LAME AN UE |. SP TTC DRE DU 1h * FORESTIE 4. P, ASS MéÉricor, quai des Augustins, N°.35; GurrriEr , au Cabinet de Lecture, 4 Boulevard Cérutti, N°, 21; Roxponxeau,au Dépôt des Lois, place du Carrousel ; Chez EBOUR , Libraire, Palais du Tribunat, à galerie de bois; Prrir, Libraire, Palais du Tribunat > galerie de bois ; l' Auteur , rue du Bac, N°. 405. MANUEL DU FORESTIER, O U TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE: ConTenanT le Balivage, le Martelage, les Ventes et exploitation des coupes annuelles, l’estimation d’icelles, leur récolement , l'aménagement, le bornement et la régénération des Forêts; suivi du traité des Pépinières : leur culture, semis et plan- tation, appuyé par la pratique. DÉDIÉ À LA NOUVELLE ADMINISTRATION FORESTIÉRE, ‘ET PRÉSENTÉ AU Ir. CONSUL BONAPARTE, PAR LE C. RICHARD, Me. particulier de la Maitrise provisoire de Mortagne. pes {; id AMDJEAN Paitatiiis, Seur-temenmer éme Fete. | PARIS, AN IX. ca Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa 29 htip://www.archive.org/details/manuelduforestieOOrich Age Aux CITOYENS ADMINISTRATEURS DES FORÈTS. Citoyens, JE vous dois l’hommage de mes tra- vaux , en qualité de forestier; j'en ai contracté l'obligation auprès de l’admi- nistration de la Régie de l’enregistre- ment, et du Domaine national, qui m'a- voit choisi pour présider, ci-devant, la Maîtrise provisoire de Mortagne, au Dé- partement de l'Orne. C’est avec le plus parfait dévouement que je viens déposer entre vos mains le fruit de mes travaux et de ma recon- noissance. : + NE a k Han E 3% Dre Er: * re Es À à £ Cons DA ALT + £ b 116 SANT | s PRÉFACE ns des forêts a toujours fait une portion essentielle de lagricul- ture; c’est à cette culture que nous de- vons presque toutes les commodités de la vie. Que les citoyens qui ont porté si évidemment la hache destructive sur les forêts, sont répréhensibles ! qu’ils connoissoient peu l'influence des arbres sur l’admirable économie de ce vaste univers | non-seulement ils contribuent à l’embellissement des lieux où ils sont plantés, mais encore ils réparent les al- térations de l'air, ils balancent puis- sament les vapeurs répandues dans l’at- mosphère; ils alimentent les sources par le mécanisme de leur organisation et de leur végétation ; ils tempèrent les exces de la chaleur et du froid, et enfin ils donnent à la terre un engrais. Je ne m'attacherai pas à faire l’éloge de l’agriculture , j'ai été prévenu dans cette carrière par beaucoup d’habiles a LL vi PRÉFACE. écrivains, je me bornerai à faireremarquer que c'est des productions de la terre que découlent tous les biens dont nous jouissons. Cette seule considération suffit pour qu'on soit obligé de convenir que, sitôt que cette source tarit , toutes les parties du Gouvernement souffrent. C’est donc de la manière d’utiliser les terres , que dépendent ces productions, qui sont le fonds le plus solide de la richesse d’un Etat et la vraie base de la prospérité du commerce. On a enfin ouvert les veux sur cette vérité fondamentale , à laquelle des ma- gistrats éclairés prennent un vif intérêt, en soccupant maintenant de régénérer une partie si utile de l’agriculture, dans celle des forêts. Jadis la fortune conduisoit à l’ad- rainistration des forêts : aujourd'hui Je mérite seul y appellera des citoyens capables de féconder et d'activer leurs vues, relativement aux améliorations convenables aux défrichemens, planta- tions et éducations, abandonnées depuis PRÉFACE. vi long-temps à une léthargie qui menaçoit la France d’une pénurie de bois qui ne se fait déjà que trop sentir ; car le pauvre ne peut qu'à grands frais se défendre contre lesrigueurs de l’hiver. Le manufacturier force le prix de ses marchandises, ou est forcé d'abandonner ses établissemens; les propriétaires consomment les loy.rs de plusieurs années dans l'entretien des charpentes de bâtimens ; enfin, cette matière est portée aujourd'hui , dans les grandes villes, à un prix excessif. Les suites fâcheuses de la rareté des bois ne sont que trop sensibles, et je n’ai point l’intention d'insister sur cette vé- rité ; mais je me propose de contribuer, de tous mes moyens, à la régénération des forèts du Gouvernement, et de com- battre l’insouciance du riche propriétaire, toujours avide de jouir : en donnant des moyens simples et économiques de for- mer des bois d’une grande étendue et d'entretenir ceux qui sont dégradés , je le mettrai à même de tirer profit du ter- rain abandonné ; je lui ferai connoitre a ij vii) PRÉFACE. qu’en remplissant un objet avantageux pour lui ou ses successeurs, il travaillera au bien de la société, relativement à l’aisance , la santé, et même la conser- vation de la vie. Né au sein de l’agriculture , élevé sous les yeux d’un père occupé, pendant soixante ans, dans les jardins, serres et botaniques du petit Trianon, aux expé- riences les plus variées , et aux travaux les plus suivis et les plus utiles, qui lui ont mérité une place parmi les savans les plus distingués dans cette partie de l’histoire naturelle : j'ai, au milieu de cette étude, pratiqué, cultivé, par goût et par habitude, la partie des arbres et arbustes indigènes; et, mestalens m’ayant attiré l'attention de la régie de l’enre- gistrement et du domaine national, les administrateurs , pour donner de l’ému- lation au mérite et l’encourager , se sont empressés de me nommer pour présider l'administration forestière de Mortagne, département de l’Orne , où j'ai eu occa- sion d'alimenter et de mettre en prati- . PRÉFACE. i que, dans cette partie des forêts, mon penchant naturel. Je m'y suis occupé à re- cueillir les anciens usages pratiqués jus- qu’à présent dans les administrations des forèts du Gouvernement Français, relatifs à leurs conservation et exploitation, dont j'ai fait un Traité Élémentaire à l'usage du forestier ; j'ai joint à la partie admi- nistrative la régénération des forêts, par la manière de multiplier les plantations, d'établir des pépinières, le temps pro- pre à ramasser les graines , celui à les mettre en terre, leur culture, l’engrais des terres, et un détail de dépense la plus économique sur cette culture, la manière d'aménager les forêts, que je me propose d'augmenter du Traité des arbres et arbustes qui peuvent se culti- ver dans les forêts de la République ; on y trouvera la manière de composer des jardins d'agrément et des parcs, leurs caracteres , leurs figures et culture; en- fin tout ce qui concerne cette partie pro- pre aux propriétaires, et qui pourra ré- pandre quelques lumières utiles à l’admi- @ ti) w PRÉ FACE. nistration actuelle de la nouvelle orga- nisation. | Mais le Gouvernement travaillera en vain à faire disparoître la crainte trop imminente de la disette des boïs, si, par des lois sages, il ne parvient pas à Faire marcher sur la même ligne le riche propriétaire insouciant et le pauvre. Accorder des primes à celui-ci et des en- couragemens d'honneur à l’autre seroit un moyen de les exciter à défricher des terres incultes, impropres à la culture des grains, et à les planter en bois. Pour se convaince de l’urgence de cette me- sure, il ne faut que considérer la quan- tité immense qu'on en a arraché depuis dix ans, tant par avidité de jouir que par crainte de disette de grains; sur- veiller la plantation des routes, en ren- dre responsables les propriétaires rive- rains, défendre les jeunes plants contre les bestiaux , en les entourant d'épines ou de ronces ; faire exécuter la loi sur Vécheniilement , comme le fléau des jeunes arbres, et le destructeur des pé- PRÉFACE. xj pinières. On pourroit puiser dans ces cul- tures partielles des connoissances propres à économiser , et employer utilement les fonds que le Gouvernement se propose de consacrer annuellement à l’établisse- ment des pépinières et à l'éducation des plans. Une considération assez importante et trop peu sentie, c’est que les principes généraux de culture ne sont pas indis- tinctement propres à toutes les terres ; qu'il faut varier suivant la situation des expositions et la différence des lieux : Non omnis fert, non omnia tellus. Virg. Le moyen de rétablir les forêts, et de remédier au désordre, est d’en interdire l'entrée aux bestiaux , et d’en écarter les délinquants. Il n’est pas moins essentiel de suivre la nature des bois et du sol de ceux qu’on est obligé de donner au pacage. Aux en- virons de Paris, dans le temps des fruits, on permet aux fruitiers d'aller à la feuil- lée : sices gens ne cueilloient que les feuilles venues , ils ne feroient point de a iv si PRÉFACE. tort ; mais comme les feuillesles plus dou- ces et les plus tendres leur conviennent mieux, ils les enlèvent avec lespousses des extrémités, et retardent la crue des taillis. Par un usage aussi vicieux, dans les forèts de la Bourgogne et du Perche, on permet à ceux qui exploitent les taillis de cou- per , hors leur vente, des harts ; et pour cela ils emploient les jeunes brins de pied , la plupart les mieux venant; et en supposant qu’ils n’en abusent point, ce qui est bien rare, ils font un tort irréparable. J'insisterai beaucoup sur la manière d'exploiter les bois de haute futaie. L'usage pratiqué est évidemment une des principales causes de la destruction des bois; que peut-on espérer du recru d’une vieille souche de chêne , dont les racines sont usées ! il pourrit nécessai- rement , et porte un dommage considé- rable à de foibles jets sortis entre lé- corce et le bois pourri , et qui bientôt, lorsqu'ils ont acquis une certaine force, se détachent par leur poids ou celui du PRÉFACE. xiij givre. Il est d'expérience que tous les bois de haute futaie abattus, ne forme- ront-plus un bois , mais plus souvent des landesou tout au plus un bois de mauvaise essence. Le meilleur parti qu'on pour- roit prendre , seroit d’'abattre à Ja charge par l’adjudicataire d’arracher , essarter , dresser le terrain, et de le planter d’essence convenable au sol. Ce moyen est bien surement propre à former de beau bois et des pièces de choix en plus grande quantité, tant pour les édifi- ces que pour lamarine, et dédommageroit bien de la dépense ; ce qu'on ne peut pra- tiquer pour les arbres verts, qui ne peuvent se couper à tire à aire. Dans la rédaction d’une ordonnance, il est bien difficile de se borner à des principes généraux ; il faudroit s’en rapporter aux praticiens , comme je l’ai dit ci-dessus , pour faire tourner au profit du Gouver- nement les moyens de la faire varier. L'article des baliveaux m'a paru devoir mériter une attention particulière : on les a regardé jusqu’à présent comme un a V xiv PRÈEF A CE. des moyens le plus sûr pour écarter la disette , et se procurer du bois de ser- vice , de même que comme bien propres à renouveler les souches par les semences qu’ils répandent , et qui doivent repeu- pler les forêts. Si on veut les considérer comme une ressource pour avoir des bois de service, nous ferons remarquer que la plupart des arbres réservés , ayant été élevés dans un taillis touïffu , seront trop menus re- lativement à leur hauteur , et que l’é- corce en est trop tendre; ilarrivetoujours qu'ils sont tourmentés fortement par les coups de vent et le poids du givre; que plusieurs sont rompus , ou meurent en cime ; et leurs tètes éteintes, en entrant dans la forét , ne présentent qu’un cou» d'œil triste ; que d'autres, n'ayant leurs racines que dans un sable léger ou du terreau iormé par des feuilles pourries, sont renversés. On voit des ventes où ils n’en reste plus, ou à peine quelques- uns , et dontla plupart se trouvent souvent avoir l'écorce endommagée , étant roulés PRÉFACE. xv par les vents et frappés de la gelée : ceux encore qui résistent à ces sortes d’acci- dens, poussent des branches de côté , et ne forment que des arbres difformes. Je conviendrai que les baliveaux pour- roient servir à repeupler les bois par leur semence, si l’on eninterdisoit l’entrée au bétail ; mais il y a peu de ces arbres de semence qui réussissent , parce que ces jeunes arbres ne sont pas encore dé- fensables, quand le recru des anciennes souches est assez élevé pour ne plus craindre la dent du bétail. Les bali- veaux font beaucoup de tort au taillis, soit par la séve qu’ils tirent , soit par leur ombre, qui étouffe le taiilis qui les environne , et par l'humidité qu’elle entretient dans le bois ; humidité d’où résulte la plupart des désordres que cau- sent les gelées du printemps. Je dis en- core que ces baliveaux, qu’on a laissé parvenir à une grosseur suflisante pour former de grosses pièces de charpente ou propres à la marine, font périr beau- coup de souches autour d’eux ; et lors- a v} + x) PRÉFACE. qu'on a abattu ces gros baliveaux , il ne reste plus au milieu d’une grande clai- rière qu'une grosse souche usée, qui ne peut faire que de foibles productions. D'autre part , j'ai remarqué que le taillis fait tort aux baliveaux , par la sub- stance qu’il leur dérobe. Je pense donc que la réserve des baliveaux n’est point si avantageuse qu’on l’a cru jusqu’à pré- sent , et il me paroitroit plus à propos de réserver quelques arbres çà et là, des mieux venant et enracinés. Ces arbres, les parois, les pieds corniers et les tour- nans , répandroient assez de semence pour le repeuplement. Mais ce qui seroit le mieux , pour se procurer des arbres de service , seroit Ge faire réserver, dans les meilleurs fonds de l'exploitation, une cer- taine quantité d'arbres en massif ou en lisière, afin qu'ils puissent se protéger les uns les autres, et fournir ensuite de belles pièces. Ces arbres, au lieu d’être en retour à trente ou quarante ans tout mutilés, étant réservés dans le meilleur terrain , pourroient subsister jusqu’au PRÉFACE. xvi) temps ou ils auroient acquis une gros- seur suffisante : ils échapperoient àtous les accidens auxquels les baliveaux sont ex- posés , et rempliroient plus certainement les vues de l'administrateur. Le taillis, ne se trouvant plus suffoqué par les baliveaux, croîtroit avec plus de force , et seroit moins endommagé, comme il l’est très-fréquemment par les gelées du printemps; car on pourroit se dispenser de les frapper du marteau, dont l’effet qui en provient est la cause certaine de la perte des plus beaux ar- bres de réserve. Ce cautère, par où vient s’épancher la séve, altère incontestable- ment l’arbre, en détruit la qualité, et souvent le fait périr. Comme ce méca- nisme est le sceau de la conservation, il seroit bien à désirer qu’on adoptât un marteau , dont une des faces seroit un carré tranchant |, comme un enlève- pièce , et l’autre porteroit le type adopté par lanouvelle organisation dont l'emploi pourroit être utilement appliqué aux jeunes baliveaux; car le garde, sou- xviij PRÉFACE. vent insouciant, quelquefois pressé par ‘le besoin , l’intempérie de la saison, ou même par le travail, fait à l’arbre qu’il frappe d’une étendue inégale, une plaie souvent si longue , qu’elle ne sau- roit manquer de lui aire un tort irré- parable ; et qui, comme je l'ai dit ci- dessus , par l’épanchement de la séve , lui cause la mort. Les différens articles de l’ordonnance des bois ont bien pourvu aux fonctions principales , relatives à la conservation et à l'entretien des forêts ; ses vues se sont bien étendues sur les moyens de prévenir la distraction des deniers provenans des ventes , et les dégradations des forêts ; mais, quelque attention qu’on ait apporté a la conservation @Ges arbres de réserve, et en particulier des souches, il est im- possible d’en empêcher un grand nombre de périr tant par vétusté, maladie et autres accidens , que par les subterfuges de ceux qui exploitent, et qui ne savent que trop se soustraire à la vigilance des gardes et à la recherche de l'officier. De PRÉFACE. xix là provient la multitude des clairières et des places vagues, qui diminuent la capacité réelle des forèts ; perte qui ne se répare jamais. Il ya lieu de croire, que les chefs que le Gouvernement vient de choisir, occu- pés sans relâche à améliorer le sort des forêts , porteront sagement leurs vues sur le repeuplement , demandé depuis long-temps , et qui devient, de jour en jour, plus urgent; ainsi que sur le ré- tablissement des routes, ponts et fossés, sur le desséchement des parties maréca- geuses , sur le défrichement des landes: sans doute ils aviseront aux moyens d’é- carter les délinquans du centre, ainsi que du rein, comme l’avoient sagement prévu les art. XVII et XVIII de l’ordon- nance de 1669. Quant au recepage des taillis rabougris et languissans , j'en don- nerai , dans la partie des arbres, une mé- thode confirmée par une longue expé- rience. Pour ne rien omettre de tout ce qui peut contribuer à la régénération des forêts, xx PRE FAC ) je me plais à rendre hommage à l’ouvrage du C. Dupeuty , ou il traite de la culture des pins et sapins en vrai praticien. Il y développe avec évidence tous les avan- tages de cette culture dans des landes défrichées. Il y traite aussi de celle de l'acacia , qui s’accommode de tous les terrains , vient fort vite et donne un bois très-dur , dont on ne sauroit trop recom- mander la culture, J’invite les citoyens attachés à la par- tiie forestière, par goût ou par état, à concourir avec moi, par des observations sûres, au développement des instructions qui manquent au propriétaire. Heureux, si ce Manuel, foible fruit d’une pratique consommée, peut prouver au Gouverne- ment mon zèle et mon attachement pour cette partie! MANUEL ” RD EE er ROUE Re RL LS A RE SE ee A eo th TRAITE HLÉMENTAIRE, OU MANUEL DU FORESTIER. LE Bois : ce mot a deux significations dans notre langue; par la première, on entend ce qui constitue la sub- stance dure, ligneuse et compacte d’un arbre; et sous la seconde, on parle d’une forêt ou d’un lieu planté d’arbres propres à la construction des édi- fices, à la charpente, à la menuiserie, au charronnage, au chauffage, etc. Mots techniques des différentes | ‘qualités des Bois. Bois arsin; lorsqu' il a été maltraité par le feu. A, 2 MANUEL Bois blanc; on comprend sous cette dénomination, tous les arbres qui ont, non-seülement le bois blanc mais encore léger et peu solide; tels que le saule, le bouleau, le tremble, l’orme ; et ils sont communément ap- pelés blancs bois. Les vrais bois blancs sont : le châtaignier, le tilleul, le frêne, le sapin, parce que, quoique blanchâtres, ils sont fermes et propres aux grands ouvrages. Les blancs bois viennent vite , même dans des terrains mauvais; ils ont peu de consistance, etne peuvententrer que pour un tiers dans le bois à brûler. Bois bombé ; s'il y a quelque cour- bure naturelle. Bois carié ou vicié ; s’il y a des malandres eu bois pourris. os chamblis ; quand il a été mal- trapté par les vents, soit qu'il ait été déraciné où renversé } soft que les branches seulement aient été rompués.- mode LU FORESTIER. 3 Bois charmé ; lorsqu'il a recu quel- que dommage dont la cause n'est point apparente, et qu’il menace de périr on de tomber. | Bois en défends; lorsqu'il est dé- fendu de le couper , qu'il a été re- connu de beile venue, et qu’on vent: fui laisser prendre tout son accrois- sement. Ces défends pe sont guère d'usage que dans les grandes forêts où les boïs sont dégradés, ou trop jeunes pour en faire usage. Les taillis sont en défends de droit jusqu'à cinq ou six ans. Le défends s’étend toujours aux chèvres, cochons, moutons, et autres animaux malfaisans. Bois défensable; lorsque celui à qui il appartient peut permettre de faire les coupes et paissons convenabies, parce qu'il est en état de résister. Bois encorné ; lorsqu'il a été ren- versé sur un autre en l’abattant, et que ses branches se sont entrelacées | À 2 4 MANUEL avec les branches des arbres sur les- quels il est tombé. L’ordonnance dé- fend d’abattre les bois sur lesquels d’autres sont encroués. Bois en étant; quand il est debout. Bois à faucillon; lorsqu'il s'agit d’un petit taillis qu’on peut abattre à la serpette. Bois gelif; lorsqu'il a des gercures ou fentes caustes par la gelée. Bois marmentoux ou de touche; Jorsquil entoure une maison ou un parterre, et quil lui sert d'ornement. Les usufruitiers n’en peuvent disposer. Bois mort; s’il ne végète plus, soit qu'il tienne à l'arbre, soit qu'il en ait été séparé. Bois mort en pied; s’il est pourri sur pied sans substance, et bon seu- lement à brûler. | Bois en puel; si c’est un bois qui ait été nouvellement coupé, et qui n'ait Du FORESTIER 9 point encore trois ans : on ne peut y laisser entrer. aucun bétail. Bois rabougri; s’il est mal fait, tortu et de mauvaise venue. Boiïs recep£; quand, sur quelques défauts qu'on lui a remarqué , on l’a coupé par le pied pour en jouir plu- tôt ; et d’une plus belle venue. Bois sur le retour; lorsqu'il est.frop vieux , qu'il commence à diminuer de prix, et que les arbres ont plus de deux cents ans. | Bois de baut venu; s’il'est demi- futaie de quarante à soixante ans: Bois vif; quand il porte fruit et qu’il vit, comme le chêne, le chäâ- taignier, et autres qui ne sont poiné compris dans les morts bois, etc. Les différens bois qui peuvent être mis en vente, sont distingués relati- vement à leur essence ou leur espèce, soit paï rapport à leur hauteur ou leur force et leur âge ! je vais donner les 6 MANUEL nomsdes différentes essences qui « com- posent les forêts; SAVOIr : + D 5 Bots durs. Lechèêne, bas le hêtre, le Léo. le charme, CÉREAF l érable , le chä- iaignier, le sycomore, le platane; le bois Sainte-Lucie , le plane d'Occi- dent, le Sureau, lorsqu'il est âgé. Les Bois tendres ou Blanés Bois. Le bouleau , l’aune, les peupliers blanc et noir, celui d’Italie ; le ma- ronnier ; le tilleul, la bourdaine, le tremble , ke saulé, le marseau; Fosier. hé: Les Arbres SAP GZEONS. Le pommier, le poirier, lé prunier, le néflier ,. l’alizier, le ..eérisier, ! le merisier., le sorbier , le müûrier , l'aze- rolier, le cofrêne , le. noïsetier, le cornouiller.;, le. çormier,: ; l’épine blanche et, noire, l’épine vinétte.» le DU FORESTIER. 7 fusain, le micocoulier, le noyer, le nerprun. Les Arbres verts. Le houx, le pin, le sapin, la mé- * € 1 à P 8 LA lèze, lif, le chène verd, le liége, l'olivier, etc. Les Arbres des Landes. Le genévrier , le genet , sans épines “et avec pinces ; le rosier, l’hieble, le pi- ment ou galet, l’aubier, l’osier, le troêne , la bruyère, le lierre, le raisin de renard , le petit houx, la clématite, le timelé, l’arrète-bœuf, la ronce. La distinction que l’on fait des bois mis en vente , est 10. letaiilis; 2°, les baliveaux sur taillis; 3°.les ventes par pieds d’arbres ; 4°. les ventes par éclair- cissemens ; 5°. les recepages ; 6°: les ventes des chablis; 7°. les ventes des futaies. À 4 6 M A NUE L RÉ GERS D'U::5 ALI VAS. L'on distingue trois sortes de ba- liveaux ; savoir : les baliveaux de l’âge des taillis, les baliveaux modernes, et les baliveaux anciens ; mais comme tous les baliveaux , en général , ont été baliveaux de l’âge, ce premier choix est des plus importans , il influe sur celui des autres baliveaux; c’est pour- quoi je vais commencer par cette pre- mitre classe. Les baliveaux de l’âge sont des brins de bois que l’on choisit entre les meilleurs qu’un taillis peut fournir, pour faire partie de la réservé qué Fon doit établir avant de procéder à l'estimation , adjudication etexploi- tation des coupes annuelles. En génc- ral, un bon baliveau doit être bien droit, de la hauteur des taillis, les DU FORESTIER. 9 branches de la tête bien ramassées vers sa tige, en quantité proportionnée à sa grosseur ; mais pour être en état de faire un bon choix, il faut savoir qu’il y en a de trois sortes, étant considéré comme brins de taillis, sans aucun égard à leur essence. Il y a des brins de semence, c'est- à-diré, qui se sont élevés par les graines qui ont germé d’elles - mêmes dans les taillis; ces brins sont les plus propres et les meilleurs pour être ba- Jiveaux de lPâge, et on doit les pré- férer à tout autre, quand mème ils ne seroient point parvenus à une égale grosseur. On les distingue ordinaire- ment par leur écorce, plus verte, plus lisse et plus claire que celle des autres brins ; ils se trouvent seuls et plus petits que les autres : en les maniant et les faisant incliner de côté etd’autre, on reconnoît facilement qu'ils n'ont aucune racine latérale , 7e sont 10 M'A N!U EL garnis d’un pivot ; l’on trouve des brins de pied : ces brins , que je nomme de pied, pour les distinguer destprécé- dens , sont ordinairement les plus gros du taillis et les mieux venant; onles reconnoît en ce qu'ils sont près des souches, quelquefois seuls, produits par de grosses racines latérales qu’ils tracent entre deux terres et qu'ils ne tiennent par le pied à aucuns autres brins : après les brins de semence ils méritent la préférence , pour devenir baliveaux : quand les taillis ont été ma! coupés, ces brins de pied sont: fort rares ; mais ils deviennent très-corm- muns quand on a soin de les faire exploiter, comme je le prescrirai par la suite. La plus grande partie des taillis est en brins de souches; cette troisième espèce est la plus connue , la plus com- mune et la moins propre à former de bons baliveaux : on la discerne ai- DU FORESTIER. 11 sément au simple aspect d’une souche de laquelle, comme d’une mère com- mune, se forme une famille entière qui, étant mal nourrie, végète avec peine , à raison du grand nombre. Cependant quand on ne trouve point de brins de semence ou de pied, il faut nécessairement en réserver de cette mauvaise espèce pour servir d’é- talons et procurer des graines; en ce cas, qui est ordinaire dans les forêts mal exploitées, on choisit ceux qui sont les plus gros et les plus vigou- reux. Ce premier discernement des brins de l’âge du taillis étoit absolu- ment nécessaire , pour être en état de conduire un balivage. Je vais passer à une seconde qualité qui n’est pas moins essentielle, Essence des Baliveaux de l’âge. La règle générale, la plus écôono- mique en ce point, ne peut être que À 6 12 MANUEL proportionnelle à l’essence même qui compose le massif des forêts, en pré- férant toujours la meilleure à lamoin- dre , lorsque le mélange le permettra, sans cependant donner une exclusion totale à aucune des bonnes essences ; ainsi le législateur, en ordonnant que la réserve se fasse en essence de chène, a-t-1l ajouté: s’il se peur, art. 11 du titre 15; et. par l’art. 3 du titre 25, 1l ajoute encore : hêtre ou autres de la meillleure essence. Quelques-uns Ge nos. anciens fores- tiers n'ayant point fait assez d’atten- tion à cette prudente exception à la loi, se sont scrupuleusement renfer- més dans cette unique essence de chène; et par cette administration mal - entendue, 1ls -ont dépeuplé et éclairé la masse générale de plusieurs forêts ; ils ont dévasté des cantons en- üers peuplés ei-devant en bois blanc, dont les souches péries ont cédé la DU FORESTIER. 13 place aux bruyères depuis les an- ciennes exploitations. On a coupé au- trefois, dit-on , de beaux bois dans ces places vides; on y voit encore de vieux chênes; il y avoit des char- mes, des hêtres , des bouleaux, dont il ne reste plus de vestiges, parce que l’on n’a voulu réserver aucuns bali- veaux de ces bonnes essences, dont les graines fines et déliées auroient pé- nétré dans les plis etreplisdes mousses, et par là auroient perpétué les taillis. On étoit si attaché à l'essence de chêne, que lorsqu'on ne trouvoit point le nombre suffisant de baliveaux, on rejetoit le surplus dans les parties bien plantées, dont on faisoit une futaie , tandis que l’on abandonnoit à la ruine entière celles qui n’étoient gar- nies qu’en bois blanc. Dans les forêts où on a sagement réservé des baliveaux en plusieurs essences de bois, on ne voit pas, 14 MANUEL comme dans les autres , les plaines de bruyères ;si généralement répandues: Les massifs au-dessous de vingt ans sont des fourrés impénétrables ; on a peine à y baliver avant l’exploitation, à moins que les taïilis n'aient vingt- cinq à trente ans; la raison est que différentes essences de bois ne se nui- sent point; l’une se nourrit de sucs propres qui sont inutiles à l’autre, de sorte que l’on trouve souvent le des- sous d’un très-gros chêne garni de taiilis en charmes , tandis que cette place sera toujours stérile à une cer- taine distance, si dans le canton ül n'y a que du taillis de la même essence en chène. Il paroît évident, par ce que je viens de citer, que pour entretenir les massifs d’une forêt de la manière la plus avantageuse , on ne doit point se restreindre à une seule essence de bois; et que quand même on trouveroit DU FORESTIER. 15 assez de baliveaux de la meïlleure essence pour remplir le nombre pres- crit, ce qui est bien rare, on ne de- vroit point pour cela en exclure to- talement les autres essences, quoi- qu’un peu médiocres. On pourra mettre la moitié des baliveaux en chênes, et partager lPautre moitié pour les autres bois , parmi lesquels on doit donner la préférence au châtaigner, au hêtre, ‘à l’orme, au frêne, au charme et au bouleau. Le bouleau, ainsi que tous les autres bois blancs, sont excellens à réserver dans les vides remplis de bruyères. Les semences fines de ces arbres sont capables de germer dans les plus mau- vais terrains , de détruire les bruyères; enfin, très-propres à protéger , par léurs ombres, une pläntation que l’on voudroit y faire. On ne doit point craindre ces médiocres essences , qui viennent plus promptement que les 16 MANUEL chênes: et qui périssent aussi anpa- ravant. Ordinairement les bois blancs font élever les chênes beaucoup plus haut de tiges qu’un:taillis de. même essence, et c'est dans les parties où il s’en trouve que l’on voit des plus beaux chênes. Des Bali iveaux moderres. Le baliveaux modernes sont des baliveaux âgés de deux et trois âges dans les taillis de vingt ans; un mo- derne ne peut avoir quarante ou soi- xante ans; dans ceux de vingt-cinq ans, ils ont cinquante ou soixante- quinze ans; dans ceux de trente ans, ils auront soixante ou quatre -vingt-dix ans , et ainsi de suite, à proportion des âges. On entend donc par le nom, de moderne, en général, un baliveau de deux âges au moins, et de trois âges au plus. Pour établir la réserve des. mo- DUFORESTIER. 