VERING > $ € MANUEL DE L'ÉDUCATEUR VERS À SOIE IMPRIMERIE. D'E. DUVERGER, Rue de Verneuil, n° 4. MANUEL DE L'ÉDUCATEUR DE VERS A SOIE Par ROBINET rene | LE 4 De la Société royale et centrale d'Agriculture; Professeur du Cours sur l’industrie de la Soie; Membre du Conseil général de la Scine. PARIS LIBRAIRIE AGRICOLE DE LA MAISON RUSTIQUE RUE JACOB, 26 Et chez tous Jes Libraires de la France et de J'Etranger. 1818 x AVANT-PROPOS. Je me propose de réunir dans trois ouvrages, qui traiteront du mürier, des éducations et de la filature, tout ce que mes recherches dans les auteurs, mes pro- pres expériences et mes relations ont pu m’apprendre sur l’industrie de la soie. Dans les douze cours publics que j'ai faits depuis 4858, j'ai recueilli aussi de nom- breux renseignements de la part même des personnes qui venaient m'écouter. Il s’en est trouvé de tous les pays. Mais en attendant la publication de ces ouvrages, qui seront aussi complets qu'il me sera possible de les faire, il m'a paru utile de donner aux éducateurs un Ma- nuel élémentaire qui leur fournit les moyens d'appli- quer immédiatement les progrès récents de Part. En prenant la plume pour écrire ce Manuel, j'ai éprouvé le même embarras qui s’est manifesté à l’ou- verlure de chacun de mes cours. Cet embarras portait sur la nature même des matières qu’il convenait de comprendre dans l’enseignement, et l'ordre dans lequel ces matière devaient être successivement présentées au lecteur ou à l’élève. En effet, le principe rigoureux exige que la théorie précède la pratique, et qu’on passe toujours du connu à l'inconnu. Je me suis trouvé très souvent dans l'iin- possibilité de suivre cet ordre logique. i AVANT=PROPOS. La première question qui s’est offerte à mon esprit a été celle de savoir si je composerais un Manuel pure- ment pratique, dépouillé de toute théorie et destiné aux éducateurs qui ne cherchent point à se rendre compte des opérations qu'ils exécutent; ou bien si je devais au contraire réunir la théorie à la pratique, et faire suivre la description de chaque opération des explications scientifiques qui s’y rattachent naturelle- ment. Pour faire la part de chacun, j'aurais pu diviser l'ouvrage en deux parties. Dans l’une, consacrée à Ja théorie, l’homme studieux, l’observateur auraient trouvé la discussion des principes et leur application à Part. L'autre partie aurait présenté à tout praticien une description laconique et précise des procédés, des lo- eaux, des ustensiles, avec une règle de conduite tracée presque heure par heure et qui l'eût, pour amsi dire, dispensé de raisonner et de comprendre. A la rigueur, cette seconde partie était seule indis- pensable et pouvait constituer tout l'ouvrage. Mais quel est aujourd’hui le praticien qui consentirait à faire en quelque sorte abnégation de sa raison, pour se livrer à des prescriptions empiriques qu'il ne pour- rait ni discuter ni juger par lui même? Quel homme est assez peu éclairé pour renoncer volontairement à s'éclairer davantage par les applications fécondes de Ja séience à l’art? D'ailleurs il n’est pas une question peut-être qui n'ait été ou ne puisse être encore l’objet de discussions AVANT-PROPOS. if utiles entre des hommes appartenant aux différentes écoles, ou placés à des points de vue opposés. C'est done une nécessité pour celui qui trace les préceptes d’un art et décrit ses procédés, de justifier par des théories rationnelles ceux qu'il donne comme définitivement acquis. Ces considérations m'ont engagé à réunir le plus sou- vent possible, à la description des procédés, les explica- tions scientifiques qui les justifient et motivent la pré- férence que je leur accorde. Cependant, si j'avais suivi cette méthode en toutes circonstances, j'aurais nui plus d’une fois à la eoncep- lion de l’ensemble d’un procédé, en rompant l’enchai- nement naturel et la succession des opérations qui le composent. J'ai dù en conséquence renfermer dans des chapitres particuliers certaines connaissances que le praticien ne peut se dispenser d'acquérir, mais qui auraient été dé- placées au milieu des descriptions de procédés. C'est ainsi que j'ai traité à part, sous le titre d’his- toire naturelle du ver à soie, la description de cet insecte à ses différents états, ses mélamorphoses, ses crises na- turelles, ses mœurs. J'étais fort embarrassé, je l’avoue, pour placer eon- venablement ce qui concerne la magnanerie et son ameublement, A la rigueur, il faut connaitre toutes les nécessités d’une éducation pour se rendre compte de ee que doivent être les locaux qui lui sont destinés; mais. d'un autre côté, comment décrire avec clarté les pro- cédés d'éducation, quand les lieux dans lesquels ils « LA“ AVANT=PROPOS. s’exécutent ne sont pas connus ? Je me suis décidé à placer à la suite de l'histoire naturelle du ver à soie la description détaillée des locaux consacrés à l'éducation. Les principes généraux et les procédés, avec leur théorie et leur justification, viennent ensuite naturelle- ment. Puis, comme résumé de tout ce qui précède, je donne sous le titre d'éducation industrielle, et jour par jour, quelquefois même heure par heure, la des- cription détaillée d’une éducation, dépouillée de toutes discussions et explications. Je crois avoir satisfait, autant que possible, aux exi- ences de la méthode par cette composition et cet ordre des différentes parties du Manuel. Que ceux qui seraient tentés de blâmer le parti que j'ai pris veuillent bien consulter l’ouvrage de Dandolo. Ils verront, par la con- fusion extraordinaire qui règne dans l'ouvrage de cet habile praticien, combien il était difficile de suivre le principe rigoureux suivant lequel on devrait toujours passer du connu à l'inconnu. On remarquera sans doute que je ne cite dans le Ma- nuel aucun auteur, aucune autorité. Je réserve ces ei- tations, qui pourraient être très nombreuses, pour un autre ouvrage plus étendu, que je publierai bientôt. Un Manuel ne doit contenir que des préceptes, des procé- dés, des recettes, des formules, et non des discussions et des citations d'auteurs. MANUEL DE L'ÉDUCATEUR DE VERS A SOIE PREMIÈRE PARTIE HISTOIRE NATURELLE DU VER A SOIE. CHAPITRE PREMIER. Généralités, Ce n’est pas en vain que le Créateur a mis à Ja dis- position de l'homme toutes les classes d'animaux dont ila peuplé la terre; notre intelligence a su trouver dans toutes quelque ressource précieuse. Les chenilles elles-mêmes, qui semblaient n’avoir été créées que pour ronger les arbres, sont devenues la base d’une magnifique industrie. On attribue à une femme cette singulière décou- verte. On lit dans les chroniques chinoises : « La femme légitime de l’empereur Hoang-Ti, nommée Si-Ling- Chi, commença à élever des vers à soie. « Ce grand prince (Hoang-Ti) voulut aussi que Si- Ling-Chi, sa légitime épouse, contribuât au bon- heur de ses peuples. Il ia chargea d'examiner les vers 1 2 HISTOIRE NATURELLE | à soie et d'essayer d’utiliser leurs fils. Si-Ling-Chi fit ramasser une grande quantité de ces insectes, qu'elle vou- lut nourrir elle-même dans un lieu qu'elle destina uni- quement à cet usage ; elle trouva non-seulement la façon de les élever, mais encore la manière de dévider leur soie et de l’employer pour faire des vêtements”. » Cette découverte se faisait il y a 4458 ans. Pour le naturaliste, la chenille n'est pas un insecte parfait, mais bien le papillon qui en provient, car lui seul est capable de perpétuer la race. Pour l'industriel, il en est autrement; comme c’est la chenille ou larve qui produit la soie, c’est elle aussi qui nous intéresse da- vantage et doit surtout fixer notre attention. Presque toutes les chenilles qui vivent en plein air sécrétent une matière soyeuse, plus ou moins par- faite, plus ou moins abondante ; cette soie leur est nécessaire pour accomplir certaines révelutions dans leur existence, pour éviter les chutes, pour couvrir et protéger la chrysalide pendant la formation du papillon. Mais il n’y en a qu’un petit nombre chez lesquelles la matière soyeuse se présente assez abondante et assez parfaite pour être recueillie avec avantage; en outre, beaucoup de chenilles ont un naturel sauvage qui ré- siste à toutes les tentatives de l’homme lorsqu'il veut les réduire à la domesticité. Le but exclusif de cet ouvrage étant de décrire l'in- dustrie de la soie en France et en Europe, au point de (1) Résumé des principaux Traités chinois sur la culture des müriers et l'éducation des vers à soie, traduit par STANISLAS JUMEN. 1837, page 67. EU VER A SOIE. 5 vue théorique et pratique, je n’entrerai ici dans aucun détail sur les ressources que pourraient offrir d’autres chenilles que celles connues sous le nom de vers à soie. En effet, cette espèce est seule exploitée en Europe. Les naturalistes lui donnent le nom de bombyx mori, bombyx du mürier; elle porte ce nom parce qu’elle se nourrit des feuilles du mürier. Le papillon du ver à soie appartient à la famille des lépidoptères nocturnes, qui ont quatre ailes écailleuses et colorées. En étudiant le bombyæ mori dans ses différents états, au point de vue de l’histoire naturelle, nous ne ferons à la science que les emprunts nécessaires à l’intelli- gence des théories industrielles. L'industrie sans théorie, c’est la routine. L'industrie rationnelle n’est autre chose qu’une application des principes de la science. Recherchons done d’abord dans la science tout ce qui pourra éclairer la pratique; nous en ferons ensuite l'application à l’industrie proprement dite. Tout le monde sait que c’est d’un œuf que provient le ver à soie ; il se développe sous la forme d’une che- nille ; celle-ci se transforme en chrysalide ou nymphe ; la nymphe donne naissance à un papillon. C’est dans ce dernier état que les sexes se manifestent et se réunis- sent. Après l’accouplement, le papillon femelle pond des œufs qui perpétuent la race, puis mâles et femelles meurent ; leur existence n’a duré que quelques jours. Il paraît naturel de commencer l'étude de toutes ces phases par l'étude des œufs; car les œufs sont le point de départ des travaux industriels; mais pour 4 HISTOIRE NATURELLE que leur histoire soit complète, nous serons obligés de les prendre au moment même où la femelle les dépose, et de les suivre pas à pas pendant plusieurs mois, jusqu'à la naissance du ver qui se développe dans leur intérieur. CHAPITRE II. OEufs. $ 1. Forme des œufs. Les œufs n’ont pas exactement la même forme dans toutes les races de vers à soie. En général c’est un petit corps rond, lenticulaire (forme de lentille), aplati sur deux faces, déprimé dans son centre. Quelquefois l'œuf est tout à fait rond ; d’autres fois il est ellipsoïde, le plus souvent ovale, c’est-à-dire qu'un de ses bouts est plus petit que l’autre. Au moment de la ponte, les deux faces sont lépère- ment convexes ; mais bientôt elles s’aplatissent et pré- sentent même une légère dépression ; elles deviennent concaves. Cet effet est dù à une dessiccation progressive de l'œuf; cette dessiccation est nécessaire dans certaines limites; si elle est dépassée, c’est-à-dire si la dessiccation est trop considérable, l'œuf s’aplatit entièrement , ses deux faces se rapprochent et se touchent, il est perdu. On trouve donc dans la forme de l'œuf un premier caractère qui permet d'apprécier si le germe est suscep- tible de se développer; cela ne peut plus avoir lieu dans les œufs aplatis. PU VER À SOIE, ÿ $ 2. Poids des œufs. Les ménagères savent toutes qu’un œuf de poule pèse environ 60 grammes. Quand on parle du poids des œufs de vers à soie, ce n’est pas au même point de vue. En effet, ces œufs étant des corps extrêmement petits, il serait difficile d'apprécier le poids exact de chacun; on procède donc autrement. On pèse un gramme d'œufs de vers à soie et on compte combien il en présente; on recommence cette opération quatre à cinq fois: on oblient alors une moyenne dun nombre d'œufs nécessaire pour former un gramme; c’est, par exemple, 4,550. On dit alors qu'il y a 4,550 de ces œufs au gramme, et comme l'usage s’est établi d'em- -ployer, de vendre et de préparer les œufs à l’once, en multipliant le nombre 4,550 par 54 #25 wi. qui re- présentent l’once décimale, on trouve qu'il y a environ 44,000 de ces œufs dans une once. Mais aujourd'hui que l'usage de l’once n'est plus permis, nous devons apprécier le poids des œufs en comptant le nombre de ceux qui pèsent 4 gramme, Il est évident que les œufs sont d’autant plus lourds qu'il en faut un moins grand nombre pour former un gramme ; voici les chiffres que j’ai trouvés en comptant un grand nombre de races très différentes : Nombre d'œufs nécessaires pour former 1 gramme. DITS La lee dite Lisa rl AT PONT IDE Fe MEME EE COEMI 1,395 Espasmelol. à 4 1h die 1,350 GLOSÉTUERS 02. 1,345 Gros Roquemaure.. , . . . . 1,275 (h HISTOIRE NATURELLE J'indique ici seulement les races dont les œufs pré- sentent quelques différences de poids. On voit que la race Sina est celle qui a donné les œufs les plus légers, et que le gros Roquemaure a pré- senté les œufs les plus lourds. Mais quelles que soient ces différences, tous les œufs de ver à soie qui n’ont subi aucune altération tombent au fond de l’eau quand on les jette à sa surface. Ils sont donc plus lourds que l'eau. Cette propriété fournit un nouveau moyen d'appré- cier la qualité des œufs. En effet, tous les œufs qui ont éprouvé une dessiccation exagérée, ou qui se sont vidés à la suite d’un accident quelconque, nagent à la surface de l’eau; c’est un procédé certain pour les séparer. Le poids des œufs, ou, ce qui revient au même, le nombre qui s’en trouve dans un gramme, n'est pas le même quand on les pèse à différentes époques. En effet, à partir du jour de la ponte jusqu'à celui de l’éclosion des vers, les œufs perdent de leur poids; mais cette réduction n’est pas continue, elle marche avec le développement du ver dans l'œuf. À partir du jour de la ponte jusqu'aux premiers froids, la dessiccation qui a lieu se manifeste par la con- cavité de la surface des œufs. La déperdition s'arrête alors. Pendant l'hiver les œufs ne perdent plus rien ; mais dès le mois de février dans le midi, et dès le mois de mars dans le nord, les œufs perdent chaque jour quelque chose de leur poids. En somme, du jour de la ponte au jour de la nais- DU VER À SOIE. 1 sance des vers, la perte de poids éprouvée par les œufs est d’un dixième environ. Il en résulte que si, à l'automne, il faut 4,500 œufs pour peser un gramme, il en faudra 4,450 environ au printemps suivant. Il n’est donc pas indifférent soit d'acheter en au- tomne ou au printemps les œufs qu’on destine à son éducation, soit d'en vérifier le poids à l’une ou l'autre époque. On voit en effet que l’éducateur qui pèserait ses œufs au moment de l’incubation aurait un avan- iage d’un dixième sur celui qui les aurait achetés à l'automne, ou, en d’autres termes, aurait un dixième devers en plus,et, par conséquent, une plus belle récolte, sans avoir réellement mieux opéré. $ 3. Couleur des œufs. La couleur des œufs n’est pas moins variable que leur poids. Les changements qu’ils éprouvent dans leur coloration sont extrêmement curieux. Au moment de la ponte l'œuf est jaune-jonquille ; dans l’espace de huit à dix jours, la couleur prend de l'intensité et devient brun-rougeûtre; puis elle passe peu à peu au gris-roussâtre ; enfin elle devient gris d'ardoise. Cette teinte persiste pendant l'automne, l'hiver et une grande partie du printemps ; mais alors, à me- sure que la température s’élève naturellement ou arti- ficiellement, la couleur des œufs passe successivement par les tons suivants : b/euâtre, violet, cendrée, jaunâtre. Enfin ils blanchissent de plus en plus. Ce dernier phé- nomène indique une prochaine éclosion. 8 HISTOIRE NATURELLE Ces divers changements sont indépendants de la eo- quille, car elle reste blanche. Ils résultent donc des modifications successives de la matière contenue dans l'œuf, et que la demi-transparence de la coquille laisse apercevoir en partie. Mais il arrive un moment où le ver étant développé, il n'existe plus de liquide dans l'œuf; les petits poils dont le ver est tout couvert empêchent qu’il ne touche la coquille avec son corps; la coquille paraît alors blanche, c’est-à-dire laisse voir sa couleur naturelle. J'ai dit que, quelque temps après la ponte, les œufs prenaient définitivement une couleur gris d’ardoise ; ce- pendant cette couleur n’est pas exactement la même dans toutes les races de vers. Dans celles qui donnent des cocons blancs, le gris d’ardoise est bleuâtre ; dans les races à cocons jaunes, il tire très sensiblement au jaune-verdâtre. Ces diffé- rences s’apprécient très facilement en rapprochant les uns des autres des œufs à cocons blancs et des œufs à cocons jaunes. On voit souvent, parmi les œufs qui ont les caractères généraux que nous venons de décrire, un certain nombre d'œufs qui ont conservé la couleur jonquille qu'ils avaient au moment de la ponte. Ce sont des œufs qui ont échappé à la fécondation; ils se dessèchent, se dépriment et surnagent lorsqu'on les met dans l’eau. Ces œufs, bien entendu, ne produisent pas de vers ; ils sont in- féconds. Quelquefois aussi, peu de temps après la ponte, il se trouve des œufs dans lesquels le développement des DU VER À SOIE. 9 vers est immédiat. Les vers naissent et s'échappent si on pe prend pas soin de les recueillir. Les coquilles restent avec leur couleur blanche qui contraste singulièrement avec la couleur gris d’ardoise des autres. $ 4. Matière contenue dans les œufs. Si l'on écrase un œuf de ver à soie peu de temps après la ponte, on le trouve rempli d’une liqueur visqueuse analogue au blanc d'œuf. Dans cette liqueur on distingue un point coloré: c’est le germe. Les œufs inféconds n’en offrent pas, et le liquide qu’ils renferment est clair au lieu d’être visqueux. $ 5. Développement du ver dans l’œuf. Quand des œufs de ver à soie sont abandonnés à eux- mêmes en plein air, ou quand ils ont été pondus sur l'écorce d’un mürier, les jeunes vers paraissent précisé- ment au moment où les feuilles de l'arbre sont assez développées pour leur servir de nourriture. Il est donc évident qu’une cause commune a déter- miné le développement de l’animal et des feuilles ; cette cause est la chaleur que ramène le printemps. Ainsi donc, aussitôt que le froid perd de son intensité, l'œuf commence à perdre de son poids : c’est le pre- mier symptôme d'organisation. Puis surviennent les divers changements de couleur qui ont été décrits plus haut. Si l’on écrase des œufs à ces diverses époques, on re- marque que le germe s’est développé et a pris une cou- l: 40 HISTOIRE NATURELLE leur plus foncée. On aperçoit enfin distinctement un petit corps noir baigné dans le liquide dont l'œuf est encore rempli. La température s’élevant toujours, le ver se développe de plus en plus; enfin arrive un moment où tout le liquide disparait. C'est alors que l'œuf est presque blanc; mais, en l'examinant avec attention, on remarque un point noir et une sorte de croissant brunâtre qui parait en être la suite et qui s'étend au pourtour de l'œuf. Le point noir est la tête ou plutôt le bec du ver qui, dépourvu de poils, touche immédiatement la coquille, et s'aperçoit assez distinctement. Le croissant est le corps du ver couvert de petits poils, et qui, en raison de cette circonstance, ne peut être vu aussi nettement à travers la coquille. Ces différents caractères permettent d'annoncer la prochaine éclosion des vers ; ils sont certains. $ 6. Éclosion. Le ver est formé ; il faut qu'il sorte de l'œuf. Pour y parvenir, il ronge la coquille sur le côté, jamais sur le plat. … Quand l'ouverture lui paraît assez grande, il s'efforce de la franchir; quelquefois elle est insuffisante pour don- ner passage à la tête : alors le ver se retourne et sort à reculons, par la queue ; mais la tête ne pouvant se dé- gager, Il s’agite vainement, coiffé pour ainsi dire de sa coquille, jusqu’à ce qu’il périsse de fatigue et de faim. Souvent aussi, quand les œufs ont été détachés, la DU VER À SOIE. AA coquille ne se sépare pas facilement du corps du ver ; il la traine partout avec lui. Il grossit rapidement et meurt coupé en deux par ce lien fatal dont il n'a pu se débarrasser. On voit donc qu'il est mieux de laisser les œufs fixés sur la toile ou le papier sur lesquels la femelle les a dé- posés ; les vers quittent la coquille avee plus de facilité. Dès que le ver a sorti sa tête de la coquille, il attache un fil de soie aux corps qu'il peut atteindre, sans doute pour éviter de tomber ou d’être emporté par le vent. Il en résulte que les œufs se trouvent comme liés entre eux par une multitude de petits fils de soie. $ 7. Poids des coquilles vides. Si l’on recueille avec soin les coquilles vides d’une quantité connue d'œufs et qu'on les pèse, on trouve qu’elles forment le cinquième du poids des œufs entiers. Un gramme de coquilles représente donc cinq grammes d'œufs. La connaissance de ce fait sera utile- ment appliquée dans la pratique. Supposons, en effet, qu’on ait négligé de peser les œufs : il suffira de peser les coquilles vides pour con- naître la quantité d'œufs éclos. CHAPITRE III. Vers ou Larves. $ 1. Naissance des vers. La naissance des vers à soie n’a pas lieu à toutes les époques de l’année ni à toutes les heures du jour. Les 42 HISTOIRE NATURELLE œufs, pondus généralement en juin dans le midi et en juillet dans le centre de la France, se conservent in- tacts jusqu’au printemps suivant. C’est en vain qu’on les exposerait à une chaleur gra- duellement élevée; le développement du ver n'aurait pas lieu. Cependant il existe une race, dont il sera parlé ail- leurs avec détail, que les Italiens appellent trevoltini, dont les œufs ont la propriété de fournir des vers envi- ron vingt jours après la ponte. Il n'est pas rare non plus de voir dans les œufs qu'on a recueillis quelques pontes exceptionnelles qui offrent la même singularité. Ces œufs éprouvent quelques jours après la ponte les diverses modifications qui ont été décrites plus haut, et bientôt il en sort des vers. Mais la grande masse des œufs ne se comporte pas ainsi; c’est au printemps suivant qu’on voit se succéder les changements de couleur qui précèdent la naissance des vers. Cette naissance a lieu, ainsi que je lai dit, au moment où la végétation des arbres est assez avancée pour four- nir des aliments aux jeunes chenilles. Au printemps on peut hâter la naissance des vers en exposant les œufs à une chaleur suffisante, ou la retar- der en les plaçant, au contraire, dans un lieu plus frais que l'atmosphère. Quoi qu'il en soit de l'époque à laquelle naissent les vers, ils ne quittent leur coquille qu’à certaines heures du jour. DU VER A SOIE. 43 On les voit paraitre dès trois heures du matin, mais en petit nombre. À six heures l’éclosion est dans toute sa force. A neuf heures elle cesse presque entièrement. La naissance des vers n’a donc lieu que pendant six heures environ de la journée. $ 2. Ver naissant, Au moment de sa naissance, le ver est d’un brun foncé, presque noir. Cette couleur varie dans certaines circonstances. Quelquefois les vers naissent rouges; on peut en con- clure qu’ils sont malades. On attribue cet effet à ce qu'ils ont eu à supporter un excès de chaleur. Maïs Ja couleur brune ou noire qu'affectent les vers n’est pas celle de leur peau, du moinsen général. Ces couleurs sont celles des petits poils dont les vers sont tout couverts. La peau des vers est ordinairement blanche, quel- quefois marbrée de noir ou de gris, plus rarement tout à fait noire. Ces caractères, du reste, ne sont pas constants, même dans une race bien pure. On a vu des races ne présenter une année que des vers blancs, et offrir l’année suivante beaucoup de vers noirs. 