher aux extrémités. Si l'on tenait à avoir du bois de première qualité , il vaudrait mieux l'abattre à cette époque. Le châtaignier s'élève comme le noyer ; mais , lorsqu'il forme sa tête j il est sujet à pousser des branches gour- mandes, qu'il faut retrancher pour lui conserver quelque régularité , ainsi que les brindilles et branches faibles. Lorsqu'il commence à vieillir , il arrive souvent que la végétation abandonne jusqu'à un certain point l'extré- mité des branches , pour se porter à leur insertion et y développer des gourmands ; la nature indique au culti- vateur ce qu'il faut faire. On ravale les branches à trois 272 DE LA TAILLE DES NO YË Rr CHATAIGNIER , ETC. ou quatre pieds du tronc ; les gourmands s'e multi- plient , deviennent de très-bonnes branches à fruits , dont les châtaignes sont beaucoup plus grosses que précédemment, quoique moins nombreuses r à la vérité. Cette opération peut se renouveler deux ou trois fois et plus , jusqu'à ce que le sujet périsse de vieillesse et d'épuisement. Le noisetier reste buisson si on le laisse croître en li- berté ; mais, soumis à la taille pendant les trois ou quatre premières années, on l'élevé facilement à tige, et il de- vient un assez joli arbre. Du reste, il se traite comme les deux précédens , à la seule différence qu'il faut le net- toyer des rejetons qui croissent au pied avec beaucoup plus de facilité que chez les autres. Il existe encore quelques arbres à fruits , tels que les jujubiers, pistachiers, etc., que nous n'avons pas com- pris dans ce traité de la taille , parce que , au moins en France , ils appartiennent plutôt à la section des arbres d'ornement qu'à celle des arbres fruitiers. D'ailleurs , si Ton se trouvait dans le cas d'en soigner quelques-uns, de quelle espèce que ce fût , en les dirigeant d'après les principes généraux que nous avons donnés sous le nom de préceptes , on serait assuré de réussir à les amener à fructification, et de les plier à la forme que l'on dési- rerait leur faire prendre si leur nature ne s'y opposait pas. #«»«»«S«»»«W »««*»•»••»*« ®«i*B»**^»*«*»^«M®*«^»«**^9»S«l«»fl«fc««».».|^^»»»»*>S« DU JARDIN POTAGER. En traitant cette branche importante de l'horticulture,' nous avons dû la considérer sous tous ses points d'utilité ; nous ne nous sommes donc pas bornés à enseigner la culture seulement des végétaux employés en cuisine , mais bien de tous ceux qui entrent dans la plantation d'un jardin potager. Les plantes aromatiques qui n'ap- partiennent pas exclusivement à la médecine, et qui sont d'un usage journalier dans l'économie domestique, devaient naturellement entrer dans notre cadre ; aussi les y trouvera-t-on toutes. Quelques arbres et arbrisseaux semblent appartenir plus particulièrement à cette division qu'aux arbres frui- tiers : par exemple, le câprier, dont on confit les fleurs au vinaigre avant leur épanouissement 5 le laurier, dont la feuille sert à aromatiser les ragoûts 5 le cerisier-laurier- cerise, dont les cuisinières font si imprudemment usage pour communiquer un goût d'amande au lait bouilli , etc. Cependant nous ne les avons fait entrer ni dans le jardin potager, ni dans le verger , parce qu'étant obligés de les décrire et d'enseigner leur culture dans l'histoire des familles formant les derniers volumes de cet ouvrage , nous aurions fait une répétition inutile. Quelques-uns de nos lecteurs seront peut-être étonnés de trouver nos plantes potagères arrangées dans l'ordre alphabétique, tandis que la plupart des auteurs qui ont écrit avant nous sur cette matière se sont efforcés de les classer méthodiquement dans l'ordre de leurs affi- nités, soit clans l'usage , soit dans la culture. Nous ré- pondrons naïvement à cela que la chose a été au-dessus de nos forces , et que nous croyons même qu'un classe- 2. iS 2»;4 DU JARDIN ment rigoureusement analytique est impossible ; nos lecteurs en seront peut-être convaincus comme nous, quand ils sauront qu'on cherche ce classement depuis plus de cinquante ans au Jardin des Plantes de Paris , sans avoir pu encore en trouver un satisfaisant. Citons un exemple des difficultés que l'on rencontre à chaque pas. Supposons que le chou , la plante la plus répandue et une des plus utiles de nos potagers, doit nous occuper pour lui chercher un classement. Avez- vous adopté une méthode fondée sur l'usage auquel on emploie chaque végétal? Vous trouverez, i°que, dans le chou-rave , on ne mange que le collet de la racine 5 i° dans le -chou-cabu, les feuilles seulement 5 3° dans le chou - fleur , la tige et les fleurs -, 4° dans Ie chou- colza , on ne se sert que de la graine dont on fait de l'huile. Mettrez-vous le chou dans les plantes à racines comestibles ? à feuilles comestibles ? à fleurs comesti- bles ? etc. La plus grande partie des plantes potagères est dans ce cas. Mais si l'on veut classer les plantes selon leurs analo- gies de culture , la chose devient encore plus impratica- ble^ car la culture de la même plante varie selon l'usage qu'on en veut tirer , l'époque où l'on désire la récolter , les climats où on l'élève, la qualité du terrain où on la soigne, et la variété à laquelle elle appartient. On a proposé de grouper les plantes potagères dans Tordre des familles naturelles de Jussieu; mais, lors- qu'on veut effectuer ce classement , on opère des rap- prochemens si bizarres sous les rapports de l'usage et de ia culture , qu'on se voit forcé d'y renoncer. D'ailleurs , convenons d'une chose , c'est qu'un classe- ment scientifique , quant au potager, est tout-à-fait inu- tile, et ne sert qu'à satisfaire l'esprit sans rien apprendre au cultivateur. Il y a plus, il a le grave inconvénient de rendre les recherches difficiles dans un livre , et il n'est pas praticable sur le terrain. Cependant, pour satisfaire POTAGER. 2^5 toutes les classes d'amateurs; et, pour montrer aux élèves la route sur laquelle tous les cultivateurs ont fait nau- frage , sans en excepter mon défunt ami le savant pro- fesseur M. Thouin, nous allons donner le tableau de sa classification par ordre d'usage , puis un autre tableau dans lequel nous nous sommes efforcés de ranger les plantes potagères dans un ordre fondé sur leurs analo- gies de culture , et enfin un troisième dans lequel elles sont classées, mois par mois , en raison des époques aux- quelles on les plante ou sème. CLASSIFICATION DES PLANTES POTAGÈRES DANS L'ORDRE DE LEURS USAGES. PREMIÈRE DIVISION. CELLES DONT LES FEUILLES , LES COTES , OU LES TIGES SONT COMESTIBLES. PREMIÈRE SECTION. CELLES QUI SE MANGENT CUITES. i°. Seules , ou avec, des assaîsonnemens. Champignon , asperge, houblon, pourpier, cardon, céleri-rave , poirée , rhubarbe , chou - marin , chou , laitue, chicorée, oseille, épinard, baselle, tétragone; 2°. En assaisonnement. Champignon , arroche , céleri , chicorée , estragon , laitue , chou , oseille , persil , poirée , pourpier , fenouil , sarriette, sauge, cerfeuil, poireau. 276 DU JARDIN DEUXIÈME SECTION. CELLES QUI SE MANGENT CRUES. i°. En salade. Céleri, chicorée, laitue, chou, cresson, mâche, picridie ; 20. En fourniture. Céleri, cerfeuil, corne- de-cerf, cresson, estragon, moutarde, trique-madame, perce -pierre, persil, pim- prenelle , pourpier, roquette , spilanthe , alléluia, ba- silic , cochléaria , menthe , tanaisie - baume , fenouil ( ses jeunes tiges blanchies). DEUXIÈME DIVISION. CELLES DONT LES FLEURS SONT COMESTIBLES EN TOUT OU EN PARTIE. i°. Cuites. Artichaut, chou-fleur , chou-brocoli ; 2°. Crues et en fourniture de salade. Capucine , bourrache , bu glose. TROISIÈME DIVISION. CELLES DONT LES FRUITS SONT COMESTIBLES. . PREMIÈRE SECTION. FRUl'TS CHARNUS, SUCCULENS. i°. Ceux que Von mange crus. Ananas , fraise , piment , concombre , pastèque , melon 5 2°. Ceux qui se mangent cuits. Courge, concombre, tomate, piment , melongène 5 3°. Ceux qui se confisent au vinaigre. Concombre , melon , piment. POTAGER. 277 DEUXIÈME SECTION. i°. Ceux à graines farineuses . : Arachide, dolique, fève, gesse, haricot, lentille, macre , maïs, pois, vesce blanche. 20. Ceux à graines sèches et aromatiques, Anis, coriandre , fenouil, moutarde. QUATRIÈME DIVISION. PLANTES A BULBES, OGNONS OU RACINES COMESTIBLES. i°. Celles dont on mange les bulbes et ognons. Ognon , ail , ciboule , ciboulette , échalotte , poireau } 20. Celles dont on mange les tubercules. Orchis , topinambour , pomme de terre , souchet , truffe 5 3°. Celles dont on mange les racines. Patate , betterave , carotte , panais , céleri-rave , chou- rave, chervis , navet , raifort , raiponce , rave , salsifis , scorsonère. CINQUIÈME DIVISION. PLANTES AROMATIQUES. i°. Celles que l'on prend en infusions theiformes. Absinthe , ambroisie , sauge , mélisse , angélique , hyssope ; 20. Celles que Von confit au sucre , ou dont on fait des liqueurs. Absinthe , angélique , anis , coriandre , menthe poi- vrée , fenouil 5 3°. Celles qui servent d'épices ou d'assaisonnement. Basilic, coriandre, cochléaria de Bretagne, fenouil, sarriette , thym , sauge , anis , menthe ; 278 DU JARDIN 4°. Celles que l'on distille pour en préparer des eaux de salubrité. Hyssope , lavande , mélisse , romarin ; 5°. Celles antiscorbutiques. Cochléaria , cranson , cresson de fontaine. TABLEAU DES ANALOGIES DE CULTURE. PREMIÈRE DIVISION. PLANTES QUE l'on CULTIVE ET RÉCOLTE DANS L'iNTERVALLE DU PRINTEMPS A LHIVER. PREMIÈRE SECTION. CELLES QUE l'on MULTIPLIE ANNUELLEMENT DE SEMENCES. i°. Celles que l'on sème dans les eaux. Macre flottante 5 20. Celles que l'on semé et cultive sur couche. Champignon , gombo, melongène , melon 5 o°. Celles que Von semé sur couche pour être replantées en pleine terre. ( A. Exposition très-chaude; plantes dont on ne récolte que les fruits. ) Concombre , citrouille , tomate , piment -, ( B. Exposition ordinaire; plantes que l'on butte ou lie pour faire blanchir, et dont on ne récolte que les feuilles. ) Cardon, céleri , chicorée , laitue ; ( C. Exposition ordinaire; plantes qu'on ne fait pas blanchir. ) Chou , basilic ; POTAGER. 279 4°> Celles que Von semé en pleine terre en sillons ou à la volée. ( À. Semis en sillons dans une terre très-meuble et très-profonde pour faciliter le développement des racines. ) Navet, rave, betterave, carotte , panais, chervis 5 ( B. Semis à la vole'e. Plante cultivée pour graine seulement. ) Moutarde ; ( C. Semis en sillons re'gulièrement espacés. Plantes qui ont des dispositions à grimper, et dont il faut ramer la plupart. ) Haricot, pois, lentille, gesse, vesce blanche, fève , capucine 5 ( D. Semis en sillons, le'gèrement recouvert. Plantes non grim- pantes , que par conse'quent on ne rame pas. ) Cresson , roquette , picridie , cerfeuil , pourpier , corne de cerf, trique-madame , spilanthe , mâche , ar- roche , poirée , épinard , tétragone , ciboule , poireau , ognon , arachide , bourrache. DEUXIÈME SECTION; CELLES QUE l'on MULTIPLIE ANNUELLEMENT DE RACINES OU BULBES. i°. Celles que Von plante en pleine terre. ( A. Multiplication de bulbilles ou caïeux. ) Ail , échalotte ; ( B. Multiplication parles tubercules. ) Pomme-de-terre , topinambour, souchet 5 20. Celle que Von plante dans des couches. Patate. 280 DU JARDIN DEUXIÈME DIVISION. PLANTES QUI DOIVENT RESTER EN TERRE UN 0X5 PLUSIEURS HIVERS, ET QUI EXIGENT DES SOINS PARTICULIERS PEN- DANT LA MAUVAISE SAISON. PREMIÈRE SECTION. MULTIPLICATION ORDINAIRE PAR RACINES OU OEILLETONS. i°. Celles que Von cultive toute l'année sur couche chaude et sous châssis. Ananas ; 2°. Celles que Von cultive en pleine terre. ( A. Multiplication de racines et de graines. ) Asperge, buglose 5 ( B. Multiplication d'oeilletons. ) Fraisier , artichaut ; ( C. Multiplication de boutures et d'e'clats. ) Estragon. DEUXIÈME SECTION. MULTIPLICATION ORDINAIRE DE GRAINES. i°. Celles qui sont vivaces , ou restent plusieurs années à la même place. Fenouil , persil , pimprenelle , perce-pierre , crambé, oseille , angélique : 2°. Celles qui passent en terre un ou deux hivers. ( A. Semis sur couche. ) Baselle 5 ( B. Semis en pleine terre. ) Rhubarbe, raiponce, panais, salsifis, anis. POTAGER. 28l TABLEAU MENSUEL DES PLANTATIONS ET SEMIS. Nota. Nous ne dirons pas dans ce tableau , si les plantations ou semis indiqués doivent se faire sous châssis, sur couche ou en pleine terre , parce que Ton trouvera tous ces détails aux articles particuliers de culture. JANVIER. Semer : Pois hâtifs, fèves de marais , ognon , laitue, chicorée sauva ge^, endive, cresson, pourpier, choux- fleurs^ radis, rave hâtive, melon, concombre, pas- tèque, melongène, haricots hâtifs, cardon, carotte, céleri, ciboule, poireau. FÉVRIER. Semer: Laitue hâtive, ognon, poireau, ciboule , ar- tichaut, carotte, panais, épinard, persil, pois, fève, radis, raifort, rave, gros choux des Vertus, choux de Milan, choux cabus, asperge, melon, concombre, pastèque, melongène, basilic, céleri, chicorée sauvage, endive, lentille , gombo , perce-pierre, piment, pour- pier, roquette, spilanthe, tomate, salsifis, scorsonère, tétragone , vesce-blanche. Planter : Ail , rocambole , civette, échalotte, hyssope, lavande. MARS. Semer : Choux cabus hâtifs et tardifs, choux-fleurs, angélique, arroche, artichaut, basilic, betterave, cé- leri, ciboule, courge, concombre, melon, pastèque, melongène, piment, fenouil, ognon, panais, perce- pierre, pois, pourpier, anis, asperge, carotte, cerfeuil, chervis , chicorée sauvage , cardon , civette , corne de cerf, coriandre , épinard , endive , fève , gesse blanche , haricot , laitue , lavande , lentille , menthe , moutarde , navet,oseille, persil, pimprenelle, poireau, poirée, rave, radis, raifort, roquette, salsifis, scorsonère, spilanthe , 282 DU JARDIN tétragone, tomate, vesce blanche. Bouturer : L'estra- gon. Planter : Patate, souchet, pomme-de-terre, ail, rocambole, artichaut, asperge, échalotte, mélisse. AVRIL. Semer : Betterave, choux-fleurs, choux de Bruxelles, choux-raves, choux-navets, choux-verts, choux-Cava- liers, choux frisés du nord, anis, asperge, lentille, melon, pois, courge, pourpier, arachide, basilic, capu- cine, cardon, carotte, céleri, cerfeuil, chicorée sauvage, ciboule ^ pastèque, corne de cerf, épinard, chicorée, endive, fève, gesse blanche, haricot, maïs, menthe, fnontarde , navet , persil , piment , pimprenelle , poirée , rave, radis, tétragone, trique-madame, raifort, roquette, salsifis, scorsonère, tomate. Planter: Ail, rocambole^ asperge, estragon, artichaut, oseille, patate, pomme-de- terre. MAI. Semer : Choux-fleurs, choux à grosses côtes, et tous les choux non pommés, choux de Milan, choux de Bruxelles, brocoli blanc, brocoli violet ; pois sans pa- reil , de Clamart, de Marly , carrés blancs, à cul noir } arachide, artichaut, basilic, betterave, céleri , cerfeuil, chicorée sauvage , ciboule , épinard , endive , fenouil , haricots, maïs, melon, persil, poirée, rave, radis, ro- quette, trique-madame. Planter: Estragon, menthe. JUIN. Semer : Choux-fleurs , brocolis, navets, rutabaga, choux-navets, choux à grosses côtes, chicorée sauvage, escarole , laitue pommée , romaine , haricots suisses et flageolet, pois d'automne , de Glamart , céleri , fenouil , cerfeuil, épinard, endive, persil, poirée, raiponce, rave d'Augsbourg, radis, cresson. JUILLET. Semer : Choux-navets, brocoli, poireau, ciboule, POTAGER. 283 ognon blanc, gros chou pommé , haricot en vert, épi- nard, endive, persil, poirée, scorsonère. AOUT. Semer : Ognon blanc , navet , laitues et romaines d'hiver , radis noir , oseille , épinard , raiponce , gros choux pommés et cabus , choux d'Yorck , choux pain de sucre, carotte/panais, mâche, haricot en vert, scor- sonère, cerfeuil, persil, vesce blanche. SEPTEMBRE. Semer : Tout ce qui est indiqué pour juillet et août 5 choux-fleurs, choux d'Yorck, choux hâtifs , gros choux pommés, angélique, carotte, cerfeuil, chervis, ciboule, endive, laitue, mâche, panais, navet, rave, raifort, ro- quette. Planter : artichaut, fraisier, topinambour. OCTOBRE. Semer : Pois michaux , mâche , épinard, cerfeuil, laitue crêpe, de la passion, coquille, gotte , romaine hâtive, artichaut, asperge, ciboule, coriandre, panais, pimprenelle, rave , raifort , radis , roquette. Planter: Hyssope , lavande , oseille , topinambour. NOVEMBRE. Semer: Pois michaux, laitue, cresson, radis, rave, ciboule , panais 5 dans le midi semer l'asperge, et plan- ter l'ail et la rocambole. DÉCEMBRE. Semer: Radis, raves, cresson, laitue, fève, panais, pois. Dans le jardin potager, comme dans tout le cours de l'ouvrage, nous indiquerons les plantes annuelles par ce signe O .; les bisannuelles, par celui-ci c/j les vivaces, 284 DU JARDIN par cet autre if , et enfin celles qui sont ligneuses , par celui-ci T) . ABSINTHE (grande), absinthe romaine, aluine. ( Artemisia absinihium; L.) if . Indigène. Cette plante aromatique est d'un usage journalier-, on en fait des liqueurs , et on la prend en infusion dans beaucoup de circonstances. Elle réussit bien dans toutes les terres et résiste aux hivers les plus rigoureux '; mais pour lui conserver son arôme dans toute son énergie , il faut la placer à expo- sition chaude, où elle se maintient quinze à vingt ans. On peut la multiplier de graine, mais plus aisément d'é- clats ou de rejetons enracinés que l'on sépare et plante à l'automne ou au printems. La petite absinthe ou absinthe pontique (artemisia pontica, L. ) est originaire de l'Italie et des bords de la Mer-Noire. Elle est propre aux mêmes usages, et se cultive comme l'autre. AIL. (Allium sativum; L.) if. Cette plante bul- beuse, appartenant comme la suivante, à la famille des liliacées, originaire de la Sicile et du midi de la France,, est cultivée depuis la plus haute antiquité. Peu en usage dans Paris et dans le nord de la France , on en fait au contraire une grande' consommation dans le midi, en Italie, en Espagne, et même en Allemagne; mais l'odeur forte qu'elle communique à l'haleine des per- sonnes qui en ont mangé , la fait rejeter de la cuisine de beaucoup de gens , et presque partout elle se trouve reléguée dans celle du pauvre et de l'habitant delà cam- pagne. L'ail vient bien dans toutes les terres , mais il préfère celles qui sont légères et un peu sablonneuses , subs- tantielles et chaudes. Très-rarement il porte graine 5 le plus ordinairement le pistil se métamorphose en so- boles ou bulbilles que l'on plante et traite comme les eaïeux, mais qui ne produisent de belles têtes que la POTAGER. 2>85 seconde année. Si l'on recueillait par hasard de la graine , en Ja semant on obtiendrait sans doute une race plus robuste ; mais il faudrait attendre plus long-temps. Le moyen ordinaire de multiplier cette plante est d'en séparer les caïeux ou gousses , et de les traiter comme nous allons dire. Dans les terres froides et humides du nord de la France , on plante vers la fin de mars et même au com- mencement d'avril, et à peine recouvre-t-on de terre pour éviter la pourriture; dans le midi, on plante en novembre, et, mieux en février-, dans les environs de Paris , et dans la plus gratide partie de la France, à la fin de février ou en mars. On met les caïeux en planches et en rayons à quatre ou cinq pouces de distance en tous sens, et à un, deux, ou trois pouces de profondeur, ou en bordures, mais dans une terre ameublie et amendée, s'il est nécessaire , avec un engrais végétal ou au moins très- consommé. On les laisse croître ainsi sans autre soin que de sarcler et détruire les herbes , et on les dé- plante lorsque leurs feuilles jaunissent et commencent à se dessécher -, avant de les mettre en botillons, on les laisse quelque temps sur le terrain : la terre s'en détache, l'air et la chaleur achèvent de les mûrir en leur enlevant une humidité qui , sans cela , pourrait faire pourrir la tête, surtout si on n'avait pas la précaution de placer les botillons dans un endroit sec pour les conserver jus- qu'au printems. Ail d'Espagne , rocambole. (Aïlium scorodoprasum; L.) ^ . Cette espèce, moins répandue que la précédente, en diffère principalement par ses feuilles moins planes , presque cylindriques, par sa tige tortueuse, et par son odeur plus forte. Peu de jardiniers peuvent affirmer avoir vu sa graine; presque toujours elle est remplacée par des bulbilles qui servent à la multiplier. Du reste elle se cultive absolument comme la précédente , et sert aux mêmes usages. C'est principalement à celle-ci que 286 DU JARDIN les anciens attribuaient, en médecine, un grand nombre de vertus qui presque toutes sont tombées en désuétude. ALLELUIA, oxalide, petite oseille, surelle, pain de coucou Çoœaiis acetosella L. ). % On la trouve dans les bois ombragés de presque toute la France. Cette petite plante ne sert guère en cuisine qu'à faire des four- nitures de salade; mais dans les arts elle a plus d'impor- tance t parce que c'est d'elle que l'on tire le sel d'oseille. Cependant les habitans pauvres de la campagne la mangent de la même manière que l'oseille , quoiqu'elle ait beaucoup plus d'acidité. Elle se cultive en bonne terre légère et ombragée, amendée avec du terreau de feuilles, et on la multiplie de graine au printemps, ou par éclat des racines. Celles- ci sont bulbeuses et très-recherchées par les souris, dont il faut les garantir. Cette plante réussit également dans les expositions chaudes et découvertes, mais alors il lui faut beaucoup d'arrosemens. AMBROISIE , chenopode ambroisie ( chenopodium ambrosoïdesL.). Q Du Mexique. Son odeur suave la fait employer en infusions théiformes. On la sème au printemps, en tout terrain, mais à exposition chaude. Quand le plant est assez fort, on peut le repiquer si on n'a pas semé en place. Du reste , tous les autres soins à lui donner consistent à détruire ses mauvaises herbes et à l'arroser au besoin. ANANAS a couronne. ( bromelia ananas L.). % On le trouve dans les Indes, en Afrique, et dans l'A- mérique méridionale. Le fruit de cette belle plante est un des meilleurs que l'on connaisse, et aucun ne peut lui être comparé sous le rapport du parfum, sans même en excepter la fraise. Comme elle est encore peu cul- tivée dans les provinces, nous croyons devoir en donner un courte description. L'ananas est une plante grasse, c'est-à-dire , d'une substance charnue plus ou moins succulente dans toutes POTAGER. 287 ses parties , d'où il résulte que l'humidité lui est extrê- mement contraire, parce qu'elle le pourrit avec une très- grande facilité. Une tige grosse et courte est entourée à sa base de feuilles étroites, pliées en gouttières, longues d'un à deux pieds et même davantage, munies sur leurs bords d'épines courtes et acérées 5 leur couleur est un vert plus ou moins glauque. L'épi qui termine la. tige est très-serré , ovoïde , formé par un grand nombre de fleurs bleuâtres. A ces fleurs succèdent des baies rouges, jaunes, violettes ou noires, tellement serrées les unes contre les autres qu'elles paraissent ne former qu'un fruit ayant à peu près la forme et la régularité d'une pomme de pin. La tige se prolonge dans l'intérieur du fruit , et vient se terminer au sommet par une rosette ou couronne de feuilles courtes. L'odeur de l'ananas est forte, mais agréable ; elle lui est particulière, et n'a de rapport avec celle d'aucun autre fruit ; sa saveur est acide et sucrée, et le suc des baies est tellement causti- que qu'il oxide en partie et en très-peu de temps la lame d'un couteau qu'on implante dedans. Si l'on en mangeait beaucoup, il pourrait échauffer, mais nous n'avons jamais vu qu'il ulcérât la langue et le palais , comme on Je dit. On en cultive plusieurs variétés , qui diffèrent par la forme, la couleur, la grosseur et le parfum. Nous allons donner la nomenclature de celles qui réussissent le mieux dans nos bâches. i° Ananas a feuilles rouges {ananas ruhra). Fruit ovale, très-allongé, de même couleur que le feuillage, et devenant d'un jaune agréable à sa maturité; ses baies sont d'une gros- seur moyenne, et nous en avons vu jusqu'à seize et dix-huit sur chaque rang de spirale, ce qui donne au fruit quinze à seize pouces de longueur. On le cultive depuis fort long- temps, et néanmoins il est resté rare, parce qu'il est plus délicat et donne moins d'oeilletons que les autres. 20 Ananas pitte ou vert {ananas vwidis). Fruit petit, 288 DU JARDIN mais beaucoup plus parfumé que celui des grosses espèces. On ne reconnaît sa maturité qu'à son odeur très-forte , et à une légère teinte de jaunâtre. 11 est encore rare. 3° Ananas a gros fruits violets ( ananas macrocarpa violacea). Baies très-grosses , peu nombreuses , ce qui donne au fruit une forme arrondie , acides , peu parfumées , se dé- veloppant quelquefois en plantules dont nous avons remarqué jusqu'à sept sur une seule pomme , ce qui diminue beaucoup sa grosseur. Cette plante très-vigoureuse n'est pas très-rare , parce qu'on peut la multiplier par ses plantules ; du reste , sa beauté seule suffirait pour la faire cultiver comme plante d'agrément. 4° Ananas nouveau a gros fruits ( ananas nova macro- carpa ). Nous cultivons depuis peu de temps cette nouvelle variété , dont le fruit , dit-on , acquiert un volume si considé- rable qu'il pèse quelquefois dix-lmit à vingt livres. Les nôtres n'ayant pas encore fructifié , nous ne pouvons le garantir. Ses feuilles ressemblent à celles de l'ananas pomme reinette , mais elles sont plus grandes et plus larges. 5° Ananas géant {ananas gi gante a). Ses feuilles , atteignant de quatre à six pieds de longueur, sont d'un vert tendre, non recouvertes de poussière glauque , profondémentcanaliculées, et à dents distantes l'une de l'autre. Une Lampe de deux pieds et demi à trois pieds porte un fruit d'un jaune, citron à sa maturité , à cLair fondante , sucrée , mais dont le parfum est moins relevé que dans les autres espèces; les baies, ayant à peuprès un pouce de diamètre, sont quelquefois jusqu'au nombre de dix sur cbaque rang; ce qui donne au fruit neuf à dix pouces de Lauteur. Nous recommandons cette belle plante aux amateurs d'ananas , parce qu'elle est moins déli- cate et plus facile à cultiver que les autres. 6° Ananas de la providence ( ananas provideniialis'). Cette variété, rare en France et très-commune en Angleterre, a ses feuilles légèrement teintes de violet dans leur jeunesse, et plus larges que celles des autres espèces. Le fruit très-gros , jaune lorsqu'il est mûr, pesant assez souvent de cinq à six livres , a la cbair moins fine que les autres. 7° Ananas en pain de sucre (ananas pjramidalis). Un des POTAGER. 289 plus cultivés en France , à cause de la beauté efdu parfum de son fruit excellent, allongé, jaune, à baies plus petites que celles de l'ananas pomme de reinette. 8° AXANAS PYRAMIDAL A FEUILLES PANACHÉES (ananas pjTami— dalis nariegata). Sous-variété du précédent, auquel il res- semble quant au fruit, mais ses feuilles sont alternativement rayées de rouge , de vert et de jaunâtre. ïl est très-rare. 90 Ananas sans épines ( ananas ùiermis ). Fruit arrondi , d'une couleur safranée , pâle , lavée de violet pâle , bon , mais un peu filandreux et acidulé. Rare. io° Ananas peu épineux (ananas vix spinosa). Fruit arrondi, dont les baies sont plus grosses que dans le précédent , mais ont le défaut de se fendre quelquefois lors de la maturité ; elles sont d'un jaune citron. Cet ananas est peu parfumé, et sa chair est un peu filandreuse. Il est encore rare. ii° Ananas pomme de reinette (ananas rotunda). JSon fruit, un des meilleurs , est arrondi , à baies assez grosses et jaunes. Ses feuilles sont blanchâtres, en forme de gouttière , et à épines peu prononcées. Il est généralement cultivé. 12° Ananas a feuilles panachées ( ananas variegata ). Le fruit de cette sous-variété du précédent est un peu plus petit, moins parfumé, et n'acquiert jamais une couleur jaune aussi brillante. Les feuilles sont panachées de blanc ou de jaune. Rare. 1 3° Ananas nègre (ananas nigra) . Son fruit, d'abord très- noir, jaunit un peu en mûrissant. Il a la même forme que celui de l'ananas pomme de reinette, mais ses baies sont pltus petites et un peu moins parfumées; du reste il est bon. Cette variété est très-rare. i4° Ananas a fruit blanc ( ananas alba). Il a été cité par Dumont de Courset et par tous ses copistes , mais nous ne l'avons jamais vu. i5° Ananas de Monserrat ( ananas Jlav a ). Nous n'avons jamais vu son fruit. Les compilateurs ont encore indiqué un ananas a fruit jaune, ananas aurea, par la raison que l'auteur cité plus haut en a parlé } mais comme son nom convient à 2. IQ 290 DU JARDIN presque tous les ananas, nous pensons que cette variété' fait double emploi avec une de celles que nous avons décrites 5 peut-être avec l'ananas pomme de reinette, dont les baies sont d'un jaune doré. Quelques jardiniers de Paris prétendent que l'ananas s'est un peu acclimaté depuis qu'on le cultive en France, c'est-à-dire, depuis un siècle à peu près. C'est une erreur qui vient sans doute de ce qu'ils ont débuté dans leur culture par des variétés délicates qu'ils auront rempla- cées depuis par d'autres plus robustes. Quant à moi , qui ai été élevé dans les potagers des jardins royaux de Brunoy , où mon père , qui les dirigeait depuis près de 4o ans,, élevait chaque année six mille pieds d'ananas, je puis affirmer , par son expérience et par la mienne , que cette plante est aussi délicate, aussi difficile à cultiver aujourd'hui qu'elle l'était lors de son introduction en France. La première chose dont on doit s'occuper lorsqu'on veut cultiver l'ananas, c'est de se procurer, i° des terres convenables -, 20 des pots dans de bonnes propor- tions ; 3° des châssis ; 4° mie bâche si l'on n'a pas de serre chaude ; 5° des couches ; 6° un tonneau défoncé d'un côté, que l'on placera dans un des coins de la serre-chaude ou de la bâche, et dans lequel on laissera de l'eau s'échauffer pendant trois ou quatre jours avant de s'en servir. Quand on l'emploie, il faut toujours qu'elle soit à la température de la serre, ou au moins qu'un thermomètre plongé dedans monte à huit ou dix de- grés. Les terres les plus propres a cette culture sont : i° la terre franche; i° la terre amendée de jardin; 3° la terre de bruyère. On les prépare un an d'avance en les mettant en tas , que l'on remue et refait trois ou quatre fois par année. Plus elles sont vieilles, meilleures elles sont. Les engrais qu'on y mélange doivent être extrê- mement consommés-, ils consistent en terreaux, i° de POTAGER. ?.C)l cheval-, 3° de vache-, 3° de mouton; 4° de feuilles ; 5° en colombine; 6° en poudrette. Ces terres et terreaux seront placés sous un hangard à l'abri de la pluie, mais cependant exposés à toutes les influences atmosphériques. On fera les mélanges comme nous le dirons, étonne les emploiera jamais trop humides. Cependant , si l'on n était pas à portée de se procurer toutes ces matières, on ne devrait pas pour cela renoncer à cette intéressante culture , car on pourrait encore réussir avec un mélange, par égales portions, de bonne terre de jardin , de terreau de cheval , et de terre de bruyère. Si on n'avait pas cette dernière, on la rem- placerait presque aussi avantageusement avec du terreau de feuilles. Les pots à ananas , voyez pi. 12, fi g. 1 et 2, doivent être d'une forme plus allongée que celle des pots dont on se sert ordinairement pour les autres plantes 5 ils ne seront guère plus larges à l'ouverture qu'au foad , qui sera percé de cinq trous ronds , et de cinq fentes sur son pourtour, comme on le voit dans la fig. 2. On en aura de trois dimensions : les premiers auront de trois à cinq pouces de diamètre ; ils serviront à faire reprendre les œilletons, plantules et couronnes. Les seconds en auront de sept à huit 5 on y mettra les plantes faites. Les troisièmes auront de huit à neuf pouces, et on y placera les plantes en règle. Il est bon, pour les circonstances qui peuvent se présenter , d'en avoir dans les dimensions intermédiaires. Une bâche peut suffire , à la rigueur , pour cultiver ces plantes précieuses et les conduire depuis leur pre- mière plantation jusqu'à la maturité des fruits ; mais il en résulte que , ceux-ci mûrissant tous à la même épo- que, on en a beaucoup dans une saison, et on en man- que pendant le reste de l'année. Il vaut donc mieux avoir , comme nous l'avons dit, des châssis, une bâche et une serre-chaude. OQ2 DU JARDIX Voici comment on construira la bâche. On choisira un emplacement clans la partie du jardin où le terrain sera le moins humide : on y ouvrira une tranchée de quatre pieds de profondeur sur sept pieds et demi de lar- geur. Sa longueur, qui sera dans le sens du levant au cou- chant , est indéterminée : elle dépendra du nombre plus ou moins grand de plantes que l'on voudra cultiver. On élèvera un mur d'un pied d'épaisseur, pour soutenir les parois de la tranchée , vof. pi. 12, fig. 3, A, A ; on lui - donnera quatre pieds de hauteur sur le devant qui sera tourné du côté du midi, B, et six et demi sur le derrière, c'est-à-dire, du côté du nord , C 5 nécessairement l'inté- rieur de la bâche aura cinq pieds et demi de largeur , ce qui est la proportion la plus avantageuse. Sur un des côtés regardant le levant ou le couchant, on pratiquera une petite porte, b, de dix-huit ponces de largeur, à laquelle on parviendra par un escalier qu'il faudra couvrir d'un toit , afin d'en détourner les eaux de pluie , qui , sans cela , porteraient l'humidité dans la bâche. Si l'on voulait y pratiquer un fourneau, ce qui est indispensable pour les personnes qui n'ont pas de serre-chaude, on le construirait dans les principes que nous avons enseignés dans notre premier volume, et le tuyau , H , passerait sous le sentier. On achève la ; bâche en la couvrant de panneaux vitrés , D , comme la serre-chande. Dans l'intérieur on pratique, sur le devant, un sen- tier de dix-huit pouces de largeur, E, ce qui ne laisse plus que quatre pieds pour la couche, F, espace suffi- sant que l'on séparera du sentier par une brique de champ, G, L, ou par une cloison en planches, haute de trois pieds. Une reste plus qu'à préparer les couches. On les fait avec du fumier chaud d'âne, de cheval, ou de mu- let, auqueL on mêle, selon les circonstances, ou du vieux, fumier, ou des feuilles de charme, de chêne, etc. POTAGER. 293 On en fait des lits que l'on foule et piétine le plus possible afin de leur donner de la solidité, et on les * élève, comme nous l'avons indiqué en I, I, jusqu'aux deux tiers ou aux trois quarts de la hauteur de la couche. On recouvre ces lits d'assez de tan , K , K , pour pouvoir y enfoncer les pots, a, a, a, sans que leur fond porte sur le fumier. Quelquefois on se sert de tan neuf, c'est- àrdire , n'ayant pas encore été employé pour couche ; d'autrefois on fait un mélange de neuf et de vieux. Ceci dépend des circonstances que nous détaillerons plus bas. Le châssis aura six pieds de longueur et quatre de largeur. Son coffre sera proportionné à la hauteur des plantes, et l'inclinaison des vitraux sera la même que celle de la bâche que nous avons figurée. Quant à la serre chaude, comme sa forme n'a rien de particulier, nous renvoyons à son article dans notre premier volume. Multiplication. L'ananas se multiplie par les reje- tons qui croissent au pied des vieilles tiges, par la cou- ronne qui surmonte le fruit, et quelquefois par les plan- tules que fournissent les baies. Pour se procurer des rejetons robustes, aussitôt qu'on aura coupé les fruits des vieilles plantes, on nettoiera le pied de toutes les grandes feuilles qui ombrageraient les rejetons ou les sèvreraient d'une portion de sève; on les laissera attachés à la souche, et au lieu de dé- planter celle-ci, on la replongera au contraire dans la couche, que l'on réchauffera en y ajoutant un tiers de nouveau tan bien mêlé avec l'ancien. On conduira ces vieilles souches comme les autres plantes, pour n'en sé- parer les oeilletons qu'au printemps. Cependant cette méthode, qui augmente les frais de culture, ne doit être employée que pour les rejetons trop jeunes pour être détachés de suite ; ceux qui sont assez forts s'enlèvent avec précaution: on regarde s'ils ont quelques parties 20)4 Ï>U JARDIN altérées î et dans ce cas, on retranche tout ce qui est malade, en coupant jusqu'au vif ; on ôte aussi les feuilles les plus près du collet, mais seulement quand elles peu- vent gêner pour la plantation. Pour détacher les cou- ronnes, on les tord le plus près possible du fruit, ou unit la plaie en coupant net les déchirures que peut avoir occasionnes la torsion , et elles se traitent ensuite comme les œilletons. On dépose les uns et les autres dans un endroit sec et ombragé, et on les y laisse pen- dant huit ou quinze jours, plus ou moins, jusqu'à ce que les plaies soient parfaitement sèches ; sans cette précau- tion la plante pourrirait. Plantation. L'ananas se plante deux fois : la pre- mière fois pour opérer sa reprise, la seconde pour le préparer à fructifier. Nous supposons ici qu'on lui fera porter fruit la seconde année ; car, si on le conserve plus long -temps sans cela , il faut le transplanter tous les ans. Ce n'est jamais l'âge d'une plante qui détermine à la mettre à fruit, mais bien sa force. Cependant le plus ordinairement on la met en règle la troisième année. Plantation des œilletons , couronnes et plantules. Elle se fait à l'époque où l'on mange le fruit , ordinai- rement de juin en octobre ; ou au printemps pour les oeilletons trop faibles l'année précédente, c'est-à- dire, de février en mai. On a des pots depuis trois pouces de diamètre jus- qu'à sept , et on les choisit proportionnés à la grosseur des individus. On place au fond un lit de gros sable ou d'écaillés d'huîtres grossièrement concassées, de quatre lignes à un pouce d'épaisseur, selon la gran- deur du pot ; on jette par-dessus une poignée de ter- reau de vache mêlé à un tiers de poudrette, puis on remplit le pot avec une terre composée en raison de 3a force des plantes. Pour les couronnes, les plantules et les œilletons POTAGER. 295 faibles, on mélangera par égales portions une terre et un engrais ainsi composés : i° un tiers terre franche , un tiers terre de jardin, et un tiers terre de bruyère ; 20 pour l'engrais , moitié terreau de cheval , un quart terreau de vache , un quart terreau de mouton , ou de feuilles, ou de colombine. Pour les œilletons plus forts, la terre franche entrera pour deux tiers , la terre de jardin pour un sixième , et la terre de bruyère pour autant. L'engrais reste composé de même. Avec les cinq doigts réunis on fait, au milieu de la terre du pot , un trou dans lequel on jette du sable très- fin et très-sec 5 dans ce sable on enfonce les œilletons ou les couronnes jusqu'à la naissance des premières feuilles, c'est-à-dire, à un pouce ou quinze lignes de profondeur, et on presse la terre autour du collet afin que la plante soit solidement maintenue. On a préparé d'avance, sous un châssis, une couche dont la chaleur doit être de trente à trente-deux degrés du thermo- mètre de Réaumur ; on y enfonce les pots des jeunes ananas, avec la précaution de les espacer suffisamment les uns des autres, pour qu'ils ne s'étiolent pas, et de les placer le plus près possible des vitraux , ce qui aide beaucoup à leur reprise : néanmoins il faudra prendre garde à ce que leurs feuilles ne les touchent pas , parce qu'elles recevraient l'humidité que la vapeur de la cou- che dépose pendant la nuit contre les verres; les gouttes d'eau couleraient dans le cœur de la plante et la feraient pourir. Au moyen de toiles et de paillassons que l'on ôte ou que l'on place selon que le soleil est plus ou moins ardent, on entretient constamment, jusqu'à la reprise, une température de dix-huit à vingt-quatre degrés. Ce n'est guère que vingt jours après la plantation, qu'on leur donnera , et modérément , un premier arrosement ; encore avant de le faire faudra-t-il s'assurer si les plantes ont déjà des racines, car jamais on ne mouillera avant ? 1Ç}$ DU JARDIN à moins que la terre ne soit absolument desséchée. On augmente les arrosemens à mesure que les racines pren- nent plus de force. Du reste on les conduit comme les autres plantes délicates , c'est-à-dire que , lorsque la reprise sera opérée , on leur donnera de l'air, d'abord peu à peu, puis, lorsqu'ils y seront habitués, toutes les fois que le temps le permettra. Lorsque le soleil sera trop ardent, on couvrira le châssis avec des toiles ou des paillassons, car sans cela les feuilles rougiraient : et lorsqu'une plante a pris une fois cette couleur , qui est un indice de maladie, on a beaucoup de peine à la faire reverdir. Les jeunes plants seront garantis du soleil jusqu'à la reprise. On les traitera, comme nous venons de dire, jusqu'au milieu du mois de novembre, époque à laquelle on les sort du châssis pour les transporter dans la bâche ou la serre-chaude. Plantation des pieds formés. Celle - ci n'est rien autre chose qu'une espèce de rempotage. Elle peut se faire de mois en mois, depuis le i5 janvier jusqu'au i5 avril, et c'est le meilleur moyen de ne pas avancer toutes les plantes en même temps, et, par conséquent, de pro- longer la saison des fruits. On fait aussi pendant cet intervalle la plantation des œilletons faibles de l'année précédente . La plantation des pieds formés se fait de trois ma- nières : i° à cul-nu ; 20 avec racines; 3° en motte. Pour la faire à cul-nu , on déplante l'ananas, on secoue toute la terre de ses racines , que l'on coupe contre le collet , en retranchant jusqu'au, vif les parties attaquées de pourriture et celles qui seraient trop longues ou deve- nues trop ligneuses. On expose ensuite la plante dans un endroit sec en tournant les plaies au soleil pour les faire cicatriser , et on l'y laisse de vingt-quatre heures à cinq ou six jours , selon que l'atmosphère est plus ou moins desséchant. Les ananas qui doivent être plantés avec racines , POTAGER. 297 se déplantent et se nettoient de tonte îa terre comme lesprécédens; mais, au lieu de couper les racines, on se contente de retrancher celles qui sont mortes ou malades, et on se donne bien de garde de toucher aux autres : ils doivent être replantés de suite. Ceux que l'on plante en motte sont enlevés de leurs pots avec la précaution de ne pas briser la motte de terre entourant leurs racines qu'on doit aussi laisser in- tactes. On écroûte le dessus de la terre , et on remplace celle que l'on ôte par une autre plus substantielle. Les plantations avec racine et en motte ne s'emploient que sur les ananas qui marquent déjà. La première de ces trois méthodes les retarde beaucoup , la seconde moins , et la troisième peu. Dans tous les cas , avant de replanter , il faut nettoyer scrupuleusement les feuilles de toutes les ordures qui peuvent s'y trouver , les éplucher exactement en ôtant celles qui sont pourries ou sèches , et celles qui , par leur mauvaise position, gêneraient la plantation. Avec un petit bâton plat on détache les poux et les punaises , on les fait tomber dans un vase , et on les brûle. Les éplu- chures dans lesquelles se trouveraient quelques-uns de ces insectes seront aussi brûlées , ou au moins éloignées du jardin. L'opération du nettoyage doit se faire dans un lieu assez éloigné de la bâche pour que les insectes ne puissent pas y rentrer. On ne doit pas laver les feuilles avec une éponge , comme le disent quelques auteurs ; car on enlèverait la poussière glauque qui les recouvre, et les plantes en souffriraient, mais on injectera dessus une pluie fine , au moyen d'une gerbe criblée d'un très- grand nombre de petits trous. Les meilleurs spécifiques que nous ayons employés pour empêcher les dégâts de ces animaux extrêmement nuisibles, sont les bassina ges fréquens, et un mélange de cendre et de fleur de soufre dont on saupoudre la plante, et que l'humidité* fixe sur les feuilles. 298 DU JARDIN On choisit ensuite des pots dans des proportions con- venables , c'est-à-dire, depuis sept pouces jusqu'à neuf; on les remplit comme nous avons déjà dit , et on y place les ananas de la même manière. Si on plante de bonne heure , il est indispensable d'enfoncer deux ou trois jours d'avance les pots dans la tannée de la couche , afin de réchauffer la terre dont on les a remplis. Les pieds avec racines et en motte se plantent comme les autres vé- gétaux délicats. Ces derniers seront arrosés modérément, si la terre est sèche -, si elle est humide, on s'en dispen- sera ; mais ceux plantés à cul -nu ne seront arrosés qu'après la formation des racines , comme nous l'avons déjà dit. Quinze jours ou trois semaines d'avance , on a préparé dans la bâche une couche faite avec un tiers de fumier neuf, un tiers de vieux , et un tiers de feuilles sèches r bien mélangés et foulés. On attend que la couche ait perdu sa trop grande chaleur pour la recouvrir de tan, dans lequel on place les pots quand elle est au degré nécessaire de chaleur. Pour s'en assurer, on sondera de temps en temps ; car, si elle était trop chaude , on courrait risque de brûler les jeunes racines des ananas qui n'auraient pas été plantés à cul-nu. On sondera donc avec un thermomètre enfoncé à un pied de profondeur dans le tan , et on n'y mettra les pots que lorsque la chaleur sera tombée à trente ou trente-cinq degrés. La tempé- rature de la bâche doit être entretenue à douze ou quinze degrés 5 et la reprise aura lieu en vingt jours. On couvre les vitraux avec des toiles pendant que le soleil est ardent, afin d'éviter le rouge. Tous les soirs, jusqu'au mois de juin , on étend dessus des paillassons pour empêcher la fraîcheur des nuits de pénétrer à l'in- térieur 5 et de temps à autre on donne de légers arrose- mens sans mouiller les feuilles. Lorsque la reprise est parfaite , c'est-à-dire , pendant les mois de juin , juillet et août , on se sert de la gerbe à trous fins ajustée au POTAGER. 299 bout d'une seringue : et on donne des bassina ges sur toute ]a plante pour nettoyer et rafraîchir ses feuilles ; on con- tinue cette opération jusqu'aux premiers jours de sep- tembre , époque à laquelle il faut commencer à ne plus mouiller le feuillage. Conduite des ananas. Elle consiste à leur donner les soins nécessaires : i° pour les conserver sains et vigou- reux; 20 pour les amener à fructification. Pour les conserver, ils exigent deux conduites diffé- rentes, celle d'été et celle d'hiver. Conduite d'été. Nous avons dit comment on gouver- nait les couronnes , plantules et œilletons , depuis leur plantation jusqu'aux premières gelées , mais seulement lorsqu'ils ont été plantés depuis juillet jusqu'en août ; ceux plantés depuis le printemps peuvent se conduire comme nous l'avons dit pour les plantes formées. Voici les soins généraux qu'il reste à leur procurer. Toutes les fois que le temps le permet, on donne de l'air. De temps à autre on sonde les couches pour voir si elles conservent une chaleur suffisante. On empêche autant que possible l'humidité de pénétrer dans la bâche, et si elle y était on donnerait beaucoup d'air pendant la grande chaleur du jour , afin de l'essuyer. On surveille les plantes pour détruire les insectes parasites à mesure qu'ils paraissent, et pour porter un prompt remède à celles qui sont souf- frantes. Dès qu'on s'aperçoit qu'un ananas est malade, on le dépote , on visite scrupuleusement ses racines et son collet pour retrancher jusqu'au vif les parties attaquées de pouriture.On laisse sécher les plaies, et l'on replante à cul-nu. Au mois d'août , un peu plus tôt ou un peu plus tard 7 selon que les couches ont conservé leur chaleur , on re- lève tous les ananas pour réchauffer les couches. Si l'on lait cette opération au commencement d'août ou même avant, on ajoute moitié de tan neuf, que l'on mélange parfaitement avec l'ancien , la chaleur se maintiendra de 30O DU JARDIN deux mois et demi à trois mois-, si on les renouvelle au milieu du mois ou plus tard , on n'ajoutera qu'un tiers ou un quart de nouveau tan, ce qui les maintiendra chaudes d'un mois et demi à deux mois. Il faut opérer ces remaniemens avec beaucoup de promptitude , afin que les plantes n'aient pas le temps de souffrir. Si on craignait que les couches fermentassent trop ,* ce qui pourrait brûler les racines , on n'y enfoncerait les pots qu'à moitié jusqu'à ce qu'elles aient repris le degré de chaleur que nous avons indiqué. Conduite d'hiver. Dès la fin de septembre , ou au commencement d'octobre , on choisit un jour pendant lequel les rayons du soleil ont encore quelque chaleur, et on transporte les ananas des châssis et de la bâche , dans une serre-chaude où on leur donne les mêmes soins qu'aux autres plantes grasses délicates : en les rentrant, il faudra avoir l'extrême précaution de bien les égoutter. Si l'on n'a pas de serre-chaude, on replace dans la bâche sur une nouvelle couche faite ainsi qu'il suit , et quinze à vingt jours à l'avance. On prend du fumier neuf, sec et moelleux, on y mêle un tiers ou moitié de feuilles sèches pour s'emparer de l'humidité , et l'on prépare la couche très-haute^parce qu'elle s'affaissera assez pendant l'hiver. On couvre d'une couche de tan neuf et vieux , moitié par moitié, que l'on a fait sécher quelque temps au soleil , ou en l'étendant dans un hangard aéré si le mau- vais temps n'a pas permis de le mettre dehors. On arrose de manière à ne jamais mouiller les feuilles , * surtout le cœur de la plante, ce qui la ferait infaillible- ment pourrir. Pour cela on se sert d'un arrosoir à goulot très-long et très-étroit , ou d'un petit couloir portatif que l'on ajuste sur chaque pot à mesure qu'on veut y conduire l'eau. Aussitôt que les gelées se font sentir et qu'on ne peut plus donner de l'air journellement, on cesse les arrosemens, et l'on ne donne de l'eau aux plan- tes , cela en très-petite quantité, que lorsque la terre POTAGER. 3oi menace de se dessécher entièrement. Deux ou trois ar~ rosemens suffisent ordinairement pour un hiver. On aura dans la bâche un thermomètre que Ton con- sultera régulièrement deux fois toutes les vingt-quatre heures , et que l'on tiendra constamment à huit ou dix degrés pour les plantes faites et à douze ou quinze pour celles à fruits. Si la chaleur des couches ne suffisait pas pour entretenir cette température, on allumerait le four- neau. Il arrive fréquemment, sous le climat de Paris, que l'on a pendant l'hiver des jours où le thermomètre monte à six , sept et huit degrés pendant quelques heures. On en profitera avec empressement pour renouveler l'air aux ananas. Nous n'avons pas besoin de dire que pendant les grands froids les vitraux resteront couverts d'un. lit épais de litière que l'on ôtera et remettra toutes les fois qu'il en sera besoin. Tous les soirs , jusqu'à la planta- tion du printemps , et même au-delà , on étendra cette litière ou des paillassons sur les verres. Conduite pour fructification. Toute plante formée , qu'elle ait un an ou qu'elle en ait trois , peut donner fruit dans l'année si on la cultive en conséquence. Au mois de mars on prépare une couche , dans la bâche ou dans un châssis, de la même manière que nous avons dit pour la conduite d'hiver, mais on y emploie le fumier le plus chaud, et on le recouvre absolument de tan neuf. On maintient ainsi sa chaleur de trente à trente-cinq de- grés \ et, si la couche ne suffisait pas pour cela, on chaufferait au moyen du fourneau. Les plantes ne tardent pas à se mettre en règle, c'est-à-dire , à marquer fleur. Pendant la floraison on arrose au goulot , et l'on main- tient scrupuleusement le même degré de température à vingt-cinq ou trente degrés; mais, lorsqu'elle est passée et que le fruit est assuré, on reprend les arrosemens à la gerbe que l'on a pu déjà commencer à la mi- mai , avec la pré- caution cependant de mouiller la couche le moins pos- sible pour ne pas la refroidir. Lorsque la saison devient 3o2 DU JARDIN chaude , et que l'on peut donner de l'air plus souvent , on augmente le nombre de ces arrosemens. C'est surtout lorsque l'on veut amener îes ananas à fruits , qu'il faut de tonte nécessité se servir d'eau tiédie dans la serre. Lorsqu'on voit le moment de la maturité des fruits approcher, c'est-à-dire, quinze jours ou trois semaines avant, on ménage un peu les arrosemens pour ne pas les rendre trop aqueux et leur ôter une partie de leur par- fum 5 on ne mouille plus qu'au pied. Si Ton craignait d'avoir trop de fruits à la fois , mai- gré les précautions prises lors de la transplantation , on pourrait avancer les uns et retarder les autres avec la plus grande facilité. 11 ne s'agirait pour cela que de donner quinze degrés de chaleur à ceux que l'on vou- drait retarder , de les ombrager avec des paillassons pendant les grandes chaleurs, de leur donner de l'air plus souvent , et d'établir quelques ventouses dans la couche pour lui faire évaporer une partie de sa chaleur. S'il s'agit de les avancer , on fait le contraire de ce que nous venons de dire , et l'on maintient la température à dix-huit degrés. On reconnaît la parfaite maturité de l'ananas à sa cou- leur , et plus sûrement encore à son odeur. ANGÉLIQUE. (Angelica archangelica; L.) cf - Elle croît spontanément dans les Alpes , en Autriche , et en Laponie. Quelquefois elle vit trois ans. On confit au su- cre ses jeunes tiges et les côtes de ses feuilles; ses graines et ses feuilles sont employées à faire des dragées et des liqueurs. Elle réussit assez bien en tout terrain ; cependant elle préfère une terre franche substantielle et humide , où elle atteint souvent cinq et six pieds de haut ; on ne lui donne que des engrais très-consommés. Elle se sème assez ordinairement d'elle-même ; mais , quand on l'apporte dans un jardin, on jette ses graines en terreau mois de mars ou de septembre , avec la précaution de très-peu POTAGER. 3o3 les recouvrir. Si on l'a semée en pépinière, on la repique en place, en terre très-meuble et terreautée, dès que le plant est assez fort 5 on lui donne quelques sarclages , surtout dans sa jeunesse, et des arrosemens clans les étés secs 5 si le semis a été fait en place, elle exige moins de soins. Aux approches de l'hiver, lorsque ses tiges sont desséchées , on la couvre d'un peu de terreau. En mai ou juin de la deuxième année on commence à la couper rez terre et en biseau , avec l'attention de laisser une tige pour fournir de la graine. AN1S , Boucage. (Pimpinella anisum; L.) tf • Ori- ginaire de l'Orient. On ne fait usage que de sa graine , que les confiseurs mettent en dragées nommées Anis dans le commerce 5 on en prépare aussi des liqueurs. Cette plante aime une terre légère , chaude, et bien ameublie , dans laquelle on la sème en mars ou avril , en planches ou en bordures. On mouille pour aider la germination; on éclaircit le plan quand il est assez fort , on sarcle au besoin et on arrose dans les temps secs. La graine se recueille au mois d'août, sur les tiges que l'on coupe rez terre , que l'on fait sécher quelques jours au soleil , et que l'on bat ensuite pour l'en détacher. Au printemps suivant la plante pousse de nouveaux rejetons qui donnent une nouvelle récolte , et elle périt ensuite. La graine se conserve bonne pendant trois ans. ARACHIDE, pistache de terre. (Arachjs hjpo- gœa;L.) Q. du Mexique. Sa graine , ressemblant à un gros haricot , se mange cuite à l'eau ou sous la cendre chaude ; on en tire une huile excellente, comparable à la meilleure huile d'olive. Cette plante a été apportée depuis vingt-cinq ans à peu près des colonies espagnoles, où on la cultive beau- coup-, elle avait parfaitement réussi dans le département des Landes , mais la difficulté de se défaire de ses pro- duits inconnus dans le commerce en a fait presque géné- ralement abandonner la culture. 3o4 DU JARDIS L'arachide vient très-bien dans les terres légères, sablonneuses et chaudes-, mais la. manière singulière dont elle mûrit ses graines empêchera toujours qu'on puisse la cultiver dans les terres fortes , compactes , ou pier- reuses. Après la floraison les gousses s'inclinent vers la terre , s'y enfoncent , y prennent leur accroissement et y atteignent leur point dematurité. Comme elle croît assez promptement , nous pensons qu'elle pourrait se cultiver avantageusement dans toutes les parties de la France où le maïs mûrit.. Au printemps, lorsque la terre est assez échauffée pour opérer la prompte germination des graines qu'on lui confie , on prépare et ameublit le sol le mieux possible, et à bonne exposition 5 on l'amende, s'il est nécessaire , avec du terreau très-consommé, et mieux avec des débris de végétaux , bien décomposés et mûris en tas depuis plusieurs années. On sème à la volée si l'on cultive en grand -, mais il vaut mieux , dans un jardin , tracer des sillons de deux pouces de profondeur et espacés d'un pied les uns les autres. On y jette les semences une à une ; à quinze pouces d'intervalle , on recouvre de terre et de terreau, et l'on arrose légèrement. Si l'on veut hâter la germination , on fait tremper la graine dans de l'eau pendant quarante-huit heures avant de la semer. Pour donner à la gousse la facilité de s'enfoncer, on doit tenir la terre très-meuble , et donner un binage un peu avant la floraison. On sarcle et l'on ôte les mauvaises herbes. La récolte se fait très-facilement • il ne s'agit que d'arracher les amandes de dedans le terrain , avec ou sans la gousse. ARROCHE DES JARDINS , IRÎBLE , BONNE-DAME , BELLE- DAME , FOLLETTE, CHOU d'âMOUR OU d'aRMOU. ( AtHpleX hortensis ; L. ) £). Originaire de la Tartarie. Cette plante ne se cultive guère dans les jardins que pour adou- cir, par son insipidité , l'acidité de l'oseille. On en pos- sède trois variétés 3 la première a les feuilles d'un vert 3o5 jaunâtre , 3a seconde les a d'un rouge j)à)e , et la troi- sième d'un rouge foncé. Toutes trois s'élèvent à trois ou quatre pieds et même davantage clans les bons terrains, ont les feuilles larges, dentées et triangulaires. Comme elle sert ordinairement, dans la cuisine , à remplacer la poirée, on doit la semer au commencement du printemps pour en jouir avant que celle - ci donne ses feuilles. Elle réussit dans toutes les terres , mais dans celles qui sont sèches et légères elle demande quelques arrose- mens : du reste, elle n'exige aucun autre soin, et se res- sème le plus ordinairement d'elle-même. Sa graine est très-légère, et serait dispersée facilement par les vents . si , pour la cueillir , on attendait quelle fût mûre 5 il faut donc couper les tiges aussitôt que les premières se- mences entrent en maturité , les faire sécher dans un endroit abrité , et les secouer sur un linge pour en re- cueillir les graines. Quelques auteurs, frappés delà rapidité que l'arroche met dans sa croissance, l'ont proposée pour fournir un fourrage vert à l'entrée de l'hiver et au printemps. Reste à savoir si le bétail s'accommoderait bien de ses tiges, qui durcissent promptement. ARTICHAUT commun. (Cynara sco!ymus;L.)îf . De la Barbarie. Tout le monde connaît l'usage de cette belle plante dont on cultive plusieurs variétés! Les plus répandues et les meilleures sont : i° Le vert, d'une grosseur moyenne, un peu aplati au sommet , à feuilles ou écailles ( ou folioles de l'involucre ) très-ouvertes. Il est assez tendre , mais sa culture a été pres- qu'entièrement abandonnée pour celle du suivant. 20 Le gros vert de Laon , le plus cultivé dans les environs de Paris, et le meilleur de tous. Il ressemble pour la forme au précédent ; mais , avec une bonne culture en bonne terre bien arrosée , il devient très-gros et atteint jusqu'à cinq pouces de diamètre. 3° Le gros camus de Bretagne , plus hâtif, plus aplati et 2. 20 3o6 DU JARDIN quelquefois plus large que le précédent , mais d'un vert plus pâle. On doit cette variété à M. Féburier de Versailles. 4° Le blanc , plus hâtif encore que le précédent, assez ten- dre , mais très-petit. Non-seulement il est aplati, mais le milieu de sa tête est même enfoncé ; ses écailles sont termi- nées par une pointe aiguë et piquante. Cette variété est deve-- nue fort rare. 5° Le violet , d'une grosseur médiocre, hâtif, à écailles vertes , lavées d'un rouge violet à leur extrémité , et mu- nies d'une épine. Sa forme est plus allongée. Il est le plus généralement cultivé en province. Il est excellent cru , mangé à la poivrade. 6° Le rouge , que l'on croit une sous-variété du précédent. Il est d'un rouge pourpré à l'extérieur, mais son cœur est jaune. Sa forme est la même que celle du violet , mais il est beaucoup plus petit. Mangé cru, il est le plus délicat de tous dans sa jeunesse; si on le laisse un peu grossir, sa chair devient dure et indigeste. 1° Le sucré de Gênes. Comme le rouge, il n'est bon que cru, mais il est encore plus délicat. 11 est très-petit, hérissé d'é- pines ; sa chair est jaune, et ses écailles d'un vert pâle. On ne le cultive pas beaucoup , parce que , dégénérant rapide- ment , on est obligé d'en faire venir tous les deux ans des œilletons de Gênes , si on veut l'avoir dans sa perfection. Les artichauts aiment une terre franche et prpfonde. On peut les multiplier de graines ; mais , comme les va^- riëtes ne se conservent pas franches par le semis , on est dans l'usage de les propager par œilletons. Nous al- lons décrire la manière d'opérer et de cultiver dans les deux cas. Multiplication par semis. Pour se procnrer de la graine^ on laisse fleurir les plus belles têtes d'artichauts, avec la précaution d'empêcher l'humidité de s'insinuer dans les écailles et de pourrir les semences 5 pour ce -a on les abrite par un moyen quelconque pendant la pluie, ou on se contente de les pencher petit à petit et de les assujettir dans cette position , de manière à ce que l'eau coule sur les côtés sans pénétrer jusqu'au réceptacle. POTAGER. Lorsqu'on les voit sur le point de se détacher elles-mê- mes, on coupe les têtes, et on les serre dans un endroit sec 5 ainsi conservées sur leur réceptacle, les semences restent bonnes pendant sept ou huit ans. Sous le climat de Paris ce n'est que dans les années chaudes que l'on réussit à se procurer de bonnes graines , mais dans les pays plus méridionaux on y parvient tous les ans. Au mois de février ou de mars, on prépare une couche tiède ; on sème en pots ou sur terreau , et on recouvre d'un châssis ; au mois de mai ou juin on repique le jeune plant en pleine terre, comme nous le dirons pour les œilletons. Si on fait le semis en "pleine terre , il faut attendre la fin d'avril ou le commencement de mai. Après avoir bien labouré et ameubli la terre, et lui avoir donné des engrais consommés, on trace des rayons au cordeau, et on y jette les semences assez près les unes des autres, par- ce qu'il vaudrait mieux avoir à éclaircir le plant que d'en manquer si toutes les graines ne levaient pas. On recouvre les sillons d'un demi pouce de terre, et on achève de les combler avec un pouce de terreau. On arrose, on sarcle au besoin; et, lorsque les jeunes plantes ont assez de force pour supporter la transplantation, on les lève avec pré- caution, et on les traite comme les œilletons. Si l'on veut semer en place, il faut travailler le terrain en conséquence, c'est-à-dire qu'on le défonce et amende avec de bons engrais à l'automne, et qu'on le laboure et ameublit au printemps avant de semer. On fait, à trois pieds de distance en tous sens, quatre ou cinq petits trous d'un pouce de profondeur et écartés de deux ou trois pouces les uns des autres , on place une graine dans cha- cun , et l'on recouvre de terreau , on arrose -, lorsque le plant est levé, on n'en laisse qu'un à chaque place, et l'on arrache les autres pour repiquer où il en manque. Les plantes de semis en pots donnent presque toujours des fruits à l'automne , et cela arrive assez souvent à celles semées en pleine terre , surtout lorsque l'année a 3o8 DU JARDIN éléehaude et qu'on nelenr a pas ménagé les arrosemens. Ce mode de multiplication serait donc avantageux, parce que les artichauts sont plus vigoureux ; mais malheureu- sement on court la chance de n'avoir que des fruits mé- diocres ou même mauvais, après avoir choisi la meilleure graine. Le plus sûr est de se procurer des œilletons de bonne variété , et de les planter comme nous allons dire. Multiplication par œilletons. Dès que les artichauts ont suffisamment poussé pour que l'on puisse recon- naître facilement les œilletons d'avec les mères destinées à donner fruit, ce qui arrive ordinairement au mois d'avril , on déterre un peu les pieds, mais sans pénétrer jusque sur les racines 5 puis , en passant la main ou une palette en bois entre la souche et le drageon, on détache celui-ci sans le blesser -, on enlève tous ceux qui s'y trou- vent, bons et mauvais, pour débarrasser la mère et em- pêcher une perte de sève ■préjudiciable à la grosseur de ses fruits. On choisit parmi ces œilletons ceux dont le collet est formé par une espèce de bourrelet que l'on appelle noix , et surtout, par préférence, ceux qui ont déjà jeté quelques racines. Les autres sont rebutés parce qu'ils sont d'une reprise douteuse. Cette opération, ainsi que la plantation , peuvent également se faire en sep- tembre ; mais les artichauts trop jeunes sont plus sen- sibles à la gelée, et pourrissent aussi plus facilement quand l'hiver est pluvieux. Si l'on ne possède pas encore des artichauts , on se procure des œilletons au marché ou ailleurs, mais avec l'attention de les choisir comme nous avons dit, car ceux qui n'ont pas de noix ne produisent que quatre ou cinq mois plus tard , quand on parvient à les faire reprendre. Le terrain préparé comme pour le semis en place , on choisit un temps pluvieux et l'on plante les œille- tons à deux pieds et demi les uns des autres dans les terres un peu maigres , et à trois pieds dans celles POTAGER. 