17 dernes, on en fait le ‘choix dans les baliveaux sur taillis, qui ont été ré- servés de Pâge, lors des deux pre- mières exploitations. Il ne faut point s'attacher précisément à l’âge, parce que quelquefois il arrive qu'un mo- derne de deux âges est plus ‘beau qu'un autre de trois: on doit princi- palement s’appliquer à la vigueur de l'arbre, afin qu'il puisse encore pro- fiter et rapporter l'intérêt de son ca- pital, au bout de la révolution de l’âge, qui doit s’écouler avant la se- conde exploitation; et même, sil se peut, pendant la révolution suivante, afin de former un arbre de grosse taille lorsqu'il aura acquis le titre de ba- liveau ancien : pour cela il ne faut point qu'il soit élandré, encore moins pommier, rafaux, rabrougri et cou- ronné ; 1l faut, au contraire , qu'il ait toutes les bonnes qualités requises pour un arbre d’une belle venue et sain. 18 M A NU E L Quand les premiers baliveaux de l’âge ont été bien choisis , 1l est facile d’en extraire les meilleurs à la révolution suivante, pour le nombre des mo- derres ; mais si le mauvais état des taillis n'a pas permis alors d’en avoir de bons, 1l vaut beaucoup mieux aug- menter le nombre des baliveaux de l’âge et diminuer celui des modernes, que de perpétuer l'existence de mau- vais sujets capables de nuire aux taillis et incapables de valoir un centime de plus au propriétaire , lorsque la ré- volution suivante sera acomplie ; à moins toutefois que lon ait besoin de multiplier les étalons pour se pro- curer des semences. Des Baliveaux anciens. , Les baliveaux anciens sont tous ceux qui ont plus de trois âges; un baliveau est déjà ancien à l’âge de quatre-vingts ans, dans un taillis de DU FORESTIER. 19 vingt ans; il est ancien à l’âge de cent ans, dans un taillis de vingt-cinq ans ; il d'est également à l’âge de cent vingt ans, dans un taillis de trente ans; ainsi de suite. On choisitles anciens dans lenombre des modernes qui ont acquis trois âges accomplis. Pour cela, il faut élire les plus gros, les plus vigoureux et les plus beaux arbres de la forêt ; il faut, en général , que le tronc soit bien droit et bien élevé, qu'il porte bien ses branches, en les ramassant vers la tige, et nue sa tête ou couronne en soit garnie à proportion de sa gros- seur , c’est-à-dire, qu’il en ait encore a$sez pour entretenir cette immense transpiration nécessaire à la végéta- tion d'un pareil colosse. C’est cette futaie en réserve qui, dans les pays où il n’y en a point en massif, est d’une unique ressource pour fournir des poutres , des grosses solives , des 20 MANUEL arbres de moulin et de marteau; enfin, pour tout ce qui demande de lépais- seur et de la hauteur : on ne sauroit prendre trop de précautions pour en faire un bon choix. A cet effet, il faut le tournerenle visitant; ce qui échappe le plus or- dinairement, sont les trous que ces misérables oiseaux-vers et industrieux savent placer avec génie dans les ci- . catrices, ou sous les aisselles. des an- ciennes branches. Nombre des Baliveaux. La règle générale prescrite par l’or- donnance de 1669, fixe le nombre de seize baliveaux de l’â âge des taillis par demi-hectare; et celui de dix baliveaux anciens dans les futaies ou haut re- pl A . E - cru, c’est-à-dire, dans les hauts taillis au-dessus de trente ans (1). Il est permis (1) Par uneloi particuhère ; dans l'apanage de ci- devant Monsieur, on marquoit à trente-deux. DU FORESTIER. 21 aux particuliers de couper les baliveaux sur taillis quand ils auront acquis l’âge de quarante ans; le propriétaire qui veut.administrer ses bois en bon père de famille peut, s’il le veut, en réserver davantage, et ordinairementil le fait; car, quel profit peut-on retirer deseize baliveaux âgés de quarante ans ? Ordi- nairement ils.ne sont propres, à cet âge ; que pour de bons chevrons, et ils ne demandent qu’à croître. Si dans un bois réglé à l’âge de vingt ans ,il'usoit de cette permission, il ne resteroit dans chaque coupe que les seize bali- veaux. de l’âge, puisque les seize au- tres auroient. l’âge compétent, La né- cessité de trouver des pannes et des poutres pour le rétablissement des fermes et l’entretien des usines, oblige tous citoyens raisonnables de se mé- nager, même dans les bois de très- petite étendue, des modernes et des anciens, qui étant souvent à la portée 22 MANUEL de leurs bâtimens , leur épargnent la dépense considérable d’un transport, surtout un peu éloigné; elle égale et surpasse quelquéfois l’achat même des pièces , comme je lai vu. Le nombre le plus avantageux pour les taillis de vingt ans et au-dessus , se réduit à réserver les seize baliveaux de l’âge, dix modernestet six anciens, par demi-hectare; en tout, trenfe-deux baliveanx de différens âges. Par ce moyen on peut abattre, lors de la révo- lution suivante , trois anciens, quatre modernes, etneufbaliveaux, quiauront alors deux âges, le tout par demi- hectare. On se procurera de la char- pente de différente grosseur et un re- venu fixe annuel de cette portion es- sentielle du produit des bois, qui fera partie de l’adjudication, en vendant ces arbres avec les bois taillis, quand jes taïllis sont âgés, Ces réserves, qu’il faut couper, sont souvent d’une grande DU FORESTIER. 23 beauté; et , en ce cas, j'ai vu leur va- leur égaler celle même du taillis. Il est vrai qué dans les mauvais sols, les baliveaux se couronnent , et périssent quelquefois dès l’âge de ‘trente ans; en ce cas, on ne les considère plus que comme étalons , relativement aux semences ; toujours nécessaires au re- peuplement. Dans la pratique , on peut com- mettre des abus qu'il faut éviter. 1°. Plusieurs forestiers regardant ces vieux chènes comme dans le temps qu’ils rendoient des oracles, ne pouvoient ce résoudre à les vuir tomber avec les taillis , de sorte qu'en multipliant leur nombre au-delà des bornes raisonna- bles , sans s’embarrasser s'ils dépéris- soient ou non, ils ombrageoient et ofusquoient ces taiilis, qui périssoient à la longue; d’autres forestiers, sem- blables à des comptes faits, après avoir calculé, par le nombre d'hectares , la 24 M A N UE L quantité totale des baliveaux qu’une vente entière devoit fournir dans cha- que classe, se fixoient tellement à ce nombre, que lorsqu'ils ne le trouvoient pas après avoir parcouru une vente, ils retournoient dans les parties, et là, marchant à pas raccourcis, ils mar- quoient les premiers venus, à droite, à gauche , sans distancier les espaces autant que l’état du bois le permet- toit, jusqu à ce qu'enfin, bien et due- ment vérifié, 1ls s’étoient assurés que le nombre total de chaque espèce de baliveaux étoit parfaitement rempli : quand il arrivoit qu'il y en avoit au- delà ,ils démarquoient le surplus, sans s’embarrasser de la confusion que le démarquement pouvoit produire; il falloit que le compte fait auparavant existât aussi exactement sur le terrain que sur le papier. Pour éviter de pareils défauts , il faut considérer que le nombre de trente- DU FORESTIER. 25 trente-deux réserves que l’on se pro- pose de marquer dans chaque demi- hectare doit exister, seulement dans ceux qui sont assez garnis pour en produire cette quantité et même au- delà; que l’on ne doit point leur faire supporter la diminution que des hec- tares moins garmis ne manquent point d’occasionner : ce seroit une injustice forestière. Ce seroit encore un abus que , pour remplir le nombre total, on s'avisôt de marquer indifféremment des mo- dernes couronnés et dépérissans : on assureroit, par ce moyen, une perte réelle au propriétaire; cet arbre qui est dans sa valeur ne marquera pas de dépérir d’un quart, d’un tiers, de moi- tié, et quelqueloiïs entièrement: j’en ai vu périr pendant la révolutionsuivante tandis qu’il auroït dû augmenter , et payer par là le loyer de sa place. Bb 26 M:ANGEeL On ne doit pas non plus , sous le prétexte de compléter un nombre, inarquerindifféremmentles arbres bien venant, sans aucun égard aux espaces et aux distances nécessaires pour leur végétation et celle des taillis , de sorte que quand on auroit de fort beaux mo- dernes qui se toucheroient les uns les autres , il faudroit, pour la bonne ad- ministration, éclaircir ces pelotons que l’on trouve communément dans les anciennes ventes, surtout dans les bois du ci-devant apanage de ci-devant Monsieur, où on en laisse trente-deux. l’on ne doit point comprendre les taillis âgés de dix ans et au-dessus jus- ..-, Le2 y qu'à vinst ans exclusivement; dans cette règle de trente-deux réserves par demi-hectare, elle ne seroit pas suffñ- sante pour ces jeunes tailhs, qui ne peuvent produire que des baliveaux inodernes et anciens bien médiocres : ceux des trois et quatre premiers âges DU FORESTIER. 27 font de si petits volumes, que lon peut en réserver vingt par demi hectare, au heu de seize. Au reste, la ressource qu’ils peuvent donnerestsi peu iatéres- sante pour le bien public, qu'il est inu- tile d’en parler davantage. En général ,on ne peut trop approu- ver la réseive d'un nombre raisonnable de baliveaux dans les taillis, 1°. [l ré- sulte des expériences rapportées par M. Duhamel, que les baliveaux qui res- tent après la coupe du taillis, ayant une fois de l’air, grossissent bien plus considérablement que s'ils étoient en massif; ce que je démontre en par- lant de l'estimation : j'en rappor- terai les produits. Leur tige ne s'é- lève plus , il est vrai; mais, en revan- che, ils sont bien plutôt propres à don- ner de la grosse. charpente que les masses de futaies , toujours plus lentes. et plus tardives à grossir; dans des taillis âgés de vingt-cinq ans, leur B 2 28 MANUEL tronc acquiert assez de hauteur, sans branches, pour fournir les longueurs les plus ordinaires dans les bâtimens, qui ne sont plus , comme autrefois, composés de grandes pièces; 2°. d’après les observations que j’ai faites sur les obstacles qui empêchent les semences, surtout les plus grosses, comme les slands, les châtaignes, même les faînes de germer et dont on trouvera, dans la suite. de cet ouvrage, les résultats; on verra que les baliveaux seront d'une grande ressource, surtout si l’on dé- truit la mousse avant la coupe des taillis; et comme la mousse est longue à revenir , le sol sera encore en état de recevoir des semences quelques années après : toutes celles que ces baliveaux pourront fournir, acheveront de peu- pler, plus qu’il ne faut, toutes les pe- tites clairières qui pourroient encore exister; peut-être même que les bois de- viendront des pépinières,au moins dans DUFORESTIER. 29 les bons fonds, dont on pourroit enle- vér quantité de plants, sans faire de tort à ceux qui resteroient , pourvu que Von ait l'attention d’enlaisser de dis- tance en distance. Du Balivage en général. * Le balivage est une opération par laquelle on procède à la marque etau choix des balivaux, dans chaque vente annuelle , avant que d’en faire l’esti- mation et l'exploitation : par cette marque on distingue les brins de l’âge qui sont réputés baliveaux, et font par- tie de la réserve ; ce qui exige une con- noissance pour bien, et à propos, dé- cider sur le choix. Elle se faisoit ci- devant par l’administration réunie, composée d’un Maïtre particulier, d’un garde-marteau , du procureur du roi , ou agent national , et du greffier. Il y avoit une boîte à trois clefs, con- tenant les marteaux, dont les trois B 3 20 MANUEL premiers officiers avoient chacun une clef différente, Ces marteaux, revêtus d’un côté, du type du gouvernement, ne pouvoient être tirés de eette boîte que pour cette opération , après lJa- quelle 11s y étoient renfermés soigneu- sement, Les ci-devant seigneurs qui possédoient des grueries, faisoient conduire ce mécanisme forestier par leur procureur fiscal. £a manière de baliver est différente en bien des endroits : dans les forêts où les bois sont aflectés aux forges et fourneaux, on afferme seulement le bois taillis de neuf ventes, qui font parle d’un triage, pour être coupées consécutivement pendant les neuf an- nées du bail, à charge, par les maîtres de forges ou de fourneaux, de laisser seize baliveaux de l’âge par demi-hec- iare, pour être réservés avec tous les autres baliveaux modernes et bali- veaux anciens : dans ce cas, les pro- DU FORESTIER. 31 priétaires ne font pas toujours le bali- vage des baliveaux de l’âge , ils se con- tentent de recommander au garde du triage de faire exactement ses visites , et de veiller à ce que les bûcherons aient l'attention de laisser les plus beaux brins pour baliveaux , et de les bien espacer. Ces bois sont ordinaire- ment jeunes et fourrés , c’est pourquoi on peut se dispenser d’un balivage, qui est, pour l'ordinaire, pénible. Cependant, il n’y a rien de tel que de main de maître; ainsi, pour con- cilier toutes les difficultés ensemble, on peut obliger l’adjudicataire de lais- ser sur pied , jusqu’au 15 germinal au plustard, la plus grande partie des maître-brins , et, par privilège spécial, ceux qui seroient élevés de semence, ou qui seroient de brins de pied; alors les officiers auroient toute la facilité de faire un bon choix, et de bien espa- B 4 32 MANUEL | cer ce premier balivage ; qui, tout bien considéré, est d'aussi grande con- séquence que celui des vieux arbres, puisqu'ils sont à demeure, et quec'est de ce séminaire dont on tire, par la suite, les gros bonnets, Quend le maitre de forgeiatfaitiex- ploiter ei faconnertout le bois tailis ; et que le terme de la vidange est'ar- rivé, il requiert le récolement ; qui se faisoit ordinairement en messidor:: es officiers ne manquoient pas d'aller compter les baliveaux laissés, dont le nombre étant peu intéressant pour l’ad- judicataire, se trouve toujours remplx au-delà du nécessaire. L’opérationse termine par le procès-verbal. de dé- charge , contenant Je congé du mar- chand. £ 1 H ‘< En faisant ce récolement ;.on re- marque bien, facilement. si le, taillis n'est point tropoilusqué par les réser- ves des anciens baliveaux: quandils’en DU FORESTIER. 33 trouve une trop grande quantité dont plusieurs sont couronnés ou dépéris- sans, on procède, les jours suivans , au martelage des plus mauvais moder- nes et anciens baliveaux , que l’on a marqués pour être abattus, en mettant l’empreinte sur une grosse racine de la souche , ou sur le pied le plus près de terre que fairese peut. On compte ordinairement le nombre de ces ar- bres, dont on fait l’estimation sur les Heux, pied par pied ; voilà la méthode usitéeet la plus propre pour ces sortes de bois, qui ne peuvent être vendus que séparément , à cause de leur dif- férente destination. On ne peut com- prendre dans, le fermage pour neuf années , le nombre inconnu des ba- liveaux modernes et anciens qu’il fau- draabattredans chaque coupe; ainsi, il est de toute nécessité qu’il y ait deux opérations distinctes; il n’en est pas de même pour les autres méthodes, B 5 34 MANUEL Autre Méthode. On est obligé, comme on vient de le dire, de se conformer aux diff£- rentes destinations ,etconsommations des bois, quand une forêt contient des bois taillis de vingt à trente ans, et que tous ces bois sont destinés pour ie chauffage et la charpente des grandes villes. Alors on vend annuellement, et on peut réunir dars une seule vente les modernes et anciens dépérissans et offusquans, avec les bois taillis ; eñ ce cas, assez ordinaire, le balivage devient général. Dans quelques forêts, on fait ce balivase d’une manière distinctive, propre à chaque espèce de réserves; par exemple, on donne une seule em- preinte à chaque baliveau de l’âge ; on en donne deux à chaque moderne; on en donne aussi deux à chacun des an- ciens; mais on en met une sur une DU FORESTIER. 35 face et l’autre sur l’autre face : de cette facon, la manière dont un arbre cit marqué décide son espèce et fixe 1r- révocablement la classe dans laquelle il a été mis. On compte exactement le nombre de chaque espèce, et on en dresse le procès-verbal , qui constate la réserve totale que l’adjudicataire sera tenu de représenter lors du ré- colement de cette vente. Tous les autres arbres non marqués, et dont on ignore le nombre, sort abandonnés au bras séculier, et font partie , avec les taillis, de l’adjudi- cation totale. L’officier chargé de faire l’estima- tion , est obligé de faire compter le rombre des arbres condamnés à être abattus, mais pour cela, il se con- tente de les distinguer au pied de tour, parce que son but est d’en savoir uni- quetent la valeur; peu importe si, dans le nombre, on oublie quelques B 6 r74 30 M menu BE modernes de deux âges ; qui souvent ne sont guère meilleurs qu'ungros brin de taillis : cela ne peut être d'aucune conséquence pour l'estimation 088 rale. Auire TÆéthode. Dans les hauts taillis ou futaies, on procède d’une manière différente ; le balivage en est plus agréable; on peut facilement faire un bon choix des sujets , dans un bois clairet bienélevé, où l’on n’a que dix baliveaux à mar- quer par demi-hectare. es officiers ne donnent qu’une seule empreinte à chaque baliveau ,; fut-1l moderne , fut-1l ancien; la distinction de leurs différentes espèces se fait seu- lement par l’âge , ce qui est très-facile. Pour les futaies ou hauts taillis, dans lesquels on discerne aisément un ba- liveau de deux âges d’un autre de trois âges, on exprime donc l'espèce des DU FORESTIER. 37 nombres que l’on marqne par Pâge, sans ‘autre dénomination. LP Résultat de ces Méthodes La title différence essentielle de méthodes précédentes peut se réduire’, pour la pratique, à savoir lequel est le plus avantageux de marquer les modernes et anciens baliveaux qui doivent être réservé$ , ou de ne mar- quer que ceux qui doivent être abat- tus. Pour être en état de porter un jugement équitable , 1l est nécessaire d'exposer, avant, les inconvéniens etles avantages qui peuvent en résulter. Premièrement , la marque des mo- dernes et vieux arbres étant faite or- dinairement à trois doubles décimètres de hauteur , au-dessus de leur souche, fait un très-grand tort à la partie du tronc la plus riche. Plus un chêne est vieux, plus son écorce est épaisse , et plus il faut enfoncer l’entaille, qui, 38 MANUEL comme une vraie coche, nuit consi- dérablement au sujet , le pourrit et le périt souvent, par cette misérable plaie , où il se forme des gouttières. Cette distinction des pièces de char- pente les plus importantes, est bien plus certaine lorsque Fon donne deux empreintes à chaque arbre, comme dans la seconde méthode. La répéti- tion de ces entailles à chaque révolu- tion d'âge, procure la ruine totale d’un bon sujet, qui peut languir dès la première incision qui lui a été faite. Dans un taiilis qui se coupe à l’âge de vingt ans, le baliveau recoit cette pre- mière empreinte douloureuse; quand il est parvenu à l’âge de quarante ans, alors connu moderne , il en recevra deux plus profondes ; à l’âge de soi- xante ans, encore deux autres, aussi comme moderne ; et à quatre-vinats ans, il aura , en qualité d’ancien, les deux touches, dont une sur chaque DU FORESTIER. 39 face, desorte qu'à cet âge 1l sera percé de sept cautères , qui, certainement , au dire de tous les connoisseurs , sufh- ront pour le faire périr, au moins pour l’empêcher de grossir davantage: voilà le premier inconvénient de cette méthode. Il suffit de l’exposer, pour en faire sentir toutes les conséquences qui , bien considérées , doivent la faire réprouver à jamais. Le second inconvénient de cette méthode consiste dans les erreurs de calcul et dans la difficulté d’aperce- voir les délits que pourroit commettre un garde-vente , pendant tout le temps de l’exploitation ; effectivement, la re- présentation de toutes ces réserves, lors du récolement, dépend de la cer- titude du calcul qui en a été fait lors du balivage. Si dans ce premier compte on s’est trompé, ce qui est facile dans de grands nombres, j'en ai vu des exemples, comment asseoir un juge- 40 MANUEL ment et condamner, quelquefois mal à propos, un marchand à payer des arbres.qui n’ont jamais ‘existé? D’ail- leurs si un garde-vente est capable de s’emparer de quelques-uns des plus beaux arbres de la réserve, assuré- ment, 1l prendra son temps pendant que le garde du canton sera ailleurs. 11 lui en faut très-peu, 1l lui sufht de démarquer les empreintes, en le- vant une partie de bois, comme s'il étoit prêt à les équarrir. Comment un garde s’apercevra-t-1l de ce délit? ce garde du triage ne peut seul compter Ja totalité de la réserve , pour s'assurer qu'il en manque; de sorte que pendant: le cours entier de l'exploitation jus- qu’au récolement , on ignorera ce délit. Un garde-vente qui veut jouer ce mau- vais rôle , sait fort bien laisser en place quelques modernes médiocres, et de petite valeur, qui ne sont point inar- qués, pour, dit-il, remplacer. ceux DU FORESTIER. At que des ouvriers auroïent pu abattre par méprise , ou-pour compléter le nombre , qui ja pu être mal assuré, lors du bilih eu Ces deux défauts essentiels, l'in pour la partie juridique , et l’autre pour l'iménägement des: bois, doivent dé- iérminer: toutes les Autorités à dé- fendre rigoureusement ‘une päreilie méthode. | | Ikn’en ést point de même de la pre- muière , par laquelle on ne compte et on.ne marque) que les ‘arbres qui doivent être abattus d’une seule tou- çhe ,sux une seule racine de la souche, ou bien!le plus près de terre que faire se peut. Cette méthode remplit toutes les conditions essentielles : 1°. onne fait aucun tort aux arbres réservés ; 2°, si un garde-vente étoit assez hardi que de s'emparer d’une seule de ces réserves , le garde du triage, et surtout le ci-devant garde-marteau, dans ses 42 MANUEL visites, pourroit s’en apercevoir fout de suite, sans être obligé à aucun cal- cul. I} sufit de remarquer une seule souche sans l'empreinte du marteau ; ce défaut prouvera, sans aucune er- reur, que l’arbre enlevé est incontes- tablement un arbre réservé, lors du récolement; 3° . on reconnoît, avec la même facilité, sil y a des souches sans empreinte, en visitant la vente pied à pied, et on vérifie le nombre des marques en délivrance, par celui des souches que l’on compte de cette manière; sil s'en trouve une seule sans Je témoin de l’empreinte, on peut condamner sévèrement le mar- chand, sans crainte de porter un faux jugement. IWéthode composée. L’ordonnance de 1669, qui doit servir de base à telle méthode que l'on puisse proposer, s’est expliquée clai- DU FORESTIER. 43 rement au s jet des baliveaux de l’âge, qui doivent être tous marqués, ainsi que les pieds corniers , les arbres de parois et de lisière ; mais comme ces derniers doivent recevoir plusieurs marques , c'est-à-dire, Pempreinte du marteau du gouvernement, et celle de celui de l’arpenteur , elle ajoute : avec de la prudence , le plus bas de terre que faire se pourra. Elle s’ex- plique encore aussi clairement, quant a la forme à observer pour la marque des arbres qui doivent être abattus dans les ventes annuelles pour la ma- rine : elle ordonne anx officiers de marquer ces arbres tant du marteau du gouvernement que du leur, en présence du corps ci-devant admi- uistratif. L'ordonnance qui, en cet endroit, suppose le poïgnet de celui qui frappe aussi nerveux que celui d’un des gardes le plus fort, n’ajoute point : le plus 44 MANUEL près de terre que fairese pourra; quoi- que chaque arbre recoive deux mar- ques différentes parce qu’ils doivent être abattus, au lieu que ceux dont elle a parlé dans l’autre article doi- vent être réservés. Enfin, la réserve de tous les bali- veaux modernes etanciens est ordonnée avec ceux de l’âge ; mais le législateur qui a prescrit la marque de ces der- niers seulement, ne l’a point enjoint pour les premiers; ce n’est point par oubli, mais avec dessein; il a pensé que des baliveaux de l’âge avec les modernes la différence étoit assez sen- sible par elle-même, pour ne point en établir une autre. | Il résulte de ces trois articles, qui sont les seuls relatifs à la marque des arbres, que l'esprit de la loi veut que l’on ne marque que les baliveaux de l’âge; et les autres baliveaux, seule- ment dans le cas cü il conviendra deles DU FORESTIER. 4 abattre; par conséquent, la seconde méthode est diamétralement opposée a cette disposition de la loiet; par là même digne de l’anathème fores- tier. Afin donc de remplir tonte jus- tice, 1l me semble qu’il conviendroit de marquer : 1°. tous les baliveaux de l’âge, conformément à l’art. 11 du titre 15 de l’ordonnance; 2°. seule- ment les baliveaux modernes et an- ciens qui doivent être abattus, suivant l’art. 3 du titre 2r. Ouant aux baliveaux de l’âge, ilme semble nécessaire de mettre ici sous les yeux du gouvernement quelques observations importantes pour la con- servation de cette pépinière précieuse de charpente, seulement dans les bois taillis âgés depuis dix ans jusqu’à vingt ans; dans de tels. bois, ces jeunes élèves ne sont point encore assez forts, pour supporter la fâcheuse entaille que les ofliciers marteleurs leur font 46 MANUEL subir ordinairement, pour leur appli- quer l'empreinte du marteau, et qui se nomme 77iroir. J'en ai vu beaucoup qui ne pouvolent se cicatriser qu’au bout de trois ans; pendant tout ce temps, la partie ligneuse, exposée à l’air, contracte, de toute nécessite, de la corruption, et forme un grand dé- faut dans la partie la plus précieuse du tronc : car ceite empreinte se met ordinairement à trois demi-déciimètres de hauteur et même à quatre, quel- quefois, des gouttières;-et alors ils ont beau grossir, 1ls ne sont plus propres à former une bonne poutre. Il est donc des plus intéressant de remédier à cette usage abusif, qui est général par tout le gouvernement. Pour être en état de présenter en même temps le remèce le plus conve- nabie , J'ai fait des expériences dans des bois de particuliers; je me suis contenté de frapper d’un marteau, DU FORESTIER. 47 sans aucune entaille, l'écorce dans la partie la plus lisse et la plus unie des baliveaux, qui se trouve communé- ment entre cinq et six pieds de hau- teur, et j'ai remarqué que cette em- prete se gravoit parfaitement bien, beaucoup mieux que sur le bois, pour- vu que l’on n’appuyät pas le coup avec trop de rudesse ; car alors on em- porte la pièce; il suit de couper l’épiderme et de rompre les fibres de la seconde écorce. J’ai examiné ces empreintes, et elles ne se sont effacées légérement qu’au bout de trois à quatre ans, encore reste-t-1l une figure sem- _blable à celle qui a été imprimée: Par ce moyen, on conserveroit la vigueur de l'arbre, et cette empreinte, se trou vant à six pieds, seroit à l’abri de servir à jouer aux pâtres, qui les ef- facent, eten contrefont même. L’ordonnance n’a point fixé les dif- férentes essences d’arbres qui doivent 48 MANUEZL constituer la classe des fruitiers. Dans certaines forêts, on met le cochêne dans le nombre des fruitiers, et dans d’autres, on le regarde comme un bois blanc ordinaire; par conséquent ilest très-diicile d'en donner la nomencla- ture exacte; en général, les poiriers, pommiers, cormiers, néfliers , aliziers, merisiers, pruniers, azeroliers, amé- lanchiers, sont des arbres regardés par tout comme fruitiers; cependant si un taillis se trouvoit, comme cela arrive quelquefois, bien garni dans une de ces essences, assurément 1l convien- droit de fixer alors le nombre que l’ad- judicataire devroit en laisser, et de Jui abandonner le reste du taillis ; au- trement ce seroit abuser de la règle, qui doit, comme les autres, avoir ses exceptions. Æstination des bors. Quoiqu'il ne soit pas possible de donner DU FORESTIER. 49 donner des règles parfaitement justes sur l’accroissement des taïllis, dont les progrès dépendent encore plus de la qualité du sol que de lessence des bois ; on peut dire, en général, que lés bois de chêne, hêtre et châtaignier, ete, soit taillis, haut taillis, ou demi- futaie ;/s’élèvent environ d’un pied chaque année , jusqu'à soixante ou quatre-vingts ans, ‘dans les bons fonds propres aux essences de bois dont ils sont plantés. Après cet âge, ils s’é- lèvent très-peu; mais ils grossissent pendant long-temps, à peu près d’un demi - centimètre chaque année, sur la totalité de la circonférence. Les bois blancs, qui ont la séve plus hä- tive et plus abondante, croissent et grossissent plus promptement, au moins d’une moitié ; mais ils ne vivent point si long-temps. Dans un massif de taillis âgé de vingt ans, un brin de chène, pris dans la moyenne propor- C bo M A NU EL tion, entre les plus gros et les plus petits, pent avoir dix centimètres de tour, mesuré à quatre ou cinq doubles décimètres de terre, sur vingt doubles décimètres de ados Un baliveau moderne de Aesbrtant ans , ou deux âges qui, à vingt ans, avoit la grosseur ci-dessus, de dix cen- timètres , se trouvera de quatre, déci- iètres de tour, sur à peu près la même bauteur de vingt doubles décimètres pour la tige. Le même moderne, parvenu à son troisième âge, c’est-à-dire, soixante ans, pourra avoir quarante pouces de tour sur la mème hauteur de vingt doubles décimètres pour la tige; le même moderne, devenu ancien bali- veau à son quatrième âge, à quatre- vingts ans se trouvera au, moins de quatre doubles décimètres de tour, et très-peu de hauteur de plus pour la tige. Dans un massif de taillisde vingt- DU FORESTIER. 