1] existe une race dite tigrée, dans laquelle la peau blanche du ver est marquée de bandes noires transversales. A mesure que la chenille grossit, les poils dont elle est couverte s’écartent de plus en plus et laissent voir la couleur naturelle de la peau, En effet, le nombre de ces poils n'augmente pas, et l'animal parait bientôt comme nu, 47 HISTOIRE NATURELLE $ 3. Poids des vers. Il n’est pas sans intérêt de nous rendre compte du poids des jeunes vers, pour mieux apprécier leur rapide et prodigieux développement. Nous avons vu qu'il fallait en moyenne 4,550 œufs pour peser un gramme. Les coquilles formant le cin- quième de ce poids, soit 20 centigrammes, il reste S0 centigrammes pour le poids de 4,550 petites che- nilles, ou, pour chacune d'elles, six dix-millièmes. de gramme. Il en faudrait donc 4,700 pour peser un gramme: Les vers naissants ont environ deux millimètres de lon- gueur. $ 4. Formes extérieures des vers. Je n’entrerai point ici dans de longs détails sur les diverses parties du corps du ver à soie. Cependant il m'a paru indispensable de faire connaitre ses organes principaux, parce que cette connaissance est nécessaire pour comprendre certaines précautions et quelques procédés que je recommanderai dans le cours de cet ouvrage. Le corps du ver à soie (fig. 4) se compose de dix anneaux distincts qui forment neuf plis. Figure:1. DU VER À SOIE. A5 Le ver à soie possède deux espèces de pattes : les pattes articulées, au nombre de six, qui se trouvent à la partieantérieure du corpssur les trois premiers anneaux, et les pattes abdominales ou en couronne, au nombre de dix, qui se remarquent sur les anneaux postérieurs : en tout seize pattes. Les pattes abdominales offrent un caractère curieux. Elles sont blanches dans les vers qui doivent donner un cocon blanc ; jaunes, dans les vers dont la soie doit être jaune. On peut donc à l'avance connaître d'une ma- nière tout à fait certaine la couleur de k soie par l'exa- men des pattes. Sur les deux côtés du corps, au-dessus des pattes, on remarque dix-huit petits points noirs, neuf de chaque côté. Ce sont les stigmates. Les stigmates sont réellement des ouvertures dont l'entrée est défendue contre l'introduction des corps étrangers par une série de petites membranes, disposées comme les lames qui garnissent la calotte d’un cham- pignon. Ces ouvertures sont autant de bouches respiratoires ; c'est par elles que l’air s’introduit dans les organes de l'insecte; il s’y répand au moyen de canaux qui se di- visent et se subdivisent à l'infini. On a donné à ces ca- naux le nom de trachées. Les trachées vont porter l’action de l'air sur tous les organes intérieurs. La tête du ver à soie se fait remarquer principa- lement par le museau qu’elle présente à sa partie an- térieure. Il est écailleux, corné et formé d’une seule 16 HISTOIRE NATURELLE pièce. La figure 2 représente un museau vu de face; la figure 5, un museau vu de profil. Figure 3. À la partie antérieure du museau on remarque Ics mâchoires ou mandibules. Elles sont divisées en forme de scie; l’insecte s’en sert pour ronger la feuille dont il se nourrit. Les mâchoires offrent cela de particulier qu’elles se meuvent horizontalement, comme les parties d'une porte à deux ventaux, au lieu de se mouvoir de bas em DU VER À SOIE. A7 haut, comme les mâchoires de l’homme et de la plu- part des animaux. Cette disposition des mächoires du ver à soie expli- que très bien pourquoi il cherche toujours à prendre la feuille par le côté et fait comprendre la manière dont il l'entame, en se mettant, selon l'expression vulgaire, à cheval sur la tranche. Le museau est garni de plusieurs palpes ou organes du toucher (fig. 2 et 5) au moyen desquels le ver s’assure de la position des objets dont il approche. Des deux côtés de la tête on remarque des petits points noirs qu’on serait tenté de prendre pour des yeux; mais rien ne permet d'admettre que le ver à soie jouisse de la faculté de voir. Pour peu qu’on l’observe, on s'aperçoit bientôt qu’il va butter en aveugle contre tous les corps qu’il rencontre et que ses palpes sont le seul moyen qu’il possède de guider sa marche. Il n’en est pas de même du sens de l’odorat. Évi- demment le ver à soie en est pourvu, car il se porte di- rectement sur la feuille fraiche qu’on lui présente. Il choisit également avec sagacité entre plusieurs va- riétés de feuilles qu’on lui offre mélangées. Mais les organes qui ont pour nous le plus d’intérêt sont, sans contredit, ceux qui servent à l'élaboration et à l'émission de la soie. Pour les décrire, il faut pénétrer dans le corps de Ja chenille, c’est-à-dire en faire l'anatomie. On cst resté longtemps dans l’indécision sur la na- ture de la soie, son mode de formation et d’excrétion. Je vais réunir ici, dans un court abrégé, ce qui résulte 48 HISTOIRE NATURELLE des travaux anciens, de ceux de Malpighi surtout, et de mes observations. L’appa- reil entier se compose de deux organes dans lesquels la soie s’élabore; ils se termi- nent par deux conduits capil- laires qui se réunissent bien- tôt, pour finir dans un orga- ne appelé trompe, par lequel la soie est versée au dehors. $ 5. Organes sécréteurs de la soie. Quand on dissèque un ver à soie sous l'eau, on par- vient bientôt, après avoir écarté toutes les autres par- ties, à mettre à découvert lorgane soyeux : il est cou- ché des deux côtés du canal intestinal etau-dessous de lui. L'organe soyeux est dou- ble ; il se compose de deux tubes. On en voit un repré- senté déployé et à peu près de grandeur naturelle dans la figure 4. Ce tube est formé de trois parties distinctes. D C est la Fiqure 4. DU VER A SOIE. 4ÿ partie qui se trouve la plus rapprochée de la queue du ver; c’est un cylindre d’un millimètre de diamètre et de 0*,27 environ de longueur ; on n'y remarque aucun renflement. Dans le ver, ce tube est contourné un grand nombre de fois en zigzags arrondis sans ordre apparent ; e est le tube grêle. Cette partie de l'organe soyeux est soudée, en C, à la partie moyenne et renflée, CB, qui peut être con- sidérée comme le réservoir particulier de la matière soyeuse. À partir du point de soudure C, le tube grossit rapi- dement jusque vers son milieu F G, puis diminue de nouveau jusqu au point B, qui présente une nouvelle soudure. Il a environ Ow,44 de longueur. Son dia- mètre varie entre 2 et 5 millimètres. Ici commence la troisième partie de l'organe, B A, que j'appelle le tube ca- pillaire ou la filière; c'est en effet un tube qui a environ 0",066 de longueur, sur un quart de millimètre de diamètre. Les différentes parties de l'organe soyeux sont repliées sur elles-mêmes. Cet arrangement n’est pas d’une régularité constante; cependant il diffère peu de ce qui est représenté dans la fig. 5. La réunion des deux tubes capillaires a lieu de la manière la plus simple, absolument comme celle de deux tron- çons veineux ou trachéens ; elle se pré- Figure 5. sente en arrière de l’orifice, à un demi-millimètreenviron. 20 HISTOIRE NATURELLE On ne trouve plus alors qu’un seul conduit (A, fig. 4). Il présente un coude ou courbure en forme de genou, rendue nécessaire par la position relative des tubes ca- pillaires et de la trompe soyeuse, par laquelle la soie s'échappe. A ce coude sont attachés deux forts muscles en dessus et deux autres en dessous. Il est probable que c’est au moyen de cet appareil que le ver comprime son fil et le serre au point d'offrir une résistance équivalente et mème supérieure à son poids ; car le ver peut se sus- pendre par son fil. A la suite du coude formé par le tube excréteur on voit l'organe improprement appelé filière, et qui n’est autre chose que l’orifice par lequel la soie est expulsée. Cet orifice est pratiqué dans un appendice membraneux et conique, représenté dans les fig. 6 et 7. Je lui ai donné le nom de trompe soyeuse. Figure 6. Figure 7. La trompe soyeuse se trouve placée sur la lèvre in- DU VER A SOIE. 21 {érieure du ver, au-dessous de la bouche, et forme pour ainsi dire le menton du ver à soie. Elle se compose d'un cône membraneux (figure 6), consolidé par trois saillies brunes, plus solides que lui. Sa base (figure 7) est garnie d’une partie cornée noire en forme de cœur. La trompe est terminée par deux petits mamelons que dessine une légère dépression dans l'axe du cône. On y voit aussi deux palpes très délicates; elles dirigent l'insecte dans le choix de la place convenable pour poser son fil. L'issue de la soie, ce qu'on a improprement appelé filière, est une ouverture presque ronde, un peu en cœur et susceptible de contractions ({g. 6). La trompe entière peut se mouvoir comme un suçoir. Elle peut rentrer en partie dans le bec et s’allonger au contraire dans d’autres circonstances (fig. 2 et 5). Voici maintenant la destination et l'usage de chacune des parties de l'organe soyeux. La matière soyeuse se forme dans le tube grêle. Elle se rassemble dans la partie renflée, qui est le réservoir proprement dit. Elle y existe à l'état gélatineux. Parve- nue dans les tubes capillaires, elle se solidifie et forme deux fils consistants. Ces deux fils se soudent au point de jonction des tubes et sortent par l'orifice soyeux avec l'apparence d’un fil simple, pour être dirigés par le ver à soie, au moyen de la trompe, sur les points qu'il a choisis. Ce n'est donc pas dans la trompe ni au contact de l'air que la matière soveuse devient solide et prend la 22 HISTOIRE NATURELLE forme d’un fil, comme on l'a cru longtemps; c’est dans les tubes capillaires que ce phénomène a lieu. En effet, lorsqu'on examine la matière soyeuse contenue dans le réservoir, on la trouve sous la forme d’une gelée ; c’est en vain qu'on y chercherait des traces quelconques de filaments organisés ; si l’on divise au contraire le tube capillaire et qu'on saisisse avec adresse la soie qui se présente à l'extrémité rompue, on peut obtenir un fil solide de plusieurs décimètres. Seulement ce fil est simple, puisqu'il provient d'un seul tube et a été extrait avant la suture qui a lieu au point de jonction des deux tubes. Les lecteurs qui voudraient étudier ces faits cu- rieux avec plus de détails pourront consulter le mémoire que j'ai publié à ce sujet. (Mémoires de la Société royale et centrale d'agriculture, 844.) Le ver à soie, comme tous les insectes, ne possède pas de système circulatoire. Il n’a ni artères ni veines. Les organes intérieurs nagent dans le liquide qui tient lieu de sang et de lymphe. Ce liquide est blanc dans les vers à cocons blancs, jaune dans les vers à cocons jaunes. C’est lui qu’on voit à travers la peau transparente des pattes abdominales et qui constitue le caractère particu- lier de ces deux espèces de vers. Le canal intestinal, décrit avec un grand soin par Lyonet, ne présente rien de particulier ; mais on remar- que sur le dos de l'animal, immédiatement sous sa peau, deux corps qui s'étendent parallèlement sur les côtés de la ligne dorsale et dans toute sa longueur. Ce sont les corps graisseux. Ces corps sont appelés à jouer un rôle bien important dans la suite. Ils constituent une DU VER À SOIE. 23 sorte d’approvisionnement aux dépens duquel doit se former plus tard le papillon qui succède au ver. $ 6. Fonctions du ver à soie. J'ai décrit plus haut les organes au moyen desquels le ver à sole saisit ses aliments et les divise. Ceux-ci, in- troduits dans le canal digestif, sont digérés, et le réside est expulsé sous forme de crottes d’un vert foncé. Le ver à soie n’urine pas. Il en résulte que l’eau con- tenue dans la feuille et qui ne reste pas dans le corps de l'animal pour contribuer à son développement doit être expulsée par la transpiration. Aussi cette fonction a-t-elle une grande importance chez les vers à soie, et tout ce qui la trouble est une cause de maladie. La transpiration a lieu par la peau et par les stig- mates. Ces derniers organes sont essentiellement destinés aux fonctions de la respiration ; il est de la plus haute importance que rien ne vienne l’entraver. Quand on ferme quelques stigmates avec de l’huile, par exemple, le ver souffre beaucoup; il serait asphyxié si toutes les beuches respiratoires cessaient de fonctionner. Cependant on s’est exagéré quelquefois les dangers qui peuvent résulter pour les vers à soie de la suspension plus ou moins complète de la respiration. Il est évident qu’il y a une très grande différence sous ce rapport entre les insectes privés de poumons et les animaux à sang chaud qui en sont pourvus. C’est ainsi qu'on a pu mouler des vers avec du plâtre, après les avoir couverts d'huile, sans qu'ils périssent. On a aussi 24 HISTOIRE NATURELLE fait congeler complétement des vers; ils étaient devenus cassants, et cependantilsnesont pas morts; évidemment, dans les deux cas, la respiration avait été suspendue pendant un temps assez long. D'autres expériences démontrent que des insectes peuvent vivre très longtemps presque privés d'air. D'ailleurs il faut bien reconnaitre qu'il n’y a pas beau- coup de ventilation dans le centre d’une pomme ou dans la pulpe d’une cerise, et cependant des vers y vivent parfaitement. On peut ajouter que les poissons, dont les organes respiratoires sont beaucoup plus développés que ceux des insectes, se contentent de la petite quantité d’air dissoute dans l’eau. Quant à l’action que peuvent exercer sur les vers, par l'intermédiaire de la respiration, les gaz si funestes aux animaux à poumons, il est démontré par de nom- breases expériences que celte action est très limitée ; il est done probable qu’on s’est beaucoup exagéré le besoin de renouveler l'air autour des vers à soie, au point de vue de la respiration. Mais il est évident qu'on ne saurait apporter trop d'attention à l’accomplissement normal de l’autre fonc- tion dont je parlais tout à l'heure, la transpiration. Son exagération, comme sa réduction, peuvent avoir les con- séquences les plus funestes. L’exagération de la transpiration, par le séjour des vers dans un air trop sec et trop agité, a pour consé- quence l’épaississement des humeurs qui lubréfient les organes respiratoires. Ces organes s'obstruent, s’affais- UU VER A SOIE. 25 sent ; la circulation de l'air cesse, et l’asphyxie en est la conséquence. Dans le cas contraire, quand la transpiration est ré- duite ou suspendue, l’animal périt des suites d’une sorte de pléthore ou d’hydropisie. La digestion et la nutri- tion n'ont plus lieu, l'action nerveuse est suspendue et la mort arrive. $ 7. Des sexes dans le ver à soie. C’est en vain qu'on s’est efforcé de distinguer les sexes dans les vers à soie. On ne trouve aucun caractère, soit à l'extérieur, soit dans les organes intérieurs, qui per- melte de prévoir qu'un ver formera un papillon mâle ou un papillon femelle. Plusieurs fois on a cru trouver quelques indices dans des taches qui se voient sur la tête du ver. Quand elles étaient d’une couleur plus foncée, on supposait qu’elles annonçaient un mâle; mais l'expérience a démontré qu'il n'en était rien. $ 8. Instincts du ver à soie. Les instincts du ver à soie sont peu connus ; ils sont peut-être très restreints. On a remarqué que le ver ne quitte jamais la litière, composée de feuilles ou de débris de feuilles de mürier, que pour des feuilles plus fraîches, à moins qu'il soit arrivé à une époque de sa vie où le besoin de nourriture a entièrement cessé. Quelque sèches que soient les feuilles de mürier, le ver les reconnait encore et ne les abandonne pas. Q) 26 HISTOIRE NATURELLE Quand il est livré à lui-même sur un arbre, il commet souvent la faute de dévorer par sa base la feuille sur la- quelle il s’est fixé ; il tombe bientôt à terre. Si les oiseaux ou les fourmis ne le dévorent pas, il regagne de lui- même le tronc de l'arbre. Pendant le jour il évite le soleil "et se cache sous les feuilles. $ 9. Durée de la vie des vers. La durée de l’existence du ver à soie à l’état de che- nille est extrêmement variable. Cette durée dépend d’abord des races, ensuite des cir- constances dans lesquelles les vers sont placés. La chaleur de l’air et l'abondance des aliments ont la plus grande part dans la limite du temps pendant lequel le ver existe à l’état de chenille. La durée de cette existence varie entre vingt et cin- quante jours. $ 10. Développement des vers à soie. Le développement des vers à soie est rapide et très considérable. Nous avons vu que, le jour de leur naissance, les vers avaient à peu près deux millimètres de longueur. Beau- coup arrivent à une longueur de 0",08 et même 0",40, c'est-à-dire quarante à cinquante fois leur longueur primitive. ILen est de même de l'augmentation de poids. Le ver naissant pesait à peu près rss de gramme. Parvenu à son plus grand degré de développement, il peut peser jusqu'à 7 grammes, et, en moyenne pour DU VER À SOIF. 27 toutes les races, 5 grammes; c'est-à-dire qu'il pèse de neuf à dix mille fois plus que le jour de sa naissance. Il est bien évident qu'un développement aussi prodi- gieux et aussi rapide ne peut avoir lieu au moyen des organes que l'animal possédait en naissant. En effet, deux de ces organes, la peau et le museau, sont entiè- rement renouvelés plusieurs fois pendant l’existence de la chenille. Ces renouvellements, qui sont périodiques, ont été appelés mues. $ 11. Mues. On a donné le nom de mue à une sorte de crise pen- dant laquelle à lieu le renouvellement de la peau et du museau du ver à soie. Quand elle approche, le ver à soie change de couleur. Il était blane ou gris et opaque; il jaunit et paraît plus transparent. La partie antérieure du corps, à laquelle on donne ordinairement le nom de tête, n'était guère plus grosse que le reste du corps ; elle se tuméfie considérablement, surtout en dessus, la peau s’épaissit, se ride, et semble s'aceumuler en gros plis ({g. 8). Figure 8. Si l'on observe avec attention le ver parvenu à cet état, on remarque que son museau est extrèmement petit 28 HISTOIRE NATURELLE relativement à son corps. En effet, le corps a beaucoup grossi; le museau corné est resté le même. Le ver cesse de manger ; il monte sur la feuille nou- velle, mais ne la dévore plus; il se met volontairement à la diète. Il fait enfin les dispositions nécessaires pour faciliter le dépouillement qui se prépare; elles consistent surtout en fils de soie que le ver pose cà et là sur les corps envi- ronnants; puis il se glisse lui-même par-dessous ces fils, de manière qu'ils puissent retenir la peau ancienne qui va être abandonnée ; celle-ci est pour ainsi dire amarrée. Le ver s'arrête donc et prend une position toute par- ticulière (fig. 9). Figure 9. Il reste fixé à la litière par les pattes abdominales; la partie antérieure du corps est, au contraire, soulevée et recourbée comme le col d’un cheval fringant; le mu- seau est fortement reployé vers les pattes articulées, comme si le ver cherchait à le cacher. Tel est l’état auquel on a donné le nom de sommeil. Le ver reste dans cette immobilité pendant la formation de la nouvelle peau et du nouveau museau. En effet il se forme sous l’ancienne enveloppe, de- venue trop élroite, une peau nouvelle qui pourra se distendre et suffire au développement du ver. DU VER À SOIE. 29 Quand ce travail est achevé, il s’opère entre les deux inembranes le suintement d’un liquide qui les sépare et permet au ver de quitter son ancien vêtement. Le ver commence une série de mouvements combinés pour atteindre ce but. On peut les comparer à ceux d’un ver de terre qui sort péniblement de son trou pratiqué dans le sol. Le premier résultat de ces efforts est la rupture de l'ancienne peau autour du museau ; elle se fend ensuite sur la tête, dans la direction de la ligne dorsale. Le ver reprend alors sa position horizontale, et, tantôt par les mouvements qu’il imprime à son corps, tantôt en s’ai- dant de ses pattes, à mesure qu'elles se dépouillent, il abandonne la peau ancienne, retenue par les fils de soie. A mesure que cette peau se vide, elle s’aplatit sous la pression de l'air ; alors elle est humide et par conséquent molle. Si l’on observe dans ce moment le museau ancien, on voit qu'il n’est plus adhérent et même qu’il est poussé en avant par le museau nouveau, beaucoup plus volumineux que lui (#g. 8 et 9). Il tombe bientôt de lui-même. S'il tient encore, le ver le lance au loin par des mouvements brusques. Quelquefois le ver cher- che à se frotter aux corps environnants pour s’en dé- barrasser. La mue est achevée. Dans ce moment le ver parait humide, mais cet état dure peu; la peau nouvelle est bientôt sèche. Le ver a repris sa couleur naturelle. S'il est jeune, il est d’un 30 HISTOIRE NATURELLE gris plus ou moins foncé; dans un âge plus avancé, il parait blanc ou noir. Mais il offre alors des caractères qu'il importe de connaitre. Avant la mue le museau paraissait très pelit relative- ment au diamètre de la tête; maintenant c’est le con- traire, le museau est plus large que la tête. Il doit en être ainsi, puisque ce nouveau museau doit suffire, tel qu'il est, pendant un âge entier ({ig. 40 et 41). & Ne Figure 10. Figure 11. Le second caractère se remarque dans la couleur du nouveau museau ; ii est blanc-verdätre, mais 1l change rapidement et devient bientôt brun, puis noir. Cette modification s’opère en moins de deux heures. Enfin, avant même qu’elle soit opérée, environ une heure après la mue, le ver recommence à manger. La durée de cette crise, appelée mue, varie beaucoup; elke dépend principalement du degré de chaleur et d’hu- midité; en général cependant, l’état de repos ou le sommeil se prolonge pendant douze et mème vingt- quatre heures. La plupart des vers à soie éprouvent quatre fois la crise de la mue; d’autres n’en sont affectés que trois fois. Les premiers s'appellent vers à quatre mues; les autres vers à trois mues. DU VER À SOIE. 3À Ordinairement le nombre des mues est constant dans une race. Quelquefois il varie par des causes difficiles à apprécier. $ 12. Ages du ver à soie. On a donné le nom d’äâge à la période de temps qui s'écoule d’une mue à l’autre. Les vers à soie qui muent quatre fois ont cinq âges : De la naissance à la première mue : premier âge ; De la première mue à la seconde : deuxième âge ; De la seconde mue à la troisième : troisième âge ; De la troisième mue à la quatrième : quatrième âge ; De la quatrième mue à la métamorphose: cinquième âge. Les vers à soie qui ne muent que trois fois n'ont que quatre âges. Nous avons dit plus haut que la durée de l'existence des vers à soie, à l’état de chenille, variait de vingt à cinquante jours; par conséquent la durée des âges doit varier dans les mêmes proportions. Nous supposerons des vers qui vivent trente jours à l'état de chenille. Pour eux la durée de chaque âge sera à très peu de chose près ce qui suit : Premier âge, cinq jours ; Deuxième âge, quatre jours; Troisième âge, six jours ; Quatrième âge, six jours ; Cinquième âge, neuf jours. On voit que le deuxième âge sera le plus court. Le cinquième sera certainement le plus long. 22 HISTOIRE NATURELLE K 13. Frèze. À chaque âge des vers à soie on remarque un phéno- mène auquel on a donné le nom de frèze. Quand le ver à soie vient de muer, il n’a besoin que d'une petite quantité de nourriture; mais son appétit et ses besoins augmentent rapidement. Il arrive bientôt un moment où il semble être insa- tiable ; il dévore la feuille de mürier avec une avidité extraordinaire, avec voracité ; c'est celte disposition par- üiculière qu'on nomme fréze. La frèze arrive ordinairement deux jours avant la nue; en sorte que, le jour qui précède la mue, le ver mange déjà beaucoup moins; puis il cesse tout à fait. On donne le nom de grande frèze à la frèze du der- nier âge. A ce phénomène en succèdent de nouveaux qui mettent le ver dans un état qu'on appelle {a maturité. $ 14. Maturité des vers à soie. Après avoir parcouru les quatre ou les cinq âges, suivant qu'il est à trois ou à quatre mues, le ver est arrivé {res près du terme de sa carrière à l'état de chenille. Il se prépare à former son cocon, € est-à-dire à con- struire l'abri au sein duquel doit s’opérer son étonnante métamorphose. Des caractères nouveaux se manifestent ; ils sont nombreux et importants. L'appétit du ver s’apaise et cesse bientôt entièrement; sa couleur éprouve un changement très sensible ; que le DU VER 4 SOIE. 99 ver soit blanc ou gris, 1l prend une teinte jaunâtre très sensible. Il était opaque, il devient transparent. Ces diverses modifications ont paru présenter beau- coup d’analogie avec celles qu'on remarque dans les grains de chasselas qui mürissent. De là l'expression de maturité. La transparence de la peau du ver permet alors de distinguer les mouvements qui s’opèrent dans l'espèce de canal dorsal formé par les deux lobes du corps graisseux. Ce phénomène a fait donner le nom de cœur au canal dorsal ; mais cette dénomination est très défec- tueuse. Le ver à soie n'a pas de cœur, puisqu'il ne pos- sède aucun système circulatoire. Comme dans la mue, la tête du ver se tuméfie et se couvre de rides épaisses. Le corps tout entier se raccoureit et parait se flétrir. Si l’on touche les vers à soie parvenus à cet état, ils se roidissent et se contractent fortement; ils ont acquis la faculté d'adhérer considérablement avec leurs pattes abdominales aux corps sur lesquels ils reposent. À ces phénomènes en succède un autre non moins remarquable. Jusqu'ici le ver à soie n’a fait aucune tentative pour quitter la litière ; il s’est montré essentiel- lement sédentaire. Maintenant il parait être en proie à un besoin impérieux de courir ; il lève et promène sa tête dans tous les sens pour chercher des points d’ap- pui; 1l chemine à la hâte sur tous les corps qu'il peut atteindre et surtout sur ceux qui sont dans une position verticale ; il cherche à monter, et monte en effet jusqu’à > 34 HISTOIRE NATURELLE ce qu'il rencontre un obstacle. On a vu des vers à soie tomber de fatigue et mourir d’épuisement, après avoir ainsi gravi sans relâche des murailles ou des poteaux trop élevés pour eux. Cette époque de l'existence du ver a donc reçu avec raison le nom de montée. $ 15. Montée des vers à soie. Parvenu à cette période de son existence, qui précède la construction du cocon, le ver à soie se prépare à s y renfermer ; il expulse de son corps tout ce qui devient inutile à ses nouvelles fonctions, à la formation du cocon, ainsi qu’à celle du futur papillon. Il rend une dernière crotte plus molle, plus verte et plus volumineuse que celles qui constituaient ses excré- ments ordinaires. Elle est accompagnée ou suivie de plusieurs gouttes d’un liquide blanc, sorte d'urine claire et ammoniacale. On dit alors des vers à soie qu’ils se vident. Ces phénomènes ont pour les éducateurs une très grande im- portance. En effet ces matières, répandues en abondance sur les litières que viennent de quitter les vers à soie, peuvent causer des exhalaisons funestes. Nous indi- querons les moyens de les éviter. Immédiatement après l'accomplissement de ces fone- tions, le ver à soie s'occupe de la recherche d'une place convenable pour l’établissement de son cocon. A cet effet il tâte autour de lui, dans tous les sens, avec les palpes que porte son museau ct avec ses paltes arti- culées. DU VER À SOIE. 51) S'il ne rencontre qu'une surface unie et plane, il va plus loin renouveler ses explorations. Un angle formé par deux pièces de bois ou par les murs lui convient parfaitement. Des branchages entrecroisés, des feuilles qu'il peut rouler, des copeaux, des cornets de papier offrent des places dont il s'accommode volontiers. $ 16. Bourre. Le ver à soie commence par poser çà et [à quelques fils forts qui représentent la charpente de sa retraite; puis il en ajoute d’autres, dans tousles sens, de manière à s’entourer d’une sorte d’échafaudage très fourré qui assure sa position. Le cocon proprement dit sera établi au centre de cet appareil. On lui donne le nom de bourre. Ce nom ne doit pas faire prendre le change sur la nature de la matière dont la bourre est composée. La bourre n’est pas autre chose.que de la soie; seule- ment c’est la soie la plus grosse dont le ver dispose ; elle ne forme avec la soie du cocon qu’un seul et même fil ; elle n’en diffère que par la manière dont elle est déposée. La bourre enveloppe le cocon à peu près comme le coton enveloppe le fruit du cotonnier. CHAPITRE IV. Cocons. $ 1. Formation du cocon. On voit que le ver commence son travail par la par- tie extérieure du cocon, puis qu'il s'y renferme, 96 HISTOIRE NATURELLE Après avoir convenablement disposé la bourre, il prend une position particulière; il se replie sur lui- même en forme de fer à cheval, le dos en dedans, les pattes en dehors; il réduit ainsi considérablement Ja place qu'il occupe. Dans cette position, il continue à disposer son fil tout autour de lui, en rapprochant de plus en plus les points d'attache, et il arrive au point de décrire avec sa trompe soyeuse des zigzags très courts. * Quelquefois il poursuit pendant quelque temps une même série de zigzags, puis il fait un écart de quelque étendue et entreprend une autre série; il revient , retourne, s'éloigne, et garnil ainsi successivement tout l’espace vide qu'il s’est réservé au centre de la bourre. Pour diriger et fixer le fil à mesure qu’il est produit, pour donner à la couche soyeuse, qui s’épaissit de plus en plus, la forme qui lui convient, le ver s’aide de ses palpes et de ses paties articulées. Ses mouvements res- semblent à ceux d’un chien ou d’un chat qui, parvenu dans l'intérieur d’un tas de foin, s'y creuse un lit en re- foulant l'herbe de tous côtés, jusqu’à ce qu'il ait formé une cavité arrondie dans laquelle il puisse séjourner commodément. Le ver pétrit donc en quelque sorte la couche de soie à mesure qu'elle sèche et durcit. 