309 où on attend une végétation vigoureuse. On en place deux à six pouces l'un de l'autre , afin d'avoir toujours un carré bien , garni dans le cas où il en périrait quelques-uns. On doit avoir la précaution de ne pas beaucoup les enterrer pour éviter la pourriture , et de serrer la terre autour de la noix, afin de les fixer ferme- ment en terre. On ne coupera l'extrémité des feuilles que lorsque les plants auront souffert -, enfin on arrosera au besoin etl'on abritera pendant quelques jours des rayons ardens du soleil. Si l'on avait encore à redouter des gelées de printemps , il faudrait les en garantir avec de la grande litière. Binés, sarclés, arrosés suffisamment et à propbs , une bonne partie de ces œilletons donne- ra fruit à l'automne, et tous fructifieront abondamment au printemps suivant. Les artichauts craignent le froid et le pourri à peu près au même degré , ce qui rend leur conservation fort dif- ficile pendant l'hiver. Dans les terres sèches on se con- tente de butter les pieds et de couvrir les feuilles avec des feuilles sèches ou de la litière, mais ceci ne suffit pas dans les terres humides. Il faut, dans celles-ci, ouvrir des rigoles entre chaque rang d'artichaut, et se servir de la terre qu'on en ôte pour butter les pieds. On couvre le carré entier , à l'exception des rigoles , d'une couche de fumier sec, que l'on rend plus épaisse autour de chaque pied , avec la précaution de ne pas mettre le fumier en contact avec les plantes qui se trouvent comme placées au fond d'un entonnoir : on couvre cet entonnoir avec de la litière sèche pendant les gelées , et l'on peigne la paille de la litière de manière à écarter les eaux de pluie de dessus les plantes. Toutes les fois que le temps se radoucit et que le soleil paraît, on enlève la litière pour la replacer avant la nuit. De quelque manière qu'on ait dirigé les artichauts pen- dant l'hiver il est rare qu'ils n'aient pas un peu blanchi. Pour empêcher qu'ils soient surpris par les rayons du so- 3lO DU JARDIN leil, on les débutte et découvre peu à peu, et on les abrite du soleil jusqu'à ce qu'ils aient repris leur couleur ordi- naire : on ne doit enlever entièrement les couvertures que lorsque les moindres gelées ne sont plus à craindre. Dans le midi , et particulièrement dans les environs de Montpellier , lorsqu'une tête d'artichaut est parvenue au quart ou au tiers de sa grosseur, on fend le pédoncule à cinqou sixpouces au-dessous de la tête, et on y insinue un morceau de bois qui passe d'outre en outre, et tient les deux moitiés de la tige écartées. On prétend que cette méthode fait considérablement grossir la pomme. Les côtes des feuilles d'artichauts peuvent -au besoin remplacer les cardons , elles ont même plus de délica- tesse -, ainsi, lorsque l'on veut détruire un carré, on peut encore en retirer ce produit en retardant sa destruction de trois semaines , temps suffisant pour faire blanchir les côtes en les traitant absolument comme les cardons. Voyez cet article. ASPERGE commune. ( Asparagus officinalis ;L.) a* . Indigène. Tout le monde connait l'usage que l'on fait de cette plante. Autrefois on en comptait trois variétés : la grasse , la moyenne etla. sauvage, mais ces distinc- tions sont tout-à-fait arbitraires, et d'autant plus mal fondées, que la culture plus ou moins soignée de cet excellent végétal peut seule produire ces différences qui ne se transmettent pas par la graine , ni même par les racines ; il en est de même de l'asperge de Hollande ou blanche , de la violette et de la verte , que quel- ques personnes regardent encore et mal à propos com- me trois variétés. Les asperges se multiplient de deux manières , par le semis et parla planta tionde leurs racines que l'on nomme pâtes ou griffes. Elles aiment une terre légère et sub- stantielle. Du semis. Il se fait en pépinière ou en place. Pour le premier on prépare le terrain par un bon labour , on POTAGER. 3ll y mêle des engrais , on bine et on ameublit. En octobre ou novembre dans les pays oùThiver n'est pas rigoureux et quand on sème en terre sèche et légère , en mars ou avril dans les environs de Paris et dans les terres for- tes et humides , on jette les graines à la volée et on les recouvre d'un demi -pouce de terreau. Le jeune plant est levé au bout de quarante jours 5 on le sarcle et arrose au besoin, et on l'éclaircit s'il se trouve trop épais. En au- tomne on coupe toutes les tiges, et l'on recouvre le semis de trois pouces de terreau ou de terre légère. L'année suivante on donne les mêmes soins, si déjà on n'arrache pas au printemps pour replanter en place. Le semis en place se fait d'une manière tout-à-fait dif- férente. On prépare le terrain en planches comme nous le dirons pour la plantation, et dans les places marquées pour les griffes on fait un petit trou d'un pouce de pro- fondeur, qn y sème quatre ou cinq graines que l'on re- couvre de terreau. Aussitôt que le plant est levé , on en arrache une partie, de manière à ne laisser rigoureu- sement qu'une seule plante à chaque place. Du reste, on conduit la première année comme le semis enpépinière, et les années suivantes comme les plantations. Cette mé- thode est avantageuse, parce qu'elle fournit des asperges plus robustes 5 mais on ne peut commencer à les couper qu'un an plus tard que celles plantées. De la plantation. Elle se fait au mois de mars pour le climat de Paris, plus tôt ou pins tard dans les pays plus chauds ou plus froids, en planches ou en carré , préparés l'automne précédent. La première manière est plus avan- tageuse quand onpossède un grand terrain, et la seconde l'est davantage pour les petits jardins. Nous les décri- rons toutes deux. " Il faut , avant de planter , se procurer des griffes si l'on n'eu a pas semées soi-même. On les choisira le plus nouvellement arrachées qu'il sera possible , et l'on don- nera la préférence à celles âgées de deux ans; plus jeunes, 3 12 DU JARDIN elles souffrent davantage de la déplantation, surtout lors- qu'elles fait voyager ; plus vieilles, elles réussisent mal. Les meilleures ont les racines longues , déliées et blan- ches. Avant de les planter on les visite scrupuleusement, et Ton coupe très-net les racines altérées ou fracturées. Pour la plantation en planches , on trace sur la lon- gueur du terrain des planches de quatre pieds de lar- geur. La première se creusera en fosse , et l'on jettera la terre de la fouille sur la seconde; la troisième sera éga- lement creusée, la quatrième formera un ados comme la seconde -, et ainsi de suite. On donnera à chaque fosse la profondeur de deux pieds dans les terrains secs , et de trois dans ceuxhumides \ cet excédant se remplit avec de la pierraille, des plâtras, du gravier et autres ma- tériaux capables d'assainir le sol en laissant aux eaux un écoulement facile. On jette dans le fond de la fosse un lit de fumier de vache, ou autre bon engrais, d'un pied d'épaisseur, et on le foule bien afin que par la suite il ne s'affaisse que le moins possible. On prépare de la terre de la fouille en la passant à la claie , et la mélangeant avec des engrais très-consommés, et dont on mettra une proportion plus ou moins grande, selon que la terre sera plus ou moins forte , car l'essentiel est de la rendre légère et substan- tielle. On en étend un lit de trois pouces d'épaisseur , que l'on unit au râteau. Les planches ainsi préparées quatre ou cinq mois . d'avance, on trace au cordeau trois lignes également es- pacées entre elles, et l'on y place les griffes en quin- conce et à quinze ou dix huit- pouces de distance, avec la précaution de les mettre sur un petit monticule de terreau , afin d'élever l'œil et d'étendre les racines en les inclinant un peu. On recouvre alors toute la planche de trois pouces de terre préparée comme celle de dessous , et prise sur les ados que l'on peut cultiver en salades , fournitures, etc. On arrose, on arrache les mauvaises her- POTAGER. 3l3 bes-, et, au mois de novembre, après avoir coupé les tiges rez-terre, on couvre d'une nouvelle couche de terre de trois pouces d'épaisseur. Le printemps suivant on bine, mais avec précaution , pour ne pas couper les racines ; on sarcle , on arrose-. Lorsque l'automne est arrivé, on recouvre de trois ou quatre doigts de bon fumier, bien consommé, que l'on enterre l'année suivante en binant au printemps et rechar- geant de nouveau à l'automne avec deux oti trois pouces de terre. Chaque griffe d'asperge ne dure que trois ans , mais il s'en forme une nouvelle pendant cet intervalle, et toujours au-dessus de l'ancienne qu'elle doit remplacer; de manière que, si l'on n'avait pas la précaution de re- charger de terre chaque année , elle se trouverait bien- tôt à la surface , ne pourrait plus en former d'autres , et la plante serait perdue. 11 faudra donc continuer tous les ans à replacer de la nouvelle terre ; et si l'on veut que les asperges soient constamment belles pendant toute la durée de l'aspergière, c'est-à-dire, pendant quinze ou vingt années, on aura la précaution de leur donner, tous les deux ans , une couche de bon fumier bien con- sommé et enterré comme nous l'avons dit. Dans les terres froides et compactes le terreau de cheval, mélangé à un peu de colombine ou de poudrette, leur convient parfai- tement ; dans celles qui sont chaudes et sèches on préfé- rera le terreau de vache. Les cendres lessivées leur con- viennent très-bien dans tous les sols. Une aspergière commence à produire la troisième année ; mais cette première fois on doit se contenter de ne couper que les plus grosses asperges , et on laissera toutes les autres pour ne pas épuiser les plantes. La quatrième année on en coupe davantage , et la cin- quième elles sont en plein rapport. On les coupera tou- jours avec beaucoup de précaution pour ne pas blesser les jeunes pousses qui sont encore cachées sous terre. 3l4 DU JARDIN pour cela on se sert d'un couteau à lame recourbée à l'extrémité et à tranchant denté en scie. Lorsque les fosses de l'aspergière sont parvenues à être au niveau du terrain , il faut renoncer à les charger annuellement de nouvelle terre 5 on se contente alors d'en enlever tous les ans une couche de trois ou quatre- pouces, et de la remplacer par une autre mélangée à des engrais convenables. La plantation en carré a, comme nous l'avons dit , l'avantage de donner un pins grand nombre d'asperges , parce que , n'ayant pas d'ados , tout le terrain peut être employé utilement. Dès le mois d'août on prépare un carré de grandeur indéterminée, avec des fumiers convenables à la nature du sol. Si la terre est forte ou compacte , on tâche de la rendre légère en y mêlant des cendres lessivées , ou du sablon, ou mieux encore, si on en a à proximité, de la terre de bruyère. Au mois de mars suivant, on le di- vise en planches de cinq pieds de largeur , et l'on en- lève cle dessus la première planche l'épaisseur d'un fer de bêche de terre que l'on jette sur la seconde, planche ; elle se trouve par ce moyen déjà creusée de huit à neuf pouces ; on continue à ouvrir la tranchée jusqu'à ce qu'elle ait deux pieds de profondeur dans les terrains secs, et deux pieds et demi dans ceux qui sont hu- mides. La terre de cette fouille est portée dans un lieu de dépôt. Si l'on a creusé de deux pieds et demi en terrain hu- mide , on jette au fond de la fosse un lit de six pouces de gravois ou de gros sable ; dans les deux cas , on place une couche de fumier consommé , ou de tout autre en- grais approprié à la culture de l'asperge , de manière à remplacer la terre delà seconde fouille, c'est-à-dire qu'on en comble la fosse à huit pouces près. Ces huit pouces qui restent à combler serviront àfaire la plantation comme nous l'avons dit pour les planches , c'est-à-dire qu'on POTAGER. 3 l 5 mettra d'abord quatre pouces de la terre jetée sur la seconde planche, qu'on y placera les griffes, et qu'on recouvrira le tout avec les quatre autres pouces de la même terre. Quoiqu'elle ait été préparée l'automne pré- cédent, on y ajoutera néanmoins de nouveaux engrais consommés. La première planche ainsi plantée se trouve au niveau du sol. On passe à la seconde planche que l'on traite de la même manière en jetant sa terre sur la troisième. Quand elle est plantée on passe à ]a troisième , puis à la quatrième, et ainsi de suite jusqu'au bout du carré. On traite et cultive absolument comme les aspergières en planches. La première année les engrais s'affaissent assez pour que l'on puisse recharger le carré de trois pouces de terre sans l'exhausser ; mais il n'en sera pas de même les années suivantes 5 aussi ne charge-t-ou que le moins possible, c'est-à-dire, de deux ou trois doigts chaque fois. La terre dont on se servira pour cela sera celle des fouilles mise en dépôt et mélangée avec les terreaux indiqués. Il arrive quelquefois qu'une aspergière bien exposée commence à montrer de jeunes pousses dès ie mois d'avril, et que des gelées tardives peuvent les surpren- dre. On évite cet inconvénient en jetant dessus de la grande litière , quand on s'aperçoit que l'atmosphère se rafraîchit. On coupe les asperges dès qu'elles commencent à paraître , et l'on continue cette récolte jusqu'au mois de juillet , époque à laquelle on cesse de couper pour ne pas épuiser et faire périrles plantes. Mais, dès les premiers jours de mai , il faut laisser les plus belles tiges si l'on veut récolter de la graine 5 à mesure qu'elles se déve- loppent, on les surveille pour les dérober aux accidens qui pourraient leur nuire. La criocère de l'asperge, par exemple, est un insecte qui les ronge entièrement si on ne les en préserve. Pour cela on la cherche ainsi 3l6 DU JARDIN que ses œufs noirs et symétriquement rangés sur les tiges, et on les écrase. On prétend que quelques pieds de chanvre semés auprès des aspergières en éloignent ces insectes, parce qu'ils en craignent l'odeur.' Les larvesde hanneton, vulgairement nommmé ver blanc , ou ton, attaquent leurs racines : dès qu'on s'en aperçoit, on sème quelques laitues à travers les planches-, les larves qui les aiment beaucoup abandonnent les asperges pour les attaquer ; et, aussitôt qu'on voit les feuilles se flétrir, on cherche au pied de la plante , on trouve le ver et on le tue. Lorsque la graine d'asperge est mûre, elle devient d'un beau rouge ; alors on coupe les tiges et on en dé- tache les baies, qu'on laisse en tas une quinzaine de jour pour achever la maturité. On les écrase ensuite avec les mains, puis on les lave dans un vase rempli d'eau-, les semences se précipitent au fond, où on les ramasse pour les faire sécher à l'ombre et à l'air. Les asperges qui ont le plus de réputation sont celles de Besançon, Marchiennes,Mons, Vendôme, Gravelines, Gancl, Sarre-Louis, Strasbourg, Darmstadt, Ulm , etc. C'est de ces différentes villes que l'on tire les graines et les plants les meilleurs. Primeur. L'asperge , forcée , c'est-à-dire venue à une autre époque que celle qui. lui a été marquée par la na- ture, a peu de saveur et ne peut être comparée sous aucun rapport à celle de printemps ; mais elle est recher- chée , parce qu'elle est rare , et en hiver surtout , parce qu'on mange peu de verdure pendant cette saison. Il est plusieurs manières de forcer les asperges; nous allons enseigner celles qui sont à la fois les plus sûres et les moins coûteuses. On force l'aspergé surplace ou sur couche, et on en obtient les mêmes résultats; mais celles obtenues sur place coûtent moins de frais que les autres , et les plants peuvent servir plusieurs fois ; aussi conseillons-nous de donner la préférence à cette méthode. POTAGER. 3in Forcer sur place. Soit que l'on veuille semer ou planter , on divise son terrain en planches de quatre pieds de largeur , ou seulement de trois pieds dans les pays froids. On laisse entre chaque planche un sentier de deux pieds à deux pieds et demi de largeur. On plante avec des griffes de deux ans , ou on sème exac- tement comme nous Pavons dit , mais on espace moins les plants ; on les met sur trois ou quatre rangs à un pied les uns des autres , ce qui laisse six pouces sur les côtés, et à dix pouces d'intervalle sur la longueur des rangs. On conduit la plantation de la même manière qu'une autre pendant les trois premières années. Ce n'est que lorsque les asperges sont en plein rapport que l'on peut commencer à les chauffer , si Ton ne veut pas s'ex- poser à perdre son aspergière en peu de temps , ce qui arriverait si on épuisait les plantes dans leur première jeunesse. Depuis novembre jusqu'en mars, selon que l'on veut avoir des asperges plus tôt ou plus tard, on creuse les sen- tiers autour des planches , à la profondeur de dix-huit à vingt pouces et sur toute leur largeur. Si l'on a des châssis portatifs , on enlève la terre de la fouille ; mais, si on n'en a pas , on la jette sur les planches, de ma- nière à les en recouvrir de huit à dix pouces au moins. On bat la terre des bords pour qu'elle se maintienne , et l'on remplit les tranchées de fumier chaud de cheval , bien foulé et piétiné , élevé de cinq ou six pouces au- dessus du niveau de la planche , qui elle-même se trouve exhaussée par la terre du sentier. On couvre la planche de six pouces de fumier sec et chaud , et l'on place par dessus un lit de litière sèche. La terre ne tarde pas à s'échauffer, et au bout de quinze jours ou trois semaines les asperges paraissent. On lève le fumier et on les coupe , puis on remanie les réchauds des sentiers , ou même on les refait avec du fumier neuf, si le premier a perdu sa chaleur. Tous les deux 3l8 DU JARDIN" jours on visite et on coupe , et tous les quinze jours on refait les réchauds. Si l'hiver est pluvieux, on change le fumier qui couvre la planche toutes les fois qu'il est mouillé ; mais, s'il ne tombe que de la neige, on peut se contenter de rem- placer seulement la couverture de litière. Quand le temps le permet, on lève la couverture de fumier pour donner de l'air aux plantes ; mais , lorsqu'au contraire le. froid est très - intense, il faut augmenter son épais- seur. Une planche ainsi traitée peut donner des asper- ges pendant un mois et demi ou deux mois, passé lequel temps il faut enlever tous les fumiers , replacer la terre dans les sentiers , et abandonner les asperges aux soins de la nature. Lorsque le printemps arrivera, elles repousseront faiblement ; l'année suivante elles se re- mettront, si on ne coupe pas , et Ton pourra recom- mencer à les chauffer au mois de novembre. Ainsi con- duite 9 une planche peut se chauffer tous les deux ans, et par conséquent produire, alternativement une année sur deux, pendant huit à dix ans. Les personnes qui auront des châssis modifieront leur culture ainsi qu'il suit : en creusant les sentiers on en- lèvera les terres au lieu de les jeter sur les planches. On élèvera des réchauds d'abord jusqu'au niveau du sol , puis on placera les châssis , et ensuite on continuera d'é- lever les réchauds contre leurs coffres. On ne placera sur la terre , sous les châssis , qu'un léger lit de fumier très-sec. Toutes les fois que le temps le permettra, on donnera de l'air-, et pendant les nuits , ou quand il gè- lera , on couvrira les verres avec d'épais paillassons ou de la grande litière. Forcer sur couche. Aux mêmes époques que pour l'autre culture sur place , on prépare des couches de fumier chaud, de dix-huit à vingt pouces de hauteur sur quatre ou cinq de largeur. Lorsqu'elles ont jeté leur plus grande chaleur, on les couvre de dix pouceê de terreau POTAGER. 3ïg auquel on a mêlé un tiers de terre légère. On place dessus, à six pouces les unes des autres, des griffes âgées de quatre ans ou davantage , et sur lesquelles on étend un ]it de deux pouces du même terreau , et par - dessus un peu de fumier chaud. On laisse la couche en cet état pendant quelques jours; et, quand on pense que les asperges vont entrer en végétation , on enlève le fumier et on le remplace par trois pouces de nou- veau terreau, après quoi on place les châssis. On renouvelle la chaleur de la couche au moyen de ré- chauds, que l'on change toutes les fois qu'il en est be- soin , et l'on gouverne les châssis comme nous le disons plus haut. Au bout de douze ou quinze jours les asperges commencent à produire , et Ton coupe pendant tout le temps qu'elles donnent, c'est-à-dire, à peu près pendant un mois, plus ou moins. Lorsqu'elles cessent de pro- duire, on détruit les couches, et on jette les griffes parce qu'elles sont brûlées et ne peuvent plus servir à rien. Aussi emploie-t-on à cet usage de vieilles grilles, quand on peut s'en procurer en détruisant les aspergières usées. Les asperges, obtenues comme nous venons de le dire, non-seulement manquent de parfum , mais aussi de cou- leur. On leur rend cette dernière après qu'on les a cou- pées , en les liant en bottes et les enterrant à moitié dans le fumier des réchauds, et les couvrant d'une cloche bien transparente. La lumière les fait devenir vertes en deux ou trois jours , surtout s'il fait du soleil. BASELLE rouge , et baselle blanche , épinabd du Malabar. ( Basella rubra et Basella alba ; L. ) çf . Des Indes. Ces deux plantes grimpantes, à feuilles épaisses, grandes et ovales, servent à remplacer avantageusement répinard , parce qu elles en ont les qualités et qu'elles produisent davantage. On les cultive comme annuelles, parce qu'elles craignent le froid. En mars , on les sème sur couche chaude , sous cloche ou châssis , dans une terre légère et amendée avec du 320 DU JARDIN terreau , soit dans de petits pots , soit sur la couche même. Au mois de mai, ou lorsqu'on ne craint plus les gelées tardives, on les repique en pleine terre , au pied d'un mur au midi, et contre un treillage où leurs longues tiges blanches ou rouges puissent s'accrocher. On sarcle et l'on donne beaucoup d'eau pendant les chaleurs. Lorque l'on fait la cueillette des feuilles, on ménage celles de la plante la plus vigoureuse destinée à fournir les graines qu'elle mûrira parfaitement dans Tannée. Dans l'espace d'un été, chaque pied peut fournir trois ou quatre plats. BASILIC commun ou de cuisine. {Ocymum basilicum ; L.)0. Originaire de Perse. On l'emploie, ainsi que ses variétés à feuilles grandes, ou frisées, ou violettes, dans les assaisonnemens , et rarement en fourniture de salade, parce que sa saveur aromatique et forte ne plaît pas à tout le monde. Quelques personnes le coupent avant la fleur, le font sécher dans un endroit aéré , le réduisent en poudre et le conservent dans une boîte pour s'en servir avec les épices. Dans le climat de Paris on sème les basilics sur couche en février et mars. Quand le jeune plant a six feuilles , on le repique en pleine terre douce et terreautée , et à exposition chaude -, on le défend des rayons du soleil jusqu'à sa parfaite reprise, et on lui donne de copieux arrosemens pendant toute sa durée. Dans le midi on peut semer en pleine terre , mais il faut attendre pour cela les mois d'avril ou de mai. La graine mûrit d'août en octobre , et la première qui entre en maturité doit être récoltée de préférence , parce qu'il arrive fréquem- ment que les pluies d'automne font avorter celles de septembre et d'octobre. BETTERAVE commune. (Betavulgaris; L.)o*. Cette plante , originaire du midi de l'Europe , est d'autant plus précieuse aujourd'hui que l'on voit le sucre des fabriques qu'elle alimente , rivaliser avantageusement pour le prix POTAGER. 321 et la qualité avec celui importé des colonies. Tout le monde connaît ses propriétés alimentaires. Elle a pro- duit plusieurs variétés, dont les principales sont : i° La grosse rouge ; la plus répandue et la plus ancienne- ment cultivée. Elle est d'un rouge de sang en dehors comme en dedans , et sa forme est assez allongée. 2° La petite rouge, autrefois appelée Castelnaudari; elle est plus petite que la précédente , de la même couleur , et d'une saveur plus douce. Elle est aussi beaucoup plus pré- coce , et on peut déjà l'arracher dès le mois d'août. 3° La rouge ronde; de même qualité et couleur que la pré- cédente , aussi précoce , mais arrondie. 4° La jaune ; de même forme et grosseur que la grosse rouge, mais d'une saveur beaucoup plus sucrée. 5° La blanche {grosse etpetite); plus tendre, plus délicate que les autres , mais d'un goût un peu moins décidé. 6° La champêtre ou racine de disette ; aujourd'hui presque exclusivement cultivée en grand comme fourrage. Les betteraves aiment une terre profonde , bien défoncée, chaude , légère, et fumée l'année précé- dente, ou au moins avec du terreau très -consommé. Cependant elles réussissent assez bien dans tous les terrains , pourvu qu'ils soient bien ameublis et amendés. Après deux bons labours , donnés à la profondeur d'un pied au moins, on sème à la volée , en rayons ou en bordures, en mars et au commencement d'avril dans les terres chaudes , en avril et mai dans les autres : elles germent en dix ou douze jours, si la saison est favorable. Il est cependant prudent de semer un peu tard, afin qu'elles n'aient pas le temps de monter avant l'automne. Lorsque le plant a six feuilles , on éclaircit et on repique dans les places où il manque , mais avec la précaution de laisser les racines intactes. On s'arrange de manière à ce que les plants se trouvent espacés d'un pied à dix - huit pouces les uns des autres , selon la 2. 21 322 DU JAR DIN qualité du terrain. On sarcle, on donne deux ou trois binages , et Ton arrose profondément au besoin. Nous devons faire observer que cette plante craint la transplantation , et qu'en conséquence , lors du repi- quage , il faut la tenir îe moins long -temps possible hors de terre , et profiter d'un temps pluvieux pour le faire. Vers la fin d'octobre, ou au commencement de novem- bre , on les tire de. terre 5 on coupe les feuilles que l'on peut donner au bétail , on les nettoie de la terre qui y est attachée, on les laisse se ressuyer à l'air vingt- quatre ou quarante-huit heures -, et , lorsque leur sur- face a perdu toute son humidité, on les serre dans un lieu sec et à l'abri de la plus petite gelée. Quoiqu'elles craignent le pourri , néanmoins elles se conservent assez bien dans une cave saine. On en laisse quelques-unes des plus vigoureuses en terre pour obtenir de la graine , avec l'attention de les abriter du froid au moyen de feuilles sèches recouvertes de longue litière pour empêcher les pluies de pénétrer et de les faire pourrir. Malgré ces précautions, on ne réussit pas toujours aies conserver. Dans ce cas , en février ou mars , on replante quelques-unes de celles arrachées à l'automne. A mesure que les tiges se développent, on les soutient avec des tuteurs • et , lorsque la graine com- mence à mûrir, on coupe les tiges, et on les pend dans un lieu sec et aéré. Quand elles sont entièrement sèches, on recueille les semences qui sont bonnes pendant deux ou trois ans. BOURRACHE commune. (Bo?rago officinalis ,-L.) 0. Elle est plus employée pour la cuisine en Italie qu'en France. Ici on ne fait usage que de ses fleurs bleues , blanches ou purpurines , pour parer les salades. Elle vient dans tous les terrains, et se sème en tout temps. Sa graine fine ne doit pas être beaucoup re- couverte de terre ; et, si l'on veut que la plante monte POTAGER. 3^3 rapidement, il ne s'agit que de lui donner quelques nrrosemens. Du reste, elle se ressème assez d'elle-même. Pour recueillir ses graines, il faut couper ses tiges un peu avant la maturité , les faire sécher sur un linge , où on ramassera les semences, qui se détacheront presque seules à mesure qu'elles mûriront. BUGLOSE OU BUGLOSSE OFFICINALE. ( AncJlUSCl offi- cinalis ;L.) %. Elle est indigène, et se cultive plus pour les vertus médicinales qu'on lui attribue , que pour la cuisine, où on n'emploie que sa fleur pour parer les salades. Toute terre lui convient, pourvu qu'elle soit préparée par un bon labour. On la multiplie de graine que Ton sème au mois de mars, ou de rejetons que l'on sépare et plante au printemps et à l'automne. Ses semences se recueillent comme celles de la bourrache. CAPUCINE ( GRANDE ) , CRESSON DES INDES , DU MEXIQUE, du Pérou. ( Tropœolum majus ; L. ) %. Du Pérou comme la suivante, petite capucine ( tropœolum mi- nus; L. ) % 5 qui n'en diffère que par ses moindres dimensions. On emploie les fleurs de toutes deux pour parer les salades. Les boutons de fleurs, et les graines cueillies long -temps avant leur maturité , se confisent au vinaigre et remplacent les câpres. Quoique ces deux plantes soient vivaces dans leur pays , on les cultive ici comme annuelles, parce qu'elles mûrissent bien leurs grai- nes dans Tannée. Elles se ressèment assez souvent d'elles- mêmes \ mais il est plus sûr de les semer en avril , dans une terre franche , légère et substantielle , à exposi- tion chaude. On rame la première, si elle ne trouve pas à grimper contre un treillage , et Ton donne de fréquens arrosemens pendant les chaleurs. La graine est bonne pendant deux ou trois ans. CARDON , carde. ( Cynara cardunculus ; L. ) % . Originaire de la Barbarie , cette plante est cultivée très- anciennement en France , quoiqu'elle soit assez déli- 324 DU JÂR DIN cate et craigne beaucoup le froid. On mange cuites les côtes de ses feuilles et sa racine. Ses fleurs , com- me celles de l'artichaut , servent à cailler le lait. On en a obtenu plusieurs variétés , que nous allons énumérer dans l'ordre de leur ancienneté. i° Cardon commun ou iï Espagne ; sans épines , à côtes minces , un peu dures, blanches. Il monte très-vite. 2° Cardon de tours ; extrêmement épineux , à côtes plus larges , plus délicates , un peu rougeâtres. Il monte moins vite. 3° Cardon plein et sans épines ; il a les mêmes qualités que le précédent , mais ses côtes blanches ne sont pas armées d'ai- guillons. 4° Cardon a feuilles d'artichaut; excellente variété à côtes très-pleines et saus épines. Les cardons ne se multiplient que de graines ; ils aiment une terre légère et profonde , ainsi que de fré- quens arrosemens pendant les chaleurs 5 du reste , leur culture a beaucoup d'analogie avec celle des artichauts. En avril et mai , clans un terrain parfaitement défoncé , amendé et ameubli , on creuse , à trois pieds de distance les uns des autres, des trous de dix -huit pouces de largeur., sur douze ou quinze de profondeur , et l'on conserve la terre autour des trous que l'on remplit de terreau de cheval bien consommé , mélangé d'un peu de poudrette ou de coîombine. On enfonce trois ou quatre graines à un pouce de profondeur pour ne laisser qu'un seul plant quand elles seront germées, et on arrose fréquemment jusqu'à ce que la plante ait assez de développement pour être blanchie, ce qui arrive ordinairement au mois d'octobre. Alors on la butte en rapprochant la terre des fouilles, et on la lie avec de l'osier ou des joncs , pour pouvoir la couvrir avec une espèce de capuchon épais de longue litière , que l'on serre autour des feuilles en prenant garde néanmoins de Jes blesser. POTAGER. 325 Au bout de quinze jours la côte est blanche, et doit être consommée, ou elle pourrit. Ceci indique assez qu'il ne faut butter et couvrir les plantes qu'à mesure du besoin. Lorsque les gelées approchent , il faut les enlever en motte pour les déposer soit dans une serre sèche et aérée, soit dans des tranchées si l'on n'a pas de serre. Dans le premier cas on relève toutes les feuilles et on les lie , mais sans les serrer et de manière à ce que l'air puisse circuler à l'intérieur des plantes , que l'on enterre dans du sable frais. Toutes les fois qu'on le peut, on donne de l'air, et il n'est pas rare de les conserver ainsi jus- qu'au printemps. Si l'on a peu d'espace à leur consacrer, on se contente de les adosser les uns contre les autres à un mur -, mais alors il faut avoir le soin de les visiter souvent, afin d'enlever toutes les feuilles qui pourrissent. Quelle que soit la manière dont on les placera , ils blanchiront sans couverture , et on choisira les plus avancés pour les livrer à la consommation. Les personnes qui n'ont pas de serre ouvrent dans un terrain sec une tranchée de trois pieds de profondeur , de quatre de largeur , et d'une longueur indéterminée. Elles placent contre ses parois un chevet de paille , c'est- à-dire, une bonne épaisseur de paille longue et posée de- bout ; elles adossent contre ce chevet un ou deux rangs de cardons , puis elles remettent contre ceux-ci un nou- veau chevet de paille , un second rang de plantes , et ainsi de suite jusqu'à ce que la tranchée soit pleine. 11 est à observer qu'on doit laisser à l'air l'extrémité des feuilles. On abrite rigoureusement la fosse de la moindre pluie , et l'on couvre les plantes avec de la grande li- tière sèche, que l'on enlève toutes les fois qu'il ne gèle pas. Pour se procurer delà graine, on laisse quelques pieds en pleine terre -, lorsque les froids viennent , on coupe toutes les feuilles à quelques pouces du sol , et an ga- 320 DU JARDIN rantit les plantes clés gelées, comme nous l'avons dit pour les artichauts , mais avec beaucoup plus de soin encore, parce quelles y sont plus sensibles. On recueille la graine de la même manière, et elle conserve ses facultés germi- natives pendant plus de dix ans. Les pieds qui ont fourni des semences ne sont plus bons à blanchir, mais ils n'en sontpasmoins précieux, parce qu'étant moins sen- sibles au froid, iîs peuvent fournir de la graine pendant six ou huit ans sans exiger de grands soins. Primeur. Dès le mois de janvier on sème en pots, que l'on enfonce dans une couche chaude sous châssis. Quand le plant a deux feuilles , on le place dans un pot plus grand et sur une nouvelle couche ; et, enfin lorsqu'il est assez fort, on le met en place sur une couche sourde , recouverte d'un pied de terreau, mélangé à un quart de bonne terre. On couvre avec le châssis , et au mois de mai on peut déjà faire blanchir pour la consommation. Comme pour l'ordinaire ils ne tardent pas à monter, au mois de mars on repique en pleine terre quelques- uns des plants semés en janvier , on les abrite de la fraîcheur des nuits au moyen de cloches , et on les gou- verne comme ceux des semis en pleine terre. Ils com- mencent à être bons à lier en juin et juillet , mais il en monte beaucoup. CAROTTE , PASTONADE , PASTENADE. (DaUCUS CCI- rotta; L. ) cf. Cette plante du midi de l'Europe est cultivée depuis la plus haute antiquité. On connaît assez ses usages en cuisine. Elle a fourni plusieurs variétés. i° La jaune ; la plus répandue de toutes. Elle est de forme allongée , ou arrondie dans la sous -variété jaune-ronde. Elle est peut-être encore aujourd'hui la meilleure de toutes, malgré les nouvelles acquisitions que l'on a faites depuis quelques années. 20 La blanche; moins cultivée et moins bonne. Sa forme est allongée , et elle a comme la précédente une sous-variété blanche-ronde. POTAGER. 327 3° La courte de hollande; d'une forme arrondie. Elle est estimée. 4° La rouge; de forme allongée, et arrondie dans la sous- variété rouge- ronde. Elle est fort bonne et très-cultivée en Allemagne, mais elle a peu été accueillie en France, parce qu'elle teint en rouge le bouillon et les ragoûts dans lesquels on la met. 5° La jaune orange ; qui paraît être une sous- variété de la jaune dont elle a les qualités. 6° La violette d'espagne; très-grosse, très-sucrée, mais sujette à monter si on la sème de bonne heure. Elle a le même inconvénient que la rouge. Les carottes aiment une terre profonde, plutôt légère que forte, bien défoncée par des labours faits àl'automne et au printemps. Elle aime les engrais,, mais il faut qu'ils aient été mis en terre au moins trois ou quatre mois d'a- vance, autrement sa racine fourche. Depuis la fin de février jusqu'en juin, après avoir parfaitement ameubli la terre, on sème à la volée ou en rayons espacés de dix pouces. On ne recouvre que légèrement et au râteau ; après quoi on recouvre d'un doigt de terreau pour em- pêcher que la terre ne se batte par les arrosemens qui doivent être fréquens, ainsi que les sarclages. A mesure qu'elles lèvent, on les visite et on détruit les limaces et les insectes qui en sont très-avides. S'il en manque dans quelques places , on en lève en motte sans toucher au- cunement les racines , et on les repique avec les plus grandes précautions. Pour cette opération on choisit un temps pluvieux , et on saisit le moment où, la carotte n'a encore que deux feuilles outre ses cotylédons. On éclaircit partout où le plant est trop épais, et de manière à laisser , pour cette première fois, quatre ou cinq pou- ces de distance entre chaque pied. On continue à sarcler et à entretenir la terre dans une bonne humidité, sans cependant la mouiller trop ; et, lorsque les carottes arri- vent à la grosseur du doigt, on commence à en arracher 328 »U JARDIN pour l'usage. On en prend une entre deux, ce qui laisse huit à dix pouces d'intervalle entre chaque plant. Avant les gelées on fait la recolle des carottes , en les arrachant à la fourche pour en couper moins. On leur coupe la tête au collet pour les empêcher de repousser, et on donne le fanage au bétail. On les lave , on les laisse se ressuyer, et on les conserve dans une serre aérée, mais impénétrable à la gelée, où on les range les unes contre les autres , la tête en dehors. Il est entendu que l'on ne coupe pas le collet à celles que l'on destine à porter graine l'année suivante. Si l'on ne possède pas de serre , on ouvre une tranchée comme nousl' avons dit pourlescardons-, on étend au fond de la fosse un bon lit de sable sec, et l'on place des cbevets de longue paille contre les parois du trou -, cela fait, on étend un lit de carottes , les racines tournées contre les parois de la fosse , puis on recouvre d'une couche de sable : nouveau lit de carottes , nouveau lit de sable , et ainsi de suite jusqu'à ce que la tranchée soit comblée. Alors on recouvre le tout de paille, et l'on rejette dessus la terre de la fouille que l'on élève en cône pour écarter les eaux de pluie 5 elles se gardent ainsi jusqu'au prin- temps. Mais les carottes conservées n'ont jamais la saveur de celles que l'on mange fraîches et jeunes. Il faut donc en semer en septembre , que l'on traitera, comme nous avons dit , avec la précaution de les couvrir de litière pendant l'hiver pour les dérober aux rigueurs des ge- lées. Elles produiront jusqu'à ce que les semis de prin- temps commencent à donner. Pour se procurer de la graine , on peut conserver des pieds en pleine terre, en les garantissant du froid ; mais il est plus sûr de replanter , au printemps, à quinze ou dix-huit pouces de distance , en bonne terre bien meuble et bien terreautée, des racines conservées dans la serre ou tout simplement dans une cave. Elles montent au POTAGER. 329 mois de mai , et on recueille la graine en août , en cou- pant les tiges que l'on met sécher. On ne la détache de ses ombelles qu'au moment de la semer ; et, pour la net- toyer de ses poils , on la frotte dans les mains avec un peu de sable ou de cendre. Elle est bonne pendant deux ans. CÉLERI cultivé , api , ache doux. ( Apium graveo- lens ; L.) cf. Cette plante croît spontanément dans les marais du midi de la France , où elle a une saveur acre, aromatique et amère , que la culture a corrigée. On fait usage de ses côtes et de ses racines cuites et crues. On en a obtenu plusieurs variétés. i° Le céleri-rave blanc ; dont la racine est très-grosse , de forme allongée , ou ronde dans une sous-variété. 20 Le céleri-rave rouge; semblable au précédent , mais dont la racine est veinée de rouge ou de violet. 3° Le céleri creux ou a couper , ou petit céleri; ses feuilles courtes, et presque rampantes, s'emploient en fournitures de salade. 4° Le céleri gros violet de tours ; le plus grand de tous, à côtes teintes d'un rose violacé. 5° Le céleri plein blanc ; un des plus cultivés , à côtes très- charnues. 6° Le céleri turc ou de prusse ; sous-variété du précédent, mais plus grosse. 70 Le céleri plein rouge et rose ; autre sous - variété ayant les mêmes qualités que le blanc. 8° Le céleri nain frisé ; très - tendre , cassant, employé en fourniture. Le céleri se sème sur couche depuis janvier jusqu'en mars, et sur terreau en pleine terre depuis avril jusqu'en juin. Au moyen de ces différens semis, on en a pendant toute l'année. Sur une couche chargée de six pouces de terreau on sème assez clair , on arrose et on recouvre de cloches ou d'un châssis. Lorsque le plant est levé , on a soin de lui donner de l'air le plus souvent possible. Aussitôt qu'il 33o DU JARDIN a trois feuilles , on 3e repique sur une nouvelle couche, et Ton place les plantes à deux ou trois doigts de dis- tance les unes des autres, afin qu'elles ne s'étiolent pas. On le traite et garantit de même, et on le laisse là jusqu'à ce qu'il soit assez fort pour être mis en pleine terre , ce que l'on fait au commencement d'avril. En terre légère et meuble, on prépare une planche de différentes manières, selon que le terrain est plus ou moins sec, car le céleri aime beaucoup l'eau-, et plus le sol maintiendra son humidité, moins on aura besoin de réitérer les arrosemens. Le céleri se plante en rayons espacés de huit pouces; ainsi l'on donnera à la planche plus ou moins de largeur, selon qu'on voudra planter plus ou moins de rangs. Dans les terres très-chaudes on creuse la planche de six pouces de profondeur , et on rejette la terre sur les sentiers auxquels on conserve une largeur égale à la moitié de celle de la fosse. On bêche le fond , on le fume , et on y plante le céleri , que l'on butte quand cela devient nécessaire avec la terre des sentiers. Dans les terres ordinaires on dresse des planches de quatre ou cinq pieds, et on laisse entre chacune un es- pace égal où Ton cultive de la laitue , ou autres menues plantes pour ne pas perdre de place. On ameublit et amende convenablement, et on plante le céleri en rangs et en quinconce. Lorsqu'il s'agit de le butter, on se sert de terre que l'on prend entre les planches. Quoi qu'il en soit, les pieds seront placés à huit à neuf pouces de distance les uns des autres, et on les arrosera sur-le-champ pour aider à la reprise. Si le temps est sec, on les arrosera de tous les deux jours l'un ; on les sar- clera et onôterales mauvaises herbes au besoin. Lorsque le plant sera assez fort , on le liera d'abord d'un premier lien de paille ou de jonc, près de sa racine, puis d'un autre vers le milieu de sa hauteur , et enfin d'un troi- sième près de son extrémité , puis on l'enveloppe entiè- POTAGER. 33 1 rement de paille ou de litière , ou on le butte en l'enter- rant jusqu'auprès de l'extrémité de ses plus longues feuilles. Dans l'espace d'une quinzaine de jours il est blanc et peut être employé à la cuisine. Le céleri traité de cette manière commence a. donner en juin s'il a été semé en janvier , en juillet si Ton a semé en février , et en août , si les semis ont été faits en mars. Les semis du céleri en pleine terre d'avril, mai et juin, fournissent pour tous les autres mois de l'année, et même tout l'hiver , si on ne le laisse pas pourrir. On le sème très-clair, on éclaircit le plant, et on ne le repique que- pour le mettre en place, où on le traite comme nous avons dit. A mesure qu'il fournit, on le fait blanchir en l'arrachant, le liant, et l'enterrant dans de vieilles cou- ches ou du terreau , avec la précaution de laisser l'ex- trémité de ses feuilles à l'air. Avec un gros plantoir on fait un trou , on l'y enfonce dans toute sa longueur , et on ne le borne pas , c'est- à - dire , qu'on ne serre pas le terreau autour de lui. On le couvre de litière , et il blanchit rapidement -, il ne se conserve qu'un mois tout au plus, après quoi il pourrit. Si l'on aime mieux, on le butte-, mais ceci s'entend du céleri qui fournit jusqu'en octobre, car celui de l'arrière-saison doit nécessairement se butter avant les fortes gelées. On peut aussi en con- server en serre , et dans ce cas on le traite à peu près comme nous l'avons dit pour les cardons , en l'enter- rant dans du sable. On laisse en terre quelques pieds pour fournir de la graine. Au mois de mars on les déchausse, et ils ne tardentpas à monter. La graine se recueille en septembre et se conserve bonne pendant trois ou quatre ans ; la plus nouvelle est toujours la meilleure. Le céleri-rave se cultive de la même manière que les autres variétés, mais il n'a besoin d'être ni lié ni butté. On se contente de l'arracher comme le navet, et de l'en- 33a DU JARDIN terrer à quelques pouces au-dessus du collet, dans le sable de la serre. Les pieds, conservés en pleine terre pour donner de la graine , s'abritent du froid par une couverture de litière. ÇEPiFEUlL. (Scandix cerefolium ; L.)0. Plante aro- matique, indigène, cultivée pour fourniture de salade et pour assaisonnement. Elle a fourni une jolie variété, le cerfeuil frisé, qui se cultive de même et sert aux mêmes usages. Elle s'accommode de toutes les terres et se sème en toutes saisons 5 il faut même en semer tous les quinze jours, si on veut toujours en avoir de tendre, parce qu'elle monte très-vite. Depuis mars jusqu'en mai on la sème au pied d'un mur à bonne exposition 5 pen- dant les chaleurs on la place au nord et à l'ombre, et à l'automne on la sème de nouveau à l'exposition du midi. Celle semée en octobre monte la dernière et fournit au printemps. Les graines se recueillent au mois de juin et se conservent deux ou trois ans, mais les plus nouvelles sont les meilleures. Le CERFEUIL MUSQUÉ, d'EsPAGNE , FOUGÈRE MUSQUÉE, {scandix odorat a; L.) $,, originaire du pays dont il porte le nom, s'emploie comme le précédent 5 mais il a une saveur particulière que tout le monde ne trouve pas agréable. Sa racine est très-bonne dans le potage et lui donne un fort bon goût. On le sème aussitôt qu'on re- cueille ses graines, sans cela elles mettent fort long- temps et même plusieurs mois à lever 5 elles ne sont bonnes qu'un an. CHAMPIGNONS , mousserons. Tout le monde connaît les qualités malfaisantes de la plupart des champignons , et la difficulté que l'on trouve à distinguer les espèces vénéneuses de celles qui ne le sont pas : aussi ne doit-on en faire usage qu'avec beaucoup de circonspection , et jamais on ne mangera ceux que l'on trouve dans les champs , à moins qu'on ne les connaisse parfaitement. M. Boitard , mon ancien collaborateur dans le Bonjar- POTAGER. 333 dinier , prépare sur cette matière un ouvrage intéressant et qui sera véritablement utile, parce que toutes les es- pèces innocentes et comestibles y seront non -seule- ment décrites, et comparées avec celles malfaisantes qui ont quelque analogie avec elles, mais encore dessi- nées et coloriées avec soin. Il indique , comme le meilleur contrepoison l'émétique pris à la dose de trois ou quatre grains si on en a mangé une grande quantité, et que les accidens soient graves. Dans le cas où les douleurs ne seraient pas très-vives, il suffit, pour arrêter les progrès du mal , de boire une certaine quantité de vinaigre très- fort, ou de l'acide sulfurique étendu dans de l'eau. Nous croyons devoir décrire le champignon cultivé , pour faire éviter les erreurs autant qu'il nous sera pos- sible , en avertissant néanmoins nos lecteurs que toutes les espèces sans exception deviennent dange- reuses lorsqu'elles vieillissent. Le champignon cultivé est l'agaric comestible de Linnée (Agaricus edulis). 11 est rond, un peu aplati sur le sommet, et son pédicule est court et gros. Comme les bords de son chapeau sont attachés à son pied lors- qu'il sort de terre , ils se déchirent pendant son déve- loppement, ce qui les rend comme frangés*, il en reste aussi quelques fragmens sur le pied. Le dessus du cha- peau n'est jamais parfaitement lisse, et sa couleur est d'un blanc plus ou moins sale vers le centre , quelque- fois gris ou d'un roux grisâtre. Il est couvert d'une pelli- cule qui s'enlève facilement en la soulevant des bords au centre. Le dessous est garni d'un grand nombre de feuillets très-minces, d'abord blancs lorsque le champi- gnon est très-jeune, puis d'un beau rose, et enfin passant par gradation au noir foncé. Lorsqu'il a cette dernière couleur, le champignon devient suspect et doit être jeté. La chair est spongieuse , d'un blanc opaque , ne deve- nant jamais bleue à l'air , ni verte quand on la frotte -, son suc propre est limpide et jamais laiteux. Les nom- 334 DU JÀR DIN Lrenses expériences, faites par l'auteur que nous venons de citer, constatent que toutes les espèces dont la chair passe du blanc au bleu ou au vert , lorsqu'on l'expose à l'air /celles dont les sucs propres sont laiteux, et celles enfin dont l'odeur est virulente et nauséabonde, sont mortelles pour la plupart des animaux et pour l'homme. Tous les champignons sont indigestes lorsqu'on a l'es- tomac délicat, ou qu'on en mange une certaine quantité. Passons maintenant à la manière de multiplier cette plante singulière que l'on n'est parvenu à se procurer à volonté que depuis une centaine d'années au plus, en la soumettant à des procédés de culture aussi difficiles qu'ingénieux. Long - temps on a fait des couches à champignons sans être certain des résultats qu'on en obtiendrait, et cela pour deux raisons : la première, c'est que l'on négligeait trop la préparation et le choix du fumier dont on les construisait; la seconde, c'est qu'on n'ensemençait pas les couches, et que l'on attendait leur production du hasard. Aujourd'hui, en agissant comme nous allons le dire , on est certain du succès. On appelle blanc de champignon de petits filamens blancs , ressemblant au premier coup d'oeil à de la moi- sissure et se trouvant sur la terre, le fumier , ou le ter- reau sur lequel ont crû des champignons , particulière- ment autour de leur pied. La première chose à faire , c'est de voir si l'on pourra s'en procurer , car sans cela l'opération serait d'une réussite fort douteuse. On trouve ce blanc de champignon en défaisant les vieilles meules , comme nous le dirons plus bas, ou en construisant des couches pour cela , ou enfin en le cherchant autour des champignons qui croissent spontanément dans les champs, et le transportant avec la terre dans laquelle il est. Nous allons supposer d'abord qu'on en possède , et traiter de la meule où on le mettra pour obtenir des ré- coltes certaines, après quoi nous reviendrons à la couche pour en obtenir si l'on n'en avait pas , et que l'on fut POTAGEE. 335 trop éloigné des jardiniers livrés à cette culture pour pouvoir en obtenir d'eux. De la meule à champignons . Son succès dépend en grande partie du choix et de la qualité du fumier. 11 doit être de cheval nourri au sec ; ]es maraichers donnent même la préférence à celui des chevaux nourris à l'avoine, et ils le rejettent quand il provient de ceux nourris au son , ou chez les brasseurs. L'essentiel est qu'il soit court , bien imbibé d'urine et mélangé de crottin, et qu'il ne soit sorti de l'écurie qu'après avoir servi de litière pendant une huitaine de jours au moins. On en prend une quantité calculée sur le nombre des meules que l'on veut établir, et on le dé- pose sur un terrain sec , à l'abri des animaux de la basse-cour. On le place en espèces de toisés larges et longs à volonté , mais n'ayant jamais ni plus ni moins de deux pieds d'épaisseur. Pendant qu'on l'arrange ainsi à la fourche , on a le plus grand soin d'enlever le foin , la paille sèche , et généralement tous les corps étrangers qui pourraient s'y trouver mêlés. A mesure qu'on le place par lits , on le marche et on le piétine pour rendre le tas le plus compacte possible. Si le temps était très-sec et chaud, on l'arroserait , mais pas trop abon- damment , afin de favoriser la fermentation au lieu de l'empêcher , ce qui arriverait s'il était trop mouillé. Dans les temps ordinaires on ne l'arrose pas -, et, même s'il venait des pluies trop abondantes, il serait très-bon de pouvoir l'en abriter. Au bout de huit à dix jours ou regardera dans l'inté- rieur s'il a fermenté convenablement, ce qui se recon- naît à la couleur blanchâtre qu'il aura prise àl'intérieur. Alors on défera tout le tas pour le remuer de nouveau , et on le refera après l'avoir bien remanié , avec la pré- caution de placer au milieu du tas le fumier qui était sur 336 DU JARDIN les bords et à la superficie , pour l'amener au même de- gré de fermentation. On le laisse encore huit à dix jours en cet état, puis on voit s'il a acquis les qualités nécessaires pour être employé de suite à la formation de la meule. Ce point est tellement essentiel, que, si l'on ne réussissait pas à obtenir de bonnes récoltes de champignons, on ne de- vrait pas l'attribuer à d'autres causes. Pour qu'il soit aussi bon qu'on puisse le désirer , il faut que sa couleur soit brunâtre , qu'il ne soit ni trop sec ni trop humide , mais doux et onctueux , bien lié et moelleux au toucher. S'il était trop sec, on le remettrait en tas, et on l'amè- nerait an point désirable au moyen de quelques arrose - mens 5 mais, si au contraire il était trop humide, s'il égouttait l'eau en le pressant dans les mains, sa chaleur serait passée pour toujours , et il ne resterait aucune chance de succès à en espérer. Dans ce cas il faudrait recommencer sur de nouveaux frais avec du fumier neuf, ou renoncer à faire des meules ; et cette détermination vaudrait encore mieux que de perdre beaucoup de temps et de soins pour ne rien obtenir. Il ne reste plus qu'à préparer la meule , ce qui se fait en tout temps, mais plus avantageusement au printemps et en automne. On peut l'établir dehors , dans une serre, ou dans une cave , et ces trois localités amènent quel- ques légers détails qui leur sont particuliers. i° Quand il s'agit de l'établir dehors , il faut choisir l'emplacement le plus sain , c'est-à-dire , le moins hu- mide et celui où l'eau ne peut pas séjourner. On conçoit qu'il doit être éloigné de toutes gouttières et autres acci- dens qui pourraient y amasser les eaux pendant une pluie. Si l'on opère au printemps ou en été, on devra le choisir à l'ombre , mais en automne ou en hiver on pla- cera la meule au midi. Si le terrain n'était pas de nature à absorber promptement l'humidité , on le défoncerait à un pied ou dix-huit pouces de profondeur sur deux POTAGER. 337 pieds à deux pieds et demi de largeur, et on enlèverait la terre que l'on remplacerait par du gravier, du plâtras ou de la pierraille 5 on replacerait dessus une couche de terre qne Ton piétinerait un peu, seulement pour lui donner de la solidité. Le terrain préparé à recevoir la meule, on étendra des- sus un lit de fumier de vingt pouces à deux pieds de lar- geur, et on le piétinera 5 sur le premier lit on en mettra un second un peu moins large, que l'on piétinera de la même manière pour l'unir parfaitement au premier -, sur celui- ci on en placera un troisième, puis un quatrième , tou- jours en diminuant leur largeur _, de manière à donner à la couche une forme de dos d'âne ayant dans le milieu une hauteur égale à sa largeur. Après l'avoir consolidée en la battant sur les côtés avec une palette ou la bêche, on unit et régularise sa surface au moyen d'un gros râ- teau dont on se sert pour la peigner du haut en bas , et en retirant tous les brins de paille trop longs qui la dé- passeraient. Alors on lui place une chemise, c'est-à-dire, une couverture en grande litière sèche , ayant à peu près l'épaisseur de trois doigts. On laissera la meule s 'échauffer en cet état pendant quelques jours, et si l'on craignait que la sécheresse nuisît à la fermentation, on augmenterait son activité au moyen de quelques arrosemens modérés. Pour savoir son degré de chaleur, on y enfoncerait un bâton; et, en ie retirant au bout d'une heure ou deux, on reconnaîtrait facilement, en le touchant avec la main, si elle est à son point. C'est alors qu'il faut larder, autrement dit, placer le blanc de champignon. On coupe en morceaux de trois ou quatre pouces les espèces de galettes de terre qui le contiennent, et on les implante dans de petites ouvertures de même dimension, que l'on pratique avec les doigts sur les flancs de la meule. Ces morceaux de blanc se placent à la hauteur de quatre pouces de la base de la couche , et à dix ou douze pouces de distance les uns des autres dans 2. 22 338 DU JARDIN le sens de la longueur de la meule. On en fait deux ou trois rangs , selon la largeur de ses côtés, en les plaçant à cinq ou six pouces du premier rang. Il faut que le blanc se trouve à fleur du fumier, et qu'il soit parfaitement lié avec lui. La meule étant lardée, on la recouvre de sa chemise ; on laisse pendant deux ou trois jours les galettes de blanc s'imprégner de l'humidité du fumier ; puis , avec une palette , on appuie doucement dessus pour bien les incorporer avec lui , et l'on recouvre. Huit jours après on enlève la chemise, et l'on regarde si le blanc a pris. Ceci se reconnaît très - facilement à une espèce de moisissure ayant l'apparence de petits filets blancs qui s'étendent sur le fumier autour des lar-^ dons. Si ces filets ne se forment pas dans l'espace de quinze jours au plus, c'est que le blanc ne valait rien , et il faut en replacer d'autre meilleur, que l'on enfonce dans des trous pratiqués entre les premiers. Lorsque le blanc est bien pris, il s'agit de gopter la meule. On la raffermit, s'il est nécessaire , comme nous l'avons dit plus haut, ou même en la battant légère- ment avec la palette ou le dos d'une pelle de bois. Si le temps est sec , on donne un léger arrosement -, puis on applique sur toute sa surface une couche de terre très- légère à laquelle on mêle assez souvent du sable fin , ou même du terreau pur , mais très-consommé et réduit en poussière. Quelques jardiniers passent même la terre et le terreau au tamis. On' recouvre le tout de trois pouces de fumier neuf, excepté vers le haut de la meule qu'on laisse presque découvert. Huit jours après on remet une nouvelle couche de fumier neuf de la même manière que la première , et huit autres jours après on découvre entièrement jusque sur la terre. On nettoie la meule de toutes les ordures que le fumier peut y avoir laissées, et on arrange dessus une nouvelle chemise de litière lon- gue, d'un doigt d'épaisseur , et dont la paille doit être POTAGER. 33c) inclinée de manière à faciliter l'écoulement des eaux de pluie. Si l'on opère en automne et par un temps froid , on jette sur la chemise trois bons pouces de fumier chaud préparé huit jours d'avance, comme nous l'avons dit pour faire la meule , et on le recouvre encore de celui que que l'on vient d'enlever avant que de mettre la chemise. Quinze jours après, la récolte doit commencer. Si c'est pendant la belle saison, comme la meule n'est recou- verte que par sa chemise , on découvre à mesure devant soi, on enlève les champignons avec la précaution de reboucher exactement les trous que l'on pourrait faire dans la couche , on donne un léger arrosement et l'on recouvre de suite ; mais, si le temps est froid, on est obligé de découvrir toute la couche à la fois _, et aussi- tôt après on la recouvre , en plaçant sur sa chemise plus ou moins de fumier neuf, selon qu'il fait plus ou moins froid. Tous les trois jours on recommence la cueillette , et cela peut durer pendant plus de trois mois. i° Quand on place une meule dans un lieu abrité , dans une serre, par exemple, on n'a pas besoin de fouiller le terrain de sa base pour l'assainir , parce qu'il n'est pas présumable qu'il y ait de l'humidité. On fait la couche absolument comme nous l'avons dit, à cette différence près qu'après l'avoir goptée on ne place aucun fumier , et l'on se contente de la couvrir simplement avec la che- mise. 3° Dans une cave, la meule peut se faire en carré ou en dos d'âne avec le même avantage ; et , après l'avoir goptée , on se dispense d'y mettre une couverture soit fumier, soit chemise. Mais il faut exactement boucheries soupiraux de la cave, afin de n'y laisser pénétrer ni air, ni lumière. Si l'on avait établi une couche à champignons dans une cave d'une petite étendue , il faudrait en y en- trant se méfier du carbone que le fumier dégagerait par sa fermentation. Pour cela, on y entrerait avec pré- 340 DU JARDIN caution et avec une chandelle allumée 5 si l'on voyait la flamme diminuer tout à coup de volume, vaciller ou s'éteindre, il faudrait se retirer su r-le- champ, ou courir la chance d'être asphyxié. On laisserait la porte ouverte quelques momens , et au bout d'un très-court laps de temps il n'y aurait point de danger à redouter» Des couches à champignons. Celles-ci se font toujours en plein air , et on peut les établir dès le mois de septembre. Le principal est de les placer dans un terrain sec , qui absorbe promptement l'humidité pour ne pas refroidir ou pourrir la base des couches qui doivent durer long-temps. On commence par creuser une fosse de deux pieds de largeur et de cinq ou six pouces de profondeur, parce que la base de la couche doit être enterrée, ce qui n'est pas nécessaire pour la meule. On prépare du fumier de cheval , de mulet ou d'âne, comme nous l'avons dit plus haut; on élève la couche de la même manière , et on la gopte aus- sitôt avec la terre sortie du trou. Sans autre précaution on la laisse en cet état jusqu'au mois d'avril , époque à laquelle on la couvre d'une che- mise de grande litière , de trois doigts d'épaisseur. Si la saison est favorable, le mois suivant ou au plus tard en juin , elle se couvre de champignons que l'on ra- masse de deux en deux jours , en soulevant la chemise , que l'on replace aussitôt après avoir donné un léger ar- rosement. Si ces couches sont sur un terrain sablonneux et sec , si elles ont été faites avec du bon fumier bien préparé^ elles dureront quatre mois et même davantage. Si au contraire elles sont établies dans une terre forte et grasse, elles sont plus tardives à se mettre en rapport , et elles durent beaucoup moins : dans ce dernier cas on est obligé de mettre des gravois dans la fosse que l'on creuse davantage ; et , pour la gopter, on mêle du sable fin ou du terreau à la terre de la fouille. POTAGER. 34l Lorsqu'une couche a fini de produire , on la défait et l'on met à part le blanc de champignon que l'on enlève en forme de petites galettes , et que Ton place dans un endroit sec pour le conserver. Il peut être bon pendant deux ans s'il est déposé dans un lieu à l'abri de la gelée et de la moindre humidité. En défaisant les vieilles meules , on conserve de même le blanc qu'elles ont pro- duit. En Angleterre et en Russie on cultive les champi gnons dans des serres ainsi faites : on creuse le terrain à dix-huit pouces de profondeur , et l'on construit en maçonnerie épaisse une voûte de huit pieds de haut. L 'intérieur de cette spèce de cave doit avoir sept pieds de largeur sur une longueur, indéterminée. On n'y laisse aucune fenêtre ni autres jours, et Ton a même le soin de faire fermer la porte hermétiquement. On établit tout le tour des mu- railles des tablettes ou rayons de deux pieds et demi de largeur, sur trois rangs , de manière à ce qu'ils se trouvent espacés à deux pieds les uns au-dessus des au- tres. On fait une meule sur la terre , de la même ma- nière que nous avons dit pour une cave; voyez page 33g, n° 3, et on la conduit absolument de même. On fait une seconde meule sur le premier rayon, une troisième sur le second, et une quatrième sur le troisième. On les élève en dos d'âne de manière à ce qu'on puisse leur faire produire des champignons du côté de la muraille où il reste un espace vide , aussi bien que de celui du chemin. Dans nos climats où la température est plus chaude et Fair plus desséchant, il faudrait peut-être enterrer la cave , recouvrir sa voûte d'une certaine épaisseur de terre , ou au moins la placer sous l'ombrage de quelques arbres. Nous pensons aussi qu'on pourrait perfectionner cette construction en l'établissant plus large , ce qui donnerait la facilité de laisser un sentier derrière les rayons. On devrait aussi faire deux portes séparées par 34.2 DU JARDIN un petit cabinet, comme nous faisons pour nos serres chaudes. La truffe (Lycoperdon tuber ; L. ) est une espèce de champignon qui croît sous terre. Elle consiste en un tubercule irrégulièrement arrondi, fongueux , à surface gercée et chagrinée , n'ayant ni feuilles, ni tiges, ni ra- cines , ni gemmes. Sa couleur est noire à l'extérieur , d'un noir marbré , ou grisâtre , ou même blanche à l'intérieur. Elle a un parfum et une saveur qui plaisent généralement-, aussi est-elle d'un grand usage dans les cui- sines délicates. On conserve les truffes clans l'huile d'olive après les avoir fait cuire au court-bouillon, ou on se con- tente de les faire sécher et de les garder en poudre. On en trouve dans presque toutes les provinces de la France, mais celles qui viennent du Périgord sont les plus estimées. Comme les cochons en sont extrêmement friands, on s'en sert assez ordinairement pour les découvrir -, cepen- dant on remplace ces animaux avec beaucoup d'avantages par des chiens que Ton a su dresser à ce genre de recher- che. C'est dans les terres noires et légères, au pied des chênes et des charmes, et toujours du côté du nord, qu'on les rencontre enterrées depuis deux pouces jusqu'à six de profondeur, et jamais plus. On a remarqué que la terre reste stérile au-dessus , et qu'elle est presque cons- tamment couverte de petits insectes ailés que sans doute l'odeur des truffes y attire. Vainement on a essayé jusqu'à ce jour d'établir des truffières , on n'a pu réussir à multiplier ce singulier végétal : nous croyons cepen- dant que la chose est possible, et nous engageons les ama- . teurs à tenter cette expérience, que nous-mêmes aurions essayée si des travaux d'un autre genre nous en eussent laissé le temps. Nous pensons qu'en analysant la terre d une truffière naturelle , afin d'en composer une ana- logue , en y mêlant des racines de chênes et de charmes dont les truffes sont peut-être des parasites , en arrosant TOTAGER. 343 avec de l'eau dans laquelle on aurait lavé les truffes en les ramassant , ou même en se servant de la terre que l'on enlève autour de leurs tubercules , et combinant tous ces moyens avec d'autres tirés des connaissances que l'on a sur la végétation des cryptogames, nous pensons, di- sons-nous , qu'on arriverait à des résultats satisfaisans. % CHERY1S, GIROLLES, CHIRUIS, CHÏROTJIS. (SlUIll SlSCl- rwn; L.) if> . Les racines de cette plante indigène sont tuberculeuses-, charnues et sucrées; on ne les mange guère qu'en friture. En terre franche , bien ameublie, fraîche ou même un peu humide , on sème en mars ou en septembre ; on bine , on sarcle, et surtout on donne defré- quens arrosemens si l'on veut que les racines aient quel- que délicatesse. Dès le mois de novembre on commence à en arracher pour l'usage , et la récolte se continue tout l'hiver. Elle monte en graine dès la première année -, mais on a remarqué que ses premières semences sont rare- ment fertiles ; ainsi l'on attendra que quelques pieds aient deux ans pour recueillir de la graine ; elle est mûre en septembre , et se conserve bonne deux ou trois ans. Cette plante se multiplie aussi par éclats des racines; mais celles-ci sont moins délicates dans ce cas que prises dans un semis de l'année. CHENILLES, chénïllettes. (Scorpiums vermicu- lata; L. ) O. Du midi de la France. Ses gousses roulées en spirale, et hérissées de petits tubercules et de poils , ressemblent assez bien à des chenilles, d'où leur nom et l'emploi que l'on en fait sur les salades pour surpren- dre les personnes qui les voient pour la première fois. On les confit au vinaigre. Cette plante se sème en mars ou avril, au pied d'un mur au midi, "et n'est pas difficile sur la qualité du ter- rain. Quand on veut confire ses graines , on les cueille et on les jette dans le vinaigre à mesure qu'elles se for- ment , ou au moins avant qu'elles soient dures. CHICORÉE sauvage. (Cichoriuminljbus; L. ) % '• . On 34'4 DU JARDIN la rencontre partout le long des chemins -, elle se mange en salade lorsqu'elle est très-jeune ou qu'on l'a fait blan- chir. Elle a trois variétés : i° La commune, qui se cultive telle qu'on la trouve dans son état sauvage. 2° La panachée , dont les feuilles ont quelques veines rou- geâtres, qui deviennent d'un rouge vif quand elle blanchit. 