5t cinq ans, un brin de chène pris dans la, moyenne proportion, peut avoir douze à treize centimètres de grosseur, sur vingt-cinq doubles décimètres de hauteur pour sa tige. . Le même brin, devenu moderne à cinquante ans, ou-deux âges qui, à vingt-einq ans, avoit douze à treize centimètres , peut porter deux doubles décimètres et demi de tour, sur la. même hauteur de vingt-cinq doubles décimètres pour tige. * Le même moderne, parvenu à son troisième âge, qui est de soixante- quinze ans, aura un peu plus de quatre doubles décimètres et demi de tour, sur la même hauteur de tige. Le même moderne, devenu baliveau ancien à son quatrième âge, quiest de cent ans, aura plus de cinq doubles. décimètres et demi de tour avec une tige de même hauteur. * Dans un massif de taïllis réglé, à C 2 52 MANUEL ‘âge de trente ans , un brin de chène pris dans la moyenne proportion , peut avoir quinze centimètres de grosseur avec une fige de trente centimètres de hauieur. Le même brin, devenu moderne à son deuxième âge, de soixante ans, peut avoir trois doubles décimètres de: tour, et la même hauteur-de trente doubles décimètres pour la tige. Ce moderne, parvenu à son troi- sième âge, qui est de quatre-vingt-dix ans, peutavoir cinq doubles décimètres de tour, sur la même hauteur pour Ja tige. Le même moderne, devenu ancien à son quatrième âge, quiest decent-vingt ans, peut avoir sept doubles décimètres de tour, sur la même hauteur pour la tige. L'on trouve des chènes plus hauts et plus gros à l’âge de cent vingt ans : j'en ai vu un, à cet âge, qui avoit DU FORESTIER. 53 dix doubles décimètres de tour, et près de quarante doubles décimètres de hauteur , réduit en charpente; mais les grosseurs et hauteurs, ci rapportées, sont les moyens proportionnels entre les plus gros et les plus petits. Il résulte de ces observations expé- rimentales , que les baliveaux mo- dernes et anciens croissent très-peu en hauteur, mais qu’ils grossissent moitié plus que les brins de taillis, et à peu près de neuf millimètres par an, sur le tour en entier : à compter de- puis la coupe des taillis, où ces arbres ont été laissés en réserve, il n’y a que les branches qui s'étendent, le tronc demeurant entièrement de la même hauteur, en comptant depuis les branches que les baliveaux avoient quand on a coupé le taillis. Ces ob- servations prouvent qu’il est très-avan- tageux de laisser un nombre raison- nable de baliveaux dans les taillis, C 3 54 MANUEL on se procure par là bien plus promp- tement de la charpente, que sion n'a- voit que des massifs de réserve ; elle n’est pas si longue, mais, pour les bâtimens civils, des pièces de trente doubles décimètres, de vingt-cinq et même souvent de vingt doubles déci- mètres suffisent. On n’occupe plus de grands appartemens comme autrefois. Produit des différens Taillis. Un bon hectare de bois taillis, réglé à l’âge de vingt ans et placé dansun bon fonds, peut contenir environ neuf cents brins, de dix centimètres de grosseur commune, sur vingt doubles décimètres de hauteur, qui, réduits en corde de grand bois de trois dou- bles décimètres et demi de longueur , peuvent fournir environ huit doubles stères, à raison de quatre cent cin- quante bûches par demi-stère ; le sur- plus, qui est de six doubles déci- DU FORESTIER. ES mètres. avec les branches , peut ‘pro: duire environ huit cents de-'bons fagots. h où Le même Fébt a oil à l'âge de vingt-cinq ans , aura les neuf cents brins de douze à treize centimètres de grosseur ,; sur vingt-cinq doubles décimètres de hauteur, .qni, produi- ront douze doubles stères. de grand bois, à raison .de trois cents bû- ches par double stère. Le restant don- nera encore huit doubles stères de bois à. charbon, let. cinq.à six cents de fagots. Le même demi-hectare, à l’âge de trente ans , aura neuf cents brins de quinze centimétres de grosseur, sur trente pieds de hauteur , qui rendront dix-huit doubles stères de grand bois, à raison de. deux cents. büchies par double stère , en outre huit. doubles stères de bois calin, de deux doubles décimètres et demi, six doubles stères C4 56 MANUEEZ de bois à charbon, et cinq cents de fagots. | Il résulte de ces différens produits que l’on‘ peut connoître , à quelque chose près, la vraie proportion du produit de ces diflérens âges, qui est d'autant plus avantageux qu’ils sont plus vieux; il faut encore ob- server que le double stère d’un grand bois, dans un taillis âgé, est d’une valeur différente et au-dessus de celle du même double stère composé de brins moins gros; il n’est plus ques- tion que de composer avec la diffé- rence des lieux, pour apprécier en argent le produit de chaque taillis. On ne peut pas faire de règle pré- cise pour Pestimation loeale destaillis, dont la valeur en nature varie dans une même coupe : tout ce que lon peut se proposer , c’est de donner une approximation du vrai pour les bons fonds plantés en espèces de chêne : on DU FORESTIER. 57 se tromperoïit lourdement , si ‘on en vouloit faire l’application aux ‘taillis situés dans les mauvais terrains, et dans ceux qui sont d’une autre essence de bois , ou dans lesquels il y a plu- sieurs essences différentes. Les règles générales se réduisent , pour l’ac- quéreur , à considérer le nombre et la grosseur des arbres, leur essence, et surtout le débit le plus avanta- geux, qui comprend la facilité du débardage, la proximité des villes, etc. Réduction des arbresen charpente. Pour'connoître combien un arbre en grume peüt porter d'équarrissage , on prend la circonférence en déci- mètre ; on Ôte le neuvième du total, et-on prend le quart du restant; ce quart donne au juste le compte: de Ha pièce à équarrir. Par exemples, sun arbre mesuré à six doubles -déci- mètres. de hauteur. ; a. trente -six C 5 58 MANUEL centinètres de tour , on ôte la nex- vième partie , qui esé quatre centi- mètres, et on prend le quart du restant ou de trente - deux centi- mètres; ce quart donnera huit cen- timètres d’équarrissage pour l'arbre dont il s’agit. Dans un bois réglé , à l’âge den vingt ans , un balivyeau moderne de deux âges , qui aura vingt-cinq centimètres d’équarrissage , sur vingt pieds de longueur , ce qui fait un peu plus qu’une pièce de charpente ; cet échan- tillon ne peut convenir que pour la province ; car à Paris la moindre pièce est de six centimètres d’équarrissage. Le même baliveau , à l’âge de soixante ans, pourra donner huit centimètres d’équarrissage , qui sur la longueur de vingt doubles décimètres , produi- ront au plus trois pièces de charpente. Le même baliveau , à lPâge de quatre-vingts ans, donnera onze centi- DU FORESTIER. . g mètres d’équarrissage , qui sur la lon- gueur de vingt doubles décimètres , produiront cinq pièces et demie et huitième de charpente. Dans un boïs taillis, réglé à l’âge de vingt - cinq ans, un moderne de deux âges qui aura deux doubles déci- mètres et demi de tour, donnera six millimètres d’équarrissage , qui sur la longueur de vingt - cinq doubles décimètres , donneront un peu plus de deux pièces de charpente. Lé- mème moderne, parvenu à son troisième âge de soixante-quinze ans, donnera dix centimètres d’équarris- sage ,/ qui sur la lohgueur de vingt- cinq doubles décimètres , produiront six pièces de charpente. Le même moderne , parvenu à son quatrièmé âge de cent ans, donnera treize décimètres d’équarrissage, qui produiront près de dix pièces de char- pente. | C 6 66 M. A NU EL » « Dans un taillis, réglé al ige de trente ans, tn bahveau moderne. de deux âges aura, trois; doubles, déci- mètres de tour . et. donnera; :Sep£ centimètres d’équarrissage , quitsur la longueur de trente doubles, déci- mètres ,, produiront trois pièces..un tiers de charpente. :: intel: tés Le même moderne: parvenu à son troisième âge de quatre-vingt-dixans, donnera un double décimètre d’équar- rissage , qui sur la longueur de trente doubles décimètres ; produiront ;dix pièces de charpente. s Es: bé dé À Le même arbre étant: devenu. an- cien à son quatrième .âge de cent vingt ans, donnera seize à dix-sept millimètres d'équarrissage, qui pro- duiront sur. la longueur. de,trente doubles décimeètres ,: dix-huit pièces et deux tiers de ;charpente. Il est facile d'apprécier la valeur de ces arbres en argent , lorsquelon se à A DU.FORESTIER. Gr sait de prix de la charpente. On donne ordinairement cinquante francs par cent pour l’équarrissage, dans les en- virons de Paris , et elle se vend de- «puis deux cent cinquante, jusqu’à trois cent. francs sur les lieux ; ainsi on-peut estimer la pièce de charpente, dans les jeunes taillis, quarante dé- -cimes , et cinquante ‘dans les taillis -agés. | - Cette réduction en charpente , qui est vraie, quant à la proportion, qui se trouve entre les différens âges, prouve incontestablement combien il est avantageux de porter les bois à un âge avancé , en cinq ans de plus on double le produit des charpentes, et on contribue en même temps au bien public. fiéduction en plunches et en bors de fente. Premièrement. Quand on trouve des 62 MANUEL gros arbres pommiers , dont les troncs sont au-dessous de quinze doubles décimètres de longueur , on est obligé de les réduire en planches. Lorsque l’on a des scieries à eau > on ne prépare point les arbres avant de les scier, en les équarrissant comme pour les scieurs de long: on livre les arbres en grume , et on pro- fite de toute la grosseur par les-pre- mières levées ou dosses , qui sont tou- jours plus utiles que des copeaux. Un tronc de six doubles décimètres de longueur , sur six doubles déci- mètres de tour , rendra vingt-quatre planches de treize millimètres d’épais- seur , et de huit centimètres de Îar- seur, sur six doubles décimètres de longueur, ce qui fera deux doubles mètres deux tiers de planches, en supposant le double mètre carré en tout sens. | Un tronc de la même longueur, DU FORESTIER. 63 sur neuf doubles décimètres de tour, produira trente-six planches de treize millimètres d'épaisseur , d’un double décimètre environ de largeur , et qui feront six doubles mètres carrés. Secondement. Lorsque l’on ne peut tirer dans les millimètres de chêne que des billes de quatre doubles déci- mètres , on le réduit en bois de fente : cela arrive quand un arbre est mort en cime, ou qu'il est garni de nœuds pourris, des œils de bœuf, etc. On fait encore des lattes , du merrain, des échalas avec de très-bons arhres, lorsque l’on en trouve le débit plus avantageux. La fente a lavantage d'employer des billes de toutes longueurs, savoir: 10, six doubles décimètres pour les échalas d’espalier , d’un centimètre de largeur et d'épaisseur ; 2°, quatre doubles décimètres et demi pour les échalas des vignes, d’un centimètre 64 MANUEL et demi d’épaisseur et de largeur. 3°. Quatre doubles décimètres pour la latte, de deux à trois millimètres d'épaisseur ; et de quinze à seize millimètres de largeur. 4°. Trois dou- bles décimètres et demi pour les mer- rains des demi - queues, de six milli- mètres d'épaisseur et de quatre doubles décimètres de largeur. 5°. Deux dou- bles décimètres deux centimètres pour leurs enfoncçures, de neuf millimè- tres d'épaisseur , et de quatre centi- mètres de largeur. 6°.: Deux doubles décimètres pour les barres ; de neuf millimètres d'épaisseur , «et de trois centimètres de largeur. 7°.:Dix-huit centimètres pour le palisson , d’un décimètre d'épaisseur et de largeur. 8°. Huit centimètres: pour les che- villes des tonneliers, de ‘six mulli- mètres d'épaisseur et de largeur.ge. Dix centimètres pour le bardeau , de cinq centimètres de largeur, et de six miili- DU FORESTIER 65 mètres d'épaisseur. Au moyen de toutes ces différentes longueurs, on peut estimer toutes les parties propres à la fente ; qui se trouvent répandues dans la longueur d’une tige mal faite, entre deux nœuds, entre deux grosses branches , etc. Pour faire voir combien il y a de profit à débiter les arbres en fente, lorsque le débit s’en trouve, je vais donner quelques produits en lattes, de deux à trois millimètres d’épais- seur, sur quinze à seize millimètres de largeur. Une bille de quatre dou- bles décimètres de longueur, et de vingt-sept millimètres de tour , pro- duira environ deux cent vingt lattes. Une bille de quatre doubles décimè- tres de longueur, et de vingt- sept centimètres de tour, produira envi- ron deux cent vingt lattes. Une bille de même longueur, et de quatre doubles décimètres de tour , en pro’ 66 MANtGT—ÆEL duira six cent. Une :bille de mème longueur , et de cinq doubles déci- mètres de tour, en produira un mil- lier. Une bille de même longueur , et de six doubles décimètres de tour , en produira plus de quatorze cent. Enfin, une de même longueur ,et de sept. doubles décimètres de tour, en pro- duira près de dix-neuf cent. Ces lattes s’arrangent par bottes de cin- quante ; il faut vingt bottes pour la charretée, qui est de mille bottes, nommées lattes carrées , pour les couvertures en tuiles plates. Réduction des arbres en bois de sière. Quand il se trouve beaucoup d’ar- bres dans une vente, qui ne sont propres que pour le bois de chauffage; on met le nombre à part'avec leurs bauteurs et leurs grosseurs, et on hit l'évaluation de leurs tiges, sui- DU FORESTIER. 67 vant les proportions suivantes : un arbre de deux doubles décimètres et demi de tour, sur dix-huit de longueur , produira un quart de stère de grand bois. Un arbre de trois doubles décimè- tres et demi de grosseur , produira un quart et un huitième de stère. Un arbre de quatre doubles déci- mètres de tour , sur la même longueur, de douze doubles décimètres , pro- duira un demi-stère. Un arbre de même grosseur, sur la même longueur, de douze doubles .décimètres, produira trois quarts de stère. Un arbre de six doubles décimètres de tour, sur vingt-sept doubles déei- mètres de longueur, doit rapporter deux stères. Un arbre desept doubles décimètres et demi de grosseur, sur trente-six de longueur , rapportera trois stères. 68 M.A N U-:EUL Quoique cette appréciation vaguesoit bien éloignée d’être exacte, et que sou- vent, à la seule inspection des arbres , le marchand augmente ou diminue d’un quart de stère , elle ne laisse pas de guider dans une estimation provi- sionnelle , qui doit toujours être faite avec promptitude. Estimation des bois taillis. Puisque les osiers peuvent être con- sidérés comme des jeunes taillis , il est bon de savoir qu’un hectare bien planté peut rapporter deux cents torches, qui se vendent, suivant les années, 20, 25 et 30 centimes l’une dans l’autre. La torche est composée de deux poi- gnées ; la poignée contient cinquante brins refendus chacun en trois. Les jeunes taillis destinés à faire des cercles et des cerceaux , se coupent à l’âge de six ou sept ans ; si ce sont des châtaigniers , un bon hectare peut rap- DU FORESTIER. 69 porter, depuis vingt-six piles jusqu’à quatre - vingt; chaque pile contient sixrouelles, et une rouelle contient vingt-quatre cercles ; sept de ces piles’ forment un millier de cercles. On donne au cerclier cinq francs pour la facon d’une rouelle de vingt - quatre cercles , de huit doubles décimètres six centimètres de longueur. : Pour estimer toutessortes de boistail lis au-dessous de trente ans, il faut com: mencer par visiter tous les vides, et: en faire un arpentage. Comme ils sont! ordinairement dentelés par des cépées qui avancent çà et la, cet arpentage peut se faire au pas en marchant :'‘on ajoute tous les vides, et on défalque leur montant de la quantité totale de la vente , qu'il faut estimer. Si l’on n’a jamais fait d'estimation, il est bon; pour se mettre au fait, de compter ou faire compter la quantité de brins au-dessus de six doubles centi- 70 MANUEL mètres inclusivement , qui peuvent se trouver dans un des meilleurs hectares, et derépéier cette opération dans un des plus médiocres. On ajoutera ces deux nombres de brins ensemble, et on en prendra la moitié pour avoir la quantité moyenne; ensuite on mesu- rera.les grosseurs d’une cinquantaine de brins, pris sans choix au-dessus de six. doubles décimètres de grosseur, aussi inclusivement. Cette grosseur se mesure ou se prend tout unimentavec la main; on ajoutera toutes ces gros- seurs'difiérentes , et on divisera la to- talité par, le nombre cinquante ; pour avoir la grosseur moyenne, on opérera de la même manière sur une grande quantité de hauteurs, pour avoir aussi la hauteur commune ; ce faisant, on aura trois nombres , savoir : la quan- tité de brins qui se trouve sur un hec- tare commun entre le bon et le moin- dre, la grosseur et la longueur com- DU FORESTIER. 91 munes ; au moyen desquels on pourra aisément connoître combien il y aura de longueur de trois doubles décimè- tres et demi, si c’est en grand bois, ou de deux doubles décimètres et demi, si c’est en bois court , dans le double hectare commun; et par, un simple calcul, on saura combien la totalité. de ces longueurs rendront de stères, ., Quand on a une fois la quantité de stères que peut rendre un hectare com.- nun, 1l ne s’agit plus que de multiplier cette quantité par le nombre d’hectares qui se trouvent garnis. On aura la to- talité des stères de sciage que la vente peut rapporter; ce total des stères doit se multiplier par le prix local, par celui que le stère peut valoir dans la vente, même tous les frais de débar- dage défalqués , pour avoir le produit général en argent. | On procédera ensuite au compte des arbres qui doivent faire partie de 772 M ASN°U E L ladjudication , s'ils n’ont point été comptés et martelés en particulier. On prendra les'grosseurs où doubles déci- mètres de tour dé chacun en particu= lier ,et on mesurera les tiges de plu- sieurs , pour avoir une hauteur com- mune. Si cependant il arrivoit qu’un certain nombre d’arbres fut beaucoup plus haut que d’autres, comme cela se voit dans les vallées , il faudroit pren- dre en particulier les CERTA TE de leurs tiges ; avec ces hauteurs et ces gros- seurs on saura facilement combien tous ces atbres rendront de pièces de char- pente. Pour avoir le produit en argent, il suffira de multiplier cette quantité totale de pièces de charpente par le prix de la pièce , facon déduite. Il faut encore apprécier ce que les fagots ou le bois à charbon, que les sommets des cépées ou les menus brins peuvent produire; pour cela il faut ac- quérir de l’usage;'èt quand on saura une fois DUt FORESTIER. #3 fois combien des ventes de différens âges et différemmentigarnies en auront rendu , il sera facile de les apprécier à lavue, à peu dé choses près. L’on sait qu'un taillis, au bout de vingt ans, bien planté;, peut produire communément huit cents de fagots, en sus du bois de stère et de sciage. Mais si, au lieu de fagots, un adjudicataire faisoit réduire en bois à charbon toutes les gaules qui forment les paremens de ces fagots, ces huit cent fagots produxioient cinq doubles stères et demi de:bois à char- bon; etdans ce cas on auroiteinq cents de bourrées au pied avec lés ramilles et brindilles. Ces bourrées sont ordi- pairement d’unetrès-petite valeur dans les forêts où le bois est fort cher, on ne les veud que trente francs le millier, et onen donne dix francs de facon. Il ne reste donc plus à estimer que la descente des arbres , dont'on a déjà la réduction des tiges en charpente. D DM: ©: MANUEL Cette descente varie beaucoup, et ne peutêtre astreinte à aucune règle gé- nérale ; 1l faut absolument en avoir la connoissance particulière: quelquefois un chêne de quatre doubles décimètres de tour en massif ne rendra qu’un déimi- cercle de bois calin, tandis qu’un autre de pareille grosseur , placé dans un vide ou dans une lisière ; fendra un ou deux stères de bois fort , et trois quarts de stère de charbon. Dans les jeunes taillis de dix ou douze ans , les chènes deviennent pommiers; alors 1ls rendent beaucoup, proportion gar- dée avec la grosseur de leurs tiges. J'ai vu six cents baliveaux , dont le quart de vingt-quatre ans, Pauire quart de trente-six ans ; et les deux autres de quarante - huit et soixante ans donner, avee leurs dépouilles, dix- sept stères de bois court, et trente stères de bois à charbon. Ces petits bali- veaux étoient en partie pommiers, _ DU FORESTIER. 79 comme cela arrive ordinatrement dans tous les jeunes taillis au-dessus de vingt ans. En général, dansles taillis au-dessus de vingt ans, les marchands estiment les descentes des chênes de dix stères de bois calin par cent de charpente ; les copeaux forment un objet si médiocre, qu’ils les aban- donnent pour les faux frais imprévus. Pour avoir la totalité du produit d’une venteentière , il suffira d’ajouter ensemble le montant du bois de dou- ble stère de sciage , celui des pièces de charpente , celui du bois à charbon ou des fagots et celui de la descente des arbres ; ces quatre produits don- neront la valeur totale de la vente, sur laquelle il faut diminuer tous les frais d'exploitation , toutes les charges imposées par le cahier des charges , et un dixième du produit pour le bénéfice du marehand , lorsque la vente est au- dessus de dix mille francs; mais lors- D' 2 76 MANUEL qu'elle est au- dessous, il faut aug- menter ce bénéfice à proportion; car quel est le marchand qui voudroit courir tous les risques, et prendre toutes les peines nécessaires pour faire valoir une vente de deux mille francs, dont il n’auroit que deux cents franes, si on ne lui accordoit que le dixième de profit ? Quant aux frais d'exploitation, les considérations générales consistent à examiner et savoir, 1°.s1 les chemins sont difficiles ; 2°, s’il y a loin de la vente où1il faut livrer le bois, soit au port de quelques rivières , soit dans quelques dépôts à portée des grandes villes ; 3°. combien il en coûte de voi- ture pour le bois de stère et pour le cent de charpente. Cet objet de dé- pense est presque toujours plus consi- dérable que tous les autres ensem- ble ; 4°. les frais d’abattage, la facon du stère, l’équarrissage et autres ou- DU FORESTIER. 77 vrages; ce qu’on donne au garde- vente , au garde-port , au garde-chan- tier, les voyages qu’il faut faire à la vente ; b°. la facilité du débit des marchandises ; car si c’est dans un pays où les bois sont rares , les fagots, les bourrées , les ramilles , les copeaux, les souches, rechocages et autres brou- tilles, peuvent rembourser une partie des faux frais de ce détail ; 6°.sila vente est dans des côtes inaccessibles aux voitures et aux chevaux, alors il faut rabattre la dépense d’un débardage à bras, très - pénible et dispendieux , quand il faut apporter tout le bois sur Je plat d’un côteau garni de roches ; j'en ai vu payer deux francs dn stère dans pareille situation. | Tous ces frais ramassés et joints an bénéfice qu’un bon marchand doit “avoir , montentquelquefois à la moitié de lavaleur totale d’une vente ; c’est pourquoi il est bien intéressant pour le D 3 78 MANUEL propriétaire de procurer par de bons chemins ia facilité des débardages, qui forment toujours les plus grands frais ; c'est lui seul qui en profite, et nonle marchand qui préfère toujoursun gain plus médiocre dans les ventes plus fa- ciles à exploiter et à débarder. La rai- son en est bien simple , 11 peut.en tout teimps fournir ses pratiques dont dé- pend son débit, au lien que dans les ventes éloignées ou difficiles à débar- der , il perd quelquefois ses pratiques, faute de pouvoir les entretenir de bois et de charbon en temps et saison. Cette considération essentielle pour lui, fait, comme je viens de le dire, qu'il aime quelquefois mieux payer cher, c’est-à-dire presque toute la: valeur dans certaine vente, que d’en avoir d’autres à moitié moins. Après avoir défalqué le montant de tous ces frais du produit total, on di- vise le restant par la quantité d’hecta- DU FORESTIER. 79 ; res que la vente contiententout:le quo- tient de cette dernière division , don- nera le véritable prix du demi hectare. On n'aura point estimé en particulier les arbres propres à être réduits en plan- ches ou en fente, de même qu’en li- mons et ridelles , sur lesquels un mar- chand gagne beaucoup plus que lors- qu'ils sont réduits en bois de chauf- fage, parce que ces débits ne sont point généraux ; quelquefois on en vend , et souvent on ne trouve point à envendre; tant mieux pour le marchand, lors- qu'il trouve à en fournir. Cette indus- trie particulière ne s’estime jamais dans :des ventes considérables desti- nées au bois de charpente et de chauf- fage. Estimation des Aunaies. - Les aunes en massif, surtout en bordures , sont fort estimés pour fabri- quer des sabots, et on les vend quel- D 4 A 60 MANUEL quefois fort chers. Pour en faire une estimation exacte , il faut r°. compter tous les arbres en distinguant leur grosseur, et, par une simple division, chercher celle qui est commune, que je suppose , par exemple , être de trois doubles décimètres de tour; 2°. cali- culer de ia même manière la hauteur commune, que JesupposeËtre de qua- rante-cinq doubles décimètres : un ar- bre de cette taille, mesuré à hauteur d'homme , peut produire quatre sabots de quartier par troncon, en tout , six douzaines de paires de sabots, depuis un pied de longueur jusqu'a quatre centimètres. Les deux arbres feront une grosse de sabots et un assortiment complet sans les branches avec les- quelles on fait ces petits sabots de trois centimètres , dits camions; si la bor- dure ou l’aunaie contient cinq cents aunes de cette taille pour les dimen- sions communes et moyennes, on DUTFORESTIER. &t aura deux cent cinquante grosses de sabots, sans les plus petits, Lorsque l’on n’a que des petitsaunes particuliers, avant de les estimer, il faut savoir que pour faire un gros sa- bot d'homme, les tronçons doivent avoir,-au moins , neuf centimètres de tour , surun double décimètre de lon- gueur;Si-unarbre n’a que cette gros: seur et quarantedoubles décimètres de hauteur , comme cela se trouve assez fréquemment dans les aunaïesles plus garnies il ne produira que trente pai- res de sabots; depuis un pied de-lon- gmeur jusqu'à quatre centimètres efl bois rond), qui n’est point si estimé que cebwi-de quartier. Une aunaiïe quiest ‘un demi-heetare peut contenir, étant biengarnie;un millier d’aunes decette taeydorsqu'ils sont sur souches dans im botfondsi; ct ce millier d’aunes rendra plus {dé deux cents grosses de sabots bien assortis, chaque grosse de douze dovzaines. D 5 4 82 M À N U EL Les marchands de la forêtde Villers- cotterets vendent ces sabots pargrosses assorties : la grosse de sabotsd’homme n'est que de huit douzaines; celle de femme , de douze douzaines, et celle d’écoliers , de dix-huit douzaines. Ces grosses, de différentes espèces, se vendent toutes un même prix ; par exemple , trente-deux franes la grosse, Pour la province, les grosses de toutes les espèces contiennentcent cinquante- six paires de säbots, mais de diffé- rens prix :,51 on! paie la grosse de sabots d'homme, quarante - deux francs , celle de saboïs:de; femme sera de trente-neuf; celle de:sabots d’écoliers de trente-six celle dérsabots bâtards trerte-trois.-francs ,veth celle des. cottillons ou camions,:pour les enfäns én. jaquette, tiente fr8ncsar Dans la-forêt de Saint-Germain et de Rambouillet ,: on distingue sséule- ment deux-sortes degrossesdesabots, Pa DU FORESTIER. 83 qui sont chacune de cent soixante paires : la première n’est composée que de sabots d'homme et de femme; elle se vend ordinairement quarante- deux francs ; la seconde comprentl tous les sabots d’écoliers et d’enfans, depuis huit centimètres jusqu’à trois de longueur ; elle se vend vingt-huit francs. Les fabricans prennent communé- ment dix francs de facon par grosse » les unes dans les autres; mais, pour laisser un profit honnête au marchand, quidoit essuyer toutes les pertes oc- casionnées par les défauts cachés par les accidens de la fente, on ne doit estimer la grosse de quarante - deux francs , que vinyt-sépt francs , celle de vingt-huit, que quinze francs, seule- ment pour les forêts où elles se vendent le même prix que dans celle de Ram- bouillet; encore, en faisant l’estima- tion et prenant le compte des arbres, D 64 NT A N U FreL faut-il défalquer ceux qui se trouvent morts en cine, gâtés dans une lon- oueur un peu considérable, on rem- plis de nœuds: ces arbres ne sont point propres à faire des sabots, 1l faut en faire note. | Comme on fait des sabots avec plusieurs sortes de bois, on pourra appliquer cette manière d'estimer les aunes à telle essence que ce soit; l’es- sentiel est de bien connoître les prix Jccaux, qui varient d’un lieu à un autre. Après l’aune , le bouleau est le plus commun, lorsqu'il a acquis assez de grosseur ; quand il s’en trouve beaucoup dans une vente, on doit en faire une estimation : parti- culière. Les arbres des hales qui sont épars dans les buissons et ies plaines, sont ordinairement d’une meilleure qualité que ceux qui sont renfermés dans des inassifs ; 1ls se vendent le plus souvent DU FORESTIER. 