11 forme ainsi autour de lui une coque plus ou moins sphérique, ovale ou cylindrique ; c’est le cocon. On peut observer ce travail à loisir tant que la couche de soie n’est pas assez épaisse pour dérober entièrement le ver à la vue. On remarque alors que le ver à soie fait DU VER À SOIE. Yi environ par seconde un mouvement d'une étendue de cinq millimètres à peu près. La longueur des fils étant connue (4,500 mètres), il en résulte que le ver fait 500,000 mouvements de tèle pour former son cocon. S'il emploie 72 heures à ce travail, c'est 400,000 anouvements par 24 heures, 4,166 par heure et 69 par minute ; c'est-à-dire un peu plus d’un par seconde. On est parvenu à savoir que le ver employait à peu près 72 heures pour déposer toute sa soie, en ouvrant successivement un certain nombre de cocons commencés au même moment. $ 2. Poids du cocon. Si l'on a pris soin de peser des vers à soie mûrs, c’est-à-dire au moment même ou, ayant cessé de manger, ils vont commencer leur cocon, et qu’on pèse ensuite les coeons lorsqu'on suppose le travail achevé, on trouve que le cocon ne pèse plus guère que la moitié du ver. Il y a donc eu, pendant la formation du cocon, une perte de poids de 50 pour 400 environ. Cette perte est due : 4° aux derniers excréments du ver et à son urine ; 2° à une transpiration considérable qui a eu lieu pendant le travail du ver ; 5° à la dessie- æation de la soie. Cette connaissance est pour nous d’une haute impor- tance. Quand nous étudierons les races, nous verrons qu’elles n’éprouvent pas toutes les mêmes pertes de poids pendant la conversion des vers en cocons, et nous tiendrons compte de ces différences dans le choix des espèces les plus profitables pour les éducateurs. 53 HISTOIRE NATURELLE $ 3. Des sexes dans les cocons. Nous avons vu plus haut qu’il n'existait aucun moyen de distinguer les sexes dans les vers. Il n’en est plus de même dans les cocons ; ici la différence de sexe est appréciable. Si l’on prend un certain nombre de cocons, pareils en apparence, et qu’on les pèse séparément, on s’aper- çoit bientôt qu'ils n’ont pas tous le même poids. Les cocons femelles sont plus lourds que les cocons mâles. La différence est d'environ 50 centigrammes ; elle s’ex- plique très facilement par la présence des œufs dans les femelles et le plus grand développement qui en résulte pour leur corps tout entier. Nous tirerons parti de ce fait quand nous passerons à l'éducation industrielle. Nous y trouverons un moyen de séparer les sexes et de régulariser l’accomplissement des diverses fonctions auxquelles le papillon est destiné. $ 4. Composition du cocon. En étudiant un cocon, on reconnait qu'il est composé d’un seul fil non interrompu. Un cocon est donc une pelote creuse. On trouvera des détails plus étendus sur la forme du fil de soie dans le Traité sur la filature. La longueur du fil de soie dont un cocon est composé est considérable. On a prétendu que cette longueur était la mème pour tous les cocons et que le fil différait seulement par sa DU VER A SOIE. 359 grosseur. Rien ne prouve qu'il en soit ainsi. Il est plus naturel de penser que certaines races et certains vers construisent des fils plus ou moins longs. Quand on a voulu déterminer la longueur des fils dont les cocons étaient composés, on a été arrêté par une difficulté. Lorsqu'on enlève le fil d'un cocon, on remarque qu il devient plus fin à mesure qu’on s’ap- proche du centre. Bientôt même ce fil est trop délicat pour résister à la fraction qu’on exerce sur lui : il se brise. Cette rupture arrive d'autant plus vite que le fil dont un cocon est composé est plus fin d’un bout à l’autre. On peut donc enlever plus de soie sur un cocon à fil grossier que sur un cocon à fil fin. Il n’en résulte ce- pendant pas la preuve que le cocon fin était formé d’un fil moins long que celui du cocon grossier. Aussi les chiffres que nous allons donner ne sont-ils autre chose que la longueur du fil qu'il a été possible d'enlever à des cocons plus ou moins volumineux et composés de fils plus ou moins gros. Métres de fils. Cocons des vers à trois mues. . , . ,. . 400 Cocons des vers à quatre mues. . , . . 600 no — plus Eros. V0. 850 — — — — plusgros . . . . 1,250 Mais comme une partie assez considérable de fil n’a pu être dévidée, en raison de sa ténuité, on peut ad- mettre que la longueur moyenne des fils varie entre 4,000 et 1,500 mètres. Les fils de soie, même les plus gros, sont encore 49 HISTOIRE NATURELLE d'une grande ténuité, puisqu'il en faut environ quatre- vingts. posés à côté les uns des autres, pour couvrir un millimètre ; d'où il résulte que chacun d'eux aurait un diamètre.d’environ 4/80 de millimètre. Ces fils sont d’une extrême légèreté; on calcule qu’il faut à peu près 5,750 mètres de fil de soie pour peser un gramme. Ce fil de soie, déjà si ténu, n’est cependant pas simple; nous avons vu (page 21) qu'il résultait de la soudure des deux fils formés dans les deux organes soyeux du ver. Il faudrait donc plus de 7,000 mètres du fil simple pour peser un gramme. Quand on examine avec soin les diverses parties des EE = Figure 38. Ces rameaux doivent avoir une longueur de 0,55 à 0",60, afin de s'appuyer et de se recourber contre la surface inférieure de la table supérieure (fig. 59). LUTTE tnt — RUE 2 5 \ MZ LL WW WW ! | & 7 Figure 39. Ils forment alors des espèces de berceaux dans les- quels les vers trouvent à se loger. Quand une haie parait insuffisante pour garnir une place , on en met deux à côté l’une de l’autre. Les haies peuvent être faites d’une autre manière. On prépare des tringles de bois plates, dont la longueur est égale à la largeur des tables. Sur une de ces tringles on étale des rameaux, de manière que leurs pieds dé- passent la tringle de 4 à 5 centimètres. Sur les rameaux on pose une seconde tringle corres- pondante à la premiére, et on les réunit toutes deux 242 VRINCIPES GÉNÉRAUX par des pointes qui les traversent ou par des liens quel- conques (/g. 40). DU AE LL iflg! LL Gil IE RTE AN TEL A QU Figure 40. Par ce procédé on obtient, comme par l’autre , des haies avec lesquelles on forme des berceaux sur les ta- bles. Pour les poser on écarte à la main les vers à soie et la litière qui se trouvent sur la ligne transversale qui doit recevoir le pied de la haie. On la place perpendiculaire- ment, puis l’on arrange sa tête à droite et à gauche en forme de berceau (fig. 59). Ce procédé peut séduire au premier abord. Il parait simple et expéditif; tout est préparé d'avance et peut ètre posé sans retard. Voiei les inconvénients les plus graves qu'il présente. Les pieds des liaies reposent sur le filet; il devient dès lors impossible d'enlever celui-ci et la litière avec lui. Le dernier nettoiement se fera forcément à la main entre chaque haie ; ce travail sera long et désagréable. Les haies seront verticales ; beaucoup de vers se lais- seront tomber en y montant. La confection de ce grand nombre de baguettes per- cées de trous et leur entretien oceasionnent une dé- ET PROCÉDÉS. 215 pense assez considérable. Les haies formées entre deux iringles n'ont aucune solidité ; les pointes ou tout autre moyen d'attache qu'on aurait employé se relâchent promptement el la haie se défait. Si les haies sont bien varnies, elles deviennent très lourdes et d'un manie- ment difficile ; quand elles sont légères , elles sont insuf- fisantes : le ramage est maigre. Enfin les haies constituent un matériel spécial d’en- cabanage qu'il faut préparer de longue main, entretenir el conserver. Évidemment, si nous avons un procédé qui r’offre aucun de ces inconvénients, nous devons le préférer. On trouvera dans l'emploi des balais, construits et posés avec intelligence , tous les avantages et aucun des inconvénients que nous avons signalés. $ 4. Balais. Quand l'éducation avancera, on fera préparer avec les rameaux quelconques qu'on aura à sa disposition des balais assez forts, dont le pied aura environ la gros- seur du poignet, suivant que les tiges elles-mêmes se- ront plus ou moins grosses et suivant que les sommités seront plus ou moins volumineuses. On peut faire des balais avec toute espèce de rameaux, même ce qu'on appelle des broussailles. Les balais doivent avoir à peu près le volume d'un gros plumeau d'appartement ou d’un balai d'écurie : ils auront en tout 50 à 60 centimètres de longueur. Les balais seront formés avec une poignée de rameaux réunis par une ficelle placée à 45 centimètres environ de l'extrémité inférieure des tiges (fig. 44). Cette ficelle, 244 PRINCIPES GÉNÉRAUX placée à cette hauteur et pas trop serrée, permettra Figure 41. d'écarter en forme d’éventail le pied du balai, et par conséquent d’étaler aussi sa tête touffue (fig. AA). Les extrémités inférieures des tiges seront coupées d'égale longueur d'un coup de hache. Le ramage avec les balais n’exige pas d’autres prépa- ralls, et l’on peut juger que la dépense se réduit à peu près à l'acquisition des rameaux. Lorsque le moment de ramer est arrivé, deux per- sonnes se placent aux deux côtés d’une table, en face l’une de l’autre. Elles relèvent une partie du filet, de manière à faire une place pour le pied du balai, le long des bordures. C'est sur cette partie libre de la toile qu’on place les pieds des balais, des deux côtés et en face les uns des autres ; ils reposent sur la traverse longitudinale qui porte la bordure de la table (fig. 50 et 91). Les balais et surtout leurs têtes sont inclinés vers le centre de la table supérieure. Les têtes se joignent et se soutiennent mutuellement ; on les mêle, on les étale dans fous les sens, de manière à former sous la table RE Ce nd 0 à à ET PROCÉDÉS. 215 supérieure une épaisse voûte de branchages, ni trop serrée n1 trop claire. Au besoin, les cordes qui tendent les toiles servent à supporter les têtes des balais et à les disposer convenablement. Les pieds des balais, étalés en forme d’éventails, garnissent en grande partie l’angle que forme la bor- dure des tables. A la hauteur des liens il reste un vide très large, pour passer la main qui distribuera les der- niers repas. Pour éviter que des vers courent sur les bordures, dans tout l'espace qui sépare deux poteaux, on fait passer par-dessus la bordure quelques brins des pieds des balais ; les vers rencontrent ces brins, les suivent et gagnent le sommet des balais. ; Voilà donc des tables garnies sur leurs deux côtés de balais dont les pieds offrent de nombreuses échelles aux vers ; mais ces tables ayant 4",15 de large, il pourrait arriver qu un certain nombre de vers, qui ne se porte- raient ni à droite ni à gauche et suivraient au contraire Ja table dans toute sa longueur, ne trouvassent pas assez tôt un moyen de faire leur ascension. Pour remédier à cet inconvénient , qui tient à la lar- geur des tables, on formera au centre de celles-ci une petite hace claire, parallèle aux bordures. Elle se com- posera de quelques rameaux flexibles , fixés par le pied dans la voûte des cabanes et dont la tête trainera sur la litière. Ces rameaux seront tous inclinés dans le même sens ; 1ls seront placés à la main avec une grande rapi- dité (fig. 50 et 51). Ils formeront une troisième ligne d’échelles, qui di- 246 PRINCIPES GÉNÉRAUX visera la table en deux parties égales dans le sens de fa longueur. © Les rameaux étant renversés, leurs tètes , qui traine- ront sur la litière, offriront aux vers de nombreux points d'appui pour s'élever dans la voûte rameuse formée par les balais. Voilà tout ce qui repose sur le filet ; mais 1l est fa- cile de comprendre qu'il n’en résulte aucun inconvé- nent. Il ue restera plus qu'à s'assurer si aucun brin de ra- meau ne pend en dehors des tables. S'il en restait quelques-uns, les vers pourraient les suivre et, arrivés à leur extrémité, se laisser choir. Il faudra donc ren- trer avec soin tous les brins qui pourraient dépasser, ou les couper avec de forts ciseaux. Cette opération aura aussi pour résultat de supprimer une cause d'incendie. Au bout de vingt-quatre à trente heures, presque tous les vers sont montés. On enlève à la main les re- tardataires ou burnous. Deux personnes se placent aux extrémités de la table; elles saisissent solidement les quatre coins du filet, que rien ne retient, le reploient sur lui-même, au centre de la table; puis l'une d'elles le tire dans le sens de linclinaison de la petite haie, avec la litière dont il est chargé. La petite haie vient en partie avec le filet et reste en partie attachée aux cabanes. Comme on a eu soin de placer ces rameaux la tête en bas, les vers ne s’y sont point arrèlés, où du moins en si petit nombre qu'on peut les népliger. ET PROCÉDÉS. 247 Le filet, amené à l'extrémité de la table, est emporté avec la litière. Il reste un peu de celle-ci entre les pieds des balais; on l’enlève à la main. Les crottes sont ra- massées sur la toile avec une carte. Ainsi donc, par ce procédé aussi simple qu’écono- mique, on aura ramé les vers à soie en satisfaisant à toutes les conditions que j'ai posées comme essentielles : les vers ont eu à monter sur des branchages inclinés; ils ont trouvé une couche épaisse de rameaux, à l'abri des courants d’air, dans laquelle ils ont fait peu de cocons doubles ; on leur a offert des échelles nombreuses et rapprochées qu'ils ont trouvées facilement ; /a litière a pu être enlevée d’un seul coup avec le filet. Le ra- mage a été exécuté au moment le plus favorable, et sans aucun retard ; il n’y a pas de vers courts. Les ca- banes n’ont pas interceplé /a circulation de l'air, ni empèché la distribution des derniers repas. Enfin tous ces avantages ont été obtenus avec des balais grossiers, qui n'ont exigé aucuns préparatifs, qu'on a pu faire avec toute espèce de rameaux et mème de broussailles, et qui n’auront entrainé d’autre dépense que le faible prix de leur acquisition ou de leur ramassage. Après l'éducation, ces balais sans valeur peuvent être brülés si leur conservation doit occasionner la moindre gène. Dans le cas contraire on les flambe, pour les dé- barrasser de la soie qui reste attachée aux rameaux, et on les entasse dans un grenier. L'année suivante on les retrouve en bon état; ils n’exigent ni soins pour leur conservalion, ni réparations. Pour flamber les balais, on fait un feu clair avec de 10 248 PRINCIPES GÉNÉRAUX la paille ou des copeaux, et l'on présente le balai à la flamme en écartant les rameaux pour que tous soient atteints. Si les balais sont formés de rameaux très fins dont une partie pourrait brûler au grand détriment des vers, on y remédie très facilement en exposant les balais à l’air humide de la nuit, avant de les flamber. Au besoin on les humecte avec un arrosoir quelques heures d'avance. Par ce procédé on peut flamber mème les rameaux délicats du colza. On doit flamber les balais avant de les mettre en magasin, afin qu'ils perdent d’une saison à l'autre l'odeur de fumée qu'ils ont contractée. $ 5. Ramage avec déplacement. Dans les opérations qui viennent d’être décrites, les vers à soie n'ont pas été changés de place. Quelques personnes, et les Chinois surtout sont de cet avis, ont pensé qu’il y avait plus d'avantages à disposer séparé- ment des rameaux et à transporter les vers mürs près d'eux. On a donné le nom de coconnitres à ces appareils qui ont beaucoup varié dans leur forme ou dans la na- ture des matériaux qu’on a fait entrer dans leur com- position. Il ne me paraît pas nécessaire d'entrer dans les détails que nécessiterait la description de ces appa- reils, parce qu'ils sont à peu près abandonnés et de- vaient l’être par deux raisons qui frappent tous les es- prits : 4° Le ramage avec déplacement exige un local spé- cial en dehors de la magnanerie. En petit, cet incon- EF PROCÉDÉS. 219 vénient peut paraître léger ; mais dans des éducations d’une certaine importance, il est insurmontable. Com- ment songer à augmenter de moitié l'étendue des hâ- timents, uniquement pour établir des eoconnières ? 2° Le ramage avec déplacement exige la séparation des vers mürs de ceux qui mangent encore. Les pre- miers doivent être portés dans la coconnière , les au- tres rester sur les tables. Ce choix, quin’est pas im- possible dans une éducation d’amateur, est impratica- ble dans une éducation industrielle. Vouloir l’opérer, c’est se donner une tâche immense et coûteuse. Trans- porter les vers en masse, quand la majorité est mûre, c'est sacrifier une grande quantité d'excellents vers qui ne demandaient qu'à manger encore quelques heures. Enfin, attendre que tous les vers soient mürs pour procéder au transport, c’est s’exposer de gaielé de cœur à trouver un nombre considérable de vers courts. Les coconnières sont condamnées sans retour. $ 6. De quelques autres procédés de ramage. Je dois avertir mes lecteurs qu'il a été proposé un très grand nombre de procédés de ramage, qui diffe- rent plus ou moins de ceux que j'ai décrits. Je n'en dis rien, parce que ces procédés sont en général plus ingénieux que pratiques. Tous exigent des. appareils, des dispositions, des matériaux spéciaux. Comme on à pu en juger, le procédé que j'ai décrit se compose d'é- léments qui sont sous la main de tout le monde; il n’exige absolument aucun apprêt. À quoi bon men- 224 PRINCIPES GÉNÉRAUX tionner des choses qu'il me serait impossible de re- commander et que les praticiens sérieux ont négligées ? Je dois au contraire engager les éducateurs à ne pas se laisser aller au désir d'inventer aussi leur boisement. Après bien des essais ils reviendraient au point de dé- part, c'est-à-dire au procédé le plus simple, le plus économique et le plus prompt. CHAPITRE XHI, Des ennemis des vers à soie. $ 1. Fourmis. Les fourmis sont des ennemies redoutables pour les vers à soie. On les a vues quelquefois dépeupler tout un atelier. Les auteurs en citent plusieurs exemples. On connaît les habitudes de ces insectes. Quand une proie facile a été découverte, la peuplade tout entière se porte vers elle sous la forme d’un courant vivant, et cause d'immenses ravages. Nos colonies surtout y sont fort exposées. Une fois, à Poitiers, un accident de ce genre nous est arrivé. Une bande de fourmis s’était introduite dans la magnanerie et avait envahi plusieurs tables couvertes de vers. Notre premier soin fut d'enlever dans des corbeilles les vers, la litière et les fourmis qui s’y trouvaient mé- lées en grand nombre. Le tout fut déposé sur une table; on eut l’idée, pour empêcher les fourmis de se répandre ailleurs, de placer une assiette pleine d’eau sous chacun ET PROCÉDÉS. 221 de ses pieds ; mais quel fut notre étonnement, en re- venant quelques instants après, de ne plus trouver une seule fourmi! S'étant aperçues sans doute que la retraite leur était coupée par les lacs artificiels dans lesquels nous avions placé les pieds de la table, elles s'étaient toutes laissées tomber du bord de cette table et avaient fui. On put re- porter les vers dans l'atelier. Voilà donc un moyen de se débarrasser des fourmis qui auraient envahi quelques tables d’une magnanerie. Mais si l’on craignait de voir se renouveler cet acci- dent, il faudrait le prévenir par l’un des deux procédés suivants : On coupe, par bandes de 6 à 8 centimètres de largeur, du coton en cardes, et on entoure le pied de chaque montant avec une pièce de ce coton. Les fourmis ne peuvent que très difficilement franchir cet obstacle. On peut leur en opposer un autre en traçant au pied de chaque montant, avec de la craie très molle ou du blanc d'Espagne, une large raie. Quand les fourmis cherchent à passer sur la craie, ses parcelles se déla- chent et tombent avec elles. Souvent elles se lassent de renouveler leurs tentatives. Ilest bien entendu que le premier soin du magnanier vigilant doit être de boucher avec du plâtre ou du mor- tier les fissures et les trous par lesquels les fourmis pour- raient tenter de s'introduire dans l’atelier. $ 2. Oiseaux. On a proposé d'élever des vers à soie sur les müriers 222 PRINCIPES GÉNÉRAUX eux-mêmes, ou tout au moins en plein air, sous des abris ouverts de tous côtés. Dans ces deux cas les oiseaux sont de véritables ennemis des vers à soie. Ilest indis- pensable de les tenir éloignés par des filets. On conçoit qu'il puisse en être aiusi dans une expérience; mais s'il s'agissait d'une éducation sérieuse, comment envelopper de filets des centaines de müriers quelquefois très grands? $ 3. Rats et souris. Les rats et les souris peuvent causer de très grands dommages aux éducateurs. Ces animaux sont très avides des œufs de vers à soie. ll est donc de la plus haute importance de placer sa provision à l'abri de leurs atteintes. Pour cela il suffit de suspendre les œufs, détachés ou non, à quelque plafond, avec des cordes ou des fils de fer. Les rats peuvent aussi détruire un très grand nom- bre de vers à soie, mêmeau dernier âge. On a plusieurs exemples de ce fait, et souvent on à vainement cherché la cause de pertes importantes, qui étaient dues à ces animaux destructeurs. Mais ce sont les cocons surtout qui sont exposés aux plus grands dangers. Les souris les percent pour man- ser la chrysalide. Ces animaux, avec un instinet qui peut être funeste, ont soin d'attaquer les tas de coeons en dessous, de telle sorte que tout peut être dévoré avant qu'il paraisse rien à la surface. Les producteurs de cocons, et les filateurs qui en font provision, auront donc à veiller avec un soin extrême un ennemi si redoutable. ET PROCÉDÉS. 225 On a conseillé divers moyens de destruction pour les rats et les souris. Celui qui parait avoir eu le plus de succès est une pâte appétissante dans laquelle on fait entrer un dixième de son poids de carbonate de baryte en poudre impalpable. On trouve ce sel tout pulvérisé chez les pharmaciens et les droguistes. Il remplace avec un grand avantage l’arsenic qu’on fait entrer ordinai- rement dans la composition de la mort aux rats, d’a- bord parce qu'il est infiniment moins dangereux en cas de méprise, ensuite parce que les souris et les rats le mangent sans répugnance, tandis qu'ils délaissent les préparations auxquelles on a ajouté de l’arsenic. $4. Cousins, ichneumons. Les insectes connus sous ces noms ne sont guère à craindre en Europe pour les vers à soie, mais il n’en est pas de même dans la plupart de nos colonies où l’on a tenté d'introduire l'industrie de la soie. Les ichneu- mons sont assez forts pour attaquer et tuer les vers à soie. Il est donc indispensable de les tenir éloignés au moyen de toiles claires qui ferment toutes les issues de la magnanerie. CHAPITRE XIV. Maladies des vers à soie. $ 1. Généralités. Les vers à soie sont sujets à différentes maladies plus ou moins redoutables et plus ou moins difficiles à pré- 224 PRINCIPES GÉNÉRAUX venir. On est lrès peu avancé dans la connaissance des causes de ces maladies, ei surtout dans l’art deles guérir. Mais ce que l'expérience démontre continuellement, c’est que les maladies sont plus rares et peu meurtrières dans les éducations bien dirigées, tandis qu'elles déei- ment ou détruisent en totalité les éducations négligées. Il résulte de ces considérations que j'ai très peu de chose à dire sur les maladies des vers à soie. Les préve- nir par des procédés rationnels, des soins assidus et une surveillance active, voilà ce qu’on peut faire de mieux. Si quelque maladie se déclare malgré cela, il faut se hâter de passer en revue tout ce qu'on a fait précédem- ment et ce qui se fait au moment même où la maladie éclate. Si l’on examine ainsi toute chose en conscience, on découvrira certainement le côté faible de sa con- duite. On aura négligé le feu, ou les repas, ou les délite- ments. Les dédoublements n’auront pas été faits. Il y aura eu trop d'humidité ou trop de sécheresse. On n'aura pas proportionné le nombre des repas à la tem- pérature, ou celle-ci n'aura pas été en rapport avec les exigences de la transpiration, etc. Les maladies des vers à soie proviennent presque toutes de la même cause : exagération ou insuffisance de la transpiration. Quand la transpiration est sens par la chaleur, il faut multiplier les repas et mouiller la feuille. Lorsqu'au contraire la transpiration est entravée par un excès d'humidité dans l'air, et que cependant la feuille trop mouillée ou aqueuse par elle-même Ja ET PROCÉDÉS. 