3° La Chicorée a café, dont les feuilles sont employées comme les précédentes , et dont on calcine et pulvérise les racines charnues pour imiter ou allonger le café. Ou peut, si on veut, semer la chicorée sur couche dès le mois de janvier; mais , comme celle d'automne dure jusqu'au printemps, on est pi as dans l'usage de la semer en pleine terre légère à' la fin d'avril ; plus tard en terre plus forte et tous les quinze jours , afin d'en avoir toujours de bonne à couper. On la sème épais, si on veut manger ses jeunes feuilles 5 et plus clair, en rayons, lorsqu'on la destine à blanchir. Les seuls soins qu'elle exige, c'est d'être sarclée au besoin et quelquefois arro- sée. Lorsqu'elle est grande, on donne ses feuilles au bétail. Depuis le mois d'octobre jusqu'en janvier on l'arrache pour la faire blanchir. Pour cela , on établit dans une cave , ou autre lieu chaud et ténébreux, une couche de terre sablonneuse ou de terreau 5 on fait d'abord un lit de terre de deux pieds de largeur et deux poucesd'épaisseur; sa longueur est indéterminée. On y couche, et la tête en dehors, des racines de Tannée , que Ton recouvre d'un second lit de deux pouces de terre et d'un nouveau rang de ra- cines , et ainsi de suite jusqu'à une hauteur convenable; on donne un léger arrosement si la terre est trop sèche , et bientôt il pousse de chaque collet des feuilles lon- gues, minces, étiolées, que Ton coupe, ou que l'on tire avec la racine , afin de pouvoir les lier en bottes. C'est cette salade que les maraichers vendent sous le POTAGER. 345 nom de cheveux de paysan , ou de barbe de capu- cin. On emploie encore un autre moyen pour obtenir le même résultat : on défonce un tonneau, et avec un vile- brequin on y fait des rangs de trous rapprochés à deux ou trois pouces les uns des autres ; on place au fond un premier lit de sable, puis un rang de racine dont les collets sortent par les trous , un second lit de sable et de racines , et ainsi de suite 5 les chicorées poussent de la même manière, et on les coupe plusieurs fois jusqu'à ce qu'épuisées elles cessent de donner des feuilles. Le sable , comme le terreau de la couche, s'arrose légère- ment s'il menace de se dessécher. Enfin d'autres personnes , et principalement les ma- raîchers n'y regardent pas de si près-, ils se contentent de lier les chicorées en bottes à mesure qu'ils les arrachent, et de les enterrer dans du fumier chaud , ou même de les laisser sur le terrain en les couvrant de fumier sec ; ils en retirent les bottes à mesure qu'elles blanchissent. Pour recueillir des graines, il suffit de laisser quelques plantes en pleine terre , où elles passent l'hiver , mon- tent au printemps et mûrissent leurs semences en sep- tembre. Elles se conservent dix ans et davantage. CHICORÉE blanche ou endive. (Cichoriurn endivia; L. ) ©• Des Indes. Cette plante, que l'on mange crue en salade ou cuite accommodée de différentes manières, a fourni plusieurs variétés et sous-variétés. i° Chicorée frisée ou grande endive on grossefrisée ; la plus commune , presque exclusivement cultivée dans les départe— mens. 20 Chicorée de meaux ou endive ; presque aussi générale- ment cultivée quoique ayant le défaut de monter pour peu qu'on lui donne trop d'arrosemens ; elle monte moins quand on la sème un peu tard. C'est une sous - variété de la pré- céd^nje. 3Q Chicorée fixe d'italie, chicorée d'été ; elle monte moins 34^ DU JARDIN facilement que l'autre , ce qui permet de la semer de bonne heure. Elle est plus délicate et se garnit plus promptement. 4° Chicorée toujours blanche ; comme elle garnit peu, on la coupe jeune. 5° Chicorée scarole, scarolle ,_ scariole, ou. petite laitue; mêmes culture et usage que la grande endive. Elle ressemble un peu à la laitue à cause de ses larges feuilles. 6° Chicorée grande scarole, ou scarole de Hollande; sous- variété de la précédente , qui n'en diffère que par ses feuilles plus longues. 7° Chicorée scarole ronde ; autre sous - variété dont les feuilles plus petites et arrondies tendent à pommer. 8° Chicorée scarole blonde ; troisième sous - variété qui diffère des autres, parce que ses feuilles apportent en naissant une couleur jaunâtre. 9° Chicorée courte ou cèles tine; la plus hâtive de toutes. Elle monte peu , est. fort tendre , mais très-petite* Tontes ces variétés dégénèrent promptement, si elles ne sont pas cultivées avec soin. Depuis janvier jusqu'en mars on sème sur couche, sous cloches ou sous châssis. Les semences de janvier se repiquent sur une nouvelle couche lorsque le plant a quatre feuilles, afin d'attendre le moment de le mettre en pleine terre ; les autres se re- piquent en place quand les plants sont assez forts. Vers le milieu de mars on commence à semer en pleine terre meu- ble , bien paillée pour empêcher les pluies ou les arrose- mens de la battre , et l'on peut continuer de semer toute l'année. On transplante en planche et l'on met les plants en quinconce , à dix pouces ou un pied de distance les uns des autres, et on leur donne un bon arrosement. On sarcle , on arrache les mauvaises herbes , et l'on mouille au besoin, surtout dans les chaleurs pour em- pêcher de monter. Lorsque la chicorée est parvenue à son degré de force, il s'agit de la faire blanchir. Par un temps sec o^i la relève , et on la lie près de terre d'un premier lien de POTAGER. 347 paille-, quelques jours après ? lorsque les feuilles du cœur se sont allongées , on met un second lien, puis ensuite un troisième. Dès cet instant on ne doit plus arroser qu'au goulot pour éviter de mouiller les feuilles delà plante, ce qui la ferait pourrir. On peut la recouvrir de paille ou d'un pot de fleur , si on veut la hâter ; mais dans tous les cas il ne faut pas plus de quinze jours ou trois semaines pour la blanchir. On conserve quelques pieds des premiers semés pour recueillir de la graine , qui mûrit à l'automne et se con- serve bonne pendant six ou sept ans. La plus ancienne est la meilleure , parce que les plantes qu'elle fournit montent moins vite. CHOU. (Brassica oleracea;L. ) 7 nain en juillet. Us se traitent absolument comme les choux -fleurs , culture n° 6 ; mais on les plante à deux pieds et demi de distance, et on les butte lorsque vien- nent les froids. On creuse une petite fosse au pied., on y incline le plant , ou plutôt on l'y couche, et on le recouvre de terre en laissant à l'air l'extrémité de la tête. Lorsque les gelées deviennent fortes , on le couvre de litière sèche , qu'on enlève toutes les fois qu'il fait beau temps. On peut encore l'enlever en motte, taire un trou en terre et l'y enfoncer , en le garantissant du froid comme nous avons dit. Ils produisent leurs pom- mes à la fin de l'hiver et au commencement du prin- temps. Les graines de choux-fleurs se récoltent comme celles des choux ordinaires , sur des pieds robustes semés à l'automne et abrités pendant l'hiver sous cloches ou sous châssis. CHOU-MARIN , crambé maritime. ( Crambe mariti- mct;L.) 2£ . Indigène. Cette plante, dont on mange les jeunes tiges cuites et assaisonnées de diverses manières , lorsqu'on les a fait blanchir, est d'autant plus précieuse qu'elle fournit en février et mars, époques où l'on n'a pas d'autres légumes. En mars ou en août, on ameublit une planche, on y trace des lignes à deux pieds de distance , et sur cha- cune on fait de petits trous espacés de même ; on y jette une poignée de terreau, et l'on y sème trois ou quatre graines de crambé pour ne laisser que le pied le plus vigoureux quand elles sont ger niées. On arrose, on sar- cle, et l'on éloigne les tiquets. Si on possède déjà cette plante , il est plus expéditif de la multiplier par œille- tons ou par tronçons de ses racines , que l'on plante au printemps 5 de l'une ou de l'autre manière on laisse les plants se fortifier pendant les deux premières années, et ce n'est qu'à la troisième pousse que l'on doit commencer à couper : pour cela , on couvre avec un pot ou une 358 DU JARDIN ruche de paille les jeunes pousses à mesure qu'elles pa^ raissent , c'est-à-dire , de février en mars. Ces pousses , consistant en la réunion des jeunes feuilles serrées les unes contre les autres, et ayant à peu près la forme de pommes de pin très-allongées, blanchissent rapidement et se coupent près du collet lorsqu'elles ont six ou huit pouces de longueur. La plante dure très-long-temps ; mais pour cela il ne faut pas trop l'épuiser, et on laisse quelques tiges se développer. Lorsque la souche périt, elle se trouve naturellement remplacée par les œilletons* Si l'on veut se procurer de la crambé de primeur, dès le mois de décembre on place les pots et les ruches sur les plantes , et l'on remplit les intervalles d'une bonne épais- seur de grande litière -, dans les grands froids, on couvre le tout de paille ou de feuilles sèches. Cette plante est encore peu répandue en France-, mais en Angleterre on en fait une grande consommation. CIBOULE ORDINAIRE , OGNONETTE. (AlUlllll flSSlle ; L . ) o* . dans une variété , et 3£ dans l'autre. On croit que ce n'est qu'un ognon dégénéré, ou, si l'on aime mieux, une variété d'ognon -, quoi qu'il en soit , elle en a le goût , et s'emploie à peu près aux mêmes usages , et en fourni- ture de salade. La première variété , étant annuelle, se sème en terre légère, substantielle etterreautée. Les époques de semis varient selon le temps où l'on veut se procurer des ré- coltes, et selon les climats où l'on cultive. Dans les jar- dins de Paris on sème, i° en février et en mars, pour replanter en avril et mai } i° du quinze au trente juillet , pour replanter en septembre et récolter en avril et mai du printemps suivant. Dans les climats plus tempé- rés , on peut commencer à semer dès là fm de janvier et au commencement de février, et-, si ces premiers semis ne réussissent pas, on les recommence en mars. Comme la ciboule est d'autant plus délicate qu'elle est plus nouvelle, quelques jardiniers sont dans l'usage d'en POTAGER. , 309 semer tous les mois , et de la cultiver au travers de leurs planches de salades. Le semis se fait à la volée, assez dru -, on le recouvre d'un coup de râteau 5 et , si la terre est forte , on y étend un lit de terreau plus ou moins épais 5 on sarcle, et mouille au besoin. Quelle que soit l'époque à laquelle on ait semé 5 les plants doivent se repiquer, deux ou trois ensemble, en bordures ou en rayons, à six pouces de distance et en- foncés de quatre. Ils forment bientôt des touffes épaisses qui fournissent jusqu'aux gelées et même jusqu'au prin- temps si l'hiver n'est pas trop rigoureux : du reste, la cul- ture n'en est pas difficile, la plante n'exige que d'être purgée des mauvaises herbes. La meilleure graine se recueille sur des pieds vieux et replantés, dont on soutient la tige au moyen de ba- guettes et de légers cerceaux. On ne coupe les ombelles que lorsqu'elle est bien mûre, ce que l'on reconnaît lorsqu'elle est prête à tomber : on les réunit en botil- lons qu'on laisse sécher au soleil, et que l'on suspend ensuite dans un lieu sec et aéré. La graine conservée dans ses capsules est bonne pendant trois ans \ si on l'en sort, il faut la semer l'année suivante. Les sous-varié- tés de la ciboule ordinaire sont la ciboule blanche et la ciboule hâtive; elles se cultivent de même. La ciboule vivace ne donne presque jamais de graines , ce qui met dans la nécessité de ne la multiplier que par ses touffes que l'on éclate au printemps ou en automne , et que l'on replante à sept ou huit pouces de distance , parce qu'elles s'élargissent beaucoup. On peut encore la propager de caïeux, mais ce moyen est long. Cette va- riété, plus rustique que la précédente, demande quel- ques arrosemens pendant les chaleurs ; elle est plus printanière. Si l'on veut avoir des ciboules pendant les rigueurs de l'hiver, on en arrache une certaine quantité aux ap- proches des gelées 5 et, si l'on n'a pas une bâche ou une 36û DU JARDIN serre , on se contente de la placer, près à près , dans une tranchée ouverte de douze à dix-huit pouces de profon- deur 5 on la recouvre d'une suffisante quantité de litière sèche pour empêcher la gelée de pénétrer ; cette pré- caution seule suffit pour en avoir au besoin. CIBOULETTE , cive, civette ,. appétit. (Allium schœnoprasum ; L.) % . Elle est originaire delà Sibérie, et sert pour les fournitures de salade, quelquefois dans les assaisonnemens. Sa saveur approche de celle de la ci- boule. Comme elle varie assez facilement de grosseur, selon que le terrain où elle est lui convient plus ou moins , on a cru quelle fournissait trois variétés aux- quelles on avait donné les noms de civette, cive d'An- gleterre, et cive de Portugal. On est revenu de cette erreur. Cette plante pourrait se multiplier de graine ; mais, pour éviter une longue attente, on est dans l'usage de séparer ses larges touffes tous les trois ans : en février ou mars, on éclate trois ou quatre caïeux qu'on laisse réu- nis, et on les pîante de sept à neuf pouces de distance, en planches ou en bordures , dans une terre bien meu- ble , substantielle et légère , à exposition chaude. En peu de temps ils forment de larges touffes de feuilles res- semblant un peu à celles de la ciboule , mais plus mer nues \ elles sont d'autant plus tendres et repoussent d'au- tant mieux qu'on les coupe plus souvent. *La ciboulette peut se maintenir à la même place pendant quatre ou cinq ans, avec la précaution de la sarcler au besoin , de la purger des mauvaises herbes, et de l'arroser suffisam- mentpendantles chaleurs. On ferabien de lui donner deux ou trois binages, surtout au printemps. Aussitôt que l'hi- ver approche, on coupe ses feuilles rez- terre, on laisse quelque temps dessécher leurs bases, et l'on couvre d'un bon pouce de terreau parfaitement consommé. COCHLEARIA officinal, cranson, herbe a la cuil- ler. (CochleariaojJicinalis;\i.) çf . Indigène, On cultive POTAGER. 36l cette plante dans tous les jardins à cause de sa saveur piquante et de ses vertus anti-scorbutiques. Elle vient assez bien dans toutes les terres , mais elle préfère celles qui sont fraîches, légères, substantielles : on la sème au printemps , et l'on arrose beaucoup pendant les séche- resses. COCHLÉARÏA de Bretagne , cranson rustique , cran, raifort sauvage , grand raifort. ( Cochlearia armora- cia; L.) ip . Indigène. On emploie sa racine raclée pour en saupoudrer le bouilli ; elle a une saveur très-piquante , approchant de celle de la moutarde. On multiplie cette plante par l'éclat des racines à l'automne , ou de graine au printemps 5 elle vient bien dans toutes les terres , à exposition ordinaire. Sa graine, ainsi que celle de la pré- cédente, est bonne pendant deux ans. CONCOMBRE cultivé, cornichon. (Cucumis sati- vus; L.) 0 . D'Afrique. Les fruits de cette plante se man- gent cuits de différentes manières 5 avant qu'ils aient at- teint leur grosseur , on les fait confire au vinaigre , et ils portent alors le nom de cornichons. On en cultive plu- sieurs variétés. i° Concombre blanc long ; un des plus estimés à Paris; est très-cultivé, ainsi que les deux variétés suivantes ; allongé et rond aux deux bouts. 20 Le blanc hatif ; même forme : il se cultive sous châssis. 3° Le gros blanc de bonneuil ; même forme , mais plus gros. 4° Le hatif de hollande; même forme ; d'abord blanc puis ensuite jaune : il se cultive sous châssis. 5° Le jaune long ; il se courbe assez souvent en arc. 6° Le petit vert ; celui qu'on emploie le plus communément en cornichons. 70 Le vert long ; plus allongé que le précédent : même usage. 8° Le noir ; forme du concombre blanc ; mais écorce brune, quelquefois rayée de blanc jaunâtre. 90 Le concombre a bouquet , mignon de Russie ; le plus 362 DU JARDIN hâtif de tous ; les fruits sont petits, presque ronds , réunis en bouquets de trois ou quatre. io° Le concombre arada ; atteignant rarement plus de deux polices de longueur ; délicat , mais produisant beaucoup lorsqu'il réussit. Il n'est propre qu'à confire. Les concombres se cultivent comme les melons ; mais on peut semer plus tard quelques variétés , surtout celles qui doivent être cueillies avant leur maturité pour être mises au vinaigre. i° On sème en pots les espèces hâti- ves, sur couche chaude et sous cloche ou châssis _, en décembre et janvier. On donne de l'air toutes les fois que le temps le permet, et l'on ne couvre, soit avec de la litière ou des paillassons, que lorsque le froid est assez intense pour faire craindre que la gelée pénètre jusque sur lesjeunes plants. Un mois après , ou plutôt si la couche a perdu sa chaleur, on les met dans des pois plus grands, et on les place sur une nouvelle couche. Quinze jours après on les met en place sur une troisième cou- che, sur laquelle on a étendu sept ou huit pouces de terreau mélangé avec un tiers de terre légère. On les couvre avec des châssis , et l'on entretient la chaleur au moyen de réchauds. 20 De février en mars on sème sur couche comme les melons , et on replante en avril en place sur couche sourde. 3° Du i5 avril au i5 mai on sème en pleine terre dans des trous de dix-huit pouces de profondeur , remplis de fumier recouvert de six pouces de terreau. Ce n'est guère qu'alors qu'on sème les espèces destinées à fournir des cornichons, parce qu'il serait inutile de le faire avant. On taille les concombres comme les melons 5 ils ai- ment la chaleur et les arrosemensr Pour recueillir la graine, on laisse pourrir un fruit sur pied , on ramasse les semences , on les lave et on les fait sécher à l'ombre. Elles se conservent bonnes pendant dix à douze ans, et même davantage. POTAGER. 563 Le CONCOMBRE SERPENT OU LUFF A (cUClUTlis fleXUOSUS , L.) ©, des Indes , n'est guère cultivé que comme ob- jet de curiosité -, cependant on le confit au vinaigre. II est très - allongé , lisse , d'un vert pâle. On le cultive comme les précédens, COR] ANDRE cultivée. (Coriandrum sativum; L. ) O. D'Orient. Elle estaromatique et on l'emploie dans la confection de la bière blanche , dans les ratafias et dra- gées et ses graines pour épiceries ragoûts. LesÉgyptiens en font un grand usage comme assaisonnement dans pres- que tous leurs alimens. Elle aime les terres légères et chaudes , quoiqu'elle vienne assez bien partout. On la sème en mars, et l'on récolte ses graines en août et septembre. Elles se conservent bonnes pendant deux ans. CORNE-DE-CERF, plantain. (Plantago coronopus; L.) O. Indigène. Cette plante, d'un goût assez insigni- fiant , ne s'emploie que pour les fournitures de salade. On ne se sert que des feuilles , que l'on coupe à mesure du besoin et qui repoussent très-vite , moyennant qu'on donne de copieux arrosemens , surtout dans le premier âge de la plante. Dans une terre légère et bien amendée, on la sème clair au printemps , et l'on recueille sa graine de septembre en octobre. COURGE , potiron , pépon, citrouille. {Cucurbita pepo) O. Des Indes. Cette plante, la plus grande du genre, couvre un très-grand espace de terrain. Ses fruits, atteignant quelquefois une grosseur énorme , se mangent de différentes manières ; mais ils sont plus précieux encore dans la grande culture que dans le potager, parce qu'ils fournissent un aliment abondant et sain pour le bétail. On en cultive deux variétés et plusieurs sous- variétés. i° Le jaune (luteus); le plus cultivé aux environs de Paris. 2° Le vert (viridis) ; presque aussi répandu. 36.f DU JARDIN 3° Le noir ; très-cultivé dans la Bresse. 4° Le blanc ; rare dans les environs de Paris. 5° Le verruqueux ou brodé , que Ton croit à chair plus ferme; 6° Le potiron d'espagne , que l'on dit être le meilleur de tous. Ces plantes aiment îa chaleur et les arrosemens, mais non pas une terre humide. Dans le Nord, au mois de mars, on met leurs graines germer dans clés pots que Ton enfonce dans une couche chaude et que l'on couvre avec des cloches. Lorsque les gelées ne sont plus à craindre , on fait un trou à bonne exposition -, on y jette un peu d'engrais, et on y place la plante après Lavoir dépotée. Dans les environs de Paris on se con- tente quelquefois de faire un trou au commencement d'avril , de remplir le fond de fumier , de jeter par- dessus huit ou dix pouces de terreau, et d'y planter trois graines pour n'y laisser que le pied le plus fort lors- qu'elles sont levées. Dans l'un et l'autre cas on arrose souvent. Pour obtenir de bonnes graines, il faut choisir le fruit le premier noué et le mieux conformé, le conser- ver le plus long temps possible , et n'en extraire les se- mences que lorsqu'il commence à pourrir. Celles semées sur couche donnent leurs fruits en août , les autres de- puis le commencement de septembre jusqu'à l'hiver. Lorsque les gelées commencent à se faire sentir, on les cueille et on les serre clans un lieu sec et à l'abri du froid , où les potirons se conservent plus ou moins long- temps pendant la mauvaise saison. La courge melopepon (cucurbita melopepo, L.) O , originaire du même pays , fournit plusieurs variétés co- mestibles dont quelques-unes sont préférées à cause de leur chair plus ferme et moins fade. i° Le giraumon turban; chair plus ferme , plus sucrée que le potiron. POTAGER.' 365 2° Le bonnet d'électeur , pâtisson , ( melopepo clypealus); même qualité. 3° L'artichaut de Jérusalem ( melopepo radiatus) ; même qualité. 4° La courge melonnée ou musquée ; très -estimée dans le midi. 5° Le GIRAUMON NOIR. 6° Le giraumon long de barbarie ou courge longue à bande. 7° La courge a là moelle, dont la chair est très-douce. On cultive , comme objet d'agrément et sous le nom de coloquintes , les variétés suivantes : 8° Le melopepon tuberculeux ( melopepo verrucosus ). 9° Le melopepon orange {melopepo aurantiiformis ). io° Le melopepon pyriforme( melopepo pyriformis). Toutes se cultivent comme le potiron. La COURGE A FLEURS BLANCHES {cUCUrbitd leUCCLIltlltl, L. ), O de l'Amérique méridionale, produit des fruits d'une forme singulière et dont i'écorce , dure et boiseuse lorsqu'elle est desséchée , peut servir à faire des vases et des gourdes de pèlerin. Ses variétés les plus remar- quables sont : i° La cougourde ou bouteille (leucantha lagenaria). i° La gourde {leucantha latior). 3° La poire a poudre ( leucantha pyrotheca) . 4° La calebasse oxamassue [leucantha long a). Elles se cultivent comme les autres; mais, comme leurs fruits sont plus légers , on est dans l'usage de ramer les plantes pour faire grimper leurs tiges. CRESSON de fontaine. (Sisymbriumnasturtium; L.) % . Indigène. Cette plante , employée en médecine comme anti-scorbutique et en cuisine pour salades et fournitures , ne croît que dans les eaux limpides. Si on a clans son jardin une pièce d'eau qui soit toujours trans- parente et pure, ou mieux un ruisseau, en jetant sur ses 366 . DU JARDIX bords quelques racines Je cresson , elles s'étendront bientôt et pousseront chaque année des tiges que l'on pourra couper tendres jusqu'aux pins grandes. gelées , pourvu qu'on ne les laisse pas monter en graine. Quand on ne possède pas de pièce d'eau, on prend un grand baquet, on jette au fond six ou huit pouces de terre , et l'on remplit d'eau. Les racines de cresson qu'on y plan- tera produiront assez bien si on a le soin de renouveler l'eau de temps en temps, afin qu'elle ne se corrompe pas, ni même qu'elle s'échauffe. On peut , si on le veut , le multiplier par ses graines :, mais ce moyen est long , et plus hasardeux quand on cultive dans un baquet. CEESSON ALÉNOIS, NAS1T0R, PASSERAGE CULTIVÉ. (Lepî- diwn sativum ;L. ) 0. De Perse. Ses pousses jeunes et tendres se mangent en salade et en fourniture. On en cultive trois variétés : Y ordinaire , celui à larges feuilles ou dore', et celui à feuilles frisées. Comme cette petite plante monte très - vite en graine , on est obligé delà semer tous les quinze jours, au printemps sur le terreau des vieilles couches , en été en pleine terre et à l'ombre. Quelquefois celui semé en automne et en pleine terre résiste aux froids jusqu'à ce que les semis de printemps commencent à fournir des coupes. Les semis se font en rayons et un peu dru. 11 leur faut des arrosemens, surtout pendant les chaleurs. Cresson de terre , cresson vivace , vélar barbare , erysimum a feuilles en lyre. (Erysinium barbarea; L.) % . Indigène. Il sert à remplacer le cresson de fontaine dont il a un peu la saveur. On le sème plus clair que le cresson alénois , en rayons _, dans une terre franche légère et un peu humide. Cresson des prés , cardamine des prés. ( Cardamine pratensis; L.) % . Indigène. Comme le précédent, il sert aux mêmes usages que le cresson de fontaine , dont il a la saveur piquante. Il se cultive comme le cresson de terre. On le sème au printemps, et il dure plusieurs an- POTAGER. 367 nées s'il est en terre franche et humide , ou même ma- récageuse. Cresson de par a, abécédaire. {Spilanthus oleracea; L. ) ©. Des Indes. Cette plante rampante s'emploie en fourniture et en assaisonnement à cause de sa saveur piquante. En février ou mars , on sème sur couche et sous châssis ou cloches, et l'on évite le mieux possible de laisser atteindre le jeune plant par le moindre froid. Lorsque la saison est assurée et que les plants sont assez forts, on les repique en pleine terre légère et chaude , à l'exposition du midi. On donne des arrosemens de manière à entretenir constamment l'humidité de la terre. On peut encore semer en pleine terre au commence- ment de mai , à bonne exposition , et en ne recouvrant que légèrement les graines avec du terreau fin. Le cresson du Brésil ( spilanthus brasiliana , L.) O , se cultive de la même manière et s'emploie aux mêmes usages que le précédent. Tous deux se ressèment quel- quefois d'eux-mêmes, lorsque le terrain et l'exposition leur sont favorables. DENT-DE-LÏON, pissenlit. {Taraxacumdens leo- nis ; Lam. leontodon taraxacum ; L. ) % . Indigène. Elle est très-commune dans les prés, où on va la chercher dans les premiers jours du printemps pour la manger en salade. La culture lui est très-avantageuse , parce qu'elle lui fait perdre une partie de son amertume. Au printemps , en tout terrain , mais mieux en terre fran- che et fraîche, on la sème un peu dru, on arrose et on sarcle. Comme elle occupe la terre pendant un an, on peut, si on veut, la semer en bordure. Au printemps sui- vant, aussitôt qu'elle commence à paraître, il s'agit de la couvrir, afin de la faire blanchir; pour cela on peut employer des pots à fleurs que l'on renverse dessus r de la litière sèche, etc. ; mais le mieux est de recouvrir de quatre bons doigts de terreau ou même de terre bien 368 PU JARDIN ameublie. On îa coupe sur le collet de la racine lors- qu'elle a percé la couche de terreau et que l'on voit piquer par-dessus l'extrémité de ses feuilles. Ses grai- nes se ramassent aussitôt et à mesure qu'elles mûrissent pour que le vent ne les disperse pas. DOLIC ONGUICULÉ, MONGETTE , BANNETTE. (DoIîckoS unguiculatus ; L. ) O. Des Antilles. Espèce de haricot très-cultivé dans le midi de la France, et dont les cosses sont beaucoup plus longues que celles de nos haricots or- dinaires. On en cultive encore d'autres espèces qui sont: i° Le dolic lablàb ou. fève à' Egjple (dollchos la- hlab , L.) O , d'Egypte , et sa variété à fleurs blanches ; celui-ci est cultivé dans les jardins d'ornement. i° Le dolic a longues gousses , ou haricot asperge ( dolichos sesquipedalis , L.) O, des Antilles, dont les cosses charnues, étroites et fort longues, sont, comme celles des précédens, excellentes en vert. Les dolics craignent beaucoup le froid; ils aiment une terre franche, légère et chaude. En avril on les sème en pots que l'on enfonce dans une couche chaude sous cloche ou sous châssis ; en mai on plante avec la motte, à bonne exposition. On peut encore, en mai, se- mer en pleine terre au pied d'un mur au midi ; mais, si les saisons ne se font pas bien , les fruits ne mûrissent pas. Du reste, on les rame et cultive comme les haricots. ÉGHALOTTE. (Allium ascalonicum;L.) % . Cet ail , originaire de la Palestine, est d'un emploi plus général que les autres , à cause de sa saveur plus douce et de son odeur moins forte. 11 est un peu plus délicat, et craint davantage le pourri. Aussi ne le cultive-t-on avec beaucoup de succès que dans les terres légères , substan- tielles et chaudes. Il se multiplie de caïeux que l'on plante en février et mars , et quelquefois avant l'hiver , dans les pays où la gelée est peu à craindre. On les met en planches ou en bordures, à trois ou quatre pouces de distance , avec l'extrême précaution de très-peu les re- POTAGER. 36q couvrir de terre pour éviter l'humidité qui les ferait in- failliblement pourrir ; il faut même les déchausser si la saison est humide, et surtout quelque temps avant la maturité. Dès la fin de mai on commence à en avoir pour l'usage de la cuisine , mais la récolte ne doit s'en faire que lorsque les feuilles se dessèchent : alors on lés dé - plante , on les laisse deux ou trois jours sécher au soleil, et on les conserve dans un lieu sec , abrité des gelées. Mon collègue et mon ami, M. Vilmorin, pense que la variété nommée grosse échalote n'est que le résultat d'une culture en meilleur terrain. Si l'on n'avait pas une terre propice , on pourrait l'al- léger en y mêlant une suffisante quantité de sable. Peu de jardiniers ont vu l'échalote porter graine. Les caïeux les plus minces et les plus longs sont ceux qui pro- duisent les plus belles bulbes. ÉPINARD. (Spinacia oleracea; L.) 0. De Y Asie sep- tentrionale. On cultive deux variétés de cette plante dont tout le monde connaît l'usage. L'une a les graines hé- rissées, l'autre (S. oleracea lœvis) les a lisses. Cha- cune d'elles a une sons-variété à larges feuilles . L'épinard se sème , à la volée , ou en rayons espacés de six pouces, tous les mois depuis mars jusqu'à la fin d'octobre 5 comme il reste peu de temps en terre , on peut le mettre dans des planches qui devront être em- ployées à une autre culture six semaines ou deux mois après. Pour produire beaucoup , il exige une terre très- meuble , bien famée, et de copieux arrosemens. La chaleur le faisant monter très-vite , on le placera en terre fraîche et ombragée pendant l'été. La graine se recueille sur les semis du printemps, et pour l'avoir meilleure on arrache les pieds mâles dès que la fécondation est opérée ; les femelles profitent d'un plus grand espace , et la semence est mieux nourrie -, on les soutient avec des baguettes pour empêcher la graine de s'échapper. Elle se conserve bonne pendant deux ou trois ans. 2. 24 D^O DU JARDIN ESTRAGON, serpentine, dragonne. (Artemisia dra- cunculus; L. ) % . De Tartarie. On se sert de ses jeunes pousses pour fournitures, assaisonnement, et on les con- fit au vinaigre avec les cornichons. On ne le multiplie guère que par éclats des pieds au printemps, rarement de boutures faites au printemps et en été, plus rarement encore de graines , parce qu'on en obtient difficilement. Il aime une terre franche , légère , pas trop humide , et bien meuble. On peut cueillir ses pousses tons les quinze jours, mais avec précaution, pour ne pas l'arracher, car il tient peu en terre. FENOUIL. (Anethumfœniculum;\i.) ty. Indigène. Les feuilles s'emploient quelquefois comme assaison- nement ; les graines servent à faire des dragées et à aromatiser des liqueurs. On le sème en mars en terre lé- gère , chaude , et à bonne exposition -, on arrose et sarcle pendant la jeunesse de la plante , et on l'abandonne en- suite à la nature ; elle est robuste et se resème ordinai- rement elle-même. Le fenouil doux, ou anis de paris (^. fœniculwn dulce) en est une variété beaucoup plus basse , plus ten- dre et plus douce , dont on emploie les racines et les tiges en cuisine comme le céleri. Elle est très-estimée en Espagne et en Italie. On la cultive absolument comme le céleri, et on la fait blanchir de la même manière. FÈVE de marais. (Faba vulgaris ; Moench. Vicia faba; L. ) G). De Perse. Ses graines farineuses passent pour être moins indigestes que celles des autres légumi- neuses. On en cultive plusieurs variétés. i° La fève de marais ou grosse fève ordinaire {faba vulga- ris major) ; ses tiges sont hautes de deux pieds , et ses graines très-grosses. Sous- variété plus petite , nommée fève picarde. 2° La fève de windsor, ou grosse fève ronde ; ses tiges sont grosses et fortes ; ses gousses plus grosses et plus larges que celles des autres variétés , mais ne renfermant ordinairement que deux fèves. POTAGER. 37I 3° La fève naîne hative, apportée des côtes d'Afrique par les Anglais qui lui ont donné le nom de mazagane. Sa tige branchue, formant buisson, s'élève tout au plus à un pied. Elle est très-productive et se cultive sous châssis pour pri- meur. Comme elle dégénère facilement , il faut choisir pour porte-graines celles chez lesquelles les caractères de la variété sont les plus saillans. 4° La petite fève , j ulienne ,féverole {faba vulgaris minoi*); elle est très-précoce et produit beaucoup . 5° La fève d'héligoland ; aussi productive , mais moins précoce. 6° La féverolle d'hiver ; plus rustique et supportant mieux le froid. Ces deux dernières paraissent être des sous-variétés de la petite fève. Toutes trois sont cultivées en grand pour la nourriture du bétail, et principalement des chevaux. 70 La fève verte {faba viridis) ; elle est originaire de la Chine, et produit beaucoup; mais elle est un peu tardive. Elle reste verte en séchant. 8° La fève a longues cosses ; ses gousses longues contien- nent plus de graines que les autres variétés ; elle est assez hâtive. Toutes les fèves aiment une terre substantielle , meu- ble , et bien fumée. On les sème à la volée dans les champs, en rayons, en touffes, et en planches dans les jardins, en février, mars, ou avril au plus tard , parce qu'elles craignent la chaleur et surtout la sécheresse. Ce- pendant , si on voulait en jouir toute l'année, on sèmerait en mai , juin , et même jusqu'au commencement de juil- let, mais en terrain frais et ombragé, et en décembre et janvier pour le printemps. Quand on sème en touffe , on fait des trous de peu de profondeur , à un pied les uns des autres , et on y jette trois ou quatre fèves. Lorsqu'elles ont quelques pouces de hauteur , on bine , et on re- met de la terre dans les trous, de manière à ce que le jeune plant se trouve buté d'un pouce ou deux 5 quinze jours après on rapporte de la terre contre son pied ; et on le bute encore une troisième fois lorsqu'il 372 DU 3ARDIN a pris un peu de hauteur. Il en résulte que la base de la tige émet de nouvelles racines, qui augmentent la vi- gueur de la plante. Si on a semé en rayons , on bute de la même manière avec la terre des bords du sillon 5 mais si le semis a été fait à la volée et en plein champ pour fournir du four- rage , on se contente de sarcler sans buter. Lorsque les fèves ont passé la fleur, on pince l'extrémité des bran- ches et de la tige , pour forcer la sève à se concentrer sur le fruit qui , dans ce cas , devient plus gros et mû- rit plus promptement. Si Ton veut manger des fèves en vert , on les cueille lorsqu'elles ont atteint le quart de leur grosseur, à peu près 5 alors on peut couper la tige rez-terre, et, si la saison est favorable, elle repoussera de nouveaux jets, qui produiront une seconde récolte. La graine se recueille quand elle est parfaitement mûre , sur des pieds très-francs dans leurs variétés , choisis parmi les plus robustes et les premiers semés. Si on la conserve dans ses cosses , elle peut rester bonne pendant cinq ou six ans. Lorsque les fèves commencent à dégé- nérer , il faut absolument les changer de sol , et même de climat s'il est possible. FRAISIER. (Fragaria)^ .Indigène. Cette plante, très- précieuse à cause du parfum suave et de la saveur déli- cieuse de son fruit , a donné un si grand nombre de variétés qu'il serait impossible aujourd'hui de recon- naître le type , indigène ou exotique , auquel chacune peut appartenir ; les fécondations hybrides ont rendu la chose de toute impossibilité. i° Fraisier commun ou des bois {fragaria vesca ', L.) , trop connu pour le décrire. Il fournit naturellement dans les champs la variété suivante ; fraisier des bois à grandes fleurs {fragaria vesca grandiflora.) Pétales plus grands que le calice , fleurs souvent dioïques. Tous ont les fruits rouges et parfumés , mais ne donnent qu'une fois , au printemps. POTAGER. 3^3 a. A fruits blancs {f. vesca alba ) ; semblable au précédent, mais fruit blanc. b. Sans filets, on fraisier buisson (f vesca eflagellis); pro- duisant moins , mais très-commode pour faire des bordures. c. Grand fraisier des bois (f vesca magna ) ; tiges élevées ; fleurs souvent dioïques ; fruit semblable au fraisier commun des bois. d. Fraisier à une feuille (f vesca monophjlla) ; fruit de même qualité que le précédent fraisier , dont celui-ci ne dif- fère que par sa feuille à un seul lobe ; il en reprend trois pour peu qu'on néglige sa culture. 2° Fraisier des alpes (/. vesca semperflorens. ) Moins pro- ductif, mais fournissant jusqu'aux gelées; ses fruits moins gros et plus allongés sont les plus parfumés du genre. a. Fraisier des Alpes à fruit blanc ; fruit de la même gros- seur, mais arrondi; plante aussi productive. b. Fraisier des Alpes sans filets ou. fraisier de Gaillon; fruits un peu moins gros. Plante ne produisant pas de cou- lans. c. Fraisier des Alpes sans filets et à fruits blancs ; supé- rieur au précédent par l'abondance et la qualité de ses fruits. 3° Fraisier des jardins , de montreuil (f vesca hortensis) ; son fruit est assez gros , allongé , souvent comprimé et ter- miné par deux mamelons. Il ne produit qu'une fois. a. De Bargemont ou majaufe {f vesca cœsalpina , aut bi- fera ) ; plus petit que le précédent et à deux saisons. Son fruit est très-bon , mais sa saveur musquée est cause qu'il ne plaît pas à tout le monde. Nous l'avons trouvé croissant naturelle- ment dans les environs de Coulange-sur-Yonne. 4° Fraisier vert d'angleterre , fraisier de Champagne (f vesca viridis ) ; son fruit , très-aqueux , est brunâtre du côté du soleil et blanchâtre de l'autre ; qualité médiocre. 5° Caperon, capiton , chaperon {f .vesca moschata ) ; fruit gros , de qualité très-médiocre. a. Caperon à fruit allongé $ meilleur que le précédent. b. Caperon abricot ; très-bon. c. Caperon framboise', bon , mais un peu aqueux. d. Caperon mâle; ayant peu de fleurs hermaphrodites; il donne peu de fruits. 374 Du JARDIN e. Hautboj- prolifique ; fruit très-gros, coloré du côté du so- leil , très-parfumé. Cette variété vient d'Angleterre , d'où nous l'avons rapportée cette année. Nous lui avons conservé son nom anglais, ainsi qu'à deux autres variétés aussi nou- velles. 6° Ananas (f. ananassa); fruit très-gros , d'un beau coup d'oeil , peu parfumé et aqueux. 70 Fraisier écarlate ou de Virginie (f. virginiana) ; fruit hâtif, d'un rouge pourpre , se cultivant très - bien sous châssis ; il est bon , parfumé , et fructifie deux fois dans l'année. a. Fraisier à fruit rose ; fruit d'un rouge très-pâle , d'une grosseur moyenne et d'une saveur agréable. 8° Fraisier de la Caroline {f. caroliniana) ; fruit luisant, coloré, assez gros, et très -bon. Cette espèce est la plus généralement cultivée en Angleterre. a. Fraisier de Bath {f caroliniana milleri)\ fruit très- gros, peu coloré et peu parfumé. b. Fraisier kean s impérial ; fruit presque aussi gros que la fraise du Chili, d'un rouge assez vif du côté du soleil, et d'une saveur très-agréable. c. Fraisier pine scarlet ; fruit de moyenne grosseur, d'un rouge vif , très-parfumé. d. Fraisier prince noir; fruit assez gros , d'un violet som- bre ; saveur très - agréable. 9° Fraisier du Chili , frutiller {f cliiloensis ) ; cette espèce est dioique et ne produit , par conséquent , que lorsqu'on a le mâle et la femelle. Son fruit est très-gros , mais peu agréable et peu parfumé. a. Fraisier fertile du Chili ; fleurs toutes hermaphrodites ; fruit moins gros que les précédeus, plus abondant, d'une saveur plus agréable. io° Fraisier des indes (/. indica); fleurs jaunes; fruit ovale , arrondi , d'un rouge brillant , de très - médiocre qualité; graines espacées et saillantes, laissant voir entre elles le corps pulpeux , lisse et brMlant; calice porté sur un invo- lucre à cinq lobes très-grands , crénelés, formant collerette autour du fruit , et tranchant agréablement , par son beau POTAGER. 375 vert, avec la couleur delà fraise. Cette plante aime l'humi- dité. Nous possédons encore beaucoup de variétés nouvelles qui nous ont été envoyées de divers pays ; mais nous nous abs- tenons d'en parler , parce que nous n'avons pas encore vu leurs fruits. On cultive comme plantes d'agrément les fraisiers à cinq feuilles, à fleurs doubles , nain de Suéde , de Vers ailles à feuilles simples. Tous les fraisiers se multiplient de graines, d'éclats , on par leurs tiges rampantes et enracinées , nommées coulans ou filets. Ils réussissent assez bien dans toutes les terres et à toute exposition , mais ils préfèrent un sol léger , chaud , et à demi ombragé. Aussitôt que les fraises ont atteint leur parfaite maturité , on les cueille et on les place sur une planche , dans un cou- rant d'air , pour les faire promptement*dessécher. On en extrait les graines en les frottant et détachant avec la main. On peut encore écraser les fraises, les laver dans plusieurs eaux, et recueillir les graines qui se précipi- tent au fond. On les sème aussitôt en terrine pleine de terre de bruyère , mélangée à un tiers de terreau extrê- mement consommé. On n'enterre pas la graine , et l'on se contente de l'appliquer contre la terre en appuyant dessus avec une palette en bois ou avec la main. Quelques personnes recouvrent ce semis avec de la mousse hachée, et donnent des arrosemens par-dessus avec une gerbe très-fine. On peut, si on veut, ne pas recouvrir et arroser par-dessous en plongeant la base de la terrine dans un baquet d'eau. Les semis , quels qu'ils soient, doivent toujours être tenus à l'ombre , jusqu'à ce que les petites plantes aient pris assez de force pour braver les rayons du soleil. On peut encore semer en pleine terre légère et meuble , ou attendre au printemps pour faire le semis en terrine -, mais dans le premier cas il lève fort peu de plantes, et dans le second la graine est très -long- 376 DU JARDIN temps à germer, outre qu'il s'en perd beaucoup -, il vaut donc mieux opérer dans le moment même de la matu- rité , et comme nous l'avons dit. Le sëmislèvera en moins d'un mois ; et lorsque le plant sera assez fort, on Je repiquera en pleine terre bien ameu- blie et terreautée , en espaçant les plans à six ou huit pouces les uns des autres , un peu plus si l'on a semé les variétés à large feuillage. On bine, on arrose souvent , surtout pendant la jeunesse de la plante, et l'on enlève scrupuleusement ses coulans, afin de ne pas la laisser s'énerver , surtout dans les premiers temps. Lorsque l'on aura une planche de fraisiers , soit qu'on les ait multipliés de semis ou par éclat , tous les ans , au commencement de l'hiver , on couvrira la planche d'un doigt de fumier consommé comme il l'est lorsqu'on défait une couche ; au printemps on l'enterrera en binant et on le remplacera par de la paille hachée menu , dont on couvrira la terre pour l'empêcher de se battre par les pluies et les arrosemens , pour lui conserver son humi- dité , et enfin pour empêcher que les fraises ne se sa- lissent en touchant à la terre. Cette précaution en éloigne aussi les limaces. Tous les deux ou trois ans , au printemps , ou mieux à l'automne , on déplante les fraisiers , on sépare les œil- letons enracinés , on éclate les souches : et, après avoir bêché et fumé la plate-bande où ils étaient, on les replante avec précaution ; on donne des arrosemens et l'on abrite du soleil au moyen de paillassons appuyés sur des per- ches et des piquets, jusqu'à parfaite reprise. Laplanta- tion d'automne est plus sujette à fondre que celle du printemps , mais aussi elle produit dès le printemps suivant. Si l'on tenait plus à la multiplication d'une plante précieuse qu'à son fruit , on lui laisserait ses cou- lans, et chaque rosette de feuilles qu'elle fournirait jetterait des racines et formerait une nouvelle plante. Pour obtenir des fraises de primeur, on prend des POTAGER. 3^7 plantes du semis précédent, ou, si on n'a pas semé, des variétés hâtives , telles que le fraisier des Alpes , n° 2 , et celui de Virginie, n° 7 -, on en met trois dans un pot au mois d'août , on les fait reprendre à l'ombre et avec des arrosemens modérés pour ne pas les étioler. Au mois de septembre on les place sous châssis dans une couche tempérée dont on entretient la chaleur au moyen de réchauds. Si on leur a donné de l'air et des arro- semens à propos, ils commenceront à produire leurs fruits en janvier, et continueront jusqu'au moment où l'on a des fraises de pleine terre. On peut encore les planter en pleine terre à bonne exposition, et les couvrir de châssis en février pour en obtenir en avril. En Angleterre la société horticulturale met beaucoup d'importance à perfectionner la culture de ce fruit dé- licieux , dont elle a obtenu une grande quantité de nou- velles variétés. Elle fait planter d'un à deux pieds de distance , selon la grandeur de la plante. Les espèces précieuses se butent légèrement lorsque la floraison est passée 5 on paille comme nous l'avons dit , ou l'on pose sous chaque pied des ardoises ou des tuiles pour sou- tenir ou maintenir la propreté des fruits que leur poids entraîne vers la terre. Par ces différentes méthodes on évite l'inconvénient de laver les fraises , ce qui leur ôte une partie de leur parfum. GESSE CULTIVÉE, LENTILLE d'EsPAGNE. {LathjrilS S Or tivus; L.) 0. Indigène. Cette plante a reçu presqu' au- tant de noms qu'il y a de provinces où on la cultive : pois- gesse, pois carré, pois breton , lentille carrée , garoute, garousse , gesse-blanche , etc. On mange ses graines encore vertes à la manière des petits pois, et quand elles sont sèches on en fait d'assez bonnes purées. Mais c'est surtout cultivée en grand comme fourrage que cette plante a vraiment de l'importance. Elle réussit assez bien dans tous les terrains , pourvu qu'ils ne soient pas très- 378 DU JARDIN humides. Dans le midi de la France on peut la semer en automne , et dans les climats tempérés en mars et avril. Dans les jardins on la cultive absolument de la même manière que les pois. GOMBO, ketmie comestible. ( Hibiscus esculen- tus; L.) O . Des Indes. Ses fleurs ont assez d'analogie avec celles de la guimauve. Cette plante, d'un usage très-ré- pandu en Amérique , commence à se cultiver avanta- geusement en France, surtout dans le midi où ses graines mûrissent tous les ans. En cuisine on se sert de ses jeunes pousses et de ses fruits encore verts. On la sème en fé- vrier, en pot que l'on place sur couche chaude et sous châssis-, en mars on la met sur une nouvelle couche, et en mai on la dépote pour la planter avec la motte au pied d'un mur au midi, à exposition très-chaude. On lui donne des soins , et surtout des arrosemens abondans. HARICOT commun. (Phaseolus vulgaris ; L. ) O. De l'Inde. On connaît assez les qualités et l'usage des haricots pour qu'il soit inutile d'en parler. On en cultive un nom- bre infini de variétés , mais dont la plus grande partie n'appartient qu'aux, différences de sol et de climat ; aussi n'indiquerons-nous que le choix fait par notre collè- gue M. Vilmorin (1), en y ajoutant quelques variétés que nous croyons intéressantes. i° Haricots a rames ; ceux-ci sont grimpans , et l'on est obligé de soutenir leurs tiges avec des perches , ce que l'on appelle ramer. A. Ceux à grains blancs : a. De Soissons ; gros et plat, très-bon en sec, mais n'ac- quiérant pas à Paris les qualités qu'il a à Soissons. (1) Nous invitons messieurs les amateurs et les jardiniers qui voudront être sûrs de la qualité de leurs graines, et surtout de recevoir les va- riétés demandées, à s'adresser pour toutes les plantes potagères , pour les céréales et les fourrages, à la maison Vilmorin , quai de la Mégisse- rie, à Paiis. POTAGER. 3^9 b. Sabre d'Allemagne, cossé ; de moyenne grosseur, aplati; ses cosses larges sont excellentes en vert , et bonnes encore mi-sec ; la graine, sèche ou verte, est le meilleur haricot de toutes les variétés ; ses tiges montent très-haut. c. Prédome , prudhomme , prodommet blanc sans parche- min; sa cosse est excellente en vert, bonne mi-sèche ; le grain est estimé en sec. d. Sophie ; d'une grosseur moyenne ; bon en vert, plat , à peau épaisse et dure, de qualité médiocre. e. Riz ; très-petit et oblong ; il est bon en vert, nouvelle- ment écossé, et en sec. f. De Lima; épais, gros, d'un blanc sale ; il produit beau- coup , mais il est tardif et délicat , et mûrit rarement sous le climat de Paris s'il n'a été avancé en pot et sur couche. g. Hâtif; d'une moyenne grosseur, le plus hâtif de tous ; très-bon en vert , mais ayant la peau un peu dure lorsqu'il est sec. h. De Picardie ou de Liancourt ; très- gros , aplati ; d'un grand produit , mais à peau un peu dure quand il est sec ; il ressemble au Soissons , mais il est plus gros et la plante est plus grande. i. Rond ou haricot-pois ; moelleux et de bon goût; cosses nombreuses , bonnes en vert ; grains très-petits , arrondis , d'un blanc roux , très-bons secs. j. Gigantesque ; plus gros que celui de Picardie, lui res- semblant, mais produisant moins ; il lui faut des rames de huit à neuf pieds. B. Ceux à grains colorés : k> Prudhomme jaune ; semblable au blanc , à la couleur près , mais moins estimé. 1. De Prague, ou pois rouge ; rond, d'un rouge violet; tardif, mais d'un grand produit; bon en vert ; sec, il a la peau un peu épaisse , mais il est farineux et d'une saveur agréable analogue à celle de la châtaigne. m. Prague bicolor ; rond et panaché ; mêmes qualités, n. Ventre de biche; d'un jaune fauve ; moins arrondi; bon en vert et en sec. o. Grivelé; gris de lin jaspé de noir ; bon en vert, très- 38o DU JARDIN productif; il teint en noir l'eau dans laquelle on le fait cuire, p. Le marbré purpurin ; rougeâtre marbré de brun ; bon en vert. q. Le rose ; bon en vert et en sec : mais produisant peu. r. Le rouge ; bon en vert et en sec ; il faut le ramer haut pour qu'il produise beaucoup. s. Le cardinal; blanc avec une large couronne pourpre au- tour du germe; bon en vert; grains fort gros et aplatis : il mûrit tard et difficilement. 2° Haricots nains; se soutenant seuls et n'ayant par consé- quent pas besoin d'être rames. Dans les terrains humides, dans les terres franches, et pendant les années pluvieuses , les nains tendent à monter comme ceux à rames. Pour les conserver francs, il faut , autant qu'on le peut, les semer en terre sèche, légère ou sablonneuse. A . Ceux à grains blancs : a. Hâtif de Hollande ; sa cosse étroite et longue est excel- lente en vert ; il est un des plus hâtifs des nains , et réussit bien sous châssis. b. Hâtif de Laon ou flageolet ; long, cylindrique, très- hâtif , très-répandu, préféré pour cultiver sous châssis ; ex- cellent en vert et assez bon en sec. c. De Soissons , ou gros-pied; très-hâtif, aplati, d'une grosseur moyenne ; excellent frais écossé , et en sec. d. Blanc sans parchemin ; aplati, petit , très-bon en vert et en sec. e. Sabre nain; semblable au précédent, mais à cosse plus large; il a les mêmes qualités. Ces deux variétés forment de grosses touffes ramifiées et basses , dont les gousses très-lon- gues traînent quelquefois sur terre et pourrissent si elles ren- contrent de l'humidité. Il faut donc semer deux ou trois grains à la touffe , en terre sèche. f. Blanc d Amérique ; petit , un peu allongé, très-bon en sec , productif; sa gousse, grosse et un peu arquée , se colore de rouge brun à ses deux extrémités. g. Deux à la touffe; très-productif, sans parchemin , bon en vert et en grains fraîchement écossés. POTAGER. 38l h. Hâtif d' Argenson ; semblable au nain hâtif de Hollande, mais plus hâlif encore. i. Le suisse; allongé , cylindrique, d'un blanc roux; ex- cellent en vert , très-médiocre en sec : assez hâtif. B. Ceux à grains colorés : j. Suisse rouge ; de même forme que le précédent, mais à grain rouge , jaspé de différentes couleurs, selon le terrain ; bon en vert et en sec. kr. Suisse gris ; même forme ; grain d'un rouge noirâtre , marqueté de blanc; excellent en cosses fraîches ouséchées pour conserver l'hiver. 1. Suisse gris de Bagnole t; fond grisâtre , maculé de noir et de brun ; mêmes qualités que le précédent. Tous deux sont très-cultivés dans les environs de Paris. m. Suisse ventre de biche; même forme que les précédens ; plus sujet à monter; bon en vert; médiocre en sec, mais faisant d'excellentes purées. n. Noir ou nègre ; petit, se rapprochant des suisses; hâtif, produisant beaucoup; excellent en vert. o. Rouge d'Orléans ; rouge , petit, aplati ; excellent en sec. p. Jaune du Canada ; plante très-petite ; grain arrondi , jaune pâle, ayant une petite couronne brune autour de l'om- bilic ; très-hâtif, sans parchemin ; bon en vert. q. Brun-jaune; rond, d'une grosseur moyenne; produc- tif; bon en sec. r. De la Chine ; assez gros , arrondi , couleur soufre- pâle; très-productif; excellent en sec et fraîchement écossé. s. Jaune sans parchemin ; petit, ovale, très-hâtif, à cosse arquée ; excellent en vert et en sec. Il est très-sujet à monter et par conséquent à dégénérer. Quand il monte , le grain passe du jaune au noir. t. Jaune avec parchemin ; plus hâtif encore que le précé- dent ; produisant beaucoup ; bon en sec. u. Rouge sans parchemin ; touffe large, très-productive; bon en vert et en sec ; excellent en purée. Nous avons indiqué les qualités des variétés dont nous venons de parler , néanmoins les amateurs feront très-bien de s'en tenir aux espèces reconnues les meilleures dans leur 382 DU JARDIN province, car le changement de climat influe tellement sur les haricots, que ceux que nous avons indiqués comme excel- lens pourraient devenir médiocres, et vïc'è versa. Cependant cela n'arrive pas toujours. Le haricot d'espagne ou égarlate (phaseolus çocci- neuSy encycl} multiflorus , willd.) 0, des Antilles, est une espèce que l'on n'a d'abord cultivée que pour l'ornement, mais que l'on a fait passer dans le potager dès qu'on en a connu les qualités. Elle a deux variétés , que l'on cultive comme les haricots à rames. i° A fleurs écarlates ; d'une qualité médiocre; gros, gris de lin jaspé de noir. i° A fleurs blanches ; même forme et grosseur; farineux, écorce un peu épaisse, mais bon en sec. Il produit beaucoup. En général les haricots aiment une terre légère, un peu fraîche, très-meuble, et amendée avec des engrais consommés. Dans les sols argileux et gras on sème plus tard , on fume davantage , et l'on recouvre moins la graine. On sème depuis avril jusqu'en mai pour cueillir en sec, et jusqu'en juillet pour manger en vert. Comme ils craignent beaucoup le froid , c'est là-dessus que l'on doit se diriger dans chaque pays et dans chaque terrain. Sous le même climat, il faudra quelquefois retarder les semis de quinze ou vingt jours dans les terres froides et humides : on pourra les avancer d'autant dans celles qui sont chaudes, sèches, et à bonne expo- sition. On sème par touffe dans les terres légères, afin d'ombrager les pieds et de leur conserver de l'humi- dité • en rayons dans les terres fortes. Dans le premier cas, on fait, de dix-huit pouces en dix-huit pouces , et en échiquier , des trous de deux ou trois pouces de profondeur; on y jette cinq à six hari- cots , et on les recouvre avec un pouce de terre très- meuble , ou mieux de terreau. Si l'humidité ou le froid POTAGER. 383 faisaient, craindre que les grains ne levassent pas tous , on en jetterait davantage dans chaque trou , mais avec la précaution , lorsqu'ils seraient levés, de n'y en laisser que le nombre que nous avons dit. Pour semer en ligne ou en rayons tirés au cordeau à douze ou quinze pouces d'intervalle , on ouvre des sil- lons avec la binette , et on y jette des grains un à un , espacés de trois ou quatre pouces à peu près les uns des autres. On recouvre comme il est dit. Si la pluie ou les arrosemens battent la terre, on en brise la croûte avec la serfouette à deux dents , afin de faciliter la levée des haricots, sans quoi le germe périt entre deux terres. Quinze jours après le semis ils doivent être tous levés. Lorsque les plantes sont parvenues à l'âge d'un mois, elles ont déjà reçu un binage et on leur donne le second en les butant -, pour cette dernière opération on rap- proche ai tour des pieds la terre laissée au bord des trous ou sur les côtés des sillons du semis, on les rame, et tout se borne là jusqu'à la récolte , à moins que de pluies ou d'autres circonstances aient fait pousser des mauvaises herbes que l'on arrache à la main à mesure qu'elles se montrent. Pour avoir des graines on choisit les pieds les plus francs et les premiers semés. Si ce sont des haricots à rames, on cueille les cosses à mesure qu'elles mûrissent; mais, quand ce sont des haricots nains, on les laisse toutes mûrir sur la plante , ensuite on arrache les pieds que l'on réunit en bottes et que l'onsuspend dans un lieubien abri- té. Les graines conservées dans leur gousse sont bonnes pendant quatre ans ; écossées , elles ne germent plus la troisième année. Primeur. On peut se procurer des haricots verts de- puis le mois de mai jusqu'à ce que ceux de pleine terre donnent, et cela sans beaucoup de soin. Il ne s'agit que de choisir les espèces naines les plus hâtives, de les se- mer , en février , dans des pots que l'on enfonce sur une 384 DU JARDIN couche chaude et sous châssis 5 à la fin d'avril on dépote avec précaution, et l'on plante au pied.d'un mur à bonne exposition. Ils ne tardentpas à produire, surtout si on les couvre pendant la nuit avec des cages vitrées ou des ru- ches en paille , etc. Si on veut avoir des haricots verts pendant l'hiver , on sème de la même manière, mais en décembre et janvier 5 un mois après le semis, on remet les plants dans des pots plus grands et sur une couche nouvelle. Lorsque les haricots se préparent à fleurir, on les porte sur une couche sourde , on les y plante dans huit ou dix pouces de terreau très-consommé et mêlé à moitié terre légère; on couvre avec des châssis, et on donne de l'air toutes les fois qu'on le peut. On sème encore, à la même époque , des haricots dans des pots assez grands pour que les plantes puissent y prendre tout leur déve- loppement , et on les place sur les tablettes d'une serre- chaude, près des vitraux, où on les laisse jusqu'à la récolte. Enfin la méthode la plus en usage à Paris con- siste à les semer en bâche , dans huit ou dix pouces de terreau étendu sur une couche préparée avec un tiers de vieux fumier et deux tiers de neuf, et à les y cul- tiver de la même manière que ceux de pleine terre. On fait ce semis en janvier et février, et l'on chauffe quand c'est nécessaire. HOUBLON cultivé. (Humulus lupulus; L.) % . In- digène. Cette plante se cultive en grand , parce qu'on emploie sa fleur à la fabrication de la bière 5 en cuisine on ne se sert que de ses jeunes pousses que l'on accom- mode de la même manière que les asperges. Nous ne la citons ici que parce qu'on la trouve dans beaucoup de jardins, où elle a été apportée pour couvrir des tonnel- les, berceaux , palissades , etc. , et que l'on pourrait tirer parti du surplus de ses rejetons. On la multiplie d'éclats des racines au printemps ou à l'automne, et on la plante, à trois ou quatre pouces de profondeur, dans une terre POTAGER. 385 légère, meuble, amendée avec des engrais consommés. HYSSOPE officinale. (Hys$opus officinaUs; L.) Ti> . Cette plante du midi de la France offre plusieurs variétés, à fleurs blanches , roses , rouges , bleues , et à feuilles pa- nachées. Son odeur aromatique et suave l'a de tout temps fait employer pour former des bordures dans le potager. Elle aime une terre substantielle, franche, légère, et une exposition au soleil. On la multiplie de graines semées en mars , de boutures faites en été , et mieux d'éclats des pieds en automne. Lorsqu'elle est en bordure , il faut la replanter tous les deux ans , ou elle s'écarte et forme des vides désagréables. LAITUE. (Lactuca sativa; L.) ©. D'Asie. Elle a fourni deux espèces jardinières, la laitue pommée et la romaine , desquelles on a obtenu plus de cinquante va- riétés , mais que l'on peut réduire à un nombre infini- ment moindre si l'on n'envisage cette plante que sous Je rapport de son utilité dans le potager. I. Laitues pommées. A. De printemps. a. La gotte ou gau; petite, blonde, pommant prompte- ment et montant de même; excellente à semer pour primeur ; graine blanche. b. Gotte à graine noire; aussi hâtive, tenant mieux â la pomme. c. Lente à monter; elle monte plus lentement encore ; graine noire. d. Jékine rouge; moyenne, pommant bien, douce, tendre, à cceur très-jaune ; feuilles extérieures rondes, presque unies, d'un vert tendre fouetté de rouge ; graine noire. e. A bord rouge ou cordon rouge; un peu plus grosse que les précédentes; prompte à pommer, mais montant vite; graine blanche. f. Dauphine ; fort grosse, un peu aplatie, assez lisse , un peu rougeâtre sur la pomme; hâtive, montant lentement ; graines noires. 2, 25 386 PU JARDIN g. Laitue chicorée ; feuilles crépues, imitant celles de la chicorée ; elle ne pomme pas et n'est bonne qu'à couper. h. Lai lue épinard; ses feuilles découpées à peu près comme celles du chêne, repoussant à mesure qu'on les coupe , mais ne pomment pas. Aussi ne l'emploie-t-on que comme la précédente. B. D'été. a. De Versailles ; d'un blond blanchâtre; grosse, un peu haute ; prompte à pommer et montant difficilement ; graine blanche. b. La cocasse; d'un vert luisant ; très-grosse, avec quel- ques taches de rousseur; feuilles très-cloquées. Ces caractè- res la différencient assez delà précédente avec laquelle on l'a souvent confondue. Elle conserve sa pomme très-long-temps; graine blanche. c. Blonde à graines noires; d'un blond jaunâtre ; gros- seur moyenne. d. Blonde de Berlin ; très-grosse; d'un vert tendre, légère- ment teinte de rouge sur les bords. Elle pomme prompte- ment; graine noire. e. Roj'ale à graine noire; plus verte, que la précédente; très-grosse; pommant lentement, mais se soutenant bien. f. Blonde paresseuse , ou jaune d'été; pomme un peu plate, serrée, se maintenant bien ; feuilles unies et très - blondes ; graine blanche. p\ Blonde trapue; pomme très-plate, se maintenant mieux encore que la précédente ; feuilles plissées ; graine blanche. h. Batavia blonde ou Silésie ; la plus grosse de toutes , les feuilles très-plissées , onduleuses sur leur bord qui est légè- rement teint de rouge, d'un vert clair; pomme un peu con- cave , blanchissant imparfaitement. Elle est excellente dans les terres légères, mais dans celles qui sont fortes elle prend un peu d'amertume ; graine blanche. i. De Malte ; semblable à la précédente, mais d'un vert plus pâle et uni ; graine blanche. j. Chou, ou Batavia jaune ; pomme très-grosse, meilleure cuite que crue ; feuilles d'un vert brunâtre; graine blanche. k. Turque ; pomme très-grosse, serrée, excellente; feuil- les grandes, presque lisses , d'un vert terne ; graine noire. POTAGER. 387 1. L'impériale ou grosse allemande; mêmes qualités que la précédente, dont elle ne diffère que par sa graine blanche. m. De Gênes. On en connaît quatre variétés. i° La dorée , à feuilles lisses , à pomme aplatie, rougeâtre au sommet, se formant vite et se maintenant bien; graine noire. i° La blonde, à feuilles lisses , à pomme un peu pointue , et à graine blan- che. 3° La verte , à feuilles vertes et frisées , à pomme dure , jaune , plus grosse que la précédente ; graine-blanche. 4° La rousse f à feuilles frisées, rousses et piquetées de brun; elle pomme bien ; sa graine est noire. n. Méterelle ; d'un blond verdâtre ; pomme grosse, lente à se faire, montant très-difficilement ; graine blanche. o. Grosse brune paresseuse ou grosse grise; feuilles d'un vert grisâtre , tachetées de brun pâle ; pomme très-grosse , teinte de rouge au sommet, très-lente à se faire et montant vile ; graine noire. p. Palatine rousse , brune hollandaise, ou petite brune ; feuilles lisses , teintes de rouge ; pomme moyenne : graine noire ; variété rustique. q. Flagellée à graine blanche, ou sanguine ; feuilles vertes panachées de rouge, d'un effet agréable. Elle monte facile- ment pendant les chaleurs; aussi convient-elle mieux pour le printemps et l'automne. r. Sanguine à graine noire; ressemblant assez à la précé- dente , mais plus panachée et se maintenant mieux. s. Grosse crêpe ; d'un vert jaunâtre, très-frisée ; pommant bien, mais montant vite. Elle est très-douce et très-tendre; graine blanche. t. Crêpe ronde, bagnolet , petite courte, printaniere , dé- grebée ;ip\us hâtive que la précédente, d'un vert jaunâtre, pommant très-bien sous cloche sans avoir besoin d'air ; graine blanche. u. Grosse George ; feuilles blondes, lisses ; pomme serrée , très-tendre. Elle réussit très-bien sous cloche si on lui donne de l'air et des arrosemens , mais elle monte vite ; graine blanche. v. George blanche ; feuilles blondes, cassantes, peu frisées; pomme grosse, tendre, très-bonne, mais montant promp- tement; graine blanche. 388 DU JARDIN x. Aubervilliers ; très -petite , pommant bien et se soute- nant long-temps ; pomme jaune ; feuilles extérieures d'un gros vert, lisses; graine blanche. Quoique très-bonne, elle est peu cultivée à cause de son petit volume. y. Perpignane verte ; feuilles lisses, ayant une grosse côte ; pomme très-grosse, fort jaune, tendre , sans amertume. Elle monte difficilement et se soutient bien dans les terres sèches ainsi que pendant les chaleurs ; graine blanche. z. Perpignane mouchetée; semblable à la précédente, mais feuilles vertes tachées de jaune; mêmes qualités; graine blanche. a. Bapaume; grosse, blonde, se soutenant bien ; sa pomme pleine et serrée dans le bas l'est peu en haut; graine noire. b. D'Italie; feuilles fines, d'un vert tendre, bordées de rouge ; pomme serrée , excellente ; graine noire. c. Grosse rouge ; très-grosse ; feuilles extérieures rondes, presque unies, d'un vert noir, ombré d'un gros rouge terne; pomme jaune ; orangé, douce , tendre , excellente; graine noire. d. Royale à graine blanche ; feuilles extérieures d'un beau vert luisant, un peu cloquées ; pomme tendre , bonne , se maintenant fort long-temps ; graine blanche. C. D'hiver. a. Coquille à graine blanche ; feuilles rondes, plus vertes que jaunes, unies. Elle est dure , amère, et ne se mange que cuite. Tout son mérite consiste à mieux résister au froid que les autres espèces. b. Coquille à graine noire ; elle ne diffère de la précédente que par la couleur de ses graines, et elle ne vaut guère mieux . c. Passion ; feuilles vertes, cloquées, légèrement tachées de rouge ; pomme moyenne; un peu meilleure que les précé- dentes , mais cependant, n'étant bonne que cuite , comme toutes les laitues d'hiver ; graine blanche. d. Passion mouchetée ; semblable à la précédente, mais feuilles entièrement tachetées de rouge ; graine blanche. e. Morine; feuilles moins développées, plus vertes; pomme aussi grosse, se maintenant mieux ; graine blanche. POTAGER. 