63 en grumes , c’est-à-dire , sur pied ; les charrons achètent les ormes à leurs toises, qui est de huit doubles déci- mètres ,, pour .faire deux paires de moyeux. Ils la payent quelquefois huit francs , lorsque ces arbres ont trois à quatre pieds de tour. Les limons , les brancards se vendent par paire ; à pro- portion de leurgrosseur; le prix varie depuis dix jusqu’à vingt francs la paire; en général, tous les prix sont locaux, et, dans un même lieu, changent quel- quefois d’une année à l’autre. Estimahion des futaies. Premièrement, si c’est une belle et haute futaie dont on ait un arpentage fait très-exactement suivant les règles prescrites par l’arpenteur forestier , il faut que l’estimateur commence par compter tous les arbres qui la com- posent, et qu’il en fasse un état général en cinq classes, dans chacune des- 86 MANUEL quelles il désignera les grosseurs parti- culières et les hauteures communes. La première classe contiendra les plus grosses et les plus belles tiges capables de fournir des arbres de pressoirs , de moulins, de marteaux, et ceux dont les courbes peuvent être propres à faire des roues de moulin , des courbes de pressoire, etc. Tous ces arbres sont d’une grande valeur , à cause de leur rareté. La seconde classe comprendra tous ces gros pieds d’arbres qui ont de très- grosses branches, à dix, douze et quinze doubles décimètres de hauteur et dont la tronce est excellente pour les bois de sciage, de fente , etc. On retire encore un grand, profit de tous ces gros arbres. La troisième classe sera composée de tous ceux qui sont propres à être réduits en charpente, tant pour les DU FORESTIER. 87 bâtimens civils et militaires , que pour les bâtimens de mer. La quatrième classe sera remplie par tous les arbres , autres que les chênes , lesquels seront différenciés par leur essence particulière, dont on trouvera les qualités au commence- ment de cet ouvrage. La cinquième elasse sera garnie de tous ces petits arbres , autres que les chènes, rafaux, pommiers ; et défec- tueux , qui ne sont propres qu à être réduits en bois de chauffage, et aux- quels on ajoutera les principales bran- ches de tous les, autres'arbres, avec leurs houpiers. Il.est inutile d’avoir égard aux menues branches, qui ne peuvent donner que, du, fagot : c’est un petit objet dans les futaies ;.1l sert à payer les faux frais d’un âdjudica- taire, .ceux d'estimation} par-exeimple. On peut, évaluer, taus es. objets en bois de, stères , en dréssant cette: cin- 88 MANUEL quième et dernière classe, qui doit en procurer le montant. Avec un état semblable, faitexactement, on pour- ra facilement savoir le produit total en nature, et l’apprécier en argent, au moyen de la connoissance des prix, qui ne peut s’acquéri qué sur les lieux," ainsi que celle. des frais d’exploitation, et surtout -du débardage, quiest le plus dispendieux de tous ceux qu’il faut faire, quand même on les ramasseroit tous en- semble. EF 60 AS AILOST "Secondement} si c’ést RE PRUU lis ou une ‘démi-futaie /#l ‘faut exa- miner, en la traVérsdnt/piéiéiile fois, si, comme l’on dit, les arbres se sui vent, c’est-a-dire', si dañs' toûte Per tendue les arbres °Sônt! d° ine méêtie force. Quand il se trouve: quellqués parties plus foibles que d’autres ; on partage la futaie en plusieurs"lots, dans chacun desquels où mesure un DU FORESTIER. 69 double hectare ou un hectare, dont on compte tous les arbres de la ma- nière dont il vient d’être expliqué pour les futaies ; en les partageant en plu- sieurs classes, pour les réduire en marchandise propre à chacun, on trouve la valeur de chaque hectare en nature et en argent ; ce produit se multiplie par le nombre d'hectares compris en chaque lot : on addi- tionne ensuite la totalité des diffé- rens lots; leur somme doit donner le prix total de la demi-futaie, dont il faut déduire tous les frais à faire; le restant étant divisé par la quantité des hectares qu’elle contient , fixe le prix de l’hectare. Il résulte de toutes ces différentes manières d'estimer les bois, que pour en être capable il faut savoir l’arpen- tage, un peu familièrement la mesure des vides lorsqu'il y en a; et celle des différens lots d’une demi - futaie go MANUEL ne demande pas la précision géomé- trique nécessaire à l’arpentage, qui doit fixer invariablement la quantité totale d’une vente, dont le prix, dans les futaies, est un objet de grande conséquence. Ainsi, on peut faire ces sortes d’arpentages en marchant: pour cela il faut s'être exercé plusieurs fois à compter combien on fait de pas pour la longueur de dix ares, de quinze, etc., afin que l’on puisse savoir à peu près combien il en faut par ares; avec une équerre à la po- che, on saura bien facilement com- bienil y a de vide de taillis rabougris ; enfin , combien il en restera de bien garnis. Cette précaution est si néces- saire, qu'il ne peut y avoir aucune bonne estimation sans ce préalable. Conséquemment point de bon esti- mateur qui ne sache arpenter, au moins de cette manière. Il conviendroit donc que pour que DU FORESTIER. ‘qgx les forêts fussent bien estimées, il y eut un sujet destiné à faire l’estima- tion , et en même-temps l’arpentage : cette double destination seroit bien nécessaire. De la vente des Bois. Quand on a balivé et estimé les ventes annuelles, on compose l’affiche qui doit annoncer : 1°. le numéro de chaque vente; 2°, le nom du triage; 3°. la quantité d’hectare que chaque contient ; 4°. leur situation désignée et orientée par les quatre aspects principaux; b°. lears différentes li- mites , qui doivent être indiquées d’une manière distincte, nette et claire, pour que l'adjudicataire ne puisse pas envelopper des arbres ou taillis voisins dans sa juridiction meurtrière : cette annonce doit être aflichée et publiée au moins deux décades avant le jour et l’heure qu’elle 02 MANUVLEL doit indiquer pour l’adjudication, qui se faisoit toujours à l’auditoire de la ci-devant maîtrise des lieux. Le jour et l'heure dits étant arrivés, dans les temps passés, le sénat forestier , com- posé du ci-devant maître particulier , de l’agent national et des autres offi- ciers assemblés, ordonnoit la lecture du cahier des charges, qui étoit faite par le greffier; cet acte contient en général : 1°. toutes les clauses, charges et conditions particulières de chaque vente, bois d’usage s’il y ena, etc. ; 2°. l’état et la quantité des réserves qui ont été faites dans chacune, sui- vant le procès - verbal de balivage ; celle des arbres marqués en délivrance, et qui font partie de l'adjudication ; la manière dont ils ont été marqués et différenciés , et l’obligation de représenter l'empreinte faite à chaque souche lors du récolement; 3°. les tems fixés pour l'ouverture de la vente, DU FORESTIER. 93 pour l’abattage des bois, pour leur fabrication, et enfin pour la vidange; 4°. le terme des payemens avec les cautions, arrières-cautions, et certi- ficateurs; la manière dont se doit faire l’adjudication à l'extinction des trois feux ; le prix des enchères par hec- tare, et le bénéfice accordé à celui qui a obtenu le premier feu , et à tous ceux qui sur ce feu mettront des en- chères; ce bénéfice consiste à ne payer les enchères des deux autres feux suivans , que sur le même pied de celles qui ont été mises au premier feu ; 5°. enfin, on oblige au surplus le futur adjudicataire de chaque vente, d'exécuter, en outre, tout ce qui est prescrit par l'ordonnance. Après cette lecture on fait crier une vente, qui se met toujours à bas prix par les marchands, qui ont un grand intérêt de dissimuler le taux véritable auquel ils ont envie de le L g4 MANUEL porter. Il est important que l'officier qui préside sache également couvrir sa marche, et ne point écouter ces premières propositions , jusquà ce qu'il voie que les offres approchent très-près de l’estimation , que lui seul doit avoir ; encore ne doit-il en ce cas accorder le bénéfice du premier feu, qu'après avoir sondé tous les marchands ; car 1l peut arriver que dans des ventes considérables, où les taillis se trouvent quelquefois de quatre et cinq étages différens , qu’une estimation n'ait point approché la véritable valeur. Cette marchandise ne peut être mise dans la balance et , tout bien considéré , la meilleure estimation n’est toujours qu’une appro- ximation; il faut donc bien de la pru- dence pour ne point s’exposer au désa- grément, de voir tiercer une vente. Les autres marchands qui en ont souvent plus envie que celui qui fait DU FORESTIER 05 les premières offres, n’ont garde de paroître ; ils attendent quelle en sera V’issue pour l'emporter au feu , ou bien , s’il restoit assez de marche , pour tiercer l’adjudication. Quand on a accordé le bénéfice du feu, on fait allumer une bougie , haute d’un mil- liare et même d’un demi, semblable à une grosse épingle ; il est prudent de la couvrir avec un verre blanc renversé , et ouvert par le pied rompu qui se trouve en haut , et forme une espèce de petite cheminée. Cette pré- caution est bien convenable; j'ai vu un marchand qui, un jour, éteignit un dernier feu, non couvert, par une enchère si eHrayante, que l'auditoire étourdi n’avoit entendu que lui. fl faut se méfier de ces basses-contre de cathédrales. On écrit les enchères à mesure qu’elles se font entendre sur ce premier feu , après quoi on allume la seconde bougie, qui, regardée 96 MANUEL avec indifférence , brûle et s'éteint sans bruit. Enfin, on met en place celle qui doit décider en définitif Quand le feu , en descendant , approche deso n dernier moment, on aperçoit des corps immobiles, des visages pleins d’ardeur, et des regards fixés sur cet être expirant. À l'instant du tré- pas, succède au plus profond silence, cet orage d’enchères redoublées ; ce fracas de voix qui se choquent et qui, s’entrelançant dans l'air agité , for- ment les contestations les plus vives. Chaque prétendant se lève , et le plus foible comme le plus fort se redresse, prétend avoir parlé le dernier, et avoir enlevé le feu. On demande les suffrages , on supplie, on implore l’oracle et l’on sollicite le prononcé. Alors le juge tranquille fait, par provision, recueillir et compter des enchères si bien avouées. On en cal- / cule DU FORESTIER. 97 cule le montant , on fixe le prix de l’hectare , après quoi il déclare le mariage comme le conquérant. Peu à peu ces généreux athlètes cèdent, en s’asseyant , le champ de bataille au fortuné , qui ramasse ses forces épuisées pour adresser son remerci- ment et caractériser l’équité du juge- ment, en assurant que , lors de la mêlée , il a conservé la plus grande lermeté , que si quelqu’un a parlé après lui ; il n’y avoit plus que de la fumée , et que son enchère avoit servi d’éteignoir. De là on passe au contrat, dans lequel on écrit les noms et lesen- chères de tous les combattans, en ajoutant que le feu s'étant éteint sur cellede celui quia remporté la victoire, la vente lui est adjugée, moyennant le prix de l’hectare, faisant pour la totalité de ladite vente, la somme de........:, qui s'écrit également en toutes lettres de gros caractcres, E _ où MANUEL Ce contrat est étayé des noms et signatures du cortége social, caution, arrière - caution , certificateur ; quel- quefois l’épouse de l’adjudicataire prend part à la fête, en augmentant la solidité de cet acte par l’engage- ment de tous ses propres. Cette séance étoit terminée , ci - devant, dans les maïitrises , par les signatures de tons les officiers du siége et du grefñer. Des bougies. L’invention des bougies est peut- être, des opérations forestières, la plus prudente et la plus utile; à l’aide de ce mécanisme on laisse la liberté des enchères , et on réserve au proprié- taire ou an juge celle du choix de l'acquéreur , sans être dans le cas, ioujours désagréable , de faire un affront public à ceux qu’on devroit exclure pour de bonnes raisons ; c’est pourquoi il est fort à propos de se DU FORESTIER. 09 munir de l'état des meilleurs mar- chands, que l’on doit préférer pour les gros objets, afin de ne se servi: du droit de choisir, que lorsque l’un de ces bons marchands se trouvera concourir avec quelques membres suspects, qui sont toujours les plus hardis enchérisseurs. C’est en quoi se trouve lPutilité de cette méthode; en effet, à quoi bon semer , planter un bois , le bien aménager, et le con- server avec autant de frais et de fati- gue, si au moment de recueillir le fruit de ses peines , on s'expose à perdre quelquefois , sinon la totalité, au moins une grande partie d’un capital attendu depuis tant d'années. Lorsque la confusion des voix est si grande , que l’on ne peut, avec les yeux et les oreilles les plus déli- cats, discerner véritablement celui qui a parlé le premier et le dernier, et qu'il n’y a aucune exclusion à E 2 100 M ANNUEL faire entre-des postulans également solvables , on se sert de billets et on fait tirer au sort. Cette voie termine parfaitement les contestations , et elle met le juge à l’abri de toutes accu- sations de favenr et de prôtéction particulières ; mais lorsque deux bons marchands requièrent les suffrages, en ne voulant point accepter la voie du sort, alors on recueille l'avis des oificiers du siége , dont le plus grand nombre doit terminer le différend. Un marchand qui se donne les mou- vemens nécessaires pour parvenir à la connoissance des bois , qui ne mes- quine point dans l'exploitation de ses ventes, et qui paye bien, est un phénix , dont on ne sauroit faire trop de cas ; il mérite des préférences , et qu'on ait pour lui les égards dus au talent et à la probité; mais, si on force les prix, en montant continuel- lement, à profit, les enchères redou- Be GRANHYEAN dd: CLEA DU FORESTIER. 1o1 blées de toutes sortes de gens, qui souvent n’ont point visité les ventes, on s'expose et on mérite d’essuyer les pertes si communes dans ce com- merce ,; sujet d'ailleurs à tant d’in- convéniens: Les: mauvaises saisons, les longs crédits , les vols particuliers, font souvent qu'il ne reste à celui qui prend bien des peines , que l’hon- neur d’avoir acheté beaucoup de bois. Il seroit à désirer que tous les mar- chands ressemblassent à celui dont je viens de tracer le portrait ;. mais qu’il s’en faut de beaucoup: on ne sauroit trop se méfier de plusieurs d’entre eux, qui, quand il ne se trouve point de concurrens pour les parties qu'ils veulent acquérir, ne cherchent qu’à lésiner lors de l’adju- dication , en offrant les deux tiers seulement de la valeur d’une vente, encore en certifiant qu’ils ne peuvent que perdre , et que ce n’est qu’à cause Ey3 103 MANUEL du besoin pressant de leur commereée qu'ils en offrent ce prix. En ce cas on remet à la décade ou après la sui- vante , et même à l’année, lorsqu'ils ne veulent point augmenter leurs offres; mais quand ils voient enfin que l’on aime mieux conserver le bois sur pied que de le donner à ceprix, ils ne manquent guères de venir rede- mander le feu; j'en ai vu des exem- ples : c’est un manége contre lequel il faut se mettre en garde. Du prix des enchères. Le prix des enchères doit être pro- portionné aux différentes valeurs des hectares ou des sommes à quoi mon- tent les différens objets. 1°. Quand le prix du demi-hectare ne passe pas trois cents francs , il est d'usage de fixer l’enchère sur le pre- mier feu à trois francs, celle du second feu à six francs , et celle du DU FORESTIER. 103 troisième feu à dix francs par demi- hectare. 2°, Quand le prix du demi-hectare est au-dessus de trois cents francs jusqu’à six cents francs exclusivement, il convient de taxer l’enchère du pre- mier feu à cinq francs, celle du second feu à dix francs, et celle du troisième feu à quinze francs par demi- hectare. 5°. Quand le prix de l’hectare est au-dessus de six cents francs, il est à propos de mettre l’enchère du pre- mier feu à neuf francs, celle du second à dix-huit francs , et celle du troisième feu à vingt-sept frañés pâr hecfare. 4°. S'il est question de vendre un lot de bois , comme seroit une aunaie, une lisière , etc., alors on ne l’ad- juge pas à l’hectare. Lorsque ce lot ‘est au-dessous de trois mille francs . on taxe l'enchère du premier {eu à cinquante francs, celle du second à E 4 104 MANUEL cent francs , et celle du troisième feu à cent Cinquante francs, une fois payés ; mais sice lot étoit au-dessus de trois mille francs, on fixeroit l’enchère du premier à cent francs, celle du second.feu à deux cents francs , et celle du troisième feu à trois cents francs, une fois payés. Quand un marchand a envie d’em- porter une vente au feu, il n’a garde de paroître; il laisse accorder le premier feu à celui qui la marchande; et si personne ne met d’enchère, il ve dit mot, non plus qu’au deuxième feu. Celui qui a obtenu le bénéfice de ce premier feu s’applaudit alors, et ne se met pas sur ses gardes au troisième feu , dans l'imagination qu'il se fait, que personne ne sera assez hardi pour mettre üne enchère aussi considérable ; mais dans le mo- ment où il n’y pense pas, un vieux routier saisit l'instant de l’extinction Du FORESTIER. 1oÿ de la bougie et porte une enchère qu’il n’est plus possible de recouvrir Ce dernier, plus rusé, s’applaudit à son tour, d’avoir enlevé une proie que. l’on croyoit aussi assurée ; mais le novice instrnit remet sa revanche à l’année suivante , au bout de laquelle il fait tous ses efforts pour passer maître. Cette ruse innocente et permise n’augmente en rien la cherté du prix de la vente pour l’acquéreur , malgré la quotité de cette triple enchère, parce que s’il eut mis au premier feu, son enchère auroit certainement été couverte par celui qui avoit le béné- fice du feu; de manière que pour recouvrir cette deuxième enchère, il en faut nécessairement une troisième, ce qui revient au même. Calcul du prix des ventes. La méthode la plus commode pour E 5 190 MANUEL calculer les sommes ou Îes prix des ventes par celui des hectares, est de réduire en ares le nombre d'hectares contenus dans une vente, pour ne faire qu’une seule multiplication. L'’exptrience et l'usage mettront au courant de cette opération, qui tient toute à l’arithmétique. DU FORESTIÉR. 107 RS perle tu ter no oc tr 2. dt 2") DE L'EXPLOITATION. Ouverture des Ventes. LE temps de l'ouverture des coupes n’est point fixé par l’ordonnance ; on est dans l’usage de mettre la cognée aussitôt après la chute des feuilles , qui feroient rebuter des fagots qui en seroient garnis ; on peut cependant couper dès le 20 vendémiaire, sans craindre aucun inconvénient ; au con- traire , les taillis abattus les premiers, repoussent aussi les preiniers dès Îla première année , et surtout à la pre- mière séve ; au lieu que ceux que l’on ne coupe que dans le mois de ger- minal , ne repoussent qu’à la seconde séve , et souvent il se trouve des sou- ches qui attendent l’année suivante, c’est pourquoi il est de l'intérêt da E 6 108 M A N WEiL propriétaire de fixer le temps de l’ou- verture d’une vente. Le jour dit, le propriétaire, présent ou non , l’adjudi- cataire ou son garde-vente doit avoir à sa poche l’expédition de son adjudi- cation, pour la présenter au garde du canton qui doit s’y trouver et en être bien et dûment prévenu, pour, en cas de maladie, faire avertir un au- tre garde voisin de paroître à sa place. | Lorsque tous les bûcherons sont as- semblés avec ces deux gardes et le marchand, le garde vente leur fait lecture , à haute voix , des différentes marchandises que l’adjudicataire en- tend faire fabriquer , en y joignant le prix de chacune et celui de chaque pied d’arbre qui se trouvera à abattre avec le taillis : cette lecture faite et le petit débat ordinaire, pour l’augmentation des prix , étant appaisé , on passe à la distribution des ateliers ou ornes de DU FORESTIER. 109 chaque ouvrier : cet arrangement se trouve très-difficultueux lorsqu'il y a des parties mieux garnies lesunes que les autres ; effectivement , il y a bien plus à gagner pour un bûcheron dans un taillis bien élevé que dans un qui l’est beaucoup moins ; la raisonen est qu'il ne faut abattre quelquefois que la moitié d’un nombre de brins qui, étant _ beaux, suffisent pour un stère de bois de sciage. Lorsque l’on ne peut les sa- usfaire par la voie de conciliation , on les fait tirer au sort, ce qui appaise les murmures , au Moins contre ceux qui les emploient ; c’est ordinairement à quoi se borne cette première journée. Abattage des Bois Tullis. Il est surprenant que-les bois taillis se coupent encore, communément , assez mal, malgré la disposition pré: cise de toutes les ordonnances fores- üères , même des plus anciennes, Dès 110 MANUEL les années 1376 ,1388, 1402et1515, on avoit ordonné le recepage des hois mal coupés ; l’ordonnance de 1669 s'explique là-dessus de manière à ne laisser aucun doute. L'article 42 du titre 15 dit : « Les futaies seront coupées le plus près de terre que faire se pourra , et les taillis abattus à la cognée, à fleur de terre , sans écuisser, ni éclater , en sorte que tous les brins décépés n’ex- cèdent la superficie de la terre, s’ilest possible , et que tous les anciens nœuds recouverts et causés par les précéden- tes coupes , ne pourrissent aucune- ment ». Les forestiers qui ont rédigé cet ar- ticle , étoient intimement persuadés de quelle conséquence il est pour le bon aménazement , de ne laisser pa- roître aucüune souche sur terre; car pour ne laisser aucun nœud , il faut né- cessairement emporter la plus grande pU FORESTIER. T1T partie d’une souche , et quelquefois la totalité ; lorsqu'elle est considérable et pourrie seulement dans l’intérieur , une pareille souche recouverte d’é- corce vive , est une vraie loupe qui, en grossissant tous les ans, occupe une grande partie de la séve, qui doit nour- rir et élever toute sa famille. J'ai fait attention, depuis que j'ai présidé la maîtrise de Mortagne , sur les différentes manières de couper les bois taillis ,- et enfin je serois parvenu a les faire abattre de facon à multi- plier les souches , à procurer beau- coup de brins de pieds, et à renou- veler les anciennes cépées. La beauté de ces taillis, que je puis faire voir , prouve si parfaitement la bonté de cette méthode , que je me contenterai de l’exposer, sans m’occuper de la ré- futation des autres. 1°. I faut que le bûcheron ôte , avec la mam, les feuilles et les mousses qui f 112 MANGEL couvrent une partie des vieilles sou- ches ; 2°. qu’il frappe la terre tout à l'entour avec la tête de la cognée, pour découvrir les principales racines latérales : 3°. qu’il coupe , avecla co- gnée , ces grosses racines , en s’aVan- çant, de chaque côté , dans le dessous de la souche, qui souvent ‘s'enlève comme un fromage lorsqu'il ne:se trouve point de pivot, ou bien lorsque; par sa vétusté, le pivot est pourri ; 4°. si la souche est garnie d’un pivot, il suffit, après en avoir séparé les ra- cines dans le contour , de la blanchir, en Ôtant toute l’écorce dont elle se. trouve recouverte. Toute commrinica- tion étant rompue avec les racines, cela fera le même effet, pour le renou- vellement du bois, que si elle étoit en- levée. | En abattant les taillis de cette ma- nière, on multiplie et on rajeunit tou- jours les cépées, sans aucune autre dé- DU FORESTIER,. 113 pense. J’ai vu des souches anciennes, grossescomme des rondelles , bien en- levées de cette façon. Toutes les raci- nes latérales étant séparées les unes des autres , ontreproduit jusqu’à vingt _ maîtres brins de pied , droits comme des cierges , qui , à la première exploi- tation , feront autant de cépées nou- velles. Ces racines forment un chevelu nouveau, à mesure que leurs jets s’é- lèvent, l’organisation n’en est point interrompue par la corruption de la . vieille souche , et toute la séve est em- ployée à nourrir le nouveau né de chacune , qui ne communique plus avec les autres. Cette méthode revient à celle que M. Duhamel donne pour le renouvellement d’une ormoie : (voyez l’orme) quand on laisse subsister ces anciennes souches , même les plus jeunes, la séve que les racines pro- duisent en abondance, est obligée de passer par des tours et des détours si 114 MANUEL multipliés dans la partie intérieure de cette espèce de loupe , qui se corrompt toujours, qu’elle se détruit, en grande partie, avant de monter dans les tiges ; aussi cette souche grossit tandis que ses enfans languissent. En effet , que l’on examine , avec attention, les mor- ceaux d’une souche enlevée à la co- gnée , on découvrira tous les plis et re- plis des filamens ligneux, semblables à des pelotons de fil, et on sera sure- ment surpris qu'un pareil entrelace- ment ait pu faire ou permettre aucune production. Comme l’enlèvement d’une vieille souche exige quelquefois autant de peine que l’abattage d’unarbre, il faut en abandonner le profit au bücheron, autrement on ne viendroit jamais à bout de couper des bois taillis ; ce se- roit même une cruauté que de les y forcer; ces pauvres gens ne gagneroïent pas cinq décimes par jour , avec les DU FORESTIER. 115 prix ordinaires , au lieu qu’en leur lais- sant ce profit, cela les engage à enlever les plus diffciles ; c’est le seul moyen pour en établir l’usage : le marchand adjudicataire y gagne considérable- ment par le pied de chaque brin qui se trouve avoir , indépendamment de la souche ,six doub. décimètres de lon- gueur de plus dans la partie la plus riche ; cela peut aller à un doub. stère et demi par hectare; le propriétaire pro= fite le plus ; il voit toutes les parties de ses bois, qui étoient prêtes à finir, sere- nouveler comme s’il eût fait une plan- tation nouvelle , où un ancien sémis, et il peut se passer de la germination des graines pour se procurer des ba- hiveaux , dont il trouve un nombre sufhsant dans ces brins de pied , qui | grossissent toujours plus promptement | Que ceux de semence. Il est donc de la Rd. plus grande utilité de faire bien couper | les bois comme l’ordonnance le pres- 116 MANUEL crit ; car pour faire disparoître les an- ciens nœuds , 1l faut nécessairement couper plutôt en terre que près de terre au niveau du terrain; iln’y a rien à craindre; quand le bourgeon auroit deux ou trois décimètres deterre à per- cer, il n’en fera que mieux: une asperge en pénètre bien davantage. Lorsqu'il survient une gelée forte , il faut faire cesser l’abattage , car alors on ne peut parvenir à la section des racines laté- rales; au reste, l’ouvrier ne demande pas mieux, Car dans ces temps durs leurs cognées se brisent comme du verre. Abattage des F'utaies. L’ordonnance veut également que l’on coupe les futaies plus près de terre que faire se pourra: c’est même un lucre pour le marchand adjudicataire. Il faut que l’ouvrier commence par couper les grossesracines qui excèdent DUFORESTIER. rt7 le niveau du sol , et continue sa taille jusque dans le cœur de l'arbre , en suivant le même horizon, en sorteque l’on puisse marcher à pied età cheval, et que l’on ne puisse trouver aucun ressaut. Pour cela, quand larbre est une fois abattu, on recèpe la bordure de la souche après en avoir ôté les feuilles et les mousses, et on appuie la terre avec la tête de la cognée, comme pour les brins de taillis. Les marchands intelligens choïsis- sent des ouvriers entendus , qu’ils payent plus que les autres , et ils les chargent d’aller d’ateliers en ateliers abattre tous les chênes qui font partie de leur adjudication. Ces maîtres büû- cherons déterrent le pied de l'arbre, environ de 12 à 18 doub. décimètres, et le-mettent à terre fort promptement. Ces arbres , ainsi abattus , tout vieux qu'ils sont, repoussent presque tous » des cépées merveilleuses , qui se trou- L 118 MANUEL vent quelquefois à quelques pieds de la souche des racines latérales, mais le plus souvent à l'insertion de l'écorce coupée dans terre. Je n'ai vu nulle part abattre si bien que dans la forêt de Rambouillet : on ne peut mieux faire, 2 moins qu'on ne déracine les arbres, comme cela se pratique dans la Bel- gique ; mais le déracinement qui con- vient dans ces forêts, à cause de l’es- sence des bêtres qui ne reproduisent pas après l’abattage , seroit très-mau- vais pour l’essence des chênes qui don- nent de très-belles cépées quand ils sont bien abattus. . Lorsque les chênes sont marqués en délivrance sur une racine de la souche, ou sur la souche , le plus près de la terre que faire se peut , il faut que le bûcheron ait grand soin de cette em- preinte qui occupe très-peu de place; si, paraccident , le morceau venoit à éclater en abattant le chêne, il doit le DU FORESTIER. 119 conserver et le donner au garde-vente , pour être représenté et rétorqué lors du récolement , en présence des of- ficiers ; et, par avance , en prévenir, tout de suite, le garde du canton. Pour que ce rotoquage se fasse bien, il faut que l’ouvrier ne coupe point l'emplacement de l'éclat; c’est une at- tention à avoir et qui est bien simple. Un particulier qui veut profiter de tous les avantages qu'une futaie peut pro- duire, commence , à l’âge de vingt ans , et continue de dix ans en dix ans, à faire abattre, par manière d’éclair- cissement, tous les arbres difformes et languissans, ceux qui sont trop serrés et quiétant les plus bas, courent ris- que d'êtreétouffés. Par cette économie on ne réserve que les arbres vigoureux et les mieux forntés qui, se trouvant alors plus à l'air, profiteront très- promptement. Quand ces éclaircissemens sont faits 120 MANUEL avec intelligence , il est inconcevable combien on tire de-bois d’une futaie un peu étendue , sans qu'on l'ait dégradée en rien ; au contraire, les arbres restans étant tous vifs, aug- mentent en beauté et rendent le massif bien plus agréable. Quand le temps de l'exploitation vient, il sera reconnu par des marques de dépérissement; on en procurera la régénération natu- relle ; deux ou trois ans après on la fera abattre de la manière qui vient d’être exposée. On doit faire cesser Pabattage des Fataies pendant les grands vents, qui forceroient la chute et feroient éclater et fendre le tronc dans sa meilleure partie. Quand une futaie est sur le revers d’un côteau , il faut procurer la chute des arbres du côté du coteau, et se donner bien de garde de les faire choir du côté de la vallée. Il résulte des expériences réitérées de DU FORESTIER. 