225 rend plus nécessaire que jamais, il faut se hâter de chauffer et de ventiler énergiquement. Si je voulais rappeler ici tout ce qu’il faut faire pour prévenir ou arrêter les maladies, je serais entrainé à répéler ce que j'ai dit dans presque tous les chapitres dé ce manuel. Je me bornerai done à répéter que l'édu- cateur intelligent préviendra les maladies en se confor- mant rigoureusement aux principes que nous avons tracés, et arrêtera leur progrès, autant que possible, en se hâtant de revenir à l'observation des règles moment:- nément négligées. Quelques mots maintenant sur chacune des affec— tions auxquelles les vers à soie sont le plus ordinaire- ment exposés. $ 2. Les vers passis ou flétris. în décrivant les classements ou dédoublements, je fais ressortir les inconvénients qui résultent du mélange de vers plus ou moins avancés. Si l'on néglige cette pratique essentielle, on a bientôt sur lestables un grand nombre de vers arriérés, faibles, effilés, de chétive appa- rence ; ce sont les passis. Incapables d’atteindre la feuille fraiche en même temps que les autres, ils sont foulés aux pieds et réduits à vivre pour ainsi dire dans la litière. A chaque mueils sont enterrés ou dérangés, parce qu'ils arrivent trop tard ou trop tôt. Ils finissent par périr. Des classements opérés par des dédoublements mé- thodiques évitent complétement les passis, et lorsqu'il s'en montre quelques-uns, on peut les sauver en les isolant promptement à la première mue. Une fois 10. 226 PRINCIPES (GÉNÉRAUX classés à part, on leur prodigue les soins que réclame leur faiblesse, en leur donnant de la chaleur, de la feuille tendre et de nombreux repas. $ 3. La clairette ou luzette. Dans cette maladie les vers deviennent transparents, surtout du côté de la tête, qui acquiert en même temps un volume beaucoup plus considérable que dans l’état naturel. Cette maladie s’observe principalement après la qua- trième mue. Les vers qui en sont affectés cessent de croître, deviennent courts et se transforment en chry- salide sans faire de cocons, ou bien meurent. Il est probable que cette maladie est due à une insuf- fisance d'alimentation qui résulte souvent de l’accumu- lation des vers. On l’évitera facilement en tenant les vers suffisamment espacés et en les nourrissant bien. $ 4. La jaunisse et la grasserie. Les meilleurs observateurs s'accordent pour recon- naitre que les vers dits jaunes, et les gras ou porcs, sont affectés d’une même maladie. Elle paraît due à l’'insuf- fisance de la transpiration. Elle consiste dans une bouf- fissure ou gonflement de tout le corps des vers, ac- compagnée d’une teinte jaune prononcée dans les vers à soie jaune. C’est uneespèce d'infiltration, dans tous les organes de l'animal, du liquide nutritif qui lui tient lieu de sang. Cette infiltration commence autour des stigmates, se propage de là aux articulations des an- neaux qui serelévent en bourrelets, et gagne bientôt ET PROCÉDÉS. 227 toutes les parties du corps. Les pattes paraissent alors raccourcies à cause du gonflement des parties environ- nantes, et le ver n’exerce qu'avec peine tous ses mouve- ments. Les jaunes -ou gras se montrent constamment vers [a {in du cinquième âge. C’est dans ce moment que les vers ont plus besoin que jamais d’exhaler par la transpiration la grande quantité d’eau qu'ils prennent avec leurs ali- ments. Aussi observe-t-on surtout cette maladie lors- qu'on donne au dernier âge de la feuille tendre, aqueuse, de seconde pousse ou de multicaule. Une chaleur humide favorise aussi, à ce qu'il parait, le développement de la jaunisse ou grasserie. Il est évident qu'on s’y soustraira en observant avec soin les préceptes que nous avons posés en matière d’é- ducation. Du reste, quelques races de vers y sont plus sujettes que d’autres. Nous aurons soin de les indiquer. 6 5. Les vers courts. Lorsque les vers à soie sont parvenus à l’état de ma- turité, ils cherchent pour faire leurs cocons une place convenable. Lorsqu'ils ne la trouvent pas bientôt, ils errent çà et là, répandent leur soie sur leur passage, se raccourcissent, jaunissent et quelquelois se transfor- ment en chrysalides sans avoir formé leur cocon. Sou- vent aussi ils meurent. C’est ce qu'on appelle les vers courts. Il est aisé de comprendre qu’un ramage tardif, in- suffisant, mal disposé, auquel les vers n'arrivent qu’a- près de longues recherches, doit donner lieu à un grand 228 PRINCIPES GÉNÉRAUX nombre de verts courts , tandis qu'ils seront très rares lorsque les rameaux sont placés à propos et arrangés de facon que les vers les trouvent promptement. S'il se montre quelques vers courts malgré les soins qu’on a pris, on peut sauver une partie de leur soie en les plaçant dans les balais, ou mieux encore dans de petits cornets de papier. Mais il est évident que cela n’est praticable que dans une petite éducation. C’est surtout dans les éducations tardives et les secon- des éducations que l’on est exposé à voir se former un certain nombre de vers courts. | $ 6. La muscardine. On donne différents noms à la maladie que nous désignons sous celui de muscardine, ou aux vers qui en sont atteints. On les appelle morts-blancs, morts-flats, dragées, muscardins. La muscardine est une maladie qui attaque le ver à soie dans ses différents états. Elle est due à la présence d’un végétal du genre des moisissures, qui se développe et croit aux dépens de Ja substance même du ver. On a donné à ce végétal le nom de botrytis bassiana. Après avoir envahi les organes intérieurs de l'animal et déterminé sa mort, le cryptogame se montre à la surface du cadavre sous la forme d’une moisissure blanche. Le cadavre lui-même se concrète et se dessèche promwptement. La muscardine peut être communiquée par l’mocu - lation. £ ET PROCÉDÉS. 229 Elle se communique aussi par voie de contagion. Les sporules du végétal, ce qu’on pourrait appeler ses graines, sous forme d’une poussière blanche excessi- vement fine, se transportent dans Pair et par tous les autres objets sur lesquels ils sont attachés, et vont ré- pandre le serme de la maladie sur les vers à soie qui sont à leur portée. La muscardine est done éminemment contagieuse. Quand des vers sains sont atteints de la muscardine, on ne remarque pas d’abord en eux de caractères bien distincts, si ce n’est le ralentissement progressif, puis l'extinction totale des battements du vaisseau dorsal. Mais ces vers, qui sont extrémement mous et flasques à l'in- stant de la mort, reprennent au bout de quelques heures de la fermeté et une teinte rougeâtre ; puis, au lieu de passer à la putréfaction, ils se durcissent par degrés en conservant l'attitude qu'ils avaient au moment de leur mort, et finissent par se dessécher entièrement au bout de quelques jours. Lorsqu'on les laisse dans la litière ou qu'on les met en tas, ils se couvrent en se séchant d’une espèce de duvet cotonneux d’un beau blane, qui n'est autre chose qu’une moisissure. La muscardine est un fléau redoutable pour les édu- cateurs. Elle détruit chaque année une partie des ré- coltes en tuant les vers, le plus souvent au cinquième âge, quand ils ont consommé la feuille qui leur était destinée, et alors que tous les frais de main-d'œuvre et de chauffage ont été faits. On estime à un sixième au moins du produit annuel les pertes qui en résultent pour Îles éducateurs français. 250 PRINCIPES , GÉNÉRAUX Îl serait donc d’un intérêt immense de découvrir les causes premières du développement de cette maladie et les moyen de l’éviter ou de la guérir. Malheureusement on est encore fort peu avancé dans ces recherches. Les lecteurs qui voudraient se mettre bien au courant de l’état des choses à ce sujet pourront consulter un ouvrage spécial que j'ai publié sur la muscardine. Ici je me bornerai à dire que les améliorations in- troduiles dans ces derniers temps, dans le système des éducations, ont apporté quelques changements favora- bles dans les résultats. Les repas fréquents, la feuille mouillée, les délite- ments par les filets, une chaleur uniforme, une aéra- tion continue, ont amoindri dans un grand nombre d'ateliers les ravages de la muscardine. On est même parvenu quelquefois à maîtriser la maladie par des délitements journaliers, qui enlèvent de l'atelier les litières infectées par les vers qui ont succombé. Mais il reste beaucoup à faire, et ce n’est pas sans raison que la Société royale et centrale d'agriculture a fondé un prix de 5,000 francs pour celui qui résoudra le problème. Quand un magnanier se verra menacé par la mus- cardine, il redoublera de soins et de vigilance pour l'observation rigoureuse des préceptes que nous avons exposés. Entre autres choses, il mouillera la feuille si l'air est sec, et remédiera aux inconvénients d’un excès d'humité si c’est le cas qui se présente. Il opérera des délitements tous les jours, et fera jeter tous les vers ET PROCÉDÉS, 251 qui n'auront pas montré assez de vigueur pour monter vivement sur la feuille fraiche. Les litières enlevées de la magnanerie seront en- fouies et recouvertes de terre, de façon que leurs éma- nations ne puissent en aucune façon pénétrer dans l'atelier. Quand on aura eu le malheur d’être frappé par la muscardine, malgré tous les soins qu'on aura pris pour s’en préserver, on devra pour la saison prochaine s’en- tourer des précautions suivantes : 4° On se procurera des œufs provenant d’un atelier dans lequel la muscardine n'aura pas sévi depuis long- temps, ou mieux encore d'un propriétaire qui n'aura jamais eu la maladie dans sa magnanerie. 2° Environ quinze jours avant l’époque de l’éduca- tion, on fera dans sa magnanerie une forte fumigation avec du soufre, dont on fera brûler plusieurs kilo- grammes dans une terrine, sur un réchaud, après avoir pris toutes les précautions contre l'incendie. On aura eu soin de calfeutrer portes et fenêtres, afin que les va- peurs du soufre ne s’échappent pas et agissent dans toutes les parties du local. Il est bien entendu que les filets et les canevas ou les toiles et les cordes auront été soigneusement passés à la lessive bouillante. 5° On évitera toute communication qui ne serait pas indispensable avec des ateliers ou des lieux dans les- quels la muscardine régnerait ou se serait montrée l’année précédente. 4 On commencera l'éducation le plus tôt possible, 252 PRINCIPES GÉNÉRAUX ET PROCÉDÉS, et l’on donnera à l’incubation une attention toute par- üiculière. Si, malgré tout ce qu'on aura pu faire, la muscardine se montre de nouveau sérieusement, il faudra faire hardiment le sacrifice d’une ou deux éducations, laisser l'atelier sans emploi pendant deux années, vendre sa feuille, et recommencer seulement après celte longue interruption. QUATRIÈME PARTIE. ÉDUCATION INDUSTRIELLE, CHAPITRE PREMIER. Éducation proprement dite. $1. Importance de l'éducation. Nous allons suivre pas à pas, dans les paragraphes suivants, une éducation que j'appellerai industrielle, parce que nous pouvons nous dispenser désormais d'a- jouter des explications théoriques à la description des procédés. Les explications, ainsi que les raisons de Îa préférence que j'ai accordée à ceux que je conseille ont été données dans les chapitres précédents. Les opéra- lions qui constituent la pratique d’une éducation vont se succéder sans interruption. L'importance de l’éducation dépendra avant tout, 4° de l’espace qu’on peut lui consacrer dans le bäti- ment converti en magnanerie; 2° de la quantité de feuille qu'on est certain de récolter; mais il faudra également tenir compte des bras dont on peut dispo- ser ; car si les ouvriers venaient à manquer pendant le 25 ÉDUCAINON INDUSTRIELLE. dernier âge des vers, on se trouverait dans un embar- ras cruel. Je suppose done qu'on peut donner à chaque lot de 50 grammes d'œufs 54 mètres carrés de tables et 4000 kilog. de feuille. De plus on aura au cinquième âge, toujours pour 50 grammes d'œufs, trois personnes environ pendant huit jours. Nous supposerons qu’on fait une éducation de 500 grammes d'œufs, c’est-à-dire celle à laquelle doit suf- five la magnanerie dont nous avons donné les plans et la description. Cependant les chiffres que je don- nerai pour la consommation de la feuille et l’espace occupé se rapporteront aux vers de 50 grammes d'œufs, par respect pour l'usage encore général de compter par once en pareille matière. $ 2. Epoque de l’éducation. On attendra, pour commencer l'éducation, qu'on n'ait plus à craindre de froids tardifs, capables de dé- truire les premières pousses du mürier. Cette époque variera suivant chaque localité et aussi toutes les années. En général, on retire les œufs du lieu froid dans lequel on les conserve lorsque les bourgeons du mü- rier présentent quatre petites feuilles développées. Or- dinairement alors l'aubépine est en fleurs. Cepen- dant, en principe, il faut commencer de bonne heure et ne pas retarder sans de bonnes raisons. (Chapitre 1, page 105.) ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 2350 $ 3. Incubation. Le moment convenable étant arrivé, on va prendre les.œufs dans le lieu où ils ont passé l'hiver. Si on a cru devoir les placer dans une glacière, on prendra les précautions suivantes : Les œufs sont dans des vases bien bouchés; le pre- ‘ mier jour on place ces vases entre les deux portes de la glaciere. Le deuxième jour on les laisse dans la pièce qui pré- cède la glacière, et s’il n’y en a pas, on les porte dans une cave fraiche. Le troisième jour on les mionte au haut de l'escalier de la cave. Le quatrième jour on les transporte dans la chambre d’incubation, dont on a soin de fermer les volets dans le cas où les croisées seraient frappées par les rayons du soleil à une heure quelconque de la journée. Si les œufs ont été conservés à la cave, on les portera successivement et de jour en jour à l'entrée de la cave et dans-la chambre d'incubation, en leur faisant faire au besoin un séjour plus prolongé dans des parties du bâtiment de plus en plus chaudes. On voit, par ce qui précède, qu'il importe de faire passer les œufs par des températures très graduées de- ‘puis la glacière ou la cave jusqu’à la chambre d'in- eubation. Dans cette pièce, disposée comme il a été ditchap. If, page 64, les œufs seront distribués sur les tablettes basses d’abord. 256 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. Si les œufs sont encore fixés sur les toiles ou les papiers, il suffira de déployer ceux-ci sur les tablettes. Si les œufs sont détachés, on les étalera avec soin sur des morceaux de vieux linge, qui seront de la grandeur d'une feuille de papier. Chacun d’eux recevra 54 grammes d'œufs environ. Par-dessus les œufs on étendra et on fixera avec des épingles un morceau de tulle à larges mailles, dit tulle- bobin. Ce tulle aura été débarrassé de son apprèt par un bon savonnage dans l'eau chaude, de manière à le rendre bien souple. Les œufs se trouveront ainsi fixés jusqu'à un certain point entre le linge et le tulle. 1} sera bon enfin de placer aussi une feuille de papier sous le linge afin de faciliter le transport du linge, dans le cas où l’on voudrait le changer de place. Les choses étant ainsi disposées, on installera l’hy- sromètre et le thermomètre. Si l'hygromètre indiquait moins de 75° d'humidité, il faudrait dès à présent le ramener à ce degré au moins, en faisant quelques arrosements sur le sol, ou bien en suspendant dans la pièce quelques linges mouillés. Quant au thermomètre, il marquera probablement dans cette saison 15 à 48 degrés centigrades. Le deuxième jour on fera dans le poële un feu très léger pour élever la température de 4 à 2 degrés. On l’entretiendra jour et nuit; on y parviendra sans peine par un moyen très simple. Au lieu de faire un feu de bois qui durerait peu et serait tantôt trop vif, tantôt presque éteint, on disposera LA ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 257 dans le poële du poussier de charbon, ou de la sciure de bois, ou enfin du charbon à demi couvert de cen- dres. Avec un peu d'adresse on entretiendra ainsi une température très douce et facile à graduer. Le troisième jour on élèvera encore de 4 à 2 degrés centigrades. On sera à 18 ou 20 degrés, suivant le point de départ. On aura le plus grand soin d'entretenir l'humidité. Les deux thermomètres sont placés près des œufs, l’un en bas, l’autre en haut. Si l’on s’apercevait qu'il y eût entre eux plus de 2 degrés de différence, on aurait soin de changer les œufs de place, de manière à les faire tous participer à leur tour à cette température plus élevée. Les jours suivants ont augmente peu à peu l'inten- sité du feu, de manière à élever la chaleur par À ou 2 degrés, jusqu'à 25 degrés centigrades. Arrivé là, on porte le plus grand soin à empécher que la température s'élève au-dessus. On entretient rigoureusement 80° au moins d'humi- dité par des arrosements fréquents. On place sur le poêle un grand plat rempli d’eau. Au bout de dix à douze jours, quand les œufs ont été pris dans la glacière et à compter de leur sortie ; au bout de six à sept jours, quand ils ont été conservés à la cave ou dans un lieu frais, les vers commencent à se montrer. Si l'on a pris la peine d’étudier les caractères que présentent les œufs successivement, à mesure qu'ils approchent de l'éclosion, on est parfaitement averti 258 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. de cet événement la veille et même l’avant-veille, par la teinte blanche des œufs et l'apparition du petit point noir qui indique la présence du museau du ver à soie (page 9). $ 4. Levées des vers. C’est le moment de tout disposer pour les levées des vers. Que les œufs soient détachés ou non, on étend sur eux un tulle bien dégommé qui les recouvre tous. La veille de léclosion prévue, on place sur ces tul- les quelques lanières de feuilles de mürier. Pendant la nuit elles se dessèchent. Cela n’empèche pas les pre- iniers vers qui apparaissent de s'attacher à elles. On se leve de grand matin et l’on répand sur les tulles une petite quantité de feuille coupée. C’est le premier jour de léclosion. Dans une petite éducation, on jette les vers du premier jour ; ils formeraient une série insignifiante; maïs si l'on a mis à l’incubation 500 grammes d'œufs, on peut réunir en une seule série les vers qui paraissent sur toutes les tablettes, car ces vers précoces sont excellents. Pour les réunir, on pose les uns sur les autres tous les tulles qui les portent. Bientôt les vers se réunissent sur le tulle supérieur qui reçoit les repas. Le premier jour on ne fera qu’une levée, c’est-à- dire qu'on attendra neuf heures du matin environ pour lever les tulles. Pour éviter de créer trop d’imégalités parmi ces premiers vers, on les laissera tous monter sur un seul repas. Plus tard, quelques dédoublements les elasseront convenablement. ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 25) Si l’on manquait de tulles pour faire les levées, on pourrait les remplacer par les petits filets destinés aux premiers délitements; mais les filets, quelle que soit eur souplesse, ne s'appliquent jamais aussi exactement que les tulles sur les œufs, et tous les vers qui naissent au même moment ne peuvent pas arriver en même temps sur la feuille. Le prix du tulle est insignifiant. On le vend 1 fr. le mètre. Quelques mètres suffisent pour une grande édu- cation et doivent durer de longues années. À défaut de tulle et de filets, on peut lever les vers avec du papier fin qu’on a criblé de petits trous. Mais tout cela ne vaut pas des tulles, et un éducateur soigneux doit s’en procurer. Un mètre carré de tulle suffit pour couvrir quatre feuilles d'œufs, ou 400 grammes environ quand ils sont détachés. Il faut deux ou trois rechanges. C’est donc tout au plus 40 mètres qu’il faudra pour notre éducation de 900 grammes. Je ne dis rien du procédé qui consiste à lever les vers avec de petits bourgeons de müriers, parce que c’est le moins bon de tous et qu’il faut l’abandonner absolu- ment. Deuxième jour d’éclosion. Sur 50 grammes d'œufs, 40 grammes environ don- nent des vers le deuxième jour. C’est, ou à peu près, le tiers. C’est, à vrai dire, le premier jour de l’éclosion. Ce jour-là les levées doivent avoir lieu toutes les heu- res, c’est-à-dire que d’heure en heure on enlève les tul- les chargés de vers et on les remplace par de nouveaux 24{ ÉDUCATION INDUSTRIELLE. tulles sur lesquels on répand de la feuille coupée menu. On a soin qu'il se trouve de la feuille sur toutes les parties du tulle, afin que les vers puissent tous en at- teindre un fragment. Si les levées d’une même heure paraissent trop claires, on les réunit en superposant les tulles. Les levées recoivent à mesure une étiquette. Les vers qui apparaissent passé neuf heures du matin doivent être rejetés comme retardataires. Troisième jour d’éclosion. Aujourd’hui on recueille le plus grand nombre des vers; ceux de 46 à 18 grammes d'œufs sur 50 grammes. Les levées seront faites d'heure en heure, avec le plus rand soin. 1] y en aura cinq au moins. Quatrième jour de l’éelosion. | Il ne reste guère que 5 à 5 grammes d'œufs sur 50 grammes, qui donneront des vers le quatrième jour. Il faudra nécessairement réunir, en les superposant, les levées de plusieurs tablettes. Cinquième jour de l’éclosion. Enfin, le cinquième jour, il paraitra encore quelques vers retardataires ; mais on ne les recueillera pas. Il est à craindre qu'ils portent en eux quelque vice de consti- tution qui les ferait périr après avoir consommé en pure perte une certaine quantité de feuille. $ 5. Premier âge. Prenons maintenant une de nos séries de vers. Pour ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 241 plus de clarté, supposons qu'elle est née le 45 mai et qu'elle se compose de tous les vers provenant de 50 grammes d'œufs. Suivons-la pas à pas. Nous sommes dans la chambre d’incubation, où nous entretenons une température de 25° centigrades et 80° au moins d'humidité. L’air se renouvelle suffisam- ment par l’ouverture fréquente de la porte d'entrée. Les vers naïssants ont 2 à 5 millimètres de long. La durée du premier âge est de cinq jours. Les vers naissants occupent deux à trois feuilles de papier, suivant qu'ils sont plus ou moins pressés. Ils recevront au moins douze repas, dans lesquels ils consommeront de 2 à 4 kilogrammes de feuille cou- pée très menu et entretenue très fraiche. La petite quar- tité de feuille qui est nécessaire à cet âge n’exige guère qu'on en ramasse d'avance. On ira done cueillir de la feuille pour chaque repas du jour. Le soir seulement on fera une petite provision pour la nuit. Dans cette sai- son, il suffira généralement d'exposer la feuille à l'air libre pendant la nuit pour qu’elle s’entretienne en bon état. S'il pleuvait, on la rentrerait à la cave, et si elle ne s'y conservait pas très fraiche, on pourrait ou l'humecter, ou tout au moins la couvrir d’un linge mouillé. Les repas seront distribués à la main, avec adresse. Pour le faire plus commodément, on procédera de la manière suivante : nous sommes dans la chambre d'in- cubation ; les vers sont sur des tablettes mobiles. On prendra celles-ci l’une après l’autre, on les posera sur une table placée devant la fenêtre, et là, au grand jour, 11 242 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. dans une position très commode, on fera la distribu- tion de la feuille. S’ilen tombe à côté des vers, elle sera recueillie sur la table et ne sera pas perdue. En procédant ainsi, on peut se servir de tamis ; mais c’est un expédient peu utile. La feuille sera coupée pour chaque repas et jamais d'avance. On fera un délitement le quatrième jour. Pour cela on étendra sur les vers un petit filet très souple. On le chargera d’une couche mince de feuille bien fraiche, coupée menu. On donnera un second repas deux heures après, et quand les vers paraitront tous bien occupés à le dévorer, on enlèvera le filet par les quatre coins et on le posera sur une feuille de papier propre. Les vers retardataires restés dans la litière seront jetés avec elle, à moins que, faute d'expérience, le délitement ait été mal fait et qu'un grand nombre de vers soient restés dans la litière. S'il en était ainsi, on recueillerait ces vers avec un autre filet, et on les réunirait aux premiers en super- posant les deux filets, à moins toutelois que chacun d’eux fût assez chargé pour composer une série, Si l’on manquait de petits filets pour les délitements du premier et du second äge, on pourrait employer des tulles à larges mailles, ou bien enfin on procéderait comme il a été dit, page 205, Délitements sans filets. Quand l'éducation marche très rapidement et que le premier âge ne dure que quatre jours, on peut à la ri- gueur se dispenser de déliter. Le 19 mai, nos vers commencent leur première mue, ÉDUCATION INDUSTRIELLE, 245 Nous en profiterons pour opérer les premiers dédou- blements. Je ne décrirai pas de nouveau cette opération dont j'ai parlé avec détail, page 182. Elle donnera quatre séries : Par un dédoublement avant la mue : 4° celle des vers qui se seront endormis les