389 f. Petite crêpe ; pommant difficilement , mais venant très-bien sous cloche pendant l'hiver; graine noire. p. Petite noire ; semblable à la précédente, mais ayant le mérite de bien venir sous cloche sans qu'on soit obligé de lui donner de l'air ; graine noire. II. Laitues romaines, ou chicons. a. Romaine hâtive ou verte hâtive ; elle a le précieux avan- tage de se coiffer sous cloche ; pomme assez grosse , plate et remplie; feuilles d'un vert jaunâtre, pointues à l'extrémité ; graine blanche. b. Chicon vert, romaine verte maraîchère ; celle-ci est la plus généralement cultivée , parce qu'elle est plus grosse et plus rustique que les autres , outre qu'elle se coiffe d'elle- même, c'est-à-dire, sans qu'on ait besoin de la lier. Elle est aplatie et s'allonge en dégénérant ; graine noire. c. Chicon gris , grosse romaine grise ; elle ressemble à la précédente, mais elle est d'un vert plus foncé. On l'estime davantage parce que sa saveur estplus douce ; graine blanche. d. Chicon blond , romaine blonde maraîchère; feuilles d'un vert jaunâtre, un peu pointues à l'extrémité; pomme grosse, plate et remplie, montant promptement. Cette va- riété est plus délicate à manger que les précédentes ; graine blanche. e. Chicon rouge , romaine rouge d'hiver ; feuilles extérieu- res rouges , cœur jaune , très-tendre , mais sujet à fondre aussitôt qu'il est lié si le terrain ne lui convient pas ; graine noire. f. Chicon panaché , flagellé; laitue de Silésie; romaine sanguine ; feuilles panachées de rouge ; cœur tendre , doux , excellent ; graine noire. g. Chicon panaché d' Angleterre ; ses feuilles extérieures sont moins panachées que dans le précédent , mais celles du cœur le sont davantage , et souvent elles se coiffent seules ; du reste, mêmes qualités ; graine blanche. h. Alphange ; feuilles. étroites, pointues, fines , lisses, d'un vert pâle , un peu teintes de rouge au sommet ; variété excel- lente, mais ayant le défaut de pourrir ou de monter trop faci- lement ; graine blanche. 3yo DU JARDIN i. Alphange blonde; variété très-grosse , à feuilles grasses, épaisses et jaunes ; graine noire. j. Romaine verte d'hiver; semblable au chicon vert, mais moins grande et se coiffant plus difficilement; graine blanche. Nous aurions pu augmenter la nomenclature des lai- tues d'un grand nombre de variétés , mais comme la plus grande partie rentre dans celles que nous avons décrites sous les rapports de l'usage , de la qualité , et des époques auxquelles on peut les couper , nous avons pensé que des citations plus nombreuses deviendraient aussi fastidieuses qu'inutiles. Nous devons avertir encore que chaque variété a un terrain particulier qu'elle affec- tionne , où elle réussit très-bien , tandis qu'elle perd dans les autres ses qualités , ses formes et ses couleurs. Ainsi , pour faire un choix, on se déterminera moins sur ce que nous avons dit ici que sur l'expérience que l'on aura de son terrain , et l'on s'en tiendra aux variétés qui y réussissent le mieux , après les avoir éprouvées. Culture. Elle varie selon les variétés et les époques, mais on peut cependant la généraliser ainsi qu'il suit : i° Laitues de printemps . Elles se sèment en février et mars , sur couche ou sur le terreau d'une plate-bande à l'exposition du midi. En avril, si le plant est assez fort, on le repique en planche dans une terre douce et bien fumée. Les rangs se tracent à plus ou moins de dis- tance les uns des autres , selon la grosseur des variétés , mais l'intervalle entre chaque laitue ne peut guère être moindre de sept à huit pouces. En plantant on a le soin de ne pas enfoncer en terre le cœur de la plante , et de ne presser que modérément la terre autour de ses raci- nes. On arrose aussitôt après, et on mouille ensuite toutes les fois que le besoin l'exige. Quand la reprise est opérée, on donne des façons à la serfouette, et Ton maintient les pores delà terre ouverts, parle moyen des sarclages, jus- qu'à ce que les laitues soient bonnes à couper. 2° Laitues d'été. On doit les semer de la même POTAGER. 3()r manière que celles de printemps, en commençant dès les premiers jours d'avril et faisant de nouveaux semis tous les quinze jours , afin d'avoir des laitues qui se suc- cèdent les unes aux autres pendant toute la saison. On ne cesse de semer qu'en juillet. On leur donne les soins que nous avons dit plus haut, et on ne ménage pas les àrrosemens si on veut les avoir tendres et douces. 3° Laitues d'hiver. On commence à les semer aussi- tôt après celles d'été, et l'on continue jusque vers le milieu de septembre. A la fin d'octobre on repique dans une plate-bande au pied d'un mur au midi, et on les garantit des gelées et de la neige en les couvrant avec des paillassons ou de la litière sèche qu'on enlève toutes les fois que le temps le permet. Les romaines se sèment et se cultivent absolument comme les laitues pommées, à la seule différence que pour les faire blanchir on lie avec un ou deux liens de paille les espèces qui ne se coiffent pas elles-mêmes. On ne liera jamais que par un temps sec et lorsque les feuilles n'auront aucune humidité. Dès ce moment il faudra s'abstenir de mouiller les feuilles en arrosant. Pour obtenir de la bonne graine de laitue, il faut choi- sir pour porte-graines les pieds les moins dégénérés , offrant d'une manière franche tous les caractères de la variété. Aussitôt qu'on voit la graine se couronner de son aigrette et que les feuilles des plantes jaunissent, on arrache les pieds et on les expose debout contre un mur au soleil , et pendant quelques jours , ce qui achève la maturité dessemences. On bat les tiges, on vanne la graine , et elle se conserve bonne pendant trois ou quatre ans. Celle de deux ans est toujours celle qu'il faut semer pour avoir des plantes qui pomment facilement. Plusieurs laitues exigent quelques soins particuliers que nous allons enseigner. La dauphine réussit en toute terre, maiselle veut beaucoup d'eau, et il fa-utôter les dra- geons qu'elle pousse autour de ses premières feuilles. La 392 DU JARDIN batavia ne réussit parfaitement qu'enterre franche légère et il lui faut de fréquens arrosemens, mais le soir et le matin, car si on la mouille pendant la journée elle se tache et pourrit. Lajlagellée et la. sanguine à graine noire ne viennent bien que dans les terres douces et ne pomment qu'au printemps. La laitue verte de Gênes ne doit s'arroser qu'au grand besoin , mais elle veut être binée souvent. La grosse rouge n'acquiert toutes ses qualités que dans un sol gras , où elle pomme dans toutes les saisons. L'Italie demande au contraire un sol maigre, léger, et peu d'eau. La royale veut beaucoup d'arrosemens. Il faut cultiver la cocasse dans les terrés qui ne sont ni trop fortes ni trop légères , à moins qu'on ne lui donne beaucoup d'engrais et d'arrosemens 5 en la plantant on l'enfonce un peu plus que les autres, ce qui la fait pommer. Nous n'entrerons pas dans des détails plus minutieux qu'il faut apprendre par l'expérience. Primeur. Au moyen de cultures particulières on peut obtenir des laitues pendant tout l'hiver, en choisissant pour chaque semis les variétés qui conviennent à la saison. Si on veut simplement de la laitue à couper , on sème tout l'hiver sur couche sous châssis ou cloches les crêpes , la gotte, et autres petites laitues hâtives, ainsi que les laitues chicorée et épinard. Pour faire pommer , on préfère la petite crêpe, et la petite noire. Dès la fin d'août on sème sur ados à l'expo- sition du midi , puis on repique sur couche où elles pomment en décembre. La seconde semence se fait sur couche au commencement de novembre , on repique une première fois lorsque le plant a deux feuilles , puis une troisième fois en place sur une autre couche ; ces laitues pomment en janvier. Enfin le troisième semis se fait en décembre et se continue jusqu'en mars , mais avec des soins particuliers. Les couches doivent être couvertes de quatre pouces de terreau dans lequel on ne jette la graine que lorsque POTAGER. 393 la plus forte chaleur est passée , et avec la précaution Je fort peu la recouvrir de terre et de placer sur le se- mis des cloches ou des châssis. Peu de jours après elle lève, et dès que la première feuille (outre les cotylé- dons) commence à se développer, on repique sous d'au- tres cloches en espaçant le plant à un pouce ou deux, et on réchauffe la couche si elle a perdu de sa chaleur. Il faut autant qu'on le pourra tenir les couches à laitues dans un état de tiédeur, jamais plus et jamais moins, car un excès de chaleur et le moindre froid font égale- ment fondre les plantes. On recouvre les châssis ou les cloches avec de la litière et des paillassons, de manière à ne jamais laisser pénétrer la gelée jusque sur les plan- tes, et l'on donne de l'air toutes les fois que la tempé- rature le permet. Lorsque le plant a quatre ou cinq feuilles , on le re- pique de nouveau sur une autre couche chargée de six pouces de terreau, et on l'espace suffisamment pour qu'il puisse pommer sans être gêné dans son accroissement. On lui donne les mêmes soins que précédemment, et l'on place des réchauçls autour de la couche pour maintenir sa tiédeur. Quand la pomme commence à se former , on retran- che toutes les feuilles basses qui jaunissent , et l'on presse le terreau contre le pied, ce qui la fait grossir plus promptement. En semant tous les quinze jours et con- duisant comme nous l'avons dit, on obtient des laitues pommées depuis décembre jusqu'en février et même plus tard si on le veut. On peut cultiver la gotte de la même manière , mais avec la précaution de lui donner souvent de l'air lorsqu'elle est aux trois quarts faite et prête à pommer , ce dont la crêpe et la petite noire peu- vent se passer. LAVANDE commune. (Lavendula spica 5 L. )T? . De la France méridionale. Elle se cultive en bordure dans tous les jardins à cause de son odeur aromatique ; on 394 DU JARDIN remploie dans les bains de propreté , ainsi qu'une espè- ce voisine > la lavande a larges feuilles , nard , ou aspic (lavendula latifolia , hort. Paris.) f? , à feuilles persistantes. Toutes les deux aiment une terre légère et chaude, et se multiplient rarement de graines semées au printemps, plus ordinairement d'éclats des pieds au printemps ou au mois de septembre. On les enfonce assez profondément en terre pour mieux assurer la re- prise , et l'on refait les bordures tous les trois ans. Ces plantes réussissent assez facilement de boutures sur couche chaude etmises en pleine terre après leur parfaite reprise. LENTILLE cultivée, de Galardon, commune, grosse, blonde. (Ervum leus;L.) Q . Du midi de laFrance. Elle est très-cultivée , surtout dans les environs de Paris , soit en plein champ , soit dans les jardins. Sa variété lentille a la reine , lentille rouge ( ervum lens mi- nor) , beaucoup plus petite , rousse , bombée , est plus estimée, ainsi que sa sous-variété un peu moins petite et moins rousse. Elles aiment toutes trois un terrain léger, sec et sablonneux ; elles végètent beaucoup dans les terres fortes, mais dounent peu de graines. A la fin de mars ou au commencement d'avril, ou en au- tomne dans les pays où les gelées ne sont pas très- fortes , on prépare la terre par un bon labour si elle est légère , par deux ou trois si elle est forte , et on sème en toutïés, ou en rayons, ou à la volée. Si c'est en rayons, on espace ceux-ci de douze à dix-huit pouces ; si c'est en touffes , on les place à dix ou quinze pouces en tous sens. Si l'on sème à la volée , trente livres suf- fisent pour ua arpent. Il suffit de recouvrir les semences avec la herse ou le râteau, et de les sarcler une fois ou deux jusqu'au moment de récolter. Quand les tiges jaunissent et que les cosses prennent une couleur fon- cée ^ on coupe la plante ou on l'arrache , et on la laisse sécher pendant deux: ou trois jours au soleil avant de la mettre en botte et de la serrer. On la bat pour en ex- POTAGER. 395 traire la graine à mesure de la consommation , et de cette manière on peut la conserver très-bonne pendant deux ans, soit pour la manger, soit pour la semer. MACHE, DOUCETTE , BOURSETTE, RLANCHETTE, SALADE des blés.( Valerianellalocusta olltoria;L. ) Q. Indi- gène. Cette petite plante se mange tout l'hiver ensalade , ainsi que sa variété plus grande, mâche ronde, et celle connue sous le nom de grande mâche , grosse mâche, mâche d Italie , dont les feuilles sont couvertes d'un du- vet court et assez désagréable pour beaucoup de personnes. La mâche aime une terre douce , meuble , bien amen- dée. Comme elle monte promptement, on la sème tous les huit à dix jours, à la volée, depuis le quinze août jusqu'à la fin d'octobre. Il ne faut pas craindre de la semer dru, parce qu'on cueillera les plus avancées à mesure de la consommation, ce qui éclaircira suffisam- ment le plant. On recouvre légèrement la graine avec le râteau, çt l'on arrose si la terre est sèche. Tous les soins se bornent là. Celle semée en octobre sera très- bonneau printemps, et les autres fourniront pour l'hiver. Comme les graines se détachent seules, aussitôt qu'elles mûrissent, pour ne pas les perdre on secouera de temps à autre les porte -graines sur du papier ou un linge, et les semences qu'on obtiendra ainsi seront toujours les meilleures. Ensuite, quand les feuilles jauniront, on arrachera les pieds avec précaution , on les met- tra en tas dans un lieu frais et peu aéré , afin de les faire fermenter pendant une quinzaine de jour , ce qui est utile à la graine qui s'en détache en les secouant à la fourche. On la ramasse, on la fait sécher à l'air pen- dant quelques jours , on la vanne , et on la conserve bonne pendant sept à huit ans. Nous observerons que celle de l'année lève difficilement et tard , et qu'il vaut mieux , par conséquent, semer celle de deux ou trois ans. MAQR.E flottante, cornue, cornuelle, truffe d'eau, châtaigne d'eau. ( Trapa natans ;L. ) ^ . De la France 5 396 DU JARDIN où on îa trouve dans les eaux stagnantes dont ses feuiiîes en rosette couvrent ]a surface. En automne elle produit un fruit noir, anguleux, à quatre pointes dures et pi- quantes, dont l'enveloppe excessivement dure renferme une puîpe blanche , assez agréable au goût et appro- chant de la saveur d\ine châtaigne. Ce fruit se mange cuit à Feau ou sous la cendre chaude. Aussitôt sa ma- turité , on le jette dans les bassins où Ton veut mul- tiplier la plante •, et ie seul soin qui reste à prendre c'est de ramasser les fruits aussitôt leur maturité, car sans cela ils se détachent et tombent au fond. Si on voulait les conserver l'hiver pour ne les semer qu'au printemps, il faudrait les tenir dans un vase rempli d'eau. MAIS, blé de Turquie, blé d'Espagne , blé d'Inde, gros millet. ( Zea mais; L.)0. Du Pérou. On connaît assez tout le parti que l'on tire des graines de maïs dans l'économie domestique, mais son usage est moins répandu pour la cuisine. On cueille son épi pendant que les grains sont encore tendres et au lait, et on le fait rôtir sur des charbons. En Amérique on le fait cuire en entier dans de Feau, et on le sert très-chaud sur la table 5 on étend du beurre frais dessus ; et, pour les manger, on enlève les grains avec une cuillère. On en cultive plusieurs variétés. i° Maïs ordinaire ; tige de cinq à sept pieds; épis très- grands , jaunes, blancs, rouges, violets, ou panachés de deux de ces couleurs. On le cultive en grand dans toute la partie de la France placée au-dessous du 45e degré de latitude ; plus au nord , il ne mûrit que rarement et dans les jardins seulement. 20 Maïs quarantain ; il est beaucoup plus petit et moins productif que le précédent, mais il a Favantage d'être plus prçcoce, ce qui permet de le cultiver un peu plus au nord. 3° Maïs a poulet ; il ne s'élève guère qu'à quinze ou dix- huit pouces, produit encore moins, mais il est aussi plus précoce. Ses épis sont de la grosseur du pouce , et ses graines engraissent parfaitement la volaille. POTAGER. 397 Dans les jardins on sème le maïs en rayons, du quinze avril au quinze mai. Les pieds de l'espèce ordinaire doi- vent être espacés de deux pieds et demi à trois pieds, ceux du quarantain de dix-huit pouces à deux pieds, et ceux du maïs à poulet d'un pied à quinze pouces. On place les graines plus près les unes des autres-, mais, lors- qu'elles sont levées , on supprime celles qui sont de trop. Quand les plantes prennent de la force , on les bute , et on retranche les bourgeons qui pourraient croître au bas de la tige. On sarcle souvent. Lorsque l'espèce de che- velure formée par les pistils et surmontant l'épi com- mence à se dessécher, on coupe l'extrémité de la tige où se trouvent les fleurs mâles. Lorsque l'enveloppe de l'épi jaunit et se dessèche, on profite d'un temps sec pour faire la récolte -, on casse le pédicule pour le détacher de la tige ; on réunit les épis en paquet après avoir dé- couvert les graines, et on les conserve pendus à des per- ches dans un grenier aéré. On n'égrène que pour le be- soin. Le maïs aime les terres calcaires, fortes, chaudes, et surtout bien fumées. MELISSE OFFICINALE , CITRONNELLE , HERBE DE CITRON. (Melissa officinalis ; L.) %■ . Indigène. Ces deux der- niers noms viennent de son odeur aromatique. Quelques personnes font entrer ses jeunes pousses dans les four- nitures de salade et dans les omelettes, pour remplacer le persil, mais généralement elle' n'est pas employée en cuisine. On en prépare Veau de mélisse autrefois eau des carmes , et on enfaitprendre en infusion dans de certaines maladies. Elle aime une terre légère et chaude , et se multiplie de graine au printemps ou d'éclats des pieds en automne. Tous les ans on coupe ses tiges rez- terre lors des premières gelées , et par ce moyen bien simple elle se conserve très-long-temps vigoureuse à la même place. Elle a plusieurs variétés qui appartiennent au jar- din d'ornement. MELON. (Cucumis melo;L.) 0. D'Asie. Nous ne 3g8 DU JARDIN répéterons pas ce qui a été .dit mille fois sur l'excellence de ce fruit, parce qu'il n'est pas un de nos lecteurs qui n'ait été à même d'en juger. Ilparaîtqu'enEuropesa cultu- re ne remonte pas au-delà du temps de Pline 5 et Palladius, qui vivait dans le cinquième siècle, nous a laissé quelques détails assez bons sur sa culture; mais ceci doit s'entendre seulement du melon maraîcher ou brodé, car ce n'est que dans le quinzième siècle que le cantaloup fut ap- porté d'Arménie en Italie , d'où Charles VIII le fit venir en 1 495. Le premier melon à chair verte que l'on ait cul- tivé en France fut apporté d'Afrique, en 1777 , par un moine de Grammont dans les environs de Rouen. Les autres variétés ont été obtenues parla culture et par le mélange de leur pollen. Le nombre des variétés du melon est si considérable qu'il serait fort difficile d'en débrouiller la synonymie. Depuis trois ans nous nous occupons à les recueillir toutes et à les cultiver dans notre établissement , avec l'intention d'en publier par la suite une monographie dans laquelle chaque variété sera décrite etjïgurée; et ce dernier moyen est le seul qui reste pour se faire par- faitement entendre. En attendant, nous allons indiquer à nos lecteurs celles qui sont les plus répandues. Les meilleures sont marquées d'un astérisque (*). I. Melons brodés. (CM. S accharinus .) a. Melon maraîcher , français , morin, commun. Il est rond , ou quelquefois déprimé de l'ombilic au pédoncule , très-brodé, d'une grosseur moyenne et sans côtes ; médiocre et fébrile à Farrière-saison. C'était le plus cultivé dans les environs de Paris il n'y a encore que peu d'années. b. Sucrin de Tours ; très-brodé, à chair rouge, ferme et assez sucrée. Il varie dans sa forme et sa grosseur, ce qui a fourni trois sous-variétés. i° Le petit, rond, à écorce verte, et chair très-sucrée. Quelquefois il n'est guère plus gros qu'une orange. i° Le gros, rond, à broderie faible , mais régulière, POTAGER. 0C)q et à côtes assez marquées; chair vineuse, agréable. Le long , semblable au précédent , mais allongé. cSugrin a petitfs graines ; rond, petit, à chair rouge ; il est précoce et réussit très-bien sous châssis. * d. Sucrin a chair blanche ; assez semblable au précé- dent, à la couleur de la chair près ; il est érçès-fondant et sucré. * e. Des carmes ; il a fourni deux variétés : l'une longue, plus grosse que l'autre qui est ronde. Leur chair est pâle, mais fondante et vineuse. Les côtes sont assez apparentes. * f. De Honfleur ; il est très-gros, allongé, à côtes larges et prononcées. Quoique sa chair soit médiocrement fondante, elle est vineuse et de bon goût. g. De Langeais; allongé, de grosseur moyenne, à côte > peu saillantes et faiblement brodées ; chair rouge, vineuse et sucrée. Il a une variété plus petite et un peu plus précoce. h. D'Angers ; médiocrement brodé, de forme variable et de grosseur moyenne ; sucré et vineux. j. De la Grave; long , vert, finement brodé, à côtes ré- gulières, de grosseur moyenne; chair peu fondante, très- sucrée. k. D'Avignon; sous -variété du précédent; moins long, plus gros , aussi sucré. * l. De Coulommiers ; très-gros ; vert, à forme irrégulière- ment arrondie ; de bonne qualité. m. Désart ; d'un jaune vif et finement brodé, à côtes pro- noncées ; chair sucrée. n. De Rugpnnant ; deux variétés, le long , le rond , à écorce d'un vert noirâtre et bien brodée; assez fondans et sucrés. *o. De Minorque ; grosseur moyenne, broderie fine. II. Melons cantaloups. (C. M. Cantaloup.) * a. Orange, petit, rond, à côtes, vert clair ou brun ; chair d'un rouge-orangé , d'où son nom , un peu ferme , mais bonne ; le plus hâtif de tous. *b. Fin hatif; plus petit etplus comprimé ; côtes plus sail- lantes, un peu galeuses ou brodées ; chair rouge et bonne; aussi précoce que le précédent. * c. Brûlot hatif; sous-variété du précédent , à côtes plus élevées et brodées. 4oO DU JARDIN * d. Nom des carmes; rond, d'un vert noirâtre, sans gales, à côtes peu prononcées ; chair rouge, vineuse, fondante, très- bonne. * c. Petit prescott ou hatif; petit, un peu comprimé, noi- râtre ou brun , à côtes bien marquées et galeuses , avec une petite pointe à l'ombilic ; chair rouge, excellente. Il a deux sous-variétés; le petit rosé , et le petit renégat. * f. Gros prescott ; deux sous-variétés, l'une à écorce noi- râtre, l'autre blanchâtre ; semblables au précédent, mais plus gros etplus comprimées; presque aussi hâtives et aussi bonnes. *g. Hatif de vingt-huit jours ; rond, côtes peu élevées, d'un vert clair; assez bon et précoce ; très-cultivé en Allemagne. * h. Eoule de Siam ; grosseur médiocre; très-comprimé; écorce noirâtre et galeuse, à côtes larges et prononcées, couronne étroite ; chair médiocre. i. D'Astracan ; gros ; côtes relevées; chair orangée déli- cate et fondante. * j. Mogol ; deux sous-variétés à chair verte ou blanche , à grosses ou petites gales. Elles sont oblongues et à écorce noirâtre. * k. Gros cantaloup noir de Hollande; un des plus gros de tous, à écorce noire et galeuse; chair rouge, délicate. *1. Noir galeux ou des saints ; d'un vert noirâtre, rond , petit; galeux, à chair rouge et sucrée ;Jl ne jaunit pas en mûrissant. * m. Doré; à écorce très-jaune et tuberculeuse ; chair rouge et assez bonne. *n. Argenté; d'une grosseur moyenne, à écorce blan- châtre; forme comprimée; couronne prononcée; chair un peu ferme, mais bonne. *o. D'Anjou ; grosseur moyenne; écorce noire, tubercu- leuse , très-galeuse ; chair cassante et vineuse. III. Melons a écorce lisse, ou verts (C. M. viridis.) * a. De Malte a chair blanche; allongé, de grosseur moyenne , à écorce verte ; chair fondante ei sucrée. Il est pré- coce. * b. De Malte a chair rouge ; il ne diffère du précédent que par la couleur de sa chair, mais il est plus hâtif. POTAGER. ^o\ c. Muscade des États-Unis ; très -petit et à chair verte et fondante. d. De Morée, de Candie, de Malte d'hiver; assez gros et de forme allongée; écorce lisse; chair verdâtre, fondante et parfumée. On le conserve l'hiver en le déposant sur de la paille dans un lieu sec et abrité. e. De Smyrne ; petit, ovale, d'un vert brunâtre pointillé de jaunâtre ; chair d'un blanc tirant sur le vert, médiocre. f. Melon de Chypre ; petit , allongé, velu jusqu'à l'époque de sa maturité, à écoree très-mince , non brodée , marbrée ; chair d'un rouge très-vif, pleine , au point que ses graines , petites et allongées, sont enfoncées dedans : ceci le rend le plus pesant des melons, dont il est aussi le meilleur. Il mûrit en trente ou quarante jours, et veut être mangé aussitôt que le soleil l'a frappé. C'est la seule espèce qui n'en produise jamais de mauvais. Elle a été envoyée de Chypre, en 1786, dans les jardins royaux de Brunoy. Mon père fut chargé par le gouverneur , M. Cromot de Fougy , de la soigner spéciale- ment pour la table du roi. g. Du Pérou ; d'une grosseur moyenne ; écorce mince , d'un vert noirâtre; chair très-blanche , fondante et sucrée. h. De Perse ou d'Odessa; très-allongé ; écorce verte rayée de jaune ; chair verte : il se conserve l'hiver. Les auteurs ont encore indiqué plusieurs variétés de melons, mais qu'ils n'ont pas décrites et que nous soupçonnons faire double emploi ; en voici quelques-unes. Melons de Fleuraj, de la Caille , cramoisi (il nous paraît que Descombe aurait pris un pastèque, cucurbita citrullus , pour un melon , et l'aurait ainsi nommé) , de l'Archipel, d'Italie , Romain, de Gènes , de Naples , de Florence ou Zatta , d'Espagne, monstrueux de Portugal , de Minorque , Succado , canta- loup noir hâtif , cantaloup de Sevrés, id. du Querci, id. de Castelnaudari, id. de Pézénas , id. de Côte-Rôtie, id. de Rouvert, id. ananas , id. plat, id. turbiné, id. bossu, id. long; les melons vert, d'eau (bien évidemment un pastèque), d Angourj , de Saint-Domingue s brodé , grand Mogol, etc. Culture. Elle varie selon les climats et les époques auxquelles on veut avoir les fruits 5 et nous allons en traiter sous ces difïerens rapports. 2. 26 402 DU JARDIN i° Culture en pleine terre. Elle ne réussit parfaite- ment qu'au-dessous du /p0 de latitude. Dans une terre chaude, légère et à bonne exposition, on creuse à dix ou douze pieds de distance les unes des autres de petites fosses de dix-huit pouces de profondeur sur autant de largeur ; on met an fond un pied de fumier consommé que l'on recouvre de six pouces de terre, dans laquelle on sème cinq ou six graines de melons que l'on enfonce d'un pouce à un pouce et demi. Cette opération doit se faire en mars, en avril, ou dans les premiers jours de mai , selon le climat. Lorsque les graines sont levées, on ne laisse que deux plantes dans chaque tron , et on les conduit comme nous allons le dire dans un article suivant. a0 Culture des environs dHonfieur. On creuse des fosses comme pour la culture en pleine terre , mais on leur donne deux pieds de profondeur sur deux pieds et demi de largeur , et on en fait des espèces de couches sourdes en les remplissant de fumier chaud sur lequel on étend neuf pouces*d'une terre légère et substantielle. On couvre les couches avec des cloches , et on les laisse bien s'échauffer pendant une quinzaine de jours : alors, c'est-à-dire, vers le milieu d'avril, on y sème quelques graines à la distance de quatre pouces les unes des autres ; et , lorsque les plants ont trois ou quatre feuilles, on n'en laisse que deux dans chaque fosse, et on continue à les cultiver sous verre comme nous renseignerons pour ceux semés sur couche. 3° Culture des environs de Paris. Au mois de mars , on prépare avec du bon fumier chaud des couches de deux pieds et demi d'épaisseur, quatre ou cinq de lar- geur, et d'une longueur indéterminée. On les recouvre de huit à neuf pouces de terreau , dans lequel on a mé- langé un tiers de terre légère , ou de deux tiers de terre légère et franche pour les grosses espèces , et l'on sème comme nous l'avons dit. On arrose légèrement , et l'on recouvre le semis avec des châssis, des cloches, ou des verrines,sur lesquels on jette de la litière et des pail- POTAGEft. 4°3 lassons pour empêcher les couches d'être mouillées par les pluies ou les frimas , ce qui les refroidirait. Dès que le plant est levé, on l'habitue à la lumière en enlevant les paillassons -, mais les cloches et verrines doi- vent rester entourées de litière jusqu'à ce que la tem- pérature soit devenue plus douce et qu'il n'y ait pas d'inconvénient à donner de l'air , ce que l'on fait en soulevant un peu les cloches du côté opposé où vient le vent. Chaque soir on remet le tout en place pour éviter les fraîcheurs de la nuit. Nous observerons qu'il faut aussi abriter les jeunes plantes des rayons d'un soleil trop ardent. Lorsque le plant a quatre feuilles, non compris les cotylédons, on pince le sommet de la tige en la coupant net au-dessous des aisselles des deux dernières feuilles, et par ce moyen on l'oblige à pousser deux ou trois branches principales. Il faut alors donner un peu plus d'air en soulevant les cloches à deux ou trois pouces , arroser suffisamment , et continuer d'abriter avec la li- tière et les paillassons. Les branches principales ne tardent pas à dépasser les cloches, que l'on soulève alors et maintient suspendues sur les plantes au moyen de crémaillères. 11 faut obser- ver que la sève ne s'emporte pas plus dans une bran- che que dans l'autre ; et , si cela arrivait , on tâcherait de rétablir l'équilibre aussitôt qu'on s'en apercevrait, soit en coupant le cotylédon du côté le plus vigoureux, soit en donnant à la branche gourmande une position tor- tueuse capable d'entraver la circulation de la sève 5 les branches faibles se posent au contraire dans une direc- tion droite. Si la plante entière paraissait vouloir s'em- porter en branches inutiles, on l'arrêterait en enlevant les deux cotylédons ^ mais ce moyen extrême ne doit s'employer qu'à la grande rigueur , car il affaiblit consi- dérablement la végétation. Les branches principales ne tardent pas à donner des 4<>4 DU JARDIN branches secondaires et à fleurir. Le melon est dans la classe des plantesmonoïques, c'est-à-dire qu'il produit des fleurs mâles et des fleurs femelles sur le même pied . On re- connaîtlespremièresà la présence des étamines sans pistil, et à la base delà fleur posée directement sur un pédoncule sans ovaire ou jeune fruit. Les femelles n'ont que des pis- tils et sont placées sur un petit melon très-reconnaissable. Il faut bien se donner de garde d'enlever les fleurs mâles ou stériles avant que la fécondation soit opérée 5 et, pour s'en assurer, on ne les coupe que lorsqu'elles sont flétries. On est certain qu'un fruit est noué lorsque, sa fleur étant desséchée , il continue à prendre de l'accroissement. On ne doit conserver, dans les branches secondaires, que celles qui sont bien placées et qui peuvent s'étendre sans enchevêtrement et sans se croiser les unes sur les autres. Quand les premiers fruits sont noués, on taille les branches principales en les tenant courtes ou allongées , selon leur vigueur. On ne laisse jamais qu'un fruit sur celles qui sont faibles , et deux sur les plus fortes ; mais pour cela il faut que la plante ait une vigueur extraordi- naire. On coupe l'extrémité delà branche à deux nœuds au-dessus du dernier fruit, avec l'attention de conser- ver les plus beaux et surtout les plus près de la souche. Quand ces plaies sont cicatrisées, c'est-à-dire, cinq ou six jours après cette opération , on la répète sur lés branches secondaires, et on supprime celles qui n'ont pas de fruits : quant aux autres, on ne leur en laisse qu'un. Dans tous les cas on doit toujours laisser le fruit le mieux fait : mais s'il n'y en avait qu'un sur une branche , et qu'arrondi d'un côté il ne le fût pas de l'autre , avec la pointe de la serpette on ferait, dans l'écorce seule- ment , deux ou trois incisions longitudinales sur le côté plat , et il s'arrondirait bientôt. Huit jours après on arrête l'extrémité des branches à fruits, et on supprime presque toutes les autres ; opération qui doit se renouveler toutes les fois qu'elle est nécessaire. POTAGER. 4°5 Quand les melons ont atteint une certaine grosseur, et que les tailles indiquées commencent , la saison est ordinairement assez chaude pour qu'on puisse tenir les plantes découvertes pendant une grande partie du jour. S'il en était autrement, on leur donnerait de l'air le plus souventpossible, afmde faciliter la cicatrisation des plaies et le développement des fruits. On arrose souvent et peu à la fois, avec la précaution de ne pas mouiller les feuil- les, et l'on se sert d'eau de marre, ou d'eau de puits, déposée quarante-huit heures à l'avance dans des ton- neaux , afin de lui faire acquérir la chaleur de l'atmos- phère. Lorsque les fruits approchent de la maturité, on ne donne plus que les arrosemens indispensables , afin de ne pas diminuer leur parfum , et on les place sur une tuile ou un morceau de planche pour les soustraire à l'humidité. On peut, si on veut hâter leur maturité , les couvrir avec une cloche. 4° Culture des environs de Lyon . On sème fin d'avril , ou commencement de mai, en pleine terre et en capots. Ces capots sont des trous de dix pouces de largeur sur autant de profondeur que l'on remplit d'un mélange de deux tiers de terre légère très-substantielle et d'un tiers de terreau. Onsème trois ou quatre grains, et l'on recouvre d'une cloche , que l'on entoure de fumier chaud jusqu'à ce que les plants aient pris de la force. Alors on enlève les cloches , quelque temps après le fumier , et l'on con- duit selon les règles enseignées. Primeurs. Dès la fin de décembre on prépare des cou- ches dans des bâches ou des châssis, et on attend que la chaleur soit convenable pour y enterrer de petits pots remplis de terreau très-peu foulé. On place deux graines dans chaque pot , et on recouvre les châssis de paillassons , afin de concentrer la chaleur et de hâter la germination. Quand les graines sont levées, on ne laisse qu'un plant dans chaque petit pot , et on les habitue peu à peu à la lumière en soulevant les paillassons, que l'on 4o6 DU JARDIN ôte ensuite pour ne les remettre que pendant la nuit et lorsqu'il gèle. Si on cultive en bâche , on entretient la chaleur des couches en les remaniant selon la méthode ordinaire, et en les chargeant de tan neuf 5 si on opère sous châssis, on place de temps à autre des réchauds. Quand la température le permet, on donne un peu d'air en soulevant les panneaux d'un pouce ou deux -, mais seulement pendant quelques heures , et avec l'extrême attention de ne pas laisser pénétrer l'humidité 5 on pro- fite de ce moment pour essuyer celle qui se trouve atta- chée contre les verres. Lorsque le plant a deux feuilles , non compris les co- tylédons, on pince la tige au-dessus de la deuxième feuille, afin d'obtenir les branches latérales. On prépare de nou- velles couches avec du bon fumier neuf, on les incline légèrement au midi , et on les couvre de terreau mé- langé à un sixième de terre légère ; on place les châssis dessus, si on ne les a pas faites dans une bâche. Aussitôt que les plaies sont cicatrisées, on fait dans le terreau des couches deux trous par panneau de châssis , on dépote les plantes sans briser les mottes , et on en enfonce une dans chaque trou avec la précaution d'en- terrer un peu la tige, et de la chausser, afin de lui faire pousser de nouvelles racines. Du reste , dès ce mo- ment on traite les melons comme nous l'avons dit plus haut , avec la précaution d'entretenir constamment la chaleur des couches , et de donner de l'air toutes les fois qu'on le peut sans danger , surtout pendant la flo- raison. On choisira pour cultiver en primeur les petites espè- ces hâtives , telles que sucrin à petites graines ? can- taloup rouge, cantaloup fin hâtif, id. brûlot hâtif, id. noir des carmes , id. petit orange, id. petit près cott y l'un de ceux qui réussit le mieux , etc. Soit que l'on cultive en primeur ou naturellement, on- doit rigoureusement éloigner les unes des autres les va- POTAGER. 4°7 riétésde melons, afin que leurs poussières fécondantes ne puissent se mêler, ce qui occasioneraitleur dégénération. On les éloignera plus scrupuleusement encore des autres plantes appartenant à la famille des cucurbitacées, et particulièrement des concombres. Cependant, lorsque la floraison de ces plantes n'a pas lieu en même temps que celle des melons , il n'y a rien à craindre. La maturité du melon est fort difficile à reconnaître 5 voici cependant les remarques sur lesquelles on peut le plus compter. i° La plupart se frappent quelques jours d'avance , c'est-à-dire qu'ils changent de couleur ou de teinte. 20 La queue se cerne et se déchire comme si elle allait se détacher. 3° Le fruit répand une odeur agréa- ble , surtout le matin. Malgré tous ces signes on se trompe souvent, parce que la qualité du melon dépend d'un point précis de maturité dont le terme ne dure, pour certaines sortes , que quelques heures. Gn juge qu'il est de bonne qualité lorsque les caractères de sa variété sont bien indiqués, lorsqu'il est pesant, ferme sous le doigt, bien fait, et que son pied est court et gros. Choix des graines. On choisit dans toute sa culture les melons les plus francs dans leurs variétés et les plus beaux. On laisse passer la maturité sans les cueillir , ou même on les laisse pourrir sur place ; on recueille les se- mences , on les nettoie , et on les fait sécher à l'ombre et dans un courant d'air. On peut encore recueillir avan- tageusement celles d'un excellent melon au moment où on le mange. Elles conservent leurs vertus germinatives pendant un grand nombre d'années, mais ordinairement on ne les garde guère que douze ou quinze ans. On ne sème pas la graine de l'année précé dente parce , qu'elle est plus sujette que la vieille à fournir des plantes trop vigoureuses qui s'emportent en branches au détriment du fruit. Quelques personnes font tremper la graine vingt- quatre heures avant de la semer. Le choix des semences et la manière de les préparer ont de tous temps donné lieu 4o8 DU JARDIN à des préjugés ridicules. Palladius (i) disait, il y a quinze cents ans : Odorati autemfiunt , si eorum seminamul- tis diebus inter roscefolia siccamergantur; et aujour- d'hui, le vieux jardinier de lord Nynn ne sème jamais sa graine de melon sans l'avoir préalablement portée un an dans la ceinture de sa culotte , ce qui ne se ressemble guè r e . MELON d'eau, pastèque, citrouille pastèque. (Cu- curbita citrullus ; L. ) O. D'Orient. On cultive deux variétés principales de ce fruit gros , à écorce lisse , et à chair sucrée , fondante , fade , et d'un goût qui ne plaît pas à tout le monde. i° Pastèque d'Italie ou de Provence; rond, très-gros, à écorce verte ; chair rouge , et graines noires. 2° Pastèque d'Amérique ; plus petit, légèrement ovale, à écorce rayée ou tachée de jaune verdâtre , de manière à re- présenter des côtes ; chair blanchâtre, graines rouges. Ces plantes se distinguent aisément des melons par leurs feuilles rudes et très-découpées. On les cultive de la même manière, à cette seule différence près qu'on cesse de les tailler lorsqu'elles ont suffisamment de branches, et qu'on ne supprime aucun fruit. MELONGENE , aubergine, mérangène , Mayenne, vié- daze. (Solarium esculentum; Dunal. )0 . De l'Amérique méridionale. Le fruit de cette plante se mange cuit entre deux plats ou sur le gril , farci ou aux petites herbes , frit ou dans les ragoûts 5 son goût est peu prononcé et fade. On en connaît plusieurs variétés qu'il ne faut pas con- fondre avec le solanum ovifère ou plante aux œufs (Solanum ovigerum) , parce que celle-ci est malsaine. i° Melongène rouge a fruit long ; fruit ayant à peu près la forme et la grosseur d'un concombre, d'un violet sale. 20 Melon gène rouge a fruit rond ; fruit très-petit, rond, comprimé , de la grosseur du doigt ; même couleur. 3° Melon gène rouge a ruitovale j fruit moins gros que le premier, plus pâle, gros à sa base. (1) De Re rusticâ , lib. 4, cap. 9. POTAGER. 4°9 4° Melongène jaune a fruit ovale; fruit d'un jaune pâle , ovale , raccourci. 5° Melongène jaune a fruit long ; fruit de grosseur moyenne , allongé, vert dans sa jeunesse, puis blanc, et jaune lors de la maturité. Toutes aimentla chaleur et l'eau. Dans le midi on sème ] a melongène en mars en pleine terre légère et chaude pour la repiquer en bonne terre meuble et en planche , où elle ne demande plus que des arrosemens pour réussir parfaitement. Mais dans les jardins de Paris elle exige plus de soins. Dès le mois de février ou au commence- ment de mars, on la sème sur couche chaude et sous châssis ou cloche. Quand le plant est levé , on le repique dans des pots , que l'on plonge dans des couches tièdes jusqu'à ce que la température permette de le placer en pleine terre , dans une plate-bande chaude , au pied d'un mur au midi. On le débarrasse scrupuleusement des mau- vaises herbes, et on lui donne de fréquens arrosemens. On peut encore , lorsque le plant est levé , le repiquer en échiquier et à dix-huit pouces d'intervalle , sur le ter- reau d'une couche sourde. Par ce moyen on s'assurera de recueillir de la bonne graine, qui ne mûrit pas toujours en cultivant selon la première méthode. MENTHE cultivée, baume. (M entha saliva; L.) % . Indigène. Menthe poivrée (jneniha piperit a ; L.)^. D'Angleterre. Ce sont ces deux espèces que l'on cultive plus particulièrementdansles jardins potagers. Les jeunes tiges de la première s'emploient en fourniture de salade , et la seconde sert à aromatiser des liqueurs et des pas- tilles. Elles se multiplient de semis à l'ombre et en terre légère en mars ou avril , mieux de drageons au prin- temps, ou d'éclats en automne. Elles réussissent très-bien dans tous les terrains, et il est plus difficile de les détruire que de les conserver. MOUTARDE noire , sénevé, cendrée. (Sinapis ni- 4ïO DU JARDIN gra; L.) 0. Indigène. On se sert de sa graine réduite en farine pour préparer la moutarde de nos tables, et ses jeunes pousses se mangent en salade. Elle se sème en mars, à la volée, très-clair, dans une terre fumée et ameublie pardeuxbons labours. Elle réussit particulière- mentdansles terres sablonneuses etdanslescîairièresdes bois, dans les places où l'on a fait du charbon. On doit arracher les pieds à mesure qu'ils jaunissent , ce qui ar- rive ordinairement en septembre , les serrer dans un en- droit sec , et ne les égrener qu'à la baguette pour ne pas écraser les graines qui se conservent bonnes pendant quatre ans. On peiU en extraire de l'huile de médiocre qualité. La MOUTARDE BLANCHE , SÉNEVÉ BLANC. ( Sinapîs alba; L.) O. Indigène. Se cultive de la même ma- nière, et sert aux mêmes usages. NAVET. (Brassica napus ; L. ) cf- Indigène. Cette plante, dont tout le monde connaît l'usage, offre pres- qu'autant de variétés qu'il y a de villages où on la cul- tive 5 aussi n'en indiquerons-nous que quelques-unes et même en avertissant les lecteurs que, si leur terrain ne se trouve pas convenir à celles qu'ils choisiront , elles dé- généreront entièrement en deux ou trois ans au plus tard, Nous adopterons ici les divisions de M. Vilmorin. I. Navets secs, à chair fine ne se délayant point en cuisante fis ne réussissent que dans les terrains maigres , sablon- neux et doux. a. Le petit de Preneuse ; demi-long. b. Le gros de Freneuse; plus gros et moins bon. e. Le Meaux ; très-long, effilé. d. Le Saulieu ; même force , écorce noirâtre. e. Le petit Berlin ou Teltau. î. LeBaubry, de la grosseur d'un tuyau de plume, long, brun . g. Le Cherouble; semblable au précédent, un peu plus gros, Ces deux derniers sont très-estimes dans les environs de Lyon. POTAGER. 411 II. Navets tendres {Ils portent le nom de rave dans laplupart de nos provinces). Moins fermes que lesprécédens, de qua- lité médiocre, mais moins difficiles sur la qualité du terrain. a. Des vertus ; très-blanc, oblong , hâtif et bon. b. Des sablons ; blanc , demi-rond , très-bon. c. Rose du Palatinat ; collet rose; chair tendre et douce. d. Gros long d'Alsace ; grosseur énorme ; médiocre. e. De Clair- F ont aine ; très-long, à moitié hors de terre. f. Blanc-plat hâtif; comprimé, médiocre, mais précoce. g. Rouge-plat hàtif; médiocre; semblable au précédent. h. Gris-plat ; très-gros ; assez bon. i. Du Limousin, rave, rabiolë , lurneps ; gros , médiocre , cultivé pour le bétail. j. Rave blanche de Bresse ; longue , grosse , médiocre. k. Rave longue de Bresse ; très- longue , rouge au collet , très-renfle'e vers sa racine, médiocre ; cultivée pour le bétail. Tous ces navets réussissent mieux que les autres dans les ter- rains forts. III. Navets demi-tendres. Ils sont moins fermes que les pre- miers, plus que les seconds , et s' accommodent d'une terre légère et douce. a. Le jaune de Hollande ; rond ; écorce et chair jaunes. b. Jaune d'Ecosse ; semblable au précédent, mais résistant mieux aux gelées. c. Noir d' Alsace , long , doux et bon. d. Gris de Morignj; obrond. e. Jaune long de Ljon; gros , allongé, à chair et écorce jaunes : bon. Culture. Tou&Ies navets aiment une terre sablonneuse. Dans les sables fins, substantiels et doux, ils deviennent gros et perdent un peu de leur qualité , qui augmente au contraire dans les terres quartzeuses et granitiques, dont le sol semble n'être composé que de débris de roches pri- mitives : mais alors ils diminuent de grosseur. Dans les terres franches et très-substantielles ils prennent des proportions énormes, mais ils ne sont bons que pour le bétail. f\12 DU JARDIff Si on les sème au printemps , ils réussissent rarement malgré la précaution de ne semer que de vieilles grai- nes ; mais depuis le quinze juin jusqu'au quinze août les semis sont excellens, on peut même les prolonger jus- qu'en septembre pour les espèces hâtives. On prépare la terre dans le moment même où l'on doit semer clair, et à la volée , autant qu'on le peut par un temps pluvieux ou couvert. On éclaircit les plants de manière à laisser de quatre à huit pouces entre chacun d'eux selon la gros- seur de la variété: on sarcle et on purge des mauvaises herbes. Lorsque les navets ont atteint leur grosseur , on les arrache à la main, on enlève la fane qu'on donne au bétail, et on les serre dans un lieu sec pour s'en ser- vir au besoin. Dans la grande culture on se contente de faire un trou profond dans la terre , on les y entasse, et on les couvre de chaume pour empêcher la pluie et la gelée d'y pénétrer. Au mois de mars on replante les plus beaux navets pour donner de la graine que l'on recueille au mois d'août. Elle se conserve bonne pendant deux ans. OGNON. (Alliumcepa; h.) cf. Cette plante, une des plus anciennement cultivées , est originaire d'Afri- que. Elle formait presque la base principale de la nour- riture des peuples de l'antique Egypte, qui l'estimaient au point delà diviniser , et de s'en servir comme de monnaie courante. Tout le monde en connaît l'usage. Les ognons, quelle que soit leur variété, aiment une terre franche substantielle , plutôt forte que légère , amendée d'une année d'avance, parce quele fumier frais les fait pourrir : un terreau très-consommé ne pourrait leur nuire , quand même il ne serait répandu que peu de temps avant le semis. Le terrain sera bien ameubli par deux ou trois labours, mais dont le dernier sera donné quinze ou vingt jours au moins avant de semer , par la raison qu'ils craignent une terre fraîchement re- muée. En règle générale , on sème les ognons de janvier POTAGER. 4!3 en février dans le midi , du quinze janvier au quinze mars daus les environs de Paris, et du premier mars au premier avril dans le nord. Dans ces derniers climats il faut toujours attendre que la terre commence à s'échauf- fer, et que le beau temps soit parfaitement assuré. Dans les terres légères on marche ou passe le rouleau pour affermir le sol, puis on sème à la volée, un peu dru 5 on herse avec la fourche , on passele râteau, ou, ce qui vaut mieux quand on peut le faire, on couvre le semis d'un bon doigt de terreau. Si l'on veut, on peut ne passer le rouleau que lorsque la graine est jetée. A mesure que le plan lève , ce qui arrive au bout de trois semaines , on l'arrose pour aider la germination , et ceci est surtout de rigueur s'il y a la moindre sécheresse. Si on était au contraire menacé de neige ou de froids rigoureux , on couvrirait le jeune plant avec de la li- tière ou des feuilles sèches. A mesure qu'il croît, on l'éclaircit dans les places où il est trop épais, et l'on repi- que dans les endroits où il manque, à trois pouces au moins de distance. Quelque temps avant sa maturité, c'est-à-dire, lors- qu'il a à peu près atteint sa grosseur, on abat et tord un peu sa fane au-dessus de terre , soit avec les mains , soit en passant un rouleau, afin d'interrompre le cours delà sève , et de fixer dans l'ognon ce qui se serait porté dans les feuilles. Cette opération n'est cependant pas indis- pensable , surtout dans les bonnes terres. Aussitôt que les feuilles jaunissent, un peu avant qu'elles ne se dessèchent , on déterre les ognons , on les laisse sur la terre pendant huit à dix jours pour qu'ils achèvent de mûrir, mais, dans un lieu abrité de la pluie, quoique exposé au grand air et aux rayons du soleil. On a la mauvaise habitude , dans les environs de Paris, de couper les fanes et d'ensacher les ognons pour les conserver dans le grenier , d'où il résulte qu'il en pourrit beaucoup ; dans le département de Saône et 4t4 du jardin Loire, et particulièrement dans la commune deSenozan où Ton fait cette culture en grand , on conserve les fanes -, et , lorsqu'elles sont sèches , on les tresse les unes avec les autres, pour former les ognons en chaînes plus ou moins longues et larges, dont on réunit les deux bouts. On les suspend ainsi à des perches posées horizontalement dans le grenier , et par ce moyen fort simple on s'assure de leur conservation. Ceux qui doivent servir de porte-graines se choisissent parmi les plus beaux et les plus tranches dans leur variété. Au printemps, dans les terres humides, en no- vembre et décembre pour les autres , on les plante à sept ou huit pouces de distance, à deux de profondeur, et en août ils fournissent leur graine au bout de longues tiges que l'on soutient avec des tuteurs. On recueille les semences comme nous l'avons dit pour le porreau , et elles se conservent le même temps. L'ognon offre plusieurs variétés que l'on cultive à peu près de même. En les énumérant , nous allons dé- crire les légères différences qu'on met dans les soins à leur donner. i° L'ognon rouge foncé. Il se cultive dans les jardins comme nous venons de dire ; mais , en pleine terre , on le sème après la récolte du blé sur un seul labour, et on l'aban- donne pour ainsi dire à la nature, avec la seule précaution de le sarcler pour détruire les mauvaises herbes. Quatre livres de graines suffisent pour un arpent. 2° L'ognon rouge pale. Même culture. Ces deux variétés ont. fourni les sous-variétés nommées ognon pjrriforme ou en poire, rouge ou blanc, selon qu'il vient du premier ou du se- cond. Le dernier est plus doux. 3° L'ognon d'Espagne ou de Catalogne; rouge i très - gros, relevé en pointe du côté de la racine et du collet. Dans le midi il est très-doux , mais dans les environs de Paris il perd sa qualité. Même culture. Sous-variétés blanches. 4° L'ognon blanc. Deux sous- variétés. Le blanc gros, et le blanc hàtif. Le premier se sème dans les mois de février et de POTAGER. 4r^ mars; sa forme est beaucoup plus grosse que celle dusecond qui se sème depuis juillet jusqu'à la mi-septembre et se repique un mois après, ou mieux en mars suivant. On le couvre l'hi- ver pour le préserver des grands froids. On le sarcle, et on i'arrose beaucoup. Ces ognons sont très-cultivés pour les cui- sines de Paris, où on leur donne la préférence sur les rouges , parce qu'ils sont plus doux. On a remarqué que ceux semés en juillet ne réussissent jamais aussi bien que ceux semés en août. Le blanc hâtifs deux origines; dans l'une il est regar- dé comme produit par le blanc gros , dans l'autre on l'a tiré du Caire, et il en porte le nom, mais ce n'en est pas moins le même ognon, à de très- légères différences près. 5° L'ognon jaune. Culture des premiers. 6° L'ognon blanc d'Italie ou de Provence. Le plus petit de tous , ne dépassant guère la grosseur d'une noisette. Il est très-doux et très- tendre , et se mange vert ou confit au vinai- gre. On le sème dru et à différentes époques pour en avoir en tout temps. Même culture, mais plus d'arrosemens. 7° L'ognon d'Egypte ou bulbifere , diffère des autres en ce qu'il rapporte plus souvent sur sa tige des bulbes que des fleurs, d'où suit un mode différent de reproduction. Du reste , même culture. 8° L'ognon patate ou pomme de terre , produit rarement de la graine ou des buibilles ; on le multiplie en plantant, en mai, à un pouce de profondeur, et à huit ou dix de distance les caïeux ronds et assez nombreux qui croissent autour de sa racine. Orcrtsmale,satyrion, salep , salât. (Orckis morio ; L.) ^. Plante indigène, que les expériences du doc- teur Marillac nou sont engages à ranger dans les plantes potagères , ainsi que l'orchis femelle ; ( orchis fe- mina;h.). Ces deux espèces croissent abondamment dans toutes les prairies et les lieux humides des pays montagneux de la France. Leurs épis de fleurs blanches ou purpurines sont plus ou moins serrés , et terminent une tige haute de cinq à huit pouces, droite, ronde et cannelée. Lorsque la plante a fourni ses graines , on arrache 4l6 DU JARDIN les deux tubercules charnus qui forment sa racine, et on les laisse sécher en tas sur le terrain. On enlève ensuite la pellicule qui les enveloppe , et on les lave à plusieurs eaux jusqu'à ce qu'ils soient parfaitement nettoyés. Alors on les fait bouillir pendant cinq minutes dans de l'eau de rivière, et on les fait sécher dans une étuve, ou dans un four après qu'on en a tiré le pain. On les remue souvent, et on les remet plusieurs fois dans le four jusqu'à ce qu'ils soient parfaitement desséchés. En cet état ils peuvent se conserver plusieurs années sans se gâter. Au moment de s'en servir, on les réduit en poudre aussi fine que possible ; on passe cette farine au tamis , et on s'en sert comme de la fécule de pomme de terre. La pesanteur d'un gros suffit pour préparer huit onces de potage, et lui donner la consistance d'une crème de riz ordinaire. Jusqu'à ce jour on n'a pas réussi à cultiver parfaite- ment les orchis , et c'est surtout leur multiplication qui offre des difficultés. Cependant en les plaçant dans une terre légère , fraîche , substantielle et profonde , ana- logue à celle où on les aura trouvés , et en employant , pour semer leurs graines très-fines , les précautions re- commandées pour celles des primevères auricules et autres plantes délicates à faire lever, surtout en les se- mant aussitôt qu'on les recueillera , peut-être parvien- dra-t-on à des succès plus satisfaisans que ceux obtenus jusqu'à ce j our. ORIGAN* marjolaine. ( Origanum majoranoïdes ; "Willd. Sp.) J) . D'Orient. On emploie cette plante aro- matique comme assaisonnement dans quelques ragoûts, et l'on cultive pour le même usage une autre espèce : l'oRIGAN A COQUILLE OU MARJOLAINE GENTILLE. ( OHga- num œgyptiacum; L.) D'Orient. Celle-ci est d'o- rangerie, La marjolaine réussit assez bien dans tous les terrains; POTAGER. 4*7 on la plante ordinairement en bordures, que l'on renou- velle tous les deux ou trois ans. Les deux espèces se multiplient de graines semées au printemps, de boutures faites à l'ombre en été, et d'éclats des pieds. ORPIN BLANC , TRIQUE OU TRIPE-MADAME , GROS-RÂZI1NÉ. (Sedum album; L.) G). Indigène. Cette plante grasse, d'un goût assez insipide, s'emploie en fourniture de salade. On la multiplie de graines semées au printemps , enterre sablonneuse et à une exposition chaude -, on lui donne souvent des arrosemens, si on veut l'obtenir plus tendre. On peut encore la multiplier de rejetons et de boutures. OSEILLE. (Rurnex acetosa; L.) ^ . Indigène. On en cultive trois espèces : i° Celle des prés , que nous venons de nommer et qui a fourni les variétés oseille de Belleviïle , à feuilles plus larges et moins acides , et oseille à feuilles clo- que'es, plus grande. i° L'oseille vierge , de montagne. (Rumex arifo- Uus; All.) % . Des Alpes. Elle monte rarement en grai- nes , et ses feuilles sont plus larges et moins acides. 3° L'oseille ronde. (Rurnex scutatus ; Hort. Pa- ris.) % . De Provence. Ses feuilles arrondies ou en forme de cœur, et d'un vert glauque, sont plus acides que celles des précédentes. Toutes se cultivent de la même manière , et réussissent assez bien dans tous les terrains 5 cependant elles préfèrent les terres légères et profondes, plutôt fraîches que sèches. On les sème au printemps, en rayons, en bordures ou en planches, dans une terre très-meuble^, car leur graine fine ne lèverait pas si elle rencontrait le plus petit obs- tacle. On recouvre celle-ci d'un demi-pouce de terre , sur laquelle on jette un peu de terreau pour l'empêcher de se battre. On peut les couper, ou mieux, cueillir leurs feuilles en prenant toujours celles qui sont à l'extérieur, six semaines après qu'elles ont été semées. Celle qui ne 2- 21 4l8 DU JARDIN porte pas de graine se multiplie au printemps par éclats des pieds. La chaleur augmentant beaucoup leur acidité, on en cultive quelques pieds dans un lieu frais et om- bragé, pour pouvoir s'en servir l'été. Elles se conservent en place dix à douze ans. Primeur. Dans les premiers jours de novembre on prépare une couche chaude , sur laquelle on étend huit à dix pouces de terreau , dans lequel on plante des sou- ches vigoureuses que l'on enlève avec un peu de motte ; on recouvre le plant avec des cloches, et on donne de l'air le plus souvent possible. On choisit, pour forcer , l'oseille vierge ou celle de Belleville. Si on les prive en- tièrement d'air et de lumière, leurs feuilles s'étiolent et perdent leur acidité et leur goût. Les graines se recueillent , de juillet en août, de la même manière que celles d'épinard, et se conservent bonnes pendant trois ou quatre ans , si on les laisse dans leurs enveloppes. PANAIS cultivé. (Pastinaca sativa; L.) a*. In- digène. La racine, grosse, douce, sucrée, aromatique, de cette plante , s'emploie pour donner du goût au po- tage. Quelquefois aussi on la mange en friture. On en possède trois variétés. i°Le long ; racine longue , blanche, presque d'égale gros- seur dans toute sa longueur. 2° Le rond ou royal ; semblable à un navet rond ; plus hâtif, et réussissant bien dans les terres peu profondes. 3° Le bâtard ou de Siam ; un peu jaunâtre , tenant , quant à la forme , le milieu entre le rond et le long. Il est le plus estimé . Les panais aiment un terrain profond , substantiel et frais , surtout bien défoncé , afin que leurs racines puis- sent y pivoter à l'aise. On les cultive comme la carotte, mais on éclaircit davantage le plant , parce que ses fanes sont beaucoup plus larges. Comme ils ne craignent nul- lement les gelées, on les laisse en terre pendant l'hiver , POTAGER. 4X9 pour ne les en tirer qu'à mesure du besoin. Au mois de mars on déplante et replante de suite en autre terre , et à dix-huit pouces de distance, les racines destinées à fournir de la graine. Elle mûrit à la fin d'août , et n'est bonne que pendant un an. PATATE douce, batàte. (Convolvulus batatas ; L. ) % . Des Antilles. Cette plante rampante produit des racines grosses, longues, moelleuses, très - sucrées , ayant un léger goût de rose, surtout lorsqu'elles com- mencent à se passer 5 elles se mangent cuites au beurre ou accommodées comme les scorsonères. Leur culture, très- facile et très-répandue en Amérique, commence à pé- nétrer dans le midi de la France , où on peut les planter en pleine terre. A Paris on en possède trois variétés. i° A racines rlanches ; petite et médiocre. 2° A racines jaunes ; un peu plus grosse , mais aussi peu estimée. 3° A racines rouges ; très-grosse , excellente , fournissant ici des tubercules du poids de cinq à vingt onces. A Saint- Domingue ils pèsent jusqu'à dix livres. Culture. Au commencement du printemps on pré- pare une couche chaude de la même manière que pour les melons, sur laquelle on étend un lit de terre légère de six pouces d'épaisseur. A la mi- avril , lorsqu'elle n'a plus qu'une chaleur convenable, on coupe des racines de patates en tronçons d'un pouce de longueur, et on les plante sur la couche à deux pouces de profondeur et à huit pouces de distance les uns des autres ; ils ne tar- dent pas à pousser. Lorsque les jets ont atteint huit à dix pouces de longueur , on les déplante avec précau- tion , on coupe toutes leurs feuilles , excepté celles du bout de la tige -, puis on les plante comme nous allons dire. Dans le midi on défoncera une planche de quatre pieds de largeur, et on en ameublira* parfaitement la 420 DU JARDIN terre. Ou tracera au cordeau deux lignes à deux pieds l'une de l'autre , et on les ouvrira en sillons, dans lesquels on couchera les jeunes plantes obliquement, de manière à ce que leurs racines soient enfoncées à trois ou quatre pouces , et que l'extrémité seulement de la tige sorte de terre. On les espacera de deux pieds, afin de leur faire former l'échiquier. Si la terre est sèche , on arrose -, on sarcle et on arrache les mauvaises herbes. 11 n'y a pas d'autres soins à prendre jusqu'à la récolte , qui a lieu vers le milieu d'octobre, si ce n'est celui d'arroser ample- ment toutes les fois qu'il en sera besoin. Dans les environs de Paris , pour obtenir un plus grand produit, on les plante de même, mais sur une couche sourde que l'on a recouverte de dix pouces de bonne terre légère , mélangée par égale portion à du terreau très-consommé. Enfin on a encore une méthode de plantation plus avantageuse pour les climats tempérés. On élève en dos d'âne mie espèce de butte de deux pieds et demi de hauteur sur autant de largeur. On plante les racines de patate au sommet , et on entoure le tout avec de bons réchauds de fumier chaud, que l'on renouvelle toutes les fois qu'il est nécessaire. Lorsque les jeunes pousses ont un pied de long , on coupe les feuilles comme nous avons dit , on les incline et recouvre de six pouces de bonne terre préparée , mais sans les déplanter , et l'on place de nouveaux réchauds, que l'on entretient jusqu'à la récolte. Lorsque l'on arrache les patates , il faut le faire avec beaucoup de précaution , car celles qui seront un peu froissées pourriront sur-le-champ. On les serre pour la consommation dans un lieu sec , ni trop chaud , ni trop froid , et l'on choisit , pour manger, celles qui commen- cent à répandre une suave odeur de rose , signe certain d'une prochaine décomposition. La grande difficulté que l'on rencontre dans cette cul- POTAGER. - 421 ture , c'est de conserver intacts jusqu'au printemps les tubercules qui doivent être replantés. On y parvient ce- pendant en choisissant parmi les plus beaux ceux qui n'auront pas la moindre égratignure , et en les enter- rant par lits, mais isolés les uns des autres,' dans du sable fin et très-sec , dans une caisse que l'on tient à l'abri des plus petites gelées, de la moindre humidité , et dune chaleur capable de les faire pousser. Pour cela on enve- loppe la première caisse de paille bien sèche , on la place dans une seconde , et le tout se met dans un tas de paille brisée ou de litière sèche , qui maintient une tempéra- ture convenable toujours au même degré. PERCE - PIERRE , passe -pierre , bacile , criste ma- rine , CRÊTE MARINE , FENOUIL MARIN, HERBE SAINT-PIERRE. ( Crithmum rnaritimum; L.) ^ . Indigène. On fait peu d'usage de cette plante, qui croît naturellement aux bords delà mer. On fait confire ses feuilles au vinaigre , et elles servent d'assaisonnement. On la sème sur couche en mars , ou , aussitôt la maturité de la graine , en pleine terre légère, qu'on tient constamment humide, à bonne exposition. Celle semée sur couche se repique au pied d'un mur au midi ou au levant , ou , mieux \ dans les trous de vieux murs , les fentes de pierres , à même ex- position. On la couvre de litière sèche pendant l'hiver , parce qu'elle est délicate et sensible aux gelées. On re- cueille ses feuilles sur la fin de l'été. Ses graines ne lèvent plus passé le printemps suivant. PERSIL. (Apium petroselinum ; L.) cf. De la Sar- daigne. C'est une des plantes les plus employées en cui- sine pour assaisonnement et fourniture. On en possède plusieurs variétés. i° Le commun (vulgare) , que tout le monde connaît. 2° Le frisé , ou crépu ( crispum ) , dont les graines produi- sent souvent le persil ordinaire. 3° Le nain très- frisé ; très-lent à monter. 422 DU JARDIN 4° Le panaché ( variegatum ) ; gelant facilement ; feuilles jaspées de blanc jaunâtre. 5° A larges feuilles ( Icitifolium) ; sujet à avorter. 6° A grosses racines (tuberosum); dont on mange la racine. 7° De Naples ou persil-céleri; beaucoup plus grand que les autres variétés , et dont on mange les côtes lorsqu'elles ont été blanchies comme le céleri. On sème le persil depuis mars jusqu'en août , dans toute espèce de terre, pourvu qu'elle ait été bien ameublie, en rayons, en planches, en bordure ou à la volée. Ses graines lèvent en trois semaines si on arrose , ce qu'on doit con- tinuer de faire jusqu'à ce qu'il soit assez fort pour être abandonné à la nature. Les variétés de Naples et à gros- ses racines doivent être éclaircies de manière à se trouver espacées d'un pied à peu près. On butte la pre- mière aux approches de l'hiver, et on arrache l'autre pour la conserver dans la serre. Les graines sont bonnes pendant deux ans. PICRIDIE COMMUNE , CULTIVÉE, TERRE CRÉPIE.) PlCrî- dium vulgare; H. P. } 0. Cette plante indigène, d'un usage fréquent en Italie , a été naturalisée dans nos po- tagers par M. Vilmorin. On la sème en avril dans une terre légère et chaude , et on lui donne de fréquens ar- rosemens dès qu'elle commence à prendre de la force. Ses feuilles , pendant qu'elles sont jeunes et vertes , se coupent journellement pour être mangées en salade. PIMENT ANNUEL, PIMENT CERISE, POIVRE-LONG , POI- VRON , CORAIL DES JARDINS , POIVRE d'InDE , DE GUINÉE , DU Brésil. ( Capsicum annuum; L. ) 0 . Les fruits de cette plante originaire des Indes se confisent au vinaigre , avec ou comme les cornichons, avant leur maturité. Lors- qu'ils sont mûrs, on les fait sécher au soleil ou au four, on les pulvérise, et on s'en sert pour remplacer le poivre. Pour ce dernier usage, si on veut lui donner l'appa- rence du véritable poivre , voici comment on agit. Quand le fruit est encore mou , on l'ouvre et on en POTAGER. 