121 de M. Duhamel, que c’est une erreur populaire et un vrai préjugé, de croire qu'il faille abattre les arbres dans le décours de la lune ; cet astre n’y fait rien du tout, et n'influe aucunement sur la qualité des arbres. | Du terme de l'abattage. Il est ordonné que les bois seront abattus pour le 25 germinal : cepen- dant si, pour de bonnes raisons, les adjudicataires n’avoient pu satisfaire à ce devoir, il leur est enjoint de faire leurs représentations , pour y être pourvu, ainsi qu'il appartiendra bon être. Cette prévoyance est très-sage; car il arrive souvent que les saisons dures et fâcheuses empêchent d’a- battre les grandes parties pour ce terme. Il est plus avantageux de couper les bois taillis et les futaies pendant les mois de brumaire, frimaire, nivôse F 122 MANUEL et pluviôse. Les souches repousseroïent toutes dès la première année : j’en ai vu nombre d'expériences. Malgré cet avantage, cest une erreur que de s’imaginer que le bois périsse, lors- qu'on le coupe pendant la première séve,seulement dans les mois degermi- nal , floréal et prairial inclusivement. Lorsque des parties de bois sont sujettes aux gelées printanières , 1l est très-avantageux de ne les couper que pendant la, première sève ; les souches ou racines ne reproduisent qu'a la seconde, au mois de fructidor; ces rejets étant à l'abri des gelées, et se trouvant, au printemps prochain, augmentés de la seconde séve, ils sont bien plus en état de résister aux gelées de cette saison , qui font périr, sans ressource, une première pousse ; j'en ai fait l’expérience. Ceci prouve que l’on ne risque rien d'alonger le terme de l’abattage des bois, dans le cas de nécessité. DU FORESTAÆER. 22 Fabrication des Bois T'aillis. Quand le bûcheron a abattu et rangé en ramiers tous les bois taillis de son orne , 11 commence par scier tous les gros brins destinés à brüler ; et tous ceux qu'il peut renfermer dans sa main avec ses doigts, sont destinés pour le bois de charbon ou pour le parement des fagots. Le stère, en gé- Q néralet suivant l’ordonnance,doitavoir huit doubles décimètres de couche, sur quatre; mais dans les ventes, à cause du déchet occasionné par le desséche- ment et le transport, on exige qu'il soit de quatre doubles déermètres etun demi-décimètre de haut sur un stère. Le rondin sur stère ne s’entend point d’une rangée entière de longueur de bois sur tout le sière , mais d’un seul brin mis en travers. Quoique l’ordonnance n'ait fixé que deux dimensions pour la lon- gueur que chaque brin doit avoir, F 2 124 MANUEL on a conservé l’usage d'en faire de différentes tailles pour Versailles. 1°. Le grand bois qui, suivant la loi, est de trois doubles décimètres et demi de longueur, se fait avec les plus gros brins. 2°, Le bois court, dont les chan- tiers de Versailles sont remplis, et qui est de deux doubles décimètres et un demi-décimètre de longueur, se fait avec les brins médiocres. 3°. Le bois calin que l’on trouve aussi communément à Versailles , et qui est de la même longueur, se fait avec les brins les plus petits, de six millimètres de tour; ces trois espèces de stères différens se font avec la scie, c’est pourquoi les marchands les nom- ment stères de sciage, 4°. Le bois à charbon, quise taille avec la serpe , doit avoir deux doubles centimètres de longueur,comme le bois de cotrets; mais sa grosseur est au- DU FORESTIEHK. 12 dessous de six millimètres. Quand on ne fait ni fagots, ni margottins, on met dans le bois à charbon les branches qui ont seulement la grosseur d’une pièce de douze décimes. 5°. Enfin, on met à part tous les brins de taillis propres à différens em- plois , suivant les usages particuliers de chaque pays; des limons, des ridelles, des échalats, des perches pour lestour- neurs , les blanchisseurs, les tanneurs, le houblon, les écuyers d’escalier, les cercles , les échelles, les roulons de ratelier , les gaules pour les jar- diniers, les claies pour voiturer Île charbon et les échafauds des macons, des manches pour toutes sortes d’ou- tils , des baguettes pour les jardiniers et les chandelliers, des bâtons d’é- pine , etc., etc. | Dans bien des forêts, les usages qui sont relatifs au débit sont bien différens : quelquefois on réduit tous F 2 2 126 MANUEL les taillis en grands fagots de six dou- bles décimètres de longueur, qui ont des brins de paremens aussi gros que le grand bois, et on ne fait pas de bois de stère; dans d’autres, on ne fait que des fagots de trois doubles dé- cimètres de tour , et de quatre doubles décimètres de longueur , auxquels on met de très-gros paremens. Dans celles qui sont affectées aux forges et four- neaux, on réduit tout le taillis en bois à charbon, dont le stère n’a que sept. doubles décimètres et un demi-décimè- tre de couche, et trois doubles déei- mètres et un demi de haut. Quand les brins sont trop gros, on les fait fendre pour être mis en charbon : d’ailleurs chaque pays, chaque mode. Du Bois Pelard. Il est défendu , sous peine de cinq cents francs d'amende, de faire du bois pelard dans les ventes; cepen- DU FORESTIER. 127 dant cette marchandise étant néces- saire à l'Etat, un arrêt du conseil, du huit février 1672, l’a permis, sans tirer à conséquence, seulement pour la gruerie de Château-Reznauld , en faveur des tanneries de la ville de Mézières. Lorsque l’on se propose de faire du bois pelard, on abat d’abord les menus brins et autres, qui ne sont point propres à être pelés, et on en fait ou du charbon, ou du fagot; on laisse sur pied tous les autres qui sont capables de donner de l’écorce. Le pelard ne peut se faire que lorsque la séve entre dans sa force, au mois de floréal; alors l’ouvrier fend l’é- corce, avec la pointe de la serpe, depuis le haut jusqu’en bas, et, avec une spatule de fer ou de bois dur, il la détache entitrement : cette écorce se met par tas en bottes. 11 faut seize stères de grand bois , | F 4 128 MANUEL âgé de vingt ans et au-dessus, pour faire un cent de boites d'écorces ; mais il n’en faut que douze stères dans les jeunes taillis au-dessous de vingt ans : cetfe jeune écorce est beaucoup plus estimée que la vieille. Pour qu’elle soit d’une bonne qualité, 1l faut qu’elle soit unie, claire, vive et bril- Jante : on paye environ dix-huit francs de facon pour le cent de bottes. Le prix varie suivant celui du bois : quand on vend vingt-six francs les quatre stères de grand bois, l'écorce se vend cent vingt-quatre francs le cent. Le stère d’un bois pelard est moindre d’un huitième qu'il ne seroït si le bois n’avoit pas été pelé. La grande attention qu’il faut avoir en faisant cette opération , est de faire couper les brins à mesure qu ils seront pelés ; on doit le prescrire par le ca- hier des charges , autrement ils fe- roient périr la souche, en se dessé- DU FORESTIER. 12 chant par l’ardeur du soleil ; au lieu qu'en les abattant à fur et mesure, on ve risque qu’une demi-feuille, dont la perte n’est point si désavantageuse © dans les bois humides et sujets aux gelées. Si peudant que l’on écorce un taillis, il se trouve un troupeau de mouton , seulement à deux cents pas du bois, et que le vent soit du même côté, alors l’écorce devient si adhérente qu'il n’est plus possible de l’enlever ; 1l faut que l’ouvrier cesse la besogne. Cette singulière expérience est connue de tous ceux qui font faire beaucoup d’écorce ; elle prouve la vertu as- treingente de cette bête à laine. A pro- pos de ce fait , en Russie on attachela rhubarbe au col des moutons pour la rendre plus astringente. Du Bois de Charpente. Lorsque tous les arbres sont abattus, F5 130 MANUEL le facteur ou garde-vente marque, avec le marteau qui porte ordinaire- ment pour lettres initiales le nom de l’adjudicataire , la longueur de chaque tige qui se trouve propre à la char- pente. Le bücheron sépare ensuite le houbier qu’il réduit en bois à stère, avec les principales branches. Alors un marchand adjudicataire intelligent , fait la visite de toutes ses tiges qu’il distribue en plusieurs lots , relativement au débit le plus avanta- seux du pays ; il met à part 1°. tous les troncs d'arbres propres à la fente etaà la raclerie ; 2°. tout ce qui con- vient à l’artiilerie,au charronnage,etc.; 3°. ceux qui sont destinés à faire des pilotis: tous ces arbres se livrent en grume , et n’ont pas besoin d’être équarris ; 4°. il fait équarri toutes les tiges propres à la charpente, par des ouvriers nommés lyonnais , du nom apparemment de leur patrie origi- DU FORESTIER. 131 naire. Les copeaux provenans de cet équarrissagé se mettenten stères, qui forment un cube de quatre doubles dé- cimètres sur tous sens, sur lequel on met le comble en forme de pyramide quadrangnlaire. Les bois équarris se divisent en- core en bois droits et bois courbes ; 1°. les bois droits sont les plus propres pour les bâtimens civils , quand même ils auroientune courbure placée sur un seul côté, qui n'empêche pas le char- pentier de les mettre droits dans un sens ; 2°. les bois tout à fait conrbes sont très-recherchés pour les centres des voûtes, les roues de moulins, les bateaux, les vaisseaux , enfin pour tous les ouvrages qui demandent de la cour- bure. Tous ces bois d’équarrissage se numérotent, avec une roanne , de la manière suivaile : F 6 152 M A: N UE L Nota. Les chiffres arabes servent seulement à faire connoître la valeur de ces marques ; 1512.00: 4000 I III III A À À @, 0:10, F1. 10) PE NA NA X XI XII XHE 14024 6 FO ANR LL # A x XA 21 ù X XXI Pour marquer un cent, on fait cette marque O:pour marquer un mille, on fait un 9. Dimensions des. Bois de Scage. Il est nécessaire de savoir les diffé- rentes diinensions des bois de sciage , tant pour la charpenterie que pour la menuiserie, afin de garnir les chan- tiers, et de les assortir de manière à | D — DU FORESTIER. 158 satisfaire les besoins différens de ceux qui doivent les employer. Charpenterie. 1°. Les contre-lattes ont un demi-cen- timètre d'épaisseur et quatre de lar- geur. *. Les chanlattes doivent être fen- dues en biseau , suivant la diagonale d'une pièce carrée; elles sont de cinq centimètres de largeur, neuf milli- mètres d'épaisseur , sur un bord, et viennent à rien sur l’autre bord. 3°. Les chevrons ordinaires sont de trois à quatre centimètres d’équarris- sage. 4°. Les poteaux, de quatre à six centimètres d’équarrissage. 5°. Les solives, de cinq à sept cen- timètres pour Paris , et de six à six pour la province. 6°. Les limons d’escaliersse débitent de plusieurs largeurs ; les plus gros 134 MANUEL sont de trois à six, les autres de quatre à huit, de quatre à neuf, de cinq à dix et de cinq à douze, ete. 7°. Les gouttières se prennent dans des pièces bien droites de huit et neuf centimètres d'équarrissage, que l’on fait scier en deux diagonalement. Les longueurs ordinaires detous ces bois sont de six , neuf, douze , quimze, dix-huit et vingt -un doubles déei- métres. Menuiserie. 1°, Les membrures sont de deux es- pèces ; les unes sont de trois , six, et les autres de quinze millimètres sur un double décimètre ; leurs longueurs sont de six, neuf, douze et quinze doubles décimètres. | 2°. Les planches que lon nomme entrevoux , sont de neuf millimètres d'épaisseur, de neuf centimètres de largeur. < DU FORESTIER. - 135 3°. Les planches pour les ouvrages couraus sont de treize millimètres d’é- paisseur , franc du trait, sur un dou- ble décimètre de largeur. 4°. On refend des planches de deux centimètres d'épaisseur et aussi larges qu’un gros arbre peut le permettre. 5°. On refend encore des plateaux d’orme et de hêtre de quatre à cinq centimètres d'épaisseur. 6°. La volige est d’un demi-cen- timètre d'épaisseur, tant en chêne qu'en bois blanc, dont on fait une grande consommation. 7°. Le noyer , l’érable , Je hêtreet le chêne se débitent aussi en madriers de deux à trois centimètres d’épais- seur , sur cinq à six centimètres de lar- geur , pour faire des meubles et des montures de fusils. On débite pour Paris le bois de hè-- tre en poteau de quatre à quatre centi- 136 … NC'AIN imRuE mètres , depuis six jusqu’à dix doubles décimètres de longueur ; on en fait des membrures qui ont deux décimè- tres un millimètre d'épaisseur franc de scie, depuis six jusqu’à huit centimè- tres de largeur , sur six, neuf , douze doubles décimètres de longueur ; en- fin , on en fait des planches de treize millimètres d'épaisseur et de ouze à douze décimètres de largeur sur ces mêmes longueurs. Toisé de la Charpente. En fait detoisé, on appelle solive une pièce de bois carrée de six centi- mètres d’équarrissage , sur douze dou- les décimètres de longueur : ainsi, ce qu’or nomme solive contient trois dou- bles décimèires cubes; mais comme ie mètre est la mesure courante dont onse sert pour prendre les dimensions , on réduit la solive à une pièce de bois de longueur de six doubles décimètres , DU FORESTIER. 137 sur douze à six décimètres d’équarris- sage. Cette solive , ainsi considérée , se divise en six parties égales que l’on nomme double décimètre de solive : ce double décimètre de solive est com- parable à une meimbrure ou une plan- che de six décimètres de longueur et d’un décimètre d'épaisseur : cette plan- che fait un pied de solive, c’est-à-dire, La sixième partie d’une solive. Ce pied de solive se divise en douze décimètres de solive semblable à une petite cheville _de six pieds de longueur et d’un déci- mètre d’équarrissage ; il en faut donc douze pareils pour le décimètre de so- live , et soixante-douze pour la solive entière. On peut encore subdiviser cette cheville en douze autres que l’on nomme millimètre de solive, et que l’on peut assimiler à des lames de six doubles décimètres de longueur , sur un à douze millimètres d'équarrissage ; 128 M A y UE L il en faudroit huit cent soixante-quatre pour former une solive. Ces divisions etsous-divisions étant bien entendues, il sera facile de com- prendre la méthode suivante par un seul exemple. EXEMPLE. Soit une pièce de bois de cinquante doubles décimètres de longueur , qui font hnit doubles mètres deux doubles décimètres de longzeur en mesure cou- ranfe, Sur quinze à seize millimètres d’équarrissage. On multipliera les quinze centimè- tres d’équarrissage par les seize autres qui donnent 240 centimètres carrés pour la surface de la base ; ensuite on multipliera cette surface de 240 cen- timètres par la longueur de huit dou- bles mètres denx doubles décimèëtres : le produit sera 2,000 centimètres de solives encheville : or la solive entière — DU FORESTIER. 13% contient soixante-douze centimètres : ainsi, en divisant ce produit de 2,000 par 72, on aura le nombre de solives contenues dans la pièce de charpente à mesurer , lequel se trouve dans cet exemple de vingt-sept solives avec un reste de cinquante-six centimètres ; mais comme il n’en faut que douze pour faire le double décimètre de solives ; on divisera ensuite ces 56 centimètres ou chevilles par 12,et on trouvera quatre doubles décimè- tres de solives avec huit centimètres ; en sorte que la totalité de ce produit est de 27 solives 4 doubles décimètres 8 millimètres. Les toiseurs se forment souvent des méthodes abrégées, au moyen des- quelles ils ont tout d’un coup calculé le nombre des solives contenues dans un lot de charpente. D'ailleurs, les comptes faits pour ces sortes de toisés, sont si communs , que je ne crois pas 140 MANUEL devoir m’étendre davantage sur cet objet. Du.CAharbon. On fait du charbon avec toutes sor- ies de bois; mais sa qualité varie, suivant leur essence. Le meilleur se fait avec le chêneet l’épine , après quoi vient le hêtre et le charme , qui sont suivis du châtaignier , de l’érable ct enfin des bois blancs, dont les maî- tres de forge estiment cependant le charbon pour adoucir les métaux. Il ne faut point que les bois soient trop verts ni trop secs. La place que l’on choisit pour cuire lecharbon,se nomme Jfaude ou fosse ; l’on doit éviter de la placer sur les souches du taillis; c’est pourquoi l'ordonnance veut qu’elles soient placées aux endroits les plus vides, les plus éloignés des arbres et du recru. On préfère toujours les an- ciennes places , lorsqu'il s’en trouve; DU FORESTIER. 141 elles sont avantageuses aux proprié- taires et au charbonnier qui trouve le terrain tout dressé. Le bois à charbon doit être voituré à bras par le char- bonnier. Le charbon pour les cuisines se cuit par petits fourneaux de cinq à six dou- bles stères de bois , et de dix à douze doubles stères au plus dans les envi- rons de Paris et de Versailles; mais dans les provinces pour les forges et fourneaux , on en cuit jusqu’à cin- quante doubles stères à la fois. Ordi- nairement ils mettent une fosse à char- bon par demi-hectare. La perte du bois occasionnée par la cuisson , est évaluée à un cinquième. On compte assez ordinairement qu'un double stère de bois de huit dou- bles décimètres de couche sur quatre de haut, et dont les bûches ont trois de longueur, rend quatre sacs de char- | bon, et que , suivant l’essence diffé- 142 MANUEL rente, chaque sac doit peser centdix à cent vingt demikilogrammes; la proportion du bois au charbon étant comme quatre est à un. Quatre dou- bles stères de bois produisent ordinai- rement une banne de charbon qui tient quinze ou seize décilitres , mesure d'Orléans , lesquels contiennent deux cent quarante litres, mesure de Paris. La banne est estimée peser deux mille cinq cents. Le $rand sac pèse environ cent vint-cinq demi-kilogrammes, et la corbeïtie de charbon , cent trente- cinq demi-kilogrammes. Un demi-hectare de bon taillis bien garni, de grosseur à faire le double stère de charbon, doit en rendre envi- rontrente-six , et par conséquent neuf de charbon. La facon se paye au char- bonnier, par corde, depuis vingt dé- cimes jusqu’à trente. | | | | L DU FORESTIER. 143 Du Terme de la fabrication. L'ordonnance ne prescrit aucun ter- me pour la fabrication des bois ; les forestiers ont soin de le fixer et de l’in- sérer dans le cahier des charges. Il est à désirer,pour le bon aménagement des forèts, que tous lesboïs, à l'exception du charbon, soient fabriqués pour la fin du moïs de germinal,avant que la première séve ait fait beaucoup de production ; mais cela ést impraticable pour les grandes parties ; on accorde ordinai- rement jusqu’au 5 Messidor. Il est es- sentiel de tenir la main à l’exécution de cette clause , pour trois raisons : la pre- mière, pour les ouvrages de campagne, qui commencent à s'ouvrir par la mois- son des foins , et qui sont plus lucratifs que ceux des forêts ; la seconde, afin que ie marchand puisse profiter de la sécheresse de l’été pour commencer le débardage de ses bois ; la troisième, 144 MANUEL pour que toutes les souches d’un taillis soient dégaigées des racines et brin- dilles, pour profiter de Pair et pro- duire plus facilement leurs élèves. Du Débardage. Le temps du débardage ou des vi- danges doit être fixé suivant la possi- bilité des Forêts. Comme il est très-im- portant que les ventes soient vidées le plutôt qu'il est possible, on devroit apporter bien de l’attention pour la fixation de ces termes. Dansune grande forêt, dans laquelle il y aura quelque- fois seize ou dix-huit coupes annuelles, on devroit prescrire des termes diffé- rens, à raison des différentes possibi- lités. Quand il y a des chantiers à por- tée , 1l est égal à un adjudicataire d’y faire conduire la vente actuelle ou celle de l’an dernier; il n’y a que le premier arrangement qui coûte : lorsqu’on est: en retard , on accorde quelquefois DU FORESTIER. 145 quelquefois jusqu’au quinze de germi- nal, un an après l'abattage. Ce terme est bien long , et il ne devroit être ad- mis que pour les plus grandes parties et les plus pénibles ; c’est en cela que doit paroître l'intelligence de l’ofi- cier supérieur qui est chargé de cette fixation. Lorsque les forêts sont éloi- gnées des lieux de la consommation, et que les routes sont trop difficiles pour transporter les arbres en entier , on prend le parti de convertir Les gros corps en ouvrages de fente, parce que ces petits ouvrages peuvent être voitu- rés, en détail , par des bêtes de som- | me; ce qui n’est point praticable pour | lesgrosses pièces, que l’on neconvertit | | qu’à regret en menus ouvrages. Mais quand il setrouve des rivières flottables , ou navigables , à portée des forêts , on peut faire, selon l’occa- sion , des bouts de chemin pour con- duire les grosses pièces au bord des G 146 MANUEL rivières où on les embarque dans des bateaux , ce qui est anssi bon:que le transport par charroi, Quand les ri- vières ne portent point bateaux, ou que l’onveut ménager ,: on en forme des radeaux ou @es trains proportion- nés à la force de l’eau et à la longueur des rivières , et on les fransporte , de cette manière , dans les endroits où on vêut lesemployer.is : | Dans les ventes où on fait du char- bon , si c’est pour des forges ou four- neaux , onie débarde tout de :suite pour le meitre en magasin; maïs si c'est pour les grandes villes , les mar- chands charbonniers n’ont point de CRE ;, etils ne le font fabriquer qu'à mesure qu’ils débitent : en ce cas, on leur permet decuire danses ventes, même après le récolement, à charge cependant par eux de ne faire entrer aucune voiture dans les taillis, mœ&is de faire porter les sacs de charbon à SRE pi mere rte = DU FORESTIER. 147 bras ou à somme, sur le bord des che- mins ou routes. Ce retard ne peut être dangereux, parce que les charbon- niers transportent leurs bois à bras dans les forêts , et ne font aucur tort aux taillis. Du Récolement. Le récolement est une opération à laquelle, ci-devant, tous les officiers : de la maîtrise devoient assister, comme au balivage , pour reconnoître 1°. si les marchands ou leurs facteurs , dont ilssontresponsables,ont commis quel- ques abus pendant Pusan :: deleursven- tes, tantdans leurs coupes que dans les envirens à l’ouïe delacognée; 2°.s’ila laissé lemêmenombre de baliveaux et les mêmes qui ont été marqués de l’em- preinte du marteau; 3°. si l’on re- trouve le même compte des souches d'arbres , dont on doit reconnoître l'empreinte , et représenter celles qui G 2 148 MANUEL auroient pu êtreéclatées , pour enfaire le retoquage. Comme on pourroit irouver des souches de taillis aussi apparentes que celles d’un arbre, ilest bon de savoir qu’elles se distinguent aisément par la simple inspection des cercles excentriques, ce qui ne se trouve jamais à la souche d’un arbre, dont tous les cercles sont concen- triques. Uñe bonne administration deman- deroit que les récolemens fussent tou- jours faits, autant qu’il seroit possi- ble, dans le mois de germinal, au commencem:nt de floréal , avant que la feuille puisse recouvrir et cacher tous les défauts d’une mauvaise ex- ploitation ; car, quand une fois la feuille est éclose, on ne peut con- noître si les souches sont bien ravalées près de terre, surtout lorsque dans les grandes parties, le terme des vi- danges est retardé jusqu'au mois de DU FORESTIER. 149 germinal de la seconde année qui suit celle de l’adjudication. L’ordonnance veut que les récole- mens se fassent quatre décades au plus tard après les vidanges; tout le titre XVI, contenant douze articles, est employé à en prescrire les formes ju- ridiques ; ainsi j'invite à s’y porter pour le consulter. . De la bonne ou mauvaise qualité ” des Arbres, et des signes aux- 2. o quels on peut la discerner, élané sur pied. Il étoit nécessaire et indispensable, avant tout, d'apprendre, 1°. l’ana- tomie végétale; 2°. les différentes es- sences d'arbres et arbrisseaux qui for- ment la masse, en général, de nos fo- AN D 27 150 . MANUEL rêts, par leurs descriptions , qualités, usages et cultures particuliers et pro- pres à chaque essence. Il est bien important de savoir si le bois d’un arbre sera de bonne qua- lité, d’en reconnoiïtre les défauts ca- chés,etde découvrirsices vices nesont point assez considérables pour faire rebuter les pièces, lorsque les arbres auront été abattus et même en partie iravaiilés. Je conviens que l’on est exposé à se nn dans le jugement qu’on porte de ja quañté des arbres sur pied ; qualité qui ne peut étre estimée que par des marques exté- rieures, qui portent souvent avec elles quelque espèce d'incertitude; mais dans le nombre des signes qui dé- signent, soit la bonté, soit la défec- tuosité d’un sujet , il y en a qui sont de la première évidence, et qui ne doivent point être confondus avec ceux dont on peut et doit se méfier, DU FORESTNUER. 154 Cette maxime se trouve variée et vraie dans le règne végétal, comme dans le règne animal, même raisonnable : cequej’aurai soin de discernersurtout, le plus exactement possible, par les dif- férens caractères qui serviront de base à pareil jugement ; je parlerai d'abord des signes qui peuvent indiquer un arbre vigoureux, et dont le bois est de bonne qualité, Signes extérieurs et serisibles de la bonne qualité d’un Arbre. 19, Quand le port d’un arbre est bien droit, que l’écorce de sa tige est claire, fine et unie, et à peu près d’une même couleur depuis le pied jusqu'aux _ premières grossesbranches, sans aucun nœud ni trou de pivert : si l’on aper- çoit au fond une écorce vive, on peut juger, d’une manière incontestable, que cet arbre est d’une bonne qualité G 4 12 MANGVEL dans son essence, qu'il profite, et même qu'il est très-vigoureux. 2: Quand les branches , surtout celles de la cime, s'élèvent beaucoup au-dessus des autres; que la pousse de leur dernière séve est d’une lon- gueur considérable , que l’écorce en est bonne, luisante et claire; alors l’arbre se perte bien et peut profiter encore long-temps, quand même 1l se trouveroit plus bas des branches jaunes et languissantes, et même tout à fait sèches : cet accident ne provient ordinairement que de leur irop grande quantité, qui contribue au dépérissement des plus étouflées ; il ne diminue en rien le favorable ju- _gement que l'on peut porter sur sa vigueur seulement. Quand les feuilles sont vertes, vives et étoffées , surtout à la cime, qu’elles sont en grande quantité, relativement à l’essence , et qu’elles ne tombent EE : DU FORESTIENR. 153 en automne que bien tard, c’est en- core un signe certain de sa vigueur; mais douteux sur la bonté du sujet. Signes extérieurs et sensibles de la défectuosité d’un Arbre quelconque. 1°. Quand lPecorce est terne, fort galeuse , qu’elle se {end et se sépare d'elle-même en travers, de distance en distance, ou qu’elle peut s’enlever sans eéflort avec la main, surtout vers le pied , c’est un mauvais pré- sage : de même, si on aperçoit de grandes taches blanches ou rousses, on doit soupconner des gouttières, des écoulemens d’eau on de séve, qui ont pourri le bois intérieurement. 2°. Lorsque l’on trouve, sur l’écorce, des mousses , des champignons, des li- chènes, dés agarics , etc.; ces fausses plantes parasites indiquent quelque G à 154 MANUEL pourriture , ou que les arbres sont nsés de vieillesse: car, quoiqu'elles ne se nourrissent pas de la séve des arbres, elles retiennent toujours l’humidité extérieure qui imbibe l'écorce et altère le bois qui est dessous; et si l’écorce vient à pourrir, l'humidité qu’elle retient rend ces plantes plus vigou- reuses. Par cette raison, je me mé- fierois d’un vieux arbre qui se trou- veroit enveloppé et étoufé par le lierre , quoique ce végétal grimpant s'attache souvent à de bons sujets. 3°. Quand on apercoit le long du tronc d’un arbre des chancres, des cicatrices de branches , des nœnds pourris, en partie recouverts, que l'on nomme œils de bœuf , et des écoulemens de séve , on est presque assuré qu'il y a une carie intérieure. Les loupes fréquentes, les excrois- sances ligneuses , les bourrelets et les élévations en forme de cordes, qui . DU FORESTIER 1h suivent la direction des fibres du bois ; tout cela annonce une gélivure inté- rieure. 4. Il y a différentes espèces de vers qui endommagent les arbres sur - pied ; il n’est pas facile de les aper- cevoir, parce que les trous qu’ils font à. l'écorce sont fort petits ,.et souvent ils se referment par une cicatrice ; mais les oiseaux, que l’on nomme piwert, savent bien les trouver avec leurs becs; c'est pour cela que les ‘arbres auxquels ces oiseaux s'attachent doivent être soupconnés de quelques défauts. On peut être au moins assuré que le bois en est toujours tendre. .- b°, Les arbres frappés du tonnerre sont ordinairement remplis de gerses, qui obligent de réduire la üge.en bois de stères. Pour les arbres morts de la gelée , il s'en trouve quelquefois encore _de-bons à mettre en charpente ou en d’autres marchandises. Si on voit le LR 10 156 "MAKÜEL long de la tige des branches menues et chargées de beaucoup de feuilles vertes, on doit craindre qu'à ces en- droits le bois ne soit rouge et de mau- vaise qualité. 6°. Si Îes branches de la tête, qu’on nomme la couronne ou le chapeau, sont jaunes ; si plusieurs d’entre elles, surtout les plus élevées , sont mortes ou languissantes, sans causes acei- dentelles, c’est un signe infaillible que ces arbres, que l’on nomme cou- ronnés , serolent sur leur retour, et commenceroient à dépérir. On sait encore qu'un arbre est en pleine m2- turité, lorsqu'un arbre, à ses der- nières séves, n’a rien produit en par- ties tendres et ligneuses , et qu'il s’est contenté de pousser des feuilles ; cela se connoît par lextrémité des bran- ches de la cime. 7°. Il est encore important d’exa- miner avec aftention les foreines on DU FORESTIER. 