premiers ; 2 celle des vers qui se seront endormis les derniers ; Par deux dédoublements après la mue, 3° et 4° les premiers réveillés dans chacune des deux séries pré- cédentes. Par ces trois dédoublements les vers seront éclaircis et parfaitement classés. $ 6. Deuxième âge. Le 20 mai, ou le sixième jour, nos vers sont réveil- lés. Ils ont déjà 5 à 6 millimètres de long et paraissent assez blancs. Le deuxième âge sera de quatre jours. Les vers occupent près de 2 mètres carrés ou environ huit feuilles de papier. On leur distribue dans les vingt-quatre heures douze repas de feuille coupée un peu moins menu que pour l’âge précédent. La quantité consommée sera ide 45 kilogrammes environ. On évitera encore autant que possible les ap- provisionnements. Les repas seront distribués comme au premier âge, en descendant les tablettes. On fera un délitement le troisième jour. Le 25 mai, les vers entrent dans Ja seconde mue. 244 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. Il sera bien important d'en profiter pour opérer un dédoublement tout pareil à celui du premier âge. S'il est fait avec soin et intelligence, les vers seront tellement bien classés, qu'on pourra se dispenser de dédoubler aux autres mues plusieurs séries ; le som- meil et le réveil des vers se présenteront avec une grande uniformité. On pourra se contenter d'enlever les retardataires au sommeil, c’est-à-dire le petit nombre de ceux qui chercheront encore à manger lorsque l'im- mense majorité sera déjà endormie. Quant au réveil, il sera assez régulier pour qu'on puisse se dispenser le plus souvent d'enlever les pre- miers réveillés. Ils pourront attendre sans inconvénient l'achèvement de la mue de leurs voisins. $ 7. Troisième âge. Le 24 mai, nous entrons dans le troisième âge, et nous commençons le dixième jour de l'éducation. Les vers ont maintenant 42 à 45 millimètres de long. Is sont tout à fait blancs si telle doit être leur couleur. Dans le cas contraire, on aperçoit les taches qui doivent les distinguer. Le troisième âge dure six jours. Les vers occupent une surface de 4 à 5 mètres, ou quinze à vingt feuilles de papier. Ils consomment dans cet âge, à raison de douze repas par jour, environ 50 kilogrammes de feuille. Il faut encore la choisir jeune ettendre; les vers pro- fiteront mieux qu'avec de la feuille récoltée sans choix. On la coupe proportionnellement au volume des vers; ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 245 de petits approvisionnements commencent à devenir nécessaires. Nous ferons un délitement le quatrième jour ; deux peut-être si la saison n’est pas favorable. La plupart des séries devront encore être classées par des dédoublements. S'il en résulte la séparation de quelques retardataires peu nombreux, ils seront sacrifiés ; on aura opéré ce que nous avons appelé des séquestrations (page 188). Mais ce qui caractérise surtout le troisième âge des vers, c’est leur transport dans le grand atelier. En effet, ils ont tellement grossi, les séries se sont multipliées à tel point, que la chambre d'incubation ne suffit plus à les contenir. La première chose à faire, quand on veut transporter les vers dans la magnanerie, est d’échauffer celle-ci jusqu’à 25 degrés, non pas que les vers puissent souf- Îrir d’un changement même très brusque de tempéra- ture, mais ils seraient retardés, et ce serait là un incon- vénient réel. | Quel que soit le nombre des séries et des feuilles de papier qu’elles occupent, il sera toujours facile de cal- culer le nombre de ces feuilles qui représentent les vers de 50 grammes d'œufs. On formera alors avec les vers les plus égaux des séries d’une once. Chacune de ces séries occupant une travée cemposée de six tables, offrira une superficie de 54 mètres ; seulement les vers ne seront pas distribués à l’instant sur toutes les tables; ils n’en occuperont que trois, de deux en deux, en réservant toujours la plus haute. 246 ÉDUCATION: INDUSTRIELLE. Quand ces dispositions seront prises, on commen- cera à transporter les vers. On aura, je suppose, quinze feuilles de papier couvertes de vers. Cinq seront portées sur la table la plus basse, cinq sur la troisième, et le reste sur la cinquième. Le transport est facile, puisque chaque feuille occupe une tablette. Arrivéesur la table, la tablette est posée à côté de la place que doit:oceuper la feuille de papier ; puis celle-ci est tirée sur la toile, par le côté où la tablette n’a pas de rebord. Quandles cinq feuilles de vers sont en place (fig. 42:), a D HT Figure 42. on Îles divise de manière à former au centre de la table une bande qui en occupe toute la longueur. Pour cela, on écarte un peu les vers sur la litière, et on divise celle-ei avec la main en deux morceaux, qui sont ensuite ajustés à la suite les uns des autres (fig, 45). A Figure 43. ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 247 A partir de ce moment on pourra employer les grands filets pour les délitements, et les vers s’éten- dront à volonté sur la toile, à mesure qu'ils devien- dront plus volumineux. Si les vers étaient peu avancés au moment où l’on est furcé de les transporter dans l'atelier, on pourrait se dispenser de diviser les feuilles de litière. Dans ce cas, on les rapprocherait les unes des autres (fig. 44), de Figure 4%. manière à réduire presque de moitié l’étendue des bords libres, Comme il faut toujours bien garnir ceux-ci de feuille de mürier, afin que les vers qui les occupent ne pâtissent pas, il en résulte une perte qu'on évitera en grande partie en supprimant, pour ainsi dire, la moi- tié des bords par leur rapprochement. C'est à la fin du troisième âge qu’on occupera succes- sivement les tables restées vides au moment du trans- port des vers. Cette occupation des tables aura lieu par les dédoublements qu’on opérera à la troisième mue, et même au besoin par les délitements. | Dans le premier cas, les vers en retard se trouveront toujours portés sur la table immédiatement supérieure à celle sur laquelle on les enlève. Ils y trouveront un peu 248 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. plus de chaleur, et en seront hâtés d'autant. On les dé- placera facilement au moyen d’un cadre mobile, tendu avec de Ja toile, et de la grandeur des filets dont on se sert. Le filet placé sur ce cadre sera porté avec luisur une autre table. Si le transport des vers d’une table sur l’autre doit se faire par des délitements, on y procédera, soit au moyen de filets ou de papiers percés, soit tout simplement en donnant un repas un peu abondant. Quand les vers sont montés sur la nouvelle feuille, on les enlève à la main ; on les réunit dans une corbeille qu’on vide ensuite sur: une autre table, et on étale les vers. Cette opération n’a aucun inconvénient quand on a soin de la faire au mo- ment où le repas de feuille est encore entier, parce qu’alors on saisit facilement à la fois vers et feuilles. Il en serait tout autrement si l’on voulait enlever des vers placés sur une litière nue ; dans ce cas il faudrait que les mains saisissent les vers eux-m êmes. 6 8. Quatrième âge. Nous entrerons dans le quatrième âge vers le 30 mai, qui sera le seizième jour de l'éducation. Les vers ont déjà de 25 à 30 millimètres de longueur. Is occupent environ 48 mètres carrés de table. Le quatrième âge durera six jours comme Île précé- dent. Les vers recevront huit repas au moins dans les vingt-quatre heures. Ïls consommeront environ 450 kilogrammes de feuille. On pourra se dispenser ordinairement ‘de Ja couper. ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 249 Deux délitements seront nécessaires : un le troisième jour, un autre le cinquième jour. Les dédoublements ont été assez bien faits aux mues précédentes pour qu'il ne soit plus nécessaire d’y re- courir ; mais si l’on s'aperçoit cependant qu'il reste au sommeil et au réveil un certain nombre de vers retar- dataires, il faut les enlever et les rejeter. Pendant le quatrième âge les vers grossissent beau- coup. Si quelques tables sont trop épaisses, on les éclair- eit par le procédé indiqué ci-dessus. Cependant on n’exa- gérera rien. Si les vers s’écartaient par trop les uns des autres, il en résulterait une grande perte de feuille, On l’évitera en les rapprochant. Les vers doivent occuper dans le quatrième âge la moitié de la surface des tables. La quatrième mue arrivera vers le 4 juin, c’est-à-dire le vingt et unième jour de l'éducation. $ 9. Cinquième âge. Les vers sortiront de la quatrième mue le 5 juin, qui sera le vingt-deuxième jour de l'éducation, et commen- ceront leur cinquième âge. Il sera de huit à neuf jours. Les vers auront d’abord de 40 à 50 millimètres de longueur, mais croitront avec une étonnante ra- pidité. Ils couvriront bientôt les 54 mètres carrés qui ont été réservés pour 50 grammes d'œufs. Les repas seront au nombre de huit dans les vingt- quatre heures, etemploieront plus de 750 kilogrammes de feuille. D’importants approvisionnements seront 1i. 250 ÉDUCATION INDUSTRIELLE: donc devenus nécessaires; c’est maintenant surtout qu'il faudra veiller à la bonne conservation de la feuille, et la mouiller toutes les fois que les circonstances l’exi- seront. J'ai expliqué, page 65, dans quels cas exceptionnels il convient de la couper. C'est au cinquième âge qu'on observera ce qu'on a appelé la grande frèze. Elle se présentera les sixième et septième jours ; alors la consommation de la feuille sera énorme. Elle diminuera sensiblement le huitième jour, et sera réduite presque à rien le neuvième, qui sera le trentième jour de l'éducation. On sera alors au 45 juin. On pourra faire trois délitements dans le cinquième âge: le troisième, le sixième et le huitième jours, soit les 7, A0 et 42 juin. Cependant si la saison l’exigeait, on déliterait tous les deux jours et même tous les jours. Les vers ont plus que jamais besoin d’espace, d'air et de chaleur. On aura donc soin de les répartir bien également sur les six tables qui leur sont destinées, en les éclaircissant dans les parties trop chargées par le moyen qui a été dé- crit plus haut. Le renouvellement de l'air sera opéré sans interrup- ‘ion par l’un des moyens indiqués au chapitre VII, page 69. On ouvrira les croisées toutes les fois que le temps le permettra ; au besoin on fera marcher le tarare. S'il fait trop sec, on donnera des repas de feuille mouillée. Si l'humidité domine au contraire, on élèvera la tempéra- ture de manière à hâter la transpiration des vers. ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 254 La température de 25 degrés centigrades adoptée pour toute la durée de l'éducation sera entretenue avec soin, à moins de circonstances exceptionnelles qui obligeraient à l’abaisser ou à l’élever. À la fin du cinquième âge les vers ont acquis leur plus grand développement. Ils peuvent avoir jusqu'à 40 centimètres de long quand ils sont d’une forte race. Le poids varie de 5 à 5 grammes, quelquefois il dépasse 6et7 grammes. L'uniformité des vers en volume et en poids est en ce moment un témoignage certain de la bonne direction qu'a reçue l'éducation. Les vers doivent être d’une couleur franche, soit en blanc, soit en gris. Ils doivent manifester leur état de bonne santé par une certaine vivacité, par leur ardeur à monter sur la feuille, par la nature de leurs crottes, qui doivent être fermes et noires. Quand on touche avec la main des vers bien portants, ils se roidissent et deviennent durs. Des vers qui restent mous et flasques sont dans un état de souffrance et me- nacés de quelque affection grave. Pendant le cinquième âge surtout on sera très attentif au moindre signe de maladie qui pourrait se manifester. En pareil cas, la première chose à faire est un délite- ment général dans lequel on rejette impitoyablement tous les vers paresseux qui sont restés sous le filet chargé de feuille fraiche. Suivant les circonstances on élève ou on abaisse la température. On trouvera quelques détails à ce sujet au chapitre des maladies. 252 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. $ 10. Maturité des vers. Si toutes les conditions prescrites ont été accomplies régulièrement, plusieurs phases de la vie des vers auront été abrégées ; d’ailleurs, malgré la construction la mieux entendue, certaines parties de l'atelier seront plus chaudes que les autres. Il est donc probable que plusieurs séries de vers pré- senteront dès le vingt-huitième jour les signes de la ma- turité, ou du moins un certain nombre de vers. On les verra abandonner la feuille et courir sur les bordures, grimper aux poteaux, en un mot chercher à monter. Les vers auront pris les caractères propres à ce nou- vel état. Ils seront jaunes, transparents, mous. Leur volume et leur poids diminuent rapidement; leur peau se flétrit, surtout vers la tête. Il ne faudrait pas trop se hâter de ramer des tables entières, parce qu’il se montrerait ainsi un certain nom- bre d’avant-coureurs. On arrangera quelques balais dans le bout d’une table disponible, et l’on y portera tous ces vers précoces. Mais bientôt la maturité deviendra générale dans la première série, c’est-à-dire celle qui est née le premier jour de l’éclosion. La feuille la plus fraiche sera dédai- onée par les vers qui la fouleront sous leurs pattes. Ils la fuiront pour ainsi dire, ou du moins resteront im- mobiles sur elle, dans une position analogue à celle qu’ils prennent pendant la mue. Alors il n’y aura pas un instant à perdre, il faudra ramer. ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 2 $ 11. Ramage. On se rappelle que l’éclosion des vers a eu lieu en trois jours. ]l y a done dans l'atelier trois grandes séries qui devront être encabanées successivement à un jour d'intervalle environ. Cette division du travail le rendra facile. Prévenu par la connaissance que nous avons des termes de chaque âge et de la fin de l'éducation, nous avons préparé à l'avance ce qui est nécessaire pour le boisement. Je suppose que sur les 72 tables que contient l’ate- lier, 60 seulement sont garnies de vers. Il faudra de 50 à 40 balais pour chacune d'elles ; en tout 2,000 à 2,400. Un homme fera aisément 500 balais par Jour. 1] conviendra donc de commencer cette besogne envi- ron quatre jours avant la montée. On y emploiera un ouvrier intelligent. Il est bien entendu qu’on s'est procuré au moment le plus opportun les matériaux nécessaires, tels que colza, bruyère, bouleau, vélar, chicorée, herbe à balais, as- ters, armoise ou toute autre plante rameuse. Si les matériaux manquent pour compléter le ra- mage, on y supplée par des rameaux cueillis dans les haies, les broussailles et sur les ormes, chênes, aunes et autres arbres. On emploie ces rameaux avec leurs feuilles ; elles ne nuisent en rien. Les fagots de mürier, provenant de la taille précé- dente, peuvent offrir aussi d’utiles ressources. Je ne décrirai pas de nouveau ici l'opération du 2754 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. ramage ou boisement, parce que je suis entré à ce sujet dans tous les détails nécessaires au chapitre XII, page 207. K 12. Montée. Tout est disposé : la montée a lieu. Les vers se por- tent en foule sur les rameaux, grimpent dans le som- met des balais et s’y établissent. Une grande et active surveillance devient indispensa- ble pendant le jour et la nuit. Les vers courent sur les bordures des tables et sur les poteaux. Il faut les diri- ger vers le pied des balais. Quelques-uns se laissent tomber; on les ramasse et on les met à part au pied de quelques rameaux dis- posés exprès. Si on mélait ces vers avec les autres, ils pourraient, en mourant eten pourrissant dans les balais, gäter plusieurs cocons. Enfin, sur les tables mêmes on voit des vers malheu- reux qui cherchent vainement les rameaux; il faut les y placer. Si l’on négligeait ces précautions, on aurait un certain nombre de vers courts qu'on peut éviter. J'ai recommandé de supprimer toutes les brindilles qui dépassent les tables. Il faut y veiller avec soin. La moindre négligence pourrait occasionner un incen- die dont il serait à peu près impossible d’arrèter les ravages. Cependant on placera sur les planchers, à la portée des travailleurs, tous les arrosoirs pleins d’eau dont on pourra disposer. Des seaux d’eau avec un drap ou une vieille nappe sont aussi des ressources qui peu- vent étouffer à l’instant un commencement d'incendie. La montée durera de douze à vingt-quatre heures au ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 255 plus dans des séries de vers qui auront été bien classées par les dédoublements. Elle sera donc achevée le trente- deuxième jour de l'éducation au plus tard pour chaque série, soit du 44 au 45 juin pour les vers nés le 45 mai. 6 13. Nettoiement et retardataires. J'ai décrit page 216 le dernier nettoiement des tables. On y procède aussitôt que le nombre des vers qui res- tent sur la litière permet de les enlever à la main sans un travail trop considérable. C’est de dix-huit à vingt- quatre heures après le ramage qu’on peut s’en occuper. On place quelques feuilles fraiches au fond d’une corbeille pour recevoir les vers qu'on enlève à la main. Quand ils sont réunis, on les plonge avec la corbeille trois ou quatre fois dans un baquet plein d'eau de ri- vière ou d’eau de puits qu'on a exposée au soleil. Puis, après les avoir un peu égouttés, on les dépose sur une table propre garnie de balais. On leur donne de la feuille fraiche toutes les heures. Bientôt ils montent à leur tour. Aussitôt après l'enlèvement des retardataires, on nettoie les tables en s’y prenant comme il a été dit page 216. Le nettoiement répand toujours dans l’atelier une assez mauvaise odeur. On aura donc soin d’activer - laération dans ce moment, soit en ouvrant les fenêtres, soit en faisant marcher le tarare soufflant. Dans aucun cas on ne cherchera à masquer cette odeur désagréable par des fumigations quelconques. Pendant la montée et le nettoyage, et les jours sui- 256 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. vants, on entreliendra avec soin, jour et nuit, environ 25 degrés de chaleur; ce serait une grande faute que de laisser tomber la température. On ne cessera le feu que si la chaleur de l'atmosphère est suffisante pour entretenir environ 25° dans l'atelier. La nuit, il fau- dra probablement le rallumer. Cependant, comme il n'existe plus de cause d'infection dans l'atelier depuis que les litières sont enlevées, on pourra quelquefois se contenter de tenir tout bien clos, pour conserver jus- qu'au lendemain matin une température suffisante. L’aération, qu'il ne faudrait pas supprimer compléte- ment, est devenue moins exigeante. Quant aux degrés d'humidité, à partir du boisement il faut faire tous ses efforts pour les diminuer et ra- mener l’hygromètre à 60° s'il est possible. L'urine des vers et leur énorme transpiration sont des causes d'humidité incessantes et dangereuses desquelles on ne saurait trop se défier. Les choses resteront dans cet état pendant sept jours au moins. En effet, il faut trois jours environ au ver à soie pour déposer sa soie et confectionner son cocon. Après ce travail il se convertit en chrysalide. Celle-ci doit être affermie avant qu’on touche les cocons. Enfin tous les vers ne finissent pas en même temps et leur travail et leur métamorphose. L'expérience a fait voir que sept jours d'attente étaient nécessaires à partir de la montée, et qu'il n’était pas prudent de s'occuper plus tôt de la récolte. On s’exposerait à enlever des eo- cons dans lesquels il y aurait encore des vers. Dans le midi, cette attente de sept jours au moins est ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 257 devenue même une condition de la vente, et son in- observation serait une cause suffisante pour la rupture d’un marché. CHAPITRE I. Récolte. $ 1. Époque de la récolte. Ce n’est donc que sept jours au moins après la mon- tée qu’on devra s’occuper de la récolte des cocons ou du déramage. _ Au surplus, avant d'y procéder, on pourra s'assurer facilement si l'opération peut avoir lieu sans incon- vénients. On détachera quelques cocons des parties de balais qui auront été garnies les dernières, et on les ouvrira avec un canif. Si tous ces cocons renferment des chrysalides, on pourra procéder au déramage. Si l’on trouvait au contraire dans quelques-uns des vers qui n'auraient pas encore accompli leur méta- morphose, il faudrait attendre un jour ou deux de plus avant de toucher aux cocons. $ 2. Manière d’opérer la récolte. Lorsqu'on juge que le moment opportun est arrivé, les ouvriers enlèvent les balais sur les tables, en ayant soin de ne pas trop les secouer. Ils les portent dans le grand passage de l'atelier, ou dans une pièce quelconque, où plusieurs ouvrières pourront s’éta- blir. Celles-ci s’asseoient autour du tas de balais; elles ont à leur portée des corbeilles pesées à l'avance, afin de pouvoir déduire leur poids du poids total, quand 258 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. on pèsera les corbeilles remplies de cocons. Les ou- vrières prennent alors les balais l’un après l’autre et en détachent les cocons. Avant de dépouiller un balai, elles doivent s’assurer sil ne contient pas ce qu'on appelle des capellans. Ce sont des vers qui ont été blessés d’une façon quel- conque, sont morts dans le balai sans faire leur cocon, se sont pourris et convertis en un liquide noir et infect que contient à peine leur peau désormais très facile à déchirer. Les capellans crevés sans précaution peuvent salir et changer en chiques plusieurs bons eo- cons. On doit donc les enlever avec soin quand il s’en trouve dans les balais. Quand la récolte de cocons doit être vendue immié- diatement, on ne fait aucun triage. Tous les cocons sans distinction sont réunis dans les corbeilles et pesés. Si, au contraire, l’éducateur se propose de faire filer, il convient de faire immédiatement un triage. Les ou- vrières ont alors à leur disposition trois corbeilles : une grande corbeille pour recevoir les bons cocons, et deux petites; l’une pour les cocons doubles, l'autre pour les chiques. Les doubles sont faciles à reconnaître. Ce sont des cocons dans lesquels deux et quelquefois même trois vers se sont réunis. Les doubles sont gros, ronds, très durs. Leur aspect diffère essentiellement de celui des cocons simples. Ils sont formés d’un tissu cotonneux et mat très facile à distinguer. On donne le nom de chiques aux cocons défectueux, mais surtout à ceux qui sont tachés. ÉDUCATION INDUSTRIELLE, 259 $ 3. Appréciation de la récolte. La récolte devra être appréciée sous deux rapports : 4° Sous le rapport de la quantité ; 2 Sous le rapport de la qualité. À. Quantité de la récolte. Nous avons pesé les cocons. L'expérience a démon- tré qu’on n'obtenait que rarement plus de 60 kil. de cocons, avee une race ordinaire, par 54 grammes 25 centigrammes d'œufs de vers à soie. En conséquence, si l’éducateur trouve au déramage 600 kil. de cocons pour 550 grammes d'œufs qu'il a mis à l’incubation, il peut considérer ce résultat comme un succès. Et cependant il a fait de grandes pertes, ainsi qu'il est facile de le démontrer. Pour établir nos calculs, nous avons supposé une édu- cation de 54 grammes 25 d'œufs (ou 50 gram. en nom- bre rond), et nous avons eu soin de nous assurer du nombre de ces œufs. 11 y en avait 40,000 environ. A la rigueur on devrait avoir 40,000 cocons. Pour s'en assurer, on prend dans les corbeilles un kilo- sramme de cocons et on les compte. Il s’en trouve, par exemple, 500. On recommence quatre ou cinq fois là nième opération, en puisant des cocons dans diverses corbeilles. Le kilogramme donne les nombres 500, 505, 495, 502, 498, dont la moyenne est 500. Il y a 50 kil. de cocons en tout, ou en nombre 30,000. C'est donc 40,000 cocons qui manquent, ou environ un quart. Cette perte peut paraître considéra- ble et cependant elle est ordinaire; car l'expérience 260 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. apprend, ainsi que. je l'ai dit ci-dessus, qu'on n'ob- tient que rarement plus de 60 kil. de cocons avec 51 orammes 25 d'œufs d’une race ordinaire. Après avoir comparé le poids des cocons au poids des œufs, on en fait autant relativement à la feuille. L'expérience nous servira encore de guide en cette occasion. Elle apprend qu’il ne faut pas moins de 45 à 20 kilogrammes de feuille pour obtenir 4 kilogramme de cocons. Si donc nous avons employé 1,000 kil. de feuille et obtenu 60 kil. de cocons, ce sera, comme on voit, 16 kil. 500 de feuille cueillie pour 4 kilogramme de co- cons. Le résultat sera des plus satisfaisants. Mais il arrivera très souvent qu'il sera de beaucoup inférieur à ce que nous ‘venons de dire. Par exemple, on aura employé 20, 22 et même 25 kilogrammes de feuille pour 4 de cocons. Ce résultat fâcheux, au moins en apparence, pourra tenir à diverses causes : 4° Si la feuille récoltée et pesée contenait une grande quantité de brindilles, de rameaux et mème de bran- ches, il n’est pas étonnant que les vers en aient con- sommé un poids aussi considérable ; mais cette con- sommation n’est énorme qu’en apparence, parce qu’en définitive on n’aura récolté sur les arbres que la quan- tité de feuille réellement nécessaire à l'alimentation des vers. 2° Il peut être resté beaucoup de feuille dans les litières. Ce résultat sera dù à l'emploi de feuilles trop dures, ou fanées, ou distribuées sans discerne- ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 264 ment. Je renvoie à ce sujet au chapitre Alimentation. 