42^ enlève scrupuleusement les graines , on le coupe en tran- ches et on le pétrit dans de la pâte de seigle ; on laisse cette pâte fermenter pendant vingt-quatre heures , puis on la porte dans un four, non pas pour la faire cuire, mais pour la dessécher seulement. Lorsqu'elle est dure et sèche , on la réduit en poussière dans un mortier , et on la sert dans les salières sur la table. Le piment ainsi préparé porte dans le commerce le nom de poivre in- digène. On cultive plusieurs variétés de cette plante , plus en usage dans le midi que dans le nord de la France ; les principales sont : les pim eus ordinaire , rond, gros doux d'Espagne, tous trois à fruits rouges , et le pi- ment tomate, à fruits jaunes , doux , ayant la forme d'une tomate. On les sème, dans le climat de Paris, sur cou- che en février ou mars , pour les repiquer en mai , dans une bonne terre à l'exposition du midi , et à la distance d'un pied les uns des autres. Dans le midi on les sème sur couche dès les premiers jours de février , et on les met en pleine terre quand les froids ne sont plus à craindre. Les graines se conservent bonnes pendant plusieurs an- nées. PETITE PIMPRENELLE. (Poterium sanguisor- ba;L. ) % , Elle croît spontanément dans presque tous les prés de la France , et ne s'emploie guère que comme fourniture de salade. Au printemps ou à l'automne on la sème en rayons ou à la volée , dans tous les terrains , mais mieux en terre légère et sèche \ on la sarcle au be- soin , et on l'arrose un peu pendant les chaleurs. On peut encore la multiplier d'éclat des vieux pieds , que l'on replante à six ou huit pouces de distance , mais ce moyen ne vaut pas le premier. Elle n'exige aucun soin , et repousse d'autant plus qu'on la coupe plus souvent. Sa graine est bonne pendant deux ou trois ans. POIREE , bette , blète. (Beta vulgaris ; L.) à petites feuilles , à feuilles étroites y gaufrée ou frisée. Pour les maintenir plus sûrement avec leurs singularités , on les cultivera dans une terre maigre et légère. SCORSONÈRE d'EspAGNE , salsifis koir , salsifis d'EspAGNE. (Scorzonera hispanica ; L. ) JARDIN FRUITIER, b. Enveloppe en cône. . • Pin à pignon. c. Enveloppe hérissée; arbres de première grandeur Hêtre. Châtaignier. d. Enveloppe non hérissée ; arbrisseau. . Pavier doux. e. Enveloppe membraneuse Pistachier. DEUXIÈME DIVISION. FRUITS A DEMI-ENVELOPPE PULPEUSE, MAIS CORIACI. a. Arbre de première grandeur Chêne. b. Arbre de troisième grandeur Noisetier. TROISIÈME DIVISION. FRUITS A ENVELOPPE PULPEUSE , SÈCHE OU AMÈRE. a. Arbre de première grandeur Noyer. b. Arbre de moyenne grandeur Amandier. QUATRIÈME DIVISION. a. Arbres de troisième grandeur Pêcher. Abricotier. b. Arbre de grandeur moyenne Prunier. e. Arbres de première grandeur Cerisier. Micocoulier. d. Grand arbrisseau Cornouiller. CINQUIÈME DIVISION. FRUITS A PEPINS ET A CHAIR PLUS OU MOINS FERME. a. Arbres de moyenne grandeur Cognassier. Poirier. Pommier. Sorbier. b. Arbres de troisième grandeur, à graines osseuses. . . Néflier. Bibacier. Azerolier. Alisier. CAROUBIER. ,/}5l SIXIÈME DIVISION. FRUITS EN FORME DE RAIE, ET A PULPE PLUS OU MOINS LIQUIDE. A. Baies agglomérées en tête sphérique ou ovale. a. Arbres de moyenne grandeur Mûrier. Brous sonnette r. b. Arbre de troisième grandeur Arbousier. c. Arbustes Framboisier. Ronce. B. Baies solitaires , ou réunies en grappes lâches. a. Arbre de moyenne grandeur Plaqueminier. b. Arbrisseau sarmenteux et grimpant. . Teigne. c. Arbrisseaux formant buisson Groseillier. Épine-vinette. Myrtille. CLASSE DEUXIÈME. ARBRES CRAIGNANT LE FROID , ET NE RÉUSSISSANT EN PLEINE TERRE QU'AU-DESSOUS DU 43e DEGRÉ DE LATITUDE, a. Fruits à noyau Olivier. Jujubier. b. Fruits à pépins Goyavier. Oranger. Grenadier. c. Fruits en baies Figuier. Eugenia. PREMIÈRE CLASSE. PREMIÈRE DIVISION. Fruits à enveloppe non pulpeuse. CAROUBIER commun, caroube a silique. (Ceratonia siliqim; L. ) 7} . De la France méridionale. Cet arbre de 452 JARDIN FRUITIER, troisième grandeur donne en août ses fleurs en épis axillaires, petites, d'un pourpre foncé. Il leur succède une silique longue d'un pied, plate, charnue, à plusieurs loges, renfermant des graines plates. Elles sont placées dans une pulpe rougeâtre , sucrée , bonne à manger quand elle est sèche , mais légèrement laxative. Culture. Le caroubier aime une terre franche , chaude, amendée, et une exposition contre un mur au midi , où il faut encore l'abriter pendant l'hiver en le couvrant de litière et de paille longue arrangée en ca- puchon. Malgré ces précautions il gèle quelquefois pen- dantles hivers rudes ; aussi fera-t-on bien, sous le climat de Paris, d'en avoir quelques pieds en orangerie. On le multiplie de graines , que l'on sème au printemps dans des pots enfoncés dans une couche chaude , et recou- verts d'une cloche ou d'un châssis. Lorsque le plant est assez fort pour résister à la pleine terre , on le dépote et on le plante sans défaire la motte ni toucher aux raci- nes. On l'arrose , mais modérément , à moins que la cha- leur soit très-forte et la terre absolument sèche. On peut encore le multiplier de marcottes par étranglement , mais elles sont longues et difficiles à reprendre. Le fruit mûrit rarement à Paris : aussi ne cultive-t-on beaucoup cet arbre que dans le midi. Son bois extrêmement dur passe pour être incorruptible. PIN À PIGNONS, PIN CULTIVÉ, PIN-PIGNIER, FRANC-PIN. (Pinus pinea; L.) ^ . De la France méridionale. Le tronc de cet arbre très-élevé se divise à son sommet en beaucoup débranches étalées horizontalement et diffu- ses. Ses cônes, atteignant quelquefois quatre pouces de diamètre sur quatre pouces et demi de longueur , sont solitaires. Leurs amandes sont grosses, longues de huit à dix lignes , et renfermées dans des pignons gros et fort durs. Elles sont fort bonnes à manger, soit crues, soit en pralines ou dragées 5 mais elles rancissent promptement, et en cet état elles sont malfaisantes. On en tire une PIN A PIGNONS. 453 huile très-douce , comparable à celle d'amande , et on leur accorde plusieurs vertus médicinales. Dans quelques pays on les sert sur la table au dessert. Pour les retirer des cônes, on expose quelque temps ceux-ci à la chaleur d'un four qui fait entre-bailler les écailles 5 mais il est à observer qu'ainsi traitées elles ne valent plus rien pour semer. Quand on veut les employer à ce dernier usage, il faut attendre que les écailles se soient ouvertes d'elles- mêmes par la température de l'atmosphère , ou , mieux , on les place sous des cloches de verre au soleil. Le bois de cette espèce de pin est assez blanc, médiocrement résineux , léger et propre seulement aux constructions navales. Culture. Cet arbre , d'un fort joli aspect à cause de son feuillage persistant , est un des plus délicats de son genre ; cependant il réussit assez bien dans tous les sols, quoiqu'il préfère les terres franches, légères, ou sablon- neuses et un peu humides. Il n'aime pas, comme les au- tres, les. lieux élevés et froids. Dans le midi on sème ses graines aussitôt leur récolte , en pleine terre à peine grattée , en planches 5 ou en place à l'exposition du le- vant pour que les chaleurs de l'été ne nuisent pas aux jeunes plants. Il est même bon de les ombrager en semant à côté d'eux des plantes potagères et annuelles dont le feuillage élevé les garantira des rayons du soleil. Si le semis était trop épais , on l'éclaircirait l'année suivante aux mois d'avril et de mai? et l'on pourrait repiquer les plants qui seraient de trop, dans les endroits où il en manquerait 5 ils reprendraient fort bien, pourvu qu'on n'altérât en rien leurs racines. On sarcle et on arrose. La seconde année, on le met en pépinière ou en place, mais toujours avec l'extrême précaution de ne rien cou- per ni à ses branches , ni à ses racines, et de l'enlever avec la motfeet Du reste,, on le conduit comme les autres ar- bres, à la taille près,, qu'il -ne souffre pas. Sous le climat de Paris il est un peu plus difficile à 4$4 JARDIN FRUITIER, élever, parce qu'il craint le froid pendant les deux on trois premières années. On le sème en terre de bruyère et en terrine , que Ton tient constamment un peu hu- mide et dans un lieu ombragé. La première année on lui fait passer l'hiver dans l'orangerie, et la seconde on dépote , on divise la terre en autant de petites mottes qu'il y a de plants, mais avec la précaution de la casser et non delà couper; puis on repique en plate-bande de terre légère ou de bruyère, au levant. On garantit des grands froids avec de la litière ; et , lorsque le jeune plant est assez fort , on le met en place. Dès-lors il devient plus rustique et craint moins les gelées ; on peut l'abandonner à la nature. HETRE DES BOIS, FAYARD, F AU , FOUTEAU. (FagUS syhatica; L.) 7} . Indigène. Nous ne parlons ici de cet arbre superbe de quatre-vingts à cent pieds, si commun dans nos bois , qu'à cause des grands services que ses fruits rendent aux habitans des campagnes oùil se trouve. La faîne ? oufouesne, ressemble assez à une petite châ- taigne triangulaire; elle mûrit en octobre^ et sa saveur approche de celle de l'aveline. On en tire une huile très-douce et qui a beaucoup d'analogie avec celle de noisette ; mais elle a cette singularité , qu'elle acquiert de la qualité en vieillissant au lieu de la perdre et de rancir comme les autres. On l'emploie en cuisine pour éclairage, et dans la parfumerie. Outre son huile, la faîne sert encore à nourrir et à engraisser les animaux domestiques, et particulièrement les porcs. Le bois du hêtre est léger, assez dur, et sert à dilférens usages. Culture. Cet arbre vient bien dans tous les terrains, mais il acquiert une grosseur énorme dans les sols gra- nitiques, légers, profonds et un peu humides; il réussit même dans les terres crayeuses et dans le sable pur. On le multiplie de graines semées aussitôt leur maturité, à la volée ou en sillons, dans une terre ameublie par de bons labours. On fait tremper la faîne pendant vingt- HÊTRE, CHÂTAIGNIER. /±55 quatre heures dans de l'eau de fumier, afin de lui com- muniquer un goût désagréable , capable d'en détourner les mulots , qui en sont très-avides. On la mélange avec de l'avoine ou de l'orge , pour que ces plantes tiennent le jeune plant à l'ombre pendant sa première jeunesse. Ceci ne doit s'entendre que pour les semis en grand et sur place. Si on a semé en petit, afin de se procurer des sujets pour greffer les variétés d'ornement , on sarcle et on arrose même au besoin ; puis on repique en pépinière quand ils ont un pied de hauteur. On greffe les variétés par les procédés n° i3 , i4, 5 , 3 , et 1 ; puis , lorsque la reprise est certaine , on met en place. On peut encore se procurer de jeunes hêtres en allant chercher des plants dans les forêts , et en observant de choisir toujours les plus petits , parce qu'ils reprennent beaucoup plus faci- lement. CHATAIGNIER commun. (Fagus castanea ; L. Cas- tanea vesca;WiLD.) T) . Indigène. Cet arbre de première grandeur, à racines pivotantes, produit un fruit trop connu pour que nous perdions du temps à le décrire. Dans quelques provinces les habitans de la campagne en font leur principale nourriture. Son bois sert en char- pente et en menuiserie ; mieux que tout autre il se con- serve dans l'eau. Avec ses jeunes tiges on fait des cer- ceaux et des échalas. On en connaît plusieurs variétés, dont plusieurs paraissent être uniquement le résultat du terroir. A. Les marrons ; fruits plus ronds , beaucoup plus gros et plus parfumés que les châtaignes. 3. De Lyon , d1 Aubray , d'Agen , de Luc , le plus gros et le meilleur de tous. Il présente plusieurs sous-variétés , qui diffèrent par la grosseur. B. LES CHATAIGNES. a. L'égalade; très-grosse, aplatie, excellente. b. La pourtalonne ; grosse , bonne ; arbre productif. 456 JARDIN FRUITIER, c. La verte du Limousin; grosse, bonne 5 se conservant très-bien. d. La printanière ; médiocre en grosseur et en qualité , mais précoce. e. La royale Hélène; grosse, lisse, visqueuse à l'extérieur. f. La royale rlanche ; grosse, bonne; presque aussi pré- coce que la précédente , jaunâtre. g. La gamaude ; très-grosse et très-bonne. Elle est remar- quable par le duvet qu'elle conserve à la pointe. h. La grande épine; dont l'enveloppe est couverte d'épines très-longues. II. en existe encore plusieurs variétés, mais toutes inférieu- res en qualité à celles que nous venons de nommer. Culture. Cet arbre exige, pour réussir, une terre fran- che,' légère, ou granitique, ou sablonneuse, mais un peu sèche. Dans les sois gras, frais, ou même calcaires, il périt ou végète maigrement sans donner de fruits. On multi- plie l'espèce par le semis , et les variétés par la greffe. Quand on veut semer, on conserve les plus belles châtai- gnes dans leurs coques jusqu'à ce qu'elles en sortent elles- mêmes en les agitant un peu 5 ou, mieux , on choisit sous les arbres les plus grosses qui en sont tombées naturel- lement. On les laisse un peu sécher à l'ombre, et on les met stratifier dans du sable , ou simplement dans un trou de dix-huit pouces de profondeur, creusé dans l'endroit le plus sec du jardin. Si l'on n'a pas à craindre les mu- lots et les rats, il vaut peut-être mieux les planter en au- tomne , quoiqu'il en lève moins. En février ou mars on ameublit la terre mais sans la fumer, à moins que ce ne soit avec des boues de rues bien consommées et mûries en tas depuis un an au moins. On trace des sillons à deux pieds d'intervalle , et on plante les châtaignes à trois pouces de profondeur et à dix-huit de distance les unes des autres. Si l'on opère à une exposition chaude, on aura la précaution d'aligner les rangs du nord au midi, afin queîes jeunes plants se partent mutuellement de l'ombrage. On bine la première CHATAIGNIER. 4^7 année , et les années suivantes on donne de légers laboura. Si Ton ne fait pas stratifier, on peut semer en automne et de la même manière que nous avons dit -, mais on placera deux ou trois châtaignes dans^ chaque trou et à deux pouces les unes des autres , afin d'avoir toujours sa pépinière garnie dans le cas où il en man- querait quelques-unes -, quand elles ont poussé , on en- lève avec précaution celles qui sont de trop , et on les repique où il en manque. On élève les sujets sur une tige plus ou moins haute, selon le besoin, et on ne les met en place que lorsqu'ils ont atteint la grosseur du poignet. Dans le Bugey , pays qui fournit les fameux marrons de Lyon, on creuse, un ou deux ans d'avance, des trous de cinq pieds de largeur et de quatre de profondeur, et par des rigoles on y amène les eaux de pluies qui y dépo- sent un limon excellent pour ces arbres. En automne ou au printemps on plante dans ces trous 5 on butte un peu l'arbre pour le faire résister aux efforts des vents, et l'on rabat ses branches latérales. Pour assurer la reprise, il est bon, la première année, de maintenir l'humidité delà terre en la couvrant avec de la paille , de la fougère ou du chaume. L'année après la plantation on le greffe au haut de la tige, ou sur les branches principales , par les •procédés de la greffe en écusson à œil poussant , n° 2 , et des greffes en flûte , nos 63, 64 et 65. On le traite en- suite comme nous l'avons dit à l'article de sa taille : w^ezpage 271. La distance à laquelle on doit placer les châtaigniers les uns des autres dépend de la qualité du terrain dans lequel on les plante, et se calcule sur la grosseur présu- mée qu'ils acquerront un jour; il suffit que leurs bran- ches ne puissent pas se recouvrir, car celles qui seraient dessous ne produiraient pas de fruits. Les châtaignes sont ordinairement récoltées un peu avant leur maturité, parce que les arbres étant souvent 458 JARDIN FRUITIER, éloignés des habitations, et le fruit tombant seul aussitôt qu'il est mûr, il est exposé à être volé. Pour l'abattre , on se sert de longues gaules avec lesquelles on fait beau- coup de mal aux branehes en brisant leurs jeunes ra- meaux et détruisant une bonne partie de la récolte sui- vante ; Mais ceci est un mal nécessaire auquel on ne peut remédier qu'en partie en ménageant les arbres le plus possible. On conserve les châtaignes dans leurs envelop- pes pour qu'elles achèvent de mûrir, et on les tient ainsi pendant deux mois dans un lieu exposé à un cou- rant d'air. On les sépare ensuite de leurs coques, et on les fait sécher au soleil sur des claies. Dans quelques provinces , pour assurer leur conservation , on fait cir- culer de la fumée entre les claies sur lesquelles on les a étendues , ou on les dépouille de leur peau , et on les fait sécher au four. Le CHINCAPIN , OU CHATAIGNIER d' AMÉRIQUE ( CClSta- nea, pinnila , Mich. ) , produit un fruit très-petit et fort «stimé dans son pays. Il se cultive de la même manière , mais il craint le froid sous le climat de Paris. On le mul- tiplie ordinairement de graines-, en le greffant sur le châtaignier commun , on pourrait en obtenir, dans le midi , des résultats plus satisfaisans. PAYIER DOUX , A GRANDS ÉPIS, NAIN. (JEsCulllS ma- crostachja ; Mich. Pavia dulcis; Poit. ) If . De l'Amé- rique septentrionale. Cet arbrisseau, qui a beaucoup d'analogie avec le marronnier d'Inde, donne en juillet et août ses fleurs blanches odorantes et en grappes. Il leur succède de petits marrons qui sont fort bons à manger crus ou rôtis. Le pavier aime une terre fraîche et légère , quoiqu'il réussisse assez bien dans tous les terrains ; si on le peut , on lui donne une exposition à mi-soleil , et ses fruits plus nombreux en sont aussi meilleurs. On multiplie cet arbris- seau de marcottes, de rejetons de racine et de semence. Les premières se font au printemps par incision ou par PAVIER, PISTACHIER. 4^9 étranglement 5 elles reprennent avec assez de facilité ; les seconds se détachent à l'automne ou au printemps. Si on le multiplie par racines , on en coupe au printemps un tronçon de la grosseur du petit doigt et de sept à huit pouces de longueur 5 on l'enfonce verticalement dans une terre légère , fraîche et ombragée 5 on le recouvre d'un peu de litière, et il ne tarde pas à pousser des jets. Quant au semis , on le fait de la même manière que celui du châtaignier ordinaire, c'est-à-dire qu'on met les marrons stratifier en automne , et qu'on les plante en pépinière au printemps. L'année suivante on sépare les jeunes plants en laissant une petite motte de terre à chacun, et on les met en place , où ils ne demandent plus que des soins ordinaires. Cependant il est prudent de les abriter des gelées en les couvrant de litière pendant les deux pre- miers hivers au moins. Comme le pavier doux produit ses fleurs au bout des rameaux , on ne peut le soumettre à une taille régulière sans diminuer ses récoltes. PISTACHIER cultivé. ( Plstacia ver a aut irifo- lia; L.) Tp. De la Syrie. Cet arbre, de vingt pieds de hauteur à peu près , est naturalisé en France et pourrait être plus répandu sous le climat de Paris , où il résiste assez bien aux gelées. Il fleurit en mai ; ses fleurs mâles sont sur un individu et ses fleurs femelles sur un autre , de manière qu'il faut les posséder tous les deux pour obtenir des récoltes. Le fruit consiste en une petite noix de la grosseur et de la figure d'une olive , dont l'amande verdâtre et huileuse est assez agréable au goût ; elle est connue dans le commerce sous le nom de pistache et sert à préparer des bonbons , des dragées , etc. Culture. Le pistachier non greffé aime une terre franche, légère, et une exposition chaude , contre un mur au midi , où on peut le palisser en espalier sans pour cela le soumettre à la taille. Greffé sur térébinthe (pistacia terebinthus , L.), il est beaucoup plus vigoureux, ses fruits sont plus gros, et il s'accommode de tout terrain. On 46o JARDIN FRUITIER, le multiplie encore de marcottes, et beaucoup plus avan- tageusement de semence. Aussitôt la maturité des fruils on les sème en terrine ou en pots, que l'on enfonce dans un ecouche tiède , et que l'on recouvre d'un châssis si l'on veut hâter la germination. Lorsque les jeunes plants ont une certaine force, on les sépare avec la motte, et on les plante soit en pleine terre si on cultive dans le midi , soit dans des pots plus grands si c'est sous le climat de Paris; dans ce cas on les conserve en orangerie pen- dant les trois ou quatre premières années, après quoi on peut les mettre en pleine terre , mais avec la précau- tion de les couvrir de paille pendant les grands froids. Un seul mâle sert à la fécondation de beaucoup de fe- melles , mais il faut pour cela qu'il en soit assez près pour que le vent puisse facilement transporter la pous- sière de ses étamines. Dans la Sicile ,, les paysans, pour obtenir des récoltes plus abondantes, emploient le moyen d'une fécondation artificielle. Lorsque les fleurs du pis- tachier mâle sont sur le point de s'ouvrir, ils les Cueil- lent et piquent leurs pédoncules dans de la terre hu- mide , dont ils ont rempli un vase -, ils suspendent cet appareil aux branches des pistachiers femelles, et le laissent jusqu'à ce que les fleurs soient entièrement des- séchées. Ou bien encore ils remplissent de fleurs mâles de petits sacs de toile claire , et vont les secouer sur les fleurs femelles à mesure qu'elles éclosent. Nous avons souvent comparé les pistaches récoltées dans notre éta- blissement avec celles qui nous viennent du midi, et nous n'avons jamais vu la moindre différence ni dans la qualité, ni dans la grosseur. Il serait donc avantageux dans les environs de Paris de multiplier davantage cet arbre. PISTACHIER, CHÊNE. fôl DEUXIÈME DIVISION. Fruits à demi-enveloppe pulpeuse , mais coriace. i° CHENE a glands doux ou ballotte. {Quercus bal- Iota; Desf. ). 7} . Originaire des environs d'Alger. Dans les Pyrénées et en Espagne on sert sur les tables , au dessert , le gland de cette espèce 5 il est doux, mucila- gïneux , et son goût approche assez de celui de la noi- sette. Cependant on pourrait cultiver d'autres espèces, dont les fruits ne lui céderaient en rien pour la saveur 5 voici les principales : 20 Chêne yeuse ou chêne vert ( quercus ilex; L. ) ; de la France méridionale; glands doux, mais de médiocre qualité. Dans les environs de Paris cet arbre souffre quelquefois des gelées. 3° Chêne blanc ( quercus aîba ; L. ); d'Amérique. Arbre très-gros ; glands doux , assez gros. Il réussit bien dans les plus mauvaises terres. 4° Chêne étoile (quercus stellata ;Wilt,d, ) ; d'Amérique, Arbre moyen ; glands d'une médiocre grosseur, doux et bons. 5° Chêne châtaignier (quercus castanea; Willd.) ; d'Amé- rique. Arbre très-grand; glands doux et bons , mais petits. 6° Chêne bicolore (quercus bicolor; Willd.); d'Amérique. Arbre un peu moins grand que le précédent ; glands assez gros , brunâtres , doux et assez bons. Il croît dans les terrains humides. 70 Chêne prin (quercus prinu s ; L.); d'Amérique. Il aime les terrains humides , mais il craint quelquefois la gelée dans les environs de Paris ; glands d'une grosseur médiocre , assez bons. Il existe encore quelques espèces dont les glands sont doux, mais d'une saveur si médiocre qu'on ne peut guère les faire entrer dans la nomenclature des substances alimentaires. D'ailleurs elles sont toutes indiquées à l'article chêne, dans le quatrième volume de cet ouvrage. Culture. Les chênes sont des arbres à racines pivo- 462 JARDIN FRUITIER, tantes ; ils aiment , par conséquent , les sols profonds. On les multiplie de semence , et par les greffes en approche et en fente -, mais ces derniers moyens ne sont employés que pour les espèces rares , dont on ne peut se procurer les fruits que difficilement. On choisit les glands les plus beaux et les plus mûrs , et on donne la préférence à ceux qui sont tombés naturel- lement , surtout lorsqu'ils sont pesans et colorés. On sème en place ou en pépinière. Dans le premier cas , après avoir bien fait défoncer ou même miner le ter- rain , on trace des sillons dans lesquels on jette les glands à l'automne, ou seulement au mois de février, si on les a mis stratifier, ce qui est plus avantageux pour les espèces rares , parce qu'on en perd moins par la pour- riture ou les mulots. Si l'on veut un taillis épais , on es- pace les sillons à quatre ou cinq pieds les uns des autres , et l'on met les glands à deux ou trois pieds d'in- tervalle sur chaque ligne ; on est libre ensuite d'éclaircir et de replanter dans les endroits où il en a manqué , en employant la méthode de transplantation que nous en- seignerons plus bas. Le semis fait , on recouvre de trois pouces de terre. Si l'on sème en pépinière , l'opération est tout-à-fait différente. On creuse des plates-bandes à peu près d'un pied de profondeur , et on y établit un lit de planches ou de toute autre chose , que des racines ne peuvent pas percer. On jette sur ce fond huit à dix pouces de bonne terre bien meuble , et l'on sème dedans au printemps , en recouvrant les glands comme nous l'avons dit, et en les espaçant d'un pied , afin de pouvoir les y laisser trois ou quatre ans , âge auquel ils supportent mieux la trans- plantation. Par ce moyen , lorsqu'on déplantera les jeunes chênes pour les transporter ailleurs , on aura très- facilement toutes leurs racines , sans être obligé de cas- sec le pivot , ce qui , le plus ordinairement , est la cause que l'arbre ne se développe jamais bien. CHÊNE. 4^3 Dans tous les cas, toutes les fois que l'on voudra transplanter un jeune chêne , il faudra que le trou dans lequel on doit le mettre soit fait d'avance , afin qu'on n'ait à laisser ses racines exposées à l'air que le moins de temps possible ; on le déplantera avec beaucoup de précaution pour ne pas les blesser ou les rompre , et surtout on n'en coupera aucune sous quelque prétexte que ce soit , à moins qu'elle soit malade ou fracturée. Si l'on peut enlever les plants avec la motte , on sera bien plus certain du succès. On place dans les trous , et on fait glisser autour des racines de la terre très-meuble, qu'on presse un peu avec les pieds pour ne laisser au- cun vide , mais avec précaution , afin de rompre le moins possible de chevelu ; puis on arrose abondam- ment. La plantation doit se faire en automne ; cepen- dant , dans les terrains gras et humides , surtout lors- qu'on craindra qu'il ne s'amasse de l'eau dans les trous , on retardera jusqu'en février ou même en mars. On choi- sira un jour pluvieux , ou au moins sombre et couvert, et surtout on évitera le froid. La reprise de ces arbres est difficile dans les environs de Paris , et cependant , en Flandre et dans quelques autres provinces du nord de la France , nous les avons vu planter en avenues et re- prendre avec la plus grande facilité. Si Ton a fait un semis de chênes verts, particulièrement de ceux d'Amérique, on fera très-bien de les abriter des fortes gelées pendant les trois ou quatre premiers hi- vers. Pour cela on emploie de la grande litière sèche ou de la paille. Du reste , on cultive une pépinière de chênes comme une autre , et on lui donne les mêmes soins. On voit , par ce que nous venons de dire , que le chêne, si robuste lorsqu'il est parvenu à un certain âge, est un arbre délicat dans sa jeunesse. Il faudra donc lui donner tous les soins qu'il mérite , plus encore pour l'utilité de son bois que pour ses fruits. 464 JARDIN FRUITIER, NOISETIER , coudrier. ( Corylus. ) T? • Tontes les espèces de ce genre produisent un fruit dont l'amande , douce et agréable , fournit une huile bonne en cuisine quoique peu employée , et utile en médecine. Les con- fiseurs se servent de noisettes pour faire des dragées. On en cultive plusieurs espèces et quelques variétés. i° Noisetier commun ou avelinier ( corylus avellana; L. ) ; indigène. Il a fourni les variétés suivantes : a. Noisetier franc à amande blanche {avellana sativa vul- garis) ; fruit long, précoce, excellent, à coque tendre. b. Noisetier à fruit rouge {avellana f rue tu rubente)-, fruit long, semblable au précédent. c. Noisetier à feuilles cV ortie , dont on a fait une espèce sous le nom de corjlus urticœfolia. Nous l'avons vu chez M. le comte de Montmorenci à Montgeron. Il ressemble par son feuillage au charme à feuilles de chêne ; mais ses feuilles sont un peu plus grandes et plus profondément dentées. Du reste, c'est une variété très-curieuse. d. Aveline des bois ; fruit petit, rond, assez bon, e. Aveline de Provence; fruit rond , à pellicule blanche, à coque épaisse et dure : très-bon. f. Grosse aveline de Provence; mêmes formes et qualités, mais beaucoup plus gros. g. Noisetier à feuille pourpre -, fruit long, très-bon. 20 Noisetier avelinier rouge {corjlus tubulosa ;Willd.) y indigène. Les jardiniers en font une variété du précédent, et lui donnent le nom de corylus avellana fructu rubente maxi- mo, à cause de la couleur rouge et de la grosseur de son fruit. Le noisetier à fruits ovales { corylus grandis) des jardiniers, n'en est qu'une variété; fruit précoce, très-bon, ovale , à pellicule blanche ; coque tendre. 3° Noisetier a fruits en grappes ( corylus glornerata ) ; es- pèce dont le fruit est fort bon , précoce, rond , et très-gros. 4° Noisetier cornu ( corylus rostrata; H. K. ) ; de l'Améri- que septentrionale. Il a la coque très - épaisse et l'amande petite , mais bonne : il est rond. 5° Noisetier glabre {corylus colurna ; L.); d'Orient. Fruit petit, d'une qualité médiocre , rond. NOISETIER. 4^5 6° Noisetier d'Amérique ( corylus americana; mich. ) ; fruit rond , petit et assez bon. 7° Noisetier de Byzance ( corylus bizantina ; L. ) ; feuilles très-velues , fruit très - petit , inférieur en qualité si on le compare à la première et à la seconde espèces ; son amande est huileuse. L'arbre croît fort vite et acquiert une élévation de quarante à cinquante pieds. Culture. Les noisetiers sont des végétaux qui peu- vent à volonté former des buissons ou des arbres. Voyez page 272. Ils réussissent bien dans tous les terrains et à toute exposition -, aussi est-on dans l'usage de les placer dans des lieux froids et ombragés , où aucun autre arbre fruitier ne réussirait : cependant ils préféreraient une terre légère , ou même un peu sablonneuse , fraîche et humide , ainsi que l'exposition du levant et du couchant. On peut les multiplier de semence , nfais alors il faut les greffer , car rarement ils donnent des fruits aussi bons que ceux qu'on a semés. Les modes de multiplica- tion les plus sûrs et les plus prompts sont la marcotte , qui s'enracine assez facilement quand on la fait par étranglement en automne 5 les rejetons enracinés que l'on sépare en automne , et qui reprennent très-bien , et enfin les boutures. Ils ne donnent guère leurs fruits que la deuxième ou troisième année. Le bois de noisetier ne sert qu'à de petits usages ; et le meilleur parti qu'on puisse en tirer , c'est d'en faire des cerceaux et des liens. On a cru remarquer que , coupé précisément dans le moment de la chute des feuilles , il durait trois fois davantage qu'abattu en hiver et au printemps. Si nous nous en rapportons à Haller et à Daubenton , cet arbre vivrait très- vieux , et serait ca- pable de prendre un très-grand développement. Le pre- mier dit en avoir vu un dans le jardin de Leyde , en 1727, qui y avait été planté par Charles de l'Écluse 5 il avait plus de quarante pieds de haut et dix pouces de dia- 2. 3o 466 JARDIN FRUITIER, mètre. Le second dit en avoir vu un de cette taille , et qui ne dépérissait point encore. TROISIÈME DIVISION. Fruits à enveloppe pulpeuse , sèche ou ainère. NOYER. (Juglans.) T). Si l'utilité la plus générale servait à classer les individus , le noyer serait à la tête de toutes les nomenclatures § son fruit , son bois, ses feuilles , ses fleurs, toutes ses parties enfin sont employées avantageusement en économie domestique, en médecine et dans les arts. L'amande contenue dans la noix est ali- mentaire quand elle est nouvelle : sèche , elle fournit une huile employée en cuisine et en peinture • son brou , ainsi que les feuilles, les racines et Técorce, servent aux teinturiers à fake une couleur très-solide -, les coquilles et le reste du fruit sont sudorifiques ; le bois est un des plus beaux et un des meilleurs que puissent employer les menuisiers, ébénistes, armuriers, etc. On cultive plusieurs espèces et variétés de noyers. i° Noyer cultivé (juglans regia;L.) ; d'Asie. Arbre su- perbe , à bois excellent , et dont les fruits diffèrent selon la variété. a. Noyer commun ; fruit ovale , arrondi , de grosseur mé- diocre, mais plein et fournissant beaucoup d'huile. Arbre très-productif, donnant un très-bon bois. b. Noyer à coque tendre ou noyer mésange ; fruit plus précoce , plus allongé que le précédent j moins plein ; bois plus tendre, mais bon. c. Noyer tardif (juglans serotina; H. Par. ). Le vrai mé- rite de cette variété, c'est de ne fleurir qu'à la fin de juin , ce qui la met à l'abri des gelées de printemps. Le fruit ne mûrit qu'au commencement d'octobre , est bon à manger en cer- neaux , et fournit assez d'huile. d. Noyer à gros fruits. Il produit ce qu'on appelle les noix de jauge ; fruit très-gros , mais dont l'amande diminue de moitié en séchant et fournit peu d'huile. Arbre assez pro- NOYER. 46" ductif , mais dans de certaines années il tombe beaucoup de fruits avant leur maturité. e. Noyer à fruits anguleux ; noix anguleuses , à coque très- dure et à amande très - bonne , mais fort difficile à extraire. Elle fournit beaucoup d'excellente huile. L'arbre est un des plus grands du genre; son bois dur et bien veiné est le plus estimé de tous. f . Noyer à gros fruits longs ; fruit plein , à coque tendre , à amande excellente. Arbre assez productif, à bois de bonne qualité. g. Noyer à noix à bijoux ; fruit énorme , presque carré , â amande bonne quand elle est nouvelle, mais diminuant beaucoup de volume quand elle sèche , et devenant rance facilement. On se sert de cette variété pour cacher „ dedans la coquille, des gants ou de petits bijoux. Bois tendre. h. Noyer à grappes ; fruits rapprochés cinq ou six ensem- ble , en forme de grappe allongée , de grosseur moyenne , à coque tendre, de même qualité que la noix de mésange. i. Noyer àpetits fruits ronds; coque dure ; noix bien pleine, fournissant beaucoup d'huile. Grand arbre à bois très-dur , très-cultivé dans les environs de Joigny. j. Noyer à fruits mucronnës ; noix allongée , de moyenne grosseur, rugueuse, portant une pointe au sommet, pleine et bonne. Bois dur. 20 Noyer pacanier. {Juglans olivœformis ; H. K. autcylin- drica; encycl. ). De l'Amérique septentrionale. Fruits petits, oblongs , presque cylindriques, de la grosseur et de la forme d'une olive, excellens à manger. L'arbre ne produit qu'à vingt ans , et il est très-sensible au froid. Aussi sa culture ne peut-elle devenir avantageuse que dans le midi de la France. 3° Noyer noir. {Juglans nigra; L.). De l'Amérique septen- trionale. Cet arbre est très-grand , pousse très-vite , ne craint pas les gelées, et fournit un excellent bois à la menuiserie. Son fruit est petit , rond , à coque très-dure et à cloisons ligneu- ses. Nous en avons obtenu de semence une variété dont le fruit est une fois plus gros, et qui croît beaucoup plus vite. Nous l'avons nommée j uglans nigra macrocarpa. 4° Noyer cendré. {Juglans einerea; Mich.). D'Amérique. Son fruit est très-gros, allongé, très-rugueux, mais l'épaisseur 468 JARDIN FRUITIER, de sa coque fait la plus grande partie de sa grosseur. L'arbre est presque aussi grand que le précédent, et son bois s'emploie aux mêmes usages. On connaît encore quelques noyers d'Amérique , tels que Yalba , le porcina , le squamosa, et antres ; mais , comme leurs fruits et leur bois sont inférieurs à ceux des nôtres , nous avons cru inutile de les décrire dans le jardin fruitier. Culture. Les noyers sont des arbres pivotans et dont les racines latérales s'étendent néanmoins fort loin. Ils se plaisent dans les terres profondes , rocailleuses , sa* blonneiises ou légères , et mieux encore dans les rouges et calcaires , où ils prennent d'énormes dimensions. Ils supportent assez bien dix à douze degrés de froid 5 mais , quand le thermomètre descend plus bas ils peuvent être endommagés -, l'hiver de 1709 et celui de 1789 en firent périr un grand nombre. Ils aiment l'exposition du nord et du levant, et réussissent mieux dans les pays montagneux ou entrecoupés de collines que dans ceux qui sont plats. On les multiplie de semence , et on les greffe par les procédés de la greffe en flûte , nos 61 , 62 ; de celle en fente, n° 47., et de celle en écusson, n° 75. On choisit, pour semer, les plus beaux fruits du noyer commun ou même de celui à fruits anguleux si on doit greffer , et dans le cas contraire les plus grosses noix des variétés que l'on veut multiplier. On les laisse dans leur brou jus- qu'à ce qu'elles s'en détachent naturellement , et on les met stratifier au commencement de l'hiver. Une très- bonne méthode , qui fournirait des arbres forts et vi- goureux , serait de semer en place ; mais , comme les noyers se plantent ordinairement assez loin des habita- tions , il serait fort difficile de les surveiller pendant leur premier âge , et d'empêcher le bétail de les fouler aux pieds. Ouest donc dans l'usage d'en former des pépi- nières. On défonce un terrain à dix-huit ou vingt pouces de profondeur,' et on s'abstient de îe fumer, ^ moins NOYER. 4% que ce ne soit avec un terreau végétal très-consommé. Au mois de février ou de mars , on y trace des rayons à deux pieds et demi d'intervalle, et Ton y place les noix à deux pieds de distance les unes des autres ; on les enfonce à deux pouces ou deux pouces et demi , suivant la grosseur du fruit. On donne les soins ordinai- res à une pépinière , et lorsque les plants sont assez forts pour se gêner, on pense à les éclaircir-, mais, comme ceux qu'on enlève sont propres à être replantés , on choisit une saison favorable à la reprise, c'est-à-dire , le prin- temps. On déplante un pied entre chaque , de manière à ce que les plants se trouvent espacés à quatre pieds les uns des autres 5 on en remet où il en manque, et on rem- place ceux qui sont difformes ou d'une mauvaise venue. Dès ce moment on commence à diriger les jeunes su- jets comme nous l'avons dit, page 271 , afin de leur former une belle tige. Quelques personnes sont dans l'usage, la deuxième ou troisième année, de couper à tous les plants les racines qui s'écartent latéralement ; pour cela elles enfoncent verticalement une bêche entre chaque sujet , et à quinze ou dix-huit pouces à peu près de son collet. Il en résulte que les racines raccourcies produisent davantage de chevelu. Cette opération fait souffrir les arbres -, mais cet inconvénient se trouve compensé par la reprise, qui est beaucoup plus sûre. Lorsque les jeunes noyers ont atteint un pouce à un pouce et demi de diamètre , on peut les greffer en haut de la tige , à moins qu'on n'aime mieux attendre qu'ils soient en place et bien repris. Les greffes sont plus su- jettes à se décoller sur cet arbre que sur les autres , surtout celles en écusson ; on lie leurs jets à de petits tuteurs , qui sont eux-mêmes attachés à la tige. Si l'on voulait greiïer un vieux sujet , il ne s'agirait que de rabattre ses branches jusque sur son tronc, et d'écusson- ner sur les jets vigoureux qu'il émettrait. Ces arbres résistent assez bien à la transplantation , fao JARDIN FRUITIER, quand elle est faite avec soin. Autant qu'on le pourra, on les lèvera en motte , et la terre dans laquelle on les plan- tera sera défoncée de trois à quatre pieds. Pour faire cette plantation, on choisira la saison favorable, comme nous l'avons dit plus haut , et on aura égard à la qualité du terrain pour les planter à plus ou moins de distance les uns des autres. Six , sept ou huit toises sont des'espa- ces suffisans en terre ordinaire et pour sujets greffés -, dix à douze ne sont pas de trop pour ceux qui ne le sont pas. Nous observerons que les racines effritent et épuisent beaucoup la terre , et qu elles s'étendent aussi loin que les branches ; que les récoltes sont très -médiocres sous l'ombre de cet arbre ; qu'il lui faut le grand air , et qu'en massif il donne très-peu de fruits. C'est sur ces observa- tions que l'on déterminera la place où on doit le mettre. On est obligé de faire la récolte des noix de la même manière qu'on fait celle des châtaignes, c'est-à-dire, avec des gaules , et il en résulte les mêmes inconvéniens; aussi ne doit-on frapper que légèrement et avec l'atten- tion de ne pas rompre les boutons à fruits et à bois. Les noix s'exposent dans un lieu sec et aéré , jusqu'à ce qu'elles soient faciles à débarrasser de leur brou ; alors on les fait sécher, et on les conserve dans un lieu où la température n'est ni trop chaude , ni trop froide , parce que ces deux extrêmes les font rancir ou les altèrent. AMANDIER. (Amrgdalus communisj'L.) 7? .D'Asie. Arbre de moyenne grandeur , à racines pivotantes. Il fleurit en février et mars avant de se couvrir de feuil- les. Son fruit , connu sous le nom d'amande , est revêtu d'un brou sec ou charnu -, sa coque est dure ou facile à casser , et le noyau est doux ou amer , selon les varié- tés. Son bois est très-dur , quelquefois d'une belle cou- leur rougeâtre , mais il se fend assez facilement à la chaleur. L'amande douce se sert au dessert sur nos tables , soit verte , soit sèche. Avec du sucre on en fait des mas- AMANDIER. 4? f sepains , des macarons , des nougats , des dragées, etc. On en prépare l'orgeat , et on en extrait une huile très- douce, employée en médecine et dans les arts , mais qui rancit facilement. Quel que soit l'usage auquel on em- ploie les amandes , il faut toujours enlever la pellicule jaunâtre qui les recouvre , parce qu'elle contient une poussière résineuse et acre, très-irritante. Elles rancis- sent en un an, et cessent d'être mangeables. Les amandes amères , innocentes pour l'homme , sont pour les oiseaux et quelques autres animaux un poison mortel. Elles fournissent cependant une huile aussi douce que les autres variétés. A. AMANDES DOUCES. I. A coque dure, i. Amandier franc; très-productif; fruit petit, presque rond, à coque épaisse et très-dure ; mûr au commencement d'octobre. Arbre très-grand, à feuilles étroites, d'un vert cendré. 2. Amandier commun a gros fruit; très-productif; fruit gros , très-plein , à coque très-épaisse et très-dure ; mûr en septembre. Arbre moins élevé que le précédent, à feuillage plus large , et d'un vert plus prononcé. 3. Amandier commun a petit fruit; très-productif; fruit long de quatorze à quinze lignes , terminé au sommet par une pointe. Arbre droit, peu étalé, très-grand. 4» Amandier commun a grandes fleurs blanches ; fruit de moyenne grosseur, comprimé; mûr à la fin de septembre, Arbre de moyenne grandeur, à rameaux assez droits. 5. Amandier a larges feuilles ; fruit un peu plus gros que le précédent, comprimé , allongé ; mûr à la fin de septembre, Arbre de moyenne grandeur , à rameaux étalés. 6. Amandier a feuilles de saule ; fruit arrondi , petit ; mûr en octobre. Arbre d'un port élégant et à rameaux érigés. 7. Amandier de Tours; fruit le plus gros de tous, allongé , non comprimé, à coque presque tendre. Arbre de moyenne grandeur et à rameaux lâches. 1^2 JARDIN FRUITIER, 8. Amandier nain de Perse; fruit petit, arrondi. Arbris- seau ne s'élevant guère au-dessus de trois ou quatre pieds, peu fertile. g. Amandier satiné ; fruit petit, presque rond. Arbre très- petit, à fleur d'un rouge vif. Comme il rapporte peu et qu'il est délicat, il ne se cultive guère que pour l'ornement; l'é- clat de ses fleurs et la blancheur de son feuillage produisent un charmant effet. II. A coque tendre. 10. Amande princesse ou des dames; fruit très -estimé, allongé y à coque se brisant facilement entre les doigts ; mûr en août. Arbre très-productif. 11. Amande sultane ; fruit arrondi , aussi estimé, mais moins abondant et plus petit. Arbre plus délicat. 12. Amande pistache ; fruit plus petit encore que le précé- dent, approchant de la forme d'une pistache. Arbre délicat. B. AMANDES AMERES. i3. Amandier a gros fruits ; coque dure 5 fruits arrondis. Arbre fertile, s'élevant très -haut; sa tige blanchâtre lui donne de la ressemblance avec le bouleau. i4« Amandier a fruits moyens ; coque dure ; fruits arrondis. Arbre productif , à écorce comme le précédent. i5. Amandier a petits fruits; il ne diffère des deux précé- dens que par la moindre grosseur du fruit. 16. Amande a coque tendre; fruit moyen, un peu com- primé. Arbre de médiocre grandeur, peu fertile. 17. Amandier-pêcher ; celui-ci paraît être un individu hybride né de l'amandier et du pêcher. Dans les étés chauds, on trouve souvent sur la même branche des pêches et des amandes. Les premières sont grosses, rondes, très-charnues, mais leur pulpe conserve une saveur amère qui ne la rend propre qu'à être mangée en compote ; les secondes sont gros- ses, mais allongées et recouvertes d'un brou sec. Quelquefois l'amande est assez douce. Arbre très - fertile et d'un beau port. 18. Amandier- pêcher nain. Celui - ci , que nous ayons AMANDIER. 47^ obtenu par le semis du précédent, n'en diffère que par sa très-petite taille. Nous en avons encore obtenu plusieurs va- riétés, différant par le fruit ou par l'élévation du sujet , mais trop légèrement pour que nous ayons cru devoir en parler ici. Culture. L'amandier aime une terre légère, pro- fonde et chaude ; il réussit très-bien dans îes sols cal- caires. Au dessus du 46e degré de latitude , il devient très-sensible aux gelées de printemps , et demande une exposition chaude et abritée pour nouer et mûrir sûre- ment son fruit. 11 est rare que plus au nord ses amandes soient bonnes à conserver sèches , quoiqu'elles soient excellentes vertes. C'est le climat de la Barbarie et ceux de la Provence et du Languedoc qui lui conviennent le mieux. On le multiplie de semence et par la greffe. Pour se- mer, on choisit les amandes les plus grosses et les plus mûres , c'est-à-dire , celles qui sont tombées naturelle- ment en se dépouillant de leur coque. On les fait de suite stratifier pour avancer la germination , et on les met en terre au printemps. Si on les sème à l'automne , il faut le faire dans une terre bien défoncée et à deux ou trois pouces de profondeur. Comme il n'est pas certain qu'elles lèveront toutes, on fera bien d'en mettre deux ou trois dans le même trou , à deux pouces de distance les unes des autres : si elles réussissent toutes , on en sera quitte pour arracher les plus faibles le printemps sui- vant. On sème en place ou en pépinière : pour cette dernière , on les place en rangs espacés de dix -huit pouces , afin que l'on puisse aisément passer entre cha- cun pour cultiver ou greffer. Si on les destine à former des pêchers ou amandiers, on les met de vingt à vingt- quatre pouces les uns des autres dans les rangs ; s'ils doivent former de hautes tiges , les intervalles doivent être de deux pieds à deux pieds et demi. Si on les bine et cultive convenablement , et que la terre ait été bien 474 JARDIN FRUITIER, amendée , on pourra dès la fin d'août greffer un grand nombre de ceux qu'on aura fait stratifier. Lorsqu'on les transplante pour les mettre en place, on coupe le pivot à ceux destinés à former des espaliers , et on le laisse intact à ceux que l'on veut élever en plein vent. On greffe les variétés sur l'espèce commune et sur l'amandier-pêche , pour l'avoir d'une croissance plus ra- pide et d'une plus grande vigueur. Nous ne recommande- rons pas , comme quelques auteurs , de greffer l'aman- dier sur prunier , car les expériences que nous avons faites à ce sujet nous ont toujours très-mal réussi. Les greffes usitées pour cet arbre sont celles en écusson , ncs 1,2, 3, 74 5 IQ8- On l'élève en espalier ou en plein vent , et on le conduit comme nous l'avons dit , page 226. En espalier , on le garantit des gelées du printemps , comme l'abricotier et le pêcher. Il est sujet aux mêmes maladies que ces deux arbres , et se traite de la même manière. QUATRIÈME DIVISION. Fruits à noyau , à pulpe douce et succulente. PÊCHER. (Amygdalus persica ; L, ) fj . De la Perse. Tout le monde connaît la supériorité de son fruit sur celui de tous les autres arbres fruitiers ; et cependant , si on s'en rapporte au récit de quelques voyageurs , cette pêche délicieuse , qui flatte si agréablement la vue et le palais, est un poison dangereux dans son pays natal. Cette as- sertion nous ayant paru singulière , nous avons pris des informations exactes auprès des personnes qui s'étaient trouvées dans le cas d'observer ce fruit dans la Perse. Il en résulte que dans ce pays il a une saveur acerbe qu'il a perdu dans le nôtre $ que les naturels en mangent impunément • mais qu'il cause aux Européens une in- commodité qui se borne à la constipation. PÊCHER. 47^ Le pêcher fleurit en mars avant de développer ses feuilles. Il a fourni un grand nombre de variétés que Ton a pu classer plus méthodiquement depuis que M. Des- prez a remarqué sur les feuilles des glandes globuleuses ou réniformes assez constantes dans chaque variété. Nota. Les meilleures variétés sont marquées d'un astérisque*. I. FRUITS RECOUVERTS DE DUVET. A. CHAIR QUITTANT LE NOYAU. a. Fleurs grandes. * Glandes globuleuses. i . Pêche mignonne hâtive ; au commencement d'août , fruit semblable à la grosse mignonne , mais beaucoup plus petit et souvent mamelonné au sommet ; chair blanche , un peu pâteuse. Arbre moyen , assez robuste , réussissant passable- ment en plein vent , mieux en espalier au midi ou au levant. 2. Mignonne frisée; fin d'août; elle ne diffère de la grosse mignonne que par son fruit plus petit et son feuillage crépu. Arbre plus vigoureux , sujet à la cloque. Espalier. 3. * Vineuse de Fromentin ; milieu d'août ; fruit très-bon , semblable à la mignonne, mais plus gros , plus allongé , plus vineux et plus coloré. Arbre vigoureux. Plein-vent et es- palier. 4- * Belle bausse; fin d'août; fruit très-bon , très-beau r semblable à la grosse mignonne, mais plus gros. Les cultiva- teurs de Montreuil l'ont obtenu de la grosse mignonne , non pas de semis , mais en perfectionnant sa culture. Arbre très- vigoureux. Espalier et plein-vent. 5. Belle beauté ; fin d'août; fruit très-beau, gros, un peu allongé, très-coloré, à chair blanche, vineuse, excellente. Arbre vigoureux. Plein-vent et espalier. 6. * Grosse mignonne ; fin d'août; fruit très-bon, gros, aplati ou creusé au sommet par un large sillon qui le divise en deux lobes ; peau rouge-foncé du côté du sokil , jaune de l'autre ; 47& JARDIN FRUITIER, noyau petit; chair fine, sucrée, fondante. Arbre vigoureux, réussissant dans tout terrain , et produisant beaucoup. Plein- vent et espalier. ** Glandes réniformes. 7. Pêche pourprée hâtive ; milieu d'août ; fruit gros, un peu allongé, coloré, à chair fine, fondante, vineuse. L'arbre se plaît en espalier , cependant il réussit assez en plein-vent. 8. Pêche pourprée tardive ; fruit gros, ovale, quelquefois un peu aplati au sommet, d'un jaune pâle, teint de rouge foncé du côté du soleil , à chair fondante , très-rouge auprès du noyau, sucrée, relevée, excellente. Il mûrit au commencement d'oc- tobre. Arbre vigoureux ; plein-vent et espalier. 9. Péchera fleurs semi-doubles; milieu de septembre ; fruits nombreux, assez bons, arrondis, de grosseur moyenne, peu colorés. Arbre de petite taille , délicat. Espalier. 10. * Pêche abricotée , admirable jaune , grosse jaune, pêche de Burai, pêche d'orange , sandalie hermaphrodite ; milieu d'octobre; fruit gros, jaune à l'ombre et d'un jaune rougeâtre du côté du soleil ; chair jaune , ferme , excellente , ayant un léger goût d'abricot , se conservant long-temps sur l'arbre , mais devenant pâteuse quand la maturité ne se fait pas bien, et alors tenant un peu au noyau. Arbre moyen , reproduisant sa variété de semence , assez délicat , très-pro- ductif. Espalier. 11.* Pêche Duboisviolette ; fruit gros , un peu allongé , portant au sommet un mamelon très-saillant, rouge du côté du soleil; chair blanche,, vineuse, excellente. Arbre délicat, à fleurs semi-doubles, les plus grandes du genre d'un rouge pour- pre. Cet arbre nous a été apporté directement de la Chine par M. Duboisviolette , auquel nous l'avons dédié. *** Glandes nulles. 12. Avant-pêche blanche ; fin de juin: fruit petit, arrondi, blanc, à gros noyau; chair succulente, sucrée, mais peu par- fumée. L'arbre est maigre et délicat; on ne le cultive guère qu'à cause de la précocité de son fruit. Espalier au midi. i3. Avant-pêche rouge; fruit plus gros que le précédent, PÊCHER. 477 arrondi , ayant sur le côté une gouttière très-profonde , rare- ment mamelonné, à peau fine, jaune clair, d'un rouge vif du côté du soleil; mûr au commencement d'août ; chair sucrée, musquée, peu relevée. Arbre moyen, productif. i4» Avant-pêche jaune ; fruit un peu allongé, plus gros que le précédent , d'un jaune doré , teint d'un rouge brun foncé du côté du soleil ; chair jaune, un peu rougeâtre près de la peau, fine, agréable, fondante, sucrée ; il mûrit à la fin d'août. Arbre peu vigoureux. Espalier. i5. Pêche Madeleine blanche; fin d'août; fruit moyen , blanc , légèrement teinté de rouge du côté du soleil ; chair blanche, délicate, fondante et parfumée. L'arbre est vigou- reux. Plein-vent et espalier. Tous les pêchers de Madeleine rendent leur espèce de semis, ou des variétés qui en diffèrent peu. ( Dans tous , les glandes des feuilles sont remplacées par une expansion foliacée qui accompagne le pétiole dans toute sa longueur.) 16. * Pêche de Malte, belle de Paris ; fin d'août et com- mencement de septembre ; fruit très-bon , moyen , aplati en- dessous , légèrement marbré de rouge du côté du soleil. Chair délicate , excellente. L'arbre se plaît en espalier au levant , cependant il réussit en plein-vent. Le noyau reproduit sa variété franche. 17. * Madeleine de Courson , rouge paysanne ; commence- ment de septembre ; fruit très-bon , plus gros que le précé- dent , arrondi , d'un rouge superbe , à chair ferme et vineuse. L'arbre est plus vigoureux. Espalier et plein-vent. 18 Cardinale , cardinale de Furstemberg ; milieu d'octo- ybre; fruit de moyenne grosseur, comprimé eu dessous, d'un rouge obscur et terne ; chair d'un rouge marbré , bonne cuite avec un assaisonnement. Arbre grand , vigoureux , reprodui- sant sa variété de noyau. Espalier et plein-vent. 19. Sanguinolente ; fruit petit, rond, d'un rouge obscur; chair d'an rouge de betterave , un peu sèche , acre et un peu amère , à moins que l'automne soit chaud; mûrit eu octobre. Arbre de grandeur moyenne , vigoureux , productif. Espalier au midi. 20. Sanguixe a gros fruit ; fruit ne différant du précé- 478 JARDIN FRUITIER, dent que par sa grosseur, mûrissant à la même époque. Ar- bre moyen, vigoureux. Espalier au midi. 21. Pêche sanguine a PETIT fruit; fruit petit, rond , violet sombre, très -velu; chair sèche , d'un rouge de sang, très- médiocre; il mûrit en octobre. Arbre moyen, délicat. Espa- lier au midi. 22. Pêcher d'Ispahan; milieu de septembre; fruit petit, sans couleur, rond, d'une qualité médiocre. L'arbre est petit, très-productif et réussit en plein-vent; il reproduit sa variété de semence, et ce dernier moyen lui convient beaucoup mieux que la greffe ; ses feuilles sont étroites , allongées , semblables à celles d'un saule. 23. Pêcher nain; novembre; fruit rond ne mûrissant que dans la bâche. Ce pêcher est un petit arbrisseau à bois gros ; feuilles grandes et dentelées , et fleurs d'un rose pâle ; il réussit en pot , et on en cultive une sous- variété à fleurs dou- bles ressemblant à de petites roses pompons. b. Fleurs moyennes. * Glandes globuleuses. 24. * Pêche admirable, belle de Vitry ; milieu de septem- bre; fruit excellent, très-gros, arrondi, d'un jaune-pâle teinté de rouge vif du côté du soleil ; chair ferme , délicate, sucrée , vineuse. L'arbre est grand , vigoureux ; il réussit à toute exposition , et en plein-vent lorsqu'il est abrité ; ce- pendant il préfère l'espalier au midi. 25. Admirable jaune ; fruit gros , arrondi , jaune, teinté de rouge du côté du soleil ; chair ferme, vineuse; parfumée. Mûrit en octobre. Arbre vigoureux; Espalier. 26. Admirable jaune tardive: fruit gros, allongé, d'un vert jaunâtre, à chair jaune, peu vineuse; mûrissant fin d'oc- tobre dans la fruiterie. Arbre assez vigoureux; espalier au midi. ** Glandes réniformes. 27.* Alberge jaune , pèche jaune, Saint-Laurent jaune , petite roussanne; fin d'août; fruit de moyenne grosseur, d'a- bord jaune, puis devenant d'un rouge foncé lors de la matu- PECHER. 479 rite; chair ferme, sucrée, vineuse , jaune près de la peau, rouge vers le noyau. L'arbre produit beaucoup. Plein-vent et espalier. 28. Pêche teindoux ou teindou; fruit gros, arrondi, compri- mé au sommet et à la base , jaunâtre , d'un rouge tendre du côté du soleil ; chair blanche, avec quelques traits rouges vers le noyau, sucrée, fondante, délicate et bonne; mûrit à la fin de septembre. Arbre vigoureux. Espalier et plein-vent. 29.* Chevreuse hâtive ; commencement de septembre ; fruit très- bon, gros, allongé , rarement mamelonné, d'abord jaune, puis marbré de rouge vif du côté du soleil; chair fon- dante , sucrée , parfumée. Arbre de moyenne grandeur, assez robuste. Espalier. 3o.* Chancelière; milieu de septembre; fruit semblable au précédent , mais moins allongé et à chair plus sucré, ex- cellente. Arbre grand , vigoureux. Espalier et plein-vent. 3i.* Chevreuse tardive ; fin de septembre , fruit très-cou- vert de duvet, allongé dans sa jeunesse, puiss'arrondissant et prenant une couleur très-foncée; il est excellent. Arbre très- productif, réussissant bien aux trois expositions. Espalier. *** Glandes nulles. 32. * Madeleine a moyennes fleurs, Madeleine rouge tar- dive ou à petites fleurs; fin de septembre; fruit de moyenne grosseur, légèrement allongé, très-rouge , vineux , excellent, Arbre productif, manquant rarement, vigoureux. Espalier et plein-vent. 33. Madeleine rouge ; fruit de grosseur moyenne, ovale, d'un vert violacé , et rouge pourpre du côté du soleil ; chair blanche, sucrée , vineuse ; mûrit en août. Arbre vigoureux. Plein-vent et espalier. 34. Turenne; en septembre, fruit de grosseur moyenne, arrondi , d'un vert jaunâtre, teint de rouge du côté du soleil; chair blanche , vineuse , bonne. Arbre vigoureux , très-pro- ductif. Espalier ou plein-vent. Cette variété est très-cultivée dans les environs de Lyon. 4oO JARDIN FRUITIER, c. Pleurs petites. * Glandes globuleuses. 35. * Pèche galande, Bellegarde ; fin d'août; fruit très-bon, gros , d'un rouge foncé tirant presque sur le noir ; chair ferme, sucrée, délicate, vineuse. Arbre vigoureux , très- productif , peu sensible à la gelée ; il exige Fexposition du levant, et son fruit doit être peu découvert ; il est plus sujet à la cloque que les autres. 36. * Bonne grosse; fin de septembre; fruit très-gros , presque rond , vert ,- légèrement teinté de rouge du côté du soleil ; chair ferme , assez vineuse , de bonne qualité. Arbre vigoureux. Espalier. Nous l'avons obtenu de nos semis en 1820. 3y. * Bourdine ; milieu de septembre ; fruit très-bon, gros, arrondi, quelquefois mamelonné, d'un rouge foncé du côté du soleil ; chair vineuse , sucrée et fondante ; noyau petit et renflé. Arbre productif, se reproduisant de noyau, réussissant bien en plein-vent , mieux en espalier au levant. Nous croyons que cette variété n'est rien autre chose qu'un téton de Vénus un peu perfectionné. 38. * Téton de Vénus ; fin de septembre ; fruit très-bon , gros, moins coloré que le précédent et ordinairement sur- monté d'un gros mamelon ; chair délicate. L'arbre est assez vigoureux , mais son fruit n'acquiert toute sa qualité qu'en espalier exposé au midi et dans les terrains chauds et légers. 3g. * Nivette, veloutée tardive; fin de septembre ; fruit très-bon , gros , un peu allongé, velu, vert et rouge foncé ; chair ferme , sucrée, parfumée; noyau petit. L'arbre exige un terrain et une exposition chaude. Dans toute autre cir- constance le fruit mûrit mal et devient amer. 4o. De Pau; fruit gros, arrondi , terminé par un gros ma- melon recourbé, jaunâtre , peu coloré, à chair d'un blanc verdâtre , de mauvaise qualité dans les environs de Paris , parce que , ne mûrissant que très-tard , la saison lui permet rarement d'atteindre sa perfection. L'arbre est grand, vigou- reux, d'un beau feuillage. Espalier au midi. 4i.* Royale; commencement d'octobre; fruit très-bon, très-gros, d'un jaune clair teinte de rouge vif du côtédu so- PÊCHER. 4^1 leil , chair ferme, délicate, vineuse. Arbre vigoureux; il réussit en plein-vent dans le midi , ou à une exposition chaude et abritée ; mieux en espalier. 42. Pêcher a feuilles de saule; en novembre ; fruit de moyenne grosseur , arrondi , blanchâtre avant sa maturité , peu coloré. Il ne mûrit bien que dans le midi de la France , et l'arbre demande l'exposition du sud. 43. Double de Troyes; fruit d'une grosseur moyenne, de forme inconstante, tantôt rond, tantôt un peu allongé, quel- quefois mamelonné , d'un blanc jaunâtre piqueté de rouge , et d'un beau rouge du côté du soleil ; chair fine , blanche , ferme, sucrée, vineuse, assez bonne. Mûrit à la fin d'août. Arbre vigoureux et productif. Plein-vent et espalier. B. CHAIR ADHÉRENTE AU NOYAU. a . Fleurs gran des . * Glandes réniformes. 44* Pavie de Pompone, pavie monstrueux , gros persbque rouge , gros mélecoton; à la fin d'octobre ; fruit extrêmement gros , souvent mamelonné, d'un rouge vif du côté du soleil , d'un blanc de cire de l'autre côté; médiocre cru, excellent cuit. L'arbre exige une exposition très-chaude et parfaite- ment abritée ; il reproduit son espèce de noyau. Espalier. ** Glandes nulles. 45.* Pavie madeleine, pavie blanc; à la fin de septembre ; fruit gros, blanc , légèrement lavé de rouge du côté du soleil ; chair blanche , délicate , fondante , parfumée. Arbre vigou- reux , reproduisant son espèce de semence. Espalier. b. Fleurs petites. *** Glandes re'niformes. 46. Pavie alberge , pavie jaune s persbque jaune ; à la fin de septembre ; fruit superbe et gros , jaune , et se colorant du côté du soleil, à la maturité seulement , d'un rouge très- foncé; chair jaune assez bonne. L'arbre demande une expo- sition chaude et abritée; il reproduit son espèce de semence. Espalier. 2. 5l ^82 JARDIN FRUITIER, 47. Pêche persèque, gros persèque allongé; au commence- ment d'octobre ; fruit gros, tubercule, allongé, rouge, mé- diocre. L'arbre est très-productif; il reproduit sa variété de semence, et réussit en plein-vent, mais en terre et exposition chaudes. 48. Pavte tardif; en novembre; fruit gros, sans couleur, de médiocre qualité; comme il mûrit très-tard , nous conseillons de ne le cultiver que dans le midi de la France. II. FRUITS LISSES, SANS DUVET. A. CHAIR QUITTANT LE NOYAU. Fleurs grandes. Glandes re'nifûrmes. 49. Des prés; au milieu d'août, fruit de moyenne grosseur; excellent, d'un blanc jaunâtre , légèrement teinté de rouge du côté du soleil. Arbre délicat, ne réussissant qu'en espalier au levant. 50. Jaune lisse , lissée jaune, roussanne ; à la fin d'octobre ; fruit jaune , un peu lavé de rouge , petit, ayant un peu le par- fum de l'abricot. L'arbre exige une exposition chaude et abritée ; encore le fruit pourrit-il si l'automne n'est pas chaud , et qu'on n'ait pas le soin de le découvrir. Espalier. 5i.* Pêche plate de la Chine; fruit excellent, comprimé à la base et au sommet de manière à présenter des enfonce- mens très-prononcés , ayant des espèces de côtes comme une calville, et la couleur d'une pomme d'api; chair blanche; noyau très-petit , presque lisse. Arbre de moyenne grandeur , délicat. Cette espèce, nouvellement arrivée de la Chine , n'a pas encore pu être étudiée sous tous les rapports de sa culture. tB. chair adhérente au noyau. a. Fleurs grandes. Glandes re'niformes. 62. Brugnon musqué ; à la fin de septembre ; fruit assez gros , ovale, rougeâtre, d'un rouge plus vif du côté du soleil ; chair jaune, vineuse, parfumée. Arbre vigoureux , réussissant en espalier aux trois expositions , et même en plein-vent. PÊCHER. 4^3 53. Pêche brugnon ordinaire; fruit moyen, rond, vert, pourpre du côté du soleil; chair cassante, un peu amère. Il mûrit en septembre. Arbre assez vigoureux. Espalier et plein- vent. b. Fleurs petites. Glandes réniformes. 54. Cerise ; en août ; fruit de la grosseur d'une prune reine-claude , d'un rouge cerise , ayant une petite pointe au sommet ; assez bon. L'arbre est petit et délicat, mais très-fer- tile et d'un joli effet en espalier. 55.* Violette hâtive; au commencement de septembre; fruit un peu plus gros que le précédent , jaunâtre , d'un violet obscur du côté du soleil ; chair vineuse, sucrée, bonne. L'arbre est plus grand , plus vigoureux que le précédent , mais il exige une exposition chaude. Espalier et plein-vent. 56. Grosse violette, violette de courson , violette marbrée ; au milieu de septembre ; fruit plus gros que le précédent , mar- bré de rouge violet; il est moins bon. L'arbre pousse moins en bois que les autres , mais il est très-productif. Espalier. Nous possédons encore quelques espèces de pêchers qui nous sont venus de l'étranger, mais dont nous n'avons pas encore vu les fruits. Culture. Cet arbre intéressant réussit clans les terres convenables aux sujets sur lesquels il est greffé ; ainsi sa culture pendant ses deux ou trois premières années est la même que celle de l'amandier ou du prunier. V oyez ces articles. Si on veut se procurer des individus francs de pied , parmi les variétés qui n'ont pas besoin d'être grefïées on choisit les noyaux des plus beaux fruits , on les met stratifier , et on les plante en pépinière ou en place, comme nous le disons à l'article amandier. On greffe le pêcher sur amandier et prunier , voyez page 1 83 , par les procédés des greffes en écusson , nos 1 , 2 , 3 , 74 , 108. Celles à œil dormant sont pré- férées par la raison que , ne poussant qu'au printemps , les jeunes jets de la greffe ont le temps de prendre de 484 JARDIN FRUITIER, ]a force , de s'aoûter, et peuvent plus facilement résis- ter aux rigueurs de l'hiver. Nous avons dit dans quelle circonstance on devait greffer sur un amandier à coque dure et à amande douce : la royale , la grosse et pe- tite violette, la bourdine et la madeleine rouge, réussissent bien néanmoins sur les amandiers à fruits amers. Si l'amandier-pêche était moins rare , il fourni- rait aussi des sujets robustes , propres pour former des plein- vents. Quant à ceux que Ton greffe sur prunier, on les place sur des sujets provenus de semences et jamais de re- jetons -, les espèces les plus propices pour recevoir le pêcher sont : le gros et le petit St. -Julien , le gros et le petit Damas ; cependant nous observerons que les pêches lisses et les chevreuses réussissent mal sur ce dernier. Soit que l'on plante un plein-vent ou un espalier , il faut que le terrain soit préparé pour le recevoir. On dé- fonce en ouvrant une tranchée de quatre pieds de pro- fondeur , sur cinq ou six de large ; si la terre en est bonne , on se contente de la passer à la claie et d'y mé- langer des engrais consommés, après quoi on la rejette dedans; mais si elle a été épuisée, soit par des pruniers, pêchers ou abricotiers , soit par d'autres arbres , il faut la renouveler entièrement avec une terre préparée d'a- vance et mûrie en tas. Cela fait , on plante , comme nous le disons page i85 , en observant que la reprise est plus certaine pour les plantations d'automne que pour celles de printemps. On recouvre la plate-bande de deux ou trois pouces de fumier qu'on y laisse tout l'hi- ver , et qu'on enterre au printemps en labourant. Cette opération se renouvelle tous les automnes. Si l'on tenait à avoir des arbres superbes , il faudrait établir le long de l'espalier une plate-bande de six pieds de largeur au moins , que l'on tiendrait toujours nette de mauvaises herbes et dans laquelle on ne cultiverait rien , pas même PÊCHER. 