17 aisselles des branches; car, quoique ces parties soient renforcées par la nature , il arrive quelquefois que le poids du givre ou les grands vents, séparent ou détachent un peu les branches d’avec la tige ; alors l’eau, en s’introduisant par les fentes, y forme des gouttières , et c’est par cette même raison que tous les arbres qui ont été éclatés par le vent, dont les branches sont en partie rompues et pourries , doivent être rebutés. &. La couleur pêle des feuilles et leur chute précoce indiquent un arbre malade, dont les racines ne sont point saines , ou qui ne peuvent s'étendre dans le terrain. Les arbres dont les racines sont découvertes par les ra- vines, sont sujets à avoir les défauts que nous venons de rapporter, et leur bois est ordinairement de mau- vaise qualité. Enfin ,quand on veut savoir si plu- 158 MANUEzL sieurs des défauts, ci-dessus rap- portés, sont considérables, on sonde l'intérieur du bois ; pour cela ,oneit dans l’usage de frapper les arbres avec une masse , pour reconnoître, par le son qu'ils rendent, s'ils sont sains ou cariés. Ce signe est certain pour mettre au nombre des mauvais arbres ceux qui sonnent le ‘creux; mais il est incertain pour assurer la bonne qualité de ceux qui ne le son- nent pas; car si le vice est dans le cœur d’un gros arbre , le son n’en est point altéré. D'ailleurs les gerses , la roulure , la gélivure , la cadrapure, ne sont presque pointsensibles , quand les arbres sont pleins de séve ; et ces défauts ne changent pas alors leson du coup. Il est à observer que les arbres tarés ne sont point tout à fait inu- tiles ;: les marchands en savent tirer! parti; ils emploient en menuiserie ;* pour l'intérieur des bâtimæns, ceux DU FORESTIER. 19 qui ont quelques marques de retour; ils débitent en billes, pour les ou- vrages de fente , ceux qui sont abso- _lument gâtés en quelques parties, et ils mettent le rebut en bois de chauf- fage. | Les semus et plantations , l’ameé- nagement général des.foréts. Discours PRÉLIMINAIRE. LA plupart des propriétaires fores- tiers s’imaginent que les bois sont un fonds inépuisable de richesses ; que l’on peut en jouir sans exception ; qu’il n’y a aucune culture ni entretien à faire, et que toute la dépense con- ‘siste dans le payement ou appointe- ment des officiers ou gardes. Poür rendre sensible tout le-faux de ce préjugé, il suffira d'exposer 160 MANUEL ’état actuel de quelques forêts dw gouvernement. 1°. Que deviennent ces riches fonds de haute fufaie, qui ont produit des sommes si considérables ? La forêt de Fontainebleau nous présente déjà une perte de huit mille doubles déci- mètres ; et M. Duhamel a pronos- tiqué , avec fondement , que la der- mère exploitation de haute futaie, encore existante, sera la dernière dans cette vaste solitude; il est vrai que depuis cette époque l’on y a fait quelques semis, mais ça n'a jamais été en proportion des vides. Celle de Compiègne marche sur le mème pa- rallèle; et quand ces belles forêts seront entièrement détruites, la dé- pense du repeupiement général sera excessive. 2°. Les forêts réglées en coupes ordinaires de bois taillis, ne sont DU FORESTIER. 161 point à l'abri de ce dépérissement total; il ne s'aperçoit pas, il est vrai, si facilement que celui d'une futaie , qui reste entièrement en friche après l’exploiation; mais il n’en est pas moins certain et moins réel. Les connaisseurs qui ont quelque expé- rience, savent très - bien que les sou- ches diminuent de force et de vigueur à chaque exploitation, qu’elles pour- rissent et périssent; enfin, que les vides et clairières augmentent; que les bruyères , cette plante si destruc- tive de toute végétation , gagnent tous les ans du terrain; et qu’enfin la des- truction générale des taillis précédera peut - être encore , dans certaines forêts, celle des futaies. 3°. Ce préjugé, qui est des plus anciens, en favorisant la cupidité des ames usufruitières , a détruit l'émulation et produit l'indifférence 162 M AËN UE L des officiers , des administrations fo: restières. Les savans , même de toutes nations et de tous temps, ont regardé cette partie avec indifférence; et par- mi un million de produetions $ur l’agriculture , il n’y a que le célèbre M. Duhamel, à qui je me plais de rendre hommage, qui ‘en ‘ait traité en connoisseur. Cet excellent auteur, dans son ouvrage sur es boës et semis, nous a conduit à l’utile , en traitant cette matière en académicien en phy- sicien, et surtouten bon praticien; il nous a tracé des routes dansles régions les plus ténébreuses ; et c’est en mar- chant sur ses pas , avec la pratique de ce goût que j'ai cultivé, que je puis donner une méthode de repeuplement pour les bois , totalementenruine , de conservation et de régénération natu- relle pour les hautes futaies, qui sont prêtes à finir. Ces découvertes sont DU FORESTIER. 163 le résultat des expériences réitérées par ce grand honmme, et des visites particulières que j'ai faites dans les forêts des environs de Paris, et celle de l’administration que j'avois l’hon- neur de présider. à Ces méthodes consistent, en gé- néral , à détruire les mousses et les feuilles qui couvrent la superficie, d’une manière si uniforme , dans les taillis âgés, et surtout dans les futaies les mieux garnies. Si on laisse exister ce plancher impénétrable aux se- mences , les germes , forcés de sortir obliquemvot, périront toujours en naissant près de leurs mèré ; et cette fécondité si prodigieuse de la nature , quaud il ne se rencontre aucun obs- tacle général, sera réduite, comme nous le voyons de nos jours, à la plus grande stérilité ; maïs si dans les trois ou quatre décades dernières de l'exploitation de chaque vente an- 104 MANUEL nuelle , on a l’attention d’en remar- quer une dont la récolte des semences soit abondante , et que dans les mois les plus chauds, fructidor et suivant, on procède, comme 1l sera expliqué, à la destruction de cette plante enra- cinée et ennemie de toute génération; “on aura la satisfaction de voir, dès l’année suivante, le jeune plantrenais- sant , plus que suffisant pour le repeu- plement général que l’on se propose, et qui, au bout de quelques années, augmente par les recrues séminales et naturelles de chaque année; les étalons ou baliveaux ne demanderont alors qu'à succéder à ceux qui leur ont donné le jour. - d On peut se procurer un avenir aussi consolant avec la dépense la plus médiocre; j'en donnerai un détail, en parlant de la régénération générale des futaies; mais pour établir cette culture , il faut considérer la loi natu- h DU FORESTIHER. 1069 relle , qui exige qu’on laisse à ses descendans les fonds de bois , au moins en aussi bon état qu’on les a recu de ses pères. Il faut s’animer de zèle et d’amour pour la patrie, dont l'intérêt , bien considéré , s’identifie presque toujours avec le bien-être des vrais citoyens. Eufin,une administratration sage et active va s'occuper maintenant de régénérer cette portion précieuse de l’agriculture , abandonnée à sa propre destruction , qui, quoique tardive, n'en est pas moins pernicieuse, et ne se fait déjà que trop sentir. Expérience en semis et plantation. On est souvent découragé de faire des semis ou plantations de bois, parce qu'on envisage le temps considérable qu’il faut attendre avant d’en retirer le profit qu’on se propose. Je rappor- 166 MANUEL ferai ici quelques exemples propres à détruire ‘le préjugé. Un armateur de Saint-Malo exploi- toit , pour la construction des vais- seaux marchands , un bois de chênes planté par son père. Des noyers plantésen 1734avoient, en cinquante ans, cinquante doubles décimètres de hauteur , et six de tour. Des frênes plantés dans une terre assez médiocre, en dix - sept ans, avoient vingt - quatre doubles déci- mètres de hauteur, et deux de tour. Des tilleuls plantés dans un terrain le ‘ser , en vingt - cinq ans, avoient vingt - cinq doubles décimètres de hauteur , et deux doubles décimètres et trois centimètres de tour. J’ai vu des pins plantés fort petits, dans un semblable terain, avoir en seize ans , trente-six doubles décimè- tres de hauteur , et vingt - quatre centimètres de tour. | DU *FORESTIER. 107 Des bouleaux plantés dans un sable brûlant , assis sur un gravier fort serré, avoient , au bout de six ans, depuis sept doubles décimètres de hauteur ; et depuis cinq jusqu’à huit centimètres de tour. Un bois , essence de chêne, semé dans un bon terrain de sable gras, bien soigné les premières années, former ; à vingt - sept ans, un beau taillis de vingt à vingt-cinq doubles décimètres de hauteur, et de douze à quatorze centimètres de tour. .+ Des châtaigniers semés dans un fonds de sable assez bon, et qui avoïent la première année été endom- magés par la gelée, avoient , au bout de deux ans, un double décimètre et demi de hauteur. » Feu M. le maréchal de Belle - Isle a (a4, en 1725, des grandssemis et | des plantations dans sa terre de Bisy, en chênes et charmes , dans les bons | A 168 M ANUEXL fonds ; en bouleaux et marseaux;, en hêtres et châtaigniers dans les terres sablonneuses: il réserva une partie. pour croître en futaie , et malgré cette diminution , les semis étoient à leur troisième coupe , et lui rapportoient vingt-cinq mille francs de rente sur les dernières années de sa vie. Au palais du tribunat, les deux premiers maronniers de l’alléeà droite, en dix ans, portoient un double déci- mètre , et cinq centimètres de tour. Sur un état de repeuplement de la forêt de Fontainebleau , il se trouve, 1°. un canton de mille quatre cents hectares , situé près lacroix du Grand- Maître , dont les bonnes parties recé- pées à l’âge de six ans, formoient au bout de trois, un taillis de vingt- cinq à trente doubles décimètres de hauteur. is J'ai vu un canton de cent trente hectares, les parties n’a ÿant point été recepces ; DU FORESTIER. 169 recepées, former à l’âge devingt-quatre ans , un taillis de ving-cinq doubles décimètres de hauteur. Ces expériences sont bien faites pour encourager le riche propriétaire à.dé- fricher , planter et réparer , en partie, la destruction énorme des forêts , cou- pées et arrachées depuis dix ans. DES SEMENCES. Maturilé des Semences. , Comme il est très-important , pour le succès des semis , que les semences soient parvenues à une parfaite matu- rité, il est nécessaire de connoître par quel moyen on peut s'en assurrer.. 1°. On juge que les fruits sont par- venus à leur état de perfection quand ils sont bien formés chacun dans leur essence; quand ils ont acquis leur gros- seur ; enfin, quand un fruit, bien con- EH 170 FT A N UE LE ditionné, tombe de: lui-même , les se- ences qu’il contientsont mûres. 2°. Il y a des fruits, comme les me- rises , Les nèfles etc., quise dessèchent ou se pourrissent sans se détacher des arbres; alors on juge de la maturité de leurs semences par celle de leurs fruits, et ordinairement elles sont bonnes dans ces fruits desséchés. 3°. Les noix, les châtaignes , les noi- settes ,les glands , les faînes, etc., tom- bent rarement avec leurs fruits et capsules ; mais on peut être certain de Ja maturité de ces semences, quand elles quittent d’elles-mêmes ; néan- moins ceux de ces fruits qui tombent les premiers sont toujours les verreux. Les fruits à capsules, comme ceux du fusain , du tilleul, du maronnier, s'ouvrent et laissent tomber leurs se- mences, qui sont alors parfaitement nüres. 4°. D’autres fruits capsulaires , ou DU FORESTIER. 171 vessiculaires, se dessèchent et conser- vent leurs semences dans leur inté- rieur. Quand , à leur ouverture, on trouve la pulpe desséchée, et que les semences n’y sont plus adhérentes, on est certain de leur maturité. On ne peut juger de la maturité des fruits siliqueux que par la bonne con- formation des siliques et des semences elles-mêmes : lorsqu'elles sont bien formées , bien remplies , et que la su- perficie n’en est point ridée , elles sont parvenues à leur maturité. 7°.Les semences contenues dans des cônes, sont müres quand les écailles de ces semences commencent à s’ou- vrir: ce mouvement, quiestoccasion- né par la chaleur du soleil , fait répan- dre les semences ; l'humidité fait en- suite refermer les écailles ; mais alors les cônes n’ont plus de semences, et il faut en être prévenu pour ne point se tromper. Il ne faut pas ramasser les H 2 172 MANUEL semences qui commencent à germer, à moins qu'on ne les mette tout de suite en terre. Enfin, on doit regarder comme une règle générale, que ies semences qui ne sont accompagnées ni d’aigrettes , ni de membranes , sont mauvaises quand elles nagent sur l’eau, et qu’au con- traire elles sont bonnes quand elles se précipitent au fond ; aussi 1l est à. propos, avant de semer du. gland, dé faîne , etc., de les jeter dans l’eau pour en séparer les mauvaises, qui sur- uageront. Quand on cueille des fruits qui ont encore quelque caractère de verdure , il faut les laisser encorequelque temps dans leur propre enveloppe; si elles sont menues , comme celles du frêne, on peut les stratifier avec dela terre, dans laquelle elles acquièrent une par- faite maturité, et une grande dispo- sition à germer ; lorsqu'on les sème au DU FORESTIER. 173 printemps , alors elles lèvent parfai- tement. Récolte et préparation des semences. Il y a des semences qui tombent à terre et qui sont assez grosses pour être ramassées à la main ; les mûres, les poires, les pommes , les cormes, les marrons d'Inde, etc.; dès que ces semences ont pris une couleur jaune, dans les premières gelées d'automne, on nettoie, avec des rameaux , le des- sous des arbres, après quoi on secoue les branches eton achève de faire tom- ber celles qui restent dessus l'arbre, qui sont ordinairement les meilleures ; on les ramasse en tas, avec le balai, et on en remplit des corbeilles. Les semences qui sont trop menues pour être ramassées de cette manière, on les cueille à la main sur les arbres, H 3 174 MANUEL même avant qu’elles soient parvenues à toute leur maturité, qui nese fait que par gradation et , pour abréger , onromptles extrémités des petites bran- ches qui en sont chargées , qu’on jette dans un drap préparé et étendu sous l'arbre qu’on dépouille. C’est ainsi que l’on fait provision de celles du frêne, du charme, de l’érable , des bouleaux, des saules, des peupliers, des hy- préauses , des aunes , etc. On cueille à la main les siliques, les baies, les cônes et autres graines semblables, dont on reconnoît la maturité quand elles com- mencent à s'ouvrir d’elles-mêmes. Les petits fruits charnus , comme sont Îles azeroles , les senèles les baies de genièvre, de sureau, de ner- prun, etc.,se mettent également en terre avec leur chair. Les fruits succu- lens,comme sont les pommiers, les mû- riers, elc., s’écrasent et se préparent. La règle générale pour conserver les TR Pr RCE, es de DU'FORESTIER. ‘179 semences qu'il ne faut mettre en terre qu’au printemps, est de les tenir dans un lieu fraisetsec, de les mêler avec du sable desséché, de les remuer de temps en temps, de manière que celles de dessous se trouvent dessus. Il yen a qui font une fosse de six pieds de pro- . fondeur ; ils y mettent des glands, des châtaignes , après qu'ils ont sué dans un grenier , puis ils les recouvrent d’un sable nur et sec. Si l’hiver n’est point trop humide, ces semences se conser- vent très - bien jusqu’au printemps. Pour les baies et autres semences me- nues , il est bon, après les avoir strati- fiées avec de la terre, comme je Pai dit, de les conserver tout l’hiver en un lieu plus humide que sec; de cette manière les graines les plus tardives leveront, dès la première année, étant mises en terre au printemps. as - e— …” ..e té H 4 175 MANUEL T'emps propre pour semer. En suivant l’ordre de la nature, la vraie saison pour semer est lorsque les semences sont parvenues à une par- faite maturité, et c'est la meilleure manière lorsqu'il n’y a pas de fortes raisons qui s’y opposent. Par cette rai- sou, les ormes, les pins, les sapins, etc., doivent être semés au printemps. Le gland, la châtaigne, la faine, etc., doivent ètre semés en automne. Ces semences leveront même phriôt que si on les semoit au mois de ventôse ; mais les raisons qui obligent à différer et à remettre ces semis au printemps, sont: °, que celles qui sont délicates se- roient endommagées par les gelées ; 2°. que quantité d'animaux , tels que les sangliers, les mulots, les lapins, les pies , les corneilles , les ramiers, etc., ensont friands, eten font un prodi- s'eux dégât ; 3°. que la terre se gonfie Le , DU FORESTIER. 17% pendant les gelées, s'affaisse pendant les pluies; qu’elle se dessèche ensuite par le soleil; que les pluies abondantes déchaussent le germe que la graine pé- rit; 4°. que dans les terres fortes la terre étant battue des pluies et ensuite desséchée par le soleil, il se forme une croûte dure qui empêche le germe de percer, Malgré tous ces inconvéniens , je préférerois le semis d’antomine à celui du printemps, en ce que les germes travaillent dès le mois de pluviôse ou ventôse, ou plus tard ; dès-lors ils pous- sent des tendrons radicaux qui, dès le mois de prairial, se convertissent en vraies racines , capables , à cette époque, de résister aux grandes cha- leurs et aux secheresses de l'été , pen- dant les mois de messidor et thermi- dor : au lieu qu’en ne semant qu’en pluviôse, ils n’ont ordinairement , vers le mois de messidor, que ces EH 5 578 MANUEL premiers radicaux blancs, sembla- bles à un lait caillé, auxquels 1l fau- droit encore toute l’humidité du prin- temps. On peut cependant prévenir, en crande partie, cet inconvénient, en stratifiant les semences qui serment promptement dans du sable sec, et celles qui lèvent lentement dans de la terre humide. Quand les hivers sont secs , on peuf, dans le mois de nivôse, arroser la terre. | De la Radicule pivotañte. La radicule qui fournit le pivot des arbres est très-contraire à la planta- tion des jeunes plantes que l’on arra- che d’une pépinière pour former un massif de boisou autre , et c’est pour- quoi il est expédient de la faire ger- mer et de la rompre avant que de mettre la semence en terre : pour cela, il faut visiter les semences conservées dans du sable sec; si l'hiver est humi- DU FORESTIER. 179 de, elles ne germeront que trop faci- lement, mais s’il est sec, on sera obligé de jeter de l’eau par dessus. Lorsque les radicules auront poussé, il faudra remuer ces semences avec la pelle de bois , et les frotter les unes contre les autres pour rompre ce premier germe. Si on ne faisoit qu’un très-petit semis, on pourroit les rompreune à une. Cette méthode est très-avantageuse , en ce qu’elle procure aux jeunes arbres un belempatement de racines , au moyen duquel ils reprennent aussi facilement que des pormmiers. Pour des semis qui ne doivent point être replantés , il est inutile de retou- cher le pivot. Quant aux semences qui sont trop fines, comme celles du charme, du frêne, etc., on est obligé de les semer par planches, et de les lever la seconde année pour leur couper l’extrémité du pivot qui est formé , et les replanteren H 6 ‘> 189 MANUEL pépinière , trou à trou, comme on fait aux choux; alors ils reprendront faci- lement, et seront propres à regarnir. Manière de Semer. Lorsque les semences tombent d’elles-mêmes sur la superficie de la terre , elles y germent et elles enfon- cent leurs racines. Un gland qui germe s'enionce quelquefois lui-même pro- fondément; j’en ai vu qui, dans les friches dont le sol paroiïssoit bien dur, avoient pénétré jusqu’à deux pouces de profondeur, en piquant leur pivot bien perpendiculairement : on en voit d’au- tres qui restent sur la superficie de la terre ; cette différence provient uni- quement du temps sec ou humide qui arrive lors dela germination. S'il pleut beaucoup, le sol le plus ferme prête son sein, dans lequel il recoit, enve- loppe etembrasse le nouveau né. Il sembie que la nature nous pres- DU FORESTIER. 181 crive de semer ainsi; en effet, on ne peut trop l’imiter , pourvu que l’on aït l’attention de parer , autant qu’il est possible , aux accidens généraux qui font périr la prodigieuseabondance de ces productions, où au moins une grande partie ; autrement il faut sacri- fier cent semences pour en voir pros- pérer une. Le résultat des expériences de M. Du- hamel prouveque,danslesterresfortes les grosses semences doivent être pla- cées à un centimètre de la superficie ; dans les terres moyennes, à deux, et aa plus avant ; à trois, dans les terres légères. Les semences très-fines , telles que celles de bouleau, d’aune, de peuplier, d’orme , de charme , etc., ne peuvent être semées trop près de la superficie ; il suflit de les mettre à lPabri des oiseaux. La graine d’orme, qui se sème aussitôt qu’elle est recueil- lie, ne réussira point si le temps est 102 MANUEL trop sec, à moins qu'on ne soit à por- tée de l’arroser pendant quelque temps; ce qui n’est praticable que pour une pépinière. On peut semer les autres semences à la charrue, pourvu qu’elle pique peu, en re faisant qu’un labour superficiel. Les moyennes semences peuvent être répandues sur les guérets , pour être enterrées à la herse; mais pour les se- nences très-fines, 1l faut que le gué- ret soit hersé ; on les enterre ensuite avec les ,broussailles que l’on fait traîner. Des Pépimières. Une pépinière est un lieu clos et ferme, dont.la terre est préparée pour recevoir les semences dans la plus srande quantité qu’il soit possible, et pour y élever les jeunes arbres que lon destine à repeupler de plus grandes parties. En supposant une pépinière DU FORESTIER. 183 d’un hectare, dans lequel on mettroit les glands à la distance d’un double dé- cimètre l’un de l’autre; cet hectare pro- duiroit 96,800 arbres: on pourroit gar- nir neuf hectares de massif avec cette quantité. Mais on entire bien un autre produit : ordinairement , on sème dans une pépinière de la grandeur d’un hectare, dix-sept demi-litres de glands, qui prodüisent plus de trois cents milliers de plants, qui, dès l’âge de trois ans, peuvent garnir plus de vingt- quatre hectares de bois en massif, em y mettant les plants de trois en trois doubles décimètres ; mais , si on les distancoit de quatre en quatre doubles décimètres, on pourroit en garnir plus de soixante hectares, On vend le millier de plant jusqu’à huit francs ; mais quand même on ne l’a- cheteroit que cinq francs le millier, _ les trois cents milliers feroient quinze cents francs, tandis qu’une pépinière 164 MANUEL d’un demi-hectare ne reviendra, au plus haut, qu’à quatre ou cinq cents francs. | | Dans une pépinière destinée à élever des arbres de tiges pour les avenues, on y met les arbres à deux et trois doubles décimètres les uns des autres ; l’on aura toujours dans un demi-hec- tare, cinq à six milliers d'arbres, nombre capable de former des avenues très - considérables : la tige de ces arbres assemblés en pépinière, s'é- monde d’elle-même et se dirige ver- ticalement beaucoup mieux que celles des arbres isolés. D’ailleurs la culture est bien plus facile à donner dans un hectare que dans une plus grande étendue de terrain; et des jeunes arbres, bien épatés de racines , re- prennent facilement et se lèvent bien plus promptement que des semis. ” DU FORESTIER. 185 Situation d’une Pépinière. S'il est question de faire des massifs considérables, il y a premièrement un très-grand profit à se procurer les plants dans de bonnes pépinières ; seconde- ment, sionne veut planter que des ave” nues ou s’assurer du succès en formant une pépinière dans le même terrain que celui qui doit'être planté;lecultivateur, qui n’a pour but que de se procurer, en peu d'années, de beaux arbres dont la vente soit assurée , fume beaucoup ses pépinières, et les place dans un terrain gras et humide, dans lequel les arbres poussent avec force et de- viennent très beaux; maïs l'expérience, répétée en tous lieux, prouve que la première année il faut regarnir conti- nuellement ; cependant ces arbres de différens âges ne peuvent former une belle avenue, dont la beauté con- siste dans l’uniformité. 166 MANUEL La raison pour laquelle des sujets, d’ailleurs d’une belle venue , réussis- sent mal, est le laps de temps qu’exige le transport qui les expose à uneinfi- nité d’accidens dort on ne peut évi- ter qu’une partie, malgré bien des précautions dispendieuses. Le chan- sement de terrain et de chmat est encore un obstacle à la végétation, qui ne peut plus s’y accoutumer. Il est donc de la plus grande conséquence de se précautionner de bonnes pépi- nières, et, sur toutes choses, de les former à portée et sur un terrain pa- reil à celui qui doit les recevoir. Terrain le plus propre à une Péptnière. On auroit tort de croire qu'il faille établir une pépinière dans un mauvais terrain; les arbres y languissent, leur écorce devient galeuse, ils se chargent de mousse, et les pousses, toujours DU FORESTIER. . 167 foibles et languissantes, ne font que des racines défectueuses et, lorsqu'on les replante , ils périssent presque tous dans un mauvais terrain, et sont long-temps à se rétablir dans un bon. Il faut éviter de placer une pépi- nière dans un terrain trop humide ; les arbres y poussent à la vérité avec force , mais la racine pèche toujours ; étant replantés dans un terrain sec, ils y périssent quelquefois dès la pre- mière année. | Il faut choisir, antant que faire se peut, une terre médiocre, plus sèche qu'humide, comparée au terrain qu’on se propose de planter : ilest bon de choisir l'exposition du levant et un terrain en rampe douce, qui offre naturellement un abri contre les vents du nord-ouest, et ceux du sud-ouest, qui brûülent et dessèchent le plant: il faut encore, si on le peut, protéger le jeune plant par quelques avenues 160 MANUEL auprès desquelles on placeroit Ia pé- pinière, Quand on a défoncé son terrain et préparé par rayons, qu’on observera de faire du levant au couchant, on peut protéger la végétation, si on veut, en semant de l’avoine la première année ; par là, cette préparation a l’avantage de conserver au terrain une humidité qui dispose le plant à se former une bonne racine : ce qui dé- dommagera bien des frais de cette culture. Semis d'une Pépinière. La pratique à préférer dans un se- mis, et même dans une plantation ,est de mêler les graines de plusieurs es- sences de bois qui peuvent convenir au sol, comme des glands, du faîne, de l’orme , du bouleau, des pins, etc. 1°. Une seule essence ne peut jamais venir assez fourrée dans les premières années pour étouffer les herbes; 2°. les DU FORESTIER. 189 différens sels qu’une terre contient, peuvent nourrir et élever le double, même le triple des sujets , lorsqu'ils sont de plusieurs essences ; 3°. si une seule essence ne vient pas bien, une autre prendra mieux; et si elles viennent toutes de manière à être trop touffues , l’éclaircissement se fera na- turellement :les plus fortes étoufferont les plus foibles ; ils auront toujours fa-, vorisé de leur ombre les autres, et empèché de croitre l'herbe : entre les espèces , ce sera celle qui conviendra le mieux au terrain qui prendra le dessus , et qu'il sera plus utile de cul- tiver pour les plantations à faire sur le sol. Si la nature du sol ne se trouvoit convenable qu’à une seule essence de bon bois, il faudroit plutôt y mêler des graines d’arbrisseaux, soiten épines blanches, soit en genêt; ces deux essences, ne sont que favorables à la 190 MANUEL végétation du plant , en Les protégeant, dans leur jeunesse, contre les bruyères et autres mauvaises herbes: il faudroit en écarter l’épine noire. Pour semer un demi-hectare en chêne, il faut employer douze dé- calitres de glands. On en met deux et trois par trou de deux en deux doubles décimètres, et inême de plus près, afin que les mauvaises herbes soient moins sujettes à venir,et qu'elles n’étouffent pas le jeune plant. Il faut avoir un chef d’attelier intelligent, qui couduise les ouvriers , et fasse em- ployer la semence en quinconce : cette manière est prélérable, elle partage le terrain également, et le plant pro- fite beaucoup mieux. Il convient aus- si, quand on mêle les essences , de les alterner de trou en trou. Pour faire un semis de pins , il faut vingt à vingt-quatre kilogrammes par hectare , si c’est du pin d’Ecosse ; mais DU FORESTIER. 191 il en faut davantage , si c’est du grand pin maritime ; la graine étant plus grosse, on la répand comme le fro- ment ; 1l suflit de faire passer la herse dessus , pour que la semence soit suf- fisamment enterrée: Le faîne se sème de même, et quantité d’autres se- mences. Maïs l’acacia se sème dans la terre légère, en rigoles, reconverte _avec de la litière hachée. +. Pour tirer parti des terres aveuses qui ne peuvent se dessécher suifisam- ment par des rigoles , lorsqu'elles n'ont point de pente, il faut faire des fossés , semer du gland sur la berge, et des arbres aquatiques dans le fond : par là on se procurera un bon taillis. Culiure des Semis. Premièrement , rien n’est plus dan- gercux que de remuer la terre avant que le semis ou le plantse soit affermi par des racines assez fortes ; la pre- 192 MANUEL mière année 1l ne faut donner aucune facon ; il suffira de donner un pelage au printemps de l’année suivante, pour détruire les mauvaises herbes et laisser au soleil la faculté de réchauf- fer la terre ; au printemps de la troi- sième année , il est bon de donner un binage , et même un second à l’au- tomne , si leplanest chétif et vient avec peine. Il faut aussi répandre des semences à chaque binage de la troisième année, sl se trouve quel- parties dégarnies. Secondement, le principe général pour les arbres detige, est de donner quatre labours à ceux qui sont nouvel- lement plantés, savoir : un profond avant l'hiver pour ouvrir la terre et faciliter l'introduction de l’eau, des pluies, des neiges et du soleil ; un se- cond labour au printemps, pour sou- lever les terres comprimées par l’hi- ver, et détruire les herbes; les deux autres pu FORESTIER. 