5° Enfin une consommation exagérée de feuille peut être due à la perte d'un grand nombre de vers au cin- quième âge. Il est évident que s’il en meurt en foule dans les derniers jours de l'éducation, c’est autant de moins pour le produit en cocons, et la consommation de la feuille n’en est guère réduite, puisque les vers sont arrivés presque au terme de leur existence. C'est là ce qui peut arriver de plus fâcheux à un édu- cateur. Ainsi donc, en ce qui concerne la quantité du produit, nous aurons d'une part 60 kilogrammes de cocons par 91 gr. 25 d'œufs, et À kilogrammes de cocons par 46 kilogrammes 500 de feuille. B. Qualité de la récolte. Il n’est pas moins nécessaire de nous édifier sur la qualité de la récolte, non-seulement pour notre propre satisfaction, mais encore pour justifier nos prétentions au prix de vente que nous allons demander. L'appréciation de la récolte portera sur plusieurs points : 4° La proportion des chiques et des doubles ; 2° La grosseur, le poids, la bonne conformation des COCONS ; 9° Leur richesse en matière soyeuse. $ 6. Chiques et doubles. Dans une bonne récolte, il ne doit pas se trouver plus de 5 à 5 pour 400 de cocons doubles. La proportion dans les éducations défectueuses du midi est de 10 à 42 pour 400. 262 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. Pour vérifier celle que présente notre provision, nous prendrons, en puisant un peu dans toutes les corbeilles, 40 kil. de cocons. Nous en extrairons les doubles et les chiques. Il suffira de les peser pour connaître la pro- portion qui se trouve dans la masse, et nous ne manque- rons pas de faire valoir cette faible proportion que nous devons à nos soins assidus et à notre excellent ramage. $ 5. Grosseur des cocons. \ Si nous élevons tous les ans la même race, il nous sera extrémement facile de comparer la récolte d’une année à celle d’une autre année. Il suffira pour cela de conserver un échantillon de cocons dans un bocal couvert de papier. A la vue, on pourra juger à peu près si les cocons d’une récolte sont plus volumineux que ceux d’une autre. Mais si l’on désire se rendre un compte plusexact, on s'y prendra de la manière suivante. Sur une table on posera une règle d’un mètre et on limitera les deux extrémités avec deux livres, deux bri- ques ou deux morceaux de bois (/ig. 45). Figure 45. D'un côté de la règle on rangera des cocons, pris au hasard, bout à bout. 11 y en aura 50. De l’autre côté, on les disposera côte à côte. 1| s'en irouvera 50. Les deux nombres additionnés donnent un total de 80. ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 263 L'année suivante, on aura les chiffres 55 et 55, total 90, Il est clair que ces derniers cocons sont sen- siblement plus petits que les premiers, puisqu'il en tient un plus grand nombre dans le même espace. C’est un avertissement qu'il ne faut pas négliger. Cependant il pourrait arriver que les cocons fussent plus petits et meilleurs; ce sérait dans le cas où, ayant moins de volume, ils auraient un poids égal ou supérieur. $ 6. Poids des cocons. Rien de plus facile que de prendre le poids de nos eocons. Nous avons vu plus haut qu'il en entrait 500 en moyenne dans un kilogramme; chaque .cocon pèse donc 2 grammes. Mais il s’est établi un autre usage, qui revient au même, en définitive. On tient compte du nombre de cocons qui entrent dans un kilogramme. Il est clair que des cocons dont il faut 600 pour un kil. pèsent un cinquième de moins que d’autres cocons dont il n'entre que 500 dans le même poids. Pour mon compte je préfère l’autre sys- tème, parce qu'il y a une sorte de contradiction à pren- dre le nombre le plus fort comme l'expression de la moindre qualité, et à établir un rapport inverse. Il vaut mieux comparer des chiffres en rapport direct. Dans le premier cas, on a des cocons dont le poids moyen est de 2 grammes. Dans le second, le poids moyen est À gram. 66. On verra, au chapitre Races, quel est le poids moyen de celles qu'on élève le plus ordinairement. Ces essais devront être faits le jour même du déramage et avec des cocons non débourrés. 264 LDUCATION INDUSTRIELLE. $ 7. Conformation des cocons. Il ne suffit pas que des cocons soient gros et lourds; il faut encore qu'ils aient une bonne conformation. Les bons cocons sont réguliers; on n'en voit pas de petits mélangés avec des gros. Leurs bouts sont arrondis; ils ne sont pas pointus, surtout pas percés. Ils sont durs, surtout aux extrémités. Ils ont un grain fin, c'est-à-dire que l’étofie dont ils sont formés est serrée et non lâche, molle, cotonneuse. Entre de bons et de mauvais cocons il y a presque la même dif- férence qu'entre du calicot et du molleton. Les cocons ne doivent pas être satinés. On donne ce nom à des cocons dont l’étoffe est épaisse, et par consé- quent lâche; ils sont très brillants. En général les bons cocons-sont plutôt cylindriques (/ig- 46) que sphériq''es (fig. 47); is sontctranglés dansle centre (fig. 48). Cette dernière forme est la plus estimée. Figure 47. Figure 48. ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 265 $ 8. Richesse des cocons. Il est de la plus‘haute importance pour l'éducateur de s'assurer si les cocons qu'il a obtenus contiennent toujours la mème proportion de soie, c’est-à-dire s'ils n’ont rien perdu de la richesse propre à la race à la- quelle ils appartiennent. Prenons au hasard le nombre de cocons nécessaire pour faire exactement le poids de 100 grammes. Il en faudra, je suppose, cinquante. Les cocons sont débor- rés. On les ouvre avec un canif, et l’on place à mesure dans la balance les chrysalides qu’on en extrait. Les cin- quante chrysalides pèsent 88 grammes. Si l’on pèse, d'un autre côté, les coques soyeuses qu'on vient de briser, on trouve que leur poids est de 12 grammes ; total 400. Il est évident que les cocons renferment 12 pour 4C0 de soie et 88 pour 400 de chrysalide. Si l’année suivante on trouvait 45 pour 100 de soie, il est évident que les cocons auraient plus de qualité; s'ils n’en contenaient au contraire que 44 pour 400, ils auraient perdu. Ces essais doivent être faits le jour même du déra- mage. On comprend sans peine leur importance. Le filateur devra payer plus cher des cocons riches en soie que des cocons pauvres. L'éducateur trouvera de son côté dans cette expé- rience, ou un encouragement, où un avertissement salutaire. 12 266 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. CHAPITRE NH. Préparation des œufs. $ 1. Quantité des œufs à préparer. Aussitôt après la récolte des cocons, l’éducateur doit s'occuper de la préparation des œufs. Elle exige au plus haut degré ses soins, son atten- tion, sa coopération personnelle. En effet, de cette pré- paration bonne ou mauvaise dépend le succès de l'é- ducation prochaine et, de plus, la conservation ou la dégénérescence de la race des vers. La première chose à faire est de bien caleuler la quantité d'œufs dont on aura besoin l’année suivante, soit pour sa propre éducation, soit pour la vente. L'expérience a démontré qu’un kilogramme de eo- cons donnait de 50 à 60 grammes d'œufs. Avec cette donnée on aura bientôt calculé la quantité de cocons qu’on doit employer. $ 2. Choix des cocons. On ne saurait être trop sévère dans le choix des co- cons pour graine. En effet, il est impossible de ne pas admettre que leurs défauts tiennent à quelque vice, ou quelque maladie dont les vers ont été affectés. Ces vices ou ces maladies ne sont que trop sujets à se perpétuer. En conséquence, ce sont les plus beaux cocons, les co- cons les plus parfaits sous tous les rapports, qu on choi- sira pour faire les œufs. ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 267 On n'entendra pas par là les cocons les plus gros ; car il pourrait arriver qu'on ait, en procédant ainsi, un excès de femelles, ce qui serait un inconvénient. Pour choisir les cocons, on en prendra dans les cor- beilles une certaine quantité ; on leur enlèvera la bourre et on les étalera sur une table couverte d’un linge blanc. L’éducateur lui-même, ou une personne irès ex- perte, enlèvera alors et mettra de côté tous les cocons qui paraîitront avoir un défaut quelconque. Les très gros et les très petits seront également éliminés. Si la race est blanche, on tiendra aussi compte, dans le choix, de la nuance du blanc, et l’on enlèvera tout ce qui ne sera pas d’un blanc pur. Pour les jaunes, on supprimera ceux qui auront une teinte trop foncée; ils sont en général satinés. Les cocons irréprochables qui resteront après les dit- férentes éliminations serviront à la préparation des œufs. $ 3. Séparation des sexes. La séparation des sexes est nécessaire quand on veut donner à la graine toute la perfection possible. On y procède de la manière suivante. Les cocons femelles ont plus de poids que les cocons mâles. 11 ne s’agit donc que de les peser comparative ment. On prend cent cocons au hasard; on les met dans la balance; ils pèsent par exemple 200 grammes. Le poids moyen est done 2 grammes. Il est clair que tous les cocons qui pèseront plus de 2 grammes seront des femelles; ceux qui auront moins que ce poids serom des mâles. 268 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. Sur une table étroite on dispose une petite balance. Deux personnes se placent vis-à-vis l’une de l’autre. La première place les cocons un à un dans le plateau de la balance. L'autre lève la balance et, suivant que le cocon est lourd ou léger, le jette dans une corbeille à droite ou à gauche. Quand on a pesé et séparé ainsi une centaine de cocons, on les compte dans les deux cor- beilles. Il peut arriver alors que les cocons lourds soient plus nombreux que les cocons légers. On en con- clut que le poids moyen, 2 grammes, est trop faible pour opérer une séparation exacte. On ajoute dans la balance À ou 2 décigrammes, et on recommence sur les mêmes cocons. Si l'on arrive alors à une séparation par moitié, à quelques cocons près, par exemple qua- rante-cinq d'un côté et cinquante-cinq de l’autre, on continue l'opération sur le tout. Si ce sont les cocons légers qui se trouvent en trop grand nombre, on diminue un peu le poids moyen ; on ne met que À gram. 8 décigrammes dans la balance. Par ce moyen on séparera les sexes à un dixième près. Il serait difficile d'obtenir un meilleur résultat. C'est en vain qu’on prétendrait distinguer à la forme les cocons mâles et les cocons femelles. Les caractères pré- tendus qui les distinguent sont très vagues ; l'erreur por- terait sur un beaucoup plus grand nombre de cocons. $4. Fixation des cocons. Il est nécessaire maintenant de fixer les cocons. Les papillons pourraient éprouver de grandes difficultés à quitter les cocons qui ne seraient pas fixés. ÉDUCATION INDUSTRIELLE, 269 On peut à la rigueur se contenter de ranger les co- cons en couche simple sur une table couverte d’un linge grossier et usé. Le linge les retient assez bien. Mais il y a un autre procédé, beaucoup meilleur et si facile à pratiquer, qu’on ne serait pas excusable de le népliger. Sur des feuilles de papier gris collé, on étend avec un pinceau de la colle de farine, en couche de 2 muilli- mètres environ. On prend les cocons un à un et on les dépose en ran- gées, côte à côte, en les posant sur la colle. On a soin que les rangées soient séparées par un intervalle de 40 à 45 millimètres, afin que les papillons, d’une part, ne trouvent pas d’obstacle quand ils sortent la tête, et, de J'autre, puissent atteindre avec leurs pattes le cocon qui se trouve en face d’eux pour s’y accrocher et fa- ciliter ainsi leur sortie ({g. 49). Q0000000000000000000 00000000000000000000 900000000900000000 00000000000000000000 90000000000000000000 —— | Figure 49. Il'est bien entendu que les cocons mâles et les cocons femelles sont collés sur des feuilles séparées, Au bout 270 ÉDUCATION INDUSERIELLE. de quelques heures, la colle est sèche et les cocons adhèrent suffisamment au papier. $ 5. Incubation des papillons. Les papillons se montreront au bout d’un temps plus ou moins long, suivant que les cocons auront été con- servés dans un lieu plus ou moins chaud. Quand on ne fait pas de grandes provisions d'œufs, on porte les cocons pour graine dans la chambre d’in- cubation, et on y entretient la température à 20 à 25 degrés. Si la chambre d’incubation est insuffisante, on em- ploie la magnanerie elle-même; mais comme on se trouve alors dans la saison la plus chaude de l’année, il est rare qu'on soit obligé de faire du feu pour entre- tenir la température convenable. Cependant, si les nuits sont froides, on a soin de fermer le soir et de supprimer les courants d’air, afin de conserver, autant que possi- ble, la chaleur du jour. Il n'est pas nécessaire d'opérer dans l'obscurité. On évitera seulement que le soleil frappe directement les cocons, les papillons et surtout les œufs. Ordinairement les papillons commencent à se mon- trer quinze à vingt jours après la montée. Celle-ci a eu lieu du 45 au 44 juin, dans l'éducation que nous avons décrite; c’est done du 4° au 5 juillet que commencera la naissance des papillons. $ 6. Naissance des papillons. Elle aura lieu le matin, depui; le lever du soleil jus- qu'à la troisième ou quatrième heure après. ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 274 Le premier jour il naîtra près de la moitié des papil- lons ; le reste viendra dans les jours suivants. IL faut être présent à la naissance des papillons, ou du moins s'éloigner très peu. A mesure qu'ils paraissent, on les saisit par les ailes et on les pose sur des toiles tendues, soit sur la muraille, soit aux échelettes du petit ou du grand atelier. Les pa- pillons s’attachent sur-le-champ à la toile. Les sexes seront assez éloignés l’un de l’autre pour ne pouvoir pas se réunir. On laisse ainsi les papillons pendant une heure envi- ron, ou jusqu'à ce que leurs ailes soient retombées à plat sur leur corps. Ils se débarrassent pendant ce temps d'une liqueur rousse, épaisse, résidu du travail de la métamorphose. Ordinairement les mâles naissent avant les femelles. Quelquefois même le premier jour on a beaucoup plus des uns que des autres. On garde pour le lendemain ceux qui sont en excès. Il suffit de les poser sur un linge et de les éloigner. $7. Choix des papillons. Un éducateur soigneux devra passer en revue les pa- pillons qui naissent et supprimer tous ceux qui ne sont pas parfaits. Les mâles qui se trouvent mélés aux femelles sont nécessairement excellents, puisque c’est leur grand poids qui les a fait confondre avec ces dernières. On Les conserve. Au contraire, les femelles mêlées avec les mâles doi- 272 ÉDUCATION INDUSTRIBLLE. vent être généralement supprimées, parce que c’est leur faible constitution qui les a fait passer pour des mâles. $ 8. Accouplement. Aussitôt après l'évacuation de cette liqueur rousse dont je viens de parler, on peut rapprocher les papil- lons des deux sexes pour faciliter l’accouplement. On prend les papillons mâles par les ailes et on en place un à côté de chaque femelle. La réunion des sexes est immédiale, On peut laisser les couples sur la toile tendue per- pendieulairement. Il est mieux cependant de lui donner un peu d’inclinaison. On surveille assidüment pendant la journée les pa- pillons. Quelquefois les couples se séparent; on les rap- proche, et, au besoin, on amène un nouveau mâle, quand celui qui a quitté la femelle ne parait pas en état de la reprendre. L'usage est de laisser durer l'accouplement jusque vers quatre heures du soir : environ six heures. Alors on procède à la séparation des sexes. On saisit la femelle par le ventre, délicatement avec trois doigts, de la main gauche, et, sans la détacher du linge, on la maintient à la place qu'elle occupe. De la main droite on prend le mâle par les ailes et on l'enlève. Les mâles d’un jour sont réservés pour le lendemain, parce qu'il pourrait arriver qu'il n’en naquit pas un nombre suffisant. On peut se contenter de les placer sur un linge, dans un endroit éloigné des femelles. ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 275 $ 9. Ponte. La ponte commence souvent immédiatement après l'enlèvement des mâles, quelquefois une heure seule- ment après la séparation. Les œufs sont recueillis de la manière suivante : on choisit un papier commun, d’un grain un peu grossier et collé. On laisse les feuilles ployées en deux, comme elles le sont naturellement. C’est donc sur la moitié seulement de leur surface qu’on reçoit les œufs ; l’autre moitié reste entièrement libre. Ces feuilles sont attachées sur des claies, planches , cadres, toiles, ou de toute autre manière, avec une in- elinaison suffisante pour que les papillons puissent s’y tenir accrochés sans trop d'efforts (fig. 50). {LL | igure 50. Ces dispositions ont été prises d'avance. À mesure qu’on sépare les femelles, on les saisit délicatement par Jes ailes et on les pose sur le papier, à la distance de 5 à 6 centimètres dans lous les sens : il en tient vingt-cinq à trente sur une feuille de papier. Les femelles ne lar- 12 27 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. dent pas à pondre, et s'efforcent d'étaler leurs œufs; elles évitent autant qu’elles peuvent de les déposer par paquets. Quelquefois elles courent et vont pondre derrière la feuille de papier ou sur son support. On doit y veiller et rapporter les papillons sur une place vide. Quand une feuille de papier n’est pas assez garnie, on peut y placer de nouvelles femelles, ou les femelles du second jour recueillies sur d’autres papiers. Le lendemain on réunit les femelles sur une nouvelle léuille de papier, mais en les rapprochant davantage. Le troisième jour, on les rejette, la ponte ne vaut pas la peine d’être recueillie, On a recommandé de séparer la ponte du premier Jour de celle du second. Cette précaution est inutile. La couleur du papier n’est pas moins indifférente. Enfin il n’est nullement nécessaire d’obseurcir le lieu dans lequel on tient les femelles. Il suffit, comme je l'ai déjà dit, de les préserver, ainsi que les œufs, de l’ac- tion directe des rayons solaires. On doit écrire sur un des coins, ou derrière Ja feuille de papier, le nom de la race dont elle recoit les œufs. Après la ponte on attache une petite étiquette portant la mêuie désignation. Cependant tout cela est inutilequand on n'a qu'une seule espèce de vers dans l'établissement. $ 10. Conservation des œufs. Quand les feuilles de papier sont suffisamment gar- nes d'œufs, on les metde côté, ou du moins on cesse d’y poser des papillons. Bientôt les œufs changent de cou- leur ; ils deviennent eris. ÉDUCATION INDUSPRIELLE . 275 On pourrait les peser dès ce moment ; mais il faudrait recommencer l’opération plus tard, quand la dessicca- tion qui a lieu avant le travail d'organisation du prin- temps est complète. Ce n’est donc qu'en octobre à peu près qu’il convient de peser les œufs pour s’assurer de la quantité dont on dispose. Pour peser les œufs exactement on s'y prend de la manière suivante. Avec une brosse on enlève la poussière qui s’est attachée au papier et aux œufs. Si la brosse enlevait trop d'œufs, on recueillerait ceux-ci pour les conserver à part; mais si le papier à été bien choisi les œufs y adhéreront fortement. Si, malgré toutes les précautions qu'on a prises, il se trouvait sur les feuilles des parties d'œufs jaunes, c'est-à-dire inféconds, on les enlèverait en les grattant avec un couteau. Du reste, ces œufs sont très légers et ne causeraient qu’une faible erreur dans le poids. Quand les feuilles d'œufs sont bien propres, on les coupe en deux parties avec des ciseaux, de manière que la demi-feuille vide soit exactement pareille à la demi- feuille pleine. Si donc l’une d'elles présentait sur les bords des vides, ou des épaisseurs, on la taillerait ré- gulièrement sur l’autre. Il résulte de cette manière d'opérer, que la demi-feuille vide peut servir de tare pour la demi-feuille couverte d'œufs. On les met dans les deux plateaux d’une balance, et les 45 à 20 grammes qu'il faut ajouter du côté de la {euille vide, pour établir l'équilibre, représentent exacte- ment le poids des œufs que porte la demi feuille pleine. 276 ÉDUCATION INDUSFRIELLE. On inscrit ce poids sur la feuille ou sur l'étiquette, et on réunit les deux demi-feuilles avec une épingle. Plus tard on aura peut-être besoin de vérifier ce poids ou de diviser une feuille en plusieurs morceaux. On aura soin alors de couper ensemble les deux feuilles de papier pa- reilles; la portion vide servira detare pour la partie pleine. Après la pesée des œufs on dispose les feuilles dans le lieu où elles doivent passer l'hiver. Une cage d'escalier où le soleil ne pénètre pas, un vestibule , une pièce au nord, qu’on ne chauffe jamais, sont des locaux très con- venables. On tend des cordes ou des fils de fer à peu de distance du plafond, et on y suspend les feuilles de pa- pier en ayant soin de mettre les œufs en dedans, afin que la poussière ne s’y attache pas. On peut sans incon- vénient mettre plusieurs feuilles l’une sur l’autre. Les œufs restent ainsi exposés à toutes les variations de la température jusqu’au retour de la belle saison. Ce serait une grande faute que de vouloir les soustraire aux froids de l'hiver ; non-seulement ils n’en souffrent pas, mais encore il paraît démontré, par l'expérience, que l'action du froid est nécessaire pour empêcher un déve- loppement prématuré du vers qui languirait ensuite jus- qu'au moment de l’éclosion. Après l'hiver on doit être attentif au changement de Ja température. On a deux thermomètres. L'un est à côté des œufs, l’autre à la cave. Quand la température des deux places est arrivée au même degré, on doit des- cendre les œufs à la cave, parce que celle-ci conservera la fraicheur bien plus longtemps que l'autre local. 1 suffit alors de ranger les œufs dans une boîte pour les ÉDUCATION INDUSTRIELLE, TE descendre à la cave; il n’est même pas nécessaire de Ju- ter le couvercle avec du papier ou autrement. Ce n’est que dans le cas où l’on aurait appris par l'ex- périence que les œufs moisissent dans la cave pendant Je séjour de deux à trois mois qu'ils y font, qu on pren- drait d’autres précautions. Alors on aurait une boite en fer-blane, ou de grands pots de grès qu'on fermerait plus exactement qu’une simple boite de bois. Mais, dans ce cas, il faut ouvrir les pots de temps en temps pour s'assurer si les œufs ne s’humectent pas. En général, les caves sont assez sèches pour ne pas exiger ces précautions extraordinaires. Quand on veut conserver des œufs pour l’arrière-sai- son , la glacière devient indispensable. On y dépose les œufs enfermés dans des bocaux de verre ou des pots de grès soigneusement bouchés. Tous les mois on les visite. J suffit de placer les vases sur des planches attachées an mur de la glacière, non loin de son entrée. Telles sont les précautions qu’exigent les œufs pour leur conservation. CHAPITRE IV. Conservation de la récolte. $ 1. Étouffage. En général , les éducateurs vendent aux filateurs leur récolte de cocons; c’est le parti le plus sage qu’ils puis- sent prendre. La filature de la soie constitue un art dif- licile, compliqué, qui exige des connaissances spéciales, beaucoup d'expérience et une surveillance active. Quand un propriétaire peut réduire son rôle à celui d’éduea- 275 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. teur, il doit s’en contenter et laisser à d’autres le soin de filer ses cocons. Mais il n'existe pas encore dans toutes les parties de la France des filatures régulièrement organisées qui soient en mesure d’acheter les cocons des producteurs. Ceux-ci se trouvent quelquefois dans la nécessité de faire filer eux-mêmes ou du moins de mettre les cocons en état d’être conservés intacts pendant un voyage plus ou moins long. Il faut alors tuer les chrysalides, afin de prévenir le percement des cocons, et les faire sécher. Ce sont ces deux opérations que nous allons décrire. La première, qui a pour objet de tuer les chrysalides, pour prévenir le développement du papillon , porte le nom d'étouffage ou fournoiement. L'étouffage se pratique en exposant les cocons à une chaleur élevée qui cuit pour ainsi dire la chrysalide et détruit en elle tout principe de vie. Anciennement on se contentait de passer les cocons au four. La chaleur qu’il conserve après la cuisson du pain est suffisante. Les cocons, placés dans des cor- beilles et recouverts de papier, sont exposés dans le four pendant un quart d'heure ou une demi-heure. Pour s'assurer que le four n’est pas trop chaud, on y jette de petits morceaux de papier; ils ne doivent pas roussir. Il est également facile de se convaincre si les chrysa- lides sont mortes. On prend deux ou trois cocons dans la corbeille qui est placée dans la partie la moins chaude et on les ouvre avec un canif. Quand les chrysalides sont mortes, elles ne donnent plus aucun signe de vie, ÉDLPATION INDUSTRIELLE. 