4^5 les légumes les moins voraces. Outre cela , tous les trois ou quatre ans , on donne une bonne fumure. Qn ne fait qu'un seul labour par an _, et il doit avoir lieu aussitôt après la taille ; on le fait léger et à la four- che , pour ne pas endommager les racines des arbres 5 puis on recouvre la plate-bande de paillis , afin de con- server l'humidité à la terre , et d'empêcher que les pluies ne la battent. Tout le reste de l'année , on se con- tente de quelques ratissages. Pendant ia chaleur on arrose les branches et les feuilles des arbres avec une petite pompe aspirante ou des arrosoirs ; il est essen- tiel que l'eau les atteigne sous la forme d'une pluie fine , ce qui se fait avec une gerbe percée de trois pe- tits trous , et seulement le soir , afin que le feuillage ait le temps de s'essuyer pendant la nuit. Si la terre était sèche , on pratiquerait une petite fosse au pied de chaque arbre, et on y jetterait deux, trois, ou même quatre arrosoirs d'eau si le pêcher était en plein rap- port et qu'il couvrît une grande étendue de muraille ; un seul suffit pour les jeunes arbres. Lorsque l'eau est absorbée ; on comble la fosse avec la terre qu'on en a tirée. Dans tous les cas , on cesse les arrosemens quel- ques jours avant la maturité des fruits , afin de ne pas leur faire perdre de leur parfum. Si le pêcher charge trop en fruits , il faut scrupuleu- sement avoir l'attention d'en retrancher une partie si on ne veut pas le voir s'épuiser rapidement 5 on fera bien aussi de retarder sa fructification de deux ans , car ce sera prolonger son existence. Du reste , on le conduira comme nous l'avons enseigné à^ l'article de sa taille , page i83.. Les abris sont principalement une chose sur laquelle le cultivateur ne doit pas transiger. Les murs contre les- quels on plantera doivent regarder le levant , le cou- chant et le midi -, jamais le nord dans les climats tem- pérés. Si le jardin se trouvait orienté de manière à ce 485 JARDIN FRUITIER, que ses quatre murs regardassent le nord-est , le sud- est , le nord-ouest, le sud-ouest, on pourrait cultiver le pêcher sur toutes leurs surfaces. On place chaque va riété à l'exposition qui lui convient davantage , avec Fat tention de mettre au midi les espèces hâtives et celles tardives, afin d'avoir plus tôt les fruits des premières et d'assurer la maturité des secondes. Si les arbres sont palissés à la loque , c'est-à-dire, di- rectement contre le mur au moyen de clous et de chif- fons , le chaperon doit déborder de quatre ou cinq pouces , afin d'abriter les branches des pluies et des fri- mas qui pourraient endommager les yeux. Pour ceux qui sont palissés contre un treillage , le chaperon s'a- vancera de six ou sept pouces. Sous le chaperon on fera sceller des pièces de bois mince ou mieux des barres de fer qui feront saillie et s'avanceront horizontalement à dix-huit pouces 5 on les scellera à deux pieds et demi les unes des autres , de manière à pouvoir aisément leur faire supporter des paillassons que l'on étendra ho- rizontalement dessus , en forme de toit ou d'auvent. Les paillassons se poseront dès Je mois de février, avant l'épanouissement des fleurs , et on les y laissera jusqu'à la mi-mai , époque à laquelle les gelées ne sont plus supposables. Tous les jours on visite les arbres ; quelques per- sonnes le font même en hiver , pour enlever le givre et la neige qui ont pu s'amasser sur les branches ; on se sert pour cela d'un balai de bruyères fines et peu ser- rées , afin de ne pas endommager les yeux. On empê- chera ainsi le ravage de la gelée qui saisit beaucoup plus facilement les boutons , et même le bois , lorsqu'ils sont mouillés. L'été on tuera les limaçons et autres insectes, et Ton avisera aux moyens les plus efficaces pour empê- cher les maladies, ou pour les arrêter dans leur cours aus- sitôt qu'elles paraîtront. Lors des grandes sécheresses , on fera très-bien d'ombrager quelques heures les bran- PÊCHER. 4^7 cbes et même le feuillage entier des espaliers tournés au midi , afin d'empêcher les rayons brûlans du soleil de les dessécher. Cette précaution est surtout utile pour les sujets greffés sur prunier. On emploiera pour cela des toiles ou des paillassons , et on les étendra devant les arbres , mais à quelques pieds de distance pour ne pas gêner la circulation de l'air 5 on les y laissera seulement pendant le temps de la plus forte chaleur du jour. Les pêchers sont des arbres très-délicats , et ils le sont d'autant plus qu'ils sont mal conduits et mal dirigés. Les maladies qui les attaquent le plus ordinairement sont la cloquera gomme, la. rouille et le chancre. Voy. sur ce sujet notre chapitre Maladies des végétaux, La récolte des pêches commence dès le mois de juillet et se continue sans interruption jusqu'en octobre. On reconnaît leur maturité au colons et non pas au tact , comme font quelques personnes maladroites , car la moindre pression suffit pour les meurtrir et les faire pourrir dans les vingt-quatre heures. On doit , au con- traire , les cueillir avec beaucoup de précaution : on sai- sit la pêche avec les cinq doigts , on la tire doucement , et elle vient si elle est mûre 5 dans le cas contraire , si on veut la cueillir pour la conserver quelques jours, on donne un demi-tour de torsion, et elle se détache. Mais, avant d'être récoltés , les fruits demandent quelques soins 5 lorsqu'ils ont atteint les deux tiers de leur gros- seur, on commence à les découvrir des feuilles qui les cachent, afin de les faire jouir des influences de l'air et de la lumière. Quinze jours avant la maturité on découvre entièrement les pêches rouges , mais cepen- dant il faut y arriver par gradation , pour ne pas les ex- poser à être brûlées. Les autres, mûrissant plus tard pour la plupart , se découvrent plus long-temps avant la maturité , parce que le soleil ne les colore pas , mais les mûrit \ on les effeuille au mois de septembre , quelle que soit l'époque à laquelle on doit les cueillir. 488 JARDIN FRUITIER, On n'arrachera jamais les feuilles dans la crainte de blesser le bouton que chacune accompagne \ on les cou- pera avec des ciseaux ou la serpette , au-dessus de leur pétiole. ABRICOTIER. {Prunus armeniaca; L. ). 7?. D'O- rient. On prétend qu'il fut d'abord apporté d'Arménie à Rome , et de là transplanté dans le reste de l'Europe. Cet arbre , de moyenne grandeur , à racines pivotantes, fleurit en février et mars avant de montrer ses feuilles, ce qui le rend sensible aux gelées de printemps. Son fruit excellent se mange cru , confit, en compote , etc. On estime davantage ceux produits par les plein-vents que par les espaliers , quoiqu'ils soient plus petits. Son bois n'est pas d'un grand usage , cependant on en fait des ouvrages de tour. i . Abricot commun ; fruit assez bon quand il est en plein vent et au soleil, et dans ce cas, gros, rougeâtre et galeux; à l'ombre il reste pâle et il n'a presque aucune saveur. Mûr à la mi-juillet. Arbre grand et vigoureux quand il est greffe, mais, comme tous les abricotiers, restant arbrisseau lorsqu'il provient de noyau. Plein-vent, plus assuré, mais moins bon en espalier. 2. Abricot de Hollande , ou amande aveline ; fruit arrondi , petit, rouge piqueté de pourpre du côté du soleil, à chair fondante , vineuse, relevée, fort agréable; amande douce ayant le goût de noisette. Mûr à la fin de juillet. L'arbre est plus fertile greffé sur cerisette ; mais les fruits sont plus gros sur Saint- Julien , surtout si on l'élève en espalier. 3. Abricot de Hollande a feuilles panachées de jaune ; fruit semblable au précédent , et mûrissant à la même époque ; feuilles panachées et maculées drun jaune d'or. Arbre très- vigoureux, d'un bel effet. 4- Abricot de Provence; fruit un peu comprimé, petit, rouge du côté du soleil , à chair jaune rougeâtre et fondante ; amande douce. Mûr dans îa dernière quinzaine de juillet. Arbre assez vigoureux que l'on greffe sur Saint-Julien. Plein- vent et espalier. ABRICOTIER. 4^9 5. Abricot de Portugal; fruit arrondi, petit, peu coloré même au soleil; chair jaune, fondante, délicate , excellente. Mur à la mi-août. Arbre délicat sous le climat de Paris. 6. Abricot précoce ou abricotin; fruit petit, rouge du côté du soleil, assez parfumé, légèrement musqué, à chair très- adhérente au noyau. Mûr à la fin de juin. Sa précocité fai- sant la plus grande partie de son mérite , pour la favoriser il faut le cultiver en espalier. 7. Abricot blanc , V abricot-pêche de Duhamel ; fruit petit , blanc , ou légèrement teinté de rouge bruni du côté du soleil; chair un peu fibreuse , approchant de la saveur de la pêche. Mûr au commencement de juillet. Arbre moyen, assez vigoureux. Espalier et plein-vent. 8. Gros abricot blanc ; fruit plus allongé et plus gros que le précédent , mûrissant à la même époque , à amande douce. Arbre vigoureux. 9. Abricot vineux ; fruit très-gros , allongé , comprimé sur ses côtés , à sommet enfoncé , lobé , ayant un de ses lobes plus élevé que l'autre ; peau jaune , piquetée de rouge du côté du soleil ; chair d'un blanc jaunâtre , fondante quoique assez ferme, sucrée, parfumée, excellente. Il mûrit au commen- cement d'août. Arbre grand et vigoureux. Nous croyons que, lorsque ce fruit aura été greffé et cultivé convenablement , il sera un des meilleurs abricots connus. Nous l'avons obtenu de semis , et il a fructifié pour la première fois en 1825. 10. Abricot angoumois ; fruit petit , un peu allongé , d'un rouge pâle , piqueté de pourpre du côté du soleil , d'un jaune d'ambre à l'ombre; chair jaune rougeâtre, fondante, vineuse, très-agréable ; amande douce , ayant un peu le goût de l'ave- line. Mûr à la mi-juillet. L'arbre peu élevé a les bourgeons minces et les feuilles moyennes. n. Abricot alberge ; fruit petit, à peau épaisse, dure, brune et fortement galeuse du côté du soleil; chair ferme, croquante , vineuse , relevée et assez bonne ; amande douce , parfumée, excellente. Mûr à la mi-août. L'arbre reproduit sa variété par ses noyaux ; on l'emploie beaucoup comme sujet pour recevoir d'autres variétés. Il est le seul qui soit grand et vigoureux provenant de semence. 12. Abricot de Mongamet; fruit plus gros y moins arrondi 4go JARDIN FRUITIER, que le précédent dont il n'est qu'une sous- variété , moins ga- leux, â chair moins ferme, aussi bonne; amande douce. Il mûrit un peu plus tard. Arbre ayant les mêmes qualités. 1 3. Abricot aveline ; il diffère si peu du mongamet qu'il ne peut en faire qu'une sous-variété très-légère. Mêmes for- mes et qualités. i/f- Abricot pèche, abricot de Nancj-; le plus beau et le meilleur de tous ; très-gros , comprimé , rouge ou brun , galeux du côté du soleil, mais seulement en plein-vent et dans les années liumides ; chair d'un jaune rougeâtre, fon- dante, sucrée, vineuse, excellente. Mûr vers la mi - août. Arbre de moyenne force , quoi qu'en dise Duhamel , qui le donne pour le pins grand des abricotiers, à feuillage large et pendant. Espalier et plein-vent. Il reproduit sa variété de semence, mais presque toujours de qualité inférieure. i5. Abricot pêche a feuilles marbrées de blanc; fruit un peu plus petit que le précédent, de même qualité et mûris- sant à la même époque. Arbre moins vigoureux , à feuillage panaché ou plutôt marbré de blanc, produisant un effet très- pittoresque , et paraissant comme couvert de petits flocons de neige. 16. Abricot royal; fruit presque aussi gros que l'abricot pêche , d'un jaune verdâtre près de la queue, pur vers le som- met, peu coloré au soleil; chair jaune, fondante , plus aci- dulée , assez bonne. Mûrit en août. Arbre très-vigoureux , dont les feuilles larges sont portées par de très-longs pétioles. 17. Abricot de Paris; fruit de moyenne grosseur, d'un jaune citron, piqueté de brun du côté du soleil, à chair jaune, demi-fondante, sucrée, agréable, un peu pâteuse; amande amère. Mûrit en août. Arbre petit. Cette variété, que nous avons obtenue du semis de l'abricot-pêche , a pour la pre- mière fois donné son fruit en i825. 18. Abricot musch-musch. Il est originaire de la ville de Mnsch , sur les frontières de la Turquie ; du côté de la Perse. Nous l'avons reçu, en 1812, de M. Lacour-Gouffé , di- recteur et professeur au jardin de botanique à Marseille, qui lui-même l'avait eu des jardins royaux de Madrid. Fruit arrondi, d'un jaune foncé, à pulpe transparente, laissant un peu entrevoir le noyau ; chair fondante , parfumée , très- ABRICOTIER. 491 agréable ; amande amère. Mûr à la fin de juillet. L'arbre est délicat et veut être cultivé en espalier. 19. Abricot gros musch ; fruit assez gros, profondément sillonné d'un côté, comprimé de l'autre ; chair fondante, parfumée, très-bonne, amande douce. Mûr à la fin de juillet. 20. Abricot du pape, ou noir; fruit petit, rond , d'un violet presque norr, à— chair rouge à la circonférence, jaunissant près du noyau, fondante et agréable dans les années chau- des, mais fade et très-médiocre dans les années ordinaires, très-adhérente au noyau. Si on s'en rapportait à la forme de son noyau et à la saveur du fruit , on le prendrait plutôt pour une prune que pour un abricot. On ne le cultive guère que comme arbre d'ornement et objet de curiosité. 21. Abricot du pape a feuilles de saule ; fruit semblable au précédent, mais un peu plus petit. Arbre moyen, produi- sant un charmant effet par ses feuilles longues , étroites , à nervures jaunâtres. 22. Abricotier de Sibérie ; nous possédons depuis peu cette nouvelle espèce qui ne nous a pas encore donné de fruit. L'arbre est petit, à feuilles arrondies, acuminées. 23. Abricotier du Nypaule; celui-ci estle pygmée des abri- cotiers. Nous l'avons reçu depuis peu de temps, et nous igno- rons ce que seront ses fruits. Culture. Cet arbre aime une terre légère et sablon- neuse 5 cependant il réussit assez bien dans toutes , pourvu qu'elles ne soient pas trop humides ni trop argi- leuses. On ne peut guère en attendre un résultat certain au dessus du 5oe degré de latitude, si on le cultive en plein _air et en plein-vent. Il aime la chaleur , et son fruit perd une grande partie de ses qualités dans les terrains froids. On le multiplie : i° de semence , 20 de greffe sur prunier, 3° de greffe sur amandier. On ne sème guère que les variétés qui se reproduisent franches de noyau, telles que les abricots alberge , pêche , précoce et com- mun. Rarement on greffe sur franc , parce que les arbres sont plus sujets à la gomme et beaucoup moins vigoureux. On choisit pour semer les noyaux des plus 492 JARDIN FRUITIER, beaux fruits, et on les fait de suite stratifier pour planter au printemps ou en automne ; on les met en bonne terre bien défoncée , ameublie et amendée autant qu'on le peut, et on les enterre à deux pouces de profondeur ; pendant les fortes gelées on couvre le semis avec des feuilles ou de la litière. On peut semer en place , ou en pépinière , et dans ce dernier cas on espace les jeunes sujets de dix-lmit pouces à deux pieds sur les rangs , selon qu'on veut les élever pour basse ou haute tige. 11 est nécessaire de couper ou pincer le pivot pour les empêcher de s'emporter en bois , ce qui les rend diffi- ciles à diriger- cependant un arbre ne peut jamais être trop vigoureux quand il est conduit par un homme qui entend son état et sait dompter un excès de végétation en répartissant également la sève. Les abricotiers se greffent en écusson par le procédé des greffes n° 1,2, 3 , 74 , 108. Dans tout terrain on greffe sur pruniers, damas noir, Saint-Julien, cerisette, provenant de noyaux et non de rejetons , car ces der- niers sont toujours faibles et par conséquent sujets à la gomme. Si on les forme en espaliers , on les plante à Fexposition du levant dans les terres convenables et à celle du midi dans les sois froids et humides. Quelque- fois on élève l'abricotier sur une tige de cinq ou six pieds, afin de le placer contre un mur entre des pêchers palissés au-dessous de ses branches. Dans tous les cas , on le taille et conduit comme nous l'avons dit, page 224. Dans les pays où il ne réussit pas facilement, soit à cause du froid , comme en Russie , soit à cause d'un excès de chaleur , comme dans quelques provinces de l'Espagne et de l'Italie , on le formera en espalier à châssis selon les procédés que nous avons enseignés page 20.3. L'abricotier est sujet aux mêmes maladies que îe pê- cher., en en exceptant la cloque ; on n'a pas d'autres remèdes à leur opposer. Quand ses fleurs sont surprises PRUNIER. 4f>3 par la gelée , on essaie de les rétablir par les procédés indiqués à l'article Maladies des végétait jc . Elles y sont beaucoup pins sensibles lorsque l'arbre croît dans un sol argileux et humide. PRUNIER. (Prunus) J) . Les pruniers, dont les plus gros n'atteignent qu'une grandeur moyenne , produisent des fruits que la culture a beaucoup améliorés. Les prunes se mangent crues , cuites, en pruneaux, etc. : sèches, elles ne sont jamais malfaisantes, mais dans le mo- ment de leur maturité ou croit que quelques-unes sont fébriles. Le bois du prunier est dur, agréablement veiné de rouge , et sert en menuiserie et en ébénisterie. On en cultive plusieurs espèces et un grand nombre de variétés. Nota. Les meilleurs ou les plus beaux fruits sont marqués d'un astérisque *. I. Prunier épineux ou prunellier , épine noire (pru- nus spinosa; L. ). Indigène. Arbrisseau qui ne s'élève pas à plus de sept ou huit pieds, et que ses épines acé- rées rendent propre à faire des haies impénétrables. Ses fruits petits et très- acerbes sont recherchés par le peuple' dans quelques parties de la France pour compo- ser une boisson assez agréable. Leur suc cuit et épaissi à la consistance de sirop est connu dans la droguerie sous le nom & acacia d'Allemagne. i. Prunellier a gros fruits. Il diffère du précédent par des dimensions plus grandes dans son développe- ment, et par la grosseur de son fruit, nommé plosse dans le midi , un peu moins acerbe que le précédent, et ser- vant aux mêmes usages. Il en existe une autre variété à fleurs doubles que nous décrirons dans le jardin d'orne- ment. II. Prunier de myrobolan. (Prunus myrobolana, aut cerasifera; Willd.). De l'Amérique septentrionale. On le cultive plus pour l'agrément que pour l'utilité. Son fruit, d'une saveur assez agréable, de la grosseur d'une cerise et d'un rouge fort joli , est turbiné. 494 JARDIN FRUITIER, t. Myrobolan violet. L'arbre difïère du précédent par ses feuilles un peu plus petites. Son fruit , de même forme , est plus couvert de poussière glauque ; il est d'une très -jolie couleur violette, et d'un goût assez acide. C'est un hybride de l'abricot noir ou du pape et du myrobolan ordinaire. Nous l'avons obtenu de semis, et il a fructifié pour la première fois en i8a5. III. Prunier a fruit sphérique. {Prunus sphcero- carpa; Mich. ). De la nouvelle Angleterre. Fruit petit , à pédoncule court et velu, d'un rouge pourpre , acerbe , de très-médiocre qualité. IV. Prunier d'automne du Canada. {Prunus hiemalis; Mich.). Fruit presque noir, acerbe, de médiocre qualité, petit. V. Prunier chicasau. {Prunus chicasa; Mich. ). Originaire des Indes, d'où il a été apporté dans la Caro- line. Fruit jaune , petit , mûr en été , de médiocre qualité, quoique recherché par les Américains qui lui donnent le nom de chicasaw. Nous en possédons une variété \ fruit rouge. VI. Prunier cultivé. {Prunus domestic a ; L.). In- digène. C'est de celui-ci que sont provenues les nom- breuses variétés que nous allons énumérer. i *. Prune de Catalogne , de Saint-Barnabe ,j aune-hâtive ; au commencement de juillet; fruit petit, allongé, jaune, quelquefois bon , plus souvent assez médiocre , surtout dans les terrains humides. Arbre de moyenne grandeur, pro- ductif, que l'on met en espalier au midi pour hâter encore la maturité. On le cultive en pots pour forcer dans les serres chaudes, 2.* Précoce de Tours , noire hâtive ; au quinze juillet; fruit petit, ovale, de peu de saveur. Arbre moyen. 3.* Royale hâtive ; au commencement de juillet; fruit assez gros , violet , bon , ayant à peu près la saveur de la reine- claude violette. Arbre moyen. 4«* Bifère, bonne de deux fois Van; aji quinze juillet et PRUNIER. 495 une seconde fois au quinze septembre ; fruit long, d'un jaune fauve, très-bon. Arbre vigoureux , moyen. Les fruits d'au- tomne sont plus petits , plus longs , à pédoncule long. 5. * Prune monsieur ; à la fin de juillet; fruit gros, rond, d'un beau violet, assez fondant, mais peu relevé. Arbre pro- ductif et vigoureux, reproduisant souvent son espèce de se- mence. 6.* Monsieur hatif; au quinze juillet; fruit semblable au précédent , mais d'une couleur plus foncée. Arbre vigoureux et productif. 7.* Prune-pêche; à la fin de juillet; fruit très-gros , su- perbe, le plus beau du genre, un peu parfumé, fondant, assez bon. Arbre très-vigoureux , peu productif. 8.* Royale de Tours; à la fin de juillet ; fruit gros, arrondi, violet d'un côté et rouge clair de l'autre , beau et très-bon. Arbre grand et productif. 9. Diaprée violette ; au commencement d'août ; fruit d'une grosseur moyenne, long, ferme, très-bon, mais trop souvent véreux. Arbre très-vigoureux et très-productif. 10.* Damas musqué ; au quinze août; fruit petit, d'un violet foncé , ferme, assez bon. Arbre moyen , originaire , dit-on , des environs de Damas en Syrie ; il est peu productif; comme tous les damas , il multiplie sa variété par la semence. 1 1 . Damas violet ; à la fin d'août ; fruit moyen , allongé , violet , ferme, sucré, mais un peu acide. Arbre moyen , assez vigoureux. 12. Damas dronet ; à la fin d'août; fruit petit, d'un vert jau- nâtre, à chair verte et sucrée , très-bon ; arbre moyen , assez vigoureux . i3. Damas noir tardif; à la fin d'août; fruit petit , arrondi , élargi à la base , d'un violet foncé , à chair verdâtre et assez bonne , quoique un peu acide. Arbre moyen , vi- goureux. ï4- Damas rouge ; à la fin d'août ; fruit petit, rond , à chair d'un blanc verdâtre , ferme , sucrée , parfumée. Arbre de moyenne grandeur, assez vigoureux. i5. Damas d'Italie; il ressemble beaucoup au précédent, et n'en diffère que par son bois gris tacheté de blanc. Il mûrit à la même époque. 49^ JARDIN FRUITIER, 16. Prunier damas a petit fruit blanc; à la fin de septem- bre; fruit petit, de médiocre qualité. Arbre assez délicat. 17. Damas a gros fruit blanc ; à la fin de septembre ; fruit semblable au précédent , mais plus gros et de meilleure qua- lité. Arbre plus vigoureux. 18. * Damas maugerou; en septembre ; fruit moyen , noir, rond comme tous les damas , à chair d'un blanc verdâtre , sucrée, fondante et assez bonne. Arbre assez vigoureux. ig. Perdrigon violet ; à la fin d'août ; fruit de grosseur mé- diocre, allongé, sucré, parfumé, excellent. Arbre moyen, assez vigoureux. 20. Perdrigon normand ; au milieu d'août; fruit gros, un peu allongé, renflé du côté de la queue , à chair ferme , fine , délicate. Arbre grand et vigoureux. 21. * Reine-claude , abricot vert, verte-bonne; en août; fruit gros , rond, vert, quelquefois piqueté de violet ou lavé de rouge ; c'est la plus estimée et la meilleure de toutes les prunes. Arbre vigoureux produisant des fruits meilleurs en plein-vent et plus gros en espalier. Cette prune a le défaut de se fendre et de tomber quand il vient des pluies à l'époque de sa maturité. Elle se reproduit souvent de semences. 22. Reine- claude semi- double; fruit absolument sem- blable au précédent. Arbre à fleurs très-grandes , semi- doubles. 23. * Reine-claude dauphine; verte bonne , abricot vert; d'août en octobre ; fruit gros , rond , un peu aplati par les deux bouts, d'un vert jaunâtre , rougissant un peu du côté du soleil ; chair d'un vert jaunâtre , très— fine , délicate , fon- dante, parfumée, excellente. On en fait de très-bons pru- neaux. Arbre grand et productif. 24. Betterave; d'août en septembre; fruit très -gros, rond , d'un jaune pâle , à eau très-abondante , mais peu agréable. Arbre grand et très-vigoureux. 25. * Reine-claude violette ; en août; fruit semblable au précédent; mais violet; il est un peu moins sucré et moins parfumé , la chair est plus ferme , la peau plus coriace , mais néanmoins il est excellent. Sa durée se prolonge quelque- fois jusqu'en octobre. Il n'a pas l'inconvénient de se fendre quand il survient des pluies. PRUNIER. fyrj 26. * Prune petite mirabelle; au quinze août; fruit petit, ovale, arrondi, jaune, ferme, sucré et bon ; excellent pour les compotes et confitures. Arbre petit , à feuilles petites , touffu , très-productif. 27. * Grosse mirabelle, drap d'or; au quinze août; fruit plus gros, plus arrondi, jaune, piqueté de rouge, fondant, sucré, excellent. Arbre très-touffu , poussant un grand nom- bre de brindilles confuses qu'il faut supprimer. 28. Impériale Violette , prune-œuf; à la fin d'août; fruit très-gros, ovale comme un œuf, violet-clair, assez bon, mais souvent véreux , surtout dans les terres froides et humi- des. Arbre grand et vigoureux. 29. Impériale a petit fruit violet; le fruit ne diffère du précédent que par son peu de grosseur. Il a une sous-variété à feuilles et à fruits panachés , plus curieuse que bonne. 30. Impériale blanche ; à la fin d'août; fruit plus gros que le précédent et de même forme; peau coriace et chair blanche, adhérente au noyau ; de médiocre qualité. Arbre vigoureux. 3i. Jacinthe ; à la fin d'août; fruit gros, allongé, renflé du côté de la queue , un peu cordi forme , d'un violet clair, à peau épaisse et dure ; chair jaune , ferme , moins sèche que la précédente, un peu acide. Arbre vigoureux. 32. Impératrice blanche ; à la fin d'août; fruit de moyenne grosseur , oblong ,^-jamne pâle , ferme , sucré , très-bon. Arbre vigoureux. 33. Impératrice violette ; en août; fruit un peu plus gros que le précédent , plus renflé à sa base , à chair blanche , abondante, d'une saveur fade. Arbre très-vigoureux et grand. 34. De Chypre ; à la fin d'août; fruit très-gros, ovale-arrondi, violet clair, ferme , sucré , très-bon. Arbre de moyenne gran- deur, assez vigoureux. 35. * De Jérusalem, œil de bœuf;, en septembre; fruit très- gros , allongé, un peu mamelonné au sommet, d'un violet bleuâtre ou rougeâtre , selon qu'on le voit au soleil ou à l'ombre ; chair jaunâtre , de qualité médiocre, bonne en pru- neau. Arbre de moyenne grandeur, vigoureux. 36. Petite reine -claude; en septembre; fruit rond, de grosseur médiocre, d'un blanc verdâtre, à chair fondante, 2. 5a 4g8 JARDIN FRUITIER, sucrée, mais inférieure en qualité à la grosse espèce. L'arbre reproduit presque toujours sa variété de semence. 3-j. Prune abricotée blanche ; au commencement de sep- tembre ; fruit gros , un peu allongé , d'un blanc jaunâtre d'un côté, rouge de l'autre, à chair quittant le noyau, ferme, parfumée, excellente. Arbre de moyenne grandeur , reprodui- sant, comme la suivante, sa variété de semence. 38. Abricotée rouge ; au milieu de septembre ; fruit ne différant du précédent que par la couleur. Arbre moyen , vigoureux, 3q. Prune-abricot ; en septembre ; fruit très-gros , d'un blanc jaunâtre, assez médiocre. Arbre moyen , vigoureux et productif. Les habitans de Villecrenne, près de Brunoy , cul- tivent beaucoup cette variété pour fournir les marchés de Paris. Elle reproduit sa variété de semence. 4o. Damas d'Espagne; au commencement de septembre; fruit ovale, violet, taché de rouge du côté du soleil, d'une grosseur médiocre, à chair parfumée, sucrée, quittant le noyau. Arbre moyen, assez vigoureux, reproduisant sa variété de semence. 4l* Damas de septembre ; en septembre; fruit petit, un peu allongé, d'un violet foncé, parfumé, assez agréable. Ar- bre moyen, un peu délicat, reproduisant sa variété de semence. 42.* De monsieur tardif , prune altesse ; depuis septembre jusqu'en novembre; fruit de grosseur moyenne, rond, violet, sucré, bon. Arbre moyen, très-productif. 43. Surpasse monsieur; en septembre; fruit plus gros que le précédent, d'un violet noirâtre, rond; chair jaune presque comme celle de l'abricot-pêche , un peu acerbe. Arbre très- vigoureux. Nous l'avons de semence , et il nous a donné fruit en 1819. C'est un hybride de monsieur et de Jérusalem. 44* Perdrigon blanc; au commencement de septembre; fruit petit, allongé, blanc, fondant , parfumé , excellent; l'arbre reproduit sa variété de noyau; il est plus hâtif en espalier, plus productif en contre-espalier, et ses fruits sont meilleurs en plein-vent, maison ne peut plus l'y élever au-dessus du 48e degré de latitude. 45. Perdrigon rouge ; en septembre ; fruit semblable au précédent , mais un peu plus gros , d'un beau rouge violâtre , PRUNIER. 499 fondant, parfumé, très-bon. Arbre de moyenne grandeur, assez productif. 46. Prune datte; en septembre; fruit de moyenne gros- seur, un peu allongé, vert ; chair jaune, molle et fade. 47. Sans-noyau; en septembre ; fruit petit , peu parfumé, de qualité très-médiocre, mais curieux. Arbre vigoureux, peu élevé, reproduisant sa variété par son amande. 48-* Brignole; en septembre; fruit un peu allongé, de grosseur médiocre, d'un jaune pâle, rougissant du côté du so- leil , à chair jaune et sucrée. On en fait les pruneaux de Brignole. 49. Diaprée rouge; au commencement de septembre; fruit de grosseur moyenne , allongé, d'un rouge cerise du côté du soleil, ferme, sucré et parfumé. Arbre assez élevé, vigou- reux, très-productif. 50. De pappaconi ; en septembre ; fruit plus gros que la dame-aubert, d'un jaune superbe^ Nous devons cette variété à son altesse royale madame la duchesse de Berri, qui a eu la bonté de nous la faire venir des jardins royaux de Naples. 5i. Dame-aubert, prune-figue; en septembre ; fruit d'une grosseur énorme, allongé, violet, d'une saveur très-médio- cre. Arbre très-grand, vigoureux, peu productif. 52. Dame-aubert a fruit jaune; fruit encore plus gros , de même qualité, mais à chair un peu plus ferme. Arbre de même nature. 53. Ile- verte ; au commencement de septembre ; fruit allongé, pointu aux deux bouts, un peu arqué, d'un vert de feuille, d'une saveur agréable, bon en confiture. Arbre vi- goureux , peu productif. 54.* Sainte-Catherine; en septembre et octobre; fruit de grosseur moyenne, allongé, jaune, sucré, le meilleur que l'on puisse employer dans les environs de Paris pour faire des pruneaux. Arbre très-élevé, très-productif. 55. Quetsche ; en septembre; fruit très-long, renflé au milieu, d'une grosseur moyenne , d'un violet roussâtre, à chair médiocre, très -bon en pruneau. Arbre reproduisant sa variété de noyau. 56. Quetsche a fruit raccourci ; de septembre en octobre; 500 XARDIN FRUITIER, fruit moins allongé, d'un violet foncé, de même qualité que le précédent. Arbre de même nature. 57.* Prune diaprée blanche, au commencement de septem- bre ; fruit petit , allongé , d'un vert pâle , à chair jaune , parfu- mée, très-délicate; le fruit est meilleur en espalier qu'en plein-vent. Arbre délicat. 58. De Briançon; en août ; fruit tenant de la prune et de l'abricot , médiocre , cultivé parce qu'on en fait l'huile de marmotte. Arbre de moyenne grandeur, très-productif, re- produisant sa variété de semence. 59. Petite bricette; en octobre; fruit de médiocre gros- seur, allongé, jaune, sucré. Arbre délicat, peu élevé. 60.* Saint-Martin; en octobre et novembre; fruit moyen, rond, violet, à chair ferme; eau assez abondante, mais un peu acidulée ; devenant meilleur lorsqu'il a essuyé une gelée blanche. Son mérite consiste à donner ses fruits à une époque où il n'y a plus de prunes. Arbre vigoureux, assez élevé. 61. Rouge et blanche; variété obtenue en Amérique; fruit très-sucré. Arbre de moyenne grandeur, assez vigoureux. 62. Cerisette blanche ; en juillet ; fruit petit, allongé; assez bon. Arbre cultivé pour greffer les variétés de pruniers et d'abricotiers; il reproduit, comme le suivant, sa variété de semence. 63. Cerisette rouge ; fruit un peu plus gros, rouge, du reste semblable au précédent. On le cultive pour servir de sujet aux abricotiers et pruniers. 64. Gros Saint- Julien; en septembre; fruit d'un violet foncé, petit, très-médiocre. On le cultive pour greffer le pê- cher et les petits abricotiers précoces. 65. Petit Saint- Julien ; en septembre, fruit semblable au précédent, mais plus petit; on se sert de l'arbre pour greffer les pêchers précoces, peu vigoureux , et les abricotiers qui sont dans le même cas. 66. Gros damas noir; fin d'août; fruit petit, de médiocre qualité. Arbre servant à greffer l'abricotier , le pêcher , et les premiers les plus délicats. 67. Petit damas noir; fin d'août; fruit très-petit, acerbe. On ne le cultive que comme sujet pour recevoir la greffe des PRUNIER. 5oi pêchers, abricotiers et pruniers que l'on veut élever en que- nouille ou en espaliers* Culture. Les pruniers sont des arbres à racines tra- çantes , qui , par conséquent , ne demandent pas une terre bien profonde , mais franche , légère , calcaire et fraîche sans être humide ; cependant ils réussissent assez bien dans toutes , pourvu qu'elles ne soient pas trop sablonneuses, ou marécageuses, ou sèches. Dans le midi de la France on leur donne l'exposition du nord , mais au-dessus du 46e degré de latitude il leur faut celle du levant ou du couchant , et quelquefois même , pour des variétés délicates, celle du midi. Nous observerons que la qualité du fruit dépend beaucoup de la qualité du terrain dans lequel on les plante , et de leur exposition plus ou moins favorable. On multiplie les pruniers par leurs semences , par rejetons , par la greffe en écusson, n09 i, 2, 3, 108, et en fente, nos 5, 8, 18. Pour semer, on fait stratifier les noyaux et on les plante et cultive, soit en place, soit en pépinière , comme l'a- mandier et le pêcher. On sème ordinairement pour grefïer leurs propres variétés ou celles du pêcher et de l'abricotier, les gros et petits Saint-Julien , les gros et petits damas noirs , et la cerisette. Les rejetons ont le mérite d'être beaucoup plus tôt ve- nus ; mais aussi ils ont l'inconvénient de fournir des arbres plus petits, plus sujets à la gomme , et d'être plus difficiles à débarrasser des sujets nombreux que leurs racines poussent abondamment et de toutes parts. On ne s'en sert guère que pour former des espaliers , des que- nouilles et des pyramides de petite dimension. Soit que l'on greffe sur sujets provenus de noyaux ou de rejetons , il faut saisir avec précision le moment de la sève, parce qu'elle passe très-vite , malgré la précau- tion que Ton pourrait prendre de les arroser pour pro- 502 JARDIN FRUITIER, longer sa durée. On emploie de préférence la greffe en écusson sur les jeunes sujets; celle en fente convient très- bien , au printemps ,, pour ceux qui sont déjà d'une cer- taine grosseur. Du reste, on conduira les pruniers comme nous l'avons dit page 227. Ils sont assez sujets à la gomme» CERISIER. {Prunus cerasus; L. ) T) , et MERI- SIER. (Prunus avium; L. ) 7}. Le premier est , dit- on, originaire d'Afrique, d'où Luculius l'a rapporté. Comme on le trouva dans les environs de Cerasonte, on lui donna le nom de cerasus. Le second croît natu- rellement dans les forêts de toute l'Europe -, il a fourni deux variétés principales, le merisier et le bigarreau tier 5 le premier paraît être le type du cerisier et du cerisier- griottier du nord. On connaît suffisamment le mérite du fruit de ces arbres sans qu'il soit besoin d'en parler ici ; leur bois, surtout celui du merisier à fruit noir, prend une très-belle couleur rouge. Il est très-employé par les menuisiers et les tourneurs. Nota. Les meilleures espèces sont marquées d'un astéris- que *. A. Merisiers ; fleurs en bouquets sessiles , se développant sur le bois de V avant-dernière année. La plupart des variétés porte le nom de guigne ; fruits arrondis ou en cœur ; pulpe molle et fondante. Arbres à racines pivotantes. 1. Merisier ou cerisier sauvage ; fruit très-petit, noir ou rouge, très-sucré, un peu amer, fort bon. On en fait le ra- tafia etle kirschen-waser. Arbre très-grand, très-vigoureux, croissant naturellement dans toutes les forêts de l'Europe. . 2. * Guignier a gros fruit noir ; en juin , fruit gros , noi- râtre , à peau fine et pulpe douce , agréable , d'un rouge fon- cé. Arbre très-grand, vigoureux, productif. 3. Guignier a petit fruit noir ; il ne diffère du précédent que par le petit volume de son fruit, qui mûrit à la même époque. Arbre de même nature. CERISIER. 5o3 4- * Guignier A gros fruit blanc ; à la mi-juin ; fruit blanc et rougeâtre du côté du soleil; pulpe blanche , ferme, très- bonne. Arbre de moyenne grandeur, très-vigoureux et pro- ductif. 5. * Guignier a fruit rose hatif ; à la mi-juin ; fruit d'un rouge tendre , à pulpe très-aqueuse. Arbre élevé , assez vi- goureux. 6. * Guignier a gros fruit noir luisant ; à la fin de juin ; fruit à pulpe rouge, succulente, sucrée, excellente. Arbre à bourgeons jaunâtres et vigoureux. 7. * Guignier a gros fruit noir et court pédoncule ; à la fin de juin ; fruit en tout semblable au précédent, mais à pédon- cule plus court et à pulpe plus parfumée. C'est la meilleure de toutes les guignes. 8. Guignier a fruit noir et très-long pédoncule ; fruit pe- tit, turbiné, noir, à pédoncule de près de quatre pouces de longueur; chair aqueuse, sucrée, colorée, d'un acide doux et agréable. Arbre élevé et robuste. Nous l'avons obtenu de semis, et il a fructifié pour la première fois en 1824- 9. * Guignier a rameaux pendans; en juillet; fruit noir, gros , luisant, à pédoncule allongé , à pulpe d'un rouge noi- jâtre , très-bonne. Arbre vigoureux et très-productif. B. Bigarreautiers ; leurs fleurs semblables à celles des meri- siers se développent de la même manière ; leurs fruits sont cordiformes , renflés, avec une rainure très-prononcée ; leur chair est ferme , presque dure. Arbres à racines pivotantes . 10. Bigarreautier a petit fruit noir ; en août; fruit à pulpe dure , peu fondante , amère , de médiocre qualité. Arbre très- productif, fort vigoureux , et de grande élévation. 1 1 . Bigarreautier a petit fruit rose ; au commencement de juillet; fruit à très-long pédoncule, à chair tendre, blanche, sucrée, médiocre. Arbre très-élevé, vigoureux. Nous l'avons obtenu de nos semis , et il a fructifié pour la première fois en 1824. 12. Bigarreautier hatif a petit fruit rouge; au quinze juil- let ; fruit de grosseur moyenne , d'un rouge clair , à pulpe parsemée de filamens blancs : il est souvent attaqué par les vers. Arbre moyen , vigoureux et productif» 5c»4 JARDIN FRUITIER, i3. * Bigarreautier a gros fruit rouge ; à la fin de juillet ; , fruit gros , rouge , pulpe d'une couleur plus foncée que celle du précédent et meilleure. Arbre assez élevé, vigoureux. i4- * Bigarreautier a gros fruit blanc ; à la fin de juillet ; fruit semblable au précédent, mais d'un rouge clair du côté du soleil et blanchâtre de l'autre : pulpe moins ferme, mais plus sucrée. Arbre de moyenne grandeur, vigoureux et pro- ductif. i5. * Bigarreautier belle deRocmont, cœur de pigeon ; au quinze juillet; fruit moins allongé et moins gros que le précédent , à peau luisante et marbrée. L'arbre a ses bran- ches pendantes , il est vigoureux , de grandeur moyenne, et productif. 1.6 * Bigarreautier a fruit couleur de chair ; au quinze juil- let ; fruit semblable au précédent, mais plus petit , à pulpe moins ferme , peu relevée. Arbre de moyenne grandeur, vi- goureux. ,17. * Bigarreautier gros coeuret; en août; fruit cordi- forme , déprimé, court, luisant, d'abord rouge, puis presque noir. C'est le meilleur de tous les bigarreaux. Arbre élevé , très-vigoureux. 18. Bigarreautier tardif a feuilles de tabac, cerisier des quatre à la livre ; en août ; fruit le plus gros de tous, quoique bien loin de "mériter son nom. Pulpe très-ferme , d'une qualité médiocre. Cet arbre est remarquable par l'ampleur de ses feuilles ; ses fruits nous ont toujours paru avortes , parce qu'on le greffe sur des sujets qui ne peuvent pas lui fournir assez de sève ; peut-être aussi que notre climat est trop chaud , car nous l'avons reçu de Russie. 19. Bigarreautier a fruit jaune; à la fin de juillet; fruit petit, à pulpe ferme, peu parfumée, assez bonne. Arbre élevé, vigoureux. 20. Bigarreautier de Naples ; à la fin de juillet; fruit très- gros, turbiné, d'un jaune citron, à pulpe un peu dure, douce, assez bonne. Arbre moyen , vigoureux. Nous avons vu cette variété dans les environs de Lyon. CERISIER. 5o5 C. Cerisiers ; fleurs en bouquets légèrement pédoncules , souvent accompagnés aV 'une feuille , sortant ordinairement du bois de V année précédente ; fruits ronds, plus ou moins acides , à pulpe tendre et aqueuse. Arbres à racines tra- çantes. 21. * Cerise de Hollande ou d'Angleterre ; au commen- cement de juin ; fruit gros , noir , à pulpe aqueuse, d'une saveur très-agréable. Arbre très -élevé, vigoureux, un des plus fertiles du genre. 11 se greffe et se cultive comme le sui- vant. 22. Cerisier coulard de Hollande; fruit semblable au précédent , un peu moins gros , d'une qualité jinférieure , mais plus tardif. Arbre moyen , se chargeant beaucoup de fleurs et produisant peu. 23. Cerisier de Hollande a feuilles de saule ou de balsa- mine ; au commencement de juin ; fruit gros , noir, à pulpe aqueuse , agréable. Arbre de moyenne grandeur , peu vigou- reux. Il se greffe sur Sainte-Lucie. 24. Royal hatif ; à la fin de mai ; fruit gros , comprimé au sommet et à la base , à pulpe douce , très-bonne. Son pédon- cule vert et court est souvent accompagné d'une foliole. Arbre très-productif et de moyenne grandeur ; il se greffe sur Sainte -Lucie et se plante en espalier pour obtenir du fruit plus gros et plus précoce. 25. Cerisier a trocpiets ou à bouquets ; en juin ; fruits à pulpe délicate , mais acide , réunis plusieurs sur un pédon- cule commun , quelquefois jusqu'au nombre de sept. Arbre de moyenne grandeur , délicat. 26. Cerisier a fleur semi- double ; fleur de quinze à vingt pétales , nouant très-rarement; fruit de grosseur moyenne , d'un rouge clair et vif , peu charnu , fort acide. Arbre peu élevé , délicat et grêle , plus cultivé pour l'ornement que pour l'utilité. 27. Cerise- guigne ; à la fin de juin; fruit rouge , turbiné, à pulpe très-délicate. Arbre de moyenne grandeur , vigou- reux , que l'on greffe sûr Sainte-Lucie pour le cultiver en espalier ou en quenouille. 28. * Cerisier de Prusse ; à la fin de juin ; fruit turbiné. 5o6 JARDIN FRUITIER, gros , d'une couleur foncée , très-bon. Arbre moyen , très- productif ; il se greffe et cultive comme le précédent. 29. * Cerisier a courte queue de Montmorency ; au commencement d'août; fruit moyen, réuni en bouquets, rond , comprimé , à pulpe aqueuse , acidulée. Arbre très- productif, de moyenne grandeur , assez vigoureux. 30. * Cerisier de Montmorency a gros fruits ; en juil- let ; fruit gros , comprimé au sommet et à la base , d'un rouge vif, à pulpe d'un blanc jaunâtre , légèrement acide , excellente. Arbre peu productif, ce qui a fait négliger sa cul- ture par les habitans de Montmorency. 3i. * Cerisier gros gobet ; en juillet; fruit semblable au précédent , mais moins gros , à rainure plus profonde et pé- doncule moins long , excellent. Arbre vigoureux , peu élevé, peu productif. 32. * Cerisier de Yillenes a fruit ambré; en juin; fruit petit, d'un rose jaunâtre, à pulpe blanche très -douce et très-sucrée ; on le défend difficilement des oiseaux. Arbre vigoureux , produisant une immense quantité de fleurs et très-peu de fruits. 33. * Cerisier de Villènes a fruit rouge pale; en juin; fruit semblable au précédent , moins parfumé. Arbre très- vigoureux , mais peu productif. 34. Nain précoce ; fin d'avril et commencement de mai ; fruit petit ; d'un rouge pâle , de médiocre qualité, précieux par sa précocité. Arbrisseau à rameaux minces et grêles , qu'on greffe sur Sainte-Lucie , seul sujet sur lequel il puisse venir. Il est propre à forcer soit en pot , soit en serre» 35. * Cerisier royal tardif , cerise anglaise tardive ; en juillet ; fruit gros , d'une couleur très-foncée , excellent. L'arbre est très-productif et se greffe sur Sainte- Lucie pour espalier que l'on place au nord , afin de retarder encore la maturité. 36. * Cerisier royal tardif a fruit noir; en juillet, fruit semblable au précédent , mais devenant presque noir en mûrissant. Excellent arbre que l'on cultive comme le précé- dent. 37. * Cerisier de la Palembre , doucette , belle de Chois f; CERISIRR. 5(>7 en juillet ; fruit moyen , d'un beau rouge, à long pédoncule , excellent. Arbre peu productif. 38. * Cerisier de Varenne ; en août ; fruit gros , comprimé à son sommet et à sa base , d'un rouge vif , à long pédoncule, excellent. Arbre élevé , très-vigoureux. 39. * Cerisier de là Madeleine ; à la fin de juillet; fruit gros , d'un rouge vif , à pulpe molle , d'un acide doux et agréable. Cette espèce se cultive particulièrement aux envi- rons de Sceaux et de Fontenay-aux-Roses. L'arbre est grand, vigoureux et très-productif. 40. * Cerisier a gros fruit blanc ; en juillet; fruit très- sucré , à pulpe aqueuse , parfumée , très-bonne , difficile à défendre des oiseaux. Arbre très-élevé , vigoureux , pro- ductif. 4i. Cerise blanche a petit fruit ; elle ne diffère de la pré- cédente que par sa grosseur. L'arbre est plus petit , aussi pro- ductif. 42. * Cerisier Cherry-Duck; en août ; fruit gros , un peu comprimé au sommet et à la base , d'un rouge vif, à pulpe blanche , sucrée , excellente : c'est une des plus belles et des meilleures cerises. Arbre grand , vigoureux , assez pro- ductif. 43.. Cerisier Tardif, ou de la Toussaint; il est en fleur depuis mai jusqu'en novembre ; fruits petits , acides , rou- ges , de qualité très-médiocre , naissant dans les aiselles des feuilles. Arbre à rameaux pendans , longs et fluets. Willde- now le regarde comme une espèce, et Ta nommé pi*unus sem~ perflorens ; M. Desfontaines a adopté cette opinion , et l'a porté dans le catalogue du Jardin des Plantes sous le même nom avec la synonymie de Prunus serotina, Roth. cat. 44 * Cerisier tardif a gros fruits; il ne diffère du précédent que par l'abondance de ses fruits plus gros^et moins acides. Arbre plus élevé , que nous avons obtenu de semis et qui a fructifié pour la première fois en 1820. 5o8 JARDIN FRUITIER, D. Cerisiers du Nord ou griot tiers; fleurs se développant de la même manière que dans les précédens ; fruit ovale-ar- rondi, à pulpe liquide , noirâtre, plus ou moins acide; arbres à racines traçantes. 45. Griottier a fruit aigre ; en septembre et octobre ; fruit petit , rond , à pulpe molle , aqueuse , acide , de très- médiocre qualité. Arbre moyen , peu vigoureux. 46. Griottier ordinaire du Nord ; en septembre et octo- bre ; fruit moyen , noir comme tous ceux de cette division , à chair molle et acidulée. Arbre très-vigoureux. On le greffe sur Sainte-Lucie, et on le place au nord , pour empêcher les chaleurs de dessécher son fruit. Nous en avons eu quelque- fois jusqu'au quinze novembre sur un de nos espaliers qui a plus de trente pieds de hauteur. 47. De Sibérie a gros fruit et a rameaux pendans ; en août et septembre; fruit petit , ovale , de médiocre qualité. Arbre petit, mais très-joli par sa forme, ce qui peut le faire em- ployer pour l'ornement. 48. De Sibérie a fruit rond ; en août ; fruit plus petit que le précédent , aussi mauvais. Arbrisseau qui ne s'élève qu'à quelques pieds, et que l'on cultive aussi pour l'agrément. 49. Griottier commun; en juillet ; fruit petit , très-acide, médiocre. Arbre fort et vigoureux , très-peu productif. 50. * Griottier d'Allemagne ; au quinze juillet ; fruit à pulpe rouge et très-aqueuse , amère , de moyenne grosseur, médiocre en qualité. Arbre de moyenne grandeur , à ra- meaux très-multi plies , peu productif. 5r. * Griottier de Portugal ; en août ; fruit à pulpe ferme, un peu moins acide que dans les autres. Arbre assez vigou- reux , à rameaux ramassés, peu productif. Culture. Les cerisiers réussissent assez bien dans tou- tes les terres , mais il faut qu elles soient profondes et sèches pour les merisiers et bigarreautiers; fraîches sans être humides pour les autres. Ils craignent les terres argileuses, froides, marécageuses ou tout- à-fait sa- blonneuses-, et acquièrent un grand développement dans CERISIER. 509 celles calcaires et granitiques. C'est surtout dans les pays entrecoupés de collines et de montagnes que les cerisiers prennent un accroissement quelquefois prodi- gieux. On les multiplie de semences, de rejetons , et par la greffe. Le premier moyen fournit des arbres plus vigou- reux , plus grands , et moins sujets à la gomme ; le se- cond fournit des individus plus petits, surtout si on greffe sur griottier ; enfin , si l'on veut des arbres tout- à-fait nains pour quenouilles , espaliers , pyramides , on choisit le mahaleb pour sujet. Pour greffer , on emploie les écussons nos i , 2, 74? et Pms souvent celui à œil dormant, n° 3. Si le sujet a déjà une certaine force, on peut greffer en fente n' s 5 et 8 , ou bien on rabat les branches jusque sur la tige , et l'on écussonne les nou- veaux jets quelle produit, Pour semer , on fait stratifier des noyaux de merisier sauvage , de griottier et de mahaleb. Au printemps, en terre bien meuble et fumée dès l'automne précédent , on les sème en rayons espacés de quinze à dix-huit pouces, si ce sont des mahalebs -, de deux pieds à deux pieds et demi pour les autres. Quant aux noyaux, on ne les espace sur les rangs que de cinq ou six pouces , parce que souvent il en manque beaucoup. On les enterre d'un pouce ou un pouce et demi 5 et , si l'on veut hâter singulièrement leur végétation , on mêle un peu de ter- reau dans la terre dont on les recouvre. On sarcle exac- tement et l'on arrose au besoin , car les jeunes plants craignent beaucoup la sécheresse. Au printemps suivant on éclaircit et on replante où il en manque , en con- tinuant à donner les soins ordinaires aune pépinière, mais arrosant toujours dans les sécheresses, surtout les semis de griottiers. Quant aux rejetons , on les détache en automne du pied ou dès racines des vieux arbres ; et, s'ils ont beaucoup de chevelu, on peut les greffer en fente dès le printemps suivant, et en écusson à la seconde 5lO JARDIN FRUITIER, sève , si les premières greffes n'ont pas poussé. Du reste , on forme et conduit les cerisiers comme nous l'avons dit page 228. Le Mahaleb, bois de S". -Lucie {prunus mahaleb , L. ) "r> , est un arbre de troisième grandeur , qui croît naturellement dans les haies et dans les Lois du midi de la France. Son écorce est brune , piquetée de grisâtre quand elle est nouvelle. Son bois est dur , odorant; ses feuilles glabres, luisantes , subcordiformes , arrondies- ovales ; il porte quatre à six fleurs en corymbe sur un pé- doncule commun et foliacé. Fruit petit , noirâtre et mauvais. Nous mentionnons cette espèce , parce qu'elle sert de sujet pour greffer les variétés des autres cerisiers. MICOCOULIER de Provence , ou austral ( Celtis australis ; L. ). "fr . Cet arbre à racines pivotantes s'é- lève à trente ou quarante pieds , fleurit en avril et en mai , et produit en automne un fruit ovale , charnu , de la grosseur d'une petite cerise et d'un pourpre noirâtre; sa chair est blanche et sa saveur agréable, mais un peu astringente , il est de très-médiocre qualité. Le bois du micocoulier est noirâtre , dur , liant et très- élastique , ce qui permet de faire d'excellens cercles de cuves avec les jeunes branches. Le tronc prend un beau poli et s'emploie particulièrement à la facture des ins- trumens à vent ; on l'estime encore pour les ouvrages de sculpture , parce qu'il n'est sujet ni à fendre , ni à se gercer. Cet arbre réussit parfaitement dans les terres pro- fondes , franches , grasses , humides et chaudes. Dans le nord il lui faut une exposition chaude. On le mul- tiplie de semences que l'on sème en pots ou en terrines aussitôt leur maturité , ou que l'on met stratifier comme les autres noyaux. Les premières lèvent en un an ou deux , et les autres au printemps de la même année. Le plus sûr serait d'abriter les jeunes plants pendant les deux premiers hivers , en les mettant dans une orange- MICOCOULIER, CORNOUILLER. 5ll rie ; mais, à défaut de serre , on peut se contenter de les couvrir de grande litière. Lorsqu'ils ont dix-huit pouces ou deux pieds de haut , on les met en pépinière , en pla- te-bande à bonne exposition , et on les traite comme les autres arbres fruitiers. Dans la Provence , où le mico^- coulier austral est assez commun, on le fait servir de sujet pour greffer d'autres espèces , et pour opérer on se sert des mêmes méthodes que pour Je poirier. CORNOUILLER mâle , cornier. ( Cornus mascula; L. ). T) . Indigène. Petit arbre de douze à quinze pieds , fleurissant en février et produisant un fruit de la gros- seur et de la forme d'une olive , mais à pulpe transpa- rente , aqueuse et d'un joli rose cerise dans l'espèce or- dinaire. Ce fruit nommé comouïlle, eomiole ou corne, est d'une saveur douce , un peu aigrelette , assez agréa- ble quand il est parfaitement mûr ; on en fait d'excel- lentes confitures. Le bois du cornouiller est extrêmement dur et assez pliant ; on s'en sert pour faire des échalas , des cerceaux , etc. On cultive plusieurs espèces et va- riétés à fruits comestibles. i° Cornouiller sauvage ; fruit petit , rouge , un peu acerbe. 2° Cornouiller franc, aournier ; fruit plus gros, plus doux, rouge. 3° Cornouiller a fruit jaune; il ne diffère du précédent que par la couleur du fruit. 4° Cornouiller ^blanc {cornus alba; L.); de PAmérique septentrionale ; fruit plus petit , plus précoce , blanc , d'une saveur plus douce. Culture. Cet arbre est très-robuste , ne craint nul- lement l'intempérie des saisons , et vient bien dans tous les terrains et à toute exposition, même ombragée; mais sa croissance est extrêmement lente, et il ne s'élève guère que de dix pieds dans l'espace de quinze années. On le multiplie de noyaux que l'on met stratifier et que l'on conduit ensuite comme les autres arbres ; de rejetons 5l2 jardin fruitier, que Ton détache du pied en automne ou au printemps , de marcottes par strangulation , et ses variétés par les greffes en lente et en écusson , nos 3 et 5. Il se soumet aisément à la taille et à la tonte et peut prendre toutes les formes agréables. CINQUIÈME DIVISION. Fruits à pépins et à chair plus ou moins ferme. COGNASSIER commun. (Pjruscjdojiia;L. Cyclo- nia vulgans; Hort. Par.) T) . De l'Europe méridionale. Arbre peu élevé, tortu, à écorce brune et à jeunes pousses cotonneuses. II fleurit en avril et mai, et mûrit en automne ; son fruit est gros, plus ou moins allongé . très-velu ou plutôt cotonneux dans sa jeunesse , parfumé, aromatique, acerbe et ne pouvant se manger que cuit. On en fait des liqueurs et. une gelée fort agréable. On cultive cet arbre plus pour grefîer les variétés de poirier que pour son fruit. A. Cognassier de Portugal; fleurs grandes ; fruit à cotes, plus gros , moins graveleux et moins acerbe que le coing commun; arbre plus grand , plus vigoureux , moins tortu, mais craignant le froid. a. Cognassier d'Angers; semblable au précédent, mais plus gros, moins acerbe, qu'on pourrait peut-être manger cru , ayant le défaut de se fendre un peu. B. Cognassier commun ; fleurs, et fruits plus petits ; ces der- niers plus cotonneux , plus graveleux et acerbes que les précédens ; arbre ne craignant pas le froid. Il a deux sous-variétés. a. Coing-poire ; fruit allongé , moins mauvais que le sui- vant. b. Coing -pomme; fruit arrondi , le plus mauvais de tous. Culture. Les cognassiers ne sont pas difficiles sur la COGNASSIER. 5l3 qualité du sol , ni sur l'exposition , puisqu'ils viennent très— bien partout où l'on cultive le poirier , et même dans les lieux où celui-ci ne réussit pas. Cependant ils préfèrent les sols légers , calcaires et frais. L'exposition du levant et celle du couchant leur conviennent parfaite- ment , mais le cognassier de Portugal et celui de la Chine s'accommodent mieux de celle du midi. On les multiplie de semences , de boutures , de reje- tons et de marcottes 5 la facilité que l'on a de reproduire les variétés franches par le moyen des boutures fait qu'on les greffe rarement , si on en excepte pourtant les cog- nassiers de la Chine et de Portugal , que l'on greffe sur le cognassier commun pour en jouir plutôt et les avoir plus robustes. Les greffes en fente nos 5, 8, 10, et celles en écusson nos 1, 2, 3, 108, sont les plus usitées, soit qu'ils servent de sujets pour leurs propres variétés ou pour celles du poirier. Pour les multiplier de semis , on prépare une terre convenable par de bons labours, et on l'ameublit le mieux possible 5 on y trace des sillons peu profonds , et on y jette les pépins que l'on recouvre d'un pouce et demi de terre ou de terreau. On arrache les mauvaises herbes à mesure qu'elles paraissent, et les graines lèvent au prin- temps suivant. Il ne reste plus qu'à leur donner les soins ordinaires , et à éclaircir le plant pour repiquer où il en manque. Par le moyen du semis on a des arbres plus vigoureux et moins sujets aux maladies ; mais il est long, et c'est ce qui fait préférer la bouture. Au printemps , avant que la végétation ait commencé , on coupe des jeunes pousses de l'année précédente , et , s'il est possi- ble , on leur laisse un petit talon de bois de deux ans. On les met en terre , mais en les plantant , et non en les piquant , ce qui déchire l'écorce et occasionne des chan- cres au collet des racines. On les place en rangs espacés de deux pieds , et à quinze ou dix-huit pouces les unes des autres sur les lignes. Elles reprennent promptement , 2. 35 5l4 JARDIN FRUITIER, et quelquefois on peut les écussonner au mois de sep- tembre suivant. Si l'été est sec , il faut les arroser. Pour multiplier de rejetons , on coupe rez-terre le tronc d'un vieux cognassier et on le butte, c'est-à-dire, que l'on amoncelle de la terre autour. Il ne tarde pas à en sortir une quantité de jeunes pousses qui prennent racine en croissant et sont ordinairement bonnes à lever l'année suivante , pour être mises en pépinière et greffées. La méthode la plus avantageuse et la plus usitée aux envi- rons de Paris consiste à planter de jeunes pieds enra- cinés , à les couper rez-terre lorsqu'ils sont en état de donner des rejetons vigoureux, et à les butter pour faire prendre racine aux rejets. Cette marcotte se lève à l'au- tomne pour se mettre en place et en pépinière. Quand un arbre est en place , on le cultive comme nous avons dit page i5o. Le Cognassier de la Chine ( cjdonia sinensis ; Thouin , Ann. ) , est une espèce nouvelle dont les Heurs , qui paraissent en avril et mai , sont d'un très- beau rouge et répandent une odeur agréable. 11 leur succède un fruit très-gros , ovale allongé , ventru, d'un vert jaunâtre , à pédoncule raide et court, à chair co- riace , âpre , acerbe , mûrissant mal dans les années ordinaires, sous le climat de Paris 5 peut-être sa culture serait-elle avantageuse dans le midi. Il est possible que par le semis nous en obtenions par la suite une variété précoce qui mûrira plus aisément. Nous regrettons que l'on ne se soit pas occupé jusqu'à présent des semis de cognassier , car nous sommes per- suadés que, par des fécondations artificielles de poiriers, on viendrait à bout de créer de nouvelles variétés , qui , sans nuire à la beauté de ce fruit intéressant , en amé- lioreraient la qualité au point de le rendre mangeable. POIRIER. ( Pjrus communis ; L. ). T) . Indigène. Arbre de quinze à cinquante pieds , selon la variété , à racines pivotantes , dont tout le monde connaît les fruits POIRIER. 5l5 et les divers usages auxquels on les emploie. 11 fleurit en avril. Son bois est pesant, serré, dur, rougeâtre , prend un très-beau poli , et n'est pas sujet à être piqué par les insectes -, aussi est-il recherché par les menuisiers, ébénistes , luthiers , tourneurs , graveurs en bois 5 mais ses qualités , toutes réunies dans le poirier sauvageon , disparaissent à mesure que le fruit se perfectionne. Cet arbre atteint quelquefois une grosseur énorme : Évelin parle d'un poirier d'Erfort, en Angleterre , dont le tronc avait six pieds de diamètre, et qui rendait annuellement sept muids de poiré. Nous en avons vu un entre Limeille etValenton, prèsBrunoy, qui a produit une année plus de quarante mille poires ; il avait à peu près trois pieds de diamètre et quarante pieds de hauteur. On cultive le poirier dès la plus haute antiquité , et il paraît que la variété la plus anciennement connue est le rousselet , du moins si on s'en rapporte à Pline. Le nombre de ces variétés s'est accru si prodigieusement , que les catalogues du temps de Louis XIV les portent à près de huit cents , ce qui donne plus de quinze cents noms français. 11 faut croire qu'il y avait beaucoup de double emploi, car nous sommes loin d'en posséder autant aujourd'hui. Nous allons donner, par ordre de maturité, toutes celles qui méritent la. culture. Nota, les bonnes variétés sont marquées d'un astérisque *. FRUITS D ETE, En 1. * Poire amiré joannet, petit Saint-Jean ; petite, d'un jaune clair citronné ; chair tendre, assez agréable quand elle est à son point précis de maturité. Elle mûrit à la fin du mois. Arbre délicat , peu fertile , réussissant mieux sur cognassier que sur franc. En espalier ou contre-espalier , pour hâter sa maturité. 2. * Petit muscat, sept en gueule; très-petite ^ n'ayant 5l6 JARDIN FRUITIER, guère que dix lignes de diamètre sur un pouce de hauteur ; peau fine , d'un vert jaunâtre , grise ou rougeâtre du côté du soleil; chair demi -fondante, un peu pâteuse, quelquefois musquée. Elle mûrit à la fin du mois. Arbre très-vigoureux , donnant ses fruits en bouquets , réussissant très-bien en espa- lier au levant et en plein-vent. 3. Poire voiron, petit sept en gueule ; fruit de la grosseur d'uneolive; peau d'un jaune verdâtre; chair demi-fondante, très-musquée , agréable. Il mûrit à la fin du mois ou au com- mencement de l'autre. Arbre très-grand, très-vigoureux, don- nant ses fruits en bouquets. Plein-vent. Mn juillet. 4- * muscat Robert, gros Saint-Jean musqué; petite, dé vingt lignes de longueur, ovale , à peau d'un jaune verdâtre ; chair tendre,, sucrée, parfumée. Elle mûrit vers le dix du mois. Arbre à rameaux jaunes. 5. * Orate ou aurate ; deux fois grosse comme le petit muscat, de même forme, mais d'un jaune plus foncé à l'om- bre , et plus rouge au soleil ; chair demi-fondante , un peu sèche et pierreuse , agréable et musquée dans les bons ter- rains. Elle mûrit dans les premiers jours du mois. Arbre vi- goureux quand il est greffé sur franc. 6. * Bourdon musqué, orange d'été; petite, de dix-huit lignes de diamètre , arrondie, comprimée au sommet, d'un vert clair piqueté; chair blanche, cassante, grossière, su- crée, musquée. Elle mûrit vers le quinze du mois. Arbre très- vigoureux ; plein-vent et quenouille. - 7. * Rousselet hatif , poire de Chypre , perdreau; le plus petit des rousselets , n'ayant que vingt à vingt-quatre lignes de hauteur , conique , jaunâtre , et rouge tavelé de gris du côté du soleil; chair jaunâtre, un peu cassante , graveleuse, sucrée et parfumée. Il mûrit vers la fin du mois. Arbre de moyenne grandeur, assez vigoureux; plein-vent et que- nouille. 8.* Madeleine, citron des carmes; fruit de deux pouces de diamètre , arrondi , d'un vert clair , à queue assez longue ; chair blanche , fondante , parfumée, mais mollissant promp- tement. Elle mûrit à la fin du mois, Arbre vigoureux , se POIRIER.- 617 mettant promptement à fruits, réussissant très-bien en buis- son et en espalier. g. * Poire cuisse - madame ; fruit de moyenne grosseur , allongé , vert, coloré de rouge brun du côté du soleil ; chair peu fondante, mais fine et légèrement musquée. Elle mûrit à la fin du mois. Arbre lent à se mettre à fruit , mais très-pro- ductif, vigoureux lorsqu'il est greffé sur franc pour le plein- vent , assez délicat sur cognassier. Il réussit très -bien en espalier au levant. 10. *Gros blanquet , blanquet, roi Louis, poire d'argent; fruit long de deux pouces , allongé , ventru , blanchâtre , un peu teinté de rouge clair au soleil; chair blanche, cassante, peu fine, relevée. Il mûrit à la fin du mois. Arbre vigoureux , acquérant quelquefois des dimensions considérables , lorsqu'il est greffé sur sauvageon ou sur franc. il. * Bellissime d'été , suprême; fruit gros , long de trois pouces et plus , en forme de calebasse , d'un jaune pâle ; chair blanche , demi - fondante , parfumée et agréable dans les étés chauds, sans saveur si l'été est froid. Il mûrit du i5 de juillet au i5 août. Arbre très-vigoureux, mais peu pro- ductif. 12. * Gros hativeau ; fruit turbiné, petit, ayant au plus vingt à vingt-deux lignes de longueur , jaune , d'un rouge foncé du côté du soleil ; chair peu délicate , légèrement mus- quée. Il mûrit à la fin du mois. Arbre vigoureux , pour que-r nouille et plein-vent. i3. Petit hativeau ; fruit de mêmes forme et qualité que le précédent , mais plus petit , long de quinze lignes , et à peau jaune partout. Arbre de même nature que le précédent. i4- Sapin; fruit petit, turbiné, un peu allongé, comprimé à la base , d'un vert jaunâtre ; chair blanche , grossière , re- levée, peu parfumée. Il mûrit à la fin du mois. Arbre assez vigoureux. i5. De fauce ; fruit très-petit , arrondi , un peu turbiné, d'un vert jaunâtre , légèrement teint de roussâtre ; chair demi- fondante, sucrée , parfumée, un peu musquée. Il mûrit à la fin du mois. Arbre vigoureux , réussissant mieux sur franc f|ue sur cognassier , très-productif. 5i8 jardin fruitier, En août. 16. Poire d'ange ; fruit petit , turbiné , bosselé vers la queue , d'un vert jaunâtre , à chair assez fine , demi-cassante , très -musquée. On la regarde comme une variété du salviati , inférieure en qualité. Arbre assez vigoureux. 17. '* Petit rlanquet, poire en perle ; fruit petit, long de quinze à seize lignes , en forme de calebasse , à sommet ar- rondi et œil très-saillant , d'un blanc jaunâtre ; chair demi- cassante , musquée , agréable. Il mûrit au commencement du mois. Arbre très-vigoureux et très-productif. 18. * Blanquette a longue queue ; plus grosse et plus al- longée que la précédente, à peau blanchâtre et queue longue. Elle vient en bouquets ; chair blanche , cassante , fine , sucrée et parfumée. Elle mûrit au commencement du mois. Arbre extrêmement vigoureux , réussissant très-bien dans les terres légères et profondes. 19. "^Épargne, beau présent, grosse cuisse-madame, Sainl- Samson ; fruit assez gros, très-allongé, souvent haut de trois pouces, peu ventru, verdâtre, coloré du côté du soleil ; chair fondante, parfumée, sucrée, et d'une saveur particulière très- agréable. Il mûrit dans la première quinzaine du mois et passe promptement. Arbre assez grand , très -vigoureux , d'une grande fertilité , mais se soumettant difficilement à la forme de la quenouille ou de la pyramide. 11 réussit bien en espalier au couchant. 20. Ognonet, ognolet , poire ognon , archiduc d'été , amiré roux ; fruit moyen, turbiné, comprimé au sommet, jaune , d'un rouge vif ou brun du côté du soleil ; chair cassante , souvent pierreuse , ayant un léger goût de rose , relevé. Il mûrit au commencement du mois. L'arbre , pour être pro- ductif , demande à être greffé sur franc. 21. * Poire sans peau, fleur de guignes ; fruit ordinaire- ment de deux pouces et demi de haut, ventru, allongé, quel- quefois bosselé et lavé de rouge du côté du soleil , très-va- riable; chair fondante, délicate, parfumée. Il mûrit dans le commencement du mois. Arbre assez vigoureux. 