193 autres se doivent faire pendant le cours de l'été , pour détruire les herbes. On ne sauroit s’y soustraire , sans une perte bien sensible pour la végétation. On peut parer à cette dépense, si on veut, pour des plantations d’une grande étendue, par des fossés qui bordent la file, à trois et quatre dou- bles décimètres de distance; puis on fait un dos qui protège le plant et l’a- brite; maïs cela ne vaut point la cul- ture que j'indique ci-dessus. 11 n’est guères possible de donner une appréciation précise de dépenses des plantations, mais je vais en donner une idée qui servira de guide. Premièrement , si le sol du terrain est bon, et qu’il ait déjà été labouré , ilsuffira de planter par trous à la bèche; en ce cas , on sait qu'il faut dix mil- liers de plant par hectare : pour le bien planter de cette manière , un homme emploîra cinquante jours ; il le pour- I 154 M AN U EL roit en moins de temps; mais comme c'est de la bonté de cette opération que dépend le succès, il vaut mieux dix jours de plus , et que le travail soitsoi- gné. Si on a une pépinière, le millier de plant ne doit revenir qu’à quatre francs ; si on n’en a point, 1l peut coù- ter trente fr.; tout le monde sait Le prix de l’ouvrier : en supposant qu’en pro- vince il coûte un franc, comme meil- leur marché qu'aux environs de Paris, cela feroit cinquante francs. Secondement , si le terrain est en fri- che, il faut, s’il est possible, le labourer à lacharrue;onsait ce qu’on paye l’hec- iare de labour. Il ne faut pas se con- tenter de ne labourer que des plates- bandes , il faut faire un labour entier à la charrue , sans être obligé de se servir de main-d'œuvre, cette écono- mie ne réussit pas. Un labour général d{truit bien mieux les herbes. Troisièmement , lorsqu'un terrain DU FORESTIER. 195 est depuis long-temps en friche et cou- vert de bruyère, alors il faut deux la- bours au lieu d’un ; le premier pour détruire la bruyère, et le second l'hiver suivant , pour le mettre en état d’être planté et semé; cette dépense est facile à connoître. Quatrièmement , quand le vague d’une forêt ne peut être cultivé et dé- roqué à la charrue , 1l faut nécessaire- ment le défoncer à la pioche , ou bien l'égobuer; cela est à peu près de même pour la dépense. J’ai vu un temps où on-pouvoit faire égobuer un hectare pour quatre-vingts francs ; mais les ouvrages sont augmentés, et les ou- | vriersne gagneroilent point leur vie à ce prix ; il faut donc le porter à un tiers en sus , et alors il reviendra environ à 100 fr. Un binage peutse faire pour cin- quante francs , «et j'ai déjà conseillé de | semer de Pavoine lors du semis ou de la plantation , dont la récolte doit in- I 2 166 MANUEL demniser. On trouve des marchands qui se chargent de planter en essence de chêne un hectare , à raison de trois cents francs. Quoique ce parti paroisse avantageux , la suite n’en est jamais heureuse. Ils savent vous faire montre d'un plant de quatre à cinq ans, très- vif, qui contente un propriétaire pour une pousse d’une année très -vigou- reuse, mais qui, par la suite, ne fait aucune production en racines et périt insensiblement après. La pratique, et une économie bien entendue font souvent mettre à profit des terres inca- pables d’un autre rapport. she PRE RTE RER 77 De l'aménagement général des Forêts, de leur régénération ef du repeuplement des taillis. On ne peut bien connoître une forêt que par la visite et la reconnoissance de ses différentes limites ; aussi les ar- DU FORESTIER. 197 ticles 3, 5 et 16 du titre XX VII del’or- donnance l’ont prévu ; en prescrivant la visite des bornes et fossés de sépa- ration , leur rétablissement dans leur premier état , la description de tous les bois domaniaux de telle espèce qu’ils soient , et la déposition au greffe des ci-devant maîtrises des cartes figu- ratives de chaque forêt. Cette connoissance doit commencer par l’examen des plans , et par leur confrontation avec l’état actuel des fo- rêts. A cet effet, il est nécessaire de dresser un procès-verbal d’aborne- ment. Cette opération a toujours été dispendieuse pour les bois qui dépen- doient de la juridiction des ci-devant maîtrises ; mais elle est susceptible de simplification von les bois des par- ticuliers. Ces particuliers pourroïient choisir un arpenteur juré, dont la capacité et Ja probité seroient également recon- L 3 196 MANUEL nues , et se faire représenter , s’ils ne veulent point assister en personne , par des fondés de pouvoir , qui seroient présens à toute l’opération , et compa- roîtroient au procès-verbal qui sera dressé par l’arpenteur. Pour mieux faire comprendre comment doit être concu cet acte essentiel , je vais en tra- cer un modèle, Procès - verbal d’abornement de Îa forêt de ….. ......,4#{aita l'amiable entre l’agence forestière de ........ etlecitoyen N......, comme fondé du citoyen...........,.propriétaire de L’An ....dela République fran- çcaise , une et indivisible, le . . . du mois de. .. à . . . heures dumatin; nous , agens forestiers de ..... auto- risés et commandés à l'effet de procé- der à la visite , reconnoissance, vérifi- cation ct plantation des bornes qui doivent servir de limites entre la fo- DU FORESTIER. 199 rêt de. : . .., appartenante à...., d’une part, etle bois de . ....., ap- partenant au citoyen N..... d’au- tre part : après avoir examiné premié- rement l’ancien procès-verbal d’abor- nement de ladite forêt , fait le. ...., par. .....(ieion désigne les dif- férens titres qui ont dû être communi- qués à l’arpenteur ) , nous nous sommes transportés sur lesdites limites dans le canton de. . . . . ., à l'extrémité du bois de ......, à l’endroit où il joint ladite forêt de.....,vers .... ( ici on désigne bien l’endroit où il fant commencer ; qui joint toujours un troisième particulier dont il faut faire mention ). | Où étant, nous avons trouvé le ci- toyen N......, aunomet comme fondé de la procuration générale et spéciale du citoyen N....., passée devant notaire , à nous communiquée et par nous rendue, et le citoyen N.... I 4 200 MANUEL aussi comme fondé de la procuration de N......, passée devant notaire, dont le brevet originalest resté annexé à la minute du présent procès-verbal, (quand la procuration étoitun brevet). Lesanels fondés de pouvoirs res- pectiis nous ont requis de procéder à la reconnoissance desdites limi- tes, comme autorisés par .....du gouvernement ; nous avons procédé et opéré comme il suit : Premièrement, nous avons trouvé et reconnu une ancienne et première borne de pierre, brisée, haute d’un dou- ble décimètre hors de terre , et dehuit centimètres en carré, située dans unan- gle sortant de ladite forêt, dans l’ex- trémité d’un fossé de séparation, dont ja berge se trouve sur le bois de....,. età un double décimètre du bord de ......, età un double décimètre du bord extraordinaire dudit fossé., laquelle borne est dirigée sur la sui- DU FORESTIENR. 201 vante, et sert en même temps de s6- paration pour le citoyen N......., propriétaire , etc. ( Si on a un procès- verbal d’abornement, fait avec ce troi- sième propriétaire ,; on fait mention de la date, du nom de celui qui l’a fait, et du numéro que cette borne y occupe ). Seconde borne. A vingt perches ou ares de distance, en suivant l’alignement de ladite pre- mière borne et celui dudit fossé dans une angle rentrant, nous avons planté une deuxième borne en grès, taillée, haute de trois pieds, ou doubles déci- mètres en tout, et deux pieds ou dou- bles décimètres hors de terre, de dix pouces ou centimètres en carré , dis- tante d’un pied ou double décimètrre du bord extérieur dudit fossé, et dirigée sur la suivante. On continue cette opé- ration, de borne en borne, jusqu’au I 5 202 MANGE SZ soir ; et en finissant chaque vacation, on ajoute : Cela fait, le soleil étant couché, nousavons continué l’opération le len- demain à huit heures du matin, et nous nous sommes retirés à la ferme de. ..... avec les citoyens . : . .. fondés de pouvoirs, qui ont avec nous signé. | ( faire signer tous les trois ). Et le....jour dudit mois, nous, arpentieurs ci- dessus dénommeés, nous sommes transportés avec lesdits citoyens fondés de pouvoirs,audit lieu, où étant arrivés: Troisième borne. À dix perches ouares de distance de la borne précédente, en suivant ledit fossé de séparation, nous avons trouvé une troisième borne de grès, piquée et marquée avec une Croix ou DU FoREÉSTIÉR. 563 autre marque sur le côté qui fait face audit bois de. . . . . ., haute d’un pied et demi, ou d’un double décimè- tre et demi, hors de terre, et de huit pouces ou centimètres en carré, diri- géesur la suivante , etc., etc., etc. S'ilarrivoit quelque contestation en- tre les fondés de pouvoirs , ils réser- veroient leurs droits respectifs en par- lant au procès-verbal , en signant cha- cun en particulier leur procès-verbal, en signant chacun en particulier leurs déclarations , réserves, protestations , etc. En ce cas , on remet quelquefois l'opération au premier jour , jusqu’à ce que le propriétaire se soit arrangé; après quoi on reprend et on continue le procès-verbal jusqu’à la consomma- tion. Avant que de commencer ce procès- verbal, il faut avoir l’attention de. faire préparer et porter sur les lieux. toutes les bornes nécessaires à remet- I 6 204 MANUEL tre, afin que la plantation s’en fasse exactement en présence des c1- -devant officiers , à mesure que le procès-ver- bal s’écrira; pour cela il faut trois journaliers fournis de pelles et de pio- ches nécessaires pour faire les trous. Anciennement les arpenteurs avoient pour habitude de mettre au pied des bornes un morceau de tuile, d’ar- doise ou de petite pierre carrée, ce qui prouvoit la véritable place de la borne, comme ayant été mise de main d'homme ; mais cette précaution est inutile lorsque la borne a été faite et travaillée exprès : on jugeà l’inspec- tion qu’elle est borne et qu’elle n’a pas besoin de témoin, surtout lors- ane les distances sont mesurées exac- iement. Comme les bornes Sont des limites très-sujeittes à être déplacées facile- ment, et emportées par des riverains qui s’Fn servent pour servir de mar- LI DU FORESTIER. 20h ches à leurs maisons ; que d’ailleurs elles sont sujettes à une infinité d’au- tres accidens, qu’on trouve détaillés dans l’arpenteur forestier ; les proprié- taires riverains feront bien de fos- soyer , d’une borne à l’autre , aussitôt après qu’elles seront posées : ces fossés sont d’ailleurs nécessaires à la con- servation des taillis, et on en retirera un double avantage , d’assurer l’em- placement des bornes d’une manière incontestable ; cette précaution vau- dra bien mieux qu’une description figurative de ces limites, que plusieurs propriétaires avoient coutume de join- dre au procès-verbal. Quand les propriétaires particuliers demeurent dans leurs campagnes, ils feront bien de comparoître au procès- verbal. Réglement des F'oréts. Les différens réglemens et ordon- 206 . MANUEL nances qui ont été exécutés jusqu’à présent , ont fixé l’âge où les bois do- maniaux , mis en futaie , doivent être abattus , à 60, go, 100 et 200 ans, avec laréserve de dix baliveaux par ci- devant arpent , ou du double par hec- tare , et ont prévu à ce que le pro- priétaire , généralement quelconque, fit réserve de seize baliveaux de l’âge, par ci-devant arpent, et du double par hectare , avec défense d’abattre ces mêmes baliveaux au-dessous de qua- rante ans, et les taillis au-dessous de de dix ans. Comme le gouvernement possède , aujourd’hui, une immense quantité de forêts, la réserve des bois en futaie est une ressource très-grande pour fournir des bois de service; le public en profite, et l’Etat n’y perd rien: il est égal, et même souvent profitable de vendre dix hectares de futaie préférablement à cinquante hec- tares de bois taillis. Ces différens DU FORESTIER. 207 âges, depuis soixante jusqu’à deux cents ans, donnent la facilité aux offi- ciers intelligens de décider, avectoutes les précautions que je me propose de détailler, auxquels de ces âges ils doivent fixer la révolution d’une forêt domaniale. | Le réglement général des coupes d’une forêt dépend 1°. de l’essence des arbres qui en composent le massif ; 2°, de la qualité du sol ; 3°. du débit le plus avantageux. Ces trois considé- rations doivent être müûrement com- pensées et bien réfléchiesavant defixer, d’une manière irrévocable , les quan- titésetl’emplacement de chaque coupe annuelle. On connoîtra facilement l’es- sence des arbres et arbrisseaux des fo- rêts dans la description qui fera la suite de cet ouvrage, ainsi que la qualité du sol et la nature du terrain qui leur conviendroit : reste à traiter du débit le plus avantageux et le plus utile qui 208 MANUEL doit servir de base pour fixer l’âge , et conséquemment le nombre des coupes à faire dans chaque forêt. 1°. Dans les provinces méridionales de la France, la plupart des forêts peu- plées en pins, sapins et chènes , sont consacrées à la constructiou des vais- seaux, lorsqu'elles sont situées dans un bon fonds. L’âge le plus avantageux pour ce débit, est de soixante-dix ou quatre-vingts ans pour les pins et sa- pins ,et de cent vingt à cent cinquante ans pour les chênes dans un bon fonds; de sorte que siune forêt de pins ou sa- pins contient huit cents arpens ou trois cent quatre-vingt-seize hectares, on pourroit en exploiter , tous les ans, en- viron cinq à six hectares, dans les pays où il ne se fait point d'autre con- sommation que celle des fours à ver- rerie. 2%, Si l'essence d’une forêt est en bois blanc et qu’il vienne vite,ilestbon DU FORESTIER. 209 d’en fixer l’âge à dix et douze ans ; mais si l’essence est en bois dur, comme chêne, charme et hêtre , alors on peut régler les coupes à l’âge de quinze ans. 3°. Dans les provinces où les bois ne se consomment qu’en charbon pour les fourneaux et forges , et que l’es- sence des forêts est en bois blanc, on peut les faire exploiter à l’âge de quinze à dix-huit ans ; mais lorsqu'il y a davantage de bons bois, il vaut mieux en régler l’âge depuis vingt jus- qu'à ving-cinq ans. 4°. Dans les vignobles où il faut beaucoup d’échalas, on peut régler les bois à l’âge de dix ans , et même au-dessus , relativement à leur es- sence. 2°, Dans les environs des grandes villes , où la plus grande partie des fo- rêts se consomme en bois de chauf- fage et en charpente, il faut profiter de la bonté du sol et de l’essence des 210 MANUEL bois , pour porter l’âge des taillis Je plus haut que faire se pourra. Il y a de l’avantage à le couper en demi- futaie et haut taillis, et dans ce cas, l’âge doit être depuis vingt-cinq jus- qu’à trente ans. Il est impossible de fixer le nom- bre des années qu’un arbre doit rester sur pied : son existence est relative à sa végétation , comme sa végétation est soumise au climat, à la qualité et a l’exposition du sol. Si on veut une règle générale, il faut la prendre dans la nature même. On dit qu’un arbre se couronnelors- que les branches du sommet ont leurs canaux oblitères , et qu’elles ne re- coivent plus ou très-peu de séve; enfin lorsqu'elles sèchent sur pied. Il seroit plus exact d'appeler arbre couronné celui dont les branches forment avec le tronc des angles de soixante - dix à quatre-vingt-dix degrés, parce que la DU FORESTIENR. 211 totalité ressemble alors àune couronne fermée. Il seroit donc plus avantageux d’a- battre les arbres au moment où ils se couronnent , et même de prévenir ce moment si l'arbre en vaut la peine, plutôt que d’attendre la coupe géné- rale de la forêt ou de la partie de sa division; car alors ce sera un arbre perdu. La règle générale pour l’aménage- ment d’une forêt considérable , est de la partager en plusieurs parties , dont chacune se coupe à un certain âge: (ces parties se nomment triages) ; c’est- àa-dire, qu’elle doit être partagée en un certain nombre de coupes qui s’exploi- tent annuellement , les unes après les autres. Il y a deux choses importantes à observer dans cette distribution ; la première est de placer la succession des coupes de manière que le bardage se fasse toujours par les anciens taillis ; 212 MANUEL la seconde, que les ventes ne soient ni trop fortes ni trop foibles. Tlne faut point tomber dans le défaut ridicule de nos anciens réformateurs des forêts, qui étoient attachés à l’éga- lité parfaite des quantités annuelles de chaque coupe. Ilestindifférent qu’elles soient inégales; le propriétaire n’y perd rien; s’il en coupe moins dans une année , il en aura plus dans une autre ; d’ailleurs le prix dépend souvent plus de la bonté du bois que de la quantité ; et quand les coupes seroient parfaite- ment égales , il y auroit toujours de la différence dans le produit. Avantages de l'exploitation des jeunes taillis. 1°. Les oseraies sont une espèce de taillis qu’il faut abattre tous les ans ; on perdroità attendre la seconde année. 2°. Les saules, les maseaux, les a ————— DU FORESTIER. 213 peupliers , que l’on étête tous les trois, six ou neuf ans, sont encore des espèces de taillis très - avantageuses pour les fermiers. 3°. Les châtaigniers et les bouleaux dont on fait des cercles , des cerceaux et des échalas, peuvent se couper dès l’âge de six ou septans. 4°. Les coudriers , les merisiers , des- tinés à fournir des baguettes pour les fleuristes , les chandeliers, et des rou- leaux pour les échelles et les rateliers, peuvent se couper aussi depuis cinq jusqu’à dix ans. 5°. Les épines blanches ou noires, employées à la cuisson des briques ou de la chaux, peuvent se couper tous les six ans. 6°. Les bois blancs , dans les vigno- bles , se coupent tous les quatre ans, pour donner une espèce d’échalas, nommés paisseaux. 214 MANUEL 7°. Quand le débit du bois à char- bon est assuré pour les fortes maisons, on gagne beaucoup à couper un taillis, en essence de chêne, lorsqu'il vient bien dans un bon fonds, dès l’âge de dix ans; la vigueur de ce jeune bois donne une qualité particulière au charbon, qui en fait trouver un bon débit. Les cas ci-dessus étoient exceptés de l’ordonnance , seulement pour les bois des particuliers. Défauts des jeunes tarllrs. 1°. Les jeunes taillis ne viennent point assez ombrageux pour étouffer la bruyère, etquoique celle-ciserve, avec la multitude des mauvaises herbes, à leur fournir une fraîcheuret, en quel- que facon , un engrais , il ne faut point les couper avant dix ans , car ils vien- nent lentement dans les terres maigres, DU FORESTIER. 215 où les mauvaises herbes et arbustes destructeurs prennent le dessus. 2°. En abattant trop fréquemment un jeune bois , on fatigue les racines qui sont soumises à la crue des bran- ches ; les souches se creusent , pour- rissent et périssent. Les jeunes taillis sont exposés deux et trois fois à la gelée du printemps f pendant qu'un vieux ne le sera qu’une fois. 4°. Les taillis de chène , ainsi que des autres essences de bon bois, ne donnent jamais de graines avant l’âge de sept ans, et produisent même très-peu avant l’âge de dix huit ans; mais ils en donnent abondamment à l’âge de vingt à vingt-cinq ans. Des tullis dgés. On peut être sûr qu'il n’y a point de fonds qui ne puisse produire des 216 MANUEL taillis jusqu’à l’âge de vingt ans, sans aucune perte pour le propriétaire, quand même la plus grande partie seroit en bois blanc. Le premier avantage d’un taillis de vingt ans, est de donner déjà du grand bois, du bois court, du bois calin, du bois à charbon, ou des fagots, ou des bourrées , etc, Dans un de vingt- cinq ans , entre ces différentes mar- chandises, on y trouve beaucoup de ridelles et de petits chevrons ; dans un de trente ans, on y fait quantité de bons chevrons, des limons, etc. ; dans un de quarante ans, on en tire toute la petite charpente nécessaire aux bâtimens. Le second avantage consiste dans ies baliveaux réservés, en état de faire de la charpente. Il n’y a point de différence entre les baliveaux des jeunes taillis et ceux des taillis âgés ; ordinairement leurstiges s'élèvent sans branches D DUFORESTIER. 217 branches jusqu'à la hauteur des taillis, qui étouflent et font périr toutes celles qui , dans leur jeunesse , avoient poussé en bas ; de sorte qu’un bali- veau élevé par un taillis de vingt- cinq ans , aura au moins vingt-cinq doubles décimètres de tige ; tandis ge 3; que celui qui se trouve sur un taillis de dix ans, n'aura que dix doubles ; q décimètres. Cette différence est dans la même proportion pour la grosseur; ce qu’un connoisseur saura apprécier. Il est certain qu’un moderne de deux âges , dans un taillis âgé de vingt-cinq ans , produit, en charpente , le doubie d’un moderne de deux âges dans un taillis âgé de vingt ans. Le troisième avantage est le repeu- plement à vingt ans , et au - dessus; la masse entière fournit une quantité prodigieuse de semences ; les bonnes essences prennent le dessus du bois K 218 MANUEL . blanc , qu’elles font périr, pour occu- per tout le terrain. Ces trois avantages réunis et consi- dérés sous un point de vue, doivent décider à régler la coupe à vingtans, et plutôt au-dessus qu’au-dessous ; dans tous les cas où le débit pourra se faire en bois de stère ou de char- pente, le produit en argent sera dif- férent d’un tiers de plus. À cet âge la valeur de l'hectare augmentera d’an- née en année, et surpassera, vers les dernières années, de beaucoup celle des premières-, et on sera dédom- magé avec usure de l'intérêt de son argent. Figure et séparation des ventes. La figure d’une vente paroît d'abord de peu d'importance ; mais cependant c’est dans l’administration d’une forêt une chose essentielle. Il faut qu’une vente ne soit pas trop ni trop peu DU FORESTIER. 219 étendue, afin que le facteur , qui place sa cabane au milieu , puisse entendre et voir souvent d’une extrémité à l’au- tre, ce qui s’y passe, et que les char- retiers qui viennent acheter du.bois, ne profitent de l'éloignement pour se chargersans payer,etqu’elle approche, autant que faire se pourra , d’un carré. I] faut établir une laye sommière, et quelquefois, come je l’ai vu dans quelques parties de forêt, ces layes, qui sont ordinairement de six pieds de largeur , servent de routes et faci- litent les visites des officiers et du garde du canton. Sur ces layes som- mières on élève perpendiculairement les layes simples, qui doivent séparer les ventes. Enfin ; si le sol est aqua- tique , on peut les creuser de six cen- timètres; elles serviront,pour quelques parties , de rigoles , et aideront d’au- tant à dessécher le terrain. Il faut profiter des anciennes routes de chasse K 2 220 MANUVETZ ou autres, pour les faire servir de séparation de ventes. La division des coupes étant une fois établie sur le terrain , on en fera un réarpenlage détaillé; ce réarpen- tage constatera pour toujours la vraie quantité de chacune que l’on pourra vendre à la suite , sans être obligé à l'assiette et à d'autres’ arpentages. Un propriétaire ménagera pour Ja- mais cette dépense ; il connoîtra sur le plan l'emplacement et la suite des taillis qui doivent se succéder de tire à aire, et 1l ne courra plus risque d’être dupe d’un arpenteur. Du desséchement des F'oréts. Les forêts situées sur des coteaux et des sables, sont ordinairement assez sèches, et n’ont pas besoin de des- séchement; mais c’est une opération bien importante dans les bois humides, DU FORESTIER. 22 situés sur la glaise ou des graviers glaiseux. Le desséchement s’opère ordinaire- ment par des rigoles plus ou moins profondes, suivant que l’exige la pente du terrain. Ces rigoles doivent abou- tir à d’autres, en forme de marteau, qui sont destinées à conduire les eaux aux fossés, dont on se sert pour en- tourer et défendre les ventes, et dans lesquels on pratiquera encore des puissarts plus ou moins profonds, à raison que le terrain à dessécher sera plus ou moins habituellement couvert d'eaux. À Sur le débardage. Il est fort désagréable , à un mar- chand adjudicataire , de ne pouvoir vider sa vente pour le temps pres- crit par le cahier des charges, à cause des chemins souvent imprati- K 3 222 MANUEL cables; aussi a-t-il soin d’estimer le prix des ventes, à proportion des frais multipliés qu'une mauvaise vidange occasionne. Tous les jours on vend moitié plus les bois situës sur le bord des grandes routes pavées. Cet exemple doit mériter l'attention de l'administration forestière , ‘et lenga- ser à mettre en usage tous leurs moyens à réparer les routes. Régénération naturelle des foréts. Quand une forêt est bien bornée , partagée en triage , et mise en conpes réglées à l’âge le plus avantageux, par des séparations permanentes ; lorsqu'on. a exécuté un bon desséche- ment général, et pourvu aux chemins pour le débardement, il ne reste plus à désirer, avant de profiter de sa récolte, qu’un moyen de perpétuer la succession des futaies, dont les ventes restent ordinairement en friche après Feur exploitation. DU FORESTIENR. 223 La meilleure méthode pour les re- garnir consiste à découvrir les feuilles, les mousses ou bruyères qui forment un sol apparent et couvrent le vrai sol d’une futaie. Cette destruction doit se faire dans les dernières années qui précèdent la vente ou l'exploitation du eéxnton, qu'on se propose de re- garnir. Pour bien réussir , il faut re- marquer celle qui est la plus féconde en semences dans les trois dernières ; on peut s’en assurer en été, car c’est dans les temps les plus chauds qu'il faut. faire cette opération. Elle doit être faite de deux manières, relati- vement à la différente qualité du sol apparent. 1°. Dans les parties où la. mousse et les feuilles sont plus abondantes que les herbes , il suffira de se servir de longs rateaux montés en fer, avec lesquels on les fera amasser facile- ment, et mettre par petits tas ou k 4 224 MANUEL fourneaux, qu’on fera brûler, et dont on répandra ensuite les cendres pour profiter de cet engrais. 2°, Dans les cantons où les grosses herbes ou bruyères donnent , il faut nécessairement faire peler le sol et enlever le gazon avec des pioches, pour être mis en tas ou fourneaux, afin de les brüler et en répandre les cendres , comme je lai dit. Cette opération est un peu plus chère que la première. 11 n’est point douteux que les se- mences qui tombent , pour la plupait, avant les feuilles, trouvant leur cou- che toute préparée, procureront un plant capable de remplacer les an- ciens arbres. Les gelées, dans un terrain humide, occasionnent sou- vent la perte des semences; mais l'abondance qu’en répandent les ar- bres, répare bientôt cette perte l’an- nte suivante, et il en reste souvent DU FORESTIER. 225 assez pour garnir le terrain. D'ailleurs les mousses et les herbes ne revien- nent pas sitôt dans le même état, surtout après qu’on a procuré de Pair au sol par la coupe de la futaie; et les recrues séminales que les arbres de réserve produisent pendant les pre- mières années qui suivent l’exploi- tation , procurent de nouveaux plants qui viennent, et sont protégés par les premiers ; ils sont souvent maltraités par la fabrication des bois et le d&. bardage. Lorsque la vente, qui est exploitée, appartient à un petit mar chand , qui exploite par lui - même , et qui a besoin , pour enlever la mar- chandise , de passer et repasser conti- nue!lement sur le terrain , et de le fouler bien davantage que le feroit un gros marchand, qui a un atelier bien monté et plusieurs attelages ; ces petits marchands, pour la plupart, tirant à l’économie , exploitent tou- KE 5 226 MANUEL jours fort mal, laissent la plupart des souches de neuf à dix centimètres qu'il faut leur faire recouper, ce qui cause un nouveau refoulement du terrain, et recule la crue séminale. D'ailleurs ils n’ont jamais assez de temps pour enlever leurs marchan- dises ; car les officiers sont presque toujours obligés de mettre à exécu- tion l’ordonnance, à leur égard, soit pour le retard de vider, soit pour la restauration des fossés. et les diffé- reutes fraudes, ce qui n’arrive jamais avec des marchands aisés, dont la probité est reconnue , qui exploitent loyalement, et en moins de temps. On a souvent dit qu’il falloit diviser les vertes en petits lots, peur les mettre à la portée de toufes les bour- ses; mais on ne considère pas qu'une mauvaise exploitation ruine souvent une recrue, et retarde la levée des se- mences, ce qui fait ux tort irréparable DU FORESTIER. 