279 qu'’n les pique avec le canif. Du reste, au roment où*S Cocons ressentent l'impression de la cha- lur, ils sont entendre un bruit très sensible qui résulte des °uvements précipités des chrysalides. Quand il s’est ulé quelques minutes depuis que ce bruit a cessé, on ‘br: même peut être sûr que toutes les chrysalides sont mortes. Tel est le procédé de l’étouffage par le four. Il est facile de comprendre combien il est imparfait. On est toujours plus ou moins exposé, soit à brüler des cocons, soit à laisser au contraire la vie à un certain nombre de chrvy- salides dont les papillons percent plus tard les cocons. Aussi on a cherché à remplacer ce procédé incertain par un moyen plus sûr el sans dangers. On y est parvenu en employant la vapeur comme véhicule pour {porter la chaleur dans les cocons. Voici en quoi consiste le procédé qui conviendra à la plupart des éducateurs. : F LA 280 ÉDUCATION INDUSTRELLE, Dans toutes les propriétés rurales on une chaudiée à lessive; elle est ordinairement en ivre. Nog supposerons qu'elle a 60 centimètres de Vamètre et qu’elle est montée dans son fourneau. ©, $, + faire un cuvier en sapin, ou bois blanc, de 4 mètre, haut, sur un diamètre de 64 à 66 centimètres, de ma- mère qu'il couvre entièrement la chaudière en posant sur ses bords. Il est lévèrement conique, c’est-à-dire un peu plus large du haut que du bas. Le fond de ce euvier sera percé, avec une mèche an- slaise, d'un grand nombre de trous. Le couvercle sera aussi percé d’un certain nombre de trous. J faut, pour compléter l'appareil, huit corbeilles en osier blanc, de 40 à 12 centimètres de hauteur. Elles sont à claire voie; mais les brins d’osier sont cependant assez rapprochés pour que les cocons ne puissent pas passer entre eux. Le cuvier étant légèrement conique, on a soin de donner aux corbeilles des diamètres gradués, afin que la plus petite puisse aller jusqu’au fond du cuvier ; les autres se superposent successivement. Il est bon d’avoir une rechange de corbeilles, c’est-à- dire seize en tout, afin de pouvoir accélérer l'opération de l’étouffement. Quand on veut y procéder, on verse dans la chau- dière de l’eau aux deux tiers de la hauteur, et on Ja chauffe jusqu'à l’ébullition qu’on entretient avec soin. Les huit premières corbeilles ont été garnies de co- cons débourrés. Nous décrirons plus tard cette opéra- ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 281 tion. Les cocons ne remplissent pas entièrement les cor- beilles. Au centre on laisse un vide en forme d’enton- noir pour laisser passer librement la vapeur dans toutes les parties de l'appareil. On peut exposer le euvier à l’action de la vapeur pour l’échauffer avant d'y placer les cocons. On l’enlève de la chaudière et on y introduit les cor- beilles. On le replace promptement sur la chaudière, avec son couvercle. La vapeur pénètre promptement toutes les corbeilles et les cocons qu’elles contiennent. Les chrysalides sont bientôt étouffées, et, comme dans aucun cas la chaleur ne peut s'élever dans cet appareil au delà de 400° cent., Jes cocons ne peuvent jamais être brülés. D’unautre côté, la vapeur, pouvant s'échapper libre- ment par les trous dont le couvercle est percé, ne se condense pas dans la masse des cocons et ne les mouille point. On peut dès lors prolonger asser son action pour être bien sûr que toutes les chrysalides sont mortes. Du reste, quelques minutes suffisent. Un peu d'expé- rience a bientôt appris si c’est dix ou quinze minutes de séjour dans la vapeur qui sont nécessaires. Pendant que l’étouffage a lieu sur les huit premières corbeilles, on remplit de cocons les huit dernières, On enlève le ceuvier; on le pose à terre, incliné, afin que l'air puisse entrer par-dessous et chasser la vapeur ; le couvercle est enlevé. Bientôt on peut retirer les corbeilles chaudes ; on les remplace par celles dont les cocons n’ont pas été élouffés, et l'opération recommence. 822 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. Les cocons, tout chauds, sont immédiatement portés dans la magnanerie avec les corbeilles ; on les étale sur les canevas en évitant de les fouler. Au bout d’une heure, ils sont froids et aussi secs qu'avant, c’est-à-dire que la vapeur dont ils étaient imprégnés s’est échappée, et leur poids a plutôt diminué qu’augmenté. Ils ne sont donc pas mouillés. Il en serait tout autrement si l’on n'avait pas eu soin de donner une issue à la vapeur qui pénètre dans le cuvier. Retenue, elle se serait condensée et aurait mouillé les cocons. Elle doit seulement les traverser pour leur communiquer la chaleur qu’elle porte avec elle. Les cocons seraient aussi mouillés si on les laissait trop longtemps dans l’étouffoir. Un cuvier comme celui que je viens de décrire, bien cerclé en fer, vaut 28 francs. Les corbeilles coûtent À fr. 50 pièce, tout au plus. Dans un appareil de cette dimension on peut étouffer environ 20 kilogrammes de cocons à la fois. Chaque opération demande au plus trente minutes en tout. Dans une journée on pourrait donc étouffer plus de 500 kilogrammes de cocons, sans veiller. La dépense est très peu considérable. $ 2. Conservation des cocons. Les cocons, déposés sur les tables après l’étouffage, ne doivent pas être disposés en couches trop épaisses. Il convient aussi de les remuer de temps à autre pour faciliter la dessiccation uniforme. C’est maintenant qu'il ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 283 laut veiller aux rats et aux souris qui pourraient exercer sur les tas de cocons des ravages effroyables. Ces ani- maux sont très friands des chrysalides, et, pour les dé- vorer, percent adroitement les cocons. Quand les cocons sont bien secs, ce qui exige au moins un mois, on doit les couvrir avee des toiles pour éviter que la poussière les salisse. Cette précaution est surtout nécessaire pour les cocons blanes. $ 3. Diminution du poids des cocons. Si l'on a eu soin de peser les cocons avant l’étouf- fage, et qu’on répète cette opération quand ils sont par- faitement secs, on remarque qu'ils ont perdu de 60 à 70 pour 100 de leur poids. Cette perte est due entière- ment à la dessiceation de la chrysalide. En conséquence, si l'on avait l'intention de vendre des cocons ainsi des- séchés, il faudrait avoir soin, avant l’étouffage, d'en peser quatre ou cinq fois un décalitre ou un double décalitre pour savoir à quel poids de cocons frais ces mesures correspondent. Plus tard on pourrait alors vendre les cocons au décalitre en calculant son prix sur celui des cocons frais. CH APITRE V. Vente de la récolte. $ 1. Conditions de la vente. Dans le chapitre précédent nous avons vu ce que doit faire l'éducateur qui se trouve dans la nécessité de faire filer ses cocons. 284 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. Le producteur qui se trouvera établi dans un pays où l’industrie de la soie est complétement organisée n'aura pas tant de soucis. Les filateurs se disputeront sa récolte si elle est de bonne qualité, et si elle n’est que médiocre, elle se vendra encore en raison de sa qualité. D'ailleurs, au moment où les éducations finissent, il s'établit promptement un cours des cocons sur les mar- chés où l’on apporte de tous côtés des échantillons. Voici Ja nature des différents marchés qui se font à ce sujet : 4° Prix à déterminer suivant le cours ; 2° Prix à déterminer suivant le cours et à époque dé- terminée ; 5° Prix déterminé par le vendeur, avec l’augmentation, sil en survient une ; # Prix le plus élevé de toutes les ventes de la saison ; 5° Prix débattu et fixé sans augmentation. On conçoit sans peine que ces différentes conventions se coneluent en raison des probabilités qu'offre la ré- colte. Un éducateur renommé pour la qualité de ses cocons vend, par exemple, avant même la montée de ses vers, au prix le plus élevé de l’année. On en voit mème qui exigent 5, 10 et même 20 centimes par kilo- gramme en sus du prix le plus élevé. D'autres, moins habitués au succès, vendent au cours moyen. Ces marchés ont pour objet de faciliter la livraison immédiate des cocons au filateur, avant même l’établis- sement d’un cours quelconque. Producteur et filateur y trouvent également des avan- 29e lages. ÉDUCATION INDUSTRIELLE, 285 L'éducateur qui livre ses cocons à mesure qu'il les enlève des balais n’éprouve aucune perte sur leur poids. En effet, ce poids diminuerait chaque jour de À pour 400 environ si les cocons restaient étalés sur les tables en attendant un acheteur. Quant au filateur, il trouve dans des marchés de ce genre l’avantage de se faire livrer sur-le-champ le pro- duit des éducations précoces, d’échelonner les livraisons qui lui sont faites, d'éviter l'encombrement et enfin de pouvoir commencer plus tôt les opérations d’étouffage et de filature. Quelles que soient les conditions faites ou à interve- nir entre le filateur et l’éducateur, celui-ci doit livrer ses cocons débourrés. La première chose dont il doit s’oc- cuper, après le déramage, est donc le débourrage. $ 2. Débourrage. Le débourrage se fait à la main. On a bien cherché à construire des machines pour l’opérer, mais elles n’ont pas réussi. En examinant un cocon qu’on vient d'enlever des ba- lais, on remarque qu’il est enveloppé d’un réseau de soie très clair et volumineux; c’est la bourre. Si l’on voulait l'enlever, en la brisant par petites par- ties qu'on saisirait successivement tout autour du co- con, on emploieroit beaucoup de temps à cette opéra- tion. Dans ce cas, on plumerait pour ainsi dire le cocon. On doit au contraire le depouiller en lui enlevant la bourre comme on le ferait d'une peau facile à rompre. 286 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. On saisit le cocon de la main gauche et on le présente à la main droite, non par le bout, mais par le côté. Avec le pouce et l'index de la main droite on saisit la bourre dans toute la longueur du cocon et on la brise en faisant un mouvement analogue à celui qui a pour but l'ouverture d’une tabatière. ‘Le pouce continue son mouvement autour du cocon, que la main gauche fait tourner, et enlève toute la bourre en un seul morceau. En s'y prenant ainsi, le débourrage marche rapide- ment et coûte peu. On le fait exécuter par des femmes et de jeunes filles. Si les cocons doivent être conservés et filés dans la maison, on profite du débourrage pour les trier de nou- veau, c’est-à-dire mettre de côté les doubles, pointus, percés , satinés , tachés, etc., qui ont échappé au pre= mier triage qui a eu lieu au moment du déramage. Si les cocons sont destinés à la vente on les laisse tels qu'ils sont, à moins de convention contraire. Mais je pense qu’un bon éducateur aura de l'avantage à faire trier lui-même ses cocons pour prouver qu'il n’y en à qu’une faible proportion à mettre au rebut. $ 3. Vente. Aussitôt que les cocons sont débourrés on les livre au filateur. Il est bon de les peser soi-même ; parce que les filateurs sont quelquefois tellement pressés par les nom- breuses livraisons qui leur arrivent, qu'ils pourraient commettre quelque erreur dans la pesée. | J'ai déjà dit pourquoi l'éducateur doit se hâter de l1- ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 287 vrer sa récolte : les cocons perdent près de 4 pour 100 par jour après le déramage. Cette perte résulte de l’éva- poration qui a lieu dans la chrysalide à mesure que le papillon se développe. En général, les cocons se paient comptant. Aussi, au moment de la récolte, il y a dans les départements mé- ridionaux un immense mouvement de fonds. Lyon, surtout, envoie dans l'Ardèche, la Drôme, le Gard, Vau- eluse, l'Hérault, les Bouches-du-Rhône, le Var, l'I- sère, d'énormes sommes d'argent dont toutes les voi- tures publiques sont chargées au moment de la vente des cocons. Quelquefois aussi les filateurs ne paient qu'après la vente des soies ; mais dans ce cas ils tiennent compte de l'intérêt du prix convenu. Il n’est pas rare enfin que les acheteurs fassent des avances aux producteurs gênés. $ 4. Transport des cocons. L'établissement des chemins de fer sera un grand bienfait pour l’industrie de la soie. Il fournira les moyens de transporter les cocons frais à de grandes distances, à peu de frais, sans les endommager et dans un temps si court, qu'ils perdront très peu de leur poids. Aujourd'hui, ce transport des cocons frais ne peut avoir lieu que pour des distances très courtes. Le voyage par les messageries entraine une dépense qu’un échan- tillon seul peut supporter. Par le roulage, les cocons restent trop longtemps en 28S ÉDUCATION INDUSTRIELLE. route; ils perdent énormément de leur poids ; de plus, les secousses de la voiture écrasent les cocons, et avec eux les chrysalides. On est exposé à une perte presque totale. Si, par malheur, les papillons commencent à percer les cocons, le désastre est complet. Il en est de même si la masse s’échauffe, la pourriture s’en empare promptement et la marchandise perd les trois quarts de sa valeur. Je pourrais citer des exemples de ces di- verses natures d'accidents. Un producteur ne devra donc envoyer sa récolte en cocons frais à une filature qu’autant que le trans- port pourra avoir lieu en un seul jour, en un jour et une nuit tout au plus, sur une bonne route et par une voiture conduite au pas. Dans cette position favorable, les cocons, débourrés le plus promptement possible, seront placés dans des paniers ou corbeilles. Ceux-ci seront d'autant meilleurs qu'ils seront moins grands, afin de diviser les eocons le plus possible. On chargera une voiture et on la fera voyager la nuit autant que faire se pourra. Les cocons seront pesés à leur arrivée à la filature. Il me parait inutile d’insister sur l'importance de la rapidité avec laquelle il faut procéder dans tout ceci. Gn sait depuis bien longtemps que les eocons, à partir du moment où la chrysalide est formée, c’est-à-dire à partir du moment où ils sont vendables, perdent cha- que jour environ À pour 400 de leur poids, plus exac- tement trois quarts pour 400, chiffre de Dandolo, que nous avons vérilié encore en 1847 et qui s'est trouvé d'une exactitude rigoureuse. Chaque jour de retard ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 289 ferait done perdre environ 750 grammes sur 400 kilogr. de cocons, ou 5 fr. au moins. Mais il arrivera bien souvent que le transport des cocons ne pourra pas se faire en si peu de temps. Il faudra dès lors aviser à d’autres moyens. Il deviendra nécessaire d’étouffer les chrysalides, de sécher les co- cons et de les envoyer dans cet état. Diverses mesures deviennent alors nécessaires pour garantir les intérêts du vendeur et de l'acheteur. Je vais les décrire. La première chose à faire est de constater contradic- toirement la qualité de la marchandise et de fixer son prix. Pour y parvenir, l'éducateur fera un mélange aussi exact que possible de ses cocons, race par race, s’il en a élevé plusieurs. Les cocons sont débourrés, bien entendu. Ce mélange aura lieu le jour même où le dé- bourrage est achevé. Sur le tas de cocons, on en prendra successivement 40 décalitres. Les cocons seront placés dans la mesure, à la main ou avec une pelle de bois et tassés. La me- sure sera arasée, comme quand on livre du blé, e’est- à-dire qu'elle sera pleine, mais sans que la marehan- dise dépasse ses bords. Les 40 décalitres seront vidés successivement dans une corbeille tarée à l'avance. On prendra le poids total des cocons. Il sera par exemple de 45 kilogr. ou de 4,500 grammes pour chaque décalitre. Cette opération terminée, 4 ou 5 décalitres de ces mêmes cocons seront expédiés sur-le-champ par la di- ligence ou toute autre voie prompte, à titre d’échan- tillon, au filateur. Les cocons seront placés à cet effet 13 290 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. dans un ou deux paniers du genre de ceux dans les- quels on expédie le vin en bouteilles. Au moment même de la réception, le filateur véri- fiera la mesure et le poids de l'échantillon. 11 ne pourra se trouver que des différences très lépères sur lesquelles on transigera. Les choses étant arrivées à ce point. le filateur pourra offrir ou accepter un prix. Il sera, je suppose, de 4 fr. le kilogramme. Le poids du décalitre en cocons frais ayant été reconnu être de 4,500 grammes, chaque dé- calitre de cocons vaudra désormais 6 fr.; le degré de dessiecation des cocons deviendra indifférent pour les deux contractants, puisque c'est désormais à la me- sure et non au poids que la marchandise sera livrée. Pour que ce marché ne convint pas au vendeur, 1l faudrait admettre que les cocons pussent perdre de leur volume soit par l’étouffement, soit par le transport. Or, il a été constaté que les pertes qui ont lieu sont in- signifiantes, surtout quand l’emballage est fait de ma- nière à éviter que les cocons soient écrasés pendant le trajet. Maintenant le producteur doit procéder à l’étouffe- ment de ses cocons et les faire dessécher avec soin pour les tenir à la disposition du filateur qui les demande, soit dans un délai déterminé, soit à mesure des besoins de sa filature. L’éducateur expédie alors en mesurant au décalitre et le filateur vérifie l’envoi par le même moyen. On ne s'occupe plus du poids. L'emballage est à la charge de éducateur. On lui renvoie ses paniers par roulage ordinaire et à ses frais ; ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 291 mais le port des cocons est pour le compte du filateur. Il les demande, suivant ses besoins, par roulage ordi- naire ou accéléré. On convient à l'avance du mode de paiement; par exemple, moitié au moment du marché, moitié au mo- ment de la livraison. C'est pour l’éducateur une obligation d'honneur de procéder à l’étouffement avec le plus grand som et de veiller à la bonne conservation des cocons jusqu'au moment de l'expédition. On peut convenir à l'avance que les doubles seront séparés ou resteront dans la masse. S'ils sont séparés, les cocons valent 40 à 45 cent. de plus par kilogramme. Dans le midi, où les filatures sont nombreuses et par conséquent très rapprochées des éducateurs, ces der- niers apportent leurs cocons, mais n'étouffent pas. Dans nos contrées du centre et du nord, on fera l'in- verse: l’éducateur étouffera et le filateur aura le port à . sa charge. L'expérience a fait connaître que les cocons jaunes ordinaires pèsent de 1,500 à 4,600 grammes le déca- litre. Les cora pèsent de 4,800 jusqu'à 4,900 grammes ; les sina de 4,500 à 1,400 grammes; les cocons blanes moyens environ 4,400 grammes et les gros un peu plus. tabl Le décalitre de cocons frais pèse de 4,200 à 2,000 grammes suivant la qualité. Le décalitre de cocons secs ne pèse plus que de 500 à 700 grammes. 292 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. Le transport des cocons secs est extrèmement facile. Des sacs, des paniers, des caisses légères, ou des tonnes en bois blanc, dites à marchandise sèche, sont égale- ment bons. On peut fouler les cocons quand ils sont secs, sans cependant les écraser. $ 5. Prix des cocons. Le prix des cocons est assez variable. 4° Quand la récolte est abondante, les cours baissent. Ils augmentent au contraire quand la récolte est mau- vaise. 2° Quand les müriers ont souffert au printemps par des froids tardifs, la feuille est chère et le prix des cocons s'en ressent : il est plus élevé; cependant Les cocons sont généralement moins bons; mais c'est un des incon- vénients de cette marchandise; presque toujours elle est chère quand elle est mauvaise, parce qu'elle est en même temps peu abondante. 5° Quelle que soit l'abondance ou la pénurie de la récolte, le prix des cocons varie en raison de leur qua- lité; cependant il est certain qu’on ne tient pas assez compte de ces différences. Si les filateurs tenaient plus rigoureusement à des plus values de 40 à 20 centimes et même plus pour les cocons de qualité supérieure, ils exerceraient une influence salutaire sur les progrès de l'art. 4° Les races ont aussi de l'influence sur le prix des cocons. Ordinairement les cocons blancs se vendent quelques centimes de plus par kilogramme : 40, 20, 50 et même ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 295 50 centimes. On a vu dans certaines années le prix des cocons blanes s'élever jusqu’à 50, 40 et 50 pour 400 au-dessus de celui des cocons jaunes ; mais cela est rare. Je dirai au sujet des races ce que j'ai dit au sujet de la qualité. Les filateurs ne tiennent pas assez compte des différences notables qu'elles présentent. S'ils payaient proportionnellement à leur valeur réelle les races de choix, elles se répandraient beaucoup plus vite dans les PEU ateliers, et on bannirait ces mauvaises races qu on continue à élever avec indifférence. 5° Le prix des cocons est puissamment influencé par quelques circonstances favorables ou défavorables aux filateurs, Par exemple, quand on a été frappé de la muscar- dine, cette terrible maladie affecte les vers et les chry- salides dans le cocon mème. Les uns et les autres se des- sèchent avec une extrême rapidité et les cocons devien- nent très légers. Ils peuvent perdre en pareil cas 10, 20 et jusqu’à 50 pour 400 de leur poids. Il est alors de la plus haute importance de s'assurer de la proportion de cette perte, dont le filateur ne doit pas profiter ; pour lui, les cocons n’ont rien perdu de leur qualité. On peut s'assurer de plusieurs manières du poids que le filateur doit réellement payer. On peut, par exemple, chercher dans la récolte un ki- logramme ou deux de cocons non muscardinés. [ls sont faciles à reconnaître au bruit que fait la chrysalide quand on agite le cocon. On compte ces cocons sains. On voit ensuite quel nombre de cocons sans choix il faut au kilogramme. 294 ÉDUCATION INDUSTRIELLE, Supposons qu'il entre 500 cocons sains choisis au kilogramme. 1 faut 600 cocons non choisis pour le même poids. Il est clair que ceux-ci ont perdu un cin- quième de leur poids, puisqu'ils ne pèsent plus que comme 500 bons cocons. Ils devraient done à la ri- gueur être payés un cinquième en sus; en effet, si ‘500 cocons valent 4 fr., 600 cocons valent 4 fr. 80. Mais on obtiendra difficiiement ce prix exact. On fera pour le mieux. Si l’on ne pouvait pas trouver assez de cocons sains pour faire les caleuls que je viens d'indiquer, on au- rait recours à un autre moyen. Il n°v a pas un éduca- teur qui ne sache à très peu près combien il faut de cocons de sa race pour un kilogramme. Partant de -cette donnée, on remplit un décalitre de cocons et on les compte. On sait bien vite quel serait le poids de ce -décalitre s’il était rempli de cocons frais et sains. Par exemple, il faut neuf cents cocons pour un dé- calitre. On sait que einq cents cocons pèsent 1 kilo- gramme; done les neuf cents cocons pèseraient 4,800 srammes. Voilà pour les cocons muscardinés. Mais il peut se présenter un autre cas: beaucoup de cocons contien- nent des vers morts, dils fondus. Ce cas peut être un avantage ou un inconvénient pour le filateur. Les cocons sont plus légers; mais la soie sera terne ou d'une mauvaise couleur. En pa- reil cas, ce qu'il y a de nrieux à faire, &'est de faire faire sous ses yeux un essai de filature sur quelques ki- logrammes, afin de s'assurer de la proportion et de la ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 295 qualité du produit que donnent les cocons. Le prix se règle d’après ce résultat. Maintenant supposons que les récoltes de cocons ont été bonnes et ne se trouvent frappées d'aucun des cas exceptionnels qui viennent d’être signalés, quel séra le prix ordinaire du kilogramme de cocons? Dans une année ordinaire, l’éducateur qui trouvera 4 fr. du kilogramme de ses cocons frais, débourrés et sans choix, qu'ils soient blancs ou jaunes, pourra con- sidérer ce prix comme suffisant. C’est en effet Le prix moyen de la France depuis quelques années, et il tend à s'élever. Il sera donc prudent de prendre quelques in- formations avant de conclure un marché. CHAPITRE VI. Bénéfices de l’éducateur. $ 1. Dépenses. Nous avons maintenant à notre disposition tous les éléments nécessaires pour faire le compte d’une éduca- tion et constater les bénéfices auxquels l’éducateur in- telligent peut prétendre. La feuille constituera notre dépense principale. Je suppose qu'elle revient à 4 fr. les 400 kil. à l’éduca- teur qui possède des müriers. Je prouverai dans un autre ouvrage que ce prix est exact. La main-d'œuvre est un autre élément important de la dépense. Fadmets que les journées seront payées, l'une dans l’autre, À fr. sans nourriture, ou 60 cent. avec nourriture. 296 ÉDUCATION INDUSTRIELLE, Un ouvrier ordinaire peut cueillir 50 kil. de feuille dans sa journée ; il faudra donc vingt journées pour 1000 kil. de feuille. Quant au travail intérieur, l'expérience apprend qu'il faut quarante journées par 54 gr. 25 d'œufs. Le chauffage coûtera très peu de chose à la cam- pagne, et d'autant moins que l'éducation sera plus im- portante. On dépenserait peut-être 20 fr. pour 40 à 50 grammes d'œufs; on ne dépensera pas plus de 50 fr. pour 500 grammes. Souvent même le proprié- taire pourra entretenir les foyers sans aucuns frais pour lui avec des bois dont il ne pourrait tirer aucun parti. Il en est de même des rameaux. La plupart du temps on les recueillera à peu de frais sur la propriété. Ce- pendant je porterai 5 fr, par 54 gr. d'œufs pour cette dépense. Quant aux œufs, je supposerai que le magnanier les aura faits lui-même avec des cocons de choix, et je les estime alors à 5 fr. les 54 gr. 25. Résumons maintenant nos dépenses pour une édu- cation de 500 grammes d'œufs que nous pouvons faire dans la magnanerie dont nous avons donné la des- cription. . 300 grammes d'Œufs. % |. … , . : . 50 10,000 kilogrammes de feuille. . . . . . 400 200 journées pour la cweillette. . ,. , . 200 400 journées dans l'atelier... . . , ,. 400 ne. 22 SU. 50 ME eût: eue le à sie CUP Ramoaux PU, RIDE, TEE MÉTREU 50 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. 