22. Fin-or d'été; fruit de moyenne grosseur, turbiné, POIRIER. 5l9 cTun vert jaunâtre piqueté de roux , d'un rouge foncé bril- lant du côté du soleil ; chair fine , verdâtre , demi-fondante, légèrement aeide. Il mûrit vers le milieu du mois. Arbre assez vigoureux. 23. * Poire salviati; fruit rond comme une pomme, de deux pouces de diamètre, à queue de dix-huit à vingt lignes de lon- gueur, d'un jaune de cire, rouge du côté du soleil; chair fon- dante, sucrée, parfumée, excellente. Il mûrit du i5 au 3i du mois. L'arbre est très-vigoureux et productif, quand il est greffé sur franc. 24. * Orange musquée ou d'été; fruit moyen , de vingt lignes de diamètre, rond, à peau couverte de petits enfonce- mens comme celle d'une orange , jaune ,. rougissant un peu du côté du soleil ; chair cassante , musquée. Il mûrit vers le milieu du mois , mais il passe très-vite. Arbre assez vigoureux pour quenouille et plein-vent. ?.5. Parfum d'août ; fruit petit, turbiné, très-renflé du côté de l'œil, d'un jaune citron légèrement tacheté de fauve ? rouge foncé , piqueté de jaune du côté du soleil ; chair grossière , très- musquée. Il mûrit vers le milieu du mois. Arbre très- productif. 26. * Orange rouge ; fruit en tout semblable au précédent, mais plus gros et d'un rouge vif du côté du soleil. Il mûrit à la même époque. Arbre très-vigoureux , pour quenouille et plein-vent. 27. Épine rose; fruit moyen, très-comprimé au sommet et à la base , ce qui lui donne de la ressemblance avec une pomme ; son œil et sa queue sont enfoncés ; sa peau verdâtre est tavelée de gris ou de fauve; chair demi-fondante, très- musquée , fort bonne. Il mûrit vers le 10 du mois. Arbre réussissant très -bien en plein-vent , et en espalier dans les terres fraîches. 28. Chair a dame ; fruit ovale arrondi , long de deux pouces , d'un gris fauve ou jaunâtre , rougeâtre du côté du soleil, à queue courte et coudée; la chair est demi-cassante , relevée , assez agréable. Il mûrit au milieu du mois. Arbre peu vigoureux , qui réussit mieux sur franc que sur co- gnassier. 29. Robine, royale d'été; fruit petit , plus ou moins ar~ 5k> jardin fruitier, rondi , de seize â dix-huit lignes de haut , d'un vert pâle piqueté de brun ; «hair cassante , sucrée , très-musquée. Mûrit vers le milieu du mois. L'arbre est assez vigoureux. 3o * Poire belle de Bruxelles, belle d'août; fruit gros, très- allongé , renflé à sa base , jaune , coloré du côté du soleil ; chair blanche , fondante , parfumée , très-bonne. Il mûrit vers le milieu du mois. Arbre délicat , réussissant mieux sur franc que sur cognassier. 3i. * Rousselet de Reims , petit rousselet ; fruit petit, haut de deux pouces , ovale obtus , aminci vers la queue, à peau , d'abord d'un vert foncé, puis devenant sur toute sa surface d'un rouge très-obscur et ponctué de gris ; chair fine , fon- dante , musquée. Il mûrit à la fin du mois. Arbre à rameaux grêles et bruns , réussissant très - bien dans les terres pro- fondes. 32. Cassolette, muscat vert^friolet, lèche-friand; fruit assez petit, n'atteignant pas deux pouces de longueur, court, ovale- arrondi , à peau verte tirant sur le jaune, à peine teinté de rouge du côté du soleil; chair cassante, tendre, sucrée et musquée. Il mûrit à la fin du mois. Arbre vigoureux , pour plein-vent. 33. Sanguinole ; fruit petit , turbiné , presque rond , ver- dâtre, rugueux, un peu piqueté de rouge du côté du soleil ; chair rouge ou marbrée de rouge. Il mûrit à la fin du mois. Arbre peu vigoureux. 34. Sanguine d'Italie, sanguinole d'Italie; fruit petit, allongé , grisâtre , à chair rouge et cassante , très-médiocre. Il mûrit à la fin du mois. Arbre très-vigoureux. 35. De Vallée; fruit de moyenne grosseur, turbiné, d'un jaune verdâtre , légèrement coloré du côté du soleil , à chair cassante , grossière, acerbe , très-médiocre. Il mûrit vers la fin du mois. L'arbre greffé sur franc est un des plus produc- tifs , ce qui le fait beaucoup cultiver par les paysans des en- virons de Paris , pour porter ses fruits à la halle. 36. Angélique de Rome ; fruit moyen , turbiné, d'un vert jaunâtre , peu coloré du côté du soleil, à chair cassante , par- fumée. Il mûrit vers la fin du mois. Arbre très -vigoureux grand , peu productif. $7 . Grise bonne , poire de forêt ; fruit petit, turbiné, de deux POIRIER. 321 pouces de longueur, d'un vert grisâtre , à chair fondante et sucrée. Il mûrit à la fin du mois. Arbre très- productif, réussissant mieux sur franc que sur cognassier. 38. Poire d'oeuf ; fruit ovale allongé, un peu aminci vers la queue , de la grosseur d'un petit œuf de poule , vert pointillé , rougissant à peine du côté du soleil ; chair fine , fondante , d'un goût très-agréable. Il mûrit à la fin du mois et au commencement de l'autre. Arbre très-délicat, réussissant mieux sur franc que sur cognassier. 3g. Poire deux têtes ou à deux jeux ; fruit moyen , un peu allongé , verdâtre , rouge du côté du soleil , ayant l'œil séparé en deux parties par un étranglement; chair demi- cassante , assez sucrée , légèrement parfumée. Il mûrit à la lin du mois. Arbre très - vigoureux , très - productif , pour plein-vent. 4o. * Médaille ; fruit moyen , turbiné , d'un vert jaunâtre ; chairdemi-cassante , sucrée , parfumée. Il mûrit à la fin du mois. Arbre grand et vigoureux , que l'on greffe sur franc , pour plein-vent. En septembre. 4i. Fin-or de septembre; fruit gros, de deux pouces et demi de long , ovale allongé, d'un vert gai , rouge marbré du côté du soleil ; chair blanche , fine , fondante , d'un acide assez agréable. Il mûrit au commencement du mois. Arbre assez vigoureux. 42. Bon-chrétien d'été musqué; fruit en forme de coing, jaune clair, quelquefois bosselé et fouetté de rouge , haut de trois pouces ; chair cassante , blanche , musquée , sucrée. Il mûrit au commencement du mois. Arbre ne se greffant que sur franc. 43. * Bon-chrétien d'été , gracioli; fruit gros , ovale , de trois pouces et demi de longueur, à peau d'un vert clair, jau- nissant à la maturité; chair demi-cassante, sucrée, très- bonne. Il mûrit au commencement du mois. Arbre à fleurs les plus grandes du genre, venant bien dans les cours pavées, mais ne réussissant parfaitement que greffé sur franc. Plein- vent et grand espalier; ne pouvant se former en que- nouille. 322 JARDIN FRUITIER, 44- * Poire ah ! mon dieu ; fruit allongé , un peu ventru , long de deux pouces et demi, d'un jaune clair lavé de rouge, taché de rouge foncé du côté du soleil; chair demi-cassante , sucrée , assez parfumée. Il mûrit au commencement du mois. Arbre très-productif, 45. Cassante de Brest, chêne au , fondante de Brest /fruit un peu ventru, allongé, à surface irrégulière, de deux pouces de longueur, à peau verte , unie , quelquefois lavée de brun du côté du soleil; chair blanche , fine, sucrée, légèrement acide , agréable. Il mûrit au commencement du mois. Arbre très-vigoureux , très- grand et très-productif; il réussit bien sur franc , mal sur cognassier. 46. * Epine d'été , fondante , musquée , satin vert; fruit allongé, de trois pouces de longueur, lisse , vert , quelquefois jaunissant près de la queue, à chair fondante , très-musquée, fort agréable. Il mûrit au commencement du mois , mais il passe très-vite. Arbre vigoureux. 47. Passe- madeleine ; fruit moyen, allongé, d'un jaune citron , légèrement teinté de gris du côté du soleil ; chair fondante, sucrée , assez parfumée. Il mûrit au commence- ment du mois. Arbre vigoureux , très-productif. 48.* Bergamotte d'été , de la BeuvVere , milan blanc ; fruit turbiné , très-ventru , de deux pouces et demi de longueur ou un peu plus, rugueux au toucher, d'un vert pâle devenant jaunâtre, à chair délicate, fondante, d'un acide agréable. Il mûrit vers le dix du mois, mais il passe vite. Arbre vi- goureux. 49. Bergamotte rouge ; fruit de deux pouces de longueur et un peu plus de largeur, turbiné, jaune, lavé de rouge; chair fondante, parfumée, mais mollissant promptement; il mûrit vers le quinze du mois. Arbre délicat. 50. Poire-figue; fruit de grosseur moyenne, très-long, d'un vert brunâtre, à chair fondante, sucrée, assez bonne. Il mûrit au commencement du mois. Arbre très-vigoureux , peu productif. 5i. * Beurré du Couoma; fruit moyen, allongé, renflé à sa base , vert, marqué de taches assez larges et grisâtres ; chair blanche, pâteuse, parfumée. Il mûrit au commencement du mois. Arbre vigoureux. POIRIER. 323 52 • ¥ Poire orange tulipée, poire aux mouches ; fruit ovale , allongé, long de trois pouces, ventru, quelquefois bosselé auprès de la queue , d'un vert jaune rayé ou panaché de rouge, quelquefois marbré de gris; chair cassante, délicate, agréa- ble. Il mûrit vers le dix du mois. Arbre vigoureux. 53. Jargonelle ; fruit turbiné, un peu allongé, très-renflé vers le sommet, de deux pouces et demi de longueur , à peau luisante, jaune, rouge vif du côté du soleil, assez souvent panaché de rouge plus foncé sur les côtés ; chair demi-cas- sante, musquée, de médiocre qualité. Il mûrit au commen- cement du mois. Arbre élevé, vigoureux ; pour quenouille et plein-vent. 54. * Gros rousselet , roi d'été ; fruit d'une grosseur moyenne, un peu allongé, ventru, tronqué , quelquefois un peu bosselé du côté de la queue , qui est longue de deux pou- ces et demi , d'un jaune sale , ponctué, coloré de rouge brun obscur du côté du soleil; chair demi-cassante, parfumée, légèrement acide, agréable. Il mûrit au commencement du mois, Arbre très-vigoureux; pour quenouille et plein-vent. 55. Poire olive; fruit moyen, ovale, allongé, d'un vert brunâtre; chair fondante , délicate, parfumée, très-agréa- ble. Il mûrit vers le milieu de septembre. Arbre assez vigou- reux ; quenouille et plein-vent. 56. Azerolle; fruit petit, turbiné , rouge , à chair molle, assez parfumée. Il mûrit au milieu du mois; on le cultive plus pour l'agrément que pour l'utilité. Arbre très-vigoureux, qu'il faut greffer sur franc. 57. * Doyenné blanc, beurré blanc , Saint-Michel; fruit gros , arrondi, jaune, fondant, très-sucré , excellent. Il mûrit au milieu du mois. Arbre très-productif, qu'il faut tailler court pour l'empêcher de s'épuiser en fruits. 58. Mansuette , solitaire ; fruit gros , long de trois pouces et demi, irrégulier dans sa forme , un peu bosselé, allongé, obtus, vert piqueté de brun , jaune ou rouge du côté du so- leil ; chair demi-fondante , aqueuse , médiocre. Il mûrit au milieu du mois. Arbre réussissant mieux sur cognassier que sur franc : peu vigoureux. 5g. * Caillou rosat ; fruit gros , arrondi, jaune, rougis- sant un peu du côté du soleil; chair demi -fondante, sucrée, 524 JARDIN FRUITIER, musquée , mais mollissant rapidement. Il mûrit au commen- cement du mois. Arbre très-vigoureux, très-productif;, pour quenouille et plein~vent. 60. * Poire beurré gris ; fruitgros, ovale raccourci, detrois pouces et demi de longueur , vert , gris ou rouge , selon le terrain où il croît, à chair fondante, délicate, relevée, excel- lente. Il mûrit à la fin du mois L'arbre se met promptement à fruits ; il réussit parfaitement greffé sur franc et en plein- vent , mais alors les poires sont moins grosses et moins colo- rées ; elles sont plus belles quand l'arbre est greffé sur cognas- sier et formé en espalier. 61. * Beurré d'Angleterre, poire d'Angleterre; fruit petit ou de grosseur moyenne, ovoïde, allongé, à peau épaisse, dure, d'un jaune verdâtre ou un peu grise, plus ou moins piquetée de roux; chair tendre, fondante, douce, sucrée, très- agréable. Il mûrit au milieu de septembre. Arbre réussissant très-bien en plein-vent et devenant fort grand, mais don- nant des fruits plus gros en espalier. On emploie cette espèce, ainsi que le sucré vert , pour greffer les variétés délicates , et voici comment on agit. Oni'écussonne sur des cognassiers de deux années de plantation ; on le laisse se développer jusqu'à ce qu'il ait atteint assez; de hauteur pour former un arbre à haute tige , et alors on le greffe avec les espèces faibles que l'on veut avoir à plein-vent. 62. * Grosse Angleterre de noisette; fruit semblable au précédent , mais plus gros , plus grisâtre , et d'une qualité supérieure. Il mûrit à la fin du mois. On lui a donné le nom de noisette , parce qu'il a été trouvé dans nos semis. Arbre très-vigoureux , de même nature que le précédent. 63. * Calebasse ; fruit gros , long de quatre ou cinq pou- ces , ventru en forme de calebasse , gris , jaunissant à la ma- turité; chair cassante, agréable. Il mûrit depuis le 10 sep- tembre jusqu'au mois d'octobre. Arbre vigoureux , que l'on greffe sur franc et qu'on élève en pleint-vent et en que- nouille. 64. Bequesne ; fruit gros, long , assez bien fait, ovale, d'un jaune citron, lavé de rouge du côté du soleil, pointillé et taché de, gris ; chair moelleuse, un peu fade , bonne cuite. Elle mûrit dans les derniers jouis du mois jusqu'en février. POIRIER. 525 Arbre grand, vigoureux, réussissant mieux sur franc que sur cognassier. 65. Poire rousseau ; fruit moyen, arrondi, jaunâtre, à chair cassante , peu parfumée. Il mûrit à la fin du mois. Arbre vi- goureux , réussissant mieux sur franc que sur cognassier. 66. * Lucné hâtive; fruit moyen, allongé, long de deux à trois pouces , d'un vert pâle ; chair demi-fondante , sucrée , assez parfumée. Mûrit à la fin du mois. Arbre vigoureux, productif. 67. Urbaniste ; fruit allongé , de trois pouces de longueur, de moyenne grosseur, d'un vert jaunâtre, coloré du côté du soleil ; chair blanche , fondante , sucrée , assez parfumée. Mûrit à la fin du mois. Arbre vigoureux, donnant ses fruits en bouquets, très-productif. JB. FRUITS D'AUTOMNE. En octobre* 68. * Crassane, crésane bergamotte crassane ; fruit assez gros, de deux pouces et demi à trois pouces de diamètre , arrondi, vert tacheté de gris, jaunissant un peu du côté du soleil ; chair fondante , sucrée , parfumée , très-bonne ; mais , dans de certaines années et sur des individus plantés dans un sol qui ne leur convient pas , elle devient pierreuse et amère. Il se cueille du huit au quinze du mois et se conserve jus- qu'en janvier. L'arbre aime une terre douce , fraîche et hu- mide ; il est très-vigoureux ; il a une très-jolie variété à feuil- les panachées de blanc. 69. * Verte-longue , mouille-bouche , muscat fleuri; fruit gros , allongé , long de trois pouces , ventru vers le milieu de sa longueur , d'un vert uniforme, parfaitement lisse, à chair délicate , fondante, sucrée, excellente. Il mûrit dans les pre- miers jours du mois. Arbre assez vigoureux. 70. Verte longue panachée, culotte de Suisse ; variété du précédent, plus petit et uniformément rayé de vert et de jaune; mêmes qualités et même époque de maturité. 7 1 . Doyenné gris , doyenné d'automne , doyenné roux ,• fruit plus petit que le doyenné blanc , de moyenne grosseur, 5?.6 JARDIN FRUITIER, d'abord gris, puis roussâtre à la maturité; chair fondante, sucrée, parfumée, ne devenant jamais pâteuse, excellente. Mûrit au commencement du mois. Arbre se mettant promp- tement à fruit , réussissant très-bien en espalier. Les expo- sitions du levant et du couchant sont les plus favorables pour que son fruit soit de bonne conservation. 72. * Poire doyenné galeux; fruit semblable au précédent, mais d'une couleur plus claire et tachée ; chair fondante, su- crée, souvent pierreuse d'un côté. Il mûrit à la même époque. Arbre de même nature. 73. Bezi de Montigny ; fruit très-ressemblant au doyenné gris, un peu plus allongé, à chair plus fondante et meil- leure. Il mûrit au commencement du mois et quelquefois à la fin de septembre. 74« * Bezi de la motte; fruit gros, de deux pouces envi- ron de hauteur , ventru , roux ou vert très-piqueté de gris , rarement coloré du côté du soleil, à chair fondante , douce et très-bonne. Il mûrit à la fin du mois. Arbre vigoureux, épineux, ne réussissant qu'en plein-vent et sur franc. Nous croyons que le bezi vert des Flamands n'est rien autre chose que cette variété. h5. * Bergamotte d'automne; fruit assez gros, turbiné , ressemblant assez à la bergamotte d'été , mais moins gros , plus allongé , lisse , et se lavant rarement de rouge du côté du soleil; chair fondante, parfumée, très-agréable. Il mûrit à la fin du mois et en novembre. Arbre vigoureux. 76. Bergamotte suisse ; fruit un peu plus petit que le pré- cédent , moyen , turbiné, rayé de vert , de jaune et de rouge ; chair fondante , sucrée, bonne. Il mûrit vers le milieu du mois. Arbre délicat, pour quenouille. n*j. Bergamotte cadette, poire de cadet; fruit gros, de pi es de trois pouces de longueur, ou plus petit dans les terrains médiocres , turbiné ou arrondi , jaune légèrement teint de rouge du côté du soleil; chair demi-fondante et assez bonne , devenant cotonneuse quand elle se passe. Il mûrit vers le milieu du mois. Arbre très-vigoureux. 78. Beurré capiémont ; fruit moyen , allongé , renflé à sa base, vert légèrement teinté de rouge du côté du soleil; chair POIRIER. 527 blanche , fondante, délicate, parfumée. II mûrit à la fin du mois. Arbre assez vigoureux. 79. Poire pastorale , musette d'automne , petit râteau; fruit long déplus de trois pouces, gros, allongé, ventru, d'un vert tendre ou jaunâtre, parsemé de gros points roux ou rou- geâtres ; chair demi-cassante , médiocre. Il est mûr depuis la fin du mois jusqu'en décembre. Arbre délicat. 80. * Poire de vigne , poire demoiselle ; fruit petit, arrondi, un peu allongé vers la queue qui est fort longue ; peau grisâ- tre , piquetée de rouge , par fols rougissant du côté du soleil ; chair fondante , relevée , bonne. Il mûrit vers le milieu du mois. Arbre assez vigoureux, pour quenouille et plein-vent. 81. Lansac, satin, dauphine ; fruit petit, arrondi, ayant au plus deux pouces de diamètre, quelquefois un peu allongé aux deux extrémités, d'un jaune pâle ou blanchâtre, à chair fondante, sucrée, relevée, parfumée, assez agréable. 11 mû- rit depuis la fin du mois jusqu'en janvier. Arbre vigoureux , pour quenouille ou plein-vent. 82. * Messire jean, cliaulis ; fruit de moyenne grosseur, inégalement arrondi, quelquefois en calebasse raccourcie ; à peau rude, roussâtre, tachetée de gris, assez souvent entiè- rement grise , ou d'un jaune doré ; chair très-cassante , par fois pierreuse , toujours remplie d'une eau abondante, rele- vée, excellente. Il mûrit au commencement du mois. Arbre très-vigoureux, très-productif, pour plein-vent et quenouille. 83. * Vermillon, suprême., bellissime d 'automne , petit certeau; fruit assez long, terminé en pointe du côté de la queue , de trois à quatre pouces de longueur sur deux de dia- mètre , à' surface inégale , d'un jaune verdâtre piqueté , lavé et piqueté de rouge du côté du soleil ; chair cassante , blan- che, parfumée et très-bonne, quoiqu'un peu pierreuse vers le centre. Il mûrit vers le milieu du mois. Arbre assez vigou- reux. 84- * Sucré vert ; fruit moyen , arrondi , quelquefois ovale, long de deux pouces et demi , d'un vert lisse , à chair fon- dante , sucrée, très - agréable. Il mûrit à la fin du mois. Arbre très - vigoureux , très- productif, servant à recevoir d'autres greffes, comme nous l'avons dit pour le beurré d'An- gleterre. 628 JARDIN FRUITIER, 85. Poire franc réal ; fruit assez gros, de deux pouces et demi à trois pouces de longueur , renflé vers le milieu , verdâtre tacheté de roux, jaunissant à la maturité; chair cassante* médiocre , bonne à cuire. Il mûrit à la fin du mois. Arbre vigoureux , productif, pour plein-vent. 86. Sarrasin ; fruit gros, allongé, brun, piqueté de jaune et de gris , à chair demi-fondante , bonne cuite. 11 mûrit d'octobre en février. Arbre très-vigoureux, réussissant mieux sur franc que sur cognassier. 87. Frangipane; fruit moyen, allongé, un peu ventru, haut de trois pouces, d'un jaune clair, teinté de rouge plus ou moins vif du côté du soleil, finement piqueté, lisse; chair demi-fondante , sucrée , parfumée. Il mûrit à la fin du mois. Arbre peu vigoureux , pour quenouille. 88. * Jalousie; fruit gros, turbiné, très-ventru, à peau roussâtre et finement grenue ; chair fondante, sucrée, excel- lente. Il mûrit à la fin du mois , mais il faut le cueillir avant la maturité, autrement il mollit vite. Arbre assez délicat, ne réussissant bien que sur franc. 89. * Sylvange ; fruit assez gros , allongé , d'un vert clair marqué de points gris, jaunissant légèrement à la maturité; chair fondante , sucrée , parfumée, très-bonne. Mûrit à la fin du mois. Arbre grand, très- vigoureux, ne réussissant bien que sur franc. 90. Bellissime de jardin ; fruit moyen, assez long , d'un vert jaunâtre , légèrement teint de rouge du côté du soleil ; chair demi-cassante, sucrée, parfumée, de médiocre qualité. Il mûrit à la fin du mois. Arbre assez vigoureux. 91. Beurré rose; fruit moyen , delà forme d'un doyenné, jaunâtre lavé de rose ; chair blanche, demi-fondante, sucrée. Il mûrit à la fin du mois. Arbre assez vigoureux. En novembre. 92. Svlvange d'automne ; fruit gros, long de trois pouces, renflé à sa base, d'un vert jaunâtre, teinté de grisâtre du côté du soleil ; chair demi-cassante , peu parfumée , de mé- diocre qualité. Arbre très- vigoureux , réussissant mieux sur franc que sur cognassier. POIRIER. 529 c3. * Poire martin sec, rousselet d'hiver; fruit moyen , à forme et grosseur assez variables, tantôt turbiné, ou en cale- basse, ou en poire allongée avec une grande queue , de couleur fauve ouisabelle, rougissant quelquefois un peu du côté du soleil; chair cassante, parfumée, sucrée, très-bonne. C'est une des meilleures poires pour la compote. Il mûrit dans ce mois et en décembre. Arbre touffu, vigoureux , très-pro- ductif. 94. * Rousseline; fruit petit, en calebasse, ventru, s'amin- cissant aux deux extrémités , d'un fauve sale, ou quelquefois gris , s'éclaircissant à la maturité ; chair demi-fondante , su- crée , musquée , agréable. Il mûrit vers le milieu du mois. Arbre assez délicat; pour quenouille. g5j Bezi de Quessoy, roussette d'Anjou; fruit petit, rond ou un peu ovale , long de dix-huit à vingt lignes , roussâtre, taché et rude au toucher, à chair très-fondante, sucrée, très- bonne. Il mûrit vers le milieu du mois, et se conserve bon jusqu'en janvier. Arbre assez délicat. 96. * Beurré d'Aremberg ; fruit un peu moins gros que le beurré gris, plus allongé, vert, jaunissant à la maturité, à chair très-blanche et très-fine, fondante, parfumée, très- relevée, jamais pierreuse, excellente. Nous regardons cette poire comme la meilleure que nous connaissions ; elle mûrit vers le milieu du mois, et se conserve jusqu'en février. L'ar- bre est très-vigoureux et réussit très-bien en espalier , que- nouille et contre- espalier; on le greffe sur cognassier et sur franc. En 1806, nous avons rapporté cette variété du Bra- bant, des jardins du prince d'Aremberg. 97. * Duchesse d'Angoulême; fruit ayant la forme d'un doyenné , mais plus gros, jaunâtre, pointillé de gris, roux brun du côté du soleil, à chair fondante, vineuse, appro- chant de celle de la crassane , mais meilleure. Il mûrit vers le milieu du mois et en novembre. M. Gendron, avocat à la cour royale d'Angers , nous l'a envoyé des environs de cette ville. 98. * Bon -chrétien d'Espagne de Buhamel, mansuette des Flamands ; fruit très-gros, en pyramide aiguë, très-large à sa base, haut de quatre pouces, jaune pâle, piqueté de brun , et d'un très-beau rouge du côté du soleil ; chair cas- 2. 34 53o JARDIN FRUITIER, santé, aqueuse, sucrée, très-bonne en compote et se man- geant quelquefois crue lorsque l'arbre est à bonne exposition. Il mûrit dans le courant du mois. Arbre très-vigoureux que l'on greffe sur franc ; pour quenouille et plein-vent. 99. * Poire Sabine, poire — rouget , — de salade , — rousselet-de-livery, — du four , — de plâtre , — de fer , — inargot , — de cheval , ou noyer , — de cochon , — blanc pernet , — de chemin , — de caladiac , — gros vert, — de Franqueville , — picard-blanc , — bimart, — de Caen- Pucelle , — de Berlin , — de la Sablonnière, — gros mesnil , 538 JARDIN FRUITIER, — de Canivet , - — de carcan , — gros moquefriand , — petit moquefriand , — grosse grappe , — petite grappe. Culture. Les poiriers greffes sur franc aiment une terre franche , plutôt légère que forte , mais surtout pro- fonde et pas trop sèche. Ceux greffés sur cognassier réus- sissent assez bien dans une terre légère , substantielle , meuble , quoique n'ayant pas une grande profondeur. On multiplie toutes les variétés par ]a greffe, que l'on place sur sauvageon , sur franc ou sur cognassier , selon 3a forme que l'on veut donner à l'arbre. Voyez sur ce sujet ce que nous avons dit page 23o. Le sauvageon est un sujet venu spontanément de pépin de fruit sauvage ou de rejet. On va le chercher dans les forêts pour le placer en pépinière. Le franc est un ar- bre que l'on a semé dans un jardin , et dont la culture a déjà dompté la première vigueur ^ c'est le plus em- ployé. Quant au cognassier , voy. sa culture à la p. 5 12. Les francs offrent trois degrés de force , selon qu'ils proviennent de pépins de fruit sauvage, de poire à poiré et de poire à couteau. Les pépins de fruits sauvages pro- duisent des sujets robustes , très-vigoureux, réussissant assez bien dans les sols les plus maigres 5 dans ce cas il serait avantageux de s'en servir pour le plein-vent , sur- tout pour y placer les variétés qui prennent un grand dé- veloppement et ont besoin d'une sève abondante. Les poi- riers provenus de semences de poires à poiré , sont vi- goureux , propres à recevoir les greffes de plein-vent pour les vergers. Si l'on veut des mi-vent ou de grands espaliers et quenouilles , on donnera la préférence aux sujets provenus de pépins de poires à couteaux ; et ces sujets seront d'autant plus doux que les fruits qui en auront fourni les graines seront plus perfectionnés. Lorsqu'il s'agit de semer , on se procure des pépins de bons fruits , et on les expose à l'air pendant quelques heures pour les faire sécher, après quoi on les met par lit dans du sable sec , pour les conserver jusqu'au POIRIER. 539 moment de les semer. Quant à ceux de poires à poiré , on les ramasse dans le marc qui provient du fruit écrasé pour en exprimer la liqueur , et on les conserve de même. On fait les semis dès les premiers jours du printemps -, pour cela on prépare, par de bons labours , une terre douce , substantielle et profonde ; on y trace des rayons à six pouces de distance , on y jette des pé- pins et l'on recouvre de deux doigts de terre. On paille ensuite tout le semis avec de la litière , afin d'empê- cher la gelée ou la terre de se battre et de se dessécher. Le plant ne tarde guère à lever ; alors on le sarcle , on le bine , on le purge des mauvaises herbes, et on l'éclair- cit au besoin. La plupart des cultivateurs le lèvent à la fin de l'automne pour le mettre en pépinière , mais nous pensons que , quelle que soit sa force , il vaut mieux le laisser deux ans en place -, il s'enracine mieux , devient plus robuste, et fournit des arbres beaucoup plus vigou- reux. Si l'on établit la pépinière dans une terre sablon- neuse etsèche, il faut faire la transplantation en automne; dans les sols humides et argileux, il vaut beaucoup mieux attendre au printemps. Quand il s'agit de faire des arbres pour plein-vent, on ménage le pivot le plus possible, mais on le coupe quand on doit former les arbres en quenouil- les et en espaliers 5 cette opération ralentit leur vigueur et les détermine à se mettre à fruit beaucoup plus tôt. On conduit les jeunes sujets comme nous l'avons dit à l'article Pépinière dans le premier volume de cet ou- vrage , et on les dispose à recevoir la greffe , soit près du collet de la racine , soit en haut d'une longue tige 5 dans ce cas , on les taille en crochets , selon les prin- cipes que nous avons donnés page 2/{5. Lorsqu'ils ont atteint la grosseur convenable , on les greffe ou sur une haute tige à six ou huit pouces de terre \ et cette dernière méthode est toujours la meilleure ? même pour les plein -vent 5 car, si un accident vient à les rompre ^ on peut rétablir l'arbre en l'amputant 54û JARDIN FRUITIER, au-dessous de la fracture et le réformant de nouveau. Les procédés les pins généralement employés pour la greffe du poirier, sont ceux que nous avons décrits dans l'histoire des greffes en écusson, n'JS i , a , 3 , 74 > 10^ ? et en fente , nos 5, 6, 8. L'année suivante on met les arbres en place, et on les conduit pendant toute leur du- rée selon les principes de la taille indiqués page ^3o. Il nous reste à faire quelques observations sur la cul- ture de cet arbre précieux. Les fleurs du poirier, parais- sant de bonne heure , sont quelquefois atteintes par des gelées tardives auxquelles elles sont très-sensibles , sur- tout lorsque le soleil vient frapper sur les pistils ; il faut tâcher de les garantir de ses rayons au moyen de toiles et de paillassons , ce qui n'est guère proposable que pour les espaliers et quenouilles. Souvent les poiriers alternent leurs produits , c'est-à- dire qu'ils donnent beaucoup de fruits une année et se reposent l'autre. Ceci est souvent le résultat d'un épui- sement occasioné par une trop grande production , et le jardinier intelligent peut l'empêcher en supprimant une partie des fruits qui surchargerait l'arbre. Cepen- dant il est naturel à de certaines variétés d'alterner, sans que l'art puisse efficacement s'y opposer. En voici la rai- son fort simple : on sait qu'il faut deux ans à un bou- ton à fruit pour se former 5 si tous ceux d'un arbre fleu- rissent en même temps , il est clair qu'il n'en fleurira d'autres que deux ans après , et l'arbre alternera sans qu'il y ait épuisement. Les pluies prolongées dans le moment de la floraison font aussi avorter les récoites par la raison qu'elles dis- persent le pollen avant la fécondation, comme nous l'a- vons dit dans notre premier volume. On pare à cet in- convénient en abritant les arbres avec des paillassons, si la chose est possible. Lorsque des pluies continues ont lieu pendant le développement du fruit , la sève aban- donne souvent celui-ci pour se porter au bois , d'où il POIRIER, POMMIER. 54 I résulte qu'une grande partie des poires tombent, et que les autres grossissent peu , se fendillent, restent insipi- des et deviennent même pierreuses. On ne peut guère sauver de cet inconvénient que quelques espaliers. Quant on voit que l'extrémité des branches d'un ar- bre se dessèche et meurt , il faut en chercher les raisons dans son tempérament. Si le mal est occasioné par des insectes _, par des chancres ou autres maladies , il faut le traiter comme nous disons à l'article Maladies des plantes ; on rabattrait les branches , on renouvel- lerait la terre sur les racines, et on donnerait de bons engrais consommés. Quelquefois ce dépérissement est occasioné par la vieillesse 5 alors, en rapprochant l'ar- bre jusque sur son tronc , on peut encore prolonger son existence pendant quelques années. Les poiriers se couvrent assez volontiers de mousses et de lichens , surtout dans les terrains maigres ou hu- mides : il faut scrupuleusement les en débarrasser ; enfin on leur donnera les labours convenables et une bonne fumure tous les quatre ou cinq ans. POMMIER commun. (Malus communis ; L.) 7} . In- digène. Cet arbre , de deuxième grandeur , a des ra- cines plutôt traçantes que pivotantes. Il ne se plaît que dans les pays tempérés et même un peu froids. En Italie, en Espagne , dans le midi de la France, il ne réussit pas ou très-médiocrement , tandis qu'il produit considéra- blement dans nos départemens du nord et en Angle- terre *, cela vient de ce que ses fleurs qui paraissent en mai sont très-sensibles au haie et à la chaleur. On con- naît suffisamment ses fruits et les usages qu'on en fait pour que nous ne nous en occupions pas ici. Le bois du pommier sauvage a quelque analogie avec celui du poi- rier, mais il est moins dur et sa couleur beaucoup moins agréable. Il est recherché parles menuisiers et les tour- neurs. Le nombre des variétés de pommes s'est considérable- 5/^2, JARDIN FRUITIER, ment accru dans le siècle dernier. II paraît qu'au trei- zième siècle on n'estimait que deux pommes à couteau , au seizième quatre -, du temps de LaQuinLinie on en con- naissait vingt-cinq, mais on n'en estimait que sept, et , aujourd'hui , nous en avons un nombre considérable que nous allons décrire. Nota. Les meilleures sont marquées d'un astérisque (*). En juin. i . Pommier paradis , pomme de la Saint-Jean; fruit petit , quelquefois arrondi , le plus souvent allongé , presque blanc , piqueté de rouge du côté du soleil ; chair blanche , parfumée , assez bonne. Il mûrit dès la fin du mois. Arbre de très-petite taille, qu'on ne cultive guère que pour servir de sujet, comme nous le disons à l'article de la culture. 2. Carmin de juin; fruit d'une grosseur moyenne , arrondi, comprimé aux deux extrémités, d'un vert jaunâtre dans une très-petite partie du côté de l'ombre, d'un rouge brillant et carminé du côté du soleil; chair d'un blanc verdâtre, peu délicate, d'un acide assez agréable. Il mûrit à la fin du mois et au commencement de l'autre. Arbre très - vigoureux et productif , que l'on greffe sur franc pour plein-vent. Sa pré- cocité fait son principal mérite. En juillet. 3. * Calville d'été, passe-pomme, grosse pomme made- leine ; fruit moyen , un peu conique , ayant beaucoup de pe- tites côtes autour de l'œil qui est étroit et peu enfoncé; peau coriace , rouge foncé du côté du soleil , pâle dans l'ombre ; chair blanche ou un peu rougeâtre , pâteuse , bonne en com- pote. Il mûrit au commencement du mois. Arbre de mé- diocre grandeur, productif, que l'on greffe sur doucin et sur paradis. En août. 4- Pomme d'Astracan, transparente de Moscovie, pomme déglace; fruit extraordinaire par la transparence de sa chair, moyen, long de deux pouces, d'un blanc de cire; chair très- blanche, sucrée, acidulée, médiocre. Il mûrit au milieu du mois. Arbre délicat que l'on greffe sur doucin ou paradis. POMMIER. 543 5. Passe-pomme rouge; fruit petit, comprimé, d'un rouge vif et léger; chair blanche, peu relevée, bonne en compote dès juillet. Arbre très -productif, se mettant à fruit de bonne heure. 6. Passe -pomme blanche; fruit allongé, ayant un peu la forme d'un œuf, d'un vert pâle, à chair tendre, presque in- sipide. Il mûrit et passe dans le courant du mois. Arbre très- vigoureux, que l'on greffe sur franc; en plein-venc. 7. * Postophe d'été ; fruit de moyenne grosseur, quelque- fois cylindrique , ordinairement plus étroit au sommet , rouge pâle, et rouge brun du côté du soleil; chair grenue, étant souvent un peu rouge sous la peau, assez agréable. Il mûrit à la fin du mois. Arbre très-vigoureux , pour plein-vent. 8. * Montalivet d'été; fruit gros , assez comprimé, d'un blanc jaunâtre , à chair tendre et douce, assez bonne. Arbre vigoureux, que l'on greffe sur doucin et paradis. Il a été in- troduit en France par M. Lelieur. En septembre. 9. * Reinette jaune hâtive ; fruit moyen , un peu plus al- longé que la reinette dorée, à peau assez unie, d'un jaune clair piqueté de brun ; chair tendre, médiocre. Il mûrit vers le milieu du mois. Arbre assez vigoureux. 10. Rambour franc, gros rambour; fruit très -gros, com- primé, à côtes plus saillantes du côté de l'œil, d'un vert pâle fouetté ou rayé de rouge du côté du soleil , à chair un peu acide , bonne cuite. Il mûrit vers la fin du mois. Arbre robuste et très-productif. 11. * Belle d'août, belle fleur; fruit très-gros , de trois pouces de diamètre, comprimé, d'un beau rouge légèrement recouvert de poussière glauque; chair blanche, tendre, d'un acide doux, agréable. Il mûrit dans le mois et ne dure que quinze jours. Arbre très-vigoureux, que l'on greffe sur dou- cin et sur paradis. En octobre. 12. * Des quatre goûts; fruit moyen, comprimé, d'un vert teinté de roux du côté du soleil ; chair tendre , ayant un parfum particulier ; assez bonne. Il mûrit à la fin du mois et en novembre. Arbre vigoureux. 544 JARDIN* FRUITIER, i3. •* Pomme nompareille; fruit très- ressemblant à la rei- nette du Canada , mais un peu plus petit et d'un jaune moins verdâtre. Il mûrit à la même époque et a toutes ses qualités. Arbre assez vigoureux. 14. * Pomme de deux goûts; fruit moyen, à côtes, d'un blanc jaunâtre , à chair blanche et fine, d'une saveur très-agréable. Il mûrit dans le courant du mois. Cette pomme m'a été en- voyée de Plantes par mon frère. i5. * Reinette du Canada; fruit très-gros, ayant quelque- fois jusqu'à seize pouces de circonférence, très-comprimé, ordinairement plus renflé d'un côté que de l'autre, à côtes peu marquées, d'un vert pâle, très-piqueté , se lavant quel- quefois d'un peu de rouge du côté du soleil ; chair tendre , grenue, très-bonne crue, meilleure cuite. Il mûrit dans le courant du mois; mais, pour le conserver jusqu'en avril, il faut le cueillir un peu avant sa maturité, vers la fin de septembre. Arbre très-vigoureux. 16. * Reinette grise du Canada; fruit un peu plus petit que le précédent, à chair plus ferme et plus acide, et d'une du- rée plus prolongée. Arbre de même nature que le précédent. 17. * Reinette de Hollande; fruit gros, allongé, d'un blanc jaunâtre , à chair très-blanche, acidulée, ferme; assez bonne. Il mûrit dans le commencement du mois et même en septembre. Arbre très-productif et vigoureux. 18. * Reinette tendre, d' Espagne, ou blanche d' Espagne; fruit très-allongé, quelquefois long de cinq pouces, blanc, légèrement teinté de rose du côté du soleil, couvert d'une poussière glauque, comme la prune; chair fine, d'un acide doux très-agréable, excellente. Il mûrit à la fin du mois, et se conserve jusqu'en mars. Arbre très-vigoureux, réussissant très-bien en quenouille lorsqu'il est greffé sur doucin, et surtout sur paradis. 19. * Reinette rousse , ou des carmes; fruit moyen , com- primé , d'un jaune roussâtre , à chair tendre, d'un acide doux et agréable. Il mûrit à la fin du mois, et se conserve jusqu'en novembre et décembre. Arbre peu vigoureux , qu'on greffe sur doucin et sur paradis. 20. * Gros Pigeonnet , Pigeonnet de Rouen; fruît de moyenne grosseur, turbiné, rouge, rayé de rouge plus foncé POMMIER. 545 du côté du soleil, à chair très-blanche , fine, d'un goût fort agréable. Il mûrît dans le courant du mois , et passe très-vite. Arbre assez délicat. 21 * Pomme petit pigeonnet; fruit semblable en tout au précédent , au volume près. Il mûrit un peu plus tard. Arbre plus délicat. 22. Pommier doucin; fruit assez beau, comprimé, à côtes saillantes du côté de l'œil, d'un vert clair, lavé de rouge du côté du soleil ; chair blanche , douce , médiocre , peu esti- mée. Il mûrit dans le courant du mois. Arbre moyen , qui n'est guère cultivé que pour servir de sujet aux autres variétés. n3. Fenouillet jaune , drap d' 'or , pomme de caractère' fruit petit , d'un beau jaune , marqué de traits imitant des lettres, à chair ferme, parfumée. Il mûrit a la fin du mois et se conserve jusqu'en février. Arbre peu élevé, très-pro- ductif. En novembre. 24- Reinette de Bretagne ; fruit gros , d'un rouge vif piqueté de jaune, très-beau; chair ferme, sucrée, peu acide très-bonne. Il mûrit dès le commencement du mois jusqu'en décembre. Arbre vigoureux. 25. Pomme concombre ; fruit moyen , très-allongé , d'un vert tendre, à chair blanche , d'un acide doux assez agréable. Il mûrit dans le courant du mois jusqu'en janvier. Arbre de moyenne grandeur, assez vigoureux. 26. Petite pomme concombre ; fruit en tout semblable au précédent , si ce n'est qu'il est d'un plus petit volume. Arbre de même nature. 27. D'Amérique large face ; fruit très-gros, comprimé vert teinté de roussâtre du côté du soleil ; chair tendre , d'un acide doux et agréable, très-bonne cuite. Il mûrit dans le courant de ce, mois et du suivant. Arbre très-vigoureux , que l'on greffe sur doucin et sur paradis. 28. Monstrueuse d'Amérique; fruit très-gros, de forme un peu irrégulière , à fond verdâtre presque entièrement caché par des taches d'un gris roussâtre ; chair tendre j d'un acide 2. 55 546 JARDIN FRUITIER, doux, bonne cuite. Il mûrit dans le courant du mois. Arbre très-vigoureux, que l'on greffe sur doucin et sur paradis. 29. * Pomme maltranche rouge ; fruit très-gros , de trois pouces de diamètre au moins, d'un rouge vif et brillant; chair tendre et fine, d'un acide agréable. Ce beau fruit, qui mûrit dans ce mois et en décembre , m'a été envoyé de Nantes par mon frère. 30. Gros papa; fruit très-gros , de forme assez irrégulière, vert, légèrement coloré du côté du soleil , à chair grossière , d'un acide doux, bon à cuire. Il mûrit dans le courant de ce mois et du suivant. Arbre très-vigoureux et productif, que l'on greffe sur doucin et sur paradis . Il a été apporté d'Amé- rique par M. Lelieur. 3i. Belle du bois ; fruit gros, un peu court, d'un vert jau- nâtre, quelquefois légèrement coloré du côté du soleil ; chair blanche et assez douce. Il mûrit de novembre en février. Arbre assez vigoureux. 32. * Calville rouge d'hiver; fruit très-beau , un peu al- longé , haut de deux ou trois pouces, d'un rouge foncé; chair un peu rouge, nue , grenue , vineuse , fort agréable. Il mûrit à la fin du mois et dans le commencement de l'autre. Arbre très-vigoureux. 33. Calville rouge normande; elle diffère de la précédente par le rouge plus foncé de sa peau, et par sa chair presque entièrement rouge ; elle a les mêmes qualités , mûrit en même temps , mais se conserve jusqu'en mars. Arbre de même nature. 34. * Reinette naine ; fruit allongé , turbiné , bosselé, d'un vert devenant jaunâtre en mûrissant, à chair tendre, d'un acide doux , agréable. Il mûrit dans le courant du mois , et se conserve jusqu'en janvier. Cet arbre nain doit se greffer sur paradis. En décembre* 35. * Calville blanche , calville blanche d'hiver, bonnet carré; fruit très-gros , à œil entouré de bosses ou côtes très- saillantes , d'un jaune pâle tirant sur le vert, à chair blan- che , grenue, fine , relevée^, très-bonne. Il mûrit dès le coin- POMMIER. 5^7 mencement du mois , et se conserve jusqu'en avril. Arbre vigoureux et productif. 36. Pomme châtaignier; fruit de moyenne grosseur, un peu allongé, piqueté de rouge, fouetté de la même couleur du côté du soleil; chair ferme , médiocre crue , excellente cuite. Il mûrit au commencement du mois , quelquefois en novembre. Arbre vigoureux que l'on greffe sur franc ; plein-vent. 37. * Coeur de boeuf; fruit gros, allongé, uni, d'un rouge pourpre, légèrement recouvert de poussière glauque ; chair blanche, légèrement nuancée de rouge , acide, tendre, bonne cuite. Il mûrit dans le courant du mois , et se conserve jus- qu'en janvier. Arbre très- vigoureux et productif. 38. Culotte de Suisse; fruit moyen, allongé, rayé de jaune et de vert sur un fond roussâtre ; chair blanche , ferme , d'un acide assez agréable. Il mûrit dans le courant du mois , et se conserve jusqu'en janvier. Arbre très-vigoureux, peu productif. 39. Pomme-coing ; fruit gros , ayant la forme allongée et irrégulière du coing de Portugal , d'un vert jaunâtre ; chair tendre , légèrement acide. Il mûrit dans le courant du mois. Arbre très-vigoureux, peu productif. 40. * Api; fruit petit, comprimé, d'un jaune pâle, d'un rouge cerise vif du côté du soleil ; chair ferme , d'un acide doux , assez agréable. Il mûrit dans le courant du mois , et se conserve jusqu'en avril. Arbre petit, qu'on greffe sur dou- cin et sur paradis ; sur franc il est sujet au chancre. 4i. Api noir ; il diffère du précédent par sa couleur d'un brun foncé tirant sur le noir; fruit plus comprimé, ayant quelques petites côtes , plus gros , mais de moindre qualité. Il mûrit à la même époque et se conserve moins que l'autre. Arbre plus petit. 42. * Double api , pomme étoilée , belle fille ; fruit petit , très-comprimé, sensiblement divisé en cinq côtes, à peau unie , jaune , d'un rouge orangé du côté du soleil; chair ferme , un peu jaune et grossière , acide. Il mûrit dans le courant du mois, et se conserve jusqu'en juin. Arbre assez vigoureux. 43. * Gros api, pomme de rose; fruit de moyenne gros- seur, très-comprimé , à peau dure, rouge , d'un rouge cerise , irès-foncé du côté du soleil , ou marbré de rouge et de jaune £48 JARDIN FRUITIER, sur toute sa surface ; chair très-blanche , moins ferme et moins agréable que celle de Tapi. Il mûrit à la même époque , et se conserve plus long-temps. Arbre moyen , assez vigou- reux. 44- Pomme noire ; fruit très-petit , comprimé, à peau lisse, luisante , d'un violet brun piqueté de très - petits points jau- nes, presque noir du côté du soleil ; chair blanche, un peu teinte de rouge sous la peau, presque insipide. Il mûrit dans le courant du mois, et se conserve long- temps* 45. * Fenouillet gris , anis; fruit petit, rude au toucher , gris, comprimé , à chair douce , sèche, parfumée d'anis. Il mûrit dans le courant du mois, et se conserve jusqu'en mars. Arbre délicat, peu élevé, très-productif. On le greffe sur doucin et sur paradis. 46. * Pomme-d'or, drap d'or; on Ta souvent confondue avec le fenouillet jaune , mais elle en diffère par son fruit un peu plus gros, plus long,, et légèrement acide. Du reste, il^st d'un beau jaune d'or, finement ponctué , quelquefois légère- ment teinté de rouge du côté du soleil. Il mûrit dans le cou- rant du mois et se conserve jusqu'en mars. Arbre délicat, très-productif sur doucin et paradis. 47. Pigeon, cœur de pigeon, Jérusalem ; fruit petit, ren- flé à sa base, allongé au sommet, à peau fine, luisante , d'un jaune clair, rose foncé avec quelques points rouges du côté du soleil; chair fine, grenue , blanche, ferme , légèrement acide , parfumée , très-délicate et très-bonne. Il mûrit dans le courant du mois , et se conserve jusqu'en février. Arbre vigoureux et productif. 4&. Court pendu ; fruit de moyenne grosseur, à queue ex— traordinairement courte, arrondi, à peau très-foncée du côté du soleil; chair excellente cuite. Il mûrit dans le cornant du mois. Arbre vigoureux, productif, que l'on cultive en plein vent. 49. De finale ; fruit moyen, turbiné, un peu long , d'un vert jaunâtre; chair tendre, douce , d'un acide très-agréable. Il mûrit de décembre en février. Arbre de moyenne grandeur, assez productif. 50. De mer ; fruit très-gros, presqu'aussi large que haut, d'un beau rouge. Il mûrit dans le courant du mois , un peu POMMIER.- 549 plus tôt , un peu plus tard ,selon l'exposition et la nature de l'arbre ; il est très-cultivé dans les environs de Nantes. Arbre très-vigoureux et fort productif. 5i. Pomme reinette princesse noble; fruit gros, allonge, plus resserré au sommet, d'un vert jaunâtre, rayé de rouge du côté du soleil ; chair tendre, d'un acide doux et agréable. Il mûrit dans le courant du mois jusqu'en décembre. Arbre très-vigoureux. 52. Gros faros; fruit moyen, comprimé, rouge: un peu rayé de rouge plus foncé; chair blanche, assez ferme, d'un acide doux et agréable. Il mûrit dans le courant du mois. Arbre grand , très-productif, que l'on greffe sur franc pour plein-vent. 53. Petit faros; fruit semblable au précédent , mais plus allongé et turbiné. Il mûrit à la même époque , et a les mê- mes qualités. Arbre de même nature, 54. Reinette francatu ; fruit gros , comprimé , vert ta- cheté de grisâtre, teinté de rouge du côté du soleil, à chair ferme, très-acidulée. Il mûrit dans le courant du mois, et se conserve jusqu'en février. Arbre très-vigoureux et très-pro- ductif. 55. ¥ Reinette d'Angleterre ; fruit gros , haut de près de trois pouces , paraissant un peu allongé , régulier, sans côtes sensibles , d'un beau jaune fouetté de rouge ; chair d'un blanc jaunâtre , ferme, sucrée , assez relevée. Il mûrit dans le cou- rant du mois et passe très-vite. Arbre très-vigoureux et très- productif. 56. * Reinette dorée, rousse, jaune tardive; fruit de moyenne grosseur, un peu comprimé , à peau rugueuse , d'un jaune d'or mat, piquetée, de gris clair, quelquefois lavée de rouge du côté du soleil; chair ferme, fine, sucrée, légère- ment acide. Il mûrit dans, le courant du mois et au commen- cement de l'autre. Arbre assez délicat, très-productif sur doucin et paradis. 57. * Reinette de Caux; fruit très-gros, un peu turbiné, irrégulier, d'un beau jaune , à chair d'un acide doux fort agréable. Il mûrit à la fin du mois , et se conserve jusqu'en février. Arbre très-élevé , très- productif. 58. * Reinette grise de Granville ; fruit moyen , com- 55o JARDIN FRUITIER, primé , d'un jaune grisâtre , un peu roux du côté du soleil , à chair tendre , élastique , d'un blanc jaunâtre , d'un acide agréable. Il mûrit dans le courant du mois , et se conserve jusqu'en février. Arbre assez vigoureux. 59. Pommier doux a trochet ; fruit gros, turbiné, à peau unie , verte ; chair ferme , d'un blanc verdâtre , presque sans parfum. Il mûrit dans le courant du mois, etse conserve jus- qu'en février. Arbre vigoureux , productif. 60. Petit doux ; il ne diffère du précédent que par son moindre volume ; du reste , même qualité et même époque de maturité. 61. * Postophe d'hiver; fruit gros, comprimé, un peu à côtes, d'un rouge clair, rouge cerise foncé du côté du soleil , quelquefois jaune à l'ombre , lisse , luisant , à chair ferme , un peu jaunâtre , d'un acide très-doux , assez agréable. Il mûrit à la fin du mois , et se conserve jusqu'en mai. Arbre très- vigoureux , assez productif quand on le greffe sur franc. 62. Rambour d'hiver; fruit très-gros, très-comprimé, un peu bossu , d'un vert blanchâtre , jaune du côté du soleil ; chair tendre , d'un blanc tirant sur le vert , un peu acre. Il mûrit de décembre à janvier. Arbre très-vigoureux , très- productif, que l'on greffe sur franc ; plein-vent. 63. Doux d'Angers; fruit de grosseur moyenne, arrondi, un peu turbiné, d'un vert jaunâtre, roussâtre du côté du so- leil ; chair blanche , d'un acide fort doux. Il mûrit dans le courant du mois jusqu'en février. Ce fruit, autant estimé que cultivé dans les environs d'Angers , nous a été envoyé par M. Gendron. 6/}« Gros bondy ; fruit moyen, comprimé, d'un vert jau- nâtre , à chair ferme , d'un acide assez prononcé. Il mûrit dans le mois et en février. Cet arbre très-vigoureux , que l'on greffe sur franc , a une variété à fruit plus petit. 65. Rouge-feuillage; fruit de moyenne grosseur, com- primé , rayé de rouge et de vert sombre ; chair ferme et très- acide , d'un blanc verdâtre. Il mûrit de décembre en février. Arbre très-vigoureux , productif, mais alternant. POMMIER. 55l En janvier. 66. * Pomme haute-bonté , reinette grise haute-bonté ; fruit gros , arrondi , comprimé à la base , d'un vert jaunâtre rou- gissant à peine du côté du soleil , à chair fine , tendre , d'un blanc verdâtre , d'un acide agréable. Elle mûrit dans le cou- rant de ce mois et de mars. Arbre assez vigoureux et très- productif. 67.* Reinette grise de Champagne ; fruit de moyenne gros- seur, très-comprimé, à peau grise tirant sur le ventre de bi- che , fouetté ou rayé de rouge du côté du soleil ; chair ferme , peu parfumée , sucrée , agréable. Il mûrit dans le courant du mois, et se conserve jusqu'à la fin de janvier. Arbre délicat, assez productif, que l'on greffe sur doucin et sur paradis. 68. A la vérité blanche ; fruit moyen , turbiné, vert teinté de rouge du côté du soleil ; chair ferme , d'un blanc verdâtre , très-acidulée. Il mûrit jusqu'en mai. Arbre très-productif, dont tout le mérite consiste dans l'abondance et la certitude de ses récoltes. 69. * Reinette grise beg-de-lièvre ; fruit allongé, sillonné au sommet , de grosseur moyenne , à chair blanche , assez ferme, d'un acide doux et agréable. Il mûrit depuis le cou- rant du mois jusqu'en mars. Arbre très-vigoureux , qu'on greffe sur franc. 70. Belle de Sénar ; fruit petit , le plus comprimé de tous , vert sillonné de grisâtre, à chair jaunâtre, ferme, très-acide, mais agréable. Il mûrit dans le courant du mois jusqu'en avril. Arbre vigoureux , très-productif, trouvé par mon père , en 1789, dans la forêt de Sénar. 71.* Montalivet; fruit très-gros, d'un blanc jaunâtre , de forme assez irrégulière ; chair tendre et assez fine, d'un acide doux , agréable. Il mûrit dans le courant du mois jusqu'en janvier. Arbre très-vigoureux et productif, que l'on greffe sur doucin et sur paradis. Cette variété a été apportée d'Améri- que par M. Lelieur. En février. 72. Violette des quatre goûts ; fruit moyen , arrondi , d'un rouge violacé , à chair d'un blanc verdâtre , ferme , très- 552 JARDIN FRUITIER, acide, bonne cuite. Il mûrit dans le courant du mois. Ar- bre assez vigoureux et très-productif. 73.* Pomme fenouillet rouge, bardin , azerolly ; fruit petit, arrondi, à peau grise, presque entièrement couverte de panachures rouges , rude au toucher ; chair ferme , fine , sans acidité, sucrée , un peu musquée. Il mûrit en février et mars. Arbre petit, peu vigoureux , très-productif. 74-* Reinette rouge ; fruit de moyenne grosseur, un peu allongé , luisant , jaune et piqueté , lavé de rouge du côté du soleil ; chair un peu jaune , ferme, acidulée , se ridant beau- coup en mûrissant. Il mûrit dans le courant du mois. Arbre délicat , assez productif. 75. Petite reinette rouge; variété de la précédente, qui n'en diffère que par la dimension de son fruit. 76. * Reinette blanche , ou reinette d'Espagne ; fruit de moyenne grosseur, d'un jaune pâle , renflé du côté de la base , à chair tendre , blanche , d'un acide doux et agréable. Il mûrit dans le courant du mois. Arbre vigoureux et productif. 77. * Reinette fra.nche; fruit variable pour la forme et la grosseur, ordinairement moyen, arrondi, un peu allongé, à côtes ou uni , d'un vert clair piqueté de gris , quelquefois lavé ^ d'un peu de rouge du côté du soleil , jaunissant et se ridant beaucoup à la maturité ; chair blanche , ferme , sucrée , rele- vée, très-agréable. Cette pomme, la plus estimée de toutes, se conserve jusqu'en juin. Arbre assez vigoureux et productif, surtout sur paradis. 78. Fleur de juin ; fruit moyen, turbiné, vert teinté de rouge pâle ; chair tendre , d'une saveur acerbe quand elle n'est pas très-mûre. Arbre très-productif, dont les paysans des environs de Paris apportent les fruits à la "halle , pour les vendre , en mars et avril , sous le nom de reinette : on le greffe sur franc ; plein-vent. 79. Court pendu rose, capendu rose ; fruit petit, com- primé, teint de rose du côté du soleil, à chair blanche, ferme, d'un acide doux et agréable. Il mûrit dans le courant de ce mois jusqu'à la fin de mars. Arbre assez vigoureux et productif. On le greffe sur franc ; plein-vent. pokvikr. 553 En mars. 80. Pomme figue sans pépin , pomme d'Adam; fruit petit, ovale, d'un jaune piqueté de rouge pâle, à chair ferme et très- acide. Il mûrit dans le courant du mois. Arbre assez vigou- reux, peu productif , donnant des fleurs sans corolle. 81. Pommier a feuilles d'aucuba; fruit ressemblant à la pomme de châtaignier , gros , plus allongé , à chair plus ferme et plus acide. Il mûrit dans le courant du mois. Arbre très- vigoureux , qu'on greffe sur franc. Nous possédons encore un assez grand nombre de nouvelles variétés de pommes à couteau, mais comme nous n'avons pas encore été à même de vérifier leurs descriptions, nous les avons omises pour éviter de doubles emplois. Voici la nomenclature des meilleures pommes à cidre. Muscadet tardif; fruit petit , excellent ( ceci doit s'enten- dre pour la qualité du cidre ) ; — rouge-brujere ; fruit moyen, bon pour la dernière saison ; — de paradis ; petit fruit; — dure-verte; fruit moyen; — bedanne ; fruit assez gros, bon , se conservant long-temps ; — rouge duret; fruit moyen , très- bon ; — pomme de suie; fruit très-amer, bon ; — de rétat ; fruit très-estime; arbre très-productif; — de Dieppe; beau et bon fruit; — belle fille ; fruit moyen , bon ; — de Paris ; fruit de deuxième saison ; — belle Jeanne; — peau de vache ; fruit assez gros , tardif, bon ; — de relet ; gros fruit , excel- lent, de deuxième saison ; — de melon ; fruit moyen ; — de binet ; — d'orange; fruit de moyenne grosseur, bon ; — de sonnette ; — gros œuf d' août ; fruit moyen , bon ; — amer- doux ; gros fruit, de médiocre qualité ; — germaine; fruit moyen , tardif, bon; — de Maillot; fruit bon, même pour le couteau, se conservant long-temps ; — long-pommier. Culture. Les pommiers aiment une terre franche , forte, douce, un peu fraîche, sans qu'il soit besoin qu'elle soit très- profonde. Dans les sables , les argiles ou les craies , ils réussissent très-mal. Us se multiplient de semence , de rejetons et par la greffe. Quand on veut semer , le choix des pépins n'est pas indifférent $ car c'est de ce choix que dépend le plus ou 554 JARDIN FRUITIER, moins de vigueur et d élévation des arbres que l'on greffe sur les sujets qu'ils fournissent. Voyez ce que nous en disons page i^5. Selon que l'on voudra obtenir des sujets plus ou moins forts et élevés, on choisira donc : i° des pépins de fruits sauvages , si on n'est pas à portée de prendre des sauvageons dans les forêts -, i° des pé- pins de fruits à cidre -, 3° des pépins de fruits à couteau. On donne souvent le nom de francs aux sujets de ces trois premiers semis. 4° des pépins ou des rejetons de doucin -, 5° des pépins ou des rejetons de paradis. Dans tous les cas , on les sème et cultive dans la pé- pinière absolument comme les élèves de poirier, à cette légère différence près , qu'on leur donne des labours moins profonds , parce que leurs racines s'étendent plus à la surface de la terre. Lorsqu'on met les jeunes arbres eh place , après qu'ils ont été greffés, on observe d'espacer les plein -vent de trente à quarante pieds , selon que le sol est médiocre ou bon , et que l'arbre est greffe sur sauvageon , sur égrin ou sur franc. Les contre - espaliers , demi -tiges, etc. , greffés sur doucin , se plantent de douze à vingt pieds £ les quenouilles , pyramides , de six à dix \ enfin, les pa- radis de quatre à cinq. Dans les terrains légers et chauds, on préfère les sujets greffés sur doucin , parce que les racines de cette espèce s'enfoncent plus que celles du paradis , et que , par conséquent , elles sont moins su- jettes à se dessécher pendant les étés chauds et sans pluies. Quant à l'exposition , les pommiers ne sont pas diffi- ciles , ils réussissent également bien au nord , au levant et au couchant , dans les îieuxles plus bas et les plus frais ; cependant ils craignent les expositions chaudes dans le midi de la France , et même sous le climat de Paris. On les taille et conduit comme nous l'avons dit page 245 et suivantes. On leur donne tous les ans un labour peu profond pour ne pas blesser les racines , et POMMIER,' SOHBIER. 555 tous les trois ou quatre ans on enlève la terre qui re- couvre de cinq ou six pouces leurs premières racines , et on la remplace par d'autre dans laquelle on a mélangé un engrais bien consommé , analogue à la nature du ter- rain. Quoique cet arbre craigne assez les amputations, quand il est vieux et qu'il commence à se dessécher à l'extrémité clés branches , on peut prolonger sa durée de quelques années, en le ravalant jusque près de son tronc. Il est très-sujet aux insectes , à la carie et aux chancres ; et , dans ces différentes circonstances , on le traite comme nous l'avons dit dans notre premier vo- lume à l'article Maladies des végétaux. SORBIER domestique , cormier. ( Sorbus domes- tica; L. ). 7} • Indigène. Cet arbre précieux, et malheu- reusement trop négligé , atteint ordinairement de qua- rante à cinquante pieds de hauteur , et beaucoup plus dans les sols qui lui conviennent bien. Son fruit , nom- mé corme ou sorbe, se cueille en automne -, on le con- serve sur de lapaille , et on le mange quand il est blette. Par la fermentation on en tire un cidre plus fort que celui de pommes , mais qui ne se conserve pas. Dans la Suède on en prépare une liqueur qui remplace le vin. Le bois de sorbier est lourd, serré, dur comme de la corne , et prend un poli superbe. Il est très-recherché par les tourneurs , menuisiers , charrons , ébénistes , graveurs sur bois , armuriers et charpentiers-mécani- ciens. Ces derniers s'en servent pour faire des dents de roues, des fuseaux de lanternes , et généralement toutes les parties des machines exposées aux plus grands frot- temens. Ses rameaux font une teinture noire des plus belles. On en connaît cinq variétés. i° Le sorbier franc; c'est celui que Ton trouve croissant spontanément sur la lisière des bois ; il devient très-grand , et son bois est un des meilleurs , mais le fruit est très-petit. 2° Le SORBIER A FRUIT PYRIFORME , dont les flllîtS LUI petl plus gros ont la forme d'une petite poire. 556 JARDIN FRUITIER, 3° Le sorbier a fruit ovale; ses fruits sont plus allongés, en forme d'œuf. 4° Le sorbier a petit fruit rouge ; fruit très-petit , fibreux, tardif, d'un mauvais goût, très-acerbe comme ceux des trois précédens. 5° Le sorbier a gros fruit bouge ; les fruits de celui-ci sont beaucoup plus gros , plus précoces , moins acerbes et meil- leurs que ceux des précédens. Culture. Les sorbiers aiment une terre franche , lé- gère et fraîche , et l'exposition du levant ou du cou- chant. Ils réussissent à merveille dans les terres , les vignes , les enclos , et dans les terrains à demi cultivés , comme le bord des chemins , les haies , etc. Peut-être que ce qui fait abandonner leur culture , c'est que leur croissance est extrêmement lente, et qu'ils ne donnent guère leurs fruits avant trente ans de plantation : cette longue attente ne s'accommode pas avec l'impatience de jouir et l'égoïsme, qui caractérisent notre siècle. On les multiplie de pépins que l'on sème en pépinière , et gouverne absolument comme ceux de poiriers , et les replants craignent encore moins la transplantation. Ils prennent parfaitement, lors même que les tiges ont déjà atteint trois ou quatre pouces de diamètre , ce qui permet de les planter déjà vieux , et par conséquent de hâter beaucoup sa jouissance. Us produisent plus tôt en- core si on prend le parti de les greffer en haut de la tige pour ne pas faire tort à la qualité du bois. Pour les greffer , on emploie les mêmes procédés que pour les poiriers , c'est-à-dire, les méthodes nos i , 2, 3 , 5 , 8 , 10. NEFLIER, mesplier, meslier. ( Mespilus gerrna- nica ; L. ) T? . Il croît naturellement dans les haies de la France et de l'Allemagne. Son fruit, plus ou moins gros , selon la variété , est âpre et acerbe jusqu'à ce qu'il soit parvenu à l'état de blette , mais alors il acquiert de la douceur et devient fort agréable. On en possède plusieurs variétés. SORBIER, NEFLIER, BIBACIER. 55^ i° Néflier a fruit sans pépins; fruit singulier, lirais petit et de médiocre qualité. 2° A fruit précoce ; fruit de grosseur médiocre, mûrissant long-temps avant les autres. 3° A fruit long ; fruit ovale , de grosseur moyenne. 4° A gros fruit rond ; fruit très-gros , le meilleur et le plus cultivé de tous. Culture. Les néfliers réussissent très -bien en tout terrain , pourvu qu'il ne soit pas trop marécageux , et à toute exposition. Cependant ils deviennent plus grands et plus productifs dans les terres franches calcaires et chaudes. Ils n'exigent presque aucune culture particu-. Hère , si ce n'est quelques soins dont nous avons parlé page25i. On les multiplie , i° de semences 5 mais le moyen est long , parce qu'elles mettent deux ans à leVer ; i° de marcottes , que l'on ne fait guère que pour les espèces d'agrément ; 3° enfin par la greffe en fente , nos 5, 6, 8 , ou par celle en écusson , nos 1 , 2 , 3, 108, sur l'aubé- pine, le néflier sauvage, le cognassier et le poirier. Leurs fruits se cueillent au commencement d'octobre , et se placent dans un lieu sec, sur de la paille , où ils acquiè- rent leur maturité. BIBACIER, néflier du Japon. ( Mespilus japonica ; Thunb.) T). De la Chine. Arbrisseau n'atteignant guère que huit à dix pieds de hauteur. Ses feuilles sont grandes, ovales , allongées , cotonneuses en dessus ; il fleurit en mai , et produit un fruit jaune , un peu velu , de la forme d'une petite nèfle , fort agréable à manger. Ce néflier craint le froid , surtout lorsqu'il est franc de pied. Greffé sur aubépine par les mêmes procédés que le précédent , il brave assez bien les hivers sous le climat de Paris , au moins depuis cinq ans. On le place, en terre franche légère et chaude, contre un mur au midi , et on l'empaille pendant les froids. Sa végéta- 558 JARDIN FRUITIER, tion est très-belle , ce qui permet de le soumettre à une taille régulière en espalier. On peut le multiplier de graines semées en terre lé- gère et en terrine aussitôt leur maturité , et placées dans l'orangerie pendant la mauvaise saison. Elles lèvent au printemps suivant \ et il ne reste plus à donner au jeune plant que les soins ordinaires aux arbrisseaux de serre. AZÉI>OLIER, néflier de Naples, épine d'Espagne. (Mespilus azarolus ; L.) J) . Naturel au midi de la France. Arbre de troisième grandeur. Il fleurit en mai, et donne en automne un fruit de qualité assez médiocre, et que l'on nomme pommette. On en a plusieurs va- riétés. 1° A FRUITS LONGS. 2° A FRUITS ROUGES. 3° A FRUITS JAUNES. Culture. Cet arbre se cultive de la même manière que le néflier ; on le multiplie de semences , ou par la greffe sur aubépine '_, cognassier ou néflier. Il aime les terres légères et chaudes, et l'exposition du midi si l'on veut que ses fruits soient mangeables. ALISIER. (Cratœgus) J) . On cultive plusieurs es- pèces de ce genre , dont les fruits sont mangeables et ont même une saveur qui plaît à beaucoup de personnes , mais seulement lorsqu'on les a laissés parfaitement mû- rir sur la paille , car autrement ils sont malfaisans. Ces arbres fournissent un bois très -dur, souple , liant et tenace , susceptible de recevoir un très-beau poli '\ aussi est-il recherché par les tourneurs , les sculpteurs et les mécaniciens. i° Alisier terminal, alloue! lier des bois. {Cratœgus termi- nalis ; . Ce genre offre des ar- brisseaux plus ou moins épineux , dont les fruits excel- ïens, qui mûrissent en juillet, le disputent à la fraise pour le parfum et la saveur. On en possède plusieurs espèces et variétés. i° Framboisier rouge commun ( rubus idœus ; L.); fruit pe- tit, très— bon. Il a fourni les variétés : a. Framboisier rouge à gros fruits; fruits plus gros que ceux du précédent, sucrés, parfumés, excellents. Nous l'a- vons apporté de Hollande. b. Framboisier à gros fruits couleur de chair; fruits plus gros , meilleurs, très-abondans et ne manquant jamais. Nous avons obtenu cette précieuse variété par les semis du pré- cédent. c. Framboisier des Alpes de tous les mois ; fruits petits , rouges, très-bons. L'arbrisseau^» produit deux fois, au printemps et en automne. 