227 au fonds; d’ailleurs la perte du temps est irréparable , et la régénération des forêts est urgente. Il seroit aussi né- cessaire, pour renouveler les ventes, et protéger les semences, et en tirer un parti plus avantageux, de receper les vieux arbres pour ne faire qu’un seul et même abattis dans la même année ; ce qui facilitera leur naissance et leur crue. Par ce moyen on aura un excellent bois taillis qui coûtera moins qu'une nouvelle plantation. M. de Buf- fon prétend qu’un semis recepé pro duit une meilleure futaie que s’il ne l’avoit point été. La dépense est si modique qu’on ne doit pas craindre d’en faire l'expérience. Cette culture étant une fois établie , en observant d’en défendre l’entrée au bétail , en ordonnant l’exécution de l’article 27 du ütre 27 de l’ordonnance de 1669 , qui défend sévèrement de ramasser aucune semence, sous peine de 100fr, K 6 228 MANUEL d'amende, on parviendra à une plus prompte régénération. Du repeuplement. Le repeuplement des vides et clai- rières peut se faire par le moyen des ra- chéesou par les semis ou plantations. Pour multiplier les rachées dans les jeunes taillis de dix à vingt ans, mal plantés, la seconde année après leur exploitation on fait faire de petites fosses profondes autour des souches, dans lesquelles on couche de côté et d’autre plusieurs de ses branches les plus longues , on les y assujettit par des crochets; ensuite on a l’attentuion de remplir cette petite tranchée par une terre meuble et fraîche. Cette fa- con de provigner est simple et propre pour plusieurs essences, et parti- culièrement pour les bois tendres, comme les bouleaux, le saule, Le DU FORESTIER. 229 marseau , dont les souches périssent toujours après l'exploitation. Lorsque les taillis sont plus âgés ;, alors ils donnent beaucoup de semen- ce, et on peut en profiter en faisant peler le gazon, comme je l’ai déjà dit précédemment. Cette opération doit se faire également trois ou quatre ans avant la coupe du taillis ; elle est nécessaire lorsque les cepées sont clai- res, qu'il ne se trouve plus aucun gland qui ait germé , et que les sou- ches commeneent à dépérir; mais quand un taillis est bien garni et que les souches peuvent subsister encore une révolution d’âge, on peut différer cette opération. Il n’en est point de même pour les futaies ; cette culture leur est nécessaire à chaque exploita- ton. M. Duhamel rapporte qu’un pro- priétaire lui avoit fait part que pour renouveler des paities de taillis, ïl 230 MANUGEZL avoit fait faire des petites rigoles en tous sens , etrépandre la terre sur les gazons ; qu’au moyen de cette petite culture il s’étoit élevé beaucoup de glands dans cette partie , mal peuplée auparavant. Ilajoute que dans despar- ties plantées en ormes, en faux acacias, en ypréaux , en un mot, en bois dont les racines tracent beaucoup et pro- duisent des rejets, toutes les racines coupées, entre deux terres, avoient fait des productions. Cet exemple revient à celui que je propose, et prouve incontestablement qu'il saffit de dé- truire l'obstacle général que les mous- ses, les feuilles et quelquefois les herbes. apportent.à la germination ; qu'alors on verra la nature opérer d’elle- ‘même , et rendre au centuple la dépense que cette opération occa- sionne, pourvu, toutefois, qu’elle se fasse avant la coupe des taillis âgés qui produisent une grande quantité de graines dans leurs dernières années. DU*FORESTIER. 23t EEE — RESUME. -Causes de la disette du Bois et du dépérissement des F'orétis. Moyens d'y remédier et de re- Jaire un nouvel aménagement général, convenablement au sol et à l’essence des arbres. De la Disette. 1°. Le luxe des gandes villes ; mul- tiplicité des feux dans chaque famille * qui, autrefois, se contentoit d’un feu, ou de deux au plus. | 2°, La quantité d'ateliers établis, de- puis 10 ans, qui consomment du bois, 3°. La nouvelle construction des bâtimens, depuis un demi-siècle. Du Lépérissement. 1°.Les coupes extraordinaires ordon- nées par les municipalités, et celles que 232 MANUEL l'intérêt, dans certaines circonstan- ces, a fait faire depuis 19 ans. Les ventes faites par la Nation à des particuliers avides de jouir; ou qui, pour payer leurs acquisitions, ont fait couper , arracher etessarter , et mettre en labour. 3°. Les différentes ventes de pro- priétés dans le sein des forêts et sur leurs rives. 4°. La mauvaise administration des bien communaux. 5°, La quantité de bestiaux qu'oné les habitans des campagnes riveraines des forêts. 6°. Les entraves RU ur garde toutes les fois qu’il veutacquérir la preuve d’un délit. 7°. Le peu d'activité qu’on a mus dans l'exécution des jugemens pro- noncés ; négligence ou foiblesse qui, sous l’espoir de l'impunité, a rendu le délinquant insolent envers le garde DU FORESTIER. 233 et même envers les ofhciers, et a souvent causé le découragement de l’un et de l’autre. Moyens de remédier à ces abus. 1°. Encourager l'exploitation des mines. 2°, Taxer à une ou deux cheminées l'habitant des villes, et établir un impôt progressif sur la troisième, et de suite. 3°. Interdire la consommation du bois aux ateliers qui pourroient se servir de charbon de terre. 4°. Etablir, le plus promptement possible, des pépinières, et faciliter , par des encouragemens, l’établisse- ment de celles particulières, dont, comme je l’ai déjà dit, on retireroit desconnoissances utiles, tant pour l’en- grais que pour la culture des grandes. 5°. Diviser les biens communaux. 6°. Fixer la quantité de bestiaux 234 MANUEL que l’habitantriverain des forêts devra avoir , suivant l'importance de sa pro- priété. 7 Faïre rentrer exactement les amendes provenant des jugemens , et écarter, autant qu'il y aura lieu, la faveur introduite jusqu’à présent sous le nom d'humanité. 8°. Remédier à l'abus du droit de pacage. 9°. Faire faire le recepage des taillis rabougris. 10°. Refaire les fossés qui doivent défendre les ventes. 11°. Elaguer les routes; dessécher les marais; replanterles places vagues. 12°. Empêcher d’écorcer sur pied. 13°. Peler la superficie du terrain dans les parties les plus vagues, afin de favoriser la levée de la semence, 1orsqu’elle tombe , et procurer, par- la, aux forêts des arbres de bonne essence. DUFORESTIER. 235 14°. Enfin, ne donner, dans la dis- tribution d'arrondissement , au garde que ce que physiquement il pourra surveiller, et à l'officier que ce au'il pourra visiter. A Pappui de ce résumé, j'ai cru devoir joindre quelques observations que j'ai tirées du discours du citoyen Besson , ainsi que de celui de la com- mission , autquelles j'ai ajouté quel- ques réflexions. I1 seroit à désirer que les forêts fus- sent comme les autres productions de la terre, et ne fussent coupées qu’a- près que le bois a atteint sa maturité. La consommation seroit bien moins con- sidérable et le bois, ayant acquis toute sa cohérence et sa densité, résiste- roit infiniment mieux aux élémens qui le décomposent; et l'emploi qu’on en fait dans la construction des bâ- timens en seroit bien plus sûr. Ce 236 MANUE.z ue nous avons vu dans le cours de la construction des écuries de ci- devant Monsieur, rue Plumet, nous en fournit un exemple. Les forêts n’ont besoin pour pros- pérer, que d’être aménagées confor- mément aux principes du sol, et pré- servées de l’abroutissement et de la dilapidation ; et de regarnir soigneu- sement les places vagues. Personne n’ignore que la vingtième partie des forêts est en clairières ou places vagues ; l’administration faisant re- garnir ces places, ou par les semis, les branches provignées, ou par les plantations, fera disparoître ces vides et augmentera essentiellement leur masse. | Une nouvelle colonie, nommée l'ile de l’Amitié, établie depuis la révolution dans une de celles de la mer du Sud, et composée de réfu- giés Francais, a prise, dans la nou- DU FORESTIER. 237 velle administration de leur gouverne- ment, une mesure bien sage , qui est qu'à chaque fait ou événement re- marquable de la vie, et par suite de la mort de chaque citoyen, on est obligé de planter un arbre ou fruitier, : ou forestier. Il n’est point de soins plus utiles ‘au public que les plantations ; : de quelque nature qu’elles soient, ou que _ soit le sol, il s’en trouve décoré. Un terrain humide sera couvert de saules, de peupliers d’hatie, d’aunes, de platanes et de frênes ; les montagnes seront couvertes de bois résineux , de sapins, mélèzes , d’épicea et de thuya; les haies formées et fortifiées d'arbres fourniront une clôture aussi utile qu ‘agréable et solide. Une grande quantité de terrain , jadis fécond en bois, n’en produit plus aujourd’hui, et n’est occupé que per des landes; il eut sufhit de les préserver de l’abroutissement, 230 MANUEL Il est encore des terrains qui mé- ritent l’attention de l’administrätion : on connoît en France beaucoup de vallons dont les coteaux étoient au- trefois très- fertiles, tandis qu'aujour- d’hui, dépouiliés de terre végétale, ils ne présentent qu'un aspect hideux, afigeant et stérile ; ils furent autre- fois plantés d'arbres , dont les racines servoient de digues aux torrens des grandes pluies ou de la fonte des neiges ; la cupidité a fait mettre bas ces vieux protecteurs, qui n’ont laissé que des racines pourries, foible obs- tacle aux ravines impétueuses dont la force a successivement entraîné toutes les terres jusqu'aux roches ; ce n'est qu'en replantant le sommet de ces coteaux, qu'on peut espérer quel- que succès des soins qu'on prendra pour les rétablir. | L'’étendue immense des landes in- cultes, pourroiït être facilement con- DU FORESTIER. 239 vertie en superbes forêts d'arbres ré- sineux, et les terres du voisinagé y gagneroient : leur ombrage les pro- tégerotent et ÿ entretiendroient une fraicheur aussi utile qu’agréable. I1 ne peut y avoir que le gouvernement qui fasse cette avance. Les plantations d'arbres sur les côtés des routes, méritent également ‘de fixer l’attention de l’administra- tion ; ces arbres réunissent à l’avan- * tage de leur produit, celui de re- poser l'œil du voyageur, de le dis- traire de ses fatigues , de lui présentes ‘un ombrage et un abri au besoin; d’ailleurs la nourriture qu'ils recai- vent abcademmant leur procure, étant isolés, une crue sus piompte ‘et le bois prend une plus grand den- isité qu’au milieu d’une forêt. Les lois qui ordonnent la plantation d'arbres sur les routés des grands * chemins , remontent à 1b22 et 1583, \ 240 MANUEL et en 1720, que ces lois furent re- nouvelées ; cependant maigré leur uti- lité, elles ont eu peu d’exécution, et le gouvernement a fait faire lui- même les plantations qui existent; mais souvent les propriétaires riverains les ont détruites. Les lois portoient le principe de leur inexécution : les ar- bres doivent être plantés à six déci- mètres du bord extérieur du fossé de Ja route, dans le terrain du proprié- taire voisin; l’ombrage et les racines d’un arbre qui incommodoit perpé- tuellement le cultivateur, lui en fai- soient ün ennemi qui, en lui tranchant les racines ou lui mettant des fumiers autour , le tracassoit tant, qu’il venoit à bout de s’en débarrasser : on pourroit planter sur le bord des bermes, et on éviteroit aux voyageurs de fouler le champ du cultivateur, pour chercher de l’ombrage. | Les départemens, où on élève beau- coup DU FORESTIER. 24f coup de bétail, présentent de vastes terrains livrés au pâturage, qui étoient autrefois plantés de très-beaux arbres, qui ont été détruits par la rareté du bois. Il n'y a d’autre moyen de re- peupler d'arbres tous les terrains com- munaux livrés au pâturage, que de planter des arbres à haute tige, pour ne point craindre l’abroutissement : ces arbres espacés, ne nuiroient point au pâturage; leur ombre seroit infi- ment utile au bétail, au temps des chaleurs, et leur produit fourniroit un bois assez considérable pour le chauffage ; mais ce bois ne sauroit être exploité autrement que par l’élagage: la tête étêtée repousse avec vigueur et produit avec les branches latérales, pendant l’espace de huit ans, ce qu’un taillis ordinaire ne donne qu’en vingt et vingt-cinq ans; ce qui pourroit être pratiqué , par son avantage, ail- leurs que dans les bois communaux. L 242 MANUEL Ce ne seroit point assez pour la prospérité des forêts , de les aména- ger, de les repeupler et de les conser- ver. Pour parvenir au repeuplement des routes et clairières , 1l faut établir des pépinières de différentes essences comme il y en avoit autrelois d'ormoe; il faut faire disparoïître une infinité d’usages destructeurs que l’usurpa- tion y a établis et accommoder les droits de co - propriété, qui seront reconnus légitimes , au mode de jouis- sance compatible avec la nature de propriété; diviser les biens commu- naux ; 1ls serolent mieux entretenus ainsi que les landes qui, aujourd’hui, cn font la plus grande partie, surtout si où y portoit quelques encourage- mens. L’article principal qui, aujourd’hui, doit occuper l’Administration active, et qui doit conduire à son but de ré- générer les forêts, dépend d’un amé- — DU FORESTIER. 243 nagement général: la perfection d’un aménagement, consiste à être d’ac- cord avec la nature et à satisfaire à tous les besoins ; rien de ce qui tient à la culture des arbres ne lui est étranger. L'aménagement est l’art d’assortir les différentes familles des arbres, de les faire vivre ensemble sans se nuire, d'en combiner le re- peuplement, la coupe et la réserve sur la nature du sol, l’essence du bois qui y croît, l’usage auquel il est propre, les besoins des consomma- teurs et les facilités des débouchés. L’'Administration , en s’occcupant de cetouvrage important dans ce moment où la plus grande partie des propriétés forestières est encore entre les mains du Gouvernement,pourra, par un amé- nagement général, connoître l’éten- due, au vrai, des propriétés fores- tières:toutes les données jusqu’aprésent fournies exigent ce travail pour leur L 2 244 : : MSA N VAE perfection ;et d’après cetétatexact, on ne pourra plus être embarassé sur la conservation et la consommation. Cette opération, qui embrasse des dé- tails infinis, pour être conduite avec prudence et célérité, ne devroit-elle pas être confiée à des hommes qui en eussent fait leur unique étude, et capa- bles de donner'le résultat d’un travail certain et heureux? car, la culture d’un arbre n'exige-t-elle pas, comme toutes les productions de la terre, une étude de l’art de planter, de conserver, de récolter, et la con- noissance des signes certains de sa croissance , de sa maturité et de son dépérissement; une routine barbare ne doit plus suppléer aux méditations de l’homme instruit. Puissions-nous voir enrichir notre sol des plantes exotiques , que produit l'Amérique septentrionale, ainsi que de celles des montagnes de l’Asie et de l’Afrique! DU FORESTIER. 24b Pourquoi ne cultiveroit-on pas dans nos forêts le catalpa, le tulipier, le faux ébenier, l’acacia, le frêne à une feuille, l’acacia tria - canthor , dont le bois est dur, l’acacia ordi- naire, le noyer d'Amérique, le chêne de différentes variétés, le hêtre noir, le peuplier baumier , le saule pleu- reur propre aux terrains frais, l’épine rouge et autres qu’on pourroit tirer des pépinières ? Il faut faire aujourd’hui ce qui auroit dû être fait il y a plusieurs siècles ; actuellement que l’expérience a agrandi nos connoïssances dans cette partie de l’économie rurale, mettons- les à profit, en essayant à peupler les forêts de bois, dont la végétation ra- pide calme notre impatience et nous fasse oublier nos pertes, en nous tranquillisant sur nos besoins. Plus le système d’un aménagement, fondé sur les règles de la physique L 3 246 MANUEL végétale, est neuf, plus il seroit sage d’éviter d’en confier Le développement à des mains inexpérimentées. Il est très-facile de faire faire des coupes; cette opération est à la portée d’un forestier le moins habitaëé à ce tra- vail. Mais il n’est point aussi facile de concourir à la régénération des forêts qu'on fait couper : cette opé- ration est urgente ; 1l faut réparer ce que l'ordonnance n’avoit point prévu, et laisser à nos successeurs des forêts bien repeuplées, bien aménagées, qui fournissent à la consommation, à l’&- tablissement d’une marine formidable et à nos édifices. On sait qu'un des grands défauts de l’ordonnance de 1669 , est de n’a- voir confié les fonctions forestières supérieures qu’à des gens de loi, plutôt qu’à des agriculteurs, et qui regar- doient, la plupart, comme au-des- sous d'eux, les opérations de détail 4 DU FORESTIER. 247 qui devoient se faire dans l’intérieur des forêts. La vie de l’homme n’est point assez longue pour acquérir toutes les con- noissances désirées sur l’agriculture ,e£ même pour l’expérience nécessaire aux forêts : il faudroit dans cette partie des hommes qui se consacrant entière- ment à la partie végétative par- vinssent, par leur application, à nous donner une décision plus grande et plus fixe sur la vie, la crue et la des- truction d’un arbre. Buflon nous donne un précis très-borné , qui nous laisse à désirer qu'il n’en ait point dit da- vantage. Varenne, Fenille, nous don- nent le moyen d'apprécier la crue d’un arbre, par le compas, en prenant différens brins, et les mesurant plu- sieurs années de suite , pour voir lors- qu'il cesse d'augmenter en grosseur. Réaumur dit qu’il faut couper plu- sieurs brins de bois et les peser, et L 4 240 MANUEL répéter cette opération plusieurs an- nées de suite. Pourroit-on répéter cette opération assez pour obtenir une égalité dans létendue d’une coupe considérable, dans laquelle la variété du solet des différentes essences qu’elle contient fournissent toutes différentes crues? Je crois encore celle de l'abbé Rosier mériter, par sa facilité, une at- tention particulière: il dit : qu'il faut décrire une ligne de soixante-quinze degrés, du pied de l’arbre à sa cime, prise à la distance convenable, et la répéter proportionnellement aux essences, soit futaies sur taillis; et lorsque la cime ne prend plus d’ac- croissement , fixer la crue; car, pour parvenir à un bon aménagement, il est bien essentiel de pouvoir pro- noncer, avec certitude, sur le ma- ximum de l’accroissement d’un taillis ou d’une futaie. Les hommes qui ont le plus étu- DU FORESTIER. 24ÿ dié le système de la végétation, et avec le plus de succès la physique des bois, n’ont point été, juqu'à pré- sent, d'accord sur leur densité et leur production. La futaie sur taillis mérite-t-elle la préférence sur la futaie réservée dans le taillis, à chaque révolution de coupe? Telle est la question sur laquelle Les auteurs forestiers ont été divisés. Les rédacteurs de l’ordonnance de 1669 l’ont méconnu; des massifs de futaies et des taillis dans lesquels on comptoit quelques baliveaux de l’âge, et rarement de la coupe précédente, ont subi l'exécution de ce régle- ment; si, à la suite , il s’est perfec- tionné , on le doit à des décisions par- ticulières : la ci-devant Lorraine en présente un exemple. Les massifs de futaies procurent des arbres plus élevés, mieux filés et Lo 250 MANUEL plus élastiques, que les forêts amé- nagées dans le système des futaies sur taillis ; les branches latérales ne pouvant s'étendre et prospérer, la séve parcourt plus aisément tout le corps de l’arbre, et s’élève , sans obs- tacle, jusqu'au sommet. Mais les ar- bres ainsi comprimés, sont , en gé- néral, spongieux et tendres; ils ne sont point durcis par le soleil, dont ils ne recoivent l'impression que par la cime; ils croissent presque toujours dans une atmosphère humide, et l’ac- tion de la séve, peu nourrie, est trop lente pour redescendre et leur donner la consistance nécessaire ; ce qui faié que leur grosseur d’ailleurs n’est ja- mais proportionnée à leur hauteur. Les arbres épars, au contraire, ont un accroissement plus accéléré, quant à leur diametre ; recevant, de toutes parts, l'impression de l’air et dusoleil, ils acquièrent la densité convenable DU FORESTIER. 2bt aux ouvrages qui exigent la plus grande solidité. Mais on leur oppose l’impossibilité de s’élever lorsqu'ils sont isolés, les nœuds dont ils se couvrent et qui diminuent leur force ; enfin, l’énor- mité de leur cime et de leurs branches, qui étouffent le taillis et le font périr, s'opposent au revenu. IL est exact de dire que le chêne isolé ne s'élève plus, qu’il ne croît plus qu’en grosseur , et qu’il a une tendance à pousser des branches la- térales. Mais, en ne coupant le taillis qu'à son âge, le chène , au milieu du- quel il aura cru, peut acquérir une hauteur convenable ; il sera propre . à être employé aux constructions; sa densité lui donnera un prix que n’ont point les arbres crus en massifs; car les. baliveaux, qui sont les pères de la famille des bois, les doivent pro- téger contre les vents et la grêle, L 6 252 MANUEZ et ne nuisent point quand ils sont bien espacés. Cependant , Duhamel pré- tend qu'ils nuisent aux semences. !l résulte de cette courte explication, que les bois crus en massifs sont pré- férables aux chênes isolés, toutes les fois que l’élasticité est préférable à la densité, et que la longueur des uns et la grosseur des autres, les rendent également précienx. Une belle masse de futaie offre un spectacle s1 im- posant! la pensée s'agrandit telle- ment à l’aspect de ces grands arbres, qu'il est naturel de se passionner pour ce genre de culture! On lui oppose toutefois , justement, la lenteur de ses produits, les sacri- fices qu’exige une trop longue attente ; les dépenses qu’entraîne la régénéra-: tion des bois , lorsqu'elle s’opère par semis ou plantation; Pinégalité que présente souvent un massif de futaie, cru dans un sol dont toutes les parties DU FORESTIER. 2953 n’ont point le degré de fécondité ; le même terme auquel on a fixé la coupe du chêne qui vit deux siècles et au-delà , avec le hêtre, qui dé- périt lorsqu'il a quatre-vingts ans. On met en comparaison le produit répété des taillis, qui double dans cent- cinquante ans, de celui de la futaie , et la facilité de n’y réserver que les arbres de la meilleure qualité. Il est vrai d’ailleurs que le système de la futaie sur taillis se rapproche le plus du nettoyement que la nature indique elle-même. Pouf Il faut cependant conserver des massifs de futaies, mais il faut choi- sir, pour les établir, un terrain d’un bon fonds , où l'essence se plaise, et dont le voisinage des canaux et des grandes routes puisse faciliter l'accès. Il faut adopter le système des futaies sur taillis par tout où on ne jugera point convenable d'élever des futaies 204 MANUEXL en masse, et où la stérilité du ter- rain ne s'oppose point à l’éducation des baliveaux. Il faut, lorsqu'on le pourra , exploiter successivement , dans les massifs de futaies, les dif- férentes espèces de bois, aux âges où ils ont aciuis leur. maturité. Il faut, lorsqu'il y aura lieu d’ap- pliquer à une forèt le système de la futaie sur taillis, suivre les indi- cations de la nature, en laissant croitre en petits massifs de futaies les parties de terrain qui en sont sus- ceptibles, et procurer, par ce moyen, aux futaies un courant d’air, qui est le principé'de la vég'tation. Il faut utiliser les lisières, comme je l'ai dit dans ma préface, les tran- chées , les chemins et les fossés pour le desséchement , en en bordant lestaillis par des doubles cordons de futaies : ces rideaux conservateurs donneront des barres qui, par la facilité de leur ex- RE DU FORESTIER. 2h) ploitation et de leur transport, pour- ront satisfaire promptement à des be- soins imprévus. La perfection de l’aménagement seroit bien encore d’imiter la nature dans tous ses points, en dégageant les bois des obstacles qui, pendant les premières années de leur accrois- sement, leur nuisent, en élagant les branches latérales des baliveaux, en coupant la tête, qui périt toujours après leur réserve et présente, en entrant dans les forêts, un aspect hideux; en donnant à l’aubier, par l’écorcement sur pied, la dureté et Ja consistance du bois ; mais lexé- cution de ces procédés entraîne mal- heureusement trop d’inconvéniens. Les bois résineux qui, par leur éle- vation, leur utilité et leur prompie végétation, sont, après le chêne, les arbres les plus précieux, exigent un aménagement particulier. Ils croissent | 256 MANUEL sur les plus hautes montagnes, sur les rochers, dans les gorges , où les rayons du soleil ne les visitent jamais; 1ls ne repoussent pas sur souche , mais la nature veille à leur reproduction ; leur semence, jetée au loin, germe ficilement à l'abri; ils sont néces- sairement rangés dans une classe à part. Il ne suffit point d’aider le bois dans sa régénération , il faut encore remplacer, avec empressement, ce que la nègtigence , et principalement l’abus du pâturage a fait disparoître ; on ne le peut que bar les semis et plantations. Les soins et les grandes dépenses, a dit Buffon , n'assurent point toujours les succès et l’on ne peut parvenir à repeupler les forêts, qu’en se rapprochant de la marche simple de la nature. Les semences répandues ca et là sur la terre, germent et enfoncent leurs DU FORESTIER. 27 racines, surtout si on a soin d’en- lever la mousse, comme je l'ai dit: il suffit d’imiter ce procédé naturel; et les gardes, dans leurs tournées, peuvent, avec cette précaution, repeu- pler les vides qui ne présentent point une grande surface: un léger encou- ragement en assurera le succès. Ce- pendant, on ne doit point négliger les semis, et opérer par des procédés plus vastes et plus simultanées. Les futaies , après leur exploitation, re- poussent, et on peut se dispenser de semer ou planter, comme on le pra- tiquoit dans les grandes forêts de chasse, et qui étoient destinées aux plaisirs du ci- devant roi. Néan- moins comme les essences qui repous- sent après les exploitations de chêne et de hêtre ne sont, la plupart, que de bouleau ou de tremble, on pour- roit se déterminer à cette dépense, qui se trouvera bien remplacée par 258 MANUEL le produit et la végétation d’arbres d'essence de meilleure qualité , et plus propres aux travaux et à la consom- mation. C’est par l'établissement des pépi- nières que nous pourrons donner aux plantations des grandes routes tout le complément qu’elles atiendent , et que nous pourrons suffir à ces sortes d’essais , ainsi qu’à ceux de botanique forestière , particulièrement pour les arbres exotiques suscep ibles de pros- pérer en France; car c’est en im- portuvant la nature , qu’on découvre ses richesses, Puissions-nous, comme les peuples du nord et l'association de l’île de l’Amitié, signaler toutes les actions remarquables de notre vie par la plantation d’un arbre, ou les époques des grands événemens poli- tiques par une nouvelle plantation, remarquable par la variété de son essence. DU FORESTIER. 29 Le temps où ce vœu s’accomplira n’est point si éloigné peut-être ; sur- tout si la botanique fait partie de notre éducation forestière ; et si, à limitation de l'Allemagne, nous en établissons des écoles. Nous ne sommes point dans une position à négliger un pareil exemple. FIN. FAUTES. Page 92, ligne 10, cet acte contient, lisez devoit contenir. Pag. 125, lig. 5, douze décimes, Zisez douze décimètres. Pag. 130, lig. 7,houbier, Zsez houpier. Pag. 142,lig. 20, par corde, Zsez par stère. EE = ——— "A TABLE DES MATIÈRES. ÉPITRE DÉDICATOIRE, page v. PRÉFACE, ViJ. Mots techniques des différeri- tes qualités des Bois, 1. Les Bois durs, Les Bois tendres ou Blancs Bois, id. Les Arbres sauvageons, id. Les Arbres verts, 7. Les Arbres des Landes, id. Rècres du Balivage , 8 Essence des Bélideaux de l’âge, 11. Des Baliveaux modernes, 10. Des Baliveaux anciens, 18. Nombre des Baliveaux, 20. Du Balivage en général, 29. Autre Méthode, 34. Autre Méthode , 36. Résultat de ces Méthodes, 37. Méthode composée, 492, Estimation des bois, _ 48. Produit des différens Taillis, 54. TABLE Réduction des arbres en char- pente, pag. 97: Réduction en planches et en ; bois de fente, 61. Réduction des arbres en bois de corde, 66. Fstimation des bois taillis, 06. Estimation des Aunaies, 70. Estimation des futaies, 89, He la vente des Bois, O1. Lies bougies, 98. Du prix des enchères, 102. Calcul du prix des ventes, 105. DE L’EXPLOITATION. Ouverture des F'entes , 107. Abaltiage des Bois Tallis, 100. Abaltage des F'utaies, 1106. Du terme de l’abatiage, 121. Fabrication des Bois L'aillis, 125. Du Bois Pelard, 3126. Du Bois de Charpente, 120. IWänière de numeéroter , 132. Dimensions des Bois desciage, id. Charpenterte , 153. Menuiserie, +4 34. Toisé de la Charpente, 15. Wu DES MATIÈRES. Du Charbon, pag. 140. Du Terme de la Fabrication, 143. Du Débardage , 144, , Du Récolement , 147, De la bonne ou mauvaise qualité des Arbres, et des SITES auxquels on peut la discerner, étant sur pied, 149. Signes extérieurs et sensibles de la bonne qualité d’un Arûre , 191. Signes extérieurs et sensibles de la défectuosité d’un Ar- bre quelconque, 199. Lessemis el plantations, l’amé- nagementg énéral desforéts, 159. Expérience en semis el plan- Lalion , 165. DES SEMENCES. Maturité des Semences, 169, Récolte el préparalion des serrences , 179. J'emps propre pour semer ; 179. De la Radicule pivotante , 178. Manière de Semer , 180. Des Pépinières , 192. TABLE DES MATIÈRES, Siluation d’une P épinière, P- 185. Terrain le plus propre @ rie Pépinière ER 100. Sermus d'une Pépinière, 195. Culture des Semis, 191. De l’arenagement géneral des F'oréts, , de leur régéné- ration et du repeuplerment des Faillis, 196. FRédaction d’un procë ès-verbal, 198. réglement des F'orëts , 209. Avantages de P explaitation des jeunes tailles , 212. Défauts des jeunes ‘faillis, 214. figure el séparalion des 216. venies Dutdesséchement des F'oréts, 220. Sur le Débardage , 221. - Régénération naturelle des Forêts , | 229, Du repeuplement, 228, RÉSU M É. Causes dela disette du Bois et du dépé- rissement des Forêts. Moyens d'y remédier et de refaire un nouvel amé- nagement général, convenable au sol et à l'essence des arbres 3 Un