297 $ 2. Recette et bénéfice. J'ai dit plus haut quelle était la quantité de cocons sur laquelle on peut compter dans une éducation bien dirigée ; soit 60 kil. par 51 grammes d'œufs ou 2,000 kil. de feuille. Nous en aurons done 600 kilogrammes. Ils se vendront 4 fr. le kil. ou 2,400 fr. Le bénéfice sera done de 4,250 fr. ou 420 fr. environ par 51 gr. d'œufs. Il faudra en déduire les intérêts du capital em- ployé en constructions et ameublement. Il pourra ètre très minime ou considérable, suivant les lieux et les circonstances. En prenant un terme moyen, nous retrancherons les 250 fr. pour cet objet. Il restera un bénéfice net sur l'éducation de 4,000 fr., ou 400 fr. par 34 grammes d'œufs. Mais il est essentiel de remarquer que j'ai tenu compte de tous les frais d’une éducation, e'est-à-dire que j'ai fait tout payer par l'éducateur. Or, sou propre travail, celui de sa famille, de ses domestiques, rédui- ront la somme de 600 fr. portée pour main-d'œuvre et augmenteront d’autant le bénéfice. J’ajouterai que dans le midi les habitants de la campagne se chargent des éducations à raison de 50 fr. par 54 gr. 25 d'œufs, et j'ai compté 60 fr. Il est vrai qu'on n'obtien- dra pas toujours 60 kil. de cocons par 54 gr. 25 d'œufs; mais la consommation de la feuille restant la même proportionnellement au produit en cocons, c'est- à-dire de 4,000 kil. de feuille pour 60 de cocons, la dif- férence ne portera que sur des œufs perdus, ce qui est peu important, 13° 298 . ÉDUCATION INDUSTRIELLE. On peut donc estimer qu’en moyenne une éducation de 500 grammes d'œufs donnera par an un bénéfice de 4,000 fr. Ce résultat s'accorde avec d'autres cal- culs, d’après lesquels les cocons reviendraient à 50 p. 100 du prix de vente, sans compter l'intérêt du capital employé en constructions. Les hommes qui savent combien il est difficile de réa- liser des bénéfices en argent en matiere d'agriculture, apprécieront certainement une recette de 4,000 fr. qui est acquise après un travail d’un mois, dans lequel la peine qu’on prend est rendue bien légère par l'attrait qu'offrent les éducations de vers à soie. On sait, en effet, que partout où l’on s’en occupe, elles excitent une pas- sion qui ne le cède en rien au zèle ardent qu'on voit naître au moment de la vendange parmi les habitants des pays vignobles. CHAPITRE VII. Éducations multiples, $ 1. Définition. On a donné ce nom à des éducations qui se suecedent dans la mème saison et dans le même local, à des inter- valles convenables. Deux systèmes ont été proposés à ce sujet. Dans le premier on a pour but de faire servir la même magna- nerie à des éducalions successives, avec des arbres dif- férents pour chacune. Dans l’autre, on fait deux éduca- tions dans l’année avec les mêmes arbres, par conséquent on prétend les récolter deux fois dans une saison. ÉDUCATION INDUSTRIELLE, 299 $ 2. Éducations successives avec des arbres différents. Supposons un propriétaire qui peut récolter20,000k. de feuille, avec lesquels on élèverait les vers de 600 gr, d'œufs ; mais son atelier ne peut suffire qu’à une édu- cation de 500 gr. Doit-il faire construire une seconde magnanerie ou doubler la sienne, ce qui revient au même? Il peut se dispenser de faire cette dépense en adoptant le système des éducations multiples. En conséquence, après avoir prélevé sur la provision d'œufs les 500 gr. nécessaires pour la première éducation, il conservera dans l'endroit le plus frais qu'il aura à sa disposition 500 autres grammes d'œufs qu’il soumettra comme les premiers à une incubation très graduelle, en [a com- mençant lorsque la première éducation sera à son quinzième jour. En procédant ainsi, les vers de la seconde éducation seront en état d’être transportés dans la magnanerie, au moment où l’on pourra déramer la première. L'éducateur trouvera dans cette manière d'opérer l'important avantage d'économiser lesintérêts du capital qu'il aurait fallu consacrer à l'établissement d’un local double. De plus, comme il pourra faire des conventions avecses travailleurs pour six semaines au lieu de quatre, il obtiendra d'eux des conditions meilleures et les conduira ainsi jusqu'à la moisson. Malheureusement l'expérience a démontré que les produits d'une seconde éducation, qui se trouve ainsi retardée de quinze jours, ne valent jamais en poids et qualité les produits de l'éducation précoce. 300 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. À plus forte raison, on ne doit jamais avoir recours à une troisième éducation, qui se trouverait alors reportée dans une saison où les chaleurs, incommodes déjà pour l'éducation elle-même, auraient aussi l'immense incon- vénient de donner à la feuille des qualités qui la ren- draient peu propre à l’alimentation des vers, surtout dans les premiers âges. On n'aura donc recours à une seconde éducation que dans des conditions exceptionnelles, quand on ne vou- dra pas faire les frais d’un atelier plus grand, et lors- qu’on ne pourra pas vendre l’excédant de la récolte de feuille. C'est dans une seconde éducation surtout qu'il fau- dra avoir recours à l'emploi de la feuille mouillée, tant à cause de la haute température sous l’influence de la- quelle les vers seront placés, qu’en raison de la moindre quantité d’eau de végétation que les feuilles contien- dront dans une saison avancée. Il est bien entendu que dans ce système la moitié des müriers es consacrée à la première éducation. Les au- tres sont réservés pour la seconde éducation. Ils don- nent en poids plus de feuilles que les premiers cueillis, ce qui pourrait porter à croire qu'on pourrait élever avec eux un plus grand nombre de vers, ou réserver pour la même quantité d'œufs un nombre plus petit de müriers. Mais la feuille étant devenue plus sèche et plus dure, ils’en perd dans les litières une plus grande quan- üité. I est donc prudent de partager les müriers en deux parts égales, si la seconde éducation doit porter sur une quantité d'œufs pareille à celle de la première. , > EDUCATION INDUSTRIELLE, 207 Quand on adopte ce système des éducations doubles, il faut avoir dans ses plantations un certain nombre de müriers multicaules pour trouver les feuilles minces et jeunes qu’exigent les jeunes vers. On cueille ces müriers pour la première éducation. Au moment de la naissance des vers de la seconde, ils se couvrent d'un second feuil- lage très convenable pour la nourriture des vers aux trois premiers âges. IS 3. Éducations successives avec les mêmes arbres. Quelques expérimentateurs ont espéré pouvoir mul- liplier les éducations, en récoltant deux fois les mêmes müriers ; mais ils se sont bientôt aperçus que les arbres ne pouvaient pas résister à un pareil traitement. Dès Ja seconde année, ils sont malades et périssent bientôt. On conçoit sans peine que des arbres dépouillés dans une saison aussi avancée n’ont plus assez de temps pour produire des feuilles et des rameaux de manière à répa- rer leurs pertes. D'ailleurs les rameaux ne sont pas aoûtés quand viennent les froids de l'hiver, et ils pé- rissent tout entiers. “ D’autres personnes, frappées de ces inconvénients, et ne voulant pas cependant renoncer aux avantages, qu'elles croyaient pouvoir trouver dans une double ré- colte, ont imaginé de reporter la seconde éducation à automne et de nourrir les vers à soie avec {a feuille tombante. Elles ont pensé que les müriers souffriraient peu d’un second dépouillement arrivant quelques jours seule- ment avant la chute nalurelle des feuilles, 502 ÉDUCATION INDUSTRIELLE. il est très possible qu'il en soit ainsi et que les arbres puissent supporter sans inconvénients graves ce dépouil- lement tardif, mais il en résulte la nécessité de ne jamais tailler qu'au printemps. Or, par ce procédé on se prive nécessairement de la récolte de l'année, tandis qu’en taillant l'été, après la cueillette du printemps, on récolte tous les ans. C’est aux éducateurs du midi à considérer s'ils trouveratent des avantages à ce système quant aux mûriers. Mais il est condamné de la manière la plus formelle sous un autre point de vue. Les vers, nourris à Fau- tomne avec cette feuille sèche et jaune, ligneuse et sans sues, ne se développent que très imparfaitement et don- nent de misérables produits qui ne paient pas les frais de l'éducation. Il faut ajouter que les cocons récoltés ainsi à l'au- tomne ne peuvent être filés que dans une saison très peu favorable; et si l’on veut les garder pour l’année sui- vante, on tombe dans une autre série de difficultés non moins grandes : la conservation des cocons pendant plu- sieurs mois, la filature de cocons desséchés qui font un énorme déchet, etc., etc. En résumé, sans conseiller les secondes éducations faites dans le premier système, c’est-à-dire avec des mû- riers différents, je pense qu'on peut y avoir recours dans quelques circonstances. Quant aux secondes éducations avec les mêmes arbres, soit dans le cours de l'été, soit à l’arrière-saison, je les considère comme tout à fait mauvaises. CINQUIÈME PARTIE DES RACES DE VERS À SOIE. CHAPITRE L. Généralités. Chacun sait qu'il existe des cocons blancs et des eo- cons jaunes. Ils proviennent de vers de différentes va- riétés ou races. Mais là ne se bornent pas les distinctions qu'il im- porte de faire entre les races connues. La bonne con - stitution des vers, la forme , le volume et la richesse en soie des cocons, sont des conditions non moins im- portantes et qui doivent guider l’éducateur dans le choix d’une race. On doit consulter aussi la nature du climat, celle du sol et les habitudes traditionnelles du pays. En effet, certaines races réussissent moins sous l'in fluence d'un climat tempéré que sous celle d'un soleil brlant. Un sol humide ne convient pas également à 504 DES RACES DE VERS À SOIE. toutes, et, enfin, il ne faudrait pas s’obstiner à produire des cocons qui ne conviendraient pas aux filateurs du pays. Dans un travail spécial sur les races, publié dans les Mémoires de la Société royale et centrale d’agri- culture en 4844, j'ai fait ressortir l'importance d’un fait qui avait échappé aux observateurs qui m'ont pré- cédé. Quand on pèse les vers à soie au moment même de la montée, lorsqu'ils ont cessé de prendre de la nour- riture, et que l’on compare leur poids avec celui des co- cons, on trouve que, pendant la formation de ces der- niers, il s’est fait une perte qui varie de 46 à 69 pour 100; c’est-à-dire que dans certaines races 400 kilogr. de vers muürs donnent 54 kilogrammes de cocons, tan- dis que d’autres n’en donnent que 51 kilogrammes. Il'est facile de comprendre l'importance de cette diffé- rence, puisque probablement il faut la même quantité de feuilles dans les deux cas pour produire les 100 kilogrammes de vers. J'aurai soin d'indiquer les races les plus avantageuses sous ce rapport. Quant à la richesse des races en matière soyeuse, jai donné au chapitre Appréciation de la récolte, page 259, le moyen de la reconnaitre. Il est évident qu'une race qui offre 48 de matière soyeuse sur 400 de cocons est de beaucoup préférable à une autre race dans laquelle cette proportion n’est que de 40 à 42 pour 400. La forme et le volume des cocons ne sont pas des con- DES RACES DE VERS A SOIE. 20) ditions indifférentes. On préfère les cocons cylindriques aux cocons sphériques ; un certain étranglement au mi- lieu du cocon est aussi une qualité recherchée; enfin les cocons sont d'autant plus estimés qu'ils sont moins vo- lumineux avec un poids égal. On conçoit en effet que plus les cocons sont petits, plus la couche soyeuse est épaisse. Les déchets à la filature sont moins considé- rables, Mais il ne suffit pas que des cocons présentent en apparence les meilleures qualités, il faut encore qu'ils supportent avec succès l’épreuve de la filature, c'est-à- dire qu'ils donnent beaucoup de bonne soie et fassent peu de déchet. Avec certaines races on obtient À kilogr. de soie pour 8 kilogr. de cocons frais ou pesés au moment du déra- mage ; d’autres races vont à 40, 41, 42, 45 et jusqu à 44 kil. pour le même rendement. On conçoit combien il est important de s'assurer par des épreuves réité- rées du produit qu'on peut espérer d’une race quel- conque. Les épreuves ont été faites, j'en donnerai les résultats. Les explications qui précèdent doivent suffire pour faire comprendre l’importance de ce que j'ai à dire sur chaque race en particulier. Je ne parlerai dans ce ma nuel que des principales. D4)6 DES RACES DE VERS A SOIE. CHAPITRE IL. Races à cocons blancs. $ 1. Races de premier blanc. -_ Un distingue dans le commerce deux espèces de soies blanches : celles dite de premier blanc et celles de second blanc. Elles proviennent de cocons différents. C’est en vain ‘qu on voudrait faire des soies premier blanc avec cer- laines races; elles ne peuvent donner que des soies de second ordre. $ 2. Race Sina. On donne le nom de sina à une race de vers dont les cocons, d’une blancheur parfaite et azurée, fournissent la soie la plus belle et la plus précieuse. Cette race, importée de Chine en France il y a envi- ron 75 ans!, a été élevée avec tant de soin qu’elle a ac- quis de grandes qualités. Les vers sina sont les plus ro- bustes qu'on connaisse; on voit rarement parmi eux, à moins de circonstances extraordinaires, des morts-flats , des gras, des passis. La race est arrivée aussi à un tel état de pureté, qu’on ne voit pas un seul cocon jaune dans des millions de cocons blancs. Le œufs de sina sont d’un beau gris azuré; il en faut 1550 à 1550 pour 4 gramme. Les vers de cette (4) En 1772, par M. Mathon de Fogère. DES RACES DE VERS À SOIE. OT race acquièrent un poids de # à 5 grammes et une lon- geur de 8 à 40 centimètres. Par leur transformation en eocons, ils perdent en- viron 60 pour 400 de leur poids, c’est-à-dire que 400 grammes de vers mûrs donnent 40 grammes de cocons. Les cocons sina pèsent en moyenne À gr. 80. Il en faut done cinq cent-cinquante à cinq cent-soixante pour un kilogramme. Ils contiennent de 40 à 42 pour 100 de soie, jamais davantage, et comme ils sont assez vo- lumineux en général, leur coque est peu épaisse. Les cocons sina sont cylindriques avec un faible étran- vlement au centre. Les bouts sont arrondis. Ils sont d’un blanc magnifique et peuvent seuls donner les belles soies premier blanc qui servent à fabriquer les blondes et quelques autres tissus à couleurs tendres, qui ne seraient pas parfaits si on employait, pour les confectionner, des soies blanchies artificiellement. Jusqu'à présent il a été impossible de faire un kilo- gramme de soie avec moins de A0 kilogr. de cocons sina. On en emploie mème ordinairement 42 kilo- grammes. Il y a donc de 45 à 50 pour 100 de perte ou de déchet sur la soie existant dans les cocons, lorsqu'on soumet ceux-ci aux opérations de la filature. Les cocons sina se vendent généralement plus cher que les jaunes ou les blancs de second ordre. Quand les jaunes valent 4 fr. le kilogr., les sina peuvent se vendre À fr. 50 et mème 5 fr. Malheurensement ces cocons sont assez légers. Il en faut un grand nombre pour peser un kilogramme. On a vu aussi que les vers perdaient 60 pour 400 de leur poids en se converlissant en cocons. 508 DES RACES DE VERS À SOIE. Enfin la consommation de la soie sina est assez bornée. en sorte qu'elle perdrait bien vite sa valeur si elle était trop abondante sur le marché. Ces diverses considéra- tions ont jusqu’à présent limité à quelques localités les éducations de sina. 11 ne s’en fait guère qu'à Anno- nay et Bourg-Argental. $ 3. Races de deuxième blanc: espagnolet blanc. Les soies de deuxième blane sont fournies principale- ment par deux races : l’espagnolet et le roquemaure. L'espagnolet blanc ne diffère absolument que par la couleur de l’espagnolet jaune ; nous renvoyons donc à ce dernier pour les détails que nous avons à donner. $ 4. Race Roquemaure. On donne différents noms à cette race. Elle offre aussi le blanc et le jaune. Nous la décrivons sous le nom de Saint-Jean-du-Gard. Avec ces deux variétés on fait des soies de deuxième blanc dont le prix diffère généralement peu de celui des soies jaunes; aussi on les élève rarement seules. Presque tous les cocons blancs du midi proviennent d’un mélange à parties égales environ de cocons blanes et jaunes. Il y a peu d’avantage à élever ces races blan- ches pures, parce que les taches presque inévitables que reçoivent les cocons les déprécient dans une propor- tion beaucoup plus forte que les cocons jaunes. Il existe quelques autres races blanches, mais qui ne sont pas appréciées ; telles sont les syriens et les tigrés. Les vers de ces derniers se distinguent par des bandes noires transversales qui leur ont fait donner le nom de tigrés. DES RACES DE VERS A SOIE. 509 M. Hedde, l'un des délégués du commerce français en Chine, à rapporté une race blanche nouvelle qui se fait remarquer par des protubérances brunes que por- tent les vers sur leur dos. Cette race donne des cocons d’un beau blanc. On s'occupe de son étude. CHAPITRE I. Races à cocons jaunes. $ 1. Classification. Les races à cocons jaunes sont beaucoup plus noni- breuses que celles à cocons blancs. Elles sont aussi plus généralement élevées dans les pays où l’industrie de la soie est répandue. On distingue trois groupes de races jaunes: celles à petits cocons; les races à cocons moyens; enfin celles à oros cocons. Les dernières sont les moins estimées. Les gros vers de ces races sont sujets à la jaunisse et à la grasserie ; ils sont paresseux à la montée. Les races pe- tites et moyennes sont plus robustes. D'ailleurs leurs cocons sont d’un meilleur produit à la filature. $ 2. Race turin. On donne différents noms à la petite race jaune de Turin. Elle diffère peu des milanais. On la désigne en Piémont et en Italie sous les noms de géali (jaunes), camuzzini (chamois), pastellini (nom d’un éducateur }, nanchini (nankins), centurini (élranglés), ete. En France on l'appelle petit espagnolet ôu bien petit espagnolet de Cavaillon , milanais et surtout Turin. 510 DES RACES DE VERS À SOIE. Les œufs de cette race ont, éomme tous les œufs de races jaunes, une leinte verdâtre, Il en faut 4,550-à 4,400 pour À gramme. | . Les vers acquièrent un poids moyen de 4 gr. 55 el une longueur de 7 à 8 centimètres. Ils perdent 55 pour 400 de leur poids en formant leurs cocons. Ils sont ro- bustes, mais un peu longs dans l’accomplissement de leurs différentes métamorphoses. En général les tu- rin sont en retard de 2 et 5 jours sur les sina. Les cocons turin pèsent en moyenne 2 grammes, par conséquent il en faut 500 pour 4 kilogramme. Ils contiennent de 44 à 45 pour 100 de soie. Leur coque soyeuse est épaisse, ce qui tient à la petitesse de ces cocons. Les turin sont cylindriques et fortement étranglés dans leur centre. Les bouts sont très arrondis. Ils sont d’un beau jaune. Ces cocons font peu de déchet à la filature. I} n’est pas difficile d'obtenir 4 kilogramme de soie avee 410 kilogrammes de cocons turin. Ces cocons se vendent très bien, parce qu'ils sont très estimés. S'ils contenaient autant de soie que la race cora, dont nous parlerons tout à l'heure, ce se- raient les meilleurs cocons connus, par leur forme, leur grain, l'épaisseur de la couche soyeuse et la qua- lité de leur fil qui vient aisément au filage parce qu'il est un peu fort. 6 3. Race milanaise. Les milanais sont une petite race jaune qui diffère à DES RACES DE VERS A SOIE. 511 peine de la précédente. Les cocons sont un peu plus ronds et un peu moins étranglés; du reste, ils ont leg mêmes qualités. $ 4. Race espagnolet jaune. L’espagnolet jaune est la meilleure des races moyen- nes quant au grain et à la forme; malheureusement il n’est pas assez riche en soie. Il faut 4,550 œufs pour 4 pre Les vers pèsent de 4 gr. 50 à 5 gr. 20. Ils pole 54 pour 400 à peu près en se renfermant dans leur co: con. Ils sont peu sujets aux maladies qui attaquent sur- tout les très gros vers. Les cocons de lespagnolet pèsent en moyenne 2 grammes, comme ceux des turin; mais comme ils sont plus gros, leur coque soyeuse est plus mince. Il en faut 500 pour À kilogramme. Ils contiennent 44 à 45 pour 400 de soie. Les espagnolets ont absolument la même forme que les turin; seulement ils sont plus gros. Ils ont une belle couleur jaune. C'est avec ces cocons que nous avons obtenu en petit le résultat de filature le plus remarquable. Nous som- mes parvenus en A8 à faire 4 kilogramme de soie avec 7 kilogr. 500 de cocons espagnolets, race d’Au- benas. Les mêmes, race de Pesaro, ont donné1 kilogramme de soie pour 7 kil. 800 de cocons, et ceux de Fossom- brone pour 8 kil. 600. Aussi nous pensons qu'il faut encourager la propa- \ LS o4: DES RACES DE VERS A SOIE. gation de cette race. Un autre fait bien remarquable vient à l'appui de cette opinion. Des vers espagnolets, race de Touraine, élevés en 4840, n'ont perdu que 46 à 48 pour 100 de leur poids en se convertissant en cocons, tandis que d’autres races, élevées la même année, ont perdu jusqu’à 69 pour 400 de leur poids. $ 5. Race cora. Les cora sont une race nouvelle de moyenne grosseur. Cette race été créée par madame Millet-Robinet, qui a eu l’heureuse idée de combiner, par un croise- ment, la race de Turin, si parfaite quant à la forme, avec la race de Loudun, la plus riche connue. Le résul- tat de ce croisement a été une race intermédiaire qui à conservé la forme avantageuse des turin et pris la ri- chesse en soie des loudun. Aussi cette race a-t-elle fait d'immenses progrès depuis son apparition. Elle est déjà répandue dans tous les pays séricicoles. Nous avons soin, chaque année, de renouveler le croise- ment pour lui conserver ses précieux caractères. Les - œufs de cora sont gros; il en faut 4,500 au plus pour À gramme. Les vers parviennent au poids moyen de 5 gr. 60 el perdent 57 pour 400 de leur poids en formant les co- cons. Comme tous les vers jaunes un peu forts, ils sont quelquefois atteints par la jaunisse; mais nous espérons les amener peu à peu à la perfection des sina par le choix minutieux que nous faisons chaque année des cocons les plus parfaits pour la préparation de la graine, DES RACES DE VERS A SUIE. A5 Les cocons cora pèsent en moyenne 2 gr. 40. Il en faut 400 à 420 pour 4 kilogramme. Ils se font par- ticulièrement remarquer par l'épaisseur extraordinaire de leur coque soyeuse. Ils contiennent en effet 48 pour 400 de soie; jamais moins de 46 pour 100, même dans les plus mauvaises années, tandis que la plupart des races descendent alors à 42 et même à 40 pour 100. Les cora ont à très peu de chose près la forme des turin. Quelques-uns cependant conservent quelque chose des bouts pointus des loudun, mais sans que cela nuise à leur rendement en soie. Leur soie est d’une belle couleur. Nous avons obtenu en petit 4 kil. de soie avec 7 kil. 700 de cora, et, en grand, À kil. pour 9 kil. 500 en 1841 ; À kil. pour 8 en 1842, 1845, 1844, 4845. En 4846 ils donnent encore 4 pour 40, malgré l'insucces général des éducations. Les cora, appréciés déjà par les filateurs, sont re- cherchés etse vendent jusqu’à 50 cent. par kilogramme de plus que les races communes. $ 6. Race lamastre. Il existe dans le midi de la France plusieurs races jaunes, à gros cocons. Elles seront remplacées peu à peu par les races petites où moyennes, particulière- ment par les cora. La race de Lamastre ne diffère de celles de Saint- Jean-du-Gard et Roquemaure que par un volume un peu moindre. Cette race n’a pas de qualités remar- quables. 14 344 DES RACES DE VERS A SOIE. $ 7. Race de Roquemaure ou de Saint-Jean-du-Gard. Ces deux villes sont renommées pour la qualité de leurs. gravures. . . . RS Bière (Traité de la Hbficatron de la), par “Robart, 2 > ul. in-8, avec 120 prav. , Chimie agricole, par Isidore Pierre’, prof., 4 vol. in-12 de 662 p., avec gray. Comptabilité agricole (Lrailé de), par Ed. De Grange, 4 val, in-8. . TR Conseils aux agriculteurs, par Dezeimeris, 30 éd., 1 vol, in-12 de 654 p. 5 Crédit agricole et foncier (Des institutions de), par Josseau, 4 vol. in-8. ) Durham (De la race bovine dite de), par Lefebvre-Ste-Marie, in-8 et atlas. . # Géométrie agricole, par Lefour, insp.-gén., in-12 de 216 p. et 150 gran. Manuel de l’estimateur de biens-fonds, par Noirot, À vol. in-12.., — du cultivateur de müûriers, par Charrel, | vol. in-8. . . - | — de léleyeur d'oiseaux de basse-cour et de lapins, 2€ pe Honda ae SR 2 se : — de l’'éducateur de vers à sole, par: “Robinet, | «al à in-8, gro, = du vigneron, par Odard, 4 vol. in-12. . . 4 . 0 . . . | HORTICULTURE. MNT Almanach du jardinier, 10° année (1853), 4 val. in-16, avec gravares, + 5 75 Arbres fruitiers (De la taille des), par Puvis, 4 vol. in-12 de 220 pages. . 1 75, Botanique (Leçons de), par A. de Saint-Hilaire, 4 vol. in-8, avec planc. gravées. 0 Cactées (Iconographie des), par Lemaire, 8 livr., de 2 plauc. color. el texte. .… Cactées (Monographie des), suivie d’un traité de culture, par Labouret, in-12: Camellia (Monographie du), par l'abbé Berlese, 3° 6d., 4 vol. iu-8, avec planc. Camellias (Iconographie des), par l’abbé Berlèse, 3 vol. in-fol., et ‘300 pl. ie $ Culture maraîchère (Manuel pratique de), par Courtois-Gérard, 4 ol. in-I Fruits (Traité de la conservation des), par Paquet, 4 vol. in- AOF RTS Herbier général de ee à description, histoire, etc., des végétaux uti= les et agréables, 5 beaux vol. , contenant 373 plauches eu taille-douce et co- loriées au pinceau, ayec Vs Morque et descriptif, por Ch. Lemaire. . . . 200 ». KHorticulteur universel, présentant l’analyse raisonnée des travaux hortico=. Ai les français et étrangers, par MM. Camuzet, Jacques, Neumann, Pépin, Poiteau et At Ch. Lemaire, 7 vol. grand in-8, AT à 300 planches éoloriées : + 1 MD nt Horticulture (Encyclopédie d’), 2e édition, 4 volume in-4, avec 500 gravures … (5° volume dela Maison rustique). : + TT Horticulture (Lhéorie de l’), par Lindley, 4 vol. grand à in- 18, avec gravures. Jardinage (Manuel du), par Courtois-Gérard, 3€ édit., 4 vol. in-19 et grav. . Jardfthnicr des fenêtres et des pelils jardins, par Me Millet- Robinet, 2e éd, Manuel général des plantes, arbres el arbustes. Description et culiure de … 25,000 plantes indigènes d'Europe, par Jacques et Hérincq, chaque livre cs Pomone francaise (La), par Le Lieur, 3° éd., 4 vol in-8, avec gravures. Roses (Centurie des plus belles), 50 livr. de 2 pl. col., avec texte. Chaque. : Versailles. — limprimeric de BEAU jeune, rue Satory, 28. sadfé fast hi [Heu gui FE se .. HE 1 EE HGET 4 lo “