564 JARDIN FRUITIER, d. Framboisier à fruits blancs. Le fruit ne diffère de celui du framboisier commun que par sa couleur ; il est un peu moins parfumé. e. Framboisier à fruits blancs ambrés; fruits beaucoup plus gros et meilleurs que ceux du précédent , tirant un peu sur le jaune. Culture. Lés framboisiers réussissent en tout terrain , cependant ils préfèrent les sols légers , frais et ombra- gés , dans lesquels on les conduit comme nous l'avons dit, page 269. On les multiplie de graines si l'on désire obtenir de nouvelles variétés, et alors on les sème comme celles du mûrier. Plus ordinairement on emploie pour leur multiplication les nombreux rejetons qui croissent au pied. On les détache des souches , et on les plante depuis le mois de novembre jusqu'en février ou mars , selon le climat et la température. Ces arbrisseaux ont le défaut d'effriter et d'épuiser considérablement la terre , au point de nuire aux végé- taux voisins et à eux-mêmes. Aussi faut-il les changer de place tous les quatre ou cinq ans , sans quoi ils dégé- nèrent , les fruits se rapetissent et diminuent considéra- blement en nombre. Il est vrai que l'on pourrait les laisser en place en changeant la terre ou la défonçant profondément pour remettre celle de dessous dessus , et leur donnant des engrais*; mais alors les framboises per- dent une partie de leur parfum. Tous les ans on leur ménage un labour peu profond. En Angleterre , on atta- che de l'importance à cette culture que l'on fait ainsi : on plante les framboisiers en lignes espacées de cinq pieds et les touffes à trois pieds les unes des autres , et on les élève contre un fort tuteur autour duquel on les attache en gerbe. On donne la préférence aux variétés a et b. Les ronces des haies {rubus frutico sus ; L. ) , a fruits bleus {rubus cœsius;L. )*, et leur variétés sans épines , crépue , et multiflore, donnent des fruits semblables FRAMBOISIER, PL AQU EM I NI E R. 565 aux framboises , mais à pulpe noirâtre , plus ferme et plus acide. On s'en sert pour colorer les Tins, et on en tire de l'alcohol par la distillation. Nous avons rapporté d'Angleterre cette dernière et nouvelle variété. Ces arbrisseaux épineux et rampans se cultivent comme les framboisiers. La ronce a feuille de rosier ( rubus rosœfolius ; hort. paris. ) , de la Chine -, est un joli petit arbrisseau, de deux à trois pieds , dont les fruits sont gros comme ceux du framboisier commun , mais d'un rouge plus éclatant , et d'une saveur beaucoup moins agréable. Même culture, mais il faut l'abriter avec un peu de li- tière , dans les hivers rigoureux. PLAQUEMIN1ER lotos ou d'Italie. (Diospjros Lo- tus ; L. ) T) . D'Orient. Cet arbre de vingt-cinq ou trente pieds d'élévation , à feuillage d'un très-beau vert, fleurit en juin et juillet. A ses fleurs succède un fruit mou , de la grosseur et delà couleur d'une prune sauyage , d'un goût doux , sucré , agréable. Le plaqueminier de Virginie ( diospjros virgi- niana; L. ), s'élève plus que le précédent ; ses fruits assez gros et un peu allongés sont jaunâtres et trans- parens. Le plaqueminier Kaki ( diospjros Kaki; L. F.), du Japon \ produit des fruits nommés figues - kakes y d'un beau rouge cerise , et d'une saveur excellente. 11 est fâcheux que cet arbre ne puisse pas résister à nos hivers dans les environs de Paris, où on est obligé de le conser- ver en orangerie. Dans le midi on pourrait très -bien l'avoir en pleine terre. Culture. La culture des plaqueminiers n'est pas diffi- cile ; ils demandent une terre franche , un peu légère et fraîche. Le premier se plaît à l'exposition du midi, et le second à celle du nord. Tous trois se multiplient de graines,, que Ton sème aussitôt la maturité comme celles. 566 JARDIN FRUITIER, des mûriers , mais en terrine sur couche tiède ; de mar- cottes par strangulation , et par la greffe en approche sur celui de Virginie. Le reste de leur culture n'a rien de particulier. VIGNE. (Vitis vinifera; L.) J) . Originaire de l'Asie. Nous n'entrerons ici dans aucun détail sur l'histoire de ce précieux arbrisseau, ni sur les usages auxquels on emploie le raisin ; il nous suffira de dire que , si on s'en rapporte au sentiment de Strabon et de Justin , ce furent les colonies de Phocéens qui , en menant fonder la ville de Marseille , apportèrent la vigne avec eux , et que du midi de la Gaule elle se répandit bientôt dans toutes les autres parties où elle pouvait être cultivée. Une remar- que que nous ferons faire aussi à nos lecteurs , c'est que la France est le pays où le vin est le meilleur pour l'u- sage ordinaire de la vie. Dans les climats plus chauds , les raisins ne fournissent qu'une liqueur spiri tueuse , très-capiteuse , dont on ne peut boire sans danger qu'une très-petite quantité. On cultive , pour l'utile, c'est-à-dire dans les vi- gnobles un nombre considérable de variétés. Pour ne pas sortir de notre cadre , nous ne parlerons que de celles cultivées dans les jardins pour le service de la table. À. RAISINS BLANCS. i . Chasselas de Fontainebleau , doré, raisin de Champa- gne ; c'est le plus estimé pour la table ; grappes grosses, al- longées , lâches , à grains ronds , peu serrés , plus ou moins gros, d'un vert clair ou jaunâtre, un peu ombré du côté du soleil , à pulpe douce et sucrée. Il mûrit fin de septembre et commencement d'octobre , et se conserve fort long-temps. 2. Chasselas de Bar-sur-Aube ; grappes plus fortes , mais plus lâches , à grains plus gros , comprimés , de même cou- leur, à pulpe ferme, douce, sucrée, agréable, mûrissant quifcfcê jours plus tôt que le chasselas de Fontainebleau, ce qui V1G3E, 567 lui faisait donner la préférence dans les jardins de Bruuoy. Il est plus sujet à couler. 3. Chasselas cioutat , raisin d'Autriche; il ne diffère du chasselas de Fontainebleau que par ses feuilles laciniées , et par ses grappes plus petites, moins fournies, à grains moins gros , mais de même qualité. 4- Chasselas musqué ; grappes plus serrées que le chasselas de Fontainebleau, à grains ronds, un peu comprimés , moins gros, d'un blanc jaune, moins transparent; pulpe sucrée, légèrement musquée. 5. Petit chasselas hatif ; grappes allongées , lâches , à grains petits , blanchâtres , se colorant moins que le chasses- las ; pulpe molle , peu relevée , un peu fade, 6. Blanc doux ; grappe assez allongée , composée , à grains petits, d'un blanc clair , à pulpe liquide, douce, peu savou- reuse. Il est assez précoce et très-productif. 7 . Panse musquée ; grappes longues , composées , lâches , à grains ovales, renflés au milieu, d'un blanc transparent, laissant apercevoir des nervures plus blanches ; pulpe assez ferme, bonne dans les années chaudes. 8. Muscat blanc , ou raisin de Frontignan ; grappe moyenne , allongée, étroite, terminée en pointe arrondie; grains très-serrés, durs, croquans, d'un vert tirant sur le jaune foncé du côté du soleil, à pulpe d'un blanc bleuâtre, très-musquée. Il mûrit difficilement dans les environs de Paris , surtout si l'on n'a pas la précaution d'en retrancher les grains trop serrés. g. Muscat d'Alexandrie, passe-longue musquée; grappes fort grosses, rameuses, allongées, à grains volumineux, ovales , longs de près d'un pouce , d'un vert clair un peu om- bré, durs , musqués et agréables. Il mûrit rarement dans les environs de Paris, à moins qu'il ne soit à une exposition très- jchaude. 10, Raisin de Jéricho ou de la terre promise ; grappes com- posées, d'une longueur considérable (on la dit de vingt- quatre à trente pouces) , à grains très-distans les uns des au- ires, de forme ovale, blanc; pulpe sucrée. Il mûrit mal sous 568 JARDÎN FRUITIER, le climat de Paris. Cette variété curieuse mérite d'être cul- tivée en serre. 1 1 . Corinthe blanc ; grappe assez grosse , allongée , très- serrée; grains ronds, petits, d'un blanc jaunâtre, à pulpe sucrée, fondante, sans pépins, fort agréable. Il mûrit en sep- tembre. 12. Verdal; grappes grosses ; grains très-gros , d'un vert roussâtre, à pulpe douce, sucrée, parfumée, excellente. Il ne mûrit, dans les»environsde Paris , que lorsque les années sont très-cha udes . i3. Morillon blanc ; grappes composées, un peu allongées, à grains peu serrés, arrondis, de moyenne grosseur, d'un vert blanchâtre , à pulpe douce et sucrée. i4- Raisin perlé; grappes peu garnies, à rafle très-verte; grains de grosseur variable , ordinairement petits , ovales , d*un vert pâle, à pulpe douce et sucrée. i5. Mornain blanc ou mornan , momanche ; il ressemble beaucoup au chasselas de Fontainebleau. Ses grains sont ar- rondis, d'un jaune pâle, plus ou moins roux du côté du so- leil, à pulpe douce, très-agréable. Il mûrit facilement, même au nord de Paris. 16. Gouais; grappes assez grosses, à grains arrondis, d'un jaune verdâtre, à pulpe liquide, abondante , peu savoureuse. 17. Griset blanc; grappes petites, irrégulières, serrées, à grains ronds , d'un vert grisâtre ; pulpe douce , sucrée , par- fumée , très-agréable . 18. Meunier; grappes courtes, épaisses, serrées, à grains ronds, gros, d'un jaune très-pâle. Pulpe douce, sucrée, agréable. 19. Verjus, bordelais, bourdelas ; grappes composées , souvent extrêmement grosses , assez serrées ; grains ovales , un peu plus renflés au sommet , gros , d'un vert jaunâtre , à pulpe ferme d'un blanc verdâtre. Tl mûrit rarement , aussi ne l'emploie-t-on guère qu'en vert pour la cuisine. 20. Cornichon blanc; grappes longues , peu serrées ; grains très-allongés , gros vers le milieu de leur longueur , amincis et un peu recourhés au sommet et à la base , ce qui leur donne un peu la forme de cornichons , d'un blanc jaunâtre , VIGNE. 56i) à pulpe douce , sucrée , très-agréable ; il lui faut une bonue exposition pour acquérir toule sa maturité. 2 1 . Saint-pierre ; grappes grosses , serrées , à grains ronds , d'un blanc jaunâtre ; pulpe douce, sucrée, très-bonne. B. RAISINS PANACHÉS. 22. Raisin d'Alep ; grappes de moyenne grosseur , peu serrées ; grains blancs , noirs et panachés de ces deux cou- leurs sur la même grappe ; pulpe liquide , peu parfumée. 23. Chasselas panaché ; grappe longue, lâche, à grains petits , blanchâtres , panachés de rouge ; pulpe molle, sucrée , un peu fade. C. RAISINS NOIRS. 24. Précoce de la madeleine, raisin de juillet * grappe pe- tite , serrée , à grains petits , ovales arrondis , d'un violet noir , très-couverts de poussière glauque ; pulpe verdâtre , peu sucrée. Tout le mérite de ce fruit consiste à mûrir en juillet et août. 25. Chasselas rouge ; il diffère du chasselas de Fontaine- bleau par la couleur de ses grains , qui sont rouges aussitôt que formés, et parce qu'il n'est nullement musqué. 26. Muscat violet; grappe allongée, à grains très -serrés, d'un violet roussâtre ; pulpe demi-ferme , sucrée , parfu- mée , très-bonne. Il ne mûrit parfaitement que dans les étés chauds. 27. Muscat rouge ; grappes un peu moins allongées et moins serrées que le muscat blanc ; grains arrondis , d'un rouge de brique ou pâle dans l'ombre , d'un violet pourpre du côté du soleil; pulpe douce et musquée. 28. Muscat noir ; grappes allongées , étroites , peu serrées , à grains ronds , petits , noirs ou d'un violet foncé , couverts de poussière glauque ; pulpe rougeâtre auprès de la peau, peu musquée. 29. Cornichon violet ; fruit en tout semblable au corni- chon blanc , mais grains violets , quelquefois verdâtres vers la tête. Il mûrit plus difficilement que l'autre dans les envi- rons de Paris. 30. Corinthe violet ; fruit semblable au corinthe blanc , 5^0 JARDIN FRUITIER, mais à grains un peu plus gros , d'un violet clair ; ils sont aussi sans pépins. 3 1 . Bourguignon noir ; grappes petites , raccourcies , ser- rées > à rafle d'un rouge foncé ; grains ovales , d'un rouge foncé. 32. Pineau fleuri de la côte d'or; grappes moyennes; grains ovales, noirs, assez serrés , couverts d'une poussière glauque, à pulpe liquide, douce, sucrée, parfumée. 33. Teinturier; grappes courtes, un peu serrées, à grains d'un rouge violet foncé; pulpe de même couleur. On se sert de ce raisin pour colorer les vins. 34. Franconie a fruit long; grappe composée, longue et lâche ; grains longs , noirs , très-couverts de poussière glau- que, à pellicule dure, pulpe blanche, et pépins gros ; mé- diocre en qualité sous le climat de Paris , où sa maturité est difficile. 35. Petit gamé rouge; grappes petites, un peu allongées > très-serrées , d'un rouge violet peu foncé, à grains ronds , de moyenne grosseur; pulpe douce , peu sucrée. 36. Verjus violet du Jura; grappes composées, très-grosses, à grains serrés , ronds, légèrement comprimés ; pulpe plus douce que dans le verjus blanc. On compte près de six cents variétés de raisins cultivés dans les vignobles ; nous avons choisi dans ce nombre celles que nous avons jugées les plus propres à être élevées et soi- gnées dans les jardins , pour fournir des fruits de dessert. Culture. La vigne offre cela de singulier que dans chaque province , chaque département , on pourrait même dire dans chaque village , elle est cultivée par des méthodes particulières qui diffèrent entre elles du plus au moins. Il en est résulté que les auteurs, regardant comme les meilleurs les procédés du pays qu'ils ont le plus habité ou le plus affectionné , les ont adoptés sans de plus amples informations , les ont recommandés comme les seuls véritablement bons, et, pour cette rai- son , se sont tous contredits les uns et les autres, Nous ne pensons pas , comme eux , que la vigne doit VIGNE. 5-jï se cultiver dans tous les pays de la même manière ; nous croyons même que l'expérience a dû apprendre à cha- cun les pratiques qui conviennent le mieux à la qualité du terrain , à la température habituelle, et aux influences du climat. Demandez à un Italien pourquoi il élève ses vignes à vingt ou trente pieds autour du tronc d'un ar- bre 5 à un habitant du midi de la France , pourquoi il les élève à cinq ou six pieds sur des échalas , pourquoi enfin les habitans de Paris les tiennent le plus près de terre qu'ils le peuvent-, tous vous répondront que c'est l'expérience qui leur a enseigné ces méthodes, mais pas un ne vous déduira les raisons physiques que nous en avons données page 266. De là , et des remarques que nous avons faites dans toutes les parties de l'Europe que nous avons parcourues , nous avons conclu que partout où la vigne est cultivée depuis long-temps, elle l'est d'une manière avantageuse à la localité , et que l'expé- rience est le meilleur maître. Nous ne prétendons cependant pas qu'on ne puisse en perfectionner encore la culture , mais cette perfec- tion résultera dans chaque pays des observations faites sur les lieux mêmes, par les cultivateurs indigènes les plus intelligens, et non de la multitude des livres dans lesquels des auteurs, qui souvent n'ont pas les premières notions des lois de la végétation , imaginent de nou- velles pratiques. En conséquence nous laissons aux hommes estimables qui , dans les sociétés d'agriculture des dépariemens , ont consacré leur temps à l'observa- tion et leurs veilles à leurs concitoyens , nous leur lais- sons , disons-nous , la tâche difficile , mais honorable , de faire disparaître ce que quelques pratiques particu- lières pourraient avoir de vicieux, et de perfectionner la culture des vignobles. Nous nous bornerons ici à traiter de la culture plus uniforme des raisins de table. La vigne est plus sensible aux influences du climat qu'à celles du sol : elle réussit assez bien dans toutes 572 les terres, pourvu qu'elles 11e soient pas trop humides ni marécageuses. Cependant elle préfère les terres cal- caires, légères, profondes et chaudes. Ses racines se plaisent à travers les rocailles et les pierres , elles s'en- foncent à une grande profondeur à travers les fissures des rochers. On la multiplie ordinairement de boutures auxquelles- on donne le nom de crossette, chapon , etc., et de marcottes nommées provins, recouchées, couchage; rarement on la sème, parce que ce moyen est long, outre qu'on ne serait pas sûr de la qualité des fruits. Les boutures sont des branches de l'année précédente, bien aoûtées , d'environ dix-huit pouces de longueur, auxquelles on laisse un talon d'un ou deux pouces pris sur le bois de deux ans. On peut les couder dès l'au- tomne , et , mieux , après les fortes gelées. On les con- serve le talon dans l'eau ou enterré dans une terre fraî- che et à l'ombre jusqu'au moment de les planter, ce que l'on fait au printemps , dans le moment où la végétation des vignes commence à s'annoncer par le gonflement des boutons. Dans un terrain miné , ou au moins bien dé- foncé , ameubli par de bons labours , on creuse un trou de douze à quinze pouces , on y place la crossette en in- clinant du côté du midi sa partie inférieure , on recouvre de terre et l'on ne laisse sortir que les deux yeux supé- rieurs au-dessus de la surface. Tous les autres soins se bornent à des sarclages , binages et arrosemens si l'on a planté contre un mur au midi et quela saison soit chaude et sèche. Les provins ne sont rien autre chose que ce que nous avons appelé marcottes simples dans nos principes. Lors de la taille, on laisse dans toute leur longueur les sarmens les plus vigoureux destinés à fournir les cou- chages. Au printemps , on creuse une petite fosse de huit pouces de profondeur contre le cep, on y étend la mar- cotte , et on la recouvre de terre, en ne laissant sortir à VIGNE. 573 la surface que Jes deux yeux de son extrémité. L'aimée suivante elle est suffisamment enracinée pour être déta- chée de la mère, enlevée et transplantée ailleurs. Si Ton veut que cette transplantation ne retarde nullement sa croissance, ou si le jeune élève est destiné à voyager, il vaut beaucoup mieux faire la marcotte clans un panier ou dans un pot que l'on enterre auprès de la souche. Par ce moyen on peut l'enlever avec la motte, soit pour l'emballer, soit pour la replanter de suite. Le semis, moyen précieux pour obtenir des variétés nouvelles ou au moins plus vigoureuses , se fait abso- lument de la même manière que celui des arbres à pé- pins, et les jeunes plantes se conduisent de même jusqu'à ce qu'on les mette en place pour les cultiver comme les marcottes, et boutures. Dans le climat de Paris un sujet de semence ne rapporte guère de fruit avant la sixième ou septième année. Il est encore un quatrième moyen de multiplication peu ou point employé dans quelques pays, et d'un usage général dans d'autres endroits. Nous voulons parler de la greffe. Voyez page 61. Nous observerons que la vigne ne doit jamais se fu- mer avec des engrais frais, parce que les exhalaisons qui s'en élèvent s'attachent aux raisins et leur commu- niquent un mauvais goût, qui , quelquefois même , passe dans le vin. On donnera à chaque espèce de terrain les engrais les plus convenables, c'est-à-dire que l'on di- visera les terres trop fortes par des fumiers très-légers , tels que les cendres, la suie, la marne calcaire, les terres sablonneuses rapportées, etc., et que l'on donnera du corps à celles qui sont trop légères , en y mêlant des fu- miers gras, des terres et des marnes argileuses. Si l'on veut planter dans un terrain où il y a déjà eu de la vigne, il faut attendre pendant trois ans au moins que les racines des anciennes souches soient en- tièrement décomposées, et que la terre ait acquis de 074 JARDIN F HUIT 1ER, nouveaux sucs nutritifs. On peut cependant planter de suite, pourvu que l'on change la terre à trois pieds de profondeur au moins , ou , si c'est en très-bon sol , en mêlant la terre de la fouille à une bonne quantité d'en- grais très-consommés. Tous les ans on donnera deux ou trois bons labours , et on fumera toutes les fois qu'il sera nécessaire, ce dont on s'apercevra aisément à la langueur du végétal et à la faiblesse de ses pousses. Quant aux soins à donner à la vigne pour la former, tailler, ébourgeonner, nous en avons traité dans tous leurs détails (page 25^ ) , et nous n'y reviendrons pas ici. La distance que l'on doit mettre entre chaque cep ne peut être indiquée , car elle varie selon la qualité du terrain, le climat, l'exposition même, tous accidens qui influent considérablement sur le développement de cet arbrisseau . La vigne est sujette à plusieurs accidens qui lui nui- sent plus ou moins. Les gelées tardives de printemps sont un des plus à craindre ; leur effet nuisible se fait surtout remarquer lorsqu'au froid de la nuit succède un soleil ardent. On prétend que de la fumée de paille brûlée , dirigée avant le soleil levant sur les bourgeons attaqués , suffit pour les dégeler lentement sans qu'il en résulte de mauvais effets. Un arrosement à la gerbe , en manière de pluie fine, est meilleur encore, mais il ne peut guère se pratiquer que sur des treilles ou autres vignes couvrant un espace médiocre. Plusieurs maladies attaquent encore ce végétal intéressant } on y apporte les remèdes indiqués à l'article maladies des végétaux. Les oiseaux attaquent le raisin aussitôt sa maturité , et en diminuent considérablement la récolte, si l'on n'a le soin de couvrir les treilles avec des filets. On garantit encore le fruit de leur voracité en le renfermant dans des sacs de papier ou de crin un peu avant sa maturité et dans le moment où il est très-sec, afin qu'il ne pourisse pas. Cette méthode offre encore l'avantage de le con- GROSEILLIER. S*}5 server sur l'arbrisseau et avec toute sa fraîcheur, jus- qu'aux premières gelées. GROSEILLIER. (Ribes) T) . Ce genre est composé de petits arbrisseaux épineux ou non épineux , tous iuté- ressans par leurs fruits, quelques-uns par leur joli aspect, susceptibles , par la taille , de prendre en miniature toutes les formes des arbres fruitiers. On en cultive plu- sieurs espèces et un grand nombre de variétés A. TIGES SANS ÉPINES. i° Groseillier commun , ou à grappes. ( Ribes rubrwn; L. ).. Indigène. C'est le plus facile à former en boule , en que- nouille, en éventail, etc ; voy. page 269. Il a fourni plusieurs variétés. a. Groseillier ordinaire ; fruits rouges , petits , acides , peu estimés. On néglige généralement sa culture. b. Gmseillier à gros fruits rouges ; fruits plus gros que le précédent, très-sucrés et moins acides, très-agréables. Ar- brisseau très-rameux, remarquable par la vigueur de sa végétation. c. Groseillier à très - gros fruits rouges ; fruits en belles grappes, à grains atteignant quelquefois jusqu'à cinq lignes de diamètre, d'un acide prononcé , assez agréable. Arbris- seau délicat , d'une faible végétation , d'une propagation difficile. d. Groseillier à fruits couleur de chair; fruits moins gros que les précédens, ayant à peu près la même saveur. e. Groseillier perlé; fruits blancs, gros, transparens, su- crés, peu acides. f. Groseillier à petits fruits blancs ; fruits semblables à ceux du précédent, mais moins estimés à cause de leur moin- dre volume , moins transparens. g. Groseillier à gros fruits blancs d"* Angleterre ; fruits très- transparens , à grappes allongées , lâches , de très-bonne qualité. 2° Groseillier a fruits noirs, cassis , poivrier. (Ribes ni- grum; L.) Indigène; fruits un peu plus gros que dans l'es- pèce précédente, noirs, d'une odeur forte et aromatique, plai- 5^.6 JARDIN FRUITIER, santà beaucoup de personnes. Arbrisseau ayant dans toutes ses parties une odeur forte comme son fruit. a» Groseillier noir à feuilles rênif ormes ; fruits plus petits que le précédent, de même qualité. L'arbrisseau a les feuilles très-velues. b. Groseillier noir cC Angleterre $ fruits très-gros, de même qualité que les précédens. 3° Groseillier doré. (Ribes aureum ;H. P.). De l'Amérique septentrionale. Fruits noirs , en grappes , à grains allongés et d'une forme singulière, ayant la pulpe ferme et un parfum particulier. Cet arbrisseau charmant donne en avril ses fleurs d'un jaune doré, exhalant une douce odeur de girofle. B. Tiges épineuses. 4° Groseillier a maquereau. (Ribes uva-crispa ; L.). Indi- gène. Cette espèce a fourni un grand nombre de variétés dont la plupart ont été obtenues de graines dans notre établisse- ment. En voici le tableau : A. FRUITS VERTS OU JAUNES. a. Fruits hérissés. i . Des bois à fruits verts. 2. Des bois à fruits ambrés. 3. Grosse blanche à nervures pâles. 4- Petite hérissée. 5. Jaune hâtive. 6. Petite jaune tardive. 7. Grosse verte ronde hérissée. 8. Couleur de chair ronde hérissée. 9. Verte blanche. 10. Verte longue légèrement hérissée. 1 1 . Blanche hérissée. 12. Blanche ronde hérissée. i3. Jaune hérissée.* i4» Jaune longue hérissée. i5. Verte longue très-hérissée. 16. Calebasse couleur de chair, superbe. 17. Cornichon. GKOSE l'LLïF. R. 5^7 b. Fruits lisses. 18. Des bois. 19. Auriculée. 20. Grosse verte longue lisse. 21. Verte longue lisse. 22. Verte commune lisse. 2.3. Verte ronde lisse. 24. Verte blanche lisse. 25. Verte grosse lisse. 26. Grosse blanche lisse. 27. Blanche lisse. 28. Grosse olive, superbe espèce, 29. Grosse ambrée lisse. 30. Petite jaune tardive. B. FRUITS ROUGES OU VIOLETS. a. Fruits hérissés. 3i. Couleur de chair ronde hérissée. 32. Couleur de chair longue hérissée. 33. Violette ronde tardive hérissée, 34- Violette ovale hérissée. , 35. Violette longue hérissée. 36. Violette très-longue hérissée. 37. Violette hérissée. 38. Petite violette ronde très-hérissée. 39. Petite pourpre hérissée. 40. Grosse pourpre hérissée. b. Fruits lisses. 4i. Rouge commune lisse. 4-2-. Très-grossea-ronde lisse. 43. Petite musquée lisse. 44- Très-grosse violette nouvelle d'Angleterre. 45. Violette ronde lisse. 46. Violette ovale lisse. 47. Violette turbinée lisse. 37 5^8 JARDIN FRUITIER, 48. Couleur de chair longue lisse. 49. Grosse lobée. 50. Mignonne. Les Anglais comptent plus de trois cents variétés de groseil- liers épineux; nous en avons fait venir la plus grande partie en mars 1825, mais nous n'avons pas encore vu les fruits. Culture. Les groseilliers ne sont pas difficiles sur Je terrain dans lequel on les plante ; ils viennent assez bien partout , cependant ils préfèrent les terres douces, fraîches et un peu sablonneuses 5 leurs fruits y viennent plus gros et moins acides. On les multiplie de graines que l'on sème comme les autres pépins, de boutures faites en automne ou après les gelées, plus ordinaire- ment de rejetons que Ton détache des vieux pieds aux mêmes époques , ou de marcottes qui s'enracinent aisé- ment. Les soins à leur donner se bornent à quelques labours , et à les tailler comme nous avons dit page 269. Lors- que ces arbustes vieillissent , ils se couvrent de mousses et les fruits deviennent petits 5 il faut alors les renou- veler en totalité. Les jeunes élèves donnent de très-beaux fruits et en quantité dès la seconde année de leur plan- tation. Il serait très-bien de faire cette opération tous les cinq ou six ans. On peut conserver fort long - temps les groseilles à grappes sur les arbrisseaux, en enveloppant ces derniers de paille un peu avant rentière maturité des fruits. ÉPINE -V1NETTE, vinetier. (Berberis vulgaris,- L.) T) - Arbrisseau indigène , épineux, dont les fruits ovales , allongés, en grappes , sont remplis d'une pnîpe acide et assez agréable , dont on faif de très- bonnes confitures. L'écorce de l'arbrisseau sert à faire une assez belle teinture jaune. On en cultive plusieurs variétés. i° VrNETiER ordinaire ; fruits rouges. ÉPINE-VINETTE, MYRTILLE. 679 20 Vinetier a gros fruits ; fruits plus gros , d'un plus beau rouge. 3° Vinetier a fruits violets. 4° Vinetier du Canada. 5° Vinetier a gros fruits rouges sans pépins ; il ne manque Je pépins que lorsque l'arbre a un certain âge. INous en avons de nouvelles espèces du Nypaule dont nous n'avons pas encore vu la fructification. Culture. Les vinetiers sont encore moins difficiles que Jes groseilliers sur la qualité du sol-, ils réussissent partout en leur donnant les soins mentionnés page 270, et quelques labours. On peut les multiplier de graines 5 mais , comme elles mettent deux ans à lever et que les jeunes sujets exi- gent beaucoup de soins pendant leurs premières années, on est dans l'usage de les propager par rejetons , mar- cottes ou éclats, que l'on sépare et plante en automne. MYRTILLE lucet , airelle anguleuse , raisin des bois ou de biches, brimbelle, moret, mouretier. ( Vac- ciniwn myrtillus ; L. ) J) . Indigène. Petit arbuste de deux pieds, produisant en juillet des baies grosses comme un grain de raisin , semblables à celles de myrte , d'un bleu noirâtre, à pulpe liquide , un peu acide et sucrée , d'un goût assez agréable. On en fait de la confiture , et les cabaretiers s'en servent pour augmenter la cou- leur de leurs vins. On peut employer aux mêmes usa- ges les baies de 1' airelle canneberge ou coussinette , ( vaccinium oxycoccos ; L. ) ; et si l'on habite le midi , ou que l'on ait une orangerie , celles de I'airelle du Ca- nada (vaccinium macrocarpon; L. ), dont les baies sont plus grosses. Culture. Ces arbustes sont assez délicats et ne réus- sissent bien que dans uneiterre sablonneuse très-légère, fraîche et ombragée, mieux dans la terre de bruyère. On les multiplie de graines semées en terrine et terre fraîche, abritées du froid jusqu'à ce que le jeune plant 58ô JARDIN FRUITIER, soit assez fort pour être mis en place. On petit encore les propager d'éclats et de marcottes , mais en général , leur culture est plus difficile qu'importante. DEUXIÈME CLASSE. Arbres craignant le froid et ne réussissant bien en pleine terre qu'au dessous du 43e degré de latitude. OLIVIER cultivé. (Olea europœa; L.) T) . Arbre du midi de l'Europe , de quinze à vingt-cinq pieds de hau- teur, à feuilles persistantes , dont les fruits, nommés olives, se mangent lorsqu'ils ont été marines , s'em- ploient en cuisine, et fournissent une excellente huile , dernier usage qui fait la plus grande partie de leur im- portance et la richesse de la Provence , du Languedoc, de l'Italie et de l'Espagne. Le bois de l'olivier est veiné , odorant, susceptible d'un beau poli ; pour ces raisons il est recherché par les ébénistes et les tabletiers. On en cultive un assez grand nombre de variétés , parmi lesquelles nous ne citerons que celles qui sont répandues dans le midi de la France. i. Olivier sauvage , fruits petits , peu abondans , de mé- diocre qualité. 2. Olivier fRanc amelou , amëlingue, amelode ; fruits ayant mi peu là forme d'une amande, excellents confits. 3. Olivïeb PichOlinè ; fruit petit, long, le meilleur confit, mais se conservant peu. 4- Olivier gayanne ou aglaudan ; fruit petit , rond , four- nissant la meilleure huile. 5. Olivier cormeau ou corniàu ; fruit ressemblant un peu à celui du cormier et fournissant une huile très-fine. 6. Olivier ampoulleau ; fruitSjgros, arrondis, fournissant une huile très-fine. 7. Olivier mOureaU ; fruits ronds et précoces, fournissant d'excellente liûrle. 8. Olivier d'Espagne; fruit assez gros et très-amer. OLIVIER. 58l 9. Olivier a feuilles de buis ; fruits moyens ; arbre trçs- robuste. 10. Olivier laurine; fruits gros, longs, bosselés, très- bons confits. 1 1 . Olivier sauvage d'Espagne ; fruit remarquable par son sommet tronqué. 12. Olivier a fruits longs ; fruits d'un vert foncé. i3. Olivier a fruits blancs ; fruits moyens. j4- Olivier royal; fruits gros, très-charnus. i5. Olivier verdale; fruits ronds , très-bons confits. 16. Olivier bouteilleau > fruits réunis en espèces de grappes. 17. Olivier pigau ; fruits petits , ronds , panachés de rouge €t de noir. 18. Olivier salierne ; fruits petits, ronds, noirâtres. 19. Olivier de Lucques ; fruits moyens , odorans. Culture. Ces arbres réussissent assez bien dans toutes les terres ; néanmoins ils se plaisent davantage dans celles qui sont légères et chaudes , et surtout au bord de la mer. Dans les terrains francs et substantiels, l'arbre de- vient grand et robuste , dans ceux qui sont sablonneux et maigres les fruits ont beaucoup plus de qualité. Qn ne les cultive guère avec avantage que depuis le 25e dé- gré de latitude jusqu'au 43e, ce qui prouverait qu'ils craignent également le froid et la trop grande chaleur. On a cru remarquer aussi que l'air de la mer leur est favorable et qu'ils produisent moins dans l'intérieur des terres que sur les bords de la Méditerranée. On multiplie l'olivier de semences, de rejetons, de marcottes et de boutures , et on propage les variétés par la grefïè , nos 1 , 2 , 3, 32 , 65, 66, 67. Un moyen plus facile encore et que nous employons depuis une dizaine d'années avec le plus grand succès, c'est de greffer en fente ou en approche sur le troène commun. Nous invi- tons les cultivateurs du midi à faire cet essai qui peut- être leur sera très-avantageux, surtout quand ils pourront employer pour sujet le troène du Japon , parce qu'il est 582 JARDIN FRUITIER, plus -vigoureux , que sa croissance est plus rapide , et que par conséquent il se trouve plus en équilibre de vé- gétation avec l'olivier. Il faut, pour semer, se procurer des noyaux des va- riétés les plus vigoureuses , croissant naturellement sur les montagnes , et mieux ceux des fruits sauvages de l'Archipel grec. On les sème aussitôt la maturité , ou on les fait stratifier, car sans cela ils ne lèveraient que la seconde année de la plantation. On les espace de ma- nière à ce que les plants se trouvent à trois pieds de dis- tance , en tous sens , les uns des autres. Du reste , on les traite dans la pépinière comme les autres arbres frui- tiers. Lorsqu'ils sont assez forts , on les lève avec l'ex- trême précaution de ne pas rompre le pivot, on les met en place, en les espaçant de trente-six à cinquante pieds, selon la qualité du terrain , et on les greffe après leur parfaite reprise , s'ils ne l'ont été dans la pépinière. On donne des labours et des engrais comme aux autres ar- bres. Le moyen du semis est fort long , car un olivier ne fructifie guère qu'au bout de quinze ans 5 mais, si on l'em- ployait , ce serait la meilleure manière d'empêcher cette dégénération dont se plaignent les habitans du midi. L'olivier pousse beaucoup de rejetons dont on débar- rasse son pied lorsqu'on ne les destine pas à fournir de nouveaux arbres ; dans le cas contraire , on les laisse se fortifier pendant trois ans, après quoi on les lève et on les met en place. Les marcottes se font avec des branches de la gros- seur du bras, que l'on couche en terre pendant l'hiver pour leur faire prendre racines. On les détache de la souche, et on les lève l'année suivante. On fait les boutures en automne et au printemps , avec du jeune bois. On les met en pépinière , et on les y laisse jusqu'à ce que les sujets soient assez gros pour être mis en place. On peut encore multiplier cet arbre par ses racines, OLIVIER, JUJUBIER, GOYAVIER. 583 En en coupant une près de la souche et élevant sa partie tronquée à la surface de la terre , elle ne tarde pas à émettre un bourgeon , qui se lève avec elle lorsqu'il forme un sujet assez vigoureux pour cela. Cette der- nière méthode de propagation est préférable à la pre- mière, parce qu'elle épuise moins les arbres, surtout si on la pratique sur des racines peu importantes Lorsqu'on a planté un quinconce d'olivier , il ne reste plus à leur donner que les soins mentionnés page 2.68, On peut cultiver des plantes céréales ou des légumes sous leur ombrage ; les arbres n'en prospèrent que mieux , parce qu'ils profitent des engrais et des labours que nécessitent ces cultures. JUJUBIER cultivé. (Ziziphus sativa ; Hort. Paris. Ziziphus vulg ans; Encycl. Bhamnus ziziphus ; L. )T> ... D'Orient. Arbrisseau très - épineux , de dix à quinze pieds, naturalisé dans la Provence et le Languedoc , où ses fruits, nommés jujubes , acquièrent très - bien leur maturité. Ils sont oblongs, de la forme et de la gros- seur d'une olive , d'abord verts, puis jaunâtres, et enfin rouges; leur pulpe blanchâtre est douce, sucrée , agréa- ble sèche , excellente fraîche. Le jujubier se multiplie de noyaux semés aussitôt la maturité , ou mis en stratification pendant l'hiver. Dans le midi on peut le semer en pépinière , et le conduire comme l'olivier , mais dans le nord de la France , où on est obligé de le cultiver en orangerie , on le sème en pots , sur couche et sous châssis. On peut aussi le pro- pager de marcottes par strangulation ou par rejetons. GOYAVIER poire, guayavier, poirier des Indes. ( Psidiwn pyriferum; L. .) Y) . Des Indes. Arbre dans son pays , arbrisseau de douze ou quinze pieds dans le midi de la France, où il est naturalisé. Il produit un fruit gros comme une pomme d'api , couronné comme une nèfle , d'abord veidâtre , puis jaunâtre , à pulpe molle. Ù8i\ JARDIN" FRUITIER, parfumée, d'un acide doux , assez agréable. On le mange cru ou cuit avec du sucre. Le goyavier, ainsi que sa variété plus robuste à fruit en forme de pomme y se cultive absolument comme l'o- ranger, et dans la même terre. ORANGER. ( Citrus). J) . Originaire d'Asie. Sous ce nom on comprend sept espèces qui ont fourni un très- grand nombre de variétés, mais dont beaucoup donnent des fruits amers ou teilement acides qu'ils ne sont d'au- cun usage , au moins comme substances alimentaires. Toutes se cultivent dans les jardins d'agrément dont elles font le plus bel ornement : aussi les décrirons-nous sans exception dans l'histoire des familles , et en suivant la marche botanique que nous nous sommes imposée dans les deux derniers volumes de cet ouvrage. Mais, dans le jardin fruitier nous ne devons parler que des espèces et variétés comestibles , et nous en donnerons seulement les noms pour éviter des répétitions inutiles. Nous ne citerons ici que la synonymie française de MM. Rissoet Poiteau. i. Oranger franc; fruit renfermant un suc abondant, agréable et sucré. 2. De la Chine; fruit très-bon, à écorce assez douce pour 4tre mangée. 3. DuBOisnoLETTE ; fruit un peupyriforme, dont la pulpe se détache seule de l'écorce, au point déjouer dedans comme une savonnette dans sa boîte. Pulpe douce , sucrée, parfumée, excellente; la meilleure de toutes les oranges. Nous l'avons reçue directement de la Chine par M. Dubois violette auquel nous l'avons dédiée. 4- i fruit précoce ; fruit gros , très-bon , à écorce fine. 5. A fruit déprimé; fruit de moyenne grosseur, très-doux, très- bon. 6. Pyramidal; fruit petit, à pulpe ferme , médiocre. 7. A feuilles d'yeuse; fruit petit, doux, sucré , très-bon. 8. A feuilles crépues ; fruit moyen, fade, peu sucré. 9. A fruits pyriformes ; fruit à pulpe rouge à la circonfé- ORANGEE. 585 rence, jaune au centre, très-agréable. L'arbre craint peu le froid dans les environs de Nice , et ses oranges se conservent fort bien. i o. Oranger a larges feuilles ; fruit gros, à pulpe très-douce. 1 1. De Gênes ; fruit assez beau , à pulpe jaune au centre, rouge à la circonférence , sucrée, très-agréable. 12. De Nice; fruit assez gros, pesant, à pulpe sucrée , excellente. 1 3. A petit fruit ; pulpe pâle , très-douce , peu agréable* i4- A fruit nain; fruit petit , à suc doux et agréable. i5. A fruit bosselé ; fruit assez gros, un peu acide quand il n'est pas en parfaite maturité. 16. A fruit cornu; fruit assez gros , muni d'appendices , à pulpe sucrée, très-agréable. 17. De Malte ; fruit rouge par place, de moyenne grosseur; pulpe rouge , surtout à la circonférence , excellente. 18. A pulpe rouge ; fruit entièrement jaune, à pulpe rouge, très-bonne. 19. De Majorque; fruit assez gros, à suc abondant, très- doux, agréable. 20. A fruit cacheté ; fruit de moyenne grosseur, à pulpe douceâtre , médiocre. 21. A fruit mammifère ; fruit assez gros, à pulpe douce, excellente. 22. A fruit LfMÉTiFORME; fruit mamelonné, à pulpe peu succulente , médiocre. 23. A fruit oblong; fruit rougeâtre , à pulpe rouge , fort bonne. 24. A fruit elliptique; fruit à pulpe rouge, douce, un peu sapide. 25. A fruit toruleux; fouit de moyenne grosseur, à pulpe douce, très-bonne, mais un peu sèche. 26. A fruit charnu; fruit globuleux, à suc doux , peu abon- dant. 27. A fruit rugueux ; fruit gros , à suc doux et aqueux. 28 A fruit ridé; fruit petit, à pulpe rougeâtre et douceâ- tre , peu agréable. 29. Pomme d'adam des Parisiens; fruit de moyenne, gros- seur, à pulpe tendre, douce, fondante, très-bonne. 586 J A R D i N FRUITIER, 30. Oranger a longues feuilles ; fruit gros ? à pulpe très- médiOcre. 3 1 . Multiflore ; fruit moyen, à pulpe douce, très-agréable. 32. A feuilles étroites; fruit petit, à pulpe rouge, très- bonne. 33. A fruit tardif; fruit gros, à pulpe rouge , excellente. 54* A fruit sans pépins ; fruit petit , à pulpe d'un rouge foncé, excellente. 35. De Grasse ; fruit gros , à pulpe jaune , bonne , mais un peu acide. 36. Portugais; fruit de moyenne grosseur , à pulpe jaune ou rougeâtre , bonne , mais un peu acide. Il existe encore d'autres fruits mangeables, et même assez bons , dans les familles que les auteurs ont nommées pom- pelmouse, lumie , limon, etc.; mais, comme ils sont peu répandus, nous n'en parlerons que dans les volumes destinés à traiter des plantes d'agréments Culture. Dans la plus grande partie de la France , l'oranger ne se cultive qu'en caisse ou en pot,. afin de pou- voir être serré en orangerie pendant l'hiver , et dans ce cas il n'est à proprement parler qu'un arbre d'orne- ment 5 il exige des soins particuliers dont nous donne- rons les détails dans l'histoire des familles. Ici nous ne devons l'envisager que comme arbre fruitier et ne don- ner que sa culture de pleine terre. Partout où l'oranger peut se cultiver en pleine terre , il n'est pas difficile sur le choix du terrain et réussit très- bien dans tous, pourvu qu'ils ne soient ni humides ni froids , ni trop légers ni trop compacts ; toutes les expo- sitions libres et aérées lui conviennent, excepté dans sa première jeunesse , époque à laquelle il lui faut ab- solument celle du midi. La température qui lui est la plus favorable est celle dont le terme moyen le plus constant est de dix à dix -huit degrés du thermomètre de Réaumur , et il paraît qu'il ne la trouve en France que sur les bords de la Méditerranée, ou à quinze ou vingt lieues tout au plus de ses rivages , car plus avant dans les terres il cesse d'être productif. ORANGER. 587 Les orangers se multiplient de graines , de boutures et de marcottes 5 les variétés se propagent par le moyen des greffes que nous avons décrites nos 1 , 2 , 3, 67 , 75, 108 , qui leur sont communes avec la plupart des autres arbres fruitiers , et par celles qui leur sont propres , voyez page 75. Pour l'opération du semis , on choisit et prépare les graines ainsi qu'il suit. On prend une certaine quantité des plus beaux fruits ._, on les met en tas au soleil , et on les y laisse fermenter pendant huit à dix jours , après lesquels on les jette dans de l'eau pour les faire macérer pendant quelques heures ; on broie les oranges dans les mains , et on laisse reposer le tout quelques instans -, on ramasse alors les pépins qui ont été au fond , et on jette ceux qui surnagent. Si la saison est favorable , c'est-à- dire, si l'on est au printemps et que la température soit à quinze degrés , on sème de suite ; dans le cas con- traire, on attend. On fait sécher les pépins à l'ombre, et on les conserve dans des flacons bien bouchés , jusqu'au moment favorable. Quand on veut semer, on prépare son terrain en l'unis- sant le mieux possible , on y enterre des pots ou des caisses dans lesquels on sème les graines, et l'on recouvre le tout d'un pouce de terre légère et meuble , ou mieux de terreau. On arrose 5 et , si la température est favora- ble , le semis lève en quinze ou vingt jours. Ordinairement pour avoir des arbres vigoureux on donne la préférence aux pépins de bigaradier franc ou sauvage 5 cependant quelques cultivateurs choisissent ceux de l'oranger , quoiqu'ils croissent plus lentement , parce qu'ils résistent mieux au froid , qu'ils sont plus robustes et qu'ils donnent plus de fruits. Enfin, d'autres conseillent de se servir de semences de pompelmouses, et particulièrement du pompoléon. Pendant la première année on se contente d'arracher les mauvaises herbes, et de donner des arrosemens pour 583 JAK a I* FRUITIER, empêcher la terre de se dessécher. La seconde année on les lève, avec la précaution de leur laisser une petite motte aux racines ; on coupe les petits rameaux et les feuilles inférieures , et on les replace en terre à huit ou dix pouces les uns des autres. Au printemps de la troisième ou quatrième année de germination , les sujets sont ordinairement assez forts pour être transplantés dans une pépinière plus spacieuse, ou en place. En fé- vrier ou mars on les enlève avec la motte et on les espaças dans la pépinière , à dix-huit pouces les uns des autres j en place, à six ou sept pieds, si on veut les former en espalier • à neuf ou dix si c'est pour contrespalier, et à dix-huit ou vingt si c'est pour plein-vent. Du reste ces distances varient selon les espèces d'orangers et selon la qualité du terrain. Enfin, la cinquième année après qu'ils ont été semés, ils sont en état d'être greffés. L'expérience a prouvé qu'il valait mieux greffer les orangers un an ou deux après leur plantation à demeure que dans la pépinière. La multiplication par boutures est en usage princi- palement pour les poncires et cédratiers, quoiqu'elle réussisse également très-bien pour toutes les espèces. Depuis le mois de décembre jusqu'en février on peut opérer de cette manière : on prépare une bonne terre par des engrais et de profonds labours; on y ouvre des sillons à dix -huit pouces de distance les uns des autres, et à quinze pouces de profondeur ; on choisit sur les orangers que l'on veut multiplier de petites branches, mieux , les longs bourgeons qui ont poussé pendant l'été, que l'on appelle plumets ou gowmands , et que l'on supprime ordinairement en automne, à moins qu'on ne les ait conservés pour cet usage. On les coupe à la -lon- gueur de dix-huit pouces , et on les taille en biseau à la base-, on les enterre dans les sillons, en ne faisant sor- tir à la surface que deux ou trois yeux que l'on a eu le soin de laisser munis de leurs feuilles -, on arrose cette OhA.XGER. f)89 plantation quand il en est besoin , et on la couvre de litière pendant les nuits pour la garantir des fraîcheurs. Dès que les boutures Ont poussé, on n'a plus à leur donner que les soins ordinaires à la pépinière. Quelque- fois on emploie des éclats de racines à l'usage que nous Venons de décrire. Le mode de multiplication par bou- tures est généralement répandu dans toute l'Europe méridionale, parce qu'il est plus prompt que le semis ; mais néanmoins il fournit des arbres beaucoup moins vigoureux, Quant à la marcotte , elle est rarement employée, parce qu'elle fournit des sujets faibles, chétifs, qui exigent beaucoup de soins ; on la fait par étranglement selon la méthode ordinaire, ou par cépée-, et, dans ce dernier cas, voici comment on agit. On greffe un su- jet fort près du collet de sa racine, et On laisse pousser la tige ; lorsqu'elle forme tronc , on la coupe à trois ou quatre pouces de terre, ce qui fait pousser un grand nombre de jets qu'on laisse se fortifier pendant deux ans. Alors on fait une ligature serrée à la base de chacun, on butte avec de la bonne terre , que l'on rapproche sur la souche de manière à former un encaissement de sept à huit pouces de hauteur. Il ne s'agit plus que de donner les soins nécessaires jusqu'à ce que les marcottes soient enracinées. Alors on les lève , et on les met en pépi- nière. On visite soiiventles jeunes élèves, soit qu'on les ait obtenus de semences, de boutures ou de marcottés; on détruit les limaces et les insectes qui les attaquent , on arrache lés mauvaises herbes, on bine deux ou trois fois par ail , et on donne de fréquens arrosemens pendant lés chaleurs. Lorsque les orangers sont en place, on les forme, taille etconduit, comme nous l'avons dit page ^52. Deux fois par an on donne de profonds labours qui doivent pénétrer jusque sur les racines : le premier se fait au prin- 5()0 JARDIN FRUITIER, temps, îe second à l'automne; les engrais leur sont in- dispensables, et tous leur conviennent très-bien, quoi- que chaque cultivateur donne la préférence à une com- binaison particulière que souvent son voisin rejette pour en employer une autre. Cette dissidence dans les opi- nions et la pratique est tout simplement le résultat de la différence des terrains. Il est clair que, dans les terres fortes et compactes, les engrais végétaux capables d'al- léger et de diviser la terre seront les meilleurs; dans ceux qui sont brûlans , des engrais froids conviendront davantage; dans les sols humides et frais, les détritus de matières animales et les poudrettes produiront plus d'effet, etc. C'est à l'intelligence du cultivateur à don- ner à son terrain les engrais qui lui seront le plus appro- priés : l'essentiel est de ne les employer que lorsqu'ils sont bien consommés. On ne fume -guère les orangers que dans les mois de septembre et octobre, ou de février et mars , à l'époque des labours. On creuse une fosse circulaire autour de l'ar- bre à un pied ou dix-huit pouces de son tronc, et à huit ou dix pouces de profondeur ; on la remplit d'engrais con- venables, et on la recouvre de la terre de la fouille. On emploie ordinairement les engrais végétaux en automne, et les fumiers d'animaux au printemps. Dans cette opé- ration essentielle on aura égard à l'âge et à la vigueur des arbres, ainsi qu'à l'épuisement de la terre. Les arrosemens se feront toutes les fois que les arbres paraîtront en avoir besoin , ce qui se reconnaît parfai- tement à la feuille, mais modérément, et avec de l'eau limpide ayant à peu près la température de l'atmosphère. Ce n'est guère que depuis les premiers jours de juin jus- qu'en septembre qu'il est nécessaire d'arroser, et encore ne le fait-on que lorsque la température se maintient journellement à vingt degrés et au-dessus. GRENADIER. {Punica granatum;h.) T? . Des envi- rons de Tunis. Cet arbre, qui s'élève souvent à vingt ou GRENADIER, FIGUIER. 5l)l vingt-cinq pieds dans les contrées où il croit en pleine terre , reste ordinairement arbrisseau quand il est cul- tivé en caisse dans le nord de la France. A ses belles fleurs rouges succèdent des fruits de la grosseur du poing et davantage, àécorce dure et cassante, renfermant une pulpe rouge et liquide, mêlée avec les graines dune saveur acide et sucrée ? fort agréable. Culture. Les grenadiers ne sont pas extrêmement sensibles au froid , et passent même assez bien l'hiver en pleine terre dans les environs de Paris , pour peu qu'on les abrite avec de la paille ; mais ils ne produisent sûre- ment du fruit qu'au-dessous du 43e degré de latitude. On les multiplie de semences semées au printemps et traitées comme celles d'orangers , de boutures et de marcottes par strangulation faites selon les méthodes ordinaires , et par les rejetons nombreux qui croissent au pied. Du reste on les cultive comme l'oranger, et ils réussissent par- faitement dans les terrains substantiels , secs et chauds. On les taille et dirige comme nous l'avons enseigné page 2.56. FIGUIER cultivé. ( Ficus carica; L.) T} . Indigène*. Cet arbre , s'élevant de quinze à vingt-cinq pieds, produit deux fois par an des fruits délicieux , mangés frais, très- bons et recommandés dans certains cas en médecine lorsqu'ils sont desséchés. Le bois du figuier est blanc, tendre , moelleux , et ne sert presqu'à aucun usage ; ce- pendant les serruriers et les armuriers l'emploient quel- quefois pour frotter et polir leurs ouvrages , parce qu'étant spongieux et mou , il prend facilement l'huile et l'émeri. Dans les pays chauds, tels que la Provence, le Languedoc, l'Italie et l'Espagne , on cultive une grande quantité de variétés de figuiers, mais toutes ne réussissent pas au-dessus du 44e degré de latitude. Nous marquerons d'un astérisque les variétés quon peut cultiver avantageusement dans les climats moyens de la France. Nous extrairons de l'excellente monographie 5t)2 JARDIN FRUITIER, du genre figuier, de M. Loiseleur des Lonchamps, la description de toutes les variétés cultivées. A. FIGUES BLANCHES, JAUNES OU VERDATRES. * Fruits aussi longs que larges , ou plus larges que longs. i .* Figue blanche ou grosse blanche ronde ; fruit gros , de deux pouces de longueur et à peu près autant de largeur , ren- flé vers la tête , pointu à la base , lisse , vert pâle ou blan- châtre , sucré, très-agréable. Ceux d'automne sont meilleurs que ceux de printemps. 2.* D'Argenteuil. Variété de la précédente , n'en différant que très-peu, et seulement par l'influence du climat. Les lia- bitans d'Argenteuil, qui la cultivent beaucoup, en fournis- sent presque exclusivement la capitale. 3. De Salerne ; fruit blanc, globuleux, de dix-huit à vingt lignes de diamètre, précoce, fondant, excellent sec; ter- rain sec et élevé. 4- De Grasse; fruit blanc, peu rempli, de près de trois pou- ces de diamètre sur vingt-quatre à vingt-six lignes de hau- teur; chair de médiocre qualité. Terrain humide ou ar- rosa ble. 5. Graissane ; fruit blanc, comprimé au sommet, d'un goût fade , surtout celui de première saison. 6. De Marseille ; fruit petit , arrondi , d'un vert pâle ou blanchâtre, à pulpe rouge, excellent frais et sec, mais de- mandant beaucoup de chaleur, et ne réussissant bien que dans les parties les plus méridionales de la France. 7. De Lipari , ou petite blanche ronde; fruit le plus petit de tous , n'ayant que six à huit lignes de diamètre , presque glo- buleux , blanchâtre , très-sucré. ** Fruits plus longs que larges. 8.* Coucourelle blanche , angélique,melette ; fruit blanc , arrondi, relevé de nervures, de quatorze lignes de diamètre sur Seize à dix-huit de hauteur. Celui de première saison est plus allongé et meilleur que l'autre. Terrain sec pour hâter la précocité du fruit. C).*PiOY ale, figue de Versailles; fruit peu rempli, de dix-huit FIGUIER. 5ç)3 A vingt lignes de diamètre sur vingt-deux à vingt-quatre de longueur, ressemblant beaucoup à la figue blanche; bon sec. 10. Figue verte ,Jîgue de cuersoxx des dames, trompe-chas- seur; fruit d'un vert foncé tirant sur le bleu, rouge erf dedans , de dix -huit à vingt lignes de diamètre, sur vingt- quatre à vingt-six de hauteur, à pédoncule fort long. Terrain gras et humide. 1 1 . Grosse jaune, aubique blanche; fruit le plus gros de tous, pesant quelquefois jusqu'à quatre ou cinq onces, d'abord jaune , puis blanc en mûrissant ; pulpe rouge , d'un goût agréable et très-sucré. Tout terrain , mieux dans des lieux humides. 12. Longue-marseillaise , grosse blanche longue ; fruit uni, blanc , un peu rouge à l'intérieur, de quatorze à seize lignes de diamètre , sur vingt-cinq de hauteur ; les fruits précoces sont douceâtres, beaucoup moins agréables que ceux d'au- tomne. Terrain humide; beaucoup de chaleur. i3. Seirolle; fruit de neuf à onze lignes de diamètre sur seize à dix-huit de longueur , blanc à l'intérieur, fade lors- qu'il est frais , excellent sec. Terrain sec. i4- Cotignacenquos ; fruit allongé , un peu comprimé, d'un vert blanchâtre , à œil rose ou jaune ; il a de vingt à vingt- deux lignes de longueur, sur douze à quatorze de diamètre; il est assez bon frais et sec, et sèche souvent sur l'arbre après la maturité. Terrain sec. i5. Barnissotte blanche; fruit allongé , comprimé au som- met, très-rouge en dedans, tardif, de seize à dix-huit lignes de diamètre , sur vingt-quatre à vingt-six de longueur ; ex- cellent. 16. Velue , perouas ; fruit d'un vert clair, à peau épaisse couverte de poils et de petits points blancs , de quatorze à seize lignes de diamètre , sur vingt-quatre à vingt-six de longueur ; bon sec. Arbre très-productif , en tout terrain. B. FIGUES ROUGEATRES, VIOLETTES OU BRUNATRES. * Fruits aussi longs que larges , ou plus larges que longs. 17. Barnissote, ou grosse bourjassotte ; fruit globuleux , comprimé , de vingt-six à vingt-huit lignes de diamètre , sur .2. 36 5y4 JARDIN FRUITIER, vingt-quatre à vingt-six de hauteur, d'un violet foncé , cou- vert de poussière glauque, et à pulpe rouge; les premiers sont peu agréables , mais les seconds excellens. Terrain gras et un peU humide. 18. Figue petite bourjassotte, sarreigne, verdoie; fruit d'un violet foncé , à peau épaisse, peu sujet à se crevasser , à pulpe rouge , excellente ; il a de vingt-deux à vingt-quatre lignes de diamètre. Terrain gras et un peu humide. 19. Rose-blanche, rousse; fruit comprimé au sommet, glo- buleux , à peau brune sur un fond blanchâtre , et pulpe d'un rouge vif. Terrain sec. 20. Petite violette de l'Ile-de-France ; fruit comprimé au sommet , allongé vers le pédoncule , à peau d'un violet brun , et pulpe blanche mêlée de filamens rouges, de médiocre qua- lité. Nous l'avons obtenue de graines que nous avons reçues de l'Ile-de-France. ** Fruits plus longs que larges. 2 1 . Servantine ou cordelière ; fruit delà première sève, ob- long , relevé de nervures longitudinales , de dix-huit à vingt lignes de diamètre, sur vingt-quatre à vingt-six de hauteur, d'un rouge clair , et d'une saveur délicieuse. Fruit de la se- conde éeve plus petit, grisâtre ou cendré, extrêmement mau- vais. Terrain un peu humide. 22. Rose-noire ; fruit allongé, d'un rouge un peu foncé, à pulpe blanche, excellente sèche. Terrain sec. 23. ^Violette, mouissonne; fruitàpeau très-fine, bleuâtreou violette, ordinairement crevassée; pulpe rouge, excellente. Les figues de la première sève sont plus allongées que les au- tres ; elles ont de vingt à vingt-deux lignes de diamètre sur vingt-quatre à vingt-six de longueur, tandis que les secondes n'en ont guère que le tiers, mais sont également bonnes. Ter- rain ni trop sec , ni trop humide. 24 • Aubique noire, grosse violette longue; fruit allongé, aminci vers le pédoncule , renflé et comprimé au sommet, d'un pour- pre obscur presque noir, couvert de poussière glauque , d'un rouge brillant à l'intérieur. Les premières figues ont six à sept pouces de tour sur trois de hauteur ; celles d'automne n'ont que quatorze à seize lignes de diamètre sur vingt -deux à figuier. 5g5 vingt-quatre de hauteur. Les unes et les autres sont de qua- lité très-médiocre. Tout terrain. 2.5. Figue petite violette ; fruit ne différant du précédent que par son moindre volume ; du reste , même qualité. 26. Du Saint-Esprit ; fruit ressemblant beaucoup à l'aubique noire; d'un goût fade et aqueux qui en fait la plus mauvaise de toutes les figues. 27.* Poire, figue de Bordeaux ^petite aubique ; fruit à base verte et allongée en pointe , partout ailleurs d'un violet foncé ou rouge brun parsemé de petites taches d'un vert clair , avec des côtes très-apparentes ; pulpe d'un fauve rougeâtre. Il est long de vingt-six à trente-deux lignes , et large de quinze à vingt-deux. Les figues de la seconde sève sont meilleures que celles de la première. Terrain un peu humide. 28. Blavette ; fruit long, de seize à dix-huit lignes de diar mètre sur vingt-quatre à vingt-six de hauteur, violet, à pul- pe très-rouge , excellente. Terrain gras et humide. 29. Barnissenque ; fruit arrondi au sommet > rétréci subite- ment à la base, à pédoncule oblique, de dix-huit à vingt lignes de diamètre sur vingt-une à vingt-trois de hauteur, violet,/ à pulpe rouge , excellente. Terrain gras et arrosable. 30. Verte brune j fruit vert, prenant une teinte de violet foncé au soleil, à pulpe rouge, de dix à douze lignes de diamètre ; excellent. 3i. Bellonne ; fruit comprimé au sommet, de vingt-six à vingt-huit lignes de longueur , sur vingt-une à vingt-quatre de diamètre. Les deux récoltes sont de même qualité, très- bonnes. Terrain un peu humide, ou arrosable. 32. De Bargemon ; fruit tardif, allongé , d'un violet pâle sur un fond jaunâtre , et un peu coloré à la partie supérieure , de douze à quatorze lignes de diamètre sur dix-huit à vingt de hauteur , excellent frais et sec. Terrain élevé. 33. Perroquine ; fruit d'un violet foncé, couvert de poussière glauque, de vingt-quatre à vingt-six lignes de longueur, de quatorze à seize de diamètre , bon sans être délicat. Les fruits de la seconde sève sont plus petits. Terrain sec. 34- Négrone ; fruit petit, d'un rouge brun, rouge-pâle à l'in- térieur, d'une qualité médiocre , mais n'étant jamais attaqué par les insectes lorsqu'il est sec. Tout terrain. 596 JARDIN FRUITIER, 35. Figue brayasque, bouffbs ; fruit ovale, brusquement aminci vers le pédoncule, de médiocre qualité , mais hâtif et peu sujet à couler. Tout terrain. 36. Cougourelle brune ; fruit brun, allongé, de dix à douze lignes de diamètre sur douze ou quatorze de longueur , hâtif. Les figues de la seconde récolte sont moins allongées , plus petites, et d'une couleur moins foncée. Terrain sec, arbre très-productif. 37. Mourenaou ; fruit globuleux, comprimé, à peine plus haut que large , à peau épaisse , d'un pourpre violet , à pulpe blanche, peu agréable. Cxjlture. Les figuiers ne sont pas très-sensibles aux gelées ordinaires , et résistent assez bien aux hivers de Paris • moyennant quelques précautions dont nous par- lerons. Ils aiment en général une terre légère, sablon- neuse, chaude, mais ils réussissent assez bien partout. Dans le nord on les voit pousser vigoureusement dans 3 es décombres , au pied des murs au midi , et même dans les cours pavées. Dans le midi, ils se plaisent dans les sols les plus arides, et on les rencontre jusque dans les fissures des rochers et dans les trous des vieilles mu- railles. • On peut les multiplier de plusieurs manières : i° par semences, i° par rejetons, 3° par marcottes , 4° par bou- tures, 5° enfin par la greffe. Le moyen du semis est long , et surtout incertain dans ses résultats , parce que les variétés ne se reproduisent pas franches , mais c'est la seule manière d'en acquérir de nouvelles. On choisit les meilleures espèces, et seule- ment parmi celles qui sont très-mûres , ou plutôt qui se sont flétries sur l'arbre ; on les écrase dans un vase plein d'eau, et on ne recueille que les graines qui se précipi- tent au fond} celles qui surnagent doivent être rejetées. Dans le midi on se contente de les semer en pleine terre bien ameublie, de les peu recouvrir et de les arroser. En peu de temps elles lèvent et fournissent de jeunes FIGUIER. 5cj-] arbres qui ne demandent aucun soin particulier. Dans le nord il n'en est pas de même : il faut semer sur cou- che et en terrine, afin de pouvoir rentrer le plant en orangerie , au moins pendant le premier hiver. Au prin- temps suivant on peut le placer en pleine terre et le traiter comme les autres sujets. Les rejetons se détachent des vieux pieds avant qu'ils soient assez gros pour les épuiser, mais cependant quand ils sont assez forts pour ne pas faire attendre trop long- temps leurs fruits. Le plus ordinairement ils sont bons à lèvera l'âge de deux ans. Les marcottes se font en mars ou avril , sur des bran- ches à fruit âgées de deux ans. On les couche dans la terre sans autres précautions , ou on les fait en pot et en panier pour pouvoir , lorsqu'on les détache , les planter avec la motte. Au printemps on les sèvre de la mère , on les plante dans des trous de deux pieds de largeur et de profondeur, et on leur donne quelques arrosemens jusqu'à parfaite reprise. Les boutures se font en mars ou en avril , avec du bois de deux ans. On choisit une branche longue de deux pieds et demi ou trois pieds, munie dans le bas d'un ou deux rameaux que Ton se garde bien de couper, car ce. sont eux qui fourniront les racines les plus vigoureuses. On ménagera aussi le bouton ou l'oeil supérieur , parce que c'est lui qui doit fournir la tige, les autres ne don- nant que de faibles bourgeons. On prépare un trou comme nous l'avons dit pour la marcotte , et on y enfonce la bouture de manière à ce qu'il y ait six pouces au plus qui dépassent à la surface. On arrose , surtout si le prin- temps est sec , jusqu'à ce que la reprise soit opérée. Si l'on en excepte les greffes en approche , toutes les autres généralement employées pour les arbres fruitiers peuvent se pratiquer sur le figuier 3 cependant on don- nera la préférence à celles en fente, en couronne et en sifflet. On aura la précaution de fixer à un tuteur les 598 JARDIN FRUITIER, jeunes bourgeons des greffes, car sans cela le vent les romprait avec la plus grande facilité. Cet arbre est d une reprise assez difficile à la trans- plantation, aussi on ne doit jamais élever les jeunes plants en pépinière comme les autres arbres fruitiers , mais en place. Dans les provinces méridionales sa cul- ture est extrêmement facile : il ne demande que quel- ques labours , à être débarrassé des rejetons qui crois- sent au pied et répuisent , et à être conduit comme nous le disons page 268. Dans les parties de la France où le figuier peut être atteint par les gelées , il faut l'en préserver ; et pour cela on emploie deux moyens. Le premier consiste à l'envelopper de paille, et le second, que nous allons décrire, à l'enterrer 5 mais on ne peut user de ce pro- cédé que dans les terres sèches et saines. Dès qu'on se voit menacé de fortes gelées , on nettoie l'arbre des feuilles et des fruits qui peuvent encore y être , on creuse une petite fosse à son pied 5 en courbant les branches sans efforts brusques , et doucement afin de ne pas les rompre, on vient aisément à bout de les y coucher; alors on les recouvre de six pouces de terre au moins , on butte les parties que l'on n'a pas pu courber 5 et, si la saison devient très- rigoureuse , on jette dessus de la litière, des feuilles ou de la fougère sèches. On peut laisser l'arbre dans cet état pendant deux mois et demi ou trois mois sans lui faire le moindre dommage. Quand les froids sont passés, on le déterre et on redresse ses branches. A Argenteuil , près de Paris, où l'on cultive des champs immenses de figuiers , les habitans n'ont pas d'autres méthodes pour les préserver du froid. S'il s'en trouve de gelés , ils les coupent jusque sur le collet de la racine , ainsi que les branches devenues trop fortes pour être ployées, et ces arbres poussent rapidement de nouveaux jets qui donnent des fruits au bout de deux ans. FIGUIEH, IAMBOSIER. 5g9 Les figues sont souvent sujettes à tomber avant leur ma- turité ; on les en empêche en pinçant le bouton terminal, du rameau qui les porte, ou en arrosant l'arbre si cet effet provient de la sécheresse de la terre, ce qui arrive assez fréquemment. Si on veut les avoir mûres quinze jours avant l'époque ordinaire, ou même s'en assurer la récolte dans les années tardives , on pique leur tête avec une épingle trempée dans l'huile; ou, mieux, quand les fruits sont au tiers de leur grosseur, avec la pointe d'un canif on cerne la partie de la tête où se trouvent les fleurs mâles, et on l'enlève. La plaie se recouvre , et la figue n'en est pas moins grosse. On emploie sur les figuiers sauvages de la Grèce un mode de fécondation artificiel que l'on nomme capri- jication; mais, comme ces arhres ne sont pas cultivés dans les autres parties de l'Europe , nous n'en parlerons que dans l'histoire des familles. JAMBOS1ER. Eugenia, jamrose, jambose, pomme-rose. (Eugenia jambos ; L.) Y). Des Indes. Cet arbre , de dix à quinze pieds, ne peut se cultiver en pleine terre que dans le midi de la France et dans les parties chaudes de l'Europe. Il fleurit de mai en septembre, et produit un fruit assez gros , d'un blanc jaunâtre , arrondi, à pulpe douce, sucrée, ayant une agréable odeur de rose. Il se plaît dans les terres franches-légères , à exposi- tion chaude et abritée , où on le cultive comme l'oranger, à cette différence près qu'il lui faut plus d'arrosemens. On le multiplie aussi de semences , de boutures et de marcottes. Les Français établis dans les Indes nomment ses fruits pommes-roses et jambes-rosades . Il serait avantageux de naturaliser cet arbre dans les parties de la France où la température le permet. FIN DU DEUXIEME VOLUME.